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Text
M
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I
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S U
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A
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I O
N
POUR
L e sieur P U R A Y , ex - notaire, appelant ;
CONTRE
Les sieurs D U B R E U L , B R U N , V E R S E P U Y ,
G U E M Y et autres, ses créanciers , intim és;
ET
CONTRE
Les Syndics à sa prétendue f a i llite , aussi intimés.
M u ltis occulto crescit res fœnore.
H orace .
L a catastrophe du sieur Puray peut servir de
leçon aux hommes ambitieux. Plus qu’aucun autre
é v é n e m e n t , elle leur montre q u ’ un travail assidu
et opiniâtre, joint à l’économie la plus rigoureuse,
i
�(2)
aidé même des secours de l’intelligence et de l ’ins
truction , est insuffisant pour acquérir des richesses,
lorsque , d’ailleurs , ces qualités essentielles ne sont
point dirigées par la prudence. Une première faute
influe sur la vie e n tiè r e , sur-tout lorsque celte faille
est le fruit d’une erreur sur laquelle reposent tous
les projets de celui qui s’y laisse entraîner.
C ’est en vain qu’au milieu de la carrière trop
courte qu’il a à parcourir, l’ambitieux sera éclairé
par l’expérience ; c’est en vain qu’il verra s’ouvrir
devant lui , et s’agrandir journellement l ’abîme qui
doit bientôt l’engloutir avec ses projets insensés :
l ’illusion, cet aliment funeste des passions, s’ oppo
sera à ce que la vérité pénètre jusqu’à lui. A lo r s ,
livré à son im agin alion , il compensera des pertes
réelles
par des gains futurs et
imaginaires ; trop
confiant dans ses forces, il croira détruire la cause
du mal par des remèdes qui ne feront que l’aug
menter.
Mais si h ces idées générales viennent se joindre
des motifs plus prochains, plus déterminans e n co re;
si l’ambitieux a conçu le projet d^arriver à la fortune
en exerçant une profession honorable; si par ses tra
vaux,
il a mérité
la confiance publique; s’il est
placé au milieu d’ une
famille nombreuse et con
sidérée ; s’il est entouré
d’amis sur
rattachement
desquels il croit pouvoir compter, comment se ré
soudra-t-il à rompre autant de liens? ira-t-il pro
clamer l u i - m ê m e un désordre qu’il croit pouvoir
�( 3 )
ré p ar e r ? s'avilir aux y e u x
de
ceux qui lui
ont
toujours témoigné de l’estime, et briser de ses propres
mains l ’instrument qu’il suppose encore pouvoir
servir à sa fortune?
Une abnégation aussi complète de ce qui honore
et enchante la v i e ,
humaines;
et il faut
paraît au-dessus
des forces
convenir que s’il se trouve
des hommes assez heureusement nés pour régler
constamment leur conduite sur ce que la sagesse et
la prudence prescrivent, il en est peu d’assez forts pour
découvrir leurs fautes au public, lorsque les résultats
sont tels qu’ils doivent blesser les intérêts d’autrui, par
suite éloigner l ’amitié le plus souvent froide pour le
m alh eu r, el donner de nouvelles forces aux manœuvres
toujours naissantes de l’envie ou de la haine.
Ce tableau présente l’esquisse des fautes que l ’on
peut reprocher au sieur P u r a y ; il en développe éga
lement les causes ; mais comment montrer celles
de tous les malheurs qui pèsent aujourd’hui sur lu i,
sur sa femme et ses enfans?
Faudra-t-il qu il remonte à l’époque où il a com
mencé
l’exercice
des
fonctions de notaire?
q u ’il
parle de son inexpérience, de ses préjugés en affaires,
qui étaient ceux du tems où il vivait ? Dira-t-il que
des emprunts considérables ont d’abord été laits par
lui ? dans le seul but de servir d ’aliment à son étude?
que bientôt les avances qu’il faisait ont absorbé les
capitaux, prêtés à des intérêts qui n’avaient d’autre
règle que la volonté ou le caprice du prêteur?
a
�{4 )
Rapportera-t-il a cette origine les différentes spécu
lations auxquelles l’on veut donner le nom d’opération
de banque, et qui n’ont, il faut l’av o u e r, d’autre ca
ractère que celui de 1 usure ?
P our montrer cette vérité, faudra-t-il le représenter
entouré de la foule de ses créanciers tous liabitans de
R i o m , recevant d’eux des sommes produisant des in
térêts excessifs, pour les placer à des intérêts égale
ment excessifs.
11 faut des victimes à l’usure. Ce monstre , trop
long-temps acclimaté en F rance, y fait gémir plus d’ une
famille. Puray se classera-t-il parmi ces infortunés?
Montrera-t-il que la profession qu’il exerçait avec
tant d’avantage et d’assiduité a elle-même concouru
à sa ruine? que pour augmenter sa clienlelle, il a fait
des emprunts considérables, pour le remboursement
desquels il a conslamment été obligé de s’en remellre
à la volonté de ses débiteurs, ou d’obtenir conlr’eux
des jugemens qui fixaient les intérêts de ses créances
à cinq pour c e n t , tandis que le minimum de ceux
qui lui prêtaient était de 9 à 10 ?
Sera-t-il inconcevable que peu d’années passées dans
des opérations aussi ruineuses aient réduit Puray à
faire sans cesse de nouveaux emprunts pour servir les
intérêts des sommes qu’il devait d é j à , et que bientôt
le fruit de ses travaux ab so rbé, il se soit trouvé ré
duit à payer l’intérêt de la valeur de la plume qui lui
servait à écrire ses actes?
Combien du projets différens n’a pas dû faire naître
�( 5)
ce bouleveisement d’affaires ! avec quelle rapidité
devaient se succéder les idées qui présentaient quelqu’espoir de gain ! Pu ray ne devait - il pas saisir
tout ce qui semblait devoir améliorer sa situation?
Aussi voit-on dans ses livres nombreux, dans ses noies,
dans les diflerens documens qu'il a laissés, les traces
de l’embarras dont il cherchait à sortir par des spécu
lations qui n'ont aucun caractère déterminé.
Mais combien de haines ne va pas exciter la défense
du sieur Pu ray ! 11 est impossible que quelques véri
tés dures, mais nécessaires à sa cau se, ne viennent
encore enflammer la colère de quelques-uns de ses
créanciers.
Po u rq u o i l'a —t —on r i d u ii au désespoir t*
L e sieur P u ray ne combat point pour ravir h ses
adversaires le gage de leur créance. Retiré dans des
contrées lointaines, éloigné des objets de toutes ses
affections, il peut supporter avec courage tous les
genres de privations; il doit et il veut consacrer le
reste de sa vie à désintéresser ses créanciers ; mais le
peut-il si on lui en ôte les m oyens, en lui arrachant
son état civil, et en flétrissant son nom?
Lo rs de la disparition du sieur Pu ray , ses créanciersmêlaient à leurs justes plaintes le reproche d’avoir
emporté des sommes énormes. Us ne pouvaient conce
voir comment ce notaire si o cc u pé , si laboiieux,
pouvait laisser un passif aussi considéiable , s il o avait
voulu aller jouir hors de sa patrie d ’une fortune hon
teusement acquisç. Aucun alors ne pensait que cet
�[
(6)
homme si actif travaillait depuis quinze ans pour l’in
térêt de quelques capitalistes , qui triplaient ou dou
blaient au moins le revenu de l’argent qu’ils y avaient
placé,et absorbaient ainsi tout le produit de ses labeurs.
Aussi l’opinion que P u r a y fuyait chargé d’o r , s'accrédila-t-elle au point qu’il devenait impossible même
de chercher à la détruire.
Sa présence seule pouvait effacer des soupçons aussi
déslionorans qu’injurieux. Son retour fut proposé ; on
fit offre aux créanciers de leur remettre la personne
et les biens de leur débiteur, en leur laissant entrevoir
combien les connaissances particulières de Puray leur
seraient utiles pour la liquidation de leurs affaires.
ii
|
!
•
L e plus grand nombre des créanciers, ceux qui
étaient les plus respectables par leurs lumières et leur
délicatesse, allaient accepter la proposition, lorsque
quelques voix s’élèvent, refusent d’adhérer aux arrangemens projetés, et sortent de l’assemblée pour aller
,
!
provoquer au tribunal de commerce l’ouverture d’ une
faillite, et dénoncer au magistral de sûreté une ban
queroute frauduleuse.
L a fuite était donc le seul parti qui restait au sieur
P u r a y : il fut chercher un asile dans les pays étrangers,
et y attendre un moment favorable pour entier en
arrangement avec ses créanciers.
Cet instant n’est point encore venu..., E n vain , à
différentes reprises, a-t-il offert un nouvel abandon
de ses biens! En vain sa mère a-t-elle proposé l’ou
verture actuelle de sa succession, pour transmettre, sur-
�( 7)
le-champ, aux créanciers la propriété directe de la por
tion qui doit revenir à son iils! En vain son épouse
a-t-elle offert l’abandon de tous ses droits! E n vain
le sieur P u r a y n’a-t-il cessé de dire que pour tout
cela il ne demandait point de quittance définitive ;
qu’il voulait laisser à tous ses créanciers l’espoir d’être
payés un jour de tout ce qui pouvait leur être dû : rien
n’a pu réussir. Les créanciers ont semblé en vouloir plus
h la personne qu’à la fortune du sieur P u r a y , et ont
répondu à toutes les propositions par le cri de guerre,
F
a illite
et B a n q u e r o u t e
frauduleuse.
L e sieur P u r a y est-il failli?
Est-il recevable à se plaindre du j u g e m e n t qui a
déclaré l ’ou ve rfu re de cette faillite?
Telles sont les questions qu’ il faudra examiner,
quand on aura établi les faits de cette cause.
F A IT S .
L e sieur P u ray encore fort jeune eut le malheur
de perdre son pè re; son éducation fut dirigée par sa
m è r e , qui y donna tous les soins de la tendresse la
plus éclairée.
Dans des tems ordinaires,• ses leçons
eussent été
>
suffisantes. L e s institutions sociales suppléent ¿'« 1 e x
périence qui manque à la jeunesse, lorsque de bonnes
éludes I ont mise a même de les connaître et de les
respecter.
P u r a y sortit de l’école pour assister à la révolution j
�(8 )
son imagination ardente adopta les systèmes qu’elle
lit naître. Son ignorance des anciennes lois , de ces
principes qui nous avaient été transmis à travers les
siècles par la sagesse de nos père s, mit obstacle à ce
qu’il pût apprécier à leur juste valeur les idées qui
devaient bientôt- les remplacer.
P u r a y se maria : il devint p è r e ; la tendresse qu’il
avait pour ses enfans le rendit ambitieux, et bientôt
il ne songea plus qu’à acquérir des richesses.
Des .fortunes colossales se taisaient alors remarquer
sur tous les points de la France ; la rapidité avec
laquelle elles avaient été faites, dans tous les métiers,
dans tous les états, dans toutes les professions, devait
faire regarder comme une chose facile , de se placer
parmi les heureux de ces lems de malheur. Un jeune
homme pouvait sur-tout ignorer et les moyens qui
avaient produit ces colosses aussi extraordinaires qu’éblouissans , et les ressorts secrets qui les faisaient agir.
P u ray crut qu’un travail opiniâtre joint aux con
naissances qu’il se supposait, était suffisant pour réaliser
les projets qu ’il avait conçus.
Il voulut choisir une profession ; celle de notaire
parut lui présenter les plus grands avantages ; il avait
alors beaucoup d'am is; ses opinions politiques qui
étaient celles de la multitude, étendaient considé
rablement ses relations, et lui faisaient espérer une
clienlelle nombreuse.
En l ’an 4 , il postule une commission de notaire : il
en est pourvu le 1 4 thermidor de la même année. Dès
cet
�(
9
)
cet instant, entièrement livré aux affaires, toutes
ses pensées n ’ont d’autre but que celui de donner
plus d’éclat et d’ utililé à l ’élat qu’il a embrassé.
Si l’adinission de P u ray au notariat eût été p ré
cédée des éludes que cet état e xig e ; si livré à un
guide sûr, il eût appris sur-tout que la confiance
publique ne s’acquiert qu’avec beaucoup de tems, et
par des épreuves aussi dures que multipliées; si enfin
son imagination trop ardente eût pu être calmée
par les conseils de la sagesse et de l ’expérience, tout
doit faire présumer que Puray aurait réussi.
Mais son premier pas fut une faute : il crut que
le m o y e n le plus sur et le plus p ro m p t pour s’al tirer
la confiance, ¿fait d ’affecter de p ou voir d o n n e r a ses
cliens des facilités qui devaient bientôt lui devenir
onéreuses.
P u r a y n’avait pas de dettes; cependant réduit à un
revenu personnel de io oo f r . , et à celui de 600 fr.
du côté de sa fe m m e , il ne semblait pas que cette
position de fortune lui permît de faire des avances
à ceux qui s’adressaient à lui.
Mais l’ambition calcule-t-elle ainsi? L e désir de
se faire un élut brillant, de s’attacher une clienlelle
nombreuse, peut-elfe celui de tenir le premier rang
dans une profession honorable et considérée, le por
tèrent non seulement à négliger les renlrees de sou
étude , mais encore à y absorber tous les ans des
capitaux considérables.
Puray était propriétaire de deux rentes, montant
3
�( 10 )
ensemble à 2000 francs : il les vend ; son étude en
absorbe le prix. Quelques immeubles ont bientôt la
m êm e destination.
Ces premiers sacrifices parurent produire quelque
effet av a n ta geux ; P u r a y ne faisait qu’entrer dans la
c ar r iè r e , et déjà il n’y voyait que des émules ; il
attribuait ses succès aux moyens qu’il venait d’eraployer : il v o u lu t, par de nouveaux efforts, les con
firmer et en obtenir de plus certains.
N ’ayant plus de ressources personnelles, il eut recours
à l'emprunt. Cette mesure extrême et toujours dan
gereuse, l’était encore bien plus au tems dont nous
parlons.
Différentes opinions s’ étaient glissées en F r a n c e ,
et s’y
étaient d’autant plus facilement accréditées,
qu’elles semblaient autorisées par la loi. L ’argent est
m archandise , Cintérêt n a cTautre réglé que La volonté
ou le caprice du prêteur : tels étaient les principes publi
quement professés; et alors la plupart de ceux qui prê
taient à 10 pour cent, croyaient qu'on devait des éloges
à leur désintéressement, et imaginaient avoir satisfait
à tout ce que l’honneur, la délicatesse ou l’amitié même
exigeaient d’eux.
P u r a y
trouva quelques-uns de ces amis toujours prêts
à obliger; la facilité d’emprunter l ’aveugla sur les
suites; il ajouta aux avances qu’il avait déjà faites, des
avances plus considérables encore; il agissait ainsi, dans
la ferme persuasion où il était que le nombre d’affaires
qu’il faisait, et les bénéfices qu’elles devaient produire,
�( II )
surpassaient de beaucoup les intérêts qu'il était obligé
de payer pour les sommes multipliées, avancées gra
tuitement à chacun de ceux qui lui accordaient leur
confiance.
Les choses se passèrent ainsi jusqu’à la fin de l’an 9 ,
et l’on doit concevoir combien ces cinq années, écou
lées en renouvellemens d’effets, durent être funestes
à Puray.
S i , à cette époque, il eût consulté sa situation, il
aurait sans doute v u qu’elle commençait à être désa
vantageuse; mais plus d'un obstacle s’opposait à cet
examen.
D ’une part, les études profondes auxquelles se li
vrait habituellement P u r a y , et qui avaient toutes
pour but la connaissance de son état; les travaux sans
nombre qu’il se créait à ce sujet : de l'autre, la préoc
cupation continuelle où le tenait l’exercice de ses fonc
tions de notaire, dans lesquelles il jouissait d’ une con
fiance aussi entière que générale , étaient bien des
motifs suffisans pour l’empêcher de se livrer à l’exa
men de ses affaires particulières, que cinq années de
travail et d’économie ne pouvaient d’ailleurs lui faire
supposer être en mauvais état.
On peut ajouter que la confiance que l’on avait en
lui, se manifestait par des témoignages, chaque jou r,
plus capables d ’exciter ses vues ambitieuses, D éjà il
avait été chargé de la perception de parties de rentes
aussi nombreuses que considérables. Cela, en ajoutant
à ses occupations, multipliait ses relations, et semblait
4
�( la
augment er ses
y
profils. E n s u i t e , plusieurs personnes
voulurent pincer leurs fonds entre ses mains, à un inté
rêt co nve nu , sauf à lui à faire un bénéfice sur ces
placemens. P u r a y ne vît dans ces propositions que de
n o u v e a u x mo yens de prospérité. Qui sait mém o s’ il
n ’avait pas dès-lois le projet d’ user de la faculté que
lui accordait la loi, do prêter à tel intérêt que ce f û t ,
pour répar er les torts que lui avaient occasionnés diffé
rons emprunts faits sous sou r è g n e ; car c’ est ainsi qu'u n
mal nous conduit dans un autre.
Bientôt son étudo fut remplie de faiseurs d ’affaires
de différons g en res: des capitalistes de toutes les pro
fessions, ceu x sur-tout qui n o n exercent aucune , et
qui calculent leur aisance moins sur leur industrie quo
sur lo taux de la p la c e , accouraient pour faire r e c e
voir, leur ar ge nt, et prenaient du notaire P u r a y , écri
vant dans son c a b i n e ! , des effets, datés de Clcrmont,
payables à liioni. A ceu x -c i succédaient dos spécula
teurs d ’ une nuire esp èce; c ’étaient ou des acquéreurs
d ’im m eu bles, qui n’avaient point leurs fonds, ou des
débiteurs poursuivis par leurs créanciers ,* ils venaient
proposer à P u ray do recevoir leur vente ou leur quit
ta n c e , et lui demnnduienl en m ê m e tems « e m p ru n te r
les sommes qui I ° l,r manquaient. ilnremcnt ils étaient
déçus dans leur e s p é r a n t o ; P u r n v , aussi facile quo
c o n f i a n t , prêtai! sou von! snns autre indemnité que lo
plaisir
de p o ^ e r un a c t e , ou l'espérance de *c fuirc
une clientflle qui lui présentai quoiqu'utilité ou quel
que jouissance d ’omotir-propre. Knfiu, c ’éloien! du»
�( .3 )
propriétaires 011 autres personnes riches et considérées,
ayant
un
besoin
actuel et
instantané de
sommes
plus ou moins fo rte s: pour ceu x -c i l’intérêt était res
treint autant que possible; P u r a y comptait sur leur
^protection, leur amitié ou leur influence.
Des relations aussi é t e n d u e s , et embrassant toutes
les classes do la société, devaient faire naître des é v é nemcns singuliers, et qui se rencontrent didicilement
dans la vie des ho mmes livrés à des occupations plus
paisibles.
P u r a y , notaire , et en celte qualité revêtu do la
confiance do plusieurs personnes étrangères à la ville
q u ’ il habitait , so trouva dans la nécessité du faire
q u e lq ue s transport« cJ’iu-goni A Pm-is ou <’i Lyon . Les
usages du c om m e rc e rendant ces opérations plus huiles
cl plus s u re s, il s’adressa à un b a n q u ie r, se fit o uvri r
un crédit sur ces de ux v i l l e s , et entra en correspon
dance av e c ceux auprès desquels il fut crédité. Mais
les banquiers do L y o n et de Paris «acceptèrent les
traites q u ’en les portant au com pte do lour confrère,
a v e c lequel ils étaient en relation.
P u r a y , prêteur et e m p r u n t e u r , avoil quelquefois
entre les matus des sommes dont il no pouvait trouver
lo placement ; plus souvent encor e les fonds loi m a n
quaient |»our les rem boursement q u ’on exigeait de lui.
Dan< ces circonstances il avait recours à 1 « banque.
Sa fe m m e fut m ala de; on lui conseilla lo b a um e
do v i e ; ce remède produisit un effet salutaire; alors
l'imagination do Pu ra y s'allum e; il vante l’eflicacité
�( H )
de ce spécifique, en fait publiquement l’é l o g e , et
veut en avoir un dépôt, sans autre but que celui
d ’en obtenir pour son usage de la meilleure qualité.
Un de ses pare n s, momentanément établi dans les,
pays où se fabrique le Kersw ase r, fit un voyage à
Rio m ; il lui vanta la supériorité de cette liqueur;
bientôt P u r a y désire en avoir ; mais n ’abandonnant
jamais ses vues d ’économie, il s’en fait faire une ex
pédition assez considérable, pour être sûr qu’il sera
approvisionné à peu de frais.
Achevons de peindre cette imagination mobile et
prompte à adopter tous les projets qui pouvaient lui
faire espérer un gain, en avouant que Puray n ’a pas
craint de participer à des spéculations passagères,
qui avaient pour o b je t, du b l é , du vin ^ du fo i n ,
de la paille et autres denrées.
Ce tableau, fidèlement extrait des différentes pièces
produites contre le sieur P u r a y , a servi à le faire
déclarer tout à la fois banquier et m ar c h an d ; ses
créanciers ont induit celle double qualité, des difFérens
registres qui ont été trouvés dans l’étude de leur dé
biteur, de sa correspondance et d’autres circonstances
accessoires.
A i n s i , suivant e u x ,
P u ray est ban quier,
1. ° Parce qu’il a tenu des registres de b a n q u e , et
qu’il les a lui même qualifiés ainsi;
2.® Parce qu'il a eu des relations avec le sieur
A l b e r t , banquier à Riom.
�C15 )
3.° Parce qu’il a été en courant d'affaires avec le
sieur M o r i n , banquier à Clerm ont;
4.0
Parce qu’il a été en correspondance avec les
sieurs Sébaud, banquier à P a r i s , et V in ce n t, banquier
à Ly o n .
5°. En fin , parce que les effets qu’il donnait à ses
prêleurs, étaient conformes aux usages de la banque,
et ornés de son chiffre et d’ une vignette.
Puray est marchand ;
i°. Parce qu’il a fait commerce de baume de v ie ;
2 0. Parce qu’il a acheté et vendu du Kersw aser ;
3°. Parce que ses registres font foi qu’il a participé
à des spéculations de commerce, sur le blé , le vin,
et autres denrées.
Suivons sur ce plan les pièces produites par les
créanciers ; et en commençant par la banque, exam i
nons si les registres que Puray a tenus lui donnent la
qualité de banquier.
L e grand nombre d’affaires et d’opérations du sieur
P u r a y , rendaient nécessaire la tenue de beaucoup de
notes. I l avait dans son étude plusieurs livres consa
crés à cet usage , et il tachait de donner à chacun d’eux
un titre, dont la briéveté pût servir à le faire décou
vrir sans peine, ai^[ milieu de tous ceux parmi lesquels
il était confondu.
C est ainsi que le 1 2 messidor an 9» c’e s f - a - d i r e ,
a 1 époque ou P u r a y , d'emprunteur (ju d cla it, réso
lut de devenir et prêteur et em p ru n te u r , ouvrit un
registre, sur la couverture duquel il écrivit iastueu-
�( i'6 )
sement le mot Banque. Que l’on ouvre ce liv r e , et
l’on n 'y verra autre chose, si ce n’esl la noie de ses
emprunts faits à R i o m , celle de ses prêts aussi faits à
R i o m , avec l ’époque des échéances ou des renouvellemens. Nulle part ne se découvre la moindre o p é
ration de banque ; point de change ni rechange, point
de transport d’argent de place en place: ainsi l’inté
rieur du livre donne un démenti formel au titre;
c’est une note de prêts et d’emprunls, mais ce n’est
point un livre de banque.
E
x e m p l e s
N». 17.
N». 62.
tirés du l i v r e :
7 therm. an g.
8 pluviôs. an 10. ijooo fr.
Intérêts retenus.
Renouvelé v. n°.
935
i 5 p. 100.
Tiré sur C...
L a tenue de ce livre cesse au 4 ventôse an 12.
Alors ces notes parurent insuffisantes au sieur P u r a y :
en effet, leur briéveté devait en rendre l’intelligence
difficile; d’ailleurs, la confusion qui y régnait, le met
tait hors d’état de pouvoir se rendre compte à lui—
même.
Il paraît que pendant quelque tems, P u ray opéra
sans registre et sans guide. En fin, le 1 1 ventôse an
1 2 , et le i 5 germinal an i 3 , il établit deux livres
destinés à remplacer celui dont on vient de parler,
et dont l’ un devait contenir la note des emprunts,
et l’autre celle des prêts.
Le
�( *7 )
Le
litre de celui du n
ventôse an 1 2 est ainsi
con cj u :
Registre de diverses sommes p l a c é e s par M. P u ra y ,
NO TA IRE
,à
INTÉRÊTS.
L e livre du i 5 germinal an i 3 a pour inscription,
ces mots :
Registre de diverses sommes
,
placées
che% M. P uraij,
NOTAIRE à INTÉRÊTS.
Ainsi le rapprochement de ces deux titres explique
donc bien ce que faisait P u r a y , et confirme cette idée
que le mot banque , écrit sur la couverture du registre
de l’an a , n’ était qu’ une indication de caprice pour
reconnaître ce livre., mais ne pouvait servir ¿1 désigner
les opérations qui y étaient mentionnées.
Aussi Puray adoptant un nouvel ordre qui l’obligeait
à se rendre à lui-même compte de la nature de ses
opérations, n’e m p l o i e - t - i l plus la dénomination de
banque pour ses livres. Il leur refuse ce titre avec
autant de soins qu’il s’interdit à lui-m ême la qualité
de banquier.
C ’est chez P u r a y , notaire, que l’on place des sommes
à intérêts.
C ’est encore P u r a y , notaire, qui- place des sommes
à intérêts.
Ainsi prêts et emprunts faits par un notaire, voilà ce
qui reste.
L ’examen des registres détruirail-il les idées si claires
qui font naître leur titre?
Qu’on les parcoure.
�( J-8 )
Celui du 1 1 ventôse an 1 2 , qui rappelle les différens prêts faits par P u r a y , contient 370 articles, tous
relatifs à des liabilans de R i o m ; il indique la nature
des effets, leur date, celle de leur échéance, leur renou
vellement, et le taux de l’intérêt.
Prenons pour exemple le n°. 1 0 1 .
« L e i 3 floréal an 1 3 , j ’ai prêté à M. N .............la
« somme de 2,000 francs à 12 po u rcen t pour trois
« mois; et il y a effet de 2,060 francs, payable le
« 3 thermidor an i 3. »
Dessous est écrit, « le 3 messidor an 3 , j ’ai reçu
« 60 francs pour intérêts, et j ’ai renouvelé pour trois
« mois, échéant le 3 brumaire an 14. »
Voilà pour les lettres de change. Ajoutons que ,
dans ce registre , se trouvent mentionnés plusieurs
prêts dont les litres sont des obligations, et même
de simples billets,
Ce registre peut-il être considéré comme un livre
de banque? son lit re , sa forme, la qualité de celui
auquel il servait , celle des personnes qui y sont in
diquées , la nature des opérations qu ’il men tionne,
les titres qu’il relate ; tout ne se réunit-il pas pour
exclure cette idée? et lors même qu’il aurait été tenu
par un homme dont la profession n’aurait point été
exclusive de celle de banquier, pourrait-on voir dans
ces livres autre chose que le bordereau du portefeuille
d’un prêteur à intérêt ?
L e registre du i 5 germinal an i 3 , contenant lai
note des sommes placées chez P u r a y , est composé
�( 19 )
de 4 1 4
articles, concernant tous des habitans de
Riom , ou de lieux circonvoisins.
Comme celui du 1 1 ventôse an 1 2 ,
il rappelle
les sommes prêtées à P u r a y ; il indique la nature des
effets souscrits par lui, leur date, celle de leur échéance,
le renouvellement et le taux de l ’intérêt.
E x e m p le :
N.° 2 1 7 . « L e 5 septembre i 8 o 5 , j ’ai pris de N....
« 460 fr. à 10 pour cent pour six mois. 11 y a effet
« de 48 3 fr. pour le 5 mars 1 8 0 7 ».
Dessous est é c r i t , « le 5 mars 1 8 0 7 , je devais
483 fr.
fr.
3 c.
507 ir.
3 c.
« Intérêts de 6 m o i s .................. 24
« J ’ai fait e f f e t pour le 5 sept. 1 8 0 7 ,
d e .........................................................
« Intérêts d'un an ..................... . 4 6
11.
« J ’ai fait un nouvel effet, au 5 septembre 1 8 0 8 ,
d e .............................................. ........................ 553
1 4 c.
Ce livre a - t - i l plus que le premier les caractères
de la banque ? s’ unissant à lui par son t i t r e , pour
en exclure 1 i d é e , ne vient-il pas également corroborer,
par sa c on textu re , les observations que nous avons
eu lien de f a ir e ? et si du prem ier, l ’on a pu dire
qu il était le bordereau du portefeuille d'un prêteur
a intérêt , ne faut-il pas assurer du second qu il est
*aussi le bordereau des dettes d’ un emprunteur a intérêt.
Ces registres ont cessé, savoir : le p r e m i e r , au
a i juillet 1808 , et le second, au 6 février 1 8 1 0 .
6
�( 20 )
Cette différence dans les époques de cessation du
registre, contenant la note des prêts de P u r a y , et
de celui établissant ses emprunts, donne lieu à quelques
observations.
L a loi de 1 8 0 7 a}?ant prohibé le prêt à u su r e , il
paraît que P u r a y crut devoir ¿’interdire toute espèce
de plac emen t; mais comme il devait lu i-m êm e des
sommes considérables, et qu’au temsdont nous parlons,
les fonds qu ’il avait confondus dans son é t u d e , la
mauvaise volonté ou l ’impossibilité où étaient ses
débiteurs de satisfaire ¿1 leurs engagemens , avaient
déjà établi dans ses affaires la mine qui devait bientôt
les r e n v e rs e r; P u r a y était obligé de continuer ses
emprunts pour servir les intérêts de tout ce qu’il
devait.
Si ce fait ressort de la combinaison des dates des
deux registres dont nous venons de parler, n ’est-on
pas obligé de convenir que P u r a y , victime de l’ usure,
sous une loi bienfaisante, qui semblait devoir la faire
cesser pour tout J e
m o n d e , a trouvé dans ce qui
faisait le bonheur de tous, un poison funeste qui
devait hûler sa destruction?
Mais arrivons à 1 8 1 0 .
Cette époque, plus que toute au tre, nous manifeste
l ’embarras de P u r a y ; il semble que l’illusion s’est
évanouie : la difficulté d’emprunter se fait sentir; les
rentrées s’opèrent avec peine; déjà plusieurs créanciers
se sont retirés après avoir inutilement réclamé leurs
fo n d s; des bruits désavantageux circulent : « Suis-je
�( 21 )
ruiné » ? Telle est la question que P u r a y devait se
faire à lui-même.
Il lui était difficile d ’y répondre ; combien d ’éléraens divers ne fallail-il point rassembler? combien
de documens imparfaits ne fallait-il pas rapprocher et
consulter pour connaître sa situation? Un travail aussi
long
ne pouvait
s’exécuter que
difficilement , au
milieu des occupations du sieur Puray. 11 osa cepen
dant
l’entreprendre ; et comme
l’espérance
reste
toujours cachée dans le cœur de l’homme m êm e le
plus m a l h e u r e u x , P u r a y croyant encore à un résultat
qui pourrait présenter un déficit peu considérable,
voulut donner un essor à son c r é d i t , on affectant
de p r e l e r , lundis q u ’il continuait ses emprunts.
Pour atteindre son but , Puray organise différens
registres : il faut les parcourir.
'
L e premier est du mois de mai 1 8 1 0 - , sur la cou
verture sont écrits ces mots : livre de banque. L ’inté
rieur de ce livre est divisé en trois parties.
L a première est indiquée par ces mots:
« Série numérique des sommes que je dois. »
E
No. n i .
x
e
m
p
l
e
:
2 0 ,7 2 3.
N°. 224.--7 j.
11 novembre 1810.
L a seconde par lie a pour titre :
« Note des demandes en remboursement, ainsi que
des échéances. »
�( 22 )
E
N o . 29.
x e m p l e
:
3,ooo fr.
12 mai 1810.
ijSoo fr.
L a troisième et dernière partie est ainsi indiquée:
«• Note des sommes qui me sont dues. «
E
No. 38.
x e m p l e
D.
:
100 fr.
5 p. 100.
I 10 novembre 1807.
Voilà P u r a y donnant le nom de livre de banque
au registre qui mentionne les sommes qu’il d o i t , et
celles qui lui sont dues. Celle dénomination, si con
traire à la chose qu’elle doit in diquer, ne peut avoir
aucune influence sur les esprits susceptibles de réflexion.
E n e f i e t , les opérations de P u r a y , en 1 8 1 0 , étaient
du mêm e genre que celles auxquelles il se livrait en l’an
i 3 ; ce dernier liv r e , comme les premiers, ne parle
toujours que d’argent prêté à des habitans de R i o m ,
ou d’emprunts faits à des citoyens de la m êm e ville:
nulle part dans ce dernier liv re , pas plus que dans
les premiers, l ’ on ne trouve une opéralion de banque
proprement dite; pas de change, pas de transport de
place en place; il n’y a d’autre différence à remarquer
que celle résultant de ce qu ’un seul livre , divisé en plu
sieurs parties, contient ce q u i , en l’an i 3 , élait ren
fermé dans deux registres ayant des titres distincts.
Cette différence, toute légère qu’elle puisse paraître,
a cependant donné lieu au titre dont on se prévaut.
P u r a y voulant indiquer ce livre d ’un seul m o t , et ne
�( *3 )
pouvant l'appeler livre d'usure, devait nécessairement
y substituer la dénomination de Livre de banque,
expression qui n’a pu abuser que ceux q u i , par habi
tude, voudraient confondre deux choses si différentes
et si essentielles à distinguer.
L e second registre est du 1 7 mars 1 8 1 0 . 11 est inti—
litulé : E ta t courant de la banque.
Ce liv r e , inventé pour établir l’état de l'entrée et
de la sortie des fonds, contient, jour par j o u r , et la
note des emprunts de P u r a y , et les remboursemens
qu’il recevait ; et celle des prêts ou des remboursemens qu’il faisait lui-même. Il indique simplement
les sommes par entrée et so rtie , s a n s m e n l i o n des
effets a u x q u e l s e l l e s se rapportent.
E
x e m t l e
:
ENTRÉE.
i,*r avril 1810.
Idem.
Reçu en placement, n°. 7 7 ,
de M.
Payé à ....
n°. So.
pour l’effet
i,ouo fr.
»»
SORTIE.
nn
1626 fr.
L ’on ne pense pas, qu ’après les explications qui ont
déjà été données, les créanciers se méprennent sur les
conséquences à tirer de ce registre : il n’établit rien de
plus que les autres; il se réfère h celui du m o i s de
mai; il en est une an nexe, et ne contient a u t r e chose
que deux calculs, dont les résultats comparés devaient
éclairer le sieur P u ray sur sa s i t u a t i o n .
L e troisième regislte, qui commence aussi au 1 7
mars 1 8 1 0 , a pour titre, Jo u rn a l général ; et sur le
�(
24
)
verso de la première feuille , on trouve ces mots : élude,
banque , dépôts , rentes, qui indiquent que tout ce qui
a rapport à ces différens objets est confondu dans le
corps du livre.
Ce registre, comme celui qui précède, mentionne
les sommes par entrée et sortie ; il n’en diilère qu’en
ce q u ’il contient tout ce que P u r a y percevait ou payait
pour quelque cause que ce f û t , tandis que le premier
ne faisait qu ’indiquer lesrésullats des prêts et des e m
prunts.
Ce livre , loin de faire naître des idées de b a n q u e ,
en est exclusif plus que tout a u t r e ; il devait éclairer
le sieur P u r a y sur sa situation ; aussi comprend-il ce
qui est relatif à l’é t u d e , ce qui regarde les dépôts,
ce qui concerne la perception des rentes; et si le mot
banque se trouve placé au milieu de tous ces objets,
c ’ est parce que le sieur P u r a y ne pouvait omettre dans
ce travail général l’objet le plus important, ses prêts
et ses emprunts malheureusement trop multipliés.
Ces trois registres ont duré jusqu’au 26 mars 1 8 1 1 ,
époque de la disparition de P u r a y ; le second et le troi
sième établissent q u e , pendant les derniers mois de sa
présence ¿1 l l i o m , les sorties ont c o n so m m e n t excédé
les rentrées, et que du 1 6 a u -26 mars, il a reçu 3 , 1 7 4
22 ce nt., et a payé 4 ,5 4 4 fr. 5 cent. Cette observation,
qui trouvera dans la suite une application plus directe,
doit cependant, dès cet instant m ôm e, faire apprécier
la justesse de l’opinion de ceux qui persistent ¿1 sou
tenir que P u r a y a fui en emportant des sommes si
considérables ;
�( ^5 )
considérables; q u e , dans leur esprit d ’exagération, ils
ne peuvent pas même en fixer la valeur.
Mais revenant, nous croyons qu’il est établi que
les registres tenus par P u r a y n’ont aucun des caractères
qui constituent la banque. Voyons actuellement s’il a
pu acquérir la qualité de banquier par ses relations
avec Albert, t
Les créanciers produisent à ce sujet quelques feuilles
informes1, écrites en partie de la main du sieur A lb e r t,
en partie de celle du sieur Sa v o u r e u x , son commis, et
enfin de celle du sieur P u ray lui-même. I l paraît qu'ils
veulent prétendre que cesfeuilles ont été ¡extraites d’un
registre destiné à consigner les opérations que ces deux
h o m m e s f a i s a i e n t e n s e m b l e e t en c o m m u n , d’où ils
induisent que P u r a y participant aux opérations d ’un
b a n q u ie r , doitiêtre1considéré lu i-m ê m e comme ban
quier.
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P ou r donner de suite une idée complète de cétt'e
pièce , il faut figurer la tête des colonnes qui divisent
çliaque page. ^
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Quel caractère peuvent avoir ces feuilles? Membres
épars d’ un travail dont on ignore l ’objet et le b u t , leur
présence dans l’étude de Puray serait-elle suffisante pour
7
�( 26 )
le faire regarder comme b an qu ier? les créanciers ne
les onl-ils pas jugées eu x-m êm es indifféientes à leur
cau se, en négligeant de les faire coter et parapher
par le juge de paix ? A ujourd’hui pourrait-on donner
quelque valeur à ces feuilles, dont on ne voit ni le
commencement ni la f i n , et qui depuis nombre
d ’années étaient restées ensevelies dans la poussière
d ’ une étude ?*■
!. r
L ’on pourrait s'en tenir là : mais P u ray doit, pour
dissiper toutes les obscurités , donner quelques expli
cations de plus. :
*
:
L o r sq u ’à la fin de l’an 9 , il se livra à des e m
prunts, avec le dessein de prêter, l u i - m ê m e , il eut
bientôt à sa disposition des sommes ’considérables.
N ’en trouvant point le placement , et voyant avec
peine qu'il payait les intérêts d ’un argent qui ne lui
produisait aucun profit, il voulut verser ces fonds
dans la caisse du sieur Albert. Celui-ci accepta : il
y eut de la part de Puray divers versemens qui furent
suivis de placemens faits par Alberl ; il paraît même
qu’à cette époque il y eut projet d ’association, mais
trouvant beaucoup de difficultés à l’organiser, l’ un
et l’autre convinrent qu’ Albert continuerait de placer
j u s q u ’a u ' moment où ils seraient d’accord sur les con
ditions de leur association projetée. Alors fut inventé
le registre dont les créanciers de P uray produisent
quelques feuilles , et qui 11’était autre cho se'q u e le
tableau de représentation des' sommes versées par
P u r a y chez Albert et placées par ce dernier. D e nou-
�( s7 )
velles réflexions les ayant bientôt convaincus qu’ il
était impossible d’établir une société entr’ e u x , leurs
relations cessèrent ; P u ray retira, ses fonds ^ et lès
choses en demeurèrent là.
Plus tard, Puray eut encore des relations avec Albert,
mais elles sont d’ un genre bien différent que les pre
mières. Pressé par des remboursemens ou des paiemens
d’intérêt, il fallut
plusieurs fois avoir recours à la
banque du sieur Albert ; mais ces emprunts deve
nant trop multipliés, le sieur P u r a y perdit bientôt
cette ressource , et fut obligé de rembourser avec
des effets de son portefeuille les sommes qu’il avait
empruntées.
Ces relations ne peuven t constituer la banque.
L a première époque xielpèut tout aji plus présenter
qu’ un projet de société qui n’a point^été réalisé. Si
cetie société eût existé, on en trouverait la preuve
au greffe, où la loi ordonnait que l’acte serait déposé.
Enfin , si l’on pouvait su pposei'jl’existence de celte
société, celle supposition serait inutile pour le but
que les créanciers se proposent ; dès que d’ une part
elle aurait cessé avant l’an i 3 , époque dès laquelle
on rapporle tous les registres, constalant les opéra
tions de Puray , et que de l’autre , cette société ne
pouvant être considérée que com me une société en
participation , n’aurait rien changé aux qualités des
parties contractantes.
L a seconde époque n’a pas besoin d’explication.
P u ray ayant dans ses besoins recours à la banque ,
8
�C 28 )
ne peut pour cela être considéré comme banquier.
11 faut actuellement se livrer à l’examen de ce qui
concerne les sieurs Morin , banquier à Clermont ,
S é b au d , banquier à P a r is , et V i n c e n t , banquier à
L y o n . L e s relalions de P u ray avec ces difïérens per
sonnages ayant paru aux créanciers le plus fort soutien
de leur système, il devient indispensable d’analyser et
d’apprécier tout ce qui est produit à ce sujet.
Sous ce point de v u e , l'affaire réside spécialement
dans le registre de correspondance du sieur P u r a y ,
où l’on fait remarquer différentes lettres écrites à ces
différens banquiers ; lettres qui, suivant les créanciers^
annoncent de la part de P u r a y des transports d’argent
de place en place et des opérations de banque. Pour
appuyer cette idée et lui donner plus de développe
ment , les créanciers produisent les lettres adressées
par M o r i n , Sébaud et Vincent à Puray.
T r a ç o n s, d’après les documens communiqués, l ’his-*
torique de ces relations.
U n e lettre du 28 novembre 1 8 0 6 , adressée par
P u r a y au sieur Morin , banquier à Clerm on t, et an
térieure h toutes celles dont on fait usage contre lu i,
s’e x p r im e ainsi :
« M e s f o n c t i o n s n o t a r i a l e s me donnant par
« fois des relations qui me metlent dans le cas, ou
« d’avoir besoin de fo n d s, ou d'en fa ire passer par
« La voie des traites , f a i trouvé sur le premier objet ,
« près de vous , une fa cilité dont j ’ai usé et userai
« dès que
vous
accueillez mes demandes. Quand au
�( 29 )
a second objet.............. , il m ’a semblé que je sortirais
« de tout e m b a r r a s, en obtenant de vous un crédit
« sur votre maison de P a r i s , et un autre sur voire
« maison de L y o n ; je vous le proposerai de 10,000 fr.
« sur chacun e, sous vos auspices et votre recomman-
a dation. M a signature , mon timbre et ma vignette
« seraient reconnus et accueillis à Paris et à L y o n ,
« et d ’ailleurs j ’aurai crédit toujours dans mes traites ?
« valeur reçue pour le compte de Morin et compagnie ....
<x pour toutes ces opérations, il s’ouvrirait nécessaia rement entre vous et mol un compte courant. »
L e s idées que fait naître cette lettre sont aussi incon
testables que faciles à fixer.
D ’a b o rd , c ’ est par suite de ses fonctions notariales,
et de ses relations comme notaire, que P u r a y , dans ses
besoins de fonds, a eu recours à la banque de Morin.
Ce sont ces mêmes relations de notaire qui le mettent
dans le cas d ’en faire passer, par la voie des traites, à
L y o n ou à Paris.
Jusques-là pas un seul mot de banque; t o u t , au con
traire, en exclut l’idée, puisqu’il n’est question que du
notariat.
P u r a y demande ensuite un crédit a Morin ; nonseulement il veut correspondre avec les banquiers, sous
ses auspices et sa recommandation , mais encore il re
connaît que la valeur de ses traites doit être reçue pour
le compte de Morin et compagnie.
Ainsi P u r a y , notaire, demande un crédit à M o r i n ,
banquier ; il reconnaît q u ’il ne peut correspondre avec
�( 3o )
les banquiers, que sous les auspices et la recomman
dation d’un homme ayant la même profession; il sent
m êm e que ses traites ne peuvent être reçues qu’au
tant qu’elles seront portées au compte du banquier
qui le crédite. P u r a y p e u t - i l manifester plus ouver
tement qu’il n’a point de b a n q u e , reconnaître d ’une
manière plus positive qu’il n’est point banquier , et
avouer plus formellement que personne ne lui re
connaît cette qualité?
Lo r sq u ’ensuife il ajoute., que les opérations qu’il
fera avec le crédit ouvert par Morin , nécessiteront
l ’ouverture d’ un compte courant entr’eux , ne com plette-t-il pas l’idée que l’on vient de se former? ne
dit-il pas bien explicitement à M o r i n , « vous, comme
« banquier , vous serez en compte avec les banquiers,
« auprès desquels vous me créditez, m o i , comme no« taire, comme simple particulier, ayant besoin de
« votre crédit pour mes affaires, je serai en compte
« courant avec vous.»
L e s propositions de P u r a y furent acceptées; une
lettre écrite par Morin , le 1 2 décembre 1 8 0 6 , l ’in
vite à se rendre à Clermonl pour convenir des bases
du crédit.
Différentes correspondances s’ouvrent bien loi après;
l’ une entre le sieur Sebaud, banquier a Paris, et le sieur;
P u r a y , notaire à R i o m . - L e s lellres écrites par Sébau d,
donnent constamment soit sur l’adresse, soit dans l’in
térieur, la qualité île notaire au sieur P u r a y , sans
jamais y ajouter celle de banquier.
�(30
L a seconde est encore entre le sieur P n r a y et le
sieur Vincent, banquier à L y o n . - - V i n c e n t , comme
S é b a u d , ne reconnaît à P u r a y d’autre qualité que
celle de notaire.
L a troisièm e, qui parle souvent des opérations qui
ont eu lieu entre les sieurs Sébaud , Vincent et le
sieur P u r a y , est entre M o r in , Banquier à Clermont,
et Puray. — M o rin , qui connaissait si bien la qualité
de P u r a y , qui n’était étranger à aucune de ses opé
rations , s’accorde avec Sébaud et Vincent pour lui
donner exclusivement la qualité de notaire.
A i n s i , voilà trois banquiers
correspondans av ec
P u r a y , qui ne lui reconnaissent ni banque, ni la qua
lité de b a n q u i e r ; qui traitent a v e c l u i , sachant q u ’il
e x e r c e exclusivement la profession de nota ir e: c o m
ment donc leurs opérations avec ce notaire pour
raient-elles être des opérations de b an qu e, proprement
dites?
Ouvrons
actuellement ces différentes correspon
dances , ’et voyons si les banquiers se sont mépris sur
Ici qualité de P u r a y , et si la nature des relations
q u ’ils avaient avec lu i, leur permettait de le regarder
com me un de leur confrère.
Commençons par Sébaud.
L e 26 décembre 1 8 0 6 , P u r a y lui annonce qu ’il
lui adressera plusieurs traites, en vertu du crédit qui
lui a été ouvert par le sieur Morin. Par autre du 29
du même mois, il ajoute que c ’est du sieur Morin qn’il
recevra ses remises; qu’il ne veut point avoir de compte
�(
32
)
particulier; que ses écritures se trouveront dans la
caisse de Clermont.
I l fait ensuite différentes trailes : Sébaud lui en
accuse réception à chaque lois, et dans les leltres'qui
ont élé communiquées , et dont la dernière est du
i 5 mars i 8 o 3 , il n’en est pas une qui ne dise :
Ou « que bonne noie en a été prise pour la porter
« au débit de la caisse des notaires de Clermont » ;
Ou « qu’il y a débit pour le compte de la banque
« de Clermont ».
Si au lieu de faire des traites, le sieur P u r a y faisait
verser des fonds dans la caisse de S é b a u d ,
Ce dernier répondait aussi constamment « qu’il
« avait instruit la caisse de Clermont du versement
« qui avait eu lieu, et qu’il en avait été donné crédit
« ¿1 cette caisse ».
Ainsi toutes les opérations de banque étaient entre
Morin et Sébaud ; P u r a y n ’y participait en aucune
m an ière; il ne recevait du banquier de Paris que les
renseignemens relatifs au crédit que lui avait ouvert
le banquier de Clermont ; c'était av ec ce dernier seul
que P u r a y avait à faire. Son compte courant était
celui d’ un simple particulier; Sébaud avait donc bien
raison de ne pas lui donner la qualité de banquier.
.
L a cor respondance de V i n c e n t , de L y o n ,
c a ra c tè re s
a des
semblables à celle que l ’on vient d’analyser.
M ô m e avis de la part de Puray.
M ê m e envo i de trailes.
M ê m e versement de fonds.
Même
�1
( 33 )
r M ê m e réponse de la part de Vincent.
L e s traites « sont accueillies au débit de Morin ».
Pour les versemeñs, il « en. crédite le compte de
M orin ».
Ainsi Vincent, de L y o n , avait donc les mêmes raisons
que Sébaud, de P a r i s , pour ne pas reconnaître en
Pu ray la qualité de banquier.
L a correspondance de Morin devait être plus consi
dérable ; P u ray
faisait à celle banque de fréquens
emprunts, qui nécessitaient beaucoup de lettres de
demandes et d’envois d’argent : outre cela , le crédit
ouvert à P u r a y exigeait souvent des explications et
des règle mens de compte. Aussi rem arque-t-on un
très-grand nombre de lettres ecrites dans le courant
des années i 3 , 1 4 , 1 8 0 6 , 1 8 0 7 , 1 8 0 8 , 18 09 et 1 8 1 0 ;
'dans aucune l’on ne trouvera une seule phrase, un
seul mot qui puisse faire penser que le sieur Morin
a regardé un seul instant Puray comme banquier.
L a plupart de ces lettres attestent , au contraire,
que P u ray était entièrement étranger aux usages du
commerce , et spécialement à ceux de la b an qu e,
dont Morin élail obligé de l’instruire.
C ’élail des mal-entendus continuels sur la valeur
des termes; c ’élail des reproches sur son ignorance
des usages de la banque de L y o n , qui ne reconnaît
point de jours de grâce pour les paiera ens; ce qui
nécessitait que les traites fussent toujours précédées de
lettres d ’avis.
E n fi n , les erreurs de P u ray en ce genre étaient si
9
�( 34 )
multipliées, que Morin ayant à craindre qu’elles ne
missent son correspondant de L y o n dans une situation
embarrassante ou fâcheu se, suspendit le crédit qu’il
avait ouvert sur cette ville, et en prévint P u ray par
lettre du 26 novembre 1808.
Ainsi cette correspondance plus que toutes les autres,
prouve que P u r a y n ’était pas banquier; qu’il ne pou
vait l’être; qu’il n’avait pas m êm e la connaissance des
usages de la banque.
S ’il était besoin d’ajouter quelque chose à la force
de faits déjà si clairs , l’on pourrait invoquer le témoi
gnage du sieur Morin lu i-m ê m e : il est créancier de
P u r a y ; il perd des sommes considérables; plus que
tout autre, il a droit de se plaindre : cependant il n’a #
pas craint de manifester son opinion sur le procès
actuel, et de déclarer qu ’il n’avait jamais regardé
P u r a y comme banquier.
S’il était interrogé, il répondrait comme il a dû le
faire devant le juge d’instruction :
« Que le crédit par lui ouvert à P u r a y , sur ses
« correspondais de Paris et de L y o n , n’était autre
« chose qu'une facilité que P uray lui avait demandée
« pour pouvoir fournir directement des mandats sur
« ces deux villes, sans l’intervention de lui Morin *.
I l dirait : « que chaque fois que Puray se prévalait
« sur ses correspondans, il était spécialement tenu de
« lui donner a v i s , par détail de sommes et de dates,
« afin qu’il pût l’en débiter, et en créditer le corres« pondant sur lequel Puray tirait.
�( 35 )
' Il dirait : « qu’i l ' n a point connu le sieur Puray
« comme banquier , qu’autrement le sieur P u r a y
« n’aurait point eu besoin de son intermédiaire ».
Il ajouterait : « que du moment où il écrivit à
« ses
correspondans de
ne
plus créditer le sieur
« P u ray pour son compte, ces correspondans cessèrent
« et ne firent plus aucune opération avec lui ».
E n fi n , si on l’interrogeait sur la nature des registres
produits par les créanciers, il répondrait sans hésiter
« qu’il ne les reconnaît point pour être ceux d’un
« banquier , tant en La forme q u a u fo n d ».
Que pourrait on ajouter à cette déclaration? ne
renfermè-t-elle pas toute la c a u s e , et tes créanciers
de P u r a y ne sont-ils pas condamnés par le seul d ’entre
e u x , capable d’apprécier et la nature des opérations,
et la qualité de leur débileur ?
Nous ne pouvons terminer sans dire un mot de la
vignette et du chiffre du sieur P u r a y ; les créanciers
disent que cet ornement placé sur leurs effets, les a
autorises à penser que leur débiteur était banquier.
S ’il y avait à raisonner sur un objet aussi fu tile,
on leur répondrait qu’ils ne pouvaient se méprendre
sur les conséquences à tirer de celle vignette, puisqu elle ne mentionnait aucun établissement de b a n q u e }
mention que P u r a y n’eût pas manqué de faire a
1 inslai des notaires de Cl er inout, et autres chefs de
pareils établissernens, si réellement il eût été banquier.
r Mais chacun des créanciers ne pouvail-il pas con
naître sur ce point le goût du sieur P u r a y ? I l était
10
�( 36 )
impossible d’entrer dans son étude, sans s’apercevoir
de sa prédilection pour les images et les tableaux de
toute espèce. C ’étaient des cartons ronges, verts, jaunes,
b le u s, avec étiquette, ornés de chiffre et vignette.
Sur un m u r , l ’on apercevait un tableau tracé et
écrit avec de l’encre de différentes couleurs. Sur son
bureau étaient des expéditions d’actes, ayant une tête
imprimée et son chiffre au-dessus; enfin, tout ce qui
l ’entourait
se faisait ainsi remarquer par quelque
caractère singulier ou bizarre.
Ses effets auraient-ils seuls été exceptés de cette
m a n i e ? mais en ce point elle avait quelque chose
de raisonnable. P u r a y ne se servait pas de papier
timbré ; il était assez simple qu’ il prît quelques pré
cautions pour reconnaître plus facilement son papier,
et empêcher qu’on ne le contrefît.
P u r a y n ’est donc point banquier.
Est-il com m erçant?
/
Parcourons les faits qu’on lui impute.
,T,e premier est
relatif au
baume
de vie. [Les
créanciers, pour montrer que Puray en a fait com
m e r c e , produisent sa correspondance avec l'inventeur
de ce spécifique.
"
;
I / o n a déjà expliqué ce fait ; il suffit d ’ajouter ici
que P u ray devint dépositaire de ce remède ; mais ce
dépôt ne le constitue pas plus marchand que le sieur
Dufaud , .directeur de la poste ne l’est , pour avoir
accepté celui des grains de santé du docteur Franck.
L e second fait de commerce porte sur le K e r s w a s e r j
�C 37 )
le; sieur P u ray en avait-, d it-o n , une grande quantité;
l ’on rapporte d’ailleurs la lettre d’envoi qui lui en
a été faite, et on en conclut qu’il est commerçant.
L ’on ne veut point répéter ce que Ton a dit plus
haut à ce sujet.
Mais il faudra que les créanciers expliquent com
ment un seul envoi de liqueur peut établir une pro
fession habituelle de com m erce; comment il peut cons
tituer même un acte de com m erce, quand il est fait à
un individu non commerçant.
j
L e sieur P u r a y était-il d’ailleurs privé de la faculté
de faire une provision de liqueur assez considérable }
p o u r p o u v o ir en céd er à ses amis ou h ses p a r e n s ?
A - t - i l établi un magasin de cette liq u e u r ? A - t - i l
cherché à Ja vendre ? C o m m e marchand, en a-t-il fait
sa déclaration à la régie des droits réunis?
Autant de questions, autant de réponses favorables
au sieur P u r a y , et qui sont la preuve de la légèreté des
imputations de ses créanciers.
L e dernier fait résulte de la production d’un registre
non coté ni paraphé , et portant pour suscription :
affaires et spéculations particulières.
Ce registre contient la note d ’une association de
P u r a y av e c divers individus pour achat et revente de
denrées, telles que froment, o rg e , etc.
Si les créanciers avaient bien e x am in é ce registre,
ils se seraient sans doute dispensés de le produire. E n
e ff e t , ces spéculations finissent en l ’an 1 1 ; il serait dif-
�( 38 )
iicile de deviner com m e n t, en 1 8 1 1 , elles pourraient
constituer un négociant.
D ’ailleurs sont-ce bien là des faits de c o m m e r c e ?
L e s propriétaires ne se permet Ieut—ils pas tous les jours
de pareilles spéculations, sa as être pour cela considérés
comme com merçan s? et P uray, en fournissant les fonds
à ceux qui se chargeaient des achats et des ventes, ne
vpouvait-il pas, sans être regardé comme commerçant ,
courrir la chance de perdre l’intérêt de son a r g e n t ,
ou d’en tirer un parti plus avantageux.
N e craignons pas de le dire : ces faits sont futiles et
11e prouvent rien. L ’esprit de prévention peut seul leur
donner quelque v a le u r ; mais aux y e u x de l’hom me
i m p a r t ia l, P u r a y
ne sera
pas plus marchand que
banquier.
Après l’examen de ces p i è c e s , il convient de fixer
son attention sur des faits d’un ordre différent, et sur
la procédure qui a été instruite contre le sieur P u r a y
depuis l ’époque de sa disparition.
L ' o n se rappelle que les registres de 1 8 1 0 avaient
spécialement été établis pour éclairer le sieur P u r a y
sur sa situation. L ’on se souvient aussi des deux livres
qui établissaient , jour par jour, l ’entrée et la sortie
de ses fonds. L e s résultats que P u r a y attendait, se
réunirent pour l’accabler. A u mois de mars 1 8 1 1 , il
11e peut
plu s
douter que le mal était irréparable. D ’ un
c ô t é , son passif se montait à des sommes énormes,
et était exigible sur-le-champ, tandis que son actif,
bien moins considérable, était d’ailleuis d’ un recou
�( 39 )
vrement difficile; de l’a u t r e , son crédit était perdu ;
les créanciers se succédaient pour réclamer leurs fonds;
e t, pendant les derniers mois, il avait été^obligé de
compter des sommes bien supérieures à celles qu ’il
avait reçues.
Quel parti prendre dans une situation aussi déses
p é r é e ? Puray assemblera-t-il ses créanciers? se livre
ra- t-il à leur discrétion ? Mais il craint de les trouver
intraitables : d’ailleurs il faut qu ’il se soumette à l ’em
barras et aux désagrémens d’ une explication ; qu ’il
entende et supporte leurs reproches; son état n'en est
pas moins perdu ; il va ajouter par sa présence à la
désolalion de sa famille.
Toutes ces raisons, tous ces
H*
préjugés, peut-être, fermentent dans sa tête, allument
son imagination, et l'entraînent loin de son pays.
J 1part le 29 mars 1 8 1 1 ; ses ressources étaient nulles:
scs registres font foi qu’à cette époque P u i a y n’avait
point d’argent à sa disposition; et dans la réalité, ses
parens les plus proches, aidés de leurs amis, réunirent
leurs bourses pour lui fournir les fonds nécessaires à
son voyage.
P u r a y , comme surpris par la foudre, n ’avait eu le
tems de rien régler. Ses papiers étaient en désordre;
los communications qu ’il avait faites ne donnaient
aucune lumière certaine sur le véritable étal deschoses.
li e bruit de sa fuite est bientôt répandu : d abord
I o n s e n é t o n n e , on refuse d’y croire; mais la cer
titude qu’on acquiert fait bientôt naître des soupçons
de tous genres.
�( 4° )
«
L e s scellés sont apposés; les créanciers se réu
nissent; ils tâchent de se reconnaître; ils se choisissent
des chefs.
,
L a famille P u r a y étudiait tous ces mouvemens : elle
entendait sans cesse répéter que Puray avait fui en
em p orta nt le gage de ses créanciers; que la voiture
qui le portait était chargée des richesses qu'il entraî
nait avec l ui , et que la nouvelle patrie qu'il allait se
choisir, le verrait bientôt dans un état aisé et florissant.
Cette imputation devait mettre au désespoir ceux
qui tenaient de plus près au sieur Puray. Ils avaient
assisté à ses derniers m om ens; ils connaissaient ses
ressources : quelqu’argent emprunté par sa mère 011
son f r è r e , la montre de sa f e m m e , quelques é c u s ,
produit des récompenses données à ses en fans dans
‘des tems plus heureux : tels étaient les trésors du sieur
P u r a y , et ses moyens d’existence pour l ’avenir.
L e retour du sieur P u r a y fut résolu, comme le
m o ye n le plus sûr de faire cesser ces calomnies : il fut
proposé à ceux des créanciers que la masse s’était choi
sis pour la diriger: mais, comme dans ces premiers mojnens il était question de faillite, et des mesures qu’elle
entra îne, l’on fit dépendre ce retour de la promesse
qu'on donnerait, de ne faire aucune poursuite jus
qu’à plus ample explication.
L e s chefs sentirent que cette proposition était avan
tageuse ; ils assemblèrent leurs commet tans, leur com
muniquèrent les ouvertures de la famille P u r a y , et
les
�( 4i )
les appuyèrent de toutes les raisons que leur sagesse
et leurs lumières purent leur suggérer.
Celte réunion se passa en discussions. Une assem
blée nombreuse, composée d’individus de sexes difiérens , de condition et d’ éducation différenles , donne
rarement des résultats que la raison puisse approuver,
lies plus sages voulaient le retour de P u r a y ; le plus
grand nombre y consentait ; quelques-uns plus pas
sionnés se l è v e n t , s’opposent à ce retour; l’assemblée
se dissout, et bientôt l ’ouverture de la faillite est
p r o v o qu é e , tandis qne dans le même tems P u r a y est
dénoncé comme banqueroutier frauduleux.
Quels étaient les créanciers qui em ploy aie nt des
m o y e n s aussi rig o u r e u x ? Y en av a it- il un qui eût traité
avec P u r a y sous la foi du commerce , qui fut luim ê m e commerçant, q u i , en cette qualité, eût des
relations d ’affaires avec. P u r a y , et pût venir dire qu’il
était fondé à regarder son débiteur com m e banquier
ou commerçant ?
R ie n de tout cela :
C étaient des liabitans de R i o m , la plupart capi
talistes, et plaçant leur argent au taux le plus avan
tageux , se faisant souscrire des effets ¿1 R i o m , payables
& R io m , ayant pour débiteur un notaire de Riom.
Qu y avaii-il donc dans les qualités des personnes et
dans la nature des prêts, qui pût faire soupçonner la
banque 011 le c o m m e r c e ?
Cependant le tribunal de commerce r e n d , le 1 3 avril
1 8 1 1 , un jugement qui déchire le sieur P u r a y failli,
11
�( 42 )
fixe l’ouverture de la faillite au 29 mars ; nomme
des agens provisoires et un juge-commissaire h la
faillite, ordonne en même tems l’apposition des scellés.
Ce jugemènt ne commet point d’huissier pour les
différentes significations exigées par la l o i , à l’efïet
de faire courrir les délais d’opposition ou d’appel.
Ce premier acte d’hostilité ne permettait pas au
sieur P u ray de paraître; il n’avait plus, que des mal
heurs à prévoir ; sa liberté était compromise : les
créanciers plutôt excités pdr la haine que dirigés par
leur intérêt , ne respectaient plus rien ; ils poursui
vaient criminellement leur débiteur, cherchaient à
compromettre sa réputation, ou à attaquer la moralité
de ses parens et de ses amis. Que pouvait faire le
sieur P u r a y ? .............. fu ir , se taire, et attendre, fut
le parti qu’il crut devoir prendre.
L e 24 a v r i l, l’extrait du jugement du i 3 est in
séré dans la feuille du département.
P a r acte du 27 du même mois, un huissier non
c o m m is, écrit avoir affiché un extrait certifié con
forme à l ’expédition, par les ag en s, du jugement
du i 3.
Cet acte est attaqué de nullité, i.° parce qu’il n’a
point été fait par un huissier commis au désir de
l ’art. i 56 . C. P . ;
2.0
Parce que l’extrait du jugement n’a point été
fait par l’huissier , ministre de 1 acte ;
3.° Parce que rien n ’établit qu’il
extrait de ce jugement ;
y ait
eu un
�( 43 )
4-° E n f i n , parce que l’acte n’indique pas le jour
de l’affiche.
L e 7 mars 1 8 1 1 , les agens présentent requête à
M. le Président du tribunal de com m erce, et lui
demandent de commettre un huissier pour la signi
fication du jugement du i 3 avril. Sur cette requête
intervient une ordonnance qui commet l’huissier Cola.«.
L e 1 4 ma i , mêm e a n n é e , le jugement du i 3 avril
est signifié à domicile par l’huissier commis par le
Président.
Cette signification est aussi attaquée de nullité; Ton.
soutient qu’elle a été faite par un huissier sans ca
ractère, le président du tribunal de commerce ne
p o u van t le commettre.
L ’on donne bientôt suite à cette procédure; des
syndics provisoires succèdent aux agens; les opéra
tions indiquées par le Code de commerce ont succes
sivem ent lieu , enfin la faillite a des syndics définitifs.
L ’an 1 8 1 2 arrrive. L e tems qui s’était écoulé depuis
la disparition du sieur P u r a y , les difïérens renseignemens que l’on avait pu recueillir; les développemens
que cette affaire commençait à recevoir; des discus
sions qui étaient 'nées entre les créanciers, et des
prétentions qu'ils avaient élevées, concouraient à con
firmer dans l’idée que l’on avait déjà eue que Puray
n’était ni marchand ni banquier. Alors l’on recueille
avec soin tout ce qui échappe ; les faits les plus légers
sont réunis aux plus graves : un mémoire à consulter
est rédigé; il est présenté à un grand nombre de juris12
�( 44 ')
consultes, qui décident unanimement qu’ un notaire
ne peut être ni marchand ni banquier, et que d’ailleurs
les fails imputés à Puray ne constituent ni le com
merce ni la banque.
Alors le 23 juin 1 8 1 2 , P u ray forme opposition
au jugement qui le déclare failli; il soutient que, n’étant
point commerçant , le tribunal de commerce était
incompétent ratione maleriœ.
A
et la
des
que
cette époque , Ton pouvait supposer que le tems
réflexion auraient conduit les créanciers à accueillir
moyens d arrangement. Ils avaient pu s’assurer
leurdébiteur était plus malh eureuxq u’eux-mêrnes;
que loin de sa patrie, et éloigné des objets de ses
affections les plus chères, des chagrins de tout genre
venaient rendre plus insupportable le dénuement
complet auquel il était réduit. En fin , ils avaient pu
apprendre que sa mère avait été obligée de faire divers
emprunts pour lui faire passer des secours. Dans cet
état de choses, n’était-il pas naturel de penser que
les élans de la passion devaient être calmés, et que
l ’on pourrait enfin s’entendre ?
L e sieur P u ray avait laissé une procuration ; on
crut que l ’instant était venu d’en faire usage. L ’on
proposa, i°- de délaisser aux créanciers toule la fortune
personnelle de leur débiteur , et de leur donner toutes
les facilités possibles pour l’aliéner, et en disposera
leur gié ;
.
2°. L a mère offrit le partage de ses b i e n s , et de
�( 4& )
délaisser la propriété directe de la porlion qui devait
revenir à son iils ;
3°. L a femme se soumit à l’abandon de tous ses
droits, reprises et avantages matrimoniaux. .
Que pouvait-on iaire de plus? Qu’obtiendront les
créanciers qui leur soit aussi avantageux, sur-tout si
l ’on ajoute que P u ray ne leur demandait point de
quittance définitive, et laissait à chacun d ’eux le
droit de r écla m er, dans l’àvenir, le montant entier
de-sa c ré an ce ?
Les créanciers ont eu tout le tems nécessaire pour
apprécier ces propositions; elles ont été connues d’ eux
comme particuliers , soumises à l ’examen de leurs
syndics, c o m m u n i q u é e s ù M. le juge-c ommissaire.
Comment concevoir qu’elles aient été rejetées, si l’on
lie suppose, d’ un côté, une passion aveugle, et de l’a u Ire,
des prétentions à une sévérité qu’on ne saurait fléchir.
Tout espoir d’accommodement étant évan ou i, il
fallut bien songer à se défendre : la famille Puray
devait croire q u e , dans la lutte où elle était obligée de
se présenter, on observerait envers elle les égards dus
au malheur, ou qu’au moins les créanciers ne mécon
naîtraient pas les usages du bavreau , jusqu’au point de
ne pas lui donner communication des pièces dont on
entendait se servir.
l
es consultai ions délibérées en faveur du sieur Puray,
avaient été communiquées à l’avocat des créanciers.
Ennemie de toute surprise, la famille voulait que l’on
pût répondre aux moyens que celte consultation con
�.
(
46 )
tenait, et donner toute l’attention nécessaire à la
question importante qui y est traitée. Ce procédé
semblait exiger quelque ret our, et il était difficile
de penser que des faits seraient cachés à ceux qui
faisaient connaître les moyens de droit dont ils en
tendaient se servir.
C ’est cependant ce qui a eu lieu : les créanciers
parurent à l’audience, armés de registres et d,e pièces
absolument inconnus à l’avocat du sieur Puray. Us
avaient eu le tems de choisir tout ce qui pouvait être
avantageux à leur système. Lettres de différentes
n a t u r e , actes de com m er ce, correspondance avec des
banquiers ; comment saisir, au milieu d ’un audiloire
‘ nombreux et dans la chaleur de la discussion, les
rapports de tant d’objets dont la valeur ne peut être
parfaitement connue et appréciée, que dans la solitude
du cabinet ?
L e rédacteur du mémoire doit en convenir; il fut
épouvanté de cette masse de preuves. Il partagea
sur-le-champ la conviction du confrère qui plaidait
conlre lui ; il le laissa connaître avec autant de fran
chise qu’il en met aujourd’ hui à déclarer que sa cons
cience avait été abusée par des apparences trompeuses.
11 se doit à lui-même d’ajouter, qu ’il a la conviction
que l’avocat des créanciers ne connaissait de ces pièces
que ce qui en a été lu à l’audience , et que si com
munication n’en a pas été donnée pour la plaidoirie ,
ce procédé est imputable aux créanciers seuls, qui
�( 47 )
peut-être dans ce dessein ont affecté de ne remettre
qug fort tard leurs pieces a leur avocat.
L e 18 août 1 8 1 2 ,
est intervenu au tribunal de
commerce jugement contradictoire, qui déclare l’o p
position de Puray tardive et non recevable.
L e sieur Puray a interjeté appel de ce jugement?
le 5 décembre
même a n n é e , et s’est également
pourvu contre celui du 18 avril 1 8 1 1 , qui le déclare
failli. — T e l est l’état de la cause.
MOYENS.
L e but principal de ce mémoire était de faire con
naître les circonstances de celte cause. Files avaient
été présentées sous tant de faces différentes. livrées
îi
des interprétations si malveillantes et si haineuses;
elles étaient enfin tellement dénaturées, qu’il était à
craindre qu’ une plaidoirie fût insuffisante pour les rélablir dans leur véritable j o u r , et pour iaire aper
cevoir les conséquences auxquelles elles conduisent.
Mais actuellement que lous les faits sont connus,
la discussion doit être courte et facile.
A u fond, la première question à examiner, est celle
de savoir si un notaire peut être considéré comme
banquier ; si exerçant une profession exclusive de la
banque et du com m erce, on peut , eu a p p r é c i a n t ar
bitrairement quelques actes qui paraîtraient é n a r g e r s
à celle profession, lui atliibuer u n e q u a l i t é qu’ il n’a
pas, lui imposer des obligations ou des devoirs au x
�( 48 )
quels il n’a pas entendu se so umettre , l ’enlacer en
fin dans des chaînes plus pesantes que celles dont le
chargeait son existence sociale.
Une consultation qui est jointe au m é m o i r e , ex a
mine ce point de la cau se, avec tous les détails quJil
peut comporter : l’on ne veut point lasser l’attention
par des redites inutiles ou fastidieuses, mais l ’on doit
ajouter quelques réflexions.
L e commerce est une des professions les plus inté
ressantes de la société ; devant y occuper une place
distinguée, elle doit, comme toutes les autres , avoir
des droits et des privilèges particuliers auxquels cor
respondent des obligations et des devoirs qui lui sont
aussi particuliers.
. Ainsi les caractères distinctifs du commerçant sont
la patente, le droit qu'il a d ’être appelé dans les as
semblées et corporations de commerçans, l ’inscription
de son nom sur les listes qui doivent servir à former
les assemblées et les tribunaux de commerce, et sur
celles que les tribunaux de commerce doivent fournir
aux autorités locales pour les transmettre au gouverne
ment.
Voilà les véritables com m erç ans, ceux que la loi
reconnaît pour tels. Les hommes attachés à d’autres
professions peuvent laire des actes de commer ce, mais
ne sont pas commerçans.
Conunent donc, P u r a y a u r a i t - i l pu être à la fois
notaire et banquier? Comme notaire, il ne pouvait
être
�( 49 )
être membre d’aucune assemblée, d’aucune corpora
tion de commerce; il ne pouvait être porté sur les
listes présentées au gouvernement; il ne pouvait être
élu membre d’un tribunal de commerce. Ainsi, sa pro
fession s’opposait à ce qu’il pût participer à aucun
des privilèges exclusivement attachés à la personne
du commerçant. L a même raison a dû le faire exempter
des charges attachées à cette qualité ; aussi, quoique
les prêts et les emprunts de Pu ray fussent parfaitement
connus , n’a-t-011 jamais pensé à regarder Pu ray comme
banquier, et à le soumettre au droit de patente; sa qua
lité de notaire excluait l’idée de toute autre profession.
Une nouvelle réflexion semble venir donner encore
plus de force à ces moyens. L ’on pourrait supposer
que le commerce peut être fait par un homme e xe r
çant une profession qui en est exclusive ; p a r exemple:
qu’un notaire tienne un magasin, qu’il y étale et
vende habituellement des marchandises; cet homme
sera nécessairement commerçant ;
il sera soumis à
à la rigueur des lois du com merc e, sans être revêtu
de leurs privilèges. Pourquoi cela ? C ’est qu’ayant
une profession principale qui l’incorpore à un ordre
quelconque, il ne figure dans la société que sous le
titre que cette profession lui donne ; mais qu'ayant
joint à cette profession des détails de commerce qui,
tout accessoires qu’ils puissent être, sont cependant
habituels; ces actes , jusqu’au moment où il les au ta
cessés, le mettent , par sa volonté, sous la juridiction
d’ une classe d’hommes qui ne le reconnaissent cepen
dant point comme leur pair.
i3
�(
)
Mais la profession de banquier ne peut jamais êlre
accessoire; l’exercice de la banque ne se restreint point
à une seule v i l l e , il embrasse tous les lieux et toutes
les distances, il fait circuler les fonds d’ un pôle à
l’a u t r e ; ses opérations ont un caractère 'public; sou
vent elles concourent à assurer le succès des plus
grandes entreprises. Ainsi, le banquier est un homme
public que le gouvernement doit reconnaître , dont
la profession ne peut êlre un m y s t è r e , qui doit être
placé parmi les comnierçans. Il faut que tous ceux
qui exercent le même état que lui sachent le point
qu’il occupe dans le monde commercial, pour pouvoir
se servir de lui dans les transports d’a r g e n t , qui sont
le signe caractéristique de celte profession. Un ban
quier dont l’ existence est inconnue, ou restreinte à
line ville ou une contrée, n’est pas banquier. Un homme
ayant pour profession principale l’état de notaire , et
pour profession accessoire celui de banquier, est un
être inconcevable.
Mais supposons un instant que la profession de notaire
ne soit point exclusive de celle de com m erçan t, et plus
particulièrement de celle de ban quier, qu'en résul
tera-t-il?
P u r a y , notaire, était-il banquier ou m archand?
Quels sont les banquiers?
« Ce sont ceux qui font un commerce par lettres
« de change et négociations d’argent de place en place,
</ pour raison de quoi ils perçoivent un certain profit.
« Par exem ple, un particulier qui est à Ca dix, veut
« faire loucher h quelqu’un une somme d’argent à
�( 5i )
« Amsterdam; il porte cette somme à un banquier de
« Ca dix, qui lui donne une lettre de change à rece« voir sur un autre banquier d’Amsterdam, son cor« respondant, moyennant un profit qu’il prend pour
« la lettre de change ainsi fournie.
« On appelle change le profit qui est ainsi p e r ç u , et
« qui n’est autre chose, en gén éral, que le droit qui
« se paye à un banquier, pour une lettre de change
« qu’il fournit sur un autre lieu que celui d’où cette
« lettre est tirée, et dont il reçoit la valeur d’ un autre
a banquier, ou négociant, 011 d’une autre personne
« dans le même lieu que celui où la lettre est fournie ».
( L o c r é , tom. 1 , p. 3. )
I c i , y a - t - i l , cle In part de P u r a y , la moindre opé
ration de banque?
<
D ’abord, quant aux effets qu’il fournissait, pouvaientils a v o i r , et avaient-ils pour but un transport d’argent
de place en place? L e fait répond à ces deux questions.
Suivant les créanciers, Puray était banquier à R io m ;
ainsi, en celte qualité, il devait prendre les fonds sur
celle place, pour les transporter dans une autre.
Rien de tout cela : Puray prend les fonds à Clermont,
en fait le transport sur R i o m , et se charge lui-même
du paiement de ses propres traites.
Il est dû un change au banquier pour les effets
qu’il fournit. L e s registres de P u ray établissent que
c’était lui qui payait des sommes quelconques a ceux
qui prenaient ses effets : ainsi les rôles étaient changés;
le droit de la banque était perçu du ban quier, par
ceux qui avaient recours à lui.
*4
�( 52 )
Quant aux effets qu’il r e c e v a i t , ils ne pouvaient
Je constituer banquier, puisque c’était pour lui que
le transport avait lieu. P u r a y , sous ce rapport, loin
d’être b an quie r, aurait au contraire pour banquier
chacun de ceux qui lui souscrivaient des lettres de
change. Pour être conséquens avec e u x - m ê m e s ,
pourquoi ses créanciers ne f o nt - i l s pas déclarer en
faillite ceux de ses débiteurs qui sont en retard de
le payer ?
E n voilà bien assez , ce semble , pour démontrer
le ridicule d’ un système soutenu avec tant d’opiniâ
treté. Mais ne nous décourageons pas et s’il est
possible , pénétrons plus avant.
.Beaucoup de g e n s, habitans de la même v i l l e ,
prêtent leurs fonds à un de leurs concitoyens. Cet
emprunteur tient registre de ses emprunts; il dit
l'intérêt qu’il en donne, il renouvelle à chaque échéance;
il en fait également mention.
Y a-t-il là une seule opération de b a n q u e ? To ut
au contraire, n’en est-il pas exclusif? l'intérêt payé
par le prétendu banquier; ces renouvellemens qui
attestent que les fonds n’ont pas été transportés, ne
concourent - ils pas à prouver que les créanciers ont
fait des prêts à P u r a y , mais n’ont fait ni entendu
faire par son mteimédiaire , aucune opération de
banque.
Actuellement l'emprunteur place les fonds qu’il a
ainsi réunis; toutes ses opérations ont lieu dans la
ville qu’il habite; à son tou r, il perçoit des intérêts;
à son t our , renouvelle > tient registre de tout cela.
�( ï>3 )
Ces registres sonl produits, et l’on ose parler de banque!
Venons.enlîn au mot de cette cause.
P u r a y a emprunté à des intérêts excessifs; il a
prêté de même.
L ’habitude de ces faits peut-elle établir une pro
fession ?
Celui qui spécule sur l’intérêt de l’argent est un
usurier , mais n’est point un banquier.
Ceux qui alimentent de leurs fonds l’entrepôt de
l ’usure, en exigeant eux-mêmes des intérêts que la loi
défend d’exiger, font
un métier que la morale et
l ’opinion regardent comme vils, que la loi prohibe
et puni t , et qui con sé quem m e nl ne peut être classé
parmi les professions que la société ne reconnaît
q u ’autant qu’elles lui sont utiles.
Arrêtons-nous i ci ; n ’avilissons point le commerce,
en insistant plus long-tems sur une vérité que doit
sentir tout
commerçant qui tient à l'honneur de sa
profession : craignons également de trop approfondir
des idées qui pourraient blesser quelques-uns de nos
lecteurs , et que le besoin de la cause a seul pu au
toriser à rendre publiques.
P u ray n’est donc pas banquier.
L ’on a démontré dans les faits qu’il n’était point
commerçant; ainsi, c’est à tort qu’on l’a déclaré failli.
L e s créanciers bien pénétrés sans doute de 1 i m
possibilité ou ils se trouvent de justifier leurs pré
tentions au fon d, insisteront sur les fins de non-recevoir qu’ils ont déjà opposées, et lâcheront de tirer
avantage du silence du sieur Puray.
�( 54 ) L e s délais d’opposition d’appel son! expirés; voilà,
n'en douions pas, ce qu’ils se plairont à répéter.
Si dans les aflàires ordinaires, une lin de non-recevoir est toujours défavorable, ici elle esl odieuse.
Quand la négligence d’ un client peut entraîner la
perte de quelques intérêts pécuniaires, le magistrat
examine avec scrupule tout ce qui peut en détruire
les effets : une nullité de procédure est alors avide
ment saisie, et l ’omission de la plus légère formalité
devient suffisante pour réintégrer dans ses droits celui
que l’on en croyait exclu.
Combien est plus favorable encore la position du
sieur P u r a y ! Il réclame l’état qu’on lui a r a v i , pour
y substituer une qualité qu’il n’a jamais e u e ; il de
mande ses juges dont on l’a distrait pour le soumettre
à une juridiction qui n’était pas la sienne , et qu’il
ne pouvait reconnaître. Peut-on plaider pour de plus
grands intérêts, réclamer des biens plus inaliénables
et plus spécialement placés sur la surveillance et la
garantie de la loi ?.
Quoiqu’ il puisse être de ces premières idée s, qui ,
en recevant le dévelopement qu’elles exigent, seraient
peut-être seules suffisantes pour faire rejeter la fin de
non recevoir proposée; voyons avec le Code de pro
dure si le sieur P u r a y était encore à tems d’attaquer
le jugement du i 3 avril 1 8 1 1 , soit par la voie de
Fopposilion, soit par la voie de l’appel ; car l’on a
pu remarquer que la cause doit aujourd’hui être
examinée sous ces deux rapports.
I l esl reconnu que tout ju gem en t par d é fa u t, rendu
�( 55 )
,
conlre une partie qui n’a pas constitué d’a v o u é , doit
être signifié par un huissier commis. Il est également
certain que ce principe est applicable aux jugemens
émanés des Iribunaux de c o m m e r c e , comme à ceux
rendus par les tribunaux civils.
( V o y e z C. P . , art. 1 56 et 4 3 5 ; C. C., art. 6 4 3 ).
L a Cour a décidé que celte formalité était néces
saire pour les significations de jugemens, portant dé
clarations de faillites; ainsi ces premières idées ne sont
plus sujettes à contestation.
Cela posé : le jugement du i 3 avril 1 8 1 1 ne com
mettait pas d’huissier. Sa signification a donc été
nullement faite , et n ’a pu faire courir les délais de
l ’appel.
Avouons cependant que les créanciers s’étant aperçu
du vice de ce j u g e m e n t , ont cherché à le couvrir 5 en
présentant requête au président du tribunal.de com
merce , et en obtenant de lui une ordonnance qui
commet Colas , huissier. Disons en même tems que
la signification du jugement a été faite par l’huissier
commis par celte ordonnance.
Cela change-t-il quelque chose au m o y e n ?
L ’article i 56 du Code de procédure porte : « Tous
« jugemens par défaut seront signifiés par un huissier
« commis, soit par le tribunal, soit par le j"g e du
domicile du détaillant, que le tribunal aura désigne ».
L ’article 4 3 5 , plus spécialement applicable aux
tribunaux de c o m m e r c e r a les mêmes dispositions.
Ainsi il faut un huissier commis, et commis par le
tribunal ; le président n ’a aucun caractère pour donner
�( 56 )
cette commission. A u tribunal seul, la loi accorde une
confiance entière; elle veut l’huissier du choix du tri
bunal, et non celui indiqué par le président seul.
Elle pousse si loin la précaution à ce sujet, que lorsque
le tribumU qui rend le jugement, n’est point celui du
domicile du défaillant , elle n'indique pas le président
du Iribunal de ce domicile pour commettre l’huissier,
elle le confond avec tous les autres juges; elle dit que
l’huissier sera commis par le ju ge que le tribunal (ren
dant le jugement) aura désigné. Ainsi tout juge n’est
donc point appelé à donner cette commission. Il faut,
ou qu’elle émane du tribunal entier, ou d’ un juge spé
cialement désigné par lui.
Ce moyen serait incontestable, si on était obligé, ou
de l’appliquer à l’ordonnance d’ un président de Iribunal
civil, ou même à celle du premier président d’ une
Cour souveraine ; perdrait-il quelque chose de sa valeur
p a r l ’emploi qu’ on en fait contre l’ordonnance d’un pré
sident du tribunal de commerce,, d’ un juge d’attribu
tion, à qui la loi refuse l’exécution de ses jugemens;
d’ un président enfin qui n’a pas même d’hôtel?
Ainsi il n’y a point de signification du jugement du
i 3 avril 1 8 i i , au moins il n’y en a point de régulière;
donc l’appel qui en a été interjeté ’est venu dans les
délais.
M a i s , d ir a-t- on: vous aviez, formé opposition à ce
jugement ; vous y avez été déclaré non recevable, pour
ne vous être point pourvu dans la huitaine du procèsverbal d’apposition d ’afliche dé l ’extrait du jugement
que vousattaquez;or, la même raison qui a empêché de
recevoir
�( 57 )
recevoir votre opposition, doit également faire exclure
votre app el, parce que l’art. 44 3 du Code de procé
dure,, veut que le délai de l’appel, pour les jugemens
par défaut, courre du jour où l ’opposition n’est plus
recevable.
Cette objection, qui est la seule que l ’on puisse pré
senter, doit fournir au sieur P u ray les moyens les plus
puissans de cette partie de sa cause.
L ’art. 45 7 du Code de commerce dit : « que le juge« ment sera affiché et inséré par extrait dans les jour« n a u x , suivant le mode établi par l’art. 633 du Code
« de procédure civile. »
Il
ajoute : « qu’il sera susceptible d’opposition, pour
« le failli, dans les huit jours qui suivront celui de
« l’affiche. »
Voilà tout ce que l’on trouve dans le Code de com
m e r c e , à ce sujet.
L ’on conviendra bien, sans doute, que le jugement
de déclaration de faillite est susceptible d’opposition
et d’appel. Nous pouvons supposer que tout le monde
sera d’accord sur ce point.
Mais quel est l’acte qui fait courir les délais accordés
pour se pourvoir? Pour l’opposition , c’est incontesta
blement le procès-verbal d’affiche de l’extrait du juge
ment. P o u r L'appel, c’est encoie le procès-verbal d af
fiche , ou c ’est une signification particulière du juge
ment à domicile.
'
Si le procès-verbal d’affiche fait courir le délai de
l ’a p p e l, alors l’article 4 4 3 du Code de procédure est
applicable; mais dans ce cas, ce procès-verbal valant
�( 58 )
signification, doit être revêtu de toutes les formalités
exigées par la loi. Il faut sur-tout qu’il émane du mi
nistère d’un huissier commis par le tribunal, au désiu
de l’article i 56 du Code de procédure, qui est appli
cable aux significations de jugement de déclaration de
faillite , ainsi que l’a jugé un arrêt de la Cour.
Cela posé : le procès-ve rbal dont il s’a g it a été fait
par un huissier non commis p a r l e tribunal;on n ’a pas
même à cet égard la ressource d’une ordonnance du
président du tribunal de commerce. Colas, ministre de
cet a c te , n’avait aucune commission : donc cet acte est
nul, comme émanant d’ un officier sans caractère; donc
l’opposition et l’appel sont également recevables.
S i , au contraire, l’on convient, qu’outre le procèsverbal d’affiche, il faut encore une signification du
jugement à domicile pour faire courir le délai de l’ap
pel , il faudra également convenir, qu’en matière de
faillite, l’opposition et l’appel sont deux voies abso
lument distinctes, qui ne se suivent ni ne se succèdent,
mais s’ouvrent chacune au moment où est fait l’acte
qui fixe les délais dans lesquels elles doivent être e m
ployées; qu ainsi le délai de l’opposition commence
à courir de la date du procès-verbal, et celui de l’ap
pel, de la date de la signification ; alors l’article 44 3
du Code de procédure n est plus applicable, parce que
le principe qu’il établit est une censéquence de cet
autre principe, que la signification régulière du juge
ment est le point de départ des délais de l’opposition
et de ceux de l'appel.
�C 59 )
Ainsi Ton ne peut échapper à l’une de ces deux
conséquences :
Ou le procès-verbal d’affiches fait courir les délais
de l ’opposition et de l ’appel; dans ce c a s , le procèsverbal étant nul, l’opposition et l’appel sont également
recevables.
Ou il faut, pour faire courir les délais d’appel, une
signification du jug em e n t, à domicile; dans ce cas,
l ’article 448 du Code de procédure n’est point appli
cable ; et en supposant l’opposition non recevable, l ’ap
pel est venu à tems, puisque la signification du juge
ment est nulle.
A ces moyens qui paraissent suffisans , on peut
encore en ajouter d’autres aussi forts , et qui con
courent à prouver et l’irrégularité du pro cès-ver bal,
et le mal-jugé du jugement qui a accueilli la fin de
non
-recevoir proposée par les créanciers.
L ’article 16 7 du Code de commerce exige l’affiche
d’ un extrait du jugement; les principes et la juris
prudence veulent un procès-verbal constatant l’affiche
de cet extrait. Ainsi deux pièces sont indispensables,
Cextrait et le procès-verbal.
Les créanciers rapportent le procès - verbal ; ils ne
rapportent point l’original de l’extrait affiché; donc
la pièce principale, la seule qui puisse établir que ce
que la loi prescrit a été fait , n’existe pas.
Ensuite l’huissier a affiché un extrait certifié con
forme à l’expédition par les agens de la faillite.
Ce n’est donc pas l’huissier qui a vu l’expédition;
ce n ’est donc pas lui qui en a fait l ’extrait. Cepen
�( 6o )
dant lui seul avait caractère pour le f aire , et les
agens à la faillite, parties intéressées, ou représentant
les créanciers , ne pouvaient, dans leur propre cause,
délivrer un extrait pareil.
Ainsi tout se réunit pour repousser les fius de nonrecevoir qui sont opposées.
L a tâche que s’é tait imposée le sieur Puray est enfin
terminée. Il a montré sa cause dans tous ses détails.
Plein de confiance dans les lumières de la Cour, il n’a
dissimulé aucune de ses fautes; il a c a c h é , autant que
possible, celles d’autrui, et n’a dit que ce qui élail in
dispensable à sa défense.
Si ses créanciers n ’eussent été que rigoureux, il
e û t gardé le silence : mais ils sont injustes; ils a t taquent
sa réputation ; ils veulent flétrir son nom ; ils le pour
suivent jusque dans sa postérité.
L e sieur P u r a y est fils, époux et pè re , ces différens
titres lui font un devoir de se défendre. Il appartient
à une famille nombreuse ; quelques amis lui restent
encore. Les reproches qu’on peut lui faire ont été ap
préciés, et tout doit faire supposer qu’un examen ap
profondi des circonstances de cette affaire, conduira
l ’homme impartial à convenir q ue, comme beaucoup
d’autres évén em ens, elle montre que le plus malheu
reux n 'est pas toujours le plus coupable.
M . e J . n- C h . B A Y L E , Avocat.
M .e M A N D E T je un e, Avoué.
J - C . S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Puray. 1813?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Mandet
Subject
The topic of the resource
notaires
banquiers
Description
An account of the resource
Mémoire et consultation pour le sieur Puray, ex-notaire, appelant ; contre les sieurs Dubreuil, Brun, Versepuy, Guémy et autres, ses créanciers, intimés ; et contre les Syndicas à sa prétendue faillite, aussi intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1813
An 4-Circa 1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0619
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0620
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Rights
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Domaine public
banquiers
notaires
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53732/BCU_Factums_M0233.pdf
71020f039f7e2494bb57ca332f6e629a
PDF Text
Text
TRIBUNAL
MEMOIRE
EN
d ’a p p e l
,
séan tàR iom .
RÉPONSE,
POUR
et G i l b e r t L A N D RIE V E ,
père et fils, cultivateurs, habitans du lieu de
C h a r le s , P ie rr e
C h a n t a g r e t , commune d u P e y r o u z e , appelans
d ’un jugem ent rendu au tribunal d’arrondisse
ment de cette ville d e Riom, le 3 floréal an
et demandeurs en opposition ;
9,
C O N T R E
J A c q u e s B R U N E L D E P R I V E Z A C , pro
priétaire, habitant du lieu de Chauzy , commune
de B esset, département de l ' a l l i e r et
défendeur en opposition.
J a c q u e s Brunel de Privezac a afferme, le 8 germinal
an 4 deux domaines aux appelans , le prix de ce bail
A
�( a ) ‘
^
est de 3,000 fr. par année. Les appelans étoient précé
demment fermiers des mêmes objets depuis 1784', et le
prix de ce bail ancien n’étoit que de 1,300 fr. argent,
quarante - cinq livres de beurre et douze poulets pour
chaque année.
Les appelans ont demandé la réduction du nouveau
bail au prix de l’ancien, et leur notification a été faite
dans le temps prescrit par la loi.
Par une singulière fatalité, les premiers juges ont
refusé d’admettre la réduction demandée, et ont con
damné les fermiers à payer la somme de 3,000 fr. chaque
annee, pendant la durée du bail.
Les fermiers reclament contre ce jugement qui viole
ouvertement la disposition des lo is, et blesse tous les
principes de justice et d’équité.
L ’intimé qui affiche un grand désintéressement, a
des raisons personnelles pour ne pas désirer qu’on paye
toujours sans réduction ; il prétend néanmoins que le
jugement dont est appel est sage dans ses motifs, et juste
dans ses dispositions : il a cru devoir rendre sa défense
publique, et s’imagine que des déclamations bannales
contre les fermiers peuvent servir de moyens.
Les appelans se flattent au contraire de démontrer que
sa prétention est exagérée, et qu’en payant le prix du
bail ancien ils sont entièrement libérés.
FAITS.
L e 5 août 1784, un sieur T i ll y , propriétaire de deux,
domaines appelés de Chantagret et de Cornassat ; situéa
�( 3 )
#
Commune du Peyrouse, les donna à titre de ferme aux
appelans : ce bail fut consenti pour neuf années consécuti
ves, qui ne dey oient prendre cours qu’à compter du 24
juin 1788.
L e prix de la ferme est de 1,300 fr. par année ,
payables en deux termes égaux ; et pour droit de surv in e , les fermiers doivent payer en outre quarante-cinq
livres de beurre et douze poulets.
L ’intimé devenu acquéreur de ces deux domaines de
puis le 13 juillet 1790, avoit droit d’interrompre le bail
. en vertu de la loi JEmptorem ; mais il le trouva assez
avantageux pour ne pas user de cette faculté, et il en
perçut le prix pendant toute sa durée.
Quoique ce bail ne dût échoir que le 6 messidor
an 5 , néanmoins il voulut le renouveler un an avant ;
et le 8 germinal an 4 , il fut passé entre les parties un
nouveau bail pour neuf années, moyennant la somme
de 3,000 fr. par an. Il est dit que ce bail est consenti à
■prix d’argent, que la somme est payable en numéraire
ou valeur représentative : mais on verra que cette énon
ciation , dont l’intimé voudroit abuser, ne peut être
d’aucune importance; elle ne s’appliquoit qu’aux man
dats qui devoient être reçus comme espèce m étallique,
d’après la loi du 8 ventôse précédent.
Bientôt les mandats furent retirés de la circulation ;
il falloit dès-lors concilier les intérêts divers, et déter
miner la nature des engagemens de ceux qui avoient
contracté pendant les assignats ou les mandats.
L e législateur s’occupa principalement du prix des
fermages, et la loi du 9 fructidor an 5 , art. V I } régla
A a
�( 4 )
.
tpae tous les baux qui avoient été passés entre la publi
cation de la loi du 4 nivôse an 3 , portant suppression
du m axim um , et celle de la loi du 5 thermidor an 4?
seroient sujets à réduction, c’est-à-dire, que le prix en
seroit réduit à celui des baux existans en 1790.
Une loi postérieure du 6 messidor an 6, veut, art. II,
que tous baux stipulés en tout ou partie à pi'ix d’ar
gen t, passés entre le Ier- janvier 1792 et la publication
de la loi du 5 thermidor an 4 , soient susceptibles de
la i-éduction mentionnée en l’article V I de la loi du 9
fructidor précédent, quelques expressions ou dénomi-,
nations de monnoie qu i y aient été employées.
Les appelans avoient fait leurs diligences avant l’émis
sion de cette dernière loi. Dès le 9 vendémiaire an 6
ils firent signifier au domicile de l’intimé un acte par
lequel ils déclarèrent qu’ils enlendoient profiter du bé
néfice de la loi du 9 fructidor an 5 , et réduire le prix
du bail du 8 germinal an 4 , à celui du bail qui existoit en 1790.
Cette notification n’arrêta point le citoyen de Privezac.
Iæ 16 nivôse an 6 , il fit commandement à ses fermiers
de lui payer la somme de i,5oo fr. en num éraire, pour
le premier terme échu le 21 brumaire précédent.
Les fermiers , pour éviter des poursuites plus rigou
reuses , se déterminèrent à faire un acte d’offre au domicile
du cit. de Privezac , le 21 nivôse an 6 ; i°. de la somme de
65o fr. pour la moitié du prix du bail du domaine existant
en 1790; 20. de la somme de 42 fr. pour la valeur de
la dîme ; 30. 6 fr. 5o cent, pour les frais du commande
ment ; total 698 fr. 5o cent.
�( 5 )
_
Refus de recevoir : citation au bureau de paix en réa
lisation et validité d’offres ; assignation au ci-devant tri
bunal civil du département du Puy-de-D ôm e, pour voir
dire que conformément aux art. V I et I X de la loi du
6 fructidor an 5 , et en conséquence de la demande en
réduction, le prix du bail du 8 germinal an 4 demeu
rerait fixé à la somme de 1,300 fr. d’une part, comme
faisant le prix du bail existant en 1790, à celle de 42 fr.
d’autre, pour la valeur de partie de la dîme, dont les
fermiers devoient compte, et pour voir donner acte de
la réitération des offres; à défaut de les recevoir, per
mission de consigner les sommes offertes.
U n premier jugement par d éfau t, du 27 messidor
an 7 , adjugea les conclusions des appelans.
L a cause n’ayant pu être vidée sur l’opposition du
citoyen de Privezac , il fit citer ses fermiei's au tribunal
d’arrondissement de cette com mune, pour procéder sur
cette opposition.
L a cause portée à l’audience , il y est intervenu, le
3 floréal an neuf, un jugement contradictoire q u i, sans
s’arrêter à la demande en réduction du prix du bail
du 8 germinal an 4, dans laquelle les fermiers sont déclarés
non-recevables , ordonne que le bail du 8 gei’minal an 4
sera exécuté selon sa forme et teneur jusqu’à son expi
ration ; que les poursuites commencées seront continuées:
les fermiers sont condamnés en tous les dépens ; et il est
ordonné que le jugement sera exécuté nonobstant oppo
sition et sans préjudice de l’appel.
Ce jugement est principalement motivé sur ce que les
fermiers n’ont donné aucun effet à la réduction par eux
A 3
�(
6
)
demandée, enne faisant poiiitles
offres des arrérages échus,
d’après les formes voulues par les lois subséquentes.
O n prétend que l’article V III de la loi du 6 mfessidor
an 6 n’autorise la demande en réduction, qu’autant que
les fermiers payent préalablement tous les termes des baux
échus antérieurement à la demande : on ajoute que, dans
l’espèce, le's fermiers n’ont point fait des offres de tous les
termes échus à cette époque; on en conclut qu’ils n’ont
point satisfait à la loi du 9 fructidor an 5 , ni à ce qui
étoit ordonné par celle du 6 messidor an 6.
Les fermiers ont interjeté appel de ce jugement; et
pour ne pas plaider les mains garnies , ils ont, le 4 floréal
an neuf, renouvelé au domicile du citoyen de Privezac
les offres qu’ils lui avoint déjà faites, en y ajoutant tous
les termes échus.
L ’intimé n’a pas cru devoir se rendre à ces nouvelles
offres ; il a fait signifier de nouveau le jugement portant
nonobstance, avec sommation de se trouver au greffe
pour y voir présenter sa caution, et pour éviter des
poursuites plus rigoureuses. lies appelans ont présenté
requête au tribunal pour demander acte des offres réalisées
sur le bureau de l’audience delà somme de 6,362francs
90 centimes : il a été rendu sur cette requête un jugement
qui donne acte de l’appel et des offres , renvoie les parties
à une audience extraordinaire , toutes choses jusqu’à ce
demeurant en état.
Ce jugement a été notifié au citoyen de Privezac ; et,
le 6 thermidor an 9 , jugement contradictoire qui
dorme aux appelans acte de leurs offres, acte au citoyen
de Privezac de ce qu’il offre de recevoir à' bon compte
,
•
-
.
�C7 )
et sans aucune approbation préjudiciable; le surplus des
moyens respectifs demeurant réservé aux parties : c’est
en cet état que se présente la cause.
Pour prouver que le jugement dont est appel, est con
traire à la disposition des lois , et qu’il y a nécessité de
le réform er, il est essentiel d’analyser les différentes lois
rendues sur les fermages ; e t , quoiqu’en général on puisse
reprochera ces lois une grande obscurité dans la rédaction,
leurs dispositions ne sauroient être plus claires relative
ment à la question particulière qui divise les parties.
L ’article X de la loi du 9 messidor an 4 , porte « que
» les prix des baux non stipulés en denrées et qui ont
» été passés postérieurement à la publication de la
» loi du 4 nivôse an 3 , qui ¿1 levé le m axim um ,
» seront réduits au prix du bail précéden t, en y ajou» tant la valeur des dîmes et autres charges supprimées,
» conformément à la loi du 10 avril 1791 , et autres.
» S’il n’existoit pas de bail antérieur , ajoute le
» même article , le prix du nouveau bail sera réglé
» par experts , valeur de 1790 ; dans les deux cas, le
» prix de ce nouveau bail sera payé de la même manière
» que le seroit celui d’un bail passé en 1790. »
L ’article V I de la loi du 9 fructidor an 5 , dit « que ,
» si le bail a été passé entre la publication de la loi
» du 4 nivôse an 3 , portant suppression du m axim um ,
» et celle de la loi du 5 thermidor an 4 , le prix doit
» en être réduit à celui du bail existant en 179°* a
L ’article V II de la même loi veut « que l’on com
» prenne dans le prix, outre l’évaluation du prix de 1790,
a la valeur des dîmes et autres charges supprimées pair
'’
A 4
�.
.
( 8 )
■
.
» la loi du io avril 1790 , et autres, et dont étoient
»
»
»
»
tenus les ferm iers, ainsi que les sommes q u i, promises,
soit à titre de pot de v in , soit par contre-lettres, soit
de tout autre manière, seront inconnues avoir fait dans
le temps partie dudit prix. »
Enfin , l’article IX de cette même loi porte « qiie les
» b au x , soit à ferme, soit à portion de fruits dont une
» partie de loyer a été stipulée à prix d’argent , sont
» soumis pour cette partie du prix et suivant le cas, aux
a dispositions des articles précédens , dans lesquels se
» trouve compris l’article Y I précité. »
Il est ajouté « que la somme stipulée en argent dans
» le nouveau bail sera réduite à celle portée dans le bail
» existant en 1790 , augmentée de la valeur des objets
» mentionnés en l’article V I I , si la quantité des fruits
» ou denrées promises, est la même dans l’un et dans
» l’autre. »
'
L ’article I I de la loi du 6 messidor an 6 , « comprend
» dans l’article V I la loi du 9 fructidor an 5 , et regarde
» comme susceptibles de la réduction mentionnée audit
» article tous baux stipulés en tout ou partie à prix
» d’argent, passés entre le I er. janvier 1792 et la publi» cation de la loi du 5 thermidor an 4 , quelques ex
» pressions et dénominations de monnoie q u i y aient
» été employées. »
L ’article V III veut « que les fermiers qui provoque
» roient la réduction du prix de Leur b ail, ne le puissent
» à peine d’être déclarés non - rccevables , que clans le
55 mois qui suivra la publication de la présente, et qu’en
» payant dans le même mois , ou au propriétaire } ou
�( 9 )
_
» au receveur du domaine , suivant les-cas, soit le mon
» tant des termes échus suivant le montant du bail de
» 1790, soit à défaut de bail ou dans le cas de l’arti» cle V , quatre fois la contribution foncière de l’an 5 , des
» objets dont il s’a g it, sauf à compter et parfaire , ou
» même à répéter, s’il y a lieu, lors de la liquidation dé
» iinitive. »
T elle est l’analyse des différentes lois sur les fermages;
on a cru devoir la présenter de suite pour ne pas inter
rompre la discussion , et en faire plus facilement l’appli
cation au cas particulier.
Il s’agit d’examiner si les appelans ont satisfait à la
disposition de ces lois , et si le défaut d’exécution de
l’article V III de la loi du 6 messidor, peut être opposé
avec succès aux appelans , et faire obstacle à leur demande
en réduction?
Point de doute d’abord sur la faculté de réduii’e.
L e bail est du 8 germinal an 4 , par conséquent il a été
passé antérieurement à la loi du 5 thermidor an 4 ,
époque déterminée pour la réduction.
lia dénomination argent ou de numéraire ne change
pas la nature des engagemens : déjà l’article IX de la
loi du 9 fructidor an 5 , l’avoit ainsi expliqué et déter
miné , et l’article II de la loi du 6 messidor an 6 , 11e
laisse plus d’équivoque à cet égard.
Maintenant il faut se lixer sur l’époque de la demande
en réduction qui a été formée par les appelans , et ne
pas perdre, de vue que la notification par eux faite est
du 9 vendémiaire an 6 ', c’est-à-dire, antérieure à la loi
du. 6 messidor.
“
A 5
�L ’acte d’offre, la citation au bureau de paix , l’assi
gnation au tribunal c iv il, ont également précédé l’émis
sion de la loi du 6 messidor , puisque tous ces actes sont
du mois de nivôse an 6.
Ils ont tous été faits en exécution de la loi du 9 fruc
tidor an 5 , en exécution des articles Y I et IX cle cette
loi qui n’astreignoit point les fermiers pour obtenir la
réduction à faire des offres des termes éclius.
Cependant même avant la loi du 6 messidor, ils avoient
fait des offres de la moitié du pi'ix du bail précédent :
c’étoit alors tout ce qu’il y avoit d’écliu ; ils avoient donc
satisfait même au delà de ce que la loi du 9 fructidor
sembloit exiger.
V ouloir astreindre les fermiers à l’exécution de l’ar
ticle V III de la loi du 6 messidor, c’est alors donner évi
demment un effet rétroactif à la loi ; c’est lui faire régler
pour le passé ce qu’elle n’a voulu déterminer que pour
l’avenir. En effet , la loi ne parle que des fermiers qui
n’ont point encore fait de diligences ; elle veut que ceux
qui n’ont pas encore provoqué la réduction de leur bail,
ne le puissent faire que dans le mois qui suivra la pu
blication , et qu’en payant dans le même mois au pro
priétaire le montant des termes éclius d’après le bail
existant en 1790.
Mais les fermiers qui s’étoient déjà mis en règle, qui
avoient manisfesté leur intention de réduire, conformé
ment à la loi du 9 fructidor an 5 , ne sont point astreints
à la même obligation ni aux mêmes délais. L ’article X
de la loi du 9 fructidor an 5 , n’obligeoit les fermiers
qu’à la formalité de demander cette réduction par écrit,
dans le mois de la publication.
�( 11 )
L ’article X I de la même loi donnoit dans ce cas au
propriétaire la faculté de résilier, si la réduction blessoit
ses intérêts , et en avertissant le fermier dans les deux
mois de la même loi du neuf fructidor.
Cette loi du 9 fructidor n’exige pas le payement des
arrérages : faculté de_ réd uire, faculté de résilier ; voilà
tout ce qu’elle accorde.
La notification des appelans est du 9 vendémiaire
an 6 ; c’est-à-dire , qu’elle est dans le mois de l’émission,
et avant celui de la publication. Ainsi , il ne faut donc
consulter que la loi du 9 fructidor, celle du 6 messidor
est étrangère à l’espèce : ce n’est qu’une loi additionnelle
toujours favorable aux ferm iers, qui proroge encore le
délai de la notification , mais qui aggrave la condition
de ceux qui ont été négligens , en les contraignant de
payer tout ce qui est échu.
D ’ailleurs les appelans, au moment de leur acte d’offre
du 21 nivôse an 6 , ayant offert la moitié du prix du
bail antérieur, offroicnt tout ce qui étoit échu. Leur
bail a commencé le 24 juin ; il étoit payable en deux
termes égau x, l’un au jour de Noël , le second au jour
de St. Jean , et il est clair qu’à l’époque du 21 nivôse
an 6 , qui représente le 11 jan vier, il n’y avoit que le
premier terme d’échu ; c’est-à-dire , la moitié du prix
du bail ; par conséquent les fermiers ont offert tout ce
qu’ils devoient, même dans le sens de la loi du 6 ther
midor.
Comment donc concevoir d’après des raisonnemens
aussi simples, le jugement dont est appel qui oblige les
fermiers à payer 3,000 francs par année, pour un bail
�.
.
^ 12 ) .
qui, avant le papier monnoie, n’étoit que de 1,300 francs,
et qui a été augmenté de plus de moitié ?
Les fermiers, dit-on, n’ont donné aucun effet à leur
demande en réduction , dès qu’ils n’ont pas offert les ar
rérages échus, d’après les formes voulues par les lois
subséquentes ; et on explique qu’on entend par lois sub
séquentes, l’article V H I de la loi du 6 messidor.
M a is, d’une part, on a démontré que cette loi sub
séquente n’avoit aucun rapport avec les appelans qui
avoient fait leurs diligences antérieurement à sa publi
cation , et en vertu d’une loi différente. D ’un autre côté ,
on a prouvé qu’au moment des offres les fermiers avoient
offert tout ce qui étoit échu.
M ais, dit-on, lors du jugement du tribunal civil, les
fermiers n’ont pas oiï’e rt ce qui étoit échu à cette époque.
Ce motif est bien extraordinaire : la loi même du 6 mes
sidor n’astreignoit qu’au payement des termes échus à
l’époque de la notification ; elle n’obligeoit point de
faire à chaque échéance de nouvelles offres ; si la discus
sion se prolongeoit ; et si, lors du jugement du tribunal
civil qui a été rendu en thermidor an 7 , il étoit échu
d’autres termes, l’intimé pouvoit en faire prononcer la
condamnation, et même obtenir des dépens contre les
fermiers débiteurs. A u lieu de former sa demande, il
s’est laissé condamner par défaut ; les appelans 11e pouvoient donc encourir aucune peine, et, rien ne les obligeoit à faire de nouvelles olires.
Il est plus difficile d ’expliquer pourquoi on reproche
dans ces motifs aux appelans de n’avoir pas renouvelé
leurs offres à domicile. L ’acte d’offre du 21 nivôse a n 6 j
�( i3 )
étoit fait au domicile du citoyen de Privezac; il y a eu
refus de recevoir ; il n’étoit donc pas nécessaire de re
nouveler à dom icile, il suffisoit de les reitérer à l’au
dience ; et c’est ainsi que cela a toujours été pratiqué.
Les motifs du jugement une fois écartés, il n’est plus
question que de discuter les moyens proposés par l’intimé;
et on va voir qu’ils n’ont rien de spécieux.
D ’abord, l’intimé présente de prétendus motifs de
considération ; suivant lui les Landriève ont fait une
grande fortune dans cette ferme : il auroit trouvé le
''meilleur moyen d e là dim inuer, ou d e là détruire, s’il
pouvoit se faire payer, pendant neuf années, une somme
de 3,000 francs pour deux domaines qui n’étoient af
fermés auparavant que 1,300 francs par année.
Il prétend aussi que le sieur T i ll y , peu soigneux dans
ses affaires, répandu à la cour et livré aux plaisirs, faisoit peu d’attention à la valeur de ses biens, s’en rapportoit à des gens d’affaire , ou recevoit à l’avance des
sommes considérables de la part de ses fermiers.
Mais ces allégations ne sont que ridicules ; elles ne sont
appuyées sur aucun adminicule de preuves, et les appelans
ont toujours désavoué d’avoir payé par anticipation aucun
pot de vin ; ils ont soutenu que les domaines étoient
portés A leur juste va le u r, et que le prix du premier
bail ne leur promettoit aucun bénéfice.
L ’intim é, aii fond , examine deux questions : la pre
mière , celle de savoir si le bail du 8 germinal an 4
est sujet à réduction ; et la seconde, si les Landriève sont
l'ccevables ¿1 la proposer. Il observe judicieusement que
fin de non-recevoir doit être examinée lu prem ière,
�( H )
parce que la question principale seroit surabondante, si
les Landriève étoient non-recevables.
L ’intimé convient cependant que la demande en ré
duction a é.té signifiée dans un temps utile ; mais, sui
vant l u i , une demande n’est que le commencement d’une
contestation : on ne sait pas trop où il veut en venir
avec cette distinction, Il faut toujours commencer par
demander; mais au moins le jugement doit toujours se
reporter à la demande.
U n des grands griefs contre cette demande, c’est que
l ’exploit n’est pas signé des fermiers, ni d’un fondé de
pou voir; l’huissier, dit-il, ne présente aucune assurance
en cas de désaveu , et les Landriève auroient pu s’en
moquer impunément.
C ’est la première fois qu’on a imaginé de prétendre
qu’il falloit signer un exploit pour constituer une de- „
mande : comme il y a beaucoup de gens qui ne savent
pas signer , il faudroit en tirer la conséquence que toutes
les personnes illitérées n’ont pas capacité de former une
demande, ou de faire donner un exploit.
. L ’intimé ajoute qu’il n’y avoit rien de terminé entre
les parties, loi'squ’a paru la loi du 6 messidor an 6; et
quoiqu’ils fussent en litige au tribunal civil du Puy-deD ôm e, il n’y avoit encoi'e rien de réglé, ni par les par
ties , ni par les tribunaux.
O r , dit-il, l’article X V de la loi du 6 messidor an 6 ,
porte que toute contestation non définitivement terminée
sera jugée en conformité de la présente loi. Si l’ail’aire doit
ctre jugée en conformité de la loi du 6 messidor, les fer
miers doivent donc offrir tous les arrérages échus \ et c’est
ce qu’ils n’ont pas fait.
�( x5 )
Il se présente deux réponses péi^emptoires à cette ob
jection ; et d’abord les appelons eux-mêmes peuvent in
voquer avec succès les dispositions de cet article, relati
vement î\ la dénomination de numéraire qui a été em
ployée dans le prix du bail. Cette loi d it, article I I , que
le bail sera toujours sujet à réduction, quelques expres
sions et dénominations de monnoie qui y aient été em
ployées ; donc le citoyen Privezac ne peut pas dire que,
parce qu’il s’est servi de l’expression num éraire, le bail
ne peut pas être réduit.
Mais c’est aller trop lo in , que de soutenir que les fer
miers doivent offrir tous les termes échus ; il suffirait
qu’ils se fussent conformés à la loi précédente du 9 fruc
tidor an cinq : on a vu que l’article V III de la loi du
6 messidor , en exigeant le payement des termes échus,
n’avoit entendu parler que des fermiers qui jusques-là
ü’avoient fait aucune diligence.
D ’un autre côté, les Landriève, lors de leur acte d’offre,
avoient offert tout ce qui étoit. échu à cette époque,
quoiqu’ils n’y fussent pas obligés , et le citoyen Privezac
est forcé d’en convenir. M ais, d i t - i l , ces offres n’ont
été faites ni à ma personne, ni à mon dom icile, quoique
le prix du bail fût payable à mon domicile; elles ont été
faites au domicile par moi élu chez le citoyen B ru n , et
des offres réelles ne peuvent être valablement faites à un
domicile élu.
Quelque prépondérance qu’ait l’autorité de Denisart
sur laquelle le citoyen de Privezac s’appuie, ce ne seroit
point i\ lui à proposer une semblable objetiou. L e citoyen
de Privezac a changé cinq ou six lois de domicile pendant
�'
,
.
(i6)
.
la révolution ; et comme il n’a pas toujours été en de
mandant , plusieurs de ses créanciers ont éprouvé souvent
l’embarras de ses changemens de domicile : mais il n’est
pas exact lorsqu’il annonce que le prix du bail est payable
à son domicile. L ’article X V - du bail du 8 germinal an 4
porte que le beurre, ou les poulets que doivent les fermiers
pour survine , seront conduits à Riom ou à C lerm on t,
ou à une distance égale ; et l’article X V I dit que la
somme de 3,000francs, formant le prix du bail, sera payée
par eux aux lieux portés ci - dessus : ce n’est donc point
au domicile que Privezac a pris dans le département de
l’A veyron , que les fermiers doivent porter le prix du
bail.
D ’un autre côté, la notification en réduction du 9 ven
démiaire an 6 a été faite en la commune de Pagas, dé
partement de l’A veyron , en parlant au fils de l’intimé.
Lors de son commandement du 16 nivôse an 6, l’intimé
a élu domicile, pour une décade, chez le citoyen Jean
B run , cultivateur du lieu de la Maison-Neuve, commune
du Peyrouze près Montaigut ; et c’est à ce domicile
que les fermiers ont fait les offres le 21 nivôse an 6, le
cinquième jour du commandement, et avant l’expiration
du délai pendant lequel il y avoit domicile chez le citoyen
Brun.
Enfin , le citoyen Brun a répondu à l’acte d’offre, qu’il
n’avoit aucun pouvoir de B runei, et que cela ne le concernoit pas; et lorsque les appelans ont fait citer Brunei
au bureau de paix du canton de M ontaigut, pour voir
déclarer les ofires valables, et en cas de refus, qu’il fût
permis de consigner, Privezac a comparu par Desmaroux,
�C1 7 )
son fondé de pouvoir, et a persisté dans la réponse faite
par le citoyen Jean Brun.
Sur l’opposition formée au jugement du tribunal civil du
27 thermidor an 7 , le citoyen Brunei a assigné les appe
lons au tribunal d’arrondissement de Riom ; il a donc
reconnu, et le domicile par lui é lu , et la juridiction du
tribunal d’arrondissement : mais ensuite, en renouvelant
son opposition par exploit du 5 frimaire an 9 , il n’est
plus domicilié dans le département de l’A v e y ro n , il élit
domicile dans la commune de Cliauzy , département
d’A llier.
.
Comment pourroit-on saisir le citoyen Brunei avec des
changemens de domicile aussi fréquens ? Voudroit-il que
les offres eussent été faites aux lieux où le prix du bail
étoit portable ? c’est à Riom ou ù Clerm ont, ou à une
distance égale, et sans aucune désignation que l’indication
qu’il voudroit en faire. V o u d r o i t - i l que les fermiers
allassent au lieu de Pagas , département de l’Aveyron ?
mais il se dit tantôt domicilié de l’A v e y r o n , tantôt du
département d’A llie r , suivant l’intérêt qu’il a à em
barrasser ses créanciers ou ses débiteurs, comme il l’a fait
pour les héritiers Tassy qui ne savent où le prendre.
En un m ot, le bail est fait en la commune du Peyrouze
près Montaigut ; point d’indication déterminée pour
le lieu du payement-, élection de domicile chez le citoyen
Jean Brun-, c’est donc là ou ces fermiers ont dû s’adresser;
et il peut d’autant moins s’en plaindre, qu’il a connu l’acte
d’oifre , qu’il a comparu au bureau de paix sur la citation
par tout autre fondé de pouvoir que B ru n , et qu’il a
adhéré à la réponse de Brun.
�,
( 18 )
En un m ot, la loi qui ordonne que les offres seront
faites au domicile du créancier, doit être entendue civile
ment : elle n’a pas exigé l’impossible , elle a voulu prin
cipalement favoriser la libération ; et il est absurde de
prétendre qu’un débiteur soit obligé d’aller faire des offres
à deux cents lieues, lorsqu’il n’y a point d’indication
précise pour le payement, et lorsqu’il y a un domicile élu
dans le lieu où sont situés ces immeubles affermés.
O n ne peut pas reprocher aux appelans le défaut de
consignation de leurs offres ; il y a toujours eu litispen
dance sur la suffisance ou la validité de ces mêmes offres,
rien de déterminé à cet égard jusqu’au jugement définitif:
et comment consigner, lorsqu’il y a toujours des doutes ?
Les appelans ont réitéré leurs offres après ce jugement ;
l ’intimé a reçu à bon compte ; les appelans ne plaidoient
donc pas les mains garnies comme voudroit le prétendre
le citoyen de Privezac.
Telles sont les fins de non-recevoir singulières qu’oppose
le citoyen Privezac à ses fermiers. Bientôt par une con
tradiction choquante, et tout en invoquant la loi du 6
messidor an 6 , il vient dire q u e , dès qu’il a stipulé le
payement en num éraire, il ne peut pas y avoir lieu à la
réduction ; il croit appitoyer sur son sort en disant qu’il
a du compter sur 27,000 francs , et qu’il ne toucheroit
que i i , 5oo francs dans le sens du bail de 1784 : cette
différence, d it-il, seroit énorm e, et vaut bien la peine
qu’il résiste aux prétentions déloyales des Landriève.
Mais Icsljandriève n’ont promis 3,000 francs par année,
que parce qu’ils devoient croire qu’ils payeroient en
mandats; mais ils n’ont promis 3,000 francs, qu’à raison
�( 19 )
de la progression survenue dans les denrées pendant
l’émission du papier-monnoie ; et aujourd’hui que tout
est rentré dans l’ordre, on ne peut exiger d’eux que la
juste valeur des immeubles affermés. L a loi a prononcé ,
les appelans ont satisfait à la loi ; et le jugement qui les
condamne présente une contravention manifeste à la
disposition des lois de la matière.
s
Par conseil, PAGES ( de Riom ), anc. jurisconsulte.
BAY L E ,
avoué.
A R io m , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur
du Tribunal d’appel. — A n 10.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Landriève, Charles. An 10]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Bayle
Subject
The topic of the resource
bail à ferme
loi Emptorem
conflit de lois
cadastre
bail
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Charles, Pierre et Gilbert Landriève, père et fils, cultivateurs, habitans du lieu de Chantagret, commune du Peyrouze, appelans d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de cette ville de Riom, le 3 floréal an 9, et demandeurs en opposition; contre Jacques Brunel de Privezac, propriétaire, habitant du lieu de Chauzy, commune de Besset, département de l'Allier, intimé et défendeur en opposition.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 10
1784-An 10
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0233
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0234
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Peyrouse (63187)
Paris (75056)
Chantagret (domaine de)
Cornassat (domaine de)
Rights
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Domaine public
bail
bail à ferme
cadastre
conflit de lois
loi Emptorem
-
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« ' X
MEMOIRE
POUR
Me
C laude
A N G L A D E
,
N o taire
Royal
A la Résidence de Cournon , Canton du Pont-du-Château,
Appelant d’ un Jugem ent rendu au T ribu n al C ivil
do C le rm o n t.lc 7 Juin 1832;
CONTRE
M-
J e a n -B a p tis te
DESM ANÈCH ES,
Ayant Résidence fixée par sa Com mission, dans la Commune de Lempdes ,
Canton du P ont-du-Chateau ; mais de fait ayant établi son Domicile et sa
Résidence Notariale à C o u b n o n , intimé.
LE Notariat est une des institutions qui honorent le plus
les sociétés modernes elle maintient la paix au sein des
familles et entre les particuliers, aussi, le législateur s’estil efforcé d’établir cette profession sur des bases, et de l’as
sujettir à des règles qui fussent la garantie des citoyens ,
et assurassent aux Notaires la considération et la juste ré
compense dues à leurs honorables travaux.
Les Notaires ne devaient point être en trop petit nom
b re, il était effectivement à craindre qu’ils abusassent de
la nécessité de recourir à e u x il y avait également danger
1
�Vi créer des offices en nombre supérieur au service des po
pulations 5 devant nécessairement arriver qu’une profes
sion dans laquelle l ’intelligence, l’instruction, l’exactitude
et la probité ne sont plus des moyens suffisans de prospé
rité, fût bientôt abandonnée des, hommes hounêtes , et
livrée à ceux qui n’attendent leurs succès que de l'activité
de leurs intrigues, et de la multiplicité de leurs exactions.
A u s si, la loi du 25 ventôse an xi fixe-t-elle le nombre ,
le placement et la résidence des Notaires, et imposet-elle à chacun d’eux le devoir impérieux de résider
dans le lieu qui lui a été fixé par le gouvernement.
M e Desmanèches a cru pouvoir s’affranchir de cette
règle , bien certainement établie tant pour l’avantage de
la société , que dans l'intérêt des Notaires en particulier.
Seul Notaire à la résidence de Lem pdes, il est venu fixer
son domicile ré e l, et sa résidence notariale à Cournon,
résidence pour laquelle M e Anglade est seul commis
sionné ; et non content de cette infraction, le sieur Des
manèches a encore signalé sa présence ù Cournon par une
série défaits manifestant le dessein de nuire, et ayant porté
préjudice à M* Anglade.
Ce dernier devait se plaindre , non seulement de cette
infraction à la loi, mais encore de cette série de faits con
stituant plus qu’une fraude ordinaire, improprement
qualifiée quasi-délit, par le Code civ il, et que notre an
cien Droit renfermait dans l’expression aussi vraie qu’é
nergique maleficia\ faits h l’aide desquels M® Desmanè
ches a enlevé à M ' Anglade son existence notariale, h la
quelle cependant la loi du 28 avril 1816 a justement attri
bué les caractères de la propriété.
M* Anglade a usé de son double droit: il s’est plaint à
�M . le.Garde des Sceaux, de ce que M e Desmanèches ne
tenait point sa résidence; il a en outre formé contre ce
dernier une demande en dommages-intérêts, et a offert
la preuve des faits propres à la justifier.
M* Anglade n’a encore obtenu aucune satisfaction; la
loi est demeurée, pour lui, un principe stérile, une des
cription insignifiante et sans action: M . le Ministre a ren
voyé à statuer sur la plainte en contravention, jusqu’au
moment où les faits allégués à l’appui de la demande' en
dommages-intérêts auraient été éclaircis par l’instruction
judiciaire; et le tribunal civil de Clermont, après vingtsept mois d’attente, a donné acte au sieur Anglade de ses
réserves, c’est-à-dire, de sa plainte à M . le Garde des
Sceaux, et l’a déclaré non recevable dans sa demande.
Ce jugement nécessitera l’examen de trois questions
principales :
i° La loi du 28 avril 1816 a-t-elle donné aux offices de
Notaire les caractères de la propriété ?
a8 La résidence faisant essentiellement partie du titre ,
le seul Notaire d’une résidence a-t-il action pour empêcher
le Notaire d’une autre résidence, de venir établir son m é
nage et son étude dans la sienne; cette infraction donnet-elle ouverture à une demande en dommages-intérêts
contre le contrevenant ?
3*Les faits imputés à M* Desmanèches présentent-ils des
caractères de quasi-délits, de fraude et de méfaits donnant
lieu à réparation civile; et sous ce rapport, la preuve de*
vait-elle être ordonnée ?
�'J
-
4 -
FAITS.
Cinq offices de Notaire ont été conservés pour les b e
soins de la population du canton du Pont-du-Ghâteau :
trois de ces Notaires résident au Pont-du-Ghâteau; la com
mission de M® Desmanècliesfixe sa résidence à Lempdes,
et M* Anglade est le seul Notaire à la résidence de Cournon.
La population de Cournon est plus considérable que
celle de Lempdes j et comme l’art. 34 de la loi du 25 ven
tôse an xi pose en principe que lè cautionnement doit
être fixé en raison combinée de la population du ressort
et de la résidence de chaque Notaire, le cautionnement
du Notaire de Cournon a été porté à 2,000 fr., et celui du
Notaire de Lempdes à i,8oo francs.
Avant la réduction opérée en vertu de l’ordonnance du
i er septembre 1824, il existait à Cournon trois notaires,
du nombre desquels était M* Desmanèclies, père de l’in
timé. Ce Notaire vint à décéder; et son fils étant trop
jeune pour lui succéder, le principe de la réduction dût
atteindre cet office; ce fut alors que le sieur Desmanèclies
épousa la fille du Notaire de Lempdes, et devint, par suc
cession, Notaire à celte résidence.
La mort de M e Boyer, autre Notaire , opéra une nou
velle réduction ; et dès-lors, M* D oly fut le seul qui eut sa
résidence notariale dans la commune de Cournon.
M* D oly est décédé en 1825 : M ' Tibord acquit son
étudele 1 rjuillet 1827; alors M* Anglade étaitpourvu d’une
étude de Notaire h Plerment ; mais une ordonnance du
roi, du 2G décembre 1827, ayant autorisé la permutation
de ces deux offices , M* Anglade devint Notaire à la rési
�— 5 —
dence de Cournon, moyennant la somme de 23,ooo ir.
Ce capital était toute la fortune de M* Anglade, qui
l ’avait acquise par des travaux aussi honorables qu’assidus,
et conservée par la plus stricte économie. En en faisant le
sacrifice pour l’acquisition d’une étude, il devait croire
qu’il assurait à sa famille et à lui-même des moyens d’exis.
tence sufiîsans,et que ses travaux lui permettraient encore
de donner à ses enfans une éducation convenable. Gom
ment n’aurait-il point eu cette certitude, lorsque sa com
mission le nommait seul Notaire à la résidence de Cournon \ et que d’ailleurs les statuts et règlemens de la com
pagnie des Notaires de Clermont, dont il avait l’hon
neur de devenir membre, défendaient expressément ,
(conformémentà la loi du a5 ventôse an xi), àtoutNotaire
du ressort, d’avoir sa résidence dans un lieu autre que celui
fixé par l’acte de sa nomination-, comme aussi, d’avoir
habituellement, et d’indiquer à des époques périodiques
un cabinet d’affaires dans une commune autre que sa ré
sidence ? Etait-il permis de penser qu’un Notaire se per
mettrait d’enireindre tout-à-la-fois et une disposition lé
gale et un engagement d’honneur envers ses confrères j
qui aurait pu croire surtout, que la Cham bre, gardienne
et conservatrice naturelle des intérêts du Notariat, pût
laisser sans repression des faits aussi nuisibles aux intérêts
moraux et matériels de cette honorable profession ?
M e Anglade, dès son entrée en exercice, a acquis la
cruelle certitude qu’il s’était complètement abusé. Il a
trouvé M e Desmanèclies, Notaire à la résidence deLem pdes, en pleine possession de celle de Cournon ; domicile
r é e l, étude ouverte dans sa propre maison, dépôt des mi
nutes , exercice complet et public de la profession de
�— 6 —
Notaire, tels sont les faits que M e Desrnanèclïes a cru pou
voir se permettre, et à l’aide desquels, de 1814 à 1829, il
a reçu, dans la résidence de Cournon, /¡,o84 actes, tandis ,
que pour Lempdes, sa véritable résidence, il n’en a reçu,
pour le même espace de temps, que 3, 348.
L e préjudice éprouvé par M e A n glade, et celui qu’il
devait craindre dans l’avenir, étaient également évidens ;
il dut donc recueillir les renseignemens propres à éclairer
les diverses autorités qui pouvaient, ou réprimer cette
infraction, ou lui accorder la juste réparation de la perte
qu’il avait souffert.
Une recherche attentive mit bientôt M e Anglade en
'état d’articuler les faits suivans :
i° M eDesmanèches est propriétaire d’une maison à Cournon, où il habite habituellement avec sa famille, et tient
son seul ménage : dans cette maison, est un appartement
destiné à l’étude de Notaire; là, M e Desmanèchesa placé
un bureau et établi des rayons et des placards où sont placées'bes minutes; là, encore, ce Notaire donne audience à
ses cliens, rédige ses actes et en délivre expédition
20 Jusqu’au mois de février i 83o, époque à laquelle
M e Anglade a porté plainte à M. le Garde des Sceaux, et
a formé sa demande en dommages-intérêts devant le
tribunal civil de Clermont, M e Desrnanèclïes a clos ses
actes en ces termes : « Fait et passé à Cournon , maison
Desrnanèclïes » ; et dans "aucun il n’est fait mention qu’il
se soit transporté sur la réquisition des parties.
3» jy[e Desmanèches se donne et reçoit constamment le
titre de Notaireà Cournon; les lettres qui lui sont adressées,
les extrait de ses impositions, les commissions qui lui sont
données parM . le Préfet ou par IcT ribun ald eClermont,
�íes annonces publiques, s’accordent à désigner M'Desrnanèches comme Notaire à Cournon, à. la résidence de
Cournon, dans son étude, à Cournon.
4 ° Les rapports de M e Desmanèches avec l’administra
tion de l’enregistrement, ont lieu de manière que les em
ployés ont vu et vérifié les minutes de ce Notaire à Cour
non ; c’est de ce lieu que M* Desmanèclies adresse ses
actes au receveur de l’enregistrement au Pont-du-Château,
et correspond avec ce fonctionnaire , qui lui renvoie les
minutes à Cournon, après que la formalité de l’enregis
trement a été remplie.
5° Les répertoires de M* Desmanèclies, pendant seize
années (de 18 14 à 1829 inclusivement), prouven t, par
l’ordre des inscriptions, que le même jour ce notaire au
rait reçu, pour Lempdes et Cournon, trois, quatre, cinq,
six, jusqu’à neuf actes, et aurait fait autant de voyages
d’une^ïésidence à l’autre, quoique distantes de 3,45o m è
tres } que les actes reçus à Cournon sont constamment plus
nombreux que ceux reçus à Lempdes; qu’à diverses épo
ques, il s’est écoulé de cinq à quatorze jours, pendant les
quels Desmanèches n’a reçü des actes que pour Cournon,
et que tous ces actes sont clos par le «fait et passé à Cour
non, maison Desmanèches», sans que les parties aient
requis son transport •, qu’enfin, M* Desmanèches ne ré
serve que quelques jours de dimanche, à la réception
des actes de sa résidence de Lempdes.
6° Que M* Boyer étant décédé Notaire à Cournon , et
cette étude ayant été supprimée par ordonnance du 1 ’"sep
tembre 1824, desmanèches a reçu le dépôt des minutes, ce
qu’il ne pouvait faire qu’en qualité de Notaire à la ré
sidence de Cournon.
�— 8 —
7° E n fin , que pour se faciliter l’exploitation des deux
résidences, M* Desmanèches faisait, pendant son absence,
recevoir les consentemens, à Lempdes, par la dame sa
belle-mère, ou le secrétaire de la M airie; et à Cournon,
par la dame son épouse.
On ne pouvait se dissimuler que ces faits ne renfermas
sent la preuve la plus complète d’une infraction au devoir
de la résidence, et de manœuvres manifestant une inten
tion bien formelle de nuire au seul Notaire ayant droit de
résider à Cournon; mais M* Anglade voulut encore éta
blir que ces manœuvres lui avaient occasionné un dom
mage réel, circonstance qui seule pouvait faire admettre
l’action en indemnité qu’il voulait diriger contre M* Des
manèches : aussi établit-il, par le rapport des répertoires
de ce Notaire”:
i #Que les actes reçus par M* Desmanèches, dans la ré
sidence de Cournon, étaient aujourd’hui deux fo is ^ sou
vent trois fois plus nombreux que ceux reçus, par le
même Notaire, pour la résidence de Lempdes.
a* Que le nombre d’actcs reçus par ce Notaire, dans la
résidence de Cournon, augmentait chaque année dans
une proportion telle, quel’on s’assurait, par l’examen des
répertoires, que ces actes, qui, en 18 14 » étaient au nom
bre de 9 1, s’élevaient, en 1828, à 364*
3° Qu’en calculant, sur les répertoires, le nombre des
actes reçus par M* Desmanèches, pendant les années qui
se sont écoulées, de 1814 Ù 1829 inclusivement, on s’as
sure qu’ils les portent à 7,482 : savoir, 3,348 pour la rési
dence de Lempdes, et pour Cournon
chiffre qui
doit servir à déterminer l’étendue et la valeur du préju
dice que les manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches
�ont fait éprouver au Notaire de cette dernière résidence.
L ’infraction de M* Desmanèches, à l’àrt. 4 de
loi
a5 ventôse an x i, relatif à la résidence , le mettait dans la
position d’un Notaire démissionnaire dont le remplace
ment peut être proposé au gouverneiiientpar M .le Garde
des Sceaux, a p r è s avoir pris l’avis du Tribunal. A u s si, le
Ie* février i 83o , M* Anglade présenta-t-il à M . le Garde
desSceaux,requêteparlaquelleilconclutà ce que M® Desmanèches fût tenu de rentrer immédiatement à Lempdes,
lieu fixé par sa commission pour sa résidence notariale,
et à ce que , à défaut de ce faire, il fût pourvu au rempla
cement de M**Desmanèches censé démissionnaire.
L e but de M v Anglade était de mettre un terme aux
manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de faire
cesser un état de choses aussi nuisible à sa propriété nota
riale*, mais comme'M* Anglade avait déjà éprouvé un pré
judice considérable, et qu’il était h craindre que ce préju
dice n’augmentât pendant le temps qui serait, nécessaire
pour contraindre le sieur Desmanèches à rentrer datlâ sa
résidence-, il y eut, sous la date du 1" mars i 8 3o, demande
de 10,000 fr. de dommages-intérêts, formée au Tribunal
civil de Clermont, par Anglade, contré Desmanèches.
Il faut fixer son attention sur la suite qui a été donnée
aux deux demandes formées par M* Anglade.
Les faits exposés en la requête présentée à M . le Garde
des Sceaux étaient trop gtaves et trop pertinens pour ne
pas éveiller la vigilance et exciter toute la sollicitude du chef
de la magistrature. Aussi, sOus la date du 11 mars i 8 3 o ,
^se trouve ude première lettre, de M . le Garde des Sceaux
à M . le Procureur général, qui exige qu’il soit fait injonc
tion à M* Desmanèclies, de reprendre sa résidence sous
�un mois pour tout délai; et qui, en cas de refus, prescrit
de le poursuivre à l’effet de pourvoir à son remplace
ment.
'
• I
Cette lettre, transmise par M. le Procureur général à
M . le Procureur du roi, ce dernier voulut véi*ifier les
faits articulés par M* Anglade, et recueillir des renseignemens. Une lettre de M. le Juge de paix du Pont-du-Château, du i 3 mars, lui apprit que « M* Desmanèches, qui
» a sa résidence de droit à Lempdes, réside defait à Cour» non, ou il habite avec sa fam ille » ; — « Que ce Notaire
» ne se rend à Lempdes que deux jours par semaine, et
» un jour de plus à certaines époques de* l’année » ; —
« Que les habitans de Lempdes sont obligés, les autres
» jours, d ’ a l l e r l e c h e r c h e r a. c o u r n o n . »
;
M . le Juge de paix ne pouvait résumer, d’une ma
nière plus expressive, la plainte de M* Anglade; Desma
nèches réside de fa it à Cournon ; les habitans de sa rési
dence de droit, sont obligés d'aller le chercher, cinq
jours delà semaine,« Cournon, sa résidence de fait,.Voilà,
sans doute, plus qu’il n’en faut pour établir une infraction
à la loi qui prescrit aux Notaires de tenir leur résidence;
aussi,M. le Procureur du roi, complètement convaincu,
enjoint-il à M* Desmanèches, par lettre du i*’ avril i 83o:
« de cesser de tenir étude dans sa maison de Cournon ».
Iyui prescrit-il « de rentrer sérieusement dans sa résidence
» de Lempdes, dans le mois pour tout délai, sous peiné
» d’être considéré comme démissionnaire?.... »
Cette lettre dut alarmer M* Desmanèches. Il était bien
décidé à ne point abandonner Cournon, cette résidence
de fait si précieusepourlui; mais comment éluder les dis
positions si précises delà loi, et l’injonction si formelle de
�l’autorité? M* Desmanèches, après une délibération de
dix jours, répondit à M . le Procureur du ro i, par un sim
ple accusé de réception.
Cependant, M* Desmanèches voulut essayer de quel
ques moyens ; tantôt il présentait un M émoire explicatif
ou apologétique de sa conduite, que bientôt après il reti
rait } tantôt il cherchait à s’entourer de moyens de consi
dération : c’était son fils qui serait bientôt en élat et à l’âge
de lui succéder, et qui résiderait réellement à Lempdes
tandisque lui-même habiterait Cournon, pour y surveiller
ses propriétés, ayant bien soin, toutefois, de ne pas laisser
pressentir que, dans son intérêt, comme dans celui de son
fils, il continuerait de faire à Cournon ce qu’il y a tou
jours fait; ce que la dame son épouse a fait pendant son
absence •, c’est-à-dire, qu'il y recevrait les consentemens
et y rédigerait même les actes auxquels le fils, Notaire à
Lempdes, n’aurait qu’à apposer sa signature. A u reste,
tous les efforts du sieur Desmanèches avaient spécialement
pour cibjet de gagner du temps. L ’état de fortune de
M* Anglade lui faisait espérer qu’il abandonnerait des
poursuites onéreuses pour lui; caressant, d’ailleurs, l’idée
qu’il pourrait parvenir à se soustraire à la vigilence de l’au
torité.
•
»
Effectivement, le mois accordé à M* Desmanèches par
la lettre du 1" avril, (de M . le Procureur du roi), était dès
long-temps expiré, lorsque, le 19 mai i 8 3o , M* Anglade
s’adressa de nouveau à M . le Procureur général. Les faits
furent encore cotés avec le plus grand soin : M* Anglade
soutint, dans cette supplique, que rien n’était changé dans
la position de M* Desmanèches. Pour l’établir, il deman
dait à être admis à prouver contradictoirement les faits
�par lui articulés, et h faire cette preuve, soit devant U
Chambre civile qui devait connaître de son action en domr
mages-intérêts, soit devant les Chambres réunies appe
lées à donner leur avis sur le remplacement du sieur Desmanèclies sensé démissionnaire p a rle fait de son infract
tion à la loi de la résidence; et pour qu’il ne restât aucune
espèce de doute sur la franchise et la loyauté que M* A nglade entendait mettre dans ses poursuites , ce Notaire
suppliait M . le Procureur général de vouloir bien com
muniquer à M e Desmanèches, les requêtes, mémoires,
pièces justificatives et documens qui avaient été présen-.
tés et produits contre lui, demandant, en retour, com
munication des moyens que M* Desmanèches employait
pour se justifier.
M . le Procureur général dut accéder à cette demande
avouée parla justice, et conforme d’ailleurs à 110s tradi
tions-judiciaires ; ce magistrat permit à M* Anglade de
prendre copie d’un mémoire déposé par M* Desmanè
ches; cette pièce, qui ne saurait être trop méditée, serait
suffisante pour juger la cause : et ce n ’est pas sans regret ^
que l’on se réduit à n’en présenter qu’une sèche et trèscourte analyse.
A cette époque , M* Desmanèches faisait dépendre sa
justification du développement de quatre idées ou propo
sitions principales :
î * La résidence de Cournon était pour lui une propriété
particulière.... on ne pouvait l’en priver sans injustice.
a* Il a à Cou rn on , unp maison, un ménage et des pro
priétés qu’il est obligé de faire valoir.
3* Il a encore une nombreuse clientelle à Cournon, ou
�deux Notaires peuvent trouver à s'occuper.... I l ne peut
repousser la confiance, lorsqu'elle s'adresse à lui.
4° Il déclare que cette confiance ne l’abandonnera que
lorsque l'un de ses confrères la méritera mieux que lui....
Il ajoute, qu’on ne regardera pas alors quelle est la rési
dence du Notaire.... Il finit par manifester son étonne
ment de ce que M* Anglade, étranger à Cournon , ne
sache pas se résigner à attendre.
Quoi de plus orgueilleux et de plus naïf!
C ’est Desmanèches qui vient apprendre que la rési
dence de Cournon est sa propriété particulière et qu’il
veut en jouir à titre de droit ; c’est lui qui déclare qu’il a
volonté de ne point abandonner cette l’ésidence, et qui
prouve qu’il est d’ailleurs dansl’impossibilité de le faire!....
Voilà la naïveté.
L ’orgueil est-il moins remarquable ?.... Quelle est cette
nombreuse clientelle dont M* Desmanèches ne peut re
pousser la confiance ? Les cliens viennent-ils dans sa ré
sidence légale? N o n , c’est le sieur Desmanèches q u i , en
fraude de la loi, vient établir une résidence à Cournon.
Les habitans de Cournon vont-ils à Lempdes requérir le
transport de M* Desmanèches pour recevoir leurs actes ?
N on encore: c’est le sieur Desmanèches qui vient provo
quer, arracher là confiance par sa résidence à Cournonj
q u i , bien loin d’attendre la clientelle , Tattire et la con
serve par des moyens illégaux et frauduleux *, et c’est ce
fonctionnaire, que la loi repousse de Cournon, qui ose
dire au seul Notaire ayant titre de résidence dans ce
chef-lieu, q u il y est étranger, et qu’il doit savoir at
tendre !....
Cette étrange justification ne pouvait permettre d’hé
�_
i4 -
siter ; aussi M . le Procureur-général adressa-t-il à M . son
Substitut près le Tribunal civil de Clermont, la lettre au
tographe de M. le Garde des Sceaux , avec ordre dé re
quérir , contre M* Desmanèches, l’application de la loi.
- M° Desmanèches comprit bientôt qu’il ne devait rien
espérer des moyens qu’il avait employé pour se maintenir
dans l’usurpation qu’il s’était pei-mise de la résidence de
M e Anglade; il changea d on c, tout-à-coup, de système :
dès-lors il n’eut plus qu'une pensée, dissimuler les faits ou
les altérer: son esprit souple et fécond en ruses, lui four
nit bientôt assez de ressources pour tromper la justice.
M . le Procureur du roi crut devoir prendre de nou
veaux renseignemens auprès de M . le Juge de paix du
Pont du-Château : l’état des choses était absolument le
môme qu’au 19 mars précédent; cependant M . le Juge
de paix, à défaut de renseignemens précis , peut-être
même mettant trop de confiance dans les promesses de
M* Desmanèches , attesta que le 27 mars ce Notaire n’oc
cupait pas encore sa résidence d’une manière tout-à fa it
complète ; que seulement il y venait plus souvent ; qu’il
y avait même couché quelquefois ; d’où il résultait que
la résidence de Cournon n'était pas encore, par lui, entiè
rement abandonnée.
t M e Anglade avait demandé à fiùre preuve, devant les
Chambres assemblées, des faits par lui articulés; il voulait
notamment établir que l’injonction faite par M . le Procu
reur du roi à M* Desmanèches n’avait produit aucun ef
fet, et que ce dernier avait continué son domicile réel et
sa résidence notariale à Cournon. Le Tribunal n’accueillit
point cette demande; M* Anglade ne fut pas même appelé
pour donner des renseignemens ; mai^.M' Desmanèches,
�— i5 —
admis à se justifier, vint dire : « Que le berceau de sa fa» mille et toute sa fortune patrimnokle étaient à Cournon,
» et qu’il avait cru jusqu’ici ménager tous ses intérêts et
» concilier tous ses devoirs, en se partageant entre Lemp» des et Cournon, qui ne sont qu’à une demi-lieue de dis» tance l’un.de l’autre. Qu’au reste, le temps qu’il passait .
»>dans cette dernière commune, était moins employé à
» recevoir des actes, qu’à 1’administration de sesproprié>►tés •, mais que puisque le Tribunal pensait que pour oc» cuper sa résidence à Lempdes, il fallait qu’il y fît son
» habitation exclusive, il en prenait dès ce moment l’en» gagement, et qu’il allait de suite, faire à cet effet toutes
» les dispositions nécessaires. »
T out cela est très-remarquable:
M* Desmanèches reconnaît qu’il se partageait entre
Lempdes et Cournon ; par cette déclaration, ilavoue donc,
bien explicitement, avoir usuFpé la résidence de Cour
non ; il dit encore qu’il a agi ainsi, dans la vue de ména
ger tous ses intérêts ; et comme les bénéfices de sa pro
fession devaient entrer pour beaucoup dans ses calculs , il
reconnaît donc encore que la résidence de Cournon était
pour lui un moyen de prospérité, à laquelle il ne pouvait
atteindre qu’au préjudice de M* Anglade. Il est vrai que
M» Desmanèches ajoute que dans la résidence de Cour
non, il était moins employé à recevoir des actes, qu’à
l’administration de ses propriétés;mais cette assertion était
détruite par le rapport des répertoires de ce Notaire ; répertoires que le Tribunal avait sous les y e u x , et qui éta
blissaient que les actes reçus par le sieur Desmanèches ,
dans sa résidence de fait à Cournon , étaient bien plus nom
breux que ceux reçus par lui pour sa résidence de droit à
�— f6 —
Lempdes. Enfin, le sieur Desmanèches en déclarant qu’il
allaitfaire'toutes ses dispositions pour transporter à Lem p
des son habitation exclu sive, parce que le Tribunal pen
sait qu’il n’y avait que ce moyen de satisfaire aux exi1geances de la loi, reconnaissait donc encore qu’il avait dé
daigné de se soumettre à l’injonction qui lui avait été faite
par M . le Procureur du roi, agissant en vertu des ordres
exprès de M. le Garde des Sceaux.
<
Dans cette position, il semblait q u e , sans trop de sévé-^
r ité ,le Tribunal pouvait déclarer qu’il y avait lieu de
pourvoir au remplacement de M* Desmanèches ; mais il
voulut user d’indulgence; et, « Attendu que le sieur Des» manèches, m ieux éclairé sur Vétendue de ses devoirs ,
» a pris l’engagement de renoncer à l'habitation de Cour• » non, pour se renfermer e x c l u s i v e m e n t dans celle de
» Lempdes ; et que jusqu’à preuve contraire1, fo i doit être
» accordée à cette p r o m e s s e p o s i t i v e ; le Tribunal, tout
» en reconnaissant que le sieur Desmanèches n’a pasir/*
» goureusement occupé la résidence que lui assigne son,
n titre ; ayant égard néanmoins a u x circonstances et
» considérations.... Est d’avis qu’il n’y a pas lieu, quant à
» présent t de le considérer comme démissionnaire, et de
» pourvoir à son remplacement; sauf à recourir à ce
» moyen extrême, dans le cas où, au mépris de sespro» m esses, qu’il vient de faire au T rib u n a l, il persisterait
» dans les mêmes erremens ; » Cet avis est du 3 i mari
i 8 3 o.
L a suite des faits apprendra comment M* Desmanèches
a tenu à ses promesses; et comment il a répondu à k
confiance toute bienveillante que le Tribunal avait cru
pouvoir lui accorder.
i . .
;
�— 17 —
M* Anglade, quelque excusable qu’il pût être, ne v o u
lait cependant pas que l’on pût lui reprocher d’agir avec
trop de précipitation; il attendit que M* Desmanèches
transportât son'licibitation exclusive à Lempdes; et quoi
qu’il eut solennellement promis d’agir de suite , près de
'quatre mois s’écoulèrent sans que l’état des choses fût
changé: M* Desmanèches continuait d’habiter Cournon,
d’y tenir son ménage, et d’y faire sa résidence notariale ,
avec la plus grande publicité.
Alors, et le 23 septembre i 8 3o, M* Anglade présenta
à M . le Garde des Sceaux une nouvelle requête ; il y sou
tint que le fait de non résidence à L em pdes, et de rési
dence de fait à Cournon, était établi contre le sieur Dæsmanèches, par l’avis même du Tribunal; qu’il résultait
'des déclarations même de ce Notaire, qu’il n’avait ni la
volonté ni la possibilité d’abandonner sa résidence de fait
à Cournon , pour aller franchement s’établir dans sa rési
dence légale de Lempdes ; qu’ainsi, la décision du Tribu
nal ne pouvait avoir d’autre elfetque d’encourager les ma
nœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de perpé
tuer le préjudice, tous les jours plus considérable, que
M* Anglade en éprouvait. Enfin , M* Anglade faisait ob
server que la religion du Tribunal avait été trompée; que
M* Desmanèches n’avait tenu à aucune de ses promesses ;
'et que le fait du domicile réel et de résidence notariale de
ce Notaire à Cournon , était aussi public qu’au i er février
i 8 3o , époque’ de la première requête h M . le Garde des
Sceaux; que ce fait avait les mêmes caractères, et pouvait se
prouver parlesmêmes circonstances. M aAnglade concluait
de tout cela, que toute la faveur quipouvait être accordée à
M Desmanèches, était de surseoir à la décision définitive
�— i8 —
â rendre sur l’avis du T rib u n al, jusqu’au jugement de la
demande en dommages intérêts, qui devait être déclarée
urgente : dans tous les cas, M* Angladedemandait à faire
preuve devant les Chambres réunies et en présence de
M* Desmanèches, des faits par lui articulés.
M . Anglade avait, une première fois, demandé une
déclaration d’urgence qui lui avait été refusée : ce refus
équivalait à une remise de deux ans. L e sieur Desmanèches
voulut utiliser ce triomphe : il pouvait désormais paisi
blement attendre la majorité si désirée de son fils; il con
tinua d’exploiter la résidence de Cournon avec plus d'ac~
tivité et d’audace que par le passé; pensant, peut-être avec
raison, que le jour de la justice arriverait trop tard pour
M ' Anglade.
Les choses étaiënt en c e t'é ta t, lorsqu’une lettre de
M .le Garde des Sceaux, à M. le Procureur général, sem
bla devoir hâter la conclusion de cette affaire. Cette lettre
apprenait en effet que la preuve delà contravention résul
tait des documens et de l’instruction ; mais que M* Desma
nèches ayant pris l’engagement de résider à L em pdes, et
y ayant même transporté ses minutes, le Ministre pen
sait qu’on pouvait accorder un mois à M* Desmanèches ,
pour faire à Lempdes son établissement définitif*, « Passé
» le quel, s’il ne s’est pas mis en règle, il devra être pour» suivi, conformément à l’art. 4 de la loi du a5 ventôse
» an xi. » En conséquence , M . le Garde des Sceaux or
donne que si, à l’expiration de ce délai, M* Desmanèches
n’a pas repris sa résidence, M. le Procureur général lui
adressera ses observations, celles du Procureur du roi et l’a
vis du Tribunal, sur les mesures à prendre contre le N o
taire, contrevenant.
�— 19 —
M . le Garde des Sceaux avait été trompé : à cetfe épo
que , les minutes de M* Desmanèches étaient encore à
Cournon ; toutes fois, comme M. le Garde des Sceaux ne
regardait pas cette circonstance comme propre à établir
la résidence notariale, et qu’il exigeait encore de M* Des
manèches un domicile réel et un établissement définitif
dans le lieu de Lempdes, M* Anglade dut attendre l'effet
que pouvait produire cette nouvelle décision, qui fut no
tifiée à M* Desmanèches , le 3o du môme mois de no
vembre.
A u 8 janvier 18 3 1 , IV)* Desmanèches était encore domi
cilié à Cournon , et en plein exercice de la résidence no
tariale qu’il y avait établi; ce Notaire n’avait pas môme
de maison à Lempdes; de manière que tout prouvait
qu’il n’avait rien fait pour se conformer à l’injonction du
3 o novembre précédent. M« Anglade exposa ces faits dans
une requête adressée au Tribunal civil de Clerm ont, et
demanda que le Tribunal sursît à donner son avis, jus
qu’au jugement de la demande en dommages-intérêts,
qui à cet effet serait déclarée urgente; concluant toujours
à être appelé à l’enquête, dans le cas où le Tribunal,
chambres assemblées, voudrait donner son avis sur les in
fractions reprochées à M* Desmanèches.
M. le Procureur du roi se réunit à M* Anglade, à l’effet
d’obtenir que la demande-en dommages-intérêtsfût décla
rée urgente; mais le Tribunal prit une délibération par
laquelle il décida, que n étant point saisi contre M* Des
manèches, il n’avait rien à statuer sur la requête présentée
par M* Anglade ; q u i, sur sa demande en déclaration
d’urgence , fut renvoyé devant la chambre civile, devant
connaître de la cause.
3.
�O u ne peut s’empêcher de faire quelques remarques
sur cette décision du Tribunal: on se rappèle que la lettre
de M. le Garde des Sceaux avait accordé à M ' Desmanè
ches un dernier délai de rigueur, pour fixer son établis
sement définitif à Lempdes; que ce délai passé , ce N o
taire devait être poursuivi, et le Tribunal donner son
avis. Dès-lors, comment est-il arrivé que le Tribunal ne
se soit point trouvé saisi par la requête de M* Anglade ?
Son devoir ne lui était-il point clairement tracé par la
lettre de M. le Garde des Sceaux , exerçant un acte de
juridiction de haute discipline ? Les Chambres réunies n’a
vaient-elles pas d’ailleurs auprès d’elles M. le Procureur du
r o i, q u i , immédiatement, a dû les saisir de la connais
sance des faits qui leur étaient dénoncés, et requérir leur
avis ? Comment donc expliquer le refus formel du Tribu*
nal, de prononder sur la requête de M* Anglade ?.... D ’un
autre côté , ce Notaire est renvoyé devant la chambre ci
vile pour faire statuer sur sa demande en déclaration
d’urgence; mais le Tribunal savait bien que cette décla
ration avait déjà été refusée ; dès-lors, que devait penser
M* Anglade? L e préjudice qu’il éprouvait par le fait des
manœuvres frauduleuses du sieur Desmanèches; les ob
stacles qu’il rencontrait pour en obtenir la réparation; tout
cela n’était-il pas propre à faire naître dans son esprit les
réflexions les plus amères !....
A u s si, M* Anglade présenta-t-il de nouveau ses récla
mations à M. le Procureur général. Par une lettre du 3
février 18 3 1, il apprend à ce magistrat qu’il a présenté une
nouvelle requête en déclaration d’urgence, et qu’il a
éprouvé un troisième refus ; mais comme il suppose que
le Tribunal de Clermont doit enfin être saisi de la con-
�naissance de la contravention de M* Desmàneclies, et
qu'une nouvelle instruction aura lieu a l’efiet de recon
naître si ce Notaire est définitivement établi à Lempdes,
M e Anglade indique les pièces et les témoins qui doivent
prouver , au contraire, que M Desmanèclies a toujours
son domicile à Cournon, et qu’il n’a cessé d’y tenir sa ré
sidence notariale.
L e 25 du môme mois, nouvelle lettre de M e Anglade
à M. le Procureur général: les plaintes de ce Notaire de’ viennent plus vives, et ses instances plus pressantes. 11
s’étonne de ce que la justice ne peut acquérir la preuve de
faits qui sont de notoriété publique dans tout l’arrondis
sement de Clermont •, il demande qu’une enquête soit faite
sur les lie u x , et qu’il y ait transport à Lempdes à l’effet
de s’assurer si les minutes de M e Desmanèches y ont été
transférées ; ajoutant que cette dernière mesure fera dé
couvrir la vérité, si toutefois l’on agit avec prudence et
discrétion.
M e Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
Procureur du roi à Lempdes ; M e Anglade offrira la
preuve que le transport était connu deux jours avant qu’il
ait eu lieu;aussi les minutes deM* Desmanèches ont-elles
été trouvées à Lempdes ; mais, dans quelle habitation ,
dans quel lo c a l, dans quel état !....
M e Desmanèches n a pas de maison à Lempdes; celle
de sa belle-mère est composée d’une chambre et d’une
cuisine qu elle habite ; ainsi il est impossible au sieur D emanèches de faire là un établissement définit#; surtout
dans les termes de l’engagement qu’il a contracté devant
le Tribunal de Clermont, lors de l’avis du 3 i mars i 8 3 o.
A u rez-de-chaussée de cette très-petite m a is o n e s t un
�petit local h um ide, éclairé par une petite croisée carrée ,
n’ayant point de chem inée, ni de place à monter un
poêle, et présentant une surface de cinq à six pieds de
largeur , sur huit à neuf de longueur*, c’est ce lo cal, que
M* Desmanèches a présenté à M. le Procureur du r o i ,
comme étant son étude de Notaire.
L à, effectivement, étaient les minutes parées d’éti
quettes neuves, enveloppées d’un beau papier blanc, sans
poussière et sans tache, sortant tout nouvellement de la
boîte dans laquelle elles venaient d’être transportées; et
pour qu’il ne manquât rien à cette scène, l’habile presti
digitateur avait eu le soin de transformer une petite table
en bureau notarial, en la couvrant d’un tapis vert tout
neuf. Cependant, une circonstance bien légère pouvait
détruire l’illusion, M* Desmanèches avait oublié de faire
porter une écritoire de Cournon ; il y suppléa par un petit
encrier portatif qu’il plaça sur le bureau ; mais le bout de
l’oreille ne fut point apperçu, et il fallut regarder comme
certain que les minutes de M* Desmanèches avaient été
sérieusement transférées de Cournon à Lempdes. Malheu
reusement pour l’inventeur d’une illusion aussi ingé
nieuse M* Anglade se trouve aujourd’hui en état de prou
ver que les minutes de M* Desmanèches ont été de nou
veau transportées h Cournon; que des expéditions ont été
délivrées dans cette résidence par ce Notaire, qui y tient
son étude ouverte comme il le faisait avant le mois de fé
vrier i 8 3o.
Toutefois, M* Desmanèches p u t , pendant un instant,
se féliciter de son adresse; une lettre de M. le Procureur
général à M* Anglade, sous la da.te du 6 octobre 18 3 1 ,
lui apprend que la dernière information étant favorable à
�— >3 —
M* Desmanèches, M . le Garde des Sceaux a pensé qu’il
ne pouvait y avoir aucun inconvénient à attendre ; et l’a
vait informé, par sa lettre du 4 du même mois, qu’il ne se
rait statué sur la plainte en contravention à la loi, sur la
résidence dont M* Desmanèches est l’objet, que lorsque
les ja its allégués par M • Anglade, à Vappui de sa de
mande en dommages-intérêts auraient été éclairés par
Vinstruction <
judiciaire.
D eux ans s’étaient écoulés depuis la demande formée
par M* Anglade, cette cause avait été appelée à son tour de
rôle, les qualités étaient posées. Enfin, le jour del’audience
était fixé, lorsque l’événement le plus extraordinaire et le
plus imprévu vint jeter la désolation dans la famille Anglade;
menacer tout à la fois l’honneur, la fortune, et la liberté
du chef, et servir le sieur Desmanèches, en retardant le
jugement de son procès, et en jetant sur M ' Anglade une
défaveur qu’aucun antécédant ne pouvait justifier.
D ’abord, un bruit, sourdement répandu, désigne à l’o
pinion publique M* Anglade comme faussaire. Un sieur
Moulins-Desmanèches, alors Maire de Cournon et beaufrère de M Desmanèches, (dont un des actes administra
tifs les plus notables, avait été d’enlever à M* Anglade la
clientelle de la M airie, en faisant annoncer dans les Jour
naux que, devant M e Desmanèches * notaire à Lempdes ,
il serait procédé à la Mairie de Cournon, au bail à ferme
d une septerée de terre,') accueille ces bruits, reçoit les dé
clarations d’un nommé Lareine-Boussel, homme d’une ré
putation plus qu’équivoque; dresse procès-verbal, et transmetou fait apporter,par Lareine-Boussellui-même, à M .le
Procureur du roi, cette étrange pièce, qui devint bientôt
�— 24 —
le fondement d’une plainte et d’une instruction crimi
nelle. :
Quel est le fait qui servit de prétexte à cette poursuite?
et par qui Lareine-Boussel était-il dirigé?
M ’ Anglade avait acquis les recouvremens de M*' D oly
et Tibord, ses prédécesseurs. Dans le courant des années
1828 et 1829*, il voulut en opérerlà rentrée; il fut aidé dans
cette opération par le sieur Chambon, qui avait été suc
cessivement clerc de.M M . D o ly et Tibord, et q u i , ayant
exercé depuis 1824? les fonctions de secrétaire à la M ai
rie , était plus que personne en état de donner des renseignemens sur la solvabilité des habitans de Cournon. L e
sieur Chambon avait classé Lareine-Boussel parmi les insol
vables, mais M* Anglade lui fit donner un avertissement
comme aux autres débiteurs de l’étude.
Les avertissemens étaient conçus de manière à éclairer
chaque débiteur sur sa situation ; M e Anglade avait eu le
soin de consigner, au dos de chaque avertissement, l’état
détaillé de ses créances, de manière que tout doublé em
ploi était impossible , et la moindre erreur facile à vérifier.
L e 13 septembre 1829,Lareine-Boussel, porteur de son
avertissement, se présenta à l’étude de M* Anglade; le
sieur Chambon était présent, le compte fut réglé sur le vu
des minutes et pièces; M* Anglade demanda une obliga
tion, Lareine-Boussel y consentit, et les termes furent ré
glés à la convenance de ce dernier.
Lareine-Boussel prétendait avoir fait quelques à-comp
tes à M* Doly, M aAnglade promit de les imputer sur l’obligation, et écrivit sur-le-champ, sur la note qui contenait
le détail de leurs conventions,ces mots: « Si Lareine-Bous-
�— 25 —
» sel présente des reçus ou tous autres documens , ils lui
» seront tenus à compte. »
Une dernière difficulté se présentait : Lareine-Boussel ne
voulait point aller chez un autre Notaire, il fut en con
séquence convenu que l’obligation serait faite au nom
du sieur Ghambon; mais q u e , pour éviter tout équivoque,
elle serait causée pour payemens de coût d’actes fa its à
M, Anglade. La note contenant toutes ces conventions fut
remise au sieur Leclerc, alors clerc de M" A nglade, qui
écrivit l’obligation*, et immédiatement toutes les pièces
furent réunies en une seule liasse dans laquelle fut insérée
la note qui devait servir de titre à Boussel, pour le cas où
il deviendrait vraisemblable qu’il avait fait quelques à
comptes à M ’ Doly.
M* Anglade fit inscrire son obligation *, c’était bien la
précaution inutile*, la mince valeur des propriétés de
Boussel étant plus qu’absorbée par des inscriptions anté
rieures.
Lareine-Bousselnepayaitpoint exactement,mais il avait
donné,à M* Anglade, un léger à compte*, lui avait fait une
délégation verbale d’une somme de 38 fr. 60 cent, qui lui
était duc par Gaspard Devèze, et demandé des délais pour
le reste.
Tout-à-coup Lareine-Boussel imagine de se plaindre de
M* Anglade : il dit qu’il ne devait rien au sieur Ghambon,
ce qui était vrai; mais il ajoute qu’il n’avait jamais donné
son consentement à l'obligation, et qu’il ne s’était me me
jamais présenté dans l’étude de M e Anglade; ce qui était
une froide et bien cruelle fausseté.
Bientôt on voit cet homme assiéger la maison de M eAn*
glade, profiter des absences fréquentes que ce dernier était
.
4
�— 26 —
obligé de faire à raison de son procès contre M e Desmanèclies, pour intimider, parsesmenaces.la femm eetle serifans de M eAnglade. Celui-ci arrive enfin et croit faire ces
ser les injurieuses réclamations de Lareine-Boussel en lui
remettant la grosse de l’obligation en présence du sieur
Cliambon qui consentit même à la main-levée de l’inscrip
tion qui avait été prise sous son nom. En agissant ainsi,
M e Anglade ne nuisait point à sesintérôts, son inscription
était au moins inutile, et les minutes des actes qui restaient
dans son étude étaient suffisans pour établir sa créance
contre Lareine-Boussel.
Cette grosse d’obligation et cette m ain-levée d’in
scription , passent immédiatement entre les mains du
sieur Moulin-Desmanèches, beau -frère de M e Desma
nèches N otaire, et alors maire de Cournon. Ces pièces
étaient-elles attendues? T out prouve qu’au moins elles
étaient forcément désirées. M le Maire fait appeler à la
mairie M e A n glad e, qui se rend sur le champ à cet aver
tissement et explique tous les faits. Ce fonctionnaire dit à
JMe Anglade que, le 3 septembre 1820, il avait payé une
somme de 60 fr. à M e D oly pour le compte de Boussel, et
qu’il savait qu’uneautre personne avait compté, plus tard,
à D oly une somme de 77 fr. à la décharge de Boussel,
M e Anglade, tenant ces deux faits pour vrais, fait obser
ver à M . le Maire que ce cas avait été prévu par la note
jointe aux minutes intéressant Boussel; qu’il regardait
d’ailleurs cette déclax-ation comme un document suffisant,
et qu’il consentait à déduire ces deux sommes du montant
de sa créance.
M . le Maire devait être satisfait si, toutefois, il ne s’é
tait proposé qu’un acte de justice et de juridiction pater-
�— 27 —
nelle ; mais malheureusement, il était dominé par d’autres
idées* M e Anglade s’était retiré; le sieur Chambon estbientôt appelé: ce jeune hom m e, maître clerc d’un Notaire
de Clermont justement estimé, trouva quelque inconve
nance dans la démarche du Maire et dans les questions
qui lui furent adressées : il s’abstint d’y répondre et quitta,
peut-être un peu brusquement, un homme qui lui parais
sait dirigé par la curiosité ou par un intérêt autre que ce• lui de la justice.
Que lit alors le sieur Moulins-Desmanèches ? il eut bien
le courage de dresser procès-vei'bal hors la présence de
M e Anglade et du sieur Cliambon, qu’il avait cependant
appelés et entendus, et de confier cette pièce à LareineBoussel pour la transmettre à M . le Procureur du roi de
Clermont.
M c Anglade et le sieur Chambon ne pouvaient croire
que les poursuites dirigées contre eux fussent sérieuses :
en effet, quel préjudice avait éprouvé Lareine-Boussel ?
n’était-il pas débiteur de la somme pour laquelle il s’était
obligé envers le sieur Chambon; ne l’avait-il pas accepté
librement pour créancier; et qu’importait que l’obligation
fut faite en faveur de M* Anglade ou du sieur Chambon,
puisqu’elle était causée pour payement d'actes ; et que
d’ailleurs toutes les précautions avaient été prises pour
qu’il n’y eût pas de double emploi nuisible à Lareine-Bous*
sel? Ausssi, M* Anglade et le sieur Chambon crurentils qu’il leur suffisait de rétablir les faits et d’indiquer les
personnes qui pouvaient en déposer; c’est ce que
fit M . Anglade par une lettre, du 22 février i 832 ,
adressée à M . le Juge d’instruction près le tribunal de
Clermont.
4-
�— 28 —•
On ne peut que déplorer la funeste préoccupation qui
vint saisir l’esprit des magistrats. Les moyens justificatifs
de M* Anglade parurent des charges accablantes*, on g é
missait de ce qu’il avait été assez léger pour fournir des
armes aussi puissantes contre lui, un reste d’intérêt porta
peut-être à ne point assigner les témoins qu’il avait indi
qués: on se borna à entendreLareine-Boussel père et son
fils, et sur ces deux dépositions, un père de famille hono
rable, un jeune homme plein d’avenir, eurent à gémir •
sous la prévention d’un crime de faux commis par
supposition de personnes et de conventions , dans un
acte où, d’ailleurs, on avait constaté comme vrais des faits
faux.
L ’erreur de la Chambre du conseil de Clermont ne pou
vait échapper à la h a u te sagesse de la Chambre d’accusa
tion, qui sentit la nécessité de compléter l’instruction :
onze témoins furent entendus, les faits furent expliqués ;
et plusieurs témoins vinrent apprendre : « Que ce procès
» était le résultat d’une manœuvre odieuse ; » — « Que le
» bruit public étaitque Lareine-Boussel nemenait pas seul
» cette affaire; — Q u’il avait agi par l’instigation de
» M e Desmanèches et du sieur Moulin ; » — Qu’enfin,
Boussel avait dit : « Anglade m’a remis mon obligation
» sans me demander d’argent; f a i une bonne lettre de
» M. Desm anèches, et je vais le dénoncer de suite. » Ces
dépositions n’ont pas besoin de commentaire, mais elles
expliquent trop bien l’esprit qui a constamment animé
M e Desmanèclies pour qu’on pût les dissimuler dans une
affaire où il faudra spécialement apprécier la moralité de
chacun des faits imputés à ce Notaire.
Comme on le pense bien, la Cour déclara qu’il n’y avait
�\
— 29 : —
lieu à accusation, l'arrêt est du i4 août i 83îî, et est ainsi
conçu :
« Considérant que de l ’instruction il résulte en fa it, que L areine-B ousscl
a réellem ent com paru en l’étude d Anglade N o taire, c l
a donne soit
consentement à l’ obligation du treize septem bre m il huit cent vingt - n e u l',
dont il s’ agit; qu’elle a été rédigée par suite de ce consentem ent, et en sa
p résen ce, après com pte fait des débets d’étude dont il était tenu;
» Q ue s’ il est avéré qu’ il y eut déguisement de la vraie cause de ce lle obli
gation et du nom du véritable créa n cier, il résulte aussi en fa it, que l’ obli
gation eut une cause réelle et légitim e, reconnue telle par le débiteur L a rcin e-B oussel, qui agréa en m êm e tem p s, c l par des raisons qu’ il approuva,
que Cham bon fût indiqué comme créancier
» Q ue s i, plus ta rd , L arein e-B o u ssel a porté plainte en faux en mil h u it
cent treille d e u x , et a réclam é contre l’obligation dont le quantum concor
dait avec l’état des débets d’étude , état rédigé par A n g la d e , sur le vu des
acles , parce qu’il prétendit plus ta rd , lui L areine-B ou sscl, avoir donné
o it
fait donner pi\r des tierces personn es, certaines sommes au sieur I)o ly , h'
valoir et im puter sur lesdits a cles, cela f ù t - il fondé et éta b li, ne pouvait
donner lieu qu’à un débat civil entre les héritiers D oly ou A n g lad e, p ourvu
de l’élude D oly et ledit Lareine-B ousscl; que si provisoirem en t, le Notaire
Anglade co n sen tit, lors des réclam ations de L a re in e -B o u ss c l, en m il huit
cent tre n le -d c u x , de rem ettre les choses an m êm e élat qu’elles étaient avant
l’ obligation , c ’est-à -d irc, de n’être créancier qu’en ve rlu des actes existans
dans ladite élude , il y a eu en cela , d’ après les circonstances particulièresde la c a u se , simple bonne foi de la part d’ A nglade , intention de se p rè lcr à
allouer ou h faire allo u er, par les représen tais D o ly , les à-com ptes reçus
par D o ly , s il en existait ré ellem en t, et nullem ent m atière h faire suspecter
de fraude l’ obligation dont il s’agit.
» P ar ces m otifs,
L a C o u r , réformant l’ ordonnance de la Cham bre du conseil du seize mars
m il huit cent trente-deux, d éclare, en fa it , qu’il n’ y a au p ro cè s, ni indices
d un fait qualifié crim e , ni des charges conlre le Notaire Anglade c l c o n t r e
Jean C h am bon , de nature h im prim er h leur conduite l’intention et la vo
lonté de faire tort h Lareine-Bousscl et de com m ettre un crim e ou délit;O rd o n n e, en conséquence, que l ’ordonnance des prem iers juges demeurera.
^
�—
3o
—
sans effet, et que lesdits Anglade et Cham bon soient mis en liberté s’ils ont
été arrêtés en vertu des mandats ou ordonnance de prise de co rp s, et s’ils
ne sont point d’ ailleurs rclenu s.p ou r autre cause »
M e Angladeput enfin s’occuper delà suitede son affaire
coutreM* Desmanèclies. Il s’était procuré les répertoires
de ce Notaire pour les années i 83o et i 83 i ; ces pièces
sont la meilleure preuve quel’on puisse produire de la con
tinuation de la résidence notarial de M e Desmanèches à
Cournon. En effet, le répertoire de i 8 3o constate que ce
Notaire a reçu 524 actes pour les deux résidences, savoir,
253 dans Cournon, et 271 pour Lempdes. On voit que le
chiffre des actes de Lempdes est ici un peu plus élevé que
celui de Cournon; mais en i 8 3 o, M e Desmanèches avait
quelques craintes et ses manœuvres pouvaient être moins
actives; toutefois, il se rassura bientôt, et le répertoire de
i 8 3 i apprend que sur 4^4 actes qui ont été reçus par
M* Desmanèches pour ses deux résidences , 2o5 seule
ment appartiennent à Lempdes et 249 à la résidence de
Cournon. A in si, on ne peut s’y méprendre: En 18 3 1, on
trouve M e Desmanèchesà Cournon comme on l’y a trouvé
en i 83o, comme il y a toujours été, c’est-à-dire, exerçant
sa profession de Notaire, ayant sa résidence notariale , et
portant, par ses manœuvres, le plus grand préjudice à
M e Anglade seul Notaire titulaire de ce chef-lieu de com
mune.
E n fin , la cause est portée à l’audience:
M e Anglade concluait à 20,000 fr. de dommages-intércts, et subsidiairement, à etre admis à faire preuve des
faits par lui articulés.
M e Desmanèches, de sa p a rt, concluait à ce que sans
�avoir égard à la preuve offerte par M* Anglade, et en
reconnaissant que Ai* Desmanèches résidait réellement à Lempdes , le Tribunal déclarât M* Anglade
non-recevable dans sa demande , et subsidiairement
l’en déboutât.
Ces conclusions durent exciter quelque surprise : On
voit bien que M* Desmanèches voulait obtenir un juge
ment qui paràlisât la plainte que M* Anglade avait porté
à M . le Garde des Sceaux -, mais comment avait-il pu pen
ser que le Tribunal déclarerait qu’il tenait sa résidence à
Lempdes , lorsqu’il s’opposait lui-inôme à l’admission de
la preuve des faits ayant pour objet d’établir que son do
micile réel et sa résidence notariale défait étaient à Cour
non? Comment, surtout, avait-il pu concevoir une pa
reille idée, sachant bien que M . le Garde des Sceaux avait
sursis à stîtuer sur la plainte en contravention à la loi sur
la résidence, jusqu’au moment où les faits allégués par
M* Anglade, auraient été éclaircis par l’instruction judi
ciaire ?
Mais la plaidoirie de M* Desmanèches fut bien autre
ment remarquable : La cause se plaidait au Tribunal de
Clermont*, M* Desmanèches pouvait apercevoir dans le
prétoire plusieurs de ses confrères , grand nombre de per
sonnes de Cournon, de Lempdes , de Pont-du-Château,
meme de Clermont \ personnes desquelles les faits étaient
parfaitement connus et qui, comme témoins, l’auraient
accablé du poids de leurs dépositions. On pouvait penser
que M* Desmaneclics se serait borné au développement
d’un simple point de droit qu’il s’agira d’apprécier ; mais
il osa bien aborder les faits, et soutenir que sa résidence
notariale avait été constamment h Lempdes -, et cela devant
�— 32 —
un auditoire qui repoussait toutes ses paroles comme men
songères , et manifestait la plus profonde indignation.
Q u ’imagina le sieur Desmanèclies pour prouver son as
sertion ? Il prétendit que M* Anglade avait reconnu luimème sa résidence à Lempdes; et pour preuve, il produi
sit six actes reçus pour lui par ce Notaire. Pour toute ré
ponse , M e Anglade rapporta à l’audience du lendemain
les minutes de ces actes*, elles sont toutes et en entier
écrites de la main de M e Desmanèclies.... Ce dernier
produisit ; encore deux certificats, l’un de l’e x - J u g e
de paix , et l’autre de l’ex-Maire de Pont-du-Château ,
certificats qui-attestent que M e Desmanèclies a tenu reli
gieusement sa résidence de Lempdes. Les dates furent
confrontées, et il se trouva que le certificat du Juge
de paix aurait été délivré dans le temps où ce magistrat
écrivait à M . le Procureur du roi que Desmanèclies
« résidait de fa it à Cournon, où il habitait avec sa
» famille. » — « Que les liabitans de Lempdes sont obligés
» d’aller le chercher à. Cournon.... » Peut-on trouver
quelque chose de plus propre à caractériser M e Desma
nèches? Un pareil homme peut-il avoir porté préjudice à
autrui sans malignité et sans dessein de nuire*, et de pareils
méfaits ne donnent-ils pas essentiellement lieu à une ac
tion civil ?
Les premiers juges se sont décidés en faveur de M* D es
manèches. Leur jugement, qui est sous la date du 7 juin
, et contraire aux conclusions de M . le Substitut du
Procureur du r o i , est ainsi conçu :
i Attendu que pour form er une demande en dom m ngos-m lérêlsil ne suffit
pas. d’éprouver un préjudice (juclconfjuc par le fait^ de cclui dc fjui on les
�réclam e; il faut encore que ce fail soit une atteinte à un droit acq u is, et non
la simple violation d’ une obligation im posée par la lo i , dans un intérêt gé
néral ;
» Attendu qu ’ un Notaire qui n îi se plaindre de ce qu’un de scs confrères
abandonne sa résidence pour venir partager la sienne , ne sa u rait, par ce
seul m o tif, avoir action pour réclam er de lui des d o m m a g e s-in té rê ts la
non résidence constituant un m anquem ent grave de la part du N o taire,
com m e fonctionnaire p u b lic , mais non , com m e le prétend le d em andeur,
une atteinte réelle aux droits dé propriété du N otaire réclam ant;
» A tten d u , en e ffe t, que la loi du 28 avril 1816 , en accordant au Notaire '
en exercice la faculté do présenter 1111 su ccesseu r, n’ a point entendu ériger
ces charges d ’ une m anière absolue en propriété privée;
» Attendu que cela résulte évidem m ent des nom breuses conditions res
trictives auxquelles est subordonné l’ exercice de ce d ro it, qui peut être considéré’et presque anéanti p arla création, dans la liflHtc de la loi, de résidences
nouvelles, le changem ent ou la suppression de résidences déjh existantes ;
» Attendu , dans tous les c a s , que le Notaire qui abandonne sa résidence
pour en venir occuper une a u tre , no porte point atteinte ïi ce d ro it, quoi
qu'on soit la nature. Les résidences n’étant point , com me on l’ a so u ten u ,
fixées autant dans l’intérêt des Notaires que dans celui des justiciables;
v'
» A tte n d u , en e ffe t, que les offices de N otaire devant être considérés
com me de véritables charges publiques , uniquem ent créés dans l’intérêt
com m un de la société ; la fixation et lo m aintien des résidences fondées sur
le même principe , n’ ont jam ais pu être déterm inées qu’en vue de ce même
in té r ê t, et ne co n stitu en t, par co nséqu ent, qu’ une question d'adm inistra
tion p u b liq u e, dont la décision est hors du domaine contentieux.
» Attendu que tel est le but évident que s’est proposé le législateur par
cette fixation de résidence;
» A tte n d u , en effet, que n’ y ayant jamais autant de Notaires que do com
m unes dans chaque canton , la loi a voulu , mais a voulu seulem ent pour
voir , par la fixation des résid en ces, aux besoins d’ un plus grand nombre
d’habitans, en leur ren d an t, par là , la com m unication avec un Notaire plus
facile qu avec tous les a u tres, en m êm e temps que leur laissant lo choix do
» adresser à to u s, elle no posait aucune lim ite h leur confiance;
» Attendu que si les résidences avaient été établies dans l’ intérêt des No
ta ire s, la loi les auraient classés par com m une com m e elle les a classés par
�— 04 —
ca illo n s, puisque ce n’est point à ce que son confrère n’ occupe pns sa ré
sidence qu’ un Notaire est surtout intéressé, mais bien à ce qu’il ne vienne
point y partager sa clientellc ;
<> A tte n d u , dès lo r s , que la faculté laissée au Notaire d’instrum enter dans
toute l ’étendue du ca n to n , vient ô ler à l ’action du dem andeur le seul m otif
qui pourrait le rendre re ce v a b le , puisqu’il lui serait impossible d’établir que
ln confiance des justiciables ne serait pas venue ch erch er h Leinpdcs celui
pour lequel elle tém oignait, h C o u rn o n , une préférence m arquée;
» Attendu que si les faits articulés par Anglade sont', en les supposant prou
v é s, d én aturé h m otiver ses plaintes auprès de M. le Garde des Sceaux, h qui
seul la loi confère le droit de les apprécier et de les ju g er; ils ne pourraient
jam ais, quelque puisse être leu r g ra v ité, donner ouverture à une action en
dommages-intérêts;
’>
■
» Attendu qu’ainsi le dem andeur ne pourrait être admis h la preuve qu’il
a offerte dans un but < 1 # ne peut atteindre , étant non recevable dans sa
demande.
« P ar ces m o tifs,
.
» L e T rib u n a l, donnant acte à la partie d c B a y lc de toutes ses réserves,
le déclare non recevable dans sa demande en dom m ages-intérêts, et le con
damne aux dépens. »
Comme on le pense bien, ce succès, peut-être inespéré,
a donné à M eDesmanèches un nouveau degré d’assurance;
ses manœuvres frauduleuses ont continué avec plus d’ac
tivité; et dès cet instant, on peut ajouter aux faits qui se
ront articulés, que depuis le jugement, M c Desmanèches
continue sa résidense , et tient à Cournon étude ouverte ,
où son fils écrit les actes sous sa dictée, et reçoit les consentemens en l’absence de son père.
�DISCUSSION.
L ’exposé du fait a exige des développemcns qui ont pu
paraître fastidieux ; mais le premier bes oi n, comme le premier
devoir de M* Anglade étaient de prouver en fait :
i° Que M* Désmanèches , Notaire à la résidence de Lempdes,
avait établi de f a i t sa résidence notariale à Cournon , où il exer
çait et exerce encore publiquement le Notariat.
2° Que cette infraction à la loi est accompagnée de circon
stances telles , que l’on ne saurait l’attribuer à l’imprudence et
à la négligence du sieur Désmanèches, ou à l’ignorance et à
l’omission de quelques uns de ses devoirs ; mais bien à un
dessein de nuire à M° Anglade , seul Notaire à la résidence de
Cournon , depuis d’ailleurs froidement médité et exécuté avec
persévérance et en connaissance de cause.
3° Que ces manœuvres ont occasionné un préjuflice consi
dérable à M e Anglade, et que ce préjudice augmente progres
sivement chaque année , et de manière à lui faire craindre la
perte de sa clienlelle, et l’anéantissement de son office de
Notaire.
Ces trois propositions de fait n ’ont plus besoin de démons
tration; elles sont d’une telle évidence, que les motifs du ju
gement dont est a p p e l , d’ailleurs si favorables à M" Desmaneches , loin de les contredire, les reconnaissent au contraire
d ’une manière tout-à-fait explicite, en déclarant que le preju
dice cause n est pas suffisant pour légitimer une demande en
doinmages-intérèls ; aussi, le Tribunal dont est a p p e l , recon
naissant la réalité des faits, a-t-il repoussé la demande de
M' Anglade par une fin de non-recevoir, qu’il a cru faire
ressortir de l’application des principes , ne faisant point at
tention que lors même que toutes les idées qu’il a proclamé
comme principes seraient vraies , les faits conslans de la cause
formeraient contre M* Desmanèches une exception qui le ren
drait inhabile h s’en prévaloir.
�Mais quelles sont les idées légales qui ont détermine les pre
miers juges ?
Pou r q u ’il y ait lieu à réparation d ’un préjudice , il faut que
le fait qui l’a occasionné, ne soit pas une simple violation d’oLligalion imposée par la loi dans un intérêt général, mais bien
une atteinte à un droit acquis.
O r , i° la loi du 28 avril 1816 n’a pas entendu ériger les
charges de Notaire en propriété privée ; ces offices sont des
charges publiques qui sont créés dans un intérêt commun.
2° La prescription légale sur le maintien des résidences , est
fondée sur le même principe d’intérêt général ; dès-lors , le
Notaire qui enfreint la loi, peut commettre un manquement
grave ; mais ce manquement n’étant point une atteinte au droit
de propriété, est évidemment hors du domaine du contentieux.
3° Le droit accordé à Desmanèches d’instrumenter dans tout
le canton , dépouille l’action de M° Anglade de tout motif et de
tout intérêt, p uis qu ’il lui serait impossible de prouver que les
gens de Cournon ne seraient pas venus contracter dans la rési
dence de Lempdes.
11 faut d ’abord examiner chacune des parties de ce système:
on établira ensuite qu ’en lui supposant quelque réalité, le Tri
bunal aurait encore méconnu les vrais et seuls principes qui
doivent régir la cause.
Et d’abo rd, q u ’est un office de Notaire? Est-il bien vrai
que ces charges qui sont créées dans un intérêt commun n’ont
aucun des caractères de propriété privée?
Avant la révolution, les offices de Notaire étaient considères
comme une propriété; les titulaires et leurs héritiers pouvaient
en disposer , sans autre charge que celle de présenter un suc
cesseur qui réunît les conditions requises. C ’était impropre
ment que l’on avait confondu ce droit dans les expressions gé
nérales de vénalité d'offices , cette vénalité n’ayant réellement
jamais existé , puisque le titre de l’office émanait toujours du
chef de l ’autorité publique.
Aussi , lorsque des réclamations s’élevaient contre la vénalité
�dos offices , elles durent paraître fondées qur.nl aux offices de
judicature ; mais aucun bon esprit n’ essaya d ’élendre la pro
hibition aux é l u d e s des Notaires , Greffiers et autres fonction
naires pareils ; effectivement, quant à ces offices , ne doit-on
pas dire avec Montesquieu : « Que la vénalité est bonne , en ce
» qu’elle fait faire comme un métier de famille, ce qu’on ne
» voudrait pas entreprendre dans la seule vue du bien public.»
Lors de la discussion de la loi du 25 ventôse an x i , qui est
le Code du notariat, la question de savoir s’il convenait de r é
tablir la vénalité des offices de Notaire, fut examinée : à cette
époque , le notariat était régi par la loi du 6 octobre 1791, qui
avait admis un système de concours ayant pour objet d’écarter
les candidats présentés par les titulaires eux-mêmes ; l’orateur
du gouvernement, dans son exposé des motifs, que l’on 11c
saurait trop méditer, s’élève contre ce système , et démontre
que celui qui lui est oppose et qui est virtuellement adopté
par la loi du 25 ventôse an x i , se concilie tout à la fois avec
les aperçus moraux que le législateur doit spécialement avoir
en vue , et les idées bien appréciées de la propriété ; de ma
nière que depuis cette époque, comme avant la révolution,
on a le droit de dire qu’une élude de Notaire est. une p ro
priété dont le titulaire ou ses héritiers peuvent disposer, à
la charge de présenter un successeur réunissant les conditions
requises, conditions sans lesquelles l’autorité publique, con
servatrice et surveillante obligée des intérêts généraux, ne
pourrait conférer le litre de Notaire.
La loi du 28 avril 181G porte celte vérjté au plus grand dégré d évidence; il est important de pénétrer son esprit et
de bien en apprécier les termes.
Ava nt la loi du 25 ventôse an x i , les Notaires étaient as
sujettis a la patente; l ’art. 33 de celte loi les en affranchit,,
mais les soumet a un cautionnement q u i , aux termes de
l ’art. 1" de la loi du 25 ventôse an x m , doit être fixé en rai
son combinée du ressort cl de la résidence de chaque Notaire.
C ’est dans cette position q u ’intervinl la loi d u 28 avril 1816^
�— 58 —
qui en portant les cautionnemens des études de Notaire à un
taux plus élevé que celui fixé par les lois antérieures, dispose
par son art. 88, que les cautionnemens sont fixés en raison de
la population et du ressort des tribunaux et de la re'sidence de
ces fonctionnaires. On doit ici faire la remarque essentielle ,
que la population de Cournon, résidence de M* Anglade, étant
plus considérable que celle de Lempdes ; conformément aux
tableaux annexés à la loi de 1816, le cautionnement de M* DesTnanèches , Notaire à Lempdes a été fixé à 1800 f r . , tandis que
celui de M* Anglade s’est élevé à 2,000 fr.
11 était de justice que le législateur, en imposant aux Notaires
une nouvelle ch arg e, les en indemnisât, en déterminant leurs
droits sur l’office dont ils étaient pourvus.
L ’article 91 est ainsi conçu : « Les Notaires...;, pourront p ré» senter à l’agrément de sa Majesté des su ccesseu rs , pourvu
» q u ’ils réunissent les qualités exigées par les lois. Cette faculté
» n’aura pas lieu pour les titulaires destitués. » — n. I l sera sta» tu é , p a r une lo i particulière, sur l’exccution de celle disposi» t i o n , et sur les m oyens d'en faire jo u ir les héritiers ou ay an t
» cam e clesdits o/Jîces. » — « Celte faculté de présenter des suc» cesscurs, 11e déroge p o i n t , au surplus, au droit de S. M., de
» réduire le nombre desdits fonclionnaires, notamment celui
» des Notaires, dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse
» an x i , sur le notariat. »
Si l’on médite ce tcxle avec attention, pourra-t-on mécon
naître le caractère non équivoque de propriété qu’il attache
aux offices de Notaire ?
La loi, en accordant aux Notaires le droit de présenter un
successeur, a bien évidemment voulu faire quelque chose qui
fut utile aux tilulaircs auxquels il l’a concédé ; et quel serait
donc ce droit, s’il ne renfermait p o i n t , pour le Notaire , celui
de vendre ou de traiter de son office avec le successeur q u ’il
s’est choisi et qu’il a*le droit de présentera l’agrément du roi?
Où peut-on trouver un caractère plus significatif de propriété
que le droit de vendre et de transmettre? Le principe de la
s
�transmission aux héritiers cl ayans cause du Notaire titulaire
n ’est pas douteux ? il est même consacré, de la manière la plus
absolue , par la loi mê m e , puisqu’elle ne fait que renvoyer à
une loi particulière sur les moyens de les en faire jouir. Il faut
donc reconnaître qu’ une étude de Notaire est une véritable
propriété, puisque le titulaire peut l’aliéner^ et que la valeur
fait partie de sa succession.
O b j e c t e r a - l - o n que la faculté accordée par la loi de 1816, est
subordonnée à des conditions et à d e s restrictions qui ne per' mettent pas de classer les études de Notaire parmi les pro
priétés?
Il faut examiner :
i° La loi veut que le successeur présenté au roi réunisse les
qualités exigées par la loi : — Cette charge est la même que
celle qui était imposée aux titulaires des offices de N o t a ir e ,
avant la révolution, époque à laquelle le titre , comme aujour
d’hui, émanait du chef de l’autorité publique, ce qui n’empê
chait pas que les études de Notaire ne fussent considérées
comme une propriété. On comprend d ’ailleurs, très-facile
me n t, comment l’intérêt public et l’intérêt privé peuvent ici
se concilier: le gouvernement a le droit d’exiger que le succes
seur qui lui est présenté ait les qualités requises; mais il ne
peut refuser celui qui offre les garanties déterminées par la
loi. Cette condition astreint, si l’on v e u t , le Notaire titulaire
à ne vendre qu’à certaines personnes, mais elle n’anéantit pas
son droit ; les litres de Notaire ne sont plus donnés au concours
comme ils l’étaienl sous la loi de 1791. A ujourd’h u i , il n’est
permis à personne d’entrer en concurrence avec le successeur
présente, qui est admis ou rejeté sur le simple examen des
pièces propres à attester sa capacité.
a0 La loi dit que la faculté de présenter n’aura pas lieu par
les titulaires destitués. — l\ien de plus sage ; mais comment
cette pénalité, sagement prononcée contre le Notaire qui a en
freint ses devoirs d’une manière assez grave pour encourir la
destitution, pourrait-elle être regardée comme anéantissant ou
�— /¡o —
modifiant le caractère de propriété attaché aux études de N o
taire en général? C ’e s t , si l’on veut, un frein salutaire imposé
à l’immoralité, une exception introduite dans l’intérêt géné
ral, mais qui confirme la règle bien loin de la détruire.
3° Le I\oi se réserve le droit de réduire le nombre des N o
taires dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse an xi. —
Q u ’induire de là? Lors de la loi de 1816, la réduction ordon
née par l’article'3 i de la loi du 25 ventôse an x i n’était point
encore opérée ; cette mesure avait été entièrement conçue dans
les intérêts des notaires, auxquels il importait d ’assurer une exis
tence honorable en les établissant dans des résidences qui, par
leur population, pussent présenter une indemnité proportion
née à des travaux qui, outre la probité , exigent autant d ’intelli
gence que d ’assiduité. Il convenait, dès lors, de ne point pou r
voir aux études qui étaient atteintes par la réduction ; mais
cette mesure o p é r é e , les éludes conservées par la loi de ven
tôse an xi , n’ont plus eu à redouter une chance qui n ’était que
transitoire. A ujourd’hui, la loi protège leur résidence et le
gouvernement ne peut la supprimer.
Il est donc prouvé , contrairement aux motifs consignés
d a n s le jugement dont est appel, que si, sous un rap por t, les
ofïiccs de Notaire sont des charges publiques établies dans
un intérêt com mu n ; d ’un autre côté, ils sont la propriété
du titulaire; que les conditions imposées par la loi à la trans
mission de cette propriété n’en changent pas le caractère ;
et que la réduction étant opérée, il ne peut appartenir au gou
vernement d ’anéantir celte propriété en supprimant une rési
dence établie ou conservée par la loi.
A mesure que l ’on pénèlre plus avant dans celte question,
on trouve des motifs tout aussi déterminans pour reconnaître
qu’une ctude de Notaire doit être classée au nombre des p r o
priétés du titulaire.
Ef fe ct iv em en t, si l ’on consulte la jurisprudence, on s’as
sure que les Notaires peuvent traiter <le leur office avec le suc
cesseur qu’ils se choisissent, et qu’ils ont le droit de presen- -
�— /il —
ter à l ’agrément du roi ; que ces traite's ou ventes doivent êlre
'exécutés dans les termes où ils ont été conçus ; qu’aucune
action ne peut être admise contre eux , pas même celle en re
gret et celle en lésion. ( Arrêt : P a r i s , 28 janvier 181 g ; Cassa
tion , 20 juin 1820 , 23 novembre 1823.)
Enfin , veut-on supposer qu’ un notaire a reçu un office, soit
de son père , soit de son p a r e n t, dont il est héritier par suile
de la démission de ce titulaire? Dans ce cas , que l’on se de
mande si cet héritier devrait rapporter la valeur de l’office à la
masse de la succession?
Où serait le doute ? N ’ est-il pas suffisant que la cession d ’un
office, à titre gratuit, présente un avantage au profit de cet hé
ri tier, pour qu’il soit tenu au n p p o r t ? Cette solution est le
texte même de l’article 8/|3 du Code civil : « Tout héritier ve» nani à une succession , doit rapporter à scs cohéritiers tout ce
» qu’il a reçu du défunt, directement ou indirectement. »
Et s’il arrivait que la transmission d’une élude de Notaire
renfermât une fraude ; que , par exemple , le prix de la vente
eût été fixé à une somme inférieure à sa valeur réelle , pour
avantager l’héritier acquéreur au delà de la quotité disponible;
pourrait-on douter que les autres héritiers n’eussent le droit
de demander l’eslimalion de l’office, et , d’obliger le nouveau
titulaire à rapporter le prix de cette estimation? ( V . Jo u r n a l
du n o ta r ia t , art. 4 I4 1-)
Une élude de Notaire est donc bien une propriété ; c’ cst une
vérité désormais hors de doute, une vérité fondamentale dont
les conséquences sont aussi pressantes qu’inévitables.
En ellet, le droit de propriété suppose celui de jouir et de
conserver la chose qui nous appartient ; et comme il n’est point
de droit sans obligation corrélative, il faut reconnaître que la
propriété notariale, comme toutes les autres, impose le devoir
de la respecter el de ne rien faire qui la détruise ou en diminue
la valeur.
O r , M" Dcsmanechcs a-t-il usurpé tout ou partie de la p r o
priété notariale de M" Anglade?
6
�Celle question est résolue en fait, il ne s ’agit plus que de
l ’examiner en droit.
L ’office d ’un Notaire se compose de trois choses : le titre ,
les minutes et la résidence. Voilà , bien certainement, l'ensem
ble d ’une propriété notariale. INI* Anglade se plaint de ce que
M. Desmanèches lui a enlevé la partie la plus importante de sa
propriété, c’est-à-dire sa résidence, ou qu’au moins, il lui a causé
le plus grand préjudice en venant s’y établir: est-il recevable à
demander des dommages-intérêts pour réparation de ce fait?
Le Tribunal dont est appel a reconnu que le maintien des
résidences notariales était fondé sur le même principe que l’é
tablissement des offices de Notaire; et comme il avait refusé à
ces offices tout caractère de pro p ri ét é , il était logique q u ’il ne
vît dans l’usurpation de la résidence qu’une violation d’un rè
glement d ’administration publique ; ainsi, avoir détruit sa pre
mière erreur, c’est déjà avoir fait sentir la nécessité de réfor
mer la seconde.
Mais on ne peut se dissimuler que les premiers juges, en se
créant un système qui leur était personnel, n ’aient encore cédé
à l’influence de deux arrêts , l’un de la Cour royale de Metz ,
du 21 juillet 18 18, cl l’autre de la Cour royale de Nîme ; arrêts
remarquables par la faiblesse de leurs motifs, que le Tribunal
de Clermont a essayé de fortifier, et qui d ’ailleurs sont in
tervenus sur des faits bien différons de ceux de la cause ac
tuelle. Ces arrêts auraient jugé que l’infraction à la loi de la ré
sidence notariale, est une matière de haute police et d ’admi
nistration publique, dont la connaissance appartient à M. le
Ministre de la justice , et dont les Tribunaux ne peuvent con
naître ; qu’ainsi le Notaire dont la résidence a été u s u r p é e ,
n e peut demander contre son confrère des doinmagcs-intérêts,
sous prétexte qu’il lui enlève une partie de sa clicntcllc et lui
cause ainsi une perte réelle.
On comprend que les moyens déjà développés suffiraient
pour détruire ce système, étant évident que l’erreur provient
de ce que ces deux Cours n’ont point voulu examiner la ques-
�— /,3 tion de propriété , et ont pris à lâche de se renfermer dans
le sens le plus étroit de l’art. 4 de la loi du 24 ventôse an xi ;
sans vouloir le rapprocher des monuraens législatifs et judi
ciaires les plus propres à l’expliquer.
En termes généraux , la résidence est la demeureordinaire
et habituelle d ’une personne en certain lieu ; sous ce rapport »
la résidence est une chose de fait indépendante de toute espèce
dedroit, et qui se distingue du domicile auquel seul des droits
sont attachés.
Examinés en termes plus restreints , la résidence est le lieu
où un officier publia est tenu de séjourner et de demeurer
pour exercer sa charge.
Quant à la résidence notariale, il faut d’abord s’assurer du
texte des articles 4 et 5 de la loi du 25 ventôse an xi.
Art. L\|. « Chaque Notaire devra résider dans le lieu qu i h d sern
■»fixé p a r le gouvernement. En cas de contravention, le Notaire
» sera considéré comme démissionnaire; en conséquence , le
» Ministre de la justice, après avoir pris l ’avis du Tribunal ,
» pourra proposer au gouvernement le remplacement. »
L’art. 5 , après avoir dit que les Notaires exercent leurs
fonctions , savoir : ceux des villes où est établie une Cour
royale, dans l’étendue du ressort de cette Cour. — Ceux des
villes où il n’y a qu’ un Tribunal de première instance, dans
l’étendue du ressort du Tribunal ; ajoute , § 3 : « Ceux des
» autres communes , dans l'étendue du ressort du T ribu n al de
» p a ix . »
I c i , il iaut d ’abord s’assurer si la résidence a été établie dans
1 intérêt des Notaires ; rechercher en suite à quelles conditions
le Notaire ayant résidence dans une co m m un e , peut exercer
scs fonctions dans l’étendue du ressort du Tribunal de paix ;
et enfin fixer son attention sur quelques cas de fraude cl de
violation à la loi de la résidence.
Et d ’abord , l’orateur du Tribunal s’ expliquant sur l’art. 4
de la loi du ^5 ventôse an x i , disait : « S'il pouvait ( le No» taire ), transférer à sou gré sa résidence , la loi aurait man-
G.
�-
41
-
« qué son but , tarit pour l'avantage (le la société, que p ou r
» celui des N otaires en particulier', on verrait la majeure partie
» d ’entre eux , abandonner les cam pagnes cl venir habiter les
» villes pou r la résidence desquelles <
1 antres N otaires auraient
» p a y é un cautionnement plus considérable. »
Que l’on s’arrête ici : N ’est-il pas évident que le législateur
s’est proposé un double but ; d’abord l’avantage de la société,
qui est spécialement confiée à la surveillance de M. le Garde
des Sceaux ; en suite l’avantage des Notaires en particulier,
qui dès-lors ont nécessairement droit de se plaindre lorsque
leurs intérêts sont blessés? Et si l’on remarque que la loi a
voulu spécialement éviter que les Notaires abandonnassent leur
résidence pour venir occuper celles d’antres Notaires qui au
raient payé un cautionnement, plus considérable qu’e u x , c o m
ment contesterait-on q u ’une action est ouverte à celui qui au
rait éprouvé un préjudice par suite de cette fraude ? La posilion prévue par l’orateur du Tribunal esl identiquement celle
de M " Desmanèclies et Anglade : le cautionnement de l’un
n ’est que de 1,800 francs, tandis que celui de l’autre est de
2.000 francs. D o n c , la propriété de Desmanèclies est moins
précieuse que celle d ’Anglade ; d on c, celui-ci a le droit de la
défendre contre les usurpations de son confrère : mais si l’u
surpation est ancienne , si elle lui a déjà causé un préjudice
considérable, comment n’aurail-il point d ’action pour en ob
tenir la réparation? E l si celte action lui est ouverte, comme
on n’en saurait douter , devant qui l’exercera-t-il ? Sera-ce de
vant M. le Garde des Sceaux ! Mais le Ministre ne peut connaître
de l’infraction à la résidence , que dans un intérêt général ; son
droit se borne à contraindre le Notaire contrevenant à garder
sa résidence ou à pourvoir à son remplacement comme démis
sionnaire , mais il ne peut accorder des dommages - intérêts.
Dès lors , que faire? II y a nécessité de rentrer dans le droit
commun, et le Notaire qui a éprouvé le préjudice doit s’adres
ser aux Tribunaux , qui seuls ont le droit de l’apprécier cl d’en
déterminer la réparation.
�-
/, 5 -
A i n s i , une aclion n ’exclue pas l’au tre , et M* Anglade a p u ,
tout à la fois , demander à M. le Garde des Sceaux que M* Des*
manèches fut tenu de garder sa ré si de nc e , et saisir la justice
de son aclion en dommages-inlérêts.
Objectera-t-on , en s’appuyant sur un des motifs du ju g e
ment dont est appel, q u e si les résidences eussent été établies
dans l’intérct des N o t a i r e s , leur classement aurait eu lieu par
c o m m u n e cl non par canton.
Cette objection, si elle était re no u ve lé e, ne pourrait con
vaincre que d ’une chose, c’est que la loi n ’a point clé assez at
tentivement consultée. Effectivement , elle ne classe pas les
résidences par cantons mais bien par commu ne s ; elle les classe
si peu par cantons, que po ur le cautionnement, il est fixé en
raison combinée du ressort et de la ré sidence; et po ur ne pas
s’ éloigner de l’exemple que présente la cause , on s’assure qu e
si le cautionnement de M' Anglade a été fixé à 2,000 francs, et
celui de M E Desmanèclies à 1800 f r . , c’est parce que la rési
dence de Courn on est plus considérable par sa population que
celle de L e m p d e s , quo ique toutes les deux soient du m ê m e
canton ; c’ est donc bien par co m m un e s que les résidences ont
été classées.
11 est vrai que les Notaires des commu ne s ont le droit d ’exer
cer leurs fonctions dans toute l’étendue du ressort de leur jus
tice de paix: mais c o m m e n t , dans quel cas, et à quelles condi
tions ?
U n avis du Conseil d ’etat du 7 fructidor an x n , r e c o n n a î t ,
il est vrai, que les Notaires de simple justice de paix ont le
droit d exercer leurs fonctions dans tout le canton ; meine que
les Notaires résidens dans une co m m u n e rurale peuvent veni r
dans le chef-lieu , lorsque celte ville serait c h e f - li e u de Co ur
royale et de tribunal de pr em ièr e instance, po u r instrumenter
dans la partie de ces villes dépendantes de leur justice : mais
q u a n d ? « l o k s q u ’ ii ^s en s o n t k e q u i s .» — Q u ’est.-ce qui leur
est dé fendu? — L ’avis répo nd : «Mais ils ne pe u ve nt ouvrir
» étude, ni conserver le dépôt de leurs m in ut e s, ailleurs qu e
�-
46 -
» dans le bourg ou village qui leur est assigné pour leur rési» dence. »
Ce texte n’a pas besoin de commentaire , il concilie parfai
tement ce qui doit être concédé aux parties, qui peuvent n’ac
corder leur confiance q u ’à un Notaire de leur choix, avec la
protection qui doit être accordée aux intérêts du Notaire de
la résidence. Le Notaire peut quitter sa résidence pour faire un
acte de sa profession dans le canton lorsqu’il en est requis, au
trement, il ne peut envahir la résidence de son confrère; et,
dans aucun cas, il ne peut ouvrir étude , ni conserver le dépôt
de ses m in u t es , ailleurs que dans sa résidence.
M. Massé, t. i , p. 3 3 , développe très-bien ces principes:
« Il faut bien distinguer , d it - i l , l’étendue du ressort d’un
» Notaire de celle de sa résidence : un notaire à le droit de se
» transporter momentanément hors du lieu de sa résidence,
» dans toute l’étendue de son ressort, pour y faire un acte , et
» il peut y rester aussi long-temps q u ’il est nécessaire- pour pré» parer l’acte , le rédiger et le faire signer ; mais il ne lui est
» pas permis de fix e r son d o m icile, ni d ’établir son étude hors
» du lieu de sa résidence. »
Si l’on rapproche ces principes des actes du sieur Desinanèchcs.qui pourra, de bon ne foi, reconnaître que ce Notaire, en éta
blissant sa résidence notariale à Cou mon, n’a fait q u ’user de son
droit et fait ce qui lui était permis.— D ’abo rd , aucuns des actes
passés par un Notaire, dans celle résidence de fait, ne l’ont
été sur la réquisition des parties; ensuite , que remarque-t-on?
Uri domicile fixe, une élude ouverte, et le dépôt des minutes
établi à Cournon ; et, ce qu’il y a peut-être de plus f o r t , c’est
l’abandon total fait par le sieur Desmanèchcs de sa résidence
notariale à Lempdes ; de telle manière , que celte résidence
légale, la seule que le litre du sieur Dcsmanèches lui assigne,
n ’est plus qu’une simple succursale de la résidence de fait que
ce Notaire s’esl créée de sa pleine autorité ; succursale dans la
quelle, au reste, il ne paraît une ou deux fois par semaine, que
�pour y formuler les acles dont les consentemens ont été reçus
par ses préposés pendant son absence.
Quelques exemples peuvent faire apprécier l'importance que
le législateur a mis à obliger les Notaires à tenir la résidence
qui leur est fixée par leur commission , et le soin rigoureux
qui doit être apporte à éviter ou à réprimer toute espèce de
fraude à cet égard.
L e 21 mars 1817, M e Coron fut nommé Notaire à la résidence
de Caluirc (Rhône) ; ce Notaire crut pouvoir s’établir au h a
meau de St-Clair, bourg dépendant de sa résidence, mais lieu
bien préférable à Caluire par sa population , l’activité de son
commerce , la multiplicité des transactions, et surtout son rap
prochement de Lyon, qui donnait à ce Notaire les moyens d’étendre sa clicnlelle et d’agrandir ses relations.
M* Coron avait quatre années d’exercice et de résidence à
Caluire, lorsque les Notaires de Lyon se plaignirent de cette
infraction à loi ; et une décision de M. le Garde des Sceaux,
sous la date du 18 mai 1821, ordonna que Coron serait tenu de
s’établir à Caluire, résidence déterminée par sa commission,
et d’abandonner le hameau de St-Clair.
D ’un autre cô té, on a examiné la question de savoir si un
Notaire contrevient à l’art. 4 de la loi de ventôse an x i , lorsqu’habilucllement, à des époques périodiques , et san s être re
q u is , il se transporte au chef-lieu de son canton , dans l’inten
tion de recevoir des actes de leur ministère ; il est vrai que le
plus grand nombre a décidé négativement la question , mais en
déclarant qu’il devrait en être autrement s’il résultait des cir
constances que le Notaire tînt son étude au chef-lieu du canton,
fait qui constituerait une véritable fraude à la loi.
Enfin , il n’y a pas de doute à décider que le Notaire qui au
rait un clerc résidant habituellement dans une autre commune
et y recevant des actes , commettrait une fraude que les cham
bres de discipline et le ministère public devraient s’empresser
de réprimer ( Jo u r n . des N ot., art. 44G1.)
�-
48 -
Tous ces exemples font plus fortement ressortirlagravité de
l’infraction de Me Desmanèclies :
II n’aurait pas pu transporter sa résidence dans un lieu dé
pendant de celui qui lui a élé assigné par sa commission, et il
l ’établit, où?Dans le chef-lieu de Cournon , résidence de M. Anglade.
Il lui était interdit de se transporter hors de sa résidence
sans en être requis. Non-seulement M* Desmanèclies contrevient
à celte règle , mais encore , de sa seule autorité , il établit son
domicile et son étude à Cou rnon, et agit ainsi en fraude de
la loi.
E n f i n , il fait plus que d’avoir un clerc résidant habituelle
ment à Cournon, il y habite et réside lui-mêine , il y reçoit les
actes ; et s’il s’absente, il laisse une personne qui puisse pren
dre le consentement des parties.
On ne peut donc se le dissimuler, il n’est point d ’infraction
plus grave que celle reprochée à M ' Desmanèclies ; il n ’est
point de manœuvres qui aient pu porter un plus grave préju
dice à la propriété de M* Anglade.
O r , quels sont les principes en matière de réparation civile
ou de dommages-intérêts ?
L ’article i382 du Code civil est ainsi conçu: « Tout f a i t
» quelconque de l’h o m m e , qui cause à autrui un dommage,
» oblige celui par la fa u te duquel il est arrivé à le réparer. »
A i n s i , l’ordre delà société exigeant, non seulement, que nous
ne fassions de mal à personne, mais encore que nous prenions
des précautions pour n’en pas causer volontairement, il est
certain que la réparation doit avoir lieu , lors même que le fait
qui aurait causé préjudice ne serait point accompagné du des
sein de nuire.
L ’article i 383 porte: «Chacun est responsable d u do mma ge
» q u ’il a causé non seulement par sou f a i t , mais encore p a r i a
” négligence ou p a r son imprudence. » Qu elle co nséque nce à
déduire de ces principes? si ce n’est que tout f a i t , toute omis
sion par lequel sans malignité et sans dessein de n u i r e , on a
�— 49 —
causé préjudice à autr ui, est un quasi-délit qui soumet l’auteur
de ce fait à une réparation, lors même qu’on n’aurait ît lui
reprocher que de la négligence ou de l’imprudence.
Dans ce cas , quelle serait la position de M e Desmanèches ?
Il ne s’agirait que de constater que M* Anglade a éprouvé un
préjudice dans sa propriété, et qu’il est du fait de son adver
saire , pour que ce dernier fût obligé a ie réparer. Il importe
rait peu qneM* Desmanèches voulût se faire un moyen de son
ignorance, de la croyance où il était que la loi n’exigeait pas
de lui une observation aussi rigoureuse des règles de la rési
dence ; les faits sont là, pour démontrer que M' Desmanèches
a méconnu un engagement qui lui était imposé par l’autorité
seule de la loi (art. ii'jo )', qu’en outre il a usurpé la propriété
de M e Anglade, en s’établissant et ouvrant étude de Notaire
dans la résidence de ce dernier. Voilà, dès-lors, tout ce qu’il
faut pour que M” Desmanèches soit convaincu de quasi-délit,
et condamné à des dommages-intérêts.
I c i , il faut examiner une dernière objection du jugement
dont est appel , qui consiste à dire que la faculté d’ instrumen
ter dans tout le canton , accordée à Me Desmanèches , ote à
l’action de M« Anglade tout son mot if, puisqu’il est impossi
ble à ce dernier de prouver que les gens de Cournon ne se
raient pas venus à Lempdes.
Un pareil argument n’a rien de sérieux: il ne s’agit pas , en
e ff e t, de rechercher si les gens de Cournon seraient allés con
tracter à L em p d es, dans le cas où M* Desmanèches y aurait
tenu sa résidence ; mais bien de s’assurer si M« Desmanèches
à établi son étude à C ou rn on , résidence de M* Anglade , à
1 elfet d y attirer les cliens ; o r , comme les actes reçus par
M Desmaneclies ont etc passés a Co urnon, dans sa maison,
et que nulle part il n’est fait mention qu’il se soit transporté
de Lempdes a Cournon sur la réquisition des parties , voilà la
preuve écrite que les liabitans de Cournon ont cédés ’, non
pas à la confiance exclusive que leur inspire M* Desmanèches
mais bien à l’influence de sa position , à ce domicile établi à
7
�cc'Le résidence publique, enfin, à celle étude ouverte à Cournon, , contrairement à la prohibition la plus précise de la loi.
Bans celte position , la présomption est que la clicntelle serait
demeurée attachée à la résidence; ce serait à M eDesmanèches
à détruire cette présomption ; mais comment ferait - il cette
p r e u v e , lorsqu’il est certain que les actcs, intéressant les
hahitans de Cournon, n’ont point été reçus à Lempdes* et
que M* Desmanèches , loin d’attendre les cliens à Lempdes ,
est venu , au contraire, s’établir auprès d ’eux à Cournon, obli
geant ains i, le plus souvent, les habitans de sa résidence lé
gale à se transporter dans sa résidence de fait.
Mais cette cause se présente sous un dernier poiut de vue
lout à fait deisif : d ’a b o r d , M* Desmanèches n’a établi sa ré
sidence notariale à Cournon , que dans l’intention de causer
préjudice à M* Anglade ; et ce préjudice a réellement été souf
fert , de manière que l’on réunit ici les deux caractères consti
tutifs de la fraude consiliurn et eventus dam ni. Or l’on sait que
la fraude fait exception à toutes les règles ; que la preuve en
est toujours admissible, et qu’elle doit être réprimée et punie
aussi tôt qu’elle est découverte.
Ce n’est pas tout: 11 appartenait à M* Desmanèches de fairè
regretter l’énergie et la précision d ’un mot qui n ’a point été
conservé dans notre nouvelle législation criminelle, omission
qui n’a pas peu contribué à jeter quelque vague sur la défini
tion du mot délit.
Autrefois, toute action commise avec malignité et dessein
de nuire, s’appelait méfait, de l’expression énergique m alcjicia;
sous ce mot venaient se ranger toutes les actions mauvaises
et nuisibles, tant celles que la loi considérait comme crimes,
que celles qui n’en réunissaient pas tous les caractères; de ma
nières qu’alors , le méfait était le genre, et le crime l’espèce.
( V . V ùrniu s , in inst. de oblig . , qnœ ex delielo nascuniur , iri
princ. lib. 4 » tit. i. — Cout. de Beauvoisis, rédigée en 1280,
chap. 3o . )
A u j o u r d ’h u i , le mot délit est e m p lo y é en deux acceptions
�différentes ; une première, qui est générale et comprend Ions
les méfaits; une seconde, plus resserrée et sous laquelle cer
taines espèces viennent se ranger; c’était là un défaut qui d e
vait bientôt se faire sentir; aussi, voit-on q u e , dès le premier
article du Code, le législateur est contraint d’employer au lieu
du mot méfait celui d’infraction, qui est bien plus vague et
moins énergique.
Toutefois, si le mot méfait n’existe plus dans le langage de
la loi pour exprimer les faits qui troublent la paix et l’ordre
public, et qui sont des crimes ou des délits ; si même celle
expression ne s’applique pas au simple q u a s i - d é l i t , qui n’est
qu’une action préjudiciable à autrui, mais commise par négli
gence ôu imprudence , elle n’en sert pas moins à désigner cette
foule d’actions mauvaises et nuisibles , commises avec mali
gnité et dessein de nuire , que le législateur n’a pas dû quali
fier cri m e, mais qui étant contraires à la bonne foi et flétries
par les principes de morale les moin^Tjsévères , n’en donnent
pas moins ouverture à une action civile, pour obtenir la répa
ration du dommage q u ’elles ont causé.
Le préjudice éprouvé par M* Anglade étant certain, l’ensem
ble des faits reprochés à M'Desmanèclies, auteur de ce pré
judice, présente-t-il les caractères du méfait?
Qui pourrait en douter?
M* Desmanèclies :
N ’a-t-il pas usurpé, en connaissance de cause, la résidence
de son confrère, en violant la l o i , en dédaignant de se confor
mer aux statuts de la corporation à laquelle il appartient, règles
que cependant il ne pouvait ignorer ni méconnaître?
Pour se faciliter l’exploitation des deux résidences et nerien
laisser échapper à son insatiable avidité, n’a-t-il pas encore exigé
des personnes qui lui étaient dévouées à Cournon et à L e m p des qu’elles reçussent, en son absence,les consentcmensdes
parties ?
A-t-il obéi à l ’injonction de M . le Pr o c u r eu r d u r o i , d u
1" avril i 8 3 o?
�— 52 --Après avoir réclamé la résidence de Cournon comme sa pro
priété particulière , et avoir ensuite p r i s , envers le T r i
bunal , l’engagement formel de faire son habitation exclusive
à Lempdes , M" Desmanèches a-t-il tenu à cette promes
se ?.... A-t-il même satisfait à la nouvelle injonction de s’é
tablir définitivement à Lempdes, dans un mois; injonction qui
lui a cependant été faite le 3o novembre , par M. le Procureur
du roi , conformément à l’ordre exprès de M. le Garde des
Sceaux?
Lors du transport de M. le Procureur du roi à Lempdes ,
M* Desmanèches n ’a-t-il pas trompé la loyauté de ce magistrat
en faisant, temporairement, transférer ses minutes de Cournon à Lemp de s, minutes qui ont été immédiatement réinté
grées dans cette première résidence?
N ’est-ce pas lui qui a incité Lareine-Boussel à porter plainte
contre M* Anglade? Qui a clé l’inventeur et le metteur en
œuvre de l’intrigue odieuse sous laquelle il espérait le voir suc
comber ?
A l’audience, que fait ce Notaire?
Il
vient dénier les faits les plus certains , il se permet les as
sortions les plus mensongères, il oppose un certificat émané
d’un magistrat , et le met ainsi en contradiction avec deux
lettres olficiclles, écrites par ce même fonctionnaire.
Et c’est devant de pareils faits que la justice est resté désar
mée , et qu’elle a repoussé , par une fin de n o n - r e c e v o i r , la
juste demande de M e Anglade!....
A u s s i , M* Desmanèches s’est-il halé de triompher : immédia
tement, il a donné à ses manœuvres plus d’activilé; il s ’est ad
joint son fils; aujourd'hui ils tiennent ensemble étude ouverte
à Cournon ; le fils écrit sous la dictée du père , e t , en l ’absence
de ce dernier, reçoit les consenlemens des parties.
Telle est cette cause, dans laquelle un homme simple, labo
rieux cl modeste, s’ est imposé le devoir de défendre sa pro
fession, son existence et son honneur, contre la richesse,
l’audace , la ruse cl la méchanceté la plus froide comme la plus
�— 53 —
.
\■)
cruelle. Me Anglade a succombé en première instance ; mais
fort de son droit, il n’a pas hésité à venir demander à la
haute sagesse de la Cour un d e ces arrêts réparateurs, q u i ,
en flétrissant les actions mauvaises et nuisibles, servent d’exem
ple , et donnent aux hommes de tous les rangs une grande et
salutaire leçon.
M' A N G L A D E , N otaire à Cournon.
i'
M° J.-Ch . B A Y L E , ancien A vocat .
M- J O H A N N E L , Avoué.
rtf * Mi î V t t j O M ÎT 3 ^ ' Omxafiôùbt {w h »
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�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Anglade, Claude. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Anglade
Bayle
Johannel
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Claude Anglade, notaire royal à la résidence de Cournon, Canton du Pont-Du-Château, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil de Clermont, le 7 juin 1832 ; contre Maître Jean-Baptiste Desmanèches, ayant résidence fixée par sa commission, dans la commune de Lempdes, canton du Pont-Du-Château ; mais de fait ayant établi son domicile et sa résidence notariale à Cournon, intimé.
Annotations manuscrites.
18 mai 1833, arrêt 2éme chambre = mal jugé en déclarant Anglade non recevable = preuve admise. Sirey, 37-2-582. 20 février 1834, 2nd arrêt qui après enquête condamne le défendeur en 3000 de dommages et intérêt... »
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
53 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2801
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2802
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53557/BCU_Factums_G2801.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53553/BCU_Factums_G2716.pdf
57969f4bf7b038a325c938a0c3848278
PDF Text
Text
MEMOIRE
EN RÉPONSE,
COUR ROYALE
DE RIOM.
CHAMBRE
Des Appels de Police
Correctionnelle.
COMPAGNIE DE MENAT,
En la personne des Gérans, appelans et
intimés ;
P our
la
CONTRE
"*Les Sieurs M O SSIE R et D A U B R Ê E , intimés et appelans;
ET ENCORE CONTRE
Les Sieurs DUMONT et DEROSNE, intimés;
N o u s publions notre défense, puisque le sieur Mossier le
veut. Nous eussions désiré l’éviter, dans le pays, même, où
réside la famille honorable à laquelle il appartient, et que nous
ne voudrions pas blesser ; mais il faut se défendre, alors qu’il
ne craint pas d’accuser avec une témérité sans exemple. Il taxe
ses adversaires d’un esprit de tracasserie ; il les montre comme
savourant le triste avantage de lui causer un grand préjudice,
paralysant toutes ses ressources, et retenant dans leur caisse, les
fonds qui lui sont dûs. Il semblerait à l’entendre qu’ils ne sau
raient goûter de plus grand plaisir que celui de lui faire du
mal. Il est impossible d’être plus inattentif dans scs paroles,
plus irréfléchi dans scs accusations.
Ces êtres haineux que le sieur Mossier désigne , sont deux
négocians recommandables de la ville de Clerm ont, dont la
�( 2 >
vie est publique, dont aucun précédent n’a fait suspecter là
plus rigoureuse délicatesse.
Ce sont deux hommes qui gèrent l’affaire d ’une Compagnie
de laquelle ils sont simples actionnaires, de même que le sieur
Mossier; qui avaient, conséquemment, le plus grand inte'rêt
à favoriser les opérations de Mossier , au lieu de les traverser ;
qui avaient un intérêt personnel à faire circuler des fonds, au
lieu de les retenir ; et q u i, aujourd’h u i , ne sont que les organes
de la Compagnie toute entière.
Ce sont deux hommes q u i, par bienveillance pour le sieur
Mossier, l’ont soutenu contre la masse des actionnaires, et lui
ont fait conserver, imprudemment sans doute, un titre que la
Compagnie voulait lui retirer ; deux hommes, enfin, qui n’ont
d ’autre reproche à se faire que d’avoir eu trop de confiance en
lui ;d ’avoir cru qu’il mettrait un vifintérêt à faire prospérer une
entreprise qui présentait à leur société des avantages immenses,
e t , par conséquent, à l’industrie une spéculation licite autant
que fructueuse, si elle eût etc bien dirigée.
Cet espoir s’est évanoui ; cette entreprise a etc étouffée dans
songerme; des fonds considerables y ont été perdus ; les ac
tionnaires ont vu disparaître tout cela. Pourquoi ?
Parce que le sieur M ossier, au lieu de ces connaissances qu’il
se targuait d’a vo ir, et qu’on lui supposait, n’y a porté qu’une
funeste et trop notable incapacité; au lieu de zèle , que de l’in
curie ; et qu’enfin , voyant, par expérience , que ni scs moyens
personnels, ni ses goûts, ni ses habitudes ne pouvaient s’ap
proprier à cette situation nouvelle, il cru pouvoir séparer ses
intérêts de ceux des actionnaires , et qu’après avoir manqué à
tous ses engagemens , et ne pouvant douter qu’il ne fût repro
chable , il a cru trouver une porte de salut, en faisant un procès
à la Compagnie dont il devait soigner les intérêts.
Ils s’était engagé à fabriquer et à livrer, h 9 fr. 5o cent., le
noir propre au raffinage, et à 20 fr. le noir propre aux couleurs ;
�( 3 )
;
il lui offre comme matière de choix, et il a voulu la contraindre
à recevoir, au plus haut prix convenu, tous les déchets de sa
fabrication ; des noirs fins, de la poussière, qu’il convient luimême n’être bonne à aucun usage, et qu’il a long-temps ven
due comme engrais. Il faut lui prendre et .lui payer 20 f r ., ou
tout au moins9 fr. o c. le quintal, cette matière inutile , pré
cisément parce qu’elle n’est bonne à rien. Telle est la préten
tion du sieur Mossier ; semblable à ce fondeur inhabile autant
qu’audacieux, qui, après s’être engagé à livrer du métal pur
et dégagé de tout alliage , venait en requérir le prix en offrant
des scories.
O ui, certes, il y a préjudice, et un grand préjudice ; mais
il est pour la Compagnie. La plus belle et la plus facile entre
prise a été p a r a l y s é e ; deux cent mille francs y ont été jetés
sans le moindre fruit, par des industriels, des ne'gocians, des
propriétaires, qui y avaient vu des avantagés publics et parti
culiers; et tout cela, nous ne craignons pas de le dire, p arla
faute du sieur Mossier, par une continuité de fautes lourdes,
grossières, par un manque total de volonté ; et il accuse ! et il
demande des dommages-intérêts !.... Il faut donc dérouler les
faits assez nombreux de ce procès, dont il oublie les uns , et
dénature les autres ; ils sont établis par des actes clairs et précis
par une correspondance qu’il ne peut pas récuser ; ce sont là
les sources où nous allons puiser. S i , comme nous le pensons,
les conséquences en deviennent accusatrices contre l u i , il ne
pourra s’en prendre qu’à lui-même et à son imprudence.
5
�(4)
FAITS.
Il y a quelques années qu’on découvrit à Menai un banc de
schiste bitumineux, que les chimistes crurent pouvoir appro
prier à la décoloration des sucres et sirops. L ’industrie s’en
empara; c’était une belle spéculation que celle de créer, en
concurrence du noir animal, une préparation meilleure, peutêtre , et à un prix de beaucoup inférieur.
L ’entreprise paraissait devoir réussir sans être sujette à
beaucoup de chances. Le banc était situé à dix minutes d’une,
roule royale, et il suffisait de le couper devant s o i, au niveau
de terre , sans avoir besoin de faire de travaux au-dessous du
s o l , ni de grands frais d’extraction. E nfin, la matière ne sem
blait pas exiger des préparations longues et hasardeuses. Il fal
lait seulement du soin et de l’attention pour la trier, la dégager
des pyrites, la faire calciner, et la réduire en poudre , soit
avant, soit après la calcination.
Le brevet d’inveiition fut obtenu, et la concession faite au
sieur Bergounhoux, pharmacien, puis elle passa dans les mains
des sieurs Chevarrier, Comitis et Cournon. Les concession
naires firent quelques essais sous la direction du sieur Mossier;
ils réussirent mal, et reconnaissant d’ailleurs qu’à eux seuls
ils ne pouvaient pas soutenir le poids d’une entreprise aussi
vaste, et qui ne pouvait être quelque chose qu’en la sortant
des bornes étroites où ils étaient obligés de l’enfermer , ils
pensèrent à la céder à une Compagnie, seul moyen de la faire
prospérer.
Une procuration fut donnée au sieur Mossier pour vendre
J’iinmeuble el leur privilège, au prix de n o ,o o o fr. Cette cessoin fut faite par Mossier aux sieurs Blanc et Guillaumon ; et
le i avril 1827, ceux-ci admirent le sieur Mossier, person-,
ncllcment, pour un tiers dans leur acquisition.
Les sieurs Blanc et Guillaumon établirent immédiatement
5
®
�( 5)
leur société en nom collectif sous la raison sociale, P. Blanc et
Guillaumon ; puis ils appelèrent des associés en commandite,
en émettant cent actions de 2,000 fr. chacune. Ces cent actions
furent remplies en très-peu de temps. Les sieurs Blanc et
Guillaumon en conservèrent vingt pour leur compte person
nel, et formant, d’ailleurs, le noyau derassociationenleurnom
collectif, ils en demeurèrent gérans. Le sieur Mossier abuse de
cette qualité pour les faire considérer comme de simples agens
d ’un caractère inquiet ettracassier, tandis qu’ils étaient et sont
encore les véritables propriétaires, intéressés plus que per
sonne à protéger tous les élémens , tous les moyens de pros
périté qu’on pouvait mettre en jeu pour faire réussir cette en
treprise.
Le mai, la société des actionnaires se constitua. Elle nomma
cinq de ses membres pour former le conseil d’administration.
Dans dette première réunion générale , on s’occupa du choix
du Directeur. MM Blanc et Guillaumont présentèrent le sieur
Mossier, qu’ils avaient déjà associé, pour un tiers, sinon à la
société en nom collectif, au moins à la concession. Ils doivent
dire ici qu’ils éprouvèrent beaucoup de contradictions de la
part de quelques actionnaires , spécialement des précédons
propriétaires, qui prétendaient avoir eu à se plaindre de son
peu d aptitude et de la mauvaise direction qu’il avait donnée
à l’entreprise. Les gérans objectèrent qu’il avait abandonné
une bonne pharmacie poür s’y livrer ; que lui ou les siens
avaient assez d’actions pour y être fort intéressés , etc.... ; on
transigea. Cela fut le principe delà détermination qui fut prise
le lendemain par le conseil d’administration, auquel était ré
servée la nomination des employés.
En effet, le ïo mai, le conseil, après s’élrc constitué, dé
clara inviter le docteur Bardonnet « à surveiller les diverses
» opérations chimiques que nécessiterait la préparation du
» schiste , en qualité de Directeur honoraire. »
arrêta que M. Mossier remplirait provisoirement les fonc
5
11
�(6 )
tions de Directeur , restant à M enât, se réservant de fixer les
appoinlemens, lorsqu'il nommera définitivement le titulaire.
E n fin , il créa deux emplois subalternes aux appointemens
de 1,200 fr. chacun.
est facile de voir pourquoi le Directeur ne fut nommé que
provisoirement; p ou rqu oi, à côté d’un pharmacien chargé de
cette direction, un médecin fut nommé Directeur honoraire
pour surveiller les opérations chimiques. C ’était évidemment
le résultat de quelques incertitudes sur l’admission du Direc
teur et sur la capacité du sieur Mossier. Les sieurs Blanc et
Guillaumon ne craignent pas qu’on leur objecte que les diffi
cultés étaient émanées d’eux.
Bientôt après, le sieur Mossier se rendit à Lyon pour y faire
confectionner un appareil en fonte, indiqué par M. B arruel,
pour diminuer la dépense du combustible, et séparer le corps
gras de la poudre décolorante, de manière à en faire de l’huile
à brûler.
A son retour, il fit construire douze fours à la fois, sans con
sulter personne, croyant sans doute au-dessous de lui de s’as
sujettir à un essai. Aucun d’eux ne put servir à rien ; et la
Compagnie perdit ,ooo fr. qu’ils avaient coûté. Il en fut de
même de l’appareil que le sieur Mossier ne put ni employer,
ni monter ; et ce fut encore une dépense inutile de 2,800 fr.
Enfin, les résultats furent tellement à l’inverse de ce qu’on en
avait espéré, qu’un grand nombre d’actionnaires demandèrent
la révocation du sieur M ossier, ou, pour mieux dire , la ces
sation d’un provisoire adopté par considération pour l u i , et
à la demande des gérans. On transigea encore ; on arrêta, sans
en faire registre, qu’on lui donnerait un Adjoint. On lui pro
posa l’un des actionnaires, recommandable à tous égards ; il le
refusa, sous prétexte que le caractère de cet Adjoint serait in
compatible avec le s ie n , et que ce serait une dépense inutile.
On attendit.
Quelque temps après, le mal empirant encore, on fit venir
11
3
�'^
de Lyon un homme intelligent et habitué à la préparation
du noir animal, un fabriquant dont 1’établissement avait été
incendié. Le sieur Mossier le reçut mal, et ne tarda pas à le
molester. Le second jour, il déclara aux gérans qu’il ne pou
vait pas rester. « Malgré le besoin que j’ai, leur dit-il, de ré
cupérer ce que j’ai perdu, je préfère retourner à L y o n , plutôt
que de vivre avec un homme à qui je déplais.» C ’est ainsi que
le sieur Mossier, méconnaissant les devoirs de sa position,
faisait prévaloir son esprit d’absolutisme , et un amour-propre
mal entendu. Les gérans s’en sont aperçus beaucoup trop tard,
et lorsque le mal s’était aggravé.
Pendant tout ce tem ps, des essais avaient été faits , le sieur
Mossier s ’en étant mis en peine, avait fabriqué des noirs de
belle qualité; des échantillons q u ’on trouva superbes, avaient
été obtenus et envoyés en divers lieux. C ’est à cette époque
-que se rapporte la lettre du sieur Bardonnel, dont on cite un
fragment à la page du Mémoire ; mais on ne montre pas ce
qu’ajoutait le sieur Bardonnet, comme moyen de réussir et
d’éviter la concurrence. Il disait :
« Il ne s ’agit plus que de suivre le procédé que j e vous aiin» d iqu é, et que je crois le plus sûr et le plus économique. Ne
» vous en écartez p a s, et soyez certain de voir bientôt notre
» noir convenablement placé dans le co m m erce.....................
3
» J’attends très-prochainement les échantillons que je vous ai
» demandés ; soignez-les bien, faites éventer la jleur, pour qu’il
» n ’y ait pas de gomme qui s’opose à la filtration de la clairce.
» I l ne faut ni trop fin , ni trop gros ; mais des grains bien
» égaux. » Saisissons bien ces dei'niers mots, nous aurons
les appliquer lorsque les faits seront un peu plus connus. C ’est
le sieur Mossier lu i-m êm e qui produit celte lettre, et en ar
gumente. Elle est d’ailleurs en harmonie avec les réflexions de
M. Barruel, qui avait fait une vérification attentive des lieux,
et fourni un rapport fort détaillé :
5
�(8).
« La mine est inépuisable , disait-il ; elle peut fournir jà
» toutes les parties du monde , quelque consommation qu’on
» en fasse. »
Mais il ajoutait : « Le procédé suivi jusqu’à ce jour pour
» la calcination est vicieux sous plusieurs rapports, tel que la
» construction des fours, etc.... Je ne balance point à conseiller
» de changer totalement le mode de fabrication.
» S i on exécute fidèlement le mode de préparation que j e vois
» indiquer pour le noir minéral, j’ose garantir que très-pro» chainement il jouira d ’uneréputation supérieure au meilleur
» noir d’os; de plus, on peut compter sur un placement im» mense.
» Le genre d’appareil que je propose, et dont je fais passer
» le plan, aura l’avantage d’être moins coûteux, etc., etc.»
Nous avons déjà parlé de cet appareil et du résultat.
Telles étaient les garauties et les heureux auspices sous les
quels on ouvrait cette branche d’industrie.
Bientôt des commandes furent faites aux gérans. La lettre du
sieur Bardonnet en a n n o n c e une considérable. Leur corres
pondant de Nantes vint à Clermont ; et sur le témoignage avan
tageux qu’il rendit de ces échantillons, ils firent fabriquer une
plus grande quantité. Plus tard, ils expédièrent sur les pre
mières places; Paris, Marseille, Lyon, Nantes, Londres , etc.
La suite des temps leur a prouvé combien ils avaient été induits
en erreur.
Toutefois , la Compagnie sentit qu’elle ne pouvait pas tenir
cet établissement en ré g ie , et malgré les espérances qu’elle
concevait, et la confiance excessive des gérans dans les soins
et l’habileté du sieur Mossier, elle prit le parti de se décharger,
moyennant un prix fixe , de fous les soins d’une régie et de
tous les hasards de la fabrication. Les gérans, en l’apprenant
au sieur Mossier, l’engagèrent à la prendre pour son compte.
Celte négociation fut préparée par une correspondance.
Dans une première lettre , du 1" juillet 1828 , le sieur
�( 9
M ossier, s’excuse sur les mauvais résultats obtenus dans le
principe. Ce n’était point sa faute, dit-il ; puis entrant dans le
désir de la Compagnie, il indique la possibilité de traiter avec
.elle. Les gérans lui avaient répondu et demandé qu’il fit des
propositions formelles. Nous devons avouer qu ’ils désiraient
de le voir charge de la fabrication ; ils étaient aveugles sur son
com pte, et ne pouvaient se rendre aux objections de plusieurs
actionnaires.
°
Il leur écrit, le juillet 1828 :
«Je m ’empresse de vous présenter les propositions que vous
m ’avez demandées :
» i° Je prends l’engagement de livrera la Compagnie, cha
que mois, une quantité de 60 à 200 milliers de noir pour
clarifier et pour couleurs, fabriqué, blutté, emballé et conduit
à Clermont et Vichy, moyennant 9 fr. les 100 kilogrammes ;
» 2° Chaque livraison sera soumise à l'essai de la personne
commise à cet effet par la Société. »
Nous ne copierons pas toute cette lettre, qui indique
d ’autres conditions , parce qu’elles se retrouvent dans le traité
dont nous allons rendre compte. Nous en parlons seulement
pour faire voir que les propositions ont élc bien entendues
par lui, puisqu’il les a méditées et les a faites lui-incine ; la
Compagnie s’élant bornée à les accepter. On y remarque, pour
la première fois, l’indication du noir pour couleur. C ’est que
le sieur Mossier avait cru pouvoir approprier à cet usage la
matière calcinée, et spécialement la partie la plus iinc, qui
était, par cela seu l, impropre au raffinage. N i trop gros, ni trop
f u i , avait dit le sieur Bardonnct. On verra comment le sieur
Mossier a réussi dans celtespéculalion. Elle est l’e point de dé
part et la cause principale du procès actuel. Au reste, nous
devons dire qu’en finissant, le sieur M o s s i e r repousse le désir
de quelques sociétaires, de lui donner un associé pour la f a
brication ; il se fonde sur la modicité des bénéfices. Toujours
est-il que scs propositions ayant élé acceptées , il fut passé
2
5
�( 1° )
cnlre les gérans et l u i , à la date du 7 août, le traité qu’il a
analysé dans son Mémoire. Avant d’y arriver, disons un mot
d’une déclaration par lui donnée dans l’intervalle. Elle répondra
peut-être aux reproches si vifs qu’il fait aujourd’hui aux gé
rans, en les accusant de ne lui avoir rien fourni de ce qu’ils
devaient fournir; elle est du i juillet 1828.
«Je soussigné, François Mossier, Actionnaire et Directeur
» provisoire de la Compagnie de Menât, promets de justifier
» de l’emploi de toutes les sommes que j’ai reçues jusqu’à ce
» jour pour le service de la Compagnie, et déclare que si,
» contre toute attente, lors.de la reddition des com ptes,il
» survenait quelques difficultés, je m’oblige à en garantir les
» gérans. » Au surplus, voyons le traité.
i° II s ’engage, moyennant g fr. par 100kilogrammes, de livrer
chaque mois à la Compagnie une quantité de trente à cent
milliers métriques de noir, pour clarifier et pour couleurs,
parfaitement calciné, bluüé, emballé, etc^
20 Chaque livraison sera soumise à l ’inspection et Fessaid'un
agent de la Compagnie, qui ên vérifiera Tétat ou le condition
nement.
3
Les autres conditions sont transcrites ou analysées au Mé
moire Mossier, sauf l’art. 11 , p a rleq u clil donne, en garantie
ses quatre actions qui seront inaliénables jusqu’à l’entier ac
complissement des conditions stipulées ; il est donc inutile de
les répéter.
Sans examiner autre chose en ce m om ent, retenons bien, de
ce traité , que les noirs devaient être propres pour clarifier et
pour couleurs; que lui, Mossier, chargé.dc les fabriquer,de
vait les livrer parfaitement calcinés etbluttés, et qu’avant de
les recevoir, la Compagnie avait droit de les soumettre à l ’essai
d un agent, nommé par elle.il serait difficile, dès lors, dépenser
que la Compagnie dût prendre tout ce qu’il plairait à M o s s i e r
de fabriquer , n’importe que la matière offerte ne pût s e r v i r
ni à clarifier, ni à faire des couleurs. On voit bien q u ’ e l le avait
�voulu sc décharger de tous les risques de la fabrication ; de
tous les inconvénierfk'de la régie ; el que livrant la matière
• prem ière, et payantTe noir fabriqué suivant le prix convenu,
elle avait le droit d’exiger du noir parfaitement propre à rem
plir son objet, sans avoir à se mêler désormais de la fabrication,
si cen csl pour en faire l'essai et en vérifier îe conditionnement. Il
est clair, enfin , que si le conditionnement n ’était pas*conforftie
à l’usage auquel le noir était destiné par l’acte même ; si Pessai
n’était pas satisfaisant, elle ne serait pas obligée de le recevoir.
Il est im p o s s ib l e s reculer devant cette proposition, à moins
qu’on ne soit résolu à nier l’évidence.
Remarquons, toutefois, que ce traité fut passé immédiate
ment après l’époque où des-échantillons satisfaisans (superbes
disait-on), avaient été fournis par le sieur Mossier, et où les
gérans avaient raison suffisante d’espérer quelque chose de
lui. C ’est ce que nous confirme la délibération du conseil
d ’administration, qui approuve le traité fait par les gérans. On
y lit ce préambule :
« Un grand nombre d’essais ayant été faits, soit sur latnanière
» la plus économique de fabriquer le noir de schiste, soit sur
» les résultats que devait donner ce noir , convenablementfa» brique, on a acquis la certitude que les obstacles qui s’op» posaient à l’admission de la matière dans les rafineries ,
» étaient vaincus, et que, dès lors , il ne restait plus qu’à se
» livrer à une fabrication étendue.
» Divers marçhés à livrer ont été conclus sur les échantil» Ions envoyés par les gérans.
» Pour satisfaire aux demandes faites et à celles qui pour» ront survenir, M. Mossier, Directeur provisoire, a fait di» verses propositions ; elles ont été débattues en conseil d ad» ministration. Des bases ont été arrêtées; et, d’apres ces
« bases, les gérans ont conclu, avec M. Mossier, le traité
» suivant, qui a été pleinement approuvé par MM les Admi» nislrateurs, comme le moyen le plus propre d’atteindre le
2.
�(
1 2
} -
» buFproposé. » Le traité est ensuite trjyjscrit littéralement.Par suite de ces espérances , conçues’iwr tout le monde , à
la suite des échantillons q u ’avait fournis îe sieur Mossier, et •
des succès qu’ils avaient e u s , la Compagnie voulut étendre les.
élémcns de préparation. Elle acheta, près de Clerm ont, un
moulin pour faciliter à la fois les moyens de moudre, blullcr et
emballer , £t, aussi, la surveillance et le droit de vérification
réservé par le traité aux agens de la Compagnie. Elle livra'
cette usine au sieur Mossier, chargé de toutes ces opérations
par l ’arL i er. Une autre délibération approuv^^ette opération,.
à la date du i " septembre 1828.
Nous avons vu, dans le traité , que le sieur Mossier pro
mettait livrer du noir propre aux rafineries et aux. couleursi
Quelles pouvaient être la force et les conséquences de cfette
promesse? Il est facile de les déterminer, 'et il est utile de les.
envisager, dès à présent, pour bien comprendre ce qui va
suivre..
•
La Compagnie n’avait d’abord supposé à la matière d’autre pro
priété qüc celle du r a f f i n a g e , c o m m e l e t é m o i g n e n t s o n prospec
tus et Ses délibérations précédentes ; mais, appropriera la fabri
cation des couleurs.cc qui ne serait pas bon pour les rafineries,
c’était un moyen de tout utiliser; et, sous ce rapport, un avan
tage pour la société. Le sieur Mossier en ‘offrit la promesse ,
et 011 en accepta l’engagement. Toutefois, cela ne pouvait pro
duire qu’un seul résultat. Si après avoir fourni du noir propreau raffinage et r e c o n n u , tel /îprès l'essai , le sieur Mossier
fournissait encore du noir propre aux couleurs, et qui fut re
connu bon , la société devait les recevoir. S’il ne pouvait en
fournir de cette dernière espèce, mais seulement de la pre
m ière, elle devait s’en contenter. Enfin, s’il ne fournissait
rien du tout, il s’élevait une autre question. Cela pouvait
naître des défauts de la matière ou de ceux de la fabrica
tion.
Le premier cas était peu probable : on ne pouvait même
�(i3)
pas le supposer. Les résultats avantageux, obtenus en dernier
lieu et agréés par les propriétaires des raffineries, avaient dû
rassurer la Compagnie et lui donner la plus grande confiance.
Toutefois , supposé que cela arrivât, et que le sieur Mossier,
sans une faute grave, ne pût pas obtenir de produits con
formes à son engagement, c’était un malheur commun , une
fausse spéculation établie sur des bases erronées, où la Com
pagnie devait perdre ses frais d’achat, de construction , tout
son matériel et ses dépenses, et le sieur Mossier ses frais de
fabrication. C ’était lui, après to u t, qui pouvait le moins s’en
plaindre, car, pharmacien par état, choisi, par cette raison ,
comme Directeur provisoire dès le principe , il avait tout
connu, tout calculé, et s’était chargé, en pleine connaissance
de cause , de fabriquer et fournir à un prix convenu. C ’était
donc son avis, e t , par-dessus to u t, sa promesse écrite qui en
gageait la Compagnie dans des dépenses énormes, pour réa
liser une espérance qu’elle avait pu concevoir , qu’il avait
confirmée après ses expériences, et qu’il s’était engagé à réa
liser. Certes, il n’aurait pas pu se plaindre s i , dans une pareille
position , la Compagnie s ’était résignée à perdre tout ce
qu’elle avait jeté dans cette entreprise, en se réduisant à re
fuser à Mossier le prix d’une matière qu’il ne pouvait pas lui
fournir comme il s’y était engagé ; car elle ne lui doit que le
prix de celte matière, et elle ne peut le devoir que lorsque
Mossier Ja livrera parfaitement propre ou à clarifier, ou aux
couleurs, et lorsque scs propriétés auront été constatées par
la vérification et l'essai des agens de la Compagnie.
Dans h; second cas , et supposé que la faute provint du
sieur Mossier, ou de son inconduite, ou de son défaut de
soin, ou d’une mauvaise fabrication, la Compagnie, qui lui
avait tout livré, moyennant promesse de fournir de'la matière
parfaitement fabriquée , avait le droit de le rendre responsable
du dommage qu’il causait par une faute grave.
Enfin, si la Compagnie, manquant à scs engagemens, et à
�( 14 ]
fournir ce qu’elle avait promis, oubliait ses propres intérêts
jusqu’à entraver la fabrication et à la rendre impossible ; sup
position tellement ridicule que l’esprit la repousse tout natu
rellement , il y aurait eu à voir si Mossier, à son tour, ne pou
vait pas réclamer indemnité.
Voilà, indubitablement, le résultat immédiat de la conven
tion faite entre les parties. Nous aurons donc à faire , d’après
les faits matériels du procès , l’application de l’une ou l ’autre
des règles que nous venons de reconnaître. C ’est pour cela
q u ’il faut porter une grande attention sur des faits que le sieur
Mossier s’efforce de travestir.
Nous pouvons, dès à présent, remarquer que le noir propre
à clarifier devant être ni trop gros, ni trop fin , comme le porte
la lettre du sieur Bardonnet, il restait après le moulage ,
bluttage, etc, une plus ou moins grande quantité de matière
ou trop fine , ou trop grosse, et plus spécialement trop fine
pour y être employée. C ’était un véritable déchet, comme il
en résulte d e toutes e s p è c e s de préparation des matières
brutes. O r, ce déchet était plus ou moins f o r t , suivant que la
fabrication était plus ou moins soignée ; et nous verrons plus
tard, que le sieur Mossier , qui s’en plaint, y a pris si peu
de soin , y a mis si peu d’attention , que par son propre fait,
ce déchet est devenu fort considérable, proportionnellement
aux résultats obtenus. Les expériences faites pendant que la
fabrication était en régie , jointes aux avis de MM. "Bergounh o ux, Lecocq et Darcet, avaient convaincu les gérans que le
noir fin se dissolvait dans le sirop , et qu’au lieu de clarifier
il noircissait ; ce noir fin devait donc être rejeté. Cela seul pro
duisait habituellement un déchet de plus de trente pour c e n t ,
qui devient plus considérable lorsqu’on fabrique mal.
Le rapport de M. Barruel apprenait qu’une expérience
faite d'après son procédé, lui avait produit sur. cent parties de
schiste :
�Noir mineral
58
H u ile ............................................................................
7
Sulfate d’ammoniac....................................................
i 1/2
66 1/2
Le déchet était donc d e ............................................
33
ip
Encore fallait-il des préparations chimiques; fort soignées.
C ’est précisément ce déchet que Mossier avait espéré rendre
propre aux couleurs. Il en avait communiqué l’espérance à la
Compagnie ; elle avait agrée sa proposition de le livrer pour
cet usage, et avait contracté l’engagement de le lui payer au
même prix que le noir à clarifier, lorsqu’il le livrerait parfai
tement fabriqué; mais là s’arrêtaient les obligations de la Com
pagnie; et c’était, à coup $ûr, l’affaire du sieur Mossier, d’exé
cuter ce qui était convenable pour approprier aux couleurs ce
qui ne serait pas bon pour clarifier. Jusques-là on ne lui devait
rien pour cette matière inutile; c’était à lui à s’en défaire, et
à la placer à son grc, comme il l’a fait long-temps, en la ven
dant pour engrais; il est vrai qu’alors on ne la lui payait pas
g fr. le quintal métrique.
Toutefois, remarquons encore que le sieur Mossier avait
conçu fort légèrement cette espérance. Il avait cru qu’il suffi
sait que le noir fut beau, et que la poudre fût fine. Cela aurait
été fort commode et très-p'eu couteux pour lui : ses bénéfices
eussent été énormes, car, sans rien ajouter à ses frais de fa
brication , les déchets eussent autant valu que la matière choi
sie ; mais il était dans l’erreur. Il fallait pour cela quelques
préparations chimiques, quelques précautions qu’il 11c prît
pas, que vraisemblablement il ne connaissait pas ou ne savait
pas employer. Huit mois se passèrent, pendant lesquels, tou
jours présomptueux par suite de sa confiance en lu i-m ê m e ,
toujours négligent et peu soigneux, il n’obtint que des résu!-
�(
1
6
}
.
tats fort au-dessous de ce qu’il avait fait espérer ; des noirs
imparfaits, dont le prix et les frais de transport, payés par la
Compagnie , sont restés en pure perle pour elle.
Une correspondance assez suivie, sur les principales villes
manufacturières de France, témoigne de l’aclivité des gérans
et de l’inutilité de leurs efforts pour placer ces noirs livrés
par le sieur Mossier, et expédiés sur tous les points.
A Bordeaux , après avoir fail Fexamen , on a reconnu , diton , (jue cette qualité de noir ne pouvait réellement convenir.
A Marseille, il est infiniment au-dessous de ceux qu’on em« ploie. Six persones différentes l’ont employé en regard d’ un
j> essai de leurmatière accoutumée. Le résultats été, chez tous,
y> que leur noir a la propriété de dessécher plus promptement
» l’huile, et de faire un plus beau.vernis, tandis que celui-là
j> produit un noir mat.... Vous nous obligerez, ajoute la lettre,
» de nous autoriser, de manière ou d’autre, à nous débarrasser
» de celte matière, ainsi que de celle de voire envoi .précé» dent, qui est pire , et dont nous ne pouvons rien tirer. »
A Lyon , des caisses d'échantillons de noir ont été remises
à huit maisonfc différentes. « Tous les ont fait essayer........
» Aucun n’en a été content. Tous ont tenu le même langage ;
»> qu’il était trop lourd ; que la qualité leur importait moins
» que la légèreté..... Les dilficullés sont insurmontables, etc.»
E videm m ent, le noir mat et la pesanteur ne pouvaient venir
que d’un défaut de fabrication ; de ce que l’huile n’était pas
bien extraite; et de ce qu’on ne suivait pas les procédés de
M. Barruel ; mais le sieur Mossier a-t-il jamais écouté per
sonne ?
Partout ailleurs il en fut de même. Cependant, la Compagnie
avait reçu., depuis le 2 août 1828 jusqu’au mois d’avril 1821),
29,708 kilogrammes de noir à clarifier, et 9,061 kilogrammes
de noir fin , donné par Mossier comme noir à couleur. Enfin ,
il lui en avait vendu 4
kilogrammes pour engrais, non
compris celui livré à des tiers ; et il a tellement raison d’ac
,^ 3
�17 )
cuser les gérans de malveillance, q u e , d’une p a r t , ils lui
passèrent plus de trois mille francs pour les frais de nourri
ture q u ’il avait faits pendant sa régie; et qu’au 2 mai 1829, ils
étaient en avance à son égard de 6,600 fr., comme le témoi
gnent ses comptes courans chez M. Blanc.
Quoiqu’il en soit, on sentit le besoin de prendre des pré
cautions d’une autre nature ; car le traité passé avec Mossier
n’empêchait pas la surveillance ; au contraire, elle devenait
plus impérieuse , par la force même du traite. Or, il était de
venu nécessaire, pour qu’il fût exécuté convenablement,
qu’un homme habile fût adjoint au sieur Mossier. Le sieur
Daubrée se présenta; le sieur Daubrée, industriel de profes
sion , et apportant avec lui la réputation d ’un homme instruit
dans ces matières. U n trailé fut fait avec Mossier et l u i , le
7 avril 1829. Il faut encore le bien connaître. Le sieur Mossier
en a rendu compte aux pages 7 et 8 de son Mémoire. On peut
s’y reporter, on peut même s’arrêter un instant sur les préeau lions qu’il prend, avant tout, pour montrer le but et l’esprit,
soit de ce traité, soit de celui qui l’avait précédé, conventions,
d it-il, qui ne pouvaient s'entendre que de noirs tels qu'ils avaient
été fournis ju sq u ’alors par le sieur Mossier..... Tels que celui
dont les échantillons avaient paru superbes.
Il est facile de réduire cette augmentation à sa véritable va
leur.
O u i , si les noirs étaient bons et de recette ;
N o n , s’ils ne l’étaient pas.
O u i, s’ils étaient conformes aux échantillons trouvés sui*îon, s’ils ne l’étaient pas.
Observons d ’ailleurs que, d’une part, les noirs reçus pré
cédemment par la Compagnie, mais rejetés du commerce, ne
pouvaient être un engagernenl pour l ’avenir ; et qu’il suffisait
au sieur Mossier qu’elle ne prétendît pas répéter le prix de
celte matière inutile, qu’elle avait reçue et payée avec trop de
3
�(
»8
)
confiance; sans que cela pût l’obliger à subir à jamais de pa
reilles deceptions.
E t en second lie u , la réception faite par les gérans dans un!
temps où il n ’y avait qu'une régie, sous la direction provisoire
du sieur Mossier, ne pouvait plus être un exemple, après
des traités faits pour éviter les inconvéniens graves dont on
avait fait l’expérience.
Le sieur Mossier ajoute quYZ s ’associa le sieur Daubrée.
Est-ce qu’il nierait que cette association fut exigée par la
société, dans l’intérêt de tous? Cette mesure, il faut le dire,
était devenue nécessaire pour soutenir une entreprise qui
tendait à se perdre, isolée dans ses mains; et qui s’est à peu
près perdue, parce que cette condition a été violée.
Quoiqu’il en s o it , et malgré la mésaventure du noir à cou
leurs , il fut encore la première stipulation du traité. Les gé
rans eussent été imprudens , sans doute, d’en favoriser encore
la spécvdation, si elle eut été faite par régie, aux frais de la
Compagnie. L ' é p r e u v e paraissait suffisante; mais ils ne cou
raient aucun risque à promettre de l’accepter lorsque les en
trepreneurs le leur livreraient propre à l’usage auquel on le
destinait, et il était parfaitement libre à ceux-ci d’en courir la.
chance.
Toutefois, il fallut faire entendre que les pertes précédentes
étaient provenues d ’un défaut de prévision ; que la préparation
de ce n o i r e x i g e a i t des procédés chimiques, des frais qu’on
n ’avait pas pu faire jusqucs-là , par la fixation d’un prix trop*
rabaissé ; les entrepreneurs s’engagèrent à le fabriquer au prix
de 20 fr. les 100 kilogrammes ‘r et ils demandèrent une augmen
tation o c. sur le noir à clarifier. Ces propositions furent ac
ceptées , quoique beaucoup plus onéreuses, et quoique le
bail de Mossier eût long-temps à courir.
5
Le traité fut rédigé fort clairement L ’art. 1" fixe, comme
nous l’avons d i t , les prix, de la marchandise fabriquée aux
�(
>9
)
frais des entrepreneurs, et qu’ils devront fournir, t e s expres=
sions dont on se sert sont remarquables :
• g fr. o c. pour noir propre au raffinage ;
20 fr. pour le noir propre aux couleurs.
L ’art. 2 porte qu’ils seront conformes aux échantillons ca
chetés , déposés entre les mains des gérans ; et on se récrie ,
en disant que l’échantillon du noir propre aux couleurs n’a ja
mais été déposé. Qu’importe ? ce n’était pas sans doute la
Compagnie, ni les gérans , qui devaient confectionner cet
échantillon , et eux seuls pouvaient se plaindre de ce que les
entrepreneurs ne les avaient pas fournis. A u surplus, on en
voit facilement la raison. On n’était pas du tout fixé sur la cer
titude de cette fabrication pour les couleurs. Si elle ne réussissait
pas, comme nous l’avons dit, les entrepreneurs et la Com
pagnie se trouvaient quittes là-dessus, et personne n’eut pu
penser, en lisant ce traité, que les entrepreneurs y trouveraient
un prétexte de faire prendre à la Compagnie tous les noirs
qu’ils n’auraient pas pu rendre propres au raffinage , quoi
qu’ils ne fussent pas propres aux couleurs. Telle est pourtant
l ’absurdité que le sieur Mossier avait conçue, et avec laquelle
il lui eut été facile de s’enrichir, au détriment de la société ;
car il eut eu intérêt à ne fabriquer que très-peu de noir gros,'
qui ne lui était payé que g fr. o c . , et à faire beaucoup de fin ,
à augmenter les rebuts, q u ’il eût fait payer 20 fr ., précisément
pareequ ’ils n’eussent été bons à rien. C ’est ce q u ’il osa pré
tendre durant un arbitrage, dont nous parlerons plus tard ; et
s’il ne l’ose plus aujourd’h u i, il demande encore qu’on lui paye
tout au même prix , soit le bon , soit le mauvais ; en sorte qu’il
serait de nul intérêt qu’il fournît de bonne ou mauvaise ma
tière ; qu’il serait inutile à la Compagnie d’avoir fait un traité,
de faire une vérification, et de soumettre les produits à l'essai.
Autant vaudrait pour elle , en séparant le bon et le mauvais ,
tout pèsera la fois, sans distinction; expédier lebon, et garder
le mauvais pour en faire du fumier, en payant l’un et l’autre.
5
5
�(' 20 )
Nous ne transcrirons pas ce traité ; mais nous sommes obligés
de relever les clauses essentielles.
Les art. 2,
déterminent plus spécialement les qua
lités du n o ir , la vérification , l'essai, les qualités à fournir.
L ’art. 8 porte que le noir livré sera livré payé chaque mois ;
que s’il reste incomplet, par faute de constructions, il pourra
être fait aux entrepreneurs, sur l’avis du conseil d’administra
tion , telles avances, qui seront évidemment couvertes par la va
leur des noirs aliénés. Nous aurons à appliquer cet article à un
moyen qu’invoque le sieur Mossier, qui s’est plaint du défaut
de construction d’un hangard.
Les art. 9 et 10 doivent fixer l’attention:
« Tous ics engagemens contractés par les entrepreneurs ,
» concernant l’exploitation , leur seront personnels , et rien ne
» pourra être réclamé par des tiers à la Compagnie. »
Pour la garantie du présent bail, ils laisseront en dépôt,
chez M. blanc, quatre actions inaliénables ju sq u ’à fin de bail
cl reddition de compte.
Pourquoi toutes ces précautions ajoutées à la faculté de vé
rifier et d’essayer, si on devait tout prendre sans choix?
Par l ’art. 1 1 , Mossier et Daubrée s’engagent à payer la
ferme du moulin, les contributions de Clermont et Menât;
Par l’art. 12, les gérans leur abandonnent un sixième des
bénéfices de gérance, qui leur étaient passés par la Compagnie,
outre le tiers déjà cédé à Mossier. Ils font donc un sacrifice
personnel pour obtenir l’adjonction du sieur Daubrée.
Par l’art, i/f, on accorde aux entrepreneurs un droit de com
mission sur les ventes.
Trois pour cen t, pour les noirs à raffiner ;
Six pourcent, sur les noirs à couleurs;
On voit que des avantages beaucoup plus grands étaient faits
aux entrepreneurs par ce nouveau traité , et il est évident que
la Compagnie qui aurait pu exiger l’accomplissement des con
ditions beaucoup plus douces, stipulées p a r l e b a i l d e M ossier,
4
5
�( 21 )
ne consentit à en accepter de nouvelles qu’à raison de l’asso
ciation du sieur Daubrée, qui seul, pouvait les exiger; elle
avait donc intérêt à la présence de cet associé ; au moins est-il
évident qu’elle croyait en avoir un fort grand , et qu’elle mettait
plus de prix à sa participation qu’à toutes les promesses’ du
sieur Mossier. Aussi, en trouve-t-on des traces dans l’art. 16,
où, après ^avoir dit que le décès de l ’un des deux entrepre
neurs entraînerait la nullité des traités, on ajoute:
« Si M. Daubrée prédécède, M. Mossier ne pourra continuer
» lentreprise que du consentement des gérans et adminisira» teurs. Le cas arrivant de M. M ossier, Usera loisible à M. Dau» brée de continuer, en s ’adjoignant un de ses frères, ou, àdé» faut, il sera tenu , comme dessus, d’obtenir le consentement
» des gérans et des administrateurs. »
Pourquoi ces précautions absolues à l’égard de Mossier , si
on avait confiance en lui? Serait-ce, comme il l’a dit, par la
seule raison qu’il n’avait pas de frère? Mais alors, pourquoi
annuler un traité suffisant avec lui, et accepter des conditions
plus onéreuses, à raison de l’appel d’un tiers ?
Le sieur Mossier répète ici, page 10, ce qu’il a dit sur la
qualité des noirs , à l’occasion du premier traite ; il le déve
loppe davantage, en disant qu’il n’y avait eu jusque-là aucune
distinction entre le noir gros et le noir fin , que l’un et l’autre
sont propres aux raffineries, et qu’on les a reçus pendant plu
sieurs années. Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit ;
et nous observerons seulement que la Compagnie n’a jainâis
refusé de recevoir les noirs propres au raffinage, et qu’elle n ’est
pas obligée à les recevoir autrement*. Nous ne devons pas
omettre de rappeler la délibération du conseil d’administra
tio n , qui approuve ce traité; elle démontrera mieux encore
l’esprit dans lequel il avait été fait.
« Les gérans de la Compagnie de Menât, ayant pensé que
» l'adjonction et. la j>arùcipation d'un Jiornrne expérimenté dans
» le genre d ’affaires que nécessite l’établissement de l ’usine
�■'C: 0
( 22 )
» de M enât, ne pourrait être qu’extrêmement utile à eux ci
» aux actionnaires, se sont mis en rapport avec M. Daubrée,
» ancien raffineur de sucres , chez lequel diverses expériences
» avaient été faites sur la puissance décolorante des noirs, et la
» manière dont ils devaient êtrefabriqués. Il en est résulté le traité
suivant, auquel MM. Besse, Prévost, Bardonnet, Roddeet
» Cournon, ont donné leur approbation, comme membres du
» Conseil d ’administration. »
Ces signatures, en effet , terminent la délibération. Cela ne
laisse aucun doute sur le but et la cause de ce traité, qui n’avait
pour objet que le noir propre à la décoloration ou raffinage.
Après ce traité, le sieur Daubrée fit Un voyage à Lyon pour
tacher de donner du crédit aux noirs à couleurs. Par une lettre
du io avril, il rend compte des objections qu’on lui a faites
et qu’il a vérifiées : Ce noir est trop lourd, on le regarde comme
supérieur pour les peintures à fresque ; mais *il faut employer
quelques moyens chimiques pour lui enlever de son poids; enfin,
il est intimement convaincu qu’on doit réussir en changeant le
mode de fabrication,
Dans une seconde lettre du i avril, il parle des essais qu’il
a faits avec des négocians pour obtenir plus de légèreté ; ils
ont parfaitement réussi ; il ne s'agit plus que de les répéter en
grand pour établir le coût de l'opération. Il va se rendre le plus
tôt possible à Clermont.
Il est donc évident qu’il y avait à améliorer la fabrication
par des moyens chimiques ; qu'il fallait en changer le mode ;
qu’il l’àvait essayé; qu’il allait revenir à Clermont pour cela ;
que , dès lors , il n’était*plus un simple voyageur, comme le
dit M ossicr, mais la cheville ouvrière de la fabrication.
Peu nprès , il fut passé, le i" mai 1829, un traité pour la
vente, avec un sieur Dumont. Il en a été rendu compte aux
pages iü et 11 du Mémoire M ossicr.Dum ont, dit-il, avait in
venté un procédé qui rendait le noir gros préférable au noir
fin ; mais il prenait une partie de noir fin ( un septième). Les
3
�(a3)
gérans se réservaient de prendre le surplus. Donc, dit-il encore,
le noir fin était propre à cet usage ; donc, tous les noirs, indis
tinctement,, devaient être reçus par la Compagnie.
Belle conséquence! Le sieur Mossier n’a-t-il donc pas lu
dans ce traite que si Dumont s’obligeait à prendre un septième
du n o ir, dit noirfin, il ajoutait : à raffinerie, parjaitementpurgé
de la poussière impalpable, propre à la décoloration des sirops P
N ’a-t-il pas compris que si les gérans se réservaient de vendre
le surplus, c’était toujours du noir propre à la décoloration,
et dans l’esprit de leur traité avec Mossier , qui les obligeait
à prendre, à g fr. o cent., les noirs propres à rafinerie? Cela
voulait-il dire : tous les produits, tous les noirs indistinctement ;
soit qu'ils fussent ou non propres au raffinage?
Au reste, remarquons que les gérans vendaient seulement
18 fr. les cent kilogrammes de noir rendus à Paris. On voit que
jusque-Jà les bénéfices n’étaient pas considérables, en dédui
sant d e s i 8 f r ., i° 9 fr. ocent.; 2°les frais de port ; °l'intérêt
de la mise de fonds.
5
5
3
Au reste, un fait se place à cette époque, et n’est'pas du tout
indifférent.
C ’est le lendemain, 2 mai, que Mossier régla son compte
avec le trésorier de la Compagnie, et que le trésorier se trouva
en avance à son égard de 6,600 fr. A cette époque il existait dans
le magasin plus de 800 quintaux métriques de l’espèce de noir
qui fait aujourd’hui l’objet du procès. On le demande: si celte
matière, qui eût été en valeur de 7,600 fr., eût dû être à la
charge de la Compagnie, Mossier se fût-il reconnu débiteur
de 6,600 fr ., sans réclamer qu’on le reçut en payement? Ce
n ’est pas seulement de son silence que nous tirons cet argu
ment , car le même jour il donna une déclaration qu’il a reti
rée depuis, et qui est encore attachée à son dossier ; elle est
ainsi conçue :
« Je déclaré devoir à M. P. Blanc, trésorier de la Coinpa» gnic de Menai, la somme de 6,600 f r ., qu’il m'a avancéc
�.
(
2
4
}
yy sur les livraisons de noir que je dois faire à la Compagnie
» toutes les livraisons faites ju sq u ’à ce jo u r , ayant été réglées et
» payées par le trésorier. »
A u reste, c’est un fait utile à constater, que le 2 mai 1829 ,
les gérans étaient en avance de 6,600 f r ., par suite de la faci
lité que le sieur Blanc avait donnée au sieur Mossier de
prendre des fonds dans sa maison sur sa seule signature. En
rapprochant cette circonstance de l’art. 8 du traité du 7 avril,
où, dans le cas d’insuffisance de construction, les gérans ne
s’obligeaient qu’à des avances de fonds, et encore à condition
qu elles seraient évidemment couvertes par la valeur des noirs
calcinés , on pourra apprécier les diverses déclamations du
sieur Mossier. D ’ailleurs, une assemblée générale, du 8 juin,
approuva tous les actes passés , soit avec D um ont, soit avec
Daubrée et M ossier, et fixa les dépenses faites jusqu’alors à
192,596 fr. On voit que la Compagnie n’avait pas craint de
faire des frais pour son entreprise. O r , une partie notable de
celte somme avait clé employée par le sieur Mossier ; il n’a
vait donc pas été en souffrance, comme il le prétend ; e t ,
d ’ailleurs, il ne s’en était jamais plaint; il n’avait rien réclamé
qu’o n n ’eûtfaitou qu’on ne l’eût autorisé à faire à l’instant même.
Ici se place un acte fort extraordinaire, que les gérans et la
Compagnie ont ignoré long-tem ps, et qu’on avait pris grand
soin de dissimuler. Le sieur Mossier le dissimule encore en
quelque sorte ; il le j elle hors de sa date, et se borne à en
dire un mot à la page i , comme d’un acte indifférent dont il
avait oublié de parler.
Il y avait à peine trois mois que les gérans avaient passé le
traite du 7 avril 1829, qu’ils avaient fait des sacrifices consi
dérables pour obtenir l’association du sieur D aubrée, et sou
obligation de concourir à la fabrication , lorsque les deux en
trepreneurs détruisirent , à part eux, cette convention, qui
était principale pour la Compagnie. Ils le firent par un acte du
16 juillet 1829.
3
�( a5 )
L ’harmonie n’avait pas régné long-temps. Le sieur Mossier,
toujours absolu , toujours entiché de lui-même, voulait, à tout
p rix, faire prévaloir des idées que le sieur Daubrée n’adop
tait pas. Sa prétention à tout diriger pouvait devenir dange
reuse pour le sieur Daubrée. L ’expérience de celui-ci, sa pré
sence , sa participation , étaient fort incommodes au sieur
Mossier, qui ne voulait pas qu’on changeât le mode de fahrica
tion , car il n’y a jamais de bien fait que ce qu’il fait. Aussi, ne
tarda-t-il pas à prétendre que leurs caractères ne pouvaient
sympathiser (c’est ce q u ’il avait dit et prouvé à tout venant) ;
e t , cTailleurs, la manière d ’opérer de M. Daubrée , ses plans ,
ses projets, ne s ’accordent pas avec les miens, disait le sieur
Mossier , s’il faut s ’en rapporter à une copie de lettre qui est
jointe à son dossier, comme ayant été écrite aux gérans, le
28 juin 182g. Il résulterait aussi de cette lettre , que M. Dau
brée proposait de se charger seul de la fabrication, en don
nant une indemnité à Mossier ; que les gérans favorisaient
cette proposition , qui entrait dans les vues de la Compagnie,
puisque croyant ne pouvoir réussir avec Mossier tout seul, elle
avait acheté, par des sacrifices, l’adjonction du sieur Daubrée ;
puisqu’elle regardait avec lui comme convenable de changer le
mode de fabrication ; mais comment faire admettre cette con
cession à la vanité et à l ’entêtement ? Le sieur Mossier préféra
sacrifier ses intérêts à son amour-propre; et sentant bien que,
ni les gérans, ni la Compagnie, ne consentiraient à l’accepter
une troisième fois comme Directeur ou Fabricant unique , il
dégoûta tellement le sieur Daubrée; que celui-ci ayant trouvé
à faire une autre spéculation qui lui souriait davantage , ils
rompirent ensemble toute association. Il f a u t voir encore celte
nouvelle convention.
Le préambule est une précaution oratoire , une simple fic
tion.
Les deux entrepreneurs n'entendent nullement rien changer
aux conditions du traité du 7 avril, en ce qu'elles ont d ’obliga-
4
�( *6 )
lion de leur part envers les gérans, mais prévenir des contestalions dans leurs attributions.
i
Suivent les conditions privées de ces Messieurs :
Toutes les conventions relatives à la fabrication du noir, au
matériel de l’établissement, restent personnelles à M. Mossier,
qui promet renvoyer indemne M. Daubrée de toutes pour
suites intentées , à défaut, par M ossier, de livrer les quantités
de noir demandées , ou des marchandises mal fabriquées. Yoilà
l ’art. i". C ’est ce qu’on appelle ne rien changer aux conven
tions faites à Fégard de la Compagnie, alors qu’elle avait fait
tant de sacrifices pour appeler Daubrée à la fabrication, et ne
pas avoir, comme précédemment, des marchandises mal f a
briquées.
Par l’art. 2 , Daubrée se charge de faire toutes les tournées
pour le compte de la Société : donc, ce n’était pas là l’unique,
ni le principal objet des gérans en l’appelant à Menât. C a r , en
ce cas, il n ’y avait pas besoin d’un nouveau traité pour l’y ré-,
duirc.
Daubrée se réserve, par les articles suivans , l’indemnité
de o
et de irancs, sur les ventes de chaque espèce de noir ;
les droits de commission, accordés par l’art. 14, sauf 2 francs,
qui sont laissés à Mossier; on lui laisse enfin l’avantage de
toutes les autres stipulations du traité du 7 avril, spécialement
la moitié des bénéfices de gérans, qui lui restent en totalité.
Enfin, par l’art. , pour se mettre d’accord avec le préam
bule, on stipule qu’on écrira aux gérans une lettre qui n’a
jamais été écrite, et qu i, vraisemblablement, ne devait pas
l ’être.
,25
3
8
On voit que chacun fit sa part sans s’inquiéter des intérêts
de la Compagnie. La répartition des bénéfices lui eût été fort
indifférente, si le sieur Daubrée fut resté chargé de la fabri
cation ; mais il l’abandonna immédiatement. Le sieur Mossier
sc débarrassa d ’un homme qui l’incommodait, pour lequel il
avait de l’anthipathic; et le sieur Daubrée porta son industrie
�*7
, (
)'
dans la nouvelle fabrique de sucre de la plaine de la Vaure i
sauf à laisser la Compagnie et la fabrication du noir embarras
sées de la présence du sieur Mossier , livré à lui-m êm e et à
l ’orgueil insupportablè de ses prétentions.
Le sieur Dumont avait fait des demandes de noir assez
fortes ; les gérans l’annoncèrent aux entrepreneurs par lettre
du août. Ne s’occupant que des noirs à clarifier, seul et pri
mitif objet de la spéculation, ils leur demandent de fournir
une quantité déterminée de noir à clarifier. Tout est à remar
quer dans cette lettre , d’ailleurs fort courte.
Elle est écrite à MM. Mossier et Daubree: « Conformément.
» à Fart. de notre traité du 7 avril dernier, nous avons l’hon» neur de v o u s prévenir que nous avons besoin de 80,000 kilo» grammes, chaque mois, de noir propre à la décoloration des
» sucres, dont la grosseur ne devra pas excéder la toile n° o ,
» ni dépasser, pour la finesse, la toile n° 100, c’est-à-dire,
» conforme à l'échantillon cacheté avec M . D um ont, et dont
» vous avez connaissance. Veuillez prendre vos mesures........
»> Nous vous prions ne nous accuser réception de la pré» sente. »
*
Ainsi on s’adressait, comme on en avait le droit, à M M . Mos
sier et Daubree.
A in si, ces Messieurs connaissaient la convention faite avcc
Dumont.
A in s i, il avait été déposé un échantillon de n o ir , qui ne'
devait pas excéder la toile n° o , ni dépasser celle n° 100 ;
et ils le connaissaient , et cela était conforme au traité du
7 avril.
Ainsi, ce noir était celui qu’on avait admis comme propre à
la décoloration des sucres.
Voilà des faits conslans, posés par cette lettre. Ont-ils été
contestés ? Jamais. Le sieur Mossier ne l’eût pas osé. Ils
étaient vrais , positifs. Il crut être quille en ne faisant pas de
réponse.
■
'
3
3
3
3
4<
�( 28 y, ''
«Une lettre de rappel lu i'fu t écrite lé 8 octobre; elle est
courte et expressive :
« Nous vous confirmons notre lettre du
août dernier, qui
» est restée sans réponse, malgré notre invitation de nous en
» accuser réception.
' » Nous vous prions , pour le bon ordre, de vouloir bien ré» parer cette omission. »
' On voit que les gérans ne demandaient cela que pour le bon
ordre dans’üne opération commerciale. Ils ne mettaient pas.
en doute que les entrepreneurs ne se fussent mis en mesure
de fournir , alors , surtout, qu’ils n’avaient rien dit ni écrit de
contraire.
n
Voyons la réponse; elle a bien son mérite :
3
i a Octobre. _
3
« J ’ai l’honneur de répondre à votre lettre du août......;
» que je suis en mesure de fournir et même de dépasser la
» quantité de noir qui m ’est demandée, pourvu que la Com» pagnie, de son côté, et aux termes de l’art. i de notre con» vention , qui l’oblige à faire toutes les constructions néces» saires à la fabrication du noir, me mette en possession d ’un
» hangard indispensable pour abriter le schiste, le noir et les
» ouvriers. Le retard de cette construction est le seul obstacle
» à l’exécution actuelle de votre demande. »
A in s i, il ne se plaint pas de ce qu’on écrit ¿Daubrée comme
à lui ; il n’avertit pas qu’ il est resté seul chargé de la fabrica
tion ; il était convenu qu’il écrirait une lettre; une occasion
se présente où il ne pouvait pas garder le silence sans une
coupable dissimulation, et il ne la saisit pas. La convention
qu’une lettre serait écrite était donc aussi une fiction.
Il ne désavoue pas connaître la convention de Duinont, l'é
chantillon déposé; il ne se plaint pas de la qualité du noir de
mandée ; il ne nie p a s , enfin, que cette commande ne soit con
forme au trailé.du 7 avril ; au contraire , il y consent, il est en
mesure de fournir et même de dépasser la quantité demandée.
3
�( 29 )
'E n f in , tout en représentant à la Compagnie qu’elle doit
faire toutes les constructions nécessaires à la fabrication , il ne
réclame qu’une seule chose, un hangard.... . qui encore n’est
nécessaire que pour abriter. C’est là le seul obstacle , dit-il, à
l ’exécution actuelle de la demande.
Tout cela est fort clair, et n’a pas besoin d’autres comment
tàires.
-L e même jour, 12 octobre , les gérans faisaient signifier à
Mossier une sommation de fournir la quantité de noir demandé,
déclarant qu’ils le font pour établir leurs diligences aux yeux
du sieur Dumont et des actionnaires.
Nous avons dû placer immédiatement, tout ce qui était re
latif à la lettre du août, pour ne pas rompre l’harmonie des
faits. Nous devons revenir maintenant sur un acte intermé
diaire , qui se lie aux faits ultérieurs, et qui est, dans la cause,
de la plus haute importance.
L ’association du sieur Daubrée à la fabrication, semblait
accroître et assurer les espérances. Le sieur Dumont crut pou
voir s’approprier cette spéculation par un acte d’une autre
nature ; et les gérans, en accédant à la demande qu’il en f i t ,
et en acceptant une somme fix e , par année , déchargée de
toute chance, crurent avoir mené à bien cette entreprise,
qu’ils avaient considérée , des le principe , comme sûre et
d ’une facile exécution.
Le 8 septembre , ils passèrent un bail au profit du sieur
Dumont; nous sommes obligés de nous réduire à l’analiscr ;
nous le ferons avec exactitude ; mais cela est nécessaire, puisque
le sieur Mossicr s’en est à peine occupé. Il faut en bien saisir
les clauses et le caractère, soit entre les parties qui l’ont con
senti, soit à l’égard de Mossier, qui l’a accepté plus tard.
Les gérans afferment au sieur Dumont, pour quinze années,
l’entier établissement, le moulin de Clermont, et le privilège
exclusif des‘brevets obtenus par M. Bergounhoux pour la car
bonisation du schiste, et son application à la décoloration des
3
�( 5° )
sucres et sirops. On voit que la Compagnie ne s’occupe tou*
jours que de cet objet p rin cipal, et qu’elle ne regarde pas
l ’application aux couleurs, comme chose obligée, ni sur la
quelle elle compte.
« M. Dumont déclare avoir parfaite connaissance : i° de
» l ’acte de société ; 2° Des conventions verbales, faites avec
31 Mossier et Daubrée; 3° De celles faites pour le transport, avec
» Thomas Yeysset; il se substitue au lieu et place de la Com» pagnie de Menât, tant envers le gouvernem ent, qu’envers
» MM. Mossier et Daubrée, et M. Thomas Y eysset, avec les—
» quels la Compagnie a déjà traité. »
A près l’expiration des arrangemens pris avec Mossier et
Daubrée , Dumont continuera les engagemens de ces derniers
vis-à-vis la société.
L ’art. 4 fixe les quantités de noir que Dumont pourra faire
fabriquer, et stipule un supplément de p rix, s’il l’excède.
L ’art. 5 fixe le prix du bail à 12,000 fr. la première année ,
et 24,000 fr. pour chacune des quatorze autres.... sans diminu
tion pour les cas fortuits ou imprévus.
Les constructions sont à la charge de Dumont. Il fournira
un cautionnement de 40,000 fr. en immeubles, et les construc4 ions seront acquises à la Société.
Il pourra céder en tout ou partie , à qui bon lui semblera.
E n fin , l ’acte sera n u l, s’il n’est ratifié par la Compagnie,
d’ici au 3o septembre.
Cet acte, signé à C lcrm ont, par Guillaum on, le 8 septembre,
et à Paris, le ao, par le sieur D um on t, fut soumis, le 24, à l ’as
semblée des actionnaires. II présentait des avantages tellement
positifs, qu’il était impossible de ne pas l’approuver. Avoir un
produit annuel de 24,000 fr. quitte et net, avec décharge complelte de tous soins de fabrication, de toute responsabilité;
laisser en présence, Dumont d’une part, Mossier et Daubrée
de l’autre; rester tout à fait en dehors des périls et des inquié
tudes; n’avoir plus à se mêler de rien , si ce n’est d’assurer le
�( 3i )
payement des 24,000 fr. ; tels étaient les avantages que les gé
rans eurent à présenter à la Compagnie. Sur trente-un action
naires , vingt-huit ont paru à la délibération. Nous avons be
soin de nous y arrêter un peu.
Il est dit, d’abord , qu’il a etc donné lecture du traité conclu,
sauf Fapprobation individuelle de tous les actionnaires, et dont
l ’objet est de substituer M. Dumont à tous les droits de la Com
pagnie , sous des conditions dont on rend compte successive
ment.
« Un membre demande si dans la nouvelle position où les
» gérans se trouvaient placés, l ’acte de société ne serait pas
» susceptible de quelques modifications? » Nous devons re
marquer cette phrase, qui avait trait à l’indemnité accordée
aux gérans, pour les peines qu’ils avaient à se donner. On se
rappelle que cette indemnité, consistant dans une part des
bénéfices, avait été cédée, pour moitié, à Mossier et à Daubrée, par le traité du 7 avril 1829. Il est question de la supr
p rim er, puisque la gérance change tout à fait de nature.
Voyons ce qui se passe :
« M. Blanc a aussitôt "déclaré qu’ils se départaient, pendant
» la durée du bail avec Dum ont, de leur portion, au bénéfice
» des actionnaires. M. Guillaumon a fait instantanément la
» même déclaration ; mais ces messieurs avaient précédemment
» concédé moitié de leurs parts à M , Mossier, qui, de son côté,
» en avait rétrocédé moitié au sieur Daubrée.
Après cette déclaration publique, faite par les gérans sur la
provocation d’un actionnaire, lesieurMossierétait dans l’obli
gation de s’expliquer. En cédant, à lui ou à Daubrée, pour
l ’avantage de la société, la moitié de leurs bénéfices person
nels , les gérans avaient montré du désintéressement elle désir
bien v if de faire prospérer l’entreprise. Mais Daubrée, qui en
avait un q u a rt, d ’après le traité du 7 avril, n’était pas présent ;
c’était donc le cas, ou jamais, pour le sieur Mossier, de dé
clarer que la moitié entière avait passé dans'scs mains, par une
�( 32 •)
convention postérieure au 7 avril ; et de dire s’il entendait,
ou non , y renoncer. Que répondit-il?
« M. Mossier s’est départi de sa portion, se réservant de
» conférer avec M. Daubrée, absent pour le moment, pour
» obtenir son désistement, »
Voilà de la bonne f o i, sans doute. Dirait-on , par hasard ,
que c’était sérieusement qu’il était dit dans l’acte du 16 juillet
qu’on écrirait une lettre aux gérans, pour leur faire connaître
la retraite du sieur Daubrée? N ’est-il pas évident qu’ils n’en
savaient rien , le 24 septem bre, plus de deux mois après, et
que ce jour-là on le leur dissimulait encore? On avait donc
intérêt à le leur laisser ignorer; ils avaient donc intérêt à le
savoir, et cet intérêt naissait de celui qu’ils avaient eu à associer
le sieur Daubrée à \afabrication , et des sacrifices qu’ils avaient
faits pour l’obtenir.
Quoiqu’il en soit, la délibération continue:
« D ’après ces assurances , données par les divers intéressés,
» on a mis aux voix l’approbation ou le rejet du marché conclu.
» Les voix ont été unanimes pour Tadoption. Tous les action
na naires étaient présens en personne ou par procuration , à
» l’exception de MM. B esse, Cavy, Chevarrier et mademoiselle
» Engelvin, qui seront ultérieurement priés d’accéder à la
» présente délibération, ainsi que MM. L ccoq, de Paris , et
»> Fauquc, de Saint-Étienne. » Cette dernière condition a été
remplie par l’adhésion ultérieure des six actionnaires absens.
A in s i, la convention qui substitue Dumont à la Compagnie,
soit à l’égard du gouvernement, soit à Tégard de Mossier et
Daubréey soit enfin envers Thomas Veysset, a été agréée et
acceptée par tous les intéressés.
Le sieur Mossier dit qu’ il ne l’a acceptée que comme ac
tionnaire, et non comme entrepreneur. Cette explication
évasive fera-t-elle fortune? Passe encore, s’il n’avail figuré dans
Ja délibération qup par cette expression générale : Tous les
�:
( 35 1
actionnaires ont adopté. Toutefois, il lui serait difficile , dans
les circonstances, de scinder son acceptation , à moins qu’il
veuille nous donner la parodie d’une scène de Molière; mais
n ’y a-t-il que cela? Est-ce que, par hasard, ce n’était pas
comme, entrepreneur, que les gérans lui avaient cédé une part
de leurs benefices personnels? Est-ce que ce n’est pas l’entre
preneur qui a pris la parole pour dire qu’il se départait de sa,
portion?Serait-ce encore comme actionnaire qu’il se serait ré
servé d’en conférer avec M. Daubrée? Mais Daubrée n’était
même pas actionnaire.
Au reste, il faudrait aller plus loin, pour pouvoir contester
les conséquences de ce fait, il faudrait nier le fait lui-même.
Le sieur Mossier l’a essayé assez publiquement, pour que
nous puissions retracer ici une scène d’audience, qui n’aura
pas sans doute échappé à la mémoire des magistrats.
En plaidant la cause devant la Cour, sur la fin de l’année
dernière, l’avocat des gérans disait que cette acceptation,
signée du sieur Mossier, l ’avait dépouillé de toute action
contre e u x , et qu’il était réduit à agir contre les sieurs Dumont
et Derosne (ce dernier devenu associé de Dumont). Pour dé
tourner l’effet de cette argumentation , le défenseur de Mossier
dit qu’il n’avait pas signé la délibération. On croyait être cer
tain du contraire , et on le soutenait ; on lisait en effet ces mots
parmi les autres signatures.
Mossier, tant pour lui que pour M. Breschet.
M. Brcsclict est le beau-père du sieur M ossier,'et action
naire comme lui. A in s i, ces mots: Pour lui, signifiaient que la
signature était celle du sieur Mossier, qui avait signé pour soi
et pour son beau-père.
On nous apprit alors que cettesignature était celle de la dame
Mossier, qui avait, toutefois, bien évidemment signé et parlé au
nom de son mari. II fallut bien le croire; c a r, lorsque nous pro
duisîmes des lettres, quittancesot effets, pour justifier quec’était
l’écriture de M ossier, on nous fit apercevoir que quelques-unes
�(
3 4
)
......................................................................................................................
'étaient de la main- de la femme, et qu’aussi l’écriture différait
de celle du mari. 11 fallut reconnaître le fait; mais il fut facile
de démontrer que si la signature avait élé donnée à domicile;
il importait très-peu que la fem m e, sans aucune indication
qui pût le faire soupçonner, eût signé pour son m ari, puisque
le mari n’avait ni rétracté son acceptation , ni retiré son con
sentement d’abandonner sa part des bénéfices; que le sieur
Breschct n’avait pas plus que l u i , contesté la sincérité de son
approbation , et q u e , ni l’un , ni l’autre, ne le contestaient au
moment de la plaidoirie. Le sieur Mossier aperçut qu’il se
fourvoyait, et n’insista pas sur ce fait, qui ne pouvait produire
aucun résultat qui lui fût favorable. Aujourd’hui, il se réduit
à parler de sa qualité intentionnelle. Nous n’en disons pas
davantage , et nous reprenons notre narration
Nous omettons pour le moment quelques actes judiciaires,
qui commencèrent, entre les gérans et les entrepreneurs, le
procès qui fut jugé par des arbitres. Nous les reprendrons
plus t ard. Il nous semble plus opportun d ’achever de faire
connaître les faits relatifs au t r a i t e , p a r c e que l’incident d’ar
bitrage s’en détache tout à fait. Ce sera soulager l’attention et la
m ém oire, que de ne pas croiser des faits , dont chacun dépend
de plusieurs actes éloignés les uns des autres.
Comme le traité du 8 septembre ne devait être définitif
qu’après avoir été approuvé par tous'les actionnaires, il fut
délivré, par les membres du conseil d’administration, un cer
tificat ainsi conçu :
« Nous, soussignés, membre du conseil d’administration
» de la Compagnie de M enât, certifions que tous nos cointé/> ressés ont donné leur assentiment aux accords faits pour
» l’espace de quinze années entre les gérans de la Compagnie ,
» d’une p art, et M. Julien D um ont, de Paris, d’autre part ; et
» que la caution de M. Derosnc , pour l’exécution des enga» gemens dudit D um ont, est a gréée, à la charge par le s u s d i t
�»
(
55
)
1
s> de la faire régulariser. À Clermont , e deux de'cembre 182g.
» Signé, Besse, H. Cournon, Prévost. »
Cet acte apprend que le sieur Derosne s’était présenté
pour fournir le cautionnement de 40,000 fr. Il avait, en effet,
dès le 27 septembre, écrit aux gérans pour leur annoncer qu’au
moyen de son association au bail de Dumont, il leur offrait
une hypothèque de 40,000 f r ., qu’il autorisait à prendre sur
ses biens.
Le 2 octobre, les gérans avaient accepté cette proposition.
Enfin , comme la conclusion de cette affaire importante ne
pouvait s’opérer par une simple correspondance , le sieur
Guillaumon, l’un des gérans, prit le parti de se rendre à Paris,
où il s’aboucha avec les sieurs Dumont et Derosne. Eloigné
de toute dissimulation , il parla du procès déjà existant sur la
prétention de Mossier, de faire recevoir comme propres aux
couleurs des noirs qui n’avaient pas cette qualité, et qui pou
vaient n’être considérés que comme des rebuts. Derosne, qui ne
connaissait que Dumont et son traité, et qui voyait pour la
première fois le sieur Guillaumon, conçut quelques inquié
tudes ; il craignit qu’on ne f î t , plus tard, le dépôt d ’un échan
tillon au préjudice de Dumont et lui; et, dans le but unique
de s’en préserver, il demanda à Guillaumon une déclaration
du fait, qui lui fut remise, sans la moindre difficulté. Elle est
conçue en ces termes :
« Je soussigné, gérant de la Compagnie de Menât, certifie
» que l’échantillon de noir fin à couleur, qui devait être dé» posé cacheté, conformément au traité fait entre ladite Com» pagnic cl MM. Daubrée et Mossier, le 7 mai 1829, n’a pas
» encore été déposé, et qu’il n’a été déposé que Véchantillon
» de noir en grain, propre à la décoloration des sirops , et pa» reil à celui cacheté étant entre les mains du sieur Dumont.
» Je déclare, en outre, que la Compagnie n’est pas d’accord
» avec les sieurs Mossier et Daubrée, relativement au noir fin
j> à couleur, qui ne lui a pas paru propre à remplir cette destir
.
5
�( 30 )
» nation, et que cette question est actuellement soumise a des
» arbitres. »
Le sieur Mossier prétend nous faire accroire qu’il compte
beaucoup sur cette p ièce, et qu’il y trouve un moyen saillant ;
c’ est de la jactance. On voit qu’elle renferme seulement la dé
claration d’un fait qui a été avoué dans tous les tem p s, par
toutes les parties, et qui demeure tout à fait sans influence,
comme nous le verrons plus tard. Ne nous écartons pas des
termes de celte déclaration , pour y chercher autre chose que
ce qu’elle dit, et l’appliquer à un objet auquel elle demeure
tout à fait étrangère et reconnaissons qu’il n ’est pas étonnant
q u ’on ne trouve pas dans la main des gérans l’échantillon du
noir propre aux couleurs, puisqu’on n’a pas pu fabriquer
ce noir ni en masse , ni en échantillon.
La négociation de Guiljaumon à Paris, fut d’ailleurs prom p
tement terminée. De concert avec Dum ont, il déposa, dans
l’élude de M* F évrier, notaire, le bail du 8 septembre, et le
certificat du Conseil d’Administralion. Le sieur Derosne in
tervint pour fournir son hypothèque, et tout fut irrévocable
ment consommé quant au bail de Dumont. Il fut , avec De
rosne , mis en possession de tout le matériel ; et cet acte , après
avoir etc approuvé par tous les intéressés, fut exécuté par la
Compagnie, par les Entrepreneurs ; et, enfin , par Dumont et
Derosne. Nous ferons connaître les faits d’une exécution vo
lontaire et continue, émanés de toutes les parties; mais il ne
faut pas laisser aussi loin derrière nous ceux qui sont relatifs
à la contestation qui eut lieu devant les arbitres, et qui, d’ail
leurs , se lient avec les faits d’exécution.
I c i , le sieur Mossicr veut imputer au sieur B lan c, une sorte
de mauvaise f o i , pour avoir réclame personnellement le rem
boursement des G,600 fr. d’avances par lui faites, d’après l’ar
rêté du 2 mai 18x9, tandis que la Compagnie en avait fait
compte au sieur Blanc, comme gérant. II faut expliquer ce
�( 57 )
fait : Le sieur,Blanc ayant fait cette avance, sans approbation
et contre le désir exprimé par les actionnaires , par. conse'quent avec ses deniers personnels , en avait réclamé la répé
tition contre Mossier. Celui-ci objecta qu’il ne la devait qu’à
la Société, qui en avait fait compte à la caisse du sieur Blanc.
Certain de n’en avoir rien reçu , le sieur Blanc persista. Le tri
bunal de commerce, sans désemparer, ^envoya chercher le re
gistre des délibérations de la Compagnie , qui était déposé
chez le Secrétaire,: il se trouva q u e , par un renvoi mis après
coup, et hors la présence du sicuç Blanc, en marge de la dé
libération du 8 juin , la Compagnie avait compris cette avance
dans le règlement, sans cependant qu’elle y soit nominative
ment désignée. Le sieur Blanc l’ignorait; il n’avait rien reçu. Le
iribunal de commerce crut alors devoir renvoyer la décision
aux comptes à faire avec la Compagnie. Le sieur Blanc n’était
pas moins créancier fort légitime de cette somme de 6,600 fiNous avons vu, ci-dessus, que le 12 octobre 1829 , les gé
rans avaient fait à Mossier une sommation de fournir la quan
tité de noir demandé par Dumont. Le 14 du même m o is,
Mossier leur donna une assignation tendante à nomination
d ’arbitres, pour statuer, soit sur la mise en demeure , résul
tante de l’acte du 12, soit sur les suites du défaut de construc
tion d’un hangard. Les arbitres furent nommés , et devant eux
s’élevèrent des difficultés plus considérables. Le sieur. Mossier
prétendit que les gérans devaient accepter indistinctement
tout le noir fin provenu de la fabrication.
Nous avons besoin d’éclairer à fonds cette partie des faits
de la cause , pour détruire une allégation qui est la cheville
ouvrière du sieur Mossier. Il prétend, page i et suivantes,
que jusqu'au 1" septembre .1829, les gérans d’abord, et Du,inont ensuite , « qui s'était chargé de tout prendre jusqu'à ccttp
» ép o que, n’élcvaicnt pas de difficulté sur les noirs. Ils les
» recevaient tous , principalement conifnc propres a la raffine» rie ; mais en partie, aussi, comme propre aux couleurs, car les
4
�( 3« )
'» plus fins, notamment ceux qui étaient en poudre impalpabie}
» pouvaient servir à cet usage. »
« Mais, continue-t-il, au i cr septembre, Dumont ne dut plus
recevoir qu’un septième de noir fin, et les gérans ne retirant
pas le surplus qu’ils s'étaient cependant réservé de vendre, il se
form a un germe de discussion. Alors furent signifies les actes
des 12 et 14 octobre, et le procès commença. » N ’oublions pas
cela. Pas de grief au sujet des noirs fins fabriqués avant le
i " septembre ; mais, depuis cette époque, on n’a plus voulu
les recevoir comme par le passé, et ils se sont amoncelés.
Voilà le point de départ du sieur M ossier, qui consiste,
après t o u t , dans une allégation tellement vagu e, qu’il est im
possible d’y saisir un fait précis.
En la prenant telle qu’elle est, on pourrait demander au
sieur Mossier quel jour les gérans ou Dumont ont r e ç u , en
partie, des noirs comme propres aux couleurs ; en quelle quan
tité ils les ont reçus; comment ils les ont vérifiés, essayés; s’ils
les ont payes, 20 fr. depuis le traité du 7 avril, ou seulement 9 fr.
o cent., ou seulement 2 fr., en les considérant comme engrais?
Nous demanderions comment il a fait passer de la poudre im
palpable, alors que, pour le noir à couleurs, elle n’aurait pas été
complètement triée et séparée de tout autre noir fin ; et que,
comme noir fin à raffinerie, le traité du 1" mai, entre les gé
rans et'Dumont, démontre que pour être de recette , il devait
être parfaitement purgé de la poussière impalpable; or, cela devan t
être vrai, avant comme après , il est de toute impossibilité que
Dumont ait reçu les noirs fins, sans qu’ils eussent les condi
tions prescrites, pas plus avant qu’après le 1" septembre 1829.
Aussi, voyons-nous que le sieur Mossierne présente là-dessus
que des allégations vagues, et qu’il serait plus qu’embarrassé
de préciser.
Mais il y a plus : Celte allégation est de toute inexactitude.
Nous allons le prouver, pièces en m ain, et avec le jugement
arbitral lui-môine.
5
�{, 3° ] .
Rappelons d ’abord que l'échantillon des noirs à raffinerie
avait été déposé, et q u ’il faisait la règle des parties.
Rappelons qu’on n’avait pas pu faire de noir à couleur, car
il ne suffisait pas, pour cela, d’oblenir de la poussière impal
pable, surtout si elle était mélangée , et si la matière, non suf
fisamment dégagée des pyrites , était composée de parties
hétérogènes.
E t comme on ne refusait pas de recevoir ce qui e’tait con
form e à Féchantillon, nous pourrions dès lors demander ou
peut être le principe d’une action, et à quoi pourrait servir
l ’exemple d’un précédent supposé vrai.
Mais n’oublions pas ce que nous venons de dire. Ce précé
dent n’existait pas. Ouvrons le jugement arbitral: il men
tionne des faits qui sont d’ailleurs établis par les pièces du
p rocès, spécialement l’état des livraisons faites par Mossier à
Dumont depuis le 2 mai 1829; c ’est là certainement ce qui
doit prouver le vrai ou le faux de l’allégation du sieur Mos
sier, sur les réceptions faites par Dum ont, de tous les noirs
indistinctement jusqu’au
septembre 1829, et en quantité
plus grande qu’on ne l’a fait depuis.
L e jugement nous apprend d’abord que Mossier n’invoquait
pas alors ce précédent; il n’y a pensé que depuis le procès
actuel. Il ne produisait l’état des livraisons faites depuis le
2 m a i, que pour en faire entrer le prix dans son compte. On
rappelle qu’il y avait eu règlement le i w mai. O r , le jugement
les fixe comme il suit :
Noir à raffinerie,
5 ,654 k.
Depuis le 14 mai............................... o
Du 2 au 1 4 ........................................
7,861
i
5X5 ^¡1,
^
Noir à couleurs........................................................
Noir d’en g ra is............................. ’ .........................
4
2®9
2 2
T o t a l .............................^9,046.
�( 4o )
On voit que la proportion est bien moindre q u ’un septième;
et, qu’en som m e, la livraison , qui devait être de
,ooo kilo
grammes par mois, était réduite à c),o kilogrammes pour
cinq mois et plus ; et le sieur Mossier ne s’en plaint pas ; donc,
il n’est pas vrai, comme il le prétend aujourd’hui, qu’avant le
i cr septembre, on eût pris tous ses.noirs indistinctement ; ou
si on avait tout pris, on avait reçu en noirs fins, qu’il disait à
couleurs, beaucoup moitié d’un septième, et il n’y avait pas
feu de diminution de recette au i cr septembre.
A u reste , le sieiir' Mossier n’ayant livré que g,o
kilo
grammes de noirs, du 2 mai au i cr septembre, n’avait pas tout
livré ; il était resté dànfc les magasins une quantité assez con
sidérable de ces noirs fins, quoiqu’il en eût vendu beaucoup
pour engrais à pleins tombereaux. Quoiqu’il en dise aujour
d ’hui, c’était cet approvisionnement que, devant les abilres, il
voulait forcer la Compagnie à recevoir pour du noir à couleur.
On ne peut donc pas trouver, dans les faits antérieurs au juge
ment arbitral un précédent qui serait, d ’ailleurs , complète
ment inutile; voyons si le jugement arbitral peut en établir
un autre, qui serve de pre'jugé pour la prétention actuelle du
sieur Mossier.
5 46
35
5 /(.6
Avant d’examiner cc point par l’exposé des faits qui le con
cernent , relevons encore un fragment de cette décision.
Le prétexte du procès alors intenté était pris du défaut
de construction d’un hangard ; le sieur Mossier demandait
20,000 fr. de dommages-intérêts pour cela et pour le refus des
noirs en contestation.
Les arbitres disent:
.
.
« Que les parties sont.censées js’cfrp réciproquement satis» faites de l’exécution donnée aux conventions du 7 ‘ avril,
» dès qu elles ne se sont pas adressées des demandes d’exécuj> tion plus strictes;
» Que les gérans se sont mis en mesure de faire construire
* des hangards, dès Tinstant que le sieur Mossier les a réclamés. »
�(40
E t ils rejettent cette demande.
En effet, immédiatement après l’acte du 14 octobre t le
liangard avait été construit par Dumont et Derosne, à la charge
de qui étaient toutes les constructions.
En ce qui concerne les noirs en magasin, amoncelés, dit'
Mossier , par le refus de Dumont de les recevoir, depuis le
i er septembre, le jugement arbitral nous apprend qu’il n’en
avait formé la demande qu’après l’acceptation du compromis
par les arbitres, et seulement par acte du n novembre.
»
»
»
»
»
« Que , le lendemain, les gérans leur présentèrent une requête, dans laquelle , croyant qu’il s ’agissait, dans la sommalion d elà veille, de noirs propres à la décoloration des sucres,
ils demandaient qu’il fût ordonné une expérience pour reconnaître si ces marchandises étaient, ou non, propres à la
décoloration des sirops. »
A insi, on voit que les gérans offraient de recevoir tout ce
qui serait noir propre à raffiner, suivant les termes de la con
vention, et qu’ils ne songeaient pas au noir à couleur, parce
que , après une foule d ’essais , d’envois sur tous les points , et
de pertes considérables, il était avéré qu’on n’avait pas pu
l ’obtenir, et qu’on y avait renoncé.
Mais, comme le sieur Mossier n’avait pas l’espérance de
faire passer pour noir à raffiner tous les déchets qui n’étaient
pas conformes à l’échantillon déposé, et que d’ailleurs il y avait
beaucoup plus de profit à les faire passer comme noirs à cou
leurs , alors qu’on devait les payer 20 fr., et qu’il n’y avait pas
d ’échantillon pour les comparer, il demanda qu’il fussent reçus
comme noirs à couleurs.
Nous l’avons déjà dit , s’ils étaient propres aux couleurs, il
fallait les accepter comme tels.
S’ils ne l’étaient pas, il fallait rejeter la demande, car ils
n’étaient ni recevables ni offerts comme noirs à raffinerie.
Il est donc évident que si les choses fussent restées dans cet
6
�( 42 )
état, les arbitres ne pouvaient pas condamner la Compagnie à
les p rendre, ni sous l’un , ni sous l’autre rapport.
C ’est cependant ce qu’ils ont la it, comme on le voit à la
page 16 du Mémoire Mossier. Quelque fait spécial, non encore
connu, a donc amené ce jugement, ou bien il serait de l’espèce
de ceux dont on dit quelquefois qu’ils sont bons pour ceux
qui les ont obtenus, ctpourla chose à laquelle ils s ’appliquent.
Examinons bien celui-ci, et ne faisons pas le procès des arbi
tres avant d ’en savoir un peu plus.
Ils commencent par dire que les parties se méprennent sur
les qualités des noirs, l ’un les offrant comme noirs à couleur,’
et l ’autre demandant qu’il soit vérifié s’ils sont propres à la
décoloration; ils provoquent une réunion et des explications,
puis ils jugent, lis disent que ce noir a été bien calciné et blutté.
Ils reconnaissent qu ’il ne peut pas être reçu comme noir
à couleur.
E t ils ajoutent, que dans le doute de Vemploi au<\x\c\ il pourra
être destiné, et à défaut d 1échantillon qui puisse serçir de base
f ix e , il est de justice, en attribuant le noir à la Compagnie, de
le lui faire payer au plus bas prix.
En sorte qu e, ne le recevant pas comme noir à couleur ; ne
pouvant pas dire qu’il est recevable comme noir à raffiner,
puisqu’il n’était pas conforme à l'échantillon , ils l’adjugent à
la Compagnie , dans le doute de son emploi.
Ne voit-on pas clairement que cette décision fut le produit
naturel de la réunion que les arbitres avaient p rovoqu ée, et
des explications qu’elle produisit? disons tout ce qui se passa.
Pour être mieux instruits des détails relatifs à cette question}
les arbitres avaient appelé le sieur Daubrée; celui-ci était peu
intéresse à la question; car, quoiqu’en dise M ossier, ces noirs
dataient, au moins en partie, d’une époque antérieure au
traité du 7 avril.
Le sieur Daubrée, interrogé par les arbitres sur le point de
savoir s’ils étaient propres aux couleurs, répondit que non,
�au moins en les prenant tels qu’ils étaient ; mais qu’ils pour
raient le devenir avec d’autres préparations ; que dans l’état
actuel ils pouvaient se mélanger utilement avec le noir animal.
Pour prouver qu’il en a la conviction, ( très-hasardée pourtant
comme on le verra) , il offrit d’en prendre mille quintaux mé
triques, à 9 fr. Lesgérans consultèrent les administrateurs. La
majorité décida que la différence du prix n’étant que de o c.
par quintal métrique, ce n’était pas la peine de soutenir plus
long-temps le procès. Ils donnèrent un consentement tacite ,
et voilà comment fut rendue cette décision, qui serait si sinr
gulière, cette circonstance à part.
L e sieur Daubrée est en cause ; il plaide contre les gérans ,'
qui réclamaient et ont obtenu contre lui des dommages-intérêts.
Or , les gérans ne redoutent pas qu’il les démente sur ce
point. Il a , à son tour, spéculé faussement, et fait en cela un
assez mauvais marché pour ne pas l’avoir oublié. Ces noirs, que
dans l ’origine tout le monde avait regardé comme un véritable
rebut, sont demeurés au Havre, repoussés p arle commerce,
perdus pour le sieur Daubrée, qui n’a pas pu les payer au terme;
et un jugement du tribunal de commerce du 2S février i i ,•>
constate la condamnation qu’ont obtenus les gérans contre lui
à ce sujet.
A in si, point de précédent qu’on puisse invoquer, point de
chose jugée, q u ’on puisse tirer de ce jugement arbitral. La
question qui se présente aujourd’hui, quelle qu’elle soit, sera
toute neuve , et il faudra que le sieur Mossier la soutienne par
les moyens qui lui sont propres , et qu’il cesse de l’envelopper
de toutes ces chimères avec lesquelles il veut essayer de faire
illusion, s’il ne se fait pas illusion à lui-même
Nous voudrions être plus courts, et nous voyons avec peine
que de simples allégations nous mènent aussi loin ; mais il ne
faut qu’un mot pour alléguer un fait, et lorsqu’il n’est pas
exact, il faut expliquer toute la vérité pour s’en défendre.
Nous arrivons à ce qui concerne les actes nombreux d’exé-
5
85
(i.
�( 44 )
cution da bail fait à Dumont et Dcrosne; l ’acceptation que
Mossier et Daubrée en ont faite, et d’où nous tirons la consé
quence que Mossier n’a d’action que contre eux, et non plus
contre la Com pagnie, depuis le bail déposé chez F é v rie r,
notaire.
Avant tout, et pour bien saisir les conséquences de ces faits
d’exécution, rappelons que Dumont avait contracté l’obliga
tion expresse de se substituer à> la Confyagnie de Menât,
i° Envers le gouvernement; 2° Envers les sieurs Daubrée et
Mossier; ° Envers le sieur V eysset, entrepreneur des trans
ports. Ils devaient donc mettre la Compagnie à l’écart, en se
mettant en relation avec ces trois sortes d’intéressés. Rappelons
aussi que ce traité soumis à l’assemblée générale des action
naires , avait été accepté et approuvé par Mossier , soit comme
actionnaire, soit comme entrepreneur. Celte acceptation réa
lisait donc à son égard la stipulation que nous venons de signa
ler, et entraînait la c o n s é q u e n c e q u ’ il devait traiter directement
avec ceux qui s’étaient substitués à la Compagnie, et qu’il venait
d’accepter comme tels. Nous apprécierons maintenant, avec
plus de facilité, les faits ultérieurs d’exécution.
Il y eut d’abord approbation complette, par Dumont et Derosne, du traité du i6 juillet, qui dispensait Daubrée de la
fabrication. Ils firent plus, ils l’établirent leur agent; en sorte
qu’il y eut , par le fait , novation complette de qualités dans
les relations qu’ils ont eu avec la Compagnie. O r , ce change
ment de qualités fut nécessairement opéré par le concours de
Mossier, Daubrée, Dumont et Derosne, qui ont tous procédé
ensemble dans ces qualités nouvelles ; et, à coup s û r , la Com
pagnie ne pourrait pas voir retomber sur elle les actes qui en
sont résultés.
A u ssi, voyons-nous que le bail du 8 septembre est exécuté
entre e u x , sans que les gérans soient appelés ni considérés,
par eux, comme parties nécessaires, et cela par une continuité
d’actcs remarquables.
3
�v *
(45)
C ’est la société Dumont et Derosne, qui fait exécuter les
constructions réclamées par Mossier.
Elle passe seule un traité avec Veysset, entrepreneur des
conduites, et en change les conditions.
C’est elle seule qui reçoit la livraison du noir.
C ’est elle seule qui en paye le prix.
Le 8 décembre 1829 , Mossier reconnaît avoir reçu de Daubrée, pour le compte de Dum ont, 742 fr. 60 cent , en deux
traites sur Paris , pour solde de 8,088 kilogrammes de schiste,
que f a i livrés dans le mois de novembre ; plus, 1,000 f r ., en
une traite sur Paris, à compte sur les livraisons de décembre.
A i n s i , il livrait directement, recevait directement de D u
mont, par les mains Ae Daubrée, son agent, des traites sur
Paris ; et enfin, reconnaissait, en l ’absence de la Compagnie/
et sans réserve , avoir reçu le solde des livraisons de dé
cembre.
5
Le i décembre, reconnaissance de 2,000 fr.; absolument
semblable, sur les livraisons à faire en décembre.
L e mêtne jour, autre de 200 fr.
Le 8 janvier,reffctde 800 fr ., tiré par Mossier, mais écrit et
signé par sa fem m e, sur Daubrée.
Le 26, Derosne lui écrit:
V ous avez été informé par M M . les Gérans de la Compagnie
de M enât, qu’ils avaient cédé cette exploitation à M. Dumont ;
vous avez, été également instruit, par ces Messsieurs etM . Daubrée , que je m’étais associé à M. Dumont.
L ’acte de ma Société a été enregistré au tribunal de com
merce et déposé.
J’ai l’honneur de vous confirmer cette association, et de vous
transmettre la signature sociale.
Voilà bien, de la part de Derosne, l ’exccution à l’égard de
Mossier. Celui-ci a-l-il reculé ? Voyons encore.
Le fe'vrier, lettre de Derosne et Dumont à la maison Blanc;
qui n’est là que comme banquier ; cart sous les rapports de
4
�( 46 )
la gérance , le sieur Blanc devient tout à fait étranger : « Pro» fitant de vos offres de service, nous venons vous prier de
» remettre à M. Daubrée , notre agent, pour l ’opération de
» Menât, la somme de >ooo f r . , destinée à solder à M. Mos» sier une partie de la fabrication.
» Vous voudrez bien demander à M. Daubrée un reçu, qui
'» portera qu’il a reçu de vous cette somme, pour acquitter ,
» en notre nom , les dépenses de l’établissement de Menât.
» Nous attendons de M. Daubrée le compte de fabrication
» du mois de janvier; aussi-tôt que nous l’aurons reçu , nous
» vous prierons de faire, à M. Daubrée, l’avance du montant
» de la somme que nous aurons à solder. »
Ce payement a été fait, car, le 9 février, quittance par Mossier de 3,228 f r ., reçus de Daubrée, pour solde des livraisons
'jailes en décembre etjanvier. E t le compte est tellement exact
pour solde, qu’il est ajouté :
4
P lu s , 20 fr. pour intérêts desdits payémens.
5
L e , Derosne et Dumont tirent, sur Blanc, un effet de
i,o
fr. au profit de Mossier, valeur en compte.
Le 6 mars, quittance de 245 f r . , reçus de Daubrée , pour
solde de 5,98g kilogrammes de noir, livré dans le mois de fé
vrier. Il faut bien remarquer cette époque. Tout ce qui devait
être livré et r e ç u , l’avait donc été avec arrêté pour solde jus
qu’au i ,r mars.
Le 10 mars, un reçu est plus remarquable: il est donné au
sieur Blanc; et au lieu de dire qu'il paye comme gérant et
pour la Com pagnie, on dit qu’il paye pour le compte de
MM. Ch. Derosne et D um ont, de Paris. On reconnaît donc
que les gérans n’y avaient que faire.
A la vérité, ce reçu est signé seulement du sieur Daubrée;
mais cctlc circonstance ne fait qu’ajouter à la force du fait, car
Daubrée a versé dans les mains de Mossier; nous le prouvons.
Derosne était Clcrinont, Mossier lui a v a i t demandé une
nvance, car il faut bien observer que toujours, et dans tous
34
5
�(47
)
les tem ps, les actes du procès constatent, que soit les gérans;
soit, après eux Derosne et Dumont, ont tou jours versé à Mos
sier des sommes qu’il demandait et acceptait comme avances,
tandis qu’il prétend qu’on lui a retenu ses fonds. Sur cette
demande de Mossier , Derosne écrivit à la maison Blanc la
lettre suivante, à la même date, 10 mars:
« Je reçois la visite de M. M ossier, qui m ’expose que se
» trouvant avoir besoin de fonds pour le payement de ses ou» vriers,il désirerait que je le misse à même des’en procurer en
» compte sur la livraison de noir qu’il doit effectuer demain,
» entre les mains de M. Daubrée. Je ne vois aucun inconvénient
» à faire celte avance à M. Mossier , et je viens vous prier de
» lui remettre ,ooo fr. contre la quittance de M . Daubrée , et
» vous voudrez bien créditer le compte social de cette somme,
5
3
» Pour la régularité des choses, je crois devoir signer au nom
» de notre Société.
« Ch. D e r o s n e e t D u m o n t . »
Le sieur Mossier ne désavouera vraisemblablement pas ce fait;
ni son acceptation de ,ooo fr. à lui remis, et qui doivent être
portés dans son compte avec Derosne. Or, qu’en résultc-t-il ?
Ce n ’est pas aux gérans qu’il demande le prix de ses livrai
sons, mais à Derosne. C’est Derosne qui demande à la maison
Blanc ,ooo fr., pour lui faire une avance d’un jour.
C ’est à Mossier qu’on la prie de remettre ces ,ooo fr.
Ce sera à compte de la livraison de noir que Mossier doit
faire le lendemain à Daubrée.
Et voilà ce que Mossier accepte, ce qu’il reçoit des mains
de Blanc, non plus pour les gérans, mais pour le compte de
Derosne et Dumont, à qui seul il l’avait demande.
Le 11 mars, quittance par Mossier de oof. reçus de Daubrée,
à compte sur la toiture du hangard que j 'a i entrepris à Menât.
Ainsi, comme par le passé, c’était lui qui faisait construire,
et on ne lui faisait jamais attendre les fonds nécessaires.
3
3
3
3
�( 48 )
Nous observons, d’ailleurs, pour qu’on sache bien qu’il n’y a
aucune différence à faire entre la signature deMossier et de sa
femme, que la plupart de ces quittances et même des effets sont
écrits et signés par la fem m e, comme s’ils émanaient du mari.
Nous ne finirions p a s, si nous voulions étaler ici tous les
actes d’exécution , et développer leurs conséquences.
Nous passons sans intermédiaire à un acte de beaucoup
postérieur, mais qui est venu consommer l’acceptation de
l ’acte du 8 décembre, et les preuves que lajustice pouvait en
exiger.Nous le montrons immédiatement, par cette cause. Jus
qu’aux dernières audiences de la Cour, il était demeuré in
connu aux gérans, qui n’avaient pas, en effet, grand besoin
de le connaître, puisque, de fait , on les avait mis hors d’in
térêt et laissé tout à fait hors ligne, après le traité du 8 sep
tembre. Pendant les plaidoiries et pour se défendre d’un
moyen qu’opposait le défenseur des gérans, le sieur Breschet,
beau-père de Mossier, sortit ce traité de sa poche en en argu
menta. 11 ne fallait qu’un coup-d’ccil pour en saisir la portée,
alors que le sieur Mossier avait nié son acceptation du bail du
8 septembre 1827; et aussi f u t - i l , dès ce moment , retenu
comme pièce essentielle au procès. La Cour va juger si nous?
nous trompons ; elle y trouvera des aveux qui lui paraîtront
bien étranges à côté du plan de défense du sieur Mossier. Il
porte avec lui, ce nous semble, la confirmation de tout ce que
nous avons dit jusqu’à présent.
Nous croyons devoir continuer de rappeler les points capi-î
ta u x , avant d ’exposer un acte qui s’y rapporte : c’est le inoyen!
de ne pas se méprendre sur les résultats. Rappelons donc
qu’avant de céder le privilège à Dumont, pour le temps de sa
durée , les gérans avaient leur situation fixée à l’égard de Mos
sier et Daubrée, par le traité du 6 avril 1829, et que cette
convention était faite pour toute la durée du privilégç.
.Que, sans la participation de la Com pagnie, Mossier avait
�C 49 )
4
'
rompu son association avec Daubrée, quoique le s gérans eus
sent fait des sacrifices pour l’obtenir.
Et n’oublions pas q u ’après le traité du 8 septembre avec
Derosne, ceu x7 ci avaient approuvé la retraite de Daubrée t
l’avaient pris pour leur agent, et avaient consenti à ce que
Mossier demeurât seul chargé de la .fabrication. Enfin , que
Mossier avait accepté tout cela ; et., qu’après tout, il lui deve
nait , sous ce rapport, beaucoup plus avantageux d’avoir af
faire à Dumont et Derosne qu’aux gérans ; e t , aussi, avait-il
fait, avec eux seuls , tous les actes d exécution de son marché*
O r, le 24 janvier i i, il juge convenable, par une conven
tion particulière avec e u x , de faire de nouvellçs conventions *
et d’annuler complètement celles du 7 avril 1829 , auxquelles
il avait porté secrètement un premier coup par la convention
particulière avec Daubrée. Voyons cet acte; il exigera quelques
explications un peu longues, mais tout y est précis : tout y est
décisif, sur les détails comme sur la question.
- Par l’art. i eI M . Mossier se charge de la fabrication des noirs
de Menât, pour tout le tem p s, jusqu’à l’expiration du brevet
d ’invention, aujourd'hui la propriété de MM. Dèrosne et Dumont,
qui s’y trouvent subrogés par suite de la cession que leur en
a faite la compagnie de Menai.
1
Le prix est fixé à 10 fr. 28 cent, par 100 kilogrammes, pour
les 45o,ooo kilogrammes qui seront les premiers livrés pendant
Je cours de chaque année; et à 10 fr. pour l'excédant.
On ne parle pas encore de noirs à raffiner, ni de noirs à
couleurs; mais on va voir quel cas on fait du noir fin, que Mossicr a voulu forcer à prendre, d’abord comme noir à couleur,
et ensuite comme noir à raffiner.:Nous copions:
« Les noirs fin s provenant du bluttage, c ’est-à-dire, qui pasn seront à travers la toile n° 100 , resteront la propriété de
» MM. Derosne et Dumont, qui, s’ils jugentià propos d’en
» faire des expéditions, n’auronl à rembourser à M. Mossier,
» que scs frais d’emballage et de transport. »
83
�'i "
'
•
5
( o)
II y a une explication toute entière clans ce paragraphe.
»
On voit que les noirs fins , provenant du blultage, sont ceux
qui passent à travers la toile n* 100. Or, ce sont les résidus du
bluttage, que les arbitres ont déclaré parfaitement bien bluttes.
On voit que cette fixation, au-dessus du n® 100 , adoptée
par le traité de Dumont, du i er mai 182g , était la seule qu’on
pût adopter ; comme de fait, elle avait toujours été exécutée
d ’après l’échantillon déposé suivant le traité du 7 avril.
'
On voit enfin, que si on pouvait essayer encore d’en faire
des expéditions , ce serait sans aucun espoir actuel d’en tirer
du profit ; et, qu’aussi, Mossier convient de les livrer comme
des déchefs sans aucun prix.
Mossier avait encore fait des calculs, et il les montrait comme
moyen d’une spéculation grande et avantageuse.
'
« I l se prêtera,dit-on, à toutes modifications.... dans le mode
» de fabrication, dont le coût ou revient se trouve consigné
» dans un état annexé aux présentes, et certifié par lui ; lequel
» état a servi de base aux prix ci-dessus fixés. » II est dit en
suite, q u e s’il e n r é s u l t e é c o n o m i e , e l le p r o f i t e r a à M M.Derosne et D u m o n t, mais de manière à ce qu’il obtienne tou
jours 1 fr. o cent, de bénéfice par kilogramme sur les
o,ooo
premiers livrés, et 1 fr. 20 cent, sur les autres. A in s i, n’y eûtil de livré que les 4^0,000 kilogrammes, il aurait une remise
annuelle de 6,750 f r ., ce qui ne serait pas d é j à trop m a l, sans
parler de sa part dans les bénéfices de société. O r, il y aurait
eu certainement b é n é f i c e p a r la fidèle e x é c u t i o n de ce traité,'
et de ceux qui l’avaient précédé. Poursuivons.
Après avoir parlé du dépôt de trois échantillons pareils de
noirs à raffinerie, on ajoute :
« S i , par suite, MM. Derosne et Dumont venaient à utiliser
» les noirs fins, il en serait également fait trois échantillons
» pour servir de type. »
Preuve évidente, fournie par le sieur Mossier, que jusqueslà les noirs fins n’avaient pas été utilisés.
5
45
�( 5i )
Preuve évidente que l’échantillon ne devait être déposé?
dans tous les temps possibles , que lorsqu’on aurait obtenu ;
par la fabrication, le moyen de le faire et d’utiliser le noir fin.
Cela seul repond a beaucoup d’argumens du Mémoire du
sieur Mossier.
Les art. et suivans , jusques et compris le 12', répètent
avec quelques changemens , les conventions de l ’acte du
7 avril 182g.
L ’art. 12 stipule la résolution pour toute infraction essen
tielle, et la faculté à Dumont et Derosne, de placer un agent à la
tête de Fentreprise, tout cela bien entendu, sans s’inquiéter des
droits de la Compagnie, q u ’on ne reconnaissait plus, et à la
quelle on n’avait plus eu affaire pour l’exploitation, depuis le
traité avec Dumont, du 8 septembre 182g.
Aussi, l’art. i ajoute:
« Les présentes régleront désormais les rapports de MM. Dau» bree et Dumont avec M. Mossier , sans aucun égard au traité
» passé avec MM. Daubrée et Mossier, et la Compagnie, le
» 70(77’/ 182g; lequel, en ce qui concerne MM. Derosne,
» Dumont et Mossier, demeure, à partir de ce jour, pleine» ment anéanti. »
On le demande, si Mossier n’eût pas accepté la substitution
de Dumont et Derosne, depuis le traité du 8 septembre 182g,
pour le compte de Derosne et Dumont', s ’il n’eût pas fait la ré
ception de toutes les sommes qui lui ont été payées par le
sieur B lan c, depuis le traité du 8 septembre, et qu’il eût voulu
exécuter son traité, vis-à-vis la Compagnie, eût-il pu faire
un acte de cette nature ? et lorsqu’il a dit que le traité du 7 avril
182g était annulé, seulement à partir de ce jo u r , n’est-ce pas
parce que, jusques-là, il l’avait exécuté (tant bien que m a l , il
est vrai), d ’a b o r d avec les gérans, puis avec Derosne et Dumont?
N ’cst-il pas évident, en effet, q u e , depuis le 8 décembre,
l ’exécution avait eu lieu directement et exclusivement avec ces
derniers? Cet acte n’est doric que la consommation de celte ac-
4
4
7-
�( ?a )
çeptation, sa réalisation par écrit, alors que, des le principe,
/ elle avait existe pleinement par la mutation des personnes, et
le changement des qualités.
Après avoir présenté ensemble tout ce qui est relatif à ces
faits d’exécution et d’acceptation de la cession du septembre,
il faut revenir sur nos pas , et faire connaître la demande qui
a commencé le procès. Une première sommation fut faite le
24 mars i o, c’est-à-dire, peu de jours après le dernier paye
ment du 10 mars, sur la livraison à faire , le lendemain, àu sieur
Daubrée. Nous ne perdrons pas de vue que les livraisons anté
rieures avaient été réglées le six du même mois, jusques et
compris le mois de février, au moyen d’une quittance pour
so ld e, donnée sans la moindre réserve.
>
Par cette sommation , Mossier expose ce qui résulte des con
ventions passées entre la compagnie et le requérant, en qua
lité d'entrepreneur de la fabrication des noirs..... I l parait, ditil, que la Compagnie a fait des conventions avec Dumont et
Derosne, qui les autorisaient à r é c l a m e r la livraison des noirs ;...
que plusieurs livraisons ont été effectuées ; mais que depuis
peu de jo u rs, ces messieurs ont élevé la prétention de ne re
cevoir qu’une partie des noirs fabriqués, annonçant hautement
qu’ils n’étaient pas tenus de recevoir indistinctement tous les
produits.
Assurément, tout n’est pas franchise dans cet exposé, sur
tout dans ces mois : Il parait, si singulièrement dubitatifs ;
mais il est bon de remarquer que ce n ’est que depuis peu de
jours , qu’il a à se plaindre , et que sa plainte porte sur ce que
Derosne ne veut plus rcccxoiv indistinctement lous les produits,
fut-ce les rebuts.
Il ajoute qu’il n’a lait aucune convention avec Dumont et
Derosne , qu’il n’entend point nuire à scs conditions avec les
gérans, et il leur fait sommation de déclarer : « S’ils consen» tent qu’il divise les produits de la fabrication , a u q u e l cas ils
» seront tenus de retirer et p a y e r, dans les vingl-quatrc
8
83
�53
( (
-y.
» heures, la totalité des noirs qui sont en magasin. » Il faut con
venir que l'approvisionnement ne pouvait pas être considéra
ble, s’il ne datait que du 10 mars. Toutefois , Mossicr déclare,
qu’il persiste à refuser toutes livraisons à Durnont et Derosne.
Pourquoi donc cette volonté nouvelle, après avoir livré exacte
ment jusques et compris Iô 11 mars ? Nous ne transcrirons pas la
réponse des gérans, nous dirons seulement qu’ils déclarent
n ’avoir aucune explication à donner à Mo ssicr, agissant indi
viduellement , la société ayant traité avec lui et Daubrée ; qu’au
surplus, M. Dumont lui a été subrogé, etc.... Ils rappellent
l ’acte de cession du 8 septembre, l’approhalion de Mossicr ,
du 24 septembre , et l’exécution que Mossier lui a donnée , en
faisant des livraisons et recevant des payemens. Il protestent
de leurs dommages.
Le sieur Mossier, page 19, veut référer cette sommation à
une lettre de Derosrie, du 26 janvier i o, laquelle aurait été
provoquée par la déclaration de Guillaumon , au sujet de la
non-existence de l’échantillon du noir fin. Il rend compte de
cette lettre , qui démontre, suivant lui: i° que le noir fin pou
vait servir à un double usage, aux couleurs comme à la raffi
nerie ; 20 que Derosne et Durnont avaient déjà reçu beaucoup
de noir fin. II nous suffira d’ajouter ce qui .manque de cette
lettre , pour qu?on puisse juger de la justesse des argumens du
sieur Mossier.
Remarquons qu’elle était écrite par Derosne , immédiate
ment après la consommation de son traité avec la Compagnie ,
mais bien après celui du i ermaii829, qui fixait la qualité du noir
àraffinerie, conformément à l’échantillon. O r,iId ità Mossicr:
« Comme vôtre traité avec la Compagnie parle d’un autre
» échantillon qui doit être propre à la fabrication des couleurs,
» nous désirons que vous fassiez le dépôt de cet éclianhllon , afin
»> que nous puissions nous assurer de sa qualité auprès des
» marchands de couleurs, et que nous arrêtions ensemble dé» finiüvement quelle devra être la qualité de ce noir. »
83
�54
•(
î
A in si, d’après Derosne lui-m êm e, comme d’après la simple
raison, c’était Mossier, chargé de la fabrication, qui devait
fabriquer et déposer l’échantillon.
Il était toujours temps de le faire , et on ne le refusait pas, on
le lui demandait, au contraire.
Et c’est après avoir répété cette faculté, l ’avoir sommé de
remplir cette obligation, que Derosne ajoute que jusques-là ,
jusques à nouvel ordre, se tenant au sens littéral du traité du
7 avril, il ne prendra que du noir gros grain, conforme à l'échan
tillon déposé. Remarquons bien que Dumont n’invoque pas
pour cela son traité particulier du i 'r m a i, mais bien celui du
7 avril, que Mossier ne pouvait récuser, et que Dumont offrait
d’exécuter. Ainsi, la Compagnie devait demeurer en dehors;
car on ne pouvait lui demander que cela. Elle en avait chargé
Dumont; Mossier l ’avait accepté ; celui-ci se soumettait à l’exé
cuter ; où était donc la question et l’intérêt d’un procès ? Il ne
dépendait que de Mossier de faire prendre du noir fin, en dé
posant l’échantillon. Que ne le faisait-il? La déclaration de
G u i l l a u m o n n ’ y apportait pas d’obstacle ; elle prouvait seule
ment qu’on avait eu trop de confiance au sieur Mossier, en re
connaissant , le 7 avril 1829, que l’échantillon avait été déposé;
tandis qu’il ne l’était p as, et qu’on s’en rapportait à lui pour le
faire. Il ne peut pas aujourd’hui tirer avantage de ce qu’il ne l’a
pas fait, ni se plaindre de ce que Guillaumon l’a reconnu, alors
qu ’il était obligé de l’avouer lui-même. Cette déclaration ne
p o u r r a i t lu i avoir été préjudiciable qu’autant qu’il soutiendrait
avoir déposé l ’ é c h a n t i l l o n , c o m m e le portait son traité; mais
il reconnaît le contraire, il ne peut donc pas exiger, et ne
pouvait pas forcer Derosne à recevoir des noirs non encore
admis par sont traité du 7 avril, puisqu’il n’y avait pas d’échan
tillon de noir fin, ni pour couleur, ni pour clarifier.
Il argumente encore de ce que Derosne lui dit: qui si dans la
suite ils ont besoin de noirf i n , soit pour la fabrication des cou
leurs , soit pour remplacer le noir animal dans les raffineries,
�t 55 )
ce sera Tobjet de nouvelles conventions {p. 20). Au moins fallaitil copier la phrase tout entière. La voici :
« Si par la suite nous croyons devoir vous demander du
» noir fin , soit propre à la fabrication des couleurs, soit pour
» remplacer le noir animal dans les raffineries, le premier
» devra être conforme à \'échantillon que nous avons encore à
» reconnaître y et le second sera l’objet de nouvelles conven» tions entre nous, puisqu'il n ’en est pas question dans le traité
» passé. » A in s i, tout se bornait à dire : Déposez l ’échantillon
du noir à couleur ; jusque-là nous ne recevons rien. Quand au
noir fin à raffiner , nous verrons ; mais il n’en est pas question
dans votre traité avec la Compagnie ; exécutons ce traité. C’est
ce que la Compagnie lui a répété sans cesse, et ce que nous
avons expliqué dans ce Mémoire ; aussi a-t-il invoqué des
exemples et non des conventions. Nous avons démontré que
ces précédens n ’existaient pas.
L e (’i2 avril, autre sommation. Mossier se plaint de ce que
« les magasins qui lui ont été livrés, sont tellement encombrés
' » par les noirs, que la Compagnie a refusé de retirer depuis le
» 24 mars dernier, que ceux provenus de la fabrication jour» nalière ne peuvent pas y être abrités.» II invoque l ’exemple
du jugement arbitral, et déclare qu’il suspendra la fabrication
le 1 , et réserve ses dommages-intérêts pour le tort qu’il en
éprouvera.
L e 14, les gérans dénoncent ces sommations à Daubrce ; et
le 12 , aux sieurs Dumont et Derosne. C ’était la seule marche
qu’ils eussent à tenir; car, subrogés qu’étaient ces derniers
aux obligations de la Compagnie envers Mossier, ils devaient
faire cesser la demande, si Mossier leur offrait des noirs de'
recette , ou prouver qu’ils n’étaient pas obligés de les re
cevoir.
Mais alors, comment les auraient-ils reçus jusqu’au 24 mars,
et comment, cejour-là, était née une difficulté?Si ce fait était
v ra i, et qu’il dût entraîner des conséquences, c ’était b»'1"
5
�( 56 }
affaire dè le supporter, car il était en dehors du traité du
7 avril 1829.
Le
avril, Mossier déclara cesser toute fabrication, et ne
vouloir livrer de noirs que jusqu’à concurrence dé ,000 f r . ,
qu 'il avait reçus cTavance.
Le 17 m a i, Mossier donna une assignation devant le tribu.nal de commerce. C ’est là que commence le procès.
Après avoir dclayé dans son exposé des injures personnelles
,contre les gérans , il les assigne : « pour se voir condamner à
» prendre, retirer et payer la totalité des noirs gisans dans les
» magasins ou dans la cour du moulin de Clermont, confor
m
a mément aux dispositions de la sentence arbitrale du 17 fé» vrier i o; être condamnés par corps en 40,000 francs de
» dommages-intérêts, et oo fr .p a r chaque jo u r de retard, à
» partir de ce jour. »
;
A travers tous les moyens de faire fortune, dont le sieur
Mossier avait pu se bercer, celui-ci aurait été, sans doute, le
meilleur et le plus facile; 40,000 fr. pour commencer, ’puis
• oo fr. par jour! Quelle mine à exploiter, sans autre peine que
celle qu’il aurait fallu prendre pour prolonger un procès!
Toutefois, pourquoi tant de noirs amoncelés dans une cour,
si ce n’était des rebuts? Lui avait-on jamais refusé les fonds
nécessaires pour abriter le noir de recette?. Il n’avait demandé
que deshangards, et la société Derosne l’avait immédiatement
mis en mesure de les faire. Il les avait construits. Lui avait-on
refusé la livraison des noirs conformes à l’éçhanlillon déposé,
et au traité du 7 avril? Jamais. O r, nous répétons sans cesse
que c’est là toute la question.
• Devant le tribunal de commerce, le sieur Mossier répéta les
-mêmes conclusions.
Nous devons ajouter que, par acte du 21 m a i , et ne pou
vant pas se dissimuler sa situation vis-à-visDumont et Derosne,'
il les assigna pour voir déclarer le jugement commun avec
23
3
83
5
eux.
5
�7 V
( 57 )
Les gerans demandèrent que Mossier fût déclaré non recevable, en tant que sa demande élait dirigée contre la Compa
gnie, laquelle serait mise hors d’instance. En cas d’interlocu
toire, ils requéraient des mesures dans l ’intérêt de l’exploita
tion.
Le sieur Daubrée conclut à être mis hors de cause, en pro
duisant le traité par leq u el, dit-il, son association avec Mos
sier , avait été' rompue sans la participation de la Compagnie.
La Compagnie conclut alors à ce que Mossier et Daubrée
fussent tenus de diriger l’exploitation de concert ; et, pour ne
l ’avoir pas fait, condamnés à 4,000 fr. de dommages-intérêtsQuant à Dumont et à Derosne , ils'se retranchèrent dans
l’exécution de leur traité du 8 septem bre, 6t persistèrent à
soutenir qu’ils ne devaient recevoir que le noir conforme à
l ’échantillon déposé; que les noirs fins devaient rester pour
le compte de l ’Entreprcneur ou de la Compagnie, si , par
suite des discussions élevées , l’engagement de la Compagnie
n était pas rempli. Ils conclurent à 20,000 fr. de dommagesintérêts.
Ces dernières conclusions conduisaient tout naturellement
à rechercher si le traité fait avec Dumont, par la Compagnie ,
était ou non conforme à celui du 7 avril, qu’elle avait fait avec
Mossier et Daubrée. S’il l’était, la Compagnie pouvait laisser
le combat entre eux ; o r , nous prouverons qu’ils étaient con
formes.
En cet état, le tribunal renvoya les parties devant un de scs
membres pour tenter une conciliation.
I c i , deux lignes du sieur Mossier exigent encore une ex
plication.
II dit, page 2 1, que « tout était convenu, mais les gérans
» se rétractèrent et la justice dût prononcer. »
Tout était convenu , en effe t, devant lejugc - commis
saire. La Compagnie y faisait en faveur de Derosne et Du
mont , des concessions que lui arrachait la nature de l’en8
�(58)
treprise et la crainte de la détruire ; par conséquent, de tout
p e rd r e , si la mésintelligence continuait. Peut-être e û t -il
été désirable que, dans cet intérêt même , on eût mis de
côté quelques mouvemens d’un juste a m o u r-p ro p re , mé
prisé quelques injures et le ton que le sieur Mossier mettait
à ses exigences; mais on ne peut blâmer la sensibilité d’hommes
Jionnêtes, qui, après avoir éprouvé une injure, n e peuvent
pas se résigner à la p a y e r , si modique que soit la somme
qu’on leur demande. A u surplus, comme il s’agit d’un fait qui
n’est écrit nulle part, le rédacteur de ce Mémoire va laisser
parler les gérans eux-m êm es, en transcrivant une note qu’ils
lui ont remise :
« Le juge-commissaire, magistrat probe et pacifique, avait
?> eu plusieurs entrevues avec M- Derosne ; il se plaignait que
» le prix du bail était trop élevé ; que s’il n’obtenait une di» minution , il prendrait des mesures pour se retirer de cette
» affaire ; qu’alors la Compagnie n’aurait plus d’autre recours
» que contre Dumont, qui est un honnête h o m m e, mais sans
* fortune ; ce motif, et autres moyens que l’on fit valoir , dé» cidèrent la Compagnie d’accepter les conditions suivantes :
« i° Le prix du bail, qui était de 24,000 fr., devait être réduit à
i7,5oo fr. ; 2°L cs sieurs Derosne et Dumont reprenaient à la
» Compagnie, au prix d’achat, le restant des noirs provenant
» du premier arrangement fait avec Mossier ; ° Ils se char» geaient également de celui que le sieur Mossier veut impo« ser à la Compagnie ( nous ignorons à quelles conditions ) ;
» ° Toutes les parties renonçaient à leur demande en indem» nité; ° Chacun devait payer scs frais; (ceux de la Compagnie
» s’élevaient alors à 8 ou g fr., pour deux significations.) »
Telles étaient étaient les bases de cet arrangement, bien ar
rêté et convenu entre toutes les parties, en présence du jugecommissaire.
« L ’on se donna rendez-vous pour le matin, chez M. Jouvet,
» avocat, pour en faire la rédaction ; cettcréunion eut eifec-.
3
4
5
�7»?
( 50 )
25
î> tivemcnf lieu dans la soirée du i[\ au
juillet, où furent
» présens MM. Jo u v e t, M ichel, avocat, Bayle-M oulliard,
» Dessaigne, Derosne, Mossier, Brcchet et les deux Gérans ;
» le traité étant terminé, l’avocat du sieur Mossier prend la
» parole et dit : que sa partie se faisait toute réserve en dom» mages et intérêts envers la Compagnie. Celte demande inat» tendue , qui était contraire à ce qui avait été arrêté chez le
» juge-commissaire, fit croire aux gérans que le sieur Mossier
» cherchait un prétexte pour se rétracter; ils quittèrent l’as» semblée avec humeur;de se voir jouer de la sorte.
» Le lendemain, le sieur Breschet, beau-père du sieur Mos» s i e r , se rendit chez M. Bardonnet, l’un des administra» tcurs , pour l’engager de faire allouer à son gendre, par la
» Com*pagnie , une somme de cinq cents francs , pour payer
» les frais. Cette proposition fut repoussée par tous les action» naires présens à Clerm ont, ne voulant pas sanctionner une
» injustice par une récompense réclamée avec des formes et
5» un caractère injurieux.
» Cependant, M. Derosne partit le lendemain pour Paris.
» Il y arriva précisément au moment des événemens de juil» let , qui ont contribué d’aggraver la posilion des action» naires. L ’un des Gérans , accompagné d’un de MM les Ad» ministrateurs, se rendit, quelques temps après, auprès de
» l u i , pour voir s’il serait possible de terminer sur les derj> nières bases arrêtées, et que le sieur Mossier avait seul
» suspendues; il nous répondit que d’après l’inccrlitudc de la
» guerre ou du maintien de la paix, il ne voulait plus sous» crire aux dernières conventions; qu’en outre, l’on s’occupait
» d’un moyen pour revivifier le noir animal, et que si l ’on
» parvenait à réussir, cette matière éprouverait une si forte
» diminution, qu’il aurait plus d’avanlage , en faisant des sa» crificcs, de demander la résiliation du bail, que de conti» nuer l’exploitation.»
fallut donc se résigner à venir devant le tribunal. Il
11
8.
'
�(. 6 0 ) .
ordonna une expertise, qui devait durer quatre jours, pour
vérifier si les entrepreneurs auraient pu par le passé , et
peuvent présentement, avec les machines fournies par la so
ciété, fabriquer une moindre quantité de noir fin. Le juge
ment porte qu’il est rendu, sans rien préjuger sur lesjins de
non-recevoir , moyens et conclusions des parties, m a is unique
ment dans le but (Téclairer la religion du tribunal.
Ici nous laissons encore les gérans eux-mêmes rapporter ce
qui résulte de celte vérification.
Les experts commencent par rendre compte de leur voyage
à Menât, d’où ils se rendirent, avec M. Mossier , au moulin
appartenant à la Compagnie ; ils trouvèrent dans celte usine
deux ouvriers occupés à travailler; ils remarquèrent, i° que la
manière d’engrainer était mal conçue : l’on appuyé les sacs sur
les trémies, ce qui dérange le moulin ; un ouvrier était assis sur
le tambour, pour faire tomber le schiste avec la main dans
l ’œil de la meule ; il en résulte qu’il est physiquement impos
sible que cet ouvrier puisse résister long-tem ps, et qu’il serait bientôt étouffé par la poussière occasionnée par la chute
et le broiement du schiste ; aussi , en l’absence du maître,
l ’ouvrier doit-il abandonner son poste. Le sieur Mossier répond
qu ’il reconnaît la justesse de ces observations, et que lorsqu’il
quitte pour aller diner, et qu'il revient, il ne retrouve que du fin.
( Le sieur Mossier ne reste pas une heure par semaine au
moulin. )
Les experts indiquent qu’il serait facile de parer à cet in
convénient , avec un frayon qui ne coûte que à G fr. Ils re
marquent que le noir, après avoir été broyé par les meules
tombe dans une caisse, au lieu d’être conduit par un tuyau en
fer bl inc dans une poche, ce qui incommoderait moins les ou
vriers, et permettrait de survcillerlcurtravaü; IesieurMossier
répond qu’il a renoncé à y mettre des poches, parce qu'on les lui
volait. Bonne raison , sans doute , mais que n’en prend-il soin.
Les experts disent au sieur Mossier : Vous devriez opérer
5
�( GI ) .
dans le sens contraire; vous devriez faire moudre le schiste
avant de le calciner; vous auriez économie dans le combus
tible , le travail serait moins pénible, et les frais de transport
moins considérables, pour celui qui est impropre à la clari
fication. Le sieur Mossier répond: « Je le sais, puisque, l année
» passée, nous en avons fa it l'essai avec M. Derosne ; quoique
maintenant il dise le contraire dans son Mémoire, (page 27.)
C ’est une méthode q u ’il n’a jamais voulu mettre en usage, et
qui serait cependant la plus économique.
Le schiste ne se carbonise point sur des grilles de fer, comme
il l’avance encore dans son Mémoire ; mais bien dans des vases
en fonte ou en terre cuite ; dans des creusets. Les experts
ajoutent : qu’ils n’ont pu faire aucune opération avec les fours
destinés à la calcination , attendu que les briques tombaient.
Voilà bien assurément tous les indices d’une fabrication
mauvaise et mal soignée.
Au reste, il fut convenu, pour la commodité de tous, entre
le sieur Mossier et les experts, que l’opération aurait lieu à
C lerm ont, et que le sieur Mossier y ferait conduire une cer
taine quantité de schiste calciné. « Le 8 octobre, continuent
» les experts, nous nous sommes rendus au moulin des Carmes,
» appartenant à la Compagnie; nous y avons trouvé M. Mossier,
» l ’un des entrepreneurs , et M. Chennat, régisseur de la
» Compagnie de Menât, lequel nous a dit : que sans aucune
» approbation ni improbation du jugement rendu par le tri» bunal de commerce de cette ville , le
septembre der» n ie r , m ais, au contraire , sous toutes réserves des droits
» et actions de la Compagnie, il comparaissait uniquement
» tant pour veiller à scs droits contre les sieurs Mossier et
» Daubrée , entrepreneurs , que contre les sieurs Derosne et
» Dumont; il nous a requis de consigner sa déclaration dans
» notre procès verbal. »
Les experts commencent leur opération par former trois
lots des dix-huit boges de noir calciné, pesant :,io o demi kilo-
3
�■
.
(
6
2
1
grammes chacun, que le sieur Mossier avait fait conduire de
Menât : ils les tirent au sort ; le n° tombe au sieur Mossier
il est prie' de commencer le travail, comme il opère ordinai
rement, afin de servir de marche aux experts ; ils observent,
d’abord, que le sieur Mossier fait moudre son schiste sans, au
pre'alable, l’avoir fait trier; son opération terminée, on lui de
mande quels sont les résultats ; il répond que cela est inutile.
A lo rs, les experts trient le leur, le concassent convenablement
en morceaux égaux autant que possible. Ayant remarqué que
les boges contenaient beaucoup de poussière, ils le passent à
travers une grille en fer , maillée ; après l’avoir ainsi préparé ,
ils l’ont fait moudre dans le petit moulin ; ensuite, ils l’ont
mis dans des sacs auxquels ils ont apposé le cachet de M. Gér e s t, l’un d’eux. Le lendemain , les experts ont repris leur
travail. « Nous avons pensé, disent-ils, qu’il vallait mieux faire
» moudre de suite le schiste contenu dans les six sacs, for« mant le dernier l o t , afin d’arriver à des résultats plus posi» tifs, en faisant passer dans les cylindres une plus grande
» quantité de marchandise , et en opérant sur une masse plus
» forte. Nous avons remarqué , en vuidani les six derniers
» sacs, que le schiste n'était pas semblable à celui que nous avions
» fait moudre la veille, et quyil y avait une plus grande quan» tité de noir fin ; nous avons cependant continué notre opé« ration. »
Les experts rendent compte que lorsqu’ils ont voulu faire
repasser le son de la même manière qu’ils avaient fait pour le
schiste entier, le sieur Mossier s ’y est opposé en disant que
ce n’était pas ainsi qu’il opérait lui-même; les experts lui ont
observé que, dès qu’il y avait deux méthodes, il fallait em
ployer la meilleure ; e t , malgré cette opposition , ils ont con
tinué comme ils l’avaient décide.
Cette première épreuve ayant paru insuffisante aux experts,’
pour connaître d’une manière précise le résultat, ils décidèrent
d ’en faire une seconde; mais ils trouvèrent encore de l’oppo-
3
�sition de la part du sieur Mossier, qui prétendait qu’ayant
travaillé le temps indiqué par le tribunal, ils n’étaient plus
en droit de continuer; cependant , après lui avoir observé
qu’ils avaient employé beaucoup de temps à piquer les meules,
les mettre d ’aplomb, trier, casser et passer le schiste, il con
sentit à leur accorder encore le temps nécessaire pour faire
une expérience sur dix quintaux seulement , qu’ils firent
moudre presque en totalité au même instant.
- L e lendemain , g novem bre, à huit heures et demie du ma
tin , ils se rendirent à l’usine de l’établissement, dont les clefs,
disent-ils, restaient chaque soir entre les mains de M. Mossier;
nous açorjf remarqué que toute chose n'était pas dans le même
état que la veille.
« A u moment où nous voulions nous mettre à l’ouvrage, en
» présence de M. Foureau, employé de M. Mossier, et de
» M. Chennat, régisseur de la Compagnie, nous nous aper« çûmes que l’on avait enlevé environ une quarte de schiste ,
» que nous avions laissé la veille, dans la trémie; nous inter» rogeons M. Foureau , et les ouvriers , on nous répond
» que personne n’est monté au moulin, que l’on n’a rien tou» clié. Celte circonstance éveille nos soupçons, e t , après nous
» être concertés, nous pesons de nouveau les sacs contenant
» le noir b r u t , moulu la veille, et cacheté par nous ; cette nou» vclle pesée nous donne un poid de mille neuf demi kilogram» mes ; et cependant, nous n’en avions mis que dix quintaux,
» dont il aurait fallut déduire le déchet nécessaire pour la mou» t u r c , et que l’on peut évaluer à kilogrammes, et la quarte
» du schiste, laissée par nous dans le moulin. »
Ici, faisons remarquer à la Cour une erreur grave, qui se
trouve dans le Mémoire du sieur Mossier (page
.)
Les experts disent qu’ils ne pesèrent la veille que dix quin.
taux de schiste, et que le lendemain ils trouvèrent mille neuf
demi kilogrammes, ce qui fait n euf livres de p lu s, et non pas
neuf cent livres, comme le sieur Mossier l’a fait imprimer.
5
25
�( 64)
Continuons à copier le rapport des experts : « Nous ne pou» vions nous expliquer cette différence; nous aimions à croire
» que nous n’avions pas été trom pés, et que celte différence
» pouvait provenir d’une erreur; dans cette persuasion, nous
» vuidons un premier sac, désirant continuer nos travaux;
« mais nous voyons que ce sac renferme une quantité plus
» considérable de noir fin, qu’il n’aurait dû en contenir ;
» étonnés, de plus en p lu s, nous examinons avec soin les
>> autres sacs : le cachet existait, les sacs n’avaient pâs été dé» cousus; M, Morateur, l ’un de nous, coupe le fil; il était
» intact, et, cependant, le sac renfermait du noir fin impal» pable, en grande quantité. Sur cette entrefaite, arrivent suc» cessivement MM. Blanc et Guillaumon, gérans ; MM. Roux» Laval, Roux-Jourdain et Goyon, actionnaires; nous leur
» faisons part de ce qui arrive.
» M. Goyon, l’un des actionnaires, nous invite à mention-;
» ner, dans notre rapport, que, le lundi matin, la croisée du
« p r e m i e r étage du côté droit de la pièce où est le ventilla» te u r, et d o n n a n t s u r la c o u r , q u i av a it d û être f e r m é e le
» samedi, avait été trouvée ouverte ; et que cinq à six car» rcaux avaient été brisés ; nous lui avons répondu, avec le
» commis de M . Mossier, que le vent seul avait occasionné co
3> dégât; et que, d ’ailleurs, celte circonstance était insigni'
» fiante, puisque les clefs restaient, chaque soir entre les mains
» de l'entrepreneur, M. Mossier.
» E n f i n , pour arrivera la découverte de la vérité, M. Gé» rest, l’un de nous , est d’avis de tourner, sans dessus des» sous, la balle déjà décousue par M. Morateur, ce qui est
» fait à l’instant; nous reconnaissons alors, q u ’une incision;
3> d'environ un pied de longueur, a etc faite à la toile, un peu en
3> biaisant; que c ’est par cette ouverture que la substitution du
» noir fin au noir gros a dû être fa it e , et que cette opération a
P été faite très-récemment.
)>A ussitôt, nous faisons appeler M. Mossier, qui était dans
�( 6 5 ) ,
.
» une autre pièce de l’usine, en présence de MM. Guillaumon,'
» Roux-Laval et Foureau; nous lui adressons de vifs re» proches s^ir une manoeuvre aussi déloyale, qui tendait à
» ruiner notre opération; M. Mossicr répond d’abord, que
» c’est peut-être le résultat d’une erreur de ses ouvriers, qui
» auraient échangé une balle de noir gros ; mais nous faisons
» remarquer àM. Mossier que le sac a été coupé avec un cou» teau et recousu, et que l’on a substitué du noir fin à du noir
» gros ; M. Mossier nous répond que c ’est sans doute un de ses
» ouvriers, q u i, croyant lui rendre service, aurait fait cette sub» stiiution ; q u ille connaît bien, et que lui, ainsi que son épouse
» lui avaient bien défendu de le faire; qu'il ne voudrait p a s,
» pour dix mille francs , que cela fû t arrivé; cependant nous
» devons déclarer, continuent les experts, que M. Mossier n'a
» ni réprimandé, n i renvoyé aucun de ses ouvriers. Le premier
» sacvidé, pouvait contenir environ i à 20 demi kilogrammes
» de noir fin ; le second sac pouvait en contenir de l\o à o , le
» tout provenant de la substitution.»
5
5
L ’on se demande, quels éclaircissemens les juges ont-ils pu
recueillir d’une semblable épreuve, faite sous l’influence d’une
fraude aussi honteuse? Enumérons tout ce qui a été fait pour
'tromper les experts, et nous verrons que l’expression est
applicable.
r L ’on conduit du noir schiste de Menât, dans lequel il y
avait déjà de douze à quinze pour cent de poussière; le sieur
Mossier répond, quand on lui en fait l’observation, que ce sont
les cordes qui l’ont moulu; sans doute, sur les voitures.
a0 L ’on remarque que les six boges qui ne purent pas se
moudre le même jour, et qui furent laissées au moulin jus
qu’au lendemain, contiennent plus de noirfin que celles de la
veille ;
3
° Une pyrite, de la grosseur d’un œuf, est introduite avec
le schiste, pour détourner les meules de leur aplom b, les faire
9
�( 66
)
tourner plus long-temps , et obtenir une plus grande quantité
de noir fin ;
4° L ’on veut
passer le son dans le moulin quff l’on croit le
plus favorable , le sieur Mossier veut s’y opposer.
5°
E n fin , les experts prennent la précaution de peser le
sebiste, de cacheter les sacs ; e t , pendant la nuit, au moyen
d ’une large incision pratiquée au fond desboges, l’on substitue
au noir qu’ils avaient moulu la veille, du noir fin, et le tout
pour tromper la religion du tribunal.
Malgré sa déclaration, le sieur Mossier eut la hardiesse de
faire plaider, devant le tribunal de commerce, que l’on avait
vusortirles gérans de la cour, nuitamment. Nous n’entrepren
drons pas de nous justifier d’une aussi plate calomnie ; nous
dirons seulement que, désirant connaître le résultat de l’opé
ration , nous nous rendîmes au moulin, par la petite barrière ,
à six heures et demie du soir ; arrivés au m oulin, nous trou
vâmes un ouvrier du sieur Mossier dans la cour, qui nous dit
que les experts venaient de sortir, et q u ’ils avaiqfat passé par
la barrière de Montferrand , de crainte que la petite fût
fermée.
Toutes les fenêtres en dehors sont grillées ; la cour est close
par un mur de io pieds de hauteur ; le sieur Mossier couchait
dans l’appartement occupé jadis par l’agent de la Compagnie ,
qui n ’est pas éloigné de quatre toises des meules; les clefs
étaient dans sa chambre ; les trois ou quatre ouvriers, qui cou
chaient au moulin, étaient à son service.'llA in s i, pour que la
fraude eût été commise par tout autre que1les personnes qui
habitaient le moulin , il faudrait supposer que les fraudeurs
eussent passé par le trou de la serrure, et qu’ils n’eussent ré
veille aucun des habitans de la maison.
En rendant compte du résultat de leurs opérations, les ex
perts déclarent que sur cent kilogrammes de schiste calciné ,
ils ont obtenu;
�/
7
0
0
3i
00
C 67 )
E n noir fin im palpable .............................
N ° 2 , fin p alp ab le.....................................
Noirs gro s, de trois numéros , ensemble
Son, dont deux tiers bons.......................
L ’autre tiers m auvais...............................
Déchet sur le p oids, par l ’évaporation .
27
5 i 6° ) 5
3 64 {
1 81
3 87
1
T otal
. . .
100
00.
Ainsi, le noir bon est obtenu dans la proportion de 55,24/000
sur 100.
• N ’examinons pas même s’il faudrait y ajouter le noir fin
n° 2, qui porterait cette quantité à 62,5i/ioo ; nous n’avons
pas besoin d’éclaircir ce fait pour lequel il suffirait aie savoir
si ce noir fin passe ou non dans la toile n° 100 ; car c’gst là le
caractère de l’échantillon déposé et accepté par Mossier comme
par tous ; mais tenons-le pour noir fin , et voyons ce qui de
vrait en résulter ; il faut tirer à l’instant les conséquences du
fait :
L e traité du 7 a v ril, entre la Compagnie , d ’une p a rt, Mos
s i e r et D ’aubrée, de l’autre*, constate que l’échantillon du noir
fin avait été déposé, cacheté, entre les mains des gérans. C ’est
un fait qui n’a jamais été contesté par aucune des parties.
L e traité fait entre la Compagnie et Dumont, le i"m a i sui
vant, c’est-à-dire trois semaines après, constate encore que la
livraison devra être faite, conformément aux échantillons ca
chetés et déposés entre les mains des parties.
Ils doivent prendre proportionnellement:
i° 3o kilogrammes de noir en grain ;
2° 5 kilogrammes de noir, dit noirfin à raffiner.
Mais ce noir fin , pour être propre à*la décoloration, doit
être purgé de la poussière impalpable.
E t , en effe t, comme nous l’avons vu plus h au t, la poudre
impalpable se mêle ayec le sirop , et ne fait que le noircir,
9-
�( 68- )i
effet physique, que tout le monde peut comprendre. D ’ailleurs,
dans son dernier traité avec Derosne, du 24 janvier t i ,
Mossier, qui avait voulu le rendre propre aux couleurs, pré
cisément, suivant lu i, parce qu’il serait impalpable ( v. son
M ém oire, p. 14 ) , et qui n’avait pas pu y parvenir, reconnaît
si clairement qu’on n’a jamais pu le rendre u tile, et qu’il est
obligé de le céder sans p rix , que nous n’avons plus aucune
preuve à faire là-dessus.
Il résulte donc nettement de ce travail des experts, que
,. /100 pour cen t, se réduisant en poiidre im p a lp a b le so n t
un véritable déchet; et que, si le noir fin, n° 2 , ne peut pas
ètte-feçu'domme noir'gros ou eii grain, e t doit; passer comme
fin., il’ne se trouve plus que'pour 8 ,
/100 pour cen t..O r,
Derosne^getDumont n'ont jamais refuséde recevoir quinze pour
cent, ce qui est la proportion.de sur
;- et souvent ils ont
reçu davantage. Nous ne faisons que tracer ici le résultat d’actes
non contestés.
De quoi donc le sieur Mossier a-t-il le droit de se plaindrë ?
Au reste,les experts font une dernière observation; ilsdissnt :
Nous avons obtenu 62, i/ioo pourcent. Il est à remarquer
que nous avons opéré sur du schiste calcine'.
On pourrait, nous le pensons, obtenir du noir gros en plus
grande proportion, en employant les moyens suivons :
Le sieur Mossier les copie, page 26: il dit que les experts
les ont employés; mais on voit le contraire, d’après cette ma
nière de s’exprimer des experts eux-memes ; cela est d’ailleurs
prouvé par le rapport, où ils montrent qu’une pyrite a dérangé
leur seconde opération. Donc, le triage des pyrites n’était pas
bien fait. D ’ailleurs, ils n’avaient pas pu remplacer le frayon, etc.
Remarquons que cela ne change pas les machines avec les
quelles Mossier avait*opéré jusques-là; qu’ainsi, tout consis
tait de sa part dans un mode meilleur de s’en servir.
C’est après ce rapport que les premiers juges ont rendu le
jugement dont est appel. Le président était décédé dans l’in-
83
33 83
83
5
5
35
�( 6 9 ) ..........................................................................
fërvallci Le sieur Mossier avait fait dire à trois des juges des’abstenir; deux autres se récusaient. Le tribunal ne se trouva
plus composé. Il fallut appeler un notable. Le sort tomba sur
un pharmacien.
II faut retracer les singulières dispositions de ce jugement :
Il condamne les gérans ;
i° A prendre livraison des noirs fins, fabriqués depuis le
lîail du 18 décembre 1829, et ce, dans la proportion de 40 ki
logrammes, sur 100 kilogrammes de noir en grains, et à les
payer 9 fr. 5o c . , c’est-à -d irele prix des noirs à raffinerie;
A payer à Mossier 2,000 fr. de dommages-inférets.
II condamne Derosne et Dumont à prendre et retirer ces
noirs des mains des gérans, mais à en payer seulement i ki
logrammes sur 4o; les
autres leur demeureront comme in-,
demnité de la suspension de la fabrication ;
5
25
5
' II condamne Daubrée à oo fr. de dommages-intérêts ;
Et enfin , condamne la Compagnie à tous les dépens.
Il est assez difficile de s’expliquer'comment le tribunal a fait
remonter la livraison de ces noirs au 18 décembre, lorsque les
pièces du procès constataient que tout avait été livré, retiré;
et réglé, pour solde , jusques au i er mars , et que les somma
tions faites par Mossier, les 24 mars et jours suivans, et enfin,
l’exploit de demande, lui-même, constataient qu’ilscplaignait
seulement du refus, depuis peu de jo u rs, depuis le mois de
mars, et q u ’il n ’avait pas saisi le tribunal d ’autre chose.
;
A la vérité, sa demande portait sur tous les noirs1, gisans
dans les magasins ou dans la cour ; mais , de deux choses
l une ;
Ou l’allégation qu’on avait tout re ç u , indistinctement, jus
ques et compris février, était vraie, cl alors il ne pouvait
pas y avoir encombrement ;
Ou elle n’eiait pas vraie ( et il faut bien le reconnaître) , et
alors son moyen principal, unique , était complètement de-
�( 7° ) ’
tru it, et cependant c’est encore le pivot du jugem ent, qui se
fond sur les re'ceplions faites antérieurement.
E n fin , le jugement n’adopte pas cette demande intégrale
ment; il l’applique seulement aux noirs qui ont étéfabriqués
depuis le 18 décembre. Mais quels seront-ils? Sera-ce ceux qui
sont dans la cour ou dans les magasins? Enfin, que deviendra
le surplus? J\este-t-il pour le compte du sieur Mossier? Et
pourquoi donc, s’il a raison ?La Compagnie sera donc con
damnée à prendre, à jamais, tous les rebuts pour des produits ?
Quant à Dumont et Derosne, le tribunal dit qu’ils se sont
engagés à se subroger à la Compagnie , et à remplir ses obli-,
gâtions envers les entrepreneurs ;
Quela déclaration de Guillaumon, qu’il n'y avaitpas d ’éckan-f
tillon, n ’est qu'un hommage rendu à la vérité; quelle ne contient
aucune dérogation au bail; qu’au contraire, il résulte des termes
de l’acte, qu ’ils sontpropriétaires de tous les noirsfabriqués, quelle
que soit leur propriété.
Il semblait résulter de là que Dumont et Derosne devaient
se subroger, pour le tout, à la Compagnie; que c ’était à eux à
recevoir les noirs, comme la Compagnie qu’on y condamnait;
et qu’enfin, s’il y avait dommage pour quelqu’u n , pour ne
l ’avoir pas fait, c’était à eux qu’était la faute, et à eux qu’il
fallait imputer la suspension provenue de ce fait. Cependant,
c’est la Compagnie qui est condamnée à leur laisser , sans
aucun p r ix ,
kilogrammes sur 100, à titre de dommages-intéréts ; mais puisque le tribunal décide , en principe , que
Dumont et Derosne sont obligés de les recevoir , comme la
Compagnie les reçoit elle-même ; et que c’est pour celte fois,;
seulement, qu’il les dispense de les payer, par ce quela sus
pension leur a fait dommage , la Compagnie sera-t-elle obli
gée, à l’avenir, de les leur livrer gratis? Il est bien assez logique
de dire qu’ils devront les payer, car, le principe qui l e s force
à rpcevoir restera, tandis que l’ejcception passagère, qui pro-
25
�( 71 ) .
duit les dommages-inlérêts, aura disparu.Toutefois , c’est une
position qui n ’est pas ncltemcnt exprime'e par le jugement.
Nous n’appelons pas l’attenlion de la Cour, sur les autres
motifs de ce jugement. Nous n’entreprendrons pas non plus
•une discussion raisonne'e des griefs d’appel. La Compagnie,
■
en répondant au M ém oire, a eu pour objet principal de faire
connaître les actes et les faits ; et nous avons eu so in , en les
exposant, d’en montrer les conséquences. Il nous suffira donc
•de résumer quelques réflexions pour faire ressortir nettement
les moyens de la Compagnie.
Peu de jours après le jugement, la Compagnie fut obligée
de passer elle-même un nouveau bail avec Dumont et Derosne.
L ’état où avait été mise cette exploitation, si belle dans le prin. c ip e , la força à subir des modifications considérables.
Au lieu de 24,000 fr., prix du bail du 8 septembre 1829,
la Société ne recevra plus que 10,000 fr., à titre de forfait.
i
La quantité de noir à fabriquer est réduite dans la même
proportion ; l’excédent au delà du taux fixé, sera payé sur le
pied de un franc cinquante centimes.
L ’art. 8 porte :
»
»
»
»
»
»
«Les noirs fins ne pouvant actuellement avoir d ’emploi avantageux, MM. Derosne et Dumont seront libres de les anéantir. Cependant, s’ils trouvaient à en placer, ils payeraient à
la Compagnie une somme de vingt centimes par chaque
quintal métrique, vendu dans le Puy-de-Dôme et départemens limitrophes; et cinquante centimes, pour chaque quintal
métrique , expédié pour toute autre destination.
A r t. q.
.
•J
J iJfilip :
c-i '
« Si Dumont et Derosne pouvaient trouver le moyen de rendre
les noirspns propres aux couleurs, un nouveau supplément
de p r ix , pour la Compagnie, serait réglé amiablement, sinon
à dire d’experts.»
�(
72 )
•A ut .
io .
«Les modifications et changemens nécessaires pour diminuer
la quantité de noir fin actuellement produite dans la fabrication,
exigeant une dépense d’environ 6,000 fr., MM. Derosneet Duruont pourront s’en indemniser, en prenant chaqueannée. pendantsixans, .100,000 kilogrammes de noir gros grains, en susde
la quantité convenue, sans payer la redevance d?un franc cin
quante centimes par 100 kilogrammes.»
Ces trois articles nous démontrent ces vérités d’ailleurs si
palpables, qui résultent de tout l’ensemble des faits.
i° Les noirs fins ne peuvent trouver d’emploi avantageux.
Si on trouve à en placer, Derosne et Dumont payeront 20 c.
dans'un ca s, et o c. dans l’autre. Terme m oyen ,
c. Cette
proportion est remarquable avec le prix auquel la Compagnie
est condamnée à recevoir actuellement, du sieur Mossler ;
tout; celui qui a piu. résulter de sa fabrication. N ’est-ce pas
9 fr. 60 c. ? Et Mossier, dans son traité du 24 janvier
, les
a abandonnés tout à fait. Dans tous les cas , si on le? expédie ,
il n’aura droit qu 'aux frais & emballage et de transport.
5
35
i83i
20 Comme noirs à couleur, on ne leur reconnaît aucune
propriété. , .
3° Quelques changemens
ou modifications peuvent amener
une diminution dans la quantité de cç n o i r , actuellement
produite par la fabrication.
RÉSUME.
I
»
Pour discuter plus à son aise, le sieur Mossier nous a sup
posé un système en quatre propositions, qu’il discute succes
sivement :
mcvV
L ’action deTVIossier est non recevablc; il ne pouvait la
diriger que contre Decosne et Dumont ;
f
�:;/ j
-< 2° Il s ’était engagé à fournir des noirs à couleur , et ceux
qu’il présente n’y sont pas propres ;
° Il pouvait fabriquer une plus grande quantité de noir gros
-grain;
t
” Il ne hù était pas permis de se séparer de Daubrée sans
le consentement de la Compagnie.
Tout ce que nous avons posé en point de fait, tout ce que
'nous avons tiré de conséquences, démontre que quoiqu’on
lui dise tout cela, la défense des gérans ne consiste pas dans
ce plan fait àplaisir. Nous pouvons résumer, en peu de mots,
le résultat de tout ce que nous avons dit, et c’est là qu’on ap
préciera les vrais moyens de la Compagnie.
La difficulté s’élève à raison des noirs sortis de la fabrica
tion , et q u i, n’étant pas conformes à l’échantillon déposé pour
noir à raffinerie , n’ont pas pu être appropriés aux couleurs.
Les sieurs Dumont et Derosne disent qu’ils ne sont pas
tenus de les recevoir, parce qu’ils ne sont pas dans la con
vention , pas conformes à l’échantillon ; qu’en ce qui les con
cerne, ils ne doivent recevoir que du noir en grain, qui ne
passe pas à travers la toile n° ioo; qu’enfin, si Mossier a fait,
avec la Compagnie, des conventions qui l ’autorisent à en dé’
livrer d’autres, moyennant un prix convenu, c’est à la Com
pagnie de les prendre et d’en payer le prix.
Il n’y a pas le moindre doute , qu’à considérer la question
sous ce point de vue , Derosne et Dumont auraient complète
ment raison. Ils l’ont certainement à l’égard de Mossier, car,
il'n e peut pas les forcer à recevoir ce qu’ils ne se sont pas
obligés à prendre; et, alors, il ne resterait plus qu’à decider
s’il peut en imposer la condition à la Compagnie.
Pour cela , il lui faudrait prouver que la Compagnie s’y était
obligée à son égard ;
,
Ou par des actes formels ,
Ou par quelque chose qui pul en tenir lieu.
Voyons s’il remplit cette condition.
io
3
4
�7
'( " -V)
Il n’invoque pas , d’une manière bien précisé , sïi ¿ônvention du 27 janvier 182g avec les gérans ; mais il en résulte,
suivant lui, qu’on devait prendre, indistinctement, tout ce qui
serait fabriqué ; et que le type de Dumont, du noir qui n’exédera pas la toile n° 100 , n’a jamais été sa règle avec la
Compagnie.
La Compagnie répond :
Que les actes sont formels; qu’ils ont été tous acceptés et
exécutés par Mossier pendant long-temps, et qu’il n’a plus
rien à demander à la Compagnie.
Nous avons montré ci-dessus, pages
et suivantes» tous
les faits d’exécution; il nous reste à démontrer, nettement, le
but dans lequel nous entendons les invoquer ; à en faire l’ap
plication à ce que nous venons de dire ; éprouver, en Un mot,
que Dumont et Derosne, étant obligés, par leur traité du
8 septem bre, à se substituer à la Compagnie de M enât, à
l’égard de Mossier, Mossier est également obligé à rèm plir,
envers Dumont et Derosne, toutes les conditions stipulées
entre eux et la Compagnie.
Il n’y aurait pas le moindre d o u te à cela, et personne ne
pourrait élever la plus petite difficulté, si on était bien con
vaincu que le traité du 7 avril, avec Mossier , est entière
ment conforme à la convention faite avec D um ont, le i er m a i,
et au bail définitif du 8 septembre suivant. O r, nous allons le
prouver.
L ’art. i er du traité 7 du avril, entre les gérans, d’une part ;
Mossier et Daubrée, de l’autre , porte nettement que les en
trepreneurs fourniront :
Moyennant 9 fr. o cent., du noir propre au raffinage;
Moyennant 20 f r . ,
du noir propre aux couleurs.
Ce noir devait être vérifié, essayé, et conforme aux échan
tillons cachetés, déposés entre les mains des gérans.
Qui avait confectionné ces échantillons ? Sans nul doute , les
entrepreneurs.
45
5
�Qui les avait cachetés et déposés entre les mains des gérans ?
Eux , sans doute ; eux seuls, car eux seuls pouvaient les con
fectionner; eux seuls avaient droit et intérêt de le faire.
Jamais on n’a prétendu que cet échantillon eût été dénaturé,
et il ne pouvait pas l’être sans le consentement des entrepre
neurs, à moins qu’il ne le fût frauduleusement. O r, c’est une
accusation qu’on n’a jamais hasardée.
Trois semaines étaient à peine écoulées, que les gérans ,
à qui il ne suffisait pas de payer le noir, et qui devaient
aussi le faire écouler, passèrent avec Dumont le traité du i eI
mai (i).
'
Par l’art. i M, ils s’engagent à lui livrer, jusqu’au i e,septembre
tous les noirs provenant de lafabrication, c’est-à-dire, tous ceux
qu’ils devaient recevoir de Mossier , suivant le traité du
7 avril.
'
A partir du i" septembre, ils s’engagent à lui livrer ,ooo ki
logrammes par mois.
Ces conventions étaient tout à fait étrangères à M ossier, et
il est évident que la fixation des quantités, au i" septembre
seulement, provenaient de ce que la fabrication n’étant pas
encore en parfaite activité, Dumont devait se contenter, jusques-là , de ce qu’on pourrait faire.
Tout serait hors de contestation, s’il n’y avait que cela1;
mais le traité s’explique davantage.
Dumont était l’inventeur d’un procédé spécial applicable au
noir en grain , d’une certaine grosseur, et il stipule que sur
les
,ooo kilogrammes, o,ooo, ne devront pas excéder la
grosseur de la toile , n°3o, ni dépasser, pour la finesse, la toile
n° 100. Puis, il applique les ,000 kilogrammes restans, au
noir dit fin à raffiner, qu’il s’oblige de prendre, pourvu
qu’il soit parfaitement purgé de la poussière impalpable ,
35
35
3
5
( 1) Vuir cl-dcssui, page 3 o.
ÎO.
�*
.
( 7 ?’J
propre à la décoloration des sirops, et conforme aux'échan
tillons déposés.
Avanl de rechercher si Mossier a accepté ces conditions pour
lui même, reconnaissons qu’il est impossible qu’elles aient
été faites sans lui ; car les gérans traitaient pour faire écouler
les noirs qu’ils devaient prendre. C ’était là toute leur spécula
tion , et on ne concevrait pas qu’ils se fussent obligés envers
les acheteurs, autrement que les entrepreneurs ne s’étaient
obligés vis-à-vis eux.
D'ailleurs, Daubrée était le seul fabricant qui connût le pro
cédé du sieur Dumont, et il ne pouvait pas s ’y tromper.
Il est vrai q u ’au traité du 1" mai on remarque deux sortes
de noir, le noir en grain , dont la dimension était déterminée;
et le noir, ditfin , q u i, devant être purgé de la poussière impal
pable , était encore en grain, mais plus petit, comme qui
dirait de la poudre à canon, d’un côté , et de la poudre de
chasse, de l’autre.
Mais ces deux noirs devaient être conformes à des échan
tillons déposés.
L ’ont-ils été ? Qu’on fournisse du noir qui y soit conforme.
Un d ’eux ne l ’est-il pas? Que le sieur Mossier ne s’en prenne
qu’à lui-mêine ; car , le 7 a vril, comme le 1" m ai, on ne doit
recevoir que du noir conforme à l’échantillon.
Enfin, offre-t-on des noirs purgés de la poussière impalpable ?
Non. C ’est la poussière elle-même, cette poussière qu’on vou
lait rendre propre aux couleurs, pour lesquelles il la faut impal
pable, et qu’on offre pour raffiner, parce qu’on ne peut pas y
réussir.
Si cela pouvait être , si la Compagnie était obligée à re
cevoir la totalité des matières fabriquées , savoir : Go pour
cent de noir en grain , 4o pour cent de noir fin, c’est-à-dire ,
cent pour cent, cette matière aurait, pour le fabricant , le
rare privilège de ne laisser aucun rebut ni déchet ; et on
se demanderait pourquoi et dans quel intérêt la Compagnie
�77
C
)
1
a inséré dans son traité toutes ces sottises d’échantillons,
d’essais, de vérifications, qui dégénéraient en ridicule?
- Allons plus loin :
L’acte du i er mai constate aussi le dépôt d’un échantillon.
C ’est un fait certain, sur lequel jamais il ne s’est élevé la
moindre contestation. Or„ de deux choses l’une :
v> Ou cet échantillon était celui-là même quiavait été déposé, le
7 avril, et alors les entrepreneurs doivent livrer, et Duinont
et Derosne doivent recevoir le noir qui y est conforme.
Ou il a été changé, et il n’a pu l’être qu’avec la participa
tion de Mossier et Daubrée, et il les engage encore à le suivre
pour la fabrication.
E t, dans l’un et l’autre cas, s’ils n’ont pas déposé le second
échantillon du noir dit fin , ils n e peuvent forcer à recevoir du
noir qui n’a point de matrice.
Allons plus loin encore.
Le
août, les gérans demandent à Mossier et Daubrée,
80,000 kilogrammes par mois; et ils n’omettent pas de dire que
ce noir doit être propre à la décoloration des sucres; qu’il ne
devra excéder, ni la ioile n° o , ni celle n° ioo, c'est-à-dire ,
conforme à Féchantillon déposé avec M. Dumont, dont vous
avez connaissance; ils ne laissent donc rien ignorer. II y a plus,1
ils ajoutent qu’ils font cette demande, conformément au traité
du 7 avril. Si elle s ’en écartait, c’était bien le cas de s’en
plaindre. Si le noir que Mossier et Daubrée devaient fournir;
conformément au traité du 7 avril n’était pas celui qui était
fixé entre les toiles n° o et n° 100, c’était bien le cas de le
dire et de se récrier ; si , enfin , l’échantillon, déposé avec
Dumont, n’était pas celui du 7 a v r i l , s’il ne devait pas faire la rè
gle, s’il n’était pas vrai que Mossier en eût connaissance, il de
venait nécessaire de réclamer; ou bien, il faut le dire, il
reconnaissait que les conventions faites avec Dumont étaient,
en tout, conformes aux obligations contractées par lui-même;
et, alors, il fallait les exécuter.
3
3
3
�V-"
Que dil Mossier, sep are de Daubrée sans la participation
des gérans, comme l’a écrit Daubrée luirmême ?
Il garde trois mois le silence; puis, sur une lettre de rap
pel, il répond le 12 octobre :
Je suis en mesure de fournir et même de dépasser la quantité
de noir qui m'est demandée, pourvu ,que la Compagnie..... me
inctle en possession d’un hangard.... C'est le seul obstacle à
l'exécution actuelle de votre demande. Il reconnaît donc que
l’échantillon déposé avec Dumont était le sien , et qu’il était
obligé de livrer du noir conformé à cet échantillon. Or, cela
nous suffit.
Remarquons que la demande n’était pas faite pour un jour,
pour un mois , mais potjr tout l’avenir, jusqu’à révocation ou
nouvel ordrç\ 80,000 kilogrammes par mois, suivant la con
vention faite avec Dum ont! Or., pas la moindre réclamation
sur les ,ooo kilogrammes de noir fin à prendre contre o,000
de noir en grain, ce qui aurait fait près de 12,000 kilogrammes
par mojs contre 80,000 kilogrammes. Pourquoi ? Parce que
Mossier n’en avait pas déposé d’échantillon ; que ce noir ,
cpmmo nous l’avons dit et prouvé , n’était pas propre à la
décoloration, et qu’à supposer même que Dumont voulût
en recevoir de bonne volonté, Mossier n’avait pas le droit
de l’y contraindre.
Et cependant, q u ’arriv<?~t-il-? Des livraisons considérables
s.çnt faites, dirccteinent de Mossier à Dumont et Derosne, sans
que les gérans y soient appelés. Les comptes sont arrêtés , le
prix des noirs payés sans leur participation ; e t , cependant ,
ç’es.t le $ieur Blanc qui paye, non sous la raison sociale P. Blane
cl Gqillaunion, mais sous la raison de banque Bonfils,P. Blanc
et Fils, Or,cette distinction de qualités, est précieuse; elle est
faite, d’une part, par Dumont et Derosne; et, en même-temps,
par Daubrée , devenu leur agçnt, d’entreprcnpur qu’il était ;
ut, enfin 1 par ÎNIossier > qui exécute avec ces nouveaux pro
priétaires du privilège, les cugogemens contractés par lui avec
5
3
�Í7&)
Itï Corripàgrtié,' l'è 7 avril, et pair la Compagnie dvec Dumont,
lés i " mai et 8 Septembre. Oh peuf së repôrtër aux pagës 4
et suivantes, O11 nous avons ànalisé ces faits d’èxéculioti.
Et ces faits Sont d’autant plus expressifs * d’autant plus forbièls -, qu’ils sont tous là conséquence de l’offre que Dürnont
hvàit faitë à MóSsier cTeácdcuter le traité du 7 avril, et de i’avis
q'U’il lui avdit donné de son propre traité.
Les faits qui ont suivi portëht plus lbiri énCdré Ià: démons
tration. Si notiS ouvrons un compte coiirant, produit au pro
cès et arrêté pour solde, à la dale du i riiarS i$ o, nous y
lisons au prëmiër article :
í<Pour 28,217 kilogrammes de noir de tôiifé espèce , foUr-i
iiis depuis le 2 mai jusqu'à la mise en possession de M M . D e
rosne et Diimont. »
D onc, cette mise en possession , qui a été constatée par un
recoleirtertt d'inventaire et des actes authentiques , a été un
point de séparation adopté quant aux qualités et aux droits des
parties.
Donc, cette séparation, la substitution de Dumont et Derosne
a été acceptée par Mossier ; et quand il n’y aurait pas eu sépa
ration complète ¿ quand la Compagnie n’aurait pas été écartée
par Dumont et Derosne, qui pourtant, comme propriétaires du
privilège, devaient se substituer, Mossier n’aurait pas moins été
tenu d’exécuter, a l’égard de tous , la convention du 1" mai *
qui ne s’écartait pas de celle du 7 a v ril, qu’il avait d’aillcurà
formellement acceptée; et la Compagnie y restant en causé ,
aurait le droit de l ’y contraindre.
Enfin, si on jette un regard sur le trailé qu’il a passé avec
Dumont et Derosne, le 24 janvier i i , on s’étonne de tant
d’insistance, soit sur les faits, soit sur Ici droit.
Est-ce que Mossier n’y constate pas ouvertement le droit
qu’il avait, p a r la substitution de Dumont et Dèrosnë, de rom
pre toute relation avec la Compagnie? de jeter loin de lu i, de'
concert avec les substitués, le traité qu’ils avaient fait avec le¿
5
5
83
3
�( 8o )
gérans le 8 septembre? de faire avec eux des conventions nou
velles? Est-ce qu’il n’avait pas, jusque-là, exécuté, de fait, ce
dont il constatait le droit par cet acte ignoré de la Compagnie?
Est-ce qu’il n’est pas évident, par cela s e u l, que l’échantillon
déposé, soit le 7 avril, soit le 1" mai 182g, est constamment
celui qui l’est encore aujourd’hui, et qui a été continuellement
le type des livraisons antérieures? L ’action du sieur Mossier,
si elle se trouvait fondée, ne peut donc être supportée que par
Dumont et Derosne, qui avaient promis de se substituer?
Cela paraît fort clair.
M a is, dit-on , ce n’est ni de cet échantillon, ni du noir en
grain qu’il s’agit; c’est du noir fin, que Derosne et Dumont re
fusent, précisément parce qu’il n’y avait pas d’échantillon , en
se fondant sur la déclaration donnée par Guillaumon, le 18 dé
cembre. ;
Très-bien : que Dùmont et Derosne aient raison , nous ne le
contestons p a s, mais il faut prouver que la Compagnie , en ce
cas, est obligée.
Elle aussi répondra : précisément parce qu’il n’y avait pas
d’échantillon, je ne suis pas obligée ; car cela seul est un
indice que M ossier,'qui devait , avant tout, le fabriquer,
n ’a pas pu obtenir du noir fin propre à la décoloration ; il n’a
pas pu faire la matrice”, et , par conséquent , ne peut pas
exiger qu’on réçoivc du noir qui n’a pas d ’étalon, et q u ’on ne
peut pas comparer (quoique la condition fut expresse), avec
un échantillon qui n ’existe pas.
On conçoit très-bien que si, avant le traité du 8 novembre,
il avait existé un échantillon du noir fin , cela pourrait servir
de motif pour forcer la Compagnie à le recevoir, sauf, cepen
dant , la vérification et l’essai, qui lui sont toujours réservés,
afin'de'savoir s’il est propre à raffiner , comme le portait le
traité du 7 avril; et alors, la déclaration'dc Guillaumon de
viendrait'utile, à Dumont et Derosne; ce serait leur b o u c l i e r
pour se défendre; mais que signifie-t-elle, dès qu’il n’y a pas
�.‘
c «* )
plus d’échantillon pour la Compagnie P. Blanc et Guillaumont, que pour la Compagnie Ch. Derosne et Dumont ? dès
que la déclaration ne fait que reconnaître un fait vrai pour
tout le monde , et dont les conséquences profitent à tout le
monde , puisqu’elles sont écrites dans le traité du 7 a v ril,
aussi bien que dans celui du 1" mai? Il est donc évident, sous
ce rapport, que la condition delà Compagnie est et doit être la
même que celle des sieurs Derosne et Dumont ; ou, pour mieux
dire, que le procès, si réellement on peut y voir une ques
tion, ne peut exister qu’entre Mossier et eux.
Voilà le résultat évident des traités passés entre toutes les
parties ; e t , m êm e, nous ne craignons pas de le d ire , de l’exé
cution qu’ils ont reçue. Le sieur Mossier ne justifie donc pas
sa demande avec les actes.
Il veut la justifier par les faits. On a toujours reçu, dit-il,
d’abord, les gérans ( et le jugement arbitral les y condamne };
ensuite, Dumont et Derosne ont continué de recevoir.
La réponse sera simple.
Si le fait était v r a i, l’encombrement, prétendu immense,
dont on se plain t, n’existerait pas.
En ce qui concerne la réception par les gérans, antérieure
ment au jugement arbitral, nous avons démontré ci-dessus,
page 37 et suivantes, que ce précédent n’existait pas, et que
quand ils auraient fait quelques réceptions partielles , elles se
raient sans conséquence, puisque les envois avaient prouvé
qu’ils n’étaient pas conformes au traité fait avec M ossier, et
qu’ils avaient occasionné à la Compagnie des frais énormes
en pure perte.
Quant au jugement arbitral, nous avons encore démontré ,
page 40 et suivantes, qu’il était sans influence sur le procès
actuel.
En ce qui concerne les réceptions faites par Dumont et De
rosne, s i e l l e s étaient vraies, et qu’elles dussent établir un
droit pour Mossier, ce serait à eux à en supporter les effets.
U
�{ *2 )
■
Ils ont reçu partiellement, à ce qu’il paraît, mais sansla par
ticipation de la Compagnie , hors la présence de laquelle a été
exécuté le traité du septembre.
Us auraient reçu bénévolement avant le 24 janvier 1 17
car leur traité ne les y obligeait pas , à défaut d’échantillon.
S i , d’ailleurs, ces noirs étaient propres à leur industrie , si
ceux qu’on offre le s o n t, ils doivent les recevoir, si Mossier a
le droit d’exiger qu’on les prenne.
S’ils n’y sont pas propres, Mossier ne peut pas obliger, ni
eux , ni la Compagnie, à les prendre, et ils ont eu droit de
cesser la réception le jour qu’il leur est devenu impossible
de les écouler utilement pour eux. O r, cette impossibilité,
la complète inutilité de ces noirs, est reconnue par Mossier
lui-m êm e, au traité du 24 janvier i i.
Voilà toutes les conséquences que pourrait avoir le fait de
réception. Jamais il ne pourrait se refouler contre la Compa
gnie.
En présence de ces faits, de ces conséquences, si inévitables,
le sieur Mossier appelle à son secours les moyens de consi
dération. Il se présente comme une victime; l u i , père de fa
mille , contre une Compagnie, plus riche et plus puissante,
et beaucoup plus capable de supporter une perte de cette
nature.
Celte position ne changerait, ni le fait, ni le d r o it, ni leurs
conséquences inévitables.
M. Mossier n’est pas seulement un individu , un père de
famille, il est membre de cette Compagnie ; il y a p lu s, il est,
vis-à-vis elle, ¿’entrepreneur de la fabrication, obligé, à ses ris
ques et périls, défaire du noir parfaitement propre aux usages
déterminés par écrit.
Il a fait du noir bon, on l’a reçu et payé.
Il a fait des rebuts , chose inévitable, sauf la quantité, on
n’en veut pas.
Qui a tort ou raison?
8
83
83
�y
..................................................( « 3 ‘ )
Il pouvait faire des bénéfices considérables, s’il eut bien fa
briqué, s’il eût suivi les méthodes et les conseils qu’on lui
avait donnés par écrit ; il ne l’a pas voulu.
Il n’a voulu écouter personne.
Il a chassé tous ceux qui y apportaient leur expérience.
Il a engagé la Compagnie dans des frais considérables , qui
ont été en pure perte.
II a abusé de la confiance aveugle que les gérans avaient en
l u i , et les a exposés aux reproches des actionnaires , pour s’en
être trop rapporté à son expérience , qu’il faisait sonner si
haut.
Enfin, il a paralysé , par son incapacité et son incurie, une
entreprise qu’on croyait sûre, et dont les résultats pouvaient
être immenses. Que veut-il donc à la Compagnie, lorsqu’elle
y perd 200,000 fr. et plus? Et qu’y perd-il, si ce n’est le bé
néfice de ses spéculations personnelles?
Au surplus, les faits avec lesquels il veut faire cette illusion,
ne sont pas vrais.
- Dans ses sommations du mois de mars , et son exploit de
demande , il reconnaît que Derosnc et Dumont n’ont refusé
de recevoir que depuis quelques jours; et il avait réglé, avec
eux , ses comptes de février pour solde et sans réserve.
Il dit avoir cessé la fabrication , et il l’a continuée ; les états
de la maison Derosne le constatent.
Depuis le mois de mars, qu’a commencé le procès , et où
Mossier annonçait qu’il suspendrait la fabrication , à jour fixe,
les états de réception constatent que jusques et compris le
kil°g*
o juin , il a été liv ré , de noir en grain................ 97»
Et pour le même temps, et le mois de juillet,
Dumont et Derosne ont reçu, en noir fin. . . .77,481
L ’envoi de ces livraisons a été fait par Thomas, le ig no
vembre i i.
Il
nous importe fortpeu que Dumont et Derosne aient reçu
des noirs fins dans cette proportion ; c’est bien leur affaire, et
11.
4-77
3
83
�' 84 )
nous ne répéterons pas ce que nous avons dit là-dessus; mais
nous ajouterons qu’ils les ont reçus, en vertu du traité du
24 janvier, qui les autorisait à les prendre, sans prix, ¿'ils
ponçaient parvenir à les utiliser, ce qu’on reconnaissait à peu
près impossible.
La fabrication a cessé, il est vrai, au mois de juillet dernier.
Mais pourquoi ? Une lettre de Charles Derosne et Dumont va
nous l’apprendre.
P a r is , a5 février ï8 5 a .
• »! . I
MM. Blanc et Guillaumon aîné.
*
« Je suis honoré de votre lettre du 19 courant, par laquelle
vous d é s i r e z connaître quels sont les motifs qui nous ont fait
suspendre l’exploitation de Menât. Je vous dirai, Monsieur»
que c’est uniquement la mauvaise confection des noirs fabri
qués par M. Mossier, qui nous a mis dans l’obligation de re
noncer à son emploi, ne pouvant plus tenir aux reproches
que nous recevions journellement des consommateurs ; nous
nous sommes trouvés forcés de prendre ce parti, pour ne pas
perdre toute notre clientelle. Je suis d’accord avec vous,
Monsieur; le schiste est un excellent décolorant, et bien su
périeur au noir animal ; mais pour qu’il ait toute sa propriété,
il faut qu’il ait subi toutes les préparations , avec soin, conve
nablement; chose que M. Mossier n’a jamais faite, et dont je
le crois incapable, puisque, malgré toutes les réclamations
que nous n’avons cessé de lui faire, il ne nous a jamais envoyé
que des produits mal fabriqués sous tous les rapports.
» Nous voyons, comme vous, avec peine, les mines se dété
riorer, faute d être en activité; nous désirons, plus que per
sonne, un changement dans cet état de choses. M . Derosne,
�(S M
qui se propose de faire un voyage à Clermont, très-inccssamm en t, doit faire des tentatives pour y parvenir. »
» J ’ai l’honneur, etc.
J. D umont.
Ce résultat est Celui qu’on avait obtenu à Lyon , Marseille,
Bordeaux, dans le principe.Nous l’avons indiqué ci-dessus ,
page 16; et nous pouvons ajouter ce qui résulté de deux
lettres de Londres, des i octobre et 19 décembre i o.
On y qualifie cette entreprise : h a malheureuse affaire du
noir minéral.
Dans la première , on y demande d'être débarrassé de cette
triste minérale...... Si on n’a pas reçu réponse, d’ici au 9 no
vembre , on jettera au fumier cet article, qui est, vraiment,
pire que rien.
Dans la seconde , on annonce que tous les consommateurs ,
ayant déclaré que l'article ne vaut absolument rien, on le jette
en ce moment au fum ier, parce qu’il encombre les magasins.
Voilà un échantillon des pertes énormes de la Compagnie.
Voilà la matière que te sieur Mossier veut aujourd’hui donner
à 9 fr. o c», après avoir inutilement essayé de la faire prendre
à 20 fr.
En vérité, on s’étonne de tant d’obstination, de tant d’aveu
glement , et il ne reste qu’une chose à dire : c’est que la Com
pagnie attend la justice , et qu’elle croit avoir été juste, pour
le moins, en se résignant à souffrir, sans réclamation, les
pertes énormes qu’elle a éprouvées, par la faute des entrepre
neurs; plus spécialement par la retraite du sieur Daubrée, la
négligence et l’incapacité du sieur Mossier.
Nous ne discuterons pas plus amplement les motifs du juge
ment dont est appel, ils sont suffisamment refutes par la force
des faits et des actes produits ; mais nous ferons ressortir cette
singularité des premiers juges, qui, entre les deux entrepre
neurs, Daubrée et Mossier , ( tous deux ne faisant qu’un pour
4
5
83
�( 86 )
5
la Compagnie, ) condamnent à oo fr. de dommages-intérêts,
celui dont la faute consiste à avoir abandonné la fabrication ,
et accorde, au contraire, 2,000 fr. d’indemnité à celui qui a
ruiné l’entreprise. E n core, si on n’avait pas motivé cette in
demnité sur la suspension de la fabrication , fait complète
ment inexact, puisqu’elle a continué pendant et après le juge
ment, et n’a été suspendue, plus tard, que par la faute de
Mossier, comme le prouvent toutes les circonstances du pro->
ces, et, spécialement la lettre de Ch, Derosne et Dumont, que
nous venons de porter.
Nous terminons ces observations que nous eussions voulu
rendre plus courtes. Nous avons tâché de bien faire comprendre
les faits et leurs conséquences; c’était l’essentiel pour la Com
pagnie; c’était aussi'l’essentiel pour les gérans, que le sieur
Mossier accuse de lui avoir fait préjudice, pendant que plu
sieurs actionnaires leur reprochent de lui avoir donné trop de
confiance, et de l’avoir trop favorisé. Leur consolation est de
penser q u ’ ils sont sans reproches , et que le simple exposé des
faits suffit pour le démontrer à tous les yeux.
?
P. B LAN C et G U IL L A U M O N , Gérans.
M e d e V ISSAC , Avocat.
M. B A Y L E , Avoué.
RIOM IMPRIMERIE DE THIBAUD AVRIL 1852
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mossier. 1832]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Bayle
Subject
The topic of the resource
mines
exploitation du sol
schiste
sociétés par actions
noir animal
commerce
industrie
moulins
bail d'entreprises
procédés de fabrication
Daubrée (Edouard)
voyageurs de commerce
exportations
tribunal de commerce
arbitrages
experts
dissolution de sociétés
brevets
chimie
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour la compagnie de Menat, en la personne des gérans, appelans et intimé ; contre les sieurs Mossier et Daubrêe, intimés et appelans ; et encore contre les sieurs Dumont et Derosne, intimés.
Annotations manuscrites. « 19 juin 1832, 3éme chambre civile, ou chambre correctionnelle...1er octobre 1835, arrêt de rejet de la cour de cassation. Sirey, 1836-1-65 ».
Table Godemel : Cession : 7. les cédataires ou subrogés aux droits d’une compagnie de mines, peuvent-ils soutenir, que leurs cédants, faute d’avoir notifié la cession ou transport à l’entrepreneur, et de l’avoir fait ratifier par lui, sont passibles de dommages intérêts envers eux, à cause des retards dommageables que ce défaut de notification aurait pu occasionner ; lorsque connaissant parfaitement le traité relatif à l’exploitation, avec l’entrepreneur, ils avaient en eux même la faculté de faire cette signification, s’ils la jugeait utile ? Qualité : 7. un individu, réunissant en sa personne une double qualité, celle d’actionnaire et celle d’entrepreneur de la compagnie, ayant comparu à un acte de subrogation fait au nom de la compagnie, qu’il a signé, sans déclarer en quelle qualité il entendait contracter, peut-il être considéré comme n’ayant agi qu’en une seule de ses qualités, et n’avoir en rien fait novation à ses droits, résultant de son autre qualité, celle d’entrepreneur ? Mines : 4. actionnaire de la compagnie des mines de Menat exploitant une fabrique de noirs de deux espèces, l’une dite noir gros grain, et l’autre dite noir fin, le sieur mossier, qui avait traité avec elle le 7 avril 1829 pour la fabrication de ces deux espèces de noir, a-t-il pu assigner les gérants pour les faire condamner, avec dommages intérêts, à retirer tous les noirs fabriqués ou, n’a-t-il eu d’action directe que contre les sieurs Dumont et Derosne, subrogés aux droits de la Compagnie par traité du 8 septembre, même année ?
Mossier, réunissant en sa personne une double qualité, celle d’actionnaire et celle d’entrepreneur de la Compagnie, ayant comparu à l’acte de subrogation du 8 septembre, qu’il a signé, sans toutefois déclarer en quelle qualité il entendait contracter, peut-il être considéré comme n’ayant agi qu’en une seule de ses qualités, celle d’actionnaire, et n’avoir en rien fait novation à ses droits résultants de son autre qualité, celle d’entrepreneur ?
Le noir en magasin a-t-il pu être refusé par la Compagnie, ou par ses cédataires ? Le refus de renvoi a-t-il causé préjudice à l’entrepreneur Mossier et donné lieu à des dommages intérêts ? Contre qui, des gérants ou de la Compagnie, ou des subrogés, ces dommages intérêts doivent-ils être prononcés ?
Les sieurs Dumont et Derosne devenus cédataires ou subrogés aux droits de la Compagnie par l’effet du traité du 8 7bre 1829, peuvent-ils soutenir que leurs cédants, faute d’avoir notifié la cession à l’entrepreneur, Mossier, et de l’avoir fait ratifier par lui, sont passibles de dommages intérêts envers eux, à raison des retards dommageables que ce défaut de notification aurait pu occasionner ; lorsque connaissant parfaitement l’acte du 7 avril précédent, ils avaient eu eux même la faculté de faire cette notification, s’ils la jugeaient utile ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1832
1825-1832
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
86 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2716
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2715
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53553/BCU_Factums_G2716.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Menat (63223)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
bail
bail d'entreprises
brevets
chimie
commerce
Daubrée (Edouard)
dissolution de sociétés
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CONSULTATION
P o u r M . G eorges O N S L O W ,
Contre MM. O N S L O W puînés.
nouvelles consultations, sous les dates des 3 1 octobre, 6 et
10 novembre 1 832 , viennent d’être produites pour MM. Onslow
puînés , contre M. Georges Onslow , au moment où l’affaire pen
dante entre e u x , ayant été plaidée depuis plusieurs mois devant
le tribunal civil de C lerm o n t, M . Georges Onslow, se reposant
avec confiance sur les moyens présentés en sa faveur , et sur les
T
r o is
débats contradictoires qui avaient eu lieu , attendait en silence la
décision du tribunal sur les graves questions qui ont été soulevées,
et que l ’examen du ministère public semblait seul être appelé à
éclairer à l ’avenir.
Les jurisconsultes soussignés, appelés par là à faire un nouvel
examen des pièces du procès et des moyens qui ont été présentés
de part et d’autre, déclarent persister, sous tous les rapports,
dans la première opinion par eux émise, et pensent qu’il leur
sera facile de réfuter les nouvelles objections, qui viennent d’être
faites, et dont on peut induire un abandon presque complet du
système de défense précédemment adopté.
; On ne reviendra pas ici sur la discussion à laquelle les sous
signés se sont livrés sur la question de savoir si M. Edouard
Onslow est décédé Anglais ou Français; ils ont soutenu que, né
Anglais , il est décédé Anglais par la force de sa volonté bien ma
nifestée , comme par l ’absence de tout acte émané de lu i, qui ait
pu lui conférer la naturalisation que la loi française lui d ira it
�( 2 )
à une condition qu’il n’a pas remplie , parce qu’il ne voulait pas
accepter cette oflre.
Pour MM. Onslow puînés, on vent qu’il soit devenu Français
malgré lui et sans le moindre acte de Soumission envers le nou
veau pays, le nouveau prince qu’on lui donne.
Tout a clé dit, tout a été épuisé sur cette question, soit dans
les précédens mémoires, soit dans les p la id o ir ie s , Les adver
saires n’y reviennent pas dans leurs nouvelles consultations; on
imitera leur silence, puisqu’ici 01111e,se propose que de répondre
aux objections nouvelles.
Cependant, avant d’aborder cette discussion, il ne sera pas
inutile de jeter un coup d’œil rapide sur les moyens successive
ment présentés dans l ’intérêt de M M . Onslow puînés, dans les
différentes consultations délibérées pour e u x , et seulement en
ce qui concerne la question du procès qui nous occupe , celle
de savoir quel devrait être le sort et les effets de la donation delà
terre deLillingston, contenue au contrat de mariage de M. Georges
Onslow , même en supposant M. Edouard Onslow naturalisé
Français.
*
Dans la première consultation délibérée à Riom , le 1G février
1800, pour MM. Onslow puînés, on ne niait pns'en thèse géné
rale qu’ il ne pût y avoir lieu à l ’application du statut réel an
glais, pour apprécier la validité d’une donation d’immeubles si
tués en Angleterre; maison soutenait que s’il en était ainsi dans
l ’espèce, la loi du i/| juillet 1819, art. 2 , mettrait M. Georges
Onslow dans la nécessité absolue ou de s’en tenir purement et
simplement a sa donation , ou de rapporter, pour venir prendre
part au partage des biens situés en France.
l) ’un autre cûié, on disait qu’il n’y avait pas lie u , dans la cause
telle qu’elle se présentait, à l'application du statut réel anglais,
o ce, par deux raisons.
La première, parce «pie M . Georges Onslow avait mobilisé
�c 3 } ,
lui-mêine l'immeuble, en signant l ’acle de vente, comme man
dataire de son père.
La seconde, parce que la donation était purement mobilière,
le père s’étant, disait-on, réservé le droit de la convertir en un
capital produisant 20,000 francs de rente.
Tout ce système fut combattu et renversé par les consultations
délibérées à Paris, pour M. Georges Onslow, par MM. DelacroixFrainville, Dupin aîné, Dupin jeune , Ilennequin , Tardif et
Odilon B a rro t, et nous pouvons ajouter que les nouveaux juris
consultes consultés par MM. Onslow puînés, viennent se réunir,
sous plusieurs rapports, à l ’avis des conseils de M. Georges
Onslow.
Ainsi M. M e r lin , dans la consultation du G novembre der
nier, déclare que notre raisonnement est, ilfaut en convenir, très-
spécieux, et c/u’onne le réfuterait pas en disant, comme on l'a déjà
fa it, dans l'intérêt des puînés Onslow, (¡ne la donation faite au fd s
ainépar son contrat de mariage , ne porte que. sur un capital mobilier
de 20,QOO francs de rente à prendre sur les propriétés anglaises du
donateur, car elle porte évidemment sur le corps même de ces pro
priétés.
Il eût été surprenant que ce savant jurisconsulte n’eût pas
trouvé le raisonnement dont il parle au moins spécieux ; car
lorsqu’on en sera là, ce sera par ses écrits et par les arrêts qu’il
cite lui-mêine, qu’on prouvera qu’il repose sur des principes
incontestables.
Q u a n tà M . Garnier, dans sa consultation du 10 mars i-83o, il
déclare q u e , sur ce point, il 11e partage pas l ’avis des juriscon
sultes d e llio m ; que la donation était bien certainement immo
bilière (voir p. 5j , i er cahier) : il n’en est plus de même dans sa
dernière consultation, en date du 5 i octobre 1802 ; elle est,
selon lui , purement mobilière ; ce n ’est qu’un capital de
400,000 francs qui a été donné (2* cahier, p. 6).
�U )
Les soussignés ont établi depuis, pour M. Georges O nslow ,
qu’il était tout à fait indifférent, pour la solution de la ques
tion , qu’il eût concouru ou non à la vente de Lillingston, par
ce motif évident que le propriétaire pourrait incontestablement
se réunir à l ’usufruitier pour vendre, et que, dans ce cas, l ’un
conserve son droit de propriété sur le capital produit par la
vente , et l'autre son droit d’usufruit sur ce même capital.
Une traduction récente a enfin établi en fait que M. Georges
Onslow n'a nullement figuré dans cette vente.
M. M e r lin , dans son nouveau M ém o ire , est loin encore de
partager l ’avis des jurisconsultes de Riom sur ce point. Il paraît,
l u i , attacher de l ’importance à établir que M. Georges Onslow
n ’a pas pris part à cette vente; c a r , par une suite de raisonnemens qui seront examinés , il tire de l ’absence du concours de
M . Georges Onslow , la conséqueuce forcée de l ’existence d’un
-acte secret, portant résiliation de ses droits de propriété sur la
terre de Lillingston, et la faisant ainsi rentrer libre dans les
mains du père qui l’a vendue.
Ainsi , lorsqu’on croyait que M. Georges Onslow avait figuré
dansl’acte de vente, c’était sa présence qui devait lui faire perdre
son procès* A présent qu’il est établi que son nom n’y est même
pas mentionné , c’est l ’absence de ce concours qui doit avoir le
même résultat. C ’est bien assurément le cas de dire encore ,
que vouliez- vous qu’ il f it ?
A u point où on vient d*être conduit, il ne resterait donc plus,
de l ’avis même des nouveaux conseils de M M . Onslow puînés,
au système établi par la consultation du iG février 1800, que
l ’argumentation tirée de l’article 2 de la loi du l/^ juillet 181g ,
argumentation qui n’était pas très-satisfaisante, dans ses résultsts,
pour les frères demandeurs; carM . Georges Onslow s’en tenant,
comme 011 le disait, uniquement à la donation de la terre de
Lillin gston, sur laquelle il avait une disposition de J 20,000 fr. à
�( 5)
exécuter , il lui restait 720,000 fr. ; ce qui était plus que ne lui
attribuait le partage attaqué.
On bornait alors les conséquences de l’application de cette loi
dn i 4 juillet 181g, à forcer M. Onslow à choisir entre ces deux
positions, ou s’en tenir à la donation, sans prendre part au partage des biens situés en France, ou rapporter, prélever comme
préciput, et prendre part comme copartageant. M. de LacroixFrainville combattit cette argumentation par des moyens qu’on
n’a jamais essayé de réfuter ; et cependant, non content de la
reproduire aujourd’h u i , on -veut lui attribuer un résultat bien
autrement important, celui de forcer au rapport, sans laisser
l'option.
Les conseils de MM. Onslow sont encore ici en contradiction
avec eux-mêmes ; mais nous démontrerons que leur premier avis,
fort peu favorable, en définitive , à leurs cliens, de même que le
second, qui leur serait plus avantageux , reposent également sta
des erreurs de fait et de droit.
Ainsi disparaissaient les premiers moyens invoqués dans l’in
térêt de MM. Onslow puînés.
|Ce fut alors , et en réponse aux consultations délibérées à
Paris pour M . Georges O n slow , que parut un nouveau Mé
moire, daté de R io in , du 27 juillet i 85o.
I c i , on ne soutient plus que la question de savoir si la do
nation doit ou non produire ses effets, en faveur de M. Georges
Onslow , créancier du p r i x , ne doive pas être décidée d’après les
dispositions des lois anglaises.
Mais ou reproche aux consultations délibérées à P aris, de
n’avoir rien fait pour établir q ue, d’après ces lois anglaises, la
disposition fût licite en thèse générale , et en second lieu , qu’elle
fût permise dans la position particulière de HT. Edouard et de
31. Georges O nslow , et, sur ces deux propositions, on cherche
à établir le contraire.
�(G )
Pour y parvenir, on ci le deux passages de Blackstone, desquels
on tire la conséquence évidemment erronée, que les lois an
glaises ne permettaient la libre disposition que d’un q u a rt, et
réservaient les trois quarts de la succession, pour être partagés
également entre tous les çnfans/
Puis, on oppose à M. Georges Onslow sa qualité de Français
et de catholique, et on trouve qu’un passage de BlacliStone , du
quel il résulte que le fils d’un Anglais de naissance, quoique
né en pays étranger, peut hériter en Angleterre, ne détruit pas
entièrement l ’objection, parce que l’auteur ne dit pas qu’il doit
en être de même, si cet étranger est, en outre, catholique; et
on ajoute que l ’avis d’un jurisconsulte anglais qui , se fondant
sur un statut de Georges I I I , applique la même décision au cas
où il s’agit d’un catholique, n’est pas une autorité suiîisante. On
ne demandait donc plus que des textes positifs puisés dans la lé
gislation anglaise, et qui vinssent établir que, d’après ces lois,
i°. M. Edouard Onslow 11’avait, pas excédé la quotité disponible;
2°. M. Edouard Onslow était capable de disposer; 5°. M. Georges
Onslow était capable de recevoir.
Produire et expliquer ces textes, tel a été le but principal de
la consultation délibérée par les soussignés, le i " août. j 83 i , et
ils croient qu’ils ont entièrement satisfait à. la demande qu’on
faisait à cet égard.
A u ssi, dans la nouvelle consultation délibérée par les mêmes
jurisconsultes de lliom , le 10 novembre dernier, dans l'intérêt
de MM. Onslow puînés, n’élève-t-on plus le plus léger doute
sur la question de capacité de M. Edouard Onslow de disposer,
de M. Georges Onslow de recevoir, d’après les lois anglaises, et
se borne-t-on ^opposer à M. Georges le défaut de prestation de
serment exigé par l’acte de Georges I I I , que nous avons prod u it,
à le renvoyer aux tribunaux anglais pour exercer, s'il lui plaît,
une action en revendication, et à invoquer la loi du i /j juil-
�fl* '
I
«
7
. ( 7 ) .........................
lct 18x9, avec une application qui diffère entièrement de celle
que lui donnaient les mêmes jurisconsultes, dans leur consulta
tion du 1G février i 85o.
M. Merlin est le seul q u i , dans la dei’nière des trois consul
tations récemment produites, reconnaissant ( ce que ne font plus
aujourd’hui les jurisconsultes de Riom ) l ’impossibilité d’échap
per à l ’application des lois anglaises, sur la question desavoir si
le litre qui établit la créance de M. Georges Onslow était valable
ou non, à moins que, par un acte supposé, le fils n’eût renoncé
aux avantages qui en résultaient pour lui ; M. Merlin est le
seul, disons-nous, qui cherche encore avec quelque insistance
à trouver des causes d’incapacité de donner ou de recevoir, dans
la position particulière de MM. Edouard et Georges Onslow.
Il faudra donc revenir sur l’examen des textes déjà cités, qui
semblaient avoir porté la conviction dans l ’esprit dés juriscon
sultes de Riorn, et dont quelques-uns paraissent avoir échappé
à l ’attention de M. Merlin; on en citera en même temps de nou
veaux , qui, il faut l ’espérer, lèveront tous les doutes à ce sujet.
Telle est l ’analyse lapide des moyens employés contre M. Geor
ges Onslow, sur la question dont on s’occupe i c i , et il faut avouer
que ce tableau présente une assez grande mobilité de systèmes.
Ainsi, les jurisconsultes de Ricin établissent, relativement à
cette question, le succès de la cause de MM. Onslow puînés, une
première fois sur la nature de la donation qui leur paraît mobi
lière, et sur le prétendu concours de M. Georges Onslow à la
vente de l’immeuble donné, qui doivent écarter l ’application de
la loi anglaise.
Une autre fois, sur les dispositions de celte m ê m e loi anglaise,
qui devait, comme la nôtre, entourer les puînés de ses laveurs
et de sa protection, et- q u i , dans tous les cas, excluait d’une ma
nière absolue l’étranger et le catholique.
Kl enfin une troisième fois, sur des considérations générales
qui ne permettent pas de concevoir comment un Fiançais peut
J
�' ■
•
_
^
( 8 )
demandera des tribunaux français d’appliquer les lois anglaises,
quoiqu’il s’agisse de savoir si la donation d’un immeuble situé enAngleterre, était valable ou n o n , si elle avait ou non conféré
un droit de propriété, et sur les dispositions de la loi du 14 juil
let 1819, avec une application toute différente de celle q u’on lui
avait donnée d’abord.
D ’un autre côté, M. Merlin établit fort bien que la don
nation portait au contraire sur le corps même de l ’immeuble,
qu’elle conférait un véritable droit de propriété; il ne veut
pas du tout que ce soit le prétendu concours de M. Georges
Onslow à l ’acte de vente, qui établisse une mobilisation de son
fait; il veut au contraire l'aire résulter de l ’absence de ce con
cours, la preuve que, par un acte secret, il avait renoncé à la
donation; il n’est nullement surpris, l u i , qu’on prétende que la
question de savoir si la donation était valable ou non , doive être
soumise à l ’empire de la législation «anglaise; il admet au con
traire, très-évidemment, qu’il doit en être ainsi, et il se borne
sur ce p o in ta soutenir que, dans leur position particulière,
M. Edouard etM . Georges Onslow n’étaient pas capables, d’après
les lois anglaises, l ’un de transmettre, l ’autre de recevoir la pro
priété de la terre de Lillingston.
Et enfin, M. Garnier fait une fois la donation immobilière, et
une autre fois mobilière, sans nous dire du tout pourquoi son
avis de i 852 n ’est jilus son avis de i 85o.
Toute cette incertitude dans les moyens, ces systèmes succes
sivement repris et abandonnés, ces divergences saillantes d’opi
nion entre des hommes aussi éclairés, ne démontrent-ils pas
qu’on fait fausse route, qu’on prend et reprend alternativement
chaque v o i e qui se présente, mais qu’aucune ne peut conduire
ail b u t , et qu’à bien saisir l’ensemble de cette discussion, presque
tous les moyens proposés dans l’intérêt de M 3I. Onslow puînés ,
s’y trouyent successivement combattus par leurs propres pon-.
seils
�w ? (9)
Poiu’ M. Georges O nslow , il n’y a pas à varier dans les énon
ciations qui ont clé émises, el qui reposent sur des principes
immuables; aussi la présente discussion ne peut-elle être qu’un
nouveau développement des précédentes, avec la réfutation.des
argumentations nouvelles. L'analyse qui précède des moyens suc
cessivement employés, abrégera ce travail : elle fixe la discus
sion au point o ï l elle a été conduite, et détruit déjà quelques
objections.
On commence l ’examen des nouvelles consultations par celle
de M. Garnier, qui est en tête du premier cahier imprimé.
M . Garnier débute en faisant dire aux conseils d eM . Georges
Onslow ce qu'ils n’ont pas dit.
M . Georges Onslow, suivant lui, demanderait le prix de la
terre de Lillingston, comme représentant la chose vendue. Il
faudrait alors, répond-il, qu’on vint prouver que les sommes qui
existent sont identiquement celles provenues des prix de vente,
et on ne pourrait pas le faire.
D ’abord, en fait, cette preuve serait bien plus facile à faire
qu’on ne pourrait le penser; puis cc n’est pas ce qu’on a dit, et
M e Merlin, lu i, nous a parfaitement compris.
Il exprime en termes précis (p. 16 du 2e cahier) que ce n’est
pas en vertu dç la maxime sul/rogalum sapit naturam subrogali,
que M. Georges Onslow réclame le prix produit par la vente de
la terre de Lillingston; qu’il fonde sa prétention sur la dona
tion qui lui avait été faite de cette terre par son contrat de ma
riage ; qu’il en conclut que cette terre n’était plus à la dispo
sition de son père ; qu’en la vendant il a vendu la chose d’autrui,
et que, par conséquent, il a contracté l’obligation d’en restituer
le prix; que cette obligation forme une dette de la succession,
qui ne peut dès lors, sous aucun prétexte, lui en contester le
prélèvement.
C ’est par ce motif très-bien saisi par M. M erlin, qu’on n’a
2
�( 10 )
pas cherché, pour M . Georges Onslow, à prouver (ce qui eût
été facile) que les capitaux qui existent sont bien ceux produits
par la vente de la terre de Lillingston.
Pour qu’un débiteur soit tenu de payer , tout ce qu’il faut
prouver, c’est qu’il doit et non pas qu’il a toujours identique
ment en mains l’objet qui a été la cause de son obligation ou
le produit qu’il en a perçu.
On revient encore sur ce prétendu concours de M. Georges
Onslow à l’acte de vente; on lui reproche de ne produire qu’un
projet de cet acte, et de ne pas vouloir montrer l’acte de vente
original sur lequel on lirait sa signature, et même, dit-on, celle
de ses frères. Ici une courte explication.
L ’institution du notariat n’existe pas en Angleterre; il n’y a
aucun dépôt public pour les actes et transactions des particu
liers; tout se fait par actes sous seings privés ou devant témoins.
Les traités d’une certaine importance sont rédigés par les avo
cats des parties, qui souvent sont en même temps leurs procu
reurs fondés. G est le rôle que jouent, dans l’ailaire qui nous
occupe, MM. James Selon et Edouard Plom er; il est d’usage
que les avocats gardent dans leur cabinet la minute sur laquelle
sont transcrites les copies délivrées aux parties.
L e colonel Delap ayant payé comptant en argent ou billets
peut-être le prix de son acquisition, on conçoit qu’un double
n’ait pas été nécessaire à M. Edouard Onslow : M. Georges af
firme ne l ’avoir jamais vu.
Quand on a désiré la production de cet acte, qu’a faitM. Geor
ges Onslow? il en a fait demander communication au colonel
Delap sur son reçu; il n’a jamais pu l ’obtenir, et il est prêt, à
le prouver par trois lettres de son avocat à Londres; mais on
lui a adressé une copie de la minute sur laquelle les deux juris
consultes de Londres, dont les signatures ont été légalisées, cer
tifient que le transport original a été transcrit.
, ^
�M lf
( " )
Que pouvait-il faire de pl us? 3131. Onslow puînés, qui tiennent
tant à prouver qu’ils l’ont signé avec leur fr è r e , avaient tout
autant de moyens que lui d’en avoir communicalion, et il ne
paraît pas qu’ils se soient donné beaucoup de peine pour se la
procurer.
Ils doivent comprendre d’ailleurs que si la signature de
M. Georges se trouvait sur cet acte, comme on le soutient, ils
y gagneraient, il est vrai, de pouvoir profiter de l’argumenta
tion de 31. Garnier, mais ils y perdraient l’avantage de pouvoir
se servir de celle de 31. Merlin.
Ces explications eussent été inutiles assurément si 3 L Georges
Onslow n’avait pas du tenir à repousser loin de lui l'imputation
de soustraire un acte qu’il n’aurait pu avoir que par la confiance
de son père ; si on veut une justification plus complète , on peut
venir prendre communication des lettres de Londres.
On ne reviendra pas sur ce point de droit a cet égard ; il a
déjà été démontré plus liaut que si le fait existait, il serait sans
importance; car si 31. Georges Onslow avait signé la vente,
qu’en résulterait-il? c’est qu’il aurait vendu ce qui lui appar
tenait, et que son père ayant reçu le prix pour exercer par la
perception des intérêts son droit d’usufruit, la succession serait
également débitrice du cajntal.
31. Garnier examine ensuite cet acte de vente; et il faut que
ce jurisconsulte ait eu sous les yeux une copie infidèle, ou une
mauvaise traduction, ou qu’il ait traduit lui-même et se soit
trompé, car ses énonciations sont inexactes.
L e but de l’argumentation de 31. Garnier, sur ce point, est
de démonu'er q u e , lors de la donation faite à 31. Georges Ons
low par son contrat de mariage, du 18 juillet 1808, 31. Edouard
Onslow n’était plus propriétaire, que dès lors la donation était
nulle ; et il trouve la preuve de ce fait dans une prétendue vento
« réméré de la terre de Lillingston, moyennant 100,000 f r . ,
2.
�' •*• i
** t ( 13 )
qui aurait été fane à Thomas comte Ons^ow et Artliur-Georges
vicomte Cranley , par un acte du 20 avril 1791, d’après M. Garnier (24 et 25 juin i 8o 5, d’après l’acte). Mais comme, d’après nos
lois, l ’acquéreur à réméré entre en possession, et qu’on voit par
la teneur de l’acte, que M. Edouard Onslow n’a pas.cessé de
jouir de la terre de Lillingston , et qu'il paye l’intérêt des
100,000 fr. empruntés, on veut trouver un bail à ferme con
senti à M. Edouard O nslow , par acte des 24 et 20 juin i 8o 5 ;
car autrement on n’aurait pas pu s’expliquer h quel titre , ayant
ve n d u , il "possédait encore.
Q u ’on se mette sous les yeux la traduction faite avec le con
cours de l ’un des.conseils de MM. Onslow puînés, et on verra
qu’il y a erreur matérielle de la part de M. Garnier.
I/acté du 20 avril 1791 , cité dans la vente, au lieu d’être
une vente à réméré, est une procuration donnée à James Seton ,
pour administrer dans l ’intérêt de M. Edouard Onslow.
L ’acte des 24 et 25 juin n’est pas un bail h ferme consenti à
31.
Edouard Onslow, qui a toujours possédé en vertu de sorf
titre de propriétaire ; c’est ce qu’on prend pour une vente à
réméré, et ce qui est une preuve de plus, qu’en appréciant des
faits qui tiennent à une législation étrangère, on se défait diffi
cilement des idées puisées dans-celle qui a fait l ’objet de ses
études ; car cette prétendue vente à réméré n’est autre chose
qu’une hypothèque donnée au comte; O n slo w , pour garantie
d’un prêt de 100,000 fr. environ , hypothèque qui est conférée
dans l ’acte, d’après le mode consacré par les lois et usages de
l'Angleterre.
u.
La rectification de ce point de fait suffirait peut-être pour
faire disparaître l'argumentation de M. Garnier, puisqu’elle re
posait sur cette supposition, que M. Edouard Onslow, lorsqu’il
avait donné la terre de £.illingston, ne possédait plus comme
propriétaire, ayant vendu , mais qu'il jouissait seulement 611
vertu d’un bail à ferme.
�( 5 )
Mais 011 peut encore établir d’une manière plus positive, et
par les termes île l’acte de vente, et par des citations empruntées
a des auteurs anglais, que ce n’était bien réellement q u ’une simple
hypothèque.
Il vient d’abord d’être démontré que M. Edouard Onslow
restait en possession, en vertu de son seul titre de propriétaire;
ce qui eût été impossible, s’il y avait eu vente.
Puis, on remarque la disproportion choquante qui aurait
existé entre le 'prix de cette prétendue vente et la valeur de
l ’immeuble. Enfin , Pacte dit lui-même que c’est une hypothè
que, attendu que, sur cette hypothèque ( mort-gage), il est encore
dû la somme principale de quatre mille livres, mais que les intérêts
ont été dûment pajés.
Et enfin , rien de plus naturel que de voir figurer dans la
vente le comte Onslow et le vicomte Cranley; ils venaient re
cevoir le remboursement de la somme par eux prêtée, et donner
mainlevée de leur hypothèque , pour se servir d’une expression
française. M ais, d it-o n , ils figurent comme vendant avec
M . Edouard Onslow, donc ils étaient propriétaires. Nous pour
rions rétorquer l’argum ent, et dire: M . Edouard Onslow figure
comme vendant l ’immeuble, donc c’était bien lui qui était pro
priétaire (i).
V1
(0
O n pourrait tout aussi-bien inférer des expressions de l’a c l e , que James
S cto n était propriétaire; car si on examine les termes dans lesquels la procura
tion de gérer et administrer lui était donnée par l ’acte du 30 avril 1791 , on
verra qu’ils em p o rte n t, au p rem ier coup d’oeil , l ’idée d’une vente de la pro
priété pour lui et ses héritiers , m aisensuile avec des dispositions restrictives ;
si on lit la vente , on verra qu’ il vend com m e M . E douard O n s l o w , avec celle
différence qu’ on paye à l ’un 840,000 fr., et à l ’autre d o u z e francs environ.
C ’est que d’après le* usages anglais( usage* qui *ont une suite.de la féo d alité),
on ne transfère pas de droit sur une propriété , sans une espèce d’investiture
de la propriété e llc -m ô m e , sauf à joindre
h
cette investiture de forme des
�( l 4)
Mais qui ne voit que la forme adoptée dans la rédaction de
l ’acte de vente, était une conséquence de la forme5011s laquelle
l'hypothèque était conférée par la loi anglaise, et qu’elle avait
pour ohjet de donner, sous ce rapport, les plus larges garanties
à l ’acquéreur.
A in s i, outre que l ’acte dit en termes formels , au passage cité
encore dans un autre, que ce n’était q u ’une hypothèque, il le
démontre par toutes'ses énonciations accessoires.
A u surplus, quelle est la question? Elle est de savoir si, après
l ’acte des 24 et 25 juin i 8o 5 , la propriété reposait sur la tête
du comte Onslow, qui avait prêté 100,000 f r . , ou si elle avait
continué h résider sur celle d’Edouard Onslow ? Consultons les
auteurs anglais.
Tenelius ( L a w Dictionary) , au mot mort-gage, explique que
le mort-gage ou hypothèque, se confère précisément d’après le
m od e, dont on trouve un exemple dans l’acte^ q u i est prod u it,
et qu’il n’en existe pas d’autre. Il dit même que quelquefois le
prêteur entre en possession pour récupérer, par la jouissance
de l'immeuble pendant un temps d onné, non-seulement les in
térêts de la somme prêtée, mais même le capital.
Plus bas, il ajoute : L ’ emprunteur sur hypothèque, tant que
dispositions qui en déterminent l’ effet, et l ’empûchent de conférer le droit de
propriété. C ’ est ainsi que , pour donner sa procuration, pour gérer , adminis
trer une propriété , on en investit le mandataire et ses héritiers ; mais en
ajoutant ensuite que c’ est dans l ’intérât et pour l ’usage
for use
de celui qui
confère ce droit. Aussi ce mandataire figure-t-il dans une v e n t e , quoique le
propriétaire soit en nom dans l’acte , vente de sa part qui n ’a pour objet que
de constater que son droit de mandataire cesse;
et si un prix de quelques
schellings est stipulé pour lui, c ’ est encore un objet de forme ; c’ est parce que
toute stipulation
doit avoir
ce que les Anglais appellent une
considération.
11 en est de m ême du mode de p rocéd er, pour conférer l ’hypothèque et pour
en donner mainlevée.
\
(
�t ‘
5 )
dure le ternie stipulé, et pendant qu’ il reste incertain de savoir s’ il
remplira ses engagemens à l’époque f ix é e , conserve son droit de pro
priété , et même, après le terme passé, il a un recours en équité
pour le rachat ; de telle sorte q u i l est considéré comme maître et
propriétaire ( owner andproprietor) de l’ immeuble, jusqu’à ce qu’ il
ait échoué dans son recours en équité pour le rachat.
On pourrait multiplier ces citations , mais elles seraient à
présent superflues. Il est plus que démontré que c’était une
simple hypothèque qui était donnée au comte Onslow ; qu’elle
ne transférait aucun droit de propriété, et, par conséquent,
qu’Edouard Onslow pouvait parfaitement faire la disposition
qu’il a faite.
Il sera dès lors inutile de développer les autres objections que
M. Garnier prévoyait lui-même. Il est évident que son argumen
tation reposait sur un texte de l ’acte de vente tronqué, et sur
une véaitable confusion entre le contrat de vente à réméré fran
çais et l ’hypothèque des lois d’Angleterre.
Ce n’est pas, sans doute, bien sérieusement qu’on ajoute que
lors même que ce ne serait qu’une hypothèque, il en résulterait
les mêmes conséquences, parce que , dit-on, le créancier aurait
eu le droit de faire vendre pour se payer sur le prix.
Mais jamaison n’a ditqu’unehypothèque pût empêcher la libre
disposition d’un immeuble à titre gratuit ou onéreux.
Tout ce qui résulte de celte h ypothèq ue, c’est que le créan
cier, outre son action personnelle contre le débiteur, a en outre
une action hypothécaire contre le détenteur de l’immeuble, quel
qu’il soit.
Il aurait pu faire vendre, dites-vous; mais sans doute, on l’en
aurait bien empêché en le payant.
Mais qu’il eût fait vendre , on le veut bien ; qu’à la suite d’une
adjudication le comte Onslow eût touché les 100,000 fr. ; que
M. Georges Onslow, sur qui l ’expropriation eût été faite en sa
qualité de propriétaire, eût laissé les 7^0,000 fr. entre les mains
�( 16 ')
de son père, pour lui tenir lieu de son usufruit, qu’en serait-il
arrivé? c’est que M. Georges Onslow, comme propriétaire, serait
devenu créancier de la succession de son p ère , par 1’eflet de cette
vente forcée, comme il l’est devenu parla vente volontaii’e. C ’est
peut-être trop s’arrêter sur une semblable objection.
Il paraît fort douteux à l’auteur de la consultation qu’un acte
passé en France pût être valable en Angleterre.
C ’est une étrange supposition , surtout lorsqu’il s’agit d’un
peuple parvenu à un si haut degré de civilisation , et l ’un des
plus voyageurs de l ’Europe. Q uand, pour M. Georges Onslow,
on invoque la législation anglaise, on produit des textes, il fau
drait en faire autant. Les soussignés ont sous les yeux les consul
tations de plusieurs jurisconsultes anglais , et ils n’admettent pas
même la supposition que ce pût être l’objet d’une difficulté.
On n'examinera pas ici les argumens tirés par l ’auteur de la
c o n s u lt a t i o n , de la qualité de catholique de M. Georges Onslow,
et de la loi du i 4 juillet 1819. Cet examen trouvera sa place
lorsqu’on en sera arrive h discuter la dernière consultation de
M. Merlin.
Il ne reste plus d’objections qui soient particulières à M. Carnier, qu’une prétendue approbation de la vente de la terre de
Lillingston, trouvée dans le partage du 11 avril 1828, attaqué
comme nul par. les frères puînés, o ù , dit-on , immédiatement après
avoir rappelé la donation , on parle de la vente de /a terre de Lilllngston, sans aucune réserve ni protestation ; et enfin line discus
sion des termes et clauses du contrat de mariage de M. Georges
O nslow , desquels il résulterait à présent que ce ne serait pas
l ’i m m e u b l e même , mais un capital de^oo.ooo fr. qui lui aurait
été donné par son père.
Il est a s s e z singulier de trouver une approbation dans un acte
qu’on attaque comme nul. Puis , si M. Georges Onslow avait ap
prouvé la vente, parce qu’il en aurait été fait mention dans cet
acte , suis protestation de sa part, MM. Onslow puînés auraient
�2
«
A
'
,
.
(»7)
donc aussi approuvé la donation, p u isq ue, des termes mêmes
dont se sert M. Garnier, il résulte qu’elle était rappelée avant la
vente. La position est bien identique , à cette différence près ce
pendant, qu’en approuvant la vente de son im m euble, M. Georges
Onslow ne perd
le droit de demander le prix à celui qui l’a
reçu , ou à sa succession, et que si MM. Onslow puînés approu
vent la donation , il n’y a plus de procès (1).
( i ) C e t examen de l ’acte de partage conduit M . G a rn ier hors de la discus
sion des points de d ro it et à une appréciation d éfaits , qui, avec d’a ulresin si
nuations déjà r é fu t é e s , nous expliquent parfaitement pourquoi ces trois n ou
veaux m ém oires ont été lancés au m om en t où les magistrats, éloignés de toute
influence étrangère, n 'avaient plus à interroger que leur conscience et les lois.
O n veut faire entendre que ¡M. Georges O n s l o w , avantagé par les disposi
tions de son contrat de mariage , l’ aurait encore été par les évaluations don
nées aux immeubles qui lui avaient été attribués par ce partage.
D ’abord, s’ il en était a in si, de quoi se plaindrait-on aujo urd’hui ? O n en a
demandé la nullité ; M . G eorges O n s l o jv a-t-il élevé la moindre difficulté à
ce sujet ? J i ’a -t-il pas répondu au contraire: V o u s vons trouvez lésés aujour
d ’hui par les conventions que vous avez adoptées avec empresseinentautrefois ;
q u ’ elles soient mises au néant , et présentons-nous devant la justice au mâine
et semblable état que nous étions avant.
M ais ensuite l ’assertion est-elle exacte ? V o y o n s : M . G a rn ier fait ses esti
mations d-ins son cabinet à Paris ; il n’ en donne pas les bases. O n procède à
peu près com m e lorsqu’ on invoque la législation anglaise. N o u s sommes en
A u v ergn e ; nous avons plus de documens , il faut les produire.
C e s im m eubles consistent dans la propriété de Chaiandrat et la maison de
C lerm o n t.
V o y o n s d’abord Chaiandrat :
SUPERFICIE D’ APRÈS LE CADASTRE.
i*. T er re s labourables...........................................................................60,571
a0. V i g n e s .................................................................................................. 10,000
S*. B o s q u e ts ............................................................................................. i 5, g 5o
4°.Potager en
^
mauvaise n a tu r e ..........................................................
a »53a
8g , o 53
3
toises,
j
�( !8
En ce qui concerne la qualité prétendue mobilière de la do
nation , on pourrait ici se borner à renvoyer RL.Gaynier, auteur
A in si , quatre-vingt-dix septeréeî du pays , qu’ on dije si l ’ on veut q uatrevingt-quinze avec l ’em placem ent des cours et Lâtimc»^.'^
PRODUIT.
!'4 o,6 52
to ises, a f f e r m é e s ........................................ I t29 1
*9>9, 9 e*1 réserve.
#1
. réserve
,
•. chèrement
i •
. allerrc
L e tte
serait
mée h..................................................................... i ,000
Y ig n e s ; les 10,000 toises
n ’ ont jamais produit 800 pots. O n
calcule moitié pour les frais de culture, reste 4-oo pots à 2 fr...........
800
S i on mettait en produit la partie du bosquet qui en est suscep
tible, le reste n’ étant q u ’une montagne stérile , on ne l ’affermerait
pas plus de 4oo fr. , et l ’agrément de l ’habitation serait p e r d u ..........
Jard in potager de mauvaise nature, ne s’ affermerait pas 100 f r . . .
100
T o ta l tout com pris..............3 , 5t)i
Il faut en déduire l ’ im pôt qui est d e ...................................................... 80G
R e s t e .......................................... 2,785
O n ne com pte pas ici les frais de domestique obligés , ni l’ entretien ; aussi
M . Georges O n s l o w peut-il établir par ses livres que dans les meilleures a n
nées , il n ’en a jamais retiré plus de 2,000fr.
C ’ est cette propriété que M . G eo rg es Onsloxv a prise pour 1 Go,000 fr. N ’ en
a - t - i l pas assez payé l’agrément ? Q u ’ on soit impartial et q a ’ on décide.
Q u a n t h la maison de C l c r m o n t , M rae O n s l o w l’occupant en e n tie r , on ne
peut pas calculer son produit actuel; mais avant qu’ elle fût achetée par
‘M . Edouard O n s l o w , il en louait la plus grande partie 1,000 francs; le sur
plus était loué Goo francs; en tout i,Goo fr. de lo y e r , sans en déduire les impôts.
M . G eo rg es O n s l o w f a prise pour ^0,000 fr ., quoique la jouissance en fût
réservée à madame O n s l o w la inère. Y a vait-il là quelque lésion? i,Goo francs
au plus île p r o d u it, dont une partie grevée d ’usufruit pour 20,000 francs.
É tait ce une spéculation de la part de M . G eorges O n s l o w , ou plutôt ne
vo it-on pas qu’ il ne prenait ces immeubles a ce p r i * , qu’ à raison des avantages
qui lui étaient assurés par son contrat de mariage ?
�( »9 )
3 i octobre i 852 ,
de la consultation du
à M. Garnier, auteur de
la consultation du 10 mars 1800. Mais prouvons queM . Garnier
S3 trompe en 1802, lorsqu’il dit que M . Edouard Onslow n’a
donné à. son fils que le capital de 4oo,ooo francs , représentatif
de 20,000 fr. de rente; mais aussi qu’il avait parfaitement raison,
en i 83o , lorsqu’il disait : JYons ne partageons pas l ’opinion émise
dans la consultation (celle du iG février 1800 , également pour
MM. Onslow puînés), que le père n’ a donné à M . Georges , en le
mariant, que 20,000 francs de rente ; il lui a donné la terre toute
entière ; c’est la disposition principale ; accessoirement, il s’ est ré
servé de disposer de Vexcédant de 20,000 francs de rente sur celle
même terre ; mais en déclarant que ce dont il n’ aurait pas disposé ap
partiendrait à sonf b . S i donc la terre valait 85o,ooo francs, et qu’ il
n’eût disposé que de i 5o,ooo francs, le fils aîné tiendrait 700,000 fr .
de la stipu'alion du contrat de mariage. Cela âst conforme à l'ar
ticle i o 3G du Code civil, qui déroge à la règle générale de l'ar
ticle g4(:.
jN o u s aurions vainement cherché des expressions pins posi
tives et aus;i claires. D’où vient donc le doute à présent? On ne
dit pas pourquoi on a changé d’avis sur un point aussi important
de la cause : on ne va pas non plus jusqu’à trouver que la dis-
Ajou tez h cela q u e , sur le douaire (les puînés O n s l o w , qui est de i ? , o o o fr.,
il en paye G,000 fr. au lieu de l r o i s T et qu’ en o u t r e , il était seul chargé de plu
sieurs pensions viagères, s’ élevant à près de 1,000 fr.
N o u s 11’avions pas jusqu’à présent parlé de ces évaluations, et des charges dont
M . Georges O n s l o w élait g revé , parce qu’ elles étaient étrangères aux questions
à juger, et qu’elles n ’auraient pu servir qu’ à justifier de plus en plus ce que nous
avions d i t , que c’était lui qui avait intérât à l’annulation du partage de i8a8.
l ’ ar des énonciations sans justification, il est v r a i , on a voulu conduire la cause
«.ur ce terrain. M . G eorges O n s l o w d e v a it, com m e il l'a fait jusqu’ à p r é s e n t ,
opposer des faits à de vagues énonciations.
3.
�( 20 )
position principale soit mobilière ; mais on voit la mobilisation
dans cette clause additionnelle, qui porte que si , au décès du
p ère, les biens d’Angleterre produisaient moins de 20,000 fr. ,
le fils se remplirait de la différence, en retenant entre ses mains
les sommes suffisantes pour former le capital, au denier vingt,
de la portion de revenu nécessaire au coir.plérrent des 20,000 fr.
de reveuu que son père entend lui assurer comme condition essen
tielle du mariage.
Mais précisément celte clause accessoire du contrat, si tous
les termes de la disposition principale n’étaient pas si positifs,
nous l’aurions invoquée, nous, pour établir que c’était réelle
ment des immeubles qui étaient donnés, puisque la supposition
qui donne lieu à la stipulation, est celle où ces biens (qui font
l ’objet de la donation) produiraient, au décès du père, moins de
20,000 fr . de rente.
Faut-il expliquer la cause, le motif de cette condition acces
soire? Qui ne voit que l'immeuble donné étant situé en Angle
terre , et le mariage se faisant à Paris, la famille de la future ne
pouvait pas avoir des renseignemens bien précis sur le produit
de la terre de Lillingston ; qu’elle pouvait ignorer de quelle
nature ils étaient; qu’elle pouvait craindre qu'ils fussent sujets
à de grandes variations, ou qu’ils fussent précaires en partie.
Mais cette sage précaution clian geai t-elle la nature de la dona
tion? Le cas prévu n’est pas arrivé , mais enlin s’il se fût pré
senté, l’immeuble en eût-il été moins la propriété de M. Georges
Onslow? N on , sans doute; la terre de Lillingston, quel que
fût son produit, était sa propriété depuis 1808; si elle n’eût pas
dépassé 20,000 ir. de revenu, son père ne pouvait plus disposervalablement de la plus petite de ses portions. S i , à l’époque de
son décès, elle se trouvait avoir baissé dans ses produits, et
rendre moins de 20,000 f r . , alors le lils avait une action contre
�M?
( 21 )
la succession de son père, pour lui demander en capital c c q u i
lui manquait en immeuble, pour le remplir des engagemens
pris par son contrat de mariage. Mais l’immeuble, tel qu’il était,
lui restait également. Quelle eût été la nature de cette action ?
eut-elle dû suivre le sort de la succession immobilière ou mo
bilière , s’il y avait eu différence? Nous n’avons pas à nous en
occuper, car il n’en est pas question. Tout ce qu’il importe
d’établir, c’est que l’immeuble, tel qu’il existait, qu’il produi
sît plus ou moins, était bien réellement donné; qu’il apparte
nait, dès ce moment; à M. Georges Onslow, sauf à exécuter les
dispositions qui ne dépasseraient pas les limites fixées.
Q u ’on ne cherche donc plus à mobiliser la donation. M. Mer
lin , consulté par MM. Onslow puînés, le leur a fort bien dit.
Ce serait une vaine tentative; et en effet, à tous ces efforts, il suf
firait d’opposer la lecture du contrat de mariage, sans aucun
commentaire (1), Cependant c’est de cette prétendue mobilisa
tion q u e M . Garnier conclut que le fils aîné n’a rien à prétendre
comme créancier; que , comme précipué, il doit sur la masse
( i ) Il faut transcrire ici les termes du contrat de mariage ; ce sera sur ce
point la dernière réponse ; elle est la meilleure. V oici c om m en t est conçue
la disposition :
« I)e plus , M . Edouard O o s l o w donne et constitue en dot à M . G eorges
» O n s l o w , son fils , par préciput et hors p a r t,su r sa succession futu re,
» L a nue prop riété de diverses terres et propriétés à luiappartenant, situées
» en A n gleterre, et provenant de la succession de M . W i l l i a m W i n t w o r t h , à
« lui échue pendant ledit mariage, consistant entr’ autres choses dans les terres
» de Lillingston et de CharlstoD, situées dans les comtés de IJukinghem c l O x « ford , et en toutes autres propriétés, telles qu’ elles se com portent et en tels
»
enJrorits qu’ elles soient situées , provenant de la successioii de M . W ¡ut—
» »vorlh ;
»
Ensemble tous les meubles meublans, équipage de ferm e, outils et ustensiles
�$
^
(22)
ile la succession, prélever leiquarl et partager le surplus, et il
ajoute : V équité, la fo i due atue conünls de mariage, et la loi, 7 >eulent qu’ il en soit ainsi.
Quoi! l'équité veut que celui dont on a vendu l ’immeuble
qui était sa propriété, ne puisse pas en demander le prix à celui
» aratoires, bestiaux, c l en général tous les objets mobiliers quelconques qui se
» trouveront lui appartenir dans lesdites terres au jour de son d é c è s , évalués
» à environ douze mille francs;
¡1
P o u r par mondit sieur G eo rg es O n s l o w avoir dès à présent droit à la
» nue propriété desdites terres et objets en dépendant , et y réunir l ’ usufruit
»> à c ô m p ier du jour du décès de son père.
» C e tte seconde donation est faite
k la charge
par AI. G eo rges O n s l o w , qui
« s’ y oblige , Je payer , dans quatre ans du jour du décès de son père , les
» sommes dont ce dernier se réserve de disposrr ; lesquelles produiront in té -
»
r£t à com pter du jour de son décès , le tout ainsi qu’ il va être expliqué.
» M . Edouard O n s l o w entend donc pouvoir disposer, à cause de mort, sur
» les biens d’ Angleterre qu’ il donne par le présent contrat à son Gis G eorges,
» de telles sommes qu’ il jugera à propos ; mais de manière que M . G eorges
»
O n s l o w , futurépoux , ait dans les biens donnés un revenu de vingt mille
» francs argent d eE ra n c e, aux titre et poids actuels du franc, et ledit revenu net
» et franc de toutes contributions publiques et taxes anglaises. S i , lors du p r é » décès de M. Edouard O n s l o w , lesdils biens d’ Angleterre produisaient moins
>r «l’un
revenu net annuel de vingt m ille francs , M . G eo rg es O n s l o w ' fils se
» remplirait de la différence en retenant entre ses mains som m e suffisante
» pour former le capital au denier vingt de la portion de revenu nécessaire au
» com plém ent de vingt mille francs d<* revenu en Angleterre , que son père
« entend lui assurer com m e condition essentielle du présent contrat , et la
a
«
som m e ainsi retenue par ledit futur époux lui appartiendra en toute p r o priétc et sans retour. A cet e f f e t , ¡M. son père lui en f a i t , dès
h présent
et
» irrévocablem ent, toute donation nécessaire; ce qui restera en sus des vingt
» mille franc« de revenu complets devra seul ôtre assigné à rem plir les dispa» sitions
h cause
de mort que M . O n s l o w aura faites. »
�( 23 )
qui l’a reçu-! elle veut que sa succession s’enrichisse du produit
de la chose d’autrui!
Quoi! la loi veut que l ’on soumette à l’empire de la législa
tion française la question de savoir si la donation d’un immeuble
situé en Angleterre était valable ou non ! mais la loi de tous
les pays dit le contraire. La loi française le dit particulière
ment dans son article 5.
On invoque aussi, pour M M . Onslow puînés,-'la foi due au
contrat de mariage. Certes, M. Georges Onslow ne demande pas
mieux qu’on respecte la foi due au contrat de mariage, et le
procès n’existera pas. Quel est! donc1'Celui des contrats de ma
riage de ses frères'auquebM;< Georges Onslow demande de por
ter atteinte? serait-ce par hasard à celui de Ml Gabriel-Amable,
dans lequel on voit que le père de famille lu i donne 120,000 fr.
à prendre sur la terre de Lillingsion, et où-M.- Georges Onslo-,V?
comme donataire, comme propriétaire de cette terre, prome't
de faire valoir cette disposition.
Pour que ce contrat de mariage soit respecté, il faut qu’on
ne méconnaisse pas aujourd’hui la qualité du propriétaire qu’on
a si formellement reconnue alors ; il faut que M. Georges Ons
low tienne l’engagement qu’il a pris en cette qualité. Quel e^t
celui des deux frères qui méconnaît aujourd’hui ce qui est écrit
dans cc contrat?
Qui donc attaque la’ foi due aux contrats de mariage? qui
demande d’annuler aujourd’hui les stipula^ons de celui de
M. Georges Onslow, bien que conformes à la-loi qui devait les
régir?*iN"c sont-ce pas MM. Onslow puînés?
•
Qui est-co qui'a été demandeur en annulation d’un traité de
famille, fait à la-grande satisfaction de MM. Onslow' puîné,-i, et
signé par eux avec empressement, parce qu’il contenait, de la*
part de M. Georges Onslow, des sacrifices considérables sui* des
droits certains? Est-ce encore M. Georges Onslow, ou ne sontcc pus les cliens-dç M. Garnier ?
-
�(»4)
Q u ’on ne parle donc pas de foi due aux contrats, lorsqu’on
ne repccle pas ce qu’on a reconnu par son propre contrat de
mariage, lorsqu’on repousse une qualité' qu’on a invoquée autre
fois pour y puiser la garantie d’une promesse;
Lorsqu’on demande la nullité des dispositions d’un contrat
de mariage de son frère, quoique conformes aux lois de l’époque
et du piys qui doit les régir;
,
i- Et lorsqu’enfin on a débuté dans la cause en demandant que
ce qu’on avait signé et promis d ’exécuter de bonne f a i , soit consi-*
déré comme non avenu.
Q u ’on n’en parle pas, surtout lorsqu’on s'adresse à un adver-.
sa ire qui ne demande que l ’exécution de tous les contrats, de
tous les.eogagemens. j.
Cette intempestive invocation au respect de la lo i, de l’équité
et de la foi due aux contrats, nous conduit naturellement à
l ’examen de la seconde consultation du dernier cahier récem
ment publié, et sur laquelle, prise isolément, nous aurons peu
de choses à d ir e , car elle n’a de spécial que quelques considé
rations générales appuyées aussi sur l ’équité ou sur des prin
cipes qui , il faut le reconnaître, sont posés assez rapidement
et d’une manière assez"vague, pour être peu saisissables dans une
discussion; et lçs principales argumentations de droit qui s’y
trouvent, consistent, 1*. dans une nouvelle tentative de mobili
ser la donation ; ac. le défaut de prestation de serment prescrit
aux catholiques par le statut do Georges III ; et 5°. enfin, une
application différente de la première de l ’article 2 de la loi du
avril 1819.
,
Ces deux dernières parties de la discussion étant communes à
M . Garnier, aux jurisconsultes de Riom et à M . Merlin, quoi-r
que présentées sous des rapports différons, ont été renvoyées jus-»
qu’au moment où l’on s’occupera du mémoire de M. Merlin.
Quant à la mobilisation de la donation, nous y avons déjà ré-»
pondu, et d’ailleurs M. Merlins’en es t chargy.
�. ( 2 5 }
Nous pourrions dire aussi que M . Merlin répond pour nous
sur le surplus de celte consultation ; car il n’admet pas, bien évi
demment, qu’on puisse dire à M. Georges Onslow. L ’immeuble
était situé en Angleterre ; allez en Angleterre pour le revendi
quer devant les tribunaux anglais; mais, en attendant, comme
l ’argent produit par la vente se trouve ici , nous le partagerons.
Ce système est même contradictoire avec ce qu’on dit ailleurs;
car si, comme on le soutient, on l ’afilrme m êm e, M . Georges
Onslow a signé la vente, il n’a aucune action contre le détenteur;
sa seule action doit être dirigée contre la succession de son père,
parce qu’il est constant que son père a reçu le p r i x , comme il de
vait le recevoir, pour exercer son droit d’ usufruit. On prévoit
bien cette objection, et on dit aussitôt : Si vous avez vendu ou
exécuté la vente, tant pis pour vous; pourquoi avez-vous placé
ou laissé placer en France de l’argent provenant de l’immeuble
donné ; nous l’y trouvons: nous nous en emparons, et h présent,
allez faire de la législation anglaise avec les Anglais, tant qu’il
vous plaira ; pour nous, il n’y a pas, dans tout ce la , de propriété
anglaise; il y a des écus français à effigie napoléonniene, bourbonniene branche aînée ou cadette; peu importe, des écus fran
çais enfin : le fait domine le droit.
Serait-ce, par hasard, ce qu’on appellerait encore de l’équité?
Cette équité, nous ne la comprendrions pas. Ce n’est pas celle
qui a servi de guide au législateur; ce n’est pas celle que les tri
bunaux appliqueraient, si la loi était silencieuse. Que vous disonsnous donc, nous? Nous vous disons : Si M. Georges Onslow
avait concouru à la vente, comme vous le prétendez, il n’au
rait plus d’action contre le détenteur. S ’il n’y a pas concouru, il
a le choix entre deux actions, ou celle en revendication à exer
cer en Angleterre, ou celle en restitution du prix de son im
meuble , contre celui qui l ’a reçu , ou contre sa succession.
Jit de quel droit venez-vous lui dicter l’option qu’il doit faire,
4
�( =6 )
'îW
lorsque surtout vous l ’attaquez en nullité (le partage, et que c’est
ainsi que s’élève la question à juger? Lisez la consultation de
M . Merlin , qui vient à la suite de celle que nous examinons,
et vous verrez qu’il a très-bien compris l’option qui était faite ,
et qu’il ne conteste nullement le droit de la faire.
Mais on ajoute , en s’adressant à M. Georges Onslow : Vous
êtes Français ; que vous le vouliez ou n o n , vous êtes Français.
Votre contrat de mariage a été passé en France, et vous deman
dez, sur des biens situés en F rance, un privilège qui n’est fait
que pour l ’Angleterre.
Que M. Georges Onslow soit Français, c’est ce qu’il n’a pas
n ié; que son contrat de mariage ait été fait en France, c’est
encore un fait constant} mais qu’il demande sur des biens situés
en France, un privilège créé par les lois anglaises, c’est ce qui
est inexact.
S i , comme nous le verrons bientôt, la loi anglaise, car c’est
d’elle seule qu’il s’agit, ne fait pas résulter une incapacité de sa
qualité, qu’importe que M. Georges Onslow soit Français, A n
glais, ou de tout autre pays; il ne s’agit pas d’un statut qui régit
les personnes, mais d’un statut qui régit les biens immeubles.
C ’est donc la situation de l’immeuble qui est seule à considérer.
Q u ’importe également que le contrat de mariage ait été passé
en France. C ’est encore un principe élémentaire, que la loi du
lieu où les actes sont passés, n’a d’influence que sur leur forme;
que leurs dispositions sont appréciées par la loi du pays des in
dividus qui contractent, s’il s’agit de l ’état des personnes, et pur
la loi de la situation de l’ioitnincuble, s’il s’agit d’une disposition
immobilière.
Nous avons dit que la. dernière assertion que nous venons de
citer était inexacte en fait, et c’est ce qu’il est facile de prouver. Où
a t on v u , en effet, que 31. Georges Onslow ait demandé à appli
quer aux bienssituésen France les lois anglaises, sur l’étcnducdc
�n
_( 27 )
la faculté de disposer? Il a dit tout le contraire. Pour être consé
quent, il a dû dire : De même que la donation qui m’était faite
d’immeubles situés en France, a dû tomber sous l ’empire des
lois françaises, de même la donation de la terre de Lillingston
doit être appréciée par les dispositions des lois anglaises. Cette
donation était-elle valable d’après ces lois? Si elle l’était, j ’ai
été irrévocablement saisi de la propriété, dès l ’année 1808, et s i ,
comme on 11e peut le contester", mon père en a reçu le prix , je
suis créancier de la succession. De même que si cette donation
était nulle d’après ces lois, que la propriété eût toujours résidé
sur la tête de M. Edouard Onslow, et que cependant après la
vente, M . Georges, au lieu de laisser placer les capitaux sous
le nom de son père, comme on lui reproche de l’avoir permis,
les eût fait placer sous le sien propre , la succession de son père
pourrait les répéter contre lui comme débiteur.
Ainsi la question est toujours là. La donation de la terre de
Lillingston, faite par le contrat de mariage du 18 juillet 1808,
a-t-elle valablement transmis la propriété de cet immeuble à
M . Georges Onslow, d’après les lois anglaises à l’empire desquelles
celte terre était soumise par sa situation?
C’est aussi là que M. Merlin place la question à décider, sauf
le cas supposé d’une renonciation, de la part de M. Georges
Onslow, aux droits qui résultaient de sa donation. L ’examen de
cette dernière consultation auquel nous allons nous l i v r e r , va
donc enfin conduire la discussion sur son véritable terrain.
Nous commençons par tomber d’accord avec M. Merlin sur
la solution de l’hypothèse par lui créée.
Si M . Edouard Onslow était décédé Français.
comme on le
•
7
soutient, ce que nous n’admettons pas; si, en outre, la donation
faite à M. Georges Onslow par son contrat de mariage, de la
terré dç Lillingston, n’existait pas, et que son père eût également
4»
�A
(
)
28
vendu la terre de Lillingston, M. Georges Onslow ne pourrait
pas venir dire: «Si les immeubles situés en Angleterre exis>> taient encore dans le pairimoine qui compose la succession de
» mon père, ils me seraient entièrement attribués par les lois
» anglaises, en ma qualité d’aîné. Le prix de ces propriétés a rem» placé ces propriétés elles-mêmes dans les mains de M. Edouard
» Onslow, et par conséquent le capital produit doit suivre dans
» sa succession le sort qu’auraient eu ces propriétés, si elles
« n’avaient pas été aliénées. »
M . Merlin a parfaitement raison ; ce système serait insoute
nable : mais aussi il y a une distance immense de cette hypo
thèse aux faits de la cause, quoique cette différence soit renfer
mée dans ce petit nombre de mots, si la donation n existait pas.
Rien de plus certain : si la donation n’existait pas, la pro
priété de la terre de Lillingston n’aurait pas reposé sur la tcte
de M . Georges Onslow, depuis l ’année 1808; le prix qu’en
aurait reçu M. Edouard Onslow par le résultat de la vente, eût
été à lui en toute propriété, son fils n’aurait pas pu s’en pré
tendre créancier, et la succession eût été régie d’après sa situa
tion et sa composition à l ’époque du décès; il n’y a pas de
doute.
Mais cette hypothèse imaginaire n’est pas ce qui existe, et
M. Merlin rétablit ensuite la position réelle des parties; il dit
que M . Georges Onslow se présente comme créancier du prix
d’un immeuble qui lui appartenait dès l’année 1808, et qui
était seulement soumis à l’usufruit de son père, qui l’a vendu
en 182/f, et dont il a reçu le prix; il dit qu’il puise son titre de
propriété dans la donation contenue en son contrat de mariage,
et que l’immeuble étant situé en Angleterre, il soutient que
tout ce qui est nécesssaire pour que (Son titre soit incontes
table, c’est que celte donation soit conforme aux lois anglaises,
�( 29')
auxquelles seules appartenait le pouvoir de régler la disponi
bilité des immeubles situés dans leur territoire (1). C’est ce rai
sonnement que M. Merlin trouve tivs-spéciaux, en ajoutant
qu’on ne le réfuterait pas en disant, comme on l’a déjà fait,
que la donation ne portait que sur un capital mobilier, car
elle portait évidemment sur le corps même de ces pivptiétés.
Il nous est permis de croire que M . Merlin a trouvé notre
raisonnement un peu plus que spécieux; car bien loin d’attaquer
le principe en lui-même, il a seulement cherché à démontrer
q u ’on ne pouvait pas profiter de ses conséquences, soit à raison
d’une prétendue incapacité de donner et de recevoir, dont
(1 ) Il faut ici relever une légère erreur de fait échappée à M . M e rlin , rela
tivement au langage qu’ il m et dans la bouche de M . G eo rg es O n s l o w , et dont
plus tard on tirerait peut-âtre des conséquences que nous- devons immédialeinent repousser en rectifiant les faits. O u t r e ce que nous avons analysé , ce j u
risconsulte fait dire à AI. G eorges O n s l o w : « M o n père pouvait, sans contre« dit,
vendre la
partie de ces biens, dont le revenu annuel s’élève au-dessus de
« 20,000 fr.; mais la partie dont le revenu annuel n ’ excédait pas ce taux n’ était
« pas à sa disposition.
»
M . G eorges O n s l o w n ’a pas pu dire cela ; car ce'iarigage serait en o p p o
sition avec les term es de son contrat de m a r ia g e , duquel il résulte
que
M . E d o u a r d O n s l o w , après avoir donné la terre toute entière, se réserve seu
lement le droit d e disposer,
à cause de mort, sur
scs biens, de certaines sommes
que M . Georges O n s l o w devra payer , niais en limitant cette faculté de dispo
ser à cause de m o rt, de manière à ce qu’ il reste toujours au donataire 30,000 fr.
de rente en terres quittes dé toutes charges. ( V o i r le texte à la note, page a i .)
M . Merlin sait mieux que nous que la réserve
porte pas la réserve
de vendre ;
de disposer à cause de mort n ’e m
q u ’ainsi, d’après les term es du contrat de ma
riage, la donation faite en faveur de l'un des frère s, M . G a b r ie l- A m a b le , par son
contrat de mariage, serait valable, lors môme qu’elle n ’eût pas été approuvée, et
qu’ elle eût pu seulement ûtre sujette à réduction; mais qu’ une vente de la
moindre partie de la terre de Lillingsto n pourrait être attaquée par le donataire,
com m e étant d'une nullité aliîollié ; aussi 11’avûiis-nous'vu là qu’ une erreur de
fait q>ie nous devions rectifier.
�* ( Tx.
( 3ü )
MM. Edouard et Georges Onslow seraient frappés par ces mêmes
lois anglaises,- soit parce que M. Georges Onslow aurait renoncé
au bénéfice de la donation.
,
Nous ne voulons pas rentrer dans la discussion relative aux
statuts réels et personnels, parce qu’elle a été déjà approfondie,
et parce qu’on ne fait ici aucune objection. Nous nous borne
rons à citer quelques exemples de plus de l’application du prin
cipe que nous invoquons. Ces exemples, nous les puiserons dans
une nature d’affaires qui se présentent journellement dans ce
pays-ci, relativement aux contrats de mariage antérieurs au Code,
et ensuite nous invoquerons l ’autorité de M . Merlin lui-même.
_ Lorsqu’une femme mariée en Bourbonnais, pays de commu
nauté, a adopté d’une manière générale, par son contrat de
mai’iage, la coutume de cette province, et qu’elle possède des
immeubles en A uvergne, ces immeubles seraient aliénables s’ils
étaient régis par la coutume du domicile conjugal, par celle qui,
d’après le contrat, doit régler la capacité personnelle des époux,
puisqu’elle est adoptée par eux. Et cependant il est de jui’isprudence constante, que bien que la femme soit mariée en Bour
bonnais, où elle avait la faculté de vendre, bien que person
nellement elle soit soumise aux dispositions de cette coutume,
ses immeubles situés en Auvergne sont inaliénables, et récipro
quement il est reconnu que la femme d’Auvergne peut vendre
ses immeubles situés en Bourbonnais, tandis qu’elle n’a pas ce
pouvoir pour ceux qui sont situés en Auvergne, pays de dotalité. Et pourquoi en est-il ainsi? uniquement parce qu’il faut
appliquer dans ce cas le statut de la situation, et non celui du
domicile conjugal; celui qui détermiue la disponibilité des
immeubles et non celui qui règle la capacité personnelle (Voyez
Chabrol, sur l ’art. 3 du tit. 14» iG* question).
Il ne se passe peut-être pas d’années sans que des questions de
cette n atu re, résultat de la différence qui existe sur un point
�•
M l tj,
*
C-3i.)
aussi important entre la coutume d’Auvergne el celle du B our
bonnais, ne se présentent à la Cour royale de Riom , dont le res
sort s’étend sur le territoire de ces deux anciennes provinces; et
toujours la Cour, sans considérer la loi du domicile des époux,
a fait l ’application de celle de la situation des biens.
M. M erlin, dans’son Répertoire et dans ses Questions de d ro it,
discute aussi la question de savoir si la faculté de disposer entre
épo u x, est un statut réel ou personnel, et partout il décide que
c’est un statut ré el, et q u e , par conséquent, c’est la loi de la situa
tion des biens qui détermine seule si les époux ont pu ou non
en disposer. Voici comment il s’exprimait à cet égard devant la
Cour de cassation, dans l’afTaire AYargemont (Rép., Conventions
matrimoniales, § 2) : « On sait assez que les dispositions des cou» tûmes, qui permettaient ou prohibaient les avantages entre mari
» et fem m e, formaient des statuts purement réels, et qu’elles n’a» vaient, en conséquence, d’empire que sur les biens situés dans
» leurs territoires respectifs. D um oulin, d’A rg e n tré , Chopin,
» Boullenois , Y o e t, Rodembourg, en un m o t , tous les auteurs
s> les plus universellement estimés , ont proclamé unanimement
» cette maxime, et elle a été consacrée par dix arrêts du parle» ment de P a ris, de
des, etc. »
Certes, si la loi x’elative à la faculté de disposer entre époux,
est un statut ré e l, il en est bien de même de celle relative à la
faculté du père de famille, de disposer en faveur de ses enfans.
L ’aualogie est parfaite ; aussi M . M e r lin , en examinant préci
sément la question qui nous occupe, celle île savoir si les avan
tages concernant les enfans, forment des statuts réels ou personnels }
se prononce-t-il sans difficulté dans le même sens, et en invo
quant le même exemple. « Il en est ic i, dit-il, comme à l’égard
» du mari et de la femme, pour lesquels il est décidé qu’ils peu» vent exercer leurs libéralités respectives sur d’autres biens que
�(
5 a -
)
....................................................
» ceux situés dans la coutume prohibitive où ils ont leur domij> cile.
Avantages concernant les en/ans.)
M . Merlin ( R é p ., v’ Avantage entre époux, n° 7 ) revient
encore sur la question de savoir si le statut prohibitif des avan
tages entre époux, est personnel ou réel. Il_la décide dans les
mêmes termes, et annonce qu’il l ’examine de nouveau, parce
que « cette question peut encore se présenter assez fréquemment,
» à raison de la différence qui existe pour les époux, sur la fa» culté de s’avantager, entre les lois des pays étrangers où ils
» peuvent avoir leur domicle, et celles de la France où ils peu» vent laisser des immeubles. »
A présent, nous savons parfaitement pourquoi M. Merlin ne
fait pas la moindre objection contre ce qui a été avancé par les
conseils de M . Georges Onslow , et qui consiste à dire que, quel
que soit le domicile des parties ou de leurs auteurs, c’est la loi
¿le la situation de la terre de Lillingston qui doit seule être
consultée pour décider si la donation de cet immeuble était va
lable au non.
Il j ésuite, en effet, des citations que nous empruntons aux
«cuvres de ce savant jurisconsulte, que les questions qui ont
pour objet de savoir si un statut est réel ou personnel, auront
encore de l ’importance dans l’avenir, malgré l’uniformité de
notre législation, à raison des différences qui existent entre nos
lois et celles des pays étrangers ; d’où la conséquence que, quand
ce statut sera r é e l, ce ne sera pas le domicile qu’il faudra consi
dérer, mais la situation de l’immeuble ; et qu’il faudra appli
quer la loi étrangère même à un Français, si l’immeuble est
situé en pays étranger; la loi française même à un étranger, si
l ’immeuble est situé en France. lie n résulte aussi d’abord que la
capacité des époux , de disposer entre eux , est régie par la loi de
lu situation des biens qui font l ’objet de la disposition, et qu’il en
�( 33 )
est absolument de même de la capacité du père de famille, de
faire des avantages h ses en (ans j car il peut exercer ses libéralités
.sur des, biens autres que ceux situés dans des pays de coutumes
prohibitives.
!
' *
D ’un autre ( ô t é , dans un précédent avis, nous invoquions
encore ces paroles de M. Merlin (?;° Statuts) : S i plusieurs statuts
réels sont en concurrence, chacun a son effet sur les biens qu’ il régit.
Que l ’on réunisse ces décisions , et on verra que c’est comme
si M . Merlin disait : « Lors même que M . Edouard Onslow eût
» été Français^1 il aurait pu faire à l ’un de sesTenfans , sui des
» biens situés en Angleterre, des avantages prohibés par la.loi
» française, mais permis par la loi anglaise ; de même que
» M. Edouard Onslow, Anglais, n’aurait pu faire, sur des biens
» situés en France , des avantages permis par la loi anglaise, et
» prohibés par la loi française.
» Si M. Edouard Onslow, Anglais ou Français, peu importe,
» a fait à la fois des dispositions sur des biens situés en France
» et sur des biens situés en A n gleterre, on en jugera la validité
» par les lois françaises, pour les biens situés én F ia n ce, et par
» les lois anglaises , à l’égard des biens situés en Angleterre ,
» parce que plusieurs statuts réels étant ici en concurrence , chacun
» a son effet sur les biens qu’ il régit. »
Nous sommes donc et nous avons toujours été parfaitement
d’accord avec M. Merlin sur ce point capital de l'affaire, car
nous avons toujours dit : L e contrat de mariage contient do
nation à la fois de la terre de Chalandrat située en F ra n ce , et
de la terre de Lillingston située en Angleterre. Pour la terre
de Chalandrat , invoquez la loi française, vous avez raison ;
mais Lillingston appartient aux lois de l ’A n g l e t e r r e , conime à
son territoire.
Ainsi M. Merlin n’altaque pas le principe fondamental sur
lequel repose la défense de M. Georges Onslow ; et comment
�( (-3 4 )
l’eût-il attaqué ? c’esi la doctrine de ses écrits. Mais il est, selon
ce jurisconsulte, une manière plus logique de réfuter cet argu
ment; ca r, dit-il, il repose sur ces deux suppositions ;î l'une ,
(¡lie la donation du 18 juillet 1808 ne devait rencontrer aucun
¿obstacle dans les dispositions des lois anglaises; l’autre, 1 qu’elle
cexistait encore à l ’époque du contrat de \ ente du 2 juin 182,4 ; et
il cherche à prouver que ces deux assertions sont inexactes.
Commençons par la dernière objection, et démontrons que ce
n’est pas nous ici qui faisons des suppositions ; que c’est au
contraire M . M erlin , q u i , ne pouvant s’expliquer comment
M . Edouard Onslow , homme d’honneur et de probité , a pu
vendre seul un immeuble dont il n’avait que l’usufruit, sans faire
.connaître à l ’acquéreur les obstacles qui existaient, suppose, sans
le,moindre indice, qu’il y avait eu entre le père et le fils 1111
acte secret de résiliation de la donation, acte qui aurait été re.mis à l’acquéreur, pour sa garantie.
Cette supposition a pu venir à la pensée de M. Merlin qui n’a
pas connu M. Edouard O n slow , et elle annonce assez l ’impossi
bilité, bien sentie par ce profond jurisconsulte, de trouver des
moyens de succès pour ses cliens dans les faits de la cause tels
qu’ils se présentent et tels qu’ils existent ; mais ce qui doit sur
prendre, c’est que les enfans de M . Edouard Onslow n’aient pas
repoussé loin de la cause une pareille allégation, et semblent au
contraire se l’approprier, en lui donnant la publicité.
-! On pourrait ici se borner à répondre à M. Merlin : Mais vous
savez, mieux que personne, qu’après la célébration d’un ma
riage, il n’est pas permis, même du consentement de toutes les
parties, de faire le moindre changement a u x . dispositions du
contrat qui en règle les conventions civiles. Nos articles i 5<jüet
i3cj7 du Code civil en ont une disposition expresse , et certes il
est au moins écrit, dans la législation de tous les peuples civi
lisés, qu’un contrat ne peut pas être changé sans la présence et
�€Ô r .
n
( 35 )
^
^
f
le concours de toutes les personnes qui y ont été parties. (Réper
toire de-M. Merlin,'1 aux mbls 'Conïre -lettres et Contrat'de ma
riage, n°2.)
i
: »■
' ! î;l -! !
111 ■l
,:Pour compléter votre supposition,* prétendez-vous que M. le
marquis et M “ la marquise deFontangës ; que M"* Onslow, née
de Fontanges, sa grand-mère, qui lui avait fait une donation par
ce même contrat ; que tous ses pàréns, qui y'assistaient', aient
pris part à cette prétendue résiliation, à'cetacte mystérieux? Vous
ne le dites pas; vous n’allez pas jusqu’à ^supposer que tous les parens de-M”*-Onslow se sont réiinis à elle pour participer à cet
'acte 'de'spoliation et de violation de la foi promise par le plus
solennel de tous les actes, pour*y donner leur complète adhé
sion , et se déclarer encore parfaitement satisfaits : et cependant,
sans parler des contrats de mariage d’une manière plus spéciale,
il n’est pas'd’acte qui puisse être changé sans le concours de toutes
les personnes qui y ont été parties; et dans un contrat de ma
riage particulièrement, tout se lie , tout's’enchaîne. Tels avan
tages ne Sont assurés à la fu tu re, qu’en considération de tels avan
tages stipulés en faveur du futur. Il n’y aurait donc pas moyen
d’y rien changer sans renverser le contrat en entier; et comme
le mariage est indissoluble en lui-mêmé, le contrat qui en règle
les conventions participe de sa nature.
On ne pourrait donc pas tirer les moindres conséquences de
l ’existence de cet acte secret.
Mais pourquoi examiner cette question de droit en présence
d ’un fait matériellement faux. M. Georges Onslow ne craint pas
d affirmer que jamais il n’a même été question
rien de sem
blable; il en repousse l ’idée comme indigne de'ibn père et in*
digne de lu i, et il demande à scs deux frères, s'ils oseraient,
e u x , affirmer qu’ils croient à l’existence de cet acte. N on , ils
ne l’affirmeraient pas; ils ne feraient pas celte injure à la mé
moire de leur père. Ce serait, en effet, étrangement remplir co
5,
�( 36 )
devoir de respect filia lq u e ; de venir direjavec M . M< rlin , qu’il
elait homme d’honneur^et (le probité, po^r lui imputer ensuite
un fait que l ’honneur et la probité repoussent.
Quoi ! M . Edouard Onslow,- cet homme si qonnu par sa fran
chise et sa loyauté à toute épreuve, aurait, en alliant son fils à
line famille distinguée, stipulé des avantages dont il connaissait
la nullité, et ensuite, parce que cette nullité lui était connue ,
il aurait vendu son immeuble, en imposant à son fils une renon
ciation aux avantages qu’il lui avait promis! De deux choses l’ une,
s’il en était ainsi, ou il y aurait eu fraude dans le contrat de inal'iage, ou il y aurait fraude dans l’acte secret. ,<Cç'n’estoplus sa
cause, c*est celle de son père que M. Georges défend ici. Il faut
tout expliquer, c’est un devoir.
'r .
Lors du contrat de mariage de M. Georges Onslow , plusieurs
jurisconsultes anglais furent consultés, et déclarèrent unanime
ment que, dans la position des parties, bien précisée dans les
avis, la donation produirait ses effets sans la moindre difficulté.
M. Edouard Onslow ne trompait donc pas la famille dans la
quelle son fils entrait,
Plus tard, de nouvelles consultations furent prises pour savoir
si M. Georges Onslow ne risquait pas d’ctre traité comme aub a in , en acceptant des fonçtiqns civiles en France; on répondit
encore que non, en termes t^ès-formels, parce qu’il était liis
d’Anglais; qu’il en serait de même de ses enlans, comme petitsfilsd ’Anglais de naissance, et qu’ils ne pourraient perdre leurs
droits qu’en prenant les armps contre l’Angleterre,
(jÇc5 piècesSfflU entre nos mains, on peut les voir. M . Edouard
Ou$lo\vnç craignait donc pa$ , comme ou lç,d it, qu,e , s’il con
servait sa propriété située en A ngleterre, çllç pût tomber cim e
les mains dç ses parens collatéraux, Anglais et protestans.
Certes , s'il, çn eût; été ainsi, ces pareils collatéraux, Anglais
et protcstaps, avaient un grand, intérêt à çe que l'immeuble ne
�( S .7 ) ,
se vendit pas, et il se trouve précisément que ce sont les neveux
de M. Edouard Onslow, Anglais et protestans, ses héritiers,
dans le cas supposé, qui ont négocié la vente, et que c’est le plus
jeune des deux , Majnwaring Onslow , qui a porté l’acte en
France , pour le faire signer par M . Edouard Onslow ; ce que
les frères de M. Georges savent parfaitement, et ce qui est établi
pur une lettre d’Angleterre, qui est sous les yeux des soussignés.
Voilà des collatéraux qui mettent bien de l’empressement à se
Taire dépouiller !
- ¡Mais, dit-on, pourquoi M. Edouard O nslow , homme d’hon
neur et de probité, n’a-t-il pas expliqué au colonel Delap, que
l ’immeuble avait été donné à son fils, et que . par conséquent, il
devait figurer dans la vente?.Rien n’est plus simple , c’est que
M. Edouard Onslow était homme du monde, et nullemenlhomme
d’affaires ; qu’il jouissait de la terre de Lillingston , et que les
hommes du inonde confondent trop souvent la possessiou avec
le droit de propriété; que ne connaissant pas très-bien, comme
M. Merlin, la portée de la maxime, subrogatum sapit naturam
subrogali, ils peuvent penser que tout ce que le donateur, sous
réserve de jouissance , doit au donataire, c’est de lui conserver
la chose ou son prix, et que rien , d’ailleurs, ne les empêche de
vendre , pourvu que le prix subrogé à l'immeuble appartienne
un jour au donataire.
Mais on insiste, et on soutient que ce n’est pas cela du tout ;
que le colonel Delap a eu parfaite connaissance de la qualité du
donataire de. M. Georges; mais q u e , par un acte sec/vt portant
renonciation à ses droits, on lui a donné toute garantie à ce sujet.
Nous pourrions attendre la preuvq de ce fait; mais nous ferons
m ieux, nous établirons positivement qu’il est de toute fausseté ^
Voici comment M. S e to n , avocat de M. Onslow à Londres,
s’exprime dans une lettre du 5o mars 1800 , en écrivant à
M. Georges Onslow, relativement à cette affaire:
�( 58 )
.
Delap parait trcs-effrayé de F assurance que vous donnez que
votre père vous avait fait donation de la terre avant de F avoir ven
due ; si cest ainsi, vous auriez dû indispensablement être une des
parties de la vente , et vous ne Fêtes pas (i).
Aucun acte secret n’a donc été remis ou communiqué au co
lonel Delap; il ignorait donc complètement la donation faite à
M. Georges Onslow, et il est très-effrayé de l ’apprendre; parce
q u e , comme on le lit dans une autre lettre du même juriscon
sulte , du 12 novembre i 83o , adressée à M. Georges : I l n}y a
pas de doute que votre qualité de catholique ne pouvait être un em
pêchement à ce que votre père vous fit donation d’un immeuble
quelconque en Angleterre.
Mais quoique la preuve soit complète , on n’est pas encore sa
tisfait; on insiste et on ajoute : Pourquoi alorsM. Edouard Onslow
a-t-il vendu cet immeuble ? Pourquoi? Est-ce bien à MM. Onslow
frères à le demander ; ne le savent-ils pas? n’est-ce pas dans leur
véritable intérêt que le père de famille a prisceitenléiermination?
Dans le silence de ces Messieurs qui pourraient tout expliquer à
cet égard, le contrat de mariage de M. G a b rie l-A m a b le, du
io septembre 1819, en dira assez.
On y voit que 120,000 francs lui sont assurés sur cette terre,
avec la garantie de M. Georges Onslow ; et comme 20,000 fr. de
rentes franches et quittes de toutes charges devaient, dans tous
les cas, lui appartenir sur cet im m euble, il est ajouté que la
terre ne pouvant se vendre qu’en
jusqua cette époque
M. Georges O n slo w , en cas de décès de son père , prélèvera
toujours ses 20,000 francs de revenu , et ne pourra être tenu de
faire compte que du surplus , pour tenir lieu à ses frères des in(1 ) Delap seems more afraid of your saying that your father had settled the
estate onyou before he soldit. Audi/so, you evidently on¡hi htve been made a party
to the conveyance to him , which you are not.
�( 39 )
tirets des disposilions de capital qui pourraient êlre valablement
faites en leur'faveur par M. Edouard O n slow , sans cependant
que ce qu'il leur payera annuellement jusqu’en 1844- »puisse être
moindre de 4>ooo francs.
On prévoyait donc déjà , en 181g , qu’il y aurait nécessité de
vendre la terre de Lillingston , parce que , sans cela , un calcul
fort simple sur la masse de la fortune établissait qu’il n’existait
pas de quoi à fournir à chacun-des frères les 180,000 francs qui
devaient leur revenir, s’ils n’eussent pas attaqué les disposilions
du père de famille; parce qu’en ou treM m'O n slow la mère avait
des droits qui s’opposaient à la vente des autres immeubles, qui
d’ailleurs eussent été insuffisans.
Mais on pensait qu’on ne pourrait vendre favorablement qu’en
iS 4 4 , parce que M. W entw orth avait, par son testament de
1783 , légué celle terre à son cousin Chauworth , et, à défaut
d’héritiers, à son cousin Edouard O nslow , à perpétuité. M. Chau-woith fut tué en duel, ne laissant d’autres parens qu’un cousin
éloigné, nommé le Major Dralte, lequel mourut, et avec lui
s’éteignit sa famille. M. Edouard Onslow fut donc appelé. On fit
publier, dans tous les journaux , que les parens au degré successible de M. Chauw orih, s’il en existait, eussent à se présenter :
il ne s’en présenta pas ; mais la prescription contre eux ne pou
vait être acquise q u ’en 1844 > et c’est ce qui devait faire penser
qu’il serait difficile de vendre avant cette époque.
Si cette vente n’avait pas pu avoir lieu , voyons ce qui serait
arrivé.
M. Georges Onslow serait certainement entré en possession de
la terre de Lillingston. On n’aurait pas dit alors qu’elle était
tombée dans la succession mobilière, ce q u i , au s u r p l u s , à notre
avis, serait indifférent. Il avait une seule disposition de 120,000 f.
à exécuter. Admettons que le revenu de la terre se fût élevé à
2(5,000 francs ou plus, et que, par conséquent même, jusqu’en
�( 4ô )
1 844 , il eût dû Pay er Ie revenu entier de cette somme qui est dè
G,ooo IV/, la donation de M. Gabriel-Amable n’étant pas faite
par préciput et hors part, c’était 2,000 francs de revenu pour
chacun des frères, en supposant encore que M. GeorgesOnslow
n ’en eût pas pris sa p a r t, par ¡’effet du rapport.
Le surplus de la fortune se compose de la maison de Clermont,
dont M me Onslow la mère a la jouissance; de la terre de Clmlandrat, où elle a un droit d’habitation, et enfin, des 1 i 5,ooo fr.
de valeurs détaillées en l’aCte de partage.
Portant les 1 i 5,ooo francs h cinq pour ce n t, ce sera un revenu
d e ......................................................................................... .. . 5,75o fr.
La terre de Chalandrat, ainsi que nous l'avonS établi,
produirait, en tirant parti même des jardins, au plus, 2,Goo
M ft t a v M M O v r
Le total eût été d e ................................. ............... 8 , 55o fr.
Sur cette somme de 8, 35o fi\ , M. Georges Onslow eût bien
prélevé son préciput du quart, qui eût été de 2,087 fr. ; il serait
resté 6,265 fr. de rente à partager entre quatre : c’était i ,565 fr.
pour chacun, qui, réunis aux 2,000 fr. ci-dessus, donneraient à
chacun des frères puînés 3,565 fr. de revenu, et cependant il eût
fallu payer leur portion du douaire de Mm
(> Onlow.
Voilà quelle eût été la position des deux frères qui se plaignent
aujourd'hui. Nous ne parlons que de d eu x, parce que le troi
sième s’exprime ainsi dans ses lettres : Je dois dire que je désap
prouve-entièrement l ’attaque dirigée contre Georges; il ne nous a
témoigné, etc. C ’est un scandale qui me désole ; et ailleurs : Je ne
puis croi’ c que mes frères soient assez aveugles pour continuer ces
poursuites , et manquer, a la ja c e du monde , aux promesses et à
l ’acquiescement que nous avons donnés volontairement.
On vient de voir quelle eût été la position de Al 31. Onslow
frères, à l'époque de l'ouverture de la succession de leur père,
6uns la vente de la terre de Lillingston : un pareil état de choses
�(40
exigeait que le père de famille fît ses efforts pour y porter remède.
M. Géorge» Onslow pouvait contrarier ces vues par sôn oppo
sition ; il ne l’a pas fait ; il n’a pas dû le faire ; il ne demande pas
qu’on lui en sache gré; il se borne à dire les faits, parce qu’il
y est forcé. C ’est cette vente qui seulë a fourni au père de faiüille
le moyen de faire le partage de 1828, aujourd'hui attaqué, et
qui alors fut accepté avec joie et comme chose inespérée. On l’a
dit déjà , et jamais MM. Onslow fi'ères ne l’ont nié.
Qui donc à présént a perdu à celte vente, à cél/acte de partage?
car la vente et le partage se lie n t, l’un étant la conséquence de
l ’autre. Certainement M . Georges Onslow seul : après l’année
1844 > prescription étant acquise , la terre séfiU; vendue à'un
prix beaucoup plus élevé; et il a été' établi dans les précédens
mémoires, que, même en prenant pour base le prix* de la vente
faite en 1824 ., M. Georges Onslow avait fait des sacrifices énor
mes sur les droits qui résultaient incontestablement de son con
trat de mariage.
O
Que MM. Onslow frères ne démandent donc pas'quel a"étè le
motif'de celte vente; q’u’ils ne le cherchent pas dans dés '’inquié
tudes conçues sur le sort futur de cette propriété , dans l ?intérêt
de la famille entière; ce motif, uouè venons de lé dire, et1Ce’
n’est pas pour eux qu’ il a fallu le d ire, car ils le connaissent
parfaitement ; ce n’est pas pour e u x , car-ils ont souvent entendu
leur père exprimer beaucoup de regrets du parti qu’il avait pris,
et qui lui avait paru une nécessité déposition de famille, non
pas dans la crainte du fisc et des collatéraux, Anglais et protestaris,
mais dans le but d’assurer à ses enfans puînés une position conve
nable, sans violer cependant les engagernens pris par le contrat
de mariage de son fils aîné.
M. Merlin, qui n’a pas pu apprécier combien la supposition de
petites manoeuvres, de mystères'et'de contre-lettres, qui ont
toujours une odeur de fraude , trouverait d'incrédules parmi les
G
�( 1 ,1 )
personnes qui ont connu MM. Onslow père et fils, a prévu cc.pendant une autre objection contre son système ; il à prévu qu’on
lui dirait : Mais comment pourra-t-on faire croire queM . Georges
Onslow, père de famille, ait si bénévolement signé un actesecret,
qui lui ciit fait perdre des avantages aussi considérables , et qu’il
se soit ainsi rendu complice d’une véritable fraude envers sa fa
mille entière , et à son détriment personnel ? A cette objection,
M . Merlin fait encore la même réponse : C ’est, d it .il, parce que
les avantages qui lui étaient assurés ne pouvaient pas recevoir
leur effet, d’après les lois anglaises ; ainsi la donation a été faite
quoiqu’elle fût nulle; le père l’a révoquée parce qu'elle était
nulle ; le fils y a donné son assentiment pour le même motif.
Mais si la donation était n u lle , à quoi bon alors tous ces efforts
pour prouver l’existence d’un acte secret et mystérieux, qui n’a
jamais vu le jour; n’est-ce pas une supposition toute gratuite?
Cet acte secret serait insignifiant si lji donation était nulle; et,
d’après M. Merlin lui-même , ce serait cette nullité qui rendrait
seule admissible la supposition de cet acte. La question est donc
toute entière dans la validité ou la nullité de la donation , d’après
les dispositions des lois anglaises. Laissons donc là cette supposi
tion jetée en avant sans être appuyée sur le moindre indice, et
dont'nous venons de prouver la fausseté.
Selon M. M erlin, M . Edouard Onslow é tait, d’aprcs les lois
anglaises, incapable de donner des immeubles situés en A ngle
terre, et M. Georges Onslow était incapable de les recevoir.
C ’est ici que nous sommes conduits à examiner de nouveau des
questions que nous avons déjà traitées avec beaucoup d’étendue,
et en citant des textes qui paraissent avoir entièrement échappé
ii l ’attention de M . Merlin. Nous les rappellerons, nous en cite
rons d’autres.
L ’odieux droit d’aubaine existe encore en Angleterre, rien
n’est plus certain; il est également constant que très-anciennc-
�S'/l
r. •
tr
( 4 3 } .
ment il était appliqué, dans toute sa rigueur, à tous les individus
qui n’étaient pas nés sur le territoire ; mais de grandes modifica
tions ont été faites à cet égard par diflférens statuts de la cin
quième et de la dixième année de la reine Anne ; de la quati’ième
année de Georges I I , et de la treizième de Georges III. Nous avons
cité dans notre dernier avis, page 3o , un passage du dictionnaire
de Tomlins, duquel il résulte que les enfans d’un Anglais de
naissance , et les enfans de ce dernier, doivent être traités , en
Angleterre, sous tous les rapports (/o ail inlents audpurposes),
comme s’ils étaient nés en Angleterre, et c e , lors même que
leur mère serait étrangère. Nous avons cité le texte du statut de
la quatrième année du règne de Georges I I , qui contient cette
disposition pour les enfans d’Anglais de naissance. Nous pouvons
y joindre aujourd'hui le statut de la treizième année du règne de
Georges III, qui étend la même faveur aux petits-enfans d’un
Anglais de naissance, quoique leur père et eux-mêmes soient
nés en pays étranger (1); et enfin nous avons vu par ce passage
(1) V o i c i ce nouveau texte littéralem ent tr a d u it:
T R E I Z I È M E A N N É E D U R È G N E D E G E O R G E S III (
i
773
).
CHA P I T RE 3 1 .
A c te destiné à donner de l'extension à an autre acte fait dans la quatrième an
née du règne du feu roi G eorges I I , intitulé : Acte destiné à expliquer* une
clause de l ’acte fait dans la septième année du règne de lafeue reine Anne, relatif
à la naturalisation de protestans étrangers, lequel se rapporte au.t. enfans des sujetsnés de la couronne d'Angleterre et de la Grande-Bretagne , et aux enfans desdils
enfans.
Con sidérant que divers sujets-nés de la G r a n d e - B r e t a g n e , professant la r e
ligion protestante , sont ou ont été , pour différens motifs légitimes , et p r in
cipalement dans le but de donner plus d’activité h leur trafic , obligés de fixer
leur résidence dans plusieurs villes commerciales et places étrangères, où ils
ont contracté des mariages et élevé leur famille ; considérant qu’ il est juste et
convenable que le royaum e qc soit pas privé des susdits sujets , et ne perde
G.
�C
M
)
extrait du dictionnaire de Tomlins , ainsi que par le texlc du
statut cite, que les enfans ou petits-cnfans d’un Anglais de naisfance , nés en pays étranger, ne pourraient cesser d’ètre consi
dérés et traités comme Anglais, que dans le cas où ils accepte
raient du'service militaire contre l ’Angleterre.
Comment se fait-il donc que M. Merlin , sans paraître prendre
ces textes en considération, entame de nouveau la discussion sur
ce point, tandis que les jurisconsultes de Riom , dans leur con
sultation du 27 juillet i 83o , et avant même qu’on eût produit
les textes originaux des statuts que nous venons de rapporter,
reconnaissaient, d’après un passage de Blackstone, qu’il n’y avait
pas les avantages des richesses qu’ ils ônt acquises , et que non-seulem ent les
enfaus desdits s u j e U - n é s , mais les erifans de leurs eufans , continuent à
vivr'ç sous la juridiction de S a Majesté, et à exercer le droit de venir dans ce
royaum e , d’ y apporter , réaliser ou em p lo ye r de toute autre manière leurs
capitaux; attendu qu’ aucune disposition n’a jusqu’ ici été prise pour étendru
celte faveur au delà des enfans nés hors des états de Sa Majesté , dont les
pères étaient sujets nés de la couronne d’Angleterre et de la G rande-Bretagne;
P laise à V o tr e Majesté qu’il soit ordonné , avec l’avis et le consentem ent des
lords spirituels et temporels et des comm unes , assemblés dans le présent par
lement , que toutes personnes nées ou à naître hors des états d’ Angleterre o j
de la G r a n d e-B r eta g n e , dont les pères étaient ou seront ( en vertu d'un statut
fail dans la quatrième année de G eorges
11, destiné
à expliquer (vo yez le titre
au signe * ) appelés à exercer les droits, et privilèges de
mjete-nés de
la c o u
ronne d’ Angleterre ou de la G ran d e-Bretagne, soient considérées et sont , par
les présentes , déclarées sujets-nés de la couronne de la G ran de- Bretagne,
c o m m e si elles étaient véritablement nées dans ce royaum e : nonobstant tout
cc qui pourrait être contraire aux présentes disposilions, dans l'acte de la d o u
111 , intitulé : Acte destiné u restreindre le
fiuuvuir dç la couronne , et à assurer plus efficacement les droits cl libertés des
sujets.
zième année du règne de G u illa u m e
( S u i v e n t les exceptions, qui sont les montes que celles «lu statut de la q m trivine année , et qu’on p c u t l i r e à la fin de c c t a c l e im prim é avec la consulta
tion des soussignés, en date du i ,r août 1 831 • )
�.....................( 4 5 )
plus de cause d’incapacité ù examiner que celle qu’ils faisaient
résulter de la qualité de catholique?
Pour preuve de son assertion, qu’un étranger ne peut pas hé
riter en Angleterre, M. Merlin invoque un exemple pris dans
une affaire jugée à la Cour de cassation, le i x août 1S22, et du
quel il résulte qu’un Français et un Italien, pour prouver qu’ils
avaient pu hériter, produisaient des lettres de dénisation et de
naturalisation obtenues en Angleterre. Pour que cet exemple
fût bon à citer, il aurait fallu que cet Italien ou ce Français
fussent fils ou petits-fils d’Anglais de naissance, et c’est ce qui
11’est pas, c’est ce qui ne pouvait pas être; car, dans ce cas,
ces lettres eussent été inutiles, puisqu’en celte qualité, les
statuts de Georges II et de Georges III leur auraient conféré les
mêmes droits et privilèges que s’ils eussent été Anglais de naissance.
Mais 31. Merlin va encore ici bien plus loin qu’on ne l ’iivait
fait jusqu’à présent. Il dit que M. Edouard Onslow, étant devenu
Français par la loi du 28 a o û t , 2 mai 1790, n’était plus qu’un
détenteur précaire de la terre de Lillingston, et comme tel exposé
(Vun moment à l'autre à être évincé, soit par lefisc anglais, qui, en
apprenant qu’ il avait accepté, sans l'autorisation du roi de la GrandeBretagne, la naturalisation h lui offerte par une loi française, pou
vait le faire déclarar coupable de f élonie, avec confiscation de tous
ses biens, soit par les héritiers du parent collatéral qui lui avait légué,
depuis son établissement en France, les terres de Lillingston et dé
Charlston.
Que M. Edouard Onslow soit devenu Français par l’effet de
la loi de 1790, c’est ce que nous avons toujours nié ; mais que
cette prétendue naturalisation soit de son fait un acte de sa vo
lonté, qu’elle eût été acceptée par lui y c’est ce qu’on n’avait pas
encore dit pour les adversaires, puisque l’on soutenait, au con
traire , que c’était par la force seule de la loi de 179U, et l’elfet
de la position dans laquelle elle l ’avait trouvé, qu’il était de
venu Français.
�A *• *V
\
(
46
) _
N on, il n’était pas devenu Français par la force de celte l o i ,
celui qui avait été banni de France comme étranger, celui dont
le.; biens avaient été séquestrés encore, à raison de sa qualité
d’étranger, celui qui, en France, avait toujours été traité comme
Anglais j ne prenant part à aucun des droits conférés aux citoyens
français.
Non , il n’avait pas accepté la naturalisation en France, celui
qui n’y résidait qu’en vertu d’une autorisation de son souverain ,
celui qui n’a jamais accepté la moindre fonction, qui n’a pas même
voulu permettre que son nom fût inscrit sur la liste des notables ,
celui, enfin, qui n’a jamais pris le moindre engagement envers
cette nouvelle patrie qu’on veut h toute force lui donner.
Non , il ne risquait pas d’être accusé de félonie ; non , il ne
courait aucun danger de la part du fisc ou des héritiers collatéraux.
Certes, le fisc avait eu plus que le temps de prendre ses mesures.
M. Edouard était entré en possession de la terre de Lillingston ,
sans difficulté, en 1 7 8 3 , et il a possédé paisiblement jusqu’en 1 8 2 4 .
Cette inquiétude lui était donc venue bien tard, ou il avait été
bien lent à se mettre à l’abri d’un aussi grand danger.
C ’est aussi une erreur de croire qu’en cas qu’il y eût eu en
sa personne quelque incapacité de posséder , les biens qui lui
avaient été légués en Angleterre n’eussent pas passé à ses pro
pres héritiers reconnus capables par les lois anglaises.
D ’après un statut de la 1 1 * et 1 2* année du règne de G u il
laume I I I , C. 13. , les sujets anglais peuvent hériter, en venant h
la succession du ch ef , ou par représentation de leurs parons
élrangers, m aj dérivé a title b j descent through iheirparents tliough
a liens ( Tomlins, v° Descent). Qui donc eût été appelé, à dé
faut de AI. Edouard Onslow? Assurément scs neveux seuls; et
il leur cachait tellement sa position et son intention de vendre,
qu’ils ont été chargés de toute la négociation ; que la vente a été
faite à un allié de l ’aîné, et que c’est le plus jeune qui est venu
faire signer l’aclo en France.
�C 47 5
Nous repoussons encore ici la qualité de Français qu’on v e u t,
contre l’évidence, conférer a M. Edouard Onslow , parce que
la force de notre conviction nous a arraché ce langage ; et cepen
dant rien de plus inutile que cette discussion, au moins pour la
solution de la question qui nous occupe.
D ’abord , s’il était vrai que la loi de 1790 eut fait M. Edouard
Onslow Français, même malgré l u i , et qu’il eût dû être considéré
comme tel en France, croit-on qu’il en eût été de même en
Angleterre? Et i c i , qu’on y prenne garde, il s’agit de savoir s’il
pouvait valablement disposer d’après les lois anglaises ; il s’agit
de savoir si ces lois anglaises auraient mis obstacle à l’entrée en
possession de son fils, et, par conséquent, il faut bien apprécier
la position toute entière, soit du père, soit du fils, par les p rin
cipes de cette législation; et assurément, quoi qu’eût pu faire la loi
française , sa puissance expirait h nos frontières, et 31. Edouard
Onslow eût été sans difficulté reconnu Anglais, comme il l ’avait
toujours été. ’
On l’a très-bien dit dans la consultation du 27 juillet iS 3o ,
pour MM. Onslow frères ( page 25 ) : « L ’individu né dans le
» royaume d’Angleterre ne perd jamais sa qualité d’Anglais (c’est
» la doctrine de Blackstone), quelque chose qu’il fasse, quelque
» résolution qu’il prenne. »
D ’un autre côté , M. Edouard Onslow était bien fils d’Anglais
de naissance ; il faut espérer qu’au moins nous serons d’accord
sur la qualité d’Anglais de lord Onslow, pair du royaume d’A n
gleterre. Ainsi, lors même que AI. Edouard serait né en France,
le statut de Georges I I , que nous avons c ité , lui aurait conféré
tous les droits d’un Anglais de naissance.
Les conséquences qu’on veut tirer de la loi de 1790 , et que
nous n’admettons pas, seraient donc ici sans la moindre applica
tion. Ce n’était donc pas précairement ou en cachette, comme
011 le fait entendre, que M. Onslow est entré en possession d’un
�( 4S )
immeuble aussi important que celui dont il s’agit, et qu’il l’a
c o n s e r v é pendant plus de trente ans. Il en avait donc , sous tous
les rapports, la libre disponibilité.
Mais au moins, dit-on, M. Georges Onslow est Français par
sa naissance et son établissement, quoiqu’il ne se soit pas con
formé aux dispositions de l’article 9 du Code civil , et, par con
séquent, il n ’était pas capable d’hériter en Angleterre, ou de
recevoir par donation.
Ce raisonnement eut été juste avant la promulgation des statuts
de la 4eannée du règne de GeorgesII, et delà îô'annéedu règnede
Georges III (cités l ’un à la suite de notre précédent avis, l’autre
ci-dessus), desquels il résulte, comme le dit Tomlins (v° yllien.'),
de grandes modifications à l’ancien état des choses, puisque tous les
enjans nés hors du royaume de Sa M ajesté, dont les pères étaient
sujets naturels, et les enfans de ces enjans ( c’ est-à-dire, les enjans
dont le grand-père, dans la ligne paternelle, était né sujet de Sa Ma
jesté), quoique leurs mères fussent étrangères, doivent être considérés
à présent comme sujets naturels } sous tous les rapports.
M. Georges Onslow était donc capable d’hériter et de recevoir
par donation, en sa double qualité de fils et de petit-fib d’Anglais,
et ses enfans, comme petits-fils d’Anglais de naissance, auraient
pu également acquérir, posséder, et enfin jouir de tous les avan
tages d'un Anglais de naissance.
M.^NIerlin prévoit cependant ici cette objection, sur laquelle
il se borne à dire que , s’il était possible que la jurisprudence anglaise alliit aussi loin, ce ne serait du moins qu’en faveur des indivi
d u s q u i auraient manifesté, par des déclarationsfaites devant les ma
gistrats compétens, cl franchement exécutées, l'intention de rentrer
dans la patrie de leurs pères.
Il n'est pas question de savoir s’il est possible que les lois an
glaises aient de pareilles dispositions : nous produisons leur
texte qu’on peut vérifier à la bibliothèque royale; il faudrait
�W*
-»
«
C4o)
faire de m ême, et prouver qu’elles imposent les conditions dont
on parle. Mais nous établissons encore, par ces textes, qvie ces
conditions restrictives n’existent pas. Aussi Tomlins se borne-t-il
à dire que les enfans et petits-enfans d’Anglais de naissance, sont
traités comme Anglais, sous tous les rapports, à moins que leur
ancêtre eût été banni au delà des mers pour haute trahison , ou
qu’a Vppoque de la naissance de ces enfans ilfût au service d’ un prince
en guerre avec la Grande-Bretagne. (Voir le statut de Georges II,
à la suite du cahier imprimé.)
Il n’y a donc pas d’autres restrictions, d’autres conditions; il
ne faut pas en créer, pour dire qu’on ne s’y est pas conformé.
Mais ce n’est pas tout ; il y aurait encore , suivant M. Merlin ,
sous un aulre rapport, incapacité de recevoir dans la personne
de M. Georges Onslow. M. Georges Onslow est catholique ; il
l’était lors de la donation, puisqu’il a été élevé dans cette reli
gion. On ne prétend pas aujourd’hui qu’il en résulte une inca
pacité absolue, nous avons produit un statut de la 18' année du
règne de Georges III, qui établit le contraire; mais on soutient
(et ici nous avons à répondre à la fois à M. Merlin et aux juris
consultes de Riom), on soutient, disons-nous, que , faute d’avoir
prêté, dans les six mois de la date de la donation, le serment
prescrit aux catholiques j)ar ce statut, M. Georges Onslow s’est
trouvé déchu de son droit bien avant la vente faite en 1824, et
que, par conséquent, M . Edouard Onslow, ressaisi jde la pro
priété par celte déchéance, a vendu son propre bien et non pas
la chose d’autrui.
Dans notre précédent avis, tout en prévoyant celte objection ,
nous nous étions expliqués en peu de mots à cet égard, ne la
jugeant pas bien sérieuse ; mais puisque a u j o u r d ’ h u i 011 y alta-,
che de l’importance , nous entrerons dans plus de détails.
Nous établirons que les termes dont se sert le statut c ité , prouvent que le serinent n’était prescrit que pour entrer en jouis-
7
�(
5
0
,}
sance; que mêmô, à une époque où les catholiques étaient beau
coup plus maltraités en Angleterre, ils pouvaient recevoir le
droit de propriété , sans aucune protestation; qu’ils étaient seu
lement privés de la jouissance, jusqu’à ce qu’ils eussent prêté un
serment ; que dans l ’état de la législation anglaise, à l’époque de
la donation , il n’existait plus de délai fixé pour la prestation de
ce serment, d’après deux statuts de Georges I I I , postérieurs à
celui que nous avons déjà produit; et qu’enfin, dans l’état actuel,
aucun serment n’est exigé.
C ’est ce qui résultera clairement de l ’analyse rapide de la lé
gislation anglaise sur les catholiques, et de la citation des actes
les plus importans.
Des statuts nom breux, du règne d’Elisabeth, de Jacques I*r, de
Charles l ï , contenaient des dispositions fort sévères à l'égard des
catholiques. A in s i, tout Anglais catholique qui venait dans le
royaume, et q u i, dans les trois jours, ne s’était pas conformé
à la religion établie, était déclaré coupable de haute trahison.
Il fut ensuite interdit aux catholiques d’élever leurs enfans dans
leur religion; puis on leur imposa difïerens sermens d’abjuration
et de suprématie.
D éjà, sous Guillaume III, ces lois d’intolérance religieuse
commencèrent à s’adoucir. On fit un pas de plus sous Georges I";
mais les progrès les plus sensibles vers un meilleur ordre de
choses, diHent du long l'ègne de Georges III; et enfin, sous
GeorgesIV, est arrivée l’émancipation définitivedes catholiques.
Voici commentTomlins s’exprime surlessiatiusdeGuillauinelli
(v° Papiste) :
»
»
»
«
« Par les statuts des i i ‘ et i2'années du règne de GuilIaumelTF,
C. 4 . (1700, 170 1), il fut déclaré que toute personne élevée
dans la religion catholique, et la professant, qui, dans les six
mois, après sa seizième année, ne prêterait pas le serment d’allégeance et de suprématie, et ne souscrirait pas à la déclara-
�( Si )
» tion presente par le statut 5o (2 st. 2., G. i er), serait, en ce
» qui la concerne seulement, et non pas en ce qui concerne ses
» héritiers et sa postérité, incapable de recevoir des terres à titre
» d’héritage, donation, ou attribution pour un temps limité;
» et que, pendant sa v ie , jusqu’a ce q u il eût prêté les sermens
» prescrits, et qu’il eût souscrit à la déclaration contre le papisme,
» son plus près parent protestant jouirait des terres, sans être
» comptable des fruits; qu’il serait incapable d’acheter, et que
» tome terre , termes de ferme, iulérêt ou profit provenant de
» terres livrées à sa jouissance personnelle, ou par un iidéicom» mis pour l u i , ne produiraient pas d’eflfet. »
Puis, le même auteur ajoute •
« Le seul acte important q u i , jusqu’au règne du roi actuel
» Georges III, ait été promulgué dans l ’intérêt des papistes (et
» qui cependant ne leur profite qu’indirectement), c’estle statut 3,
» Georges I", G. 18, fait par application du statut 11 et 12 ,
» Guillaume III, C. 4 (celui ci-dessus). Il portait q ue, puisque
» ce statut limitait positivement l’incapacité d’hériter des pa» pistes, à eux personnellement, et qu’il conservait les droits
» de leurs héritiers et de leur postérité, on ne devait pas en
» conclure qu’il s’opposait à ce que la propriété ou l’héritage
» pussent passer sur leur tête, de manière à les transmettre à
» leur postérité; mais qu’il fallait en induire, au contraire, que
» leur incapacité ne portail que sur la perception des fruits ou la
» propriété utile des terres, dont le statut les privait pour tout le
v temps qu’ils restaient non-conformistes. »
. Si nous nous arrêtons ici un instant, nous voyons que, même
à cette époque, les catholiques recevaient le droit de p r o p r i é t é ,
sans aucune espèce de protestation ou do serment quelconque,
et que seulement, s’ils n’avaient pas Tait ces déclinations dans
les six mois de leur seizième anuée , ils n’entreraient pas en pos
session ; que leur droit était reconnu, mais que l’exercice en émit
�(3 0
, , , .
'
suspendu, jusqu’à ce qu’ils se fussent conformés à l ’exigence de
la loi; et il est tellement vrai que le droit existait en leur per
sonne, qu’en attendant c’était leurs propres héritiers protestans
qui jouissaient du produit des biens.
Si donc la donation contenue au contrat de mariage de
M. Georges Onslow eût été faite , même sous le règne de G u il
laume III, eût-il été tenu de faire la déclaration et le serment
avant le décès de son père ? Évidemment n o n , puisque ce n’était
que pour entrer en jouissance que cette déclaration était pres
crite , et que son père s’était réservé l ’usufruit. Evidemment non,
puisque la donation ne lui conférait actuellement que le droit
de propriété, et que la loi reconnaissait les catholiques capables
du droit de propriété, sans remplir aucune espèce de formalité ,
et déclarait que leur incapacité ne portait que sur la perception des
fruits. D ’où la conséquence forcée qu’il n’y avait de serment à
prêter que lorsque devait commencer celte perception de fruits.
Les statuts suivans ont-ils rendu moins favorable cette position
des catholiques romains? mais ils ont eu un but tout contraire.
« Pendant le présent règne (de Georges I I I ) , dit Tomlins, il a
» été fait trois statuts qui sont d’une grande importance pour les
» catholiques romains. »
L e premier est celui de la dix-huitième année du règne de
Guillaume I I I , dont nous avons donné le texte à la fin de notre
dernière consultation, et qui commence par ces mois : « Consi» dérant qu’il est à propos de rapporter certaines dispositions
» d’un acte de la onzième et de la douzième année du roi Guil» laume III, par lequel certaines peines et incapacités sont iin» posées aux personnes professant la religion catholique. »
Bien évidemment donc cet acle doit êlre beaucoup plus favo
rable aux catholiques que celui de Guillaume III , dont nous
avons parlé en traduisant Tomlins, puisque son but est de rap
porter certaines peines et incapacités prononcées par ceiacie.
�(53).
Que fait donc cet acte? Il anéantit tout ce q u i , dans l’acte de
Guillaume I I I , était relatif aux peines prononcées contre les
évêques, les prêtres, les jésuites ; il déclare qu’à l’avenir le plus
proche parent protestant ne pourra pas, d ed roit, posséder les suc
cessions qui seraient échues aux catholiques, et donne ensuite
aux catholiques entière qualité pour acquérir des terres en A n
gleterre , en leur imposant, pour jouir de ces avantages, la seule
condition de prêter un serment qui n’a plus de rapport avec ceux
qui étaient exigés autrefois, et ne contient plus rien qui puisse
seulement leur inspirer la moindre répugnance. (Voir le texte à
la fin de la première consultation.) Cela n’empêche pas, dit-on,
que ce serment ne doive êtreprêté dansles six mois. Mais d’abord,
à partir de quelle époque?Bien évidemment il est impossible que
ce soit à partir de la date d’un acte qui conférait uniquement le
droit de propriété sans la jouissance, puisque les catholiques,
sans prêter aucun serment, étaient reconnus capables du droit
de propriété. Ce ne pouvait donc être qu’à partir de l ’époque
où s’ouvrait le droit de jouir, et c’est précisément ce que disent
les termes du statut \TVilhin the space o f six calendar months after
the accruing o f lus, lier, or their litle. Ce qui, traduit le plus litté
ralement possible signifie dans les six mois de l’accroissement de
leur titre , et par conséquent, du moment où ce titre produisait
ses effets ; du seul moment où le pays paraissait avoir intérêt à
ce qu’ un nouveau possesseur du s o l, q u i , comme t e l , avait une
part d’intluence à exercer, fût lié par une protestation solennelle
contre les doctrines dangereuses pour le trône et le pays, qu’on
attribuait aux catholiques.
Et croit-on que si un catholique, même présent en Angleterre,
n’eût pas prêté serment dans les six mois mêmes de l’époque à
laquelle il aurait dû entrer en jouissance, il aurait perdu son
droit de propriété ?
.Non, bien évidemment, puisque le droit de propriété était
�%
» •
t C S4 )
inhérent à sa personne. D ’après cet acte même et les actes anté
rieurs que nous avons rapportés, que serait-il donc arrivé? C ’est
que le catholique eûlété privé des fruits de l ’immeuble jusqu’au
moment de cette prestation de serment ; ainsi, s’il le prêtait dans
les six mois, les produits lui appurtenaient depuis le moment où
il avait du entrer en jouissance : s’il ne le prêtait, au contraire,
qu’après les six mois, il ne faisait les fruits siens qu’à partir du
moment de cette j^restation de serment.
Biais il faut encore parler de ¿ e u x autres statuts du même
règne , dont nous avons sous les yeux une copie certifiée, prise
à la bibliothèque ro y a le , et dont on trouve , d’ailleurs , les
principales dispositions dans le dictionnaire deTom lins, au mot
Papiste.
L e premier de ces deux statuts est celui de la trente-unième
année du règne de Georges III, C. 02. Il est beaucoup trop long
pour l ’insérer ici.
On peut le diviser en cinq parties distinctes.
La première contient la déclaration et le serment auquel l’acte
se réfère ensuite : ce serment est conçu à peu près dans les mêmes
ternies que celui contenu dans le statut de la dix-huitième année
du même règne, et la déclaration n’a pour objet que de prescrire
au catholique de donner son nom , en déclarant qu’il professe la
religion catholique; m a i s aucun terme de six mois ou autre n’est
déterminé pour la prestation de ce serment; d’où il resulte seu
lement, d’après l'a cte , que le catholique anglais ne jouira des
avantages accordés par le statut, que lorsqu’il se sera conformé à
la condition prescrite.
La seconde partie rapporte les dispositions de diiférens statuts
en faveur des personnes qui prêteront ce serment.
La troisième permet, sous quelques resti’iclions, la célébra
tion du culte catholique.
• La quatrième défend d’exiger à l’avenir de qui que ce $oit lo
t
�( 55 )
cernent de suprématie prescrit par les statuts de Guillaume et
de Georges Ier.
La cinquième rapporte la disposition qui voulait que les testamens et autres actes des catholiques lussent transcrits dans des
registres.
Tomlins nous apprend que lorsque ce statut sortit de la cham
bre des communes, il portait que le serment contenu dans le
statut de la dix-huitième année du règne de Georges III , ne^
serait plus prêté à l ’avenir, et qu’il serait remplacé par celui nou
vellement prescrit, qui aurait les mêmes elfets ; mais celte dis
position fut altérée à la chambre des lo rd s, sans qu’on en voie
le motif, et elle fut remplacée par celle qui existe, et qui dit
seulement que les catholiques pourront prêter le serment, de
la manière , aux lieux et devant les magistrats désignés par cet
acte.
Il en résulta de l’incertitude sur la question de savoir s i , en
prêtant le serment exigé par le nouveau statut et dans la forme
q u ’il détermine, les catholiques jouiraient des avantages stipulés
par le statut antérieur (celui de la dix-huitième année), parti
culièrement relativement à la capacité de posséder des terres ,
dont il n’était pas question dans le dernier acte. Ce fut pour
lever ces doutes que parut le statut de la quarante-troisième an
née du même règne, q u i, après avoir, dans ses considérans ,
rapporté ces circonstances , s’exprime ainsi : « Q u ’il plaise à
» Votre Majesté ordonner, par la puissance du r o i , par et avec
» l ’avis et le consentement des lords spirituels et temporels , et
>> des communes réunies dans ce parlement, qu’après la promul» galion du présent acie , la déclaration et le serment exprimés
» et contenus dans ledit acte de la trente-unième année du règne
» de Sa Majesté le roi actu el, pour toutes les personnes qui l ’ont
» prêté ou qui le prêteront à l’avenir , en quelque temps et à
» quoique époque que ce soit (al a n j lime or limes hcre ajlei) , de la
�zJ >
C 56 )
»
»
»
»
manière qui y est indiquée , rempliront le même but sous tous
les r a p p o r t s , et produiront les mêmes avantages que le serment
prescrit dans l’acte de la dix-liuitième année de Sa Majesté
régnante. »
Voici encore des textes positifs qu’on peut vérifier, et desquels
il résulte qu’un nouveau statut postérieur à celui que nous avions
d’abord cité, et q ui, il est vrai, n’était pas relatif à la capacité
de posséder des terres, contenait une nouvelle formule de ser
ment , sans fixer aucun délai ; et qu’enfin un dernier acte décla
rait que ce nouveau serment remplirait le même b u t, sous tous
les rapports , que celui de la dix-liuitième année, relatif à la pos
session des terres, et qu'il pouvait être prêté à quelque époque que
ce soit. Ajoutons à présent que le bill d'émancipation des catholi~
ques a fait disparaître ces dernières traces d’intolérance religieuse,
et que , par conséquent, M. Georges Onslow, ainsi que le dit un
jnrisconsulte anglais, dont nous avons l’avis sous les yeux , serait
entré en possession de-sa propriété, sans avoir aucune espèce de
serment à prêter.
Il est donc clairement démontré q u e , même sous le règne de
Guillaume III, les catholiques pouvaient recevoir le droit de pro
priété en A ngleterre, sans prêter aucun serment ; que le serment
n ’était exigé que pour l ’entrée en jouissance; que le défaut de
prestation de serment tenait l’exercice du droit en suspens, et ne
faisait nullementjperdre le droit; que le statut de la dix-huitième
année du règne de Georges III n’a fait, sous ce rapport, que for
muler un nouveau serment qui ne pouvait en rien blesser les idées
religieuses des catholiques; que le délai de six mois qui est fixé
n e parlait également que de l’époque où devait commencer l ’exer-i
cice du droit ; que même la non prestation dans ces six mois ne
faisait encourir la déchéance, que sur la perception des fruits
antérieurs, et non sur le droit de propriété ; que par les statuts
réunis de la tiente-unièmc et de la quarante-troisième année du
�même fègne (1791 et i 8o 5 ) , et toujours antérieurs à la date de
la donation, il a été loisible aux catholiques de prêter, à quelque
époque que ce soit, ou le serment qui se trouve dans le statut de
la dix-huilième année, ou celui qui est formulé dans le statut
de la trente-unieme année ; et qu’enfin l’acte d’émancipation des
catholiques, qui est de la dixième année du règne deGeorgesIV
(1829) (1), a entièrement dispensé les catholiques de ces presta
tions de serment.
Q ui pourrait donc dire, après la production de ces textes ,
que M . Georges Onslow s’est trouvé déchu de son droit de p ro
priété, pour n’avoir pas prêté le serment d’allégeance dans les
six mois.qui ont suivi la donation sous réserve d’u sufruit, faite
par son contrat de mariage de l’année 1808? Personne assuré
ment ; c a r , sans qu’il soit besoin de dire qu’il se trouvait au
delà des m ers, circonstance qui est prévue par le statut de la
18e année , la donation ne lui transférait actuellement que le
droit de propriété; et, dans l’état de la législation anglaise, telle
qu’elle existait à cette é p o q u e , les catholiques acquéraient le
droit de propriété, sans prêter aucun serment, et ne devaient
se soumettre à celte*exigence que pour entrer en possession.
D ’où il résulte la conséquence forcée que ce n’eût été qu’à l ’épo
que du décès de son p è r e , si la terre eût encore existé en na
ture, si l’émancipation complète des catholiques n’eût pas été
prononcée par la l o i , que M. Georges Onslow eût pu être as
treint à prêter ce serment, non pas pour acquérir le droit de pro
priété qui lui était irrévocablement acquis depuis l’année 1808,
mais pour pouvoir jouir de la propriété et faii’e les fruits siens ;
( i ) L a loi sur l ’émancipation des catholiques est du 17 avril 18:19 ; M . E do u ard
O n s l o w est décédé le 19 octobre 1819 ; par conséquent -M. G eo rg es O n s l o w
n’aurait jamais été appelé à prûter aucun serment.
8
�( 58}
et, en outre, les statuts de la 5 i ' année et de la 4 5' année de
Georges I I I , ne fixaient plus aucun délai pour la prestation de
s e r m e n t , délai q ui, comme on le voit d’ailleurs, n’avait pas
une grande importance, dans ses effets, sous l ’empire des statuts
antérieurs.
Ainsi se trouve repoussé ce dernier moyen puisé dans la qua
lité de catholique de M . Georges Onslow, qualité dans laquelle
les premiers avis trouvaient une cause d’incapacité générale ,
absolue , sans condition, et qui n’était>plus invoquée en dernier
lieu, que comme imposant seulement une formalité que l’on
prétendait exigée pour pouvoir acquérir le droit de propriété,
tandis qu’elle ne l ’a jamais été que pour les perceptions des
fruits , et qu’elle est aujourd’hui entièrement abolie.
Nous croyons q u e , si on ne veut pas fermer les yeux à la
lumière, il doit être à présent évident pour tout le m onde, qu’il
n’existait , d’après les lois anglaises , ni dans la personne de
.M . Edouard Onslow, ni dans la personne de M. Georges Ons*
lo w , aucune incapacité de donner et de recevoir des propriétés
situées en Angleterre. Il y a p lu s , les enfans de M. Georges
Onslow eussent été parfaitement capables»d’acquérir, hériter,
et recevoir par donation en Angleterre. Pour lui personnelle
ment , il n’en a jamais douté y mais enfin, il pouvait décéder
avant son père, et la prudence lui faisait lin devoir d’examiner,
dans ce cas, quelle serait la position de ses enfans, relativement
îi ses immeubles situés en Angleterre. Aussi, p eud’annéesaprèsson
mariage, en i 8 n , il prit à ce sujet une consultation que nous
avons sous les y e u x , et dans laquelle on déclare, par application
du statut de la i 3* année de Georges III, cité plus haut, que ses
cnfiins, comme petits-fils d’ un Anglais de naissance, pouvaient,
sans diflicullé, hériter, acquérir et posséder en Angleterre ; et
relativement à leur qualité de catholiques, on vient de voir
qu’elle n’eût pas été l’objet de la moindre difficulté ; leur po-
�( % _)
silion, à cet égard , étant la même que celle de leur père.
Ce n’est donc pas comme ressaisi du droit de propriété de la
terre de Lillingston, ou n’en ayant jamais été dessaisi , que
M . Edouard Onslow a vendu en 1824, et il n’est donc pas exact
de dire qu’il a vendu sa chose.
Il a été, au contraire, complètement dessaisi par la donation
contenue au contrat de mariage de 1808. A partir de cette épo
que , la propriété a été irrévocablement placée sur la tête de
M. Georges Onslow , par le plus respectable de tous les actes,
aux yeux de la loi et de la morale ; jamais M . Edouard Onslow
n ’avait été ressaisi par un acte secret ou contre-lettre; elle eût
été nulle. Cette allégation est mise en avant sans la moindre
preuve, le moindre indice; M M . Onslow frères n’oseraient pas
affirmer qu'ils y croient. Elle a été prouvée fausse; elle 11’aurait
eu d’apparence de possibilité, dans l’opinion même de M. M erlin ,
que dans la supposition de nullité de la donation ; mais cette
nullité n’existe en aucune manière. Toutes les objections soule
vées à cet égard ont été successivement réfutées par la produc
tion de textes clairs et positifs , et il est resté pour démontré
que la disposition était permise, sous tous les rapports, par la
législation anglaise; et si cette prétendue nullité eut existé,
on se serait, sans doute, abstenu de l’emploi d’un moyen dont
MM. Onslow frères ne pouvaient faire usage qu’en méconnais
sant la loyauté du caractère de leur père et de leur frère.
C ’est donc évidemment la chose d’autrui qui a été vendue, et
le véritable propriétaire a le droit d’en répéter le prix contre la
succession de celui qui l’a reçu.
jNous voilà sortis de l ’examen des questions de législation an
glaise, jet il ne nous reste plus à parler que d'une dernière o b
jection des trois consultations, et qui est puisée dans les dispo
sitions de l ’article 2 de la loi du i4 juillet 1819, abolitivo du
droit d’aubaine.
8.
�( Go
)
Commençons par (lire que, lors de la discùssion de cette l o i , le
princide fondamental sur lequel repose la défense de M Georges
Onslow fut encore solennellement reconnu, et qu’il fut même
consacré de nouveau par la disposition dé l’article 2 , qui est de
toute justice. Voici comment s’exprimait M. le garde-des-sceaux ,
en présentant le projet de loi, à la séance de la chambre des pairs,
du i4 mai 1819. (Moniteur de cette date.)
v II est naturel de demander comrüent seront réglées les suc» cessions dont ils ( les étrangers) disposeront, qu’ils laisseront,
» ou auxquelles ils seront appelés. La réponse est dans l’article 3
» du Code civil et dans le droit commun. L ’article 3 porte : Les '
» immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis
» par la loi française. Le droit commun est qu’on ne peut dis» poser des biens qu’on a dans un pays que conformément aux lois
« qui y régissent celte disposition.
» Ainsi un étranger, propriétaire en France, ne pourra dis» poser sur ses biens de France que de la portion disponible ,
» d’après les lois françaises, et s’il meurt intestat, sa succession
» en France sera partagée d’après les lois françaises. On suivra,
« dans ces deux cas , ce qui se pratiquait en France, lorsque nous
» avions des coutumes diverses ; chaque immeuble étant régi
» par la loi du lieu de sa situation, on procédait comme s’ il y avait
» autant de successions que de lieux differens où les biens étaient
situés, etc. »
Et plus bas, il examine l ’hypothèse qui a donné lieu à l ’art, 2,
celle du partage entre des cohéritiers français et étrangers d’une
même succession, située en partie en France, et en partie en
p a y s étranger, et il justifie, par des motifs d’équité et du devoir
de protection, de la loi française, en faveur du national contre
Fctranger, la condition qui est imposée h cet étranger en con
cours avec un Français, pour pouvoir jouir de la nouvelle fa
veur de la lo i, et qui est formellement restreinte à ce cas spécial.
�( 6 1)
« II faut considérer, dit-il, que, dans l’état actuel, le cohéri» ritier français excluerait en totalité le cohéritier étranger des
» biens de F rance, et les recueillerait en entier ; si nous lui en» levons ce droit, si nous rappelons les cohéritiers étrangers,
» nous pouvons y mettre une condition, etc.
» Tels sont, ajoute le ministre, les motifs de l ’article 2 de
» la l o i , par laquelle il est dit q u e , dans le cas de partage d’une
» même succession entre des cohéritiers étrangers et français, ■
» ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France, une por» tion égale h la valeur des biens situés en pays étranger, dont
» ils seraient exclus à quelque titre que ce s o it, en vertu des
» lois et des coutumes locales. »
V oici l ’esprit de la loi bien clairement exprimé. En créant une
faveur nouvelle pour l ’étranger, dont souvent les Français ne
jouissent pas en pays étranger, elle ne veut pas que le national
soit dans cette position, de ne pas prendre part aux biens situés
en pays étranger, tandis que 3on cohéritier étranger partagerait
avec lui les biens situés en France. Mais, du reste, le principe
constant que la loi de chaque pays règle la disponibilité des im
meubles qui font partie de son sol, est de nouveau reconnu et
consacré. Il ne s’agit ici que d’une condition mise à la jouissance
d’une faveur à l’exercice d’un droit nouveau. Ce sera même une
exception, si on veut, mais exception qui ne fait que confirmer
la règle générale, et qui sera strictement limitée au cas spécial
pour lequel elle est faite, celui du partage d’ une même succession
entre des cohéritiers étrangers et français.
Ceci est plus que suffisant pour répondre à M. Garnier, qui,
après avoir cité ce texte, ajoute : S i Vétrangar est tenu de souffrir ,
sur les biens situés en France, le prélèvement d’une valeur égale a
ce qu’il a eu en pays étranger, h plus forte raison le Français y estil tenu.
Les jurisconsultes de R io m , dans leur dernier avis, etM . Mer-
t
�62
lin , ont bien senti qu’un pareil argument était insoutenable ; car
c’est seulement en supposant que M. Georges Onslow serait An
glais, qu’ils disent qu’il y aurait lieu à l ’application de cet art. 2;
et ils ont très-bien démontré avant qu’il était Français, qu’il avait
joui de tous les droits de ditoyen français.
Mais on fait de cette argumentation une espèce de dilemme
contre M. Georges Onslow. On lui dit : « Si vous êtes Français,
» vous n’étiez pas capable de posséder un immeuble en Angle» terre ; la donation était nulle. Si vous êtes resté Anglais par
» l ’effet du statut de la quatrième année de Georges I I , vous
» tombez sous l ’application de l’art. 2 de la loi du i4juillet 181g. » ■
Et ce n’est pas encore assez que d’appliquer cette l o i , q u i , res
pectant le principe, ne touchait nullement aux immeubles don
nés, légués ou reçus par succession en pays étranger, et disait
seulement que si le Français n’était pas admis à y prendre p a r t ,
d’après les lois étrangères, il prélèverait sur les biens de France
(si tant abondait) , jusqu’à concurrence d’une portion égale à ce
dont il était privé en pays étranger; i c i , comme la terre a été
vendue, qu’il n’y a pas d’impossibilité matérielle à ce que l’on
mette la main sur les capitaux , on veut partager le t o u t , con
formément à la loi française, sans laisser, comme on le faisait d abord , à 31. Georges Onslow, l ’option entre le parti de s’en tenir
purement et simplement à sa donation , ou de rapporter , pour
prendre part au partage en France.
Mais qui ne voit que toute cette argumentation repose sur une
véritable confusion , un oubli des faits déjà reconnus , et il faut
être surpris que cette erreur ait échappé à l ’attention deM . M er
lin, qui examine la position de chacun des enfans de|M. Edouard
Onslow, et qui reconnaît successivement qu’ils sont tous du même
pays. Et en effet, si les statuts de la quatrième année de Georges II,
et de la troisième de Georges I I I , ont conservé à 31. Georges
Onslow la qualité d’Anglais, aux yeux d e là loi anglaise, ces
( .
}
�w
c, 6 3 )
statuts ont bien aussi conservé cette qualité à MM. O n slow , ses
frères, puisqu’ils sont comme lui et avec lui fils et petits-fils
d’Anglais de naissance; et enfin M . Merlin prouve que tous sont
devenus Français aux yeux de la loi française ; ils sont donc tous,
et en France et en Angleterre, dans la même position. Ce n’est
donc pas le cas prévu par la l o i , celui du partage d’une même
snccession entre des cohéritiers français et étrangers. C ’est le cas
dupartage d’une succession entre des frères quisont dans la même
position , relativement à leur pays d’origine , et relativement h
leur nouvelle patrie.
•
M ais, dira-t-on, il en résulterait donc que M M . Onslow frères
seraient à la fois Anglais et Français; Anglais en Angleterre , et
Français en France? Pourquoi non? Si la loi anglaise, qui suit
les enfans de son sol jusqu’à la troisième génération, dans l ’es
poir qu’ils reviendront un jour à la patrie d’origine, les déclare
toujours Anglais , quoi qu’ils aient pu faire ; et s i , d’un autre
côté, la loi française les adopte parce qu’ils sont nés sur son ter
ritoire , ce ne sont pas les conseils de MM. Onslow puînés q u i
peuvent en être surpris ; car ils exprimaient eux-mêmes cette
pensée dans leur avis en date du 27 juillet i 83o (page 25) , en
citant le passage suivant du code diplomatique de M. Gasclion :
« L ’individu né en Angleterre ne perd jamais sa qualité d’An» glais , quelque chose qu’il fasse, quelque résolution qu’il
» prenne: vînt-il même à .s’expatrier, il la conserve toujours ;
»
»
»
»
»
»
»
toujours il jouit en Angleterre des droits qui y sont attachés....
De là cet état de choses extrêmement singulier.... L e même
individu est en même temps Anglais et Français , ou Anglais
et Espagnol..... Mais qui n’aperçoit pas que la loi anglaise repose sur un principe d’intérêt et de conservation qu’on ne
remarque qu’en Angleterre... E lle a un b u t , et ce but se rattache à des considérations d’une très-haute politique. »
Ce prétendu dilemme n’est donc pas du tout embarrassant.
�( 64 )
M. Georges Onslow étant Français comme ses frères, il ne peut
pas être ici question de l ’article 2 de la loi du il\ juillet 1819,
qui n’a d'application qu’au cas de partage d’une même succès*
sion entre des cohéritiers français et étrangers ; et ce n’est pas
du tout une raison pour que M. Georges Onslow eût trouvé
le moindre obstacle à entrer, au décès de son père, en posses
sion des immeubles situés en Angleterre, s’ils n’avaient pas été
vendus, parce que la loi anglaise, dans ce but politique dont
parle M. Gasclion, espérant toujours que les individus nés sur
son sol, et même leurs enfans et leurs petits-enfans nés en
pays étranger (4* année de Georges I I , i 3e année de Georges III)
reviendront au pays d’origine, dispose que quelque chose qu’ils
lassent, ils seront toujours, en Angleterre, traités comme
Anglais de naissance. Et en effet, on a beau vouloir la placer
ailleurs, la question de ce procès est toujours là : S i la terre de
Lillingsion n’ eut pas été vendue , M . Georges Onslow, dans la
position où il est, en serait-il librement cnt'é en possession, après le
décès de son père, d’après les lois anglaises qui avaient seules le+
pouvoir d’y mettre obstacle? C ar, si cette question est résolue
pour l ’affirmative, il faut nécessairement en conclure que la
donation était valable ; que le père de famille n’avait fait que
ce qu’il avait le droit de faire; q u e , par le contrat de mariage
de 1S08, il a été complètement dessaisi de la propriété de cet
immeuble; qu’en le vendant, il a vendu la chose d’a u tr u i, et
q u e , par conséquent, sa sucocssion en doit le prix; et certes,
nous croyons qu’il est plus que démontré que M . Georges
Onslow n’aurait pas rencontré le moindre obstacle dans les dis
positions des lois anglaises.
Il
est donc plus qu’inutile d’examiner les conséquences ex
traordinaires qu’on voulait donner à la loi du 14 juillet i 8 i y ,
puisqu’elle ne peut recevoir ici aucune application. Nous le
demanderons, en effet, à MM. Onslow frères : «vont la publi-
�caiion de cette loi, loi'squ’on ne pouvait pas seulement la pré
voir ou l’espérer, s’attendaient-ils, la succession de leur père
venant à s’ouvrir, à être traités en France avec leurs frères,
comme aubains , et comme tels à voir cette succession passer
entre les mains du fisc. N o n , sans doute, cette pensée n!e'tait
venue ni à eux ni à leur père. Ce n’est donc pas en vertu de
la loi du i 4 juillet 1S19, abolitive du droit d’aubaine, qu’ils
sont appelés à la succession. Si donc ils n’héritent pas en vertu
de l ’article i er de cette loi, comment peuvent-ils invoquer l ’arlicle 2 , qui n’a d’application possible qu’au cas où des indivi
dus q u i , avant, n’héritaient pas en France, sont appelés à une
succession, en vertu de l’article i er? Comment, surtout, peu
vent-ils se prévaloir de cet article 2 , lorsqu’il suffirait de leur
répondre : Cet article ne dispose que pour le cas de partage
d’une même succession entre des cohéritiers français et étrangers.
Mais vous, et votre frère aîné, vous êtes du même pays; si vous
vouliez qu’il fût considéré comme Anglais, par la loi française,
vous seriez Anglais aussi ; car vous vous trouvez dans la même
position, e t, dans ce cas, vous viendriez bien tous h la succession ,
comme étrangers, en vertu de l ’article 1". Mais vous ne seriez
nullement encore dans l ’hypothèse qui a e'ié prévue par la l o i ,
pour qu’une faveur accordée à des étrangers, ne devînt pas pré
judiciable aux nationaux, et, ainsi que le disait le garde-dessccaux, en présentant le projet de l o i , la succession serait par
tagée conformément aux dispositions de l ’article 5 du Code civil
et aux principes du droit commun.
Ainsi il ne peut, sous aucun rapport , être question ici de la
loi du 11\ juillet 1819. MM. Onslow frères sont tous Français, et
de plus ils doivent à leur origine anglaise l ’avantage de pouvoir
être traités en Angleterre comme s’ils étaient Anglais de naissance;
avantage dont leurs entons jouiront encore, comme petits-fils
d’Anglais de naissance , mais qui ne s’étendra pas au delà.
�( 66 )
Les soussignés croient avoir entièrement satisfait à la demande
qui leur avait été faite par M. Georges Onslow, d’examiner suc
cessivement tous les moyens employés dans les derniers mémoires;
ils pensent que de nouvéaux développemens seraient désormais
superflus, à moins que, continuant a plaider par é crit, on ne
publie encore des consultations nouvelles, qui pourraient peutêtre trouver ùn petit espace de temps pour :se faire jour entre les
conclusions du ministère ipublic et la'décision du tribunal.
Délibéré à Riom , dans le cabinet de M. D u clo se l, l ’un des
soussignés, le 11 janvier 1 853.
,
J.-C h . B A Ÿ L E , J Ô U V E T , H. D U C L O S E L .
C L ER M O N T IM P R IM E R IE D E T H IB A U D L A N D R IO T .
�
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Onslow, Georges. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Jouvet
H. Duclosel
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
droit des catholiques en Angleterre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour M. Georges Onslow, contre MM. Onslow puinés.
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1783-1833
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
66 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2706
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2701
BCU_Factums_G2702
BCU_Factums_G2703
BCU_Factums_G2704
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BCU_Factums_G2707
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Coverage
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Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Mirefleurs (63227)
Chalendrat (terre de)
Lillingstone Lovell (01280)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des catholiques en Angleterre
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
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55c3406d3912ae50c52dd95d5539047b
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Text
CONSULTATION.
L
E S J U R I S C O N S U L T E S S O U S S I G N E S près la C o u r royale de
R io m , et près le tribunal civil de C le rm o n t, qui ont vu une
consultation du 1 6 février 183o , délibérée par M M . de V issac ,
G od e m el, A llem and et T ailhand , dans l ’intérêt de M M . A u guste
et M a u r ic e O n slo w ; u n e consultation délibérée à Paris le 17
avril 1 83 o, par M M . D e la c r o ix - F r a in v ille , D u p in aîn é, D u p in
je u n e , H e n n e q u in et P e r s il, et une autre du m êm e jo u r , de
M . D elacroix-Frainville seul, pour M . G eorges O n s lo w , et enfin
une dernière consultation en réponse à celle du 17 avril, délibérée
à R iom le 27 janvier 1 83 o , pour M M . M a u rice et A u g u ste
O n slo w ;
D éclarent se réunir à l ’opinion exprimée par M M . D elacroixFrainville, D u p i n , H e n n e q u in et P e r s il; et comme il paraît
utile de répondre à quelques objections qui ont été faites, et
principalem ent de traiter les questions de législation anglaise ,
qu e ce lle cause soulève nécessairem ent, en produisant des textes
de lois et des autorités irrécusables , devant lesquels doivent dis
paraître les hypothèses et les présomptions sur lesquelles
raisonne dans la consultation du 27 ja n v ie r ,
on
ils vont reprendre
la discussion au point où elle a été conduite par les précédente*
consultations.
S 1erM
E douard Onslow est décédé A n g la is . C 'e st la législation
anglaise qui doit régir la succession m obilière.
L a première question qui se présentait à examiner dans l ’ordre
naturel des id é e s , était assurément celle de savoir qu el é ta it,
�-
,
( a ■)
’d ’après la position de M . Edouard O n s l o w , l e lieu de l ’o u v e r tu re
de la succession; car la solution de cette question déterminait
nécessairem ent la législation qui devait être appliquée à la s u c
cession mobilière.
Suivant la consultation du 27 janvier i 83 o , à laquelle nous
répondons, ce lieu d ’ouverture est la F r a n c e ,
par cette raison
que la loi du 2 mai 1790, qui n ’aurait eu q u ’une année d ’existence,
a trouvé M . Edouard O nslow en F r a n c e , où il résidait depuis plus
de cinq ans , où il avait épousé une F r a n ç a is e ; q u ’elle n ’exigeait
pas d ’autres conditions pour conférer la naturalisation, et q u ’elle
en a ainsi fait un Français mêm e sans son c o n c o u r s , sans son
assentim ent; mais comme cette loi parle aussi du serment civiqu e,
on ch e rch e à démontrer que de la combinaison de ses termes il
résulte q u ’elle distingue entre les conditions requises pour devenir
Fran çais, et celles qui sont imposées pour devenir citoyen a c tif,
et que le serment civiqu e n ’est exigé que pour acquérir cette
dernière qualitéY o y d i s donc les termes de cette loi.
« T o u s c e u x q u i , nés hors du royaume de parens étrangers,
•» sont établis en F r a n c e , seront réputés Français et a d m is , en
» prêtant le serment civique , h l'exercice des droits de citoyen
» a ctif, après cinq ans de domicile dans le royaum e, s’ils ont en
» outre acquis des immeubles ou épousé une Française. »
]NTous r e trouvons pas, com m e l'auteur de la consultation , q u ’il
résulte de ces termes , que le législateur ait voulu faire une dis
tinction entre les conditions requises pour être seulem ent Français,
ou pour avoir l’ exercice des droits de ciloyen actif; nous ne voyons
pas com m e lui que la position de ces mots , en prêtant le serment
civ iq u e , indique clairem ent l ’intention de n ’imposer cette condi
tion q u ’à celu i qui voudrait devenir citoyen a c t if , e t , ne lui en
déplaise, si telle eût été l ’intention du législateu r, il aurait pu
s’exprimer bien plus clairement. Nous aurions, par exem p le, proposé
�ce lle rédaction , qui ne change pas l’ordre des mois, et prouvera ,,
par suite , q u ’il n’aurait pas été dispose de manière à rendre de
la manière la plus claire le sens q u ’on donne à la loi : T ous ceu x
qui, nés hors du royaume de parens étrangers, seront établis en
F r a n c e , seront réputés F ra n ça is, après cinq ans de dom icile dans
le royaum e, s'ils ont acquis des im meubles ou épousé une Française;
pour être admis à l'e x e rcice des droits de citoyen a c tif \ ils devront
en outre prêter le serm ent civique.
V oilà q u i eût été clair et précis dans le sens q u ’on suppose ,
tandis q u ’il nous paraît que la composition de la phrase, telle q u ’on,
la lit dans la lo i, mêle et confond les conditions nécessaires pour
devenir Français et pour acquérir les droits de citoyen actif; qu ’elle
ne fait pas de distinction ; q u ’elle place en première ligne la co n
dition im portante, .celle de prêter le serment c i v i q u e , le seul acte
qui prouve et caractérise la participation de l ’étranger au contrat
qui se fait entre l'état*et lu i, pour lui accorder les- droits de F ran
çais et lui en imposer les obligations, et q u ’elle fait figurer en
seconde ligne les conditions accessoires, celles de la durée de la
résidence et l’acquisition d'immeubles ou le mariage; e t , c e r t e s ,
s’il eût jamais été nécessaire de s’exprimer catégoriquement^ c ’était
bien lo rsq u ’on aurait créé un droit aussi n o uveau, aussi extraor
dinaire que celui de saisir ainsi un étranger que ses goûts ou ses
affaires auraient appelé sur notre territoire, et d’en faire un F r a n
çais; malgré lui. Il fallait au moins que les étrangers fussent bien
avertis, s’ils avaient un immeuble en F r a n c e , et qu ’ils n’eussent
pas l ’intention de devenir Français > de ne pas rester cinq années
parmi n o u s; mais tel n ’a pas etc le sens et le bu t de la loi; elle a
e x ig é , pour les deux cas, la participation de l'étranger et la ga>rantie de son serm ent, e t, comme on l ’a dit dans la consultation
délibérée à P aris, si les termes étaient obscurs, on en trouverait
l ’interprétation la plus positive, donnée
par
le
législateur lui-
m e m e, dans la constitution de 1 7 9 1 > qui n ’a pas eu pour objet do:
�p ♦
. ( 4 )
crcer à cet égard un droit nouveau, mais de reproduire dans l ’acte
constitutionnel la législation existante, relativement à la manière
d ’acquérir la qualité de Français. L a lecture de l’article 5 de la
constitution devrait faire disparaître toute espèce de douic sur le
sens de la loi de 1790.
A p rè s le texte de la lo i, on examine la jurisprudence, et on dé
clare en premier lieu q u ’on n ’a pas entendu invoquer l'arrêt M a cM a h o n , mais seulem ent les conclusions de M . M e r l i n , qui ne
furent pas adoptées par la C o u r de cassation; mais nous invo
qu on s, nouSj les deux arrêts rendus dans l'affaire M ac-M alion près
la C ou r de cassation, et on a prouvé, dans la consultation déli
bérée à Paris , q u ’ils étaient favorables à notre système, puisque
cette C o u r a refusé, à deux reprises, de reconnaître à M ac-M alion
la qualité de F rançais, q u o iq u ’il eût résidé en F ran ce plus de cinq
ans, et q u ’il eût épousé une Française en 1789.
T o u te fo is, on cite d ’autres arrêts; on peut examiner ce u x q u ’on
in v o q u e , ce u x que nous citerons nous-m êm es, et on verra q u ’ils
ont tous été rendus dans des affaires où des circonstances spéciales
annonçaient de la manière la plus précise qu e l ’étranger avait
réellem ent eu l ’intention de devenir Français , q u ’il avait concouru
par son assentiment à la naturalisation qui lui était conférée; on
verra mêm e que toujours il avait prêté serment de fidélité au sou
ve ra in , dans une qualité q u elco n q u e , serment qui venait ainsi
suppléer le serment c iv iq u e , exigé par la loi du 2 mai 1790 et par
la constitution de 1 79 1.
C ’est ce qui existait pour le prince d ’ITcnain, qui avait habité
la F ran ce depuis la plus tendre e n fa n ce ; q u i, depuis 1 7 7 4 , avait
été capitaine des gardes de M onsieur, frère du r o i; qui avait par
conséquent prêté serment en cette qualité ; qui avait émigré comme
F ran ça is, et q u i, rentré en F r a n ce en 1 7 9 4 , avait péri sur l ’é c lu faud comme émigré français.
.
M a is , dit-on, si dans l ’affaire du princo’ d ’I I e n a in , l ’arrêt de la
�•'(5)
Cou r royale est motivé sur ces circonstances, l ’arrêt de rejet de
la section des re q u ê te s, du 27 avril 181 g , puise tous ses motifs
dans les termes de la loi de 17 9 0 , qui sont interprétés conformé
ment au sens que nous leur donnons.
’
L 'arrêt est effectivement motivé d’abord en droit, et en outre
sur les circonstances; mais nous savons tous que ce ne sont pas
les motifs d’un arrêt de la C our de cassation qui peuvent faire ju
risprudence, lorsque surtout il existe ' d ’aulres motifs qui avaient
seuls déterminé la décision de la cause en C our royale , et que le
pourvoi est rejeté; et enfin, à cet arrêt de la section des requêtes,
nous opposerions les deux arrêts M a c-M ah on, rendus après de
.longues discussions et un mûr examen.
-
Nous ferons la même réponse à la citation de l ’arrêt N orlin gh en ,
de la C o u r royale de P a ris, en date du i g juin 1800. Nous n ’a
vons pas cc t arrêt sous les y e u x , mais l ’auteur de la consultation
nous apprend lui-même q u ’il est motivé sur plusieurs circons
tan ces, et particulièrement sur celle-ci, que le sieur N orlinghen
avait fait partie de la garde nationale et^qu’il avait reçu la croix
d honneur, ce qui suppose encore un serment.
M M . O nslow frères trouveront d ’aulres arrêts de mêm e na
t u r e ; nous cilerons'fentre autres celui de la C our royale d ’A m ien s,
du 12 février 182^, mais il est encore motivé sur des circons
tances spéciales et sur un serment prêté par l ’étranger d ’origine.
O n voit donc que le législateur de 1790 n’avait pas eu la sin
gulière idée de prodiguer ainsi la qualité de Français à des étran
gers qui ne la réclamaient pas, qui ne voulaient pas prendre
d engagement envers l’état qui leur proposait de les adopter, et
qui enfin devaient conserver la liberté de continuer d ’appartenir à
leur pays d origine; et que la jurisprudence n ’a reconnu ' cette
qualité q u ’aux étrangers qui avaient manifesté leur volonté par
des actes réitérés, considérés comme l ’équivalent du serinent c i
vique. Aussi l ’auteur de la consultation a-t-il cru devoir faire une
6
�Oj 6 )
seconde distinction, qui consiste à signaler une très-grande diffé
rence entre les conditions exigées pour être F ran çais, quant aux
droits, et celles qui sont prescrites lorsqu’il ne s’agit que des
charges.
11 y a là , ce nous se m b le , une singulière confusion d’id é es:
sans doute il existe une différence dans notre législation, entre
.être admis à l ’exercice des droits de citoyen , être naturalisé ou
avoir la jouissance des droits civils seulem ent; mais l ’une ou l ’au,tre de ces qualités, sont indivisib les, en ce sens que lorsqu’on
rem p lit les conditions exigées pour acquérir l ’une ou l ’a u tre ,
conditions qui sont distinctes aujourd’h u i , on a la jouissance de
ses avantages comme on contracte les obligations q u ’elle impose.
Si donc on disait: M . Edouard O n slow a joui des avantages atta
chés à la qualité de F ran çais, il en a par suite contracté les obli
gations , nous comprendrions ce systèm e; mais on ne saurait lui
dire assurément : Vous étiez Français quant aux obligations, vous
ne l ’étiez pas quant aux droits. N ou s pouvons citer un a rrê t, qui
prouvera que les Cours royales ne se déterminent pas plus facile
m ent à reconnaître la qualité de Fran çais, lorsqu’ il s’agit des
ch arges, que lorsqu’il s’agit des droits, et qui servira en mêm e
temps à justifier de plus en plus l ’interprétation que nous don
nons h la loi de 1 790 , et qui nous paraît résulter de son texte.
E u rie Forster, fils de Jean Forster, né Suisse, réclamait contre
un arrêté du préfet du G a r d , qui l ’avait porté sur la liste des
jeunes gons atteints par la conscription ; il prétendait q u ’etant m i
neur, il ne pouvait avoir d ’autre patrie que celle de son p è r e , qui
n ’avait pas cessé d ’être Suisse. L ’arrêt fait connaître les circons
tances sur lesquelles on s’etait fondé p ou r déclarer que son père
¿tait devenu Français,
« Attendu que sous l’empire de la loi du a niai 1790, et de la
jconslituion de 17Q 1 » un étranger ne pouvait devenir Français que
tous des conditions, dont l ’une était de p rêter le serm ent civiq u e,
�( 7 )
porté par l'article 5 du litre 2 de cette constitution, et que rien
n ’établit amprorès que Forster père ait prêté ce serment;
» A tten d u q u e , sous les constitutions de l'an 5 et de l’an 8, il
fallait, pour acquérir cette qu alité, entre autres conditions, que
l ’étranger eût déclaré l ’intention de se fixer en F ran ce; qu ’on
veut en vain suppléer c e lle déclaration par ces trois, circonstances,
que Forster s’est marié en F r a n c e , q u ’il a servi dans les vé té ra n s,
et a été garde champêtre de sa commune, desquelles on fait résul
ter l ’intention de se fixer en F ran ce ; que les lo is , en prescrivant la
déclaration de celte intention, n ’ont indiqué nulle part q u ’elle peut
être induite de présomption; que des présomptions, quelle q u ’en
soit la vraisem blance, ne
sément voulue par la lo i,
conférer à un étranger la
somptions qu ’on invoque
peuvent suppléer une condition expres
surtout dans une matière où il s’agit de
qualilé de Français; q u ’enfin les pré
ne sont pas absolument exclusives de
l ’intention de conserver la qualité originaire de Suisse;
» Attendu que sous 1 empire du C ode c i v i l , e tc..... .. déclare que
Forster père est Suisse, et que par conséquent son fils ne peut être
soumis au service militaire. »
C ou r royale de N îm e s, 22 décembre i 8 j 5 ( S. 26— 2 — 209).
O n voit que ce t arrêt va bien plus loin que ceux qui ont été pré
cédemm ent c it é s , puisqu’il porte en termes formels que le serment
c iv iq u e , exigé par la loi du 2 mai 179 0 , comme par la constitu
tion de 1 7 9 1 , ne peut être suppléé par aucune circonstance, pas
m êm e par l’acceptation de fonctions, dont l ’exercice est précédé
de la prestation d'un serment de fidélité.
N o u s n avancions donc rien de trop, en disant que tout ce quo
M M . Au guste et M aurice O nslow auraient pu raisonn ab lem en t
soutenir, était de dire que le serm ent c iv iq u e , remplacé plus tard
par une déclaration, pouvait être suppléé par les actes de la vie
d ’un étranger, desquels on pouvait faire résulter, d ’une manière
précise, l'intention de devenir Français, et par l'acceptation de
�( 8)
fonctions p u b liq u e s, dont l'exercice était précédé d’un se rm e n t:
en se bornant à adopter ce systèm e, ils auraient pu citer l ’arrêt
r e la tif au prince d’IIé n a in , déclaré Français à raison des circons
tances graves dont nous avons parlé; en le comparant à l ’arrêt
M a c -M a h o n , qui avait aussi habité la F ran ce pendant plus de
cin q ans, et qui avait épousé une Française, et à qui cependant
cette qualité n ’avait pas été re c o n n u e , parce que les actes de la vie
ne prouvaient pas q u ’il eût e u , comme le prince d ’IIén ain , la vo
lonté de devenir Français.
L ’arrêt que nous venons de c i t e r , prouve que cette jnrisprndence était loin d ’être constante ; mais
supposons q u ’elle soit
certaine, et voyons quelles sont les circonstances de la vie de
M . Edouard O n s lo w , dont subsidiairement
on voudrait
faire
résulter une manifestation de l'intention de cesser d ’appartenir à
son pays d ’origine, pour devenir Français.
O n p a r le , dans la consultation du 27 ja n v ie r, de certains souve
nirs desquels il résulterait que M . Edouard O n slo w aurait rempli
à une époque des fonctions publiques ; ces souvenirs sont inexacts.
G est une erreur matérielle q u ’il suffira sans doute de signaler
à M M . O n slo w frères, pour q u ’ils s’empressent d ’en convenir.
M . Edouard O n slow avait au contraire le plus grand intérêt à
ne rien faire qui p ût l ’éloigner sans retour de son pays d ’o r ig in e ,
puisqu’il ne fallait pas des circonstances fort extraordinaires pour
q u ’il y fût appelé à de hautes dignités.
O n pense que les termes du contrat d e mariage de M . Edouard
O n slow prouvent que ce n ’est pas comme étranger q u ’il s’est
marié , car il n ’y prend pas la qualité d ’Anglais ; elle nous paraît
au contraire résulter très-clairement de ces termes : F urent présens
très-honorable Georges lord O n slow , pair du royaume d 'A n g le
terre, et sous son autorité r n ila d y .... et sous l ’autorité de l'un et
d e l'a u tr e , lhonora ble M . E douard O n slow , leur f i ls m ineur,
dem eurant actuellem ent à Clerm onU
-,
�(g)
m
L e s titres de très-h o n o ra lle , d'honorable ne sc donnent q u ’en
A n gle te rre et aux A n g la is , et un fils mineur n’a pas d’autre pays
ni d ’autre domicile que celu i de son père ; et comment M . Edouard
Onslow aurait-il pu se considérer comme Français lors de son
m a ria g e , célébré en 1785? L a loi q u ’on in v o q u e , celle de 1790,
n ’avait pas encore paru ; nos anciennes ordonnances étaient loin,
d ’accorder aussi facilement la qualité de Français , et M . Edouard
Onslow, qui était en F r a n c e depuis fort peu temps, n ’avait aucune
des conditions requises pour demander à être naturalisé, et n’avait
fait aucune démarche à ce sujet.
I l n ’y avait non plus rien d ’e x clu sif de l’intention de rester
A n glais dans la clause du contrat de mariage , qui portail q u ’il
serait fait emploi de la dot de la future, en acquisition d ’im m eu
bles situés en F ran ce . C om bien existe-t-il de Français qui possè
dent de leu r c h e f ou de celui de leur fe m m e , des immeubles
situés en pays étranger, qui y habitent et qui ne cessent pas
cependant d ’être Français ; cette stipulation ne pouvait pas avoir
plus d effet que l’acquisition elle-même. N ous avons vu que, mêm e
sous l ’empire de la loi de 1790, elle ne conférait pas la qualité de
Français, sans prestation de serinent, e lb ie n certainement, au moins
en 17 8 3 , il ne pouvait pas s’élever la plus petite difficulté à cet
égard. L a fille française de famille noble q u ’épousait M . Edouard
O n s lo w , savait donc très-bien q u ’elle liait son sort à celui d ’un
A n gla is, qui ne pourrait devenir Français que sur la demande et
par des lettres du R oi enregistrées au parlement.
L a durée de la résidence en F ran ce ne pourrait pas davantage
être considérée comme un fait duquel on ferait résulter l ’intention
de devenir Français, puisque dans un but et par suite de circons
tances q u e lc o n q u e s , on peut habiter un pays étranger depuis son
enfance ju squ’à son décès, sans cesser pour cela d ’appartenir d ’in
tention et de fait à son pays d’origine. — L e s enfans »le M . Edouard
O n slow s étant fixés en F r a n c e , il est naturel q u ’il soit reste' au
�( xo )
milieu de sa fam ille; il y était d ’ailleurs force par l ’c'tal de santé de
M me O n slo w , qui était telle q u ’un changem pnt de clim at et d'ha
bitudes
eût pu être dangereux. C ’était sur le territoire de la
F r a n c e que se trouvaient les objets de ses affections, mais p e r
sonnellem ent il n’en appartenait pas moins par sa volonté à son
pays d ’origin e, et jamais à c e t égard ses intentions n’ont varié.
O n dit q u ’on ignore quelle était sa position à l ’égard de son
souverain d ’origine. M M . A u guste et M aurice O n slo w doivent
le savoir tout aussi-bien que M . Georges ; celte position était celle
de tous les autres sujets du roi d ’A n gleterre , qui par g o û t, pour
affaires de com m erce ou par suite de leurs relations de famille ,
h ab iten t, pendant un certain tem ps, un pays étranger, sans cesser
p our cela d ’être soumis aux lois de leur pays ou à leur souverain
légitime.
Disons mêm e q u ’il est peu d ’Anglais qui aient protesté aussi
hautement qu e M . Edouard O n slow contre l’intention supposée
de devenir F ra n ça is, et qui aient pris les mêmes précautions que
l u i , pour qu ’on ne pût pas lui attribuer ce d é s i r , parce q u ’il en est
fort peu aussi q u i, par leur position, eussent un aussi grand intérêt
à conserver la qualité d ’Anglais.
E n effet, M . Edouard O n slow voyant, en l ’année 1 7 9 8 , que sa
résidence en F rance se prolongerait e n c o r e , et informé des dis
positions d ’un acte du parlement rela tif aux Anglais qui habitaient
en F r a n c e , sollicita de son souverain le roi d ’A n g le te r r e , l ’auto
risation d ’y résider. C e lte autorisation a été ob ten ue; elle est entre
nos mains. E n voici la traduction littérale :
« G
eorgf.s
R ., considérant que l ’honorable Edouard Onslotv
» sollicite hum blem ent notre royale permission de résider en
» F ran ce ;
» E n vertu des pouvoirs dont nous avons été investis par tin
» acte passé dans la dernière session du p arlem ent, intitulé : A c t e
» destiné à em pêcher p lu s efficacem ent, pendant la g u e rr e , tout
�v( 11 )
h in d iv id u , su jet de Sa M a je sté , Je j e transporter volontairement
» 0« Je résider en F ra n ce , ou dans tout autre pays ou lieu alité
V de la France y ou occupé par les armées fra n ça ise s, et à prévenir
» toute correspondance avec les susdits in dividu s, et avec les en~
» nemis de S a M a jesté;
j> Nous autorisons, par ces présentes, le susdit honorable Edouard
:n O nslow à résider en F r a n c e , comme il l’a demandé.
» D onné à notre palais de St-James, le 12 octobre 1 79 8 , dans
,» la 58 e année de notre règne.
» Par l ’ordre de Sa M ajesté : Signé P o r t l a n d . »
A i n s i , voilà M . Edouard O n slow qui s’adresse au roi d’A n g le
t e rr e , com m e à son souverain lé g itim e , et qui sollicite de lui la
permission de résider hors du royaume, pour q u e , de celte rési
d e n c e , on ne puisse induire aucune espèce d ’intention de renon*cer à son pays d ’origine.
O n se le dem ande, peut-on d ir e , d ’après la lecture d ’une telle
p iè c e , que ce lle résidence prouve l’intention de devenir Français,
lorsquelle n’a eu lieu que de l ’agrément du souverain légitime , et
après un acte de soumission envers lui l
M M . Onslow frères devraient, pour soutenir leur système, prou
v e r de la manière la plus évidente que M . Edouard O n slo w a
eu la volonté de devenir F ran çais; et M . Georges O n slo w prouve,
au c o n tra ir e , que son père a protesté de la manière la plus for
m elle contre cette intention q u ’on voudrait lui supposer. M a i s ,
dit-o n, M . Edouard O nslow s’était entièrement séparé de son pays
n a t a l, puisque l ’un des derniers actes de sa vie a été de vendre
1 immeuble q u ’il possédait en A n gleterre.
U n pareil fait est assurément loin de prouver la volonté de ces
ser d appartenir à son pays d ’o rig in e; car il peut avoir été déter
miné par mille autres m o tifs, et il s’explique très-naturellement
dans la position de M . Edouard Onslow .
-Il arrive, en effet, une époque où un père de famille n ’admi
�( 12 )
nistre plus en réalité sa fortune dans les convenances personnelles,
mais uniquem ent dans l ’intérêt des familles nouvelles qui s’élèvent
autour de lui.
11 ctait devenu évident p o u r M . Edouard O n s lo w , que tous ses
enfans, et particulièrement son fils aîné, avaient l ’intention de res
ter en F ran ce. Il 1 était encore p lu s , que M . Georges O n slow ne
pourrait pas payer 180,000 fr. à chacun de ses frères , et conserver
à la fois les immeubles situés en France et en A n gle te rre , et q u ’il
y aurait nécessité un jour de vendre les uns ou les a u tre s; m ais,
d'après l ’établissement de M . G eorges en F r a n c e , c ’était désor
mais des immeubles situés dans ce royaum e , que M . Edouard
O n slo w devait désirer d ’assurer la possession à son fils aîné; c ’était
aussi, suivant toutes probabilités, ces mêmes immeubles que
M . Georges désirerait conserver. M ais une vente à faire en A n
gle terre , après l’ouverture de sa succession, le temps nécessaire
pour réaliser les capitaux en F r a n c e , retarderaient beaucoup la
délivrance de la légitime des puînés, et pourraient donner lieu à
des difficultés. Il jy avait donc avantage, particulièrement pour
M M . M aurice et A uguste O n s lo w , à ce que le prix de la terre de
Lillingston fût réalisé le plus promptement possible. O n trouve
r a it , au besoin, dans l ’acte de partage de 1828, la preuve évi
dente que ces pensées réunies ont seules déterminé M . Edouard
O n slow à vendre la terre de L illingston. E n réalité, il n ’en avait
pas le d ro it; mais il pensait, sans do ute, que toutes scs volontés
seraient respectées; et dans tous les c a s , com m ent a u ra it-il pu
prévoir q u ’il s’élèverait des discussions sérieuses sur la question
de savoir si le propriétaire de la chose était le propriétaire du
prix qui lui était substitué ?
-
O n voit donc que si M . Edouard O n slo w a vendu en 182/*, l'im
m euble dont il jouissait en A n g l e t e r r e , on ne saurait en tirer la con
séquence q u ’il se regardait comme ayant cessé personnellement d ’apparlenir h. son pays d’o rig in e, puisqu’il agissait, non dans ses con-
�.
( ' 13 }
venanccs privées, mais uniquem ent dans l ’intérêt de s is enfans,
efrpour faciliter l ’exécution de ses dispositions à leur égard, dans
un avenir qui déjà lui paraissait prochain.
■
i T e l s sont les.seuls faits de la vie de M. Edouard Onslow qu on
a pu invoquer , pour en induire sa participation à une naturalisalio'n q u ’on sentait Lien ne pas pouvoir lui imposer sans son con
cours. Nous le demandons, de pareilles circonstances ont-elles le
moindre rapport, la moindre analogie avec celle des arrêts qui ont
été cités , et particulièrement celui relatif au prince d ’IIénain , qui
non-seulement résidait en F rance depuis sa plus tendre e n fa n c e ,
^mais qui faisait partie de la maison militaire du R o i,,c o m m e cap i
t a i n e des gardes de M o n sieu r, qui avait prêté serment en ce lle
qualité, et qu i, dans la révolution, avait émigré comme Français,
et avait été traité comme tel.
;
C ’était assurément à M M . O nslow frères h démontrer que
M . Edouard Onslow était devenu Français par le concours de
1 assentiment de l ’autorité française, et de sa propre volonté; au
trement la présomption de droit est assurément q u ’il n’a pas cessé
d appartenir à-son pays d origine. L a force de cette présomption
est telle qu elle aurait dispensé M . G eorges O n slo w de toutes
autres preuves. E t cependant il a fait ce q u ’on n ’aurait pas pu
exiger dç lu i ; il a démontré par les faits les plus concluans que
son père n’avait pas cessé d ’appartenir à l ’A n gleterre. C e r te s , il
n ’était pas traité par la F ran ce comme Français, celui qui avait
été banni de notre territoire, et qui ne pouvait être e xp u lsé , par
m esure de police et sans ju gem ent, q u ’à raison de la qualité d’étran
ger ; c e r t e s , il n ’avait pas l’intention de devenir F r a n ça is,ce lu i q u i,
pour évjler toutes les inductions q u ’on pouvait tirer de sa résidence
en I1rance, demandait et obtenait de son souverain le roi d’A n g le
terre l ’autorisation d ’y résider, et dont ensuite la vie entière a été
conséquente avec cette manifestation d’intention, puisqu’au milieu
de nos agitations politiques, il a vu passer les différons gouyerne£
�( «4 ï
mens qui se sont succédés, vivant toujours en simple particulier et
comme étranger, sans exercer aucune fonction, sans jamais expri
m er ou laisser seulement entrevoir l ’intention de devenir Français,
p
T o u s ces faits sont aussi-bien connus de M M . M a u rice et A u
guste, que de M . Georges Onslow.
11 paraît donc certain aux soussignés que M . Edouard O nslow
n ’a pas cessé d ’appartenir à son pays d ’origine.
M ais cette première question est loin d ’être la plus importante
du procès soulevé par M M . M aurice et A u guste O n s lo w ; c a r ,
quelle que soit sa solution, elle ne peut avoir d ’influence que sur
•la succession mobilière qui est relativem ent peu co n sid é rab le ,
p uisque, sur une fortune de i , i 55 ,ooo fr., la terre de L illin g sto n ,
donnée à M . Georges O n slo w par son contrat de m ariage, figure
p ou r 84 o,ooo f r ., et les immeubles situés en France pour 200,000 f?.
511.
D a n s tous les c a s , c'e st d'après la lo i anglaise que doit être
appréciée la donation d e la terre^ de L illingston.
Lég isla tion anglaise sur les su cc e ssio n s, partages et droit de
primo géniture ;
L ég isla tion anglaise sur l'étendue du droit de disposer, accordé au
; père de fa m ille ;
C ap acité de M . E dou a rd Onslow pour disposer de la terre de
L illin g s to n ;
Capacité de M . Georges Onslow pour la recevoir ;
T e x t e des statuts anglais qui s ’appliquent à cette question.
Examinons à présent la seconde question sur laquelle on a pré
tendu que H . Georges O n slow avait tout à p ro u v e r , q u ’il ne prou
vait rien ; tandis que scs frèresr qui ne sont tenus, dit-on, à aucu ne
p re u v e , établissent tout contre lut. .
�!% )
( ,5)
C e ll e assertion, nous ne craignons pas de le dire, nous paraît
au moins hasardée ; car d ’abord, nous ne savons pas pourquoi, dans
celte circonstance sp éciale, et contre toutes les règles ordinaires,
‘c e serait au défendeur à faire, pour scs frères , et pour l ’instruction
de la cause qu ’ils portent devant les tribunaux, un cours de légis
lation anglaise; et en second lie u , il est assez extraordinaire qu’on
dise avoir tout p ro u vé, en citant deux passages de Blackstone, dont
l ’un tend à justifier ce que M . Georges O n slow avance , et l'autre
n ’a aucune application à la question qui nous o c c u p e , comme il
sera facile de le démontrer.
M . Georges O nslow se présente tenant en main son contrat
de m ariage, le testament de son père, l ’acte de partage du 11
avril 1828.
r
1
L a présomption est toujours en faveur de la validité de l ’acte;
on demande que l’acte de partage soit déclaré nu l. Il lui serait fa
cile de démontrer qu il réduit considérablement les avantages qui
fui avaient ele assurés,- et ses frères n’ont pas oublié, sans doute j
qu il n avait ete fait qu e pour assurer et déterminer leur amende
m ent dans la succession paternelle, et q u ’ils en exprimèrent une
grande satisfaction. Cependant on insiste pour que cet acte de
partage soit déclaré n u l; M . Georges O nslow ne s’y ^oppose pas.
O n établit que les avantages faits sur les biens de F r a n c e , excè
dent la*quolilé disponible; il ne résiste pas. M a is , en procédant à
un nouveau partage, il soutient que son père lui ayant donné la
terre de L illingston, par son contrat de mariage , ce lle terre ou son
prix lui appartient, parce q u e 'l a loi anglaise, à l ’empire de la
quelle 1 immeuble était soumis, ne restreint en aucune manière le
droit du pèii 3 de famille de disposer de sa fortune; il soutient q u ’à
ce t é g ard , il n ’a d’autre obligation à remplir que d ’e x é c u le r les
dispositions faites par le père de famille sur cette t e r r e , et qui n’ex
céderaient pas la réserve stipulée au même contrat de mariage.
Q r , ces dispositions se bornent à la somme de 120,000 f r . , pour la>
�(i6)
quelle M . G eorges O n slow s'est personnellement obligé par le
contrat de mariage de son frère’ A u g u s t e , puisque le refus d ’exé
cu ter les intentions paternelles, fait disparaître les Go,ooo fr. q u ’il
aurait eu à p a y e r, en outre, à chacun de ses frères; c ’est ce que
porte en termes formels le testament du
décembre 1 8 1 1 .
M . Georges O n slo w , de son cô té , pourrait donc aussi d ire,
vous ne produisez aucun texte de lois a nglaises,'qui établisse que
ce que mon père a fait, il ne pouvait pas le faire sur les biens si
tués en A n g le te rre ; vous ne citez q u ’un passage de Blackslone,
Je vais vous prouver q u ’il n ’a aucune application à la question qui
nous oc cu p e ; j ’attendrai ensuite, pour me défendre, que vous m ’ayez
montré vos arm es; et sur ce point, se dispenser de toute autre
r e c h e r c h e , de toute discussion; mais entre frères, ce n ’est pas
ainsi qu'on doit a g ir, ce n ’est pas ainsi q u ’on s’éclaire réciproque
m en t, et M . Georges O n slo w s’estimera heureux s’il p eu t, en pro
duisant les textes des lois anglaises et des autorités irrécu sables,
éclairer ses frères sur l ’étendue de leurs droits et sur leurs véri
tables intérêts.
N ous en sommes arrivés à ce point q u ’aujourd’hui on ne paraît
plus contester bien
sérieusem ent au moins que M . Edouard
O nslow, fùt-il décédé Fran çais, comme on le soutient, la question
de savoir s’il y a lieu à réduction sur la donation de la terre de
L illin sg lo n ne doive être appréciée d ’après les principes de la
législation anglaise.
I l est certain, en effet, que par son contrat de mariage du 18
ju illet 180S, M . G eorges Onslow a été saisi de la nue-propriclé de
cette te r r e ; que son droit date de celte époque ; que la validité
de la donation, la question de savoir s’il existait une incapacité
dans la personne du donateur ou du donataire , et si la disposition
devait être
exécutée en tout
ou en p a r t ie , n ’on t jamais pu
être placés en présence que de la législation seule à la puissance
de laquelle l’inuncuble est soumis.
.
�m
( *7 )
Il n ’est pas moins prouvé que la vente faite en i 82'4., au colonel
D e l a p , par M . Edouard O n s lo w , ne change .rien à l ’état de la
question, car c ’est par le droit de M . Georges OnsloNv sur l'im
meuble q u e ’doit être apprécié son droit sur le prix.
O n se demande, en eiTet, quelle foi on pourrait avoir dans les engageinens les plus solennels, si les donations faites par un contrat de
m ariage, et qui sont conformes à la loi de l’époque et du pays qui
devaient les régir, si de telles donations pouvaient devenir v a in e s e t
cesser de produire leur effet, par le fait du donateur seul, sans le con
cours de l’époux donataire? C e n’est pas ainsi q u ’il est permis de violer
le pacte de l ’alliance de deux familles, le traité sur lequel les par
ties contractantes ou la sollicitude de leurs parens ont dù compter
pour assurer les moyens d ’existence d ’une famille nouvelle , ou
pour fixer le rang q u ’elle occupera dans le monde. L a loi n ’a im
posé et n’a pu imposer à la prudence des parties contractantes,
que l’obligation de s’assurer que les engagemens pris à leur égard
n ’ont rien de contraire aux lois en vigueur dans le p ays, qui les
régissent à l’époque où elles sont faites. Si elles ont satisfait à cette .
obligation , elle leur donne l’assurance que leur contrat est devenu
une loi co m m u n e, et q u ’aucune des parties 11e peut y
déroger.
A u s s i , dans la première consultation délibérée à R iom , dans l ’in
térêt de M M . O nslow frère s, le 16 février i 83 o, en soutenant
que, malgré la donation faite par le contrat de mariage, la vente
de cette propriété soumettait le partage du prix à l ’empire de la
législation française, s’appuyait-on surtout sur celte circonstance
que Al. G eorges O nslow avait concouru à celte v e n te , comme
mandataire de son père.
C e fait n ’aurait pas eu assurément l ’importance q u ’on aurait
voulu lui attribuer, car rien n ’aurait pu em pêcher le nu proprié
taire et l’usufruitier de s’entendre pour réaliser le prix de l’im
meuble auquel ils avaient des droits co m m u n s, mais différens. lis
auraient conservé l’un et l’autre sur le prix les droits qu ’ils avaient
�( >8 )
sur l'im m euble. M . Georges O n slow serait devenu propriétaire d’un
capital au lieu de 1 cire d ’un im m euble , et M . Edouard, son p ère,
aurait perçu l ’intérêt de ce capital au lieu de recevoir les fruits de
l'im m e u b le ; c t s ’il s’élevait la question de savoir si ce prix apparte
nait en réalité à M . G e o r g e s , il fallait nécessairement remonter à
la donation de l'im m euble, et voir si elle était va la b le , d ’après le
statut réel sous l ’empire duquel elle avait été faite.
;
•Ce fait de mandat donné et exécuté auquel on attachait tant
d ’im portance, serait dont indifférent] mais dans tous les cas il est
in e x a c t; on peut représenter l ’acte de vente fait par M . Edouard
O n s lo w , et on y verra que M . Georges O n slow n ’y a pris aucune
p art; de telle sorte que si son père avait capacité pour transmettre ,
s’il avait capacité pour recevoir la terre de L illingslon , on ne pour
rait plus invoquer aujourd’hui le principal moyen sur lequel on
croyait pouvoir s’appuyer pour lui contester le droit d ’en réclam er le prix.
Il faut donc examiner les deux questions de législation anglaise
qui sont traitées un peu rapidement dans la consultation du 27
janvier 1800, et qui n ’y sont évidemment résolues dans un sens fa~
vorable à M M . O n slo w frères, que parce que l ’a u teu r, pénétré
des principes de notre législation, manquait des élémens néces
saires pour apprécier combien la législation anglaise en diffère,*
surtout relativem ent aux successions et à l ’étendue du droit do
disposer.
>
O n se demande , i°. si M . Edouard O n slo w aurait p u , d ’après les
lois anglaises,donner la terre de L illingslon à son fils aîné, sans en
assurer une partie à ses autres enfans, au moins à titre de légitim e;
2°. Si M . Georges Onslow , qui est toujours resté étranger à l ’A n
gleterre, qui est catholique, était capable de la recevoir.
Pour soutenir la négative sur la première question, on s’est borné
à citer deux passages de Iïlackslone.
L ’ un des deux nous dit que les terres de rolure q u i, dans lo
�( »9 )
'-principe, descendaient fréquemm ent à tous les fils légitimes, sont
presque toutes tombées dans le droit de primogéniture , excepté
dans le comté de K e n t , où on se glorifie de la conservation de la
tenure en gravelkind, dont l ’objet principal est de réunir tous les
frères dans l’héritage , et q u ’il n ’y a d ’exception que dans quelques
manoirs particuliers où la coutum e locale appelle quelquefois le
plus jeune.
L e passage que nous venons d ’analyser a été cité pour dém on
trer q u ’en consultant Blackstone , la prétention de M . O n slo w ne
pouvait s’appuyer que sur un texte assez va g u e ; mais il faut au
moins convenir q u ’il en résulte q u ’à l ’époque où écrivait B lac k s
t o n e , le droit de primogéniture était la règle générale, et que le
partage par égalité était une exception déjà fort restreinte, car il
la borne à un comté qui n ’est pas celu i où est située la terre de
Lillinsglon.
C e tte citation, comme on Ip fait observer , ne s’applique q u ’à la
transmission à titre su cce ssif; mais on reconnaîtra sans doute aussi
q u ’une législation qui attribuerait à l’aîné la succession de ses
père et m ère, et qui ne leur permettait pas d ’en disposer pendant
leu r vie en faveur de ce m êm e aîné, serait bien inconséquente
avec elle-même.
A i n s i , ce prem ier passage est favorable à M . Georges O nslow ;
mais on en cite un autre qui paraît contraire à notre système.
V oyons donc ce que dit Blackstone dans le second passage extrait
du chapitre i g . D ’après cet a u te u r , un père de famille ne peut
vendre que le quart des biens q u ’il a reçus de ses a n cê tres, et les
autres trois quarts doivent être assurés à ses enfans : il en résulte
d u n e manière trè s-cla ire , à ce q u ’on p ré te n d , que la loi anglaise
qui 11 a pas méconnu les droits de la nature, a voulu assurer une
légitim e aux enfans.
Disons d ’abord q u ’un Français qui voudrait connaître la législa
tion anglaise actuelle en étudiant Blackstone , s’exposerait à autant
�( 20)
d ’erreurs q u ’un Anglais q u i , ayant besoin de s’instruire de notre
législation, prendrait pour guide l’un des auteurs qui ont écrit sur
•nos vieilles coutumes. L e s Anglais ont beaucoup perdu du respect
religieux q u ’ ils avaient pour leurs vieilles lois et leurs anciens
usages , et les changemens les plus imporlans ont été faits à leur
législation civile. L es
soussignés ont sous les y eu x un ouvrage
moderne sur la législation anglaise (C a b in e t L a w y e r ) , et on lit
dans la p réfa ce, datée du 20 septembre 1826, que le dernier par
lem ent seul a modifié, abrogé ou confirmé plus de mille statuts.
N ous citerons plus lard des passages de l'ouvrage dont nous
venons de p arler, qui prouveront de la manière la plus évidente
que ce lle restriction du droit de vendre, imposée au père de fa m ille ,
a cessé d ’exister ( V o i r le passage extrait du C abinet L a w y e r ,
page 206, cité plus b a s , page 5 5 ) ; et on conçoit en effet quelle
serait incompatible avec l ’état de notre société moderne et la né
cessité sentie par les législateurs de.toutes les nations, de faciliter
la libre circulation des immeubles.
. *
N ou s supposons pour un moment que cetle disposition existe
e n c o r e ; quelle conséquence pourrait-on en lirer? C e passage prou
verait que la législation anglaise, plus occupée q u ’on ne le pense
généralement en F r a n c e , de conserver une aristocralie prépondé
rante par sa fortune territoriale, qui pût servir de contrepoids aux
principes démocratiques de scs institutions, vo ulait, autant que
possible, conserver les
fortunes héréditaires dans les familles.
M ais défendre à un père de famille de vendre plus du quart
de scs biens héréditaires, ou lui prescrire
de conserver l éga
lité entre ses enfans, sont deux chose* fort distinctes et qui p re n
n e n t leu r source dans des principes différons, pour ne pas dire
opposés ; et pour p uiser, en commençant à la mêm e source que
l ’auteur de la consultation, on n ’a q u ’à comparer ce dernier pas
sage de Blackstone avec celui q u ’il avait précédem m ent c ité , et
011 verra que cette loi anglaise, qui prescrivait au père de famille de
�conserver les trois quarts au moins de ses im m eubles; ne le faisait
nullem ent dans l'in lc ié t de tous les enfans, mais dans lin but po
litiq u e , puisque ces immeubles tom baient, presque dans toute
l ’A n g l e t e r r e , dans le droit de priinogénilure. 11 paraît, au contraire,
que celte disposition q u ’on invoque comme favorable aux puînés,
était dirigée contre e ux; car, comme nous allons le démontrer bien
tôt, les meubles sont les seuls biens auxquels ils sont admis à
prendre part; et en restreignant le droit de vendre les im m eubles,
on enlevait ainsi au père de famille la possibilité de réduire ’ a
portion de sa fortune, qui était attribuée de droit à l ’aîné, au profit
de celle qui devait se partager par égalité.
Ainsi donc ce lle prohibition dont parle Blackslone , n’existe
p lu s ; il n ’en est effectivement fait aucune mention dans l ’ouvrage
que nous avons c it é , au chapitre des Contrats de vente d ’immeu
b le s, pag. 2 0 6 ; ouvrage q u i, d ’après son titre ( Cabinet L a w y e r
or popular d i g e s t ) , et d ’après ce qui est annoncé dans la préface,
est une espèce de manuel du ju risconsulte, qui ne relate par'con
séquent que les dispositions encore en vigueur, sans s’occuper en
g é n é ra l, mêm e sous le rapport h istorique, de celles qui sont
abrogées ; et si elle existait e n c o r e , il est démontré q u ’on ne pour
rait en tirer aucune conséquence pour la cause qui nous occupe.
V o ilà donc tout ce q u ’ont pu citer M M . O nslow frères, qui
disent avoir tout prouvé : tâchons de faire p lu s , et pour rendre la
démonstration plus co m p lète, voyons d ’abord quelles sont les dis
positions des lois anglaises sur la transmission des biens à titre
su c ce ssif; nous serons ensuite plus facilem ent conduits à com
prendre l'étendue du droit de disposer q u ’elles accordent au père
de famille. Ces deux parties de la discussion s’éclairciront l ’une
par l ’autre.
V o ici ce que nous traduisons, chap. 5 , pag. 2 i 5 , de l'ouvrage
cité ; « L o r s q u ’un homme m eurt sans avoir fait son testament, ou
* 6ans l’avoir fait dans les formes lé g a le s , on l'appelle intestat ;
8
�» il est important de rech erch er co m m en t, dans ce cas , la loi disy posé tle ses b ie n s, e t, en prem ier lie u , de ses im meubles (real
»' ostàtc) : le fils aîné hérite , comme héritier par la force de la loi
» (as h e i r at law) , des propriétés foncières. S i ‘le fils aîné n ’existe
» p lu s , c ’est son fils aîné qui hérite des im m eu bles, ou , à son dé»■'faul, le fils de c e lu i- c i; si le fils aîné!est décédé sans postérité,
» alors les terres appartiennent au second fils ou au troisième, et
» ainsi successivem en t, par ordre de naissance, ou au fils q u ’ils
» auraient laissé.
f
» Si le défunt ne laisse pas de fils:ou de desfcendans d ’e u x .... »
E t plus bas, pag. ai/* :
! :
7
« D u partage, des propriétés mobilières (personal cslale).
» L e partage des propriétés mobilières d ’un homme inort'/zi» te s tâ t, est réglé par les statuts 22 et 25 , cas 2 , appelé statut de
» distribution, qui dispose que le surplus des effets mobiliers d’un
« in te s ta t, après avoir payé les dettes et les dépenses funéraires,
» sera, après l ’expiration d ’une année,’ distribué par les adminis» trgteurs ; dans les proportions suivantes :
» Si le défunt laisse une veuve et des enfans, un tiers est attiij> hué à la v e u v e , et le surplus partagé1également entre tous les
>> enfans ou leurs descendans , si quelques-uns des enfans n’exis» t c n t p lu s .S i le défunt ne laisse pas d ’enfans ou descendans d ’eux,
» moitié à la v e u v e , etc..!.
» Si un e n fa n ta déjà reçu sa part, ou s’il y a été autrement pourvu
» pendant la vie du p è r e , de telle manière que ce q u ’il a reçu égale sa
>> portion héréditaire, il ne prendra pas part au partage; s’il n’a reçu
il q u ’une portion de ce qui devait lui re v e n ir, son lot sex-a com» p ie t é ; mais l ’héritier que fait la loi ( h e ir at la w ) prendra sa
»■ part entière dans la distribution ( d e s propriétés m o b iliè r e s ) ,
» quelle que soit la valeur des immeubles qu ’il reçoit par droit
» successif; mais s’il a reçu un avancem ent en argent ïnm o'ncy
» il y a lieu à réduction , comme pour tout autre enfant. »
�( 20 )
V oici qui est trcs-clair et très-précis. O n voit q u e, bien différente
de la n ô tre , la législation anglaise, pour fixer les droits des enfans
dans les successions ouverles, distingue entre les immeubles et les
m e u b le s; q u ’elle attribue la totalité des immeubles à 1 aîné , ce
qui est conséquent avec son but politique , et q u ’elle partage les
meubles entre tous les e n fa n s , ce qui ne contrarie nullement ce
b u t ; q u e , malgré ce que l ’aîné a reçu en im m eu b les, elle l ’admet
néanmoins à prendre part au partage des meubles, et q u ’en fin , pour
cet aîné, il ne peut y avoir lieu à rapporter, ou à moins prendre ,
ce qui revient au m êm e, que pour ce qui concerne les meubles.
11 ne pourrait s’élever de difficulté sur l’exactitude de la traduc
tion qui a été faite par l ’un des soussignés, que relativement aux
mots R e a l estate c l p ersonal estate , q u ’un dictionnaire à la m ain,
on traduisait par propriétés réelles et propriétés personnelles , el qui
sont traduits ici par immeubles et propriétés mobilières ; mais c est
encore l’ouvrage que nous avons c ité , qui nous dit comment , en
style de palais, ces termes doivent être interprétés. V o ici comment
il s’e x p rim e, pag. i g o .
« lle a l property consiste dans les terres, les lénemens et autres
» choses qui sont permanentes, fixes et immeubles. P ersonal prov perty consiste dans l ’a r g e n t , les marchandises et autres choses
» meubles.
» E s t a t e , dans le langage ordinaire, s’applique seulement aux
» terres; mais en terme de droit, sa signification est la même que
» celle de propriété; ainsi estate peut être immeuble ou m e u b le ,
» rea l or personal. »
Nous n ’avons pas à justifier la législation anglaise du r e p r o d w
<lont on la m e n a c e , d ’oublier les droits de la n a tu re ; nous avions
a établir un point de droit, et il ne saurait à présent s’élever de dis
cussion à cet é g ard ; disons cependant que les fortunes en A n g l e
terre , consistant généralement plus en capitaux q u ’en im meubles,
celte loi n ’a pas pour les puînés des effets aussi désastreux q u ’on
�pourrait se l ’im aginer, et q u i, dans tous les c a s , n'existaient pas
pour M M . O n slo w fr è r e s, d ’après les dispositions faites par le père
de fam ille, et le consentement q u ’avait donné leur frère aîné à un
acte de partage qui restreignait considérablement les droits qui
résultaient de son contrat de mariage.
M a i s , dira-t-on p e u t-ê tr e , celte législation a des exceptions ;
elle n ’est pas uniforme dans tous les comtés : le passage cité de
Blackstone nous l ’indique. L a terre de Lillingston ne se trouveraitelle pas rangée dans Tune de ces exceptions?
C e serait assurément aux frères de M . O nslow à le p rouver;
mais puisque nous avons tons les élémens nécessaires entre les
mains, pourquoi ne pas faire disparaître ce dernier et faible élément
d ’inexactitude ?
O n d istin g u e , en eiïet, en A n g le t e r r e , relativem ent aux im
m e u b le s , différentes mouvances Ç tenures
oir l’ouviage
cite,
pag. iQ2 ; savoir r in burg a ge, socagc , gravelkind , boroug
english , copyhold et fe e -s im p le , et suivant que les immeubles
sont de l ’une ou de l’autre de ces tenu r e s , il en résulte quelques
modifications dans les privilèges politiques ou civils des proprié
taires , dans les titres à produire pour prouver la propriété , ou
mêm e dans Te droit et le mode de transmission.
D e toutes ces modifications de la loi générale, il n’v a que celfe
des lenures de loroug english et fe e -s im p le , qui aient une applica
tion plus ou moins directe à la question qui nous occupe. Dans
les tenures de boroug e n g lish , qui existent, principalement dans le
co m té de Stafford , c ’est le plus jeune des enfans qui h érite; usage
% i
p ro vien t, dit-on, de certain droit du seigneur, dans les temps
de féodalité. Dans les tenures de gravelkind , tous les enfans sont
appelés par la loi au partage; m ais, d ’après le passage d e B la c k s to n e , il n’en existe de traces que dans le comté d e K ent. R elative
ment à la lentirc en fc e -s im p le , voici la traduction littérale de ce
qu'on lit dans le Cabinet Lawyer, loc. cit. : « L a d'ornière tenure *
�T
J
(*5)
» dont il est nécessaire de faire mention, est celle defe c -s im p le ;
» celui qui est détenteur ne fe e -sim p le a la possession et propriété
» l i b r e , absolue et sans condition, de son im m e u b le , pour lui » mêm e et ses héritiers pour toujours, sans désigner quels héri» tiers , mais en lui laissant le droit de les choisir à sa volonté, ou
» de s’en rapporter à la disposition de la loi. »
L a terre de Lillingston n ’est située ni dans le comté de K e n t ,
ni dans celui de Stafford, mais dans ceux de B u ck in g h a m , O xfo id
et Northampton; elle n ’est tenure ni de boroug e n g lish , ni de
gravelkind; et eût-elle été de l ’une ou de l ’autre de ces ten u re s,
ces modifications des règles générales sur les successions, n ’auraient
pas em pêché le père de famille de faire des dispositions contraires,
surtout lorsqu’elles auraient eu pour but de faire rentrer une par
tie de la succession dans le droit commun de l ’A n g le te rr e ; et enfin
celte terre est précisément tenure de fe c-sim p le: et on voit p a r le
passage cité q u e , mêm e à l ’époque où le père de famille ne pou
vait disposer, comme le dit B lack sto n e , que du quart de ces im
m e u b le s, il en était autrement pour les tenures en f ce -sim p le ,
dans lesquelles il avait le droit de choisir son héritier à sa v o
lonté : Leaving tha ï te his oivn pleasure ; et q u ’e n fin , à défaut de
disposition, la loi générale sur les successions était appliquée dans
ces tenures.
T outefois, il faut dire que la distinction des tenures en fe c sim ple est sans application aujourd’h u i , relativement au droit de
disposer; car, comme on le verra bientôt, les lois nouvelles ont
étendu celte liberté indéfinie à toute l’ Angleterre.
D éjà on doil être bien convaincu que M . Edouard O n slo w , en
donnant la propriété de la terre de Lillingston à son fils aîn é, n’a
lie n fait au delà de ce qui lui était permis par la loi anglaise,
puisque c ’était ce que la loi aurait fait e lle-m êm e, dans le cas où
il n’aurait pas exprimé sa volonté, et q u ’elle lui eût même été at
tribuée toute entière, et sans être soumis à l ’obligation de payer la
�moindre somme à ses frères, avec lesquels il eût seulem ent par
tagé la succession mobilière, sur laquelle le douaire et toutes les
dettes auraient été p ré lev é s; on voit aussi que les actes de famille
postérieurs au contrat de m ariage, actes dont les fils puînés ont
demandé l ’annulation , avaient restreint la part héréditaire de
]\I. Georges O n slo w , ce que le père de famille aurait pu- fa ire ,
s’il n’eût pas pris des engagemens contraires par le plus solennel
de tous les actes, mais ce qui était hors de son pouvoir, du moment
q u ’il en re'sultait une violation des dispositions du contrat de ma
riage de son fils.
Cepen d an t, q u elq u e certaines que soient les applications q u ’on
peut faire à la question qui nous occupe des dispositions de la loi
anglaise, relativem ent aux successions, ce n ’est pas à titre suc
c e ssif que ]\I. G eorges O n slow réclame la terre de Lillingston ou
son prix ; c ’est comme donataire. V oyons donc qu elle est 1 étendue
du droit de disposer, accordé au père de famille par la loi anglaise.
Dans les premiers temps il fallait distinguer, comme pour les suc
cessions, entre les meubles e lle s i mmeubles (excepté pour les tenures
enf e c sim ple, comme on l’a vu, où la faculté de disposer étaitgénéralc
et a b so lu e ); et la nature de la modification que faisait la l o i , nous
prouve que c ’était encore une conséquence de son b u t ’ d ’éviler la
division des propriétés foncières, et de conserver des familles pré
pondérantes par leur fortune territo riale, et que son objet n ’était
nullem ent d ’assurer une partie de la succession à chaque enfant,
puisque c ’ctait précisément des meubles que la loi partageait par
égalité, que le père de famille pouvait disposer à volonté, et q u ’il
n ’existait de restriction que pour les immeubles que la loi attri
buait en totalité à l ’aîn é; mais d ’après les lois nouvelles, on peut
dire que la faculté de disposer n ’a d ’autre limite que la volonté
du père du père de fa m ille; c ’est ce que prouve le passage sui
v a n t de l’auteur déjà cité :
l ’roqridtcs qui peuvent être léguées. — « T ou tes les propriétés
�C 27 )
» mobilières consistant en a rgen t, délies actives, b ille ts , peuvent
» être d o u c e s par testament, et non-seulement celles qui sont
» en la possession actuelle du testateur, mais encore celles q u ’il
« peut acquérir par la suite.
» A u tre fo is, les immeubles ne pouvaient être légués que pour
» un temps; mais à présent, toute personne peut disposer de ses
» propriétés foncières en faveur de qui et pour tel usage q u ’il lui
» plaît. ( Il n’existe d ’exception que pour les legs de ch a rité ). O n
« peut donner à ces dispositions une étendue t e l l e , q u ’on déshé» rite entièrem ent l ’héritier désigné par l a l o i ; * e t , malgré l ’er» r cu r com m une q u ’on doit laisser un sch elin g , ou q u elq u ’autre
» legs à son héritier n a tu r e l, il est constant qu ’on peut le déshés> riter entièrement. » ( Cabinet L a w y e r , p. 20 G. )
Plus b a s, l ’auteur nous apprend que les exceptions qui exis
taient relativement aux legs pieux ou de ch a rité , ont été su cce s
sivement restreintes par des actes de Georges 11 et de G eorges I I I ,
ce qui nous démontre que lorsqu’il parle de l ’ancienne prohibi
tion de disposer des immeubles pour toujours, il remonte à une
époque r e c u lé e ; prohibition qui d ’ailleurs 11c pouvait pas recevoir
d ’application lorsqu’il s’agissait de l ’héritier désigné par la loi, en
faveur de qui elle était évidemm ent fa ite , et qui enfin n ’existait
pas dans les tcnurcs en J e c-sim p lc, comme la terre de Lillingston.
A in si, la capacité de M . Edouard O n slo w , de disposer de la
terre de Lillingston en faveur de son fils aîné, est constatée de la
manière la plus évidente. O n n ’opposera pas sans doute que la
disposition est faite par une donation e n tr e -v ifs , et non par un
testam ent, et que le dernier passage cité ne parle que des testainens; car il ne s’agit ici que de la capacité de disposer, et il est
de principe que la forme des actes est déterminée par les lois du
pays où ils sont faits; les donations entre-vifs sont d ’ailleurs en
t'Sagc en A n gleterre com m e en F r a n c e ; on y distingue deux modes.
<1 a cquérir ces propriétés foncières by d cscen t, par succession , e t
�( =8 )
by p u rch a se, q u i, litté ra le m e n t, signifie par acquisition, et q u i ,
en terme de droit, a une signification beaucoup plus large. V o ic i
comment l ’ouvrage cité s’exprime sur ce dernier mode®^ P. JyS).
« l ’ urchase, l’autre mode d ’acquérir les propriétés foncières,
» est un terme q u i, en droit, a un sens fort éten d u , et on l ’ap» plique aux contrats q u ’un père fait avec ses enfans.
» Si un homme possède une propriété comme l ’ayant reçue de
» scs ancêtres, sans q u ’aucun acte ait été fait ( a ilh o u t a r itin g ,
» sans é c r i t ) , c ’est à titre de succession; mais lorsqu’on reçoil une
» propriété de ses ancêtres par testament ( w il ) , donation ( g i f t ),
» ou acte ( d e e d ) , c ’est une acquisition p u rch a se . »
. L ’auteur parle ensuite des règles relatives à ce mode d'acqué
rir la propriété; il ne dit rien de spécial aux donations auxquelles
s'appliquent dès-lors les règles des autres purchases , quant à la
forme comme pour l ’irrévodabilité, et il s’étend au contraire beau
co u p , et d ’une manière spéciale, s u r e e q u i concerne les testamens,
parce q u ’ils en diffèrent sous tous les rapports.
Aussi avons-nous sous les yeu x plusieurs consultations des pre
miers jurisconsultes de L o n d r e s , et dont une a été faite bien avant
que la contestation actuelle se soit é le v é e , et elles décident dans
les termes les plus formels que les dispositions du contrat de ma
riage de M . Georges O n slo w , doiven t, d ’après les lois anglaises,
recevoir leur pleine et enlière exécution , ce qui est assez démon
tré par les citations qui précèdent.
O n voit d o n c, soit par les lois anglaises relatives aux succes
sions, soit par celles qui concernent la faculté de disposer, que
]\I. Edouard O n slow était loin, p?.r le contrat de mariage de son
fils, d ’avoir excédé la quotité disponible en lui donnant la terre de
L illin g s to n , puisque, sans cette disposition, cette terre entière eût
été attribuée de droit à JV1. G eorges O n slow dans sa succession,
et q u ’il aurait également pris part au partage des cap itau x; on
voit enfin que le père de famille aurait pu donner la totalité de sa
fortun e, placée sous l’empire de la législation anglaise.
�( 29 )
Il faut prouver, en second lie u , que M . Gerges O n s lo w , né en
F rance d ’une mère française résidant en France et catholique,
avait capacité pour hériter des biens situés en A n g le te rre , ou pour
les recevoir par donation.
• D a b o rd , en ce qui concerne la qualité d ’étranger, on a trouvé
<jue le passage de Blaekstone, cité dans la consultation délibérée
à Paris, n ’est pas une preuve entière, parce q u ’il semblerait seu
lem ent en résulter que la règle qui exclut les étrangers, reçoit ex
ception en faveur des enfans d ’Anglais de naissance, nés en pays
étra n g e rs, sans que cette exception soit étendue aux catholiques,
et on pense que l ’avis d ’un jurisconsulte anglais q u i, d ’après un
'statut de G eorges III, fait cette application aux catholiques, n ’est
pas une autorité suffisante.
'■
N ous avons aujourd'hui sous les y eu x le texte des statuts sur
lesquels les consultations des jurisconsultes de Londres étaient
appuyées; nous en joignons une traduction au présent avis, et il
est facile de démontrer l ’exactitude de leur assertion sous les deux
rapports.
• > L e premier statut ( V o ir Pièces ju stificatives, n° 1 ) , qui est de
la quatrième année du règne de Georges II, chapitre 2 1 , nous ap
prend que'déjrt, sous la reine A n n e , et la septième année de son
rè g n e , il avait été fait un acte qui déclarait qu e tous les enfans des
sujets de Sa Majesté , qu oiqu ’ils fussent nés en pays étrangers, de
vaient être considérés et traités sous tous les rapports comme sujets
naturels; q u e , dans la dixième année du règne de la même re in e,
c e t acte avait été rapporté, mais seulem ent pour ce qui concerne
d ’autres dispositions qui n’ont pas rapport à la question qui nous
o c c u p e ; que cependant il en était résulté quelque incertitude sur
la question de savoir si_celte exception en faveur d e s - enfans
d ’Anglais de naissance, avait encore force de loi, et c ’est pour les
faire disparaître que l ’acte de G eorges I I , que nous avons sous
les y e u x , déclare d ’une manière précise q u e , d ’après le statut de
9
�( 3o )
la reine A n n e et le présent acte, tous les enfans nés hors du
royaume d ’A n g le te r r e , dont les pères
seraient nés sujets du
royaume , sont déclarés sujets de Sa M a je s t é , et doivent en avoir
tous les droits.
V ie n n e n t ensuite les exceptions qui sont peu nombreuses; le
statut porte que ses dispositions ne seront pas appliquées aux enfans
dont le père, à l ’époque de leur naissance, avait été condamné pour
haute trahison, ou était au service d ’un prince alors en guerre
avec l ’A n gle te rre .
N ous lisons en outre dans le dictionnaire de T o m l i n s , l ’un des
ouvrages de droit les plus estimés en A n g l e t e r r e , un passage qui
prouve q u e ’ les modifications faites à la rigu eu r du droit en faveur
des enfans d ’origine a n g la ise , ont reçu plus tard une nouvelle extension.
O n peut le lire au mot A l i c n , é tra n g e r; en voici la traduction :
« Par plusieurs»statuts modernes ( 7 a n n .; c. 5 , i o a n n . , ç . 5 ,
»
4.
G eo. I I , c. 2 r, 1 3 . G eo. I I I , c. 2 1 ) , toutes ces dispositions
» restrictives ont été rapportées , de telle sorte q u ’à présent tous
» les enfans nés hors du royaume de Sa M a je sté , dont les pères
i> étaient nés sujets n aturels, et les enfans de ces enfans ( c ’est-à» dire les enfans dont le grand-père dans la ligne paternelle était
» né sujet de sa m a jesté ), quoique leurs mères fussent étrangères,
>» sont considérés à présent comme sujets naturels sous tous les
» rapports : T o a il intents a n d p u rp o ses, à moins que leur ancêtre
» eût été banni au delà des m ers, pour haute trahison, ou q u ’à
» l'époque de la naissance de ces enfans , il fût au service d ’un
>1 prince en guerre avec la G rande-Bretagne. »
1 1 résulte de ce passage q u ’outre le statut de G eorges II, dontnous
avons une copie, il en existe un autre (celui de G eorges I ll,c h a p . 2 1,
indique par cet a u t e u r ) , qui a encore étendu les premières m o
difications faites aux lois contre les étrangers, p u is q u e , d ’après cet
auteur, les petits-fils d ’un Anglais de naissance, quoique leur père
�es. )
et eux-mêmes fussent nés hors d ’A n g le te r r e , ont droit à tous les
privilèges d ’un Anglais de naissance.
N ous n ’avons pas ce dernier acte ; mais le dictionnaire de Tom lins
nous apprend quelle en était la teneur, et d’ailleurs le premier établit
clairement que le lieu de la naissance de M . G eorges O n slo w et
de sa mère ne lui enlevait nullem ent le droit de succéder aux
propriétés immobilières de son .père , ou de les recevoir par
donation.
II
ne reste plus à examiner que la question de savoir s’il eût etc
e x clu par sa qualité de catholique.
O n aurait pu soutenir l ’afiirmative sous le règne de G eorges II:
l ’acte que nous venons de citer ne s’applique pas aux catholiques,
et un statut de G uillaum e III, ayant pour titre A c t e pour réprimer
le s progrès du papism e , prononçait des peines sévères contre les
évêqu es, les prêtres du culte catholique, les jésuites et tous les
catholiques tenant des maisons d ’é d u c a tio n , et déclarait en outre
tous les catholiques incapables de succéder en Angleterre ou d ’ac
quérir des propriétés à tout autre t it r e ; mais il a été rapporté en
termes formels par un acte de la dix-huitième année du règne de
G eorges III, cliap. Go , dont la traduction est jointe au présent avis
( V o i r pièces justificatives, n° 2 ).
C e t acte dispose que les catoliques pourront recevoir des pro
priétés de toute nature par succession, legs et réversion, q u ’ils
pourront aussi les acquérir à tout autre titre. Purchase (s u r la
signification de ce mot, voir p. 2 8 ).
C e statut n’imposait q u ’une seule condition aux catholiques pour
les faire jouir de ces avantages, c ’était celle de prêter un serment
d ’allégeance, dont la longue formule insérée dans l ’acte n ’était pas
de nature à répugner h leurs convictions religieuses, et prouve
seulem ent le reste de méfiance q u ’ils inspiraient encore.
A jo u to n s, pour finir d ’analyser ce t acte, que ce serment devait
être prêté par les catholiques dans les six mois de l ’ouverture de
�C 52 )
leurs droits ( A e c r u in g o f liis her or their title) , ou s’ils se trou
vaient au delà de la mer, ou autrement empêchés, dans les six mois
qui suivaient la cessation de ces empêchemens.
O n ne dira pas sans doute à M . G eorges O n slo w que pour rem
plir la condition qui lui était imposée , il aurait dû prêter le ser
m ent exigé par la loi anglaise dans les six mois qui ont suivi la
donation sous réserve de jouissance contenue dans son contrat de
mariage; il est évident, en effet, que ce serment ne pouvait avoir
le but politique qui ne le faisait exiger q u ’à l’époque où il entrait en
possession
de l ’héritage : ju sq u e-là, il n ’avait q u ’un droit de
propriété, mais il n ’avait pas l ’exercice de ce droit, et on peut
m êm e dire que rien à cet égard n ’était bien détermine, puisque son
père s’étant réservé le pouvoir de restreindre la donation à une
valeur représentant 20,000 fr. de r e n t e , on ne pouvait pas même
préciser sur quelle portion de la terre porterait ce droit, dans le cas
où le père de famille aurait usé de la faculté q u ’il se réservait.
O n conçoit que dans un état dont le territoire a peu d ’éte n
d u e , comparativem ent surtout à ses vastes colonies, à ses richesses
commerciales et à son influence dans la balance des intérêts de
l ’Europe , on ait attaché de l ’importance à ce que tout propriétaire
du sol dans la métropole fut lié par un serment d ’obéissance et
par une protestation contre les doctrines menaçantes pour la per
sonne comme pour l ’autorité du souverain, q u ’on attribuait aux c a
tholiques. Mais il n ’y avait d ’utilité réelle que pour le possesseur
actuel , et non pour celui qui n ’avait q u ’un droit dont l'exercice
était s u sp e n d u , qui pouvait n ’en jamais jo u i r , et enfin à qui ce
d r o it , sans son e x e rc ic e , ne donnait pas plus de moyens d ’iniluence q u ’à tout autre in d iv id u ; aussi les termes du statut que
nous avons cité repoussent-ils l’idée q u ’on ait entendu exiger le
serment de celu i qui n’avait que la nue propriété avant l ’époque où
il serait appelé à la jouissance de l ’im m euble.
C e se rm e n t, M . G eorges O n s lo w , d ’après les derniers actes do
�( 53 )
la législation anglaise, n ’aurait jamais été en position de le prêter.
O n vo it, en e ffe t, dans un ouvrage que nous avons déjà cité plu
sieurs fois (C a b in e t L a w y e r ) , p. 188, au ehap. D es catholiques
romains, q u e , d’après un acte de la cinquièm e anncc du règne de
Georges I V , c. 7 9 , tous les sujets de Sa M a je s t é , sans exception,
p eu vent être appelés à divers emplois publics , sans fa ir e aucune
d écla ra tio n , ni prêter aucun autre serm ent que celu i d'obéissance
et de bien rem plir leurs fo n ctio n s.
C o m m e n t , nous le demandons, aurait-on pu exiger la déclara
tion contenue dans le statut de G eorges I I I , de catholiques sim
ples possesseurs de terre , lorsqu’elle n'était plus prescrite , mêm e
pour leur admission aux fonctions publiques ? C ette déclaration
n ’était donc plus exigée dès la cinquième année du règne de G eor
ges I V . A u surp lus, l ’émancipation des catholiques , qui est de la
dixième année du même règne , aurait levé toute difficulté à cet
égard; et M . G eorges O n s lo w , qui ne devait prêter le s e r m e n t,
d ’après le statut de G eorg es I I I , que dans les six mois qui su i
vraient son entrée en jo u issa n ce , et encore s’il ne se fût pas
trouvé au delà'dela m e r , n’aurait pas été appelé à le p r ê te r , puisq u ’à l’époque du décès de son p è r d , cette
condition avait cessé
d ’être imposée aux catholiques.
L e s soussignés ont pensé qu ’au point où on en était arrivé par les
précédentes consultations , et une fois q u ’il avait été bien démontré
que , soit que M . Edouard O nslow fût décédé Anglais ou F ran ça is,
c ’était, dans tous les ca s, d ’après les principes de la législation an
glaise que deyait être appréciée la donation de la terre de Lillingston;
il devenait surtout nécessaire de faire l ’application de cette légis
lation , en s’appuyant sur des textes et sur des autorités irrécu
sables. C était à la fois la partie de la discussion qui avait été la
moins approfondie, et celle qui devait avoir les résultats les plus
importans ; et ils ne croient pas q u ’à présent il puisse s’élever le
moindre doute sur la question de savoir si M . Edouard Onslow avait
�( 54 )
pu donner à son fils aîné la terre de Lillingston par préciput et
hors p a r t , et si M . G eorges O n slow était capable de la recevoir.
§ III.
M . Georges Onslow prendra part au partage des biens situ és en
France, sans être tenu à rapporter ce qu’il a reçu en A n gleterre.
L É G IS L A T IO N ANGLAISE SU R LES RA PPOR TS.
C e q u ’on vient de dire sur les dispositions de la législation an
glaise relativement aux successions, au droit de primogéniture et
à l’étendue de la faculté du droit de disposer, facilitera‘- beaucoup
l ’examen de la discussion à laquelle on s’est livré dans la consulta
tion du 2 7 janvier 1800, sur la question subsidiaire, qui a pour objet
de savoir s i , dans le cas où il serait décidé que la succession de M .
Edouard O n slow est ouverte en F r a n c e , M . G eorges O n s lo w , pour
prendre son préciput et sa part héréditaire sur les biens situés en
F ran ce, serait tenu de rapporter ce q u ’il aurait reçu en A n gleterre.
Q uoique laconsultationqui établit que M . G eorges O n slow n’est
pas dans la position de s’en tenir à la qualité de créancier du prix
de l’immeuble vendu en A n g le te r r e , ou de rapporter ce prix pour
prendre part aux immeubles situés en F r a n c e , ait été signée par
M . Delacroiic-Frainville s e u l, il n ’est pas de proposition qui pa
raisse aux soussignés plus clairement établie, et ils pensent q u ’il
sera facile de réfuter les moyens qui ont été opposés.
O n r e p r o c h e , en prem ier lieu , à M . D elacroix-F rainville de
ne raisonner que par analogie , e t , par suite , de n ’être pas resté
dans l ’exactitude des règles.
Jjcs argumens de- l ’auteur de la consultation sont au contraire
fort d ir e c ts ; ils ont tous été puisés dans ce principe d ’éternelle
vé rité , consacré par la législation de tous les temps et de tous les
peuples , que les personnes , en quelque lieu q u ’elles se trouven t,
sont soumises aux lois de leur pays pour t o u t e e qui concerne leur
�( 55 )
état et leur c a p a c ité , et que les im m e u b le s, par quelque personne
q u ’ils soient possédés, ne sont régis que par la loi de leur situation,
principe d ’autant plus certain q u ’il tient à la nécessité des choses
et à l ’indépendance des états.
R e m arq u on s, en effet, que toute loi personnelle et réelle est
d ’elle-m ême bornée au pays pour lequel elle a été fa ite , et que si
les lois personnelles du domicile de chaque individu exercent leur
empire hors de leur territo ire, cette extension n ’a lieu q u ’en vertu
d ’une espèce de concordat fait entre les differens peuples , qui r e
pose sur les principes d ’une juste réciprocité, et ne porte nulle a t
teinte à leu r indépen dan ce; mais jamais aucune nation n ’a permis
que les lois étrangères pussent exercer aucune influence directe
ou indirecte sur son territoire. O r , nous demandons si ce ne serait
pas exercer une influencé sur les immeubles soumis par leur situa
tion à la législation anglaise, que de dire à M. Georges O n slow :
V o u s êtes^donataire d ’une propriété située en A n g le te r r e , sur la
qu elle vous avez 120,000 fr. à payer à l’un de vos fr è r e s ; votre
père eût pu vous la donner hors part toute entière ; à défaut de do
n ation, elle vous eût même été attribuée de droit, comme tous
les autres im m e u b le s , sans être assujettie à aucune légitime , ni
\au payement du douaire et des dettes , sans être tenu à rapport
pour prendre part au partage des meubles (1). M ais comme il existe
d ’autres biens situés en F r a n c e , si vous voulez y prendre p art,
vous serez tenu de rapporter ce que vous aurez reçu en A n gleterre
pour composer la masse , et il ne vous sera ensuite alloué sur le
t o u t , pour votre p récip ut, que la quotité disponible., d ’après la
loi française; ou bien vous vous en tiendrez à ce que vous avez
reçu en A n g l e t e r r e , et vous serez exclu du partage des immeubles
situés en F ran ce.
(1) Voir le passage du Cabinet Latvyer, page an* , dont 'a traduction se
trouve plus haut, pages a i cl aa.
�On se demande si ce n ’est pas là faire exercer à une législation
sur l ’autre un effet très-direct et tout à fait contraire à l ’indépendancç des ctats, et si c ’est là observer le statut réel de chaque
situation.
N ous disons, nous, q u ’il existe deux lois à a p p liq u e r, et que
toutes deux doivent être respectées dans l ’étendue de leur terriloiic. A in s i, que M . Edouard O nslow soit décédé Anglais ou F ra n
çais, M . G eorges Onslow se présente à la succession des immeu
bles situés en F r a n c e , la loi française à la main. L a masse est
composée sans avoir égard aux biens situés en A n gleterre ; sur cette
masse , il prélève le quart comme p ré c ip u t, et il partage le surplus
avec ses frères. Nous avons prouvé que c ’était d ’après la loi an
glaise q u ’il fallait apprécier s’il y avait lieu à réduction sur la do
nation de l ’immeuble situé en A n gleterre ; il doit en être de mêm e
sur la question de savoir s’il y a lieu à rapport ; il produit le texte
de cette loi qui l ’en dispense , et on ne saurait l ’y astreindre, de
par la loi française,
Ajoutons que chaque état protège dans son intérêt l ’observation
de cette règle , que les immeubles situés sur son territoire ne p e u
vent être régis que par ses lo is, et elle est re sp e cté e , non-seule
ment par l’assentiment commun des peuples , mais encore parce
que la violation en serait réprimée. A i n s i , les jugem ens rendus
par les tribunaux étrangers ne peuvent être mis à exécution en
F ran ce q u ’après que les tribunaux français l ’ont ordonné. Il existe
nécessairement des dispositions analogues dans les lois de tous les
autres ctats ; car autrem ent, comment défendraient-ils 1 indépen
dance de leur territoire l C ertes , ce n ’est pas l ’Angleterre, qui n ’a
pas encore suivi le noble exemple que lui a donné la F r a n c e , en
supprimant ledroit d ’aubaine, qui permettrait q u ’une autorité étran
g ère
vînt
ainsi disposer d’une partie quelconque de son territoire,
Supposons à présent (pie la terre de L illingston existe encore en
n ature; que M . Edouard O n s lo w , au lieu de ch a rg e r M . Georges
�'( 37 )
.Onslow de payer 120,000 francs à l ’un de ses fils, cu l disposé cil
faveur de scs fils puincs d ’une portion de cette terre, comme
il s’en était réservé la faculté; admettons q u e , conformément ail
système que nous combattons, M . G erges Onslow fût forcé par les
tribunaux français à rapporter la terre de L il li n g s i o n , pour prendre
part au partage des immeubles situés en F r a n ce , croit-on que les
tribunaux anglais ordonneraient l ’exécution de la décision des
juges français, qui serait contraire à leurs lois , et s’appliquerait à
des immeubles soumis à leur juridiction ? N o n , sans aucun doute ;
et dans l ’impuissance d’agir eux-mêmes sur les immeubles situés
en F r a n c e , ne leur paraîtrait-il pps juste d ’accorder à M . Georges
O n s lo w , sur les immeubles d ’Angleterre qui auraient été attribués
à ses frères, une valeur égale à celle dont les tribunaux français
l ’auraient p r i v é , en lui imposant une obligation qui serait contraire
aux lois de ce pays. II s’établirait ainsi entre les juridictions de
d eux étals parvenus à un haut degré de civilisation, une lutte qui
ne pourrait q u ’être contraire aux intérêts de la ju s tic e , et qui
•aurait été provoquée par la violation d ’un principe proclamé par
toutes les législations.
Serait-ce donc parce q u ’à raison de la vente faite au colonel de
L a p par M . Edouard O n slo w , l ’impossibilité matérielle que nous
indiquons aurait cessé d’exister, q u ’on pourrait se croire autorise à
soumettre l ’appréciation d ’une donation d ’immeubles situés en
A n g l e t e r r e , à l’empire de la législation française? L a cessation de
celte impossibilité ne change rien aux principes ; son existence
antérieure prouve seulem ent combieu ils sont certains ; d ’ailleurs
ne serait-il pas possible à M . G eorges Onslow de faire rentrer
_1 immeuble en nature dans la su c c e ssio n , en provoquant la nul
lité de la vente q u i a été faite sans son co nsentem ent, quoiqu’il
fut propriétaire.
O n voit donc que l ’avis de M . D elacroix-Frainville repose sur
-des règles certaines , et non sur de simples analogies ; il invoque
�(38*)
ensuite des exemples qu'il puise dans ce qui se passait en France*
avant q u ’une législation uniforme pour tout le royaume eût rem
placé la diversité des coutumes , et il dit avec beaucoup de raison
que si chaque statut réel était exactement observé en F ran ce , lors
de l’ouverture d’uîie succession dont les biens étaient soumis à l'em
pire de différentes co utum es, on doit, à bien plus foi te laison , se
conformer au principe dans toute son étendue et toutes ses consé
qu e n ce s, quand il s’agit d’un pays soumis a un autre souverain ;
et certes ce ne sont pas là de simples analogies , mais des applica
tions positives de la même iè g le.
Voyons quelques-unes de ces applications, comme lé dit l’au
teur de la consultation du 27 juillet i 83 o ; il existait deux causes,
q u i , sous notre ancienne législation , ont pu faire agiter la qu es
tion qui nous occupe : i°. le droit de primogeniture ; 20. les dispo
sitions ou avantages que pouvaient faire les pères et mères.
P ou r la première cause , M . Delacroix-Frainville a cite l’exem
ple de ce qui se passait en F rance sous l’empire de nos coutumes,
qui contenaient des dispositions différentes relativement au droit
de .prim ogeniture, et qui c e p e n d a n t , loisque des biens dépendans
d’une même successionétaient situés dans des provinces différentes,
étaient toutes observées dans l ’étendüc de leur territoire; car ,
comme le dit M . M erlin ( v° S ta tu t ) , si plusieurs statuts rcéls
sont en concurrence , chacun a son effet sur les lie n s qu’il régit.
R elativem ent à la seconde cause qui pouvait faire naître autrefois
cette question-, on peut encore invoquer ce qui se passait sous
^empire des coutumes. Plusieurs d'cn tr’clles excluaient le rapport
à succession , ce sont celles de D o u a i, d 'A rto is, de Ilàinaut et
de V alenciennes. Assurém ent on 11e dira pas que lorsqu’une suc
cession se composait d’immeubles situés en A rtois, et d’autres
biens situés dans une province qui prescrivait le rapport à suc
cession , le donataire d ’immeubles situés en A rto is , qui était en
mûmp temps héritier, fût ten u, pour prendre part aux autres biens,.
�'( 3g )
¿¡//
•cíe rapporter ce q u ’il avait reçu en Artois. Il doit en être de même
•assurément, et à l)ien plus forte raison, sur la question de savoir
si , pour être admis à prendre part à la succession des immeubles
situés en F r a n c e , le donataire d’un immeuble situé en Angleterre
doit cire tenu de le rapporter, il faut appliquer la loi de la situa
tion ; et nous avons démontré q u ’il ne peut pas y avoir lieu à ré
duction , et qu ’elle ne prescrit pas le rapport.
On peut encore ajouter à ces premiers exemples ce qui se pra
tiquait pour le douaire préfixe : il n ’était réductible que sur les
immeubles situés dans les pays de coutume qui le restreignaient;
de sorte que si un habitant de N orm an die, dont la coutum e ne
donne que le tiers en usufruit pour le douaire, avait donné moitié
de l’usufruit de tous scs b ien s, il n ’y avait lieu à léduclion que
sur ses immeubles situés en N orm a n d ie, et non sur ceux situés
sous l ’empire de la Coutum e de P a ris, qui ne restreint pas le
douaire conventionnel ( V oir P o th ie r , T raité du douaire , ch a p .2 ,
art. 2 , art. i*r ; M e rlin , Répertoire , \° D ouaire , p. 2 6 1).
Pour répondre à des applications aussi précises de principes in
contestables , on dit que le système féodal, qui en F rance autre
fois, comme aujourd’hui en Angleterre, avait pour objet la conser
vation des familles nobles , en
accordant à l ’aîné un droit de
primogéniturc qui consistait principalement dans l ’attribution des
.fiefs nobles, n’avait pas cependant oublie les droits de la n a tu re ;
on ch erch e à démontrer que le précipul coulum ier devait contri
b uer lui-même à la composition de la légitime ; et on soutient, en
invoquant l ’autorité de Ferrière et de L e b ru n , q u ’il y contribuait
■effectivement, puisqu’il était compris dans l’estimation de la masse;
,ct que s il n ’existait pas d ’autres biens et que l’aîné ne pût pas rccompenser scs frères, il devaitW'lrc divisé pour fournir la légitime.
Il
ne paraît pas utile d ’examiner si en général en France le pre-
cip u t coulum ier d e v a i t ê l r e estimé pour servir à la fixation de la
légitime ; nous ne voyons pas quelle application , mêm e fort indi-
\
�( 4o )
rocte. on pourrait en faire à la question qui nous occupe. M ieux
vaut suivie l ’auteur de la consultation dans ce q u ’il dit ensuite, et
qui est tout à fait conforme à notre système. Oti convient, d ’après
l'autorité de Ferrièrc sur l’art. 298 , que la légitime doit être réglée
suivant la coutume des lieux où les immeubles sont situ és; mais
cela prouve s e u le m e n t, dit-on , que dans chaque situation les biens
11c peuvent être effectivement retranchés pour la légitime que ju s
q u ’à concurrence de la quotité réglée par la loi de la situation;
et on pense que cela n ’em pêche pas q u ’il n ’y ait q u ’une seule légi
time prise sur la masse de tous les biens , desquels cependant le
précipué ne peut être dépossédé que ju squ’à concurrence de ce que
prescrit la loi de chaque situation.
O u nous entendons mal ce que dit ici l ’auteur de la consulta
tion , ou nous sommes parfaitement d ’accord ; nous soutenons pré
cisém ent, comme lui , que sur les biens situés en F r a n ce , le prêcipué souffrira le retranchement que prescrit la loi française; que
sur la donation des biens situés en A n g le te r r e , il 11’y aura lieu à
retranchem ent q u ’autant que celte législation l ’exigerait,et qu ’il n'y
aurait lieu à rapporter q u ’autant que cette législation le prescrirait.
L e but de c e lle discussion était sans doute de prouver q u e ,
puisque l ’ancienne législation française attribuait dans tous les cas
une légitime aux puînés , il devait nécessairement en être de mêm e
de la législation anglaise a c tu e lle , qui ne pouvait pas faire plus
d ’efforts que notre ancien système féodal pour la conservation des
familles n o b le s ; mais ce ne sont là que des hypothèses fort incer
taines; et puisqu’il s'agit d’appliquer la législation de l ’A n gle te rre ,
il faut ouvrir le livre de ses lo is , et nous avons fait connaître
quelles sont ses dispositions relativement aux droits des puînés
dans les successions et à la faculté de disposer.
O n finit par dire qu'on s’étonne de voir élever celte question
dans les circonstances où elle se présente ; ca r M . Edouard Ons
low» fût-il A n g la is ,
n’en
é tait pas moins marié et domicilié
en
�> I
( 4« )
France depuis près de cinquante ans j sa succession s’y est ouverte
et elle doit être régie par le C od e civil.
M ais comme 011 prévoit q u ’on répondrait avec beaucoup de
raison, M . O n slo w fût»il domicilié en F r a n c e , fe statut réel n’en
conserverait pas moins toute sa force sur l ’apprécialion d’une do
nation d ’immeubles situés en A n g leterre , on cherche à établir que
la donation faite à M . Georges O nslow doit être considérée comme
mobilière , et devrait, par suite , être régie par le statut personnel ;
le père de famille avait bien , dit-on , donné celte terre à son fils
G eorges par son contrat de mariage , mais il s’était réservé la fa
culté de réduire cette donation à 20,000 fr. de r e n t e , ou 400,000 f r . .
de capital.
C ’est là une erreur évidente : les soussignés ont le contrat de
mariage sous les y e u x , et il n ’y est nullement mention, de capital ;
c ’est 20,000 fr. de
rente en
immeubles que devait conserver
M . G eorges O n slo w , o u , si l ’on v e u t, les dispositions que le père
se réservait la faculté de faire étaient limitées de manière à ce que
la partie de l ’immeuble qui resterait à M . G eorges O nslow dût
toujours représenter et produire 20,000 fr. de rente. T o u t le monde
sait q u ’en Angleterre surtout, 20,000 fr. de rente en immeubles
Valent plus de 4oo,ooo fr. ; et ce revenu représenterait-il un capital
moindre , c ’était toujours, en fait, une donation d ’immeubles. C e
serait donc bien va in e m e n tq u ’on chercherait ainsi à m obiliser la do
nation ; elle était immobilière sans aucune réserve de la convertir
en une somme d 'a rg e n t, et la vente faite ensuite sans aucun droit
par M . Edouard O n s lo w , ne peut nullement changer la nature du
contrat ou renverser les règles d ’après lesquelles il doit être a p
précié.
A in s i, c ’est encore le statut réel de la situation qui doit être
appliqué sur la question de savoir s’il y a lieu à rapporter. O r ,
noi4s avons vu plus haut que ce statut est tellement favorable au
fils a î n é , que s’il existait en À n g lç te rr e d'autres immeubles- que
�■ ♦ i \
< te )
c e u x compris dans la donation, ils lui seraient tous attribués par
la loi, et pour ce qui concerne les m eub les, q u ’il aurait pris part
au partage avec ses frères puînés, sans rien rapporter de ce q u ’il
t s
(
aurait précédem ment reçu en immeubles.
U n e fois q u e , d ’nprès les règles positives de la législation an
glaise, il est bien constaté q u e , dans tous les ca s, la terre de Lillingslon devait cire attribuée, hors part, à M . Georges O n slo w ,
il paraît de la dernière évidence aux soussignés que ce serait vio
ler le statut de la situation des b ien s, que de 1 astreindre à rappor
t e r , pour être admis à prendre part au partage des biens situés en
France.
§ IV .
Com m ent le dou-aire d o it-il être contribué entre les en/ans ?
L a consultation du 27 juillet i 8 â o , à laquelle nous répondons,
ne s’explique nullem ent sur celte dernière question j mais elle a
etc examinée dans l’intérêt de M M . M aurice et A u g u ste O n slo w ,
dans la consultation du iG février de la même année; et comme
à présent nous avons puisé dans la législation anglaise tous les doeumens qui nous m anquaient, il est nécessaire de revenir sur ce
point pour compléter la discussion.
î
A cet égard, on raisonne ainsi dans la consultation du iG fé
vrier i 85 o. D ’après l ’article 1094 du C ode civil , l ’époux qui a
îles enfans, a le droit de disposer en faveur de l’autre époux, d'un
quart en toute proprie’té et d ’un autre quart en usufruit; .ce don
p eu t être distribue entre la veuve et l ’un des enfans, sans q u ’en
ce qui concerne ce d e r n ie r , il puisse excéder le q u a r t; et.faisant
application de celte règle, oh dit : Si le douaire n’ excède pas le quart
en u s u f r u it , M . Onslow prélèvera son quart en p ré cip u t, et le
douaire sera reparti par quart entre lui et scs trois frères, qui par
tageront les trois quarts indisponibles.
�O n ne saurait le n i e r , c ’est assurément ainsi que le douaire
devait être contribué, s’il y avait lieu d ’appliquer la législation
française a la totalité de la-succession, et on voit q u e , sous ce rap
port au moins , les adversaires de M. Georges Onslow conviennent
que l’annulation du partage lui serait avantageuse , puisqu’aux
termes du contrat de mariage de M . Edouard O n slo w , le douaire
étant de l'usufruit de io ,o c o liv. sterling (2/10,000 fr. à peu près),
et la totalité de la fortune s’élevant à i ,i 55 ,ooo f r . , il est clair que
le douaire n’excède pas le quart de l’u su fru it, et que dès lo r s ,,
d ’après le système de la consultation, M . Georges O nslow ne
supporterait plus que 3 ,oc.o fr. de rente au lieu de GjOOO fr.
M ais nous avons établi que la loi française ne devait ié gir q u ’une
très-fa ible partie de la succession; recherchons à présent si elle
doit recevoir son application au mode de contribution au douaire
pris isolément.
Nous avons dit plus h au t, en nous appuyant dé l ’opinion de IVthier et de M . M e rlin , que le douaire devait être régi par le statut
réel de la situation des biens qui y sont soumis ; mais lorsqu’il con
siste, comme dans l’e sp è c e, dans l’usufruit d ’une somme d ’argent,
il est évident q u ’il est entièrement soumis au statut personnel, à la
loi du d o m icile , surtout pour ce qui concerne les héritiers. A i n s i ,
lé mode de contribution au douaire dépend encore de la décision à
intervenir sur la question de savoir si M . Edouard Onslow est dé
cédé Anglais ou Français.
O n pourrait même d ire, en s’appuyant aussi de l’opinion de Fothier (Traité du d o u a ire , part, i " , art. 2 , § i er) , que c ’est la loi
du domicile du m ari, au jour du mariage , qui doit être appliquée;
mais il paraît que P o llu e r ne le décide ainsi que pour ce qui con
cerne la v e u v e , et le m o tif q u ’il donne de son opinion le prouve
suffisamment; le m a r in e p e u t , d it-il, en changeant de d o m icile ,
dim inuer le douaire de la fem m e.
Nous pensons donc que c ’est la loi du lieu de l'ouverture do-
�la succession qui doit déterm iner le mode de contribution au douaire.
O r , nous avons soutenu que cette loi élaÎt(celle de l ’Angleterre ,
et de là naît la nécessité d'examiner ses dispositions à cet égard.
C e s dispositions, on peut les lire dans les passages du Cabinet
L a w yer, que nous avons cités plus h aut (pag. 21, 22 , 2 6 , 27); O n y
v o it, en effet, que pour déterminer le sort des successions, la loi
anglaise distingue entre les immeubles et les m eu b les; q u ’elle
attribue tous les immeubles à l’aîné, sans l ’assujettir à cet égard
à supporter aucune charge de la succession, et q u ’elle permet au
père de famille de disposer de toute sa fortune en faveur de qui
il lui plaît. O n y voit que les dettes de la succession sont toutes
prélevées sur les m eubles, dont le surplus se partage ensuite entre
la veuve et tous les enfans, en y comprenant l ’aîné.
O r , i c i , il s’agit en réalité d’une charge de la succession, d ’une
part à faire à la v e u v e , q u i, d ’après les principes de la législation
anglaise, et mêm e à défaut de dispositions, doit par conséquent
être prélevée sur les capitaux, et ne pourrait être mise à la charge
des immeubles, que dans le cas où les capitaux ne suffiraient pas ,
et qui enfin ne p e u t, dans aucun ca s, restreindre les autres dispo
sitions faites par le père de famille sur les biens régis par la loi
anglaise, puisqu’il pouvait le u r donner autant d ’étendue q u ’il le
désirait. 11 est d ’ailleurs d ’autant plus évident ici que le douaire
doit être prélevé sur les ca p ita u x , que le contrat de mariage le
fait consister dans l ’usufruit d ’une somme de 10,000 liv. sterling.
Si on fait à présent à l ’espèce qui nous occupe l ’application de
ces règles de la législation anglaise, il en résultera incontestable
ment que la terre de L illingslon ou son p rix , que M . G eorges
O n slo w réclame comme représentant sa propriété vendue sans
droit par M . Edouard O n s lo w , ne contribuerait en aucune ma
nière au payement du douaire, qui sera en entier prélevé sur les
capitaux.
U n e pareille décision peut paraître dure pour les puînés, puis-
�M
(•45 )
q u ’elle a pour conséquence de faire p o rte rie douaire entier sur la
seule partie de la succession à laquelle ils prendraient p a r t, s’il
n ’existait pas des immeubles situes en F r a n c e , et qui pourrait par
conséquent, dans bien des circonstances, se trouver entièrement
a bsorbée; mais en appréciant les questions de droit anglais que
cette cause so ulève, il faut nécessairement se défaire des préoc
cupations bien naturelles que des ju risconsultes français portent
dans l ’examen d ’une discussion; et on doit cesser d ’être surpris
que la législation anglaise nous conduise à de semblables résul
tats, en voyant com m ent elle traite les puînés, lorsque c ’est elle
qui dispose de la succession, et l ’omnipotence q u ’elle accorde au
père de famille à qui elle perm et de déshériter entièrement ses
venfans.
A insi, comme les soussignés croient avoir prouvé que M . Edouard
O n slo w n ’a pas cessé d ’appartenir à son pays d ’o rig in e, et que dès
lors la succession étant ouverte en A n g le te r r e , c ’est la loi anglaise
q u ’il s’agit d ’a pp liqu er, ils estiment que le douaire de madame
O n slo w doit être composé de la manière q u ’ils viennent d ’indiquer,
e t que dès lors M . G eorges O n slo w n ’y contribuerait en aucune
manière en sa qualité de donataire de la terre de Lillingston , mais
seulem ent com m e preuant part [au partage ¡des capitaux sur les
quels il serait prélevé.
Ajoutons cependant que ce qui vient d ’être dit serait suscep
tible de modifications, dans le cas où une clause conditionnelle du
contrat de mariage de M . Édouard O n slow aurait été accomplie.
O n v o it, en effet, dans ce contrat de mariage, que dans le cas
où le futur époux ferait emploi en immeubles situés en F ran ce , de
tout ou partie des 20,000 liv. sterlin g, qui lui avaient été consti
tués en dot par scs père et m è r e , et sur lesquels devait être pris le
d o u a ire , alors ce douaire, au lieu d ’être de l ’usufruit de 10,000 liv.
sterlin g, consisterait dans la jouissance de la moitié des immeubles
acquis,
11
�( 46 )
Si les immeubles achetés en F ran ce l ’ont clé avec ces ca p ita u x ,
ce que les soussignés ign orent, alors ce ne serait plus le statut;
personnel du lieu de l ’ouverture de la succession q u ’il s'agirait
d ’appliquer au mode de contribution au douaire, mais le statut
réel du lieu de la situation, par conséquent la loi française; et
pour en calculer les c o n sé q u e n c e s, il faut comparer le montant
du douaire et le préciput du quart à la valeur des immeubles situés
en France. M ais il est évident q u e , dans aucun cas, M . G eorges
O n slo w ne pourrait contribuer au douaire comme donataire de la
terre de Lillingston, puisque celte terre lui était donnée par préciput
et hors part, et que le statut réel de la situation affranchissait cette
attribution de toutes charges de la succession, et ne permettait de
réduction dans aucun cas.
L ’examen de celte dernière question n ’exige pas une discussion
plus étendue; il a paru seulem ent nécessaire de rech ercher quel
était le statut qui devait ici recevoir son application, et d ’en déduire
les conséquences.
1
O r , on voit q u e , s a u f la vérification d ’un point de fait, c ’est la
loi anglaise, et q u e , quel que soit ici le statut q u ’on a pp liqu e, la
répartition du douaire qui résultera du nouveau partage sera nc1cessairement favorable à M . Georges O n slow .
E t il paraît constant aux soussignés, d ’après les motifs déduits,
que c ’est M . O nslow qui a, sous tous les rapports, un véritable in
térêt à l ’annulation de l’a rle de partage du n avril 1828.
C e ll e annullation le fait rentrer en effet dans tous les droits
qui résultent de son contrat de mariage, droits q u i, mis en présence
soit de la législation anglaise, soit de la législation française, sui
vant la nature et la situation des b ien s, ont nécessairement pour
effet, en premier lie u , de lui assurer le prix entier de la terre de
Lillingslon, moins la somme de 120,000 fr.j en second lieu, de lui
attribuer le quart par préciput des biens situés en F r a n c e , et sa
portion
héréditaire des trois autres quarts, et enfin de réduire
�( 47 )
considérablem ent la portion pour laquelle il contribue dans ce mo
m ent au payement du douaire.
N ous arrivons au terme de cette discussion, qui a paru de na
ture à exiger les développemens et les nombreuses citations qui
précèdent : en effet, indépendamment de l ’examen nécessaire sur
chaque point de la question de savoir qu el était le statut qui devait
recevoir son application, il ne fallait pas ici se borner h citer les au
torités, il fallait fournir les textes, les tra d u ire , et expliquer
souvent ce q u i, pour un Anglais mêm e étranger à la connais
sance des
lois, n ’aurait
pas eu besoin d ’explication;
mais à
p r é s e n t , les soussignés ne croient pas q u ’il puisse s’élever de diffi
cultés sérieuses, et ils pensent, au contraire, que M . G eorges Onslow
doit attendre avec confiance entière la décision à intervenir.
D élibéré à R io m ,
M. D
üclosel
le
i er août i 8 3 i , dans
le cabinet de
, l ’un des soussignés.
JouvETj J.-B, C ii .-B a y l e , H . D üclosel.
i
�PIÈGES JU STIF IC A T IV E S. M
d ’un acte fa it dans la i f année du
règne de G e o r g e s i i , cap. 2,1.
T r a d u c tio n
« LjONSIDÉKANT que, par un acte du Parlement, fait dans la septième
» année du règne de feue la reine A nne, intitulé Acle destiné a nafiïra-
» , User les protestans étrangers, il y est, entre autres choses, stipulé
» que les enfans des sujets nés de la Grande-Bretagne, nés hors des états
» de Sa Majesté et de ses successeurs, doivent être déclarés et considérés
» comme sujets ués de ce royaume, sous tous les rapports possibles ( lo
» ail inléntS constructions and purposcs whatsoever') ; considérant que
» dans la dixième année du règne de Sadite Majesté (la reine Anne), un
» autre acte fut fait pour rapporter ledit acte (excepté dans ce qui cou» cernait les enfans des sujets nés'de Sa Majesté, nés hors de ses états);
» considérant que quelques doutes se sont élevés sur le sens de la clause
» dudit acte de la septième année du règne de feue Sadite Majesté. »
Tour expliquer ladite clause dans le susdit acte, concernant les enfans
des sujets nés , et pour prévenir toute controverse sur sa véritable inter
prétation , qu’il plaise à Votre Majesté qu’ il soit déclaré et ordonné, avec
l’avis et le consentement des lords spirituels et temporels et des com
munes , assemblés dans le présent Parlem ent, et en vertu de leur auto
r i t é , que tous enfans ni s ou à naître hors des états d’Angleterre ou
de la Grande-Bretagne, dont les pères sont ou seront sujets nés de la
susdite couronne à l’époque de la naissance des susdits enfans, soient,
ou vertu de la susdite clause du susdit acle de la septième année du règne
de feue la reine A un e, et en verlu du présent acle, déclarés être sujets
nés de la couronne de la Grande-Bretagne.
( 1 ) C e s tr ad u c tio n s ou t été faites li tt é r a le m e n t. O u » m i m e cru d e v o ir s'astre iu üre
à su iv re le s lo n g u e s to u r n u re s des p h r a s e s anglais es.
�( 4<j )
Pourvu, et que la présente restriction soit ordonnée par les autorités
precitées , que cette disposition ne s’étende pas aux enfans dont les p ères,
à l’époque de la naissance, étaient atteints de haute trahison, ou au service
militaire d’une puissance en guerre avec la coui’onne d’Angleterre.
Toutefois, qu’il soit ordonné par les autorités précitées que si un en
fant dont le père, à l’époque de sa naissance, était atteint de haute trahison
ou était sujet aux peines de haute trahison et de félonie, dans le cas où
il rentrerait sans permission dans ce royaume ou celui d’JrIande, ou
était au service d’un prince ou d’un état alors en guerre avec la couronne
d’Angleterre (exceptant de cette disposition les enfans des personnes qui
ont quitté l’Irlande en exécution des articles du traité de L im erick ), est
Tenu
dans la Grande-Bretagne, en Irlande, ou dans tout autre état dé
pendant de la couronne de la Grande-Bretagne, et a continué d’y résider
pendant deux années, dans l’intervalle compris entre le iG novembre
1708 et le 25 mars i j S i , et, pendant cette résidence, a professé la re
ligion protestante; ou si un enfant dont le père, à l’époque de sa nais
sance, était dans une des catégories précitées, est venu dans la GrandeBretagne, en Irlande, ou dans tout autre état dépendant de la couronne
de la Grande-Bretagne, a professé la religion protestante, et est m ort
dans'la Grande-Bretagne ou en Irlande, dans l’ intervalle compris entre le
16 novembre 1708 et le 2 5 mars 1 7Z 1 ; ou si un enfant dont le père, à
l’époque de sa naissance, était dans une des catégories précitées, a été et
a continué à être en possession de rentes et de jouissances provenant de
terres ou d’héritages dans la Grande-Bretagne ou en Irlande, pendant
l'espace de deux années, dans l ’intervalle compris entre le îG novembre
1708 et le a 5 mars 1731 ; 04 a, de bonne f o i et par de louables considé
rations , vendu ou constitué des terres et des héritages dans la GrandeBretagne ou en Irlande ; si la personne faisant valoir son titre auxdites
terres et héritages en vertu de la vente ou constitution, a louché les rentes
ou joui des terres pendant i’cspaée de six mois , dans l’ intervalle compris
entre le iG novembre i 7 o 8 e t„ lc 25 mars 1731', que cet
enfan t
soit jugé
et déclaré êlre et avoir été sujfrt né de la couronne de la Grande-Bretagne,
nonobstant tout ce qui pourrait être contraire dans le présent acte à la
susdite disposition.
�♦< ,1 .
( 5o )
d’un acte fait la 1 8 e année du règne
de G e o r g e s iii, cap. 6 0 , destiné à libérer les
sujets de Sa Majesté professant la religion
catholique, des peines et incapacités qui leur
sont imposées.
T ra d u ctio n
« C o n s i d é r a n t qu’il est à propos de rapporter certaines dispositions
» d’un acte de la onzième et douzième années du règne du roi G uil» laume II I , intitulé Acte destiné h prévenir la propagation du pa~
» pism e, par lequel de certaines peines et incapacités sont imposées aux
»> personnes professant la religion catholique, » qu’il plaise à Votre Ma
jesté qu’ il soit ordonné par la Chambre des communes assemblée dans le
présent Parlem ent, et en vertu de leur autorité, que tout ce q ui, dans le
«usditacte, sc rapporte à l’arrestation et au jugement des évêques et prêtres
catholiques et des jésuites; de plus, tout ce qui, dans le susdit acte, sou
met les évêques et prêtres catholiques, les jésuites et les personnes profes
sant la religion catholique, dirigeant des collèges ou se chargeant de l’cdu• cation de la jeunesse dans l’étendue de ce royaume ou des pays qui en
dépendent, à une prison perpétuelle; de p lu s , tout ce q ui, dans le
susdit acte, rend toute personne élevée dans la religion catholique et
la professant, inhabile à hériter, par droit, de naissance, des legs de.
possession ou de réversion de toute terre ou héritage dans le royaume
d’Angleterre, la principauté de Galles, la ville de Berw ick-sur-le-Trond ,
et donne au plus proche parent protestant le droit de posséder lesdites
terres et héritages et d’en jo u ir; de p lu s , tout ce q u i, dans le susdit
a c t e , rend toute personne professant la religion catholique inhabile à
acquérir des terres, des jouissances de terres, fermes, rentes ou héri
tages , dans le royaume d'Angleterre, la principauté de G alles, ou la villo
de Berw ick-sur-le-Trond, et rend nuls toutes les jouissances et intérêts
quelconques, proGts provenant de terres consacrées de conGance, d’une
manière directe ou indirecte, à l’usage, à l'avantage et au so ulagem ent
4
�( 5. )
fie telles personnes, sera et reste, par le présent a c t e , rapporté, avec
toutes les clauses qui s’y rattachent.
E t qu’ii soit ordonné par l’autorité précitée, que toute personne reven
d iq u a n t, pour des terres ou héritages, un titre non encore contesté,
quoiqu’obtenu par droit de naissance, de legs ou d’acquisition, possé
dera lesdites terres et héritages, et en jouira comme si le susdit acte
11’eiitpas été fait, et nonobstant tout ce qui pourrait y être contraire aux
présentes dispositions; pourvu toutefois et qu’il soit ordonné que rien
contenu dans le présent acte ne puisse être interprété de manière à en
traver aucune cause actuellement pend an te, laquelle suivra son cours
sans délai.
Pourvu aussi qu0 rien contenu dans le présent acte ne puisse être in
terprété de manière à concerner d’autres personnes que celles qui, dans
l’espace de six tnois, après la promulgation du présent a cte , ou après
l’entrée en exercice de leurs titres , ayant atteint l’âge de vingt-un ans,
ou qui, âgées de moins de vingt-un ans, ou en démence, ou en prison,
ou outre m e r , dans les six mois qui suivront la cessation de ces causes
d ’incapacité, prêteront et signeront le serment suivant :
« Je soussigné et promets sincèrement, et jure fidélité et véritable
» al! égeance à Sa Majesté le roi Georges I I I , et. défendrai de tout mon
» pouvoir contre toute conspiration et tentative effectuée contre sa per» sonne, sa couronne et sa dignité; je ferai tous mes efforts pour dénon» cer et faire connaître à Sa Majesté et à scs héritiers et successeurs toute
» trahison et complots qui pourront être formés contre lui ou eux ; je
« promets fidèlement de soutenir et défendre de toutes mes facultés la
» succession de la couronne dans la famille de Sa Majesté , contre qui
» que ce soit; renonçant par les présentes à toute obéissance et allégeance
»> à la personne prenant le titre de prince de Galles, du vivant de son
» père, c l q ui, depuis sa m ort, passe pour avoir pris le titre de roi de
»< la G ra n d e -lîrc ta g n e, sous le nom de Charles IIF, et à toute mitre
» personne prétendant à un droit à la couronne de ces royaumes; je jure
»> que je repousse et déteste, comme une proposition impie et anticliré»> tienne, qu’il est légitime de tuer et détruira un individu quelconque,
» sous prétexte qu'il est hcrcliquc, ainsi que le principe impie et anti-
�( S2 )
» chrétien que nulle foi ne doit être gardée avec les hérétiques ; je déclare
» de plus que je repousse et abjure l’opinion, et qu’il n’est nullement ar» t icle de ma foi que les princes communies par le pape et son concile,
» ou
par
l’autorité du siège de Rome, ou de toute autre autorité
,
puissent
» être déposés ou assassinés par leurs sujets ou toute autre personne ;
n et je déclare fermement que je ne crois pas que le pape de Rome, ou
» autre prince étranger, prélat, état ou potentat, puissent exercer au» cune juridiction temporelle ou civile, aucun pouvoir, supériorité ou
» prééminence , directement ou indirectem ent, dans toute l’étendue de
» ce royaume; et en présence de D ieu , je déclare et jure solennellement
» que je fais celle déclaration et toutes les parties qui la composent dans
» le sens simple et naturel des mots de ce. serm ent* sans aucun détour,
i> sans équivoque et restriction mentale quelconque, et sans dispense
» déjà accordée par le pape ou une autorilé quelconque du siège de Rome,
» et sans penser que je puisse être , devant Dieu et devant les hommes ,
» relevé et absous de la présente déclaration et d’aucune de ses p a rties,
» lors même que le pape ou toute autre autorité m’en relèveraient ou
» déclareraient qu’elle est nulle et sans effet. »
L a haute cour de la chancellerie, les greffes de Sa Majesté, à W e st
minster, et (suivent les noms des différéns tribunaux), seront compétens pour recevoir le présent serm ent, et ils y sont en conséquence
requis par le présent acte. L esdits sermens seront p rê tés, signés et enre
gistrés, et conservés de la manière prescrite p a r les lois actuellement en
v ig u e u r , et exigeant des sermens de différentes personnes exerçant des
fonctions publiques.
Pourvu toute fo is , et il est ordonné par les présentes, qu’aucune
partie de cet acte ne se rapportera ou pourra être interprété de manière
à se rapporter à aucun évêque et prêtre catholique, jésuite ou institu
teur, qui n’auront pas prêté et signé le susdit serment, dans les termes
ci-dessus mentionnés , avant d’avoir été appréhendés par corps, ou avant
le commencement des poursuites qui pourront être exercées contre eux.
C l e r m o n t , i m p r i m e r i e du T HIBAUD LANDRIOT«
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Vissac. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jouvet
Bayle
H. Duclosel
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
droit des catholiques en Angleterre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation. [Georges Onslow]
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1783-1831
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2705
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2701
BCU_Factums_G2702
BCU_Factums_G2703
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
BCU_Factums_G2708
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53542/BCU_Factums_G2705.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Mirefleurs (63227)
Chalendrat (terre de)
Lillingstone Lovell (01280)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des catholiques en Angleterre
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53534/BCU_Factums_G2619.pdf
50863d585657dee72e79fa258f96ab5b
PDF Text
Text
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GÉNÉALOGIE.
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M a u rice A d m irâ t.
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2 e* noces;
A n to in e D u ch a m b o n;
M a rie
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L a g ra v iè re .
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Suzann e,
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D a b ert.
à
L a v e l de M aurissati
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F ie r re M a n r y .
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P a s d'enfans.
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H u g u e s-A m a b le R o c h e fo r t¡
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H e n r ie tte ,
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EN RÉPONSE,
C o u r r o y a le
de R i o m
POUR
D am e
H
DUCHAMBON
u g u es- A m a b l e
de
C h a m b re ;
VOISSIÈREe t s ie u r
R O C H E F O R T , so n m a r i ,
propriétaires à M u r o l, appelans et in tim és,
CONTRE
Dam e
S
G E A T
uzanne
et
B E S S E IR E -R O C H E -
s ie u r
m a r i 3 c h ir u r g ie n
J ea n
à
B O N N E T
C h a m p e ix
son,
M ic h e l
P A N N E V E R T e t a u t r e s h é r it i e r s P A N N E V E R T , in t im é s e t a p p e l a n s .
AlWMWlVVMVWH
L
héritiers P an n eve rt se sont bornés à présenter un
simple précis de cette cause; aussi est-elle loin d'être
s u f f i s a ment connue: des faits principaux et essentiels
ES
vJa-*,
�( a ) '
ont été om is, parce que le défenseur ne les connoissoit
pas ; il a donc pu facilement envisager l'affaire sous un.
faux point de vue et la faire entrevoir de même.
S’il falloit en croire le sieur B o n n e t, qui paroît s’étre
cl large de la poursuite dans l’intérêt des intimés , le
sieur de Voissière auroit form é, contre ses propres in
térêts, une demande en partage des b ien s‘des auteurs
com m u n s, et en désistement de certains autres qui
étoient la propriété personnelle de son père ; ce scroit
encore contre ses intérêts que la famille Pannevert au
ro it, depuis i y 85 , em ployé tant de m oyen s, fait jouer
,* + ? \
\ A^, <v>|
v->«*v lO iiaj/.',,'
t
tant de ressorts pour échapper à cette dem ande, puis
q u ’elle y découvre aujourd’hui une source de fortune.
A l’en ten .lre, ce sont les demandeurs qui ont des biens
à leur liv r e r , des restitutions à leur fa ire , bien loin
de pouvoir espérer quoi que ce soit. Joachim D ucham
bon , aïeul de la dame R ocliefo rt, ne s’étoit créé une
fortune apparente qu’en suivant avec constance un
système de f r a u d e qui d é p o u ill a ses parens pour l'en
rich ir, au mépris de la loi et des p a ctes de f a m i l l e , et
au préjudice de M arguerite D ucham bon , femme M a n r y ,
leu r aïeule.
Ce système est établi sur la présomption que Jeanne
."Bertoule et A n toine D ucham bon, son m ari, avoient
une fortune considérable, et que Joachim D ucham bon,
leu r fils , 11’avoit eu aucun m oyen personnel de créeL*
la sienne indépendamment des biens de ses père et mère.
N ous p ro u vero n s, au contraire, par tous les actes du
procès, q u ’A n toine Ducham bon et son épouse n’a voient
presque d’autres biens q iu
ceux qu'ils tenaient
du
�C3 ) _
sieur abbé D e s t a i n g ; que ce lu i-c i, qui avoit des re
venus c o n sid é ra b le s et une fortune dont il étoit le
m a ître , en gratifia successivement Joachim Ducham bon ,
son filleul ; que pour cela il n’eut besoin d’em ployer
a u c u n e f r a u d e , parce qu’il n’en devoit compte à p er
son n e, et que tous les actes passés par ceu x-ci, dans
l ’intérêt de leur fils, leur étoient commandés par les
seules règles de la probité et de lu justice.
Nous nous bornerons h narrer ce qui résulte des
actes de la cause. Ils sont nom breux et les faits assez
compliqués ; néanmoins , il sera facile d’en saisir l'en
sem b le, surtout après avoir lu le précis des intim és,
qui en donne une idée claire. Quoique pleins du désir
qui anim oit l’auteur de ce précis, d’éviter les détails
in u tile s , il nous est impossible de ne pas en présenter
un peu plus. Nous distinguerons les faits principaux
qui constituent le procès, de ceux particuliers et se
condaires qui concernent les délails du partage. N ous
croyons aussi devoir les accom pagner du tableau généa
logique dont ils sont inséparables; il n’a avec celui qu’ont
présenté les intim és, d’autre différence que l’addition du
nom de la dame T o u rre dont il sera question plus d’una
fois, et une légère rectification qu’indique d’ailleurs 1g
précis des intim és, dès la seconde page.
F A IT S .
L e prem ier acte auquel il faut rem onter est le contrat
de mariage de Jeanne I3ertoule avec M aurice A d m irât;
il est du 2, août 1693. P ou r éviter toute éq u ivo q u e, i],
l
*
�(
4 )
faut transcrire la cause principale. Nous ne parlerons
pas du mariage de M arguerite B ertoule ; il étoit anté
rie u r, et elle avoit été forclose m oyennant une dot.
« L ed it M . Jean B ertoule et Suzanne F a rg e ix , sa
k con sorte, o n t, à ladite Jeanne B e rto u le, e t, de par
c< e lle , audit A d m irât, et avec L ég er B e r to u le , leur
« f i l s , constitué, après leu r décès, pour leurs vrais et lé« gitimes héritiers de tous et un chacun leurs biens
« présens et à v e n ir , q u ils -partageront par égale poru t io n , et consentent lesdits B ertoule et F argeix que
c< ledit sieur Adm irât puisse p re n d re , par préciput et
« avantage audit L ég er B ertoule , la somme de trois
« cents liv re s, pour les bons et agréables services qu’ils
« en ont roçus. »
Il n’est question de M arguerite que pour augm enter
de io o fr. la dot qui lui avoit été constituée ; rien
n ’annonce, d’a illeu rs, que la fortune des parties fût
considérable. L e sieur A dm irât étoit fils d’un notaire ;
il épousoit la fille d 'u n h u is s ie r , lui prom ettoit 30 francs
de bagues et jo y a u x , 100 fr. pour tout g a in de su rv ie ,
et n’exigeoit que 5o fr. pour lui-m ém e en cas de prédécès de son épouse.
L e sieur A d m irai ne vécut pas long-temps. Sa veu ve
convola le 26 mai 1698 avec A n toin e Duchum bon ou
Réquistat.
P a r le contrat de m ariage, Jean B ertoule et Suzanne
F a rg e ix instituèrent« la future épouse avec le futur pour
« leur h éritie r, » mais avec cette explication rem arquable
et non équivoque:
« A i n i , et de moine que ladite Jeanne B ertoule
�)
C5
« avoit été instituée par le précédent contrat de m ariage
« d’entre ladite Jeanne B ertoule et M aurice A d m irât.....
« portant institution comme dit est. »
D ans la suite du co n trat, A ntoine Ducham bon so
c o n stitu e 300 fr. ; son père lu i donne 400 fr. qui sont
hypothéqués sur les biens de Surain ; les époux se
donnent au survivant 100 francs pour gain de survie.
V o ila , jusqua présent, toute la fortune d’A ntoine D u . cliambon. L ’acte ne nous apprend pas quelle étoit la
condition du fu tu r; m ais, quelle q u e lle fu t, sa fortune
n’étoit pas moins très-m édiocre, môme en y joignant
celle de son épouse; ca r, dans la su ite, comme on le
verra par un acte subséquent, ils s’estimèrent heureux
d’entrer dans la maison de l’abbé D estaing, à un titre
qui supposoit peu d’aisance.
Il éto it, au reste, inutile de parler , dans ce contrat,
de L é g er Bertoule qui n’y étoit pas partie. Il n’en est
pas moins vrai que l’institution de Jeanne IW to u le
n ’étoit laite que conform ém ent à son prem ier contrat
de m ariage , et sans aucune extension : a in si et de
m ê m e , est-il d it; et que par ce premier co n trat, elle
n’avoit élé instituée que pour m o itié , n’importe que
son frère eût été saisi ou non de l’autre moitié. Celui-ci
d é c é d a célibataire le 2 mai 1706 ; son institution pou r
moitié n’avoit pas été réalisée , et il est question de
savoir si elle a dû profiter à Jeanne seu le, sans q u e lle
lui ait été attribuée par aucun acte.
Jean Bertoule décéda le 26 mars 1712.
. Bientôt après, et le a 3 janvier 1713 ? M arg u erite
D u ch am b on , ülle aîuée cl’A u to in e , contractu m ariage
�avec Pierre M an ry. O n v o i t , dans cc contrat, qu’elle
fut instituée par ses père et m ère, conjointem ent et par
égala portion avec M a r ie , sa sœ u r , à la charge par
les deux héritières de payer à Suzanne et Catherine la somme
de 700 f r . , et pareille somme à tous les enfans qui
pourroient n a ître, moles ou füles. L e sieur M an ry so
constitua 1,200 f r ., prom it à sa future 10 fr. de bagues
et jo ya u x, et pour tous gains de su rvie, il fut stipulé
80 fr. au profit de la fem m e, et 40 fr, seulement au
profit du mari.
L ’institution pour m o itié, destinée à M a rie , n’a pas
non plus été réalisée, et une des questions de la cause
est encore de savoir si elle a profité à M argu erite, ou
si les père et mère ont pu valablem ent en disposer.
A cette époque vivoit Joacîiim , abbé D estaing, prieur
du C liam bon, propriétaire ou usufruitier de la terre
de M u ro l, et ayant d’ailleurs une fortune considérable,
surtout pour ce temps-là. A n toin e Ducham bon et Jeanne
B e r t o u l e a v o i e n t é té i n tr o d u its dans sa m aison, soit
comme régisseurs , soit dans t o u t e a u t r e q u a li t é s e m
blable. Un acte subséquent prouve qu’en effet ils étoient
à gages dans la maison
avoit pris en affection,
1 7 1 6 , il leur transm it,
des propriétés situées i\
du sieur abbé Destaing. II les
et par divers actes de l’année
0 titre plus ou moins on éreu x,
Cliambon.
Cette même année 17 x 6 , et le 24 mars ,i l leur naquit
un enfant mâle. L e sieur abbé D estaing le tint sur les
fonts baptismaux et lui donna son nom J o a ch im : il songea
dès lors h devenir son bienfaiteur. Riche et m a î t r e do
pa fo rtu n e, il pouvoit en disposer ù son g r é , et ne fai-
�( 7 )
soit tort ni à A n toin e D ucliam bon, ni a aucun de ses
autres cnfans, en la transmettant à l’un d’e u x ; ca r, sans cela aucun d’eux n’eut eu rien à y prétendre. C e fut
p e u t - être là le principe des deux ventes d'immeubles
qu’il fit à A n toin e D ucliam bon, peu après la naissance
de cet enfant auquel il ne pouvoit pas vendre direc
tement ; et, sans d o u te , s’il eût continué à transmettre
directem ent au p è r e , aucun des enfans n’eût pensé à
se plaindre.
Nous devons placer icilep rem icr acte de libéralité q u ’ait
exercé l’abbé Destaing envers Joachim D ucliam bon direc
tem ent ; cependant, nous devons dire avant tout qu’indépcndam m entdcsesim m eubles, lesieur abbé D estaing étoit
propriétaire d’un grand nombre de rentes foncières et de
capitaux exigib les, pour lesquels il avoit des hypothèques
dans le pays. L e 11 mai 1 7 1 7 , il passa un acte n o tarié, par
lequel il déclara d onner, par donation en trevifs, « à Joa« ch ¡ni D ucliam bon, son fille u l, fils d’A n toin e D ucham «
«
«
«
«
«
bon et de Jeanne B erto u le, ledit Joachim D ucliam bon,
donataire absent, ci-p résen t, acceptant et hum blem ent
rem erciant p our lu i ledit seigneur abbé, donnant,
ledit Antoine. D u clia m b o n , son p è r e , dem eurant
avec ladite B e rto u le , s¿l fem m e, serviteur domestique
dans la maison dudit abbé D estaing, la somme de
« trois m ille n e u f cent quatre-vin gt-qu in ze livres cin q
'« sols h u it d en iers, fa isa n t la rente de cent quatre« v in g t-d ix-n eu f livres quin ze sols trois d en iers, con« tenue dans les seize contrats le rente rachetables, ci—
« après nommés. » C ’étoit alors une rente considérable.
« L e donatcuï se réserve l ’usufruit; « lequel veu t et
�m
« entend qu’après son décès, passe ail pève et h la mère
« dudit donataire , pendant leur v i e , et au cas q iio n leur
«f i t quelque rem boursem ent, ils seront tenus.et obligés
cc d'en em ployer les deniers en p roven an s, en acquisi« tion (ïautres fo n d s au profit d’ icelu i d o n a ta ire, leur
« f i s , il Vexclusion de tous leurs autres enfans nés
a ou ¿1 naître j comme aussi, veut et entend ledit sen
te gneur abbé D esta in g , qu’en cas de prédécès dudit
« donataire, le survivant de son père ou de sa m ère disk pose à leur gré de la présente donation, pour en f a
ts. voriser leq u el de leurs autres enfans il leur p la ira
« nomm er. » Il les subroge ensuite à tous ses privilèges
et hypotèques.
A ssu rém en t, rien n’étoit plus légitim e qu’un acte
sem blable, et il prouve que bien loin de vouloir por
ter aucun préjudice aux autres enfans du sieur D ucham b o n , l’abbé D estaing avoit pour eux des intentions
bienveillantes, quoique secondaires à ses dispositions pour
Joacliim .
.
' .
Cette donation fut suivie d’un grand nom bre d’autres,
parmi lesquelles on en rem arque trois principales!, des
années 1 7 2 3 , 1729 et 1733. O n y retrouvera toujours
les mêmes clauses de prévoyance pour l’intérêt de
J o a c l i i m D u ch am b on , mais non plu s, dans toutes, les
mêmes charges, conditions et réserves d’usufruit. Nous
les ferons rem arquer dans leu r o rd re, ainsi que les
circonstances qui peuvent avoir de l’intérêt pour lu
cause.
Nous devons placer ici le contrat de mariago de Ca
therine Ducham bon ayec Etienne D esserre, en date du
29
�(9)
29 octobre 1718. C ’est un acte assez ’ntérrsîrn t pour
la cause. Antoine Ducham bon y constitue à sa fille uns
somme d(*fl6oo, fr. au m oyen de laquelle il la déclare for
close ; mais il s’oblige à p ayer cette somme à l'échéance
de chaque te rm e , avec des fonds situés dans le lieu de
Beaune, à dire d’experts.
X/Cs deux autres Gilles, M arie et Suzan n e, furent ma
riées et dotées ; la prem ière, en 1719 t avec 1,860 f r . , et
la seconde, en 17 2 5 , avec i , 5oo fr.
D es actes rem arquables se placent encore à l'époque
de 1718 . A lix B o sgro s. propriétaire à B eau n e, étoit
débitrice d’A n n e t Bariton. C elui-ci fit saisir des biens
situés à B eau n e, et s’en rendit adjudicataire le 19 no
vem b re 1718. lie 23 du m ême m ois, il céda à A n toin e
Ducham bon le bénéfice de son adjudication. Nous de
vons dire qu’A n toin e Ducham bon étoit alors procureur
d’office en la justice de M u ro l où la poursuite étoit
pendante. P ou r ne pas y r e v e n ir, nous devons ajouteu
q u u n e nouvelle adjudication, faite en la m ême justice,
en 1732 , acheva de dépouiller A lix B o s g r o s cle ses b ie n s $
et qu’A n toin e Ducham bon s’en rendit directem ent ad
judicataire, quoique toujours procureur d’oiïice. Ces deux
sentences ont donné lieu à un procès considérable avec les
G orce et B ello n te, représentans d’A lix B o sg ro s, et de
là naît une des questions importantes de la cause, la ga
rantie des poursuites de ces héritiers Bosgros.
JjC 2.6 o c t o b r e 1721 , Antoine D u c h a m b o n , faisant pour
Joachim , so n fils, p r it, à titr e d e r e n t e , d e G uillaum e
D ucham bon, des b ie n s situés à V o is s iè r e . O n prétend qu’il
les avoit déjà pris au même titre de rente pour son compte
2
�(
)
person n el, par acte sous seing p rivé du 19 décembre
1 7 2 0 ; m ais, bien loin de p rou ver q u e , même à cette
é p o q u e , Ce prétendu bail à rente eût é té ^ p t pour le
com pte du p è r e , on ne le produit même pas ; de là
naît encore une des questions intéressantes du procès 5
c a r, il s’agit de savoir si A n toin e Duchambon n’a pas
commis une fraude en prenant ces biens àrent 3 sous le
nom de son fils , au lieu de les prendreou de les
conserver pour lui-m êm e. Nous ne parleronspas ici
des procédures vraies ou prétendues, dont les héritiers
P an n evert ont rendu compte à la page 8 du précis ;
nous nous bornerons à répondre dans la discussion
à ces m oyen s, d’ailleurs peu considérables.
A u reste, il est si peu croyable qu’on prit alors tous
les m oyens d’enrichir Joachirn Ducham bon aux dépens de
la fortune de son père, que le 4 novem bre 17 2 2 , Joachim
D estaing Ducham bon donna à A n to in e D u ch a m b o n une
quittance de 4,000 fr. pour rem boursem ent d’une rente
creee par contrat du n 5 mai i y n ; cela prouveroit qu’A n
toine Ducham bon ne détournoit rien au profit de son fils,
puisqu’il lui eut été beaucoup plus facile de lui attribuer ces
4,000 (r. que de s’ingénier pour lui faire passer des biens
im m eubles; et comme il est assez évident qu’A n toine D u chambon n’étoit pas assez fortuné pour rem bourser 4,000 f.
avec ses propres ressources, et que cette somme, si elle
ne fut pas prise sur les fonJs de Joachim , fut payée par
l ’abbé Destaing, on ne peut pas dire que celui-ci q u i la
faisoit louru t au profit du père, fit des fraudes pour faire
pass.'T les biens du père sur la tête du fils.
Nous 11c dirons q u’uu m ot des deux donations suc-
�( ” )
Cessivemcnt faites par A n to in e Ducham bon à M argu e
rite et à J o a c h i m , les 22 octobre et 6 novem bre 17 3 2 ,
de la m o itié des biens qui avoient été destinés à M arie
par le contrat de mariage de M arguerite. L es intimés
en o n t su ffîs a m ment rendu compte aux pages 6 et 9 du
p récis; elles ont été considérées comme inutiles, par le
j u g e m e n t dont est a p p e l, comme n’étant pas suffisam
m ent en form e. Nous ne nous arrêterons pas non plus
sur le fait articulé à la m ême page 9 , que des contrats
de rentes ou ch ep tel, appartenans à Jeanne B ertou le,
ont tourné au profit exclusif de Joachim. Il nous su ffit,
sur ce dernier p o in t, de dire que rien n’est établi par
les héritiers Pannevert.
N ous arrivons à la donation faite par l ’abbé D estaing à J o a c h i m D ucham bon, le 27 juillet 1723. A v a n t
d’en rendre com pte, nous devons faire une observation.
L e sieur abbé D estaing, comme nous l’avons d it, avoit
un fort grand nom bre de contrats de r e n t e , cheptels et
obligations. O bligé de faire souvent des poursuites, il avoit
plus d une fois obtenu des résiliations de baux à rentes fo n
cières, ou fait Vendre des biens hypotéqués. D a n s l ’inter
valle de la prem ière donation à celle de 1723 , il a v o it, par
onze actes sous seing p r i v é , transmis à Joachim Ducham
bon par voie de subrogation , la propriété de certains con
trats de rente ou au tres, et de propriétés foncières, ¿\ lui
acquise par décrets ; mais il n’avoit plus réservé l’usu
fru it, ni pour lu i-m ê m e , ni pour Jeanne B e rto u le, ni
pour A n toin e D ucham bon; chacune de ces subrogations
atteste qu’il se dé|)ouilloit de suite; seulem ent, Joachim
n’étant pas en état de jouir par lu i-m êm e, il en coniioit
�( 12 )
l ’aJininistration à Jeanne B e rto u ïe , sa mkre , à la
charge iCemployer les revenus à son éd u ca tio n , d’autres
ibis à son éducation et avancem ent, sans être cependant
obligée à en rendre com pte. Cela est écrit dans tousles actes.
Par la donation du 29 juillet 1 7 2 3 , le sieur abbé
D estaing donna à Joachim Ducham bon tous les héri
tages portés par les contrats de rente , vente et actes de
possession, énoncés dans un état signé de lu i; comme
aussi toutes les ren tes, jugeinens , obligations et cheptels
jpareillem ent m arqués audit é t a t , se m ontant toutes
lesdites choses données, à sept m ille h u it cent trente-huit
livres d ix sous : il se réserva l’usufruit pour lui et Jeanne
B ertoule seule, et ajouta ces expressions rem arquables:
«
a
«
«
«
«
«
«
« V oulant pareillem ent, ledit seigneur donateur, qu’en
cas de rem boursem ent desdits contrats de rente et
autres effets donnés , le rem ploi en soit fait par ladite
B e rto u le, ainsi et de la manière q u ’elle le jugera la plus
utile p o u r ledit J o a c h im , son fils , donataire, et c e ,
indépendamment du sieur D u cham b on , son m a r i, et
sans q ite lle so it tenue de prendre n i son consentem eut n i SOU autorisation p o u r ra iso n d u d it rem ploi,
comme la chose lui étant paraphernale. »
ü n voit par là i ° . que Jeanne Bertoule n éto it pas usu
fruitière des choses cédées dans les contrats précédens ;
que si elle Fétoit de celui-ci, elle devoit au moins em
p lo y e r le remboursement pour le compte de son fils;
q u’enfin , si elle étoit dispensée cie rendre compte des
rev en u s, et devoit les em ployer à l’éducation de son
i i l s , elle 11’eu étoit pas non plus tellement propriétaire
qu'elle 11c pût pas lui en conserver le bénéfice exclusive-
�( *3 )
m ent aux au tres, et qu’elle fut tenue de les réserver à tous
ses enfans. O r , il n’en faudroit pas davantage pour recon
noitre q u ’e lle a pu valablem ent em ployer à toutes ces
é p o q u e s des sommes pour son fils ; 2°. que l’abbé D es
taing, repoussant aussi sévèrem ent A ntoin e D u ch am b on ,
ne pouvoit pas être soupçonné de chercher à captiver
sa confiance ni à appeler sur sou fils un sentiment de pré
férence qu’assurément il eût plutôt détruit par de sem
blables stipulations. A u reste, rien ne prouve ni n’indique
que la ‘donation de 1723 contînt des contrats qui fussent
la propriété de Jeanne B e r to u le ,e t cela ne peut pas
être vruissemblable. D ’ailleurs, en comparant une foule
d’actes d’acquisition ou de ventes judiciaires, faitsau p ro
fit de l’abbé D e sta in g , avec la donation de 1723 , on voit
q u ’e lle eut réellem ent pour effet d’investir Joachim D u
c h a m b o n de propriétés très-considérables. Il fit lui-même
ou sa mère fit pour son compte d’autres acquisitions , soit
par délaissement de fonds affectés à des rentes que lui
avoit cédées l’abbé Destaing et qu’on ne payoit pas , soit
par suite de saisies sur les débiteurs de l’abbé D e sta in g ,
dont les créances lui avoient été transmises. C ’étoit là
un em ploi de capitaux qui étoit commandé par les actes
de donation et qui 11e faisoit tort person n e, dès qu’il
portoit sur des biens appartenons à des tiers.
Les libéralités du sieur abbé Destaing continuèrent
après lu donation de 1723 : indépendamment d e s ’actes
qui n’ont pas été retro u v és, on produit encore d ix-neuf
subrogations par lui faites à Joachim , a des contrats de
ven le d’immeubles , rentes, cheptels et obligations, jus
qu’au 28 juillet 17 2 7 , époque d’une prise de possession
qui joue un. grand rôle dans le précis im prim é.
'
�C H )
C et acte est fuit h Iti requête de Jeanne Bertoule , en
vertu du pouvoir qui lui e s t‘ donné par la donation de
1723 et plusieurs autres faites par l’abbé Destaing à son
fils. Il a pour objet d’investir Joachim Ducham bon de
la possession des fonds et héritages qui lui avoient été
donnés par l’abbé D estaing. Il est très-vrai qu’on y trou ve
compris plusieurs immeubles qui avoient été vendus par
l ’abbé D estain g , non à Joach im , mais à A n toin e D u
cham bon, son p è re , le 21 décembre 1 7 1 6 ; mais cette
circonstance, d’ailleurs fort in différen te, m éritoit d’au
tant moins d’être relevée , que les fonds ne changeoient
pas pour cela de m aître; qu’A n toin e D ucham bon se
garda bien de s’en d ép artir; qu’enfin il les a transmis
à ses h éritiers, c’est-à-dire, principalem ent aux Pannev e r t , qui sont défendeurs au partage et le contestent
depuis si lo n g-tem p s; et il est tellem ent vrai que ce
sont eux qui les ont possédés, que par acte du i 5 fé
vrier 178 6, ils ont donné à ren te, avec plusieurs autres
fonds, la terre de Lauradoux qui form e l’art. I er. de
la vente de 1 7 1 6 , e t l’a rt, 2 1 de la prise de possession
de 1 7 2 7 , Ct qu’encore aujourd’hui ils e n p o s s è d e n t trois
autres articles qui étoient la propriété de Joachim.
CVst encore sans aucune utilité qu’on parle du con
trat de rente du 7 décembre 1 7 2 7 , comme ayant attribué
à Joachim Ducham bon des propriétés appartenantes à
sa nîère ; deux mots écarteront l'influence qu’on veu t
donner à cet acte. Il com prenoit seize corps d’héritages
que M arguerite Sylvain reconnoissoit tenir de Joachim
D ucham bon ; aucun de ces héritages n’avoit appartenu
h Jeanne
B ertoule personnellem ent ; il paroit qu’ils
avoient été donnés à rente à des Sylvain en i
65 o
et
�C 15 )
1 6 7 4 , et M arguerite S ylvain avoit fa it, au profit de
Joachim D ucham bon, la reconnoissance de 1727 ; mais
A n toin e Ducham bon qui ignoroit cet acte, poursuivit
les détenteurs, obtint une sentence contr’e u x , et le 7
décembre 1736, il passa avec M arguerite S y lv a in , femme
B c llo n te , un nouvel acte par lequel il fut stipulé que
celui de 1727 scroit considéré comme .nul} qu’elle p a y e roit une rente de 100 fr. à A n toin e D u ch am bon , comme
m a r i, et que celui-ci la garantiroit de toute action de
la part de son fils. E n effet, depuis ce tem ps-là, A n to in e
Ducham bon , et après lui les Panne v e r t, ses représentans en p a rtie , ont possédé la re n te , l’acte de 1727
étant absolument dem euré sans exécution -, cela est
prouvé au procès. C et acte ne seroit, d’ailleurs , d’au
cune conséquence pour p rou ver les dispositions de
Jeanne B e rto u le , car elle n’y étoit pas partie ; il étoit
une simple reconnoissance de ren te, faite par les déten
teurs et acceptée par le sieur D a b e r t , curateur de
Joachim D u ch am b o n , et non pas un b a il à rente nou
vellem en t fait p a r Jea n n e B e r t o u le , au nom de son
fils, en fraude de ses autres enfans. Nous reviendrons
là-dessus dans la discussion : poursuivons le récit des faits.
Seize autres subrogations furent faites par le sieur
abbé Destaing jusqu’au 27 janvier 1 7 2 9 , époque de la
troisième des donations dont nous avons p arlé ; aucune
d’elles 11e porte réserve d’u su fru it, ni au profit de l’abbé
D estain g, ni en faveur de Jeanne B e rto u le , encore
moins d’A n toin e Duchambon. Les uns sont faits pure
m ent et simplement au profit de Joachim j les autres
avec la condition que su m ère jouira des reven u s, et
�:* c
.
(
1
6
^
les em ploîra à son éducation, ou munie àson avancem ent,
sans être tenue d’en rendre com pte, clause qui (n o u s
l’avons dit ) ne l’en rendoit pas propriétaire, si elle vouloit
les lui réserver. O n voit par là que la fortune do Joachim
augm entait graduellem ent, sans diminuer celle de ses père
et m ère; ses revenus étoient déjà beaucoup plus considé
rables que n ’exigeoit l’éducation d’un enfant de son â g e,
puisque les donations avoient commencé presqu’à sa nais
sance. C elle de 1729 porte sur des objets plus considé
rables encore.
Il suffit de jeter les y e u x sur cet a cte , pour être con
vaincu que les intimés se font illusion sur des faits essentiels.
X/abbé Destaing donne d’abord douze contrats de
rente , montant ensemble à plus de 4,000 fr. de capital.
Il donne ensuite « tous les arrérages de cens et rentes,
« lods et ven tes, et autres droits qui lui sont dus sur
* la terre de M u rol et le prieuré du Chambon (*),
« par les justiciables ou les ferm iers . . . . . . . T ou s les
« p rin c ip a u x
et
con trats
de r e n t e ,
faits j\ so n p r o f i t
« depuis qu’il jouit desdils terre et p r ie u r é ....................
« T ou s décrets portant adjudication à son p r o fit ........... ..
« E t en un m o t , tout ce qui peut lui être dû.
« P o u r , p a r ledit J o a c h im D u ch a /n b on , son filleu l,
« se fa ir e payer des arrérages, et jo u ir desdits con« trais de J'ente et acquisition de J b n d s ....................
« Sous la réserve de fusufruit sur les susdits contrats de
« re n te , jugemens et acquisition de fo n d s, seu lem en t
« sa vie durant, et après son décès sera éteint et conso-
5
(* ) I^a terre «le M u r o l é lo it afferm ée /,, o o fr. e t le p rie u re <joo f r . , pa*
/>>il J e
iG
85
, e t c e a l so ixan te se tiers tic l>të, e n 1 7 3 9 .
'
�17
(
)
« lid é à la -propriété, en fa v e u r dudit J o a c h im D u « ch am bon ; et veut ledit sieur donateur que quand
« il viendroit à décéder avant que ledit Joachim D ucliam « b o n ait atteint sa m ajorité, ledit A n to in e D u c h a m b o n ,
« son p è r e , n 'ait aucun u su fru it des choses ci-dessus
« données y mais que les fruits et revenus soient em * ployés à l’éducation de Joachim , e t , pour cet effet, les
« contrats remis à Jeanne B e rto u le , sa m ère, pour
« être par elle g ardés, et les fruits et revenus perçus
« jusqu’à la majorité de Joachim. » E lle n’est pas dispensée
d’en rendre com pte.
E nfin , le donateur déclare que « cette donation est
t faite sans déroger a u x précédentes , et que si le
« donataire décède avant sa m ajorité, il veu t que les
« objets donnés soient partagés p a r égalité entre les
« enfans d 'A n to in e D u ch a m b on et Jea n n e B erto u le.
« A u reste, et pour la fixation des droits, il estime les
« objets donnés à quatorze m ille n e u f cent quatre« vingt-quinze livres ; » somme considérable en 172 9 ,
à supposer m êm e qu’elle en fût la valeur exacte.
Nous n’avons pas besoin de réflexions sur cet acte j
qu’on le compare seulement avec les assertions vagues
des héritiers P a n n eve rt, que Joachim Ducham bon étoit
sans ressou rces; que son père ou Jeanne B erto u le,
avoient l ’usufruit des objets qui lui étoient donnés ; que
la fortune de Joachim s’étoit faite aux dépens de celle
de ses père et m ère ; qu’e n fin , les revenus des objets
donnés étoient insuffisans pour l’éducation de Joachim ,
qu'on f a i s o i t f a ir e à grands f r a i s dans les collèges do
P a r i s , lorsque des actes de ce tem ps-là, établissent qu’il
3
�(i8)
élo't étudiant a u x collèges' de C lerm ont des Jésu ites
de ladite v ille , quoiqu'en effet il eut aussi étudié à Paris.
L ’année su ivan te, le sieur abbé Destaing résigna son
prieuré ù Joachim D ucham bon; il étoit affermé 900 fr.
en i 685 , comme nous l’avons d it, et de 1 7 3 2 à 1747 >
cent soixante setiers de b lé , v a la n t, sur le prix m oyen
des pancartes, pour tout le temps du bail, 1,445 fr. Joa
chim en prit possession le 18 novem bre 1731 \ la jouis
sance lui en appartint dès lors, et vin t accroître sensi
blem ent ses revenus.
E n fin , le 4 janvier 1 7 3 3 , l’abbé D estaing lui céda
« tous les arrérages de cens et rentes échus, tant de la
« terre de M u r o l,q u e du p rieu ré, lods et ventes, prin« cipaux de rentes et arrérages d’icelles, décrets p or
te tant adjudication de fon d s, jugem ens, o b ligatio n s,
« promesses et acquisitions de fon ds, tant par contrats
« de vente que par décrets, p o u r, est-il dit, par ledit
« J o a ch im , en jo u ir com m e f aurois pu fa ir e avant
« ces présentes. » Il estdit encore que cette cessionest faite
m oyennant certaines sommes convenues en tr'eu xj mais
il est facile de voir que cette stipulation est faite parce
que l’acte étoit sous seing p riv é , et que la donation
n'auroit pas été valable en cette forme.
Bientôt après, et le 4 juin 1 7 3 3 , le sieur abbé Des
taing décéda, laissant à son filleul une fortune consi
dérable. O utre les quatre donations principales, on
compte cent vingt-sept subrogations particulières, ;\ des
créances plus ou moins considérables, dont il la v o it en
richi depuis 1717;
Passons à d’autres faits.
�l9
C
)
O n a v u que par le contrat de m ariage de Catherine
Ducham bon avec Etienne D esserre, A n to in e D ucham bon lui avoit constitué 800 fr. payables en fonds. L e
27 mars 1 7 3 3 , il la subrogea aux deux adjudications
des biens d A lix Bosgros ; sa v o ir, est-il d it, celle do
1718 à lu i cédée p a r B a r ito n , m oyennant trois cent
s o i x a n t e livres, et celle de 1 7 3 2 , fa ite pour cin q cent
cinquante liv r e s, p o u r, p a r lu i, dem eurer quitte envers
ladite D u ch a m b o n , sa J i l l e , et ledit D esserre son
m a r i, de la constitution dotale ¿faite p a r s o n contrat
de mariage q u i est de 8 0 0 .fr . Il déclare ensuite donner
à sa fille le surplus du m ontant desdites subrogations
après les 800 fr. p ayés; ce qui s’applique au prix de
l’adjudication de 1732 et de la subrogation faite pau
Bariton à celle de 1718 . L e sieur Duchambon se réserve,
sur ces deux adjudications, et excepte de la subrogation
tous les prés de M a u ln e et un petit p atu ral; aussi, il
prom et à sa fille et à son g en d re, la garantie de tous
trou bles, dettes et hypotèques envers et contre tous ;
cela étoit bien fo r c é , puisqu’il ne faisoit que rem plir
une obligation. L es prés réservés ont été r e c u e i lli s dans
sa succession par les P an n evert qui les ont donnés à
rente à un sieur T a i’tière. Cette subrogation, en p aye
m ent d’une dot constituée depuis q u in ze a n s , donne
lieu à la question de savoir si la succession, c’est-à-dire,
tous les héritiers d’Antoine D u ch am b on , doivent la ga
rantie de l’éviction éprouvée par les représentans de
C atherine, femme Desserre.
Nous ne dirons qu’un m ot de la cession faite par les
[Veiuiay en
174° ?
Jeanne B ertoulc, qui en paya le p rix
3 *
�avec les deniers de son fils, l’accepta pour lui. Nous au
rons à voir i° . s’il doit en p r o fite r , 2°. si la femme
V e rn a y avoit des prétentions fondées à la succession
de ses père et m ère, ou si elle n’avoit qu’une légitime,
L e sieur M a n ry étoit décédé ; M arguerite D ucham bon,
sa v e u v e , convola à de secondes noces avec le sieur
B u rin - D ubuisson, le 1 6 juillet 1743 ? e*:? ce
es* re**
m a rq u a b le, A n toine Ducham bon déclara renouveler
l’institution portée au premier contrat de mariage avec
le sieur M a n r y , du 23 janvier I 7 i3 ,m a is avec toutes
les clauses et conditions insérées audit contrat de m a
riage. O n a vu que par ce contrat elle n’étoit instituée
que pour m o itié , à la charge de payer des sommes fixes
pour légitim es; l’abbé Destaing n’étoit plus là p ou r
exercer une prétendue influence; il étoit m ort depuis
dix ans, et cependant le père ne veu t encore instituer
sa fille que pour m oitié, et même sans révoqu er aucune
des conditions insérées au prem ier contrat, mais x au con
t r a i r e , en le s renouvelant. O n ne peut pas manifester
une volonté plus lib r e , plus c la ir e et plus positive à la
fois; et cela prouve qu’elle avoit toujours é t é i n d é p e n
dante de l'influence de l’abbé Destaing.
Nous devons donc considérer comme trè s-p e u im
portantes les déclarations qu’il fit dans son testament f
que la prétendue donation de 1722 lu i avoit été ex to r
quée par le sieur abbé D e s ta in g , dont i l étoit agent
d ’a ffa ires, et p a r menaces et v io le n c e......... ; q u 'il n'y
a de valables que les deux donations qu il a fa ite s au
profit de M arguerite .( quoique l'une soit de ses biens
présens et à ven ir, hors contrat de m ariage)
quelles.
�( 2.1 )
ont été in sin u ées, tandis que la prem ière ne pouvoit pas
l ’être , et que la seconde ne l’est pas ; que tout ce q u i l
a f a it depuis est n u l ; e t , qu’en tout c a s , il lè g u e à
M a r g u e r ite tout ce qu’il lui est permis de donner et
a u tr e s choses semblables. Nous devons rem arquer qu e ce
langage n’est pas celui de l’homme q u i , prêt à quitter
la v ie , regarde le monde avec une espèce d’indifférence.
L e sieur Ducham bon n’étoit point malade ; il n’est m ort
que deux ans après : c’étoit u n testam ent de précaution,
dicté par l’esprit d’intérêt d’un tiers q u i n’épargnoit pas
les expressions. H abitant à C h am b on , il fut conduit à
R io m , dans letu d e d’u n notaire, pour y faire cet acte
si peu libre, e t , d’ailleurs, si contradictoire avec la volonté
exprimée dans le contrat de mai’iage de 1743Nous ne parlerons pas ici de quelques autres actes qui
ne sont qu’accessoires ou relatifs à des questions de p ré
lèvem en t; il nous suffira de les appliquer dans la discus
sion. Nous ferons seulement rem arquer q u e , par acte
du 27 septembre 17 6 6 , Catherine D u cham b on , veu ve
Desserre, fit donation de tous ses biens à M ich el, son
n eveu , à Suzanne, sa sœ u r, et aux représentans de la
dame de M aurissat, son autre sœur.
11 paroît q u e , m algré cette longue série d’actes et de
dispositions, les héritiers de M arguerite D ucham bon,
qui prétendent cependant avoir été dépouillés, se mirent
et se maintinrent en possession des b ien s, même de ceux
acquis par Joachim ; c a r , dès le 19 juillet 1780, M ichel
D u ch am b o n , fils de ce d ern ier, forma contr’eux line
demande en désistement des biens appartenans à J o a -
�U 'o
( 22
cliim , et en partage des biens des auteurs communs.
C ’est là le principe de l’instance.
C ette demande ne fu t pas poursuivie avec activité.
L es parties étoient en projet d’arrangem ent : des lettres
du sieur Pannevert le témoignent. Il en profita pour
fo rm er, le 21 mai 17 8 5 , une demande en pérem ption;
et plutôt que d’y faire statuer, en prouvant qu’elle étoit
de mauvaise fo i, le sieur Ducham bon préféra form er
une nouvelle demande qui produisoit le même effet
que la précédente; c’est ce qu'il fit le 9 juillet 1785.
Cette demande n 'e m p ê c lia pas G u i l l a u m e de P an n ev e r t et le sieur R och egeat, son g en d re, de donner à
rente onze héritages dépendans de la succession, par deux
contrats des 31 janvier et i 5 février 1786. C ’est dans
le dernier de ces actes que fut compris la terre de L aura d o u x , qu’on demande aujourd'hui aux représentans
de Michel Ducham bon.
L a suppression de la sénéchaussée, et les divers m ouvem ens de l ’o r g a n is a t io n judiciaire, mêlés aux évèn einens de la rév o lu tio n , suspendirent les poui’suites. Des
projets de traité furent de nouveau n é g o c i é s , m êm e
a rrê té s, par la médiation d’un jurisconsulte. D es experts
furent nommés pour procéder à un partage provisoire;
ils o p érèren t, e t , par la distribution des lo ts, ils attri
buèrent a u sieur Ducham bon des fonds qui avoient été
aliénés par les P a n n evert, et qu’on pouvoit faire rentrer.
Ils le firent ainsi pour ne pas dém em brer un domaine
appelé de V aissière, possédé par les Pannevert. Cha
cun se m it en possession de son lo t; mais il n’y eut
�( 23 )
point d’acte en forme. L e sieur Bonnet en profita en
core p o u r former une nouvelle demande en pérem ption.
Comme en 17 8 5 , on avoit la preuve écrite des pour
parlers et des arrangemens faits ; mais on n’étôit plus
dans la position de renoncer à en faire u sa ge, parce que
la procédure n’étoit p a s , comme alors, réduite à la de
mande seule ; qu’elle étoitcon sid érable,et que, d’ailleurs,
une nouvelle demande pouvoit donner lieu à des diffi
cultés sérieuses en abandonnant la p rem ière; il fallut
résister à la pérem ption.
N éanm oins, avant de la contester en justice, on con
vin t de se rendre chez M e. M a lb e t, avoué constitué
par le sieur Bonnet. L à , il fut reconnu que la demande
en-péremption n’étoit pas fondée, pour ne rien dire de
plus..N e dissertons pas sur ce qui 8e passa dans l’étude
de l’avoué; disons cependant que les appelans en sor
tirent dans l’intime con viction , que les pièces de la de
mande en pérem ption étoient anéanties; mais, quelques
jours après, une nouvelle assignation, donnée par le sieur
B o n n e t, leur apprit que l’original de la demande existoit encore et qu’il entendoit s’en prévaloir.
Nous disons : le sieur Bonnet ; car il en étoit l’uni
q ue au teu r, et il l’avoit faite avec tant de précipitation,
qu’il n ’y avoit mis en qualité avec lui que la demoiselle
B och egeat, sa belle-sœ ur, et l’aîné des sieurs P a n n e v e rt,
tant en son nom que comme curateur de la demoiselle
Bochegeat ; il avoit omis tous les a u tres. A ussi, le tri
bunal d’Issoire, se fondant sur le principe qu’une pé
rem ption ne doit être a d m is e que lorsqu’elle éteint l’ins
tance avec toutes les p a rties, crut-il devoir rejeter la
�(24}.
demande du sieur B on n et; le jugem ent est du 6 mars
18 11.
- L es sieurs Bonnet et P annevert se pourvurent par
appel. Il n’y avoit pas de doute que le m oyen admis
par le tribunal d’Issoire, ne fût conform e aux principes :
telle e s t, en e ffe t, aujourd’hui la jurisprudence cons
tante de la C o u r, et m êm e de la C our de cassation; néan
m oins, et sans doute sur les développem ens donnés à
l’audience, la C our ne crut pas devoir s y arrê ter, e t ,
par son arrêt contradictoire du 2.0 m a r s 18 1 2 , en main
tenant le ju g em en t, donna des motifs qui devenoient
plus sérieu x, parce q u’ils faisoient ressortir la mauvaise
foi de ceux qui aujourd’hui crient si fort à la fraude.
« A tten d u qu’il paroît constant, dans la cause, q u il
« y a eu des projets d’arrangem ent entre les parties ;
» que, par suite de ces projets, les choses arrêtées avoient
« été exécutées en p a r tie , de la part de tous les hé« r i t i e r s , p a r la m ise en possession de quelques-uns
« (Teux d e s lo t s q u 'il é t o i t c o n v e n u de leur déla issery
ce et p a r la demande en désistement ¿ fo r m é e p a r M a r « guerite M a n ry , contre T a rtièrc et P o n s , d’unjeertain
p pré q u i, dans leurs projets d’arran gem en t,devoit faire
« partie du lot de la partie de B a yle ( le sieur D ucham « bon ) ; »
« A tten d u que ces projets d’arrangem ent ont sus« pendu et conservé les droits respectifs des parties
« jusqu’à ce que lesdits projets eussent été rédigés et
« eussent reçu leur pleine et entière exécution, »
Il fallut donc recom m encer à plaid er; et ainsi, ce
partage fait 7 et qui ne* devoit être consommé par écrit
qu’après
�(25)
qu'après l’époque où certains obstacles m omentanés
auroient d is p a r u , dut faire place à une suite de procès;
e t, chose étra n g e, ce partage fait et exécuté n’uvoit
pas été un obstacle à une demande en pérem ption de
l’instance qu’il avoit terminée daus la pensée des parties,
et cette demande en p érem p tion , qu’une apparence de
pudeur avoit fait anéantir, avoit encore reparu par une
précaution digne d’elle , et il avoit fallu la justice pour
la rejeter dans la poussière ; e t , aujourd’h u i, s’il falloit
en croire le sieur B o n n e t, les héritiers D u d iam bon
n'auroient rien à espérer de leur demande. Pourquoi
donc em p lo yer tant et de si misérables m oyens pour
6’y soustraire?
L es héritiers P a n n e v e rt, procédant sur la demande
en p artage, regrettoient d'y être obligés et de ne pou
voir pas anéantir à la fois et le p a r t a g e déjà fait et la
demande qui les menaçoit d’un autre partage. T ou jours
fertiles en expédiens, et peu difficiles dans le c h o ix , ils
en im aginèrent un autre du m êm e genre. Ils alteignoient
parvenir
lité des
clühlarer*
d ifficile ,
leur b u t , au moins en p a rtie , s’ils pouvoient
à attribuer à M a r g u e r i t e D u d i a m b o n la tota
successions d es a u te u r s com m uns, et à faire
Joacliim simple légitim aire. Cela étoit assez
puisqu’elle n’avoit été instituée que pour m oi
tié ; mais le remède n’étoit pas difficile. Üîu.-cq.
fut quitte , i ce qu’il p a r o ît, pour quelques changemens
dans une expédition du contrat de mariage de M ar
guerite Ducham bon ; on fit très-adroitem ent du mot
m oitié le mot universelle ; on changea le pluriel h éri
tières en sin gu lier, au bénéfice de M a rg u e rite , et on
4
�• lié
( 2 (5 3
n’eut pas moins de facilité à produire cette expédition
ainsi altérée qu’on n’avoit mis d’innocence à form er la
demande en pérem ption, après un partage effectué, e t
h la faire renaître de ses cendres, après avoir feint de
la déchirer en présence de gens honnêtes.
L e sieur D ucham bon avoit aussi une expédition du
contrat de m ariage de sa tan te, et il eut bientôt aperçu
la supercherie; il la signala hautem ent dans une écri
ture du 29 mars 1 8 1 7 , et on retira cette expédition
du dossier avec sang fro id , comme on l’y avoit mise.
Nous n’avons pas à parler de la suite de la procé
d u re , mais seulem ent à rendre compte du jugem ent
dont est appel; cependant, pour bien se fixer sur l’une
des questions de la cause, il est nécessaire de faire connoître quelques faits relatifs à la demande des G orce
et B d lo n te , représentans d’A lix Bosgros.
L a subrogation faite en 1733 par Antoine D ucham
b o n , au profit de C ath erin e, sa fille , avoit produit son
effet. C a t h e r i n e , f e m m e D esserre, avoit été mise en
possession des héritages vendus s u r A lix B o s g r o s en 1718
et 1732 , excepté ceux que s’étoit réservés A n toin e
D u ch am b o n , et qui ont été jouis par les Pannevert.
L a dame Desserre ayant transmis ses droits à
r
Suzanne et M arie , et celle-ci ayant cédé les siens à
ÏÏU cA a L ' J ouphnu , les représentans de celui-ci et la dame T o u rre ,
représentant la dame M aurissat, étoient en possession
du surplus, par eux ou leurs ayant droit.
Lu demande en désistement des B d lo n te avoit été
form ée eu 1741 contre Catherine Desserre. Kn 1 7 6 1 ,
elle opposa les deux sentences ¿ ’ a d ju d i c a t i o n , et en
�(2
7 )
I 7^2 j les Bellonte en interjetèrent appel. Il y a <?té
statué par un arrêt (le la Cour du 29 mars 1807; les
deux adjudications ont été déclarées n u lles, sur le fon
dem ent qu’elles avoient été faites irrégulièrem ent et
avec précipitation, et que l'une et l’autre l’avoient été
au profit du sieur D u ch a m b o n , procureur d'office à la
justice devant laquelle on les poursuivoit.
Il a fallu ensuite statuer sur la demande en désiste
m en t; mais la dame L a v e l M aurissat, femme T o u r r e ,
qui n'étoit point partie dans l'instance en p artage, et
qui jouissoit des biens, seulement comme donataire eu
partie de Catherine D u cliam b cn , sa tan te, forma une
demande en garantie contre les héritiers d’A n to in e ,
comme garant du délaissement de fonds qu’il avoit fait
en 173 3 ; à son to u r, M ichel D u cliam bon, contre le
quel la demande frappoit pour les deux tiers, form a
une semblable demande contre les P a n n e v e rt, cohéri
tiers avec lui d’A n toin e D ucham bon , son aïeul.
Ces demandes en garantie n’eurent pas le m ême sortj
la C o u r, en statuant sur le tout le a 5 novem bre 18 12 ,
et en prononçant le désistement contre les détenteurs,
considéra la succession d’ Antoine Ducham bon comme
garante du délaissement de 1 7 3 3 , et condam na, tant
M ichel Ducham bon que les P a n n ev e rt, à garantir la
dame T o u rre de l'éviction qu’elle souiTroit; m ais, quant
à celle de M ichel D ucham bon, elle ne crut pas devoir
y statuer; elle le ren vo ya à se p o u r v o i r , ainsi qu’elle
aviscroit, devant le tribunal d'Issoire, dans Vinstance
en partage q u i est pendante entra les parties.
�( 28 )
A in si, on v o it, i° . qu’elle admet le principe de ga
rantie contre la succession; 20. qu’elle l’effectua au profit
de la dame T o u rre ; 30. que ne pouvant pas davantage
en refuser l’application à M ichel D ucham bon, elle ne
le débouta pas de sa dem ande, ce qu’elle auroit dû
faire s’il n’y avoit pas eu lieu à garantie; mais que se
fo n d a n t, sans d o u te, sur ce qu’entre cohéritiers tout
doit être réuni au p arta ge, surtout quand la demande
est p en san te, elle jugea plus convenable de ren vo yer
l ’exercice de cette garantie.
C ’est en cet état qu’a statué le jugem ent dont est
appel.
N ous dirons, comme les héritiers P an n evert, qu’il
seroit superflu de le transcrire. Nous n’en donnerons
m êm e pas l’analise qui se trouve au précis, page i 5 et
suivantes; nous nous bornerons à discuter chacun des
.chefs d’app el, à mesure qu’ils se présenteron t, et nous
suivrons l’ordre qui a été adopté par les intimés»
§. 1er.
APPEL
P R IN C IP A L »
C et appel se compose de deux parties différentes ;
i ° . des chefs spécialement énoncés dans l’exploit d’appel
et pour lesquels il suilit de voir s’ils sont fondés; 20. de
ceux qui n’y ont pas été détaillés, et contre lesquels
on oppose, un peu foiblcm ent il est v ra i, une fin de
non recevoir tirée de ce que , suivant les héritiers
P a n n e v e rt, l’exploit d'appel était restrictif.
�L e prem ier g rie f est relatif aux héritages situés à
S u r a i n , qui ont été l’objet de l’acte du 7 décembre 17 2 7 ,
et que la dame Rochefort est condamnée à rapporter.
L a prétention des héritiers Pannevert et la disposi
tion du jugem ent, sont fondées sur ce que Jeanne Bertoule donna à re n te , par cet a cte , comme appartenans
à son fils, des héritages situés à Surain, qui étoient sa
p ro p riété, qui même lu i étoient d otau x, d ’a p r è s son
contrat de mariage ; sur ce q u e , conséquem m ent, ce fut
une attribution frauduleuse ; que si les représentans de Joachim sont nantis de ces im m eub les, ils doivent en faire
le r a p p o r t ; que si, au contraire, ils sont encore entre les
mains des preneurs à re n te , ou de leurs ayant d ro it, le
bailleur quiles leur a vendus ou transmis à titre de r e n te ,
est égalem ent tenu envers la succession du rapport de
ces immeubles qu’il s’est indûm ent appropriés en les
transmettant à des tiers.
Ces m oyens peuven t paroître p lau sib le^ mais il sera
facile de se convaincre qu’ils sont erronés.VNous prou
v e ro n s, les actes à la m ain, que Joachim IX icham bon,
n i Jeanne B e rto u le, n’ont jamais donné à re n te , ni
transmis à des tiers, les immeubles dont il s’a g it; nous
prouverons qu’ils ne les ont jamais possédés, et on 11e
prétendra pas qu’ils les possèdent aujourd’h u i; en fin ,
nous établirons, avec l’acte de 173^ et les poursuites
faites depuis par les P an n evert, que ce fut Jean B er
to u le , et après lu i, ie sieur D ucham bon, qui les aliéna
à titre de re n te , et que si la succession de Jeanne
�( 30 )
Bertoule a droit de les réclam er , c’est encore la succes
sion d’A n to in e Ducham bon qui doit en faire le rapport.
L es actes dont on argum ente suffisent pour dém ontrer
qu’on a erré sur tous les points.
Il paroît q u e , par deux actes des 31 janvier i 65o et
8 avril 1 6 7 4 , G uillaum e Bertoule et J e a n , son fils ,
avoient délaissé à Guillaum e S y lv a in , père de M argue
rite , divers bâtîmens et héritages m oyennant une rente
annuelle de 60 fr., dont 52 fr. seulement étoient payables
à B e rto u le, moitié à la Saint-M artin et moitié à N o ë l,
et 8 fr. à un sieur Besseyre , et q u e , par acte du 14
juillet 17 0 2 , Jean B ertoule avoit cédé cette rente de
Ô2 fr. à A n to in e D ucham bon , son gendre ; il est cons
tant que les débiteurs ne payoient pas et étoient toujours
en arréra ges, ce qui les obligeoit ou à céder des fonds
en payem en t, ou à augm enter la rente à chaque ratifi
cation. A n toin e D ucham bon prétendit dans la suite q u e ,
par un acte q u i s*étoit a d h ir é , les Sylvain lui avoient
laissé p lu s i e u r s fo n d s en payem ent en 1702 , et q u’il
les leur avoit donnés verbalem ent à t i t r e d e f e r m e vers
l ’année
v it
Il paroît que ces mêmes fonds furent
l’objet de /a cte de 1727 : ce ne fut point un contrat
de b a il à rente de fonds qui fussent dans la main d’A n
toine D ucham bon , com m e m ari de Jeanne B ertoule j
A n to in e Ducham bon 11’eiit pas m anqué de s’y opposer.
C e fut une simple reconnoissance faite par M arguerite
S ylvain , veu ve B on h om m e, de «tenir et posséder h. titra
« de rente perpétuelle, au profit de Joachim D u c h a r n <f bon, ci-présent et acceptant, e t, au b esoin , autorisé par
p M e. G ilb ert D a b e rt, lieutenant en la justice de Saint»
�(3 0
« D i é r y , son cu rateu r, les héritages qui suivent : » ils
sont désignés immédiatement : ce sont ceux qui avoient
été l’objet des précédens baux.
* Il est assez évident par là que M argu erite Sylvain ne
faisoit qu’une reconnoissance de ten ir et posséder , au
lieu d’accepter un bail d’héritages qu’elle n’eût pas pos
sédés jusques-là. A u reste , un acte subséquent ne laisse
pas de doute ; m ais, pour ne rien om ettre , nous devons
rapporter les dernières expressions de l’acte, toutes in
signifiantes qu’elles sont : « lesdits bâtimens et héritages
« ainsi baillés et délaissés avec leurs droits, aises, ser« vitudes......à la rente annuelle et perpétuelle de cent
« quatre liv re s, payable savoir une de cinquante-deux
« livres à la S a in t-M a rtin , et une autre de cinquante« deux livres à N o ë l de chaque année. » C e sont les
deux mêmes termes des baux à rente de i 65o et 1674.
Cette rente ainsi augm entée sans que l ’acte en porte
la cause, qui est d’ailleurs facile à e n trev o ir, ne fut pas
plus payée que la précédente; mais A n toin e Duchambon poursuivit M arguerite Sylvain en vertu des actes
de i 65o et 1 6 7 4 , sans aucune mention de celui de 17 2 7 ,
et obtint contr’e lle , le 10 juin i733> une sentence de
condamnation au payem ent des arrérages de la rente
de z liv ., à passer titre n o u vel, à payer les arrérages
de la ferm e verbale qu’il disoit avoir faite des fonds à
lui rétrocédés en payem ent, suivant l’acte dont nous
avons parlé, et qu’il disoit a d h iré, quoique passé pardevant notaires , ut à cesser toute jouissance de ces
fonds.
5
Ce fut alors que M arguerite Sylvain soutint ne pas
�.? * e
( 32 )
d evoir cette rente et rapporta le contrat do 1727 ,
dans lequel acte, disoit-elle, ceu x assencés verbalem ent
et tous ceu x com pris dans les contrats des 30 ja n v ie r
1650 et 8 a vril *674 sont spécifiés, et ladite Sylvain
avoit promis de p ayer p o u r le tout 104 liv. de x’ente.
O n pou voit alors vérifier facilem ent ces assertions,
surtout A n toin e Ducham bon à qui le contrat de 02 liv.
avoit été cédé personnellem ent, et qui étoit partie prin
cipale, soit dans le prétendu acte par-devant notaire
a d h ir é , soit dans Vassence verbale des fonds à lui r é - 1
trocédés pour arrérages. Contesta-t-il la véracité des
faits? N o n , il les reconnut tous, et se borna à soute
nir que Jo ach im , son fils, par l’acte de 1 7 2 7 , s’étoit
approprié ce qui ne lui appartenoit pas. Il ne chercha
p as, comme on le dit page 2 1 , à déguiser l’origine des
h éritages, pour en gratifier son fils; il la constata, au
con traire, d’une m anière p o sitive, pour que son fils ne
s’emparât pas de sa rente. C ’est, en effet, ce qui résulte
du traité de 1735 , dans lequel nous avons puisé tout
ce que nous venons de d ir e , et dont n o u s devons rap
porter les dispositions.
O11 y lit ,
« Ducham bon
en effet, après cet exposé, que « ledit
entendoit
soutenir
que
ledit
acte
« ( d e 1 7 2 7 ) est nul et ne peut subsister, ayant été
« f a i t à p la isir sous le nom de son fils lors âgé seu« lem ent de onze ans , et non pou rvu de tuteur ni
« curateur; q u e , d'ailleurs, le fils n’a pas pu disposer
« des héritages dont il s'agit et auparavant p o s s é d é s
« p a r ladite Sylvain , ¿1 titre de contrats du rente
« anciens ou assencc v erb a le, et q u ’e n f i a ce s e r o it
« une
�( 33 )
« une surprise qui' ne pourroit subsister et em pêcher
« ledit A n toin e Ducham bon de rentrer dans la posses« sion des héritages assencés verbalem en t, et d’cx iger
« les arrérages de la rente de 5a fr. et:des fermages. »
- Il faut convenir que si le sieur Ducham bon , usant
ainsi de son d ro it,e û t repris la possession des héritages
prétendus assencés, et m aintenu pour les autres fonds
‘l’exécution ides )anciens contrats de rente d e ;52- f r . , on
ne pourroit pas dire que Joachim D ucham bon ou scs
héritiers dussent être tenus de; représenter les fonds à
l a succession d’A n to in e 'D ucham bon, comme s’en étant
em paré en 1727 ; seulem ent, ilse ro it question de savoir
entre les mains de qui auroient passé !les héritages dis
traits des baux à rente et rétrocédés à A n toine en 1702.
M a i s les parties traitèrent aütr'ément et l’acte de 1735
est dans la succession d’A n toin e D ucham bon un témoi
g n a g e vivan t qui ne laisse rien à deviner ni à rech'er^
ch e r, et ne peut laisser subsister le m oindre doute sur
les résultats de la position des parties.
E n e fle t, il est convenu'en prem ière lign e que « 'Vacfè
« prétendu passé le 7 'décembre * 72.7, aü p )o fitvdà
« J o a c h im .....sera considéré corrifne >?u l et q u en consé« q u en ce, il ri aura aucun effet n i e x écu tio n , prom ettant
« ledit Ducham bon pértí»¿ garantir lesdits B ellon te et
« Sylvain de toutes demandéis qui poiirroieiit être failcà
« de la part dudit Jôuèhim Dilehambori ou ayant ¿\iiise1....
c< prom et prendre le fait et cause "et faire cesser toutes
« dem andes, si aucunes sont formées. » O n ne pou'voit
pas anéantir plus positivement un acte q u i, au i4 ste,
avoit jusques-là, dem euré sans exécution, et qu'A ntoim j
�( 34 )
#
Ducham bon lui-m êm e ne connoissoit pas, puisqu’il avoit
agi directement en vertu de ses anciens titres, sans au
trem ent s’en inquiéter.
r
Im m édiatem ent, M arguerite S ylvain ratifie , au "profit
d A n to in e les deux contrats de i 65o et 16 7 4 , m oyen
nant la m êm e rente de 5 a francs; mais au lieu de
reprendre la possession des héritages assencés verba
lem en t r A n to in e Ducham bon les donne encore à rente
à
«
«
«
M arguerite Sylvain et à B e llo n te , son m a ri, a avec
prom esse de garantir yfo u r n ir et f a i r e v a lo ir , m oyenant 48 francs par année; au m oyen de q u o i, dit-il,
es dits nom s et solidité ci-dessus, il s’est départi de tous
«
«
«
«
«
«
«
droits qu’il pouvoit avoir sur lesdits héritages, à quelque
titre que ce puisse ê t r e , et en a s a isi et vétu lesdits
B ello n te et S y lv a in , reconnoissant le sieur Ducham bon
que tous les arrérages de ladite rente de 5 a fr. et tous
arrérages de ferm e des autres héritages, jusques et compris ceux de l’année dernière 1 7 3 4 , ont été payés et
a cq u îtes; a u m o y e n de q u oi, toutes quittances ci-devant
b données, soit p a r le s i c u k
, so it p a r quel*—
« qu’un de sa fa m ille , dem eureront n u lles, com m e
« com prises au
compte q u i en a été présentem ent
« f a i t entre les parties. Il se réserve ensuite les
5a
fr*
« de la rente et le prix de ferm e des héritages pour
* l’année courante 1735. »
Il a été nécessaire de faire connoître exactem ent cet
acte qui prouve sans réplique que si les fonds dont il
est question dans lacté de 1727 sont sortis des mains
de lu famille D ucham bon, c’est par le fait d’A n to in e
lu i-m êm e, sans que cela ait tourné au profit de Joachim ,
�(3 5 ;
mais b ie n , au contraire, pour l’em pêcher de profiter de
la rente créée en 1727. H est donc aussi dénué de raison que de justice de condamner l’héritière de Joachim
D ucham bon à rapporter non pas seulement la re n te ,
mais même les fonds donnés à re n te , q u o iq u e , d’une
p a r t , elle ne les possède pas , et que de l’a u tre, ils aient
été aliénés par l’auteur commun f avec tradition réelle et
pleine garantie.
I l n y auroit pas plus de justice à les obliger au
rapport de la re n te ; ca r, ou elle est encore d u e , ou
elle est prescrite. Si elle est d u e , il faut la réclam er
contre les débiteurs ; si elle est prescrite, ce seroit la
foute commune des héritiers, et particulièrem ent de ceux
q u i, après le décès, se sont mis en possession de t o u t ,
et contre lesquels on a été obligé de demander le par
tage. Ici, les Pannevert pourroient un peu se reconnoître :
ils avoient et ils ont encore tous les titres relatifs à cette
rente ; ne ssroîent-rils donc pas bien plutôt garans q ue
i
i
5
ji
J
\
t
'
j
garantis, si elle est prescrite?
M a is, encore une fo is,lo rsq u e A ntoin e D u ch am b on ,
annulant la cté de 1727 avec M arguerite S y lv a in , sans
que personne en réclame le bénéfice, ratifie les baux
à rente de i 65o et 1 6 7 4 ; qu’il donne à rente les héri
tages qu’il avoit repris et verbalem ent affermés; q u’il
en a vétu et s a is i lui-même M arguerite S ylvain; qu’enfin ,
il déclare avoir reçu tous les arrérages, tant de la ferm e
que du b ail, jusques et compris 173 4 , et que toutes les
quittances q iü il en a ci-devant données seron t n u lles,
comme comprises dans le compte q u i en a été présen t
tentent f à i t t il faut vouloir se refuser à l’évidencc de
5 1*
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(3 ^ )
la v érité , pour soutenir (p a g e 21 ) que l’acte do 1735
eut pour objet de confirmer celui de 1727 et de fournir
une sûreté de plus pour le cas o ù , dans la su ite , l’ori
gine des biens seroit reconnue. 'D a n s la su ite ! lorsque
l ’acte m ême constate soigneusement cette o rig in e, et
avec le ton acerbe d’un homme qui se plaint d\ine sur
prise , et qui fait tout ce qui est é n 'lu i pour s’en
défendre.
’
•
''
'
M a is , dit-on e n c o r e ,'c ’est Joachim qui a perçu la
r e n te , et après lui M ic h e l!D ucham bon, son fils. Il1a fait
des c o m m a n d ô 'm e n s en 1764 et en 1 7 7 2 , et donné line
assignation le‘ 14 avril' 1781 ; il' a voulu opposer dé pré
tendus arrérages en compensation d a n s"l’affaire
des
G o rc e , e t , encore aujourd’hui / 6n lui paye des rentes
pour plusieurs des héritages com pris'au bail de 1727.
A u ta n t d’erreurs qnef'd’d§sertiôn£ -'‘J ”
Joachim n V pas p e rçu c'lav itèntë¿'puisque A n toin e
déclara,‘'dans l’acte de 17 3 5 , qu’il a !faît présentem ent le
com pte de tous les arrérages et e n ia reçu le m ontant,
ét que depuis iÿ.3'5 ^‘ il'üst- impossible de su pposer'qu e
les Sylvain, aierit voulu' tli pu r a i s o n n a b l e m e n t p a ye r
quoique. ce'soitrd'e la 'r è n t e 'd e 'i'j2 7 qU'ô, d’ailleurs, on
ne tente pas m ême de le prouver.
J
!
1
Il
n’a pas fa it,d e commrfndemens èn i7 6 4 ! et '1772 :
ces deu^e' actes ont été faits <V Ia :i*equetè dés P an n evert
et en vertu ‘du contrat dè X’j ÿ S y t :iftix -q u i• ôdt
fait des poursuites'ét obtenu' ’des )jûg:eriïè,ns , ménie cri.
t
i
�r s - ;•
. • v p
production de l'acte de 1735 suffisant pour paralyser
la poursuite.
E n f i n , il ne perçoit aucune rente pou r les fonds
é n o n c é s lans le traité de 1727.
Q u a n t à l’afFaire des G orce , on n’est pas bien instruit.
L es Goi'cc et B e llo n te , héritiers en partie de M a r
guerite Sylvain , poursuivoient M ichel Ducham bon ,
héritier de Joachim et en partie d’A n to in e , et ils lui
demandoient leurs dommages intérêts , par suite de
l’annulation des deux adjudications de 1718 et 1733.
E xposé à éprouver seul des condamnations considérables
pour une dette com m un e, il voulut au moins les dimi
nuer le plus possible, et il leur opposa en com pensation,
non de prétendus arrérages, mais bien la créance m êm e,
r é s u lt a n t e du contrat de rente de 1727. Cette prétention
étoit dans l’intérêt des héritiers Pannevert comme des
autres-héritiers Ducham bon ; mais elle ne fut point
admise. La C our décida que le contrat de 1727 étoit
a n n u lé par’ celui de 1735 ; que ce dernier acte étoit le
seul.çn vertu duquel les héritiers D u ch a m b o n eussent
la droit, d’a g ir , niais,qu’on ne pouvoit pas l’opposer-,
par exception à la poursuite des G o rce; que seulement
on pouvoit agir dans la forme ordinaire, ce qui perm et—
toit.au débiteur d’opposer tous les moyens de prescrip
tio n qui paroissoient avoir éteint le contrat de 1735. L a
C our déclara, en conséquence, qu’elle n’avoit point
s’occuper dès lors des m oyens de pérem ption ou autres
.opposés par les * G orce ,■et rejeta-la'-compensation , en
•réservant aux parties tous leurs droits et exceptions,
„Ainsi / on voit que le sieur Ducham bon n’invoquoit pas
�un droit personnel, mais seulement une reprise provenante
de la succession com m une, et qu’elle ne fut point admise,
parce que l’acte de 1735 étoit le seul qui eût pu fonder une
pou rsu ite, et qu’on ne pouvoit s’en servir par exception.
Ajoutons à tout cela q u e, dans un jugem ent arbitral
rendu en 179 7 par M M . A n drau d et T o u tté e , le bien
de Surain a été considéré comme étant donné à titre
de re n te , ne devant pas être compris au p artage, et
que , par un acte reçu J u lh iard , notaire à B esse, en
18 0 4, la rente de 100 f r . , due en vertu de l’acte de
I 73 ^> P our Ie bien^de Surain, est portée entre les m êmes
'parties comme rente active de la succession.
Com m ent d o n c , et par quel p restig e, la condamna
tion que porte à cet égard le jugem ent dont est appel
pourroit-elle se soutenir ? Il ne semble pas qu’on puisse
ajouter la m oindre chose à l’évidence des m oyens qui
m ilitent pour l’infirma^ion,
2 e.
G
r ie f
.
lie second g rie f est r e l a t i f nu bail à rente de 172 1. Sur
Ce point , les faits sont connus , et n o u s n 'a v o n s p a s à
entrer dans d’aussi grands détails. T o u t consiste dans
un assez vain étalage de prétendus faits de fraude qu’on
a accumulés dans le jugem ent et dans le précis j mais
nous ne craignons pas de dire qu’ils pèchent par la base.
O n veut que les héritages donnés en rente en 1721 ,
au profit de Joachim , fussent déjà la propriété d’A n toin e
D ucham bon depuis 1720 , par un acte sous seing p rivé.
C et acte est p e rd u , d it-o n ; mais il a été notifié dans le
cours du p ro cès, et ce qui p rou ve son existence, c’est
�C 39 )
la déclaration faite par A n toin e D u ch am b on , par le bail
de 1721 } qu’il connoît les fonds pour en avoir ci-de
v a n t jo u i au même titre. E vid em m en t, dit*on , ce titre
lui étoit person n el, et c’est par une fraude exercée au
profit de son fils qu’il l’a détruit pour faire celui de 17 2 1.
Cela se prouve m ieux encore par tous les actes frauduleux
qu’il fit bientôt après ( pages 22 et 23 ).
1
L a première de toutes les conditions, pour que la justice
pût raisonnablement admettre un semblable m o y e n ,
seroit de prouver l’existence de cet acte de 17 2 0 , e t ,
m ieux en co re, d’établir qu’il étoit fait au profit du père
et non du fils. O r , indépendamment qu’on n’en fournit
pas la moindre p r e u v e , et que ces mots p o u r a voir j o u i
au même titre, qui s’appliquent à la nature du contrat,
doivent s’étendre aussi à la qualité des p arties, par cela
seul qu’elles ne déclarent pas les ch an ger, le fait est
d’une invraissemblance choquante.
Comm ent supposer d’abord que si A n toin e D uchainbon eut eu la pensee long-tem ps nieditée d’avantager son
fils aux dépens de sa propre fortu n e, il eût commencé
par acheter en sou propre nom , en 17 2 0 , des immeubles
q u’il eut pu acquérir au nom de son fils, sans la moindre
fraude et sans avoir à craindre la moindre recherche? A
cette; ép o q u e, des donations assez considérables avoient été
faites à Joachim , les unes avec réserve d’usufruit les
autres avec tradition actuelle. Des capitaux avoient été
rem boursés; ¡ls étoient en partie e x ig ib le s, et les titr
qui avoient été remis à Jeanne Bertoule ont disparu •
il n'a resté i Joachim que les actes de donation ou sub
rogation. Les revenus étoient d’ailleurs suffisais et m -
�( 4° )
delà pour payer la rente annuelle de 40 f. O r , le prem ier
devoir d’A n to in e et de sa femme étoit de faire emploi des
sommes appartenantes à Joachim. Q u’y eût-il eu dans
ce cas d’extraordinaire à acquérir pour le fils, au m oyen
•d’une 'renté qu’on devoit payer avec ses deniers ? et
comment A n toin e D ucham bon eut-il commencé à ac
quérir pour lui , à moins q u il n’eût voulu faire une
fraude contre son fils ?
¡
2 °. Si l’acte de 1720 étoit rapporté et qu’il fût tel
qu’on l e ’d it, il f a u d r o i t e n c o r e s u p p o s e r qu'il étoit réel-l e m e n t ' l’ouvrage du ven deur ou bailleur à r e n te , et
bien positivem ent signé par lui. Com m ent le vérifieroiton aujourd’h u i, etcom m ent pourroit-onle croire, lorsque
dans des écritures anciennes, on reprochoit aux auteurs
des intimés qu’ils ne produisoient ni ne m ontroient cet
acte de 17 2 0 , et qu’on étoit fondé à m ettre en doute son
existence ou au moins sa sincérité •? n’y seroit-on pas
encore m i e u x fondé aujourd’hui si ou le produisoit après
l ’avoir refusé p e n d a n t t a n t d ’a n n é e s et après un grand
nom bre de som m ations?
3 0. Rem arquons q u ’il setoit écoulé bien des années
lorsqu’on notiiioit ce prétendu-acte de 1720 , en 1 7 8 6 ,
après le décès de tous ceux qui pouvoient en reconnoître
l’écriture : or , il résulterait de l’existence de cet acte au
profit du p è r e , celte supposition plus invraissemblable
en co re, que le précédent propriétaire avoit donné les
biens à rente successivement à deux personnes diffé
re n te s,
m oin s d'un tf« , et q u ’il avoit laissé subsister
les deux actes ensemble. Chose incroyable! et, sans d ou te,
c'est parce q u e lle n’étoit pas vraie et p a r c e que la pre
mière
�(4 0
mière aliénation élo it, comme la seconde, acceptée par
le père pour son f i l s , q u o n ne notifioit pas cet acte
et q u’on l’a fait disparoître, si toutefois il existoit et qu’il
fût sincère.
Cescix-constances sont suffisantes, sans doute, pour pré
server le juge d’une trop grande confiance sur un fait
que rien ne prouve et que tout repousse. Il faut le dire ,
ce seroit de l’abandon , et le magistrat ne s’abandonne
jamais ; il ne quitte jamais de la main la balance de la
justice.
Si les procédures faites ensuite eurent quelque chose
de frauduleux, ce ne fut pas, sans doute, pour favoriser
Joachim Ducham bon; car il sem bleroit, à entendre les
in tim és, qu’elles eurent pour objet d’annuler le bail de
1720 pour favoriser davantage l’exécution de celui de 172 1. /
O r , la procédure eut précisément pour objet la nullité du
bail de 172 1, et elle fut intentée contre Joachim. Si A n
toine Duchambon dissimula les quittances, il le fit donc au
détriment de son fils qu’il obligeoit à payer deux fois, et
auquel il vouloit oter la propriété acquise en son nom. Si
enfin il fit prononcer la résolution, c c n e p o u v o i t ê t r e que
pour consommer ce projet; c a r , on le demande, de quelle
Utilité pouvoit-il être à Joachim de faire prononcer contre
lui-même la résolution du bail de 1 7 2 1 , fait à son profit?
comment cela pouvoit-il consommer le prétendu sys
tème de fraude qu’on veut trouver dans ce même acte
de 1 7 2 1 ? est-ce édifier que ren v erser? ou bien, fortifie-t-on son ouvrage en le sappant dans ses fondem ens?
Iiailin, quel avantage eût pu tirer Joachim D ucham 6
�(4 0
bon de l'exécution de la sentence par le créancier de la
ren te, dès que cela n’evit tendu qu’à le dépouiller?
Si le bail de 1 7 2 1 eut été passé au profit du père, ou que
l’on eût demandé la résolution du prétendu bail de 17 2 0 .'
Il y auroit quelque chose de spécieux à tout ce que l’on a
dit; m ais, en v é rité , lorsqu’on voit cette demande porter
sur le bail m êm e qui étoit fait au profit du fils, on
dem eure convaincu que cette poursuite fut une arrière
pensée d’A n toin e D ucham bon pour dépouiller son fils5
q u ’il avoit pour b u t de conserver la propriété p o u f
lu i-m êm e, et de s’attrib u er, par lui ou son ép ou se,
les sommes appartenantes à son fils , q u i avoient été
perçues ou qu’on percevoit chaque année; qu’enfin,
cette pensée lui fut inspirée par ceux qui travailloient
à détourner son affection de cet en fan t, et q u i, dans
la suite, le traînèrent à huit lieues de son dom icile,
pou r lui faire consigner dans un testament des déclara
tions aussi injustes que peu convenables. Il faut donc
reconnoître que le départem ent qu’il fit ensuite au profit
de son fils , ne fut que 1 e ffet du r e t o u r à la raison et
à la justice; ca r, sans cela, il étoit absolum ent inutile
et sans objet.
L ’acte de 1721 doit donc être exécuté au profit de
Joachim , parce que le p ère, comme la m ère, pouvoit
acquérir pour lui et ne faisoit tort à personn e; parce
q u e , acquérant des propriétés appartenantes à des étran
g e r s , et les revenus annuels de Joachim étant plus que
suilisans pour p ayer la rente indépendam ment m êm e
des capitaux qui rentroieut dans les muins de ses pèi'O
�( 43 )
et m è r e ,'il eut été injuste de ne pas le fa ire; parce
que ces biens n’étoient pas la propriété d’A n toine D u
c h a m b o n ; qu’il est constant qu’ils appartenoient aux
D u c h a m b o n de P é rie r, vendeurs; que rien n e perm et
de penser que le sieur Ducham bon eût commencé par
les acquérir, s’il eût voulu en gratifier son fils moins
d’un an après, et que ce fait n’est établi par rie n ;
parce qu’enfin tout milite pour l’exécution de cet a c te ,
e t qu’il ne se présente aucune raison, m ême spécieuse,
pou r l’empêcher.
3e. G h i e f .
X
L e troisième g rie f est relatif aux fonds dont on se
plaint qu’il a voit été pris possession pour Joachim Du-*
cliambon en 1 7 2 7 , quoiqu’ils appartinsent à A n to in e ,
comme les ayant acquis en 1716.
L a question, dit-on page 2 4 , n’est pas de savoir si
la dame Rochefort les possède aujourd’h u i, mais si son.
auteur s’en étoit em paré en 1727.
O n fait ici une confusion d’idées..
Cela seroit bon à d ire, et en core, sauf contradiction,
si Joachim Duchambon s’étoit emparé de f a i t de cer
tains immeubles appartonans à son p ère; qu’il en eût
jo u i, et que depuis on ne sût pas par quelle voie ils
seroient sortis de la fam ille; mais nous sommes loin de
ces suppositions.
D u n e p a rt, A n toin e Ducham bon qui avoit acheté
ces fonds en 1 7 1 6 , en jouissoit, et rien ne prouve q u e
son fils lui en eût ôté'lu possession. Q u’on eût te n d u ,
par la prise de possession, réelle de 1 7 2 7 , à lui créer
6 *
�( 44 )
un titre pour l’aven ir, c’est tout ce qu’on pourvoit dire;
mais rien, ne prouve ic i, ni n’annonce q u ’A n toine D u
chambon eût été dépossédé de ces im m eubles, et il est
évident qu’il en a conservé la possession jusqu’à sa m ort,
puisqu’il les a transmis à ses héiùtiers ; que les P an n evert,
investis de toute la succession, les ont possédés après lu i;
puisqu’enfin ils ont donné à re n te , en 17 8 6 , comme nous
la v o n s d it, le champ de Lauradoux qui faisoit l’art. I er.
de la prise de possession, et qu’ils possèdent encore les
art. 4 , 5 , 28 et plusieurs autres. Ils ont m ême possédé le
champ de Lauradoux qui étoit rentré dans leurs m ains,
jusqu’en 1804, époque à" laquelle fut convenu le partage
provisoire. Il est possible que par l’effet de ce partage le
sieur de Yoissière ait été mis en possession de quelques
immeubles provenus des ventes de 1 7 1 6 , et cela est
vrai pour le champ de Lauradoux. O n reconnoît m êm e
que certains immeubles qui leur furent attribués étoient
alors entre les mains de tiers par le fait de M argue
rite M a n i'y , p u i s q u e l’arrêt qui a rejeté la pérem ption
indique une demande en d é s i s t e m e n t , f o r m é e par elle
ou ses représentans contre Pons et T a r tiè r e , en ex é
cution des projets de partage. A in s i, il y a mauvaise
foi à donner à cette possession un principe qui re
m onte à l’acte de 1727 , et à exiger contre la dame
Rochefort le rapport de tous les héritages faisant partie
des ventes de 1 7 1 6 , qui ont été compris dans la prise
de possession de 1727. Il suffit, à cet égard , d’avoir
ordonné que tous les fonds acquis en 1716 par A n to in e
Ducham bon f e r o n t * partie de sa succession, et q u ’ils y
/seront rapportés par ceux qui les possèdent ou les out
�45
C
)
aliénés. O r , comme cette disposition se trou ve déjiV
dans le jugem ent, il est évident que la condamnation,
p a r t i c u l i è r e , fondée sur la prise de possession de 1 7 2 7 ,
est ou une injustice, ou une dangereuse superfétation.
L a dame Rochefort ne se refuse pas, d’ailleurs, à rap
porter tout ce qui pourra être dans ses mains, direc
tement ou indirectement , des héritages acquis par
A n toine Ducham bon en 1 7 1 6; mais elle' ne peut pas
souffrir d’être condamnée au rapport de tous ceux com
pris dans un acte par une erreur qui n’a jamais eu un
seul instant d’exécution.
4e. G
r ie f
.
L e q u a t r iè m e g rie f est relatif à la garantie de la créance
des G o r c e . L a dame Rochefort a éprouvé des condam
nations qui excèdent 5o,ooo fr. ; cette somme est
payable à des termes rapprochés qu’a accordés la C our ,
d u consentement des G orce. Déjà elle a payé 27,000 fr.
et a été obligée pour cela de vendre ses propres biens
à des p rix très-modiques. E lle soutient qu’elle ne peut
etre obligée d’attendre la fin de to u te s lus diilicultés
auxquelles peut donner lieu Je partage pour agir contre
Son cohéritier. Il ne faudroit pas discuter longuem ent
pour l’établir ; mais comme les Pannevert contestent la
garantie elle-m êm e, il est préférable de discuter le tout
ensemble , sur ce chef de l’appel incident.
Nous arrivons aux griefs non énoncés dans l’acte d’appel
et contre lesquels on oppose une fin de non recevoir. P ou r
J a repousser, il suffira d’examiner attentivem ent l’ex
ploit d’appel qu’on prétend être restreint aux chefs qui
y sont énoncés.
�( 4 <S )
N ous convienclroïis volontiers que cet exploit n’éèt
pas un chef-d’œ uvre de rédaction ; nous avouerons m êm e
si l’on v e u t , que le rédacteur ne connoissoit ni la langue
de la procédure , ni guère celle dans laquelle il vouloit
s’exp rim er; toutefois, en surchargeant l’acte de beaucoup
de m o ts, il n’y a pas compromis l’intérêt de ses com m ettan s, et n’a em ployé aucun termes restrictifs. E n
outx-e, tout en voulant expliquer ce qui n’avoit pas
besoin dp l’ê t r e , et indiquer des griefs pour satisfaire
à la lo i, il a fait pour eux toutes les réserves nécessaires
à la conservation de leurs droits. L a C o u r jugera par
quelques passages et de la construction de cet a c te , et
des effets q u’il doit produire.
o Par ces présentes, il appelle du jugem ent rendu.....
« P o u r les torts et griefs que lui fait ledit jugem ent;
« en ce qui concerne i° . sur le prem ier ch ef qui le
« condamne à rapporter...... les héritages situés à Surain ,
« énoncés dans les actes des 10 décembre 1727 et 10
« décem bre
1 7 3 5 ...... 20. J)e rap p o rte r ......
i ° . le
b ien
« de V o issière, compris a u b a il de 1 7 2 1 , 20. les h éria tages énoncés dans la prise de possession de 172 7.....
« Sur le deuxièm e c h e f, le sieur de Voissière oppose
« les mêmes raisons, et, de plus, persiste dans la demande
par lu i form ée le g ju ille t ty8$...... demande encore
« que le jugem ent d’Issoire soit réform é en ce qui touche
u la créance due aux G orce et consorts......
*
« E n conséquence, j’ai donné assignation....... pour
« vo ir dire et ordonner que le jugem ent, en ce qui
« touche les m otifs d'a ppel, sera mis au n éan t; éman« dant, voir adjuger au requérant scs con clu sion s prises
�( 47)
en prem ière in sta n ce, e t autres f s i besoin est ; se v o ir
aussi condamner aux d ép en s, tant des causes p rin cipale que d’ap p el, sous toutes réserves que se ¿fait le
r e q u é r a n t d'augmenter ou rectifier ses conclusions. »
Evidem m ent cet appel étoit indéfini; ca r, il s’applique
et a u x m otifs qui y sont expliqués et à ceux qu’on,
n ’y explique p a s , et aux conclusions qu’on y prend et
à celles q u’on se réserve de prendre. N ’expliquant
r ie n , il se fût appliqué à tout ; expliquant quelques
m otifs et se réservant d’expliqner les autres, il s'adapte
égalem ent à tout.
P o u r qu’une faculté d’appeler soit restrein te, p ou r
q u ’un acte emporte renonciation à un droit acquis, il
faut qu’il y soit fo rm el, sans obscurité, sans équivoque ;
c’est-à-dire, qu’on déclare sa volonté de n’attaquer le
jugem ent que sur certains griefs. A lo r s , l’intimé peut
dire que cela seul em porte une approbation im plicite
du surplus, et qu’au moins après l’expiration des trois
m o is , le droit d’appeler des autres chefs est é te in t, faute
«
«
«
«
d e n avoir use dans le d élai; mais lorsque l’appelant,
expliquant ses g riefs, ajoute qu’il se réserve d’en ajouter
d a u tre s, il est évident que son acte a tous les carac
tères d’un appel indéfini.
A plus forte raison , cela est vrai dans le cas p résen t,
o ù , bien loin de se réduire à certains g riefs, le sieur
<le Voissiere n’a fait qu’expliquer des m otifs d'appel, où
il a ajoute qu’il assignoit pour voir adjuger ses co n clu f io n s prises en prem ière in sta n ce, et pris l’extrêm e
précaution d’ajouter e t a u t r e s si b e s o i n e s t ; où
enfin il $G réserve d’augmenter ses conclusions. Corn*
,
�( f
)
m ent les augm en ter, si ce n’est par de nouveaux g riefs?
car une plus ample explication des m otifs d’appel ne
scroit\certainem ent pas une augm entation de conclu
sions, et cependant elle sufïiroit, puisqu’on se l’est réser
vée. A rrê to n s-n o u s : c’est avoir disserté plus qu’il-n e
faut pour établir que la dame Rochefort a pu demander
p ar des conclusions la réform ation du jugem ent dans
tous les chefs qui sont contraires à la justice. Il ne nous
reste, sur ce p o in t, qu’à parcourir ceux qui ont été
l ’objet des nouvelles conclusions lors de l’arrêt par défaut.
5 e. G
r i e f
.
L e prem ier a eu pour b u t , disent les intimés , page
2 7 , d’obtenir la moitié au lieu du q u a rt des succes
sions de Jean Bertoule et Suzanne F arg eix .
C e n’est pas dire nettem ent le fait. L e jugem ent attri
bue aux appelans la m o itié ou le q u a rt, suivant l’époque
tlu décès de L ég er B e rto u le , qui n’étoit pas alors éta
b lie. Sur l’a p p e l , on rapporte l’acte de décès dont les
résultats, daprès sa date et la disposition du ju g em e n t,
doivent être d’attribuer la moitié. Il étoit inutile dès
lo rs, de laisser subsister l'incertitude, et il étoit beau
coup plus convenable de fixer ce point par l’arrêt.
V o ilà p o u rq u o i, par de simples conclusions , les appelans
o n t demandé que , sur la vu de l’extrait m ortuaire , il
fû t déclaré qm> leur portion seroit de m o itié, et c’est
ce qu’a fait l’arrêt par défaut. Il n’a pas eu besoin pour
cela d’infirmer le ju gem ent, quoiqu’il soit dit d’abord,
mais par une expression générale et qui s’applique à
tout ce qui en étoit su sceptib le,« m et l’appellation et
ce
�( 49)
* et ce dont est appel au néant. » A u reste, on a si
peu entendu appliquer à ce ch ef la réform ation ¿ u
jugem ent, que le m otif est ainsi con çu:
« A tten d u que le jugem ent réserve aux appelans
« la faculté de demander la moitié desdites successions,
« en prouvant que L é g e r Bertoule est décédé avant
ses père et m ère ;
« A tten d u que cela est actuellem ent justifié. »
C om m ent cela n uit-il aux P a n n ev e rt, et de quoi se
plaignent-ils ? A la vérité ils attaquent par un appel
incident la disposition elle-m êm e : ce n’est pas le m o
m ent de nous en occuper.
6e. G r i e f .
Les sieur et dame R ochefort se plaignent é c ce que
tout en reconnoissant que Joachim D u ch am b on , leur
auteur, avoit pu acquérir, le jugem ent les condamne à
r a p p o r t e r le prix des acquisitions qu avoit pu faire pour
lui A n to in e D u ch am b o n , son père ; « attendu, e s t - i l
« d it, qu’elles n’ont pu ê t r e faites que des d e n ie r s d ’ A n K toine D u c h a m b o n , a v a n t cette ép o q u e, le J lls n ’a ya n t
« pas de revenus acquis. »
; Cette disposition du jugem ent est contraire soit à la
vérité du fait soit au principe déjà a d o p té, quelques
pages plus h a u t, pour la succession de Jeanne B ertoule.
O n y décide, en effet, que les deux donations de 1723 et
1 7 2 9 ont suffi pour attribuer à J o a c h i m des revenus con
sidérables, et au m oyen desquels il avoit pu acquérir;
. a q u e , de l à , il suit que toutes les acquisitions faites par
7.
�( 5° ) t
« Jeanne B e rto u le , soit antérieurem ent a u décès de
«
«
«
«
«
«
«
l'abbé D e sta in g , arrivé en 1733 j soit postérieurement
à cette époque , et qui 11’ont été que le rem ploi
fonds provenus desdites donations, ou rem p lo i des
des revenus perçus p a r Jea n n e B e r to u le , et provenans desdites don a tion s, ne peuvent être censées
faites au préjudice de l’institution faite au profit de
M arguerite Ducham bon , puisque le p rix desdites a c-
-« q uisitions appartenait audit J o a ch im D u ch a m b on . »
Ce m o tif, uniquem ent fondé sur les donations de 1723
et 1 7 2 9 , eût été encore bien plus fortem ent prononcé,
si le juge eût connu et les donations de 1 7 1 7 et 1 7 3 3 ,
et les nombreuses subrogations faites au profit de Joa
chim Ducham bon par l’abbé D esta in g , et enfin, le
don et la prise de possession du prieuré Ducham bon ,
en 173 0 ; s’il eût su q u’une partie de ces actes étoit ac
ceptée par le sieur D ucham bon, pour son fils, et q ue
t o u s transmeltoient immédiatement à Joachitn la pro
priété et la jo u is s a n c e . O u n’eût pas douté alors que la
conséquence ne dut S a p p l i q u e r a u x acquisitions faites
par A ntoine D u ch am bon,p o u r son J i l s , comme à celles
faites par Jeanne B e rto u le, au m êm e titre.
E n e ffe t, le sieur D u ch am b on , agissant au nom de
son fils , étoit de droit censé p ayer
du fils e t non avec les siens p ro p re s,
avoit des revenus considérables dont
réservé ni au père ni à la m ère, et qui
avec les deniers
puisque Joachim
l’usufruit n’étoit
d evo ien t, au con
traire, être em ployés i son éducation et a v a n c e m e n t ,
e t des capitaux exigibles
que le sieur D u c h a m b o n ou
Jeanne B ertoule recevo ien t, et dont on o c lui a rendu
�, C5° .
aucun com pte; puisqu’en fin, rien no dém ontre ni ne
fait présumer que le sieur Ducham bon eût des deniers
propres suffisans pour a cq u é rir, ni q u ’il eût vo u lu Jes
em ployer indirectement au profit de son fils.
O n doit d’autant m ieux le reconnottre comme une
véi'ité constante, que la production de tous les actes
de donation et de subrogation démontre que tous les
revenus et tous les capitaux de l’abbé D estaing passoient dans les mains de Joachim Ducham bon. O r, comme
nous l’avons d it, la terre de M urol lui rapportoit 4 , 5oo f r .,
le prieuré 960 fr. ; il avoit, en o u tre, des biens person
nels assez considérables, et il faut ajouter à cela une
rente viagère de 4,000 f r . , qui lui étoit due par Charles
D estain g , son frè re , et qui lui avoit été déléguée surs
]e fermier de la terre de V a le u g h o l, pour la jouissance
du comté D estain g , qu’il lui avoit cédé par acte du
18 août 1732. L ’acte prouve m ême qu’avant cette ces
sion le sieur abbé D estaing avoit affermé la terre D es
taing jusqu’à d ix m ille livres. Q ue seroient donc de
venues toutes ces ressources que l’abbé Destaing versoit
continuellem ent dans les mains de Joachim D u c h a m b o n ,
o u , pour m ieux d ire, dans celles d’A ntoine ou de Jeanne
B erto u le, pour les em ployer au bénéfice de Jo ach im ?
comment peut-on dire que Joachim n’avoit ni bii n i ni
revenus avant 173 3 , après avoir si bien reconnu le con
traire l’instant auparavant ? et comment pourroit-on.
forcer son héritier à rapporter le prix des acquisitions
faites, tandis q u e , d’une p a rt, on achetoit pour lui et
de ses d en iers, et q u e , de l’au tre, le père n’avoit au -
7
*
�cnn m oyen personnel de payer avec ses propres deniers,
et qu’aussi, il ne l’a déclaré nulle part ?
ÏViais une rem arque plus saillante tranchera le mot
sur cotte question. Q u’est-ce donc, dans un jugem ent, que
cette disposition vague et générale qui ne s’applique à
r ie n , et que dans la suite on pourra appliquer à to u t?
n’auroit-il pas fallu indiquer les acquisitions faites par
A n to in e D u ch am b o n , pour son fils , et dont il auroit
p ayé le prix avec scs deniers p rop res? en existe-t-il
une seule ? et s’il en existoit, pourroit-on en juger les
résultats sans les connoître ? p e u t-o n , en un m o t, glisser
ainsi, dans un ju g e m e n t, une disposition vague qui
seroit la source d’autant de procès qu’il pourrait y avoir
d’actes différens d’acquisition par Antoine D u cham bon ,
pou r son fils ? M ais, à part le contrat de rente de 1 7 2 1 ,
pou r lequel le jugem ent contient une disposition parti
culière , on n’en cite pas un seu l, et les appelans n’en
connoissent qu’un en date du 16 janvier 1733. L e prix
est de 604 f r . , dont 572 fr. sont compensés avec des
créances appartenantes à Joachim ; e t , quant aux 32 fr.
restans, il sont payés par le sieur Ducham bon p è re ,
avec déclaration q u ils proviennent des revenus dudit
J o a c h im D u ch a m b o n fils . C ertainem en t, et avec la
connoissance bien acquise des revenus appartenans à
Joachim D ucham bon , il est impossible d’ordonner le
rapport de ce prix d’acquisition; cependant, il seroit
inévitable , d’après le jugem ent dont la disposition est
absolue et entraîneroit la conséquence que la déclaration
«lu père est frauduleuse quant à ce. S’il existe d’autres
�( ¿3 )
actes, et qu’ils soient ainsi conçus, il n’y aura pas lieu
non plus au ra p p o rt, et cependant, il faudroit aussi
le faire d’après le jugement. S'ils ne m entionnent pas de
qui provenoient les deniers , c’est encore une erreur
de décider en p rin cip e, et sans aucun exam en, qu’ils
appartenoient au père. S’il n’y a pas d’autres actes, il
n’y a pas de q uestion , e t , dans tous les cas, comment
tolérer une disposition générale qui peut donner lieu à
de nouvelles difficultés, qui peut et doit entraîner des
conséquences injustes , et cela sans indiquer ni faire
apercevoir la moindre possibilité d’application ?
Cette disposition doit donc être réformée.
7 e. G
rief
.
L e septième g rie f n’a qu’un objet très-m odique et
ne demande pas de grands détails. Les appelans ont dû
se plaindre de ce que le tribunal n’avoit pas adjugé
les intérêts des jouissances; ils avoient été demandés par
l’exploit de 1 785 j ils étoient dus par la seule force de
la demande judiciaire; il n’y avoit donc pas de raison
pou r les refuser. Aussi les intimés se bornent-ils à ob
jecter que la loi doit être égale et le rapport réciproque.
A cela deux réponses : L ’u n e, que c’est reconnoitre la
légitim ité de la demande; l’a u tre , que les jouissances
ayant été perçues en presque totalité par les Pannevert qui sont en possession des bien s, le bénéfice de cc
r a p p o r t d’intérêts, fût-il récip roq u e, tourneroit toujours
au profit des sieur et dame R ochefort; enfin, la loi
générale du rapport ne s’appliquant qu’aux jouissances,
�«Co
c 54 ;
et les intérêts ne pouvant être dus que par l’effet do
la demande-’ , la C our auroit à décider si on peut les ad
juger à celui qui ne les a pas demandés. Il est facile,
au reste, de reconnoître que ce seroit une disposition
in u tile; c a r , si par l’événem ent du co m p te, chacune
des parties étoit reco nnu e avoir perçu les jouissances
é g a le m e n t, le rapport ne seroit que fictif de part et
d ’a u tr e , et il ne pourroit pas être question d’intérêts.
S i, au contraire, l’une des parties a plus perçu que
l’autre, elle devra p ayer l’excédant; O r , c’est sur cet
excédant que d o iven t, en résultat, porter les intérêts
des jouissances, et il ne peut être dû d’excédant que
par une partie et non par toutes deux. A in si, la ques
tion de savoir si cet excédant de jouissances annuelles
devra des intérêts à celui qui en aura été p rivé tient
à cette autre : s’il les a ou non demandés ; et il ne
peut jamais s’élever de question de réciprocité , parce
q u e , d an s aucun ca s, la créance ne peut être réciproque,
et que le droit aux intérêts de l’excédant est un droit
purem ent personnel dont on peut u s e r ou n e p a s u s e r .
L e jugem ent rend donc justice aux parties en adjugeant
les intérêts des jouissances depuis la demande.
8e. G r i e f .
Il n 'y a pins de difficulté sur ce point qui est relatif
aux intérêts des dots pécuniaires. I ls ne sont d u s ,
disent les intim és, page 29 , qu'à com pter de l'o u v e r tu r e
des successions des auteurs com m uns ,* si on croit
nécessaire que l'a rrct le dise a in s i,
intim és na
�C
55
;
s[y opposent pas, T o u t est donc réglé h cet égard ,
.puisque l’urrôt par défaut ne porte pas autre chose.
§. He.
A P P E L IN C ID E N T .
i er. G
r ie f
.
- L e prem ier g rie f de cet appel est relatif à la cession
faite par V e rn a y à Joachim D u ch am b on , en 174 0 , de
ses droits héréditaires dans les successions des auteurs
communs. Nous ne retracerons pas ici les m oyens des
intimés ; on peut les lire à la page 30 et suivantes du
précis ; nous nous bornerons à y répondre.
’ L e tribunal a regardé cette cession comme valable.
Que falloit-il pour cela? R ien autre chose que deux
conditions.
i° . Que V ern a y eût des droits.
2°. Q u’il pût les céder.
Il est d’autant plus vrai que ces deux seules condi
tions etoient suffisantes, que V e r n a y , cédant ce qui lui
oppartenoit, ne faisoit tort à personne, et q u’ainsi il
étoit fort indifférent qu’il les cédât à ‘J oachim person
nellem ent ou par l’entremise de sa m ère, dès qu’il étoit
le m aître de les exiger; examinons donc si les deux
Conditions se trouvoient réunies.
ï° . V e r n a y avoit-il des droits? O ù est donc le doute?
P ar son contrat de mariage de 1698, Jeanne B ertoule
avoit été instituée h éritière, non pas universelle, comme
on le d it , mais p a r m o itié avec Léger B e r to u le , son
j'r è r e . L ég er B ertoule ayant prédécédé scs père et m ère,
�îfc
( 56)
il est constant que la moitié des biens des instîtuans resta
libre dans leurs mains , et tom ba dans la succession ab
in testa t, par cela seul qu’ils n’en avoient pas disposé.
S’il est certain q u ’elle n’accrut pas à Jeanne B ertoule,
il ne l'est pas moins qu’elle ne pouvoit y prendre
aucune p a r t, si ce n’est en rapportant son institution,
puisqu’elle n ’étoit pas faite en préciput. O r , cela eût
p r o d u i t le m êm e effet que de n’y pas prendre p a rt,
puisqu’il auroit toujours fallu partager par moitié. L a
m oitié de la succession appartenoit d o n c, dans tous les
cas, à M argu erite, femme V e r n a y , soit que Jeanne
s'en tînt à son institution , parce qu’alors M arguerite
devenoit seule héritière ab in testa t, soit qu’elle vîn t à
partage , parce qu’en ce cas elles partageoient par
égalité.
Q u’on ne dise pas que ces droits étoient litigieux et
que la transaction de 1740 p a rle , en eifet, de procès
îi intentei'. P o u r qu’il y ait litig e , dans le sens de la
lo i, il faut q u ’on puisse contester le fond du d ro it;
o r , celui de V e rn a y x’ésultoit de sa naissance, et son
titre s’établissoit par la seule qualité d’enfant légitim e.
Ce droit étoit en tier; car Suzanne F a rg e ix , son aïeu le,
n’étant m orte qu’en 1 7 1 2 , et Jean B e rto u le, son aïeu l,
qu’en 172 6 , il n’y avoit pas possibilité d’élever en 174P
une question de prescription. Son droit bien loin d’être
litig ie u x , étoit donc incontestable. Quant à la quotité
de l'amendement, elle étoit établie par ce que nous venons
de dire.
Q u’importe donc qu’il eût pu y avoir un ou plusieurs
p ro cès? Sans d o u te, lorsqu’un cohéritier, qui s’est em^
par <
5
�(
paré do tout no veu t pas
il faut bien lui faire un
cela change-t-il la nature
57 )
rendre la portion des autres,
procès pour l’o b ten ir; mais
des droits? prennent-ils de
.cette circonstance le caractère litigieux qu’on veu t ici
leur prêter ? en un m o t, la mauvaise foi du détenteur
peut-elle nuire au droit de son coh éritier, lorsqu'il
est certain et bien établi ? Cela ne m érite pas de
réponse.
Si les droits de V e rn a y dtoient positifs, la faculté
de les céder à un tiers ne l’étoit pas moins. O r , le
choix de ce tiers n’étoit-il pas aussi en son pou voir ?
à qui faisoit-il tort en les cédant à Joacliim Duchambon à qui il eût pu tout aussi bien les donner ? à q u i
Jean n e B ertoule faisoit-elle préjudice en acceptant
cette cession pour son fils ? dim inuoit-elle ses biens
en rendant ce qui étoit dans ses mains, quoiqu’appartenant à a u tru i, et en n’achetant pas pour elle ce qu’on
ne vouloit vendre qu’à son fils? et si réellem ent les
100 fr. qu’elle payoit appartenoient à son fils, pourquoi
auroit-elle été obligée d’acheter pour elle-m êm e ? com
m ent auroit-il pu lui être permis de détourner à son
profit les revenus qui devoient fournir à Vavancem enty
ou m êm e les capitaux dont elle déçoit ¿faire em p loi
au bénéfice de Joacliim ?
A u r e s te , et quelque m odique qu’on pu t supposer
la fortune de Jean B ertou le et Suzanne F a r g e ix ,il
est plus que perm is de penser que la cession de 1740
eut quelque chose de gratuit et qu’une intention béné
vole se dirigeoit au profit de Joacliim. O r , com m ent
Jean n e B ertoule auroit-elle pu se refuser à l’accepter.
8
�. ( 6 8 }
p o u r lu i ? et qui oseroit aujourd’hui décider qu’elle pût
alors et qu’elle dût la faire diriger au profit d’elle-même
et de ses autres enfans ?
Si Joachim eût eu vingt-cinq ans ( il en approchoit ) ,
et qu’il eût traité lu i-m êm e, com m ent s’y prendroit-on
pour soutenir que la cession devroit profiter à Jeanne
B ertoule ? dès qu'il n’étoit pas m ajeu r, que sa m ère
étoit chargée de toucher ses reven u s, de recevoir et
em ployer ses cap itau x, et qu’elle l’a fait pour l u i , où
est la différen ce? il n’étoit pas lié , d it-on ; com m ent
auroit-il pu l’être davantage ? Il avoit payé le prix ;
il ne pouvoit pas reven ir contre l’em ploi que sa m ère
en avoit fa it, puisque cette condition lui étoit imposée ;
la chose acquise étoit donc à lui.
O n ne pourroit pas , dit-on e n c o re , se prom ettre
d’être juste, à cause des difficultés qui s’élèveroient sur
la valeur des droits cédés : que veu t dire cela ? S’il pou
vo it y avoir des difficultés, ce seroit bien assurément
la faute de c e lu i q u i , ayant pris la chose d’au tru i, auroit
si fort différé de la rendre j et certes, le tem ps qui s'est
écoulé et les faux-fuyans em ployés pour prolonger une
pro céd u re, ne sauroient être
des titres à celui q u i,
détenant la chose d’a u tr u i, a fait tant d’efforts pour ne
pas la rendre. Il faut toujours que le m om ent de la
justice a rriv e ; plus il a tard é, plus ses conséquences
sont fâcheuses; mais celui-là peut-il s’en plaindre qui
l'a long-tem ps reculé pour y échapper?
A il re ste , deux raisons repoussent l’argum ent qu’on
veu t tirer de ce que la demande de ce prélèvem ent
n'a été formée qu’en,
1 8 1 8 ; l u n e , q u il étoit inutile
�( 59)
d’établir d’abord les prélèvem ens qui ne sont qu’un,
accessoire du partage; l’autre , que M ichel D ucham bon
qui avoit succédé au fait d’autrui, ou sa fille, qui le re
présente, ne retrouve ses pièces que successivem ent, et
n ’a découvert que depuis peu la plupart des papiers
intéressans qui vien n en t aujourd’hui fortifier sa défense.
Il semble donc que rien ne peut com m ander ni
perm ettre d’infirmer le jugem ent en ce chef.
2 «. G r i e f .
f
L e second g rie f a pour objet de f a ir e a n n uler
beaucoup d'autres avantages in d irects, fa its en fa v e u r
de J o a ch im D u ch a m b o n ( sans qu’on soit à m êm e d’en
indiquer un seul ), et notam m ent def a ir e dire que toutes
les acquisitions faites, soit par Jeanne B e rto u le , soit
par A n to in e D u ch am b o n , sous le nom de J o a ch im ,
avant et après 1 7 3 3 , seront rapportés en nature.
O n ne sauroit trop s étonner de cette facilité à m ettre
ainsi en avant des propositions générales qu’on no peut
ap p liq u er, qu’on ne propose d’appliquer à rie n , et qu’on
ne soutient que par une sorte de confusion. C ’e s t, en
effet, ce qu’on rem arque aux pages 35 , 36 , 37 et 38 du
précis.
M « L e tribunal , dit-on /, s’est borné à ordonner le
•* rapport du p rix des acquisitions faites par le sieur
-«■ Ducham bon p è r e , sous le nom de Joachim ; cette
« disposition lim itative ne réparoit qu’im parfaitem ent
« de nombreuses fraudes.
8
*
�(60).
« Jeanne Bertoule avoit aussi passé beaucoup d’ actes
« fra u d u leu x.
« Joachim est personnellem ent en qualité dans
« plusieurs.
« T o u s ces contrats déguisoient autant d’avantages
« dont le rapport est d û , et ce rapport doit être étendu
« aux acquisitions postérieures à 1733. »
Q ue veu t dire tout cela ? quels sont les actes frau
duleux qu’a passés Jea n n e B e r to u le , ceux où Joachim
est en q u alité, autres que ceux q u ’on a indiqués et
dont on a demandé particulièrem ent la nullité en
prem ière instance ? A supposer que quelques actes
dussent être déclarés frau d u leu x, par exem ple ceux de
3 7 2 7 , com m ent le m agistrat, après l’avoir fa it, croiro it-il devoir ou m êm e pouvoir déclarer frauduleux
tous autres actes q u i pourraient être p ro d u its, par cela
seul q u’ils auroient pour objet des acquisitions au profit
de Joach im ? Il faut en co n v en ir, ce seroit là une
disposition d’u n g e n r e tou t n o u v e a u , et rien ne seroit
plus com m ode, après avoir annulé ou m a in te n u des
actes produits et sur lesquels on auroit discuté , de
faire main basse sur tous ceux qu’on ne connoît pas,
et c e la , parce que des m oyens généraux paroîtroient
indiquer qu’on a voulu avantager Joachim. C e chef
d’a p p e l, en so i, est donc inconcevable.
M ais com m ent encoi’C seroit-il justifié, en le suppo
sant plus caractéristique des actes prétendus fraudu
leux et des circonstances de fraude qu’on peut y re
m arquer ? que nous dit-on ?
�c ^ ;
U n enfant sans ressources -personnelles, s a n s re« venus p a rticu liers, d e v ie n t, dès son bas û g e , p ro « priétaire de. contrats de rente, de cheptels , d 'im « m e u b l e s , par des acquisitions faites sous son nom. »
C et en fan t, nous l’ayons dém on tré, avoit des res
sources personnelles ; il avoit des revenus particuliers
et des capitaux considérables; il les avoit acquis à titre
gratuit; c’étoit précisément des contrats de ren te, des
chep tels, même des im meubles considérables qui faisoient
ses ressources, puisqu’on les lui d on n oit; c’étoit avec les
revenus de ces contrats, de ces im m eubles,m êm e avec
des remboursemens de capitaux, qu’on acquéroit quel
quefois d’autres im m eubles, et on le faisoit par obliga
tion , puisque telle étoit la condition imposée par l’abbé
D e s ta in g .
Pendant que son patrim oine au gm en toit, on voit
que celu i des père et m ère d im in u o it, page 36.
O ù a-t-on v u cela, à moins qu’on ne veu ille le dire
de la prise de possession de 1727 qui n’ôta rien au
p è r e , et du contrat de rente de 1721 , pour lequel 011
a dem an dé, m ême obten u , une c o n d a m n a t io n particu
lière ? C e co n tra t, m êm e e n le supposant an n u lé, serat-il un titre pour dém ontrer la nullité d’autres contrats
non produits ni indiqués? Rem arquons q u 'il ne fut pas
une aliénation faite à des tie r s , dont le prix auroit pu
avoir été versé dans les mains de Joachim. V alable ou n u l,
il 11e peut servir d’argum ent pour prouver que la for
tune du père a diminué et donné au fils les m oyens
d ’a c q u é r i r , e n lui e n transmettant le prix ; car cet acte
de 1 7 2 i uo lui a u ro it, dans tous les cas, transmis q ue
�(6 0
des immeubles et aucun m oyen indirect d’en requérir
d’autres : il ne pourroit donc pas servir à prouver que
d’autres acquisitions faites par Joachim ou pour l u i ,
l’auroient été avec les deniers du p è r e , encore moins à
faire frapper ces prétendues acquisitions de n u llité, sans
les faire connoître ni les in d iqu er, et sans qu’on sache
ni s’il en existe, ni ce q u’elles se ro ien t, ni si le p rix
étant p a y é , elles m ontrent d’où il p roven oit, ni si ce
prix étant une re n te , elle a pu être constituée et payée
avec les revenus de Joachim. Q u’y auroit-il donc de
plus extraordinaire que prononcer cette condamnation
vagu e et g én érale, aussi inutile que dangereuse, après
avoir statué, par des dispositions spéciales, sur la vali
dité de tous les actes produits?
Rien ne pouvoit appartenir au fils, dit-on; car, d’après
la coutum e, eût-il eu des biens, l’usufruit en appartenoit
au père ( page 38 ).
ü n ne veu t pas faire attention que par les actçs de
d o n a tio n , excepté* le prem ier de tous qui est de 1 7 1 7 ,
1 abbé P estain g avoit exclu le père de l ’u su fru it; q u e ,
m êm e en rendant Jeanne Bertoule simple dépositaire des
choses d on n ées, il y avoit mis cette condition qu’elle ne
seroit pas pour cela sous l’autorité de son m ari, et que
cette charge ou faculté lui seroit paraphernale ; qu’il
l ’a voit expressément chargée d’em ployer les revenus h
l’éducation ou m ême à l’avancem ent de Joachim , et les
capitaux à des acquisitions de fo n d s au profit d’ ic e lu i
donataire ,e t à V exclusion de ses autres eirfans ; q u ’enfin,
s’il l’avoit dispensée de rendre com pte, il n’avoit fait
que s’en rapporter à sa bonne foi sur l’e xécution de scs
�( ¿3 )
volon tés, sans lui rien donner pour elle-m êm e; qu’au
con traire, il avoit constam m ent, et dans tous les actes,
exclu ses autres cnfans de participer aux donations, si
ce n’est en cas de prédécès de Joachim ; car alors, bien
loin de les exclu re, ils les appeloit à les recueillir au
préjudice de ses propres héritiers.
Il est donc im possible, sous tous les rapports, d’ad
juger un chef de demande qui reste absolument sans
a p p u i, que to u t, au con traire, repousse, et q u i, au
surplus, est dépourvu de matière et ne ressemble pas
mal à une accusation entourée de beaucoup de cii*cons. tances vraies ou fausses, et qui m anqueroit d’application
faute d’un corps de délit.
3e. G r i e f .
♦
L e troisième g rief a encore pour objet une disposi
tion générale. Elles sont grandem ent du goût du sieur
Bonnet. C elle-ci au ro it, suivant lu i, l’elFet de prévenir
des difficultés pour Vavenir. V o yo n s si elle ne seroit pas
plutôt propre à en crée r, et si, o u t r e que cela est con
traire à la bonne justice et à la saine application des
lo is , il n'en résulteroit pas encore des injustices évi
dentes.
L es père et m ère, dit-on , habitoient tantôt M u ro l,
tantôt le Chambon. Ils a voient leurs propriétés dans
l’un et l’autre lie u ; ce il paroît donc raisonnable de con« sidérer comme dépendantes des deux patrimoines toutes
« les propriétés q u 'y possédoient Jo a ch im et M ic h e l
« D u ch a m b o n , si une origine contraire n’est pas jus-
�( 64 )
■
« tifiée. 5) V o ilà encore une prétention bien extraor
dinaire.
A quoi bon d’abord cette disposition générale avant
de savoir si l’origine de toutes les propriétés sera ou
non justifiée; s’il s’élèvera ou non des contestations sur
quelqu’u n e , et pourquoi les juger avant de les connoître?
E n second lie u , pourquoi toutes les propriétés situées
au Cham bon et à M u rol et jo u ie s p a r J o a c h im ou
M ic h e l, son fils, pendant que les Pannevert jouissoient
des biens d’A n to in e , seroient-elles de droit présumées
appartenir, non à Joachim , mais à A n toin e Duchambon.
et à Jeanne B e rto u le , parce qu’ils y habitoient alter
nativem ent? est-ce que Joachim n’y habitoit pas aussi?
P ou rqu oi encore p résu m eroit-on que les biens de
M u ro l appartenoient à Jeanne B e rto u le , parce q u e lle
adm inistrait la m aison de l'abbé D esta in g q u i ha bitoit
M u r o l, et qu’on doit reconnoître qu’elle y avoit sa
résidence la plus habituelle? est-ce que la résidence
du serviteur auroit plus d’effet que celle du maître pour
établir cette présom ption? est-ce q u e l’abbé D estain g ,
habitant constamment M u rol et y possédant des p ro
priétés considérables, les auroit perdues, ou que la
présom ption de propriété auroit passé du maître au
se rv ite u r, parce que Jeanne Bertoule auroit administré
sa m aison? est-ce que les donations qu’il en a faites à
Joachim en scroient moins valables si on ne prouvoit
pas positivem ent sa propriété sur les choses données?
E s t- c e que la propriété supposée au profit de l’abbé
D e s ta in g , elle seroit censée, de d ro it, avoir passé
A n to in e Ducham bon et à Jeanne B ertou le, sans qu’il la
leur
�(' 6 5 ?
leu r eût vendue ni donnée, si on ne prouvoit pas spé
cialement la transmission h Joacliim ? est - ce q u e , enfin,
la justice peut ainsi s’abandonner à des condamnations
hypothétiques, à des décisions vagues et sans application ?
ne seroit-ce p a s, comme nous l’avons d it, créer des
difficultés au lieu de les p réven ir? Nous voyons q u el
q u es-u n es de celles qui e n ‘ naîtroient, et il nous est
impossible d’apercevoir celle qu’on prétend prévenir
et qu’on propose à la C our d’étouffer d’avan ce, sans ob
server que la C our juge avec discernement et médita
tion les questions qui sont nées, et ne préjuge ni n étouffé
les difficultés à venir.
Q uant au m obilier, le peu de mots qu’on en d it, page
39 , sembleroit supposer que la condamnation qu’on de
mande est une chose toute simple et qui ne sauroit ép ro u
ver de difficultés. Nous répondrons de deux manières :
D ’abord, par le m otif du jugem ent:
a A ttendu qu’il paroît certain, d’après plusieurs actes
« rapportés, qu’A n toin e Ducham bon faisoit indifférem« m ent sa d em eure, soit au C h am bon, soit à M u r o l;
« m ais, attendu qu’il paroît aussi certain que la maison
« de M u ro l étoit une propriété particulière de Joachim
« D ucham bon, que, dès lors, le mobilier qui s’y est trouvé
« au décès des auteurs communs est censé lui appartenir
a ju s q u ’à preuve contraire. » Cela semble bien jugé.
E n second lie u , ajoutons quelques mots que nous four
nissent les intimés eux-mêm es.
Si A n toine Ducham bon et Jeanne Bertoule habitaient
indifféremment M u ro l ou le C ham bon, si même M u rol
¿toit leur résidence la p lu s h a b itu e lle , c’est, d it - o n ,
9
�tVh
(6 6 )
parce que Jea n n e JBertoule adm inistrait la m aison
de Vabbé D e s tain g , ce q u i, cVailleurs, semble assez
s’accorder avec les dctes où les époux Duchambon sont
qualifiés comme y étant à titre de gages. O r » le fait de
cette habitation dans la maison de l’abbé Destaing serat-il en leur faveur) une présomption de propriété plus
forte qu’en faveur du sieur abbé Destaing lui-m êm e ?
Quoi ! parce qu’ils habitoient chez l’abbé D estaing, n’ayant,,
d’ailleurs, à M u r o l, ni m aison, ni habitation qui leur
fût p ro p re, ils seront de droit présumés propriétaires du'
m obilier qui étoit dans la maison de l’abbé Destaing om
celle de Joachim ! et Joachim , propriétaire d’une maison-,
à M u r o l, q u i, en 1 7 4 7 , époque de la m ort de son père,
avoit trente-un an s, étoit fort loin des pensionnats d&
P a r i s , étoit prieur du Cham bon et lia b ito itsa m a ison r
seroit présumé , de d ro it, n’avoir eu aucun mobilier! Env é r ité , on ne peut tenir contre de semblables assertions
qui sont lancées comme des choses toutes sim ples, et sans
faire e n t r e v o i r , ni la difficulté, ni les faits qui la consttuent.
O u a-t-on pris , ¿Tailleurs, q u e cette m aison ri avoit pw
être m eublée p a r lui ? quand on n nuroit pas d ’a u t r e indico
de la propriété de ce m obilier, n avoit-il pas pu 1 achetery
et ne seroit-ce pas la présomption de d roit, au moins ju squ à preuve con traire? e t, d’ailleurs, qu’étoit devenu le
m obilier d e l’abbé D estaing, mort en 1733? avoit-il été
mis dans la maison de Joachim ? e t, en ce cas, l’avoit-il
été comme propriété de Joachim , tout à la foi* donataire
de l’abbé Destaing et maître de la m aison, ou comme
propriété de ceux q u i adm inistraient la m aison do
Vabbé D e sta in g ? Il semble qu’il n’y avoit i>aS beau-
�¡>7
(
)
coup à choisir pour connoître le propriétaire de ce m o
bilier , soit pendant la vie de l’abbé D estaing, soit de
puis sa m o r t. C ’en est assez, c’en est tro p , peut-être ,
sur cette prétention. Passons au dernier chef d’appel des
P a n n e v e rt, celui qui concerne la garantie de la pour
suite des Gorce ; c’est le plus im portant de to n s, parce
q u’il présente le plus haut degré d’intérêt. La préten
tion des P a n n eve rt, qui tend à rejeter sur la dame R o
chefort tout le poids de cette condam nation, entraînero it, en effet, la perte entière de sa fo rtu n e , non de
ce qui lui est p ro ven u , o u , pour m ieux d ire , de la por
tion qu’elle réclame dans la succession d’A n to in e , mais
des biens qui étoient provenus à Joachim de la m uni
ficence de l’abbé D estain g; ca r, il ne faut pas se le dis
sim u ler, ils étoient, sans comparaison, bien plus con
sidérables que la succession entière de Jeanne Bertoule
et Antoine D ucham bon; e t, cependant, cette fortune
seroit engloutie par des condamnations q u i, il faut bien
le r ec o n n o itr e, ne peuvent frapper que contre la suc
cession d’A n toin e Ducham bon. L e sentiment de cette
épouvantable injustice suffit pour m ettre en garde contre
tout ce q u’ont dit à cet égard les héritiers Pannevert.
4°. G r i e f .
E st-c e pour être plus courts, est-ce avec réflexion
q u e les Pan n evert ont confondu dans ce g rief d’appel
deux dispositions très-distinctes du jugement ? Il est inu
tile de résoudre cette question ; mais nous devons faire
rem arquer ces deux dispositions qui sont relatives, l’un e,
ii la garantie de la poursuite des Goi*ce, l’autre , à la q u o
9
*
�( 68 ,)
tité des ameiidemens des parties. Nous les transcrirons
ici avec leurs m otifs; mais nous devons, avant to u t, re
m ettre sous les ye u x de la C our les faits principaux
qui donnent lieu à la difficulté. Nous en avons déjà rendu
compte plus en détail aux pages 9 , 1 9 , 26 et 27 cidessus. Il nous suffira, en ce m om ent, de rappeler que
mariant C ath erin e, sa fille, en 1 7 1 8 , A n toin e D ucham bon lui constitua 800 fr. payables en fonds situés à Beaune,
à dire d'experts ; que le 27 mars 1733 , il lui délaissa en
payem ent des fonds provenus d’A lix Bosgros, et que
les adjudications ayant été déclarées nulles, et le désis
tement ou les dommages intérêts qui en tiennent lie u ,
prononcés contre les représentans de C atherine, femme
D esserre, ceux-ci demandèrent leu r garantie contre la
succession d’Antoine Ducham bon ; que parmi ces ayans
d ro it, l’un ( la dame T o u rre ) , qui représentoit Cathe
rine Ducham bon pour un tiers, étoit étrangère à la succes
sion d’A ntoine D ucham bon, et l’au tre, M ichel Ducham
b o n , qui la représentoit pour deux tiers, a v o it, en m êm e
tem ps, la qualité d’héritier d’A n toin e ; q u e , conséqucm m ent, ce dernier étoit tout à la fois passible, com m e héritier,,
de la garantie de la dame T o u r r e , et demandeur en ga
rantie contre la succession, comme donataire. Nous avons
v u , enfin , que le principe de la garantie contre la su c
cession avoit été admis par l’arrêt de 18 12 , et effectué
au profit de la dame T o u r r e ; mais, qu’entre les héri
tiers , la demande avoit été ren voyée à l’instance de
partage ; o r , le jugement dont est appel l’a adjugée, e a
appliquant à cet é g a rd , et effectuant entre cohéritiers ,
le principe de garantie déjà admis contre la succession,
par l’arrêt de la Cour.
�C 6g )
Les Panncvert se plaignent violem m ent de cette d é
position ; suivant e u x , elle est injuste par la nature m êm e
des faits;
M arguerite D u cham b on , leur a u teu r, avoit
été instituée p our m oitié héritière d’A n to in e , sous la
seule charge de i , o 5o fr. pour la moitié des dots de
ses trois sœurs fixées à 700 fr. pour chacune ;
Parce que la dot de 800 fr ., promise à C atherine,
excédoit la somme dont M arguerite étoit g re v é e ;
. Parce que le payem ent en fonds fut une véritable
libéralité qui portoit atteinte à son institution, et ne pouvoit être prise que sur la moitié des b ien s, restée lib re
dans la main de l’instituant ;
Parce qu’enfin le jugem ent dont est appel fa it, dans
tous les cas, un double emploi d’une injustice criante,
en a d ju g e a n t tout à la fois à la dame R ochefort, et la
g a r a n t i e de cette action, et un dixième resté lib re des
biens d’Antoine Ducham bon.
Parce que
I c i, et avant de faire connoître cette partie du juge
m e n t, nous devons rappeler quelques faits qui s’y ap
pliquent particulièrem ent ; cela est encore nécessaire,
parce q u e , dans une cause aussi chargée de détails et de
questions, il est impossible que l’esprit demeure fixé sur
tous les faits, et qu’il devient essentiel d’en rappeler
quelques-uns, lorsqu’on en vient à l’application.
Il faut se ra p p eler, en effet, que lors du mariage de
M arguerite D u ch am b on , en 1 7 1 3 , A n to in e , son p è re ,
n’avoit que quatre filles, et qu’en instituant M argue
rite pour moitié avec M a rie , aïeule de la dame T o u rre,
il l’avoit chargée de p ayer à Catherine et Suzanne m oitié
�I 7U J
de leurs dots fixées à 700 f r . , et pareille somme à tout
autre enfant ¿1 n aître, m âles ou f ille s .
Si les choses fussent restées en cet état, et que l ’ins
titution pour moitié au profit de M arie eût été réalisée,
chacune des deux instituées eût été propriétaire de moitié
des biens, en payant 700 fr. pour les deux dots ; encore,
dans ce ca s, et faute d’enfant mâle qui eût pu profiter
de la forclusion des filles, les deux légitimaires eussent
p e u t-ê tre réclamé chacune un douzième pour leur lé
gitim e de rigueur ; mais deux circonstances apportèrent
à cet état de chose des changemens notables.
L ’une , fut la naissance de Joach im , qui augmenta
de la moitié d’une dot de 700 fr. la charge imposée
à M arguerite.
L ’autre , fut la forclusion de M arie q u i, au lieu d’être
instituée, fut réduite à une simple légitim e.
Cette forclusion et celle des deux autres filles s’effec
tua par cette double circonstance du mariage des filles
par le p è r e , et de l’existence d’un enfant m âle au profit
de qui tournoit la forclusion.
A n toin e Ducham bon fit de nouvelles dispositions , en
donnant à ses filles des dots plus considérables que celles
dont il avoit chargé l’institution de M arguerite ; l’excé
dant d e v o it, dès lo rs, être pris sur les biens libres, A in si,
il constitua à Catherine 800 fr ., ù M arie 1,860 f r . , à
Suzanne i , 5oo f r . ; en fin , en 1 7 3 3 , payapt Catherine
par un délaissement de fo n d s, il lui donna en pur don
l ’excédant de v a le u r , si excédant y avoit.
Il résultoit, de l à , que M arguerite avoit droit i une
jnoitié des biens en payant 1,060 fr. à Joachim , et ce-*
�(
)
71
lu i-ci à un dixième de son ch ef, et à trois dixièmes
comme appelé à recueillir le bénéfice de la forclusion
prononcée irrévocablem ent et sans réserve conti*e ses
trois sœurs, mais à la charge de supporter la totalité
des dots de ces trois filles, ou de les prendre en im pu
tation de leurs p o rtio n s, si le père les avoit payées.
T o u t cela ne pou voit avoir aucune influence sur la
question de garantie, si le père n’eût constitué à Catherine
qu’une dot de 700 fr., quoiqu’il l’eût payée en im m eubles,
parce que peu im portoit le mode qu’il adoptoit pour se
libérer. M aître de vendre à des tiers pour se procurer
le montant de la d o t, s’il ne l’avoit pas par devers lui
il étoit tout aussi libre de les céder à sa fille elle-m êm e;
en cela, il ne faisoit point un avantage s’il portoit les
immeubles cédés à leur véritable v a le u r , et il ne pou
voit porter atteinte à l’institution de M arguerite que
par l’augmentation de la dot au delà de 700 fr ., et par
une cession à vil prix q u i, s’il l’eût faite, eût établi un
avantage indirect au profit de Catherine.
Toujours est-il vrai que si l'excédant de dot au délà
de la réserve de 700 fr. ne pouvoit pas atteindre l’ins
titution de M a rg u erite, il est tout aussi vrai qu’à sup
poser un excédant à la valeur des biens, le don qu’en
faisoit le père à Catherine, en 173 3 , ne pouvoit atteindre
ni la légitim e de rigueur de Joachim , ni celle de ses
trois sœurs mariées et forcloses, sans aucune réserve de
les rappeler. A in s i, il est constant que ce nouveau don
ne pouiToit être pris que sur le dixièm e resté lib re, et
voilà pourquoi la question qui naît de la cession de 1733
a encore aujourd’hui une relation quelconque avec l’a
�m endem ent des parties; cependant, le tribunal dont est
appel les avoit distinguées, et avec raison, ce semble.
Nous allons faire connoître cette partie du jugem ent
dont on saisira m ieux maintenant le sens et les résultats.
Nous examinerons ensuite plus facilement les m oyens
proposés par les Pannevert pour soutenir leur appel.
a E n ce qui touche les condamnations prononcées
« contre le sieur D evoissière, en qualité de représentant
a de Joachim D u ch am b on , en faveur des G o rc e , héri
te tiers d’A lix B o sgro s,
« A tten d u que ces c o n d a m n a t io n s o n t eu pour origine
« le délaissement fait par A n toin e Ducham bon à C a t< therine D u ch am bon, sa fille , femme d’Etienne D es« serre , par acte du 7 mars 17 3 3 , de certains héritages
« pour rem plir ladite Catherine Ducham bon de fonds
« immobiliers que son père lui avoit promis par son
« contrat de m ariage du 29 octobre 1 7 1 8 , avec ledit
« Etienne Desserre ;
« A t t e n d u que , par une donation entrevifs du 27
« septembre 1 7 6 6 , ladite Catherine Ducham bon a donné,
« sous réserve d’u su fru it, ces mêmes héritages à M ic h e l
« Ducham bon et à la dame M aurissat, ses n e v e u x , et k
« Suzanne D u ch am b on , sa sœ u r, femme D a b e r t , et
« que ces donataires ont été actionnés par les G orce
a en qualité d’héritiers d’A lix B o sgro s, et condamnés
« à la restitution des jouissances depuis leur indue d é« tention;
« A tten du qu’il résulte de cette action en éviction ,
a qu’A n toin e Ducham bon a délaissé à Catherine D u •* ehambon , sa fille , ce tqui ne lui apportenoit pas ; que
�73
(
)
« ce fait lui étant person n el, sa succession est passible
« du résultat qu’il a p ro d u it, et que c’est elle q u i doit
« seule supporter toutes les condamnations obtenues
« par les G o rce , soit qu’il s’agisse de délaisser des biens
« en rem placement de ceux réclamés par les G orce ,
« soit que les condamnations prononcées tant sur la
« demande principale que sur les demandes récursoires ,
« ne soient que pécuniaires; qu’ainsi, il doit être dis« trait e t.p réle v é sur cette succession le montant des
« condamnations obtenues par les G o rce , comme dettes
« passives de cette succession.
- « E n ce qui touche la fixation des amendemens de
« chaque héritier dans la succession d’A n toin e D u « chambon,
« A tten d u q u e , par le contrat de mariage de M a r
ti guerite Ducham bon avec Piex're M a n r y , du 23 janvier
« 1713 ? ledit A n toin e Ducham bon a institué ladite
« M arguerite D ucham bon, sa fille, son h éritière, con « jointement et par, égale portion avec M arie D ucham « b o n , son autre fille , qui ne contractoit pas m ariage,
' «
ç
a
«
pour lui succéder en tous ses b ie n s, à la charge par
elle de payer à Catherine et à Suzanne D ucham bon,
ses autres filles, et à chacune d’elles la somme de
700 f r . , et dans le cas qu’il viendront d’autres enfans
à l’instituant, soit m aies, soit filles, ils ne pourroient
« prendre que la même constitution de 700 fr. ; que
q postérieux-ement à ce m ariage, naquit Joachim D u « cham bon;
« Q ue par reflet de cette institution, M arguerite
« D u ch am b on , femme M a n r y , se trouva saisie de la
10
�C 74 )
« moitié des biens d’A n toine D u ch am b on , ou ce qui
« est la m ême chose, des cinq dixièm es, en versant
« dans l’autre moitié de la succession la somme de
« i , o 5o fr. formant moitié des légitimes convention« nelles ; qu’ainsi la succession ab intestat fut com po« sée de cinq dixièmes des biens et d’une somme pécu« niaire de i,o o fr. ; que sur ces cinq dixièm es, il en
<r revenoit quatre aux quatre autres enfans d’A n toin e
« Duchambon , pour form er leurs légitim es de rigueur ,
k mais qui de voient être recueillies par Joachim D u « cham bon, soit de son ch ef, soit comme représentant
« ses trois sœurs forcloses, à la charge par lui de rap-
5
«
«
«
K
«
«
porter à la succession du père le montant des dots
payées par ce dernier à ses trois fille s, en sorte qu’il
n’a resté de disponible dans les mains dudit A ntoine
Ducham bon qu’un dixième et la somme de i ,o 5o fiv
due par M arguerite D u cham b on , pour moitié des
légitimes conventionnelles;
« A t t e n d u qu’A n toine Ducham bon ayant acquitté la
c dot de Catherine Du cliam bon par un délaissement
« de biens im m eubles, il a été possible q u ’il ait absorbé
« par ce délaissement ce qui restoit de disponible dans
o ses m ains, et qu’il ait par là rendu sans effet la dism position testamentaire qu’il a faite le 5 septem bre
« 1745 au profit de M arguerite D ucham bon, femme
* M an ry ;
« A tte n d u .q u e celle-ci, quoiqu'héritière instituée, a
« pu être encore l’objet d’une libéralité dans le testa« m ent de son p è r e , parce que l’art. 44 du titre 12 de
* la Coutum e d’A u v e rg n e autorise les legs en faveur
�C 75 )
« de l’héritier conventionnel, et qu’ainsi, pour juger de
« l’effet que doit produire le testam ent, il faut préalak bleraent savoir si A n toine Ducham bon n’avoit pas
« épuisé, par le délaissement d’immeubles fait à Cathe« rine D u ch am b on , sa fille , tout ce qu’il avoit de disa ponible ;
«
«
«
*
« L e tribunal ordonne que la masse de la succession
d’Antoine Ducham bon s e ra composée de tous ses
biens meubles et immeubles qui sont ou seront
reconnus par les parties en avoir fait partie , en
quelques mains qu’ils se tro u v en t, et notam ment
«(2°..................................
« 3 ° ..................................
« 4°. D u montant des dots des filles forcloses, payées
« par A n toin e D u ch am bon , ainsi que des intérêts d’i« celles, à compter du jour du payement ;
« Ordonne q u e , sur cette masse ainsi composée , dis« traction sera faite du montant de toutes les condam na«
«
«
«
tions obtenues p a r le s G o rce , soit qu’elles aient pour
résultat un rem placem ent de fonds en remploi de ceux
dont les G o r c e dem andoient le désistement, soit qu’elles
ne consistent qu’en sommes pécuniaires pour princi-
« cip au x, intérêts et frais;
» Sur ce qui restera, après cette distraction faite, il
k en sera délaissé cinq dixièmes aux représentons de
« M arguerite D u ch am bon , épouse du sieur M a n ry ;
* sur les autres cinq d ixièm es, quatre seront délaissés
a aux représentans de Joachim Duchambon , tant pour
m. le rem plir de sou chef que de celui de ses sœurs for(V
10 *
�je b
C 76 3 _
closes; quant an dernier dixième et la somme de
i,o 5o f r . , disponible dans les mains d’Antoine D u*
cham bon, estimation sera faite des biens délaissés à
Catherine Ducham bon par son p è re, pour le payement de sa dot , e t , dans le cas où lesdits biens cédés
cx cèd ero ien t, non-seulem ent le dixièm e revenant à
Catherine D u ch a m b on pour sa légitime de rigueur y
mais le dixième et les i,o 5o fr. disponibles dans les
mains d’Antoine Ducham bon père , audit cas, ces derniers objets seront délaissés au représentant de Jo achim Ducham bon ; au cas que le dernier dixième et
les i,o 5o fr. disponibles ne seroient pas épuisés pour
form er la valeur des biens délaissés à Catherine D u
cham bon, et qu’il y auroit un excédan t, cet excédant
sera délaissé aux représentans de M arguerite Ducham b o n , comme légataire d’A ntoine Ducham bon père*
en vertu de son testam ent, comme aussi, dans le cas
où le dixième revenant à Catherine D ucham bon, pour
la l é g it i m e de r i g u e u r , surpasseroit en valeuv les biens
if qui lui ont ete délaissés poi* son. p è r e , cet excédant de
« dixième sera délaissé au représentant de Joachim , par
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
ct
«
«
r
«
«
« suite du droit de la forclusion. »
Il a paru utile de faire connoîtrc textuellem ent ces
deux dispositions, quoiqu’un peu étendues. Il faut con
ven ir que la dernière auroit pu être rédigée plus net
tem ent ; cependant, elle s’explique par elle-m ém e et
par ses motifs qui sont assez clairs. On v o i t , d’ailleurs,
«qu’elle respecte l’institution de M arguerite et la dispo
sition testam entaire, et que seulement elle subordonne
M e t de cette dernière à l’étendue des dispositions in*
�( 77 )
tcrmédiaires qui peuvent avoir été faites au profit de
Catherine T)uchambon. Sans insister davantage sur les
observations qui naissent de cette partie du ju g e m e n t,
nous allons successivement exam iner les m oyens que»
proposent les P a n n e ve rt, et qu’ils ont jugé à propos de
réunir sur les deux dispositions.
E t d’abord, Catherine D u ch am b on , femme D esserre,
évincée p a rle s G o rc e , avoit-elle une action de garan
tie contre la succession de son père ? cette action a-t-elle
réfléchi indistinctement contre ses héritiers, soit à titre
co n tractu el, soit ab intestat ?
O ù pourroit être le d oute? L e délaissement fait par
A n to in e D ucham bon, en 17 3 3 , étoit son propre ou
vrage 5 il l'avoit fait en payem ent d’une d o t; aussi,
avoit-il promis et dû prom ettre la garantie de tous
troubles , dettes et hypothèques envers et contre tous.
Les cédataires ont été évincés; pourquoi n’auroient-ils
pas une garantie? auroit-on pu dire à Catherine D es
s e r r e , en 18 22 , que le désistement des immeubles lui
ayant arraché sa d o t, promise en 1 7 1 8 , elle n’étoit tou
jours creancierc que de sa dot, et que pour lui avoir mal
payé cette dot en 1733 , les héritiers du sieur Ducham bon
ne lui devroient toujours que 800 fr. plus de cent ans
après? Cette objection disparoîtroit d’elle-m êm e si on
la fuisoit A Catherine ou h quelqu’un qui fût étranger
au partage actuel; il seroit tem ps, en effet, en 1822,
de lui payer sa d o t , et il faut convenir qu’à côté de
So,ooo fr. q u e lle seroit obligée de i'enclre pour l’avo r
reçue en immeubles en 17 3 3 , elle auroit tout à la fois
une bien singulière dot et une bien ridicule indemnité
si on ne devoit lui offrir que 800 fi*, et les intérêts;
�aussi les Pannevert n’ont-ils pas osé faire cette objection
à la dame T o u r r e , ou bien on l’a rejetée. Nous prou
verons facilement que la réunion sur la même tête des
deux qualités de donataire de Catherine et d’héritier d’A n
toine D u cliam b on , ne change ni ne déplace la question.
Posons d o n c , en p rin cip e , et sauf examen des ob
jections, que le p è re , en 17 3 3 , a pu payer sa fille avec
des immeubles , et que les lui cédant avec garan tie, il
obligeoit ses héritiers à cette garantie, sans qu’aucun
d’eux pût s’y soustraire.
E n e ffe t, supposons que le père les eût vendus à des
tiers, m oyennant 700 f r ., ou 800 f r . , si l’on veu t, q u ’il
auroit déléguées à Catherine. Celle-ci, payée de ses 800 fr.,
n’auroit plus rien eu à réclamer ; elle les auroit em
ployés à son gré d’une manière u tile , et la succession
seroit garante du désistement envers les tiers. L es héri
tiers de M arguerite pou rroien t-ils s’en p réserver, parce
que leur titre seroit un contrat de m ariage ?
Supposons encore q u e , conservant ces immeubles pour
lui-m em e, A n t o i n e D u c h a m b o n eût aliéné d’autres fonds
pour payer sa fille. L e désistement portant aujourd'hui
sur des fonds qui seroient dans les mains de ses héritiers,
ce u x -c i n’en seroient-ils pas tenus les uns et les autres,
sans p o u vo ir, pour ce la , réclamer les autres immeubles
vendus à des tiers? si le désistement frappoit contre un
se u l, l’autre cohéritier ne seroit-il pas tenu de le garantir
pour moitié ?
A llon s plus loin ; supposons même que destinant à.
payer cette dot d’autres immeubles dont il eût été lé
gitime propriétaire, A n toin e Duchambon les eût cédés
A Catherine Ducham bon eU e-m èm c, comme il a fait do
�(
79
?
ceux d’A lix Bosgros, et que l’action en désistement des
biens de B eau n e, eût frappé directement contre la suc
cession d’A n to in e , les P a n n e v e rt, obligés de se désister,
pourroient-ils, à cause de ce la , reven ir contre la cession
faite à Catherine, pour obliger ses ayans droit à rapporter
les immeubles qui lui auroient été cédés? Cela seroit
absurde.
Un instant, nous disent-ils, vous ne faites pas atten
tion que la cession de 1733 étoit une lib éralité; qu’à ce
t it r e , Antoine Ducham bon ne pouvoit disposer de rien,
si ce n’est sur la moitié restée lib re, et q u e , quant à ce,
M arguerite ne pouvoit jamais être tenue h rien au delà
de 350 fr.
L a réponse est facile ; car , en faisant cet argum ent ,
on ne fait que s’envelopper dans un système évidem m ent
erroné.
i ° . Nous l’avons déjà dém ontré; l’acte de 1733 n’étoit
pas une libéralité, par cette seule raison que le père
obligé à faire et à payer une d o t, pouvoit y satisfaire
avec des im m eubles, sous la seule condition de les donner
pour leur valeur du moment. Il étoit indifférent, sous
ce ra p p o rt, à ses héritiers, qu’il les vendit pour p ayer,
ou q u ’il payât en les cédant, comme il étoit égal à sa fille
d’acheter des immeubles avec 700 fr. qu’il lui auroit
donnés, ou de recevoir de lui-m êm e des immeubles
Valant 700 fr.
20. Les droits de M arguerite ne pouvoient être blessés
par cette disposition, car ils ne résultoient pas d’uno
donation entrevifs d’objets certains dont on ne pût
rie» retrancher, mais d’une simple institution qui l’assu-
�( 8° )
jétissoit à toutes les obligations que pourvoit contracter,
de bonne fo i, Antoine Ducham bon pendant tout le cours
de sa vie : elle ne lui donnoit droit qu’à une part dans
la masse de la succession telle qu’elle seroit à son décès;
o r , cette masse se com posoit, et des biens existans, efc
des créances actives, comme aussi des dettes passives et
des obligations contractées par le père. Ce qui étoit sorti
de ses m ains, ce qu’il avoit aliéné ne faisoit plus partie
de la m asse, et certainement tout ce qui avoit été donné
en payem ent de la d o t, ne pouvoit pas être sujet à
yapport.
V ous vous tro m p ez, disent encore les P an n evert; si
les héritages délaissés en dot à la dame D esserre, eussent
appartenu au p è r e , elle eût dû- les rapporter à la suc
cession pour en form er la masse.
* Cette assertion est une erreur qui tient à la confu-«
sion qu’onj fait d’une constitution de dot en a rg e n t,
ou d’une constitution en immeubles. O r , ic i, la consti
tution de dot étoit de 800 fr., payables en immeubles
a la v é rité , mais en im meubles à dire d’experts, par
conséquent donnés en payem ent et donnés forcém ent
avec garantie. O r , on sait que datio in solutwn. et
venditio produisent en d r o it , le m ême effet. Il est ,
de la nature de cette dation en p a y e m e n t, de ne pas
changer le caractère prim itif de la d o t, quand bien mémo
la cession des immeubles seroit faite par le contrat m êm e5
et d’obliger le cédant à garantie, comme une venteord in a ire , en sorte que lu convention . fût-elle- u n iq u e ,
renferm eideux parties distinctes qui conservent, l’une et
l’autre leur caractère propre et leurs effets particuliers^
savoir
�C Si )
«avoir, une constitution de dofr en argent et un p a ye
m ent de dot en immeubles dûment garantis, tandis que
la simple constitution d’immeubles produit des effets
tout différens. A plus forte raison cela est-il évident dans
un cas où le payem ent en im m eubles, quoique promis
par le contrat, n’a été fait que q u in ze ans après le ma
riage.
A u re ste , pourquoi tant disserter? L e principe est
depuis long-tem ps jugé entre les parties.
Nous rechercherons si la cession faite à Catherine!
D ucham bon, des immeubles de B eau u e, étoit gratuite
ou à titre onéreux ; car c’est de ce point que dépend là
décision de la question. S i , en effet, elle étoit à titre
gratu it, Catherine ne pouvoit retenir les immeubles quô
jusqu’à concurrence du dixièm e resté libre dansles mainS
du p è re , et elle étoit obligée au rap p ort, n o n -seu le
ment fictif, mais r é e l, de tout ce qui p o u vo it, dans
cette attribution, excéder le dixième. E p rouvan t le dé-“*
sistement, elle ne pouvoit donc réclam er de garantie
q u e sur le dixième lib re , et certes, il ne faut pas doutei*
q u e les biens de Beaunô ne valussent plus du dixième
de ses biens. E n fin , les donataires n’ayant d’autres droits
q u e les siens , ne pouvoient en obtenir davantage.
Q u ’est-il a rrivé?
L a dame T o u rre représentoit Catherine pour un tiers;
M ichel Ducham bon pour deux tiers. Ils sont assignés
pour 6e désister ou faire désister leurs acquéreurs ; car
ils avoient vendu et ils étoient passibles de garantie.
L a dame T o u r r e , étrangère à la succession d’A u to io o
il
�( 8 i ) i
D ucham bon, demande sa garantie contre les P ann evert,
héritiers contractuels, et contre le sieur de Voissière,
héritier ab intestat.
L e sieur de V o issière, à son to u r, tenu de l’action
pour deux tiers, comme donataire de C atherine, de
mande sa garantie contre les P an n evert, comme héri
tiers d’Antoine.
Il est utile ici de v o ir , dans le ju g em e n t, même le
principe donné à cette garantie; on le trouve expliqué
dans les points de fa its , soit du jugement , soit de
l’a rrê t, rédigés par l’avoué des G orce. O n y lit ce qui
suit :
« L e 22 mars 18 11 , les sieur et darne T o u rrc
« ont exercé une demande en garantie subsidiaire,
« tant contre le sieur Ducham bon de Voissière , en
cc qualité d’héritier de Joachim , son p è re , q.ui l’étoit
«. d’A n to in e , que contre les Héritiers P annevert et
« R och egeat, représentans M arguerite, M an ry , leur
«■inère et a ïe u le , héritiers de M ai’guerite D ucham bon,
« sa m ere, laquelle l’étoit aussi dudit A n to in e , premier
c du nom. Ils ont fondé cette action sur cc q u e ledit
« A n toin e Ducham bon ayant cédé à
C atherine les
« biens dont le désistement est réclam é, ses représen« tans se trouvaient tenus de garantir l'éviction dont
« iis étoient m enacés
lté sieur Duchambon cri a agi de même contre les
« Pannevert et Rochegeat. Il les a fait assigner en re« co u rs, et a fonde cette dem ande, entr’autres m oyens,
k
« sur la qualité qu’il leur donne de détenteurs des
�« biens d’A n t o i n e D ucham bon, et su r Va c t1on en par« tage q u i existe entre les p a ?tiesj à raison de cette
« même succession. »
Cela seul nous apprend que la dame T o u rre réclam oit
la garantie, comme naissant d u n e cession qui obligeoit
les h éritiers, quels q u ils fussent, et que le sieur D ucliambon la rapportoit lui-m êm e à l’action en partage
déjà existante.
E n cet é tat, toutes les parties sont en présence et
le tribunal prononce.
C ’étoit bien le cas, de la part des P a n n e v e rt, de
soutenir qu’ils ne pouvoient pas être gai*ans, parce que
la dame T o u r r e , sim ple donataire, n’a voit pas d’action
c o n t r ’e u x , a u préjudice d’une institution irrévocable;
q u ’ils étoient affranchis de toute obligation en rappor
tant 360 fr. et les intérêts, soit à e lle , soit à leur cohé
ritie r, et que la garantie d'une donation ne pou voit
s’exercer que contre l’héritier ab in testa t, le père n’ayant
pu donner A C ath erin e, au préjudice de l’institution,
si ce n’est 3^0 f r . } et en effet, si la cession de 1733 étoit
une lib éralité, la conséquence étoit positive.
. L e ju g e m en t qui fut rendu n’apprend pas si elle em
ploya ou non ces moyens. Il est très-peu explicatif, et
pour bien saisir la disposition, il est nécessaire de rappeler
que par l’acte de 17 3 3 , le père n’a voit pas cédé à Ca
therine tous les héritages provenus des deux adjudications
- xle 1718 et 1732 ; qu’il s’étoit réservé les prés de
M ca u ln e et un patural. O r , ces objets qui étoient restés
. dans la succession, donnoient lieu à une portion de la
g a ra n tie , et M ichel Ducham bon demandoit que les
�C 84 )
Pnnnevert fussent condamnés à supporter moitié d«r
cette éviction. L e m otif unique d u 'ju gem en t, déjà pas~
sablement obscur, semble ne parler de la garantie prin
cipale qu’à l’occasion dp cette branche particulière.
« Considérant que s i les P a n n e çe rt peuvent impo-r
a ser à M ichel Ducham bon de satisfaire à l’obligation
« qu’avoit contractée Catherine Ducham bon de rendre
«c aux véritables propriétaires les héritages qui lui furent
« transmis en 1 7 3 3 , et s i, faute de demande en recours
« de la part de ladite Catherine Ducham bon ou ses
« représentans , elles peuvent écarter la demande (*j|
«
«
«
«
«
«
«
*
en éviction que souffrent les représentans de ladite
Catherine D u ch am bon , ils n’en doivent pas m oin s,
comme cohéritiers d’Antoine D ucham bon, coopérer
aux pertes que cause à cette succession l'éviction des
héritages qui furent réservés par ledit A n toin e D u cham bon, en 173 3 ............« . et que cette indemnité
doit avoir lieu en proportion de la portion afférente
des Punncvert à ladite succession.
cc L e tribunal m et le s p a r tie s h o i“i d'i-nstancc s u r la.
« demande en recours, form ée par la dame T o u rre ,
« tant contre M ic h e l D u ch a m b on que contre les P a n «
«
«
«
neuertj les met aussi hors d’instance sur la demande
en recours, form ée par M ichel Ducham bon contre
les P a n n e ve rt, pour tout ce qui peut concerner la
dépossession des immeubles transmis à Catherine
« Ducham bon par la cté de 1733>
pour ce qui con
te cerne les immeubles retenus par ledit acte, ordonne
(*) II manque certainement ici quelques mots.
�c 8 5 }
* que les Pannevert indemniseront M ichel D ucham bon
et pour leur portion contributive »
Com m e on le v o i t , ce jugem ent rejetoit toutes les
demandes en garantie, excepté celle résultante des hé
ritages reten us, qu’il admettoit dès à présen t, nonobstant
l’instance de partage existante.
Toutes les parties interjetèrent ap p el, et les mêmes
questions se renouvelèrent entr’elles. L à , comme en
prem ière instance, il falloit reconnaître deux choses,
i°» que si Catherine Ducham bon étoit seulement dona
taire d’immeubles pour sa d o t, ni la dame T o u r r e , nî
M ich el Duchambon ne pouvoient exercer de garantie
contre l ’héritière instituée pour m oitié, mais seulem ent
contre les biens restés libres dans les successions ab intestat,*
l ’a u tr e , q u ’en ce cas la garantie de M ichel D ucliam bon,
con tre les r e p r é s e n ta i de M a rg u erite, ne devoit pas
être ren voyée au p a rta g e, mais rejetée tout à fait.
L a C our ne le fît pas ainsi : elle considéra la garantie
comme se présentant dans les termes ordinaires, entre
u n acquéreur et son v e n d e u r, ou ses représentans;
elle ne posa qu’une seule question, savoir, s i elle était
ou non prescrite, et décida en ces termes :
« A tten d u qu’en droit la demande en garantie prescrit
« du jour de l'éviction ;
« Q u e , dans le fait, elle a été formée cinq mois avant
« le jugem ent qui a ordonné le désistem ent;
« L a C our dit qu’il a été mal ju gé; ém endant, con
te damne M ich e lU u ch a n tb o n et les Pan nevert à garantir
« et indemniser la dame T o u rre des condamnations qui
« ont été contr’elle prononcées en faveur des G orce.
a ..................................................................................................
�( 86)
« Sur la demande en recours de M ichel Ducham bon
« contre les Panne v e rt, renvoie les parties à se pourvoir,
« comme elles aviseront, devant le tribunal civil d’Issoirc,
« dans l’ instance en partage q u i est pendante entre
« les parties. »
C et arrêt admet donc indéfiniment le principe de la
garan tie, comme résultant de la cession de 1733 contre
la succession d’A n toin e Ducham bon et tous ses héritiers,
quel que fût leu r titre.
- Il l’applique immédiatement à la dame T o u r r c , comme
étant étrangère à la succession et ayant une garantie
indéfinie contre les h éritiers, quoique cela ne pû t ni
11e dût e tre , si elle n’eût détenu les biens qu'à titre
de donation postérieure à l'institution contractuelle.
E n fin , il en renvoie l’exercice au partage , en ce
qui concerne les héritiers entr’e u x , pour que la distri
bution en soif opérée conform ém ent aux règles du par
t a g e , ce qu'il n’eût pas pu faire non plus en considérant
la cté de 1733 com m e d o n a tio n ; ca r, en ce cas, M ichel
Ducham bon ne pouvoit rien demander à t i t r e de garantie
contre M a rg u e rite, môme incidem m ent au partage; il
falloit le débouter de cette demande.
O r , dès que par un arrêt contradictoire entre toutes
les parties, et par infirmation du jugem ent de prem ièreinstance, la garantie a été adjugée purem ent et simple
m ent au profit de la dame T o u r r c , et ren voyée au
partage par M ichel D u ch am b on , il n’est plus temps do
prétendre et de vouloir faire déclarer par la justice q u e
la cession de 1733 fut im acte à titre g r a tu it, une
donation qui ne pouvoit pas produire de garantie contre
�( s 7 )
l ’héritier contractuel, et qui ne pou voit conférer que
le droit de prendre les biens lib res, jusqu’à concurrence
de la chose donnée.
E t ainsi,il demeure évident que cette décision, d’ailleurs
fort en harmonie avec les prin cipes, ne perm et plus
d’em ployer ce m o y e n , ni de se soustraire à une garantie
qui existe par cela m êm e que l’acte de 1733 étoit un
contrat ordinaire et à titre on éreu x, qui obligeoit aussi,
bien les héritiers d’AntoineD ucham bon que lui-même.
C ’en est assez sur ce prem ier point duquel tout
.dépend , car le m oyen de libéralité est l ’argum ent
unique des P an n evert; voyons maintenant si le ju g e
m en t dont est appel a suffisamment conservé leurs droits.
< Il reconnoît que l’acte de 1733 peut contenir un
•avantage indirect, et qu’en ce cas, cet avantage ne peut
.être pris que sur le dixième resté libre ; il ordonne
.que les biens cédés en 1733 seront estimés. Il est évi
dent qu’en cela il admet un principe vrai et qui tend à la
conservation des intérêts de toutes les parties. L ’institu
tion de l’u n , la légitim e des autres.
Sans disserter ici sur la suite de la disposition que
nous avons transcrite page 7 5 , et dont il n’est peut-être pas
très-facile de saisir l’ellet, occupons-nous seulement de
reconnoître quels sont les droits des parties, et comment
ils doivent être réglés.
Nous avons reconnu que la dot de Catherine ayant
été portée à 800 francs, au lieu de 700 francs dont étoit
chargée M arguerite D ucham bon, celle-ci ne pouvoit
être tenue de l’excédant.
- Nous avons reconnu encore que si le délaissement
•du';
y t 'v
�( 88 )
des biens, en 17 3 3 , contenoit un avantage indirect par
la fausse estimation des biens; l'institution de M argu e
rite ne pouvoit en souffrir, ni directem ent, ni même
indirectem ent, par une action de garantie.
E t de là résulte la nécessité de déverser sur le dixième
tout ce q u i, par l’estimation des biens, sera reconnu
être avantage indirect. L e jugem ent l’ordonne.
M ais il faut bien distinguer, dans l’acte de 1 7 3 3 ,
ce qui est avantage d’avec ce qui est on éreu x, c’est-à-dire,
le payem ent de la dot d’avec la quotité de cette d o t, et
c’est en quoi le jugem ent n’est p e u t-ê tr e pas assez
explicatif.
R em arquons, au re s te , que les deux adjudications
«voient été fa ite s, l’une en 1 7 1 8 , pour 360 fra n c s ,
l ’autre en 17 3 2 , pour 55o f r . , en tout 910 f r .; que le
sieur Ducham bon se réserva les prés de M eaulne et un.
p âtu rai, et céda le reste pour 800 fr. ; d’où il faut
conclure que l’excédant de valeur ne pouvoit être q u e
très-m odique; qu’en fin , ne dissimulant r ie n , il déclara
que s’il y avoit excédant il en faisoit don à C atherine,
ce qui prouve q u il ne vouloit pas av an tage r indirec
tement.
Rem arquons encore que cet excédant de valeur^ ad
jugé pourtant sans restriction à la dame T o u r r e , et
q u i, jusqu’à présent, a pesé sur la dame R ochefort seule,
ne pouvoit pas atteindre la légitim e de Joach im , n i
celles de ses trois sœurs forcloses, qui lui appartenoient
par droit d'accroissem ent, sans pou voir être altérées
par une donation postérieure, et que cependant ces
légitime« disparoîtroient entièrem ent, si la dame R oche-
fort
�V
(89) m
fort devoit supporter tout le poids de la garantie sans
aucun recours contre les Pannevert. Il y a p lu s, et il
faut reconnoître que ces légitimes seroient aujourd’hui
bien insuffisantes pour satisfaire à cette ga ra n tie, et
que la dame R o ch e fo rt, condamnée personnellem ent
comme héritière pure et simple , seroit obligée d’y
fournir avec ses propres biens. Q uelle seroit donc sa
position?
Eh quoi! les P an n evert dem eureroicnt enrichis des
biens d’A n toin e Ducham bon ( que cependant ils ont
dû partager entre beaucoup de branches ) , parce que
M arg u erite, femme M a n ry , auroit été instituée héritière
par m oitié, et la dame R o ch efort, qui a dû recueillir
à elle seule quatre dixièmes de cette succession, et
i,o 5 o fr. en payant trois dots , verrost dévorer , par
une garantie provenant du fait de l’auteur, com m un ,
non seulement cette légitim e sacrée , mais le patri
moine dix fois plus considérable q u e lle tenoit de l’abbé
D estaingI elle seroit dépouillée de toute sa fortu n e, et
elle verro it les P an n evert jouir tranquillem ent de la
m oitié des biens d’A n toin e Ducham bon , qui étoient
cependant le gage de cette garantie! N ’oublions pas que
les condamnations obtenues par les G orce ont été liqui
dées, par le dernier a r r ê t, à plus de quarante-cinq mille
fran cs; que les frais les portent à plus de cinquante,
et demandons-nous si le résultat de ce funeste procès
doit peser sur les légitimaires seuls, engloutir tous leurs
autres biens et respecter l’héritier institué.
Dans cet état de choses, la C our pourra juger saine12
f
* * r
�( 9° )
m ent du droit des parties et reconnoître si le jugement
dont est appel est ou non susceptible de quelques rec
tifications; au m oins‘sem ble-t-il nécessaire de l’expliquer
pour éviter des difficultés nouvelles, car sa rédaction pourroi t en entraîner contre l’une ou l’autre des parties, et la
C our peut le rectifier dans l’intérêt de toutes.
Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails,
quoique, sans doute, bien des points secondaires puissent
exiger des explications, surtout quant aux prélèvem ens
que peut demander chaque partie. Seulem ent, nous
rem arquerons que les adversaires, en amoncelant do
prétendues circonstances de fra u d e, sont plus d’une
fois tombés dans l’erreur sur des faits, ne fût-ce q ue
sur la vente faite en 172 3 , par A n toin e Ducham bon à
l ’abbé D efre ta t; car la revente dont on prétend tirer la
preuve de fraude ( page 10 du p ré c is), ayant été faite
par l’abbé D efretat , au profit de M arguerite com m e
de Joachim , on a droit de s’étonner que les héritiers
de M arguerite son p l a i g n e n t comme d’une fraude exer
cée contr’eux. A u reste, il nous a paru inutile d e r e
lever toutes les erreurs dans lesquelles on est tom bé
sur ce p o in t, parce que ces m oyens n’ayant été em
ployés que pour arriv.er à des condamnations vagues
et générales, nous avons dû nous borner à prouver
q u ’elles ne pouvoient s’accorder avec la dignité de la
justice.
L a dame R ochcfort doit faire ici une observation
essentielle. Les G orée n’ayant alfaire qu’à la dame T o u rre
et à Michel D uchainbon, comme représentant Catherine,
n’ont pas poursuivi les P a n n ev crt, héritiers de M arguerite.
�( 91 )
M ichel Duchambon étant condamné avec les Pannevert
à garantir la dame T o u r r e , a voulu éviter les fi*ajs
inutiles de sa présence , et a répondu pour la dame
T o u rre. Il résulte de là qu’il est poursuivi seul, et exposé
à satisfaire dii’ectement à toute la garantie. Comme payant
pour la dame T o u r r e , sa garantie contre les P an n evert
est certaine et actuelle, puisqu’elle est adjugée sans res
triction. Com m e payant pour lu i-m êm e, on peut pré
tendre q u e lle est subordonnée aux comptes à faire entre
les parties. Cependant les Pannevert étant défendeurs
au partage et détenteurs de presque toute l’a succession
d’A n to in e , même de certains biens propres à Joachim ,
il est évident q u e , même la garantie à p art, ils seront
débiteurs. E n cet état, le montant de la garantie étant
liquidé par un arrêt, la dette commune est connue et
doit être remboursée de suite à celui qui en fait l’avance.
5 o,ooo fr. sont exigibles en moins de dix-huit m ois;
2 j,o o o fr. ont;déjà été payés en moins d’un an , en
vendant des biens à v il p r ix , et la dame R ochefort
éprouve des pertes considérables. Toutes les poursuites
des G o rce,. tous les arrêts obtenus par eux ont été suc
cessivement, notifiés .aux P a n n e v e rt, à mesure que la
dame Rochefort en recevoit copie ; elle les a donc mis
sullisamment en demeure. E lle doit convenir d’ailleurs
que depuis l’arrêt qui adjuge la garantie dp la darçieT o u r r e , les Pannevert ont toujoursTpayéjfieur portion
de frais, et reconnu q u’ils lui dévoient la garantie pour
m oitié, en vertu de cet arrêt; mais c’est le capital qui
pèse le.plus sur la dame R ochefort, et elle form era avec
raison la demande d'unelprovision considérable.
�( 92 )
II
est temps d’en fin ir, quoique dans une affaire aussi
considérable on ne se flatte pas d’avoir tout dit. Nous
avons eu pour principal objet d’en faire connoître l’en
sem ble, de fixer l’attention de la C our sur tout ce qui
la constitue ; il sera plus facile ensuite de saisir et d’ap
pliquer au chef où ils se rapportent les objets de détail
qui pourront lui être soumis. Cela se rapporte particuliè
rem ent à des prélèvem ens assez considérables que les inti
més ont droit de réclam er et qui surchargeroien t trop cette
discussion. E n abrégeant autant que possible, nous n’avons
pas laissé d’être longs. L a haute sagesse de l a C o u r , son
attention scrupuleuse et soutenue dans les causes les
plus arides et les plus chargées de détails, rassure plei
nem ent les sieur et dame Rochefort sur le soin qu’elle
m ettra à se pénétrer de celle-ci, et cela seul leur suffit
pour tout espérer, parce qu’ils n’attendent rien que de
la justice.
ROCH EFORT.
M e. D E V I S S A C , avocat.
*
M e. Pierre B A Y L E aîné, licen cié avoué,
\
THIBAUD , Iniprimeur Libraire, à Riom . — Novembre 1822,
�
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Title
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Duchambon de Voissière. 1822]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Bayle
Subject
The topic of the resource
donations
successions
rentes
contrats de mariage
gain de survie
abbé
famille Destaing
créances
experts
bail à rentes
arbre généalogique
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Dame Duchambon de Voissière et sieur Hugues-Amable Rochefort, son mari, propriétaires à Murol, appelans et intimés, contre Dame Suzanne Besseire-Rochegeat et sieur Jean Bonnet, son mari, chirurgien à Champeix, Michel Pannevert et autres héritiers Pannevert, intimés et appelans.
Annotations manuscrites. « 16 octobre (?) 1823. Longue décision sur les diverses difficultés relatives aux apports et partage ».
Table Godemel : Mineur : 24. le fils, au nom duquel des acquisitions ont été faites par son père et par sa mère, pendant sa minorité, est-il tenu de rapporter à leur succession, en nature ou en argent ?
s’il est prouvé qu’il avait des revenus personnels qui ont pu servir à payer les prix d’achats, doit-il conserver purement et simplement la propriété des biens acquis, sans être tenu d’en rapporter le prix ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud, imprimeur-Libraire (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1822
1650-1822
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
92 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2619
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murol (63247)
Champeix (63080)
Chambon-sur-Lac (63077)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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abbé
arbre généalogique
bail
bail à rentes
contrats de mariage
Créances
donations
experts
famille Destaing
gain de survie
rentes
Successions
-
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0543eba27d03b7a008122f3dd9b942ba
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Text
MÉMOIRE
COUR ROYALE
DE RIOM.
E N
R E P O N S E ,
I Te C H A M B R E .
P O U R le sieur
CHAMBAUD ,
C h e v a l ie r ,
Colonel
d ’E t a t-M a jo r , en retraite, Officier de l ’Ordre ro ya l
de la Légion d ’H onneur,
C le rm o n t , intim é ;
A U B I G N A T veu ve de
P r o p r ié ta ir e R
Pierre
V i l l e v aud,
o y a t , appe lant e.
,
, ,
Q ucm sua culpa prem e t dcccptus omitte tucri.
A t penitas notum si tentent crimina
Tuterisquc tuo fidentem prœsidio.
serves
II o r a t . , ep ist. 18 .
n
U auteur célèbre a dit « q u 'il n ’y a pas de plate
« méchanceté, pas d ’ horreurs, pas de conte a b s u r d e ,
« qu 0n ne fasse adopter aux oisifs d ’ une grande ville
e n
$*+{% % %
habitant de la ville de /mluuum* oib*±
CO N TR E
Jeanne
^
s’ y prenant b ie n , et q u ’ il a vu les plus honnnêtes
�( * )
« gens près d ’être accablés sous le poids de la calomnie. »
C ett e cause est un exemple d ’une vérité aussi affli
geante pour la morale que pour la société.
L e sieur C h a m b a u d , officier' su péri eur, montrant
sur sa poitrine la glorieuse distinction, récompense de
ses services, devenu père de f am ille , voué à l ’éduca
tion de ses enfans, entouré de l ’estimede ses camarades,'
de la confiance et de l ’amitié de tous ceux qui le con
naissent , a vu troubler les douceurs de sa retraite par
l i n e accusation de d o l et de fr a u d e aussi, fausse que
hardie.
U n e bouchère, q ui fréquente depuis trente ans la
halle de C l e r m o n t ; une femme d ’un esprit souple et
défiant, a c c o u t u m é e \ u x procès et aux ruses qui peu
vent en assurer le succès, a eu l ’audace et l ’adresse
d ’ourdir contre le sieur C h a m b a u d la trame la plus
déliée et la plus odieuse.
L a veuve V i ll ev am l a v a i t é p r o u v é u n e perte c o n s i d é
rab le, q ui pouvait sensiblement d i m i n u e r sa f o r t u n e .
Son m a l h e u r , q u o iq u ’elle ne pu t l'imputer q u ’à ellemème ou à la prévarication d ’ un sieur C h e v a lie r, no
taire à C l e r m o n t , q u i avait toute sa confiance, la
rendait
intéressante.
C o m m e n t devait-elle détruire cet intérêt q u ’inspire
toujours celui q ui n ’a d ’autre reproche à se faire, que
de n ’avoir pas porté assez de vigilance à la conservation
de ses droits ? E l l e se choisit u n e victime : c ’esL le
sieur C h a m b a u d , absolument étranger aux actes q u ’ e l l e
a contvuetés, q u i doit l ’indemniser du tort q u e l l e a
�¿prouvé; il le d o i t , parce q u ’il a ¿ té l ’artisan d u dol
et de la fraude, et q u ’ il eu a p ro filé.
Si ou en croit la veuve V i l l e v a u d , le sieur C h a m b a u d
a a b u s é des choses les plus sacrées pour l ’induire en
erreur,
la tromper, et compromettre sa fortune.
E lle avait confiance au sieur C h a m b a u d . C ’est l u i
q u i l ’a sollicitée de consentir à l ’acte cj_ui devait lu i
être si funeste.
E lle était débitrice du sieur C h a m b a u d : ce dernier
la menace de poursuites rigoureuses pour contraindre
sa volonté.
E l l e était mère d ’ un fils soumis à la conscription ;
le sieur C h a m b a u d , ancien m ilitaire, et maire de sa
commune, lui fait craindre l ’effet de sa double in
fluence. L e fils de la veuve partira, si l ’engagement*
n ’est pas contracté.
L l l e îcsiste cncoie ; le sieur C h a m b a u d lu i remet
un b illet cle garantie ; alors elle cède, et se rend chez
le notaire.
L e sieur C h a m b a u d est présent à l 'a c te } c ’est lui
qui le dirige, qui empêche de prendre la seule pré
caution qui pourrait au moins sauver quelques débris
de lu fortune de la veuve Vi ll ev aud.
Pourquoi tant d ’artifice et de violence de la part du.
siem C h a m b a u d ? ........... Il était créancier de G i r a r d ,
a\eo lequel la veuve Vi ll ev aud contract ait; et connue
le mauvais état des affaires de G ir ard était co nnu du
sieur C h a m b a u d , ce dernier avait intérêt à priver la
v e u v e Villevaud de son gage, à le re p la c e r entre 1m
�mains tle son débiteur , pour pouvoir ensuite le prendre
en paiement de sa créance : c’est ce q u ’a effectivement
fait le sieur C h a m b a u d , q u i , le même j o u r , ' a acquis
de Girard l ’obligation qui servait de gage à la veuve
V i ll e v a u d , et que celle-ci venait d ’abandonner.
Ces plaintes graves, ces faits si habilement liés, qui
trouvaient leur explication dans le b illet de garantie
clonnd p a r le sieur C ham baud à la veu ve V ille v a u d
n ’étaient pas tous de l ’invention de cette dernière j
elle avait été p u i s s a m m e n t a i d é e p a r u n c o n s e i l intim e,
dont l ’opinion a ensuite fait justice, et qui a étc o b lig é
de quitter la ville de C le r m o n t p o u r aller porter ailleurs
sa fatale industrie.
Mais ces plaintes et ces faits furent soumis à l ’examen
‘ de jurisconsultes graves, trop amis de leur profession,
trop esclaves des devoirs q u ’elle impose, pour ne pas
employer t o u s leurs efforts à dévoiler le dol et la fraude.
L a VCUVe V i l l e v a u d p r o d u i s a i t l e bille t de garantie /
elle reçut et du t recevoir l e c o n s e i l d ’ e n f a i r e u s a g e ,
et de l ’entourer de tous les faits qui pouvaient donner
le plus de force et d ’effet à cette pièce importante.
Après dépôt préalable de la pièce chez un notaire,
le sieur C h a m b a u d fut cité en conciliation. Sa seule
réponse
récritu re
fut
du
do
soutenir fa u sses
la
signature
prétendu billet de garantie,
et
et d ’en
demander la représentation j mais son adversaire, qui
s’ attendait à cette dénégation, et qui avait sa réponse
prête, affecta-t-elle de regarder la fausseté de ce billet
comme un moyen de fraude de p l u s , employé par Ie
�( 5 )
sieur C h a m b a u d ; e t , dénaturant sa propre cit ation,
où elle avait
Chambaud 3
écrit
q u ’elle tenait ce b illet d u sieur
elle d i t , axi bure au de conciliation, que
ce dernier le lu i avait f a i t remettre.
Cette découverte était un grand pas vers la vérité :
aussi la veuve V ill ev a u d parut-elle reculer devant son
propre o u v r a g e ! ........ H u it mois s’étaient écoulés; un
remords salutaire la retenait encore, lorsque le sieur
C h am b a u d , qui avait intérêt à faire reconnaître la
fausseté de cette pièce et à la détru ire , traduisit luimême son adversaire devant les tribunaux.
L a veuve V i ll e v a u d retrouva alors sa hardiesse 5 le
conseil intime lui dit : « Vous ne savez ni lire ni
« écrire, que peut-on vous faire? Ne me nommez
« pas, moi qui suis l ’auteur du b i l l e t ,
« votre demande ». L a
et formez
veuve V i ll e v a u d suivit
ce
conseil.
Qu oi q u ’il en soit, le billet reconnu faux , la défense
du sieur C h a m b a u d était facile :
i° L a veuve Vi ll ev aud demandait une somme de
10,862 francs; mais où était son titre? E lle n ’avait
point été placée dans V im possibilité d ’en a voir; elle
a v a it , au contraire, senti la nécessité d ’en obtenir
un : elle l’avait elle-même produit........... Mais cette
pn:ce était j'econnue f a u s s e , et 11e pouvait rester au
procès, que pour attester la perversité de la veuve
Vi llevaud j cl faire rejeter la preuve des faits qu/elle
osait articuler;
2° L ’acte passé avec Girard n ’ avait rien fait perdre
�à la veuve V i l l e v a u d , q u i n ’était saisie, n i p a r une
acceptation fo r m e lle
n i p a r une inscription 3 du
gage q u ’elle soutient lui avoir été enlevé; de manière
q u ’elle devait se trouver heureuse d ’obtenir une ga
rantie q u ’elle n'avait pas;
3° Le
veuve
sieur
C h a m b a u d , loin de v o u lo ir nuire à l a
V i l l e v a u d , d e v a it, au contraire, 'v e ille r a la
conservation de ses intérêts. Il était créancier de cette
fe m m e , d ’une somme de 6000 fr; il n'avait d ’autre
hypothèque que les immeubles dont l a v e u v e V i l l e v a u d
pouvait craindre l ’éviction. Si sa garantie s’évanouis
sait, l ’éviction pouvait préjudiciel’ au sieur C h am b a u d ,
et lui faire perdre sa créance;
4 ° Po u r q u ’il y ait (loi et f r a u d e il f a u t , d’ un
côté
, q u ’il y ait eu des manœuvres p o u r induire en
erreur, ou détourner d ’ une chose u tile , e t , d e l ’ a u t r e ,
que l ’ o n a i t été dans l ’im p ossibilité de s ’en garantir.
•— Q l l a fait le s i e u r C h a m b a u d ? I l a donné note a
consulter, ou il in diquait la v a le u r du bien q u e la
veuve V ill ev au d devait recevoir en garantie, et disait
q u i l n ’y avait p a s d 'h y p o th è q u e s.— Qu e devait faire
la v e u v e Vill ev au d? Prendre des renseignemens, s’assurer
de la vérité de ces faits : c’est précisément le parti
q u ’on
a pris avant de contracter avec G i r a r d ........
Ces moyens, réunis à la fausseté du billet de ga
ranti e, détruisaient le système de la veuve V i l l e v a u d ,
et
démasquaient
complètement tout l ’odieux de sa
Conduite.
Mais pour ne rien laisser à désirer, le sieur Chain-
�baud,
répondant
aux faits
articulés par la veuve
V i l l e v a u d , en démontrait la fa uss etc ,
et prouvait
notamment,
i° Que le fils de la veuve V ill ev a u d avait été réformé
avant
l ’acte q u i fait l ’objet du procès ;
2° Q u ’il n ’était p oin t créa n cier de G i r a r d ; q u ’il
n ’avait connu l ’em b a n a s de ses affaires, que posté
rieurement à l ’acte dont il s’a git ; que s i, plus t a r d ,
il était devenu acquéreur de moitié de l ’obligation
abandonnée par la
veuve
V ill ev au d , c ’était
obliger un homme auquel il devait toute sa
pour
protection,
et empêcher q u ’il ne fût victime des cautionnemens
q u ’il avait prêtés à G ir a r d ;
3° Enfin le sieur C h a m b a u d démontrait que le
retard mis à l ’inscription de la veuve V i ll e v a u d ne.
pouvait pas lui être im p u t é ; que c’était à cette femme
à surveiller ses in t é rê t s,
ou au moins au notaire
C h ev al ier, q u i avait toute sa confiance.
Ces moyens furent accueillis , par jugement du
tr ibun al civil de C le r m o n t , qui rejette la demande do
la veuve Vi ll ev aud.
L e sieur C h a m b a u d jouissait d ’ un moment de repos,
lorsque les intrigues de son adversaire recommen
cèrent. E l l e interjette
appel du jugement.
Bientôt
elle publie q u ’elle a découvert de nouveaux laits; e l l o
en to u re , elle h a r c e l l e les amis du sieur C h a m b a u d ;
elle les fait t r e m b l e r pour sa réputation ; elle exigo
que ce dernier ach èi e, par un sacrifice, un Mémoire
dont
la publication
doit
le
couvrir
de* honte et
�'( 8 )
d ’opprobre........ L e sieur C h a m b a u d n ’ hésite pas : un
coup-d’œil jeté sur sa poitrine devait lui enseigner
son devoir ; il répond : L 'h on n eu r me d éfen d de
transiger.
En fin le Mémoire paraît. Dès les premières lignes,
le sieur C h am b a u d voit son nom uni à ceux de C h e
v a l ie r ,
notaire à C le rm o n t ;
de G i r a r d , notaire à
C ham alièr e, tous deux en banqueroute frauduleuse;
de Chevalier sur-lout dont le nom a été flétri par un
arrêt de la C o u r d ’assises de ce département. L e sieur
C h a m b a u d y est désigné comme l ’auteur tm l ’instru
ment d ’une fraude pratiquée entre lui et ses deux
complices, et le se u l que la ju s tic e puisse atteindre.
Il continue sa lecture; e t , si les faits et les moyens
peuve nt, par leur inexactitude et leur faiblesse, lui
inspirer de la sécurité sur l'événement du procès, il
n ’est pas moins indigné des outrages dont il est l ’objet.
Mais la v e u v e V i l l e v a u d n ’ é t a i t p o i n t e n c o r e satis
faite; le Mémoire pouvait n e pas a v o i r a s s e z d e pu bli
cité. Elle insère dans un journal un article ayant pour
objet de faire connaître scs plaintes, et de répandre
ses diffamations ( i ) .
C ’est ainsi que le sieur C h am b a u d a pu observer
les effets de la calomnie; craintive dans son origine,
elle n ’osait l ’attaquer q u ’avec précaution, et ne semait
q u ’en courant le trait empoisonné. Bientôt plus hardie,
elle veut porter des coups plus surs, marche à décou(i) Aiui
la Charte, 22 janvier 1822 , n° 7.
�v e r t , et réunit toutes ses ressources pour attirer sur
sa victime un cri général de haine et de proscription.
Les a r t i f i c e s de la veuve V ille vaud ont été tels ,
q u ’elle est parvenue à attacher à sa cause le nom d ’ un
juri sconsulte également recommandable par son hon
nêteté et son amour pour la justice : on ne se per
mettra point de blâmer sa conduite en cette occasion;
mais, quelque force q u ’il apporte dans cette cause ,
comme on craint beaucoup plus son autorité que ses
raisons, il sera le premier à désirer que l ’on en écarte
sou nom, pour n ’en interroger que
les faits et les
moyens.
FAITS.
L
e
sieur G ir a r d, ancien notaire à Chamalière, avait
acquis de M. D a l b ia t, ancien procureur du Roi
ù
C le r m o n t , un pré appelé le P r é clu B r e u ils situé à
Royat, moyennant la somme de 22,000 francs, stipulée
payable dans douze ans. '
L e 21 juillet 1808, par acte passé devant C hevalier,
notaire à C le rm o n t, le sieur G irard vendit à Jeanne
A u b i g n a t , veuve V i l l e v a u d , et à Léger Bourgoignon,
son gendre, partie du pré du Breuil. Jeanne Aubignat
entrait pour neuf dixièmes dans cette acquisition :
Bourgoignon n ’y figurait que pour l ’autre dixième.
Le
prix de c e t t e v e n t e
fut fixé à la somme de
U , 3 if) f r a n c s , sur laquelle 7819 francs furent payés
com pt ant, et les 3 , 5 <>o f r a n c s restant furent stipulés
payables au 11 novembre suivant; mais il fut convenu
?
�que le vendeur ne pourrait recevoir cette dernière
somme, q u ’en fournissant hypothèque pour la totalité,
ou en donnant caution.
Cet te clause était
importante;
et les acquéreurs
devaient rigoureusement exiger son exécution, puisque
de son accomplissement seul dépendait leur securité,
ayant tout à-la-fois à craindre la recherche hypo th é
caire et par privilège du sieur D a l b i a t , encore créan
cier du p r i x , et l ’exercice de l ’hypothèque légale de la
dame D a l b i a t , dont le prix du Breuil était encore
grevé.
,
Cependant la veuve V ill ev au d et son gendre ne sen
tirent pas assez le danger q ui les menaçait, ou au
moins ils ne px’irent aucune des précautions que leur
situation exigeait.
E n ef f e t,
i 3 mai 1809, par acte passé devant C h ev a lier,
notaire a C l e r m o n t , lu s i e u r F on g h ca sse, tant e n son
nom que comme fondé de pouvoirs d e sa m è r e , c o n
Le
sentit au sieur G irard une obligation de la somme de
10,86a fr. 5 o c . , payable dans cinq ans, avec intérêt
à 5 pour 100.
Il hypo th éq ua spécialement au paiement de cette
obligation une maison située à C le rm o n t , rue de la
Treille;
et l ’obligation termine par une stipulation
ainsi conçue :
« G ira rd déclare que la somme principale provient
« de Jeanne A u b ig n a t, veuve V ille v a u d , et de L ég er
« Bourgoiÿîion j son gendre, et fait partie du prix de
�( 11 )
« la vente de 1808. A u moyen de cette déclaration ,
« Fonzheasse sera tenu, comme il s’y oblige, de ne
« faire le remboursement de ladite somme ,
q u ’en
« présence de la veuve V ille v a u d et de B ourgoignon 3
« pour veiller à l'emploi d ’icelle, conformément au
« susdit contrat de vente. »
Ni
la veuve
Vill ev a ud ,
i*
ni
Léger Bourgoignon
n ’étaient parties, ni présens à cet acte; cependant il
faut convenir que Girard y avait fait une stipulation
q u i pouvait leur être u t il e , s’ils déclaraient vouloir
en profiter; mais, ju sq u’à cette déclaration, la stipu
lation pouvait être révoquée; Girard pouvait l ’anéantir,
et céder sa créance à tout autre, hors la présence et au
détriment de la veuve Villevaud,
L a veuve Villevaud n ’avait point accepté la stipula
tion faite à son profit; elle n ’avait point pris d ’inscrip
tion , mesure qui lu i était d ’ailleurs interdite avant la
signification du transport faite au -débiteur. L e sieur
Girard seul a v a it , le 16 ju in
1809, inscrit sur
la
maison donnée en hypothèque par Fongheasse, lorsque,
le 1-2 mars 1809, la veuve V i l l e v a u d donne quittance
à G irard de la somme de 3 5 oo lrancs, à elle restée
due sur la vente du 21 juillet 1808. C e l te quittance
ne contient pas d’acceptation de la stipulation insérée
en l ’obligation du
i3 mai
1809, mais on y trouve
une énonciation ainsi c o n c i l e : « (inc la somme (ju il« ta n cée, ainsi que c e lle formant le surplus du p r ix
« de la v e n t e , ont été em p lo y ée s, p a r G ira rd
« désir du
même acte de vente ,
au
par hypot hèque
�« spéciale , suivant obligation, du
i 3 mai 1809. »
Il est évident que cette énonciation ne contenait
point accoptation de la st ip ulat ion, équivalant à trans
p o r t , insérée dans l ’acte du i 3 inai 18095 cette sti
pulation ne liait donc point G ir ard; m ais, lors même
q u ’elle aurait produit un engagement propre à obliger
ce dernier, elle était encore inutile dans les intérêts
de la veuve V i l l e v a u d , q ui ne pouvait être saisie, îi
l ’égard du sieur Fongheasse, d é b i t e u r , que par la
notification du transport, et que jus que -là, ce tiers
avait le droit de payer le sieur G ir a r d , et était vala
blement libéré.
Ainsi la veuve V i l l e v a u d ,
n ’ayant ni accepté ni
notifié le transport contenu en l ’acte du i 3 mai 1809,
n ’ayant pris ni pu prendre aucune inscription sur la
maison Fongheasse,
n ’avait aucune garantie pour le
prix de la v e n t e du 21 juillet 1808.
Jusque-lîl
le sieur
Cihamluiud
était ahsolumen t
étranger aux affaires et aux intérêts de la veuve V i l l e
v a u d ; il 11e la connaissait même que par un procès
q u ’elle lui avait suscité en 1806, à l ’occasion du dé
frichement d ’ un ch em in ; contestation qui fut soumise
à l ’arbitrage de INI* Rispal, et terminée à l ’avantage
du sieur C h a m b a u d , par une transaction conforme îi
la décisioi\ de cet expert (1). Mais en 1 8 1 0 , le sieur
C h am b a u d eut avec la veuve Villevaud des relations
(1) La citation en conciliation et la transaction sont rapportées.
�(
,3
)
«
d ’intérêts , qui durent lui faire désirer vivement la
prospérité et la sûreté de la fortune de cette dernière.
L e 6 avril 1 8 1 0 , la veuve Vill ev aud empru nta au
sieur C h a m b a u d une somme de 6000 francs, et lu i fit
une obligation, reçue G i r a r d , notaire à Chamalière,
payable dans un a n , avec l ’intérêt à cinq pour cent.
E lle lui donna pour hypothèque spéciale deux prés.
L e plus considérable en contenance et en valeur était
précisément ce p r é du B r e u il} vendu par M. Dalbiat
à G i r a r d , et p a r ce dernier à la veu ve V i l l e v a u d .
O n sent assez que le sieur C h a m b a u d d e v a i t atta
cher le plus grand prix à la conservation d ’une hypo
thèque qui était la seule garantie du paiement de sa
créance,
les facultés mobilières d ’une bouchère ne
pouvant
lui présenter que des ressources bien insuffi
santes, sur-tout pour une somme aussi considérable.
L e sieur C h a m b a u d prit inscription, le 27 d u même
mois.
On arrive à la fin de 1 8 13. L a veuve Vi ll ev aud ne
s’était point libérée envers le sieur C h a m b a u d , quoique
son obligation fût échue et exigible depuis le mois
d ’avril 1 8 1 1 . C ette femme était encore en retard de
payer les intérêts j de manière que le sieur C h am b a u d
crut devoir la contraindre au
remboursement ,
et
chargea, h la fin du mois de décembre, le sieur G ir a r d ,
notaire, de lui lairc notifier un commandement de
payer. C et acte a été rédigé, mais n ’a pas été signifié.
Comme ces menaces de poursuites ont pu donner
au sieur Girard l ’idée de détruire la stipulation con-
�signée en l'obligation du i 3 mai 1809, en donnant
toutefois une garantie hypothécaire à la veuve Viilev a u d , et que cette dernière? en consentant à ce chan
gement , y
mettait
pour condition , que le sieur
C h a m b a u d lui accorderait un délai d ’un an pour le
paiement de l ’obligation de 1 8 1 0 , il est indispensable
d ’examiner les moyens q ui ont été employés par le
sieur Girard et la veuve V i l l e v a u d , pour atteindre
leur but.
Le
sieur
G irard
était notaire à C l i a m a l i è r e , e t
adjoint du sieur C h a m b a u d , alors maire de Chamalière et de Royat. L e sieur Girard était un homme
paraissant tout occupé de ses affaires, très - r é g u l i e r
dans'sa con du ite , vivant retiré, d ’ une grande réserve
dans la conversation, sur-tout quand i l s’agissait de
ses affaires. L e sieur C h a m b a u d ne vivait pas avec lui
mais il avait avec le sieur Girard les
relations que l e u r p o s i t i o n r e n d a i t i n d i s p e n s a b l e s ’, et il
était naturel q u ’habitant une maison de c a m p a g n e
dans l ’in tim ité ;
un peu éloignée de C lia m aliè re , le sieur C h am b a u d
vi n t descendre chez son a d jo in t , lorsque les affaires
de la mairie ou les siennes propres l ’y appelaient. A u
reste, il n ’avait avec l e sieur G ir a rd aucun intérêt qui
leur fut com m un ; il ne connaissait pas l’état de ses
affaires; il ne devait même pas chercher à les c o n
n aît re, puisqu’il est faux que le sieur Girard fut son
débit eu r; enfin le sieur Girard avait, comme notaire,
la ronfiance du sieur C h a m b a u d , et non celle de la
veuve Villevaud.
�■
•
.
( < n
Dans le même tems existait a Clermont un sieur
C h e v a lie r, notaire. C et homme avait su s’attirer une
confiance générale, et jouissait de l ’estime publi que.
Il était recherché et admis dans la bojme société; on
pouvait dire de lu i q u ’il était l ’ame de toutes les
affaires et de toutes les fêtes; et si ses nombreux amis,
, clupés p a r l u i , l ’ont
ensuite abandonné,
pourquoi
aujourd’h u i , pour nuire au sieur C h a m b a u d , voudraiton lui accorder les honneurs d ’une in tim ité , que l ’on
sait bien q u ’il n ’a jamais ob te n u e, m érit ée, ni même
désirée ?........
L e sieur Chevalier était lié d ’intérêt et d ’affaires
avec le sieur Girard. C e l t e circonstance, que les ban
queroutes simultanées de ces deux notaires ont rendue
p u blique, était entièrement inconnue au sieur C h a m
b a u d , et p o u v a it , au contraire, être a la connaissance
de la veuve V i l l e v a u d , qui était la protégée du sieur
C h ev alie r, son conseil ordinaire.
L a mère du gendre de la veuve V i ll e v a u d avait sevré
un des enfans de la dame C h eva lie r; c e l l e - c i était la
marraine d ’ un de ses petits-enfans; et il s était établi
entre elles une espèce d ’intimité, par suite de laquelle
la dame Chevalier allait fréq uem m en t, dans la belle
saison, passer des journées entières à R o y a t , et appor
tait à la veuve V illev aud de vieilles hardes dont elle
lui faisait cadeau , pour vêtir scs enfans.
Ces circonstances ne. sont pas sans intérêt dans le
procès; elles peuvent aider à découvrir les véritables
causes qui ont porlé la veuve V ill ev a u d à traiter avec
�le sieur Girard-, à apprécier les relations de cette veuve
avec Chevalier et G i r a r d , et à dévoiler les motifs q ui
l ’ont ensuite portée à in ten te r , contre le sieur C h a m
baud , la singulière action sur laquelle la C o u r a
à prononcer.
11 ne faut pas perdre de vue que le sieur C h am b a u d
avait chargé Girard d ’exercer les premières poursuites
q u ’il voulait diriger contre la veuve V ille vau d. G ira rd
avait dù prévenir cette veuve : il ne lui avait encore
rien fait s i g n i f i e r ; et l ’on p e n s e b i e n q u e la v e u v e
V ill ev aud n ’avait pas manqué de confier à. Chevalier
les craintes que les poursuites d u sieur C h am b a u d
pouvaient lui inspirer.
Il peut être que la position de la veuve V i ll ev a u d
inspira aux
associés Girard
et Chevalier l ’idée de
détruire la stipulation insérée en l ’acte du i 3 mai
1809, et de la remplacer par une hypothèque. C ett e
mesure d é t r u i s a i t l e s o b s t a c l e s q u e le sieur Fongheasse
pouvait apporter à sa libération, et r e n d a i t plus f a c i l e
la négociation de cette obligation. Mais tout cela ne
pouvait s’exécuter, sans que le sieur C h a m b a u d con
sentit à accorder un délai à la veuve Villevaud-, faveur
que cette dernière désirait vi vem en t, et que l’on osa
espérer de la complaisance du sieur C ham b a ud.
P o u r atteindre ce b u t , le sieur Girard fit une con
fidence au sieur C h a m b a u d ; il lui avoua devoir une
somme de 17,000 francs à différons créanciers;
lui
donna des explications sur l ’obligation F o n g h e a s s e ;
lui dit que la veuve Vi ll ev aud consentirait à iransfervr
�(
J7
)
Vhypothèque q u ’elle avait sur la maison Fongheasse,
sur le domaine de la G a ra n d ie , appartenant, à
G ir a r d ; et q u ’au moyen de ce transfert, sa libération
deviendrait facile, pu isq ue , outre les 11,000 fr. q u ’il
toucherait
de l ’obligation Fongheasse, il pouvait encore
compter sur 7000 fr. de recouvremens de son étude;
niais il ajoutait que cet arrangement ne pouvait s’eficct u e r, q u ’autant que le sieur C h a m b a u d consentirait
à accorder à la veuve Y il l e v a u d un délai d ’ un a n ,
pour le paiement de son obligation; délai que G i r a r d
et la veuve Y il levau d
sollicitaient
avec
beaucoup
d ’empressement.
L e sieur C h a m b a u d devait céder à ces instances; il
n ’était point l ’ami du sieur G ir a rd; mais sa position
pouvait l ’intéresser sous plus d ’un rapport : le sieur
C ham b aud et Girard remplissaient ensemble des fonc
tions administratives ; le sieur Girard exerçait une
profession qui inspire de la confiance; il était père de
famille : n ’était-il pas naturel de l ’aider à sortir de
1 embarras momentané dans lequel il se trouvait? D ’un
autre côté, dans la supposition même que la veuve
Vill ev au d aurait eu une hypothèque sur la maison
Fongheasse (ce qui n’était pas), le transfert q u ’ 011 lui
proposait ne pouvait que lui être avantageux. Le sieur
C h a m b a u d avait voulu acquérir le domaine de la
Garandie; il eri avait offert 22,000 fr. ; il savait que
cette propriété avait augmenté de valeur ; le sieur
Girard assurait q u ’elle n ’était grevée d ’aucune h yp o
théqué . ainsi aucun danger 11c paraissait menacer' les
3
�( >8 )
intérêts de la veuve V i l l e v a u d , auxquels ceux du sieur
C h am b a u d étaient d ’ailleurs si intimement liés.
Il convient de se faire ici une idée positive de la
v a le u r du domaine de la G a ra n d ie , et de Y état appa
rent des affaires du sieur Girard.
L e sieur Girard avait acquis le domaine de la G a
randie par parcelles, moyennant la somme.de 20, i 33 lr.
20 c. (1). Il avait animé cette propriété de bestiaux
d ’ une valeur considérable ; deux cents moutons et
vingt-deux bêtes à cornes avaient été achetés par lui 5
Girard avait en outre construit des batimens pour
rétablissement d ’ un m o u l in , faiL des réparations et
des plantations d ’une grande valeur*, de manière q u e ,
sans rien exagérer, on po u v a it , en 1814? porter la
valeur de ce bien à la somme de 3 o,ooo francs ; mais
sa situation et son produit viennent encore confirmer
cette i d é e . L e domaine de la Garandie est situé dans
"Un pays de m o n t a g n e .
D e s b a u x aut hentiques, des
a3 juillet 1810 et 21 février 1 8 1 2 , établissent q u ’ il
était affermé 1 4 19 francs*, et comme l ’on sait que la
valeur vénale des biens de montagne est bien supé
rieure à leur produit réel, comment se refuser à l ’idée
que ce domaine 11e va lût réellement 3 o,ooo fr. (2)?
L ’état apparent des affaires du sieur Girard n’avait
rien d ’inquiétant 5 il déclarait que le bien de la G a
randie 11’était grevé d ’aucune inscription : c’était un
(•) i.es expéditions de ces acquisitions partielles sont
(2) Les deux liaux à ferme sout rapportés.
rapportées.
�( * 9 .)
fait à. vérifier ; il ne restait donc que l ’hypolhèquo
légale de la femme, réglée depuis, par jugement du
3 août 1 8 1 6 , à la somme de 7 7 1 9 fr. 66 c. ( 1 ) ; h y
pothèque
légale q ui avait
d ’ailleurs pour
garantie
d ’autres propriétés du m a r i , et notamment une vigne
de vingt-six œuvres, située aux Roches; un pré situé à
T h è d e , ces deux objets vendus à la veuve G a r d y ,
moyennant la somme de 7600 francs; en fin , une cave
placée à Clermont.
C e t aperçu montre que le transfert d ’ hypothèque
que demandait G i r a r d , loin d ’être nuisible à la veuve
V i ll e v a u d , devait, au contraire, lui être avantageux :
un domaine présentait en effet une garantie plus sure
q u ’une maison de ville, sujette à des accidens difficiles
à prévoir; mais si l ’on ajoute que la veuve V i l l e v a u d
n ’avait pas d ’ hypothèque sur la maison; q u ’elle n ’était
pas même saisie vis-à-vis le sieur Fongheasse, par une
acceptation de la somme q u ’ il pouvait devoir au sieur
Girard (circonstances ignorées du sieur C h am b a u d ) ,
on demeurera encore plus fortement convaincu que
l'affectation d ’ Ilypothèque offerte par
Girard
était
u t il e , et même indispensable à la veuve Villevaud .
Quoi q u ’il en soit, ces conventions se méditaient
entre le sieur Girard et la veuve Ville vau d : eux seuls
pouvaient connaître leur position respective, l ’état de
leurs propres affaires; et le sieur C h am b a u d ne pou
(1) L a noie de ce jugement est rapportée.
�vait y être appelé que pour rendre le service auquel
il s’était engagé, en accordant un sursis à la veuve
Ville vaud .
Mais la veuve Ville vaud prenait des renseignemens j
elle savait ou avait pu savoir que lé sieur Clia mbaud
avait voulu acheter le domaine de la Garandie.
Cette
veu ve, comme débitrice du sieur C li a m b a u d , avait
avec lui des relations qui étaient devenues plus fré
quentes par la nécessité où elle se trouvait d ’en obtenir
un sursis pour pouvoir traiter avec Girard.
L e sieur C h a m b a u d fut donc interrogé par la veuve
Vi ll ev a ud; il lui fit franchement connaître ce q u ’il
savait de l ’état des choses; m ais, pour qu'elle put
s’éclairer davantage et vérifier par elle-même tout ce
q u ’il lui était important de savoir, le sieur Cliam b aud
remit à cette veuve une note à consulter, qui fait pièce
au procès, et qui est ainsi conçue :
« Il existe une h y p o t h è q u e d e i i ,000 francs, que la
« veuve V ill ev a u d a placée sur une m a i s o n à Gler« mont (1). On demande q u ’elle en donne main-levée,
(1) L e sieur Cliambaud ignorait donc que la veuve Villevaud nravait
point d'hypothèque sur la maison Fongheassp; il ignorait également
que cette femme n’était point saisie, vis-à-vis le sieur Fonghcasse, du
montant de l’obligation du i 3 mai 1809 : la veuve Villevaud avait
soigneusement caché ce fait au sieur Chambaud, qui avait cependant
le plus grand intérêt à le connaître, puisque l’hypothèque de la maison
Fonghcasse devait £tre la garantie de la vente du pré Dalbiat, et que cc
pie avait été donné pour hypothèque de l'obligation consciUic par la
veuve Villevaud au sieur Chambaud.
�( «
)
i< pour le transfert sur un bien de montagne, de la
« valeur de 3 o,ooo francs, q ui n ’est grevé d ’aucune
« hypothèque. »
Q u ’avait
à faire la veuve V ill ev au d ? Sa conduite
et ses démarches étaient réglées par la note qui lu i
avait
été remise, et rien n ’était plus facile à obtenir
que les renseignemens q u ’elle avait à prendre. Elle
devait s'enquérir de la valeur du domaine de la Garnndie : les gens du pays pouvaient lui donner, sur ce
f a i t , les détails les plus minutieux et les plus exacts;
la veuve Ville vaud devait les consulter. C ’est aussi ce
q u ’elle a fait ( i ) .
E l l e devait ensuite rechercher si le domaine de la
Garandie était ou non libre d ’inscriptions. U n certi
ficat du conservateur des hypothèques devait lui faire
connaître ce fait; et un homme d ’affaires pouvait l u i
apprendre que l ’hypothèque légale de la femme affecte
les biens du mari. L a veuve V i ll e v a u d prend encore
ces renseignemens : c’est le sieur Chevalier qui a été
consulté par elle, et qui lui a p r o d u it , avant l ’act e,
comme elle le reconnaît elle-même, un certificat né
gatif d ’inscription.
Après avoir obtenu tous ces renseignemens, la veuve
Villevaud arrête définitivement ses conventions avec
le sieur Girard. Chevalie r, notaire à C le rm ont, devait
recevoir leur acte et en être le rédacteur; il a v a i t ,
(i ) Ce fait est prouvé au proct's, par une déclaration de Charles
Constant.
�comme on a v u ,
toute la
confiance de la veuve
V i l l e v a u d , et avait été chargé par elle de vérifier si le
domaine de la Garandie n ’était grevé d ’aucune ins
cr iption.
L e 27 janvier 1 8 1 4 5 Girard et la veuve V illev aud
se rendirent d a n s ' l ’ étude du notaire Chevalier. L e
sieur C h am b a u d ne devait y paraître et n ’y parut
r ée ll em en t, que pour remettre à la veuve Ville vaud
la promesse de suspendre pendant un an l ’expropria
tion q u ’il voulait diriger contre elle. C e j o u r même
C hevalier produisit à la veuve V i ll e v a u d un certificat
négatif d ’inscription (elle convient de ce fait). Elle
consentit alors à ce que le sieur Fongheasse se libérât,
hors sa présence, envers le sieur G i r a r d , du montant
de l ’obligation du i 3 mai 1809, et r e ç u t , pour ga
rantie de la vente que lui avait consentie G i r a r d ,
le 21 juillet 1808, une affectation hypothécaire sur
le domaine de la G a r a n d i e , a v e c convention q u ’elle
pourrait prendre d e s u i t e inscription sur celle pro
priété.
L e sieur C h a m b a u d était entièrement étranger îi
cet acte. Il 11e pouvait être garant d ’aucune des suites,
soit q u ’elles fussent favorables ou nuisibles aux intérêts
de la veuve Villev au d. C ’était sur-tout à cette dernière
à surveiller son inscription, ou au moins au notaire
C h e v a l ie r , q ui avait été le directeur principal de cette
affaire, et q u i , par élat comme par devoir,
devait
"veiller à ce q u ’il ne fut porté aucune atteinte aux
droils d'une clie nl e, sur les volontés de laquelle il
�( 23 )
■avait acquis tant d ’empire. C est cependant le retard
mis à l ’inscription de la veuve V i ll e v a u d , qui a été la
véritable origine du procès actuel \ et on verra bientôt
comment cette femme a conçu le projet de rendre le
sieur Ch am baud garant du préjudice q u ’elle a éprouvé,
par suite de sa négligence ou de la prévarication d u
sieur Chevalier.
Quoi q u ’il en soit, les sieurs G ir a rd et C h e v a lie r,
ayant o b t e n u , par l ’effet de l ’acte du 27 janvier 1 8 14 ,
la libre disposition de l ’obligation Fongheasse, pen
sèrent, dès-l’instant m êm e, à l ’utiliser, et à se pro
curer de l ’argent en la négociant. Cet te obligation fut
immédiatement colportée dans toute la ville de C le r m o n t , et présentée à plusieurs riches capitalistes,
parmi lesquels on peut citer les sieurs Pejoux-Vialefont
et Bonne-Lavie.
L e sieur C h a m b a u d ne s’occupait point de ces né
gociations. Absolument étranger aux affaires des sieurs
G ira rd
et C h e v a l ie r ,
n ’ étant
le créancier d ’aucun
d ' e u x , il devait peu lui importer de savoir ce que
deviendrait l ’obligation du i 3 mai 1809, et en quelles
nxaius elle passerait.
Cependant les efforts du sieur Girard pour négocier
cette obligation , son empressement à obtenir de l ’ar
g e n t , le retard q u ’il mettait à faire honneur à scs
propres engagemens,
avaient
excité l'inquiétude do
quelques-uns de ses créanciers, et devaient bientôt
rendre public le mauvais état de scs affaires.
L a première notion q u ’eut le sieur Chambaud à ce
�sujet, lui fut donnée par un sieur C ham b aud-B la n ch a rd , son paient au huitième degré.
L e sieur Chai nb au d-Bla nch ard était créancier de
G i r a r d , d ’ une somme de 2444 francs, en vertu d ’un
titre. Il faisait des démarches actives pou r obtenir le
paiement de sa créance ; et le sieur Girard , pour
éviter des poursuites , lui proposa de le subroger à
l ’obligation du i3 mai 1809, mais sous la condition
expresse que ce q ui r e s t e r a i t d u sur le montant de
cette o b l i g a t i o n , la créance d u sieur C h a i n b a u d Blanchard dé du it e , serait payé comptant.
L e sieur C ham baud -B lancha rd lit alors connaître
à son parent sa position envers G ir a r d , et la proposi
tion qui lui était faite par ce dernier. L e sieur C h a m
b a u d lui conseillait d ’accepter; mais le sieur Cliamb a u d - B l a n c h a r d , craignant d ’être obligé d ’en venir u
une expropriation pour être payé du sieur Fongheasse,
montrait de la r é p u g n a n c e ;i s o u s c r i r e cet e n g a g e m e n t .
Il disait, d ’ailleurs, q u ’ il 11’avait pas les f o n d s n é c e s
saires pour payer le surplus du montant de l ’obligation.
Il engageait même le sieur C h a m b a u d à se réunir à
lui pour l ’acquérir; mais ce dernier, se trouvant dans
la même position de son parent , et 11’ayant point
d ’argent disponible , refusa d ’accéder à l ’invitation
du sieur Blanchard; et, pour le m om en t, ce projet
fut abandonné.
h Mais le sieur C h a m b a u d fut bientôt instruit d ’ un
tait qui devait lui donner de plus vives i n q u i é t u d e s .
Il rencontra M ' D e l a u u e , défenseur a g r é é a u tribunal
�■ ( »5 )
de commerce de Clermont , et tenant
un bureau
' d ’agence dans cette ville. Me Dclaune p o u v a i t , par Ja
nature de ses fonctions, connaître la position du sieur
Girard. Il ne craignait pas de dire que les affaires de ce
notaire étaient en très-mauvais é t a t , et se rendait à
Chamalière pour obtenir le paiement de deux effets,
montant ensemble à 3 o 5 o francs. M e Delaune montra
même ces deux lettres de change au sieur C h a m b a u d ,
qui vit avec douleur que l ’ une d ’elles était souscrite
par G i r a r d , et endossée par B o u c h e t, de R o y a t , et
Pautre souscrite par B o u ch et lui-même, avec l ’endos
sement de Girard.
C ette communication affligea profondément le sieur
C h am b a u d : le sieur Bouchet était secrétaire de la
mairie dont le sieur C h am b a u d était maire \ le sieur
Bouchet avait été et était encore le précepteur des
deux fils du sieur C h a m b a u d . L a fille de ce dernier
avait eu pour nourrice la femme du sieur Bouchet ;
de manière que tout semblait lui faire un devoir de
venir au secours d ’un malheureux qui pouvait être
victime de son obligeance et de sa trop grande confiance
au sieur Girard. D ’un autre côté, le sieur Bou ch et
était hors d ’état de supporter une perte considérable :
toute sa fortune se composait de 8000 fr. d ’immeubles;
ses travaux étaient d ’ailleurs peu lucratifs, et 3 ooo f r . ,
actuellement exigibles ,
traîner sa ruine.
devaient nécessairement e n
L e sieur Chambaud n’hésita point sur le parti q u ’il
avait à prendre : il voulait être utile au sieur Bouchet
4
�^fA
( 26 )
et employer toutes ses ressources pour le secourir ;
mais il lui était indispensable de connaître préalable
m e n t , et au ju ste , la position de celui q u ’il voulait
obliger; aussi, dans le premier mom ent, se borna-t-il
à prier M e Delaune de ne rien pr éc ip it er, et de lu i
accorder quelques jours de réflexions.
L e sieur C h a m b a u d eut un entretien avec Bouchet.
C e malheu re ux , séduit par G i r a r d , avait eu la fai
blesse de le cautionner pour une somme de 7700 f r . ,
et frémissait en mesurant la p r o f o n d e u r d e l ’abîme
q u ’il avait ouvert sous ses pas. L e sieur C h a m b a u d
avait bien quelques ressources; il était créancier d ’obli
gations assez considérables, et d ’une rentrée certaine;
mais il lui fallait de l ’argent pour acquitter les effets
dont M e Delaune était porteur.
L e sieur C h a m b a u d , en obligeant le sieur Boucliet,
un double o b j e t , celui de payer la créance D e
l a u n e , p o u r l a q u e l l e 11 é t a i t menacé de poursuites
rigoureuses, et de lui faire o b t e n i r u n n a n t i s s e m e n t
avait
pour les sommes q u ’ il avait déjà payées ou q u ’il devait
encore pou r le compte du sieur Girard.
C o m m en t le sieur C h a m b a u d s’y prit-il pour a t
teindre le b u t q u ’il se proposait ?
Il était créancier, d ’un nommé Charles C o n s ta n t ,
d ’ une somme de 3 ooo f r . , et son obligation avait une
montagne pour hypothèque.
Charles Constant avait
d ’autres créanciers, parmi lesquels figuraient les sieurs
Be rn ard,
marchands
ferrailleurs à Cle rmont , ‘l 11*
poursuivaient son expropriation; mais l ’ un d ’eux ayant
�t 27
ftccjuis la p r o p r i é t é de Charles C o n sta n t , moyennant
lu somme de 12,000 fr. , un 01 die oniiiiblc fut ouvert
devant Me Taché ,
notaire à C le r m o n t j et le sieur
C h am b a u d put bientôt s’assurer q u ’ il ne devait être
payé
de sa créance q u ’au g mai 1 8 1 5 . C e délai était
lon g, et ne s’accordait pas avec l ’emploi que le colonel
C h a m b a u d voulait faire de ces fondsj aussi, en exa
minant l ’ordre, le colonel s’étant aperçu que le sieur
( Moriu , banqu ie r,
également créancier de
Charles
C o n s t a n t , d ’une somme de 3 ooo francs, devait être
payé très-prochainement du montant de sa créance 5
sachant d ’ailleurs que
son beau-frère, le sieur B u
jadoux, orfèvre, était l u i - m ê m e créancier d u sieur
M o rin , fit des démarches pour obtenir un changement
de rang, et parvenir à être colloqué à la place du sieur
Morin. Cela fut effectivement exécuté : Morin donna son
mandat en paiement au sieur Bujadoux, q u i consen
tit à ce que le colonel C h a m b a u d en fit usage *, de
cette m an iè re ,
ce dernier accéléra la rentrée de sa
créance, et se trouva dans la position d ’être utile à
Bouchet (1).
Ces précautions étant prises, le colonel Chambaud
(0
Tout cela est prouve, i° par la quittance donnée par Morin à
Cliailcs Constant, de la somme de 3ooo francs payés par les sieurs Closel
et Joseph Bernard, acquéreurs de ses Liens; 20 par une procuration,
du
avril i 8 i 5 , donnée par le colonel Chambaud au sieur Bujadoux
pour sc faire payer, par les sieurs Closcl et Bernard, de la somme de
3 ooo francs cjui lui ¿luicul dus par Constant ; 3 ° par une déclaration
�( »8 )
revit le sieur C h am b a u d - B la n c h a r d , et ils convinrent
d ’accepter, chacun pour moitié,
la subrogation de
l ’obligation Fongheasse, que le notaire Girard devait
leur faire; mais comme le colonel n ’avait d ’autre b ut ,
dans celte affaire , que celui d ’exercer un acte de
bien faisance envers Bou ch et , et d ’empêcher q u ’il ne
fut victime de la confiance trop légère q u ’il avait eue
en G i r a r d , il fut convenu avec ce dernier que le
colonel arrêterait les poursuites de M e D e l a u n e , en
payant ses créances, et q u e , sur le r e s t a n t du prix
de la cession, Bouchet serait mis à couvert des sommes
q u 'il avait empruntées ou cautionnées dans l ’intérêt de
Girar d.
Les deux cédataires atteignaient ainsi leur b u t :
C h a m b a u d - B la n c h a r d , créancier de. G i r a r d , obte
nait le paiement de sa créance, et le colonel servait
ses affections, en rendant service à Bouchet. Aussi ,
tout étant ic gl e, le 5 fcvn cr 1 8 1 5 et i>ar
acte reçu
A
»
C h e v a l ie r , notaire, G ir ard transporta, avec subroga
tion , au colonel C h a m b a u d et ail sieur C h a m b a u d Bl anch ard , l ’eiFet de l ’obligation Fongheasse, du i 3
mai 1809, et de l ’inscription qui l ’avait suivie.
Ce
du sieur lîujadoux, du 22 janvier 1822, qui établit qu’ il y a eu
changement de rang entre Bujadoux et le colonel; que les fonds pro
venant de la créance Moriu ont été employés à payer le prix de la
cession Fongheasse, et ont été touchés par M 0 Delaune, qui les a
reçus comme créancier ou fondé-de pouvoir des créanciers de Girard
cl Bouchet.
�( 20 1
transport fut signifié à Fongheasse, le 22 du
même
mois.
Les sieurs C h am b a u d avaient, comme on l ’a v u ,
accepté, chacun pour moitié ,
l ’effet du
transport
du 5 février 1B 1 4 ? dont le prix n ’était autre que la
somme de 10,862 fr. 5 o c . , montant de l ’obligation
du i 3 mars 1809.
Il
est
inutile
de
rechercher
comment
le
sieur
Ch am baud-B la nchard s’est acquitté de sa moitié du
prix de cette cession, pu isque, plus heureux que le
colonel , il a pu échapper aux poursuites et aux diffa
mations de la veuve V i l l e v a u d , quoique seul il fût
créancier du sieur G ir a r d ; mais il est indispensable
de faire connaître les moyens employés par le colonel
pour opérer sa libération.
Ces moyens furent simples, et sont déjà suffisamment
indiqués par ce que l ’on connaît des faits de la cause.
M e Delaune était porteur de deux effets; le premier,
à éch éance le 20 mai 18 14 5
somme de 2000 f r . ,
souscrit par Girard et endossé par Bouchet; le second,
qui devait échoir le 22 du même m ois, de la somme
de i o 5 o fr. , était souscrit par Bouchot et endossé par
Girard. L e colonel C h am b au d paya ces deux créances
moins 5 o f r . , et en retira les litres. Ensuite le colonel
C h a m b a u d , pour s'acquitter dos ?.4 3 i b ‘*
centimes
restant pour parfaire la somme de 5 /|3 i fr. 2S c e n t . ,
prix de la subrogation de l’obligation de 10,862 fr.
5 o centimes, dont ¡1 avait acquis la m oit ié, fit remise
à Girard d ’obligations qui lui étaient ducs par dift’é-
�( 3o )
rens particuliers; et ce dernier, à son t o u r , suivant
la convention qui avait été arrêtée, en transporta à
Bouchet ce qui lui était nécessaire pour le nantir des
sommes q u ’il avait payées ou devait payer à sa dé
charg e, et le mettre à couvert des effets des cautiounemens q u ’ il lui avait prêtés (i ).
Si l’on s’arrête un instant sur ces faits, la réflexion
la plus sérieuse ne saurait permettre d ’y apercevoir,
ni l ’intention du c o l o n e l de trom per la veuve V illev aud ,
ni même la possibilité que cette veuve souffrit le plus
léger préjudice par l ’effet du transport fait aux sieurs
C h a m b a u d , si toutefois elle avait eu la précaution de
surveiller ses droits.
E n effet, s’il est vrai que l ’intérêt soit le mobile
le plus ordinaire des actions des h om m es , et q u ’il
faille rechercher, dans l ’am ou r de soi-même mal en
tendu , l a cause ou l ’origine des actes qui affligent
la morale ou t r o u b l e n t l a s o c i é t é , ou se demande
( i ) Ces faits sont prouvés , i° par le rapport de l ’effet de iooo francs,
acquitté des deniers du sieur Chambaud; 2° par un extrait du livrejournal de M® Delaunc , établissant que le colonel Chambaud a payé les
deux effets qui étaient dus par Girard et Bouchet ; 3° par la déclaration
de six débiteurs du colonel Chambaud, donnée devant Pclissière, notaire
à Chamaliérc, le
23 janvier
1822, prouvant qu’ils ont payé aux sicnrs
Girard et Bouchet ce qu’ ils pouvaient devoir au colonel Chambaud,
savoir : à Girard, la somme de 1700 f r . , cl à Bouchet, celle de 700 fr. ,
faisant ensemble les 2^00 fr. qui étaient encore dus par le sieur Clmmfoaiul, pour s’acquitter du prix du transport que lui
Girard.
avait
consenti
�( 3. )
vainement les motifs qui auraient pu porter le colonel
C h a m b a u d à nuire à la veuve Y illevau d . L e colonel
ne pouvait porter à cette femme ni haine n i a ffection
personnelle : leur position sociale les tenait à une trop
grande distance l ’un de l ’a u t r e , pour q u ’aucun de ces
pù t déterminer sa volonté ou influencer sa
sentim ens
conduite. Si l ’on consulte les intérêts pécun iaires q u i
seuls pouvaient établir quelques relations entre ces'x
deux ind iv idus, on s’assure que la veuve Y il l e v a u d
devait au colonel C h a m b a u d Gooo fr. , somme bien
considérable pour sa fortune. C e cap it al, si important
pour le colonel, avait pour hypothèque et garantie'
p rin cip ale
le p r é provenu du sieu r d ’A lb ia t : ainsi
le colonel C h a m b a u d , loin de chercher à nuire à la
veuve Y i l l e v a u d , devait au contraire, dans son in térêt'
p er so n n el, vivement d é sire ra i fa ir e tout ce q u i pou
vait coopérer à la prospérité des affaires de sa dé b i
tr ic e , et à assurer ainsi l ’effet de l ’ hypothèque q u ’il*
avait sur ses biens.
U n sentiment aussi naturel était-il combattu par
des a ffection s ou
un
intérêt c o n t ra ir e , assez
fort
pour porter le colonel à se nuire iï soi-m êm e , en
causant
un
préjudice à la veuve Y il l e v a u d ?
Mais
aucune intimité n ’existait entre le colonel et le notaire
G i r a r d ; toutes leurs relations se bornaient à celles
que faisaient naître leurs fonctions d ’administrateurs
de la même mairie. L e colonel ne connaissait point
l ’état des affaires <le G ir a r d ; la circonspection de ce
dernier les avait entourées du voile le plus épais, voile
�(
que le
colonel
n ’avait
)
aucun intérêt
à soulever,
puisque Girard ne lu i devait absolum ent rien y fait
important et dont la certitude est aujourd’ hui acquise
au procès, puisque tous les efforts de la veuve Villevaud ont été inutiles pour établir que le colonel f û t
créancier de G ir a r d , et q u ’elle en est ré du it e, sur ce
f a i t , à ses assertions personnelles, q u i , dans tous les
cas, seraient insignifiantes, mais dont le mensonge est
encore prouvé par la conduite odieuse et coupable çle
cette femme. O u sent assez q u e l ’ i n t é r ê t q u e Bouchet
inspirait au colonel ne pouvait être ni assez v i f , ni
assez a v e u g l e , pour le porter à pratiquer une fraude
dont il aurait été la première victime.
E n f i n , si le colonel C h a m b a u d eut désiré la cession
de l ’obligation du 1 3 mai 1809, et q u ’ il eût pensé
q u ’il était de son intérêt de l ’ob te nir, avait-il besoin
pour cela de la coopération de la veuve V i ll ev au d , et
de la porter à s o u s c r i r e l ’acte du 2 7 janvier 1 8 1 4 ? “
]\Iais la veuve V ill ev a u d était é t r a n g è r e îi l ’obligation
Fongheasse; elle n ’y était point partie; elle ne l ’avait
point acceptée; elle ne se l ’était appropriée par aucune
notification ,
ni même par aucune
inscription ; de
manière que cette obligation était toujours restée à la
disposition de G i r a r d , qui pouvait ou en recevoir le
m o n t a n t , ou en transmettre les effets à un tiers, hors
la présence de la veuve V i l l e v a u d , sans que le cédataire eut rien à craindre des oppositions ni des pour
suites de cette femme.
Cette démonstration
devient
encore
plus
évi
�(
33
)
d e n t e , si l ’on consulte la position de la veuve Villevau d.
Comme on l ’a d i t , l ’obligation Fonglieasse ne lui
transm ettait
aucun d r o i t , pu isq u’elle n ’y était point
pa rti e, et q u ’elle ne se l ’était appropriée par aucun
acte. L acquisition q u ’elle avait faite de Girard était
donc dépourvue de toute espèce de garantie, jusqu’à
l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ; mais, par cet acte, la veuve
Vi ll ev aud acquérait une hypothèque sur le domaine
de la G ara n die, qui n’était grevé d ’aucune inscription,
ainsi que cette femme le reconnaît elle-même, et que
l'établit d ’ailleurs le certificat qui est rapporté; donc
la veuve V i l l e v a u d , loin de faire aucune perte ou de
compromettre ses intérêts en souscrivant cet act e,
faisait au contraire une chose qui lui était avantageuse
sous tous les rapports , et portait ainsi remède aux
suites funestes de la négligence q u ’elle avait mise à
s’approprier l ’obligation Fonglieasse.
Mais pour que l ’acte produisit des effets avantageux,
il fallait q u ’il fût exécuté, et q u e , suivant ce qui y
est prescrit, l ’inscription à laquelle il donnait droit
fut prise de suite. L a veuve Vill ev a ud néglige une
formalité aussi essentielle, ou au moins elle ne la
remplit que le 11 mai 1814 5 quatre-vingt-treize jours
après l a c t é du 27 janvier; e t , pendant ce te m s, u u
sieur B o u ch o t, de C l e r m o n t , poursuit Girard pour le
contraindre au paiement d ’ une somme de 5 ooo francs.
Il obtient de son débiteur une hypothèque sur le
domaine de la G a ra n d ie , prend inscription le même
�34 )
jour que ïa veuve V i l l e v a u d , et se trouve ainsi en
(
concurrence avec elle.
L a veuve Vi ll ev aud ne devait imputer q u ’à ellemême les effets de sa propre négligence; mais au moins
si elle voulait adresser à q u e l q u ’un des reproches
fon d és, elle ne pouvait raisonnablement se plaindre
que du
notaire C h e v a l ie r , en qui
elle avait placé
toute sa confiance.
Il
faut en effet c o n v e n i r q u e cet homme paraît avoir
cruellement abusé du ci'édit q u ’ il avait a c q u i s dans la
ville de C l e r m o n t , et q u e , comme beaucoup d'autres,
la veuve V i ll e v a u d a été sa victime.
Les notaires Chevalier et Girard étaient liés d ’amitié
et d ’intérêt; leur chute devait être prochaine; et ils
sentirent la nécessité de réunir leurs efforts pour en
reculer l ’instant et cacher l ’ état de leurs affaires. Pour
c e la , il f a l l a i t , autant que possible, éviter ou retarder
tout CC q ui pouvait d o n n e r fies c r a i n t e s s u r leur solva
bilité , ou diminu er leur crédit; de là le retard mis
par Chevalier à l ’ inscription de la veuve V i ll ev a u d
contre Girard. Il est même à présumer que l ’inscrip
tion n ’aurait point été prise, si l ’audace de ces deux
notaires n’eù i éveillé la surveillance du colonel C h am b aud .
L ’obligation Tongheasse avait été reçue par C h e v a
lier. C e notaire et son associé Girard vouluren t abuser <1«
la m i n u t e , q u ’ils colportaient chez tous les c a p i t a l i s t e s
de C l e r m o n t , afin d ’en faire ressource et de la eeder
Une seconde f o i s , après le t r a n s p o r t q u ’ils en avaient
�(
35
'
)
consenti aux sieurs C h a m b a u d , le £> février i 8 i 4 * L e
colonel, informé de ces démarches, app rit 'b ie n tôt-,
par de nouvelles informations, que l ’ inscription de la
veuve V i l l e v a u d avait été négligée. Cette d o u b l e per
fidie devait exciter toute l ’indignation d’ un militaire :
aussi le
colonel
Chambaud ,
dont
l ’activité
était
doublée par un ressentiment bien légi tim e, m u lti
pliait-il les démarches pour découvrir C h e v a lie r, q ui
l ’évitait
avec le plus grand s o i n ,
et
parvint-il à
l ’o b l i g e r , tout à-la-fois, à prendre inscription pour la
veuve V i l l e v a u d , et à renoncer au projet d ’escroquerie
avait conçu.
Considérée sous ce point de vu e, la position de la
q u ’ il
veuve Vi llevaud était malheureuse. L e colonel C h a m
b a u d , il est v r a i , n ’avait rien à sc reproch er, même
dans le for i n t é r ie u r } sa conduite était conforme aux
règles prescrites par la délicatesse la plus susceptible ,
et devait être approuvée par tout homme d ’honneur.
C e p e n d a n t , d ’ un autre c o t é , on ne pouvait se défendre
d ’ un sentiment de pitié pour une foin nie de la classe
d e l à V i l l e v a u d , sans instruction, présumée 11 avoir
aucune connaissance en affaires, et dont l'hypothèque
avait péri, ou au moins était considérablement dimi
nuée par la prévarication du notaire, dont le devoir
était de 1’asSurcr et de la conserver; niais cet intérêt
cesse, et se change même bientôt en un sentiment
d ’ indignation bien v i f , si l’on examine de plus près la
conduite de la veuve Villevaud.
L e tort q u ’avait souffert cette femme pouvait aisé
�ment se réparer : le notaire Girard laissait des res
sources suffisantes pour l ’ indemniser, si toutefois elle
eût profité de ses avantages, et apporté à la conserva
tion de ses droits un peu de vigilance et d ’activité.
M a i s , loin de-là, la veuve Vill ev aud néglige toute
précaution , n’exerce aucune des actions que la loi lui
o u v r a it, laisse échapper son gage, v en d u te v i l p r ix ,
s’évanouir toutes les autres ressources de son débiteur;
dédaigne même de produire à l ’ordre; et l'o n ne saurait
comment expliquer une négligence'aussi s o u t e n u e et
aussi déplor able, si l ’événement ne venait apprendre
que cette étrange conduite était le fruit de la médi
ta tion, et combinée pour servir bientôt de prétexte
aux diffamations que cette veuve s’est permises, et à
l ’action odieuse
q u ’elle a dirigée contre le colonel
Chambaud.
Quelques détails sur ces faits sont indispensables.
1° A 1 époque d e l a d i s p a r i t i o n de G i r a r d , le do
maine de la Garandie fut abandonne, et les bestiaux
q u i l ’animaient furent vendus.
La veuve Y il levau d
pouvait veiller à la conservation des récoltes et du
prix de ces ventes; elle devait même faire tous ses
efforts pour s’en emparer et en profiter; cependant la
veuve Y il lev a u d ne fait aucune démarche, ne prend
aucune
précaution, et, cette première ressource lui
échappe.
2° Il est établi, par le rapport des actes, que G i r a r d
avait acquis les différons héritages composant 1« do
maine de la G a ra n d ie , moyennant 22,8/1 î ir. 20 c .;
�e t , par les baux à fe rm e, que cette propriété était
d ’un revenu de i 4 T9
ainsi,
bien é v i d e m m e n t ,
le domaine valait au moins 3 o,ooo f r . , sur-tout si on
ajoute l ’augmentation du prix q ui devait résulter de
l ’adjonction des best ia ux, des plantations et répara
tions faites par G ir a r d , et de la construction de bàti
mons pour l ’établissement d ’ un m o u l in , objet qui seul
va ut plus de 3 ooo fr. Cependant une propriété aussi
précieuse est vendue moyennant 9000 fr. L a vilité du
prix de la vente était évidente. L a veuve Y i l l e v a u d ,
comme créancière in scr ite , avait le droit de faire une
surenchère : elle n ’ use point de cette facu lté, et , par
sa négligence, elle laisse ainsi disparaître et s anéantir
les deux tiers de son gage. Mais la veuve Y i l l e v a u d
connaissait la valeur du domaine de la Garandie }
outre la note à consulter, q u ’elle avait obtenue d u
colonel C h a m b a u d , elle avait pris des renseignemens
avant Vacte du vingt-sept ja n v ie r 1B x4 ? postérieure
ment à la v e n te , elle renouvela ses démarches; et ,
ayant obtenu les mêmes résultats, elle manifesta 1 in
tention de faire
u n e
surenchère ; mais plus ta rd, ses
dispositions changèrent, et elle ne craignit pas de dé
clarer que si elle avait abandonné ses d ro its, c ’est
p arce q u e lle avait un b illet de garantie du co lo n el
Chant ban d (1).
3 ° Un ordre est o u ve rt, et la veuve Y il le v a u d ne
(1) Une déclaration de Châties Cuiütaut, du
commitc tous ces faits.
23
janvier 182a, fait
�( 38 )
fait aucune production. Cependant elle ne pouvait être
primée que par
l ’ hypothèque légale de la femme ,
hypothèque légale q u ’e lle con n a issa it, et qui avait
été fixée à la somme de 7 7 1 9 fr. Go c. , par jugement
du 3 août 1 8 1 6 , et q ui d ’ailleurs était éteinte,
ou
au moins pouvait l ’être par la valeur des autres pro
priétés appartenant à Girard. L a veuve V ill ev a ud était
ensuite en concurrence avec le sieur Bouchet, de C le r
m o n t , dont la c r é a n c e était de ^996 fr. ; mais cet
objet devait nécessairement souffrir une d i m i n u t i o n
considérable, s’il n ’était même totalement acquitté par
l ’effet de la saisie que Bouchet avait faite du cau
tionnement de G ira rd et de l ’usufruit de la moitié
des biens de sa femme, à laquelle il avait survécu ;
précautions que la veuve Y il l e v a u d avait entièrement
■négligées de prendre dans son intérêt (1).
Voila b i e n des négligences. U n abandon aussi com
plet, de la part de la v e u v e " V i l l u v a u d , d e s m o y e n s qui
pouvaient lui conserver ses droits, serait inconcevable,
si les faits ne venaient ensuite apprendre quelles étaient,
en agissant ains i, les véritables intentions de cette
fem me.
L e colonel C h a m b a u d avait été maire d eC ham aliè re
(1) Le certificat d’inscriptions, rapproché des titres qu’ il relate, et
qui sont rapportés, prouve que la veuve Villcvaiul n'était primée <[,|U
p:»r l'hypothèque légale de la femme, et venait en concurrence avec
Bouchet, les autres inscriptions étaiil prises sans droit, et les créances
ayant été acquittées.
�et de Royat jus qu’en juillet i 8 i 5 . L a veuve V ill e v a u d
avait un fils soumis à. la conscription , et x’eforme, le
3 décembre i 8 i 3 , comme estropié et infirme.
Cette
femme était encore débitrice du colonel d ’une somme
de 6000 f r., dont elle s’était libérée le 1 5 février i 8 i 5 :
elle réunit tous ces faits, les combine péniblement; et,
aidée des conseils d ’ un homme profondément immoral,
parvient à ourdir un plan de calomnies et, de diffama
tions, à l ’aide duquel elle espère donner quelque fa
veur à l ’action q u ’elle veut diriger contre le colonel.
Cependant la veuve V i ll e va u d n ’avait encore aucune
idée fixe, ni plan définitivement arrêté; la nombreuse
série de ses suppositions, contradictions et mensonges
ne devait être inventée ou produite q u ’en d é t a il , et
suivant les besoins de sa cause.
L a première idée q u i préoccupa la veuve V i ll e v a u d
et son conseil intime fut q u ’il lui fallait un titre pour
légitimer une demande contre le colonel C h am b a u d :
cela était embarrassant; le colonel ne l u i avait rieu
promis : il ne lui avait remis q u ’ une note à consulter,
propre à la diriger dans les démarches qu elle avait à
faire et dans les renscignemeps q u ’elle avait à recueillir;
mais ces difficultés devaient être bientôt surmontées
par les heureuses dispositions de la veuve V i l l e v a u d ,
aiclee du génie de son digne coopérateur. La note à
consulter, du colonel C h a m b a u d , devait servir deb a se
à l’écrit que l’on m éd it a it ; e t , au moyen d ’ un chan
gement et d ’une addition, ajoutés à la rédaction
la
veuve Vill ev aud se fait écrire et fa b r iq u e r un titre ,
�C 4o )
q u ’elle dépose, le 3 juin 1 8 1 8 , chez Me C â v y , notaire
à Clernicmt.
C e tt e pièce est ainsi conçue r
« Il existe une hypothèque de 11,000 francs, que la
« veuve V i l l e v a u d a placée sur une maison à C lerm on t,
« et
je
« sur
lu i
dem ande
main-levée pour la faire transférer
un domaine de m o nt a g n e , de la valeur
de
« 3 o,ooo f r . , qui n ’est grevé d ’aucune hyp ot hèq ue,
«
e t JE PROMET S LA. G A R A N T I R E T L A F A I R E T E N I R Q U I T T E .
« S ig n é A .
Si
CllAM BAUD.
»
l ’on rapproche cette pièce fausse de la note û
consulter, donnée par le colonel, et rapportée
à
la
page 20, on voit que l ’inventeur, pour faire un billet
de garantie d ’une pièce aussi simp le, n ’a eu besoin,
en la copiant et en la revêtant d ’une fausse signature,
que de faire demander la main-levée
et
p a r le c o l o n e l ,
d a n s son in té r ê t}
en substituant aux mots o n d e
m a n d e , ceux-ci : j e l u i d e m a n d e , e t d ’ a j o u t e r ensuite à
la rédaction de cette note à consulter, la p r o m e s s e d e
garantir et cle fa ir e tenir quitte > comme conséquence
nécessaire de la main-levée que le colonel avait de
mandée, et que la. veuve Vi llevaud devait lui accorder.
C e premier pas f a it, la veuve Ville vaud cite, le
3 août 1 8 1 9 , le colonel C h ain b au d eu conciliation.
Dans cette citation, ou elle demande contre le colonel
le paiement du montant de son obligation, et conclut
à l ’adjudication de dornmages-intérêts, elle expose, eu
termes généraux, q u ’ellq a été victime du dol
etde
la
fraude pratiqués par le colonel pour lui faire souscrire
�l ’acle du 27 janvier 18147 contenant abandon de son
hvpothèque; que cet acte était fait clans les intérêts
du colonel, créancier de G ira rd , q u i , par ce m o yen,
était parvenu à mettre sa créance à couvert; la veuve
Villevaud ajoute q u ’ott ne parlera point de toutes les
m anœ uvres, de tous les m oyens que mit en usage le
co lo n el C h a m b a u d y mais que lorsq u’elle a consenti à
l ’établissement de son hypothèque sur le domaine de
la G ara ndie , le colonel
lui
rem it
un écrit klans leq u el
il lu i prom it toute garantie. A u reste, la veuve V i ll e
vaud ne donne point copie de cet écrit, et n ’indique
pas le notaire chez lequel il est déposé.
Les parties comparurent au bureau
de paix.
La
réponse du colonel fut simple : il n ’est point partie
en l ’acte du 27 janvier 1814 ? cet acte était consenti
au profit de G ir a r d , qui pouvait disposer de l'o bli
gation en faveur de qui bon lui semblerait; ainsi le
colonel ne devait ni ne pouvait rien promettre à la veuve
V ill ev aud; mais le colonel déclarait en outre n ’avoir
ja m a is é c r i t , s i g n é , ni d é l i v r é aucun engagement
à cette veuve; il la sommait de représenter cette pièce,
protestant de
f a u x
} et se faisant, à cet égard, réserve
de toute action civile et criminelle.— L a veuve V i ll e
vaud exhiba alors d ’une expédition d ’ un acte de dépôt
de cette pièce chez C a v y , notaire, et ajouta que si
çet écrit 11 était p a s du c o lo n e l, ce serait une nou
v elle supercherie q u ’elle n’a f>u soupçonner.
Ainsi, en réunissant ce qui est contenu en 'la citar
lion et au procès-verbal, relativement à cette pièce,
6
�t f r i
( 4
0
on voit que la veuve était préparée à répondre aux
objections; que l ’écrit devait être présenté comme
a y a n t é t é r e m i s p a r le c o l o n e l ,
le n iait, la
fa u sseté
lu i
et que si ce dernier
de cet écrit devait être invoquée
comme moyen par la veuve V i l l e v a u d , et être pré
sentée comme l ’ouvrage du colonel, et
une su p erch erie
employée par lui pour tromper la v e u v e , en lui fai
sant
l u i
-
m êm e
rem ise
d ’une pièce aussi importante ,
comme vraile, q u o iq u ’elle fût fausse. L a suite appren
dra comment la veuve V i ll ev au d a été ensuite obligée
de reconnaître la fausseté de cette pi è c e , de l ’aban
d on ner, ainsi que de démentir l ’odieuse fable dont
elle avait accompa^jié cette production.
On
pourrait penser que la résistance du colonel
C h a m b a u d , et les moyens q u ’il employait pour la
justifier, inspirèrent à la veuve V ill ev a u d quelques
craintes, de salutaires réflexions; peut-être même ses
remords l ' e m p ê c h è r e n t en e f f e t , pendant plus de huit
m o i s , de former sa demande ; et il
est p r o b a b l e
que
cette femme n ’aurait point rompu le silence, si le
colonel, pressé par le désir de repousser la calomnie
dont il était l ’o b je t , et sentant d ’ailleurs la nécessité,
dans l ’ intérêt de ses enfans, de détruire et faire dé
clarer fausse la pièce q u ’elle avait osé produire contre
l u i , ne l ’avait lui-même prévenue.
L e 22 avril 1820, le colonel C h a m b a u d somma ,
par acte extra-judiciaire, la veuve V i ll ev au d de dé
cl ar er si elle entendait se servir de la pièce p:>r elle
déposée chez M r C a v y .
C e l l e f e m m e r é p o n d q u ’elle
�C 4 3 -)
F
n ’entend rien aux affaires; que tout ce q u ’ e lle sait ,
c ’est q u e l l e a donné au co lo n el onze m ille fr a n c s
dont elle n ’a rien to u ch é ; d ’ailleurs, la veuve Y i l l e
v a u d , sans s’expliquer sur la pièce qui faisait l'objet
de l ’acte auquel elle avait à répondre, finit par déclarer
q u ’elle
ofire de s’en rapporter à la décision de deux
jurisconsultes.
Cett e réponse est des plus singulières. C e n ’est plus,
en effet, un b ille t de garantie que lu i a remis le
co lo n el C ha m ba ud} pour lui tenir lieu de l ’ hypotbèque
q u ’elle aband onn ait, mais c’est actuellement nnc somme
de 11,000 fr. q u ’elle, veuve Y i l l e v a u d , a donnée au
colonel C h a m b a u d , et q u ’elle réclame. Il n ’est plus
question de pièce ou de titre qui puisse lui donner
action contre le colonel.
Quoi q u ’ il en s o i t , le colonel donna des suites à
cette première démarche. L e 22 mars 1820 , la veuve
Y il l e v a u d fut assignée devant le tribunal
civil de
C l e r m o n t , pour répondre-sur la demande qui était
formée contre elle, i° en d é s a v e u et lacération de la
pièce déposée chez M* C a v y ; 20 en réparation d ’ hon
n eu r , et suppression d ’écrits calomnieux; 3 ° en dommages-intérèts applicables aux pauvres, du consentement
du colonel C h am b a u d .
La veuve Y il l e v a u d était enfin obligée de s’expliquer j
il fallait répondre à la demande du colonel : tous dé
tours, tous subterfuges devenaient désormais impossibles
et inutiles; la vérité allait être connue : et la veuve
Y i l l e v a u d savait bien q u ’elle ne p ou v a it so u te ni r, par
�44 )
aucune ressource, le singulier titre q u ’elle avait eu
(
l ’audace (le se créer.
L a veuve V illev aud hésite encore : près d ’ un mois
s’est écoulé sans q u ’elle se soit arrêtée à aucun parti.
U n retour franc à la vérité pou vait désarmer son ad
versaire et la Justice, lui rendre des droits à l ’estime
q u ’elle avait cessé de mériter; mais le conseil intime
l ’obsède; il lui fait entendre que son ignorance doit la
mettre à l ’abri de t o u t e s poursuites relativement à la
pièce fausse; q u ’elle en sera quitte pour d é c l a r e r que
cet écrit lui a été remis, p a r personnes i n c o n n u e s de
la part du colonel; enfin , la v e u v e , ainsi rassurée,
travaille, de concert avec son digne coopérateur, au
plan de diffamation qui doit être substitué au billet
de garantie f a u x , que l ’on était forcé d ’abandonner.
C ’est alors que la qualité de maire du colonel et de
créa ncier de la veuve J^ illeva u d est destinée à donner
de la force et dé la v r a i s e m b l a n c e a u x moyens de d o l
et de fr a u d e q u ’elle veut employer; le colonel l ’aura
excédée de sollicita tion s verbales, il les aura renouvelées
plusieurs fois par écrit
la veuve "Villevaud s’arrête
là; c’est d ’abord tout'ce q u ’elle invente. Les menaces
du colonel de faire partir son f i l s ,
ses sollicitations
pou r obtenir les écrits q u ’il avait eu l ’imprudence de
lu i adresser, la scène de Chevalier, ne devaient point
figurer dans ce premier plan. L e génie même ne crée
pas tout du premier jet.
Knfin, six ans et sept mois s’étaient
l’acte de transfert
de . l ’ h y p o t h è q u e de
écoulés
depuis
la veuve Ville-
�(45 )
vau d ; la conscription avait ¿té abolie depuis le même
tems; il y avait cinq ans et demi que la veuve V i l l evaud s’était libérée envers le colonel C h a m b a u d ; de
puis juillet
i
8 i 5 , le colonel avait cessé ses fonctions
de maire, et le notaire G ir ard avait disparu dans le
moi s
de novembre de la même année, lorque la veuve
V ill ev a u d , dix mois après la citation en conciliation,
et deux mois après les poursuites que le colonel avait
exercées contre elle, se décide elle-même à former sa
demande, par exploit du 12 juin 1820.
Les conclusions de la veuve Villevaud ont pour objet
de contraindre le colonel k lui rembourser la somme
de 11,862 fr. 5 o c . , q u ’elle prétend que le colonel a
touchée à sa place, dans l ’ordre Fonghasse, et à l u i
payer 6000 francs pour dommages-intérêts.
Si l ’on en croit le libelle de cet exploit, l ’acte du
27 janvier 18 1 4 est n u l , parce q u ’il est le fruit du
dol et de la fraude pratiqués par le colonel C h a m b a u d ,
dans son intérêt, et pour s’approprier, comme créan
cier de G i r a r d , et au détriment de la veuve V i ll e v a u d ,
le montant de l ’obligation Fonghasse. C e dernier a
effectivement employé, pour l ’obtenir, les manœuvres
les plus coupables. Maire de sa co m m une, et créancier
de la veuve V ill ev aud, il a abusé de l'influence que
pouvait lui donner cette double qual ité ; d ’abord il a
employé des sollicitations verbales; les ayant vainement
réitérées, il les a renouvelées p a r é c r it, CE
qui
SERi
JU STIF IÉ y enfin la veuve Vill ev aud n’a été vaincue
que p a r un nouvel écrit (¡ni lu i est p a r v e n u , ( ¡u c llc
/
�a cru être de la main du c o lo n e l, et signe' p a r lu i.
A u re ste , la veuve Vill ev aud ne parle point encore
de la menace que lui aurait faite le colonel C h a m b a u d ,
de faire partir son fils comme conscrit.
Les expressions de la veuve V ill ev au d sont remar
quables : les sollicita tion s du co lo n el ont é té renou
velées p a r é c r it ! ........ Combien de fois? O ù sont *ces
écrits? pourquoi la veuve Vi ll ev aud ne les rapportet-elle pas? — E l le a é té 'vaincue p a r un nouvel écrit
q u i lu i est p a r v e n u , q u e lle a cru être de la main du.
c o lo n e l, et sig n é p a r l u i ! ....... Mais cet écrit est-il
autre que celui déposé chez M e C a v y ? Dans ce cas où
est-il? pourquoi ne le produit-elle pas? S i, au contraire,
c ’est le m êm e , cette pièce est fausse; la veuve V i l l e
vaud est obligée d ’en convenir; mais encore la veuve
V illev aud
se contredit elle-même sur le fait de la
remise de cet éc rit, p u is q u e , dans sa citat ion, elle
(lit que le co lo n el le lu i a r e m i s y q u ' a u bureau de
p a i x , elle soutient que la fa u s s e té serait une nouvelle
supercherie d u c o lo n e l; q u e , dans l ’acte extrajudi
ciaire , elle refuse de s’expliquer sur cet é c r i t , et
cherche
à dénaturer le f a i t , en substituant une somme
de onze m ille f r a n c s 3 p a r e lle prétendue donnée au,
c o lo n e l, au b illet de garantie q u e lle aurait reçu de
l u i , tandis q u e , dans l ’assignation du 12 j u i n , elle
détruit elle-même toutes ces premières déclarations, eu
disant que l ’écrit lu i est p a r v en u , expressions qui font
parfaitement comprendre que le colonel n ’aurait pas
remis lui-même U la v e u v e V i l l e v a u d la pièce dont il
�s ’a g it , mais q u ’il l ’aurait f a i t parvenir à celte femme
par un tiers. Ainsi la veuve V i l l e v a u d ; après avoir
commence par fa b r iq u e r un titre f a u x pour se créer
un droit contre le colonel, a ensuite recours au men
songe pour excuser une action aussi criminelle , et
donner quelque apparence à la calomnie qui devait
servir de fondement à l ’imputation de clol et de fra u d e
q u ’elle voulait substituer à la pièce fausse pour sou
tenir sa demande. Mais ce q u ’ il y a de certain sur ce
p o i n t , c’est que la veuve Vill ev aud ne rapporte aucun
écrit établissant des so llicita tio n s j ou constatant une
promesse de garantie de la part du colonel; que tou t
se réduit à la production de la note à co n su lte r, si
favorable au colonel, et si propre à dévoiler la con
duite artificieuse de la veuve Villevaud.
Dans ses conclusions signifiées, la veuve V i ll e v a u d
ajoute aux imputations contenues dans le libelle de
son e xp loit, que le colonel a employé la menace pour
la porter à souscrire l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ; q u ’il
a même contraint sa vo lo nté, en la m enaçant de fa ir e
p a rtir son f i l s com m e conscrit.
L e colonel C h am b a u d devait penser q u ’enfin la
veuve Vill ev a ud avait épuisé toutes ses ressources; il
crut en conséquence q u ’ il était de sou devoir de lui
répondre, et publia un premier Mémoire à cet effet.
Ses moyens étaient aussi simples que péreuiptoires.
D ’ab ord , partant du fait certain q u ’il n’avait con
tracté aucun engagement vis-à-vis la veuve V i l l e v a u d ,
et q u ’étant prouvé que cette femme avait fabrique
�une pièce fausse pour se faire un ti tr e , il soutenait que
toute action de dol et de fraude, relativement à l ’acte
du 27 janvier 1814 , ne pouvait être dirigée que contre
G i r a r d , partie en cet acte, et qui seul en aurait profité.
L e colonel disait ensuite q u ’il n ’avait jamais été
créancier de G ir a r d ;
q u ’ainsi il 11’avait jamais été
intéressé, même indirectement, à l ’acte dont la nullité
était demandée; mais q u e ,
lors même q u ’il serait
établi que G ira rd était le débiteur du colonel , la
veuve Ville vaud ne pouvait tirer de c e l l e c i r c o n s t a n c e
aucun parti avantageux, pu isque , par sa négligence
et à défaut d 'acceptation et de notification de la délé
gation faite en sa fa veur , par l ’acte du i 3 mai 1809,
cette obligation Fonghasse n ’avait jamais cessé d ’être
la propriété de G ir a r d , qui avait conservé la iacullé
de subroger à ses droits qui bon lui semblerait, sans
que la veuve V ill ev aud put s’en plaindre et critiquer
ce transport.
En fin le colonel C h am b a u d répondant aux im pu ta
tions qui lui étaient adressées, et notamment aux
menaces q u ’il aurait faites de faire partir le fils de la
V i ll ev a u d comme conscrit,
faisait observer que ce
jeune homme, disgracié de la n a tu r e, petit de taille,
estropié d ’ une main , avait des motifs de réforme telle
ment évidens, q u ’ il n ’avait aucune difficulté à craindre
ou à surmonter pour l ’obtenir; que d ’ailleurs, en fait,
cette réforme étant du 24 janvi er, 11’avait pu être la
cause impulsive ou influente de l’acte du 27 janvier^
qu'elle précédait de plusieurs jours,
�(
49 )
L a cause en cet état fut, portée au tribunal civil de
Cle rm ont j elle y fut l ’objet
d ’une discussion très-
solennelle, et il est important d ’analiser le jugement
q u i int ervint, le 11 août 1820, et qui se fait remar* quer par la solidité, la profondeur et la clarté de ses
motifs.
L a veuve V ill ev au d concluait à la nullité de l ’acte
du 11 janvier i 8 i 4 j et demandait contre le colonel
la restitution de la somme qu il avait reçue par suite
du transport de l ’obligation Fonghasse.
A l ’appui de ces conclusions, la veuve disait que
l ’acte du 11 janvier 1 81 4 était l ’œuvre du dol et de
la fraude du colonel, auquel elle avait profité, ainsi
q u ’elle offrait de le prouver. E lle ajoutait q u ’elle avait
été induite à consentir cet acte par les sollicitations
verbales et écrites du co lo nel, et par les menaces q u i
lui étaient faites de faire partir son fils comme conscrit,
faits dont elle offrait également la preuve. En fin e lle
a r tic u la it, com m e f a i t n ou vea u 3 q u ’elle se proposait
également d ’établir par témoins, q u e ,
postérieu rem en t
ïi l ’acte du 11 janvier 1814* le colonel l ’avait sollicitée,
de remettre les d e u x b illets q u i l lu i avait don n és 3
sous le p rétexte que ces d e u x p ièces étaient désorm ais
inutiles.
Sur ce premier point :
L e ju g e m e n t , s’arrêtant au principe qui exige que
to u t
demandeur
établisse
sa
demande ,
reconnaît
d ’abord en f a i t , que la veuve V i ll e v a u d ne prouve
rien ; que la fraude d o n t elle se plaint est invraisem7
�( 5o )
b la ble; que les faits q u ’elle articule sont inadmissibles
et sans gravité ; que la fausseté même de quelques-uns
est manifeste. E n droit : les premiers juges pensent
que
l ’admission de la preuve
offerte par la veuve
Y i l l e v a u d , outre q u ’elle serait une contravention for
melle à la règle qui défend l ’admission de la preuve
dans tout différend qui excède en valeur la somme de
i 5 o francs, et un exemple de la facilité avec laquelle
on peut renverser les conventions, doit dans l ’espèce
particulière être d ’autant plus f o r t e m e n t rejetée, que
l ’objet de la veuve Y il l e v a u d serait d ’o b t e n i r , sans
titre contre le colonel, une condamnation infamante
de la somme de 10,862 francs.
E x a m in a n t ensuite l ’article 1 1 1 6 du Code c i v i l ,
inv oq ué par la veuve Y i l l e v a u d , le jugement reconnait
q u 'il 11e peut s’appliquer q u ’aux parties contractantes5
q u e , dans ce cas seulement, on peut dire que Tune
a trompé l ’ a u t r e , m a i s q u e , dans l ’espèce, cet article
ne pouvait être i n v o q u é , p u i s q u e le c o l on e l était
étranger à l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 , et n ’en avait
retiré aucun bénéfice.
Les premiers juges croient devoir ensuite se fixer sur
chacun des faits articulés par la veuve V illev aud .
Ils s’occupent d'abord des sollicitations verbales et
écrites q u i lui auraient été adressées par le colonel.
Les premiers juges, après s’être convaincus du peu
d ’importance et de l ’insignifiance de ces sollicitations,
rejettent à cet égard la preuve offerte par la veuve
Yillevaud,
et se motivent sur ce que ceito femme
�n'avait point déclaré accepter l ’emploi fait en sa faveur
p ar
l ’obligation du i 3 mai 1809, et n ’avait même pas
pris d ’inscription en ver tu de ce titre ; sur ce que
l ’emprunt fait par Fonghasse n ’était autorisé par la
mère que jusqu’à concurrence de la somme de 10,000 fr.,
nu lieu de celle de 1 1 , 1 7 7 ^r * ? montant de l ’obliga.tion ; enfin sur la raison déterminante que C h am b aud
n ’étant pas créancier de G i r a r d , n'avait aucun intérêt
à l ’acte du 27 janvier 1814*
Q u a n t aux menaces faites par le colonel à la veuve
„Villevaud, et q ui auraient eu pour objet d ’inspirer
des craintes à cette femme sur le départ de son fils
comme conscrit,
L e tribunal rejette également la preuve de ce f a i t ,
parce que le colonel, comme maire, ne pouva it avoir
aucune influence au conseil de révision, où il n ’avait
pas même voix consultative; parce que le fils V i ll e v a u d
était atteint d ’infirmités q u i rendaient sa réforme im
m anq uab le; enfin parce que les opérations du conseil
de révision étaient terminées dès le 24 janvier 1 8 1 4 ,
conséquemment avant l ’acte du 27 , consenti par la
V ill e u a u d à G i r a r d , et hors la présence du colonel
Chambaud.
La justice devait enfin s’ occuper du fait art ic u lé ,
pour la première fois,
Villevaud,
à l ’audience,
par la veuve
et consistant à soutenir que le colonel
l ’avait sollicitée de lui remettre les deux billets q u ’il
lui avait adressés, comme désormais inutiles.
S u r ce p o i n t , le t r i b u n a l considère q u e ce fait n ’a
�été articulé q u ’en désespoir de cause. Il fixe ensuite
son attention sur le défaut d ’intérêt du colonel, q ui
n ’avait accepté la cession du 5 février 1 8 1 4 j» fIue pour
obliger le sieur Ch am b aud-B la nchar d et être utile à
Bouchet. E xa m in an t la pièce produite et avouée, le
tr ibunal reconnaît que cette note , qui ne contient
aucun conseil (ce q ui d ’ailleurs serait insignifiant)',
n'est autre chose q u ’ un Mémoire à consulter, propre
à éclairer la V ill e v a u d et à la d i r i g e r dans les renseignemens q u ’elle avait à prendre. Q u a n t au second écrit
déposé chez M e C a v y , et argué de faux par le colonel,
sa fausseté est reconnue; un m o tif relève même à cet
égard les variations de la veuve V i l l e v a u d , q u i , dans
sa c i t a t i o n , soutient que le co lo n el le lu i a j'em is,
tandis q u ’ensuite.elle déclare q u ’on le lu i avait f a i t
parvenir. Toutes ces circonstances, jointes au retard
de q u a t r e m oi s a p p o r t é à l ’inscription de la veuve
V i l l e v a u d , au fait c e r t a i n q u e l ’ i i yp oi l iù cj ue légale
avait pour garantie d ’autres biens que le domaine de
la G a ra n d ie , et réunies au silence gardé par la veuve
Vi ll ev aud pendant quatre ans et d e m i, et lorsque tous
les dangers q u ’elle signale étaient passés, et que conséquemment ses craintes devaient avoir cessé; tous ces
motifs réunis décident le tribunal à rejeter les preuves
offertes par la veuve Vi ll ev aud.
Il fallait ensuite examiner la demande du colonel
C h a m b a u d , consistant à obtenir la suppression <1« la
I’ièce fausse déposée chez M* C a v y , et des donnnagesintérêts.
�fÛ» ' *¡09
( 53 )
Su r le premier chef de cette demande, le tribunal
reconnaît la fausseté de la pîece, fausseté q ui était
d ’a i l l eu rs
prouvée par la sommation faite par le colonel
et par le silence gardé par la veuve V i l l e v a u d ; et sur
le
second,
le tribunal pense que l ’ignorance de la
veuve V i ll e v a u d peut l ’excuser; q u ’ il est possible que
quelques malveillans l ’aient trompée et induite en
erreur.
E n conséquence, le t r ib u n a l , statuant sur les deux
demandes, déboute la veuve V i ll ev au d de celle par
elle formée ;
déclare
fausse
la
pièce déposée chez
M° C a v y ; ordonne q u ’elle sera rayée et biffée de ses
minutes; et condamne la veuve Vill ev a ud aux dépens,
pou r tous dommages-intérêts.
C e jugement, en rendant au colonel C h a m b a u d une
justice rigoureuse et éclatante, ét ait, à l ’ égard de la
v e u v e ,V i l le v a u d , un acte d ’indulgence, dont toutefois
son adversaire se félicitait. L ’attention que le tribunal
avait portée à l ’examen de cette cause, les motifs pnissans q u ’il avait développés à l ’appui de son jugem ent,
l ’espèce de pitié q u ’il montrait pour les malheurs de
cette fe m m e, tout semblait se réunir pour l ’éclairer
et dissiper son erreur, si toutefois les passions pouvaient
se calmer à lu voix de la raison.
Mais la veuve V i ll e v a u d n’était pas vaincue; bientôt
elle interjette app el, prépare de nouveaux artifices, et
devient plus menaçante que jamais. L e colonel C h a m
baud devait faire la triste expérience q u ’ il est bien peu
d ’ hommes q ui sachent se garantir de l ’esprit de pré-
�vention, ennemi mortel de la justice et de la vérité.
Les déclamations, sans cesse répétées,
de la veuve
V i l l e v a u d , ses feintes douleurs, la perte q u ’elle éprou
v a i t , attachent à sa cause un jurisconsulte éclairé ,
mais dont l ’a me privilégiée
ne peut supposer tant
d ’astuce et de perfidie. Bientôt les apparences les plus
légères, les indices les plus équivoques sont réunis avec
art ; la haine de la cliente parait diriger la plume de
l ’avocat, q u i , sans a u t r e e x a m e n , d o n n e créance aux
faits les plus invraisemblables.
U n M é m o i r e parait
pour soutenir l ’appel; la chaleur et la rapidité du
s tile , les suppositions q u ’il co nt ient, des rapprochejnens injurieux pour le colonel, tout y semble réuni
pour amonceler des nuages funestes sur le fait à exa
m in er; et l ’adresse de la composition pourrait un ins
t a n t en imposer, si le défaut de critique q ui a inspiré
ce travail ne v e n a i t f r a p p e r les esprits ju d ic ieu x, et
leur montrer que le r é d a c t e u r , s e m b l a b l e à c e l u i q u i ,
à force de fixer une place v i d e , croit y voir un objet
q u i n ’existe pas, n’avait fini par regarder comme réels
les faits les plus invraisemblables et les plus absurdes.
Quoi q u ’ il en soit, la veuve Vill ev a ud annonce dans
son Mémoire que les faits de la cause n ’avaient pas
été suffisamment éclaircis en première instance; que des
circonstances graves avaient é té om ises; cependant la
lecture la plus attentive montre q u ’ il ne contient autre
chose que les faits déjà connus, et que la seule circons
tance nouvelle serait que « depuis le j u g e m e n t , la veuve
« Villevaud a appris q u ’après la co n lo c t io u de l ’acte t
�p
(55,)
« èt lorsqu’elle se fut retirée, C h a m b a u d , Girard et
« Chevalier entrèrent dans une ehambre à coté, d ’où
« ils sortirent après un entretien secret, et que le
« sieur Chevalier dit k son maitre-clerc, en présence
« de C h am b a ud et de G ira rd : Vous ne ferez l ’ins« cription de la veuve V i l l e v a u d , sur le domaine de
« la G aran d ie , que quand on vous le dira». On verra
bientôt ce que l ’on doit penser de ce dernier fait et de
la bonne foi de celle qui l ’a inventé.
C e Mémoire contient, au reste, deux aveux pré
ci eux; le premier est la reconnaissance formelle, faite
par la veuve V i ll e v a u d , de la fausseté de la pièce dé
posée chez M e C à v y ; elle avoue q u ’à cet égard il a été
bien jugé , et q u ’elle s’est
assurée que
cette pièce
n ’était ni écrite ni signée de la main du colonel.
Plus h au t, après avoir parlé de son désespoir et des
sacrifices q u ’elle était résignée à faire, elle ajoute
« Mais ce qui ne lu i permit plus d ’hésiter, ce fut u n
« écrit q u ’on lui fit parve nir, qui paraissait signé
« par C h a m b a u d , par lequel il lui
garantissait
for-
« mellement la validité du transfert». Ainsi , d après
la veuve Vill ev aud elle-même, la cause déterminante
de l ’acte q u ’elle a consenti était la pièce fausse, qui
lui serait parvenue p a r v oie indirecte
et p a r d ’autre
personne que le co lo n el. E n admettant cette explica
tion , comment ce dernier pourrait-il être responsable
de l ’erreur de la V i l l e v a u d ? ..........
Mais la veuve V i l l e v a u d n ’était poi nt satisfaite •
elle aspirait à la c él é b ri té , v o u la it faire d u b r u i t , et
j
�■
espérait
'
(
56
)
q u ’ une grande publicité
rendrait
sa cause
meilleure, en ajoutant à la gravité de ses diffamations.
C on tr e toutes les convenances et tous les usages reçus,
sur-tout en matière civile, un article est inséré dans
u n des journaux d u département', la veuve Ville vaud
y est peinte comme une victime du dol et de la fraude
pratiqués par le colonel.......... Ce-derni er pouvait ré
pondre -, mais il a d ù dédaigner de pareils moyens ,
laisser son adversaire goûter l ’affreux plaisir attaché à
la méchanceté satisfaite , et attendre avec calme et
respect sa justification de la justice de la Co ur.
D ISCU SSIO N .
L ’analise exacte et raisonnée des faits de la cause
faisant parfaitement
connaître
l ’esprit de passion ,
d ’injustice et de haine qui a animé la veuve V i ll e v a u d ,
. lors des poursuites q u ’elle a dirigées contre le colonel
C h a m b a u d , e t les s e n t i m e n s généreux q ui dirigeaient
ce dernier, lors des actes q u i l u i o n t été consentis,
ainsi que son défaut d ’intérêt à rien faire de nuisible
à la veuve V i l l e v a u d , il semble que toutes explications
ultérieures seraient inutiles pour faire repousser l ’appel
de cette femme.
Cependant,
po u r ne
rien laisser à dés irer,
examinera
les différentes questions
présenter;
et,
q ui
on
peuvent se
pour plus de c l a rt é , on divisera la
discussion en différons p a r a g r a p h e s q u i auront pour
objet de démontrer :
Que la demande de la veuve V i ll e v a u d excédant
�i 5 o francs, et cette femme n ’ayant jamais été. dans
l'impossibilité de se procurer un titre , ne peut y
suppléer par la preuve par témoins;
20 Que l ’intérêt de la veuve Vill ev a ud étant d ’avoir
une h yp oth èque , l ’acte du 27 janvier 181/j- lui était
avantageux ;
que
d ’ailleurs
le
colonel
C h am b aud
n ’ayant aucun intérêt à lui nuire, et étant au contraire
grandement intéressé à la conservation des ses droits,
ne peut être supposé avoir coopéré à aucune fraude;
3 ° Q u e , dans les circonstances de la cause et dans
la position ou se trouvaient les parties, les principes
repoussent toute idée de dol et de fraude;
4 ° E n f i n , et dans tous les cas, que les faits articulés
par la veuve V i l l e v a u d , soit ceux antérieurs à l ’acte
du 27 janvier, soit ceux qui ont accompagné cet acte,
soit enfin ceux q ui l ’ont s u iv i, ne sont q u ’un tissu de
contradictions et de mensonges.
§ IerL a dem ande de la veuve V d le v a u d ex cé d a n t 1 £>0f r . y
et cette fe m m e n ’a yan t jamais é t é dans l isipossi
b i l i t é de se procurer un TITRE, ne p eu t être admise
à y sup p léer p a r la preuve p a r tém oins.
Les principes qui servent à prouver cette proposition
,S0nt simples et laciles à établir.
L ’article i 3 / | i
d u C o d e civil v e u t q u ’ il soit passé
acte de va n t notaire ou sous signature p r iv é e , de toutes
8
�choses excédant la somme ou valeur de i 5 o francs.
L a loi n ’admet d ’autre
exception à cette règle,
que le cas oii il y a commencement de preuve par
écrit (Gode civ il, article 1.347), et cel u i où il y a eu
impossibilité de se procurer une preuve littérale.
( C o d e c i v i l , article i 3 /|8 ).
La
veuve Vi ll ev a ud ne peut point invoquer la pre
mière exception, puisque sa demande est de 10,862 fr.
20 centimes, et q u ’elle ne rapporte aucun commen
cement de preuve par écrit : il convient donc de se
fixer sur la seconde.
L ’ordonnance de Moulins gardait le silence sur ce
point -, la cause en était sans doute que personne
n ’étant tenu à l ’impossible, on ne peut reprocher de
n ’avoir point de preuve par écrit à celui qui n ’a pu
s’ en procurer : Im p ossibilium n u lla o b lig a tio , dit la
loi 1 8 j j f . D e rcgulis ju r is .
deux excep
tions fondées sur l ’impossibilité de se p r o c u r e r des
L ’o r d o n n a n c e d e
1 GG7,
en établissant
écrits dans une nécessité pressante, la première « pour
« dépôt nécessaire, ru in e , tu multe ou naufrage, ou
« en cas d ’accidens imprévus » (a rt . 3 , titre 2 0 ) , la
seconde « en cas de dépôt fait entre les mains de l ’hôte
« ou de l ’ hôtesse en logeant dans une hôtellerie » ,
11’énonçait point le principe général auquel ces excep
tions doivent se rattacher; mais il est évident que
c’étaient des cas restés dans les termes du droit commun,
où l’admission de la preuve testimoniale ne devait
avoir d ’autres bornes que la
prudence
des juges , la
�loi n ’ayant pu la défendre. C ett e doctrine, fondée sur
la raison, a été développée, il y a plus d ’uu siècle,
par un grand magistrat, M. l ’avocat général Joly de
F l e u r y , qui établit que les cas d ’ impossibilité ne sont
point des exceptions, mais bien des cas q ui n’ont ja m a is
é t é , qui n ’ont ja m a is pu être compris dans la prohi
bition (i ).
C e silence de notre ancienne législation devait être
remarqué par un esprit aussi judicieux que celui du
savant P o t h ie r; aussi cet a u t e u r ,
pour
faire cesser
cette omission, propose-t-il deux principes qui ont
en tr ’eux une corelation in t im e ,
et dont les consé
quences bien déduites peuvent suffire pour résoudre
toutes lés questions sur l ’admissibilité de la preuve
par témoins.
L e premier principe est « que celui q ui a pu se
« procurer une preuve par écrit n ’est pas admis à la
« preuve testimoniale , pour les choses excédant la
« valeur de 100 francs » ( a u j o u r d ’hui i 5 o fra n cs ). —
( T r a it é des Ob lig ation s, n° 7 5 i ) .
L e second principe est « que toutes les fois qu il n ’a
« pas été possible de se procurer une preuve é c r it e ,
« la preuve testimoniale est admise ». ( V o y e z id e m ,
n° 77 5 )L ’article i 348 du Code civil a recueilli ces règles,
et leur a donné force de loi. Il établit e n f effet une
(i)
Plaidoyer du a août 1 7 0 6 ,
des Audiences.
I
rapporte à sa dalc au Journal
�exception à la prohibition de la preu ve , « tontes les
« fois q u ’ il n ’a pas été possible au créancier de se pro« curer une preuve littérale de l ’obligalion qui a été
« contractée envers lui ». E t pour empêcher
tonie
méprise sur le genre d ’impossibilité que la loi désigne,
le législateur donne de suile des exemples propres à
développer le principe q u ’ il a posé, à faciliter sa jusle
application,
et à développer,
par les conséquences
q u ’on en peut tirer, ainsi que par les analogies, quelle
est la nature des impossibilités qui d i s p e n s e n t de sc
procurer un éc rit, et qui permettent de faire admettre
la preuve testimoniale.
Ainsi l ’article 1 3 48 nous apprend que l ’exception
, q u ’ il établit s’a p p l iq u e ,
i° A u x obligations q ui naissent cles quasi-contrais
et des d élits ou quasi-délits ;
■ 20 Aux dépôts n é c e s s a i r e s faits en cas d ’in cen d iey
ruine, tum ulte ou n a u fra g e, et à ceux faits par les
voyageurs en logeant dans une hôtellerie ;
3 ° A u x obligations contractées en cas iVaccidens
im prévus , ou l ’on ne pourrait pas avoir fait les actes
p a r écrit ;
4 ° A u cas oii le créancier a p erdu le titre qui lui
servait de preuve litté r a le , par suite d ’ un cas f o r t u it ,
im p rév u , et résultant d ’une f o r c e m ajeure.
O u pourrait examiner si les cas prévus dans cet
article sont restrictifs ou simplement én o n cia lifsy mais
nne pareille question serait oiseuse dans
l ’espf Ve
par
ticulière, pu isq ue , en considérant ces cas comme de ^
�sim p le s
exe m p les
3 il est impossible que la veuve
Vi llevaud puisse se placer dans une analogie q ui lui
soit
f av or a bl e .
E n effet :
L a veuve V i ll e v a u d et le notaire Girard figuraient
seuls dans l ’acte du 27 janvier 1814? cIa ^ avait pour
objet de faciliter la libération de Fonghasse, et de
donner à la veuve le domaine de la Garandie pour
hypothèque : le colonel C h a m b a u d n ’était point partie
en cet acte; quelles obligations ce titre pouvait-il donc
imposer à un étranger ;} rl o u t son effet 11e devait-il pas
se restreindre aux parties contractantes? et si la veuve
Vi llevaud avait reçu du colonel une promesse de ga
rantie,
ne devait-elle point se procurer une preuve
littérale constatant cet engagement, et fixant ses suites
et ses effets?
L a veuve Vi ll ev aud ne peut se placer dans aucune
exception; sa position n ’ava it , en effet, rien d ’extraor
dinaire; elle traitait avec un de ses concitoyens, avait
pris tous les renseignemens propres à l ’éclairer, passait
avec Girard un acte par-devant notaire; et si le colonel
devait y figurer comme garant, 11 etait-il pas naturel
que la veuve Ville vaud exigeât q u ’il y devînt partie,
ou q u ’au moins il souscrivit uu -engagement parti
culier ?
I l n ’y avait à cet égard aucune difficulté à vainc re,
puisque la veuve V i l l e v a u d (page 7 de son Mémoire)
nous apprend que le c o lo n el était chez C h e v a lie r, le
37 janvier 1 8 1
4 5 et
q u ’il est effectivement
certain
�( 62 )
q u ’il y parut pour remettre à cette femme le sursis
q u ’il lui avait promis; conséquemment, toutes les
parties étant en présence, les explications étaient fa
ciles, et rien n ’était plus simple que à 'e x ig e r un titre
d u co lo n el com m e g a ra n t, ou de ne p a s traiter avec
G irard.
Cela devient bien plus évident, quan d on considère
que la veuve Y il le v a u d reconnaît q u ’elle sentait ellemême la nécessité d ’avoir un titr e , et q u ’elle n ’aurait
point traité sans l ’écrit q u o n l u i fit. p a r v e n i r , et q u i
lu i paraissait sign é p a r C ham baud (Voy. le Mémoire,
page G).
Suivant elle, la promesse du colonel lui
serait donc parvenue avant le 27 janvier; mais, à
cette ép o q u e , se trouvant avec lui chez C h e v a lie r,
au moment décisif, lorsqu’elle allait contracter avec
G i r a r d , que ne s’expliquait-elle avec le colonel Cliamba ud sur un billet de garantie donné sans o b je t , et
q u ’elle tenait, n o n pas tlu c o l o n e l , mais q u i lui serait
parvenu p a r v o ie in d irecte?
Dans l ’ordre ordinaire des choses, tout cela serait
inconcevable; mais quan d on connaît les faits de cette
cause, les explications deviennent faciles. L a veuve
V ill e v a u d n ’a obtenu du colonel C h am b a u d que la
note à consulter, q ui lui a servi h prendre les renseignemens qui lui étaient nécessaires; elle n ’a reçu do
lui aucun conseil, et encore moins la promesse d ’au
cune garantie. L a fausseté de la pièce déposée chez
INI* C a v y est aujourd’ hui reconnue; les variations do
la veuve Ville vaud prouvent s u f f i s a m m e n t q u elle l ’c|.
�.
( 63 )
fait fabriquer , ou q u ’au moins elle en a usé sciem
ment. A quoi donc doivent servir cette p iè ce , ces
faits, aveux et variations, s’ils ne prouvent point que
le colonel n ’avait contracté aucun engagement envers
la
veuve
Y i l l e v a u d ; que s’ il avait promis une garantie,
elle serait établie par ti tr e,
puisque la veuve avait
senti la nécessité d ’en avoir u n , et q u ’il lui était f a
c ile de l ’obten ir; q u ’enfin c’est cette nécessité même
qui a porté la veuve V i ll e v a u d à commettre une action
criminelle, pour se donner les moyens de diriger une
action contre le colonel ?...........
S II.
V in té r ê t cle la veuve V ille v a u d étant d 'a v o ir une
hy p oth èq u ej l ’acte d u 27 ja n v ie r 1 8 1 4 lu i était
avantageux. — L e co lo n el n ’avait aucun intérêt h
nuire h cette fe m m e y il était s au contraire} inté
ressé à la conservation de ses droits.
L a preuve de cette double proposition est facile à
faire.
O n s’assure de l ’ intérêt de la veuve Vill ev a ud à
souscrire l ’acte du 27 janvier 1B 145 fIl,i
donnait
une hypo th èq ue , en se fixant sur sa position an té
rieure, qu il iaut apprécier avec les principes les plus
élémentaires.
L a vente consentie par Girard à la veuve V i l l e v a u d
est du 21 juillet 1808; il y est dit que le vendeur
�( <54 )
lie pourra recevoir le dernier paiement qu'en f o u r
nissant hypothèque p o u r la to ta lité, ou en donnant
caution. U n e condition si essentielle n ’a été consentie
par Girard que par l ’acte de i 8 i 4 L ’obligation du i 3 mai 1809 était consentie, par
le sieur F on g h a sse, en laveur de G irard. L a
V ille v a u d n ’y
veuve
était poin t partie. C e t acte lui était
absolument étranger, et les déclarations et stipulations
q u ’ il contient 11e pouvaient lui profiter
qu elle les aurait formellement acceptées.
q u ’autant
E n f i n , la quittance du 12 mars 1812 est donnée
par la veuve V ille v a u d à G ira rd : le sieur Fonghasse
11 y com paraît point ; de manière que les énonciations
q ui y sont contenues ne pouvaient produire a son
égard aucune obligation.
L a position de la veuve Vi ll ev a ud étant connu e, il
iaut consulter les principes.
« On peut s t i p u l e r a u p ro f it <l’ un tiers, lorsque
« telle est la condition d ’une stipulation que l ’on fait
« pour soi-mème.......... C e lu i q u i a f a i t cette stip u la
it lion ne p eu t p lu s la r é v o q u e r s i le tiers a d é cla r é
« v o u lo ir en profiter ( C o d e civil, article 1 1 2 1 ) .
« L e cessionnaire 11 est sa isi, à l’égard du tiers, que
<1 par la signification du transport, f a it e au débiteur,
<, — Néanmoins, le cessionnaire peut également être
« saisi p a r l'a ccep ta tion du transport, f a it e par le
« d é b ite u r ,
parm i
acte authentique (Code c i v i l ,
« art. 1G90).
« «57, avant que le cédant ou le cessionnaire en(
�( 65 )
« sign ifié le transport au déb it eur ,
c e lu i-c i avait
a p a y é le cé d a n t, il sera 'valablem ent libe/e » ^Codc
c i v il , article 1691).
Tels sont les principes. Ils exigent si rigoureusement
la signification du transport par le cé da nt, ou l'ac
ceptation du déb it eur , q u ’ il a été jugé q u ’on ne peut
prendre inscription sans acceptation préalable et for
melle, et q u e , dans aucun cas, l'inscription ne peut
être réputée acceptation et en tenir lieu (1).
Il faut actuellement revenir sur la position de la
veuve Villev aud . Girard devait lui fournir une hypo
thèque ou une caution : elle n ’avait obtenu ni l ’ une
ni l ’autre.
Girard avait stip u lé p o u r elle dans l ’obligation d u
i3 mai 1809; mais cette stipulation pouvait être ré
voquée, la veuve V ille v a u d n ’ayant p oin t d é c la r é
v o u lo ir en profiter.
L ’énonciation comprise dans la quittance du
12
mars 1812 , donnée par la veuve Vill ev aud à G i r a r d ,
était absolument étrangère à Fongliasse, qui pouvait
valablement se libérer entre les mains de Girard et de
tout
cessi onnaire
qui aurait pris la précaution
negligee
par la veuve V i l l e v a u d , de signifier le transport ou
de le fa ir e accep ter p a r le débiteur.
Ainsi la veuve V i ll ev a u d n ’avait ni hypothèque
ni c a u tio n , ni garantie; elle devait vivement désirer
(1) Voyez Sirey, tomo 10 , partie 1” , page 209.— D enevcrs, tome 8,
partie 1” , page 269.
9
�une de ces sûretés, et ne pouvait céder à aucune im
pulsion ou sollicitation étrangère, lorsqu’elle acceptait
l ’aftectalion hypothécaire
qui lui était
donnée par
l ’acte du 24 janvier 1 8 1 4 j acte q u i , dans tous les cas,
n ’é t a i t , de la part de G i r a r d , que
l ’exécution
de
l ’obligation q u ’il avait contractée , par la vente du
2.1 juillet 1808, de fournir une hypothèque à la veuve
Villevaud .
Mais était-il de l ’intérêt du colonel C h am b au d de
tromper cette veuve ?
D ’abord le colonel n'était point créancier de Gira rd ,
avec lequel d ’ailleurs il n ’avait rien de commun.
La
veuve Vill ev aud lui devait, au contraire, une somme
de Gooo francs, par obligation du G avril 181 0; celle
obligation avait pour principale hypothèque le pré ,
acquis par la V i l l e v a u d , de G i r a r d , le 21 juillet 1808;
et peut-on supposer que le colonel eût voulu pratiquer
une fraude pour se nuire ¿1 lui-ninnc et perdre sa
créance, si la daine Dalb ia t exerçait une action hypo
thécaire, et si les hypothèques légales absorbaient la
fortune de Girard ?
Ces réflexions, en prouvant les deux propositions
que
l ’on a voulu examiner
dans
ce
paragraphe ,
ajoutent une nouvelle force aux moyens déjà développés
dans le premier, et rendent plus pressante la nécessité
où se trouverait la veuve Vi ll ev a ud de prouver par
litre la promesse de garantie q u ’elle soutient lui avoir
<‘té iuiic par le colonel, garaulie que^
da ns
les cir-
�( g7 )
constances, celtc femme n a p u ni désirer ni demander,
et que le
col on el
n ’avait aucun intérêt à lui offrir.
S III.
D a n s les circonstances de la cause } et dans la position
où se trouvaient les parties 3 les principes repoussent
toute idée de d o l et de f r a u d e .
Les circonstances de la cause et la position des,
parties ne pouvaient faire supposer que le colonel
C h a m b a u d aurait à répondre à une action de dol et
de fraude. Etranger à l ’acte de 18 1 4 ? n ’y ayant aucun
in té rêt, comment serait-il garant de ses suites? L a
veuve
Vi lle vaud ne rapporte aucun titre; elle en est
réduite à la note à consulter qui lui a été donnée par
le colonel C h am b a u d : comment cette n o te, destinée
à éclairer cette femme sur ses véritables intérêts, et
qui , sous aucun rapport , ne pouvait l ’induire en
erreu r,
servirait-elle
de fondement à la singulière
demande q u ’elle a formée ?
Q u ’enseignent les principes?
L e dol an nul le la convention , parce q u ’il produit ou
entretient l ’erreur q ui détruit le consentement dans son
principe (Code c i v i l , art. i 109). Mais pour que l’erreur
détruise le consentement, i l f a u t q u e lle soit déterm i
n a n te, et que les artifices ou finesses aient pour objet
d'induire la personne contre
qui
elles sont pratiquées à
une convention p r é ju d ic ia b le ........ , ou à la détourner
d ’une chose utile ( L o i 1 , § 2 , j f . D e dolo m a lo .).
�f G8 )
Mais, pour q u ’ il y ait ouverture à une action pour
cause de d o l , il ne suffit pas q u ’il y ait eu des fin esses
et des artifices pratiqués pour induire q u elq u ’ un à une
convention préjudiciable, ou le détourner d ’une chose
u t i l e , il faut encore que celui q u i se plaint puisse
prouver q u ’i l n a p u se garantir des embûches q u i lui
étaient tendues; autrement il ne saurait soutenir q u ’il
y a eu d o l , puisque, d ’une p a r t , il peut arriver que
celui qui serait présumé l ’avoir pratiqué eût été trompé
comme l u i , et q u e , de
l ’a u t r e ,
il a u r a i t
à. s’imputer
la faute d ’avoir négligé de s’éclairer, quand il le pou
v a i t , sur ses véritables intérêts, et de n ’avoir point
examiné les faits sur lesquels reposaient les craintes ou
les espérances qui l ’ont in du it à une a c t i o n , ou l ’en
ont détourné.
L ’intention de tromper est le principal et même
l ’ unique caractère auquel on puisse distinguer le dol ;
aussi il n ’ y a p o i n t de d o l , si une partie a été trompée
sans que son erreur puisse être attribuée à personne :
c ’est ce qui le distingue de la faute : D o lu s , ciun adest
lœ d en d i animus, cu lp a , fa c tu m inconsultum quo a lteri
nocetur.
Les lois et les jurisconsultes font une distinction
entre le dol réel, d o lu s re ip sd , cas dans lequel on est
trompé par la chose plutôt que par la pe rs on ne, et
si n u llu s d o lu s intervenu s tip u la n ts, sed res ipsa in se
tlolum habet (loi 3 6 , J f. D e v . o
b
et le dol déter
minant ou in cid en t, le dol personnel, d o lu s m alus
q u i dcdit causant con tractui. ( l l n b c r u s auJ/< D e dolo
m a lo , n° /j ; Y o ë t , c o d ., u°» 3 et /j).
�h e d o l incident et personnel opère la nullité radi
cale de l ’a c t e , et donne ouverture à une a c t i o n , parce
que les manœuvres qui ont été pratiquées l’ont seules
déte rm iné, et en ont été l ’unique cause; mais le d o l
réel n ’est point une cause de n u l l i t é , parce que la
volonté de la partie contractante n ’a été déterminée
par aucun artifice q u ’elle ne p û t découvrir; q u ’elle
s’est elle-même trompée sur les accessoires de son enga
gement , sur la chose ou sur le p r i x , et q u ’elle a k
s’imputer de n ’avoir pas pris toutes les précautions qui
pou vaient faire cesser son ei’reur.
L a loi ne voit ni fraude ni d o l , là où celui q u i
se plaint a à se reprocher sa faute, son imprudence,
ou une confiance excessive. Elle' ne peut venir au
secours que de ceux qui ont été victimes d ’artifices ou
d ’embûches dont toute la prudence humaine n ’a pu les
garantir; autrement il y a lieu à l ’application de la
maxime V ig ila n tib u s ju r a subveniunt.
Ces principes sont ceux de la C o u r de cassation,
q u i , dans un de ses arrêts, pose comme maxime « que
« les prom esses fa lla c ie u s e s ne sont pa s d o l y que
« celui qui en est victime ne peut a ccu ser que sa
« confiance excessive y q u ’en conséquence il ne peut
« invoquer la preuve testim o n ia le, sous p rétexte de
« d o l et de fr a u d e . » ( i )
( 1 ) 2 avril 1 8 1 2 . — Cassation.— T u r i n . — S i r o y , to m e i 3 , partie 1” ,
page 1 4 6 .— D e n cY crs, Ionie 1 1 , p a itic 1” , page m .
�( 7° )
Voici l ’espèce de cet arrêt :
U n e propriété rapportant 3 £>oo fr. de revenu avait
été vendue 16,000 f r . , avec stipulation de la faculté
de rachat pendant deux ans. L ’acquéreur entretint le
vendeur dans l ’espérance de lui rétrocéder les objets
v e n d u s , même après l ’expiration du délai apposé à la
faculté de réméré; il empêcha même le vendeur d ’em
prunter la somme qui lui était nécessaire pour exécuter
ce rachat. U ne instance s’étant engagée, la C o u r de
T u r in crut voir dans ces faits un dol et une fra ud e, et
en ordonna la preuve.
Mais l ’acquéreur se pourvut en cassation, et soutint
que l ’arrêt avait violé les articles 1 3 4 1 ? i 346 et i 348
du Code civil, et avait admis une exception qui n ’était
point portée dans les article 1 347 et 1 3 48 du même
Code.
L e vendeur répondait à ces moyens par l ’exception
de dol.
Mais la C o u r de cassation
cassa
l ’arrêt de la C o u r
de T u ri n , par le double m oti f q u ’il y avait contraven~
tion à V article treize cent quarante-un du C o d e civil,
en ce que cette C o u r avait admis une preuve que la
loi rejetait, contre et outre le contenu en un acte, et
d ’ un fait allégué après l’acte; q u ’ il y avait également
fa u s s e application de l ’article
voilée sous
1111
i
3 /j 8 du C o d e civil,
vain prétexte de dol et de
fraude,
puisque le vendeur pou vait avoir la preuve . littérale
du fuit art iculé; q u ’il ne pouvait se plaindre ni de dol
�(
71
)
ni de frau d e, mais bien accuser sa faute et son im
prudence.
L ’application de ces principes est facile à faire.
L a veuve Yil lev aud prétend avoir été trompée sur
la valeuj du domaine de la G a r a n d ie , et sur l ’exis
tence des hypothèques grevant cette propr ié té.— Mais
d'abord la veuve Y il le v a u d se plaint d ’un d o l réel qui
ne pouvait donner ouverture à aucune action; ensuite
elle po u vait , pour la valeur du domaine, prendre des
renseignemens sur les l ie u x , s’assurer au bureau des
hypot hèques, qui est p u b li c , s’il existait ou non des
inscriptions sur la Garandie, et consulter des avocats
relativement aux hypothèques légales. Si elle n ’avait
point pris ces précautions, elle aurait commis une
faute et une imprudence, mais elle ne pouvait accuser
personne de dol ou de fraude.
L a note à consulter qui lui avait été remise par le
colonel devait lui servir de guide et la diriger dans les
renseignemens q u ’elle avait à prendre. Si elle s’cn fût
rapportée aux énonciations contenues dans cette note,
et q u ’elle eût été trompée, elle ne p o u v a it , d'après les
principes, accuser le colonel C h am b a u d de dol et de
frau d e,
puisque ce dernier pouvait s’abuser comme
elle sur la véritable valeur du domaine de la Garandie,
et sur 1 existence des inscriptions, et que les éclaircissemens a prendre sur ce point la regardaient exclusi
vement. Mais les indications données par le colonel
étaient exactes, et sont justifiées par le rapport des
acquisitions et des baux à ferme. L a veuve Y i l l e v a u d
�I 72 J
avait use de cette note pour prendre des renseignemens
ultérieurs sur la valeur du domaine,
ainsi que le
prouve la déclaration de Charles Constant. L e notaire
Chevalier avait retiré pour elle un certificat négatif du
bureau des hypothèques. L ’hypothèque légale avait
pour sûreté d ’autres biens plus que suffisans pour la
garantir. L a veuve était donc parfaitement éclairée;
et l ’on cherche v a in e m e n t , en droit comme en f a it ,
quels motifs ont pu la porter à accuser le colonel do
dol et de fraude.
S
IV.
L e s f a it s a rticu lés p a r la veuve V ille v a u d , soit c e u x
antérieurs à l'a cte d u 27 ja n v ie r , soit c e u x q u i ont
accom p agné cet a c te } soit enfin c e u x q u i l ’ont
s u iv i 3 n ’étant q u ’ un tissu de contradictions et de
m ensonges} la
p r e u v e no s a u r a i t
en être adm ise.
L ’exposé raisonné des faits de cette cause, et les
détails q u ’a nécessités la discussion à laquelle on s’est
déjà liv r é , doivent dispenser de rentrer dans l ’examen
de leur ensemble; e t , pour ne pas user de redites ou
de répétitions inutiles, on se bornera à examiner, dans
ce paragraphe, quelques-uns des faits qui n’ont pu
trouver place dans le plan que l ’on s’était proposé, et
à quelques réflexions relativement à ceux sur
la veuve Vi ll ev aud insiste le plus
servent de base à ses objections,
fortement,
l es qu el s
et
qui
�( ?3 )
Q uan d a u x fa its antérieurs à l ’acte du 27 janvier
1 814 ,
On sait que le colonel n ’avait avec Girard aucune
liaison d ’afï’ection ni d ’ailaires; q u ’ il n’avait aucune
relation avec C h e v a lie r, et que la veuve Y i l l e v a u d ,
au contraire, accordait toute sa confiance à ce dernier,
dont elle se faisait honneur d ’être la protégée. L a
communauté d ’intérêts qui existait entre Girard et
C hevalier est également c o n n u e •, et l ’on sait comment
le colonel, créancier de la veuve Y i l l e v a u d , q u ’il vou
lait contraindre au remboursement, fut induit à lu i
accorder un dél ai, et comment il lui donna une note
à consulter, propre à l ’éclairer sur la valeur réelle du
domaine de la G aran d ie , q u ’elle devait recevoir en
hypothèque de G ir a r d , et sur les inscriptions qui pou
vaient peser sur ce bien.
Rien n est plus simple que l'enchaînement de ces
faits, et plus propre à prouver la franchise du colonel
et la loyauté de sa conduite ; cependant la veuve insiste
et soutient q u ’en souscrivant l ’acte du 27 janvier 1 8 1 4 ,
elle n ’a fait que céder aux sollicita tion s et aux menaces
du co lo n el.
Mais quelles sollicitations le colonel C h a m b n u d ,
absolument étranger aux affaires de G i r a r d , grande
ment intéressé au contraire à la
pr os pé ri té
de celles de
"Villevaud , a-t-il pu lui adresser, pour la porter à
un acte nuisible, et dont les funestes efi’ets devaient
rejaillir sur lui-même? U n e pareille supposition n ’estelle pas invraisemblable? peut-elle être accueillie par
10
�( 74 J
un esprit judicieux , lors même que la fausseté du
fait sur lequel elle repose 11e serait pas démontrée, et
q u ’il 11e serait pas p r ou vé, par le rapport de la note à
consulter, que le colonel, bien loin de faire aucunes
sollicitations à la veuve V i ll e v a u d , n ’ a f a i t que céd er
¿1 ses in sta n ces, en lui donnant les renseignemens per
sonnels q u ’il pouvait avoir, et en lui délivrant une
note propre à la diriger dans les éclaircissemens ulté
rieurs q u ’elle avait à se procurer ?
Quelles sont les menaces du colonel, qui ont pu
porter la veuve V ill ev aud à contracter avec Girard^
S ’en laissait-elle im poser p a r la q u a lité de maire ? .......
— Mais le colonel exerçait ces fonctions en 1806, et la
veuve Vi ll ev a ud ne craignit point de lui intenter un
procès pour le défrichement d ’un chemin !
L e craign ait-elle com m e d é b itr ic e ? ........... — ■Mais
précisément cet te q u a l i t é devait la mettre à l ’abri de
toute espèce d ’em b ûch e, si t o u t e f o is le colonel eut été
capable d ’en tendre, puisque sa créance avait pour
hypothèque principale le pré D a l b i a t , à la garantie
'duq ue l le domaine de la Garandie devait être affecté
par l ’acle de 1 8 1 4 ’•
A -t-e lle é té d écid ée p a r la m enace de fa ir e p a rtir
son f i l s ? — Mais , comme l ’ont observé les premiers
juges, le colonel C h a m b a u d n ’était point membre d u
conseil de révision ; comme m ai r e , il n’y avait pas
même voix consultative. D ’ un autre co té, les infir
mités du jeune Villevaud rendaient sa ré/orme indis
pensable; enfin les opérations du ce conseil étaient
�( 7* )
terminées dès le "i!\\ et l a c t é souscrit par la veuve
V i ll ev a u d est du 27 janvier 1 8 1 4 * Aucunes menaces
relatives à la conscription ne pouvaient donc influencer
sa détermination.
Mais encore tous ces faits seraient moins des ruses
et des artifices constituant le dol et la fraude , que
des actes de violence; et à quelle époque cette violence,
le pouvoir et l ’influence du colonel C h a m b a u d au
raie nt-ils cessé? L a conscription était abolie dès le
11 avril 18145 le colonel avait cessé d ’être maire en
juillet
i
8 i 5 ; la veuve V ill ev au d s’élait libérée le 1 6
février de la même année : elle n ’avait donc plus rien
à craindre; et ira-t-on supposer q u e l l e eut gardé le
silence ju sq u’au 12 juin 1 8 2 0 , et q u e l l e se fut laissé
prévenir par les poursuites du colonel relatives à la
pièce fausse q u ’elle osait produire, dans la circonstance
sur-tout ou la déconfiture de Girar d était connue et
publique par sa disparition, qui remonte au 11 no
vembre 1 8 1 5 .
E nfin la déclaration de la veuve Villevaud (V oyez
son Mémoire, page 6) fait cesser toutes difficultés re
latives à l’ influence de ces sollicitations et menaces.
Suivant e lle -m ê m e , elle n ’a cédé q u ’à Y écrit fju ’on
lu i J it parvenir : cet écrit serait donc la véritable
cause de son engagement; mais comme la fausseté de
cette pièce est au jo u rd ’ hui reconnue; que les variations
et les mensonges de la veuve Villevaud ne permettent
pas de se méprendre sur l’auteur de ce f a u x , lu
ïuiualilé de ce fait sert à lout expliquer; e t , se réunis-
�( 7g )
sant aux autres circonstances de la cause, elle doit
prouver à l ’esprit le plus prévenu, que la veuve Y il levaud n ’a pas du craindre,
pour nuire au colonel ,
d ’ajouter à une action coupable tout l ’odieux d ’une
calomnie.
Les circonstances qui se rattachent im m édiatem ent
à l ’acte du 27 janvier 1814 étaient des plus simples.
C e t acte fut reçu par Chevalier. C e notaire pro
dui si t, comme la veuve Y il l e v a u d le reconnaît ellem ê m e , un certificat négatif d ’ i n s c r i p t i o n s s ur les biens
de Girard. L e colonel avait promis à sa débitrice un
sursis d ’un an; il parut un moment chez Chevalier
pour faire la remise de cette pièce : la veuve Y il le v a u d
veut tirer parti de cette circonstance, et cote dans son
Mémoire (page 9 ) , comme fait nouve au , et qui n ’a
pas été soumis à l ’examen du tribunal de C le r m o n t ,
« q u ’après la confection de l ’acte, et lorsqu’elle se fut
« retirée, C h a m b a u d , G i r a r d e t Chevalier entrèrent
«
dans une cham bre
à
c ô té , d ’où ils sortirent
après
« un entretien s e c r e t et que le sieur C hevalier dit
« à son m a ître-clerc, en présence de C h a m b a u d et de
« Girard : V o u s ne fe r e z l'inscription
« Y il l e v a u d
de la veuve
sur le domaine de la Garandie , que
« quand on v ou s le dira. »
D ’abord ce (ait, tel q u ’il est présenté, est insigni
fia nt, et ne prouve rien contre le colonel; et comme le
dol et la fraude ne se présument pas, q u ’ils doivent
être clairement prouvés, la veuve Villevaml
ne
pour
rait les établir que par des faits tellement posiliis ,
�( 77 )
q u ’ils pussent résister à toute autre interprétation; et
q u ’a p p r e n d -
elle ? Que Cham baud entra dans
une
cham bre à c o t é , avec G irard et C heva lier; q u ’ ils en
sortirent après un entretien secret. — Us étaient donc
sans témoins? Quel était leur entretien? était-il secret?
avait-il pour objet les affaires de la V i ll e v a u d , ou des
choses indifférentes
et qui
lui fussent absolument
étrangères? A u ta n t de questions q u ’il est impossible
d ’éclaircir.— M ai s, à la s o r t ie , Chevalier dit à son
maitre-clerc : V o u s ne fe r e z rinsci'iptioTi que quand
on v o u s le d ir a .— -Que signifie encore cela ? N ’esl-il
pas naturel q u ’ un notaire se réserve la direction des
affaires de son cabinet, q u ’il les ordonne, qu il les sur
veille? et dans les expressions prêtées à Chevalier y at-il un seul mot qui puisse prouver, et même faire
supposer q u ’ il ne serait pas pris d ’inscription dans
l ’intérêt de la veuve V i ll e v a u d ?
Mais cette assertion est encore une invention et une
calomnie odieuse de la part de la veuve Villev au d. A u
27 janvier 1 8 1 4 ? Ie maître-clerc de Chevalier était
M e Pinea u, homme recommandable sous tous les rap
ports, et aujourd hui notano a Saint-Cieimain-Xjain—
brou.
L o r s q u e
le Mémoire d e l à veuve Vi ll ev aud parut,
le colonel, qui n’avait aucune preuve à redouter, sentit
cependant la nécessité d ’expliquer sa conduite en fait,
et de dévoiler l'abominable intrigue dont 011 voulait
le rendre victime. L ’avocat q u ’il avait honoré de sa
confiance exigeait d ’ailleurs des éclaircissemens ; des
questions furent en conséquence adressées à M e P i n e a u ,
�(78 )
q u i, le iG février 1 8 2 2 , répondît « q u ’il ne se rapu p ela it p a s la présence du colonel, et encore moins
« sa participation auæ prétendus f a i t s rapportés au
« Mémoire de la veuve Y i l l e v a u d , et qui ont suivi
« im m édiate men t, dit-on, la confection de l ’acte de
« transfert » (1). Cependant ce fait était assez no
ta b le, cette conversation assez singulière pour frapper
l ’attention j et il est probable que si elle eut existé,
celui qui recevait la recommandation q ui en était
l ’objet se la s er ai t rappelée.
Les circonstances postérieures à l ’acte du 27 janvier
ï 81 4 ? et colles qui se rattachent à l ’acte de transport
de l ’obligation, fournissent encore quelques objections
h la veuve V ille vaud .
On se rappelle les eflorts de Girard et de Chevalier
pour négocier l ’obligation Fonghasse, efforts renou
velés même après le transport qui avait été fait aux
sieurs C h a m b a u d $ on s a i t a u s s i les causes q ui ont
porté le colonel C h a m b a u d à accepter la cession de la
moitié de cette ob lig ati on , et comment il en a payé
le prix dàns les intérêts du sieur B o u c h o t, auquel il
voulait être ut il e ; il est donc inutile de revenir sur
des faits aussi clairement établis, et de s’arrêter aux
objections q u ’ ils détruisent.
Mais la veuve Y i l l e v a u d pose en fait que la cession
qui transfert la créance Fonghasse au sieur C h am b a u d
(1) Cette lettre Cit au dossier,
�( 79 )
est du même jour que l ’acte qui lui donne une hy
pothèque sur le domaine de la Gaiàndie.
dates détruisent cette assertion.
Mais les
L ’hypothèque
ac
cordée par Girard à la veuve V ill ev au d est du 27 jan
vier 1 8 1 4 j
cession de 1’obligation est du 5 février
( n e u f jours après) ; et comme un acte authentique
fait toujours, par l u i - m ê m e ,
foi de sa date , toute
autre explication serait in utile, si le colonel , pour
mettre de plus fort en évidence la mauvaise foi de
son adversaire, 11e rapportait un extrait du répertoire
de C h e v a lie r, oii l ’on trouve quatorze actes intercalés
entre ceux des 27 janvier et 5 février 18 j 4Il
ne
faut pas revenir sur le retard apporté à
l'inscription
de la veuve "Villevaud; il a ete suffisam
ment établi que cette omission était du fait de cette
veuve ou de Chevalier son conseil, et q u e , sous a u c u n
rapport, elle ne peut être imputée au colonel, qui ,
au contraire, en a exigé la réparation aussitôt q u ’il
a pu la connaître.
On pourrait même se dispenser
de nouvelles explications sur le fait articulé par la
veuve V i l l e v a u d , pour la première fois à l ’audience ,
( j u ’e l l e a é t é s o l l i c i t é e d e r e m e ttr e L E S D E U X b i l l e t s
<jxie l u i avait, d o n n é s le c o l o n e l ,
s’ il 11e se présentait
un rapprochement frappant, qui montre tout à-la-fois
que la veuve V ill ev a u d a en son pouvoir les deux
pièces dont elle parle , et que le colonel n’a pu eu
réclamer la remise, une d ’elle étant insignifiante 011
absolument favorable à ses intérêts ,
étant absolument inconnue.
et l ’autre lui
�'£$1
( 8o )
E n effet, il est prouvé q u ’il existe deux pièces au
procès : la première est la note à consulter, donnée
par le colonel à la veuve Villevaud : c ’est elle qui ly.
rapporte 5 le colonel la reconnaît et s’en empare. O n
a pu apprécier combien les conséquences qui s’en dé
duisent sont peu favorables à celle qui la produit.
L a seconde est la pièce déposée par la veuve V ill ev aud
chez M c C a v y ; et comme cet écrit est faux; que la
veuve reconnaît elle-même q u ’il n'est ni écrit ni signé
p a r le c o l on el , c o m m e n t cc d e r n i e r l ’ a u r a i t - il d e
mandée, ne pouvant la connaître? C om m en t même,
la connaissant, l ’aurait-il réclamée, puisque ,
sous
aucun r a p p o rt, elle ne pouvait lui être opposée ?
A u rés u m é,
L a demande de la veuve V i ll ev a u d est non recevable
et mal fondée.
NoN-RECEVA.ni,r..— P u i s q u e , é t a n t de 10,862 francs
5o centimes, sa demande deva it, aux termes de l ’ar
ticle 1 3 4 r du Code c i v i l , être fondée sur 1111 titre;
que la veuve V i ll e v a u d , 11e pouvant se placer dans
aucune des exceptions prévues par les articles 1.347 ° ’t
1 3 4 8 du même C o d e , n ’ayant jamais été dans Finir
possibilité d ’obtenir un litre du colonel, chose qui lui
était au contraire très-facile, si ce dernier eut contracté
des engageinens envers elle. L a veuye V i ll e v a u d , ayant
au contraire senti et reconnu la nécessité d ’avoir <:o
t i tr e , puisque,
à l ’appui de sa demande,
elle
en a
produit un q u ’elle a ensuite été obligée d ’abandonner
�( 8 0
comme faux , ne saurait avoir d ’action contre le colonel
Chambaud.
M al
f o n d é e
.
— Parce que la veuve Vill ev aud avait
intérêt à recevoir l ’ hypothèque qui lui était accordée
par l’acte d u . 27 janvier 1814? puisque antérieurement
elle n ’avait ni h y p o t h è q u e , ni caution , ni garantie de
la sûreté de la vente que lui avait consentie Girard des
prés provenant de la dame d ’A l b i a t ;
colonel C h a m b a u d ,
parce
que le
bien loin d ’avoir intérêt de lui
n u i r e , devait au contraire, comme son créancier, et
ayant
pour hypothèque le pré d ’A l b i a t , désirer la
prospérité de ses affaires, et tout ce qui pouvait con
solider la propriété de cet héritage entre les mains de
sa débitrice : double circonstance qui rend invraisem
blable et détruit toute allégation de dol et de fraude
contre le colonel ;
Parce que la loi et les principes ne permettent pas
de regarder comme des ruses ou des artifices consti
tu ant le dol et la fraude , l ’erreur dans laquelle la
veuve V illev aud serait tombée relativement à la valeur
du domaine de la Garandie et des hypothèques q u i
pouvaient grever cetie propriété , quand bien même
les éclaircissemens q u ’elle aurait pris n ’auraient eu
d ’autre fondement que la note à consulter qui lu i
avait été remise par le colonel;
Parce q u e , enfin, les faits articulés par cette femme
ne présentent rien de pertinent; que la veuve V i ll e
v a u d , sans cesse en contradiction avec elle-même,
dément ou détruit ses propres assertions; que ses men-
�(8 , )
songes répétés, la pièce fausse dont elle a sciemment
fait us age , les artifices dont elle a constamment u s é ,
entourent sa cause d ’une juste défaveur, qui ne permet
pas à la justice de s’éloigner des règles, pour permettre
à la veuve Y il l e v a u d de hasarder la preuve de ses diffa
mations et de ses imputations calomnieuses.
L e colonel C h a m b a u d a enfin rempli la tâche q u ’il
s’ était imposée. L a dignité de la Justice et le respect
q u ’il lui porte ont du modérer les élans d ’une trop
juste sensibilité.
Victim e
de
la m a c h i n a t i o n
la plus
perfide et la plus atroce, il a dù en développer toutes
les causes avec modération, en faire connaître tous les
ressorts, sans se livrer toutefois k aucun sentiment de
haine ou de vengeance. Les détails dans lesquels il est
entré peuvent présenter quelque lo ngu eu r; mais les
effets de la calomnie sont si difficiles k détruire! L e
empoisonné, lancé par une main cr iminelle, part
avec ra p id it é , a t i e i n t l a v i c t i m e , la frappe comme
l ’éclair qui précède la fo u d re ; et si l a b le ss ur e n ’est
trait
point morte lle, elle est au moins longue et difficile k
g u é r ir , et trop souvent la cicatrice reste.
L ’indignité de la conduite de la veuve V ill c va ud a
été telle, son insistance k nuire si prononcée, que le
colonel C h a m b a u d aurait pu désirer une satisfaction
plus complète, et l ’obtenir de la justice de la C o u r ,
en interjetant appel incident du ju g e m e n t , et en pre
nan t des conclusions propres k faire supprimer les
écrits q ui le diffament et le calomnient. Mais que
peuvent signifier les déclamations de celle femme? Sou
�( 83 )
délire , sa bassesse et sa méchanceté sauraient-ils
atteindre u n homme d ’honneur, q ui devait des expli
cations à ses amis et à ses concitoyens........ , mais qui
doit être assez généreux pour ou blier et pa rd o n n er?
C e Mémoire aura sur-tout produit tout son e f f e t ,
s’il désabuse le jurisconsulte honorable qui a été la
première v i c t im e d 'a r t if ic es auxquels la bon t é et la
simplicité de son coeur ne pouvaient résister. L e plus
beau triomphe d u colonel serait de forcer la conviction
r
et de commander l ’estime de cet homme respectable :
toutefois i l ne désire pas q u ’il se repente, q u ’aucuns
remords, aucun ch agrin ne viennent troubler le cours
d ’une si belle v i e ! ........ mais q u ’au moins il apprenne
à mieux placer ses bienf aits, et que cet exemple lui
r a p p e l l e , pour
ne l ’oublier jamais , cette maxime
morale de Térence :
B en efa cta m ale c o llo c a ta m a lefa cta existim o.
L e Chevalier C H A M B A U D .
M e Jn. - C h. B A Y L E ainé , ancien A v o ca t.
M e B R E S C H A R D , A v o u é -L ice n cié .
ERRATA.
P age 1 1 , ligne 2 1 , au lieu de 1809, lisez 1812.
l b i l. Au lieu de la veuve V illevaud donne quittance à G ira rd , lisez
Girard donne quittance à la veuve V illevaud.
Page 13 , ligne 2 5 , au lieu de décembre, lisez novembre.
R IOM; IMPRIMERIE DE S ALLES; PRÈS LE PALAIS DE
JUSTICE»
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chambaud.1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Breschard
Subject
The topic of the resource
notaires
dol
biens nationaux
créances
hypothèques
magistrats municipaux
abus de faiblesse
conscription
fraudes
illettrisme
doctrine
faux
experts
arbitrages
notables
domaines agricoles
opinion publique
chantage
infirmes
banqueroute
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, Pour le sieur Chambaud, Chevalier, Colonel d’État-Major, en retraite, Officier de l'Ordre royal de la Légion d'honneur, habitant de la ville de Clermont, intimé ; contre Jeanne Aubignat, veuve de Pierre Villevaud, Propriétaire à Royat, appelante. Quem sua culpa premet, deceptus omitte tueri. At penitus notum si teutent crimina, serves, tuterisque tuo fidentem praesidio. Horat., epist. 18.
Annotations manuscrites. « 13 octobre 1822. preuve ordonnée ».
Table Godemel : Dol : 3. lorsque les faits mis en preuve auraient, s’ils étaient prouvés, le caractère de dol, fraude, séduction et violence mis en usage dans la vue d’engager une partie à abandonner ses droits, pour en profiter à son préjudice ; les juges peuvent admettre la preuve testimoniale, aux termes des articles 1116 et 1382 du code civil. – on ne peut opposer, en ce cas, les dispositions de la loi qui interdisent toutes preuves contre les conventions faites entre parties ou contre des obligations dont l’objet excéderait 150 francs, parce qu’en matière de fraude, dol, séduction et violence, il ne dépend pas de la partie contre laquelle ces moyens ont été pratiqués, de se procurer une convention ou des preuves qui aient pu l’en mettre à l’abri.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1791-1822
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
83 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2615
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2614
BCU_Factums_G2616
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53530/BCU_Factums_G2615.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Royat (63308)
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113 )
Aydat (63026)
Lagarandie (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
arbitrages
banqueroute
biens nationaux
chantage
conscription
Créances
doctrine
dol
domaines agricoles
experts
Faux
fraudes
hypothèques
illettrisme
infirmes
magistrats municipaux
notables
notaires
opinion publique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53525/BCU_Factums_G2610.pdf
094a58f0221d70fbf3dfec89e46cbf00
PDF Text
Text
MEMOIRE
A CONSULTER
POUR
le
sie u r
V I N D R I N E T , P ro p rié ta ire
et Maire
de la Co m m u ne de V a li g n y - le - Monial , C a n t o n
de
Cer illy ,
Département
de
l ’A l l i e r ,
Prévenu
et Appelant
CONTRE
M o n s ie u r
l e
PROCUREUR D U RO I, Plaignant
et intimé.
A
'J i exercé les fonctions de maire pendant plusieurs années ; je suis
propriétaire d ’ u n e f o r t u n e assez considérable ; ma réputation d’homme
d'honneur est intacte : toutes les autorités civiles et religieuses, ainsi
que les notaires du canton où j ’habite se sont plu à attester ma mora
lité , ma fidélité et ma délicatesse dans tous les actes de ma vie civile et
politique ; et cependant une poursuite en escroquerie, dirigée et sou
tenue contre moi par l e ministère p u b l i c , poursuite dont toutefois j e
�ne conçois ni le m otif ni le b u t, est venue compromettre à-la-fois ma
fo rtu n e , ma tranquillité et mon honneur.
Ma position est singulière. U n acte de ven te, consenti par moi à
un tiers, vente dont je demandais l’exécution, et dont la validité no
m ’a point encore été contestée par celui avec lequel j ’ai contracté, a
servi de prétexte aux poursuites du ministère p u b lic ; et la convention
la plus ordinaire et la plus commune de la vie a été regardée comme
une escroquerie pratiquée de ma pari contre mon acquéreur. Je sais que
la bonne foi de l’ une des parties ne suffît pas pour garantir l ’exécution
d ’ un contrat; e t , quoique la vente dont il s’agit ait été acceptée libre
ment par mon acquéreur, et qu ’elle lui soit avantageuse, je n’aurais
rien trouvé d ’extraordinaire à ce qu ’ il eût essayé de la faire annuler
par les voies civiles. Mais ce que je ne conçois pas, c’est qu ’en respectant
1 acte qui le lie envers m o i, il ait trouvé le moyen de me le faire imputer
a délit, et que la vindicte p u b l i q u e m ’ a i t frappé comme escroc, quand
ma vente existe toujours, et que môme rien n’ a été fait pour parvenir
à l ’anéantir.
Il me serait impossible de concilier des choses et des idées aussi dis
parates : je crois avoir été plpcé hors des règles ordinaires, et mis dans
une exception créée exprès pour moi ; je crois également, en ne con
sultant que ma raison , que je suis victime d ’ u n e e r r e u r judiciaire qui
me serait Lien funeste , si elle ne pouvait ôtre réparée. Mais comme
mon ignorance des lois et mon intérêt personnel peuvent également
m ’éloigner de la vérité, je viens la demander à des jurisconsultes aux
quels je vais faire connaître les faits dans toute leur exactitude.
Comme je l’ai d i t , j’étais maire de la commune de V a lig n y , où
j ’habite. L e sieur Moingcard est percepteur de la môme commune , et
demeure à A in a y , petite ville peu éloignée du bourg de Valigny.
J’étais propriétaire de deux maisons situées dans le bourg de Valigny.
L ’ une d’e lles, remarquable, dans le canton, par sa beauté, son agré
ment et ses aisances , devait ôtre vendue pour me libérer d ’une somme
de 8000 fra n cs, que je devais au sieur P c titje a n , de C erilly , mon
unique créancier : il était important pour moi de faire ce rembourse
ment. En conséquence, à la fin de novembre, ou au commencement do
décembre 1821 , j’annonçai, par des afliches, la vente de cette maison
et de quelques autres propriétés.
Je connaissais ppu le sieur Moingcard ; mais les contribuables sc
plaignaient journellement de sa perception ; il* me remettaient chaque.
�jour des quittances qui paraissaient prouver qu’ ils avaient payé des
sommes en sus de leur cote. Je crus qu ’il ¿tait de mon devoir d’en
prévenir le sieur M oingeard, et de l’ inviter à faire cesser cet abus.
Mes remontrances ne produisirent aucun effet. De nouvelles plaintes
et de nouvelles remises de quittances fixèrent bientôt mon attention , et
je crus qu’ il était de mon devoir d’instruire l ’autorité.
M . T u r r a u l t , contrôleur des contributions, vint à cette époque à
V a lig n y ,
pour y faire l ’état des mutations. Je lui fis connaître les
plaintes que plus de soixante contribuables avaient portées contre le
percepteur; je lui remis les quittances qui m’ avaient été rapportées.
L e sieur Moingeard fut appelé ; sept quittances furent vérifiées en sa
présence, et prouvèrent que ce percepteur avait reçu 57 fr. 93 c. de
plus que ce q ui était exigé par son rôle.
M. le contrôleur des contributions ne voulut point continuer cette
vérification; il en donna pour raison qu ’ il devait préalablement instruire
M. le d irecteu r, et se r e tir a , en promettant q u ’ i l r e v i e n d r a i t trèsprochainement.
Ceux des contribuables dont les quittances avaient été vérifiées ne
manquèrent pas de faire connaître les résultats auxquels M . le contrôleur
était arrivé. Cette opération , devenue p u b l iq u e , dut causer une grande
rumeur dans tout le bourg de V aligny. Les exactions du percepteur
paraissaient demontrees ; on s expliquait sur son compte sans aucune
espece de ménagement ; m oi-mèm e, pressé par la foule des contribuables
de faire la vérification de leurs q uittances, comme me le prescrivait
la lo i, j ’ai pu faire connaître ma pensée sur la conduite du percepteur.
Je mis cependant la plus grande circonspection dans mes démarches.
J’étais obligé de céder à la volonté des.contribuables, q u i , en deman
dant à être vérifiés, ne faisaient qu ’ user de leurs droits; mais, d 'u n
autre côté, je craignais que mon peu d ’expérience de la comptabilité
ne nie fît commettre quelques erreurs. E n conséquence, pour concilier
les devoirs de mes fonctions et les ménagemens que je voulais avoir pour
le percepteur, j ’écrivis, le 4 mars 18 2 2 , à M. le receveur particulier;
je lui G» connaître les plaintes des contribuables , lui parlai des résultats
de la vérification commencée par M. T u r r a u l t , contrôleur , et lu i
demandai un commissaire ad h o c ,
opération.
pour faire ou continuer cette
Cependant, depuis quelque le m s , le sieur Moingeard paraissait so
dégoûter de sa perceptiou ; il avait môme trai ti de çct cm plo; aycc
�4 J
le sieur Fressanges fils , habitant à Teneuil ; il annonçait qu’ il voulait
vendre sa maison d’A in a y , et se retirera la campagne, où il pourrait
plus utilement et plus commodément reprendre le négoce du Lois qu’ il
avait q u itté, et dont il s’occupait avant sa nomination à la place de
percepteur. L e bourg de Valigny lui parut propre à ses spéculations;
il résolut d ’y fixer son dom icile, et désira devenir acquéreur de ma
m aison, dont la vente avait été annoncée par affiches des la fin de
l ’année 1821.
Les projets du sieur Moingeard étaient connus; déjà il avait visité
plusieurs fois ma maison; il savait que j ’en étais propriétaire à titre
d ’échange, et qu ’elle me revenait à plus de ■jGoo f r . , prix d’acquisition.
Je lui avais prouvé que j ’y avais fait des constructions et des réparations
qui en avaient considérablement augmenté la valeur; il savait que
le prix du loyer était insignifiant pour le prix de v e n te , parce que cette
maison avait appartenu à u n propriétaire que le mauvais état de scs
affaires avait porté à consentir des beaux simules, de la m o i t i é de la
valeur au moins des objets affermés; de manière qu ’en se présentant
p our acquérir, le sieur Moingeard traitait avec moi en grande connais
sance de cause ; et il sait bien qu ’à notre première et à notre seconde
e n tre v u e , nous fûmes loin d ’être d’accord sur le prix de cette maison,
et que je lui en demandais alors une somme bien plus considérable que
celle pour laquelle je la lui ai ensuite abandonnée.
Pendant ces négociations, quelques personnes demandaient à M. le
sous-préfet la place de percepteur du sieur Moingeard ; ce fonctionnaire
répondait que ce percepteur ne voulait pas vendre ; mais comme ceux
qui voulaient succéder ail sieur Moingeard disaient que les plaintes
nombreuses qui avaient été portées contre lu i, et les malversations qu ’ il
s’ était permises, le mettaient hors d ’état d’exercer désormais ses fonc
tions , M. le sous-préfet m ’ayant fait a p p e le r, je crus remplir un devoir
et rendre hommage à la vérité , en attestant ce que les plaintes des
contribuables, le rapport de leurs quittances, et la vérification de
M . le contrôleur des contributions m'avaient appris.
Il avait enfin été arrêté que la position du sieur Moingeard vis-àvis les contribuables serait examinée. L a vérification devait être faite
par M. le receveur particulier, et avoir lieu à la mairie de V a lig n y , où
se réuniraient les personnes qui avaient porté des plaintes conlrc le
percepteur. Mais bientôt I\l. le sous-préfet ayant dé>iré être présent à
cette opération, la fit renvoyer de huitaine , c ’cst-à-dirca u 21 mars ,
�époque a laquelle il devait s’ occuper du recru tem en t, et décida qu’elle
serait faite à C e r i l l y , chef-lieu de canton dont dépend la commune
de Valigny. J ’e x p l i q u e r a i bientôt l’ influence que ce retard et ce chan
gement de lieu ont pu avoir sur cette vérification.
Je ne pouvais apprécier ni connaître les motifs d’inquiétude et de
terreur qui agitaient le sieur M oingeard, et qui lui faisaient redouter
une v é r i f i c a t i o n que tout comptable exact et délicat doit plutôt désirer
que craindre. Quant à m oi, j ’avais des devoirs à remplir, et je croyais
y avoir satisfait en prévenant l ’autorité, et en la mettant à même d’ agir.
Sans intérêt personnel dans cette vérification , je n’avais aucune affection
ni aucune liaine ù satisfaire. Délivré de toute responsabilité, comme
maire, par l ’avis que j ’avais donné à M. le receveur, le sieur Moingeard
ne pouvait rien espérer ni rien craindre de moi ; et comment ma pro
tection lui aurait-elle servi ou mon inimitié lui aurait-elle n u i, si sa
perception était en r è g le , et s i, dans l ’exercice de ses fo n c tio n s , i l
s’était constamment conformé aux devoirs simples et i m m u a b l e s qui lui
étaient prescrits , soit envers le G o u v e r n e m e n t , soit envers les contribuab les? L e sieur Moingeard ne savait-il pas d’ ailleurs q u e , de mon
clief et personnellement, je n’avais jamais voulu faire aucune vérifi
cation, quoique mes fonctions, non seulement me le permissent, mais
m ’en imposassent même le devoir ?
Q uoi qu’ il en s o i t , le sieur Moingeard était parfaitement instruit de
tout ce qui pouvait l’interesser relativement à la perception ; je lui avais
fait connaître les plaintes des contribuables, et les démarches que j’avais
cru devoir faire auprès de l ’autorité ; il savait que sa place était de
mandée par plusieurs compétiteurs; que la vérification de sa position
avec les contribuables devait être faite, le 21 mars, par M M . le receveur
et le sous-préfet réunis; il était donc bien instruit q u ’il ne pouvait rien
attendre de moi ; et s’ il continuait les négociations relativement à l’acquisition qu ’ il voulait faire do ma maison , c ’était en vue des avantages
particuliers qu’ il y trouvait , et non dans l’espérance de se faire un
protecteur ou de désarmer uu ennemi exigeant.
De mon c ô té , je no voyais ni ne pouvais voir aucun empêchement
légal ou moral à ce que je fisse avec le sieur Moingeard un contrat
tel qu un acte de vente. J’avais rempli mes devoirs comme maire ;
comme particulier, il ne pouvait m’être défendu de vendre à celui
même que j ’aurais poursuivi avec le plus de ligueur. Aussi le sieur
Moingeard m’ayant fait de nouvelles instances , uous nous mîmes
�(
6
)
d ’accord sur le prix et les conditions; le 20 mars 1822 , la vente fut
arrêtée et rédigée sous seing privé.
L e prix fut fixé h une somme de 10,600 francs en principal , et
2'î.o francs d ’épingles. Cette somme devait être mise à ma disposition
par deux billets à o r d r e , au moyen desquels la vente porterait q uit
tance. Mais comme Moingeard promettait de payer les 84 o francs à un
terme très-rapproché, il fut convenu que l’acte de vente ne mentionne
rait que 10,000 fr.
Mes intérêts me parurent exiger une autre précaution. J’ai dit que
j ’étais débiteur d u sieur Petitjean , de Cerilly , d’ une
sommo de
8000 francs : j ’ avais l ’intention de lui faire compter une partie du prix
de la vente de ma maison , voulant finir de me libérer envers lui avec
d’autres ressources ; et comme le sieur R ic lie t, mon beau-frère , ha
bitant à C e r i l l y , était chargé de payer le sieur P e titjea n , je désirai
que 1 un des effets f i t p a s s é à son ordre : ce qui fut accepté par lo
sieur Moingeard.
E n conséquence, le 20 mars 1822, le sieür Moingeard rédigea et
écrivit lui-mêine tous les actes dont nous étions convenus ; et s’il a
donné aux billets à ordre la date du lendem ain, 21 , ou c ’est par suite
d’ une erreur dont je ne m’aperçus p a s , ou par d’autres motifs que je
ne pouvais alors connaître.
L a vente est d’une maison , cave au-dessous, hangard , grange ,
étable , cour, jardin à la suite, clos de mur. L e prix est de 10,000 f r . ,
dit reçus comptant. Il est convenu que le fermier jouira jusqu'au
11
novembre 1825 ; enfin il est dit que l ’acte sera passé par-devant notaire j
h la première réquisition de l’une des parties.
Les deux billets s o n t, l ’un de 584 o francs, valeur reçue co m p ta n t,
à l ’ordre du sieur R icliet, payable le 3 o courant. Plus tard, le sieur
Ricliet m’a passé l’ordre de cet effet; l’autre, qui fut directement fait
à mon o r d r e , par le sieur Moingeard , est de 5ooo francs, valeur pour
solde d ’ une maison, et à échéance le 11 novembre suivant.
J ’ai dit plus haut que la vérification de la position du percepteur
envers les contribuables devait d’abord avoir lieu à V alig n y , et être faite
par M. le receveur particulier; qu ’ il avait été ensuite arrêté que cette
opération serait retardée de h uita in e, et qu ’elle serait faite à C e r illy ,
en présence de M. le sous-préfet, qui devait se rendre au chef-lieu
pour le recrutement. N e m'attendant pas à ce c h a n g e m e n t , j ’avais
convoqué les con trib u a b le s U la mairie de V a li g n y , pour le jour qui
�(
7
)
avait été détermine par M. le receveur particulier. Ils s’y étaient rendus;
mais lorsque que je leur fis connaître le changement de volonté des
deux fonctionnaires dont la vérification
dépendait , ils montrèrent
beaucoup d'humeur et de mécontentement, et dirent qu’ ils aimaient
mieux supporter une perte que d’aller demander justice à deux lieues
de leur domicile. Tous refusèrent de se rendre à Cerilly , et la plupart
d’entr’eux retirèrent même leurs quittances.
I l était facile de prévoir que ce changement de volonté de la part
des contribuables serait avantageux au sieur Moingeard. Je me rendis
toutefois a C erilly ; je remis entre les mains de M . le receveur les
quittances dont j ’étais porteur, ayant le plus grand soin de les déposer
dans l ’ordre et telles qu’elles m ’avaient été données. Interpellé par
M. le sous-préfet, je répondis q u e , personnellement, je n’avais aucun
reproche à faire au sieur Moingeard , et que la vérification seule pouvait
apprendre si ce percepteur avait des torts envers les contribuables, ou
s i , au contraire , les plaintes de ces derniers é t a i e n t m a l fondées et
injurieuses. M . le receveur s’occupa immédiatement de cette opération1,
en présence du sieur Moingeard. Il reçut ses explications, reconnut
que ce comptable avait perçu plus que ce qui était dû ; mais en même
tems il crut devoir considérer ces excès de perceplion comme des erreurs
excusables. M. le receveur ordonna toutefois la restitution de différentes
sommes dont je devais être dépositaire ; et comme je croyais avoir
rempli mes devoirs envers mes administrés, et que d’ailleurs je devais
penser qu ’il avait été satisfait à tout ce que la justice pouvait exiger,
je signai le procès-verbal qui fut dressé de ces opérations, sans me
permettre aucune autre réflexion , et me retirai.
K ’ayant plus à m’occuper de celte affaire, je laissai aux autorités qui
m’étaient supérieures, et qui en avaient le p ouvoir, le soin de fixer le
sort du percepteur.
L e sieur M o ingeard, qui avait assisté à la vérification, qui en con
naissait les résultats, qui savait parfaitement que l ’opinion de M. le
receveur particulier ainsi que celle de M. le sous-préfet lui étaient
favorables, et qui conséquemment ne pouvait avoir aucune crainte,
me p a ya , le 28 mars, une somme de 7G0 fr. 75 c. , à cumple sur le
prix de ma maison, en ine disant que c’était tout l ’argent qu ’il avait
à sa disposition pour le moment ; et j’émargeai ce paiement sur le billet
qui m’avait été fait sous le nom de mon beau-frère.
Jo ne puis pénétrer reflet que put produire sur l’esprit du sicu c
�( 8)
Moingeard l'heureuse issue de son affaire. Ne voulait-il d'abord quitter
la perception que parce qu ’il craignait d ’être destitué? Cette crainte
ayant cessé, désirait-il la conserver, et ajouter les bénéfices certains
q u ’elle lui p ro cu rait, aux revenus de capitaux qui ne sont point entre
scs mains une matière inerte? Je ne sais rien de ses projets; mais tout
ce que je puis attester, c’est que le premier effet étant venu à échéance,
le sieur Moingeard me demanda des délais , et me fit pressentir qu ’il
désirait reculer l’époque de scs paiemens, chose que je ne pouvais ni ne
voulais lui accorder.
Les choses étaient dans cette position, et je pressais le sieur M oin
gcard pour obtenir le paiement du premier b ille t, échu le 3 o mars,
lorsque, le 12 avril 18 22 , je reçus une lettre de M. le receveur par
ticulier, qui m’annonçait que M. le préfet avait reconnu que les résultats
de la vérification étaient en faveur du sieur Moingeard ; que les erreurs
reconnues notaient qu’ involontaires, cl que rien n ’annonçait que ce
comptable eût voulu les faire tourner à son profit. M . le receveur
m ’ invitait en conséquence à remettre de suite aux divers contribuables
les quittances que j ’avais entre mains à l’époque des vérifications, en
leur comptant en même teins le montant des petites erreurs, que le
percepteur me r e m it, et provenant des frais faits , et que le percepteur
n’ avait point mentionnés sur ces quittances.
J'acquiesçai à cette invitation. Je remis aux contribuables leurs quit
tances. Mais comme le sieur Moingeard s’était retenu le montant des
petites erreurs, je le chargeai d ’en faire lui-même la distribution; e t, si
l ’opinion publique ne m ’a pas tro m p é , je dois dire que non seulement
il a été exact dans ces restitutions, mais encore qu ’ il en a fait bon
nombre d’autres plus considérables, qui devaient faire cesser d’anciennes
plaintes ou en éviter de nouvelles.
Cependant j ’ insistais pour obtenir du sieur Moingeard le paiement de
mon premier billet à ordre. Je 111e lassais d ’accorder des délais, et allais
le
poursuivre, lorsque je reçus u n e lettre de M. le procureur du Roi
près le tribunal de M ontluçon, qui me disait que j'avais dénoncé M oin
geard comme concussionnaire ; que la vérification des registres de ce
comptable avait prouvé que ma dénonciation était sans fondement, et
qu’elle était le fruit de la légèreté et de la haine. « Mais, c o n t i n u e
« M. le procureur du R o i, ce qui me parait un crime excessivement
«
répréhensible, c ’est t/il'on ni’ a dit (pie, p r o f i t a n t t i c la terreur que vos
« menaces ont inspirée au sieur M oingeard, vous lui avez fait souscrire
�( o )
« deux effets (le 5ooo francs chacun , dont le premier a pour cause la
«
vente d ’une maison , et le second , un prêt prétendu fa it par vous ou
« M . R ic h e t,
v o ir e
beau-frère. M. Richet déclare n ’avoir jamais rien
« prêté au sieur Moingeard : tout le monde sait que vous n’ êtes p a s à
« même de le faire. Ce second billet n’ est donc de votre p a rt, si les
« r a p p o r t s ;qui me sont faits sont vrais, qu'une honteuse et criminelle
k
e s c r o q u e r ie .............
Vous avez c h e rc h é , dit-on , a effrayer ce percep-
« teur par la perspective des peines auxquelles vous lui disiez qu ’ il allait
« être condamné; et vous avez profité d’ un moment de trouble pour lui
« faire souscrire un effet qui n’a d ’autre cause que votre effroyable
« cupidité. Je vous engage, Monsieur, à me faire connaître, le plus tôt
« possible , quelles raisons vous prétendez opposer à la dénonciation qui
« est faite contre vous; et si elle est fondée, comme je le crains, je
« vous invite à remettre sur-le-cliamp , au souscripteur, le billet dont il
« s’agit.
« Je serai à Montluçon jeudi prochain ; mais je n’y serai que ce jour« là de toute la semaine. »
Cette lettre, qui est du 3 mai, ne m ’est parvenue que le 16 du même
mois; de manière que je ne pus me rendre auprès de M. le procureur
du Roi au jour qu’il avait bien voulu m’ indiquer.
Il était évident que M. le procureur du Roi avait été trompé. Je
n ’ayais point dénoncé le sieur Moingeard. Comme maire, j ’avais dit faire
connaître a l ’autorité les plaintes des contribuables : je l ’avais fait sans
légèreté et sans haine. L a vérification du 2 février, et celle du 12 avril
1822 , prouvent que ces plaintes 11’ étaient pas sans fondem ent ; et il
n ’appartenait pas à un maire aussi peu exercé que je le suis en matière
de comptabilité, de décider que des sommes indûment payées par les
contribuables , à quelque titre que ce f û t , et encaissées par le percep
teur, qui ensuite a été obligé de les restituer, n ’étaient que de petites
erreurs involontaires, lorsque mes administrés persistaient à qualifier ce
fait à.'exaction.
Mais ce qu ’il y avait de plus odieux dans les on dit auxquels M . le
procureur du lloi avait cru devoir accorder confiance, c’était de pré
tendre que l’ un des effets n ’ a v a i t d ’autre cause que la terreur que j ’avais
inspirée à Moingeard ; que le premier seul représentait le prix de la
vente de ma maison. E t quel pouvait être l ’auteur de ces on d it, si ce
n’est le sieur Moingeard lu i-m ê m e , q u i , calculant sur la crainte que
peut faire n a ître , dans le cœur d’ un honnête horam o , la menace d ’une
�poursuite en escroquerie, me faisait inviter à lui remettre un de ses
b ille ts , ce qui le rendait propriétaire de ma maison pour la moitié du
prix convenu ?
J ’avais bien des clioses à répondre. D ’abord la plainte d’un comptable
de petite c o m m u n e, qui craint tellement une vérification, que , pour
l ’éviter ou se la rendre favorable, il s’impose de suite un sacrifice de
584 o francs envers un maire qui ne peut ni lui n u i r e , ni lui être utile,
était assez singulière. IN’est-il pas évident que M. le procureur du R oi
aurait pu sentir la nécessité d’ob tenir, par des moyens plus dou x,
e t , ce sem b le, plus convenables , envers un fonctionnaire bonoré ,
comme l u i , de la confiance du G o uvern em en t, des explications qui
auraient pu fixer ses idées et éclairer sa religion? D ’un autre c ô té , la
vente du 20 mars prouvait que le prix réel de ma maison était de
10,000 francs; et comme Moingeard 11e disait pas qu ’il me l ’eût p ayé,
il était évident que les effets consentis le jour m ôm e, ou le lendemain ,
ne faisant que représenter ce prix, ne pouvaient être attaqués, j u s q u ’a u
moment où la vente elle-même aurait été annulée. Je savais encore que
la demande en rescision pour cause de lésion ayant été introduite uni
quement dans les intérêts du ven deur, et ne pouvant être invoquée par
l'acheteur, le sieur Moingeard ne p o u v a it, sous aucun rapport, se faire
un moyen , contre sa convention , de la s o m m e à laquelle cette maison
aurait été portée , quelqu’exagéré que pût en être le prix ; mais comme
mon honneur était compromis, et que je prétendais à une justification
et à une réparation complettes, je répondis, le 17 m ai, à 31. le pro
cureur du R o i , et lui dis que je me rendrais auprès de lui le jour qu'il
voudrait bien indiquer; que je désirais que mon calomniateur assistât
à cette entrevue pour le confondre ; j ’ajoutais : « Q uant a la vente dont
« il est question dans votre le ttre , je vous prio de cesser de croire
n qu’elle soit un crime............. Il est absolument faux que j aie profité
« de la terreur où se trouvait Moingeard pour lui vendre ma maison....
(t Ces billets ne sont que le prix de l ’objet que je lui ai vendu ; e t ,
n pour vous prouver que je n’ ai point bénéficié sur cet o b j e t ,
«
S O UM ET S
A EN
FAIRE
FAIRE
^ E STIM ATIO N
je
me
PAR EXPERTS. »
Je dus alors m’arrêter à l ’idée de faire régulariser ma venie, et de ne
demander le paiement des deux billets , que comme représentant le p n x
de cette même vente; mais avant to u t, je désirais éclairer M. le pro
cureur du Roi. Depuis long-tcms j'attendais sa r é p o n s o avec la plus vive
impatience, lorsq u e, le 2S juin 18 2 a , M. le substitut du procureur
�( II )
du Roi m’ccrivit qu'à son retour d’ un voyage de six semaines, il a ^ i t
trouvé daus les papiers du païquet ma lettre du 17 mai ; qu il lui
paraissait que cette lettre ne me justifiait point des faits graves que l ’on
me reprochait ; qu’ il importait d’entendre les parties pour éclaircir cetlo
afiaire. E n conséquence, il m’ invitait à me rendre à M ontluçon,
le 8 juillet , et a me trouver chez lu i à onze heures du mptin ,
me prévenant qu’ un même avertissement avait été donné au sieur
Moingeard.
Je fus exact à un rendez-vous si vivement désiré. Je vins clioz M. le
substitut du procureur du R o i , qui me présenta chez M. le sous-préfet,
ou je trouvai M. le receveur particulier et le sieur Moingeard. L ’cxplicalion eut des détails, et mes reproches au sieur Moingeard furent
amers. M. le sous-préfet me proposait d’annuler la vente moyennant
indemnité ; en cas de re fu s, il me menaçait même de destitution ; mais
rien ne pouvait me faire accéder à un arrangement que je regardais
comme déshonorant pour m o i , et q u i a u r a i t été la preuve de la
manœuvre qu ’on m ’imputait. De son côté , M. le substitut du procureur
du Roi s’étant r e m i s sous l e s y e u x ma lettre du 17 m ai, me demanda
si je persistais dans mon offre de faire estimer la maison. Sur ma îéponse
affirmative, Moingeard dit qu ’il ne voulait pas de la m aison , parce
qu ’ il n’avait pas le moyen de la p ayer; et m o i, indigné de tant de
mauvaise f o i , d’audace et de p erfid ie , je m’écriai alors que s’ il était
question de prêter de l ’argent à intérêts usuraires, les fonds ne man
queraient pas au sieur M oingeard; qu ’au reste les choses demeureraient
en l’état où elles étaient. Les esprits ne pouvant plus que s’échauffer
et s’aigrir, je pensai que la prudence et le respect que je devais aux
personnes chez qui nous étions reçus et qui nous écou ta ie n t, in’ imposaient le devoir de terminer cette explication , et je me rôtirai de suite.
J’ai rapporté avec exactitude et fidélité ce qui s’est pasté dans cctlc
entrevue; elle est-la seule qui ait eu lieu devant les fonctionnaires que
je viens de nommer ; et je ne crains pas qu’ aucun d ’eux , et plus particu
lièrement M. le receveur particulier, puisse attester qu ’avant ou après
cette entrevue, je les aie e n t r e t e n u s de cette affaire.
Je donnai quelque tems de réflexion au sieur Moingeard
Enfin
lassé (le scs délais, je lui fis faire , le 9 octobre 1822 , une sommation à
se trouver lo 12 , chez un notaire , pour passer acte public de la vente
du ao mars.
Cet acte mettait le sieur Moingeard parfaitement à l ’aise. S ’il avait
�des moyens à faire valoir contre la verçte du 20 m ars, il pouvait les
employer; les tribunaux civils devaient les apprécier; mais le sieur
Moingeard se rendait justice à lui-même. U ne lutte corps à corps ne lui
convenait pas; et il préférait, en se mettant à l’ccart, se servir d’ une
main étrangère pour me frapper.
L e 11 octobre, deux jours après ma sommation , et la veille de celui
fixé pour comparaître devant le no taire, le sieur Moingeard porta
plainte au procureur du R.oi. Je parle ici de cette p ièce, pour 11e pas
intervertir l ’ordre des dates ; c a r , quelques efforts que j’aie pu faire , il
m ’a été impossible de connaître cette plainte, et d’en avoir communi
cation avant le jugement par défaut qui m’a condamné.
L e sieur M oingeard, sans se porter partie civile, prétend q u ’ayant
refusé de me prêter de l ’a rg e n t, il est devenu l’objet de mes calomnies,
de mes vexations et de mes menaces ; qu’à mon instigation , les contri
buables ont cessé leurs paiemeus , ce qui l’avait mis en arrière de 7.^00 fr.
sur l ’exercice 1821. Ce qui l ’avait spécialement efl'rayé, c’était, disait-il,
ma correspondance où je lui parlais du mécontentement des contri
buables, de leurs dénonciations, en le menaçant de le faire vérifier;
que celte mesure de vérification solennelle, ordonnée par M. le receveur
particulier, conjointement avec M. le sous-préfet, avait inspiré une
telle terreur à l u i , Moingeard, et à toute sa famille, que cédant aux
instances de sa femme , tjui séchait de dou leu r, il accéda à la proposition
souvent renouvelée par moi et rejetée par l u i , et devint acquéreur de
ma maison, moyennant io,84o fr. , quoique le prix du bail à loyer ne
fut que de 120 fr. ; mais q u ’au moyen de cette vente, je lui promis
d’éviter la vérification , et de le sauver du déshonneur et des fers. Il
reconnaît, au reste, que les deux billets, sur l’ un desquels est un reçu
de 7 6 1 f r . , ne sont autre chose que le prix de la ven te, et termine
en ajoutant que je pris peu de part à la vérification ; que j ’attestai
môme que Moingeard était un honnête hom m e, etc..........f ce qui jeta
M M . les vérificateurs dans le plus grand étonnement. •
E n conséquence, Moingeard porte plainte en escroquerie contre m o i ,
et indique à M. le procureur du Roi onze témoins. Je ne sais si tous
ont été entendus dans une instruction secrète, mais quatre d’entr’eux
seulement ont été présentés à l’audience ; et l’instruction fera voir avec
quelle peine Moingeard
autres.
est
parvenu à
y
en
adjoindre
quelques
Ignorant entièrement l ’existence de cette p la in te , le 12 Octobre,
�"O r
(
jo u r in d iq u é par m a so m m a tio n ,
*3
)
je m e présen tai ch ez le n o ta ir e ,
et
obtins un p rocès-verbal d e n on c o m p a ru tio n co n tre M o in g c a rd .
L e i 4 , je fis présenter requête à M. le président du tribunal civil de
Montlucon , et obtins une ordonnance conform e, permettant d’assigner
le sieur Moingcard à b ref délai, et au provisoire , pour être condamné
à passer acte public et authentique de la vente du 20 mars.
Cette assignation fut donnée le 19 ; et le même jour , le sieur M oin
gcard me fit notifier des conclusions où il dit que la vdntc du 20 mars
est un fantôm e, produit de la terreur et des fausses espérances que je lui
ai inspirées ; que j ’ai usé envers lui de violence et profité de son déses
poir , pour lui arraclier cette vente et commettre une escroquerie ; qu’ il
a remis au procureur du Roi une plainte où il a exposé tous ces faits ;
que ce magistrat est nanti de toutes les pièces nécessaires à sa défense ;
que déjà il a été donné suite à sa plainte ; que même une procédure
criminelle s’instruit, et que les témoins entendus la justifient complète
ment. E n conséquence, en vertu de l ’ a r t i c l c 3 du Code d instruction
criminelle, il demande qu ’ il soit sursis au jugement de l ’affaire c ivile,
jusqu’à ce qu’il ait été prononcé sur l ’action publique.
L e 23 janvier 18 23 , 011 en vient à l ’audience. L e sieur Moingeard
prend ses conclusions; le procureur du R oi demande d’office qu ’il soit
sursis à statuer sur ma demande , jusqu’à ce q u ’il ait été prononcé sur
l ’action publique, et le tribunal prononce le sursis.
Ces différentes conclusions, fondées sur une pièce que je ne connais
sais pas, devaient me faire supposer que le sieur Moingeard , en rendant
plainte, s’était porté partie c iv ile; q u ’il avait cru devoir a ttaqu er, par
les voies extraordinaires, la vente que je lui avais consentie. J’attendais
avec impatience son assignation, espérant bien l ’avoir pour adversaire,
ct ne pouvant imaginer qu’ il pût être question , tout en conservant à la
vente du 20 mars ses effets civils, de la faire considérer, dans l ’intérêt
de la vindicte publique , comme l ’ œuvre du critnc , et de m’appliquer
leS Pe*nes que la loi prononce contre l ’auteur d ’une escroquerie.
J attendais vainement. Rien des raisons me font penser que le sieur
Moingcard voulait lasser ma patience , et qu’ il espérait que , dégoûté et
harasse par un genre de guerre où je ne pouvais ni connaître ni compter
mes ennemis, et o ù , incertain sur les moyens d ’attaque, il m’ était
impossible de calculer mes moyens de défense, je finirais par Abandonner
mon droit, et consentirais à résilier la vente.
Mais le sieur M oingeard s’abusait. J ’ai assez de courage et de cons-
�( H
)
tance pour résister à ce que je crois injuste; et lorsque je vis qu«
plusieurs mois s’étaient écoulés sans que mon adversaire eût fait aucune
dém arche, les 16 et 17 a vril, je le sommai, ainsi que M. le procureur
du R o i , de donner suite à la p la in te , et de la faire juger dans q uin
zaine , leur déclarant que , ce délai e x p ir é , je prendrais jugement.
J’eus encore bien du tems à attendre : ce ne fut que le 11 juillet,,
que je reçus une assignation à la requête de M. le procureur du R o i ,
qui me citait à'cotnparaitre à l ’audience de police correctionnelle, du
1 9 , pour répondre à la plainte en escroquerie et en ca lo m n ie, portée
contre moi p a r l e sieur Moingeard , et de laquelle, est-il d i t , il me
serait donné plus ample connaissance à l’audience.
Je ils tous mes efforts pour connaître cette p la in te , ainsi que la
procédure, le réquisitoire du
ministère p u b lic , et l ’ordonnance de
règlement qui avait dû le suivre ; mais lien ne me fut communiqué.
Toutefois, pensant plus fortement que jamais que j ’aurais au m o in s,
comme partie c iv ile , le sieur Moingeard pour adversaire, j ’ obéis à la
citation , et me présentai à l’audience.
Quels témoins y trouvai-je? A l’exception de M. le sous-préfet, qui
expliqua très-au long tous les détails relatifs aux plaintes qui avaient
été provoquées par les malversations de Moingeard ; qui parla des
différentes vérifications qui ont eu lieu ; de ce qu’ il avait appris du
sieur Moingeard lui-môme relativement à la vente du 20 mars, et qui
finit par dire qu ’ il m’avait proposé de rendre les deux effets, et d ’an
nuler la vente, sous la condition que 3Ioingeard abandonnerait 8/j.o fr. ,
genre d ’accommodement que je ne voulus pas a gré e r, je ne vis parmi
ces témoins , que des hommes de jo u r n é e , des gens dont la conduite et
la moralité pouvaient être justement reprochées, ou des débiteurs de
M oin g eard , q u i , sous son influence, venaient débiter des propos de
cabaret, et avaient pour refreiu c o m m u n de leurs dépositions , que
j ’avais dit que le sieur Moingeard n ’avait qu ’ un moyeu d ’éviter les
condamnations qui l’attendaient,
celui d ’accepter la proposition que
je lui avais faite ou «levais lui faire , d ’acheter ma maison pour la somme
de 10,000 fr.
Je me retirai de l'audience le cœur navré de douleur. Je 11e pouvais
comprendre que l ’honneur des citoyens et le soit des transaction» les
plus respectables pussent dépendre du résultat do dépositions Ielles
que celles que je venais d ’entendre : encore si l’on m’avait présenté des
témoins irréprochubles, des propriétaires estimés dans lu contrée , des
�( i5 ;
hommes avec lesquels je pusse avoir des rapports de société; si même on
avait fait assigner les témoins qui avaient d’ abord été indiqués par
Moingeard lors de sa plainte , mais qu’ il a ensuite fallu mettre à l ’é c a r t,
j ’aurais pu a ss is te r avec sécurité à ces débats, et faire valoir mes moyens;
m ais q u e p o u va is-je
espérer ou attendre?............. Je résolus d e ne plus
paraître.
M. le procureur du Roi pensa toutefois que l ’instruction n’était pas
com p lette
: la cause fut renvoyée au 9 août. U n témoin avait été assigné
pour celle audience : c’était M . le receveur particulier. Ce témoin ex
plique les plaintes que j ’avais portées au nom des contribuables, les
vérifications qui avaient eu lieu , et leurs résultats ; il raconte ensuite ,
en ces termes, ce que lui disait le sieur Moingeard : « Q ue quelques
« instans avant la vérification, Vindrinet lui dit que l ’instant était arrivé
« où il pouvait le perdre ; qu ’il avait toutes les pièces pour cela..........;
« qu’alors épouvanté il souscrivit deux effots, l’ un , de 584 » fr. , pour
« p r ê t, à l’ordre de Ricbet ; et l’autre, «le 5ooo f r . , pour vente d ’ une
« maison». Ainsi Moingeard, dans scs conversations, faisait regarder
l ’un de ces effets comme arraché par la crainte, et l ’autre comme le
prix réel de ma maison; tandis que dans la réalité du fait, et comme
cela est prouvé par la vente sous seing p r iv é , du 20 m a rs , et par les
aveux même de M oingeard, consignés dans sa plainte , ces deux effets
n’étaient autre chose que la représentation du prix convenu de cet
immeuble. A u reste, M. le receveur atteste q u e , dans l ’entrevue qui
eut lieu chez M . le sous-préfet, ayant été pris au mot sur le consen
tement que je donnais à ce que la maison fût estimée, jo me retirai,
en disant que ce qui était fait resterait fait : c ’est une erreur. M. le
sous-préfet, qui était présent à cette entrevue, la seule que j ’aie eue
avec M. le receveur particulier, ne dépose pas comme lui : ce témoin
est unique sur ce p o in t; il s’est trompé; et je suis persuadé que s’il
devenait nécessaire de l ’entendre d<*. nouveau, mes observations lui
rappelant les faits dans toute leur exactitude , il se ferait un devoir de
rectifier sa déposition.
L e jugement ne fut pas prononcé , l ’audience ayant été renvoyée au
a 3 a o û t . Deux témoins furent assignés; l e premier, le sieur G u i l l e t e a u ,
propriétaire, parle d’ un marché que je lui dis avoir fait avec Moingeard :
ce qui était très-vrai; le second, ouvrier sabotier, et entièrement livré
à l'influence du percepteur, se réunit à ceux do ses camarades qui
avaient été entendus à la première audience.
^ 0*5
4 CU
�i'U.r
(
16 )
E n fin , le même jo u r , 23 août 1823, fut rendu le ju g e m e n t, q u i ,
considérant,
i° qu ’ il y avait eu de ma part diffamation et menaces
contre le sieur Moingeard; 20 que mes plaintes contre ce percepteur
avaient nécessité une vérification dont les résultats avaient prouve que
ce fonctionnaire était sans reproches ; 3° que cependant, avant que
ces résultats pussent être connus, mes diffamations et mes menaces
avaient produit leur effet ; que Moingeard , effrayé, avait accédé à la
proposition que je lui avais faite d’acheter ma maison 10,000 francs ,
q uoiqu’elle ne fût affermée que 120 francs; qu ’à cet effet il m’avait
souscrit deux billets représentant le prix de la vente; 4° qu’ayant été
sommé de faire estimer la maison, je m ’y étais refusé, après avoir paru
y consentir ,
Me déclare atteint et convaincu du délit d ’escroquerie, comme ayant
employé des manœuvres frauduleuses pour persuader l ’existence de
fausses entreprises et f a i r e n a î t r e la c r a i n t e d’ un événement chimérique,
et
OBLIGÉ,
BIEN
PAR
AU -D ESSUS
CES M O Y E N S , L E S I E U R M O I N G E A R D
D E SA V A L E U R
d’ A C H E T E R
U N E MAISON
REELLE ;
Me condamne en conséquence , conformément à l’article 4°7
Code p é n a l, combiné avec l ’article 194 du Code d’instruction crimi
n e lle , à un an d’emprisonnement, à une amende de 5o francs, et aux
dépens.
C e jugem ent, qui a été prononéé par défaut, m’a été signifié le i 5
septembre, et j ’en ai interjeté appel par acte mis au greffe, le 22 du
même mois.
Ce jugement explique nettement le fait dont je suis prévenu : c’est
d’avoir obligé Moingeard à acheter une maison bien au-dessus de sa
valeur réelle. Donc si la maison n’a été vendue qu’à sa v a le u r, il n’y a
plus de d élit; et c’est précisément ce fait que je voulais prouver par
une estimation.
L e jugement dit qu’ayant été sommé de faire estimer celte maison,
j ’ai refusé. O ù est cette sommation? Dans quel acte se trouve-t-elle?
Comment ai-je refusé? Ma lettre a M. le procureur du Roi ne prouvet-elle pas ail contraire q u e , dès le premier instant, j ’ai proposé cctto
mesure? E t , dans tous les cas, si le tribunal de Montluçon c r o y a i t
pouvoir me j u g e r , ne devait-il pas, avant de me condamner, s’assurer
au moins de l'existence du corps de d é lit, et ordonner d’oflîcc l'estima
tion de cette maison, lors même que j ’aurais résisté à cette mesure?
J ’ai seuti la nécessité d ’éçlairer mes conseils sur ce point important,
�(
17
)
J ’ai fait en c o n s é q u e n c e estimer la maison vendue, par trois experts
désintéressés, que je connais a p e in e , qui demeurent loin de mon
dom icile, et que leur capacité et leur moralité m ’ont seules décidé à
appeler. L e u r opération, qui est faite avec scrupule et avec les plus
grands détails, donne pour résultat la somme de 1 3 , 49 ^
4^ c . , qu ’ils
estiment être le prix réel de la maison que j ’ai vendue io,84o francs au
sieur Moingcard.
De p lu s , voulant avoir recours à des conseils qui ne peuvent me
connaître personnellement, et persuadé que dans ces sortes d’affaires
la moralité du client peut servir à l ’interprétation et à l ’appréciation
des faits, je me présente avec treize certificats, émanés et revêtus des
signatures de tous les fonctionnaires et de toutes les personnes influentes
de mon can ton, qui me recommandent comme un liomme dont la
probité et l ’lionnéteté ne sont ni suspectes ni douteuses.
C ’est avec ces différens élémens, que je prie mes conseils d ’examiner
ma position, et de tracer la marche cjue je dois suivre, et les moyens
que je dois employer.
VINDRINET.
3
�CERTIFICATS
DÉLIVRÉS
J e
AU
SIEUR
YINDRINET.
soussigné, Louis-Dominique M a z cra t, juge île paix du canton
de C e r i l ly , arrondissement de M o n tlu ç o n , département de l ’A llie r ,
certifie à tous qu ’ il appartiendra, que le sieur Vindrinct (Jacques),
propriétaire et maire, demeurant en la commune de Valigny-le-M onial,
s’est toujours comporté en homme d ’honneur et de p robité; q u e , par
sa conduite morale et politique ; par son attention soutenue à remplir
ses devoirs envers la société ; e n ü n , par la pratique des moyens qui
rendent un maire cher à ses administrés , il s’est concilié l’estiine géné
rale , et la nôtre en particulier. E n foi de quoi nous lui avons délivré
le présent certificat, que nous avons signé, a v e c n o t r e g r e f f i e r , e t auquel
a été apposé le sceau de cette justice de paix.
A C e r illy , ce d ix-h u it septembre mil huit cent vingt-trois.
L . - D . M A Z E R A T , ju g e de p a ix .
L H O T T E , greffier.
Nous , soussignés, Antoine B u ffa u lt, père ; Edme-Gaspard B u ffa u lt,
fils; Jean-Baptiste-Alexandre Mazerat, Vincent B ujon , Joseph Anîelm e,
T hibault-Beauregard, et François-Paul P etit-Jean, tous les six notaires
du canton de C e r i l l y , arrondissement de M o n tlu çon , département d e
l ’Allier ,
Certifions à tous q u ’il appartiendra, que M. Vindrinet (Jacques),
propriétaire et maire, demeurant en la commune de V a lig n y -le - M o n ia l,
Cst un homme probe et d’honneur , et qu il n toujours fait preuve de
délicatesse dans les différentes-affaires qu ’il a traitées devant nous; que
sa conduite d’homme privé et de fonctionnaire public lui a mérité
l ’estime et la confiance dont il jouit dans la société. E n conséquence ,
c ’est avec plaisir que nous lui avons délivré le présent certificat.
Fait à Ainay-le-Chûleau , le vingt-sept septembre mil huit cent vingttrois.
B U F F A U L T père, B U F F A U L T f i l s , M A Z E R A T ,
B U J O N , T H I B A U L T - B E A U U E G A U D , I’ E T I T - J E A N .
�( *9 )
N ou s, soussignés, maire et adjoint de l a ville d ’A inay-le-Cliâtrau ,
arrondissement de M o n t l u c o n , département de l ’A l l i e r , certifions à
tous qu ’il a p p a r t i e n d r a , que M . Jacques V in d rin e t, propriétaire, et
maire de la c o m m u n e de V a lig n y -le -M o n ial, canton de Cerilly , arron
dissement de M ontlucon, département de l ’Allier, a toujours t e n u une
co n d u ite
régulière et irréprochable, et qu ’il est hors de notie connais
sance q u ’ il
ait manqué à l ’honneur et à la prohité ; et qu ’il a , depuis
la r e n t r é e de Sa Majesté Louis X V I I I , toujours rempli scs fonctions
avec le plus grand zèle, et manifesté son attachement à la famille royale.
E n foi de quoi nous avons signé le présent.
E n mairie, à A in ay-le-C h âte au , le vingt-sept septembre mil huit
cent vingt-trois.
B U JO N , maire ; T U E U R A L T , adjoint.
N ous, soussignés, maire et adjoint de la
ville et commune de
Cerilly , arrondissement de Montlucon , département de l ’A ll i e v , cer
tifions à tous qu’il appartiendra,
pour homme
que nous avons toujours reconnu
d’honneur et de probité le sieur Jacques Vindrinet ,
propriétaire, domicilié à V a li g n y , et que dans les affaires que nous
avons eues à traiter avec l u i , il a mis la plus grande délicatesse;
attestons en outre que ledit sieur V in d r in e t, nommé maire de ladite
commune de V aligny depuis la rentrée de l ’illustre famille qui nous
gouverne, a rempli cette fonction avec le plus grand zèle. En foi de
quoi nous avons délivré le présent pour servir et valoir ce que-de droit.
E n muirie, à C e r illy , le vingt-cinq septembre m il huit cent vingttrois.
J. B O N N E T , m aire; T H I B A U L T - B E A U R E G A R D , adjoint.
N ous, soussigné, maire de la commune de Theneuille , ancien
capitaine de cavalerie , chevalier de l ’Ordre royal et militaire de SaintL o u is, certifions à tous ceux qu ’ il appartiendra, que depuis l’annce mil
huit cent treize, q Ue nous exerçons nos fonctions à Theneuille
canton
de C e rilly , arrondissement de M ontlucon, nous connaissons’le sieur
Jacques V in d r in e t, maire h V a lig n y ; c t pouvons affinncr qu’ il jouit
<lc lu considération duo à l ’homme p ro b e , h o n n ê te ,
c l voué à la
�légitimité. En foi de quoi nous avons délivré le présent pour servir
et valoir ce que de droit.
E n mairie, à ï h e n c u i l l e , le trente septembre mil huit cent vingt-trois.
L e chevalier
de
IîO D INAT , maire.
N ous, soussigné, adjoint, faisant provisoirement les fonctions de
maire de la commune de V a lig n y , arrondissement de Montluçon ,
département de l’A llie r, certifions, d ’après la notoriété publique, que
M. Jacques Vindrinet, maire de cette commune, e t , d’après notre
connaissance particulière, n’a cessé, depuis la restauration, de remplir
ses fonctions d ’ une manière loyale , probe, honnête et irréprochable;
qu ’ il n’a jamais cessé de mériter l ’approbation et la confiance de ses
concitoyens; qu’ il s’est acquitté de ses fonctions avec un zèle et un
desinteresseincnt peu ordinaires; qu’ il ne s’est, dans aucune circons
tance, attiré les reproches ni des administrés, ni des autorités supé
rieures; que son dévouement au Roi et à son gouvernement n’est point
équivoque; et que sa condu ite, dans tous les tems et en tout g enre, a
été à couvert du blâme et de la critique. E n témoignage de quoi nous
avons délivré le présent certificat pour servir ce que de droit.
Fait en mairie, à Valigny , le vingt-huit septembre inil huit cent
vingt-trois.
L I B A U L T , adjoint.
N ous, soussignés, maire et adjoint de la commune de V itray , canton
de C e r i l ly , arrondissement de M ontluçon , département de l'A llie r ,
certifions à tous ceux qu’ il appartiendra, que nous avons reconnu dans
la personne du sieur Jacques V in d rin e t, p r o p r i é t a i r e , et maire de la
commune de V a ligny-le-M o nial, un homme d ’ une conduite régulière
et irréprochable, et qu’ il est hors de notre connaissance qu’il ait manqué
à l ’honneur et à la probité ; et qu ’ il a , depuis la rentrée de Sa Majesté
Louis X V I I I , manifeste son attachement a la famille royale et au
Gouvernement. E u foi de quoi nous lui avons délivré le présent pour
lui servir et valoir en cas de besoin.
Vilray , le vingt-huit septembre mil huit cent vingt-trois.
B E R T J I O M I E I l - L A V I L L E T T E , m aire;
�(
21
)
N o u s, soussignés, maire et adjoint de la commune d’U r ç a y , canton
de Cerilly ( A l l i e r ) , attestons à tous ceux qu’ il appartiendra, que le
sieur Jacques V in d r in e t, propriétaire , demeurant en la commune de
V aligny-le-M onial, a toujours montré une délicatesse et une prohité
à toute épreuve ; qu’ il a constamment mérité l ’ estime de tous ceux qui
le c o n n a i s s e n t , et qu’ il n’est pas à notre connaissance qu’ il ait rien fait
jusqu’à ce jour qui ait pu lui faire perdre la moindre partie de celte
estime générale. Certifions en outre qu’ il est entièrement dévoué au
Gouvernement de Sa Majesté Louis X V I I I , et q u ’il s’est toujours
acquitté des fonctions de maire de ladite commune de Valigny , dont il
avait ete revêtu par Sa M a je s té , avec un z.èle et une activité dignes
d’éloges , et qui doivent lui mériter la reconnaissance de ses administrés.
E n m airie, à U rçay, ce vingt-neuf septembre m il liuit cent vingt-trois.
B U F F A U L T , m aire; V A L L A K C I I O N , adjoint.
J e , soussigné, Cliarles-François B e ra u d , maire de la commune de
Saint-Bénin , y demeurant,
certifie à tous qu’ il appartiendra, que
M . Vindrinet ( J a c q u e s ) , propriétaire-cultivateur, et maire de la com
mune de V a lig n y , s’est toujours comporté en homme d’honneur et de
probité; qu’il ne m’est jamais rien parvenu qui puisse atténuer l ’ opinion
q u ’on a generalement de sa délicatesse dans les affaires ; q u e , par son.
dévouement au Gouvernement paternel des B o u rb o n s, et par son atten
tion soutenue à remplir tous ses devoirs envers la socié té , il est envi
ronné de l ’estime publique. E n foi de quoi j ’ai signé le présent certificat,
auquel j ’ai apposé le sceau de cette c o m m u n e , ce \ingt-sc pt septembre
mil huit cent vingt-trois.
B E R A U D D E V O U G O N , maire.
i soussigné, maire des communes de Saint-Bonnet et de B rèze,
certifie qu’ il ne m ’est jamais revenu que le sieur Jacques V in d r in e t ,
habitant la commune de V a lig n y , avait exercé aucun acte contraire à
ceux imposés à un honnête citoyen , et que je n’ai aucune connaissance
qu’ il se soit conduit d’ une manière contraire aux lois rt arrêtés du
Gouvernement.
A Saint-Bonnet, en la maison commune , le Ircnlc septembre mil
huit cent vingt-trois.
HAMBOURG ,
maire.
�(
22
)
Nous, soussigné, maire de la commune de Bardais, canton de Cerilly,
arrondissement de M ontluçon, département de l ’A llicr, certifions à tous
ceux qu ’il appartiendra , que nous avons toujours reconnu pour liomme
d’honneur et de probité , le sienr Jacques Vindrinet-, maire de la com
m une de V aligny. Tant par sa conduite morale et politique, que par
son attention à remplir ses devoirs envers la société, il s’ est concilié
l ’estime générale, et en particulier la nôtre. E n foi de quoi nous lui
avons délivré le présent certificat que nous avons signé , et auquel a été
apposé le sceau de cette mairie.
F ait en m a ir ie , le vingt-sept septembre mil huit cent vingt-trois.
D U V E R N E T , maire.
N o u s , soussigné, maire de la commune de M e a u ln e , canton de
C e r i l l y , arrondissement communal d e M o n t l u ç o n , d é p a r t e m e n t de
l ’A llie r , certifions que M . Vindrinet (Jacq u es), propriétaire, e t maire
de la commune de Valigny-le-Monial, s’est toujours comporté en homme
d ’honneur et de probité. En foi de quoi j ’ai signé le présent certificat.
Meaulne , trente septembre mil huit cent vingt-trois.
L U Y L I E R , maire.
Mairie d ’Isles-sur-Marmande , canton de Cerilly , arrondissement de
Montluçon , département de l ’A llie r.— jNous, soussigné, Jean Guiltaux,
maire de la commune d’Lles-fur-Marmande, certifions que M. Jacques
V in d r in e t , maire de la commune de V a lig n y , dans tous les rapports que
j ’ai eus avec l u i , m ’a toujours donné des preuves de la plus sincère
probité;
q u e , dans toutes les circonstances,
il a toujours tenu la
conduite d’ un homme d’honneur. E n foi de cjuoi nous lni avons délivré
le p ré se n t, pour lui servir et valoir ce que de droit.
E u M a ir ie , à Isles, le trente septembre dix-huit cent vingt-trois.
G U ILTA U X ,
maire.
�CONSULTATION
T |F . C O N SEIL SO U SSIG N É,
V r le Mémoire à consulter du sieur V in d rin c t, et après lecture
attentive de ce Mémoire et des pièces qui y sont annexées ,
E st im e
q ue, s’agissant, entre le sieur Moingeard et le sieur Y in d rin e t,
de l'effet que doit avoir un acte de vente qui pouvait être attaqué par
l ’acquereur, sur le motif que son consentement aurait été extorqué
par la violence ou surpris par le dol et la fraude du vendeur, la validité
de cet acte ne pouvait être jugée que sur la demande de l’acquéreur,
et contradictoirement avec lui ;
Q ue cette ve n te , qui est synallagmatique, formant un lien civil
entre le sieur Moingeard et le sieur Vindrinet, n’élant point directement
attaquée par le sieur M oingeard, ne pouvait l ’être directement par le
ministère p u b lic , et que le tribunal de M ontluçon , en jugeant en
police correctionnelle que le sieur V indrinet, ven deur, était coupable
d ’escroquerie , a tout à-la-fois méconnu les règles de sa co m p é ten ce, et
annulé indirectement une vente qui n’était point soumise à son examen,
nullité dont Moingeard ne pouvait même profiter, puisqu’ il ne l ’avait
point demandee , et n’était point partie au jugement qui l ’ a prononcée;
Q u ’ainsi le sieur Vindrinet doit, sur son a p p e l, se borner à faire
valoir les moyens d’incompétence qui se présentent contre ce jugem en t,
et demander à être renvoyé à fins civiles.
Les développemens de celle opinion ressortent de la saine application
des principes aux faits.
Il existe une vente , sous la date du 20 mars 18 2 2 , consentie par le
sieur Vindrinet à Moingeard; il est reconnu que le prix de cette vente
a ete payé par la remise de deux billets à ordre.
L e vendeur a demandé l ’exécution de sa ven te, en exigeant qu ’elle
reçût une forme publique et authentique.
L acquéreur a soutenu , dans une plainte où il ne s’est point porté
partie civ ile , et dans des conclusions d’audience, ayant pour objet de
faire surseoir au jugement de l’action civile , introduite par le vendeur,
jusqu’à ce qu’ il eût été prononcé sur l ’action p ubliqu e , que cette
v vente lui avait etc arrachée par la violence et la terreur que lui avaient
�inspirées les calomnies, les vexations el les menaces du sieur V in d rin e t,
et par les fausses espérances qu'il lui donnait de le soustraire, par sou
c réd it, aux dangers el aux maux don t il le menaçait.
A in s i, suivant le sieur M oingeard, cette vente serait donc n u lle ,
parce que son consentement lui aurait été extorqu é par v io le n c e , ou
surpris par dol.
L a cause ainsi réduite à son vrai point de v u e , on se demande
par q u i , par quels m oyens, et par quelles voies cette vente pouvait
ôtre attaquée ?
L e Code civil (article i582 ) définit la vente une convention par
laquelle l ’ un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. A insi,
la vente est un acte synallagm atique, ou un contrat par lequel les
parties s’obligent réciproquement l’une envers l ’autre; et comme, sui
vant l ’articlc n 3 4 , les conventions légalement formées tiennent lieu
de loi a ceux qui les ont faites, et qu’elles ne peuvent être révoquées
que de leur consentenient m u t u e l , ou pour les causes que la loi au
torise , il est évident que le lien civil qui résulte de toute espèce de
contrat doit être respectée jusqu’au moment où ceux qui ont intérêt
à le rompre viennent demander son anéantissement et développer les
causes qui justifient leurs prétentions.
C ’était donc au sieur Moingeard à se pourvoir directement et person
nellement contre la vente du 20 mars ; à lui seul appartenait d’en
demander la nullité ; elle ne pouvait être prononcée que sur ses conclu
sions; et toute attaque contre cet a cte , par autre personne que le sieur
Moingeard lui-même ; tout jugement qui aurait çu pour but de détruire
la force de cette vente , hors la présence des deux parties, qu’il pouvait
et devait uniquement intéresser, était vicieux, par cela même qu’il
devenait inutile; et que ne pouvant profitera celui dans l ’intérêt duquel
il aurait été re n d u , puisque ce seul intéressé n ’y était point partie, ce
jugement laissait respectivement à lui la convention dans toute sa force,
tout en paraissant l’anéantir.
L a plainte que Moingeard avait portée a M. le procureur du R o i ,
ne pouvait donner à ce magistrat le droit de citer le sieur Vindrinct
en police correctionnelle.
Il est vrai q u e , sous la loi du 3 brumaire a n 4 > tout délit donnait
nécessairement lieu à une action publique. L ’articlc 4 l*c cellc loi
exprimait ce principe en termes absolus, mais lo Code d’ instruction
criminelle u ’a point renouvelé cctto disposition si expresse ; il a youIij.
�Lorner et restreindre l ’aclion du ministère puLlic ; et l ’article i " dispose
seulement que
qu’aux
l ’a c t i o n ,
fonctionnaires
pour l ’application des peines, n’appartient
auxquels elle est confiée par la loi. Aussi tous les
criminalistes reconnaissent-ils que si autrefois la loi imposait au ministère
public le
et délits,
devoir
de poursuivre indistinctement toute espèce de crimes
a u j o u r d ’h u i
il peut y avoir deux espèces d’actions : celle du
ministère public , qui agit seul lorsque les faits présentent le caractère
du crim e, ou lorsque les délits ou contraventions blessent l ’ intérêt de
l ’E t a t , troublent la tranquillité ou la morale publique , et qu’ il est
question de réprimer ou contenir des habitudes dangereuses ; mais si
les délits sont légers, s’ ils ne présentent que des circonstances peu
importantes ou personnelles au délinquant ou lésé, alors il ne doit point
y avoir de poursuite d’office ; la partie qui se prétend lésée doit seule
agir t et le ministère public n’intervient que pour requérir l ’application
des peines.
Cette doctrine, qui peut être si f é c o n d e e n c o n s é q u e n c e s , reçoit ici
une application nécessaire et absolue. O n conçoit bien que le délit qui
résulte d’un fait peut donner lieu à la poursuite du ministère p u b lic ,
quoique la partie lésée garde le silence ; mais si le délit résulte d’ une
convention , il est évident qu ’il ne peut être jugé qu’ en même tems que
la convention elle-même, ou après qu ’elle aura été détruite par un
jugement antérieur; que cela est indispensable , sur-tout lorsque l’exis
tence de l’acte n’est point contestée, que les moyens que l ’on a à opposer
contre sa validité sont personnels aux deux parties, et qu’il ne peut
être anéanti que par voie de nullité.
Dans l ’espèce, une vente existe. Moingeard, acquéreur, dit qu’elle
est le fruit de la violence et du dol ; mais il devait se pourvoir contre
le consentement qu’ il a v a i t donné, et faire prononcer la nullité de son
cngagemcnt. Partie dans l ’acte, il fallait nécessairement qu ’ il l ’attaquât
pour le faire anéantir ; c’est lui qui devait agir personnellement; et en
supposant qu’ il pût se pourvoir par voie extraordinaire pour causo
d escroquerie, il est évident qu ’il devait assigner directement le sieur
Vindrinct en police correctionnelle, conclure à la nullité de la vente
pour cause d’escroquerie ; et le ministère public ne pouvait avoir d’autre
action que de requérir l ’application des peines ; ou si le sieur Moingeard
portait plainte à M. le procureur du R o i , il fallait au moins , pour que
ce magistrat eût le droit de poursuivre, que le plaignant se rendit partie
c iv i le , qu’ il conclût à la nullité de la v e n te , cl que le même jugement
4
�(26 )
pût prononcer d'abord sur la nullité de la convention, requise par l ’une
des parties, et appliquer par s u i l e , contre l ’autre, les peines du délit
qui aurait clé la cause de la convention.
E n agissant autrement,
la Justice
s’exposait à des inconvéniens
graves, et tombait dans des contradictions manifestes.
E n effet, contre qui le sieur Vindrinet avait-il à se défendre? Q uel
avantage pouvait-il retirer de sa défense ? Quelle était la capacité de
la partie qui l ’attaquait? E t quel que fût le résultat de l ’action à
laquelle il avait à répondre , que devait devenir l ’acle qui était l’objet
du procès ?
Il est évident que si le sieur Vindrinet parvenait à repousser la
poursuite du ministère p ub lic, il ne faisait rien pour la validité de sa
ven te; que le sieur Moingeard , n ’étant pas partie au procès, pouvait
encore 1 attaquer par lis voies civiles , et présenter comme moyens de
vio len ce, de fraude et de d o l , ceux <jue le ministère public avait qua
lifiés d’escroquerie, et dem a n dera les prouver ; que s i, au contraire,
le sieur Vindrinet succombait en police correctionnelle, la question de
la validité de la vente était encore intacte ; qu’ il pouvait la soutenir
civilement contre le sieur M oingeard, qui n ’avait point été partie dans
l ’instance criminelle ; et comme le moyen tranchant de ce procès ,
quelle que soit la juiidiction qui le ju g e , est l’c.slimation du prix réel
de la maison , offerte par le sieur V in d r in e t, offre d’estimation dans
laquelle il persiste, il est par trop certain qu ’ il ne pouvait consentir à
cette estimation envers M. le procureur du R o i , qui n’avait aucune
capacité pour stipuler les intérêts civils du sieur Moingeard ; et qu’en
supposant cette opération faite contradictoirement avec le ministère
p u b l ic , elle n ’aurait pas empêché que le sieur Moingeard,
seule et
véritable partie intéressée à la nullité de l ’acte du 20 mars, n'eu requît
ensuite une nouvelle.
Enfin, c’est un principe immuable en matière criminelle, que le
corps de délit doit être établi ; il 11c peut y avoir ni coupable ni appli
cation de peine sans cela. Dans l ’espèce, comment le corps de délit
pouvait-il être prouvé , si cc n’est par l’annulation de la convention ?
Pouvait-il y avoir des artifices punissables pendant l'existence de l’acte ?
E t peut-on concevoir que le
sieur
Vindrinet soit convaincu d’escroquerie
et puni comme tel, pour avoir obligé le sieur M oingeard à acheter
une maison bien au-dessus do sa valeur ré e lle , tandis que cette vente
existe toujours, et qu’elle doit avoir tout son effet jusqu’au moment où
�0 7
)
W f
le sieur Moingeard en aura fait prononcer la nullité par les tribunaux
civils, devant lesquels seulement il pourra être question de la valeur
réelle de cette maison.
Mais q u e l l e s s o n t les imputations adressées au sieur V in d r in e t, qui
ont servi à l ’ a c c u s e r d’escroquerie , et à l ’attirer à la police correction
nelle p o u r le fait de la vente du 20 mars ?
D ’a b o r d , on l’accuse de calomnie et de diffamation envers le sieur
Moingeard; o r , la loi du 17 mai 1819 d it, dans son article i 3 , que la
diffamation résulte de toute allégation ou imputation d’ un fait qui porte
atteinte à l'honneur ou à la considération ; et l’article i er de celle du
26 du même mois apprend que la poursuite du délit de diffamation
entre tout particulier
p a r t ie
ne
veut
a vo ir
lie u
que sur la
pla in t e
de la
qui se prétendra lésée.
L e ministère public n’avait donc aucune qualité pour poursuivre le
sieur Yindrinet comme auteur de diffamation ou de calomnie? C ’était
un moyen qu’ il lui était interdit d’employer jusqu’au moment ou le
sieur Moingeard viendrait le présenter et le soutenir lui-même ; la dif
famation n’étant point indiquée par la loi comme un des caractères de
l ’escroquerie , et formant un délit distinct et prévu par le législateur ,
ne pouvait être poursuivie principalement ou accessoirement qu ’à la re
quête de la partie qui se prétendait lésée.
Il est vrai que le ministère public n ’ a pris aucune conclusion sur ce
prétendu d é lit, et que le tribunal n ’ en a pas convaincu le sieur V i n drinct. Mais comme dans les motifs du réquisitoire de 51. le procureur
du R o i , ainsi que dans ceux du ju g em en t, on trouve la diffamation
invoquée comme circonstance servant à prouver l ’escroquerie, il est
évident quo ce motif doit être effacé, puisque, d ’une p a rt, il contient
l ’imputation d’ un délit qu’il n’appartenait pas au ministère public de
poursuivre ; et q ue, de l’autre, les circonstances qui constituent le délit
d ’escroquerie devant être clairement énoncées et spécifiées, il n’était
point permis d’en indiquer qui lui fussent aussi étrangères.
L e sieur Vindrinet était encore prévenu d’avoir employé des moyens
de terreur et épouvanté son acquéreur par scs menaces; de lui avoir fait
ensuite espérer qu’il lui éviterait le mal dont il le m enaçait, s’ il ache
tait sa maison moyennant 10,000 francs ; d’où il faut conclure que le
consentement du sieur Moingeard à la vento aurait, suivant l u i , étc
extorqué par la violence ou surpris par le dol du sieur Yindrinet.
L e Code civil <1 un titre tout espres pour apprendre quelles sont les
�conditions essentielles pour la validité des conventions. L a première est
que le consentement soit lib re; q u ’il ne soit pas donné par erreur,
surpris par d o l , ou extorqué par violence ( A rticle i iog.).
L a violence exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une
cause de nullité (Art. 1 1 1 1 . ) . Il y a violence , lorsqu’elle est de nature
à faire impression sur une personne raisonnable, et qu ’elle peut lui ins
pirer la crainte d ’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considé
rable et présent. On a égard, en cette matière, à l’ àge, au sexe, et à
la condition des personnes (A rt. 11 1 2 .) . U n contrat ne peut plus être
attaqué pour cause de violence , s i , depuis que la violence a cessé , ce
c o n tr a ts été approuvé, soit expressément, soit tacitement {A rt. 1 1 15.).
Enfin , la convention contractée par violence n’est point nulle de plein
droit ; elle donne seulement liev à une action en nullité ou en rescision.
L a reunion de ces principes fait jaillir des vérités bien importantes :
i° la violence est une cause de nullité ; m a i s l’acte n’est point nul de
plein droit : il y a seulement l i e u à u n e a c t i o n . E l i ! q u i p e u t la former,
cette action , si ce n’e s t , et exclusivement et à tous autres, la personne
qui a contracté, ou ses représentais? Devant quel tribunal doit-elle
être portée, si ce n’est devant les juges que la loi a établis pour connaître
de la validité des engagemens civils ?
20 To u te violence ne peut point entraîner la nullité d ’ un acte; il
faut qu ’elle ait les caractères prévus par l ’article 1 112. O r , par qui et
avec qui ces caractères seront-ils appréciés, si ce n’est encore par les
tribunaux auxquels la connaissance des affaires civiles est réservée, et
sur la demande et les moyens, justement appréciés, de l’ une des parties
contractantes ?
3 ° Enfin la violence a pu cesser, e t, depuis, le contrat être approuvé.
Q uel autre tribunal que le tribunal civil pourrait encore connaître de
cette fin de non recevoir; et comment pourrait-il la prononcer hors la
présence de celui auquel ello pourrait ¿tro upposic ?
L e dol est une cause de la nullité de la convention ( article 111G) ;
mais il faut que les manœuvres pratiquées par l ’une des parties soient
telles, q u ’ il soit évident que , sans ces manœuvres , l ’autre partie n ’au
rait pas contracté.— Il ne sc présume pas, et doit être prouvé ( ihid.).
L a convention contractée par dol n’est point nulle de plein droit : elle
donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision ( A r
t ic le
1 1 1 7 .) .
A in si, il faut donc encore une demande en nu llité; il faut que les
�29 )
■.
'
manœuvres soient a p p r é c i é e s , q u e le d o l soit prou vé , p o u r que la
n u llité de l ’ acte s o i t p r o n o n c é e . E t , encore u n e fois , q u i p e u t former
cette d e m a n d e , faire cette p r e u v e , si ce n'est la personne q u i a intérêt
à l ’ a n é a n t i s s e m e n t de l ’a cte? Q u i p e u t ju g e r de l ’ influence q u ’ ont eue
les m a n œ u v r e s sur l a volonté de la partie c o n t r a c t a n t e , si ce n ’ est le
tribunal a u q u e l la loi a remis le soin de faire respecter ou d ’ anéantir les
c o n v e n t i o n s des citoyens ?
S 'il est ‘des règles qui doivent être religieusement observées, ce sont
spécialement celles qui distinguent les lois et les pouvoirs. Appliquer à
un acte quelconque une législation qui lui est étrangère ; créer des
assimilations pour attirer un citoyen à une juridiction à laquelle il ne
peut être soumis, c’ est s’ exposer à faire violence à là J u s t ic e , en com
promettant les biens les plus précieux de l’homme , l ’honneur et la
liberté.
L o r sq u e naguère nous vivions sous u n e législation transitoire ; que
nos lois n ’ étaient pas recueillies en corps de d octrine , et que les idees
q u i unissent les principes en tr’ eu x étaient encore in ce rta in es, u n article
de loi parut confondre le dol et V e s cr o q u e ric , et d on na naissance à u ne
jurispru dence d on t on tro u ve les exem ples dans M .
M erlin ( V c r lo
DOL et ESCROQUERIE.).
L ’ article
35 d u titre 2 de la loi d u 22 ju ille t 1 7 g ! , qualifiait ainsi
l ’escroquerie : « C e u x q u i , par d o l , ou à l'a id e de faux n o m s , ou de
« fausses entreprises, ou d ’u n crédit im a g in a ire , ou d ’ espérances et de
« craintes c h i m é r iq u e s , auro nt abusé de la créd u lité de q u elq u e per« sonne , et escroqué la totalité ou partie de l e u r fo r tu n e ....... ». C e
n ’ était pas assez que cet article , en se servant du m o t de d o l , co m prît
dans sa généralité tous les artifices que les jurisconsultes romains dési
gnent par les expressions ovinern calliditatcm, Jallaciam , m achiuationcm ,
° d circum veniciidum , fa lle n d u m , decipicndum altetum adhibitam ;
pour augm enter la contu sion, la loi ne désignait ni la n a t u r e , ni l ’ espèce
acte que ces dispositions pouvaient embrasser; et son ailencc put faire
supposer q u ’elle s’appliquait également aux actes synallagmatiques et
unilatéraux, aux contrats commutatifs ou à titre onéreux, comme aux
contrats de bienfaisance.
Aussi les tribu n au x de police co rrectionnelle cu ren t bien tô t à jug er
u n grand no m bre d ’aflaires de d o l et de f r a u d e , q u e la partie m é c o n
tente attaquait pour cause d ’escroquerie. L ’ examen des conventions leu r
f u t alors soumis ; et pou r éviter qu e , sous le prétexte de faire réprim er
�^
•
( 3o )
un d é l i t , on introduisit un genre de preuve prohibé par l ’ordonnance
de 1GG7 , il fallut établir comme principe, i° qu ’ un acte ne pouvait
être jugé en police correctionnelle,
que dans le cas où il serait le
résultat de faits qui constitueraient un délit caractérisé par la l o i , faits
qui auraient été la cause productive de l ’acte que l ’on présenterait
comme l’ouvrage du dol môme ; 20 que ces faits devaient attaquer la
substance de l’a cte, et prouver qu ’ il n’était pas l ’ouvrage de la volonté
libre et entière de celui qui l’avait souscrit ; enfin 011 distinguait, avec
le plus grand soin , le dol simple de l ’escroquerie ; et alors naquit la
maxime qu’ il n’existait point d ’escroquerie sans d o l , mais que le dol ou
l ’abus de confiance peuvent exister sans escroquerie.
L a confusion et l’ incertitude des idées qui régnaient alors pouvaient
avoir de graves inconvéniens ; mais au moins on évita celui de faire
naître un délit d ’une convention existante et non attaquée ; le ministère
public se borna à requérir l’application des p e in es, lorsque l ’acte devait
être annulé , sur la plainte et la demande de la partie intéressée.
A u jo u rd ’hui les principes sont fixes. U n Code civil a établi les règles
des conventions, et fait connaître les vices qui peuvent les faire annuler.
L e Code de procédure nous indique la forme des actions et les tribunaux
qui doivent en connaître.
L e Code p é n a l , qui a pour objet exclusif la répression des crimes et
délits, n’a pu avoir en vue ce qui intéressait la bonne foi, <jui doit
présider aux conventions. Le législateur n’a dû prévoir dans en Code que
les faits et gestes q u i , en portant le trouble dans la société, compro
mettent la fortune des citoyens, et donnent naissance à des obligations
qui n’ont d ’autre origine et d’autre cause que le crime même qu ’ il a
voulu réprimer et punir ; mais jamais il n ’a pu entrer dans sa pensée
qu ’ une convention synallagmatique , un contrat coinmutatif ou à titre
onéreux ; qu ’ un acte de vente d ’objets déterminés et de choses qui sont
dans le commerce , pût il*»
« l'c»«™ «» <lca tribunaux correc
tionnels, lorsqun l ’existence de cet acte est réelle, qu ’elle n’est pas
contestée, et que cette convention 11c peut être attaquée que par des
moyens de nullité , prévus par la loi civile.
Aussi l’article 4 o 5 du Code pénal ne classe-t-il p o i n t , comme la loi
du 22 juillet 1 7 9 1 , le dol parmi les manœuvres pouvant donner liou à
une poursuite en escroquerie. Il définit avec^soin et en termes restrictifs
les faits punissables : u C ’est l’usage de faux noms et de fausses qualités 5
k c ’cst l’emploi de manœuvres frauduleuses t>our persuader l ’cxistçuçijf
�<t de fausses entreprises, d’un pouvoir ou d’ un crédit imaginaire, ou
« pour faire naître l ’espérance ou la crainte d’ un succès, d’un a cciden t,
« ou de tout autre événement chimériques ». Encore dans quel cas ces
manœuvres sont-elles punissables? C ’est lorsque, par un de ces moyens,
leur auteur a escroqué ou tenté d’escroqucr la totalité ou partie de la
fortune d’ a u t r u i , « en se faisant remettre ou délivrer des fonds, des
« m eubles, ou des obligations, dispositions, billets, promesses, quit« tances ou décharges. »
Ce texte est fort clair; il fait à-la-fois connaître , et les manœuvres qui
sont les moyens d’escroquerie , et l ’escroquerie elle-m ôm e, qui n’existe
que quand on enlève à autrui la totalité ou partie de sa fortune mobi
lière ou imm obilière, sans rien donner en échange , et sans contracter
envers lui aucune obligation. Mais une convention qui porte sur un
objet réel et déterminé, ne peut jamais donner lieu à une action en
escroquerie. L e contrat a alors une cause permise et certaine ; il est
toutefois possible que le dol ou la violence aient concouru à le former;
mais comme il est évident que ces moyens blâmables ne sont point la
seule cause du contrat, et qu’ il est certain qu’ il a eu pour cause
principale un objet réel qui doit le rendre respectable , c’est aux tribu
naux civils, seuls juges de la validité des conventions, à apprécier
l ’influence que l ’un de ces vices ou tous les deux réunis ont pu avoir sur
la liberté du consentement de l ’ une des parties contractantes, et si ces
manœuvres ont été ou non la cause déterminante du contrat.
L e Conseil ne croit pas devoir examiner les moyens du fond , mais
il doit dire que l ’offre faite par le sieur Vindrinet de faire estimer,
par experts, la valeur réelle de la maison vendue au sieur Moingeard,
et les élémens qu’ il rapporte à cc sujet, ne laissent rien à désirer sur la
preuve de sa bonne foi.
Il
est également vrai q u e , dans le cas où le tribunal croirait devoir
statuer sur le fo n d , il 11e le pourrait, qu’en ordonnant une nouvelle
audition de témoins , q u i , dans la circonstance , est de d r o i t , puisque
le sieur V in d r in e t, faisant défaut, n’a pu ni récuser, ni faire expliques
les témoins à charge, ni produire des témoins justificatifs. Dans ce cas,
le sieur Vindrinet aurait à faire valoir les moyens indiques dans sou
Mémoire à consulter , qui paraissent de la plus grande force , si l’exposé
des faits est exact.
Mais dans le m om ent a c tu e l, ou il ne saurait être question que de 1&
�p!
.
(3 2 )
competence du trib u n a l, et de l ’action qui pouvait être intentée contre
lu consultant, le Conseil, après la plus mûre réflexion, ne peut que
persister dans les résolutions qu’il a prises en commençant.
Délibéré par les anciens avocats, soussignés, à Riom, le 16 octobre
1823.
T
B
n
J AILHAND.
Jacques G O D E M E L .
BAYLE
e
C
n
J
aîné.
R IOM , I M P R I M E R I E D E S A L L E S , P R ÈS L E P A L A I S D E J U S T I C E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vindrinet. 1823?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tailhand
Godemel
Bayle
Subject
The topic of the resource
ventes
escroqueries
opinion publique
fisc
malversations
dénonciation
abus de pouvoir
diffamation
témoins
certificats de probité
dol
fonctionnaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter pour le sieur Vindrinet, propriétaire et Maire de la commune de Valigny-Le-Monial, Canton de Cérilly, département de l'Allier, prévenu et appelant ; contre Monsieur le procureur du Roi, plaignant et intimé. [suivi de] Consultation.
annotation manuscrites : « Le jugement a été confirmé à Moulins ».
Table Godemel : Escroquerie - pratiquée dans un acte de vente.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1823
1821-1823
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2610
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Valigny (03296)
Ainay-le-Château (03003)
Cérilly (03048)
Saint-Bonnet-de-Troncay (03221)
Meaulne (03168)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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abus de pouvoir
certificats de probité
dénonciation
diffamation
dol
escroqueries
fisc
fonctionnaires
malversations
opinion publique
témoins
ventes
-
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PDF Text
Text
P R E CIS
wxAïwLj&rd-,
a^xctr co\£j
EN
RÉPONSE
POUR
Dame
M
a r g u e r i t e
;!
-X? » -rtS
t- ' •'
AU T E R O C H E et le Sr V O Y R E T ,
son mari, Docteur en médecine, Intim és;
CONTRE
D am e M a r i e A U T E R O C I I E et le sieur F r a n ç o is
M A L A F O S S E D U C O U F F O U R , son m a ri,
A d ju d a n t
des
d ’H a v r é ,
Chevalier des
et du P h é n i x ,
G ardes
du
C orp s,
ordres de
com pagnie
S a in t-L o u is
Appelans
EN PRÉSENCE
*
1
'•
D e dame M a r i e A U T E R O C H E et de sieur B l a i s e
C I S T E R N E - D E L O R M E , son mari, aussi Intimés.
IL
s’agit de fixer l ’amendement des parties dans la.
succession du sieur Thomas Auteroche , leur père, et
de déterminer les rapports q u ’elles ont à y faire.
Les difficultés de la cause doivent trouver leur solu
tion dans l’appréciation de quelques faits constans, et
dans la saine application de principes plus ou moins
controversés.
L ’ uue ou l ’ autre des parties est nécessairement dans
�l ’erreur, relativement à l ’étendue de ses droits; mais,
dans des questions de la nature de celles que la Cour
aura à décider dans cette cause, on peut invoquer le
D roit, sans blesser l ’équité, et sans méconnaître la
volonté du père; s’adresser à la Justice pour faire régler
ses intérêts, sans ouvrir une soui'ce de désordres s
sans rompre les liens de fa m ille , et sur-tout sans
encourir le reproche d’avoir cherché à détruire l ’union
et la
bienveillance
mutuelle
qui
doivent
exister
entre parens également recommandables et faits pour
s’estimer.
Les faits sont simples; ils consistent dans l ’analise
de quelques actes de famille.
Du mariage du sieur Thomas Àuteroche avec demoi
selle Louise-Hélène L h u ilie r, sont issus trois enfans :
M a ri e , i re du n o m , q u i a épousé le sieur François
Malafosse D u c o u f l o u r , et q u i est a p p e l a n t e ;
Autre Marie, 2e du nom, épouse du sieur Biaise
Cislerne-Delorme. Cette dame a renoncé à la succession
de son père, et assiste en la cause sans y prendre aucun
intérêt a c t if;
Enfin Marguerite, épouse du sieur V o y r e t , intimée.
L e contrat de mariage des père et mère est du ic)
novembre 1764- Les apports de la dame Auteroche
et les avantages qui lui ont été faits, sont, pour le
moment,
inutiles à connaître,
ne s’agissant point
encore de régler ses droits dans la succession de son
époux.
Le premier contrat de mariage des enfans remonte
�au a 3 juin 1789 : c’est celui (le Marie,
avec le sieur Biaise Cisterne-Delorme.
Les biens du mari étaient situés dans
de Sa uvag nat ; il pouvait désirer que
épouse y fussent réunis : aussi Marie,
2e du nom,
la commune
ceux de sou
2e du nom,
reçoit-elle de son p è r e , entr’autres objets d otau x,
« tous les biens que le sieur Auteroche a dans le lieu
« et collecte de Sauvagn at , consistant en bàtimens,
« terres, vignes et prés, etc., ainsi que les rentes fonî< cières et constituées en grains et en argent, que le
« sieur Auteroclie a dans la même commune de Sàu« vagnat ». Cette constitution comprend même la
futaille et vaisseaux vinaires qui garnissaient les caves
et cuvages du domaine.
Il est inutile de parler du surplus de la dot cons
tituée par les père et mère, et des charges qui y furent
imposées.
Toutefois, la dame Cisterne renonça aux successions
de ses père et mère; et, comme cette clause empêchait
que l ’on pùt prévoir le cas de rapport à la succession
du constituant, et que l ’on ne devait se fixer que sur
la restitution de la dot, événement uniquement relatif
du mari et de ses héritiers, à la femme et à ses héri
tiers , on inséra
ragement pour
icstveindre à ce
Cette clause
une clause qui pouvait être un encou
le mari, mais qui devait toujours se
qui y était formellement prévu.
est ainsi conçue : « Dans tous les cas
«
OÙ la restitution d e d o t au ra l i e u 3 i l sera LIBR E
«
au f u t u r é p o u x ,
ou a ses héritiers ayant cause,
« de garder et reteñir les biens ci-dessus délaissés h la
�« future, en payant, à qui il appartiendra, la somme
« de 25 ,ooo francs. »
Après ce choix qui est donné à l’époux, la restitution
ayant lieu, on prévoit le décès de Marié Auteroche,
fu ture, sans enfans, et on stipule le droit de retour
en ces ternies : « Lesdits sieur et dame Auteroclie se
« réservent, pour eux et les leurs, chacun en droit
« s o i, les biens par e u x ci-dessus donnés, en cas
« q u ’elle meure .sans enfans, ou leurs enfans sans
« descendans, ou sans en avoir valablement disposé ».
Ainsi,.dans celte position, c’est le retour des biens et
non celui de la somme qui est stipulé.
•Enfin, les père et mère poussent plus loin leur
prévoyance. Ils supposent q u ’ils peuvent survivre a
leur fille laissant des enfans; et, pour cette position,
il est « convenu q u e , si la future épouse vient à
« s>tlécéder a v a n t lesdits sieur et dam e Auteroche,
« laissant plusieurs enfans, il leur sera l i b r e , chacun
« en droit soi, d ’appliquer le profit des institutions
« et constitutions, en tout ou en partie, à celui ou
« ceux des enfans mâles q u ’ils jugeront à propos, et
« de distribuer inégalement entre les autres enfans. »
L e 21 février 1794? la demoiselle ¡Marguerite Autcroclie contracta mariage en minorité. Elle épousa le
sieur Louis Voyrel-, et outre un trousseau évalué au
contrat à 1000 francs, elle reçut en dot deux parties
de rente, estimées ensemble a 10,000 f r . , dont l ’ une,
de dix-huit setiers blé ronseigle, ainsi que le droit do
mouture, était assise sur un moulin situé à Tssoiie.
Par ce contrat, les père et mère délaissèrent à. Marie
�(5)
nf
Àuteroclie, leur fille aînée, non encore mariée , tous
les biens fonds q u ’ils possédaient dans la commune
d ’Issoire, sans autre réserve que les batimens, et une
vigne à percière, située dans la commune du Perrier.
Ce délaissement, qui n’avait d ’autre charge q u ’une
rente de 200 fr., payable aux père et mère, é t a i t , par
sa valeur et par sa fixité, en tous points préférable à
la dot qui avait été constituée à la dame Voyrct.
E u effet, 011 était à une époque où il était dangereu:
de refuser les remboursemens en assignats, et d’êti
soupçonné de discréditer le papier-monnaie. Les lois
de ce teins imputaient ce refus à crime5 des lois ré
pressives, i n fi n im en t sévères, le p u n i s sa ie n t, et un
t r i b u n a l r évo lu tio n n a ir e po uva it appliquer ces lois
dans toute l e u r rigueur. M. Auteroche savait lui-même
que cette rente devait lui être remboursée $ l ’offre lui
en avait été faite peu avant le mariage de sa fille ^ de
manière q u e , loin d ’être étonné de la nécessité où se
trouva son gendre à cet égard, il dut regarder ce rem
boursement comme un malheur inévitable, dans les
circonstances où on se trouvait alors.
La première quittance du sieur Voyret est du 22 dé
cembre 1794. Elle est donnée par lui, en qualité de
mari, comme contraint et pour obéir à la loi 5 mais
comme cette rente 11’avait été remboursée q u ’au denier
vingt, et q u ’elle devait l’être au denier vingt-cinq,
plus tard le sieur voyret vint à compte avec le débiteur
reçut le montant de la différence, et fournit, le 2/j
nivùse an 3 ( i 3 janvier 1 7 9 5 ) , une quittance finale,
'/•*
*k
�pour la perfection du remboursement, extinction et
amortissement de la rente.
Ce remboursement a ensuite
donné
lieu à un
procès, dans lequel les sieur et dame Voyret ont
succombé.
L e contrat de mariage de demoiselle Marie, i re du
n om , avec le sieur François Malafosse, est du 4 plu
viôse an i i .
La future se constitue d ’elle-mème un trousseau
et 3 ooo fr. de mobilier.
Les père et mère confirment l ’avancement d ’hoirie
porté, en sa faveur, au contrat de mariage de la dame
Voyret ; ils y ajoutent les bâtimens d ’Issoire, à la
charge toutefois du rapport, si elle vient à partage.
Les père et mère lui donnent, en préciput et avan
tage sur ses sœurs, le quart de tous les biens dont ils
mourront vêtus et saisis, et l ’in s t i t u e n t par égale por
tion avec la dame Voyret dans les autres trois quarts,
à la charge du rapport de ce que chacune aura reçu
en avancement d ’hoirie.
Enfin , s’expliquant sur la rente remboursée à
madame V o y r e t , le contrat dit : « Mais attendu que
« la dame Voyret a reçu un a v a n c e m e n t d ’hoirie
« moins considérable que celui de ses sœurs, lequel s’est
« même trouvé réduit k presque rien, p a r le re m b o u r«
sentent
forcé
qui lui a été fait des rentes qui en
« étaient l ’objet, et q u ’elle souffre par conséquent
« une perte annuelle dans la jouissance, M. Auteroc lie,
« voulant être juste envers tous ses
enfans,
et l ’en
h dédommager, veut et entend q u ’à l ’ouverture de la
�r r. \
w
1 7 ) .
« succession, la clame Voyret prélève, sur le quart
« ci-dessus donné à la future, la somme de 4ooo fr. »
L e sieur A u te ro che père est déccdé le 26 février
1821.
L e 7 juillet, les sieur et dame Voyret ont formé la
demande en partage de sa succession 5 e t , le 10 du
même mois, ils ont assigné la dame veuve Auteroche,
leur mère et belle-mère, pour voir déterminer ses
droits dans la succession de son mari.
Dans cette position, et le 9 août 18 2 1, les sier
et dame Cisterne ont fait un acte au greife du tribuna
civil de C l e r m o n t , par lequel ils déclarent q u ’ils
renoncent au partage des biens de d é f u n t Thomas
Auteroche, pour s ’en tenir a u x dispositions et avan
tages portés en leur contrat de mariage.
Dans* le courant de février 1822 , les sieur et dame
Yoyret firent sommation aux sieur et dame Cisterne,
de mettre au greffe, dans les trois jours, une déclara
tion explicative du sens q u ’ils ont entendu attacher
aux expressions de l ’acte du 9 août 1821 , c’est-à-dire
une déclaration portant q u ’ils ont réellement entendu
renoncer à la succession du sieur Thomas Auteroche,
pour s’en tenir aux dispositions portées en leur contrat
de mariage.
Les sieur et dame Cisterne ne répondirent pas à
cette sommation 5 mais il est demeuré pour certain,
et reconnu entre toutes les parties, que la déclaration
du 9 août 1821 , contenait une explication suffisante,
d ’autant
mieux qu ’elle
confirmait
la renonciatiou
portée au contrat de mariage de la dame Cisterne.
yy
:>
�Les parties ont soumis plusieurs questions princi
pales à l ’examen et à la décision du tribunal civil de
Clermont. Trois d ’entr’elles doivent être de nouveau
discutées devant la Cour.
La première est de savoir comment doit se faire
l ’imputation de la dot de la dame Cisterne. Cette
imputation doit-elle avoir lieu sur la quotité dispo
nible de la loi de germinal an 8 ? Le sera-t-elle, ait
contraire, sur la part héréditaire de la dame Cisterne,
ou au moins sur sa part dans la réserve du Code civil?
Enfin ne doit-elle pas avoir lieu d ’abord sur la légi
time ancienne, et ensuite sur la quotité disponible
de la loi de germinal?
La seconde était relative aux immeubles donnés à la
dame Cisterne. Doivent-ils être compris fictivement
dans la masse de la succession, pour leur valeur à
l ’époque du décès, ou seulement po u r la somme de
25,ooo f r . , à laquelle ils ont été estimés par le contrat?
L a troisième avait pour objet le rapport de la rente
remboursée à la dame V o y re t. Devait-elle être rappor
tée, valeur nominale, ou seulement valeur à l’échelle?
Le-jugement dont est appel est du 2G août 1822.
Sur la question d ’imputation de la dot de la dame
Cisterne :
L e tribunal reconnaît en principe que la quotité
disponible est réglée par les lois existantes à l ’époque
de la donation 5 qu'au mariage de la dame DucoufTouv
cette quotité était d ’1111 q u a r t ; mais il pense que,
pour que le père put en disposer, il fallait q u ’il n’eut
fait aucun avantage antérieur.
�(9)
E n
e x a m in a n t
ensuite le clon fait a la dame Cisterne
,
le tribunal croit inutile de s’arrêter a sa qualification
qui lui paraît insignifiante. Il se fixe sur les résultats,
et décide que, lors même que ce don ne serait q u ’une
légitime , si la quotité disponible était épuisée ou em
ployée en pa rtie, le père n ’avait pu disposer en faveur
de madame Ducouftour, ou au moins n’avait pu dis
poser que de ce qui restait.
Pour reconnaître si le père pouvait disposer à l ’épo
que du mariage de madame DucouiFour, le tribunal
veut que l ’on recherche si le domaine donné à la dame
Cisterne , équivaut à une portion d ’enfant , et à la
totalité ou par tie de la portion disponible. P o u r cela ,
il veut^que l ’on connaisse la fortune des père et mère}
en conséquence que l ’on estime (valeur de 18 2 1) les
biens délaissés a la dame Cisterne, ceux délaissés aux
autres enfans, enfin ceux dont le père était eu possesà l ’époque de sou décès.
Relativement à la dame Cisterne : le tribunal pense
que son contrat de mariage doit être régi par la légis
lation sous l ’empire de laquelle il a été passé; q u ’elle
peut retenir, en renonçant, la part d ’enfant et la
quotité disponible fixée par cette législation ; q u ’ainsi
Ie domaine de Sauvagnat, compris en sa donation, ne
*t etre par elle rapporté que fictivement.
Sur la question du rapport du domaine de Sauvagnat :
L e tribunal pense que la première clause du contrat
doit être rigoureusement restreinte au cas q u ’elle pré
voit j que le choix laissé à l ’époux était un encoura-
�(
10
)
gement à améliorer (les propriétés qui pouvaient devenir
les siennes;
Que la seconde clause interprête et explique la pre
mière, de manière à ne laisser aucun doute sur le
véritable sens à lui donner ;
Q u ’enfin les motifs qui ont pu dicter cette clause
du contrat de mariage de la dame Cisterne, sont abso
lument étrangers aux autres enfans, aux droits desquels
les père et mère n ’ont certainement pas entendu porter
préjudice.
Quant au rapport de la rente demandé à la dame
Voyret,
Le tribunal, d ’après les circonstances et la déclara
tion du père, consignée dans le contrat du mariage de
la dame Ducouftour, reconnaît que le sieur Voyret a
été obligé d ’en recevoir le remboursement, et pense
que le ra pp ort ne d o i t en être fait q u ’à l'échelle , con
formément à l ’art. i 5 du titre 3 de la loi du 16 nivôse
an G.
En conséquence, sur ces trois questions, le tribunal
décide :
i° Q u ’il sera procédé à l ’estimation (valeur de 1821 ),
tant des biens meubles et immeubles délaissés à la
dame Cisterne et aux autres enfans, ainsi q u ’ils se
composaient lors des actes, ainsi que de ceux dont le
sieur Auteroclie estdécédé saisi et vêtu, sauf aux parties
à prendre sur le rapport
telles conclusions q u ’elles
aviseront ;
20 que la dame Voyret rapportera 2o34 irancs en
numéraire, valeur réduite de celle d o y 4 ° ° h '* assiguats,
�montant du re m bour sem en t fait au sieur Voyret de la
rente en bled énoncée dans leur contrat de mariage.
La dame Ducouffour a interjeté appel de ce juge
ment, p a r exploit du 24 octobre 1822.
Enfin , le 17 décembre 1823 , la damé Marie Auteroche, autorisée du sieur Biaise Cisterne son mari, a
lait au greffe de Clermont une répudiation pure et
simple à la succession de défunt sieur Thomas Auteroche son père, et a déclaré s’en tenir uniquement
aux dispositions et avantages portés en son contrat de
mariage.
Tel est l’état de la cause.
Ce précis n ’ayant d ’a u tre but que de fixer l ’attention
de la Cour sur les vraies difficultés du procès, et
d ’appeler sa méditation sur les principes qui doivent
servir à les résoudre, la discussion peut être brève et
simple. O11 la divisera en trois parties, et on suivra
l ’ordre adopté par le jugement.
Imputation de la dot de la dame Cisterne.
Sur ce p o i n t , il faut partir d ’une idée certaine j
c est que la donation faite à la dame Cisterne doit
avoir tout l ’effet que lui attribuaient les lois exis
tantes au tems de son contrat de mariage.
Mais à quel titre la dame Cisterne retient-elle le
don qui lui a été fait?
Ce 11e peut être comme part héréditaire, puisqu’elle
�a renonce à la qualité d ’héritière; ce ne peut donc être
que comme libéralité.
L a dame Cisterne a fait une renonciation à la suc
cession de son père : Par quelle loi l'effet de cet acte
doit-il être réglé?
Il est évident :
Que respectivement à la dame Cisterne, qui était
saisie avant le Co de, les effets de sa renonciation doi
vent être réglés par les lois existantes à l ’époque de
son contrat de mariage5
Que respectivement à ses cohéritiers , les effets de
cette même renonciationn doivent être réglés, pour
la légitime, par le Code civil, sous l’empire d u q u e l
la succession du sieur Auteroche s’est ouverte.
Cela posé, quels sont les principes?
U n arrêt célèbre les a i rré vo ca b le m en t fixés. II con
tient , à cet égard, une théorie complette; et si l ’on y
joint la lecture d ’un excellent rapport , chef-d’œuvre
d ’analise et de logique, fait par M. Poriquet, conseiller
en la Cour de cassation, on a pour résultats certains;
Que les principes de l'ancienne législation sont in
conciliables avec ceux du Code civil;
Que l ’ancienne législation donnait à chacun des
enfans , pour sa légitime , une créance personnelle
affectée sur les biens;
Que le Code c i v i l , au contraire, donne à tous les
enfans collectivem ent la succession tout entière;
Que les conséquences à tirer de cette différence sont,
sous le Code civil :
�( i3 )
-
**
Que l ’enfant n’ait part à la succession q u ’en qualité
d ’héritier.
Que s’il renonce à la succession pour s ’en tenir au
d o n , ce don reste fix é , pour lu i comme pour les
étrangers, à la quotité déclarée disponible (i).
E t comme l ’article 845 du Code civil borne à la
quotité disponible ce que l’enfant renonçant a le droit
de retenir , il devient évident que cet enfant ne peut
en même tems retenir aucune partie de la réserve
légale.
Ce dernier principe avait d’abord été contredit; mais
il a été adopté par un arrêt de la cour de R i o m ,
seconde chambre, du 8 mai 1821 (2), et par arrêt de
la cour royale de Toulouse, du 27 juin de la même
année (3 ).
Ce dernier arrêt a été rendu dans une espèce iden
tique.
Il s agissait d une f i l l e dotée sous l ’ordonnance de
1731 , qui a été autorisée, après avoir renoncé à une
succession ouverte sous l'empire du Code c iv il, h re
tenir sa donation jusqu’à. concurrence des six dixièmes
(t) Voyez arrôt L a r o q u e d e Mons ( S i r e y , tom. 18 , i re p a r t . , p. 98).
Il faut lire le Mémoire en cassation, contenant tout ce qui pouvait être
d ‘t a 1 appui du système contraire à celui adopté par la Cour de cassat '° n , et où sont invoquées toutes les autorités citées par M. DucouiTour;
une Consultation de M. Proudlion , professeur de Droit c iv il, que le
demandeur produisait à l ’appui de sa requôte; enfin le rapport d e
M. P oriq u et, dont l’opinion a été adoptée par l ’arrêt de rejet.
(2) Voyez Journal du Palais, page a 10.
( 3) Voyez S ire y , toiug 2 1 , 2e partie, page 102,
«
�des biens, ce q u i , sur le nombre de cinq enfans, for
mait la réunion de la quotité disponible et de la
légitime ancienne.
Ce droit n’est point contesté à la dame Cisterne.
Mais une circonstance précieuse se fait remarquer
dans l ’arrêt.
Il y avait un autre e n fan t, qui , comme la dame
DucoufFour, avait reçu, sous la loi de germinal an 8 ,
la quotité disponible.
Or r arrêt décida q u ’elle ne pourra y prendre part
q u ’autant que la dot du renonçant serait inférieure au
quart des biens, et jusqu’à concurrence de la diffé
rence entre ce quart et la somme donnée.
C ’est absolument le système de la dame Voyret : elle
ne demande pas autre chose , et convient que si la
donation Cisterne n atteint pas le qua rt, quotité ac
tuellement d isp onib le , la dam e DucoufFour au ra le
droit de prélever le surplus , mais rien de p lus.
Quelles sont les objections ?
_ On dit que la dame Voyret ne peut réclamer que
la légitime du Code , qui est un quart des biens.
C ’est une erreur.
D ’une part , la dame Voyret doit profiter du béné
f ic e de la renonciation Cisterne , tout comme elle
profiterait du bénéfice du rapport, si la dame Cisterne
venait k partage.
D ’ un autre côté, la dame Cisterne, renonçante,
doit compter comme enfant pour fixer la quotité dis
ponible , mais ne compte pas pour prendre part dans
la réserve légale.
�Dès-lors , la part qu ’elle aurait eue accroît a ses
deuoc sceurs, dont l ’amendement, pour chacune d elle,
est alors d ’un quart et demi, au lieu d’un q u a r t, si
cette quotité se trouve encore dans la succession.
C ’est le système de l ’arrêt Laroque, et les résultats
qui doivent nécessairement s’en déduire.
On objecte ensuite que le père ne peut perdre e x
post fa c to , et par une renonciation postérieure à sou
décès, la faculté de disposer de la quotité disponible,
quotité q u ’il n’avait pas d’ailleurs entendu livrer à la
dame Cisterne; q u ’on ne peut tromper ses intentions,
et que le droit de préciput, tenant à la morale, ne
saurait être le jouet du caprice ou de la fraude d ’un
enfant.
Plusieurs réponses se présentent :
On peut d ’abord faire remarquer que cette objec
tion n est pas spéciale pour la cause, et q u ’elle attaque
dans son fondement le système de la Cour de cassa
tion. Mais il ne s’agit pas de savoir si la loi peut être
meilleure, mais bien de rechercher quelle elle est;
encore moins de découvrir si le législateur a mal fait
de changer le système ancien , mais bien de s’assurer,
5 il l ’a réellement changé. 11 faut ici appliquer la maxime
nec nos plus' lege sapere debetnus.
On doit dire ensuite q u ’il n’y a pas de fraude à user
d ’un droit légal.
Il faut même ajouter que s’il était question d ’ap
précier les deux systèmes , on verrait bientôt que l’ancien
est plus choquant que le nouveau, puisque, sous son
�empire, l ’enfant renonçant retenait non seulement la
portion disponible, mais encore la légitime.
Mais si 011 aborde la difficulté de plus près , on
parvient à se convaincre que le droit du père de fa
m ille, qui a fait des avancemens d ’hoirie et qui veut
ultérieurement disposer de la quotité disponible , est
subordonné à l ’acceptation ou renonciation de l’enfant
précédemment doté.
E n effet , ce cas est analogue à celui jugé par la
Cour de cassation, le 19 mai 1819 (1).
Il s’agissait d’un enfant qui était décédé avant son
père, après avoir dissipé la dot q u ’il en avait reçue.
L ’arrêt décide que cette dot devait s’imputer sur la
quotité disponible.
'
Il consacre donc le principe que le droit du père
était subordonné au prédécès de cet enfant.
U n autre objection résulte d ’un arrêt du 28 janvier
1820, rendu par la première chambre de la Cour royale
de Iliom.
• Cet arrêt a décidé q u ’une donation faite en avance
ment d ’ hoirie, sous la loi de germinal an 8 , pouvait
être retenue par l ’enfant qui renonçait à la succession
ouverte depuis le C o d e , jusqu’à c o ncurre n ce , non seu
lement de la quotité rendue disponible par la loi de
germinal, mais encore d’ une portion viriledans le restant
des biens.
Pour la dame DucoufFour, on en tire la conclusion,
que le préciput fait à cette dame l ’ayant été sous la loi
�( 17 )
de germinal, doit être réglé de la même manière que
si la succession se fut ouverte sous l ’empire de cette
loi.
On répond :
Si on admet que , sous la loi de germinal, l ’enfant
renonçant pouvait cumuler la quotité disponible et la
légitime (question très-ardue, et q u i , comme on l ’a
v u , a été jugée dans un sens contraire par la Cour de
Toulouse), tout ce qui résulterait de cet arrêt, c’est
que la dame Cisterne, en renonçant., peut retenir sa
donation jusqu’à concurrence de la quotité disponible
et de la légitime, droit qui ne lui est pas contesté.
Mais on ne saurait induire de l ’arrêt, que le droit
accordé à un seul e n fa n t peut se diviser entre plusieurs j
par exemple, que l ’u n , en renonçant, peut garder la
légitime, et un autre prendre la quotité disponible.
Si la succession se fût ouverte sous la loi de germinal,
le mérite de la donation DucouiFour n ’en aurait pas
moins dépendu de l ’effet de la donation Cisterne }
aussi pour soutenir leur système , les appelans sont-ils
oblig és de déplacer la question que présente la cause.
Il s’agit uniquement de savoir s i , au moment du
mariage de la dame Ducouffour, la donation Cisterne
faisait obstacle au pré ciput,
E t non de rechercher si (mettant de côté la dona
tion Cisterne), le père pouvait donner à sa ixlle D ucouftour, et la quotité disponible et la légitime, c’esta-dire moitié de ses biens.
O r , en considérant la difficulté sous son véritable
point de vu e , on îeste convaincu que la donation
3
�,
( 18 )
faisait au préciput DucouiFour un obstacle conditionnel.
E n effet , si la dame Cisterne préférait sa légitime
légale à sa légitime conventionnelle, et venait à partage ,
sa donation ne faisait pas obstacle au préciput Ducouffour, parce q u ’elle en faisait rapport à la succession.
S i , au contraire, la dame Cisterne optait pour sa
donation, et, pour la conserver, prenait le parti de
renoncer à la succesion; dans ce cas, la donation Cis
terne faisait, au préciput postérieur DucQuffour, un
obstacle total ou p a r tie l, selon que cette donation
absorbait tout ou partie de la quotité disponible.
On dit quotité disponible, parce que l'arrêt accor
dant à la donataire qui renonce, le droit de retenir la
quotité disponible et une portion virile dans le restant
des biens, ne dit)pas laquelle de ces portions sera re
tenue la première, et que-, par argument tiré de l ’art. 8 4 5 du Code c i v i l , il p arait certain que c’est
d ’abord sur la quotité disponible que cette retenue
doit se faire.
Mais s’il fallait commencer par faire l ’imputation de
la donation Cisterne sur la légitime, de quelle légi
time entendrait-on parler ? Serait-ce de la légitime
ancienne ou de la réserve du Code civil ?
D ’abord on ne peut pas dire q u ’en retenant sa dona'
tion , la dame Cisterne ne retient que la réserve du
Code civil.
Doux raisonnemens bien simples détruiraient cette
assertion :
L e premier est que , sous le C o d e , il faut être héri
tier pour avoir part dans la réserve, et que le droit de
�rétention étant abrogé, l ’excédant dé la légitime nou
velle sur la légitime ancienne accroît nécessairement
aux héritiers ;
L e second, que la légitime étant, toujours en corré
lation avec la quotité disponible, on ne peut faire
concourir la légitime du Code avec la quotité disponi
ble ancienne.
r
‘
Tout ce q u ’on peut prétendre, c’est donc que la
dame Cisterne retient la légitime ancienne, q u i, dans
l ’espèce, est d ’un neuvième; donc tout ce qui excéderait
ce neuvième serait évidemment pris sur la quotité
disponible.
Il est convenu que la donation Cisterne doit avoir
tout l ’eiFet que lui attribuaient les lois anciennes,
c’est-à-dire, q u ’elle vaut sept neuvièmes, savoir : six
neuvièmes ou deux tiers pour la quotité disponible,
et un neuvième pour la légitime.
Il est certain que cette donation n’absorbe pas les sept
neuvièmes, mais elle en absorbe plus d ’un. L a question
est donc de savoir sur quelle portion se commencera
rimputation.
O r , l ’article 845 du Code civil, qui régit la cause,
puisque la renonciation a eu lieu sous ce Cod e, indique
que l ’imputation doit commencer par la quotité dis
ponible; e t , si la question paraissait douteuse, il
faudrait se prononcer en fa ve u r de l’opinion qui tend
à ramener entre les héritiers l ’égalité naturelle.
Mais au moins est-il certain que tout ce qui excède
le neuvième qui serait revenu à la dame Cisterne,
�Vttf
,
( 20 )
pour sa légitime, doit être imputé sur la quotité
disponible.
^
§ IIRapport du domaine de Sauvagnat.
L a question de savoir si le choix laissé au sieur
Cisterne, en cas de restitution de la d o t , le rendait
ou non propriétaire du domaine de Sau vagn at, ne
peut intéresser que les époux Cisterne, et conséquemment ne peut être discutée que par e u x , et jugée dans
leu rs intérêts. L e contrat de mariage, quel q u Jil soit,
ne saurait être opposé à des étrangers; il ne peut lier
que les époux dans leurs intérêts respectifs. On ne
saurait donc interpréter ce titre contre leur volonté,
et donner à l ’un d ’eux un droit q u ’il ne réclame pas,
et que l’autre ne saurait contredire, n 'a y an t, dans le
moment actuel , ni v o l o n t é , n i i n t é r ê t , n i capacité
jiour le faire.
Le domaine de Sauvagnat provient du sieur Auteroche de c u ju s ; il a été donné par lui à la dame
Cisterne, sa fille; le rapport fictif doit en être fait
à la succession du donateur,
dans l ’intérêt de ses
héritiers : comment ce rapport doit-il avoir lieu?
Les principes sont positifs.
Les articles 860 et 922 du Code civil veulent que
la réunion fictive ait lieu, d ’après l ’état des biens, à
l ’époque de la donation, et leur v a l e u r a u teins du
d é c è s d u do nateur.
'lo u l le monde sait, îi ce suje t, que restiination de
la chose donnée, portée au contrat, n’a jamais été prise
�( 2! )
en considération, et q u ’il est de principe immuable,
que l ’augmentation de valeur des biens donnés, par la
seule progression du tems, profite aux lcgitimaires.
Les clauses du contrat de mariage de la dame C is
terne changent-elles quelque chose à ces principes?
Ce contrat porte : « Dans tous les cas où la restitu
ii tion d e la d o t a u ra l i e u , i l sera l i b r e au futur,
a ou aux siens, de garder et retenir les biens ci-dessus
« délaissés à la fu tu re , en pa yant, à qui il appar« tiendra , la somme de 25 ,ooo fr. »
Il est évident que cette clause n ’établit point une
vente du beau-père au gendre, puisque les biens sont
donnés directement à la future, et non la somme.
On y prévoit un seul cas : c’est celui de restitution
de la d o t , qui est relatif du mari et de ses héritiers,
à la femme et à ses héritiers uniquement; e t , dans ce
cas, le mari a le choix de rendre les biens ou l ’argent.
O r , conçoit-on une vente sous une condition potes
tative delà part de l ’acquéreur? les principes répondent :
N u lla promissio potest consistere, quœ e x volontate
promissoris statuiti capit{L>. 1 1 8, § Ier, ff. D e v e r ò , ob.').
« Toute obligation est nulle, lorsqu’elle a été con« tractée sous une condition potestative de la part de
« celui qui s’oblige » (Code civi l, art. 11 74).
Si l ’on continue l ’examen du contrat, on y remarque
d abord que le cas de rapport n 'y est pas prévu, et
q u ’il ne pouvait l ’ètre, puisque la future renonçait à
la succession.
Mais deux autres événemens occupent la pensée du
père.
lOf
�1^
*p\
( 22 )
, L e premier est celui du décès de l ’ un des futurs
sans enfans; et alors les constituans stipulent le retour,
non de la somme, mais des biens.
L e second est relatif à la survie des constituans aux
époux laissant des enfans; et alors il est permis aux
constituans de répartir, à leur gré, le profit de leur
constitution entre leurs petits-enfans.
Ainsi, il est démontré que l ’ensemble du contrat,
les* termes de la clause, n ’annoncent q u ’un simple
avantage éventuel de la future k son futur.
Ou ne voit donc rien dans la cause qui puisse faire
déroger aux règles tracées par les articles 860 et 922
du Code civi l, puisqu’il faudrait pour cela une vente
bien positive, "et que, dans l ’espèce, il n ’y en a pas
l ’ombre.
«
11 faut ajouter que Papon rapporte un arrêt, où le
gendre avait reçu un i m m e u b le en paiement de la dot
pécuniaire de son épouse. Venant à partage, il voulait
rapporter la dot; mais il fut condamné à rapporter la
valeur de l ’immeuble au moment du décès.
Il
est actuellement démontré que les premiers juges
ont eu raison de dire :
Que la première clause du contrat de mariage de la
dame Cisterne , était étrangère aux autres enfans
auxquels le père n’avait pas voulu porter préjudice;
Que cette clause n’était q u ’un m o tifd ’encouragement
offert au m a r i , et que d ’ailleurs elle devait être res
treinte au cas q u ’elle prévoit;
Q u ’ enlin les clauses subséquentes e x p l i q u a i e n t par
faitement la première , et a n n o n ç a i e n t assez que les
�(
5.3
)
l< p
conslituans n ’avaient jamais voulu aliéner le domaine
de Sauvagnat d a n s leurs interets et dans celui de leurs
autres enfans.
' ,
§ HT.
R a p p o rt d e la rente d u e p a r le s ie u r V o y r e t .
La rente ayant été remboursée en assignats, doit-elle
être rapportée valeur nominale ou seulement valeur à
l ’échelle.
Le rapport, valeur à l ’échelle, est établi par l ’art. i 5
de la loi du iG nivôse an 6 , ainsi conçu : « Les res« titutions seront faites, par le mari, en valeur ré« d u i t e , pour tout ce q u ’ils auront reçu en papier« monnaie ». L ’article 16 ajoute : « Il en sera usé
« de même dans le cas du rapport des dots. »
L ’article 855 du Code civil dispose «que l ’iinmeuble
« qui a péri par cas forfuit, et sans la faute du
« donataire, n ’est pas sujet à rapport. »
M. Merlin, dans son Répertoire, v ei'bo Rapport,
§ 8 , n° 8 , dit : « Le rapport des rentes, soit fon« cières , soit constituées, se règle par les mêmes
« principes que ceux des héritages. Les rentes doivent
« d o n c , comme les héritages, être
rapportées
en
« espèce, et elles sont, comme eux, aux risques de
« la succession, mais sous la garde du donataire. »
Dans 1’espèce, le r em b o u rs em en t a été forcé : il
était inévitable-, et le sieur Y oyret ne p o u v a it , sans
*f> \
�( >4S )
s’exposer aux plus grands dangers, se refuser à le
recevoir.
^
Une loi du i er avril 1793 prononce des peines graves
contre ceux qui refuseraient les assignats 5 pour la
première fois, c’est une amende de 3 oo francs et de
six mois de détention; en cas de r é c i d i v e l ’amende
était du double, et la peine corporelle de vingt années
de fers.
D ’autres lois des 21 floréal an 2 et 3 pluviôse an 3
infligeaient des peines à ceux qui discréditaient les
assignats ; et pour q u ’il ne manquât rien à cette
cruelle législation, un tribunal révolutionnaire pou
vait à chaque instant en faire l ’application, et même
prononcer impunément, et suivant ses caprices, des
peines plus dures que celles de la loi.
C ’est dans ces circonstances, que le sieur Voyret a
reçu le re m b o u rs em e n t de la rente due à la dame son
épouse. Sa dernière quittance est du 24 nivôse an 3 ;
et le tribunal révolutionnaire n ’a été supprimé que le
12 prairial de la même année.
Com men t aujourd’hui pourrait-on demander compte
au sieur Voyret et à son épouse de ce remboursement,
et les en rendre responsables ? N ont-ils pas code a la
nécessité 3 à une force majeure ? Ce remboursement
n ’est-il pas un cas fortuit q u i , sous aucun rapport, ne
peut-être imputé à faute au sieur Voyret ?
Peu importe le nombre de quittances que le sieur
Voyret peut aVoir données, les formes q u ’il a employées,
�les expressions dont il s’est servi, les engagemens q u ’il
a pu y souscrire! Il était naturel qu ayant une perte a
éprouver, il la rend it la plus légère possible, et q u ’il
f i t tous ses efforts pour obtenir au moins tout ce que
la loi lui accordait. Dès que la rente n ’avait été rem
boursée q u ’au denier vingt , le sieur Voyret devait
exiger un supplément de remboursement, autrement on
lui aurait fait un reproche de ne l ’avoir point demandé.
T o ut se réduit donc à voir si ce remboursement était
fo r c é .
O r , les circonstances du tems, les lois alors exis
tantes , les aveux consignés dans les actes de famille se
réunissent pour attester ce fait.
On connaît les lois. Elles existaient à l ’époque du
mariage de la dame V oy re t; aussi le sieur Àuteroche
savait-il que cette rente devait être remboursée, puis
que ce remboursement lui avait été offert à lui-méme
peu avant le mariage de sa fille.
Toute la famille a reconnu ce fait; il est consigné
dans le contrat de mariage de la dame Ducouifour
elle-même : le père y a fait écrire que le rembourse
ment des rentes avait été fo r c é . Comment la dame
Ducouifour pourrait-elle équivoquer aujourd’ hui sur
un iait reconnu par son père et par elle-même?
On s’arrête ici. Le sieur Voyret croit avoir atteint
le but q u ’il s’est proposé : il ne voulait autre chose
que resserrer dans le cadre le plus étroit les faits et
les moyens principaux de sa cause, sachant bien q u ’il
4
�(26
)
suffi t de fixer l'attention de la Cou r sur les questions
même les plus ardues, pour être toujours sûr d ’en
obtenir une décision conforme aux principes,
à la
saine doctrine, et aux règles de la Justice.
Me Jn - C H. B A Y L E aîné, ancien A vocat.
Me M O U T O N - L A B A S T I D E , A v o u é-L icen cié.
RIOM ,
IM PRIM ERIE
D E S A L L E S , P RES L E P A LA IS D E J U S T IC E .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Auteroche, Marguerite. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Mouton-Labastide
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
dot
assignats
renonciation à succession
successions
pays de droit écrit
conflit de lois
avancement d'hoirie
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse pour Dame Marguerite Auteroche et le Sieur Voyret, son mari, Docteur en médecine, intimé ; contre Dame Marie Auteroche et le sieur François Malafosse Ducouffour, son mari, Adjudant des Gardes du Corps, compagnie d'Havré, Chevalier des ordres de Saint-Louis et du Phénix, Appelans ; en présence de Dame Marie Auteroche et de sieur Blaise Citerne-Delorme, son mari, aussi Intimés.
Annotations manuscrites : « 8 avril 1824, 2nde chambre, arrêt confirmatif, journal des audiences, p. 255. »
Table Godemel : Donation : 17. quels doivent être les effets d’une donation, faite avant les lois nouvelles, par un père mort depuis le code civil, à une enfant qui renonce pour s’en tenir au don ? La donation fait-elle, nonobstant sa rémunération, nombre parmi les héritiers ; et peut-il retenir l’objet donné, jusqu’à concurrence de la légitime et de la quotité disponible, telles qu’elles étaient fixées par la loi en vigueur au moment du contrat ?
18. quel doit être le sort d’une donation du quart en préciput, faite à un autre enfant, postérieurement à la loi de germinal an huit, lorsque l’objet de la première donation est inférieur à la quotité disponible ancienne, et peut-être même à la disponibilité nouvelle ? - le second donataire, peut-il dans son intérêt, avec les héritiers à réserve, faire considérer le premier donataire comme légitimaire, prendre la quotité disponible au moment de la seconde donation, en imputant sur la légitime du premier donataire, les objets que celui-ci retient ? Dot : 4. dans l’ancien droit un immeuble donné en dot, avec estimation et pouvoir au mari de le retenir pour la somme indiquée, est-il présumé vendu ?
en supposant qu’il y ait eu vente, le don, devenant sujet à un rapport fictif, doit-il être estimé valeur du décès du père ? Rapport : 8. une rente foncière donnée en avancement d’hoirie doit-elle être rapportée, valeur réduite seulement, si elle a été remboursée en assignats au mari de la donataire, bien que le remboursement ait été accepté sous contrainte, qu’il n’ait pas été accompagné de remploi, et que la nullité du remboursement n’ait été mise à couvert que par le fait du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1764-1822
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2606
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53522/BCU_Factums_G2607.jpg
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauvagnat (63410)
Perrier (63275)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
avancement d'hoirie
conflit de lois
contrats de mariage
dot
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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d1f8cecf45a13f9913350d21cbb1dc6e
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MEMOIRE
A CONSULTER,
R A Y M O N D , propriétaire, habi
tant du village du Cati, commune de Bord;
J e a n R A Y M O N D , aussi propriétaire, habi
tant au village d’Herm ent, commune de
Bongheat, et autres ,
Pour B la ise
le sieur C E Y T A IR E , propriétaire ha
bitant du lieu de la Grange, commune de
Varennes, arrondissement d’Issoire, et autres.
C ontre
G É N É A L O G IE DES PA R TIE S.
Ja cq ue s R a y m o n d , 87 août 1 8 1 9 ,
à
Françoise G uerrier
» 1
R o b e rt
14 février 178 1,
A nne Delorm e,
1
B laise
en 1 e r noces
l e 4 janvier 1785,
â
r
novembre 1785.
^
i
1
1
Je a n ,
Jacqueline ,
' M arie
M agdeleioe.
à
â
â
Françoise A m blard. Benoit D ucrohet. Jacquet Parot.
Elisabeth O l i c r ;
en 2 e noces,
le 27 dé c. 1 78 7,
B e n o ît e A m blard.
D u mariage de Jacques Raymond et de Françoise
Guerrier, sont issus six enfans, Robert, B ia ise, Jean,
Jacqueline Marie et Magdeleine R a y m o n d .
�Robert Raymond a épousé, le il\ février 1781, A n n e
Delorme; les père et mère du futur l’instituèrent leur
héritier général et universel, à la charge, i°. de ne jouir
des biens des instituons, qu’après le décès du dernier
vivant d’eux ; 20. de payer, si lait n’a été du vivant des
instituans, à Biaise, Jean, Jacqueline, Marie et Magdeleine Raymond, ses cinq frères ou sœurs, une légitime
conventionnellej savoir, de 800 liv. et un ameublement,
à chacun des deux garçons; et de 700 liv. et un ameuble
ment, à chacune des trois filles: il fut constitué à la future
un trousseau et une somme de i, 5 oo liv.
L e 4 janvier 1780», Biaise Raymond contracta mariage
avec Elisabeth Olier^ il fut constitué en légitime une
somme de 927 liv. 10 s.
En novembre 1785, décéda Françoise Guerrier, femme
de Jacques Raymond.
Elisabeth Olier, femme de Biaise Raymond, étant dé
cédée sans postérité, en juin 178G, ce dernier se remaria
le 27 décembre 1787, avec Benoîte Amblard. Jacques
R a y m o n d , son p è r e , lui constitua p a reille so m m e de 927 1.
10 s. pour ce quipouvoit lui revenir du chef de ses père
et mère.
L e 8 décembre 1788, Jean Raymond épousa Fran
çoise Amblard. Le père du futur lui constitua un ameu
blement et une somme de 800 liv., tant pour biens pa
ternels que maternels.
¡Viagdeleine Raymond décéda sans postérité et ah in
testat.
L e G août 1792, Jacqueline Raymond fut mariée à
Benoît Ducrohet. Jacques Raymond, son père, conjoiü*
�(3 )
tement avec Robert Raymond, son héritier institué, ha
bitant avec lui, constituèrent à la future un ameublement
et la somme de 700 fr. pour biens paternels et maternels.
Robert Raymond, non content de l’expectative que lui
présentoit l’institution générale d’héritier faite en sa fa
veur, voulut s’assurer actuellement tous les biens dudit
Jacques Raymond, son père; et pour y parvenir, il le
décida à lui faire, le 2.4 août 1792, une donation entre
vifs de tous ses biens meubles etimmeubles, sous la réserve
de quelques objets mobiliers, et d’une pension en cas de
séparation.
- « Cette donation est faite à la charge, i°. de payer à
.» Ma rie Raym ond, sœur du donataire, une somme de
» 100 liv., outre et par-dessus la dota elle promise en son
» contrat de mariage; 20. d’acquitter et de payer, comme
>> il s’y oblige, toutes les dettes hypothécaires et cliiro» graphaires de sondit père, qui existent actuellement, et
» ce, suivant l’état et mémoire qui sera, dans le mois pro» chain, fait et arrêté double entrelesparties, en présence
» du sieur Antoine Gayte-Larigaudie, curé de St-Ger» maiu, de Jean et Robert Raymond, cousins des parties;
» desquelles dettes, Robert Raymond garantira son père.
» A u moyen de quoi, Jacques Raymond s’est dessaisi et
» départi de la propriété et jouissance de tous les susdits
" biens.
» Enregistré à Tssoire le 3 i août 1792. Enregistré au
•»> registre de forme, en conformité de l’ordonnancc de
« 1731, ledit jour. »
Par suite, et en vertu de celte donation , Robert R ay
mond se mit en possession et jouissance de tous les biens
�( 4 )
meubles et immeubles de Jacques Raymond, son père,
qui en cessa complètement l’administration.
L ’étal ou mémoire des dettes de Jacques Raymond, qui
devoit avoir lieu, aux termes de la donation, dans le
mois de sa date, a-t-il été fait? est-il régulier et en forme?
c’est ce qu’on ignore, parce qu’il n’a été ni produit ni
signifié. On assure qu’il en existe un, suivant lequel les
dettes s’élèveroient à 1 1,000 fr. ; mais tant qu’il n’est pas
justifié avec les pièces qui s’y rattachent, on ne peut
s’arrêter à ce prétendu état, que comme une allégation à
vérifier.
I l paroît que Robert Raymond a payé à divers créan
ciers de son père, le montant de leurs créances en assignats}
et il sera facile de le reconnoitre par le rapport de toutes
les quittances, que ledit Robert Raymond sera tenu de
faire; et, à son défaut, les légitimaires Raymond pourront
les découvrir.
. L e 25 germinal an 7 , Marie Raymond a épousé Michel
Parot; Jacques Raymond et Robert Raymond, son fils,
son héritier contractuel et son donataire, constituèrent à
ja future, leur fille et sœur, un ameublement, et en dot
la somme de 800 fr. ; le tout payable par ledit Robert
Raymond, avant la célébration dexnariage,qui en vaudra
et tiendra lieu de quittance.
Robert Raymond a vendu au sieur Marcelin Filayre,
notaire à Trébuche, une-vigne d elà contenue d’entour
vingt œuvres, située aux appartenances de Brenat, terroir
de Durette, dépendant des biens compris en la susdite
donation.
On ne connoît ni la date certaine, ni les conventions,
�( 5 )
ni le prix de cette vente-, on la croit cependant antérieure
de deux ans à celle ci-après.
r II paroît certain qu’il ne restoit plus de créanciers de
Jacques Raymond; mais Robert, son fils, avoit mal ad
ministré; il avoit contracté des dettes en 1806,1807, et
années suivantes. Il étoit, d’une part, pressé d’en acquitter
le montant, et de l’autre, il vouloit enlever à ses cohéri
tiers légitimâmes, les moyens de revenir contre la dona
tion; il crut atteindre ce double bu t, en engageant Jacques
Raymond, son père, à se réunir à lui pour vendre les
objets dont il s’étoit irrévocablement, de droit et de fait,
dessaisi; en conséquence, et le 7 décembre 1 8 1 1, par acte
reçu Simondet, Jacques et Robert Raymond père et fils-,
ont vendu solidairement au sieur Pierre Ceytaire le do
maine appelé de Granges, consistant en bâtimens, prés,
terres, et sans en rien réserver, ensemble le mobilier
dudit domaine, bestiaux,instrumens aratoires, chars, etc.,
moyennant 32,000 fr., dont 2,000 fr. pour ledit mobilier,
et sous la condition « que l’acquéreur se retiendra en
» ses mains une somme de 8,000 fr. pendant la vie dudit
*< Jacques Raymond père, pour lui en payer l’intérêt
» à cinq pour cent sans retenue, de trois mois en trois
” mois, afin d’équivaloir à la pension viagère qu’il s’est
» réservée par la donation entre-vifs dudit domaine, faite
« en faveur dudit Robert Raymond, son fils, aux termes
M de l’acte reçu Gerle, notaire h Sauxillanges, le 24 août
» 1792, enregistré et insinué le 3 i du même mois; et
» après le décès dudit Jacques Raymond, ladite somme
» de 8,000 fr. sera payée h. scs héritiers ou aux créanciers
» inscrits sur le domaine. »
�(0)
Quant aux 24,000 ^r* restans, ils sont stipulés payables
aux créanciers des vendeurs; savoir, 10,000 fr. dans un
mois, 10,000 fr. cinq mois après, et les 4,000 fr. en octobre
1812.
Il paroît que cette vente fut transcrite, et notifiée aux
créanciers inscrits. Un ordre a été ouvert au tribunal d’ Issoire; le prix intégral de la vente a été distribué, mais il
n’en a été payé que les 24,000 fr. ; les 8,000 fr. devant
servir de capital à la pension du père, sont restés.dans les
mains du sieur Ceytaire, acquéreur, pour, après le service
de ladite pension, être délivrés à qui-‘de droit.
Jacques Raym ond, après la vente du 9 décembre 1 8 1 1,
se sépara de Robert Raymond, son fils; il est venu cher
cher un asile chez Biaise Raymond, son autre fils,habitant
au lieu du Cati, commune de Bord, où il est décédé le 27
août 1819, ne laissant aucun immeuble, et un mobilier
très-exigu, sur lequel les scellés ont été apposés, et dont
l’inventaire a été légalement fait. La succession du sieur
Jacques Raymond a été acceptée sous bénéfice d’inven
taire par les légitimaires ou leurs descendans, le 5 no
vembre 1819.
L e 8 novembre 1819, Biaise et Jean Raymond, Benoît
et Pierre Ducrohet, enfans de Jacqueline Raymond, tous
en qualité d’héritiers sous bénéfice d’inventaire dudit
Jacques Raymond, ont formé contre Jacques Parot, en
qualité de père et tuteur d’Antoine Parot, son fils, et
héritier de Marie Raymond, sa mère, fille dudit Jacques?
une demande en partage de la succession'dudit J a c q u e s
Raymond, pour y prendre telles conclusions qu’il aviser«)
et voir dire que par Robert Raymond, il sera délivré au*
�(
7
)
requérons, à litre de retranchement, et en vertu de l’ar
ticle 3 1 de l’ordonnance de 1731, et de l’article 920 du Code
civil, à chacun un dixième de tous les biens compris en la
donation faite audit Robert par ledit Jacques, le 24 août
1792, avec restitution de jouissances depuis le décès ; voir
en outre ordonner que tous détenteurs qui seront appelés
en cause, seront tenus de se désister des biens de ladite
succession, jusqu’à concurrence des portions afférentes des
xequérans.
• Les 16 novembre et 23 décembre 1819, les mêmes ont
formé contreBobert Raymond, la demande en retranche
ment de la susdite donation, et, à cet effet, venir à division
desdits biens, avec tous rapports de droit, pour leur en
être délaissé à chacun un dixième; et contre les sieurs
Pierre G e y ta ire et M a r c e l in Filayre, u n e d e m a n d e eu
ju g e m e n t c o m m u n avec ledit Robert Raymond , en assis
tance audit partage, pour y rapporter les objets par e u x
acquis, pour etre soumis auxdites opérations de retran
chement et partage-, voir ordonner tout désistement des
portions nécessaires à la composition de la portion affé
rente des requérans, avec toute restitution de droit.
L e 28 juin 1820, il a été rendu entre les légitimaires
Raymond, Biaise Raym ond, et les sieurs Geytaire et
Filayre, jugement par le tribunal de Clermont, première
chambre, qui donne défaut con tre ledit Robert Raymond,
frute de comparoir, et pour le profit, joint le défaut à la
cause, pour être fait droit sur le tout par un seul et
même jugement.
Par exploit des 8 et 9 janvier 1821 , le sieur Ceytaire n
dénoncé u tous les créanciers qui uvoient produit à l’ordre
�( 8 )
fait à Issoire, la demande en retranchement de la dona
tion du 24 août 1792, en partage et rapport des immeu
bles par lui acquis par l’acte du 7 décembre 181 r, avec
sommation defaire cesser lesdites demandes, prendre son
fait et cause; en conséquence, en cas d’adjudication des
conclusions des légitimaires Raymond, se voir condamner
à garantir et indemniser le sieur Ceytaire des condamna
tions qui pourroient intervenir contre lui en faveur
des demandeurs; ce faisant, ceux qui ont reçu par suite
dudit ordre, être condamnésà lai rapporter et rembourser
les sommes qu’il leur a payées, avec les intérêts ainsi que
de d ro it; et c e u x qui n’ont pas encore reçu le m o n ta n t de
leurs bordereaux, pour voir dire que lesdits bordereaux
seront déclarés comme nuls et non avenus à l’égard dudit
requérant.
* •• Par jugement du 7 février 1821, le tribunal de Cler
mont a joint la demande récursoire formée par l e ‘sieur
Ceytaire, à celle formée par les légitimaires Raymond,
pour être fait droit sur le tout par un seul et même juge
ment.
Depuis, le sieur Ceytaire a fait imprimer et distribuer
une consultation délibérée à Riom le 23 novembre 1820,
par M M. Allemand et Devissac, et une seconde délibérée
à Clermont par M. Boirot.
Dans ces deux consultations, on ne conteste pas le prin
cipe que les légitimaires ont le droit d’agir par action eu
retranchement de donations faites par l’auteur commun
contre le donataire; mais on soutient qu’ils sont, au cas
particulier, sans action contre le sieur Ceytaire, acqué
reur du donateur et du doqataire, et que les légitimaires,
�(90
héritiers sous bénéfice d’inventaire du premier, sontga-f
rans de ses faits, et ne peuvent revenir contre l’acte de.
vente qu’il a consentie solidairement avec son fils.
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , quia pris lecture du’
Mémoire à consulter ci-annexé, des actes y relatés,de la
procédure faite à Clermont, et des consultations délibérées
par M M . Allemand, Devissac et B oirot, à Riom et à
Clermont,
que les légitimaires Raymond ont été fondés à
former contre Robert Raym ond, une action en retran
chement de la donation à lui faite le a/f août 1792, par
Jacques Raym ond,leur auteur commun, et que par suite
ils ont pu agir contre les sieurs Filayre et Ceytaire, acqué
reur des biens,compris en ladite donation, pour les rap
porter à la masse des bieps de Jacques R aym on d , sur
laquelle ils ont le droit de prendre leur légitime de ri
gu eur, qui est un dixième*, et que la circonstance que
ledit Jacques Raymond, donateur, auroit vendu le 7 dé- •
cembre 18 11, conjointement et solidairement avec Robert
Raymond., donataire, les biens compris en ladite donation^
ne peut former obstacle à l’pction des légitijnaires, héri
tiers bénéficiaires de leur pi?re, ni les exclure et .priver
de leurs,droits.
Pour s’assurer si cclte.résolution est fondée ep principe,
il est népessaire,de clistingperjles différqns droits, qualités
qu,i compétent aux légitimaires Ray^pndj.flemandevjrs,
et ne.pa^icpnfopflre le droit de retrqpqhcment ou d e;réE
stim e
�.(
10
)
duction, avec la qualité d’héritier bénéficiaire, et les con
séquences qui en découlent.
En transmettant la vie, le père contracte vis-à-vis de ses
cnfans l’obligation de leur transmettre aussi les moyens
delà conserver et entretenir; ses biens, ses facultés leur
deviennent à tous un bien commun, dont le père a, la
libre disposition, jouissance et administration: ainsi il peut
en disposer à titre onéreux, sans que ses enfans puissent
s’en plaindre (hors les cas de traude et de simulation),
parce que la loi a dû penser que le père ne le faisoit que
par nécessité ou utilité; mais il ne peut, à titre 'de gratuit,
ép u iser toute sa su bstan ce, d o n n e r la totalité de ses biens
à des étrangers, au p r é ju d ic e d e ses enfans, ou à l’un d’eux,
au préjudice des autres. Ce seroit manquer le premier but
de la famille, fouler aux pieds les obligations les plus
sacrées, et les devoirs les plus respectables qu’impose la
nature : la loi a donc dû prendre des précautions pour
l'empêcher. D ’une autre part, il ne falloit pas ravir au père
le droit de disposer d’une partie de ses biens, pour ré
co m p e n s e r les uns, réparer les torts de la nature ou de
la fo rtu n e : aussi la loi a cru devoir laisser au père une
latitude de bienfaisance, qui, sagement employée, devient
en ses mains un moyen d’encouragement, de respect, et
souvent de justice. L ’usage de l’emploi de cette portion
considérée comme disponible, a été et dû être respecté;
mais le surplus de ces biens, comme frappé d’un séques
tre, étoit indisponible pour lui, et a été de droit dévolu à
ses enfans. Les lois et coutumes ont varié dans la pro
portion de ces deux paris entre elles; mais elles en ont
presque toujours fait la distinction : ce qu’elles on t regardé
�( 11 )
comme disponible, formoitpour les enfans un patrimoine
e x c lu sif et particulier, qu’on appeloit légitime, laquelle
étoit aussi fixée diversement, par rapport à la masse des
biens ou le nombi’e d’enfans, mais dont l’existence étoit
constante; son nom en rappelle l’origine et l’essence: elle
n’est pas due à la munificence ou volonté paternelle, mais
à la prévoyance, à la sagesse, à la volonté de la loi ; aussi la
légitime a-t-elle été appelée (lebitum bonorum subsidium.
God. lib. 3, tit. 29, de inoff. donationibus, lib. 5 , pag. 211.
Godefroi explique ce dernier mot ainsi : Subsidium,
quia judicium patris le x supplet. L ’authentique de triente
et semisse dit qu’elle est un bienfait de la loi et non du
père : benejicium legis non parentis. La Novelle 1 8 ,
chap. I er, pag. 926, d’où elle esttirée,disposequecenesera
qu’après avoir préalablement satisfait à ce qu'ils doivent
à la nature, queles parens pourront exercer leur libéralité.
E t natura primo curata competenter sic ad extraneos
largitates accedere.
Dans ce même chapitre, le législateur n’appelle pas la
légitime une portion de la succession du père, mais propriœ substantice pars.
Aussi la loi 6, au cod. de inojjlcioso testamento, l’appelle-t-elle bonorum pars.
Pour assurer la conservation, la transmission et la répé
tition de cette portion légale des biens, l’enfant a reçu de
la loi plusieurs moyens, suivant les actes employés pour la
lui ravir.
i°. La querelle d’inofliciosité contre les testamens;
20. La demande en réduction ou retranchement conlre
les donations entre-vifs.
�'(: » ) .
'• On tfouve dans le droit romain des dispositions pré
cises, relatives à ces deux actions ; elles a voient passé dans
nos mœurs, et elles ont été reçues dans notre législation.
Les articles 34 et 38 de l’ordonnance de 1^31 sont for
mels par rapport à cette dernière, et ils ont été conservés
dans le Code civil, art. 920 et 930.
C ’est donc plutôt comme enfant qu’en qualité d’h é
ritier, que celui qui a droit à une portion des biens que
la loi lui réserve, est fondé à exercer la demande en ré
duction d’une donation.
■
- L a preuve s’en tire facilement de quelques faits constans en ju risp ru d e n c e .
L ’héritier étant la co n tin u atio n de la personne du dé
funt, doit respecter tous les actes qu’il a faits, exécuter
toutes les obligations qu’il a contractées; ainsi, en cette
qualité, il ne peut critiquer, ni faire révoquer, anéantir
ou modifier les donations faites par le défunt, que dans
les cas prévus par la loi, et même alors tout retombe
dans la succession, et devient le gage commun des créan
ciers, des légataires et héritiers du défunt.
L ’enfant qui a droit à une légitime, n’a pas ces con
sidérations à prendre; il a un droit spécial et personnel
d’attaquer les donations, de les faire réduire, anéantir
même dans son intérêt.
'
Il ne doit compte des biens qui lui sont ainsi remis, ni
aux créanciers, ni aux donataires, ni aux légataires du dé
funt ; ceux-ci nepeuvent demander cette réduction, et n’en
peuvent profiter.Ces biens qui lui reviennent ainsi, sont
francs et quittes de toutes charges et dettes d on t auroit
pu les grever le donataire; il va les chercher en quelques
�( 13 )
mains qu’ils'aient passé : rien ne peut affranchir le pos*
sesseur, parce qu’il tient son droit médiatement ou immé
diatement d’un donataire qui n’en avoit qu’un hypothé
tique et subsidiaire*à celui du légitimaire.
L e mode et les conditions del’exercicedecetteactionen
réduction ont donné lieu à diverses théories, dont on trouve
le détail et l’analise dans l’important ouvrage de M . le
baron Grenier, premier président, sur les donations, où
elles sont savamment exposées et appréciées, 4* partie,
chap. 2, sect. 4, § i >n° 586 et suiv., tom. 2, pag. 3 i 5 .
La principale difficulté à résoudre étoit celle de savoir
quelle qualité on devoit avoir pour réclamer un droit de
réserve*, falloit-il absolument etre héritier? lepouvoit-on,
lorsqu’on s’abstenoit ou répudioit la succession, ou qu’on
l^acceptoit jusquJà c o n c u r r e n c e de la légitime seulement?
Les avis étoient p a rta g és; enfin elle a été résolue : on est
fixé sur ce point, et on doit ad mettre comme un principe,
dans notre législation, que l’exercice d’une action pour
un droit de réserve, est attaché à la qualité d’héritier.
Grenier, id. , nft 589, tom. 2, pag. 128;
- Toullier,liv. 3,tit..2, chap. 3 , n° 108, tom. 5 , pag. 128.
lies motifs de solution sont que ceux à qui la loi réserve
une partie des biens, y sont toujours rappelés sous le titre
et avec la qualité d’héritiers : art. 917, 918, 1004, 1006,
l o i r , i o i 3 et 1014 .
Ils ont la saisine de la loi comme héritiers. C ’est à eux
qu’on doit demander la délivrance des legs : 1002, i o n
et 1014 .
? Mais ce principe, qu’il faut etre héritier pour demander
la légitime, et par suite la l'éduclion, qui n’est qu’un
�( J4 )
moyen dé la compléter ou obtenir, doit-il être exécuté
sans exception, sans'modification, sans tempérament?
. Ne conduiroit-il pas, dans son application rigoureuse,
à des conséquences que la loi a voulu éviter ?
N ’anéantiroit-il pas même le droit de réduction créé
pour les légitimaires seulement, et dont cependant les
créanciers du défunt, postérieurs à la donation, profiteroient seuls, en opposant au réclamant qu’il n’a pu avoir
la légitime qu’en se portant héritier, demander la réduc
tion qu'en cette qualité; et que par l’acceptation de cette
qualité, il a contracté l’obligation de payer toutes les
dettes du d éfu n t ? et si ces dettes absorboient la portion
que le légitimaire pouvoit tr o u v e r dans la succession ah
intestat, ou par la voie de la réduction, il seroit donc seul
puni d’un droit que la loi n’a inventé que pour lui, et dans
son seul intérêt ?
’
Ces-inconvéniens, sentis et développés par Ricard,
L eb ru n , D um oulin, C oquille, Chabrol et autres, ont
fait sentir qu’il falloit admettre une modification ou excep
tion à la rigueur du principe. On varioit sur les moyens; la
doctrine etla jurisprudence étoient encore incertaines; elles
n’ont été fixées que par la discussion du Conseil d’Etat et les
observations du Tribunat; et on a senti qu’il falloit accorder
à l’héritier qui réclame la réduction, le droit de n’ac
cepter la succession que sous bénéfice d’inventaire : par
ce moyen on concilie tous les droits, on obvie à tous les
inconvéniens.
M . Grenier s’en explique ainsi, n° 592, tome 2, pag. 328 :
« Héritier pur et simple, il devroit payer les dettes du
» défunt ; cela est évident. Héritier sous bénéfice d’in-
�( «5 )
» ventaire, il conservé le droit de réclamer la réserve
» comme enfant ou héritier privilégié pour cette réserve,
» sans payer les dettes, si ce n’est jusqu’à concurrence
» de ce qui se trouve dans la succession. L ’héritier béné» ficiaire ne doit pas personnellement les dettes de la suc» cession; elles sont dues uniquement par les biens de
» cette succession. L e législateur a voulu, dans l’art. 921,
» que la réduction tournât au profit de ceux qui ont
» droit de réserve seulement, mais il n’est pas allé au
» delà. »
r
.
:
• M . Levasseur, dans son Traité de la portion disponible,
■examine cette question, chap. 2, n* 18, pag. 14* 1. ... jl
« L ’héritier sous bénéfice d’inventaire est véritable»> ment héritier. Il trouveroit dans l’actif delà succession,
» les biens donnés e n tre-vifs, si le d éfu n t n’en a v o it pas
» disposé; il ne les tr o u v e pas ; il souffre de la disposition
« gra tu ite du défunt ; il peut en demander la réduction
» contre le donataire entre-vifs : il jouit de cette réduc» tion, sans craindre qu’il soit diminué par les dettes dont
» il n’est tenu que jusqu’à concurrence de l’émolument.
» L e retranchement est une disposition de la loi pure» ment relative à son intérêt : il n’est pas relatif aux
» créanciers qui ne peuvent en profiter; l’objet retranché
»> est, à leur égard, étranger à la succession; il restera à
v Vhéritier bénéficiaire franc de dettes.
» Les héritiers réclamant la réserve contre le dona» taire, ne viennent pas comme héritiers (dit M. Joubert
» dans son discours au Tribunat, à la séance du 9 floréal
w an 11 ) ; on les considère uniquement comme codona» taires. C ’est alors que par une'belle fiction, la loi faisant
�( i6 )
» ce que la-nature seule auroit dû inspirer, suppose que
^ par le même acte, Vauteur de la disposition avoit été
» juste envers tous ceux qui avoientdroità sa tendresse. #
Si maintenant nous appliquons ces principes, qu’on
peut considérer comme constans, au cas particulier, nous
verrons que la succession de Jacques Raymond de cujus
;s’ étant ouverte en 1819, elle sera régie parles dispositions
jduGode civil, pour tout ce qui n’aura pas été irrévocable
ment fait antérieurement. O r , Robert Raymond ayant
été institué héritier par son contrat de mariage, en 1782,
par ses père et mère, est de droit saisi de l’universalité de
leurs biens $il n e 'doit à ses frères et sœurs que le paye
ment des légitimes conventionnelles, s’ils veulent s’en
contenter, ou au plus, une légitime de rigueur, q u i, au cas
particulier, eet^d’un dixième, attendu le nombre de cinq
enfuns,*coriformément aux dispositions du droit romain.
Nov. 18, chap. 1 ,'pag. 926.
•Les lëgitimaires Raymond ont préféré ¡la légitime de
rigueur à celle conventionnelle} ilsil’ont demandée exila
fixantà un dixième, et sous ceipremier point de vue, <il
■Ji?y a rien -q u e de conforme aux1lois.
«
■
•’»Mais'sur-q u o i doitseprendre cette légitime de rigueur?
L e père'ri’a laissé q u ’u m trè s -m o d iq u e m o b ilie r , et u’étoit
en^possession* d’aucuns immeubles ù l’ é p o q u e deison décès.
Il y avoit ou il peuty^rvoir beaucoup de dettes.Xes légitimaires ont cru devoir prendre la précaution de n’ac
cepter la succession <que sous bénéfice id’iuvenlüire; ils
l’ont fait : la loi leur en donnoitleidroit, etuerpriv.oit pas
les enfans de recherchcrdesibiens du pèrti,cdevérifier s’il
n’avoit pas fait de-donation entrc-vüV, et:déc0uvnmticcjle
�( *7 )
du 24 août 1792 , par laquelle Jacques Raymond a donné
tous les biens meubles et immeubles à son fils R o b ert, les
légitimaires ont été fondés à user de la faculté que leur
donne, soit l’article 34 de l’ordonnance de 1731 , en vi
gueur à l’époque de la donation, soit l’article 920 du Gode
civil, qui est la loi du décès, en demandant que les biens
compris en icelle soient avec tous les autres laissés par le
défunt, ou fictivement rapportés, réunis en une seule
masse, pour en être délaissé à chacun d’eux un dixième k
titre de légitime, avec rapport de jouissances depuis le
décès, montant des détériorations et dégradations, suivant
estimation en la manière ordinaire.
Ce droit de retranchement ou de réduction de donation
jusqu’à concurrence de la légitime n’est pas contesté par
Robert Raymond; il n e c o m p a r o ît p a s ;s o n silence prouve
qu’il ùe p e u t élever a u c u n e difficulté.Mais les biens com
pris en cette donation ne sont plus entre les mains de
Robert Raymond ; ils ont passé dans celles du sieur Filayre,
par un premier acte,et dans celles du sieur Ceytaire, par
acte de vente du 7 septembre 1811. Ces acquéreurs sont
assignés en jugement commun avec Robert Raymond, en
rapport des objets par eux acquis et ayant fait partie de la
donation, pour sur iceux souiïrir une distraction propor
tionnelle.
L e sieur Filayre n’a pas encore fait connoître ses moyens
de défenses.
Le sieur Ceytaire, de sa part, tout en contenant qu’il
ne peut contester le droit de retranchement accordé en
thèse générale aux légitimaires, soutient qu’au cas parti
culier, les enfans Raymond sont non rccevables, parce
3
�( 18 )
qu’ils sont héritiers sous bénéfice d’inventaire de Jacques
Raymond, et que celui-ci est un de ses vendeurs solidaires;
que ses héritiers sont tenus de son fait; qu’ils ne peuvent
exercer un droit de légitime sur des immeubles qui sont
passés en ses mains, de lui acquéreur de b G n n e foi, à titre
onéreux ; qu’il a payé le prix aux créanciers des deux ven:
deurs jusqu’à concurrence de 8,000 f. qu’il offre, et qu’on
ne peut lui rien demander de plus ; que l’art. 930 du Code
civil ne permet d'action que lorsque les biens sont aliénés
par le seul donataire, et non lorsqu’il y a, comme au cas
présent, concours du donataire et du donateur.
L e siège de la seule et de la vraie difficulté de la cause
reconnue par le sieur Ceytaire lui-même, est donc dans la
circonstance que Jacques Raymond a vendu solidaire
ment avec Robert Raymond, son donataire, lesdits biens
au dit sieur Ceytaire; d’où ce dernier conclut que les lé
gitimâmes, héritiers bénéficiaires dudit Jacques Raymond,
ne peuvent rien demander sur des biens par lui vendus.
Cette fin de non-recevoir est-elle fondée? et d’abord qui
l’oppose? Un acquéreur présentant un titre duquel il appert
qu’il a su avoir acheté un domaine qui n’étoit plus entre les
mains du père, puisqu’ il s’obligeoit, à l’égard de celui-ci,
h servir une pension résultante de la donation entre-vifs
dudit domaine, faite au fils, par acte reçuGerle, notaire à
Sauxillanges, le 24 août 179^, enregistré et insinué le 3 o
du même mois; donation qui n’avoit jamais été révoquée,
et qui co n tin u o it de recevoir, môme par rapport audit
Ceytaire,son exécution, puisqu’il s’obligeoit d’en remplir
les charges. Contre qui veut-il la faire prévaloir ? contre
des eufans auxquels la loi, d’accord avec la n a t u r e , assure
�( *9 )
•un droit spécial et personnel sur les biens compris en cette
donation; et sur quel fondement? sur celui qu’ils auroient
accepté la succession sous bénéfice d’inventaire ? mais il
ne s’agit pas d’un objet de cette succession: les objets com
pris en la donation n’en font pas partie-, ils ne sont pas
laissés par le défunt par son décès; ils étoient long-temps
avant la mort sortis de ses mains, et le bénéfice d’inven:
taire n’est relatif qu’à ce qu’on prend ou doit payer dans
une succession. Si le père n’avoit pas comparu en l’acte de
vente du 7 décembre 1811, s’il ne l’avoit pas consenti so
lidairement avec son fils, on sent qu’on ne pourroit éviter
l’action des légitimaires, fondée sur des dispositions pré
cises de l’art. g 3 o du Code civil, qui, d’accord avec les an
ciens principes attestés par Ricard, Lebrun et Despeisses,
concède le droit formel aux légitimaires, contre les acqué
reurs du donataire.
C ’est d o n c dans la p résen ce du p è r e seule q u ’on v o it et
cju’on tr o u v e l’obstacle à l’action des légitim aires.
Il est vrai que la vente du 7 décembre 1811 est con
sentie solidairement par Jacques Raymond père et fils*,
mais quels droits à la chose vendue avoit encore Jacques
Raymond? quelle obligation a-t-il pu contracter par cette
vente?
i°. Il n’étoit plus propriétaire du domaine des Granges,
qu’elle comprend, depuis le 24 août 1792, qu’il s’en est
irrévocablement dessaissi par uue donation entre-vifs, ac
ceptée, revêtue de toutes les formes légales, qui n’avoit
jamais été révoquée, a reçu et reçoit même par l’une des
clauses de la vente, son entière exécution; ainsi il ne pouvoit transmettre au sieur Ceytaire, acquéreur, aucun droit
3*
�( 20 )
à la propriété du domaine, par suite de cette règle de droit:
Nemo, plus jurîs ad alium transferre potest quam ipse
haberet. ff. lib. 5 o, tit. 17, tom. 54 , pag. 1782.
La vente étoit donc pour lui de la chose d’autrui, que
l’article i5g9 déclare nulle, et qui ne peut donner lieu à
des dommages-intérôts, que dans le cas où le sieur Ceytaire eût ignoré que la chose fût à autrui.
2°. En acceptant le sieur Ceytaire pour débiteur de la
pension viagère qu’il s’étoit réservée par la donation,
ledit Jacques Raymond s’est obligé de se contenter du
service d’icelle, et de respecter, à son égard, ladite dona
tion -, mais cette obligation, commele service de la pension
de la rente viagère, ne pouvoit s’étendre à ses héritiers,
puisqu’elle cessoit avec la vie de celui qui l’avoit stipulée.
3 °. Veut-on que le père, en vendant solidairementavec
son donataire, eût contracté uneautre obligation quecelle
ci-dessus expliquée, comme de faire valoir ladite vente, et
d'en assurer la libre propriété, possession et jouissance à
l’acquéreur ?
Qu'en résulteroit-il ? c’est que si l’acquéreur eût été
évincé avant une action en recours et garantie contre ledit
Jacques Raymond, il auroit obtenu contre lui ou sa suc
cession des dommages-intévêts; il scroit donc le créancier
du défunt pour le montant d’iceux.
La position la plus favorable est donc d’être ou de de
venir créancier du défunt; il peut se présenter à la suc
cession, y faire valoir ses droits, s’il en a; mais vouloir
opposer un fait, une obligation, une dette du défunt pos
térieure i\ une donation, c’est violer tous les principes
en matière de réduction ci-dessus développés, et que
�( 21 )
M . Levasseur, en soudit Traité de la quotité disponible,
chap. 2, nos 17 à i 5 , a ainsi réunis:
« Il faut considérer dans la réduction des donations
» entre-vifs, les droits des donataires vis-à-vis des créan» ciers, les droits du donataire vis-à-vis de l’héritier, et
» les droits de l’héritier bénéficiaire vis-à-vis des créan» ciers : ce sont autant de droits relatifs qu’il ne faut pas
» confondre ni étendre d’un cas à un autre.
» Les créanciers ne peuvent demander la réduction
» contre le donataire; l’héritier seul peut la demander.
« Les créanciers peuvent demander le payement des
» dettes à l’héritier bénéficiaire seulement, jusqu’à con» currence des biens délaissés par le défunt.
» Leretranchement que l’héritier bénéficiaire fait subir
» au donataire, est étranger aux créanciers.
» Ainsi, q u e l q u e soit le sort des créanciers, le retran» c h e m e n t doit être le même entre l’héritier et le dona» taire ; ce dernier est mal fondé à vouloir alléguer les
» dettes du défunt, pour anéantir ou affoiblir la réduction
» qu’on lui demande. »
Si Robert Raymond ne pouvoit s’opposer à l’action de
ses frères et sœurs légilimaires, le sieur Ceytiure, son ven
deur, n’en a pas davantage-, car les donataires n’ont sur les
biens donnés qu’une propriété résoluble, en cas d’insuflisance des biens laissés par le donateur, pour former la ré
serve due à ses héritiers. Cette résolution est une condition
tacite et légale de toutes les donations. O r, le donatairç
ne peut transférer à son acquéreur plus de droit qu’il
n’en avoit; il transfère la propriété telle qu’il l’a reçuç..
( Toullicr, tom. 5 , n° i 5 o,p age 17O.)
�( 22 )
Pour éviter l’application de ces principes, le sieur
Ceytaire dit aux légitimaires : Vous pourriez attaquer les
actes à titre gratuit', vous devez respecter ceux à titre oné
reux : or, ma vente est de ce dernier genre.
Plusieurs réponses se pressent contre cette objection.
i°. L ’acte que leslégitimairesatlaquent, celui qu’ils veu
lent faire réduire, est un acte gratuit. C ’est la donation du
24 août 1792, faite par le père au fils ; ils en ont le droit :
vous ne le contestez, ni ne pouvez le faire; et-ce n’est que
par voie de suite et de conséquence qu’ils cherchent et
vous demandent les biens qui leur appartiennent comme
codonataires, et q u e vo u s posséd ez; ils ne vous les o n t pas
vendus; ils ne vous ont pas cédé les droits q u ’ ils y avoient.
Robert Raymond n’a pu vous vendre que le droit per
sonnel, et Jacques Raymond n’a pu vous vendre des
droits de propriété, puisque parla donation il s’en éloit
dépouillé, et en avoit irrévocablement saisi Robert R a y
mond, et hypothétiquement tous ses enfans, en cas qu’ils
ne trouveroient pas leur légitime en la succession.
a°. L ’acte de vente du 7 décembre 1811 , est bien ¿1 titre
onéreux pour le sieur Ceytaire; mais est-il de bonne foi
par rapport aux légitimaires ? S’il pouvoit avoir l’effet
qu’on veut lui donner, il profiteroit à Robert Raymond
seul, à son acquéreur ou à ses créanciers; et en leur faveur
il priveroit les légitimaires de leurs droits les plus sacrés,
et anéantiroit le droit de réduction antérieurement et
irrévocablement acquis, ce qui ne peut se supposer.
3 °. Ce seroit accorder à un père le droit de se jouer de
ses cngagemens primitifs, d’éluder les conséquences légales
qui en résultent, et de violer tous les principes de droit
naturel et écrit.
�(
23
)
L e sieur Ceytaire ajoute : Cette vente étoit nécessaire,
car elle n’a eu lieu que pour payer les dettes de Jacques
Raymond*, ainsi la cause étoit urgente, et vous devez la
respecter.
Les légitimaires répondent : Distinguons les dettes an
térieures, de celles postérieures à la donation.
Nous serions passibles des premières dans toute leur
étendue; nous ne devons les secondes qu’en qualité d’hé
ritiers bénéficiaires, et prorata emolumenti.
O r, les premières n’existoient plus lors de la vente : elles
avoient été toutes payées; elles l’avoient même été en
grande partie en assignats, et ne peuvent nous être répétées
qu’en la valeur réelle et réduite qu’elles ont été acquitées.
Les secondes, s’il y en a, seront portées lors de la liqui
dation de la succession du défunt, et supportées par elle.
L ’ordre qui a eu lieu h Issoire fait connoître que ce
sont les seuls créanciers de Robert Raymond qui ont été
colloqués, et ont reçu le prix que le sieur Ceytaire leur
redemande par les conclusions prises contre eux au tri
bunal de Clermont.
Ainsi, la prétendue nécessité de la vente, dans l’acquit
tement de créances du père antérieures à la donation,
n’existe pas, et tout établit au contraire,
i°. L ’abus que le fils a fait de l’influence qu’il exerçoit
sur son père, en le faisant paroître dans une vente faite
pour payer les dettes dudit Robert Raymond seul;
2°. Et la complaisance du sieur Ceytaire à se prêter ainsi
à un acte qui avoit pour but de ravir à des légitimaires,
en faveur des créanciers de leur frère , l’exercice de leur
droit.
�( 24 )
L e sieur Ceytaire termine par dire : J ’ai encore 8,000 fr.
entre mains, quoique la distribution en ait été faite à Issoire
entre les créanciers qui ont produit à l’ordre faites-le dire
avec eux, je suis prêt à vous les verser ils suffiront pour
vous remplir de tous vos droits.
Les légitimaires ne peuvent,
1°. Etre forcés de discuter avec des créanciers auxquels
ils ne doivent rien de ce qu’ils obtiendront par voie de
réduction.
20. On n e p e u t à son g r é c o n v e r t ir leurs droits à une
p o r t io n d e l a substance du p è r e , à des b iens q u ’il a donnés,
en u n e so m m e p éc u n ia ire. V o y e z L e b r u n , des successions,
li v r e 2, ch a p itre 3 , section 1 0 P o t h i e r , T r a i t é des d o n a
tions , p a g e 210.
L e père de famille ne pouvoit pas dispenser le donataire
de rendre en nature ce qui excède la portion disponible,
et lui permettre de ne rendre l’excédant qu’en argent,
parce qu’il en résulteroit un avantage plus grand que la
loi ne le permet. Grenier, tome 2, n° 648 et suivans,
page 397. T o u llie r, tome 5 , n° 1 53 , page 178.
Sous quelque point qu’on considère la demande des lé
gitimaires Raymond, on voit qu’elle est fondée elle est
favorable, et doit être accueillie par la justice.
D
é l ib é r é
Riom, par
à
le s
anciens avocats soussignés,
le 5 juin 1821.
J acques G O D E M E L , J ean - C h. B A Y L E ,
J .-B . T A I L H A N D , P.-G. T A I L H A N D .
A
C L E R M O N T , de l'im prim erie de L a n d r io t , lib r a ir e , im prim eur
du R o i et de la P réfectu re.
�
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Title
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Raymond, Blaise. 1821]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godemel
Bayle
Tailhand, J.-B.
Tailhand, P.-C.
Subject
The topic of the resource
successions
donations
créances
bénéfice d'inventaires
légitime
arbre généalogique
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, pour Blaise Raymond, propriétaire, habitant du village du Cati, commune de Bord ; Jean Raymond, aussi propriétaire, habitant du village d'Herment, commune de Bongheat, et autres ; contre le sieur Ceytaire, propriétaire, habitant du lieu de la Grange, commune de Varennes, arrondissement d'Issoire, et autres.
Table Godemel : retranchement : l’acquéreur d’un domaine à lui vendu, en 1811, par le père et le fils conjointement (ce dernier héritier contractuel et de plus donataire par acte particulier de 1793 de tous les biens meubles et immeubles présents) moyennant le prix de 32000 f. dont 24000 délégués et payés à leurs créanciers inscrits, et les 8000 francs restants stipulés remboursables après la mort du père, et dont l’intérêt annuel devait servir au payement de la pension à lui promise par l’acte de donation ; a-t-il pu, comme tiers détenteur des objets donnés, être attaqué par les enfants puînés du père, ses héritiers sous bénéfice d’inventaire, à l’effet de subir le retranchement nécessaire pour composer leur légitime de rigueur ? les héritiers du donateur qui a concouru lui-même à la vente sont-ils recevables dans leur action ? l’acquéreur peut-il être tenu de rendre au-delà des 8000 francs restés dus sur le prix ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1821
1792-1821
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2515
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2514
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53501/BCU_Factums_G2515.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Varennes-sur-Usson (63444)
Bongheat (63044)
Bort-l'Etang (63045)
Sallèdes (63405)
Trébuche (terre de)
Durette (terre de)
Sugères (63423)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbre généalogique
bénéfice d'inventaires
Créances
doctrine
donations
légitime
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53495/BCU_Factums_G2509.pdf
8cd88b1844cb80d963b13da38d283c14
PDF Text
Text
0,0
-
—
^
RESUME
ET NOUVELLES OBSERVATIONS
9)
*
COUR ROYALE
DE RIOM.
POUR
I ro CHAMBRE.
Me C
laude
CAVY,
Notaire r o y a l , certificateur,
à la résidence de C le rm on t- Fer ra nd, in tim é et
incidem m ent a p p ela n t;
»
.
Æ.
JUér-f/fâcitea*
CONTRE
* / v r / L f i 2**
S ie u r P i e r r e - A n t o i n e T A C H E , se qualifiant
Propriétaire, ex -P résid en t honoraire t à v ie , de la
Cham bre des N otaires de l ’arrondissement de
C le rm o n t, et exerça n t utilem ent 3 et de f a i t la
profession de N o ta ir e sous le nom de M e A s t a i x ta ch é
, s o n g e n d r e , appelant, e t incidem m ent
intim é.
Jure naturæ equum est neminem cum alterius
detrimento et injuria fieri locupletiorem.
L. 26, ff. de R. J.
U
n Précis, distribué au tr ibun al civil de Clermont-
F e rra n d , a fait connaître dans tous leurs détails les
faits et les circonstances de cette cause importante.
Elle doit intéresser les pères de famille q ui désirent
Att^
/noj&i? $ A
•1
�^
( 2 )
donner un état à leurs enfans, et les jeunes gens, qui ,
en embrassant une profession, auraient à craindre, si
le système du
sieur Taché réussissait, d ’y trouver
pour concurrens les anciens titulaires dont ils auraient
acquis l'é tu de, la clientelle et l'influence.
E l l e est digne de toute Inattention de la C o u r , q u i ,
en thèse générale, aura à déterminer quelles sont la,
nature et les suites d ’ une vente d ’ E t u d c de nota ire ,
. et à fixer, d ’après Y éq u ité} l ’usage et la l o i , les obliygations que ce contrat impose au vendeur, et les droits
^ q u ’ il confère à l ’acquéreur.
• '*V
iÀ& Xlne question particulière sera ensuite soumise à son
* * * * * * examen. E lle résulte de l ’obligation que le sieur Taché
r £ -«
\
s est imposée >MOYENNANT u n PRIX', cVahler M e C avy
'
de tous les renseignemens et conseils dont i l p eu t avoir
' besoin p o u r sa p ro fessio n , com m e aussi à lu i conserver
sa clien tellâ .
S ’il est reconnu que ce dernier engagement n ’a
jamais été ex é c u t é -, que le sieur Taché l’a violé à l ’ins
ta nt même où il l'a contracté, en se mettant dans
l ’impossibilité d ’y satisfaire, et en portant ailleurs la
coopération q u il avait promise et vendue à M* C a v y ;
si l ’inexécution de cette convention, prouvée par des
faits certains, est d ’ailléurs reconnue et avouée par le
sieur Taché l u i- m è m e , ce dernier doit-il à l ’instant
être condamné à la restitution de la somme fixée pour
le prix des services q u ’il s’était engagé à rendre?
Devant les premiers juges, la contestation se présen
tait sous ces deux rapports : Mc C a v y demandait la
�(
3
)
restitution du p r ix de la convention non exécutée et
violée par le sieur Ta c hé ; il réclamait en outre des
do minage s-intérêts résultant des manœuvres pratiquées
par son adversaire pour reprendre la clientelle vendue,
et la transmettre au sieur As taix , son gendre; mais ces
deux chefs de dem ande, n ’ayant point été suffisam
ment ou assez clairement expliqués, ont été confondus
par les premiers juges, qui n ’y ont vu q u ’ une demande
en dommages-intérèts, dont la fixation dépendait de
la preuve des manœuvres du sieur T a c h é , et du p r é
ju d ic e q u ’elles ont causé au sieur C a v y .
L e sieur Taché est appelant de ce jugement.
M.e C a v y en soutient le bien jugé, relativement à la
preuve ordonnée pour la fixation des dom m ages-intéréts,
et s’en plaint à son tour en ce q u ’ il n ’a pas ordonné
de suite la restitution du pria: mis à la co n v e n tio n , non
exécutée et violée par le sieur Taché.
L ’appel principal du sieur T a c h é , et celui incident
de Me C a v y , soumettant la cause en entier à l ’examen
de la C o u r , il a paru nécessaire de donner un nouveau
développement aux principes q u i doivent servir à sa
décision, en distinguant les questions auxquelles ils
doivent s appliquer.
L e sieur C a v y s’en rapportera
d ailleurs à sou Précis, pour les faits particuliers, et
ne rappellera que ceux q ui sont indispensables pour
1 intelligence de la discussion.
�FAITS ESSENTIELS.
L
e
sieur Taché a exercé long-tems la profession cle
notaire à Clermont. Il reconnaît que sa clientelle était
considérable; q u ’il a v a i t , dans son ét at , une grande
influence sur ses concitoyens.,
et que la confiance
étendue et absolue dont il jouissait lui permettait un
grand nombre d ’opérations de c a b i n e t , étrangères aux
travaux ordinaires d ’une étude de notaire^ et lui don
nait la certitude de conserver, et même d ’augmenter^
ses relations tle notaire.
M e C a v y est n a tif du département de l ’ A l l i e r , oii
toute sa famille est établie. Abs olument étranger à la
ville de C le r m o n t , il était maître-clerc de notaire Î*
Paris, et ne quit ta cette capitale que pour complaire
à sa f am ille , q u i , ayan t le désir de le voir s’établir
près d ’ellè, lui proposa de devenir acquéreur de l ’étude
Taché.
Il fut d ’abord question entre les parties d ’une vente
pure et simple; mais-le prix de l ’étude paraissant trop
considérable, on ne p u t s’accorder. Les chances de
succès étaient, en effet, trop incertaines et trop dou
teuses, sur-tout pour un étranger, q ui pouvait ne pas
inspirer la même confiance que son prédécesseur, et
perdre sa clientelle.
L a coopération du sieur
Taché
aplanissait cette
difficulté, et faisait cesser les craintes de M® C a v y :
elle fut promise pour dix a n s , et le prix en fut fixé
�(
5
W *
)
au cinquième des bénéfices nets pendant ce laps de
tems.
L a vente est du
i
4
janvier
1818 : elle fixe k
4o,ooo francs le prix de l ’étude, registres, minutes ,
c lic n te lle , et dit que le vendeur a u ra , outre la moitié
des recouvremens de son exercice, le cinquièm e cles
bénéfices nets pendant d ix ans.
Il est vrai que l ’obligation du sieur T a c h é , de coo
pérer aux travaux de son successeur,
ne ressort pas
clairement de cette vente. On a fait connaître*dans le
Précis les causes de cette omission ou de ce défaut
d ’explication; mais cette obligation du sieur Taché est
prouvée par la réserve et retenue, stipulée par le ven
deu r, du cinquième des bénéfices , cinquième q u i
n ’était et ne pouvait être autre chose que le prix de
sa coopération. Par le procès-verbal du
janvier
1 8 18, dont les termes sont précieux, pu is q u’ils montrent
d ’une par t, que le sieur Taché voulait vendre sa coo
pération, et M* C a v y l ’acquérir-, e t , de l ’a u t r e , que
cette convention était la véritable cause de l ’acquisition
de M e C a v y , et entrait pour beaucoup dans la fixation
du prix ; enfin par les aveux du sieur T a c h é , et par
le fait que l ’ét u d e , loin de changer de local, devait
rester chez le vendeur, afin de faciliter ses travaux et
ses relations avec son successeur.
Il convient d ’extraire ici quelques phrases d ’ une
allocution que le sieur Taché crut devoir prononcer à
la chambre des Notaires, le i
3
janvier 1818. C ett e
allo cu tion 3 véritable parodie de celle de Syila abdi-
I
•V ~
�q uan t la d ic ta ture, ou de, Char le s-Quint résignant sa
couronne, loin de diminuer les dignités de son a u t e u r ,
lui va lut sa nomination de président honoraire de la
chambre. « L a jeu n esse de mon successeur, et une
« sage défian ce en ses propres forces, lu i ont f a i t
«
désirer d'étre encore quelque teins
aidé
des conseils
« de mon exp érien ce : j ’a i donc conservé un interet
« dans mon étude y et c ’est dire assez tout c e lu i que
« j e m ettrai à la m aintenir dans le même état de
« confiance et de p rospérité ( i ) . »
Ces expressions du sieur Taché expliquent d o n c ,
d’ une manière p a r f a i t e , les causes , l ’étendue et les
conséquences des conventions insérées clans la vente
du i
3
janvier 18 18- Elles prouvent que le cinquième
des bénéfices nets de l 'é t u d e , que le sieur Taché s’était
réservé pendant dix ans, était le prix de sa coopération
pendant le même nombre d ’années •, e t , si l ’on veut
savoir de quelle influence cette coopération avait étc
pour la fixation du prix de la vente de l ’étude en ellem é m e , c’est-à-dire des minutes, registres et clientelle,
il suffira de comparer le prix des quatre meilleures
études de C l e r m o n t , vendues dans le même tems, avec
celui de l ’étude T a c h é , acquise par le sieur C a v y .
En 1816,
l ’étude C h e v a lie r,
qui avait eu pour
successeur le sieur D alm as , a été vendue
25 ,000
francs
U M* Devoucoux. E11 181-7, celle du sieur Grimardias
( 1 ) V o y e z Pièces Justificatives, u° I . — Précis de M* C a v jr , pages n
e t suivantes.
�(
7
)
a été v e n d u e , h M e R o d d i e r , 21,000 fr. E ü 1 8 1 9 ,
M e Bergier a acquis celle du sieur D u th e il 24,000 fr.
En
1820, celle du sieur Espinasse a été v e n d u e , à
M c Nicolas, 27,000 francs, tandis q u e , intermédiaireinent et en 1 8 1 8 , Me C a v y est devenu acquéreur de
celle du sieur T a c h é , moyennant la somme de [\o, 000 f r . ,
d ’une p a r t , et enfin le cinquième des bénéfices nets
pendant dix ans ,
pour
prix de la coopération du
vendeur.
C e rapprochement est remarquable*, il prouve mieux
que tout autre chose l ’importance que M c G a v y attar
chait à la coopération de son prédécesseur, et montre
également le grand avantage que celui-ci retirait de
l ’obl igation q u ’il contractait d ’utiliser , au profit de
son successeur, toute son influence, et ce q u ’il appelle
les conseils de son exp érien ce. L e sieur Taché bénéfi*
c i a i t , en ef fet, d ’ une double m anière, puisque , d ’ une
p a r t , sa coopération était payée par l ’intérêt q u ’ il
conservait dans l ’étude v e n d u e , et q u e , de l ’a u t r e ,
l ’engagement de ses services à son successeur lui per
mettait de porter le matériel de l ’étucle à un prix
q u ’il n’ aurait jamais obtenu sans cela.
Il ne faut pas s’arrêter à des circonstances intermé
diaires, qui sont expliquées dans le Précis de Me C a v y ,
tou t importantes d ’ailleurs q u ’elles puissent ê t r e , pour
faire connaître les causes de la convention qui a succédé
a celle que l ’on vient de relater (1). Il suffira de retenir
(1) Précis C a v y , pages
¡4 juseju’à
21.
�(8
)
que le sieur Taché avait pleinement exécuté ses engagemens envers M e C a v y ; que ce» dernier, obligé de
changer son étude de l o c a l , l ’avait placée dans une
maison à côté de celle du sieur T a c h é , pour ne pas
interrompre ou rendre plus difficultueuses les relations
et communications journalières, que leurs engagemens
respectifs rendaient indispensables ; q u ’enfin Mc C a v y
était marié depuis le
23
septembre 1 8 1 9 , lorsque le
sieur Taché lui proposa, sous des prétextes quelconques,
de capitaliser le cinquième des bénéfices nets auxquels
il avait droit.
Après quelques réflexions, cette nouvelle convention
f u t définitivement arrêtée, le 14 janvier 1820. L e prix
total de l ’étude fut porté à 60,000 fr.; ce qui prouve
que le rachat de l ’intérêt que le sieur Taché s’y était
réservé, eut lieu moyennant la somme de 20,000 fr.j
m ais, comme cet intérêt n ’était lui-même que le prix de
la coopération du sieur T a c h é , ce dernier c o n t ra ct a ,
envers M e C a v y , une obligation q ui devait expliquer
les précédens engagemens, et en fixer l ’étendue : c o n
vention reconnue par toutes les partie s, et sur les
termes de laquelle elles sont d ’ailleurs d ’accord.
« L e sieur
Taché s'o b lig e ,
« M e C a v y de tous les
d’ iionneuii, à aider
ren seign em en s
et
conseils
dont
« il pourra avoir besoin pour sa profession > comme
« aussi li lui
conserver
sa c lie n t e lle .— F a it de bonne
« fo i. »
L e sieur Taché était-il eiFectivement de bonne f o i ,
lorsqu’il s’obligeait euvers M ' C a v y ? Avait-il l'intention
�( 0 )
d ’exécuter sa convention? ou
.
ces belles
promesses
n ’étaient-elles q u ’un leurre jeté à son successeur, pour
l ’engager à racheter le cinquième des bénéfices, tandis
que l u i , T a c h é , était bien décidé, non-seulement à
ne tenir à aucun de ses engagemens, mais encore à les
enfreindre ouvertement, en faisant tourner à son profit,
ou en portant ailleurs sa coopération et toute son
influence n ota riale , qui étaient cependant bien la
propriété de Me C a v y ? C ’est ce que les faits doivent
apprendre.
Immédiatement après cette convention, le b ru it se
répand que le sieur Taché marie mademoiselle sa fille,
avec un jeune homme dont il veut devenir le bienfai
teur. Qu el était ce jeune homme? Me A sta ix , succes
seur de son père dans la place de notaire à C l e r m o n t ,
ayant conséquemment une clientelle particulière, une
signature, une réputation et une existence de notaire,
qui ne pouvaient être confondues avec aucune a u t r e ,
pu isq u’il était le seul de ce nom , q u i
exerçât .cette
, profession a Clermont.
Il faut grouper ici les faits qui ont précédé, accom
pagne et suivi cette u n i o n , en faisant distinguer ceux
qui sont reconnus ou a v o u é s, en tout ou en p a r t i e ,
par le sieur T a c h é , de ceux q u i sont niés par l u i , mais
dont la preuve a été expressément ou virtuellement
ordonnée par le jugement dont est appel (i ).
L e seul fait cjui précède le mariage est celui des
( i ) V o y e z , pour les d é t a i l s , le Précis de M* C a v y , p.
22 jusrju’à * 5 .
�communications. L e sieur Taché n ’avait pu trouver un
seul instant pour accompagner Me C a v y chez ses cliens;
cependant il comm unique avec M e Astaix le mariage
de sa fille ; présente son gendre futur à ses anciens
cliens; leur rappelle q u ’il a eu leur confiance; leur dit
q u ’il redevient notaire, et q u ’il espère q u ’ils ne l ’aban
donneront p a s . — L e sieur Taché avoue n ’avoir point
présenté M c C a v y ; il ne nie pas la communication d u
mariage , mais il nie avoir sollicité la confiance de ses.'
anciens cliens ( i ) .
L e mariage a été célébré le
10 avril 1820 , trois
mois et quatre jours après la convention entre le sieur
Taché et M c C a v y . Ces deux époques sont bien l’ap
prochées; et si la convention de janvier 1820 a é té
p ré céd ée de s ix grands m ois cle pou rp a rlers, de p ro
positions et de délibérations (2 ),
combien plus de
lems et de circonspection ne fallait-il
pas au sieur
Ta ché pour se décider à une union dont dépendait le
bonhgur de sa il lie ! C e mariage a donc été aussitôt
a cco m p li que p r o jeté ; peut-être même était-il arrêté
avant la convention de janvier 1820 : alors quels pou
vaient en être les pactes secrets? Pouvaient-ils s’ac
corder avec les 'obligations que le sieur Taché avait
contractées à lio h n e u r e id e bonne f o i envers M e C a v y ? . ...
Les faits von t e x p liq u e r cet acte important de la v ie
du sieur T a ch é.
( 1 ) Voyez Observations Taclié , pnge 4*
(2) Expressions d u sieur T a c h é . V o y e z scs O b s e r v a tio n s , page 7.
�( 11 )
Immédiatement après la célébra lion du mariage ,
M e Astaix vi nt habiter la maison de son beau-père :
il y transporta ses minutes et son étude. Depuis cette
époque,
le sieur Taché et son gendre n’ ont eu et
n ’ont encore aujourd’hui que le même domicile.
Ce
fait est reconnu par le sieur Taché.
Pa n s le même tems, une enseigne fut placée audessus de l a .p o r t e
de la maison T a c h é , avec cette
inscription :
- T
A
staix
aché
,
no taih e
-
certificateu r
Auprès de cette enseigne était celle de M c C a v y -
.
de
manière que l ’acquéreur pouvait être regardé comme
un nouveau notaire établi auprès de l ’ étude du sieur
Ta c hé , et que la chance la plus favorable pour lui
était que l ’on pu t hésiter pour reconnaître lequel des
deux avait réellement succédé à Taché. L e sieur Taché
convient de ce fait ( i ) . Mai s, en tr ’autres bonnes ex
cuses:, il insère, en parlant de M e As taix , cette phrase:
« Pensant fa ir e quelque chose q u i me f û t agréable ,
« ayant sur-tout intérêt de distinguer son e x e r c ic e
« de c e lu i de son p r é d é c e s s e u r mon gendre a cru
« q u ’en ajoutant li son nom le nom de sa fe m m e ,
« le second ne déparerait pas trop le premier........ ».
Tout
ici est remarquable -, t o u t ,
même ju s q u ’ aux
points q ui suivent le compliment que le sieur Taché
se fait modestement à lui-même, en mett ant , avec
beaucoup de délicatesse , l ’ influence de son nom en
contraste avec celle du nom du père de son gendre ,
(i) Voyez Observations Taché , page y.
�auquel ce dernier avait; succédé. C ett e phrase annonce
en effet
que
l ’apposition
de
l ’enseigne était chose
agréable au sieur T a c h é , et q u i l y
avait consenti ;
que cette apposition avait eu lieu parce que le sieur
Astaix y trouvait un intérêt; que cet intérêt était de
parer son no m , en y ajoutant celui de son beau-père ;
enfin ju s q u ’il ces points, qui viennent apprendre que
cette parure n ’était pas un luxe innocent, mais bien
un moyen direct de s’emparer et de profiter de l'in
fluence de notaire du sieur Taché.
Continuons.
Le
sieur Taché était journellement
dans l ’étude de M e A s t a i x , son g e n d r e , et lui prêtait
la coopération la plus active , en recevant les cliens ,
assistant à leurs débats, arrêtant leurs conventions, et
rédigeant tous les actes importans. L e sieur Taché ne
désavoue point ce fait , mais il cherche à l ’a tt é n u e r ,
en articulant « q u ’il s’écoule quelquefois dix et quinze
7
« jourssans^zi,/ / ^ « m m e d a n s r é t u d e d e s o n g e n d r e ( i) » .
Il y parait donc. E n avait-il le droit ? Il répond: «Jeune
« a m b i t i e u x , quand les faits dont vous prétendez ex« ciper seraient en partie établis, quand ils seraient
u vrais, que pourriez-vous en conclure?............... Ne
« m ’avez-vous pas delie de l ’engagement de concourir
« à votre prospérité? Séparés d ’intérêts, ne somnies« nous pas, je le répète, devenus totalement et à ja« mais étrangers l ’ un à l ’autre (2)? » Suivant lui-même,
( 1 ) V o y e z O bservations -Taché ? P aSc M *
(2) Ibid.
�le sieur Taché avait_donc le droit d ’accorder sa coo
pération à son gendre; quand il paraissait dans l ’étu de ,
c ’était
donc pour la lui donner. Mais quelle était
l ’étendue de cette coopération? quels objets devait-elle
embrasser? L e sieur Taché répond ( i ) : « Je
«
hautement
le
déclare
.
:j ’assisterai M eAstaix de tous mes conseils;
« f aiderai celui qui est devenu mon fils de tout ce
« que la connaissance des hommes et Vhabitude des
« affaires auront p u m ’apprendre..'........ M a v ie ille
«
ex p érien ce
} mes fa ib le s moyens
sont
à
l a d isp osition
« de c e u x q u i me fir e n t ja d is l ’honneur de\in accorder
« leu r confiance. P ren ez acte de ces a v e u x > M e C a v y ,
« et sur-tout retenez bien ce que vous avez cru dire
« ironiquement dans votre assignation, q u ’au moins
«
s u r Ce P O I N T , 'v o u l o i r et e x é c u t e r sero n t l a m ê m e
Ainsi, sieur T a c h é , vos conseils,
votre connaissance des hommes, et votre habitude des
«
ch o s e p o u r m o i » .
affaires ont appartenu et appartiendront désormais îi
votre gendre : v o u s
le
d écla rez hautem ent ; et cepen
dant vous avez vendu tout cela à M e C a v y ! ........ Vou s
déclarez aussi hautement que votre v ie ille exp érien ce
et vos faibles moyens sont à la disposition de vos anciens
cliens; vous leur faites un appel aussi public que votre
affiche; ou plutôt vos Observations, distribuées avec
profusion dans la ville et dans les carrefours de C l e r
m o n t , n ’en sont que le commentairç; et que n ’y avezvous ajouté: C hez A s t a i x , je u n e nptaire, on trouvera
(0
Y °)rcz Observations Taclic, pages n
et 12,
�hl V I E I L L E E X P É R I E N C E et les F A I B L E S ^ M O Y E N S de
Vancien notaire T a c h é ! Ce,.quevo.us ayez, d it et f a i t
est bien au moins l ’équivalant de ccrq u’on vous pro
p o s e n t ceperidant vo.ttç iolientelle, votre ¿vieille e x
p é r ie n c e , enfin tpute.votre in flu en ce' de notaire, sont
encore la propriété du s i e u r . C a v y . ’ O r , comment con
cilierez-vous l ’exécution de l ’obligation icontractée par
vous-envers votre su ccesseu r à titre o n éreu x } obliga
tion que vous aviez mise, sous la garde de vo ire honneur
et de votre bonne f o i , avec ce que vous avez f a i t et
déclarez 'encore "v o u lo ir fa ir e
en . faveur
de votre
gendre?........ C o n ven ez-eii, si vous avez été souvent
h e u r e u x dans le s e x p l i c a t i o n s d e s a c t e s d e v o t r e v i e
votre bonheur ^parait vous avoir abandonné dans cette
circonstance : votre génie
vous a mal servi; mais
consolez-vous plutôt : le plus bel astre a-ses éclipses;
et Sénèque a eu raison de dire : JSullum magnum
ingenium sine m ix tu ra dem entiœ f u i t .
Ces f a i t s , q u i sont prouvés et avoués au procès ,
manifestent clairement et l ’intention et le b u t des
actions du sieur Taché. Dépouiller M e C a v y de la
chose v e n d u e , la conserver ou la transmettre à son
gendre, voilà tout ce qui l ’occupe : les faits matériels
prouvent et développent à cet égard toute sa pensée.
Mais le sieur Taché était im patie nt; il craignait do
n ’être point assez tôt deviné. E n conséquence, pour
que personne ne puisse se méprendre sur ses projets,
il multiplie les démarches, presse ses anciens cliens de
sollicitations, et explique lui-même tout ce q u ’ il a
�1
A %'
( iS
)
voulu faire. Ainsi , s'arrête-t-oii à l ’enseigntfpde -sieur
Taché dit : « Q u e les deux colombiers*-étant à côté
« l ’un de l ’a u t r e , les anciens pigeons së tromperaient
t< souvent de porte. »
Parlfe-t-on de l ’art difficile deT rcdigfcr lin Acte? lè
sieur Taché assure modestement « q u ’il saura encore
« bien faire quelques obligations'; que , lorsqii’il ÿ
« aurait des actes difficiles à rédiger, 011 n ’aurait pas
’ « besoin d ’aller chez 'Ml Bergier ; q n ’on les rédigerait >
« en famille; .qu’ il se rappelait soli ancien métier ‘
« q u ’il Serait le m a ître-clerc de son gendrfe.^
L e sieur Taché apprend-il q u ’un de ses anciens client
a q u e l q u ’acte important à faire recevoir ? « il n ’ hésite
« pas ; il va solliciter et demander* sa confiance. »
Des cliens se rendent-ils dans l ’étude de M ' C a v y ?
Si le sieur Taché les rencontre, « il les arrête -, en leùr
«• d éc lar ant, avec une aimable in g é n u i t é , (¡ù’il-espé« rail bien regarnir leiC olom bier. »
J -■
* '
E n f i n , quelques personnes témoignent-elles leur sur
prise des sollicitations trop vives du sieur Taché ? « cè
« dernier ne craint pas de déclarer, aux uns*
que
« l ’étude de son gendre était la sienne, e t , à d ’autres,
« q u ’il y avait un intérêt (1). »
Les renseignemens pris par M° C a v y lui ont
fait
acquérir la preuve de ces faits, et il les a cotés dans
son Précis-, mais, comme ils étaient tous personnels au
sieui l â c h é , et que ses pratiques avaient pour o b j e t
(1) V o y e z Précis C a v y , pages ¡ 4 Cl 2 5 .
�( IG )
de se-soustraire, par la f r a u d e ,' à l ’exécution’ de son
obligation ; <\que d ’ailleurs f M e- C a v y ,
n ’ayant pu se
procurer)la preuve littérale de ces manœuvres, était
obligé de s’en référer à la déclaration de son adver
saire, ouj à une enquête, en cas de désaveu, le sieur
Taché a cru pouvoir nier ces dernières circonstances 5
mais les premier ju g es’en on t ordonné la preuve, et
les ont virtuellement compris 1 dans les motifs et le
dispositif de leur jugement. L ’événement pourra ap
prendre si le sieur Taché a été calomnié,
Quoi q u ’il en s o i t , les faits que l ’on vient de pré
ciser dévoilaient complètement la volonté du sieur
Taché. Son intention de nuire a Mc C a v y était mani-r
feste; son dessein de le dépouiller de la chose vend ue,
pour en profiter lui-mème directement ou indirecte
m e n t , sous le nom de son gendre, évident; la violation
de l ’o b l ig a ti o n , certaine : aussi M* C a v y , déjà privé
de
la coopération que
son
prédécesseur
lui
avait
v e n d u e , victime d ’ ailleurs des moyens employés pour
reprendre ou détourner sa clientelle,
ne crut-il pas
devoir attendre que les manœuvres de son adversaire
eussent produit tout l ’offet q u ’ il s’ en était promis , et
pensa que ses intérêts bien entendus et l ’ honneur de
la profession q u ’ il exerce, lui imposaient également le
devoir de signaler la conduite du sieur Taché aux
t r i b u n a u x , et de provoquer les condamnations q u i
doiveut être prononcées contre celui qui viole la foi
donnée.
Il paraissait à M® C a v y , que le sieur Taché avait
�( ll )
contracte envers lui deux engagements bien distincts :
L e premier dérivait de la nature de l ’ac te , qui était
une vente d ’étude de notaire; ainsi, suivant les règles
de l’ équité
les suites de cette vente devaient être
d ’interdire au sieur Taché l ’usage de son influence de
n o ta i r e , en faveur d ’autres personnes que celle de son
acquéreur, et de lui imposer l ’obligation de ne rien
f a ir e qui pu t lui nuire;
E n second lieu, le sieur Taché a v a i t , par une con
vention particulière et expresse, et moyennant un prix
distinct et déterminé, engagé ses services a l ’acquéreur
de-son étude; de l à , une seconde obligation du sieur
T a c h é , de fa ir e
tout
ce q u i p ou va it être utile à
M e C a v y , en l ’aidant de tous ses renseignemens et
conseils, et en lui conservant sa clientelle.
Ces deux obligations , bien ouvertement vi olées ,
donnaient ouverture à deux actions qui pouvaient être
séparées ou confondues.
L a première était une action en dommages-intérèts ;
mais avant d ’en obtenir la fixation et l ’adjudicat ion,
le sieur C a v y devait être tenu de p ro u v er, et les.
m anœ uvres'd u sieur T a c h é , et le p r é ju d ic e que ces
manœuvres lui avaient causé, c ’est-à-dire tout ce que
les jurisconsultes
entendent
par
ces
expressions :
C onsdm m et eventus f r a u d is ;
L a seconde était unoxaction en restitution de p i'ix .
Sous ce rapport , le sieur C a v y croyait avoir le droit
d'exiger cette restitution , s’il montrait que le sieur
Taché,
loin
d ’accomplir son
obligation
de f a i r e ,
�( «8 K
s’était mis dans V im p ossibilité de V e x é c u te r , et avait
même q té au sieur C a v y
la f a c u l t é d'en requérir
V accom plissem ent. Dans ce cas, la preuve de la valeur
d u préjudice
causé paraissait
inutile k connaître ,
puisque le sieur Taché ne pouvait conserver le prix
de services q u ’il avait promis de r e n d r e ,
et q u ’il
n ’avait cependant pas rendus.
L a demande de M e C a v y , q u i est du 16 décembre
182 0, comprend ces deux objets. Il y conclut formelle
ment k ce que le sieur Taché soit condamné k lui payer
la somme de 40?000 f*1’* > S01^ il titre dè r e s t i t u t i o n
d e p a r t i e d u p r i x , moyennant leq u e l i l lu i a vendu,
son étude de notaire
soit ¿1 titre de d o m m a g e s -
3
intérêts
p o u r le
préjudice
détournant la clie n te lle
qu i l
3 e t c ........
lu i a cause , en
L e sieur Taché publia alors ses Observations. Elles
commencent et finissent par une exclamation : « U e u « r e u x est l ’homme q u i p eu t e x p liq u e r tous les actes
« cle sa v ie ! __ ». Elait-elle de joie ou de douleur?...
C e que l ’on connaît de ces Observations, prouve bien
que leur auteur appréciait toutes les difficultés de la
tâche q u ’il s était imposée, et le désespoir q u ’ il dut
éprouver de les avoir si malheureusement surmontées.
O u i , le sieur Taché devait, en finissant, se dire ;
C elu i-là se u l est h e u r e u x , q u i p eu t ex p liq u er toutes
les actions de sa v ie ! Aussi Ij^sieur Taché n ’én ïvait-il
point pour les t r i b u n a u x , il l ’avoue, mais bien poiir
le p u b l i c , qui pouvait plus facilement sc méprendre
sur le sens de la sentence que le sieur Taché sc pio-
�( i
9
)
nonçait à lui-meme. Ts ih il est m isen u s
hom inis c o n s c iu s . —
P
lautc
quant animus
.
Il ne faut plus s’occuper de ces Observations, que
poifr y faire remarquer, i° que le sieur Taché y re
4
connaît avoir vendu à Mc C a v y , le 1 'janvier 1 8 1 8 ,
son ét u d e , sa coopération, ses conseils et renseignemens; 20 que le cinquième des bénéfices nets, prix de
la coopération, a été racheté par M e C a v y , le 14 j a n
v ie r 18205 mais il soutient en même tems que cette
seconde convention, était un véritable traité à f o r f a i t ,
en vertu duquel les parties étaient respectivement
quittes et déliées de tout engagement antérieur (1).
E n cet é t a t , la cause fut soumise au jugement du
tribunal civil de Clermont.
L ’audience était solennelle; les concitoyens du sieur
Taché se montraient curieux d ’entendre ses e x p lic a
tions ; ils se pressaient dans le prétoir
et remplissaient
le parvis du temple de la justice.
L e sieur Taché fixait tous les regards. Placé en
première ligne, son attitude imposante, sa tête élevée,
son regard assuré, contrastaient
fortement avec
la
tenue modeste de ses deux fils et de M e A s t a i x , son
gendre,
que l ’on apercevait derrière leur père
et
beau-père.
L e sieur Tâché avait l ’air sur de son triomphe 5 par
quels moyens devait-il le préparer?
Il va s’expliquer.......... U n avocat justement célèbre
(1) Voyez Obscryations T ach é , pages 7 cl 8.
�: W
C 20 )
doit l ’assister de toute la. force de sa lo giq ue, et'tles
charmes de son éloquence; il p a r l e . , ........ Intentic/uc
ora tenebant !
>
Q u e fait plaider le sieur Ta ché ?
Il soutient d ’abord que la convention de janvier
1820 avait eu pour objet de le délier des engàgemens
contractés en 1818 5. que cette convention était telle
ment a l é a to i r e , 'q u e si le sieur Taché était décédé
avant les dix ans, et sans pouvoir rendre au sieur C a v y
les services que ce dernier avait le droit d ’e x i g e r , le
prix n ’en aurait pas moins dû. être payé à ses héritiers.
O n lui répondait ,
Q u e la convention de 1820, loin de détruire son
obligation, l ’avait au contraire rendue plus étroite et
plus rigoureuse; q u e , conçue en termes plus clairs et
plus forts que la première, elle n’avait pas besoin du
secours de l ’interprétation pour être entendue ; q u ’elle
désignait en effet positivement le genre de service que
le sieur Taché s’ était engagé à rendre. Sur ce poin t,
Me Cavy
ajoutait q u ’il
n ’aurait point- été forcé ù
implorer l ’ intervention de la justice, si le sieur Taché
avait suivi les impulsions de l'honneur et de la bonne
f o i , q u ’il avait lui-même invoqués comme garans de
l ’excculion de son obligation.
On répondait ensuite à la seconde partie du m o y en ,
que les engàgemens des parties n ’avaient rien d ’aléa
toire, au moins pendant la vie du sieur T a c h é , et
q u e , pendant
ce teins , il devait les services q u ’il
s’était engagé à rendre; que si son décès pouvait porter
«
�( 21
q u e lq u e '
)
changement à l ’état de la q uesti o n, relative
ment au paiement du prix attaché à ses services, au
moins cet événement aurait mis Me C a v y dans l ’i m
possibilité de se plaindre du fa it , bien constant et bien
pr ouv é, que le sieur T a c h é , loin d ’exécuter son obli
gation , avait porté ailleurs sa coopération, sa clien
t è l e , et toute son influence de notaire.
L e second moyen du sieur Taché était remarquable.
Suivant l u i , Y honneur c l la bonne f o i , qui devaient
présider à l ’exécution des conventions de 1820, n ’étaient
que des mots vides de sens, ou au moins ces expres
sions ne renfermaient aucune obligation civ ile dont
l ’exécution pùt être ordonnée par la Justice, et ne
présentaient tout au plus q u ’ un engagement m o ra l,
auquel le sieur Taché pouvait se soustraire. Il conti
n u a it , en disant q u ’il n ’avait promis sa coopération
à M c C a v y , q u ’en vue du mariage projeté avec made
moiselle sa fille ; que ce mariage ne s’étant poi nt ac
com pli, l u i , T a c h e , s’ etait trouvé libéré de son enga
gement; q u ’il avait p u , en cons équence, retirer sa
cooperation a Me C a v y , la reprendre pour en disposer,
et même en e x ig e r ou en retenir le prix. L e
sieur
l â c h é cherchait enfin à justifier ce. moyen par la lec
ture de quçlques lettres de M e C a v y ; e t ,
pendant
qu on en taisait usage, Y indc irœ se faisait remarquer
dans les gestes et les regards du sieur Taché.
«
Il faut avoir* en tendu développer de pareils moyens,
pour croire q u ’ils ont été plaides; et on aurait hésité
�U les coter dans ce Précis, s’ils n'étaient déjà indiqués
et consignés dans le jugement dont est appel.
- Quel avantage ne donnaient-ils point à M e C a v y ,
en d r o it , en considérations et en f a i t ?
E
n
d ro it
.
Les. conventions doivent être ex écu tées
113 4
de bonne f o i (article
Code civil). A i n s i ,
Yhonneur du sieur Taché à p a r t , son engagement, ne
contenant cl’autres moyens d ’exécution que ceux in
diqués par la loi, formait tout à-la-fois un lien moral
et
une
obligation civ ile
et
lé g a le , dont l ’accom
plissement devait être o r d o n n é , et les infractions
punjes par les tribun aux ; d’ un autre côté , l'ar
ticle 1
134
a
disparaître la division des conventions,
admise dans l ’ancien d r o i t , en contrats de bonne f o i et
de droit é tro it;
mais,
si cette distinction existait
encore, le sieur Taché étant convenu que ses engagemens devaient être exécutés de bonne f o i
3 et les con
ventions tenant lieu de lo i à c e u x q u i les ont fa ite s
(Code ci vil , art. i i 3 4 )> c’ était encore aux tribunaux
à le contraindre à exécuter son oblig a ti on , si la voix
de
I’h o n n e u r
n ’était
pas
assez puissante pour l ’y
engager.
En
considérations .
Quel était l ’ homme qui venait
ériger en principe q u ’une convention contractée sous
les auspices de Y honneur et de la bonne f o i 11’était
point un lien ou une obligation civile, mais un simple
çngagement moral, que l ’on pouvait dédaigner? C ’était
un notaire; un fonctionnaire q u i avait'exercé pendant
long-tems la magistrature domestique la plus hono*
�>3
(
)
rable; été le modérateur des intérêts de ses concitoyens,
cju’il devait rappeler à la stricte et lîdèle exécution de
leurs conventions; le sieur Taché enfin, se présentant
h l ’audience avec la qualité de président honoraire de
la chambre du Corps respectable auquel il avait na
guère appartenu ! ...........
N u sq u à m tuta J id es ! ...........
E n quel lieu et devant q ui le sieur Taché cherche-t-il
à établir et à faire prévaloir un système aussi o d ie u x ,
si subversif de toute idée morale, si contraire à l ’intérêt
social? dans le prétoire du tribunal de la résidence où
il a exercé ses fonctions de notaire, devant les magistrats
q u i ont si souvent ordonné l ’exécution des conventions
q u ’il avait rédigées ; en présence de ses concitoyens,
rassemblés pour l ’entendre et le j u g e r ! .......A h ! sieur
Taché, au lieu de composer des apophtegmes de morale,
que ne vous êtes-vous rappelé, avant d ’employer de
pareils moyens, le cu lp a ri m etuit jid e s d ’IIora ce!.......
En
fait
.
Que signifiait l ’excuse du sieur Taché ?
Comm en t pouvait-il l ’établir? Les actes et les conven
tions apprenaient-ils autre chose qtte la vente de la
coopération du sieur Taché a M c C a v y , moyennant
un prix
déterminé? Pouvait-on y voir un dédit de
mariage, par lequel M e C a v y se serait soumis à épouser
mademoiselle Taché , ou à payer 20,000 fr. à son père;
et ce la , sans équivalan t , sans engagement réciproque ?....
Cependant le sieur Taché oublie sa dignité de père
de famille ;
il abaisse sa
fierté
ju s q u ’h faire
en
tendre des plaintes aussi puériles............• et encore
devant q u i ? ........ Dev ant M° A s l u i x , son gendre , q u i ,
�dans ce m o m e n t , pouvait paraître moins Pépoux de
choix de mademoiselle Taché , que l ’instrument des
vengeances de son beau-père. Mais le sieur Taché avait
to u t oublié. L e 'mariage de M e C a v y est du
23
sep
tembre 1 8 1 9 , et la convention dont il demande l ’exé
c u t i o n , du 14 janvier 18205 de manière que ces dates
privaient le sieur Taché de l ’emploi d ’un des sophismes
les plus communs dans ce monde : P o st hoc . ergo
p ropter hoc
3 et q u ’ il
ne pouvait pas même d ir e , pour
sa défense : L e mariage de M e C avy a é té p r o je té et
a cco m p li après la convention ; donc ce mariage est
la cause de la v io la tio n q u e j e me suis perm ise } des
obligations que j ’avais contractées envers TSIe C avy.
3
L e dernier moyen du sieur Taché consistait à dire :
Je n ’ai causé aucun
préjudice à M e C a v y 5 mes
anciens cliens ne sont point dans l ’étude de Me Astaix;
les répertoires peuvent le prouver 5 ces répertoires sont
la seule preuve que la Justice puisse admett re, par la
raiSon que la démonstration de mon dessein de nuire
à M e C a v y est absolument inutile et insignifiante, si
l'événem ent ne montre pas que réellem ent j e
lu i a i
nui.
C e tt e objection était sérieuse 5 elle ne s’appliquait
p a s , il est v r a i , à la restitution du prix mis à l ’obli
gation contractée, non exécutée et violée par Me Taché;
elle n ’enipêchait même pas que la preuve de l ’événement
de la fraude, pratiquée par le sieur Taché, put être'faite
par d ’autres moyens que le rapport des répertoires,
parce que tout fuit, dont la preuve est admissible,
�(
)
peut être étab li, tant par titres que par témoins; mais
elle portait directement sur la fixation de l ’adjudication des dommages-intérêts réclamés par M e G avy . C e
dernier sentit dès-lors la nécessité de faire connaître
les découvertes q u ’ il avait déjà faites, pour faire pres
sentir ce que des recherches plus scrupuleuses pou r
raient encore apprendre.
11 donna les noms de plusieurs cliens du sieur T a c h é ,
q ui avaient d ’abord accordé leur confiance à M e C a v y ,
et qui se trouvaient alors dans le répertoire de INI* Astaix.
Il lit également connaître la nature et l ’importance
des actes que ce dernier notaire avait reçus pour eux.
E n première ligne figurait le sieur Domergue fils,
sur l ’esprit et les volontés duquel le sieur Taché
a tant de crédit et exerce une si heureuse influence,
A v an t le traité (le 182 0, tous les actes de la liquid a
t i o n , ventes d' immeubles, quittances, e t c . , avaient
été reçus par Me C a v y , depuis le mariage de INI* A sta ix ,
cette clientellc s’était perdue. O n en demandait compte
au sieur T a c h é ........ On l ’apostrophait en ces termes :
Ou
EST LA C L I E NT EL LE
nu
SIEUR D o M E R G U E ? ..........
A cette question, les traits du sieur Taché s’animent;
son mouvement et son geste annoncent q u ’il va ré
pondre.......... Il répond; il s’écrie :
C hez m o i!
C h e z m o i ! ..........
........... C ’élait le sublime de situation et
d expression : aussi ce mot heureux produisit-il l ’eifet
1
de eclair, et vint-il dissiper l ’obscurité
Taclié s était ju sq u’alors enveloppé.
dont
le sieur
Tous les spectateurs , également électrisés, trans-
4
^/*
*
�( =<5 )
portés par l ’énergie de cet a v e u , semblaient lui dire :
r
Chez v o u s ! ........... Vo u s convenez donc avoir repris
les cli ens, sur la volonté desquels vous exerciez le plus
d ’empire, et dont vous pouviez conserver le plus faci
lement la confiance à votre acquéreur !
C hez v o u s ! Est-ce que vous seriez encore notaire?
M c Astaix ne serait-il que votre p rê te -n o m , ou au
moins a u riez-v ou s un intérêt dans son étude?
C hez v o u s ! ....... Est-ce que l ’étude de votre gendre
serait votre domicile d ’affection? N ’y paraitrait-il luimème que pour y travailler sous votre é g id e , o u , en
votre absence, pour tranquilliser vos cliens co m m uns,
en leur répétant : M agister d iæ it?
L e cri de la conscience est bien fort et quelquefois
perfide : il s’échappe au moment où Ton fait le plus
d ’efforts pour le contenir. Jusqu’ici la violation de
votre obligation trouvait une légère excuse dans l ’affec
tion que vous pouvez avoir pour vos enfans; mais votre
ch ez m oi la d é t r u i t , cette excuse 5 et rien ne peut
justifier l ’oubli d ’ un devoir, et une action nuisible à
a u t r u i , lorsqu’elle n ’a d ’autre cause que l ’avidité ou
l ’intérêt personnel.
C ’est sur ces faits et le développement des moyens
respectifs des parties,
q u ’est intervenu, le 2 avril
1821 , au tribunal civil de C le rinont, le jugement
dont est appel.
Les motifs de ce jugement sont un hommage rendu
aux principes les plus purs de la morale et de la jikstin*.
E n fait : ils démontrent q u e , 11011-seulcmcnt ie bieur
�C 27 )
Taché n’a point a cco rd é sa coopération à M e C a v y ,
mais encore q u ’il a fait tous ses efforts pour lu i n uire,
en portant scs conseils et ses renseignemens à M e A s t a i x ,
son gendre, et en cherchant à reprendre son ancienne
clientelle.
E n droit : l ’ame du Magistrat s’indigne de ce q u ’un
fonctionnaire a osé faire soutenir q u ’ une obligation
d'honneur et de bonne f o i n ’était q u ’un lien moral.
Rejetant ce sy st èm e, il fait voir que les engagemens
du sieur Taché n ’avaient rien de chim ér ique ; q u ’il
était de son devoir de les exécuter ; que M e C a v y
avait le droit de le contraindre à les observer; mais,
comme le tr ibunal n ’avait en vue q u ’ une demande
en dommages-intérêts, et q u ’il y avait confondu celle
formée par Mc C a v y , en restitution du prix de la
convention non exécutée et violée par le sieur T a c h é ,
tout en reconnaissant l ’ intention de ce dernier de dé
pouiller M e C a v y de la chose v e n d u e , il ve ut savoir
comment le
consilium fr a u d is
a été exécuté
par
M c T a c h é , et connaître les suites, et le préjudice que
M e C a v y en a souffert ; préjudice q u i n ’était autre
chose que Yevenlus fr a u d is .
L e tribunal ordonne en conséquence que M c C a v y
fera preuve des faits par lui articulés, et désavoués par
le sieur Taché ;
Savoir :
i° Q u e , lors de la communication du mariage de sa
fille avec M
A s ta ix , le sieur Taché annonçait q u ’il
�1
(
-3
)
redevenait notaire, et q u ’il espérait que scs anciens
cliens ne l'abandonneraient pas;
2° Que le sieur Taché a demandé leur confiance, et
positivement sollicité des actes importuns et considé
rables ;
3 ° Q u ’il a arrêté des cliens se rendant
chez M e C a v y ,
disant q u ’il espérait regarnir le colombier;
4 ° Enfin
que partie de la clienlelle, vendue par le
3
sieur Taché à Ue C a v y , est actuellement dans l ’élude
de Mc Astaix (i ).
T o u t semblait faire un devoir au sieur Taché d ’exé
cuter ce jugement : son intérêt pécun iaire devait l ’y
p o r t e r , puisque l ’esprit de cette décision était de faire
dépendre de l ’événement de la preuve, et la restitution
du p r ix
3
et la fix a t io n des dom m ages-intérêts ré
clamés par M e C a v y , choses qui doivent être cependant
soigneusement séparées et distinguées. L ’intérêt de son
honneur devait l ’y engager plus fortement encore ,
puisque la preuve seule pouvait apprendre ju sq u’à
quel point le sieur Taché avait été calomnié.
cependant lui qui interjette appel
C ’est
son acte est du
i 8 avril 1821 j et mérite d ’être cité comme un modèle
de
stile,
un monument de raison, et sur-tout un
exemple de la déférence q u ’ un fonctionnaire public
doit aux t r ib u n a u x , lors même q u ’il penserait q u ’ils
(1) Voir le jugement, Pièces justificatives, ij° 2.
�( 50 )
Se sont trompés, et q u ’ il a le droit d ’ attaquer leur
décision ( i) .
L e sieur Taché a d û se préparer à soutenir avec
avantage la nouvelle lutte q u ’ il avait engagée.
Quelle est sa première démarche ?
O n se rappelle combien il avait désiré la présidence
honoraire de la chambre des notaires., et par quels
moyens il l ’avait obtenue : ce titre paraissait ne plus
convenir à celui qui n ’avait pas craint de faire plaider
que Yhonneur et la bonne f o i
3 invoqués
convention, n ’étaient point obligatoires ,
dans une
et
faisait
même ressortir, d ’ une manière plus saillante et plus
odieuse, sa conduite et la violation de scs conventions.
A u ssi, le 18 avril 1 8 2 1 , le sieur Taché écrit-il aux
membres composant le corps des notaires, « que ,
« dans les circonstances où il se trouve p l a c é , vou« lant ôter à ses ennemis ju s q u ’ au p ré te x te de nou« velles ca lo m n ies
3 il remet dans leurs mains le titre
« de président honoraire de leur chambre (2) ». Dans
les circonstances où se trouvait placé le sieur Taché ,
cette lettre a quelque chose de bien singulier.
Que
voulait-il faire? Agissait-il de bonne foi, et se rendaitil justice à lui-m êm e, en faisant remise de son titre,
ou bien plutôt espérait-il que cette remise seiait re
fusée, et avait-il calculé pouvoir se servir de ce refus
pour prouver que ses confrères avaient approuvé sa
(1) V o y ez Pièces justificatives , n° 3 .
(2) V o y e z Pièces justificatives, n° 4 .
�conduite, et q u ’il n ’avait cessé de mériter leur con
fiance. Quelles que fussent les espérances ou les craintes
du sieur T a c h é , l ’assemblé générale des notaires ré
pondit par une délibération du 10 m ai, où elle déclare,
«
a
l ’u n a n i m i t é
,
q u ’elle a ccepte la dém ission Au sieur
« T a c h é , et charge son président de lui en écrire. »
P o u r completter le tableau des faits de la cause ,
faire connaître les développemens q u ’elle a reçus , et
en fixer l ’é t a t , il suffira de dire que Me C a v y a inter
jeté appel incident du jugement rendu au tribunal
de C l e r m o n t , et que son appel a pour objet d ’ob-r
tenir la r es ti tution d u prix mis a l ’o b l ig a ti on contractée,
civil
en 1820, par le sieur Taché,
DISCUSSION.
des appels doit fixer celui de la discussion.
A i n s i o n e x a m i n e r a , sous deux paragraphes diflerens,
L ’ ordre
les questions, de la solution desquelles dépend le sort
de l ’appel principal du sieur T a c h é , et celles que fait
naître l ’appel incident de M e C a v y .
§ Ier. A p p e l d u sieur T a ch é.
C et appel ne considère la cause que sous un de scs
points de v u e , c’est-à-dire comme s’il ne s’agissait ,
entre les parties, que de l'exécution d ’ une vente pure
et s i m p l e , et de la fixation des dommages-intérèts q u i
pourraient être dus a l ’acquéreur, pour cause d ’infrac*
�(
3:
)
tion de la part du ven de ur , à quelques-unes des obli
gations qui dérivent de la nature même du contrat.
Sous ce rapport, le sieur Taché soutient que la preuve
ordonnée par les premiers juges était tout à-la-fois
inadmissible et in u ti le, et que to u t devait se réduire
à vérifier, par le rapport des répertoires, quels étaipnt
les cliens qui avaient passé de l ’étude de M e C a v y dans
celle de M6 Astaix.
Pou r se faire des idées nettes et précises sur
ce point,
il faut rechercher,
i° Quelles sont les suites que l ’éq uité , l ’ usage et la
loi donnent à la vente d ’une étude de notaire.
Cet te
vente comprend-elle celle de sa clientelle et de l ’i n
fluence de notaire, de manière q u e , par le fait seul
de la v e n t e , le vendeur contracte l ’obligation de ne
rien faire qui puisse nuire k son acq ué reur, et s’interdit de porter son influence chez un autre notaire
de la même résidence?
2° Si cette obligation est une suite nécessaire de la
ve nte, peut-on prouver son inexécution par témoins?
3°
L ’acquéreur, pour avoir droit de réclamer des
dommages-intérêts, et pour en faire fixer la q u o tité,
doit-il prouver tout à-la-fois que le vendeur a eu des
sein de lui nuire, et q u ’ il lui a réellement n u i ?
L a première de ces questions se résout par l ’appli
cation de quelques règles de droit.
L e vendeur contracte deux obligations principales:
délivrer et garantir la chose q u ’ il vend (Code ci vil ,
3
article iGo ). L a garantie a pour objet de conférer
�(
3,
)
a l ’acquéreur la possession p a isible de la chose vendue.
(Code civ il, article 1625).
,
L e vendeur est tenu cV exp liquer clairem ent ce à
quoi il s’oblige : tout pacte obscur et ambigu s’in
terprète contre lui (Code civil , article 1602), et les
conventions obligent non seulement à ce q u i y
est
e x p r im é , mais encore à toutes les suites que V é q u ité ,
Y usage et la lo i donnent à l ’obligation d’ apuès sa
riATunc. (Code civil, article i i
35 ).
Ainsi le Code indique trois sources d ’où dérivent
les obligations accessoires à l ’obligation p rin c i p a l e , et
qui la suivent toujours, quoique non exprimées dans
le contrat : X équité Vusage et la loi.
3
Si l ’on recherche ensuite quelles sont les choses qui
forment la nature du contrat, la réflexion fait bientôt
découvrir que ce sont celles q u i ,
sans tenir à son
essence, en font néanmoins pa rtie, quoique les contractans ne s’en soient pas expliqués. L ’on sait aussi
que les obligations qui résultent des clauses souseniendues dans le contrat n’ont pas moins de force
que celles qui résultent des clauses qui y sont expres
sément insérées, par la raison que les parties ont du
connaître quelles étaient les obligations accessoires de
leurs conventions,
et q u ’elles sont censées s’y
être
expressément soumises, faute d ’une stipulation spéciale
q ui y déroge.
A ces principes, il convient d ’ajouter celui q ui a
anéanti l'anc/icunc division des conventions en contrais
de bonne foi et contrats de droit étroit. Les conventions
�tiennent lieu de lois aux parties qui les ont faites : elleà
doivent être exécutées de bonne f o i (Gode c i v i l ,
3
ar
ticle 1 1 4) •
Ces principes posés,
Quelle est la nature de la vente consentie par le
sieur Taché à M e C a v y ? U n e étude de notaire.
Qu e devait comprendre cette vente? Les titres, les
m in u tes, la c lie n te lle , enfin toute la confiance que
le sieur Taché s’était acquise comme notaire , con
fiance qui portait le sieur C a v y a acquérir et à mettre
un si haut prix à son acquisition.
L a vente d ’ une étude de notaire comprend donc ,
comme objets certains, les titres et les minutes; comme
objets plus dout eux, la clie n te lle et la confiance ;
mais au moins ces deux objets si essentiels, qui tiennent
si fortement à la nature du co n t rat, ne peuvent être
détournés par le v en d e u r, qui contracte, comme suite
de sa vente, l'obligation de ne pas fa ir e ce q ui pour
rait cle'truire ou diminuer la chose vendue.
Il faut que le vendeur délivre et garantisse la chose
v e n d u e , et q u ’il e x é c u te encore de bonne f o i les obli
gations q ui sont les suites de la nature du contrat ;
1 acquéreur a , de son c o t é , le droit d ’exiger la pos
session p a isible de la chose par lui acquise; mais, pour
que toutes ces conditions soient remplies, quelles sont
les obligations que Xéq u ité , Y usage et la lo i imposent
à un vendeur d ’étude de notaire?
L a nature du contrat apprend q u e , par le fait de
la vente, le notaire s’ engage h ne plus ex ercer sou
�( 34 )
in fluen ce sur ses clîens, et à n éta b lir aucune co n cu rr
rence entre lu i et son acquéreur.
1 / éq u ité et la loi
doivent donc aussi exiger que l ’ancien notaire n ’exerce
plus de fonctions dans la résidence où il a vendu son
ét u d e; q u ’il ne fasse aucun pacte avec un autre no
taire de la même résidence ; q u ’il ne lui accorde poi nt
sa coopération. L a bonne f o i veut que ces obligations
soient strictement exécutées , parce que la moindre
infraction détruirait la vente dans sa nature et dans
son essence, pu is q u ’elle laisserait à la disposition du
vendeur la partie la plus précieuse d e l à chose v e n d u e ,
c’est-à-dire la clie n te lle et la confiance.
Ces obligations , imposées au notaire v e n d e u r ,
confèrent un droit corrélatif à l ’acquéreur. L a vente
pure et si m p le, imposant au vendeur la nécessité de
ne rien fa ir e qui nuise à son acquéreur, donne néces
sairement à ce dernier la faculté légale d ’exiger que le
vendeur ne fa s s e rien q u i puisse lui préjudiciel'. De là
le droit de M e C a v y de se plaindre de tous les actes du
sieur T a c h é , qui auraient pour objet de reprendre
directement ou indirectement la chose v e n d u e , ou
d ’en d im in u er, par son f a i t , la valeur.
Mais si le vendeur a violé ses obligations, comment
prouver ces infractions? Telle est la deuxième question.
E n principe et en thèse générale,* la preuve testi
moniale n’est pas déf endue; elle n ’est prohibée que
dans certains cas prévus et désignés par la loi. L a
preuve testimoniale est même plus ancienne que la
preuve littérale. E u F ra n ce , la première a été long-
t
�(3 5 )
te m s préférée à la seconde : de là l ’ancienne maxime :
T ém o in s passent lettres.
A u jo u r d ’ hui la preuve testimoniale est restreinte,
mais elle n ’est point p ro scritey de manière que l ’on
peut dire que l ’admission de la preuve testim oniale est
toujours le p r in c ip e , et que la prohibition n ’est que
V excep tio n à la règle.
E n effet, si l ’on consulte le Code c i v i l , on y voit
34
(a r t . i
i ) ’ clu ^ prévoit les cas où il y a des a ctes
ou p o ssib ilité d'en avoir. Alors le législateur veut que
la règle de l ’admission de la preuve n ’ait aucun effet,
et que l’on applique l ’exception de la prohibition.
M a is , s ’i l n'a p a s é té p ossib le de se p ro cu rer une
preuve littéra le dans ce cas, la prohibition cesse, et
la règle de la preuve testimoniale reprend tout son
empire ( A r t . i
.).
3
348
Ces principes reçoivent-ils leur application?
On a vu que l ’obligation du sieur Taché était u n
accessoire de la nature de la vente q u ’il a consentie
à M* C a v y ; que cette oblig ati on, quoique non exprimée
dans le c o n t r a t , tenait tellemeut à son essence, q u ’elle
devait avoir la même force que si elle y était expressé
ment insérée; d ’où résulte que les contraventions k
une pareille obligation , ne pouvant être de nature à
être prouvées par titres, doivent conséqueminent ren
ti er dans la règle générale de la preuve par témoins.
E n effet, celui qui s’engage à ne point f a ir e une
chose
nuisible à a u t r u i ,
n ’enfreint point son obli
gation d une manière assez pu b lique et assez pa te nte,
�'Î!>
(36 )
pour laisser des titres qui puissent établir le clol et la
iraucle q u ’il a pratiqués; ses manœuvres sont détour
nées et occultes, et souvent on ne peut les apercevoir,
que lorsqu’elles ont produit leurs plus funestes effets.
Sous ce rapport, les contraventions à l ’obligation de ne
p a s f o ir e , étant toutes personnelles à l ’obligé, doivent
être assimilées au cas de dol et de fraude, qui peuvent
toujours être prouvés par témoins, et à la violation
des engagemens, qui naissent d ’un f a i t personnel a
celui qui se trouve obligé ( C . civil , art. 1.370, 1 3 7 1 . ) .
E n f i n , s’ il était besoin d ’invoquer l ’exception portée
dans l ’article 2347 du Code civil, n’y a-t-il p o in t, dans
l ’espèce , commencement de preuve par écrit émané
du sieur T a c h é ; commencement idc preuve qui rend
vraisemblables les faits allégués par jMc C a v y , et qui
l u i donnent conséquemment le.^droit de compléter,
par la preuve testimoniale, celle q ui résulte si claire
ment de l ’apposition de l ’affiche de Me Astaix; appo
sition d ’affiche concertée avec le. sieur T a c h é , et
approuvée par l u i , et qui ressort encore plus fortement
des aveux contenus dans les Observations imprimées
du sieur T a c h é ; aveux dont ce dernier a d on n é lu imême acte à
31e C avy ?
T o u t cela est si clair, que l ’on ne saurait insister
plus long-tems, sans craindre d ’abuser de la patience
du lecteur.
», L a troisième question a pour objet de reconnaître
jCC
qne doit embrasser la preuve à laquelle doit être
soumis celui q u i réclame des dommages-iulérêts*
«
�( 37 )
L e dol et la fraude sont
les moyens ' ordinaire.4
q u ’emploie celui qui veut se soustraire h ses engagem ens,
et porter préjudice à autrui.
Il eu conçoit
d ’abord le dessein , combine les moyens de parvenir a
sou b u t , et bientôt des laits font connaître l ’adresse,
les artifices et les machinations q u ’il a mis en œuvre.
C ’est la réunion de toutes ces circonstances, que les
jurisconsultes appellent consilium jr a u d is . L a
pre
mière condition à rem plir, de la part de celui qui se
•plaint, est donc de prouver que
l ’on
a vo ulu le
•tromper, et que l ’on a agi pour atteindre ce b u t ;
autrement l ’auteur du mal pourrait être incer tain ,
et même rester inconnu; le tort pourrait être imputé
à des circonstances fortuites et indépendantes de la
volonté des hommes; ce qui ne permettrait pas de
rendre responsable d ’un mal celui q u i n ’en serait pas
évidemment l ’auleur.
Mais lorsque le dessein de nuire est prouvé; que l ’auteurdes machinations et des artifices est connu; que des
faits personnels l ’ont clairement désigné; ce n’est pas
tout encore : l ’ homme infidèle et dangereux dans ses
relations, celui qui entoure ses concitoyens d ’embùches
et d ’artifices, doit trouver sa punition dans la perle de
1 estime publique; mais la loi ne peut ordonner que la
•réparation du tort réel q u ’ il a pu causer. Il faut donc
que l événement ait correspondu au dessein , pour que
le dessein soit punissable : de là la nécessité de prouver
tout à-la-fois consilium et eventus jr a u d is . L ’on ne
peut reclamei des tlummages-iutérêts sans l'accomplisse-
�(
38
)
meut de cette double condition. T o u t cela est conforme
à la disposition de l ’article i i
5i
du Code civil.
E n résumant les principes, l ’on se convainc q u e ,
par la nature de l ’a c t e , le vendeur d ’une étude de
notaire contracte l ’obligation de ne rien fa ir e qui puisse
nuire à son acqué reur; que la violation de cette obli
gation donne à ce dernier le droit de réclamer des
dommages-intérêts. Il est également certain que les
contraventions à cette obligation peuvent être prou
vées, tant par titres que par témoins, et que l ’acqué
r e u r , pour obtenir la fixation et l ’adjudication de ces
dommages-intérêts , n ’a cl’autre condition à remplir ,
q u e celle de p r o u v e r , contre le v en d e u r, la réunion
d u dessein et de l ’événement de la fraude : C onsilium
e t eventus fr a u d is .
L e jugement est-il conforme à ces principes, et
remplit-il toutes ces conditions?
Il o r d o n n e la p reu ve de quatre faits.
L e s trois premiers sont : i° q u e , lors de la com m u
nication du mariage, le sieur Taché annonçait q u ’ il
redevenait notai re, et q u ’ il espérait que les anciens
cliens ne l ’abandonneraient pas; a° que le sieur Taché
a demandé la confiance de ses anciens cliens; q u ’il a
positivement sollicité des actes importans et considé
rables; 3° q u ’il a arrêté les cliens qui se rendaient chez
M e C a v y , en leur disant q u ’il espérait bien regarnir
le colombier.
Ces faits, qui ne sont autre chose que le résumé
de ceux exposés au Mémoire de Mc C a v y , ne sauraient
t
�être plus pertinens. S ’ils sont prouves, ils établissent
tout
à - l a - f o i s et le dessein de nuire q u ’a
conçu
le sieur T a c h é , et les artifices et manœuvres q u ’il a
employés pour atteindre ce b u t : ils tendent donc îi
établir d ’une manière positive le con silium fra u clis.
L e quatrième fait, dont la preuve est ordonnée, est
que partie de la clientelle vendu e par le sieur Ta ché
à M* C a v y , se trouve actuellement dans l ’étude de
M e Astaix.
C e fait satisfait pleinement à la seconde condition
exigée par les principes, pour que le dol et la fraude
soient démontrés. Les manœuvres étant certaines, quel
effet ont-elles produit ? L e u r événement a été de re
mettre à la disposition du sieur T a c h é , o u , quoi que
ce soit, de son gendre, partie de la clientelle vendue à
M e C a v y . Si ce dernier fait est é t a b li, le con silium
et eventus sont réu nis, et la demande en dommagesintérêts est pleinement justifiée.
C ependant
le sieur Taché inlerjette appel de ce
jugement : que peut-i l espérer?
11 se plaint des motifs : sa délicatesse et sa bonne foi*
s alarment et s indignent de ce que les premiers jnges
ont osé les suspecter *, mais le sieur Taché a- t- il oublié
ce q u ’il a écrit dans ses Observations? N ’y a-i-il pas
dit d une manière positive q u ’il avait le droit d ’ac
corder sa coopération à ¿on gendre ? N'a-t-i l pas re
connu la lui avoir effectivement donnée? N ’est-il pas
allé plus loin, lorsque,
ajouté
que
dans ses O b s e r v a ti o n s , il a
désormais il aiderait et assisterait son
�(
45
)
gendre; et lors que , s’app uy an t sur sa v ie ille e x p e
rience et ses fa ib le s m o y en s, il fait un appel si éner
gique à scs anciens cliens? Sa plaidoirie é t a i t - e l l e
propre à effacer les impressions que ses Observations
avaient pu faire naître? Mais le sieur Taché osait y
soutenir q u ’ une obligation d h o n n e u r et de bonne f o i
ne pouvait produire aucun engagement civil ; et ce
ch ez m o i, applicable aux cliens, sur l ’esprit desquels
le sieur Taché avait le plus de crédit et d ’influence ;
cliens qui avaient cependant quitté l ’étude de Mc C a v y
pour se rendre dans celle tenue par M° Astaix; toutes
ces circonstances ne se réunissaient-elles pas pour dé
montrer à-la-fois le con silium et eventus fr a u c lis? .
Les premiers juges n ’ont donc rien exagéré; ils o n t ,
au contraire, a tt én ué, autant q u ’il était en e u x , les
conséquences immédiates ' q u i
ressortaient .des faits
avoués et reconnus par le sieur Ta c hé ; et ce dernier,
bien loin de s’en p l a i n d r e , avait des graces à leur
rendre de ce q u ’ ils avaient v o u l u ajouter de nouvelles
lumières à celles qui étaient déjà acquises , et faire
dépendre d ’une preuve l ’événement d ’ un procès déjà
jugé par les aveux du sieur Taché.
L e sieur Taché soutient ensuite que la preuve par
témoins était inadmissible et in u til e ; que tout se bor
nait à savoir si M e C a v y avait éprouvé un préjudice,
et que ce fait pouvait être vérifié par le seul rapport
et l ’examen des répertoires.— L e sieur Taché n ’est pas
conséquent avec lui-même. Dans quel sens, en effet ,
présente-t-il spn objection, et veut-il q u ’elle soit ap
�(
4i
)
préciée? S ’il convient que le con silium fr a u d is est
suffisamment prouvé; que ses artifices et ses manœuvres
sont si clairement établis par ses propres a v e u x , q u ’il
n ’ y a plus q u ’à consulter l ’événement pour connaître
les effets q u ’elle eût pu produire, pourquoi se plaintil des motifs d ’un jugement qui n ’a pas regardé comme
certains des xésultats aussi odieux et aussi offensans
pour son honneur? S i, au contraire, il nie avoir conçu
le dessein de dépouiller M e C a v y de la chose q u ’ il l u i
a vendue; s’ il soutient que sa conduite a toujours été
franche et loyale; que ses anciens cliens se sont rendus
spontanément dans l ’étude de son gendre, et sans y
être incités par aucunes sollicitations, à quoi aurait
servi une preuve q u i n ’aurait eu d ’autre objet que
d ’établir que partie des cliens du sieur Taché sont ac
tuellement dans l ’étutle de M e As taix ? Q u ’importerait
ce fait, s’il n ’était d ’abord prouvé que c’est le sieur
Taché qui les y a attirés par ses sollicitations, et con
duits par son influence? C ’est dans ce cas, que le sieur
Taché aurait le droit de se plaindre du jug em ent, q u i
serait évidemment in com p le t, puisque la preuve or
donnée* ne remplirait point les conditions exigées par
les principes, en cas de fraude. Il faut ajouter que ce
jugement ordonne que le con silium et eventus fr a u d is
seront p r o u v é s , tant par titres que par tém oins.
Il
admet donc tous les moyens q u i peuvent faire con
naître la vérité et éclairer la Justice. L e sieur Taché
peut invoquer les répertoires, demander la production
de ceux tenus par l u i pendant son exercice, la coin6
�(
42
)
munication de ceux tenus p a r M e C a v y , son acquéreur;
produire même, s’il le juge convenable , ceux q u ’il
tient sous le nom de M e A s ta ix , son gendre; ses moyens
à cet égard sont entiers : ses plaintes contre le jugement
ne sont donc pas fondées.
L a dernière objection du sieur Taché consiste à dire
que la preuve admise par les premiers juges n ’était
point offerte par M e C a v y . — C e moyen ne peut être
sérieux : M e C a v y a coté les faits, dont la preuve a été
ordonnée, dans la cédule en conciliation, dans l ’exploit
in tr oducti f d ’ instance, dans son Précis : il en a ar
gumenté devant les juges dont est appel. S ’il n ’a pas
offert la preuve en termes positifs et exprès, c’est parce
q u ’il pouvait penser que les faits acquis au procès, et
ceux reconnus par le sieur T a c h é ,
étaient suffîsans
pour convaincre le j u g e , lui faire ordonner dès l ’ins
tan t même la restitution du prix et le paiement des
dommages-intérêts ; mais Me C a v y ne s’est jamais
opposé îi ce que le tribunal éclairât sa religion , en
ordonnant d ’office la preuve des faits q u ’ il avait arti
culés. Il sent même q u ’elle était indispensable, pour
parvenir à une fixation raisonnable des dommages-inté
rêts q u ’il réclame ; et , en
rendant
hommage
aux
principes q u i ont dicté ce ju gem ent, il en soutient le
bien ju g é , dans ce sens que ses dispositions doivent
être restreintes
dus.
aux donmiages-iutérêts
q u i lui sont
i
�k
43
(
)
§ II.
A p p e l de M e C avy.
L a 'question que présente cette partie de la cause
suffit pour en indiquer l ’o b j e t , et faire connaître le
Jbut de l ’appel de M e C a v y .
S i , par la vente de son é t u d e , le notaire vende ur
engage ses services à son acquéreur , m oyennant un
3
p r ix distin ct et sép a ré et s’oblige à a id er son succes
seur de tous les renseignemens et conseils dont il
pourra avoir besoin pou r sa profession, comme aussi
à lui conserver sa clie n te lle ; s i , loin d ’e x é c u te r cette
conven tio n, le vendeur s’est m i s , par son f a i t , dans
V im p ossib ilité d ’y satisfaire y si même il reconnaît et
avoue
q u ’ il a porté
co n seils, et toute sa
ailleurs
coopération
ses renseignemens et
, la violation de cette
obligation doit-elle entraîner immédiatement la resti
tution du prix qui y était attaché?
E n droit : Qui conque s’oblige 11 fa ir e ou à ne pas
f a i r e , oblige une partie de sa libert é; mais que de
viendrait la société ,
si
les hommes ne
pouvaient
engager leurs services et leurs actions? Il en est de nos
actions comme des choses dont nous avons la propriété.
Nous pouvons les engager, soit g r a t u i t e m e n t , soit pour
lin p r i x , soit par voie d échangé; e t , en les engageant,
11
�nous sommes aussi parfaitement obligés de les remplir,
de faire ou de ne pas faire ce que nous avons promis,
que dans le cas où l ’obligation consiste à donner. Il
faut donc poser en principe gén ér al, que l ’h o m m e , en
qualité d ’être intelligent
et
l i b r e , peut s’engager,
engager ses services et ses a ct io n s, en tout ce qui n ’est
pas défendu par les lois, par l ’ordre public et par les
bonnes mœurs ( i ) .
*
.
Ces principes du droit naturel ont passé dans notre
droit c i v i l , et ont force de loi.
L e contrat est .une convention p a r la q u e lle u ne ou
p lu sieu rs personnes s’o b lig e n t envers u n e ou plusieurs
a u t r e s , à d o n n e r , à f a ir e ou à ne p a s fa ir e q u e lq u e
chose ( C .
c i v i l , a rt. i i o i .).
T o u t contrat a pour objet une chose.........., q u ’ une
partie s’oblige à f a ir e ou à ne p a s f a ir e ( C . c i v i l , ar
ticle 1 1 2 6 .) .
Ainsi,
l ’obligation de fa ir e ou de ne p a s fa ir e
impose, à celui q ui la contr act e, la
nécessité
d ’agir
ou de ne pas agir, et confère, à celui en faveur duque l
elle est contractée, la faculté légale d ’exiger que celui
q ui s’est obligé envers lui fa s s e ou ne fa s s e pas.
Si l ’on se fixe sur les effets que doivent produire les
conventions, on voit que certains de ces effets sont
( 1 ) W o l f f . — Jus naturœ, pars. 3 , paragraphe 3 Go , — et pars, 2 ,
paragraphe t\iG, — T o u l u e r .
�( 45 )
com m uns à toutes les conventio ns, et que quelquesunes d ’elles doivent
encore avoir des effets p a rti
culiers.
Un effet com m un à toutes les conventions est de
conférer à chaque contractant le droit réciproque de
contraindre l ’autre à les exécuter; de lier les parties,
de les obliger aussi fortement que la loi même aurait
fait. Leurs volontés, libres dans l ’origine, deviennent,
par la conclusion du co n t ra t, assujéties au joug de la
nécessité. — Contractus su n t
3 ab initio / v o lu n ta tis 3 e x
p ost f a c t o , necessitatis. — Quocl ab initio spontè scriptufn j cnit in stip u la tio n e m .— D e d u c tu m est
25
3 hoc
ab
invitis post ea com p lea tur ( i ,
, C od . a d . , S . C .
T^elleian, ,
>)’ En fin la loi sanctionne les conven
tions; elle leur prête toute sa force; en un m o t , elle
les érige en l o i ; e t , comme le dit énergiquement
4 29
l ’article
1134
du Code civil : « Les conventions léga-
« lement formées tiennent lieu de lo i à ceux qui les
« ont faites. »
P o u r déterminer les effets p a rticu liers à chaque
convention, il f a u t , i° connaître quels devoirs l ’obli
gation impose , et quel droit elle c 'nfère à chaque
partie contractante; i° consulter la n a t u r e , l ’o b je t ,
les clauses et les condilions du contrat.
L objet doit être une chose au moins d éterm in ée,
quant à son espèce ( C . civil, art. 1 1 2 9 .) . E t si l ’o bjet
de l ’obligation est do v e ille r ¿1 la conservation d ’une
chose, cette obligation soumet
celui q u i l ’a contractée,.
�(46 y
k y apporter tous les soins d ’ un bon père de f a m i l l e ,
soit que la convention n ’ait pour objet que V u tilité
de l ’une des parties, soit q u ’elle ait pour objet leur
utilité commune ( C . c i v i l , art. 1 1 3 7 .) .
P o u r s’assurer de l ’application que reçoivent ces
pr inci pe s, il suffit d ’ interroger les faits’ de la cause.
E n effet, si l ’on se demande d ’abord quelle a été
l ’intention commune des parties, à l ’époque où elles
ont traité, et si.l’on consulte leur position, on ne peut
méconnaître, d ’une p a r t , que le sieur T a c h é , dont
la capacité et l ’ intelligence sont connues, q u i avait
une clientelle nombreuse et choisie, sur laquelle il
exerçait la plus grande in flu e n ce , ne vo ulût, en vendant
son étude, vendre également cette in fluen ce n o ta ria le,
qui devait lui paraître d ’ un si grand p r ix ; d ’ un autre
c ô t é , M e C a v y , encore jeune h o m m e, n ’ayan t d ’autre
titre pour inspirer la confiance, que celui d ’avoir été
maître-clerc de notaire, à P a r i s , absolument étranger
à la ville
de
C lerm ont,
où ni lui ni sa famille
n ’avaient aucune relation, devait ardemment souhaiter
a cq u é rir , n on -seu le men t l ’é t u d e , mais encore toute
V influen ce de son prédécesseur.
Mais , pour que cette in flu en ce fut profitable, il
f a lla it, de la part du sieur T a c h é , une coopération
active, sur-tout dans les premiers lems; non seulement
ses conseils et renseignemens étaient utiles, ses soins
et ses efforts pour la conservation de la clientelle in~
dispeusablcs, mais encore il devait réunir ses travaux,
�¿
y
C 47 )
à ceux de son successeur, pour fixer, attirer et aug
menter, s’il
était possible, la confiance pu blique :
aussi les faits apprennent-ils que la vente a eu lieu
moyennant
Jeux prix distincts et séparés-, s a v o i r ,
4o,ooo francs pour l ’ élude-, et le cinquième des béné
fices nets, pendant dix ans, pour la coopération du
sieur Taché.
,
L a convention de 1820 a eu pour objet de capita
liser le prix mis à la coopération du sieur T a c h é ; si
l ’on veut m ême, dès cette époque, le sieur Taché n’ a
plus
été
3\Ie C a v y ;
tenu de joindre
ses travaux à
ceux de
mais son o b l i g a t i o n , d ’aidér ce dernier de
tous renseignemens et conseils dont il pourrait avoir
besoin pour sa profession, comme aussi de lui conserver
sa clientelle, étant plus clairement exprimée, a d ù
devenir d’une exécution plus stricte et plus rigoureuse.
Ainsi les obligations imposées au sieur T a c h é , et les
droits conférés à M e C a v y p a r l a convention de 1820,
sont également faciles à déterminer.
L e sieur Taché devait donner à M c C a v y les ren
seignemens et conseils dont il pourrait avoir besoin ,
employer tous ses efforts pour conserver sa clientelle;
conséquemment il s’était interdit la faculté d a fa ir e
tout ce qui pourrait le mettre hors d ’état de rem plir
son. engagem ent, et plus fortement encore celle de
porter a dleurs son in flu en ce notariale.
M* C a v y , (le son côte , pouvait m/tterir les conseils
et renseignemens du sieur 'fa cile, lorsqu’il les jugeait
�utiles; i l pouvait même l ’obliger à employer son in
fluence pour conserver la clientelle q ui lui avait été
vendue.
N
■i;
C e p e n d a n t , comment le sieur Taché a-t-il agi ?
C e n ’était point assez de ne pas exécuter la con
vention; de se mettre dans Y im possibilité de satisfaire
à l ’obligation q u ’il avait contractée; d e priver^\e C a v y
de la f a c u l t é de dem ander les services q u ’il avait
a c q u is
3 il a
encore fallu que le sieur Taché se plaçât
dans une position si singulière, que ce lui fût une
nécessité de nuire à M e C a v y , au lieu de le servir >
ainsi q u ’ il s’y était formellement engagé.
C o m m e n t tout cela est-il prouvé? Par des faits re-^
connus et avoués par le sieur Taché lui- même. Il faut
les parcourir et les apprécier.*
P
rem ier
fa it
.—
T ro is m ois après la convention de
1820 j le sieu r T a c h é marie sa f i l l e avec un notaire
de C lerm ont.
C e mariage était projeté, et même arrêté, avant la
convention. L e sieur Taché contractait donc une obli-»
gation q u ’il ne vo u l a i t ni exécuter ni accomplir ; son
dessein était de s’y soustraire par la fraude,
et de
profiter du prix mis à des services q u ’il ne voulait pas
rendre.
Q u e l est, sur ce p o i n t, le seul moyen employé par
le sieur Taché? « Je ne me suis pas interdit la faculté
« de marier ma fille à u n notaire ». Dans un sens ,
�U
9
A/7
)
4
le sieur Taché a raison; mais dans un autre, e seul'
intéressant pour la cause, il a complettement tort.
L 'effet de la convention était de prohiber et de d é
fe n d r e au sieur Taché to u t ce qui pouvait s’opposer
à son exécution. L ’obligation ,' étant antérieure" au
mariage, • devait être respectée avant to u t ; e t , si ce
mariage
était
incompatible
avec
l ’accomplissement
de l’ obligation contractée envers M e C a v y , le sieur
T a c h é , placé entre ses affections' et son devo ir, ne
pouvait faire ce qui lui p la is a it, au détriment de ce
q u ’ il devait : le mariage devait nécessairement céder
à
1 obligation;
o u , au moins, le sieur Taché ne pou
vait concilier son devoir avec ses désirs, q u ’en rache
tant la coopération vendue à M e C a v y , et en lui en
remboursant le prix..
D
tuxièm e
fait
.—
Im m édiatem ent après le mariage
M e A sta iæ vient habiter la maison du sieur T a c h é ,
son bea u -p ère $ il y
transporte son
i
m inutes.
•
étude**et ses
¡0 '»
Le second fait commence à dérouler le plan adopté
et suivi par le sieur Taché. Q u a n d oh lui accorderait
que la convention de 1820 11’était pas assez rigoureuse
pour lui imposer, en termes absolus, l ’obligation de
ne point marier sa fille avec un notaire exerçant dans
la môme résidence que son successeur, il faudrait
aussi que le sieur Taché co n v in t, de son co t é, q u e
les conditions de ce mariage devaient être
7
telles ,
�(
q u ’elles lui permissent
5o
)
de remplir franchement' Ie$
obligations q u ’il avait contractées envers M e C.avy ‘
q u ’elles ne .donnassent à ce dernier aucune crainte
sur le sort de sa clientelle, et lui permissent de de
mander avec confiance, au sieur T a c hé , les conseils et
renseignemens don t il pourrait avoir besoin.
Cel a était facile, si le sieur Taché eut été de bonne
f o i . Il devait absolument séparer sés intérêts de ceux
de son gendre; annoncer, d ’une manière p u b l i q u e ,
les obligations q u ’il avait contractées envers Me C a v y ;
en faire connaître le prix; se rapprocher davantage de
son acquéreur-, employer toute son influence pour lui
conserver sa clîentelle ; il devait sur-tout s’abstenir
religieusement de tout acte propre à attirer la confiance
chez M e Astaix, son gendre; et en était-il un plus fort
que de l ’accueillir dans sa propre maison, et d ’y faire
transporter ses minutes et son étude?
Il ne faut rien exagérer; mais le fait du mariage ,
r éu n i à c el ui de la cohabitation et du transport de
l ’étude, avaient bien évidemment pour conséquences
de mettre le sieur Taché dans Y im p ossibilité de rem
plir ses obligations envers M e C a v y , et d 'interdire à
ce dernier la f a c u l t é d ’en requérir l ’accomplissement.
C o m m e n t , en effet, le sieur Taché aurait-il donné
à M* C a v y
ses renseignemens et conseils , lorsque
INI* Astaix , sou gendre, était là pour les réclamer et
en profiter, et que le sieur Taché déclare vouloir Vas-
�( 5
i
)
sister de tous ses conseils et de tout ce que ld co n
n a is s a n c e
des hommes
et
des affaires auraient p u lu i
apprendre ?
C o m m e n t le sieur Taché aurait-il fait ses efforts
pour conserver la clien telle vendue à son acquéreUr,
lorsque M e Astaix, son gendre, était placé auprès de
lui pour reprendre la confiance des anciens cliens q u i
venaient consulter la v ie ille exp érien ce ou recourir
a u x fa ib le s m oyens de leur ancien notaire ?
C om m en t encore M e C a v y
aurait-il demandé au
sieur Taché les renseigneniens et conseils dont il pou
vait avoir besoin, et réclamé ses soins pour lui con
server sa cliëntelle, lorsque la nouvelle position de ce
dernier rendait de pareilles démarches non seulement
inutiles, mais encore dangereuses, puisque ses récla
mations et ses confidences pouvaient fournir ati sieur
Taché de nouveaux moyens de nuire à son acquéreur,
et d ’être litile à son gendre ?
. r-.,[ •-
S i , par ces faits qui lui sont personnels, le sieur
Taché a rendu impossible l ’exécution de l ’obligation
q u ’ il a consentio, comment pourrait-il se soustraire à>
la restitution du prix mis à des services q u ’il ne peut
plus re ndr e, et que l ’on ne saurait exiger de lui ?
ni
motsiîîMB f a i t . — Dans le même te in s, Une enseigne
est placée au-dessus de la porte de la
Taché,
maison
avec cette inscription : Astmx-TacmS , nolairô-certiji-
�cateur."— L e s mêmes q ua lités sont prises,p a r M* A s ta ix ,.
dans les a ffich es et actes, p u b lics.
C e fait important doit être examiné sous ses différens rapports,
r
•
• = -
E n d r o i t, les enseignes sont mises au rang des pro
priétés; elles doivent être protégées contre les entre
prises d ’a u t r u i , parce que la réputation est souvent
attachée à la désignation d ’un établissement ou à son
enseigne ; aussi celui qui est en possession d ’une en
seigne , a-t-il le droit de s’opposer à ce q u ’elle soit
adopté« par un voisin de même profession, lois nié me
que ce voisin aurait eu le soin tl’y établir quelque
différence.-Ces principes, consacrés par différons arrêts
rapportés par S o u efv e et le nouveau D en isa rt, sont
encore adoptés par INI. P a rd essu s, dans ses n o u v ea u x
élém ens de ju risp ru d en ce com m erciale.
■
'ilEn f a it ', et* dans il’espccei particulièr e, les raisons
et les motifs de prohi bition1 sont les mêmes pour u n 1
notaire que;pour, un négociant.
.t/enseigne .»désigne
un
• -
établissement
de
notaire’
comiiie celui >d un commerçant. Dans l ’ un et l’autre
cas, elle relient 'la pro ¡n ié lé de la clientelle ; et, dans
l ’espèçé-, »renseigne- indiquant Mc Astuix comme succes
seur du sieur Ta c hé , continuant la possession de l ’état
d(!i n o ta ire-de ce der n ie r, sur la tête d u successeur
q ii ’ellc’ d é s i g n â t , avait d<>nc pour objet de conserver
les au c ie n é .d i e n s, et-d'en attirer de nouveaux.
�(
53
).
D ’un autre c ô t e , cette enseigne était placée immé
diatement auprès des panonceaux de M e C a v y . Po u r le
p u b l i c , quel était le successeur du sieur Taché? E i a i t ce M c C a v y , a cq u éreu r, ou M e A s t a i x , son g en d re?
Il est évident, d ’une p a r t , que ceux qui ignoraient la
vente devaient considérer M e Astaix comme successeur
du sieur T a c h é , e t , de l ’a u t re, que cette affiche était
un appel à la confiance de ceux q u i , connaissant la
v e n te , avaient été les cliens du sieur T a c h é .: T a c h é
ou A s ta ix - T a c h é étant absolument la même personne
pour eux.
A in si , l ’apposition de cette enseigne est donc une
contravention à la convention de 1 8 2 0 , une
directe des obligations qui y sont contennes,
loin ,de conserver à M c C a v y la clientelle qui
élé ven du e, elle la conservait et Vattirait
violation
puisque,;
lui avait
au sieur
T a c h é , vendeur', o u , ce q ui est la même chose, à
M c Astaix-Taché, son gendre.
:
Mais à qui doit-on imputer l ’apposition de cette
enseigne? Est-ce à Me Astaix exclusivement, ou a-t-elle
été placee par les ordres ou du consentement du sieur
Taché ?
D ’ab ord , l ’apposition de cette enseigne étant bien
é' id em m en t un obstacle à l'exécution des conventions
de 1820, le sieur Taché devait empêcher tout ce qui'
pouvait porter p r é ju d ice à Mc C a v y , à la conservation
de la clien telle duquel ü était tenu de v e ille r . Ainsi
�(
54
)
il (levait s’opposer au placement de celte enseigne,
interdire même à son gendre la faculté de se permettre
un tel acte. Il le devait d ’aula n t plus fortement, que
rien ne lui était plus facile, puisque celle prohibition
pouvait être une des conditions du mariage de sa fille,
si toutefois il eut voulu remplir son obligation , et
que ce mariage n ’eùt pas été lui-mème un moyen de
s’ y soustraire. Sous ce premier rapport , l ’apposition de
cette affiche est donc imputable au sieur T a c h é , et il
doit en supporter toutes les conséquences,
Mais si l ’on examine de plus près; si l ’on rapproche
l ’epoque de la convention de celle du mariage; si l ’on
y joint le fait de la cohabitation immédiate, le trans
port de l ’élude du gendre dans la maison de son beaupère , comment résister à l ’idée que la co h a b ita tio n ,
le transpoJ't de l ’étude et
I’ a p p o s itio n
de
l ’e n s e ig n e
n ’étaient autre chose que les conditions du mariage
projelé entre mademoiselle Taché et M e Astaix; projets
antérieurs peut-être à la convention de 1820 ? En fin
on peut
ici réunir les aveux du sieur Taché. Son
gendre, en plaçant celte enseigne ^ •voulait, suivant
lu i , fa ir e quelque chose q u i f û t agréable à sou beaupère. INI* Astaix a v a i t , d ’ailleurs, intérêt de distinguer
son e x e r c ic e de celui de son prédécesseur. Ainsi le sieur
Taché désirait donc l ’apposition de l ’enseigne; et dans
quel intérêt le désirait-il? Son
chez
m oi!
lorsqu’on
lui demande ce que sont devenus quelques-uns de ses
anciens cliens, ne prouve-t-il pas q u ’ il était lui-mémç
�( 55 )
intéresse à cette apposition, et q u ’il devait en profiter
concurremment avec son gendre ?
L e placement de cette enseigne a donc eu lieu par
les ordres, ou au moins du consentement du sieur
Taché? C e fait doit donc lui être i m p u té ; et en est-il
de plus grave pour prouver l ’inexécution de la conven
tion de 1820?
• ‘ L e mariage et la cohabitation du beau-père et du
gendre, réunis au transfert de l ’étude de M® A s ta ix ,
établissent que le sieur Taché s’était mis dans l ’im
possibilité d ’exécuter ce q u ’il avait p r o m i s , et avait
ôté à M e C a v y la (acuité de requérir cette exécution.
L ’apposition de l ’enseigne ajoute à la gravité de ces
premiers faits; elle indique une violation ouverte et
calculée de l ’obligation contractée .par le sieur T a c h é ,
et manifeste ses projets et son intention de détourner,
à son profit ou à celui de son gendre, la clientelle
vendue à M e C a v y , au lieu de la conserver à ce der
nier. Ainsi ce fait prouve que non seulement le sieur
Tache n a point v e illé à la conservation de la chose
v e n d u e , mais encore q u ’ il a fait tout ce q ui dépendait
de lui pour la détruire.
Q u ’objecte le sieur Taché sur un point de fait aussi
grave et aussi dét erm inant, et comment cherche-t-il h.
1’expliquer p
Il
est d u s a g e , dit -i l, d ’ajouter son nom à celui
« de son épouse : M c Astaix a pu user de cette fa-
�« culte ». Pour donner plus de force à son moyen ,
le sieur Taché cite ensuite grand nombre d 'exem ples
de cet usage, et finit par donner à Mc C a v y le conseil
de sy ndiquer désormais sous le nom de C a v j-B o sg ro s.
Il faut reprendre celte objection pour y répondre.
L ’usage n ’interdit p o i n t, dans les cas ordinaires ,
d ’ajouter le nom de son épouse au sien; mais il fa ut,
pour que cela soit in nocen t, q u ’en se conformant à
l ’ usage on ne nuise pas à a u t r u i; que l ’on ne détruise
pas une convention légitimement contractée; que l ’on
ait pas sur-tout le dessein de faire un bénéfice ou de
s’enrichir au diitriment de la personne envers laquelle
on s ’est obligé : dans ces derniers cas, c’est la conven
tion , qui est la loi des parties, et non les usages de la
société, q u ’il faut exécuter.
Les ex em p les cités par le sieur Taché sont asse?
mal choisis. Pour q u ’il pu t s’en prévaloir, il aurait
fallu q u ’ il eût indique des hommes q u i , pour parer
leur nom , eussent senti la nécessité d ’y ajouter celui
de leur beau-père, exerçant la même profession q u ’eux;
que ces beaux-pères eussent, avant le mariage de leur
fiHe
vendu à un étranger leur ét at , leur clientclle et
leur coopération, et q u ’ ils eussent ensuite repris la
chose,
ou part»e de la chose aliénée, à l ’aide d ’un
mariage avec un homme (le la même profession. De
pareils exemples (levaient être rares : aussi le sieur
Ta ché est-il l'unique que l ’on puisse citer.
�(
57
)
1 L e con seil donné à M e C a v y par le sieur Taclié est
une plaisanterie dont l ’ atticismc est difficile à saisir
et à apprécier.
M. Bosgros était un commerçant es
t im é ; ses travaux n’avaient rien de commun avec les
fonctions de notaire : il est décédé; et ses enfans ont
à se féliciter de ce que sa fortune et les produits de
son industrie aient échappé a u x h eu reu x résultats
d'un e liquidation.
Q
uatrièm e
fa it
. —
L e sieur T a c h é a a cco rd é la
coopération la p lu s active à
31e A s t a ix 3 son g en d re;
il a f a i t tous ses efforts p o u r attirer son ancienne
clie n te lle dans cette étu d e.
Co mm ent ce fait si im p o r t a n t , q ui prête aux autres
une nouvelle force, et concourt avec eux pour dé
montrer que non seulement le sieur Taché n ’a point
exécuté sa co nvention, mais encore q u ’il l ’a violée de
la manière la plus ouverte et la plus m anifes te, com
ment ce fait est-il établi ?
On a vu que le sieur Taché ne désavouait pas ce
f a i t , mais qu il se bornait à prétendre q u ’ il venait
dans l ’étude de son gendre bien moins souvqnt que ne
le suppose Me C a v y . On sent que le sieur Taché devait
reserver les conseils de sa v ie ille exp érien ce et l ’em
ploi de ses fa ib le s m oyens pou r les circonstances épi
neuses, et q u ’ il ue paraissait dans l’étude de M® Astaix,
que lorsque des affaires difficiles à traiter, des conven-
�lions importantes à fixer,
ou des
actes sérieux à
rédiger pouvaient l ’y appeler ; mais cette coopération
n ’en était pas moins utile à M e A s ta ix , ni moins n u i
sible à M e C a v y .
D ’a il l e u r s ,
comment le sieur Taché p o u r r a i t - i l
désavouer cette coopération, lorsque ses Observations
attestent q u ’il soutient que la convention de 1820 ,
bien loin de lui imposer aucune obligation , l ’a v a it ,
au contraire, affranchi de toutes celles q u ’il avait an
térieurement contractées envers M 8 C a v y , et que la
conséquence directe de cette prétention serait de c o n
férer au sieur Taché le droit de refuser sa coopération
à Me C a v y , et de lui donner la faculté de l ’accorder à
3\Ie Astaix
: droit et f a c u l t é dont le sieur Taché a bien
nécessairement usé dans toute leur étendue? Il en a
effectivement usé, « parce q u ’il veut consacrer à ses
« enfans les années q u i lui restent » 5 et q u e , pour
doubler ces années, et les rendre plus fructueuses, le
sieur Taché n ’avait rien trouvé de mieux à faire que
de vendre sa coopération à M e C a v y , moyennant un
prix considérable et déterminé, et de retirer ensuite
cette coopération, pour l ’accorder et en transporter
tous les effets à M e A s t a i x , son gendre.
Sur ce p o in t, le sieur Taché ne dissimule rien : i l
v eu t assister
31e A s t a ix
de tous ses co n seils, l ’aider
de tout ce r/ue la connaissance des hommes et l ’ha
bitude des affaires auront p u lu i apprendre........ y il
�veu t encore mettre sa v ie ille exp érien ce et ses fa ib le s
m oyens à la disposition de ses anciens clien s; il dé
clare donc vouloir accorder toute son influence nota
riale à Mc Astaix; faire tous scs efforts pour lu i donner
les moyens de réussir, et employer toutes ses ressources
pour attirer ses anciens cliens dans l ’étude de son
gendre. Ainsi, moyennant un p r i x , le sieur Taché
s ’oblige à aider M e C a v y de tous les renseignemens
et conseils dont i l pourra avoir besoin..........; il s’oblige
aussi à lu i conserver sa clie n te lle ; mais le sieur Taché
garde le p r ix mis à cette co n v e n tio n , retient encore
la ch o se , ou la transmet à Me A sta ix , son gendre, au
détriment de son acquéreur. T o u t cela lui parait ce
pendant si simple, q u ’il invite Me C a v y « prendra
acte de ces a v e u x ; ce que ce dernier ne manque ra
pas de faire , puisqu’ils démontreront que le sieur
Taché a violé son obligation ; que cette violation est
tout a-la-fois volontaire et calculée; q u ’enfin le sieur
T a c h é , loin de rendre à son acquéreur les services
q u ’il lui avait vendus, a fait encore tous ses efforts
p o u r lu i nuire.
L a convention de 1820 n ’ayant point été exécutée,
son exécution étant désormais devenue impossible par
le lait du sieur T a c h é , ce dernier ayan t même ouver
tement violé l ’obligation particulière q u ’il y avait con
tractée, pourrait-il se dispenser de restituer le prix mis
h
1 accomplissement
de cette obligation? Mais ren g a
gement des services est une véritable vente , et la
�( 60 )
raison, comme les principes,
nous apprennent que
nul ne peut avoir le privilège de conserver la chose et
le p r ix .
E n d r o i t il n ’existe q u ’une différence entre les
promesses de donner une chose et l ’engagement des
services ou actions : on peut être contraint à délivrer
l a chose que l ’on a promis de donner, mais l ’on ne
peut l'être à rendre des services auxquels on s’est en
gagé, parce que nemo potest précisé co g i a d fa c tu m .
M a i s , que la vente soit d ’une chose ou un engagement
de services ou actions, il n ’en faut pas moins q u ’elle
Soit exécutée 5 et si la chose n’a point été livr ée, ou
si les services n ’ont point été rendus, le prix de la
vente ne saurait être exigé, ou doit être restitué, s’il
a été payé ; e t , dans ce c a s , il est encore dù des dommages-intérêts, résultant du préjudice causé par celui
q u i n ’a point exécuté la convention.
A u rés u m é, étant établi :
i° Q u e , par la convention de 1820, le sieur Taché
avait engagé ses services à M* C a v y , moyennant la
somme de 30,000 fr. ; q u e , pou r ce p r ix , il s’était
.obligé à lui a cco rd er sa coop éra tion , à lu i conserver
sa cliente l i e , à v e ille r enfin à la conservation de
l ’élu d e ve ndu e, ce prix doit être restitué à M* C a v y ,
pu is q u ’il est prouvé que le sieur Taché n ’a point sa
tisfait à sou obligation ; q u ’il s’cst mis dans l ’impossi
�¿*3
( 6î )
bilité de l ’exécuter, et a ôté à M e C a v y la faculté d ’en
r
requérir l ’accomplissement.
Sous ce rapport, il a étc mal j ugé, et l ’appel incident
de M e C a v y est justifié.
,,
.
r
' !
i>
2° L a vente d ’une étude de notaire, em po rtant, par
sa n atu re, obligation, de la part du ve ndeur’, de ne
rien fa ir e qui puisse nuire k son acq uére ur, et les faits
avoués venant apprendre que le sieur Taché a accordé
sa coopération à son gendre, et a employé toute son
influence pour attirer son ancienne clientelle chez ce
dernier, il est du à M e C a v y des dommages-intérêts,
qui doivent être calculés sur le préjudice q u ’a pu lui
causer la double infraction de 1’oblig ati on , résultant
de la nature du co n t ra t, et de celle, plus positive,
insérée dans la convention de' 1820: mais ces dom.•> , A
"
7
f-i ,
mages-intérêts ne peuvent être fixés et adjugés, que
lorsque
le
C onsilium
et
eventus fra u d is seront
*.
/P f
établis.
,
- iï ' i 0’ 1'
*'
* J
C ’est ce q u ’a ordonné le jugement ; ' e t , sous ce rap
port , l ’appel du sieur Taché rie peut être justifié.
T o u t est donc prouvé dans cette c a u s e , qui présente
un e xem p le, aussi rare que f r a p p a n t , de la violation
la plus hardie de la foi donnée. Si la Justice doit faire
respecter les conventions; si elle doit soigneusement
empêcher que-nul ne s’enrichisse aux dépens d ’a u t r u i ,
avec quelle sévérité ne doit-elle pas réprimor les in-
�( fe )
fractions faites aux traités , qui ont eu pour garans
Y honneur et la bonne f o i de l ’une des parties I ’
E t quel était celui qui apposait à son obligation un
sceau aussi sacré? U n notaire, connu par d ’utiles et
d'honorables tr ava ux, exerçant la plus grande influence
dans sa profession, emportant dans sa retraite le titre
de président honoraire du corps auquel il avait appar
t e n u ; un citoyen remplissant des fonctions m unic i
pales, le sieur Taché enfin , qui mieux que personne
po uva it apprécier la force et l ’étendue de ses engagemens.
Av ec q u i contractait-il ? Avec vin jeune homme
encore sans expérience, absolument étianger à la ville
où il venait s’é tab lir , désirant assurer, par les conseils
et l ’influence de son prédécesseur, la réussite de ses
premiers essais; avec un acquéreur q ui pouvait compro
mettre sa fortune et celle de sa famille, et qui n’avait
d ’autres garans de succès , que Xhonneur et la bonne
f o i du vende ur, auquel il s’en était remis.
M
L e sieur Taché a méconnu la voix de Y honneur ; sa
conduite est un outrage à la bonne f o i $ il est sans
excuses; il doit à la société un exemple utile et écla
tant.
Toutes les considérations se réunissent pour attirer
sur le sieur Taché la rigueur et la sévérité de la Justice,
Sa condamnation , plus que celle de tout a u t re , sera
utile ; elle apprendra combien les obligations sont'
�( 63 )
choses sacrées, et doivent être religieusement observées;
elle préviendra les effets du mauvais exemple, sur ceux
que leur imprévoyance expose au danger; et la C o u r
rendra également hommage à la Justice et à la Morale,
en appliquant dans toute sa rigueur, au sieur T a c h é ,
cette sentence de Virgile :
Continuo culpam f e rro com pesce, p riusquàm
D ira per incautum serpant conlagia 'vulgus.
M e C A V Y , N ota ire royal.
M e J n C h B A Y L E a în é , ancien A v o ca t.
M e H U G U E T , L ic e n cié -A v o u é .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cavy, Claude. 1821?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cavy
Bayle
Huguet
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Résumé et nouvelles observations pour maître Cavy, notaire royal, certificateur, à la résidence de Clermont-Ferrand, intimé, et incidemment appelant ; contre sieur Pierre-Antoine Taché, se qualifiant propriétaire, ex-Président honoraire, à vie, de la Chambre des Notaires de l'arrondissement de Clermont, et exerçant utilement, et de fait, la profession de Notaire, sous le nom de maître Astaix-Taché, son gendre, appelant, et incidemment intimé.
note manuscrite : « voir arrêts sur l'interlocutoire et sur le fond au journal des audiences, 182, ?, page 296 ».
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1821
1818-1821
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
63 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2509
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2507
BCU_Factums_G2508
BCU_Factums_G2510
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53495/BCU_Factums_G2509.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53494/BCU_Factums_G2508.pdf
d5d1dad42b7200507b451d266c7a11e1
PDF Text
Text
PRÉCIS
EN R É P O N S E ,
PO U R
Me
C
laude
C A V Y , Notaire royal certificateur, à la
résidence de Clermont-Ferrand, D em andeur.
�PRECIS
EN R É P ON S E ,
PO U R
Me
C A V Y , Notaire royal certificateur, à la
résidence de Clerm ont-Ferrand, D em an deu r;
C
laude
CONTRE
Sieu r P i e r r e - A n t o i n e T A C H É
se qualifiant
propriétaire , président honoraire à v ie de la
Chambre
des N otaires
de l ' arrondissement de
C lerm on t, et exerçant utilement et de fait la
profession de Notaire, sous le nom de M e A s t a i x 9
T
a c h é , son g e n d r e ,
/
Défendeur.
Auro pulsa f i des.
P ro perce
----------
1
■■
--------
M e C a v y , successeur du sieur Taché, acquéreur
de ses minutes et de sa clientelle, se plaint de ce que
son vendeur a manqué à la majeure partie de ses engagemen s.
�( o
Il lui dit : « Par une première convention (en me
« vendant votre clientelle), v o u s a v e z p r o m i s d e
.
« m ’a i d e r d e s c o n s e ils d e v o t r e e x p é r i e n c e , d e m a m « te n ir l ’é t u d e q u e v o u s m e v e n d i e z d a n s le m c m e
« é t a t d e c o n f ia n c e e t d e p r o s p é r i t é ; pour cela, j ’ai
« consenti à ce que vous vous conservassiez pendant
« dix ans le cinquième des bénéfices nets de 1 élude
« que vous me vendiez.
« Plus tard, une nouvelle convention a été faite;
« son objet était de capitaliser les cinquièmes des
« bénéfices qui vous étaient promis ; nous les avons
« évalués à la somme de 20,000 francs; e t, pour ce
« prix , vous vous ê te s o b l i g é , d ’n o N N E U n , à m ' a i d e r
« d e t o u s le s r e n s e ig n e m e n s e t c o n s e il s d o n t j e p o u r « r a i s a v o i r b e so in p o u r m a p r o f e s s i o n , c o m m e a u s s i
« à m e conserver v o tre
c lie n te lle .
C e s c o n v e n tio n s
« d e v a i e n t ê tr e e x é c u t é e s d e b o n n e f o i .
y
« Le résultat de ces faits est que vous m’avez
«•vendu votre coopération p en d an t dix a n s ; que
« j ’avais fconséquemirient le droit pendant ce teins '
«
«
«
«
«
d’exiger de vous les renseignemens et les conseils qui
devaient augmenter la confiance attachée à- mon
étude, et assurer sa prospérité; que rien sur-tout
ne pouvait vous soustraire à l’obligation de me
conserver votre' clientelle.
«. Cependant comment avez-vous agi ? comment
^avez-vous interprété, çt exécuté une convention aussi
«( Sacrée? A peine les 20,000 francs, prix de votre
« coopération et de la conservation de votre clientelle,
�(
3 )
« vous sont-ils assurés, que vous faites tous vos efforts
* p o u r r e p r e n d r e o u r e te n i r la chose vendue.
« Vous projetez un mariage : il est accompli dans
« l ’espace de vingt-cinq jours.
« Votre fille devait épouser un notaire. Ce projet
« conçu, v o u s v i s i t e z v o s a n c ie n s c l i e n s , qui étaient
« devenus les miens •, vous leur rappelez vos services ;
« vous leur annoncez q u e v o u s r e d e v e n e z n o ta ir e sous
« le nom de votre gendre; v o u s d e m a n d e z p o s i t i « v e m e n t leur clientelle et leur confiance.
« Le mariage célébré, Me Astaix, votre gendre, est
« installé dans votre maison , dans votre propre étude,
« porte à porte de la mienne.
« Une plaque de cuivre annonce au public l ’heu« reuse alliance de vos noms. On lit à votre porte :
« ¿istaiæ -Taclié 3 notaire-certificateur. Cette enseigne
« est à côté de la mienne : déjà l ’on pouvait se de'« mander lequel de votre gendre ou de moi était votre
« successeur? Les protocoles des actes, les affiches, les
« journaux contiennent la même indication.
« Tout cela est-il bien innocent, bien conforme à
« la convention et à la foi promise?
« Mais vous avez tout expliqué. Vous avez dit q u e
« le s d e u x c o l o m b i e r s é t a n t à c o t é l ’un d e V a u t r e ,
« le s a n c ie n s p i g e o n s se t r o m p e r a i e n t s o u v e n t d e p o r t e .
«
«
«
,«
Votre conduite a bientôt expliqué le véritable sens
de vos paroles. Vous avez a r r ê t e les cliens; soxivent
vous ne les avez p a s a t t e n d u s , vous êtes a l l é le s
c h e r c h e r ; yous ayez désiré et demandé des actes
�(4)
« importans. Il est vrai que vous n’avez pas tout
« obtenu : aussi vous étiez par trop exigeant.
«» Voilà comment vous m’avez livré votre clientelle!
« Mais à qui ont profité et profitent encore les
« renseignemens et les conseils que vous vous étiez
« engagé à me donner?
«
«
«
«
« Vous avez dit que vou s vou s rappeliez votre
ancien m étier y que vou s sauriez encore bien fa ir e
quelques obligations ; que lo rsqu 'il y aurait quelques
actes difficiles } on n irait pas chez M . B e rg ie r;
qu'on les rédigerait en fa m ille ; q u e v o u s s e r i e z
«
LE
M a ît r e clerc d e v o t r e g e n d r e .
« Vous avez tenu parole; vous êtes bien le Maître clerc
« de votre gendre, o u , si vous l ’aimez m ieux, vous
«
«
«
«
«
êtes toujours notaire sous son nom; vous recevez les
cliens, vous entendez leurs débats , vous arrêtez
leurs conventions, vous rédigez et dictez les actes.
S ’il faut eu croire quelques personnes, vous poussez
même le zèle jusqu’à recevoir des testamens.
-« Si tous ces faits sont vrais, vous avez violé votre
« convention ; vous ne m ’avez pas livré la chose
« vendue; vous devez donc me restituer le prix et me
« payer des dommages-interets. »
Telle est la cause de M* Cavy. Sa simplicité et la
nature des faits articulés ne permettaient pas de sup
poser que le sieur Taché voulût rendre sa défense
publique; d’autre part, le respect qui est du h l ’hono
rable profession de notaire arrêtait M° Cavy. Plein de
�(
5 )
confiance clans ses juges, il sentait q u ’il était inutile
de publier les torts de son adversaire.
Mais le sieur Taché a cru que des observations
signées de lui produiraient un grand effet sur le public,
et serviraient sa cause. t
A l ’exemple des personnes illustres, il nous fait
connaître son apophtegme favori : « H e u r e u x (s’écrie-t-il)
« QUI P E U T E X P L I Q U E R TOUS L E S A C T E S D E SA. V I E ! » E t
ses explications se bornent à dénaturer la convention
et les faits, ou à les désavouer I
Il est vrai que son mémoire n’était point destiné
pour les tribunaux. Qu’ importait, en effet, au sieur
Taché, d ’être clair et exact sur les faits?
Il n’avait d’autre objet que de iairc remarquer sa
supériorité sur son jeune successeur. Quelle satisfaction
le sieur Taché n ’éprouve-t-il pas îi parler de lui-même I
Comme il nous met dans la confidence de ses plaisirs
et de ses peines! comme il nous associe agréablement
h ses pensées! que son'adversaire est petit auprès de
lui ! quelle grâce dans son stile ! quelle finesse dans ses
épigrainmes ! sur-tout quelle franchise d’orgueil! que
le « il me parle 3 j e c ro is ! » est beau, quand on lit
le sieur Taché ! quelle vérité dans ce caractère de
M . Tufière ! ........ Au sieur Taché seul il appartenait
d’en iaire apprécier les beautés.
Toutefois, Me C avy sera plus simple : il est assezi
heureux pour n’avoir besoin de parler que de sa cause.
Il ne veut point discuter l ’apologie du sieur Taché;
mais il doit faire ses efforts pour obtenir justice.
�(
6 )
3\I* Cavy n’a rien à cacher ou à déguiser sous les formes
clu stile : « il ne vient pas e x p liq u er les actes de sa
v i e , mais bien demander la réparation du tort qu ’il
éprouve.
FA IT S.
Me C a v y , originaire du département de l ’A Hier,
habitait Paris depuis plusieurs années, en qualité de
maître clerc de notaire. Son existence dans cette ville
était agréable; et il s’y serait infailliblement établi ,
si, en 1 8 1 7 , son père ne lui eût manifesté-le v if désir
de le voir sc rapprocher de lui.
Au mois de décembre, Me C avy fit un voyage dans
sa famille : il avait un congé de son notaire-, sa place
lui était conservée : aucun projet sérieux ne l ’occupait;
aussi, à son arrivée, apprit-il avec assez d ’indifférence
que l ’étude de Me Taché, président de la chambre des
notaires de Clermont, était en vente; et il lui fallût
toute la déférence qu’il a pour son père, pour se dé
terminer à examiner si cette affaire pouvait lui convenir.
Les sieurs Cavy père et fils arrivèrent à Clermont
le 12 janvier. Un jurisconsulte dont le nom est un
éloge, et l ’amitié un titre d’honneur, voulut bien les
mettre en rapport avec le sieur Taché.
La première entrevue eut lieu le i 3 . C ?était la
première fois que le sieur C avy fils voyait le sieur
Taché. L a tenue de ce dernier était imposante; l ’assu
rance de,son maintien, la gravité de ses discours, le
�(
7
)
ton persuasif. qui les accompagnait concouraient éga
lement à inspirer beaucoup de confiance au sieur C avy,
s u r - t o u t lorsqu’il se rappelait qu’il allait traiter avec
le président d’un Ordre dans lequel il désirait d’étre
admis, et que ses études et ses réflexions lui avaient
appris à respecter.
Aussi le sieur Taché fut-il le maître des détails qu ’il
voulut bien donner au sieur C avy.
‘
Il put nommer et compter ses cliens, se vanter tout
à son -aise des services qu’il leur avait rendus.
t II put fixer à son gré le produit annuel de son
étude^¿porter même en: ligne de compte ceiqu il appe
lai^ ses, opérations de cabinet." in ' .i l jLi or>;»Il pHat enfin affirmer qu’il recevait six cents actes
par an, et qu’ il en renvoyait au moins deux cents,
parce qu’il ne/voulait pas de petite clientelle.
Tout fut cru sur parolei:/ni les répertoires, ni les
actes du sieuri Taché 11e furent vérifiés; sa.parole
d ’honneur donnée sut* la demande»du sieur C avy,:ses
protestationsid’honnôteté y de délicatesse et de loyauté
éloigniiient tous soupçons> Jetiauraient même pu faire
regarder le plus léger.examen comme une injure.
Dans cettè prèmiere; en t reirue i, on ne convint cepen-.
danT'ni d u 'p rix r, ini desuconditions de la vente. L a
demande du sidunTaché'paraissait exagérée*, il fallait
d ailleir^ donnét»quelques■instans £1 la réflexion.
tiiLeisieùriTâché et les sieurs iCaVy- acceptèrent à diner
chez le jurisconsulte qui avait la bonté.de leur servir
d’intermédiaire; L e sieur Taché sc ia it bientôt rcmar-
�quer par son caractère enjoué; cet aimable convive
fixe l ’attention par sa franchise, q u ’une légère teinte
(le brusquerie rendait encore plus piquante. Il parais
sait content de tout; il vantait son influence : à l'en
tendre, il ne lui manquait qu ’un collaborateur intel
ligent pour faire et gagner tout ce qu’il voudrait. Le
sieur Cavy lui plaisait; il voulait lui faire un pont
d ’or. Le sieur Taché improvise sur-le-champ un plan:
le sieur Cavy fera les affaires de l ’intérieur de l ’étude;
lu i,T ach é , s’occupera de celles de l ’extérieur; et, pour
sa coopération, il recevra, outre le prix de la vente,
le cinquième des bénéfices nets^ pendant dix ans.
Cette idée fut accueillie par le sieur C avy y qui
désirait sur-tout s’aider des conseils et de l ’influence
du sieur Taché. L a coopération de ce dernier rappro
cha même bientôt les parties sur le p rix, qui fut fixé
à un capital de 4 ° j 000 francs pour les minutes , re
gistres, clien telle 3 etc.; 2° à la moitié des recouvremens de l’exercice du sieur Taché ; 3° un cinquième
des bénéfices nets de l ’étude' pendant dix ans, pour
prix de la coopération qu’il promettait au sieur C avy.
Enfin le sieur Taché et les sieurs C avy se retirèrent
après être convenus que le sieur Taché laisserait lin
bureau à son successèùr; que l ’étude i ne «changerait
pas de local sur-le-champ, mais qu’elle continuerait,
d ’être tenue dans l ’emplacement qu’ellei occupait dans
la maison du sieur Taché, et qu’on y joindrait !un
petit cabinet attenant.
r
«)l .-'»ri-;
Le lendemain, on devait se réunir chez le sieur
�Taché, pour s’expliquer plus en détail sur ces con
ventions, qui n’étaient encore arrêtées qu’en termes
généraux. L e jurisconsulte, intermédiaire des sieurs
C avy et Taché, ne put assister à cette conférence. Ce
dernier sut mettre à profit l ’absence de celui dont le
caractère et les lumières lui en imposaient.
Le sieur Taché n’était plus le même homme de la
veille. Sur de sa supériorité, il était devenu extrê
mement tranchant ; il ne voulait entendre ni donner
aucune explication : il dictait des lois.
Le sieur Cavy désirait qu’il fû t positivement expli
qué que le cinquième net des bénéfices était le prix de
la coopération du sieur Taché, et que conséqucmmcnt,
s’il venait à décéder, ses héritiers n ’auraient aucun
droit à ce cinquième. L e sieur Taché trouva que la
première partie de cette proposition blessait sa délica
tesse, éleva la voix, prit un air de dignité, et attesta
que lorsqu’on traitait avec lu i, un engagement moral
de sa part était suffisant. Prenant ensuite un ton plus
radouci, et affectant de tirer un présage sinistre de
la seconde partie de la proposition de Me C a v y , il se
plaignit, de la manière la plus aim able, des précau
tions que voulait prendre son chei' e t j e u n e c o l l a b o
r a t e u r , et dit qu’il n’était pas bien de supposer qu’il
pouvait ne pas vivre dix ans.
Cette singulière scène se passait entre le sieur Taché
et Me Cavy fils, auquel le père avait abandonné le
soin de terminer cette affaire. M* Cavy commençait îi
avoir quelque défiance. Le sieur Taché ne lui paraissait
�P&P ’
P
( io )
plus aussi franc que la veille; ses actions ne semblaient
pas d’accorcl avec ses discours.
On en vint cependant à la nature des engagemens,
qui devaient être contractés pour assurer le paiement
de l ’étude. Le sieur Taché exigeait des lettres de
change ; Me Cavy lui manifesta de la répugnance a
les souscrire : il s’expliqua même sur ce point avec
quelque vivacité. Alors le sieur Taché se contenta de
la moitié du prix en lettres de change, et donna sa
parole d’honneur qu’elles ne sor liraient point de son
porte-feuille (i). 11 voulut bien recevoir une obliga
tion pour l ’autre moitié.
Il fallut rappeler au sieur Taché q u ’il avait promis un
bureau ; plus tard, il refusa de le livrer. Enfin M* Cavy
crut devoir parler de l ’emplacement occupé par l’étude,
et consistant en deux pièces de la contenance de vingt
pieds carrés. Le sieur Taché exigea pour cela un loyer
de 3oo francs; encore ne voulut-il pas faire de b ail,
parce que, disait-il, sa parole d’honneur était suffi
sante.
L e contraste qui se faisait remarquer entre les
actions et les discours du sieur Taché; la confiance
qu’il voulait commander jusqu’à l’abandon, tandis
que lui-même stipulait ses intérêts avec le plus grand
soin; la défiance qu ’inspire celui qui parle à tout
propos de son honneur et de sa délicatesse ; l ’espèce
d ’irritation que produisent des discussions prolongées
( i ) Le sieur Taché les a n égociées, au moins en partie.
�( 11 )
et minutieuses, tout enfin paraissait se réunir pour
éloigner Me Cavy : aussi les relations étaient-elles à peu
près rompues , lorsque le sieur Cavy père intervint. lise
montra plus sensible aux prévenances du sieur Taché,
plus confiant dans ses promesses, et mit fin à une
scène aussi fatigante, en apposant sa signature sur les
lettres de change et sur l ’obligation.
Quelques jours furent employés à régulariser l ’obli
gation consentie au sieur Taché; une inscription fut
prise îx sa requête; et, sur sa demande, on lui rap
porta un certificat négatif d’autres inscriptions.
L a chambre des notaires avait été convoquée pour
le 23 janvier 1 8 1B . Me C avy devait y être présenté ,
à l ’effet d’obtenir le certificat de capacité et de mora
lité, qui lui était nécessaire.
Les séances de la chambre se tenaient dans la maison
du sieur Taché, alors président; ce dernier avait, dès
la veille, fait la remise de ses minutes à Me C a v y , qui
les avait reçues de confiance. Ce dernier y jetait un
coup-d’ œil pendant que la chambre était réunie.
L ’examen rapide qu’il put faire des minutes des six
dernières années lui fit découvrir que le sieur Taché
s était trompe ou 1 avait trompé d’ un quart, au moins,
sur le nombre des actes qu’ il avait déclaré recevoir
annuellement. L e sieur Taché, qui était alors à la
chambre, fut appelé : Mc Cavy lui fit part de la dé
couverte qu’ il venait de faire, et se plaignit assez vive
ment. Pour toute explication, le sieur Taché traita
à ’enfantillage ics inquiétudes et les-reproches du sieur
�(
12
J
C a v y , et lui assura que la c o o p é r a t i o n q u i l l u i a v a i t
p r o m i s e a r r a n g e r a i t to u t . Cette réponse faite, le sieur
Taché disparut, et laissa son jeune successeur livré à
des réflexions bien amères, mais trop tardives.
Cependant que se passait-il dans l ’intérieur de la
chambre des notaires? Le but de sa réunion était
l ’examen de Me C av y; mais le sieur Taché voulait faire
une retraite triomphale : il avait disposé la cassolette
où l’idole devait brûler en son honneur l ’encens qu’elle
avait préparé.
Le procès-verbal du 23 janvier 1 8 1 8 nous fait con
naître les détails de cette séance.
L e sieur Taché y prononce un discours dont il est
constamment l ’objet. E n orateur habile, il commence
par fixer l ’attention de ses auditeurs sur l ’altéraiion
progressive de sa santé ; il parle du courage qu ’il lui
a fallu pour lutter contre ses maux; il se plaint de ce
que tout espoir de guérison lui est interdit ; de l ’im
possibilité où il est de continuer ses fonctions; cepen
dant il laisse espérer q u ’une vie moins agitée pourra
faire quelque diversion à ses maux.
Mais il ne veut pas laisser d é p r i m e r son é t a t ; il a
songé à se donner un successeur; il espère que le je u n e
h o m m e c o m p r e n d r a t o u t l ' a v a n t a g e d e l a c o n c e s s io n
q u ’i l l u i f a i t .......... .« L a jeunesse-de mon successeur,
ajoute-t-il, e t u n e s a g e d é f i a n c e en ses propres forces.
« l u i on t f a i t d é s i r e r d’être encore quelque tems a i d é
« d e s c o n s e ils d e m o n e x p é r i e n c e j j ’a i d o n c c o n s e r v é
« un i n t é r ê t d a n s m on é t u d e , et c’est dire assez.
�«. tout CELUI q u e j e m e t t r a i à l a m a i n t e n i r clans le
« m êm e éta t d e c o n f ia n c e et de p r o s p é r it é . »
Tout le reste du discours est consacré à l ’apologie
de son auteur. Si la profession de notaire est entourée
de considération, c’est à l ’orateur qu’on le doit ; s’il y
a une chambre, c’est lui qui l ’a créée; il est l ’auteur
de tous les travaux importans qui ont été entrepris :
il parait accablé de sa gloire; mais elle lui est si chère,
q u ’à peine offre-t-il à ses c h e r s c o l l a b o r a t e u r s , réunis
pour l ’entendre, le plus petit fleuron de la couronne
q u ’il vient de tresser et de se placer si modestement
sur le front.
L e sieur Taché voulait qu’on lui répondit : un de
ses c h e r s c o l l a b o r a t e u r s s’était chargé de ce soin. Il
était impossible de rien ajouter à l ’éloge. L e sieur ..
Taché, qui se connaît mieux que personne, et qui
sur-tout s a i t e x p l i q u e r to u t e s le s a c t i o n s d e s a v i e ,
avait épuisé la matière; aussi fallut-il se réduire a des
témoignages de reconnaissance, à des expressions de
regrets, d’estime et de gratitude; et après avoir débité
ce long protocole de la flatterie, l’orateur en vient au
point essentiel, à la proposition de conférer au sieur
Taché le titre de P r é s i d e n t h o n o r a i r e , e t a v i e , de
la chambre, e t d e le s o l l i c i t e r d e v o u l o i r bien l ’a c
c e p te r . Cette péroraison pouvait bien faire pardonner
la faiblesse du discours.
Enfin tout s’arrange; le sieur Taché est proclamé
président honoraire, MeAsiaix président ; et la cham bre,
ainsi formée, s’occupe de Me C avy quatre lignes du
�( >4 )
procès-verbal attestent qu ’on lui a délivré un certificat
de moralité et de capacité.
On reviendra sur cette pièce importante ; mais ,
dans l ’intérêt de la cause, il est utile de faire remar
quer à l ’instant même que ce procès-verbal explique
tout : les motifs de la retraite du sieur Taché; le désir
de s’adjoindre un coopérateur. Il apprend sur-tout à
quelles conditions le cinquième des bénéfices nets de
l ’étude lui avait été accordé pendant dix ans : ce cin
quième était le prix d e s c o n s e i l s d e s o n e x p é r i e n c e ;
l ’intérêt q u ’il conservait dans les bénéfices était le ga
rant de c e l u i qu’il mettrait à la maintenir dans le
même é t a t d e c o n f i a n c e e t d e p r o s p é r i t é .
Me C avy croyait pouvoir atten d re sa nomination à.
Clermont; on ne lui avait fait prévoir aucune diffi
culté. Le sieur Taché l ’engagea cependant à aller à
Paris pour presser l ’expédition de sa commission.
M e C avy faisait ce voyage avec plaisir; il désirait re
voir ses anciens am is, et notamment Me L e v e r t, no
taire, chez lequel il avait demeuré silong-tems; qui
lui avait donné de si bons exemples; témoigné tant
de bontés; qui lui conservait encore la place de maître
clerc de son étude, et avec lequel il avait d ’ailleurs
quelques comptes à régler.
Me Cavy avait assez d’orgueil pour ne vouloir
tenir sa nomination que de la loi; il était personnelle
ment très-en règle, et porteur de tous les certificats
que l’on pouvait exiger. Ses pièces étaient déposées au
ministère, et il attendait sa nomination, lorsqu’il
�( i5 )
apprit qu’elle était arrêtée par une difficulté assez sé
rieuse , résultant de ce que le nombre des notaires
exerçant a la résidence de Clermont excédait celui qui
est fixé par les ordonnances.
L e premier mouvement de Me Cavy dut être celui
de l ’indignation 5 mais d’autres réflexions, celles sur
tout qui résultaient de la naluro de ses engagemens,
ces lettres de change, cette obligation, causées valeur
reçue en numéraire, tandis que le traité par acte
public ne portait aucune énonciation de sommes , et
disait expressément que Me C avy suivrait sa nomina
tion à ses risques et périls : tous ces motifs vainquirent
sa répugnance, et l ’engagèrent à solliciter, et à essayer
de faire disparaître les obstacles qu’ il n’avait pu pré
voir, et que le sieur Taché s’était bien gardé de lui
signaler.
Tout ce que l ’on vient de lire devait encore dirninuer la grande confiance que le sieur Taché avait
voulu inspirer à Me Cavy. Ce dernier, en se remé
morant les protestations et les expressions favorites
de son vendeur, craignait de s’être mépris sur leur
veiitable sens, il se laissait souvent entraîner à des
mouvemens de dépit qu’il lui était difficile de ré
primer , et sa correspondance devait nécessairement
se ressentir de l ’état de son ame; aussi, à son retour,
put-il prévoir que ses relations avec le sieur Taché
seraient pénibles, ou au moins peu amicales.
Cavy revint a Clermont au mois de mars 18 1 8 .
Ses explications avec le sieur Tuché furent vives -
�( 1(5 )
l ’aigreur se fit bientôt sentir clans les discours de cc
dernier; et comme l'offenseur pardonne difficilement,
le sieur Taché voulut profiter de tous ses avantages,
et se venger de son successeur, en l ’obligeant à quitter
l ’emplacement qu’il lui avait loué.
Me C avy espérait encore; il est vrai qu’une obser
vation de quelques mois lui avait fait remarquer de
singulières nuances clans le caractère du sieur Taché.
Tantôt d’ une extrême douceur, bientôt après trèscolère, quelquefois poli, souvent dur et orgueilleux,
mais toujours vantant sa délicatesse, son honnêteté,
sa loyauté : tel est l ’homme que Me Cavy pouvait
étudier journellem ent, dont il supportait les changemens d’hum eur, n’osant supposer qu ’il pût se per
mettre aucun acte contraire aux principes qu’il pro
fessait si hautement.
Cependant le sieur Taché, absolu dans ses volontés,
voulait que 3NIe Cavy abandonnât le local qu’il lui
avait loué , location dont les avantages étaient entrés
pour beaucoup dans la vente de l’étude. Me C a v y ,
voyant que le sieur Taché oubliait ses propres prin
cipes, osa parler de la convention; il lui fut répondu
que l ’on ne connaissait que les engagemens par écrit,
et non ceux contractés verbalement. Me Cavy voulut
insister; mais le sieur Taché fixa le jour de sa sortie
avant la foire de m ai; et, comme toute résistance à
exécuter un ordre légitimement donné mérite puni
tion, il annonça qu’à défaut par M* Cavy de lui
obéir, « il ferait jeter les minutes et les autres papiers
�(
*7
» dans la rue, et que la porte de sa maison serait
« fermée. »
Il fallait terminer cette lutte. Me C avy se procura
un logement près de la maison du sieur Taché : bientôt
il s’y installa, après avoir payé au sieur Taché quatre
mois de loyer, au prix de 3 oo francs par an.
L a mésintelligence qui existait entre le sieur Taché
et Me Cavy aurait pu nuire à ce dernier, s’il n’eût
senti le désir de se rapprocher de son: coopérateur, et
s’il ne se fut imposé la loi de lui montrer de la dé
férence; d’un autre côté, le sieur Taché avait un
intérêt bien réel k ne point se laisser entraîner trop
aveuglément aux mouvemens de sa passion. Il parti
cipait aux bénéfices de l ’ étude; il fallait donc conserver
les cliens, et leur montrer de l ’estime et de la confiance
pour son successeur; enfin, Me C a v y , chargé d ’une
affaire importante, avait eu le bonheur de la terminer,
de vaincre les difficultés nombreuses qu’elle présentait:
son travail avait été loué; le sieur Taché sentit que la
considération dont son jeune successeur commençait à
jouir exigeait qu’il eût pour lui des ménagemens, ou
au moins de la circonspection. Il daigna d'abord
l ’accueillir avec moins de froideur; bientôt il se montra
d’une affabilité extrême. Me Cavy oublia to u t, et la
bonne intelligence parut rétablie.
Les événemens qui arrivent à l ’homme ont entre
eux une liaison secrète , qui exerce une influence
puissante sur ses déterminations et ses volontés. Un
esprit prévoyant juge de ce qui peut arriver par ce.
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qui existe, et se prépare à profiter des événemens que
ses calculs lui font regarder comme prochains.
Le sieur Taché avait obtenu la confiance du sieur
Domergue fils, q u i, en 1 8 1 6 , lui laissa sa procuration
générale. M. Domergue père, dont le nomsera à jamais
cher au commerce de Clermont, était atteint d ’une
maladie qui faisait craindre et prévoir sa fin prochaine.
L e sieur Taché avait été accueilli dans la maison Do
mergue : un père aime à s’entretenir de son fils; mais
les assiduités du sieur Taché permettaient aussi de
penser qu ’il désirait la liquidation d’une maison de
banque aussi opulente. L ’opinion publique allait jus
qu’à dire que c’était en vue de cette grande opération,
que le sieur Taché avait donné sa démission du no
tariat.
L ’événement vint prouver que le public ne s’était
point mépris sur les calculs du sieur Taché. M. Do
mergue est mort au mois de juin 18 1 8 . Au même
instant, le sieur Taché devient un homme nouveau ;
celui qu i, au mois de janvier précédent, se plaignait
d e l ’a l t é r a t i o n d e s a s a n t é ; qui annonçait que to u t
e s p o i r d e g u é r is o n l u i é t a i t i n t e r d i t ; qui n’attendait
q u e l q u e d iv e r s io n à ses m a u x , q u e d ’u n e i^ ie m o in s
a g i t é e .......... retrouve toutes ses forces à-la-fois; son
activité, son zèle, son énergie ne connaissent plus de
bornes; ses facultés augmentent en proportion des
obstacles qu’il s’agit de vaincre et de surmonter. II
a à sa disposition le porte-feuille, les lettres, les livres
de commerce, le mobilier, et les capitaux de M. Do-
�( *9 )
• f
mergue. Tous les immeubles, maisons, domaines ,
enclos, jardins, sont vendus; les effets de porte-feuille
distribués : toutes ces opérations sont terminées en
moins d’ un an; tout le monde est content , acqué
reurs, créanciers, débiteurs. Il ne restait plus au
sieur Taché d’autre soin que celui de recueillir les
témoignages de la reconnaissance bien éclairée du sieur
Domergue fils; d’autre devoir que celui de lui faire
soutenir deux petits procès, dont l ’un avait pour objet
la valeur de certaines grilles en fe r , q u e , dans des
tems plus heureux, le sieur Domergue avait com
mandées pour le château de G h a té , appartenant à
madame son épouse, et que le sieur Taché voulait
laisser pour le compte de l ’ouvrier ( i ) ; et l ’a u tre ,
une action en répétition contre le sieur Demurat ,
créancier du sieur Domergue fils; créancier que le
sieur Taché a payé, et dont il veut aujourd’ hui faire
réduire la créance. C ’est en lisant le mémoire distri
bué en ,1a Cour, sur cette dernière affaire, que l ’on
peut apprécier l ’activité du sieur Taché, la rapidité
et la sûreté de ses opérations, et que l ’on apprend
qu’une liquidation de plus de trois millions, soit en
actif, soit en passif, a été ^terminée en moins d’un
an , et sans procès ! . . ........ Il est vrai que les procès
viennent après la liquidation.
On pense bien que cette année fu t un tems de paix
( i ) Ce procès a été juge au tribunal civil (le C lerm ont çt
t e sieur Dom ergue a toujours perdu son procès.
ça
1»
Cour,
�(
20
)
pour Me Cavy. Le sieur Taché semblait n’avoir plus
rien à désirer; son ambition même paraissait satis
faite : le très-jeune successeur était accueilli avec la
plus grande bienveillance; on daignait l ’informer des
affaires de l ’étude, prendre quelque part à sa prospé
rité. Me C avy recevait les actes que la liquidation du
sieur Domergue nécessitait; enfin, c’était sur-tout à
l ’échéance du trimestre , que le sieur Taché était le
plus aimable. Me Cavy ne se retirait jamais sans avoir
entendu quelques mots flatteurs, ou reçu quelques
encouragemens. L e cinquième des bénéfices nets ,
exactement compté tous les trois mois, devait d’au
tant plus satisfaire le sieur Taché , q u ’à cette époque
la coopération qu’il avait promise ne l ’assujettissait à
aucun travail, et ne lui imposait aucune gêne.
Enfin la liquidation étant terminée, le sieur Taché
pouvait avoir besoin de repos ; mais le repos n’est point
un état qui lui convienne ; sa santé éprouvait de>nouveau
une altération sensible ; tous ses 'organes paraissaient
affaiblis; il vivait dans la retraite. Sa misanthropie
était telle, q u ’on eût dit que le sieur Taché ne pou
vait aimer et fréquenter les hommes , qu’autant qu ’ils
pouvaient lu r être utiles à quelque chose.
Quelques personnes cependant ne le laissaient point
»
abuser; elles croyaient que le sieur Taché faisait,
dans son gîte, autre chose que des songes; elles mani
festaient même quelque impatience de connaître, par
ses résultats , l ’objet de ses méditations. Les unes
supposaient qu’il voulait garder la maison Domeigue,
�(
21
)
pour y faire la banque; d’autres publiaient qu’il allait
devenir le chef d’une maison d’agences générales.
L e sieur Cavy., uniquement occupé des travaux de
sa profession, ne faisait, lu i, aucune conjecture. Le
sieur Taché se disait souffrant et malade. Me C avy l ’en
croyait sur parole et le plaignait. L e sieur Taché lui
montrait de la confiance et de l ’affection. Me C a v y ,
qui avait entièrement oublié leurs premiers débats,
correspondait à ces sentimens ; et lorsque Me Taché lui
insinua que l ’état de sa santé ne lui permettait plus
de s’occuper d’affaires sérieuses; qu’il songeait à se
l'etirer des affaires ; qu’il était de l’ intérêt de tous les
deux de capitaliser le cinquième auquel il avait droit
pour une coopération fatigante pour l u i , et tous les
jours moins utile à Me C a v y ; lorsque sur-tout il lui
promettait qu’il ne lui accorderait pas moins ses bons
offices; qu’ il ferait également tous ses efforts pour lui
conserver sa clientelle, il trouva dans Me Cavy un
homme préparé à le croire, et tout disposé à traiter
avec lui.
Cette seconde convention verbale porte le prix de la
vente a 60,000 fr. , c’est-à-dire, que la coopération
du sieur Tache, pendant dix ans, et ses efforts pour
conserver la clientelle, ont été évalués à 20,000 fr.; ët
moyennant ce p rix, le sieur Taché s ' o b l i g e , d ’n o n n e u r ,
a a id e r
C avy d e to u s r e n s e ig n e m e n s et c o n s e i l s
d o n t i l p o u r r a a v o i r b e so in p o u r s a p r o f e s s i o n , comme
aussi h lui c o n s e r v e r s a c l i e n t e l l e . — Ces conven
tions sont faites de b o n n e f o i entre les parties.
�(
22
)
A peine le sieur Taché avait-il reçu les engagement
de Me C a v y , q u ’il quitte sa retraite. Toute sa per
sonne respire un air de fête 5 son aimable sourire
annonce qu’il s’est occupé d’une bonne action : il a
accordé la main de sa fille à un jeune homme dont le
père a été malheureux. Me Astaix fils, notaire, va
devenir son gendre : le sieur Taché veut être son bien
faiteur.
Que l ’on ne dise plus que le sieur Taché recherche
la solitude5 qu’il semble fuir les hommes : il est devenu
-affable et prévenant envers tout le monde. Il nJavait
pu accorder à Me Cavy une soirée pour l ’accompagner
chez quelques-uns de ses cliens les plus notables : il
circule cependant avec Mc Astaix dans tous les quartiers
de la ville de Clermont ; c’est lui qui communique
le mariage j il voit ses anciens cliens avec son gendre
futur ; il leur rappelle qu’il a eu leur confiance, leur
dit qu’il redevient notaire, et qu’il espère qu’ils ne
l ’abandonneront pas.
M ' Cavy était averti de tout cela. Ses amis, en lui
parlant du sieur Taché, avaient beau lui crier auro
p u is a fid e s ! ........ il ne voulait rien croire. Comment,
en effet, un ancien notaire, revêtu pour sa vie d’un
titre d ’honneur, oserait-il manquer à une obligation
contractée sous la garantie de Y h o n n e u r et de la
SONNE F O l!
Cependant, au bout de vingt-cinq jours, le mariage
est célébré. Les jeunes époux viennent habiter dans
la maison du sieur Taché. L ’ctude de Me Astaix y est
�transportée; et bientôt après le nom d' A s ta ix -T a c h é,
notaire-certificateur, gravé sur le cuivre, vient décorer
de nouveau le dessus de la porte du sieur Taché,
ancien notaire, vendeur de Mc Cavy.
Me Cavy ne pouvait croire à ce qu’il lisait. Voisin
du sieur T ach é, il se demandait à lui-même comment
il avait ainsi osé exposer aux regards du public l ’en
seigne de la cupidité ? Me Astaix était notaire avant
son mariage; il avait une clientelle particulière ; il ne
succédait pas au sieur Taché; il n’ avait aucun droit à
sa clientelle : donc si ces deux noms étaient réunis ^
ce ne pouvait être que dans le but de faire naître des
erreurs et d’en profiter, en laissant supposer, contre
la vérité du fait, que Me Astaix était le successeur,
ou au moins le collaborateur du sieur Taché.
C ependant le sieur Taché pouvait encore paraître
excusable. L ’enseigne, les affiches, les insertions dans
les journaux, indiquaient bien Me Astaix, sous le nom
à ’A s ta ix -T a c h é ; mais le sieur Taché pouvait être
étranger à cette indication. Il pouvait avoir cédé aux
sollicitations de sa fille et de son gendre; leur avoir
permis de s’aider de l ’infiuence de son nom. Sans doute
ce n’était pas bien en morale; mais la tendresse d’ un
père a quelque chose de si touchant, qu’il faut bien
lui pardonner ses erreurs.
M° Cavy gardait donc encore le silence. Il savait
d ailleurs que le sieur Taché était assez heureux clans
les explications q u 'il donnait des actes de sa vie . Il
voulait acquérir la preuve de faits assez positifs et
�( H )
assez forts, pour q u ’ils pussent résister à toutes expli
cations, même à celles du sieur Taché.
Tous les jours apportaient der nouvelles lumières et
de nouveaux renseignemens à Me Cavy. Il faut grouper
ici les faits qui lui ont été révélés, et dont il offre la
preuve, si le sieur Taché ose les désavouer.
i ” L e sieur Taché se plaisait à expliquer le sens
l ’enseigne qui brillait sur sa porte; e t, la mettant
concurrence avec celle de Me C a v y , il disait « que
« deux colombiers étant à côté l’ un de l ’autre ,
« anciens pigeons se tromperaient souvent de porte
de
en
les
les
»;
2° L e sieur Taché, q u i ne s’épargne pas les éloges,
« annonçait souvent qu’il saurait encore bien faire
« quelques obligations; q u e , lorsqu’il y aurait des
« actes difficiles à rédiger, on n a u r a i t p a s b e so in
« d ' a l l e r c h e z 3 1 . B e r g i e r ; qu’on les rédigerait en
« fam ille; qu’il se rappelait son ancien métier; qu’il
« serait le m a î t r e c l e r c d e so n g e n d r e » ; mais, pour
être exact, il faut bien convenir que ceux à qui ces
discours étaient tenus sentaient bien, au ton que pre
nait le sieur Taché, en se servant de ces dernières
expressions, qu’il voulait dire et faire entendre qu’il
serait le clerc, m a î t r e de son gendre.
Telles sont le s e x p l i c a t i o n s que donne le sieur Taché
lui-même des causes du mariage de sa fille avec un
notaire; de l’habitation de ce dernier dans la maison
de son beau-père, de l'affiche qui les indique collecti
vement, au public, comme notaires.
�( >5 )
Actuellement il faut recueillir les faits positifs, qui
e x p liq u e n t ïi leur tour les paroles du sieur Taché.
i° Le sieur Taché est allé demander la confiance de
ses anciens cliens ; il a positivement sollicité quelquesuns d’entr’eux de lui faire recevoir des actes importans et considérables ;
2° Il a arrêté des cliens qui allaient chez M* Cavy,
en leur disant quVZ espérait bien regarnir le co
lom bier;
3° Il est journellement dans l ’étude de son gendre ;
il y reçoit les cliens, assiste à leurs débats, arrête leurs
conventions, et rédige tous les actes importans ;
4° Enfin il a dit à quelques personnes que l ’ étude
de son gendre était la sienne; à d’autres, qu ’il y avait
un intérêt.
C ’est après avoir acquis la preuve de tous ces faits,
que Me Cavy s’est décidé à traduire le sieur Taché
devant les tribunaux.
Son'action était légitime aux yeux des moralistes;
car, avan t'to u t, il faut observer religieusement ses
conventions.
Les jurisconsultes ne peuvent la repousser, puisque
le consilium et eventus frau clis perce de toutes parts
dans les paroles et dans les actes du sieur Taché.
Pour la procédure, il suffit de dire que la demande de
Me Cavy est du iG décembre 1820; qu ’il y conclut k ce
que le sieur Taché soit tenu de lui payer la somme
de A0,000 francs, soit à titre de restitution de partie
�( 26 )
du prix moyennant lequel il lui a vendu son étude
de notaire, soit à titre de dommages-intérêts pour le
préjudice qu ’il lui cause en lui enlevant la clientelle,
qu e, loin de lui conserver, il a détournée et détourne
journellement ; qu’il soit fait défense à Me Taché de
résider dans l ’étude d’Astaix, notaire, à titre de maître
clerc; d ’y recevoir les cliens; de conférer avec eux; de
présider à leurs conventions, et d’y rédiger ou dicter
les actes de notaire; Me C avy conclut enfin à ce que
le jugement à intervenir soit inséré dans les feuilles
%
publiques, et affiché au nombre de cinq cents exem
plaires.
C ’est a ces faits et îi cette d e m a n d e , que le sieur
Taché croit avoir répondu dans ses observations im
primées, et distribuées avec une ridicule profusion.
L e sieur Taché s’était sans doute flatté de donner de
lui une grande idée au public; mais déjà ne l ’entendil pas lui répéter ces vers du poëte satirique :
L,e m o n d e , à m on avis, est com m e un grand th éâ tr e,
O ù chacun , en p u b lic , l ’un par l ’autre abusé ,
Souvent, à ce qu’il est, joue un rôle opposé.
Il faut actuellement voir, en droit, ce qu ’on peut
penser de cette cause.
�(
27
)
M O YENS.
Les jurisconsultes romains définissent l ’obligation,
dans un sens métaphorique , un lien de droit ou
d’équité, qui nous impose la nécessité de donner ou
de faire une chose suivant les lois de notre pays.
Toute obligation tient de la lo i , soit i m m é d i a t e m e n t
par un s i m p l e a c t e d e l a v o l o n t é d u l é g i s l a t e u r ,
soit par le m o y e n d e l a v o l o n t é o u d u f a i t de l ’homme.
Les conventions elles-mêmes n’obligent qu’en vertu
de la loi qui commande de tenir la parole qu’on a
donnée. Le législateur leur confie l ’autorité de la loi,
comme le dit énergiquement l ’article i i 3 4 - « Les
« conventions légalement formées tiennent lieu de loi
« à ceux qui les ont faites. »
Les choses qui font la matière des contrats doivent
être prises dans l'acception la plus étendue, pour tout
ce dont l ’homme peut retirer quelque utilité, quelque
avantage
ou quelque agrément. L e s a c t i o n s d e
V h o m m e ou m ê m e l e u r o m is s io n , autant qu’elles
peuvent p r o c u r e r d e V u t i l i t é à une personne, sont
comprises sous le nom de chose ; ce sont moins alors
les faits et les actions de l ’homme, que l ’ utilité ou le
profit qu’on en peut retirer , qui sont l ’objet ou la
matière des contrats. « Tout contrat a donc pour
« objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou.
« q u ’une p a r t i e s o b lig e à f a i r e o u à ne p a s f a i r e y
(Code civil, article 112 G ).
�Il est vrai que celui qui s’oblige à faire ou à ne pas
faire, oblige une partie de sa liberté5 mais que devien
drait la société, si les hommes ne pouvaient engager
leurs services et leurs actions?......... Il en est de nos
actions comme des choses dont nous avons la propriété.
Nous pouvons les engager, soit gratuitement, soit pour
un prix, soit par voie d’échange; e t, en les engageant,
nous sommes aussi parfaitement obligés de les remplir,
de faire ou de ne pas faire ce que nous avons promis,
que dans le cas où l'obligation consiste à donner. Il
n’y a d’exception à ce principe , que dans le cas où
l ’engagement des services et des actions serait défendu
par la loi , par l ’ordre public ou par les bonnes
mœurs.
Il est donc certain que les actions de l ’homme,
autant qu’elles peuvent être utiles à ses semblables,
sont dans le commerce comme les choses proprement
dites. L a seule différence que l ’on puisse remarquer
entre les choses et les actions, c’est qu ’on peut être
contraint à donner, céder la possession et propriété
des premières ; si on les a promises, tandis qu’on ne
peut q u ’être pu NT p a r des dom m ages - intérêts , si
l ’on fait ce q u ’on a promis de ne pas faire , parce
qu’aucune puissance ne peut rappeler le passé, ni faire
qu’il n’ait pas existé. Il en est de même relativement
à l ’obligation de faire, puisqu’il est vrai qu’on ne peut
directement être contraint h faire ce qu’on ne veut
pas faire.
Ces principes sont aussi simples que vrais ; ils sont
�*57
le fru it de l'expérience des siècles et des profondes
méditations de ces jurisconsultes romains, à qui seuls,
dit le célèbre chancelier d’Aguesseau, la justice semble
avoir dévoilé ses mystères. C ’est aussi dans leurs écrits,
que Pothier a puisé son Traité des Obligations. Ce
sont enfin les lois romaines que les législateurs français
avaient sous les y e u x , lors de la rédaction du titre
des obligations, inséré au Code civil.
L ’application de ces règles se fait ici très-facilement.
L e sieur Taché avait, lors de la première convention,
droit pendant dix ans au cinquième des bénéfices
nets de l ’étude qu’il avait vendue à INI' C avy.
Me C a v y , en payant ce cinquième, avait à son tour
le droit d’exiger du sieur Taché (et suivant ses propres
expressions) q u ’ i l f i t t o u s s e s e f f o t s p o u r maintenir
' l ’élucle 'vendue dans le même état de c o n f i a n c e e t
DE PROSPÉRITÉ.
S ’il est vrai qu’il ne peut exister aucun droit en
faveur d’une personne, sans qu’ il existe un devoir
imposé à une autre personne, il faut dire ic i, en dis
tinguant les deux contractans, que le droit du sieur
Taché était d’exiger le cinquième des bénéfices de l ’étude,
et que le devoir de M* C avy était de le lui payer.
Mais comme le cinquième de ces bénéfices était le
prix de la coopération promise par le sieur Taché, il
faut ajouter que le droit de Me Cavy était de pouvoir
exiger que le sieur Taché coopérât à tout ce qui pou
vait concourir a la prospérité de l’étude; que le devoir
du sieur Tache était de f a i r e tout ce qui dépendrait
�de lui pour assurer la prospérité de cette élude, et
sur-tout d e n e r i e n f a i r e qui put lui causer préjudice.
E n considérant les faits sous ce premier point de
vue, quels en sont les résultats les plus immédiats ?
Me C avy devait faire participer le sieur Taché au
cinquième des bénéfices de l ’étude : il a rempli son
obligation. S ’il l ’eùt négligée, il est hors de doute qu’il
aurait été contraint à le faire.
Mais si, pendant le tems que ce cinquième était
payé, le sieur Taché eût refusé d’aider Me C avy des
conseils de son expérience, de maintenir l ’étude dans
le même état de confiance et de prospérité; s’il eût
refusé sa coopération; en un m ot, s’il eût négligé ce
q u ’il avait promis m o y e n n a n t un p r i x } Me Cavy
n ’aurait-il pas été autorisé à se retenir ce prix, puisque
le sieur Taché ne remplissait pas l ’obligation d e f a i r e ,
à laquelle il s’était assujetti, moyennant le cinquième
des bénéfices ?
On suppose ici le sieur Taché dans un état passif.
Il faut aller plus loin pour voir le sieur Taché dans la
position où il s’est placé lui-mème.
L ’obligation d e f a i r e quelque chose d ’u tile entraîne
nécessairement celle de ne p a s f a i r e quelque chose de
n u is ib le . C ’est bien peu exiger de celui qui doit
c o n s e r v e r et f a i r e p r o s p é r e r 3 que de lui demander de
ne pas d é tr u ir e .
Si donc, a l’époque dont nous parlons, le sieur Taché,
au lieu de conserver l ’étude vendue dans son état de
confiance, avait fait tous scs efforts pour en détourne^
�( 3- )
la clientelle; s i, au lieu de coopérer à la maintenir
dans son état de prospérité , il avait porté ailleurs son
influence, sa coopération et ses travaux*, si enfin, sous
son nom ou celui d’un autre joint au sien , il avait
créé une nouvelle étude de notaire ; si ses démarches
publiques avaient annoncé qu’il n’agissait ainsi que
pour dépouiller son acquéi’eur , son successeur à titre
onéreux, peut-on douter que ce dernier n’eùt le droit
de réclamer la restitution des sommes, prix de la
clientelle et de la coopération du vendeur? qu’ il ne
put demander en même tems des dommages-intérêts,
pour le préjudice que devait lui causer cette double
infraction de la convention la plus positive?........N o n ,
sans doute; à moins toutefois que l ’on ne veuille
ériger en maxime , q u ’il est perm is , p a r quelque
m oyen
que
ce
soit ,
de
s ’enrichir
au
détrim ent
d ’autrui ! .......
Mais le sieur Taché voudrait insinuer que les obli
gations qu’il a contractées envers Me Cavy ont été
remplies; que tout a été consommé lors de la con
vention du 5 janvier 18 2 0 , et qu’à cette époque ,
Me C a v y , en se rédimant du cinquième des bénéfices,
auxquels le sieur Taché avait droit pendant dix ans,
lui a encore fait remise de sa coopération et du soin
de lui conserver la clientelle vendue.
Autant d’erreurs que de mots. Bien loin de là , la
seconde convention explique la première; elle s’ unit à
elle : elles se confondent pour ne former qu’ un seul
corps ; ce qui est écrit dans l’une est censé écrit dans
�C3- )
l ’autre : elles doivent être exécutées de la même ma
nière; et toute la différence que l ’on peut y remarquer,
c’est que dans la première, la coopération du sieurTaché,
et ses soins actifs pour la conservation de l ’étude dans
le même état de confiance et de prospérité, avait pour
prix le cinquième des bénéfices nets pendant dix ans;
tandis que dans la seconde, la même coopération avait
pour prix la somme capitale de 20,000 francs, repré
sentant ces mêmes bénéfices.
E n effet, qu’on se remette sous les yeux les termes
de cette seconde convention : le sieur Taché s 'o b lig e 3
- ¿ ' h o n n e u r à a i d e r le s i e u r C a v y d e t o u s le s r e n s e ig n e m e n s è t conseils dont il p o u rra a v o i r b e so in
p o u r sa p ro fe ssio n } com m e aussi
¿1 l u i c o n s e r v e r s a
c lie n te lle .
Donc il y a obligation, de la part du sieur Taché,
d ' a i d e r M e C a v y d e s r e n s e ig n e m e n s e t c o n s e il s qu’ il
voudrait exiger de lui pour l ’exercice de sa profession,
d’où naît la conséquence q u e , sans enfreindre cette
co n v e n tio n , le sieur Taché n’a pu devenir le coopérateur d’un autre notaire.
Donc il y avait également obligation imposée au
sieur Taché de conserver à Me Cavy la clientelle de
l ’étude qu’il lui avait vendue; et, à plus forte raison,
prohibition de la détourner en faveur de son gendre,
o u , pour mieux dire, à son profit personnel.
Les obligations et prohibitions imposées au sieur
T&ché devaient durer, et être respectées par lu i, au
moins pendant dix ans, puisque, par la première
�convention, il avait vendu sa coopération pour tout
ce tems, moyennant le cinquième des bénéfices nets
de l ’étude, pendant la même durée*, et que, par l ’effet
de la seconde convention, il a reçu la somme totale,
ou le capital représentant les bénéfices qu’ il ne devait
toucher qu’annuellement, et au fur et à mesure de sa
coopération.
Ainsi, étant vrai que le sieur Taché a touché le
prix des renseignemens et conseils qu’il avait vendus
à son successeur, et de la promesse qu’il lui avait
faite de lui conserver sa clientelle; si, avant les dix
an s, il a refusé ses renseignemens et conseils} s’il a.
aidé un autre notaire de son influence et de sa coopé
ration •, si, loin de rien faire pour conserver la clientelle
vendue à Mc C a v y , il l ’a détournée et a cherché à la
déverser sur u n au tre n o taire, il est évident q u ’il n ’a
pas d élivré la chose vendue ; que conséquemment il
doit restituer le prix. Il est également certain qu’ il
n ’a pas fa it ce qu’il avait prom is de f a i r e ; qu’au
contraire, il s est perm is ce q u ï l s’était absolument
interdit, et que, sous ce second rapport, il doit encore
restituer le prix de cette convention non exécutée, et
éprouver une condamnation en dominages-intérêts.
Il paraît difficile de résister à des inductions qui
se tirent si naturellement des actesj mais encore n ’estil pas de principe que les conventions doivent être
exécutées de bonne foi? L e sieur Taché ne l ’a-t-il pas
dit lui-même lorsqu’ il a stipulé avec le sieur Cavy ?
Ces conventions seront exécutées de bonne f o i .
�( 34 )
L ’article i i 34 du Code civil, en admettant la
bonne foi comme premier élément de l ’exécution des
conventions, n’a pas voulu seulement dire'que le dol
et la fraude doivent en être bannis, mais encore que
notre législation rejetait la division des conventions
que l ’on trouve dans le Droit romain et dans les in
terprètes, en contrats de bonne foi et contrats de droit
étroit. On sait que, dans ces derniers, on ne pouvait
rien demander au-delà de ce qui avait été expressément
promis, ou de ce qui était expressément convenu dans
le contrat; que dans les premiers, au contraire, on
pouvait demander, non seulement ce qui était expres
sément convenu dans le c o n t r a t , mais encore ce qui
ne s’y trouvait pas exprimé, si l ’équité et la bonne
foi l ’exigeaient.
L ’article i i 35 du Code civil fait cesser toutes ces
subtilités, en disposant que les obligations obligent,
non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à
toutes les suites que l’é q u ité , l ’usage et la loi donnent
k l ’obligation, d’après sa nature.
Il faut bien rappeler des idées élémentaires, lorsr
que l ’on plaide contre un homme qui méconnaît les
principes les plus ordinaires, et paraît se faire un jeu
de la bonne f o i , qu ’il a lui-même invoquée comme
moyen d’exécution de la convention.
Cependant Me Cavy n’a jusqu’ ici considéré cette
convention que comme un contrat de droit étroit; il
n’a compté pour
rien
la bonne foi promise par le
sieuF
�Tache*, il n ’a démandé que ce qüi était expressément
promis et inséré dans la convention.
Mais en- considérant cette cause sous un autre rap
port , et d’abord sous le point de vue de la nature de
l ’obligation contractée par le sieur Taché, Me C avy
ne1 peut-il pas lui dire que la vente d’un office de
notaire emporte, de sa nature, renonciation à tous
travaux de notariat, de la part du .vendeur, soit
dans ses intérêts, soit même dans l ’intérêt d’autrui ,
lorsque ce travail a lieu dans l ’arrondissement , sur
tout dans la résidence où était située l ’étude vendue?
Si un système contraire doit être rejeté, parce qu’ il
tendrait à favoriser la déception et la fourberie, même
dans le cas où un notaire démissionnaire deviendrait le
coopérateur d’un autre notaire étranger à ses affections,
la déception et la fraude ne sont-elles pas, à plus
forte raison, prouvées par le fait même, lorsque le
notaire démissionnaire, aussitôt après la vente de son
étude, et en avoir touché le prix, marie sa fille à un
autre notaire, l ’installe dans sa propre maison, joint
son nom au sien , et lui prête publiquement la coopé
ration la plus active?............. Cependant tous ces faits
sont prouves au procès, et avoués par le sieur Taché.
Si l’on consulte l’usage et l’éq u ité, quelle idée
pourra-t-on se faire de cette cause? Y a-t-il un autre .
exemple d un notaire qui ait ainsi abusé de la con
fiance de son successeur? qui ait manqué aussi p u b l i q u e
ment a ses engagemens? Les annales de la ju r i s p r u d e n c e
lie fournissent rien de pareil. A u sieur Taché il appar*
�tenait d’y faire consigner la violation la plus manifeste
de la foi promise.
Il faut terminer. — Les objections du sieur Taché
ne portant pas sur la cause , ne peuvent trouver de
réponse dans un mémoire qui a pour objet unique
d’éclairer la justice, et où l ’on ne doit rien écrire qui
ne soit digne d’elle. Il est vrai que le sieur Taché
parle avec beaucoup de respect de lui-même, et avec
assez de légèreté des autres ; mais l ’on ne veut pas
suivre un exemple trop facile à imiter. Le triomphe,
d’ailleurs, ne peut être glorieux, que lorsque la victoire
fait courir quelques périls.
Mais s’il est vrai que le siôur Taché soit un homme
honoré; s’il a joui pendant long-tems de la considéra
tion attachée à l ’exercice de l ’utile profession de
notaire; s’il peut se dire encore président honoraire
de l’un des Ordres les plus respectés, il doit un grand
exemple à la société. Il parait évident qu’il a méconnu
tous les devoirs que l ’équité, l ’usage et la loi lui
imposaient; qu’il a violé la foi promise, et q u ’il n’a
pas craint de s’enrichir au détriment d ’autrui. Com
ment donc les tribunaux, en examinant cette cause
dans ses détails, en l ’appréciant dans l ’intérêt de la
justice et de la morale, pourraipnt-ils perdre de vue
cette belle pensée de Cicéron?
A ltc ri aliquicl detralicrc } et suum augere cornjnodum cum alterius incommodo > magis est contrà
naturam quàm ipsa morst d o lo r et paupertas. Nai\i
�( 37 )
W
prim o tollit convictum humanum et societatem communem : nam si ita sumus a ffecti ut, propter suum ,
quisque, em olum entum , vio let aut spoliet alterum 3
dirum pi necesse est ea m quœ m axim e secundùm
naturam est humani generis societatem .
( d e o f f . , lib. 3 .)
CAVY, N otaire.
J n . - C h . BAYLE, ancien A vocat.
FL E U R Y , A vo u é.
R io m im p rim erie d e Salles p rès le P alais d e Ju stice
t
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cavy, Claude. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cavy
Bayle
Fleury
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
chambre des notaires
ventes
offices
abus de confiance
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour maître Claude Cavy, Notaire royal certificateur, à la résidence de Clermont-Ferrand, demandeur ; contre sieur Pierre-Antoine Taché, se qualifiant propriétaire, président honoraire à vie de la Chambre des Notaires de l'arrondissement de Clermont, et exerçant utilement et de fait la profession de Notaire, sous le nom de maître Astaix-Taché, son gendre, défendeur.
Table Godemel : étude de notaire : la vente d’une étude de notaire comprend, non seulement celle des minutes et registres, mais encore celle de la clientèle et de l’influence notariale du vendeur, qui contracte tacitement l’obligation de ne rien faire qui puisse nuire à son acquéreur.
l’inexécution de cette obligation peut être prouvée par témoins, et motiver une demande en dommages-intérêts.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1818-1820
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
37 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2508
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2507
BCU_Factums_G2509
BCU_Factums_G2510
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53494/BCU_Factums_G2508.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53485/BCU_Factums_G2431.pdf
5cc80560c1b54c4c33d979e01276a6bf
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MEMOIRE
EN
P O U R le sieur
Ju lien
RÉPONSE,
J O U V A I N R O U X , propriétaire,
en qualité de père et légitime administrateur de
C
l a u d i n e
- F
JO U V A IN R O U X ,
l a v i e
sa f i l l e,
intim é
.
.
i •
CONTRE
1
~
L e sieur L o ui s L E G R O I N G j chevalier de ju stic e
de l ' Ordre de Saint-Jean de Jérusalem , chevalier
de l ' Ordre royal et
militaire de S a in t-L o u is
appelant.
sieur Jean -B aptiste, comte L e g r o i n g , maître
d ’une fortune q u ’il ne tenait p o i n t de sa fam ille,
L
e
n ’ayant pour héritiers naturels que des collatéraux,
a fa it, le 24 décembre 1 8 1 6 , un te s ta m e n t olographe.
�( 2 )
Ce testament contient une institution d ’héritier en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux, alors âgée de
cinq ans. Ce jeune enfant est chargée de payer à sa
mère une pension viagère de 800 f r . , et de lui laisser
la jouissance de quelque mobilier.
Le testateur ne se borne point à remplir les forma
lités exigées par l ’article 970 du Code civil, pour
assurer la validité de ses dispositions ; toutes les pages
de son testament sont encore numérotées et signées par
l u i } il le met sous enveloppe 7 le cachète au sceau de
ses arm es, et écrit : « Ceci est mon testament olo« graphe,
déposé de confiance entre les mains de
]\ï- E spiaiasse „ n o taire- ro y a l, à C le r m o n t. — C e 2 4
« novembre
f8 i 6
». Il signe cette suscription.
Le sieur Legroing décède en août 18 17. Pendant
ces huit mois de survie > non seulement il ne montre
aucun regret, mais encore, le 17 mai suivant, il ac
quiert, au profit, de Claudine-Flavie Jouvainroux, une
propriété assez considérable j et bientôt après, craignant
que. ses volontés ne fussent pas pleinement exécutées,
il passe à cet enfant l ’ordre de différentes lettres de
changes dues par le chevalier, son frère.
Il était difficile de penser que ce testament serait
attaqué; jamais, en effet, la volonté d’un testateur
11’avait été plus régulièrement manifestée \ jamais l ’in
tention de persister- dans des dispositions faites avec
liberté, m’était re^sor^ d ’actes austsi positifs.
Aussi, aaidécC'S du comte, l’on put remarquer un
�( 3 5
contraste assez frappant dans la conduite de ses héri
tiers naturels.
i
L a dame chanoinesse Legroing, sa sœur, et le che
valier, son frère, étaient également appelés à lui suc
céder ab intestat. L a sœur a respecté les volontés
du comte : quoique réduite à une fortune modique ,
si on la met en comparaison avec celle du chevalier,
elle a pensé qu’il ne lui convenait pas de s’associer à
ce dernier, pour outrager la mémoire de celui q u ’elle
avait l ’habitude de respecter} elle a voulu conserver
intact l ’honneur de la fam ille, et ne point s’exposer
à rougir d ’une augmentation de fortune, q u ’elle n ’au
rait pu essayer d ’o b ten ir, qu ’en méprisant une vo
lonté qui lui -était con n ue, et en élevant une voix
sacrilège pour insulter aux mânes de son frère.
L e chevalier, au contraire, célibataire, comblé de
richesses, a cru devoir , dans l ’intérêt de la morale
publique ( \ ) , et pour resserrer les liens de la société
et d e s fa m ille s , attaquer ce testament, q u i, suivant
lu i, prouve Valiénation mentale ou Vabrutissement
de Vauteur. U n mémoire de 58 pages, signé par le
chevalier, distribué en première instance avec profusion
et sans nécessité, devait apprendre au public que le
comte, réputé par tous pour homme d ’ honneur, d’une
probité austère } sur dans ses principes, ami c h a u d ,
citoyen écla iré} sujet f i d è l e , était devenu l ’esclave
( i) T o u t ce qui est en caractères italiques est textuellem ent extrait
du Mémoire du chevalier.
�C4 )
d ’iine
f il l e
de
p e in e
cVune servante sans éducation ,
et qui ne possédait aucun des charmes de son sexe y
que , sexagénaire et malade j ce débile amant, dont
des attaques réitérées d ’apoplexie avaient paralysé
une partie de la bouche, et affaibli les ja m b e s, avait
cédé à la captation et à la suggestionne sa concubine
(qu i avait déjà, en sa faveur, un premier testament
authentique, du 28 avril 1807), pour écrire un tes
tament olographe, qui fait passer sa succession, à qui? à
Claudiue-Flavie Jouvainroux, enfant âgée de cinq ans,
que le chevalier suppose être la personne interposée
de sa mère.
Jouvainroux avait épousé F r a n
çoise Boudon. Cet homme adroit et rusé 3 convoite
Ma i s le sieur J u l ie n
les trésors de son maître j i l est le père p u ta tif
d ’une f i l l e q u ’il a eue de son mariage $ i l V instruit à
em ployer toutes les ruses qu i peuvent toucher un
'Vieillard im bécille ; et comme i l 11 avait ja m a is eu
personnellement aucune espèce de crédit sur l ’esprit
de son m aître, q u ’il mangeait même toujours à la
cuisine (1), et que la femme, en changeant de véteteuiens et d ’état} en se form ant une société nouvelle ,
en négligeant son maître et le laissant dans un état
d ’abandon 3 dont tous les voisins étaient indignés, en
fa isa n t des dettes } suite du lu x e auquel elle se l i
vra itj et qui excédait ses moyens a c tu e ls, avait in
disposé le comte qui manifestait sa colère par des
(1) Conclusions signifiées.
�( 5 )
im précations f o r t énergiques et q u ï l répétait avec
fo r c e ; Jouvainroux q u i, en outre, s’apercevait depuis
quelques tems que le com te L eg roin g tém oignait de
l ’hum eur et de la colère contre la m ère, q u ’il résistait
peut-être à fa ir e un testament en sa fa v e u r , lu i f i t
entendre q u ’il valait mieux faire porter le legs uni
versel sur sa fille que sur elle.
Mais A P R È S L E T E S T A M E N T O L O G R A P H E , JUSf/u’ ail décès
du co m te , on ne v o it p lu s q u ’ horreurs , menaces et
mauvais traitemens de la part de Jouvainroux............
d ’où le chevalier, induit que la violence a été jointe à
la captation et à la suggestion, pour arracher à la
faiblesse du comte, la disposition'testamentaire dont
il s’agit.
Il faut convenir que l ’a t t a q u e d u c hevalier ne p o u
vait présenter aucun m otif de crainte à l ’héritière d u
comte; les idées de captation et de suggestion , non
seulement devenaient invraisemblables , mais encore
s’évanouissaient entièrement, si on voulait les appli
quer à Jouvainroux et à son épouse; il était même
avoué que l ’un et l’autre avaient perdu toute leur
influence sur l ’esprit du testateur; de manière que la
captation et la suggestion étant reconnues l ’ouvrage
d ’un enfant de c i n q ans_, il était peu dangereux de ne
pas repondre aux plaintes du chevalier à cet égard.
Que dire également d ’actes de violences exercés après
le testam ent? N ’était-il pas é v i d e n t , d ’une part,
q u ’ils ne pouvaient être
impuiés à
Claudine-F lavie
Jouvainroux, seule partie dans la cause; et de l’autre,
�s’ils eussent existé, loin d ’être propres à obtenir les
dispositions testamentaires du comte, ne devaient-ils
pas, au contraire, le porter à les révoquer ou à les
anéantir ?
L e chevalier disait encore qüe le testament de son
frère était l ’ouvrage de la haine et de la colère ; mais
le rapprochement de différens passages de son Mémoire
prouvait que le comte et le chevalier, d ’un caractère
absolument opposé, ne pouvaient avoir une vive affec
tion l ’un pour l ’autre. L e com te, sur dans ses prin
cip es, alliant l'honneur à la fie r té } avait cru devoir
s ’expatrier et suivre le sort de nos princes. Il était
rentré dans sa p a t r i e ; mais sa s a n té é ta it a lté r é e 3 et
son humeur changée , ce qui était sans doute l'effet
d e ses longs voya g es, de ses souffrances, et des pertes
q u ’il avait éprouvées.
Le chevalier , au contraire , moins sûr dans ses
principes , tenant moins à d ’anciens souvenirs , et
appréciant mieux les avantages de la fortu n e, avait
rendu le fo j't Saint-Ange au conquérant de M alte. I l
suivit le vainqueur en E g y p te, et rentra en France
avec des cap itaux considérables , débris d'un service
a c t if et de ses spéculations maritimes, à l ’aide desquels
il acheta à son profit une partie des biens qui avaient
appartenu à sa fam ille, et se créa une existence plus
douce et plus indépendante que celle q u ’il pouvait
espérer avant la révolution.
'
‘
Cette différence de principes devait éloigner les
deux frères. L e comte no manifestait contre le chevn-
�( 7 )
lier ni Haine ni colère ; mais sa froideur et son indiffé
r e n c e , lorsqu’il en était question , pouvaient facilement
faire deviner quel sentiment il lui inspirait........
Ainsi le Mémoire du chevalier apprenait tout ce
qu’il était nécessaire de savoir pour apprécier sa de
mande : aussi le p u b lic , ses amis même l’avaient jugce.
avant qu ’elle fût présentée au tribunal de Clermont.
Il était dès-lors inutile d ’ajouter à ce que le sieur
Legroing avait écrit ; on pouvait, par reconnaissance,
ne pas lui demander compte de certains principes
légèrement avancés , et lui faire remise du ton de
supériorité et d’audace qu ’il avait pris clans sa défense j
dédaigner ses outrages, et mépriser même ses calomnies.
Le chevalier fut laissé à lui-même, l ’héritière du comte
garcla le silence,, et le t es t a m e n t f u t conf irmé.
Mais sur appel, le sieur Legroing réunit tons, ses,
moyens et renouvelle ses efforts. Il a fait un voyage à
Paris : il y a obtenu une consultation signée de cinq
jurisconsultes, qui lu i permettent d ’espérer de faire
annuller le jugement de Clermont. Fort de ces suffrages,
le chevalier jouit déjà de son triomphe, et il ne re, connaît pour amis que ceux qui le complimenlent à
l’avance sur le gain futur de son procès.
Il faut détruire cette illusion : l ’intérêt de la léga
taire du comte Legroing lui impose a u j o u r d ’ h u i le
devoir de publier sa défense. E lle aurait v o u l u ne point
rompre le silence j mais déjà sa r é s e r v e est présentée
comme l ’effet de la crainte. Ne
pouvant
plus se taire
sans d a n g e r, elle expliquera du moins avec modération
�( 8 )
es circonstances et les moyens de sa cause. Forte de
son d r o it , c’est au magistrat seul qu ’elle prétend
s’adresser. E lle doit dédaigner les vains efforts de l ’in
trigue, et mépriser les passions de certaines coteries,
q u ’à défaut d ’autres moyens le chevalier cherche à
exciter, et appelle à son aide.
/
F A IT S.
L e sieur comte Legroing avait épousé la dame
Demadeau; elle lui porta une grande fortune, et lui
assura des reprises considérables en cas de survie.
L e c o m te émi gr a : tous le§ biens provenus de son
père furent soumissionnés et ven d u s, de manière qu ’à
son retour de l ’émigration, qui eut lieu en 1804, il
ne lui restait d’autres ressources que de faire liquider
les reprises q u ’il avait sur la succession de la dame
son épouse. Ces reprises, réunies à quelques sommes
peu considérables provenues de la succession de sa
mère, composent toute la fortune du comte.
A u retour de l ’émigration, le comte Legroing vint
dans la maison paternelle : l ’état de sa santé exjgeait
un service continuel 5 sa mère, qui l ’ a v ai t a c c u e illi avec
bonté, le confia aux soins de Françoise B ou d on , dont
les qualités lui étaient oonnuesj depuis, cette do
mestique ne l ’a plus quitté.
Le chevalier était à Malte en 1798 : il rendit le
fort Saint-Ange, où. il avait l’ honneur de commanderj
«’embarqua sur l’escadre du vainqueur 5 assista à
�( 9 )
l ’expédition d ’E g y p t e , et revint en France comblé des
dons de la fortune, et honoré secrètement, d it-o n , de
la faveur de son nouveau maître.
Dès leur première entrevue, les deux frères purent
se juger*, le comte Legroing crut s’apercevoir que le
chevalier s’éloignait un peu des principes q u ’il jugeait
ne pouvoir être abandonnés sans d é s h o n n e u r - , il v it,
sans l ’envier, mais peut-être avec pein e, l ’état d ’opu
lence de son frère. On apercevait, en effet, dans leur
position , un contraste si p a rfa it, qu ’il eût été difficile
de deviner q u ’ils avaient servi sous les mêmes dra
peaux, et combattu pour la même cause.
Le chevalier, de son c ô té , pouvait par fois être
blessé de la fierté de son frère. Au tems où il vivait,
sa fidélité à ses anciens
souvenirs d e v a i t ¿-tonner celui
qui savait avec art se plier aux circonstances.
Le
comte n’était plus q u ’un censeur chagrin et incommode :
le chevalier dut s’en éloigner et ne plus penser q u ’à
utiliser les capitaux que son séjour chez Vétranger et
un service a c tif lui avaient procuré.
L e chevalier s’entremit dans les affaires de la fa
mille : il est inutile d ’examiner s’il agit dans ses in
térêts ou dans celui de ses proches ; mais l ’on doit
remarquer que cette circonstance ne fit q u ’augmenter
le refroidissement des deux frères, et que bientôt ils
cessèrent de se rechercher et de se voir.
Le comte avait pris un logement particulier5 il y
habita pendant trois ans : b o r n é à la société intime
de quelques personnes, il ne s o r t a i t de sa maison que
�pour rendre fréquemment ses devoirs, à sa respectable
mère.
Cependant la santé du comte était altérée; son
état d ’infirmité l ’alarmait. Dans cette position, il
crut, devoir disposer de ses biens : en conséquence, il
f[t, le 8 avril 1807, un testament par acte public;,
[)ar lequel il donna à Françoise B oudon, sa. gouver
nante, la propriété de tous les biens meubles et im
meubles dont il mourrait vêtu, et saisi. Ce-testam ent,
très-régulier en sa forme, fut
reçu par Me Cailhe ,
notaire R io m , en présence de quatre témoins.
Cependant le comte sentait la nécessité de se pro
curer q u e l q u e s distract ions et de se créer un genre de
v.ie plus conforme à ses goûts. Il fut se fixer à» Clerm o n t ,. où il avait beaucoup de connaissances , et
çomptait. quelques amis; il y fréquenta plusieurs
maisons quix l ’accueillirent avec égards et am itié , et
fi.tj ijienje long-tems partie d’une société connue à
Çlermont sous la dénomination de Salon delà Poterne.
lin 1 8 1 1 , Frajiçoise Boudon fut recherchée en
niftriçtge«par Julien Jouvainroux; cet homme, né dans
u»p classeï industrieuse et utile de la. société, était
alo^s sacrjstajn,de; latcathédrale; la surveillance et la
conservation, des orneinens et des trésors de l ’église
lui étaient confiées; son honnêteté, sa fidélité à remplir
ses devoirs, et ses vertus modestes lui avaient concilié
l’estime et; la., confiance des ecclésiastiques dont il
dépendait, d e:mnnièrc que le comte Legroing dut voir
avec satisfaction) une union
qui
lui promettait de
�( lï )
nouveàux secours, et q u i , d ’ailleurs, était devenue
indispensable.
L e mariage est du 17 septembre 18 11. ClaudineFlavie Jouvainroux est née le 4 mars 1 8 1 2 , et a été
présentée à l ’officier de l ’état civil par son père, qui
a signé son acte de naissance.
Cette enfant devint bientôt l ’objet de l'affection du
comte. La douce symphatie qui existe entre l ’enfance '
et la vieillesse, les rendit nécessaires l ’un à l ’autre ;
les jeux et les caresses de Flavie charmaient les ennuis
et calmaient les souffrances du vieillard. Les petits
cadeaux et les empressemens de ce dernier captivaient
h. leur tour la légèreté de l ’enfant, qui ne quittait
plus .ton bon ami y le séclitisait à ehacjue instant dll
jour par de nouvellés preuves d ’attachem ent, se joi
gnait h ceux qui lüi prodiguaient des secours, et
appaisait, par ses énipressemeris et ses innocentes pré
venances , les plaintes et les emportemens que la
douleur pouvait lui arracher. C ’est ainsi que Flavie
devint, par les qualités aimables de son âge, si chère
au comte Legroing, q u ’il l’a présentait comme son
héritière à tous ses amis et îi toutes ses connaissances;
ne dissimulait ni l’attachemént q u ’il avait pour elle,
ni la sollicitude dont elle était l ’objet, et ne se plai
gnait des pertes q u ’il avait éprouvées et des dépenses
que nécessitait son état de maladie, q iic parce q u ’il
craignait ne pouvoir assurer à c e t t e enfant une existence
aussi douce qu ’il l ’aurait désiré.
Le testament du comte est du 24 décembre 181G.
�( 13 )
Claudine-Flavie est la seule personne qui occupe sa
pensce; il l ’institue son héritière universelle, et ne
lui impose d ’autre charge que celle de payer à sa
mère une pension alimentaire de 800 francs, et de
lui laisser la jouissance de quelque m obilier; i l ré
voque, au r e s t e t o u s testamens anciens, et même
tous codicilles.
Ainsi l ’institution d ’héritier, de 1807, est complète
ment anéantie, et Françoise Boudon ne reçoit, dans
ce dernier testament, que la récompense due à ses
longs servicesL a forme de ce testament est également remarquable.
L article 970 du Gode civil fuit dépendre la v a l i d i t é
des testamens olographes de l ’accomplissement de for
malités extrêmement simples; la disposition, la signa
tu re, et la date écrite de la main du testateur, sont
les trois seules choses nécessaires et exigées; mais le
comte Legroin g, se complaisant dans son ouvrage, et
voulant donner à sa volonté un caractère d’authenticité
qui lui fut propre, ajoute à la volonté de la lo i; ainsi
toutes les pages de son testament seront numérotées et
signées par lui ; cet acte se trouvera sous une enveloppe
cachetée au sceau des armes du testateur, et déposé
dans l ’étude d ’un notaire, avec cette suscription datée
et signee: « Ceci est mon testament, déposé de confiance
« entre les mains de M. Espinasse, notaire royal à
« Clerm ont-Ferrand, le 2/, décembre 181G. »
La suggestion et la captation, sur-tout la violence,
exigent-elles des soins aussi minutieux pour la coufec-
�9 3
( .3 )
tion des actes arrachés aux malheureùx q u ’elles dé
pouillent...... ? Non : presque toujours la contrainte sé
décèle par l ’omission de quelques formalités essen
tielles.
Mais poursuivons : ce testament n ’était q u ’un acte
de précaution. L e comte Legroing, familiarisé avec
ses m aux, et accoutumé à souffrir, espérait encore
vivre assez long-tems pour assurer la fortuné de son
héritière de prédilection, en réalisant en immeubles
les capitaux q u ’il lui destinait 5 il paraît même que
ce projet aurait été promptement *et pleinement exé
cuté , si le comte avait encore vécu quelques années ,
et si, sur-tout, il eût pu être certain de la rentrée
prochaine cle fonds considérables prêtés avec générosité
mais dont le recouvrement devenait
difficile.
L e 17 mai 1 8 1 7 , c’est-à-dire, cinq mois après le
testament olographe, déposé chez Me Espinasse , le
comte L e g ro in g , Julien Jouvainroux et Françoise
Boudon, son épouse, stipulant pour F la v ie , le u r f ille ,
acquièrent de Marien C ou steix, différens immeubles
situés a Laroche-Blanche, moyennant la somme de
33 ,Goo francs. Cet acte assure ¿1 F la vie la nue pro
p riété de ces im m eubles, moyennant 20,000 fr a n c s/
le comte doit en avoir la jouissance ¿a vie durant ;
et le p r ix de cet usufruit entre dans la vcnie pour
1 3 , 6 oo francs.
Cet acte manifeste bien é v i d e m m e n t la volonté il il
comte. Comment résister aux inductions qui s’en
déduisent naturellement? D ’abord on no cl ira point
‘v
�0 4 )
q u ’il a été arraché par la suggestion, la captation ou
la violence. L a nature de l ’acte repousse.cette idée;
ensuite, s’il n ’eut pas été consenti librem ent, Jouvainroux et sa femme seraient seuls acquéreurs ; ils
n ’auraient point acquis pou r le compte de F la v ie , et
M. Legroing ne se serait pas réservé Vusufruit des biens
compris dans cette acquisition.
Il est évident que la même voloulé qui avait dicté
le testament du 24 décembre, a présidé à la- vente
du 17 m ai; le comte Legroing ne fait rien dans les
intérêts de Jouvainroux et de son épouse; il acquiert
pour J^lavie 3 leur f i l l e . Dans ses intentions, l ’ u s u f r u i t
des biens ne d o it p o i n t leur a p p a r t e n i r , il s 'en réserve
la jo u issa n ce, et y met un p rix, qui prouve q u ’il
conservait l ’espérance d ’élever, et peut-être d ’établir
lui-même cette enfant. Enfin, Jouvainroux et sa femme
ne sont rien dans la pensée du comte; Flavie est la
seule personne dont il s’occupe; elle seule sera pro
priétaire lorsque son usufruit aura cessé.
Peu de tems après, les infirmités du comte devinrent,
plus graves : une maladie cruelle, des plaies q u i s’élaicnt formées aux jambes et qui
exigeaient
des pan-
scineus aussi multipliés que douloureux, rendirent les
soins de plusieurs médecins nécessaires, et obligèrent
d ’appeler une garde-malade. MM. Monestier, Voiret et
Blatin lui donnèrent successivement , et ensemble ,
leurs soins; ils l ’ont vu jusqu’à sa mort. L a nommée
Terrasse, gerde-malade, n’a point, quitté le chevet de
son lit. Les uns el les autres ont éié témoins de l ’af-
«
�( >5 )
fection du comte pour Flavie; il la désignait constam
ment comme son héritière ; recommandait la plti£
stricte économie, et se lo u a it, d ’ailleurs, des soins et
des services de ceux qui l ’entouraient.
F l a v i e était, en effet, 'constamment présente à la
pensée du comte. Les douleurs les plus vives ne pou
vaient le distraire de cette idée unique qui le m aî
trisait entièrement, et q u i, parfois, l’aidait à supporter
ses maux. S’il s’agissait de cette e n fa n t, il devenait
soupçonneux et défiant; les précautions q u ’il avait
prises pour lui assurer sa fortune, lui paraissaient, par
fois, insuffisantes; il aurait désiré pouvoir imprimer
à chacun dés objets qui devaient composer sa succession,
un signe tellement ineffaçable, q u ’ilr fut propre à les
faire reconnaître par tous, c o m m e apj-ïartenant: à son
héritière, et à rendre toute soustraction impossible.
L e comte Legroing était créancier de son frère d'une
somme àssei considérable : il était porteur de tiois
lettres de change; il ne voulut point en laisser la
disposition au sieur Jouvainroux. Se défiait-il de lui?
Avait-il le pressentiment que lés circonstances pourraient.'
lui faire désirer d ’acheter la paix au prix de quelques
sacrifices...... ? Quoi q u ’il en soit, il signala ces effets,
et en passa l ’ordre h Claudinc-Flavie.
Cette précaution du comte sera-t-elle aussi regardee
comme l’effet de la suggestion et de la violence ? Mais
quel avantage présentait-elle à Jouvainroux et à sa
fem m e.....? F ile n ’ajoutait rien à 1» force de la dis->
position faite par le com te, en faveur de Flavie; Îe
�( i6 )
testament était suffisant pour la rendre propriétaire
de la succession, et en exclure le chevalier*, le comte
n ’avait donc, en écrivant cet ordre, d’autre but que
celui d ’assurer la propriété de Flavie contre ses propres
parens, et d ’ôter u ces derniers la possibilité d ’abuser
du dépôt que la loi leur confiait. Les père et mère de
Flavie n ’ont pu désirer cet acte : il est évident q u ’ils
n ’ont point employé la suggestion et la violence contre
leurs propres intérêts; il est aussi certain que le testa
m ent, la vente et les ordres émanent de la même per
sonne, ne forment, pour ainsi dire, q u ’un seul acte, dont
l’objet est d ’assurer à F la v ie s e u le , et au détriment
de ses ascendans 3 la propriété des biens du c omte .
Comment d onc p our r ai t -o n diviser u n ensemble de
faits si propres à manifester une volonté libre et éclairée?
Ne prouve-t-il pas, au contraire, de la part du testa
te u r,
une
anéantit
à
persévérance dans
ses dispositions, qui
l ’avance les reproches de captation et de
violence que le chevalier a osé articuler?
A u mois d ’août, l’état du comte Legroing était
devenu
plus inquiétant; sa maladie avait
fait des
progrès rapides; il était livré à des souffrances cruelles;
il eut recours aux douces consolations de la religion.
MM. C aban e, curé des Carmes, et M o u lh o t, vicaire
de Notre-Dame-du-Port, étaient venus constamment
le voir pendant les 1 5 derniers jour de sa maladie ; il
s’entretenait avec l ’un d ’eux au moins deux fois par
jo u r; il remplit tous ses devoirs avec une respectueuse
soumission, çt mourut en chrétien résigné. Les mal
�heureux espérait peut-être que samémoire serait honorée,
ou q u ’au moins ses héritiers se respecteraient assez
eux-mêmes pour ne pas attaquer les dispositions d ’un
frère auquel, depuis long-tems, ils étaient devenus
étrangers.
Flavie ne pouvait apprécier combien était grande la
perte q u ’elle venait de faire ; cependant ses regrets
furent amers. Mais Jouvainroux et sa femme sentirent
ce q u ’ils devaient à la mémoire du comte. Ses obsèques
furent magnifiques ; sa dépouille mortelle repose dans
un terrain acquis par Jouvainroux, et consacré à con
server le souvenir du bienfaiteur de Flavie.
Les faits principaux qui ont entouré le testament
du comte Legroing étant connus, il convient de tracer
rapidement l ’esquisse de la p r o c é d u r e , d ’i n d i q u e r la
marche tenue par le chevalier, et de mettre sous les
yeux de la C ou r les dispositions du jugement qui a
rejeté ses prétentions.
On a dit que le comte était mort le i 3 août 1 8 1 7 ,
c’est-à-dire huit mois après la confection et le dépôt de
son testament.
L e 1 4 , M® Espinasse, notaire, assisté du
sieur
Julien
Jouvainroux, présenta ce testament à M. le président
du tribunal civil de C lerm on t, qui dressa procès-vcrbal
de son ouverture et de sa forme e x t é r i e u r e , e t rendit
une ordonnance qui en continua le dépôt chez le no
taire Espinasse.
Il a fallu parler de celte
circonstance
pour détruire
les allégations que le chevalier Legroing a osé se per-
3
�svp
(' 18 )
mettre clans son mémoire imprimé (pages 24?
et 2^)Suivant lu i, le testament a été déposé par Jouvainroux
seul; donc il est demeuré, contre la volonté du comte,
possesseur de cet acte important jusqu’au décès de ce
dernier. La signature de M. le président n’est pas suf
fisante pour le rassurer sur la sincérité d’un renvoi qui
indique Me Espinasse comme étant celui qui a présenté
le testament, « parce q u ’on n ’ignore pas ce qui se passe
« à l ’hotel, lorsqu’on vient demander des signatures.
« On présente ordinairement une foule d ’actes rédigés
«■la veille ou le jour même; le président, qui en a
« connaissance,
signe avec confiance , apostille les
« r e n v o i s sa n s a u t r e m e n t y
r e g a r d e r ............. »
Que répondre à une pareille imputation consignée
dans un Mémoire signifié, et que l ’on a osé faire ré
péter dans une consultation?......... E lle est fausse : le
magistrat respectable et éclairé auquel elle était adressée
a cru devoir la dédaigner; et l’héritière du comte ne
doit plus s’en occuper que pour manifester ses regrets
d’avoir été privée, par ce fait, de l ’autorité q u ’aurait
pu ajouter au jugement q u ’elle a obtenu, le suffrage
de M. le président, qui crut devoir
s’ abst eni r.
Le i 5 août, le sieur Jouvainroux, tuteur de Flavie,
lit apposer les scellés sur le mobilier du défunt.
Le 19 , le chevalier Legroing forma opposition à la
rémotion.
U ne ordonnance du
août 1817 avait envoyé le
sieur Jouvainroux en possession des biens ayant appar
tenu au comte Legroing, conformément aux art. 1006
«
�V
( *9 )
et 1008 du Code civil. L a rémotion dös scellés avait
eu lieu , et l'inventaire était même presqu’achevé ,
lorsque le chevalier crut pouvoir prétendre que le mo
bilier d evait'lui être remis, comme héritier naturel,
sauf à le représenter, et déclara q u ’il formait opposition
à l ’ordonnance du 2 3 août.
Une ordonnance rendue en référé, le 2 6 , donna
au chevalier acte de son opposition, et renvoya à l ’au
dience du 27 pour y être statué.
Le chevalier présenta alors une requête où , sans
préciser aucuns faits, il soutint que le testament était
n u l, comme étant l ’eifet de la captation, de la vio
lence,’ de l ’obsession, du d ol, et fait ab ircito. 11 de
manda en conséquence à être envoyé provisoirement en
possession 5 mais le j u g e m e n t d u 27 le déclare non
recevable dans son opposition à l ’ordonnance du a 3 5
maintient, en conséquence, l’envoi en possession pro
noncé en faveur de Jouvainroux, et ordonne q u ’au
fonds les parties procéderont en la manière ordinaire.
Bientôt le chevalier
fait signifier et publier un
mémoire.
Suivant lui ,
i°.L e testament est fait ob irato : il est l ’ouvrage de ■
la haine et de la colère \
20 II est l’ouvrage de la captation et de la suggestion
de la part d ’une concubine.
Pas un seul mot de la v i o l e n c e comme cause de
nullité du testament; ce moyen n ’a même jamais été
présenté au tribunal de Clerm ont, et ne l’est pas
f
�( 20 )
encore dans les consultations distribuées en la Cour.
Ce mémoire est suivi d ’une requête signifiée le 28
mars 1818.
Le chevalier y demande la nullité du testament de
son irère, sous un double point de v u e ,
1" Comme fait en faveur d ’ une f i l l e naturelle du
sieur comte Legroing et -de Françoise Boudon,
sa
gouvernante, laquelle f i l l e naturelle ne s t pas légalement reconnue, et ne p e u t, à ce titr e , espérer que
des alimens;
20 Com me fait ab irato,
co n tre
sa
fa m ille ,
et
comme étant l ’effet de l ’obsession, de la captation et
de
la
s u g g e s t i o n d e la . p a r t d e
JU LIEN
F ra n ço ise
boudon
e t de
JO U V A IN R O U X .
Passant ensuite à la preuve de ces propositions, il
soutient que C laudin a-F la vie Jouvainroux est née du
concubinage de la dame Jouvainroux avec le comte
Legroing.
Parce qu e, i° il est prouvé (suivant lui) que Fran
çoise Boudon est devenue enceinte une première fois,
en 18065 que son enfant, nommée Joséphine, a été re
connue par le comte Legroing, tant dans son acte de
naissance que dans celui de décès;
20 Que Françoise Boudon a continué de cohabiter
avec son m aître, et de vivre avec lu i, soit à Riom ,
soit à C le rm o n t, notoirement et publiquement en
concubinage 5
3 ° Que Françoise Boudon est devenue enceinte une
deuxième fois en 18115 que sa grossesse était de plus
�( 21 )
de trois mois, lorsque M . Legroing a p ig é à propos
de la marier avec Julien Jouvainroux. Q u e, conséquemment, Claudine-Flavie est le fruit du concubi
nage ; ce qui est, au surplus, confirmé par la présomption
de la loi, suivant la maxime : A n cilla m prœgnantem
in dubio vid eri prœgnantem à domino m axim e ;
4 ° Que ces faits se trouvent justifiés par les circons
tances de cohabitation du mari et de la femme avec le
comte,
Par la différence q u ’il mettait entre e u x, faisant
manger la femme avec lu i, et le mari à la cuisine-, par
les soins q u ’il avait pour Flavie : il l ’appelait habi
tuellement sa fille , et celle-ci lui répondait en lui
d o n n a n t le n om de papa.
Enfin, par la tendresse que le comte avait pour cette
enfant. « E lle était si grande, que lorsqu’il s’élevait
« des querelles entre lui et les Jouvainroux, ce qui
« arrivait souvent 3 on le menaçait de lui ôter la petite
« Flavie, pour l ’appaiser et obtenir dé lui tout ce q u ’on
« désirait. »
E n conséquence, le chevalier conclut à ce que C lau
dine-Flavie Jouvainroux soit déclarée enfant naturel
non reconnu du comte Legroing; à ce que l ’institution
contenue au testament du 24 décembre 1 81 6 , et te
donation indirecte faite par la vente du 17 mai 1817,
ainsi que la donation indirecte r é s u l t a n t des ordres
qui se trouvent au dos des lettres de change souscrites
par le chevalier, soient annullées; à ce que toute la
succession lui soient remise, s’en rapportant d’ailleurs
�• f(
22 )
à la prudence du tribunal sur la quotité de la pension
alimentaire qui doit être accordée à C laudin e-F lavie.
Il faut convenir que le chevalier ne pouvait créer
un système qui outrageât plus ouvertement les mœurs
et la dignité du mariage. Ainsi c’est vainement que
les rapports qui existent entre le père et l ’enfant sont
liés à l ’institution la plus sainte et consacrée par les
lois les plus positives : un étranger, mu par un vil
intérêt, peut, en invoquant les. mœurs, troubler le
repos des familles, tenter de détruire l ’état d ’un enfant
légitime, pour le classer parmi les enfans naturels non
reconnus; e t, se jouant de la religion et des lois, les
i n v o q u e r p o u r d ét ru ir e ce q u ’elles ont de pl us sacre,
à l’eiFet de se rendre maître de la succession d ’un frère
dont il ne craint point de flétrir la mémoire.
Tel était cependant le moyen principal employé par
le chevalier en première instance. Les faits de capta
tion et de suggestion, ceux même q u i, suivant l ui ,
tendaient à prouver que le testament du comte avait
été dicté par la colère, n ’étaient articulés que subsidiaireinent.
Les voici :
i u Françoise Boudon a vécu en concubinage avec le
sieur Lcgroing depuis q u ’elle est entrée à son service;
2° A compter de cette époque, elle a mis tous ses
soins pour séparer et éloigner son maître de toute sa
famille. F ile et son mari ont em pêché toute commu
nication avec son frère, ses parens et ses amis ;
3 " F ile avait inspiré à son maître une telle haine
�9*3
( ’3 )
contre ses proches, et notamment contre~le chevalier,
que lorsque le nommé Ghantelot emporta, dans le
mois de juillet 1 81 7 , 8000 francs, de la part du che
valier, à-compte de ce q u ’il lui devait, le comte refusa
de les recevoir, en désavouant le chevalier pour son
frère, et en tenant contre lui les propos les plus inju
rieux ;
4° Que le chevalier s’étant présenté chez le comte,
le 12 du même mois de ju ille t, pour régler ses comptes
avec lui et lui payer une partie de ce q u ’il lui devait,
il ne p ut pas parvenir ju s q u ’ à lu i; q u ’il fut en con
séquence obligé d ’avoir recours à des tiers, et spécia
lement à un jurisconsulte de C le rm o n t, qui se trans
le c o m t e , rédigea la quittance des sommes
q u ’il recevait, et du mo de de p a i e m e n t de ce q u i res
tait d û ; que ce jurisconsulte lui ayant fait lecture de
po rt a chez
cette quittance, dans laquelle il lui faisait dire q u ’il
avait reçu telle somme de son frère, il se mit en fu
reu r, se leva sur son séant, quoique dans un état qui
le privait, en quelque sorte, de tout mouvement; dit
que le chevalier n ’était pas son frère, vomit contre lui
toute espèce d’injure , et ne consentit à signer la
quittance, que lorsque le jurisconsulte présent, qui
l ’avait rédigée, «ut rayé ces mois : Mon frère ;
5 ° La dame Jouvainroux était toujours présente
toutes les Ibis q u ’il arrivait quelques personnes auprès
de son maître. Lorsqu’elle sortait, elle l ’enfermait sous
clef, pour q u ’il y eût impossibilité de sortir ou de
communiquer avec qui que ce fût;
�Fvo
( H )
6° E lle a souvent maltraité son m aître, qui a fait
entendre ses plaintes, et se mêttait à la fenêtre , en
criant au secours! à Vassassin! que ses cris ont attiré
les voisins, le p ub lic, et même la police;
7° Q u ’elle s’emparait des lettres qui venaient de la
fa m ille , et spécialement du chevalier, pour que son
maître n ’en eût aucune connaissance; et q u ’une de
ces lettres a été trouvée dans la commode de la dame
Jouvainroux, lors du proccs-verbal du juge de paix ;
8° Que le comte était absolument dans la dépenda nce de' sa domestique-gouvèrnante, qui s’était em
parée de tous ses biens et facultés, et que le comte
é ta i t t o m b é dans u n é t at de faiblesse et d ’ i mb éc il li tC
tel, q u ’il ne lui restait ni volonté, ni discernement.
L e vague et l ’insuffisance de ces faits se laissent
facilement apercevoir : aucune circonstance n ’y est
déterminée; ils sont d ’ailleurs anéantis par le rappro
chement que l ’on peut en faire des faits connus et
constans au procès.
Les premiers juges les ont appréciés; ils ont examiné
cette cause dans son ensemble et dans tous ses détails.
Il convient de faire connaître leur jugement. }
P remière question : en la forme ;
L e testament du comte L egroin g est-il valable?
A tten d u q u e , conform ém ent à l ’article n eu f cent soixante-dix du
Code c iv il, il a <He écrit en entier, daté et signé de la main du testateur;
que la loi ne l ’assujétissait à aucune autre form alité ; qu ’il n’est môme
pas attaqué en ce point.
D euxièm e question : au fond ;
L e comte L egroing avait-il capacité pour disposer par tostament?
�(
25 )
A ttendu q û e , d'après l ’article n eu f cent deux du Code c iv il, toutes
personnes peuvent disposer, par testa m en t, excepté celles que la loi en
déclare incapables ;
A ttendu que le comte Legroing n’était dans aucun des cas de l'article
guatre cent quatre-vingt n eu f du Code civ il ; qu’il est m ort iiitegri
statds, et que son testament même prouve qu ’il était sain d’esprit.
Troisième question.
L e comte Legroing a-t-il pu disposer de l ’universalité de ses Liens?
A ttendu que le comte L egroing n’avait ni ascendans ni descendans ;
Q u ’a in si, et aux termes de l ’article n eu f cent seize du Code c iv il, ses
dispositions testamentaires ont pu épuiser la totalité de ses biens.
Q uatrièm e question.
L e comte Legroing a -t-il fait son testament par colère et en haine do
sa fam ille ?
A tten d u q u e , quoique le Code civil ne dise rien du cas où un testa
m ent serait attaqué pour cette cause, il faudrait examiner s’ il peut
encore y avoir lieu à l ’action en n u llité admise par l'ancienne jurispru
dence , dans q u e l q u e s - u n s de c e s c a s ;
Mais attendu q u e , quand les faits allégués par le dem andeur seraient
é ta b lis, il n’en résulterait aucune preuve que ce testament a été reflet
de la haine et de la colère du comte L egroing contre sa fum ille, ou ,
pour m ieux d ir e , contfe le dem andeur ; car la dame L e g ro in g , leur
sœ u r, a pensé qu’elle n’avait pas le droit de s’en plaindre.
Ces faits de haine et de colère seraient :
L e p rem ier, un rëfus de la part du comte L egroing de recevoir une
somme de huit m ille francs, que le dem andeur lui aurait envoyée par
le sieur C lia n telo t, le premier ju illet m il h u it cent d ix -sep t, et d’avoir
accompagné Ce refus d’injures contre le demandeur.
L e dem andeur ne dit pas quelles furent ces injures , ni le m otif dû
refus.
L e deuxièm e fait serait que le dem andeur s’étant
p ré s e n té
Iui-mômc,
le douze du mémo m ois, chez son frè re, pour r é g i« 'ses comptes et
payer une partie de ce q u ’ il lu i d e v a it, il ne put pas parvenir jusqu’il
!«»•
L e dem andeur ne dit pas non p lu s pourquoi et par qui il fut empêché
de parvenir jusqu’à son frère,
4
�L e troisième fait est que le dem andeur ayant alors invité un juris
consulte à porter pour lui la somme à. son frère, de rédiger la quittance,
et de régler le mode du paiement de ce qui resterait dû , et le jurisconsulte
ayant fait lecture de la quittance au comte L e g r o in g , celu i-ci se m it
en fu re u r, parce qu ’il y était dit que le chevalier Legroing était son
frère; il vom it contre lui toutes sortes d’in ju res, et ne signa la q u it
tance que lorsque le jurisconsulte eut rayé les mots : M on frère.
L e dem andeur a laissé également ignorer quelles furent ces injures ,
/
et cependant il serait possible que les expressions du comte L egroing ne
fussent pas reconnues injurieuses ; le dem andeur aurait pu regarder
comme injures quelques paroles seulem ent désobligeantes , qu ’un mo
ment d’hum eur ou le m écontentem ent aurait pu p ro d u ire, sans que le
coeur du comte L egroing y prît aucune part.
A u surplus, les frères L egroing auraient pu vivre en m ésintelligence r
ne pas s’aimer ; mais entre la haine et l ’amitié il y a tant d’autres sentim e n s q u i n e t r o u l i l c n t n i l'esprit n i la r a i s o n , q u i ne s o n t n i de la
haine ni de la colère !
E t s i , par de semblables motifs , il était possible d ’annuller les testamens faits au préjudice des collatérau x, il serait presque inu tile d’en
faire.
Enfin , et cette observation serait seule décisive sur ce point :
'A ttendu que le testament dont il s'agit est du vingt-quatre décembre
m il huit cent s e iz e , et que les fa its de colère et de haine allégués ne
seraient que du mois de ju ille t mil huit cent d ix - s e p t;
Q u ’a in s i, ils n ’auraient pas pu influer sur des dispositions testa
mentaires fa ite s sept mois avant leur existence.
Cinquièm e question.
Si ce testament n’a pas élé l ’effet de la haine et de .la co lerc, a-t-il
été celui de la captation et de la suggestion ?
il'
A tten d u que U\s moyens de captation et de suggestion sont comme
ceux de hnine et de coli-rc , méconnus par le Code c iv il; q u e, néanm oins,
s'il en existait, il faudrait encore examiner .aussi s’ils peuvent encore
fonder l’action en nullité, d’ un testament: olographe ;
Mais attendu qu’ il serait ridicule de prétendre qu'un enfant de cinq
ans a employé lu r u se , l'artifice, la mauvaise f o i , lés insinuations per
fides, pour tromper le comte L e g ro in g , lui rendre sa fam ille odieuse,
�V
)
le faire changer de volonté, et surprendre, en sa faveur, des dispositions
qu’il aurait eu l ’intention de faire en faveur du dem andeur;
A ttendu qu’il n'est pas vraisemblable que la force d’esp rit, la fierté
du caractère du comte Legroing aient jamais cédé aux volontés de Fran
çoise B o u d o n , au point sur-tout de faire ce q u ’il n’aurait pas voulu
faire ;
Q u ’il n’est pas presumable que la femme Jouvainroux eût tenté ce
triom phe; elle eût cra in t, sans d ou te, de déplaire à son m aître, et
m ême de l ’offenser ; s’il eût pensé qu ’elle vonlait le dom iner, elle eût
craint
d'achever de perdre une confiance déjà tant affaiblie par son
mariage ;
A ttendu , q u ’en supposant même que la femme Jouvainronx eût
quelque pouvoir sur l ’esprit de son maître , il n'est pas vraisemblable
qu’ elle Veût em ployé pour fa ir e exercer envers sa f i lle une libéralité
qu'elle eut désiré conserver en vertu du testament de m il huit cent sept >
ou fa ir e renouveler pour elle ;
,
A ttendu qu ’il e s t, au contraire , tout naturel de croire que c’ est par ses
caresses , par ses assiduités, par s e s s o in s , e x c i t a s peut-âtre par de petits
cadeaux que l ’âge mûr et la vieillesse ont coutum e de faire à l ’en fan ce,
que Claudine-Flavie a o b te n u , sans le savoir ni le d ésirer, cette marque
de sensibilité , d ’affection et de toute la bienveillance du comte L egro in g ;
q u e , ce dernier a pu penser qu’il ne devait aucun témoignage d’aflcction
ni de reconnaissance au chevalier Legroing , son frère , q u i , célibataire
comme l u i , ne transmettrait qu’à des étrangers ou à des collatéraux
éloignés les biens qu’ il lui laisserait ;
A ttendu q u e , comme le disent les auteurs, le testament olographe
est celui qui dépose avec plus de sûreté de la volonté du testateur;
A ttendu que les précautions surérogatoires que le comte Legroing a
prises pour assurer et conserver saine et entière l ’existence du sien, en le
cotant, et signant à chaque page , et en le mettant sous une enveloppe
cachetée au sceau de scs arm es, avec une inscription
sa main ;
Q ue la facilité qu’ il avait de révoquer d’un
é c r ite
m om ent
et signee de
à l’autre ces dis
positions, d’en faire de nouvelles, ou de n ’en pas laire du tout , et dç
c o n fie r
l’écrit de sa dernière volonté, soit à un des médecins qui lui
prodiguaient des soins pour prolonger ses jo u r s , soit ¿1 un des ministres
�c
( »8 )
q u i lu i portaient souvent les consolations de la religion, et le préparaient
à bien m o u rir, soit à toute autre personne qu ’il aurait choisie pour eu
être le dépositaire, fa cilité q u i, comme le dit R ica r d } a v a itfa it établir,
comme m a x im e indubitable au palais , que les fa its de suggestion n'é
taient pas recevables contre un testamen t olographe ;
Q u e , Vacquisition qui fu t faite au nom de C laudine-Flavic Jouv a in r o u x , le dix-sept mai m il h u it cent d ix -se p t, environ cinq mois
après le testam ent,
Q u e l ’ordre passé par le comte L e g r o in g , en sa faveur , sur lçs effets
de commerce à lu i consentis ;
Q ue le silence du comte L e g r o in g , ou p lu tôt sa persévérance pendant
les huit mois qui s’écoulèrent entre le testament et son d écès,
P ro u ve n t, d ’une m anière incontestable, que le comte L egroin g u ’a
été subjugué par personne ; qu’ il n’a cédé ni à l ’obsession ni aux solli
citations ; qu’ il n’ a été entraîné par aucune volonté étrangère ;
Q u il
h'u
a g i ( ju e p a r
l ’ im p u ls io n d e so n c œ u r d ’ a p r is
s e s s e f lt i m e n S
et ses affections personnelles.
L e dem andeur a lui-m êm e reconnu les affections du com te pour
F la v ie , en disant : « Q u e , quand le comte avait des momens de colère
« et d ’ im patience, elle allait se jeter dans ses b ras, et que ce petit
« manège calm ait sur-le-cham p le maître em porté. »
L e choix de F lavie pour son héritière a donc été l ’effet de sa volonté
lib r e , ferme et constante.
A ttendu que l’ acte qui le renferme , contient la preuve aussi que le
comte Legroing l ’a fait avec réflexion et tranquillité d ’esprit et de raison ;
Q ue l’ordre mis par le comte L egroin g sur les effets de com m erce,
n’a sans doute été imagine par lui , que pour conserver 1« valeur de ces
effets à C la u d in c-F la v ie , et em pêcher que son père et sa mère pussent
les lui soustraire, «t s’en approprier le montant.
l) ’où s’en suivrait une nouvelle preuve que rien n’a été fait ni suggéré
par la femme Jouvainroux , ni par son mari.
E t une observation qui ne laisse aucun doute à cet égard , c’est que
le dem andeur est lui-m ônic convenu que la mère de F lavie n’u v a it, h
l’époque du testam ent, aucune influence sur l’esprit de son m nître, en
disant : « Q u e , depuis quelque tems avant ce testam ent, le comte
t Legroing témoignait de l'hum eur et de la colère contre elle. »
�( =9 )
'A tte n d u q u e , quand il serait vrai que le comte Legroing se fût
procuré un modèle pour rem plir les formes d u testament qu ’il voulait
fa ire , cette circonstance serait absolum ent insignifiante, et ne pourrait
pas autoriser la critique des dispositions ;
Q ue d’officiers publics ont souvent recours aux formulaires !
Sixièm e question.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle capable de rece v o ir, par testa
ment , le legs universel que lui a fait le comte Legroing ?
A ttendu q u e , d’après l ’article n e u f cent six du C o d e , il su ffit, pour
être capable de recevoir par testam en t, d ’être conçu au décès du tes
tateur ;
E t attendu qu’au décès du comte L e g r o in g , C laudine-Flavie Jou
vainroux était âgée de près de six ans ;
A tten d u que C laudine-Flavie Jo u va in ro u x, née le cent soixanteonzième jour du mariage de Françoise Boudon sa mère et de Julien
Jo u vain ro u x, ne peut pas être considérée comme enfant naturel du
c o m te L e g r o in g ;
Q ue le mariage fait présum er que Jouvainroux était l’nnteur de la
grossesse de Françoise B o u d o n , avec l ’intention réciproque de s’unir
par le mariage ;
Q ue le dem andeur n’a pas été exact dans sa citation de la maxime
suivie dans l ’ancienne ju risp ru d en ce, et justement abolie par nos lois
nouvelles ; en voici les termes : Crcditur virgini ju ra n ti se ah aliquo
cognitam et e x eo prœgnantcm.
E lle n’établissait, comme l ’a prétendu le dem andeur, aucune pré
somption , pas même les soupçons contre le m a ître , sur l ’état de la
grossesse de sa servante ; et le serment qu ’était obligée de faire la fille
en cein te, avait seulement l ’cflet de faire contraindre celui qu’elle avait
déclaré l ’auteur de sa grossesse, à lu i payer une somme modique pour
frais de gésine.
Q ue la présomption que Jouvainroux était l ’auteur de la grossesse de
Françoise Boudon , c'est q u ’au lieu de désavouer V evfun t, c’est Jou
vainroux lui-m êm e q u i l'a f a it inscrire
s u r
h registre de l ’état c iv il ,
comme étant son enfant d'avec Françoise B ou don, et qui en a signé
l'a cte ;
E t q u e , d’après les articles trois cent dix-neuf et trois cent vingt du
�( 3o )
Code c iv il, cet acte seul eût suffi pour constituer Claudine-Flavie ênfant
légitim e d u dit Jouvainroux ;
Q ue C laudine-Flavie a en outre obtenu la possession d’état d ’enfant
légitim e de Jouvainroux , par tous les faits que l ’article trois cent vingtun du Code désire ,
Puisqu’elle a toujours été regardée comme te lle , soit par sa fa m ille ,
soit par le public ;
Q u ’elle en a toujours porté le nom , et que Jouvainroux l’a toujours
traitée comme son enfant.
A ttendu q u e, d’après l’article trois cent v in g t, cette possession aurait
elle-m êm e suffi pour constituer cet état ;
A ttend u q u e , d’après l ’article trois cent vingt-deu x, nu l ne peut
contester l ’état de celui qui a une possession conforme à son titre de
naissance ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’examiner com m ent Françoise Boudon a
v é c u a v a n t so n m a r ia g e ;
Q u ’ainsi il n’est pas permis d’alléguer que C laud in e-F lavie est le fruit
d ’un concubinage de sa mère avec le comte L egroing ;
Q ue la loi ne reconnaît même pas de concubinage après le mariage ;
Q ue le commerce illicite d’ une épouse avec tout autre que son ép oux,
est qualifié adultère ;
E t que le mari a seul droit de s’en plaindre.
A ttendu que l ’article trois cent tren te-n eu f du C o d e , qui autorise
tous ceux qui auraient intérêt à contester toute reconnaissance de la
part du père et de la mère , ne s’applique qu’aux enfans nés hors
mariage ;
,
Q ue toutes les dispositions qui composent la section 2“ du chapitre
des enfans naturels, et particulièrem ent celles de l’article trois cent
trente-sept, sont positives à cet égard ;
Q u ’ainsi la disposition universelle eut pu être valablem ent faite en
faveur de la fem m e, après le mariage ;
Q u ’ainsi l’on ne peut considérer C laudin e-F lavie Jouvainroux comme
personne interposée pour faire passer la libéralité sur la tête de sa inere.
Eh ! pourquoi aurait-on conçu celte idée plulAt en faveur de la mère
qu ’en faveur du père ? et cependant l’on n’ allègue aucune iucopacitü
contre le père..
�( 3i )
Comment concevoir aussi qu ’un en fa n t, q u i, dans l ’ordre de la n a tu re,
¿Levait survivre à ses père et m è re , eût etc choisi pour leu r transmettre
une libéralité?
Q u ’ainsi, et quand on supposerait que le maître ne peut pas faire un
legs universel à son domestique , l ’état de domesticité de la mère n’ in
fluerait en rien sur les dispositions testamentaires faites en faveur de
Claudine-Flavic Jouvainroux ;
Q ue l ’article m ille vingt-trois du C ode permettant de disposer en
faveur d’un dom estique, et ne lim itant pas la disposition, elle peut
s’étendre pour l u i , comme en faveur de toute autre personne non
prohibée ;
Q u ’ainsi la raison, la m orale, l ’honnêteté p u b liq u e , la sainteté du
m ariage, l ’ordre s o c ia l, le repos et la tranquillité des familles sont ici
en harmonie avec la loi pour assurer à C laudin e-F lavie Jouvainroux son
état d’enfant légitim e et le legs qu’elle a reçu ;
A ttendu que les faits allégués par le dem andeur sont ou vagues ou
insignifians, et ne seraient pas suffisans pour fonder l ’ action en nullité
d u te s ta m e n t ;
Q u ’ainsi la preuve offerte est non recevable et inadmissible , d ’après
la maxime : Frustrà probatur quod probatum non relevât.
L e tr ib u n a l, sans s’arrêter
à
la preuve offerte par le dem andeur,
ni
avoir égard à la demande en nullité par lui fo rm ée, le déboule de
toutes
ses
demandes, et reçoit les parties de Bayle opposantes
à
l ’ordon
nance obtenue par le dem andeur, partie de Pages; fait m ain-levée de
la surseance, et ordonne qu’ elle demeurera sans effet; leur fait m ain
levée des saisies-arrêts faites à la requête du dem andeur ; met hors de
cause sur les autres demandes des parties de B ayle, et condamne celle
de Pagês aux dépens ; et attendu que la partie de Bayle est fondée en
titres, ordonne que le
présent
jugem ent sera exccule provisoirem ent,
nonobstant et sans préjudice de l ’ a p p el, et sans qu’ il soit besoin de
donner caution.
X
■ '
?
■
L ’appel interjeté par le chevalier Legroing a soumis
les questions que présente cette cause,.et le jugement
Je
Clerm ont, à l ’examen de la Cour.
�( 3= )
D ISC U SSIO N .
L ’exposition du fait a déjà donné tous les élémens
nécessaires pour apprécier les prétentions du sieur
chevalier Legroing.
Que demande-t-il ?
L a nullité de toutes les dispositions directes ou in
directes faites par le comte Legroing, son frère, en
faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux. Le testament
du 24 décembre 1 81 6 , la vente du 17 mai 1 8 1 7 ,
et
les ordres passés en faveur de Flavie , des lettres de
change dues par le chevalier, sont à-la-fois et égale
ment attaqués par lui.
Il convient que le testament est régulier en sa forme;
que le comte pouvait disposer de l ’universalité de ses
biens.
Quels sont donc ses moyens ?
Il répond :
i ° Q u e Claudine-Flavie Jouvainroux était incapable
de recevoir une institution du comte Legroing, parce
q u ’elle est son enfant naturel non reconnu, et q u ’en
cette qualité elle n ’avait droit q u ’à des alimens ;
20 Que le comte Legroing lui-même était incapable
de donner, parce q u ’il était en état d ’imbécillité ;
3 ° Que le testament du comte a été fait ab irato,
et en haine do ses proches, notamment de lui chevalier,
et que cette haine a été inspirée au comte par les
manœuvres de Jouvainroux et de sa femme;
%
�( 33 )
4 ° E n fin , que ce testam ent, et les actes qui l ’ont
suivi, ont été arrachés à la faiblesse du comte, par
l ’obsession, la suggestion, la captation, et même la
violence, également pratiquées ou exercées^par les père
et mère de Claudine-Flavie Jouvainroux.
Les moyens employés par le sieur chevalier Legroing
tracent naturellement l ’ordre de la défense de l ’héiitière du comte; elle doit les examiner successivement,
mais elle ne fera q u ’indiquer sés m oyens, et tâchera
de les resserrer dans le cadre le plus étroit.
Claudine-Flavie Jouvainroux était-elle incapable
de recevoir ?
Pour faire admettre l ’affirmative, il faudrait que le
chevalier Legroing put prouver :
Q u ’il est reeevable à a t t a q u e r l ’état d ’enfant légi
time de Claudine-Flavie Jouvainroux, état cjui est
établi et lui est assuré, soit par son acte de naissance,
soit par sa possession ;
Il faudrait q u ’il eût la faculté de substituer un état
incertaiu à un état acquis;
Q u ’il pût faire descendre un enfant légitime dans
la classe des enfans naturels, et prouver même que
Claudine-Flavie est l’enfant naturel du comte ; car
sans cette condition elle aurait été également capable
de recevoir.
Il faudrait enfin que le chevalier put , pour servir
ses intérêts, faire tout ce que les lois défendent, tout
ce que la religion et les moeurs réprouvent; q u ’il pût
outrager la dignité du mariage, détruire les rapports
5
�( 34 )
qui existent entre les enfans et les pères, rompre enfin
les liens les plus sacrés de la société.
Il est inutile d’insister sur le premier m oyen; il ne
doit rester dans la cause que pour apprendre q u ’il n ’est
rien de respectable aux yeux de celui q u ’un vil intérêt
aveugle; que, quels que soient d’ailleurs son rang, ses
lumières et sa réputation, l ’ambition peut l ’égarer,
jusqu’au point de lui faire manquer aux devoirs les
plus saints, en l ’obligeant à soutenir un système scan
daleux , que tous les amis de l ’ordre doivent repousser,
et q u ’il rejetterait lui-même avec une noble indigna
tion , si les passions qui l ’égarent lui permettaient d ’en
calculer les conséquences.
L e C o m te e tcn t - i l i n c a p a b l e cle d o n n e r ?
L e chevalier déduit cette incapacité de l ’état d ’im
bécillité de son frère; il ne cote aucun fait propre à
prouver son assertion : il se contente d’alléguer que le
comte était tombé dans un état de faiblesse et d ’imbé
cillité, tel q u ’il ne lui restait ni volonté ni discernement.
Quels sont les principes?
L a première condition pour la validité d ’un testa
ment est que le testateur soit sain d ’esprit (Code c i v i l ,
art 901).
Ce principe général, commun à tons les actes, à
tous les contrats, e s t , pour les testamens et donations,
iine disposition spéciale qui les régit particulièrement,;
de manière que l’article 5o 4 du Code 11e leur est point
applicable;
q u ’ils sont spécialement régis par l ’ar
ticle 901; et q u ’en conséquence ceux qui veulent at-
«
�/ ô û / ï,
( 33 )
laquer
un testament peuvent articuler et être admis
à prouver tous les faits qui sont de nature à établir
que le testateur dont l ’interdiction n’avait pas été
prononcée de son vivant, n ’était pas sain d ’esprit à
l ’époque du testament. Cette preuve est même admise,
quoique les notaires aient inséré dans l ’acte la clause
inutile que le testateur était sain d ’esprit ( i).
Mais pour pouvoir user de cette faculté, il faut
alléguer et prouver des faits de démence positifs et
concluans, parce que la présomption est toujours en
fa'veur de l’acte, et que la démence ne se présume ja
mais. Ce principe est si certain, que la Cour de cas
sation, par arrêt du 18 octobre 1809,
a jugé que
l ’dge a va n cé d u d on a teu r, l ’o u b li de sa f a m ille ,
l ’im portance d u le g s , la q u a lité p e u élevée d u d o
nataire , ne suffisaient pas pour faire décider que le
donateur n’était pas sain d ’esprit. Il s’agissait du tes
tament du sieur Leguerney de Sourdeval, qui avait
été jugé valable par la Cour royale de C aen; le testa
teur était âgé de quatre-vingt-six ans : ses légataires
universels étaient ses dom estiques , et les biens légués
excédaient
i
, 5 o o , ooq francs ( a ) . U n arrêt de la Cour
royale de Paris, du 26 mai 1 8 1 5 , a consacré ces prin
cipes en termes même plus absolus, et a maintenu le
testament du sieur Debermont, quoique le testateur
\
(1) Arrêt de cassation, du 22 novembre 1 8 1 0 . — Conclusions de
M. Merlin.— S i r c y , 1 8 1 1 , pag. 7 3 .
(2) Sircy, 1810, page $7.— Denevers, 1809, page/J^-
�(36)
eut été pourvu d ’un conseil, et que l ’on alléguât des
faits qui tendaient à prouver qu e, depuis 1788 jus
q u ’au 21 février 1809, il était dans un état habituel
de démence, facile à reconnaître par l'affaiblissement
de ses organes, son défaut de mémoire, et la facilité
de lui suggérer des opinions qui auraient pu compro
mettre sa fortune et sa liberté (1).
Ces principes s’appliquent spécialement aux testamens rapportés par des notaires; mais si le testament
est olographe, la présomption de sagesse augmente;,
elle est toute entière en faveur du testateur*, qui prend
le soin d ’écrire ses dernières volontés : dans ce cas, il
faut que le testament fasse naître par lui-même des
soupçons de faiblesse et d ’égarement d ’esprit; autre
m ent, il doit être respecté.
Tels sont les principes : sont-ils favorables aux pré
tentions du chevalier...... ?
D ’abord , il n’allègue aucun fait dont la preuve puisse
être ordonnée. L ’état de faiblesse d ’esprit et d ’imbé
cillité de son frère, aurait du se manifester par des
signes propres à le caractériser et à le faire reconnaître;
le chevalier n’arlicule rien , et cependant ses recherches
oiit été faites avec trop de soin, trop d ’ardeur et de
passion peut-être, pour que l ’on puisse supposer que
tous les faits ne sont point parvenus à sa connaissance.
Mais que pourrait-il prouver? L a solidité d ’esprit
du testateur n ’est-elle pas connue?
( 1) S iro y, 1 8 1 G, 2 e p artie, page a 38.
'
�fO ù ï
( 37 )
Au retour de rém igration, il liquide les reprises
qu’il pouvait avoir sur les biens de la dame son
cpouse; il en conserve seul l ’administration, jusqu’à
l ’instant de son décès; surveille ses nombreux débiteurs,
et écrit lui-même aux gens d ’affaire chargés de ses in
térêts , pour stimuler leur zèle ou leur indiquer la
marche q u ’ils ont à tenir.
E n 1807, il veut disposer de ses biens : un testament
fait par acte public, les transmet à Françoise Boudon,
sa gouvernante; il persiste dans cette disposition jus
q u ’en 181 G; mais , à cette époque , ses affections
changent d ’objet; sa volonté se manifeste de nouveau;
un testament olographe indique Claudine-Flavie .Touvainroux pour l ’ héritière du comte : une vente vient
b i e n t ô t après a ppr end re q u ’il persiste d an s cette vo
lonté, et il donne une dernière preuve de sa p r é vo y an c e,
en passant , au profit de son héritière, l ’ordre d«
certains effets, dont il pouvait craindre le mauvais
emploi.
Ces faits rendent toute autre explication superflue;
le comte pouvait disposer; son testament émane d’une
volonté éclairée; ainsi, l’étrange allégation du chevalier
est dénuée de fondement, et les conséquences s’en
rétorquent contre lui.
L e testament d u co m te a - t - i l é t é f a i t a b i r a t o ,
et en haine de ses proches ^ notamment du chevalier
L eg ro in g ?— Cette haine a-t-elle é té inspirée au com te
^ b
”
par les manœuvres de Jouvainroux et “ e sa fem m e?
On sait que les coutumes reconnaissaient un moyen
�( 38 )
d ’attaquer les testamens lorsqu’ils étaient faits en Iiainc
des présomptifs héritiers; l ’aversion générale des cou
tumes pour
les donations, avait
fait imaginer
ce
m oye n , à l ’exemple de la querelle d ’inofficiosité inventée
par les préteurs ro m ains, en faveur des enfans oubliés
ou prétérits dans l e te sta m en t de
l e u r s ascendans,
ou même exhérédés injustement. On appelait disposi
tions ab ir a to , celles qui étaient faites entre-vifs ou
par te s t a m e n t , par une personne injustem ent irritée
contre u n ea u tre; et action ab ir a to , la demande formée
pour annuller cette disposition. Tous ceux q u i se livrent
à. l ’étude des lois savent aussi que cette action faisait
naître une foule de procès scandaleux, dont la décision,
par la nature même
de
la d e m a n d e , était presque
nécessairement arbitraire.
L e C o d e garde le silence sur cette ac tio n , et de ce
que l ’article du projet q ui portait que la loi n ’admet
point la p r e u v e , que la disposition n ’a été faite que
par haine, colère, suggestion et cap tatio n, a été omise,
en faudrait-il
conclure que l ’action ab ir a to , do'ive
continuer d ’être
admise ? Bien
évidemment non :
puisque d ’ un côté, le Code permet les testamens ,|sans
permettre aux juges de créer d ’autres nullités que
celles qui existent dans la l o i , et que de l ’a u t r e , la loi
du
3o
ventôse an 12 abroge les coutumes q ui a u t o
risaient l ’action ab irato.
Dirait-on que celui dont les dispositions sont déter
minées par la haine et la colère, n’est pas sain d*esprit^
et que l ’article 901 exige celle co n d iti o n , po u r que la
�/Û
( 39 )
donation ou le testament soit valable? Mais doit-on y
en jurisprudence, rechercher la moralité des actions?
Le testament du célèbre lieutenant civil le Cam us,
fut annullé en 1712 , comme dicté par la haine et la
colère; qui aurait osé dire que ce magistrat, qui fu t ,
ju s q u ’à sa m o rt, l ’oracle le plus sûr de la justice, dans
la capitale du royaum e, n’était pas néanmoins sain
d ’esprit? On doit dire, avec M. Toullier, q u ’annuller
un testament, sous un prétexte aussi visiblement faux,
ce serait imiter les préteurs romains, q u i, dans l'im
puissance de faire des lois nouvelles, imaginèrent la
querelle d’inofiiciosité, sur le prétexte reconnu faux
par les jurisconsultes, que le testateur 11’était pas sain
d ’esprit.
pourrait-elle être
intentée? Appartiendrait-elle aux collatéraux, en fa
D ' a i l l e u r s , par q u i
c et t e ac t io n
veur de qui la loi ne fait point de réserve...? Faudraitil que les motifs de haine fussent écrits dans l ’acte ?
Quels caractères devraient avoir les faits, pour servir
de base à l ’action? De quelle manière la haine devraitelle être prouvéee— ?
Plus on réfléchira, plus on louera la sagesse du lé
gislateur, qui a écarté cette action de notre jurispru
dence (1).
Les arrêts des Cours sont conformes à ces idées. Trois
arrêts, l ’un du 3 i août 1810, de la Cour royale de
Limoges, l’autre du 16 janvier 1808, de la Cour royale
(1) Toullier, tome 5 , pages 7 1 4 et suiv.
�( 4o )
d ’A ix , et le troisième, du 2 5 juillet 18 16 , de la Cour
royale de L y o n , jugent uniformément que l ’action ah
irato n’est pas formellement conservée par le C o d e ,
q u ’elle ne peut être exercée que comme suite du prin
cipe q u ’il faut être sain d ’esprit pour disposer ; que la
disposition est valable, quoique faite par une personne
en c o l è r e si cet état ne lui a pas ôté la liberté d ’esprit
et atténué sa raison ; q u ’enfin , il faudrait que la haine
et la colère eussent été assez fortes pour occasionner
l ’aliénation des facultés intellectuelles du testateur (1).
Ces principes pourraient rendre inutile l ’examen
des faits. L e chevalier n ’avait autun droit à la succes
sion de son frère; e t , dans l ’ancienne jurisprudence,
1 action ab irato n ’ ét ai t admise cjii’cn f av eur des descendans en ligne directe (1).
D ’un autre côté,
le
testament ne laisse apercevoir aucun m otif de haine;
il est écrit avec sagesse; le chevalier Legroing n’y est
pas même nommé : comment
donc pourrait-il se
plaindre d ’un acte où le testateur ne s’est pas occupé
de lui ?
Mais le système d ’attaque, adopté par le chevalier
Legroing, repousse l’action q u ’il a intentée. Il a soutenu
que le comte avait une vive affection pour ClaudineFlavie Jouvainroux; c’est cette affection qui lui a fait
dire que Claudine-Flavie était la fille naturelle du
(i)Sir<*y, tome 10,
partie,page 5 a i ;torné i l , a* partie, page f\Qi ;
tome 17, a* partie, page i 3 .j.
(a)
Ricard, partie i r% cliap.
3,
section i 4 *
�comte; ce sont les preuves de cette affection, que le
chevalier voulait employer pour ôter à Claudine-Flavie
son état d ’enfant légitime. Les tribunaux ne peuvent*
point admettre ce genre de preuve, que la loi repousse;
mais les assertions du chevalier demeurent, pour ap-,
prendre que le comte avait pour Claudine-Flavie Une
préférence si marquée, q u ’il ne peut être permis de
s’étonner q u ’il ait voulu être son bienfaiteur.
Pourquoi donc chercher de la haine, là où il est
prouvé que l ’affection a dicté le testament ? Quelle est
la loi qui oblige de disposer en faveur d ’un parent in
différent, au préjudice de l ’étranger que l ’on préfère?
Comment serait-il perm is, sur-tout à un collatéral,
d ’outrager la mémoire d’un parent décédé, pour spo
lier l ’ héritière de son c h o i x ?
Mais encore il serait peu important que le testament
du comte eut été dicté par la haine, si elle avait été
conçue par le disposant lu i- m ê m e ,, et si elle était
fondée sur ses idées personnelles. Ce sentiment aurait
pu diriger sa volonté , sans que pour cela le chevalier
eût une action, parce q u ’en matière de testament, la
volonté assurée du disposant fait loi.
Si l'on supposait cette haine, qui oserait décider
qu ’elle fût injuste? qui oserait indiquer le caractère
q u ’elle devrait avoir, pour servir de base à.une action?
qui oserait enfin imposer à un testateur l ’obligation
de choisir, pour son héritier, celui q u ’il aurait sujet
de haïr?
Les faits ont appris que le
6
com te
et le chevalier son
�( 4a )
Irène devaient vivre dans une espèce d’éloignem etit;Le
niémoirè du chevalier donne les raisons qui pouvaient
légitimer la froideur du comte envers lu i; la différence
de lèivr conduite dans des tems difficiles; l ’entremise
du chevalier dans les affaires de la fam ille, pour de
venir le propriétaire des débris d ’une fortune, auxquels
lé comte croyait avoir des droits; une foule de nuances
q u ’ il ne peut être permis d ’indiquer : tout devait
l'aire désirer au comte de vivre éloigné de son frère.
Lorsque sa mémoire lui rappelait certaines circons
tances, il pouvait même se livrer U quelques emportemens:
1
.
,
s
^ Mills q u ’a de co m mu n cette haine avec Cl au d in e-
Flavie Jouvainroux? Ce n ’est point elle qui l ’a excitée;
on ne peut pas plus justement prétendre q u ’elle serait
** -
\f
'
l ’ouvrage de ses père et m ère, puisque le testament
qui institue Claudine-Flavie héritière du com te, ré
voque l ’institution fa ite , en 1807, en faveur de la
dame
Jouyainroux.
On
pourrait
donc
croire que
ce dernier testament a été fait non point en haine du
sieur chevalier"LegrQing, qui n ’avait pas un seul ins
tant été appelé à la sucqession de son frère, mais bien
en haine de celle que le comte
a v a it
honorée d ’une
institution, q u ’ uu changement d ’affection lui a ensuite
fait anéantir.
Q u e penser d ’ailleurs d ’une action ah ir a lo , intentée
contre un testament fait en 1 8 1 6 , et dont les causes
remonteraient à une époque antérieure à 1 8 0 7 ? ....
�( 43 )
JJi5Si l ’on examine les faits cotés par le chevalier,
quel eifet peuvent-ils produire?
Peut-on supposer que Françoise Boudon ait eu assea
d ’influence sur le, comte pour l ’éloigner de toute sa
fam ille?f
' •'
^ ■
Mais le chevalier convient, dans son mémoire, que
son frère avait eu des relations avec tous ses parens; il
convient q u ’il est accouru pour rendre ses devoirs à sa "
respectable mère , lorsqu’elle devint sérieusement ma
lade; q u ’il se montra’ pénétré, et donna des marques
de sensibilité dans ces dernières et touchantes en
trevues.
n ’est donc-point" contre sa famille q u ’il avait de
la haine : aussi la dame chanoinesse Legroing iie'se
plaint pas d ’avoir inspiré cet odieux sentiment à sou
frère.
•
L e décès de la dame Legroing mère est du 12 juillet
1 8 1 6 ; le testament est du 24 décembre suivant : il n ’a
donc eu lieu q u ’après une entrevufc assez touchante,
pour changer les intentions du com te, si sa volonté
n’eut été aussi ferme q u ’irrévocable.
Sous un autre point de v u e , de quelle importance
peuvent être les faits qui ont eu lieu en 1817 ? N ’est-il
pas insignifiant que le comte ait refusé *dé recevoir une
somme plus ou moins considérable des main s de Chantelot? q u ’il ait montré plus ou moins d ’impatience au
jurisconsulte qui lui présentait une quittance à signer?
tous ces faits seraient au moins personnels au testateur.
11 pouvait arriver que cette circonstance lui rappelât
�( 44 )
certains souvenirs peu favorables au chevalier; mais au
moins cette colère ne lui était inspirée par personne :
c ’était la
présence des intermédiaires
du
chevalier
qui l’excitait , et elle ne peut être regardée comme
suggérée par Jouvainroux ou son épouse. D ’ailleurs ces
faits étant postérieurs au testament et aux autres dis
positions du comte,
ne pourraient influer sur sa
validité.
Mais le chevalier n ’avait pu être admis auprès de
son frère! Une lettre écrite par lui n ’a point été-lue ;
elle n’a même pas été remise! Q u ’importerait à la
cause? Le sieur Legroing serait-il en état de prouver
que son frère désirait de le vo i r ; que les domestiques
s’étaient opposés à leur entrevue ; q u ’ils avaient sous
trait les lettres du chevalier, pour lui créer des torts
auprès de son frèré?
L e chevalier ne peut répondre affirmativement à
aucune de ces questions : tous ceux qui connaissaient
les deux frères savaient q u ’ils vivaient dans un éloi
gnement absolu, que le comte ne craignait point de
manifester. Les explications q u ’il a eues avec Chantelot
et le jurisconsulte chargé de la confiance du chevalier,
prouvent invinciblement que la présence de ce dernier
ne pouvait lui être agréable. Pourquoi donc rejeter
sur le compte de Jouvainroux et de sa femme la haine
dont il s’est plaint? Ces derniers devaient-ils faire vio
lence à la volonté de leur m aître, et le contraindre h
recevoir le chevalier, ou à lire ses lettres?...... Non; le
chevalier est réduit à se demander compte à lui-même
�( 45 )
d ’un sentiment dont les motifs lui sont connus. Il a
dédaigné l ’indifférence de son frère , tout le tems
q u ’elle n ’a pu lui être désavantageuse. Comment oset-il aujourd’ hui en faire reproche à sa mémoire, et
s’en créer un moyen pour arracher un bienfait q u i,
dans tous les cas, ne lui aurait été refusé, que parce
que le disposant l ’en aurait jugé indigne?
E n f a it , le testament du comte est une preuve de
son affection pour Claudine-Flavie ; il
ne montre
aucune haine contre le chevalier : son indifférence pour
lui a toujours été la même. Si le testament de 1816
est fait ab irato contre quelqu’un , c’est contre la
dame Jouvainroux.
du chevalier? Ce sentiment
est né des idées personnelles que le comte p o u v a i t avoir
sur son frère. Les faits qui peuvent l ’indiquer seraient
S e r a i t - i l fait on haine
postérieurs au testament. Ils ne peuvent donc influer
sur sa validité, ni être imputés à Jouvainroux et h
son épouse.
�I ( A V'
( 46 )
; . .
•
‘
L e testament et les actes r/ui l ’ ont suivi ont-ils été
arrachés p ar suggestion et captation ?—^L e chevalier
est-il recevable à proposer ces m oyens? — E xam en
des faits.
!
à
L a captation est l ’action de celui qui parvient II
s’emparer de la volonté d ’ un autre, à s’en rendre
m a ître , à la captiver ; elle s’opère par des démonstra
tions d ’attachement et d ’am itié, par des soins assidus*^
par des complaisances et des prévenances affectueuses,
des services, en un mot par tous les moyens qui peuvent
nous rendre agréables aux autres. L a captation . est
donc lcmaljle en cllc-meme j clic entretient l !umon
dans les familles et dans la société; elle ne peut être
vicieuse que par l ’intention, que par le but q u ’on sé
propose, et par l ’abus q u ’on en fait.
Aussi Furgole a-t-il remarqué que le mot captare ,
d ’où nous vient celui de captation , n ’était pas
toujours pris en mauvaise part ( i) . Dans le droit
romain, les institutions capta toires y étaient défendues;
mais cette prohibition ne concernait que les disposi
tions conditionnelles qui tendaient à s’attirer à soimême, ou ;i une autre personne, des libéralités de même
nature que celles que faisait le testateur; au reste, les
lois romaines permettaient des’atlirer des libéralités par
des caresses, des services, même par des prières (2).
(1) Fu rg o le , des T cs la mc n s , clxap. 5 , scct. 3 , n° 9.
(2) F ur gole , n° 19.
%
�/ û / b J è-j
( 47 )
L a suggestion suit la captation-, elle consiste en ce
que celui qui est parvenu à captiver la volonté d ’un
autr e, use de l ’ascendant q u ’il a pris sur son esprit, pour
lu i faire faire des dispositions q u ’il n ’aurait pas fa ite s,
s’il avait été abandonné à lui-même.
L e mot suggestion 3 qui vient du latin suggestio 3
et qui dérive du verbe suggerere 3 signifie proprement
avertir, inspirer, faire ressouvenir. Ainsi suggérer un
testament, c’est donc avertir, conseiller, persuader de
le faire (i).
L a suggestion par elle-même n’a rien de vicieux. Les
jurisconsultes romains, qui suivaient les austères prin
cipes d uP o rtique, n ’en tenaient pas moins pour maxime
q u ’il n ’est pas d é f e n d u de se
par des soins, des caresses, des
des prières (2).
des libéralités
c o mpl ai sanc es, et même
procurer
Cependant l ’on sait q u ’à Rome, plus que chez aucun
autre peuple, on abusait de la captation et de la sug
gestion; q u ’on en avait fait une sorte d’a r t, que culti
vaient avec fruit une foule d’ hommes méprisables ,
flétris du nom d ’ hére'dipètcs.
Mais comme la jurisprudence ne s’occupe que des
actions extérieures, et q u ’elle 11e doit ni rechercher,
ni juger rin tem ion des hommes, les viles pratiques des
(1) L a b b c , sur B cr r y, titre 18 , part. 8 , dit : « Suggerere cnim
est
« indicate, monerc. »
(2) F ur g ol c, ubi suprà, et n°
— Domat, 2e partie, Iiy. 3 , tit. 1 " ,
sect. 5 , u° a 5 , à la note ; et n° ^7.
�10** : ' ô .
1
( 48 )
hérédipètes n'étaient réprimées par aucune l o i , lors
q u ’on n ’avait à leur reprocher ni violence, ni dol, ni
surprise. On trouve même des lois formelles qui con
firment les dispositions provoquées par des soins, des
complaisances, et même des prières (i).
L e principe consacré par les lois romaines n ’est donc
pas douteux ; la suggestion et la captation simples
n ’entrainent point la nullité des dispositions testamen
taires, parce q u ’elles ne détruisent point la volonté du
testateur, à moins q u ’elles n ’aient le dol pour fon
dement.
Plusieurs coutumes de France proscrivaient les testamens faits par suggestion ; mais ce mot y était pris
par opposition à. l ’ a ct ion de dict er Çu) , c o m m e si 7 a u
moment de l ’acte, il y avait eu auprès du testateur
une personne qui lui suggérât les dispositions q u ’il
devait dicter; car ces coutumes exigeaient, comme le
Code civ il, que le testateur dictât son testament.
Bientôt quelques auteurs allèrent
plus loin , et
soutinrent que la captation et la suggestion, dégagées
de violences, de dol et de surprises, suffisaient pour
faire annuller les donations entre-vifsou testamentaires.
On
peut même dire que l ’ordonnance de i y 35 parut
favoriser cette opinion, q u a n d , après avoir ordonné,
sous peine de n u llité , l’observation des formes q u ’elle
prescrit, elle ajouta (article l\7) : « Sans préjudice des
( 3) Fnrgolc, ubi suprà, n° a 5 .
(1) Voyez Furgole cl le Nouveau Deni sai t, au mot Captation,
�C 49 )
IÛ
« autres moyens tirés de la suggestion ou de la capta^
« tion desdits actes ». Dès-lors il n ’y eut plus de règle
certaine;, ce moyen vague devint un prétexte pour at
taquer ^les testamens auxquels on n’avait à opposer
aucun yice réel ; et bientôt naquirent rune foule de
procès, scandaleux, dans lesquels des héritiers peu dé
licats
cherchaient
parens
i
* à flétrir la mémoire
1
I*de
/ leurs A
descendus dans la ]tombe, pour disputpij les dons q u ’ils
avaient faits à des.^légataires dont on ne manquait
jamais-def noircir , plus ou moins. gri^yement la répu
tation.
•
...•• i l; 1, {r jxr
.. . \j *%j ^ .il.
,
....
»
. Les .rédacteurs du projet du C od e-cjvil voulaient
prévenir ces abusjj;^ et .i}nr,article portait : « L a loi
« n’admet point la pr^uve^que la disposition n V é t ç
« fuite :<jue par , haine , ¡suggestion.! OU. captation. » ...
L e conseil d!Etat fut arrêté par la crainte d ’e n c o u
rager la cupidité. L ’article fut supprim é, mais avec
regret. i:«iLa ’ loi V 1 dit’ Forateur du Gouvernement ,
«' garde le silen ce'su r'lè défaut de 'liberté qui peut
« résulter de la suggestion et de la captation, et sur
« le vice d ’une volonté déterminée par là colère ou
« par la h a in e............. Peut-être vaudrait-il mieux ,
« pour Y intérêt g é n é r a l,r que cette source de procès
« ru in eu x et sca n d a leu x f û t ta rie, en déclarant que,
u ces causes de n u llité ne seraient pci s qçlm isesj mais
« alors la fr a u d e et les passions auraient cru »avoir
'
' ' -r '
•
a dans la loi même un titre d ’impunité. Les circons« tances peuvent être telles, que la v o lo n té de celui
disposé n 'a it, p a s é té libre ,, ou q u ’il ait
« qui a
7
�"
C
50 )
« été clolîiiné éntièrcnient par une passion injuste. »
L e m otif du silence de la loi prouve q u ’elle n 'au
torise point l ’action en nullité d ’un testament pour
cause de captation et de suggestion. L e Code exige
que lie tëstateui^ ait Tesprit sain , que sa volonté soit
lib r e , q u ’il n’ait pas été surpris où induit en errëUr:
cés principes sont fondés sur la raison^ Mais comment
la suggestion , qui rie consiste que dans la simple per
suasion tîégagée1 de fraude et de dol, pourrait-elle être
. un moyen ‘d'attaquer un acte? Détruit^élle la liberté,
lors même que les caresses et les prières seraient vive^,
pressantes et réitérées, et même importunés? Il n ’y a
que les moyens frauduleux: qui soient réprouvés par
la justice et lu morale j dans tous les attires V:as ‘ tbut
se réduit au point clé savoir si le testateur ¡n’était point
inibécille, ou si sa volonté tétait libre (r).
A in si, la captation et la suggestion nre pont pas, dans
notre d r o it , des ¡moyens différons du d o l, de la fraude
et de l ’erreur. La preuve n ’en peut être admise,, que
lorsque les faits tendent à prouver le dol* Ces1maximes sont célleâ de notre jurisprudence. Ôn
peut consulter lès arrêts rendus sur celle matière* on
y ven'a (pie la captation n’est cause de nullité d ’un
testament, qu'autan i q u ’elle est empreinte de d o l et
de fr a u d e / qu autant q u ’elle a tendu à tromper le
(r) Furgolc,'t<&i suprà, n° i S . — Mallevillc, torao a , p^go
�7èstctïeûr', et à 'anéànlir sa v o lo n té'( i j . j E lî s^écartant
rfe’ ces''principes-, ori retomberait nécessairement-dans
-l’arbitraire.
!
| e L
uJiipoùi’ être admis ti la'preuve d ’une suggestiou artb■ficieùsb, il faut encore poser des' faits précis j ’des faits
qui caractérisent des machinations, des artifices^ des
fourberies*, en un m ot, le dol et la fraude.
~ De simples présomptions, telles que celles que définit
l ’art. i 353 du C o d e , ne suffisent pas. On a déjà v u ,
"dans un arrêt de la'C o ur de cassation, du 18 novembre
1809^(2) , que l ’importance du. legs, l ’oubli de sa
"fam ille, la qualité1des légataires , qui les tenait perpé
tuellement attachés ‘à la personne du testateur1, en
qualité de domestiques, ne pouvaient être^une preuve
<que-le testateur ¡fût en c lémence, et que le .testament
lui eut-été artificieusement suggéré.
; ■
Mais la difficulté augmente , si l ’on veut prouver
la suggestion et la captation contre un testament
olographe. Tous les auteurs conviennent q^u’il çst, plus
difficile d’attaquer un testament olographe , q u ’un
testament notarié^ Dans /celui-ci on ne trouve, que la
s i g n a t u r e du testateur : c’est la.seule part, qiie l ’acte
prouve q u ’il y ait eue; le reste est une pr^spnrçtjlon. iy.e
. testament olographe, au co n tra ire ,.\est parUçuÎièvèWtiHt
et tout entier l ’ouvrage du testateur; iL pst ontit^ement
(1) Bruxelles, 21 ’avril 1808.— Si re y, 2* partie, pag. »46 el suiv.— •
Poitiers, 27 mai 1809. ■
— Si rey, , 1 81 0, a ” partie, pag. 23 et suiv.—
Agen , 18 juin 1812.— Si rey, tome
i rc partie, pag. 219.
�écrit’, -daté et . signé de sa main : ce f acte est consé»
quemment moins exposé aux surprises; et il est difficile
de supposer dans un homme faible d ’esp rit, ou qui
agit contre sa volonté, assez de patience, de docilité
et' de Soumission , pour écrire de sa main son testa
ment (i).
Aussi la forme olographe d ’un testament forme-t-elle
une fin de non-recevoir contre le reproche de sugges
tion et de captation.
Les auteurs les plus recommandables nous appren
nent q u ’il a passé comme maxime au palais, que les
faits de suggestion et de captation ne sont pas recevables contre les testamens olographes.
O n p e u t c onsult er le J o u rn a l d u P a l a i s d e P a r i s ,
itom. i er, pag. 907. — Ricard, part. 3 e, chap. i«r,
n° 49 * — B a rd e t, tom. 1 " , liv. 2 , chap. 67. —
Basnage, art. 7 3 , sur la coutume de Normandie. —
Soëfve, tom. i er, centurie 4 ? chap. 8 4 La jurisprudence nouvelle est aussi conforme h ces
maximes. L ’arrêt de la C our d ’A g e n , du 18 juillet
1812 , confirmé par arrêt de la C ou r de cassation,
du 6 janvier 1814 > a consacré, en principe, que la
fo r m e olographe d u testam ent, la survie du testateur
p en dan t un tems m o r a l, son éloignem ent et son in
d ifféren ce envers ses su cccssib le s , étaient autant de
présomptions exclusives de suggestion et de captation,
contre lesquelles elles élevaient une fin de non-recevoir.
[ ( 1 ) Œ u v re s de d’Agucsscau, lome 3 , page 3 6 8 .
�(
«3 )
Ces principe^ établis, le chevalier Legroing est-il
recevable à opposer (les moyens de suggestion et de
captation contre le testament de son frère?
Ce testament est olographe ; non seulement
il
est écrit en entier, daté et signé par le testateur, mais
encore toutes les pages en sont signées et numérotées -,
il est sous enveloppe et cacheté au sceau de armes du
comte : la suscription est écrite et signée par lui -, le
dépôt est aussi de son fait : tous ces caractères ne
sont-ils point autant de preuves de la liberté et de la
volonté du testateur ? ne détruisent-ils point à l ’avance
toutes les allégations du chevalier?
L e testateur a survécu pendant huit mois à son tes
tament. Cette survie n ’est-elle point encore une nou
velle p r e u v e de sa v ol onl d ? C h a q u e jo u r, chaque
moment n ’en sont-ils point une ratification s o le n n e lle ?
L e comte avait mille moyens pour changer ou dé
truire ses dispositions; il n ’en a employé aucun; il est
entouré de trois médecins et d ’une garde-malade; il
reçoit les consolations de la religion; pas un seul mot
de regret dans ses derniers instans; il ne manifeste
q u ’ u n e seule volonté, celle de
maintenir l'institution
d ’héritière faite en faveur de Claudine-Flavie Jouvainroux; q u ’un seul regret, celui de ne pouvoir lui
une fortune plus considérable.
Les avocats généraux les. plus célèbres, les oracles
de la justice et les docteurs, consacrent la survie du
tra n sm ettre
testateur pendant un teins moral, comme une fin de
non-reccvoir insurmontable : nu arrêt a même décidé
�q u ’ un espace de trois semaines était une présomption
qui devait faire rejeter la preuve ( i). :‘f
A insi, le simple silence du testateur*serait suffisant
pour faire rejeter les moyens de suggestion et de cap
tation; mais Claudine-Flavie peut encore prouver que
son bienfaiteur a persisté dans ses volontés d ’une ma
nière très-expresse. E n effet, la vente du 17 mai 1817
et les ordres des lettres de change sont autant d ’ap
probations du testament de 1816 : ces actes démontrent
aussi que la volonté et l ’intention du comte d ’exercer
ses libéralités envers tout autre qtie le chevalier, ont
été immuables; et il est impossible, depuis 18 0 7, de
t ro uve r
aient
un seul instant où les dispositions du comte
p a r u f a vor ab le s à sou frère.
Il importe peu que le testament olographe ne reçoive
de date que par le décès du te stateur, et que rien ne
prouve que le testament soit antérieur à la vente et
aux ordres: d ’abord ce moyen ne serait pas exact ,
puisque l ’acte de dépôt fait preuve de la date du tes
tam en t; mais le fut-il? il serait insignifiant. De quelque
manière q u ’on place ces actes, les conséquences sont
les mêmes; en effet, si la vente et les ordres sont an
térieurs au testa m en t, ils prouveront
que
l ’intention
du comte a toujours été d ’être libéral envers Claudine(1) Arrêts du parlement de Paris, du iG janvier 16G4; a 3 avril 1709.
Journal des Audiences, tome
, livre 3 , chapitre t\ . — To me 5 ,
partie a ” , livre 9 , chapitre 19.— Soëfvu, tome a , centurie a , clinp. 19.
Arrêts du parlement de Toulouse , 3 o août 1735 ; 11 septembre 1722 ;
ao aoûl 1726 , etc.
�(55)
'
fldvie Jouvainroux, et que son testament* n’est que
l ’accomplissement de sa volonté déjà manifestée; si,
au' contraire, ces actes sont postérieurs au testament,
ils en seront la ratification et l ’approbation la plus
complette.
xi Que l ’on se fixe actuellement sur la suggestion et
captation reprochées à Jouvainroux et à son épouse :
la plus légère ¡attention convaincra de la faiblesse et
de la nullité de ce moyen.
h
D ’abord , il était contre l ’intérêt de la mère de
suggérer ,un testament olographe qui anéantissait son
institution d ’héritier; si elle avait eu quelque influence
sur l ’esprit du. com te, elle s’en serait servie pour fixer
ses dispositions en sa faveur; si elle avait dicté le tes
t a m e n t olographe de 18 16 , il ne serait autre, chose
que la confirmation de celui du 18 avril 1807.
Le chevalier répond par un moyen d ’incapacité.
Suivant l u i, la mère de Claudine-Flavie Jouvainroux
vivait en concubinage ayçc le comte; depuis,.,qu’julle
était entrée k son service, elle ne( pouvait recevoir, de
lui : Claudine-Flavie Jouvainroux est donc la personne
interposée de sa mère incapable. .
j
.
M ais, d’une part, si l ’ancienne législation rejetait
les dispositions faites entre personnes qui avaient vécu
dans un commerce illicite; si on y tenait pour maxime
que don de concubin à concubine ne v a u t , il est cer
tain aujourd’hui que cette prohibition n’existe plus;
qu e, suivant l ’article 902 du Code, toutes ¡personnes
peuvent disposer et recevoir, excepté celles que la loi
�( S6 )
en déclare incapables. Gom m ent, avec un texte aussi
formel, les juges pourraient-ils, sans excéder leurs
pouvoirs, faire revivre une incapacité prononcée par
l ’ancienne loi? Plusieurs arrêts ont fixé la jurisprudence
sur ce point (i).
D ’un autre côté, comment proposer un pareil moyen
contre une épouse et une mère! La preuve d ’un pareil
fait blesserait à-la-fois la morale publique et la dignité
du mariage ; il est évident q u ’elle serait plus scanda
leuse que le fait lui-même.
Il n ’y a donc point d ’incapacité, conséquemment
point d ’interposition de personne; et l ’idée de concubi
comme celle de l ’illégitimité de la naissance de
Claudine-Flavie Jouvaiuroux ne restent « q u e pour
nage
« apprendre q u ’il ne faut pas confondre la captation
« qui inspire, par ruse ou par fraude, une volonté dif« férentedecellequ’auraiteueledisposant,quisubstitue
« une volonté étrangère à la sienne, avec le motif qui
« dirige une volonté qui lui est propre. Dans le pre« mier cas, la volonté est dirigée par le fait d ’autrui ;
« dans le second, il ne peut y avoir du fait d’autrui :
« c’est la volonté du disposant qui agit » (M. Grenier,
« Traité des donations).
Ainsi les moyens les plus puissans du chevalier se
( i ) Arrôt de la Cour île Tïlincs , du 29 tlicrinidor an i a . — Jurispru
dence du Code c i v i l , loinc S , page 198.
Arr6t de la Cour de T u r i n , du 9 juin 1 8 0 9 . — Voyez M. Grenier,
des D onation s, tome i ,T, p»g(,s 3q3 cl suiv.
�rétorquent contre lu i, et viennent l ’accabler. La loi
repousse la preuve des faits q u ’il allègue ; s’ils conservent
quelque vraisemblance, c’est pour manifester la vo
lonté' du testateur; prouver q u ’il n’a point agi par
le fait d ’autrui, mais bien par une détermination qui
lui était propre, et par des motifs dont la loi ne de
mande aucun compte.
Que reste-t-il donc au chevalier? Dira-t-il encore
que la dame Jouvainroux était toujours auprès de son
maître? que celui-ci était dans sa dépendance? q u ’elle
s’était emparée de tous ses biens et facultés?
Mais que signifient de pareilles imputations? Quels
sont les faits précis? les faits propres à caractériser les
machinations, les artifices, les fourberies, en un mot,
le tlol et la f raude <jue la loi a v o u l u réprimer? L e
chevalier ne cote pas un seul fait dont la preuve puisse
être ordonnée.
Toutes ces allégations seraient même insignifiantes,
si elles étaient prouvées. E n effet, le comte Legroing
était malade et infirme : il était naturel q u ’il désirât
la présence de ceux qui devaient lui accorder des soins;
et si le besoin de son service obligeait ses domestiques
à le laisser momentanément livré à lui-m êm e, il était
aussi convenable de fermer son appartement, pendant
ces courts instans, pour le soustraire à des visites que
son état de souffrance pouvait lui rendre importunes,
et lui éviter le désagrément d ’aller ouvrir aux étran
gers , ce que d ’ailleurs il était hors d’état de faire dans
J.a dernière année de sa vie.
�( 58 )
E n fin , la suggestion et la captation ne peuvent être
produites que par les prévenances et les conseils de la
personne que l ’on aime : elles ne sauraient être imputées
à celui qui n ’aurait ni la confiance, ni l ’amitié du
testateur au moment où il écrit ses dernières volontés.
O r , que l'on suive, dans le mémoire et les conclu
sions signifiées du chevalier, l ’état de l ’in térieu r; du
comte.
Jouvainroux nravait aucune influence sur l ’esprit de
son maître; le comte le tenait éloigné de lui : il man
geait à la cuisine.
L a femme, depuis son mariage, méconnaissait son
état; elle s’était fait des sociétés nouvelles; elle négli
geait son maî t re , le laissait dans u n é t a t d ’a b a n d o n ,
faisait des dettes, excitait enfin sa mauvaise h u m eu r,
qui se manifestaiti fréquemment par des imprécations
énergiques et souvent répétées.
Claudine-Flavie Jouvainroux, au contraire , était
l robjet de toutes les caresses du comte. Sa tendresse
pour cette enfant était si grande, q u ’une prière, une
prévenance de Flavie pouvaient appaiser sa colère, et
que le chevalier n’a pu la dépeindre, q u ’en la compa
rant aux effets de la tendresse paternelle.
Si la captation e f l a suggestion ont été pratiquées, il
serait dès-lors évident q u ’elles ne peuvent être imputées
à Jouvainroux et à son épouse. L 'u n avait toujours été
indifférent au comte; rautre s’était attiré sa haine. L e
comte lui donnait même des preuves de son ressenti
m e n t, en anéantissant le testament q u ’il avait fait en
�¡ ( ù 'k ?
(i 59 )'
¡¿a laveur.
L ’auteur dé ces manœuvres serait donc
Claudine-Flavie Jouvainroux!...... Son jeune âge inté
ressait le comte : les caresses, les tendres soins del ’enfant soulageaient les douleurs du vieillard. Les empressemens de Claudine-Flavie ne pouvaient ressembler
aux démonstrations d ’ une amitié feinte; ses complai
sances n’avaient point un sordide intérêt pour mobile
la récompense q u ’elle en a reçue doit donc être sacrée
pour les tribunaux. La religion, la morale et la loi se
réunissent pour approuver et faire respecter le testa
ment du comte Legroing.
* Il faut dire un mot de la violence prétendue exercée'
sur la personne du testateur.
Les principes sont simples. Des excès réels , de
mauvais traitemens , la soustraction des a l imens ou
*
des services au testateur malade, la menace même de
le laisser sans alimens ou sans service , ou d ’user
d ’excès réels sur sa personne , pourraient être des
raisons suffisantes pour annuller un testament.
Mais il faudrait que la violence fût intervenue
et que les faits propres
& la prouver fussent articulés; car elle ne doit pas être
avan t
la
faction
du t e st a m e n t
,
présumée (i).
E n fait : les reproches du chevalier sont dénués de
vraisemblance. On supposera difficilement que la fierte
de caractère du comte se fût abaissée jusqu’au point
de souffrir de mauvais traitemens de la part de ses
I
(1) F u rg o lc , l'e s t. , cliap. 6 , scct. i ” , n°* 4 > 5 , 6 , 8 çt io.
í-l¿}
�11^
1
( 6o
gens. Il n ’est pas plus possible de croire que Jouvainr o u x , que l ’on se plaît à peindre comme un homme
a d ro it, ru sé, dissim ulé, ne perdant ja m a is de vu e
son o b jet, ait essayé de l ’atteindre en employant la
violence.
E t où aurait-elle été pratiquée? A Clerm ont! dans
une ville populeuse, dans une maison où habitaient
d ’autres locataires!
Dans quel t e m s P A p R È s
du
te sta te u r
!
le
testam en t
, ju sq u ’a u décès
Ainsi Jouvainroux et sa femme auraient
cherché à anéantir, par la violence, une disposition
q u ’ils s’étaient attirée par la suggestion et la cap
tation !
T out ce système est inconcevable; il n ’y a point
eu de violence, puisque , d ’après le chevalier luiméme, loin d ’être une cause impulsive du testament,
elle aurait été exercée dans un tems où elle ne pou
vait avoir d ’autre objet que d ’en provoquer la révo
cation ; et si elle eût existé, elle prouverait plus
fortement
encore l ’attachement que le comte avait
pour Claudine-Flavie Jouvainroux, puisqu’il aurait
persisté dans ses dispositions bienfaisantes, malgré les
justes motifs de plainte q u ’il pouvait avoir contre les
père et mère de sa légataire.
Mais toutes ces imputations ne sont qu'un roman
monstrueux, odieux, enfant de l ’imagination du che
valier. Le comte a reçu, tous les secours et toutes les
consolations que son état pouvait exiger : les souilrànces
ont pu lui arracher quelques cris de douleur; des voi-
�( 61 )'
éîns, la police même ont bien pu s’introduire dans son
domicile : q u ’y a-t-on vu ? le m alade dans les bras
de ses dom estiques, q u i le caressent, le d ésh a b illen t,
et prennent les p lu s grandes précautions p o u r soulager
ses m a u x ........ I ( i )
Il faut terminer :
i
• i
Claudine-FlavieJouvainrouxaremplila tâche q u ’elle
s’était imposée.
■
>
Elle était capable de recevoir, et ne doit point être
regardée comme la personne interposée de ses père et
m ère, puisqu’on ne peut leur reprocher à eux-mêmes
aucune espèce d ’incapacité.
Le comte, de son côté, était capable de disposer;
s o n t e s t a m e n t a é t é d i c t é par 1’afïection ; aucune trace
de haine ne s’y fait remarquer ; lors même q ù ’il au
rait eu de l ’éloignement pour son frère, ce ne pourrait
être un m otif pour annuller ses dispositions.
Les faits de suggestion, de captation et de violence
sont dénués de vraisemblance; ils sont vagues et insignifians; ils sont même détruits par les aveux du che
valier : en point de d ro it, la preuve en est inadmis
sible.
Que peut donc espérer le chevalier Legroing?.........
Fallait-il outrager la mémoire de son
frère
? Essayer
d anéantir 1 état d u n j eu ne enfant? Se montrer si peu
difficile dans le choix de ses moyens, pour n’en obtenir
aucun résultat ? Convenait-il sur-tout de descendre
( i) Mémoire du chevalier, page 1 5 .
' v
1,1
�(6 2 )
jusqu’à la calomnie pour capter la fa v e u r ,e t inspirer
un intérêt qui devait si .promptement être remplacé
par la plus juste indignation:
...
L e chevalier s’est abusé; il s’est même exposé à de
justes représailles; mais la légataire d u co m te . doit.
oublier que le chevalier n’a respecté n i son âge, ni sa
faiblesse. Son devoir est. de consoler ses parens des
chagrins q u ’ils ont éprouvés, et dont elle est la cause
innocente.
E lle attendra d o n c , avec confiance et respect,
l ’arrêt qui doit statuer sur ses plus chers intérêts;
mais il peut lui être permis de désirer que le chevalier
n e sente jamais que les faiblesses, produites par l’ambi
tion et l ’avidité des richesses , peuvent quelquefois
avilir et dégrader un homme d ’honneur; et que les
excès auxquels peuvent entraîner c e s p assions ne
sauraient, en aucun tems, trouver d ’excuse auprès des
hommes qui ont quelques vertus ou quelque générosité
dans le caractère.
'
‘
J u lie n
J O U V A IN R O U X .
Jn - C h . B A Y L E ain é, ancien A vocat.
B R E S C H A R D , A vo u é.
RIOM, IMPRIMERIE DE SALLES, PRÈS LE PALAIS DE JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jouvainroux, Julien. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Breschard
Subject
The topic of the resource
testaments
abus de faiblesse
domestiques
servante-maîtresse
enfants naturels
créances
séquestration
mobilier
maltraitance
émigrés
ordre Saint-Jean de Jérusalem
fraudes
fisc
inventaires
lettres de change
doctrine
nullité du testament
captation d'héritage
testament olographe
jurisprudence
concubinage
legs universels
egyptologie
code civil
bedeau
vie intellectuelle
garde-malade
atteintes aux bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Julien Jouvainroux, propriétaire, en qualité de père et légitime administrateur de Claudine Favie Jouvainroux, sa fille, intimé ; contre le sieur Louis Legroing, chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, appelant.
Table Godemel : ab irato : 2. l’action ab irato contre les testaments est-elle admise par le code civil ? peut-elle appartenir à l’héritier collatéral ? Etat (question d') : 3. l’héritier du sang a-t-il le droit, pour prouver l’interposition de personne, de rechercher si le légataire, qui a dans une famille le titre et possession d’état d’enfant légitime, est, ou non, l’enfant naturel du disposant, surtout, lorsque cette recherche conduirait à la preuve d’un commerce adultère ? Sanité d'esprit : d’après quels principes se résout la question de savoir si le testateur était sain d’esprit ? Suggestion : La suggestion et captation sont-elles moyens de nullité pour la législation actuelle ? peuvent-elles être opposées contre un testament olographe ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1807-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2431
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2429
BCU_Factums_G2430
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53485/BCU_Factums_G2431.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Biozat (03030)
Fontnoble (terre de)
La Roche-Blanche (63302)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
atteintes aux bonnes mœurs
bedeau
captation d'héritage
Code civil
concubinage
Créances
doctrine
domestiques
egyptologie
émigrés
enfants naturels
fisc
fraudes
garde-malade
inventaires
jurisprudence
legs universels
lettres de change
maltraitance
mobilier
nullité du testament
ordre Saint-jean de Jérusalem
séquestration
servante-maîtresse
Testament olographe
testaments
vie intellectuelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53482/BCU_Factums_G2428.pdf
ec829954436d5f72046b7c0b92223edd
PDF Text
Text
CONCLUSIONS
M O T IV É E S,
P O U R le Sieur A R O S B E R G , Marquis de S T R A D A ,
I n t i m é , et incidemment A p p e l a n t;
C O N T R E le Sieur J
ean
G R A N C H I E R , ancien
Receveur des C o n sig n a tio n s, à R i o m , A p p e la n t;
E t contre Les H éritiers R E Y N A R D et N A L L E T
a u ss i appelans.
A T T E N D U q u’il est c e r ta i n , en fa it , que le 24 janvier
1 7 9 1 , le sieur de Saincy a consigné ch ez le sieur Granc h i e r , re c eveu r des consignations, à R i o m , la som m e
de
36 1,856
francs, provenant de la terre de B rialles,
ve ndu e par le sieur M a r c - A n t o i n e de Strada, et dont
le prix devait être distribué à ses créanciers;
Q u ’il
est également
c e r tain que les R e y n a r d et
N a l l e t , créanciers opposans du sieur de Strada, ont re-
�( 2 )
tiré de la caisse du receveur des co n sig n a tio n s} le 29
mai 1 7 9 1 , la somme de i
35,ooo
francs, à compte de
celles qui leur étaient adjugées contre le sieur de Strada,
par
différentes sentences delà sénéchaussée d’ A u vergne,
et pour lesquelles ils devaient être colloqués dans l’ordre
qui devait être fait, avec les autres créanciers,d e s de
niers provenans de la vente de La terre de B r ia lle s ,.
Laquelle somme Us promettent fa ire allouer au sieur
G ranchier ;
A t ten d u que les expressions de cet act e, prises iso
l é m e n t ou réunies aux aveux, faits .par le sieur G ran chie r, dans son interrogatoire sur faits et articles, du
9 mars 1811, p r o u v e n t :
i° Q ue les 1
35,000
francs retirés par les héritiers
Rej^nard et Nallet, le 29 mars 1 79 1, provenaient de la
consignation faite par le sieur _de S a in c y , le 24 janvier
même année;
20 Qu e cette somme avait été retirée par les héritiersR e y n a rd et Nallet, en qualité de créanciers du sieur
de Strada, et donnée par le sieur Granchier en sa qua
lité de receveur dps consignations ;
-
3° Que cette somme était en
t
à-com pte de celles que
les héritiers R e y n a r d et Nallet avaientdq droit .d’exiger
du sieur de Strada , et pour lesquelles ils devaient être
colloqués sur les. deniers, provenans de la terre de
Brialles ; •.
• 4 <T Q u e les héritiers R e yn a rd et Nallet s’é.laient en
gagés à faire, allouer au sieur Granchier les i
35;ooo
fr.
�C 3 )
sur la consignation appartenant au sieur de Strada, et
à laquelle ils avaient droit c o m m e créanciers;
A tte n du dès-lors que les termes et les conditions de
l ’acte du 29 mai 1 7 9 1 , ne laissent aucun d o u t e , ni
sur la qualification q u ’il doit recevoir, ni sur les effets
q u ’il doit produire, et q u ’il est é v i d e m m e n t une q u it
tance à compte des i
35,ooo
francs, donnée au sieur
G ra n ch ie r, rec eve u r des consignations, par des créan
ciers ayant droit à la somme consignée ;
At te ndu que cet acte a été reconnu c o m m e quittance
par les héritiers R e y n a r d et N a l l e t , q u i , après avoir
fait fixer, par jugement du 16 pluviôse an
5 , 1a
tota
lité de leurs créances à 14 2,314 francs, avaient pris,
en l ’an 7 , une inscription contre le sieur de Strada,
de la somme de 7 à 8000 francs, faisant la différence
approximative des 1 4 2 , 3 1 4 francs, que les héritiers
R e y n a r d et Nallet prétendaient avoir le droit d ’exiger
du sieur de Strada, aux 1
35,000 fr. qu’ils avaient
reçus
du sieur G ra n c h ie r, suivant l ’acte du 29 mai 1 7 9 1 ;
Que si , postér ieu reme nt, cette inscription a été
portée à 96,612 francs, c ’est par suite du projet conçu
par le sieur Granchier, adopté par les héritiers R e y n a r d
et Nallet, et exéc uté par les uns et par les autres, de
cacher au sieur marquis de Strada la quittance de 1 7 9 1 ,
dont il ne pouvait avoir aucune connaissance; que la
certitude de ce point de fait résulte, i° de la corres
pondance du sieur Granchier avec l’un des héritiers
R e y n a r d et Nallet 5 20 de ce que le bordereau d’ins
�(4 )
cription qui fixe la créance de ces derniers à 96,612 f r . ,
est en entier écrit de la main du sieur Grancliier 5
A t t e n d u q u e , de son c ô t é , le sieur Grancliier a re
connu et accépté l ’acte du 29 m ai 1791 c o m m e quit
tance j
Q u ’assigné, en 1808, par le sieur de Strada, pour
rendre com pt e de la consignation S a i n c y , il a , par
exploits des
3 et
17 nove m bre 1809, appelé les h é ri
tiers R e y n a rd et Nallet en assistance de cause, pour
fa ir e Leur déclaration de La somme quiLs avaient reçue
sur La co n sig n a tio n , la lui faire a l l o u e r ou
r estitu er
;
qu'après s'être départi de cette dem ande , le
27 février i 8 i i j il a , dans u n interrogatoire sur faits
Attendu
et articles,, du
5 mars
prêté 1
francs aux R e y n a rd et N a lle t , s ’ an
35,ooo
môme a n n é e , avoué qu’il avait
n on çan t comme créanciers ; que ce prêt fut fait
TONDS A
VALOIR,
des
quiL pourrait se retenir sur Leurs
créances, Lorsqu'on procéderait à Cordre j que les h é
ritiers lui ont fourni un récépissé j que ce prêt fut fait
en assignats,
tels
que
le
répondant
les
a v a it
REÇUS 5"
Q u ’il ajoute ensuite que les sieurs:R.eynard et Nallet
n ’ayant été colloqués que pour 7 3,7 61 francs, par 1«
jugeme nt du i er thermidor an 2, il s’est retenu celte
som m e en ses mains, en diminution de la somme
p r ê t é e , et que les R e yn ard sont restés ses débiteurs
de 61 ,2 3 9 fr* »
Que ce récépissé ne peut être considéré c o m m e pièce
com p ta b le , et doit être regardé c o m m e un effet de
�particulier à particulier, q u i f u t f a i t alors d a n s les
form es que Les Lois autorisaient ;
A tte n d u qu’ un ju gem ent du 2
3
août 1 8 1 1 a y a n t
ordonné que le sieur G ranchier serait interrogé sur
les termes du récépissé dont il venait de reconnaître
l’e x i s t e n c e , ce dernier a judiciairement indiqué au
sieur marquis de Stra da , c o m m e dépositaire d e l à quit
tance du 29 mai 1 79 1, un jurisconsulte de R i o m , frère
de l ’un des héritiers R e y n a rd et Nallet, et q u ’il a m ê m e
donné copie certifiée de cet acte ;
Attendu que l’impossibilité où était le sieur G r a n cliier de rendre son compte au sieur de Slrada , liors
la présence des héritiers R e y n a r d et N a l l e t , et sans
la quittance de 1 7 9 1 , qui était sa seule pièce c o m p
ta b l e , l ’a mis dans la nécessité de renou veler la de
mande des
3
et 17 no vem b re 1809, et d’appeler, par
exploit du 20 mai 1812, les sieurs R e y n a r d et Nallet
en assistance de cause, à l ’effet de remettre les pièces
ju stifica tiv es de Leur collocation , et donner quittance j
que cette demande a él é jointe à celle principale',
form ée par le sieur de Strada contre G ran clii er, à la
requê te de ce dernier 3
A tte n du que des a ve ux aussi positifs rendent aujour
d ’h u i , soit les R e y n a rd et Nallet, soit le sieur G r a n
chier, non recevables à faire considérer l’acte du 29
mai 1791 c o m m e un billet contenant obligation, de la
part de R e yn a rd et Nallet , h G ra n ch ie r, et que cette
idée n’est vraie q u ’autant q u ’elle se restreint h la pro_
messe faite par les sieurs R e y n a r d et N a l l e t , de faire
�( 6 }
allouer
au sieur Granchier la quittance de
1791
c o m m e pièce c o m p ta b le ;
J
A t te n d u que 'le sieur Granchie r est obligé de re
connaître que la quittance du 29 mai 1 7 9 1 , est sa
pièce comptable pour la so mme de 7 3,7 6 1 fr., montant
d el à collocation contenue au jugement du
I er
thermidor
an 2 , en fa v e u r des héritiers R e y n a r d et Nallet ; q u ’il
n ’y a aucune raison pour diviser cet a c t e , et en faire
tout à la fois en fa ve ur du sieur Granchier, une quittance
contre le sieur de Strada, et un billet contre les héritiers
R e y n a r d e t N a l I e t ; q u ’au contraire, l’a c t e d u 2 9 m a i 1791
doit conserver son caractère de quittance pour la
somme entière de i
,ooo francs, puisque d’ une part
35
elle a été versée en ent ier entreles mains des créanciers
du sieur de Strada, qui l'ont reçue ave c la charge de la
faire allouer sur les collocations q u’ils pourraient o b teuir, et que de l’autre il est irrévocablement reconnu
par le
sieur Granchier
q ue les 1
35,000 fr. provenaient
de la consignation Saincy, et appartenaient au sieur
de Strada.
Atte nd u que le sieur de Strada, en allouant
cette
quittance au sieur G ra n ch ie r, a le droit de s’en e m
p a r e r, puisqu’elle porte sur des capitaux reconnus lui
appartenir, et que dans cet acte y ayant stipulation
au profit du sieur de Strada, de la condition que les
1 35,ooo francs étaient donnés et reçus à la charge de
les tenir à co m pte sur ce qui qui était dû aux R e y n a r d
et .Nallet, par le sieur de Strada, la stipulation
de
l’engagem ent contracté par les R e y n a r d et N allet, de
�(
7
>
faire allouer cette so m m e au sieur Granchie r, étant
dépendante de cette c o n d i t i o n , l’acte du 29 mai 1 7 9 1
devient co m m u n au sieur de Strada, qui a déclaré
vouloir en profiter, déclaration qui s’oppose à ce que
soit le sieur G ran ch ie r, soit les héritiers R e y n a rd et
N a i l e t , puissent'révoquer les stipulations qui y sont
contenues, et dont ils sont les auteurs (C od . civ. 1 1 2 1 ) ;
Atte nd u que lorsqu’il serait vrai q u ’à l’époque ou
les fonds ont été retirés par les sieurs R e y n a r d et Nailet,
des mains du sieur G r a n c h i e r , ce dernier se serait
contenté de billets ou de lettres de c h a n g e , la novation
qui aurait eu l i e u , et la confusion qui se serait faite
de ces effets, dans la quittance du 24 mai 1 7 9 1 , n’ en
devrait pas moins profiter au sieur marquis de Strada,
puisqu’en rappelant l’origine des fonds reçus par les
héritiers R e yn a rd et Nailet, elle avait pour objet de
les faire imputer sur la consignation Sa in c y, et de
mettre le s i e u r G r a n c h i e r à l ’abridu d a n g e r q u ’il pouvait
courir, résultant de la résistance q u’il avait mise à
exécuterles lois qui supprimaient sa charge,et à remplir
les obligations qui lui étaient imposées;
Atte ndu que le sieur de Slrada étant reconnu pour
le propriétairè des fonds, il serait indifférent que l’acte
de 17 9 1 fut considéré c o m m e q uittan ce , ou c o m m e
billet. Qu e c o m m e q u it tan ce , cet acte étant pièce
comptable en faveur de Granchie r, le sieur de Slradaserait créancier des héritiers R e y n a r d et Nailet ; que
c o m m e simple billet, les héritiers
seraient
Reynard
et Nailet
débiteurs de G ra nch ie r; mais que dans ce
�(
8
)
dernier ca s, le sieur de Strada ayant droit à un compte,
et l’ayant d em an d é, les héritiers R e y n a rd et Nallet
d evan t, aux fermes de l ’acte de 1 7 9 1 , et de la demande
du sieur Granchier, se réunir à lui pour le rendre et
faire allouer les sommes par e u x reçues, le sieur de Strada,
oya nt c o m p t e , aurait toujours la faculté de reprendre
les fonds convenus provenir de sa co n sig n a tio n , en
quelques mains q u ’ ils se trouvassent ;
A tte n du que le sieur Granchie r ne pourrait se pré
valoir de la faculté
qui lui était accordée par les
édits, de placer les fonds consignés, q u ’autant q u ’il
prouverait qu'il les a remplacés dans l’intérêt du
sieur de Strada, et qu’il les a em ployés h payer les créan
ciers de ce dernier; mais qu’il est au contraire établi
que le sieur Granchier, bien loin de remplacer ces fonds,
bien loin de
les em plo ye r dans l’intérêt du
sieur
de Strada, n’a fait aucun versement dans la caisse du
district, co nform ém ent à la loi du
23 septembre 1793,
et q u ’il serait hors d’état de rendre son c o m p t e , si l’on
rejeltait la quittance de 17 9 1 ;
Atten du que le s}'stème du sieur Granchier est fondé
sur celte i d é e , que les capitaux compris dans la quit
tance du 29 mai 1 7 9 1 , reconnus appartenir au sieur
d e S tra d a , auraient pu périr pour le propriétaire, tandis
q u ’ils auraient été conservés pour le rec eveur 011 dépo
sitaire, et auraient formé en sa faveur une créance q u ’il
aurait aujourd’hui le droit de réclamer au détriment
de celui auquel ces capitaux appartiennent ;
A tte n du que celte prétention si contraire à la justico
�(
9 )
et à l'hon nête té, fait de plus fort sentir la nécessité de
conserver à l’ucte du 2 9 mai 1 7 9 1 , les effets que le
sieur Granchier et les héritiers R e y n a rd et Nallet'ont
voulu lui faire produire lors de sa rédaction ;
Attendu q u ’il ne peut plus être question, en consi
dérant l’acte de 1 7 9 1 , c o m m e une pièce comptable
en faveur du sieur G ra nch ie r, que d ’examiner quel
effet il doit produire, soit sur la demande en reddition
de compte formée p a r le sieur marquis deStrada, contre
ledit Granchier,soit sur celle en restitution aussi intentée
p a r l e sieur de Strada, contre les R e y n a rd et Nallet.
E n ce qui touche la demande intentée contre
sieur G ran chier:
le
¿3
At te ndu que la loi du
septembre 1 7 9 3 , en sup
primant définitivement les offices de receveurs des
consignations, en avait attribué les fonctions aux re
ceveurs de district; que cette loi, en ordonnant le
versement des consignations dans les caisses de district,
a prescrit le mode de ce v e r s e m e n t , les conditions essen
tielles de Létat que devaient former les receveurs des
consignations supprimés, des sommes dont ils faisaient
le d é p ô t, les reconnaissances que devaient leur délivrer
les receveurs de district, et le mode des restitutions des
sommes consignées;
At te ndu que cette loi était promulguée et e x é c u
toire au
I er
thermidor an
2
3
( o juillet 179 4), date du
ju geme nt de collocation; q u a cette é p o q u e , le sieur
Granchier devait l’avoir e x é c u t é e , et q u e , dans les
termes de la loi, il n'avait plus qualité pour recevoir,
�( ÏO )
retenir ou conserver aucun dépôt judiciaire; que conséquemment le jugement de ihermidor an 2, en ac
cordant un sursis de deux mois pour faire liquider les
articles incertains de la créance R e y n a r d et N a l l e t , et
en ordonnant q u e , pour y iaire face, une som m e de
107,240 francs demeurerait en dépôt entre les mains
du receveur des consignations, n ’a pu et voulu indi
quer que le receveu r reconnu par la loi , c’est-à-dire
le rec ev eu r de district, entre les mains duquel le sieur
Grancliier était censé avoir fait remise des londs con
signés dans sa caisse ;
Attendu que le sieur Grancliier reconnaît q u’à celte
é p o q u e il n’avait fait aucun versement ; que? posté
r ieure m en t, il n’y a eu aucune remise de sa part, au
r ec ev eu r de district, de la som m e de 107,240 francs,
qui devait dem eurer en d é p ô t , aux termes du juge
ment du Ier thermidor an 2; que m ê m e .cet le remise
était impossible, puisque, de l’aveu du sieur Grancliier,
la!plus grande partie de ce lle somme était entre les
mains des héritiers R e y n a rd et Nallet;
A tte ndu que le seul versement qu'ait fait le sieur
Grancliier, est d’ une so m m e de 62,000 fr. en assignats,
q u’ il a déclaré lui resler de la consignation faite par
Gilbert S a i n c y , o a des consignations postérieuresj que
la quittance informe qu il rapporte du receveur du
district, sous kl date du
3
prairial an
3,
n ’indique ni
Ip nature des assignais déposés, ni les propriétaires des
f< nds, ni les so.nnies apprirUjn;mtes a chacun d’e u x ;
q u ’il (.st ainsi évident q u e c ? versement tardif, irrégulier,
�( II )
et
en tous les points contraire aux dispositions de
l ’article 8 de la loi du z
3
septembre 17 g'è, né peut
être opposé par le sieur Granchier au sieur marquis
de Slrada ;
Attendu que le sieur Granc hie r n ’ayant satisfait a
aucune des obligations qui lui étaient imposées par là
lo i, n’ayant fait aucun versement ré g u l ie r , n’a y a n t
présenté aucun c o m p t e , a y a n t , au contraire, négligé
avec affectation, et da n s ses in tétêts, de se-soumettré
aux formalités et aux règles qui pouvaient assurer sa
libération, et 1 affranchir de la responsabililé attachée
à la place de rec eveur des consignations,, d e v r a i t ,
con fo rm ém en t aux dispositions des lois des
5
5
3o pluviôse
an
et
nivôse an 7 , rendre com pt e de la valeur
léelle de la consignalion au m oment où elle a été faite}
c ’est-à-dire au 24 janvier 1 7 9 1 ; que cette mesure
pourrait être adoptée ave c d’autant plus de raison, que
le sieur G ran ch ie r, avouant avoir placé les fonds con
signés, et les avoir fait valoir à son profit, devait seul
supporter les pertes qui auraient pu arriver; que dans
ce c o m p t e , le sieur marquis de Strada n ’aurait pu être
tenu de lui allouer que la quittance de 1
et celles des ^sommes qu'il aurait
35,000 francs,
payées à d ’autres
créanciers colloqués ;
Attendu que le sieur marquis de Strada, pour éviter
les longueurs d’ un co m pte aussi difficile à faire,à préféré
adopter celui présenté par le sieur Granchier, et par
lequel il se reconnaît l u i- m êm e débiteur de la somme
de 42,929 francs.
�( 12 )
A tte n du que le sieur Grancliier ne peut raisonna
b le ment soutenir que ces 42,929 francs ont été dé
monétisés dans sa caisse, au préjudice du sieur marquis
de Strada; que ce dernier n’a aucune action à exercer
contre lui pour cet objet, et ne peut avoir que la
faculté de se présenter à son bureau, pour y retirer
ces assignats démonétisés;
Q u e cette objection se détruit, i° par la déclaration
faite par le sieur Granchier, q u’il avait usé de la faculté
que lui donnait sa charge de placer les fonds des con
signations; 20 par l’impossibilité où le sieur Granchier
s’ est toujours tr ouv é de représenter ces 4 2 , 9 2 9 francs
d’assignats à face royale de l’émission de 1 7 9 1 ; ° enfin
3
par le versement qu’ il a fait dans la caisse du receveur
dudistricl, le
3 prairial an 3 , de la somme de 62,000 fr.
q u’il a déclaré lui
rester
de la consignation Saincy,
ou des consignations postérieures; que ce versement
prouve q u ’il n’avait rien de plus dans sa caisse que
ces 62,000 francs, et q u’ainsi il est aujourd’hui inad
missible à prétendre q u’ il y avait conservé 42,9 29 fr.
d ’assignats démonétisés , à face royale.
E n ce qui louche la demande en restitution fo rm ée
p a r l e ' sieur marquis de Str ada , contre les héritiers
R e y n a r d et Nallet :
.
8 5
Atte ndu q u ’au 11 avril i o , époque du traité entre
M e Joseph P a g è s , agissant tant pour lui que pour ses
cohéritiers, et le sieur marquis de Strada, ce dernier
ignorait absolument l’existence de la quittance du 29
mai 179 1 ; q u ’ il est constant dans la cause que q ue l-
�(
*3
)
qùes-unes des stipulations qui en font l’ob je t, n'ont
été connues du sieur de Slrada que lors de l’inlerrogatoire prêté par le sieur Granchier, le 5 mars 1 8 1 1 ,
et que copie de cet acte ne lui a été donnée ave c in
dication du dépositaire de la m in u t e, que dans le cou
rant d ’a o û t , m êm e année.
" A t t e n d u que soit le sieur G ra nch ie r, soit les héritiers
R e y n a rd et Nallet, ont fait tous leurs efforts pour dissi
muler cette quittance au sieur de Strada,et le maintenir
dans l’idée qu’il était débiteur des R e y n a r d et N a l l e t 5
que ces derniers, après avoir pris en l ’an 7 , une insc r i p l i o n d e 7 a 8000 francs, Conformément à la quittance
de 1 7 9 1 , ont consenti à ce que le sieur Granchie r la
reclifiiit en leur n o m , et la portât dans un bordere au
d ’inscription du 27prairialan 7 , à la somme de 96,61 2 f.;
que le sieur de Strada leur ayant demandé la main
l e v é e de ces inscriptions, ils ont déclaré à la ju s ti ce,
le 21 ventôse an i
3 , q u ’ils
n ’avaient rien touché du,
m ontant de Leur co llo ca tion , ce qui força le tribunal
de Clermont a ordonner, a v a n tJa ire d r o it, que le re
ceveur des consignations serait m is en cause; q u e ,
dans cette position, le sieur de Slrada dèvait penser
que les héritiers R e y n a r d et Nallet étaient encore ses
créanciers, et qu’il n’avait l u i - m ê m e q u’ une action
en reddition de co m pte à
Granchier;
intenter contre le sieur
»
A tte n d u que les liéritiers-Reynard et Nallet..avaient
au contraire une connaissance pal-faite de la so m m e
�( i
4
)
à c o m p t e , qui avait été retirée par leur p è r e , de la
recette des consignations, le 29 mai 1791 ; que l’acte
qui constatait ceipaiement, leur était connu avec toutes
ses stipulations et conditions; que la certilude de ce
fait résulte, i ° d e la première inscription de 7000 f r . ,
q u ’ils ont prise en l'an 7 ; 20 de ce que la quittance de
1 7 9 1 est constamment resiée dé posée, et est encore
entre les mains d ’un jurisconsulte de R i o m , frère de
l’ un des héritiers R e y n a r d ; que le sieur Granchier a
l u i- m ê m e indiqué ce dépositaire au sieur marquis de
Strada ; que la co nséquence forcée de ce fait reconnu dans
la cause j est
au trailé du
que le frère de ce jurisconsulte, seul partie
n avril i8 o 5 , connaissait à cette époque
la quittance de 1791*5
3°
enfin de la correspondance
entière du sieur Granchier, a vec l ’unique représentant
des héritiers R e y n a r d et Nallet, correspondance rqui
fait parfaitement connaître et les moyens em ployé s
pour rendre invincible l’erreur du sieur de Strada, et
le projet d ’en profiter, m ê m e antérieurement au traité
de i o ;
8 5
Atten du que dans ces circonstances les parties au
8 5,
traité du 11 avril i o
n’ont pu transiger sur les
s om m e s re q u e s p a r le s R e y n a rd e t Nallet, l e 29 m a i l 7 9 i ,
puisque d’ une part les R e yn a rd et Nallet se disaient,
et étaient en apparence créanciers du sieur de Strada,
de la totalité de leurs créances non liquidées par le ju
gem ent de l ’an 2 ; et que de l'autre, le sieur de Strada
étaït darisTimpOssibilité de leur proposer aucune com'pon.salio^i j 011
leur prouver sa libération dont le
�( i
5
)
titre lui était inconnu et retenu par ses adversaires;
A t te n d u que la difficulté de savoir si les héritiers
R e y n a r d et Nallet devaient être payés de leur créance
sur les fonds conservés, ou si au contraire ces fonds
avaient péri ’pour le sieur Jde Strada, ou po uvaient
être réclamés par lui exc lusive m en t, contre le sieur
G ran chier; difficulté prévue transitoirement dans l ' e x
posé du traité de
1 7 8 5 , ne naissait point en f a i t ,
puisque dès 1 7 9 1 , les héritiers R e y n a r d et Nallet avaient
retiré de la caisse du recev eu r ce
q u ’ils avaient à
prétendre sur cette consignation, c o m m e créanciers du
sieur de Strada; q u’ainsi elle n’avait été imaginée que
pour confirmer le sieur de Strada dans son erreur, en
tirer parti, et se donner la facilité de combiner avec
le sieur Granchier, les moyens de r en d re son c o m p f e ,
çu.pr.ofitanti du prix du règlement qui devait être fait
sur les créances non liquidées par
l ’an 2 ;
le ju gem ent de
i
8 5
Attendu que le traité du 11 avril i o
se borne a
régler toutes les créances, répétitions, droits et pr é
tentions généralement quelconques , résultant et à ré
sulter des jugemens de l’an 2 et de l’an
5,
et que lous
ces objets sont réglés e\ f ix é s définitivement >et
de forfait
IRRÉVOCABLE,
A titr e
à la somme de 47,250 fr.,
sans exception ni réserve ;
Q ue ce règlement était d ’autant plus nécessaire, que
les objets non liquidés p a r l e jugement de l’an 2 étaient
très - m o d i q u e s , et se réduisaient à l’estimation de
�C 16 )
quelques réparations k faire a u x
bâtimens ; 'd’ une
cou pe de bois faite par le sieur de Strada, de seize
bêles à cornes, et de trois mille fagots enlevés par lui;
que tous ces objets avaient été estimés par des experts,
opérant à l’époque où le papier-monnaie était le plus
en discrédit, à la somme de
68,553
francs; et que le
j u g e m e n t , par d é f a u t , d ’hom ologation, oblenu parle s
B e y nard et N a l l e t , est du 16 pluviôse an
5,
c'est-à-
dire postérieur de peu de tems aux lois qui anéantissent
les assignats, et du jour m ê m e de la loi qui ôte aux
mandats le cours forcé de monnaie entre particuliers;
Qu e dans celte position, le sieur de Strada avait la
f acu lté, ou de faire réduire l’estimation des experts à
sa valeur représentative du numéraire suivant l’échelle
de dépréciation , ou de se plaindre de l’exagération de
c e ll e estimation, en interjettant appel du j u g e m e n t ,
voie qui lui élait encore ouverte lors du traité du
Ji
8 5
avril i o ; q u ’il pouvait également offrir en c o m
pensation les prix des baux à ferme que les sieurs
R e y n a r d et Nallet n’avaient point payé s, quoiqu'ils
eussent joui de la terre de Brialles pendant plusieurs
années;
Q u ’ainsi sous tous les rapports , il y avait lien à traiter
sur les condamnations prononcées par le jugement du
16 pluviôse an
5 , de
leur nature susceptibles de réduc
tion , et qui n’ont été réglées déf initiv em ent, et à titre
DE f o r f a i t s I R R É V O C A B L E S ,
8 5
i l avril i o ;
que par la transaction du
�(
*7
)
A t t e n d u ' q u e tous les articles de cette transaction
s’occupent exclusivement du règlement et de la fixa
tion des droits des sieurs R e y n a r d et Nallet; q u ’ils
en fixent la valeur à 47,260 francs, qui sont payés
comptant en argent et en effets, et que cette somme
est supposée due par le sieur de Strada;
Attendu que sans attaquer la transaction,le sieur de
Strada, ayant re couvré la pièce qui opère sa libération,
et prouvant d ’ une part q u e c’est par err eur q uJil s’é
tait laissé constituer débit eur , lorsqu’il a acquitté cette
s o m m e , et que de l ’autre les héritiers R e y n a rd et
Nallet ont reçu sciemment ce qui 11e leur était pas d û ,
il a le droit confo rm ém en t aux articles 1 3 7 6 , 1377 et
1378 du C od e civil d ’exercer l'action en répétition, et
en restitution de la som m e par lui indûment pa y é e ;
A tte n du que le sieur de Strada a toujours dem andé ,
et demande encore l’exécution complète et entière
des conventions contenues en la transaction du 11 avril
8 5
i o , et q u ’il y a erreur dans la confusion que l’on veut
faire de 1 action en rescision, a v e c la demande en restitution 011 répétition ; que ces deux actions, n V y a n t
rien de c o m m u n entre elles, ne peuvent être jugées
par les m êmes principes;
'
A tte ndu que la dette du sieur de Strada est irrévo
cablement réglée par le ju gement du i er thermidor
8 5
an 2 , et par le traité du 11 avril i o , à la som m e
de 12 1,0 1 1 francs, et que les sieurs R eyn ard et Nallet,
ayant r e ç u , suivant la quittance du 29 mai
3
179 1 ,
�( i8 )
celle de i 3 5 , o o o francs, doivent restituer au sieur de
Strada la somme de 13,989 francs ; '
A t te n d u que les héritiers R e y n a r d et Nallet lui
doivent également les intérêts d e ce capital depuis
l ’époqu e de sa réception ;
Parc e que d’une p a r t , étant de principe que le
créancier colloqué par p r o v is io n , doit les intérêts du
jour de la réception de ses fonds, à plus forte raison
ces inlérêts sont-ils dus par celui q u i, avant l’ordre,
a touché plus q u ’il n’avait le droit de prendre ( Arrêt
de ja nvier 1672, J o u r n a l des ¿Ludiences, tome
3 x Uv. 6,
chap. 2 2 ) ;
Que de l’autre , le sieur de Strada, ayant été obligé
de p a y e r les créanciers postérieurs dans Tordre des
collocations aux sieurs R e y n a r d et Nallet* peut aussi
exiger ces inlérêts à litre d’inde mnité;
Attendu q u ’aux fermes des articles 1 8 7 6 , 1377 et
1378 du C o d e civil, le sieur de Strada a encore droit
à la restitution de îa somme de 47,260 francs indû
m en t reçue par les héritiers R e y n a r d et Nullet, lors
8 5
du traité du 11 avril i o , et q u e cette somme doit
lui être restituée avec les intérêts à dater de sa r é
ception ;
Parc e que les héritiers R e y n a r d et Nallet connais
saient à l’ép oqu e dit tr ait é, et bien anCéuîeurement, la
quittance du 24 mars-i79i; q u e , malgré cette connais
sance, ils n’en ont pas moins requis un© inscription
de 96,612 francs contre le sieur de Slrad’a , q u i , dans
l’ignorance où il était de sa libération avant L’acte-
�( i
9
)
de i 8 o 5 , a été obligé pour l ’o p é r e r , d’ un côté, d ’e m
prunter à gros intérêts, et de l’autre, de vendre ses
propriétés à vil prix;
A tte n du dès-lors que ces intérêts sont loin d’inde m
niser le sieur marquis de Strada, du préjudice q u’il a
ép rouvé par le fait du sieur G ra n ch ie r et des sieurs
R e yn a rd et Nallet réunis, el que tout dans ce ll e cause,
fait sentir la nécessité d’appliquer rigoureusement les
dispositions de l’article 1378 du code civil;
Par ces motifs et ce u x expliqués au ju g e m e nt dont
est appel :
Il
plaise h la Cour mettre au néant l ’appel interjetté
par le sieur Granchier, et les R e y n a r d et N a lle t , du
ju geme nt rendu au tribunal civil de R i o m , le 29 jan
vier 1 8 1 7 , et les condamner à l’am ende et aux dépens;
Statuant sur l ’appel incident interjetté par le sieur
de Slrada, du m ê m e j u g e m e n t , par requête du 7 juil
let 1817 , dire q u ’il a été mal j u g é , en ce que les
R e y n a r d et Nallet n’ont été condamnés aux intérêts
des deux so m m es, l’ une de 13,989 francs, et l’autre
de
francs, qu a com pter de la demande fo rm ée
par le sieur marquis de Strada;
E m en d a n t quant à c e , condamner les R e y n a r d et
N a lle t , à co m pt er au sieur de Strada les intérêts depuis
le jour de la réception q u ’ils ont faite de ces capitaux,
c ’ e s t - à - d ir e , pour les
mars 1 7 9 1 , et pour les
[
avril i o ;
8 5
13,989 francs, depuis le
45 , 25 o
i3
francs, depuis le 1 1
�(
20
)
C o n d a m n e r le sieur Granchier et les R e y n a rd et
Nallet , aux dépens de la cause d’a pp el, et o rd o n n e r
que
l’a m e n d e consignée sur l ’appel
incident sera
rendue.
■
* • *'
•\
‘
L e M a rq u is
de
STRADA.
J n.-Ch. B A Y L E , a î n é , ancien A voca t.
M A N D E T , je u n e , A v o u é licencié.
M
f
A RIOM, DE L ’IMPRIMERIE DE J.-C. SALLES, IMPRIMEUR DU P ALAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Strada, Marquis de. 1818?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Mandet
Subject
The topic of the resource
assignats
receveur des consignations
créances
ventes
domaines agricoles
receveurs de district
institutions intermédiaires
conciliations
collocation
ferme
lettres de change
experts
Description
An account of the resource
Titre complet : Conclusions motivées, pour le sieur Arosberg, Marquis de Strada, intimé, et incidemment appelant ; contre le sieur Jean Granchier, ancien receveur des consignations, à Riom, appelant ; et contre les héritiers Reynard et Nallet, aussi appelans.
Table Godemel : Consignation : autorisé par les règlements à faire valoir à son profit les fonds déposés dans sa caisse) a prêté en son nom diverses sommes en papier monnaie à un créancier ayant droit d’être colloqué dans l’ordre et distribution des deniers prêtés, et ce, par un acte portant reconnaissance des sommes prêtées et des intérêts, avec promesse de les lui faire allouer, s’est-il opéré un paiement par anticipation qui a libéré le propriétaire du fonds jusqu’à concurrence des sommes prêtées bien que le créancier qui les a reçues n’ait été colloqué, que postérieurement, après même que les assignats consignés avaient perdu leur valeur ?
dans ce cas, le propriétaire des sommes prêtées peut-il s’emparer de l’acte de reconnaissance, quoiqu’il n’y soit point partie, et l’opposer au créancier pour établir sa libération envers lui, comme au receveur pour régler le compte des fonds consignés ?
2. après un traité, intervenu entre deux personnes dont l’une avait à régler des droits de créance contre l’autre, le débiteur qui se trouve avoir surpayé, par suite d’une erreur de fait, peut-il répéter les sommes payées par erreur sans que le créancier ait le droit de revenir sur la réduction qu’il lui avait accordée par le même acte ? - le traité doit-il être annulé ou maintenu pour le tout, soit que la partie qui a surpayé agisse par voie de résolution, soit qu’elle agisse par voie de restitution des sommes non dues ?
3. la loi du 23 7bre 1793, qui a supprimé les offices de consignation, n’obligeait-elle les receveurs à verser dans la caisse du district, qu’autant que le directoire du district aurait fait faire la vérification de leur caisse ou qu’il les aurait constitué en demeure de faire le versement des sommes consignées ? La loi du16 germinal an 2, en expliquant et complétant celle du 23 7bre 1793, n’a-t-elle obligé les receveurs de consignation à verser dans la caisse du district, qu’après la vérification et l’arrêté de leurs compte, qu’ils ont pu présenter jusqu’au 30 frimaire de l’an 3 ?
A défaut pour les receveurs d’avoir fait le versement des assignats restés dans leur caisse, doivent-ils en faire compte au propriétaire d’après leur valeur au temps où ils étaient tenus de rendre compte, lors même qu’ils offriraient de rendre les assignats consignés en nature et de même espèce ? Sont-ils responsables pour avoir privé le propriétaire du droit d’en obtenir la restitution du gouvernement ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1818
1789-1818
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2428
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2420
BCU_Factums_G2421
BCU_Factums_G2422
BCU_Factums_G2423
BCU_Factums_G2424
BCU_Factums_G2425
BCU_Factums_G2426
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53482/BCU_Factums_G2428.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Lyon (69123)
Riom (63300)
Briaille (terre de)
Saint-Pourçain-sur-Sioule (03254)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
collocation
conciliations
Créances
domaines agricoles
experts
ferme
institutions intermédiaires
lettres de change
receveur des consignations
receveurs de district
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53450/BCU_Factums_G2221.pdf
927fb0d2a3f77567f3f8f4ec57fa930e
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MEMOIRE
E T
C
O
N
S
U
L
T
A
T
I
COUR
IMPÉR IALE
> DE RIOM. ¡I
O
N
i . re C h a m b r e .
POUR
L e sieur P U R A Y , e x - n o t a ir e , appelant
Oku
CONTRE
Les sieurs D U B R E U L , B R U N , V E R S E P U Y ,
'
G U E M Y et autres, ses créanciers , intimés
ET C O N TR E
L e s Syndics à sa prétendue f a i lli t e ,a
i
s
u
intimés.
M u ltis occulto crescit res fœ nore.
H orace .
L
a
cataslrophe
du
sieur P u r a y peut servir
de
leçon aux h ommes ambitieux. Plus q u ’aucun autre
événem ent,
elle leur
montre q u ’un
fi
travail assidu
et opiniâtre, joint à l’ économie la plus rigoureuse,
ty m m /ws /vîi^.
'
2-î
I
�( * )
aidé m ê m e des secours de l ’intelligence et de Tinst r u c t i o n , est insuffisant pour acquérir des richesses,
lorsque , d’ailleurs , ces qualités essentielles
ne sont
point dirigées par la prudence. U n e première faute
influe sur la vi e e n t i è r e , sur-tout lorsque celte faute
est le fruit d ’une erreur sur laquelle reposent tous
les projets de celui qui s’y laisse entraîner.
C ’ est en va in q u ’ au milieu de la carrière trop
courte q u ’il a à pa r courir, l ’ambi tie ux sera éclairé
par l’expérience ; c ’est en vain q u ’il verra s’ouvrir
devant lui , et s’agrandir journellement l ’ab îm e qui
doit bientôt
l'engloutir
ave c
ses projets
insensés :
l ’illusion, cet aliment funeste des passions, s'oppo
sera. à ce que la vérité pénètre jusqu’à lui. A l o r s ,
livré à son im a g in a t io n , il compensera des pertes
réelles
par des
gains
futurs et
imaginaires ; trop
confiant dans ses forces, il croira détruire la cause
du mal par des remèdes qui ne feront que l ’aug
menter.
Mais si à ces idées générales vien nen t se joindre
des motifs plus p r o c h a in s , plus déterminans encore ;
si l’ambitieux a conçu le pr oj et d ’arriver h la fortune
en exerçant une profession honorable; si par ses tra
vaux,
il a
placé au
mérité
la confiance p u b li q u e ; s’il est
milieu d’ une
sidérée ; s’il
est entouré
famille nombreuse et c o n
d ’amis sur
l ’attachem ent
desquels il croit pouvoir c o m p t e r , co m m en t se ré
soudra t-il à rompre autant de liens? ira-t-il pro
clamer l u i - m ê m e
un désordre q u ’il croit pouvoir
�( 3 )
réparer ? s’avilir
aux y e u x
fa t )
de
ce ux
qui lui
ont
toujours témoigné de l’estime, et briser de ses propres
mains
l’instrument
q u ’il
suppose
encore
pouvoir
servir à sa f o rtu n e ?
U n e abnégation aussi complète de ce qui honore
et
enchante la v i e ,
h u m ain es ;
des
et
il laut
paraît a u -d es su s
des
forces
convenir que s’il se trouve
hommes assez heureuse ment nés pour
régler
co ns tam ment leur conduite sur ce que la sagesse et
la prudence prescrivent, il en est peu d ’assez iorls pour
découvrir leurs fautes au public, lorsque les résultats
sont tels q u ’ils doivent blesser les intérêts d’autrui, par
suite éloigner l ’amitié le plus souvent froide pour le
m al h eu r, et donner de nouvelles forces aux manœuvres
toujours naissantes de l ’envie ou de la haine.
C e tableau présente l ’esquisse des fautes que l ’on
peut reprocher au sieur P u r a y ; il en déve lop pe é g a
lem en t
les causes ; mais
co m m en t montre r celles
de tous les malheurs qui pèsent aujourd’hui sur l u i ,
sur sa f e m m e et ses en fa ns?
Faud ra -t-il q u ’il remonte à l’ép oqu e o ù il a c o m
mencé
l ’exercice
des
fonctions de n o ta i re ?
q u ’il
parle de son in ex périen ce, d e ses préjugés en affaires,
qui étaient c e u x du tems où il vivait ? Dira-t-i l que
des emprunts considérables ont d ’abord été faits par
l u i , dans le seul but de servir d’aliment à son ét u d e?
que bientôt les avances q u’il faisait ont absorbé les
cap itaux, prêtés à des intérêts qui n’avaient d ’autre
règle que la volonté ou le caprice du p r è l e u r ?
2
�( 4 )
Rapportera-t-il à c e ll e origine les différentes spécu
lations auxquelles l’on veut donner le nom d'opération
de b a n q u e , et qui n’ont, il faut l’a v o u e r , d ’autre c a
ractère que celui de l ’ usure ?
P o u r montrer cette v é r it é , faudra-t-il le représenter
en touré de la foule de ses créanciers tous habilans de
R i o m , recevant d’eu x des sommes produisant des in
térêts e xc ess if s, pour les placer à des intérêts égale
ment excessifs.
Il faut des victimes à l’ usure. C e m o n s t r e , trop
long-temps acclimalé en F r a n c e , y fait gémir plus d ’ une
famille. P u r a y se classera-t-il parmi ces infortunés?
M ontrera-t-il
que la profession q u’ il exerçait avec
tant d'av antage et d ’assiduilé a elle m ê m e concouru
à sa ru in e ? que pour a u gm en ler sa clienlelle, il a fait
des emprunts considérables, pour le remboursement
desquels il a cons tamment été obligé de s’en remettre
à la
volonté de ses d é b it e u r s , ou d ’obtenir contr’eu x
des jugemens qui fixaient les intérêts de ses créances
à cinq pour c e n t , tandis que le m inim um de ce ux
qui lui p r êt a ie n t était de 9 à 10 ?
Sera-t-il i n c o n c e v a b l e q u e peu d o n n é e s passées dans
des opérations aussi ruineuses aient réduit P u ra y à
faire sans cesse de nouveaux emprunts pour servir les
intérêts des sommes q u ’il devait d é j à , et que bientôt
le fruit de ses travaux a b s o r b é , il se soit trouvé ré
duit à p aye r l’intérêt de la valeur de la plume qui lui
servait à écrire ses acte s?
Com b ie n de projets différens n’a pas du faire naître
�ce bouleversement
d’affaires ! a vec quelle rapidité
devaient se succéder les idées qui présentaient quelq u ’espoir de gain ! Pu ray
ne devait - il pas saisir
tout ce qui semblait devoir améliorer sa situation ?
Aussi voit-on dans ses livres n o m b r e u x , dans ses notes,
dans les diiïërens documens q u 5il a laissés, les traces
de l’embarras dont il cherchait à sortir par des spécu
lations qui n'ont aucun caractère déterminé.
Mais combien de haines ne va pas exciter la défense
du sieur P u r a y ! 11 est impossible que quelques véri
tés d u r e s , mais nécessaires à sa c a u s e , ne v i e n n e n t
encore enflam m er la colère de quelques-uns de ses
créanciers.
Po urquoi l’à - t - o n réduit au désespoir?
L e sieur P u r a y ne com bat point pour ravir à ses
adversaires le gage de leur créance. Retiré dans des
contrées lointaines, éloigné des objets de toutes ses
affections, il peut supporter avec courage tous les
genres de privations; il doit et il veut consacrer l e .
reste de sa vie à désintéresser ses créanciers ; mais le
p e u t- il si on lui en ôte les m o y e n s , en lui arrachant
son état civil, et en flétrissant son n o m ?
L o r s de la disparition du sieur P u r a y , ses créanciersmêlaient à leursjustes plaintes le reproche d ’avoir
em porté des sommes énormes. Ils ne pouvaient conce
voir co m m en t ce notaire si occupé , si la borieu x,
pouvait laisser un passif aussi considérable, s’il n’avait
voulu aller jouir hors de sa patrie d’ une fortune h o n
teusement acquise. A u c u n alors ne pensait que cet
�h o m m e si a ct if travaillait depuis quinze ans pour l’in
térêt de quelques capitalistes , qui triplaient ou dou
blaient au moins le r ev en u de l ’argent q u’ils y avaient
placé ,-et absorbaient ainsi tout le produit de ses labeurs.
Aussi l’opinion que P u r a y fuyait chargé d’o r , s'accré
dita-t-elle au point q u ’il devenait impossible m êm e
de cher ch er à la détruire.
Sa présence seule pouvait effacer des soupçons aussi
déshonorons q u ’injurieux. Son retour fut proposé; on
fit offre aux créanciers de leur remettre la personne
et les biens de leur d éb it eu r , en leur laissant entrevoir
combien les connaissances particulières de P u ra y leur
seraient utiles pour la liquidation de leurs affaires.
L e plus grand
nombre des créanciers, ce ux qui
étaient les plus respectables par leurs lumières et leur
délicatesse, allaient accepter la proposition, lorsque
quelques voix s’é l è v e n t , refusent d ’adhérer aux arrangemens p r o je té s, et sortent de l ’assemblée pour aller
pr o v o q u e r au tribunal de c o m m e r c e l ’ouverture d ’une
faillite, et dénonce r au magistrat de sûreté une b a n
queroute frauduleuse. ~
>
j
L a fuite était donc le seul parti qui restait au sieur
P u r a y : il fut chercher un asile dans les pays étrangers,
et y a tte n d re un m o m e n t favorable p o u r en tr e r en
a r ra n g e m e n t avec ses créanciers.
Cet instant n’est point encore venu.... En vain , à
diffère nies reprises, a - t - i l offert un n ou ve l abandon
de ses biens! En vain sa mère a-t-e ll e proposé l ’ou
verture actuelle de sa succession, pour transmettre, sur-
�( 7 1
le-champ, a u x créanciers la propriété direcle.de la por
tion qui doit revenir à son fils! .En vain son épouse
a -t-e ll e offert l ’abandon de tous ses droits! E n va in
le sieur Pu r a y n’a-t-il cessé de dire que pour tout
cela il ne demandait point de quittance définitive ;
q u ’il voulait laisser à tous ses créanciers l'espoir d ’être
payés un jour de tout ce qui pouvait leur être dû : rien
n’a pu réussir. L e s créanciers ont semblé en vouloir plus
à la personne q u ’à la fortune du sieur P u r a y , et ont
rép on du à toutes les propositions par le cri de guerre*
F aillite
et
Banqueroute
frauduleuse
.
L e sieur P u r a y est-il failli?
Est-il recevable à se plaindre du ju gem ent qui a
déclaré l’ouvertu re de cette faillite?
Telles
sont les questions
q u Jil faudra e x a m in e r,
quand on aura établi les faits de cette cause.
F A I T S .
L e sieur P u r a y encore fort jeune eut le m alh eu r
de perdre son p è r e ; son éducation fut dirigée par sa
m è r e , qui y donna tous les soins de la tendresse la
plus éclairée.
Dans des tems ordinaires, ses leçons eussent été
suffisantes. L e s institutions sociales suppléent à l’e x
périence qui m anque à la jeunesse, lorsque de bonnes
études l’ont mise à m ê m e de les connaître et de les
respecter.
.
,
P u r a y sortit de l ’école pour assister à la révolution;
�( 8 )
son imagination ardente adopta les systèmes q u’elle
fit naître. Son ignorance des anciennes lois , de ces
principes qui nous avaient été transmis à Ira vers les
siècles par la sagesse de nos p è r e s , mit obstacle à ce
q u ’il pût apprécier à leur juste valeur les idées qui
devaient bientôt les remplacer.
P u r a y se maria : il devint père ^ la tendresse q u ’il
avait pour ses enfans le rendit am b iti eux, et bientôt
il ne songea plus q u ’à acq uéii r des richesses.
D es fortunes colossales se faisaient alors remarq uer
sur tous les points de la France ; la rapidité avec
laquelle elles avaient été faites, dans tous les métiers,
dans tous les états , dans toutes les professions, devait
faire regarder c o m m e une chose faci le , de se placer
parmi les h e u r e u x de ces tems de malheur. U n je u n e
h o m m e pouvait sur-tout ignorer et les m oye n s qui
avaient produit ces colosses aussi extraordinaires q u ’é blouissans , Hries ressorts secrets qui les faisaient agir.
P u r a y crut qu'u n travail opiniâtre joint au x c o n
naissances q u ’il se supposait, était suffisant pour réaliser
les projets q u ’il avait conçus.
,
Il voulut choisir une profession ; celle de notaire
parut lui présenter les plus grands ava ntages; il avait
alors beauco up d ’a m i s ; ses opinions politiques qui
étaient celles de la m u l t it u d e , étendaient considé
rablement ses re lat io n s, et lui faisaient espérer une
clientelle nombreuse.
En l ’an 4 , il postule une commission de notaire : il
en est pou rvu le 14 thermidor de la m ê m e année. Dès
cet
�( 9 )
cet in s ta n t,
entièrement livré aux. affaires, toutes
ses pensées n ’ont d ’autre but que celui de donner
plus d’éclat et d’ utilité à l ’état qu’il a embrassé.
Si l ’admission de P u r a y au notariat eût été pr é
c édée des études que cet état e x i g e ; si livré à un
guide sûr,
il eût appris sur-tout que la confiance
publique ne s’acquiert q u ’ave c beaucoup de te m s, et
par des épreuves aussi dures que multipliées; si enfin
son imagination trop ardente eût pu être calm ée
par les conseils de la sagesse et de l’e x p é r i e n c e , tout
doit faire présumer que P u r a y aurait réussi.
Mais son premier pas fut une faute : il crut que
le m o y e n le plus sur et le plus prompt pour s’attirer
la confiance , était d’affecter de pouvo ir donner à ses
cliens des facilités qui devaient bientôt lui devenir
onéreuses.
P u r a y n’avait pas de dettes ; cependant réduit à un
re venu personnel de i o o o f r . , et à celui de 600 fr.
du côté de sa f e m m e , il ne semblait pas que cette
position de fortune lui pe rmît de faire des avance s
à c e u x qui s’adressaient ¿1 lui.
Mais
1 ambition calcule-t-elle ainsi ? L e désir de
se faire un état brillant, de s’attacher une clientelle
n o m b r e u s e , peut-être celui de tenir le premier rang
dans une profession honorable et considérée , le por
tèrent non-seulement h négliger les rentrées de son
étude , mais encore à y absorber tous les ans des
capitaux considérables.
P u ra y était propriétaire de de ux r e n t e s , m onta nt
3
�I
( 1° )
ensemble à s o o ô francs : il les vend ; son étude e n
absorbe le prix. Quelques im meubles ont bientôt la
m ê m e destination.
Ces premiers sacrifices parurent produire quelque
effet avantageux ; P u r a y ne faisait q u ’entrer dans la
c ar riè r e, et déjà il n’y v o y a i t que des é m u l e s ; il
attribuait ses succès a u x m o y e n s q u ’il venait d ’e m
p lo ye r : il v o u l u t , par de n o u v e au x efforts, les c o n
firmer et en obtenir de plus certains.
N ’ayant plus de ressources personnelles,
il
eut recours
à l'emprunt. Cette mesure extrêm e et toujours dan
gereuse , l ’éiait encore bien plus au tems dont nous
parl ons.
Différentes opinions s’étaient glissées en F r a n c e ,
et s’y
étaient d’autant plus facilement accréditées,
qu'elles semblaient autorisées par la loi. L 'a r g e n t est
m a rch a n d ise, Cintérêt r ia d ’autre régie que ta çoionté
ou le caprice d u prêteur : tels étaient les principes publi
q uem en t professés; et alors la plupart de ce u x qui pr ê
tai ent
à 10 pour c e n t , croyaient qu'on devait des éloges
à leur d é s i n t é r e s s e m e n t , et imaginaient avoir satisfait
à tout ce que l ’h o n n e u r , la délicatesse ou l ’a m i t i é m ê m e
exigeaient d ’eux.
P u r a y trouva quelques-uns de ces amis toujours prêts
à oblig er ; la facilité d’em prunter l ’ave ugla sur les
suites; il ajouta aux avances q u’il avait déjà faites, des
avances plus considérables encor e; il agissait ainsi, dans
la ferme persuasion où il était que le nombre d’affaires
qu'il faisait, et les bénéfices q u ’elles devaient produire,
�( ”
)
surpassaient dë beauco up les intérêts qu'il était obligé
de payer pour les sommes multipliées, avancées gra
tuitement à chacun de ceux qui lui accordaient leur
confiance.
Les choses se passèren t ainsi jusqu’à la fin de l ’an 9 ,
et l’on doit concevoir combien ces cinq années, éc ou
lées en renouvellemens d ’effets, durent être funestes
à P11 ray.
S i, à cette é p o q u e j il eût consulté sa situation, il
aurait sans doute v u q u ’ elle comm ençait à être désa
vantageuse; mais plus d'un obstacle s’opposait à ce t
examen.
D ' u n e part, les études profondes auxquelles se li
vrait
habituellement
P u r a y , et qui avaient toutes
pou r but la connaissance de son é t at ; les travaux sans
nombre q u ’il se créait à ce sujet : de l’autre , la préoc
cu pation continuelle où lè tenait l ’exercice de ses fon c
tions de notaire, dans lesquelles il jouissait d ’ une con
fiance aussi entière que générale , étaient bien des
«iotifs suffisans pou r l’em pê cher de se livrer à l’ e x a
m en de ses affaires particulières, que cinq années de
travail et d’économ ie ne po u vaie nt d’ailleurs lui faire
supposer être en mauvais état.
O n peut ajouter que la confiance que l ’on avait en
lui , se manifestait par des témoignages, chaque j o u r ,
plus capables d ’exciter ses vues ambitieuses. D é j à il
avait été chargé de la perception de parties de rentes
aussi nombreuses que considérables. C e l a , en ajoutant
à ses occupation s, multipliait ses r elation s, et semblait
4
�augmenter ses
profils. E n s u i t e , plusieurs personnes
voulurent placer leurs fonds en Ire ses mains, 7i un inté
rêt conven u , sauf à lui à faire un bénéfice sur ces
placemens. P u r a y ne vit dans ces propositions que de
' n o u ve au x moyens de prospérité. Qui sait m ê m e s’il
n ’avait pas dès-lors le projet d ’ user de la faculté que
lui accordait la l o i, de prêter à tel intérêt que ce f û t ,
pour r ép a re r les loris que lui avaient occasionnés différens emprunts faits sous son rè gne ; car c ’est ainsi qu'un
mal nous conduit dans un autre.
Bientôt son étude fut remplie de faiseurs d ’afïaires
de différens genres: des capitalistes de toutes les pro
fessions,
ce ux sur-tout qui n’en exercent aucune , et
qui calculent leur aisance moins sur leur industrie que
sur le t a u x ' d e la pl ace, accouraient pour faire r e c e
voir leur argent, et prenaient du notaire P u r a y , écri
vant dans son cabinet, des effets, datés de Clerm ont,
payables à R iom . A ce ux-ci succédaient des spécula
teurs d’ une autre espèce; c ’étaient ou des acquéreurs
d’imm eu ble s, qui n’avaient point leurs fonds, ou des
débiteurs poursuivis par leurs cr éan cie rs ; ils venaient
p r o p o se ra P u r a y de r e c e v o i r leur v e n t e ou leur quit
t a n c e , et lui demandaient en m êm e tems à empru nter
les sommes qui leur manquaient. Rare men t ils étaient
déçus dans leur es pé ra nce; P u r a y , aussi facile que
confiant, prêtait souvent sans autre indemnité que le
plaisir de passer un acte, ou l’espérance de se faire
une clientelle qui lui présentât que lq u’ utilité ou quel
que jouissance d ’amour-propre. En fin , c ’étaient des
�( i
3 )
propriétaires ou autres personnes riches et considérées,
ayant
un
besoin
actuel et
instantané de
sommes
plus ou moins forte s: pour ceux-ci l’intérêt était res
treint autant que possible; P u ra y comptait sur leur
protection, leur amitié ou leur influence.
Des relations aussi ét e n d u e s , et embrassant toutes
les classes de la soc iété, devaient faire naître des é v é nemens singuliers, et qui'se rencontrent difficilement
dans la vie des h ommes livrés à des occupations plus
paisibles.
;
P u r a y , notaire , et en cette qualité revêtu de la
confiance de plusieurs personnes étrangères à la ville
q u ’il habitait , se trouva dans la nécessité de faire
quelques transports d’argent à Paris ou à L y o n . Les
usages du com m erc e rendant ces opérations plus faciles
et plus sures, il s’adressa à un banqu ier, se fit ouvrir
un crédit sur ces deu x villes, et entra en correspon
dance avec ccux auprès desquels il fut crédité. Mais
les banquiers de L y o n et de Paris n ’acceptèrent les
traites q u ’en les portant au compte de leur confrère,
ave c lequel ils étaient en relation.
P u r a y , prêteur el e m p r u n t e u r , avait quelquefois
entre les mains des sommes dont il ne pouvait trouver
le placement ; plus souvent encore lea fonds lui' m an
quaient pour les remboursemens q u ’on exigeait de lui.
Dan s ces circonstances il avait recours à la banque.
Sa f em m e fut malade; on lui conseilla le b a u m e
de v i e ; ce remède produisit un effet salutaire; alors
l ’imagination de P u ra y s’allume; il vante l’efficacité
�( 14 )
de ce spécifique, en fait publiquem ent l’é l o g e , et
v e u t en avoir un d é p ô t , sans au tre b ut que celui
d ’en obtenir p o u r son usage de la meilleure qualité.
U n de ses p a r e n s , m om en taném en t établi dans les
pays où se fabrique le K e r s w a s e r , fit un v o y a g e à
R i o m ; il lui vanta la supériorité de cette liq u eu r;
bientôt P u r a y désire en avoir ; mais n ’abandonnant
jamais ses vues d ’é c o n o m ie , il s’en fait faire une e x
pédition assez considérable, pour être sûr q u ’il sera
approvisionné ¿1 peu de frais.
A c h e v o n s de peindre cette imagination mobile et
pr om p te à adopter tous les projets qui pouvaient lui
faire espérer un gain, en avouant que P u ra y n ’a pas
craint de participer à des spéculations passagères,
qui avaient pour o b j e t , du b l é , du v i n , du f o i n ,
de la paille et autres denrées.
C e t a b l e a u , fidèlement extrait des différentes pièces
produites contre le sieur P u r a y , a servi à le faire
déclarer tout à la fois banquier et marchand ; ses
créanciers ont induit cette double qualité, des difFérens
registres qui ont été trouvés dans l’étude de leur d é
b it e u r , de sa correspondance et d’autres circonstances
accessoires.
A i n s i , suivant eux ,
P u r a y est b a n q u i e r ,
i.° Parce q u ’il a tenu des registres de b a n q u e , et
q u ’il les a lui m ê m e qualifiés ainsi;
2.0
Parce q u ’il a eu des relations avec le sieur
A l b e r t , banquier a Riom.
�3.° P arce q u ’il a été en courant d'affaires avec le
sieur M o r i n / b a n q u i e r à C le rm o n t;
4.0 Parce q u ’il a été en correspondance avec les
sieurs Sébaud, banquier à P a r i s , et V in c e n t, banquier
à Lyon.
5°. E nfin, parce que les effels q u ’il donnait à ses
prê te u rs, étaient conformes aux usages de la b a n q u e ,
et ornés de son chiffre et d 'u n e vignette.
P u r a y est marchand ;
i°.
P a r c e q u ’ il a fait c o m m e r c e de b a u m e d e v i e ;
20. Parce q u ’il a acheté et vendu du K ersw a se r;
3°. Parce que ses registres font foi q u ’il a participé
à des spéculations de c o m m e r c e , sur le b lé , le vin,
et autres denrées.
Suivons sur ce plan les pièces
produites par les
créanciers; et en comm ençant par la b a n q u e , e x a m i
nons si les registres que P u r a y a tenus lui donnent la
qualité de banquier.
L e grand nombre d’affaires et d’opérations du sieur
P u r a y , rendaient nécessaire la lenue de beaucoup de
notes. Il avait dans son élude plusieurs livres consa
crés à cet usage , et il tâchait de donner à chacun d ’eux
un titre, dont la briéve té pût servir à le faire décou
vrir sans p e i n e , au milieu de tous ceux parmi lesquels
il était confondu.
C ’est ainsi que le 12 messidor an 9 , c ’e s t - à - d i r e ,
à l ’époque où P u r a y , d'em prunteur qa il é ta it, ré so
lut de devenir et prêteur et e m p r u n te u r , ouvrit un
registre, sur la couverture duquel il écrivit lastu eu-
�è + 'l
( 16 )
sement le m o t Banque. Que l’on ouvre ce l i v r e , et
l ’on n ’y verra autre chose, si ce n ’esl la noie de ses
e m p r u n ts faits à R i o m , celle de ses prêts aussi faits à
R i o m , avec l’époque des échéances ou des renouvellemens. Nulle part ne se découvre la moindre o p é
ration de b a n q u e ; point de change ni rech an g e, point
de transport d ’argent de place en place: ainsi l’inté
r ieur du livre donne un d é m e n t i f ormel au t i t r e ;
c’est un e note de prêts el d ’e m p r u n ts , ruais ce n ’est
point un livre de banque.
E x e m p l e s
N * . 17 .
H ». 62.
tirés d u l i v r e :
F . . . 13...
I n t é r ê t s re t e n u s .
8 p l u v i ô s . an 10. 1 ,0 0 0 fr.
R e n o u v e l é v. u ° .
7 t h e r m . au 9.
935
x 5 p. 100.
T i r é s u r G ...
L a tenue de ce livre cesse au 4 ventôse an 12.
Alors ces notes parurent insuffisantes au sieur P u r a y :
en effet , leur briéveté devait en rendre l’intelligence
difficile; d’ailleurs, la confusion qui y régnait, le m e t
tait hors d’état de pouvoir se rendre com pt e à luim êm e,
Il paraît que pendant quelque t e m s , P u r a y opéra
sans registre et sans guide. E n f in , le 11
1 3 , et le i
venlôse an
5 germinal an i 3 , il établit deux livres
destinés à remplacer celui dont on vient de parler,
el dont l’ un devait contenir la note des emprunts,
et Vautre celle des prêts.
Le
�( *7 )
~ Le
¿4 $
titre de celui du 11 ventôso an t z est ainsi
conçu :
R egistre de diverses sommes
placées
par M . P u r a y ,
N O T A I R E , à I NT ÉR ÊT S.
L e livre du i
v
5 germinal an i 3 a pour inscription,
ces mots :
R egistre de diverses sommes
placées
che% M . P u r a y ,
N O T A I R E , à I NTÉ RÊ TS .
Ainsi le rap prochement de ces deux titres explique
donc bien ce que faisait P u r a y , et confirme celte idée
que le mot b a n q u e , écrit sur la cou verture du registre
de l ’an 9 , n’était q u’ une indication de caprice pour
reconnaître ce l i v r e , mais ne pou vait servir à désigner
les opérations qui y étaient mentionnées.
Aussi P u r a y adoptant un nouvel ordre qui l’obligeait
à se rendre à l u i- m ê m e co m pte de la nature de ses
opérations, n’e m p l o i e - t - i l plus la dénomination de
banque pour ses livres. Il leur refuse ce titre a v e c
autant de soins q u ’il s’interdit à l u i- m ê m e la qualité
de banquier.
C ’est chez P u r a y , notaire, que l ’on place des sommes
à intérêts.
C est encore P u r a y , n o t a i r e , qui place
à intérêts.
des
sommes
Ainsi prêts et emp runts faits par un no ta ire , voilà ce
qui reste.
L ’exa m en des registres détruirait-il les idées si claires
qui font naître leur titre?
Q u ’on les parcoure.
5
�( i8 )
Celui du
ii
ventôse an 1 2 , qui rappelle les difïé-
rens prêts faits par P u r a y , conlient 370 articles, tous
relatifs à des liabilans de Riorn; il indique la nature
des effets, leur d a t e , celle de leur é c h é a n c e , leur renou
v ellem en t, et le taux de l’intérêt.
Prenons pour exe m ple le n°. 101.
« Le i
3 floréal an i 3 , j ’ai prêté à M. N .............la
« so mme de 2,000 francs à 12 pou r cent pour trois
« mois ; et il y a effet de 2,060 f r a n c s } payable le
«
3 thermidor an i 3. »
Dessous est écrit , « le
3 messidor an 3 , j ’ai reçu
« 60 francs pour intérêts, et j ’ai reno uve lé pour trois
« m o i s , échéant le
3 brumaire an 14. *
V o ilà pour les lettres de change.
Ajoutons que ,
dans ce régislre , se trouvent mentionnés plusieurs
prêts dont les titres sont des ob lig ati ons, et m ê m e
de simples billets.
C e registre peut-il être considéré c o m m e un livre
de ba nqu e? son ti tr e , sa f o r m e , la qualité de celui
auquel il servait , celle des personnes qui y sont in
, la nature des opérations q u ’il m e n t i o n n e ,
les titres qu'il r e l a t e ; t o u t ne se r é u n i t - i l pas pour
d iq u ée s
exclure cette i d é e ? et lors m ê m e q u ’il aurait été tenu
par un h o m m e dont la profession n’aurait point été
exclusive de celle de b a nqu ie r, pourrait-on voir dans
ces livres autre chose que le bordereau du portefeuille
d ’un prêteur à intérêt ?
L e registre du i 5 germinal an
i
3 , contenant la
note des sommes placées chez P u r a y , est composé
�(
19 )
(9$
de 414 articles, concernant tous des liabitans _de
R iom , ou de lieux circonvoisins.
G o m m e celui du 11
ventôse an
12,
il rappelle
les sommes prêtées à P u r a y ; il indique la nature des
effets souscrits par lui, leur date , celle de leur échéance,
le renouvellement et le taux de l ’intérêt.
Exemple :
N.° 217. « L e
5 septembre i 8 o 5 , j ’ai pris de N....
« 460 fr. ¿1 10 pour cent pour six mois. 11 y a effet
« de 433 fr. pour le 5 mars 1807 ».
Dessous est é c r i t , « le 5 mars 1 8 0 7 , je devais
483 fr.
fr.
3 c.
d e .....................................................................507 fr.
3 c.
« Intérêts de 6 m o i s ...................24
« J ’ai fait effet pour le 5 sept. 1807,
« Intérêts d ’un a n .........................46
11.
5 septembre 1808,
d e ....................................................................... 553
14 c.
« J ’ai fait un nouvel effet, au
C e livre a - t - i l plus que le premier les caractères
de la banque ? s’ unissant à lui par son titre , pour
en exclure 1 i d e e , ne vient-il pas également corroborer,
par sa c o n t e x t u r e , les observations que nous avons
eu lieu de f a ir e ? et si du prem ie r, l ’on a pu dire
qu’ il était le bordereau du portefeuille d'un prêteur
à i n t é r ê t , ne faut-il pas assurer du second q u ’ il est
aussi le bordereau des dettes d ’ un emprunteur à intérêt.
Ces registres ont cessé , savoir : le p r e m i e r , au
i 1 juillet 1808, et le s e c o n d , au 6 février 1810.
6
'
�( 20 )
Cette différence dans les époques de cessation du
registre, contenant la note des prêts de P u r a y , et
de celui établissant ses emprunts, donne lieu à quelques
observations.
L a loi de 1807 a yan t prohibé le prêt à usurè , il
paraît que P u ra y crut devoir s’interdire toute espèce
de plac em e nt ; mais c o m m e il devait l u i - m ê m e des
sommes co n si dé r ab le s, el q u’au l e m sd o n t nous pavions,
les fonds q u ’il avait confondus dans son é t u d e , la
mauvaise volonté ou l’impossibilité où
étaient ses
débiteurs de satisfaire à leurs engagemens , avaient
déjà établi dans ses affaires la mine qui devait bientôt
les re n v e rse r ; P u r a y était obligé de continuer ses
emprunts pour servir les intérêts de tout ce q u ’il
devait.
'
Si ce fait ressort de la combinaison des dates des
deu x registres dont nous venons de pa rle r, n ’est-on
pas obligé de convenir que P u r a y , victime de l’ usure,
sous une loi bienfaisante, qui semblait devoir la faire
cesser pour tout le m o n d e , a trouvé
dans ce qui
faisait le bonh eu r de t o u s , un poison funeste qui
devait hâter sa d e s t r u c t i o n ?
Mais arrivons à ,1810.
Cett e ép o q u e , plus que toute a u t r e , nous manifeste
Tembarras de P u r a y ; il semble que l ’illusion s’est
évanoui e : la difficulté d’emprunter se fait sentir; les
rentrées s’opèrent avec pein e; déjà plusieurs créanciers
se sont retirés après avoir inutilement réclamé leurs
fonds ; des bruits désavantageux circulent : « Suis-je
�( 21 )
ruiné »? T e l l e est la question que P u r a y devait se
faire à lui-même.
Il lui était difficile d ’y répondre ; combien d’é lémens divers ne fallait-il point rassembler? co m b ie n
de documens imparfaits ne fallait-il pas rapprocher et
consulter pour connaître sa situation? U n travail aussi
long
ne pouvait
s’exécuter
que
diffic ilement, au
milieu des occupations du sieur Puray. Il osa ce p e n
dant l ’entreprendre ; et c o m m e l’espérance reste
toujours cac hée dans le cœur de l’h o m m e m ô m e le
plus malheureux , P u r a y croyant encore à un résultat
qui pourrait présenter un déficit peu con s id ér ab le,
voulut donner un essor à son crédit , en affectant
de p r ê te r , tandis q u ’il continuait ses emprunts.
P o u r atteindre son b u t , P u ra y organise differens
registres : il faut les parcourir.
L e premier est du mois de mai 18105 sur la c o u
verture sont écrits ces mots : livre de banque. L 'i n t é
rieur de* ce livre est divisé en trois parties.
L a prem ière est indiquée par ces m o ts :
* Série num érique des sommes que j e dois. «
E
No.
ni.
x e m p l e
:
20 ,7 23.
No. 224.-77.
11 n o v em b re 1810.
L a seconde partie a pour titre :
<r N ote des dem andes en rem boursem ent, a in si que
des échéances. »
�( 22 )
E
No. 2g.
x e m p l e
:
3,000 fr.
12 m a i 1810.
i , 5 o o fr.
L a troisième et dernière partie est ainsi indiquée :
«• N ote des sommes q u i me sont dues. »
E x e m p le :
N o . 38.
i o o fr.
5 p. i o o .
i o n o v e m b r e 1 8 0 7.
Voilà P u r a y donnant le nom de livre de banqu e
au registre qui mentionne les sommes q u’il d o it , et
celles qui lui sont dues. C e l le dén om in ati on, si con
traire à la chose q u’elle doit in d iq u e r, ne peut avoir
aucune influence sur les esprits susceptibles de réflexion.
E n e i i e t , les opérations de P u r a y , en 1 8 1 0 , étaient
du m ê m e genre que celles auxquelles il se livrait en l ’an
1 3 ; ce dernier l i v r e , c o m m e les premiers, ne parle
toujours que d’argent prêté à des habilans de R i o m ,
ou d ’emprunts faits à des ciloyens de la m ê m e ville:
nulle part dans ce dernier l i v r e , pas plus que dans
les p r e m ie rs , l ’on ne trouve une opération de banque
proprement d i t e ; pas d e c h a n g e , pas de transport de
place en place; il n’y a d ’autre différence à remarquer
que celle résultant de ce q u ’un seul liv re, divisé en plu
sieurs parties, con tie n t'c e q u i , en l’an i 3 , était r e n
fe rm é dans deu x regislres ayant des titres dislincls.
C ett e diilérence, loute légère q u ’ elle puisse paraître,
a cependant donné lieu au titre dont on se prévaut.
P u r a y voulant indiquer ce livre d ’ un seul m o t , et ne
�( * 3 ')
pouvant l ’appeler Livre cTusure, devait nécessairement
y substituer la dénomination de
Livre de b a n q u e,
expression qui n’a pu abuser que ceux q u i , par h a bi
tude, voudraient confondre deux choses si différentes
et si essentielles à distinguer.
L e second registre est du 17 mars 1810. Il est intititulé : E t a t courant de la banque.
Ce l iv r e , inventé pou r établir l’état de l ’entrée et
de la sortie des fonds, co ntien t, jour par j o u r , et la
noie des emprunts de P u r a y , et les remboursemens
q u ’il recevait ; et celle des prêts ou des rembourse
mens q u ’il faisait
les sommes
lui-même. Il indique simplement
par entrée et so rtie, sans mention des
effets auxquels elles se rapportent.
E x e m p l e :
ENTRÉE.
i . er a v r i l 18 10 .
Id em .
R e ç u en p la c e m e n t , 1 1 0 . 7 7 ,
de M .
P a y é à ....
n°. 5 o.
i,o u o
p o u r l ’ effet
fr.
SO RTIE.
»#
16 2 6 fr/
L ’on ne pense pas, q u’après les explications qui-iont
déjà été données, les créanciers se méprennent sur les
conséquences à tirer de ce registre : il n’établit rien de
plus que les autres; il s e ,r éfère à celui ,du mois de
mai; il en est une annexe., et ne contient autre chose
que deux calculs, dont les résultats comparés devaient
éclairer le sieur P u r a y sur sa situation.
L e troisième registre, qui c om m en ce'a u ss i au l y
mars 1 8 1 0 , a pour îtitre, J o u rn a l g én éra l, et sur le
�( H )
verso de la première f e u i ll e , on trouve ces mots : étu d e}
banque, d ép ôts, rentes, qui indiquent que tout ce qui
a rapport à ces différens objels est confondu dans le
corps du livre.
C e re gistre, c o m m e celui qui p r é c è d e , mentionne
les sommes par entrée et sortie ; il n’en diflère q u ’en
ce q u ’il contient tout ce que P u r a y percevait ou payait
pou r quelque cause que ce f û t , tandis que le premier
ne faisait q u ’indiquer les résultats des prêts et des e m
prunts.
C e livre , loin de faire naître des idées de b a n q u e ,
en est exclusif plus que tout a u t r e ; il devait éclairer
le sieur P u r a y sur sa situation ; aussi c o m prend-il ce
qui est relat if à l ’é t u d e , ce qui regarde les d é p ô t s ,
ce qui con cerne la perception des rentes; et si le mot
b a n q u e se trouve placé au milieu de tous ces objets,
c ’est parce que le sieur P u r a y ne pouvait omettre dans
ce travail général l’objet le plus important, ses prêts
et ses emprunts malheureusement trop multipliés.
Ces trois registres ont duré jusqu’au 26 mars 1 8 1 1 ,
é p o q u e de la disparition de P u r a y ; le second et le troi
sième établissent q u e , pendant les derniers mois de sa
présence à R i o m , les sorties ont constamment excéd é
les rentrées , et que du 16 au 26 mars, il a reçu 3 , 1 7 4 fr.
22 c e n t . , et a p ayé
4 ^ 4 4 f 1'* ^ cent. Cette observation,
qui trouvera dans la suite un e application plus direc te,
doit ce p en d a n t, dès cet instant m ê m e , faire apprécier
la justesse de l ’opinion de ceux qui persistent à sou
tenir que P u r a y a fui en emportant des som m es si
considérables ;
�( *5 )
considérables; que , dans leur esprit d’e x agé ra ti on , ils
ne peuvent pas m êm e en fixer la valeur.
Mais r e v e n a n t , nous croyons q u’il est établi que
les registres tenus par P u r a y n’ont aucun des caractères
qui constituent la banque. V o y o n s actuellfement s’il a
pu acquérir la qualité de banquier par ses relations
a v e c Albert.
Les créanciers produisent à ce sujet quelques feuilles
info rm es , écrites en partie de la niain du sieur A l b e r t ,
en partie de celle du sieur S a v o u r e u x , son commis, et
enfin de celle du sieur Puray lui-mêm e. I l paraît qu'ils
veulent prétendre que ces feuilles ont été extraites d ’un
registre destiné à consigner les opérations que ces d eu x
h om m es faisaient ensemble et en c o m m u n , d’où ils
induisent que P u r a y participant aux opérations d ’un
ban qu ier, doit être considéré l u i - m ê m e c o m m e ba n
quier.
‘
P o u r donner de suite une idée coiriplèt'è de cetié
pièce , il faut figurer la tête des colonnes qui divisent
chaque page.
N° du registre,
ri
P.
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DATES.
MOUVE
CAISSE.
SORTIE.
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R appel.
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Quel Caractère p euvent avoiç.cës feuilles? M em bres
épars d’un travail dont on ignore l’objet et le b u t , leur
présence dans l’étu de de P u r a y serait-elle suffisante pour
7
&
�( 26 )
le faire regarder c o m m e b a n q u ie r ? les créanciers ne
les ont-ils pas jugées e u x - m ê m e s indifférentes à leur
ca u s e , en négligeant de les faire coter el parapher
par le juge de paix ? A u jo u r d ’hui pourrait-on donner
quelque valeur à ces feuilles, dont .on ne voit ni le
c o m m en cem en t ni la
fin,
et
qui
depuis nombre
d ’années étaient restées ensevelies dans la poussière
d ’ une é t u d e ?
L ’on pourrait s’èn tenir là : mais Pu ray doit, pou r
dissiper toutes les ob sc ur ités , donner quelques expli
cations de plus.
L o r s q u ’à la fin de l ’an 9 , il se livra à des e m
pr unts, a vec le dessein de prêter l u i - m ê m e , il eut
bientôt à sa disposition des sommes considérables.
N ’en tro uv an t point le p l a c e m e n t , et voyant avec
peine q u ’il payait les intérêts d ’un argent qui ne lui
produisait aucun profit, il voulut verser ces fonds
dans la caisse du sieur Albert. Celui-ci accepta : il
y eut de la part de P u ra y divers versemens qui fu ie nt
suivis de placemens faits par Albert j il paraît m ê m e
q u ’à cette ép oqu e il y eut projet d ’association, mais
trouvant b e a u c o u p de difficultés à l’organiser, l’un
et l’autre convinrent q u ’ Albert continuerait de placer
jus qu’au m om en t où ils seraient d’accord sur les co n
ditions de leur association projetée. Alors fut inventé
le registre dont les créanciers de P u r a y produisent
quelques feuilles, et qui n ’était autre chose que le
tableau de représentation
des sommes versées par
P u r a y ch ez Albert et placées par ce dernier. D e nou
�( 27 )
6 iS>
velles réflexions les ayant bientôt convaincus q u ’il,
était iinpûssiblè d ’établir une société entr’ e u x , leurs
relations cessèrent; P u r a y
retira ses fonds , et les
choses en demeurèrent là.
Plus lard, Puray eut encore des relations ave c A lb e rt ,
mais elles sont d ’un genre bien différent que les pre
mières. Pressé par des remboursemens ou des paiemens
d ’i n t é r ê t , il fallut
plusieurs fois avoir recours à la
ban qu e du sieur A l b e r t ; mais ces emprunts d eve
nant trop multipliés, le sieur Puray? perdit b i en t ô t
cette ressource , et fut obligé de rembourser avec
des effets de son portefeuille les sommes q u’il avait
empruntées.
Ces relations ne peuvent constituer la banque.
L a première époque ne peut tout au plus présenter
qu’ un projet de société qui n’a point été réalisé. Si
cette société eût existé , on en trouverait la pr e u v e
au g r e f f e , où la loi ordonnait que l’acte serait déposé.
Enfin , si l’on pouvait supposer l ’existence de cette
so c ié t é , cette supposition serait inutile pour le but
que les créanciers se p r o p o s e n t , dès que d ’ une part
elle aurait cessé avant l’an i 3 , époqu e dès laquell e
on rapporte tous les registres, constatant les opéra
tions de P u r a y , et que de l ’a u t r e , cette société ne
pouvant être considérée que com m e une société en
par ticipation, n’aurait rien changé aux qualités des
parties contractantes.
La
seconde époque n’a pas besoin d ’explication.
P u ra y ayant dans ses besoins recours à la b a n q u e ,
8
�( 28 )
ne peut pour cela être considéré c o m m e banquier.
Il faut actuellement .ce livrer à l’exam en de ce qui
concerne
les sieurs Morin , banquier à G e r m o n t ,
S é b a u d , banquier à P a r i s , et V i n c e n t , banquier à
L y o n . Les relalions de P u ra y avec ces diffèrens per
sonnages ayant paru aux créanciers le plus for! soutien
de leur systè me, il devient indispensable d’analyser et
d'apprécier tout ce qui est produit à ce sujet.
Sous ce point de v u e , l ’affaire réside spécialement
dans le registre de correspondance du sieur P u r a y ,
où l’on fait remarquer différentes lettres écrites à ces
différens banquiers ; lettres qui, suivant les créanciers,,
annoncent
de la part de P u r a y des transports d ’argent
de place en place et des opérations de banque. Po u r
a p p u yer cette idée et lui donner plus de d é v e lo p p e
m e n t , les créanciers produisent les lettres adressées
par M o r i n , Sébaud et V in ce nt h Puray.
T r a ç o n s , d'après les documens co m m u n iq u és , l ’his
torique de ces relations.
Une
lettre du 28 n ovem b re
1 8 0 6 , adressée par
P u r a y au sieur M o r i n , banquier à C le rm o n t , et an
térieure à toutes celles dont on fail usage contre l u i,
s’exprim e ainsi :
«
M es
fonctions
notariales
m e donnant par
« fois des relations qui m e mettent dans le cas, ou
« d’avoir besoin de f o n d s , ou d'en fa ir e passer par
« la voie des tra ites, f a i trouvé sur le-premier o b je t,
« près de v o u s, une fa c ilité dont j ’ai usé et userai
« dès que vous accueillez mes d e m a n d e s . Quand au
�( 29 )
« second objet.............. , il m ’a semblé que je sortirais
« de tout em b ar ra s, en obtenant d e y o 'u s un crédit
« sur votre maison de Paris , et un autre sur voire
« maison de L y o n ; je vous le proposerai de 10,000 fr.
« sur c h a c u n e , sous vos auspices et votre recom mgn« d a tio n . Ma sig natu re, morç timbre el ma vignette
« seraient reconnus et accueillis à Paris et à L y o n ,
« et d'a illeurs f aura i crédit toujours dans mes traites y
« valeur reçue pour le compte de M orin et com pagnie....
a pour toutes ces opérations, il s xouvrirait nécessai« rement entre vous et m oi un compte courant. »
Les idées que fait naître cette lettre sont aussi incon
testables que faciles à fixer.
D ' a b o i d , c ’ est par suite de ses fonctions notariales,
et de ses relations com m e notaire, que P u r a y , dans ses
besoins de fonds, a eu recours à lu banque de Morin.
C e sont ces mêmes relations de notaire qui le mettent
dans le cas d’en faire passer, par la voie, des traites, à
L y o n ou à Paris.
Jusques-là pas un seul mot de banqu e; t o u t , au c o n
traire, en exclut l ’id ée, puisqu’il n’est question que du
notariat.
P u r a y dem ande ensuite un crédit a Morin ; nonseulement il veut correspondre avec les banquiers, sous
ses auspices et sa recommandation , mais encore il re
connaît que la valeur de ses traites doit être reçue pour
le compte de Morin et compagnie.
Ainsi P u r a y , notaire, demande un crédit à M o r i n ,
banquier ; il reconnaît -qu’il ne peut correspondre avec
�U d
( 3o )
les ba nqu iers , que sous les auspices et la re com m an
dation d’un liom me ayan t la m êm e profession ; il sent
m ê m e que ses traites ne p e u v e n t être reçues q u ’au
tant q u ’elles seront portées au compte du banquier
qui le crédite. P u r a y p e u t - i l manifester {¡lus ouve r
tement q u ’il n’a point de b a n q u e , reconnaître d ’ une
manière plus positive q u ’il n ’est point banquier , et
avo ue r plus f o r m e l l e m e n t que p e rs onne ne lui re
connaît c e tt e 'q u a lit é ?
L o r s q u ’ensuite il a j o u t e , que les opérations q u ’il
fe ia a vec le crédit ouvert par Morin , nécessiteront
l ’ouverture d’ un co m pte courant entr’e u x , ne c o m plette-t-il
pas l’idée que l’on vient de se f orm er? ne
dit-il pas bien explicitement à M o r i n , « vo us, commç
« ba n q u ier, vous serez en com pt e a vec les banqu iers,
« auprès desquels vous me créditez, m o i, comme n o
ta taire, c o m m e simple particulier, ayan t besoin de
c< votre crédit, pour mes affaires, je serai en com pt e
« courant a v e c vous. »
L e s propositions de P u r a y furent accept ées ; une
lettre écri te par M o r i n , le 12 décem bre 1806, l’in
vi te à se rendre à C l e r m o n l p o u r convenir des bases
du crédit.
Différentes correspondances s’ouvrent bientôt après;
l ’ une entre le sieur Séb a ud, banquier à Paris, et Je sieur
P u r a y , notaire à B i o m . - L e s lettres écrites par Séb aud ,
donnent constamment soit sur l ’adresse, soit dans l’in
térieur, la qualité de notaire au sieur P u r a y , sans
jamais y ajouter celle de banquier.
�I il J
L a seconde est encore entre le sieur P n r a y et le
sieur V i n c e n t , banquier à L y o n . - - Vincent , c o m m e
S é b a u d , ne reconnaît à P u r a y d’autre qualité q u e
celle de nolaire.
L a t r o is ièm e, qui parle souvent des opérations qui
ont eu lieu entre les sieurs Sébaud , Vin ce n t
et le
sieur P u r a y , est entre M o rin , Banquier à C le rm o n t ,
et Puray. — M o r i n , qui connaissait si bien la qualité
de P u r a y , qui n’était étranger à aucune de ses opéra lio n s , s’accorde ave c Sébaud et Vin cen t pou r lui
donner exclusivement la qualité de notaire.
A i n s i , voilà trois banquiers
corresp ondais a v e c
P u r a y , qui ne lui reconnaissent ni b a n q u e , ni la qua
lité de banquier; qui traitent a v e c lu i, sachant q u’il
e xer ce exclusivement la profession de nolaire: c o m
ment donc leurs opérations avec ce nolaire pour
raient-elles être des opérations de b a n q u e , proprement
dites?
Ouvrons
actuellement ces différentes
correspon
dance s, et voyons si les banquiers se sont mépris sur
la qualité de P u r a y , et si la nature des relations
q u ’ils avaient avec lui, leur permettait de le
regarder
co m m e un de leur confrère.
C ommençon s par Sébaud.
L e 2.6 décembre 1806 , P u r a y lui annonce q u’il
lui adressera plusieurs traites, en verlu du crédit qui
lui a été ouvert par le sieur Morin. Par autre du 29
du m êm e mois^, il ajoute que c ’est du sieur Morin q n ’il
recevra ses remises; q u ’il ne veut point avoir de co m pte
�(
32
)
par ticulier ; que ses écritures se trouveront dans la
caisse de Clermont.
Il fait ensuite différentes Iraifes : Sébaud lui en
accuse réception à chaque fois, et dans les lettres qui
ont été commun iqu ées , et dont la derrière- est du
i
5 mars 180 8, il n ’en est pas une qui ne dise :
O u « que bonne noie en a été prise pour la porter
« au débit de la caisse des notaires de Clermont » ;
O u « q u ’il y a débit pour le compte de la banque
« de Clermont ».
Si au lieu de faire des traites, le sieur P u r a y faisait
verser des fonds dans la caisse de S é b a u d ,
Ce
dernier répondait
aussi constamment
« q u ’il
« avait instruit la caisse de Clermont du versement
« qui avait eu lieu, et q u ’il en avait été donné crédit
« h cette caisse ».
Ainsi toutes les opérations de ba nqu e étaient entre
Mori n et Sébaud ; P u r a y n’y participait en aucune
m aniè re; il ne recevait du banquier de Paris que les
renseignemens relatifs au crédit que lui avait ouvert
le b a n q u i e r de C l e r m o n t ; c ’était a v e c ce dernier seul
que P u r a y a v a i t à faire.
Son c o m p t e courant était
celui d ’ un simple particulier; Sébaud avait donc bien
raison de ne pas lui donner la qualité de banquier.
L a correspondance de Vince nt , de L y o n , a des
caractères semblables a celle que l’on vient d’analyser.
M ê m e avis de la part de Puray.
M ê m e envoi de traites.
M ê m e versem ent de fonds.
Même
�M ê m e réponse de la part de Vincent.
Les Irailes « sont accueillies au débit de Morin ».
Pou r les versemens, il « en crédite le compte de
M o rin ».
Ainsi V i n c e n t , de L y o n , avait donc les mêmes raisons
que Séb aud, de P a ri s , pour ne pas reconnaître en
P u r a y la qualité de banquier.
L a correspondance de Mori n devait être plus consi
dérable; P u r a y faisait h c e d e banque de fréquens
em prunts, qui nécessitaient beaucoup de lettres de
demandes et d’envois d ’argent : oulre cela , le crédit
ouvert à P u r a y exigeait souvent des explications et
des règlemens de compte. Aussi re m a rq u e-t-o n un
très-grand nombre de lettres écrites dans le courant
des a n n é e s i 3 , 1 4 , 1806, 1 8 0 7 , 1808, 1809 et 181 0;
dans aucune l’on ne trouvera une seule phrase, un
seul mol qui puisse faire penser que le sieur Morin
a regardé un seul inslant P u ra y com m e banquier.
L a plupart de ces lettres attestent , au contraire,
que P u r a y était entièrement étranger aux usages du
com m erc e , et spécialement à ce u x de la b an qu e,
dont Morin était obligé de l’instruire.
C ’était des mal-entendus continuels sur la valeur
des term es; c ’était des reproches sur son ignorance
des usages de la banque de L y o n , qui ne reconnaît
point de jours de grâce pour les paiemens; ce qui
nécessitait que les Irailes fussent toujours précédées de
lettres d’avis.
E n f in , les erreurs de P u ra y en ce genre étaient si
9
�'A
( 34 )
multipliées, que M o ri n ayan t à craindre q u ’elles ne
missent son correspondant de L y o n dans une situation
embarrassante ou f â c h e u s e , suspendit le crédit q u ’il
avait ouvert sur cette vi ll e, et en prévint P u r a y par
lettre du 26 n ovem b re 1808.
Ainsi celte correspondance plus que toutes les autres,
p r o u v e que P u r a y n ’était pas banquier; q u ’il ne pou
vait l’être; q u ’il n’avait pas m ê m e la connaissance des
usages de la banque.
S’il élait besoin d ’ajouter quelque chose à la force
de faits déjà si clairs, Ton pourrait in vo q u e r le té m oi
gnage du sieur M ori n l u i- m ê m e : il est créancier de
P u r a y ; il perd des sommes considérables; plus que
tout autre , il a droit de se plaindre : cependant il n’a
pas craint de manifesler son opinion sur le procès
a c t u e l , et de déclarer q u ’il n’avait jamais regardé
P u r a y c o m m e banquier.
S ’il était in terrogé , il répondrait c o m m e il a dû le
faire devant le juge d ’instruction :
« Q u e le crédit par lui ouvert à P u r a y , sur ses
« correspondants de Paris et de L y o n , n’était autre
« chose (ju line fa c ilité que P u r a y lui avait dem an dé e
« pour po uvo ir fournir directement des mandais sur
« ces deu x villes , sans l ’inlervenlion de lui Morin ».
I l dirait : « que chaque fois que Pu ra y se prévalait
« sur ses corresp ondans, il était spécialement tenu de
« lui donner avis , par détail de sommes et de d a t e s ,
« afin q u ’il pût l’en déb iter, et en créditer le corres« pondant sur leq uel P u r a y tirait.
�Il dirait : « qu’ il ¡ici point connu Le sieur P u ra y
« comme
b a n q u ie r,
q u’autrement
le sieur
Puray
« n’aurait point eu besoin de son intermédiaire ».
Il ajout er ait: « que du moment» où il écrivit à
« ses
correspondans
de
ne
plus créditer le sieur
« P u r a y pour son c o m p t e , ces correspondans cessèrent
« et ne firent plus aucune opération a vec lui ».
E n f in , si on l’interrogeait sur la nature des registres
produits par les créa nciers, il répondrait sans liésiter
« q u ’il ne les reconnaît point pour être ce ux d ’un
« banquier 3 tant en La form e qu'au f o n d ».
Q u e pourrait-on ajouter à celte déclaration? ne
renfermeM-elle pas toute la cau se , et les créanciers
de Puray ne sont-ils pas condamnés par le seul d ’entre
eux i capable’ d’apprécier et la nature des opérations,
et la qualité de leur débitefur ?"
1
Nous ne pouvons terminer saris dire un mot de la
vignette et du chiffre du sieur P u r à y ; les créanciers
disent que cet ornement placé sur leurs effets, les a
autorisés à penser que leur débiteur était banquier.
S’il y avait à raisonner sur un objet aussi futile ,
on leur répondrait q u ’ils ne pouvaient se méprendre
sur les conséquences à tirer de celte vi gn ett e, puisqu elle né mentionnait aucun établissement de banque
m ention que P u r a y n ’eût
pas manqué
de faire à
l ’instar des notaires de G e r m o n ! , et autres chefs de
pareils établissement, si réellement il eût été banquier.
Mai s chacun des créanciers ne pouvait-il pas con
naître sur ce point le goût du sieur P u r a y ? Il était
10
�C 36 )
impossible cTenfrer dans son étude, sans s’apercevoir
de sa prédilection pour les images et les lableaux de
1oute espèce. C ’étaienI des cartons rouges, verts, jaunes,
bleus,
avec é t i q u e t t e , ornés de chiffre et vignette.
Sur un m u r , l ’on
apercevait
un tableau
tracé et
écrit a vec de l’encre de différentes couleurs. Sur son
bur eau é t ai e nt des e x p é d i t i o n s d’actes, ayant une tête
i m p r i m é e et son chiffre au-dessus ; e n f i n , tout ce qui
l ’entourait
se
faisait ainsi remarq uer par
quelque
caractère singulier ou bizarre.
Ses effets auraient-ils seuls été exceptés de cette
m a n i e ? mais en ce point
elle avait quelque chose
de raisonnable. P u r a y ne se servait pas de papier
l i m b i é ; il était assez simple q u ’il prît quelques pré
cautions pour reconnaître plus facilement son pa pier,
et em pêc h er q u ’on ne le contrefît.
P u r a y n ’est donc point banquier.
Est-il c o m m e r ç a n t ?
Parcourons les faits q u’on lui impute.
Le
premier est relatif au
b au m e
de
vie. [Les
cr éan cie rs, pour mo n t r e r que P u ra y en a fait c o m
m e r c e , produisent sa correspondance a vec l ’inve nteur
de ce spécifique.
L ’on a déjà expliqué ce fait ; il suffit d ’ajouter ici
que P u ra y devint dépositaire de ce remède ; mais ce
dépôt ne le constitue pas plus marchand que le sieur
D u fa u d , directeur de la posle ne l’est , pour avoir
accepté celui des grains de santé du doc teur Franck.
L e second fait de c om m erce porte sur le K e r s w a s e r j
�( 37 )
le sieur P u r a y en a v a i t , d i t - o n , une grande quantité ;
l ’on rapporte d’ailleurs la leltre d’envoi qui lui en
a été faite, et on en co nclût q u ’il est co mmerçant.
L ’on ne veut point rép éter ce que l’on a dit plus
haut à ce sujet.
Mais il faudra que les créanciers expliquent co m
ment un seul envoi de liqueur peut établir une pro
fession habituelle de c o m m e r c e ; com m en t il peut cons
tituer m ê m e un acte de c o m m e r c e , quand il est fait à
un individu non commerçant.
L e sieur P u r a y était-il d ’ailleurs privé de la faculté
de faire une provision de liqueur assez considérable,
po u r po u voir en céder à ses amis ou à ses parens?
A - t il établi un magasin de cette l i q u e u r ? A - t - i l
cherché à la v e n d r e ? C o m m e m arch a nd, en a t-il fait
sa déclaration à la régie des droits réunis?
A u t a n t de questions, autant de réponses favorables
au sieur P u r a y , e! qui sont la preuve de la légèreté des
imputations de ses créanciers.
L e dernier fait résulte de la production d ’un registre
non coté ni paraphé , et portant pour suscription :
<\ffciLres et spéculations particulières.
C e registre conlient la note d ’une association de
P u r a y a v e c divers individus pour achat et revente de
denrees, telles que fro m en t, o r g e , etc.
Si les créanciers avaient bien exam iné ce registre,
ils se seraient sans don le dispensés de le produire. En
eflet , ces spéculations finissent en l ’an 11 ; il serait dif-
�•;\Vc
( 38 )
ficile de deviner c o m m e n t , en 1 8 1 1 , elles pourraient
constituer un négociant,
'
.
D ’ailleurs, sont-ce bien la des fails de c o m m e r c e ?
L e s propriétaires ne sejp-eTinettenl-ils pas lous les jours
de pareilles spéculations , sans être pour cela considéréscomrae co m m erç ans? et P u r a y , en fournissant les fonds
à ce u x qui se chargeaient des achats et dos vent es, ne.
pouvait-il pas, sans être regardé c o m m e co m m e rç a n t ,
courrir l a ' c h a n c e de perdre l ’intérêt de son argent ,,
ou d ’en lirer un parti plus avantageux.
N e craignons pas de le.dire^ ces faits sont futiles et
11e p r o u v e n t îieii. L ’èsprit de prévention peut seul leur,
donner
quelque valeur ; mais aux y e u x dé l’h o m m e
im p a rt ia l, Priray
ne sera
pas plus marchand que
banquier.
r
Ap rès L’ e xa m en de ces p iè ce s, il convient de fixer
son attention-sur des fait^ d’ un ordre différent, et sur
la procédure qui a été instruite côntré le sieur P u r a y
depuis l ’é p oqu e de sa disparition.
L ’on
se rappelle que les registres de 1810 avaient
spécialement él é établis pour éclairer le sieur P u r a y
sur sa situation. L ’on se s o u v i e n t aussi des d eu x livres
qui établissaient, jour par jou r, l'entrée et la sortie
de ses-fonds. L es résultats que P u r a y att endait , se
réunirent pour l ’accabler. A u mois de mars 1 8 1 1 , il
11e peut plus douter que le mal était irréparable. D ’ un
c ô t é , . s o n passif se montait à des sommes énormes,
et était exigible su r-le-cham p, tandis que son actif,
bien moins, considérable, était d ’ailleurs d’ un rec ou-
�C 39 )
vre ment difficile; de l ’autre ¡¿ison crédit était perdu ;
les créanciers se succédaient pour iréclamér lduF3 fonds;
e t , pendant les derniers mois, il avait été obligé de
compter des sommes bien supérieures à cellès q u ’il
avait reçues.
‘
■V,
-
i. - 'i ;
Quel parti prendre dans^ u n e ‘situation aussi déses
p é r é e ? P u r a y assèmblera-t-il ses créanciers? se liv re
ra-t -il à leur discrétion ? Mais il craint de les trouver
i n t r a i t a b l e s : d ’ailleurs il faut q u ’il se soumette à l ’e m
barras et aux désagrémens d ’ une explication ; q u ’il
entende et supporte leurs reproches;, son état,, n’en est
pas moins perdu ; il va ajouter par sa présence à la
désolation de sa famille. T ou te s ces raisons, tous ces
pr éjug és, peut être, fermeutent dans sa tête, allument
son. im aginat ion, et l’entraînent loin de son pays.
Il
part le 29 mars 1 8 1 1 ; ses ressources étaient nulles:
ses registres font foi q u ’à cette époque P u i a y n’avait
point d’argent à sa disposition; et dans la réalit é, ses
parens les plus proches, aidés de leurs a m i s 1, réunirent
leurs bourses pour lui fournir lé s’ fonds nécessaires à
son voyage .
' l,‘ ‘ P
:!i) *n
' '
C fx
‘'■
P u r a y , c o m m e surpris par la fo u d re , n ’avait eu le
tems de rien régler. Ses papiers ¿(aient en ’désordre ;
les co m m un ic atio ns’ q u ’il avait faites ne donnaient
auéune lumière certaine sùrle vé rifa ble état deschoses.
L e bruit de sa fuite est bientôt répandu : d’abord
l ’on s’en étonne , on refuse d ’y croire; mais la ce r
titude q u ’on acquiert fait bientôt n a î t r e ‘des soupçons
de ious genres.
^
,J0 •:Jî : —
�'( 40 )
( j L e s scellés sont apposés; les créanciers ) se ré u -riissent; ilsr tâcheht.de se Reconnaître; ils se choisissent
des chefs.
Il . -üoî - .
v.i .
L a faraillé P u r a y éludiait tous ces m ouvem ens : elle
entendait sans cesse répéter que P u ra y avail fui en
e m p o r t a n t ,l e t g a g e de ses créanciers ^que^la voiture
qui le portait était,chargée des richesses q u ' i l . e n t r a î
nait a v e c . l u i , et que la nouvelle patrie q u ’il allait se
choisir, le verrait bientôt dans.un état aisé et florissant.
C e i f e imputation devait mettre au désespoir ce u x
cjiii tenaient dé plus près aii sieur Pu ray. Ils avaient
assisté à ses derniers m o m e n s ; ils connaissaient ses
ressources : quelqu’argent em prunté par sa mère ou
son f r è r e , la montre de sa " f e m m e , quelques é c u s ,
produit des récompenses^ données à ses enfans dans
d e s te m s plus henriéux': tels étaient les trésors du sieur
P u r a y , et ses m o y e n s d ’existence pour l ’^ e n i r .
Le
retour du sieur P u r a y
fuf résoliv, c o m m e le
m o y e n le plus sûr de |fairp cesser ^ces calomnies^ il fut
proposé à c e u x des cr éanc ier s q u e la masse s’était ch o i
sis p o u r la diriger: m a is, c o m m e dans ces premiers m o
mens il était question de faillite, et des mesures q u ’elle
en tr a în e, l ’on fit (d^pendre ce r e l o u r .d e la promesse
q u ’on donnerait, de ne faire aucune
poursuite jus
q u ’à plus ample explication.
L e s chefs sentirent que cette proposition était a v a n
tageuse ; ils assemblèrent Jeurs c o m m e l la n s , leur c o m
muniquèrent les ouvertures de la famille P u r a y , et
les
�(
4i )
les appuy èr en t de toutes les raisons que leur sagesse
et leurs lumières purent leur suggérer.
C e l l e réunion se passa en discussions. U n e assem
blée nombreuse, composée d’individus de sexes diflérens , de condition et d ’éducation di lièrent es , donne
rarement des résultats que la raison puisse approuver.
L e s plus sages voulaient le retour de P u r a y ; le plus
grand n ombre y consentait ; quelques-uns plus pas
sionnés se lèvent , s’opposent à ce re tour; l ’assemblée
se dissout j et bientôt l ’ouverture de la faillite est
p r o v o q u é e , tandis qne dans le m êm e fems P u r a y est
dénoncé
c o m m e banqueroutier frauduleux.
Quels étaient les créanciers
qui
employaient des
m o y e n s aussi rigoureu x? Y en avait-il un qui eut traité
avec P u ra y sous la foi du c om m erce , qui fût lu im ê m e c o m m e rç a n t , q u i , en celt e q u a l it é , eût des
relationsd ’aOaires a v e c P u r a y , et pût venir dire q u ’il
était fondé à regarder son débiteur c o m m e banquier
ou commerçant ?
Rien de tout cela :
C etaient des liabitans de Riorn , la plupart capi
talistes, et plaçant leur argent au taux le plus avan
tageux , se faisant souscrire des effets à R i o m , payables
¿i R io m , ayant pour débiteur un notaire de Riom.
Q u ’y avait il donc dans les qualités des personnes et
dans la nature des pr êts , qui pû t faire soupçonner la
ban qu e 011 le c o m m e r c e ?
i* Cependant le tribunal de com m erce r e n d , le 1 3 avril
1 8 1 1 , un jugement qui déclare le sieur P u r a y failli,
�( 42 )
fixe l’ouverture de la faillite au 29 mars ; n o m m e
des agens provisoires et un ju g e -co m m iss aire à la
faillite, ordonne en m ê m e tems l ’apposition des scellés.
C e ju gement ne co m m e t point d’huissier pour les
différentes significations exigées par la l o i , à l’effet
de faire courrir les délais d ’opposition ou d ’appel.
C e premier acte d ’hostilité ne permettait pas au
sieur P u r a y de paraître; il n ’avait plus que des mal
heurs à prévoir ; sa liberté était compromise : les
créanciers plutôt excités par la haine que dirigés par
le u r i n t é r ê t , ne respectaient plus r i e n ; ils poursui
vaient criminellement leur d é b i t e u r , cherchaient à
com pr om et tre sa réputation, ou ¿1 attaquer la moralité
de ses parens et de ses amis. Qu e pouvait faire le
sieur P u r a y ? .............. f u i r , se taire, et a t t e n d r e , fut
le parti q u ’il crut devoir prendre.
L e 24 a v r i l , l ’extrait du jugement du i 3 est in
séré dans la feuille du département.
P a r acte du 27 du m êm e m o is , un huissier non
c o m m i s , écrit avoir affiché un extrait certifié c o n
f orm e à l ’e x p é d it io n ,
par les a g e n s , du ju g em e nt
du i 3.
Cet acte est a llaq u é de n u l l it é , i.° parce q u ’il n’a
point été fait par un huissier commis au désir de
l ’art. i
2.0
56. C. P . ;
Parc e que l ’extrait du ju g em e nt n’a point été
fait par l’ huissier, ministre de l’acte ;
3 .° Parce q u e rien n ’établit q u ’il y ait
extrait de ce ju geme nt j
eu
un
�(
43 )
4-° Enfin , parce que l ’acte n’indique pas le jour
de l ’affiche.
L e 7 mars 1 8 1 1 , les agens présentent req uê le à
M . le Président du tribunal de c o m m e r c e , et lui
demandent de com m et tre un huissier pour la signi
fication du jugement du i 3 avril. Sur celt e req uê le
intervient une ordonnance qui com m et l’ huissier Cola?.
L e 14 m a i , m ê m e a n n é e , le jugement du i
3 avril
est signifié à domicile par l ’huissier commis par le
Président.
C e l l e signification est aussi attaquée de nullité; l'on,
soutient q u ’elle a élé faile par un huissier sans ca
ractère , le président du tribunal de com m erc e ne
pou va nt le commettre.
L ’on donne bientôt suite à ce ll e procédu re ; des
syndics provisoires succèdent aux ag en s; les opéra
tions indiquées par le Code de com m erc e ont succes
sivement l i e u , enfin la faillite a des syndics définitifs.
L ’an 1812 arrrive. L e tems q u i s ’élail écoulé depuis
la
disparition du sieur P u r a y , les diftérens renseigne-
niens que l’on avait pu recueillir; les dé ve loppem ens
que cette affaire commençait à r e c e v o i r ; des discus
sions qui étaient nées entre les c r é a n c i e r s , et des
prétentions qu'ils avaient é le v é e s , concouraient à c o n
firmer dans l’idée que l’on avait déjà eue que P u r a y
n’était ni marchand ni banquier. Alors l ’on recueille
ave c soin tout ce qui échappe ; les faits les plus légers
sont réunis aux plus graves : un m ém oire à consulter
est rédigé ; il est présenté à un grand nombr e de juris12
�\0J
(
44 )
consultes, qui décident un animem ent q u ’ un notaire
ne peut êlre ni marchand ni b a n qu ie r, et que d ’ailleurs
les faits imputés à Pu ra y ne constituent ni le c o m
merce ni la banque.
Alors le a 3 juin
"
1812,
Puray
forme opposition
au jugement qui le déclare failli; il soutient que, n'étant
point com m erça nt , le tribunal de c o m m e rce était
incompétent ratione materiœ.
A cette é p o q u e , Ton pouvait supposer q u e le teins
et la réflexion auraient conduit les créanciers à accueillir
des m oy ens d ’arrangement. Ils avaient pu s’assurer
que leur débiteur était plus malheureux qu'e ux -m êm es ;
que loin de sa patrie, et éloigné des objets de ses
affections les plus ch è r e s, des chagrins de tout genre
«
venaient
rendre
plus
insupportable
le dén uem en t
complet auquel il était réduit. E n f i n , ils avaient pu
apprendre que sa mère avait été obligée de faire divers
emprunts pour lui faire passer des secours. Dans cet
état de choses, n’était-il pas naturel de penser que
les élans de la passion devaient êlre calmés, et que
l ’on pourrait enfin s’entendre ?
L e sieur P u r a y avait laissé une proc urat ion; on
crut que l ’instant était ve nu d’en faire usage. L ’on
proposa, i°. de délaisser aux créanciers toute la fortune
personnelle de leur débiteur , et de leur donner toutes
les facilités possibles pour l ’a l ié n e r , et en dis poser a
leur gré ;
2°. L a mère offrit le partage de ses biens , et de
�1( 4 5 )
délaisser la propriété directe de la portion qui devait
revenir à son fils;
3°. L a fe m m e se soumit à l’abandon de tous ses
d r o i ts , reprises et avantages matrimoniaux.
Que pouvait-on faire de plu s? Q u ’obtiendront les
créanciers qui leur soit aussi a v a n ta g e u x , sur-tout si
l’on ajoute que P u r a y ne leur demandait point de
quittance dé fin iti v e, et
laissait
à chacun d ’eux le
droit de r é c l a m e r , dans l ’ave nir , le montant entier
de sa créance ?
Les créanciers ont eu tout le lems nécessaire pour
apprécier ces propositions; elles ont été connues d ’e u x
c o m m e particuliers , soumises à l’e xam en de leurs
sy n d ic s , c o m m u n i q u é e s à M. le juge - commissaire.
Comment c o m e \ o i r q u ’elles aient été rejetées, si l’on
neMippose, d ’un côté, une passion aveugle, et de l’autre,
des prétentions à une sévérité q u ’on ne saurait fléchir.
T o u t espoir d ’acco mm odement
étant é v a n o u i , il
fallut bien songer à se défendre :t la famille P u r a y
devait croire q u e , dans la lutte cm elle était obligée de
se présenter, on observerait envers elle les égards dus
au m alh eu r, ou q u ’au moins les créanciers ne mécon
naîtraient pas les usages du ba rre au, jusqu’au point do
ne pas lui donner communication des pièces dont on
entendait se servir.
Les consultations délibérées en faveur du sieur P u ra y,
avaient été communiquées à l ’avocat d e s ’ créanciers.
En nem ie de toute surprise, la famille Voulait que l’on
pût répondre aux moyens que celte consulta lion con
�te na it, et donner toute l ’attention nécessaire à la
question importante qui y est traitée. Ce procédé
semblait exiger quelque r e t o u r , et il était
difficile
de penser que des faits seraient cachés à ce u x qui
faisaient connaître les m oye n s de droit dont ils en
tendaient se servir.
C'est cependant ce qui a eu lieu : les créanciers
p ar u r e n t à l ’a u d i e n c e , a r mé s de registres et de pièces
absolument inconnus à l’avocat du sieur Pu ray. Ils
avaient eu le terris de choisir tout ce qui pouvait être
avantageu x
à leur système. Lett res
de différentes
n a t u r e , actes de c o m m e r c e , correspondance avec des
b a n q u i e r s ; co m m en t saisir, au milieu d ’ un auditoire
n o m b r e u x et dans la chaleur de la discussion, les
rapports de tant d’objets dont la valeur ne peut être
parfaitement con nue et a pp ré cié e, que dans la solitude
du cabinet ?
L e rédacteur du m ém oir e doit en c o n v e n i r ; il fut
ép ou van té
de ce ll e masse de preuves. Il partagea
sur-le-ehamp la conviction du confrère qui plaidait
contre lui ; il le laissa connaître a v e c autant de fran
chise q u ’il en met aujourd’hui à déclarer que sa cons
cience avait été abusée par des apparences trompeuses.
Il se doit à lui-même d ’ajo uter, q u ’il a la conviction
que l’avocat des créanciers ne connaissait de ces pièces
que ce qui en a été lu à l’audience , et que si c o m
munication n ’en a pas été donnée pour la plaidoirie,
ce procédé est imputable aux créanciers seuls,
qui
�(
47 )
peut-être dans ce dessein ont affecté de ne remettre
que fort tard leurs pièces à leur avocat.
L e 18 août 1 8 1 2 , est intervenu au tribunal de
c o m m e rce ju g em ent contradictoire, qui déclare l ’o p
position de P u ra y tardive et non recevable.
L e sieur P u r a y a interjeté appel de ce jugement»
le
5 décembre m ê m e a n n é e , et s’est également
pou rvu contre celui du 18 avril 1 8 1 1 , qui le déclare
failli. — T e l est l ’état de la cause.
M O Y E N S .
L e but principal de ce m ém o ire était de faire con
naître les circonstances de c e ll e cause. Elles avaient
été présentées sous tant de laces différentes, livrées
à des interprétations si malveillantes et si haineuses;
elles étaient enfin tellement dénaturées, q u ’il étail ¿i
craindre q u ’ une plaidoirie fût insuffisante pour les ré
tablir dans leur vé ril a ble j o u r ,
et pour Jaiie aper
cevoir les conséquences auxquelles elles conduisent.
Mais actuellement que lotis les faits sont c o n n u s ,
la discussion doit êlre courte et facile.
A u fond , la première queslion ;i e x a m i n e r , est celle
de savoir si un notaire peu! ê lr e considéré c o m m e
banquier ; si exerçant une profession exclusive de la
banque et du c o m m e r c e , on peut , en appréciant ar
bitrairement quelques actes qui paraîtraient étrangers
à cette profession, lui attribuer une qualité q u ’il n’a
pas, lui imposer des obligations ou des devoirs a u x -
�\V j
( 43 )
quels il n’a pas entendu se s o u m e t t r e , l ’enlacer en
fin dans des chaînes plus pesanles que celles dont le
chargeait son existence sociale.
U n e consullalion qui esl jointe au m ém oir e , e x a
mine ce point de la c a u s e , avec lous les détails qu'il
peut comporter : l ’on rie veut point lasser l’altenlion
par des rediles inuIîles ou fastidieuses, mais Ton doit
ajo uler quelques réflexions.
L e co m m er ce est une des professions les plus inté
ressantes de la société ; devant y occup er une place
distinguée, elle do it, c o m m e toutes les a u t r e s , avoir
des droits et des privilèges particuliers auxquels co r
respondent des obligations et des devo ir s'qui lui sont
aussi particuliers.
Ainsi les caractères distinctifs du co m m e rç a n t sont
la paten te , le droit q u ’il a d ’être appelé dans les as
semblées et corporations de c o m m e r ç a n s , l ’inscription
de son nom sur les listes qui doivent servir à former
les assemblées et les tribunaux de c o m m e r c e , et sur
celles que les iribunaux de c o m m e r c e doivent fournir
aux autorités locales p o u r les t ransmett re au g o u v e r n e
ment.
Voilà les véritables c o m m e r ç a n s , ce ux que la loi
reconnaît pour tels. Les hommes attachés à d ’autres
professions peuvent faire des actes de c o m m e r c e , mais
n e sont pas commerçans.
Comment* donc P u r a y a u r a i t - i l pu être à la fois
notaire et b a nqu ie r? C o m m e notaire, il ne p o u v a i t
être
�( 49 )
être m e m b r e d ’aucune assemblée, d ’aucune corpora
tion de c o m m e r c e ; il ne pouvait-être porié sur les
lisles présentées au go uver nem ent; il ne pouvait êlre
élu m em bre d’ un tribunal de commerce. Ainsi, sa pro
fession s’opposait à ce q u ’il pût participer à aucun
des privilèges exclusivement attachés à la personne
du commerçant. L a m êm e raison a dû le faire exe m p t e r
des charges attachées à celte qualité ; aussi, quoique
les prêts et les e m p r u n t s de P u r a y fussent parfaitement
co nnu s, n’a-t-on jamais pensé à regarder P u ra y c o m m e
banquier, et à le soumettre au droit de patente; sa qua
lité de notaire excluait l’idée de loute autre profession. ■
U n e nouvelle réflexion semble venir donner encore
plus de force à ces moyens. L ’on pourrait supposer
que le co m m er ce peut être fait par un h o m m e e x e r
çant une profession qui en est exclusive ; par e x e m p l e :
qu'un notaire tienne un magasin’, qu’il y étale et
ven de habituellement des marchandises; cet h o m m e
sera nécessairement c o m m e r ç a n t ;
i l !sera soumis à
à la rigueur des lois du c o m m é ic e j sans être revêtu
de leurs privilèges. Po u rq u oi ■
cela ? G’est q u ’ a y a n t
une profession principale qui l’incorpore îV u n 1 ordre
quelconque , il ne figure dans la société que sous le
titre que ce ll e profession lui d o n n e ; mais q u ’ayant
joint à c e ll e profession des détails de com m erc e q u i,
tout accessoires q u ’ils puissent ê l r e , sont cependant
habituels: ces actes, jusqu’au m oment où il l e s . aura
cessés, le m e tt e n t, par sa v o l o n t é , sous la juridiction
d ’une classe d’hommes qui ne le reconnaissent cepen
dant point co m m e leur pair.
i3
�( 5° )
Mais la profession de banquier ne peut jamais être
accessoire; l’exercice de la banque ne se restreint point
à une seule v i l l e , il embrasse tous les lieux et toutes
les distances, il fait
circuler les fonds d’ un pôle à
l ’a u t r e ; ses opérations ont un caractère 'public; sou
vent elles concourent à assurer le succès des plus
grandes entreprises. A in si, le banquier est un h o m m e
public que le g o u v e r n e m e n t doit reconnaître , dont
la profession ne peut être un m y s t è r e , qui doit être
placé parmi les commerçans. Il faut que tous ce ux
qui exercent le m ê m e état que lui sachent le point
q u ’il occupe dans le-monde co m m ercial, pour po uvoir
se servir de lui dans les transports d’a r g e n t , qui sont
le signe caractéristique de cette profession. Un b a n
quier dont l ’existence est in c onnu e, ou restreinte à
u n e ville ou une c o n t r é e , n ’est pas banquier. U n h o m m e
a yan t pour profession principale l’état de n o taire, et
pou r profession accessoire celui de b a n q u ie r , est un
être inconcevable.
Mais supposons un instant q u e la profession de notaire
ne soit point exclusive de celle de c o m m t i ç a n l , et plus
particulièrement d e celle de b a n q u i e r , q u ’e n résullera-t-il?
P u r a y , n o ta ire, était-il banquier ou m a rch a n d ?
Quels sont les banquiers?
« C e sont ceux qui font un co m m erce par lettres
« de change et négociations d ’argent de place en plac e,
v pour raison de quoi ils perçoivent un certain protit.
« Par e x e m p l e , un particulier qui est à C a d i x , veut
« faire loucher à q ue lq u’un une s o m m e d ’argent1 à
�( 5i )
« A m st erd a m ; il porte celte somme h un banquier de
« C a d i x , qui lui donne une lellre de change à re ce« voir sur un autre banquier d ’A m sterd a m , son cor« respondant, moyen nant un profit q u ’il prend pour
« la lettre de change ainsi fournie.
.
« On appelle change le profit qui est ainsi p e r ç u , et
« qui n’ es! autre chose, en gé n é r a l, que le droit qui
« se paye ;'i un banqu ie r, pour une lettre de change
« q u ’il fournit sur un autre lieu que celui d ’où celte
«■lellre est tirée, et dont il reçoit la valeur d ’ un autre
« banqu ie r, ou négociant, ou d ’une autre personne
« dans leunêine lieu que celui où la lettre est fournie ».
( L o c r é , loin, i , p.
3. )
I c i , y a - t - i l , de la part de P u r a y , la moindre opé
ration de b a n q u e ?
. D ’abord, quant aux effets q u’il fournissait, pouvaientils a vo ir , et avaient-ils pour but un transport d ’argent
de place en place? L e fait répond à ces deux questions.
Suivant les créanciers, P u r a y était banquier h R to tn ;
ainsi, en cette qualité, il devait prendre les fonds sur
cette pla ce, pour les transporter dans une autre.
Ri en de tout cela : Puray prend les fonds à Clermont,
en fait le transport sur R i o m , et se charge lui-mêm e
du paiement de ses propres traites.
Il est dû un change au banquier pour les effets
q u’il fournil. Les registres de P u ra y établissent que
c ’était lui qui payait des sommes quelconques à ce u x
qui prenaient ses effets : ainsi les rôles étaient changés;
1b droit de la banqu e était perçu du b a n q u i e r , par
ceux qui avaient recours à lui.
14
�Cv,
(52)
.
.
Quant aux effets q u ’il recevait , ils ne pouvaient
le constituer b a n q u ie r, puisque c ’était pour lui que
le Iransport avait lieu. P u r a y , sous ce rapport, loin
d’être
b a n q u i e r , aurait au contraire pour banquier
chacun de ce ux qui lui souscrivaient des lettres de
change.
Po u r être
conséquens a vec
eux-m êm es,
pourquoi ses créanciers ne l o n t - i l s pas déclarer en
faillite c e u x de ses débiteurs qui sont en retard de
le paye r ?
»
E n voilà bien a s s e z , ce s e m b l e , pour démontrer
le ridicule d ’ un système soutenu avec tant d ’opiniâ
treté. Mais
ne
nous décourageons pas , et s’il est
possible , pénétrons plus avant.
Beau co up de
gens,
habitons de la m ê m e v i l l e ,
prêtent leurs- fonds à un de leurs conciioyens. Cet
em prunteur
lient registre de ses em pr un ts ; il
dit
l'intérêt q u ’il en donne, il renouvelle à chaque échéance;
il en lait également mention.
Y a -t-il là une seule opération de b a n q u e ? T o u t
nu cont ra ire, n ’en est-il pas exclusif? l'intérêt p a y é
par le p r é t e n d u banquier; ces renouvellemens qui
attestent que les fonds n ’ ont pas éi é transportés, ne
concourent - ils pas à prouver que-les créanciers ont
fait des prêts à P u r a y , mais n ’ont fait ni entendu
faire par son intermédiaire , aucune opération de
banque.
*
!
'
'
• Actu ell em en t l ’empru nteur place les fonds q u ’il a
ainsi réunis; toutes ses opérations ont lieu dans la
vill e.q u’il habile.; à:son t o u r , il iperçoil des intérêts;
à son t o u r , renouvelle1, lient registre de tout cela.
�Ces registres s ont produils, el l ’on ose parler de banque!
Ven ons enfin au mot de celte cause.
P u r a y a empru nté à des intérêts excessifs; il a
prêté de même.
L ’habitude de ces faits peut-elle établir une pro
fession ?
Celui qui spécule sur l ’intérêt de l’argent est un
u su rier, mais n’est point un banquier.
C e u x qui alimentent de leurs londs l’entrepôt de
l ’ us ure, en exigeant eux-mêmes des intérêts que la loi
défend d ’exig er , font
un métier que la morale et
l ’opinion regaident co m m e vils, que la loi prohibe
el p u n i t , et qui conséquemment ne peut être classé
parmi les
professions que
la société ne reconnaît
qu'autant q u ’elles lui sonl utiles.
Arrêtons-nous i c i ; n ’avilissons point le commerce,'
en insistant plus long-tems sur une vérité
sentir loul
que doit
commerçant qui tient à l'honneur de sa
profession : craignons également de trop approfondir
des idées qui pourraient blesser quelques-uns de nos
le cteu r s, el que le besoin de la cause a seul pu a u
toriser à rendre publiques.
P u r a y n’est donc pas banquier.
v
L ’on a - d é m o n t r é dans les laits q u ’il n’était point
co m m er ça nt ; ainsi, c ’est à tort q u ’on l’a déclaré failli.
Les créanciers bien pénétrés sans doute de l ’i m
possibilité où ils se trouvent de justifier leurs pr é
tentions au f o n d , insisteront sur les fins de n o n - r e cevoir q u ’ils ont déjà opposées , el lâcheront de tirer
avantage du silence du sieur P u ra y.
�( 54 )
L e s délais d ’opposition d’appel sonf ex pirés; vo ilà ;
n'en douions pas, ce q u ’ils se plairont à répéter.
Si dans les affaires ordinaires, une fin de n o n -recevo ir est toujours d éf avo ra b le, ici elle est odieuse*
Quand la négligence d’ un client peut entraîner la
perte de quelques intérêts p é cu n iaires, le magistrat
ex am in e a v e c scrupule tout ce qui peut en détruire
les effets : une nullité de p r o cé d u r e est alors a v id e
m en t sai sie, et l ’omission de la plus légère formalité
devient suffisante pour réintégrer dans ses droits celui
que l ’on en croyait exclu.
C o m b ie n est plus favorable encore la position du
sieur P u r a y ! I l réclame l ’état qu ’on lui a r a v i , pour
y substituer une qualité q u ’il n ’a jamais eue ; il de
man de ses juges dont on l ’a distrait pour le soumettre
à une juridiction qui n’était pas la sienne } et q u ’il
ne pouvait reconnaître. P e u t - o n plaider pour de plus
grands i n t é r ê t s , réclamer des biens plus inaliénables
et plus spécialement placés sur la surveillance et la
garantie de la loi ?
être d e ces premières i d é e s q u i ,
en recevant le d é v e l o p e m e n t q u ’elles e x i g e n t , seraient
Q u o i q u ’ il puisse
peut-être seules suffisantes pour faire rejeter la fin de
non-re ce vo ir proposée; vo yon s ave c le C ode de pro
dure si le sieur P u r a y était enc ore à tenis d ’attaquer
le ju g em e nt du i
3 avril 1 8 1 1 , soit par la voie de
l’o p p o sitio n , soit par la v oie de l’appel ; car l’on a
pu
remarquer que la cause doit aujourd’hui être
ex a m in é e sous ces deu x rapports.
Il est reconnu que tout jugem ent par défaut, rendu
�( 55 ) contre une partie qui n’a pas constitué' d’a v o u é , doit
être signifié par un huissier commis. Il est éga le m en t
certain que ce principe est applicable aux jugemens
ém an és des tribunaux de c o m m e r c e , c o m m e à c e u x
rendus par les tribunaux civils.
( V o y e z C. P. , art. i
56 et 4^5 ; C. C . , art. 6 4 3 ).
L a C o u r a décidé que celt e formalité était néc es
saire pour les significations de ju g em e ns, portant d é
clarations de faillites; ainsi ces premières idées ne sont
plus sujettes à contestation.
Cela posé : le ju g em e nt du i
mettait pas d ’huissier.
3 avril 1 8 n ne c o m
Sa signification a donc été
nullement faite , et n’a pu faire courir les délais de
l ’appel.
* ;
A v o u o n s cependant que les créanciers s’étant aperçu
du vice de ce j u g e m e n t , ont cherché à le c o u v r i r , en
présentant requête au président du tribunal de c o m
m erce , et en obtenant de lui une ordonnance qui
co m m et
Colas , huissier. Disons en m ê m e teins que
la signification du jugement a été faite par l ’huissier
commis par celte ordonnance.
Cela ch ange -t-il quelque chose au m o y e n ?
L article i 5 6 du Code de procédure porte : « Tous
« jugem ens par défaut seront signifiés par un huissier
« c o m m is , soit p a r Le trib u n a l, soit par le juge d u
domicile du défaillant, que le tribunal aura désigné ».
L ’article
4 3 5 , plus spécialement applicable aux
Iribunaux de co m m er ce , a les mêmes dispositions.
Ainsi il faut un huissier commis, et commis p a r le
tribunal j l e président n’a aucun caractère pour donner
�i Ao
\
( 56 î
•
ce ll e commission. A n tribunal se u l, la loi accorde une
confiance entière; elle veul l’imissier du choix du tri
b u n a l, et non celui indiqué par le président, seul.
Elle pousse si loin la précaution à ce sujet, que lorsque
le tribunal qui rend le j u g e m e n t , n ’est point celui du
domicile du défaillant , elle n'indique pas le président
du tribunal de ce domicile pour commett re l’huissier,
elle le confond a vec tous les autres juges; elle dit que
l ’huissier sera commis par le ju g e que le tribunal ( r e n
dant le j u g e m e n t ) aura désigné. Ainsi tout juge n’est
donc point appelé à donner cette commission. 11 fa ut,
ou q u’ elle ém ane du tribunal entier, ou d ’ un juge spé
cialement désigné par lui.
C e m o y e n serait inconleslable, si on élail obligé, ou
de l ’appliquer à l’ordonnance d’ un président de tribunal
civil, ou m ê m e à celle du premier président d ’ une
Cour souveraine ; perdrait-il quelque chose de sa valeur
p a r l ’emploi q u ’on en fait contre l’ordonnance d ’ un pré
sident du tribunal de c o m m e r c e , d ’ un juge d’attribu
ti o n , à qui la loi refuse l’ exécution de ses jugemens;
enfin qui n’a pas m ê m e d ’hôtel?
Ainsi il n’y a point de signiHcalion du j u g e m e n t du
d ’ u n président
i 3 avril 1 8 1 1 , an moins il n’y en a point de régulière;
donc l’appel qui en a él é interjeté esl venu dans les
délais.
M a i s , d ir a - t- o n : vous aviez formé opposition à ce
jugement ; vous y avez été déclaré non recevab le, pour
ne vous être point pourvu dans la huitaine du procèsverbal d’apposition d ’afliche de l ’extrait du j u g e m e n t
que vou sal luqu ez ; or, la m ê m e raison qui a em pêc he de
recevoir
�( $7 )
recevoir votre opposition, doit également faire exclure
votre appela parce que l’art. 443 du Code de procé
d u r e , veut que le délai de l ’app el , pour les jugemens
par d éfa u t, courre du jour où l’opposition n’est plus
recevable.
C ette ob jectio n, qui est la seule que l ’on puisse pré
senter, doit fournir au sieur P u r a y les m oyen s les plus
puissans de cette partie de sa cause.
I/art. 4 57 du C ode de com m er ce dit : « que le juge-« m en t sera affiché et inséré par extrait dans les jour« n a u x , suivant,le mode établi par l’art.
683 du Code
« de procédure civile. »
Il ajoute : « q u ’il sera susceptible d ’opposition ^ pour
« le failli, dans les huit jours qui suivront celui de
« l ’afïiche. »
Vo ilà tout ce que l’on trouve dans le Code de c o m
m e r c e , à ce sujet.
X/on conviendra b ien, sans d o u t e , que le ju g em ent
de déclaration de faillite est susceptible d ’opposition
et d ’appel. Nous pou vons supposer que tout le m o n d e
sera d’accord sur ce point.
quel est l’acte qui fait courir les délais accordés
pou r se pourvoir? P o u r l ’o p p o s i t i o n / c ’est incontesta
Mais
blement le procès-verbal d’affiche de l’extrait du ju g e
ment. P o u r L'appel, c ’est encore le procès-verbal d ’af
fiche , ou c ’est une signification particulière du jug e
ment à domicile.
Si le procès-verbal d ’affiche fait courir le délai dç
l ’a p p e l , alors l’article
44-3 du Code de procédure est
applicable; mais dans ce cas, ce procès-verbal valant
i
5
�(
58 )
signification, doit êlre. revêla, de fouies les formalités
exigées par la loi.
11 faut sur-foul q u ’il ém an e du mi
nistère d’ un huissier commis par le tribunal, au désiu
de l'article i
56 du C ode de p r o c é d u r e , qui est appli
cable aux significations de ju gem ent de déclaration de
faillile , ainsi que l’a jugé un arrêt de la Cour.
Cela posé : le p r o c è s - v e r b a l dont il s’agit a été fait
par un huissier non commis p a r l e tribunal; on n ’a pas
m ê m e à cet égard la ressource d’ une ordonnance du
président du tribunal de co mmerce. Colas, ministre de
cet a c t e , n’avait aucune commission : donc cet acte est
n u l , c o m m e ém an ant d'un officier sans caractère ; donc
l ’opposition et l’appel sont également recevables.
S i , au contraire , l’on co n v ie n t, q u ’outre le procèsverbal d ’affiche, il faut encore une signification du
ju g em e nt à domicile pour faire courir le délai de l’a p
p e l , il faudra également co n v en ir , q u ’en matière de
faillite, l ’opposilion et l ’appel sont deux voies abso
lument distinctes, qui ne se suivent ni ne se s u c c è d e n t ,
mais s ouvr ent chacu ne au moment où est fait l’acte
qui fixe les délais dans lesquels elles doivent êlre e m
ployé es; q u ’ainsi le délai de l’opposition c o m m e n c e
à courir de la dale du p r o c è s - v e r b a l , et celui de l’a p
pe l, de la dale de la signification ; alors l ’article 443
du_£ode Je procédure n’est plus applicable, parce que
le principe q u ’il établit est une censéquence de cet
autre p r in c i p e , que la signification régulière du ju g e
ment est le poinl de départ des délais de l’opposition
et de ce u x de l'appel.
�( 59 )
Ainsi Ton ne peut échapper à l’une de ces deu x
conséquences :
1
Ou le p r o c è s - v e r b a l d’affiches fait courir les délais
de l ’opposition et de l’appel; dans ce c a s , le procèsverbal étant nul, l'opposition et l’appel sont égalem en t
recevables.
Ou il faut, pour faire courir les délais d’appel, une
signification du j u g e m e n t , h domicile ; dans ce cas,
l’article 448 du Code de procédure n ’est point appli
c ab le ; et en supposant l’opposition non rec evab le, l ’ap
pel est venu à te m s , puisque la signification du j u g e
ment est nulle.
A
ces moy en s qui paraissent suffisans , on peut
encore en ajouter d’autres aussi forts , et qui con
courent à prouver et l’irrégularité du p r o c è s - v e r b a l ,
et le mal-ju gé du jugement qui a accueilli la fin de
no n-r ec evo ir proposée par les créanciers.
L'article 167 du C o d e de c o m m erce exige l'affiche
d ’ un extrait du j u g e m e n t ; les principes et la juris
prudence veulent un procès-verbal constatant l'affiche
de cet extrait. Ainsi deux pièces sont i n d i s p e n s a b l e s ,
l extrait
et le procès-verbal.
Les créanciers rapportent le procès - verbal ; ils ne
rapportent point l'original de l’extrait affiché ; donc
lu 1tièce principale, la seule qui puisse établir que c e
que la loi prescrit a été fait , n’existe pas.
Ensuite l’huissier a affiché un extrait certifié c o n
forme à l’expédition par les agens de la faillite.
C e n'est donc pas l’huissier qui â vu l'e xp éd it ion5
ce 11’est donc pas lui qui en a fait l ’extrait. C epen-
�( 60 )
dant lui seul avait caractère pour le faire , et les
agens à la faillite, parties intéressées, ou représentant
les créanciers , ne pou va ie nt, dans leur propre cau se,
délivrer un extrait pareil.
Ainsi tout se réunit pour repousser les fins de nonrecevoir qui sont opposées.
L a tache que s’était imposée le sieur P u ra y est enfin
terminée. i l a montré sa cause dans tous ses détails.
Plein de confiance dans les lumières de la C o u r , il n’a
dissimulé aucune de ses fautes; il a c a c h é , autant que
possible, celles d’a u t r u i , et n’a dit que ce qui était indispensable à sa défense.
Si ses créanciers n ’eussent
été que r i g o u r e u x , il
eût gardé le silence : mais ils sont injustes; ils attaquent
sa réputation ; ils veulent flétrir son nom ; ils le pour
suivent jusque dans sa postérité.
L e sieur P u r a y est fils, ép oux et p è r e , ces différens
titres lui font un devoir de se défendre. Il appartient
à une famille nombreuse ; quelques amis lui restent
encore. L e s r ep ro che s q u ’on peut lui faire ont été ap
préciés, et tout doit faire supposer q u ’u n e x a m e n ap
profondi des circonstances de cette affaire, conduira
l ’h o m m e impartial à conven ir q u e , c o m m e beaucoup
d ’autres é v é n e m e n s , elle montre que le p lu s m alheu
reu x n'est pas toujours le p lus coupable.
M .e J.n-C h .
M.°
B A Y L E , A voca t.
M A N D E T j e u n e , A voué.
J .- C . S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
«
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Puray. 1813?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Mandet
Subject
The topic of the resource
notaires
banqueroute
fraudes
spéculation
banquiers
usure
créanciers
exil
fuite à l'étranger
créances
livres de comptes
commerce
banques
commerce
vin
troubles publics
scellées
commerçants
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire et consultation pour le sieur Puray, ex-notaire, appelant ; contre les sieurs Dubreuil, Brun, Versepuy, Guémy et autres, ses créanciers, intimés ; et contre les Syndicas à sa prétendue faillite, aussi intimés.
note manuscrite : « jugement confirmé par arrêt du 17 mars 1813. Voyez l'arrêt à la suite du second mémoire ».
Table Godemel : acte de commerce : quelles sont les circonstances suffisantes pour établir qu’un individu s’est livré habituellement à des opérations de commerce et de banque ? Faillite : 1. l’opposition au jugement qui déclare un individu en état de faillite doit être formé dans le délai prescrit par l’article 457 du code de commerce, et non dans ceux déterminés par les articles 156, 158 et 159 du code de procédure civile.
2. en matière de faillite, l’affiche et l’insertion de l’extrait du jugement dans le journal du département faites en conformité de l’article 683 du code de procédure, valent signification au failli.
3. la fin de non-recevoir, résultant de ce que l’opposition au jugement qui déclare la faillite n’a pas été formée dans le délai, s’applique à l’appel interjeté dans ce même jugement. Notaire : 3. l’individu qui exerce la profession de notaire peut être réputé commerçant.
Quelles sont les circonstances suffisantes pour établir qu’un individu s’est livré habituellement à des opérations de commerce et de banque ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1813
An 4-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2221
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0620
BCU_Factums_M0619
BCU_Factums_G2222
BCU_Factums_G2223
BCU_Factums_G2224
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53450/BCU_Factums_G2221.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Lyon (69123)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
banqueroute
banques
banquiers
commerçants
commerce
Créances
créanciers
exil
fraudes
fuite à l'étranger
livres de comptes
notaires
Scellées
spéculation
troubles publics
Usure
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53423/BCU_Factums_G2127.pdf
0701678de69aaa47da281a6a43e1d900
PDF Text
Text
/
R
E
S
U
M
E
POUR
M . E m m a n u e l A U B I E R - L A M O N T E I L H E , ancien
magistrat, demeurant en la ville de Clerm ont, intimé;
CONTRE
Dam e M a r ie -F r a n ç o is e
B e n o it
FABRE
D E
A U B I E R ,
ép o u se de
S t . M A N D E , a u to r is é e
p a r j u s t i c e , e t le s ie u r D E
S t . M A N D E , so n
m a r i , a p p e la n s ;
ET ENCORE C O N T R E
D am e M a r i e - C l a u d i n e D E C H A M P F L O U R
veuve de sieur Jérôme-Emmanuel A UBIER-L A MONTEILHE , tant en son nom qu'en qualité de tutrice
de leurs deux enfans mineurs t appelante.
L a dame de St. Mande a acquis les biens de M. A ubier, son
frère. L ’adjudication lui en a été faite pendant l'immigration de
ce dernier , qui soutient que sa sœur n’a acheté et agi qu’en
vertu du mandat q u 'e lle avoit reçu et accepté de lui.
En première instance, la dame de St. Mande a prétendu , en
fait, que n’y ayant point eu d’acte synallagmatique constatant
le m andat, elle n’avoit pas été mandataire; en d ro it, qu’il ne
pouvoit pas y avoir de m andat, parce que M Aubier , mort
A
�c 2 \
civilem en t, ne pouvoit s’obliger ni obliger personne par cette
espèce de contrat.
Les premiers ^juges ont vu dans la cause un m andat, et en
ont ordonné l’exécution.
La .dame de St. Mande s’est pourvue contre leur jugement.
Elle a paru d’abord fonder son espérance sur le point de droit.
On lui a répondu par une consultation..
Elle annonce aujourd’hui qu’elle veut s’en tenir au point de
fait.
On lui répond par un résumé des faits.
Antoine Aubier de Lamonteilhe avoit épousé Jeanne de Champilour, à laquelle il a survécu. D e ce mariage sont issus Emma
n u el, intim é, Jean >Baptiste , supplicié révolutionnairement à
Lyon , et Marie-Françoise , épouse du sieur de St. Mande ,
appelante.
L e 4 décembre 1768, Emmanuel a contracté mariage avec
Jeanne Margeride. Ses père et mère l’onflnstitué leur héritier
■universel, sans autre réserve que celle de la somme de 40,000 fr.
pour la légitime paternelle et maternelle de Marie-Françoise, et
celle de Jean-Baptiste, leur frère.
Le 10 février 17 7 7 , M arie-Françoise a épousé le sieur de
St. Mande. Par son contrat de mariage , sa dot a été fixée à
o,ooo francs, pour droits paternels et maternels, moyennant
quoi elle renonce à toutes successions directes et collatérales,
et à tous droits cchus et ¿1 échoir.
L e z brumaire an > Antoine Aubier père est mort en ré
clusion. '
Dans le mois de'pluviôse de la même année, Jean-Baptiste
a perdu Is* vie à Lyon.
A cette époque, Emmanuel étoit fu gitif; il cherclioit à éviter
l ’exécution de deux mandats d’arrdt qui avoient été décernés
contre lui les 11 et ao août 1792. Mais il n y avoit point eu de
jugement par contumace ; son nom ne so trouvoit sur aucuno
liste d'émigrés ; ses biens n étoient ni séquestrés, ni annotés :
5
5
4
�3
(
)
ainsi il s’est trouvé saisi des successions d’Antoine , son père ,
et de Jean-Baptiste , son frère.
Son inscription sur la liste des émigrés , a eu lieu à la m u
nicipalité de C lerm on t, le 18 germinal a» , et au départe
ment , le 7 floréal de la même année. Le séquestre de ses
biens en a été la suite.
M. A u b ier, alors retiré en Prusse, chercha , comme beaucoup
de ses compagnons d’infortune, à conserver ses propriétés , et
à les soustraire à la rigueur des lois révolutionnaires. Il avoit
pour cela deux moyens à em ployer; le premier étoiü, en ob
tenant sa radiation, de se faire restituer ses biens ; le secon d ,
de s’en rendre lui-m ém e adjudicataire, dans le cas où il ne
pourroit empêcher la vente avant d’étre rayé.
Il étoit impossible à un émigré d’agir directem ent ; il falloit
à M. Aubier un intermédiaire. La dame de St. M ande, sa sœur
(e t sa créancière pour reste dé sa d o t), accepta son mandat.
Ses nombreuses lettres montrent qu’elle a répondu à la con
fiance de son frère, avec exactitude, courage et générosité.
Pendant long.temps M. Aubier n’a vu dans ces lettres que
la preuve de la tendresse de sa sœur ; il les conservoit par reconnoissance. Il étoit en effet difficile de croire qu’elles pussent
devenir un jour des pièces de procès, et que M m\ de St. Mande ,
après avoir tout fait pour conserver la fortune de son frère ,
voudroit elle-méme détruire son ouvrage , faire suspecter ses
intentions, et contraindre M. Aubier à produire à la justice,
comme titres obligatoires, ce mêmes lettres.
Aujourd’hui, la dame de St. Mande ne veut plus avoir été la
mandataire de son frère ; cédant aux conseils qui l'entourent
elle se prétend propriétaire des biens par elle acquis.
4
9
Il faut donc lui montrer par ses lettres, rapprochées des actes
de la c a u s e , qu’elle a reçu le mandat de M. A u b ier, q u ’e l l o
l’a accepté , qu’elle l’a exécuté.
Pour c e la , il faut classer les faits sous trois époques.
La première comprend ce qui s’est passé depuis l’émigration
A a
'
�(4)
de M. A u b ier, jusqu'à l’adjudication de ses biens, qui a eu lieu
le
thermidor an 4La seconde embrasse le temps qui s’est écoulé de cette ad
judication à la rentrée de M. Aubier, qui eut lieu avant sa ra
diation, et ne fit conséquemment point cesser l’état de mort
civile que la loi prononçoit contre lui. C ’est pendant ce temps
qu’a été contracté le mariage du sieur Aubier fils avec la de
moiselle Champflour , veuve de Bullion.
E n fin , la troisième se compose de tout ce qui s’est passé de
puis le mariage jusqu’au moment actuel.
25
P
remière
E
poque.
Les premières démarches à faire étoient de provoquer la ra
diation de M. Aubier ; la mainlevée du séquestre devant en être
la suite nécessaire. Pour y parvenir , il falloit simultanément
agir auprès de l’administration du département, et auprès du
ministère : la dame de St. Mande se chargea de présenter,
comme fondée de la procuration de son frè re , toutes les péti
tions qui pourroient être nécessaires, et de surveiller les démar
ches qu’un sieur Busche faisoit à Paris, soit directem ent, soit
par l’intermédiaire de l’ambassadeur de Prusse.
Les difficultés étoient sérieuses ; il falloit du temps pour les
vaincre : intermédiairement les biens pouvoient se vendre, si
l’on ne parvenoit à embarrasser la marche trop active de l'admi
nistration. Mme. de St. Mande seule avoit les moyens de le faire ;
comme cohéritière de son frère , elle pouvoit demander le par
tage , l’envoi en possession provisoire; elle pouvoit m êm e, si les
circonstances l’exigeoient, former opposition aux ventes, et a c
cumuler t o u s les obstacles que la prudence p o u r r o i t lui suggérer,
pour empêcher 1 adjudication ; et ce n’étoit qu après avoir épuisé
toutes ces ressources, q uelle devoit elle-même se rendre adju
dicataire.
La dame de St. Mande a-t-elle agi d une manière conforme
�c 5 }
aux idées que l ’on vient d’expliquer? a-t-elle agi pour M. Aubier?
a-t-elle agi en vertu de ses procurations ou mandats?
Sur toutes ces questions, qu’on l’écoute elle-méme.
D ans une prem ière le ttre , du 20 septembre 179 5, elle d it:
« Il seroit très-urgent d’a g ir, pour te procurer la rem ise de tes
« biens. » E lle assure avoir obtenu un arrêté qui l’envoie en
possession provisoire ; arrêté dont elle n’a pas fait u sa g e , parce
q u ’elle craignoit les suites du partage que le district vouloit
provoquer. E lle ajoute : « Je ne ferai rien qui puisse heurter
« tes vrais intérêts ; hâte-toi de travailler à lever les d ifficultés....
« l ’acte e t brevet que tu as envoyés à ta fe m m e , ne sont pas
« su tfisa n s...... Elle avoit vu d’abord avec chagrin mes clèmar« ches; mais on lui en a fa it sentir /'avantage : je ne désire rien
« que pour ton utilité.
« T u écris souvent à ta fem m e; j’espère que tu me rends la
« justice de me croire portée pour tes intérêts. »
A in s i, la dam e de St. M ande annonce qu’elle n ’agit que pour
son frère ; elle l’invite à lever les d ifficu lté s, en envoyant un acte
plus détaillé ; et elle ne tém oigne qu’un seul chagrin , ce lu i de
voir la confiance de M. A ubier partagée entre elle et sa bellesœur.
P ou r faire cesser les querelles de rivalité entre sa fenrme et
sa sœ ur, M. A ubier leur avoit proposé d’envoyer un de ses fils ,
qui auroit été le fondé de pouvoir de M. A u b ie r; elles s’y re fu
sèrent , en disant que ses trois enfans étoient inscrits ( ce qui
ne s’est pas trouvé vrai ). M me. de St. M ande est ainsi demeurée
seule chargée du mandat de son frère.
Une nouvelle lettre apprend à M. Aubier que sa sœur a ob
tenu l’envoi en possession provisoire de son b ie n , mais qu’elle
n’est que son h o m m e d ’a f f a i r e s . « J’ai agi, dit-elle, par le conseil
« de tes am is, sans aucun intérêt, puisque je serai t o u j o u r s
c< c o m p t a b l e . 53 Elle n a demandé le partage que p o u r mettre
obstacle à la vente, et empêcher la d é g r a d a t i o n . Elle d i t e n f i n :
« Si tu parviens à te faire rayer, ce sera avec to i que je ferai
�( 6 )
« nies comptes ; et tu es bien sur que sans autres intérêts que
« les tiens, je me bornerai à ma légitime. 33
Voilà la dame de St. Mande qui se reconnolt homme d’af
faires , comptable de M. Aubier.
Allons plus loin. Dans une troisième lettre , après avoir re-r
proché à son frère d’avoir envoyé les pièces probantes à d’autres
qu’à e lle, elle dit : « J’ai présenté ton mémoire au département;
« il n’a pas été accueilli............Si l’adjudication se faisoit, j’y
« mettrois opposition, en provoquant le partage. >3
Ainsi encore la dame de St. Mande agit pour son frère.
Une quatrième lettre s’exprime ainsi : « Comment se fait-il
« que je ne reçoive plus de tes nouvelles? Dans un moment.où
« tu dois avoir à me mander ce que tu veux que je fasse, tu
« dois être im patient de savoir où en sont tes affaires ; elles
cc n’avancent pas............ Ici les soumissions se font : on croit
« cependant les ventes reculées, à raison du discrédit des msn»
cc dats........... Je vais faire , en vertu de ta phocuhation , les
te oppositions a u x ventes , et former tous les obstacles que tes
k conseils me suggéreront. »
Cette lettre ne laisse aucune équivoque. La dame de St. Mande
non-seulement n’agissoit que pour M. A u bier, mais encore elle
se conformoit en tout à sa volonté : les actes qu’elle faisoit
n’avoient lieu qu’en vertu de la procuration de son frère , et elle
sentoit elle-méme la nécessité de conformer sa conduite aux
avis des conseils de M. Aubier.
Mais pourroit-on exiger plus d’explication? Que l’on lise la
cinquième lettre.
La dame Aubier y parle des démarches du sieur Busche au
près du ministère; elle dit qu’un voyage à Paris , et une lettre
au ministre de Prusse , seroient nécessaires ; elle ajoute ensuite :
(c J’ai présenté aujourd’hui ton mémoire au département : on
te a eu 1 air tres-étonné j et sans me faire aucune réponse sur
et la validité de ta rnocuiiATiON , on m’a remise à quatre jours,
u M. Boirot a maintenant plus de confiance cri ton a ffa ire, sans
�( 7 ")
« Cependant en répondre. Quand même tu rcussirois h sauver
« la confiscation , il te restera toujours la qualité de père , et
« par conséquent le séquestre. »
Quoi de plus clair ! Toutes les démarches de la dame de
St. Mande ne sont-elies pas dans l’intérét de M. Aubier ? n’estce pas lui qui les dirige? n est-ce pas de son affaire dont il
s’agit? la dame de St. Mande consulte-t-elle dautres conseils
que ceux de son frère , et pour dautres intérêts que les siens?
enfin, fait-elle un seul pas sans produire la procura tion, ou
sans en parler? ne va-t-elle pas jusqu’à craindre que ce guide
de t o u t e s ses démarches ne soit insuffisant ou irrégulier?
Ici les choses changent. Les mesures que le gouvernement
avoit cru devoir prendre contre les émigrés , devenoient de
jour en jour plus sévères, et étoient exécutées à la rigueur. Il
n’y avoit plus de moyens d’obtenir la radiation de M. Aubier ;
le refus en avoit été notifié officiellement au ministre de P russe,
qui lui-méme en avoit donné avis à M™. de St. Mande , sui
vant son propre aveu. La confiscation étoit définitive ; et pour
sauver ses biens, il falloit recourir à la ressource extrême de
l’adjudication.
La dame de St. Mande étoit pressée par le conseil de son
frère , qui Vouloit qu’elle acquit sur-le-champ ; m ais, d’une part,
elle ne trouvoit point sa procuration assez régulière; de l’autre,
elle avoit des craintes , et même des arrangemens à prendre,
qu’elle communique à son frère dans une lettre dont voici l’analise.
Bile dit d'abord qu’elle n'a pas reçu une procuration léga
lisée du m inistre, que M. Aubier lui envoyoit; qu’elle craint
de ne pouvoir plus long-temps éloigner les acquéreurs, et que
M. Boirot lui conseille de soumissionner t o u t , et to u t de su ite;
elle est arrêtée par le défaut d’ argent, et par la crainte de dé
plaire à sa belle-sœur, à qui elle veut donner la jouissance sans
lui donner la propriété , à moins q u e lle ne l ’y fo rce. Mais ,
dit-elle, « dans la nécessité où je serai d'acquérir ta fo r tu n e ,
« je ne veux rien que ma légitime. » Revenant ensuite sur la
�' ( 8 )
nécessité qu’il y a d’acquérir promptement ,■soit parce que le
département ne veut donner aucun d élai, soit parce que le sieur
Busche et l’ambassadeur de Prusse ne laissent plus aucun espoir,
soit enfin parce que les émigrés même rentrés ne peuvent ob
tenir aucune restitution , elle finit par dire : « Si j’ach è te , le
« contrat passé, je vendrai d e s o b j e t s a t o i pour faire le second
« payem ent, et s i m p l i f i e r l a r e c e t t e ; car on est, de part et
« d’autre, trop méfiant pour que je mette la téte dans le sac. »
L ’on ne peut douter que la dame de St. Mande ne pouvoit ni
ne vouloit acheter pour son compte ; que l’état de sa fortune
l’empéchoit même d’y penser ; et qu’il étoit aussi conforme à
ses intérêts, comme créancière de son frère pour sa légitim e,
qu’à l’honnêteté de ses vu e s, de n’acquérir que pour M. Aubier.
Aussi veut-elle une procuration régulière, qui lui permette nonseulement d’acheter, mais même de vendre. Elle ne doit courir
aucune chance ; elle sent bien qu’elle va devenir comptable ;
mais comme elle ne doit acquérir la fortune de son frère que
pour la lui rem ettre, elle veut en distraire tout ce qui sera né
cessaire pour la p a yer, sans y rien mettre du sien.
D euxième
E poque.
i
M. Aubier soutient que la dame de St. Mande ayant reçu la
procuration légalisée qu’elle désiroit, et qui lui avoitété adressée,
acquit, comme mandataire, les biens dont il s’agit, et les ad
ministra ensuite en la même qualité; il ajoute même que tout
acte de transmission de ces biens, qui a pu être fait par la dame
de St. M ande, n’a eu lieu que pour lui et en son nom.
La dame de St. M ande, pour agir utilement en faveur de
son frè re , avoit différentes précautions à prendre. Elle devoit
d’abord intéresser l’adm inistration, et le public même , à la
situation de M. Aubier : l’administration, pour obtenir d'elle un
expert qui n'exagérât point la valeur réelle des biens dont elle
vouloit devenir adjudicataire; le public, pour éloigner les per
sonnes
�9
C
)
sonnes qui auroient eu envie de soumissionner ces mêmes pro
priétés. Le moyen le plus simple étoit de déclarer qu’elle ac*
quéroit pour son frère.
Devenue adjudicataire, la dame de St. M ande, se trouvant
à la téte de l’administration de toute la fortune de son frère ,
devoit également lui rendre un compte exact de sa gestion : de
là la nécessité de ne rien lui laisser ignorer. Les payemens , la
manière dont ils dévoient être faits , l’emploi des revenus ou des
capitaux provenant des ventes qu’il voudroit autoriser, les ré
parations que les héritages exigeoient, tout devoit être connu de
M. A ubier, afin de lui donner les moyens d’apprécier sa situa
tion, et faciliter le compte qu’auroit à rendre la mandataire.
Les pièces et les lettres vont-apprendre ce qu’a fait la dame
de St. M an d e, et en quelle qualité elle a agi.
L ’adjudication est du
thermidor an 4 ; elle comprend les
biens d’Antoine et Jean-Baptiste Aubier , et a été faite moyen
nant la somme de 99,258 liv. 9 sous.
Comme la dame de St. Mande avoit qualité pour venir à
partage ( en rapportant les sommes reçues à compte de sa lé
gitime ), pour rendre le rachat moins onéreux à son frère, elle
ne se fit adjuger que les sept neuvièmes des biens composant
les deux successions.
La dame de St. Mande va nous apprendre toutes les circons
tances et toutes les suites de cet acte.
Une première lettre , du 16 septembre 1796 , dit que l’adju
dication a été faite moyennant 100,000 fr. , parce que l’adju
dicataire n’a pas quitté les experts qui devoient estimer les biens.
Mme. de St. Mande ajoute qu’elle a été secondée par tout le
monde, parce qu’elle a manifesté son in ten tion , et que tous sea
amis lui ont ouvert leur bourse. Après avoir expliqué quelle
vente il faudra faire pour p ayer, elle parle de ré g ie , de répa
rations , des héritages qui ont plus ou moins souffert pendant
le séquestre, et se plaint de ce que l’administration voudroit
exiger la garantie de son mari ; ce qui la gène , car elle a
B
25
�C i° )
tout f a i t en son nom. E lle assure ¡ensuite avoir fait an testa
m ent où l’on trouvera les déclarations k îc e ss a ir e s ; elle dit
q u e , pour les payem ens , elle a fait venir des mandats de Paris ,
parce q u ’ils étoient moins c h e r s , et term ine par ces mots -: « Je
« ne m ’o ccu p e que de cela i j’y suis toute entière et s e u le ,
« le. mari n’étant o ccu p é que d e ses tropues affaires . »
C ette lettre n ’indique-t-elle pas pour qui la dame de SaintM ande a agi? L 'intention qu’elle a m anifestée pou voit-elle* être
autre que d’apprendre qu’elle acquéroit pour son frère? E lle an
nonce que c ’est la source de Y intérêt qu’elle inspiroit à tout le
m onde. La déclaration consignée dans son testam ent pouvoitelle avoir un autre objet ? le soin qu’elle apportoit à em pêcher
que son mari ne contractât -des obligations personnelles , ne
prouve-t-il pas que c ’est p arce qu’e lle agissoit seulem ent com m e
m andataire, e t parce qu’e lle craignoit les suites de son m a n d a t,
qu'elle prenoit toutes les précautions possibles pour em pêcher
que la fortune de son mari ne fût com prom ise?
U ne seconde lettre s’exprim e ainsi : « V oilà le quart qu’il
*t faut payer en num éraire, je suis bien forcée de vendre. Il est
k possible que si ta fem m e parvient à 6emer des inquiétudes ,
a je ne trouve pas d’acquéreurs : alors je serai forcée de m e
« laisser déchoir , car je suis bien résolue de tiy mêler pour
•c rien la fortune de mon mari. L ’opération des experts m ’a
« donné beaucoup d’embarras «t coû té cher. N ous sauverons
« quelque chose ; e t , encore une f o is , cb n ’e s t pas pour moi.
« P r in c ip a u x , revenus , seront bien comi>tiLs , bien ren d us ;
« j’en réponds. »
Ainsi la dam e de St. Mande reconnolt qu’elle a dirigé l’opé
ration des experts. En annonçant qu’elle se laissera d é c h o ir,
s’il faut payer des deniers de son m a ri, elle donne pour raisoo
que c e n’est pas pour e l l e q u ’e l l e a acquis , et s è reconnolt
com ptable des principaux et des revenus.
Dans une troisième lettre, elle dit : « T a femme cherche à
« ven d re, pour rentrer dans le pays montagneux. Lorsque j ’a i
�C
)
ce a ch e té , Ce n’est que pour empêcher q u e l’on adjuge à ’ un
cc autre. On m’a rendu ta rnocunATiON , mais on a gardé le
« mémoire. » Cette lettre parle ensuite des ventes qu’il faut
faire pour finir d'acquitter le. prix de l’adjudication.
Ici se placent plusieurs réflexions. L ’on voit q u e , dans ces deux
lettres , la dame de St. Mande avoit conçu des inquiétudes sur
le compte de M“ e. A u bier; d’abord, elle craignoit qu’elle n’éloignât les acquéreurs ; ensuite elle lui suppose le projet de se
mettre en possession des biens de montagne. Comment la dame de
St. Mande auroit-elle conçu de pareilles idées, si elle eut acquis
pour elle? Ses intérêts étoient absolument séparés de ceux de la
dame Aubier : il est évident que cette dernière ne pou voit rien
exiger de sa belle-soeur; et ce ne peut être que parce que
M me. de St. Mande reconnoissoit que les biens q u e lle venoit
d ’acquérir appartenoient toujours à son fr è r e , qu’elle supposoit à la femme de ce dernier le droit d’y rentrer par des moyens
quelconques.
La procuration dont il est parlé n’est pas insignifiante : c ’est
en vertu de ce titre que la dame de St. Mande agissoit ; et ",
pour donner plus de publicité à ses dém arches, elle l’avoit
déposé à l’administration, après l’avoir communiqué à beaucoup
de monde.
Vient actuellement une quatrième le ttr e , du
décembre
1796, qu’il faut analiser, parce q u e lle prouve tout à la fois, le
mandat , l’administration la plus générale , et l'obligation de
rendre compte.
Elle commence en ces termes : « Je suis toujours occupée
« de TES a f f a i r e s : mes payemens sont faits jusqu au jour. »
Elle dit qu’elle cherche à vendre la maison; qu'elle a affermé
le pays montagneux ,000 francs ; q u elle a fait des réparations
au verger, où elle a planté six douzaines de pommiers. Et après
avoir dit que le département a rendu tous les papiers de fam ille,
elle termine en ces termes : « Je ne saurois assez te dire coma bien les gens de ton village t’aiment : sana cesse ils parlent
B 2
3
5
�(12 )
« de tes enfans ; e t, vraim ent, s ’ils m e connoissoient capable
« de te trom per , je crois qu’ils me chasseroient. Tns a f f a i r e s
cc m’occupent beaucoup. Mon mari me recommande de ne pas
« prendre une broche , que l’on ne pourroit ensuite faire le
« compte. »
N ’est-ce pas toujours des affaires du sieur Aubier dont il est
question ? Un mandataire peut-il reconnoitre plus formellement
qu’il doit un com pte, entrer dans plus de détails; et chacun
de ces détails ne prouve-t-il pas de plus fort le mandat.
A cette ép o qu e, M. Aubier travailloit à se faire rayer de
la liste des émigrés. Sa sœur avoit connoissance de l’instruc
tion qui se faisoit à la police sur cela.
Le 16 janvier 1797, elle lui écrit que l’acquisition qu’elle a
faite de ses biens rend cette mesure inutile ; que la restitution
du p rix , qu’il pourroit espérer, ne produiroit autre chose
qu’une inscription sur le grand livre; ce qui n’étoit pas un
avantage assez considérable pour balancer les sacrifices qu’il
seroit obligé de faire. Cette lettre contient ensuite un tableau
de la position de M. Aubier ; elle lui fait de nouveau sentir la
nécessité de vendre pour payer le prix de l’adjudication ; elle
termine : « Je n’ai d’autres intérêts que les t i e n s ............Si je
« donne quelque chose à ta femme, ce sera en numéraire . . . .
ce Je ferai aller du jour au jour. »
Il est difficile de comprendre pourquoi la dame de St. Mande
ne vouloit pas que M. Aubier se fit rayer. Dans tous les c a s , si
la dame de St. Mande n’eut pas acquis pour son frère , et pour son
frère seulem ent, pourquoi lui parle-t-elle toujours de ses intérêts,
et lui rend-elle com pte, à chaque courrier, de l’administration
d’une propriété qui ne lui auroit pas appartenu? pourquoi annonce-t-elle qu’elle prend sur les revenus de cette propriété ce
qu elle donne à Mm*. Aubier de la part de son mari ?
Une sixième lettre, du 19 janvier 1797, contient l’envoi des
bordereaux de m andats qui ont servi à acquitter le prix de la
vente j elle explique ensuite la manière dont les payemens de-
�3
( i )
voient se fa ire , et comment elle les a effectués; elle dit qu’elle
doit en core, sur le prix de la v e n te , une somme de 16,000 f r .,
envoie la note de ce qui reste à payer aux créanciers de JeanBaptiste, décédé à L y o n , et finit par ces expressions : « C ’est
un dédale où je me perdrois moi-même, si je n’écrivois-exac
tement toutes recettes e t dépenses, e t encore bourse à part. »
- Si la dame de St. Mande a été la mandataire de quelqu’autre
personne que de son frère , que le mandant montre , s’il est
possible, des lettres aussi explicatives qui puissent établir son
droit ; qu’il prouve avoir envoyé des procurations comme
M. Aubier père.
Le 17 mars même année, la dame de St. Mande écrivoit :
« J’ai vendu la terre de Burre, qui touchoit M. de Beyre (1)......
« Quoique je lui aie fait lire la p r o c u r a t i o n que tu m’as en« vo y ée, il me prie de t’engager à mettre sur un billet séparé,
« dans une de tes le ttres, que tu approuves cette v en te ............
« Il donne pour raison que ne pouvant pas déposer cette rno« c u r a t i o n chez un notaire, qui ne la recevroit pas, elle reste
« dans mes m ains , et ne lui sert à rien si je venois à mourir. 33
Cette lettre contient ensuite d’autres détails sur les ven tes, sur
les réparations à faire, et en général sur l’administration des biens.
F a u t-il quelques observations sur cette lettre? La dame de
St. Mande peut-elle dire qu’elle n’avoit point de procuration de
son frère? mais elle nous apprend elle-méme que c’est en vertu
de cette procuration qu’elle agissoit. P eu t-elle dire que c ’est
pour un autre que pour son frère , qu’elle avoit acquis et qu’elle
revendoit? mais c ’est à lui qu’elle s’adresse pour obtenir une
ratification de ces ventes, et pour tranquilliser les acquéreurs,
qui craignoient que la procuration qu’avoit la dame de St. Mande
leur fût in u tile, dans l’impossibilité où elle se trouvoit de la
déposer chez un notaire.
7
( l ) ^USC
Pai* «le M ontferrand, lieu du domicile de la famille et de la situa
tion de la majorité des biens.
�r4
C
)
Dans une autre lettre, de la fin du mois de mars même
année, la dame de St. Mande annonce à M. Aubier l’envoi
qu’elle vient de faire d’une lettre de change au troisième fils
de M. Aubier. « J e t’en préviens, d it-e lle, ne voulant jamais
« leur faire d’envoi à ton insçu. »
A in si, de même que la dame de St. Mande rendoit compte
à M. Aubier de son administration, et des sommes qu’elle avançoit à la dame A u b ie r, de môme elle croyoit devoir l’inforr
mer de tout ce qu’elle envoyoit à ses en fans, parce que c ’étoit
de l’agrément de leur père, et pour son com pte, qu’elle leur
faisoit ces envois.
P e u t-il y avoir une reconnoissance plus formelle' qu’elle est
sa m andataire, dans cette disposition de fonds, comme en touti
L ’on trouve parmi les lettres de Mme. de St. Mande, pro
duites par M. A ubier, quelques-unes adressées aux fils de ce
dernier ; dans toutes, la dame de St. Mande convient qu’elle
n’a été que l ’ i ï O îh m e d ’ a f f a i r e s de M. Aubier père ; elle ajoute
q u e lle désire être débarrassée des peines que sa gestion lui
donne; elle dit positivement qu’elle leur refusera toujours l’ar
gent qu’ils pourroient dem ander, à moins que le pere ne con
sente à leur en envoyer.
A u commencement de 1801, M. Aubier est rentré en France;
il navoit point obtenu sa radiation; il étoit en surveillance y et
conséquemment toujours privé de l’exercice de ses droits civils.
Son retour fu t annoncé à la dame de St. M ande, par le sieur
Aubier, fils aîné, qui reçut de sa tante,dans le courant de février,
la lettre que voici : « Le retour de votre père me fait un plaisir
ce sensible ; mon cœur est satisfait, et l’intérêt de vos affaires,
te celui de ma tranquillité le rendoit nécessaire ; j espère qu’il
« sera rayé définitivement, et alors nous réglerons nos comptes;
« je l u i rendrai t o u t , et c ’est a l u i s e u l et d e l u i s e u l que
« vous pouvez et devez dépendre. Je ne suis et n’a i été que
et SON IlOMMB D AFFAIRES, HC POU VANT, IIQ Voulant RIEN DISPOSER ,
« RIEN A U Î N E n SANS LUI. »
�15
c
)
Cette lettre, qui n’a pas besoin d’interprétation, précéda de
peu de temps l’arrivée de M. Aubier à Clermont. A peine est-il
de retour, que la dame de St. M ande, et tous les acquéreurs à
qui elle avoit toujours dit qu’elle n’étoit que l'homme etaffaires
de son frère , engagent celui-ci à ratifier les ventes qu’elle avoit
consenties. Mme. de St. Mande témoigne en même temps le dé
sir le plus v if de rendre compte de sa gestion , et de se débar
rasser, sinon du mandat de son frère, au moins de toutes les
peines que lui donnoit l’administration de ses biens.
M. Aubier pensoit devoir obtempérer à la volonté de sa sœur;
mais l’un et l’autre étoient arrêtés par les difficultés résultantes
de ce que M. A u b ie r, n’étant pas encore rayé de la liste des
ém igrés, étoit en état de mort civ ile , «t ne pouvoit conséquemm ent reprendre ses propriétés, qui auroient été nécessairement
remises sous le séquestre ; il ne pouvoit non plus les administrer
publiquem ent, puisqu’il auroit eu les mêmes dangers à courir,
et que d’ailleurs les démarches qu’il avoit à faire pour obtenir
'sa radiation, ne lui permettoient pas de se livrer à l’embarras
de ses affaires domestiques. Il falloit donc faire un acte q u i,
tout en débarrassant la dame de St. Mande de l’administration
des biens , lui laissât la qualité de m a n d a ta ir e il falloit égale
ment que cet a cte , tout en constatant que les biens a voient été
acquis pour M. Aubier lui-m êm e, et qu’il en étoit le vrai pro
priétaire , comme il l’avoit été avant leur confiscation, fû t assez
équivoque pour que, dans le cas où le gouvernement voudroit
séquestrer de nouveau ses b ien s, on pût répondre au fisc que
que M. Aubier n’étoit pas propriétaire.
L e sieur Aubier fils parut être, à la dame de St. Mande et
à son frère, un intermédiaire qui pourroit faire cesser toutes ces
difficultés, et l’on pensa à le faire intervenir dans l ’acte * pour
en fa ire , ou le subrogé mandataire de la dame de St. Mande r
dans le cas où M. Aubier nuroit capacité pour reprendre ses
biens, et qualité pour recevoir le compte que lui devoit sa sœur,
ou le représentant de tous les enfans de M. Aubier p è r e , vé-
�C
)
ritable mandant, dans le cas où la continuation de sa mort civile
s’opposeroit à ce qu’il put valablement recevoir la transmission
que la dame de St. Mande vouloit lui faire de ses biens.
En conséquence, tout cela ainsi réglé, il est passé , le 8 mai
1801 , un acte entre la dame de St. Mande, d’une p art, et les
sieurs Emmanuel Aubier , son frère , et Jérôme - Emmanuel
A ubier, son second fils, d’autre part. .
C et acte est intitulé d é c h a r g e et convention.
La dame de St. Mande dit qu’elle a acheté les biens prove
nant d’Antoine et Jean-Baptiste A ubier, pour conserver lesdits
biens à s o n f r è r e ...... ou aux en fan s de son frère; qu’ayant réi
téré ses offres de faire l’acte de transmission desdits b ien s,
Em m anuel A ubier l ’en rem ercie, tant en son nom q u a u n o m
d e s e s e n f a n s , de qui il a déjà remis à sa sœur acte d’adhé
sion à tout arrangement.
L on ajoute ensuite que acte authentique de transmission
définitive desdits biens à E m m a n u e l A u b i e r , n’étant point pos
sible solidem ent, jusqu’à ce que celui-ci a it obtenu sa radia
tion définitive ; d’ailleurs , Emmanuel et sa sœur voulant fixer
sur la téte de Jérôme les principales propriétés, s’il trouve un
mariage avantageux ; que les conditions de ce mariage , et le
résultat de quelques affaires non term inées, devant influer sur
la nature et la quotité des réserves qui doivent être faites ,
tant pour Antoine et Jean-Baptiste-Antoine , premier et troi
sième fils d’E m m anuel, que pour la subsistance nécessaire à
celu i-ci, surtout s’il perdoit sa p la ce , les parties sont convenues
de différer l’acte définitif de transmission.
Cependant la dame de St. Mande , voulant être délivrée des
peines que lui a données le soin de ces propriétés, il a été
convenu qu’elle en demeure dès à présent déchargée.
On examine ensuite le compte de sa gestion.
On la remercie de l ’avance des fonds, et des emprunts qu’elle
a faits ; de l ’emploi des revenus et des ca p ita u x , et des objets
qu’elle a revendus pour éteindre tous lesdits emprunts.
1
Em m anuel
�7
( i
)
E m m an uel, tant en son nom q u e n celu i de ses t r o i s n t s ,
ratifie toutes les ventes , et garantit la dame de St. Mande de
toutes recherches.
Il reconnolt que la dame de St. Mande a fait raison de toits
les revenus desdits biens ; de manière q u e , par le résultat du
compte et des compensations, elle est créancière de 2,000 fr.
sur la légitime paternelle et maternelle, que lesdits sieurs Aubier
s’obligent
Jusqu’à
radiation
plutôt un
de lui payer.
l ’arrangement d éfin itif qui sera fa it, soit après la
é£Emmanuel A u b ie r , soit plutôt, s’il se trouvoit
mariage avantageux pour Jérôme, ce lu i-ci est établi
a d m i n i s t r a t e u r des biens, et r e p r é s e n t a n t de toute la f a m ille ,
pour toutes les affaires ; mais ju sq u ’ à la radiation d ’E m m anuel,
il ne pourra recevoir les remboursemens des principaux, faire
aucune vente ou échange, passer de transaction définitive, s a n s
l ’ a u t o r i s a t i o n d e sa t a n t e ; i l reconnoît que ce lle -c i lu i a
remis les titres et papiers desdits biens e t des deux successions ,
q u ’elle a pu retirer des dépôts des autorités constituées.
Jérôme prélèvera sur les revenus 1,200 francs pour sa dé
pense personnelle et ses s o i n s ; il fera du surplus des revenus
l ’emploi qui lu i sera indiqué chaque année par sa tante ,
jusqu’à ce que son père a it obtenu sa radiation.
N ’est-ce pas là le constituer subrogé m andataire?
L ’on a dit en première instance, pour la dame de St. Mande,
que cet acte devoit expliquer ce que les lettres pouvoient avoir
d’équivoque sur le fait du mandat. Cette id é e , dans la situation
où se trouvoientles parties, n’est pas exacte sous tous les rapports.
Mais ce qu’il y a de plus certain , c ’est que cet acte, rappro
ché des différentes lettres que 1 on a déjà analisées , ne sauroit
laisser aucun doute sur le m andat, sur la personne qui l’a
donné et r e ç u , sur celui auquel le compte en est rendu. Lors
même qu’il seroit permis de l'isoler de tous les faits de la
cause, seul il prouveroit encore le mandat.
En e ffe t , la dénomination de l’acte apprend que c ’est une
G
�8
( i
)
décharge qu’a voulue la dame de St. Mande. L ’acte dit que c ’est
pour des biens qu’elle avoit ach etés, à l’effet de les conserver, et
qu’elle offre de remettre : c ’est delà qu’elle tire la nécessité d’une
décharge. Lesdits biens avoient nécessité une gestion; la dame
de St. Mande en rend compte. Il avoit fallu vendre une partie
de ces propriétés pour conseryer le reste; la dame de St. Mande
fait ratifier les ventes. L ’administration de ces biens devient pé
nible et gênante; la dame de St. Mande se fait substituer par
un tiers, en ne conservant que la surveillance. Tout cela n’éta
blit-il pas l’existence d’un mandat? ce qui s’est passé lors de
l ’acte de 1801 n’en est-il pas la suite nécessaire?
La dame de St. Mande avoit acquis pour conserver les biens
« son fr è r e , ou aux enfans de son frère ; elle ne peut point les
transmettre au frère , parce qu’il n’a point sa radiation dé
finitive ; elle retarde cette transmission jusqu’au moment où il
sera rayé : donc elle reconnolt que c ’est pour lui qu’elle avoit
acquis, et que lui seul pouvoit définitivement la décharger des
suites de son mandat. C ’est, d’ailleurs, avec lui personnellement
qu’elle traite ; c ’est à lui que tout se rapporte ; et lorsqu’il est
question des enfans du mandataire , c ’est lui qui les nomme , et
qui en parle toujours en termes collectifs.
M. Aubier père a toujours le soin de les désigner tous les trois,
lorsqu’il s’agit de-recueillir l ’effet du m andat; et s’il est plus
particulièrement question de Jérôme dans cet acte, c ’est parce
que son père le nomme pour représenter toute la famille auprès de
la dame de St. M an de, dans le cas où il ne pourroit recueillir
l’effet de son mandat ; et Jérôm e, devenant alors le subrogé
mandataire de la dame de St. M ande, contracte lui-inéme des
obligations, soit envers la première m andataire, soit envers le
sieur Aubier p ère, lui-m éine.
Jusque - là il étoit impossible de supposer que la dame de
St. Mande pût élever la prétention d’avoir acquis pour son propre
com pte, et avec la faculté de disposer à son gré de ces biens.
Jérôme Aubier voulut bientôt contracter mariage avec la de-
�C 19 )
moiselle Champflonr. M. Aubier père avoit l’intention de faire
à son fils tous les avantages que sa fortune et les lois lui permettoient ; il ne pouvoit prendre, à ce sujet, des renseignemens
certains qu’auprès de la dame de St. Mande; elle connoissoit,
mieux que lu i , l’état réel de sa fortune ; e t, sur l’aperçu qu’elle
lui en donna, il fut convenu que l’on délaisseroit à Jérôme
Aubier le domaine du Sauzet, et le mariage fut conclu.
L ’état de mort civile dans lequel se trouvoit M. A ubier, rendoit
difficile le délaissement de ce domaine. La dame de St. Manda
ne pouvoit agir publiquement, comme mandataire d’ un émigré.
On convenoit cependant qu’elle ne pouvoit rien transmettre
sans l’autorisation de M. Aubier ; et comme il étoit alors frappé
de mort civile , on imagina de le faire assister d’un conseil
de famille , comme cela se pratique pour un homme interdit
de ses droits. La dame de St. Mande y dit qu’elle a acquis pour
transmettre à Em m anuel, si la demande en radiation prospéroit,
ou pour procurer des établissemens aux enfans dudit Emmanuel ;
en conséquence, en présence et du consentement dudit Em m a
nuel, elle délaisse le bien du Sauzet à Jérôm e, moyennant cer
taines conditions, entendant qu’il en jouisse comme s i elle n'avoit
été que le prête-nom de lu i seul. Ainsi cette délibération établit
encore que la dame de St. Mande étoit la mandataire de son
frère ; qu’elle avoit besoin de son consentement pour disposer
de ses biens ; et ce n’est qu'avec l’agrément de M. A u b ie r,
qu’elle dit qu ’ on supposera qu’elle a acquis comme préte-nom
de Jérôme.
Le contrat de mariage de ce dernier est du 11 prairial an g :
Jérôme s’y constitue le bien du Sauzet, toujours du consentement
de son père.
T
roisième
E
poque
.
Mm*. de St. Mande va dire elle-m ôm e si elle a agi comme
propriétaire des biens qu’elle avoit acquis, si elle les a transmis
en-son nom?
G 2
�( 20 )
~ En avril 1801 , elle écrivoit à son frère :
- « Je n’ai agi en tout que pour to i ; il n’a jamais été question ,
« avant le m ariage, que d’une p r o c u r a t i o n que je donnerai à
« ton fils , pour qu’il régisse ce qui resteroit, à ma place , à
« la charge de te rendre compte : cela te laisse bien le maître
« de faire ce que tu voudras. Je te proteste que c ’est p o u r t o i
« que j’ai agi ; qu’à ton retour , m a î t r e de ta fortu n e, tu as eu
« l e plaisir de marier et doter ton fils. Le reste suffit pour les
« autres. »
Ainsi la dame de St. Mande ne regardoit elle-méme l’acte
de 1801 que comme une procuration donnée au fils de M. Aubier
pour gérer à sa place ; elle convient que M. Aubier a toujours
été le maître de ses biens , et que c ’est lui qui a marié et doté
son fils : donc , encore une fois, elle n’agissoit dans ces derniers
actes que comme mandataire ou prête-nom de son frère.
M. Aubier s’aperçut bientôt q u e , pour le porter à faire des
avantages considérables à son fils, on lui avoit déprécié Sauzet,
d’une p a rt, e t , d’autre p a rt, exagéré le reste de sa fortune ,
particulièrem ent les liquidations sur l’E ta t, qui depuis ont été
refusées. Il éprouva quelques chagrins d’avoir été trom pé, le
manifesta à sa Sœur, et se plaignit de ce qu’elle l’avoit engagé
dans une démarche qui faisoit un tort réel et irrévocable à ses
enfans.
L a dame de St. Mande répondit qu’elle avoit pris conseil ;
qu’il lui paroissoit inutile que son frère prit amnistie, parce que
Jérôme ne pouvoit frustrer ses frères, tous les avis étant que l'on
pourra lu i disputer ce q u 'il a , mais qu’il ne pourra, lu i, dis
puter à ses frères ce qu ’ils auront par m oi ; elle dit qu’elle sera
exposée aux tracasseries de Mme. A u b ier, « qui me fera inter« peller pour savoir s i j ’a i été ou non ton prête-nom ........Plus
« je vois tes idées s’em brouiller, et plus je tiendrai à ne pas
« me défaire du verger , quand môme tu resterois et accep
te terois l’amnistie. Je dois pour ma sûreté, pour l’utilité de
« mes n eveux, dire et soutenir que cet objet est à moi; tu
�C 21 )
« 'en auras le revenu ; au lieu que s’il est à t o i , tu n’en auras
cc bientôt plus un sou. »
Quelle lettre ! et combien toute seule elle prouve de choses!
La dame de St. Mande se garde bien de dire qu’elle n’est pas
la mandataire de son frère ; ses lettres, ses actes ne pouvoient
lui permettre un désaveu à cet égard. Mais elle use de finesse
pour se soustraire à l’effet du mandat ; elle engage son frère à ne
point solliciter son amnistie; elle cherche à dissiper les craintes
que sa disposition en faveur de Jérôme lui avoit inspirées; elle
lui fait penser qu’il a tout à redouter des tracasseries de son
épouse ;■elle craint d’étre obligée à'avouer à la justice qu’elle
a été son prête-nom; elle y glisse que, pour sa sûretc, elle dira
que le verger est à elle. Ainsi cette lettre est la plus forte preuve
du mandat. S’il n’eût point existé, la dame de St. Mande auroit
franchement déclaré que les biens lui appartenoient; elle con
vient , au contraire, qu’ils sont à M. Aubier ; et ce n’est qu'en
cas de discussion qu'elle se réserve de nier.
L ’amnistie de M. Aubier est du 10 septembre 1802.
Il parolt , par la correspondance , que les démarches de
M. Aubier à ce sujet étoient contraires aux conseils que lui
avoit donnés Mme. de St. Mande. Cela donna lieu à quelques
altercations épistolaires, au sujet desquelles la dame de SaintMande écriv it, le o septembre : « Je n’a i , vous le savez, jamais
« fait ni signé d’actes que ceux que vous avez im aginés, ré« digés, consultés, et a v o u s s e u l : ainsi il en arrivera ce qu’il
« plaira à Dieu dans la suite. Je ne mets aucune partialité dans
« toutes vos affaires : il m ’est indifférent pour qui en sera le
« succès. »
5
Le 8 juillet 1802, elle disoit : « Je n’étois que votre prête« nom et celui de vos enfans ; je ne l’ai jamais nié. N ’oubliez
« pas que c ’est vous qui avez choisi Lam onteilhe pour a i n i 5 ,
cc et cela depuis trois ans. »
Ces deux lettres 11e disent-elles pas suffisamment que la dame
de St. Mande n’agissoit que comme mandataire, dans les actes
v
�22
(
)
qu'elle prétend aujourd'hui lui appartenir? N ’e s t- c e point
M. Aubier qui a choisi son héritier ? n’est ce pas lui qui a tout
fa it, qui a im aginé, rédigé les actes? La dame de St. Mande
n’est-elle pas obligée de convenir qu’elle s’étoit contentée de
prêter son nom à ces difiérens arrangemens ? ne dit-elle pas
qu’ils lui étoient si étrangers , que le succès des différentes
contestations auxquelles ils peuvent donner lieu lui étoit abso
lument indifférent?
Le contrat de mariage de Jérôme Aubier-Lamonteilhe a été
suivi d’une subrogation que la dame de St. Mande lui f i t , du
domaine du Sauzet, toujours du consentement de M . A ubier,
Elle est postérieure au mariage de trois mois.
A l’occasion de cette subrogation , la dame de St. Mande
écrivoît : « Dans le cas que tu aies des raisons pour ne pas si« gner, je déclare qu'alors j e ne -veux pas q u e t u r e n d e s l ’acte
« a TO a fils , ne voulant absolument le faire qu’autant que tu
« signeras toi-même. »
Ainsi encore la dame de St. Mande avouoit la nécessité de
la signature de son frère ; elle craignoit les suites de tout en
gagement contracté sans sort consentement. Pourquoi ces crain
te s, si elle n’eût point été la mandataire de M. Aubier?
L e juillet 180 î , la dame de St. Mande écrivoit : « Je n’a i,
« mon fr è r e , ni demandé ni désiré le renvoi de mes lettres.
« Vous m’avez dit qu’un jour elles feroient preuve que j e n ’ètoisr
<c que votre prête-nom e t celui de vos enfans; j e n e l ’a i j a m a i s
5
« NIÉ. 5»
«
«
«
u
«
83
L e ao octobre i o , nouvelle lettre : « Vous avez eu six semaines pour voir vos papiers ; vous avez agi l i b r e m e n t , s e u l,
et en pleine connoissance de votre position....... Vous vous
êtes lié et m’avez liée. Si les actes sont illégaux, vos enfans
seront toujours à tem çs, après la mort de leur m è re , de les
faire annuller. »
Enfin, le 26 avril 1804, la dame de St. Mande disoit encore :
« Quant à l'acte fait, dites-vous, par m oi, à Lamonteilhe ,
�« avant ou après le mariage , rien n ’est plus /aux ; et sûrement
« vous ne le croyez pas vous-même. Je n’ai J a it et signé d ’actes
<c que ceux que vous m'avez dictés : je n ’a i et n ’aurai jam ais
« d ’intérêt à en fa ire d ’autre, et je ne comprends pas les motifs
cc que vous avez à m’en prêter. »
Nous terminons ici l’extrait de cette correspondance, et le
bornons à ce qui étoit indispensable pour prouver le mandat.
L ’on auroit pu ajouter à cette p reu ve, en rapprochant beaucoup
de faits consignés dans une foule d’autres lettres ; mais le sieur
A u b ier, animé du désir de ne rien écrire de désagréable à qui
que ce s o it, a cru d evo ir, pour le moment a c tu e l, se res
treindre aux faits qu’il vient de développer.
La dame de St. Mande s’étant plaint à M. A u b ier, par plu
sieurs de ses lettres, de ce qu’il tardoit trop à faire passer l’acte
de transmission du v e rg e r, tandis que d’autre part elle se relusoit à ce que 1 acte énonçât qu elle le lui transmettoit comme
ayant été sa m andataire, M. Aubier la Bt assigner à cet e ffet,
comme elle le désiroit, par exploit du avril 1811.
La dame de Lam onteilhe, contre laquelle M. Aubier ne dirigeoit aucune demande , est intervenue dans la contestation,
pour em pêcher, d it-e lle , que la dame de St. Mande ne çoit
considérée comme le prête-nom de son frère.
Ces deux dames ont plaidé conjointement au tribunal civil
de Clermont ; un mémoire a été imprimé sous leur nom , et
elles n’ont pas craint d'y invoquer toutes les dispositions des
lois sur les émigrés, et d’en demander l’application contre leur
frère et beau-père.
3
Un jugement du 20 mars 1812 a accueilli la demande de
M. A ubier, et a réjeté l'intervention de la veuve Lam onteilhe,
parce que les actes qui lui ont transféré le domaine du S a u z e t
ne sont point attaqués.
Il y a appel de ce jugement.
En la C o u r, les appelantes divisent leurs défenses.
Quels peuvent être leurs moyens ?
�( H )
Quant à la dame de St. M an de, il est impossible q u elle ne
reconnoisse pas qu’elle a agi comme m andataire, lors de l’ad
judication des biens qui appartenoient à M. Aubier, son frère;
ses lettres, les actes qui les ont suivi, ne laissent aucun doute
sur ce fait; elle ne peut le désavouer.
Il est également évident que le mandat avoit été donné par
M. Aubier ; les mêmes lettres l’établissent : elles parlent de
procurations envoyées à différentes époques, et toujours pour
le même objet ; elles s’expliquent sur les suites qu’ont eues ces
procurations ; et comme la dame de St. Mande ne prouve pas
qu’elle ait reçu de mandats d’autres personnes que de son frère,
il faut qu’elle convienne que si elle a été liée envers quelqu’un
par cette espèce de contrat, ce ne peut être qu’envers M. Aubier
père. La transmission qu’elle a faite à Jérôme ne change rien ;
les actes qui ont eu lieu ne sont que la suite du mandat qu’avoit
accepté la dame de St. Mande; c ’est toujours en exécution des
volontés de son frè re , et pour son fr è r e , qu’elle a agi : tous ces
actes sont faits du consentement de ce dernier; conséquemment
ils lui appartiennent, et lui seul doit en garantir l’exécution,
ou en provoquer la nullité.
Quant à la veuve Lam onteilhe, elle n’a point d’intérêt dans
la cause.
D ’abord , M. Aubier n’a formé contre elle aucune de
mande : il a toujours respecté les engagemens qu’il a pris ; il
est même obligé de garantir la transmission qui a été faite à
son m ari, du bien du Sauzet : mais s’il pouvoit s’élever quelques
difficultés , elles ne naltroient qu’au décès de M. A u b ie r, et
entre ses enfans.
En supposant que la dame Lamonteilhe osAt soutenir que sa
tante étoit la mandataire de Jérôme A u b ie r, pour le domaine
du Sauzet, au moins n’oseroit-elle pas aller jusqu’à prétendre quo
son mandat portoit sur tous les biens de M. Aubier. Dès-lors,
le verger ne seroit point compris dans ce»mandat ; et comme
il aeroit au moins certain q u e , sous ce rapport , la dame do
�25
(
)
St. Mande auroit été la mandataire de son fr è r e , il resteroit
également pour constant que la dame de Lamonteilhe n’avoit
ni qualité ni intérêt pour intervenir dans un procès dont l’objet
étoit d’obtenir le délaissement de propriétés qui ne lui ont jamais
appartenu.
Outre ce m oyen, qui seul est déterminant dans la cau se, ne
s’en élève-t-il pas un foule d’autres contre la dame de Lamonteilhe?
E t d’abord, cette dame parolt craindre que les enfans Aubier
ne viennent, par voie de retranchem ent, prendre leur légitime
sur le bien du Sauzet ; mais ne voit-elle pas qu’elle a de plus
grands dangers à courir du côté des enfans de la dame de SaintBlande ?
En e ffe t, si elle a acquis pour e lle -m ê m e , il est évident
q u e lle n’a pas pu disposer de la presque totalité de sa fortune,
et qu’alors ses propres enfans viendront reprendre entre les
mains de madame de Lamonteilhe la plus grande partie du do
maine qui lui a été transmis.
Q ue l’on aille plus loin , et que l’on suppose , si l’on v e u t,
que madame de St. Mande n’a pas été la mandataire de son
frère : au m oins, comme il est certain qu’elle a été mandataire
de quelqu’un, il faudra bien que l’on recherche qui lui a donné
<ce mandat. Eh biei^J si ce n’est point le père s e u l, ce n’est
nonjilus Jérôme seul. Ç e dernier n’étoit rien à l’origine du
mandat; et l’acte du 8 mai '1801 n’en a fait que le représentant
dé toute la famille. S*il-figüre hypothétiquement dans le compte
du mandat, q u ia été.tehdH à*«on père*', il y assiste autant pour
ses frères que pour lui-même. Dans.cette position, tous les avan* tages qui-lui çnt été faits seroient absolument nuls. M. Aubier
■pèrÊ n’.autoiti pu disposer de biens dont il n’étoit plus proprié'ta irfti Mm
.e-.deSt. Mande n’auroit pu Yransmettre à Jérôme seul
c e q u elle avoît acquis pïmr les trois frères ; et les deux autres
qui étoient représentés par Jérôme , et qui même avoient
envoyé leur acquiescement à la décharge du compte rendu
�(
2
6
)
à leur père, auroient aujourd’hui le droit de demander chacun,
et dés à présent, le tiers du Sauzet.
Il seroit facile d’ajouter d’autres réflexions qui démontreroient
de plus en plus que les prétentions de la dame Lamonteilhe sont
en contradiction directe avec les intérêts bien entendus de ses
enfans. Mais comme l’on ne s’est proposé, dans ce résum é,
d’autre but que celui de donner l’extrait des faits de la cause,
et spécialement de ceux servant à établir que la dame de SaintMande n’a agi que comme m andataire, qu’elle tenoit son
mandat de M. A ubier, que c ’est à lui seul qu’elle doit faire la
transmission des biens qu’elle a acq uis, l’on croit devoir s’abs
tenir de toutes discussions, se référant, à cet égard, aux moyens
développés dans la consultation, et qui seront reproduits lors de
la plaidoirie de la cause.
Signe A U B I E R père.
M e. JN. C H. B A Y L E ,
avocat.
M e. D E V É Z E , avoué licencié.
9
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A RIOM, de l’imp. de T H I B A U D , Im prîm . de la C o u r Im périale, et lib ra ire ,
r u e des T a u le s, m aison L a n d r i o t . — Juillet1 8 1 2 .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, Emmanuel. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Aubier
Bayle
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Résumé pour M. Emmanuel Aubier-Lamonteilhe, ancien magistrat, demeurant en la ville de Clermont, intimé ; contre Dame Marie-Françoise Aubier, épouse de Benoît Fabre de Saint Mande, autorisée par justice, et le sieur de Saint Mande, son mari, appelans ; et encore contre Dame Marie-Claudine de Champflour, veuve de sieur Jérôme-Emmanuel Aubier-Lamonteilhe, tant en son nom qu'en qualité de tutrice de leurs deux enfans mineurs, appelante.
note manuscrite : « 1er août 1812, 2éme chambre, arrêt…. »
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2127
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53423/BCU_Factums_G2127.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53422/BCU_Factums_G2126.pdf
70500c959a031c6a0b4c0c89fc07d92c
PDF Text
Text
C ONSULTATION
[!;.:■ C, P
COUR
-/IMPERIALE
D E RIOM.
2 e . CHAMBRE.
L
e
c o n s e il
s o u s s ig n é
,
Après lecture du jugement contradictoire, rendu au tribunal
civil de Clermont-Ferrand, le 2 0 mars 1 8 1 2 , entre M . A u b i e r L a m o n t e i l h e p è r e , d’une part ; M. et M me. d e S a i n t - M a n d e ,
son beau-frère et sa sœ ur, et la d a m e C h a m p f l o u r , veuve
L a m o n t e i l h e , sa belle-fille, d’autre part;
C onsulté , 1°. sur la manière dont la transmission du GrandV erger, situé à Montferrand, que réclame M. Aubier, doit être
opérée pour être irrévocable ;
20. Sur l’intervention de la dame Champflour, veuve Lamon
teilhe ;
que M. Aubier doit attendre avec sécurité la décision
de la Cour impériale de R io m , sur l’appel interjeté par M. et
Mme. de Saint-M ande, et par la dame veuve Lamonteilhe , du
jugement sus-énoncé.
E stim e
1°. M. et Mme. de Saint-Mande ne refusent pas de transmettre
a M. Aubier la pleine propriété du Grand-Verger : les conclu
sions im prim ées, signifiées en prem ière instance, en contiennent
l’offre précise.
�Mais M. et Mme. de Saint-Mande, après avoir dit que jam ais
ils rion t refusé au sieur slu bier de lu i passer acte devant no
ta ire, et à ses f r a i s , ajoutent : Pourvu que le sieur A ubier ne
donnât point dans cet acte , à la dame sa sœ ur, les fausses
qualités de prête-nom et de mandataire.
A in si, M. et M me. de Saint-Mande attachent à la transmission
du V erger, la condition qu’elle ne sera point faite de la part de
la dame de Saint-M ande, comme ayant été la mandataire de
M. Aubier dans.; l'acquisition qu’elle en a faite de la nation.
Cependant la transmission offerte par M. et Mm*. de SaintMande doit avoir une cause : pourquoi ne pas vouloir exprimer
la véritable, la seule cause qui y donne lieu? M. Aubier doit
compter sans doute sur la délicatesse de M. et M” e. de SaintMande ; sans doute ils ne cherchent point à rendre illusoire la
transmission qu’ils lui feraient ; mais beaucoup trop d’inconvé*;
niens, étrangers même à M. et.Mme- de Saint-Mande, pourraient,
résulter d’une subrogation à la propriété du V erger, qui serait
faite sans cause, ou qui aurait une cause autre que celle qui
existe réellem ent, pour que M. Aubier ne doive pas persister
h demander une transmission à sa sœur, cpmme.n’ayant acquis
que pour lu i, d’après les pouvoirs qu’il lui avait.donnés .et qu’ellft.
ayait acceptés.
*
L ’existence d’un mandat entre M. Aubier et M me. de Saint) Mande, ne saurait être problématique.
L e contrat de mandat peut se former sans qu’il intervienne
aucune déclaration expresse de la volonté des parties. Il peut
être donné par lettres, et son acceptation peut résulter de
1 exécution qu’il a reçue de la part du mandataire. Pothier,
Traité du contrat de m a n d a t, chap. i er- > section 5 , nos. 28
et 29. — Code N apoléon, art. i g 85..
O r , le fciandat donné par M. A u b ier, son acceptation par
M me. de Saint-Mande, sont établis, non-seulement par les lettres
de M me. de Saint-Mande, que rapporte M. A ubier, mais encore
«
�( 3 )
f?
par les différens actes passés dans la famille depuis le retour de
M. A ubier, et surtout par l’acte du 18 floréal an g ( 8 mai 1801 ).
Les expressions de ces lettres, de ces actes, sont claires; et il
en sort positivement que ce n’était que pour M. Aubier que
M 1,,e. de S a i n t - M a n d e , d’après les pouvoirs cju’elle avait reçus
de lu i, se rendit adjudicataire des biens qui lui appartenaient,
vendus par la nation.
<
M. et Mme. de Saint-Mande ont contesté faiblem ent, en point
de fait, l’existence du mandat. Ils se sont retranchés sur le point
de droit ; et c ’est sur le point de droit cjue M. Aubier demande
particulièrement l’avis du Conseil.
La loi du 28 mars 179D avait déclaré les émigrés banrtis à
perpétuité du territoire fr a n ç a is , et morts civilement. Suivant
la même lo i, tous les biens des émigrés étaient acquis à la répu
blique. La loi du 12 ventôse an JB, relativement au!x émigrés
avant le 4 nivôse an 8, confirma le principe qu’ils ne pouvaient
-invoquer le droit civil des Français,
M. Aubier ayant été inscrit sur la liste des émigrés le 7 floréal
an a , a-t-il pu ensuite donner à Mn,e. de Saint-Mande un mandat
à l’effet d’acquérir pour lui ceux de ses biens séquestrés qui
seraient vendus par la nation?
Mn,e. de Saint-Mande a-t-elle été liée par l’acceptation et l’exé
cution de ce mandat?
M. et M'ne. de Sàint-Mande soutiennent la négative.
Il est facile d’é ta b lir, d’après les principes élémentaires du
droit, et d’après la jurisprudence,
Q ue le mandat est du nombre des conti-ats du droit des gens ;
Que les émigrés étaient capables de tous les actes qui dérivent
de ce droit :
D ’où se tirera la conséquence que M.' Aubier et M me. de Saint-
?
r V .;
�C4)
Mande étaient respectivement liés par le mandat donné par l’un
et accepté par l’autre.
On a distingué, dans toutes les législations, le droit des gens,
du droit civil.
Les hommes forment différentes sociétés. Il existe des relations
entr’eu x , soit qu’ils fassent partie de la même société, soit qu’ils
fassent partie de sociétés différentes. C ’est comme hommes, et
non comme citoyens d’un é ta t, qu’on doit alors les considérer.
Sous ce rapport, les hommes sont régis par des régies générales,
qui ont été puisées dans la nature, et qu’ils observent tous éga
lem ent, sans qu’elles soient soumises, quant à leur substance,
à aucunes formes particulières.
Ces règles constituent le droit des gens. Qnod naturalis ratiointer omnes homines constitu.it, id apud omnes perœque custo d itu r, 'vocaturque ju s gentium , quasi quo jure ovines gentes
utantur. Instit. de jur. nat. gent. et c i v ., §. i er.
Chaque société, indépendamment des régies universelles, est
soumise aux règles particulières qui ont été établies spéciale
ment pour les hommes qui la com posent, ou q u i , communes
à tous dans leur principe, reçoivent des modifications pour cette
société ; règles particulières qui peuvent faire dépendre la vali
dité des actes qu’elles autorisent, de certaines formalités ou con
ditions qu’elles imposent.
Ces règles constituent le droit civil. Quod quisqitc populus
ipse sibi ju s constituit, id ipsius propriurn civitatis.est, -vocaturque ju s civile , quasi ju s proprium ipsius civitatis. Ibid.
Les relations entre les hommes de différens états devaient
avoir particulièrement pour objet la vente , le louage , le p r ê t,
le commerce, le m andat, la société , le d ép ô t, etc. Aussi les lois,
contiennent-elles l’énumération des contrats , comme tenant en
général au droit des gens. E t e x hoc jure gentium omnes petic
contractus introdueti s u n t, ut emptio et v en d itio , locatio eù
�’
5 }
concluctio , societas , depositum , m utuum , et a lii innumerabiles. Ibid. § 2.
L. 5 , ff. D e justit. et fur. — L. i 5 , ff. D e
interdict. et releg. et déport,
Les adversaires de M. Aubier ont soutenu en première ins
tance , et dans les conclusions imprimées , que le mandat est
un acte qui appartient au droit civil.
Les lois citées ne font pas , à la v é rité , une mention parti
culière du m a n d a t, dans les contrats qu elles disent avoir été
introduits par le droit des gens ; mais serait-il possible que le
mandat ne fût point compris dans ces expressions employées
dans les lo is, et a lii innumerabiles, et caetera sim ilia ?
L e mandat est de sa nature un contrat de bienfaisance, un
contrat qui repose sur la confiance qu’une des parties a dans
1 autre. Il est gratu it, à moins de convention contraire, et le man
dataire fait un office d’ami. A ces caractères on doit reconnaître
un contrat du droit des gens.
D ’ailleurs, le mandat se rattache le plus ordinairement aux
contrats dont parlent les lois , tels que la vente , l’échange , etc.
Un étranger ne peut souvent acquérir et vendre que par le
ministère d’un tie rs, à cause de la distance où il se trouve du
lieu de la vente. Pourrait-il ne pas charger ce tiers de traiter
pour lui? sa présence serait-elle une condition inhérente à la
capacité que la loi lui donne? et en étendant cette réflexion aux
émigrés , q u i, comme on l’établira bien tôt, pouvaient consentir
tous les actes du droit des gen s, n’aurait-ce pas été les en pri
ver que de les obliger à traiter en personne, eux q u i, d’après
la loi du 28 mars 1793, étaient bannis à perpétuité, et ne pou
va ie n t, sous peine de m ort, enfreindre le bannissement?
Le mandat est donc essentiellement un contrat du droit de*
gens. Aussi les auteurs qui ont eu occasion de s’en expliquer ,
ne se sont même pas fait de difficulté à cet égard.
« Le contrat de mandat est de la classe de ceux qu’on appelle
« contrats du droit des gens y contractus ju n s gcntium ; il se
3
�(6 )
« régit par les règles du droit naturel. L e droit civil ne l ’a
« assujéti à aucunes form es, ni à aucunes règles qui lui soient
« particulières, » P o th ier, du contrat du m andat, cliap. i er. ,
section i erc. , n°. 2.
v L e mandat est de la classe des contrats du droit des gens;
« il n’est assujéti à aucune forme ni à aucune règle qui lui soit
cc particulière. Il est aussi-du nombre dés contrats de bienfai« sance, etc. » Répertoire de jurisprudence, au mot M a n d a t,
§. i er., n°. xer.
>
« Le droit des gens est celui qui lie tous les hommes en gé« n é ra l, abstraction faite des sociétés politiques auxquelles
« chacun d’eux peut appartenir. Les actes qui émanent de ce
« droit sont ceux qui établissent des relations entr’e u x , tels
« que la •vente , le dépôt, la société, le p rêt, le m a n d a t etc. »
M. Grenier, Traité des donations et testamens, discours histo
riqu e, page i ere.
,
\
Après avoir établi que le mandat doit être rangé parmi les
contrats du droit des g en s, examinons si les émigrés pouvaient
consentir des pareils contrats.
Les lois prononçaient contre les ém igrés, le bannissement à
perpétuité et la mort civile. O r, dans le droit romain, comme
dans l’ancien droit français, la mort civile, résultant de la dépor
tation ou du bannissement perpétuel, n’emportait que la perte
des droits civils. Les bannis, morts civilem ent, restaient capa
bles de tous les actes du droit des gens.
On trouve ce principe dans la loi i 5 , ff. D e interdictis et
relegatis et deportatis, déjà citée. Deportatus civitatem am ittit,
non llbertatern ; et speciali quidem ju re civitatis non f ru itu r,
ju re tamen gentium utitur.
R icher, dans son Traité de la mort civ ile, page ao 5 , après
avoir dit que , suivant les lois romaines, il est certain que la mort
civile ii’empéchait point d’acquérir à titre onéreux, et de vendre
%
�(7 )
ce qu’on avait acquis; qu’en un m ot, elle ne portait aucune
atteinte à la capacité active et passive, par rapport à ces sortes
de contrats , ajoute :
« T elle était la jurisprudence des Romains sur cette matière ;
« et nos auteurs décident presque tous unanimement que la
« même chose s’observe parmi n ou s, et que celui qui est mort
cc civilement peut jouir des biens par lui acquis depuis sa mort
« civile encourue.
« Carondas , en ses observations , au mot b a n n i, rapporte un
ce arrêt du 5 juillet i 558 , qui a jugé qu’un homme banni à per
te pétuité hors du royaume pouvait trafiquer en France par cor« resporidant, n’étant pas de pire condition qu’un étranger, et
« n’étant pas mort civilement à l’égard du pays où il demeure,
cc O r , cette permission de trafiquer renferme nécessairement
« les facultés qui constituent le trafic, c ’est-à-dire, d’aliéner
« et d’acquérir.
« Lebrun , en son Traité des successions , livre i er. , cliap. 2 ,
« section 2, n°. 9 , dit qu’on succède aux acquisitions faites
cc par un homme condamné au bannissement perpétuel, depuis
cc sa condamnation exécutée : d’où il suit que cet auteur concc vient qu’un homme en cet état peut acquérir. »
Richer pense néanmoins que pour décider de la capacité de
ceux qui sont dans les liens de la mort civile , même par rapport
aux contrats du droit des gens, il faut distinguer les causes qui
opèrent la mort civile. A in si, si elle provient d’une condamnation
à mort naturelle prononcée par coutum ace, il incline à croire
qu’elle ne laisse pas à celui qui l’a encourue, la faculté de con
tracter , au moins dans le royaume.
cc Mais il n’en est pas de m êm e, d it-il, à l’égard de ceux
cc qui n’ont été condamnés qu’à une peine q u i, en leur laissant
cc la v ie , les retranche du nombre des citoyens , comme les gâ
te 1ères ou le bannissement à perpétuité. La justice a cru devoir
cc leur laisser la faculté de vivre. Elle leur a enlevé l’être c iv il,
ce mais elle leur a laissé l’être p hysique, même l’être moral.
4
•
�« N ’ayant pas voulu le leur en lever, elle tolère qu’ils usent des
« moyens qu’ils peuvent tirer de leur industrie, pour se le
« conserver. »
Despeisses, tome 2, page 683 , en rapportant l’arrét du 5 juillet
i 558 , cité par Richer d’après Carondas, enseigne le même prin
cipe.
« L e banny à perpétuité, dit cet a u te u r, s’estant retiré en
« autre pays, y peut user du droict commun. Ainsi un tel banny
« ayant envoyé des marchandises en France pour les y faire
« vendre par sa fem m e, et le procureur du roi les ayant fait
« saisir, par arrest du parlement de Paris, du 5 juillet i 558 ,
« elle en eust main-levée contre le procureur du roi ; car il ne
« doit pas estre de pire condition que l’estranger, et partant
« audit pays il peut contracter, etc. »
On lit dans le Recueil de jurisprudence civile, deRousseaudLacom be, au mot Bannissement, n°. 3 , qu’i l n y a que les bannis
à perpétuité du royaume q u i soient morts civilement.__q u ’ils
retiennent ce qui est du droit des gens...... q u ’ils peuvent tra
fiqu er en France par correspondans. Rousseaud-Lacombe cite
Legrand , sur l’article i 35 de la coutume de Troyes , glos. uniq. r
n05. 54 et 35 , et l’arrét du 5 juillet z 558»
Si dans le droit rom ain, et dans Tancien droit français, le
banni à perpétuité pouvait faire tous les actes du droit des gens,
l’ém igré, sous l’empire de la loi du 28 mars 1793, aurait-il pu
ne pas avoir la même capacité?
Sans contredit, suivant les lois d’alors, l’émigration était con
sidérée comme un grand crim e; mais c ’était un crime politique
qui portait atteinte aux lois particulières de la F ran ce, sans
porter atteinte aux lois universelles et fondamentales reconnues
par toutes les nations, et q u i , comme on l’a vu , forment le
droit des gens. A u x termes de la loi du 12 ventôse an 8 , les
émigrés ne pouvaient invoquer le droit civil des Français. La
peine de l’éinigration était donc bornée à la perte des droits
civils.
�( 9 ); . .
Et comment pourrait-on aujourd’hui lui donner plus d’exten
sion ?
La mort civile encourue par suite de condamnations judi
ciaires , et pour crimes que toutes les nations punissent égale
m ent, ne prive pas néanmoins ceux contre lesquels elle a été
prononcée , de la capacité de contracter. Celui q u i, à cause de
ses opinions, fut forcé de s’expatrier , serait-il traité avec plus
de rigueur ?
Ajoutons que la position de M. Aubier lui imposait la néces
sité d’une fuite q u i , de la part de beaucoup d’autres , était vo
lontaire. Les 11 et 20 août 1792, des mandats d’arrét avaient é té
décernés contre lui par le comité révolutionnaire de Paris. Ses
co-accusés périrent peu de jours après sur l’échafaud.
- Les anciens principes sur les effets de la mort civile n’ont
donc reçu aucun changement par rapport aux émigrés. La Cour
de cassation l’a ainsi décidé par d iffé r e n s arrêts. Il y a p lu s, la
Cour de cassation a jugé que les peines portées par la loi du 28
mars 1795, et les lois subséquentes , n’avaient été établies quo
dans l’intérét de la nation.
Les arrêts de la Cour de cassation, qui sont en date' des 24
germinal an 4 , 20 fructidor an 1 1 , i 5 ventôse an 12 , 28 frimaire
an i 3 , et 28 juin 1808 , ont été rendu s, les uns contre des
émigrés qui demandaient la nullité d’actes par eux consentis
pendant leur inscription ; les autres en leur faveur (1).
Nous nous bornerons à citer quelques-uns des motifs des deux
derniers arrêts.
1.
«
et
«
cc
« Attendu , porte celui du 28 frimaire an i 3 , que les
sitions prohibitives des lois des 28 mars et 26 juillet
ne sont relatives qu’il l'intérêt n a tio n a l, et que par
quent l’émigré , auteur de l’aliénation, ainsi que ses
sentans , sont non recevables à s’en prévaloir ; — q u e
dispo1793 ?
consérepréla dis-
(1) V o y . le Journal de D encvcrs, volume Je l’an 12, png. 97 et 44 1 > vol. de
l’an i 3 , Pag- 17^5 e*
1808', pag. 368 .
H *.
�et
«
cc
«
«
«
position de la loi du 12 ventôse an 8 , qui veut que ceux qui
étoient considérés comme émigrés avant le 4 nivôse an 8 , ne
puissent invoquer le droit civil des Français , ne peut s’appliquer qu'aux actes qui dérivent uniquement de la lo i civile
et du droit de cité , et que dans l’espèce il s’agit d’une vente ,
espèce de contrat qui est du droit naturel et des gens, »
« Attendu , porte également l’arrét du 28 juin 1808, que la
cc mort civile prononcée contre les émigrés par la loi du 28 mars
« 1795, ne leur interdisait que les actes dérivant du droit de
ce cité , et non ceux dérivant du droit naturel et des gens , tels
« que les acquisitions et oblig ation s........... »
La Cour de cassation a fait l’application du même principe,
dans un sens plus favorable encore aux émigrés.
P a r u n arrêt du 17 août 1809, elle a jugé qu’un émigré qui
avait vendu un i m m e u b l e , av a it p u , avant sa radiation, exer
cer l’action en rescision pour cause de lésion d’outre-m oitié,
et ester en jugement sans l ’assistance d’un curateur ; « Consi« dérant que la mort civile n’interdit aux individus qui en sont
c< frappés , que l’exercice des droits et actions q u i dérivent
« du droit civil; qu’aucune loi expresse, avant la promulgation
« du Code Napoléon , ne privait ces individus des droits et
« actions qui dérivent du droit des gens ; — Considérant que « la vente étant un contrat du droit des g en s, l’action en payecc ment du juste prix résultante de ce contrat, dérive nécessai
re rement du même droit des gens; — Considérant qu’à l’époque
« de la vente dont il s’a g it, comme à l’époque de l’action en res
te cision, le vendeur était inscrit sur la liste des émigrés, sans que
te l’ o b je t vendu ait été séquestré; — Considérant que celui qui a
ce droit de vendre, a conséquemment le droit d’exiger le prix... j>
C et arrêt est rapporté , précédé des conclusions conformes
de M. le Procureur-général M erlin, dans le Recueil des ques
tions de droit de ce m agistrat, au mot M ort civ ile , §. 3.
La jurisprudence constante de la Cour de cassation ne laisse
pas de doute sur la capacité qu’avaient les émigrés de consentir
�C
)
tous les actes du droit des gens ; et le mandat est du nombre
de ces actes. Mais on.peut citer un arrêt rendu même pour le
cas particulier du mandat.
Le 2 septembre 1807 , la Cour de cassation a décidé « que les
« émigrés ne peuvent exciper de la mort civile dont ils ont été
«c frappés, pour faire annuller les actes par eux fa its , ou par
« leurs fondes de pouvoirs, pendant la durée de cet é ta t( i) . »
Ce qui a été jugé contre les ém igrés, l ’aurait été contre les
tiers qui avaient traité avec le mandataire, si la nullité des actes
avait été demandée par eux ; et cela surtout d après le prin
cipe consigné dans l'arrêt du 28 frimaire an i 3 , que les disposi
tions prohibitives des lois sur Immigration n’étaient relatives qu’à
l’intérét national.
Quoi qu’il en soit, il résulte évidemment de l’arrêt du 2 sep
tembre 1807 , que les émigrés étaient légalement représentés par
des fondés de pouvoir dans les actes qui leur étaient permis.
L ’arrét du 5 juillet i 558 avait jugé la même chose, à l’égard
des bannis à perpétuité, en décidant qu’ils pouvaient trafiquer
par correspondans.
M. et Mme. de Saint-Mande font une objection fondée sur
l’article 20o5 du Code Napoléon , d’après lequel le mandat finit
par la mort naturelle ou civile soit du matidant, soit du manda
taire ; ils en concluent que l’individu mort civilem ent ne peut
pas constituer de mandat.
Cette conséquence n’est pas ju ste, et l’article 2003 du Codo
ne fournit aucune induction contre M. Aubier.
Il est hors de doute que la mort civile dépouille celui qui l’a
encourue de tous les biens et droits qu’il possède ; il ne peut plus
exercer d’action contre personne, et personne ne peut en exercer
contre lui.
Mais il faut bien distinguer les biens et droits que le mort
(1) V o y . le Journal de D cncvers, vol. tic 1807, p^S'
4**o.
�( 12 )
civilem ent possédait avant d’avoir encouru la mort c iv ile , des
biens et droits qu’il acquiert par la suite.
A l’égard de ces derniers, il est comme s’il n’était pas mort
civilem ent ; il peut en jouir, et il a le droit d’exercer les actions
qui en naissent. C ’est le résultat de ce que dit R iclier, pages 2.0S
et a 5o , et de l’arrêt du 17 août 1809.
O r, de même que le mort civilem ent peut, après la mort civile
encourue, acquérir, vendre et intenter des actions relativement
aux objets dont il est devenu propriétaire ; de m êm e, après la
mort civile encourue, il peut constituer un mandat.
Un mandat donné par un individu peut avoir pris fin dès l’ins
tant de sa mort civ ile, par la môme raison que cet individu a
été dépouillé de tous ses droits et actions généralement quel
conques. Mais un mandat donné pendant la mort civile a obligé
celui qui l’a donné et celui qui l'a re ç u , par la même raison
qu’une vente, ou tout autre contrat, aurait produit des obli
gations réciproques entre le mort civilem ent e t l’autre partie con
tractante.
D ’après c e la , dire qu’un individu mort civilement ne peut pas
constituer de m andat, parce que la loi prononce l’extinction
du mandat par la mort civile, c ’est comme si l’on disait que le
même individu ne peut pas acquérir de b ien s, parce que la loi
le dépouille de tous ceux qu’il a.
C ependant, des acquisitions sont permises pendant la mort
civile. Le mandat l’est également, soit parce que deux contrats
d e la même nature 11e peuvent être régis par des règles diffé
rentes , soit parce q u e , ainsi que la remarque en a déjà été faite,
le mandat se rattache ordinairement à la vente et aux contrats
de la même esp è ce , et que presque tous les individus qui ne
6eraient pas capables du m andat, seraient privés du bénéfice
des autres contrats.
Au reste , la Cour de cassation , par son arrêt du a septembre
1807, a précisément jugé que le mandat donné par un individu
Avant son émigration n’avait point fini, h son égard, par la mort
%
�C *3 )
civile qu’il avait encourue. L ’engagement étant réciproque, le
mandat n’a pas dû prendre fin à l’égard du m andataire, plus
qu’à l’égard du mandant.
Si donc le mandant et le mandataire étaient liés par le mandat
donné et accepté avant l’émigration , à plus forte raison ils
doivent l’étre par le mandat donné et accepté pendant l’ém i
gration.
C ’est le cas dans lequel se trouvent M. Aubier et Mme; de SaintMande.
Il s’ensuit que M. Aubier a contre Mme. de Saint-Mande ,
< l’action appelée en droit manclati directa , de même que M me. de
Saint-Mande a contre lui l’action m andati contraria.
Il s’ensuit que Mme. de Saint-Mande doit à M. Aubier la trans
mission du Verger qu’il réclam e, comme ayant été sa manda
taire à l’effet de racheter cet héritage pour son compte ; et que
le jugement du tribunal civil de Clerm ont, qui a ordonné ainsi
cette transmission, doit être c o n f i r m é p a r la C o u r .
Il
reste à répondre à un moyen qu’on a fait valoir pour M. et
Mme. de Saint-Mande ; moyen qui n’a pas trait à la question qui
vient d’être discutée, et qui porte sur un défaut d’intérêt de la
part de M. Aubier.
uQu’im porte, d it-on , que ce soit à titre de mandataire, ou à
tout autre titre , que M««e. de Saint-Mande transmette à M. A u
bier la pleine propriété du Grand-Verger?
La propriété du Verger ne doit pas être incertaine. Doit-elle
rester sur la tête de Mme. de Saint-Mande, ou passer sur la tête
de M. Aubier? Mme. de Saint-Mande, on n’en doute p a s, est pour
ce dernier parti. Eh bien ! si la propriété du Vet-ger doit passer
sur la tête de M. A u b ier, elle doit y passer sans restriction ; et
il ne faut pas qu’après la transmission, on puisse douter encore
si M. Aubier est, ou n o n , le véritable propriétaire.
O r, quel serait l’effet d’une transmission pure et simple?
On ne pourrait la considérer que comme une libéralité, i
�(
}
Cela posé, Mme. de Saint-Mande, qui avait acquis le bien du
Saulzet, comme le V<rger de M ontfenand, en a transmis la
propriété au sieur l.amonteilhe fils; et cette transmission, si
M me. de Saint-Mande n’était pas jugée la mandataire de M. Aubier,
paraîtrait n’avoir été qu’uae donation de sa part en faveur du
sieur Lainonteillie, de même que la transmission du Verger pa
raîtrait n’étre qu’une donation en faveur de M. Aubier.
Par la transmission du bien du Saulzet, Mme. de Saint-Mande
n’avait-ellc point épuisé la faculté de disposer que lui donnait
la loi?
T elle est la question qui serait élevée après le décès de Mme. de
Saint-Mande, par des héritiers ayant droit de réserve, et qui
pourrait l’étre notamment au nom de mineurs , dans l’intérét
desquels leurs tuteurs devraient, sous leur responsabilité per
sonnelle, scruter les actes passés dans la fam ille; et l’on croit
devoir dire , d’après les faits constans et avoués dans les m é
moires imprimés, que cette question ne pourrait être décidée
à l’avantage de M. Aubier ou de ses héritiers.
A insi, M. Aubier serait obligé de rendre le V erger, qui ren
trerait dans les mains des héritiers de Mme. de Saint-Mande.
M. Aubier devait prévoir cette circonstance. Il a donc agi
prudem m ent, pour lui et pour ses enfans, en n’acceptant pas
une transmission pure et simple du V erger, que Mme. de SaintMande a acquis pour son compte. Son intérêt est évid en t, tandis
que Mn,e. de Saint-Mande , d’après les bonnes intentions qu’elle
a manifestées , n’en a absolument aucun pour persister à de
mander que le titre de mandataire ne lui soit point donné dans
1 acte de transmission.
1
4
2°. Mais la veuve du iils de M. A ubier, la dame Chainpflour,
veuve Lamonteilhe , fa it, en qualité de tutrice de ses enfans,
cause commune avec M. et M0“ . de Saint-Mande; elle est inter
venue dans la contestation.
L e sieur Aubier-Lamonteilhe fils, par son contrat de mariage
�C 1 5 -)
avec la dnme Champflonr, du 11 prairial an 9 , se constitua en
toute propriété le bien et domaine qui lu i appartenait dans le
lieu du Saulzet.
Le domaine du Saulzet appartenait à M. Aubier p è r e , et „
ainsi qu’on vient de le v o ir, il avait été acquis par Mme. de SaintMande, de même que le Verger de MontferrancL t
Ce domaine a été transmis au sieur. Aubier-Lamonteilhe , de
la part de Mme. de Saint-Mande, par des actes auxquels M. Aubier
père a concouru, et qui ont été passés en sa présence, et de son
consentement spécial.
La dame Cham pflour, veuve Lamonteilhe , craint que les
droits de ses enfans ne soient lé sé s, si M. Aubier, parvient à
obtenir la transmission du Verger de M ontferrand,,au titre qu’il
la réclame. C ’est, du moins là le prétexte de son intervention.
Le tribunal civil de Clermont a jugé que cette intervention,
était sans intérêt , « attendu que l’acte du 8 mai 1801,, et la
« subrogation du domaine du Saulzet , ne sont point attaqués,,
« et que toutes discussions à cet égard,seraient prématurées. »
Ces motifs sont décisifs.
La dame v e u v e Lam onteilhe, au nom de ses enfans',, e st en
possession du domaine du Saulzet. M. Aubier a toujours dittqu’iL,
entendait respecter les actes qui avaitnt.étéf passés; il ne de
mande rien à la dame veuve Lamonteilhe (a.)..
(t) Non-seulem ent je n’ai jamais attaqué la subrogation de Sau lzet, mais
m êm e, en tout t. ntps , j’ai offert.de ht ratifier; 11.depuis ma réclamation du
V e rg e r, j’ai signé chez M. Favart, médiateur, une ratification de la subroga
tion de SaulzU. Elle a été imprimée en première instance, à la fin de l’exposé
des
Cela n’a pas empêché M n>e. Lamonteilhe d’assnrcr, dans un mémoire im
prime’ , . ft signé d’elle, que je travaillaistà dépouillerim es;petites-filles de la
moitié de Saulzet, pour vendre cçttc moitié., et fdire-jrctombcr isuf l ’autre Ja
légitime de ses deux beaux-frères.
AUD
1E R
père.
�C 16 )
On dit pour M me. Lamonteilhe :
Etant jugé que M,ne. de Saint-Mande n’a été que la manda
taire de M. A u b ier, à l’effet de racheter ses biens séquestrés ,
il sera jugé que le domaine du Saulzet provient directement de
M. A u bier, que le sieur Lamonteilhe le tient de lui. Par suite,
ses enfans venant à la succession de M. Aubier , devront le
rapport de ce domaine ; ils auront tout au moins à craindre
l’action en retranchement pour la réserve des autres enfans de
M. Aubier.
En premier lieu , ce qui sera jugé avec M. et Mme. de SaintMande pourra d’autant moins être opposé à la dame veuve Lam onteilhe, que M. Aubier a toujours déclaré, et que le juge
ment dit que la subrogation du Saulzet n ’est point attaquée.
En second lieu , il ne peut être question de rapport à une
succession , d’action en retranchement d’une donation , tant
que la succession n’est point ouverte.
Le rapport n’est du que par des héritiers. Le droit de réserve
est attaché au titre d’h éritier, et il ne peut y avoir d’héritiers
d’un homme vivant. Kiventis nulla est hccrcditas.
La dame veuve Lamonteilhe ne peut donc élever aujourd’hui
des questions qui ne pourront être agitées qu’après la mort de
M. Aubier.
En troisième lieu , la dame veuve Lamonteilhe agit contre
le propre intérêt de ses enfans.
En supposant que les choses arrivent comme elle parait le
redouter, ses enfans ne devraient point le rapport du domaine
du Saulzet : les actes de transmission en contiennent la dispense
expresse.
Ils auront au moins, dit-on, à subir un retranchement !
O u i , si M. Aubier ne laisse pas assez de bien pour compléter
la réserve de ses autres enfans.
M ais
�( i7 î
Mais ce retranchement serait beaucoup plus considérable ,
M me. de Saint-Mande n’étant pas jugée mandataire de M. A ubier,
et la transmission du Saulzet étant dès-lors censée être une libé
ralité de sa part.
- ' :-vn ¿‘A ’•~q ■' < > ■
■
En e ffe t, et nous raisonnons toujours cl_après les faits constans et' avoués dans les m ém oires, les enfans Lamonteilhe de
vraient rendre au moins les deux tiers du domaine du Saulzet,
en même temps que M. Aubier devrait rendre le V e r g e r , dont
la transmission serait postérieur^.
.. Dès-lors les enfans Lamonteilhe_courraient_le risq u e , nonseulement d’étre dépouillés de la plus grande partie du domaine
du Saulzet, mais encore de ne rien conserver , pas plus que leur
grand-père et leurs oncles et tantes , des autres biens acquis par
Mme. de Saint-Mande comme mandataire de M. Aubier.
» La dame veuve Lam oateilhe doit-elle donc faire tant d’ef
forts !......
1
E n fin , on ajoute pour la dame veuve Lam onteilhe que la foi
des contrats de mariage ne doit jamais être violée.
Il
ne peut y avoir lieu à l’application de ce principe. M. Aubier
n’attaque point les conventions portées dans le contrat de m a
riage des sieur et dame Lamonteilhe.
La dame veuve Lamonteilhe n’aurait d’ailleurs rien à redouter.
M mfi. de Saint-Mande jugée mandataire de M. Aubier à l’effet cia
racheter ses b ien s, la propriété incommutable du Saulzet n’ en
devra pas moins rester aux enfans Lam onteilhe, puisque M. A u
bier a concouru aux actes de transmission.
1
Et la circonstance d’un retranchem ent!à souffrir p eut-être,
ne rend point cette propriété incertaine; car la faveur du con-*
trat de m ariage, en supposant même qu’il contint la transmis
sion , ne pourrait porter obstacle à l’exercice du droit de réserve,
s il y avait lieu : point certain qui ne pouvait manquer d étre
prévu lors du m ariage, les dispositions des lois étant précises ;
�( 18 )
ce qui écarte toute idée de violation de la foi due au con-;
trat (1).
D é l ib é r é
à R io m , par les avocats soussignés, le
3 o mai 1812
A L L E M A N D , J n. C h. B A Y L E ,
B E R N E T -R O L L A N D E .
Me. D E V È Z E , avoué licencié
(1)M a belle-fille, après avoir bien prou vé, dans son mémoire im prim é, qu’elle
tient Saulzet de ma seule volonté , n’ en a pas moins dit et fait plaider qu’ elle
aimait mieux que ses filles tinssent la confirmation de ce d on , des enfans de
Mme. de Saint-Mande que de moi leur a ïeu l, et de mes enfans leurs oncles. Ce
pendant, quand même elle serait sûre que M . d e S a in t-M a n d e fils conservera,
après la mort de sa mèr e , autant de bonne volonté que M mc. Lamonteilhe lui
en croit à présent, la minorité du p e tit-fils de Mme. de Saint-Mande héritier
pour moitié de celle-ci, ne met-elle pas un obstacle insurmontable à ce qu'on
dispense mes petites-filles de rapporter à la succession de ma sœur plus de moitié
de Saulzet, si ma sœur était réputée avoir acheté mes biens pour son propre
com pte, et non comme ma mandataire, en même temps que ce système me
mettrait dans la necessité de rendre à la mort de ma sœur le V erg er dont
il s’agit?
Je ne suis malheureusement que trop certain que M . de Saint-Mande fils
est le principal prom oteur de cette affaire, du changement de ma sœur à mon
égard, et du refus de toute conciliation.
Je supplie mes juges de pren d re la peine de lire les m ém oires im prim és en
prem ière in stan ce; ils sont absolum ent nécessaires p o u r bien conn aître le gen re
de persécution et d ’offense que j’ép ro u ve de la part d ’une b elle-fi l l e p o u r q u i
j ’ai fait des sacrifices tels q u e , dans l’état actu el des choses, les re v e n u s à m oi
réservés passent en entier à l ’acq u it des dettes assises sur S aulzet, que je paye
p o u r elle.
AUBIER
père.
A R I O M , de l’imp. de T H I B A U D , im p rim . de la C o u r Impériale, et lib raire,
rue des T a u le s , maison L a n d r i o t , — Juin 1812.
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, père. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bayle
Bernet-Rollande
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
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de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2126
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53422/BCU_Factums_G2126.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53410/BCU_Factums_G2114.pdf
851101f58600d9f1bfa8027258779ebe
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Text
c
m
é
e / d'Voceof
m
o
i
r
e
A CONSULTER,
SUIVI DE CONSULTATION.
�v' G E N E A L O G I E
D U
C O T É
CO TÉ DES P R A L O IS .
P A T E R N E L .
Guillaum e P a s t i e r ,
M arguerite Pastier,
à
sœur de G u i ll a u m e ,
à
N..............
de~J àteiu/
ÇiÆezi~^ tPadiei/-, j3tètte~^>
G É N É A L O G I E
Gilberte P ra lo is ,
DES
P R A L O I S ,
CO TÉ
M A T E R N E L .
A nn et-G ab riël P ra lo is , frère de G ilb erte ,
à
Gilbert Delesvaux.
M arie-M agdelaine A y m é .
Gilbert Baudon.
M arie
C lau d e P a s tie r ,
M arie
à
M arie D elesvaux.
Claude Pastier.
Nota. Po in t d’ héritiers
du côté des D e le s v a u x .
J . - B . Bouchard.
i.
2.
3.
Ann et ,
Marie,
N .......P ra lois,
prêtre,
à
à
à Senat.
N ....... Lucas.
N ....... Maudosse.
Etienne Debar.
N ....... Dubuisson.
Marie
G ilb e r te ,
A n t o in e - M a r ie n ,
M a g d e la in e ,
ù
à
à
à
N ,... Delesvaux.
Jean M urgheon.
Françoise Delafaye.
A ntoine Montpied.
M arie,
Jean A lexa n d re ( * ) ,
F rançolsc-G abriclle ,
N ....... M o n tp ie d ,
à
à
h
à
N > L o iie l Guilluis.
Denise Bouchard (*).
J.n-M ichel P a illa rd .
5.
M arie-A n n e,
N .......Pralois,
à
Gilbert •
I.
2.
Gilbert Pastier,
M arie-Francoise
p r ê tre ,
( f sans postérité ) ,
.
de eu,jus
D en ise (*)
J .-A l. Murgheon (*)•
de eu ju s.
à
M icIieUGilbert Ju ge.
N .......Gobet.
�- J^aéüeu
G IE
D ES
P R A L O IS ,
COTÉ
M A T E R N E L .
Annet-G abriël P ra lois, frère de G ilb e r le ,
Guili
M arie-Magdelaine A y m é .
N..
Gl¡
3.
4-
5.
M arie-A nne ,
N .......Pralois,
à
à
à
N ...... Maudosse.
Etienne Debar.
N ....... Dubuisson.
G i lb e r te ,
A n to in e-M a rien ,
M ag d e la in e,
N .......Pralois j
Ma
lucas.
à
G
•svaux.
sy
i uilluis.
à
Jean Murgheon.
Françoise Delafaye.
Antoine Montpied.
Jean A lexa n d re ( * ) ,
Françoisc-GabrlcUe,
N ....... M ontpied,
à
h
à
Denise B ouchard (*).
J.»-M ichel P aillard.
N ...... Gobe».
�21$
M E M O I R E
A CONSULTER,
ty, j
SUIVI DE CONSULTATION,
POU R
Dame
DEBAR,
F r a n ç o is e -G a b r ie lle
J ea n - M ic h e l
d a m e héritière
PA ILLA R D ,
de
défunt
son
G ilb e r t
et le sieur
mari , ladite
PASTIER ,
prêtre ;
CO N TR E
L e s prétendant droits à la succession d u d it d éfu n t
G ilbert
M
a
d
a
m e
défunt Gilbert
nouvellement
P A S T IE R .
Paill a rd , née D e b a r , est- héritière de
Pasti e r , ancien curé de Charroux ,
décédé.
Elle
réclame c e tte hérédité
î^iiA
u
�'CULX
( 2 )
en ver! 11 de la disposition de son contrai de m aria ge ,
et c o m m e parente dans la ligne maternelle.
11 se présente d’autres héritiers de plusieurs sortes,
les uns en vertu des dispositions contenues en leur
contrat de mar iage, un autre en vertu d ’un testament
olographe du défunt.
P ° ur apprécier le mérite de ces réclamations di«^¿»Sj'erses, il faut
«»¿t?;
faire connaître l ’état de la famille ,
contrats de mariage sur lesquels on appuie
des
-k - ^ p r é t e n t i o n s et le testament lui-même.
O n voit par la généalogie c i - c o n t r e , que Gilbert
Pastier de cu jtis , n ’a laissé des parens q u ’à un
degré assez éloigné.
O n ne connaît pas de parens du c h e f de M a ri e
D e l e s v a u x , sa mère ; il n’y a q u ’ un seul descendant
du
côté
des P a s t ie r ,
qui
est
D enise
B ouchard,
mariée à J e a n - A l e x a n d r e M a r g h e o n , tous les deux
vivans.
D u c h e f de Gilberte Pralois, aïeule maternelle du
défunt ,
les
parens sont
assez
nombreux;
Jean-
A l e x a n d r e M u r g h e o n , ép oux de Den ise B o u c h a r d ,
descend l u i - m ê m e de cet estoc.
M a d a m e Paillard, née D e b a r , est fille d ’Antoin eM a ri e n D e b a r , cousin
issu
de germain
de défunt
Claude Paslier.
L a suite de la discussion établira q u ’on ne doit pas
�( 3 )
¿ 4 3
s’ occuper des aulres parens qui descendent aussi des
Pralois.
L e domicile et les biens du
en Bourbonnais. L e
défunt étaient silués
5 septembre 1 7 9 3 , avant la p u
blication des lois prohibitives, en ligne collatérale ,
le sieur
Pastier
de c u ju s
intervint au contrat
de
mariage de J e a n - A l e x a n d r e M u rg h eo n et de Denise
Bouchard ; les mères des futurs étaient au nombre des
parens les plus proches du sieur Pastier ; mais elles
avaient cessé de vivre à cette époque. L e sieur Pastier
déclare dans le con tr at, q u ’il rappelle les futurs à sa
succession , « chacun pour ce qui les concerne par
« représentation de chacune
leur m è r e " , mais à la
charge par les futurs d ’associer audit rappel leurs frères
et sœurs.
L e 27 du m ê m e
mois
de
septem bre
1793,
ma
demoiselle D eb ar épouse J e a n - M i c h e l Paillard.Le sieur
P astier
intervient à ce contrat de m ariage; le père
de la demoiselle D e b a r vivait e n c o r e , et le mariage
a lieu sous son autorité.
L e sieur Pastier y déclare « q u ’en contemplation du
« présent
mariage , reconnaissant
que
ledit
sieur
« Ant oine-Marien D e b a r , père d e l à f u t u r e , est l ’ un
« de ses héritiers présomptifs le plus p r è s , et voulant
« prévenir toute discussion à sa succession sur le droit
« de représentation q u ’aurait la futu re, si son père
« venait à décéder avant ledit Pastie r, il a , par ces
« présentes, volontairement rappelé la future etlessiens
�( 4 )
« à sa succession, audit cas de prédécès du s.r D e b a r , .
«■pour la m êm e portion q u ’aurait droit de prendre
« le sieur D eb a r s’il survivait au sieur P a s t i e r , à la
« charge toulefois d ’associer A n n e t - G a b r i e l D e b a r ,
« son frère ou ses héritiers, pour moitié au présent
v ra p p e l , etc. ».
L e i8 mai 1810 ; défunt sieur Pastier a fait son
testament ol ographe; il c o m m e n c e par déclarer q u ’il
ve u t profiter de la faculté que lui accorde le C ode
N a p o l é o n , de disposer de ses biens ainsi q u ’il a v is e r a ,
en m aintenant les dispositions légalement fa ite s .
P a r une première disposition, il confirme le rappel
p o r té par le contrat de mariage du 5 septembre 1 7 9 3 ,
e n faveur de J ean-Alexandre M u r g h e o n , et de Denise
Bouchard , pour les portions héréditaires seulement
qu e l ’un et l'autre ont droit d ’am end er dans sa su c
cession ; il veut en outre que ce rappel soit ex écuté
chacun en ce qui les concerne et par tête ; mais il
rév o q u e les clauses d’association faites au profit de leurs
frères et
sœurs
, q u ’il croit n’avoir pas été saisis dès
q u ’ils ne contractaient pas;
2 ° Il rév o q u e le rappel fait en fa ve ur d’A n n e t Gabr iël D e b a r , frère à la dame D e b a r , épouse de
M . Paillard ;
3.° Il donne et lègue à François Pastier, e m p l o y é
à la recette gé nér ale de C l e r m o n t , sur tous les biens
non compris d a n s le rappel, une somme de 4-OjOOo fr.
�( 5 )
H S
à prendre sur le pins clair desdits b i e n s , sans être
te nu à aucune charge ni dette à cet égard ;
4.0
Il institue en outre le m ê m e François Pastier
son héritier du surplus de ses bie ns, à la charge par
lui de p a y e r , a v e c les rappelés à sa succession, et
par portion égale entr’e u x , toutes ses dettes.
Il fait ensuite des legs particuliers au profit de sa
do m est iq u e, et quelques legs dont il est assez inutile
de s’occuper.
Il
n o m m e pour son
exéc ut eu r testamentaire le
m ê m e Jean-François Pastier. Il est b on de remarquer
que ce Jea n- Fra nço is Pastier n ’a d ’autre affinité avec
le testateur, que l ’avantage de porter le m ê m e n o m ;
ou au moins il ne lui appartiendrait q u ’à un degré
si éloigné , q u ’ il n e sa ur ai t pas m ê m e t ’i n d i q u e r .
Ap rès la mort du sieur Gilbert P a s t ie r , les scellés
ont été apposés à la requête de l’héritier testamen
taire qui se trouvait sur les lieux,- on n’a pas daigné
p r év en ir la dame Pa ill ard , q u i , cependant par p r é
c a u t i o n , a formé opposition à la rémotion des scellés.
M a d a m e et M. Paillard désirant être éclairés sur
les droits q u ’ils ont dans cette succession, proposent
au conseil les questions suivantes :
i.° Quel est l ’effet du rappel porté en leur contrat
de m a r ia g e ?
2 -° Quelle portion amendent-ils dans cette successsion ?
�< |V'
( 6 )
3 .° Leurs droifs d o i v e n t - i l s se régler d ’après la
C o u tu m e de Bourbonnais , qui régissait les parlies
à l ’époque de
leur
co n t r a t , ou d ’après le C od e N a
poléon qui règle actuellement le m ode de partage?
4.0 Quelle porlion rc vie n l-i l aux autres cohéritiers?
5 .° Quel sera l’effet du testament fait sous l’empire
du C o d e ? En quoi consistent les droits de l’héritier
testamentaire ?
^ L E S J U R I S C O N S U L T E S A N C I E N S soussignés, qui
ont pris lecture , i.° de l’extrait du contrat de mariage
de J e a n - A l e x a n d r e Murglieon avec Denise Bo u ch ard ,
du 5 septembre
de
dame
1793;
2°
du contrat de mariage
Françoise - Gabrielle
Debar
a vec J e a n -
M i c h e l Paillard, du 27 septembre de la m ê m e a n n é e ;
3 .° du testament olographe de Gilbert P a s l i e r , du
18 mai
1 8 1 0 , de la généalogie des Pastier et du
m é m o i r e à consulter,
E s t i m e n t , sur les questions p ro po sée s;
Q u ’il convient en première ligne de définir ce q u ’on
entend par ra p pel, et quel doit être l ’effet de cette
disposition.
Elle était fort usitée en C o u tu m e de Bou rbonnais,
ou la représentation n ’avait lieu en ligne collatérale,
q u ’entre frères et s œ u r s , et descendans de frères et
sœurs.
Hors les termes de la repré sen tation, les héritiers
�( ? 3
les plus proches succédaient par
u y
têles et non per
siirpes. ( A i t . 3 o6 de la C o u t u m e ) .
Il est assez simple q u ’on dût succéder par tête ,
toutes les fois q u ’on était hors des termes de la r e
présentation, parce q u ’on ne peut succéder par souche
q u ’autant q u ’on se met à la place de que lq u’ un , et
q u ’on prend ce q u ’il aurait pris; c ’e s t - a - d i r e , q u ’il
faut représenter pour succéder per siirpes ; et lors
q u ’on vient de son c h e f , on ne doit succéder que par
te le.
»
D a ns ce dernier cas , l ’héritier le plus prochain en
d e g r é , excluait
éloigné ,
ce ux qui étaient à un degré
successlo
ex tra
plus
terminos representationis
p rp xim io ri defertur. Decullant.
Mais celte m ê m e c o u t u m e é t a i t c e q u ’ o n appelle
d'estoc et lig n e, ce qui veut dire que les biens retour
naient à l ’estoc d’où ils étaient p r o v e n u s , ce qui a
besoin encore d’explication.
O n distinguait les meubles et acquêts d ’a vec les
propres naissans et les propres anciens.
A l ’égard des meubles et a c q u ê ts, il se divisaient
en deu x parts, moitié aux héritiers paternels les plus
p r o c h e s , l ’autre moitié aux héritiers maternels les
plus prochains.
L es propres naissans appartenaient aux plus proches
héritiers du côté et ligne de celui par la mort duquel
ils lui étaient avenus.
�• Quant aux propres a n c i e n s , ils appartenaient aux'
parens les plus proches du défunt , du côté et ligne
d ’où
ils étaient prove nus , q uo iq u’ ils ne fussent pas
les parens les plus prochains du d é f u n t , art. 3 i 5 de
la Coutum e. A u r o u x , sur les art., n.° n , 12 et suiv.
Cette différence , dans la nature et l ’origine des
biens, pour en régler la transmission, a beauco up
exercé les commentateurs de cette C o u t u m e , et donné
lieu à de grandes discussions ; la circonstance que la
succession est ouverte sous le Code N a p o l é o n , dispense
de se livrer à un ex a m en plus profond de
celt e
question, ainsi q u ’on va bientôt l’établir.
Mais il faut en venir au r a p p e l , et il est évident
que le sieur Pastier n ’ignorait pas la disposition de
la C o u tu m e sur les termes de la représentation ; il
savait aussi que le sieur D e b a r , son cousin issu de
g e r m a i n , était un de ses plus proches héritiers; il
craint que le sieur D e b a r ne vienne à le p r é d é c é d e r ,
et que ce prédécès exclue sa fille de sa succession,
parce q u ’elle pourrait ne pas se trouver en degré utile;
il prend le parti de la r a p p e l e r , et de lui assurer la
po rtion que son père aurait eue s’il lui survivait.
C ett e disposition éventuelle est faite entre vifs, par
contrat de mariage , sans aucune réserve , et a un
caractère d ’irrév oc abilité, auquel le testateur n ’a pu
déroger dans la suite ; il avait alors le droit de faire
toutes les libéralités q u ’il lui plaisait. L a première loi
prohibitive
�(9)
prohibitive
n’est
que du
^4 ^
5 brumaire an
2 ( no
vem b re 1 7 9 4 ) .
Quel a été Feiïet de ce ra p pel ? sans contredit, la
dame Paillard a été mise par ce m o y e n à la place de
son p è r e , si celui-ci mourait avant le sieur Pastier;
et ce der n ie r, par celte disposition, a dû laisser sa
succession ab intestat par rapport au rappelé.
I l est sans contradiction que la dame Paillard doit
prendre dans la succession du sieur Pastier, tout ce
que son père y aurait pris, s’il élait vivan t à l ’o u
verture de la succession de Gilbert Pastier.
A la v é r i t é , la dame Paillard était chargée d ’associer
son frère à ce r a p p e l , mais ce frère ne contractait
pas , et n’était pas saisi; c ’était la dame P a i ll a r d , qui
seule était i n v e s t i e cia l i t r e : s o n f rè r e n e pouvtùt
recevoir que d ’elle; c ’était une condition que le sieur
Pastier avait mise à sa libéralité.
Mais en m ê m e tems cette condition était onéreuse,
dès-lors révocable à volonté de la part de l ’auteur de
la disposition. L a faveur due aux contrats de mariage
a fait admettre ce principe, que toutes les clauses
onéreuses sont révocables au profit des mariés.
O r le sieur Pastier ayant par son testament r é
vo q u é la condition de l’association, il en résulte que
la dame Paillard vient exclusivement prendre la portion
qui reviendrait h son p è r e ; la part destinée à son
frère ne peut accroître q u ’à elle ; le sieur Pastier a
3
�disposé de ioute la portion que D e b a r père devait
recueillir.
L a dame Paillard étant ainsi mise à la place de
son p è r e , on doit la considérer c o m m e parente ail
m ê m e degré que le père, c’e s t-à -d ir e , c o m m e cousine,
issue de g e r m a in e , du défunt; alors elle se trouve la
parente la plus prochaine du défunt ; de sorte que
sous la
coutum e m ê m e , elle aurait exclu tous les
pai ens à un degré plus é l o i g n é , aurait succédé par
moitié aux meubles et acquêts, c o m m e héritière m a
ternelle , et à tous les propres anciens provenus des ^
Pralois dont elle descend.
C e qu’ on dit de la dame P a i ll a r d , s’applique éga
le m e n t à Jean - A le xa ndre
Murgheon
et à Denise
Bouchard sa f e m m e ; leurs mères à la vérité n'existaient
plus lors de leur m ar ia ge ; elles étaient aussi cousines,
issues de germ aines , du d é f u n t ; il a mis les ép oux à
la place de leurs mères. M u r g h e o n , c o m m e la dam e
Paillard descend des Pralois; il se trouve au m o y e n
du rappel au m ê m e degré que la dame Paillard : il
aurait donc succédé co ncurremment et par tête sous
l ’ancienne l o i , avec la dame Paillard.
A l’égard de Denise Bouchard , fe m m e M u r g h e o n ,
elle ne descend pas du m ê m e estoc; elle appartient
a la' ligne P a stie r ; elle se serait e n c o r e , sous la C o u
t u m e , trouvée seule au degré pour succéder dans sa
l i g n e ; par conséquent , elle aurait
meubles et
pris moitié des
acquêts , les propres naissans
provenus
�( ii
)
2 SI
jt fj
des P a s t i e r , et les propres anciens qui auraient eu
la m ê m e origine.
. !
Mais il ne faut plus aujourd’hui raisonner d ’après
la C ou tu m e : ce n ’est plus elle qui doit régler le mode
de partage de la succession de Pastier.
L e rappel fait en faveur des ép ou x M u r g h e o n , et _
de la dame Paill ard, a bien un effet présent quant
à l ’irrévocabilité de la disposition ; c’ e s t - à - d i r e , q u ’il
assure à la dame Paillard un droit certain à la suc
cession , mais la
portion
q u ’elle prendra
n’est pas
d é t e r m i n é e , et ne peut être connue q u ’à l’ouverture
de la succession ; c ’est là que la dame Paillard est
r e n v o y é e pour s u cc é d e r, c o m m e son père l ’aurait
fait s’il ne fût pas mort avant Pastier., et celui-ci lui
assure tout ce que la loi qui régira sa s uc c e s s i o n t
aurait accordé à son père.
L e sieur Pastier n’a pu déroger à cette promesse ,
ni régler la portion héréditaire de celui q u ’il a rap
p e lé ; il-s’est engiigé par rapport à l u i, à ne rien faire
qui dérogeât à-ce droit de successibilité, qui diminuât
sa portion lé g a le, quelque changement qui intervienne
dans la législation; en un m o t, il s’est obligé à laisser
sa succession ab intestat.
ar rapport au rappelé.
L a dame Paillaid a m êm e couru la
chance
de
ne rien recueillir, si son père ne s’était pas trouvé
en degré pour s u c c é d e r ,
ou
de prendre toute la
4
j
�U *
( 12 )
portion Cfni lui serait att rib ué e, si son père se trouvait
le païenI le plus proche.
Il est encore sans contradiction que le m o d e ' d e
succéder et de par tager, doit être réglé par la loi
qui est en vigueur à l ’ouve rture de la succession ,
sur-lout pour les successions qui s’ouvrent ab intestat ;
et on vient de voir q u ’il faut considérer sous ce rapport
la succession P a s t ie r , relativement aux rappelés.
L e sieur Pastier l u i- m ê m e a senti que sa succession
devait se régler par le Code Napoléon ; il veut profiter
de la faculté qu'il lui accorde. Il sait et il veut que
toutes dispositions précédentes
et
légalement faites
soient maintenues; il confirme les rappels par lui faits
pr écéde m m en t ; il veut favoriser les rappelés , en ré
vo q uan t les conditions q u ’il y a mises, et dans son
intention bien manifestée, son héritier testamentaire
ne doit rien prendre qu'après que les rappelés auront
eu la portion que la loi leur assure.
O r , quel est celte portion l é g a l e ?
« L a loi ne considère, ni la n a t u r e , ni l’origine
« des biens pour en régler la transmission. (A rt.
« Code N a p o l é o n ) .
« T o u t e succession éc hu e à des
2,
ascendans ou à
« des parens collatéraux, se divise en deux parts égales,
« l’ une pour les parens de la ligne paternelle, Fautre
« pour les parens de la ligne maternelle. (A rt. 7 3 3 ).
« Cette première division opérée
entre les lignes
�( >3 )
2 /3
« paternelles et m atern elles, il ne se fait plus de
« division entre les diverses b ran ch es ;l a portion dé« volue à chaque ligne appartient à l ’héritier ou a u x
« héritiers les plus proches. ( A r t . 784).
Il n ’est personne qui n ’ait reconnu la sagesse de
ce
mode
de
division; il tranche
toute d if fic ulté ,
anéantit une foule de procès ruineux sur l ’origine des
biens, sur la contribution desdettes, sur les refentes, etc.
Déjà
la C o u tu m e
du
Bourbonnais , l ’ancienne loi
des parties, avait adopté cette règle pour le partage
des meubles et acquêts ; et on va voir que la repré
sentation est encore réglée par le C o d e , c o m m e elle
l ’était par cette Coutume.
L ’art. 742 n’admet la représentation en ligne col
l a t é r a l e , q u ’ e n f a v e u r des e n f a n s et d e s c e n d o n s des
frères ou sœurs du d é f u n t . S u i v a n t l ’art. 7 4 3 , le partage
s’opère par souche toutes les fois que la représentation
est admise aux termes de l ’art. 7 5 3 , lorsqu’il n ’y^ a ni
frères ni sœurs, ni descendans d e ‘frères ou de sœurs;
les parens les plus proches succèdent, et lorsqu’il y a
concours de parens collatéraux au m ê m e degré , ils
succèdent par tête.
C e règlement est parfaitement entendu , il ne s’agit
que d ’en faire l’application. L e sieur D e b a r , père
de la dame Paillard , était cousin , issu de
du défunt ; si le sieur D e b a r v i v a i t ,
germ ain,
il serait
le plus
proche parent de sa l ig n e, avec la mère de M u r g l ie o n ,
qui était au m ê m e degré.
�( 14 )
L a dame Paillard et M u rgh eo n sont mis au m ê m e
degré que les ascendans ; ils appartiennent à la ligne
m at e r n e l l e ; moitié de la succession doit être attribuée
à cette l i g n e , quelle que soit la nature et l’origine des
b ie n s ; madame Paillard et M u r g h e o n , parens par
fiction au m êm e degré , se trouvant les plus proches
du d é f u n t , doivent donc recueillir conc urr emment
et par tête, la moitié affectée à leur l i g n e , c ’est-àdire, q u’il revient à chacun le quart des biens délaissés
par Gilbert Pastier.
■ Ma inte na nt que
la
portion revenant à la dame
Paillard est déterminée , il est assez indifférent pour
elle de savoir ce que deviendra la moitié affectée a
la ligne paternelle à laquelle elle est étrangère ; elle
ne doit m ê m e prendre aucune
part aux questions
qui peuvent naître entre l ’héritier de cette ligne et
l ’héritier testamentaire, qui n ’est appelé par la force
de la l o i , et la volonté bien exp rim ée du te sl alp ur,
q u ’après que
les rappelés auront pris ce qui leur
revient.
L a dam e Paillard est bien avertie que le testament
n’a pu faire aucun retranchement dans sa ligne : elle
connaît tout l ’effet que doit avoir son rappel.
Cepe ndant il lui importe de prévenir toute discus
sion avec l ’héritier testamentaire; elle doit m êm e être
en garde sur la qualité q u ’il voudra prendre lors de la
rémolion des scellés et de l’inventaire ; et , dans ce cas,
on doit examiner les prétendus droits de cet héritier.
�( i5 )
2$5
Son tilre s’é v a n o u i t , ses droits s’é t e ig n e n t , et ne
pe uvent résister à la plus légère discussion. D en is e
Bouchard est la seule en ordre de succéder dans la
ligne paternelle; elle se tr o u ve, d ’après la généalogie
qui a été soumise, la cousine issue de germ ain , du
d é f u n t ; elle descend de Guillaume Pastier, aïeul de
Gilbert de c u j u s ; elle est l’héritière la plus proche de
ce ll e l ig n e ; elle le serait sans fiction«, quand m ê m e
elle ne viendrait pas à la place de sa m è r e ; elle est
rappe lé e, en ce qui la conc erne, pour la portion q u ’au
rait recueillie sa mère. L e sieur Pastier, par son tes
t a m e n t , n’a pu ni voulu déroger aux dispositions par
lui c i - d e v a n t faites; il a m ê m e confirmé ce rappel
par le testament.
A u x termes de l’art. 734 du C od e Napoléon , Denise
Bouchard doit r e c u e i l l i r la m o i l i é a f f e c t é e à sa l ig n e ,
il moins q u’il n’y eût d ’autre héritier dans la m ê m e
ligne et au m ê m e degré que la f e m m e Bouchard ; dans
ce cas, l’hérilier testamentaire serait mis à la place de
c e u x qui auraient droit de concourir a vec el le ; mais
si elle est la seule parente au degré utile, l’héritier
testamentaire n’a lie n à prétendre. L e testateur n ’a
pas-été le maître de disposer, au profit d ’ un tiers, d ’ une
chose q u ’il avait déjà d o n n é e ; par conséquent son tes
tament est c o m m e non avenu par rapport au sieur
Pastier; il n’a q u ’ un vain titre, fait au préjudice d ’un
contrat de mariage dont la foi ne peut être violée.
L e sieur Pastier s’abuse, s’il croit avoir un droit quel
�(
16]
conque à la succession de Gilbert de cu ju s. L e partage
de c e ll e succession était déjà réglé par des dispositions
antérieures et irrévocables, que le leslateur a dû res
pecter. Ce n’est que par un mal-entendu qu’il a pensé
que le C ode Napoléon lui donnait le droit de disposer
de ses biens.
L e Code n’accorde cette f a c u l t é , en ligne collatérale,
q u ’autant que le teslaleur n'aurait pas déjà fait des
dispositions e n t r e - v i f s dans un tems utile. L e sieur
Paslier, par les contrats de mariage des 5 et 27 sep
tembre 1 7 9 3 , s’était déjà do nné,des héritiers conven
tionnels. Celui qui a fait un héritier par des libéralités
irrévocables, ne peut plus en faire un second, et son
testament n’aura aucun effet, si ce n’est pour les legs
rémunératoires ou les legs p i e u x , qui doivent avoir
leur e x é c u t i o n , lorsqu’ils ne sont pas excessifs, lorsqu’ils
n e portent pas un préjudice notable aux donataires de
la qualité d ’héritiers.
Ces legs seront acquittés par les rappelés, chacun
dans la proportion de leur amendement.
\
P e u t - ê t r e le testateur a - t - i l pensé q u ’il p o u v a it dis
poser de la portion p r im i ti v e m e n t destinée a u x associés.
C e serait une erreur : la révocation de cette condilion
ne peut profiler et accroître q u ’à ceux qui étaient déjà
investis du titre, malgré la condition qui leur était
im pos ée; ils ont couru la chance du prédécès des asso
ciés,
com m e
ils ont pu espérer une révocation de cette
charge.
En
�t s r
( 17 )
En la r é v o q u a n t , l ’auteur de la disposition ne peut
leur donner d’autres associés malgré eu x -m ê m e s : ils
profitent exclusivement de la révocation.
C ’est donc assez inu tilement que le sieur Pastier a
requis l’apposition des scellés, sans m ê m e prévenir de
cette dém arc h e ce ux qui avaient droit à la succession,
et q u ’il n’a pu méconnaître d’après le testament.
L a dame Paillard a agi prudemment en formant
opposition à la rémotion des scellés; elle oblige par-là
les prétendant droit à l’appeler lors de ce ll e r é m o tio n ,
mais elle ne doit pas s’en tenir à cette démarche pure
m en t conservatoire.
I l est de son intérêt de demander la ré m oti on, de
faire procéder à un inventaire e s t i m a t i f , pour constater
les forces mobiliaires de la succession, sauf ensuite à
demander le partage à ses cohéritiers rappelés c o m m e
elle , e t à faire promptement régler les droits de chacun,
d ’après le mode q u ’on vient de lui indiquer.
D élibéré à R io m , le 26 décembre 1812.
P AGÈS,
L . - F . D E L A P C H I E R , VISSAC , A L L E M A N D ,
J .-C
h.
BAYLE.
A RIOM, de l'imprimerie du Barreau, chez J - C .S A L L E S .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Debar, Françoise-Gabrielle. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Delapchier
Vissac
Allemand
Bayle
Subject
The topic of the resource
successions collatérales
estoc
coutume du Bourbonnais
testaments
conflit de lois
contrats de mariage
paterna paternis
doctrine
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, suivi de consultation, pour Dame Françoise-Gabrielle Debar, et le sieur Jean-Michel Paillard, son mari, ladite dame héritière de défunt Gilbert Pastier, prêtre ; contre les prétendant droits à la succession dudit défunt Gilbert Pastier.
arbre généalogique
note manuscrite « arrêt du 16 février 1814. Voir journal des audiences, 1814, p. 51 ».
Table Godemel : Rappel à succession, stipulé par contrat de mariage, sous l’empire de la coutume du Bourbonnais, a-t-il l’effet d’une institution contractuelle irrévocable ? Ou, au contraire, peut-il être anéanti ou modifié par dispositions entre-vifs ou testamentaires émanées de l’auteur de la disposition ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Barreau, chez J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1793-1812
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
17 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2114
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2115
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vendat (03304)
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
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Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
doctrine
estoc
généalogie
paterna paternis
successions collatérales
testaments
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278270f648bcc51e287e2073f84209b6
PDF Text
Text
4g i
t r ib u n a l
MÉMOIRE
EN
d ’a p p e l
fiéantàRiom.
RÉPONSE,
P O U R
, P i e r r e et G i l b e r t L A N D R IE V E ,
père et fils, cultivateurs habitans du lieu de
Chantagret, commune du P eyrou ze, appelans
d’un jugement rendu au tribunal d’arrondisse
ment de cette ville d e Riom , le 3 floréal an 9 ,
C h a rle s
et demandeurs en opposition ;
C O N T R E
,
B R U N E L D E P R I V E Z A C pro
priétaire, habitant du lieu de Chauzy , commune
de Besset, département de l'Allier, intimé et
défendeur en opposition.
'J a c q u e s
,
J a c q u e s Brunel de Privezac a affermé, le 8 germinal
an 4 , deux domaines aux appelans le prix de ce bail
A
�( a )
est de 3,000 fr. par année. Les appelans étoient précé
demment fermiers des mêmes objets depuis 1784; et le
prix de ce bail ancien n’étoit que de 1,300 fr. argent,
quarante - cinq livres de beurre et douze poulets pour
chaque année.
Les appelans ont demandé la réduction du nouveau
bail au prix de l’ancien, et leur notification a été faite
dans le temps prescrit par la loi.
Par une singulière fatalité, les premiers juges ont
refusé d’admettre la réduction demandée, et ont con
damné les fermiers à payer la somme de 3,000 fr. chaque
année, pendant la durée du bail.
Les fermiers réclament contre ce jugement qui viole
ouvertement la disposition des lois, et blesse tous les
principes de justice et d’équité.
L ’intimé qui affiche un grand désintéressement, a
des raisons personnelles pour ne pas désirer qu’on paye
toujours sans réduction ; il prétend néanmoins que le
jugement dont est appel est sage dans ses motifs, et juste
dans ses dispositions : il a cru devoir rendre sa défense
publique, et s’imagine que des déclamations bannales
contre les fermiers peuvent servir de moyens.
Les appelans se llattent au contraire de démontrer que
sa’ prétention est exagérée, et qu’en payant le prix du
bail ancien ils sont entièrement libérés.
FAITS.
Le 5 août 1784, un sieur T iïly , propriétaire de deux
domaines appelés de Gliantagret et de Cornassat, situés
�( 3 )
commune du Peyrouse, les donna à titre de ferme aux
appelans : ce bail fut consenti pour neuf années consécuti
ves, qui ne devoient prendre cours qu’à compter du 24
juin 1788.
L e prix de la ferme est de 1,300 fr. par année ,
payables en deux termes égaux ; et pour droit de survine , les fermiers doivent payer en outre quarante-cinq
livres de beurre et douze poulets.
L ’intimé devenu acquéreur de ces deux domaines de
puis le 13 juillet 1790, avoit droit d’interrompre le bail
en vertu de la loi JEmptorem j mais il le trouva assez
avantageux pour ne pas user de cette faculté, et il en
perçut le prix pendant toute sa durée.
Quoique ce bail ne dût éclioir que le 6 messidor
an 5 , néanmoins il voulut le renouveler un an avant ;
et le 8 germinal an 4 , il fut passé entre les parties un
nouveau bail pour neuf années, moyennant la somme
de 3,000 fr. par an. Il est dit que ce bail est consenti à
prix d’argent, que la somme est payable en numéraire
ou valeur représentative : mais on verra que cette énon
ciation , dont l’intimé voudrait abuser, ne peut être
d’aucune importance*, elle ne s’appliquoit qu’aux man
dats qui devoient être reçus comme espèce métallique,
d’après la loi du 8 ventôse précédent.
Bientôt les mandats furent retirés de la circulation ;
il falloit dès-loi’s concilier les intérêts divers, et déter
miner la nature des engagemens de ceux qui avoient
contracté pendant les assignats ou les mandats.
L e législateur s’occupa principalement du prix des
fermages, et la loi du 9 fructidor an 5 , art. VI^ régla
A a
�(.4 )
que tous les baux qui avoient été passas entre la publi
cation de la loi du 4 nivôse an 3 , portant suppression
du m axim um , et celle de la loi du 5 thermidor an 4,
seraient sujets à réduction, c’est-à-dire, que le prix en
seroit réduit à celui des baux existans en 1790.
Une loi postérieure du 6 messidor an 6, veut, art. II,
que tous baux stipulés en tout ou partie à prix d’ar
gent, passés entre le Ier- janvier 1792 et la publication
de la loi du 5 thermidor an 4 , soient susceptibles de
la réduction mentionnée en l’article V I de la loi du 9
fructidor précédent, quelques expressions ou dénomi
nations de monnoie qui y aient été employées.
Les appelans avoient fait leurs diligences avant l’émis
sion de cette dernière loi. Dès le 9 vendémiaire an 6,
ils firent signifier au domicile de l’intimé un acte par
lequel ils déclarèrent qu’ils entendoient profiter du bé
néfice de la loi du 9 fructidor an 5 , et réduire le prix
du bail du 8 germinal an 4 , à celui du bail qui existoit en 1790.
Cette notification n’arrêta point le citoyen de Privezac.
Le 16 nivôse an 6, il fit commandement à ses fermiers
de lui payer la somme de i , 5oo fr. en numéraire, pour
le premier terme écliu le 21 brumaire précédent.
Les fermiers, pour éviter des poursuites plus rigou
reuses , se déterminèrent 11 faire un acte d’offre au domicile
du cit. de Privezac, le 21 nivôse an 6 ; i°. de la somme de
65o fr. pour la moitié du prix du bail du domaine existant
en 1790; 20. de la somme de 42 fr. pour la valeur de
la dîme ; 30. 6 fr. 5o cent, pour les frais du commandementi total 698 fr. 5o cent.
�( 5 )
Refus de recevoir : citation au bureau de paix en réa
lisation et validité d’offres ; assignation au ci-devant tri
bunal civil du déj>artement du Puy-de-Dôme, pour voir
dire que conformément aux art. V I et IX de la loi du
6 fructidor an 5, et en conséquence de la demande en
réduction, le prix du bail du 8 germinal an 4 demeu
rerait fixé à la somme de 1,300 fr. d’une part, comme
faisant le prix du bail existant en 1790, h celle de 42 fr.
d’autre, pour la valeur de partie de la dîme, dont les
fermiers devoient compte, et pour voir donner acte de
la réitération des offres; à défaut de les recevoir, per
mission de consigner les sommes offertes.
Un premier jugement par défaut, du 27 messidor
an 7 , adjugea les conclusions des appelans.
La cause n’ayant pu être vidée sur l’opposition du
citoyen de Privezac , il fit citer ses fermiers au tribunal
d’arrondissement de cette commune, pour procéder sur
cette opposition.
La cause portée à l’audience , il y est intervenu, le
3 floréal an neuf, un jugement contradictoire qui, sans
s’arrêter à la demande en réduction du prix du bail
du 8 germinal an 4, dans laquelle les fermiers sont déclarés
non-recevables , ordonne que le bail du 8 germinal an 4
sera exécuté selon sa forme et teneur jusqu’à son expi
ration ; que les poursuites commencées seront continuées:
les fermiers sont condamnés en tous les dépens ; et il est
ordonné que le jugement sera exécuté nopobstant oppo
sition et sans préjudice de l’appel.
Ce jugement est principalement motivé sur ce que les
fermiers n’ont donné aucun effet à la réduction par eux
A 3
�demandée, en ne faisantpointles offres des arrérages échus,
d’après les formes voulues par les lois subséquentes.
On prétend que l’article V III de la loi du 6 messidor
an 6 n’autorise la demande en réduction, qu’autant que
les fermiers payent préalablement tous les termes des baux
échus antérieurement à la demande : on ajoute que, dans
l’espèce, les fermiers n’ont point fait des offres de tous les
termes échus à cette époque; on en conclut qu’ils n’ont
point satisfait à la loi du 9 fructidor an 5 , ni à ce qui
étoit ordonné par celle du 6 messidor an 6.
Les fermiers ont interjeté appel de ce jugement; et
pour ne pas plaider les mains garnies ils ont, le 4 floréal
an neuf, renouvelé au domicile du citoyen de Privezac
. les offres qu’ils lui avoint déjà faites, en y ajoutant tous
les termes échus.
L ’intimé n’a pas cru devoir se rendre à ces nouvelles
offres ; il a fait signifier de nouveau le jugement portant
nonobstance, avec sommation de se trouver au greffe
pour y voir présenter sa caution, et pour éviter des
poursuites plus rigoureuses. Les appelans ont présenté
requête au tribunal pour demander acte des offres réalisées
sur le bureau de l’audience de la somme de 6,362 francs
90 centimes : il a été rendu sur cette requête un jugement
qui donne acte de l’appel et des offres, renvoie les parties
à une audience extraordinaire , toutes choses jusqu’à ce
demeurant en état.
Ce jugement a été notifié au citoyen de Privezac; et,
le 6 thermidor an 9 , jugement contradictoire qui
donne aux appelans acte de leurs offres, acte au citoyen
de Privezac de ce qu’il offre de recevoir à bon compte
,
�( 7 ).
. .
et sans aucune approbation préjudiciable; le surplus des
moyens respectifs demeurant réservé aux parties : c’est
en cet état que se présente la cause.
Pour prouver que le jugement dont est appel, est con
traire à la disposition des lois , et qu’il y a nécessité de
le réformer , il est essentiel d’analyser les différentes lois
rendues sur les fermages ; e t, quoiqu’en général on puisse
reprochera ces lois une grande obscurité dans la rédaction,
leurs dispositions ne sauroient être plus claires relative
ment à la question particulière qui divise les parties.
L ’article X de la loi du 9 messidor an 4 , porte « que
» les prix des baux non stipulés en denrées et qui ont
» été passés postérieurement à la publication de la
» loi du 4 nivôse an 3 , qui a levé le maximum ,
» seront réduits au prix du bail précédent , en y ajou» tant la valeur des dîmes et autres charges supprimées,
» conformément à la loi du 10 avril 1791 , et autres.
» S’il n’existoit pas de bail antérieur , ajoute le
» môme article , le prix du nouveau bail sera réglé
» par experts , valeur de 1790; dans les deux cas, le
» prix de ce nouveau bail sera payé de la même manière
» que le seroit celui d’un bail passé en 1790. »
L ’article V I de la loi du 9 fructidor an .5 , dit « q u e ,
» si le bail a été passé entre la publication de la loi
>3 du 4 nivôse an 3 , portant suppression du maxim um ,
» et celle de la loi du 5 thermidor an 4 , le prix doit
» en être réduit à celui du bail existant en 1790. »
L ’article V II de la même loi veut « que l’on corn» prenne dans le prix, outre l’évaluation du prix de 1790,
» la valeur des dîmes et autres charges supprimées par
A 4
^
�(S )
la loi du io avril 1790 , et autres, et dont étoient
tenus les fermiers, ainsi que les sommes q u i, promises ,
soit à titre de pot de vin, soit par contre-le tires, soit
de tout autre manière, seront reconnues avoir fait dans
le temps partie dudit prix. »
Enfin , l’article IX de cette même loi porte ce que les
» baux, soit à ferme, soit à portion de fruits dont une
» partie de loyer a été stipulée à prix d’argent , sont
» soumis pour cette partie du prix et suivant le cas, aux
j) dispositions des articles précédens , dans lesquels se
» trouve compris l’article V I précité. »
Il est ajouté « que la somme stipulée en argent dans
» le nouveau bail sera réduite à celle portée dans le bail
» existant en 1790 , augmentée de la valeur des objets
» mentionnés en l’article V I I , si la quantité des fruits
» ou denrées promises, est la même dans l’un et dans
» l’autre. »
L ’article I I de la loi du 6 messidor an 6 , « comprend
» dans l’article V I la loi du 9 fructidor an 5 , et regarde
» comme susceptibles de la réduction mentionnée audit
» article tous baux stipulés en tout ou partie à prix
» d’argent -, passés entre le I e r . janvier 1792 et la publi» cation de la loi du 5 thermidor an 4 , quelques ex» pressions et dénominations de monnoie qui y aient
» été employées. »
L ’article V III veut «que les fermiers qui provoque» roient la réduction du prix de leur b ail, ne le puissent
» à peine d’être déclarés non - recevables, que dans le
» mois qui suivra la publication de la présente, et qu’en
» payant dans le même mois , ou au pi-opriétaire ? ou
»
»
»
»
»
�( 9 )
»
»
»
»
»
»
»
au receveur du domaine, suivant les cas, soit le montant des termes échus.suivant le montant du bail de
1790, soit à défaut de bail ou dans le cas de l’article V , quatre fois la contribution foncière de l’an 5 , des
objets dont il s’agit., sauf à compter et parfaire , ou
même à répéter, s’il y a lieu, lors de la liquidation déiinitive. »
Telle est l’analyse des différentes lois sur les fermages;
on a cm devoir la présenter de suite pour ne pas inter
rompre la discussion , et en faire plus facilement l’appli
cation au cas particulier.
Il s’agit d’examiner si les appelans ont satisfait à la
disposition de ces lo is , et si le défaut d’exécution de
l’article V III de la lôi du 6 messidor, peut être opposé
avec succès aux appelans, et faire obstacle ù leur demande
en réduction?
Point de doute d’abord sur la faculté de réduire.
Le bail est du 8 germinal an 4 , par conséquent il a été
passé antérieurement -à la loi du 5 thermidor an 4 ,
époque déterminée pour la réduction.
La dénomination & argent ou de numéraire ne change
pas la nature des engagemens : déjà l’article IX de la
loi du 9 fructidor an 5 , l’avoit ainsi expliqué et déter
miné , et l’article II de la loi du 6 messidor an 6, ne
laisse plus d’équivoque à cet égard.
Maintenant il faut se lixer sur l’époque de la demande
en réduction qui a été formée par les appelans , et ne
pas perdre de vue que la notification par eux faite est
du 9 vendémiaire an 6 -, c’est-à-dire, antérieure à la loi
du 6 messidor.
A 5
�L ’acte d’offre, la citation au bureau de paix , l’assi
gnation au tribunal c iv il, ont également précédé l’émis
sion de la loi du 6 messidor , puisque tous ces actes sont
du mois de nivôse an 6.
Ils ont tous été faits en exécution de la loi du 9 fruc
tidor an 5 , en exécution des articles V I et IX de cette
loi qui n’astreignoit point les fermiers pour obtenir la
réduction à faire des offres des termes échus.
Cependant même avant la loi du 6 messidor, ils avoient
fait des offres de la moitié du prix du bail précédent :
c’étoit alors tout ce qu’il y avoit d’écliu ; ils avoient donc
satisfait même au delà de ce que la loi du 9 fructidor
sembloit exiger.
Vouloir astreindre les fermiers à l’exécution de l’ar
ticle V III de la loi du 6 messidor, c’est alors donner évi
demment un effet rétroactif à la loi ; c’est lui faire régler
pour le passé ce qu’elle n’a voulu déterminer que pour
l’avenir. En effet, la loi ne parle que des fermiers qui
n’ont point encore fait de diligences ; elle veut que ceux
qui n’ont pas encore provoqué la réduction de leur bail,
ne le puissent faire que dans le mois qui suivra la pu
blication , et qu’en payant dans le même mois au pro
priétaire le montant des termes échus d’après le bail
existant en 1790.
Mais les fermiers qui s’étoient déjà mis en règle, qui
avoient manisfesté leur intention de réduire, conformé
ment à la loi du 9 fructidor an 5 , ne sont point astreints
à la même obligation ni aux mêmes délais. L ’article X
de la loi du 9 fructidor an 5 , n’obligeoit les fermiers
qu’à la formalité de demander cette réduction par écrit,
dans le mois de la publication.
�( 11 )
L ’article X I de la même loi donnoit dans ce cas au
propriétaire la faculté de résilier, si la réduction blessoit
ses intérêts , et en avertissant le fermier dans les deux
mois de la même loi du neuf fructidor.
Cette loi du 9 fructidor n’exige pas le payement des
arrérages : faculté de réduire, faculté de résilier ; voilà
tout ce qu’elle accorde.
La notification des appelans est du 9 vendémiaire
an 6 ; c’est-à-dire , qu’elle est dans le mois de l’émission,
et avant celui de la publication. Ainsi , il ne faut donc
consulter que la loi du 9 fructidor, celle du 6 messidor
est étrangère à l’espèce : ce n’est qu’une loi additionnelle
toujours favorable aux fermiers, qui proroge encore le
délai de la notification , mais qui aggrave la condition
de ceux qui ont été négligens , en les conti’aignant de
payer tout ce qui est échu.
D ’ailleurs les appelans, au moment de leur acte d’offre
du 21 nivôse an 6 , ayant offert la moitié du pi'ix du
bail antérieur, offroient tout ce qui étoit échu. Leur
bail a commencé le 24 juin; il étoit payable en deux
termes égaux, l’un au jour de N o è l, le second au jour
de St. Jean , et il est clair qu’à l’époque du 21 nivôse
an 6 , qui représente le 11 janvier, il n’y avoit que le
premier terme d’échu ; c’est-à-dire , la moitié du prix
du bail ; par conséquent les fermiers ont offert tout ce
qu’ils devoient, même dans le sens de la loi du 6 ther
midor.
Comment donc concevoir d’après des raisonnemens
aussi simples, le jugement dont est appel qui oblige les
fermiers ù payer 3,000 francs par année, pour un bail
�( 12 )
qui, avant le papier monnoie, n’étoit que de 1,300 francs,
et qui a été augmenté de plus de moitié ?
Les fermiers, dit-on, n’ont donné aucun effet à leur
demande en réduction, dès qu’ils n’ont pas offert les ar
rérages échus, d’après les formes voulues par les lois
subséquentes ; et on explique qu’on entend par lois sub
séquentes, l’article V III de la loi du 6 messidor.
M ais, d’une part, on a démontré que cette loi sub
séquente 11’avoit aucun rapport avec les appelans qui
avoient fait leurs diligences antérieurement à sa publi
cation , et en vertu d’une loi différente. D ’un autre côté ,
on a prouvé qu’au m om ent des offres les fei’miers avoient
offert tout ce qui étoit échu.
Mais, dit-on, lors du jugement du tribunal civil, les
fermiers n’ont pas offert ce qui étoit échu à cette époque.
Ce motif est bien extraordinaire : la loi même du 6 mes
sidor n’astreignoit qu’au payement des termes échus à
l’époque de la notification ; elle n’obligeoit point de
faire à chaque échéance de nouvelles offres j si la discus
sion se prolongeoit; et si, lors du jugement du tribunal
civil qui a été rendu en thermidor an y , il etoit échu
d’autres termes , l’intimé pouvoit en faire prononcer la
condarimation, et même obtenir des dépens contre les
fermiers débiteurs. A u lieu de former sa demande, il
s’est laissé condamner par défaut ; les appelans 11e pouvoient donc encourir aucune peine, et rien ne les obligeoit à faire de nouvelles offres.
Il est plus difficile d’expliquer pourquoi on reproche
dans ces motifs aux appelans de n’avoir pas renouvelé
leurs offres à domicile. L ’acte d’offre du a i nivôse an 6,
�( i3 )
étoit fait au domicile du citoyen de Privezac; il y a eu
refus de recevoir; il n’étoit donc pas nécessaire de re
nouveler à domicile, il suffisoit de les réitérer à l’au
dience ; et c’est ainsi que cela a toujours été pratiqué.
Les motifs du jugement une fois écartés, il n’est plus
question que de discuter les moyens proposés par l’intimé ;
et on va voir qu’ils n’ont rien de spécieux.
D ’abord, l’intimé présente de prétendus motifs de
considération ; suivant lui les Landriève ont fait une
grande fortune dans cette ferme : il auroit trouvé le
meilleur moyen d elà diminuer, ou d elà détruire, s’il
pouvoit se faire payer, pendant neuf année^, une somme
de 3,000 francs pour deux domaines qui n’étoient af
fermés auparavant que 1,300 francs par année.
Il prétend aussi que le sieur T illy , peu soigneux dans
ses affaires, répandu à la cour et livré aux plaisirs, faisoit peu d’attention à la valeur de ses biens , s’en rapportoit à des gens d’affaire , ou recevoit à l’avance des
sommes considérables de la part de ses fermiers.
Mais ces allégations ne sont que ridicules ; elles ne sont
appuyées sur aucun adminicule de preuves, et les appelans
ont toujours désavoué d’avoir payé par anticipation aucun
pot de vin ; ils ont soutenu que les domaines étoient
portés A leur juste valeur, et que le prix du premier
bail ne leur promettoit aucun bénéfice.
L ’intimé , au fond , examine deux questions : la pre
mière , celle de savoir si le bail du 8 germinal an 4
est sujet à réduction ; et la seconde, si les Landriève sont
redevables à la proposer. Il observe judicieusement que
la lin de non-recevoir doit être examinée la première,
�parce que la question principale seroit surabondante, si
les Landriève étoient non-recevables.
L ’intimé convient cependant que la demande en ré
duction a été signifiée dans un temps utile; mais, sui
vant lu i, une demande n’est que le commencement d’une
contestation : on ne sait pas trop où il veut en venir
avec cette distinction. Il faut toujours commencer par
demander; mais au moins le jugement doit toujours se
reporter à la demande.
Un des grands griefs contre cette demande, c’est que
l’exploit n’est pas signé des fermiers, ni d’un fondé de
pouvoir ;• l’huissier, dit-il, ne présente aucune assurance
en cas de désaveu, et les Landriève auroient pu s’en
moquer impunément.
C ’est la première fois qu’on a imaginé de prétendre
qu’il falloit signer un exploit pour constituer une de
mande : comme il y a beaucoup de gens qui ne savent
pas signer , il faudroit en tirer la conséquence que toutes
les personnes illitérées n’ont pas capacité de former une
demande, ou de faire donner un exploit.
L ’intimé ajoute, qu’il n’y avoit rien de terminé entre
les parties, lorsqu’à paru la loi du 6 messidor an 6 ; et
quoiqu’ils fussent en litige au tribunal civil du Puy-deDôm e, il n’y avoit encore rien de réglé, ni par les par
ties , ni par les tribunaux.
O r, dit-il, l’article X V de la loi du 6 messidor an 6 ,
porte que toute contestation non définitivement terminée
sera jugée en conformité de la présente loi. Si l’aifaire doit
être jugée en conformité de la loi du 6 messidor, les fer
miers doivent donc offrir tous les arrérages échus ; et c’est
ce qu’ils n’ont pas fait.
�( i5 )
Il sê présente deux réponses péremptoires à cette ob
jection ; et d’abord les appelans eux-mêmes peuvent in
voquer avec succès les dispositions de cet article, relati
vement à la dénomination de numéraire qui a été em
ployée dans le prix du bail. Cette loi dit, article I I , que
le bail sera toujours sujet à réduction, quelques expres
sions et dénominations de monnoîe qui y aient été em
ployées; donc le citoyen Privezac ne peut pas dire que,
parce qu’il s’est servi de l’expression numéraire, le bail
ne peut pas être réduit.
Mais c’est aller trop lo in , que de soutenir que les fer
miers doivent offrir tous les termes éclius ; il suffiroit
qu’ils se fussent conformés à la loi précédente du 9 fruc
tidor an cinq : on a vu que l’article V III de la loi du
6 messidor, en exigeant le payement des termes échus,
n’avoit entendu parler que des fermiers qui jusques-là
n’avoient fait aucune diligence.
D ’un autre côté, les Landriève, lors de leur acte d’offre,
avoient offert tout ce qui étoit échu à cette époque,
quoiqu’ils n’y fussent pas obligés , et le citoyen Privezac
■est forcé d’en convenir. M ais, d it - il, ces offres n’ont
été faites ni à ma personne, ni h mon domicile, quoique
le prix du bail fût payable à mon domicile; elles ont été
faites au domicile par moi élu chez le citoyen Brun, et
des offres réelles ne peuvent être valablement faites à un
domicile élu.
Quelque prépondérance qu’ait l’autorité de Denisart
sur laquelle le citoyen de Privezac s’ap pu ie , ce ne seroit
point à lui à proposer une semblable objetion. Le citoyen
de Privezac a changé cinq ou six fois de domicile pendant
�(.*)
la révolution ; et comme il n’a pas toujours été en de
mandant , plusieurs de ses créanciers ont éprouvé souvent
l ’embarras de ses changemens de domicile : mais il n’est
pas exact lorsqu’il annonce que le prix du bail est payable
à'son domicile. L ’article X V du bail du 8 germinal an 4
porte que le beurre, ou les poulets que doivent les fermiers
pour survine, seront conduits à Riom ou à Clerm ont,
ou à une distance égale ; et l’article X V I dit que la
somme de 3,000 francs, formant le prix du bail, sera payée
par eux aux lieux portés ci-dessus : ce n’est donc point
au domicile que Privezac a pris dans le département de
l’Aveyron, que les fermiers doivent porter le prix du
bail.
D ’un autre côté, la notification en réduction du 9 ven
démiaire an 6 a été faite en la commune de Pagas, dé
partement de l’A veyron, en parlant au fils de l’intimé.
Lors de son commandement du 16 nivôse an 6, l’intimé
a élu domicile, pour une décade, chez le citoyen Jean
Brun, cultivateur du lieu de la Maison-Neuve, commune
du Peyrouze près Montaigut ; et c’est à ce domicile
que les fermiers ont fait les ofïi’cs le 21 nivôse an 6, le
cinquième jour du commandement, et avant l’expiration
du délai pendant lequel il y avoit domicile chez le citoyen
Brun.
Enfin , le citoyen Brun a répondu à l’acte d’offre, qu’il
n’avoit aucun pouvoir de Brunei, et que cela ne le concernoit pas; et lorsque les appelans ont fait citer Brunei
au bureau de paix du canton de M ontaigut, pour voir
déclarer les offres valables, et en cas de refus, qu’il fût
permis de consigner, Privezac a comparu par Desmaroux,
�f 17 3
io j
son fondé de pouvoir, et a persisté dans la réponse faite
par le citoyen Jean Brun.
Sur l’opposition foi’mée au jugement du tribunal civil du
27 tliermidor an 7, le citoyen Brunei a assigné les appelans au tribunal d’arrondissement de Riom ; il a donc
reconnu, et le domicile par lui é lu , et la juridiction du
tribunal d’arrondissement: mais ensuite, en renouvelant
son opposition par exploit du 5 frimaire an 9 , il n’est
plus domicilié dans le département de l’A veyro n , il élit
domicile dans la commune de Chauzy, département
d’Allier.
Gomment pourroit-on saisir le citoyen Brunei avec des
changemens de domicile aussi fréquens ? Voudroit-il que
les offres eussent été faites aux lieux où le prix du bail
étoit portable ? c’est à Riom ou à Clcrmont, ou à une
distance égale, et sans aucune désignation que l’indication
qu’il voudroit en faire. V o u d ro it-il que les fermiers
allassent au lieu de Pagas , département de l’Aveyron ?
mais il se dit tantôt domicilié de l’A veyro n , tantôt du
département d’A llie r, suivant l’intérêt qu’il a à em
barrasser ses créanciers ou ses débiteurs, comme il l’a fait
pour les héritiers Tassy qui ne savent où le prendre.
En un mot, le bail est fait en la commune du Peyrouze
près Montaigut ; point d’indication déterminée pour
le lieu du payement; élection de domicile chez le citoyen
Jean Brun; c’est donc là ou ces fermiers ont dû s’adresser;
et il peut d’autant moins s’en plaindre, qu’il a connu l’acte
d’oifre, qu’il a comparu au bureau de paix sur la citation
par tout autre fondé de pouvoir que B ru n , et qu’il a
adhéré à la réponse de Brun.
4M
1
|
,
�( 18 )
En un m ot, la loi qui ordonne que les offres seront
faites au domicile du créancier, doit être entendue civile
ment : elle n’a pas exigé l’impossible , elle a voulu prin
cipalement favoriser la libération ; et il est absurde de
prétendre qu’un débiteur soit obligé d’aller faire des offres
à deux cents lieues, lorsqu’il n’y a point d’indication
précise pour le payement, et lorsqu’il y a un domicile élu
dans le lieu où sont situés ces immeubles affermés.
On ne peut pas reprocher aux appelans le défaut de
consignation de leurs offres ; il y a toujours eu litispen
dance sur la suffisance ou la validité de ces mêmes offres,
rien de déterminé à cet égard jusqu’au jugement définitif:
et comment consigner, lorsqu’il y a toujours des doutes ?
X^es appelans ont réitéré leurs offres après ce jugement ;
l’intimé a reçu à bon compte ; les appelans ne plaidoient
donc pas les mains garnies comme voudroit le prétendre
le citoyen de Privezac.
Telles sont les fins de non-recevoir singulières qu’oppose
le citoyen Privezac à ses fermiers. Bientôt par une con
tradiction choquante, et tout en invoquant la loi du 6
messidor an 6 , il vient dire q u e, dès qu’il a stipulé le
payement en numéraire, il ne peut pas y avoir lieu à la
réduction ; il croit appitoyer sur son sort en disant qu’il
a dû compter sur 27,000 francs, et qu’il ne touchcroit
que n , 5oo francs dans le sens du bail de 1784 : cette
différence, d it-il, scroit énorme, et vaut bien la peine
qu’il résiste aux prétentions déloyales des Landriève.
Mais les Landriève n’ont promis 3,000 francs par année,
que parce qu’ils devoient croire qu’ils payeraient en
mandats; mais ils n’ont promis 3,000 francs, qu’à raison
�( 19 )
de la progression survenue dans les denrées pendant
l’émission du papier-monnoie ; et aujourd’hui que tout
est rentré dans l’ordre, on ne peut exiger d’eux que la
juste valeur des immeubles affermés. La loi a prononcé,
les appelans ont satisfait à la loi ; et le jugement qui les
condamne présente une contravention manifeste à la
disposition des lois de la matière.
Par conseil, P A G E S ( de Riom ) , anc. jurisconsulte.
B A Y L E ,
< *>
a«
(o,
avoué,
f"
A RIOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur
du Tribunal d’appel. — A n 10.
/S4 ^
v
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Landriève, Charles. An 10]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Bayle
Subject
The topic of the resource
bail à ferme
loi Emptorem
conflit de lois
cadastre
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Charles, Pierre et Gilbert Landriève, père et fils, cultivateurs, habitans du lieu de Chantagret, commune du Peyrouze, appelans d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de cette ville de Riom, le 3 floréal an 9, et demandeurs en opposition; contre Jacques Brunel de Privezac, propriétaire, habitant du lieu de Chauzy, commune de Besset, département de l'Allier, intimé et défendeur en opposition.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Fermier - qui, en vertu de la loi du 9 fructidor an 5, a demandé la réduction du prix de son bail, lorsqu’il n’a pas été statué sur cette demande avant la publication de la loi du 6 messidor an 6, a-t-il dû faire les offres exigées par l’article 8 de cette dernière loi ? peut-on lui appliquer les dispositions de l’article 15 qui veut que toute contestation non définitivement terminée soit jugée en conformité de ce que cette loi prévoit ? ou bien, le droit de réduction était-il acquis au fermier par le simple effet de sa demande ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 10
1796-An 10
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1417
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0234
BCU_Factums_M0233
BCU_Factums_G1416
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53231/BCU_Factums_G1417.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Peyrouse (63187)
Paris (75056)
Chantagret (domaine de)
Cornassat (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bail
bail à ferme
cadastre
conflit de lois
loi Emptorem