1
100
4
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53873/BCU_Factums_M0613.pdf
372266759c7ce87f1f0d2a36dd4f209a
PDF Text
Text
MEMOIRE
POUR
L a d a m e E l e o n o r e R O L L A T , é p o u se d e F r a n c o i s P h i l i p p e C O U R B Y , h a b ita n t à A ig u e p e r s e .
•A U CUNE situation n’est com parable à la m ienne. Mon époux
est accusé d’un crim e horrible dont je n’ose prononcer le nom :
son honneur et le m ien, le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’a g iten t, quand luim ê m e , accablé de sa situ a tio n , il fu it la calom nie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la prem ière fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute m a conviction de l’innocence de m on
époux ne m ’em pécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i, et je m ’en confesse co u p ab le,
je l'im portunai de mes la rm e s, je séduisis son courage , et sa
•fuite fu t un effort de sa tendresse ; m aintenant je m e dem ande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au co ntraire, n’est pas né de m a terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de m on
sang ceux qui sont altérés de celui de m on époux ! Q ue n ai-je
A
�(o
du moins le droit de me présenter pour lui en jugement, pour
confondre ses accusateurs, pour le défendre....... ? Que dis-je?
me défendre m o i-m êm e; car jusqu’au tombeau ma destinée
h’est-elle pas attachée à la sienne?
JVlais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J ’ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur dire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé combien de difficultés j’aurois
à vain cre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la méchanceté même. Car
telle est la condition d’un malheureux accusé, que déjà la ca
lomnie a jeté de profondes racines, alors même qu’il peut en
treprendre de la combattre. Que peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? Et lorsqu’enfin
on consent à l’entendre , combien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l ’humiliation de la défiance qu’il excite? car la préven
tion du mal est malheureusement celle qu’on s’obstine le plus à
conserver ; et les esprits même les plus raisonnables semblent
trouver plus commode de croire le crim e que d’en méditer les
invraisemblances.
Ces réflexions pôrtoiént le découragement dans mon Ame ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée pour ainsi dire au-dessus de moi-même. O u i, me suis-je
écriée, je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l’é
pouse cherchera des forces dans l’amour m aternel, et ces deux
titres prêteront peut-être à môn récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d'espérer.
C ’est à des ju ges, au reste, que je veux m’adresser, et ceux-là
ne r e p o u s s e r o n t pas mes paroles avec l’ennui de les entendre ; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que contre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux mêmes. Mes récits se
ront donc écoutés comme une explication nécessaire, par ceu *
�( 3 )
que la loi a armés de sa puissance ; car ils trem bleront, sans doute,,
de l’idée seule qu’ils pourroient condamner une famillg honnête 4
l’infamie , et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de Murol nç furenjt
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’apprécier, ou de concevoir de justes défiances. G’esjt
depuis son enfance qu’il connolt le sieur de Murol ,fîls aîné , ayant
été élevé avec lui dans le ipéme pensiçnn^t, à ^yon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé j
mais l’historique de ces premières liaisons n ’a rien d’essentiel à
remarquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année dernière, je n’a.vois v,u à Aigueperse que les
sieurs de Murol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
me paroissoit même que Courby le connoissoit à peine , et ne ,vi;voit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
N ous ignorions entièrejnent ses affaires, e t n e connoissions
celles de ses fils que par c et extérieur d ’opule.nce, qui fait illusion
au vulgaire tan t qu’on a des ressources ¡pour le soutenir.
Cependant, tin jour de l’été dernier, le sieur de Murol p ère , se
trouvant seul chez son fils cadet avec C ourby, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , çt syr le mécontentement
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secrçt d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il supposoÿ
plus persuasif peut-être. Mais .le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la première idée lui en fit naître une
seconde, il confia bientôt à Courby qu’il irçéditoit pour son fils
ainé le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l’éclat alloit rpiner toutes ses espé
rances.
A lors, comme par réflexion, il demanda à Courby s’il ne pqurroit pas lui faire trouver de l’argent.
A 2
�( 4
)
Un jeune homme ne pouvoit être qu’embarrassé h cette brusque
proposition. Courby fut forcé de lui avouer son impuissance de
lui être utile. « J’ai des dettes m oi-même, lui d it-il, sans avoir à
me reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je oroyois incapable de
» me tromper; il a fait faillite, et m’a laissé beaucoup à payer;
» et dans ce m om ent, je cherche moi même 18,000 fr. pour finir
» de m’acquitter.
» Q u’importe ce que vous m’objectez, lui répondit M. de
» Murol; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
» les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous me
donnerez la vôtre pour me procurer l’argent que je cherche;
m elle me sera utile, parce que vous êtes d’une famille de
« négocians , et que par moi-méme je ne trouve plus à era» prunter : de cette manière , cous nous serons rendu un service
t> mutuel. »
J’igncrai dans le temps cette conversation ; et Courby m’a avoué
depuis que quoiqu’il y eût un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures brouilloient ses id é es, et confondoient son inexpé
rience ; qu’il s’étoit contenté en conséquence de bégayer un con
sentement évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieur de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. Le
20 aoû t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o u tb y , que je l’engageai à attendre. Courby ne revint pas le soir,
et M. de Murol ne partit que le lendemain après dîner. Je ne cher
chai point à savoir le motif de son voyage; je me contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chemin qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clermont, et ne le quitta plus jusqu’à ce que les
billets fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu'alors il m avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
l ’avoit jeté sa complaisance pour un faux ami ; il me montra pour
18,000 fr. de b illets, qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à Thiers; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant moins, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois même
un domestique.
Dans le courant de septembre, je vis M. de Murol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, craignant, disoit-il, être atteint d’hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation; et cette réserve m’ayant
étonnée, j’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accompagné.
Il me répondit q u e , sur les questions de M. L agou t, M. de
Murol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui sembloit , de
loin en loin, sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en empirant; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lui remit.
M. de Murol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septembre, à la Borde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable ac
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le malheu
reux Courby. Hélas ! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’am itié, quand déjà leurs affreux soupçons le signaloient en
public comme un vil crim inel; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celui........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence; il faut bien m’avouer
à moi-même que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’est, dit-on, en mangeant des pêches que le. sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment épais, dont le
gout lui lut désagréable , quoiqu'il eût mangé sans répugnance
les pêches qui avoient été saupoudrées de la même matière. Il
vomit beaucoup, éprouva des douleurs aiguës, eut des ulcères
�( 6 )
dans la b o u ch e, et dit à ses am is, le lendem ain, qu’il croyoit
avoir été empoisonné.
Voilà ce qu’a répandu la famille de M urol, en ajoutant même
que C ou rby, présent ^ disoit en confidence aux assistans : Il n’eu
reviendra pas.
Ici toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
Le jour même de cet événem ent, et le lendemain , les fils
Muro.l, leurs amis, et Courby, firent la partie de chasse projetée.
Le ^6 o cto b re, Courby retourna à la Borde : Murol fds ainé
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce même jour.
Le sieur de Murol père étoit présent, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
Le même jo u r , Murol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de Beauregard, et le sieur Parricaud, qu’il n’avoit
pas v u , d it-il, depuis son retour de Paris.
L e 10 octobre, M. de Murol père envoya son domestique à
Aigueperse, avec une lettre d’invitation à Courby pour aller à
la Borde le dimanche suivant, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En effet, le dimanche suivant, 11 octobre, Courby alla dîner
à la Borde, fit le soir une partie de piquet avec M. de Murol
et le c u ré , et ne revint à Aigueperse que 'le lendemain.
Le 21 octobre, M. de Murol père vint à Aigueperse avec le
nommé Chapus , domestique de son fils. Courby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de Murol à dîner.
Quand j’allai donner des ordres à la cuisine, mes domestiques
me recommandèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M u rol, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un remède que M. Lagout lui avoit
donné.
En attendant le dîner, M. de Murol alla chez M. L agou t,
où Courby de retour alla le chercher.
T ém oin de la prem ière conversation, o n .n e lui cacha pas la
�( 7 )
seconde , et il entendit M. de Murol causer avec M. Lagout de
l’effet de son remède. M. de Murol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incommode qui lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par remercier M. Lagout du rem ède, parce que sa
santé étoit, dit-il, beaucoup meilleure depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoître la composition de l’eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u rol, parce qu’il soupçonn o it, d it-il, que le remède contenoit du mercure.
M. de Murol partit le soir, et recommanda beaucoup à Courby,
s’il venoit à la Borde dans la sem aine, de ne pas traverser l’Allier
qui avoit, dit-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa h Aîgueperse une charrette couverte d’un drap , et em
prunta de^Courby une carriole pour faire un voyage àMontluçon.
Le 2Q^3'optombre, le sieur de Murol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit em pruntée,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que son fils avoit
prêté à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 francs, si
Courby ne les avoit pas négociés; et Murol fils sembloit seul y
mettre quelque humeur. Courby avoit négocié pour 16400 fr.
d’e ffe ts, pour ses propres dettes ; et il répondit à M. de Murol
p ère, que si la proposition faite par lui-m êm e ne lui conve-
noit plus, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19362 francs , ce qui comprenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-méme
ces nouveaux effets dont les sieuçs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
Un mois se passa ensuite sans que j’euS9e rien de commun
avec cette famille. T out d’un coup , au mois de décembre ,
j appris 1 horrible nouvelle que le sieur de Murol accnsoit hau
tement Courby de l’avoir empoisonné, et qu’une procédure cri-
�( 8 )
minelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm ont, qui les faisoit tous entendre comme témoins.
Ce crim e, ces combinaisons, mes idées accablantes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des écha
fauds , tout cela m’ôta le discernement et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je me
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jours, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écoulé depuis le mois de
décembre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p è r e , âgé de prés de quatre-vingts a n s , a été
atteint d’une maladie épidémique inflammatoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est mis alors dans les mains d’un ch i
rurgien ignorant, et il est mort dans les premiers jouis d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je le confesse
sans rou gir, la mort de cet homme a ôté de mon cœur un far
deau bien pesant. Ce n’est pas que j’eusse, comme de V itellius,
de la joie à considérer le cadavre d’un ennemi ; loin de moi ce
sentiment de vengeance. Mais je n’ai pu m’empêcher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c’est là que le triomphe de
l’innocent sera écrit par les mains même de la Providence.
Que mes lecteurs me pardonnent .cet aveu d’un mouvement
que je n’ai pu vaincre. Il faut avoir été dans ma position cruelle,
pour sentir qu’elle justifieroit même un sentiment moins légitime.
Me voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
ceroit co n n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dansja carrière
polémique d’une discussion de droit criminel.
Mais la défense de mon époux sera plus dans la conviction de
íes juges que clans mes efforts. Je n a i voulu que révéler des
faits
�C 9 )
faits de ma connoissance , et sans doute ils vaudront mieux que
mes réflexions.
Un crim e ne se commet pas sans être nécessaire. C o u rb y ,
nanti d’effets signés de M. de M u ro l, n’avoit pas besoin de s©
défaire de lui pour les retenir. On est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans danger , qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol père est venu tant de fois aprè9 le 29 sep
tembre à A igueperse, et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourroit se défendre d’étre convaincu qu’il n’a pa»
cru être empoisonné par lui ; car eût-il cherché la société de1
son assassin ?
Cependant c ’est, dit-on, le jo u r même du déjeûner des pèches,
que le sieur de Murol se crut empoisonné ; c ’est le lendemain
qu’il fit part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d’autres personnes , on pourroit se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
Murol a dit encore avoir vu Courby saupoudrer les pèches de
la matière blanche, qui 11e lui répugna qu’au fond du verre, ee
qui lui causa à l’instant même des douleurs et des vomissemeus«
L’idée de l’em poisonnem ent, e t de son au teu r , se seroit d u n e
liée sans intervalle dans son imagination ; et alors com m ent con
cevoir c ette suite de fréquentation jo u rn a liè re , ces repas m ul
tipliés, qui auroient rendu aisée la consom m ation du c rim e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d’aucune tentative
nouvelle ?
Comment concevoir encore qu’un homme se croyant empoi
sonné le 3 o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de ce m al, consulte un médecin le 20 octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m aux, ni de se3 terreurs?
Là , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-méme , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’amélioration de sa santé, et le rem e x ciment au
médecin , sont le seul objet de sa visite.
Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutifs,
B
�( IO )
fit il tonibe-enfin malade. Est-il mort d’hydropisie ? est-il mort
d’une inflammation dans le ventre ? On dit l’un et l’autre. On
dit aussi qu’il a été traité de l’hydropisie, et que la ponction lui
a été faite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort,
r Je n’entends rien en médecine : mais les effets de l’arsenic
sont connus de tout le monde; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action est brûlante et corrosive, si le premier contact
produit des. ulcères dans l’instant même , com m ent concevoir
qu’un homme empoisonné devienne lentement hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
manifeste d’inflammation que dans le bas-ventre, sans lésion des
viscères supérieurs?
<
Le cadavre a été vu , dit-on, par des docteurs délégués par
la cour criminelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des conjectures ; ils n’avoient point, comme les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
l’avenir. Leur tâche plus facile a été de chercher dans le corps
d’un hom m e, mort hydropique, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû recéler
l’estomac et les premières voies.
•
'
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeux , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u rb y, au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 3o septem bre, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieux et ca ssé, qu’il ne guériroit pas ; et de
commentaires en com m entaires, on va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crime. C ’est ainsi que la malignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais comment ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et multiplié ses soins pour n’être pas
soupçonné.
Il à , dit-on encore , demandé à un pharm acien, après l'empoi
sonnement , et dans la r u e , si 1 opium étoit un poison qui fit
�( 11 )
souffrir long-temps. Autre arme de la m échanceté, pour en tirer
xine conséquence à charge. J’ignorois ce fait, et j’ai même des
raisons de suspecter ceux qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit je té , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis humiliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
<
Quant à toute autre version, je la dédaigne. Quel insensé concevroit l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus amère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
*
Celui qui pour se défaire d’un homme veut l’empoisonner, a
pour première pensée d’ensevelir en lui même le secret de son
crime. S’adresse - t-il à un pharm acien, il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons sens, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la inort au pharmacien à qui
il deinandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohérens, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances? car, s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nement , il n’y a pas de coupable à chercher.
Vaut-il mieux abandonner ce qui se présente à l’idée la plus
simple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’ou
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard, d’un tempérament u sé, est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dû mourir que d’une mort violente?
S il n étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le meilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au monde
B 2
4
�( 12 )
put dire en son âme q u ’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby mérite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
juges, pour qui le premier devoir est de ne se rendre qu’à l’évi
dence. Mais il m’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crime dont l’idée seule m’accablera jusqu’à ce que le soup
çon même en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence cet événement sera
pour ma destinée future ; car le malheur d’un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j’ose croire que les cica
trices de la calomnie ne seront point ineffaçables. La conduite
à venir de mon époux se réglera, je l’espère , sur les circons
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l ’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile;
et si c ’est une illusion, que du moins un si flatteur horoscope
ne soit pas enlevé à une mère : mon époux, rendu à sa fam ille,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut encore, malgré la calomnie, transmet
tre à ses en fans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dans
leur mémoire.
C O U R B Y , née R O L L A T .
I
�CONSULTATION. :
L e C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le mémoire de la dame
R o llat, femme Courby ,
»
*
, d’après les faits contenus audit mémoire , que si les
médecins délégués par la cour criminelle pour examiner le ca
davre du sieur de M urol, n’ont pas trouvé de traces de poison',
Ou s’ils n’ont pas exprimé une opinion certaine et fondée sur ce
genre de m ort, il paroit impossible qu’un jury se déclare con
vaincu que le sieur Courby est coupable.
E s t im e
O n n’a pas accusé le sieur C ourby d’une simple tentative d ’em
poisonnem ent , mais bien d ’un em poisonnem ent effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. P a r conséquent il ne faut pas se
borner à exam iner s’il y a preuve de la ten ta tiv e, mais il faut
savoir s’il y a un em poisonnem ent et un coupable.
La question préalable d’une instruction criminelle est de cons
tater le corps d’un d é lit, de même que la première chose à exa
miner par le jury est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un coupable, lors1 qu’il n’y a pas certitude qu’il y a eu un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit Dom at en son Traité
du droit public : « C ’est le premier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est même tellement essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des conjectures, ni même par la confession de l ’a c c u s é . »
D après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit imputé
au sieur Courby, est constant, et qu’il est c e r t a i n qu’il y a eu.
empoisonnement? R ie n n e paroit au c o n t r a ir e moins prouvé.
�( i4 )
Aucun rapport de médecin ou chirurgien ne paroit avoir pré
cédé la mort du sieur de Murol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de M u ro l, la cour criminelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du délit , puis
qu’elle a commis des hommes de l’art pour visiter le cad avre,
et en décrire l’état. Le rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju ry , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le jury puisera principalement les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit, c ’est-à-dire, s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison n’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas moins marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d'un poison aussi violent que l’arsenic.
Aucun auteur n’a mieux décrit les effets de ce poison , et les
signes auxquels on peut les connoitre , que M. Ma lion , en son
Traité de médecine légale; et c ’est le meilleur guide qu’on
puisse avoir pour raisonner sur une matière aussi grave et épi
neuse.
Les poisons corrosifs, dit cet auteur, tuent très-promptement,
et leurs effets s’annoncent avec une rapidité qui ne.permet guère
de douter de leur emploi. (T o m e 2 , p. 2.yS. )
L ’arsenic est soluble dans tous les liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne peut être mitigé , ni masqué en
aucune manière, ( Page 276, )
Quand il y a soupçon d'empoisonnement, tout m édecin, avant
d’inspecter le corps , doit s’informer soigneusement de IVige,
du sexe , du tempérament , des forces , du genre de vie du
, s’il étoit sain ou malade
combien de temps il a
vécu depuis, de quelles incommodités il s’est 'plaint , quelle
espèce de régime ou conduite il a observée ap rès, s’il a été
secouru par un médecin expeiimenté ou par des ignoransu
d é f u n t
( Pajje 26G. )
,
�( i5 )
Après cela, l’inspection du cadavre consiste à examiner l’état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Q u a n d l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent, sa présence est au moins
manifestée par des traces de lésion et de corrosion assez remar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
même jusqu’à se manifester au-dehors (2) ; et quelque nombreux
encore que soient ces signes , le médecin , comme le ju ge, ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’un
sujet vieu x, et dont la santé paroissoit altérée depuis long-temps.
Des douleurs internes et des vomissemens sont, dit-on, le seul
indice de poison qu’il a remarqué lui-mémé (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflammatoire, gangrène, taches éparses dans l’œsophnge,
l’estomac, le pylore, les intestins, le sphacèle de ces parties. — Quelquefois l’es
tomac p ercé, — le sang coagulé, — le péricarde rempli d’ un fluide jaunâtre ou
corrom pu, les autres viscères ramollis et comme dissous, parsemés d’hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et comme racorni; le sang qu’il contient,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide, ou engorgé. »( M alion, pag. 272.)
« On voit enfin, tant extérieurement qu’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là, remplies d’ une sérosité jaune ou obscure, et presque toujours d’une
odeur désagréable. » ( Ib id , pag. 273. )
(2) « Distension.excessive de l’abdom en, au point d’en menacer la rupture •
— taches de différentes couleurs sur la surface du corps, surtout au dos aux
pieds, à l’epigastre; — la prompte dissolution, quand la personne est morte du
poison. On peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d’ em
poisonnement: — la roideur des membres, la tuméfaction du ventre, ne sont
pas des signes constans ; — mais ce qu’il y a de constant dans les cadavres des
personnes qui ont péri d’ un poison âcre ou caustique, c’ est de trouver l’oesophage,
l’ estomac et les intestins grêles, atténués, enflammés, gangrenés, rongés et sou
vent percés.... Il suffit de résumer ces signes, pour être convaincu de la néccssilé^de ne jamais se décider que par leur ensemble. » ( Ibid . p. 270, 271 , 307. )
( >) « Quand on n a pas été ci temps d ’examiner la nature du vomissement, que
les sympLÔmes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
suffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ont assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ib id . pag. 3o 6. )
�( 16 )
d’alimens, même très-sains, peuvent fournir les mêmes résul
tats (1).
Il parolt que le sieur de Murol avoit été mal traité d’une
gale. Les empiriques ont pour ces sortes de maux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alade, mais dont l’effet double
ment funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
humeur vicieuse, dont la nature cherchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à ce mal réel, le mal plus grand peut-être du remède
lui-même. Aussi est-il constant qu’ une éruption rentrée suffît:
seule pour agir mortellement sur l’individu, et laisser des traces
presque semblables à celles du poison (2).
L ’opinion qu’a pu avoir le sieur de Murol lui-même sur son
état, ne doit pas être d’un très-grand poids; car 011 sait com
bien un m alade, et surtout u n vieillard, est sujet à se frapper
l’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il ne trouve plus rien que d’ extraordinaire dans
son état, et il s’obstine à ne pas croire que des maux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant la plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine ; et cette rapidité même semble tellement inex-
(0 a Q u’ un hom m e ait mangé des alimens difficiles à d ig ére r, ou faciles à
entrer en putréfaction, il peut arriver que quelque temps après il se trouve
très-m al, et qu’il ait tous les symptômes du poison, jusqu’à mourir.
» J’ai vu une châtaigne rô tie, avalée toute entière, donner tous les signes
de l'empoisonnement. Les têtes et pieds de ve au , les écrevisses, les huîtres,
les vins troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, ont très-souvent aussi
produit cet effet. « ( M alion, pag. 299. )
(a) « Certaines maladies laissent sur les cadavres des traces peu différentes
des signes ordinaires du poison. »
a U ne éruption rentrée, une affection scorbutique très-avancée, une bile
très-Acre, etc. — Mais par une contemplation réfléchie des syrtiptômes, ct la
comparaison que le médecin en fera avec les signes que porte le cadavre, il
distinguera aisément les restes d’une maladie violente > d’avec les caractères de
l’empoisonnement. » ( Ib id . pag. 3 i 3. )
p lica b le ,
�( i7 )
plicable, qu’on repasse alors dans sa mémoire jusqu'aux moindres
détails qui ont précédé; les choses quiétoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o st hoc, ergo
propler h o c , se dit - on ; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
Un soupçon alors, né du plus léger indice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelle»
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferme
les yeux sur les exemples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les y e u x , des bizarreries de la nature, et des accidens de la vie (1).
Car en cette matière , dit le docteur C o ch in , et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (a).
Le célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
ment presque semblable à celui du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un am i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et exténué, perdit la raison , et mourut.
Le diner ayant été son dernier acte de santé , les soupçons s’é
levèrent contre celui qui l’avoit partagé ; il fu t mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
même du cœur d’une couleur dégénéiée, la tête et les lèvres
grosses, les poumons livides et adhérens, le foie corrompu.
T ou t cela pouvoit paroltre des signes de poison. Mais ce docte
(i) « Il est une infinité de maux sourds, qui augmentant insensiblement en
intensilé, peuvent avoir affligé un homme depuis longues années, sans qu’il
s’en soit lui-même beaucoup aperçu, et q u i, éclatant tout à coup, paraissent
inconcevables à ceux qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
qui ont l’imagination préoccupée. » ( Ibid. png. 317. )
(a; Qucst. du poison, t. i«r. , png. 4 ' Recherches sur les signes anatomique*
et judiciaire* des signes ¿ ’empoisonnement, par M . de lk t z .
G
*
�I i8 )
médecin no chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fût aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
Dans une consultation très-méthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensemble, que l’homme étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces sym ptôihes fussent nés du
p o iso n , puisque la natu re n ’avoit pas fait un effort continuel et
sans re lâ ch e , pour se débarrasser de cet ennem i dangereux ( 1 ).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dé génération
des solides Ta).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’importance a Zacchias ; mais il pensa que si la cause
en lut venue du poison, l’estomac et le cœur auroient dû. être
lésés et corrodés auparavant (5).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le malade
n’étoit pas mort de poison, mais d’une maladie naturelle (4).
Les auteurs qui ont écrit sur le droit criminel ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugemens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
(1) « A c c id e n c ia , s i e x veneno adm inístralo superveniant , s o len t , cum
Ímpetu quodam , ac vehem entia apparére , non tolerante natura, vim improvistim ipsius veneni.-n ( Z a c h . Consil. 16. )
(aj « V om itas indf.sinens, m olestia in to lera b ilis, d olorespernecabiles ,
•lip olh y m ia , syncopis , et alia. » ( lb id . )
« Primo et antequám hepar leedatur , necease est Itedi stomachum
jitq u e etiam cor. » ( l b i d . )
(4 ) “ Igitlir eX P ratd ic tis p atet N... d propinato veneno n o n fu isse fixlin ctu n i, s e d potiüs á morbo yuodam n a tu ra li.» ( l b i d . )
�(- i 9 )
a Plus l’accusation de poison est grande, d itM . T>rév6t,cé« lèbre crim inaliste, plus on doit examiner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accompagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beau« coup de prudence, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« solunjent les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m orte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairement par les premières v o ie s, etc. »
CPrincipes sur les visites et les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une matière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceux du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en matière crim inelle, juger par de simples
indices , lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2) ?
Mais que peut-on entendre par ces indices indubitables? Les
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et même contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de l’â m e , dans laquelle
(1) « N on d icitu r probatum veneni C rim ea, e x probatione continui
vom itus , v el e x livore corporis , a u t spumis e x ore J ìlu e n tib u s , quia
^htec tigna, p o ssim i eliurn e x p estiferà f e b r e , a u t a cu to mot h o , citrà
veneni causam orire. » ( F arin a c. q u a si. 2 , n°. 3 a , p m x . crìm . )
(2) « M u n ita s it ap ertissirn is d o cu m en ti* , v e l in d ic iis a d p ro b a tio *
tionem in d u b ita tis e t lu ce cla rio rib u s. » ( L . S c ia n t , co d . D e proba t. )
�( 20 )
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre comme sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d'acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m êm e, qui ne veut
pas qu’on puisse condamner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’expérience prouve que celui qui
com m ence à soupçonner, ne voit jamais comme il doit voir (3 );
ce qui a fait dire à M. Domat que le juge doit se défier de la
première impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le mobile de sa conduite, et qu’il ramène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’examen de tous ces principes généraux, il faut se
former une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , comme
on paroît le croire , les médecins délégués par la cour criminelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de Murol
dès traces de poison , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni même conviction d’empoisonne
m ent ; c a r, comme le dit la dame Rollat dans son m ém oire,
si le poison n’a pas été visible pour les médecins , comment le
seroit il pour un jury?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
Les circonstances qui ont précédé et suivi l’évén em ent, ne
semblent pas même donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(1) « In d iciu m in d u h ita tu m e s t q u o d co a rcta t m entem ju d i c is ila u t
om ninù c r e d a t , neo p o ssit in contrariant in clin a rr. R s t dem onstratio
rei p e r signa su fficien tia p e r <juce anim us in a li quo tanquam ex isten te
36 , n°. 35. )
(2) « Ne suspicionibus quemqnam damnari oportere divus Trajanus
scripsit. » ( Tj. Abs. ff. Pœnis. )
(3) « Q u i tn s p ic a tu r p lu s se videra p u ta t. » ( E x tr a d e testib . )
q u i esc i t , e t p lu s investigare non cu râ t. » ( l'a r in a c. qucest.
(4) T r . du droit public.
le
�( 2.1 î
le résultat achève même de détruire la première impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
L e sieur Courby étant dépositaire d’effets signés du sieur de
Murol p ère, quelle qu’en fût la som m e, l’envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’empéchoit le sieur Courby de
garder ces effets, et de s’en dire le maître : l’ usurpation des
billets étoit même plus solide sans crime.
La conduite amicale du sieur de Murol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le meilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de Murol a dit à la justice avoir
eu des soupçons' dès le jour m ê m e , ou il a.été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne méritent pas une grande confiance.
On ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun homme de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
qu’il a pu le dire a p rès, lorsqu’il étoit atteint d’une maladie
chronique.
B ientôt au contraire il reprit son régim e accoutum é. L ’es
tom ac paroit avoir fait ses fonctions com m e auparavant ; et il
est bien difficile de concilier c et état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’a r
senic , en quelque petite quantité q u ’on le suppose.
Il faudroit même admettre que le poison a été pris à grande
d ose, si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrement avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion demeurée au fond du
verre. Le véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
( Le fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la paracentèze , ou ponction , prouve qu’il a été
�(
22
)
considéré comme atteint d’hydropisie ; et ce traitement achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il
y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n’ont eu aucun fondement réel ; qu’à soixante-quinze
an s, et avec les circonstances qui ont accompagné sa m ort,
elle n ’ a eu rien que de très-naturel.
D
é lib é r é
à R iom , le 16 juin 1807.
L. F. D E L A P C H IE R , avocat; B A R TH E LE M Y , doct. m éd.;
A N D R A U D , avocat; C H O SSIER , doct. m éd.; PAGÈSM E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. méd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct, méd.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1807.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêts
empoisonnement
Murol (famille de)
homicides
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0613
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0334
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53873/BCU_Factums_M0613.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aigueperse (63001)
Thiers (63430)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
empoisonnement
homicides
Murol (famille de)
prêts
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53782/BCU_Factums_M0334.pdf
f09640d78fd04e3e8cfbe8bdc45f47e9
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR.
L a dame E
P
léonore
h il ip p e
R O L L A T , épouse de F
r a n ç o is -
C O U R B Y habitant à A igueperse.
A . ucune situation n’est com parable à la mienne. Mon époux
est accusé d’un crim e horrible dont je n’ose prononcer le nom :
son honneur et le m ien , le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’agitent, quand luim é m e , accablé de sa situation , il fuit la calomnie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la prem ière fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute ma conviction de l’innocence de mon
époux ne m’em pécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i , et je m ’en confesse co u p ab le,
je l’importunai de mes larm es, je séduisis son courage , et sa
fuite fut un effort de sa tendresse; maintenant je me demande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au contraire, n’est pas né de ma terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de mon
sang c e u x qui sont altérés de celu i de mon époux ! Que n’ai-je
A
�( a )
du moins le droit de me présenter pour lui en jrgem o n t, pour
confondre ses accu sateu rs, pour le défendre....... ? Q ue dis-je?
me défendre m o i-m ê m e ; car jusqu’au tombeau ma destinée
n ’est-elle pas attachée à la sienne?
Mais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J'ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur d ire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé com bien de difficultés j’aurois
à vain cre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la m échanceté même. Car
telle est îa condition d’ un m alheureux accu sé, que déjà la ca
lom nie a jeté de profondes ra cin e s, alors m ême qu’il peut en
treprendre de la com battre. Q ue peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? E t lorsqu’enlin
on consent à l’entendre , com bien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l’humiliation de la défiance qu’il excite ? car la p réven
tion du mal est m alheureusem ent celle qu’on s’obstine le plus à
conserver; et les esprits m êm e les plus raisonnables semblent
trouver plus com m ode de croire le crim e que d’en méditer les
invraisem blances.
Ces réflexions portoient le découragem ent dans mon ame ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée p o u r a i n s i d i r e au-dessus de m oi-m ême. O u i, m e suis-je
é c rié e , je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l’é
pouse cherchera des forces dans l’amour m atern el, et ces deux
titres prêteront peut-être à mon récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d ’espérer.
C ’est à des ju g e s , au reste, que je veux m ’adresser, et ceux-là
ne repousseront pas mes paroles avec l’ennui de les entendre; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que co n tre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux-m êm es. Mes récits se
ront donc écoutés com m e une explication n é c e s s a i r e , par c e u x
�( 3
)
que la loi a armés de sa puissance ; ca r ils trem bleront, sans d o u te,
de l’idée seule qu’ils pourroient condam ner une fam ille honnête à
l’in fa m ie , et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de M urol ne furent
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’a p p récier, ou de concevoir de justes défiances. C ’est
depuis son enfance qu’il connoît le sieur de M urol fils ainé , ayant
été élevé avec lui dans le m êm e pensionnat, à Lyon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé;
mais l’historique de ces prem ières liaisons n’a rien d ’essentiel à
rem arquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année d ernière, je n’avois vu à Aigueperse que le*
sieurs de M urol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
m e paroissoit même que C ourby le connoissoit à peine , et ne vivoit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
N ous ignorions entièrem ent ses affaires, et ne connoissions
celles de ses fils que par ce t extérieur d’o p u le n ce , qui fait illusion
au vulgaire tant qu’on a des ressources pour le soutenir.
C ependant, un jour de l’été d ern ier, le sieur de M urol p è r e , se
trouvant seul chez son fils cadet avec C o u rb y, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , et sur le m écontentem ent
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secret d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il supposoit
plus persuasif peut-être. Mais le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la prem ière idée lui en fit naître une
s e c o n d e , il confia bientôt à Courby qu’il méditoit pour son fils
ainé le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l'éclat alloit ruiner toutes ses espé
rances.
A lo rs, comme par réflexio n , il demanda à Courby s’il ne pour
rait pas lu i faire trouver de l’argent.
A
2
�(4)
Un jeune homme ne pouvoit être qu’embarrassé à eette brusque
proposition. Courby fu t Forcé de lui avouer son im puissance de
lui être utile. « J ’ai des dettes m oi-m ém e, lui dit i l , sans avoir à
» m e reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je eroyois incapable de
j> m e trom per; il a fait faillite, et m ’a laissé beaucoup à payer ;
53 et dans ce m o m en t, je cherche m oi-m ém e 18,000 fr. pour finis
» de m ’acquitter.
Q u ’importe ce que vous m ’o b je c te z , lui répondit M. de
» Murol ; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
» les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous m e
» donnerez la vôtre pour m e procurer l’argent que je ch erch e;
» elle me sera u tile , parce que vous êtes d’une fam ille d e
« n égo cian s, et que par m oi-m ém e je ne trouve plus à ern» prunter : de cette m a n iè re , nous nous serons rendu un service
■
j} mutuel. »
J’ignorai dans le temps cette conversation ;^st C ourby m ’a avo u é
depuis que quoiqu’il y eût un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures brouilloient ses idées , et confondoient son inexpé
rience ; qu’il s’étoit contenté en conséquence de bégayer un co n
sentem ent évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieu r de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. L e
20 a o û t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o m b y , q u e je l’engageai à attendre. Courby 11e revint pas le soir,
et M. de Murol 11e partit que le lendemain après dîner. Je ne cher
chai point à savoir le m otif de son voyage ; je m e contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chem in qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clerm ont, et ne le quitta plus jusqu’à ce q*ie ^e®
billets fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu’alors il in’avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
I avoit jeté sa com plaisance pour un fau x am i ; il me montra pour
18,000 fr. de b ille ts, qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à T h iers; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant m o in s, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois môme
un domestique.
D ans le courant de septem bre, je vis M. de M urol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, craignant, disoit-il, être atteint d’hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation ; et cette réserve m ’ayant
étonnée, j.’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accom pagné.
II me répondit q u e , sur les questions de M. L a g o u t, M. de
M urol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui se m b lo it, de
loin en lo in , sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en em pirant; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lu i remit.
M. de M urol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septem bre, à la B orde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C ’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable a c
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le m alheu
reux Courby. Hélas! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’a m itié , quand déjà leurs affreu x soupçons le signaloient en
public com m e un vil crim inel; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celu i........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence ; il faut bien m ’avouer
à moi-méme que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’e st, dit-on, en mangeant des pèches que le sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment ép ais, dont le
goût lui fut désagréable, quoiqu’il eût mangé sans répugnance
les pèches qui avoient été saupoudrées de la m ême matière. Il
vom it beaucoup , éprouva des douleurs a ig u ë s, eut des ulcères
�( 6; )
dans la b o u c h e , et dit à ses a m is, le len d e m a in , qu’il croyoit
avoir été empoisonné.
V oilà ce qu’a répandu la fam ille de M urol, en ajoutant m êm e
que C o u rb y, présent, disoit en confidence aux assistans: Il n’en
reviendra pas.
Ic i toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
L e jour m êm e de cet é v é n e m en t, et le lendem ain , les fils
M urol, leurs am is, et C ourby, firent la partie de chasse projetée.
L e ^6 o c to b re , C ourby retourna à la Borde : M urol fils ainé
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce m êm e jour.
L e sieur de M urol père étoit p résen t, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
L e m êm e jour , M urol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de B eauregard, et le sieur P a rrica u d , qu’il n’avoit
pas vu , d it-il, depuis son retour de Paris.
L e 10 o cto b re, M. de M urol père envoya son domestique à
A ig u ep erse , avec une lettre d’invitation à C ourby pour aller à
la Borde le dim anche su iv a n t, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En e ffe t, le dim anche su iva n t, n o ctob re, Courby alla dîner
à la B orde, fit le soir une partie de piquet avoc M. de Murol
et le c u r é , et ne revint à Aigueperse que le lendemain.
L e 21 octobre, M. de M urol père vint à Aigueperse avec le
nommé C lm pus, dom estique de son fils. C ourby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de M urol à diner.
Q uand j’allai donner des ordres à la cuisine, nies domestiques
m e recom m andèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M u ro l, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un rem ède que M. Lagout lui a v o it
donné.
En attendant le d în er, M. de M urol alla chez M. L a g o u t,
où Courby de retour alla le chercher.
T ém oin de la prem ière conversation, on ne lui cach a pas la
�( 7 )
seconde , et i l entendit M. de M urol causer avec A3. Lagout de
l’effet de son remède. M. de M urol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incom m ode q u i lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par rem ercier M. Lagout du rem èd e, parce que ta
santé é to it, d it-il, beaucoup meilleure, depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoître la composition de l’eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u ro l, parce qu’il soupconn o it, d it-il, que le rem ède contenoit du mercure.
M. de M urol partit le soir, et recommanda beaucoup à C ourby,
s’il venoit à la Borde dans'la sem ain e, de ne pas traverser l’A llier
qui a vo it, d it-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa à Aigueperse une charrette couverte d’ un drap , et em
prunta de Courby une carriole pour faire un voyage àM ontluçon.
L e 29 ooptomWe, le sieur de M urol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit empruntée ,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que son fils avoit
prété à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 fran cs, si
C ourby ne les avoit pas négociés; et Murol fils sem bloit seul y
m ettre quelque hum eur. Courby avoit négocié pour 16400 fr.
d’e ffe ts , pour ses propres dettes ; et il répondit à M. de Murol
p è re , que si la proposition faite par lu i-m êm e ne lui convenoit p lu s, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19352 francs , ce qui com prenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-même
ce s nouveaux effets dont les sieurs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
U n mois se passa ensuite sans que j’eusse rien de com m un
avec cette famille. T o u t d’un coup , au mois de d é c e m b re ,
j'appris l’horrible nouvelle que le sieur de Murol accusoit hau
tem ent C ourby de la v o ir em poisonné, et qu’une procédure cri
�(
8
)
m inelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm o n t, qui les faisoit tous entendre com m e témoins.
Ce c rim e , ces com binaisons, mes idées acca b la n tes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des éch a
fauds , tout cela m’ôta le discernem ent et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je m e
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jo u rs, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écou lé depuis le mois de
décem bre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p è re , ¿îgé de près de quatre-vingts a n s / a été
atteint d’une maladie épidém ique inflam m atoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est m is alors dans les m ain s d’un c h i
rurgien ignorant, et il est m ort dans les premiers jours d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je le confesse
sans ro u g ir, la m ort de cet homme a ôté de mon cœ ur un far
deau bien pesant. C e n’est pas que j’eusse, com m e de V itelliu s,
de la joie à considérer le cadavre d’un ennem i ; loin de moi ce
sentim ent de vengeance. Mais je n’ai pu m’em pêcher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c’est là que le triomphe de
l’innocent sera écrit par les mains m êm e de la Providence.
Q ue mes lecteurs me pardonnent ce t aveu d’un m ouvem ent
que je n’ai pu vaincre. Il faut avoir été dans ma position cru elle,
pour sentir qu’elle justifieroit m êm e un sentim ent moins légitime.
M e voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
seroit co n n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dans la carriè re
polémique d’une discussion de droit crim inel.
Ma is la défense de mon époux sera plus dans la
c o n v ic tio n
de
ses juges que dans mçs efforts. Je n ’ai voulu que révéler des
faits
�( 9 )
faits de tna connoissance , et sans doute ite vaudront m ieux que
mes réflexions.
Un crim e ne se com m et pas sans être nécessaire. C ourby ,
nanti d’effets signés de M. de M urol , n ’avoit pas besoin de s«
défaire de lui pour les retenir. O n est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans danger , qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol pére est venu tant de fois après le 29 sep
te m b re à Aigueperse , et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourroit se défendre d’étre convaincu qu’il n’ a pas
cru être empoisonné par lu i ; ca r eût-il cherché la société de
son assassin ?
Cependant c ’e s t, dit-on, le fo u r même du déjeuner des pèche«,
que le sieur de M urol se crut empoisonné ; c ’est le lendem ain
q u ’il fît part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d ’autres personnes , on pourroit se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
M urol a dit encore avoir vu C ourby saupoudrer les pèches de
la m atière b la n c h e , qui ne lui répugna qu’au fond du v e rre , et
qui lui causa à l’instant m êm e des douleurs et des vomisseinens.
L ’idée de l’em poisonnem ent, et de son a u teu r, se seroit donc
liée sans intervalle dans son im agination; et alors com m ent con
cevoir cette suite de fréquentation jo u rn alière, ces repas m ul
tipliés, qui auroient rendu aisée la consommation du c rim e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d’aucune tentative
nouvelle ?
Com m ent concevoir encore qu’un hom m e se croyant em poi
sonné le 3o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de c e m al, consulte un m édecin le ao octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m a u x , ni de ses terreurs?
L à , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-m ém e , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’am élioration de sa san té, et le rem erclm ent au
m édecin , sont le seul objet de sa visite.
' Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutif*,
B
�( 1° )
f-t il tomba enfin malade. Est-il mort d’hydrôpisie ? est-il mort
d une inflammation dans le ventre ? O n dit l’un et l’autre. O n
dit aussi qu’il a été traité de l’hyd rop isie, et que la ponction lui
a été laite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort,
i Je n’entends rien en m édecine.: mais les effets de l ’arsenic
sont connus de tout le m onde; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action' est brûlante et corrosive, si le prem ier contact
produit des ulcères dans l’instant m êm e , com m ent concevoir
qu’un hom m e,hempoisonné devienne lentem ent hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
m anifeste d’inflammation que dans le bas-ventre,sans lésion'des
viscères supérieurs ? '
L e c a d a v r e a été v u , d it-o n , par des docteurs délégués par
la cour crim inelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des con jectures; ils n’avoient p o in t, com m e les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
l ’avenir. L eur tâche plus facile a été de cherch er dans le corps
d’un h o m m e , m ort h yd rop iq u e, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû receler
l’estomac et les prem ières voies.
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeu x , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u r b y , au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 5o sep tem b re, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieu x et ca ssé , qu’il ne guériroit pas ; et de
com m entaires en com m entaires, on va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crim e. C ’est ainsi que la m alignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais com m ent ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et m ultiplié ses soins pour n’étre pas
soupçonné.
Il a , dit-on encore , demandé à un pharm acien , a p r è s 1 em poi
sonnement-, et dans la rue > si l’opium étoit un poison qui fit
�(
II
)
souffrir long temps. Autre arme de la m échanceté / pour en tirer
une conséquence à charge. J’ignorois ce fait , et j’ai m êm e des
raisons de suspecter ceu x qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit jeté , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis hum iliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
*
Q uant à toute autre version, je la dédaigne. Q uel insensé concevroit l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus am ère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
C elui qui pour se défaire d’un homme veut l’empoisonner, a
pour prem ière pensée d'ensevelir en lui-m ém e le secret de son
crim e. S ’ad resse-t-il à un pharm acien , il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons se n s, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la mort au pharm acien à qui
il demandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohére n s, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances? ca r, s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nem ent , il n’y a pas de coupable à chercher.
V aut-il m ieux abandonner ce qui se présente à l’idée la plus
sim ple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’on
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard , d’un tempérament u s é , est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra-t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dû mourir que d’une m ort violente?
S’il n’étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le m eilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au monde
B 2
�(
12
)
put dire en son âme q u ’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby m érite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
ju g e s, pour qui le prem ier devoir est de ne se rendre qu’à l’évi
dence. Mais il m ’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crim e dont l’idée seule m ’accablera jusqu’à c e que le soup
çon m êm e en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence ce t événem ent sera
pour ma destinée future ; car le m alheur d’ un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j ’ose croire que les c ic a
trices de la calom nie ne seront point ineffaçables. L a conduite
à venir de mon époux se ré g le ra , je l’espère , sur les circo n s
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile ;
et si c ’est une illu sio n , que du moins un si flatteur horoscope
pe soit pas enlevé à une m ère : mon ép o u x, rendu à sa fa m ille ,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut en co re, malgré la calom nie, transmet
tre à ses en fans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dansi
leur mémoire.
C O U R B Y , née R O L L A T .
�CONSULTATION.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a lu le m ém oire de la dame
R o lla t, fem m e C ourby ,
, d ’après les faits contenus audit m ém oire, que si les
m édecins délégués par la cour crim inelle pour exam iner le ca
davre du sieur de M u ro l, n’ont pas trouvé de traces de poison,
E s t im e
ou s’ils n ’ont pas exprim é une opinion certaine et fondée sur ce
genre de m ort, il paroit impossible qu’un ju ry se déclare con
vaincu que le sieur C ourby est coupable.
O n n’a pas accusé le sieur C ourby d'une simple tentative d’em
poisonnement , mais bien d’un empoisonnement effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. Par conséquent il ne faut pas se
borner à exam iner s’il y a preuve de la ten tative, mais il faut
savoir s’il y a un empoisonnement et un coupable.
L a question préalable d’une instruction crim inelle est de cons
tater le corps d’ un d é lit , de m êm e que la prem ière chose à exa
m iner par le jury est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un co u p a b le, lors
qu’il n’y a pas certitude qu’il y a e u un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit D om at en son T raité
du droit public : « C ’est le prem ier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est m êm e tellem ent essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des con jectures, ni même par la confession de l’accusé. »
D ’après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit im puté
au sieur C ourby, est con stan t, et qu’il est certain qu’il y a eu
empoisonnement ? Rien ne paroit au contraire moins prouvé.
�. (
1 4 }
A ucun rapport de m édecin ou chirurgien ne paroit avoir pré
cédé la mort du sieur de M urol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de M u ro l, la cour crim inelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du d é lit , puis
q u ’elle a com m is des hommes de l’art pour visiter le c a d a v re ,
et en décrire l’état. L e rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju r y , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le ju ry puisera principalem ent les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit , c ’est-à-dire , s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison 11’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas m o i n s marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d’ un poison aussi violent que l’arsenic.
A ucun auteur n ’a m ieux décrit les effets de ce poison , et les
signes auxquels on peut les connoitre , que M. Mahon , en son
T raité de m édecine légale ; et c ’est le m eilleur guide qu'011
puisse avoir pour raisonner sur une m atière aussi grave et épi
neuse.
'
Les poisons corrosifs, dit cet auteur, tuent très-prom ptem ent,
et leurs effets s'annoncent avec une rapidité qui 11e permet guère
de douter de leur emploi. ( T om e 2 , p. 276. )
L ’arsenic est soluble dans tous les liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne peut être m itig é , ni masqué en
aucune manière. ( Page 276. )
Quand il y a soupçon d em poisonnem ent, tout m édecin , avant
d’inspecter le corps , doit s informer soigneusement de l’àge*
du sexe , du tempérament , des forces , du genre de vie du
défunt , s’il étoit sain ou malade , com bien de temps il a
vécu depuis, de quelles incom modités il s’est p l a i n t , «juelle
espèce de régim e ou conduite il a observée a p r è s , s’il a été
secouru par un médecin expérimenté ou par de> ignoians,
( Page 26G. )
�( i5 )
Après c e la , l’inspection clu cadavre consiste à exam iner l'état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Quand l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent , fa présence est au moins
manifestée par, des traces de lésion et de corrosion assez rem ar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
môme jusqu’à se manifester au-dehors (2); et quelque nom breux
encore que soient ces sig n es, le m édecin , com m e le ju g e , ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’ un
su jet vie u x , et dont la santé paroissoit altérée depuis long temps.
D es douleurs internes et des vomissemens sont, d it-on , le seul
indice de poison qu’il a rem arqué lui-méme (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflam m atoire, gan grèn e, taches éparses dans l’ œ sophage,
I’cstoiTiac, le p y lo re , les intestins, le sphiicèle de ces parties. — Q uelquefois l'estom ac p e rc é, — le sang coagu lé, — le péricarde rem pli d ’ un fluide jaunâtre ou
c o rro m p u , les autres viscères ramollis et com m e dissous, parsemés d’ hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et com m e racorn i; le sang q u ’il co n tien t,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide „o u engorgé. » (M a h o n , png. 272.)
« On voit en fin , tant extérieurem ent q u ’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là , remplies d’ une sérosité jaune ou ob scu re, et presque toujours d ’ une
odeur désagréable. » ( Ibid. png. 273. )
(2) « Distension excessive de l’ab d om en , au point d’ en m enacer la ru ptu re ;
_taches de différentes couleurs sur la surface du corp s, surtout au dos, au x
pieds, à l’ epigastre; — la prom pte dissolution, quand la personne est m orte du
poison. O n peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d ’em
poisonnem ent: — la roideur des m em bres, la tum éfaction du v e n tre , rie sont
pas des signfcs constans ; — mais ce q u ’il y a de constant dans les cadavres des
personnes q u io n tp é ri d’ un poison âcreou cau stiq u e, c’ est de trou ver l’oesophage,
l’ estomac cl les intestins grêles, atténués, enflam m és, gangrenés, rongés et sou
ven t percés.... Il suffit de résum er ces signes, pour être convaincu de la néces
sité de ne jamais se décider que par leur ensemble. » ( Ibid. p. 270, 2 7 1 , 307. )
' (5) « Quand on n’a pas été à temps d’exam iner la nature du vom issem ent, que
les symptômes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
Suffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ônt assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ibid. pag.
3o 6. )
1
�(
}
d’ alim en s, m êm e très-sains, peuvent fournir les mêmes résul
tats (1).
1
6
Il paroit que le sieur de M urol avoit été m al traité d’une
gale. L es em piriques ont pour ces sortes de m aux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alad e, mais dont l’effet double
m ent funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
hum eur vicieu se, dont la nature ch erchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à c e mal r é e l, le mal plus grand peut-être du rem ède
lui-m ém e. Aussi est-il constant qu'une éruption rentrée suffît
seule pour agir m ortellem ent sur l’individu, et laisser des traces
presque sem blables à celles du poison (2).
L ’opiuion qu’a pu avoir le sieur de M urol lui-m ém e sur son
é tat, ne doit pas être d’un très-grand poids; car on sait com
bien un m alad e, et surtout un vieillard , est sujet à se frapper
l ’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il 11e trouve plus rien que d ’extraordinaire dans
son éta t, et il s’obstine à ne pas croire que des m aux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant la plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine; e t cette rapidité m êm e sem ble jellem ent inex-
( i) « Q u ’ u n hom m e ait m angé des alim ens difficiles à d ig é re r , ou faciles à
«ntrer en p u tré fa ctio n , il peu t a rriver que qu elqu e temps après il se trou ve
très-m a l, et q u ’il ait tous les sym ptôm es du poison, jusqu’à m ourir.
» J’ai vu une châtaigne r ô lie , avalée toute e n tiè re , don ner tous les signes
de l ’ em poisonnem ent. Les têtes et pieds de v e a u , les ¿crevisses, les h u ître s,
les v in j troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, on t très-souvent aussi
prod u it ce t effet. » ( M a lio n , Pag- 299. )
{*) « Certaines maladies laissent sur les cadavres des traces peu différente*
des signes ordinaires du poison. »
« U n e éru ption re n tré e , une affection scorbu tiqu e très-a v a n cée , une bile
très-Acre, etc, — M ais par une contem plation réfléchie des sym ptô m es, et la
com paraison qu e le m édecin en fera avec les signes que porte le c a d a v re , il
distinguera aisément les restes d’ une maladie v io le n te , d ’avec les caractère* de
l'em poisonnem ent. » ( Ibid. png. 3 i 3. )
p lic a b le ,
�C 17 )
p lica b le, qu’on repasse alors dans sa m ém oire jusqu’aux moindres
détails qui ont précédé ; les choses qui étoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o s t h oc, ergo
propler h o c , sc d it-011; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
U n soupçon alors, né du plus léger in d ice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelles
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferm e
les yeu x sur les exem ples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les y e u x , des bizarreries de la nature, et desaccidens d e là vie (1).
Car en cette m atière , dit le docteur C o c h in , et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (2).
• L e célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
m ent presque semblable à celu i du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un a m i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’ un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et e x tén u é , perdit la raison, et mourut.
L e dîner ayant été son dernier acte de san té, les soupçons s’é
levèrent contre celu i qui l’avoit partagé ; il fu t mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
m êm e du cœur d’une couleur dégénérée, la téte et les lèvres
grosses, les poumons livides et ad hérens, le foie corrompu.
T o u t cela pouvoit paroltre des signes de poison. Mais ce docte
i
____________ _____________
(1) « Il est une infinité de maux, sourds, qui augm entant insensiblement en
in ten sité, p eu ven t avoir affligé un hom m e depuis longues années, sans q u ’il
s’ en soit lui-m êm e beaucoup a p erçu , et q u i, éclatant tout à c o u p , paroissent
inconcevables à ceu x qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
Ibid. pag. 317. )
(2) Quest. du poison, t. Ier. , pag. 4. Recherches sur les signes anatomiques
et judiciaires des signes d’empoisonnement, par M. de Retz.
qui ont l’im agination préoccupée. » (
G
�C 18 )
m édecin ne chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fû t aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
D ans une consultation très-m éthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensem ble, que l’homm e étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces sym ptôm es fussent nés du
p oison , puisque la nature n’avoit pas fait un effort continuel et
sans re lâ ch e , pour se débarrasser de cet ennem i dangereux (1).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dégénération
des solides iz).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’iinportance a Z a cch ia s; mais il pensa que si la cause
en fût venue du poison, l’estomac et le cœ ur auroient dû être
lésés et corrodés auparavant (5).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le m alade
n’étoit pas mort de poison, mais d ’une maladie naturelle (4). *
L es auteurs qui ont écrit sur le droit crim inel ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugem ens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
^1) « jáccidentia, si ex veneno adminístralo superveniant, solcnt, cum
Ímpetu (fuodum, ac veliementia appare re, non tolerante natura virn im
provisa m ipsius vene ni. » (Zac/i. Consil, 16. )
(aj « Vomitus indesinens, molestia intolerabilis, dolorespernecabiles,
lipothymia , syncopis , et alia, » ( Ibid, )
(3) « Primo et antequám hepar ladatur, necesse est leedi stomachum
atque etiam cor. » ( Ibid. )
(4) « lgitur ex prctdictis patet N... d propinato veneno nonfuitse
Une tum , sed potiüs á morbo e¡uodam naturali,» ( Ib id .)
�( i9 )
« Plus l’accnsation de poison est grande, dit M. P ré v ô t, cé « lèbre crim inaliste, plus on doit exam iner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accom pagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beau« coup de p ru d en ce, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« soluinent les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m o rte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairem ent par les premières v o ie s , etc. »
ÇPrincipes sur les visites e t les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une m atière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceu x du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en m atière crim inelle, juger par de simples
indices , lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2)?
• Mais que peut-on entendre par ces indices indubitables? L es
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et même contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de 1a m e , dans laquelle
(1)
« Non d ic itu r probaium ven en i crim en t e x probatione concm m
vom itns , v e l e x livore co rp o ris, aut spum is e x ore ß lu e n t ib n s , yitia
licec signa possunt etiam e x pestij'erä f e b r e , aut acuto m orbo, citrä
veneni causam orire. » ( Iuirinac. tjuast. 2 , n°.
,
«M u n ita t i t a p e r tis s im is
,
3 a , prax. crim . )
d o c u m e n t is v e l in d i c i is a d p r o b a tio -
tio n e m in d u b ita tis e t lu c e c la r io r ib u s . »
(L . S c i a n t , c o d .
D e p r o b a t .)
�(
20
)
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre com m e sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d'acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m êm e, qui ne veut
pas qu’on puisse condam ner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’ expérience prouve que celui qui
com m ence â soup çon n er, ne voit jamais com m e il doit voir (3);
ce qui a fait dire à M. D om at que le juge doit se défier de la
prem ière impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le m obile de sa cond uite, et qu’il ram ène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’exam en de tous ces principes gén érau x, il faut se
form er une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , com m e
on paroit le croire , les m édecins délégués par la cour crim inelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de M urol
des traces de p o iso n , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni m êm e conviction d’empoisonne
m e n t; c a r , com m e le dit la dame Rollat dans son m ém o ire,
si le poison n’a pas été visible pour les m édecins , com m ent le
seroit-il pour un ju ry?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
L es circonstances qui ont précédé et suivi l’événem ent , ne
sem blent pas m êm e donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(x) « Indicium indubitatum est quod coarctat mentent jtidicis ita ut
omninà cr'edat, nec possit in contrarium ificlificirp, Est demonstratio
rei per signa sufficiently- per tjuas animus in aliquo tant/itam existente
quiescit, et plus investigare non curat. » ( Farinac. qucest. 36 , »°. 35. )
(2) « Ne suspicionibus quemquam damna ri oportere divus Trajanus
scripsit. » ( L. A b s. ff- Pccnis. )
(3) « Qui suspicutur plus se videre putat. » ( Extra de testib■)
(4) Tr. du droit public.
�C
)
le résultat achève même de détruire la prem ière impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
L e sieur Courby. étant dépositaire d’effets signés du sieur de
M urol p è r e , quelle qu’en fût la som m e, 1envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’em péchoit le sieur C ou rby de
garder ces e ffe ts , et de s’en dire le maître : l’ usurpation des
billets étoit m êm e plus solide sans crim e.
L a conduite am icale du sieur de M urol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le m eilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de M urol a dit à la justice avoir
eu des soupçons dès le jour m ê m e , ou il a été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne m éritent pas une grande confiance.
O n ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun hom m e de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d ’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
q u ’il a pu le dire a p rè s, lorsqu’il étoit atteint d’une maladie
chronique.
(
'
Bientôt au contraire il reprit son régim e accoutum é. L ’es
tomac paroit avoir fait ses fonctions com m e auparavant ; et il
est bien difficile de concilier cet état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’ar
senic , en quelque petite quantité qu’on le suppose.
Il faudroit m êm e adm ettre que le poison a été pris à grande
d o se , si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrem ent avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion dem eurée au fond du
verre. L e véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
L e fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la p a ra cen tè ze , ou ponction ^ p ro u ve qu’il a été
�(2 2 )
considéré comme atteint d ’hydropisie ; et c e traitem ent achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il
y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n ’ont eu aucun fondem ent réel ; qu’à soixante-quinze
a n s , et avec les circonstances qui ont accom pagné sa m o rt,
elle n’a eu rien que de très-naturel.
D élibéré
à R io m , le 16 juin 1807.
L . F. D E L A P C H IE R , avocat ; B A R T H E L E M Y , doct. m èd. ;
A N D R A U D , avocat; C H O S S IE R , doct. mèd. ; P A G È S M E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. mèd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct. mèd.
A lUOJVÎ , de l’im prim erie de
L a n d r io t ,
seul
Cour d’appel. — Juin 1807.
im p r im e u r
de U
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêts
empoisonnement
Murol (famille de)
homicides
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0334
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0613
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53782/BCU_Factums_M0334.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aigueperse (63001)
Clermont-Ferrand (63113)
Thiers (63430)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
empoisonnement
homicides
Murol (famille de)
prêts
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53324/BCU_Factums_G1721.pdf
2d9a5c6aed0c7d00a0193d87edfb37cc
PDF Text
Text
MEMOIRE
E T
CONSULTATION.
�MÉMOIRE
POUR
La dame E
P
RO LLAT, épouse de F ra n ç o is COURBY, habitant à Aigueperse.
l e o n o r e
h il ip p e
A u c u n e situation n’est comparable à l a mienne. Mon époux
est accusé d’un crime horrible dont je n’ose prononcer le nom:
son honneur et le m ien , le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’agitent, quand luim êm e , accablé de sa situation, il fuit la calomnie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la première fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute ma conviction de l’innocence de mon
époux ne m’empécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i, et je m’en confesse coupable,
je l’importunai de mes larm es, je séduisis son courage , et sa
fuite fut un effort de sa tendresse ; maintenant je me demande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au contraire, n’est pas né de ma terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de mon
sang ceux qui sont altérés de celui de mon époux ! Q ue n ’ai-je
A
�(a )
du moins le droit de me présenter pour lui en jugement, pour
confondre ses accusateurs, pour le défendre....... ? Que dis-je?
me défendre moi - même ; car jusqu’au tombeau ma destinée
n’est-elle pas attachée à la sienne?
Mais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J ’ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur dire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé combien de difficultés j’aurois
à vaincre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la m échanceté même. Car
telle est la condition d’un malheureux accusé, que déjà la ca
lomnie a jeté de profondes racin es, alors même qu’il peut en
treprendre de la combattre. Q ue peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? Et lorsqu’enfin
on consent à l’entendre , combien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l’humiliation de la défiance qu’il excite? car la préven
tion du mal est malheureusement celle qu’on s’obstine le plus à
con sfrver; et les esprits même les plus raisonnables semblent
t ro u v e r plus c o m m o d e de cro ire le c r im e q u e d ’en m éditer les
invraisemblances.
Ces réflexions portoient le découragement dans mon âme ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée pour ainsi dire au-dessus de moi-même. O u i, me suis-je
é c r i é e , je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l ’ é
pouse cherchera des forces dans l’amour m aternel, et ces deux
titres prêteront peut-être à mon récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d ’espérer.
C ’est à des juges, au reste, que je veux m’adresser, et ceux-là
ne repousseront pas mes paroles avec l’ennui de les entendre ; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que contre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux mêmes. Mes récits se
ront donc écoutés comme une explication nécessaire, par ceu x
�( 3 )
que la loi a armés de sa puissance ; car ils trem bleront, sans doute,
de l’idée seule qu’ils pourroient condamner une famille honnête à
l’in fam ie, et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de Murol ne furent
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’apprécier, ou de concevoir de justes défiances. C ’est
depuis son enfance qu’il connoît le sieur de Murol iils aîné , ayant
été élevé avec lui dans le même pensionnat, à Lyon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé ;
mais l’historique de ces premières liaisons n’a rien d’essentiel à
rem arquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année dernière, je n’avois vu à Aigueperse que les
sieurs de Murol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
me paroissoit même que Courby le connoissoit à peine , et ne vivoit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
Nous ignorions entièrement ses affaires, et ne connoissions
celles de ses fils que par cet extérieur d’opulence, qui fait illusion
au vulgaire tant qu’on a des ressources pour le soutenir.
Cependant, un jour de l’été dernier, le sieur de Murol p ère , se
trouvant seul chez son fils cadet avec Courby, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , et sür le mécontentement
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secret d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il suppohoit
plus persuasif peut-être. Mais le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la première idée lui en fit naître une
seconde, il confia bientôt à Courby qu’il méditoit pour son fils
aîné le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l’éclat alloit ruiner toutes ses espé
rances.
A lo rs, comme par réflexion, il demanda à Courby s’il ne pour
rait pas lui faire trouver de l’argent.
A
2
�( 4 )
,
Un jeune homme ne pouvoitëtre qu’embarrassé à cette brusque
proposition. Courby fut forcé de lui avouer son impuissance de
lui être utile. « J ’ai des dettes moi-même, lui dit i l , sans avoir à
» me reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je croyois incapable de
» me tromper; il a fait faillite, et m ’a laissé beaucoup à payer;
jj et dans ce m om ent, je cherche moi-méme 18,000 fr. pour finir
de m ’acquitter.
» Q u’importe ce que vous m’objectez, lui répondit M. de
» M urol; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous me
» donnerez la vôtre pour me procurer l’argent que je cherche;
elle me sera u tile, parce que vous êtes d’une famille de
te nëgocians, et que par moi-méme je ne trouve plus à emj> prunter : de cette manière , nous nous serons rendu un service
y> mutuel. »
J’ignorai dans le temps cette conversation ; et Courby m’a avoué
depuis que quoiqu’il y e û t un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures bro u illo ie n t ses idées , et co n fon d oien t son in e x p é
rie n c e ; qu’il &’étoit contenté en conséquence de bégayer un con
sentement évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieur de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. Le
20 aoû t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o u ib y , que je l’engageai à attendre. Courby ne revint pas le soir,
et M. de Murol ne partit que le lendemain après dîner. Je 11e cher
chai point à savoir le m otif de son voyage; je me contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chemin qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clermont, et 11e le quitta plus jusqu’à ce que les
bilh ts fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu’alors il m’avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
l ’avoit jeté sa complaisance pour un faux ami ; il me montra pour
18,000 ir. de billets , qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à Thiers ; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant moins, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois même
un domestique.
Dans le courant de septem bre, je vis M. de Murol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, c r a ig n a n t , d is o it-ilê tr e atteint d hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation; et cette réserve m’ayant
étonnée, j’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accompagné.
Il me répondit q u e, sur les questions de M. Lagout, M. de
Murol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui sem bloit, de
loin en loin, sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en empirant ; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lu i remit.
M. de Murol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septembre, à la Borde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C ’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable ac
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le malheu
reux Courby. Hélas! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’amitié , quand déjà leurs affreux soupçons le signnloient en
public comme un vil criminel ; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celui........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence ; il faut bien m’avouer
à moi-méme que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’est, dit-on, en mangeant des pèches que le sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment épais, dont le
goût lui lut désagréable, quoiqu’il eût mangé sans répugnance
les pêches qui avoient été saupoudrées de la même matière. Il
vomit beaucoup , éprouva des douleurs aiguës, eut des ulcères«
�( 6 )
dans la b ou ch e, et dit à ses am is, le lendem ain , qu’il croyoil'
avoir été empoisonné.
Voilà ce qu’a répandu la famille de M urol, en ajoutant même
que Courby, présent, disoit en confidence aux assistans : Il n’en
reviendra pas.
Ici toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
Le jour même de cet événem ent, et le lendemain , les fils
M urol, leurs am is, et C o u r b y , firent la partie de chasse projetée.
Le |6 octobre, Courby retourna à la Borde : Murol fils aîné
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce même jour.
L e sieur de Murol père étoit présent, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
Le même jo u r , Murol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de Beauregard, et le sieur Parricaud, qu’il n’avoit
pas v u , dit-il, depuis son retour de Paris.
Le 10 octob re, M. de Murol père envoya son domestique h
A igueperse, avec une lettre d:invitation à Courby pour aller à
la Borde le dimanche suivant, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En e f f e t , le d im a n ch e su iv a n t , i3> o c t o b r e , C o u r b y alla dîner
à la B o r d e , fit le soir une partie de piquet avec M. de Murol
et le c u r é , et ne revint à Aigueperse que le lendemain.
Le 21 octobre, M. de Murol père vint à Aigueperse avec le
nommé Cbapus , domestique de son fils. Courby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de Murol à diner.
Quand j’allai donner des ordres à la cuisine, mes domestiques
me recommandèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M urol, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un remède que M. Lagout lui avoit
donné.
En attendant le dîner, M. de Murol alla chez M. L agou t,
où Couiby de retour alla le chercher.
Tém oin de la première conversation, on ne lui cacha pas la'
�( 7 )
seconde , et il entendit M. de Murol causer avec M. Lagout de
l’effet de son remède. M. de Murol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incommode qui lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par rem ercier M. Lagout du rem ède, parce que sa
santé é to it, dit-il, beaucoup meilleure depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoltre la composition de l'eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u rol, parce qu’il soupconn o it, d it-il, que le remède contenoit du mercure.
M. de Murol partit le soir, et recommanda beaucoup à Courby,
s’il venoit à la Borde dans la sem aine, de ne pas traverser l’Allier
qui avoit, dit-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa à Aigueperse une charrette couverte d’un drap , et em
prunta de
une carriole pour faire un voyage à Montluçon.
Le 29 ooptcnfljro, le sieur de Murol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit empruntée ,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que sou iils avoit
prété à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 francs, si
C o u r b y ne les avoit pas négociés; e t Murol fils sembloit seul y
m ettre q u e lq u e h u m e u r. C o u r b y avo it n é g o c ié p our 16400 fr.
d’effets , p our ses propres dettes ; e t il répondit à M. d e Murol
p è re , que si la proposition faite par lu i-m êm e ne lui convenoit plus, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19362 francs , ce qui comprenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-même
ces nouveaux effets dont les sieurs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
Un mois se passa ensuite sans que j’eusse rien de commun
avec cette famille. T out d’un coup , au mois de d écem b re,
j ’appris l’ horrible nouvelle que le sieur de Murol accusoit hau
tement Courby de l’avoir empoisonné, et qu’une procédure cri
�( 8 )
minelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm ont, qui les faisoit tous entendre comme témoins.
Ce crim e, ces com binaisons, mes idées accablantes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des écha
fauds , tout cela m’ôta le discernement et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je me
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jours, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écoulé depuis le mois de
décembre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p é r e , âgé de près de quatre-vingts a n s, a été
atteint d’une maladie épidémique inflammatoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est mis alors dans les mains d’un ch i
rurgien ignorant, et il est mort dans les premiers jours d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois ,à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je leconfesse
sans rougir, la mort de cet homme a ôté de mon cœur un far
deau bien pesant. Ce n’est pas que j’eusse , comme de V itellius,
d e la joie à co n sid érer le c a d a v r e d ’un e n n e m i ; loin d e m o i c e
sentiment de vengeance. Mais je n’ai pu m’empécher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c ’est là que le triomphe de
l ’innocent sera écrit par les mains même de la Providence.
Que mes lecteurs me pardonnent cet aveu d’un mouvement
<jue je n’ai pu vaincre. 11 faut avoir été dans ma position cruelle,
pour sentir qu’elle juctifiecoit même un sentiment moins légitime.
Me voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
seroit con n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dans la carrière
polémique d’une discussion de droit criminel.
Mais la défense de mon époux sera plus dans la conviction de
«es juges que dans mes efforts. Je n’ai voulu que révéler des
faits
�C9 )
faits de ma connoissance , et sans doute ils vaudront mieux, que
mes réflexions.
Un crim e ne se commet pas sans être nécessaire. C o u rb y ,
nanti d’effets signés de M. de M u ro l, n’avoit pas besoin de sa
défaire de lui pour les retenir. On est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans dan ger, qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol père est venu tant de fois après le 29 sep
tembre à A igueperse, et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourrait se défendre d’étre convaincu qu’il n’a pas
cru être empoisonné par lui ; car eût-il cherché la société de
son assassin ?
Cependant c ’e st, dit-on, le jo u r même du déjeuner des p èch es,
que le sieur de Murol se crut empoisonné ; c ’est le lendemain
qu’il fit part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d’autres personnes , on pourrait se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
Murol a dit encore avoir vu Courby saupoudrer les pêches de
la matière blanche, qui ne lui répugna qu’au fond du verre, et
qui lui causa à l’instant même des douleurs et des vomissemens.
L ’idée de l’empoisonnement, et de son auteur, se seroit donc
liée sans intervalle dans son imagination ; et alors comment con
cevoir cette suite de fréquentation journalière , ces repas mul
tipliés, qui auraient rendu aisée la consom m ation du c r i m e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d ’a u c u n e teutative
nouvelle ?
Comment concevoir encore qu’un homme se croyant empoi
sonné le 3o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de ce m al, consulte un médecin le 20 octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m aux, ni de ses terreurs?
Là , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-même , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’amélioration de sa santé, et le ieineiclm ent au
médecin , sont le seul objet de sa visite.
Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutife,
B
�( IO )
f t il tombe enfin malade. Est-il mort d’hydropisie ? est-il mort
d’une inflammation dans le ventre ? On dit l’un et l’autre. On
dit aussi qu’il a été traité de l’hydropisie, et que la ponction lui
a. été faite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort.
Je n’entends rien en médecine : mais les effets de l’arsenic
sont connus de tout le monde ; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action est brûlante et corrosive, si le premier contact
produit des ulcères dans l’instant même , com m ent concevoir
qu’un homme empoisonné devienne lentement hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
manifeste d’inflammation que dans le bas-ventre, sans lésion des
viscères supérieurs?
L e cadavre a été vu , dit-on, par des docteurs délégués par
la cour criminelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des conjectures ; ils n’avoient point, comme les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
Xavenir, Leur tâche plus facile a été de chercher dans le corps
d’un hom m e, mort hydropique, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû recéler
l’estomac et les p re m iè re s voies.
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeux , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u rb y, au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 5o septem bre, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieux et ca ssé, qu’il ne guériroit pas ; et de
commentaires en com m entaires, 011 va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crime. C ’est ainsi que la malignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais comment ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et multiplié ses soins pour n’étre pas
soupçonné.
Il a , dit-on encore , demandé à un pharmacien , après l’empoi
sonnement , et dans la r u e , si l’opium étoit un poison qui fit
�( 11 )
_
souffrir long-temps. Autre arme de la m échanceté, pour en tirer
une conséquence à charge. J’ignorois ce fa it, et j’ai même des
raisons de suspecter ceux qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit jeté , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis humiliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
Quant à toute autre version, je la dédaigne. Quel insensé con
cevrait l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus amère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
Celui qui pour se défaire d’ un homme veut l’empoisonner, a
pour première pensée d’ensevelir enlui-m ém e le secret de son
crime. S’adresse-t-il à un pharm acien, il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons sen s, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la mort au pharmacien à qui
il demandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohé
rent, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances ? c a r , s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nement, il n’y a pas de coupable à chercher.
Vaut-il mieux abandonner ce qui se présente h l’idée la plus
simple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’on
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard, d’un tempérament u sé , est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra-t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dù mourir que d’une mort violente?
S'il n’étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le meilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au m onde
B *
So5
�( 12 )
put dire en son âme qu’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby mérite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
ju g e s, pour qui le premier devoir est de ne se rendre qu’à l ’évi
dence. Mais il m’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crime dont l’idée seule m’accablera jusqu’à ce que le soup
çon même en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence cet événement sera
pour ma destinée future ; car le malheur d’ un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j ’ose croire que les cica
trices de la calomnie ne seront point ineffaçables. La conduite
à venir de mon époux se réglera, je l’esp ère, sur les circons
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l ’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile;
et si c ’est une illusion, que du moins un si flatteur horoscope
ne soit pas enlevé à une mère : mon époux, rendu à sa fam ille,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut encore, malgré la calomnie, transmet
tre à ses enfans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dan«
leur mémoire»
C O U R B Y , née R O L L A T .
�( *3 )
CONSULTATION.
L e C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le mémoire de la dame
R ollat, femme Courby ,
E s t i m e , d’après les faits contenus audit m ém oire, que si les
médecins délégués par la cour criminelle pour examiner le ca
davre du sieur de M urol, n’ont pas trouvé de traces de poison,
ou s’ils n’ont pas exprimé une opinion certaine et fondée sur c e
genre de m ort, il paroit impossible qu’un jury se déclare con
vaincu que le sieur Courby est coupable.
On n'a pas accusé le sieur Courby d’une simple tentative d’em
poisonnement , mais bien d’un empoisonnement effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. Par conséquent il ne faut pas sé
borner à examiner s’il y a preuve de la tentative, mais il faut
savoir s’il y a un empoisonnement et un coupable.
L a question préalable d ’ une instru ctio n crim in e lle e st de Cons
tater le co rps d ’ un d é l i t , de m ê m e que la p re m iè r e c h o se à e x a
m in er par le ju ry est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un coupable, lors
qu’il n’y a pas certitude qu’il y a eu un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit Dom at en son Traité
du droit public : « C ’est le premier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est même tellement essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des conjectures, ni même par la confession de l’accusé. »
D ’après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit imputé
au sieur C ouiby, est constant, et qu’il est certain qu’il y a eu
empoisonnement? Rien ne paroit au contraire moins p ro u vé .
�( 1 4 }
Aucun rapport de médecin ou chirurgien ne parolt avoir pré
cédé ]a mort du sieur de Murol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de Murol , la cour criminelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du d é lit, puis
qu’elle a commis des hommes de l ’art pour visiter le cad avre,
et en décrire l’état. Le rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju ry , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le jury puisera principalement les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit, c ’est-à-dire, s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison n’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas moins marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d'un poison aussi violent que l’arsenic.
>'f'Au^un auteur n’a mieux décrit les effets de ce poison , et les
signès'«ïf3muels on peut les connoitre , que M. Mahon , en son
Traité de niécjecine légale; et c ’est le meilleur guide qu'on
puisse avoir poiii\,raisonner sur une matière aussi grave et épi
neuse.
Les poisons corrosifs,dit cet auteur, tuent très-promptement,
et leurs effets s'annonceut^nvec une rapidité qui ne permet guère
de douter de leur emploi.\j!Tdme 2 , p. 275. )
L ’arsenic est soluble dan^tte^Lles liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne^ p ^ étre m itigé, ni masqué en
aucune manière. ( Page 276.
Quand il y a soupçon d’empoisonnement, tout médecin , avant
d’inspecter le corps , doit s’informer soigneusement de lïig e,
du sexe , du tempérament , des iorces , du genre de vie du
défunt , s’il étoit sain ou malade , combien de temps il a
vécu depuis, de quelles incommodités il s’est plaint, quelle
.espèce de régime cai conduite il a observée après , s’il a été
secouru par un inedeoïn expérimenté ou par des ignorans.
( Page 2ÇG. )
�c i5 )
5° ° \
Après c e la , l’inépection du cadavre consiste à examiner l'état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Quand l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent, sa présence est au moins
manifestée par des traces de lésion et de corrosion assez remar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
même jusqu’à se manifester au-dehors (2) ; et quelque nombreux
encore que soient ces signes, le médecin , comme le ju g e , ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’un
sujet vieux, et dont la santé paroissoit altérée depuis long-temps.
D es douleurs internes et des vomissemens sont, dit-on, le seul
indice de poison qu’il a remarqué lui-méme (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflammatoire, gangrène, taches éparses dans l’oesophage,
l ’estomac, le pylore, les intestins, le sphacèle de ces parties. — Quelquefois l’estomac percé, — le sang coagulé, — le péricarde rempli d’ un fluide jaunâtre ou
c o r r o m p u , les autres viscères ramollis et comme dissous, parsemés d’hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et comme racorni; le sang qu’il contient,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide, ou engorgé. »(M ahon, pag. 272.)
« On voit enfin, tant extérieurement qu’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là, remplies d’ une sérosité jaune ou obscure, et presque toujours d’une
odeur désagréable. » ( Ibid. pag. 273. )
(2) « Distension excessive de l ’abdom en, au point d ’ e n menacer la rupture ;
— taches de différentes couleurs sur la surface du corps, surtout au dos, aux
pieds, à l’ epigastre ; — la prompte dissolution, quand la personne est morte du
poison. On peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d’em
poisonnement : — la roideur des membres, la tuméfaction du ventre, ne sont
pis des signes constans ; — mais ce qu’il y a de constant dans les cadavres des
personnes quiontpéri d’ un poison âcre ou caustique, c’ est de trouver l’œsophage,
l’estomac et les intestins grêles, atténués, enflammés, gangrenés, rongés et sou
vent percés.... Il suffit de résumer ces signes, pour être convaincu de la néces
sité de ne jamais sc décider que par leur ensemble. » ( Ibid. p. 270, 2 7 1 , 307. )
(5) «Quand on n’a pas été à temps d’examiner la nature du vomissement, que
les symptômes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
sùffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ont assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ibid. pag. 3o 6. )>
�( 1 6 }
d’alimens, même trés-sains, peuvent fournir les mômes résul
tats (1).
Il paroit que le sieur de Murol avoit été mal traité d’une
gale. Les empiriques ont pour ces sortes de maux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alade, mais dont l’effet double
ment funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
humeur vicieuse, dont la nature cherchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à c e mal r é e l, le mal plus grand peut-être du remède
lui-même. Aussi est-il constant qu’ une éruption rentrée suffît
seule pour agir mortellement sur l’individu, et laisser des traces
presque semblables à celles du poison (2).
L ’opinion qn’a pu avoir le sieur de Murol lui-même sur son
état, ne doit pas être d’un très-grand poids; car on sait com
bien un m alade, «t surtout un vieillard, est sujet à se frapper
l’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il ne trouve plus rien que d’extraordinaire dans
son état, et il s’obstine à ne pas croire que des maux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant 1a plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine; et cette rapidité même semble tellement inex-
(1) « Q u ’ un homme ait mangé des alimens difficiles à d ig érer, ou faciles à
entrer en putréfaction, il peut arriver que quelque temps après il se trouve
très-m al, et q u ’il ait tous les symptômes du poison, jusqu’à mourir.
» J’ai vu une châtaigne rô tie, avalée toute en tière, donner tous les signe*
de l’empoisonnement. Les têtes et pieds de veau , les écrevisses, les huîtres,
les vins troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, ont très-souvent aussi
produit cet effet. » ( M alion, pag. 29g. )
(2) « Certaines maladie» laissent sur le« cadavres des traces peu différente«
des signes ordinaires du poison. »
« Une éruption rentrée, une affection scorbutique très-avancée, une bile
très-âcre, etc. — Mais par une contemplation réfléchie des sym ptôm es, et la
comparaison que le médecin en fera avec les signes que porte le cadavre, il
distinguera aisément les restes d’une maladie violente, d’avec les caractères de
l’empoisonnement. » ( Ib id . pag. 3 i 3. )
p lica b le,
�C 17 )
plicable, qu’on repasse alors dans sa mémoire Jusqu’aux moindres
détails qui ont précédé; les choses quiétoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o st hoc, ergo
propler h o c , se d it-o n ; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
Un soupçon alors, né du plus léger indice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelles
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferme
les yeux sur les exemples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les yeu x, des bizarreries de la nature, et des accidens de la yie (1).
Car en cette matière , dit le docteur C o ch in , 'et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (2).
L e célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
ment presque semblable à celui du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un am i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et extén ué, perdit la raison, et mourut.
Le diner ayant été son dernier acte de santé, les soupçons s’é
levèrent contre celui qui l’avoit partagé ; il fut mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
même du cœur d’une couleur dégénérée, la tête et les lèvres
grosses, les poumons livides et adhérens , le foie corrompu.
T ou t cela pouvoit paroitre des signes de poison. Mais ce docte
(1)
« Il est une infinité de maux sourds, qui augmentant insensiblement en
intensité, peuvent avoir affligé un homme depuis longues années, sans qu’il
s’en soit lui-mème beaucoup aperçu, et q u i, éclatant tout à coup, paroissent
inconcevables à ceux qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
qui ont l’imagination préoccupée. » ( Ibid. png. 317. )
(a) Quest. du poison, t. i er. , pag. 4 - Recherches sur les signes anatomique*
et judiciaires des signes d'empoisonnement, par M . de Retz.
G
�M
C 18 )
médecin ne chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fû t aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
Dans une consultation très-méthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensemble, que l’homme étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces symptômes fussent nés du
poison, puisque la nature n’avoit pas fait un effort continuel et
sans relâche, pour se débarrasser de cet ennemi dangereux (x).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dégénération
des solides (2).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’iinportnnce à Zacchias; mais il pensa que si la cause
en fût venue du poison, l’estomac et le cœur auroient dû ^tre
lésés et corrodés auparavant (3).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le malade
n’étoit pas mort de poison, mais d’une maladie naturelle (4).
L e s auteu rs q u i on t é c r it sur le droit cr im in e l ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugemens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
(1) « A ccid en tia , si ex veneno administrate superveniant, soient, cum
impe.tu tjnodam , ac vehementia apparerò, non tolerante naturò vim im
provisant ipsiiis veneni. » ( Zach. Consil• 16. )
(2)« Vom i tus indesinens, molestia intolerabilis, dolores pernecabilet ,
lipothymia , syncopis , et alia. » ( Ibid. )
3
( / « Primo et antequàm hepar lad atu r , necesse ett Ited i stomachum
Otque etiam cor. » ( Ibid. )
4
( ) « Igitur ex pradîctis patet N... à propinato veneno non fuisse tx tinctuni, sed potiùs à morbo quodam naturali. » ( Ibid. )
�( 19 )
J t 2>
u Plus l ’accusation de poison est grande, dit M. P r é v it, céîa lèbre crim inaliste, plus on doit examiner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accompagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beautc coup de prudence, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« solument les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m orte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairement par les premières voies, e tc .»
C Principes sur les visites et les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une matière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceux du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en matière crim inelle, juger par de simples
indices, lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2)?
* Mais que! peut-on entendre par ces indices indubitables? Les
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et môme contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de l'â m e , dans laquelle
(1) « Non dicitur probatum veneni crimen, ex probations continui
vomitus , ■pel ex livore corporis, aut spumis ex ore flluentibus , quia
hcec signa possunt etiam ex pestifera feb re , aut acuto morbo, citrà
veneni causam orire. » ( Farinac. qucest. 2, n°.
32
, prax. crim. )
(2) «. Munitfi sit apertissimis documentis , vel indiciis ad probation
tionem indubitatis et luce clarioribus. » ( L, Sciant » cod. De probat. )
�( 20 )
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre comme sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d’acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m ém e, qui ne veut
pas qu’on puisse condamner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’expérience prouve que celui qui
com m ence à soupçonner , ne voit jamais comme il doit voir (3);
ce qui a fait dire à M. Domat que le juge doit se défier de la
première impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le mobile de sa conduite, et qu’il ramène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’examen de tous ces principes généraux, il faut se
former une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , com m e
on paroît le croire , les médecins délégués par la cour criminelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de Murol
des traces de poison , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni même conviction d’empoisonne
m ent ; c a r , comme le dit la dame Rollat dans son mémoire ,
si le poison n’a pas été visible pour les médecins , comment le
seroit-il p ou r un ju r y ?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
Les circonstances qui ont.précédé et suivi l’évén em en t, ne
semblent pas même donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(1) « Indicium indubitatum est quod coarctat mentem judicis ita ut
omnind credat, nec possit in contrarium inclinare. E st demonstratio
rei per signa sufficientia per qum animus in aliquo tanquam existente
36
35
quiescit , et plus investigare non curat. » ( Farinac. qucest.
, n°.
.)
(2) « Ne suspicionihus qur.mquam damnari oportere divus Trajanus
icripsit. » ( L. A bs. f f . Poenis. )
3
( ) « Qui suspicatur plus se videre putat. » ( Extra de testib. )
(4) Tr. <lu droit public.
�C 21 1
le résultat achève même de détruire la première impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
Le sieur Courby étant dépositaire d’effets signés du sieur de
Murol p ère, quelle qu’en fût la som m e, l’envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’empéchoit le sieur Courby de
garder ces e ffe ts, et de s’en dire le maître : l’usurpation des
billets étoit même plus solide sans crime.
La conduite amicale du sieur de Murol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le meilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de Murol a dit à la justice avoir
eu des soupçons dès le jour m êm e , ou il a été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne méritent pas une grande confiance.
On ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun homme de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
qu’il a pu le dire a p rès, lorsqu’il éloit atteint d’une maladie
chronique.
Bientôt au contraire il reprit son régime accoutumé. L ’es
tomac parolt avoir fait ses fonctions comme auparavant ; et il
est bien difficile de concilier cet état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’ar
senic , e n q u elq u e petite quan tité q u ’on le suppose.
Il faudroit m ê m e adm ettre que le poison a été pris à grande
dose , si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrement avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion demeurée au fond du
verre. Le véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
L e fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la paracentèze , ou ponction , prouve qu’il a été
�considéré comme atteint d’hydropisie; et ce traitement achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n’ont eu aucun fondement réel ; qu’à soixante-quinze
an s, et avec les circonstances qui ont accompagné sa m ort,
elle n’a eu rien que de très-naturel.
D é l i b é r é à R iom , le 16 juin 1807.
L. F. D E L A P C H IE R , avocat; B A R T H E L E M Y , doct. méd. ;
A N D R A U D , avocat; C H O SSIE R , doct. m éd.; PAG ÈSM E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. méd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct. méd.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1807.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêt
empoisonnement
Murol (famille)
homicides
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Particularités : Notation manuscrite : « 28 octobre 1809, après cinq jours de débats, à la cour de justice criminelle, acquittement sur ma plaidoirie. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Juin 1807
1806-1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1721
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0613
BCU_Factums_M0334
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53324/BCU_Factums_G1721.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aigueperse (63001)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de confiance
empoisonnement
homicides
Murol (famille)
prêt
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53021/BCU_Factums_G0612.pdf
0a0660a0cbc11b39921fc4658c9619c5
PDF Text
Text
at
°>
'•»vd
¿Y+T+T+T+T+T+'"»iw
^^a f*_.
+ 4i+4'l,++++<,++T++*
t++f f+1 ++♦+++++++<•++•)• *&3k S’’
^
(X
++-H*++
.................. ...
. ÏV
. „/
^ ' ΟÏ^+Ÿ+^ÏŸÏŸ*^
'b
* J&*'
B ♦+*♦(.v*?*î¿¿****t¿.-t***************+*+**~+++*+**+fn~*f*+
y
Ès
CONSEIL
SUPERIEUR.
M
E
M
O
I
R
E
1 ere C H A M B R E .
POUR
M e. G
B A R T H E L E M Y , N otaire Caufecontînuée
eorge
R o y a l , & Procureur d'’ Office au Bailliage de Cham alieres, Appellant, Demandeur & Défendeur.
C O N T R E Sr. A
n d r
É
D E S O C H E S , Entrepofe ur
des Tabacs en cette V ille de Clermont- Ferrand ,
Intimé & Défendeur.
ET
contre P
ie r r e
B A R B E T H uiffler en la.
Cour . Intervenant & Demandeur.
¡jj^d^rjôizrçri
+++++++++
91
S!+ï 4iw? î$? î a
tflIl î.&+
î'if++++,
+
**4-**+
ys Î+
î t.+++
+î•'•■+^+
<•<■++ B
^j^+i++++++ B
fc^QoZTTOT-Tt^
L fieur Defoches femble avoir eu pour
E
but, dans fon. Mémoire i mprimé v d’en
impofer au public : & de' furprendre la
religion de la C o u r; il ne s’ eft pas dé
menti dans ce qu’il a fait plaider ; Barbet ,
qu’il a appelle pour avoir occafion de parler fous deux'
nom s, l 'a parfaitement imité. L ’objet de la caufe a été
entierement changé par l'un & l'autre des propofitions
contraires aux principes conftants ont été élevées; pour
les appuyer, ils ont excipé de décifions indifférentes à l’ef-
SaoSitJ?.'
�pece, §c fuppofé des avis diamétralement oppofés. à cc,
qu’on lit dans les Auteurs qu’ils citent. Il cil temps de
rétablir les faits & de venger les régies : c’eft ce que
j:e:, me propofe dans ce Memoire. . ■
j J ’ai été publiquement outragé par le'ficur Defoches;
en vàin', pour pallier fa conduite -, rappelle-t-il la qua
lité de (créancier qu’il n’a plus aujourd’hui, elle ne l’autorifoit.pas à m’enlever ma liberté d*üne maniere irrésIguliere
deshonorante, dans le temps même qu’il me
voyoityibus I çl iàuve-sarde dje la Juftice ; il a fervi mes
o
T...' • • ° 1
v v. ■
. ’•
•'ennemis, '1 ignominie dont il m a couvert, non moins
Certaine-, quoique icellée par un a£te fau x , a” terni ma
réputation & tari, mes reiïources.: Laperte de mon honneur & de ma fortune eft le fujet de mes plaintes.
Toup ’çc que j’avance eft connu ou démontré; tout ce
que. je demande eft évidemment jufte ; mes adveriàires
en font convaincus , & ne croient pouvoir s’y fo u t
traire qu’en préièntant à canonifer l’irrégularité la plus
pf.éqfçment prononcée , l’indécence la plus injurieuie
& la plus révoltante, le faj.ix même le mieux manqué
& le plus dangereux ; ils luttent opiniâtrement contre
les,r|pi^:.6c la, raifon ; efperent-ils quelque vivoire ?
n2 V
i i fis
E T.
‘P R 0 C E D U R E S .
J e rae.fuis procuré par moi-même un état honnête,
dc^ns- l’jexerciqe, duquel j’ai eu;,des concurrents & des
iiipcçs^■j’pi dpnç fait des j a l o u x , j e me fuis donc att i r ^ . ^ ci^^è'mis ; confcqupnce.s affligeantes pour l’huniçnite, mais trop bien démontrées par l’expérience F
tantôt on veut me punir de m’être attiré trop de con-t
lîance dan$; l’excrcice du N o ta ria t, & pour fermer à
�2*1
3
m es clients les avenues clé mon E tu d e , on ‘m e illicite unes
affaire d’éclat, c’étoit le bruit du tonnerre, il n’en.eut q u ex
la durée, je tiens 'mes.adverfaires dans, le fileja,ce_'de?cf
puis quatre années entieres. Tantôt on me-trouve trop
exa& , trop vigilant & trop impartial dans mes fonâipns de Procureur d’Office , &c par des menées fpurdes on •
me dénigre auprès d’un Prince , & à fo r c e ' d’imputa
tions atroces, on obtient ma destitution fi defirée; mais
deftitution révoquée à la honte du méchant , dès le
moment même que j’ai pu in’expljquer. & déchirer le
voile de la calomnie. L a haine, ne.fe lailè pas, on cher
che à prévenir les premiers.de l’E ta ty ;des Lettres
:
nymes, des Mémoires fecrets paiîent' jufques danfr lç
cabinet des Miniftres , on veut en obtenir, par furprife, un coup d’autorité qui perde le malheureux ; m ai$,
en vain , la probité reçonpite dans Fexamen le pliisfcrimuleux, obtient un glorieux triomphe.
,
Ce n’étoit^pas là les lèuls traits que j’aVois à crain- ,
dre. Que la haine eit induilrieuiè ! On imagina par
la fuite de me rendre coupable malgré moi-meme. * ;
on me fuppofoit plus d’averfion pour l’ignominie que
d’attachement & de fou million à la Juiliçe. On forma
le projet de me réduire publiquement à la révoltante
alternative de me voir deshonorer ou de me rendre
rcbellionnaire.
C ’cft au nom du fieur Deioches qu ont etç faites ces
indignités puniilables.' 11 eft necefîaire de- s’airrêter ! au
prétexte dont on s’eiî; fe r v i, aux circonflances dans ,
^qu elles on l’a em ployé, & à la maniçre • dpnt qn
s
conduit.
. . . . : • • u
•i - . .
Le voyage que je fus ^obligé de f^rie à,
en,,
I 7 7 ° > pour découvrir à M . le Duc de Bouillon lés
A 2.
M
�calomnies par le moyen desquelles on étoit parvenu à
fl*rprendret la religion de ce Prince, me eau là des dépe'nfcs confidérables relativement à ma fortune.
' I l n'étoit' pas moins néceiïàire que je fiilè de nou
veau ce voyage en 1 7 7 1 , pour me difculper des imiitations injurieiifes qui m’avoienc été faites dans des
Mémoires' adreiïesaiix premiers Miniftres de la Juftice;
moihs fortuné pour lors , je n avois d’autres reiîources
que l’emprunt, je m’adreiTai au fieur Defoches donc
je connoiiîois l’écàt, & qui mê prêta n c o livres à in
térêt ; il' voulût ma liberté pour gage du principal non
aliéné, & du révenu cumulé, & me fit ligner une lettre
de change de 1 x 3 0 livres à fix mois d’échéance, avec
convention qu’elle feroit renouvellée tous les fix mois,
& qu’en cas d’abfence de ma p a r t, le fieur Deloches
afîureroit fes intérêts en obtenant Sentence.
M e trouvant abfent à l’échéance de cette lettre de
change, le fieur Defoches fit prononcer contre m o i,
fiiivant nos conventions, des condamnations confulaires ; à mon retour de Paris je lui ai payé fes frais avec
tous les intérêts, même jufqu’à plufieurs mois après ce
payement : lalomme de 3 0 livres, cumulée avec le prin
cipal dans la lettre de change, demeurant toujours payée
d’avance en fus de l’intérêt échu , c’eft démontré par le
calcul fait par le fieur Defoches dans l’a âc inftrumentaire du 1% Juin dernier, qui porte quittance du prin
cipal , des intérêts cumulés avec le principal & des inté
rêts du tout.
M es ennemis ont vent de cette Sentence, & exci
tent le fieur Defoches à me pourfuivre ; ce dernier n’étoit lié que par parole d ’honneur que nous voyons
aujourd’hui fi fouvent méprifée, on ne put pas, il eft
E
�233
■>
v r a i, lui arracher Tes titres , mais on lui fit promettre
de donner ion approbation à tout.
Je fus ainfi livré à la merci de mes ennemis, il ne
leur reftoit qu’à me couvrir de honte par un emprifonnement ignominieux, à l’inftant même ils pouvoient
iàiiir leur proie ; ne craignant rien du fieur Defoches,
dtrnt j’avois la parole, lur laquelle je me fondois mal
à propos ; je me préfentois en cette V ille tousles jours,
& à pluiieurs reprifès par jour ; je m’en rapporte fur ce
fait à la notoriété publique. On pou voit donc m’etnprifonner à tout inftant & fans peine. Mais mes enncnemis ne pouvoient fe fatisfaire d’une ignominie or
dinaire , il leur falloit des circonftances qui en aug
mentaient l’éclat : les Aififes des jufticiables du Bail
liage de Chamalieres fe tiennent ordinairement le onze
Ju in , qui s’eft rencontré cette année un Je u d i, jour
fixé pour l’Audience ordinaire, on efpéroit de m’y
voir au milieu de tous les Vaiïàux dont j’ai la confian
ce en ma qualité de N o ta ire, c’eft: à cec inftant que le
coup fataldevoit m’être porté.
M o n exactitude à mes devoirs fondoit les cfpéranccs de mes ennemis ; appellé à Chamalieres pour l’exer
cice des fondions de Procureur d’O ffice, je m’y rends
avant midi; mes premiers moments font employés à des
fondions de ma C harge, & en particulier à 1émancipa
tion de Jean Ginion de Ceyrat.
L a tenue des Aiïifes & de l’Audience des caufes, à
laquelle j efpérois d’en faire juger deux qui m’etoient per
sonnelles, devoit remplir fuivant l’ufage la féance de l’a-'
prcs-dînéc. Trois H uiificrs, Martin P e t it , Tilignac &
Calias (ont portés liir l’avenue & dans l’Auberge la plus
voiiine delalàlle d’Audience; tout étant prépare pour
�*
'
< ^
6 ,.
l'exécution du projet, Palliée, Huifîier du Bailliage, qui avoir tenu compagnie aux trois autres jufqu’alors ,
les quitte pour aller prendre ordre du Bailli de venir
m’avertir de me rendre; la fçénne étoit prête,’ envi-'
ronné de tous les Habitants de Ç e y r a t, Boiiïèjoux,
Sauzet, Thedes, Champeaux, Manilon , &C; je me
difpofois a monter le degré qui conduit à là ialle d’A u dience, lorfque je me vis aiïàilli par les Huiiliers por
tés , ils agirent avec cette violence qu’on peut leur
fuppofçr pour obtenir les trois louis promis pQur prix
de l’expédition ; c.ette libéralité n’étoit pas du fait du
fieuy Defo.ches , mais ils n’étoient pas moins aiTurés .
d’obtenir leur réçompenfe..
L e peuple étonné, irrité même de cette indécence,
dont leur Homme de confiance étoit la vi&im e, s’émouvoit feniiblement, & fembloit demander fi je deiirois ma délivrance ; je.lavois depuis long-temps que je
leur devoisTexemple.de la. foumiifion à la juftice, qu’il
n’y avoit pas à balancer entre l’ignominie & la rebel
lion , même contre des procédés vexatoires; je leur ré
pondis donc par des témoignages contraires à leurs vues,
& iàns le favo ir, je fruftrai mes ennemis dans leur at
tente., je les privai du moyen qu’ils avoient juftemenc
cru infaillible pour me perdre dans l’un &: l’autre de
mes qualités de Notaire & de Procureur d’Office.
L ’indignité & l’ignominie avec lefquelles. je fus bru
talement traîné de Chamalieres dans les prifons de cette
V ille font au deiTus de toutes expreflions ; d’ailleurs le
public en a été inilruit par les yeux, double raifon qui
me difpcnfc de les rappcller.
Traduit dans l’obicurité des priions, peu remis en
core des douleurs que m’avoient caulé dans ce trajet ,
�\
•
7
les'poignets aufïi. meurtriers que vigoureux des trois
Huiffiers que j’ai nommés; intimement convaincu de
mon innocence, ne pouvant préfumer que la Juftice
eût adopté des accuiations calomnieufcs, je cherchai,
je mçditai beaucoup, & le iieur Defoches me parut
feul capable de ce trait , je lui adreilài uné lettre
dans le moment même, pour le porter à un effort ex
traordinaire ; j’y inférai pour cela des expreflions ho
norables que le iieur Defoches a démenti, & qu’il
a prouvé avoir été mal adaptées ; il s’en fait cependant
un' moyen , & pour fe rendre moins odieux,r•il la1 iyn^
cope , il en retranche même des propofirions qui dé
montrent combien il y a peu de fincérité dans ce qu’ilJ
dit , qu’il avoir offert de ie contenter dè fimples1
Îeuretés , ne craigne^ nullement de perdre
-M'.J
f a i des reJJources à faire honneur à ce" ifàe je^vous1
i ° ‘ s »/ vous vouleç bien ne pas me les ‘ôter \ éti nie1
fiifa n t tenir prifon , voulez-vous, M . /i„v o u s aVie^
quelque crainte de perte , accepter la vente de ihon^Of*
fice &. dd ma maifon à Beaum ont,jc fu is prêt a vous ld'
pajfer. ........telles étoient mesipropofitions ; or n’étoitce pas là plus que des offres de feuretés.
t
, J ’ai dit & je répété que cette ‘lettre •fut écrite •&'
envoyée au moment même , ou le momèiit' après cfiie
j’eus été cmpriionné , favoir, à quatre-heures 'du felir,*
date qui y cil écrite; ce fut même par cette'1''lettre’
que le iîeur Defoches reçût la premiere nouvelle de^
mon emprifonnement, cette lettr.e lui avoit -étéfti'mife1
avant l’arrivée "du particulier qui lui fut idÎ^éché-de
Chamalieres , pour le prévenir de'ce qai'fc’ëtoit^affë;
& l’avertir d’envoyer à la prifori un HuîiFicr qiii fu?
dreifér le procès verbal de -capxnrt^ôc'd’ccrbuéiJ 1 Li
�8
Il falloir pour cette fonction un homme plus avide
qu’habile, Barbet , qui avoit ignoré jufqu’alors que
j’eus jamais.rien du au fieur Defoches, fut rencontré
le premier ^ conduit chez le iieur Defoches, il apprend
le fait , reçoit les titres, fe procure deux témoins ,
& vient drefFer dansées prifons, à. fix heures du io ir ,
ainfi qu’il eft juftifié par écrit , le procès verbal de
capture, d ’emprifonnement 6t d’écroue dé nia perfonnc. ,
.
Cette conduite me furprit, je le témoignai par un
a&e inilrumentaire que je fis faire à B a r b e t, & aux
autres Huiifiers dans le temps qu’ils redigoient le pro
cès verbal ; je proteftai expreiTément de m’inferire en
faux. Mais ces Huiifiers devoient être graiTement foldés , toutes remontrances furent vaines, ôc la décla
ration de B arb et, qu’il ctoit porteur de pouvoir , fut
tout ce qu’on put obtenir d’eux.
Je me pourvus à la hâte en la SénéchauiTée de cette
V ille contre mon emprifonnement que je foutins
n u l, tortionnaire injurieux & déraifonnablc, j’y fus
déclaré non recevable par Sentence du 1 7 Juin ,
par laquelle, quoique ma caufe eût été plaidée avec
la plus grande modération , il m’efl: fait défenfes de me
lervir à l’avenir d’aucun terme injurieux contre le
fieur Defoches. Surqupi je le défie hautement, publi
quement & judiciairement d’indiquer aucune des expreifions de la Plaidoierie.qu’il puiilè préfenter comme
injurieufes.
M ’étant procuré le., montant des condamnations
Confulaircs qui Icrvoicnt de prétexte au fieur Defoches pour me tenir dans les prifons, je le lui ai offert,
fous la réferve de fuiyrc l’appel que j’avois déj a interjette,
il
�9
2**
il l’a accepté, 6c m’en a donné quittance notariée ,
que j’ai voulu en cette forme pour aifurer mes réferves.
Enfuite,parfurabondancede droit, j’ai obtenu A rrêt
en la Cour le fix Ju ille t, qui me permet de m’inicnre en faux contre le procès verbal d’emprifonnement
daté du onze Juin précédent. L e fieur Defoches a
d’abord dénçncé cette demande à Barbet , depuis il
a formé oppofition à l’Arrêt qui me permet de m’in£
cnre en f a u x , par requête du neuf; il a été imité
par Barbet qui eft intervenu par requête du dix pour
former oppofition au même A r r ê t , 6c par une autre
requête d u > i du même mois , ce dernier a conclu à
2-ooo liv. de dommages 6c intérêts.
T el eft Tétat a&uel de cette caufe, extraordinairement défigurée parle Mémoire imprimé du fieur Defo
ches , & encore plus par les fuppofitions indifférentes
que Barbet ôc lui ont fait plaider à la derniere Audien
ce. Ramenons-les aux points àdifeuter, ils font en grand
nombre. L ’oppoiition formée par le iieur Defoches,par
fa requête du 9 Juillet, à f Arrêt du 6 du même mois
qui me permet de m’inferire en faux contre le préten
du procès verbal de capture. La demande en dénoncia
tion 6c garantie formée par le fieur Defoches contre
B a rb e t, par exploit du même jour. L ’oppofition formée
à l’exécution du même A r rê t, par Barbet, par fa requê
te d ’intervention du lendemain. L a demande en dom
mages intérêts portée en la requête de ce dernier du
vingt-un du même mois. M a demande en rejet de
la pièce ii juftement maintenue faufle. M on appel de
la Sentence de la Sénéchauflée. du 17 Juin , 6c les de
mandes que j’avois formé devant le Juge dont eft
appel.
B
�Cette énumération ne doit pas effrayer, il eft facile
d’établir en peu de mots que l’oppolition formée par
le fieur Deioches & Barbet à l’Arret du 6 Juillet eft
non recevable , qu’il en eft de même de la demande
en dommages intérêts formée par Barbet, que faute par
le iieur Deioches d’avoir fait la déclaration exigée par
cet Arrêt &c l’Ordonnance de 1 7 3 7 , le prétendu pro
cès verbal d’emprifonnement doit être rejetté de la
caufe.
Mais euiïè-je dédaigné de me pourvoir en infeription de faux contre le prétendu procès verbal de mon
emprifonnement, mon appel ne feroit pas moins bien
fondé ; la Cour frappée des nullités multipliées de ce
procès verbal , jugera que je n’ai eu recours à
l’infcription en faux que par furabondance de droit,
& pour tirer les parties d’affaire, prononçant fans doute,
par fans au il fo it befoin de s'arrêter à Vinjeription de
fa u x , infirmant la Sentence, elle accueillira la deman
de en nullité & en dommages intérêts que j’avois formé
devant le premier J u g e , telles font mes conditions prin«
cipales & fubfidiaires, je les prends avec confiance ,
parce que je fuis en état de les fonder fur des dé'
monftrations.-
M O Y E N S .
» L a pourfuite du faux incident aura lie u , lorf» qu’une des Parties ayant lignifié, communiqué 011
» produit quelque pièce que ce puiiîe être dans le
*» cours de la Procédure ; l’autre Partie prétendra que
» ladite pièce eft fauiïè ou falfifiéc » ainii s’expli
que l’Ordonnance de 1 7 3 7 , titre du faux incident ,
�II
article premier. C ’eft fur cette loi qu’eft fondée ,
mon entreprife en infeription de faux contre le procès
verbal de mon emprifonnement, ce prétendu procès
verbal a été produ it , communiqué, Jignific , il a fervi de lien pour me retenir dans les prifons, il a été
la baie de la Sentence dont cft appel, il y a donc
lieu à la pourfuite du faux incident contre cette pièce.
Approchons de cette démonftration ôc des autres
difpofitions de l’Ordonnance, les allégations qu’on
m’a oppoiées comme fins de non recevoir,la lumiere
de ces flambeaux en fera appercevoir la futilité.
i°. On me reproche de iîavoir pas expliqué ce en
quoi coniifte le faux dont je me plains. Je réponds
qu’il efl: vrai que ma procédure ne contient pas la
déiignation expreflè de ce en quoi j’arguë l’afté de
fau x, mais étois-je tenu de faire cette indication ? le
iieur Defoches foutient l’affirmative fur la difpofition
de rOrdonnance, &c le fentiment de Rouilèau de Lacombe, de mon côté je ioutiens le contraire iiir les
termes & les diftin&ions de la même Ordonnance ,
& lur le fentiment du même A u te u r, &c de tous les
autres qui ont traité la matiere. Quelle fingularité ! elle
a pour fondement une bévue de la part du fieur Defoches.
Il y a une grande différence entre Vaccufation de
fa u x principal & l'injcription de fa u x incident. Le faux
principal s’introduit par requête de plainte qui doit
inltruire le Juge de premier abord des faits dont on veut
faire informer : c’efl: la feule inftru&ion légale qu’on
puiile lui donner , il faut donc indiquer & déiigner les
caulès que l’on prétend fauifes, & lur lefquelles il faut
faire informer ; l’Ordonnance ne le porte nas textuel-
�I l
lement, mais tel eft Ton efprit, 6c ainfi l’a décidé R o u £
ibau de Lacom be, cité par le iieiu* Defoches.
Il en eit ■autre'ment de i infeription en faux incident,
elle s’introduit par requete tendante à per;iiiiïion de s’inicrire, & cette permi hon ne doit dépendre que du plus
ou moins d’influence que la pièce arguée de faux peut
avoir lur là décilion de l’inJiance, à laquelle l’infcription eft incidente , il ne doit pas c>rc qucilion dès-lors
de ce en quoi confifte le faux ; cetre énonciation feroic
fruftratoirc , puiiqu’ori ie trouveroit obligé de la ré
péter dans les moyens de faux, que l’article 14. du même
titr e , veut que l’infcrivant dépofe au Greffe après la
déclaration du défendeur. Elle feroit dangereufe, par la
raifon que ^article 9 du même titre, exigeant qu’il fôit
donné copie a*i défendeur delà requête, cette requête,
fi elle contenoit les énonciations que mes adveriaires
préfentent comme néceflaires, inftruiroit le défendeur
6c le mettroit à même de prévenir 6c furprendre les
témoins 6c de difliper les preuves, c’efl: pourquoi l’art.
38 porte, qu’en aucun cas il ne fera donné copie ni
communication des moyens de faux au défendeur.
Aucun Auteur ne s ’eft écarté de ces maximes , 6c
Rouflèau de Lacombe , qu’on nous cite comme ayant
une opinion favorable au fyflême du fieur DefoGhes ,
s’explique d’une maniéré bien contraire, le Demandeur
donnera Ja requête , dit cet Auteur dans fon Commen
taire fur l’Ordonnancc de 1 7 3 7 , au titre du faux in
cident, page 2 7 9 .............par laquelle il expofera que
dans la cauje , injîance ou procès d’entre lui & J a Partie
adverje , elle lui a fa it fignijier , communiquer ou pro
duit une ou plu/icurs pièces dont il expliquera la na
ture & la date , & dira q u i l les maintient faujfes ouJ'ai*
�331
J3
f { f ié e s E N G É N É R A L , S J N S
q u 'i l
SO IT
n éc e ssa ir e
-d’ e x p l i q u e r e n q u o i c o n s i s t e p r é c i s é m e n t
L e f a u x o u l a f a l s i f i c a t i o n , c a r , ajoute-t-il,
i l n en efc p a s de m cm e de la d em a n d e en f a u x in c id e n t
que de la p la in t e en f a u x p r in c ip a l, où i l f a u t e x p liq u e r
en q u o i c o n fijle le f a u x . . . . . . p a r ce yu en f a u x in
cid en t , q u a n d on f o u r n i t f e s m o y en s d e f a u x , l'o n e x
p liq u e en q u o i le f a u x ou là f i l f f i c a t i o n c o n fifle. L e
dchmt de déiignation des énonciations faufiès ne peut
donc pas former une fin de non recevoir.
)
2-°. On prérend que je n’ai pas d’intérêt dans l’in s
cription de faux , par la raifon fuppofée que la pièce e jl
in différen te ou p e u in térejja n te p o u r la d é cifio n .
L e fieur Defoches fe fut-il expliqué a in fi, s’il eut
cru que l’objet &c l’état de cette cauie fuilènt connus
Quoi! je me luis pourvu contre mon emprifonnement,
& on ofe dire que je n’ai pas intérêt à faire rejetter par
la voie de l’infcription de faux le prétendu procès ver-j
bal , par lequel on a voulu conftater cette injure dont
je me plains ? Sans ce procès verbal je n’aurois pas été
cenfé emprifonné ; s’il n’exiftoit p a s, il n’y auroit pas
de conteitation fur ma demande, & je n’aurois pas le '
droit de fuivre l’inicription de faux qui produira le
tticnie effet ? Il n’eil queftion que de dépens, dit le fieur
•^eibehes: eh bien, la caufe fut-elle réduite à ce point,
nc ferois-je pas recevable à m’inferire en faux contre
k pièce introdu&ive de l’inftance ? Mais il en eft au
trement , l’outrage qui m’ii été fa it, l’ignominie par la
melle on n’a que trop réufli à ternir ma réputation &
tarir mes reiTources , font les objets à examiner &• ceux
° nc je nie plains.
I
�lâr
M a is , ajoutentencorcmes adverfaires , le procès ver
bal , cette pièce arguée de faux efl indifférente ou peu
intérejjante pour la décijlon ; s’ il en eii ainfi, il n’y a
qu’à la rejerter de la caufe , l’inicription de faux ne
tend qu’à cela ; fi au contraire cette pièce fert de ba.fe
aux prétentions du iieur Defoches, elle me nuit, & je
fuis fondé à l’attaquer par les voies de droit ; or l’infcription de faux eft de ce nom bre, donc, &.c.
3 0. On foutient que je ne fuis pas à temps de m’infc
crirecn faux , que j’ai couvert le vice de la pièce arguée
de faux, foit par la lettre que j’ai écrite au heur Defoches,
foit par le payement que je lui ai fait.
Commençons par répondre à cette derniere partie
de l’obje&ion ; fi elle étoit fondée, je r.futerois inu
tilement la premierc.
J ’ai payé au heur Defoches tout ce qui lui étoit du ,
môme 30 livres d’intérêt de plus que ce qui lui étoit
du. (
Les conventions font les Loix , & ce n’eft pas
( a ) Pour qu’ on ne puifTe pas critiquer ce que j’avance , je l'établis
par le compte que fit le fieur Defoches dans l’a&e inftrumentaire du
i l Juin d ern ier, dont voici les cxpreifions.
Il
déclare qu’il lui étoit du lu Jbmrnc de z z j o livres , montant de ladite
lettrede c/iu/ig-«, ( je n’avois reçu que n o o l . ) , c y , . IZ30 1.
Pour les intérêts de ladite fomme principale, dcduïïton faite des vingtièmes £t deux fols pour livre ,
celle de 5 7 livres i j fols , c y ,
.
.
.
.
57
1 7 f.
Pour fra is faits jufquà Femprifonncment, excluftvcmcnt
livres 1 7 Joîs g deniers, c y ,
.
.
34
17
9 à.
Toutes lefquelles Çommes revenant t) celle de t J
2-2,
—
*
.......... '—
"■■
■
-
¡ivres 14. fols çf deniers, cy ’,
.
.
.
• 1 3 1 1 1. 14. f. ç d.
Sur laquelle fomme le fieur Defoches déchire avoir reçu en deux dijférentes fo is , ( en Jan vier 1772.. ) par les mains du Jieur Arny $ 3 livres ,
partant il lui refie encore dû celle de tZ-Zÿ livres 1 4 Jols ,9 deniers, &
à r infant ladite Dcmoifelle Duijfon, {femme de Me. Barthelmy, ) ayant
�a moi qu’on peut faire le reproche , que celle par la- .
quelle le fieur Defoches s’eft autorifé à retenir les 30
livres , eft contre les bonnes mœurs ; mais en payant au
fieur Deioches ce qu’il avoit droit d’exiger de moi ,
ai-je renoncé à. ce que j’avois droit d’exiger de lui ,
ces objets n’étant pas dans le'çâs de la compensation ?
J ’ai payé une fomme que je devois, & j’ai fait des
referves expreiles & réitérées de ce qui m’étoit dû ;
je les ai expliquées; c’eft la réparation de l’injure'&
du tort qui m’a été fait par le fieur Defoches, ;'j’étois
en inftance en la Cour pour raifon de ce fait, je me
fuis réfervé la fuite de cette inftance ; l’a&e notarié du
2-2, Juin en contient la preuve à chaque page.
Dans cette inftance j’attaquois faite du 1 1 JuiiVcornnie nul & vexatoire , je m’étois réfervé
dans mes
requêtes en la Sénéchauifée, & dans.celles en l a d o ü r , 7
de me pourvoir en infcription de faux; mes droitsfont:
mta&es à cet égard , je dois être reçu à cette pourfuite.'
Je vais plus loin, &: joignant ici la lettre que ¡ ’écri
vis au fieur Defoches à la quittance qu’il m’a fo u rn i,4
je foutiens que ces deux pièces, fuilent-elles approba->'
tives de l’a£te en queftion , je ne ferois pas moins enx‘
droit de l’attaquer par infcription de faux ; j’en tiré la •
preuve de l’article a du titre 2. de la mêmcvOi*doh^\
nance de 1 7 3 7 , qui veut que la pourfuite! d ù rrfaüx •
incident foit reçue, encore que les pièces prétendues fa u fH.
confcnti que ledit fieur Defoches reçoive ladite fomme de
livres
f ° t s 9 deniers , auxdites conditions & fous toutes ces protefla tidns Çf refer- ■
vr cs » & en exprès de fes dommages intérêts à raifon £ emprifonnement dudit 1
peur Uarthelmy, frais & dépens ; ledit fieur^Defoches , jous les mîmes reJerves & protejlations contraires, a reçu préfentement ladite fomme de'
1
livres z/j. fols 9 deniers, dont quitte d'autant.
.
�***
1^
1 6-
Jès ayent été vérifiées , menu avec le demandeur en
fa u x , à dautres fin s que celles d'une pouifuite de fa u x
principal ou incident , & que même en conféquence il
ioit intervenu un jugement fur le fondement defdites
pièces comme véritables.
Quant à la lettre du n Ju in , je fuis fnrpris que le
fieur Defoches en ait fait ufage ; elle dément les quali
tés d’indulgence , de bonté & de bienveillance dont il
fe pare; j’y inférai des expreflions propres à toucher le
prêteur le moins humain , .le plus infenfible, elles frap
pèrent fur l’airain , je ne pus rien obtenir, pas même
le confentement du fieur Defoches à la vente que je
lui propofai de ma Maifon & de mon Office, pour en
emplpyer le prix à l’acquittement de fa créance.
Cette lettre enfin peut-elle être prife pour approba
tion du prétendu procès verbal ? j’ai articulé dans un
temps où elle n’avoit pas repafle fous mes yeux, lavoir
dans ma requête du n Juillet dernier quelle avoit été
écrite ' au moment même de mon entrée dans les prifons ,
& quelle fu t même remife au fieu r Defoches , une heu
re au moins avant que le procès verbal maintenu fa u x
eut été drejfé , à menie une heure avant que Barbet à
les deux Records , fe s ajjifiants , eujjent paru dans les
piifons. A ujourd’hui
après la communication que
j ’çn -ai prife , je prouve le fait par écrit. L a lettre
eil datée de quatre heures du foir, & le procès verbal
ne fut dreile qu’à iix heures , c’efl prouvé par l’aile
inilrumentaire fait aux Huiifiers dans le temps même
qii ils étoient occupés à écrire , porte l’aile. O r une let
tre écrite à quatre heures après midi peut-elle être prefentée comme approbation d’un a£lc écrit à fix heures
de la même foirée ?
¿J'o*
�x7
4°. Enfin on avance comme certain qu’il y a de Villufion dans les énonciations prétendues fauflès & pour
raifon defquelles je me luis pourvu.
L e développement qu’ont fait le fieur Defoches &
Barbet de cette objection iinguliere , annonce afïèz
combien leur caufe eft déplorable; ils ont avoué l ’un.
& l’ autre en plaidant, que dans le vrai Barbet n a aff if t i ni à la capture , ni à la conduite , ni à VempriJonnement , mais feulement à la rédaction du procès ver
bal qui ejl de f i n ja it ; ils m’ont cependant foutenu
non recevable à m’inicrire en faux , fous prétexte qu’il
eft indifférent par qui que ce foit que j’aye été faifi,
l’ayant réellement é té, & qu’il feroit impoifible - de
trouver que Barbet n’étoit pas à cette expédition miitaire.
Peu d’attention fufEt pour faire appercevoir que*
mes adverfaires cherchent ici à éluder la diipofition de
l’article 38 de l’ Ordonnance de 1 7 3 7 > & à fe faire
communiquer, contre la prohibition de cette l o i , les
moyens de faux quej’ai h oppofer au procès verbal ,
& dont j’ai déjà été forcé de découvrir.une partie. Mais
fans entrer dans le détail du lurplus de ces faits, qui
étonneroient le Public & irriteroient la Juftice, j’exa
mine &. je détruis le prétexte de mes adverfaires.
J ’ai la preuve que les HuifTiers qui m’ont faifi n’avoient pas de titres &: ignoroient ce qu ils faifoient ;
cette preuve eft écrite dans l’a&e inftrumentaire fait à
Barbet le 1 1 Juin , dan? lequel il déclara que c’étoic
lui qui avoit les pouvoirs, ce fait étoit v r a i, il les
avoit reçu un quart d’heure avant des mains du fieur
Deioches.
'
O r il eft de principe que les HuifTiers ne peuvent
Î
C
�i8
exploiter , & encore moins faire des a£tes de la dernîere rigueur fans être porteurs de pouvoirs ; ii je prou
v e , par la pouriuite de l’inlcription de faux, que mon
empnlonnement, fous quelque face qu’on veuille l’envifager , n’eft pas du fait de Barbet non plus que de
fes Affiliants , il réitéra qu’il eft feulement du fait des
trqis Huiffiers que j’ai nommés, d’où rélultent deux
nullités : la premiere fondée lur notre Coutume qui
ne permet pas que des Huiiliers fe prêtent ainfi les
mains : la leconde fondée fur la circonftance avouée que
le fieur Defoches n’avoit donné aucun pouvoir à ces
Huiiïiers. D ’où j’irai plus loin , me trouvant à même
dès-lors d’indiquer celui qui leur avoit donné l’ordre
de me deshonorer. Il n’eit donc pas indifférent de favoir par qui j’ai été faiiî, & ma pourfuite en faux in
cident devient intéreilànte.
C ’eft bien inutilement que Barbet veut exciper des
énonciations du procès verbal nous avons ; il eft vrai
qu’il applique le nombre pluriel dans fon procès ver
b a l, mais feulement en parlant de lui & des deux
R e c o rd s, fes témoins , qui n’étoient pas à l’expédition,
on ne voit pas qu’à l’endroit où fe trouvent ces exprcifions il foit aucunement queftion des trois Huiiliers.
E t dans tous les autres endroits du procès verbal Bar
bet parle en fon nom feul. J e l ’ai d'abondantJbmmêy
& c , de payer audit , . . . ou à moi H u iJJier , & c . J e
leur ai à chacund ,eux , . . & c. D ’ailleurs peut-on com
battre l’infeription de faux par la pièce même mainte
nue fauilè ?
Dire qu’il feroit impoifible de prouver que Barbet
n ’étoit pas à l’expédition, c’eft un moyen miférablc :
qui. le fait eft négatif, mais il peut être conftaté par
�2>2>7
Ï 9
des faits pofitifs, & principalement yar celui-ci, bien effentiel a remarquer que le fieur Defoches n’a vu Barber,
& ne lui a donné de pouvoir qu’après mon emprifonnement; que mon cmprifonnement en un mot n e ij
pas du fait de cet HuifUer.
Ce fait, que mon emprifonnement n’eil aucunement
du fait de B a rb e t, eit déjà prouvé par Barbet même,
il fe tire d’une contradiâion groiïiere qu’il a fait
plaider à la derniere Audience, preuve indubitable
de l’impofture ; pour colorer fa conduite, Barbet iourint à la derniere Audience, qu’il avoit pofte lui-mêfïïechezTouvain les Huiifiersquimefaiiirent, & qu’ il s’étoit placé à la porte de M ontjoly comme au guer.
Il paroît qu’il ne connoît pas le local; de la porte
de M ontjoly on voit iàns obftacle celle de l’auditoire
de Chamalieres, & celle du çabaretier T ouvain , d’oii
fortirent les Huiifiers qui me faifirent près de la Salle
¿ ’Audience, à dix à douze pas de la porce de M ontjo ly ; ma capture caiifa une rumeur qui raiïembla tout
le V i ll a g e ; Ôi Barbet, fous les yeux duquel le tout fe
feroit paifé, n’auroit rien apperçu , ou témoin de la
fcene il n’y ieroit pas accouru pour y jouer un des
premiers rôles, lui qui prétend avoir eu les pouvoirs;
il auroit vu que l’on me conduiioit h l’inllant , & il
ne fe ieroit rendu aux priions que deux heures après
ma capture.
Ce que je dis cil il fufceptible de réponfe ? & que dev >enncnt d’après ces raiionnements les obje&ions de
nies adverfaires? je luis recevablc à m’inferire en 'faux
c cil d’évidence. La feule fin de non recevoir qui s^clevc frappe contre leur oppoiition , elle s établit fur les
nicmes moyens par lcfqucls j’ay réfuté celles qu’ils
m oppoibient.
C i
�Cette fin de non recevoir frappe plus fenfiblemen&
encore contre la demande de Barbet ; ion crime i’ in
quiété , il hazarde de m’arrêter dans les démarches
que je fais pour le démafquer ; le faux qu’un foraide
intérêt lui â fait commettre, lui paroît facile à cons
tater, il redoute la démonftration que produiroit l’infcription de faux incident, c’eft par cette raifon qu’il
s’y oppofe, & il a le front de demander des dom
mages intérêts, fans doute on le fait parler à fon infçu , il n’eft pas concevable qu’il pût fe duper ainfi
lüi-même.
' A l’égard du fieur Defoches, la pièce dont eft
queftion, doit être rejettée de la caufe , c’eft l’ Ordonnance de 1 7 3 7 qui le prononce : le défendeur, por
te l’article 1 1 du titre z , fera tenu dans ledit délai
( de trois jours ) de faire j'a déclaration précife s’il en
tend ou 5’il n entend pas f e fe iy ir de la pièce mainte
nuefi-ujje ; le fieurDefbches, dans l’embarras où le mettoitlaconnoifTance qu’il a du faux du procès v e rb a l, ne
s’eft expliqué ni pour le foutenir ni pour l’abandonner.
M ais___faute par le défendeur , ajoute l’article 1 1 y
d yavoir jatisfait à tout ce qui ejl porté par Farticle
précédent, le demandeur en fa u x pourra fe pourvoir
ci VAudience pour ja ire ordonner que la pièce main
tenue faujfe fera rejettée du procès par rapport au
défendeur. Je fuis donc en droit de demander le rejet
de cette pièce , j’y ai expreiTément conclu , & ma
demande ne peut éprouver aucune difficulté.
rL c procès verbal de capture ôc d’emprifonnement
ainii écarû , il ne s’enfuit pas que je n’aye pas été
enfermé dans les priions; c’cft en joignant la déri-
�iîon à rinjuftice; que le fieur Defoches a glofé fur.
ce point a la derniere Audience ; j’ai été traduit dans
les priions, mais feulement par un coup de force , &
non par autorité de la l o i , c’eft une avanie & un
affront fanglant que mes ennemis m’ont fait faire fous'
le nom de mon créancier , c’eft ma perte que l’o n ,
méditoit & non le payement de ce que je devois au
iieur Defoches.
{
L a loi, en rejettant'cc procès veVbal.comme faux ,
Jappe par les fondements la Sentence dont eft appel, .
qui n’avoit d’autre baie que cet a&e illufoire dans
toute la force du terme.
C ’eft fur cette pièce que les premiers Juges ont fon- !
dé leur décifion, malgré les nullités évidentes qu i‘en ‘
annonçoient la fauflèté , ôtqui auroient du bleffer leurs ,
regards; nullités qui dévoient faire proferire comme
indécent, irrégulier & vexatoire l’a&e que la pourfuite
d’infeription anéantit comme faux.
t
Je ne m’arrête pas au défaut de conftitution de. Procureur devant le Juge ordinaire, fi récommandée par '
les Règlements , 6c cffe&ivement fi eflèntielle dans des
a£les de cette cfpece ; plus les pourfuites lont rigoureufes, plus elles doivent être exactes, plus on doit donner
au défendeur les facilités de fe pourvoir par les voies
de droit. L e demandeur doit toujours être prêt à fè
défendre , & conféquemment indiquer fon Procureur ,
dans le tribunal oii les conteftations peuvent être
élevées. C ’cft l’eiprit des Ordonnances , & même la
difpofition textuelle de tous les Règlements' qui ; ont
trait à cette matière ; c’eft par ce moyen que le fieur
Gallien, d’Iffoire, obtint des dommages intérêts confiderables, au mois de Mai dernier, contre uUde-fcscican'. '
�ciers. légitimes, à la requête duquel il avoit été tra
duit dans les priions de la Sénéchauiïee , d’ A u vergn e,
par B o yard , l’aîné , Huiiîier en cette V ille , qui s’étoit
contenté de conilituer'Procureur à la Coniulaire.
" Mais qu’efl-cè qirunc irrégularité de procédure aux
yeux de ceux qui ne craignent pas d’enfreindre la fauvegarde prononcée par la Coutume &: les Loix ? J ’ai été
faiii au moment où, j’allois exercer mes fondions com
me Procureur d’Office,' & défendre mes intérêts com
me particulier, ces faits ne font pas conteftés , & pouvoient-ils l’être ? 'D’un côté je rapporte les dofïiers des
affaires qui me font perfonnelles, ÔC dans lefquelles on
trouve dès form ations du commencement de Juin , à
verïir,plaider à,la première Audience; l’une étoit con
tre le norhme Girard , ,Meunier à Chamalieres , elle
a été terminée depuis; l’autre contre Jacques Chaput,
Meunier à R o y a t , elle cil indécife ; d’autre part les
régiilres dn Bailliage de Chamalieres, qui conduifcnt
dès temps les plus reculés jufqu’a nos jours, conflatent
que. les Aiîifcs. des Jüiliciables de ce Bailliage fe tien
nent le 1 1 Juin , fur les trois heures 6c demie ou en
viron ; c’eil à cette heure qu’elles dévoient être & ont
été tenues cette année , elles fe font rencontrées au jour
de l’Âudiencc; les Vaifcaux & les Plaidants avoient
été appcllés par la cloche ordinaire, torique le Bailli
me fit avertir par Palliet ; le cer ificat du Greffier l’an
nonce. C ’eil à la porte même de la falle que je me
vis aifailli ; le procès verbal d it , fur La place publique ,
près du Château, c’eil l’auditoire même ; ce 11 a cette
entrée que'les Huifliers parurent encouragés par quel
que génie courroucé, & d’autant plus hardi, &c déter
minant qu’il étoit inviiible ; étoit-il libre au iieur
�Defoches , étoit-il décent à mes ennemis de me faire
faiiir à cet inftant ? les Lo ix générales, la Coutume de
cette Province, íes voiíines, la Juriiprudence 6c les
Auteurs répondent pour moi ; j’y renvoie le fieur
Defoches , il me refte à peine ailez de temps pour les
citer, mais je me réferve d’en faire voir les fondements,
& d’en faire développer les conféquences par la plaidoierie.
Quique litigandi caufa necejje habet in jure vel certo
loco fijli. . . . . . in jus Jin e permijjii meo ne quis vo, l. 4 , ff. de in jus vacando.
C ’eft fur le fondement de cette L o i , & de la né^ ceiïité de faire reipe&er la juftice, que l’Ordonnance
de 1 5 7 1 défend , fous les peines les plus griévcs, d'ou
trager ou excéder les Officiers de Juilice.
» Les allants devenants 'es foires & marchés pu» blics,ou en Cour, pour expédition de leurs c au les ,
3> dont ils feront crus par leur ferment, lie doivent
» être pris ni arrêtés, ni détenus en corps 011 en biens
» pour aucunes dettes ou matière civile. » Article 62 du,
titre des exécutions , & c. Sur quoi le procès verbal,
dans le détail des articles de la Coutume admis en'droit
écrit, s’exprime ainii : tout Ledit titre des exécutions y
y entes &JiibhaJlations 5 memement le Cze. article d!icelui
titre.
.
L ’atticlc 1 3 3 de la- Coutume du Bourbonnois, <Sç.
larticle 400 de celle de la Marche , ont des difpoii-,
tions femblables à la nôtre.
Il fut rendu Arrêt au Parlement de Paris lç dernier.
Décembre 15 6 3 v par lequel un. Huiflicr .qui avoit
emprifonné avec fcandalc un Prêtre qui ..vcnoit de
chanter-, fut condamné en l’anlcnde envers le lloi', 6p
�>
/ K
^
à des dommages intérêts envers la partie. 11 eft ra p
porté par DesbroiTe & Brilion , & c.
•L/ôn trouve cité dans les ouvrages de ces Auteurs
un autre Arrêt du même parlement du 26 N o vem
bre 1 6 8 0 , qui prononce les mêmes condamnations
contre un HuiiTier qui avoit emprifonné un Curé
le lendemain de N oël ; &Boniface en rapporte un du 9
A oût 16 4 1. qui cailà l’emprifonnement qui avoit été
fait d’un Soldat pour dettes civiles.
Il eft rare de voir enfreindre les réglés par des coups
de vexation de cette nature ; nous ne voyons pas que
ce fait foit arrivé depuis long-temps, mais lee Auteurs
nous aiTurent que la même décifion feroit prononcée.
Prohet, fur l’art. 6 1 du titre 24. de notre Coutu
me , dit qu’il eft exécuté, même nonobftant tous les
privilèges que pourroit avoir le créancier, & qu’il a été
ainfi jugé , lui plaidant, pour un débiteur de fermages.
Auroux des Pomiers, iur l’art. 1 3 3 de la Coutume
de Bourbonnois , s’explique d’une maniéré à ne pas
permettre de douter que ces maximes ne doivent être
& ne foient en vigueur aujourd’hui.
» A u refte , dit i l , le même privilège qui eft accor5> dé à ceux qui fréquentent les foires cfi o&royé par
» notre Coutume au préfent article , & par celles d’A u» vergne & de la M arch e, aux articles cottés confor» mément à la loi q u iq u e l i t i g a n d i , à ceux qui vont
» en jugement ou en Cour pour l’expédition de leurs
» caufes , &c toutes veulent que ces allants & venants
» aux foires ou en jugements foient pour raiion de
» cette venue crus à leur ferment. »
Le ficur Defoches me difpcnfc de faire le ferment,
les faits que j’articule font prouvés par écrit. M e ren
dant
�^>4
^
•
dant à l’audience pour folliciter le jugement de mes
affaires perfonnelles , je ne pouvois pas ctre ia ifî, &
on croit bien moins en droit de me faifir, confidéré
comme me rendant à la continuation de mes fondions
de Procureur d’Office.
Comment les premiers Juges ont-ils donc pu fe
déterminer à rendre la Sentence dont eft appel ? je
ne penfe pas que l’obje£Hon faite par le fieur Defoches, que je ne fus pasfaifi en robe, leur ait fait impreffion, ils font initruits que jamais les Juges de Chamalieres n’ont exercé leurs fondions en robe , ÔC
d’ailleurs j’allois à l’Audience, & les règlements n’o
bligent pas d’aller ou de venir en robe. Les pre
miers Juges fe font décidés fans doute par l’alléga
tion indifférente d’un A rrêt qui a confirmé l’emprifonnement d’un Juge pris en robe ; il en auroitété
autrement, s’ils en euifent confidéré l’efpece , là il s’agifloit d’exécution d’Arrêt rendu à la Tournelle , 6c
il n’ étoit queiHon à mon égard que d’une dette civile.
Que le procès verbal d’emprifonnement foit cafie
comme nul & injurieux, ou qu’il foit anéanti comme
faux, alternative nécciïàire , je dois obtenir des dom
mages intérêts contre le iicur Defoches , & j’en fais
l’obfervation pour diiïiper l’eipérance qu’il s’étoit for
mé en mettant Barbet en caufe, de me faire pren
dre des conclufions contre ce dernier; ce n’cft point
Barbet qui m’a faiii & emprifonnc, il n’a trempe
dans cette affaire que pour commettre un faux ; ce faux
m autoriferoit à l’a&ionner lui-mcme , mais je puis me
borner au lieur Dcioch es, faclum judicis 7facïum partis ;
�à plus forte râiion le pourfuivant doit-il répondre du
fait de ion agent ; cette raifon 6c l’iniolvabilité des
A u teu rs, ou pour mieux dire des exécuteurs de ma
capture, m’ont empêché d’aifigner les trois Huiiïiers
qui ont agi par les ordres de mes ennemis.
A quelle iomme la Cour fixera-t-elle ces domma
ges intérêts , je m’en rapporte à ia juftice , à laprudence ; elle connoît la perte que j’ai eÎTuyé, l’injure que
j’ai fouffert 6c le motif de la vexation. On a porté
coup à ma liberté comme citoyen , lorfque fous la
fauve-garde de la Coutume 6c des Loix , j’allois follicitcr le jugement de mes caufesperfonnelles : lorfque
je faifois tout ce qui étoit en moi pour me procurer
les moyens de fatisfaire mon Créancier. Comme P ro
cureur d’Office j’ai été arrêté dans le moment où je
me rendois à mes fondions, à la porte du Tribunal
de la Ju ftic e, dont j’allois demander l’exécution des
décrets. O n a particulièrement choiii cette circonilance , on en a certainement tramé le projet ; tous les au
tres jours 6c à chaque inftant du jour on auroit pu
me faire faiiir d’une manière moins éclatante 6c moins
ignominieufe ; mais on chcrchoit à m’outrager, à m’humilier , à m’avilir aux yeux de tous ceux fur la con
fiance dcfquels cil fondé mon état ; on attend le mo
ment où tous les Vaifaux 6c tous les Jufticiables du
Bailliage de Chamalicres font aiîemblés ; on me laiflè
placer au milieu d’eux à la porte de l’auditoire, c’eft
alors qu’on s’oppofe à mon entrée , pour me faire pré
fumer indigne d ’entrer dans le ianétuaire de la Ju fticc;
on me tait enlever du milieu de mes clients, pour leur
fuggércr qu’ il ièroit dangereux de me laiiler vivre avec
gux ; tout le peuple à dû me croire criminel, c’eft ce
�2\^
dont on vouloit le perfuader ; & qui ne l’auroit ima
giné, me voyant brutalement traîné par trois H u iffiers
inhumains, dans lefquels les ordres de mes ennemis
avoient éteint la fenfibilité même la plus groffiere ?
on affecte de me faire traverfer les lieux les plus peu
p lés, & dans chaque carrefour, à chaque pas on me.
tient immobile pour donner le temps à la populace
de voir mon humiliation, & la frapper affez pour
lui faire rappeller de l’ignominie dont elle me voyoit
couvert. Hélas ! l’obfcurité des prifons fut un foulagement pour moi, jufqu’au temps où le fieur Defoches,
rejettant les proportions honnêtes que je lui fis, &
dédaignant les furetés que je lui préfenta i , fit fceller
la vexation par un faux. Le peuple ne pénétre pas le
fond des chofes, le bruit le frappe, les apparences le dé
cident; il me croit criminel depuis qu’il m’a vu traité en
fcélérat; la confiance qu’il avoir en moi formoit cepen
dant mon état. J ’ai donc perdu à la fois ma fortune &
mon honneur ? & c’eft le fieur D efoches, qui, pour obli
ger mes ennemis, m’a caufé cette perte irréparable ; tout
s’intéreffe à ma vengeance , je la demande à la C o u r ,
&
je l’attends de fa juftice.
Si gné, B A R T H E L M Y .
M. D U F F R A I S S E
Avocat Général.
J
A
C L E
D E
o u r d a n
R M
V E R N IN E S ,
, Procureur
O N T . F
E R R A N D ,
l'imprimerie de P i e r r e
V I A L L A N E S , Imprimeur
du Roi , près l ’an cien Marché au B le d . 17 7 2 .
des
Domaines
*
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Barthélémy, George. 1772]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Barthélémy
Duffraisse de Vernines
Jourdan
Subject
The topic of the resource
juridiction consulaire
notaires
destitution
lettres de change
prison
assises des justifiables du bailliage de Chamalières
fausse coutume
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
huissiers
dommages et intérêts
diffusion du factum
opinion publique
arrestation publique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître George Barthelémy, notaire royal, et procureur d'office au bailliage de Chamalières, appellant, demandeur et défendeur. Contre sieur André Desoches, entreposeur des tabacs en cette ville de Clermont-Ferrand, intimé et défendeur. Et contre Pierre Barbet, huissier en la Cour, intervenant et demandeur.
Table Godemel : Emprisonnement. Si l’emprisonnement est nul, injurieux et vexatoire pour avoir été effectué en foire au moment où l’emprisonné, officier public, se rendait à l’audience, est-il dû des dommages intérêts ? une inscription de faux incident contre un procès-verbal d’emprisonnement, a-t-elle pû être faite sur simple requête ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1772
Circa 1770-1772
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0612
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53021/BCU_Factums_G0612.jpg
arrestation publique
assises des justifiables du Bailliage de Chamalières
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
destitution
diffusion du factum
dommages et intérêts
fausse coutume
huissiers
juridiction consulaire
lettres de change
notaires
opinion publique
prison