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C ONSULTATION
[!;.:■ C, P
COUR
-/IMPERIALE
D E RIOM.
2 e . CHAMBRE.
L
e
c o n s e il
s o u s s ig n é
,
Après lecture du jugement contradictoire, rendu au tribunal
civil de Clermont-Ferrand, le 2 0 mars 1 8 1 2 , entre M . A u b i e r L a m o n t e i l h e p è r e , d’une part ; M. et M me. d e S a i n t - M a n d e ,
son beau-frère et sa sœ ur, et la d a m e C h a m p f l o u r , veuve
L a m o n t e i l h e , sa belle-fille, d’autre part;
C onsulté , 1°. sur la manière dont la transmission du GrandV erger, situé à Montferrand, que réclame M. Aubier, doit être
opérée pour être irrévocable ;
20. Sur l’intervention de la dame Champflour, veuve Lamon
teilhe ;
que M. Aubier doit attendre avec sécurité la décision
de la Cour impériale de R io m , sur l’appel interjeté par M. et
Mme. de Saint-M ande, et par la dame veuve Lamonteilhe , du
jugement sus-énoncé.
E stim e
1°. M. et Mme. de Saint-Mande ne refusent pas de transmettre
a M. Aubier la pleine propriété du Grand-Verger : les conclu
sions im prim ées, signifiées en prem ière instance, en contiennent
l’offre précise.
�Mais M. et Mme. de Saint-Mande, après avoir dit que jam ais
ils rion t refusé au sieur slu bier de lu i passer acte devant no
ta ire, et à ses f r a i s , ajoutent : Pourvu que le sieur A ubier ne
donnât point dans cet acte , à la dame sa sœ ur, les fausses
qualités de prête-nom et de mandataire.
A in si, M. et M me. de Saint-Mande attachent à la transmission
du V erger, la condition qu’elle ne sera point faite de la part de
la dame de Saint-M ande, comme ayant été la mandataire de
M. Aubier dans.; l'acquisition qu’elle en a faite de la nation.
Cependant la transmission offerte par M. et Mm*. de SaintMande doit avoir une cause : pourquoi ne pas vouloir exprimer
la véritable, la seule cause qui y donne lieu? M. Aubier doit
compter sans doute sur la délicatesse de M. et M” e. de SaintMande ; sans doute ils ne cherchent point à rendre illusoire la
transmission qu’ils lui feraient ; mais beaucoup trop d’inconvé*;
niens, étrangers même à M. et.Mme- de Saint-Mande, pourraient,
résulter d’une subrogation à la propriété du V erger, qui serait
faite sans cause, ou qui aurait une cause autre que celle qui
existe réellem ent, pour que M. Aubier ne doive pas persister
h demander une transmission à sa sœur, cpmme.n’ayant acquis
que pour lu i, d’après les pouvoirs qu’il lui avait.donnés .et qu’ellft.
ayait acceptés.
*
L ’existence d’un mandat entre M. Aubier et M me. de Saint) Mande, ne saurait être problématique.
L e contrat de mandat peut se former sans qu’il intervienne
aucune déclaration expresse de la volonté des parties. Il peut
être donné par lettres, et son acceptation peut résulter de
1 exécution qu’il a reçue de la part du mandataire. Pothier,
Traité du contrat de m a n d a t, chap. i er- > section 5 , nos. 28
et 29. — Code N apoléon, art. i g 85..
O r , le fciandat donné par M. A u b ier, son acceptation par
M me. de Saint-Mande, sont établis, non-seulement par les lettres
de M me. de Saint-Mande, que rapporte M. A ubier, mais encore
«
�( 3 )
f?
par les différens actes passés dans la famille depuis le retour de
M. A ubier, et surtout par l’acte du 18 floréal an g ( 8 mai 1801 ).
Les expressions de ces lettres, de ces actes, sont claires; et il
en sort positivement que ce n’était que pour M. Aubier que
M 1,,e. de S a i n t - M a n d e , d’après les pouvoirs cju’elle avait reçus
de lu i, se rendit adjudicataire des biens qui lui appartenaient,
vendus par la nation.
<
M. et Mme. de Saint-Mande ont contesté faiblem ent, en point
de fait, l’existence du mandat. Ils se sont retranchés sur le point
de droit ; et c ’est sur le point de droit cjue M. Aubier demande
particulièrement l’avis du Conseil.
La loi du 28 mars 179D avait déclaré les émigrés banrtis à
perpétuité du territoire fr a n ç a is , et morts civilement. Suivant
la même lo i, tous les biens des émigrés étaient acquis à la répu
blique. La loi du 12 ventôse an JB, relativement au!x émigrés
avant le 4 nivôse an 8, confirma le principe qu’ils ne pouvaient
-invoquer le droit civil des Français,
M. Aubier ayant été inscrit sur la liste des émigrés le 7 floréal
an a , a-t-il pu ensuite donner à Mn,e. de Saint-Mande un mandat
à l’effet d’acquérir pour lui ceux de ses biens séquestrés qui
seraient vendus par la nation?
Mn,e. de Saint-Mande a-t-elle été liée par l’acceptation et l’exé
cution de ce mandat?
M. et M'ne. de Sàint-Mande soutiennent la négative.
Il est facile d’é ta b lir, d’après les principes élémentaires du
droit, et d’après la jurisprudence,
Q ue le mandat est du nombre des conti-ats du droit des gens ;
Que les émigrés étaient capables de tous les actes qui dérivent
de ce droit :
D ’où se tirera la conséquence que M.' Aubier et M me. de Saint-
?
r V .;
�C4)
Mande étaient respectivement liés par le mandat donné par l’un
et accepté par l’autre.
On a distingué, dans toutes les législations, le droit des gens,
du droit civil.
Les hommes forment différentes sociétés. Il existe des relations
entr’eu x , soit qu’ils fassent partie de la même société, soit qu’ils
fassent partie de sociétés différentes. C ’est comme hommes, et
non comme citoyens d’un é ta t, qu’on doit alors les considérer.
Sous ce rapport, les hommes sont régis par des régies générales,
qui ont été puisées dans la nature, et qu’ils observent tous éga
lem ent, sans qu’elles soient soumises, quant à leur substance,
à aucunes formes particulières.
Ces règles constituent le droit des gens. Qnod naturalis ratiointer omnes homines constitu.it, id apud omnes perœque custo d itu r, 'vocaturque ju s gentium , quasi quo jure ovines gentes
utantur. Instit. de jur. nat. gent. et c i v ., §. i er.
Chaque société, indépendamment des régies universelles, est
soumise aux règles particulières qui ont été établies spéciale
ment pour les hommes qui la com posent, ou q u i , communes
à tous dans leur principe, reçoivent des modifications pour cette
société ; règles particulières qui peuvent faire dépendre la vali
dité des actes qu’elles autorisent, de certaines formalités ou con
ditions qu’elles imposent.
Ces règles constituent le droit civil. Quod quisqitc populus
ipse sibi ju s constituit, id ipsius propriurn civitatis.est, -vocaturque ju s civile , quasi ju s proprium ipsius civitatis. Ibid.
Les relations entre les hommes de différens états devaient
avoir particulièrement pour objet la vente , le louage , le p r ê t,
le commerce, le m andat, la société , le d ép ô t, etc. Aussi les lois,
contiennent-elles l’énumération des contrats , comme tenant en
général au droit des gens. E t e x hoc jure gentium omnes petic
contractus introdueti s u n t, ut emptio et v en d itio , locatio eù
�’
5 }
concluctio , societas , depositum , m utuum , et a lii innumerabiles. Ibid. § 2.
L. 5 , ff. D e justit. et fur. — L. i 5 , ff. D e
interdict. et releg. et déport,
Les adversaires de M. Aubier ont soutenu en première ins
tance , et dans les conclusions imprimées , que le mandat est
un acte qui appartient au droit civil.
Les lois citées ne font pas , à la v é rité , une mention parti
culière du m a n d a t, dans les contrats qu elles disent avoir été
introduits par le droit des gens ; mais serait-il possible que le
mandat ne fût point compris dans ces expressions employées
dans les lo is, et a lii innumerabiles, et caetera sim ilia ?
L e mandat est de sa nature un contrat de bienfaisance, un
contrat qui repose sur la confiance qu’une des parties a dans
1 autre. Il est gratu it, à moins de convention contraire, et le man
dataire fait un office d’ami. A ces caractères on doit reconnaître
un contrat du droit des gens.
D ’ailleurs, le mandat se rattache le plus ordinairement aux
contrats dont parlent les lois , tels que la vente , l’échange , etc.
Un étranger ne peut souvent acquérir et vendre que par le
ministère d’un tie rs, à cause de la distance où il se trouve du
lieu de la vente. Pourrait-il ne pas charger ce tiers de traiter
pour lui? sa présence serait-elle une condition inhérente à la
capacité que la loi lui donne? et en étendant cette réflexion aux
émigrés , q u i, comme on l’établira bien tôt, pouvaient consentir
tous les actes du droit des gen s, n’aurait-ce pas été les en pri
ver que de les obliger à traiter en personne, eux q u i, d’après
la loi du 28 mars 1793, étaient bannis à perpétuité, et ne pou
va ie n t, sous peine de m ort, enfreindre le bannissement?
Le mandat est donc essentiellement un contrat du droit de*
gens. Aussi les auteurs qui ont eu occasion de s’en expliquer ,
ne se sont même pas fait de difficulté à cet égard.
« Le contrat de mandat est de la classe de ceux qu’on appelle
« contrats du droit des gens y contractus ju n s gcntium ; il se
3
�(6 )
« régit par les règles du droit naturel. L e droit civil ne l ’a
« assujéti à aucunes form es, ni à aucunes règles qui lui soient
« particulières, » P o th ier, du contrat du m andat, cliap. i er. ,
section i erc. , n°. 2.
v L e mandat est de la classe des contrats du droit des gens;
« il n’est assujéti à aucune forme ni à aucune règle qui lui soit
cc particulière. Il est aussi-du nombre dés contrats de bienfai« sance, etc. » Répertoire de jurisprudence, au mot M a n d a t,
§. i er., n°. xer.
>
« Le droit des gens est celui qui lie tous les hommes en gé« n é ra l, abstraction faite des sociétés politiques auxquelles
« chacun d’eux peut appartenir. Les actes qui émanent de ce
« droit sont ceux qui établissent des relations entr’e u x , tels
« que la •vente , le dépôt, la société, le p rêt, le m a n d a t etc. »
M. Grenier, Traité des donations et testamens, discours histo
riqu e, page i ere.
,
\
Après avoir établi que le mandat doit être rangé parmi les
contrats du droit des g en s, examinons si les émigrés pouvaient
consentir des pareils contrats.
Les lois prononçaient contre les ém igrés, le bannissement à
perpétuité et la mort civile. O r, dans le droit romain, comme
dans l’ancien droit français, la mort civile, résultant de la dépor
tation ou du bannissement perpétuel, n’emportait que la perte
des droits civils. Les bannis, morts civilem ent, restaient capa
bles de tous les actes du droit des gens.
On trouve ce principe dans la loi i 5 , ff. D e interdictis et
relegatis et deportatis, déjà citée. Deportatus civitatem am ittit,
non llbertatern ; et speciali quidem ju re civitatis non f ru itu r,
ju re tamen gentium utitur.
R icher, dans son Traité de la mort civ ile, page ao 5 , après
avoir dit que , suivant les lois romaines, il est certain que la mort
civile ii’empéchait point d’acquérir à titre onéreux, et de vendre
%
�(7 )
ce qu’on avait acquis; qu’en un m ot, elle ne portait aucune
atteinte à la capacité active et passive, par rapport à ces sortes
de contrats , ajoute :
« T elle était la jurisprudence des Romains sur cette matière ;
« et nos auteurs décident presque tous unanimement que la
« même chose s’observe parmi n ou s, et que celui qui est mort
cc civilement peut jouir des biens par lui acquis depuis sa mort
« civile encourue.
« Carondas , en ses observations , au mot b a n n i, rapporte un
ce arrêt du 5 juillet i 558 , qui a jugé qu’un homme banni à per
te pétuité hors du royaume pouvait trafiquer en France par cor« resporidant, n’étant pas de pire condition qu’un étranger, et
« n’étant pas mort civilement à l’égard du pays où il demeure,
cc O r , cette permission de trafiquer renferme nécessairement
« les facultés qui constituent le trafic, c ’est-à-dire, d’aliéner
« et d’acquérir.
« Lebrun , en son Traité des successions , livre i er. , cliap. 2 ,
« section 2, n°. 9 , dit qu’on succède aux acquisitions faites
cc par un homme condamné au bannissement perpétuel, depuis
cc sa condamnation exécutée : d’où il suit que cet auteur concc vient qu’un homme en cet état peut acquérir. »
Richer pense néanmoins que pour décider de la capacité de
ceux qui sont dans les liens de la mort civile , même par rapport
aux contrats du droit des gens, il faut distinguer les causes qui
opèrent la mort civile. A in si, si elle provient d’une condamnation
à mort naturelle prononcée par coutum ace, il incline à croire
qu’elle ne laisse pas à celui qui l’a encourue, la faculté de con
tracter , au moins dans le royaume.
cc Mais il n’en est pas de m êm e, d it-il, à l’égard de ceux
cc qui n’ont été condamnés qu’à une peine q u i, en leur laissant
cc la v ie , les retranche du nombre des citoyens , comme les gâ
te 1ères ou le bannissement à perpétuité. La justice a cru devoir
cc leur laisser la faculté de vivre. Elle leur a enlevé l’être c iv il,
ce mais elle leur a laissé l’être p hysique, même l’être moral.
4
•
�« N ’ayant pas voulu le leur en lever, elle tolère qu’ils usent des
« moyens qu’ils peuvent tirer de leur industrie, pour se le
« conserver. »
Despeisses, tome 2, page 683 , en rapportant l’arrét du 5 juillet
i 558 , cité par Richer d’après Carondas, enseigne le même prin
cipe.
« L e banny à perpétuité, dit cet a u te u r, s’estant retiré en
« autre pays, y peut user du droict commun. Ainsi un tel banny
« ayant envoyé des marchandises en France pour les y faire
« vendre par sa fem m e, et le procureur du roi les ayant fait
« saisir, par arrest du parlement de Paris, du 5 juillet i 558 ,
« elle en eust main-levée contre le procureur du roi ; car il ne
« doit pas estre de pire condition que l’estranger, et partant
« audit pays il peut contracter, etc. »
On lit dans le Recueil de jurisprudence civile, deRousseaudLacom be, au mot Bannissement, n°. 3 , qu’i l n y a que les bannis
à perpétuité du royaume q u i soient morts civilement.__q u ’ils
retiennent ce qui est du droit des gens...... q u ’ils peuvent tra
fiqu er en France par correspondans. Rousseaud-Lacombe cite
Legrand , sur l’article i 35 de la coutume de Troyes , glos. uniq. r
n05. 54 et 35 , et l’arrét du 5 juillet z 558»
Si dans le droit rom ain, et dans Tancien droit français, le
banni à perpétuité pouvait faire tous les actes du droit des gens,
l’ém igré, sous l’empire de la loi du 28 mars 1793, aurait-il pu
ne pas avoir la même capacité?
Sans contredit, suivant les lois d’alors, l’émigration était con
sidérée comme un grand crim e; mais c ’était un crime politique
qui portait atteinte aux lois particulières de la F ran ce, sans
porter atteinte aux lois universelles et fondamentales reconnues
par toutes les nations, et q u i , comme on l’a vu , forment le
droit des gens. A u x termes de la loi du 12 ventôse an 8 , les
émigrés ne pouvaient invoquer le droit civil des Français. La
peine de l’éinigration était donc bornée à la perte des droits
civils.
�( 9 ); . .
Et comment pourrait-on aujourd’hui lui donner plus d’exten
sion ?
La mort civile encourue par suite de condamnations judi
ciaires , et pour crimes que toutes les nations punissent égale
m ent, ne prive pas néanmoins ceux contre lesquels elle a été
prononcée , de la capacité de contracter. Celui q u i, à cause de
ses opinions, fut forcé de s’expatrier , serait-il traité avec plus
de rigueur ?
Ajoutons que la position de M. Aubier lui imposait la néces
sité d’une fuite q u i , de la part de beaucoup d’autres , était vo
lontaire. Les 11 et 20 août 1792, des mandats d’arrét avaient é té
décernés contre lui par le comité révolutionnaire de Paris. Ses
co-accusés périrent peu de jours après sur l’échafaud.
- Les anciens principes sur les effets de la mort civile n’ont
donc reçu aucun changement par rapport aux émigrés. La Cour
de cassation l’a ainsi décidé par d iffé r e n s arrêts. Il y a p lu s, la
Cour de cassation a jugé que les peines portées par la loi du 28
mars 1795, et les lois subséquentes , n’avaient été établies quo
dans l’intérét de la nation.
Les arrêts de la Cour de cassation, qui sont en date' des 24
germinal an 4 , 20 fructidor an 1 1 , i 5 ventôse an 12 , 28 frimaire
an i 3 , et 28 juin 1808 , ont été rendu s, les uns contre des
émigrés qui demandaient la nullité d’actes par eux consentis
pendant leur inscription ; les autres en leur faveur (1).
Nous nous bornerons à citer quelques-uns des motifs des deux
derniers arrêts.
1.
«
et
«
cc
« Attendu , porte celui du 28 frimaire an i 3 , que les
sitions prohibitives des lois des 28 mars et 26 juillet
ne sont relatives qu’il l'intérêt n a tio n a l, et que par
quent l’émigré , auteur de l’aliénation, ainsi que ses
sentans , sont non recevables à s’en prévaloir ; — q u e
dispo1793 ?
consérepréla dis-
(1) V o y . le Journal de D encvcrs, volume Je l’an 12, png. 97 et 44 1 > vol. de
l’an i 3 , Pag- 17^5 e*
1808', pag. 368 .
H *.
�et
«
cc
«
«
«
position de la loi du 12 ventôse an 8 , qui veut que ceux qui
étoient considérés comme émigrés avant le 4 nivôse an 8 , ne
puissent invoquer le droit civil des Français , ne peut s’appliquer qu'aux actes qui dérivent uniquement de la lo i civile
et du droit de cité , et que dans l’espèce il s’agit d’une vente ,
espèce de contrat qui est du droit naturel et des gens, »
« Attendu , porte également l’arrét du 28 juin 1808, que la
cc mort civile prononcée contre les émigrés par la loi du 28 mars
« 1795, ne leur interdisait que les actes dérivant du droit de
ce cité , et non ceux dérivant du droit naturel et des gens , tels
« que les acquisitions et oblig ation s........... »
La Cour de cassation a fait l’application du même principe,
dans un sens plus favorable encore aux émigrés.
P a r u n arrêt du 17 août 1809, elle a jugé qu’un émigré qui
avait vendu un i m m e u b l e , av a it p u , avant sa radiation, exer
cer l’action en rescision pour cause de lésion d’outre-m oitié,
et ester en jugement sans l ’assistance d’un curateur ; « Consi« dérant que la mort civile n’interdit aux individus qui en sont
c< frappés , que l’exercice des droits et actions q u i dérivent
« du droit civil; qu’aucune loi expresse, avant la promulgation
« du Code Napoléon , ne privait ces individus des droits et
« actions qui dérivent du droit des gens ; — Considérant que « la vente étant un contrat du droit des g en s, l’action en payecc ment du juste prix résultante de ce contrat, dérive nécessai
re rement du même droit des gens; — Considérant qu’à l’époque
« de la vente dont il s’a g it, comme à l’époque de l’action en res
te cision, le vendeur était inscrit sur la liste des émigrés, sans que
te l’ o b je t vendu ait été séquestré; — Considérant que celui qui a
ce droit de vendre, a conséquemment le droit d’exiger le prix... j>
C et arrêt est rapporté , précédé des conclusions conformes
de M. le Procureur-général M erlin, dans le Recueil des ques
tions de droit de ce m agistrat, au mot M ort civ ile , §. 3.
La jurisprudence constante de la Cour de cassation ne laisse
pas de doute sur la capacité qu’avaient les émigrés de consentir
�C
)
tous les actes du droit des gens ; et le mandat est du nombre
de ces actes. Mais on.peut citer un arrêt rendu même pour le
cas particulier du mandat.
Le 2 septembre 1807 , la Cour de cassation a décidé « que les
« émigrés ne peuvent exciper de la mort civile dont ils ont été
«c frappés, pour faire annuller les actes par eux fa its , ou par
« leurs fondes de pouvoirs, pendant la durée de cet é ta t( i) . »
Ce qui a été jugé contre les ém igrés, l ’aurait été contre les
tiers qui avaient traité avec le mandataire, si la nullité des actes
avait été demandée par eux ; et cela surtout d après le prin
cipe consigné dans l'arrêt du 28 frimaire an i 3 , que les disposi
tions prohibitives des lois sur Immigration n’étaient relatives qu’à
l’intérét national.
Quoi qu’il en soit, il résulte évidemment de l’arrêt du 2 sep
tembre 1807 , que les émigrés étaient légalement représentés par
des fondés de pouvoir dans les actes qui leur étaient permis.
L ’arrét du 5 juillet i 558 avait jugé la même chose, à l’égard
des bannis à perpétuité, en décidant qu’ils pouvaient trafiquer
par correspondans.
M. et Mme. de Saint-Mande font une objection fondée sur
l’article 20o5 du Code Napoléon , d’après lequel le mandat finit
par la mort naturelle ou civile soit du matidant, soit du manda
taire ; ils en concluent que l’individu mort civilem ent ne peut
pas constituer de mandat.
Cette conséquence n’est pas ju ste, et l’article 2003 du Codo
ne fournit aucune induction contre M. Aubier.
Il est hors de doute que la mort civile dépouille celui qui l’a
encourue de tous les biens et droits qu’il possède ; il ne peut plus
exercer d’action contre personne, et personne ne peut en exercer
contre lui.
Mais il faut bien distinguer les biens et droits que le mort
(1) V o y . le Journal de D cncvers, vol. tic 1807, p^S'
4**o.
�( 12 )
civilem ent possédait avant d’avoir encouru la mort c iv ile , des
biens et droits qu’il acquiert par la suite.
A l’égard de ces derniers, il est comme s’il n’était pas mort
civilem ent ; il peut en jouir, et il a le droit d’exercer les actions
qui en naissent. C ’est le résultat de ce que dit R iclier, pages 2.0S
et a 5o , et de l’arrêt du 17 août 1809.
O r, de même que le mort civilem ent peut, après la mort civile
encourue, acquérir, vendre et intenter des actions relativement
aux objets dont il est devenu propriétaire ; de m êm e, après la
mort civile encourue, il peut constituer un mandat.
Un mandat donné par un individu peut avoir pris fin dès l’ins
tant de sa mort civ ile, par la môme raison que cet individu a
été dépouillé de tous ses droits et actions généralement quel
conques. Mais un mandat donné pendant la mort civile a obligé
celui qui l’a donné et celui qui l'a re ç u , par la même raison
qu’une vente, ou tout autre contrat, aurait produit des obli
gations réciproques entre le mort civilem ent e t l’autre partie con
tractante.
D ’après c e la , dire qu’un individu mort civilement ne peut pas
constituer de m andat, parce que la loi prononce l’extinction
du mandat par la mort civile, c ’est comme si l’on disait que le
même individu ne peut pas acquérir de b ien s, parce que la loi
le dépouille de tous ceux qu’il a.
C ependant, des acquisitions sont permises pendant la mort
civile. Le mandat l’est également, soit parce que deux contrats
d e la même nature 11e peuvent être régis par des règles diffé
rentes , soit parce q u e , ainsi que la remarque en a déjà été faite,
le mandat se rattache ordinairement à la vente et aux contrats
de la même esp è ce , et que presque tous les individus qui ne
6eraient pas capables du m andat, seraient privés du bénéfice
des autres contrats.
Au reste , la Cour de cassation , par son arrêt du a septembre
1807, a précisément jugé que le mandat donné par un individu
Avant son émigration n’avait point fini, h son égard, par la mort
%
�C *3 )
civile qu’il avait encourue. L ’engagement étant réciproque, le
mandat n’a pas dû prendre fin à l’égard du m andataire, plus
qu’à l’égard du mandant.
Si donc le mandant et le mandataire étaient liés par le mandat
donné et accepté avant l’émigration , à plus forte raison ils
doivent l’étre par le mandat donné et accepté pendant l’ém i
gration.
C ’est le cas dans lequel se trouvent M. Aubier et Mme; de SaintMande.
Il s’ensuit que M. Aubier a contre Mme. de Saint-Mande ,
< l’action appelée en droit manclati directa , de même que M me. de
Saint-Mande a contre lui l’action m andati contraria.
Il s’ensuit que Mme. de Saint-Mande doit à M. Aubier la trans
mission du Verger qu’il réclam e, comme ayant été sa manda
taire à l’effet de racheter cet héritage pour son compte ; et que
le jugement du tribunal civil de Clerm ont, qui a ordonné ainsi
cette transmission, doit être c o n f i r m é p a r la C o u r .
Il
reste à répondre à un moyen qu’on a fait valoir pour M. et
Mme. de Saint-Mande ; moyen qui n’a pas trait à la question qui
vient d’être discutée, et qui porte sur un défaut d’intérêt de la
part de M. Aubier.
uQu’im porte, d it-on , que ce soit à titre de mandataire, ou à
tout autre titre , que M««e. de Saint-Mande transmette à M. A u
bier la pleine propriété du Grand-Verger?
La propriété du Verger ne doit pas être incertaine. Doit-elle
rester sur la tête de Mme. de Saint-Mande, ou passer sur la tête
de M. Aubier? Mme. de Saint-Mande, on n’en doute p a s, est pour
ce dernier parti. Eh bien ! si la propriété du Vet-ger doit passer
sur la tête de M. A u b ier, elle doit y passer sans restriction ; et
il ne faut pas qu’après la transmission, on puisse douter encore
si M. Aubier est, ou n o n , le véritable propriétaire.
O r, quel serait l’effet d’une transmission pure et simple?
On ne pourrait la considérer que comme une libéralité, i
�(
}
Cela posé, Mme. de Saint-Mande, qui avait acquis le bien du
Saulzet, comme le V<rger de M ontfenand, en a transmis la
propriété au sieur l.amonteilhe fils; et cette transmission, si
M me. de Saint-Mande n’était pas jugée la mandataire de M. Aubier,
paraîtrait n’avoir été qu’uae donation de sa part en faveur du
sieur Lainonteillie, de même que la transmission du Verger pa
raîtrait n’étre qu’une donation en faveur de M. Aubier.
Par la transmission du bien du Saulzet, Mme. de Saint-Mande
n’avait-ellc point épuisé la faculté de disposer que lui donnait
la loi?
T elle est la question qui serait élevée après le décès de Mme. de
Saint-Mande, par des héritiers ayant droit de réserve, et qui
pourrait l’étre notamment au nom de mineurs , dans l’intérét
desquels leurs tuteurs devraient, sous leur responsabilité per
sonnelle, scruter les actes passés dans la fam ille; et l’on croit
devoir dire , d’après les faits constans et avoués dans les m é
moires imprimés, que cette question ne pourrait être décidée
à l’avantage de M. Aubier ou de ses héritiers.
A insi, M. Aubier serait obligé de rendre le V erger, qui ren
trerait dans les mains des héritiers de Mme. de Saint-Mande.
M. Aubier devait prévoir cette circonstance. Il a donc agi
prudem m ent, pour lui et pour ses enfans, en n’acceptant pas
une transmission pure et simple du V erger, que Mme. de SaintMande a acquis pour son compte. Son intérêt est évid en t, tandis
que Mn,e. de Saint-Mande , d’après les bonnes intentions qu’elle
a manifestées , n’en a absolument aucun pour persister à de
mander que le titre de mandataire ne lui soit point donné dans
1 acte de transmission.
1
4
2°. Mais la veuve du iils de M. A ubier, la dame Chainpflour,
veuve Lamonteilhe , fa it, en qualité de tutrice de ses enfans,
cause commune avec M. et M0“ . de Saint-Mande; elle est inter
venue dans la contestation.
L e sieur Aubier-Lamonteilhe fils, par son contrat de mariage
�C 1 5 -)
avec la dnme Champflonr, du 11 prairial an 9 , se constitua en
toute propriété le bien et domaine qui lu i appartenait dans le
lieu du Saulzet.
Le domaine du Saulzet appartenait à M. Aubier p è r e , et „
ainsi qu’on vient de le v o ir, il avait été acquis par Mme. de SaintMande, de même que le Verger de MontferrancL t
Ce domaine a été transmis au sieur. Aubier-Lamonteilhe , de
la part de Mme. de Saint-Mande, par des actes auxquels M. Aubier
père a concouru, et qui ont été passés en sa présence, et de son
consentement spécial.
La dame Cham pflour, veuve Lamonteilhe , craint que les
droits de ses enfans ne soient lé sé s, si M. Aubier, parvient à
obtenir la transmission du Verger de M ontferrand,,au titre qu’il
la réclame. C ’est, du moins là le prétexte de son intervention.
Le tribunal civil de Clermont a jugé que cette intervention,
était sans intérêt , « attendu que l’acte du 8 mai 1801,, et la
« subrogation du domaine du Saulzet , ne sont point attaqués,,
« et que toutes discussions à cet égard,seraient prématurées. »
Ces motifs sont décisifs.
La dame v e u v e Lam onteilhe, au nom de ses enfans',, e st en
possession du domaine du Saulzet. M. Aubier a toujours dittqu’iL,
entendait respecter les actes qui avaitnt.étéf passés; il ne de
mande rien à la dame veuve Lamonteilhe (a.)..
(t) Non-seulem ent je n’ai jamais attaqué la subrogation de Sau lzet, mais
m êm e, en tout t. ntps , j’ai offert.de ht ratifier; 11.depuis ma réclamation du
V e rg e r, j’ai signé chez M. Favart, médiateur, une ratification de la subroga
tion de SaulzU. Elle a été imprimée en première instance, à la fin de l’exposé
des
Cela n’a pas empêché M n>e. Lamonteilhe d’assnrcr, dans un mémoire im
prime’ , . ft signé d’elle, que je travaillaistà dépouillerim es;petites-filles de la
moitié de Saulzet, pour vendre cçttc moitié., et fdire-jrctombcr isuf l ’autre Ja
légitime de ses deux beaux-frères.
AUD
1E R
père.
�C 16 )
On dit pour M me. Lamonteilhe :
Etant jugé que M,ne. de Saint-Mande n’a été que la manda
taire de M. A u b ier, à l’effet de racheter ses biens séquestrés ,
il sera jugé que le domaine du Saulzet provient directement de
M. A u bier, que le sieur Lamonteilhe le tient de lui. Par suite,
ses enfans venant à la succession de M. Aubier , devront le
rapport de ce domaine ; ils auront tout au moins à craindre
l’action en retranchement pour la réserve des autres enfans de
M. Aubier.
En premier lieu , ce qui sera jugé avec M. et Mme. de SaintMande pourra d’autant moins être opposé à la dame veuve Lam onteilhe, que M. Aubier a toujours déclaré, et que le juge
ment dit que la subrogation du Saulzet n ’est point attaquée.
En second lieu , il ne peut être question de rapport à une
succession , d’action en retranchement d’une donation , tant
que la succession n’est point ouverte.
Le rapport n’est du que par des héritiers. Le droit de réserve
est attaché au titre d’h éritier, et il ne peut y avoir d’héritiers
d’un homme vivant. Kiventis nulla est hccrcditas.
La dame veuve Lamonteilhe ne peut donc élever aujourd’hui
des questions qui ne pourront être agitées qu’après la mort de
M. Aubier.
En troisième lieu , la dame veuve Lamonteilhe agit contre
le propre intérêt de ses enfans.
En supposant que les choses arrivent comme elle parait le
redouter, ses enfans ne devraient point le rapport du domaine
du Saulzet : les actes de transmission en contiennent la dispense
expresse.
Ils auront au moins, dit-on, à subir un retranchement !
O u i , si M. Aubier ne laisse pas assez de bien pour compléter
la réserve de ses autres enfans.
M ais
�( i7 î
Mais ce retranchement serait beaucoup plus considérable ,
M me. de Saint-Mande n’étant pas jugée mandataire de M. A ubier,
et la transmission du Saulzet étant dès-lors censée être une libé
ralité de sa part.
- ' :-vn ¿‘A ’•~q ■' < > ■
■
En e ffe t, et nous raisonnons toujours cl_après les faits constans et' avoués dans les m ém oires, les enfans Lamonteilhe de
vraient rendre au moins les deux tiers du domaine du Saulzet,
en même temps que M. Aubier devrait rendre le V e r g e r , dont
la transmission serait postérieur^.
.. Dès-lors les enfans Lamonteilhe_courraient_le risq u e , nonseulement d’étre dépouillés de la plus grande partie du domaine
du Saulzet, mais encore de ne rien conserver , pas plus que leur
grand-père et leurs oncles et tantes , des autres biens acquis par
Mme. de Saint-Mande comme mandataire de M. Aubier.
» La dame veuve Lam oateilhe doit-elle donc faire tant d’ef
forts !......
1
E n fin , on ajoute pour la dame veuve Lam onteilhe que la foi
des contrats de mariage ne doit jamais être violée.
Il
ne peut y avoir lieu à l’application de ce principe. M. Aubier
n’attaque point les conventions portées dans le contrat de m a
riage des sieur et dame Lamonteilhe.
La dame veuve Lamonteilhe n’aurait d’ailleurs rien à redouter.
M mfi. de Saint-Mande jugée mandataire de M. Aubier à l’effet cia
racheter ses b ien s, la propriété incommutable du Saulzet n’ en
devra pas moins rester aux enfans Lam onteilhe, puisque M. A u
bier a concouru aux actes de transmission.
1
Et la circonstance d’un retranchem ent!à souffrir p eut-être,
ne rend point cette propriété incertaine; car la faveur du con-*
trat de m ariage, en supposant même qu’il contint la transmis
sion , ne pourrait porter obstacle à l’exercice du droit de réserve,
s il y avait lieu : point certain qui ne pouvait manquer d étre
prévu lors du m ariage, les dispositions des lois étant précises ;
�( 18 )
ce qui écarte toute idée de violation de la foi due au con-;
trat (1).
D é l ib é r é
à R io m , par les avocats soussignés, le
3 o mai 1812
A L L E M A N D , J n. C h. B A Y L E ,
B E R N E T -R O L L A N D E .
Me. D E V È Z E , avoué licencié
(1)M a belle-fille, après avoir bien prou vé, dans son mémoire im prim é, qu’elle
tient Saulzet de ma seule volonté , n’ en a pas moins dit et fait plaider qu’ elle
aimait mieux que ses filles tinssent la confirmation de ce d on , des enfans de
Mme. de Saint-Mande que de moi leur a ïeu l, et de mes enfans leurs oncles. Ce
pendant, quand même elle serait sûre que M . d e S a in t-M a n d e fils conservera,
après la mort de sa mèr e , autant de bonne volonté que M mc. Lamonteilhe lui
en croit à présent, la minorité du p e tit-fils de Mme. de Saint-Mande héritier
pour moitié de celle-ci, ne met-elle pas un obstacle insurmontable à ce qu'on
dispense mes petites-filles de rapporter à la succession de ma sœur plus de moitié
de Saulzet, si ma sœur était réputée avoir acheté mes biens pour son propre
com pte, et non comme ma mandataire, en même temps que ce système me
mettrait dans la necessité de rendre à la mort de ma sœur le V erg er dont
il s’agit?
Je ne suis malheureusement que trop certain que M . de Saint-Mande fils
est le principal prom oteur de cette affaire, du changement de ma sœur à mon
égard, et du refus de toute conciliation.
Je supplie mes juges de pren d re la peine de lire les m ém oires im prim és en
prem ière in stan ce; ils sont absolum ent nécessaires p o u r bien conn aître le gen re
de persécution et d ’offense que j’ép ro u ve de la part d ’une b elle-fi l l e p o u r q u i
j ’ai fait des sacrifices tels q u e , dans l’état actu el des choses, les re v e n u s à m oi
réservés passent en entier à l ’acq u it des dettes assises sur S aulzet, que je paye
p o u r elle.
AUBIER
père.
A R I O M , de l’imp. de T H I B A U D , im p rim . de la C o u r Impériale, et lib raire,
rue des T a u le s , maison L a n d r i o t , — Juin 1812.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier-Lamonteilhe, père. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bayle
Bernet-Rollande
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2126
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2123
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53422/BCU_Factums_G2126.jpg
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Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
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3b961e766b71146e00d67e2a51eccff8
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MÉMOIRE
POUR
Dame J o s é p h i n e B O Y E R -D U M O N T C E L ,
épouse séparée de biens du sieur CISTERNE ;
CONTRE
Sieur
B L A T I N , f ils aîné négo
ciant à Clermont.
A n to in e
P o u r s u i v i e avec rigueur par un créancier de son
m a ri, la dame Cisterne s’est vue forcée de réclamer
devant les tribunaux contre un engagement que les lois
ne lui permettoient pas de souscrire.
Les dissipations du sieur Cisterne avoient réduit son
épouse à la triste nécessité de demander la séparation
de biens. Elle l’avoit obtenue; mais ce rem ède, ordinai-
Mt.
�C 2 ;
renient salutaire, est devenu pour elle des plus dangereux.
Jeune, sans expérience, d’une générosité facile à
ém ouvoir, la dame Cisterne s’est laissé entraîner à payer,
en faisant des emprunts personnels ,• une grande partie
des dettes de son m a ri, et à s’obliger pour celles que
ses ressources ne lui permettoient pas d’acquitter encore.
Une de ces obligations est l’objet de la cause.
Cette obligation fut consentie sans autorisation ; elle
tend à l’aliénation d’un bien dotal ; elle a été contractée
sous l’empire de la coutume d’A u vergn e, et pour les
dettes du mari. Tels sont les vices de cet acte, dont le
porteur a cependant poursuivi l’exécution avec une
chaleur imprudente.
L a dame Cisterne comptoit sur plus d’égards; elle
avoit le droit d’en attendre, d’après ce qu’elle avoit
fait elle-même; elle lésa sollicités vainement; alors elle
a dû avoir recours aux lois.
F A I T S .
La demoiselle Joséphine Boyer-Dum ontcel, fille mi
neure, contracta mariage avec le sieur Cisterne, le 23
frimaire an 10.
E lle se constitua en dot tous ses biens et tous ses
droits ; sa fortune se composoit de sa portion héré
ditaire dans la succession de son père.
L a coutume d’Auvergne fut la loi du contrat.
L e futur époux avoit son domicile à Saint-Bonnetle-Chastel ; et c’est là où il vint habiter avec son épouse.
~ Cette union n’eut pas des suites heureuses.
%
�( 3 ^
Devenu dépositaire d’une dot considérable en argent,
en objets mobiliers ou en immeubles, le sieur Cisterne
ne tarda pas à se livrer à des goûts funestes, et à une
dépense immodérée.
Bientôt l’argent reçu fut dissipé. des dettes considé
rables furent contractées , et les créanciers nombreux
du m a ri, saisissant chaque année les revenus des im
meubles de la fem m e, dévoroient sa subsistance et celle
de ses enfans.
Une séparation judiciaire étoit indispensable.
Elle fut prononcée par jugement du 21 décembre 1808.
L e jugement liquida les reprises de l’épouse à la
. somme de 5 i,ooo francs.
Cette séparation porta l’alarme parmi les créanciers
du sieur Cistei’ne. Leur débiteur n’avoit plus x’ien ; il
pouvoit hériter un jour de la fortune de son père; mais
ces espérances, aussi incertaines qu’éloignées, étoient
peu propres h calmer les craintes.
Plusieurs créanciers s’adressèrent à la dame Cisterne ;
ils la sollicitèrent, ils la pressèrent.
- La dame Cisterne, plus généreuse que prudente, céda
à. leurs prières; elle, à qui étoit déjà due une somme
considérable par son m ari, consentit encore à se charger
d’une grande partie de ses dettes ( 1 ).
( 1 ) La dame Cisterne ne se chargea pas de la totalité ; elle
découvroit tous les jours de nouvelles dettes ; leur nombre étoit
effrayant. Elle s’aperçut alors qu’elle désiroit vainement mettre
ordre aux affaires de son m ari, et elle refusa de contracter
de nouveaux engagemens»
�( 4 )
E lle fuit des em prunts p o u r p ayer les créanciers dont
les besoins étoient les plus pressans ; elle en acquitte
p o u r une somm e de 35,000 francs ; elle s’ob lige envers
d ’autres créanciers ( 1 ) ; et les em prunts ou les obliga
tions s’élèven t à plus de 44,000 francs.
En se dévouant ainsi, la dame Cisterne avoit compté
sur des ressources pour s’acquitter, sur la reconnoissance des créanciers envers lesquels elle s’engageoit,
pour obtenir des délais.
Ces ressources lui ont manqué. Des ventes de bois
devoient les lui fournir; les bois n’ont pas été vendus.
Mais la plupart des créanciers ont eu égard à l’em
barras de sa position. La dame Cisterne se plaît à rendre
hommage à leurs bons procédés; et que seroit-elle deavenue , s’ils avoient tous imité le sieur Blatin ?
C elui-ci, créancier du sieur Cisterne d’une somme de
2,224 francs en principal ou en intérêts, avoit obtenu,
le 23 novembre 1809, de la dame Cisterne, une obli
gation de cette somme, portant intérêt à cinq pour cent,
jusqu’au payement du principal.
L ’obligation indique l’origine de la créance. P o u r fo u r
nitures et délivrances de marchandises fa ite s dans le
temps audit sieur Cisterne , e st-il dit.
En demandant, en recevant cette obligation, le sieur
Blatin n’épargna ni protestations, ni promesses ; il ne
devoit en exiger le payement que lorsque les affaires de
la dame Cisterne lui permettroient de l’acquitter.
( 1 ) Les payemens sont prouvés par le rapport des titres de
créances, et par les quittances données à madame Cisterne,
�( 5 } .
L e sieur Blatin étoit reconnoissant alors; on lui fournissoit un litre de plus, et il considéroit comme sans
valeur celui qu’il avoit déjà contre le mari.
Il retint néanmoins ce dernier titre pour s’en servir,
s’il devenoit utile.
• Cependant, à l’échéance de l’obligation , la dame
Cisterne ne put l’acquitter.
,
A lors le langage changea ; les promesses furent ou
bliées ; des menaces furent faites.
La dame Cisterne, étonnée, exprime sa surprise dans
une lettre; elle expose l’embarras de ses affaires, et la
gene où l’a réduite un procès considérable gagné à Montbrison, mais pendant à L yo n , sur appel : elle demande
un délai.
L a réponse du sieur Blatin est un com m andem ent de
p a y e r , signifié le 3 a vril 18 12 .
Un autre commandement est fait le 11 du même mois;
il contient élection de domicile à M arolles, lieu où la
dame Cisterne possède un domaine.
Ce second commandement ne lui est pas remis; et, le.
14 du même mois, une saisie-exécution est faite sur tout
le mobilier de son domaine.
On sait qu’en général ces actes de rigueur ne sont
pas exercés avec beaucoup de politesse.
Mais il en est peu où les ministres du créancier aient
déployé autant de dureté.
La dame Cisterne n’avoit pas été prévenue de cette
incursion, et plusieurs des appartemens de la maison du
maître étoient fermés.
L ’huissier et scs recors, en présence, et par l’ordre
�d’un agent du sieur Blatin , enfoncent les portes des
chambres, des armoires, forcent môme un secrétaire;
tout est à l’abandon. Des papiers de fam ille, très-im portans pour madame Cisterne, ont disparu.
Les formalités prescrites par la loi sont aussi violées;
et, pour réparer ensuite une faute, un faux est commis:
on le poursuit en ce moment.
A la nouvelle de cette étrange exécution , la dame
Cisterne a senti qu’elle ne devoit pas de ménageineus à
celui qui abusoit ainsi d’un titre illégal.
Elle a demandé la nullité de l’obligation ;
Elle a demandé aussi la nullité de la saisie.
Un premier jugement du tribunal de Clermont avoit
ordonné l’exécution provisoire et la continuation des
poursuites.
Un arrêt de la C ou r, plus juste, a arrêté cette exécution.
D ep u is, le tribunal de C lerm ont, par jugement du
29 mai dernier, a déclaré l’obligation valable, sur le
m otif qu’une femme séparée de biens avoit pu obliger
son mobilier et ses revenus.
La dame Cisterne est appelante du jugement, et elle
se propose de démontrer y
Qu’elle n’a pu , quoique séparée de biens, s’obliger
sans y être autorisée ;
Qu’elle n’a pu d’ailleurs aliéner à son p réju dice ses
biens dotaux, même mobiliers ;
Qu’elle n’a pu surtout contracter d’engagement per
sonnel pour une dette de son mari.
�C7 )
P rem ière
q u e s t i o n
C
.
La dame Cisterne a-t-elle pu s’obliger, sans être
autorisée ?
L ’obligation qu’elle a souscrite est du 28 novembre
1809 : le Gode Napoléon étoit en vigueur alors.
lies premiers juges ont pensé que c’étoit dans ce Gode
qu’ils devoient puiser les règles de leur décision.
Nous signalerons bientôt leur erreur dans le choix de
cette loi.
Supposons, pour un instant, qu’elle ait dû leur servir
de r è g le , et examinons-en les principes.
Si l’on ouvre le titre du m ariage, on y lit cette dis
position, art. 217 : « La femme même non commune,
« ou séparée de biens, ne peut donner, aliéner, liypo« théquer, acquérir à titre gratuit, sans le concours du
« mari dans l’acte, ou son consentement par écrit. »
L ’article 218 ajoute que la femme peut demander l’au
torisation du juge.
Cette disposition est formelle j elle est générale ; elle
s’applique à toute femme mariée , qu’elle soit ou non
séparée de biens.
Elle s’applique aussi à tonte sorte d’obligation qui tend
h aliéner ou à acquérir.
Elle s’applique enfin à toute espèce de biens , aux
meubles comme aux immeubles. La loi ne distingue pas j
et l’on connoît la maxime TJbi lex non distinguit, nec
nos distinguerc debernus.
�Cette disposition est prohibitive. Ne p e u t, dit l’article ;
et l’on sait quelle est la force d’une telle expression dans
le langage de la loi : Negativci prœposita verbo potest
tollit potentiam ju ris et f a c t i , et inducit necessitatem
prœ cisam , designans açtum impossibilem. (D um oulin,
sur la loi i , de verborum oblig. )
Mais , d it-o n , il est dans le Code un autre article qui
modifie celui-là ; l’art. 1449 , qui se trouve au titre de
la communauté.
D éjà, la place qu’occupe ce dernier article autoriseroit
à dire qu’en supposant que ses dispositions dûssent être
observées avec la plus grande latitude, pour une femme
mariée sous le régime de la communauté , ce ne seroit
pas une raison pour qu’il en fût ainsi pour celle dont
tous les biens seroient dotaux.
Mais transcrivons l’article 1449.
« La femme séparée, soit de corps et de biens, soit
« de biens seulement, en reprend la libre administration.
« Elle peut disposer de son m obilier, et l’aliéner.
« Elle ne peut aliéner ses immeubles sans le consen
te tement du m ari, ou sans être autorisée en justice à
« son refus. »
C ’est de cet article que les premiers juges ont conclu
qu’une femme pouvoit, sans être autorisée, non-seulement faire tous actes d’administration, mais aussi con
tracter toute espèce d’engagemens étrangers à 1 adminis
tration même, pourvu que, pour l’exécution de ces engngemens, on ne s’emparât que de ses biens meubles et
de ses revenus.
Mais un pareil système n’est-il pas aussi inconséquent
que dangereux?
�(9 )
Comment supposer d’abord que le législateur ait en
tendu d ire, dans l’article 1449?
contraire de ce
qu’il avoit dit dans l’article 2 17? Une telle idée ne blesseroit-elle pas la dignité de ce législateur, qu’elle accuseroit de peu de réflexion, et de peu de fixité dans ses
principes ?
Comment supposer aussi qu’il ait voulu retirer à la
femme séparée une partie de sa protection, en la privant
du secours salutaire de l’autorisation, en la laissant ainsi
exposée, elle qui est en général dénuée d’instruction et
de fermeté , à contracter tous les engagemens que l’on
pourroit arracher à son inexpérience et à sa sensibilité.
Comment supposer enfin que la loi ait entendu que
l’on pût s’emparer de la fortune entière de la fem m e,
si elle n’avoit que des biens meubles, en lui faisant consen
tir, sans autorisation, les obligations les plus onéreuses.
T elle seroit cependant la conséquence funeste où conduiroit l’opinion des premiers juges : le danger de cette
opinion en démontre l’erreur, et doit nous convaincre
que le sens de l’article 1449 n’est pas celui qu’ils lui ont
prêté.
Par cet article, le législateur, en rendant à la femme
une administration que le mari ne devoit plus conserver,
a voulu lui accorder aussi, et dans toute l’étendue pos
sible, la faculté d’appliquer cette administration à l’usage
auquel elle étoit destinée par le mariage même.
11 a voulu qu’elle pût disposer de son mobilier pour
scs besoins et pour ceux de sa famille.
Il a voulu qu’elle pût aussi disposer de ses revenus,
en leur donnant la même destination.
3
�( IO )
Mais il n’a pas entendu que la femme pût s’obliger
pour toute autre cause, qu’elle pût consentir des actes
étrangers à l’administration qui lui étoit confiée, et au
toriser ainsi des créanciers munis de pareils actes, à s’em
parer de tout son m obilier, à saisir chaque année tout
ses revenus, et à la m ettre, elle et ses enfans, dans une
situation aussi cruelle que celle qu’elle éprouvoit avant
la séparation..
T o u t concourt à interpréter la loi dans le sens que
nous indiquons ;
E t les motifs qui donnent lieu aux séparations ;
j
E t les opinions des auteurs sainement entendues ;
E t même l’examen attentif des diverses dispositions
du Code.
,
Les motifs qui donnent lieu aux séparations sont la
mauvaise administration du m ari, l’intérêt de la femme
et des enfans, la nécessité de conserver les biens de
l’épouse pour l’entretien et la subsistance de la famille.
O r , le but de ces motifs ne seroit—il pas manqué,
si la fem m e, au lieu d’administrer, pouvoit aliéner ; s i,
au lieu d’employer ses biens à nourrir ses enfans, elle
pouvoit les livrer aux créanciers de son m ari, sans être
même autorisée par celui-ci, sans l’être surtout par la
justice, q u i, dans ce cas particulier, pourroit seule donner
l'autorisation, d’après la maxime Netno potestesse autor
in rem suam ( i ) ?
(1) Voyez un arrêt de la Cour de Turin, du 17 décembre r8o8,
rapporté au Journal de Denevers, de 1année 1810, supplément,
page 17.
�(II )
La séparation de biens, dans ce cas, au lieu d’être un
rem ède, ne seroit-elle pas un mal ?
Les Romains ont connu ce remède; c’est même d’eux
que nous l’avons emprunté ; et c’est dans leurs lois aussi
que nous trouverons la vraie doctrine en cette matière.
La loi 29, G. D e jure dotiurn, autorise la séparation,
mais elle défend d’aliéner la dot; elle permet seulement
d’en employer les revenus à la subsistance du mari et des
enfans.
Ubi adliuc matrimomo constituto maritus ad inopiam sit deductus, et muîier sibi prospicere velit resque
sibi suppositas pro dote vel ante nuptias donatione re~
busque extra dotem constitutis tenere, etc. Ita tamen
ut eadem mulier nullam habeat licentiam eas res alienandi vivente m arito, et rnatrimonio inter eos constitu to, sed jru ctib u s earum ad sustentationem tant su i
quant m a riti, fdiorum que, s i quos habet, abutatur.
Les auteurs français rappellent cette loi et en adoptent
les principes.
Brodeau sur L o u e t, lettre F , s’exprime ainsi :
« La femme séparée de biens peut bien , sans le con« sentement et autorité de son m ari, disposer de ses
« meubles, et revenus de ses immeubles, peutifaire baux
« à ferm e, donner quittance, et s’obliger, à l’effet de la
« sépara d on , pour sa,nourri turc et entretènement, mais
« non pour autre sujet, ni pour aucune obligation, do« nation ou contrat qui affecte l’immeuble, et emporte
« aliénation perpétuelle. »
Ainsi Brodeau, en l’appelant les divers actes que la
femme séparée peut faire sans le consentement de son
�C Ï2 )
m ari, a soin de remarquer qu’elle n’a le droit de les faire
que pour sa nourriture et entretènement, mais non pour
autre sujet; et il cite la loi romaine ci-dessus transcrite.
Renusson , dans son Traité de la communauté ( pre
mière partie, chap. 9 ) , après avoir dit que la femme
mariée a seulement l’administration de son b ien , examine
le cas où elle fait des obligations; voici ses termes :
« La coutume de Paris, article 13 4 , dit qu’une femme
« mariée ne se peut obliger sans le consentement de son
« m ari, lorsqu’elle est séparée. On a voulu tirer argu« ment de ces termes, et dire que la femme se pouvoit
« obliger sans le consentement de son mari , lorsqu’elle
« est séparée; mais cela s’entend qu’elle peut s’obliger
« pour sa nourriture et entretien, et jusqu’à concurrence
« de son revenu seulement. »
M . le procureur général M erlin pense aussi que la
femme n’est dispensée de l’autorisation que pour tout
ce qui est de simple administration. V oici comment il
s’exprime , Répertoire , autorisation maritale , sect. 7 ,
n°. 5 :
« La séparation judiciaire, soit de corps, soit de biens,
« dispense-t-elle la femme du besoin de l’autorisation ?
« L ’affirmative est reçue dans la jurisprudence pour tout
« ce qui est de simple administration. Une femme sé« parée par justice peut faire à cet égard ce qu’elle
« juge à propos. Ce n’est pas qu’elle soit entièrement
« affranchie de la puissance maritale : n on , elle est tou« jours, à certains égards, sous la dépendance de son
« mari : rien ne sauroit absolument l’y soustraire, si ce
« n’est la mort civile ou naturelle : mais le m ari, par
%
�C 3 ;)
ses duretés ou son inconduite, ayant cessé de mériter
sa confiance et ses faveurs, il a fallu remettre à la
femme un gouvernement dont il s’acquittoit m al, ou
qu’il ne méritoit plus de continuer ; et dès-lors il a
été naturel que la femme pût l’exercer sans sa participation , pour obvier aux difficultés qu’elle ne raanqueroit pas d’essuyer s’il lui falloit à chaque instant
une autorisation spéciale.
« Mais toute cette liberté qu*a la femme en pareil cas
« se borne à une simple administration. »
M . M erlin ajoute même que la femme séparée ne
peut recevoir des deniers dotaux sans que le mari en
soit prévenu, pour veiller à l’emploi de l’argent.
Ces auteurs, et plusieurs autres, parlent, il est vrai,
plus particulièrement de la nécessité de l’autorisation,
pour l’aliénation des immeubles.
Mais il ne résulte pas moins de l’ensemble de leur
doctrine, que la femme séparée est réduite à une simple
administration ; qu’en vertu de ce droit d’administration
elle peut aussi disposer de son mobilier, mais pour ses
propres besoins seulement, ou pour l’entretien et pour
la subsistance de ses enfans ; qu’elle ne peut d’ailleurs
contracter seule, sans l’une de ces causes, aucune obli
gation qui tende à l’aliénation d’aucun de ses b ien s,
soit m eubles, soit immeubles.
Enfin, on doit dire de la femme séparée ce qu’on dit
du mineur émancipé, à qui tous les auteurs, et notam
ment M . M erlin , la comparent avec raison, et qui ne peut
consentir aucun engagement ù son préjudice, sur son
«
«
«
«
«
«
«
«
4
�( 14 )
mobilier ni sur ses immeubles, sans avoir le droit d’en
demander la nullité.
Ces réflexions ne contrarient pas les dispositions du
Code Napoléon , et concilient au contraire les articles
217 et 1449 : on s’exposerait à blesser l’esprit de ce der
nier article, en isolant le paragraphe relatif au mobilier.
S i , dans cette seconde partie de l’article, il est permis
à la femme séparée de disposer de son m o b ilier, c’est
par une conséquence du droit d’administration qu’on lui
attribue dans la première partie. L e droit d’administrer
est la cause ; la disposition du mobilier est l’effet : mais
l’effet doit être combiné avec la cause, pour juger s’il
est légal.
A in s i, la disposition du mobilier sera valable , si elle
est faite par un acte qui tient à l’administration.
A in si, cette disposition, comme toute autre obligation
de la fem m e, sera nulle, si elle est renfermée dans un
acte étranger à l’administration qui lui est confiée, dans un
acte qui n’ait pour but que de la dépouiller, sans être
utile ni à ses enfans, ni à elle-même.
Remarquons que l’opinion contraire tendroit même à
l’aliénation des im meubles, qui est cependant prohibée
par la troisième partie de l’article 1449.
Si la femme, en effet, pouvoit s’obliger pour quelque
cause que ce fût ; si elle pouvoit ainsi mettre à la dis
crétion de plusieurs créanciers, tous ses biens meubles
et tous ses revenus , quelle ressource lui resteroit-il pour
subsister, elle et sa famille? ne faudroit-il pas alors néces
sairement qu’elle aliénat scs immeubles pour se procurer
�( i5 )
des alimens? ne coritraindroit-elle pas ainsi les tribunaux
ou son mari à l’autoriser à cette aliénation ? •
On le voit donc ; les obligations imprudentes d’une
femme séparée, si elles étoient valables, tendroient indi
rectement à l’aliénation de ses immeubles.
T e l est le cas de la dame Cisterne.
Si les nombreux créanciers de son m ari, envers qui
elle s’est ob ligée, ont le droit de saisir, chaque année,
son mobilier et ses revenus, elle et ses enfans seront
privés de tous moyens de subsistance, à moins que les
tribunaux ne l’autorisent à vendre ses immeubles dotaux,
pour s’affranchir de ce9 dettes.
Ainsi , en thèse générale m êm e, l’obligation consentie
par la dame Cisterne seroit n u lle, à défaut d’autoi'isation.
Examinons les autres vices de cette obligation.
D
, La
e u x i è m e
q u e s t i o n
.
• -*
dame Cisterne a-t-elle pu aliéner sa dot
mobilière ?
La dame Cisterne, en se mariant, en l’an 10 (18 0 2 ),
se constitua tous ses biens en dot.
T o u t ce qui lui appartient est dotal ; son m obilier,
comme ses immeubles.
Les époux choisirent la coutume d’A u vergn e, pour la
loi de leurs conventions matrimoniales; car ils établirent
leur domicile à Saint-Bonnet-le-Chastel, où liabitoit déjà
le sieur Cisterne.
* On sait que la loi du contrat en régit les effets, et
�( i 6 )
-régît aussi la capacité des ép o u x, pendant toute la durée
du mariage. Cette vérité n’a pas besoin d’être démontrée;
elle est élémentaire.
On peut donc poser la question en ces termes :
En coutume d’A u vergn e, une femme peut-elle aliéner
sa dot mobilière ?
• L a réponse est écrite dans l’article 3 du titre 14 de
la coutume; voici comment il est conçu :
« Les mari et ferçime, conjointement ou séparément,
« constant le mariage ou fiançailles, ne peuvent vendre,
« aliéner, perm uter, ne autrement disposer des biens
a dotaux de ladite femme, au préjudice d’icelle; et sont
.« telles dispositions et aliénatiops nulles et de nul effet
« et valeur, et ne sont vajidéeg par serment. »
Les expressions de cet article sont aussi claires que for
melles ; e t , pour emprunter le langage du dernier com
mentateur ,
« La dot des femmes est déclarée inaliénable en tout
« §ens. ïl n’y a point d’article dans la coutum e, où elle
« s’explique en termes plus impérieux et plusirritans. La
« vente, l’échange m êm e, et toute autre disposition pré«'judiciable à la, J im m c , sont déclarées nulles. »
L a prohibition est générale ; elle s’applique à tous les
cas, à quelques exceptions près que la loi a eu soin de
déterm iner, et qui confirment la règle môme pour tous
Jqs cas non exceptés.
Lq prohibition s’applique donc à toutes les positions
de la femme : séparée de biens, ou non, elle:ne peut aliéner
sa dot.
La fenjiïie séparéq o’a pas plus de capacité pour l ’alié-
�( *7 )
n ation , qu’ une autre ; car elle n’est pas comprise dans les
exceptions.
Les motifs même qui ont dicté la règle de l’inaliéuab ilité, s’opposent à ce que la femme séparée puisse aliéner
sa dot.
« L e principal caractère de la dot...... est d’être era« ployée à soutenir les charges du mariage. Ce n’est que
« par une conséquence de cette destination que le mari
<c en a la jouissance, parce que c’est lui qui est le chef
'« de sa maison, et sur qui les charges doivent tomber.
« Lors donc que, par des motifs puissans, la jouissance
« de la dot est retirée des mains du m ari, dans lesquelles
« elle dépériroit, ce n’est que pour la plus grande sûreté
« de cette dot ; ce n’est que pour s’assurer davantage
« que la destination en sera remplie. La séparation ne
« fait pas cesser le mariage ; souvent même elle en rend
« les charges plus difficiles ù supporter. Il n’y a donc auk cune raison de permettre à une femme séparée d’aliéner
« ou d’engager sa dot. » ( 7^. le nouveau Dénisart, au
« mot dot, §. 16 , n°. 3 .)
La prohibition s’applique aussi à toutes sortes de biens.
La loi dit, les biens dotaux; expression qui comprend évi
demment les biens meubles comme les biens immeubles.
Remarquons que cette règle est écrite dans une cou
tume qui admettoit la forclusion des filles, et pour une
province où les dots étoient ordinairement mobilières.
La défense d’aliéner a donc été établie pour cette
dernière espèce de d o t, comme pour la dot d’immeubles.
E t c’est dans ce sens que la Cour a toujours consacré
le principe de l’inaliénabilité.
5
�( i8 )
On pourroiten citer plusieurs exemples. L e Journal
des audiences en fournit u n , dans un arrêt du 3 février
1810 ; et avant que ce journal p arû t, la question avoit
été jugée par deux arrêts, l’un du 26 prairial an 10 ,
entre la femme Bois et le conservateur des hypothè
ques de l’arrondissement de Riom ; l’autre, du 24 nivôse
an 1 1 , entre le sieur Rode de V ern ière, et le sieur
C évérac,so n acquéreur.
Dans ce dernier arrêt l’espèce de la cause est remarquable.
La dame Marie Dauphin , en épousant le fils du sieur
de V e rn iè re , avoit apporté une dot en argent.
L e père et le fils s’étoient obligés solidairement à la
restitution de la dot.
,
La dame D auphin, après avoir fait prononcer une
séparation , avoit pris sur les biens de son beau-père,
et sur ceux de son m ari, une inscription pour la valeur
de ses reprises.
L e beau-père vend ; son acquéreur refuse de payer.
A lors le sieur Rode de Vernière réunit ses créanciers,
et avec eux la dame D auphin; celle-ci consent, comme
les autres, que le sieur Rode de Vernière touche le p rix,
et autorise en conséquence la radiation de son inscription.
L ’inscription est rayée par le conservateur; néanmoins
l ’acquéreur persiste dans son refus.
U n procès s’engage; et la C ou r, en confirm ant la dé
cision des premiers juges, dont elle adopte les motifs,
décide que la femme même séparée de biens n’a pu aliéner
sa dot, ni par conséquent consentir, en renonçant à son
inscription, qu’un autre touchât une somme destinée par
la loi à la payer elle-même.
�C 19 )
L e principal m otif de cette décision est précieux,
« Attendu que la femme com m une, ou séparée de
« biens d’avec son m a ri, conjointement avec lu i, ou en
« son absence, ne peut aliéner, ni hypothéquer sa dot;
« d’où il suit qu’elle ne peut renoncer à son hypothèque,
« ou en diminuer l’étendue; qu’ainsi la belle-fille du
« sieur Matthieu Rode n’a prêté qu’un engagement illu« soire, lorsqu’elle a consenti que son beau-père touchât
k la somme qu’il demande au sieur Cévérac. »
D ira-t-on que l’hypothèque est un droit réel; ce qui
empêche qu’une femme ne puisse y renoncer?
Mais l’hypothèque n’est pas un immeuble. ( V . l’art. Ô2Ô
du Code Napoléon. )
Elle n’attribue ni droit de propriété, ni droit de jouis
sance sur l’immeuble ; elle ne confère pas 1e ju s in re.
Elle n’autorise pas à revendiquer l’immeuble , mais
seulement à le faire vendre. ( V . les art. 2169 et 2174. )
En un m ot, l’hypothèque ne donne droit qu’au prix
de l’objet hypothéqué, et son eifet légal est de produire
au créancier un payement en deniers.
L ’hypothèque d’ailleurs n’est que l’accessoire de la
créance.
Elle s’éteint avec la créance même. ( V , art. 2180.)
D ’où il suit que si la femme pouvoit aliéner sa dot
mobilière j si elle pouvoit y renoncer en faveur de qui
que ce soit, elle pourroit aussi renoncer à son hypo
thèque; l’accessoire suivroit le principal; l’effet ou l’hypo
thèque disparoîtroit avec la cause ou la créance dotale.
Aussi la Cour, dans l’arrêt cité, décide-t-elle d’abord,
en principe, que la femme ne peut aliéner sa dot mo-
�( 20 )
. .
bilière; et ensuite, comme conséquence du principe,
qu’elle ne peüt renoncer à son hypothèque.
L a dame Cisterne n’avoit que des biens dotaux; ils
étoient en danger dans les mains du m ari; c’est pour
leur conservation qu’ils lui ont été rendus ; c’est afin
qu’ils fussent employés à ses besoins et à ceux de sa
fam ille, que l’administration lui en a été confiée : elle
n’a pu les détourner d’une destination sacrée; elle n’a
pu engager une dot mobilière que la loi déclaroit ina
liénable.
Quelle que fû t, au reste, la nature de ses biens, elle
n’auroit pu s’obliger pour une dette de son mari.
Démontrons cette vérité.
T ro isièm e
q u e s t i o n
.
,
La dame Cisterne en s’obligeant pour' une dette
de son mari a-t-elle contracté un engagement
valable ?
,
Cette question est d’une solution facile ; elle est décidée
par l’art. I er. du titre 14 de la coutume d’Auvergne.
« Femme constant le mariage ne se peut obliger pour
« le f a i t de son m ari. »
Cette prohibition est absolue ; elle place la femme dans
une heureuse incapacité, qui ne lui permet pas d’être la
victime de la puissance m aritale, ou d’une générosité
trop facile.
Cette prohibition salutaire oifre h la femme une garantie
sûre contre les engagemens personnels qu’auroient sur-
%
�( 21 )
pris à son inexpérience les créanciers d’un mari dissipa
teur.
Séparée de biens ou n on , propriétaire de biens dotaux
ou de biens paraphernaux, la l o i , qui veille pour la
femme à la conservation de sa fortun e, l’autorise à se
soustraire à d’imprudentes obligations ; et quelque mo
diques même qu’elles soient, s’il paroît qu’elles aient eu
pour cause les dettes du m ari, elles sont anéanties. O n
peut voir un arrêt du 27 août 1742? rapporté par
M . Chabrol sur l’article cité.
Madame Cisterne a le droit d’invoquer cette règlebienfaisante. M ariée en A u vergn e, la loi municipale de
cette province est la loi de soù contrat.
O r , on connoît la maxime de Dum oulin : Tout ce
qui est de statut devient conventionnel.
A insi les anciens statuts de cette province ont fixé
invariablement,, et pour toute la durée du m ariage, les
droits et la capacité des deux époux.
A insi la dame Cisterne nra pu et ne p ou rra, pendant
son m ariage, s'obliger pour le fa it de son mari.
A insi l’obligation dont ellfe se plaint est illégale, et
doit être annullée.
T elle est donc cette obligation, souscrite par une femme
non autorisée, tendante à l’aliénation d’un bien dotal,
consentie pour une dette du m ari, sans aucune autre cause,
et dont les vices nombreux sembloient commander au
créancier plus de modération.
L ’impuissance où étoit la dame Cisterne d’acquitter
cette dette,,la nécessité d’arrêter la vente de tout son mo-
�b ilier et de tous les bestiaux de son domaine, l’ont forcée
d’user de ses droits.
Cependant, malgré la rigueur des poursuites, la dame
Cisterne auroit gardé le silence, si en contractant un en
gagement personnel envers le sieur Blatin, elle l’eût privé
des titres qu’il avoit contre son mari.
Mais le sieur Blatin s’est réservé ses titres ; ils sont
en son pouvoir ; il pourra en faire usage dès l’instant
où la fortune du sieur Cisterne s’améliorera.
Par la nullité de l’obligation, les choses seront re
mises dans leur premier état, dans leur état naturel.
L e sieur Blatin conservera contre le mari ses droits
tels qu’ils avoient été reconnus; et l’épouse sera affran
chie d’un engagement qu’il ne lui étoit pas permis de
contracter.
•
Signé C I S T E R N E - D U M O N T C E L .
M e. A L L E M A N D , avocat.
:
M e. B E A U D E L O U X ,
avoué licencié.
A R IO M , de l’imp. d e T H IB A U D , im prim. de la Cour im périale, et libraire,
rue des T aules, maison Landriot. — A oût 1812.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boyer-Dumont, Joséphine. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
créances
biens dotaux
coutume d'Auvergne
époux dispendieux
huissiers
aliénation de dot
dot
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Joséphine Boyer-Dumontcel, épouse séparée de biens du sieur Cisterne ; contre sieur Antoine Blatin, fils aîné, négociant à Clermont.
note manuscrite : « 10 août 1812 , 1ére chambre, arrêt confirme voir journal des audiences, 1812, p. 351. »
Table Godemel : obligation : 3. la femme séparée de biens peut-elle, sans autorisation, obliger son mobilier et ses revenus, quoique tous ses biens soient dotaux ? l’obligation est-elle valable si elle a été contractée pour l’acquit d’une dette du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1808-1812
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2129
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Bonnet-le-Chastel (63324)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53425/BCU_Factums_G2129.jpg
aliénation de dot
biens dotaux
coutume d'Auvergne
Créances
dot
époux dispendieux
huissiers
séparation de biens
-
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57faaa203273b38aaa28ea6671185c98
PDF Text
Text
ÏTOU^TOJTOTjjJTOJ'iüaijij'
juTJm
TABLEAU GÉNÉALOGIQUE.
Benoit
Bourgade
N .................
_J L
I
Hugues Ie'.
A
Françoise
Bourganel.
Marin.
A eu neuf enfans,
tout décédé*
sans postérité.
-/V
I
Antoine Ier.
à
Marie
D ecouzon.
Claude 2*.
*
Pétronille
à
Claude 4e.
I
Jacqueline
à
G ilbert.
Louis Ier.
à
Marguerite
D ecouzon.
Intimée.
M icliel.
Intimé.
H uguei 2e.
M a u rice,
décédé «ans
postérité.
A cédé à
M ichel.
Antoine 5e.
Louise.
Jeanne.
Ont cédé leurs droits à Louis.
*»
fi
~ò
-s
ñ
3
Ht
Claude 4e.
G ilbert
Jeanne
à
à
à
Pétronille. Jacqueline.
Claude 3®.
Héritiers institués par le contrat de
»77» »
Hugues 3e.
décédé sans
postérité.
Claude 5®.
curé
á Cusset.
A n toin e,
génovéiin.
Marin.
G ilb ert,
décédé sans
postérité.
I
Marie
à
Bonnet.
A cédé A
Claude 4e.
età Jeanne,
veuve de
Claude 3®.
Q
Q
C
S
c
g
b
=»
3
3
s
Jeanne,
religieuse.
M arie-Françoise
Bonnabaud.
n»
*5
Claude, 1er. du nom,
Hugues
à
Chèze.
Jppelunt.
Marie.
Claude
Jacqueline.
A cédé à ses
à
A cédé à
frères.
N . Malaleuge. Claude,
Appelant.
son frère.
Claude
à
R oche.
Appelant,
Hugues
à
R och e.
Appelant.
Antoinette
à
Louis
Bourgade,
Intimés.
Louis 2e,
à
Antoinette.
Antoinette,
mineure.
�i
Marín.
A cu Deuf enfans,
tous décédés
sans postérité.
I
Claude 2®.
Jeanne,
religieuse.
Antoine *er.
à
Marie
D ecouzon.
(s
K.
8
1
Marie
à
Bonnet.
A cédé A
Claude 4eetà Jeanne,
veuve de
Claude 3e.
g
B
'r>
h
i.
c
»>
I
-$
b
Hugues
Jacqueline.
Marie.
Claude
A cédé à
a
A cédé à sei
a
Clièze.
frcrc».
N . Malaleuge. Claude,
son frère.
Appelant.
yippeUnt.
Claude
Hugues
R oche.
Appelant,
R oche.
Appelant.
à
3
!K £ I ^ l i e f f . r 1c.clr f S X ¡w r r r : r ¡{:C)rír i f Ln ( ir f £ M jú .( f I J m { I i L r £ £ M ir ffr ¡r ir iC £ £ Í
�M
P ou r
E
M
O
I
R
E
IMPERIALE
Hugues B O U R G ADE-CHEZE, habitant
à Vollore; C l a u d e B O U R G A D E -M A L A LEU G E , habitant à la Dardie, commune de
V ollore; C l a u d e et H u gu es BOURG ADE-
ROCHE, appelans;
B O U R G A D E , et
Louis B O U R G A D E son mari;M a r g u e r ite D E C O U Z O N } veuve d 'autre
Louis B o u r g a d e , tous habitant au lieu du
Buisson, commune de Vollore- V i l l e ; et
M i c h e l B O U R G A D E prêtre desservant
la succursale de V ollore-V ille intimés
C o n tre
//
A n to in e tte
E n p r é s e n c e de C l a u d e B O U R G AD E y
prêtre curé de Cusset d'A n t o i n e BO URG A D E ex-génovéfin ; de J e a n n e BO URG A D E , veuve de Claude; et de M a r i n
BOURGA D E , propriétaire toushabitans
de la commune de Vollore.
LA coutume d’A u v e rgne autorisoit les contrats d’association universelle; mais ces associations etoient restreintes
A
O"7*6'
�par la loi aux contractans eux-mêmes, ù moins que par
une clause expresse elles n’eussent été étendues aux descendans.
O n conçoit le motif qui avoit dicté la règle générale.
C ’est sur les travaux et l’industrie de chaque associé,
que repose l’espoir des bénéfices communs : à la mort
de l’un des associés, les travaux et l’industrie de l’autre
s’isolent; ses bénéfices doivent donc s’isoler aussi. Il ne
seroit pas juste qu’il partageât ses gains avec des héri
tiers qui n’ont pas partagé ses sueurs.
Dans la cause, une association avoit été formée en
1748 , entre Antoine et Hugues Bourgade. L a société
avoit été contactée pour deux têtes et portions égales ,*
la convention n’y appeloit pas les descendans.
Quelques années après le décès de l’un des associés,
des acquisitions avoient été faites y et ne pouvoient ap
partenir à une société depuis long-temps dissoute.
Cependant? par une erreur, effet de l’ignorance sur
l’époque des acquisitions, les objets acquis ont été con
fondus avec les biens de la société , dans un partage
volontaire fait par une tutrice, et contraire môme aux
dispositions de la sentence qui l’ordonnoit.
Les mineurs réclament aujourd’hui la réparation de
cette erreur.
On crie contr’eux u l’injustice; et pour prouver que
l ’on a raison , on emploie des fins de non-recevoir y
comme si des fins de non-recevoir étoient'les moyens
ordinaires de la cause la plus juste.
- On les appelle de jeunes ambitieux , sans réfléchir
que l’ambition, ou plutôt la cupidité, consiste moins à
�X 3 )
réclamer ce qui nous appartient, qu’à vouloir retenir
ce qui ne nous appartient pas.
On les traite môme de jeunes effervescens, en oubliant
que dès l’instant où ils furent éclairés sur leurs droits,
par des jurisconsultes recommandables, ils présentèrent
avec autant de calme que de loyauté, leurs consultations
à leurs adversaires; ils les invitèrent à consulter euxmêmes, et à confier ensuite au silence du cabinet d’un
arbitre, les discussions qui pourroient s’élever entr’eux.
Enfin , l’on compare la société dissoute à la société
séculaire de la famille des Pinon.
Comparaison noble, sans doute, mais peu exacte;car
dans la famille Bourgade il n’avoit jamais été contracté
d’association avant celle de 1748 , qui n’a pas duré trente
ans.
C ’est ainsi que par des reproches hasardés et par des
exemples imposans, quoique mal choisis , les intimés
cherchent à prévenir les esprits et à distraire l’attention,
-en l’éloignant des idées simples que présente cette eause.
Ramener à ces idées simples, sera le but des appelans,
qui se proposent de faire vo ir,
Que des fins de non-recevoir ne peuvent arrêter les
réclamations d’un mineur dont les droits ont été méconnus
dans un partage fait avec sa tutrice^
■
* Que ce partage est un contrat synallagmatique, q u i,
étant anéanti pour certainsdes copartageans, nepeut$ul>
sister pour les autres ;
Qu’une société formée pour deux tetes seulement,
n’a pu, «ans une -clause expresse, s’étendre aux dix-huit
cnfans -des deux associés.
A 2
�L e 18 juin 1748, Antoine Bourgade et Hugues Bour
gade, 2e. du nom, son frère, formèrent par le contrat
de mariage de celui-ci une société universelle.
Ils y confondirent les dots de leurs femmes, quoiqu’elles
fussent inégales : la dot de la femme d’Antoine n’etoit
que de 5oo francs; celle de la femme de Hugues s’élevoit
à i , 5oo francs.
Il est essentiel de transcrire la clause constitutive de la
société , clause q u i, dans le mémoire des intimés, a été
copiée sur une expédition inexacte.
« A été aussi présent sieur Antoine Bourgade, frère
« dudit futur, aussi marchand, demeurant audit village
« de la D ardie, le q u el, de son gré et bonne volonté,
ce aussi-bien que ledit futur, de g ré , se sont associés,
« abutinés et accommunautés en tous biens meubles,
« immeubles, présens et à. venir, pour deux têtes et par
ti. tions égales y c o m p r i s les droits de leurs femmes, avec« pacte de succéder; et sera ladite association, ambula« toire du premier au dernier, comme frères germains. »
A la fin du contrat il est dit :
« Des autres clauses dont n’est fait mention en ces
« présentes, les parties ont déclaré vouloir se régir
« suivant la coutume d’Auvergne. »
A l’instant où la société fut contractée, les deux frères
avoient une s œ u r nommée Jeanne, qui n’étoit pas encore
entrée en religion : Jeanne auroit eu droit à la succes
sion de celui des associés qui seroit mort sans enfansj
,
�\ifit '
, c’est pour changer cet ordre d’héritiers naturels, qu’A n toine et Hugues, unis d’une affection plus particulière,
firent entr’eux une association avec pacte de succéder,
ambulatoire du premier au dernier, exprimant par là
leur intention que tous les biens de la société appar
tinssent au survivant des associés.
Mais le pacte de succéder est resté sans effet, parce
que chacun des associés devint le père d’une nombreuse
famille^ Antoine Bourgade eut neuf enfans, et Hugues
qui en avoit eu d i x , en conserva lui-même neuf.
La société prospéra ; elle fit diverses acquisitions. Ses
bénéfices, si l’on en croit les intimés, auroient été prin
cipalement dus à l’activité et. à l’industrie d’Antoine.
<Cette allégation n’est pas prouvée ; elle n’est pas même
-vraisemblable. L ’éducation plus soignée qu’avoit reçue
Hugues , devoit augmenter le x-essort de son industrie
naturelle, et rendre son association plus avantageuse à
Antoine.
Aussi les assertions des intimés sont-elles autant d’er
reurs.
Antoine n’avoit succédé ni au commerce, ni aux fermes
de son père ; car celui-ci n’avoit jamais été ni commer-çant, ni fermier.
Antoine n’a jamais fait un grand commerce de bestiaux.
Les gains de la société ont été produits par des en
treprises de fermes; et ces entreprises étoient conseillées
et dirigées par le plus instruit des deux associés. C’est
Hugues qui a réellement été l’artisan de la prospérité
commune.
Pendant la durée de la société, les deux frères unirent
*•
�entr’eux les aînés de leur famille. U n triple contrat de
mariage fut fait le 24 janvier 1771. Claude, 3e. du nom ,
Pétronille et Jacqueline, enfans d’Antoine, épousèrent
Jeanne, Claude 4«. et Gilbert, enfans de Hugues. Institués
héritiers universels par leurs pères et mères respectifs ,
les futurs époux furent chargés seulement de payer une
légitime de i , 5oo francs à leurs frères et sœurs.
Antoine Bourgade ne vécut pas long-temps après cette
•triple alliance; il décéda le 6 novembre 1773 , laissant
six de ses enfans en bas âge.
P ar ee décès, la société fut considérée comme dissoute.
La loi en prononçoit la dissolution, et l’équité n’exigeoit
pas qu’elle fût maintenue.
Une association de travaux et d’industrie ne pouvoit
subsister dès l’instant où les travaux et l’industrie avoient
cessé d’un côté. O r , il est évident que les six enfans
mineurs d’Antoine ne pou voient pas contribuer, par leurs
efforts, aux bénéfices communs; la foiblesse de leur âge
et les frais de leur éducation devoient, au contraire,
présenter des charges d’autant plus g ra n d e s , que leur
éducation n’a pas été négligée : les intimés Font reconnu
dans leur mémoire.
Les secours qui ont été nécessaires à Hugues Bour
gade pour ses travaux multipliés, il n’a pu les trouver
que dans ses propres enfans mâles, et dans Claude,
3e. du nom, son gendre; il seroit donc injuste que les enfans mineurs qu’avoit laissés Antoine, vinssent prendre
part û des gains auxquels ils n’ont pas concouru, et
qu’ils auraient plutôt diminués par leurs dépenses,
qu’augmentés par leur industrie.
�(7 )
Si Hugues Bourgade a perçu les revenus de leurs
portions légitimâmes, il leur en devra l a . restitution ; il
n’étoit pas chargé d’ailleurs de veiller à leurs intérêts ;
ils avoient une mère , Marie Decouzon, qui étoit leur,
tutrice naturelle , et qui devint leur tutrice judiciaire
par procès verbal du 19 mars 1777.
O n reproche à Hugues de n’avoir pas fait d’inven-,
taire au décès de son associé.
Mais il n’y étoit pas obligé. Cette formalité n’étoit
pas nécessaire en Auvergne pour la dissolution des
sociétés.
La probité même ne la commandoit pas. Marie D e couzon , veuve d’Antoine , connoissoit la situation de
la société à l’instant du décès de son mari.
D ’ailleurs, un registre d’administration, tenu exacte-,
ment par Hugues, présentoit un tableau j o u r n a l i e r et
fidèle de la société. C e registre a été confié, quelque temps,
avant le procès, au sieur Antoine Bourgade , que repré-sentent les intimés. On agissoit avec franchise , on ne
vouloit rien cacher.
L e registre a été depuis redemandé, mais inutilement/
Qu’on le représente, on y verra des états qui pourront
tenir lieu d’inventaire;, on y trouvera aussi la preuve
que Hugues Bourgade, après le décès d’Antoine, con-,
sidéroit comme dissoute la société qu’il avoit contractée^
avec c e lu i- c i, et que s’il' se croyoit a s s o c i é , .c’étoit ù.
Claude 30., son gendre, à Claude 4e. , et à Gilbert, ses,
deux fils aînés ; parce que tous les trois, partageant seuls
ses travaux, avoient, par leur ac ti vi té et leur industrie,
beaucoup accru se$ bénéfices.
r
t
\
�Hugues Bourgade a fait plusieurs acquisitions depuis
la dissolution de la société.
La première et la plus considérable eut lieu le 9 juin
1 7 7 5 . Hugues Bourgade et Claude 3e. du nom, acqui
rent conjointement le domaine de Laverchère, dont les
deux tiers devoient appartenir à Hugues, et le tiers à
Claude.
Sur 16,000 francs, prix de la vente, 6,000 francs furent
payés comptant, savoir, 4,000 francs par H ugues, et
2,000 francs par Claude ; le surplus fut stipulé paya
ble par termes annuels de 2,000 francs.
La longueur des termes pris pour le payement, in
dique assez que les acquéreurs comptoient moins sur
leurs ressources présentes que sur les ressources futures
que leur fourniroit leur industrie.
Claude, qui paya comptant 2,000 francs pour sa part
contributive, ne pouvoit les avoir pris sur les biens de
la société qu’il n’a voit jamais régie.
H u g u e s lu i-m ôm e av o it p u faire des économies de
puis la dissolution de la so c ié té , arrivée en 1 7 7 3 .
Les gains avoient augmenté par la réunion des efforts
du gendre et des deux fils aînés. Les dépenses, au con
traire, avoient diminué, quelles quesoient les allégations
multipliées que les intimés aient fait répandre dans leur
mémoire.
On est en effet étonné d’y lire, page 14, que Hugues 2e.
avoit fait des dépenses considérables,
P o u r son f ils , chanoine ¿1 T'hiers , tandis que ce fils
se mit en pension d’abord, et se fournit ensuite, à scs frais,
les provisions , l'ameublement, les prnemens qui lui
étoicut nécessaires;
�(9 )
P o u r un "procès sérieux q u i s'éleva daîis le chapitre,
tandis que ce procès, porté à l’ofücialité, s’arrangea sans
frais ;
•
■Pour le congé et Ventrée d*Antoine Bourgade dans
la communauté des génovéfms , tandis que toute la
famille sait que M . Montboissier, qui aimoit les Bour
gade, obtint un congé gratuit, et paya même les dé
penses du voyage ;
P o u r un prieuré à V o llo re, tandis qu’on n’ignore pas
que les sommes modiques qu’avança le père, lui furent
remboursées par le fils, devenu prieur, la première année
même de la jouissance d’un bénéfice de plus de 3,000 fr.
de revenu ;
Enfin, pour élever ses eirfans ou les établir, tandis
que l’éducation des enfans de Hugues 2e. étoit alors à peu
près achevée, et qu’il n’en a établi aucun depuis la mort
d’Antoine.
Mais c’est trop nous occuper de ces vaines assertions;
par celles que nous réfutons, que l’on juge des autres.
Le 13 décembre 1776, une septerée de terre fut aussi
acquise, moyennant 200 francs, par Hugues et Claude
Bourgade, et dans les mêmes proportions.
Il est vrai que le 7 avril 17 7 8 , Hugues Bourgade
acheta , tant pour lui que pour les enfans de son frère,
une moitié par indivis des propriétés que possédoit un
nommé Costes, dans le ténement de Bonetias.
On argumente de cette acquisition.
Comment prouvcroit-elle que la société eût continué
depuis le décès d’Antoine ? Il y est dit que défunt
Antoine étoit associé, mais non que ses enfans le fussent
B
�Cio)
eux-mêmes par continuation. Si Hugues acquit pour
ceux-ci comme pour lu i, c’est que le vendeur étoit débi
teur envers la société de Hugues et Antoine , et que
l’acquéreur se retint la dette sur le prix de la vente ;
c’est aussi, sans doute, parce qu’il lui restoit quelques
fonds communs, dont il eut la délicatesse de faire l’em
ploi au nom de tous.
A u reste, l’induction que tirent les intimés de cette
acquisition, est détruite non-seulement par les actes an
térieurs, mais aussi par un acte postérieur, du 12 janvier
1783, par lequel Hugues Bourgade acheta quelques hé
ritages en son nom seulement.
r
L ’année 1783 fut funeste à la famille Bourgade; elle
perdit pi’esque dans le même moment trois de ses mem
bres les plus précieux r Hugues, mort le 10 avril; Claude,
3e. du nom , son gendre, qui étoit décédé deux jours
auparavant, et G ilb e rt, son fils, qui mourut le 19 du
même mois.
D epuis, et pendant les années 17830! 1784, les biens
des deux branches restèrent indivis comme auparavant.
L ’action en partage fut formée le n octobre' 1784 ,
par Michel Bourgade, alors vicaire à Augerolles, et
qui depuis long-temps n’habitoit pas auprès de ses parens.
Cette action fut dirigée contre toutes les parties inté
ressées, parmi lesquelles étoient beaucoup démineurs, et
n o t a m m e n t contre Jeanne Boui’gade, veuve de Claude 3e.,
et tutrice des quatre enfans mineurs qu’il avoit laissés.
11 n’est pas inutile de se fixer sur les expressions de
l’exploit de demande.
Michel Bourgade expose d’abord qiCAntoine et IIu -
�( 11 )
gues Bourgade étoient communs en biens , chacun
pour moitié ,* qu’après le décès de Hugues j ses repré
s e n t a i s’étoient emparés de la totalité des biens, et en
disposoient à leur gré sans lui en donner aucune conlioissance, ce qui lu i donnoit lieu ci ne pouvoir plus en
tretenir la communauté de biens et jouissance com
mune , qui E X Ï S T O I T E N T R E L E SD IT S A N T O I N E E T
H ugues
Bourgade.
Ensuite, il conclut au partage de tous les biens mo
biliers et immobiliers qui étoient communs et joui$
indivis entre l e s d i t s A n t o i n e e t H u g u e s B o u r g a d e ,
pour lui en être délaissé sa portion afférente.
Telles sont les conclusions principales de l’exploit.
On voit qu’il y est question seulement des immeubles
communs et indivis entre les deux f r è r e s , et non'de
ceux qui avoient été acquis depuis la mort d’Antoine.
Il est vrai que dans la suite de ces conclusions, M i
chel , prétendant que deux des fils de Hugues s’étoient
emparés des clefs de la maison commune, demande qu’ils
soient tenus « de rapporter tous les titres papiers et
« documens, concernant les biens sujets au partage; tout
« le mobilier, o r, argent, billets et obligations qui'se
« sont trouvés au décès dudit Hugues Bourgade, »
Mais les expressions relatives au mobilier n’ajoutent
rien aux conclusions principales, restreintes aux seuls
immeubles conununs entre les deux frères.
Et pour le mobilier m êm e, ce sont les conclusions
principales que l’on d o it co n sid érer; les expressions
qui les suivent supposent seulement que le mobilier
B 2
�»‘ VV>
,,* i
existant au décès de H ugues, étoit considéré comme
représentant celui qu’avoit laissé Antoine.
11 n’est pas d’ailleurs question, dans l’exploit, de conti
nuation de com m unauté,* e t, loin même de demander
le partage d’une communauté continuée, l’on conclut,
ce qui en excluoit l’idée, à des restitutions de jouissances
suivant Vestimation q u i en seroit fa it e par experts.
La sentence rendue le i er. décembre 1784 , ordonne
aussi le partage de tous les biens mobiliers et immo
biliers q u i étoient communs et par indivis entre lesdits
A ntoine et Hugues B ourgade, et le rapport par deux
des fils de Hugues, de tout le mobilier, o r, argent,
billets , obligations qu i se soiit trouvés au décès dudit
Bourgade ( termes de la sentence ).
Telle est la sentence en exécution de laquelle il fut fait,
le 27 janvier 178 5, un partage à l’amiable, où figurent
deux tutrices et des mineurs émancipés, et lors duquel
tout annonce que les titres de famille et les droits res
pectifs des copartageans furent absolument inconnus.
O11 ne r a p p e l l e dans ce p a r t ag e ni les actes des acqui
sitions faites depuis le décès d’Antoine, ni môme un tes
tament du .29 août 17 6 1, par lequel un grand-oncle com
m un , Claude Bourgade,.prêtre, avoit légué le quart de
tous ses biens à Claude 3e., fils d’Antoine, et à Claude 4e,
fils de Hugues, ses petits-neveux.
Les biens acquis, les biens légués, furent confondus
par l’ignorance,’ dans la masse commune; et cette masse
q u i, d’après la'sentence , ne devoit comprendre que les
biens immobiliers qui avoient été communs entre A n -
t
�Πi 3 )
................................ I
toine et H ugues, se trouva composée, et de biens que
le pi’emier n’avoit jamais possédés, puisqu’ils n’avoient
été acquis que depuis son décès, et de biens même qui
n’avoient jamais appartenu ni à l’un ni à l’autre.
Il est v r a i,• et les intimés l’ont remarqué avec affecta
tion, que d’après le partage des rentes actives et passives,
qui fut fait le lendemain 26 janvier, les dettes passives ,
les pensions et entretien des eirfàns de la maison , qu i
\pourront être dûs jusqu’aujourd’h u i, est-il d it, devoient
être acquittés en commun, aux dépens de la récolte de
l ’année 1784, et des dettes actives-.
Mais si cela fut ainsi réglé , ce fut pour la'commo
dité du partage, et parce que l’actif et le passif mobilier
qui se trouvoient alors, parurent balancer celui qui avoit
existé à l’époque de la dissolution de la société ,! non
d’ciilleurs que l’on considérât la société comme ayant
existé jusqu’à ce moment..
La demande en partage même, par laquelle on avoit
conclu au rapport du mobilier seulement qui existoit au
décès de H ugues, la sentence qui condamnoit à rendre
compte des jouissances, suivant l’estimation qui en seroit
faite par des experts, tout prouve que la société étoit
considérée comme interrompue depuis long-temps.
Quelle qu’eût été, au reste, l’intention des copartageans,
on ne pouvoit blesser les intérêts des mineurs nombreux,
au nom desquels ce partage fut fait; leurs tutrices ne
pouvoient aliéner une partie de ce qui leur revenoit; le
partage, à leur égard, ne pouvoit être que provisionnel :
ils ont eu depuis, ils ont encore aujourd’hui le droit de
reclamer un partage définitif.
�( 14 )
Pendant l’exécution de ce partage provisoire, on re
connut une des erreurs qu’il renfermoit. Le testament
du 29 août 1761 fut découvert, et des conventions furent
faites, le 9 ventôse an 4> avec les légataires.
A la fin de ces conventions on ajoute : A u surplus,
le susdit partage recevra son exécution.
Ces expressions fournissent aux adversaires l’occasion
d ’argumenter; mais peuvent-ils les opposer à des mineurs
qui dans l’acte ne sont représentés que par une tutrice?
E t ceux même qui y sont personnellement parties,
ne pourroient-ils pas dire que cet acte sous seing privé
-est resté informe?
Il est dit fait décuple, et il n’en existe que deux doubles.
D ix personnes y sont en qualité,( et le double même
le plus en règle n’a que cinq signatures,
Louis Bourgade seul parmi les intimés, Hugues Bour
gade seul pai’mi les appelans, ont signé cet acte, qui
renferme cependant des conventions synallagmatiques,
et qui ne pouvant obliger les non signataires, ne doit
pas être considéré comme valable à l’égard des autres.
L e second double n’a que deux signatures.
On argumente encore d’un second acte du 4 germinal
an 4 , contenant une subdivision de lots.
On a vu avec surprise daus le dossier des adversaires
cet acte qui leur est étranger. On croit devoir se taire
■
sur la manière dont il leur est parvenu,
Mais quels moyens pourroient-ils y puiser? ils n’y
•sont pas partie; tout ce qui 0 été d it, tout ce qui a été
•fait hors leur présence, ne peut pas leur profiter, par
cela même que cela ne pourroit pas leur nuire,
�( 15 )
Cet acte, au reste, où figure encore une tutrice, a été
anéanti depuis entre ceux qui l’avoient fait.
Cependant, eu l’an n , les enfans de Claude 3e. et de
Jeanne Bourgade, tous devenus majeurs, et plus éclairés
sur leurs droits 1 formèrent, par cédule du 29 pluviôse,
une demande en partage définitif, en observant que le
partage de 1786 n’étoit pas valable, et en rappelant le
testament du 29 août 1 7 6 1 , et le contrat de l’acquisition
du domaine de Laverclière.
„ Toutes les parties intéressées comparurent au bureau
de p aix , le 3 ventôse an 11 ; plusieurs refusèrent de se
concilier; mais les enfans de Claude, 4«. du nom, comparoissant par Hugues Bourgade, l’un d’e u x , déclarèrent
qu’ils n’entendoient point contester la demande en par
tage.
f
Cette Antoinette Bourgade, qui étoit majeure, reconnoissoit alors la nécessité du partage qu’elle conteste
aujourd’hui.
L é 2 messidor an 1 1 , Antoinette Bourgade fut partie
contractante dans un acte de partage provisionnel, qui
fut fait entre les descendans de Hugues 2^ *
L e partage ne fut que provisionnel, parce que l’on re
connut que celui de 1785 reposoit sur une base inexacte.
Cepeudant, une procédure en partage définitif fut com
mencée.
■.
*
*
On a lu avec étonnement,' dans le mémoire des intimés,
que les appelans avoient, après des explications, aban
donné cette procédure, et payé les frais.
•Voilà encore une de ces a l l é g a t i o n s trop nombreuses,
hasardées par les i n t i m é s dans leur défense. Ils il’ignorent
�(16 )
pas cependant que si l’action en partage ne fut pas pour
suivie avec activité, des projets d’arrangement ou d’ar
bitrage en furent la seule cause.
Les demandeurs vouloient obtenir justice, et cepen
dant conserver dans leur famille une union que l’in
térêt n’anéantit que trop souvent.
C’est dans ce double but qu’ils proposèrent aux inti
més de s’en rapporter à des arbitres, en leur laissant
môme le choix des jurisconsultes.
Cette proposition qu’ils ont toujours faite, qu’ils re
nouvellent encore, on a feint pendant long-temps de
l ’accepter, en retardant toujours l’exécution du projet.
V oilà le seul motif de la suspension des poursuites.
D epuis, et le 12 août 1808, Antoinette Bourgade,
alors épouse de Louis 2e., forma contre Hugues et Claude
Bourgade, ses frères, la demande en partage des biens
de Claude, 4e. du nom , et de Jeanne Bourgade, père
et mère communs,
Ceux-ci répondirent qu’il falloit d’abord procéder ¿\
un partage général entre les descendans d’Antoine I er.
et ceux de Hugues 2*. ; ils observèrent que le partage
de 1786 n’étoit pas définitif.
L a justesse de cette observation fut sentie; et un ju
gement contradictoire, du 19 avril 1809, ordonna la
mise en cause de tous les représentans d’Antoine et de
Hugues.
■Les motifs de ce jugement méritent d’être connus.
fx Attendu qu’il n’existe aucun partage régulier et
ç< d éfin itif des biens d’Antoine et Hugues Bourgade ,
« aïeul et grand-oncle des parties ;
« Attendu
�( r7 )
*»
« Attendu qu’un partage, pour être régulier, doit se
« faire d’objets certains, dont la propriété est reconnue
« certaine et appartenir aux copartageans. »
C ’est en exécution de ce jugement, que plusieurs par
ties, et notamment les enfans de Claude 3e, , ont été
mis en cause.
L ’un de ceux-ci, nommé Claude Bourgade-Malaleuge,
à cause du nom de son épouse, et qui étoit cédataire
des droits de Jacqueline Bourgade, sa sœur, présenta
une requête, le 10 juin 1 8 1 1 , et demanda un partage
général, qui étoit indispensable pour attribuer à chacun
ce qui devoit lui appartenir.
Toutes les parties, si l’on en excepte quatre, qui sont
les intimés, adhérèrent aux conclusions de la requête.
On dut être étonné de voir parmi ceux qui y résistoient, les deux époux, Louis et Antoinette B o u r g a d e ,
avec qui ce partage général avoit été jugé indispensable,
par le jugement du 19 avril 1809.
Cependant les mêmes magistrats qui avoient déclaré le
nouveau partage nécessaire, ont refusé de l’ordonner,
par leur jugement définitif, du 6 février 18 12 , et ont
déclaré que la société avoit continué après le décès de
l’associé Antoine.
On ne rappellera pas les dispositions de ce jugement,
qui ont été détaillées dans le mémoire des intimés.
On se bornera à observer que les premiers juges, dans
leur propre système, auroient commis plusieurs erreurs
au préjudice de Claude Bourgade-MalaleuSe >
i ° . En considérant les intimés comme ayant droit à
la masse totale des biens compris au partage de 1 7 8 5 ,
C
�M
( 18 )
tandis qu’on devoit distraire de cette masse le quart des;
biens de Claude 1 er. , grand-oncle commun, qui, par
testament de 17 6 1, avoit légué ce quart à ses deux petitsneveux, Claude 3e. et Claude 4e.;
*
20. E11 se bornant à ordonner la vérification des lots
des intimés, afin d’attribuer à Claude Malaleuge, deux
dix-liuitièmes seulement de ce dont ces lots excéderoient
les dix trente-sixièmes de la masse totale, au lieu d’or
donner, comme il y avoit conclu, un nouveau partage,*
pour connoître si le mineur jouissoit de la totalité du
lot qu’il devoit avoir;
3°. En ne lui attribuant pas, du chef de M arie, sa
sœur, qu’il représentoit en partie , les mêmes droits qu’on
n’a pu lui refuser de son propre chef, et de celui de
Jacqueline Bourgade, son autre sœur.
• Ces remarques seront bientôt développées.
• Mais suivons d’abord les intimés dans leur discussion ¿
et examinons avec eux ,
i°. Si la demande en partage est recevable;
2 ° . S i elle est f o n d é e ;
3°. Quel pourroit être le sort des demandes incidentes
qu’ils ont eux-mêmes formées.
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L a demande en partage est-elle recevable ?
Sur cette question, les intimés divisent les objections;
ils opposent la sentence de 1784, à Bourgade-Mulaleuge,,
et des acquiescemens aux autres demandeurs.
�( i9.)
fIS7
Divisons aussi les réponses.
La sentence, dit-on au sieur Bourgade-M alaleugey
a été signifiée à domicile; elle a été exécutée volontai
rement : c’est chose jugée.
Cette objection, employée devant les premiers juges,
n’a rpas fait fortune. Ils l’ont repoussée, sans l ’honorer
meine d’une réponse; ils ont pensé que Bourgade-Malaleuge avoit le droit de demander le partage, et c’est
par l’examen du fond seulement qu’ils ont jugé que ce
partage devoit comprendre les acquisitions faites depuis
le décès d’Antoine.
S’il étoit nécessaire aujourd’h u i, pour faire accueillir
la demande, d’écarter la sentence, on y parviendrait de
plusieurs manières.
L ’exécution volontaire ne seroit pas un obstacle; cette
exécution, émanée d’une tutrice, n’a pu nuire à ses pu
pilles. Une tutrice ne peut acquiescer, parce qu’elle ne
peut aliéner, et qu’un acquiescement relatif à des droits
immobiliers, est une aliénation. Il seroit inutile d’insisler
sur la preuve de cette vérité.
Quant à la signification faite au domicile de la tutrice,
en supposant qu’elle eût pu faire courir le délai contre
le mineur, à qui personnellement la sentence n’a jamais
été signifiée, on renverrait les intimés à l’examen de
l’original de l’exploit de signification ; ils y verraient que
l’huissier qui déclare s’être transporté au domicile d’en
viron douze personnes ayant des intérêts distincts, ne
fait mention que d’une seule copie laissée pour tous. J e
leur ai laissé co p ie, est-il dit.
*'
Et 1’on ne peut pas équivoquer sur cette mention.
C 2
�(
20
)
La preuve qu’il n’a été laissé qu’ une copie, résulter
i°. delà modicité des vacations de l’huissier, qu’il a fixées
lui-même à un franc, par une note qui pnroît avoir été
écrite de sa main sur l’original; 2°. de la mention diflé-.
rente qui se trouve dans un exploit posé quelques jours
après, par le même huissier, aux mêmes personnes, où
il a soin de dire qu’il a laissé copie à chacun d’eux.
Ce dernier exploit ne contient pas de signification de
la sentence, et même le parlant à . . . . . relatif à. JeanneBourgade , tutrice, est resté en blanc.
11 seroit superflu de rappeler les principes de procé
dure consacrés par plusieurs arrêts, et qui exigent quechaque partie, dont l’intérêt est distinct, reçoive une
copie particulière de l’acte de signification qu’on veut
lui opposer.
L ’on conçoit qu’une signification aussi irrégulière, ou
plutôt qui n’a janïais été faito, n’a pu faire courir contre'
des mineurs un délai fatal.
’ Ainsi l’opposition à la sentence, formée surabondam
ment devant les premiers juges, seroit encore recevable,.
si elle étoit nécessaire.
A u reste, cette opposition n’eût pas été nécessaire,
quand le dispositif de la sentence seroit même contraire
aux réclamations des appelanSé
• Autrefois un partage ordonné et fait avec une tutrice
ne pouvoit être que provisionnel, au moins à l’égard
des pupilles : la jurisprudence ancienne n’étoit pas dou
teuse sur cette vérité. On peut voir ce que dit M. Lebrun
sur cette question , liv. 4 , cliap. ier, ? no#
et suivans<.
• ‘ L a Cour impériale ( i re. chambre ) a appliqué ce
�c 2i )
ito
príncipe, le 18 messidor an 10, dans la cause des Malîet,
'
et a décidé qu’un, partage ordonné par plusieurs sen
tences, sur la demande d’une tutrice, fait d’après un
rapport d’experts, par un traité entre la tutrice et les
autres héritiers, et exécuté pendant vingt-sept ans de
majorité, n’a voit pas empêché le mineur de demander
un nouveau partage, parce que, disent deux des motifs
de l’arrêt, tout partage f a i t avec un mineur est essen
tiellement provisoire, et que Vaction du mineur dure
trente ans pour revenir contre un partage provisoire.
Il n’est- donc pas étonnant que l’objection illusoire,
tirée de cette sentence, n’ait pas même excité l’attention
des premiers juges.
Mais en proposant l’objection, a-t-on bien considéré
les dispositions de la sentence ?
Comment n’a-t-on pas vu que la comparaison de la
sentence au partage de 1785, étoit la plus forte critique
qu’on pût faire du partage?
C’est avec beaucoup d’art qu’on a rapproché certaines
expressions de l’exploit de demande, pour en conclure
que la sentence qui l’a voit suivi, déclaroit la société
continuée jusqu’au décès de Hugues.
Mais l’art doit céder à la vérité; et des inductions
forcées, quelqu’ingénieuses qu’elles soient, ne suffisent
pas pour créer le dispositif d’une sentence.
Les intimés ont eu la prudente précaution d’éviteude fixer l’attention sur les termes du dispositii.
Quels sont-ils donc ?
Les voici textuellement :
« Condamnons lesdits B o urgad e et Marie Decouzon x
..¿i
�0
( 22 )
a ès-dits noms et qualités, à venir à division et partage
« de tous les biens mobiliers et immobiliers , q u i
ce étaient communs et par indivis entre lesdits A n « toine et Hugues Bourgade , à reflet d’en être délaissé
« la portion afférente audit sieur demandeur ; et pour
ic y parvenir, etc. »
Cette disposition, qui est la principale de la sentence ,r
a-t-elle quelques traits à une continuation de commu
nauté ?
Peut-elle s’entendre d’immeubles acquis après le dé
cès d’Antoine ?
N ’est-il pas évident que les immeubles acquis depuis
ce décès, n’ont jamais été communs entre A ntoine et
Hugues ? et que, par conséquent, le partage n’en est pas
ordonné ?
Que les intimés s’égarent à leur gré dans leurs dis
sertations ; on les ramènera toujours à ces expressions
aussi simples que claires : Qui étoie?it communs et par
indivis entre lesdits A n toin e et Hugues ; et là viendront
se briser tous leurs raisonnemens.
D ’ailleurs, on demandera aux intimés : Quelle qualité
prend le demandeur dans l’exploit de 1785 ? quelles
qualités donne-t-il à ceux qu’il assigne?
Il prend seulement la qualité d’héritier de Hugues ;
il donne aux défendeurs la qualité seule d’héritiers de
Hugues ou d’Antoine,
Il ne se dit pas assoeié lui-même;
Il n’appelle pas les autres ses associés ou communs.
O r , s’il est de règle, en procédure, que les qualités
prises et données servent à déterminer la demande, com-
�( 23 )
ment pourra-t-on croire que Michel Bourgade, demon-*
d e u r, alors p rêtre, et depuis long-temps éloigné de la
famille Bourgade, ait entendu agir comme membre d’une
société continuée avec l u i , malgré son absence, et de
mander le partage de cette société?
i
Mais que demande réellement Michel Bourgade par les
conclusions de son exploit? car ce sont les conclusions
qui forment la demande, et non quelques expressions
vagues qui auroient été jetées dans un exposé peu
réfléchir
Il demande ce qu’on lui a accordé; le partage de tous
les biens mobiliers et immobiliers qui étoient communs
et jo u is indivis entre A ntoine et Hugues Bourgade.
Pas un mot d’ailleurs sur la continuation de la so
ciété ; pas une ligne de conclusions pour obtenir le par
tage de cette prétendue société continuée.
Comment donc le juge l’auroit-il ordonné ?
Pouvoit-il penser à ce qu’on ne lui demandoit pas ?
C’eût été beaucoup trop exiger de lu i, surtout dans
une sentence par défaut.
Que l’on cesse donc de parler de la demande en rap
port du mobilier, de l’or, de l’argent, des billets et des
obligations trouvés au décès de Hugues Bourgade.
Cette partie des conclusions peut se concilier avec la
première, en considérant le mobilier qui se trouvoitau
décès de Hugues , comme représentant celui qui existoit
au décès d’Antoine.
I>a demande sur cet ob jet, et le dispositif de la sen
tence, pourroient être justifiés jusqu'à un certain point
�( 24 )
par le défaut d’inventaire légal pour constater le mobi
lier existant au décès d’Antoine.
r Mais enfin, en prenant même à la lettre la sentence,
quant au mobilier, cela ne détruiroit pas ses dispositions,
quant aux immeubles.
Seulement, si elle avoit acquis la force de chose jugée,
il faudroit l’exécuter telle qu’elle est, c’est-à-dire, par
tager le mobilier existant au décès de Hugues, mais se
restreindre au partage des seuls immeubles qui étoient
communs et indivis entre Antoine et Hugues ,. c’est-àdire, que les deux frères possédoient au décès d’Antoine.
On voit donc combien est chimérique la fin de nonrecevoir opposée à Claude Bourgade-Malaleuge ; on voit
qu’il a encore le droit d’examiner si la société étoit dis
soute au décès d’A ntoine, et si les immeubles acquis
depuis doivent être compris dans le partage des biens de
cette société.
Si le sieur Bourgade-Malaleuge a ce droit, il l’a nonseulement de son chef, mais aussi du chef de Jacqueline
B o u r g a d e , sa s œ u r , d o n t il n acqui s la p o r t i o n hérédi
taire par acte du 13 juillet 1809, mais encore de celui
de M arie, son autre sœur, dont il est également cédataire partiel.
Nous disons du chef de Jacqueline ;
Car Jacqueline n’a jamais assisté personnellement aux
divers actes que l’on oppose; elle y a été seulement re
présentée par une tutrice, comme Bourgade-Malaleuge;
en sorte que les moyens de l’u n , sont également les
moyens de l’autre.
Les mêmes observations s’appliquent à Marie Bour-
�( i5 )
íé&
gade; c’est Jeanne Bourgade, sa mère et sa tutrice, qui
agissoit pour elle en 1785.
Marie Bourgade n’a pas signé les conventions du 9
ventôse an 4.
Et celles du 4 germinal an 4 , étrangères aux intimés,
faites en l’absence de plusieurs des parties intéressées,
ont été rétractées depuis, notamment par le partage
provisionnel, du 2 messidor an 11.
A in s i, trois des enfans de Claude Bourgade, 3C* du
n o m , peuvent demander un nouveau partage, sans avoir
à craindre aucune fin de non-recevoir.
L e quatrième enfant, Hugues Boui’gade-Chèze, comme
cédataire de moitié des droits de M arie, sa sœur, en
vertu d’ un acte postérieur aux approbations qu’on lui
oppose à lui-même, pourroit aussi, au moins au nom
de cette sœur, réclamer le nouveau partage.
Mais quels sont les actes d’approbation dont on ar
gumente contre lui?
Il étoit aussi mineur, et représenté seulement par sa
mère tutrice, dans le partage de 1785.
L ’acte du 4 germinal an 4 n’est pas fait avec les
intimés, et a été anéanti depuis long-temps.
Il ne reste donc que l’acte du 9 ventôse an 4 , qu’ou
puisse lui opposer , à cause des expressions qui y ont
été placées sans réflexion , et dans un instant où les
droits des parties ne leur étoient pas encore connus :
P o u r le surplus y le partage de 1785 aura sa pleine
et entière exécution.
Mais ces expressions dont on croît pouvoir tirer un
si grand p a rti, à qui appartient-il d’en argumenter ?
D
�• A ceiiï-là seuls sans cloute qui ont signé l’acte du 9
ventôse ; car si Hugues s’est o b lig é , ce n’est qu’envers-,
ceux qui s’obligeoient eux-mêmes à son égard.
O r , parmi les signataires de cet acte, il n’en est qu’un
que représentent deux seulement des intimés.
Ce signataire est Louis Bourgade, i er. du nom , pèrede Louis 2e. et d’Antoinette, mineure.
L a fin de n o n -i’ecevoir ne pourvoit donc pas être
invoquée au nom de tous les autres enfans ou deseendans d’Antoine, i er. du nom.
Mais des deux enfans même de Louis 1er. T l’un r
savoir Louis 2e. , ne seroit plus admissible à faire va
loir un tel moyen ; lui avec qui il a été jugé contradic
toirement dans lu cause actuelle, le 9 avril 1809, qu'il
iCexistait aucun partage régulier et définitif des biens
d'Antoine et Hugues Bourgade, aïeul et grand-oncle
communs des parties„
!
A in s i, de tous les intimés, Antoinette Bourgade,,
sœur de Louis 2 % paroîtroit la seule autorisée à résister
a la demande en nouveau ptavtage, relativement à HugueS'
Bourgade-Cheze.
La femme de Louis 2e. , Antoinette Bourgade, ne
pourvoit elle-même invoquer aucune fin de non-receçoir,
elle qui a consenti à un nouveau partage par le procès
verbal, du bureau de paix, du 3 ventôse an 1 1 ;
Elle qui a été partie aux conventions de messidor
au 11 , par lesquelles 1 irrégularité des anciens partages
fut reconnue ;
Elle, enfin, avec qui fut rendu le jugement.du 19 avril,,
dont nous venons de parler»
�( *7 )
La résistance qu’oppose aujourd’hui cette Antoinette,
est d’autant plus inconséquente, qu’elle combat évidem
ment ses propres intérêts; car le partage proposé lui
attribueroit dans les acquisitions faites depuis le décès
d’Antoine i cr. , une portion assez forte, dont la prive
le partage de 1785.
Quant aux Bourgade-Roche, autres appelons, comme
leur p è r e , Claude 4e., a été présent au partage de 1 ^8 5 ,
et qu’il étoit majeur, la fin de non-recevoir seroit plus
sérieuse, à leur égard, s’ils étoient les principaux de
mandeurs en partage.
E n core, comme nous l’avons déjà observé, cette fin
de non-recevoir ne pourroit-elle pas être opposée, ni
par Antoinette Bourgade, ni par Louis 2e. , son mari,
puisqu’il a été jugé avec l’un et l’autre, en 1809, que le
partage de 1785 n’étoit ni régulier, ni définitif.
M a is ce qui est décisif en faveu r des B o u r g a d e - R o c h e ,
c’est qu’ils ne sont point demandeurs directs , c’est qu’ils
n’ont fait qu’adhérer aux conclusions prises par Bonrgade-Malaleuge, et- lés-autres enfans de Claude 3e.,' qui
ont réclamé un nouveau partage.
Si ce nouveau partage, réclamé par des cohéritiers,
est indispensable, ainsi qu’on le démontrera bientôt, il
est certain que l’ancien partage étant anéanti pour quel
ques-uns des copartageons, doit l’étre pour tous.
L e partage est un contrat sÿnallagmatique, contenant
des obligations réciproques qui ne peuvent disparoître
pour les uns sans ôtre anéanties pour tous.
• C’est sur la foi de cette r é ci p r o c i t é d’engagemens que
D 2
�( *8 )
le contrat a élé formé : dès l’instant donc où le lien est
rompu d’ un cô té, il ne peut plus avoir de force de l’autre.
D e là il suit que si les B o u r g a d e - R o c h e , par l’effet du
partage gén éral, résultat nécessaire de la demande de
Bourgade-Malaleuge et Chèze, sont forcés de rapporter
à la masse des objets dont ils jouissent , alors le partage
de 1785, quilétoit leur titre, étant détruit à leur égard ,
disparoît en leur faveur comme contr’eux, et ils rentrent
dans tous leurs droits, par la même raison qu’ils perdroient les avantages que pourroit leur valoir l’ancien;
partage. *
;
Cette vérité est indiquée par la raison comme par les
principes élémentaires en matièi'e de contrats synallagmatiques. Toutes les fois que sur la demande d’un seul
cohéritier, il y a lieu à un nouveau partage général y
l ’ancien est annullé pour le tout. C’est ainsi qu’un par
tage
fait en l’absence d’un des cohéritiers est anéanti
O
pour tous les copartageans, lorsque l’absent reparoît et
réclame ses droits. ( V . D om at, lois civiles, 2e. partie,,
liv. I er. , titre 4 , sect. i re. , n°. i 5. )
A v o ir été absent, ou n’avoir pas été valablement re
présenté dans un acte de partage, n’est-ce pas la même
chose ?
Une tutrice, à qui la loi n’accorde que le droit d’ad
ministrer et non celui d’aliéner, ni par conséquent de
partager, ne représente pas valablement son pupille
dans un partage volontaire. Ce pupille, d’après la loi,,
n’est réellement pas partie dans l’acte de partage, et par
conséquent, si, sur ce m otif, il le fait anuuller, il doit
�( *9 )
en être comme dans le cas de l’absence d’un des cohé
ritiers, et le partage ne peut subsister pour aucun des
copartageans.
Les premiers juges n’ont éludé l’application de ces
principes , qu’en supposant que le sieur Bourgade-Malaleuge deniandoit moins un nouveau partage qu’un sup
plément de l o t , et qu’il ne réclainoit ce supplément que
contre les intimés.
'
.
Mais cette supposition est.une erreur. Boùrgade-Malaleuge demandoit un partage général, et contre tons les 1
cohéritiers, afin d’avoir, aux dépens de la masse totale,
le lot entier auquel il a droit; tandis que, d’après Je ju
gement dont est appel, il n’obtiendroit qu’une partie de
ce qui lui appartient.
i r i
i ! . n ir ■
’
Nous développerons bientôt cette erreur du jugement.
L ’arrêt du 5 thermidor an 12 est aussi sans apj)li-i
cation à la cause actuelle. Dans l’espèce qu’il jugea, la
demande du mineur n’obligeoit pas le majeur, dont la
réclamation fut rejetée, au rapport à la masse des objets
qu’il avoit reçus. En .un «mot, il ne s’agigsoit pas:d’un
partage général à refaire •*. tandis que, dansil’affaire' des
Bourgade, le partage général', et le rapport à la masse,,
par les Bourgade-Roche, des objets dont ils jouissent,
est une conséquence nécessaire de la réclamation de Bourgade-Malaleuge.
• _:vi;
O r , ils ne peuvent être astreints à ce rapport, sans»
rentrer dans tous leurs droits.
A in si, point de fin de n o n - r e c e v o i r , même à leur
égard.
Examinons donc la seconde question proposée. '
;
�( 3° )
S E C0 NDE
QUESTION.
;)
vLa demande est-elle fondée ?
« :
-
,-•/
...
,
!'
C ette question a îp ou r objet l ’exam en de la durée de
la société.
Elle seroit f ac il eme nt résolue, si l’on ne consultoitque les principes généraux’ de là matière \ abstraction
faite des termes particuliers dé la clause de la société. ' r
On connoît la maxime morte luniûs societas dissolçitur.
si) •
- Cette maxime ne souifroit pas d’exception dans le
droit romain, au moins relativement aux héritiers d’un
des associé^. Les héritiers ëtoient nécessairement exclus
de la société : Hœres socii m ei non'est socius meus ; et
la rigueur", à cet égard , étoit portée si lo in , qu’il n’étoit
pas même permis de stipuler que la société passeroit
aux descendans.XVoyézmne dissertation-de M. Chabrol,*
sur la question, 'tome i r p«ge ’5 i 5. ) •
1 l!
i. ‘
-'L’ A u v e rg n e étoit régie pat lés lois rom aines, dans
tout ce qui n’étoit pas réglé d’une manière-contraire
par son statut particulier.
Les sociétés 'universelles étoient aussi admises en A u - '
vergne; et dans cette province comme dans le droit é c rit,5
elles étoieqt dissoutes par la mort d’un'des associés.
Seulement, par une dérogation aux lois romaines,
il étoit permis de stipuler qu’ôlles passeroient aux des
cendais des associés. C’est ce que décident les articles %
et 3 du’ titre. i 5,
1
- ^
«
�( 3* )
Mais il falloit que-la stipulation fui expresse j sinon
l’on rentroit dans le droit commun, et la j mort d’un
des associés anéantissoit la société. L ’article 3 renferme
même sur ce point une disposition^textuelle.
1
Convaincus de cette v é r ité , lesl intimés ont cherché
à en éluder l’application > en 'argumentant d e la qualité
des parties, des termes de l’acte dè société, d elà conduite
de l’associé survivant.
*
’ • .■
?- . Suivons-les dans leur discussion ,r et:démontrons’j
Que la qualité deà partièâ'ne prouve rieri1;
! 1^
, Que les termes de l’acte sont contraires h leur systèm^
. Que la conduite des deux associés, cellé'memé de l^as1socié survivant , fait voir que l’on ne croyoit pas à la
continuation de la société. .
L a qualité des parties! ne prouve rien..
Les deux associés étoient frères, il- est vrai ; maisqu’importe! Ne sait-on pas que? c’étoit'ordinairement
entre les parens les plus' proches, que des associations
étoient formées. C’est dans le but de protéger ces réunions1
de parens, quelles rédacteurs d elà coutume y'onfc inséré
des règles sur les associations ;letcependant ils n’en 'dnt
pas moins exigé que la stipulation fut expresse , pou?
que la société fut transmise aux Üescéndans.
il ‘ : r,i
Les,termes de.l’acte, loin d’etre favorables aux Intimés,
ce présentent iV leurs efforts qu’un éeneil inévitable'.1 ‘
La société est stipulée* pour deux têtes ' cl portions?
égales, avec pacte de-succéder.......*. ladite association
ambulatoire du premier au dernier, com m efrères ger
m ains.
Fixons-nous sur ces expressions : P o u r deux têtes $
�lie
m yH
;
,
( 3“ )
elles repoussent toute idée de continuation de commu
nauté; c’est à deux, têtes seulement que la société est
restreinte : comment donc l’étendre à toutes les têtes qui
ont paru dans une nombreuse*descendance?
. Mais la fin de la clause paroît aux intimés de la plus
grande clarté en faveur de leur système.
. Ils y trouvent le mot am bulatoire, qui produit pour
eux un effet magique; ce mot, disent-ils, signifie néces
sairement que la s o ci ét é a é té transmise aux descendans.
Cherchons donc quelle peut-être la signification de ce
mot, et cherchons-la, cette signification, soit dans les lois,
soit dans les dictionnaires.
i La loi d’une province voisine ./de l’Auvergne a em
ployé le mot ambulatoire dans Un de ses articles. On
trouve cette expression dans l’article 215 de la coutume
du Bourbonnais.
Cet article autorisant les pères et mères à faire, pendant
leur vie, le partage de leurs biens entre leurs enfans,
ajoute : « E t est tel partage où division, ambulatoire et
_
^
«¡c r év o c a b le jusqu’au trépas du disposant. »
Que signifie donc, dans le langage des lois, le mot
ambulatoire ? Rien autre chose, si ce n’est que le pacte
auquel il s’applique est variable et révocable.
Et c’est aussi le sens que lui donne M . A u ro u x , dans
son commentaire sur l’article 215 , aux n°s. 25 et 2 7 , et
que lui donnoient avant lui D u rer et Menudel.
En adoptant cette, signification, le mot am bulatoire,
appliqué à une association faite avec pacte de succéder,
exprime que l’intention des contractans étoit que leur as
sociation fût variable et révocable, jusqu’à l’événement
du
�( 33 )
du pacte de succéder, jusqu’à ce que, par cet événe
ment, le dernier, le survivant des associés, eût recueilli
tous les Liens de la société, du premier au dernier,
est-il d it; en un m ot, jusqu’à la dissolution de la so
ciété.
L e sens indiqué par l’article 2 i5 de la coutume du
Bourbonnais, est aussi celui que les dictionnaires don
nent au mot ambulatoire.
Ambulatoire, disent-ils, signifie, qu i n'est pas j i x e ,
qu i est sujet à changer.
Une société ambulatoire avec pacte de succéder, doit
être considérée comme n’étant pas fix e , comme étant
sujette à changer, c’est-à-dire, à être révoquée, jusqu’à
ce que son sort soit fixé par la dissolution, ou par l’exécu
tion du pacte de succéder.
Mais en donnant, même avec les intimés, au mot
ambulatoire sa signification é ty m o lo g iq u e , en supposant
qu’une association entre deux personnes, avec pacte de
succéder y et ambulatoire du premier au dernier , doive,
comme ils l’ont dit, se promener de Vune à Vautre, en
qui veut dire passer de l’une à l’autre , qu’en résulteroit-il
de favorable aux intimés ?
Rien absolument !
L e pacte de succéder ne doit pas être séparé de la
convention que la société sera ambulatoire du premier
ait dernier.
O r , ce n’est qu’en les séparant que les intimés ont
raisonné, et qu’ils ont établi un système sans lequel, à
les entendre, la clause où sc trouve le mot ambulatoire
geroit vide de sens,
E
�Ç 34 ) #
»■Réunissons ces conventions ,qui sont réunies dans l’acte
môme, et dont l’une est l’explication de l’autre, et alorsr
tout devient clair, et d’une interprétation aussi facile que
naturelle.
Les deux frères établissent entre eux le pacte de suc
céder, et ils ajoutent en conséquence, et immédiatement,
que Vassociation sera ambulatoire du premier au
dernier, c’e s t - à - d i r e , qu’elle passera du premier au
dernier.
Que peut signifier cela, si ce n’est que tous les biensde la société passeront du prémourant au survivant, et
qu’alors l’association qui existoit auparavant sur deux
têtes , sera réunie sur une seule ?
.
M ais, disent les intimés, il ne peut y avoir de société,
sans deux associés au moins.
Cela est vrai; aussi la convention ne dit-elle pas,
comme le supposent les intimés, que l’association du
rera après la réunion, ce qui seroit absurde; elle dit
seulement que l’association sera ambulatoire jusqu’à l’é
vénement, du premier au dernier , est-il dit : c’est comme
si la clause portoit que l'association seroit ambulatoire
selon les chances de l’ordre du décès; que tous les biens
appartiendroient à Hugues, si Antoine mouroit le pre
mier sans enfans; et que, dans le cas contraire, Hugues
en deviendroit seul propriétaire.
Pour parer à l’absurdité qu’ils supposent, les intimés
raisonnent à leur manière, et donnent à la clause un sens
qui en détruiroit les termes.
« S i la société, disent-ils, doit durer avec le dernierT
« c’est-à-dire, avec le survivant, comme il faut néccs-
�« sairement deux têtes pour former ou soutenir une
« société, il s’ensuit qu’elle dure entre le survivant et
« les représentans du prédécédé. »
La conséquence seroit exacte ; mais la supposition
dont elle est déduite, le si est une erreur.
Cette erreur est signalée par les expressions de la
clause.
Si la société eût dû passer aux enfans du prédécédé,
on auroit dit ambulatoire du prémourant à ses enfans,
et non pas du premier au dernier des associés.
La société qui existoit déjà sur la tête de l’associé
survivant, pour sa portion personnelle , ne pouvoit
passer tout à la fois, pour l’autre portion, et sur sa tête,
et sur celle des enfans de l’autre associé ; et la clause,
en disant que l’association passeroit toute entière sur la
tête du dernier mourant, étoit évidemmeut étrangère
au cas où le prém ourant laisseroît des enfans; car sup
poser que des enfans viennent remplacer leur père ,
c’est empêcher que l’association ne soit ambulatoire du
premier au dernier, et qu’elle ne passe toute sur la tête
d u survivant. C’est donc détruire les termes même de
la convention.
A in s i, l’on voit que le mot am bulatoire, et la clause
où il se tro u v e , ne peuvent se prêter au système des
intimés.
L ’exemple qu’ ils puisent dans la sentence de septembre
1747, n’est pas applicable; et l’explication qu’ils en
donnent, n’est pas conforme à ce qu’en dit M . Chabrol.
(V o ye z tome 2 , page 5 17 .)
Il étoit dit dans la clause de société, qui fut interE 2
�I'
M
( 36 )
prêtée par la sentence , que la société serait ambula
toire de l'un ti Vautre, du premier au dernier, et que le
pacte de succéder auroit lie u , n o n o b s t a n t l a m o r t .
« On pensa , dit M . Chabrol, que les enfans étoient
« appelés à l’institution , et que ces expressions nonobs« tant la m o rt, ne pouvoient avoir d’aulre objet que
« (Rappeler les enfans qui survivx*oient. »
Ce fut donc sur ces expressions nonobstant la m orty
et non sur le mot am bulatoire, que se fixèrent les es
prits , pour pénétrer l’intention des contractons.
On pensa, et avec beaucoup de raison, sans doute,
que le pacte de succéder ayant lieu N O N O B S T A N T L A
M O R T , appeloit n éc essai re me n t les enfans du défunt;
car un mort ne peut succéder lui-même. Appelés à jouir
du pacte de succéder, les enfans étoient par cela seul
appelés aussi à l’association. Ces deux choses étoient in
divisibles, d’après la clause telle qu’elle est rapportée; le
pacte de succéder n’étant établi qu’à cause de l’associa
tion , et pour les associés seulement.
R e m a r q u o n s , au reste, que M . Chabrol ne dit pas:
que le mot ambulatoire eût été d’aucune considération'
pour la décision qu’il cite, et qu’il ne dit pas mem ece
qu’on jugea quant à l’association ; il ne parle que de l’effet
du pacte de succéder , pacte que l’on interpréta en
faveur des enfans.
Cet exemple ne peut donc etre d’aucun poids dans
la causç actuelle; et l’on doit convenir que les termes
de l’acte de la société qui nous occupe, d’une société
stipulée pour deux tètes seulement, sont très-peu pro
pres, sous quelque rapport qu’on les envisage, ù faire
�( 37 )
considérer la société comme s’étendant à tous les enfans
des associés contractans.
'
'
;>
La conduite des associés ’, avant ou depuis la mort
d’A n to in e , est loin d’indiquer que dans leur intention
la société eût dû continuer au décès de l’un deux.
Avant cette époque, en 1 7 7 1 , les deux associés se
réunissent pour faire une institution universelle, chacun
en faveur de trois‘de ses enians.
Les héritiers institués devoient , à ne consulter que
la volonté des inslituans, avoir la fortune entière dé leur
père, tant mobilière qu’immobilière; ils étoient chargés
seulement de payer une légitime pécuniairë aux autres
enfans.
O r , i°. si les deux frères Antoine et Hugues avoient
entendu contracter, tant pour eux que pour leurs enfans,
une association générale avec pacte de succéder, cette
convention fuite, surtout par contrat de mariage, ne
leur eût pas permis d’instituer quelques-uns de ces enfans
seulement, héritiers universels j tous leurs enfans, appelés
également par la convention, auroieut été saisis, d’ un
droit égal aux biens de la société. Les institutions d’iVé-j
ritiers auroieut donc été nulles.'
*f
Cependant on n’a pas pensé à les critiquer. Pourquoi?
Parce qu’on étoit convaincu que les pères avoient eu le
droit de les faire; paçce qu’on ne pouvoit se dissimuler
que l’association étoit limitée à Antoine et ù Hugues,
et s’étoit dissoute au décès du premier.
'
2°. On conviendra bien au moins que ces institutions
d’héritiers, grevées seulement d’une légitime pécuniaire
envers les autres enfans, annoncent une volouté bien pro-
�«I
f
t
C38)
noncée dans Antoine et dans Hugues, qu’après le décès
du premier, la société ne se continuât pas avec les légitimaires.
Gomment se fait-il donc que ce soit précisément ces
légitimaires qui prétendent avoir été appelés par l’in
tention de leur père à participer aux bénéfices d’une
prétendue continuation de c o m m u n a u t é ?
)
Ce qu’a fait Hugues, après le décès d’Antoine, n’est
susceptible ni de critique ni d’interprétation favorable
aux intimés.
,
S’il a acquis quelques héritages en-son nom et au nom
des enfans de son frère, on en a déjà expliqué les mo
tifs; et cette acquisition isolée ne prouve pas qu’il considéroit la société comme continuée.
Cette idée seroit écartée par trois autres acquisitions,
deux antérieures et l’autre postérieure ; les deux pre
mières , qu’il a faites conjointement avec Claude , son
gendre, et la dernière, où il stipule pour lui seul.
Nous avons déjà remarqué aussi qu’aucun devoir, ni
légal, ni m ê m e m oral, ne l’astreignoit à faire inven
taire, dans la circonstance surtout où Marie Decouzon,
mère des enfans d’A n to in e , étoit chargée par la l o i ,
comme par la nature, de veiller à leurs intérêts.
Cette dernière observation nous conduit à la discus
sion d’une autre objection présentée dans le mémoire.
On prétend que le défaut d’inventaire a opéré la
continuation de la société.
L ’objection n’est pas dangereuse ; et les articles de
coutumes, ou les autorités que l’on cite, ne peuvent pro*
du ire un grand effet.
«
�( 39 )
; Que les coûtâmes du Bourbonnais, du Nivernais, du
Berry, et de quelques autres provinces, exigeassent un
inventaire pour opérer la dissolution d’une communauté,
même après la mort d’un des communs, cela ne doit
pas étonner.
Ces coutumes reconnoissoient les communautés tacites?
formées par la cohabitation et la confusion des revenus.'
A plus forte raison devoient-elles considérer comme
continuées tacitement, les sociétés qui, d’abord stipulées
entre les premiers associés, conservoient entre leurs héri
tiers les mêmes caractères apparens.
Mais en Auvergne, où lesrsociétés'tacites n’étoientpas admises; en A u vergn e, où le statut déclaroit ex
pressément que les sociétés étoient dissoutes par le décès
d’un des associés; en A uvergn e, où la dissolution n’étoit
subordonnée à aucun inventaire, à aucune espèce d’acte
ni de formalité, les principes des autres coutumes n e ’
peuvent être sérieusement invoqués.
L ’associé survivant, qui a perçu les revenus communs,
ne peut être tenu.,que d’en rendre compte. Il rend par
là, aux héritiers du défunt, la justice qui leur est due;
et il seroit injuste de le soumettre lui-même à les faire
participer à des gains que ses travaux particuliers et son
industrie lui ont procurés. ( V o i r ce que dit M. Chabrol
sur l’article ier. du titre i 5 , pages 509, 5 n . )
r
La citation puisée dans le dictionnaire de Rousseaud-'
Lacom be, ne s’applique qu’aux pays où les;communautes
tacites sont reconnues; aussi l ’ a u t e u r c ite -t-il les cou
tumes du Bourbonnais, du Berry et du Nivernais.
L ’espèce t rai tée p a r M . H e n r y s n’a pas le moindre'
�( 40 )
rapport, et prëscntoit un bien plus haut degré de faveur;
c’étoit un tuteur qui plaidoit avec son pupille, iiis de
son associé.
>
M . Henrys remarque,
cc Que pendant l’administration, le tuteur ayant fait
« quelques acquisitions , il les auroit fait concevoir
« aussi-bien au nom de son mineur que du sien , et
« l’auroit de plus qualifié son associé et personnier ou
« consort ; ayant, le même tuteur, prêté quelques
« sommes de deniers, et baillé des bestiaux à titre de/
« cheptel ou de commande, il y auroit pareillement fait
« comprendre son mineur avec les mêmes qualités et
« dénominations. »
Aussi Bretonnier, dans ses observations sur l’opinion
de Henrys, s’exprime-t-il ainsi :
• « L ’auteur convient qu’il s’est déterminé par les cir« constances particulières de Taffaire; ainsi il n’en faut
« pas faire une décision générale. »
L ’objection, au reste, est d’autant plus foible, qu’elle
est opposée au x enfans de C la u d e , 3e. du n o m , aux
sieurs Bourgade-Malaleuge et Bourgade-Chèze.
O r , si dans certaines provinces l’associé survivant qui
ne faisoit pas inventaire en étoit puni par la continua
tion de la société, au moins est-il certain que les enfans
du prédécédé avoient le choix d’accepter cette conti
nuation ou d’y renoncer.
« La communauté se continue entre le survivant et
« les enfans, si bon leur semble, dit l’article 290 de la
k coutume du Bourbonnais ; et telle est la disposition
f< des coutumes de Paris, du M aine, du Poitou, etc, »
Ainsi
�( 4* ) '
Ainsi l’objection Manqueroit Sôô but* relativement
aux enfans de Claude Bourgade, 3e. du faora; et ce sont
les principaux dëftiandeui^s.
La discussion des divers moyens dértiontre que là so
ciété des deüx frères, Antoine et Hugues ^ a été dissoute
<àu dëéès du premier; .
0 ,Qüé lëà acquisitions faites par'Hujgiïeâ et par Claude»
conjointement ou séparément j ne doivent pas être com
mises daüs lé partagé de là société ;
'*■Qu’aibsî lé partagé dé ï ÿ 85 tep&së sur uûé bàse éssecf-*
tiélleiiiént faussé;
- : » ¡V.
Q ue, par conséquent, il ést itidispénsable ¿ ’ordonne*
un nouveau partage géhéral.
Ce nouveau partage obligera les copartageans, qui
<étoièftt majeurs en 178Ô, & rapporter tout Gè qu’ils ont
reçu ; ils doivent donc aussi rentrer dans tous leurs droits.
C’est aùx domptés et aux liquidations qui seront faits
lors du partage, que l’on doit renvoyer la’ discussion deà
demandes incidentes des ititirrtès.
A u resté j que peùveûti ils detnandér?
" La restitution dés jouissances depuis le décèà ; ."t:
L e rapport du mobiliéf de la société. ' j Ùj , n
Cës deux objets Set ont Une suite nécessaire du partage,
parce que chacun ràpportéra à la masse tout ce que luimême ou ceux qu’il rfeptéserité auront feçu*
. r
i
.
1'
T."
‘ Q & É S ï ï ô S r â â*üBBiD iÂin.E8.
En adoptant môftié, quant au* principes* la décision
des prem ier jugés, l’application qu’il& ea ont faite ren*
F
�_
( 4 0
_
fermeroit plusieurs erreurs préjudiciables au sieur Bourgade-Malaleuge.
Première erreur. La portion des intimés, dans la masse
totale des biens de la société, étoit de dix trente-sixièmes j
les premiers juges l’ont dit ainsi atvec raison.
Mais ils ont considéré cette masse comme devant, être
la même que celle qui fut composée pour le partage
du 28 janvier 1786; et c’est en cela qu’ils se sont trompés.
Car on devoit distraire de cette masse le quart des biens
de Claude I er. , grand-onclé;cQmmun, que celui-ci, par
son testament du 29 août 17 6 1 , avoit légué à Claude 3^
et à Claude 4e., ses petits-neVeux. Ce quart ne faisoit
pas partie des biens de la société.
'
Ce n’est donc qu’après la distraction du quart légué,,
que les intimés auroient droit à dix trente-sixièmes de
la masse générale. '
{v
. Seconde erreur. Les droits du sieur Bourgade-M alaleuge se composoient,
i° . De deux trente-sixièmes, ou d’un dix-huitième
dans la masse des biens de la société , de son propre chef;
20. D ’une pareille quotité, du chef de Jacqueline, sa
sœ ur, dont il est le cédataire ; !
30. D ’un trente-sixième du chef de M arie , son autre
sœur, qui lui a cédé la moitié de ses droits;
40. Enfin, de sa portion, tant de son chef que de celui
de ses deux sœurs, dans le quart légué par le grandoncle : cette portion consiste dans les cinq seizièmes de
<1
ce quart.
- Les premiers juges ont méconnu ses droits aux troi
sième et quatrième articles j ils ne l’ont considéré que
�( 43 )
.1«»
Comme saisi de deux dix-huitièmes de la masse, l ’un
de son chef, l’autre du chef de Jacqueline; ils l’ont
ainsi p rivé , et de sa portion dans le quart légué ? et de
l ’excédant de lot, qu’il pourroit avoir à réclamer du chef
de Marie Bourgade.
• Troisième erreur. L e sieur Bourgade-Malaleuge, pour
obtenir la juste portion qu’il demandoit, avoit conclu
à un nouveau partage ; et sa requête avoit été signifiée
non-seulement aux autres intimés, mais à toutes les
autres parties.
. Dans ses conclusions, le sieur Bourgade avoit consenti,
pour la commodité du partage, à ce qu’on fît des lots
d’attribution.
Cela a fourni aux premiers juges un motif pour
éluder la demande en partage ; ils ont cru suppléer au
partage qui étoit nécessaire, en ordonnant d’abord, non
pas la vérification du lot de Bourgade-Malaleuge, pour
savoir s’il possédoit tout ce qui lui appartenoit, mais
seulement la vérification des lots des intimés, pour savoir
s’ils étoient plus forts qu’ils ne devoient être ; en ordon
nant eusuite, s’il y avoit excès dans les lots des intimés,
que ceux-ci abandonnassent non l’excédant entier, mais
seulement deux dix-huitièmes de cet excédant, au sieur
Bourgade-Malaleuge. '
Que produira cette opération ?
Rien de satisfaisant,
■ >
j
.. Bourgade-Malaleuge ne doit rien perdre de son lot.
Et cependant, d’un côté, si l’on ne lui accorde que les
deux dix-huitièmes de ce dont le lot des intimés excé
dera ce qui leur revient réellement ? il pourra se faire que
I
�( 44 )
ces deüx dix-huitièmes ne complètent pas le lot (Jüi doit.
lui appartenir.
D ’un autre côté, s’il n’y a aücun excédaut, BourgâdeMalaleuge ne recevra rien.
Et comment, dans ces deux cas, Connüîtra-t-on s’il a
tout ce qu’il doit a vo ir, puisque le jugement n’ordonne
pas même la vérification de son lot.
Il est évident que la vérification ordonnée n’est pas
celle qui devoit l’être, et qu’on devoit former le lot
de Bourgade - Malaleuge aux dépens de la masse entière,
en ordonnant, par conséquent, un nouveau partage,
sauf à faire échoir au lot de chacun ce qu’il possède
déjà. D e cette manière,- les intérêts de totls auroient
été ménagés.
4°. Les premiers juges ont aussi erré relativement
au siéur. Boürgade-Chèze, q u i, en supposant qu’il eût
fait des approbations dé son ch e f, aVoit acquiâ la moitié
des droits de M arie, sa sœur, k qui On ne pouvoit
pas opposer de fin de bon-recevoir.
O n auroit donc dû L’admettre au partagé , du chef
de celle-ci, et lui accorder un trente-sixième de la massé
totale, e t, de plus, une portion daüs les biens légués
par le grand-oncle.
Des erreurs aussi nombreuses obligeroietit de réformer
le jugement, en supposant même que la soôiété eût con
tinué après le décès d’Antoine.
Mais ces erreurs secondaires disparoïtrotit avec l’étreur
principale, relative à la coiïtinuatioti de la communauté.
La société avüit été dissoute au décès du premier as
socié : la loi en prononçôit la dissolution; les termes dé
�■ • < ( 45 )
‘
l’acte ne s’y opposoient pas ; et elle étoit indiquée par
l’intention qu’avoient manifestée les deux assossiés, en
instituant en 1 7 7 1 , des héritiers universels.
Les appelans ont donc eu le droit de réclamer un
nouveau partage, et de demander que dans la masse ne
fussent compris, ni les biens acquis depuis le décès d’A n
toine, ni les biens légués par Claude, grand-oncle.
La morale ne peut être offensée par une action que
la loi protège.
Les considérations ne peuvent être pour ceux qui,
par des fins de non-recevoir, veulent retenir ce qui ne
leur appartient pas ;
E t ceux dont les réclamations sont justes, n’ont à redouter, ni l’œil sévère du public, ni l’œil pénétrant des
magistrats.
Pleins de confiance dans la justice de leur cause, les
appelans attendront avec respect l ’arrêt d’une C o u r su
prêm e, destinée à rectifier les décisions des premiers
juges.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. M A R I E , licencié avoué.
A RIOM, de l' imp, de THIBAUD, imprim de la Cour impériale et libraire,
rue des Taules, maison LANDRIOT. — Novembre 1812«
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bourgade-Chèze, Hugues. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Marie
Subject
The topic of the resource
société universelle
coutume d'Auvergne
partage
communautés familiales
société ambulatoire
communautés tacites
coutume du Bourbonnais
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Hugues Bourgade-Chèze, habitant à Vollore ; Claude Bourgade-Malaleuge, habitant à la Dardie, commune de Vollore ; Claude et Hugues Bourgade-Roche, appelans ; contre Antoinette Bourgade, et Louis Bourgade, son mari, Marguerite Decouzon, veuve d'autre Louis Bourgade, tous habitant au lieu du Buisson, commune de Vollore-Ville ; et Michel Bourgade, prêtre, desservant la succursale de Vollore-Ville, intimés ; en présence de Claude Bourgade, prêtre, curé de Cusset ; d'Antoine Bourgade, ex-génovéfin ; de Jeanne Bourgade, veuve de Claude ; et de Marin Bourgade, propriétaire, tous habitans de la commune de Vollore.
arbre généalogique
note manuscrite : « arrêt jugement confirmé par arrêt du 11 xbre 1812. voir les motifs à la fin du mémoire et voir journal des audiences, 1813, p. 78. » « Ce mémoire aurait dû être présenté le second. »
Table Godemel : société : 7. en coutume d’Auvergne, et dans un contrat de société universelle entre deux frères, la clause qu’elle sera ambulatoire du premier au dernier comme frère germain, signifie qu’après la mort de l’un des associés, l’associé survivant est libre de révoquer la société ou de la continuer avec les descendants de l’autre ; mais s’il ne la révoque pas expressément, la société continue avec les descendants pour la portion qu’y avait le défunt.
arbre généalogique
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1748-1812
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2206
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2207
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53435/BCU_Factums_G2206.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vollore-Ville (63469)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
communautés familiales
communautés tacites
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
partage
société ambulatoire
société universelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53438/BCU_Factums_G2209.pdf
62c953af3fe1b7ea9464ee5a4e27e2c9
PDF Text
Text
M É MO I R E
EN
R É P O N S E ,
P o u r dame C h a rlo tte -J o s é p h in e K E M P F E R
D E P L O B S H E IM , veuve en premières noces
de M. le comte de la maison régnante de
Sa y n
et W
ittgenstein
- B erlenbourg,
et en secondes noces de M. Louis- CharlesAntoine
de
B eaufranchet
d
A y a t,
général de brigade, inspecteur général des
haras de l’E m p ire, demanderesse;
C o n t r e M. D e n i s T E R R E Y R E
général de
brigade, baron de l'Em pire, l'un des commandans de la légion d'honneur ; et dame
A nne - P a u l in e
-
V ic t o ir e
B E A U F R A N C H E T
D E
D' A Y A T son
épouse, autorisée en justice, défendeurs.
M
Kempfer de Pl obsheim , veuve du général
d’A y a t, réclame des avantages qui lui sont assurés par
son contrat de mariage.
ADAME
�C * )
Elle eût désiré éviter des discussions judiciaires.
Elle a tenté des moyens de conciliation ; on les a
repoussés.
Elle a proposé des arbitres; on les a refusés.
Elle s’est vue alors obligée d’agir devant les tribunaux.
Ses demandes sont légitimes; on les lui conteste ce
pendant : mais ce n’est pas assez.
Les calculs de l’intérêt ont exalté les passions de ses
adversaires ; et les observations les moins convenables,
les imputations les plus hasardées comme les plus inju
rieuses, sont venues se mêler à leurs moyens de défense;
la mémoire d’un père n’a pas même été épargnée, dans
le but indiscret de blesser sa veuve.
L a dame d’Ayat n’exigeoit pas de sacrifices d’intérêt;
elle n’en auroit pas accepté. On n’ignore pas qu’elle eût
été disposée plutôt à en faire elle-même.
Mais elle avoit droit de compter sur les égards qu’on
se doit, même entre étrangers, et dont il est étonnant
que la dame et le général Terreyre se soient écartés.
La dame d’Ayat n’imitera pas l’aigreur du ton qu’ils
ont adopté ; elle exposera ses moyens avec la simpli
cité qui convient à une bonne cause; elle prouvera que
c’est la loi du temps du décès qui doit fixer la quo
tité des avantages qui lui ont été promis, et que cette
quotité doit être prise sur la totalité des biens du gé
néral d’Ayat.
F A I T S .
Le général Beaufranclict d’Ayat avoit épousé en pre
mières noces la dame Elisabeth Guyot de Montgran.
�m
( 3 )
L eur contrat de mariage est du 2 août 1783.
L ’article 8 de ce contrat est le seul essentiel à connoître. Voici comment il est conçu.
« Ledit sieur futur époux a donné et donne à ladite
« demoiselle future épouse , 4,000 livres de rente
« de douaire préfix, dans le cas où, lors de la disso« lution dudit mariage, il y auroit des enfans vivans
« issus d’icelui ; le fonds au denier vingt duquel douaire
« sera propre auxdits enfans et aux leurs, de leur côté
« et ligne. »
Ce mariage a été dissous le 29 prairial an 2 , par un
divorce *, et le 4 pluviôse an 3 , une transaction régla et
liquida tous les droits de la dame Montgran.
Deux enfans étoient nés de ce mariage \ un seul, la
dame T e rre yre , a survécu à son père.
En l’an 4, le général d’Ayat rechercha en mariage la
dame Kempfer, veuve de M . de Sayn - Wittgenstein,
Sa recherche fut agréée, et le contrat de mariage fut
dressé le 19 brumaire an 4.
Par l’article i^r. de ce contrat, les futurs époux e x
cluent le régime de la communauté.
Par l’article 3 , il est convenu qu’ils jouiront à part,
et divisément, de leurs biens, et l’épouse est autorisée
à disposer de son mobilier et de ses revenus.
Par l’article 4 , le futur doue la future « de 3,000 fr.
« de rente nette, et sans retenue de douaire préfix.........
« le fonds duquel sera propre aux enfans à naître dudit
* futur mariage. »
L ’article 5 attribue au survivant des époux un gain
m
�( 4 )
de survie de 5o,ooo francs , à prendre sur le plus clair
des biens du premier décédé.
L ’article 6 porte que les meubles et les effets mobiliers qui se trouveront dans les maisons appartenantes à
l ’un ou à l’autre des époux, appartiendront aussi au
propriétaire de la maison, sans qu’il ait besoin d’aucune
quittance, à l’exception seulement des habits, linges,
hardes, et autres effets qui, par leur nature, seront à
l’usage particulier de l’un des époux.
D ’après l’article 7 , le loyer des lieux qui seront habités
conjointement -, sera payé par moitié, et les meubles et
effets mobiliers qui s’y trouveront, seront aussi présumés
appartenir par moitié aux é p o u x, mais sous l’exception
de ceux que leur nature ou des marques particulières
indiqueroient appartenir à l’un d’eux seulement.
L ’article 10 charge chacun des époux de contribuer
pour moitié aux dépenses du ménage.
L ’article 11 doit être transcrit littéralement, comme
renfermant la clause sur laquelle roule la discussion.
a Les futurs époux , voulant se donner des preuves de
« leur amitié réciproque, se fo n t, par ces présentes,
« donation mutuelle , pure, simple et entre-vifs, l’un à
« l’autre, et au survivant d’e u x , ce accepté respectivement
( « pour ledit survivant, de tout ce dont la loi leur per« met de disposer en faveur l’un de l’autre, ayant en« fans d’un premier mariage, ou de tout ce dont la loi
« leur permettra de disposer aussi en fa v e u r Yun de
« Vautre, au jo u r du décès du premier mourant d'eux,
« dans le cas où la loi lors existante donneroit plus
�«
«
«
«
«
«
C 5 )
de latitude à ces sortes de donations , pour par ledit
survivant desdits futurs époux, en jouir à compter du
décès dudit premier mourant, suivant et aux termes
de la loi, sans être néanmoins tenu de donner aucune
caution, et seulement à la chai’ge de faire faire fidèle
inventaire des biens du prédécédé.
« Dans le cas où, au jour du décès du premier mou« rant desdits futurs époux, il ne laisseroit aucun en« fant, soit du précédent, soit du futur mariage, les« dits futurs époux, pour ledit survivant, se font do« nation, toujours ce accepté respectivement pour ledit
« survivant, de tous les biens meubles et immeubles qui
« se trouveront appartenir au premier mourant d’eu x,
« au jour de son décès, à quelque somme qu’ils se trou« vent monter, et en quelques lieux qu’ils se trouvent
« dûs et situés.
« Pour par ledit survivant jouir, faire et disposer du
« tout en toute propriété, et comme de chose lui ap
te partenante, à compter du jour du décès dudit premier
« mourant. »
Telles sont les conventions de ce contrat de mariage;
conventions par lesquelles la dame Terreyre et son époux
ont été prodigues d’observations assez singulières.
A les en croire, les amis du général d’Ayat remar
quèrent qu’il n’avoit pu résister à la séduction ; ils lui
reprochoient d’avoir oublié les deux enfans qu’il avoit
alors, etc.
On n’a pas réfléchi, en alléguant ces remarques et ces
reproches, que les libéralités des deux époux étoient ré
ciproques ; q u e , dans l’article 1 1 notamment 7 le gé
�( 6 )
néral d’Ayat recevoit, par une disposition générale, le
don de tout ce que la dame Kempfer pouvoit lui donner
alors ou pourroit lui donner à l’avenir; et que la dame
Kempfer avoit elle-même trois enfans de son premier
mariage, qu’elle n’avoit cependant pas intention d’ou
blier, mais envers qui sa fortune lui permettoit d’etre
généreuse, comme elle l’étoit envers son futur époux.
La dame et le sieur Terreyre ne l’ignorent pas; la
fortune de la dame d’Ayat étoit très-considérable; celle
du général étoit modique : celui-ci trouvoit donc, dans
des libéralités réciproques, un avantage bien supérieur
à celui qu’il offroit lui-même.
Pourquoi donc de vaines déclamations?
Pour colorer ses plaiutes, la dame Terreyre présente
un tableau de la fortune de son père, qu’elle tire des
articles de son propre contrat de mariage avec le géné
ral Terreyre.
Que pourroit signifier ce tableau, puisque la dame
d’Ayat s’est restreinte au quart des biens de son mari?
Il signifieroit seulement que par les dons mutuels, la
dame d’A y a t , en donnant beaucoup, recevoit peu.
L a dame T erreyre, qui accuse son père de prodiga
lités, et qui conteste aujourd’hui si amèrement les droits
d’une belle-mère dont elle n’eut jamais à se plaindre,
auroit dû reconnoitre que c’est à cette belle-mère cepen
dant qu’elle doit la conservation de la terre d’A y a t, un
des plus précieux objets de la succession.
Elle n’ignore pas que le général d’Ayat vouloit la
vendre; qu’il avoit même envoyé à cet effet une pro
curation et un projet de division de la terre en plusieurs
�C7 )
lots, pour la facilité des ventes, et que son épouse n’a
usé de son influence sur l’esprit d’un époux qui la chérissoit, que pour empêcher une vente si nuisible aux
intérêts de la dame Terreyre.
On rapporte la preuve écrite de tout ce qu’on avance.
Ce fut le 2 juillet 1812 que la dame d’Ayat eut le
malheur de perdre son é p o u x, qui lui fut enlevé aux bains
de V ichy par une mort subite : une lettre du 3 juillet
lui apprit ce cruel événement.
La dame d’Ayat habitoit alors à B lo t, dans son châ
teau, à plusieurs lieues de distance d’Ayat.
L ’on a osé dire qu’à-la nouvelle du décès, elle avoit
fait enlever le mobilier d’A y a t, pour meubler Blot.
La dame d’Ayat ne s’abaissera pas à l’épondre à cette
odieuse accusation.
Mais comment a-t-on pu la hasarder ?
La dame Terreyre et son mari a voient-ils pu oublier
les faits récens qui la détruisent ?
La nouvelle fatale ne fut connue de la dame d’Ayat que
le 3 juillet.
L e 4, elle écrivit à M. le juge de paix pour l’inviter
à apposer les scellés sur le mobilier d’A yat, qui étoit
confié aux soins des domestiques.
L e 6, les scellés furent, apposés; et les domestiques,
sur la réquisition du juge de paix, aflirmèrent devant
lui qu’ils n’avoient soustrait ni vu soustraire aucun objet.
Ce magistrat choisit en même temps deux gardiens
des scellés.
L e 1 4 , les scellés furent vérifiés et reconnus intacts,
en présence du général Terreyre et de son épouse ; toutes
�( 8 )
les clefs furent remises à c e u x - c i; tous les objets qui
garnissoient le château leur furent délivrés du consen
tement du fondé de pouvoir de la dame d’ Ayat. Ils ne
firent aucune réclamation alors; plusieurs mois se sont
écoulés sans qu’ils en aient fait ; bien plus, ils ont rendu
à la dame d’A y a t , sur sa demande, quelques objets qui
lui appartenoient, et qui étoient l’estés au château.
Gomment se fait-il donc qu’ils n’aient pensé à ces pré
tendus enlèvemens, que lorsque la dame d’Ayat a ré
clamé ce qui lui étoit dû ?
La dame Terreyre et son mari avoient été beaucoup
moins exacts eux-mêmes. Ils avoient entre les mains, de
puis le 12 juillet, la clef du cofFre du secrétaire qu’avoit
laissé à Paris le général d’Ayat.
Ils s’étoient chargés de faire apposer les scellés sur
le mobilier.
Ces scellés n’ont pourtant été apposés que le 21 sep
tembre , sur la réquisition de la dame d’Ayat.
Cependant celle-ci n’a élevé aucun soupçon , et n’a
fait aucune remarque ; elle croit à l’honneur dans les
autres, parce qu’elle est incapable elle-même de manquer
à ses règles; et si elle rappelle ce fait à ses adversaires,
c’est uniquement pour qu’ils puissent apprécier leur
propre conduite à son égard.
Ce fut à Paris que la dame d’Ayat fit proposer au
général Terreyre, par un notaire respectable, des moyens
de conciliation qu’il rejeta, et des arbitres qu’il refusa.
L a dame Terreyre et son époux s’étoient emparés
de toute la succession, des meubles et des immeubles ;
ils ne vouloient pas de conciliation; ils ne vouloient pas
de
�( 9 )
de décision arbitrale; il falloit donc provoquer contr’eux
une décision judiciaire.
La dame d’Ayat les cite en conciliation , le 5 janvier
1813; elle expose ses droits; elle réclame le quart de la
totalité des biens de M. d’Ayat.
Les cités comparoissent au bureau de paix , par un
fondé de p o u v o ir, mais pour déclai’er que ce n’est que
pour obéir à la loi.
Une demande en provision.est formée le 7 mars 1813.
Cette demande choque la dame Terreyre ; elle re
marque que la dame d’Ayat est très-opulente , et n’a
pas besoin de provision.
Qu’importe! celle-ci ne jouissoit d’aucune partie de la
succession. La dame Terreyre et son mari possédoient
tout ; on leur avoit délivi'é le mobilier d’A y a t, celui
trouvé à V ich y , estimé, y compris l’argent, 2,714 fr. ;
le prix du mobilier de Paris, vendu, tous frais déduits,
3,614 fr. 60 c. ; ils avoient touché 1,200 fr. sur la solde
de retraite du g é n é ra l, 1,293 fr. sur son traitement
d’inspecteur gén éral, les termes échus des rentes sur
l’état ; ils avoient perçu les récoltes des immeubles.
A ussi, pour repousser la demande en provision , la
dame Teri’eyre n’a trouvé qu’un moyen aussi étrange
qu’illégitime ; elle a prétendu que la dame d’A y a t ,
aussitôt qu’elle.eut appris la mort du général, s’occupa
de spolier, de dévaster entièrement la maison cC\A yat,
et d’en transporter tous les effets et mobilier de toute,
espèce dans le château de Blot.
Imputation d’autant plus extraordinaire, que la dame
Terreyre sait bien qu’aucun meuble n’a jamais été acheté
�Cio)
par le général, que les meubles antiques qui garnissoieni
Ayat s’y trouvent encore, et que le château de Blot n’a
que des meubles modernes , tous achetés par la dame
d’Ayat.
Imputation tardive, après avoir assisté à la rémotion
des scellés, et avoir reçu tous les objets mobiliers sans
aucune réclamation, sans aucune réserve.
Imputation imprudente, et qui n’est qu’une misérable
chicane à laquelle il est surprenant que la dame Terreyre
ait eu recours.
La dame d’Ayat a toujours eu de l’affection pour la
dame Terreyre; elle eut oublié les injures. Elle n’exigeoit
qu’une rétractation; on ne l’a pas faite. Elle a demandé
justice; elle l’obtiendra.
Quant à la provision, c’est un objet peu important,,
aujourd’hui que la dame d’Ayat a consenti elle-même à
joindre le provisoire au fond; et c’est des questions prin
cipales seulement que nous devons nous occuper.
D eux questions ont été discutées dans le mémoire
publié par la dame Terreyre.
En adoptant le même ordre, nous prouverons d’abord
que la dame d’Ayat a droit, non à un simple usufruit,
mais au quart en propriété qu’elle réclame.
Ensuite, que ce quart doit être pris sur la totalité des
biens du général d’A y a t , y compris môme les 80,000 fr.
de douaire que la dame Terreyre croit pouvoir prélever.
�2b
( »
)
§. Ier.
La dame d'Ayat a droit au quart des biens en
propriété.
Par l’article n du contrat de mariage, du 19 brumaire
an 4 , les deux époux se donnèrent mutuellement tout
ce dont la loi leur permettrait de disposer enjfaveur
l’un de Vautre au jo u r du décès du premier mourant.
L e Code Napoléon, loi en vigueur à l’instant du décès
du général d’A y a t, autorisoit un don du quart. (V oyez
l’article 1098. )
Ainsi ce quart a été attribué à l’épouse par la dispo
sition éventuelle.
Mais on critique cette disposition ; on prétend qu’elle
doit être réduite à l’usufruit de moitié des biens, con
formément à la loi du 17 nivôse an 2.
Une donation mutuelle, d i t - o n , est une donation
entre-vifs ; c’est la loi en vigueur au temps du contrat
qui doit la régir : tels sont les principes; telle est l’opi
nion des auteurs, et notamment de Duplessis; telle est la
jurisprudence des arrêts.
S’il étoit nécessaire de discuter ces principes, on pourroit démontrer qu’un don mutuel, un don de quart est
réellement une disposition à cause de mort ; qu’il n’a
de commun avec une donation entre-vifs que son carac
tère d’irrévocabilité ; que d’ailleurs il n’a aucun effet
présent, puisque le donateur peut, pendant sa v ie , dis2 *
�( 12 )
poser de tout, puisque la mort seule lui donne ouver
ture, et en fixe l’étendue.
On pourroit rappeler les termes de l’article 284 de la
coutume de P aris, loi du contrat de mariage, qui porte:
Un don mutuel de soi ne sa isit, avis est sujet à déli
vrance : preuve évidente qu’un pareil don ne peut être
assimilé à une donation entre-vifs, qui saisit sur-le-champ,
et pour laquelle on n’a jamais dit que la délivrance fût
nécessaire.
On pourroit enfin invoquer l’opinion de Dumoulin
sur l’article 187 de l’ancienne coutume; celle de Ferrières,
et de beaucoup d’autres auteurs, qui tous distinguent le
don mutuel de la donation entre-vifs.
Mais ce luxe d’érudition seroit superflu pour la dé
cision d’une question tout à fait étrangère au cas dont
se sont occupés les auteurs et les arrêts invoqués dans le
' mémoire de madame Terreyre.
Que disent les auteurs, et que décident les arrêts cités?
Qu’une donation mutuelle est irrévocable, en ce sens
que si elle a été autorisée par la loi existante à l’instant
où elle a été faite, elle n’a pu être détruite ou restreinte
par une loi postérieure.
Et sur quel principe sont fondées ces opinions, ces
décisions ?
Sur un principe reconnu de tous les temps, consacré
par toutes les législations, et consigné dans l’article 2
du Code Napoléon , qui nous enseigne que la loi n'a
point d'effet rétroactif.
Dans la cause , il ne s’agit point d’anéantir ou de
�( 13 )
réduire, en vertu d’une loi nouvelle , un don valable
ment fait sous l’empire d’une loi ancienne.
Il s’agit d’examiner si deux époux ont pu se faire
mutuellement un don conditionnel, et subordonné à
l’émission d’une loi future.
Ramenée ainsi à ses vrais termes , la question est
résolue, soit par les principes, soit par la jurisprudence.
Un principe élémentaii’e nous apprend que les con
trats de mariage sont susceptibles de toute espèce de
conventions , -pourvu qiCelles ne soient pas contraires
au x bonnes mœurs.
Ce principe est écrit dans l’art. 1387 du C ode, que
l’on ne considérera pas sans doute comme formant un
droit nouveau.
' 'O r , que pourroit-on trouver de contraire aux bonnes
mœurs , dans une disposition par laquelle on se réfère ,
pour la quotité que l’on entend donner, à celle qu’une
loi future déclarera disponible ?
Certes, on ne peut supposer qu’une loi future établisse
des règles immorales.
Dira-t-on que c’est manquer de respect pour une loi
existante?
Ce seroit pousser le scrupule bien loin, et témoigner
pour une loi momentanée et qui a cessé d’exister, plus
de vénération que n’en montroient ses auteurs eux-memes
qui , à l’époque où ils la publioient, la présentoient
comme passagère, et annoncoient la promulgation pro
chaine d’un Code civil. ( Y . loi du 22 brumaire an 2 ,
article 10. )
�C 14 )
^ On sait aussi que les conventions conditionnelles ont
toujours été .permises.
Les donations conditionnelles notamment étoient ad
mises dans notre droit, et un de nos plus célèbres auteurs
a fait un traité particulier sur ces sortes de dispositions.
11 est possible cependant qu’on n’eût pas prévu autre
fois une condition semblable à celle écrite dans la clause
que nous examinons.
Mais qu’importe que l’on puisse ou non citer des
exemples! il n’en est pas moins vrai qu’on ne peut con
tester la vérité du principe qui autorise les dons condi
tionnels; il n’en est pas moins vrai que la condition ac
complie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement
a été conti’acté.
La conséquence de ces observations est simple, et nous
conduit à dire que puisqu’une loi nouvelle a autorisé
à disposer du quart en propriété, et puisque.cette loi
a été émise avant le décès du général d’A yat, c’est-àdire, avant que le don mutuel fût ouvert, c’est à la quo
tité fixée par cette loi nouvelle que doit s’étendre une
donation tout à la fois mutuelle et conditionnelle.
Donc la dame d’Ayat a droit au quart en propriété.
M ais, dira-t-on, une donation môme conditionnelle
ne peut être valable, si elle est prohibée par la loi
existante, parce qu’alors il y a incapacité de donner d’un
c ô té , et incapacité de recevoir de l’autre.
Cette objection , qui seroit la plus forte, repose sur
une fausse base.
L a loi du 17 nivôse an 2 ne prononçoit aucune pro-
�C 15 )
hibition , n’établissoit aucune incapacité de donner ni de
recevoir d’un époux à l’autre.
Ce seroit même tomber dons une grande erreur, que
de juger de l’esprit de la législation d’alors , relativement
aux époux, par l’esprit de cette même législation, re
lativement aux successibles, et surtout aux héritiers en
ligne directe.
Un décret du 7 mars 1793 a voit aboli la fa c ilité de
disposer de ses biens en ligne directe.
L ’article 16 de la loi du 17 nivôse an 2, sans pro
noncer de prohibition »positive en ligne collatérale,
n’accordoit cependant la faculté de disposer d’un dixième
ou d’un sixième de ses biens, qu’au profit d’autres que
des successibles.
Mais il n’en étoit pns ainsi entre époux ; le législa
teur leur avoit accordé la plus grande latitude pour les
dons qu’ils voudroient se faire, parce que son but avoit
été de favoriser les mariages.
Seulement il avoit autorisé les enfans, s’il en existoit
à l’instant du décès de l’époux donateur, à faire réduire
les dons à l’usufruit de la rnoité de tous les biens.
.• Voici comment s’exprime l’article 14 de la loi de
nivôse an 2.
« A l ’ égard de tous autres avantages échus et recueillis
a postérieurement ( au 14 juillet 1789 )> ou qu i pour« ront avoir lieu ¿1 l'avenir , soit qu’ils proviennent
« d’institution , dons entre-vifs , ou legs faits par un
« mari à sa fem m e, ou par une femme à son m ari,
« ils obtiendront également leur effet, sauf néanmoins
a leur conversion ou réduction en usufruit de moitié ?
�il6)
« dany le cas où il Y a m o 't des en fa n t, conformément
« à l’article 13 ci-dessus. » ' ' .
On remarque dans cet article deux dispositions dis
tinctes.
La première, qui est absolue , dont l’effet est présent,
et par laquelle les dons même universels sont autorisés
entre mari et femme.
La seconde, hypothétique et éventuelle, qui permet
aux enfans de demander la réduction en usufruit de
moitié.
Ainsi la disposition même universelle n’est pas dé
clarée nulle par la loi ; cette disposition est valable en
elle-même ; seulement elle est susceptible d’être réduite
à l’usufruit, sur la demande des enfans, s’il en existe au
décès du donateur.
; Nous disons, s’il en existe au décès du donateur,
et nous le disons avec la loi elle - m êm e, dans son
article 57.
a L e droit de réclamer le bénéfice de la loi, quant
« aux dispositions qu’elle annulle, n’appartient qu’aux
« héritiers naturels, et à dater seulement dü jou r où
« leur droit est ouvert, sans qu e, jusqu’à cette époque,
«r il y ait lieu à aucune restitution de fruits. »
Les termes de cet article sont aussi clairs que pré
cieux pour la solution de la question qui nous occupe.
L e droit de réclamer le bénéfice de la loi n’appar
tient q u a u x héritiers naturels, et à dater seulement
du jo u r où leur droit est ouvert.
Ainsi les enfans de l’époux donateur ne sont pas
saisis, dès l’instant de la donation, du droit d’en de
mander
�1
mander la réduction en usufruit, ou de la faire annuller
quant à la propriété, ce qui est la.même chose.
Ce droit ne leur est attribué qu’à l’instant où ils
succèdent; s’ils meurent avant l’ouverture de la succes
sion, ils ne trasmettent pas à des héritiers collatéraux
un droit qui ne leur a jamais été acquis, et la dona
tion universelle subsiste quant à la propriété même.
C’est aussi ce dont on n’a jamais douté. Jamais des
héritiers collatéraux n’ont élevé la prétention de faire
réduire à l’usufruit de moitié une donation faite entre
époux, sous l’empire de la loi de nivôse an 2, sous
prétexte qu’il existoit,des enfans à l’époque de l’acte.
Mais pourquoi n’a-t-on pas élevé cette prétention?
Parce qu’on étoit convaincu que la donation étoit
valable en elle-même, qu’elle étoit seulement suscep
tible d’être réduite. Car, si elle avoit été nulle dans
son origine, ab initio , elle n’eût pu devenir valable
ex post f a c t o , par un fait postérieur et étranger au
donateur comme au donataire. On connoît la maxime
« quod initio vitiosum e s t , non potest tracta temporis
.« convaîescere. »
- . Ces observations nous conduisent à une dernière con
séquence.
- Si la donation n’étoit pas nulle dans son origine; si
elle étoit seulement susceptible de réduction en usu
fruit; si le droit de réclamer cette réduction n’a pas été
acquis aux enfans, dès l’instant même de la donation;
si, d’après l’article 57 de la loi de nivôse, ce droit ne
devoit leur être attribué qu’il dater du jo u r où ils deviendroient héritiers, on peut dire qu’ils n’en ont jamais
3
�X 18 )
été saisis, lorsque la succession s’est ouverte sous l’empire
du Gode Napoléon.
En effet, la loi de nivôse an 2 pou voit leur faire
concevoir une espérance , mais ne leur conféroit aucun
droit. Cette loi établissoit une règle dont l’effet étoît
renvoyé au temps de l’ouverture de la succession, et
qui ne pouvoit s’appliquer par conséquent qu’aux suc
cessions ouvertes sous son empire.
Et en vertu de quelle loi des enfans demanderoientils aujourd’hui la réduction à l’usufruit ?
Seroit-ce en vertu d e là loi du 17 nivôse an 2? On
leur répondroit que cette loi n’existe plus, qu’elle a
été abolie par le Code Napoléon.
Seroit-ce en vertu du Code même? On les renverroit
à l’article 1098, qui autorise le don du quart en pro
priété , et à l’article 920, qui n’admet les demandes en
réduction que lorsque les dispositions excèdent la quo
tité disponible.
Remarquons que raisonner ainsi ce n’est pas donner à
la loi nouvelle un effet rétroactif. La loi ne rétroagit que
lorsqu’elle enlève un droit acquis sous l’empire d’une
loi antérieure. Dans la cause, on ne se propose pas d’en
lever à la dame Terreyre un droit qui lui fut acquis;
sa qualité d’héritière ne lui a été attribuée que par le
Code, puisque le général d’Ayat est décédé en 1812:
elle ne peut donc réclamer plus de droit que le Code
Napoléon n’en attache au titre qu’elle reçoit de cette
loi même.
Les principes que nous invoquons sont consignés dans
plusieurs arrêts.
�C
r9 )
• Un premier arrêt de cassation, du i 5 brumaire an 14,
les a appliqués au cas o ù , par une donation faite en
l’an 4^ et déguisée sous la forme d’une vente, un sieur
Bruley avoit disposé de la totalité de ses biens.
- Mais il étoit mort sous l’empire du Gode civil.
Les héritiers du sieur Bruley prétendoient que la
disposition devoit être régie par la loi en vigueur au
temps de l’acte, et en demandoient la nullité.
Celte demande, accueillie en première instance, fut re
jetée par la Cour de Dijon , dont les motifs pourroient
être littéralement opposés aux prétentions de la dame
Terreyre.
En voici quelques fragmens :
« Que la prohibition faite par la loi du 17 nivôse,
« de iminuer la réserve légale des cinq sixièmes des
« biens au profit des héritiers, n’opéroit qu’une nullité
« relative de la partie des libéralités qui excéderoit la
« quotité disponible; que c’est ce qui résulte évidemment
« de l’article 57 de cette loi, qui s’explique ainsi : ¿1 dater
« seulement du jo u r oit leur droit est ouvert ; que la
k loi fait donc dépendre la nullité du cas de l’ouverture
« du droit des héritiers présomptifs ; que c’est donc à
« cette époque qu’elle fixe l’examen de la validité de
« l’acte. D onc, s’il ne s’ouvre pas de droits à leur profit,
ce ou, si Vacte ne blesse pas Vétendue de leurs droits,
« lors du décès , ces héritiers ne sont pas x’ecevables à
« critiquer l’acte.............................; que s’ il s’agissoit de
« la capacité absolue d’ une personne, l’acte seroit ra
te dicalemcnt n u l, pour avoir é té ' fait dans un temps
ce où elle étoit absolument incapable de disposer, comm’o
�«
«
«
k
pendant une interdiction subsistante; mais qu’il en
est autrement de la disponibilité bornée à telle quotilé de biens; qu’à cet égard on ne consulte que le
temps du décès, etc. »
L e pourvoi contre cet arrêt fut rejeté, et l’on re
marque dans les motifs de l’arrêt du rejet ,
Que l’arrêt attaqué, en décidant que les héritiers ne
pouvoient être investis du droit d’attaquer l’acte qu’au
moment du décès de leur auteur, s i ce droit existoit
à celle époque , « et que les demandeurs n’ont pas
« trouvé ce droit dans sa succession, d’après le chan
te getnent de législation, n’a pu violer et n’a pas violé
« l’article énoncé de la loi du 17 nivôse an 2 , qui
« avoit été abrogée pendant la vie du vendeur (1). »
Un autre arrêt de cassation, du 22 août 1810, juge
aussi qu’ une donation en faveur même d’un successible, étoit valable, quoique faite sous l’empire de la
loi de nivôse au 2 , parce que le donateur étoit décédé
sous l’empire de la loi du 4 germinal an 8, qui permettoit de donner aux héritiers naturels.
L ’arrêt cité casse une décision contraire de la Cour
de Rouen.
On lit dans les motifs,
« Que si l’on considère l’acte comme une donation
« déguisée, par l’interposition de la personne du sieur
« Labarbe, devenu depuis le mari de la demoiselle A n -
(1) Voir cet arrêt dans le journal de Denevers, année 1806,
pages 3 9 -4 3 .
�« gélique-Flore Breant, cette donation n'auroit été que
« réductible ;
« Qu’en effet, la loi du 17 nivôse an 2 n’établissoit
« pas une incapacité absolue dans la personne d’un suc« cessible, mais annulloit seulement, pour le maintien
« de l’égalité , l’avantage fait à l’un des héritiers au pré« judice des autres;
« Que le droit de ceux-ci n’a pu prendre naissance
« qu’il Vinstant du décès de la dame veuve Sain son ,
« et tel que le J ix o it alors la loi du 4 germinal an 8 ,
« qui ne prononçoit en leur faveur qu’une réserve de
« moitié des biens de la donation, etc. (1) »
Si ces principes sont applicables, même à des dons
faits à des successibles, à l’égard desquels la loi de ni
vôse an 2 n’autorisait aucune disposition, à plus forte
raison sont-ils vrais relativement à des libéralités entre
les époux q u i, d’après cette l o i , pouvoient se faire mu
tuellement des dons universels, sauf la réduction à l’usu
fruit de moitié des biens, s’il y avoit lieu.
Les mêmes principes ont été consacrés par un arrêt
de la Cour impériale de Riom , rendu le 29 janvier
dernier ; en voici l’espèce :
Par un contrat de mariage, du 13 fructidor an 10 ,
les père et mère de la demoiselle l’Espinat lui avoient
fait une donation entre-vifs, et par préciput, du huitième
de leurs biens présens, e( en outre ils l’avoient instituée
héritière d’une semblable portion dans leurs biens à
(1)
Voir cet arrêt dans le journal de Denevers, année 1810,
pages 439— 441.
�venir, même ¿tune plus grande quotité tant desdits
biens présens qu'à v en ir, si les lois existantes lors de
îouverture de leurs successions, leur permettaient une
disposition plus ample.
La mère est décédée le 30 messidor an 12 , sons l’em
pire du Code.
'
L a demoiselle l’Espinat et le sieur Clary, son mari,
ont réclamé dans les biens de la mère le quart en préciput, quotité disponible fixée par le Code.
Cette demande a été contestée par les mêmes moyens
qu’invoque la dame Terreyre, et l’on a soutenu que la
quotité de la disposition de voit être réglée par la loi
en vigueur au temps du contrat. C’étoit la loi du 4
germinal an 8 , qui ne permettoit de donner qu’une por
tion d’enfant, un huitième.
L e tribunal civil d’Aurillac a accordé le quart, et la
Cour a confirmé cette décision, dont elle a même adopté
les motifs. En voici le texte :
« Attendu que les contrats de mariage sont suscep« tibles de toutes les clauses qui ne sont point contraires
« ni aux lois ni aux bonnes mœurs ; que la disposition
« portée au contrat de mariage de madame Clary n’a
« rien que la loi réprouve, puisque madame de Boussac,
a sa mère, ne l’a instituée que de ce dont la loi exis
te tante lors de son décès lui perinettroit de disposer;
« qu’ une pareille disposition ne porte aucun préjudice
« aux autres enfans, qui rCont droit qu'aux réserves
« que la loi du décès leur assure, réserves auxquelles
« il n’est pas porté la moindre atteinte par l’institution
a dont il s’agit, et que la jurisprudence ne donne même
�ô û l
«
«
«
«
«
•t*3 )
.............
aux puînés d’action pour attaquer les libéralités faites
sous la forme de ventes ou d’obligations déguisées,
que jusqu’à concurrence seulement des atteintes que
ces actes peuvent porter aux réserves que fait eu leur
faveur la loi de l ’ouverture de la succession. »
Tous ces arrêts sont décisifs pour la question. L e der
nier surtout a prononcé sur une clause absolument sem
blable à celle du contrat de mariage de la dame d’Ayat.
Gomment le résultat de la cause actuelle pourroit-il
être différent ?
,
On doit donc en convenir.
La loi du 17 nivôse an 2 n’étoit pas prohibitive, sur
tout entre époux.
.
•
Elle n’établissoit ni incapacité de donner, ni incapa
cité de recevoir.
Les droits de réduction qu’elle attribuoit aux héritiers
ne devoient être ouverts pour ceux-ci qu’au jour de l’ou
verture de la succession.
Ce droit n’a jamais été ouvert pour la dame Terreyre,
parce que la loi du 17 nivôse an 2. étoit abolie à l’ins
tant du décès du général d’Ayat.
L e Code Napoléon seul doit régir une succession ou
verte sous son empire.
Seul il doit déterminer la quotité réservée à la dame
Terreyre; et par conséquent le quart des biens du gé
n é ra l, portion disponible fixée par le Code, appartient
à la dame d’Ayat.
Il nous reste a prouver que ce quart doit être pris
sur la totalité des biens, sans aucun prélèvement.
*oí
�C H
)
§. I I .
L e quart doit être pris sur la totalité des biens,
sans aucun prélèvement.
La dame Terreyre veut prélever sur la masse de la
succession de son père une somme de 8o,ooo fi\, fonds
du douaire, et prétend que ce n’est que sur le reste des
Liens que la dame d’Ayat doit obtenir l’usufruit de
moitié ou la propriété du quart.
Pour justifier sa prétention, la dame Terreyre dit que
le douaire est une donation, et qu’une donation n’est
pas sujette à rapport, excepté entre cohéritiers.
L ’objection renferme une double erreur.
L e douaire n’est pas une donation.
Fût-il même considéré comme donation, il n’en devroit pas moins être rapporté , au moins fictivement,
pour servir à former la masse des biens, et à calculer
la quotité disponible.
L e douaire n’est pas une donation.
Tous les auteurs reconnoissent cette vérité ; la nature
du douaire et son objet ne permettent pas de l’assimiler
aux donations.
Pothier notamment, dont la dame Terreyre a invoqué
l ’opinion, s’exprime ainsi en parlant du douaire des
enfans (i) :
(i) Voir le Traité du d o u a ire,« 0. 292.
�( 2 5 }
« Ce douaire, de même que celui de la femme, n’est
« pas regardé comme une donation que l’homme fasse
« aux enfans qui naîtront de son mariage. »
L ’auteur conclut de cette proposition que le douaire
n’est pas sujet à l’insinuation , ni même au retranche
ment , pour la légitime des autres enfans.
Cet auteur s’occupe plus particulièrement de la nature
du douaire, dans d’autres parties de son ouvrage, et il
le définit ,
’ « Une dette qui procède de l’obligation que les coû
te tûmes imposent à tout homme qui se marie, d’as« surer, sur les biens qu’il a en se mariant, aux en« fans qui naîtront du mariage, de quoi leur fo rm er
« un patrim oine.............
« XJne espèce de légitime que la loi ou la conven
te tion du contrat de mariage assure, dans les biens de
« l’homme qui se marie, aux enfans qui naîtront du
« mariage, pour pourvoir à leur établissement (i). »
Ferrières, sur la coutume de P aris, Lebrun , dans son
Traité des successions (2), disent aussi que le douaire est
accordé aux enfans pour leur tenir lieu de légitime et
d'alimens.
Le douaire pouvoit d’autant moins être considéré
comme une donation ordinaire, sous l’empire de la cou
tume de Paris, que la loi l’accordoit lorsque la conven
tion ne l’attribuoit pas.
( 1 ) V o ir ie m êm e T ra ité, nos. 6 et agS.
(2) Voyez Ferrières, sur l’article 252 de Paris, n°. 2, et Lebrun,
Traité des successions,'liv. 3 , cliap. 6 , n°. 28.
4
�(26)
D ’après les articles 247 et 248 de cette coutume, la
femme avoit un douaire coutumier quand on ne lui
fixoit pas un douaire conventionnel-, et d’après les ar
ticles 249 et 2 55 , le fonds du douaire coutumier ou
préfix étoit propre aux enfans nés du mariage.
Mais comme la loi ou la convention n’a voit eu
pour but que d’assurer aux enfans un patrim oine, une
espèce de légitim e, des ali m ens, pris sur les biens du
p ère, le douaire cessoit ou se restreignoit lorsque les
enfans devenoient les héritiers du père, ou lorsqu’ils
recevoient de lui des dons qui pouvoient leur fournir
tout ou partie du patrimoine qui leur avoit été des~
tiné par le douaire.
D e là les règles écrites dans les articles 25o , 25 i et
2.52 de la coutume de Paris.
L ’article 25 o n’accorde le douaire qu’aux enfans qui
s’abstiennent de prendre la succession de leur père.
« Si les enfans venant dudit mariage, dit cet article y
« ne se portent héritiers de leur père, et s’abstiennent
k de prendre sa succession, en ce c a s , ledit douaire
« appartient auxdits enfans, purement et simplement,
a sans payer aucunes dettes procédant du fait de leur
« p è r e , créées depuis ledit m ariage, et se partit le
« douaire, soit préfix ou coutum ier, entr’eux,sans droit
« d’aînesse ou prérogative. »
L ’article 261 ajoute :
« Nul ne peut être héritier ou douairier ensemble,
« pour le regard du douaire coutumier et préfix. »
Ces deux articles ne doivent pas se séparer; le second
n’est que le corollaire du premier»
�( 27 )
: L e premier pose le principe ;
L e second renferme la conséquence.
Par le prem ier, le douaire n’est accordé aux enfans
que d’une manière hypothétique et conditionnelle.
Jusqu’au décès du père, le droit des enfans, ou douaire,
n’est qu’informe , et peut avorter ou défaillir, selon
les expressions de M. Pothier.
A u moment du décès, les droits des enfans sont ou
verts; mais alors les enfans ont deux sortes de droits,
entre lesquels ils peuvent choisix*.
Ils peuvent êtx*e héritiei’s ou douairicrs, à leur gréi
S’ils acceptent le titre d’héiùtiers, et les avantages qui
sont attachés à ce titre, leur di'oit au douaire s’efface;
c’est comme si ce droit n’avoit jamais existé pour eux.
La raison en est qu’en acceptant la succession ils
trouvent dans l’hérédité même le patrim oine, la légi
time , les alimens que le douaii-e étoit destiné à leur
fournir; alors le vœu de la loi et l’intention du père
sout remplis ; et ce sei-oit au contraire blesser ce vœu
et cette intention , que d’attribuer aux enfans à la fois;
et le douaire, et l’hérédité, c’est-à-dix*e, deux avantages
dont l’un n’est attribué qu’à la place de l’autre.
S i , au contraire > les enfans s’abstiennent de la suc
cession , alors le cas du douaire se présente : par leur
option ils deviennent douairiers, et ils obtiennent ainsi
les alimens et la légitime que leur pèx*e et la loi avoient
voulu leur assurer.
f
Cette distinction est importante; elle est fondée sur la
nature même du douaire , et elle explique pourquoi
certains auteurs, et notamment Pothier, ont pensé que
4 *
�c
2
8
}
l’enfunt qui avoit accepté la succession sous bénéfice
d’inventaire pouvoit réclamer son douaire.
Remarquons d’abord que Pothier ne parle pas de
l ’héritier pur et simple , et qu’on ne croit pas qu’on
puisse citer aucun auteur qui ait pensé qu’on pût être
à la fois héritier pur et simple, et douairier,
Pothier même suppose que l’héritier bénéficiaire aban
donne tous les biens de la succession ( 1 ) , et il pense
que dans ce cas, comme il ne retient rien absolument,
il a le droit de demander son douaire; il cite même un
arrêt du 4 mars 1750, qui a admis l’enfant à renoncer
ù la succession qu’il avoit d’abord acceptée sous bénéfice
d’inventaire , et à demander le douaire.
F errières, sur l’art. 25 2, n°. 3 , pense que l’héritier
même bénéficiaire ne peut pas ensuite renoncer à cette
qualité, et retourner au douaire ,• cette opinion paroît
plus conforme aux principes, et à la maxime qu i sernel
hœres semper liœres.
Renusson trouve la question très-ardue ( 2 ) ; il l’exa
mine soit relativement aux créanciers, soit relativement
aux cohéritiers, et il se décide en faveur de l’enfant q u i,
selon lui , en rendant compte de la succession , peut
renoncer ¿1 sa qualité d’héritier pour être douairier.
On voit que les auteurs même les plus favorables à
l’enfant , ne l’admettent à réclamer son douaire que
lorsqu’il ne recueille rien dans la succession , et même
lorsquV/ renonce à la qualité d’héritier.
( 1 ) V oyez n°. 35 i.
(2) V oyez Traité du douaire.
�( 29 )
Ainsi l’opinion même de ces auteurs est d’accord avec
la distinction que nous avons faite, et que nous avons
tirée de la nature du douaire.
S’ils accordent le douaire à l’enfant, qui d’abord avoit
eu l’imprudence de se porter héritier bénéficiaire, c’est
seulement parce que cet enfant ne trouve pas dans l’héré
dité les alirnens, la légitim e, le patrimoine que devoit
lui procurer le douaire; en sorte que l’enfant est alors
précisément dans le cas pour lequel ce douaire lui avoit
été promis.
Mais dans un cas contraire, et lorsque l’enfant prend
d’une autre manière sur les biens du père ses alimens
et sa légitime, il n’a pas droit au douaire.
C ’est ce dont on se convaincra de plus en p lu s , en se
fixant sur les termes de l’art. 2Ô2 de la coutume de Paris.
Voici comment est conçu cet article :
« Celui qui veut avoir le douaire doit rendre et res« tituer ce qu’il a eu et reçu en mariage, et autres avan« tages de son p è r e , ou moins prendre sur le douaire. »
Les termes de l’article sont précieux.
Il n’est pas dit doit rapporter, mais doit rendre et
restituer............. ou moins prendre sur le douaire.
En sorte que ce n’est pas à titre de rapport que le fils
doit restituer les dons, ou moins prendre sur le douaire,
c’est parce que le douaire devant tenir lieu de légitime
ou d’alimens, il diminue lorsque la légitime et les ali
mens ont été en partie fournis par d’autres avantages.
Et remarquons qu’il est reconnu par tous les auteurs
que cette restitution des avantages ou cette diminution
du douaiic peut être exigée non-seulement par les co-
�( 30 *
héritiers du douairier, mais aussi par les créanciers du
père, postérieurs même, soit au contrat de mariage, soit
aux donations (1).
L eb ru n , en rappelant la règle, observe,
« Que cette incompatibilité du don et du douaire se
« pou voit opposer par des créanciers postérieurs à l’un
« et à l’autre, parce que s’ils ont dû connoître la con« dition de celui avec qui ils contractoient, ils ont aussi
« dû s'attendre au rapport du douaire, qu i est fo n d é
« en COUTUME et dans l ’ i n t e n t i o n du père, qui ne
« doit qu’une fois des alimens à ses enfans, et qu’ils sont
« subrogés à cet égard a u x droits du p ère, pour de« mander ce rapport et cette imputation aux enfans
» douairiers. »
Si le douaire étoit une donation, certainement le
rapport ne pourroit pas en être demandé.
Personne n’ignore que des enfans donataires de leur
père , quoique par plusieurs actes diiférens, n’auroient
à craindre aucune action des créanciers postérieurs.
Ce n’est donc pas sur les principes généraux relatifs
aux rapports en matière de succession, mais sur des
principes particuliers, produits parla nature.du douaire,
qu’est fondée la règle de l’imputation des dons sur le
douaire.
N o u s disons d e Fimputation ,• cette expression est celle
(1)
Voyez Pothier, Traité du douaire, n°. 352 ; Renusson,
même Traité, chap. 6 , n°. 6; Ferrières, sur l’art. 262, n°. 4 ;
Lebrun, Traité des successions, livre 3 , chap. 6 , n°. 28.
�( 3' )
qu’emploie Pothier en traitant la question ; c’est aussi
la plus propre à indiquer la règle.
En effet, c’est moins un rapport que doivent les enfans,
qu’un retranchement qu’ils éprouvent proportionnelle
ment à ce qu’ils ont reçu.
L e douaire, d’après la coutume comme d’après Vin
tention du p è r e , n’étant accordé que pour remplacer
la légitime, doit diminuer ou disparoître, selon que
cette légitime est en partie payée ou totalement rem
plie.
- Il diminue, s i, par des libéralités antérieures à son
décès , le père s’est acquitté en partie de l’obligation que
la loi lui imposoit, en donnant à ses enfans une partie
de son patrimoine..
- Il disparoît, s’il laisse à ses enfans sa succession , et
que ceux-ci l’acceptant trouvent par là dans l’hérédité
la légitime, le patrimoine que le douaire leur assuroit.
En un mot, le père et la coutume ne promettoient aux
enfans que le douaire. Ce douaire devoit leur tenir lieu
de tout patrimoine, et les enfans, à l’ouverture de la
succession du père, devoient, ou se contenter du douaire,
ou y renoncer pour prendre l’hérédité; mais ils ne pouvoient avoir l’un et l’autre avantage : et se porter héri
tiers, c’étoit ne pas vouloir être douairiers.
C ’est donc bien vainement que la dame Terreyre ré
clame le prélèvement du douaire, et se plaint qu’on
veuille la soumettre au rapport de cet avantage.
Elle n’a pas de douaire à prélever; car son droit
au douaire ne devoit s’ouvrir qu’au décès de son
�¿to i
C 32 "J
père (1) ; et puisqu’elle a accepté l’h érédité, elle n’a
jamais été saisie de ce droit : par la même raison, on
n’a point de rapport à lui demander.
Si l’on pouvoit, au reste, considérer le douaii’e comme
une donation ; si l’on pouvoit supposer que la dame
Terrej^re en a été saisie, et que l’acceptation de l’héré
dité n’a pas fait disparoître son droit, il seroit facile de
démontrer qu’elle en doit le rapport, au moins fictif,
pour servir à fixer sur la masse entière des biens la va
leur de la portion disponible.
r L e sieur d’Ayat a donné à son épouse la quotité dis
ponible établie par le Code.
Cette quotité étoit-elle du quart de la totalité des
biens ? Telle est la question.
Pour la résoudre, examinons si le quart de la tota
lité seroit ou non sujet à réduction.
Mais comment doit se former la masse pour déter
miner la réduction ?
L ’article 922 du Code nous l’apprend.
« La réduction se détermine, dit cet article, en for« mant une masse de tous les biens existans au décès
« du donateur ou du testateur; on y réunit fictivement
a ceux dont il a été disposé par donation entre-vifs,
« d’après leur état à l’époque de la donation, et leur
a valeur au temps du deces du donateur; on calcule sur
« tous ces biens, après en avoir déduit les dettes, quelle
(1) V o yez Potliier , Traité du d ou aire, n°. 332.
« est,
�(33 )
« est,: eu égard*à la qualité des héritiers qu’il laisse,
« la quotité dont il a pu disposer. »
Ainsi les biens donnés doivent être réunis au x biens
existans au décès, pour calculer la quotité disponible.
L ’article 921 déclare que « la réduction des disposi« tionç entre-vifs, ne pourra être demandée que par
« ceux au profit desquels la lo if a it la réserve. »
Il ajoute que les donataires, les légataires, les créan
ciers ne pourront demander cette réduction, n i en profiter.
Mais la loi ne fait de réserve qu’au profit des enfans
qui déjà n’ont pas reçu sur les biens de leur père une por
tion de ce que le législateur a voulu qu’on leur attribuât
L ’enfant donataire ne peut demander la réserve; il
ne peut même en profiter, si ce 11’est jusqu’à la concur
rence de ce qui lui manque, dans l’objet donné, pour
atteindre la valeur de la quotité réservée.
S i, pour la preuve de cette vérité, il étoit nécessaire
d’invoquer des autorités, on pourroit en citer de nom
breuses et des plus respectables.
La réserve légale est aujourd’hui ce qu’étoit autrefois
la légitime; et personne n’ignore que l’enfant légitimaire
étoit obligé , même à l’égard d’un héritier ou d’un
donataire étranger, d’imputer sur sa légitime tout ce
qu’il avoit reçu du défunt.
M . le procureur général Grenier traite cette question
ex professo, dans son excellent ouvrage sur les dona
tions et testamens; il la traite relativement à la réserve
établie par le Gode; il est de l’avis de l’imputation des
dons antérieurs au décès : il s’appuie de l’opinion d’un
grand nombre d’auteurs anciens, et il remarque qu’il
n'est pas un auteur, au moins de sa connaissance, ,
3Ȇ
Ht
�...................................
(
34 )
qui ait professé une doctrine différénie. Ori ne saüroit
mieux faire que de renvoyer à une dissertation aussi
lumineuse que profonde (i).
• D ’après l’article 1098 du Code Napoléon, le général
d’Ayat pouvoit disposer en faveur de sa seconde épouse,
d’une portion d’enfant le moins prenant , sans que ce
pendant la disposition pût excéder le quart des biens.
La dame Terreyre est l’unique enfant : la dame d’Ayat
doit donc avoir le quart des biens ; en sorte que la ré
serve légale pour la dame Terreyre est des trois quarts.
Remarquons même que la loi se sert de cette expres
sion générale, le quart des biens; expression qui indique
que les biens entiers doivent servir à l’attribution du
quart, et qui ne permet pas d’accorder à la dame Terreyre
le prélèvement qu’elle demande.
A u reste, il suffit qu’elle n’ait droit qu’à la réserve
légale, pour qu’elle doive imputer sur cette réserve tous
les dons qui lui ont été faits; car le père, en respectant
cette réserve, avoit le droit de disposer de tout le surplus
de ses biens.
M . Grenier a examiné aussi la question relativement
à une donation faite par un époux à une épouse en se
condes noces (2). Il observe avec beaucoup de raison
qu’il s’agit moins, dans des cas semblables, d’une ques
tion de rapport, que d’une question de réduction ou de
retranchement, puisque le rapport fait par l’enfant n’est
pas r é e l, mais seulement fictif. Il pense que les enfans
(1) Voyez Traité des donations et des testamens, n°. 5g5 et
suivans , deuxième édition, in-/?. , tome 2 , page 53i.
(2) Voyez le môme Traité» n05. 499 et 5oo, tom. 2, p. 167.
�doivent rapporter à -la succession de leur père tout ce
qu’ils ont reçu de l u i , afin de mettre à portée de cal
culer ce que le second époux peut demander,■et il cite
un arrêt du 2 avril 1683.
Cet arrêt ( 1 ) a décidé eu effet que des enfans d’un
premier lit étoient obligés de rapporter ce que leur mère
leur avoit donné avant son second mariage , ou de
moins prendre dans le partage de sa succession avec le
second mari, donataire.
L a même, question/a été jugée depuis le C od e, par
la Cour impériale de Paris, par un arrêt du 20 février
1809 , que cite M . Pailliet (2) dans une note sur l’ar
ticle 1098.
A in s i, considéré comme donation, le douaire seroit
sujet à un rapport au moins fictif.
Nous disons f i c t i f , parce que ce rapport n’auroit pas
pour but d’enlever à la dame Terreyre la moindre partie
des 80,000 francs donnés, mais seulement de servir au
calcul de la valeur du quart disponible, quart qui seroit
ensuite payé aux dépens des biens libres.
Quel que soit donc le caractère que l’on suppose au
douaire, le résultat sera le m êm e, et la dame d’A yat
aura toujours le quart de la totalité des biens du général.
Mais un douaire n’est pas une donation ; ce n’est qu’un
avantage conditionnel, accordé seulement pour le cas où
l’on ne seroit pas héritier, et qui disparoît dès l’instant
où l’hérédité est acceptée.
( 1 ) Voyez-le au Journal des audiences, tome 3 , page 682.
(2)
Voyez la seconde édition du Manuel du droit français,
par M. Pailliet, avocat.
�La dame Terreyre est héritière ;
Elle n'est donc pas douairière,
E t par conséquent il ne peut être question du pré
lèvement des 80,000 francs.
La discussion à laquelle nous nous sommes livrés s’appliqueroit aussi au cas où la quotité disponible seroit
seulement de l’usufruit de moitié des biens, au lieu d’être
de la propriété du quart.
Mais cette question que nous avons examinée la pre
mière, n’est pas plus douteuse que l’autre.
C ’est la loi du décès qui seule doit régir la succession
ouverte sous son empire;
C ’est elle qui a fixé les droits de l’héritière naturelle ;
C ’est elle par conséquent qui doit régler la quotité
disponible, avec d’autant plus de raison, que la loi
de nivôse an 2 ne prononçoit aucune prohibition absolue,
et n’établissoit entre époux aucune incapacité de donner
ni de recevoir.
Donataire de tout ce dont la loi en vigueur au temps
du décès du donateur a permis de disposer , la dame
d’Ayat réclame le quart; elle en a le droit ; et c’est elle
surtout qui ne doit pas les moindres sacrifices à ceux
qui ont cru pouvoir se dispenser à son égard même des
moindres ménagemens.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. R O U H E R , licencié avoué.
A R IO M , de l’imp. de TH IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
ru e des Taules, maison L a n d r i o t . — Juillet 1813.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Kempfer de Plobsheim, Charlotte-Joséphine. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Rouher
Subject
The topic of the resource
successions
douaire
donations entre époux
coutume du Bourbonnais
conflit de lois
divorces
secondes noces
partage des enfants
contrats de mariage
séparation de biens
haras
scellées
arbitrages
bureau de paix
mobilier
coutume de Paris
usufruit
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour dame Charlotte-Joséphine Kempfer de Plobsheim, veuve, en premières noces de M. le comte de la maison régnante de Sayn et Wittgenstein-Berlembourg, et en secondes noces de M. Louis-Charles-Antoine Lors de Beaufranchet d'Ayat, général de brigade, Inspecteur général des haras de l'Empire, demanderesse ; contre M. Denis Terreyre, général de brigade, baron de l'Empire, l'un des Commandans de la légion d'honneur ; et dame Anne-Pauline-Victoire de Beaufranchet d'Ayat, son épouse, autorisée en justice, défendeurs.
Table Godemel : Don mutuel : 1. le don mutuel par contrat de mariage étant irrévocable par sa nature, doit se régir par la loi en vigueur au temps du contrat : conséquemment, la disposition en faveur du survivant de tout ce dont la loi actuelle permet de disposer, et même de tout ce qui sera disponible d’après la loi existante lors du décès du prémourant, ne peut d’étendre au-delà de la quotité disponible au moment de l’acte, bien que celle du moment du décès soit plus forte Douaire : 2. selon la coutume de paris, les qualités de Douairière et d’héritier ne sont pas incompatibles à l’égard des tiers donataires. l’enfant d’un premier mariage est créancier du douaire stipulé lors du contrat de ce premier mariage, et il n’en doit, ni le rapport à la masse de la succession, ni l’imputation sur la part héréditaire que la loi lui réserve. Licitation : 1. entre le donateur ou l’héritier, et le simple usufruitier, il ne peut y avoir lieu à la licitation des biens indivisibles ? Usufruitier : 2. entre le donataire ou l’héritier et le simple usufruitier, il ne peut y avoir lieu à la licitation des biens indivisibles.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1783-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2209
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2130
BCU_Factums_G2208
BCU_Factums_G2210
BCU_Factums_G2211
BCU_Factums_G2212
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53438/BCU_Factums_G2209.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ayat-sur-Sioule (63025)
Vichy (03310)
Paris (75056)
Blot (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
bureau de Paix
conflit de lois
contrats de mariage
coutume de Paris
coutume du Bourbonnais
divorces
donations
donations entre époux
douaire
haras
mobilier
partage des enfants
Scellées
secondes noces
séparation de biens
Successions
usufruit
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53440/BCU_Factums_G2211.pdf
9a52301b93bc3141f65a2ddaea0f271e
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Text
OBSERVATIONS
P O U R
COUR
IMPÉRIALE
DE RIOM.
La dame K IM PFER DE P L O B S H E IM ,
veuve du Général d’A yat , appelante ;
■" c»*»»»«.
CONTR E
Le
Général T E R R E Y R E
—L
et son épouse
jf****
intimés
A
L dame d’Ayat avoit porté devant le tribunal civil
de l’arrondissement de Riom des réclamations fondées
sur une clause formelle de son contrat de mariage, et
° 7
7
sur des principes qui paroissoient certains.
Cependant ses réclamations n’ont pas été accueillies.
L e sens naturel des expressions du contrat a été détourné par une interprétation forcée.
Les principes ont été méconnus.
Les droits d’un héritier naturel ont été fixés , non
d’après la loi en vigueur au moment de l’ouverture de la ..
succession, mais d après une loi depuis long-temps abolie.
L e douaire a été considéré comme une créance or■»
d
•
•
•
•
•
•
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L ’enfant a été autorisé à se porter à la fois douairier
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.
et héritier, à p rélever, au premier titre, le douaire
qu’il réclamoit, et à prendre, au second , la totalité
d’une réserve légale qu’il lui a été permis de cumuler
avec le douaire.
Lésée par des erreurs de fait et par des erreurs de
d ro it, la dame d’Ayat a dû demander à des magistrats
supérieurs un nouvel examen de sa cause.
C’est sur la jurisprudence mêmé de la Cour que re
posent plusieurs des moyens qu’elle invoque; c’est dans
les sources les plus respectables qu’elle puise les autres:
avec des secours aussi puissans, elle doit espérer de
faire disparoître toute équivoque, toute confusion de
principes, de ramcnci’ les questions à leur vrai point,
et d’obtenir la réformation d’un jugement où l’on ne
reconnoît pas le tribunal qui l’a rendu.
Deux questions principales avoient été soumises aux
premiers juges, et développées dans des mémoires res
pectifs :
L ’une, si la dame d’Ayat devoit avoir le quart en
propriété des biens laissés par son mari ;
L ’autre, si la quotité à laquelle cette dame avoit droit
devoit ôtre fixée d?après la masse totale des biens du
m ari, sans aucun prélèvement.
Ces deux questions ont été décidées négativement par
le tribunal de première instance.
C’est sur cette décision que l’on se propose de sou
mettre à la Cour quelques observations.
La première question roule sur les termes et sur les
effets du contrat de mariage de la dame d’A y a t , en
date du 19 brumaire an 4-
�(3 )
L es avantages stipulés par le contrat sont de quatre
sortes.
i°. Un douaire préfix de 3,000 francs de rente nette
et sans retenue, attribuée à la future épouse.
2°. Un gain mutuel de 5o,ooo francs à prendre par
le survivant sur le plus clair des biens du prédécédé.
30. Une disposition en faveur du survivant des deux
é p o u x , « de tout ce dont la loi leur permet de dis—
« poser en faveur l’un de l’autre, ou de tout ce dont
« elle ieur permettra de disposer aussi en faveur l’un de
« l’autre, au jour du décès du premier mourant d’eux,
« dans le cas où la loi alors existante donneroit plus
« de latitude à ces sortes de donations, p ou r, par ledit
« survivant des futurs é p o u x , en jouir à compter du
« décès dudit premier mourant, suivant et aux termes
« de la lo i, sans être néanmoins tenu de donner aucune
« caution, et seulement à la charge de faire faire fidèle
« inventaire des biens du prédécédé. »
40. Une disposition universelle de tous les biens en
propriété, dans le cas où le premier mourant décéderoit
sans enfans (1).
La dame d’Ayat se restreignoit, pour tous ces avan
tages , à la propriété du quart des biens laissés par son
mari, quotité déclarée disponible en sa faveur par l’ar
ticle 1098 du Gode Napoléon, sous l’empire duquel est
mort le général d7Aj*at.
Et remarquons que la valeur de ce quart est beau(x) V o ir, pour les autres détails des conventions matrimo
niales, le mémoire de madame d’A yat, pages 3 et 4.
I *
32$
�t
^4 ^
coup au-dessous de celle des diverses dispositions que
l’on vient d’analiser.
L e tribunal de première instance a réduit tous les dons
au simple usufruit d’une portion des biens du général.
11 seroit trop long de transcrire tous les motifs d’après
lesquels il déclare s’etre déterminé.
En voici le résumé :
En comparant la troisième et la quatrième clause, les
premiers juges ont cru voir dans la troisième un simple
don de jouissance, pour le cas où il y auroit des enfans,
et dans la quatrième, un don de propriété, mais dans
le cas seulement où il n’y auroit pas d’enfans.
Cette opinion devient évidente, disent-ils, par l’em
ploi des mots pour en jo u ir , qui n’indiquent qu’une
simple jouissance, et par la précaution de dispenser de
donner ca u tion , mais de soumettre àfa ir e inventaire •
ce qui auroit été superflu, si l’on avoit entendu attri
buer une propriété.
Passant ensuite à l’examen de la nature de la dona
tion, ils soutiennent, en point de droit, qu’elle est une
véritable donation entre-vifs ,• qu’elle doit être régie
par la loi en vigueur au temps où elle a été faite; que
les époux n’ont pu s’en référer à la loi future sans
manquer de respect à la loi existante; et que cette loi
future ne pourroit elle-même, sans rétroagir, donner
quelque valeur à un don fait sous l’empire d’une autre
loi qui étoit impérative et irritante.
Examinons et la justesse de l’interprétation adoptée
par les premiers juges, et la vérité des principes dont
ils ont argumenté.
�C 5 )
L ’interprétation est contraire aux termes de la clause
et à l’intention évidente du donateur.
Les termes de la clause sont clairs.
On donne d’abord tout ce que la loi du moment autorise
à donner.
M ais, comme cette loi restreignoit les dons à un simple
usufruit, on prévoit le cas où une loi nouvelle surviendroit, où elle accorderoit plus de latitude aux donations
entre époux, et l’on donne, dans ce cas, tout ce dont la
lo i existante au jou r du décès permettrait de disposer.
Quoi de plus clair que ces expressions? quoi de plus
positif? quoi de plus formel? leur sens n’est-il pas trop
évident pour avoir besoin de quelqu’interprétation? et
vouloir les interpréter n’est-ce pas chercher à les obs
curcir pour en détruire l’effet?
Donner tout ce dont la loi du décès permettra de dis
poser, c’est faire un don en propriété, si cette loi le
permet ; c’est faire un don en usufruit seulement, si la
loi n’autorise rien de plus.
Mais, dit-on, les mots pour en jo u ir , qui se trouvent
dans la suite de la clause, sont indicatifs d’un simple usu
fruit.
Etrange raisonnement! comme si le mot jo u ir ne s’entendoit pas d’un propriétaire ainsi que d’un usufruitier.
L e propriétaire jo u it, l’usufruitier jouit lui-méme, et
chacun au titre auquel il possède. L e mot j o u i r exprime
également l’eiïet du droit dont chacain use; d’ailleurs il
ne peut servir, isolément pris, ù fixer l’étendue du droit
même; et c’est à la disposition principale qu’il faut re
courir, pour connoître si c’est comme propriétaire 011
comme usufruitier que l’on jouit.
�(6 y
A u reste, dans la clause il est dit :
« Pour en jouir à compter du décès du premier mou« rant, suivant et.a u x ternies de la loi. a
A in s i, dans cette seconde partie de la clause, comme
dans la prem ière, c’est à la loi existante au moment du
décès qu’on s’en réfère pour fixer l’étendue et la nature
du droit de jou ir, et c’est comme s’il avoit été dit :
« Pour en jo u ir comme propriétaire , si la loi le
a permet ;
et Pour en jo u ir comme simple u sufruitier, si la loi
« le veut ainsi. »
Une dernière objection est tirée de ce qu’à la fin de
la clause il est ajouté : Sans êti'e tenu de donner caution,
mais à la charge dé fa ir e inventaire.
La dispense et la charge, a-t-on observé, ne peuvent
s’appliquer qu’à un usufruitier, et prouvent par consé
quent que l’on a entendu faire seulement un dan ea
usufruit.
L ’on n’a pas voulu remarquer que ces expressions
finales n’avoient été employées qu’hypothétiquement.
La clause renfermoit tout à la fois le don de la quo
tité fixée par la loi existante, et le don de la quotité qui
seroit disponible d’après la loi du décès.
L e premier don n’étoit que d’ un usufruit ; et il étoit
incertain si la loi future autoriseroit un don en propriété.
Dans cette incertitude, et dans le cas o ù , la loi ne
changeant pas, la libéralité se trouveroit réduite à un
usufruit, il falloit bien prévoir les dispenses et les charges
que l’on vouloit stipuler pour l’usufruitier.
C’est ce que l’on a fait par les expressions finales ci-
�( 7 )
.
' 3?*
dessus rapportées. Ces expressions ne signifient rien autre
ch ose, si ce n'est que pour la portion d’usufruit qui
pourroit se trouver dans la libéralité précédemment faite,
on seroit dispense de donner caution et chargé de faire
inventaire.
Mais prétendre que ces expressions changent le sens
de la disposition principale par laquelle on s’en est
référé à la loi môme pour l’étendue de la libéralité ;
soutenir que le don n’est que d’un usufruit, quoique la
loi attribue une portion en propriété, c’est s’arrêter à
de vaines subtilités; c’est substituer des idées arbitraires
à la volonté du donateur; c’est, en un mot, anéantir
la donation sous prétexte d’en fixer les vraies limites.
Comment concevoir, en effet, qu’on eût déclaré donner
tout ce dont la loi du décès permettrait de disposer,
si l’intention des parties eût été seulement de faire un
don d’usufruit?
Supposeroit-on qu’en prévoyant le cas où la loi future
-accorderoit une plus grande latitude pour les dispositions
entre ép o u x , on n’avoit cependant pas pensé que cette
latitude pourroit s’étendre jusqu’aux dons en propriété?
* Où imagineroit-on que la valeur et la force des mots
employés dans la disposition n’ont pas été senties par
'des contractans dont le rang et l’éducation ne peuvent
cependant faire présumer des erreurs d’intelligence aussi
(graves ?
Mais il est dans le contrat de mariage une disposition
particulière, q u i , si elle eût été considérée par lés pre
miers juges, auroit levé tous leurs doutes sur l’intention
du donateur.
�( 8)
Nous voulons parler du don mutuel de 5o,ooo fr.
Ce don mutuel est attribué en propriété au survivant
des époux; il est suivi immédiatement de la disposition
générale d’après laquelle le survivant doit avoir tout ce
dont la loi du décès permettroit de disposer.
Cette dernière donation comprenoit dans sa généralité,
même le don des 5o,ooo francs fait dans la phrase pré
cédente ; et les deux libéralités portées par le même con
trat devoient servir l’une à l’autre de règles d'interpré
tation. Il est en effet de principe consigné dans l’article
1161 du Code, que « toutes les clauses des conventions
« s’interprètent les unes par les autres, en donnant à
« chacune le sens qui résulte de l’acte entier. »
• En fixant leur attention sur ce don de 5o,ooo francs
en propriété, les premiers juges auroient dû, il semble,
ou attribuer cette libéralité telle qu’elle étoit faite, ou
reconnoître au moins que la volonté des donateurs, ma
nifestée par l’ensemble de leurs dispositions, avoit été
que le survivant d’eux eût en propriété la quotité décla
rée disponible par la loi du décès.
Ces idées simples ont cependant été méconnues.
Sans égard pour le don particulier de 5o,ooo fr. en
propriété, sans respect pour les termes de la donation
générale de tout ce qui seroit disponible d’après la loi
du décès, on a décidé en fait que l’intention des deux
époux avoit été seulement d’attribuer un usufruit au
survivant.
Cette décision sur le fait, sur Vintention, est trop
choquante, est d’une erreur trop palpable, pour qu’il
soit nécessaire de la combattre plus long-temps.
Passons
�( 9)
Passons à quelques observations sur le point de droit.
L e jugement décide en point de droit,
Que la disposition portée par le contrat de mariage
de madame d’Ayat est une donation entre-vifs,*
Que s’en référer à la loi future, c’étoit manquer de
respect à la loi existante;
Que la loi future ne pourroit, sans rétroagir, consacrer
cette disposition ;
Enfin, que d’après la loi existante, la disposition n’avoit
pu être faite.
Ces diverses décisions sont autant d’erreurs.
L a disposition ne constituoit pas une donation entre
vifs.
Une donation entre-vifs dépouille le donateur, et saisit
sur-le-champ le donataire ; l’un ne peut plus aliéner
les objets donnés ; l’autre, comme propriétaire, en
dispose à son gré, et les transmet à ses héritiers, quoi
qu’il meure même avant le donateur.
De tels caractères ne conviennent pas aux libéralités
contenues au contrat de mariage de la dame d’Ayat.
La donation que réclame la dame d’Ayat étoit su
bordonnée au décès du mari donateur ; elle avoit été
faite in contemplatione m ortis, et sub ejits commémo
ra tione.
Elle ne devoit être prise que sur les biens que laisseroit le donateur à son décès; celui-ci pouvoit d’ailleurs
aliéner, dissiper même pendant sa vie.
Enfin il falloit, pour que la donation eût lieu, que
la femme survécût au mari; si elle eût prédécédé, elle
xi’auroit pas été donataire, mais au contraire donatrice.
�Ces conditions, ces effets caractérisent une donation
à cause de m ort, et démontrent l’erreur de la qualifi
cation de donation entre-vifs, employée dans les motifs
du jugement.
La donation dont il s’agit n’a de commun avec les
donations entre-vifs que son irrévocabilité; c’est d’ailleurs
une vi'aie donation à cause de mort.
L a seconde erreur du ju g e m e n t n’est pas moins frappante.
Les expressions manquer de respect a la. loi exis
tante , énoncent une idée fausse cachée sous de grands
mots. La loi est impassible; en sorte que si l’on agissoit
contre ses défenses, ce seroit le législateur plutôt que
la loi qu’on offenseroit.
Mais peut-on dire que c’est manquer de respect au
législateur, que de s’en référer à sa volonté, que de
donner, s’il le permet, et seulement jusqu’à concurrence
de ce dont il permettra de disposer? Un pareil don
n’est-il pas un acte de soumission plutôt que d’irrévéx’ence? Et surtout, lorsque le législateur annonçoit luimême, comme il l’avoit fait en l’an 2, la promulgation
prochaine du Code c iv i l, n’étoit-il pas permis de pré
voir l’existence de cette loi future, et de s’en rapporter
à ce qu’elle ordonneroit ?
La Cour a fait déjà justice de cette singulière ob
jection, en déclarant valable une disposition semblable,
par un arrêt du 29 janvier 1812, dont l’espèce est rap
portée dans le mémoire de la dame d’A y a t , pages 21
et suivantes.
L ’arrêt répond aussi à la troisième objection tirée
de la prétendue rétroactivité de la loi nouvelle.
�Donner ce iîont une loi future permettra de disposer,
c’est faire une donation conditionnelle ou éventuelle; la
loi future est la condition ou l’événement : si elle est
promulguée, il n’y a pas de rétroactivité dans la lo i;
mais la volonté de l’homme opère son effet par l’accom
plissement de la condition ou de l’événement prévu.
Examinons si la loi du 17 nivôse an 2 s’opposoit à
la validité de la donation, quelle qu’en soit même la
nature, soit qu’on la considère comme donation entre
vifs ou comme donation à cause de mort.
Remarquons d’abord que les premiers juges n’ont pu
dire que cette loi fût prohibitive, quoique cette idée
eût prêté un grand appui à leur système.
Ils ont seulement dit que cette loi étoit impérative
et irritante.
O r , on connoît la différence entre le& lois prohibitives
et les lois im pératives, quant à leurs effets.
Les premières rendent nuls les actes faits contre leur
prohibition.
Les secondes sont purement réglementaires ; et les
règlemens qu’elles contiennent, sur les successions no
tamment, ne sont applicables qu’aux successions ouvertes
sous leur empire.
La loi du 17 nivôse an 2 renferme diverses règles sur
le partage des successions, et sur la portion que doit y
prendre chaque héritier.
Elle ne s’exprime point d’ailleurs en fermes prohibitifs,
quant aux donations; elle ne prononce ni incapacité de
donner, ni incapacité de recevoir.
11 y a plus; le système restrictif qu’elle établit relati-
�( 12 )
vement aux libéralités en général, ne s’applique pas aux
dispositions entre époux.
Cette vérité est indiquée par l’article 14 de la loi du
17 nivôse an 2 , et démontrée par la réponse à la dixième
question insérée dans la loi du 22 ventôse an 2.
P a r Varticle 14 de la loi de nivôse, où il est dit qu’à
l’égard de tous avantages............. qui pourroient avoir
lieu à l’avenir , « soit qu’ils résultent des dispositions
« matrimoniales, soit qu’ils proviennent d’institutions,
« dons entre-vifs, ou legs faits par un mari à sa femme
« ou par une femme à son m ari, ils obtiendront éga
ie. lement leur effet, sauf néanmoins leur conversion ou
« réduction en usufruit de m oitié, dans le cas où il y
« auroit des enfans, conformément à l’art. 13 ci-dessus. »
P a r la réponse à la dixièm e question de la loi de
ventôse, où le législateur s’exprime d’une manière bien
remarquable :
« L e système restrictif n’est pas pour les dispositions
« entre époux, sauf la réductibilité à l’usufruit de moitié,
« en cas qu’il y ait des enfans. »
Ainsi les dispositions entre époux , quelqu’étendues
qu’elles soient, sont valables en elles-mêmes;
Seulement elles peuvent devenir susceptibles de ré
duction.
Mais le droit de demander la réduction, à qui appar
tient-il, et de quel jour est-il acquis?
Ces questions ayant déjà été traitées dans le mémoire,
on se bornera ici à quelques réflexions.
La loi du 17 nivôse accordoit aux enfans le droit de de
mander la réduction des dispositions entre époux, comme
�( 13 )
à tous les liéritîêi'S en g é n é r a l c e lu i de" fa ire a n riu ller les
lib é ra lité s excessives attrib u ées à des tiers.
Mais aux termes de l’article ô j de cette lo i, le droit
n’étoit acquis aux héritiers que du jour où la succession
leur étoit échue.
Ce droit appartiendroit sans doute aux héritiers d’une
succession échue pendant l’existence de la loi du 17 ni
vôse an 2, parce que ces héritiers tiendroient leur droit
de la loi môme.
Peut-on dire qu’il appartient aussi aux héritiers d’une
succession ouverte seulement depuis le Code Napoléon,
après l’abolition de la loi du 17 nivôse an 2 ?
A vant l’ouverture de la succession les héritiers n’avoient
aucun droit acquis.
A l’ouvertùre de la succession ils n’ont pu en acqué
rir qu’en vertu d’une loi existante.
Une loi morte n’agit pas; elle ne peut produire aucun
effet, ni attribuer aucun avantage.
Ce seroit donc dans le Code Napoléon seul qu’il
faudroit chercher le droit accordé à ces héritiers. O r ,
le Code ne permet de demander la réduction des dis
positions antérieures au décès d’un père , qu’autant
qu’elles portent atteinte à la réserve légale attribuée
aux enfans , et jusqu’à concurrence seulement de celle
réserve léjg.de. ( V . les art. 920 et 9 2 1.)
Donc si le donataire se contente, pour tous les dons
qui lui ont été faits, de la quotité déclarée disponible
par le Code, cette quotité ne peut lui être refusée.
Cetle conséquence est le résultat d’un principe-élé
mentaire qui nous enseigne que toute succession doit
être régie par lu loi en vigueur ù l’instant où elle s’ouvre.
�( i4 )
L e principe et la' conséquence ont ¿té appliqués pûr
plusieurs arrêts de cassation rapportés dans le mémoire
de la dame d’Ayat (pag. 19 et suivantes), relativement
à des donations faites par contrats entre-vifs, sous l’em
pire même de la loi du 17 nivôse an 2.
; Les libéralités a voient été, il est vrai, déguisées sous
la forme de vente.
. Mais le déguisement étoit reconnu ; les arrêts con
sidèrent les actes comme contenant des donations , et
jugent la question de droit d’après ce point de fait. Les
donations furent maintenues parce que les donateurs
étoient morts sous l’empire du C o d e , et que les objets
donnés n’excédoient pas la quotité disponible fixée par
la loi nouvelle.
Ce qui a été décidé pour des libéralités indirectes,
mais reconnues, doit l’être, et à plus forte raison, pour
des libéralités franches et directes.
Les principes sont les mêmes dans les deux cas, quant
aux effets de la loi de nivôse; et l’on ne prétendra pas
sans doute que la fraude a dû obtenir devant les tri
bunaux plus de faveur que la vérité.
A u reste, la question a été jugée par la Cour de Riom,
pour une libéralité directe, dans la cause des Dumas et
Defarge.
L ’arrêt est du 21 juillet dernier : en voici l’espèce.“
Par le contrat de mariage de Louise Dumas, passé le
21 messidor an 7 , Benoît Dumas, sou père, lui avoit.
promis une somme de 2,000 francs.
L e père meurt sous l’empire du Code Napoléon, sans
avoir payé; la fille répudie la succession, et demande le
paycmeut à son frère, uu des héritiers naturels du père.
�( i5 )
340
L e frère soutient que le don excède la portion hérédi
taire de la sœur; que la loi du 17 nivôse a n -2 ne permeltoit pas au père de faire le moindre avantage à l’un
de ses eufans, et que la fille n’a droit qu’au partage par
égale portion.
- Ces moyens sont rejetés par un jugement fondé sur le
motif « que les successions doivent se régler suivant les
« lois en vigueur au moment de leur ouverture. »
Devant la C ou r, le frère, en soutenant la nullité du
don de 2,000 francs, ajoute que ce don excédoit même
le quart, quotité disponible d’après le Code. '
La Cou r, déterminée par les motifs exprimés au ju
gement, l’a confirmé , « si mieux n’aime l’appelant,
« e st-il d it , offrir partage à la partie de Marie (1),
« auquel cas ladite partie de Marie prélèvera le q u a rt,
w et partagera les autres trois quarts açec les autres
« cohéritiers. »
Cet arrêt a jugé la question dans l’espèce peut-être la
plus difficile, puisqu’il s’agissoit d’ un don fait en ligne
directe, et à un successible.
Le don a cependant été déclaré valable , au moins
jusqu’à la concurrence de la quotité disponible fixée par
le Code.
L ’application de ces principes et de ces arrêts à la cause
de la dame d’ A yat, est aussi simple que naturelle.
L a dame d’ A yat est donataire d’un revenu annuel de
3,000 fr. , d une somme en propriété de 5o,ooo f r . ,
(1)
l’arrét.
Le cédataire de la sœur : c e lle - c i est aussi partie dans
�2#
(
16
)
enfin de tout ce dont lu loi existante au décès de son
mari permettroit à celui ci de disposer.
C ’est en 1812 que le mari est décédé.
E lle a donc le droit de dem ander, ou qu’on lui ac
corde tous ses avantages m atrim oniaux, ou qu’on lui
délaisse la quotité disponible au moment du décès, c’està-dire , le quart en propriété , attribué à une seconde
épouse par l’article 1098 du Code Napoléon.
E x a m in o n s la secon de q u estion .
L e quart doit-il être pris sur la masse totale des biens
qu’a laissés le général d’A y a t , ou la dame T e r re y r e ,
unique enfant du g é n é r a l, a-t-elle le droit de prélever
avant partage 80,000 francs de douaire, et de prendre
les trois quarts du surplus ?
P o u r soutenir que le prélèvement devoit avoir lieu ,
le général Terreyre et son épouse avoient dit dans leur
mémoire que le douaire étoit une donation , et que le
rapport des donations étoit dû seulement entre cohéri
tiers, mais non en faveur d’un autre donataire comme
la dame d’Ayat.
A cette objection la dame d’A y at avoit répondu de
deux manières :
D ’abord , que le douaire n’étoit pas une donation
ordinaire, mais une espèce de lég itim e, un don con
ditionnel subordonné au cas où l’enfant douairier ne
se porteroit pas héritier de son père ;
Ensuite, qu’en considérant même le douaire comme
1
une donation ordinaire, la chose donnée à l’enfant devoit
s’ im puter.sur la légitime ou sur la réserve léga le, et
devoit par conséquent entrer, au moins fictivement,'
dans
�( Ï7 )
dans la masse , afin de fixer la quotité disponible ea
faveur de la dame d’Ayat.
• Les premiers juges n’ont adopté ni l’une ni l’autre de
ces opinions.
- Ils ont. dit que le douaire étoit une créance établie
par la lo i sur les biens du père;
< Que ce n’étoit ni une donation’ ordinaire, ni une
légitime ;
Que l’enfant en étoit saisi dès l’instant du contrat de
m ariage, et que le père n’étoit que l’usufruitier du
fonds du douaire;
Que le rapport n’en étoit dû qu’éntre cohéritiers, ou
quelquefois à des créanciers, pour prévenir les fraudes
qui pourroient être commises;
’
Enfin, que la dame Terreyre avoit deux qualités dis
tinctes, celle de douairière, en vertu de laquelle elle avoit
le droit de prélever sa créance sur la succession, et celle
d’héritière, qui l’autorisoit à faire fixer la quotité dispo
nible, en ne considérant comme masse de la succession
que ce qui resteroit après la distraction du douaire.
« A ces raisonnemens la dame d’Ayat répondra,
i °. Que c’est parce que le douaire n’est pas une donation
ordinaire, qu’on ne doit pas lui appliquer les principes
sur les rapports en matière de donation, et qu’on ne
doit pas dire, contre le texte précis de la loi, qu’on peut
etre à la fois douairier et héritier ;
2°. Que la dame Terreyre ne pourroit, même en re
nonçant à la succession de son père, réclamer aujour
d’hui le douaire, en invoquant une coutume depuis long
temps abolie;
3
�'
C *8 ) _
3°* Enfinj que le douaire pût-il être'réclamé,'et quellè
qu’en fût la nature, ce seroit cependant une portion dô
l’hérédité qui devroit'entrer dans la masse pour la fixa
tion de la quotité disponible.
.
-j->
Le douaire n’est pas une donation'ordinaire;: on peut
le définir,
Une espèce de légitime, qui, du consentement du père,
est attribuée aux enfans par la loi ou par la convention,
mais daûs le cas seulement où ils ne recevraient pas
d’autre patrimoine. J
1
«
Nous disons une espèce de légitime.
M . Pothier emploie la môme expression dans son
Traité du douaire ( n°. 293 ).
M. Lebrun, dans son Traité des successions (liv re 3 ,
chapitre 7 , nos. 24 et 28 ) , nous enseigne que le douaire
tient lieu de la légitime ; que 1-es coutumes accordent le
douaire, au lieu de légitime et d ’alim ens,* et il en con
clut ( n°. 26 ) que le douaire et la légitime ne peuvent
se cumuler 7 parce que ce sont des titres lucratifs qu i
ne peuvent concourir dans Me même sujet.
M. Ferrières, sur l’article 249 de la coutume de Payis,
n°» 2 , dit que la coutume a voulu, par le moyen du
douaire, assurer aux enfans des alimens et une légi
time. Il répète, sur L’article 2Ô2, n°. 2 , que le douaire
tient lieu de légitime à Venfant7 à laquelle on impute
tout ce qui lu i a été donne.
L e douaire est donc réellement une légitime admise
en France dans le droit coutumier, par imitation de la
légitime ordinaire étnblie par les lois romaines.
�( 19 )
Nous avons dit que le douairo n’étoit attribué aux
enfans que du consentement du père.
On distingue deux sortes de douaires, le douairepréfix,
qui est stipulé dans le contrat de mariage, et le douairo
coutumier, qui, dans le silence, des parties contractantes,
est établi par la loi.
L e douaire, même coutumier, dépend de la volonté
du père.
Car on peut stipuler dans le contrat qu’il n’y aura
de douaire ni pour la femme ni pour les enfans.
On peut aussi, en accordant un douaire à la femme,
priver les enfans de la propriété de ce douaire (i).
L e douaire n’est donc pas* comme l’ont dit les pre
miers juges, Une créance imposée par la loi sur les biens
du p ère, puisqu’il dépend de son consentement exprimé
ou tacite, et qu’il n’existe par conséquent que par l’effet
de ce consentement.
Enfin, nous avons observé que le douaire n’étoit at
tribué aux enfans que pour le cas où ils n’auroient
pas d’autre patrimoine.
Cette vérité résulte-des articles 25o , s 5 i et z 5z de.-la
coutume de Paris (?).
D e l’article i 5o , d’après lequel le douaire appartient
aux enfans , seulement s’ils ne se portent héritiers de
leur père, -et s'ils s'abstiennent de prendre sa succession.
(1) Voir Pothier, article agS, n°. 5 , et article 294» etHenuseon, Traité du douaire, chapitre 5 , n°. 26.
(2) Voir ce qui a été dit sur cette question dans le mémoire
de la dame d’A y a t, pages aG et suivantes.
3 '*
�( *à ) r ^
D e l’article 25i, qui est la conàéqüènce du précédent, et
qui porte : « Nul ne peut être héritier et douairier en« semble, pour le regarddesdouairescoutumierset-préfix. »
Et remarquons que ces deux articles s’expriment d’une
manière générale, absolue, applicable à tous les cas / qu’ils
n’admettent aucune distinction, et qu’ils ne permettent
pas de dire que leurs règles n’ont lieu qu’entre cohéritiers.
jDe Varticle 262, qui ajoute :
,
‘
)
« Celui qui veut avoir le douaire doit rendre ou res~
« tituer ce qu’il a reçu en mariage, 'et autres avantages
« de son père , ou moins prendre sur le douaire. »
Rendre et restituer, ou moins prendre, expressions
aussi claires que propres à fixer les idées sur la nature
et les effets du douaire •, expressions bien différentes de
celles employées par l’article 304 de la même coutume,
sur les rapports des donations.
Par ce dernier article, ce ne sont que les enfans venant
à la succession du père ou de la mère qui doivent rap
porter ce q u i leur a été donné.
Et dans quel but ?
’ P o u r être mis en partage entr'eux.
Dans l’article 2Ô2 il ne s’agit pas de rapport, mais de
restitution.
Ce ne sont pas les ertfans venant à la succession qui
restituent, mais les enfans qui, sans être héritiers, sont
seulement donataires.
Enfin , ce n’est pas pour que les objets soient mis en
partage en tr'eu x, que les enfans les restituent, mais au
contraire pour n’y prendre aucune part, puisque leur
qualité de douairiers s’oppose à ce qu’ils puissent con
courir au partage.
�( 21 )
< 50
Aussi le droit d’exiger l’imputation des dons sur le
douaire appàrtient-il môme aux créanciers dont les titres
sont postérieurs aux actes constitutifs du douaire et des
donations.
1
' C’est ce qu’attestent tous les auteurs qui ont traité cette
matière, et notamment Renusson, cliap. 6 , nos. 5 et 6;
Lebrun , dont l’opinion est transcrite dans lé mémoire
de la dame d’A yat, page 30; Pothier, nos. 352 et suiv.'
Ces auteurs ne fondent pas leur décision sur le danger
des fraudes, comme l’ont pensé les premiers juges. Et
de quelle fraude, en e fîet, pourroient se plaindre des
créanciers dont les droits n’existoient pas lorsque les do
nations avoient été faites?
Ils la fondent sur ce que « le douaire est loco legi« tim œ , et que in légitimant omnia computantur,* d’où
« s’ensuit que le douaire tenant lieu de légitim e, il faut
« imputer sur le douaire comme sur la légitime tous les
« avantages qu’on a reçus du père (1). »
Toutes ces règles, et les motifs qui leur servent de
base , démontrent que le douaire n’est accordé qu’en
remplacement de l’hérédité et de la légitime, et que par
conséquent l’enfant douairier qui se porte héritier, et
qui trouve dans cette hérédité la valeur de son douaire,
ne peut tout à la fois, et prélever ce douaire, et réclamer
dans le surplus des biens, au préjudice des donataires du
père, une légitime dont le douaire étoit destiné à lui
tenir lieu.
(1) y . le petit Commentaire de Claude Ferrières, sur l’art.
de la coutume de Paris.
25a
‘t y * -
�C ’est donc une grande erreur de la part des premiers
juges , que d’avoir comparé le douaire à une créance
ordinaire appartenante à l’enfant sur les biens du père*
et indépendante du droit d’hérédité.
L ’erreur des premiers juges paraîtra plus frappante
encore sous un autre rapport.
La dame Terreyre ne pourroit aujourd’h u i, même
quand elle auroit renoncé à la succession de son père,
réclamer le douaire en vertu de la loi ancienne.
M . Chabot de l’A llier et M. Grenier ont traité l’un,
et l’autre la question de l'effet du douaire coutumier,
lorsque la succession d’un père marié sous l’empire des;
anciennes lois, ne s’étoit ouverte que depuis la promul
gation de la loi du 17 nivôse an 2, ou depuis le Code
Napoléon (1).
.L’un et l’autre décident que les enfans ne peuvent
pas .demander le douaire.
« Leur droit à cet égard, dit M. Grenier, doit être
« assimilé à un droit su ccessif qu i doit être réglé par
« la lo i q u i régit à Tépoque du décès.
« A in s i, ajoute le même auteur, tes enfans ne pou,r~
« roient pas réclamer contre des tiers la distraction,
« du douaire. »
M. Chabot remarque aussi que le douaire des enfans,
quoiqu’il ne pût être exigé que par ceux qui renonçoient
à la succession de leur père, n'en était pas m oins, dans
(1)
V oir les Questions transitoires de M. Chabot, au mot
Douaire des enfans, et le Traité des donations de M. G renier,
édit. i'n~4° . , tome a , page 11G.
�( 23 )
la réalité, un'droit 'successifs qui commef tons les bulreâ
droits successifs, déçoit être réglé par la loi existante
au moment de Touverture de la succession.
Le principe sur lequel se fondent ces auteurs .non-?
veaux, est conforme à l’idée que les auteurs anciens
avoient eux-mêmes du douaire.
Ils le considéroient comme un droit successif.
Aussi ne l’attribuoient-ils qu’aux enfans qui étoient
vivons au décès du p è re , et qui étoient habiles à succéder.
Par la profession religieuse, parla condamnation d’une
peine capitale, les enfans ayant perdu l’état civil, etr?é~
tant pas habiles à succéder, n'ont pareillement aucun
douaire, dit Pothier, n°. 349.
« Ceux qui ont été exhérédés par leur père, pour
« une juste cause, observe le même auteur, n’ayant
« plus de droit à la succession, n’ont plus pareillement
« aucun droit au douaire. »
Selon Renusson Ci), l’enfant exhérédé est exclu du
douaire de même que de l’hérédité.
« La raison est , continue l’auteur , que le douaire
« est une portion des biens du père, et de son héré« d ité; comme son exhérédation l’exclut de l’hérédité,
« son exhérédation l’exclut aussi du douaire. »
Tous ces principes démontrent que les enfans ne sont
pas saisis du douaire dès le temps du mariage (2); que
(1) Chapitre 6 , n", 17.
(2) M. Pothier enseigne, aux n°\ 327 et 332, que le douaire
n’est ouvert, et que les enfans n o n sont censés saisis , qu’au
temps de la mort du pére.
�( 2*4 )
leur droit ne s’ouvre qu’à l’instant où le père meurt; et,
par conséquent, que c’est la loi en vigueur au moment
du décès qui doit seule servir de règle à leurs réclama
tions.
Il suit de là que si la loi existante au moment du
décès du père n’accorde pas de douaire aux enfans, ceuxci ne peuvent en demander.
C’est aussi ce qui a été jugé par plusieurs arrêts rendus
depuis la loi du 17 nivôse an 2, soit relativement au
douaire, soit par rapport au tiers coutumier, qui étoit
une espèce de douaire admis dans certaines provinces.
• On se bornera à citer les motifs d’un arrêt du 29 mes
sidor an 12.
« Considérant que la propriété du douaire, conférée
« aux enfans par l’article 399 de la coutume de Nor« mandie, n’étoit point une propriété pleine, parfaite,
« absolue, irrévocable; qu’elle n’étoit qu’une expectative
« conditionnelle, qui donnoit plutôt un droit d’hypo« thèque sur l’immeuble à ce destiné, le cas arrivant,
« qu’ une véritable p r o p r ié té ............. qu’ainsi cette ex« pectative a pu être enlevée aux enfans par une loi
« subséquente au mariage, et antérieure à la mort du
« p è r e , sans faire produii’e à cette loi aucun elïet ré« troactif. »
Il est évident que ces motifs s’appliquent à la loi du
Code sur les successions, comme à celle du 17 nivôse,
puisque l’une ne reconnoît pas plus que l’autre le douaire
en faveur des enfans.
La dame Terreyre ne peut donc invoquer une ancienne
coutume depuis long-temps anéantie, pour réclamer et
surtout
�( 25 )
S / i
surtout pour prélever sur une succession ouverte depuis
le C ode, un douaire qiie la loi nouvelle ne lui attribue
pas.
Mais enfin, que lèdouaire puisse ou non être réclamé,
et qu’on le considère, ou comme un avantage émanant
de la loi ancienne, ou comme une libéralité accordée
par le père, il ne doit pas être cumulé avec la réserve
légale établie par la loi nouvelle.
L a réserve légale est aujourd’hui ce qu’étoit autrefois
la légitime; l’une et l’autre mettent hors de la disposition
du père une portion de son patrimoine, afin de l’attri
buer à l’enfant, pour pourvoir à sa subsistance et à son
établissement.
Mais l’enfant qui est déjà pourvu sur les biens du
p è r e , n’a rien à réclamer ; le douaire tenant lieu de
légitim e, selon tous les auteurs, doit aussi tenir lieu de
la réserve légale. '
En vain diroit-on que c’est une dette du père ; la
légitime est aussi considérée comme une dette; une do
nation même, lorsqu’elle a été faite et non exécutée,
est aussi une dette du donateur.
Mais le douaire et la donation ne sont pas des dettes
ordinaires. L e douairier et le donataire sont des créan
ciers à titre lu cra tif, et non des créanciers à titre oné
reux. O r , il est de principe que tout ce que l ’en fan t
reçoit de son père à titre lu cra tif \ doit servir d’abord
à acquitter la dette de la nature, cest-à-dirc, la légitime
ou la réserve légale (i).
(1) Voir ce qui a été dit à cet égard dans le mémoire de la
4
�Réclamer le douaire et la réserve cumulativement ,
c’est tout à la fois blesser l’intention du père et les dis
positions de la loi.
. L ’intention du père; car en stipulant le douaire, ou
en y consentant, le père n’a-pas voulu s’astreindre à:
payer au même enfant deux légitimes; savoir, le douaire,qui est une espèce de légitime, aux dépens de ses biens
présens, et la légitime.de rigueur ou la réserve légale,
aux dépens des biens qu’il laisseroit a son décès. Le
père qu i, par la promesse du douaire, a assuré à son
enfant une portion de son patrimoine, a entendu s’af
franchir de toute autre obligation, et pouvoir disposer
à son gré du surplus de ce patrimoine. . : '
>
L ’intention du père doit être respectée.
Cette intention est d’ailleurs en harmonie avec les
principes du Code Napoléon. '• i
\, \
L ’article 1098, qui est la règle de la cause, autorisoit
le général d’Ayat à donner à sa seconde épouse le quart
de ses biens, le quart de son hérédité entière.
r
L e douaire est une portion de Vhérédité; il doit
donc être confondu dans la masse pour la fixation de
la quotité disponible; et pourvu qu’il n’excède pas les
trois quarts réservés à la dame T e r r e y r e , celle-ci n’a
pas à se plaindi*e.
,
La dame Terreyre ne peut nier que la valeur du
douaire ne soit inférieure à celle des trois quarts de
dame d’A ya t, pages 33 et suivantes. V oir aussi le Traité des
donations de M. G renier, édition in -g '., tome 2, pages 335 et
000.
�( 27 )
3J &
l'hérédité : elle n’éprouvera donc aucun retranchement
sur les trois quarts ni sur le douaire.
Donc le quart demandé par la dame d’Ayat doit lui
être accordé, s’il lui a été réellement donné.
O r , nous avons prouvé , en discutant la première
question, que cette donation existoit.
Comment donc a-t-on pu en contester l’exécution?
Une interprétation fo rcée, des erreurs érigées en
principes, foible soutien des prétentions de la dame
T erreyre, seront appréciées par la Cour à leur juste
valeur ; et la dame d’Ayat doit espérer de voir ac
cueillir ses réclamations , puisqu’elles sont fondées , et
sur les dispositions formelles de son contrat de mariage,
et sur le texte précis de la loi.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. V A Z E I L L E , avoué licencié,
A RIO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des T au les, maison Landriot. — Février 1814,.
** ~
�
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Kempfer de Plobsheim, Charlotte-Joséphine. 1814]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Vazeille
Subject
The topic of the resource
successions
douaire
donations entre époux
coutume du Bourbonnais
conflit de lois
divorces
secondes noces
partage des enfants
contrats de mariage
séparation de biens
haras
scellées
arbitrages
bureau de paix
mobilier
coutume de Paris
usufruit
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour la dame Kimpfer de Plosheim, veuve du Général d'Ayat, appelante ; contre le Général Terreyre et son épouse, intimés.
Note manuscrite : « jugement confirmé, par arrêt du 18 février 1814, voir journal des audiences p. 59. etc.»
Table Godemel : Don mutuel : 1. le don mutuel par contrat de mariage étant irrévocable par sa nature, doit se régir par la loi en vigueur au temps du contrat : conséquemment, la disposition en faveur du survivant de tout ce dont la loi actuelle permet de disposer, et même de tout ce qui sera disponible d’après la loi existante lors du décès du prémourant, ne peut d’étendre au-delà de la quotité disponible au moment de l’acte, bien que celle du moment du décès soit plus forte Douaire : 2. selon la coutume de paris, les qualités de Douairière et d’héritier ne sont pas incompatibles à l’égard des tiers donataires. l’enfant d’un premier mariage est créancier du douaire stipulé lors du contrat de ce premier mariage, et il n’en doit, ni le rapport à la masse de la succession, ni l’imputation sur la part héréditaire que la loi lui réserve. Licitation : 1. entre le donateur ou l’héritier, et le simple usufruitier, il ne peut y avoir lieu à la licitation des biens indivisibles ? Usufruitier : 2. entre le donataire ou l’héritier et le simple usufruitier, il ne peut y avoir lieu à la licitation des biens indivisibles.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1814
1783-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2211
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2130
BCU_Factums_G2208
BCU_Factums_G2209
BCU_Factums_G2210
BCU_Factums_G2212
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ayat-sur-Sioule (63025)
Vichy (03310)
Paris (75056)
Blot (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
bureau de Paix
conflit de lois
contrats de mariage
coutume de Paris
coutume du Bourbonnais
divorces
donations
donations entre époux
douaire
haras
mobilier
partage des enfants
Scellées
secondes noces
séparation de biens
Successions
usufruit
-
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8fdd33e5490f59f0c23d0943ca53a5b9
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•4 $
MEMOIRE
COUR
IMPÉRIALE
DE RIOM.
EN R É P O N S E ,
ch»,b„eï
REUNIES.
POUR
Audience du
A n ne - F rançoise N O Y E R DU S A U V A G E , 6mil‘8&
m in e u re , habitante de la ville de C lerm on t ,
et M e. G A R R O N , licen cié-av ou é en la C o u r,
son cu rateu r a d h o c , appelans ;
CONTRE
Sieur J e a n - C h a r l e s N O Y E R
VAGE
propriétaire, habitant de la ville
du Monastier
Loire
département de la H aute-
intimé
;
'
D U SAU -
EN
D u sieur H
onoré
PRÉSENCE
D E B R U S } notaire impé
rial, habitant du lieu d'A lle y r a t} commune
de S a lle tte } défendeur en assistance de
cause.
!
i
U
nE
jeune in fo rtu n ée , victim e de la co lère d’ un
ép o u x contre son épouse
est réd u ite à la triste néces-
�( 2 )
site de défendre devant les tribunaux son état menacé
par une action en désaveu.
On accuse sa mère de liaisons criminelles; on nomme
le complice ; et quoiqu’on soit forcé de reconnoître que
ces liaisons sont postérieures à la naissance d’Anne du
S auvage, le malheureux enfant est cependant enve
loppé dans la vengeance.
E t quel moment a-t-on choisi pour lui porter un coup
aussi funeste?
Celui où l’âge de la jeunesse est arrivé, où la facultéde raisonner et de sentir, déjà développée dans une jeune
personne de dix-sept ans, dont l’éducation a été soignée,,
lui feroit éprouver dans toute son amertume le sort affreux
qu’on lui destine.
Si l’action du sieur du Sauvage étoit fondée, n’auroitil pas à se reprocher d’avoir tardé srlong-temps à l’exercer?
Il connoissoit l’existence de l’enfant; il étoit allé sou
vent, il avoit habité quelque temps même dans la maison
où la jeune du Sauvage étoit élevée; il savoit enfin
qu’elle étoit née de son épouse.
Pourquoi donc garder un long silence, ou plutôt,
pourquoi rompre enfin ce silence, et porter le trouble
et le désespoir dans un cœur innocent ?
Assignée devant des premiers juges, la jeune personne'
est restée sans defense.
A lors elle a dû veiller elle-m ême à ses droits : et
quel intérêt plus c h e r, quel bien plus précieux aurat-elle jamais à soutenir ?
Cependant sa défense a paru un crime ; on lui a re
proché de l’audace.
�46r
< 3 )
A h ! l’audace lui est étrangère ; son âge est celui de
la pudeur et de la timidité.
Mais elle asentí que les lois ne pou voient être cruelles;
que les magistrats étoient les protecteurs naturels de la
foi blesse ; et elle est venue chercher un asile aux pieds
de la Cour.
F A I T S #
L e sieur du Sauvage épousa, en 178 2 , la demoiselle
Anne-Françoise de V eny.
L e contrat de mariage est du 5 août 1782; la dame
de V én y s’y constitue tous ses biens en dot.
D eux enfans mules étoient nés d’abord de cette union;
ils sont décédés.
Les événemens de la révolution firent inscrire le sieur
du Sauvage sur la liste des émigrés ;
Il prétend qu’il a quitté le sol français en 1791 ; qu’il
n’y est rentré qu’en l’an 9.
Quelle preuve administre-t-il de ces faits?
Son inscription sur la liste des émigrés;
Quelques arrêtés administratifs pris en l’an 3 , et dans
lesquels on le désigne comme ém igré;
Un jugement du 24 messidor an 4 , où on lui donne,
dit-on, la qualification d'émigré, ou réputé émigré (1).
Telles sont les preuves qu’invoque le sieur du Sauvage,
pour démontrer qu’il étoit absent, et que, suivant l’ex(1) Voir pages 5 et 6 du mémoire du sieur dn Sauvage.,
1 *
*<*>
�( 4 ) * .................................
pression de la lo i, il étoit dans Timpossibilité physique
de cohabiter avec sa fem m e.
Il sera sans doute permis à un malheureux enfant dont
on conteste l’éta t, d’examiner la force de ces preuves.
Qu’il nous suffise pour le moment de remarquer que
l’inscription sur la liste des émigrés , que les* énoncia
tions qui se trouvent dans les arrêtés administratifs et
dans le jugement, que tous ces indices, en un mot, sont
des présomptions morales et non des preuves physiques
de l’absence et de l’émigration.
Nous savons tous avec quelle légèreté, dans ces temps
d’agitation et de désordres , on inscrivoit sur la liste
fatale les personnes surtout attachées à la caste privi
légiée.
Nous savons aussi que l'inscription produisoit la mort
civile, et que, par un effet nécessaire de cette inscription,
on devoit, dans tous les actes administratifs et judiciaires,
considérer tous les inscrits comme émigrés.
Quel est aussi le Français qui ne se rappelle pas les
suites de la fameuse journée du 9 thermidor an 2 \ qui
ignore q u e , lorsque la nouvelle en fut parvenue dans
les contrées étrangères, lorsque quelques essais eurent
fait connoîtrc la diminution des dangers, beaucoup d’é
migrés rentrèrent en F rance, et y restèrent jusqu’à ce
que les événemens du 18 fructidor an 5 les eussent forces
de s’expatrier une seconde fois?
Pendant cet intervalle , les proscrits rentrés ne se
montroient cependant pas trop publiquement; ils a voient
des précautions ¿\ prendre ; les lois pénales subsistoient
�4% /
( 5 )
"
encore ; seulement un gouvernement plus doux n’en
commandoit pas l’exécution avec la dureté première.
D ’ailleurs, la rentrée des émigrés étoit plutôt tolérée
que permise 7 et ce n’étoit qu’avec un peu de prudence
et quelques déguisemens, que l’émigré rentré n’avoit
aucun péril h craindre.
Cette époque fut mémorable pour les affections; elle
a laissé de lon gs, de doux souvenirs dans les cœurs des
mères et des épouses ; combien d’elles ne vit-on pas alors
tâcher de se réunir à l’objet qu’elles chérissaient, et goûter
ce bonheur, les unes dans leur propre dom icile, lors
qu’il n’y avoit pas trop de danger, les autres dans une
autre partie de la France , partout enfin où elles pouvoient rencontrer le fils, l’époux qu’elles cherchoient.
L a dame du Sauvage voyageoit à cette époque ; peutêtre partagea-t-elle la félicité de tant d’autres épouses ?
Peut-être se réunit-elle à M . du Sauvage ?
Cette idée est douce et consolante pour une malheu
reuse fille ;
Elle se plaît à s’y arrêter;
Elle en a le droit ;
E lle n’a rien à prouver d’ailleurs.
C ’est h M . du Sauvage que la loi impose la preuve
de Pimpossibilité physique de cette réunion.
Ce fut i\ cette époque que s’annonça la grossesse de
la dame du Sauvage.
Elle revint bientôt après à Clerm ont, dans la ville où
elle étoit n ée, où elle étoit connue de tous les habitans,
où sa famille étoit domiciliée.
i
*«♦>
�( 6 )
C’eût été, pour une femme coupable, bien mal choisir
son asile.
La grossesse ne fut pas cachée ;
La naissance de l’enfant ne fut pas mystérieuse.
»
Il fut présenté à l’officier public sous le nom d’AnneFrançoise , et comme fille d’Anne V é n y , épouse du sieur
du Sauvage.
L e sieur du Sauvage a - remarqué avec amertume que
l’accouchement avoit eu lieu dans la maison d’un officier
de santé ; il en a conclu qu’il fut mystérieux.
;
L a conséquence ne seroit pas nécessaire.
L e fait, au reste, s'explique par les circonstances.
Ce fut au mois d’août que l’accouchement eut lieu.
A cette ép o q u e, toute la famille de la dame du Sau
vage habitoit la campagne, suivant son usage.
La dame de V én y étoit restée seule à Clerm ont, pour
y être à portée dos secours que son état exigeo it, et
elle avoit pris un logement chez le sieur Blancheton,
officier de santé.
D ’ailleurs elle ne se cacha pas un seul instant pendant
sa grossesse, et ses parens furent instruits sur-le-champ
de la naissance de l’enfant.
D epuis, cet enfant est toujours resté dans le sein de
la famille de sa mère.
Elevée dans la maison d’une tante q u i, par sa for
tune et son ran g, avoit des relations nombreuses, elle
a été considérée par tous les habitans d’une ville po
puleuse, comme fille de la dam e’du Sauvage; et nous
verrons môme que, si elle étoit connue sous son prénom
d'A n n a , elle l’étoit aussi sous le nom de du Sauvage,
�<7 )
L e sieur du Sauvage convient ( page 7 de. son mé
moire ) que ce fut seulement à une époque postérieure
à la naissance d’Anne-Françoise, que la dame de V én y
fit connoissance du nommé Guines.
Tirons un voile sur ce qui suivit : la personne d’une
mère même coupable est toujours sacrée pour ses enfans.
Q u’il nous soit permis cependant de rappeler que dans
aucuns des autres actes de naissance que le sieur du
Sauvage a transcrits dans son m ém oire, la dame V én y
n’a pris la qualité de son épouse.
Elle a donc, même dans ses égaremens, inspecté son
époux; •
E lle n’a donc pas voulu lui attribuer une fausse pa
ternité.
Pourquoi cette différence enti'e ces actes de naissance;
et celui d’Anne-Francoise ?
Une telle différence dans les expressions ne devoitelle pas faire supposer une différence dans l’état des enfans ; et leur sort pourroit-il être confondu dans les dé
cisions des magistrats ?
JNous avons dit que la jeune du Sauvage avoit été
élevée au milieu de la famille de sa mère.
On doit cependant convenir que le nommé Guines
étoit venu en l’an 10 la réclamer au nom de la m ère;
que meme elle lui avoit été rem ise, et qu’elle resta quel
que temps avec cet liomme.
Mais bientôt les mauvais traitemens, les outrages qu’elle
en reçut, excitèrent la sollicitude et la vigilance de ses
parens maternels; ils s’adressèrent aux tribunaux ; ils de
mandèrent qu’elle leur fût rendue ; et leurs réclamations
�Vu
furent accueillies par un jugement du 26 thermidor an io ,
qui ordonna que cet enfant seroit remis à sa tante.
L ’enfant est désigné sous le nom d’A n ne du Sauvage
en plusieurs endroits, dans les motifs comme dans le dis
positif du jugement.
C’est auprès de cette tante généreuse, c’est dans sa
maison m êm e, qu’Anne du Sauvage est toujours restée
depuis ce moment.
C ’est là que le sieur du Sauvage a pu la voir plusieurs
fois depuis l’époque à laquelle il fixe sa rentrée en
France.
C’est dans cette m aison, où il est demeuré quelque
temps lui-même auprès de sa belle-sœur, dans un de ses
voyages à Clermont 5 c’est dans cette maison , où il est
allé fréquemment dans d’autres voyages, qu’il a su que
Anne-Françoise du Sauvage existoit, qu’il a pu remar
quer sa grande ressemblance avec la dame de V é n y , et
qu’il a appris d’une foule de personnes qu’elle étoit née
de son épouse.
Tous ces faits sont antérieurs de plusieurs années au
désaveu.
A lors le sieur du Sauvage ne pensoit pas à désavouer
ce malheureux enfant.
Alors même cette jeune personne l’intéressoit, comme
il le témoigna à un de ceux qui ont déposé dans cette
triste cause.
A lors enfin il ne consultoit que son propre cœ ur, et
ne cédoit pas à de dangereuses suggestions.
M ais, depuis, quelques années se sont écoulées; ses
relations
�4 1 $.
rl -9 )
relations. avec'la famille de sonaépouse sonfo’devcnues
moins fréquentes; son cœur s’est isolé; ou plutôt, mal
heureusement subjugué, dit-on, par une affection étran
gère, il s’est laissé entraîner à former une action en
désaveu, et à envelopper Anne du Sauvage'dans ses
poursuites. '
• Un acte en désaveu est signifié le i 5 juin 1809 , et le
5 juillet suivant, le sieur du Sauvage fait réunir au M onastier, lieu de son dom icile, un prétendu conseil de
fam ille, où l’on n’a appelé aucun des paren s,-ni pa
ternels , ni maternels de l’enfant dont on se proposoit
d’attaquer l’état, et q u i, composé de voisins , d’amis du
sieur du Sauvage, choisit pour tuteur ad hoc un ha
bitant du Monastier, qui ne paroît pas avoir pris le
moindre intérêt à la défense de sa pupille.
.L’action en désaveu est formée contre ce tuteur, et
elle est jugée, le 30 août 1810 , par un jugement qua
lifié contradictoire, mais dont les motifs indiquent assez
que la contradiction fut dies plus légères.
Protégée par la justice de laiC our, Anne du Sauvage
a reçu un nouveau tuteur, par arrêt du 11 mai 1811.
Ses moyens de défenses ont été développés à l’audience
solennelle du 5 août 1812; et la C ou r, en réservant les
moyens respectifs des parties', ordonna, avant de faire
droit, que l’appelante ferait preuve que plus de deux
mois (1) avant la demande en désaveu de paternité, for
mée par le sieur du Sauvage, celui-ci, après sa rentrée en
(1) Il y a deux ans dans l’expédition de l'arrét ; c’est une '
¡erreur, sans doute'. ( V. l’art. 3iG du Code Nap. )
�' ( 10}
son domicile, et notamment en l’an î o , étoit venu cliez
la dame de M ariolles, qu’il y avoit vu Anne-Françoise, et
l’a voit reconnue pour être la fille de sa femme; 2°. qu’elle
étoit connue de lui sous le nom d’Anne-Françoise du
Sauvage; 30. qu’en présence de lui du Sauvage, et dans
la pension où étoit élevée l’appelante, elle a été ainsi
appelée et dénomm ée, et qu’il l’y a reconnue comme
la fille de sa femme ; sauf au sieur du Sauvage la preuve
contraire, dans le même délai.
En exécution de cet arrêt, des enquêtes ont été faites
respectivement.
Les dépositions qu’elles renferment sont transcrites
dans le mémoire du sieur du Sauvage, et il est inutile
de les rapporter ici.
Nous nous bornerons à rappeler ces dépositions dans
la discussion des moyens.
On verra qu’il est clairement prouvé que le sieur du
Sauvage a su, plusieurs années avant son action, qu’AnneFrançoise étoit la fille de son épouse.
A van t d’exam iner le m érite de l’action en elle-m êm e,
on pourroit faire des remarques sur ce qui l’a préparée,
et sur la singulière com position du conseil de fam ille,
du 5 juillet 1809; de ce conseil de fam ille, destiné ù
protéger la m in eure, et à lui nommer un tuteur éclairé
et vigilan tj de ce conseil de fa m ille, auquel cependant
n’ont été appelés aucuns parens, ni paternels, ni maternels
de l’enfant, et com posé, dit-on , d’amis qu’avoit la mère
au Monastier ; la mère q u i, depuis près de vingt ans,
a quitté cette ville.
La Courappréciera ces irrégularités, qui e n t r a î n e r o i e n t
�c II ) .
t. ; .
la nullité même d*une action formée contré un mineur
non valablement représenté.
O n ne donnera pas dans le moment plus de dévelop
pement à ces idées.
L e sieur du Sauvage attaque lui-même de nullité la
nomination du nouveau tuteur donné à l’appelante.
L a réponse à cette objection se trouve dans l’arrêt
qui a choisi ce tuteur ad h o c ; elle se trouveroit, s’ il
étoit nécessaire, dans la loi q u i, n’ayant prescrit aucun
mode pour la nomination d’un tuteur spécial, autorise
par son silence môme les tribunaux à le nommer.
Si l’objection est renouvelée, on la réfutera avec plus
de détail.
Examinons l’action même en désaveu, et démontrons,
i° . Q u’elle n’est pas recevable;
2°. Q u’elle n’est pas fondée.
P
r e m iè r e
q u e s t io n
.
I l action est-elle recevable?
Pleins de respect pour la dignité du m ariage, et Con
vaincus de la nécessité d’assurer sur des bases fixes la
conservation des familles, les législateurs de notre Code
ont adopté la règle ancienne : l*ater is est quem nuptice
demonstrant ; cette règle fameuse, fondement de la so
ciété, que l’assentiment de tous les peuples, que les suf
frages de tous les docteurs ont consacrée comme un prin
cipe inviolable.
Cependant, quoiqu’importante que fût la rè g le , elle
devoit être soumise aux exceptions que commande quel
quefois la force même des circonstances.
�» °
« S i- .1
C 12 >
v Nos législateurs étoient trop sages'pour'ne pas pré-*
voir ces exceptions; aussi ont-ils eu soin de décider que
la règle cessoit lorsqu’il y avoit eu impossibilité physique
de cohabitation entre le mari et la femme.
L ’article 3,12, qu i établit la règle, établit aussi l’excep
tion.
Mais les articles suivans restreignent l’exception même.
L e législateur a craint que les actions en désaveu ne
se multipliassent; il a pensé qu’elles devoient être li
mitées à certains cas- et à un certain délai.
S’il-lui-a paru juste de pourvoir à l’intérêt du mari,
il n’a pas cru devoir oublier Vintérêt de Venfant , dont
Vétat ne sauroit être trop t ô t j i x é , a-t-il dit.
- De: là. les dispositions de divers articles ; les uns qui re
fusent l’action en désavew dans plusieurs!cas,/les autres
qui n’accordent que le plus eourt délai pour agir/ *
Ces articles indiquent assez combien peu favorables ont
paru au législateur ces sortes d’actions, et quelle tendre
sollicitude olui inspiraient les innocentes victimes contre
qui elles seroient dirigées.
- L ’article 316 détermine1les? délais : voici comment il
s’exprime.
« Dans les divers cas ou le mari est autorisé à réa 'clam er, il devra le faire dans le mois1, s’il se trouve
« sur le lieu de l'a naissance de l’enfant;
« Dans les deux mois- après'son' retour, si à'ia même
époque' il est absent;
« Dans les deux mois après la découverte de la fraude,
e si on lui avoit caché' la naissance de l'enfant. »
• Supposons donc pour un instant que le sieur du Sau
vage soit autorisé à réclam erj c’est-à-dire, supposons
�C *3 )
(Ju’il ait prouvé que pendant le>;tetnj5s déterminé :paÿ
l’article 3 12 , il a été dans Pim possibilité‘physique de
cohabiter avec sa fem m e ; nous le demandons au sieur
du Sauvage, quél est celui-des paragraphes <de l’article
316. qu’il voudra; qu’on lui applique ? 01 'r¿ ú or' a;Ce devroit être, il semble, le § . 2 , celui où la lûi
parle dur mari absent. ‘
' -I ni ..
L e sieur du Sauvage ne peut sérieusement dire qu’oiï
ait employé la fraude pour lui cacher lzunaissaúce de
l’enfant»r' ’ ’T.
■
\ j . j / u f oup J-îiîo o
. ,»y
S’i l Bignóraf 'd?abordy' cé- ne! pütt ê t r e iju ’àv cause 1Ud'
son absences •* r ;[ j fj' . j i f t • : .
La grossesse d’ailleurs n’avoit pas été cachée.
L ’accouchement avoit eu lieu >dánsiila ville iriôme
qu’habitoit Ordinairement la dame de V én yt et! tóate sa
famille. ;ȟ
7*:..^ nu -¡ ¡‘.'s v.b e>o :
-;i .1 ' ni \
L ’enfant fut présenté à l’officier publie, comme né dé
J’épouse du sieur du Sauvage.
t n An ,,
-> L a légère erreuu de-prénom que l’on, remarque* dans
l ’acte, ne pouvoit faire naître aucune équivoque..''m p;
-' Car o ï ï y ‘désigne le* sienr du Sauvage ^ hàbitant du
M onasiier ,->le sieur du Sduvage-y époux'de la dame1de
V én y ; caractères d’identité qui ne ;pouvoient convenir
qu’au sieur du Sauvage qui plaide aujourd’hui.
L ’enfant, dès sa naissance, avoiü été élevé axi milieu
m êm e’derla fam ille'de su 1 mère# 1 '
r. : I \?
Les fllus- légères relations* aVec dette' famille y sufliï/oient
pour qu’on sût que cet enfant étoit celui de la dame
•du Sauvagel.l isq , niv;r ,. .r< ;,f,r>0 ut> ihi* vl'I
j -,
L e tribunal même de Cletrao\it l’avoit désigné soü6;
�C 14 )
le nom d’Anne du Sauvage, dans un jugement rendu à
une audience publique, en l’an 10.
En un m o t, il étoit'si facile de connoître l’existence de
cet enfant, que si le sieur du Sauvage l’avoit réellement
ignorée à son reto u r, c’est'q u ’il auroit refusé de voir
e t'd ’apprendre; . £
t>£ ç -U •; I‘ -?*• i> ■
'
'J '
Cependant, la loi lui ordonnoit de prendre des infor
mations ; elle ne lui accordoit qu’un délai de deux mois
pour-les obtenir,
l.;[ . h; .r :•" r '
'a
Quelque court que pût paroître ce délai dans cer
taines circonstances, le1 législateur, après de profondes
méditations, après les discussions les plus réfléchies,
n’avoit pasicru devoir en accorder un plus lon g; l’in
térêt de l’enfant l’a voit-déterminé. L ’état de l’enfant,
a voit-il j dit y ne saurait être trop tôt f i x é (i).
Ainsi la négligence du sieur du Sauvage ne pourroit
lui servir d’excuse. '
A
Il avoit p u , à son reto u r, demander et recevoir les
renseignemens qu’il prétend;n’avoir eus que long-tem ps
après./;..L ,i. ’ f
‘
II seroit donc, sous ce premier rapport, non recevable dans son action en désaveu. Vigilantibus non
negligentibus ju r a subveniant.
Mais considérons-le même comme placé dans le cas
prévu par le troisième paragraphe de l’article. ;;
Si la naissance de l’enfant lui a été cachée, s’il lui a
été long-temps impossible de la découvrir, au moins
( 1 ) Voir l’Esprit du Code Napoléon, par M. Locré , au*
l’article 316 J du mari absent.
�( i5 )
a-t-il dû se pourvoir dans les deux mois, du jour où
cette naissance lui a été connue.
Les termes de l’article sont formels.
L e mari doit réclamer dans les deux mois après la
découverte de la fraude.
'
C ’est encore l’intérêt de l’enfant qui a fait établir cette
règle salutaire.
« O n ne doit p a s, sans d oute, brusquer la fin de
« non-recevoir, disoit un des législateurs (M . R égnier)\
« mais il ne seroit pas moins dangereux de laisser l’état
cc de l’enfant trop long-temps incertain. »
Mais dans quel temps la fraude sera-t-elle considérée
comme découverte?
Cette difficulté est nulle.
<
L e délai doit courir, disoit un autre législateur, de
puis Je moment où le m ari a eu connoissance de Vac7
couchement de sa fem m e.
Depuis ce moment, il a deux mois pour réclamer.
O n proposoit même d’abréger ce délai, et de se con
form er, dans ce cas particulier, à la règle qui n’accorde
qu’un mois au mari présent \
Mais le consul Cambacérès observe avec sagesse « qu’il
« est juste de donner au père, après que h fa it est par« venu à sa connoissance , le temps de prendre des ren«r seignemens; car il voudra sans doute ne faire d’éclut
« qu’après s’être parfaitement convaincu. »
A in si, de l’observation même de cet illustre magistrat,
découle la conséquence évidente que dès l’instant où le
fait est parvenu ¿1 la connoissance du père, deux mois
seulement lui sont accordés pour prendre tous les ren-
�(.«)
.
éelgtiemeris qiï’il peut désirer, et pour former l’atkiôa
'
*
en désaveu.
•' f1'
'>•••.-r.<
Examinons donc lu1 question de fait.
^ C ’est daiis l’eriquête qu?on en trouvera la solution.
Si l’on excepte de l’enquête quelques témoins qui dé
clarant ne rien savoir,^ ou qui ne fixent pas les époques
des faits qu’ils indiquent, toutes les dépositions démon
trent, jusqu’à l’évidencè, que le sieur du Sauvage conrioissoit, plusieurs années avant l’action en désaveu ,
l’existence de l’enfant 'dont il attaque aujourd’hui l’étati
L e troisième tém oin, Victoire Vincens,Jnous apprend
« qu’il y a environ sept ans, ayant à dîner chez elle
« le sieur du Sauvage , le sieur Cellier et le sieur Gervis;
« dans le cours de ce dîner, lefsieur' du Sauvage, par
ie lantde son épouse^ dit qu’il lui’ seroit facile de rentrer
« dans ses^biens, mais pour ses en fh n s, il ne les re« connoîtroit jamais ; et c’étoit ce qui l’empêchoit de
«•poursuivre la rentrée desdits biens, a
_i Plusieurs conséquences résultent de cette déposition.
ü î'<*?!)L e sieür du Saunage ¿toit certain’ alors que son
épouse n’étoit pas divorcéè/''puisqu’il croyoit avoir le
droit de s’emparer de ses biens ; droit qui ne pouvoit
lui appartenir que comme m ari, et en qualité de maître
des biens dotaux de son épouse.
C ’est donc un vain prétexté que l’opinfon d’un divorcé
antérieur, opinion alftigucc par le éieurdü Sauvage, et
sùr’laquelle il insiste en plusieurs pages de son mémoire,
et notamment pages 2 et 40.
20. Le sieur du Sauvage savoit alors qu’il existoit des
enfans nés de sa femnfie^il le sdvàit puisqu’il le déclaré
lui-même j
�C 17 )
lui-même ; il ajoute, il est v r a i, qu’il ne vouloit pas
les reconnoître; mais il ne les désavoue pas judiciai
rement ; et la loi lui imposoit cette obligation, en lui
prescrivant même un délai de rigueur, non-seulement
pour le désaveu simple, mais aussi pour la réclamation
devant les tribunaux ( articles 316 et 318 du Gode Na
poléon ).
3°. Ce fait remonte à sept années environ , d’après la
déposition qui a été reçue le 7 septembre 1812; c’est-àdire, que déjà, en i 8o 5 , le sieur du Sauvage connoissoit
l’accouchement de sa femme et l’existence de l’enfant;
cependant son action n’a été formée qu’en juillet 180g.
Les dépositions qui suivent sont plus formelles encore.
L e quatrième témoin , le sieur Cellier, archiviste,
assistoit au dîner dont il vient d’être parlé ; il dit aussi
qu’il eut lieu il y a environ sept ans.
11 dépose «que le sieur du Sauvage, parlant de sa
« malheureuse situation à Fégard de son épouse, déclara
« qu’ils avoient eu deux enfans qui n’existoient plus;
« mais que depuis son émigration il y en avoit eu d’autres
« qui n’étoient point de lu i; que le déclarant ayant
« cherché à le réconcilier avec sa fe m m e , par des voies
« de douceur, il n’avoit pu y parvenir; qu’au contraire,
« le sieur du Sauvage avoit formellement déclaré qu’il
« ne reconnoîtroit jamais ses enfans, et qu’il ne verroit
« jamais sa femme; q u ’il savoit q u il y avoit un de ses
« enfans chez la dame de M a rio lles, sa belle-sœur ;
« mais qu’il ne le r e c o n n o i s s o i t pas pour le sien. »
Cette déposition fait naître les mêmes réflexions que
la précédente ; on y remarquera cette déclaration par-
3
�( »8 )
ticulière du sieur du Sauvage, qu'il savoit qu'il y avoit
un de ses eiifans chez la dame de M ariolles.
Il le savoit depuis i 8o 5 ; comment p o u rro it-il être
reçu h le désavouer aujourd’hui ?
L e sieur G iro n , cinquième tém oin, rappelle une
conversation qu’il eut avec le sieur du Sauvage, et qui
fut interrompue par Parrivée d’un tiers, dans un instant
où elle seroit devenue sans doute intéressante pour la
cause actuelle.
Mais il ajoute qu’à une époque q u i, d’après l’indice
qu’il donne, paroît se rapporter à l’an 10, temps auquel
la jeune du Sauvage fut retirée des mains de Guines,
« il lui fut présenté, ou p a rle sieur du Sauvage, ou par
« le sieur de T e i x , sans pouvoir assurer lequel des deux,
« trois extraits de naissance de trois enfans de l’épouse
« du sieur du Sauvage. Dans l’un de ces extraits étoit
ce le nom du sieur du Sauvage, comme père de l’enfant;
« dans le second, la paternité étoit attribuée au nommé
« Guines; dans l’autre, le père étoit déclaré inconnu. »
• Ce qui est dit sur le premier extrait ne peut évidem
ment s’appliquer qu’à l’acte de naissanced’Anne-Françoise
du Sauvage ( i) .
Cette déposition prouve, si c’est le sieur du Sauvage
qui a présenté les extraits, que tous les renseignemens
(ju’ il a aujourd’h ui, il les avoit il y a déjà dix ans; et
quand ce ne seroit que le sieur de T e i x , ne penserat-o n pas que celu i-ci, qui étoit le beau-frère du sieuir
(1) Voyez ces divers extraits dans le mémoire du sieur du
Sauvage, pages 6, 7 et 8.
�( *9 )
du Sauvage , qui était lié avec lui particulièrement,
lui auroit fait connoître les extraits qui étaient en son
pouvoir ?
L e sixième témoin, le sieifr de Vincens, parle notam
ment de plusieurs conversations qu’il eut avec le sieur
du Sauvage , sur l’enfant q;ui étoit chez la dame de Maxùolles, et qui ne paroissoit pas en sa présence.
' & Il dit qu’ayant eu à ce’ sujet plusieurs conversations
« avec le sieur du Sauvage , qu i »’ignorait pas Vexis« tence de cet en faht, qiCon lu i avoit dit appartenir
« à sa fe m m e , et être chez la düthe de M ariol/es,
« il lui avoit témoigné avoir' fefnatquê cet en fan t, et
« l’affectation de se cacher lorsqu’il se montfoit. »
Cette déposition ésf précieuse. Rien de' moins équi^
voque que ses termes.
L e sieur du Sauvage nignoroit pas Texistence de cet
enfant.
’ On lu i avoit d it qiüil appartenait à sa fem m e«
I l avoit remarqué cet erfant.
Qu’importe', après cela ,* le? surplus de la déposition
relative à' l’affectation que iWettoit l’enfant à se cacher,
au soin qu’on avoit de ne pas le faire' paraître eu pré
sence du sieur du Sauvage.
Ces circonstances ne détruisent pas; le moyen.
Le'sieur du Sauvage n’en avûit pas1 moins l’emarqué
l’enfant ;
Il n’en avoit pas moins connu son existence
Il n’en avoit pas moins su qn’il'apparténoit à sa femme.
Si donc la naissance’ lui a'Vbitf été dùcliée jusqu?alore,
elle cessa de l’ôtre £ cette époque \ la fraude lui fut dé
3 *
�couverte, et par conséquent dès ce moment commença
à courir le délai de deux m o is, fixé impérieusement
par l’art. 316 du Code Napoléon.
O r , à quelle époque le sieur de Yincens fait-il re
monter cette conversation ?
« A l’époque d’un procès que le sieur du Sauvage
« oncle avoit alors pendant en la Cour. »
T elle est la réponse du témoin à l’interpellation qui
lui est faite.
Cette époque est fixée par un arrêt même rendu par
la C o u r, dans la cause du sieur du Sauvage oncle. L ’arrêt
est du 29 messidor an 13.
A in s i, encore une fois ,, plusieurs années avant l’action
en désaveu, l’enfant étoit connu par le sieur du Sauvage.
A in s i, dès long-temps celui-ci avoit perdu le droit
de désavouer.
L e septième témoin , le sieur E sm elin, propriétaire,
habitant à A igueperse, nous apprend qu’il y a environ
dix ans, il a connu à'Aigueperse uneJille à laquelle
on donnoit le nom, de du Sauvage, qui étoit sous la
direction d’un nommé Guines ? alors logé dans l’auberge
de la veuve Tapon.
Il parle des mauvais traitemens exercés par Guines
sur l’enfant, et d’un jugement de police correctionnelle,
q u i, punissant Guines d’un an de prison, ordonna que
l ’enfant seroit remis à la dame de Mariolles,
Il ajoute
« Que depuis, ayant eu occasion de voir plusieurs
« fois le sieur du Sauvage, et lui ayant parlé de cette
« fille q u il croyoit être vraiment la sienne, il lui parla
�(21)
des mauvais traitemens exercés sur elle par Guines, et
de la punition qui lui avoit été infligée par le ju
gement de police correctionnelle; à quoi le sieur du
Sauvage ne répondit rien. »
L e témoin fait remonter cette conversation à entour
huit à neuf ans.
A in si, voilà encore un témoin q u i, quatre ou cinq
ans avant le désaveu , a parlé au sieur du Sauvage de
cette jeune fille, qui lui en a parlé la croyant vraiment
la sien n e, qui ne la connoissoit môme alors que sous
le nom de du Sauvage, et qui auroit évidemment appris
au sieur du Sauvage l’existence de cet enfant qui portoit
son nom , si déjà il ne l’avoit connue.
Nous disons, s’ilneV avoit connue, car le silence même
que garda alors le sieur du Sauvage indique assez qu’il
connoissoit alox’s l’enfant; sa curiosité eût été sans doute
vivement excitée, si déjà il n’avoit été instruit.
L e huitième tém oin, le sieur Chassaing, juge au tri
bunal de Clerm ont, déclare que dans une conversation
qu’il eut avec le sieur du Sauvage, il lui demanda s’il
étoit à Clermont avec sa femme; que le sieur du Sau
vage se récria , lui disant qu’il lui étoit impossible d’ha
biter avec elle;
Que le sieur du Sauvage ajouta
« Qu’il n’ignoroit pas que pendant son émigration,
« elle ( sa femme ) avoit eu deux ou trois enfans, dont
« notamment une fille , demeurant chez madame de
« M ariolles ; »
Que le déclarant lui ayant demandé s’il voyoit la
dame de M ariolles, sa belle-sœur, le sieur du Sauvage
répondit :
«
«
te
«
'
�( 24)
« Je la vois quelquefois, je la vois même avec plaisir;
« je fais cas d elà bonté de son caractère; mais par égard
'« pour moi elle a soin de faire disparoître l’enfant,
a lorsque j’entre dans là maison. »
L e térrioin, sur une interpellation relative à l’époque
de ces conversations , dit
•
«- Que c^toit plusieurs mois1 avant Tacquisition de sa
« nouvelle maison ; ce qui remonte à plus de cinq ans. »"
L ’extrait de l’enregistrement de l’acte d’acquisition,
constate que cette maison a été acquise le 21 thermidor
an 13 ( 9 août i 8o5 ).
L a demande n’est que de 1809.
Nouvelle preuve que plusieurs années avant cette a f
fligeante action, le sieur du Sauvage savoit que la jeune
infortunée qu’il poursuit étoit née d e son épouse.
Nouvelle preuve1 qu’il la- comroissüit alors comme il
l’a connue depuis, et que1le1 délai prescrit par la loi
etbit depuis long-temps expiré lorsqu’il a agi.
L e sieur T â p o n , receveur des contributions de la ville
de T h iers, déclare
ce' Qu’il a fréquenté la maison dé la dame de Mariolles-,
a depuis l’an 7 jusqu’en 1806-, momentanément e tp a r
« intervalle; que dans le courant de l’an 10, et années
« suivantes, il a eu occasion d’y voir à différentes fois
« le sieur Noyer du* Sauvage'; que même ledit sieur
«c d u S a u v a g e lui a dit souvent dans la conversation que
« si m a d a m e de F é n y , son épouse , n’irvoit cir des liaia sons avec le nommé Guines, il se seroit peut-être déoc cidê à fa ire du bien à A n na . »•
C e témoin ajoute « qu’il a vu Annci dans la maison
�( 23 }
« de madame de Mariolles ; qu’il l’a constamment en« tendu nommer A n n a , sans autre dénomination;
« Que ladite Anna appeloit madame de Mariolles sa
« tante, et madame de V én y du Sauvage sa mère ;
« Qu’à l’égard du sieur du Sauvage, il ne lui a jamaisr
% dit qu’Anna fût la fille de sa femme ; que quant à
o lui déposant, il est bien persuadé qu’Anna est la fille
« de la dame de Vény., femme du Sauvage; qu’il est
« d’autant plus fondé à le cro ire, que c’étoit là Popi« nion publique , et qiûuinna lu i ressemblait singu« lièremenl. »
i
Sur une interpellation qui lui est faite, le témoin
répond
«
«
«
«
ce
«
a
-
« Que le sieur du Sauvage ne lu i a pas dit préciser
ment qu’il crût Anna fille de sa femme ; que néanmoins il présume qu’il le savoit, parce que, malgré
le soin que l’on prenoit pour empêcher Anna de se
rencontrer avec le sieur du Sauvage , il rtavoit pas
laissé que, de la voir quelquefois, et ri*avoit pu fa ir e
autrement que de lu i trouver une parfaite ressens
blance avec la dame de V é n y , son épouse, »
L e sieur du Sauvage a vu Anna.
Il a du nécessairement remarquer sa parfaite ressen>
blance avec la dame de V ény.
Il a dû par conséquent la reconnoitre pour la fille de
son épouse.
Il l’a dû à cause de la ressemblance;
• Il l’a dû parce que Vopinion publique la désignoit
comme telle.
Il l’a reconnue, en effet, comme née de la dame V én y7
�.
(
2
4
)
puisqu’il a témoigné l’intérêt que lui inspiroit A nna,
puisqu’il a déclaré que sans les liaisons de son épouse avec
G uines, il se serait décidé à ¿faire du bien à A n na .
Par quelle fatalité cet intérêt touchant que lui ins
piroit la jeune fille a-t-il disparu ?
A h ! qu’il la voie aujourd’hui que les grâces brillantes
de la jeunesse ont embelli encore sa personne ; aujour
d’hui qu’une éducation soignée a développé ses vertus
et sa raison!
Qu’il la voie et'qu’il l’entende, et il sentira renaître
l’intérêt qu’elle lui inspira ;
E t son cœur désavouera une action cruelle ;
E t il retrouvera une fille qui sera la consolation de
sa vieillesse, et qui fera disparoître l’abandon qui menace
ses derniers jours.
Mais s’il faut que la loi prononce dans cette affligeante
cause, quelle plus grande réunion de preuves pourroiton désirer pour démontrer que plus de deux mois avant
le désaveu, le sieur du Sauvage a vu la jeune du Sauvage,
et qu’il l’a reconnue pour être la Jille de sa fem m e.
D ’un cô té, il a su , dès les premières années de son re
tour , que sa femme n’étoit pas divorcée. Plusieurs té
moins attestent qu’il la considéroit comme étant encore
son épouse; l’un d’eu x , le huitièm e, dit même qu’il se
proposoit de demander le divorce contr’elle ; fait im
portant dans cette cause, où le sieur du Sauvage allègue
comme un moyen puissant en sa faveur, qu’il croyoit
que depuis long-temps il existoit un divorce entre sa
femme et lui.
de
�( a 5 )
D e l’autre côté, il a connu Anne-Françoise du Sau
vage dès i 8o 5 , et même antérieurement;
Il a su qu’elle étoit la fille de sa femme;
Des témoins lui en ont parlé comme si elle étoit sa
propre fille ;
Lui-même en a parlé comme de la fille de son épouse.
Ainsi le fait principal, fixé par l’arrêt interlocutoire,
a été prouvé sans la moindre équivoque.
Quant au nom que l’on donnoit ordinairement à la
jeune fille, il est vrai que plusieurs témoins déclarent
qu’on la nommoit le plus souvent A n n a , sans autre dé
nomination.
Mais cela n’empêchoit pas qu’elle ne fût connue comme
la fille de madame du Sauvage, que l'opinion publique
ne la considérât comme telle, que les tribunaux même
ne la désignassent sous le nom de du Sauvage dans leurs
jugemens.
Si d’ailleurs on la nommoit ordinairement A n n a , c’est
par un usage admis depuis un siècle dans toutes les classes
aisées, où les jeunes personnes reçoivent un nom de fan
taisie , par lequel on les appelle toujours ; le nom de
famille n’est jamais em ployé, ou ne l’est que par inad
vertance , tant devient forte l’habitude de se servir du
prénom ou du surnom qu’on est convenu d’employer.
Quelques tém oins, et notamment les sixième et sep
tième , remarquent aussi que dans la maison même de
madame de M ariolles, la jeune demoiselle étoit quelque
fois appelée du nom de du Sauvage, soit par les per
sonnes de la maison, soit par la dame de M ariolles, par
inadvertance, si l’on veut, mais par une inadvertance
4
�( *6 )
qui prouve qu’on la regardoit comme un enfant du
Sauvage.
L e septième témoin ( le sieur Esmelin ) atteste même
que ce n’est que depuis cinq ans qu’il l’a entendu ap
peler seulement A n n a , et qu’antérieurement on l’avoit
toujours nommée du Sauvage.
« Il ajoute qu’à une époque où il ne la connoissoit pas
sous le nom d’A n n a , mais seulement sous celui de du
Sauvage, il parla an sieur du Sauvage de cette jeune
fille, qu’il croyoit être vraiment la sienne,
* Il en parla donc nécessairement en la nommant du
Sauvage; il apprit donc au sieur du Sauvage que la
jeune fille portoit son nom.
A in si, l’on peut dire que le second fait interloqué a
été également prouvé.
O n a remarqué dans îe mémoire du sieur du Sauvage,,
que pour le troisième fait interloqué, l’appelanten’avoit
fait entendre aucuns témoins.
Gela est v ra i, peut-être parce que ce fait paroissoit
peu important, d’après la preuve des autres.
Ce n’est pas qu’il n’eût été facile de prouver que dans
la pension m êm e, la jeune demoiselle étoit connue des
autres élèves sous le nom de du S a u v a g e.
Elle eût pu appeler en témoignage de ce fait plusieurs
daines de cette ville m êm e, les dames de Roclievert, de
R ignud, de Sam pigny-d’Isoncourt, les demoiselles du
V ivet,D u corail.
Ces jeunes dames se seroient sans doute souvenues de la
plaisanterie innocente qu’elles se pcrmeltoient à l’égard
de leur compagne, qu’elles appcloient quelquefois la
Sauvage.
�( =7 )
.
Mais qu’importe que ce fait secondaire ait été ou non
prouvé !
Qu’importe que les témoins entendus n’aient pas su
\tout ce qu’on leur demandoit, ou qu’ils ne se soient pas
rappelé tout ce qu’ils avoient su !
Qu’importeroit même que l’enquête ne fût pas rigou
reusement conforme à la lettre de l’interlocutoire, si elle
est conforme à la lettre de la loi !
L e système du sieur du Sauvage est de dire qu’on lui
a caché la naissance de l’enfant.
Que falloit-il donc p rouver, d’après l’article 316 du
Code ? '
Il falloit prouver que plus de deux mois avant son
action, il avoit découvert la fraude;
Qu’il avoit connu l’existence de la jeune fille;
Qu’il avoit su qu’elle étoit l’enfant de sa femme.
Ces faits ont été prouvés.
Ce que le sieur du Sauvage avoit intérêt h connoître,
il l’a connu plus de cinq ans même avant sa demande.
Ce long retard est aujourd’hui pour lui un obstacle
insurmontable.
La loi est claire;
La loi est formelle :
Elle ne peut se prêter à aucune équivoque, à aucune
interprétation.
Toute interprétation d’ailleurs, si elle en étoit sus
ceptible , devroit être faite en faveur de la foiblesse et
de l’innocence.
Et pour nous servir des expressions éloquentes du
tribun D uveyrier, le sieur du Sauvage, par le silence
4*
�qu’il a gard é, est raisonnablement supposé n'avoir pas
reçu d’offense, ou Vavoir par donnée ; et dans tous les
c a s, la loi y comme la raison , préfère le pardon à la
vengeance.
x
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
U action est-elle fondée ?
Cette question se résout par les termes de l’art. 312
du Code N apoléon, comparés aux preuves que rapporte
le sieur du Sauvage.
V oici comment est conçu l’article r
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« mari.
« Néanmoins celui-ci pourra désavouer l’enfant, s’il
« prouve que pendant le temps qui a couru depuis le
« trois centième jusqu’au cent quatre-vingtième jour
« avant la naissance de cet enfant, il é to it, soit pour
« cause d’éloignement, soit par l’effet de quelque acci« d en t, dans /’impossibilité physique de cohabiter avec
« sa femme. »
L e premier paragraphe de l’article pose la règle.
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« m ari ; pater is est quem nuptiœ demonstrant. »
L e second paragraphe établit l’exception.
Cette exception n’est admise que lorsqu’il y a eu im
possibilité physique de cohabitation entre le mari et la
femme.
Im possibilité physique : ces expressions sont de la
plus grande force comme de la plus grande précision.
�( *9 )
Elles renferment le résumé de la plus saine doctrine
de l’ancien droit sur cette matière.
L ’impossibilité physique, autrefois comme à présent,
étoit impérieusement exigée pour détruire la règle im
portante, pater is est, etc.
Ecoutons le langage d’un illustre orateur, l’honneur
de la magistrature, dans une cause où une foule de
circonstances, en démontrant l’adultère de l’épouse, sembloient autoriser le mari à désavouer l’enfant né depuis
des liaisons criminelles.
M . Daguesseau rappelle la définition de l’enfant lé
gitime , qu’il puise dans la loi 6 , ff. D e his qui su i
vel alieni juris sunt. Et il ajoute :
« Il n’y a donc que deux preuves contraires, qui
« puissent être opposées à une présomption aussi fayo
te rable.
« La longue absence du mari est la première ; et
« même nous pouvons ajouter, conformément.à l’esprit
« de la l o i, qu’il faut que cette absence soit certaine et
« continuelle.
« L ’impuissance, ou perpétuelle ou passagère, est la
« seconde : la loi n’en reconnoît pas d’autres. »
O r, quelles preuves le sieur du Sauvage rapporte-t-il
de rimpossibilité physique d’un instant de réunion entre
lui et son épouse; c’est-à-dire, d’une longue absence ,
qu’il prétend être certaine et continuelle?
Son inscription sur la liste des ém igrés;
Des arrêtés administatifs de brumaire et de frimaire
an 3 ;
Un jugement de messidor an 4,
�c 3° )
So7i inscription sur la liste des émigrés !
Est-ce là une preuve irréfragable de son absence?
Ne sait-on pas que des milliers de Français ont été
inscrits sur ces dangereuses listes, sans avoir jamais quitté
le sol de la France?
Ne sait-on pas avec quelle légèreté, quelle imprudence,
quelle facilité, dans ces temps de désordres, on signaloit
comme émigrés, par ces listes fatales, ceux qui ne s’étoient
absentés que momentanément même du lieu habituel
de leur résidence?
Ne sait-on pas enfin que pour éviter les dangereux
effets de l’erreur ou de la malveillance, les malheureux
proscrits, obligés de se cacher dans une retraite profonde,
n’y voyoient que leurs parens, leurs amis les plus proches?
Sera-ce dans ces jours ténébreux de nos dissensions
civiles, qu’on ira chercherla lumière propre à nous éclairer
sur la certitude, la continuité de l’absence du sieur du
Sauvage?
D e s arrêtés administratifs de brum aire, de frim aire
an 3 /
Mais ces arrêtés, conséquence nécessaire de l’inscription
sur la liste des émigrés, ces arrêtés sollicités pour pré
venir la vente totale des biens du présumé ém igré, ne
sauraient être une preuve eux-mêmes, tant qu’on ne
démontrera pas , par des preuves physiques, la réalité
et la continuité de l’absence.
A u reste, ces actes administratifs ont eu lieu au com
mencement de l’an 3; et comment prouveroient-ils que
le sieur du Sauvage a été aussi absent en l’an 4 , pen
dant cette année 4, où, les proscrits se pressoient en foule
�'(3 0
de rentrer dans une patrie q u i, devenue plus douce pour
eu x, n’attentoit plus à leur vie, pourvu qu’ils ne com
missent aucune imprudence, et qu’ils employassent quel
ques déguisemens.
O r, la naissance d’Anne-Françoise du Sauvage est de
la lin de l’an 4 , du 19 fructidor.
Un jugement de messidor an 4 /
Ce jugement n’est pas rapporté ; il n’a jamais été pro
duit : on s’étonne qu’il ait été invoqué comme preuve.
D e liis quœ noii sunt 2>el quœ non apparent idem ju diciurn.
A u reste, quand il seroit vrai que dans le jugement
le sieur du Sauvage est qualifié d’’émigré ou réputé émi
gré (1), cette qualification seroit-elle une preuve physique
de son absence, soit antérieurement, soit même à cette
époque?
Ne sait-on pas que tant que l ’inscription subsistoit,
l’inscrit ne pouvoit être désigné par les autorités admi
nistratives et judiciaires que comme émigré ou réputé
émigré.
D e tels indices ne sauroient être suffisans pour dé
montrer une absence longue, certaine et continuelle ;
Ils ne fourniroient que des présomptions d’absence.
O r , la loi n’admet pas l’arbitraire des présomptions,
en matière aussi grave.
Ce n est pas sur des présomptions que des magistrats
se décideront à livrer à l’infortune et à la honte la vie
entière d’un être innocent.
(1) Voyez page 6 du mémoire du sieur du Sauvage.
y'
�( 32 )
Il
faut des preuves de Pim-possibilité physique d’une
réunion même momentanée.
'
Mais que doit-on entendre par ces mots : L'im possi
bilité physique ?
Ecoutons le tribun Duveyrier.
« L ’impossibilité physique est absolue; elle tient toute
« sa force d’elle-même : c'est un fa it matériel et cons« t ant, qui n admet aucune autre supposition. »
Cet orateur ajoute plus bas :
a L ’impossibilité physique ne peut exister que par deux
« causes, l’absence, et l’impuissance accidentelle du mari.
« I c i, les anciens principes, conformes à la raison et
ff à l’équité , ne souffrent aucune altération. Il faut que
a l’absence soit constante, continue, et de telle nature
« que dans l’intervalle de temps donné à la possibilité de
« la conception, c’est-à-dire, dans l’intervalle de cent
« vingt jours, qui s’écoule entre le cent quatre-vingtième
« et le trois centième jour avant la naissance de l’enfant,
« Pesprit humain ne puisse concevoir la possibilité
« d'un seul instant de réunion entre les deux époux. »
• O r , L e sieur du Sauvage démontre-4 -il que l’esprit
ne peut concevoir la possibilité d’un seul instant de réu
nion enti’e son épouse et lui ?
Et la jeune infortunée dont on attaque l’état, n’at-elle pas le droit de dire
Q u’il est possible que le sieur du Sauvage ne fût pas
absent du territoire Français, en l’an 4 ;
Qu’il est possible, s’il avoit fui le sol français antérieu
rement , qu’il y fût rentré à une époque où tant d’émigrés
B’empresçoieat de profiler d’un teixips de calme et de tolé
rance f
�( 33 )
rance, pour revoir une patrie, objet de leurs souvenirs
et de leurs regrets ;
r Qu’il est possible qu’alors il se soit réuni à une épouse
près de laquelle ses affections comme ses devoirs semb loien tle rappeler;
•: Q u’il est possible m êm e, si le sieur du Sauvage n’étoit pas rentré en France, que cette épouse fût allée ellemême dans les contrées voisines, résider quelques temps
auprès d’un époux qui n’avoit alors à lui reprocher au
cunes liaisons avec Guines.
Ces possibilités sont dans l’ordre naturel.
• A insi', tant qu’elles ne seront pas détruites par une
preuve aussi claire que positive, le sieur du Sauvage
ne peut pas se placer dans le cas de Vimpossibilité phy
sique e x ig é e p a r l’article 312.
C e tte ’preuve n’est pas fa ite ;
u
;Cette preuve n’est pas même offerte.
Comment donc le sieur du Sauvage p o u rro it-il se
croire fondé-dans son action en désaveu?
On le v o it, des moyens puissans s’élèvent contre cette
action.
. :\\i
r
.
La loi protège une fille innocente ;
E lle ne permet pas d’accueillir la demande, tant qu’il
ne sera pas prouvé qu’il y a eu impossibilité physique
de cohabitation entre les deux époux.
Cette preuve même seroit insignifiante aujourd’h ui,
et elle n’empêclieroit pas qu’on ne dût rejeter une de
mande tardive, une demande formée plusieurs années
seulement après l’époque où Inexistence de l’enfant étoit
parvenue a la coimoissance du m an. iL! r :
�Mais qu’il est affligeant, pour la jeune du Sauvage,
d’être obligée d’invoquer la loi pour sa défense !
Q u’il lui seroit doux de devoir son salut au cœur seul
du père qu’elle réclame !
Par le long silence qu’il a gardé , le sieur du Sauvage
est présumé, ou n'avoir pas reçu d'offense, ou l'a voir
pardonnée.
S’il croit avoir reçu une offense, n’est-elle pas expiée
par les malheurs dont sa triste épouse est accablée depuis
long-temps ?
Qu’il ne révoque pas un pardon généreux!
Qu’il permette à une jeune infortunée de se jeter à
ses pieds, et de lui demander grâce pour sa m ère, grâce
pour elle-même !
Q u’il la reconnoisse pour son enfant ! et il trouvera en
elle une fille tendre et soumise, une fille dont les soins
touchans le consoleront, dont les vertus l’honoreront,
et qui répandra dans son âme le calme , la sérénité,
le bonheur que ne connut jamais l’homme isolé.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. G A R R O N jeune, avoué licencié
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale,
rue des Taules, maison L amdriot. — A vril 1813 ~
et libraire
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Anne. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Anne-Françoise Noyer du Sauvage, mineure, habitante de la ville de Clermont, et Maître Garron, licencié-avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans ; contre sieur Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire, habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire, intimé ; en présence du sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Alleyrat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1791-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2216
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2215
BCU_Factums_G2220
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
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4a8a66f0916fa09e48d15ae8c866ee1f
PDF Text
Text
COUR
M
E
M
O
I
R
E
IMPERIALE
DE RIOM.
POUR
1er. CHAMBRE«;
Le sieur J e a n -J o s e p h COURBY-COGNORD,
appelant;
C ON T R E
Le sieur
J e a n -J o sep h
JO U B E R T intimé.
L E sieur Courby est obligé dé défendre son honneur
et sa liberté, contre un oncle, contre un parrain.
En considérant ces d eu x titre s , il devoit s’attendre à
tro u v e r un p ro tecteu r, d ans le sieur J o u b ert :
- I l n’a rencontré qu’un ennemi. ,
L e sieur Joubert prétend q u ’on lui a laissé ignorer,
dans divers contrats, des hypothèques conventionnelles
ou judiciaires, et des hypothèques légales.
L a réponse du sieur Courby est simple.
i
i
�r
- v
( O
Parmi ces hypothèques, les unes étoient inscrites, et
le sieur Courby, dans les contrats qu’il a consentis, n’a
pas déclaré que ses Liens étoient libres;
Les autres étoient connues du sieur Joubert.
Cela est prouvé par plusieurs actes : signataire du
contrat de mariage de son neveu ; acquéreur des con
trats de rente qui formoient une partie de la dot mo
bilière de la dame C ourby; averti de la vente des im
meubles dotaux de sa nièce par alliance, le sieur Joubert
n’ignoroit pas les hypothèques légales de celle-ci. L u ii même a indiqué les moyens de les faire disparoître, et
en a dirigé l’exécution.
f Cependant il crie au 'dol ; il accuse son neveu de l’a«v o ir ir o m p é ; il le poursuit Rêvant les tribunaux comme
stellipnataire; il demande que la liberté lui soit ravie.
Pour repousser unqragrçssiojpt.injuste, le sieur Courby
est dans la triste nécessité d’indiquer la source de ses
malheurs, et de parjeç des dangereux secours.qu’il reçut
du sieur Joubert.
Les faits démontreront combien l ’accusation fut irré
fléchie.
La discussion fera voir dans quelle erreur sont tombés
les premiers juges.
t
i
L e s i e u r : C o u rb y, né de parens dont la fortune paroissoit considérable, avoit contracté' un mariage avan
tageux,
•
Son contrat de mariage avec la demoiselle Cognord
est du 18 brumaire an 7 ( 8 novembre 1798 ).
On y voit .que la future épouse upportoit une riche
�( 3 )'
dot en Biens m eubles,et immeubles; elle ÿ y constitua le
domaine de la Maison-Nieuve, sitilé dans la'commune de
Celles, des meubles meubjans, de l’argent et des contrais
de rente : ces divers objets sont détaillés dans l’acte.
L e sieur Joubert,' oncle du futur,, et qui avoit été
un des négociateurs du m ariage, assista ^u Contrat et le
signa; et dès cet instant au moins il connut en quoi
consistoient les biens que la dame. Courby remettait à
son époux*
. i f
L e sieur Gourby reçut lui-même de son père 30,000 f»
en avancement d’hoirie^
, .
, •
Une carrière commencée sous de si brillans auspices
sembloit promettre un avenir heureux.
Les circonstances en ont décidé autrement.
o ^
L e sieur Gourby père se jeta dans dçs; affaires rui
neuses , et bientôt ses dettes s’àcçruiènt dans une pro
gression effrayante.
<
Il eut recours à son fils.
Celui-ci n’hésita pas à remplir un d evoir; il aida-son
p ère, et dejion argent, et de son crédit.
C essecours retardèrent la ruine absolue du p ère,
mais ils préparèrent celle du fils.
Dès 1806, le fils avoit payé ou emprunté pour le
père plus de 80,000 francs ; c’est ce que prouvent deux
actes de vente passés entr’eux , l’un le
xnars, l’autre
le 7 août 1806, et destinés à, acquitter lés dettbs d it
père envers le fils.
? Par l’acte du 13 mars, le père vend au fils le bien
de B icon, situé près d’A rtonne, à la charge de payer
en son acquit une rente viagère de 3,600 francs, et-en
�(
4
)
outre, moyennant 70,000 francs’ qu’il reconnaît avoir
reçus en différentes fois avant la vente.
!
»
Il déclare qu’ une partie du prix a été employée à
acquitter des effets sur place, souscrits par lu i, et que
l’autre partie recevra le meme'emploi ; il1s’engage même
à faire exprimer cet emploi dans les quittances.
L a vente n’indique aucune espèce d’hypothèque qui
grevât le bien vendu.
! ?
L ’acte du 7 août contient, i ° . un traité sur une con
testation qui s’élevoit entre ïe: père et le fils, touchant
la première vente; 20. une seconde Vente d’une maison,
d’un jardin et d’un pré.
r; '
L a contestation avoit pour cause la rente viagère de
3,600 francs, qui s’étoit éteinte dans les vingt jours qui
avoient suivi le 13 mars.
’ ' ’
-'L e vendeur >et l’acquéreur ! prétendoiënt chacun de
voir profiter du bénéfice de l’extinction de la rente; ils*
transigèrent moyennant 17,500 francs, que le fils s’o
bligea de payer à des créanciers du père, indiqués dans
l’acte.
.*
}
. ■1
'>
La seconde vente eut pour prix une somme de 23,000 f . ,
sur laquelle le fils se retint 12,000 f r ., qui furent reconnus
avoir été payés par lu i, Ü des créanciers du p è re , outre
les 70,000 f r . , prix de la vente de Bicon.
Les 11,000 francs qui restoient dûs, furent stipulés
payables à des créanciers désignés.
A in si, au mois d’août de l’année 1806, le fils avoit
payé ou s’étoit chargé de payer pour le père différentes
sommes q u i, réunies, formoient-un total de 110 , 5oo fr.
T o u t est acquitté depuis long-teuips.
�(5)
- On conçoit que le sieur Courby n’a pu trouver dans
ses propres ressources le moyen de fournir à une somme
aussi considérable.
Il a dû avoir recours à des emprunts.
; Tous ceux qui savent combien la voie des emprunts
a été désastreuse à cette époque, combien elle l’est en
core aujourd’h u i , doivent prévoir quel sort menaçoit
le sieur Courby fils.
"
Les emprunts étoient faits à un taux excessif.
L e sieur Joubert a été un des prêteurs , et son taux
ne fut pas plus modéré que celui des autres : c’étoit,
diso it-il, celui de la place.
‘ f
Souvent aussi il fut caution ; jamais son cautionne
ment n’a été gratuit (i).
■y
L e 16 n o vem b re 1806, le sieur C o u rb y so u scriv it, au
profit du sieur J o u b e r t, une lettre de chan ge de 10,000 f.
p ayable à la fin de m ai 1810 .
L ’intérêt étoit confondu avec le principal; et nous
verrons bientôt que le sieur Joubert trouva le secret,
avant l’échéance, d’exiger un supplément d’intérêt.
Quelque temps avant cette époque, le sieur Joubert
s’étoit fait céder par son neveu les rentes dotales de la
dame Cognord , épouse de c e lu i-c i, ces mômes rentes
portées par le contrat de mariage de l’an 7. L es actes
de ratification passés en faveur du sieur Cognoi’d père,
ne laissoient aucun doute sur leu r origine. .
■;
L e sieur Joubert perçoit encore ces rentes.
(x) Le premier cautionnement que le sieur Joubert fournit
à son neveu, fut pour une somme de 10,000 fr. : ce, service
lui fut payé 1,200 fr. •
•###*
�C6 J
En 180 7, il demanda à son neveu , et ârraclia à' sa
foiblesse ou à la nécessit é , une indemnité pour les cautionnemens qu’il lui avoit fournis ou qu’il devoit lui
fournir.
Cette indemnité fut l’abandon du jardin et du pré
que le sieur Gourby avoit achetés de son père, au mois,
d’août précédent.
L ’abandon fi*t fait par acte du 11 avril 1807, sous
la forme d’une ven te, dont le prix fictif fut porté à
8,000 livres ^tournois, que le sieür Gourby reconnut
avoir reçues avant ces présentes, est-il dît.
Il ne reçut r ie n / il n’a jamais rien reçii pour cela.
L ’a’cte contient promesse de garantir, fournir et faire
valoir de tous troublés, évictions, dettes et hypothèques,
clause d’usage; et il se termine par une clause hypo
thécaire ainsi conçue :
« Pour l’entière exécution des présentes, les parties,
« chacune en ce qui les concerne, ont obligé leurs biens
« présens et à venir, et spécialement ledit sieùr Courby
« un téuement de terre de la contenue d’entour cinq
« cent quarante-huit ares, ou douze septerées mesure
ec locale, appelé le champ de la Rousse, faisant partie
c du domaine de Bicon , situé dans la commune d’A r« tonne , arrondissement de R iom , tel qu’il se limite et
« comporte, les parties n’ayant pu en donner les confins. »
Cet acte est un de ceux qui sert de prétexte à Faction
en stellionat, et qui fait dire au sieur Joubert qu’on l’a
trom pé, en ne lui indiquant pas les hypothèques inscrites
et les hypothèques légales qui grevoicnt tant l’objet
vendu que l’objet hypothéqué.
'*
Les hypothèques inscrites : la loi n’en prescrivoit pas
�. < 7 )
la déclaration , et le sieur Joubert pouvoit facilement
les connoître.
Les hypothèques légales : il les "connoissoit si bien
qu’il les fit purger, en déposant une expédition de la
vente au greffe, en notifiant l’acte de dépôt à la dame
Courby et au procureur im périal, en un m ot, en em
ployant les formalités voulues par la loi.
O n rapporte l’exploit de notification.
L e second acte qu’invoque le sieur Joubert, est du 8
juillet 1808.
, Les circonstances qui ont précédé ou accompagné cet
acte sont utiles à connoître.
L e sieur Courby étoit débiteur envers le sieur Destradat du reste du prix de l’acquisition d’un bien situé
à Sarliève, acquisition qu’il avoit faite dans un temps
prospère, en messidor an 10 et en nivôse an 11.
L e sieuç Courby étoit,, d’un autre côté, créancier
d’une somme de 26,000 livres tournois, reste du prix
de diverses-ventes des .biens de son épouse, /qu’il avoit
Aliénés à cause de leur éloigrçement.
Pour payer le sieur. D estradat, le sieur Courby se
procura de l’argent chez le sieur D um ay, banquier à
Clerm ont, qui paya au sieur Destradat ce que celui-ci
cxigeoit (1 ), et à qui le sieur Courby çéda, pour s’ac
quitter, les a6,ocoo francs qui lui é t o i e n t dûs p a r les
acquéreurs des. biens de sa femme.
(1) Ce que reçut en cet instant le sieur Destraclat, n’étoit
pas-la totalité de sa créance ; mais le reste lui fut payé le i3
du même mois , par le sieur Courby» Celui-ri rapporte la quit
tance finale et authentique.
-------- — •-----
�( 8)
La cession fut faite devant un notaire de Clerm ont,
par le sieur Gourby et par le sieur Joubert, conjointe
ment et solidairement.
‘ L ’acte énonce que les biens vendus composent le do
mairie de M aison-N euve, sis commune de Celles; c’est‘à-dire, ce domaine que la dame Courby s’étoit constitué
sous la même désignation dans son contrat de mariage,
auquel avoit assisté le sieur Joubert.
c 'L e sieur Destradat subroge le sieur Dumay à son pri
vilège de vendeur, et l’autorise à subroger lui-même à
ce privilège les tiers indiqués de qui il recevra les 26,000 f.
E u fin , les deux cédans donnent pour hypothèque,
savoir : le sieur Joubert, son bien de Vinzelles, et le
‘sieur C ourby, son bien de Eicon.
L ’un* et l’autre gardèrént le silence sur les hypothè
ques légales qui grevoient ces deux biens.
Ce silence est aujourd’hui un sujet de reproche de la
part du sieur J o u b ert, qui ne veut pas s’apercevoir que
s’il y eût alors un oubli plutôt qu’une faute, il y participa
en ne déclarant pas lu i- même les hypothèques légales
gue sa propre épouse avoit sur son bien de Vinzelles.
A u reste,-le sieur Joubert, qui se plaint seul de ce
silence , ne fut pas trompé par cet oubli commun; car
il sa v o it, comme nous l’avons déjà remarqué, que la dame
Courby avoit des hypothèques légales; l’acte de cession
même lui en renouveloit le souvenir, en lui indiquant
quels étoient les objets vendus.
- On doit reconnoître que le Sr. Joubert n’avoit paru à cet
dcte’ que pour prêter au Sr. Courby son cautionnement.
'Mais il ne s’y étoit décidé qu’à des conditions fort
onéreuses au sieur Liouruy.~
�(9
)
Ì
Quatre jours auparavant, et devant un notaire de
L e z o u x , il avoit exigé que son neveu lui abandonnât
cinq années du prix de la ferme du bien de B ico n ,
prix de ferme qui étoit annuellement de 6 ,z 5o fr.
L e transport énonce pour prix une somme de 27,000 f.
payée comptant.
#
*
Dans la réalité, le sieur Joubert ne paya que i 5,ooo f.
en effets de commerce (1), et souscrivit des cautionnemens
sur cinq autres effets s’élevant à 10,000 francs, à un an
d’échéance, et datés des 12 et i 5 juillet 1808. ”
L e sieur Joubert a dans la suite exigé qu’on lui fit
compte de ces effets, ainsi qu’on le remarquera bientôt.
Les spéculations du sieur Joubert sur les embarras qu’éprouvoit le sieur Courby, se remarquent encore dans une
opération peu importante, sans doute, mais très-caracté
ristique , qu’il se permit en avril 1809., .
Son neveu lui avoit souscrit, le 16 novembre 1806,
un effet de 10,000 francs, payable à la fin de mai 1810;
L e sieur Joubert fait protester cet effet faute d’accep
tation, le 10 avril 1809.
I l donne sa procuration pour poursuivre par toutes
les voies de droit ; et le n eveu , pour éviter les pour
suites, est obligé de consentir une obligation payable à
la même époque, mais augmentée d ’un supplément d’in
térêt porté par un billet particulier.
______
On l’apporte le protêt et la procuration ; ils furent
(1) Un de ces effets étoit dû par le sieur M ailli, propriétaire
à Ris. Son échéance étoit au mois de décembre suivant. Le
tieur Courby le négocia chez le sieur D u m ay, banquier.
%
27
�( 10 )
remis au sieur C o u rb y , lorsqu’il fit l’obligation qui est
elle-m ôm e rappelée dans une contre-lettre dont il va
être parlé.
.
..
,
r
Le. dernier acte sur lequel se fonde le sieur Joubert,
dans son action en stellionat, est du 9 juillet 1809.
Par cet acte, le sieur Courby vendit a.u sieur Joubert,
i ° . le corps de bien situé à Sarlièv.e , tel qu’il l’avoit
acquis du sieur D estradat, à l’exception des parties qu’il
avoit précédemment vendues au sieur Dumay.
20. D ifférens héritages provenant d’autres acquisitions
particulières, qu’il avoit réunis au bien principal.
Les récoltes pendantes et le prix de ferme de l’année
courant e , furent compris dans l’aliénation.
_ -La vente fut faite moyennant 74,074 f.; savoir, 4,074 f.
pour les récoltes et le prix de ferm e, et le surplus pour
les immeubles»
, L ’acquéreur est chargé de supporter diverses inscrip
tions conservatoires, -prises sur les biens ci-dessus vendus,
est-il d it, par les nommés Cornet d’A u z o l, le sieur de
L a ch en a l , et autres , a y a n t p o u r o b j e t l a g a r a n
tie
DES VENTES CONSENTIES PAR LE SIEÜR C O U R B Y ,
DES BIENS DE L A DAME C OGNORD, SON EPOUSE.
. On énonce aussi quelques autres-inscriptions conser
vatoires que l’acquéreur doit souffrir*
On ne dit pas d’ailleurs que le bien vendu n’étoit
grevé d’aucune autre hypothèque.
IL en existoit réellement 'd’auFrës alors. L e sieur Jou-»
bert les connut; l’état lui en fut même remis par le
sieur Courby; et le sieur Joubert eut la précaution de
les vérifier au bureau de Clermon t, ce qui étoit facile :
�on étoit sur lès l i e u x c h e z le sieur Boutai, notaire à
Clermont.
A la fin de l’acte se trouve cette clause : « Le vendeur
« ............. a hypothéqué spécialement, pour la garantie
« de la présente ven te, son bien et domaine appelé
« Bicon , situé à . , ............lequel bien est déjà grevé de
« différentes hypothèques , dont l ’acquéreur déclare
avoir connoissance. »
T e l est l’acte que l’on présente encore comme ren-*
fermant un stellionat.
- •
La vente portoit quittance, quoique-le prix: ïi’dn eût
pas été payé. L ’emploi de ce prix fut fixé le même'jour
par une contre-lettre, (i)
(1) Voici cette contre:lettre : '
Nous soussignés, Jean-Joseph Joubert , propriétaire, ha
bitant au lieu du Brasset, commune de Vinzelles, et Joseph
Courby-Cognord, propriétaire , habitant de la commune de
Clerm ont, reconnoissons que la vente consentie cejourd’h u l,
par moi Courby, à moi Joubert, devant Boutai........ notaire,
du bien de Sarliève et dépendances, moyennant la somme de
soixante-quinze mille francs, dont l’acte porte quittance, a été
faite à la charge par moi Joubert, de payer en l’acquit de moi
Courby, i°. la somme de dix mille livres, montant de cinq lettres
de change souscrites par moi Courby, au p r o f i t de:moi Joubert,
et négociées par moi C ourby, au profit de différens individus,
par l’entremise de Grangeon fils , lesdites lettres de change
échéant le i 5 juillet présentmois; a°. la somme de a^Syliv. 12 s.,
due au sieur Souanen , en vertu de jugement rendu au tribunal
de commerce de Tliiers, 1q 18 avril dernier, et tant pour prin
cipal qu’intéréts et frais ;
'
3°. La somme de 2,325 francs, montant'd’une lettre de change
�(
1 2
)
> D e la lecture de cette contre-lettre naissent plusieurs
remarques.
i° . On s’aperçoit que les hypothèques inscrites sur
le bien de Sarliève étoient certainement connues du
sieur Joubert ; car celui-ci a la précaution de stipuler
qu’il conservera les titres des créances qu’il est chargé
de 2,000 francs, due au sieur Duffour, par moi Courby, sous le
cautionnement de moi Joubert;
4 °. io ,564 francs dûs par moi Courby, à la dame Forget-Lagrave, tant pour principal qu’intéréts et frais faits jusqu’à ce
jour;
5°. La somme de 10,216 francs , due par moi Courby, au sieur
Claude A lbert, de Riom , aussi pour principal, intérêts et frais,
jusqu’à ce jour; desquelles sommes, moi Joubert, promets et
m’engage à faire tenir quitte ledit Courby, et le garantir et indem
niser de toutes demandes ;
6°. A la charge aussi par moi Joubert, de tenir quitte ledit
Courby de la somme de 10,483 francs, montant du principal
d’une obligation de 10,000 francs, reçue Etournau, notaire,
consentie à mon profit par ledit Courby, échéant au mois de
mai de l’année prochaine, et le surplus pour frais ou différentes
autres avances faites par moi audit Courby;
70. Enfin, à la charge par moi Joubert, de me départir,
comme je me départs par ces présentes, en faveur dudit Courby,
de la cession qu’il m’a consentie devant Belligant, notaire à
L ezou x, le 9 juillet 1808, de la somme de 3 i , 25o francs, à pren
dre sur le fermage du bien de Bicon; laquelle cession, au moyen
des présentes , demeurera dès ce jour comme non avenue, ainsi
que la notification d’icelle faite à ma requête, au sieur Jouandon ,
fermier, autorisant ledit Courby à percevoir le prix dudit bail
à ferme, tout ainsi et de même qu’il avisera ; à l’effet de quoi je
lui en passerai à toute réquisition, acte de département, par-
�( i3 )
de payer, jusqu’à Veritière mainlevée de toutes les insc riptions sur le bien vendu.
2°. On y voit énoncé à l’art. 6 l’obligation de io,ooo f.
qui étoit le remplacement de la lettre de change du i 5
novembre 1806, et pour laquelle on retient 10,483 f . ,
devant notaire , ou lui fournirai procuration pour la percevoir et
toucher le prix chaque année sous mon nom , si bon lui semble,
le tout à ses frais.
Les titres desquelles créances, à l’exception néanmoins de
l’obligation consentie à mon profit, et l’acte de cession du prix
de la ferme de Bicon, resteront en mes mains jusqu'à l ’entière
mainlevée de toutes les inscriptions sur le bien vendu, à la
charge de rapporter les quittances desdits créanciers, dans les
deux années à compter.de ce jour.
En outre des sommes ci-dessus déléguées audit sieur Joubert,
ou quittancées par lu i, moi Courby reconnois aussi avoir reçu
du sieur Joubert, un billet de la somme de 3 , 3oo francs, payable
dans dix-huit mois, à compter de ce jour, sans intérêts, au sieur
Duffour-Riberolle, en acquit de moi Courby, et en diminution
de la créance à lui due en vertu des titres du 22 frimaire.an 1 4 ,
inscrite au bureau de Riom, le 3o frimaire an 14; le surplus de
laquelle créance restera à la charge de moi Courby.
J’ai aussi reçu, en addition du prix principal de ladite ven te,
la somme de 1,800 francs pour épingles, dont quitte.
Les présentes faites ëntrë'no'us, par forme de règlement définitif, et sans'qu’elles puissent donner lieu à aucuns nouveaux
comptes, reprises de part ni d’autre.
Car ainsi fait double entre nous et sous nos signatures, le g
juillet 180g.
Bon pour ce que dessus. Signé Joubert-Darrot.
Bon pour ce. que dessus. Signé Courby-Cognord.
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é n 'y comprenant "de prétendus frais "ou avances; les
483 francs se composent des .frais du notaire* e t 'd ’un
supplément d’intérêt.
3°. On y retrouve à l’art. I er. les 10,000 francs de
lettres de change cautionnées par le sieur Joubert en
juillet 1808, payables en juillet 1809, et dont le cau
tionnement avoit été en partie le prix du transport des
termes à écheoir de la ferme de Bicon.
4°. Il y est parlé à l’art. 9 de ce transport ; ie siéur
Joubert s’en départ.
L e sieur Courby doit à la vérité de déclarer que le
sieur Joubert réduisit pour cet objet sa créance appa
rente à la somme de 2.5, 5oo francs ou environ.
Il lui restoit encore un bénéfice énorme.
Cette vente du bien de S arliève, et l’emploi du prix
indiqué dans la contre-lettre, payoit tout ce qui étoit
clû au sieur Joubert, et délivroit lè sieur Courby du
plus dangereux de ses créanciers.
Les autres créances inscrites sur le bien Sarliève, ou
étaient déjà acquittées, ou étoient sur le^point de l’être.
Aujourd’liüi les dettes personnelles au sieur Courby
fils , et pour lesquelles des inscriptions avoient été prises
sur ses difï’érens biens, sont pour la plupart acquittées;
il a en son pouvoir les titres des créanciers.
* A insi , au mois de-juillet 1809,
au moyen de la
cession qu’il avoit faite en 1808 au sieur Dumay-j -sur
les acquéreurs des biens de son épouse, le sieur Courby
dcvoit se croire sur le point d’être libéré de la plus
grande partie de ses dettes hypothécaires. Il d e v o it, il
�( i 5 )
est v r a i, des sommes considérables à la dame Cognord ,
son épouse; mais il lui restoit pour le payement de
celle-ci le bien de Bicon.
L e sieur Joubert n’ignoroit pas la situation des af
faires du sieur C ourby; il connoissoit toute l’étendue
des créances de l’épouse ; aussi, à l’instant môme où il
acquéroit le bien de Sarliève, il demanda et il fut con*
venu devant le sieur Boutai, notaire, et devant M e. Si«monnet et M e. Bayle, avoués des parties, que le sieur
Courby céderoit à son épouse le bien de Bicon , pour
s’acquitter de tout ce qu’il lui devoit, et pour faire par
là disparoître les hypothèques légales.
Cette convention arrêtée ne put cependant pas rece
voir son exécution sur-le-cham p, parce que le sieur
Courby n’avoit pas les fonds nécessaires à l’enregistrement
d’un acte très-coûteux» :
, ,
, Pour se les procurer, il prit bientôt après, avec le
sieur Joubert, des arrangemens au moyen desquels Fa?
voué qu’avoit à Riom le sieur Jou bert, souscrivit pour
celu i-ci, le 5 novembre 1809, un bon de 2,720 francs,
à valoir, est-il dit, sur le montant de Tenregistrement
de la vente de B ic o n , à consentir par le sieur Courby,
à la dame Cognord, son épouse.
L e sieur C ou rb y, à qui le mandat fut remis, le porta
au sieur Boutai, notaire, qui fît l’acte de vente ou d’é
change, le 8 novem bre, qui le soumit à l’enregisfrement
le 18 , et qui reçut le 23 novembre 2 5 i 6 iivres 13 sous
à compte.
. . . .
L ’avoué, signataire du mandat, refusa-de .payer le sur
p lu s, comme étant un objet d’erreur entra le sieur
,
�J o u b e r t, pour lequel il Vavait f a i t , et le sieur Courby.
On rapporte le m andat, et la quittance à compte et
m o tivée, signée B outai, et écrite derrière le billet (i).
- Gomment, d’après un pareil acte de vente, auquel le
sieur Joubert a si évidemment participé, et qu’il a même
e x ig é , concevoir qu’il ait pu faire plaider , quelques
années après , qu’on lui avoit caché les hypothèques
légales de la dame Courby ?
Mais cet acte avoit besoin de l’homologation de la jus
tice; il n’a été homologué que le 22 mai 1812; e t, avant
ce jo u r, de nouveaux malheurs sont venus frapper le
sieur Courby.
(1) Ce mandat esc écrit de la main de Me. Simonnet. La
quittance, et l’observation qui la su it, sont écrites de la main
de Me. Boutai.
V oici la copie de l’un et l’autre : •
•
«
cc
«
«
te
«
te
cc
« Bon pour la somme de deux mille x vingt livres que je
payerai en l’étude et à Me. Boutai, notaire à Glermont, à
sa réquisition, et à valoir sur le montant de l’enregistrement
de la vente de Bicon, à consentir par M. Courby à la dame
Cognord , son épouse.
« Riom , le cinq novembre mil huit cent neuf, x sept cent.
« J’ai dit deux mille sept cent vingt liv. Signé Simonnet. »
I
cc Reçu de M. Simonnet deux mille cinq cent seize livres
treize sous, à compte du billet d’autre part.
« Ce 23 novembre 1809. Signé Boutai.
cc M. Simonnet n’ayant pas voulu acquitter le surplus du
mandat, comme étant un objet d’erreur entre le sieur Joubert
pour lequel il l’avoit fa it, et le sieur Courby qui m’a remis
ce mandat pour l’enregistrement de sa vente.
* te Cette erjreur provient d’une négociation d’effet. »
D ’un
�( 17 )
D ’un côté, les Acquéreurs des biens de la dame Courby
résistèreut au commandement de payer que leur fit faire
le sieur D um ay, cédataire du p rix; ils formèrent opposition à. ce commandement, sur le motif qu’ils étoient
en danger d’éviction, parce que les biens vendus étoient
dotaux; et ils furent autorisés, par un jugement, à sus
pendre leurs payemens.
Leur opposition avoit été dénoncée au sieur Joubert,
le i i août 1808 ; le jugement'lui fut notifié à la requête
du sieur D u m ay, le 11 juin 1809, avant même qu’il
achetât le bien de Sarliève.
D epuis, le sieur Dumay l’a poursuivi, comme cau
tion solidaire, en restitution du prix de la cession du
18 juillet 1808, et il l’a fait exproprier de ce même bien
de Sarliève, q u i, par adjudication définitive, du 13 dé
cembre 1 8 1 1 , a été vendu 56 ,100 francs.
11 est bon de remarquer que dans les immeubles saisis
et vendus, ne sont compris que ceux qui provenoient
du sieur Destradat, et non ceux que le sieur C ou rbyy
par des acquisitions particulières, avoit réunis au bien
de Sarliève.
L e sieur Joubert est encore en possession de ces héritages particuliers.
D ’un autre côté , les affaires du sieur Courby père
avoient em piré; son épouse fit jDrononcer la séparation
de biens; elle évinça des acquéreurs de ses biens dotaux
vendus par le m ari, et ceux-ci exercèrent leur recours
sur le prix du jardin et du pré que le sieur Courby fils
avoit acquis de‘ s o h 'p è fe , qu’il avoit vèndü luir-mêifTe
au sieur Jo u b ert, et que celui-ci avoit .revendu, le 4
"3
�c
1 8
\
octobre 1811 , au nommé Eloi G audicier, moyennant
'la somme de 6,913 francs 60 centimes.
Un ordre s’ouvrit pour la distribution du prix de
cette dernière vente; des créanciers du père seuls y pro
duisirent leurs titres, et y furent colloqués : c’étoient des
acquéreurs des biens de la mère.
Enfin, dans le même tem ps,la dame Courby-Cognord
fut elle-même troublée dans la propriété de Bicon, par
des créanciers du père; c’est-à-dire, par des acquéreurs
des biens d’une dame R ollat, épouse du sieur Courby
jeune ; acquéreurs qui avoient acheté sous la garantie
solidaire du sieur Courby père , et qui étoient aussi
menacés d’éviction.
1 La dam e Courby-Cognord dénonça au sieur Joubert,
comme possesseur alors de Sarlièvc, les poursuites di
rigées contr’elle.
’
Cette dénonciation n’a cependant pas eu de suites ,
les tiers acquéreurs s’étant désistés de leur action contre
_ la dame Courby.___
■
Telles furent Jes funestes circonstances qui vinrent
tout à coup accabler le sieur C ourby, et q u i, en excitant
dans le sieur Joubert une colère aveugle (1) contre son
n eveu , ont préparé l’action iujurieuse qui est soumise
à la Cour.
, .
'
~~
T
(1) On jugera de la haine du sieur Joubert, par un procédé
assez étrange. Afin de pouvoir contraindre son neveu par corps,
il avoit acheté contre lui une lettre de change du sieur Dumay ,
‘ et poursuivoit sous le nom de celui-ci. L e; sieur Courby alla
; payer le sieur D u m ay, et découvrit alors ces manœuvres.^
�( 19 )
.
^
L e 30 août 1 8 1 1 , le sieur Joubert cite le sieur
Courby en conciliation, et fait les réclamations les plus
exagérées.
Il dem ande,
i°. A raison de la vente du bien de Sarliève , pour prix
principal, frais ou dommages et intérêts. 97,680 fr.
20. A raison de la vente du jardin et
7,070
du pré.....................................
1
.
/>?/ fr. /s 10,970
l Jour dommages-intérêts. 3,000
j
3°. A raison de la cession de 18 0 8 ,
p o u r p rix p r in c ip a l............ 2 5,675 fr.
7
. . .
Pour dommages-intérêts. 10,000
}
- r
'
Il conclut à ce que le sieur Courby soit déclaré stellionataire, et condamné par corps au payement de toutes
ces sommes.
La conciliation n’a pas lieu.
L ’affaire est portée devant le tribunal civil de R io m ,
par exploit du 20 décembre 1811.
L e sieur Joubert, im patient,'ne veut pas attendre le
tour du rôle; il demande que la cause soit jugée comme
.cause urgente. Il obtient cet avantage, sur le motif que
la contestation présentoit ¿1 décider une question de
contrainte par corps, qui exige la plus grande célérité.
Bientôt ses autres vœux sont remplis; et un jugement
du 20 mai 1812 , en décidant qu’il y a stellionat, con
damne par corps le sieur Courby h payer des sommes
beaucoup plus considérables que les avances légitimes
du sieur Joubert.
.
La longueur des motifs de cette décision ne permet
3*
�pas de les transcrire. On les rappellera sommairement
dans la discussion, pour les réfuter.
Ils sont, au reste, indiqués par le dispositif, ainsi
conçu :
■ « L e tribunal, par jugement en premier ressort, fai« sant droit sur tous les objets de la contestation, et
« ayant égard à ce qui résulte des trois actes des 11 avril
a 1807, 9 juillet 1809, et 8 juillet 1808, déclare le
« sieur Coui-by stellionataire, comme ayant, dans lesdits
« trois actes, contracté envers le sieur Joubcrt des en« gageinens qu’il sa voit ne pouvoir pas rem plir, ne
« pouvant se dissimuler à lui-m êm e son insolvabilité,
« soit pour avoir caché à dessein les hypothèques dont
.« étoient grevés plusieurs des immeubles donnés en hya pothèque spéciale, soit principalement pour avoir dis—
« sim ulé, dans lesdits trois actes, l’hypothèque légale
« de sa fem m e, et avoir manqué d’en faire la décla« ration expresse; en conséquence, le condamne par
« corps et prise de sa personne, en vertu des art. z o 5g ,
« 2136 et 2Ï94 du Code Napoléon , h payer au sieur
« Joubert, dans la quinzaine de la signification du p ré -'
« sent jugement à personne ou à dom icile, la somme
« de 51,649 francs ( i ) , pour les créances liquides dues
« à ce dernier, ensemble les intérêts et frais tels que de
« droit ; à payer pareillement dans le même délai ,
« et aussi par corps, en exécution de l’article 126 du
« Code de procédure civile, la somme de 8,000 francs,
(1) Les 5 i , 64<^rancs qu’adjuge le dispositif du jugem ent,
comme créances liquides, se composent, d’après les moti/s ,
�'
t 21 )
à laquelle somme le tribunal évalue d’office les domr
mages-intérêts revenant audit sieur Joubert, ensemble
les intérêts depuis la demande, si mieux n’aiment les
parties faire estimer lesdits dommages-intérêts par. les
«
«
«
«
« sieurs Creuzet, Tantillon et Croisier, experts, habitant
« à R io m , lesquels resteront, aux termes de l’art. 305
« du Code de procédure civile, définitivement nommés,
« faute par les parties, dans les trois jours de la signir
« fication du présent jugement ù personne ou à dotni•« cile, de s’accorder sur le choix d’un seuliQU de tvois
« experts, e t, conformément à. l’article 305 du même
« Code, d’en passer leur déclaration au greffe dans le
« même délai de trois jours , laquelle option lesdites
« parties seront tenues de faire, aussi dan^ la quipzaine
« de la signification du présent jugement h personr^e oji
« à domicile , sinon et faute de ce faire par l’une ou par
« l’autre des parties, ladite fixation de donimages-inté« rêts à la somme de 8,000 francs, restera définitive ; et
« en cas d’option pour l’estimation par experts, le tri« bunal commçt M . le président pour veccyo.ir le serment
« desdits sieurs experts; et avant faire droit $uv le surplus
« des sommes qui pourront revenir au sieur Joubert.,
i°. D u prix de la vente du 11 avril 1807 . . . 7*900 fr.
20. Du prix de la cession du 8 juillet. 1808 . . . . 35, 675
û°. de la différence entre le prix de la. vente du
9 juillet 1809, et celui qu’a produit l’adjudication
du i 3 décembre 1 8 x 1 ................................., ? . * • '
*8.074
m T o t a l ................................................. ."v . . .
On démontrera l’erreur de cette liquidation.
51,649 fr.
�1«
«
«
«
«
«
«
«
«
'«
«
«
pour raison de la vente du domaine de Sarliève, sursoit
jusqu’après la confection de l’ordre qui se poursuit au
tribunal de Clerm ont, pour la distribution du prix de
ce domaine, pour, ledit ordre achevé, les parties venir
entr’elles à com pte, relativement aux sommes que le
sieur Joubert pourra reprendre, comme représentant
ceux des créanciers utilement em ployés, et qu’il a
payés ;
« Sur le surplus des demandes, fins et conclusions ,
met les parties hors de procès ; condamne le sieur
Courby aux dépens et coût du présent jugement, et
ordonne, attendu ce dont il s’agit , q u 'il sera exéculé nonobstant appel , et sans donner caution. »
A in si, ce jugement autorise à priver provisoirement
un citoyen de sa liberté, et à ne lui laisser qu’au fond,
'des prisons la faculté de faire entendre ses plaintes à la
Cour suprême.
L e sieur J o u b ert, prévenu qu’on étoit sur le point
*de demander des défenses contre une disposition qui
n’étoit fondée sur aucune lo i, a eu la prudence de ne
*pas en user.
„
<
■
. T e l est le jugement contre lequel s’est pourvu le sieur
Coui'by.
zi XI se propose d’examiner d’abord s’il y a stellionat ;
Ensuite- quelles sommes sont dues au sieur Joubert,
�c 23 )
<
:
P
.
rem ière
question
M s
.
Y a-t-il stellionat?
Cette question se subdivise.
: II y a stellionat, ont dit les premiers juges, parce
qu’on n’a pas déclaré les hypothèques inscrites.
Il y a stellionat, parce qu’on n’a pas déclaré les hy
pothèques légales et non inscrites.
Examinons la question sous ses .deux i-apports.
§ . I e1'.
Y a-t-il stellionat y à défaut de déclaration des créances
r
,
inscrites ?
La décision rendue sous le premier rapport doit éton
ner; elle nous prouve que l’érudition n’est pas toujours
une garantie sûre contre l’erreur.
Pour démontrer qu’il y àvoit stellionat, les premiers
juges se sont égarés dans des dissertations qui leur ont
fait oublier et les termes et l’esprit de la loi.
L ’article 2o 5g du Code a défini le stellionat ; ët cette
définition est tellement claire, qu’il est difficile de con
cevoir comment le sens a pu en être méconnu.
V o ic i de quelle manière elle est conçue :
« Il y a slellionat, lorsqu’on vend ou qu’on hypo
t h è q u e un immeuble dont on sait n’être, pas pro*« priélaire;
,
�(
( 44)
« Lorsqu’on présente comme libres des biens hypo« théqués, ou*qüè l’on déclare des hypothèques moindres
« que celles dont ces biens sont chargés.
L e premier cas est étranger à la cause; les deux
autres pourroient-ils s’appliquer au sieur C ourby?
Peut-on dire qu’il ait -présenté ses biens comme libres?
Peut-on prétendre qu’il ait déclaré que ses biens
étoient -seulement grevés d’hypothèques moindres que
les hypotlièques réelles ?
Peut-on soutenir, en un m ot, qu’il ait fait une décla
ration ‘mensongère ?
Car c’est dans le mensonge qu’est le délit.
O r , le silence ne constitue pas le mensonge.
Il faut une déclaration expresse, une déclaration con
traire à la vérité,»une déclaration q u i, trompant celui
avec qui l’on contracte , l’em pêche, par la confiance
qu’il accorde à l’assertion , de recourir aux registres
publics pour vérifier le fait.
C ’est cette fausse déclaration qui produit le stellionat.
Les termes de l ’article ie prouvent suffisamment.
La discufcsiôn qui eut lieu au Conseil d’état le démontreroit en core, s’il étoit nécessaire.
Plusieurs des conseillers d’état trouvoient même qu’il
'étoit inutile d'attacher une peine aussi sévère que la
contrainte par corp s , a l a f a u s s e d é c l a r a t i o n du
vendeur .
Mais on répondoit qu’à raison des inscriptions qui
-pouvoient survenir entre la vente et la transcription,
-et qui seroient quelquefois j frauduleusement ménagées
par le vendeur m êm e, on avoit intérêt d’exiger de lui
UNE
�C *5 )
UNE D ÉC L A R A T I O N q u i , le soumettant à la contrainte,
jp ar corp s, l'obligeât iVétre vrai.
On observoit que quoique dans le nouveau système
hypothécaire l’acheteur puisse vérifier les incriptions,
cette circonstance ne rédime point le vendeur de Vobli
gation de fa ire une DÉC LA RAT IO N EXACTE , n ii de la
peine attachée A LA FAUSSE DÉCLARATION.
On ajoutoit que quand le vendeur a des ‘ doutes, il
peut refuser la DÉC LA RAT IO N que Tacquéreur exige
pour payer.
r •;
r
- Mais que si on lui accorde un à-com pte, sur la DÉ
C L AR AT IO N qu’ il f a i t que son bien n’est engagé que
pour une certaine somme , . . . . . et que Vimmeuble sc
„trouve chargé d’une hypothèque beaucoup p lusforte, . . . .
il y a , de la part du vendeur, dol et escroquerie ; et
alors il est juste qu’il devieTine sujet à la contrainte
par corps.
A in s i, il a été reconnu au Conseil d’état que c’étoit
la fausse déclaration seule qui renfermoit le d o l, et
qui rendoit applicable la peine attachée à ce genre de
dol ou au stellionat.
Ne doit-on pas être surpris, d’après cela, de.ee qu’on
ait invoqué dans les motifs du jugement quelques ex
pressions de M . le conseiller d’état R é a l, pour en con
clure que les termes de l’article zo 5g du Code Napo
léon sont seulement indicatifs et non limitatifs des cas
du stellionat.
M . Réal d it, il est v r a i, que: « l’article ne prévoit pas
« tous les cas du stellionat ; qu ’il ne. parle pas de celui
* ou le vendeur? par une obÜgqtioa nouvelle, créeront
4
�(z6 )
«• üne hypothèque dans l’intervalle de la signature de
« l’acte de vente à la transcription. »
L e cas prévu par M. R é a l, pouvoit être dangereux
sous l’empire'de- la loi du n brumaire an 7 , d’aprèS
laquelle la transcription seule transféroit la propriété.
Il ne peut pas avoir lieu sous le Gode, la pïppriété étant
transmise, même à l’égard des tiers, dès l’instant où la
vente est signée.
A u reste, que répond-on à M . Real ? « M. Tronchet
« répond que l’article a été rédigé d’une manière gé-« n érale, afin de ne rien préjuger sur le régime hypok thécaire qui n’est pas encore fixé ; mais comme dans
« tous les systèmes il y aura toujours un intervalle où.
«c.il Sera possible au vendeur d’engager frauduleusement
«. la chose vendue, on a pensé que le remède contre
■
k ces fra u d es , seroit d’autoriser ï acquéreur à e x i g e r
« du vendeur UNE DÉC LARA TI ON qu i soumette celui-ci
* â '¡a wontrdinté par corps. »
: > Ainsi y c’èst toujours d’après la déclaration seule du
vendeur que doit se juger la fraude.
C’est i\ cette déclaration que sont réduits tous les cas
possibles du stellionat.
S’il déclare que son bibn eâtjfranc et q u itte, et qu’il
en impose, il est stellionatairc.
- S’il déclare que son bien n’est engagé que pour une
certaine som m e, et qu’il se trouve chargé iVune hy
pothèque beaucoup plus fo r te yil est encore stellionataire.
Mais s’il ne déclare rien, il n’est pas coupable,
La loi avertit l’acqüércur j elle l’autorise à exiger que
le vendeur s’explique.
• •
�C
î
S i l ’ocquéreur n?useopas de son droit’,; i l ia’h* pas 3îf sb
plaindre,; ,il n’est pas présumé avoir été trompé ; .iljest
présumé, au contraire, avoir vériiiéiles inscriptions exis
tantes, et n^avoir pas eu_besoin ^ d e m a n d e r au Ven
deur une déclaration.
»
!'i '
.-l vEn un ‘m ot, la loi est écrite, et cette loi est pénale.
Ses termes sont clairs, et n’attachent la pëitae qü’frune
fausse déclaration.
• i! ~
< -Les lois pénales ne s’étendent pas ; au contraire, odia,
r e s t r i n g e n d a i
i •.
On ne doit donc pas puiiirjle silence, qtièiüd la loi né
prononce de peine quë'contre le langage et lb mensonge;
Seroit-il nécessaire, d’après ces principes, de suivre
les premiers juges dans leurs dissertation^*, de .répondre
à l’argument qu’ils tirént de la prélènduè insolvabilité
du sieur Courbÿj, à Pépotjue des divers actes qu’il a
passés avec le sieur Joübërt; de réfuter l’application
de quelques anciens arrêts, qui avoient considéré comme
Btellionataires, des débiteurs ou dés'vendeurs qui n’avoient pas fait des déclarations de franc et qliitte? 1
-, Ces vains raisonnemens viennent tous se briser con tre
les termes de la loi.
*■
••
• Jr'îT •*!.
La loi ne punit pas de la contrainte par* corps l’in
solvabilité du débiteur.
C’est une faute, sans dotite, que de contracter quoique
insolvable;
•->
Mais ce n’est point un sfelliôhaf.
'
A u reste, le motif est même utië ‘èrreur d'e fait.
L e sieur Courby n’étoit pas insolvablb à l’époque des
divers actes; et ce qui le prouve ? c’est qit^il àlpnÿé, soit
4 *
�C 28 )
alors, soit".depuis', la plus grande partie de ce quMl'devoit| ¡personnellement à ses créanciers hypothécaires et
inscrits, et il a retiré les. titres de créance.
_ Aussi, aucun de ses créanciers personnels n’a produit
à l’ordre de la distribution du prix du pré et du jardin
venç^u au sieur Joubert, et revendu par celui-ci.
Ce sont les créanciers du père seuls qui ont réclamé
ce prix.
Aujourd’hui m em e^ il restera au sieur Joubert des
moyens d’être payé, soit à l’aide des 26,000 francs qui
sont encore dûs par les acquéreurs des biens de 'la dâme
Courby, soit sur la portion héréditaire du sieur Courby
dans la succession de sa mère. Ce dernier objet a même
été saisi par le sieur Joubert. .
Quant aux anciens arr.êts ,que l’on invoque, ces arrêts
se réduisent, à ce qu’il paraît,:à un seul,' du i^r. février
i 556 , rapporté, par- Louet sur Brodeaii, sommaire 18 ,
Ji.°. 8..
...
' , ¡îî
‘ 1•
• »
, Majs ,cet arrêt isolé,, et rendu sans doute dans de9
cii’constances particulières ,<.ne fa(isoit pas jui'isprudence.
( V oyçz ,ce, que dit A 11roux sur l’article 81 de la cou
tume du Bourbonnais, n°. 5. )
.
,|
D ’a ille u rs, ce n’est pas d ’après les anciens p rin cip e s,
mais d ’après la législation n o u v e lle , qu ’ on doit ju ger une
cause née sous l ’e m p ir e ,de cette législation.
Les lois romaines étoient fort vagues sur le stellionat.
Elles appeloient ainsi toute espèce 'de dol qui n’avoit
pas reçu d’elles un nom particulier; elles s’appliquoient
î\ upe foulejc^e cas.
[ it
. La jijrisprudpnce française a voit; restreint celte appli-
�■C
29
)
cation, et ne considéroit en général comme stellionataire que celui q u i, en obligeant son bien , le déclaroit
franc et quitte.
Mais comme aucune loi précise ne définissoit en France
le stellionnat, il ne seroit pas étonnant que quelques
arrêts, en l’absence de principes positifs, eus'sent varié
sur le sens attaché à ce mot.
Aujourd’h u i, une définition exacte ne permet plus
de variations.
Ces observations, nous les puisons dans les discours
même des orateurs qui ont préparé la loi.
. M . Bigot-Préameneu, dans l’exposé des motifs, après
avoir remarqué que jusqu’à présent aucune règlejixe
n'a voit été à cet égard établie , ajoute :
1
... « La contrainte par corps étant considérée comme une
« sorte de peine, il étoit nécessaire d e spécifier Ja faute
« qui la faisoit encourii’. L e stellionat a été réduit au
« cas qui avoit été le plus généralement reconnu comme
« distinguant ce genre de fraude. »
Il rapporte ensuite les termes de la loi;
M . Gax’xù, tribun, s’exprime ainsi : i'
t..
« Comme il s’agit ici d’une sorte de d élit, et d’une
« voie de.rigueur établie pour la plus grande sûreté du
« créancier, on ne peut qu’applaudir à l’idée qu’ont eue
« les auteurs du projet, de définir lé stellionat ; et là
« définition qu’ils en donnent résout tous les doutes
« et j i x e toutes les idées. »
Comment donc concevoir qu’on puisse négliger cette
définition, pour se jeter dans le vague et dans l’arbi-
�C< 30 }J
traire, que les législateurs ont voulu tprécisdment'faire
disparoître ?
•
' .
Remarquons, au reste, que le silence du débiteur ou
du vendeur n’est pas dangereux aujourd’h u i, -comme il
l ’étoit autrefois.
Autrefois, il étoit impossible aux tiers de connoîtreles hypothèques dont étoient grevés les biens de ceux
avec qui ils conlractoient ; en sorte que .s’ils oublioient
d’exiger une déclaration de franc et quitte, ils pouvoient
être facilement trompés par un débiteur insolvable.
A ujourd’h u i, grâce à la publicité des hypothèques,
introduite par le nouveau système, chacun peut-conn oitre,, en consultant les registres, la situation de celui
avec qui il veut contracter; et rarement on néglige cette
précaution, lorsque l’objet que l’on se propose est im
portant.
Cette considération puissante seroit >uni m otif suffisant
de la limitation apportée par la loi aux cas du stellionat.
E nfin, la loi est telle; il faut la respecter; et ce seroit la blesser., ce seroit vouloir être plus sage qu’elle^
m êm e, ce seroit ‘se montrer plus rigou reu x, que de
l’étendre à des cas qu’elle n’a pas prévus.
L a question de ste llio n a t, sous son p rem ier r a p p o r t ,
se réd u it donc à exam in er si , dans les trois actes qu e
l ’on oppose au sieur C ou rby, il y a eu de sa part une
jfausse déclaration.
Cet examen ne sauroit être long.
Dans les deux prem iers, celui du n avril 1807, et
eèlui du 8 juillet 1808, il y a" silence absolu sur les hy-
�-
,
( âI )
pothèques ; ainsi, point de prétexte pour dire qu’il y
a eu fausse déclaration.
Dans le troisièm e, du 9 juillet 1809, les premiers
juges ont cru trouver une déclaration implicite defr a n c
et quitte.
D éclaration implicite : que veut-on dire par là ? L e mot im plicite, signifie par induction.
*
O r , un délit tel que le stellionat ne se présume pas';
il faut qu’il soit évident. La l o i , pour le reconnoître,
ne se borne pas à des inductions ; elle veut une décla
ration formelle.
1
Mais quelle est la déclaration que présente l’acte du
9 juillet 1809?
E lle est relative à l’objet vendu.
'
L e sieur Courby charge l’acquéreur de supporter
quelques inscriptions conservatoires seulement, et qu’il
indique.
C ’est, d it-on , comme s’il lui avoit dit expressément
qu’il n’y avoit aucune autre inscription sur le bien vendu;
et, à l’appui de cette assertion, on cite la m axim e, qu i
dicit de u n o , 7iegat de altero.
Quel raisonnement!
L e sieur ‘Courby parle , cela est v r k i, de quelques
inscriptions conservatoires, dans l’acte de vente du' bieà
de" Sarliève.
Mais s’ il en p a rle, ce n'est pas pour dire que toutes
les inscriptions se réduisent à celles-là;
C ’est pour dire seulement que l’acquéreur ne pourra
pas en demander la radiation, et qu’il sèra tenu de les
supporter.
�( 32 )
En sorte q u e , relativement à toutes celles pour les
quelles l’obligation de les supporter n’est pas imposée,
l ’acquéreur a eu le droit d’exiger la radiation, et d’agir
à cet effet contre le vendeur ; et c’est en ce sens que
seroit vraie la maxime, qui dicit de uno, negat de altero.
Mais soutenir que parce qu’on a parlé au vendeur
de certaines inscriptions, pour un cas particulier, on a
entendu lui faire une déclaration implicite de fr a n c et
qiiitte pour toutes les autres inscriptions, en v é rité ,
c’est déceler son embarras dans la recherche des moyens;
c’est laisser apercevoir le peu de justesse de l’opinioa
que l’on défend.
A u x'este, ce foible argument est encore détruit par
la contre-lettre, où l’on vo it, i°. qu’il est parlé de plu
sieurs créances exigibles et inscrites, du payement des
quelles le sieur Joubert est chargé ; 2°. que le sieur
Joubert se réserve le droit de retenir les titres des
créances même qu’il payera , ju sq u ’il Ventière main
levée de toutes les inscriptions sur le bien vendu.
L e sieur Joubert connut donc toutes ces inscriptions.
Il les connut d’autant plus facilem ent, que l’acte se
passoit à Glermont m êm e, siège du bureau des hypo
thèques pour le bien vendu: l’état lui en fut remis, et
il les vérifia au bureau avant que l’acte de vente fût passé.
Ainsi disparoît le premier moyen adopté par le tri
bunal dont est appel.
Point de déclaration de franc et quitte, dé la part du
sieur Courby.
Point de déclaration que les hypothèques fussent
Vioipdres qu’elles ne l’étoient réellement.
Sous
�( 33 )
Sous; ce premier rapport ,, il n’a donc: pas .commis, d«
stellionat.
§? I I ,
Yt a -t-il stellionatfa u te de déclarattpn-,de$ hypothèques
légales 2
O n invoque les termes de l’article 2136, d.unCodp^
Napoléon.
Les termes de ce t article paroissent rigoureux.
Transcrivons-^les ; nous examinerons .ensuite quelle,en,,
doit êtreil’application.
A rt. 2136. « Sont toutefois,les, maris et les tuteurs.,
«.tenus de rendre publiques les,hypothèques dont.leura
« biens sont grevés, etjjà^cet effet,;do. requérir eux« mêmes, sans aucun d élai, inscription, aux bureaux à
«.ce établis, sur les immeubles à eux, appar.tenaqti,, et
« sur ceux qui pourront leur appartenir par. la suite*,
« Les maris et les.tuteurs q u i, ayant manqué, de, re«• quérir et de faire faire les inscriptions;oi;données pasi
« le présent article ,,auroient consenti ouilaissé prendre^
« des privilèges ou>des hypothèques sur leurs immeubles,
«r sans-déclarer expressément que lesditsimmeubles étoient
« aiFectés>à l’hypothèquer légale des femmes, et» des mi
te neurs, seront réputés- stellionataires:,.eb.cpn}me tels.
« contraignables par, corps. »
A in s i, à s’en tenir minutieusement h l’expression lit
térale de l’article, tous les maris, tous les tuteurs, qui
ne feroient pas une déclaration.eiigressp; des. hypqtUèquçs
légales, seroient stellionataires.
5
�.C 34 ^
Aucune considération, aucun m o tif, ne pourraient
les garantir de cette tache flétrissante.
•
^
Que de stellionataires en France ! que d’honnêtes gens'
confondus dans les prisons avec de vils criminels!
C a r, si l’on consulte les actes nombreux faits depuis
l’émission du Code, par les maris, par les tuteurs de tous
les rangs, de toutes les fortunes, à peine én rencontrerat-on quelques-uns où soit contenue cette déclaration ex
presse que paroît exiger la loi.
Tous -ces-maris, tous ces tuteurs, seront-ils également
réputés stellionataires? l’erreur sera-t-elle assimilée à la
mauvaise fo i? le silence qui n’a pas trompé sera-t-il puni
comme la fraude qui a nui ?
Non sans doute; on ne peut supposer dans le légis
lateur une injustice aussi choquante.
Si la lo i, dans sa lettre, présente une généralité qui ’
révolte, cherchons dans son esprit la restriction que
l’équité réclame.
’
Appliquons à cette loi ces principes immuables que
les lois romaines nous ont transmis, et que nous enseigne '
leur illustre interprète, le savant Dom at . 1
« Lorsqu’il arrive, dit ce grand jurisconsulte (i), que le
« sens d’une lo i, tout évident qu’il paroît dans les termes,
« conduirait à de fausses conséquences et à des décisions
« qui seraient injustes, si elle étoit indistinctement ap
te pliquée à tout ce qui semble compris dans l’expression»
« Car alors l’évidence de l’injustice qui suivrait de ce sens
(1) Lois civiles, livre préliminaire, titre i er. , section a , au
préambule»,
�k apparent, oblige à découvrir, par une espèce d’inter« prétation, non ce que dit la loi, mais ce qu'elle veut;
« et à juger par son intention quelle est l’étendue et
« quelles sont les bornes que doit avoir son sens. »
. C ’est surtout dans l’interprétation des lois pénales qu’on
doit appliquer cette sage règle.
~
Cherchons donc ce que veut l’article 2136 du Codé*
Napoléon, pour éviter Y injustice évidente qui résulteroit
du sens apparent.
Nos idées seront bientôt fixées, si nous considérons
l ’exposé des motifs de la loi sur le stellionat, et la dis
cussion que cette loi et l’article 2136 firent naître au
Conseil d’état.
« E11 matières civiles, la règle générale interdit la
« contrainte par corps ( Exposé des motifs. ). »
Cette règle si importante dans l’ordre de la soctfcté-jne doit recevoir d’exception que contre les débiteurs q u i,
par leur im m oralité, par leurs j fraudes, se sont rendus
indignes de toute protection.
Mais la fraude ne peut exister sans le concours de
deux circonstances.
Il faut, i° . qu’il y ait eu intention de trom per;
20. Que cette intention ait été rem plie, c'est-à-dire,
qu’on ait trompé réellement.
Il faut qu’il y ait eu intention de tromper.
Car c’est l’intention qui caractérise le d élit, qui eu
détermine la moralité ; c’est la mauvaise intention, le
inalurn consilium qui rend coupable : sans l’intention
frauduleuse, il ne sauroit y avoir de fraude, ni par con
séquent de stellionat.
#
�* ' « 'Lé^stellionat, dit M .'Portalis ( i ) , suppose toujours
« de la fraude ; ainsi tquand'il n’y a qu’erreur et bonne
« f o i ,’ il n’y a pas rde âtèllionat. »
Dans la cause, on ne pourrait reprocher au sieur Courby
q ue'd e l’erreur; sa ‘ bonne1foi d?ailleürs est'évidente.
^7 § i , dans les actes qu’il a passés'avec le sieur Joubert,
il n’a'pas déclaré expressément les'hypothèques légales,
ce " fut par oubli plutôt* que'parH'raude ; ce fut parce
qu’aucuns notaires n’avoient l’usage d’insérer> dans leurs
actes 'de pareilles'^déclarations ; ce fut par une erreur
commune, et que partageable sieur Joubert lui-m êm e,
ainsi que'nous l’avons déjà remarqué.
L e sieur Courby fut d’ailleurs de bonne fo i, et ce
qui1le p ro u ve, c’est que¿;*lors de ces divers* actes , il ne
toucha aucune somme.
Dans l’acte d u '8 juillet- 1808,1’le prix^de la cession
qü’il faisoit fut payé 'en entier là^M.^Destradat.
Dané l’acte du 9 juillet* 1809, les 70,ooosfrancs, prix
de la vente, furent laissés en totalité au -sieur Joubertr
‘qui fut chargé °de p ayer des créanciers qui n’étoient
pas présens.
Si le si eut Courby eût été de ^mauvaise f o i, ‘n’eût-il
pas exigé au moins une partie de ces sommes considé
rables? eût-il consenti à vendre au sieur Joübert« une
propriété d’une graride valeur, sans rien recevoir, et
précisément pour commettre:un stellionat, et pour s’ex
poser aux dangers‘et à la honte que traîne à sa1 suite
u n pareil délit ?
(i)Proc. verb. du Conseil d’état, séance du 16 frimairaan 12.
�C 37 )
Toutési les .circonstances yjtoutes le%présomptipns mo
rales se réunissent donc pour-démontrer qu’il n’y u eu
qu'erreur et bonne f o i , , e t;par conséquent, qu’il u’y a
'■pas'-de'Stelliouat.
, ■■ .
Mais quelle qu’eût été m ê m e .l’iq.tention, du sieur
-G ou rb y, il faudroit, pour queJe-sieur Jouberfe fût fondé
.♦à -se plaindre ^ qu’il^eût : été réellement trom pé, .parole
-silence du.sieur Gourby;sur.lesaliypothèques^légples.'
■
„Q u’on- parcoure ,,ien jçffet }es>d'iççuçsioiîs rqu^putt,pré
paré au Conseil d’état l’adoption;de 1’r.^ticlç? aig6.
L a : loi n’a pas entendu exjger sous: des peines aussi
rigoureuses, une déclaration qui 6eroitCjinutile ; elle* a
ordonné cette déclaration afin,[de,pourvoir à ce que des
tiers ne fussent^pas,,trompés (i). r
Si donc le tiers avec qui >Ie^mari< a traitéf.conaojssoit
l’existence des hypothèques légales ,f le défqut-de décla
ration ne lui a pas nui ; il nerpeut;p asen argumenter,
i -parce qu'il n’a pas été trompé.
Cette vérité est. indiquéenparj la, simple bon ¡sens^et
osiül’onddésire !des- exemples de son application, on .peut
* en trouver dan^des ¡auteurs ^pecta})lesnqui l’ont invo
quée dans un cas bien plus grave que jle simple silence,
dans lencas même d’unQ ^ fa u ^ déclaration.
L a déclaration de; franc et quitte jijquapd-eJle.jéJpit
‘'-»contraire ùi la. vérité ,r.étqit ¡autrefois, généralement ,Tegardée comme caractérisant . le;,.stc>llÎ0Euit de 4 ar niapière
. 'lajtmoina équivoque.
»Cependant, ,si ,le. créancier à, qui ella ¡6toit- faite-¡ea
'
, ■
■....... ■
■
■
— •------- 1- , ■
(i)' Exposé des motifs.
—
�C 38 )
avoit'coniiü'le ménsorige'ien la recevant, il n’avoit pas
le*droit dé s’en plaindre'.'
Pourquoi1? Parce qu’il n’avoit pas été trompé : non
videtur enim deceptus qu i credidit assertioni quam
scitbat esse falsain.
>
’
^ ‘ Telles 'étoient lés- règles du droit français ; règles équi
tables ‘. que la raison accu eille, et que nous attestent
M . Louet s u r!Brodeau ( sommaire 18 , n°. 4 ) , M . A u t o u x et M . le président D u re t, sur l’article 81 de la
coutume du Bourbonnais.
' Ainsi le mensonge même n’étoit pas pun i, lorsque ce
mensonge* 71'avoit pas trompé.
A plus forte raison le silence doit-il être pardonné,
lorsque ce silence n’a causé aucune erreur.
^..jEjcammons si le sieür Joubert a connu Pexistcnce des
hypothèques légales.
*
Il assure les avoir ignorées*
! 1
i
i
Cependant, oncle et parrain du sieur Courby, il a été
un des négociateurs de son mariage;
li a assisté au contrat de mariage, où la dot mobilière
de la dame Courby est détaillée article par article, et il
a signé ce contrat ;
'■
"■
■
Il a acheté, dès 1806, les rentes dotales désignées dans
le contrat de mariage ; on lui a remis les actes de rati
fication, consentis en laveur du sieur Cognord père, et
il perçoit encore ces rentes.
A nous arrêter même h ces premières circonstances,
ne p ou rro lt-on pas dire qu’elles sont suffisantes pour
démontrer la connoissance des hypothèques légales de
la dame C ourby, de la part d’un parent aussi proche,
�( (39
)
qui a signé Tacté mêmé constitutif de ces hypothéqués,
et qui est devenu acquéreur d’une partie de la dotim obilière pour laquelle elles existènt. . j
!■
Mais poursuivons.
;
ot /i»
[ " ¡i'i-'
L e i i avril 18 0 9 ,jle sieur Joubert achète du.,sieur
Courby umjardin et un pré. 1 ) 1 >
br; n')?. xOn ne lui déclare pas les hypothèques légales ; et
cependant il dépose son contrat au greffe; il fait noti
fier l’acte de dépôt à la femme et au procureur impérial.
En un m o t, il purge ces hypothèques l égales. : t>
< Il les connoissoit donc, quoique non déclarées.
Et n’est-ce pas un jeu, que de dire que les hypothèques
légales ont été purgées seulement pour l’immeuble vendu,
et non pour l’immeuble donné en hypothèque, comme
garantie de la re n te ? , •
:> :
v fi
. Que signifie ce raisonnement , quant à la question?
D étruit-il le fait de la connoissance des hypothèques
légales, connoissance prouvée par les formalités même
qu’on a remplies? . :r - - -x
‘ ( ; :
L e sieur Joubert pouvoit-il ignorer,que l’hypothèque
légale s’étendoit sur tous les biens du m ari; qu’elle
grevoit l’objet qui lui étoit donné pour gage, comme
l’objet qui lui avoit été vendu?
<
;
Pouvoit-il croire à une réduction de cette hypothèque
générale, tandis qu’aucune déclaration, aucun indice
même ne lui faisoit présumer cette réduction. . - ;
L e sieur Joubert ne sauroit échapper à une preuve
aussi forte, émanée de son propre fait. ;
' ,
Il a connu l’existence des hypothèques légales.
�............. C(4or))
L o llb i lui apprenoitique1ces hypothèques'grevoient,
tous; les biens du mari;
•:
Cette connoissance positive qu’iba eue dès le premier^
acte qu’il a passé avec le sieur Courby, ne lui permet
pâs'd’allëgüèruson ignorance^lorsi des .actesi postérieurs.
L e second acte, celui du 8 rjuillet‘>i8ô8,/ne'Contient)
rien qui'-pût détruirela connoissanceiacquiseï précédem
ment par le sieur iJouberti
A u contraire; on y parle: deà ventes consenties'par
le sieur Courby ; des biens qui-composent* le domaine
de M aison-N euve, sis commune de)Celles<; c’est-à-dire,
qu^om appreùd auLsieur Jôubert la- vente de ce. même
bieii' qu’il1 avoit entendu la dame Courby se constituer!
sous là' même désignation, dans» lé contrat-de» mariage
auquel il avoit assisté; en sorte qu’ont lui donnoit-. par
là'uninoüVeV avisd è l’existence des hypothèques,légales.
(Cet a v is 'lui? fu t renouvelé»; soit par Facteidu r i août
i8 o 8 y queMüii-fit notifier1 le* sieur D u m a y ,.p o u r lui.
apprendre la résistance des acquéreurs et le* motif sur
lfequell ils se foüdoient; soit par 1le jugem ent qui autoïifcoit ces acquéreurs à ne pas payer, jugement qui lut
fut signifié’ le 20 juin 1809.
Cet avis fut encore répété-avec lestexpressions les plus
formelles dans l’acte de vente du biem de> Sarliève, du
9 juillet 1809, puisqu’on^ soumet formellement le sieur
Joubert à supporter les inscriptions prises pour la gatantie des rentes consenties par le sieur Courby, des
biens de la dame Cognord, son épouse.
Quoi de plus positif que ces-expressions !
Quoi
�( 4i )
Quoi de plus clair et de plus propre à apprendre l’exis
tence des hypothèques légales qui étoient acquises à la
fem m e, sur les biens du m ari, par. le fait de la vente
des immeubles dotaux !
:
. N ’a-t-on pas même le droit de dire que l’on trouve
dans cette phi’ase la déclaration expresse des hypothèques^
légales, exigée par la lo i? .
,
j On remarque aussi dans cet acte du 9 juillet 1809, une
déclaration importante faite par le sieur Joubert.
1
. En recevant pour hypothèque et comme garantie de
la vente, le bien cfe B ico n , il déclare qu’il cpnnoît les
différentes hypothèques dont ce bien rét oit déjà grevé.
. « Lequel bien est déjà g re v é vde différentes liypothè« ques dont l’acquéreur tdéclare avoir connoissance. »
Dira-t-il, avec lespremiers juges, que cette déclaration
ne doit s’appliquer qu’aux hypothèques inscrites; tandis
qu’il parle de différentes hypothèques ; tandis, que, par
ces expressions générales, il les comprend* toutes, de
quelque espèce qu’elles soient ; tandis qu’il est prouvé
surtout qu’il connoissoit alors les hypothèques légales. ;
'E n fin , aura-t-il recours à une vaine subtilité, et sou
tiendra-t-il que s’il ne peut, en son nom , agir en stellionat, il le peut au moins au nom du sieur Dum ay,
créancier, aux droits duquel il est subrogé comme
caution.
Miserable et dernière •ressource, qu’il est facile de
détruire.
t .
On pourroit répondre d’abord que la caution n’est
subrogée que lorsque le payement est effectué.
O r , le sieur Dumay n’est pas encore payé.
6
�( 42 )
- M ais, sans employer même ce moyen de droit, deux
puissans motifs feroient disparoître la distinction.
Prem ièrem ent, il est un principe certain en «morale
et en législation :
•
Celui qui a participé à une fraude, ne peut en ar
gumenter contre le coupable. S i duo dolo m a lo jècer in t ,
invicem de dolo non agent.
' Si une faute a été commise le 8 juillet 1808, à l’égard
du sieur D um ay, par-le silence gardé sur les hypothè
ques légales qui grevoient les biens du sieur C ou rb y,
le sieur Joubert, qui s’engageoit solidairem ent, a par
ticip é'à cette faute, puisque les hypothèques légales lui
étoient connues à lui-même, ainsi que nous l’avons prouvé.
Il
en a commis en outre une semblable, et qui lui
ést personnelle, en gardant aussi le silence sur les hy
pothèques légales dont étoit chargé son bien de V in zelles, qu’il donnoit pour hypothèque de son propre
engagement.
•
*
■ A in s i, le sieur Joubert n’a le droit de faire aucun
reproche au sieur Courby.
Secondement, il a toujours été de principe que les
actions pénales ne se transmettent pas. ' '
' Les lois romaines présentent beaucoup d?exemples
de cette vérité.
*
■. f .
L ’héritier même à qui la loi accorde le ju s universum ,
n’a cependant pas le droit de poursuivre l’application
d’une p ein e, lorsque l’action n’a pas été commencée
^par le défunt.
L a subrogation aux droits, que. la lo i «accorde à la
çaution y n’emporte que les droits ordinaires, les droits
�¿
43)
pécuniaires, et non le droit extraordinaire d’agir'en
stellionat.
Lorsque le créancier direct n’exerce pas lui-même
l ’action pénale, il est présum é, ou remettre la peine ,
ou n’avoir pas de motifs réels de se plaindre.
. Qui pourroit, en effet, nous apprendre, si ce n’est le
sieur Dumay en personne, qu’il n’a pas eu connoissance
des hypothèques légales, qu’il a cru qu’il n’en existoit
pas; en un m o t, qu’il a été trompé. *
Un tiers ne peut tenir ce langage en son nom , et priver
ainsi celui qu’il accuse des moyens de faire tomber l’ac
cusation par les questions qu’il feroit devant la justice
au sieur Dumay lui-même.
' Toutes ces raisons démontrent que le sieur Joubert
n’auroit le droit d’agir en stellionat que s’il avoit été
trompé personnellement.
O r , il est prouvé qu’il ne l’a pas été par le silence
dont il se plaint.
•
- Il est prouvé qu’il connoissoit l’existence des hypo
thèques légales, et qu’une déclaration lui étoit par con
séquent inutile.
,
.
Il
est prouvé même qu’il a provoqué la vente du bien
de B ico n , par le sieur Gourby à son épouse , pour ac
quitter celle-ci de ses reprises dotales.
Cela est prouvé par les deniers qu’il a fournis pour
l’enregistrement de cette vente.
Cela seroit prouvé par témoins, s’il étoit nécessaire,
et avec des circonstances qui démonti’eroient l’odieux du
prétexte d’ignorance et de fraude qu’emploie aujourd’hui
le sieur Joubert.
6 *
�( 44 )
Comment donc le sieur Joubert a-t-il pu s’aveugler
assez lui-même pour croire qu’il en imposeroit à la jus
tice, pour crier au d o l, signaler le sieur Courby comme
stellionataire, le dénoncer à l’opinion et aux magistrats,
demander vengeance contre lu i, et attenter à sa liberté?
E t quel est celui qu’il attaque avec cet acharnement?
Un neveu ! un filleul ! ! !
C ’est trop nous occuper d’un stellionat imaginaire.
Examinons les condamnations pécuniaires.
i
Seconde
question
T
'l
.
Quelles sommes sont dues au sieur Joubert
L e tribunal dont est appel condamne le sieur Courby
à payer au sieur Joubert, i° . 51,649 francs en princi
paux liquidés par le jugement;
2°. 8,000 francs pour dommages et intérêts;
Et cela outre les sommes que le sieur Joubert pourra
avoir le droit de réclamer par Tévénement de la distri
bution du prix de l’adjudication du bien de Sarliève.
Les 51,649 francs liquidés se composent,
D u prix entier dé la vente du 11 avril 1809. 7,900 fr.
D u p r ix de la cession du 8 ju illet 1808. . . . 25,675
D e la différence entre le prix de la vente
du 9 juillet 1809, qui étoit de 74,074 f r . , et
le prix de l’adjudication du 13 décembre 1 8 11,
qui est de 56 ,100 fr. : cette différence est portée
à ............................................................................... 18,074
1 Ces divers principaux ont été alloués avec intérêts.
La liquidation renferme diverses erreurs.
�Première erreur.
Relativement aux objets acquis le n avril 1807, par
le sieur Joubert, et qu’il a revendus au nommé Gaud ic ie r, le 4 octobre 1811 , son acquéreur n’a pas été
dépossédé ; seulement il a été obligé de rapporter à un
ordre le prix de la seconde vente.
Ce p rix étoit de 6,913 francs 60 centimes.
' L e sieur Joubert a été privé de ce second prix , par
la distribution qui en a été faite aux créanciers du sieur
Courby père.
Mais il n’a été privé que de cela; il ne devoit donc
pas réclamer davantage; et le jugement a mal jugé en
lui accordant 7,900 fr.', au lieu de 6,913 fr. 60 centimes,
montant de sa perte réelle.
Quant aux 18,074 f r ., différence fixée entre le prix de
la vente de 1809, et celui de l’adjudication, il y a eu, de la
part des premiers juges, erreur de fait et erreur de droit.
Erreur de fait.
.
^ L a vente de 1809, faite au'm ois de juillet, comprenoit non-seulement les immeubles,‘ mais encore la récolte pendante, et le prix de fermé de l’année; et ces
derniers objets, dont a profité le sieur Joubert, étoient
portés dans le prix total pour 4,074 francs, ce qui réduisoit à 70,000 francs celui des immeuBles.
C’étoit donc cette dernière somme seulement que les
premiers juges, dans leur système inêm er devoient com
parer au prix de l’adjudication.
Encore devoient-ils déduire des 70,000 francs la valeur
de plusieurs héritages qui n’a voient pas été saisis, et
qui n’ont pas été vendus, comme nousTî>vons pré^XT
demment remarqué.
�Ces diverses déductions auroient réduit à beaucoup audessous de 18,000 francs, la différence des prix des deux
ventes.
Mais il y a erreur en droit dans la décision dont est
appel.
Cette décision est fondée sur l’art. 2 19 1, qui n’a pas la
moindre application à la question.
L e sieur Joubert n’a pas été évincé comme acquéreur;
il a été exproprié comme débiteur solidaire ou comme
caution, faute de payement.
,
Que peut-il donc exiger?
,
L e remboursement de ce qu’il aura payé pour le sieur
jCourby, débiteur,direct, et les intérêts de cette somme, à
titre de dommages et intérêts. (V o y . Code N apoléon,
art. i i 53 .)
Son bien vendu aux enchères est présumé avoir été
yendu à la vraie valeur qu’ il avoit à l’instant de la vente.
Dans tous les cas, s’il lui étoit dû des dommages et
intérêts, ce ne seroit que suivant la différence qui se
■trouveroit entre le prix de l’adjudication et la valeur
réelle du bien adjugé , considérée à l’époque de l’adju
dication ; o r , cette différence ne pourroit être appréciée
.que par des experts.
Une autre erreur du jugement est relative aux 8,000 fr.
de dommages et intérêts, qu’ils ont accordés au sieur
.Jou b ert, outre les 18,000 francs de supplément de prix.
C’est évidemment avoir accordé deux fois des dom
mages et intérêts pour le meme objet.
N i l’une ni l’autre somme n’étoient dues. L e sieur
Joubert n’a droit qu’à la restitution de ce qu’il aura payé,
et aux intérêts.
�'
^
(( A47 )ï
C’est par corps que le sieur Courby a été condamné
à payer les 8,000 f r ., et on s’est m otivé, pour prononcer
cette contrainte, sur le pouvoir discrétionnaire, accordé
aux juges par l’article 126 du Code de procédure.
Sans doute les magistrats ont ce pouvoir; mais la loi
ne leur a confié ce dangereux droit, qu’en leur recom
mandant la plus grande prudence, et la modération la pluà
scrupuleuse dans l’exercice d’une si puissante autorité.
: C ’est pour les cas d’un dol évident et d’un tort causó
par la fraude à l’homme confiant, qu’ils doivent réserveé
l’usage de l’arme que la loi a mise dans leurs mains.
- Nous avons démontré que le sieur Courby n’avoit
point trompé le sieur Jo u b ert, et qu’il étoit malheu
reux plutôt que coupable.
‘
A in si, quand il auroit dû des dommages et intérêts,
on ne devoit p^s l’y éondamner par corps.
Telles sont les erreurs nombreuses que renferme la
décision des-premiers juges.
' La plus grave est celle relative au stellionat. ‘
>•
* - Dépositaires de l’honneur et de la liberté de leurs
concitoyens, avec quel soin les magistrats ne doivent-1ils pas conserver ce précieux dépôt ?
Sans doute ils doivent punir les coupables ; mais ce
n’est qu’en apportant la plus sage circonspection à l’exa
men des preuves, avant de prononcer qu’il y a délit.
L e stellionat est un délit ; il ne peut donc y avoir
de stellionat sans intention criminelle , sans fraude.
^ L ’intention même ne sufliroit pas pour constituer le
d é lit, si cette intention perfide n’avoit pas été remplie
si le créancier n’avoit • pas été trom pé1 réellement.
�( 48 )
L e sieur Joubert se plaint de ce qu’on ne lui a pas dé
claré les hypothèques inscrites et les hypothèques légales.
Les hypothèques inscrites : il pouvoit les connoître.
Les registres publics lui étoient ouverts; il les a même,
vérifiés.
•
.
.. Les hypothèques légales.: il les a connues. Cette vérité
est démontrée, non par des présomptions vagues, mais
par des preuves écrites , consignées dans un grand
nombre d’actes où le sieur Joubert a été présent, ou qui
lui ont été notifiés.
A in s i, le sieur Joubert n’a pas été trompé.
'
,
E t comment l’auroit-il été par un jeune homme sans
expérience, lui d’un âge beaucoup plus avancé , lui
depuis long-temps exercé aux affaires? •
r .
Ses plaintes, ses allégations de fraude, son accusation,
ne sont donc que les cris d’une colère aveugle ;
Cris impuissans devant des magistrats impassibles;
Cris qui doivent indigner dans la bouchetd’un oncle,
d’ un parrain;- qui se déclare le persécuteur de celui-là
mêm e que la nature, la religion lui imposeroient le
devoir de protéger et de secourir.
j
•
Signé C O U R B Y .
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. M A R I E , avoué licencié.
A RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison LANDRIOT,.— Mars 1813.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Courby-Cognord, Jean-Joseph. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Marie
Subject
The topic of the resource
créances
stellionat
hypothèques
fraudes
ventes fictive
saisie
dol
ventes
domaines agricoles
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Jean-Joseph Courby-Cognord, appelant ; contre le sieur Jean-Joseph Joubert, intimé.
note manuscrite : « jugement confirmé par arrêt du 5 mai 1813. Voyez les motifs à la suite du mémoire de l'intimé. Il y a pourvoi en cassation. »
Table Godemel : Stellionat. - existe-t-il : 1°. si le vendeur ne déclare pas les hypothèques auxquelles l’objet vendu était assujetti, et si le prix de la revente faite par l’acquéreur est absorbé par les créanciers inscrits du premier vendeur ? 2°. si le mari a cédé, comme lui appartenant, le prix des biens dotaux de son épouse ? 3°. si dans la vente d’un domaine on a compris nominativement des objets dont on n’était pas propriétaire ? 4°. si on a déclaré des hypothèques moindres que celles qui frappaient l’objet vendu ? 5°. Enfin, si l’on a hypothéqué des biens, sans déclarer les hypothèques particulières ou légales dont ils étaient grevés ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1807-1813
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2218
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2217
BCU_Factums_G2219
BCU_Factums_G2220
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53447/BCU_Factums_G2218.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Thiers (63430)
Cournon-d'Auvergne (63124)
Petit-Sarliève (domaine du)
Artonne (63012)
Celles-sur-Durolle (63066)
Maison-Neuve (domaine de)
Brassets (domaine des)
Vinzelles (63461)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
dol
domaines agricoles
fraudes
hypothèques
saisie
stellionat
ventes
ventes fictive
-
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0ae2bce0ac9941caeb49ac70e33599bb
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MEMOIRE
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POUR
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Le
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Sieur B a r t h é le m i GR E L E T , Propriétaire ,
habitant de la Ville d’Allègre, appelant ;
¡a»*
CONTRE
M. A rm a n d - G u i l l a u m e - M a r i e , Comte J O L Y
d e F L E U R Y ; et Dam e A n g é liq u e - C la u d i n e
D O U E T d e L A B O U L A Y E , son E p o u s e les
Sieurs G a b r i e l D O U E T d e L A B O U L A Y E
Officier ; C h a r le s L H E R B E T T E 3 Notaire ,
L o u is V O L F L A N B E R T , Employé au Trésor
public; et P i e r r e - L o u is L A N G L A I S 3 P ro
priétaire tous habitans de la V ille de P a r is , intimés ;
E t contre Le Sieur de S A I N T - L A U R E N T , ancien
Officier- Général aussi intimé.
Un des principaux dangers à éviter dans l’application
d
es lois, est la confusion des principes qu'e lles renferm ent aussi, pour juger sainement, il n e suffit pas
j
W| . ^ (
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‘
LAi
.’i'
^2 )
• toujours de réunir la justesse du sens à la connaissance
7 des règles; et de leurs détiails; .il faut encore apporter
‘■la plus grande attention à rechercher l’esprit de chaque
;t règle i à en balancer l’usage, et à discerner l’étendue
et les bornes qu’elle doit avoir.
Aujourd'hui, pour nous, les difficultés de l'applica
tion ont été beaucoup diminuées par les heureuses
divisions que l’on remarque dans nos Codes, où des
ii)’ -<d
chapitres distincts présentent un corps de doctrine pour
Aw#.,.V>\‘yu*. chaque matière différente. Ces divisions, aussi natu.. - « . « i - - . . r e l i e s qu’ utiles, semblent indiquer aux magistrats qu’ils
ne peuvent, sans s’exposer à de graves'inconvëniens,
"■•«o ~SrV\ puiser des règles de décision dans des chapitres étrangers aux cas qui leur sont soumis.
C’est pour ne pas avoir, peut-être, assez réfléchi sur
ces idées simples, que le tribunal’ dont lé sieur Grelet
attaque le jugement, a confondu lès principes relatifs
aux résolution^’ des contrats, avec ceux qui ont trait
■aux privilèges Ou hypothèques.
’r
L e sieur Grelet possède, comme tiers-acquéreur,
des immeubles vendus originairement .par les intimés.
Ceux-ci ont négligé toutes les précautions que la loi
leur indiquait pour conserver, sur leur ancienne pro
priété, un privilège ou une hypothèque.
.
Cependant ils ont été admis à poursuivre hypothé
cairement des tiers-détenteurs, sous prétexte que, dans
l e s contrats de vente primitifs, ils avaient stipulé une
condition suspensive ou résolutoire.
s
**
�L e sieur Grelet résiste à des poursuites hypothécaires
exercées sans privilège et sans hypothèque.
Il demande que ses adversaires soient renvoyés a
intenter, si bon leur semble, unej action en résolution,
qu’il redoute peu.
,, : t
>,v ;
'
Telle est, en analyse, la cause sur laquelle la Cour
doit prononcer.
,(
F A IT S .
L a terre d’Allègre était indivise entre la dame AnneCatherine Douet, veuve de M. de Lamassée, et le
sieur Douet de Laboulaye, son frère.
‘
,,VI - • 'u. m. . i.
L e 19 brumaire an i , la dame Douet vendit la
moitié de cette terre au sieur Bravard-Faure et com
pagnie, moyennant le prix de 200,000 fï\, qui fut
slipulé payable à termes.
0 f|,,CT
Les acquéreurs furent soumis à la charge de faire
transcrire leur contrat au bureau des hypothèques, à
leurs frais.
■
r " 9
lie 2.3 frimaire suivant , les héritiers du’ sieür de
Laboulaye* vendirent à la même compagnie l’autre
moitié indivise de cette terre, pour un prix semblable
de 200,000 francs.
i nsh 'b • •
:\ v
; u ,..;
3
La charge de transcrire fut àussi imposée aux ac
quéreurs. Voici les termes de la clause :
t!'
Les acquéreurs feront transcrire le présent contrat,
« a leurs frais, au bureau des hypothèques qu’il ap« partiendra, et ce, sous six semaines, de ce jour, avant
« aucune aliénation des biens présentement vendus;
�( 4 )
* ce qui est stipulé comme condition essentielle des
« présentes, et suspensive de la vepte, jusqu’à l’ac*> complissement de celte formalité, »
L a formalité n5a pas été remplie; les acquéreurs
ont négligé la transcription, et les vendeurs ne l’ont
pas exigée; ceux-ci n’ont même pris que Irès-tard des
inscriptions pour la conservalion de leurs droits.
Cependant la compagnie Bravai d a revendu en détail
une partie de la terre d’Allègre. Un grand nombre
d’acquéreurs particuliers ont acheté et payé le prix de
leurs acquisitions.
L e sieur Grelet est du nombre de ces tiers-acqué
reurs, que les vendeurs originaires voudraient aujourjd’Jiui rendre victimes de leur propre négligence.
Par des actes authentiques des 2 germinal an i 3 ,
¿ 2 frimaire an^ 1 4 , 12 avril 1806, le sieur Grelet a
acheté de la compagnie Bravard divers héritages dépendans de la terre d’Àllègre, et il en a payé comptant
le prix, qui s’élève à 20,668 francs.
Qn remarque dans les contrats que les héritages lui
ont été vendus fran cs et quittes de toutes dettes , pen
sions et hypothèques ; déclaration qui devait d’autant
plus lui inspirer de contiance, qu’il n'existait sur ses
vendeurs aucune inscription.
Les acquisitions faites par le sieur Grelet avaient eu
lieu depuis l’émission du Code civil, et avant celle du
Code de procédure, c’esi-àKÜre sous une législation
qui, comme nous le verrons bientôt, affranchissait les
�CS )
acquéreurs de tous privilèges ou hypothèques non ins
crites au moment des ventes.
Tranquille sous la foi de cette législation, le sieur
Grelet n’avait cru devoir prendre aucune précaution,
soit pour payer le prix des acquisitions, soit pour s’as
surer le remboursement de ce prix, dans le cas d’une
éviction future qu’aucun indice ne lui faisait craindre.
L a sécurité du sieur Grelet a été confirmée pendant
un grand nombre d’années, par une jouissance pai
sible.
Tout-à-coup elle a été troublée; des poursuites hy
pothécaires ont été dirigées contre lui et contre beau
coup d’autres tiers-acquéreurs, par les héritiers du sieur
Douet de Laboulaye, et par le sieur de Saint-Laurent,
héritier de la dame veuve de Lamassée.
Créanciers seulement d’ une partie du prix des ventes
primitives, les héritiers des vendeurs originaires au
raient pu trouver, dans les biens qui restaient encore
à la compagnie Bravard, des valeurs suffisantes pour
ce qui leur était dû; et cette modération de leur part
eût été d’autant plus juste, qu'il paraît que ce sont les
deniers même des tiers-acquéreurs qui ont servi à leur
payer ce qu’ils avaient reçu.
Mais des poursuites simples ne convenaient pas à un
homme d’affaires, ardent, et venu tout exprès de Paris
pour déployer son zèle.
Plusieurs saisies immobilières, mises successivement
en activité, ont embrassé l’universalité des biens qui
composaient la terre d’Allègre, et ont porté la déso-
�( 6 )
la (ion dans les familles respectables d’une foule, de
liers-acquéreurs qui se sont vus tout-à-coup menacés
d’une ruine prochaine.
L e sieur Grelet a reçu lui-même, le 1 janvier 1 8 1 7 ,
la dénonciation d’une saisie-immobilière, du^io mars
1 8 1 , qui comprenait tous les héritages qu’il avait
.achetés.
Il a formé opposition aux poursuites, par requête du
r mars 18 17 .
Son opposition était fondée principalement sur ce
que les créanciers poursuivans avaient perdu , faute
d’inscription, leur privilège sur les immeubles qu’il
avait acquis.
Il invoquait secondairement une nullité de procé
dure, résultant de ce que l'huissier n’avait pas signé
la copie de la dénonciation qui lui avait été faite.
L e tribunal du Puy a rejeté le moyen principal. Il
a ainsi jugé que les poursuivans avaient le droit d’agir
hypothécairement contre le sieur Grelet et les autres
tiers-acquéreurs3 et il a ordonné l’adjudica lion des biens
de ceux-ci, en exceptant cependant les héritages du
sieur Grelet, à cause des irrégularités de la procédure
faite à son égard.
Voici les motifs de la décision sur le fond du droit :
«• Attendu que les ventes des 19 brumaire et
fri« maire an i ont été consenties sous la condition
«■ imposée aux acquéreurs, de transcrire au bureau des
* hypothèques, et que, n’y ayant pas eu de transcrip
t i o n , il n’y a pas eu de vente;
5
5
3
3
23
�( 7 )
« Attendu que dans le cas de ;la vente sous une
* condition suspensive, son effet est réglé par les prin« cipes généraux des conventions (article 1
du Code
«• civil); qu’il est deprincipe queles conventions doivent
« être, exécutées suivant leur forme et teneur; que,
« faute d’exécution de la part des acquéreurs, les ven
ir deurs ont le droit de suivre leur propriété en quelques
« mains qu’elle passe ;
534
3
«■ Attendu enfin que le jugement du o novembre
* 18 16 l’a jugé ainsi, par les motifs y mentionnés. »
3
Le jugement du o novembre 18 16 était étranger
au sieur Grelet; il avait été rendu avec d’autres tiersacquéreurs, et le tribunal avait décidé que, d’ après .la
loi du Code sur les hypothèques, le piivilége des pre
miers vendeurs subsistait tant que les tiers-acquéreurs
n’avaient pas transcrit.
Dans les motifs que nous venons de copier, c'est sur
la condition de transcrire, condition suspensive, et dont
l’inexécution a paru aux juges du Puy anéantir les
ventes primitives, que ces magistrats se sont fondés
pour déclarer les tiers-détenteurs passibles de poursuites
hypothécaires.
' ,J
Mais ils n’ont pas remarqué qu’il y 1'avait uhé con
tradiction frappante entre leur‘décision et 'sés motifs.
S’il n’y a pas eu de vente, comme il est,dit dans les
motifs5 il ne devait pas être question de poursuites
hypothécaires; les héritiers Douet devaient reprendre
1
1
•
■ sgisir
••
leur
cliose
en nature; ils ne pouvaient
la111faire
�( 8 )
et âcîjuger judiciairement, pour être
d’uhe vérité c£ui n’existait pas.
payés du
prix
Si, au contraire, il y avait réellement Vente, ce que
les vendeurs eux-mêraes avaient reconnu, soit par la
réception d’ une grande partie du prix, soit par leurs
poursuites comme créanciers du surplus ; s’il y avait
réellement vente , il fallait examiner comment les
vendeurs avaient conservé leur privilège ou leur hy£otïtèqùe sur les imïneübles qui avaient passé aüx tiersacquéreurs.
Ce jugement , par les principes qu’il posait, annonçait
au sieur Grelet de nouvelles poursuites qui se sont réa
lisées bientôt après*
Pour en détruire la base, le sieur Grelet a dû se
pourvoir, pàt appel, devant ïa Cour.
Son appel présente à juger deux questions.
i ° Abstraction faite de la condition de transcrire,
stipulée dans leurs contrats de vente, les premiers vendeursauraient-ilsconservé,sansinscription,unprivilége
„ou une hypothèque sur les immeubles acquis par le
sieur Grelet?
z° Cette condition a-t-elle pu les affranchir, à l’égard
des tiers, de Îa nécessité de l’inscription de leur privi
lège, et les autoriser à poursuivre des seconds acqué
reurs, par la voie de là sâisie immobilière?
L ’on examinera successivement ces deux questions *
]a solution de la seconde découlant nécessairement de
celle de la première.
�PREMIÈRE QUESTION.
^Abstraction faite de la condition de transcrire} les
premiers vendeurs auraient-ils conservé, sans ins
cription , un privilège ou une hypothéqué sur les
immeubles acquis par le sieur Grelet ?
Pour la solulion de celte question, il faut remarquer
d’abord les dates des premières et des secondes ventes,
et se fixer ensuite sur la législation alors en vigueur.
23
Les premières ventes sont des 19 brumaire et
frimaire an i ; celles faites au sieur Grelet ont eu lieu
les 2 germinal an i , 22 frimaire an 1 4 , el 12 avril
1806.
3
3
Ainsi, les unes et les autres ont été faites depuis
l’émission du Code civil, publié en l’an 1 2 , ou 1804,
et avant que nous eussions pour loi le Code de pro
cédure, qui n’a été en vigueur qu’ au i er janvier 1809.
C’est donc par les règles de cette législation intermé
diaire, que la difficulté doit se résoudre.
Ces règles n’étaient semblables ni à celles qui les
avaient précédées, ni à celles qui les ont suivies.
Avant le Code civil, la loi du 1 1 brumaire an 7 ,
par une innovation poussée beaucoup trop loin, avait
déclaré, dans son article 26, que, jusques à la trans
cription, la vente ne pourrait être opposée aux tiers
qui, même postérieurement à sa date, auraient con
tracté avec le vendeur. Cependant, sous celte loi, les
tiers seuls étaient autorisés à argumenter du défaut
�( 10 )
de transcription, L e contrat de vente n’ en existait pas
moins entre le vendeur et l’acquéreur.
Le Code civil fit disparaître la nécessité de la trans
cription pour la perfection de la vente.
L e Code civil fit plus; il posa pour règle que toute
créance, privilégiée ou autre, non inscrite au moment
de l ’aliénation, ne grèverait pas l’objet aliéné.
L a vérité de cette dernière proposition peut être
démontrée de plusieurs manières :
Par les termes de la loi ;
Par les discours des orateurs qui Font présentée ou
discutée ;
Par les dispositions nouvelles du Code de procédure ,
et les motifs qui les ont dictées ;
Par les opinions des auteurs ;
Enfin par la jurisprudence.
Les termes de la loi sont à considérer, soit au titre
de la vente, soit à celui des privilèges et hypothèques.
Au titre de La vente, on trouve l’article i
, qui
déclare La vente parfaite entre les parties, et La pro
priété acquise de droit à Cacheteur à Cégard du ven
deur > des quon est convenu de La chose et du prix.
Cet article anéantit le 26e article de la loi du 1 1
brumaire an 7 , et fait cesser les fraudes dont cette loi
était la source, en ne permettant plus au vendeur de
contracter après la vente, au préjudice de son ac
quéreur.
A ce moyen de prévenir les abus des contrats pos
térieurs, le législateur du Code se proposa d’ajouter
583
�( 11 )
celui d’éviter les dangers résultant des actes même
antérieurs, mais non connus; et ce second but, il le
remplit par les règles contenues au titre des privilèges
et hypothèques.
Tout le système hypothécaire établi dans ce titre
roule sur deux bases principales, L A p u b l i c i t é et L A
SP É C IA L IT É .
L a p u b l i c i t é sur-tout a été rigoureusement pres
crite , comme indispensable pour faire connaître aux
tiers les privilèges ou les hypothèques auxquels aurait
pu s’être soumis le propriétaire avec lequel ils vou
draient contracter.
Pour produire cette publicité, la loi a exigé une
inscription faite par les créanciers, dans des registres
toujours ouverts au public.
De là une foule d’articles d’après lesquels, à Fexception des hypothèques légales des femmes el des mineurs,
la loi ne reconnaît ni privilèges ni hypothèques, s’ils ne
sont pas inscrits.
L ’article 2106 du Code civil déclare que « les pri« viléges ne produisent d ’effet, h l’égard des immeubles,
«• qu’autant qu’ils sont rendus publics par inscription
«• sur les registres du conservateur des hypothèques,
« de la manière déterminée par la lo i, et à compter
« de ta date de celte inscription. »
L ’article 2107 n’excepte de cette formalité que
quelques privilèges particuliers et de peu d’importance,
énoncés dans l’article 2.101.
L article 2j 08 soumet expressément le privilège du
�( 12 )
vendeur à l’ inscription ; il charge l’acquéreur de trans
crire, et le conservateur des hypothèques de faire alors
une inscription d’office pour le vendeur. Il autorise
aussi ce dernier à requérir la transcription lui-même,
à l’effet d’acquérir Cinscription de ce qui lui est dû sur
le prix.
On remarquera qu’en autorisant le vendeur à re
quérir lui-même la transcription pour conserver son
privilège, et à Ceffet d ’acquérir l ’inscription de ce qui
lui est dû, le législateur l’a clairement averli que le
privilège pouvait se perdre même avant la transcrip
tion, et qu’il était important de ne pas négliger cette
formalité.
13
L ’article 2 1
dit que toutes créances privilégiées
soumises à la formalité de l’inscription, à l’égard des
quelles les conditions prescrites pour conserver le pri
vilège n ’ont pas été accomplies, dégénèrent en simples
créances hypothécaires, et que l’hypothèque ne d a te,
à Cégard des tiers, que de l ’époque des inscriptions.
Des observations semblables peuvent être puisées
dans les articles relatifs aux simples hypothèques;
Dans l’article 2 13 4 , notamment; où on lit que l’hy
pothèque n’a de rang que du jour de l’inscription ; d’où
il suit qu’il n’y a pas d’hypothèque, devant la loi, tant
qu’il n’y a pas d'inscription.
35
Dans l’article 2 1 , d’après lequel l’hypolhèqne des
femmes et des mineurs est la seule qui existe indépen
damment de toute inscription; expressions dont se lire
�( i3 )
la conséquence naturelle, que toute autre hypothèque
n’existe pas, si elle n’est pas inscrite.
A tous ces raisonneraens, qui démontrent la néces
sité de l’inscription du privilège ou de l’hypothèque,
pour leur donner de l’existence ou de l'effet, on ne
peut opposer qu’ une seule objection, savoir que la loi
ne prescrit pas de délai pour faire inscrire le privilège
du vendeur.
Mais le silence de la loi sur ce point, peut tout au
plus autoriser à dire que tant que l’immeuble vendu
est encore entre les mains de l’acquéreur, le privilège
peut être inscrit.
Cela n’empêche pas que l’inscription ne soit néces
saire pour prévenir, en faveur du premier vendeur,
le danger d’une seconde vente, et pour que le second
acquéreur soit grevé du privilège.
Si, au moment de la seconde vente, le privilège
n’est pas inscrit, il est réputé ne pas exister relativement
au second acquéreur-, il ne peut produire aucun effet
à son égard, parce que cet acquéreur a acquis de bonne
foi, et que l’on a négligé de l’avertir parla publicité
d’une inscription. (Voir l’article 2106 du Code).
ne
peut donc donner au premier vendeur le droit de suivre
l’immeuble dans les mains du second acquéreur.
11
C’est encore ce que d’autres articles du Code civil
peuvent servir à prouver de plus en plus.
L ’article 2166 n’accorde le droit de suite qu’aux
créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrite.
Xi art icle 217 7 ne place avant les créanciers personnels
�4
( i )
du tiers-détenteur, que les créanciers i n s c r i t s su r les
précédens pro priétaires , en sorte que tout créancier
non inscrit ne peut réclamer de préférence.
Les articles 2 1
et 2 18 4 indiquent au tiers-acqué
reur le moyen de se soustraire au droit de suite, au
torisé par les articles 2166 et suivans; et quel est ce
moyen? celui de faire une notification aux créanciers,
aux domiciles élus par leurs in scrip tio n s , et d’offrir le
rapport du prix; cela ne prouve-t-il pas qu’à l’égard
du tiers-acquéreur, la loi ne reconnaît pour créancier^
que ceux dont le titre est inscrit ?
Aussi est-ce aux créanciers inscrits seuls que l’art. 2 185
permet de faire une surenchère.
Enfin, un dernier argument se tire même de l’ar
ticle 2 1 8 2 , ou la loi dit que la simple transcription ne
83
p u rg e pas les hypothèques et privilèges
immeubles.
é t a b l is
sur les
Personne ne contestera que la transcription purgeait
avant le Code, purge encore aujourd’hui toute hypo*Ihèque et tout privilège non inscrits, tandis que ceux
qui sont inscrits ne peuvent être purgés qu’à l’aide du
moyen indiqué par les articles 2 1
et suivans.
Ainsi, en disant que la transcription ne purgeait pas
les privilèges établis sur les immeubles, le législateur
a déclaré clairement qu’il n’existait, à ses yeux, de
privilège, qu’aütant qu’il était in sc rit; c’est-à-dire que
l’ inscription était indispensable pour établir un privilège
sur un immeuble.
On le voit, les raisonnemens fournis par la lettre
83
�( i5 )
même de la loi, abondent pour démontrer qu’en ache
tant, sous la législation pure du Code civil, un im- %
meuble non grevé d’inscriptions, l’acheteur l a acquis,
libre de toutes charges et de toutes dettes; il n’a pas
eu besoin de transcrire pour arrêter le cours d’inscrip
tions qui ne pouvaient pas être prises à son préjudice,
ni pour paralyser l’t'iïet de privilèges ou d’hypothèques
qui n’existaient pas à son é gar d, et qui ne pouvaient
plus être établis sur un immeuble dont le débiteur avait
cessé d’être propriétaire.
Tel est le vrai sens de la loi du Code sur les privi
lèges et hypothèques, sens que de nombreux articles
indiquent avec la plus grande évidence, sens que les
législateurs eux-mêmes ont déclaré dans les discours
lumineux qui ont préparé la rédaction définitive de
la loi.
Parmi ces législateurs, nous croyons devoir nous
borner à en citer un dont les lumières sont aujourd’hui
un des principaux ornemens de noire Cour. M. Grenier,
dans son rapport au Tribunat, sur la loi des privilèges
et hypothèques, au nom de la section de législation,
en parlant de la transcription, s’exprime en ces termes
remarquables :
»Mais cette transcription n’est plus nécessaire au« jourd'hui pour la transmission des droits du vendeur
* a 1 acquéreur, respectivement à, des tiers ainsi/que
« lavait voulu l’article 26 de la loi du 1 1 brumaire
an 7. Elle n’ajoute rien à la force du contrat, dont
« la validité et les effets sont subordonnés aux lois
» eénérales relatives aux conventions et ;i 1n —
�( i6 )
« en sorle qu'elle n'est plus nécessaire p o u r a r r ê t e r
« le
c o u r s d é s i n s c r i p t i o n s , qui, auparavant ,
« pouvaient toujours être faites sur l’immeuble ven d u ,
« m êm e après la vente. »
Ces expressions sont aussi claires que positives, la
transcription ri est plus nécessaire pour arrêter le cours
des inscriptions. Donc le contrat de vente seul a suffi
pour arrêter ce cours; donc toute créance non inscrite
avant la vente est sans force, sans existence, même à
l'égard de l’acquéreur.
Convaincus de la vérité de ces conséquences, mais y
ayant remarqué quelques inconvéniens, les législateurs
voulurent abroger le principe, et lui en substituer un
au tre , lorsqu’ils rédigèrent le Code de procédure.
C’est dans cette pensée qu’ils insérèrent dans la der
nière loi l’article
> Par lequel il est permis aux
créanciers, qui n auront pas f a i t inscrire leurs titres
834
antérieurem ent a u x aliénations q u i s e r o n t f a i t e s
A
L A V E N I R , de prendre inscription dans la quinzaine
de la transcription.
Cet article dispose tant pour les créanciers ayant un
privilège, qu’à l’égard de ceux qui n'ont qu'une simple
hypothèque (i) ; mais il ne dispose que pour les alié
nations futures ; et ses termes indiquent clairement que,
pour le passé, l’inscription a dû précéder la vente.
C'est aussi ce que fônt observer les orateurs du gou
vernement et ceux dtl Tfibunat, lorsqu ils examinent
la disposition de l’article
du Code de procédure.
834
( i ) V o i r , pont les privilège*, la second paragraphe de l’article 834.
�( T7 )
Les uns et les autres présentent cet article comme ren
fermant une nouvelle règle qui modifie celle établie
parle Code civil, mais qui, respectant le tems passé el
les droits acquis, doit atteindre seulement les aliéna
tions faites à l’avenir.
L e discours de M. Berlier, conseiller d’état, chargé
d’exposer les motifs de la loi, et celui du tribun T arrible, sont remarquables sur la question.
M. Berlier, notamment, après avoir rappelé l’opi
nion qui n’accordait Le droit de suivre Cimmeuble, en
quelques mains qu’il eût passé, qu’aux créanciers ayant
privilège ou hypothéqué inscrite au moment de la vente^
après avoir reconnu que cette opinion était la plus
conforme au Code civil, mais après avoir fait sentir
que l'opinion contraire avait un but juste et utile, et
présentait une modification qu’il était bon d ’accueillir,
ajoute ces expressions, décisives pour la question qui
nous occupe :
« Dans cette conjoncture, on a adopté, pour le passé
* et l’avenir, un parti qui respecte les droits de l’ un et
de l’autre tems.
« Comme la disposition nouvelle n’atteindra que Les
« aliénations qui seront faites à l’avenir, les tiers* acquéreurs qui auront contracté sous l’empire de La
« Loi qui nous régit en ce moment, n’en recevront
« aucun dommage. »
Les autours ne sont pas divisés sur la question; tous
décident que sous le Code civil, et avant le Code de
procédure, l’aliénation seule, quoique non suivie de
3
�( i8 )
transcription, faisait disparaître, à l’égard de l’acqué
reur, toute créance non inscrite. Tous appliquent la
règle aux créanciers privilégiés, comme aux simples
créanciers hypothécaires.
M. Chabot (de l’Allier), dans ses Questions transi
toires, dit que celte opinion est la seule qui puisse se
concilier avec les dispositions du Code. (Voir au tom. 2 ,
page 78).
M. Tarrible professe la même doctrine dans le
Répertoire de M. Merlin, au mot Inscription hypo
thécaire, § 4.
Telle est aussi celle enseignée par M. Persil, dans
son Régim e hypothécaire, sur l’article 2182 (p. 362)y
et dans ses Questions hypothécaires, au mot Inscription,
§ . Voici comment s’exprime cet estimable auteur,
dans le premier de ses ouvrages :
5
«Ainsi, sous le Code civil, et avant le Code de pro
ie cédure, s’il est arrivé qu’ une personne ait aliéné
« l’immeuble qu’elle avait précédemment hypothéqué,
«■ mais dont les créanciers n’avaient pas encore pris
«■ inscription, cet immeuble est passé, fra n c et quitte,
«■ entre les mains de Cacquéreur, encore que celui-ci
« n ait pas fa it de transcription. »
M. Mourre, procureur général de la Cour de cas
sation, a professé la même opinion dans une cause où,
examinant les effets du privilège du vendeur, et après
avoir déclaré en principe que le privilège du vendeur,
en quelque tems qu’il soit inscrit, prime toutes les
�C 19 )
créances hypothécaires, ce savant magistrat se haie
d’ajouter, pour prévenir toute équivoque :
«Nous devons dire que le principe n’a lieu que lorsque
«■ les choses restent dans l’état d’une première vente,
« et qu’il s’agit d’un conflit entre le vendeur et les
« créanciers du premier acquéreur; car s’il y a une
« seconde vente, et que le second vendeur ait fait
« transcrire sous l’empire de la loi du 1 1 brumaire,
« ou
bien, si La seconde vente a eu Lieu sous L’empire d u
« Code c iv il q u i n ’e x i g e p a s l a t r a n s c r i p t i o n
,
«
*
«
«
,
alors le privilège du premier vendeur ne peut plus
être inscrit, sauf, pour les contrats postérieurs au
Code de procédure, l’exécution de l’article
de
ce Code. ■»
A cette masse d’autorités pour prouver qu’une vente
faite sous le Code civil, et avant le Code de procédure,
quoiqu'elle n’ait pas même été transcrite, a purgé tout
privilège ou hypothèque non inscrite au moment de
1 aliénation, à cette masse d’autorités respectables vient
se réunir encore la jurisprudence, soit de la Cour de
Riom , soit de la Cour de cassation.
L a Cour de Riom a jugé la question relativement
aux créanciers du vendeur, par un arrêt du 1 1 mai
1 8 1 , dans la cause des sieurs Reynard et Faure.
Faure avait acheté un domaine de Lardi, le 23 avril
1806.
834
5
Reynard, créancier antérieur et hypothécaire du
vendeur, n’avait pas pris d’inscription avant l’aliéna
tion; mais l’acte de vente n’était pas encore transcrit,
�( 20 )
lorsque ce créancier fil inscrire son titre. Cependant
l’acquéreur a soutenu que l’hypothèque du créancier
était anéantie à son égard; et la seconde chambre l’a
jugé ainsi sous la présidence de M. V erny,en adoptant
les motifs d’un jugement de Riorn, qu'elle a confirmé.
Ces motifs ont pour base les principes que nous avons
déjà développés; on y lit :
«• Que sous le régime du Code civil, et anlérieure« ment au Code de procédure, il n'y avait pas besoin
« de transcription pour arrêter le cours des inscriptions;
« Que Reynard n’a pu s'inscrire utilement après la
« vente, et ne peut être considéré, par rapport à Faure,
« acquéreur, comme créancier hypothécaire sur le prix
«• de sa vente , puisqu’il n’avait qu'une hypothèque
« imparfaite qui, par rapport aux tiers, ne pouvait
« prendre rang que par l'inscription. *
La Cour de cassation, dans un arrêt du décembre
i i
consacré la même vérité, relativement au pri
vilège d’un, vendeur.
Cet arrêt présente un corps entier de doctrine sur la
question, qu’il examine en parcourant même toutes
les variations de notre législation en cette matière.
Les motifs de l’arrêt décident que le privilège du>
vendeur r i est conservé, à l'égard des acquéreurs, qu'au
tant q riil est inscrit, savoir :
*
Sous l’empire de la loi du 1 1 brumaire an 7 , avant
« la transcription des ventes ultérieures;
« Sous l’empire du Code civil, avant Le contrat de
r vente du, premier acquéreur au second ;
8 3, a
5
�• Sons l’empire du Code de procédure, dansles quinze
« jours après la transcription de la seconde vente.
Voici ce que porte un des motifs de l ’arrêt :
«■Considérant que, suivant le Code civil, l’inscription,
« pour être valable, devait être prise, par le créancier,
« dans le tems que l’immeuble était entre les mains de
« son débiteur; quq faite postérieurement tiL'aliéna« tlon de Cimmeuble , elle était nulle, soit que l'acte de
« mutation eût été ou non transcrit (i). »
Quoi de plus positif que de pareilles expressions?
quoi de plus conforme à la lettre de la loi, à son esprit,
à l’opinion unanime des auteurs? Quoi de plus propre
à faire disparaître tous doutes et toute hésitation, s’il
pouvait en rester, et à convaincre que, sous le Code
civil, antérieurement au Code de procédure, la simple
aliénation produisait absolument l’efîet produit au
trefois, celui qui serait produit aujourd’hui par la
transcription de l’acte, et que les créances, même pri
vilégiées, sur un immeuble, étaient effacées par le seul
fait de la vente de l’immeuble, si les créanciers avaient
négligé de les faire inscrire antérieurement.
C’est sous la foi de cette législation intermédiaire,
que le sieur Grelet a cru qu’il n’avait à redouter aucun
privilège, puisqu’il n’y en avait pas qui eût été rendu
public par une inscription.
v
(0
Voir cet arrêt, et les questions qui sont posées, dans le Journal do
*rey, tome 1 4 , i t» partie, page 4 6 ; et dans le Code civil annoté par le
même auteur, notes i 5 et 1 6 , sur l’article aio8.
�( 22 )
C ’est après s’être assuré au bureau des hypothèques
qu’aucune inscriplion ne grevait les héritages qu’il se
proposait d’acquérir; c’est aussi après avoir exigé de ses
vendeurs la déclaration que les héritages étaient fran cs
et quittes de toutes dettes et hypothéqués, que le sieur
Grelet, plein de sécurité, a acheté et a payé le prix
de son acquisition.
Examinons si une clause qui lui était inconnue, et
que renfermait un précédent contrat, a pu détruire, à
l’égard de ce tiers-acquéreur, tout le système de la
législation hypothécaire sous laquelle il contractait, en
conservant à un p re m ie r vendeur un privilège et un
droit de suite que, d’après la loi, sa négligence devait
lui faire perdre.
SECONDE QUESTION.
L a condition de transcrire, stipulée par les premiers
vendeurs, a-t-elle pu les affranchir, à l'égard des
tiers, de la nécessité de Cinscription de leur privilège,
et les autoriser à poursuivre des seconds acquéreurs
par la voie de la saisie immobilière ?
C’est dans l’examen de la nature et des effets de la
charge de transcrire, imposée par les premiers vendeurs,
que l’on doit se rappeler ce que nous avons dit en com
mençant, sur le danger de la confusion des principes,
et sur les erreurs dans lesquelles on tombe nécessaire
ment, lorsqu’on applique à une des matières du droit,
�C
23
)
des règles qui lui sont étrangères, en méconnaissant
celles qui lui sont pvopres.
Considérer la nature de la charge dont il s’agit ;
En déterminer les effets;
Démontrer qu’elle n’a pu être d’aucune influence
pour la conservation du privilège des vendeurs ;
Telle est la tâche qui nous reste à remplir.
Si l’on se fixe sur la nature de la clause insérée aux
contrats des ventes primitives, quels que soient les
termes dans lesquels celte clause est conçue, on re
connaîtra qu’elle caractérise un mode d’exéculion des
contrats, plutôt qu’ une condition suspensive des ventes.
En effet, une condition n’est suspensive qu’autant
qu’elle est subordonnée à un événement futur et incer
tain, indépendant de la volonté des parties.
L ’on appelle, au contraire, modes, dans le langage
du droit, tous ces pactes accessoires ou ces clauses
ajoutées à la convention principale, pour imposer aux
contractans certaines obligations, certaines charges (i).
Ce qui distingue le mode delà condition suspensive,
c’est l’exécution que reçoit le contrat.
Dans le cas d’une condition suspensive, le contrat
n'est exécuté qu’après l’événement de la condition.
C’est le cas prévu par l’article 1 18 1 du Code civil.
Dans celui du mode, ou de la condition modale,
exécution du contrat n’est point ^suspendue. Cette
1
( ) Voir ce que dit le professeur Toullier dans le Droit civil français,
n e ? , pages
a et6oo. Voir aussi le Répertoire de M . M erlin, au mot
M ode .
56
�(H )
exécution s’opère sur-le-cliamp; seulement le contrat
peut être résolu, si l’ une des parties ne satisfait pas à
la charge qui lui avait été imposée. C’est le cas dont
parle l’article n
du Code.
C ’est dans ce dernier sens que les parties ont en
tendu, ont exécuté elles-mêmes les contrats de vente.
Les acquéreurs se sont mis en possession au même
instant; et, loin de s’y opposer jusqu’à la transcription
des contrats, qui aurait dû être faite dans les six se
maines, les vendeurs ont participé à l’exécution autant
qu’il était en eux, soit en délivrant les immeubles
vendus, soit en recevant le prix des ventes.
Ce prix a été payé à diverses époques, la plupart
très-reculées du délai fixé pour la transcription; il a été
payé en totalité, à ce qu’il paraît, à l’un des vendeurs,
ou à son représentant, le sieur Saint-Laurent, qui
aujourd’hui ne réclame plus rien (i), et en très-grande
partie à l’autre vendeur.
N ’est-il pas singulier de voir ces vendeurs, qui ont
exécuté eux-mêmes les ventes, et qui en ont reçu le
prix, argumenter du défaut de transcription pour sou
tenir qu’il n y a pas eu de vente de leur part?
, Mais s i c o m m e ils le prétendent , et comme l’ont
83
( i) L e sieur de Saint-Laurent, unique représentant de la dam eD ouet,
qui a fait la première vente du 19 brumaire an x , est en cause sur l’appel,
3
parce qu’il y était entervenu en première instance; et cependant il ne lui
est tien d û , à ce qu’il paraît; ce qui le démontre, c’est que les nouvelles
poursuites dirigées contre le sieur Grelet ne sont faites qu’au nom des
héritiers du sieur de L ab o u la y e , et pour le prix de la seconde vente du
frimaire an i .
23
3
�( *5 )
pensé les premiers juges, il n'y a pas eu de vente, que
devaient-ils faire?
Ils devaient reprendre dans les mains de la compagnie
Bravard, les immeubles que désignaient des ventes res
tées imparfaites, sau fàag ir, au besoin, e n désistement
contre les tiers-détenteurs.
Telle était la conséquence, et tels devaient être les
eifels de la condition de transcrire apposée dans les
ventes, quelle que fût même la nature de cette con
dition, soit qu’on la considérât comme suspensive, soit
qu’on la considérât comme résolutoire.
Considérée comme suspensive, la condition aurait
empêché que les immeubles vendus ne fussent, devenus
la propriété des acquéreurs.
Considérée comme résolutoire, son inexécution au
torisait les vendeurs à rentrer dans leur propriété.
Sous l’un et l'autre rapport, les vendeurs auraient
pu demander à être renvoyés en possession de leur
chose, sauf à examiner les droits acquis aux tiers-ac
quéreurs.
Mais, sous aucun rapport, ils ne pouvaient être
admis à faire vendre cette chose par une saisie immo
bilière faile sur les premiers et sur les seconds ac
quéreurs.
En effet, poursuivre par saisie immobilière, c’est
agir, non comme propriétaires de la chose saisie, mais
comme créanciers ayant un privilège ou une hypo
thèque sur cette chose; c’est donc reconnaître qu’on
a cessé d’êlre propriétaire; c’est par conséquent avouer
4
�Ilf
î^ \
( 26 )
que les ventes primitives avaient transféré la propriété
des choses vendues aux acquéreurs originaires que l’on
poursuit.
Ainsi, il y a une contradiction choquante entre le
sens que les premiers juges ont donné à la condition
de transcrire, et les effets qu’ils ont attribués à cette
condition.
D ’un côtéj ils ont dit que la condition n’ayant pas
été remplie, il n’y avait pas eu de vente.
De l’autre, ils ont déclaré que les vendeurs avaient
pu agir comme de simples créanciers du prix, et pour
suivre^ contre les acquéreurs diverses expropriations
judiciaires qui ont été dirigées, non seulement sur la
terre. d’Allègre, mais même sur les biens propres des
acquéreurs originaires.
. Mais s’il n’y a pas eu de vente, il n’est pas dû de
prix,
• S'il n’y a pas eu de vente, loin d’être créanciers,
les vendeurs seraient, au contraire, débiteurs envers
les acquéreurs, de sommes considérables, s'élevant à
plus de oo,ooo francs, qu’ils ont touchées à compte
du prix d’une vente proposée, acceptée, mais non
consommée.
S il-n’y a pas eu de vente, les héritiers Douet et
Laboulaye auraient tout au plus droit contre la com
pagnie Bravard, à des dommages et intérêts dont la
valeur ne pourrait évidemment s’élever à celle des
sommes qu'ils auraient à restituer, et qui, n’étant ni
3
�27
.
(
)
cerlains ni liquides, n'auraient pu autoriser des expro
priations. (Voir le Code civil, article 2 2 i3 ) .
On le voit; il est incontestable que la décision du
tribunal du Puy renferme une erreur grave, ou dans
le principe qu’elle pose, ou dans la conséquence qu’elle
en lire.
Il faut nécessairement qu’il y ait eu vente, pour
que des vendeurs aient pu agir en paiement d’ un prix,
et poursuivre des expropriations dans l’unique but
d’obtenir ce qui, disent-ils, leur reste dû sur le prix.
Or, si les vendeurs sont forcés de reconnaître qu’il
y a eu vente; si cette vérité est le résultat nécessaire,
et des considérables à-compte qu’ils ont reçus sur le
prix, et des actions qu’ils ont formées, et des poursuites
qu’ils exercent encore aujourd’hui; si donc les vendeurs
ne sont réellement que de simples créanciers, privilégiés
même, il faudra au moins se résoudre à examiner com
ment leur privilège, quoiqu’il n’eût reçu aucune publi
cité, aurait cependant conservé toute sa force à l’égard
des tiers qui, au moment où ils ont contracté avec les
acquéreurs primitifs, n’ont pas trouvé ce privilège
inscrit sur les registres destinés à le faire connaître. t
Ces dernières réflexions nous ramènent à la première
question que nous avons traitée, et qui roule sur des
principes dont nous n’avons plus, il semble, qu’à faire
l’application.
Rappelons nous ici ce que nous avons démontré en
traitant la première question , savoir :
Que, sous le Code civil, et avant le Code de pro-
�( *8 )
cédnre, la simple aliénation produisait le même effet
que produisait antérieurement, ou que produirait au
jourd’hui la transcription du contrat; ‘
C ’est-à-dire, i° qu’elle effaçait, à l’égard des ache
teurs , non seulement les hypothèques, mais aussi les
privilèges non inscrits au moment des ventes ;
2.° Qu’elle arrêtait le cours des inscriptions, qui ne
pouvaient plus dès-lors être faites utilement.
Cela posé, comment concevoir que les héritiers
Douet et de Laboulaye puissent parler de privilège, et
agir hypothécairement contre des tiers-acquéreurs, en
vertu de ce prétendu privilège, qui n’était cependant
pas inscrit en i o et en 1806, au moment où les tiers
ont acheté?
*
Leur privilège, anéanti à l’égard des tiers parla loi,
et par la négligence des créanciers, est dans leurs mains
une arme inutile.
Leur privilège, d’ailleurs, ne pourrait être exercé
contre les détenteurs qu’autant qu’il aurait été inscrit 5
c'est ce que déclarent textuellement plusieurs articles
du Code civil; l’article 2 10 6 , d’après lequel les privi
lèges ne produisent d ’ejfet qu’autant qu’ils sont rendus
publics par l’inscription ; les articles 216 6 et 2 1 6 9 ,
par lesquels, pour être autorisés à suivre un immeuble
en quelques mains qu'il passe, et à le faire vendre sur
le t i e r s - détenteur, il faut être créanciers ayant un
privilège ou une hypothèque inscrite • les ariiçles 2 18 3
et 2 1 , qui ne reconnaissent de créanciers privilégiés
ou hypothécaires que ceux dont les titres sont inscrits,
85
85
�(
29
)
'
et qui n’attribuent qu’à ces créanciers seuls le droit si
important de surenchérir; l’article
du Code de
procédure, qui même en établissant, pour l’avenir, la
nécessité de la transcription , a cependant encore
confirmé celle de l'inscription des privilèges et h y
pothèques.
Convaincus eux-m êm es q u e, sans inscription, il
ne pouvait exister pour eux de privilège, ni par con
séquent d’action hypothécaire à exercer, les héritiers
Douet et de Laboulaye ont fait inscrire leurs titres.
Mais leurs inscriptions, prises en 1808 seulement,
ne pouvaient plus être faites utilement alors, parce
que les aliénations antérieures avaient arrêté le cours
des inscriptions.
Leurs inscriptions tardives n’ ont pas fait revivre
contre des tiers-acquéreurs un privilège anéanti depuis
long-tems à Tégard de ces derniers ; ces tiers-ac
quéreurs n’en ont pas moins le droit de dire que des
immeubles qu’ils ont achetés libres de toutes dettes ,
n’ont pu être grevés depuis !es ventes, et que les créan
ciers de leurs vendeurs n’ont ni privilège ni inscription
valable sur ces immeubles.
834
Si les principes que nous avons posés sont vrais, si
la publicité des privilèges et des hypothèques est réel
lement une des bases fondamentales du système hy
pothécaire tel qu’il est établi par le Code civil, il sera
difficile de concevoir de quelle influence a pu être, à
■p r
. J
1
°8ard des seconds acquéreurs, pour la conservation du
puvilégedes premiers vendeurs, la condition de trans
crire, insérée dans les contrats des ventes primitives.
�( 3o )
Les eiFets de cette condition pourraient être trèspuissans pour anéantir les ventes ; mais ils sont évi
demment sans force pour les maintenir, et pour con
server, même contre des tiers, un privilège et une
action en paiement du prix.
Dira-t-on que les tiers ont dû connaître la clause de
la première vente, et que s’ils ne l’ont pas connue, ils
ont à se reprocher leur imprudence? Rappellera-t-on
contre eux cette ancienne maxime : Nemo ¿gnarus
debet esse conditionis ejus cum quo contrahit?
t Invoquer une pareille maxime en matière hypothé
caire , ce serait en faire la plus fausse application.
Quel a été, en effet, le but de l’établissement du
régime hypothécaire?
Ce but a été précisément de dispenser les acquéreurs
de se livrer h des recherches toujours difficiles, souvent
impossibles, sur les dettes de leurs vendeurs.
Il
a été de mettre les parties contractantes à portée
de connaître l’état respectif de leurs fortunes, par la
simple inspection des registres destinés à rendre pu
bliques toutes les charges dont ces fortunes pouvaient
être grevées.
Il
a été d’assurer à chacun des contractans qu’il
n ’aurait à craindre ni recherche, ni privilège, ni con
currence de la part de toute personne qui n’aurait pas
donné à des droits antérieurs, cette publicité si impé
rieusement exigée par la lo i, comme étant la priùcipale
base de tout le système hypothécaire.
Admettre que l’on a p u , par les clauses d’une vente,
ou d’un autre contrat, déroger à la nécessité d’une
�( 3i )
publicité aussi importante , aussi formellement exigée
à l’égard des tiers, ce serait renverser tout le sys
tème de la loi, ce serait anéantir le code hypothé
caire lui-même, ce serait nous replonger dans l’ancien
chaos de ces privilèges et de ces hypothèques qui res
taient ignorés des acquéreurs, jusqu’à l’instant où une
action aussi imprévue que dangereuse venait les tirer
de leur sécurité, en consommant leur ruine.
Qu’on cesse donc de prétendre que la condition de
transcrire, stipulée dans les premières ventes, a pu
être de quelque valeur relativement à des tiers qui
n’étaient pas parties dans les contrats, à des tiers qui,
au moment où ils ont contracté eux-mêmes avec leurs
propres vendeurs, n’ont eu qu’une seule chose à con
sidérer, n’ont eu qu’à vérifier s’il y avait, sur les
biens qui leur étaient vendus, quelques créances ins
crites.
En ne trouvant aucune inscription sur ces biens, en
achetant sous l’empire d’une loi qui effaçait toutes
dettes, tous privilèges même, non inscrits au moment
des ventes^ ces liers ont acquis de bonne fo i, ils ont
acquis sous la foi même du législateur, qui leur avait
promis qu’ils n’avaient rien à craindre; ils ont acquis,
ils ont dû acquérir avec une sécurité parfaite; et ne
seraient-ils pas autorisés à se plaindre du législateur,
fct à lui reprocher de leur avoir tendu un piège , s i ,
«jprès avoir payé le prix entier de leurs acquisitions,
il-s pouvaient être aujourd’hui poursuivis par des créan
ciers! qui furent négligens lorsque la loi leur prescrivait
de ln vigilance; par des créanciers qui> sortant, enfin
�( 3^ )
de leur longue inertie, voudraient fbire retomber sur
eux le poids de leur propre faute ?
Nous disons Le poids de Lear propre fa u te ; car pour
quoi ces créanciers n ’ont-ils pas veillé à l’exécution
de la condition de transcrire, qu’ils avaient stipulée?
Pourquoi n’ont-ils pas usé de la faculté de transcrire
eux-mêmes, faculté que leur accordait l’article 2108
du Code? Pourquoi n’ont-ils pas, au moins, pris une
inscription , comme la loi et la jurisprudence les y
autorisaient ?
L a condition de transcrire, obscurément placée dans
un acte étranger au sieur Grelet, ne pouvait ni changer
la nature du privilège des premiers vendeurs, ni ajouter
à sa force, ni dispenser des formalités nécessaires à sa
conservation.
Remarquons aussi que cette clause n’était que se
condaire, et accessoire à l’obligation même de payer
le prix.
Or, l’obligation de payer ne pouvait grever les im
meubles et s'étendre à des tiers, sans etre rendue pu
blique par une inscription.
;
’
Comment l’obligation accessoire aurait-elle plus de
vertu, et produirait-elle plus d’efl’et que l’obligation
principale ?
Cette dernière observation nous conduit et s’ap
plique à une autre objection.
On oppose que la compagnie Bravard n’a pu trans
mettre au sieur Grelet plus de droits qu'elle n’en avait
elle-même, et que la propriété n’a passé à des tiers
�( 33 )
qu’avec les charges et sous les conditions stipulées dans
les premières ventes.
Ce que nous avons dit répond suffisamment à l’ob
jection.
Nous ajouterons seulement quelques réflexions sur
la nature des charges et des conditions.
Celles qui sont placées sur le fonds vendu, de manière
à diminuer l’étendue de la propriété, suivent ce fonds,
en quelques mains qu’il passe; il n’y a pas de doute :
une servitude, par exemple, imposée par la vente pri
mitive, reste toujours attachée au fonds; et c’est en ce
sens qu’il est vrai qu’un premier acquéreur ne peut
transmettre à un tiers plus de droits qu’il n’en a reçus
lui-même.
Mais les charges, les conditions qui augmentent le
prix, ou qui tendent à en assurer le paiement, ces
charges, ces conditions ne grèvent les tiers qu’autant
qu elles ont été rendues publiques par l’inscription. En
décider autrement, ce serait rayer du Code la loi sur
les privilèges et les hypothèques; car il n’est pas une
seule vente où la charge du paiement du prix ne soit
une condition essentielle de la transmission de la pro
priété ; et l’on pourrait toujours dire que les tiers-
acquéreurs n’ont pu devenir propriétaires que sous
cette charge.'
Or, on le demande, que deviendrait le régime h y
pothécaire avec un pareil système?
Convenons donc que si les charges inhérentes au
fonds, telles que les servitudes, subsistent toujours,
5
�34
(
)
et si elles suivent la propriété dans toutes ses mutations.,
il n’en est pas ainsi des clauses, des charges, et des condilions relatives au paiement du prix de la première
vente, et que ces dernières charges et conditions no
passent pas à des tiers-acquéreurs, lorsqu’elles n’ont pas
reçu la publicité exigée par la loi, sauf cependant Faction
en résolution de la première vente, action que la loi
réserve au vendeur, mais qui lient à d’autres principes,
comme nous l’avons déjà fait observer.
C’est trop long-tems, sans doute, s’arrêter à des dé
monstrations d’ une évidence presque mathématique,
qui signalent l’erreur et la confusion de principes, dans
lesquelles se sont égarés les premiers juges, en consi
dérant la condition de transcrire, et celle de payer le
prix des ventes, comme propres à rendre toute publi
cité. inutile, même à l’égard des tiers-acquéreurs, et
à conserver sans inscription le privilège des premiers
vendeurs.
Toutes clauses, toutes charges semblables sont évi
demment insignifiantes, à l’égard des tiers, dans des
questions de privilège ou d’hypothèque, si, par une
inscriplion, elles ne sont devenues publiques.
Qu’on les fasse valoir, si l’on veut, pour demander
la résolution ou la nullité des premières ventes, cas
régi par d’autres principes, et pour lequel des inscrip
tions ne sont pas requises.
Mais qu’on ne les invoque pas pour réclamer un
privilège qui n'a pu subsister sans inscription.
Mais, diront nos adversaires, que vous importe
�( 35 )
d'être dépouillés par une action en nullité ou résolution
de la vente,, ou par celle en paiement du prix?
Nous répondrons qu’il importe à toute personne de
repousser, dans le moment, une action illégale, sauf
à se défendre, à l’avenir, d’ une action nouvelle, si
elle était entreprise.
Or, l’action en résolution ou en nullité, qui n’est
pas celle dont il s’agit aujourd’hui, cette action fûtelle même fondée, il n’en serait pas moins vrai qu’on
n’a pas eu le droit d’agir contre le sieur Grelet par des
poursuites hypothécaires, en paiement d’ une créance
non utilement inscrite à son égard.
On sait, et la Cour de cassation nous l’enseigne
elle-même sur une question semblable, dans les savans
motifs de cet arrêt du
décembre i i , que nous
avons déjà cité; on sait «que l’action en résolution
« de la vente, et celle en paiement, sont essentielle«• ment distinctes; qu’elles produisent des effets et sont
« soumises à des principes difïérens; qu’ainsi, si l’une
« de ces actions n’est pas assujétie à telle ou tellè for«• malité, il n’y a aucune raison d’en conclure que
« l’autre en soit exempte. »
5
83
Que les héritiers Douet exercent donc, si bon leur
semble, une action en nullité ou en résolution des
ventes originaires, action pour laquelle l’inscription leur
est inutile.
Mais qu’ils soient, en attendant, déclarés non recevables dans l’action hypothécaire en paiement du prix,
puisqu une inscription prise avant les secondes aliéna
�( 36 )
tions aurait pu seule leur conserver le droit d’agir par
cette dernière voie.
Au reste^ le sieur Grelet redouterait peu Taction en
nullité ou en résolution des ventes primitives.
Fût-il atteint par cette action, le sieur Grelet trou
verait au moins un dédommagement dans le prix
qu’ont touché ses adversaires ; et qu’ils seraient certai
nement tenus de restituer, au moins en très-grande
partie; et le dédommagement serait d’autant plus
juste,, que si les héritiers Douet et Laboulàye, ont reçu
de grandes sommes, c’est aux dépens même de celles
qu’ont versées le sîeur Grelet et les autres tiers-acqué
reurs, que l’on veut cependant dépouiller aujourd’hui.
' L e sieur Grelet, fort des moyens nombreux fet puissans qu’il vient de développer, espère se garantir de
cette spoliation.
- Il a acquis à une époque où la simple aliénation
tenait lieu de transcription , en produisait tous les
effets, et purgeait toutes les créances non inscrites,
quelque privilégiées qu’elles fussent. Il n’a donc pas
dû être poursuivi en expropriation pour le paiement
d’ une créance à laquelle aucune inscription n’avait
donné la publicité exigée par la loi.
L a condition de transcrire lui est étrangère; cette
condition, placée dans un contrat qui ne lui a pas été
connu, et que la loi ne l’obligeait pas à connaître, cette
condition, imposée aux premiers acquéreurs, n’a pas
dispensé les vendeurs de veiller eux-mêmes ii la con
servation de leurs droits; elle n’a pu changer la nature
�■ ( 37 )
de leur privilège, elle n*a pu les affranchir de l’obli
gation de donner à leur créance de la publicité ; elle
n’a pu anéantir, dans un intérêt privé, tout le système
de ce salutaire régime des hypothèques, que l’intérêt
public a produit.
L e sieur Grelet doit s’attendre qu’on lui opposera
un arrêt de la Cour, rendu le 14 mai dernier ( 18 17 ) ,
en faveur de ses adversaires eux-mêmes, et contre
d’autres tiers-acquéreurs.
Cet arrêt a prononcé’sur l’appel d’un jugement dont
les motifs décidaient que, même relativement aux
ventes faites sous le Code civil, et avant l’émission du
Code de procédure, la transcription avait été néces
saire pour purger les créances non inscrites.
L ’erreur était grave; l’avocat des appelans s’attacha
à la démontrer.
L avocat des intimés, tout en cherchant à justifier
les motifs du jugement, proposa un moyen subsidiaire
qu il fit résulter de la condition de transcrire, imposée
dans les premières ven tes, en présentant cette condi
tion comme ayant dispensé les vendeurs de donner
de la publicité à leur créance pour en conserver le
privilège.
v
I/objection était spécieuse; elle roulait sur une ques
tion d’hypothèque, c’est-à-dire sur une des questions
les pltis ^difficiles jdans notre droit ; elle fit sur lu Cour
une impression imprévue, que ne put détruire une
léplique courte et rapide, dont une partie seulement
fut consacrée à .l’examen de ce nouveau .moyenne! la
�( 38 )
Cour l’adopta, sans s’arrêter aux motifs des premiers
juges.
Aujourd’hui que l’objection a été approfondie, et
que le faible en a été démontré, le sieur Grelet doit
peu craindre l’influence du préjugé qu'on pourra lui
opposer.
L e sieur Grelet sait que, si les dignités et les lumières
ne garantissent pas toujours de l’erreur, c’est le propre
des âmes fortes et généreuses de la reconnaître et de
la réparer, quand elle est signalée ( 1 ).
Déjà la Cour a donné plusieurs de ces nobles
exemples, en réformant sa jurisprudence, notamment
sur des questions d’hypothèque et de testament.
Plein de respect pour ses juges, plein de confiance
en ses moyens , le sieur Grelet attendra avec calme
l’arrêj qui doit prononcer sur son sort.
t
M e A L L E M A N D , Avocat.
.1.
* .
Me GARRON,
,
Licencié-Avoué.
Ho minis est errare at D ei aut hominis Deo proximi
emendare errores. E ra sm e .
( i)
,
A, R IOM, DE L’IMPRIMERIE DE J.-C. SALLES, IMPRIMEUR DU PALAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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A name given to the resource
[Factum. Grelet, Barthélemi. 1818?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
hypothèques
ventes
conflit de lois
procédures
nullité
créances
saisie immobilière
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Barthélemi Grelet, propriétaire, habitant de la Ville d'Allègre, appelant ; contre M. Armand-Guillaume-Marie, Comte Joly de Fleury ; et dame Angélique-Claudine Douet de Laboulaye, son épouse ; les sieurs Gabriel Douet de Laboulaye, officier ; Charles Lherbette, notaire ; Louis Volflanbert, employé au Trésor public ; et Pierre-Louis Langlais, propriétaire, tous habitans de la Ville de Paris, intimés ; et contre le sieur de Saint-Laurent, ancien Officier-Général, aussi intimé.
note manuscrite : 10 février 1819, audience solennelle, après partage, confirme, journal des audiences, p. ?
Table Godemel : Transcription : 5. l’obligation de transcrire avant aucune aliénation des biens vendus, imposée à l’acquéreur comme condition essentielle et suspensive de la vente jusqu’à l’accomplissement de cette formalité, a-t-elle l’effet de conserver le privilège du vendeur, sans qu’il ait besoin de prendre inscription, même à l’égard des tiers acquéreurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1818
An 13-1818
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2406
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2407
BCU_Factums_G2408
BCU_Factums_G2409
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53460/BCU_Factums_G2406.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Allègre (43003)
Rights
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Domaine public
conflit de lois
Créances
hypothèques
nullité
procédures
saisie immobilière
ventes
-
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23f74758dc6bddb6428b123fe18e9b8b
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Text
%6<
OBSERVATIONS
-• > :
I
PO UR
Le sieur B a r th é lem i G R E L E T , . appelant, ,J;
'■(iO:> r ;
CO NTRE
M onsieur le comte J O L Y D E
'
«
et a u tre s , intimés.
t.
*
Uî
FLEU RY ,
.,iH î..;
*i
U ne cause importante est sur le, point d’être examinée
de nouveau par la Cour. ,
Elle présente deux questions du droit transitoire ,
en matiere d hypothèque :
.
1° s ous le Code civil, et avant le Code de procédure,
la transcription était-elle nécessaire, pour arrêter le
cours des inscriptions ? . . .
.
2 Des conventions faites dans une première vente
�ont-elles pu déroger, à l’égard des seconds acquéreurs,
à la loi générale sur les hypothèques?
Ces deux questions avaient déjà été soumises à l ’une
des chambres de la C our, à l’audience du i!\ mai 1817.
L a première était la seule sur laquelle eût prononcé
le jugement dont il y avait appel : elle fut examinée
dans tous ses détails.
C.
",
'i
La seconde, élevée à l ’audience seulement, fut dis
cutée dans une réplique trop rapide pour maîtriser
l’attention.
A la même audience , la Cour , en rejetant les motifs
du jugem ent, se décida par les conventions particu
lières contenues dans le premier acte de vente.
Le sieur Grelet était étranger à l’arrêt. Depuis, lesmêmes difficultés ont été agitées avec lui. Développées
dans un m ém oir e imprimé , elles ont paru tellement
.graves, que les magistrats eux-mêmes , qui avaient
rendu l’arrêt du 14 mai 1817 , s’élevant au-dessus des
faiblesses ordinaires aux autres hommes, ont provoqué
la réunion des deux chambres ; et le résultat de cette
Téunion à été uri partage d ’opinions.
Aujourd’hui M. le comte Joly de Fleury et ses
consorts cherclient îi nous éblouir par le luxe d’une
consultation imprimée, signée de cinq jurisconsultes
de Parish
’ L ’auteur ^de1 la consultation traite l’une et l’autre
question 3 c est-a-dire qu il cherche à prouver non1r » ’ " 1’ i* 1■ - t
•
? •
seulement qu e, par des conventions particulières, on
�( 3 )
a pu déroger à la loi générale sur les hypothèques,
mais encore que la Cour de Riom a mal jugé en 18 17 ,
en ne déclarant pas la transcription nécessaire pour
arrêter le cours des inscriptions.
Cette question-ci est même traitée la première.
Pourquoi?
Parce q u e , nous dit-on, la stipulation s q u i a eu
p o u r but de conserver le droit des vendeurs dans son
intégrité acquerra d ’autant p lu s de fo r c e d e cette
démonstration prélim inaire.
Ne serait-ce pas plutôt parce qu’on a*’senti combien
serait faible le droit des vendeurs, s’il était privé de
cet appui qu’on cherche à lui donner?
'
Pour suivre dans ses raisonnemens l ’auteur de la
■consultation, nous serons donc obligés d’examiner
comme lui les deux questions, quoique la première ne
dût plus , il semble , diviser les opinions ; e t , dans
une discussion qui sera le complément de celle que
contient le mémoire imprimé du sieur Grelet (1) ,
nous ferons voir que si l’on n’avait pas négligé de
puiser aux sources, l’on aurait évité de grandes erreurs,
|:
•P R E M IÈ R E Q U ESTIO N .
"
!
Sous le Code civil, et avant le Code de procédure,
*a u’anscription a-t-elle été nécessaire pour arrêter le
cours des inscriptions?
(0
Voir le mémoire imprimé du sieur G rclct, pages 9 et suivantes.
�( 4 >
Le régime hypothécaire, établi par la'loi du 1 1 bru
maire an 7 , était d’une imperfection qui»avait frappé
tous les - bons esprits. ' L ’article : 26 de cette lo i, en
la is s a n t la propriété . suspendue entre les mains de
l ’acquéive'ur jusqu’à la transcription ; en déclarant que
jusque-là les actes de vente ne pourraient être opposés
a u æ jie r ^ j p r é s e n t a i t à Ja fraude une large voie, dont
elle ,n’ay,ait ;pa§-,manqué de profiter. On avait vu des
vendeurs‘Jminora.ux ^Jiypothéquer ; même après vies
ventes, des objets qui avaient cessé, d’ètre leur propi;iét¿ , .(et pendre ainsi leurs acquéreurs victimes d’une
i,nsi^ne, mauvaiBe foi.1 j
,
r'
C et article zfy avait cependant été inséré dans le
projet du Code civil 5 m ais, vivement attaqué au
conseil cl’jétat, ií fut supprimé, et remplâcé par l’àr'.-.r.;'-»
i>
ticle 21 01 de la rédaction d e h n it i v e .
•' r-f '»-7- . ; •'»t ■
* ■
* -, f--» -: !
....
D ès-lors, il .fut reconnu que les actes de v e n te -ili, 7 ,
; ,-ij.
„ 1
quoique non transcrits j pourraient ctre opposes a u x
tiers : e t d e .c e p r i n c ip e d é c o u la n a U L rellem en t la co n sé t v»
'«*> ", ' ' i-’’ • v ''"i
- -,i : ,
quence que les ,creancierst inscrits au moment des
ventes ^ 'seraient les seuls .qui conserveraient sur l'im
meuble vendu lin droit hypothécaire.
Cette conséquence était en harmonie avec l ’ensemble
.
(
» | ! ,J ’ j
);
'
’ T fT • ¡ j 1 y - • ; |f »'
d u n o uv e a u système h y p o t h é c a ir e . O n s a i t , en effe t,
que. fe
système repose, su r deux bases p r in c i p a l e s : la
.^péclvlitiî | q u i est étrangère a Ja question q u i nous
iit 'i'jjjiií. UK'j 0 i ¿ . l ,
' li'* ’
occupe-, la p u b l i c i t é , sur laqu el le cette,questlou roule
en entier.
. 1 u'ü.pukUçilé, prescrite paxj-nos législateurs, prosqu’à
�( 5 )
chaque article de la loi ; la p u b l i c i t é si importante
pour les tiers, et sans laquelle le Code .civil ne recon
naît pas de droits hypothécaires existans; la publicité
n’a pas même été l’objet de l ’attention du rédacteur
de la consultation : aussi a-t-il éludé la difficulté plutôt
que de la résoudre.
j Trois articles isolés du Code., et quelques arrêts de
Cours royales , forment tout le corps de la doctrine
qu’il établit.
Mais si l ’on se fut fixé sur un grand nombre d’autres
articles du Code civil même , ou du Code de procédure'
et sur les motifs qui les ont préparés} si l’on eut con
sulté, les auteurs qui traitent la question; si l ’on eut
recherché d’autres arrêts d’un plus grand poids , 011
aurait été nécessairement conduit a une conviction
contraire, et l’on serait convenu que les immeubles
yendus sous le Code civil ont été affranchis par l’alié
nation seule de toutes créances non inscrites.
On a opposé les articles 2 1 1 2 1 8 1 , 2182.
( L ’article 2x14 pose u n p r i n c ip e g é n é ra l r e la tifs
l'hypothèque, lorsqu’elle existe. Il ne s’occupe pas des
conditions nécessaires à son existence , à l ’égard des
tiers : il est donc étranger à la question. ’
Les articles 2181 et 2182 se rattachent l’im -krautre.
Il* disent q u e p o u r purger les privilèges et les hypo
thèques, il faut d’abord transcrire, ensuite notifier: la
transcription seule ne purgerait pas (Yo.y^ l’art, 2 1 ^ .) .
. L idee naturelle que présentent ces deux articles ,
c est qu ils ne s appliquent qu’aux créances ipsçwtes
�i^ar la notification est impossible à l ’égard des créances
non inscrites : d’où il suit que ce sont les premières
créances seulement que le législateur a considérées
comme charges de l’immeuble.
Aussi n’est^ce pas sans étonnement, que le sieur
Grelet a remarqué que l ’on s’emparait contre lui de
cet article 2182 même, qui lui avait fourni, dans son
mémoire, un moyen auquel on a cru cependant inutile
de répondre (1).
Qu a-tr-on prouvé^ au reste, par les raisonnemensque
l ’on a faits? Rien, si ce n’est que, comme l’a dit Montaigne,
sur toutes choses on peut p a r le r pour et contre (2).
On le pouvait d’autant plus aisément pour M, Joly
de F le u ry , que l ’on négligeait tout ce qui était propre
à jeter un grand jour sur la question,
Cette question était éclaircie ,
Par les articles 2 134 et 2 135 du Code, sur les simples
hypothèques l’un qui dit que l ’hypothèque n a de
rang que d u jo u r de l ’inscription ; l’autre qui déclare
qu’il n’y a que H y p o th è q u e légale des femmes et des
mineurs, qui existe indépendam m ent de toute . ins
cription,. Il est donc évident que toute autre hypo
thèque n existe pa s sans inscription; exceptio Jirm a t
régulant ;
Par les articles 210 6, 2108, 210 9, 2 110 , 2 1 1 1 ,
(1) Voyez page i 4 du mémoire.
(2) Il y a prou de loy de parler, par-tout, et pour et contre ( Essais
4c M o n ta ig n e , liv. 1” , cliap. 47)*
�( 7 )
^
S i i 3 , qui ont trait aux privilèges: l'article 210 6, qui
porte que les privilèges ne produisent d'effet 3 h l égard
des im m eublesj q u ’autant q u ’ils sont rendus p u b l i c s
p a r une inscription ; ce qui démontre que le privilège
n’existe pas sans inscription ; car là où il n’y a pas
d’effet, on ne peut supposer de cause : les articles 2108
et suivans, qui exigent une inscription pour les divers
privilèges auxquels ils se rapportent r enfin l’art. 2 1 13 ,■
qui dit que les créances, à l’égard desquelles les condi
tions prescrites pour en conserver le privilège n’ont pas
été accomplies, ne cessent pas néanmoins d ’être hypo
thécaires j mais que Vhypothèque ne d a t e 3 à Végard
des tiers j que de Vépoque des inscriptions.
Quoi de plus formel que ce dernier article ? Quoi de
plus décisif pour la question ? Le vendeur conserve son
privilège, aux termes de l ’article 2108, par une ins
cription d’office, prise lors de la transcription. Si cette
condition n’est pas rem plie, le privilège dégénère en
simple hypothèque ; et cette hypothèque ne date a
l ’égard des tiers, n’existe par conséquent, que d u jo u r
dè l ’inscription. O r, une inscription n’a été prise, par
les adversaires du sieur G relet, qu’en 1808 : comment
donc pourrait-elle conférer , à son préjudice, une
hypothèque sur des immeubles qu’il avait acquis
en 1806 ?
On pourrait aussi invoquer, pour le sreur G relet,
1 article 2166, qui n’accorde de droit de suite sur un
immeuble, qu’aux créanciers aya n t privilège ou h y
pothéqué inscrite ; 1 article 21G7 d’après lequel le tiers-
%
�détenteur est obligé , en cette qualité, p a r V ejfet Seul
des inscriptions y l ’articlé 2 17 7 , qui n’admet de préfé
rence sur les créanciers de l ’acquéreur qu’en faveui
des créanciers inscrits sur les précédons propriétaires;.
l ’arlicle 2182 déjà ci t é; l ’article a i 83 qui veu t que
les notifications soient faites a u x dom iciles élus dans
les inscriptions ; l’article 2 1 85 qui ne permet de sur
enchérir q u ’aux créanciers dont le titre est inscrit.
Tous ces articles démontrent la nécessité de donner,
par l ’inscription, de la p u b lic ité à la créance privilégiée
ou hypothécaire, et font voir que , sans cette publicité
si i m p o r t a n t e p o u r les nouveaux acquéreurs , ceux-ci
sont affranchis d’ une charge qu’on a négligé de leur
faire connaître.
Ces nombreux articles sur l’indication desquels on
a été si sobre dans la consultation imprimée, ne per
mettaient pas même de doute sur le vrai sens de la loi.
Mais toute incertitude, s’il en était resté, aurait dû
disparaître a la lecture des discours qui ont préparé l’ad
mission du projet présenté aux assemblées législatives.
Lesieur Grelet avait déjà rappelé , dans son mémoire
imprimé (l)> les expressions remarquables de M. Grenier,
dans son rapport atc tribunat. La transcription, avait
dit cet orateur, n’est p lu s nécessaire p o u r arrêter la
cours des inscriptions.
Il rappellera' ici le langage aussi décisif du conseiller
d ’état T h reillard .
'■
'1
•
(1) Voyez pages 15 et itf.
•
'>
!
�Après avoir remarqué sur l'ancien droit?qu ç.Vhypo-'
îhèque donnée p a r des actes occultes ne laissait au
cune garantie contre la mauvaise f o i , ce législateur,
en parlant du projet de loi qu’il présente, s’exprime
ainsi.:
« LThypothèque conventionnelle doit n é ce ssa ir e m e n t
« être r e n d u e p u b li q u e par l ’inscription, afin q u ’on
« ne puisse pas sans cesse tromper les citoyens. »
11 ajoute que l ’hypothèque judiciaire doit aussi ac
quérir la p u b lic ité par l ’inscription.
E n fin , traitant des privilèges ,• et après èn avoir
distingué quelques-uns, tels que les frais de justice,
de maladie, etc., c’est-à-dire, ceux qui-sônt compris
dans l’article 2101 du Code, il termine ainsi :
« A l ’égard des autres créances privilégiées, elles
« doivent, sans contredit, être renduùs publiques par
« la voie de Vinscription-, les tiers ne peuvent les
« supposer. »
A in si, la p u b lic ité était une condition inhérente àu
privilège ; elle était indispensable pour lui donner la
v ie , pour lui faire pioduit-e un effet, comme le dé
clare l’article 2106; e t, sans l’accomplissement de cette
condition, le privilège n’était , à l’égard des seconds
acqucfeul’â , qu’un droit imparfait et sans existence
légale, qui ne les avait grevés d’aufcune charge, pardfc
que he le trouvant pas inscrit, ils n’avâient pu le
Supposer.
*
i i
T >•
lnn°vation môme apportée à la législation du Code
civil par 1 article 834 du Code de procédure, prouve
�de plus en plus combien, antérieurement, la publicité
de l ’inscription était indispensable.
Nous avons démontré, dans le mémoire ( i ) , que
l’article 834 avait opéré un changement absolu de
législation ; c’est ce qu’avaient également déclaré et
l’orateur du gouvernement, et l’orateur du tribunat.
Mais on sera bien plus convaincu encore de cette
vérité*, si l’on considère les circonstances qui ont donné
lieu à cette innovation.
: M. Locré nous instruit de ces circonstances dans.
l’esprit du Code de procédure. L ’innovation fut pro
duite par un intérêt purement fiscal, soutenu d’une
autorité à laquelle rien ne résistait alors, celle du
chef de l’état.
La régie, alarmée de la vraie doctrine qui venait
d’être développée dans un article du journal du palais,
craignant que les bénéfices des transcriptions ne lui
' échappassent désormais, fit des réclamations, et provoqua
un examen de la question par le conseil d’état. L ’examen
ne fut pas à son avantage; il fut suivi, au- contrairer
d’un avis du conseil d’état, en datç du n fructidor
an i 3 , et qui décide,
« Que Ja transcription utile aujourd’hui pour purger
« l ’immeuble des hypothèques inscrites antérieurement
« à la vente, n ’est plus nécessaire, depuis le Code civil,.
q pour annuller l ’effet des inscriptions postérieures, v
P
•
« r
;
•
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• i: • f
( i) Poges 1G et suivantes.
'
:
.. . :
;
�.( 11 )
L ’avis avait même été approuvé et signé par le cliei'
du gouvernement.
Mais la régie fit de nouvelles représentations sur la
perte d’une branche de ses revenus : elles donnèrent
lieu à une nouvelle discussion du conseil d’é ta t, dans
la séance du 11 mars 1806.
L e conseil ne changea pas d’avis. Cependant il fallait
céder : le chef l ’exigeait. Alors on imagina de g lis s e r ,
dans le Code de procédure quelques dispositions 3 p a r
lesquelles on consacrerait ce changement f a i t au Code
civil.
.
'
y
D e là sont venus les articles 834 et 835 . r
\
C ’est ainsi que s’exprime M. Locré.
E t qu’on vienne encore prétendre que la transcrip-.
tion était nécessaire, avant le Code de procédure, pour
purger les créances non inscrites !
Même en ignorant peut-être ces détails , tous les
auteurs ,‘ qui ont traité la question , la décident en
faveur du sieur Grelet ; tous pensent que les créanciers
privilégiés , dont les titres n’étaient pas inscrits au
moment des vendes, avaient perdu le droit de suite ;
expressions de l’un de ces auteurs.
Le sieur Grelet a cité, dans son mémoire (page 18), »
les auteurs qu’il a connus ; et il est à remarquer
qu’on ne lui en a opposé aucun dans la consultation
imprimée.
Mais on a invoqué contre lui plusieurs arrêts de
Cours royales, et l’on s’est m ontré, à cet égard, fort
laborieux dans les recherches.
�Parmi* les arrêta cités , les uns jugent que , sous le
Code c iv il, la transcription avait été nécessaire pour
arrêter le cours des inscriptions; un autre est allé
jusqu’à décider que^ depuis le Code de procédure, la
transcription même d’une seconde vente n’avait pas
purgé le privilège non inscrit du premier vendeur.
Nous répondrons aux arrêts de la première espèce,
qu’ils ont été rendus, sans doute, parce qu^on ignorait
les causes qui avaient préparé l’article 834 du Code de
procédure, et parce qu’en appi’ofondissant trop peu la
question, on avait considéré l’article comme, seulement
interprétatif : erreur évidente que nous avons signalée,
en prouvant que l ’article avait opéré un changement
réel de législation ,
Nous leur opposerons d’ailleurs des arrêts contraires;
non-seulement l’arrêt de la Cour de Paris, du 22 dé
cembre 1809, et celui de la Cour de Poitiers, du 18
janvier 18 10 , mais encore deux arrêts de la Cour de
T u rin , l ’un du 23 novembre 18 10 , l’autre du n fdé7\
cembre 1812.
Nous invoquerons aussi l’arrêt de cassation, du i 3r
décembre 18 13 , déjà cité: dans le mémoire du sieur
G re le t, et dont les motifs décident en thèse que si la
seconde vente a eu lieu sous l'em pire d u Code civil,
Q U I n ’ e x i g e p a s l a t r a n s c r i p t i o n 3 alors le p r i
vilège du prem ier ven d eu r ne p eu t p lu s cire in s c r it^ )..
( t ) L c s arrêtsci-dessussc tro u v e n t au R e cu e il ile S ire y , t. 10, 2e p a r tie ,
p ag ’cs
et
t o m e 11 , 2 e p a r t i e , p a g e a 8.| ; to m e 14 , a ' p a r t i e r
p a g e 22 5 ; m i m e t o m e , i re p a r l i e , p a g e 4 (5..
�(
}
Nous rappellerons, enfin l’arrêt rendu par la Cour de
Kiom elle-même ^ le a3 avriLi8o6 , qui déclare qu e,
sous le régim e'du Code civil , et antérieurem ent au
Code de p rocédure, il n’y avait pa s besoin^de trans
cription p o u r arrêter le cours des. inscriptions.
Toutes ces décisions'souveraines, en harmonie' par
faite avec le texte de la Iol, balancent saris douta-avec
avantage par leur nombre, et par leui poids j les pré
jugés dont argumente M. Joly de Fleuryv.
Or, l’on remarquera que leurs motifs s’appliquent
aux privilèges comme aux hypothèques.
ii
"
Ce n’est)donc pas sans surprise, qu’on a.'lu dans la
consultation imprimée , que le ve n d eu r était dispensé
de}prendre lui-m êm e inscription / que la' 16i \ a pris
soin de conserver elle-m êm e son privilège ji.-. ..... Que
‘V ainement un second acquéreur chercherait à effacer
le privilège dont son acquisition est empreinte en f a i L
sant transcrire son propre contrat.
1
Cette étrange th é o r ie que l’on d évelopper d an s p l u
sieurs pages, et- de l a q u e l l e il r é s u lt e r a it q u ’ u n dixième
a c q u é r e u r se ra it oblige de faire transcrire tous les
contrats antérieurs au sien 5 cette théorie fiscale, que
la régie trouverait excellente, mais qui serait ruineuse
pour les acquéreurs; cette théorie, hasardée sans doute
parce qu’on en a senti le besoin , aurait dcv'deplorables
conséquences si elle, ^ c h a n g e a it (en doctrine. Heu
reusement qu’elle est.repoussée, par la, loi eller-même
et par de nombreux* arrêts ;• ’ e t , s’il' est v r a i‘ que
les talens de ]\je Tripier l’aient lait adopter pa,r la
�première chambre de la Cour de Paris, il faut le dire
avec franchise : ou Terreur a triomphé, ou il n’y a
rien de certain au monde que l’incertitude ; et cette
iière raison, dont on fait tant de b ru it, est un guide
souvent-infidèle (i).
-\. v. ' wv.
-'.»»’Vv:»
- Mais qu’un'arrêt isolé ne nous entraîne pas dans le
vague et le découragement du scepticisme, à l’occasionL
sur-tout d’une difficulté sur laquelle la jurisprudence
paraît aujourd’hui irrévocablement fixée,
r
r
o Indépendamment de plusieurs arrêts des Cours royales,
q u i , à des époques ou une transcription était nécessaire
pour arrêter le c o u r s ' des i n s c r ip t io n s , ont décidé que
la transcription faite par un second acqiiéreür seule-«
nient, .faisait disparaître le privilège non inscrit du
premier ven deur, on peut en indiquer trois de la
Cour de cassation, un premier du 28 mai 1807, un
second, celui du i3 décembre 181 3 , déjà cité, un troi
sième du 14 ja n v ie r 1818 (2).
Ces arrêts, quoique non relatifs à des ventes faites
sous la législation pure du Code c iv il, s’appliquent à
la cause actuelle .par les raisons même d’après les
quelles le rédacteur! de la consultation voulait y apN' ¿ '
. . i l
1!-
(1) Solàm ccrlum nihil cssc ccrti, et hominc nihil miscrius aut su*
pcrbius. Pline, liist. nat.
(2) Voir 16 1er árr¿t dans le journal de Denevers, volume de 1807,
page 295 ; et le troisième datis le journal de Sirey, tome 18 , page. 3oo.
Voir ausâi dans ce dernier journal, tome 11 , 2® partie, page 4 3^ ; un
arrêt de Turin, du 16 mars 1811 ; et tome 16, 2e partie, pago 1” , un
jurrôt de Paris, du 3 juillet 1815.
�pliquer le dernier arrêt de la Cour de Paris. Puisque,
sous les législations qui , pour arrêter le cours des
inscriptions, exigeaient une transcription, celle faite
par le second acquéreur a effacé le privilège du pre
mier vendeur, on doit convenir aussi que ce privilège,
n’étant pas inscrit, a disparu par une seconde vente
faite sous le Code c iv il, d’après les principes duquel
la simple aliénation, par acte authentique, tenait lieu
de transcription, et produisait le même effet.
i
C ’est assez et trop long-tems peut-être s’être arrêté
à la première question,
,
Reconnaissons donc, avec la loi, avec ceux qui l ’ont
rédigée, avec tous les auteurs, avec les Cours'royales,
et parmi elles la Cour de Riom , avec la Cour de cas
sation elle -même, que, depuis le Code civil et avant
le Code de procédure, la transcription cl’une seconde
'vente n'était pas nécessaire p o u r arrêter le cours des
inscriptions ;
Que la vente seule produisait ce salutaire effet;
Q u’enfin, après cette vente, le privilège d'un pre
m ier 'vendeur ne pouvait p lu s être inscrit .
,
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Des conventions!.particulières faites dàris uUne. preïuièievente, ont-ellés pu dérogerai l ’égard id’ün .second
acquereur à la.loi générale suri les.«hypothèquesPmi-' j ;
ci, La solution de cette seconde ^question découléi ntces»«
�( <6 )
,
sainement de l'opinion que l’on adoptera sur la première.
Il serait étrange, en effet, qu’ un second acquéreur fût
hypothécairement grevé par des conventions et des
c h a rg e s qu’une inscription -n’aurait pas rendues pu
bliques , et queden tiers cependant ne p euvent supposer,
suivant l’expression du lé g is la te u r Threillard.
Aussi le rédacteur de la consultation s’est-il princi
palement attaché à créer, sur la première question ,
une fausse doctrine qui pût lui éviter les difficultés de
la seconde.
Pour la discussion de celle-ci, des erreurs de faits
sont ses premiers élémens^ une confusion de principes
est ensuite son unique base.
Une ' première erreur de fait très-remarquable est
écrite dans plusieurs pages, de la consultation. On y
dit que l’arrét du i4 m ai 1818 avait été attaqué devant
la Cour de cassation, et que le pourvoi avait été
rejeté.
Il n’y «1 rien de vrai dans cette assertion.
Le sieur Grelet a dans ses mains la preuve contraire.
On conçoit cependant que ce1faux renseignement a
dû influer beaucoup sur l’opinion des jurisconsultes, et
leur faire considérer comme la plus juste, ce lle que la
Cour de cassation e lle - m ê m e a v a i t adoptée.
Une seconde erreur, c’est qu’ils ont cru que les deux
v e n te s
primitives étaient conçues dans les mêmes termes.
Cependant’ celle! du 19 brumaire an i 3 est pure
et simple’.»Seulement' elle charge les acquéreurs de faire
transcrire à leurs frais, sans exprimer de délai. Mais
�( >7 )
M
elle ne contient ni clause suspensive ni clause réso
lutoire.
La vente du 19 brumaire an i 3 , au contraire , .
charge les acquéreurs de faire transcrire, clans le délai
de siæ sem aines 3 avant aucune aliénation des biens
présentement v e n d u s c e qui est stip u lé comme con
dition essentielle des présentes, et suspensive de la
•vente , j u s q u à Vaccomplissement de cette fo r m a lité .
Cependant on a raisonné sur les deux ventes de la
même manière.
-i
On a soutenu, pour l’une' comme pour l’au tre, que
les premiers acquéreurs n’avaient pas eu le droit de
vendre*, que par la seconde vente, les seconds acqué
reurs étaient devenus personnellement chargés de trans
crire le premier contrat, et qu e, faute d’avoir rempli
cette obligation, on avait pu faire saisir sur eux, comme
détenteurs, les immeubles qu’ils avaient acquis.
Ces diverses propositions, qui sont sans aucune ap
plication à l’une des ventes, n’ont pu m ê m e être appli
quées à l’autre q u e par u n e étrange confusion des
principes sur les conventions avec ceux relatifs aux
privilèges ou aux hypothèques.
La confusion des principes doit être soigneusement
.évitée, dans l’examen de toute question de droit, si l’on
ne veut pas s’exposer à tomber dans de grands écarts.
M. D om at, dans son immortel ouvrage des Lois
civiles, recommande cette attention. On doit prendre
3
�rpfe
K *8 )
g a rd e} d it-il, en parlant des lois , à ne pas appliquer
une règle hors de son étendue et à des matières oie
elle n a point de rapport
Que l’on n’oublie pas cette vérité élémentaire, et
l ’on distinguera facilement la ligne de démarcation
que le législateur a tracée entre les principes sur les
conventions et les principes sur les hypothèques.
Dans la classe des premiers se trouve cette règle si
connue q u e , « Les conventions légalement formées
« tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. (Voyez
« Code c iv il, art. i i 3 4 ). »
Mais le lé g is la t e u r nous l ’ a p p r e n d lui-même ; c’est
entre ceux qui les ont fa ite s seulement, que les con
ventions sont des lois; elles n’ont pas la même force à
l ’égard des tiers.
De cette règle féconde découle la conséquence qu’une*
condition suspensive anéantit la convention, si elle
ne s’accomplit pas; qu’une condition résolutoire au
torise l’une des parties à faire annuller le contrat, si
l ’autre ne remplit pas son engagement.
Mais c’est contre les contractans seuls que de telles*
actions peuvent être exercées; et si, pour des contrats
de vente notamment, elles atteignent des tiers-acqué
reurs, c’ est s e u le m e n t lo r s q u e , la v e n te étant annulléer
le vendeur, qui en a provoqué la nullité, reprend sa.
(1) Voyez lois civiles, livre préliminaire, titre 1, section 2, note sur.
l’article 29.
�'
(
'9
.
)
chose, comme étant alors réputé n ’avoir jamais cessé
d’en être propriétaire. Les tiers-acquéreurs , dans ce
cas, ne peuvent la retenirj ils en sont dépouillés par
l’application de la maxime : dissoluto ju r e dantis, dis solvitur ju s accipientis.
Au contraire, si, en laissant subsister la vente, le
premier vendeur veut agir contre les tiers-acquéreurs,
il n’a d’autre droit que le di'oit de suite } dont la loi
sur les hypothèques règle l’exercice (voyez art. 2166
et suivans), mais qu’elle n’attribue qu’autant qu’on
le conserve en remplissant les formalités qu’elle pres
crit.
Ce serait donc une recherche moins utile que spé
culative, que celle qui aurait pour objet la dénomina
tion et le caractère de la condition attachée à la vente
de frimaire an i3 .
Quelle que soit sa nature, son inexécution ne peut
autoriser le vendeur qu’à demander que le contrat de
vente soit anéanti.
Considérée comme résolutoire, elle donne le droit
de provoquer la résolution du contrat.
E11 ta considérant comme mode d’exécution, le ven
deur peut exiger, mais contre son acquéreur seul, qu’il
s’y conforme. L ’obligation de transcrire est l’obligation
d un iait dont ne peut être tenu que celui qui s’y est
soumis.
✓
T1
est bizarre de soutenir que des tiers qui n ’ont
fait aucune promesse sont cependant liés par la pro
# 9
�messe d’un autre , par une promesse qu’on leur a
même laissé ignorer.
11 est plus bizarre encore de prétendre que par cela
»
même que la condition n’a pas été exécutée, l’exécution
doit être considérée comme effectuée. Il y a trop de
profondeur dans cette pensée : nos faibles regards n’y
peuvent pénétrer.
Si l’on 'considère la condition comme suspensive ,
cette condition venant à défaillir, il n’y avait plus de
vente; car les ventes additionnelles n’existent pas tant
q u e l a - c o n d i t i o n n ’ a pas é té r e m p lie . Conditionales
venditiones tune p erficiu n tu r ciun im pleta fu e r it
conditio. L . 7 , ff. de contrah. em pt.
Dans tous les cas que nous venons de parcourir, quel
est le droit des vendeurs?
Non celui de faire exproprier des tiers-détenteurs
par des poursuites hypothécaires; car agir ainsi, c’est
reconnaître que la vente primitive est parfaite ;
Mais celui de reprendre la chose vendue; or, on ne
dispute pas ce droit à M. Joly de Fleury et à ses
consorts.
Pourquoi donc n’en usent-ils pas?
P a r c e q u ’ ils a u r a i e n t à r e s t it u e r p lu s de 3 0 0 , 0 0 0 fr.
qu’ils ont touchés des deniers même fournis par les
t i e r s - a c q u é r e u r s , et qui serviraient au moins à indem
niser ceux-ci d’une partie de leurs pertes.
Pour obscurcir des idées simples, on fait un singulier
argument.
�( 21 )
La condition, a-t-on d it , n’est pas suspensive de la
vente, mais elle est suspensive du droit de revendre;
et la seconde vente est censée ne pas exister a l ’égard
des premiers vendeurs.
Ce système est plus ingénieux que solide.
Il est détruit par les termes de la clause , par la
nature des contrats de ventes, par le mode même des
poursuites exercées.
Les termes de la clause sont clairs.
» Ce qui est stipulé, est-il d it, comme condition
« essentielle des présentes, et suspensive cle la vente
« jusqu’à l’accomplissement de cette formalité (celle
« de la transcription). »
Il est d’ailleurs contrairë à la nature des contrats
de vente, qu’un acquéreur soit propriétaire et ne le
soit pas.
“ La vente peut être faite purement et simplement,
« O U sous une condition soit suspensive, soit résolu« toire (Voyez Code civil, art. i 58/f). »
On ne reconnaît pas, en droit, d’autre manière de
vendre.
Si la vente meme n est pas suspendue par une con
dition, elle est parfaite, et la propriété est acquise lv
l’acheteur (Art. 1 583).
O r , « ];i propriété est le droit de jouir et de disposer
' îoses de la manière la p lu s absolue (Code civil,
art. 5 /+4). «
�Donc si la compagnie Bravard était propriétaire ,
elle a pu vendre.
S i , au contraire, elle n’était pas propriétaire, pour
q u o i, vous qui n’auriez pas cessé de l’être, avez-vous
fait faire sur nous la saisie immobilière de votre propre
chose ?
E t remarquons que l’on a reconnu , par le mode
même des poursuites, que la compagnie Bravard avait
pu vendre; car ce n’est pas sur elle, c’est sur les ac
quéreurs, et notamment sur le sieur G relet, qu’on a
saisi, et qu’on, veut faire adjuger judiciairement , eil
exerçant les poursuites indiquées par les articles 2169
et suivans du Code.
On doit donc convenir que si la clause, qu’elle soit
suspensive, ou résolutoire, pouvait être opposée à des
tiers-acquéreurs, ce serait seulement en faisant an
nulier les premières ventes.
, L ’on devrait en convenir d’autant m ieux, que tous
les exemples que l ’on invoque, tels que les pactes de
rachatj les rescisions, etc., ne sont que des moyens de
résolution de contrat.
Mais dire qu’une condition opposée à une première
vente a pu grever hypothécairem ent des seconds acqué
reurs , c’est tout-U-fait méconnaître les règles de notre
système hypothécaire, c’est supposer qu’on peut le
détruire par des conventions particulières.
Noire système hypothécaire tient à l’ordre public j
c’cst pour cela même que la
publicité
en est la buse.
�( 23 )
W*
Des stipulations particulières n’ont pu y porter at
teinte. Ju s p u b licu m privatorum p a ctis m utari non
potest.
Notre système hypothècaii’e a pour but de faire
cesser les privilèges et les hypothèques occultes , de
mettre un terme aux fraudes nombreuses auxquelles
donnaient lieu des créances inconnues.
Ce b u t , que l’on a cherché pendant si long-tems ,
que l ’on est parvenu à atteindre si difficilement et
après tant d’essais infructueux, ce but équitable ne'
serait-il pas manqué, s’il était permis, dans les ventes,
de faire des conventions qui , en dérogeant à la loi
générale, frapperaient les tiers, quoiqu’ils les eussent
ignorées ?
Ne verrions-nous pas alors autant de règles sur les
hypothèques, qu’il y aurait de contrats?
Chacun ne se ferait-il pas un code hypothécaire à sa
manière , et non seulement pour son usage , mais
•encore pour celui des tiers qui ne l’auraient pas connu,
et qui cependant seraient forcés de s’y soumettre, et
de le prendre pour règle de leurs droits?
E n fin , la loi générale sur les hypothèques ne deviendiait-elle pas un m isérablejouet,destiné à tromper
les esprits simples et conlians, qui auraient eu la bon
homie de croire qu’une loi doit être exécutée parce
qu elle existe ^ qu'en s’y conformant soi-même, on n’a
pas a redouter l’attaque de ceux qui ont négligé do
servei, et qu en ne trouvant sur les registres pu-
�blics l ’indication d’aucune créance, un acquéreur n ’a
pas dù craindre des créances caché,es, et a pu payer
en toute sûreté le prix de son acquisition.
On doit s’étonner que les jurisconsultes, auteurs de
la consultation, n’aient pas remarqué les funestes con
séquences du systèmequ’ils adoptaient, et q u ’ils n’aient
pas senti que l ’absence de toute loi sur les hypothèques
serait préférable à un tel désordre; car enfin, les tiersacquéreurs ne trouvant plus alors de garantie dans la
lo i, la chercheraient dans la méfiance.
Ces jurisconsultes ont été entraînés sans doute par
l’idée tr o m p e u s e de l ’ e x iste n ce d’un arrêt de cassation
conforme à l ’arrêt du i4 mai 18 17; ils se sont peutêtre aussi laissé égarer par leur facilité et leur force
dans la lutte judiciaire, par leur érudition même;
car quelquefois l ’érudition sert moins à découvrir la
vérité, qu’à créer des difficultés : d ifficu lla tem f a c î t
ndoctrici, a d i t un célèbre rhéteur.
Quoi qu’il en so it, ils ont embrassé une erreur.
S’il est v r a i, comme nous l’avons prouvé en exami
nant la première question, qu e, sous la législation
pure du Code c iv il, la vente suffisait pour arrêter le
cours des inscr iptions ; si cette vente avait le même eft et que
p r o d u is a it a u p a r a v a n t , o u que p r o d u i r a i t aujourd’hui
la transcription; si toutes les inscriptions postérieures
'étaient nulles, comme l’a déclaré le conseil d’état, on
doit dire aussi que la clause ajoutée à la vente est
absolument insignifiante quant à^la question du pri
vilège ou de l’hypothèque.
�Cette clause, qui avait pour but le paiement du
prix, n’était que l’accessoire de l ’obligation de payer;
et l ’accessoire ne saurait avoir plus de force, ni plus
d’effet que1 l ’obligation principale qui , 1 cependant,
n’a pu grever les tiers sans la publicité d’une'ins
cription .
Une inscription a été prise , dit-on ;
Cela est vrai; mais en 1808 seulement, c’est-a-dire,plusieurs années après les ventes consenties au sieur
Grelet; à une époque où toutes inscriptions étaient
nulles, à son égard; à une époque où le privilège était
dégénéré en simple hypothèque, q u i, suivant la dis
position de l’article 2 1 13 du Code, ne d a ta it , a l'égard
des tiers, que du jour même où elle avait été prise,
e t , par conséquent, était sans force, sans existence
meme, a l’égard du sieur Grelet.
Cette inscription tardive et illégale n’a pu autoriser
des poursuites contre un acquéreur q u i, long-tems
auparavant, était devenu propriétaire, et avait payé
la totalité du prix de son acquisition.
Le sieur Grelet n’a connu ni la clause qu’on lui
oppose, ni la créance que l’on réclame. Dans les contrats
d’acquisition, on a même déclaré lui vendre les biens
francs et quittes de toutes dettes et hypothèques ; il
a dù cioirc a la vérité de cette déclaration qu’aucune
inscription publique ne démentait. Il a dù se reposer
aussi avec sécurité sur les dispositions de la loi; il ne
doit donc pas redouter l’abîme dans lequel 011 a menacé
�( 26 )
de le précipiter ( 1) ; il a peu sans doute à espérer de
la générosité de ses adversaires ; mais il compte beau
coup sur la justice de la C o u r, parce qu’il sait que
devant elle comme devant la lo i, l’homme faible et
l’homme puissant sont également forts.
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1 M* ALLEM AM D , A vocat.
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( 1) Voyez pago 6 du précis des intimés.
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ARIOM, IMPRIMERIE DE J . - C . S A L L E S , IMPRIMEUR DU P A LA IS
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Grelet, Barthélemi. 1818?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
hypothèques
ventes
conflit de lois
procédures
nullité
créances
saisie immobilière
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour le sieur Barthélemi Grelet, appelant ; contre Monsieur le comte Joly de Fleury, et autres, intimés.
Table Godemel : Transcription : 5. l’obligation de transcrire avant aucune aliénation des biens vendus, imposée à l’acquéreur comme condition essentielle et suspensive de la vente jusqu’à l’accomplissement de cette formalité, a-t-elle l’effet de conserver le privilège du vendeur, sans qu’il ait besoin de prendre inscription, même à l’égard des tiers acquéreurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1818
An 13-1818
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2409
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2406
BCU_Factums_G2407
BCU_Factums_G2408
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53463/BCU_Factums_G2409.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Allègre (43003)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
Créances
hypothèques
nullité
procédures
saisie immobilière
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53464/BCU_Factums_G2410.pdf
95d93374b333f8a77121232e87f4111a
PDF Text
Text
m
cw k r/ i& m -
CONSULTATION /*
,
POUR
Le sieur
> îfV 4 ^ l/V%* $$/s-
P
ierre
M ENESCLOUX, appelant; y
c o n t r e
Dame M a r i e - J e a n n e I C H E R D E
LABARTHE
veuve de J e a n M E
N E S C L O U X , intimé.
LE conseil soussigné qui a pris lecture, 1 ° . du con
trat de mariage de demoiselle Marie-Jeanne Icher de
Labarthe avec le sieur Jean M enescloux, du 16 oc
tobre 1790; 2°. de la copie du testament mystique de
Jean Menescloux, fils à A n to in e , du 9 octobre 1792;
3° de l’acte de souscription dudit testament du même
jou r, du procès verbal de description dudit testament
�&
■
r
*
(, 2 }
, ,
du 3 janvier 1807 , de l’acte de décès de Jean M enescloux du 28 octobre 1806, du procès verbal de
non conciliation entre la femme Labarthe, veuve M e
nescloux, Antoine Menescloux, son beau-père, du 17
janvier 1807; de la transaction passée entre les mêmes
parties le 18 février suivant, d’autre transaction passée
entre les mêmes parties le 27 mai de la même année,
*4 du testament ^’Antoine Menescloux, beau-père , du 2,
' t
^»novumbre 1806, quatre jours après la mort de son fils,
¿te 1?acte de décès d’Antoine Menescloux, du 28 jan% •
—•- " • ■*
• • •
♦a.;*«' vier 18 12 , du procès vei’bal de non conciliation entre
•Â.i'A’
la veuve de Je an Menescloux et Pierre Menescloux ,
petit-fils d’Antoine, du 17 novembre 1814, de la de
mande formée par la veuve Menescloux le 3 décem
bre suivant, ensemble d’un mémoire à consulter;
Estime que les difierecis actes qu’on vient d’énoncer
font naître des questions très-importantes, et qu’il va s’éle
ver une discussion du plus grand intérêt entre le petit
fils de Jean Menescloux , et la veuve du fils aîné. Il est
rare, sans doute, qu’un père mette tous ses efforts à dépouil
ler ses propres enfans pour enrichir une belle-fille étran
gère à sa succession , et qui n’a pas même eu d’enfans de
son mariage avec le fils aîné , donataire universel. Il est
heureux , dans ce cas, que les tribunaux puissent trouver
des moyens pour proscrire les actes frauduleux qui ont été
arrachés à la foiblesse d’un vieillard; les circonstances de
de dol et de fraude sont déterminantes en cette matière
qui est à l’arbitrage du juge ; et comme la fraude et la simu
lation éclatent de toute part dans les actes qui ont eu lieu
�( 3 )
entre le beau-père et la belle-fille, il ne s’agit que cle les
faire ressortir par l’analyse de ces différons actes ? et ¿ a p
pliquer ensuite les principes de la matière.
On voit dabord, par le contrat de mariage de Jean Menescloux avec Marie-Jeanne Icher de L a b a r t h e , du 16
octobre 1790, qu’Antoine Menescloux fait en faveur de
Jean , son fils , une donation entrevifs pure et simple, de
tous et un chacun ses biens, meubles et immeubles, noms,
droits, l'üisons et actions à lui actuellem ent appartenant.
Cette donation est faite, entre autres conditions, sous la
réserve de l’entier usufruit des biens donnés pendant
la vie du donateur.
Ici, il est essentiel d’observer que cette donation qui, au
moyen de laréserve d’usufruit, ne contient qu’une tradiction feinte, n’a été suivie u’aucun inventaire du mo
bilier, ni qu’il n’y a point été annexé un état des meu
bles ou d’éffets mobiliers, de sorte qu’aux termes de
l ’art. i 5 de l’ordonnance de 1731 , cette donation est nulle
quant aux meubles et effets m o b iliers, et le donataire
ou ses ayans-cause ne peut en prétendre aucun.
A la vérité, le môme contrat contient une institution
au profit de Jean M e n e s c l o u x , de tous les biens à venir ,
ou dont l’instituant mourroit vêtu et saisi. M a is , comme
on Ta très-bien observé au m ém oire, cette institution
est devenu caduque par le prédécès de l’institué sans enfans, de sorte qu’il faut tenir pour constant que la dona
tion de 1790 est absolument nulle, quant au x meubles
ct effets mobiliers qui n’ont jamais été transmis au do
nataire. Cette observation trouvera sa place dans la suite.
�■
'
( 4)
L e second acte est le testament de Jean Menescloux
fils, sous la date du 9 octobre 1792 ; Je testateur a adopté
la forme du testament mystique. Son père et sa mère
étoient alors vivans, les parties étoient domiciliées en
droit écrit, et, à ce qu'ilparoît, dans le ressort du par
lement de Toulouse; car on voit que le père de Jean Me
nescloux avoit pris la précaution d’émanciper son fils
per son contrat de mariage, ce qui n’est pas indifférent,
parce qu’en droit écrit, le fils de famille ne pouvoit
faire de testament que du consentement de son père;
comme aussi, les père et mère étoient appelés à succéder
à leur fils, au moins pour une portion virile , lorsqu’il
y avoit concours avec des frères du testateur, et avoient
droit de légitime.
'
Aussi voit-on dans le testament, que le fils, pour éviter
Je vice de prétérition, lègue à son père une somme de
trois cents francs payable à raison de cent francs par an
née , et à sa mère une somme de trente francs, pour la
quelle il les institue chacun ses héritiers particuliers , et
enfin , il institue son héritière géuéralé et universelle
Marie-Jeanne Labarthe, son épouse.
Il y auroit quelque intérêt du chef de la mère du tes
tateur à examiner ce testament, si la mère avoit succédé
à son fils, par la raison que le contrat de mariage ne con
tient aucune disposition du chef de la m ère, mais comme
Jean Menescloux a survécu quatorze ans à son testament,
et que dans l’intervalle sa mère est décédée, il n’est plus
question d’examiner cette institution particulière qui étoit
une dérision ; il suffit de remarquer que la succession de
la mère s’est ouverte ab intestat, et a dû se partager
�..
( 5)
,
par moitié entre Jean Menescloux testateur, et son frère
puiné, représenté aujourd’hui par Pierre Menescloux son
fils.
Ce qu’il y a de plus im portant, c’est de démontrer
que la succession de Jean Menescloux qui a prédécédé
Antoine, son père, ne peut consister que dans la moitié des
biens maternels, et dans les acquisitions qu’il a pu faire
depuis son conti nt de mariage jusqu’à l’époque de son
décès arrivé le 28 octobre 1806.
En effet, il ne faut compter pour rien les biens com
pris en la donation portée au contrat de mariage. Cette
donation a été anéantie par le prédécès du donataire,
et tous les biens donnés sont rentrés dans les mains du do
nateur, francs et quittes de toutes dettes et hypothèques,
par l’effet du retour légal.
Cette assertion est peut-être ce qu’il y a de plus certain
dans le droit ; elle est établie par la loi jure succursum
6 ff. de jure dotium. Ce droit de retour que la loi sem
ble dabord n’attribuer qu’au père, et qui s’applique parti
culièrement aux dots par lui constituées, a été considéré
avec tant de faveur, surtout au par lement de Toulouse,
q-ue non-seulement on l ’a étendu à toutes sortes de dona»
tions, mais encore, qu’on l’a adopté en faveur de la mère
et des autres ascendans, sans aucun égard à la puissance
paternelle. Le motif de la loi a été de consoler la douleur
des ascendans qui ont vu troubler l’ordre naturel de suc
céder par le prédécès de leurs enfans.
Ce retour procède d’une stipulation tacite que la loi
supplée, ce qui est fondé sur la disposition expresse de la
loi unique SS. accedit. 13 au cod. de jure dotium, où après
�( 6 )
,
.
,
avoir réglé le retour accordé au père, et l’avoir refusé
aux étrangers, à moins qu’il n’y eût un pacte exprès, l’em
pereur Justinien ajoute : Parenti enim tacitam ex stipulatu actionem damus. Ce qui prouve que le retour est
fondé sur une conversion tacite et légale.
On peut consulter, à cet égard , Furgole, traité des do
nations, dans sa savante dissertation, quest. 42, qui est en
ce point d’accord avec Lebrun dans son traité des succes
sions, liv. I er. , chap. 5, sect. 2, N°. i cr. , et l’un et l’autre
enseignent que ce retour légal résout toutes les aliénations,
et fait revenir les biens francs et quittes de toutes les char
ges et hypothèques qui peuvent avoir été contractées par
les donataires, sauf l’h y p o t h è q u e de la femme pour sa dot,
et ses conventions matrimoniales, en cas d’insuffisance des
autres biens.
Il est donc certain que les biens compris en la donation
portée au contrat de mariage de 1790 , sont rentrés francs
et libres dans les mains d’Antoine M enescloux, dona
teur du moment que son fils est mort avant lui sans enfans.
Il seroit absurde de prétendre que ce retour légal ne
peut plus avoir lie u , parce que la succession du fils s’est
ouverte sous l’empire du code civil. II est bien vrai que
le co d e , art. 961, exige pour l’avenir une stipulation [ex
presse du droit de retour, et que quand la réversion n’a
pas été stipulée, le code, art. 7 4 7 , n’accorde aux ascendans
les biens par eu* donnés qu’à titre de succession ; mais
cela ne doit s’entendre que des donations faites depuis le
code, parce que les donations entrevifs ont un effet actuel
et présent qui ne peut etre réglé que par les lois en vi
gueur au moment de la donation, que le code publié
�*!}, ( 7 ')
_
en 1803 , ne peut régir une donation fuite en 1790 » ce .
seroit violer l’art. 2 du code qui veut qu’il ne règle que
pour l’avenir, et qu’il n’ait aucun effet rétroactif. Ce prin
cipe qu’une donation entrevifs ne peut être régie que
par les lois en vigueur au moment de la donation , a été
consacré par deux arrêts de la cour de cassation , l’ un
du 18 tuai 1812, l'apporté dans Sirey, 1e1'. cahier de 1813,
p. 12 et suivantes; le second, de la même année 1812, rap
porté dans le même recueil, et cela dans deux espècès
bien moins favorables qu’une donation pure et simple",
puisqu’il s’agissoit de donations mutuelles entre époux
par leur contrat de mariage, donations qui, par leurs effets,
doivent être considérées comme des donations à causé de
mort, et ne participent à la donation entrevifs qu’à rai
son de leur irrévocabilité.
iLn partant de ce point, cjtfe les biens donnés sont re
tournés dans les mains du donateur, et que.la succession
du donataire ne se compose que de la moitié des biens
maternels et des acquisitions particulières que peut avoir
laites le donataire depuis son contrat de pnariage, il de
vient moins i mportant d ’exami ner le testament en la
forme. Cependant, comme on ne dôit rien négliger dans
une discussion d’ un aussi grand intérêt, ce'testament peut
encore être critiqué sous ce rapport’avec succès..
On a vu que Jean Menescloux ,l avoit pris la forme de
testament mystique. Il a été fait en 1792, par conséquent,
la forme doit en être réglée par l’ordonnance de 17.35 ,
parla raison, comme le dit le savaüt Ricard, dans son traité
des dispositions conditionnelles, que ïa forme du testa
ment doit être réglée par la loi en vigueur à l ’époque
�,
.
( 8 }
.
où il a été fait, tandis'que les effets sont regis par la loi
qui règne au moment de l’ouverture de la succession.
L ’art. 9 de l’ord. de 1735 dit, entre autres choses, que
» le testateur présentera son testament ainsi clos et
» scellé à sept témoins au moins, y compris le notaire ou
» tabellion, ou il le fera clore et sceller en leur pré
» sence, et il déclarera que le contenu audit papier est
» son testament écrit et signé de lui. L e notaire ou tabel>5 lion en dressera l’acte de souscription qui sera écrit sur
» ledit papier ou sur la feuille qui servira d’enveloppe ,
» et sera ledit acte signé tant par le testateur que par
» le notaire o u tabellion. T o u t ce que dessus sera fait de
» suite et sans se divertir à d’autres actes. » Ces dernières
expressions de la loi veulent en effet qu’il n’y ait aucun
intervalle. Elle ne dit pas d’une manière expresse que
cet acte de souscription sera déposé entre les mains du
notaire, mais cet acte de souscription n’en est pas moins
une véritable minute qui ne peut exister que dans les
mains du notaire dont le ministère est absolument né
cessaire. Que diroit-on si un notaire, après avoir reçu un
testament solemnel, le laissoit entre les mains du testa
teur ou de tout autre ? Toutes les lois, tous les règlemens
sur le notariat, veulent que les actes reçus par les notaires
portent minute qui demeure déposée dans leurs mains, à
peine de nullité ; on n’en excepte que les procurations et
quelques autres actes peu importans qui peuvent être
expédies en brevet. IVÏais un acte de souscription pour
un testament mystique, est un acte public, solemnel, qui
nécessairement, doit être placé au rang des minutes du
notaire qui le reçoit. Cependant, dans l’espèce, l’acte de
souscription
�.
.
(
9
)
.
souscription est retenu par le testateur, ce qui est abso*
lument insolite, et peut-être le premier exemple, de
sorte qu’il est impossible de ne pas être touché de cette
circonstance extraordinaire qui doit nécessairement en
traîner la nullité du testament. On ne peut raisonner par
comparaison avec la disposition du c o d e , car l’art. 976
n’est qu’une copie littérale de l’art. 9 de l’ordonnance de
1735 ; mais l’art. 20 de la loi sur l’organisation du notariat
porte expressément que les notaires seront tenus de gar
der minute de tous les actes qu’ils recevront. Cet art. n’ex
cepte que les certificats de v ie , procurations, actes de
notoriété, quittance de fermage, de loyers, qui peuvent
être expédiés en b re v e t, et cet art. 20 est compris dans
la nomenclature de l’art. 68 qui prononce la peine de
nullité, faute d’observation des formes prescrites.
Cette dernière loi concorde parfaitement avec la dé
claration du 7 décembre 1723 qui veut, en thèse générale,
que les notaires soient tenus de garder minute des actes
qu’ils reçoivent, et l ’art. 4 de cette déclaration , qui fait
le détail de tous les actes qui peuvent se passer sans mi
nute , n’y comprend par la souscription des testamens
mystyques.
Ce moyen peut être proposé avec assurance; mais il
n’en est pas de même de celui qu’on voudroit faire résul
ter de ce que ce testament fait en 1792 n’a pas été re
nouvelé , conformément à la loi interprétative du 22
ventôse an 2. Il seroit'Érepousso péremptoirement de deux
manières, io, parce que la loi du 17 nivôse an 2 n’étoit
pomt restrictive pour les libéralités entre ép o u x, ils
pouvoient se faire une donation universelle au préjudice
2
�c 10 )
des ascendans , ainsi que de tous les collatéraux, et que
la loi interprétative n’a voulu le renouvellement des
dispositions prohibées, que pour lesréduii'e au dixième ou
au sixième qu’elle permettoit de donner; 20. parce que
cette loi intermédiaire est anéantie par la publication du
code, et qu’on ne peut plus l’opposer aux testamens dont
l ’effet ne s’est ouvert que sous l’empire du code, d’après
la maxime si connue, media tempora non nocent.
■A in s i, il faut bien se garder de reproduire cette ob
jection , parce qu’il faut toujours craindre d’affoiblir ses
moyens en les noyant, ou lorsqu’on en propose qui peu
vent être écartés sans réplique.
Venons-en maintenant au testament d’Antoine Menescloux père, qui est du 2 décembre 1806, quatre jours
après le décès de son fils. Il est étonnant qu’on ne se
soit pas appesanti dans le mémoire sur cette date si pré
cieuse, car il en résulte une des présomptions les plus
graves pour prouver la fraude et le dol des actes subséquens qu’on a faits souscrire au père , et qui seront exa
minés successivement.
En effet, par ce testament du 2 décembre 1806, le
père garde le silence le plus absolu sur son fils puiné ;
il semble qu’il a oublié absolument son enfant, puisqu’il
le dépouille entièrement par un testament solemnel, et
qu’il institue sa belle-iille, étrangère, sans enfans, pour
son héritière générale et universelle, ce qui doit paroître
bien extraordinaire. Sous l’ord. de 1735 , ce testament
seroit n u l , par le seul vice de prétérition du fils ou
petit-fils. L e code civil n’a rien prévu à cet égard, et
n’impose pas l’obligation d’instituer ceux à qui il est dû
�(
1 1
)
r
un droit de légitime; la loi se contente de la réserver,
eu restraignant par l’art. 9 1 3 , les libéralités en ligne
directe. Mais on a remarqué au mémoire un autre vice
dont ce testament est infecté, c’est qu’après la clôture
de ce même testament, après qu’il en a été fait lecture
au testateur en présence des témoins, on lui fait révo
quer tous autres testamens, voulant que le présent soit
le seul qui sorte effet, et le testament ne fait pas men
tion qu’il a été donné lecture au testateur de cette der
nière partie du testament.
Cependant, cette dernière partie, c’est-à-dire, cette ré
vocation de tous autres testamens antécédans est une vé
ritable disposition ; elle est même très-essentielle. Car,
d’après l’art. 1036 du code, les testamens postérieurs
doivent révoquer d’une manière expresse les précédens,
sans quoi les postérieurs n’annulleroient dans ceux-ci,
que celles des dispositions qui se trouveroient incompa
tibles avec les nouvelles , ou qui y seroient contraires.
A in s i, par exem ple, l’institution d’héritier au profit
de la belle-fille annulleroit bien une institution uni
verselle précédente, parce que deux institutions univer
selles ne peuvent compatir ensemble ou seroient con
traires.
Mais les legs particuliers portés par les testamens an
térieurs n’en subsisteroient pas moins, s’il n’y avoit une
révocation expresse.
Cette révocation est donc une véritable disposition ,
UQe chose essentielle. 11 a donc dû en être donné lecture
au testateur en présence des témoins , et en être fait
jnention expresse, conformément k l’art. 972 du code.
a*
�( 12 )
Une clause codicillaire est sans doute moins essentielle?
qu’une révocat ion de testament antérieur, puisque ce
n’est qu’ une simple déclaration que le testateur entend ;
que si son testament ne peut valoir comme t e l , il vaille
au moins comme codicille; cependant, on a toujours con
sidéré la clause codicillaire comme une véritable disposi
tion dont il doit être donné lecture au testateur en pré
sence des témoins, à peine de nullité; à plus forte raison,
doit-il en être de même d’une révocation expresse de tes
tament.‘Ainsi, on pense que ce dernier testament peut
également êti’e attaqué avec succès.
M a i s le sieur M e n e s c l o u x , petit-fils, ne seroit pas en
core fort avancé, quand bien même le testament de son
aïeul seroit écarté. 11 paroît que la femme Labarthe avoit
prévu que les biens compris en la donation de 1790 ap
partiendraient par droit de retour à son beau-père; et
dans ce cas, le testament de son mari se réduiroit à bien
peu de chose.
L e testament solemnel de son beau-père qui l’instituoit
héritière universelle ne la rassuroit pas encore dans son
système de spoliation. Antoine Menescloux ayant un antre
fils, ce dernier ou ses représentansamendoient nécessaire
ment une moitié dans la succession paternelle; et si celte
succession se composoit des biens donnés, son ambition
n’étoit pas satisfaite, puisqu’elle se v o y o i t obligée de par
tager par moitié avec son beau-frère ou son héritier.
Q u ’ i m a g i n e - t - e l l e alors? Dirigeant toutes les volontés de
son beau-père qui avoit déjà fait en sa faveur des dis
positions excessives, elle fait déposer le testament de son
mari le 3 janvier 1807, et le 17 du même m o is , elle
�( 13 )
romparoît au bureau de conciliation du canton de Chnudesaigues, avec son beau-père qu’elle dit avoir fait citer,
sans justifier de la citation et sans énoncer la date; elle
y expose que son mari étoit donataire universel de son
père; que son mari l’a faite son héritière universelle,
mais que la loi fait réserve du quart des biens au profit
du père. En conséquence, elle déclare que son inten
tion est de venir en partage, pour qu’il soit attribué un
quart des biens au père, et pour , par elle, jouir en
toute propriété des autres trois quarts.
L e père répond par un fondé de pouvoirs, qu’il ne
peut donner les mains au partage réclamé jusqu’à ce
qu’il se soit consulté , et qu’il sache à quoi s’en tenir
sur la validité du testament de son fils. On dresse un
procès verbal de non conciliation pour la form e, et le
18 février 1807, ^ cst passé une transaction entre les
parties , par laquelle on fait reconnoître à Antoine
Menescloux que le testament de son fils est régulier
en la forme; on le fait départir expressément de toutes
prétentions et moyens de nullité; il consent que ce tes
tament sorte son plein et entier effet; il reconnoît pa
reillement qu’il n’a et ne peut avoir aucun droit de
retour sur les biens par lui donnés ; il se départ de
toutes prétentions audit retour, et tous ces abandons sont
acceptés par la femme Labarthe, veuve Menescloux.
Par une suite nécessaire de ces abandons, on reconnoît que tous les droits du père se trouvent réduits à
un quart, tant des biens par lui donnés à son fils, que
des autres par lui délaissés à titres de succession, char
gés conséquemment des dettes, c’est-à-d ire, du quart
�( *4 )
_
d’ icelles et charges; on recounoît respectivement que
les bâtimens d’habitation et ceux d’exploilation ne
p e u v e n t être divisés sans inconvénient, incomodités et
dépréciation de leur valeur. En conséquence, en repré^
sentation du quart’'dans tous ces bâtimens, on convient
d’expédier au père une plus grande part dans les autres
immeubles, et cependant, on lui donne pour sa vie
seulement, son habitation dans la maison pour lui et
ses domestiques, qu’il prendra dans la cuisine, le salon
qui est à plain-pied; au moyen de quoi, est-il dit, les
entiers bâtimens demeurent propres à la dame Labarthe,
sauf l’habitation, de son b e a u - p è r e , qui finira à sa mort.
On lui fait ensuite un lot d’attribution de quelques
héritages pour lui tenir lieu de son quart, et le surplus
des biens, ensemble tous les bâtimens jueubles et effets ,
demeurent attribués à la femme Labarthe.
On voit que la femme Labarthe ne s’est pas oubliée,
puisqu’elle englobe même les meubles et efïets qui
n’étoient pas compris dans la donation de 1790, et ne
pouvoient en faire partie, ainsi qu’on l’a ci-dessus ex
pliqué.
Enfin, il est stipulé que Menescloux père demeure
chargé du quart de toutes les dettes et charges de la
succession.
*
Cet acte qualifié de transaction, arraclic a la foiblesse
d’un vieillard mort plus qu’octogénaire, livré tout en
tier à sa belle-fille, et qui déjà lui avoit fait un legs
universel en oubliant tous les droits de la nature. Cet.
acte, dit-on, pouvoit être regardé comme ayant pour)
çbjet de faire cesser J’iodivisioa entre cohéritiers, et pat
�■ ,
. . .
( 15}
..
conséquent, soumis à l’action en rescision pour cause de
lézion de plus du quart, conformément à l’art. 888 du
code civil.
- Mais en même temps cet art., dans sa seconde partie ,
dit qu’après le partage ou l’acte qui en tient lieu, l’ac
tion en rescision n’est plus admissible contre la transaction
faite sur les difficultés réelles que présentoit le premier
acte , même quand il n’y auroit pas eu à ce sujet de procès
commencé.
En conséquence, la veuve Labartlie essaya encore de
parer à cet inconvénient par un second acte aussi qualifié
de transaction sous la date du 8 mai de la même année
1807. Trois mois et neuf jours après la .première transac
tion , on fait exposer à Antoine Menescloux que dans
le partage qui a été fait le 18 février dernier, il éprouve
une lézion de plus du quart, et qu’en conséquence, il se
propose de faire rescinder cet acte par autorité de jus
tice; mais comme il ne veut pas troubler la bonne har
monie qui a toujours régnée entre lui et sa belle-fille ;
que d’ailleurs il préfère une portion d’argent à une por
tion d’immeubles dont il ne pourroit pas disposer faci
lement pour ses besoins journaliers et le soulagement de
ses infirmités ; que d’un autre côté,, la loi accorde à l ’ac
quéreur le droit de parfaire la plus value de l’objet vendu;,
il est convenu que la lézion que le sieur Antoine M e
nescloux pourroit avoir éprouvée par le partage du 18
février dernier, demeure fixée à la somme de 4,000 francs
qui a été présentement comptée par la dame Labartlie
audit Menescloux qui l’a reçue, dont quittance. En consé
quence, ledit Menescloux se départ de toute action eu
�íl6)
. , ,
.
rescision ou autrement, consent qu’il soit exécuté sui
vant sa forme et teneur.
I l est bon d’observer que tous ces diiïerens actes ont
été reçus par le même notaire qui avoit reçu le testament
d’Antoine Menescloux père.
Comment peut-on se jouer aussi impunément, et abu
ser à ce point des dispositions de la loi ? On a dit dans
le mémoire que ces actes étoient l’ouvrage de deux juris
consultes, et on les accuse d’avoir manqué audevoir de
leur profession.
r
Quand on a d’aussi bonnes raisons à déduire, on ne doit
pas se l i vr er à des p ersonnali tés , ni critiquer avec au
tant d’amertume. Il est impossible de penser que des
avocats aient conseillé la fraude ; on peut tout au plus
supposer qu’on a consulté des jurisconsultes sur un pro
jet de partagé ou d’un traité sur un demande en lézion;
et ils ont p u , sans connoître l’intérieur de la famille, adop
ter dans leurs avis cette forme de rédaction, sans com
promettre la délicatesse de leur profession. Cette cen
sure, plus que sévère, n’est pas un moyen de la cause,
et seroit plus dangereuse qu’utile.
C ’est sur les principes qu’il faut appuyer sa défense ;
et, comme on l’a déjà dit, les présomptions sont déter
minantes dans cette matière. Cette doctrine nous est en
seignée par le savant Ricard, dans son traité des donations,
part. i re. n°. 777; les présomptions qui lui paroissent
les plus graves sont l’âge avancé de celui qui traite, le
paiement comptant du prix, sans qu’il y ait aucune né
cessité de vendre, lorsqu’il n’est fait aucun emploi des
flemers qui sont censés avoir été reçus, lorsqu’il ne se
trouve
�. .
( J7 )
trouve aucun argent à la mort du donateur; foutes ccs
circonstances décèlent la fraude et la simulation de l’acte,
quelque qualification qu’on lui ait donné; car il faut
moins s’arrêter à la dénomination que les parties ont
donnée à l’acte, qu’à leur intention et à la subtance de
l ’acte même.
.
E n appliquant ces principes à l’espèce particulière,
on voit dabord un legs universel fait par le beau-père
au profit de sa belle-fille, quatre jours après la mort
de son fils , sans s’occuper en aucune manière de l’autre
fils qui lui restoit, et sans en faire aucune mention dans
son testament. Il semble que le père a voulu priver son
fils puiné de la plus petite portion de ses biens.
Cette libéralité excessive et honteuse ne satisfait pas
la cupidité d’une étrangère; elle veut achever, autant
qu’il est en elle, et d’une manière irrévocable, la spo
liation d’un fils unique; elle fait renoncer son beauj père
à un droit acquis et certain, à un retour légal qui n’est
pas même controversé dans les anciens principes, et
que le code civil ne pouvoit atteindre. Cette renon
ciation est faite sans prix, sans intérêt, sans motifs; le
père se réduit à un quart, lorsqu’il avoit la totalité; on
fait liciter tous les bâtimens d’habitation comme d’ex
ploitation, quoiqu’ils pussent se diviser commodément;
on les attribue en entier à la belle-fille, encore sans
aucun prix, et avec ce frivole motif que le père sera
dédommagé sur les autres immeubles, de sorte que le
fils unique n’a pas même d’abri sous le toit paternel.
O n fait ensuite un lot (l’attribution pour le père, sans
aucune estimation préalable, malgré l’énonciation mcn-
3
�c 18 )
_
songère qui sc trouve' dans Je préambule, et qui est
contredite dans l’acte subséquent. P e u t - o n méconnoître à ces différons signes tous les caractères de fraude
et de dol? d’un autre coté, n’est il pas évident que le
père, en renonçant à un droit acquis, fait une vérita
ble donation qui excédoit ses pouvoirs, dès qu’il y avoit
un enfant? L ’art. 913 du code lui réservoit nécessai
rement la moitié de la succession; le père, en renonçant
à son retour légal,/excédoit la qualité disponible, et il
faudroit rayer l’art. 913 du code, s’il est aussi facile
de l’éluder.
I l ne faut pas oublier non plus que dans cette lici
tation des bâtimens, on attribue en propriété à la bellefille tous les meubles et effets, et on a déjà vu que ces
meubles et effets ne pouvoient être compris dans la do
nation de 1790, aux termes de l’art. i 5 de l’ordonnance
de 17 3 1, puisque cette ordonnance déclare nulle toute
donation de mobilier, lorsqu’il n’a pas été fait un état
ou un inventaire de ce même mobilier. N ’est-ce pas une
maladresse intollérable, une insatiable cupidité, de com
prendre dans une licitation des meubles et effets tou
jours divisibles de leur nature?
Si on ajoute à cette monstruosité le second acte encore
plus maladroit, par lequel le beau-père, trois mois après,
et toujours dans l’hypothèse q u ’ il n’amende qu’un quart
des biens, s’aperçoit cependant qu’il est lézé de plus du
quart dans cette foible portion. On le fait traiter sur
cette lézion pour une sonune de 4>ooo francs payée comp
tant. Ce paiement fictif comble la mesure et consomme
la ruine du fils puiné. L e notaire n’ose pas même dire
�( T9 )
qu’il a va payer la somme, le père lie devoit rien , il
n’a rien payé , il n’a fait aucun emploi , il ne s’est trouvé
aucuns deniers dans sa succession. A la vérité, il a sur
vécu quatre ans et demie à ce dernier acte; mais il n’a
cessé de cohabiter dans la maison avec sa belle-fille ,
et a conservé toutes ses habitudes de propriétaire sans
faire aucune dépense, et sans avoir eu aucune occasion
de dissiper ses deniers. N ’est ce pas le cas d’appliquer ici
cet adage si connu nimia precautio doh/s , et il faut
dire qu’on ne réunit jamais une masse aussi forte de pré
somptions graves et concordantes telles que l’exige la l o i ,
pour prouver la fraude et la simulation.
Les arrêts de cassation qu’on voudroit opposer et dont
on a parlé au mémoire, ne reçoivent aucune application
à l’espèce. Il s’agissoit, lors de ces arrêts, de ventes faites
sous l’empire des lois prohibitives à des successibles en
ligne collatérale. Elles étoient attaquées sous le prétexte
que ce n’étoit que des donations déguisées pour éluder
la prohibition de la loi. La Cour de cassation a rejeté
ces différentes prétentions par ce motif que l’action des
autres cohéritiers pour attaquer ces actes ne s’ouvroit,
aux termes de la loi du 17 nivôse, qu’à compter du décès
du vendeur; et comme le code civil ne fait aucune ré
serve au profit des collatéraux, l’action ne pouvoit être
reçue pour les successions ouvertes après la publication
du code.
Dans l’espèce, au contraire, il s’agit d’un fils unique
qui réclame la succession de son père. La loi lui en ré
serve au moins moitié; dès lors, on ne peut pas lui op
poser les motifs qui ont détçrmioé la Cour de cassation.
.
.
3 *
.
.
�# C 20 )
Ou a dit au mémoire, qu’en effet la moindre chose
que pût obtenir le fils puiné étoit la moitié des Liens;
mais on n’a pas assez expliqué cette proposition , car
on semble craindre môme dans ce cas qu’on ne lui opposât
les transactions du 18 février et 27 mai 1807 ; or, c’est
une erreur, car si le fils Menescloux étoit obligé de se
réduire à ce subsidiaire, il est infaillible qu’on lui attri—
bueroit toujours la moitié des biens, quand même on
déclareroit valable ces actes d’iniquité ; il viendroit tou
jours par retranchement sur la donation jusqu’à con
currence de m oitié, parce que le père n’auroit pu renon
cer à un droit acquis que jusqu’à concurrence de cette
même quotité disponible.
Dans ces oirconstances, on s’étonne que la belle-fîlle ait
eu l’audace de prendre l’initiative, et d’assigner l’héri
tier du sang en partage de cette foible portion de bien
qui a été attribuée au père par la transaction de 1807,,
et qu’on appelle le quart. Il ne s’agit pas ici de partage;
mais il paroit nécessaire de régler le s conclusions
qu’on estime devoir être prises sur cette demande par le
sieur Pierre Menescloux.
.
E n ce qui touche la donation portée par le contrat de
mariage du 7 octobre i 7 9 ° j
Attendu que cette donation est nulle quant aux meu
les et effets , faute d’avoir annexé l’état ou inventaire des
dits meubles ou effets ;
Attendu que cet état étoit indispensable, dès que la do
nation n’étoit faite que sous la réserve d’usufruit, confor
mément à l’att. i 5 de 1ordonnance de 1731 ; qu’ainsi
tous les meubles et effets appartenant à Antoine M e-
�( « )
,
,
.
nescîoux n’ont pu être compris ni faire partie de ladite
donation.
Et quant aux immeubles,
Attendu que tous les immeubles compris dans ladite
donation sont rentrés dans les mains du père donateur,
francs et quittes de toutes dettes et hypothèques, par l’effet
du retour légal qui avoit lieu en pays de droit écrit;
Attendu que le code civil n’a rien changé à ce prin
cipe pour les donations antérieures à la publication du
code ;
,
’ Attendu qu’une donation entrevifs a un effet actuel
et présent du moment même ou elle a lieu; qu’ainsi
elle ne peut être réglée que par les lois existantes à
l’époque de sa confection ;
Attendu qu’il faut distinguer deux choses essentielles
dans la donation, la disposition et l’éxécution, comme
le dit Dumoulin sur l’art. 291 dé la coutume du Bour
bonnais, et que la disposition lie dans l’instant même;
que dès lors il importe peu que la succession se soit ou
verte sous le code civil;
Attendu que d’après ce principe consacré par la doc
trine desauteurs et la jurisprudence des arrêts, la succession
du fils n’a pu se composer que de la moitié des biens
de la mère morte avant lui ab intestat, et des acquisi
tions personnelles qu’il auroit pu faire depuis son ma
riage jusqu’à son décès ;
Attendu que le père qui a survécu à son fils a suc
cédé pour un quart à ces objets, que la loi lui faisoit la
reseive de cette quotité, et que le legs particulier fait
par son fils n a pu priver le père de cette portion héré
ditaire;
'
�Attendu que le père n’a point accepté ce legs parti
cu lier, puisque même dans les actes subséqu.ens dont
il sera bientôt question, il s’est toujours porté héritier
pour un quart de son fils; qu’ainsi la femme Labarthe
ne pourroit même réclamer en vertu du legs universel
qui lui a été fait par son mari, que les trois quarts des
objets dont la succession se trouvoit composée.
En ce qui touche le testament'de Jean Menescloux
fils, sous la date du 9 octobre 1792,
Attendu que ce testament mystique, quoique écrit de
la main de Jean Menescloux, est irrégulier en la forme;
A t t e n d u , ç n effet, q u e l’ acte de souscri pt ion reçu p a r le
notaire a resté dans les mains du testateur, tandis que
_ cet acte de souscription est un acte public, une véritable
minute qui devoit cire conservée par le notaire qui la
reçue ; ,
. Attendu que s’il est vrai que l’ordonnance de 1736
ne contient aucune disposition sur le dépôt de cet acte,
elle.exige néanmoins que l’acte de souscription soit reçu
par un notaire avec sept témoins, y compris le notaire,
et que tous les réglemens imposent aux notaires l’obli
gation de conserver les actes qu’ils reçoivent;
, Attendu que toutes les lois antérieures et postérieures
à l’oi’donnance n’ont pas placé les souscriptions de tes
t ament mystique par mi les actes qu i pouvoient être ex>pédiés en brévet.
.
,
Attendu même que les actes en brévet et qui ne
doivent point rester en minute, ne peuvent néanmoins
sortir des mains des notaires qu’après avoir été soumis
4 l’çpregistrement; qu’ainsi, Pqctc de souscription consi-
�,
^ 23 )
.
.
.
dé ré comme un acte en brévet n’en seroit pas moins ir
régulier, pour avoir été retenu par le testateur sans au
cune autre formalité.
Eu ce qui touche le testament d’Antoine Menescloux,
sous la date du 2 novembre 1806;
'
.
Attendu qu’après la clôture et la lecture du testament,
le testateur a déclaré qu’il entendoit révoquer expressé
ment tous autres téstameos antérieui’s ;
^
Attendu que cette révocation expresse est une véri
table disposition, et même essentielle, aux termes de
l’article 1036 du code civil;
Attendu que le testament ne fait pas mention qu’il
a été donné lecture au testateur de cette nouvelle dis
position ;
■Attendu que ce défaut de lecture et de mention
d’icelle est une nullité péremptoire, d’après les articles
972 et 1001 du code civil; qu’ainsi ce testament por
tant legs universel au profit de la femme Labarthe est
également nul et irrégulier.
Eu ce qui touche les actes qualifiés de transactions .
des 18 février et 23 niai 1807,
'
Attendu que le dol, la fraude et la simulation éclatent
de toute part dans ces actes ;
Attendu qu’il est évident que ce n’est autre chose
qu’une libéralité indirecte concertée entre la belle-fille
et le beau-père, pour éluder la disposition restrictive de
1 article 9x3 du code civil, et dépouiller totalement le
fils puinc ou son héritier ;
Attendu que la fraude et la simulation sont prouvées,
ï . pai le testament antérieur portant legs universel ,
�( H )
et qui rendoit ces deux actes postérieurs absolument inu
tiles; 2°. par la licitation des bâtimens d’habitation et
d’exploitation pour les attribuer en totalité à la bellefille, quoiqu’ils pussent commodément se diviser; 30. par
l ’abandon de tous les meubles et effets très-divisibles de
leur nature; 4°. par la renonciation dn père au retour
légal qui étoit un droit acquis et certain ; 5°. par l’exiguité du lot d’attribution qui a été fait à Antoine M e
nescloux pour le prétendu quart auquel il bornoit ses
prétentions;
Attendu que toutes ces présomptions si graves et si
concordantes s’augment ent encore par le second acte. qui
prouve une trop grande précaution, par cette lczion
dont on s’est aperçu si précipitamment, par le payement
prétendu fait comptant de la somme de 4,000 francs, de
manière que tout prouve qu’on a voulu consommer la
ruine du fils puiné.
T rès-subsidiairement,
Attendu que dans aucun cas et sous aucun prétexte,
Antoine Menescloux père n’auroit pu faire aucune sti
pulation ni renonciation que jusqu’à concurrence de la
quotité disponible; qu’ainsi, quand bien même ces actes
ne seroient pas annuités, le sieur Menescloux fils amenderoit toujours la moitié de tous les biens, tant de ceux
compris en la donation de 1790, que de tout le mobi
lie r, ainsi que du surplus de la succession paternelle,
dans laquelle doit se trouver encore le quart pour le
quel le père a succédé dans les biens personnels de Jean
Menescloux son fils.
]?ar ces motifs-, il plaise au tribunal, sans s’arrêter aux
testamenc
�( 25 )
B
testamensrdes 9 octobre 1792, et 2 novembre 1806, qui
seront déclarés nuls et irréguliers, sans s’arrêter pareil
lement aux prétendues transactions des 18 février et 23
mai 1807 , lesquelles seront déclarées nulles, frauduleuses
et .simulées, sans avoir pareillement égard à la demande
de Jeanne-Marie Labarthe, veuve de Jean Menescloux,
dans laquelle elle sera déclarée non recevable, ou dont,
en tous cas, elle sera déboutée ; la condamner à restituer
audit sieur Menescloux tous les meubles , or , argent,
mobilier et effets délaissés, tant par ledit Antoine M enescloux , que par ledit Jean son fils, beau-père et niarl
de la demanderesse, ainsi que tous les bestiaux dépendans desdites successions, et ce, suivant l’inventaire qui
en a été ou dû être fait; sinon, suivant la preuve par
commune renommée, joint le serment in litem avec les
intérêts à compter du jour de l’ouverture de la succession
d’Antoine Menescloux, pour ce qui le concerne, et du
jour de l’ouverture de la succession de Jean Menescloux ,
pour sa succession personnelle, avec les intérêts d’in
térêts à compter de la demande.
Condamner pareillement ladite Labartlie, veuve Mfenescloux, à se désister au profit du défendeur de tous
les biens immeubles composant lesdites successions, avec
restitution des jouissances à compter de l’ouverture d’icelles; ensemble, les intérêts desdites jouissances à comp
ter de chaque perception, comme aussi au payement des
dégradations qui pourroient avoir été commises, avec les
•
Ainterets d intérêts à compter de la même époque; la con
damner en outre en tous les dépens.
E t ou le tribunal feroit quelques difficultés, en ce cas,
t
f
^
4
�. . .
( 26 0
.
très-subsidiairement- seulement, condamner ladite veuve
Labartlie à venir à division et partage des biens desdites
successions, tant meubles qu’immeubles, avec intérêt et
restitution de jouissances comme dessus, ainsi que des
intérêts d’intérêts pour être délaissé au déiondeur moitié
de tous lesdits biens, tant les meubles et effets que des
biens compris dans la donation de 1790, que du quart
des biens personnels de Jean Menescloux. Dans tous les
cas, condamner ladite veuve Labarthe en tous les dépens..
D élibéré à
R io m , le 29 janvier 181 5.
P A G E S , avocat,
•
�CONSULTATION
,.0
Le sieur
P ierre
POUR
M E N E S C L O U X , appelant ;
CONTRE
Dame M a r i e - J e a n n e I C H E R D E
L A B A R T H E , veuve de J e a n M E
N E S C L O U X , intimé.
L e conseil soussigné, vu les pièces d’ un procès entre
le sieur Menescloux et la dame Labarthe; vu aussi les
consultations de M M . Pages et Boirot.
Estime que les droits du sieur Menescloux ont été ab
solument sacrifiés par les jugemens du tribunal de St.F lo u r , et qu’il paroît que ce tribunal a méconnu tous
les principes qui devoient servir de base à sa décision.
L e sieur Menescloux a droit à la moitié ou au tiers de
la masse des biens de son aïeul, c’est-à-dire, d’une masse
composée non-seulement des biens éxistans au décès de
celui-ci, mais encore de ceux dont il avoit disposé à titre
gratuit pendant le cours de sa vie; l’une ou l’autre de ces
quotités doit nécessairement être attribuée au sieur Mencscloux, ou comme légitime de rigueur ancienne, ou
4
�•
(28)
comme réserve légale actuelle ; il ne peut y avoir de dif
ficultés sérieuses que sur l’attribution de la plus forte des
deux quotités. Ces diffieultés roulent principalement sur
la nature et sur les effets du retour légal; nous les exa
minerons d’abord ; nous prouverons ensuite qu'au moins
lin tiers des biens de l'aïeul doit appartenir au petit fils.
Un premier principe à reconnoître et à fix er, c’est
qu’en général les contrats se régissent, dans leur exécution
comme dans leur formation, par la loi qui étoit en vi
gueur au moment où ils ont été passés.
Cette vérité est une conséquence nécessaire de l’irré
vocabilité des contrats. « Il est de l’essence de l’irrévoca>3 bilité T que la convention à laquelle elle est attachée
» ne puisse éprouver aucun changement, et qu’elle soit
» continuellement exécutée comme elle devoit l’être. La
» loi nouvelle ne peut donc apporter aucun changement,
» ni à la nature, ni aux effets, ni à l’exécution de cette
» convention. ( V . M . Chabot de l’allier, dans ses ques» lions transitoires, au mot réversion, page 3 1 7 .) ”
Cette doctrine, fondée sur la saine raison, sur la vo
lonté même des parties contractantes, et sur le respect
dû à cette volonté, cette doctrine est professée et démon
trée par M. Chabot, dans plusieurs articles de ses ques
tions , et notamment aux mots, institution contrac
tuelle , donation §. 3 . , réduction §. 3 et 4.
Elle a été adoptée par tous les auteurs qui ont eu h
s’en occuper, par M . Grenier particulièrement, dans son
traité des donations, tome 2, page 346.
Elle a été consacrée par un grand nombre d’arrêts,
parmi lesquels ou remarquera plusiers arrêts de cassation
�*ü(f
.
( 29 )
.
qui, la prenant pour base, ont décidé que les avantages
entr’époux, établis par les statuts locaux, quoique non
stipulés expressément dans les contrats de mariage, devoient avoir leur-effet, même sur des successions ouvertes
depuis le code, si les mariages avoient eu lieu sous les
lois anciennes. La Cour de cassation a pensé que la dis
position des lois anciennes devoit être considérée comme
écrite dans les contrats anciens, et qu’il y avoit eu une
stipulation tacite que la loi nouvelle n’a pu abroger. ( V .
la note de plusieurs arrets dans la table décennale du
journal de Denevers, au mot avantages entr'époux. )
Appliquée ù la cause du sieur Menescloux, la doctrine
qui vient d’etre émise doit être combinée avec les anciens
principes sur le retour légal, pour connoître si l’aïeul a
recouvré de plein droit tous les biens qu’il avoit donnés ,
malgré les dispositions qu’en a faites le donataire.
Ces anciens principes n’étoient pas équivoques dans
l ’ancien ressort du parlement de Toulouse, où l’on observoit en général littéralement les règles établies par les
lois romaines.
On sait que, parmi les Romains, le droit de retour
avoit été accordé au p ère, d’abord pour les dots, par la
loi 6 de jure dotium , ensuite pour toutes les donations
faites en faveur de mariage , par la loi 2 , code, de bonis
quæ liberisy etc. Ce droit fut depuis attribué à tousles ascendans paternels ou maternels par la loi finale, code, cornmun. utnusq. jud. , in jin eÿ il avoit été introduit, soit
poui que le père ne fit pas une double perte, ne e tjlliœ
etpecimice damnum sent ire t , comme dit la loi jiiî'e succursurn , soit pour éviter que la générosité des pères
4 *
�( 30 ) _
envers leurs enfans ne fût affaiblie par la crainte d’une
telle p r i e , ne hac injectât fo r m ¿dine, parentum circà
liberos munijlcentia retardetur.
Ce droit de retour étoit fondé sur une condition qui
étoit considérée comme inhérente à la libéralité, veluti
quodam jure post Um inii, et sur une stipulation tacite et
légale parenti enim tacitam ex stipulatu actionem
damus. Aussi ne pouvoit-il être détruit, ni par des aliéna
tions, ni par des dispositions gratuites, pas même en faveur
de l’époux du donataire. Ces aliénations , ces dispositions
étoient annéanties elles-mêmes par l’exercice du droit de
ret our dont l’effet étoit de résoudre, ex causa antiquâ,
la propriété du donataire, propriété qui n’étoit que
conditionnelle , qui ne devenoit irrévocable que par sa
survie à l’ascendant de qui il I’avoit reçue, et qui disparoissoit au contraire s’il mouroit sans enfant avant le do
nateur.
Ces principes qui, dans le droit l’omain, étoient res
treints aux dots et aux donations faites en faveur de ma
riage, avoient été étendus par la jurisprudence française à
toutes sortes de libéralités, quelle qu’en fût la cause. Mais
ils n’étoient pas appliqués de la même manière dans les
divers parlemens.
Dans le parlement de Toulouse, ils étoient observés dans
toute leur pureté ; le droit de retour faisoit revenir les
biens au donateur, francs et libres de toutes charges, de
toutes hypothèques, de toutes aliénations et de toutes
dispositions postérieures. T e l étoit l’effet naturel de la
stipulation tacite que la loi suppléoit dans l’acte même
constitutif de la donation, stipulation q u i, étant écrite
�dans la loi, étoit réputée écrite dans l’acte rnctne. Rien
de moins douteux que la jurisprudence du parlement de
Toulouse à cet égard. Elle est attestée par tous les au
teurs; il n’en est pas un seul qui la regarde comme équi
voque. On peut voir notamment Furgoles, dans ses ques
tions remarquables, question 4 2 , et les auteurs qui y
sont cités; Bretonnier, dans ses questions notables, au mot
réversion; Merlin, dans son répertoire, au même m ot,
section i re. , art. 2, §. 3.
Si l’on ne peut contester les règles que nous venons
de rappeler, et s i , comme nous l’avons prouvé en com
mençant, les anciens contrats doivent être régis, même
quant à leurs effets, par les lois sous l’empire desquelles
ils avoient été passés, comment pourroit-on hésiter à
dire, dans la cause, au moins pour ceux des biens donnés
qui sont situés dans l’ancien ressort du parlement de T o u
louse, qu’ils ont fait retour au sieur Menescloux , a ïe u l,
malgré les dispositions faites par le fils donataire? Celuici n’avoit évidemment pas le droit de disposer de biens,
qu’il n’avoit reçus que conditionnellement, et avec la sti
pulation tacite que ces biens ne lui appartiendroient pas,
mais, au contraire, que la donation seroit r é s o l u e s causâ
an liqu â , s’il mouroit avant le donateur. Les droits de ce
donataire disparoissant par la force de la stipulation ta
cite, ceux qu’il a voulu transmettre à son épouse, disparoissent aussi ; resoluto ju re d a ntis, resolçitur ju s accipientis.
Eavain voudroit-on écarter ces conséquences, en fai
sant observer que le donataire est mort seulement sous
1 empire du code, et en remarquant que l’article 747
du code n admet le retour légal qu’à titre des succession.
�(8 0
Ce n'est pas dans la loi nouvelle qu’on doit chercher
des bases de décision sur une question relative à un an
cien contrat; la loi nouvelle ne peut régir que les donations
faites sous son empire; elle nous apprend, dans son art. 2,
q u ’elle ne dispose que pour Cavenir, et qu’elle n'a point
d'effet rétroactif. Sa puissance ne sauroit donc s’étendre
aux effets d’une donation ancienne, et détruire une
stipulation de retour q u i , quoique tacite seulement, a au
tant de force que si elle étoit littéralement écrite dans
l’acte. L ’article 747 du code est absolument étranger à
la question , parce que le droit du retour dont il s’agit n’est
pas puisé dans cet article, mais dans la donation mê me
et dans la condition résolutoire que la loi ancienne y avoit
apposée, et que la loi nouvelle n’a pu annuler. Si quel
ques articles de ce code étoient à consulter, ce seroit tout
au plus les articles 961 et g 5i relatif au retour conven
tionnel, qui déclarent aussi que l’effet de ce droit de retour
est de résoudre toutes les aliénations des biens donnés,
et de faire revenir ces biens au donateur, francs et quittes
de toutes charges. L e retour légal, dans le ressort du par
lement de Toulouse, étoit, d’après les lois romaines, un
vrai retour conventionnel, puisqu’il avoit pour base
une stipulation tacite contenue dans l’acte même. Ce
retour légal doit donc produire le même effet que celui
qui auroit été expressément s t i p u l é , d ’où il suit qu’ il
doit être régi, n on par l’article 7 4 7 du code, mais par les
anciens principes qui sont en harmonie avec l’article g 5z
de la loi nouvelle.
Seroit-il nécessaire d’invoquer des autorités à l’appui
d’une proposition évidente? On en trouveroit dans U
�.
( 33 )
. .
législation int er mé diair e, dans les opinions des auteurs,
et même dans la jurisprudence.
.
La loi du 17 nivôse an 2 avoit aboli, par son art. 61,
toutes les lois antérieures sur la transmission* des biens
par succession ou donation ; elle avoit établi des règles
particulières de succession , et n’a voit excepté expressé
ment de l’application des ces règles, que les biens donnés
par les ascendans h. leurs descendans, avec stipulation de
retour ( V . art. 74. ). Ces dernières expressions, applica
bles seulement au retour conventionnel, excluoient assez
clairement le retour légal de l’exception indiquée. Mais
bientôt, réfléchissant plus mûrement, et remarquant sans
doute que le retour légal avoit lieu aussi par l’eflet d’une
stipulation tacite qui devoit avoir la même force qu’ une
stipulation expresse, les législateurs de l’an 2 , quelque
tendance qu’ils eussent à la rétroactivité, déclarèrent, par
l’article 5 de la loi du 23 ventôse an 2, qu’il n’étoit rien
innové par celle de nivôse, à l'égard des donations an
térieures au 5 brum aire, a u x effets du retour légal,
dans les pays et pour les cas où ce droit avoit lieu. Ces
législateurs, respectant dans cette circonstance le principe
de la non rétroactivité, pensèrent donc et décidèrent que
c’étoit sur les seuls principes en vigueur au tems de la do
nation qu’on devoit se fixer pour déterminer le droit au
retour légal. Comment pourroit-on être moins scrupuleux
aujourd’hui que le code, qui a remplacé la loi de nivôse
an 2 quant à la matière des successions, a montré cepen
dant beaucoup plus de respect pour les droits antérieurs
et les actes passés sous les anciennes lo is, en déclarant dès
�c 34 )
ses premières ligne?, qu’il ne disposoit que pour Tavenir,
et qu'ilrCavoit pas d'effet rétroactif ?
Les opinions des auteurs q u i , depuis le code c iv il,
ont examiné la question, ne pouvoient être en opposition
à des “'principes aussi vrais*, aussi M. Grenier, dans sou
traité des donations, et surtout dans la 2e. édition, rap
pelle-t-il sur la question les divers moyens qui doivent la
faire décider, conformément aux principes sous lesquels la
donation avoit été faite, et annonce-t-il clairement que
telle est son opinion. ( V . tome 2, page 344 et suivantes. )
M. Chabot de l’A llier, dans ses questions transitoires,
au mot réversion, §. 9, examine et discute la même ques
tion , et il prouve, avec sa profondeur ordinaire, quedans
les pays où, comme dans le ressort du parlement de T o u
louse , le droit de retour légal s’exerçoit par voie de ré
vocation de la donation , et non pas seulement à litre de
succession , il doit s’exercer aujourd’hui de la même ma
nière , et produire les mêmes effets à l’égard d’une dona
tion antérieure à la loi du 5 brumaire an 2, quoique ce
droit se soit ouvert seulement depuis la publication du
code civil.
Enfin, la Cour de cassation a jugé, par un arrêt du 8
février 1814, que, d’après les lois romaines et la ju ris
prudence du parlement de B o r d ea u x , jurisprudence
qui étoit absolument semblable ù celle du parlement de
T o u lo u se , le retour légal, relativement à une donation
ancienne, produisoit le même ejfet que le retour con
ventionnel , et que le droit, qui en étoit acquis au do
nateur par la puissance de la lo i, ne pouvoit être consi
déré comme droit de succession, ni régi par Varticle 747
du
�C 35 )
#
.
du code civil q u i ne p e u t, est-il d it, rêtroogir. ( V o ir cet
arrêt dans le joui’nal de Denevers, vol. de 1814? Page *89* )
Ces opinions, cette jurisprudence, ces principes se réu
nissent pour démontrer qu’au moins tous les biens si
tués dans l’ancien ressort du parlement de Toulouse, ont
fait retour de plein droit en faveur du donateur, par
,
l ’effet d’une condition révocatoire tacitement stipulée,
et c e , nonobstant les dispositions qu’a pu faire le dona
taire.
Quant aux biens situés dans le ressort du parlement de
Paris, il y a plus de difficulté.
L e doute naît de la diversité des opinions des auteurs,
€t même de l’incertitude de la jurisprudence de ce par
lement, sur la nature et les effets du droit de retour, re
lativement aux pays de droit écrit.
En pays coutumier, c’étoit en général à titre de suc
cession seulement que le retour légal étoit admis. Telle
€toit la règle établie notamment par l’article 313 de la
coutume de Paris, article qui porte que « les père et mère,
» aïeul ou aïeule succèdent à choses par eux données
» à leurs enfans décédant sans enfans et descendans. »
A l’imitation de celle de Paris, toutes les autres coutu- ’
m es, à quelques exceptions près, n’avoient établi le retour
légal que comme un droit de succession ; et la consé
quence naturelle de ce principe étoit que le retour légal
n’a voit pas lieu pour les objets dont le donataire avoit
disposé, soit à titre onéreux, soit même à titre gratuit.
Car une succession ne se compose que des biens qui res
tent libres au décès.
Ces idees sur le retour légal, en pays coutumier, avoient
5
�( 36 }
.
.
dû nécessairement exercer quelque influence sur les opi
nions des magistrats et des auteurs du ressort du parle
ment de Paris. Ces magistrats, ces auteurs plus familia
risés aux principes coutumiers qu’ils appliquoient plus
souvent, pouvoient facilement les confondre avec ceux du
droit écrit qui étoient pour eux d’un usage beaucoup moins
fréquent; et cette confusion fort vraisemblable, explique
peut-être la variété de la jurisprudence de ce parlement,
et l’embarras même de quelques docteurs relativement à
la nature et aux effets du retour légal dans le ressort du
parlement de Paris. Henrys est un de ceux dont l’em
barras paroît le plus marqué; on s’en Aperçoit surtout
dans sa question 1 3 , au chapitre 5 du livre 6 , où tout
en exprimant l’opinion qu’en pays de droit écrit le retour
légal est l ’effet d’une stipulation tacite, et fait rentrer lee
biens francs de toutes charges dans les mains du donateur,
il convient cependant que, dans le siège près duquel il
exerçoit, on avoitjugé plusieurs fois le contraire ; il in
dique même quelques arrêts du parlement de Paris contre
son opinion , mais il déclare en même' tems que d’anciens
préjugés du même parlement étoient favorables à son
avis ; il assure même avoir vu des consultations des plus
¿fameux avocats de la capitale, qui établis s oient le cas de
réversion aussi bien en cas de testament que ab intestat.
( Y . au tome 3, page 687, colonne z de l’édition en 4 vol. )
Admettre en pays de di'oit écrit la réversion en faveur
de l’ascendant donateur, par contrat de mariage surtout,
l’admettre comme condition tacite de la donation, et sans
avoir égard aux dispositions faites par le donataire, c’est
évidemment l’opinion la plus juste, la plus saine, la plue
�( 3 7)
_
>
_
conforme aux vrais principes du droit romain, tels qu’ils
sont écrits dans la loi 6 , ff, de jure dotiurn, et dans la
loi 2 , C . de bonis quœ ïiberis, T e l est aussi le sentiment
des auteurs les plus accrédités, môme du parlement de
Paris; tel est celui notamment de M . Domat dans ses lois
civiles,qui pensequ’ondoit distinguer entre les aliénations
qu’a faites le donataire pendant sa vie par nécessité, et
les dispositions gratuites qu’il a faites au préjudice du do
nateur , et que si l’on peut maintenir les premières,
il faut au moins annuler les secondes ( V . 1. civiles,
2e. partie, livre 2, tit. 3 , sect. i re.) ; tel est aussi l’avis de
Bretonnier, soit dans ses observations sur Henrys, soit
dans ses questions de droit au mot réversion. Cet au
teur aussi éclairé que judicieux s’exprime môme avec une
vive indignation contre le système contraire : « J ’abhorre,
» dit-il, comme une espèce de sacrilège la liberté de dis
» poser gratuitement des biens donnés, au profit d’un
» étranger au préjudice du donateur, qui se voit dé
» pouillé de son vivant de ses biens, et a la douleur de
» les voir passer en des mains étrangères. »
Frappés sans doute de ce grave inconvénient si pro
pre à c o mp ri me r les élans de la tendresse et de la géné
rosité des ascendans, pénétrés aussi des vrais principes
du droit romain, M. Lamoignon et ses illustres assesseurs
avoient décidé en leurs arrêtés que « les biens donnés re
» tourneroient au père, francs et quittes de toutes çhar» ges et hypothèques imposées p a rle donataire. ( V , au
titre des donations, art. 61. )
_Ces opinions, les seules vraies, doivent seules aussi ser
vir de règle à la décision de la cause du sieur Mcnes'
5*
�.
3 8 }.
,.
d o u x , et Ton doit d’autant moins liésiter à les adopter,
que la jurisprudence contraire du parlement de Paris n’a
été que locale; il paroît qu’elle a été restreinte, quant aux
pays de droit écrit, aux provinces du Forez, du Lyonnois,
du Maçonnais, du Baujolois, ainsi que l’observe M, Cha
bot dans ses questions transitoires, au mot reversion, §. i r
O r, les biens dont il s’agit dans la cause ne se trouvent dans
aucune de ces provinces, ces biens étant d’ailleurs situés en
droit écrit, et régis par les lois romaines, c’est par ces Ioisy
telles qu’elles sont dans toute leur pureté, qu’on doit déci
der les questions qui y sont relatives. D onc, puisqu’ils ont
été donnés par un acte ancien , puisque , d’après les lois
romaines qui sont les lois clu contrat, l’acte est réputé
contenir unecondition résolutoire, c’est-à-dire, une stipu
lation tacite de réversion , il faut dire pour les immeubles
situés dans le ressort du parlement de P aris, comme pour
ceux situés dans celui du parlement de Toulouse, qu’ita
ont fait retour au profit du donateur , nonobstant toutes
dispositions contraires émanées du donataire.
On peut ajouter une remarque pour le cas particulier..
L e contrat de mariage qui renferme la donation a été
passé dans le ressort du parlement de Toulouse ; cela est
reconnu dans l’acte même. D e cette circonstance on peut
conclure que les principes admis dans ce parlement doi
vent être considérés comme la loi du contrat; ces prin
cipes ont dû être présens à la pensée des parties et à celle
du redacteur de 1 acte, et 1 on a sans doute regardé comme
inutile de stipuler par une clause expresse, une réversion
que la loi stipuloit elle-même tacitement.
Si la réversion considérée comme condition inhérente
�C 39 )
# r>
â la donation a eu lieu malgré les dispositions testamen
taires du donataire, le legs universel fait par celui-ci à son
épouse disparoît,au moins quant aux biens compris dans
la donation.
Envain, pour écarter celte Conséquence, argumenteroiton de la transaction faite entre la dame Labarthe et son
beau-père. Cette transaction, arrachée à la foiblesse d’un
vieillard presque octogénaire, est évidemment frauduleuse.
Les faits qui l’ont accompagnée, la cohabitation du beaupère et de la belle-fille, la multiplicité des actes passés
entr’eux , le testament par lequel le beau-père donne tout
son bien à une étrangère, en méconnoissant son propre
sang ; cette c :tation, postérieure d’un mois seulement au
testament, et dont le but n’étoit que de feindre une con
testation qui n’existoit pas; cette transaction et ce partage
qui déguisent maladroitement une double libéralité; ce
second traité fait quelques mois après, et par lequel le
beau-père renonce même à toute action en rescision contre
un partage qui présentoit une lésion révoltante; toutes
ces circonstances si lumineusement développées dans la
consultation de M e. Pagès, constituent autant de pré
somptions graves, précises et concordantes qui caracté
risent le dol, et entraînent la conviction ( Y . C .C . , article
1353 ) , et qui ne permettent pas d’hésiter à repousser tous
ces actes frauduleux destinés à attribuer à une étrangère
l’universalité d’une fortune considérable que ía loi et la
nature s’indignoient d e v o ir enlever à un petit-fils.
Le testament du grand-père est le seul de ces actes qui
doit être maintenu , mais encore, en le restreignant à de
justes bornes. L ’article 913 du code civil ne permet de
�.
. . / 40) .
.
disposer que de la moitié de ses biens, lorsqu’on laisse à
son décès un enfant légitime ; l’article 914 comprend sous
le nom d 'e n fa n t , les descendans en quelque degré que ce
soit, en déclarant cependant qu’ils ne sont comptés que
pour l’enfant qu’ils représentent dans la succession du dis
posant. Le sieur Menescloux petit-fils, comme représen tant
son p è r e , est le seul enfant légitime qu’ait laissé l’aïeul à
son décès. Il doit donc avoir la moitié delà succession de
son aïeul. Cette moitié qui lui étoit réservée par le code
sous lequel la succession s’est ouverte, cette moitié n’a pu
recevoir aucune diminution ; et pour l’obtenir, il a le droit
de demander la réduction de toute disposition qui y porteroit atteinte.
T e l est le résultat que doit avoir la cause du sieur Me»
nescloux, en supposant que l’opinionjque nous avons émise
sur le retour légal soit accueillie par la Courf
M ais, fut-il vrai même que ce retour légal ne dût pas
avoir lieu, les premiers juges auroient mal jugé sous un.
autre rapport, et auroient causé un préjudice considé*
rable au sieur Menescloux qu’ils ont privé môme de sa
légitime de rigueur, telle qu’elle devroit être fixée d’a
près les anciennes lois,
Pour fixer les droits du petit-fils, le tribunal deSt.-Flour
n’a considéré la succession de l’aïeul que comme composée
des immeubles qui lui ont été attribués par le partage
qu’il avoit fait avec la dame Labartlie. Il a pensé qu’on
ne devoit faire entrer dans la masse aucun autre des biens
qui avoient été compris dans la donation du 16 octobre
1790. C’est une erreur grave et facile à reconnoître.
L ’article 922 du çode civil déclare q u e , pour calculer
�.
*
.
c 41 }
,
.
lit cjuotité disponible, et fixer la réserve légale , il iaul f o r
mer une masse de tous les biens existans ail décès du
donateur ou testateur, et y réunir fictivement tous ceux
dont il a été disposé par donation entrevifs.
Cette règle n’est que la copie littérale d’une règle an
cienne, trop élémentaire pour avoir besoin d’être prouvée.
Nous nous bornerons à rappeler ce que dit M . Merlin
dans son répertoire, au mot légitime, section 8, §. 2,f
ûvt. 2 , question i re.
» C’est une règle constante que tous les biens qui sont
» sujets au retranchement, doivent entrer dans la masse
* et servir à la supputation de la légitime. Il ne faut pas
» même pour cela qu’ils souffrent un retranchement ac
» tuel-, il suffit qu’ils puissent le souffrir subsidiairement.
» Ainsi, quoique les donations entrevifs ne doivent con
» tribuer à la légitime qu’au défaut des legs et des biens
» qui composent la succession ab intestat, on ne laisse
» pas de les comprendre jictivem ent dans la masse sur
» laquelle on forme la liquidation da la légitime. »
Quelque simple , quelque certaine qu’elle fu t, la règle
a été méconnue par les premiers juges. Ils devoient, d’a
près cette règle ancienne et nouvelle, faire entrer dans la
masse destinée à la liquidation des droits du petit-fils, nonseulement les biens qu’avoit laissés l’aïeul à son décès,
mais encore ceux qui avoient été donnés par lui en 1790.
Sur cette masse ainsi composée, ils devoient attribuer ou
la réserve légale actuelle, ou au moins la légitime de
rigueur ancienne.
L a réserve légale actuelle devoit être de moitié defowi
les biens, daprès l’article 913. O r , en prenant pour
�(4 0
^
règle cet article, les prémiers juges n’ont cependant accorde
au petit-fils que la moitié des biens dont l’aïeul étoit mort
en possession ; et quoique cet aïeul eût, par une donation,
disposé gratuitement de la totalité de sa fortune, quoi
qu’il n’en eût recouvré qu’une très-foible partie, ils ont
cru qu’il avoit encore pu disposer de la moitié de ce qui
lui restoit, c’est-à-dire, qu’ils ont violé ouvertement les
articles 9 1 3 , 920, 9 2 1 , 922 et 923 du code civil. D ’a
près ces articles, en effet, l’aïeul n’ayant laissé à son décès
qu’un enfant légitime, celui-ci devoit avoir la moitié au
moins de tout le patrimoine de cet aïeul ; et cette moitié,
réserve légale actuelle, devoit être prise, s’il n’y avoit pas
assez de biens libres, d’abord sur ceux compris dans la
disposition testamentaire, ensuite, par retranchement, sur
les biens donnés en 1790, et transmis par le donataire à
la dame Labarthe.
O n doit convenir cependant, relativement aux biens
donnés sous les lois anciennes, que la dame Labarthe
peut prétendre que la donation doit être régie par les
lois sous l’empire desquelles elle a été faite, et ne doit
subir que le même retranchement que ces lois auroient
autorisé.
Cette prétention seroit fondée, et elle donne occasion
de distinguer entre les dispositions testamentaires et les
dispositions entrevifs. Les dispositions testamentaires sont
régies p arle code civil, et, par conséquent, doivent êtro
non-seulement réduites, mais même annullées,s’il le faut,
tant que le petit-fils n’aura pas la moitié de tout le patri
moine de son aïeul.
Quant aux dispositions entrevifs faites sous les anciennes
lois,
�.
(43)
,
.
,
lois , elles ne peuvent subir que la rédiiction néces
saire pour attribuer au petit-iïls sa légitime de rigueur,
telle qu’elle auroit été fixée parja législation ancienne.
Examinons donc quelle seroit la quotité de cette légitime,
si les anciennes lois éloient encore en vigueur.
La légitime de rigueur seroit d’un tiers de la totalité du
patrimoine de l’aïeul.
.
En effet, en pays de droit écrit, et suivant la novelle
18, cap. i , et l’authentique novissima, C. de inofj\ lest, la
légitime étoit le tiers de l’hérédité entière, oiijde la por
tion entière de chaque enfant, lorsque leur nombre ne
s’élevoit pas à plus de quatre.
' *
Quant aux enfans qui devoient être comptés dans le
nombre, on suivoit autrefois là môme règle qu’cjujqtu>
d’hui; on ne comptoit, comme le dit l’article '91.3 du code,
que les enfans laissés par le disposant à son décès.
1 Les enfans morts naturellement ou civilement avant
le défunt ne faisoient ni part ni nombre. G’ést ce que la
raison indique; c’est ce que tous, lesi auteurs attestent.
( V . notamment Rousseau-Lacombe, au mot légitime,
section 6 , n°. 7. )
:r
M . Merlin dans son répertoire, au mot légitime, section
8, §. 1, n°. 1 3 , après avoir dit que tout le monde con7
vient que les enfans morts avant leur père n e fo n t point
nombre dans sa succession, pour augmenter ou dimir
nuerla légitime de leurs frères vivans, et après avoir cité
un arrêt qui juge la question in term inis, se demande
s il ne iaut pas excepter de cette règle l’enfant décédé qui
ii etc donataire de son père; et voici sa réponse.; ; !n - <
« La raison de, douter est'que. sa donation nugmeqfû
' 6
'
�( 44 3
la masse des biens sur laquelle on fixe la légitime. La
raison de décider est que la seule qualité de donataire
ne suffit pas pour faire entrer celui en qui elle se trouve
dans la supputation dont il s’agit. En effet, elle n’a cette
vertu que quand elle est jointe à la qualité d’enfant,
» ce qui ne peut avoir lieu dans notre espèce, puisque,
» au tems de l’ouverture de la succession, l’enfant
» n’existe plus.
Cette sage décision reçoit dans la cause du sieur M e
nescloux une application d’autant plus favorable, que ce
ne sont pas les héritiers naturels de l’enfant donataire,
mais une étrangère à sa famille qui profite des biens don
nés. Cette étrangère doit être considérée comme dona
taire directe; et comme elle n’avoit pas de droit personnel
à une légitime'dans les biens de l’aïeul Menescloux;
comme celui qu’ellé représente n’a pu y avoir aucun droit
lui-même, puisque le droit à la légitime n’est qu’un droit
à là succession, et qu’on ne peut hériter d’une personne
•vivante * on doit dire que le fils aîné Menescloux, décédé
•avant son père, ne doit pas compter pour la fixation de
la légitime de l'enfant unique du fils puiné. Donc cet
enfant unique peut réclamer, même d’après les lois an
ciennes, un tiers de latotalité du patrimoine de son aïeul,
c’est-à-dire, le tiers d’une masse composée non-seulement
des biens que l’aïeul possédoit à son décès, mais encore
de ceux qu’il avoit donnés eu 1790.
On conçoit que tous les actes que l’aïeul a pu passer,
soit par-transaction, soit autrement; ne peuvent faire au
cun obstacle a la réclamation du tiers, légitime de rigueur
dit’petit-fils; car Paieul étoit dans une incapacité légale
»
»
»
»
�trtf
_
( 45)
....................................................
de diminuer par aüeun moyen , cette légitime dé rigueur.
Eût-il même transigé de bonne foi sur la question du re
tour légal, cette transaction valable pour lui, seroit une
confirmation de la donation, en ce qui le concerne seule
ment, mais ne pourroit empêcher le rapport des objets
donnés à une masse générale destinée à fixer, soit la ré
serve légale, telle qu’elle est établie par le code, soit la
légitime de rigueur, telle qu’elle est réglée par les lois
anciennes; elle ne pourroit aussi empêcher la réduction dé
cette donation, si le petit-fils ne trouvait pas dans les bienB
libres sa légitime de rigueur, c’est-à-dire, le tiers de la
masse que nous venons d’indiquer.
Les premiers juges ont donc commis une grande erreur
en accordant au petit-fils, seulement la moitié des biens
qu’a laissé l’aïeul à son décès, c’est-à-dire, un huitième
tout au plus de l’hérédité entière. L e petit-fils doit avoir
la totalité des biens libres, s’ils n’excèdent pas la moitié
de la masse géuérale du patrimoine de l’aïeul; il a même
le droit d’agir par retranchement sur les biens donnés en
1 7 9 ° , si cela est nécessaire pour lui. attribuer le tiers de
ce patrimoine intégral.
Il
est difficile de concevoir un des motifs du jugement
qui porte que le père du petit-fils s’étoit exclu du droit
au partage , par l’acceptation'qu’il avoit faite en 1792,
dans son contrat de mariage, d’une destination de légi
time conventionnelle.
,
Les premiers juges auroient-ils oublié que, dans l’ancien
droit même, un enfant mille ne pou voit renoncer valable
ment a la succession future de son père?
Amoient-ils d’ailleurs ignoré les dispositions des lois
•‘V
�.
.
( 4 6 ) .
.
.
intermédiaires qui avoient fait disparoître, pour l’avenir,
l ’effet, non-seulement des exclusions coutumières, mais
encore de toutes renonciations à des successions futures,
non encore ouvertes lors de la promulgation de ces lois ?
( V . notamment la loi du 5 brumaire an 2 , article 14 ,
et celle du 18 pluviôse an 5, article 10. )
Auroient-ils enfin méconnu les principes du code, qui
repoussent toutes renonciations, toutes conventions re
latives à des successions futures? ( V . les articles 7 9 1 ,
113 0 , 1389, 1600, 1837. )
L e fils puiné, mort avant son père, n’a pu, par aucune
espèce d’approbation, renoncer à un titre d’héritier qu’il
n’avoit pas encore, et qu’il n’a même jamais eu. Il n’a
pu surtout en priver le petit-fils, le seul qui ait survécu
à l’aïeul. L e petit-fils a le droit incontestable de deman
der ou la moitié du patrimoine entier de. son ascendant,
si le retour légal a eu lieu, ou le tiers au moins de ce
patrimoine, en supposant même qu’il dût être réduit à
une légitime de rigueur fixée d’après les lois anciennes.
- Remarquons que, dans le patrimoine de l’aïeul, doit
être compris le quart des biens maternels du fils aïné,
comme aussi le quart des acquisitions qu’il avoit faites-,
car l’aïeul avoit succédé, nonobstant toutes dispositions
contraires, au quart des biens personnels de son fils mort
sous le code civil. ( V . article 916 du Code. )
D ÉLIBÉRÉ à R iom , le 30 juin 1817.
M°. A L L E M A N D , avocat.
T H I B A U D , im prim eur d u R o i , de la C o u r r o y ale, et libraire, a R io m ,
~
A v ril 1 81 8.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Menescloux, Pierre. 1818]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
abus de faiblesse
testaments
donations
testament mystique
droit écrit
droit de retour
dot
belle-fille
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour le sieur Pierre Menescloux, appelant ; contre dame Marie-Jeanne Icher de Labarthe, veuve de Jean-Menescloux, intimé. [suivi de ] Consultation pour le sieur Pierre Menescloux, appelant ; contre dame Marie-Jeanne Icher de Labarthe, veuve de Jean Menescloux, intimé.
note manuscrite : 1er octobre 1818, arrêt, 2éme chambre, journal des audiences, p. 254.
Table Godemel : légataire : 3. le légataire qui n’a pas formé, dans l’année de mise en possession, la demande en délivrance des objets légués, quoiqu’il en fut saisi réellement, et qui a continué d’en jouir, doit-il restituer à l’héritier toutes les jouissances perçues jusqu’à l’accomplissement de cette formalité ou jusqu’à la demande en partage ? Retour : 4. dans le ressort de l’ancien parlement de Toulouse, le retour légal des choses données par le père, à son fils, ante ou propter nuptias, s’opérait de plein droit et sans aucune stipulation, lorsque le donataire mourait sans postérité avant le donateur.
dans le ressort de l’ancien parlement de paris les ascendants ne reprenaient-ils ces mêmes biens qu’à titre de succession, et dans le cas seulement où le donataire n’en avait pas disposé ? Testament : 17. un testament reçu dans la forme mystique est-il nul, d’après l’ordonnance de 1735, si l’acte de suscription n’a pas été retenu au nombre des minutes du notaire ? ces sortes d’actes sont-ils au nombre de ceux dont les notaires doivent garder minute, sous peine de nullité ? 18. la mention expresse qu’un testament a été lu au testateur, en présence des témoins, peut-elle résulter de deux phases distinctes et séparées, dans l’une desquelles il est dit que le testament a été lu au testateur, et, dans l’autre qu’il a été lu en présence des témoins ? - le testament est-il valable lors même qu’il existerait entre ces deux phases une disposition par la quelle le testateur révoque tous testaments antérieurs ? Donation : 14. sous l’ordonnance de 1731, une donation d’effets mobiliers faite par contrat de mariage, sous réserve d’usufruit, était-elle nulle pour défaut d’un état des objets donnés, annexé au contrat ? l’article 17 de l’ordonnance avait-il dérogé à l’article 15 dans sa totalité ? Fraude : 3. des transactions, pour lesquelles une personne avait traité sur des droits successifs qui lui revenaient, sont-elles nulles, dans l’intérêt du légitimaire, si elles avaient été concertées dans le dessein de le frustrer de sa légitime ?
La nullité doit-elle être prononcée à l’égard même d’une seconde transaction portant rémunération, moyennant un prix, au droit de faire prononcer, pour cause de lésion, la rescision d’une première transaction qui avait réglé le partage d’une succession ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1818
1792-1818
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
46 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2410
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2411
BCU_Factums_G2412
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53464/BCU_Factums_G2410.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Trinitat (15241)
Saint-Sylvain (19245)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
belle-fille
donations
dot
droit de retour
droit écrit
Successions
testament mystique
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53491/BCU_Factums_G2505.pdf
7ec7192dbb265424796b31bb291cfb2f
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Text
f
COUR R O YA LE
MEMOIRE
EN RÉPONSE,
P
our
™
'
les héritiers C A P E L L E , A p p e l ans;
C ontre la dame N O U V E A U et le S r V A L E N T I N ,
SON m a r i , I n t i m e s ;
EN
PR É SE N C E
D es dames L A N G H E A C D E
M O N TLO G IS
et autres aussi Appelans.
L
e s
héritiers Capelle pensaient avoir suffisamment
développé leur défense
déjà publié;
clans l ’écrit q u ’ils avaient
Ils avaient tâché d ’etre courts sans être obscurs;
Ils avaient voulu sur-tout être vrais dans l’exposé
des faits ;
Ils avaient cru raisonner juste dans la discussion
des moyens.
*"
-
M. Tassin de Vîllepion*
rapporteur.
�^
Lj^
( 2 )
Mais par un long mémoire en réponse, le sieur
Valentín les a avertis, en termes fort d ou x, que leur
défense était établie sur des suppositions erronées; que
les sacrifices dont ils parlaient n’.étaient que des rêves;
que leurs moyens de droit étaient plus subtils que
solides.
L e sieur Valentín a consacré trente-neuf pages à un
exposé destiné, d it-il, à rétablir des faits, dans les
quels tout était in exa ctitu d e 3 et à prouver à chaque
pas a u x héritiers C a p e lle , le contraire de ce q u ’ils
avancent.
Soixante pages ont eu pour but de leur enseigner
la vraie doctrine sur les substitutions.
Les héritiers Capelle ne parcourront pas tous les
détails dans lesquels on est entré; mais ils doivent
démontrer que s’il y a des inexactitudes, elles ne leur
appartiennent pas ; que si quelqu’un a rêvé des sacri
fices, c’est le sieur V a le n tín ; et que si leurs moyens
avaient été sans force, ou ne les aurait pas éludés au
lieu de les combattre.
D IS C U S S IO N D E S FAITS.
Le sieur Capelle était père de plusieurs enfans nés
d ’un premier mariage, lorsqu’il épousa, en 178 6 , la
demoiselle Marie-Judith Langheac de Montlogis.
Toute la fortune de celle-ci se composait d ’uue dot
de 10,000 francs.
Celle du sieur Capelle était considérable.
�Il n’y avait entre les deux fortunes aucune propor
tion : il y en avait peu dans les âges.
Mais une parente de la demoiselle de M ontlogis, la
dame veuve Jalinques, qui avait reçu ses richesses des
libéralités de son époux, voulut les répandre sur une
personne de la même famille ; et le sieur Capelle était,
parent du sieur Jalinques.
L a veuve Jalinques ménagea une union q u ’elle dé
sirait , et la récompensa par ses bienfaits envers les
deux époux.
E lle leur donna les biens dépendant de la succession
Jalinques ; elle entendait les donner à l ’époux comme
à l ’épouse*, à celle-ci, dans le cas seulement où elle
aurait des enfuns du présent mariage. Dans tous les
autres cas, les biens donnés deyaient a p p a r t e n i r au
sieur Capelle, o u , si celui-ci prédécédait, à ses héri
tiers naturels, ou à l ’héritier de son choix (i).
Des charges très-onéreuses, imposées au sieur Capelle
lui-inéine, grevaient la donation. L e sieur Capelle s’y
soum it, parce que ses sacrifices devaient enrichir ses
en fans.
Telles furent les principales circonstances de l ’union
du sieur Capelle et de la demoiselle de Montlogis.
U n mémoire imprimé les avait exposées, avec plus
de détail même, en première instance.
On ne les avait ni contredites, ni censurées alors :
elles étaient trop notoires.
( i) . N ota. L a veuve Jalinques disposa, en faveur de sa sœur seu le,
de
3ooo
fr. de d o t , formant sou patrim oine particulier.
�( 4 )
On a cru devoir les critiquer avec amertume devant
la Cour.
On a parlé de spéculation, de v ieille J i llc .........
épousée uniquement p our sa fortun e.
Enfin l ’on a moralise sévèrement*, et néanmoins, dans
la page précédente, méconnaissant sa propre morale,
le sieur Valentin nous apprend que c’est sous la f o i de
la fortu n e q u ’on lui dispute, q u o n t été contractés
cleuæ mariages successifs , ce lu i du sieur Nouveau ,
et c e lu i du sieur V alen tin .
Les sieurs Nouveau et Valentin ont donc sp écu lé
eux- mêmes.
Les spéculations du sieur Capelle avaient au moins
de louables motifs. Ses enfans étaient en bas âge 5 il
trouvait dans sa nouvelle union le double avantage,
et de les confier aux soins d ’une seconde m ère, et de
leur procurer une
fortune
considérable , dont les
charges n ’étaient que p o u r lui.
L e s i e u r N o u v e a u n’avait point d ’enfans et n ’en a
jamais eu. Il se fit donner des biens litig ie u x , et prévit
le litige.
L e sieur Valentin s’est marié pendant le procès
actuel.
A in si, pour lui et pour le sieur Nouveau, tout a
élé calcul d ’intérêt personnel.
Pour le sieur Capelle, au contraire, les calculs
n ’avaient été que ceux de la tendresse paternelle.
Que le sieur Valentin s’applique donc à lui-meinc
scs propres leçons.
Les héritiers Capelle avaient fait observer l ’éienduc
�des charges qui grevaient la donation de 1786,, l ’obli
gation solidaire qu ’on avait imposée à leur p è re , les
sacrifices q u ’il avait faits pour s’acquitter.
Ils en avaient tiré non-seulement de puissans moyens
de considération, mais encore un argument décisif en
droit, et propre à écarter toute idée de substitution.
Ils avaient dit que les principes sur les substitutions
ne permettaient pas de supposer que des substitués,
dont les droits, incertains jusqu’au décès du grevé,
pouvaient ne jamais s’ouvrir, eussent été soumis euxmêmes , et solidairement avec le grevé, a acquitter les
dettes et les diverses autres charges de la libéralité.
A u lieu de répondre à l ’argument , on a tenté
d’affaiblir les considérations, en alléguant des inexac
titudes , et en soutenant :
Que les charges n ’étaient pas aussi grandes q u ’on le
supposait ;
Q u e , si la réserve de 120,000 f r . , que s’était faite
la dame de M u râ t, fut réduite à 100,000 f r . , ce f u t
une véritable générosité ;
Que les sommes payées furent peu considérables 5
Que les biens donnés étaient d ’une grande valeur ,
et qu e,
les charges ne devant s’acquitter que par
termes d e ' 3 000 francs, les revenus couvraient^ à
chaque terme, l ’intérêt et le principal 5
Que le sieur Capelle n ’y employa pas le prix de ses
biens propres, et qu ’il avait de quoi payer, par le
résultat de la doua lion.
foutes ces assenions des sieur et dame Valcnlin
�ont été ornées des mots in exa ctitu d es} i l n’ est pas
v r a i......... , ils osent d ire, et d ’autres expressions du
même genre, toutes d ’une urbanité remarquable.
Examinons si leurs propres traits ne réfléchissent
pas sur eux-mêmes.
L ’étendue et la valeur des charges de la donation
ne sauraient être sérieusement contestées. On en trouve
le détail dans l ’acte.
Payer à la donatrice une réserve de 120,000 francs;
Servir une rente viagère de Goo francs, due à la
dame Delons de G iro n d e , et lui laisser la jouissance
du domaine d ’Ayrolles-Vieille \
L oger, nourrir à l e u r p o t e t f e u et compagnie ,
éclairer, chauffer et blanchir, tant en santé q u ’en
maladie, le sieur Bouquier de Labro pendant sa vie ;
Acquitter toutes les dettes de la succession du sieur
Jalinques ;
Telles étaient les obligations que le sieur Capelle et
son épouse avaient contractées solidairement.
Elles n ’étaient pas légères, sans doute.
Nous osons d ire, il est vrai, que la réserve de
120,000 francs ne fut réduite à 100,000 francs, par
le traité du 20 décembre 1-91 , q u ’en retranchant les
paiemens faits par le sieur Capelle.
O r , selon les sieur et dame Valentin , les d eu x
traités de 1-86 et de 1791 prouvent que ce f u t une
véritable générosité de la dame de 3 Iurat.
Q ui 11c croirait, à ce ton de confiance, que le sieur
�Valentín a lu. dans les traités qu ’il indique, les preuves
de ce q u ’il assure?
Cependant le traité de 178G n’existe pas, ou au
moins, s’il existe,, il n’est pas connu : il ne se trouve
dans les pièces d’aucune des parties. L e sieur V alentin
en argumente, et ne le produit pas; on le demande à
son avoué qui ne peut le représenter.
C e prétendu traité serait même en contradiction et
avec celui de 1791 , et avec l ’arrêt du 28 août 1790,
qui condamnait le sieur et la dame G apelle à exécuter
la donation selon sa form e et teneur.
L e traité de 1791 est dans les deux dossiers.
On y lit cette clause remarquable :
« Savoir : que déduction et compensation faite de
« toutes les sommes généralement q u e l c o n q u e s , que
« ladite dame de Lanzac-Murat se trouve avoir payées
« à l ’acquit des sieur et dame C a p e lle , et que le sieur
« Capelle peut avoir payées à la clame de L a n za c« M urât ou ¿1 son acquit 3 ainsi que de celles que
« ladite dame de Lanzac-M urat avait perçues sur les
« fm itse t revenus du domaine de Saint-Michel, faisant
« partie des biens par elle donnés auxdits sieur et dame
« Capelle, la somme de cent vingt mille livres que
« ladite dame de Lanzac-Murat s’était réservée dans la
« donation par elle faite en faveur desdits sieur et
« dame Capelle , dans leur contrat de mariage ,
« demeure réduite et modérée à celle de cent m ille
<< livres en principal. »
On demandera au sieur Y alentiu lui-même si de
�OU
( S )
telles expressions, écrites dans un traité authentique,
n’autorisaient pas les héritiers Capelle à dire que la
réserve avait été réduite à 100,000 f r . , en retranchant
les paiemens fa its par le sieur Capelle ?
On lui laissera d ’ailleurs à décider de quel côté sont
les inexactitudes.
On lui fera cependant une petite observation ; c'est
q u ’il a en son pouvoir les titres de la famille Capelle,
les livres-journaux de leur père, ses quittances, tous
ses papiers en un m o t, q u i , des mains de la veuve
Capelle , sont passés d ’abord en celles du ‘ sieur
Nouveau , en l ’an 3 , et depuis en celles du sieur
V alen tin ; et qu ’ il est peu généreux, en retenant leurs
documens, de les accuser d ’incxar.Litudes.
On vient de voir combien l ’accusation a été peu
réfléchie quant aux charges; vérifions si l ’on a été plus
vrai touchant les paiemens.
Il suffirait peut-être de remarquer que les charges
étant considérables, les paiemens ont dii l ’être aussi,
et jeter le sieur Capelle, ou dans de grands embarras,
ou dans de grands sacrifices.
Mais entrons dans quelques détails.
D ’après le traité du 20 décembre 1 7 9 1 >
principale
des charges, celle de 120,000 francs, lut acquittée en
très-grande partie : il ne resta plus dù que 5 3 ,000 fr.
D epuis, le sieur C apelle, si l’on en croit les époux
Valenlin ou le sieur Nouveau q u ’ils représentent,
aurait payé sur cette réserve une somme de 18 ,118 fr.;
�( 0 )
en sorte q u ’il n’était d u , au décès du sieur Capelle,
que 34.5882 francs de principal.
Nous disons, si Von en croit les ép ou x
a l en tin
et le sieur N ou vea u ; car q u ’on ne s’y trompe pas;
c’est sur les renseignemens fournis par leurs adversaires
eux-mêmes, que les héritiers Capelle calculent. Ces
renseignemens sont consignés dans l ’écriture signifiée à
la requête du sieur N ouveau, le
avril 1817 (p. 89).
Les héritiers Capelle ne connaîtront rien person
nellement , tant que leurs pièces ne leur seront pas
rendues.
■Une réserve de 120^000 fr. réduite à 34,882 f r . ,
prouve, par une simple soustraction, q u ’il avait été
payé en principal 8 5 ,118 fr.
L e sieur Capelle avait été en o u t r e c li a r g é d ’acquitter
toutes les dettes dé la s u c c e s s io n J a l i n q u e s , et il
parait q u ’il en a payé pour une assez grande valeur,
Quelles on.t. lé té ses ressources pour ces paiemens?
Leâ biens donnés, dit-on ; il y avait beaucoup de
créances actives ; les termes exigibles 11’étaient que
de 3 ooo f r . , et les revenus des immeubles couvraient,
a chaque terme > l ’intérêt et le capital1.
. Pour justifier ces allégations, les époux Valentiu
évaluent les immeubles à 120,000 francs; les créances
à 46,108 francs (1).
Ou indiquera bientôt ce que sont devenues les
créances.
>
,(j) V oyez le M ém oire des in tim es, page
�( 10 )
Quant à la valeur des immeubles, c’est un agréable
Îiction qui donnerait à croire que les époux Valentin
spéculent aussi sur des ventes futures, si le succès les
couronne devant la Cour.
L e sieur Capelle a plusieurs fois offert tous ces
immeubles, y comprises les rentes seigneuriales qui en
dépendaient, pour C 5 ,ooo fr. : il n’a jamais pu lesobtenir.
Vaudraient - ils davantage aujourd’ hui que les
rentes seigneuriales sont abolies, quoique la valeur
des biens ait pu augmenter?
L e sieur Capelle avait le pouvoir de vendre les
immeubles ; ce qui prouve que les revenus ne suffisaient
pas pour acquitter les charges : car c’élait à cause des
charges, que le pouvoir avait été donné.
Heureusement pour les époux Y a le n t in , le sieur
Capelle n ’a pas usé de son pouvoir. S ’il en eut usé, le
procès actuel n ’existerait pas.
Malheureusement pour ses enfans, il a payé de ses
propres r e s s o u r c e s , d a n s l ’ e s p o ir de leur laisser des
biens dont 011 veut les priver aujourd’hui.
Les 46,108 fr. de créances dont parlent les époux
Valenlin n’ont pas été d ’un grand secours au sieur
Capelle. Ce n’est pas lui q u i a louché ces créances 5
c’est le sieur Nouveau, qui nous l ’apprend lui-meme
dans cette écriture déjà citée, du 26 avril 1 8 1’j , où
il reconnaît q u ’il en a reçu,
Savoir : en assignats, pour . . .
2/1,893 fr. 90 c.
J£t en numéraire , p o u r ................
22,394
lin tout....................
4 7 ; ?-^7 h - 9 ° c '
�(,
IX
w
-;
•"
E n sorte que les créances s’élevaient réellement à.
plus de 4.6,000 francs, mais que le sieur Gapelle n’ en
a pas profité.
L e sieur Capelle a cependant payé 8 5 , n 8 fr. sur
la réserve , et de quelle manière ?
Cela est facile à expliquer.
Avant le traité de 1 7 9 1 , il avait payé
réellement ou par compensation................
Lors du tra ité , il paya de ses deniers
20,000 fr.
une somme d e ............... ’...................... 12,788
P l u s , en délégation , une somme de
11,8 12
f r . , composée d’un capital de
10,000 f r . , dot de son épouse, et des in
térêts qui lui appartenaient à lui-même
comme mari, c i...............................................
E n principaux des rentes dépendant
1 1 ,8 12
des biens donnés..............................................
24,000
Par le délaissement du domaine de 1
S a in t - M ic h e l...................................................
8,000
Depuis le traité de 1791 , il a payé . .
18 ,118
9 4 j 7 *8
Desquels il faut retrancher 9G00 francs
T
o t a l ....................
fr'
d’intérêts dus d’après le traité de 1791 ,
C1....................................................................................
9>6oo
Ce qxii réduit le capital payé par le
sieur Capelle, à ...............................................
8 5 , n 8 fr.
Ces détails sont fastidieux sans d o u te ’, mais au
�moins sont-ils exacts, et convaincront-ils les époux
Valentin
d ’accuser.
q u ’il
est
nécessaire
de réfléchir avant
Si de cette somme de 8 j , i i 8 fr. on retranche les
rentes et le domaine délaissés, ainsi que le capital de
la d o t, on verra que le sieur Capelle a acquitté, à ses
j)ropres dépens, une somme de
1 18 fr.
Il a de plus acquitté beaucoup de dettes de"la suc
cession Jalinques.
Il n’est donc pas -étonnant q u ’il ait été obligé de
vendre
d ’aussi
besoin
m en t,
le domaine de Mallaret pour l ’aider à remplir
grandes charges; sans elles, il n’aurait pas eu
de le vendre ; car il no devait’ rien personnelle
quoiqu’en ait dit le sieur Valentin.
Q u ’importe q u ’il ait emprunte 10,000 francs à la
demoiselle Chaunac de Montlogis : cet emprunt ne
suffisait pas.
Au reste, s i, comme on le prétend,
il avait eu des besoins, n ’aurait-il pu emprunter
pour lui-m êm e, et éviter par-la de vendre? ]N" est-il
donc pas évident que ce sont les trop nombreuses
charges de la donation, qui ont causé les embarras de
la fortune du sieur Capelle?
Les époux Valentin ne disent q u ’ un mot sur les
dettes de la succession Jalinques; ils 11’en parlent que
pour assurer q u ’il n ’y avait pas de dettes.
Les héritiers Capelle assurent le contraire; et l ’on
peut dire q u ’entre le oui et le non, l ’esprit doit rester
incertain.
Mais l ’inccrtilude est facile à lever.
�( :3 )
On l ’a déjà dit-, tous les papiers de la famille C a
pelle sont au pouvoir du sieur Valentin.
Ces papiers sont rappelés dans l ’inventaire du 4 jan
vier 1794*
Il y est parlé , page 9 , d’un journal contenant
l ’état des créances dues à la maison de la Rouquette;
Page 10, d’un auti'e livre-journal, par ordre alpha
bétique, des contrats de rente et obligations consen
tis à feu sieur L a Ilouquette ;
Page 2 6 , d’un journal couvert de basane, où sont
plusieurs notes et mémoires, et certains autres papiers
et mémoires écrits tant par f e u Pierre Ja lin q u es, que
par ledit fp u CappTley
Page 48 j à ’ u n r e le v é e t é t a t d e s c r é a n c e s e t d e s
r e p r is e s ,
é c r i t d e la m a in d e f e u
C a p e lle , p our' lu i
s e r v ir d e m é m o ir e e t in s t r u c t io n .
A la fin de l ’inventaire il est dit q u e , du consen
tement du tuteur des m ineurs, tous les papiers portés
dans Uinventaire sont demeurés au pouvoir de la
dame veuve C a p elle, ainsi que toutes les c le fs , la
quelle en demeure chargée.
L a veuve Capelle l’emit tous ces papiers au sieur
Nouveau, lorsqu’elle l’épousa.
Le sieur Nouveau, à son décès, les a laissés aux
sieur et dame Valentin.
Les héritiers Capelle les ont souvent demandés.
L e jugement dont est appel a. condamné à les res
tituer. Mais, cités devant un notaire à cet eflet, les
�époux Valentin ne se sont pas présentés (V o ir un
procès-verbal du i cr mai 1819).
Q u ’on produise tous ces papiers, et la vérité s’éclair
cira.
>
Il est plus prudent de ne rien produire et de
déclamer beaucoup, et de se présenter soi-même comme
ayant fait de grands sacrifices.
C ’est ainsi q u ’on parle souvent de quittances dans
le mémoire, et q u ’on n ’en représente aucune.
C ’est ainsi q u ’on affirme avoir exactem ent p a y é
EN
n u m é r a ir e
, cle ses propres deniers, les sommes
considérables qu i étaient dues à la dame M urât ( 1 ) ,
quoique n o n - s e u le m e n t ,
n e soit pas établi, mais
même que le contraire soit facile à prouver avec les
propres écrits du sieur Nouveau.
Arrêtons-nous un instant sur ce point.
Les héritiers Capelle avaient dit que les sieur et
dame Nouveau avaient d ’abord remboursé, en as
signats, à la clame Murât ce qui lui était d û ; q u ’en
suite ils s’étaient adressés au
tuteur des mineurs
Capelle pour leur faire un semblable remboursement.
Les sieur et dame Valentin ont répondu par deux
i l n’est pas v r a i (2).
Civilité à p a rt, recherchons la vérité.
Les sieur et dame Valentin assurent, en parlant
de la daine M u rât,
i° q u ils ne Vont remboursée
(1) V o ir page 96 du mémoire des intimes.
(2) Pages a 4 ct
�( *5 )
fjii après les mineurs C a p elle; 20 q u ’ils ne l ’ont pas
remboursée en assignats : t o u t A é t é p a y é e n
NUM ÉRAIRE.
L a première circonstance serait assez indifférente :
on ne la relèvera qu’à cause de la forme de l ’assertion.
Que les sieur et dame Valentin lisent
signifiée par le sieur Nouveau, le 26 avril
ils y verront, page 7 9 , article 2 9 , q u ’une
u ,o o o francs fut payée, le 11 germinal an
l ’écriture
1 8 1 7 ; et
somme de
3 , par le
sieur Nouveau, aux sieur et dame Murât.
O r , le tuteur des mineurs Capelle n ’a reçu luimême que le 2 5 messidor suivant.
L a seconde circonstance est plus importante.
Ils ont tout pctj-c en num éraire, disent-ils ; et de
leurs propres deniers, ajoutent-ils ailleurs (1).
On les renvoie à la page 79 , et à l ’article cité de
l ’écriture de 1817 ; ils y verront q u ’au moins le paie
ment des 11,000 francs fut fait en assignats.
Ils peuvent aussi consulter ce q u ’a dit le sieur
Nouveau, page 93 , où il déclare q u ’il a payé les sieur
et dame Murât., partie en assignats, partie en numé
raire.
Mais ont - ils réellement
deniers ?
payé
de
leurs propres
On pourrait les croire sur parole , quoiqu’ils ne
produisent aucune qu itta n ce, si la même écriture ne
nous apprenait pas que le sieur Nouveau avait touché,
(1) V oir le mémoire des iulinj.es, page 96.
�^ iG )
sur les créances comprises clans la donation, la somme
de 24,89.3 francs 90 centimes en assignats, et celle de
22,394 fr. en numéraire; et q u ’ainsi, sans avoir besoin
de ses propres deniers, il avait plus q u ’il ne lui fallait
pour acquitter les 34,852 fr. q u ’il déclare avoir payés
aux sieur et dame M urât, partie en assignats, partie
en numéraire (V o ir page 93 de l ’écriture\ voir aussi
pages 7 4 , 80 et 87).
Ainsi s’évanouissent les illusions des sieur et dame
V a len tín , tandis que ce q u ’ils voulaient faire considé rer comme des inexactitudes, de la part des héritiers
C apelle, sont des faits très-réels, et dont les consé
quences seraient, pour ceux-ci des plus funestes, si,
après avoir été. dépouillés d ’une partie de leur patri
moine pour acquitter
de nombreuses charges , ils
étaient aujourd’hui privés des biens qui étaient le
prix de tant de sacrifices.
Sans doute il eut été à désirer pour les enfans
C apelle, que leur père eût persisté dans la répudiation,
q u ’il avait faite en 1790. L a donation aurait disparu,
il est vrai; mais s’ils n’eussent pas eu les biens q u ’on
leur dispute aujourd’h u i, au moins n’auraient-ils pas
éprouvé de pertes; e t , dans ce cas, q u ’auraient à de
mander les sieur et dame Valentín ?
Sera-t-il nécessaire de répondre à quelques autres
observations du sieur V alentín et de son épouse?
Ils se plaignent du reproche q u ’on leur a fait sur lo
remboursement, en assignats, de messidor an 3. Ils sc
�(
*7
)
justifient par l ’offre q u ’ils font aujourd’hui de ne
compter les assignats que pour la valeur réduite.
Mais ils devraient ajouter que leur offre n ’a de la
générosité que l ’apparence. Aujourd’hui que c’est avec
les héritiers de la dame Nouveau seuls, que les héritiers
Capelle ont à régler leurs comptes, il importe peu aux
représentans du sieur Nouveau, que les sommes rem
boursées soient calculées en argent ou en valeur
d ’assignats. Le sieur Nouveau qui avait payé pour son
épouse , ne pouvait, dans tous les cas , réclamer contre
elle ou ses héritiers, que des valeurs réduites.
Ils crient à la calomnie, relativement à quelques
plaintes de spoliation dirigées contre la dame et le
sieur Nouveau.
Mais ils oublient q u e , dans un mémoire imprimé
en première instance, les héritiers Capelle avaient fait
entendre les mêmes plaintes, avaient aussi parlé de la
négligence de leur tuteur sur cet o b je t, et avaient
même offert la preuve des spoliations (i).
Enfin ils allèguent une collusion entre les héritiers
Capelle el ceux d e là dame Nouveau, s’étendent lon
guement sur ce sujet, font de brillantes remarques,
et disent que le langage des seconds a été dicté par les
premiers.
Il faut avouer que s’il y a eu collusion , on n’a pas
au moins cherché de déguisement. E n la supposant, il
( i ) Voyez le Mémoire de première instance , pages i5 , 19 , 80, 88.
3
�( '8 )
eût été facile aux héritiers Capclle d ’empécher q u e ,
dans une écriture, on ne d it , au nom des sieurs et
daines de Moutlogis, q u ’ils n ’avaient aucun intérêt
dans la cause , parce q u ’on leur avait remboursé les
deux dots, seul objet de leurs prétentions. Quanti on
collude, 011 se sert mieux mutuellement.
Il n’y a e u , entre les uns et les au tres, de collusion,
que celle de l ’amour de la vérité.
Les sieurs et dames de Montlogis n ’ont employé
dans la cause que le langage tenu par la dame de
M urât seule, dans le traité du 20 décembre 1791 , où
elle répète, à chaque phrase, que la donation a v a i t été
fa ite a u x sieur e t clame Cap e l l e ; où sont des clauses
exclusives de toute idée de su bstitution, et qui 11e
présentent que celles-d’une donation conditionnelle,
dont les avantages devaient profiter, suivant l ’événe
ment , à la dame C apelle, si des enfans naissaient
de son premier m ariage, à l ’époux et aux héritiers de
c e l u i - c i , s’il n ’y a v a i t pas d ’enfans du mariage.
Les héritiers Capelle ont invoqué le témoignage de
la dame de M u râ t, donatrice, dans leur mémoire
imprimé en première instance, c’est-à-dire, avant la
mort de la dame Nouveau, sa sœur, e t, par conséquent,
à une époque oil cette déclaration 11e pouvait être
suspecte (1). Pourquoi n’en a-t-011 pas déféré alors à
cette respectable attestation?
(1) Voyez ce Mémoire, page 92 , inJinc,
�( *9 )
' Oïl le voit : il a été facile aux héritiers Capelle
de repousser tous les argumens tirés des faits, tous
les reproches hasardés d ’inexactitude', et de ren
voyer, a l ’adresse qui leur convient, les complimens
q u ’ils ont reçus des sieur et dame Valentin.
Peut-être se sont-ils trop arrêtés à combattre tant
de vaines allégations; mais ils trouveront leur excuse
dans leur désir de se montrer, aux yeux de la C o u r ,
tels q u ’ils sont réellement, tels q u ’ils ont toujours été.
'
O B SE R V A T IO N S SUR L E S M O Y E N S .
Les sieur et dame Valentin ont fait de longs efforts
pour prouver que la disposition q u ’ils attaquent ren
ferme une substitution fidéi-commissaire. N ’auraientils pas par-là même décelé leur impuissance ?
Ramenons l ’examen de la difficulté à des idées plus
simples.
Les substitutions étaient autrefois faciles à recon
naître aux termes de l ’acte.
L ’esprit des lois anciennes qui les avaient permises,
celui des lois nouvelles qui les ont prohibées, ne sont
pas équivoques.
Les caractères principaux qui les distinguent sont
aussi faciles a signaler.
Il semble donc que , pour juger sainement de la
libéralité qui nous occupe, 011 ne saurait mieux faire
que de rechercher si l ’on y trouve les termes usités
poui les substitutions ; si 1 on peut y appliquer l’esprit.
�( 20 )
des lois de la m a tière,_ e t si l ’on y remarque les
caractères principaux de ces sortes de dispositions.
Q uoiqu’il n ’y eut pas autrefois de termes sacra
mentels pour constituer une substitution, cependant
il était d ’usage d’employer des expressions qui ne
laissassent aucun doute sur la volonté du bienfaiteur.
Les mots j e
charge de rendre à un te l......... , j e
substitue...... j e mets à la p la c e .......... ^ étaient les plus
familiers. On peut voir ce que dit à cet égard
M. Thevenot d ’Essaules (chapitre 1 1 , § 6 , 7 et 8).
O r , ces formules ne se rencontrent pas dans la
donation de 1786. L a dame Capelle n’est pas chargée
de rendre à son mari-, il n’est pas dit que celui-ci ou
ses héritiers lu i sont substitués } sont mis à sa p la ce.
Seulement un événement est prévu, celui de la mort
de la dame Capelle sans enfans nés du mariage; e t ,
dans ce cas, les biens, au lieu d ’appartenir à la dame
Capelle , a p p a r tie n d r o n t au mari ou aux héritiers de
celui-ci, ou'a l'héritier de son choix.
L ’observation n ’est pas indifférente, sur-tout si l ’on
remarque aussi q u ’à cette époque on 11’était pas gêné
dans le choix des expressions; que l’on ne pouvait pas
prévoir q u ’ un jour les substitutions seraient abolies
par une loi à laquelle un effet rétroactif serait attaché;
et q u ’ainsi les parties n ’avaient aucun intérêt à éviter
des mots qui pussent prêter à l’application rigoureuse
de cette loi future.
Il faudrait être sans doute plus sévère dans Tinter-
�A 2 1 -)
prétation d ’une disposition faite sous la loi prohibitive,
parce qu ’on serait autorisé à croire que l ’ambiguité des
termes a été un moyen de fraude pratiqué pour éluder
la prohibition.
Mais dans quel esprit les substitutions avaient-elles
été établies autrefois, et par quels motifs ont-elles été
abolies depuis?
Elles avaient été établies dans le but de conserver
le lustre des familles puissantes : aussi les biens qui
en étaient l ’objet ne pouvaient pas être aliénés} aussi
le donateur établissait-il lui-m êm e, par une vocation
personnelle} un ordre de succession qui dérogeait à la
succession légitime, et dont il n ’était pas permis au
grevé de s’écarter.
Elles ont été abolies pour faire renti-er les biens
dans le commerce, et pour faire cesser les fraudes si
faciles à l ’égard des tiers, q u i, ignorant l ’existence de
la substitution , contractaient avec le grevé, auquel ils
supposaient une fortune opulente qui leur échappait.
L ’esprit des lois anciennes, les motifs des lois nou
velles , sont également inapplicables a la donation de
1786.
La
veuve Jalinques, donatrice , en
libéralités sur les deux
versant scs
époux ; en donnant
tous
ses biens au sieur Capelle , dans le cas prévu} en dé
clarant qu e, s’il ne naissait pas d’enfans du mariage,
les biens appartiendraient au sieur Capelle ou à ses
héritiers naturels} ou à l ’héritier de son ch o ix y la
veuve Jalinques n’établissait pas elle-même un ordre
�particulier de succession; elle ne faisait pas d évocation
personnelle ; elle s’en référait à la loi, ou au choix du
sieur Capelle, son donataire; elle voulait que celui-ci,
mourùt-il même avant son épouse, transmît les biens
donnés à ses propres héritiers légitimes ou testamen
taires ; elle n ’avait q u ’ un b u t , celui de gratifier un
des parons de son premier époux, des biens q u ’elle en
avait reçus.
»
Aussi ne prohiba-t-elle pas l ’aliénation de ses biens ;
elle l ’autorisa au contraire expressément ; et si elle
exigea le concours de la dame C a p e lle , c’est q u e ,
jusqu’à l ’événement prévu, celui du décès sans enfans
nés du m a r i a g e le don n’était que conditionnel.
Toute la propriété d s v a it, selon l ’événement, appar
tenir , dès
l ’o rigin e , ab initio , à celui des deux
donataires auquel cet événement l ’attribuerait; (mais
tant que le cas n’était pas arrivé, l ’incertitude com
mandait la précaution de faire concourir les deux
donataires éventuels aux ventes qui seraient faites,
afin q u ’elles fussent valables, quel que fut l ’événement.
Les appeians avaient déjà fait remarquer, dans leur
mémoire, la faculté d’aliéner, écrite dans le contrat
de mariage de leur père, et le peu d’application à leur
cause des motifs qui ont dicté l ’abolition des substi
tutions.
Que leur a-t-on répondu?
« Q u ’il pourrait se faire que certaines dispositions
« particulières se trouvassent comprises dans la prohU
�( *3 )
« b ition , quoique leur esprit ne fût pas celui qui a
« été le m otif de la loi. »
I l p o u rr a it se f a i r e !
L a réponse n’est pas lumineuse. N ’eùt-il pas été plus
adroit de se taire que de dévoiler ainsi son embarras?
L ’on ajoute, il est v rai, que la dame Capelle et
son mari ne pouvaient disposer l ’un sans l ’autre.
Mais cette circonstance n’empêchait pas que les biens
ne fussent dans le commerce, et que les tiers ne
fussent exposés à aucune fraude.
Ou
remarquera
d’ailleurs
q u ’il n ’est
pas exact
d ’assimiler le sieur Capelle à un substitué, puisque
m êm e, en cas de prédécès, il devait transmettre les
biens à ses héritiers. S’il y avait eu substitution, les
héritiers Capelle auraient été les vrais substitués , et
leur consentement eût été nécessaire, dans le système
des in tim és, pour la validité des aliénations.
Nous venons de démontrer q u ’on ne pouvait invoquer
contre les héritiers C ap elle , ni les termes usités pour
exprimer une substitution, ni l’esprit de la législation
ancienne, ni celui de la législation n ouvelle, sur ces
sortes de dispositions.
Il sera facile de prouver aussi q u ’on ne trouve pas,
dans la donation de 1786 , les principaux caractères
qui distinguent les substitutions fidéi-commissaires.
Il n y a substitution que lorsqu’il y a c h a rg e
c o n se rv e r , et charge d e rendre
a
un
t ie r s
de
.
Quelles que soient les expressions employées dans la
clause, il faut que la charge de conserver en résulte
�24 )
nécessairement; sinon, les biens pouvant disparaître,
la charge de rendre serait sans effet ( i ) ; et le tiers,
gratifié en second ordre, ne recevrait q u ’une libéralité
illusoire, dont le sort dépendrait, non de la volonté
du donateur, mais de celle du premier donataire. O r ,
il est de l ’essence des substitutions que ce soit le
donateur et non le grevé, qui gratifie le tiers substitué.
Si dans leur premier mémoire les héritiers Capelle
avaient fait usage de la définition donnée par le Code,
c’est parce q u e , quoique plus courte, elle est plus
parfaite; car elle embrasse dans ses termes tout ce que
doit contenir une bonne définition, c’est-à-dire, les
principaux caractères de la substitution, savoir, la
charge de c o n s e r v e r c e l l e de rendre} et la vocation
personnelle du tiers substitué.
L a définition donnée par Thevenot d ’Essaules avait
paru moins parfaite, en ce sens seulement q u ’elle ne
s’exprimait pas en termes aussi précis et aussi clairs,
q u o i q u ’ e lle établisse absolument la même règle, comme
nous l’apprend l’auteur lui-même en fixant le résultat
de sa définition (2).
Au reste, c’est l’espèce de substitution définie par
l’article 896 du C o d e ,
qui seule a été l ’objet de
l ’abolition ordonnée par la loi du 25 octobre 17 9 2 ,
et de la prohibition prononcée par le Code civil même.
(1) V o ir D icvcnot d ’Essaules, dans son T raité des Substitutions ,
chapitre I er, n° a i .
(2) V oir chapitre
I er,
paragraphe
3.
�( 25 )
Les discours des orateurs du Gouvernement en font
foi.
On
lit
dans
l ’exposé des
motifs présenté^ par
M. Bigot-.Préameneu :
« Parmi les règles communes k tous les genres de
« dispositions, et que l ’on a placées en tête de la l o i ,
« la plus importante est celle qui confirme Vabolition
« des substitutionsfidéi-com m issaires. »
Plus bas, le même orateur rappelle les motifs qui
ont déterm inéj dit-il , à confirmer Vabolition des
substitutionsj déjà prononcée par la lo i d'octobre
1792.
Reconnaissons donc
que la vraie définition des
substitutions abolies est celle que nous avons posée, et
que l ’on ne doit trouver une substitution que dans
les dispositions qui renferment :
i° Charge de conserver*,
20 Charge de rendre à un tiers que l ’on gratifie en
second ordre (1)
Nous avons prouvé par le premier mémoire, q u e ,
dans la donation de 17 8 6 , il n ’y avait pas charge de
conserver, puisqu’il était permis d’aliéner la totalité
des biens donnés*, et puisque le résultat de cette faculté
indéfinie pouvait être de priver de la totalité des biens,
les héritiers C apelle, q u i , cependant, étaient appelés
par l’acte à recueillir ces b ie n s , dans le cas où leur
père décéderait avant son épouse.
V oyez Thevcnot d’E ssaulcs, cliapitrc
4
I e r ,
n° 7
»
�( 2(5 )
De cette circonstance importante nous avons conclu
q u ’il n’y avait pas de substitution.
Cette vérité, nous l’avons appuyée de l ’opinion des
auteurs les plus recommandables, et de l ’autorité de
plusieurs arrêts ( i) .
Que nous a-t-on répondu?
Q u ’il y avait aussi pouvoir de vendre les biens
dotaux ;
Que le pouvoir n ’était donné q u ’a la charge de re
connaître;
Que d ’ailleurs, d ’après l ’essence des substitutions,
une telle faculté était toujours de sa nature considérée
comme restreinte;
Enfin q u e , pour savoir s’il y avait substitution, il
fallait consulter , non les principes actuels et les
s
auteurs nouveaux, mais seulement les lois romaines.
Ces objections sont-elles bien sérieuses?
On parle du pouvoir de vendre les biens dotaux.
Mais ce pouvoir était un simple mandat donné par
la femme au m ari, que celui-ci exerçait seul sans le
concours de l ’épouse de laquelle il émanait; qui ne
s’appliquait q u ’aux biens propres de la femme, à des
biens q u ’elle ne tenait de la libéralité de personne,
dont elle pouvait disposer librement elle-même, et à
la conservation desquels des tiers n ’avaient aucun
intérêt.
U n tel pouvoir de vendre n ’a rien de commun avec
( i ) Voir le Mémoire des intimés , pages
3o , 3 i , 5a.
�(
27
)
la faculté de tout aliéner, émanée d’ une donatrice *, de
cette faculté accordée à des donataires ; de cette faculté
inconciliable avec la charge de conserver, avec celle
de rendre , et
par
conséquent avec
l ’idée
d ’ une
substitution.
\
L e sieur Gapelle devait, dit-on, reconnaître sur ses
biens propres le prix des aliénations.
L ’objection est peu considérable.
La
reconnaissance pouvait bien être de quelque
utilité à la dame C a p e lle , si par l ’événement les biens
donnés lui appartenaient.
Mais elle était absolument illusoire pour les substi
tués , s’il y avait eu réellement substitution } car,
d’après le con trat, les substitués auraient été les
héritiers naturels du sieur Capelle ou l ’héritier de son
c h o ix ; et, comme cette, qualité d'héritier était indis
pensable pour leur attribuer un droit aux objets
donnés , que pouvait signifier pour eux une reconnais
sance du sieur Capelle? Elle n ’aurait pu évidemment
les autoriser à agir contre les tiers détenteurs des biens
propres du sieur Capelle, si celui-ci, usant d ’un droit
illimité , avait aliéné tout à-la-fois et son patrimoine ,
et les biens donnés; o r , personne n ’ignore que c’est
dans l ’intérêt des substitués, que la loi impose la
charge de conserver.
Donc cette charge n’existait ni directement ni indi
rectement.
Est-ce avec plus de vérité q u ’on prétend que le
�( =8 )
pouvoir d ’aliéner devait être restreint de plein d r o it ,
d’après l ’essence même des substitutions?
Si l’on avait lu avec plus d ’attention les auteurs
que l’on a c ité s , on y aurait vu une décision toute
contraire. Thevenot d ’Essaules traite la question dans
son chapitre 4 8 , n° 787.
Voici comment il la pose :
« Est-il de l ’essence de la substitution fidéi-coin« missaire , que le grevé n’ait pas la liberté indéfinie
« d ’aliéner? » N o n , répond-il. L e substituant peut
permettre Valiénation indéfinie.
L ’auteur cite ensuite l’opinion de Peregrinus.
M. T o ullier, au tome 5 , n° 38 , parle de la charge
de rendre
i d q u o d su p e r er it ,
et dit que ces sortes de
dispositions étaient valables en Bretagne, quoique les
vraies substitutions y fussent défendues.
Nous avons déjà rappelé l ’opinion de M. Grenier.
Celle de Rolland de Villargues et les lois romaines
s’appliquent seulement au cas où la perm ission d e tout
a l ié n e r
n ’était pas écrite dans l ’acte même. ( Voir
Thevenot d ’Essaules, n° 788).
Dans le contrat de mariage de 1786, on donne aux.
futurs époux la liberté
de vendre ,
a l ié n e r
en
tout
ou en p a r tie les biens donnés.
Ainsi il y a erreur dans le principe invoqué par les
intimés.
C e n’est pas plus heureusement q u ’ils prétendent
qu e, pour interpréter la disposition, et dans le but de
ra n n u lle r, il faut consulter les lois romaines, non les
�( *9 )
;
- .:J b
nouveaux principes. Cette idée qui leur s o u rit, car ils
la présentent plusieurs fois ( i) ; cette idée, à l’appui
de laquelle ils citent M. T o ullier, est en opposition
directe avec ce que dit M. Toullier lui-mème.
C et auteur, aussi équitable que savant, remarque,
dans plusieurs parties de son ouvrage (2) , que si les
lois romaines interprétaient les actes de manière à
admettre facilement une substitution, c’était dans le
bu t de faire valoir la disposition, et que ce serait aller
directement contre Vesprit de ces lois, que d’appliquer
leurs règles afin de détruire, et non afin de conserver.
On ne doit jamais oublier-cette maxime ancienne,
dictée par la sagesse et la justice, et q u i, dans le droit
Français comme dans le droit Romain, servit toujours de
règle en matière d ’interprétation d ’une clause ambiguë:
L ’interprétation doit tendre à maintenir l ’acte plutôt
.q u ’à l ’annuller. Potin s ut actus valeat quant ut pereat.
A u reste, nous avons démontré plus haut que la
loi du a 5 octobre 1792 et le Code civil s’appliquaient
aux mêmes dispositions; que les législateurs du Code
avaient seulement confirm é Vabolition déjà prononcée
par la loi de 1792 (V o ir l ’exposé des motifs). Ainsi
une disposition qui serait permise aujourd’ hui , n ’a
pas été annullée par la loi antérieure. On sait que dans
la législation ancienne, il existait beaucoup d ’espèces
de substitutions : les vulgaires, les pupillaires , les
(1) V o ir notamment pages 69 et 95.
(2) V oir notam m ent n° 43 , page Gi , et n° 45.
�(
3o
)
compendieuses, celles qualifiées de
eo q u o d su p e r e r it,
et qui valaient même dans les coutumes prohibitives,
enfin les fidéi-commissaires proprement dites. La légis
lation nouvelle n’a aboli que cette dernière espèce de
■substitution ; elle a respecté toutes les a u tre s , et
notamment les charges de rendre
q u o d supererit
: tous
les auteurs nouveaux s’accordent à professer cette
doctrine. M. Rolland de Yillargues lui-même l ’établit
lumineusemént dans son chapitre i
et il cite plusieurs
arrêts qui l’ont consacrée.
Q u ’importe donc que l ’on qualifie de substitution
la disposition dont il s’agit?
Cette disposition n ’attribue au sieur C a p e l l e O U à
ses héritiers, que
les biens q u i r e s t e r o n t d e c e u x
c i-d e s s u s d o n n é s ,
est-il dit 5 elle n ’est donc pas une
vraie substitution fidéi-commissaire; elle ne serait tout
au plus q u ’une substitution
e ju s q u o d su p e r e r it ,
c’est-
à-dire une disposition maintenue par la loi de 17 9 2 ,
comme par le Code civil.
Sera-t-il nécessaire de répondre au plus futile des
argumens, présenté sous la forme d ’un dilemme? Ou
la faculté d ’aliéner était lim itée, dit-on, et alors il y
avait substitution; ou elle était indéfinie, et alors la
dame Capelle, n’étant gênée par rien, a pu disposer
de tout au profit du sieur Nouveau.
Nous avons répondu à la première partie de l ’ob
jection.
Q uant à la seconde, y a-t-on bien réfléchi?
Q u ’on relise lu clause du contrat de mariago, et
�l ’on y verra-, i° que s’il y avait pouvoir de vendre ,
c’est-à-dire d’aliéner-à titre onéreux, .il n?y avait pas
celui de disposer à titre gratuit ; 2° que la dame C a^
pelle n’avait pas même seule la faculté d ’aliéner, et
que cette* faculté, qui exigeait le concours du mari et
de la femme, a disparu au décès du sieur Capelle ,
parce q u e , dès cet instant, les héritiers de celui-ci ont
été saisis de la propriété des choses données.
On sera de plus en plus convaincu de la validité de
la disposition invoquée par les héritiers Capelle ,« si
l ’on considère que, dans la clause qui la renferme, il
n ’existe pas de charge
de rendre
à
un
t ie r s
: second
caractère distinctif et essentiel des substitutions pro
hibées.
L a clause est conçue en ces termes :
« Dans le cas que ladite future épouse vienne à dé« céder sans e n fa n s d u p résent m a r i a g e , audit cas
« seulement, les biens qui resteront de ceux ci-dessus
« donnés
seront remis et ap p a rtie n d ro n t a u d i t f u t u r
«
é p o u x ; et_, en c a s d e p r é d é c è s } à ses héritiers > ou
«
(i c e l u i d ’entr e u x q u ’i l a u ra ch o isi. »
On a beaucoup disserté sur les mots
appartiendront
seront rem is et
y ,011 a cherché à y voir une charge de
rendre imposée à la dame Capelle j on a dit que les
biens ne devaient appartenir q u ’au moment où ils
seraient remis, et que la propriété n’était que reflet
de la remise faite au décès de la personne grevée, la
dame Capellç.
On 11’a pas voulu considérer q u e , dans les substi-
�tutions, les charges de rendre n ’étaient jamais expri*
mées en de tels termes; que les expressions seront remis
et appartiendront indiquent plutôt le cas d ’un simple
usufruit laissé à la dame Capelle pendant sa vie.
Si l’union du sieur et de la dame Capelle donnait le
jour à des enfans, la dame Capelle devait être pro
priétaire des biens donnés. Mais si elle n’avait point
d ’enfans, sa propriété conditionnelle disparaissait ab
solument , en sorte q u ’elle était réputée n’avoir jamais
été propriétaire. D ejiciente conditione j u s resolvitur.
A u contraire, l ’événement rendait le sieur Capelle
propriétaire dès le jour même du c o n tra t, parce que
les biens lui étaient donnés, au cas où il n ’y aurait
pas d ’enfans nés du mariage; l ’événement a accompli
la condition en sa faveur, et la condition accomplie a
eu un effet rétroactif au jour même du contrat (Voir
Code civil, articles 1 1 77 , 1 1 7 9 .).
Dès-lors le sieur Capelle est devenu donataire pur
et simple, et doit être considéré comme ayant toujours
été le seul donataire.
Dès-lors aussi la dame Capelle n’a été q u ’une simple
usufruitière; aussi n’est-elle pas chargée de rendre les
biens. Il est dit que les biens seront remis et appar
tiendront 3 ce qui indique une propriété antérieure à
l ’époque de la remise. La propriété est la cause; la
remise est l ’effet : ils doivent être remis à ceux à qui
ils appartenaient dès l’origine. C ’est ainsi que l ’on dit
tous les jours, q u ’au décès d ’ un usufruitier les bien»
seront remis et appartiendront au propriétaire.
�< » )
M ais, pour se convaincre de plus en plus que la
disposition dont il s’agit était un don conditionnel, et
non pas une substitution fidéi-commissaire, considé
rons les autres caractères des dons conditionnels, et
comparons-les à ceux qui distinguent les substitutions
prohibées.
Dans les dons conditionnels, le donataire, saisi, dès
le jour du con trat, par l’accomplissement futur de la
condition, transmet la chose donnée à ses héritiers,
môme lorsque la condition n’est accomplie q u ’après le
décès de ce donataire.
Dans les substitutions, au contraire, si le grevé
survit au substitué, celui-ci ne transmet rien à ses
héritiers : la substitution disparait.
Dans les dons conditionnels, le donataire est partie
contractante.
Dans les substitutions, le substitué est un tiers qui
n’est pas ordinairement partie au c o n tra t, q u i , au
moins, est toujours étranger aux stipulations.
Ces principes ne sauraient être contestés.
Ricard examine la nature et les effets des dons con
ditionnels dans plusieurs de ses ouvrages (i).
Il établit que la condition opposée à une donation
entre-vifs n’empêche ni la tradition de fait ni celle
de droit.
(») Y o ir notamment son T raité des D onations, partie i Te, n0' io 3p
et suivans; et celui des Dispositions C onditionnelles, n05 191 et suivans,
gi2o et suivans.
5
�I II distingue
.. les conditions apposées aux dispositions
, (
3
4
)
testamentaires, de celles contenues dans les contrats,
et enseigne q u e , dans les actes entre-vifs , la condi
tion est présumée échue au tems du contrat (i).
De ces règles découle la conséquence que le dona
taire conditionnel transmet le don à ses héritiers ,
quelle que soit l ’cpoque à laquelle la condition s’ac
complisse, ne fut-ce q u ’après le décès du donataire..
M. Toullier,
dans son Traité des Droits civils ,
examine aussi avec beaucoup de détail la nature et
1’effet des conditions apposées aux contrats; il consi
dère notamment les conditions casuelles et suspensives.
E t comme ces sortes de conditions sont indépendantes
de la volonté de celui qui s’est ob ligé, il pense que le
créancier, quoique son action soit suspendue, n’en a
pas moins acquis, p ar la convention, un droit éven
tuelj qui ne peut lu i être enlevé sans son consente
ment y un droit irrévocable , quoiqu incertain et qui
ne peut s é v a n o u ir q u e p ar le d é f a u t d ’accom plisse
ment de la condition (Voyez tome 5 , n° 528.).
Il fait observer (n° 543 ) que 1’efFet de la condition
suspensive j lorsqu’ elle est arrivée, est de r e m o n te r au
jo u r du contraty et il cite plusieurs lois romaines à
l ’appui de son opinion.
Il remarque aussi (n° 53 o) que le droit du créan-
( i) V oir notamment le T raité des Dispositions C onditionn elles, e t
les observations faites au n° 222.
�(
35
)
cier conditionnel passe à ses héritiers 3 s’i l meurt avant
Vaccomplissement de la condition.
L e Code civil a consacré cette doctrine par l’ar
ticle 1 1 7 9 , qui déclare que la condition accom plie
'
a un effet rétroactif au jo u r du contrat 3 et que,
si le créancier est mort avant l ’accomplissement de
la condition, ses droits passent à ses héritiers.
Ces règles s’appliquent aux donations entre-vifs ;
car des conditions peuvent être apposées aux donations
comme aux autres actes, pourvu q u ’elles ne dépendent
pas de la volonté du donateur (V o ir Code c iv i l , ar
ticle 9 4 4 .); et l ’on sait que la donation, dès q u ’elle
est faite, devient une obligation pour le donateur, et
un droit ou une créance pour le donataire.
Mais ces diverses règles ne conviennent pas aux
substitutions fidéi-commissaires.
Pendant la vie du grevé, le substitué n’a aucun
droit acquis; il n’est saisi de rien
: il n ’a q u ’une
simple espérance; et cette espérance s’évanouit s’il
meurt avant le grevé. Tel est un des caractères prin
cipaux de la substitution fidéi-commissaire. Tel est le
caractère qui établit l ’ ordre su ccessif s et ce q u ’on
appelle, en droit, le trait de tems.
Dans les substitutions, il y a ordre s u c c e s s if,
parce que le grevé est seul propriétaire pendant sa
vie; q u elq u e soit l'événement, la propriété aura tou
jours résidé sur sa tête; le droit du substitué ne com
mencera qu ’au jour de l ’ouverture du fidéi-commis ; ce
droit n’aura pas d'effet rétroactif au jour du contrat.
�( 36 )
Dans les dons conditionnels, au contraire, la pro
priété est suspendue jusqu’à l ’événement. Alors, par
un effet rétroactif qui remonte au jour du contrat, la
propriété est réputée avoir toujours résidé sur la tête
de celui à qui l ’événement l ’attribue. I l n y a pas
d ’ordre successif.
C ’est ce caractère important qui distingue la substi
tution du don conditionnel.
On peut consulter sur la différence de ces deux
dispositions, M. Thevenot d ’Essaules, chapitre 2 6 ,
S 1 , 3 et 4 ? et chapitre 28, § 8.
« L ’ouverture est la form ation du droit au profit
« du substitué , en telle sorte que le fidéi- commis
« commence à lui être du (V o ye z n° 4 ^4 )*
« Par l ’ouverture il acquiert un droit q u ’il transmet
« à ses héritiers } en cas de décès (Voyez n° 487)« Si l ’appelé décède avant que la substitution ait
« été ouverte en sa faveur, il ne transmet rien à son
« héritier ( n° 5 2 1 ). »
Cette doctrine de M. Thevenot d ’Essaules est fondée
non-seulement sur les lois romaines, mais même sur
un article formel de l ’ordonnance des substitutions.
L ’article 20 du titre I er s’exprime ainsi :
« Ceux qui sont appelés à une substitution , et
« dont le droit n ’aura point été ouvert avant leur
« décès 3 ne pourront en aucun cas en avoir transmis
« l'espérance à leurs enfans ou descendans, encore
« que la substitution soit faite en ligne directe par
« des ascendans. »
�X»
3? )
M. Thevenot fait observer que la caducité du fidéicommis, par le prédécès du substitué ,v ne s ’ applique
pas moins au fidéi-com m is p ar donation entre-vifs ,
qu au fidéi-com m is par testament (n° £>28).
« L ’ordonnance des substitutions elle-même n’admet
« point à ce sujet de distinction. »
Nous avons vu q u ’il n ’en était pas ainsi des dons
conditionnels faits par actes entre-vifs.
1
« Par cette espèce de donation , il n ’est pas néces« saire d’exister, 1lorsque la condition arrive, pour
« transmettre à son héritier le bénéfice de la dispo
s itio n .
(
•
«
«
«
«
1
•
■
I
j
« Dans les actes entre-vifs, la donation a effet
rétroactif au tems de l ’a c te , en telle sorte que le
droit est censé avoir été fo r m é des V origine j quand
définitivement la condition arrive (V o ye z le même
auteur, n° 53 o et 5 3 1). »
•’ V *
E n appliquant cette doctrine à la cause des héritiers
Capelle, pour reconnaître si la libéralité était un
fidéi-commis ou un don conditionnel, il 'suffit de
considérer si le décès du sieur Capelle, étant-antérieur
à l’événement de la condition , devait ou non rendre
le don caduc, et empêcher le sieur Capelle de le
transmettre à ses héritiers.
.
O r , q u ’on lise la clause constitutive de la libéralité,
et 1 011 y verra littéralement stipulé q u e , si la demoi
selle fu tu re épouse décède sans enfans du présent
mariage, les biens qui resteront de ceuæ ci-dessus
donnes seront remis et appartiendront audit f u t u r
�m
( 38 )
ép o u x ; e t,
ENyCAS DE PRÉDÉCÈS , A SES HÉRITIERS
OU A CELUI
d ’e
N T r ’ e U X QU I L AURA CHOISI.
L ’expression n ’est pas équivoque. L e sieur Capelle,
quoique décédé avant l ’événement p r é v u , pouvait
transmettre à ses héritiers, pouvait même exprimer
une volonté, faire un ch oix, et attribuer les biens
donnés à celui de ses héritiers qui serait l ’objet de son
affection spéciale.
Donc il n’était pas un simple substitué; donc il était
saisi d ’un droit dès l ’instant même du contrat de
mariage ; donc l ’événement de la condition ^devait
avoir en sa faveur un effet rétroactif q u i, remontant
au jour du contrat, lui attribuait ab initio la pro
priété des biens donnés, et lui permettait de transmettre
cette propriété; donc la clause du contrat était consti
tutive d ’un don conditionnel, non d ’une substitution
fidéi-commissaire.
C et argument avait été présenté dans le premier
mémoire des appelans, avec moins de développement
peut-être (i). On a ‘ feint de ne pas le remarquer; on
s’est dispensé d ’y répondre.
, E t q u ’aurait-on pu y répondre de sérieux?
Pour le «détruire, il eut fallu renverser toute la
théorie des principes sur les substitutions.
Aurait-on’ dit que les héritiers du sieur Capelle
étaient les vrais substitués, en cas de prédécès de
celui-ci ?
( i)
V o y e z
pages 39 c l suivantes.
�( 39 )
M i '''
Mais ne serait-ce pas éluder le moyen au; lieu de le
combattre? Ne serait-ce^ pas1 vouloir; transformer tout
don conditionnel en substitution.Pc: Ne serait-ce pas
confondre toutes les règles , dans l'injuste but de par
venir à détruire une convention écrite, et de se jouer
de la volonté d ’une bienfaitrice?
Mais que deviendrait alors la vocation personnelle ,
qui est aussi un des caractères des-substitutions? C a r,
selon Thevenot d ’Essaules r il faut q u ’il y ait charge
de rendre à un tiers que Von gratifie èn second ordre
(V oyez son Traité, chapitre i " , n0 '])'■
Il faut donc que le substituant désigne lui-même le
tiers ; il faut que le substituant gratifie lui-même.
O r , en devait-il être ainsi dans l ’espèce, puisqu’en
cas de prédécès du sieur Capelle, les biens donnés
devaient appartenir à ses héritiers } quels q u ’ils fussent,
enfans ou collatéraux , ou à Vhéritier du ch o ix du
sieur C a pelle? L a donatrice n’avait d’affection pour
aucun des héritiers \ elle n ’en désignait aucun : peu lui
importait. Ce n ’étaient pas e u x, mais le sieur Capelle
spécialement q u ’elle enténdait gratifier; c’était aussi
le sieur Capelle seul qui devait désigner et gratifier
lui!- même, si tel eût été son désir, celui auquel il aurait
entendu attribuer les biens donnés.
Ce serait donc, il semble, se refuser 'a reconnaître
1 évidence m êm e, que de soutenir encore q u ’il y a
substitution.
Sera-t-il nécessaire de répéter ici que le sieur C a-
�-v ^ v x
( 4» )
pelle n ’était pas un tiers, dans le sens q u ’attachent à
ce mot les principes s u r les substitutions ?
Les sieur et dame Valehtin ont fait beaucoup d ’ef
forts pour écarter ce m oyen, présenté dans le premier
mémoire; ils ont visé à être profonds : n ’auraient-ils
été q u ’obscurs?
L eur réponse à l ’argument est difficile à saisir ; et
ce q u ’on y trouve de plus remarquable, ce sont quel
ques vérités naïves, telles que celle-ci : P o u r se marier,
i l f a u t être d e u x :
A-t-on voulu dire un bon mot ? Soit ; mais il fallait
y,ajouter de bonnes raisons; e t , par exemple, prouver
q u e, dans les substitutions même, il est nécessaire
d ’être deux pour recevoir la première donation ; q u ’il
est nécessaire d ’être deux pour en accepter les charges;
q u ’il est nécessaire d ’être deux pour s’obliger solidaire
ment envers le donateur.
\'
i.) ,
.i
-' 1
Sans doute, on peut être présent dans un contrat,
et être un tiers par rapport à l ’une des dispositions que
ce contrat renferme. Telle eut été-la position du sieur
C ap elle, s i , le don étant fait à son épouse se u le ,
elle seule aussi, eût été soumise par la donatrice aux
paiemens considérables, aux charges nombreuses qui
furent le prix de la libéralité.
Mais il n’en fut pas ainsi.
f
Il
fut expressément stipulé que le sieur Capelle
supporterait aussi ces charges, et q u ’il en serait tenu
solidairement. Partie contractante dans la disposition
même , le sieur
Capelle pourrait-il être considéré
�comme un tiers , comme un simple substitué ? Ne
sait-on pas q u ’un substitué n ’est soumis à aucune
charge, tant que son droit n ’est pas ouvert-, et q u e ,
si son droit ne s’ouvre jamais, s’il n’a aucun avantage
à transmettre à ses héritiers, au moins il n’aura rien
payé, et ses héritiers ne pourront être exposés à au
cunes poursuites.
1 Cette position n ’est pas celle des héritiers Capelle :
leur père s’était obligé, et a beaucoup payé ; et ils
seraient contraints de payer eux-mêmes à la dame
M u rât, s’il lui était encore dû; aux créanciers de la
succession Jalinques, s’il s’en présentait. C ar l ’obliga
tion solidaire, contractée par leur p ère, a passé sur
leurs têtes. Comment concevoir q u ’ils ne doivent être
étrangers q u ’aux bénéfices?
Reconnaissons donc que la disposition critiquée n’est
pas une substitution. Reconnaissons q u ’elle n ’en pré
sente ni les termes, ni la n a tu re , ni les principaux
caractères; q u ’on n ’y remarque ni charge de conserver,
ni charge de rendre, ni tiers substitué. Reconnaissons
que la libéralité q u ’elle renferme est un don condi
tionnel et éventuel, dont l'effet, déterminé par l ’évé
nem ent, et remontant au jour du contrat, a saisi, dès
ce jour-là même, le sieur Capelle seul de la propriété
des biens donnés, et l ’a rendu capable de transmettre
6es droits à ses propres héritiers, quels q u ’ils fussent,
ou a 1 héritier de son choix.
Mais, y eût-il doute sur le sens du contrat, l ’inler-
6
�4 >•
( 4a )
prétation devrait tendre à conserver plutôt qu’à dé
truire.
Les intimés ont daigné je te r un regard sur cette
dernière proposition. Leur vue faible sans doute ne
leur a pas permis d ’y fixer un œil scrutateur; car leurs
observations SOtlt'‘à peu près nulles. Cependant les
auteurs invoqués, les arrêts cités sur ce point dans le
mémoire des-appelans, paraissaient dignes d ’un peu
plus d ’attention ; et l ’on doit présumer que si une
réponse eût été possible, ils nous en auraient fait part.
Mais il fallait glisser sur la difficulté, parce que les
lois romaines que l ’on invoque veulent que l ’interpré
tation soit favorable à l ’exécution de l ’acte ; parce
que Toullier que l ’on cite, dit lui-même que ce serait
a ller directement contre l ’esprit des lois romaines 3
que d ’appliquer ,
pour détruire , des dispositions
q u e lle s n avaient établies que p our conserver.
M. Rolland de Villargues professe la même doctrine
dans tout son ouvrage, et notamment dans le cliap. 7;
et il en conclut que toutes les fois q u ’on pourra, sans
blesser les principes, attribuer à l ’acte un sens dif
férent, un sens d ’après lequel les dispositions conser
veraient leur effet, un effet p lu s ou moins éten d u ,
c est-là l ’interprétation que l ’on doit admettre.
Il
serait superflu de rappeler ici la jurisprudence.
Aucun des arrêts opposés ne s’applique aussi parfaite
ment à la cause que ceux invoqués par les appelans.
D’ailleurs la diversité de la jurisprudence ne pourrait
�. ( i3)
que laisser les esprits incertains , et dans le------- ----la disposition devrait être maintenue.
M a is , nous l ’avons prouvé , il n ’ y a pas même
doute. L a disposition est un don conditionnel, non
une substitution fidéi-commissaire; et les héritiers
Capelle, pleins de confiance dans l ’esprit lumineux
et méditatif de leurs magistrats, doivent attendre
avec sécurité la décision de cette cause importante.
CAPELLE.
i
Me A L L E M A N D , A vocat.
R I O M , IM P R IM E R IE D E SA LL ES , PRÈS LE PALAIS D E JUSTICE.
* 9 *
'O Y A L E
1
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Capelle. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Subject
The topic of the resource
donations
contrats de mariage
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession
assignats
élevage bovins
immeubles
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour les héritiers Capelle, appelans ; contre la dame Nouveau et le sieur Valentin, son mari, intimés ; en présence des dames Langheac de Montlogis et autres, aussi appelans.
Table Godemel : Bestiaux : Pour l’ancien législateur, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi, ils ne faisaient point partie de la donation du domaine, s’il n’y avait clause expresse et spéciale. Instruments aratoires : sous l’ancienne législation, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi ils ne faisaient pas partie de la donation du domaine, s’il n’y avait point de clause expresse et spéciale
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1786-1819
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2505
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2503
BCU_Factums_G2504
BCU_Factums_G2506
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53491/BCU_Factums_G2505.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Calvinet (15027)
Cassaniouze (15029)
La Rouquette (château de)
Agrovieille (domaine d')
Saint-Michel (domaine de)
Mallaret (domaine de)
Ladinhac (15089)
Vézac (15255)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
contrats de mariage
donations
élevage bovins
fideicommis
immeubles
pensions viagères
renonciation à succession
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53500/BCU_Factums_G2514.pdf
e55fe484dc121c4d251b3202cf3375d6
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CONSULTATIONS
POUR
Le sieur C EYTA IR E, propriétaire, habitant
du lieu de la Grange, commune de Varennes, arrondissement d’Issoire;
CONTRE
RAYMOND, propriétaire, habitant du
village du Cati, commune de Bord Je a n
RAYMOND, aussi propriétaire, habitant au
village d 'H erment, commune de Bongheat,
et autres.
B la is e
L e C O N S E IL SO U SSIG N É , v u un acte de donation
du 24 août 17 9 2 la copie de l’état des dettes dont étoit
chargé le donataire; une vente du 16 décembre 1 8 1 1 , et
un Mémoire à consulter;
que le sieur Ceytaire, acquéreur, doit être à
l’abri des poursuites exercées contre lui par les légitimaires
Raym ond, en rendant compte, à qui il sera ordonné par
la justice, des 8,000 fr. qu’il doit encore sur le prix de son
acquisition.
Il paroit que Jacques Raymond avoit institué Robert
Raym ond, son fils, son héritier universel, par le contrat
de mariage de celui-ci.
E
stime
�( 2 )
L e 24 août 179 2, il lui fit donation cle tous ses biens
meubles et immeubles présens, à la charge par le donataire
de payer les dettes du donateur, qui furent fixées par un
état fait entr’eux, et qui étoient d’ailleurs justifiées par actes
authentiques. Ces dettes s’élêvoient environ à 11,000 fr.
• L e 7 décembre 1 8 1 1 , le donateur et le donataire réunis
ont vendu, solidairement, au sieur Ceytaire un domaine
qui composoit, à ce qu’il paroît, la presque totalité des
biens donnés. Ils ont chargé l’acquéreur de payer 24,000 fr.
du prix, à leurs créanciers inscrits, suivant l’ordre judiciaire
qui en seroit fait. Il restoit 8,000 fr., qui furent stipulés
seulement payables après la mort du-père; mais dont-l’in
térêt annuel d e vo it se rvir au p a y e m e n t de la pension pro
mise à celui-ci par la donation de 1792. Cette somme de
8,000 francs est encore due; les 24,000 francs ont été depuis
long-temps payés, soit aux créanciers du père, soit à ceux
du fils.
Raymond père est décédé depuis quelques mois; et ses
enfans puînés, au nombre de quatre,.veulent agir en re
tranchement sur la donation cle 1792, et attaquer même
le sieur Cey taire comme tiers détenteur des objets donnés.
Ils ont, à cet effet, accepté, sous bénéfice d’inventaire seu
lement, la succession de leur père; et ils agissent en vertu
des art. 921, 922, 929 et 930 du Code civil.
Leur action est elle fondée? telle est la question.
Si la demande en réduction étoit formée contre le do
nataire seul, elle réussiroit sans difficulté : les articles cités
sont formels. La raison, d’ailleurs, indique qu’un père ne
peut pas dépouiller le plus grand nombre de ses enfans, en
donnant à un seul la totalité de son patrimoine..
0
�(3 )
• L ’action en réduction seroit fondée, même à l’égard des
tiers détenteurs qui tiendroient leurs droits du donataire
seul, parce que celui-ci n’auroit pu transmettre à ses ac
quéreurs plus de droits qu’il n’en avoit lui-même, et que,
par conséquent, il n’auroit pu aliéner qu’avec la charge
de l’action en retranchement, comme il y avoit été soumis
par la loi, dès l’instant où il éloit devenu donataire. Aussi
l’art. 930 du Code civil autorise-t-il à exercer cette action,
même contre les tiers détenteurs des immeubles faisant
partie des donations, et aliénés par les donataires.
Mais remarquons que les dernières expressions que
nous venons de citer, supposent que ce sont les donataires
seuls qui ont fait les aliénations, et que c’est aussi de ces
donataires seuls que les acquéreurs tiennent leur droit : la
loi n’a pas dit que l’action en revendication aui'oit lieu
contre les tiers, de la part des héritiers du donateur, même
dans le cas où celui-ci auroit concouru à l’aliénation.
L a loi ne l’a pas dit ainsi', et elle ne pouvoit le dire dans
l’art. 930 sans se mettre en opposition avec elle-meme, sans
blesser les règles contenues dans plusieurs autres articles.
C ’est une première règle générale et élémentaire, qu’un
héritier est tenu de respecter les faits de celui auquel il
succède : cette règle résulte de l’ensemble des dispositions
du chapitre 5, au titre des successions, sur l’acceptation des
successions. L ’héritier représente le défunt ; il est tenu
nieme du payement de scs dettes; il est soumis, par consé
quent, i\ toutes les obligations qu’avoit contractées le défunt
lui-même-, et les litres exécutoires contre celui-ci sont pa
reillement exécutoires contre l’héritier personnellement.
(V oyez notamment les art. 870, 873 et 877 du Code civil.)
�m
La loi, quant au principe général, ne fait aucune différence
entre l’héritier pur et simple et l’héritier bénéficiaire : ce
dernier, comme le premier, est tenu du payement des
dettes, jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’i l
recueille. (V oir l’art. 802 du Code civil.) Il est donc obligé
de faire valoir, aux dépens des biens qu’il recueilleroit,
toutes les obligations qu’a contractées le défunt. Son seul
avantage est de ne pas être obligé de consacrer ses bien*
personnels au payement ou à la garantie des engagemens
pris par son auteur.
M ais, s’il est affranchi de toute obligation sur ses propres
biens, en cas de poursuites dirigées contre lui par ceux
qui ont contracté avec le défunt, au moins cet héritier
bénéficiaire ne peut-il pas attaquer, en cette dernière qua
lité, les actes faits à titre onéreux par le défunt lui-même.
^ Nous disons à titre onéreux ; car, comme le décident les
articles cités, la loi autorise les héritiers à réserve à atta
quer les actes faits par le défunt à titre gratuit.
Dans l’espèce, les légitimaires Raymond agissent comme
héritiers. Sans cette qualité, en effet, ils n’aui-oient pasd’action \ c’est cette qualité môme prise par eux qui leur
donne droit à la réserve légale.
La vente de 1 8 1 1 , qu’ils attaquent, n’est pas un titre
gratuit pour le sieur Ceytaire, acquéreur ; c’est une acqui
sition ordinaire, faite moyennant un prix considérable;
lors delaquelle les parties n’ont entendu, ni Tune faire, ni
l’autre recevoir une libéralité. Eu vendant solidairement
avec son lils Robert, le père Raymond non-seulement a
promis de 11e pas lui-rncme attaquer la vente, mais aussi
de la faire valoir contre les réclamations de tout autre»
�(5
)
L ’acte de vente est exécutoire contre les héritiers bénéfi
ciaires, comme il l’étoit contre leur père : comment donc
pourroient-ils être admis à attaquer directement un acte
dont ils devroient eux-mêmes garantir l’exécution, s’il étoit
attaqué par des tiers?
On oppose, dans une Consultation, que les objets vendus
en 1 8 11 n’apparlenoient plus à Raymond p ère; qu’ils
étoient devenus la chose du donataire depuis 17925 que
dès lors ils avoient été soumis à l’action future en réduc
tion des légitimaires, et que ce droit n’avoit pu leur être
■enlevé par l’intervention de Raymond père dans la vente
de 1 81 1 .
Ces argumens sont plus subtils que justes : ils supposeroient qu’avant la mort du père, et dès l’instant de la do
nation, les puînés Raymond avoient un droit acquis sur
les biens donnés, pour l’exercice de l’action en retranche
ment. Or, cette supposition est une erreur : l’action en re
tranchement n’appartient qu’à Vhéritier; et le droit naît
seulement au moment où la qualité d’héritier est acquise.
Mais cette qualité ne peut appartenir aux enfans avant la
mort de leur père *, car on n’est pas l’héritier d’une per
sonne vivante, non est hœreditas viventis. C ’est donc à
l ’instant seulement du décès de Jacques Raymond, que ses
enfans ont eu droit à une légitime. (V oyez M . Grenier,
Traité des Donations, tom. I I , n° 6oo, édit. in-4°.)
D e là plusieurs conséquences :
1
• Si le droit des enfans n’est né qu’à la mort du père,
ils ne peuvent réclamer que ce qui se trouve alors réelle
ment dans le patrimoine de celui-ci, ou ce qui n’en a été
distrait qu’à titre gratuit. Si donc le père a vendu, ils ne
�( 6 ) ,
peuvent considérer les objets aliénés comme faisant partie
du patrimoine paternel.
2°. Il importe peu que les objets vendus par le père luimême eussent été auparavant donnés à un autre enfant*,
car, d’une part, le donataire seul pouvoit s’opposer à ce
que le père vendît; d’une autre part, ce donataire a pu
consentir à se départir de sa donation, et de concert avec
le donateur il a pu anéantir le titre de libéralité, pour que
le donateur aliénât à titre onéreux l’objet précédemment
donné.
Or, tel a été l’effet de l’acte de vente de 1 8 1 1. La dona
tion a été détruite en ce qu’elle avoit de contraire à la
vente •, et comme le simple consentement avoit formé cette
donation entre les parties, le simple consentement aussi a
pu la dissoudre entre les mêmes parties. La donation est
devenue, par l’effet de la vente, u l’égard des légitimaires,
rcs inter alios acta ; et ceux-ci ne peuvent aujourd'hui ré
clamer des objets qui ne sont ni dans les mains du dona
taire, ni dans les mains d’un tiers qui ne les tiendroit que
du donataire seul. Tout le droit qu’ils ont, c’est de réclamer
les 8,000 fr. dus par l’acquéreur, pour servir h former leur
légitime de rigueur ; sauf, s’il y a insuilisance, h agir contre
le donataire ou scs créanciers, en rapport des sommes dont
ils ont profité.
Tels sont les moyens que doit faire valoir le S r C e y ta ir c
pour repousser la demande des légitimaires. Subsidiairement, il seroit autorisé ¿\ exiger qu’on déduisît, sur la valeur
des biens acquis, les sommes employées au payement des
dettes du père, et la valeur des constructions et réparations
faites depuis la donation. Dans tous les cas, le Sr Ceytairc
�( 7 ).
auroit le droit d’agir en répétition de ses deniers contre
les créanciers derniers colloques, comme ayant touché un
prix de vente qui ne leur étoit pas dû.
par le s anciens Avocats soussignés, à R iom ,
23 novembre 1820.
A L L E M A N D , D E V IS S A
s. C .
D
le
é l ib é r é
L e SO U SSIG N É , qui a vu et examiné la Consultation
délibérée à Riom par M M . Allemand et Yissac, le a3 no
vembre 1820,
E s t du même a v is
que ces deux jurisconsultes.
Il faut bien distinguer l’action en réduction formée par
les enfans puînés de Jacques Raymond, scs héritiers béné
ficiaires, de l’action en désistement qu’ils se prétendent
en droit d’exercer contre le sieur Ceytaire, acquéreur des
sieurs Jacques et Robert Raym ond, pèj-e et fils.
Le sieur Ceytaire ne doit pas contester l’action en ré
duction en elle-même*, il ne doit contester que l’extension
exorbitante qu’on se propose de lui donner.
Il paroit, en point de fait, que Jacques Raymond a
laissé cinq enfans;
Qu en mariant Robert Raymond, son (ils aîné, en 1792,
d 1 institua son héritier universel;
Que quelques années après, et le i[\ août 1792, se trou
vant grevé de dettes, il prit le parti de faire donation à ce
meme Robert Raymond, de tons ses biens présens, à la
charge de payer ses dettes, qui furent fixées par un état
üiit entr eux, qui montoit à. 11,000 fr.%
y
�(8 )
Que Robert Raymond n’ayant pas satisfait à ses engagemens, et n’ayant fait que contracter de nouvelles dettes,
au lieu d’éteindre les anciennes, le père et le fils furent
contraints de vendre la totalité de leurs biens pour en évi
ter l’expropriation forcée.
La presqu’universalité de ces biens consistoit dans un
domaine, que le père et le fils vendirent solidairement au
sieur Ceytaire, le 7 décembre 1 8 1 1 , au prix de 32,000 fr.
24,000 fr. furent destinés à faire face aux dettes du père
et du fils, et 8,000 fi\ restans devoient demeurer dans les
mains du sieur Ceytaire, pour sûreté de la pension réservée
ati sieur Jacques Raymond père, pendant sa vie.
L e sieur Raymond père est décédé au commencement
de l’année 1820.
Ses quatre enfans puînés ont accepté sa succession sous
bénéfice d’invcnlaire, et ont formé la demande en réduc
tion de la donation faite à leur frère le 2/1 août 1792.
E t abusant de ce droit que leur accordoit la loi, ils ont
cru pouvoir porter leurs prétentions jusqu’à attaquer la
propriété du sieur Ceytaire, et à demander q u ’ il fût évincé
de cette propriété jusqu’à concurrence de la portion qu’ils
se supposent être en droit de prétendre dans les biens de
leur père.
On ne sait pas bien encore jusqu’où ils entendent porter
contre le sieur Ceytaire la spoliation dont on le menace:
mais ce n’est pas du plus ou du moins qu’il s’agit ici; c’ est
delà prétention elle-mêine, qui est absolument erronée,
et dont les héritiers bénéficiaires du sieur Raymond ne
peuvent espérer aucun succès.
Un héritier sous béuéiicc d’inventaire n’est pas moins
�(9 )
héritier du défunt que l'héritier pur et simple-, il succède
comme lui in universum jus defuncti ; il le représente dans
toutes les actions actives et passives.
La seule différence que la loi met entr’eux, c’est que
l’héritier bénéficiaire n’est pas tenu des dettes de la suc
cession ultra vires.
Mais il ne lui est pas plus permis qu’à l’héritier pur et
simple d’improuver tout ce qui a été fait par le défunt.
Hœres non potest improbare factum defuncti.
Ces principes sont surtout essentiellement rigoureux
lorsqu’il s’agit d’évincer un acquéreur qui tient à titre
onéreux des biens qui lui ont été transmis par le défunt,
comme on peut le voir dans Rousseau de la Combe, au
mot éviction, où il cite une multitude d’autorités qui con
sacrent ce principe.
Entr’autres celle de Mnynard, célèbre président du
parlement de Toulouse, qui a fait une savante dissertation,
liv. 4, chap. 17 , pour établir que dans aucun cas, et pour
quelque cause que ce soit, un héritier ne peut être admis
à évincer en tout ou en partie l’acquéreur du défunt, et
ne peut venir en aucune fa ço n , directement ni indirecte
ment, contre le fait du défunt auquel il succède , non plus
</uJicelui même en son vivant.
Celle de Duperrier, liv. 1 " , question 3 i , où cet auteur
décide absolument que « l’héritier du vendeur ne peut
» point évincer l’acquéreur. »
Celle de Dargentré, sur l’article 4 19 de la coutume de
Bretagne, où il établit que, « filins hœres vendicans rü» pelhtur doli cæceplione; quand même, ajoute-t-il il ne
seroit héritier que sous bénéfice d’inventaire. »
�Cette décision est fondée sur ce grand principe, que tout
héritier est garant du fait du défunt, et que tout garant
d’une action en éviction est non recevable à la former,
d’après la maxime triviale, quem de evictione tenet actio
eumdem agentem repellit exceptio.
Et quand on voudroit porter l’abus des effets de bénéfice
d’inventaire jusqu’à prétendre que l’héritier bénéficiaire
peut évincer l’acquéreur de ses biens personnels aliénés
parle défunt, les principes ci-dessus établis n’enresteroient
pas moins dans toute leur force, parce qu’il ne s’agit pas
ici de l’aliénation faite par Jacques Raymond des biens
maternels de ses enfans, ou de tout autre bien qui leur fût
propre, mais de biens qu i lui étoient personnels, et qui
n’avoient été transmis à son fils que par une donation con
ditionnelle qui n’avoit pas été exécutée.
On a v u , en effet, que Jacques Raymond n’avoit donné
en 1792 ses biens à son fils aîné, son héritier institué, qu’à
la charge de payer ses dettes.
Cette condition n’avoit pas été remplie par Robert R a y
mond. Au lieu de payer les dettes du donateur, le donataire
n’avoit fait que les augmenter par le défaut de payement
des intérêts ou des arrérages, et y en avoit ajouté’ de per
sonnelles, qui étoient sur le point d’absorber leur fortune
et de réduire à la dernière misère le donateur, le donataire
et toute la famille.
Il
n’auroit tenu qu’à Jacques Raymond de faire annuler
la donation à défaut d’exécution des conventions sous les
quelles elle avoit été faite, et rien n’eût été plus facile;
mais il eût fallu beaucoup de temps, et faire beaucoup de
frais pour y parvenir ; il a paru plus simple, plus expédient
�( 11 )
et moins dispendieux d'aller droit au but, et de faire vendre
desuite et solidairement, par le père et le fils réunis, le do
maine qui faisoit la majeure partie des biens compris dans
îa donation, quia été acquis par le sieur Ceytaire 3a,ooofr.,
dont 24,000 fr. ont été employés à payer les dettes des ven
deurs, et 8,000 fr. sont restés dans ses mains pour assurer
les aliinens du père.
C’est vainement que les enfans héritiers bénéficiaires de
Jacques Raymond voudroient abuser de cette circonstance
pour étayer leur action en éviction, sous prétexte que
Jacques Raymond a vendu des biens qui ne lui appartenoient pas.
D ’abord, le fait n’est pas exact. Il ne vendoit pas le bien
d’autrui, mais le sien propre qui n’avoit pas été transmis
d’une manière absolue ù son fils, mais à une condition dont
le défaut d’exécution en vendoit la transmission révocable
à volonté, et laissoit par conséquent jusqu’à cette exécution
la propriété flottante entre le donateur et le donataire.
En second lieu, qu’importeroit qu’il eût vendu sa pro
priété personnelle, ou celle qu’il avoit transmise à son fils,
dès qu’il vendoit cette propriété solidairement avec lui ?
n’eût-ce été que comme sa caution, sa succession en étoitelle moins garante? ses héritiers purs et simples ou sous
héuéiice d’inventaire, n’étoicnt-ils pas également tenus
de la garantir envers les tiers qui auroient tenté de l’atta
quer? ne sont-ils donc pas également non recevables dans
une pareille action ?
Quclqu’elfort d’imagination qu’on puisse faire, on ne
sauroit trouver, nous ne dirons pas une raison tant soit
peu plausible, mais un sophisme tant soit peu proposable
�( >2 )
pour justifier un projet aussi inconsidéré que celui conçu
par les enfans Raym ond, d'évincer le sieur Ceytaire de
son acquisition.
Projet, au surplus, qui est d’autant plus défavorable,
que, sans cette aliénation, la famille Raymond étoit ruinée
sans ressource; et.les demandeurs ne seroient pas dans le
cas, aujourd’hui, de se partager les restes de la fortune de
leur père.
M ais, comme on l’a dit en commençant, ils ont des
droits légitimes à ce reste de fortune qu’ils doivent à l’alié
nation faite au sieur Ceytaire; et il reste à savoir en quoi
consistent ces droits.
Lorsqu’en 1792 Jacques Raymond a fait donation de
ses biensà Robert, son iils ,ill’a chargé de payer ses dettes,
qui montoient de 11 à 12,000 fr.
Ces dettes n’ont pas été payées par le donataire; elles
n’ont, au contraire, fait que s’accroître par les arrérages
ou les intérêts, qui n’ont fait que s’accumuler.
Mais veut-on supposer qu’au moment de la vente con
sentie au sieur Ceytaire, en 1 8 1 1 , les dettes de Jacques
Raym ond n’excédassent pas 1 2,000 francs en capitaux ou
intérêts?
L e surplus du prix sur lequel les demandeurs pouvoient
être en droit d’exercer leur action en réduction, se réduiroit h 20,000 fr., dont il reviendroit 1111 dixième à chacun
des demandeurs, et entr’eux quatre 8,000 fr., qui forment
précisément le capital qui est entre les mains du sieur
Ceytaire, et qu’il est prêt à leur compter, en le f a i s a n t
ordonner avec qui de droit.
C ’est, en dernière annlise, à quoi se réduit celle aifauc.
�( 13 )
Les droits des demandeurs peuvent être moindres, si les
biens aliénés ont été employés à payer plus de 1 2,000 fr.
de dettes de Jacques Raymond; mais ils ne peuvent, dans
aucun cas, avoir des droits réels sur les biens aliénés, qui
sont légitimement sortis des mains de leur père, et qui ont
été acquis de bonne foi, et en observant toutes les règles
de la prudence humaine.
A u surplus, tout ce que nous venons de dire est absolu
ment conforme à l’esprit du Code civil.
L ’article 922 veut que la réduction se détermine en fai
sant une masse des biens existans au décès du donateur, et
fictivement de ceux qui n’existoient pas.
Ceux-ci, c’est-à-dire, les biens non existans, s’apprécient,
suivant le même article, entre les demandeurs en réduc
tion et le donataire, suivant leur valeur au tem ps du décès
du donateur; mais cette appréciation est étrangère aux
tiers détenteurs, dont le prix est déterminé, soit par leur
contrat d’acquisition, soit par la transcription de leur con
trat au bureau des hypothèques, sans pouvoir être exposés
à des recherches ultérieures.
D
é l ib é r é
à Clermont-Ferrand, le 28 décembre 1820.
B O IR O T .
A C L E R M O N T - F E R R A N D , de l’imprimerie de L
du R o i et de la Préfecture.
andr io t ,
imprimeur
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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A name given to the resource
[Factum. Ceytaire. 1821]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
De Vissac
Boirot
Subject
The topic of the resource
successions
donations
créances
bénéfice d'inventaires
légitime
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour le sieur Ceytaire, propriétaire, habitant du lieu de la Grange, commune de Varennes, arrondissement d'Issoire ; contre Blaise Raymond, propriétaire, habitant du village du Cati, commune de Bord, Jean Raymond, aussi propriétaire, habitant du village d'Herment, commune de Bongheat, et autres.
Table Godemel : retranchement : l’acquéreur d’un domaine à lui vendu, en 1811, par le père et le fils conjointement (ce dernier héritier contractuel et de plus donataire par acte particulier de 1793 de tous les biens meubles et immeubles présents) moyennant le prix de 32000 f. dont 24000 délégués et payés à leurs créanciers inscrits, et les 8000 francs restants stipulés remboursables après la mort du père, et dont l’intérêt annuel devait servir au payement de la pension à lui promise par l’acte de donation ; a-t-il pu, comme tiers détenteur des objets donnés, être attaqué par les enfants puînés du père, ses héritiers sous bénéfice d’inventaire, à l’effet de subir le retranchement nécessaire pour composer leur légitime de rigueur ? les héritiers du donateur qui a concouru lui-même à la vente sont-ils recevables dans leur action ? l’acquéreur peut-il être tenu de rendre au-delà des 8000 francs restés dus sur le prix ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1821
1792-1821
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
13 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2514
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2515
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53500/BCU_Factums_G2514.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Varennes-sur-Usson (63444)
Bongheat (63044)
Bort-l'Etang (63045)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
bénéfice d'inventaires
Créances
donations
légitime
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53505/BCU_Factums_G2519.pdf
d745023ace7cb673eff5d2456984529d
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MEMOIRE
COUR R OY AL E
DE RIOM.
POUR
Ire CHAMBRE.
L e Sieur Jean-M artin R O C H E R , Négociant, habitant
de la V ille de Tence, arrondissement d ’Issingeaux,
en qualité de subrogé-tuteur de J e a n - P i e r r e
P eyrachon, fils mineur, habitant de la même Ville,
A ppelant
CONTRE
D am e M a r i e - G e n e v i è v e P E Y R A C I I O N
et M onsieur J e a n - A n t o i n e
O L L I N , Juge
M
au Tribunal civil d 'Issingeaux , son m ari, de lu i
autorisée, habitansde la F ille d T s s in g e a u x , intimés;
E t C O N T R E Sieur J e a n - P i err e P E Y R A C H O N
Rentier, habitant en l a ville de T ence, aussi intimé.
,
D a n s tous les tems et chez presque tous les peuples
policés, les lois ont accordé aux pères la faculté de
disposer d’ une partie de leurs biens.
�Cette faculté,
trop étendue peut-être parmi les
Romains, et que des idées bizarres avaient réduite à
rien parmi nous, à une époque où les exagérations
dictaient les lo is , cette faculté précieuse a été sage
ment réglée par notre législation nouvelle.
Le Code civil présente, il semble, la combinaison
la plus juste du droit de disposer, qui est une éma
nation du droit de propriété, avec les devoirs que la
nature impose aux pères envers leurs enfans.
E n fixant
tiers, ou au
enfans, nos
passions, ou
la quotité disponible à la m o itié , au
quart des biens, selon le nombre des
législateurs ont prévenu les écarts des
les erreurs de la faiblesse, en même tems
q u ’ils ont laissé une carrière assez grande à la recon
naissance, aux affections et aux sentimens généreux.
Les tribunaux ne sauraient trop respecter ces règles
bienfaisantes q u ’ont préparées de profondes médita
tions; et s’ils doivent être attentifs à empêcher que
les réserves destinées aux enfans ne reçoivent quelque
atteinte, ils ne doivent pas être moins empressés à
consacrer les dispositions des pères qui ont employé
d abord une partie de l e u r p a t r i m o i n e à payer la dette
de la nature.
Ainsi l ’enfant qui a reçu de son père un don con
sidérable pour sa portion héréditaire, 11e saurait être
admis à critiquer des libéralités postérieures, ou doit
au moins imputer, sur la réserve q u ’il r é c l a m e , l'avan
cement d ’hoirie qui lui a été fait.
Cette vérité, élémentaire en droit, a cependant été
�. ( 3 )
méconnue par le tribunal d ’Issingeaux. Confondant
les principes des rapports avec ceux de l ’im putation,
et sous le prétexte que le rapport n Jétait pas dû au
légataire, ce tribunal a pensé que l ’héritier, donataire
d ’un avancement d’hoirie, avait le double droit et de
conserver le don, et de réclamer en outre la réserve
par la voie du retranchement , contre un légataire
universel.
Une telle erreur, qui tendrait à détruire la faculté
de disposer, est trop contraire à la doctrine ancienne,
à la doctrine nouvelle, à l’esprit, et même à la lettre
de la loi considérée dans son ensemble, pour soutenir
long-tems les regards éclairés des magistrats d ’une Cour
supérieure.
F A IT S.
L a contestation est née sur une demande en partage
de la succession du sieur Jean-Pierre Peyrachon.
L e sieur Peyrachon a laissé, à son décès, deux enfans, Marie-Geneviève Peyrachon, épouse d eM .M ollin ,
et Jean-Pierre Peyrachon, deuxième du nom.
L e contrat de mariage de Marie-Geneviève Peyrachon
et de M. Mollin est en date du 12 floréal an i 3 .
Pa i' ce contrat, passé sous l ’empire du Code civil,
le père de la future lui constitua une dot considérable,
q u i, d’après l ’intention des parties, devait lui tenir
lieu de scs droits dans la succession de sa mère, dans
celle d ’un frère nommé Augustin, et dans les biens
paternels.
�( 4 )
Voici les termes de la constitution :
« Ledit sieur Jean-Pierre Peyrachon donne et cons
titue à la demoiselle Marie-Geneviève Peyrachon ,
sa fille, en dot, la somme de cinquante mille francs,
dont deux mille francs du chef de ladite Rocher (la
mère, alors décédée); le surplus, du chef paternel,
dont v in g t-cin q
mille francs seront payables en
dettes ou obligations, à réquisition, et d ’après l ’état
à faire entre les parties; et les autres vingt-cinq
mille francs seront payables en fo n d s ou argent ,
p ar q u i cle d roit, après le décès dudit donateur ,
et sans intérêt, et même p a r a n t i c i p a t i o n , en tout
ou en partie. »
Plus bas est ajoutée la clause suivante :
« Déclarant ladite future q u e , dans ladite consti« tution maternelle, qui est mobilière, sont fixés et
« compris les droits qui peuvent lui revenir du chef
« d ’Augustin Peyrachon, son frère, qui se portent à
« 5oo fr. pour le tiers
et ( j uel le renonce à ses droits
« légitimaires paternels et maternels. »
Ces dernières expressions sont claires; Marie-Geneviève Peyrachon renonçait, moyennant la dot promise,
à scs droits le'gitimaires paternels. O r , depuis la
publication
du Code civil ,
les droits légitirnaires
n ’étaient autre chose que les droits à la réserve légale
établie par l’article c) 1 3 , réserve qui remplaçait la
légitime ancienne.
A insi, que la renonciation fût ou non valable, il est
évident q u e , renoncer à de tels d ro its, c’était rocou-
�(
5
)
naître que la dot avait été donnée et reçue à compte
seulement de la réserve, et à imputer sur la portion
qui reviendrait à l ’épouse dans cette réserve, si elle la
réclamait un jour.
Cependant Marie-Genevière Peyraehon a soutenu
dans la suite q u ’elle pouvait, et retenir sa d o t, et
réclamer, en outre, le tiers des biens que son père
avait laissés au moment de son décès ; et cette pré
tention j repoussée par la volonté du père comme par
les dispositions de la lo i, a cependant été accueillie
par le tribunal d’ïssingeaux.
Il parait que la dot entière avait été payée par le
père; que même il avait délaissé, pour 12,000 francs
seulement, un domaine appelé de Naute , dont la
valeur réelle est de 24?000 francs.
Convaincu d’avoir donné à sa fille plus même que
la loi ne lui attribuait dans son patrimoine, le sieur
Peyraehon père crut pouvoir exercer des libéralités
envers celui de ses petits-fils qui s’était montré le plus
digne de son aflection.
Il consigna ses volontés dans un testament olographe
du 3 o mars 1819.
x
Le testateur fait d ’abord quelques legs pieux;
Il lègue* ensuite à Jean-Pierre Peyraehon , son fils
aine, un domaine, un pré et un bois, p ou r lu i tenir
lieu , d it-il, du tiers de mes biens r/iic la lo i lu i accorde ;
Enfin il lait nu legs universel en faveur de JeanPierre-Auguslin Peyraehon, son petit-fils. Voici les
termes de la disposition :
�(
6
)
« E t au surplus de tous mes autres biens meubles
« et immeubles, noms, droits, voies, raisons et actions,
« je les donne en préciput et avantage, et hors part
« et portion, et sans rapport, à Jean-Pierre-Augustin
« Peyrachon, mon petit-fils, l’ainé de mondit fils et
« de la défunte demoiselle D e ig n a t, pour lui tenir
« lieu de la portion disponible de mes biens que je lui
« donne, à la charge par lui d ’exécuter le contenu au
« présent testament, et de payer mes dettes. »
L e sieur Peyrachon déclare, dans son testam ent,
que son intention a été de prévenir les procès entre
ses enfans.
On verra combien peu ont été respectées les der
nières volontés d ’un père.
L e sieur Peyrachon décède. Bientôt après, M. Mollin
et son épouse forment contre leur frère une demande
en partage ; e t , comme le légataire était un mineur
non émancipé, et q u ’il avait des intérêts contraires à
ceux de son tuteur légal, ils l ’assignent dans la personne
de son subrogé-tuteur, en réduction du legs universel
qui lui avait été fuit.
Ils appellent aussi dans la cause le vicaire de Tence,
q u ’ils accusent de spoliation, et multiplient les procé
dures par de nombreuses saisies-arrêts, destinées, si
on les en croit, à faire connaître les vraies forces de la
succession du père.
Sans entier dans le détail de ces diverses procédures,
il suffira de dire que la cause fut jugée contradictoire
ment ti l ’audience du 7 juin 189.0.
�(
7
)
L à , M. Mollin et son épouse conclurent au partage
des biens dont le sieur Peyrachon père était en posses
sion au moment de son décès ; ils demandèrent que le
tiers de ces biens leur fût a ttrib u é , et q u ’en consé
quence le legs universel fut réduit. Ils soutinrent q u e ,
dans le tiers auquel ils avaient droit, ne devaient être
compris ni les 48,000 fr. de dot que le père leur avait
donnés, ni le domaine de N au te, qui leur avait été
délaissé h vil prix.
Le sieur Jean-Pierre Peyrachon fils conclut aussi au
partage 5 mais il réclama seulement le tiers du patri
moine de son p ère, patrimoine sur lequel il n’avait
rien reçu.
Le subrogé-tuteur du légataire soutint que la réduc
tion du legs universel ne pouvait être demandée par la
dame et le sieur M o llin , qu'autant que ce qui leur
avait été donné serait insuffisant pour leurs droits
dans la réserve légale, et q u e , pour vérifier ce fa it,
il fallait réunir fictivement aux biens existans au décès
du testateu r, ceux que ses héritiers avaient reçus
pendant sa vie.
Il fut pris de part et d ’autre divers autres chefs de
conclusions qui sont étrangers à la discussion actuelle.
L e tribunal adopta le système que lui présentait la
daine M o l l i n ? refusa, pour déterminer la réduction
du legs universel, de réunir fictivement les biens
donnés à la masse des biens existans au décès du tes
tateur, et ordonna que ce legs serait réduit au tiers
seulement des biens existans.
�f k
l
( g }
Cependant la dame Mollin fut soumise, envers son
frère, au rapport des 48>ooo francs qui lui avaient
été constitués ; mais on ne l ’obligea pas à rapporter
le domaine de Naute. L ’estimation de ce domaine fut
néanmoins ordonnée, mais dans le but unique de
diminuer encore le legs fait au petit-iils Peyrachon^
de toute la plus-value q u ’aurait le domaine au-dessus
de 12,000 francs ( i) .
( i ) Voici lo texte du jugement sur la question :
E n c e q u i t o u c h e la d e m a n d e e n p a r t a g e f o r m é e p a r les é p o u x M o l l i n ,
A ttend u que nul ne peut ôtre contraint de demeurer dans l ’indivi
sion ; que dès-lors un cohéritier a droit de forcer son cohéritier, ou
tout autre détenteur des biens de la succession , à quelque titre que ce
çoit, de venir à partage de ces mêmes Liens;
Attendu que Jean-Pierre Pcyrachon père n’a fait aucun acte duquel
011 puisse tirer la conséquence, qu ’ il a abandonne la succession pater
n e lle , pour s’en tenir an legs qui lui avait été fait par son père; qu ’ une
semblable option ne peut résulter que d’ un acte fôrmel fait au greffe
ilu tribunal ; qu ’on n’en produit aucun de cette’ espèce ;
A ttendu que les cohéritiers du sieur Jcan-Picrre P cyra ch on , voulant
procéder à la division des biens délaissés par c e lu i - c i , ont dû y appeler
Jean-Picrrc-Augustin Pcyrachon , son légataire; qu'il est impossible de
procéder au partage d ’ u n e B u c c e s s io n hors la p r é s e n c e d ’ une personno
intéressée à cc partage.
E n cc qui touche le rapport, à la masse de la somme des q u arantehuit mille francs donnés à la daine M o llin , réclame par le mineur
Pcyrachon ,
Attendu que des dispositipns du Code c i v i l , il îésnlle que le rapport
¡est nue obligation imposée par la loi à l’héritier, du remettre dans Ifi
succession les choses q u ’ il a reçues entre-vifs directement ou indirocjuent, de la part du défun t, pour ¿tic partagées entre tons les héritiers;
A t t e n d u q ue cette o b l i g a t i o n
,
fondée sur
1«
présomption q u e le don
�(
9
)
L e principal motif de la décision est puisé dans une
fausse application des règles sur les rapports, notam
ment de celle qui déclare que le rapport n’est dû q u ’au
n ’avait été fait à l ’héritier, qu’à titre d ’avance sur ce qu’ il devait re
cueillir dans la succession, a pour principal objet de rétablir entre tous
les héritiers l ’égalité qui est dans le vœu de la loi ;
Attendu que cette vérité résulte de l ’article
843 , qui déclare que
tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rap
porter à ses cohéritiers tout ce qu’ il a reçu du défunt par donation
en tre-v ifs, directement ou indirectem ent, à moins qu ’ il lia it été e x
pressément dispensé du rapport;
Attendu que de ce principe constant et bien reco nnu , il suit qu ’ il
n’y a que le cohéritier qui puisse demander à son cohéritier le rapport
du don entre-vifs qu ’ il avait reçu du d é fu n t, puisque lui s e u l a droit à
la faveur de la loi et au maintien de l ’égalité; que cette conclusion est
encore corroborée par les dispositions claires, précises et formelles de
l ’article
85^ du Code c iv il, ainsi conçu ; « L e rapport n’est dii que
ic par le cohéritier ci son cohéritier ; il n'est pas du ni a u x légataires
« ni a u x créanciers de la succession ». E t la Cour suprême a consacré
ce principe par son arrêt du
3o décembre 1 8 1 6 , dans la cause entre les
frères Davier et les sieurs Villeniorc et L e c l c r c , rapporté par S ire y ,
tome 17 , pages i 53 et suivantes.
Attendu , en f a i t , que le mineur Peyrachon n’est pas le cohéritier de
la dame Mollin ; qu ’il est étranger à la succession , dans laquelle il ne
recueille que ce qui lui a été transmis par la libéralité de son grandpère ; q u ’ il ne peut dès-lors invoquer le bienfait d ’ une loi qui n’a
d ’a u tre
objet que de rétablir l’égalité parmi les cohéritiers du sang.|
Q u a n t à la d e m a n d e e u r ap p o r t d e c e t t e s o m m e ,
f or mée p a r le sieur
P e y r a c h o n pè r o ,
A ttendu qu ’ il est le cohéritier de la dame M o llin , et qu ’en celle
qualité il peut exiger le rapport du don entre-vifs qui lui a été tait
par l’uutcur commun ; que tel est le vœu des articles 843 et
Code civil.
857 du
�(
10
)
*
cohéritier, et qu ’il n ’est pas (lu aux légataires ni aux
créanciers de la succession.
Le tribunal n’a pjis réfléchi q u ’il ne s’agissait pas
En ce qui touche la réclamation de Jean-Pierre P eyra ch o n , tendant
au rapport à la masse du domaine de la Naute,
Attendu q u e , lors du contrat de mariage de la dame Mollin , le père
de celle-ci ne lui constitua qu ’ une dot de la somme de cinquante mille
francs; qu ’à la vérité, il se réserva, ou à scs héritiers, la faculté de
payer la moitié de celte dot en fonds ou en argent ;
Attendu que de la réserve de cette faculté, 011 ne peut induire
que les biens qui seraient donnés en paiement seraient dotaux, parce
qu il résulterait de cette induction , que la nature de la dot de la daine
M ollin n’aurait pas été certaine, et qu'elle aurait pu varier au gré de
son père ou des héritiers de c e lu i- c i, ce qui répugne au caractère de la
dot , qui d )it être déterminée par le contrat de maiiage ;
Attendu que toute interprétation doit disparaître devant les termes
môme de l ’acle dans lequel on lit que ledit Jean-Pierre Peyrachon
donne et constitue en dot à sa fille la.som me de cinquante mille fra n cs ;
q u e , par ces expressions, la nature et le caractère île la dot sont fixés
d ’ une manière absolue; q u ’on ne peut y apercevoir qu’ une dot mobi
lière; que si h: constituant s’est réservé le droit (le payer une partie de
cette dot eu immeubles, c ’est une condition qu ’ il a imposée à son
g e n l t e , et a laquelle celui-ci a acquiescé; q u ’ il serait difficile de con
cevoir l’exécution de cette clause entre le sieur Peyrachon père et sa
fille, puisque, dès 1 instant où le inanpge était accom p li, elle nVtait
plus habile à recevoir do ses mains les fonds qu’il aurait voulu lui
donner en paiement ;
A t t e n d u q u ’on 11e p e u t v o i r d a n s c c l t o c la u s e q u e la f n cul l é d e p a y e r
a ve c des i m m e u b l e s u n e d ot m o b i l i è r e ; q u e si tel est le v é r i t a b l e p o i n t
d e v u e sous l eq u e l on d o i t la c o n s i d é r e r ,
il s ' ens u i t q u« l ’ i m m e u b l e q u i
a ét é d o n n é en p a i e m e n t d e la s o m m e d e d o u z e m i l l e francs n ’est pas
d o t a l , d ’après
1rs
di s posi t i ons d u p a r a g r a p h e 2 d e l ’a r t i c l e
1 553 d u
C o d e c i vi l ;
A tleu du que la vérité de cette proposition acquiert un nouveau degré
�de juger une question de rapport, mais une question
de réduction; que le légataire n ’était pas demandeur
en rapport, mais défendeur en réduction; et q u ’il
d'évidence, par le mode d ’exécution de cette clause, entre les paities
qui l ’avaient consentie. Il n’est pas contesté que le sieur Peyraclion
père ait remis et cédé à son gendre la propriété du domaine de la
N a ute, en paiement de la somme de 12,000 francs qu’ il lui devait pour
payer la totalité de la dot qu’ il avait constituée à sa fille ; le père
Peyraclion avait donc entendu que la dot de sa fille était constituée en
a rg en t, mais qu ’il avait la faculté d’en payer une partie en immeubles ;
le mari l ’avait entendu de m êm e; ils ont exécuté l’ un et l ’autre cette
c onvention, dans le sens qu’elle présente naturellem ent, et de la ma
nière qu ’ils l ’avaient composée l'un et l’autre; et peut-il y avoir une
règle plus contractante dans le inoilo de sou exécution?
A ttendu néanmoins qu ’il est soutenu que la valeur du domaine de la
Piaule s’élève à la somme de 24,000 fr. , tandis que cet immeuble a été
cédé à M. Molli» , pour acquitter une somme de 12,000 fr. ;
Attendu q u e , s’il était vrai que cet immeuble fût réellement de la
valeur de s j ' 000 fr. , ou de toute autre supérieure valeur de celle de
12,000 f r . , il s’en suivrait que le père Peyraclion aurait exercé envers
M . Mollin une libéralité qui excéderait le montant du paiement qu ’ il
a voulu faire, libéralité qui aurait réduit d’ autant la faculté que lui
accordait la loi de disposer d’ une partie de ses biens;
Attendu que , pour déterminer si le sieur Peyraclion , de la succession
duquel il s’agit, n ’a pas dépassé les limites que la loi lui avait assignées,
il est important de connaître la valeur du domaine de la Mutile........
I->e t r i b u n a l .............................. o r d o n n e q u e , jinrJVIiW. P a n e l i e r , d u l i e u
d e P a n e l i e r , c o m m u n e d e S a i n t - V o y ; M a t h i e u a î n é , d e la v i l l e d e l i a s ,
e t Jîreiias, île lu v i l l e d ' I> s i ng e a u x , e x p e r t s - gé o n i èl r e s ......... , il sera p r o
c é d é à la visite e t e s t i ma t i on des i m m e u b l e s délaissés p a r d é f u n t J e a n P i e r r e P e y r a c l i o n , en c e non c o m p r i s le d o m a i n e d e l a f t a u t e , céilé
p a r ce d e r n i e r à M. Mollin , en p a i e m e n t d e l a somme d e 12,000 f r an c s ,
pour savoir si lesdits immeubles , dont ils ser ont t e nu s d e r a p po r t e r
�( 13 ;
n ’exigeait pas un rapport réel pour prendre une partie
de la chose donnée, mais seulement une réunion fictiv e
pour juger si l’héritier à réserve avait déjà reçu tout
ce que la loi lui assurait.
L e subrogé-tuteur du légataire a interjeté appel
d ’un jugement par lequel les droits de son pupille
étaient sacrifiés.
L ’appel a été dirigé contre les deux héritiers à réserve.
L a Cour aura à examiner si ces héritiers, auxquels
il n’a pas été fait de don en précip ut, ont le droit
de faire réduire un legs, pour obtenir plus des deux
tiers du patrimoine de leur père, quoique cette quotité
seule leur soit attribuée par la loi.
l ’é t a t , consistance et v a l e u r , peuvent sc partager commodément en
portions égales, sinon avec soulte ; e t, dans le cas où la division puisse
avoir lieu , ils en formeront trois lots égaux , pour en être a ttr ib u é , par
la voie du sort, et par-devant le juge-commissaire, un à chacun des
copartageans , M arie -G cn evièv e , Jean-Pierre et Jean-Pierre-Augustin
Peyrnclion , légataire. Lcsdits experts seront tenus de présenter les l>nses
de 1 estimation, et d ’estimer encore les restitutions de fruits desdits
biens , depuis le décès du père Peyraolion ;
Déclaré n y avoir lieu d’accorder a n l é g a t a i r e le rapport à la masse de
la somme de .(8,000 fr. , payée par ledit défunt Peyrachon à la dame
Mollin , sa fille ; ordonne que cette somme sera rapportée à l’égard de
Jean-Pierre Peyraclion, cohéritier;
Déclare ce dernier non recevablc dans sa demande en rapport à la
masse du domaine de la K a u l c , cédé par le défunt à M. Mollin , pour
compléter la dot qu’ il avait constituée h sa fille ; ordonne nussi q u e , par
les mêmes experts, ¡1 sera procédé à l'estimation de lu valeur de ce do
maine, a dater du jour de la remise qui en a été faite à M. M ollin, p ou r,
sur leur rap p ort, élrc statué co qu ’ il appartiendra........
�( ,3 )
A consulter seulement les principes, la négative de
cette proposition ne paraîtra pas douteuse.
Si l ’on considère aussi les termes de la constitution
dotale faite à la dame M o llin , on sera de plus en plus
étonné de son succès en première instance.
Les principes anciens et nouveaux sont en harmonie
parfaite sur la question.
On sait que la réserve légale est aujourd’hui ce
q u ’était la légitime autrefois. L ’une et l ’autre ont les
mêmes caractères, sont fondées sur les mêmes m otifs,
ont reçu de la loi la même destination.
L a réserve légale, comme la légitime, est une portion
du patrimoine du père, que la loi attribue aux enfans,
et dont il ne lui est pas permis de les dépouiller.
La réserve légale, comme la légitime, est une dette
du père, destinée à fournir des alimens aux enfans.
L a réserve légale, comme la légitime, n’admot ni
mode, ni terme, ni conditions.
Elles ne diffèrent entr’elles que par le nom et par
la quotité.
Aussi vo it-o n , dans les discours des législateurs,
que la réserve légale a été établie à l ’image des légi
times fixées soit par le droit romain, soit par la
coutume de Paris; que les discussions ont roulé seule
ment sur sa q u o tité ; et que le Code civil a adopté,
sauf quelques modifications, la quote légilimaire réglée
par la coutume de Paris, qui avait mis une balance
�( 4 )
plus égale entre le droit de propriété et les devoirs de
famille (i).
Aussi remarque-t-on , dans les procès-verbaux du
conseil d ’E t a t , relatifs à la rédaction du Code civil.,
que la réserve légale est appelée légitime (2).
S ’il y a identité de cause et de nature entre la
légitime d ’autrefois et la réserve légale actuelle, ce qui
a été reconnu vrai dans la législation ancienne, relati
vement à la légitime, doit être appliqué, sous la
législation nouvelle,
C Jest en effet un
les cas semblables, il
In casibus omissis 3
à la réserve légale.
aphorisme de d ro it, q u e , dans
doit y avoir semblable décision.
deducenda est norma legis à
sim ilibus. (B a co n , aph. 115 D u p in , Principia ju r is
civilis prolegomena.')
O r , si nous examinrvis les principes anciens, on
reconnaîtra que l ’eufant légitimaire, quoique dispensé
du rapport envers 1111 étranger, était cependant tenu,
même à l’égard de celui-ci, d ’imputer sur sa légitime
ce q u ’il avait reçu précédemment de la libéralité de
son père.
La décision devait être différente dans les deux cas,
parce que les règles sur les rapports, et celles sur
( 1 ) V o y e z l’arliclo
do c c l l o coultunc.
(a) N ota. O u lit notam m ent, dans le procès-verbal do la séance du
rj pluviôse an 1 1 , ces oxpressions :
« JjO conseil d l'-tal adopte en p r in c ip e , cpie l(i Icgitimc ne pourra
(t être iïappéo ilo substitution. *
�l ’im putation, appartenaient à deux ordres distincts
d ’idées et de principes.
Les règles sur les rapports avaient leur fondement
sur l ’égalité naturelle des enfans dans la succession de
leurs ascendans (i).
Ut liberis tum m asculini quam fe m in i seæûs...........
cequd la n ce, p a n que modo prospici possit : hoc
etiam œquitatis studio, pressenti legi credidim us inserendum , ut in dividendis rebus ab
functoriun parentum ,
intestato de-
tcim dos r/ucim antè nuptias
donatio confcraiur. L . 1 7 , C . de C ollât.
Si le m otif d’équité qui avait dicté la règle ne se
rencontrait pas, le rapport n ’avait pas lieu.
Ainsi le rapport n’était dû q u ’entre enfans cohéri
tiers, et h ceux-là seulement qui avaient ces deux
qualités (?.).
Tous les auteurs anciens s’accordent à professer cette
doctrine, et à reconnaître que le rapport n’est dû ni
aux légataires ni aux créanciers de la succession.
Les règles sur l ’imputation n ’étaient pas les mêmes.
L ’imputation pouvait être exigée par un donataire
ou légataire étranger, toutes les fois q u ’un légitimaire,
qui avait déjà reçu du défunt une libéralité, deman
dait, pour obtenir sa légitime, le retranchement du
don ou du legs fait à l’étranger.
(1) Voyez D om at, Lois civiles , titre (lit rapport, scct. 1 " , art. i tr!.
(a) Voyez D o m a t , Lois civiles, i l i d } scct. 1 , ait, 1 , 3. -
�Cette règle était la conséquence d ’un autre principe
qui n’autorisait l ’enfant à quereller les dispositions
faites par son père, q u ’autant que la dette de la nature
ne lui avait pas été p a yé e, et q u ’il était privé de tout
ou de partie de sa légitime.
In quartam parlent a d excludendam inojficiosi
(juœrelanij tant dotem quàm antè nuptias donationem
prœfato modo volum us im putari, siexsub sta n tid ejus
p rofecta sit de cu ju s hœreditate agitur ( L . 29, C . de
inojf. testant.
Tous les auteurs s’accordent aussi à décider que
l ’enfant doit imputer sur sa légitime ce q u ’il a reçu
du père, à moins q u ’il n’en ait été expressément dis
pensé par celui-ci.
U n grand nombre, et des plus recommandables ,
examinent la question même qui a été jugée dans la
cause; et leur décision est absolument contraire à celle
du tribunal d ’Issingeaux.
Dumoulin la résout dans une courte note sur les
articles 10 et 11 du chapitre 27 de la Coutum e du
Nivernais.
L article 10 pose le principe du rapport des dons à
la succession.
L ’article 11 établit deux exceptions : l ’une quand
l’enfant donataire renonce à la succession ; l ’autre
quand le don lui est fait en préciput.
Sur cette dernière exception , Dumoulin fait observer
que, dans le cas prévu, l’enfant même, en se portant
héritier, n’est pas tenu de rapporter : i)uia tune
�(
'7 )
succedenclo non lenetur conferre. Mais il ajoute
aussitôt que l ’exception disparaît, c’est-k-dire, que le
rapport est d û , si la légitime des autres enfans est
atteinte, et si l ’enfant donataire réclame lui-méme sa
légitim e, par la voie du retranchement sur une dona
tion ou sur un legs. F a lh t , quatenhs ahorum liberorum légitima lœderctur. Item f a l h t , u t se m p e u
TENE 4TUR IMPÜTARE IN LEG1 TIMAM3 SI OPÜS SIT (i).
« Il est impossible, dit un auteur- m odern e, de
« mieux marquer la différence q u ’il'!*y a' entre le
« ' rapport simple à une succession à laquelle on vient
« comme héritier, et le cas d ’une attaque dirigée
« contre un don ou un legs, pour faire ordonner une
«’ déduction pour la légitime (2). »
Ricard, dans son Traité des D onations, après avoir
démontré que l ’incompatibilité des qualités de dona
taire et d ’ héritier, et l ’obligation du rapport ont lieu
seulement entre les enfans, et non pas à l ’égard des
étrangers (3) , examine si le légataire étranger peut
exiger que le don fait à l’enfant s’impute sur la légitime
q u ’il réclame (4).
i
Il indique les raisons contre cette imputation ,
raisons q u ’il puise dans les règles du rapport.
(1) Voir lcsn o tcstlc Dumotilin *ur Icsarticlescit<5s, dans le C oatum ier
tonic 3 , p o ^ o 1 x S s .
*
g e n t 1r a l ,
(•*) Truitc des Donations, par M. G re n ie r , edition iu- 4 ° , tome a ,
page 337.
,
;
,
( 3) l’ artle x1* , chap.
{\) Garlic
3
3 , sect. i 5.
3 ‘ chap. 8 , scct."i 1 , n « 1 1 54 et suivang.
!
�( 18 )
Mais il se décide eu faveur du légataire. Y o ic i eu
quels termes
« Mais encore que cette doctrine (de la dispense du
rapport à l ’égard d ’un étranger) pût être véritable
dans un raisonnement exact, et q u ’il semble q u ’il
. y ait d’autant plus de lieu de la réduire à cet effet,
que nous sommes dans une matière extrêmement
favorable, néanmoins il faut considérer d ’un autre
côté q u ’il s’agit d ’une grâce extraordinaire , que
la loi n ’a introduite que sous des conditions qui
sont entr’autres d ’imputer et de tenir compte par les
enfans des libéralités q u ’ils ont reçues de leur père;
et , en effet , si nous considérons quels ont été
l ’origine et le m otif de la querelle d ’inofficiosité,
nous trouverons q u ’elle n’a été inventée que pour
réprimer les libéralités immenses des pères, dans
les
rencontres
auxquelles ,
ayant
méprisé
leurs
iferifans,' ils s’étaient épuisés en laveur des étrangers;
si bien-que, lorsque cet oubli ne se rencontre pas,
et que le père a employé une partie de ses libéralités
envers scs enfans, il est bien raisonnable que l ’action
que la loi leur a mise en main diminue à proportion
q u ’ils ont été reconnus par leur père. E t si notre
première proposition avait lieu, il s’ensuivrait q u ’un
fils, comblé de bienfaits par son père, ne laisserait
pas de pouvoir contester les moindres et les plus
légères donations q u ’il aurait faites, et d ’en de
mander le retranchement; si bien que cette obliga
tion d ’imputer les avantages reçuç à la légitim e,
�(
r9
7^
)
« étant si fort de la substance à l ’égard de qui que
« 'ce so it, il n’y a pas d ’apparence de prétendre que
«r nous en ayons tiré l'usage du droit romain, sans
« cette circonstance qui lui est si essentielle : aussi la
« pratiquons-nous de la sorte sans contredit. » •
M. Lebrun traite aussi la question5 e t, après avoir
développé, comme Ricard, les motifs que les principes
sur les rapports peuvent fournir contre l ’imputation ,
il ajoute (1) :
« Il faut dire néanmoins que des héritiers étrangers
a ont droit, comme des enfans qui sont institués
a héritiers, de faire faire l ’imputation sur la légitim e,
«
«
«
«
parce que la querelle d’inofficiosité, et la demande
delà légitime sont un droit extraordinaire, qui 11e doit
avoir lieu que lorsque le père, ou n ’a point du tout,
ou n ’a pas assez considéré son san g, et quand il faut
« que la loi vienne au secours de la n a tu r e , et q u ’elle
« supplée au défaut de l ’affection paternelle : Q uia
« ju d ic iu m patris le x su pp let, dit Godefroy
« loi S i totas C) j
C . D e in of.
donat .
sur la
Ainsi cette
« action n ’a point lie u , quand le père a rempli les
« devoirs naturels; et il serait fort injuste q u ’un fils,
«
«
«
«
comblé des bienfaits de son père, vint accuser son
t e s ta ie n t , et donner atteinte à do légères libéralités,
dont le père aurait voulu reconnaître l ’amilié de
quelqu’un. »
(1) Voir L ebrun , îles Successions, tome i " , li Y. a , cliap.
n°‘ 4 et
5.
3 , sect. 9 ,
�(. 2 0 )
Espiai’d-D usaux, dans ses Observations sur L e b ru n ,
enseigne la même doctrine.
Argou, dans ses Institutions au droit français, après
avoir dit que le père peut disposer des deux tiers ou
de la moitié de ses bien s, selon le nombre de ses enfans,
soit en faveur de l ’un d ’eu x, soit en fa v e u r d ’ un
étranger, fa it, en parlant de la légitim e, la remarque
suivante :
i
j
.
« Sur quoi les enfans doivent, parmi nous, imputer
« tout ce q u ’ils ont reçu de la libéralité du père ou
« de la mère ( i) . »
Fçrrières, sur la coutume de Paris; Furgole, dans
son Traité des testamens; Pothier, dans son Traité
dfcs Donations entre-vifs, expriment la même opinion;
L apeyrère, pour le parlement de Bordeaux; Duperrier, pour celui de Provence; d ’O live, pour celui de
Toulouse, attestent l ’ usage admis dans ces parlemens, de
faire imputer sur la légitime ce que les enfans ont reçu
de leur père par donation entre-vifs, « soit q u ’il l ’ait
« ainsi expressément ordonné, ou q u ’il n ’en ait point
« parlé du t o u t , remarque d ’O live; car bien que la
« donation ne soit point conçue en termes qui puissent
« induire l’im putation, la Cour, toutefois, à l ’exemple
« de ce grand Papinien , estime que la pensée du
«< donateur est étendue plus avant que l’écriture :
« P lu s diettim minus scriptum . »
INI. M erlin ,
q u i,
dans son Répertoire, rappelle
(i)Iustitutions au droit français, liv. a , chap.
de la dixième ¿dition.
> tome i ' r , page
3/P
�plusieurs de ces opinions, et qui atteste la jurispru
dence uniforme des tribunaux français, sur ce poin t,
s’exprime ainsi :
« 11 faut considérer la chose donnée au légitimaire^
« comme existant dans la succession , et supposer
« ensuite q u ’il l ’en tire en vertu de la volonté du
« défunt; ce qui amène nécessairement cette consé« quence, que Vimputation ne peut en être éludée
« p ar quelque prétexte que ce soit ( i). »
Telle était, à l ’instant où le Code civil a p a r u , la
doctrine généralement adoptée par les auteurs et par
les trib un au x, doctrine qui distinguait le rapport de
l ’im putation; doctrine qui ne permettait pas au léga
taire de demander à l ’enfant donataire le rapport de
la chose donnée, pour en prendre une partie, mais
qui l ’autorisait à soutenir que la valeur du don fait
à l’enfant devait s’imputer sur sa légitim e, et q u ’il
fallait q u ’il y eût insuffisance pour que le legs fût
réduit.
Cette doctrine, aussi équitable que constante , at-elle été renversée par le Code civil?
Pour le supposer, il faudrait rencontrer dans la loi
nouvelle les dispositions les plus claires et les plus
fo rnielles.
O r, q u ’y trouve-t-on, et quels articles ont invoqués
les premiers juges?
On y trouve des règles sur les rapports; et les ar( i ) Voir au mot L ég itim e} section 8 , paragraphe 3 ,-art. a , u°
4*
�(
22
)
ticle s' 843 , 8^7 sont les seuls q ü ’on ait invoques k
l ’appui d ’un nouveau système,
;
!» n ¡ ' il
■'J'xr
Mais ces articles ne disent rien de plus que ce^tjue
disaient les lois anciennes. r
'
•
L ’un déclare que tout héritier, venant h. partage,
doit rapporter k la succession le don q u ’il a reçu, s’il
ne lui a été fait e n p ré cip u t.
L ’autre ajoute q u e le rapport n ’est pas dû au créan
cier ni au légataire.'
'•
’
aw.»
Tout cela était vrai autrefois comme aujourd’hui :
la loi nouvelle n ’est q u ’une copie fidèle du droit
antérieur.
Ces articles ne disent pas que l ’ héritier naturel peut
faire réduire le legs fait h ¿un étranger, sans imputer
sur la portion héréditaire q u ’il réclame, les donations
q u ’il a reçues.
La question même ne peut être résolue dans des
articles qui ne traitent que des rapports, parce q u ’elle
a moins trait à un rapport q u ’à une réduction.
- C ’est dans les articles qui fixent la quotité dispo
n ib le, qui établissent une légitime ou une réserve
légale, qui autorisent les cnfatis q u ’un père injuste a
dépouillés de cette réserve ii la réclamer; c’est dans
les articles qui accordent aux enfans l ’action en re
tranchement, et qui en règlent le mode et les condi
tions, que doit être cherchée la solution de la difficulté.
O r , si nous considérons cette partie de la loi, nous
verrons q u ’elle autorise la disposition de la moitié, du
tiers, ou du quart des biens du disposant, selon q u ’il
�laisse à son tîécès un seul enfant légitim e, cru deux,
ou un-plus grand nombre ( Y . Code civil, art. 9 13 .)
L a réserve est donc restreinte, suivant les cas, k la
moitié, aux deux tiers ou aux trois quarts des biens.
C ’est de cette réserve seulement q u ’il n ’est pas
permis de disposer au préjudice des enfans.
C ’est cette réserve q u ’ils ont le droit de réclamer
par la voie du retranchement, s’ils en sont privés par
des libéralités excessives.
Mais si les libéralités n’excèdent pas la quotité dis
ponible , si les portions que conservent ou que re
cueillent les enians suffisent à la réserve légale, l ’action
en retranchement ne saurait être admise.
E t quelle opération ordonne la' loi pour vérifier si
le père, par une aveugle générosité, a excédé les bornes
q u ’elle lui prescrivait? L ’article 922 nous l ’apprend.
« La réduction se détermine en formant une masse
« de tous les biens existant au décès du donateur ou
« testateur. On y réunit fictivement ceux dont il a
« été disposé par donations entre-vifs,
d ’après leur
« état à l’époque des donations, et leur valeur au
« tems du décès du donateur. On calcule sur tous
« ces biens, après en avoir déduit les dettes, quelle
« est, eu égard à la qualité des héritiers q u ’il laisse,
« la quotité dont il a pu disposer. >»
La règle est positive; elle veut que tous les biens
du d éfu n t, ceux même dont il a disposé à titre gratuit
pendant le cours de sa v ie , soient, sinon rapportés,
au moins réunis fictivement à ceux q u ’il laisse à son
�l
(= 4 )
décès', pour ne former q u ’une seule masse de patrie
moine, sur laquelle on calcule la quotité dont il a pu
disposer.
Alors s i , dans les libéralités entre-vifs ou testamen
taires, il y a eu excès de la quotité disponible, la
réduction est faite ; s’il n’y a pas eu excès, les libé
ralités sont maintenues.
Telle était l ’opération que devait ordonner le tri
bunal d ’Issingeaux; telle est celle q u ’on lui deman
dait; telle est celle q u ’il a refusée, quoique la loi la
prescrivit impérieusement. Il l ’a refusée sous le plus
vain prétexte. Les règles sur les rapports ne s’appli
quaient pas à la question. Il ne s’agissait pas d ’un
rapport réel, mais d ’une réunion fictive; et qu o iqu ’il
paraisse y avoir quelque analogie dans les deux cas,
on y reconnaît une différence sensible, pour peu q u ’on
réfléchisse. Lorsqu’il y a rapport réel, celui qui l ’a
exigé et qui l ’a o b te n u , prend part dans la chose
rapportée -, il en prive le donataire. Mais par une
réunion fictive, le donataire n’est-privé de rien; il
conserve la chose donnée; elle n’est réunie que par un
simple calcul, pour faire connaître le patrimoine entier
du donateur, en déterminer la valeu r, et vérifier ainsi
ce dont il a pu disposer au préjudice de ses en fans.
E t remarquons que celte réunion purement fictive
est ordonnée par la lo i, dans tous les cas possibles.
Quels que soient les donataires, étrangers ou successibles ? les libéralités q u ’ils ont reçues doivent servir à
�(
»5
)
former la masse destinée à calculer la quotité dis
ponible.
A in si, pour savoir si le sieur Peyrachon père avait
excédé cette quotité, l ’on devait former une masse
générale, soit des objets légués au sieur Peyrachon fils,
soit de ceux compris dans le legs universel, soit enfin
des biens donnés précédemment, et par conséquent de
la dot constituée à la dame Mollin.
La valeur de cette masse étant déterminée, on en
aurait distrait,
i° les sommes ou les valeurs données
à la dame Mollin ; 20 celles léguées au fils P eyrach o n ,
pour le tiers que la loi lui réservait.
On aurait examiné ensuite si le surplus du patri
moine excédait le tiers dont la loi permettait la dis
position .
E n cas d ’excès, le legs eût été réduit.
S ’il n ’y avait pas excès, le legs eût du être exécuté
sans modification.
Cette opération simple , la seule juste , la seule
légale, ne pouvait convenir à la dame M ollin, parce
q u ’il en serait résulté la preuve q u ’elle était en
possession du tiers du patrimoine du père, de ce tiers
que personne ne lui d isp u ta it, de ce tiers, seule
quotité que lui réservait la lo i, puisque le défunt n’a
laisse ([iic deux enlans.
L lle a voulu conserver la dot q u ’elle avait reçue,
et obtenir encore le tiers du surplus; elle a soutenu
et a eu le bonheur de faire penser aux premiers juges
que sa dot ne devait pas-s’imputer sur le tiers qui
4
�( 26 )
lui était réservé par le C od e; c’est-à-dire q u ’après
avoir reçu de son père sa portion de la réserve > elle
a prétendu q u ’elle lui était due une seconde fois en
vertu de la loi.
Cette prétention est contraire à notre législation, à
la doctrine de tous les auteurs nouveaux, aux clauses
même du contrat de mariage de la dame Peyrachon.
A ce que nous avons déjà dit sur les termes et le
sens de la loi, il suffira d ’ajouter quelques réilexions.
Si les législateurs ont établi une réserve légale, c’est,
comme nous l ’avons déjà remarqué, dans le but de
prévenir l ’erreur ou la passion d ’un père q u i , mécon
naissant ses devoirs envers ses enfans, les priverait de
son patrimoine entier, pour verser scs bienfaits sur un
héritier de son choix. Guidée par le vœu de la nature,
la loi a créé la légitime ou la réserve, comme une
créance des enfans sur les biens de leurs auteurs. Elle
a d ’ailleurs autorisé ceux-ci à disposer à leur gré du
surplus de leur fortune. O r , un père qui constitue
une dot à sa fille, doit être , ainsi que tout autre
débiteur, présumé avoir voulu acquitter la dette dont
il ne lui était pas permis de s'affranchir, plutôt que
faire une libéralité purement gratuite : Nem o liberalis
nisi liberatus. Cette présomption ne cesse que lors
q u ’une volonté contraire a été exprimée, c’est-à-dire,
lorsque le don a été fait en préciput.
Comment d ’ailleurs supposer q u ’un père, qui a
versé ses bienfaits sur l ’un de ses enfans, ait voulu
le dispenser de lui en* tenir com pte, lui permettre de
�(
27 )
l'accuser de ne pas avoir rempli ses devoirs, et lui
laisser le droit de faire réduire ses autres dispositions,
et de demander une légitime entière comme s’il n ’avait
rien reçu?
9
L ’action en réduction n ’est accordée à l ’enfant, que
comme un secours contre l ’injustice ou l ’aveuglement
du père, et comme un moyen de réparer les torts
de celui-ci. Si le père a été juste et éclairé, si l ’on ne
peut lui reprocher aucun tort, il n’y a pas de répara
tion à ordonner, et l ’action en réduction disparait.
Enfin le droit des enfans à la réserve est un droit
sacré, sans doute; mais celui des pères sur le surplus
de leurs biens est également respectable; et ne seraitce jias l ’anéantir, que d ’autoriser l ’enfant, déjà comblé
des bienfaits de son père^ à disputer encore à un tiers
une faible partie de la quotité disponible?
C ar quel serait l ’efFet d’un tel système?
L e père de deux enfans, après avoir leur donné
entre-vifs les neuf dixièmes d ’une grande fortune ,
ne pourrait cependant disposer à son gré du dixième
qui lui resterait. Il serait tenu d’en réserver les deux
tiers aux deux enfans déjà si riches de ses libéralités.
Une telle conséquence, résultat nécessaire de l ’opi
nion de M. Mollin , en rend l ’erreur palpable.
Aussi les auteurs nouveaux ont-ils reconnu le prin
cipe de l ’im putation, en l ’appliquant à la réserve
comme les auteurs anciens l’appliquaient à la légitime.
M. Malleville , dans sou Analise du Code civil >
�( ^8 )
enseigne celle doctrine, précisément sur cet art. 857,
q ui a fourni à M. Mollin son principal argument.
Voici comment s’exprime ce magistrat, q u i, comme
011 le sait, a concouru à la rédaction du Code :
« Si un enfant prétendait faire retrancher une do« nation ou un legs , comme ne trouvant pas sa légitime
« ou sa réserve dans les biens libres, sans doute les
« légataires ou donataires seraient en droit d ’obliger
« cet enfant à tenir compte de ce q u ’il a reçu; mais
« ce n’est pas Iti ce q u ’on entend par rapport. »
Les auteurs des Pandectes françaises énoncent la
même opinion sur le même article 8^7 :
« Il y a cependant un cas où il se fait une sorte de
« rapport par l’hérilier donataire à d ’autres qu a des
« cohéritiers : c’est celui où il demande le retranche« ment des legs ou des donations, pour compléter sa
« légitime. Comme il doit alors imputer sur sa légi« lime les choses q u ’il a reçues lui-même, et que les
« legs ou donations ne souillent de retranchement
« que pour ce qui manque sur sa légitime après cette
« imputation , l’enfant donataire fait une espèce de
« rapport de ce qui lui a été donné, aux légataires
« et donataires étrangers, quoiqu’ils ne soient passes
« cohéritiers. »
lie savant auteur du dernier Traité des Donations
et Testainens, distingue aussi les principes qui con
cernent l’action en réduction d ’un legs universel, pour
le parfournissement de la légitim e, de ceux qui ont
�( . » ,
r t f :
traitl simplement au rapport. On remarque clans sa
dissertation les expressions qui suivent :
« Dans le cas de la demande tendant à faire distraire
« d ’un legs universel la portion nécessaire pour com« poser la légitime, il n ’est pas un au teu r, au moins
« de ma co n n a issa n ceq u i n’ait enseigné, en s’expli« quant d ’après les principes mêmes dans lesquels le
« Code civil est con çu, que tout ce qui était donné
« par le défunt à celui qui réclame une légitime par
« voie de réduction , devait être imputé sur cette
« légitime, même quand la demande en réduction ou
«
«
«
«
«
retranchement pour la légitime (ce qui doit avoir
lieu aujourd’ hui pour la réserve) serait dirigée
contre un étranger qui serait légataire universel. Ce
q u i, dans ce cas particulier, exclut l'application .des
principes concernant les rapports, c’est la nécessité
« de concilier le droit de disposer, accordé par la lo i,
« avec le devoir q u ’elle impose de laisser une partie
« de ses biens à quelques-uns des héritiers. Si ce
« devoir est rempli en entier, la disposition ne doit ’
« être réduite que proportionnellement à ce qui peut
« manquer pour compléter la réserve (i). »
Cette uniformité d ’opinions démontre la vérité de
la règle de l’imputation; elle est en harmonie d ’ailleurs
avec les lois,’ les autorités et la jurisprudence, qui ,
( i ) Voir le Traite des Donations, par M . G re n ie r , édition i u - 4 ° >
tome 2 , page
334 -
�1 ^
( 3o )
dans l ’ancien droit, obligeaient le légitimaire a déduh'e
sur sa légitime les dons q u ’il avait reçus. O r, l ’on sait
que les lois anciennes et nouvelles se prêtent un mu.tuel secours pour la décision des cas non expressément
prévus par l ’une des législations. Leges priores ad
posteriores trahuntur et è contra. On se rappelle aussi
la maxime que nous avons déjà citée : In casibus
omissis deducenda est norma legis à sim ilibus.
Mais dans la cause, on pourrait se dispenser d ’avoir
recours aux règles générales, qui ne sont nécessaires
que dans le silence des actes de libéralité.
E n effet, la question est décidée par le contrat
même qui contient la constitution de dot.
On se rappelle les termes de cette constitution.
D ’un côté, le sieur Peyrachon père avait stipulé
q u ’une partie de la dot ne serait payable q u ’après
son décès, ce qui indiquait assez q u ’il ne la donnait
que pour tenir lieu à sa fille des droits q u ’elle aurait
un jour dans sa succession,
D ’un autre côté, il exigea d ’elle une renonciation «
tous scs droits le'gitiniaires paternels et maternels.
N ’était-ce pas interdire formellement à la daine Mollin
le droit de réclamer une portion de la réserve légale?
N ’était-ce pas lui annoncer clairement que son père
entendait disposer du surplus de ses biens, sans q u ’il
lui fut permis d ’attaquer les dispositions?
La dot fut le prix de la renonciation. Comment la
dame Mollin pourrait-elle conserver la dot, et rétracter
la renonciation? Si elle refuse d’exécuter la convention,
�n ’est-il pas juste q u ’elle en restitue le prix ; q u ’elle le
rende au patrimoine du père, dont il avait été tiré,
ou q u ’elle l ’impute au moins sur les droits légitimaires
q u ’elle avait promis de ne jamais réclamer?
Ainsi la loi du conti’at de mariage suffirait pour
décider la cause, et pour faire rejeter les prétentions
exagérées de la dame Mollin.
Combien ne doit-on pas être surpris de la double
erreur des premiers juges? Ils ont méconnu tout à-lafoiset les règles ordinaires de l’imputation, qui devaient
dicter leur jugem ent, et la convention écrite, qui ne
permettait pas a la dame Mollin de retenir sa dot en
réclamant ses droits légitimaires! Cette erreur est trop
grave pour ne pas être réparée par la Cour.
Les motifs que nous avons développés peuvent s’ap
pliquer à l ’imputation de la valeur réelle du domaine
de Naute, comme a celle de la partie de la dot qui a
été payée en argent.
S ’il est v r a i, comme on l ’assure, et comme cela
paraît avoir été reconnu par toutes les parties, que ce
domaine fut d ’un prix beaucoup au-dessus des 12,000 fr.
pour lesquels il a été délaissé, la plus-value doit aussi
être imputée sur les droits légitimaires de la dame
Mollin.
E n valu dirait-on que le domaine a été délaissé h
M. Mollin, non à son épouse, et q u ’il n ’appartient
pas à celle-ci.
Plusieurs réponses écarteraient l ’objection.
i° Elle n’est pas justifiée; car l ’acte de délaissement
�n ’est pas rapporté. Il ne paraît pas même q u ’il ait été
produit en première instance; et cependant il serait
important à connaître ;
20 L e délaissement f u t - il fait au m ari, s’il y a
vilité dans le p r ix , et si l ’on doit considérer la plusvalue comme une vraie libéralité, au moins doit-on
reconnaître aussi que c’est envers sa fille, et non en
vers M. M ollin, que le sieur Peyrachon aurait entendu
se montrer généreux; q u ’ainsi la libéralité devait être
attribuée à celle-ci, et par conséquent être imputée
sur les droits q u ’elle réclame ;
3 ° C e t t e i m p u t a t i o n s e r a i t d ’ a u t a n t p l u s équitable,
que si le père, par un délaissement d ’immeubles , a
réellement augmenté la dot promise, il n ’a fait à sa
fille et à son gendre cette seconde libéralité, que parce
q u ’il a pensé qu e, fidèles à remplir la condition à
laquelle ils s’étaient soumis, ils ne réclameraient pas
leurs droits légitimaires.
A ujourd’hui q u ’ils se jouent de cette condition ,
pourquoi conserveraient-ils l’avanlage de la plus-value
du domaine que leur a cédé le sieur Peyrachon père?
Ce domaine, comme la dot payée en a r g e n t , doit être
réuni à la masse du patrimoine pour déterminer la
quotité disponible, sauf, après la fixation de celte
q u o tité, à ]\I. Mollin et à son gendre, à retenir l’ar
gent cl le domaine, en les imputant sur le tiers qui leur
revient dans le patrimoine entier.
Mais n’ordonner l ’estimation du domaine de N aule,
comme le porte le jugement dont est appel, (pie pour
�diminuer le don fait au légataire, c ’est blesser à-lafois et les règles du juste, et l ’intention* évidente du
sieur Peyrachon père.
Quoique principalement dirigée contre la dame
M ollin, la discussion à laquelle nous nous sommes
livrés s’applique aussi au sieur Peyrachon son frère.
Si la dame Mollin doit imputer sa dot sur sa portion
dans la réserve légale, c’est-à-dire sur le tiers du pa
trimoine du père, son frère ne doit pas lui-m êm e
obtenir la moitié de cette dot et le tiers du surplus
des biens; car il aurait plus que la loi ne lui attribue,
et le légataire serait privé d ’une partie de la quotité
disjionible.
L e jugement doit donc aussi être réformé à l ’égard
du sieur Peyrachon fils.
Au reste, celui-ci avait approuvé le testament, et
l ’avait même exécuté , en 1 se mettant en possession
du legs qui lui avait été fait pour sa portion dans la
réserve légale. Cette circonstance présente un moyen
de plus contre la décision du tribunal d ’Issingeaux.
Il serait superflu de réfuter l ’application d ’un
arrêt de cassation, du 3 o décembre i8 i( î, cité dans
les motifs du jugement. L ’arrêt est étranger à la
cause. Il d é c i d e que le légataire d ’une quote déter
minée , c’est-à-dire du quart des biens de la suc- *
cession j
ne peut exiger le rapport des dots ou des
avancemens d’hoirie, pour prendre le quart, même
des objets rapportés.
5
�( 34 )
La difficulté n ’était pas celle qui nous occupe. Il
s’agissait d ’un rapport r é e l, qui tendait à priver les
donataires antérieurs d ’une partie de la chose donnée,
et non d ’une réunion fictive, destinée seulement à
faire connaître la quotité disponible. L e légataire
n ’était pas attaqué en réduction;
au contraire, il
voulait augmenter le legs, du quart de tous les dons
précédemment faits. Ce n’est donc que par confusion
de principes, que l'on a pu assimiler les deux questions.
Egarés par les règles sur les rapports , les premiers
juges n ’ont pas remarqué q u ’ils se jetaient dans une
fausse route, et q u ’ils avaient à juger seulement une
question de réduction.
Ils ont oublié q u ’un legs,
quelque considérable q u ’il f û t , ne devait pas être
r é d u it, s’il n’exçédait point la quotité disponible. Ils
se sont mis en opposition directe avec le texte même
du droit français, qui ordonne la réunion des biens
donnés aux biens existans lors du décès du testateur,
pour calculer la valeur de la quotité dont il lui était
permis de disposer. Ils ont ignoré aussi ce grand
principe d ’équité et de justice, qui ne permet pas aux
enfans d ’attaquer les dernières volontés d ’un père,
lorsque celui-ci n ’a pas négligé lui-même scs devoirs,
et lorsqu’il leur a payé la dette de la nature et de la
loi. E n fin , méconnaissant le vœu de la législation
n ou velle, qui
protège également , et le droit des
enfans à la réserve q u ’elle a é ta b lie , et la faculté
de disposer accordée aux pères, mais restreinte dans
de justes bornes, ils ont créé un système qui rendrait
�(3 5 )
■ ■w
cette faculté illusoire, et qui autoriserait les enfans,
quoique enrichis, par les bienfaits du père, de la plus
grande partie de son patrimoine, à faire réduire à
son décès les libéralités même les plus modiques,
dictées par l'affection ou commandées par la recon
naissance.
Me ALLEMAND, Avocat.
M* GAYTE-LARIGAUDIE, Licencié-Avoué.
R I O M , I M P R I M E R I E D E S A L L E S , P R È S L E P A L A I S DE J U S T I C E .
-
,
■r
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Rocher, Jean-Martin. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Gayte-Larigaudie
Subject
The topic of the resource
legs
partage
légitime
quotité disponible
réduction
experts
réserve héréditaire
gain de survie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Jean-Martin Rocher, négociant, habitant de la ville de Tence, arrondissement d'Yssingeaux, en qualité de subrogé-tuteur de Jean-Pierre Peyrachon, fils mineur, habitant de la même ville, appelant ; contre dame marie-Geneviève Peyrachon et monsieur Jean-Antoine Mollin, juge au tribunal civil d'Issingeaux, son mari, de lui autorisée, habitans de la Ville d'Issingeaux, intimés ; et contre sieur Jean-Pierre Peyrachon, rentier, habitant en la ville de Tence, aussi intimé.
Table Godemel : Legs : 5. le légataire de la portion disponible peut-il, n’étant pas héritier à réserve, exiger que les héritiers qui ont reçu des dots en avancement d’hoirie, en fassent le rapport par voie d’imputation ? est-il réduit à prendre la portion disponible calculée sur ce qui reste dans les mains du donateur au moment de son décès ?
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
An 13-1822
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
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BCU_Factums_G2519
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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BCU_Factums_G2520
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Tence (43244)
Yssingeaux (43268)
Le Chambon-sur-Lignon (43051)
La Naute (domaine de)
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r it- w t iê jn u r iïp *
aimjBmwniaiJN
MEMOIRE
COUR ROYALF,
DE RIOM.
P O U R MM. J a c q u e s S O U B R A N Y D E B É N IS T A N T
et P i e r r e F A R R A D E S C H E D E S R O N Z IÈ R E S ,
Appelans et Défendeurs en garantie ,
I ro CH A M B R E .
C O N TR E
M onsieur
A
B E R A R D D E CH A Z E L L E S L A B U S S I È R E S ; intimé ;
n t o in e
C o n t r e Madame d e CH A M P È T I È R E S , veuve
de M . P e n a u t i e r épouse en secondes noces }
d e M . R AMOND tuteur des mineurs de P e n a u t i e r ,
,
intimés;
E t c o n t r e Dame M a r i e - C a r o l i n e L A C O S T E
veuve de M . Jean-Jacques R i x a i n , docteur en
médecine tutrice de ses enfans mineurs , aussi
intimée et appelante.
,
,
M u l t i l i t i g a n t in f o r o n o n ta m u t a l i q i u d
c o n s e q u a n t u r , q u a m u t a l io s v e x e n t a t q u e m o le s te n tt
S i les contestations judiciaires sont, pour la plupart
des hommes, une source de déplaisirs, il en est qui pa
raissent y trouver de secrètes jouissances. On serait au
^
�(■ )
moins tenté (le le croire, à leur empressement à re
chercher des procès.
Telle est l ’idée morale que présente cette cause.
Ses questions sont nombreuses et compliquées.
L a principale roule sur la préférence à accorder à
l ’ un des deux acquéreurs du même immeuble. Sera-ce
au premier, dont l ’acte était seulement sous seing
p r iv é , mais a été exécuté par une possession réelle ?
Sera-ce au second, qur, connaissant la vente déjà faite,
ù obtenu d ’un fondé de pouvoirs, duquel elle était
ignorée, une seconde vente par-devant notaire?
D ’autres q u e s t i o n s n a i s s e n t J e l ' i n s u f f i s a n c e des
pouvoirs du mandataire, de la circonstance que l’objet
vendu était indivis entre plusieurs personnes, et de la
confiance absolue, autant que m éritée, que tous les
co-propriétaires
s’étaient empressés
souvent de té
moigner à ceux d ’entr’eux qui ont été les premiers
vendeurs.
A ujourd ’hui cependant , abandonnés par ceux-là
même qui leur firent de nombreuses protestations ?
ces premiers vendeurs sont traduits devant les tribu
naux-, a t t a q u é s , d ’ un côté, d a n s leur ouvrage; som
més, de l ’autre, de le s o u t e n i r ex po sé s à une garantie
onéreuse; contraints de se livrer aux longs désagrémens d ’une lutte judiciaire entre deux adversaires
ennemis l’un de l ’autre, et qui paraissent également
décidés à ne se faire aucune concession.
Si la décision des premiers juges pouvait être con
firmée, MM. de Bénistant et des Ronzières seraient
�(3)
les seules victimes cl’une contestation q u ’ils n’ont ni
pu prévoir ni pu empêcher.
Mais les règles du d roit, les circonstances, les con
sidérations, enfin les moyens les plus puissans pa
raissent s’unir pour faire réformer cette décision.
F A IT S .
L a succession de la dame de Chazcrat avait donné
lieu à un long procès. De nombreux héritiers testa
mentaires s’étaient réunis pour défendre les dernières
volontés de leur bienfaitrice. Parm i eux, on remar
quait la famille de Bénistant et la f a m i l l e d e B c y u a guet. L eu r origine otuit la uieuie, et leurs di’oits à la
succession étaient égaux.
Mais la famille de Beynaguet, fixée depuis long-tems
dans le Languedoc, ne pouvait pas, à cette distance,
donner à des difficultés extrêmement sérieuses toutç
l ’attention q u ’elles méritaient. Dès les premiers instans, ils engagèrent leurs parens de R io m , et sur-tout
MM. de Gromond et de B énistant, à accepter toute
leur confiance.
L a famille de Beynaguet se divisait en trois branches ;
l ’une était représentée par la dame M a d e l e i n e B e y n a
g u et, veuve Des V o i s i n s ; l ’autre, par la dame Rose
Françoise Beynaguet, veuve de Mallaret; et la troi
sième, par M. Beynaguet-Saint-Pardoux de Penautier.
Leurs procurations furent envoyées k M. de Bénis
tant en février et mars 1806. Ces procurations étaient
�( 4 )
■
des plus étendues; elles autorisaient à demander par
tage, à compromettre, traiter, transiger, vendre ou,
donner tous consentemens au x ventes qui auraient
été ou qui seraient faites par les autres cohéritiers.
Cependant le procès principal se termine.
Les cohéritiers connaissaient tous les soins q u ’y
avaient apportés MM. de Bénistant et de Gromond.
Plusieurs lettres de remerciement leur furent adres
sées. M. de Penautier, dans des lettres du i er mars
1812
et du 12 août i 8 i 3 , en exprimant à M. de
Gromond sa reconnaissance pour ce q u ’il avait déjà
l a i t , en le priant, e n son n o m e t e n celui de ses pa
rens , de veiller à leurs intérêts com m uns, lui rappelle
les procurations q u ’a reçues M. de B én istan t, où il
cro it, d it-il, que tout est spécifié
.
Bientôt après, M. de Penautier décède. Sa veuve,
aujourd’hui madame de Ramond, fait écrire à M. de
Gromond pour lui annoncer la perte q u ’elle vient
d ’éprouver ; le prier de lui faire connaître l ’état dans
lequel se trouvent leurs affaires ; lui demander ce
q u ’elle doit faire, et l ’inviter à lui envoyer un mo
dèle île procuration.
Sur sa réponse, M.
de G r o m o n d
reçut,
le 10 mai
1 8 1 4 ? une procuration en blanc de madame de Pe
nautier.
L a veuve Mallaret était aussi décédée; et ses trois
cnfans adressèrent aussi 'des procurations à M. de
Gromond.
�'( 5 )
Enfin , madame veuve Des Voisins lui en envoya
une nouvelle.
A chaque le ttre , nouveaux remerciemens, nouvelles
protestations de confiance absolue.
L e partage de l ’hérédité se termina en i 8 i 6 . U n s e u l
lot fut fait pour les deux familles de Beynaguet et de
Bénistant. La terre de Saint-Agoulin leur fut attribuée
en commun. Cette terre se composait de plusieurs
domaines, dont le plus considérable est le domaine
de Neufonds, objet du procès actuel.
Instruits de ce résultat, les divers membres de la
famille de Beynaguet manifestèrent, dans plusieurs
lettres à M. de Gromond, l e ur s désirs f f u o Ja t c n ' C do
S a i n t - A g o u l i n f û t vendue.
Dans une lettre du 12 avril 1 8 1 6 , la dame veuve
Des Voisins- s’exprimait ainsi :
« Nous nous en rapportons entièrement à l ’opinion
« de M. de Bénistant.
« Nous nous bornons seulement
« naître que
h
vous faire con-
nos intérêts sont qu ’il fût
possible
« d’obtenir la vente de la portion qui revient bi notre
« maison , soit séparément, soit conjoijilement avec
« la maison Bénistant.
« J ’ose me flattei’ , M onsieur, que vous voudrez
' « bien ajouter à votre obligeance la continuation des
« soins que vous avez bien voulu vous donner jusqu’ici. »
Dans une autre lettre du 3 o septembre suivant,
madame Des Voisins ajoutait ;
�« J’ai envoyé dans le tems ma procuration. Je vous
« prie de croire que j e trouverai bon tout ce que
« vous fe r e z . »
A la même époque, madame de Ramond tenait un
langage semblable. E lle écrivait, le 14 avril 1816 :
« J’ai l ’honneur de vous remercier de tous les soins
« que vous voulez bien vous donner. Je vous prie de
« vouloir bien les continuer, et de faire pour le mieux.
« Je m'en réfère d ’avance à tout ce que vous fe r e z .
« J’ai fait passer à M. Pinatelle une procuration, et
« lui ai dit de se concerter avec vous, pour tirer tout
« 1 avantage p o s s i b l e de ce q u i c o n c e r n e r a notre famille.
« Madame Pes Voisins aura sans doute r é p o n d u à
« votre lettre. Je suis persuadée que nous ne divisons
« pas d ’opinion ; q u ’elle est d ’avis que la vente de la
« terre qui est échue dans notre lot s’eiTectue, dès
« que cela doit nous être plus avantageux. »
M. de Mallaret écrivait dans le même sens, le 5 mai
18 17 .
Alors M . de G rom ond, M. de Bénistant et M, Pina
telle, fondé de pouvoir de la dame de Ram ond, so
concertèrent pour vendre la terre de Saint-Agoulin.
On nç mancj^ie pas cle p r e u v e s de cet a c c o r d , si sin
gulièrement rompu depuis.
L e 4 décembre
1816,
M. P in a te lle,
écrivant à
M , de G rom ond, et lui annonçant son prochain voyage
à Riom , lui disait : « Nous prendrons ensemble le
« parti que vous croirez
« tous. >t
le plus avantageux pour
�I
Une autre lettre du i 5
<i suis bien d ’aviâ de faire
« si l ’on en trouve un prix
7
janvier 1817 portait : « Je
afficher Suint-Agoulin, e t ,
raisonnable, de le vendre. »
Des affiches furent, en effet, apposées en divers
lieux , et notamment à Gannat et à R io m , villes
dans l ’arrondissement desquelles étaient situés les
biens. Elles étaient faites au nom de tous les copro
priétaires ; elles indiquaient MM. de Bénistant et de
Gromônd père, comme plus particulièrement chargés
de négocier et de faire les ventes.
Les affiches 11e produisirent pas d ’abord tout l ’effet
q u ’on en attendait.
M. de Bonnevic se présenta cependant pour acquérir
une partie de la terre de S ain t-A gou lin , c’est-à-dire
le château et plusieurs domaines; mais ses offres étaient
au-dessous du prix de l'estimation, et les négociations
furent traînantes.
Prévenu des offres de M. B on n evie, M. Pinatelle
écrivit à M. de G rom ond, le 9 aoiit 1817 :
« L e ia du courant je me rendrai à R iom , et nous
« arrêterons ensemble le dernier prix auquel 011 peut
« abandonner Saint-Agoulin -, mais soyez bien per« suadé d ’avan ce, que ni moi ni M. de R a i n o n d
« 11’avons envie de contrarier , et que nous nous rçtn« gérons toujours du sentiment des autres cohéritiers. »
M. Pinatelle vint à Riom, comme il l ’avait annoncé,
Le dernier prix fut arrêté avec lui. M. de Bonnevie
en fut prevenu : il y acquiesça; et un jour fut fixé
�pour consommer la vente en présence de M. Pinatelle et
de tous les autres intéressés, ou de leurs fondés de pouvoir.
Au jour indiqué , la vente est rédigée. U ne partie
du prix est comptée par M. Pinatelle lui-même. Mais,
au moment où tous allaient signer, on s’aperçoit q u ’il
y a quelque légère omission dans les procurations des
membres de la famille de Beynaguet, dans celle même
dont était porteur M. Pinatelle. On convient de sur
seoir à l ’acte a u th en tiq u e, de demander d ’autres pro
curations, et de faire, en attendant leur arrivée, unq
vente sous seing privé, signée seulement par ceux des
héritiers qui habitaient Riom.
■
%
Cependant la procuration de madame de Ramond
arriva la première. E lle est datée de Paris, du 5 février
1818. E lle avait été demandée pour consommer, avec
les autres cohéritiers, la vente déjà arrêtée avec M. de
Bonnevie. L a lettre que dut écrire alors M. Pinatelle
à M. de Ramond en ferait fo i, si elle était produite.
C ette procuration est donnée par la dame et le sieur
de Ram ond, comme cotuteurs des mineurs Pen au tier,
« p ou r se réunir a u x copropriétaires des mineurs do
de P e n a u tie r, relativement aux biens
« composant la succession de madame de C h azerat;
« Beyn ag uet
« lesdits biens consistant, entr’autres choses, dans la
« terre de S a in t-A g o u lin .............. Vendre à telles per« sonnes, et aux p rix , charges, clauses, et aux condi« tions les plus avantageuses, les portions revenantes
« auxdits mineurs de P e n a u tier, dans la terre de
« S ain t-A g oulin 3 et les dépendances. «
�T
On verra bientôt que l ’on a fait du mandat un
usage contraire à ses termes et à sa destination.
M. de Bonnevie n ’avait pas acquis le domaine de
Neufonds et des bois voisins.
Les cohéritiers reconnurent q u ’il serait avantageux
de vendre les bois et le domaine en masse, et ils en
fixèrent le prix à 60,000 francs et à Go louis d ’épingles.
Plusieurs concurrens se présentèrent, et parmi eux
M. de Chazelles-Labussière, qui d ’abord s’était pro
posé de n’acheter que le domaine. L e prix lui parut
trop élevé : c’est au moins ce q u ’il répondit à M. Ilébrard
père, un des négociateurs de la vente.
Sur ces entrefaites,' le sieur
Rixain se ren<l c h e z
4>
M- Ilébrard, notaire* il oflre le prix demandé, mais
il vqut q u ’un acte soit fait sur-le-champ. M. de Bénistant et M. de Gromond des Ronzières sont prévenus
(M. de Gromond père était absent.) : que devaientils faire? Le prix convenait; les intentions de tousles
cohéritiers étaient connues; leur harmonie n ’avait
jamais été troublée. M. de Bénistant était porteur
des anciennes procurations de 1806; il avait reçu aussi
de fréquentes protestations de confiance et de consen
tement à ce qui serait fait. Il crut devoir, avec M. de
G r o m on d fils, consentir à un acte de vente sous seing
privé, en se portant f or t pour tous les cohéritiers.
L ’acte resta en dépôt chez M. Hébrard, en atten
dant l ’arrivée des procurations qui avaient été de
mandées. Cependant M. de Ghazelles , prévenu de la vente
2
�'ÏP
qui avait été faite,
se rend à Riom ; il en parle à
M. de Gromond des Ronzières, qui lui confirme son
existence, en lui indiquant le dépositaire. Il se rend
chez M. Iïébrard , qui lui montre l ’acte sous seing
privé, et qui lui parle des procurations que l ’on at
tend pour passer l ’acte authentique.
M. de Chazelles se retira, mais après avoir invité
M. Hébrard à offrir 6000 francs à M. Rixain pour
l ’engager à se départir de la vente.
L e 20 février,-à C lerm o n t, il fait faire la même
proposition par l ’intermédiaire des personnes les plus
respectables.
Tous ces faits sont constans.
Mais le sieur de Chazelles et le sieur R ix a in , voisins
de campagne, étaient depuis long-tems peu d ’accord.
Les offres furent refusées; et ce moyen honnête de
satisfaire son désir n ’ayant pas réussi au sieur de
Chazelles, quelle fut sa ressource?
Il nous la fait connaître lui-même dans ses écrits.
Considérant q u ’i l ne lu i convenait p lu s de revenir
auprès de M M . de Grom ond (car jusqu’alors, dans ses
négociations,’ il ne s’était adressé q u ’à eux); et désespévant de les faire revenir de la préférence qu ils don
naient à M . R ixain j il entra en marché avec le sieur
P in a te lle , fo n d é de pouvoirs des sieur et dame de
Jlamond.
E n effet, le sieur Pinatelle avait reçu la procuration
demandée pour la vente convenue avec M. Bonnevie.
Instruit de cette circonstance, M. de Chazelles se trans-
�( ■> )
porte auprès de lu i, à Courpières; et, lui laissant tout
ignorer, il obtien t, de son erreur sans dou te, la
vente de la moitié du domaine de Neu fonds, de la
moitié seulement, quoiqu’il se fût toujours présenté
pour tout acquérir. L a vente fut passée le 22 février,
devant Gondres, notaire à Courpières.
Ce trait est facile à juger.
Il parut révoltant à
M. Rixain. Personne n’ignore les scènes de violence
auxquelles il donna lieu.
M. de Chazelles se jugeait moins sévèrement. A ce
q u ’il avait déjà fa it, il crut pouvoir ajouter une dé
marche au moins étrange : il vint proposer à M. de
Gromond père, qui avait reçu les procurations n o u
v e l l e s , cio les l u i c o n f i e r , poui qu il achctat le surplus,
du domaine, afin de détruire ainsi l ’acte du sieur
Rixain. On devine aisément quelle fut la réponse.
Cependant M. Rixain fait enregistrer sa vente le
4 mars. Il était en possession* Il attendit l ’attaque
judiciaire.
E lle ne tarda pas.
Par cédule en conciliation, du 19 mai 18 18 , M. do
Chazelles demande, contre M. R ixain, à être main
tenu daus la possession de la moitié du domaine qui
lui a été vendue.
A u b u r e a u de p a i x , le si eu r R i x a i n rappela tous les
faits,
la connaissance q u ’av ai t le sieur de
Chazelles
de la première v e n t e , les propositions q u ’il l u i av ai t
faites, et l ’ignorance dans l aque ll e
il a v a i t
‘sieur Pinatelle pour obtenir la seconde vente.
laissé
le
�17
( ■* )
Que pouvait répondre le sieur de Chazelles? Il se
borna à dire q u ’il se réservait d ’expliquer ou de recti
fier les faits devant qui de d r o it, et demanda le par
tage du domaine.
L ’affaire est portée devant les tribunaux.
MM. de
Bénistant et de Gromond y sont appelés par leurs
vendeurs; madame e tM . Ramond par le sieur Chazelles.
Cependant les autres cohéritiers, prévenus de cet
incident, en témoignent leurs regrets à M. de Bénisnistant, auquel ils déclarent s’en rapporter absolument.
Dans une lettre de madame Des V oisins, on re
marque ces e x pr e ss ions : « Je m e b o r n e r a i donc , mon
« cher cousin, à vous dire que je tiendrai pour fait
« tout ce que vous ferez. »
E n 1820 , M.
de Mallaret écrivit ainsi : « Mes
« sœurs et moi nous nous en rapportons parfaitement
« à ce que vous croirez devoir faire dans cette cir« constance. Notre confiance en vous est entière. »
Long-tems a van t, et dès le commencement de l ’an
née 18 18 , M. de Mallaret et ses sœurs avaient, ainsi
que la dame Des V oisin s, envoyé à M. de Gromond
de nouveaux pouvoirs des plus étendus. Ils s e r v i r e n t
à passer d e v a n t n o t a i r e l a v e n t e f a i t e ¿1 M. de
Bonnevie.
L ’acte authentique eut lieu le 22 mai 18 18 ; il est
signé par tous les copropriétaires, ou par leurs procu
reurs fondés, à l’exception de M. Pinatelle, qui ne
voulut plus y prendre part.
D epuis, madame et M. de Ramond ont hésité, ont
�écrit des lettres vagues, et ont fini j:>ar se réunir à
M. de Chazelles.
Devant le tribunal et dans des écrits respectifs, les
faits ont été développés. La plupart ont été reconnus
par M. de Chazelles lui-même.
A l ’audience, ils ont été répétés en sa présence;' il
n ’a pu en désavouer aucun; et le tribunal a du consi
dérer comme certain q u ’il connaissait la première vente
lorsqu’il a obtenu la seconde.
Cependant celle-ci a été m aintenue, par jugement
du 10 mai 1820.
L e tribunal a pensé,
Que tout héritier, avant une demande en partage,
pouvait von dre clos iiiimeu/jles jusqu u. concurrence de
la valeur de son lot ;
Que la vente faite par le sieur Pinatelle avait été
approuvée et ratifiée par les sieur et dame de Ramond,
qui s’étaient , dans la cau se, réunis au sieur de
Chazelles ;
Que la vente sous seing privé n’avait de date cer
taine, à l ’égard du sieur de Chazelles, que du jour
de l ’enregistrement, c'est-à-dire douze jours après la
Vente authentique faite à celui-ci;
Que les sieurs de Bénistant et de Gromond n ’avaient
pas le droit de v e n d r e au s i e u r Jtixain, puisque, de
leur propre aveu , ils avaient vendu antérieurement
des immeubles de la succession , au-delà de leur
amendement ;
Q u ’en considérant la vente faite au sieur Rixain
�(
>4 )
comme existante et comme connue du sieur de Chazelles, il en résulterait seulement que le sieur de
Chazelles avait acheté du 'véritable propriétaire , qui
seul avait le droit de vendre la moitié du domaine,
qu’il savait avoir été vendu précédemment par deux
personnes qui navaient ni droit ni qualité pour vendre ;
Q u ’il n ’était pas vraisemblable que le domaine no
pût être divisé en deux portions ;
Enfin q u ’il n ’y avait pas lieu à admettre la subro
gation demandée par les sieurs de Bénistant et de
G rom ond, parce q u ’il ne s’agissait pas de vente de
droits sviccessifs.
E n conséquence , le tribunal a déclaré valable la
vente faite au sieur de Chazelles ; a annullé celle
faite au sieur R ixain , en ce q u ’elle comprenait la
totalité du domaine, et a ordonné le partage de ce
(lomaine, en donnant acte au sieur de Chazelles de
son consentement à ce q u ’on fit échoir tout ou partie
des bàtimens au lot du sieur Rixain.
Il a ensuite condamné MM. de Bénistant et de
G ro m o n d , envers la veuve R ix a in , aux dommages et
intérêts, résultant de l ’éviction q u ’elle souffrait, et
lui a réservé le droit de faire prononcer, sur ce motif,
la résiliation de la vente entière.
C e jugem ent, q u i ,
loin de terminer le procès,
serait un germe fécond de discussions nouvelles, a été
dénoncé à la C o u r , soit par la dame Rixain, soit par
MM. de Bénistant et de Gromond.
L a dame Rixain yeut conserver le domaine entier*
�C >5 )
MM. de Bénistant et de Gromond doivent la soutenir
dans sa juste réclamation.
Mais ne sera-t-on pas surpris que des dommagesintérêts lui aient été accordés.
Les principes et les circonstances signalent le mal
jugé du jugement.
A ne consulter que les principes, l ’action du sieur
de Chazelles était non recevable; au moins devait-il
être sursis à y faire droit, jusqu’après un partage.
A considérer les circonstances, la vente faite au
sieur Rixain devait obtenir la préféreuce.
Au reste, la subrogation demandée pour mettre fin
au procès devait être accueillie.
O n prouvera ces trois proposilions.
On dira ensuite quelques mots sur la garantie.
§ Ier.
1j action est non recevable.
Les premiers juges ont rappelé, comme principe
fondamental de leur décision , une règle que l ’é q u ité ,
plutôt que la lo i, prescrit dans les cas ordinaires,
mais q u ’elle repoussait dans le cas particulier.
« Tant q u ’il n ’a pas élé for me de demande en par
ie tage, ont-ils d it, tout héritier a le droit de vendre
« des immeubles de la succession, jusqu’à concurrence
« de ce q u ’il amende dans les biens de mime nature. »
Nous verrons dans la.suite combien peu était appli-
�( 16 )
calilc à la cause cette maxime introduite seulement
par la jurisprudence.
M ais, eu supposant q u ’on eût dû l ’appliquer, en
conclure que l ’acquéreur avait pu agir en désistement,
et prononcer ce désistement avant le partage de la
succession , c’est une erreur dont la jurisprudence
même n ’offre pas un seul exemple.
Toute la théorie des droits des cohéritiers., sur les
immeubles
d ’une
succession ,
est
renfermée
clans
l ’article 8 8 3 du Code civil. E n voici les termes :
« C h a q u e cohéritier est censé avoir succédé seul, et
« im m édiatem ent, à tous les effets compris dans son
« l o t , ou à lui échus par licitation, et n ’avoir jamais
« eu la propriété des autres effets de la succession. i>
Ainsi la fixation des lo ts , le résultat de la licitation
peuvent seuls faire connaître quel est celui des héri
tiers à qui la propriété de tel ou tel immeuble appai>
tient j et est censée avoir toujours appartenu.
A in si, tant q u ’il n ’y a pas eu partage ou licitation,
la propriété reste in con n ue, incertaine, et même en
quelque sorte suspendue.
De là. deux conLsctjuences :
L ’une, que le cohéritier, q u i , sans le consentement
des autres héritiers, vend un immeuble in d iv is , est
considéré comme vendeur de la chose d ’a u tru i, et
fait une vente nulle.
Cette première conséquence est rigoureuse, mais
elle est vraie -, elle est consacrée par un arrêt dq
�C r7 )
cassation, du 16 janvier 18 10 , dans les termes les
plus forts (1).
L ’autre conséquence est que l ’acquéreur ne peut, au
moins, se présenter et agir comme propriétaire de la
chose acquise, tant q u ’un partage ne l ’a pas placé
dans le lot de son vendeur.
Cette seconde conséquence est plus douce; elle a été
admise par l ’équité, q u i, plus flexible que la lettre
de la loi
se prête davantage à tout ce qui peut
concilier les intérêts divers.
S i , s appuyant sur cette doctrine et secondé par
ses vendeurs, le sieur de Chazelles eût formé une
demande en partage c o n t r e t ou S Jos-coiicVitxcrs j UL^Cllt
e o n c l u à ce q u ’on fit échoir au lot de ses vendeurs la
moitié du domaine des Neufonds, son action eût été
régulière; il n’y aurait eu q u ’à en examiner la légiti
m ité , c’est-à-dire à considérer quels pouvaient être les
intérêts opposés des autres cohéritiers, et à faire véri
fier la facilité de la division par moitié du domaine
de Neufonds.
Il n ’en a pas été ainsi.
L e sieur de Chazelles, armé de son titre , a agi en
propriétaire. Il a assigné, non en partage d ’une succes
sion indivise, qui se composait de p l u s i e u r s objets
mobiliers et i m m o b i l i e r s , m a i s en désistement de la
moitié d ’un domaine isolé; il a formé sa demande, non
contre les cohéritiers de son vendeur, mais contre le
(1) Voir l'arrêt dans le Journal dé Denevers^ yol, de 18 10 , p. i 5a.
3
�( 18 )
sieur R ixalu , qui était en possession du domaine
entier, en vertu d ’une vente que lui avaient faite
d ’autres cohéritiers.
Mais de quel droit a agi le sieur de Chazelles?
Il répondra sans doute que c’est du droit que lu i
ont transmis ses vendeurs.
Mais quel droit avaient ses vendeurs eux-mêmes ?
L e droit de demander le partage général. Ils n’avaient
que ce seul droit j ils n ’ont pu en transmettre un
autre.
L e sieur Rixain était en possession du domaine.
Cette possession , cju’ il t e n a i t de c e r t a i n s des coheri^
tiers, ne pouvait lui être enlevée que par le vrai pro
priétaire. O r ,
ce vrai propriétaire ne pouvait être
connu que par un partage qui aurait placé le domaine
dans le lot d ’un autre que de ceux de qui émanait
le délaissement de la possession.
Personne n ’ignore q u ’entre cohéritiers, il n ’y a que
l ’action en partage. Cette maxime élémentaire a été
appliquée par un arrêt de la première chambre de la
C our de R io m , ren du, le 8 octobre 1811 , contre un
héritier in stitué, qui demandait le désistement d ’ un
objet p a r t i c u l i e r , v e n d u par un l é g i l i m a i r e (i).
A plus forte raison peut-on invoquer la maxime
contre l ’acquéreur qui a acheté ce qui n ’était pas en
la possession de son vendeur, ce que celui-ci n’a pu
lui livrer.
( t)
Voir cct orrôt dans le Journal de la Cour ; h sa date.
�( *9 )
Comment pourrait-il obtenir lo désistement, tant
q u ’un partage n ’aura pas fait connaître s’il est réelle
ment propriétaire de l ’objet réclamé?
L e sieur de Chazelles opposera peut-être q u ’un,
partage est inutile, le surplus des immeubles communs,
ayant été vendu par les autres cohéritiers.
On lui répondra que cette circonstance ne doit pas*
.faire déroger aux principes, par plusieurs raisons.
Il existe, indépendamment des immeubles, d ’autres
objets com muns, tels que les bois d ’Àubusson ; des
rentes et des effets publics; des créances considérables;
en un m o t, pour deux cent mille francs au moins do
Valeurs indivises, qui doivent e n t r e r , avec lac immeu
bles, da n s la masse à diviser; et cette masse entière
doit servir, d ’après la lo i, à fixer les.lots.
D ’ailleurs, comme on le prouvera bientôt,. les autres
ventes ont été%faites du consentement des sieur et
dame de Ramond, avec le concours même de leur fondé
de pouvoir : elles ne peuvent donc, fournir d ’argument
au sieur de Chazelles.
Rien ne prohve, au reste, que ces ventes égalent
en valeur les lots de ceux qui^ les ont signées; rien
ne prouve aussi que l ’acquisition, du sieur de Chazelles
n ’excède pas les droits de ceux q u ’il prétend repré
senter. U n partage seul peut lever les doutes.
C e partage est d ’autant plus nécessaire, que le sieur
de Chazelles se présente avec un titre vicieux, émané
non des vrais cohéritiers, mais de leurs tuteurs ;. car
ce sont les six enfans Penautier, tous mineurs lors de
�( 20 )
la ven te, dont un seul est majeur aujourd’h u i, qui
ont droit aux biens indivis; et la vente a été consentie
seulement par le fondé de pouvoir des tuteurs. O r ,
des tuteurs n ’avaient pas le droit de vendre; et les
cohéritiers ne peuvent être contraints de reconnaître
la validité d ’une vente illégale. Q u ’ils eussent ou non
été disposés à se contenter de la garantie des sieur et
dame de Ramond, si tout eût été fait de concert, on,
ne p e u t, en tenant contre eux une conduite hostile,
exiger q u ’ils courent les chances futures des tracas
series possibles des enfans Penautier. Placés aujour
d ’h u i, par l e u r s a d v e r s a i r e s , d a n s la position fâcheuse
d ’avoir un procès, ils veulent au moins n ’y être plus
exposés à l ’avenir.
U n partage est indispensable aussi pour connaître
si la division du domaine de Neufonds ne nuirait pas
aux intérêts de tous ; si ce domaine «he perdrait pas
de sa valeur; s’il serait facile d ’aliéner l ’autre moitié
du domaine, et Tes bois que la'dame Rixain a annoncé
vouloir abandonner, dans le cas où son acquisition ne
serait pas maintenue en totalité.
L ’intérêt môme de MM. de Gromond et de Bonistant commande ce partage ; car ils prouveront que la
vente faite au sieur Rixain doit avoir la préférence ,
et que l ’objet vendu doit être placé dans leur lot;
et
s’il arrivait que d ’autres immeubles aliénés soient attri
bués au lot des enfans Penautier; si ceux-ci refusaient
de ratifier les ventes, il serait sans doute beaucoup plus
�( 21 )
facile de traiter avec les tiers-détenteurs q u ’avec le
sieur de Qhazelles.
Enfin la loi ordonne le partage; et ce seul mot
répond à tout.
Jusqu’au partage, le sieur de Chazelles est sans
droit, sans action, et le procès imprudent q u ’il a
intenté, ce procès q u ’il a désiré, q u ’il a acheté, doit
tourner contre lui-même. La demande doit être rejetée
quant à présent; et une condamnation aux dépens
doit le punir d ’être venu porter le trouble au m ilieu
d ’une famille q u ’aucune discorde jusqu’alors n ’avait
affligée.
Tel e s t, il sem ble, l ’arrêt cru « las
exacte de la Cour.
■pa r fi os
ont
h.
espérer de la j u s t i c e
Mais, en usant envers le sieur de Chazelles d ’une
indulgence que les circonstances ne sembleraient guère
lui mériter, au #moins la Cour devrait-elle surseoir à
faire droit sur sa demande jusqu’à ce q u ’un partage
eût été fait. Telles ont é té , dans des conjonctures
semblables, les décisions de la C o u r, qui avait à pro
noncer sur un# question de préférence entre deux
acquéreurs du même immeuble vendu par deux co
héritiers différens. L ’un des arrêts est du 23 messidor
an i i ; l ’autre du 9 floréal an i 3 . Ces arrêts se sont
principalement f ond és s ur ce que le partage, comme
déclaratif de p r o p r i é t é , pourrait seul apprendre la
quelle de deux ventes obtiendrait son effet en tout
ou en partie (1).
(1) Voir ccs arrêts dans le Journal de l’an i 3 , pages 335 et 338.
�( 32 )
S II.
D ’après les circonstances, la vente fa ite au sieur R ixa in
devait obtenir la p référen ce.
L a vente faite au sieur Rixain devait être préférée,
Comme la première en date, et en date connue du
sieur de Chazelles.
Comme la première aussi dont l ’existence ait été
légale ;
Comme
suivie de tradition réelle et de la mise en
possession d e l ’ a c q u é r e u r *
Comme faite par des vendeurs légitimes.
Sur la priorité de la date de la vente faite au sieur
R ix a in , il n ’y a q u ’un mot à dire : cette vente est
du 16 février 18185 celle du sieur de Chazelles n ’est
que du 22 du même mois.
Mais on oppose que la seconde vente est authen
tique , et que l ’enregistrement de la première est seu
lement du 4 mars. De là des raisonnemens puisés dans
l ’article 1828 du Code c iv il, relatif^ aux actes sous
privé.
Proposés p a r le
seing
s i eu r
de Chazelles, ces raisonnement
sont-ils bien sérieux?
E n établissant des règles sur la date des actes sous
seing privé, à l ’égard des tiers, le but du législateur
a été de prendre une sage précaution contre les anti
dates. Il a voulu prévenir les fraudes. Mais 011 ne
peut lui supposer l ’intention dç les favoriser.
�(.=3)
Que la date d ’ un acte sous seing prive soit réputée
incertaine à l ’égard des personnes qui l ’ont ignorée,
cela est juste.
Mais que ceux qui ont connu des conventions sous
seing privé, ceux à qui elles ont été communiquées,
qui se sont rendus certains de leur existence, puissent
abuser du défaut d ’authenticité de leur date, pour
surprendre ou obtenir des conventions authentiques
et détruire les premières ; c ’est ce que la morale
blâme hautement, c’est ce que l ’équité condamne ,
c’est ce que la loi ne saurait tolérer. Alienus clolus
nocere cilteri non clebet ( L .
met
.).
i l , if. de doli mal. es
. --- ----
O r , quelle a été la conduite du sieur de Chazelles?
Prévenu, par une lettre de M. D ebard, de la vente
faite au sieur Rixain, il se rend à Riom.
Il y rencontre le sieur de Gxomond des Ronzières,
un des signataires de l ’acte, qui lui confirme l'exis
tence de la vente.
Il se transporte chez le sieur H ébrard , notaire 7 qui
lui fait voir l ’acte sous seing privé, et lui dit que l ’on
attenddesprocurations pour passer un acte authentique.
Il invite alors le sieur Hébrard à offrir au
Oooo francs de bénéfice.
si eur
Rixain
Il emploie plusieurs personnes de Clermçnt pour
faire les mêmes offres.
Tous ces faits sont certains ; ils sont prouvés par les
propres écrits du sieur de Chazelles; ils ont été plaides
�'( » 4 )
et reconnus devant les premiers juges, et le jugement
les considère comme constans.
C ’est après une connaissance aussi parfaite d’une
vente antérieure, après des tentatives réitérées pour y
être subrogé, que le sieur de Chazelles va trouver
clandestinement, à Courpières, loin de R iom , loin de
son propre dom icile, un fondé de pouvoirs étranger,
à l ’ignorance duquel il surprend une seconde vente.
Quel procédé ! Que le sieur de Chazelles Je. qualifia
lui-même.
Nous sommes, il est vrai :
« L y n x e n v e r s no s p a ie ils } et taupes envers nous,
'« Nous nous pardonnons tout. »
M ais, quelle que soit pour lui-même l ’indulgence
du sieur de Chazelles, il est impossible que ses propres
réflexions ne le condamnent,
S ’il se pardonne, au reste, la morale et la justice
seront plus sévères \ elles ne consacreront pas une telle
manœuvre ; elles ne considéreront pas comme la seconde
en-date, à l ’égard du sieur de Chazelles, une vente
q u ’il connaissait aussi bien avant d'acquérir.
Mais l ’acquisition du sieur de Chazelles n ’a eu
meme d ’ e x i s t e n c e , que long-tems après l ’enregistre
ment de celle du sieur Rixain.
E n effet, de qui avait acheté le sieur de Chazelles,
le 22 février i B18 ?
D ’un procureur fondé, dont les pouvoirs restreints
pe l'autorisaient pas à vendre seul aucune partie des
fonds indivis entre les cohéritiers,
�C»s J
On l ’a déjà dit : l ’intention de tous les coproprié
taires du même lot avait été, dès l ’origine du partage,
de se réunir pour vendre les objets communs.
Cette intention, manifestée par une foule de lettres,
n’avait jamais changé; et M. Pinatelle, en recevant
la première procuration des sieur et dame de Ramond,
en avait été prévenu. Aussi madame de Ramond,, en
écrivant à M. de Gromond père, le 14 avril 18 16 ,
s’exprimait-elle ainsi :
« J’ai fait passer ma procuration à M. P in atelle,
.« et lui ai dit de se concerter avec vous. »
Aussi M. Pinatelle a-t-il lui-même souvent annoncé
que tout se ferait de concert. On a déjà rapporté les
expressions de ses lettres, des 4 décembre 1 8 iG ,
5 mai et 9 août 1 8 1 7 ; elles démontrent jusqu’à l ’évi
dence qu ’il ne devait pas, q u ’il ne pouvait pas vendre
isolément.
L a dernière procuration q u ’il r e ç u t , le 5 février
1818 , n ’était pas plus étendue; elle donnait seulement
pouvoir de se réunir a u x copropriétaires des mineurs
fieynaguet, pour vendre les objets indivis.
Ainsi, en vendant seul, le sieur Pinatelle excédait
son mandat. La vente était donc n u lle , comme faite
par une personne sans qualité.
Q u ’importe q u ’elle ait été ratifiée depuis par une
quittance du 3 septembre 18 18 , ou par un acte du
19 juin 1819? L ’existence légale de la vente n ’aurait
lieu que du jour de la l’atiiication expresse ou tacite,
£Jest-à-dire, plusieurs mois après l ’enregistrement de
4
�( 2(5 )
l ’acquisition du sieur Rixain. Celle-ci, sous ce rapport
même, est donc la première en d ate, puisqu’elle est
la première qui émane réellement d ’un des coproprié
taires de lïobjet vendu.
A ux
divers motifs de préférence que l ’on vient
d ’indiquer, le sieur Rixain en joignait un puissant,
tiré de sa prossession.
Tous les jurisconsultes ■connaissent le principe écrit
dans la loi Quotiès cluobus, au Code D e rei ven d icatione.
Quotiès duobüs in solidum prœdium ju r e distrahilur, manifesti ju r is est eum c u i priori traditum
est, in detinendo dominio esse potiorem.
'
Cette règle équitable
était fondée sur l ’intérêt
p u b lic , qui ne permet pas q u ’on puisse troubler des
possesseurs par des ventes secrètes quoiqu’antérieures y
et sur la bonne foi de celui qui avait acquis, dans
l ’ignorance d ’une autre vente dont aucune exécution
n ’avait fait connaître Inexistence.
A u ssi, pour que le.possesseur fût préféré, il fallait
q u ’il eût ignoré la première vente : inscius p r ia is
venditionis.
du droit romain étaient admis dans
le Droit français. On peut consulter Domat ( r ) ?
Ces principes
•Pot.liier (2), et les auteurs les plus recommandables.
Il serait superflu de rappeler ici avec détail leur doc•trine, et la jurisprudence qui l’a consacrée. E lle a déjà
(r) Lois civiles, «lu Contrat «le venie, section 2 , article i3.
(î>.) Potliicr, Trait«; du, Contrat clc ycnlc, n° 3 iy.
�( 27 )
été développée lumineusement dans le mémoire de la
dame Rixain. ■
•
Mais il est nécessaire de prévoir et de réfuter une
objection q u ’on puisera peut-être dans l ’article i 5 8 3
du Code civil.
Suivant cet article, la vente « est parfaite entre les
«
(f
«
«
p a r ties, et la propriété est acquise de droit à
l ’acheteur, à Végard du ven deur} dès q u ’on est
convenu de la chose et du prix, quoique la chose
n ’a it pas été livrée ni le prix payé. »
Quelques personnes croient trouver dans cette dis
position de la l o i , un argument décisif en laveur du
premier acquéreur. L e ven deur, diseut-ils, n ’a pu
vendre une cJios©
uc lui aj^pai tenait plus.
L ’objection-ne s’applique pas à la cause, puisque;
'le sieur Rixain et le sieur de Chazelles ont acheté de
vendeurs différens.
Mais, s’y appliquât-elle, elle serait écartée par
quelques réflexions.
Dans la législation romaine aussi, le simple consen
tement sur la chose et le prix rendait la vente parfaite
entre les parties. E m pdo consensu peragitur} dit la
loi i , in fu i.J f. D e contrah. empt. Em ptio et venditio
conirahitur sim ul atque depretio conveneritj, quant vis
nondum pretium numeratum sit. ('Instit. de em pt. et
vendit. J .
Le défaut de délivrance n’empêchait pas que la
vente ne fût parfaite dès le moment de la convention,
et que la propriété ne fût. acquise de droit à l ’acho-
�teur à l ’égard du vendeur. C ’est pourquoi, par appli
cation de la maxime res périt dom inoj dès l ’instant
du
contrat , la chose était au péril de l ’acheteur,
quoiqu’elle ne lui eut pas été livrée.
P ericu lu m rei venditœ statim ad emptorem pertinet,
tametsi adhuc ea res emptori non tradita est. (Instiu
de empt. et v en d it, § 3 .).
Tous ces principes étaient reçus dans le Droit fran
çais comme dans le Droit romain ( i ) ; et les dispositions,
de l'article 1 58 3 du Code civil n ’en' sont que la
répétition.
Il n ’y a donc pas de m o t i f , aujourd’hui plus
q u ’autrefois, de refuser la préférence à l ’acquéreur
q u i est le premier en possession, lorsque sa bonne foi
le protège.
Remarquons aussi que l ’article 1 5 8 3 du Code dit
seulement que la vente est parfaite entre les parties—
de Vacheteur au ven deur; mais q u ’il ne règle rien
par rapport aux tiers. O r , dans le silence de la loi
nouvelle, c’est aux lois anciennes, d ’où elle émane,
au Droit romain su r-to u t, que l ’on doit recourir ,
comme à une mine abondante des plus sages décisions.
Alors on a p p l i q u e c e t t e m a x i m e si c o n n u e , s ur l ’inter
préta tiou des lois : Leges priores ad posteriores trahuntur, et è contra.
Opposerait-on l ’article 2 18 2 , selon lequel le ven(1) Voyez Domat, Lois civiles, contrai de vente, section 7 , art. 2 ;
Potliier, Traité de la vente, n° 3 o}.
�r
5
déur ne transmet à l ’acquéreur que la propriété et le£
droits qu ’il avait lui-même sur la chose vendue ?
Mais cet article renouvelle seulement l ’axiome an
cien : Nem o p lu s ju r is in alium transferre potest
quam ipse habet. C ependant, malgré cette vérité ,
que personne ne contestait, on reconnaissait q u ’entre
deux acquéreurs qui tenaient leurs droits du même
vendeur, le second, s’il s’était mis en possession,
devait être préféré.
A in si, la législation nouvelle sur les ventes est la
même que la législation ancienne.
Les mêmes raisons, dans le même cas, doivent donc
aujourd’hui faire ¿1¿cUla- l question comme on la
décidait autrefois.
M. Malleville, un de nos législateurs, examine cette
question sur l ’article 2182 du Code civil; et il la
décide en faveur du second acquéreur, qui est le pre
mier en possession, en ajoutant que l ’article 1 583 n’a
rien de contraire à la loi Quotiès.
Si la préférence devait être accordée au sieur Rixain,
comme possesseur de la chose vendue, même en sup
posant qu’il l ’eût acquise après une première vente ,
et du même vendeur, a plus forte raison d o i t - i l l ’ob
tenir lorsque l ’on r e m a r q u e q u e le sieur Rixain a en
sa faveur la p r i o r i t é de la date, l ’avantage de la bonne
foi dans l ’acquisition, et celui d ’avoir acquis d ’un des
copropriétaires de la chose vendue, tandis que l ’acte
du sieur de Chazelles est seulement l ’ouvrage impar*
�(So)
Tait d ’un homme sans pouvoirs, qui a été le jouet de
Terreur et de la surprise.
Mais on a prétendu que les vendeurs du sieur Rixain
n’avaient pas eu le droit de vendre,
L ’assertion est facile à détruire.
Les sieurs de Bénistant et de Gromond avaient un
droit de copropriété à divers objets indivis, et notam-.
ment à la terre de Saint-Agoulin, dont faisait partie
le domaine vendu au sieur Rixain. C e droit de co
propriété suffisait seul pour les autoriser à vendre, et
pour faire maintenir l ’acquéreur en possession, tant
q u ’un p a r t a g e c o n s o m m é n ’ a u r a i t pas attribué à
d ’autres q u ’à ces vendeurs la propriété de l ’objet
vendu.
Il y a plus. Les sieurs de Bénistant et de Gromond
père avaient été autorisés, invités même plusieurs fois
par tous les copropriétaires, à négocier, à arrêter, à
faire les ventes de la totalité du lot commun.
Cela est prouvé par les procurations q u i, dès 1806,
avaient été envoyées à M. de Bénistant; par celles que
reçut, en 18 18 , M. de Gromond pèrej par les fré
quentes lettres q u ’ont écrites, avant et depuis 1818,
les sieur e t d a m e d e Mallare t , la dame v e u v e Des
Voisins^ la dame de Ramond elle-même; lettres dans
lesquelles les remerciemens des soins passés, les solli
citations pour q u ’on les continue à l ’avenir, les invi
tations à vendre les biens com m uns, dans l ’intérêt de
tous, les protestations de confiance absolue sont réilev
térées presque à chaque page,
�( 3i )
Cela est démontré par les lettres mémo du sieur
Pinatelle, fondé de pouvoirs de la dame de Ramond
qui écrivait, peu de tems avant la ven te, q u ’il était
d ’avis de faire afficher Saint-Agoulin ; e t , si l ’on en
trouvait un prix raisonnable, de le vendre; qui assu
rait que ni lu i ni M . de Ramond n ’avaient envie de
co n tra r ier .et q u ils se rangeraient toujours de l ’avis
des autres cohéritiers.
Cela est indiqué par les affiches qui ont précédé
les ventes, affiches qui désignaient MM. de Gromond
et de Bénistant comme seuls chargés de donner les
renseignemens, et de fixer les prix et les termes des
paiemens.
C e l a a e t c r e c o n n u par. le sieur de Chazelles luimême, qui jamais ne s’était adressé à d ’autres q u ’h
MM. de Gromond et de Bénistant, et qui aussi, dans
les qualités du jugement dont est appel, rappelle les
négociations dont avait bien voulu se charger M. de
Gromond père, du consentement de toutes les parties/
et parle de leur confiance absolue en lui.
Enfin cette vérité s’est manifestée encore depuis la
vente faite au sieur R ixain , par les lettres approbatives de tous les cohéritiers, si l ’on en excepte cepen
dant M. de Ramond. Les regrets même que celui-ci
exprima dans les lettres q u ’il écrivit alors, font assez
connaître que s’il n ’approuva pas la vente, c’est q u ’il
se laissa entraîner par la condescendance q u ’il crut
devoir à son procureur fondé.
Com m ent,
d ’après de telles circonstances, n-t-on
�(30
pu hasarder de dire que MM. de Bénistant et de
Gromond n ’avaient pas le droit de vendre?
Comment a-t-on hésité à consacrer une vente, que
les vœux de tous les copropriétaires avaient préparée,
et dont l ’intérêt de tous commandait l ’exécution ?
Supposer que les cohéritiers de la dame de Ramond
avaient épuisé leur capacité, par l ’aliénation faite en
faveur de M. d e B o n n evie, du surplus de la terre de
Sain t-A goulin , c’est commettre une erreur de fait et
une erreur de droit.
XJne erreur de fait : car cette aliénation avait été
arretée en pr é se nc e du s i e u r Pinatelle. Il avait concouru
à la rédaction de l ’acte sous seing privé; il a v a i t luimême compté l ’argent qui fut alors reçu ; il était lié
pour ses mandans, par son consentement et par l ’hon
n e u r, autant que tous les autres cohéritiers. Ces faits
ne seront pas niés; il serait, au reste, facile de les
prouver.
A in s i, la vente sous seing p riv é , faite au sieur de
B on n evie, était l ’ouvrage de tous les cohéritiers ; et
tous auraient du concourir à l ’acte authentique. C ’est
même dans ce b u t , que le sieur Pinatelle demanda
aux sieur et dame de Ramond une nouvelle procurar
tion, plus explicative. C ’est dans ce but., que celte
procuration lui fut envoyée, comme le prouveraient
les lettres de demande et d ’en voi, si elles étaient pro
duites;
comme le démontrent même les termes de
la procuration , qui parle précisément de la terre de
Çiaint-AgouUn, k vendre.
^
�C 33 )
S i , depuis, le sieur Pinatelle et ses mandans ont
refusé seuls, entre tous les cohéritiers, de signer l ’acte
authentique, il n ’en est pas moins vrai que cette vente
doit être considérée comme leur propre ouvrage, et
comme leur étant commune; il n’en est pas moins
vrai que c’est dans la confiance que personne ne man
querait à la foi promise, que MM. de Bénistant et de
Gromond ont souscrit une autre vente en faveur du
sieur Rixain, et q u e , par conséquent, ils ont pu faire
cette autre vente.
Mais il y a erreur de droit dans l ’objection.
L a vente faite au sieur Rixain est la première qui
ait reçu une date certaine. E lle a été enregistrée le
4 mars 1818. L ’existonco a u t h e n t i q u e de la vente du
sieur Bonnevie est postérieure de plusieurs mois; car
l ’acte notarié est seulement du 22 mai suivant.
Les conventions antérieures et sous seing privé ne
peuvent être opposées au sieur R ixain , qui a le droit
de se considérer comme premier acquéreur, et d ’exiger
que sa vente soit exécutée plutôt que toute autre.
Ces conventions ne peuvent même être opposées à
MM. de Bénistant et de Gromond; car elles ne sont
prouvées que par leur aveu; et ils ont déclaré en
même tems qu’elles avaient cté faites avec le concours
du fonde de pouvoirs des sieur et dame de Ramond.
O r , leur déclaration est indivisible.
D on c, à consulter rigoureusement les règles de la
loi, ils ont pu vendre au sieur Rixain, en février 1818;
Ht, suivant le raisoiîiifiment des premiers juges, comme
?
�( 34 )
l ’objet vendu n ’excédait pas leur portion héréditaire 7
celte vente doit être respectée.
Ainsi s’évanouissent les argumens que l ’on avait
accumulés pour détruire un acte dicté par la loyauté
et par l ’intérêt de tous les copropriétaires, et pour
faire triompher un procédé que l ’opinion, la morale:
et la loi condamnent également.
§ III.
L a subrogation légale devait être admise.
Les moyens développés
d a n s les p a r a g r a p h e s p r é c c -
dens font connaître les nombreuses difficultés qui ont
été déjà et qui seront encore la suite de l ’acquisition
du sieur de Chazelles.
U n partage général à faire ? des questions compli
quées à résoudre, la nullité de l ’une des deux ventes
à prononcer, la préférence entre les deux acquéreurs
à déterminer, des actions en garantie à juger.
U n moyen simple et légal était présenté au tribunal
de première instance pour échapper à tant de difficul
tés. C e moyen consistait dans la subrogation légale
demandée par MM. d e B é n i s t a n t et d e Gromond contre
M. de Chazelles. Pourquoi n ’a-t-il pas été saisi?
Cette demande est renouvelée devant la Cour : elle'
pourra dispenser de tout
autre examen -, car si les
autres questions ont été discutées les premières , le
b ut unique a été de convaincre de l ’u tilité , de la
�C 35 )
ùÿ
nécessité même de la subrogation que l ’on propose
MM. de Bénistant et de Gromoud offrent d ’ailleurs
de renoncer à tous leurs autres moyens, si le sieur de
Chazelles consent, ou si la Cour ordonne q u ’ils soient
subrogés aux droits de celui-ci; ils offrent, dans ce
cas, de lui restituer le prix et les intérêts q u ’il u
payés, les frais de l’acte, ceux même du procès, jus
q u ’au jour où ils ont demandé cette subrogation, en
première instance, ou jusqu’il tel autre jour qui sera
déterminé par la Cour.
Cette demande a été écartée, sous le prétexte que
le contrat de vente portait sur un objet isolé et dé
terminé. L ’article 8 4 1 du Code civil, ont dit les pre
mi e r s juges, n ’est pas a p p l i c a b l e à u n tel cas.
Il y a une double erreur dans ce motif.
L a subrogation doit être admise,
i° parce que la
vente ne comprenait q u ’une portion d ’objets indivis
entre cohéritiers; 20 parce que les droits cédés étaient
évidemment litigieux.
L e sieur de Chazelles n ’avait pas acheté un objet
certain, déterminé et particulier; il s’était fait vendre
la moitié d ’un domaine indivis entre un grand nombre
de cohéritiers.
Pour qu’il puisse indiquer lui-même les héritages
q u ’il a a c q u i s , un 2iartaSc csC nécessaire ; aussi les
premiers juges ont-ils ordonné la division du domaine
en deux lots.
Mais ce n’était pas assez. L e partage de la totalité
des objets indivis entre les cohéritiers doit se faire,
�( 36 3
comme 011 l ’a déjà prouvé, parce que ce partage gé
néral peut seul apprendre quel sera, parmi les cohé
ritiers, le vrai propriétaire du domaine.
O r, la vente faite au sieur de Chazelles lui donne
le droit d’assister à ce partage, de le provoquer même,
de porter un œil curieux dans tous les secrets de la
fam ille, de paralyser les moyens conciliatoires, si fréquens entre cohéritiers, si difficiles lorsque des étran
gers viennent apporter au milieu des parens leur roideur et leurs prétentions. L ’article 8 4 1 du Code civil
doit être appliqué au sieur de Chazelles; car chaque
cohéritier a intérêt à l ’éloigner du partage.
L a Subrogation a é té o r d o n n é e , d a n s u n cas sem
blable, par un arrêt de la C ou r de T u rin , du 18 mars
1808 ( i) . U n arrêt plus récent, rendu par la Cour
de Lim oges, le 3 août 1 8 1 8 , l ’a aussi admise contre
le cédataire de la moitié indivise d ’un domaine dé
pendant d ’une succession ; et c’est vainement que
l ’arrêt a été attaqué devant la Cour de cassation. Le
pourvoi a été rejeté le i4 juin 1820 (2).
Mais le moyen de subrogation devait aussi être
accueilli sous un autre rapport.
Les objets cédés étaient litigieux : rien de plus
évident. S ’il fallait u n e p r e u v e de c e t t e v é r i t é , on la
puiserait dans la
nécessité même où s’est trouvé le
(1) Voir l’arrêt dans le Journal de Dencvers, vol. de 1809, suppl.,
page 9.
(2) Voir l’arrêt de cassation dans le Journal de Sirey, tome 21 f
page 92 , première partie»
�( ^7 )'
sieur de Chazelles de commencer par une action
ciaire l ’exercice du droit q u ’il avait acquis.
Le vice de l ’acquisition était connu du sieur de
Chazelles : il savait qu'il achetait un procès. S ’il n ’en
a pas été effrayé, q u ’il soit au moins permis k des
personnes moins aguerries de ne "pas consentir à en
éprouver les chances et les lenteurs. L ’article 1699 du
Code civil les autorise à s’en affranchir par le rem
boursement du prix et des frais de la vente : ils veulent
user de ce bénéfice. L a loi, l ’équité, toutes les consi
dérations se réunissent, il semble, pour le leur assurer,
en faisant cesser un procès qui déjà fut d’une trop
longue durée, et qui serait encore suivi d ’une fatigante
involution de procédure et île ju gemens, si le remede
efficace de la subrogation n ’en arrêtait le cours.
S IV .
Observations sur la garantie réclam ée par la
dame R ixain.
Tant et de si puissans moyens repoussent l ’agression,
du sieur de Chazelles contre la dame Rixain, que la
Cour n’aura pas à s’occuper, sans doute, de la ga
rantie si sévèrement
M M . de Bénistant et
obtenue des premiers
L e jugement doit
demandée par celle-ci contre
de G r o m o n d , et si largement
juges.
étonner aussi dans cette partie
de ses dispositions.
Que l ’on inflige des dommages et intérêts à des
�7
( 38 )
vendeurs de mauvaise foi, q u i, surprenant l ’ignorance
d ’ un acquéreur, lui vendent ce q u ’ils savaient n ’avoir
pas le droit d’aliéner.
Mais prononcer une in d em n ité, suivant une estima
tion p ar exp ei'ts, contre des vendeurs confians, dont
les qualités et les droits étaient connus de l ’acquéreur
lui-même; leur faire porter tout le poids d ’une faute
qui leur est étrangère ; les punir de l ’imprudence de
cet acquéreur, qui a négligé de faire enregistrer sa
ve n te, et qui a préparé ainsi le plus fort des moyens
q u ’on lui oppose, c’est, il semble, pousser la rigueur
jusqu’à la d u r e t é ^ e t , si l ’on appelait cela de la j u s t i c e ,
il faudrait se hâter de renvoyer à cette maxime ;
Sum m um j u s , summa in juria,
Ces courtes observations suffisent sur une question
qui n ’est q u ’accessoire. Ce sont les questions princi
pales , ce sont les moyens qui repoussent l ’agression
dn sieur de Ghazelles, qui saisiront sans doute l ’atten
tion de la C o u r, et qui fixeront sa justice. Convaincue
de l ’irrégularité de l ’action intentée par le sieur de
Ghazelles, de la nécessité d ’un partage qui eut du la
précéder, et sans lequel elle ne pourrait être accueillie ;
étonnée des étranges circonstances qui ont accompagné
une acquisition que l'aveuglement des passions pouvait
seul conseiller, et que la réflexion et la morale devaient
interdire ; frappée des difficultés nombreuses et des
frais considérables que traîne à sa suite le procès q u ’a
�( 39 )
cherché et q u ’a acquis le sieur de C h azelles, la Cour
mettra un terme à ces vexations; elle ordonnera la
subrogation q u i, dans la cause, est autorisée sous un
double rapport; cette subrogation équitable, invention
bienfaisante du droit romain, et que le droit français
s’est empressé d ’accueillir; cette subrogation protec
trice, qui éloigne des partages de famille l ’ oeil indis
cret de l ’étranger; cette subrogation salutaire, destinée
aussi a faire cesser les discordes, en mettant un frein
aux tracasseries ou à la cupidité des acquéreurs de
droits litigieux.
M. D E
BÉN ISTAN T.
M. D E GROM OND D E S RO N ZIÈ R E S.
Me A L L E M A N D
A vocat.
Me D E V E Z E , L icen cié-A voué.
R I O M ) I M P R I M E R I E DE S A L L E S , PRÈS L E P A LA I S DE J U S T I C E .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Soubrany de Bénistant, Jacques. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Devèze
Subject
The topic of the resource
ventes
doubles ventes
successions
Chazerat (Madame de)
experts
actes sous seing privé
possession
jurisprudence
bonne foi
procuration
partage d'un domaine
équité
enregistrement
domaines
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour messieurs Jacques Soubrany de Bénistant, et Pierre Farradesche des Ronzières, appelans et défendeurs en garantie, contre monsieur Antoine Berard de Chazelles-Labussières, intimé ; contre madame de Champétières, veuve de M. Penautier, épouse, en secondes noces, de M. de Ramond, tuteur des mineurs de Penautier, intimés ; et contre madame Marie-Caroline Lacoste, veuve de M. Jean-Jacques Rixain, docteur en médecine, tutrice de ses enfans mineurs, aussi intimée et appelante.
Table Godemel : concurrence : 3. le principe introduit par l’article 1328 du code civil pour prévenir les fraudes et non pour les favoriser, ne peut être appliqué qu’entre deux acquéreurs de bonne foi, et lorsque celui qui a acquis par acte authentique a ignoré la vente qui précédemment avait été faite, en faveur d’un autre, par acte sous signature privée. Spécialement la préférence peut être accordée à la vente faite sous seing privé, quoique son enregistrement soit postérieur à la date de la seconde vente, consentie devant notaire, lorsque cette dernière vente avait été faite par un mandataire, contrairement aux termes de la procuration, et lorsqu’il est établi que le second acquéreur avait une connaissance personnelle de la vente antérieure à celle qu’il a obtenue par acte authentique.
4. quelle doit être l’étendue de la garantie accordée au second acquéreur dont la vente reste sans effet par suite de la connaissance personnelle qu’il avait sur l’existence de la première vente, et de son silence à cet égard envers le mandataire ?
n’est-ce pas suffisamment pourvoir à ce qu’il peut prétendre, que de lui allouer le remboursement des sommes qu’il a payé sur le prix de la vente, ainsi que de ses déboursés pour frais et loyaux coûts, avec les intérêts à compter des époques de paiement ou de déboursés ; et, de plus, les dépens auxquels il est condamné ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1818-1822
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2527
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2526
BCU_Factums_G2528
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Neufonds (domaine de)
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actes sous seing privé
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Chazerat (Madame de)
domaines
doubles ventes
enregistrement
équité
experts
jurisprudence
partage d'un domaine
possession
procuration
Successions
ventes
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Text
COUR R O YA LE
MÉMOIRE
POUR
2me CHAMBRE.
Dame M a r i e A U T E R O C HE et le Sieur F r a n ç o i s
M A L A F O S S E D U C O U F F O U R , son m ar i,
A d j u d a n t des G a r d e s d u C o r p s , C o m p e d ’H a v r a y ,
C h e v a l i e r des O r d r e s d e Saint-Louis e t d u Ph én ix,
^ovtiX
J
Appelant d’ un jugement rendu le 28 août 1822 ,
par le Tribunal civil de Clermont ;
CONTRE
D em oiselle M a r g u e r i t e A U T E R O C H E et le
Sieur V O Y R E T son m ari, D octeu r en m édecine,
Intimés
EN PRÉSENCE
D e Dam e M a r i e A U T E R O C I I E et de S T B l a i s e
C I S T E R N E S - D E L O R M E S , son mari , aussi
intimés.
T
rop
souvent les volontés des pères sont méconnues
par les enfans. L inté r ê t source de désordres, divise
les parens les plus proches; et des procès sont suscités
par ceux-la m ême de qui l ’on ne devait attendre
qu' union et bienveillance.
t*6 l
�115.
L a dame Du Couflotir réclame l'exécution d’un don
en préciput qui lui fut assuré par son contrat de
,
mariage : les lois du tems l ’autorisaient 5 les actes de
sa famille ne paraissaient pas s’y opposer. Cependant
on le lui conteste aujourd’hui; et pour l ’en dépouiller,
on a recours à de subtiles interprétations qui tendent
à détruire plutôt q u ’à expliquer les dispositions non
équivoques d ’un contrat de mariage.
On invoque aussi un nouveau système de prétendus
principes , dont les conséquences seraient de rendre
illusoires la faculté cle d i s p o s e r accordée par la loi. ~
' Si sévères pour la dame D u Coufîour leur sœur, la
dame et le sieur V o y r e t , ses uniques adversaires , se
montrent d ’ailleurs fort indulgens pour eux-mêmes.
Ils doivent un rapport en argent : ils ne l'offrent
q u ’en valeur de papier-monnaie ; et quoique des lois
positives les condamnent,
quoiqu’un arrêt ait déjà
préjugé l ’erreur de leur prétention, ils insistent ce
pendant, et veulent que les effets de leur propre négli
gence retombent sur cette cohéritière même à laquelle
ils disputent des libéralités légitimes.
FAITS.
L es
dames D u Couffour, Voyret et Cisternes sont
les seuls enfans nés du mariage de M. Thomas Auteroche et de la dame Louise-ITélène L ’huillier.
L e contrat de mariage de ceux-ci est en date du ic)
novembre 1764. Il fut constitué à la dame L ’huillier
20,000 francs de dot et 1000 fr. de bagues et joyaux.
Depuis, il lui est ccln: d ’autres valeurs.
�H*
4
( 3 )
Le partage de la succession du sieur Auteroclie a
donné lieu au procès.
L a demoiselle Marie Auteroclie, 2medu nom, quoique
la fille puînée, se maria la première : elle épousa le
sieur Cisternes-Delormes. Leu r contrat de mariage ,
en date du 23 juin 17 8 9 , renferme des dispositions
qui sont le germe de l’une des difficultés de la cause.
Les père et mère de la future lui constituent :
i° Une somme de 5ooo f r . , dont la célébration du
mariage vaudrait quittance;
« 2 0 Tous les b i e n s q u e l e s i e u r A u t c r o c h e a d a n s l e
« lieu et collecte de
Sauvagnat,
consistant en batim en s,
« terres, vignes, prés, et de toute autre nature que ce
« puisse être, sans aucune exception ni réserve », à la
charge d ’acquitter les cens et les fondations dont ils
sont grevés }
3° Les rentes foncières ou constituées que le sieur
Àuteroche a dans la même collecte de Sauvagnat, rentes
dont il est fait le détail;
4° Enfin la somme de 10,000 f r . , qui est stipulée
exigible seulement après le décès du dernier mourant
des père et mère.
L e cas de restitution de la dot est prévu, et le
contrat renferme sur cet objet une clause remarquable :
« Dans tous les cas où ladite restitution de dot
« aurait lieu, il sera libre au futur époux, ou à ses
« ayant-cause, de garder les biens ci-dessus délaissés
« îi la future épouse par les sieur et dame Auteroclie,
ses père et mère, en payant, par ledit sieur futur
v
�( 4 )
« ép ou x, ou ses héritiers à qui il appartiendra, la
« somme de 2^,000 fr. »
Dix aus sont accordés au fu tu r épouæ ou à ses
héritiers pour le paiement de ladite somme de vingtcinq m ille fr a n cs et des autres sommes constituées.
Enfin il est dit que, sur la somme de quarante
m ille fr a n cs form ant la dot de la dem oiselle fu tu re
épouse , il y a 8000 francs pour biens maternels , et
le surplus pour biens paternels.
L a dot était en effet de la somme de l[ü,ooo francs,
d ’après le délaissement, fait à l ’ é p o u x p o u r 20,000 f r . ,
du bien et des rentes situés à Sauvagnat.
C e délaissement surprendra peu, lorsqu’on saura
que le sieur Cisternes avait des propriétés considérables
à Sauvagnat ; que ces propriétés et celles du sieur
Auteroche ne formaient autrefois que le même patri
moine, qui avait été divisé par un partage; et que ce
fut dans le but de tout réunir, que la famille C is
ternes demanda q u ’il fût stipulé , comme condition
du mariage, l ’abandon au futur é p o u x , moyennant
25.000 fr., des biens possédés par le sieur Auteroche
h Sauvagnat.
L a plus jeune des demoiselles Auteroche épousa,
en l ’an 2 ( 1794) ? le sieur V oyret.
L e u r contrat de mariage est du 3 ventôse. Les père
et mère de la future lui constituèrent un trousseau
évalué à 1000 francs, et deux rentes f o n c i è r e s estimées
10.000 fr. : l’une de dix-huit s e p l i e r s d e blé conseigle
annuellement, assise sur un moulin ; l ’autre de quatre
sep tiers un carton deux coupes de blé conseigle, une
�( 5 )
coupe de froment , une coupe de n o i x , seize livres
un q u a r t d’huile, seize livres un quart de chanvre,
assise sur divers héritages.
Par le même acte , les sieur et dame Auteroche
donnèrent à Marie , leur fille a în é e , la jouissance
d ’une vigne située dans la commune de Perrières, et
celle de tous les immeubles qu ’ils possédaient dans les
dépendances d ’Issoire.
Devenu possesseur de deux rentes considérables, le
sieur V o y r e t ne tarda pas à se faire rembourser la
principale, celle de dix-huit septiers de blé. Il accepta,
le 2 nivôse an 3 , un r e m b o u r s e m e n t , illégal soit p a r
i n s u f f i s a n c e , soi t à défaut d’emploi , soit comme
n’ayant été accompagné d’aucune des conditions prescriles par la loi du 29 décembre 1790.
Cependant, loin de profiter, comme il l ’aurait p u ,
de la nullité d’un remboursement condamné par la
loi comme par la morale, le sieur V o y r e t , soit im
prudence , soit fausses spéculations, provoqua luimème la x’ectification de l ’erreur du débiteur. IL
demanda a ce débiteur, nommé A rn au d , un supplé
ment de remboursement} il procéda avec lui à un
nouveau compte, et reçut, le 24 nivôse an 3 , 1 7G 0 fr.
de plus , pour la perfection du remboursement }
extinction et amortissement de la rente. Tels sont les
termes de la quittance qui se termine ainsi : E t au
moyen du paiement de ladite som m e, le citoyen
V oyret tient quitte ledit A rn a u d ; e t , à ce Jaire
ci obligé ses biens prdsens et à venir.
Ainsi le
il
sieur V o yret promit au débiteur une
�\
( 6 )
garantie personnelle; et la nullité du remboursement,
que le seul défaut d’emploi suffirait pour faire pro
noncer , cette nullité ne pourrait être invoquée au
jourd’hui; sans que ses effets rejaillissent sur le sieur
Y oyre t lui-même.
La
dame Marie Auteroche , l ’aînée des enfans ,
contracta mariage, le 4 pluviôse an 11 (2/f janvier
i 8o3 ) , avec le sieur Mala fosse D u Couffour. Ses père
et mère confirmèrent en sa faveur l ’avancement d ’hoirie
q u ’ils lui avaient fait par le contrat de mariage de la
dame Yoyret. Ils lui donnèrent de plus la jouissance
de certains bâtimens q u ’ils s’étaient alors réservés.
Les articles 7 et 8 du contrat renferment des dispo
sitions qui doivent être littéralement connues.^
Article 7. « Lés père et mère de la demoiselle future
« lui donnent, en préciput et avantage sur ses sœurs,
« le quart et quatrième portion de tous les biens dont
« ils mourront vêtus et saisis, pour en jouir à titre
« de bien paraphernal et extradotal; et l ’instituent
« par égale portion avec la dame Y o y r e t , sa sœur,
« dans les trois autres quarts, à la charge de rapport
« de ce que chacune aura reçu en avancement
« d ’hoirie. »
,
Article 8.
« Mais attendu que la dame Y o y r e t a
« reçu, par son contrat de mariage, un avancement
« d ’hoirie moins considérable que celui de sa sœur,
« lequel s’est même trouvé réduit à presque rien , par
« le remboursement forcé qui lui a été iait des rentes,
« et q u ’elle souffre par conséquent une perte annuelle
« dans sa jouissance, le citoyen Auteroche voulant
—
�(
((
7 )
ctre juste e n v e r s tous ses enf^ns 5 et- 1 en dedom^
« mager, il veut et enten(l
l ’ouverture de sa
« succession, ladite Yoyret prélève sur le quart ci-dessus
« donné à la future, la somme de 4ooo fr. tournois,
« a v a n t tout partage, et à titre d ’indemnité de ladite
« non jouissance ; la présente clause étant une charge
« dudit préciput. »
S i , dans le c o n t r a t , les sieur et dame Auteroche
n’appelèrent pas la dame Cisternes au partage de leurs
successions, c’est q u ’ils considérèrent q u ’elle avait déjà
reçu tout ce q u ’elle pouvait prétendre\ ils ne pensèrent
donc q u ’à régler les droits de leurs deux autres filles.
O u verra, au reste, que la dame Cisternes a respecté
ce règlement, et que la dame Yoyret seule s’en plaint,
en contestant le don du quart en préciput.
Lors du contrat de mariage de la dame D u Couffour,
le sieur Auteroche ne connaissait pas les circonstances
du. remboursement fait au sieur Y o y r e t , en papier
monnaie; car, loin d’ètre forcé, ce remboursement
avait été absolument volontaire de la part de celui-ci.
Il a été depuis reconnu et déclaré tel par un arrêt
du 28 décembre 1811 , rendu entre les sieur et dame
Y o y re t, et l ’ancien débiteur de la rente. Yoici dans
quelles circonstances :
Les sieur et dame Voyret avaient demandé la nullité
du remboursement, comme 11’ayant pas été accom
pagné d’emploi. Ils l ’auraient fait ainsi juger, si ce
remboursement illégal avait été réellement forcé; mais
le contraire fut démontré, et la Cour déclara les sieur
et dame Y oyre t non recevable's, quaiit à p résen t,
�dans leur d e m a n d e to u s moyens de f a it et de droit
é ta n t. respectivement réservés a u x p arties, lors de
l ’action de Marguerite Auteroche (la dame V o y r e t ) ,
ou de ses héritiers.'
'
Yoici les motifs de l ’arret :
« Attendu q u e , par le dernier acte passé entre les
«
«
«
«
«
parties, en la ville d ’Issoire, le 26 nivôse an 3 , le
sieur Voyret a fa it son affaire personnelle de la
consommation du remboursement, en recherchant
et recevant la somme de 1700 f r . , et un billet pour
quelques septiers de b l é , pour supplément au rem
et boursement déjà fait, le 2 du même mois de nivôse;
« Attendu q u ’en obligeant ses biens présens et à
« venir à l ’exécution de cet acte, il y a par conséquent
« affecté son u s u f r u i t , qui dure encore, en qualité de
« mari de Marguerite Auteroche. »
Ces motifs indiquent clairement q u ’une fin de non
recevoir seule, tirée du fait et de l ’obligation person
nelle du sieur V o y r e t , empêcha la Cour de confirmer
le jugement qui avait annulé le remboursement. Aussi
la Cou r n’admit-elle cette fin de non recevoir que
quant à présent, en réservant l’action en nullité,
pour l ’exercer lorsque l ’usufruit du sieur Voyret aurait
cessé.
Nous aurons à examiner si le sieur Voyret ne doit
pas seul souffrir la perte q u e , par son fait, il a seul
causée.
L e sieur Auteroche père est décédé le 26 février
1821.
Il avait fait, dès le 2 floréal an 9 , un testament
�11}
C9 )
olographe par lequel il avait legue a la dame L ’huillier,
son épouse, l’usufruit de la moitié de scs Liens.
Par ce t e s t a m e n t , il lègue aussi à la demoiselle Marie
Auteroche, sa fille, le qu a rt, en préciput, de tous ses
biens meubles et im m eubles, sans exception.
L e 7 juillet 1821, les sieur et dameVoyret assignent
la dame Cisternes et la dame D u Couffour en partage
de la succession du père commun.
Ils assignent aussi la dame L ’huillier, veuve A u te
roche, en assistance de cause et en règlement de ses
droits.
E n réponse à cette assignation, la dame Cisternes
fait au greffe un acte p a r lequel elle déclare q u ’elle
n ’entendait « prendre aucune part au partage des
« biens de Thomas Auteroche, son père; q u ’elle s’en
« tenait uniquement aux dispositions de son contrat
« de mariage avec le sieur Cisternes-Delormes, du 3
« juin 1789. ».
Par le même acte, le sieur Cisternes-Delormes dé
clare aussi « q u ’il renonçait, ainsi que venait de le
« faire sadite épouse, au partage des biens dudit dé« funt Thomas Auteroche, son beau-père; q u ’il gar«
«
«
«
«
dait et retenait les biens délaissés par les sieur et
dame Auteroche et L ’huillier, père et mère de la
dame Cisternes-Delorme, par le contrat du 23 juin
1789, pour la somme portée au susdit contrat j
ainsi q u ’il en a la faculté par icelui. »
Cette double déclaration, qui est du 9 août 1821 ,
fut notifiée, le 29 du meiiie mois} aux avoués des
parties.
V)
�Alors la dame et le sieur Voyret élèvent plusieurs
difficultés.
Ils prétendent que les biens donnés en avancement
d ’hoirie à la dame Cisternes doivent être rapportés ,
et estimés, non d ’après le prix pour lequel ils avaient
été délaissés au sieur Cisternes, mais d ’après leur valeur
au moment du décès du sieur Auteroche père ;
•
Ils soutiennent que cette valeur estimative doit être
imputée sur las quotité disponible, c’est-à-dire sur le
quart donné en préciput a la dame D u Couiîour, parce
q u e , disent-ils, la daine Cisternes, renonçant à la suc
cession, doit être assimilée à un donataire étranger,
et ne peut retenir ce q u ’elle a reçu, pour une part
héréditaire à laquelle elle n’a pas droit;
Ils ne veulent aussi rapporter la rente en grains ,
remboursée au sieur V oyre t, que suivant la valeur des
assignats dépréciés q u ’il a reçus ;
Ils demandent enfin la réduction du legs d’usufruit
fait à la dame L ’huillier, mère commune.
L a dame D u Couffour répond :
Que par le contrat de mariage de la dame Cisternes,
le sieur Auteroche a transmis à son gendre la propriété
des biens de Sauvagnat, et que c e l u i - c i n’élant tenu
de restituer que 25,ooo fr. , c’étaient seulement ces
25,ooo fr. qui devaient être rapportés à la succession;
q u Jil fallait régir les dispositions, soit de ce contrat
de mariage, soit de celui de la dame D u CouiFour,
par les principes en vigueur au moment de leurs dates,
principes d ’après lesquels la dot de la dame Cisternes
devait s’imputer sur sa part héréditaire; principes qui
�voulaient aussi que le quart en preciput donne a la
dame D u C o u f f o u r fût pris sur la masse entière du
patrimoine paternel ;
Q u ’cniin le sieur Yoyret devait seul subir une perte
que lui seul avait occasionnée, et que la valeur réelle
des deux principaux de rente donnés à son épouse de
vait être rapportés au partage.
L ’on agita aussi une question sur la valeur du
trousseau de la dame Yoyret.
L a dame L ’huillier, veuve Auteroche, réclama ellemême, i° le prélèvement de a 5 ,ooo f r . , montant de
ses reprises sur la succession de son mari ; 20 la déli
vrance du legs d’usufruit de moitié des biens.
Quant au sieur et à la dame Cisternes, ils persis
tèrent dans leurs déclarations, et demandèrent à être
mis hors de cause.
Telles furent les circonstances dans lesquelles fut
rendu un jugement contradictoire, du 26 août 1822,
qui ordonne, avant de faire droit, l’estimation, sui
vant la valeur de 1821 , des biens meubles et im
meubles délaissés soit à la dame Cisternes, soit aux
autres enfans, et qui surseoit jusque la à statuer sur
la mise hors de cause de la dame Cisternes.
Ce jugement ordonne aussi q u e la dame Y o y r e t
rapportera seulement ao34 fr. en numéraire , valeur
réduite des 9^00 reçus en assignats , par le sieur
Y o y r e t , pour le remboursement de la rente de dixhuit septiers de grains.
Lnfin il ne prononce pas sur les demandes de la
�( I2.)
dame L ’huillier, à laquelle il accorde seulement une
provision de iaoo fr. (r).
( i ) Voici le texte des motifs du jugement :
« E n ce qui touche le partage de la succession Auteroclie ,
« Attendu que toutes les parties y donnent les mains ;
« E n ce q ui touclie le quart donné en préciput à la dame Du
C o u f fo u r ,
« Attendu qu’ il est de principe certain que la quotité disponible est
réglée par les. lois existantes à l ’époque où la donation a été faite ;
.qu’au teins du mariage de la dame Du Coufl’o ur, les dispositions per
mises ne pouvaient excéder le quart de tous les biens; que, par consé
q u e n t, pour que le sieur Auteroclie pût alors disposer du quart, il
fallait que jusque-là il n’eût fait aucune disposition ;
(t Attendu que ce n’est pas à la qualification donnée à la disposition,
ni à son m ode, que s’arrête le législaleur, mais bien à son résultat ;
qu ’ainsi, lors môme que les père et mère dé la dame Cislernes n’auraient
entendu faire à leur fille, par son contrat de mariage, qu ’ une légitime
pour lui tenir lieu de tous droits dans leur succession (ainsi que le per
mettaient les lois alors en v ig u e u r ), il n’ en serait pas moins vrai que
s i, par cette disposition, la quotité disponible, ou partie d’ icelle, se
tro u v e , d’ une manière quelconque, employee en faveur de la dame
Cisternes, les sieur et dame Auteroclie n’ ont pu valablement disposer,
au profit de la dame Du Couffuur, que jusqu’à concurrence de la
quotité disponible, encore intacte ;
« Attendu qu’ il résulte de tous ces principes établis, que la question
de savoir s’ il y a lieu ou non à la réduction de la donation, faite à la
dame Du Couifour dépend entièrement de cette autre question desavoir
si les objets donnés par le contrat de mariage de la dame Cisternes, du
23 juin 178c) , équivalent ou non a la portion d ’enfant, et à la totalité
ou à une partie de la quotité disponible ; qu ’on ne peut arriver à cotte
solution sans avoir une parfaite connaissance de la totalité de la fortune
des père et mère ;
« Al tend 11 que celte connaissance ne peut s'obtenir que par une esti
mation , tant dos biens délaissés à la dame Cisternes etaux autres enfaiii,
que de ceux dont le sieur Auteroclie est mort saisi cl vôtu ;
�!% *
( ,3 )
'
Cette décision , qui tendait à annuler le don en
préciput fait à la dame D u Co uffo ur, nuisait trop îi
ses intérêts, et blessait trop les règles du Droit et les
« Attendu quJil ne peut y avoir de doute sur les bases à adopter pour
cette estimation ; et qu’aux ternies de l ’article 860 du Code c i v i l , c’est
valeur de 18 2 1 , époque du décès du sieur Auteroclie, qu ’elle doit être
faite ;
« Attendu qu’ encore que la succession du sieur Auteroclie se soit
ouverte sous l’ empire du Code, la dame Cistcrnes n ’en doit pas moins
conserver les droits que lui assurait l ’ancienne législation, sous l’empire
de laquelle a été passé son contrat de mariage ; que ces lois lui accor
daient la faculté de retenir, on renonçant, sa pari d ’enfant et la quotité
disponible sur les biens dont clic sc trouve saisie ; qu ainsi on ne peut
dire que ce soit donner au Code un effet rétroactif ;
« Attendu qu’elle a usé de cette faculté en renonçant ; que nulle
contestation 11e s est elevee 3 son égard 5 qu ainsi le bien de Sauvagnat,
qui compose en partie sa donation, ne peut être rapporté que ficti
vement.
« E n ce qui touche la question de savoir si le rapport fictif de cc
bien doit être fait en n a tu re , pour être estimé valeur de 1821 , ou bien
s’il ne doit être rapporté que le prix pour lequel le sieur Cistcrnes
aurait eu le droit de le re te n ir, si la dame Cisternes était venue à
décéder sans enfans ;
« Attendu qu’ on lit dans le contrat de mariage des époux Cislernes
la clause suivante : « Dans tons les cas où la restitution de dot aurait
« lie u , il sera libre au futur époux, ou à ses héritiers et ayant-cause,
« de garder et retenir les biens ci-dessus délaissés à la future épouse
K par ses père et mère, en p aya n t, par ledit futur ou ses héritiers, la
« somme de vingt-cinq mille francs » ;
« Allendu qu’ il résulte de l’ensemble de cette clause, et sur-tout
de ces mots : Dans tous les cas où la restitution de dot aurait lieu
q u ’en abandonnant au sieur Cisternes le domaine de Sauvagnat pour le
prix porté audit contrat, les père et mère de la dame Cisternes n’avaient
nullement eu l ’ intention de fixer la valeur pour tout autre cas que celui
prévu par ladite clause, mais qu ’ils ont seulement eu eu yuq de pré-
*4»
�■Mix
intentions da
Du
( >4 )
père de famille,
pour quo la dame
( 'ouffour we la dénonçât pas à des magistrats
supérieurs.
sauter au sieur Cisternes l’avantage de devenir propriétaire incommutable d’ un bien q u i, réuni à celui que lui donnait son père dans la
même com m une, devait former une propriété considérable, comme
aussi de l’encourager à l’améliorer, dans la certitude qu’à tout événement
il l’améliorerait pour lui ;
« Attendu que cette première clause se trouve encore interprétée par
celte autre du même contrat : « Les sieur et dame Auteroclie, et le sieur
« Cisternes-Delorme père, se réservant pour eux et les leurs, chacun en
« droit s o i , les biens par eux ci-dessus donnés et constitués aux futurs
tr é p o u x , en cas qu ’ils décèdent sans enfans, ou leurs enfans sans des« ceudans, ou sans en avoir disposé » ; et que cette dernière clause ne
laisse plus de doute sur le véritable sens à donner à la première ;
« A tte n d u , au surplus, que ces motifs sont totalement étrangers aux
autres enfans, et que bien certainement les père et mère n'ont pas
entendu leur préjudicier par cette clause du contrat de leur aînée.
« E n ce qui touche Les rapports à faire par la dame V o y re t,
« i° A l ’égard du trousseau :
« Attendu q u e , par contrat de mariage du 3 ventôse an i , passé
pendant le cours du papier-monnaie, il a été estime à la somme de
mille livres, et que celte somme est réductible en numéraire, d’après
l ’article i 5e du titre 3e de la loi du 16 nivôse an G, n° i 64 ;
« s" A l’égard de la rente en b l é , estimée, par le même c o n tra t, à
dix mille francs ,
« Attendu que le sieur Voyret a été forcé d ’en recevoir le rembour
sement en l’an 3 , ainsi que le sieur Auteroche l’a reconnu dans le
contrat de mariage de la dame Du CouiTour, et que le remboursement
fait moyennant la somme de (jjoo livres, assignats, le 12 nivôse an 3 ,
ne représente, à l'éch elle, que ao 34 livres en numéraire, et que la
dame Voyret ne doit que le rapport de cette somme, d'après 1 article i 5
précité de la loi du 1G nivôse an G , comme étant la valeur réelle qu’elle
a reçue ,
« L e t r ib u n a l, etc. »
�•H
( »5 )
Elle en a interjeté appel, par exploit des i!\ octobre
et 7 novembre 1822.
La dame veuve Auteroche s’est aussi plainte, par
un appel , de ce que ses reprises ne lui avaient pas été
accordées.
Ces deux appels font renaître devant la Cour toutes
les questions qui avaient été agitées en présence des
premiers juges.
Sur celui de la dame D u Couffour, l ’on aura à
examiner, i° quelles doivent être les valeurs des rap
ports fictifs a faire par les dames Cisternes et V o y r e t 5
20 Quel doit être l ’effet du don du quart en préc i p u t , promis à la dame D u Couflour.
§ i" .
V aleurs à rapporter p ar les clames Cisternes
et V o y ret.
Cette question se subdivise.
La dame Cisternes doit le rapport de /jo,ooo francs
seulement.
La dame Voyret doit la valeur réelle des rentes qui
lui ont été constituées.
Le rapport de la dame Cisternes ne doit être que
fictif, puisqu’elle ne vient pas au partage; niais il faut
que la valeur à rapporter soit connue, pour déter
miner la masse héréditaire, et pour prononcer sur le
don en préciput fait à la dame Auteroche.
�Selon la dame V o y r e t , on doit estimer, d ’après leur
valeur actuelle, les biens délaissés, en 1789, à la dame
Cisternes ou à
n mari; et cette valeur doit être
imputée sur la quotité disponible, parce cj[ue la dame
Cisternes renonce à la succession.
Selon la dame D u Couffour^ la valeur de ces biens
a été invariablement fixée par le contrat de 178g.
Vendus au m a r i , leur prix seul doit entrer dans le
patrimoine du père ; et la dot reçue par la dame
doit s’imputer sur la portion héréditaire
de celle-ci.
Cisternes
Cette question d ’im putat ion, que nous traiterons
dans la suite, forme, comme on le verra, tout l ’intérêt
1
de la question d ’estimation.
Les principes e n v i g u e u r lors du contrat de mariage
de la dame Cisternes, les clauses même de ce contrat,
11e permettent pas d ’hésiter à dire que les biens qui y
sont énoncés furent vendus au m ari, et sortirent, dès
cet instant, du patrimoine paternel.
Remarquons que c’est par les lois romaines que ce
contrat doit être régi, soit que l ’on considère le domi
cile des parties, soit que l ’on se fixe sur le lieu où il a
été passé.
Les sieur et dame Auteroche et la future épouse
étaient domiciliés à Issoire, pays de Droit écrit.
L e futur époux et ses père et mère habitaient
C l e r m o n t , dont le Droit écrit était a u s s i la loi.
E n f in , l’acte a été passé à Sauvagnat, près Issoire,
lieu aussi régi par les lois romaines.
�m
( 17 )
O r , une des règles élémentaires du Droit romain,
était la maxime clos estimcita , clos ? cnclita.
Cette maxime était écrite dans uae ioule de lois;
elle était enseignée par tous les auteurs des provinces
qui avaient adopté la législation romaine.
La loi 5 et la loi 10 au Code D e ju r e dotium ,
posent le principe comme règle générale.
Quolies res œstimatœ in clotem d a n tu r , dit la
première de ces lo is , maritus clominium consecutus 3
summee velut p re tii, debitor ejjicitur.
L a rè gle ne s o u f f r a i t q u ’ u n e s e u le e x c e p t i o n , s a v o i r ,
l o r s q u ’ il a v a i t é t é ré se rv é à l a
f e m m e la
liberté
de
re pre ndr e' l e ' f o n d s e s t i m é .
Fundus œstimatus non est dotalis sed marito proprius, em ptiom sjure} msi reliiicjiicitur cirbitrio m illions
fu n d um repetere (Observation de Cujas , dans son
Traité A d A fricanum , sur la loi 9 , S i m a r i t o iF.
D e fu n d o dotali.').
Au. contraire, s’il avait été convenu que la chose ou
l'estimation serait rendue, le mari avait le choix. C ’est
la décision des lois 10, § ult. , et 69, § 7 , D e ju r e
dotium.
Dans le doute même sur le bu t de l ’estimation, on
présumait q u ’elle avait été faite dans le dessein de
vendre au mari. Telle est la remarque de Serres, dans
ses institutes, où il cite la glose sur la loi 21 , Cod.
D e ju re dotium.
11 importait peu que le mari eut ou non vendu
l’objet estimé par le contrat. Dans
tous les cas ,
l ’estimation le rendant propriétaire, il ne devait res3
�( >8 )
tituer que la somme. Item si non v œ n ie r ite stim a lio
prœstari débet, h . item 3 , ff. D e pactis dotalibus.
Cette doctrine est enseignée par tous les auteurs qui
ont examiné la question pour les pays de Droit écrit.
On peut consulter notamment , parmi les auteurs
du parlement d e T o u lo u ze , Catelan, livre 4 ? ch. 3 2 ;
Serres, dans ses Institutions, livre 2 , titre 8 , ad
p r in c ip e et parmi ceux du parlement de Paris,
Rousseau-Lacombe, au mot D o t , partie 3 , sect. 2;
Roussilles, Traité de la D o t , ch. 9 , § 1 , et sur-tout
D ô m a t , dans ses excellentes Lois civiles, livre i er,
titre 9 , sect. i re, nos 5 et suivans.
Ce savant auteur cite et explique les lois romaines
sur la question.
Il s’exprime ainsi au n° 5 :
« La dot en deniers, ou autre choses, soit m eubles,
« soit im m eubles, qui ont été estimées par le contrat
« à un certain prix, est propre au mari, et il devient
« débiteur des deniers donnés en dot ou du prix des
« choses estimées; car cette estimation lui en lait une
« vente, et la dot consiste au prix convenu. »
Il ajoute au n° 7 :
« Dans le cas où les choses dotales sont estimées ,
« les règles sont les mêmes que celles qui ont été
« expliquées dans le contrat de vente; car cette esti« mation est une vraie vente ». Quia estimatio venditio est. L . 1 0 , in fin . 3 ÎF de ju r e dolium , et L . 1
et 10, C . eod.
L ’application de cette doctrine à la cause est aussi
facile que naturelle.
�( *9 )
On lit dans le contrat de mariage de la dame Cis
ternes q u ’il lui est constitué en argent 5ooo fr. , dont
l ’acte porte quittance, et 10,000 fr. payables après le
décès du dernier mourant des père et mère*, et en
immeubles, rentes ou meubles qui se trouvaient a
Sauvagnat, des objets évalués 25,000 fr.
Cette estimation , qui est répétée dans plusieurs
parties du contrat, suffirait pour attribuer au mari
la propriété des objets délaissés.
Mais on a fait plus; on a stipulé comme condition
du mariage, comme loi de famille, que, d a n s t o u s les
c a s o h l a r e s t i t u t io n d e l a d o t a u r a i t l i e u , non.
seulement le futur époux, mais même ses héritiers
ou ayant-cause seraient libres de garder et retenir les
biens en payant, à qui il appartiendrait, la somme
de vingt-cinq m ille fran cs.
Quoi de plus formel que cette stipulation? Quoi
de plus caractéristique d’une vente faite au mari et
à ses héritiers ou ayant-cause ?
Quoi de plus exclusif de l ’idée que la propriété des
objets délaissés résidât sur la tète de la dame Cisternes,
et que ces objets dussent être rapportés en nature au.
patrimoine du père?
N ’est-il pas évident q u e , dès ce moment même, le
Perc a entendu se dépouiller de cette propriété; q u ’il
l a transmise à. la famille Cisternes; que, par consé
quent, elle a cessé, comme tous les autres biens q u ’il
aurait aliénés, de faire partie de son patrimoine , e t'
qu aujourd nui elle ne doit pas y rentrer pour en
former la masse ?
�^ V JÛ
f 20 )
D ’autres clauses du contrat démontrent de plus en
plus cette vérité.
On accorde dix ans de terme au fu tu r ép ou x ou à
ses héritiers pour la restitution des 2Î),ooo fr. et des
autres sommes constituées.
O11 déclare ensuite que la somme de quarante
m ille fra n cs fo rm e la dot de la future.
Ainsi , suivant la pensée, suivant la volonté des
contractans, cette dot était seulement pécuniaire; elle
était seulement de 4.0,000 francs en a rge n t, puisque
telle est la valeur seule qu ’on lui fixe, puisque telle
est la valeur seule que le mari ou ses héritiers sont
soumis à restituer.
Opposera-t-on que le m a r i , étant libre de restituer
:i5,ooo f r . , était aussi libre de rendre les objets même;
q u ’ainsi la c o n s o m m a t i o n de la vente dépendait de la
volonté de celui-ci ou de ses héritiers?
' Cette circonstance est indifférente. La faculté ac
cordée au mari n ’établit pour lui q u ’un mode de
libération : elle n’empêche pas que la propriété des
objets délaissés ne lui ait été transmise dès le jour
même du contrat. Il devait un jour restituer la dot,
et cette o b l i g a t i o n le constituait débiteur envers son
épouse de la valeur fixée; mais cette dette, il pouvait
s’en libérer ou en argent ou en fonds, h son choix.
O r , par cela même que le mode de libération dépen
dait de lui, la propriété des choses q u ’il avait reçues
résidait nécessairement sur sa tête; il était libre d ’en
disposer à son gré, de les vendre, de les échanger, de
les donner même; il pouvait les aliéner dès le leu-
�/of
( 21 )
/
demain du c o n t r a t i l a p u , il pourra en disposer
pendant tout le cours de son mariage*, et même après
sa dissolution, ses héritiers, ses ayant-cause auront
aussi la même faculté, sauf à rendre les 2^,000 fr. ,
prix convenu.
Au contraire, le sieur Auteroclie père, la dame Cisternes n’ont plus eu, dès le jour du contrat de mariage,
le droit d’exercer aucun acte de propriété sur ces objets.
O r , n ’e st-i l pa s é v i d e n t q u e c e l u i - l à s e u l est p r o
p r i é t a i r e q u i p e u t d i s p o s e r d e la c h o se à son g r é ; et
n e r é s u l t e - t - i l pa s d e ces idé es q u e le s i e u r C i s t e r n e s
a é t é , dès 1 7 8 9 , le s e u l , le v r a i p r o p r i é t a i r e des o b j e t s
qui
furent
alo rs délaissés
par le
( V o y e z C o d e c i v i l , article
544*)'
sieur
Auteroclie ?
On peut reconnaître sous un autre rapport, que la
propriété de ces objets résidait sur la tête, du sieur
Cisternes.
Il s’était obligé ou à les rendre en natuie , ou à
rendre leur valeur, fixée à a 5 ,ooo fr. ; c’est-à-dire que
son obligation était alternative, et même q u e , d ’après
une convention expresse, le choix lui appartenait. Or,
si les choses q u ’il avait reçues avaient péri ; si les
rentes avaient été remboursées en valeur nulle; que
les meubles eussent été détruits par l ’usage ou autre
ment-, qUe i es immeu]3lcs eussent été dégradés par
quelque accident, par une force majeure même , le
sieur Cisternes eùi-il pu se dispenser de payer les
a 5,ooo fr.? N on , sans doute : la chose aurait péri
pour lui. Par la perte de cette chose, même sans sa
faute, son obligation alternative serait devenue pure
/ »
�et simple, et il aurait dû les 2 5,ooo francs (Voir Code
civil, article 1193; et Pothier, Traité des obligations,
n° 2 5o.).
t
Mais pourquoi, malgré la perte de la chose, le prix
en est-il dû? Pourquoi? par application de la maxime,t \
lies périt dom ino; et parce que tout débiteur sous
une obligation alternative à son choix, est considéré
comme seul propriétaire do la chose, tant q u ’il n’a pas
fait d ’option.
Remarquons, au reste, que l ’option du sieur Cisternes a même été consommée par la déclaration q u ’a
faite celui-ci, en présence de son épouse, au greffe du
tribunal civil de Clerm ont, le 29 août 1821.
L e sieur Cisternes avait à s’expliquer, puisque son
épouse pouvait ê t r e d a n s le cas de r a p p o r t e r sa dot à
la succession du sieur Auteroche, et lui-même, par
suite, obligé de restituer ce q u ’il avait reçu en objets
mobiliers ou immobiliers.
O r , qu'a-t-il déclaré? « Q u ’il gardait et retenait les
«
«
«
«
biens délaissés par les sieur et dame Auteroche et
L ’ huillier, père et mère de la dame Cisternes, par
le c o n t r a t dudit jour 27 juin 17 8 9 , pour la somme
portée audit contrat j ainsi q u i l en a la fa c u lté
« p ar icelu i. »
L e choix du sieur Cisternes est donc consommé. Il
retient les objets délaissés pour les 25,000 francs, prix
du délaissement; en sorte q u ’en supposant q u ’on put
considérer la vente comme c o n d i t i o n n e l l e dans l'ori
gine, la condition accomplie, ayant eu un'effet ré
troactif au jour du contrat de mariage, a rendu la vente
�( ^
)
pure et. siinpl^ des 1 înstunt même du conttat ^Voit
le Code civil, art. 1179.)A in s i , dès 1789 , il y a eu aliénation de la part du
sieur Auteroclie de ses biens de Sauvagnat. Il y a eu
aliénation, non à titre gratuit et en faveur de sa fille,
mais à titre onéreux, et dans l ’intérêt seulement du
sieur Cisternes et des héritiers de celui-ci, quels qu ’ils
fussent , directs ou collatéraux , conventionnels ou
naturels. Désuet instant les *¿5 ,000 fr., prix de l ’aliéna
tion , ont seuls fait partie de la dot de la dame
Cisternes, ont seuls été sujets à restitution d a n s t o u s
l e s c a s où elle aurait lieu, ont se uls aussi ete sujets
u rapport-, c a r le r a p p o r t est un cas de restitution.
Ainsi, la valeur actuelle de ces biens ne doit pas
entrer, même fictivement dans la masse du patrimoine
du sieur Auteroche; car si la loi veut que l ’on réunisse
U la masse les objets donnés (voir Code civil, art. 922),
elle n’autorise pas a y réunir les objets vendus, et
, sur-tout vendus h des non successibles. Sortis du patri
moine de l ’auteur , ces objets ne peuvent y être
compris ; leur prix seul, s’il est encore d ù , doit en
faire partie.
Les observations que nous venons de faire répondent
suffisamment aux motifs du jugement sur la question.
Les premiers juges reconnaissent , par exemple,
que le but de la clause du contrat a été de présenter
au sieur Cisternes l’avantage de devenir propriétaire
de ces biens de Sauvagnat.
Mais de cet aveu même ne découlerait-il pas la
conséquence évidente que le sieur Auterochc avait
�aliéné la propriété, et que cette propriété ne devait
plus à jamais faire partie de son patrimoine*, q u ’ainsi
elle ne devait y rentrer ni par la voie du rapport, ni
par aucune autre voie?
Les premiers juges disent que la clause doit être
restreinte au cas de restitution q u ’elle a prévu.
Mais un rapport n’est-il pas une sorte de restitution?
et, d ’ailleurs, si les objets délaissés ne sont restituables
ni en nature, ni en valeur actuelle; s’ils ont été aliénés,
depuis 17 8 9 , a titre onéreux à la valeur vénale de
cette époque; si, enfin, ils sont sortis dès-lors du pa
trimoine de la famille Autcroche, pour entrer dans
celui de la famille Cisternes, comment devraient-ils
être rapportés aujourd’hui à la succession Auteroche?
Les premiers juges argumentent aussi du droit de
réversion stipulé dans le contrat de mariage.
Mais outre que le cas de réversion n’est pas arrivé, .
c’est q u ’évidemment ce droit ne s’appliquait q u ’aux
25,000 f r . , prix de l ’estimation et du délaissement; car
le sieur Cisternes et les héritiers étant autorisés, dans
tous les cas où la restitution aurait lie u , à retenir
les biens, et à ne restituer que 25,000 f r . , il est clair
que cette faculté s’appliquait aussi à la réversion qui
n ’était elle-même q u ’un cas de restitution.
Enfin l’on a dit que le sieur Auteroche n’avait pas
entendu préjudiciel’ h ses autres enfans.
Etrange raisonnement! Comme si un père n’a pas
le droit, pendant sa vie, d ’aliéner son bien; comme si
le sieur Auteroche n’aurait pas eu la laculté de vendre
avant le mariage son bien de Sauvagnal, moyennant
�IT
•
( ,5 )
a 5 ,ooo f r . , soit au sieur Cisternes, soit à toute .autre
personne, et cleconstituer à sa fille cette somme; comme
s i , ce q u ’il aurait pu faire par deux actes différons , il
n’a pas eu le droit de le faire par le même acte qui.
renfermait tout à-la-fois, et la vente au sieur Cisternes,
et les conventions matrimoniales entre celui-ci et la
demoiselle Auteroche; comme s’il rx’avait pas enfin
exprimé la volonté formelle que la dot de la dame
Cisterne fût seulement, pécuniaire, et s’élevât à la
somme de 4o,ooo francs; comme s’il n’avait pas aussi
manifesté, non seulement par le contrat de mariage
de la dame D u Cou flou r , mais e n c o r e par son testa
ment , une v o l o n t é f e r m e et constante d ’attribuer à sa
fille ainée l ’avantage du quart de son patrimoine
entier, en laissant à la dame Cisternes, pour sa part
héréditaire, la dot q u ’elle avait re ç ue , et en ne vou
lant pas qu elle participai au partage du surplus de
ses biens.
Q u ’on cesse d’en appeler aux intentions du père de
famille, ou , si l’on veut invoquer ces intentions respec
tables, q u ’on s’y soumette, q u ’on les exécute; et la
discorde alors cessera de troubler la famille Auteroche.
On doit donc reconnaître que les premiers juges
ont méconnu la volonté du sieur Auteroche, violé la
loi du contrat de 1 7 8 9 , et blessé les principes des
rapports, en ordonnant l’estimation, valeur actuelle
des biens délaissés au sieur Cisternes.
Ces biens
aliénés alors au prix vénal du tems; ces biens dont k
propriété, transmise au sieur Cisternes, n’appartenait
plus à la famille Auteroche; ces biens q u ’à la dissolution
4
�( 26 )
du mariage, la dame Cisternes ni aucun de ses héritiers
n ’auraient eu le droit de réclamer; ces biens, étrangers k
la succession du sieur Auteroche, ne doivent pas y être
rapportés, même fictivement; les 25,ooo francs qui en
sont le prix doivent seuls entrer dans la masse, afin
de servir à déterminer la qu o tité d is p o n ib le , suivant
le vœu de l’article 922 du Code civil.
L ’erreur que nous venons de signaler n ’est pas la
seule qui ait été provoquée par les sieur et dame
V o y r e t , et qu ’ait commise dans leur intérêt le tribunal
dont est'appel.
Les sieur et dame Voyret devaient le rapport en
nature, 011 en valeur réelle, des deux rentes en grains
qui avaient été constituées à celle-ci par son contrat
de mariage.
L e sieur V o y r e t , à qui avait été fait le rembourse
ment de la principale de ces rentes, a obtenu de rap
porter seulement la valeur réduite des assignats q u ’il
avait reçus.
»
Cette décision eût été juste si le remboursement
eut été forcé, et s’il eût été accompagné des conditions
prescrites par la loi.
Mais le remboursement a été illégal; mais il a été
volontaire de la part du sieur Voyret.
L e remboursement a été illégal.
L a loi du 29 décembre
1790, en autorisant les
rachats des renies foncières, soumettait les débiteurs
à diverses conditions. L ’article l\ du titre 2 porte
notamment que « les tuteurs, les grevés de substilu-
�•/$7
( a7 )
«
«
«
«
tion, et les maris, clans les pays où les dots sont
inaliénables, mèmeavecle consentement des femmes,
ne pourront liquider les rachats des rentes ou redevances foncières appartenant aux papilles , aux
« mineurs, aux interdits, à des substitutions, et a u x
« fem m es mariées, q u ’en la forme et au taux ci-après
« prescrits, et à la charge du remploi. »
L ’article ajoute que « le redevable qui ne vomira
« point demeurer garant du remploi pourra consigner
« le prix du rachat. »
L e mode et le taux du rachat sont prescrits par le
titre 3 de l a l o i .
On n ’ e x a m i n e r a pas si la f o r m e et le taux du rachat
ont clé observés; cela dépend des calculs qui ont été
faits entre le débiteur et le sieur V o y r e t , calculs qui
ne nous sont pas connus, et dont on vérifiera la jus
tesse lorsque celui-ci les aura indiqués. On se bornera,
sur ce point, a dire que, d’après l ’article ?. du tit. 3
de la loi, le rachat des rentes en grains devait être fait
sur le pied du denier vingt-cinq de leur produit
annuel; et qu e , d’après l ’article 7 , le produit annuel
se déterminait en for man t, du prix des grains, une
année commune, a l ’aide des quatorze années anté
r i e u r e s à celle du rachat, années desquelles on re
tranchait les deux plus fortes et les deux plus faibles.
L e sieur Voyret aura à démontrer q u ’il a rempli
ces dispositions de la loi.
Mais une condition q u ’il a complettement négligée,
et que les débiteurs de la rente ont oubliée comme
l u i , c’est la charge du remploi.
¿ fi,
�Cependant, aux termes de l ’article 4 du titre 2 du
décret, il ne pouvait liquider le rachat q u ’à la charge
du remploi.
Le défaut de remploi rend donc la liquidation
nulle et le remboursement illégal. On connaît , en
effet, la force, en D r o i t , de cette expression prohi
bitive, n e p e u t ; S jlla b a > o n , prœposita verbo p o t e s t ,
tollit potentiam ja r is et f a c t i 3 el reddit actum nullum
et impossibile. Fait contre la prohibition de la loi ,
accepté sans le consentement même de la dame Voyret
seule propriétaire de la rente, le r e m b o u r s e m e n t ne
peut être opposé par le sieur V oyre t; il ne pourrait
même l ’être par les redevables, puisque la loi les ren
dait garans du défaut de rem ploi, et que par consé
quent ce remploi était nécessaire pour les libérer. C ’est
ce qui a été jugé par plusieurs arrêts de la Cou r, dans
des cas semblables.
U n arrêt du 19 prairial an 12 a déclaré nul le
remboursement d ’une rente dotale, faite au mari en
nivôse an 3 , accepté par celui-ci sans remploi. Il a
jugé que la nullité, fondée sur le défaut de remploi,
avait pu être demandée, même p e n d a n t le mariage ,
et il a condamné les redevables à servir la rente.
U ne semblable nullité de remboursement a été pro
noncée, le 18 juillet 1810, par le même motif, rela
tivement à une rente créée sur une maison de ville
(V oir les deux arrêts dans le Journal des A udiences
de la Cour de Riom 3 à leurs dates.).
Ces préjugés, et les termes de la loi du 29 décembre
1790, sont trop positifs, pour douter que le rembour-
�/'S')
( 29 )
sement fait au sieur Voyret n ’eut été aussi déclaré
nul, si ce remboursement avait été forcé, et si le sieur
Voyret n ’en avait personnellement garanti la valeur.
Aussi la demande en nullité, formée par les sieur et
dame Voyret, n’a-t-elle été rejetée que quant à pré
sen t, par l ’arrêt du 22 décembre 181 r , dont nous
avons rapporté ci-dessus la teneur. C ’est par une
lin de non recevoir que cette demande a été mo
mentanément écartée , et par une fin de non rece
voir résultant des faits personnels du sieur V oyre t,
de ce q u ’il a recherché, comme le dit l ’a r r ê t , et reçu
volontairement le remboursement, et de ce q u e , à
l ’exécution de la quittance q u ’il a donnée aux rede
vables , il a obligé ses biens présens et ¿1 venir.
C ’est donc par la faute du sieur V o y r e t , par les
suites de son imprudence ou de ses spéculations ,
par l ’effet de l ’obligation personnelle q u ’il avait con
tractée envers les débiteurs, que le remboursement a
été maintenu, et que la rente a péri, ou a été réduite
a une très-faible valeur.
Mais n ’est-il pas juste que le sieur V oyret soit seul
puni de ses propres fautes ? N ’est-il pas juste q u ’ il
subisse seul les conséquences de ses faits personnels?
N e-t-il pas juste que la succession du sieur Auteroche,
que la dame Voyret et les cohéritiers de celle-ci ne
souffrent pas des suites d ’un tort qui leur est étranger?
Ne sait-on pas aussi que tout fait quelconque de
l’ homme, qui cause a autrui un dommage , oblige
celui par la faute duquel il est arriv é , à le réparer
(Code civil, art. i382.)?
�( 3o )
L e sieur Voyret pouvait refuser le remboursement,
■et il l’a accepté volontairement; il l ’a même recherché,
suivant l ’expression de l ’arrêt de 18 i i . Il devait faire
un emploi, et il l ’a négligé. Il pouvait ne pas garantir
ce remboursement; s’il se fut abstenu de le garantir,
la succession forcerait aujourd’hui
les débiteurs à
servir la rente; et il a promis sa garantie personnelle,
et il a fait du remboursement sa propre affaire.
Si donc le remboursement est nul; si le sieur Voyret
a voulu s’exposer aux suites de cette n u l li t é , c’est sa
propre affaire et non celle de la succession. Les héri
tiers D u Couffour ont le droit d ’exiger, ou q u ’il re
présente la rente telle que le père de famille la lui
avait remise, ou q u ’il en rapporte la valeur réelle,
et non une valeur dépréciée, que lui seul a rendue
illusoire.
L e tribunal a donc mal jugé, en ordonnant seule
ment le rapport, en valeur réduite, des assignats que
le sieur Voyret a spontanément reçus. Celui-ci doit
rapporter, ou les rentes même en nature et dûment
conservées, ou leur valeur actuelle. Ce rapport et
celui de la dot pécuniaire de la dame Cisternes doivent
être réunis au surplus des avancemens d ’hoirie et aux
biens dont le pèrç était en possession à son décès,
pour former la masse héréditaire sur laquelle les droits
de chaque cohéritier seront déterminés,
�/¿'
( 3 0
§ II.
Q uel doit être Veffet du don du quart en p ré cip u t,
promis à la dame D u C oujjour?
L a dame Du CoufTour réclame le quart en préciput
des biens de son père. Sa demande est fondée sur deux
titres : son contrat de mariage et le testament du père.
Par le premier de ces titres , qui est antérieur au
Code civil (il est du 4 pluviôse an 11, ou 24 janvier
i 8o3 ) , les père et mère de la dame D u Couffour lui-,
ont assuré le quart de leurs biens en préciput, et
l ’ont instituée leur héritière dans les autres trois
quarts, par égale portion avec la dame Voyret. Ils ne
parlent pas dans cet acte de la dame Cislernes, à qui
ils avaient déjà donné la valeur de ses droits hérédi
taires, par son contrat de mariage du 23 juin 1789.
L e second titre, le testament du père, contient
aussi, en faveur de la dame Auteroche , un legs du
quart en préciput de tous scs biens meubles et immeu
bles sans excep tion .
L a d a m e V o y r e t rési ste à l ’ e x é c u t i o n d e c e t t e d o u b l e
d is p o s i t i o n .
V
Elle fonde sa résistance sur ce (rue la dame Cisternes
1f 1 t j
a u e c ia r e s en t e n i r à ce q u ’e ll e a v a i t r e ç u , et ne pas
vouloir venir au partage de la succession du sieur
Auteroche.
La dame Cisternes, dit-elle, a renoncé. Par sa re
nonciation , elle doit être assimilée à une étrangère.
Sa part héréditaire a accru à ses cohéritiers} et ce qui
-C<;
�**Y
( 3 0
lui a été donné doit s’imputer sur la quotité dispo
nible, suivant la règle écrite dans l ’article 845 du
Code civil. Si donc, par la dot de la dame Cisternes,
la quotité disponible est épuisée, la dame D u CouiFour
n ’a pas droit au quart en préciput qui lui avait été
promis.
Ce que la dame Cisternes a reçu, et sou refus de
venir à partage peuvent-ils priver la-dame Du CouiTour
du quart en préciput qui lui a été promis?
Telle est la question.
Cette question ne peut être résolue q u ’en faveur de
la dame Du CouiFour.
L a dame Voyret se retranche dans les nouveaux
principes q u ’elle interprète à sa manière. Elle s’appuie
aussi sur un arrêt de cassation, du 18 février 18 18 ,
q u i , dit-elle , a donné l ’explication du Code civil
p a r innovation à la législation ancienne (1).
Nous examinerons la difficulté d ’après les nouveaux
comme d ’après les anciens principes.
Mais la dame Voyret n’a pas remarqué que le Code
civil n ’aurait pu modifier, encore moins détruire une
disposition irrévocable, faite avant son émission; et
que , quelle que fût la législation nouvelle , c’est
d ’après la législation ancienne seule q u ’on devrait
apprécier l ’eftet du don en préciput fait à la dame
Auleroche.
C ’est un principe élémentaire , que les donations
entre-vifs ou à cause de mort, l o r s q u ’ e l l e s sont irrévo(1) Voir les conclusions «les sieur et dame V o y r e t, signifiées eu
première instance, le 17 novembre 18a 1.
�!A *
'
( 33)
cables de leur n ature , sont régies par la loi en vigueur
au moment de l ’acte.
Ce p r i n c i p e conservateur avait été méconnu pen
dant quelques années de désordres et d’aberration :
les lois des 5 brumaire et
17 nivôse an 2 avaient
établi une rétroactivité monstrueuse.
Mais bientôt les idées de justice triomphèrent, et la
rétroactivité fut abolie.
Depuis, les législateurs et les tribunaux ont été at
tentifs à maintenir l ’exécution des contrats, confcîrmément aux lois sous lesquelles ils avaient été passés.
Les législateurs du Code c i v i l ont pose dans le titre
p r é l i m i n a i r e , c o m m e fondement de toute législation,
«ette règle précieuse : « La loi ne dispose que pour
« l’avenir; elle n ’a point d ’effet rétroactif » (Art. 2
du Code civil.).
Une foule d’arrêts ont appliqué ce principe à. des
donations, à des institutions, e t , en général, à des
dispositions, soit entre-vifs, soit à cause de mort, qui
avaient eu lieu sous la législation antérieure au Code.
Ou peut consulter notamment des arrêts de cassation
des 3 messidor an 5 , 5 vendémiaire an 7 , 27 germinal
an 12, 17 et 25 nivôse , 7 ventôse et 8 prairial
an i 3 (1).
U n autre arrêt de la même Cour a décidé, confor
mément à ce principe, une question de réserve ou de
(«) Voir ces arrêts dans le Journal des A udien ces, par Dcnevers ,
volume de 1791 à l ’an 1 2 , pages m
page 3 i
7;
et 164 ; volume de l ’aa 12 !
volume de l ’aa i 3 , page i g S , 2 7 6 , 3oG
407^
�( 34 )
retranchement, née sous le Code civil, entre le père et
l ’épouse du général Virion. Les deux époux, par leur
contrat de mariage, du G ventôse an G, s’étaient lait un
don mutuel de tous les biens que le prémourant laisserait
à son décès. Ce don universel était autorisé par la loi
du 17 nivôse an 2; mais, le général Yirion n ’étant
mort q u ’en 1810, le père du général demanda la ré
duction du don universel jusqu’à la concurrence de la
réserve que lui attribuait le Code. Cette demande ,
accueillie e n première instance, refusée par la Cour
de Paris, a été aussi repoussée par la Cour suprême.
L ’arrêt de cassation déclare que « le don est irrévo« cable, et que, par une conséquence nécessaire, il
« doit se régir par la loi du tems où il a été fait ;
« que si, p a r la n a t u r e des c h o s e s , son exécution est
« p u r e m e n t éventuelle, cette éventualité se rattache
•« à l ’époque de la disposition, puisque c’est elle qui
« constitue le droit du donataire; que ce droit, étant
« acquis d'une manière irrévocable ; ne peut être altéré,
« eu tout ou en partie, par une législation qui lui
« est postérieure ;
« Que la prohibition de l ’efiet rétroactif des lois
« est, en effet, l’ une des bases fondamentales de notre
« législation, et que ce serait violer ce principe établi
-« par l’article 2 du Code c i v i l , que de faire prévaloir
« les dispositions de ce Code aux lois existantes à
« l’instant de la convention » (1).
(1) L ’ arrêt est du 9.8 inai 1812. Il est rapporté par D e n c y c is , volume
«le 1 8 1 2 , première partie, pages 5 o 8 et suivantes.
�f' Ainsi, il est certain que les dispositions contenues,
soit dans le c o n t r a t de mariage de la dame Cisternes,
soit dans celui de la dame D u Couffour, doivent être
régies seulement par les principes en vigueur à la date
des contrats, et q u ’ils doivent produire aujourd liui
les mêmes effets q u ’ils auraient produits si la succession
du sieur Auteroche père s’était ouverte avant le Code
civil.
O r , la dame Cisternes s’est mariée en 1789. Par
son contrat, ses père et mère lui ont constitué une
dot, en valeurs mobilière et immobilière, dé 4°500° fr* »
dont 8000 fr. ¡>our b ie n s m a t e r n e l s , et l e s u r p l u s p o u r
b i e n s p a t e r n e l s : expressions du contrat.
Il est d i t , en o u t r e , dans une autre partie
l ’acte, qu ’«M moyen de ladite constitution
de
la fu tu r e
épouse renonce a u x successions de ses père et mère.
Ainsi, la volonté manifeste du père, celle de la fille,
les intentions de toutes les parties contractantes ont
été que les valeurs données à la dame Cisternes for
massent la portion héréditaire de celle-ci. dans les
successions futures de ses père et mère.
Le sieur Auteroche père, en payant d ’avance à sa
fille la dette de la nature et de la loi, en lui attri
buant, par son contrat de mariage même, tout ce
qu elle devait avoir un jour dans sa succession , n ’a
pas dii craindre d ’ètre privé, par cet acte de justice,
du droit de disposer, à l ’avenir, d’aiicune partie de
ses biens ; il a dû croire que ce q u ’il donnait alors à
sa fille s imputerait, suivant sou vœ u, sur la portion
héréditaire de celle-ci.
�A.\
(36)
Ce serait clone blesser la volonté du père de famille;
ce serait aussi se jouer de l ’expression formelle du
contrat, que de prétendre que l ’imputation doit se
faire non sur la portion héréditaire de la dame Cisternes, mais sur la quotité disponible; q u e , par sa
renonciation, elle doit être assimilée à un donataire
étranger; que sa portion héréditaire doit accroître aux
autres héritiers ab intestaty et que c e u x-c i, sans rap
porter même les valeurs q u ’elle a reçues, sans en tenir
compte, doivent, au préjudice de la dame Auteroche,
donataire du q u a r t, profiter seuls de cette portion
héréditaire, comme si la dame Cisternes n ’avait rien
re çu, comme si sa renonciation était gratuite.
Ce système serait aussi en opposition directe avec
les principes reçus en 1789.
E n effet, tous les auteurs s’accordent à dire que
l ’enfant qui renonce aliquo (lato, celui, par exemple,
qui renonce pour s’en tenir à une donation qui lui a
été faite par son père , fait p a r t , dans l ’intérêt des
héritiers institués, pour la supputation des légitimes*
Le Brun le décide ainsi dans plusieurs passages de
son Traité des Successions.
Voici comment il s’exprime au livre 2 (1) :
« Lorsque l ’enfant, qui fait part naturellement,
« c’est-à-dire à qui il est dû par nature une part dans'
« la succession ou dans la légitime qui est une por-'
« tion héréditaire , renonce pour s ’en tenir ¿1 une
« donation, il est vrai de d i r e , en ce c a s , q u ’il a sa
(1) Clinpitrc 3 , section 6 , n°* 8 et 9.
�tfo
( 37 )
« portion légitim aire, puisqu’ i l en a la 'va leu r, et
« qu ’il est donataire en avancement d ’hoirie-, ce qui
« ne peut pas se trouver, ni dans la personne de
« de l ’enfant qui renonce sans avoir jamais rien r e ç u ,
« ni dans la personne de l ’étranger. Ainsi il est très« juste que l ’enfant qui renonce aliquo clato fasse
« part dans la supputation ; et bien loin que les
« autres enfàns aient le droit de se plaindre de ce que
«
«
«
«
cela diminue leur légitime, il fa ut, au contraire,
qu ’ils considèrent que leurs droits diminuent natuTellement, à proportion de ce qui a été donné à l e u r
frère, puisqu’il aurait p a r t a g é a v e c e u x ab intestat. »
M . L e B r u n t r a i t e l a question avec plus de déve
loppement au livre 3 (1); et après avoir rapporté les
raisons contraires, il se décide en faveur de celui qui
doit fournir la légitime aux dépens des libéralités qui
lui ont été faites. La solution q u ’il donne est conçue
en ces termes :
« Il est juste que tous les renonçans aliquo dato
« fassent part; car comme l ’on doit faire entrer leurs
« .donations dans la masse des biens, ce qui grossit
“ beaucoup la légitime^ aussi ils doivent fa ire part
" en fa v eu r de celu i qui fo u rn it la légitim e 3 ce qui
w la diminue à proportion; et l ’héritier testamentaire
« perd encore à cela, en ce que les donataires ne s’en
« tiendraient pas à leurs dons, s’ ils n ’étaient plus
« considérables que leurs parts afférentes dans la suc« cession. »
( 0 L ivre 3 , chapitre 8 , section 2 „ n°* 79 et suivau»,
�y
,
( 38 )
Ricard avait prévu la difficulté avant L e B ru n , et
il l ’avait résolue dans le même sens, eu parlant des
renonciations aliquo clato faites soit par des fils do
nataires du père, soit par des filles qui ont reçu une
dot.
« Dans ces espèces, remarque l ’a u t e u r , il n ’est pas
« absolument vrai de dire que les en fans qui s’abs« tiennent de la succession n’y
prennent point
de
« pa rt, attendu q u ’ils ont reçu leur partage en avan*« cernent d’ hoirie, et q u ’ils ne renoncent que par la
« considération de ce q u ’ils ont été. satisfaits par la
« prévoyance de leur père ». (i).
C ’est sur ces principes q u ’est fondé l ’article 34 de
l ’ordonnance de 17 3 1, qui autorise l ’enfant donataire,
contre lequel leâ autres légilimaires agissent par l ’action
en retranchement, à retenir sa propre légitime sur la
chose qui lui a été donnée, ce qui démontre claire
ment que le don doit s’imputer d ’abord sur la portion
héréditaire de l ’enfant.
E t remarquons que cette faculté de retenir sa propre
légitime sur le don qui lui a été fait, et au préjudice
des autres enfans, s’applique, à celui qui a renoncé
comme à celui qui a accepté, suivant la doctrine de
Ricard (2), doctrine adoptée aussi par M. Merlin dans
son Répertoire de Jurisprudence.
« Il est bien juste, dit le premier auteur, en par
lant de l’enfant qui renonce aliquo
dalo , il est
(1) Ricard , Traité dos Donations, 3 " p a rtie , n° ioG 3 ,
(2) Traité des Donations, 3* partie, n° i o 65 .
�/¿9
( 30 )
i«( bien juste qu ’il retienne, par forme ¿ ’exception, ce
« qui lui appartient par droit de légitime. »
Toutes les règles que nous venons de rappeler sont
enseignées par M. Merlin dans son llépertoire, au
mot Légitim e (i).
« L e donataire renonçant, dit M. Merlin, ne prend
« point part à l ’hérédité par actio n, mais il la prend
« par rétention : il faut donc nécessairement q u ’il fasse
« nombre. »
C ’est aussi d ’après ces principes que les filles dotées,
q u i , dans certains pays, étaient exclues du partage,
ou par une renonciation ou par le statut c outum ie r,
n’en faisaient pas moins nombre au profit de l’héritier
institué ou du donataire de quote; et q u e , loin q u ’on
imputât sur la quotité disponible les dots q u ’elles
avaient reçues, les enfans mâles n’étaient admis, par
droit d’accroissement , à réclamer les légitimes de ces
filles, q u ’à la charge de rapporter la valeur des d o ts ,
et de l ’imputer sur ces légitimes.
• Ainsi, dans l ’ancien D roit, les dots constituées, les
dons en avancement d ’hoirie, toute espèce de libéralité
faite par un père à son enfant étaient considérés comme
le paiement, par anticipation , de la portion hérédi
taire de celui-ci; et si l ’enfant doté ou donataire ne
venait pas partage, s’il renonçait pour s’en tenir à
ce qu il avait reçu, il n’en faisait pas moins nombre
pour la supputation des droits des autres enfans : ce
( 0 Voyez section 8 , paragraphe i , n« 7 , c l paragraphe a , article 3 ,
question 5 .
�( 4° )
qui lui avait été donné s’imputait sur sa légitime ou.
sur sa portion héréditaire, sans affaiblir la quotité
disponible.
Tels étaient les principes en vigueur en 1789, lors
du mariage de la dame Cisternes } et ces principes
élaient encore les mêmes en janvier i 8o3 , lors du
mariage de la dame D u C ou do u rj car le Code civil,
sur lequel s’appuie la dame Vo yret, n’avait pas encore
paru.
Les s i e u r et dame Auteroche savaient donc alors
que, quoique la dame V o y r e t e û t renoncé, par contrat
de mariage, à leurs futures successions, quelque fidèle
q u ’elle fut à sa promesse, ce qui lui avait été promis
ne devait pas s’imputer sur la portion disponible; ils
savaient que cette p o r t i o n d i s p o n i b l e était restée in
tacte, et q u ’ils n’en avaient pas moins le droit de
donner à la dame D u CoufFour le quart de leurs
biens, quotité autorisée par l ’article
I er
de la loi du
4 germinal an 8 , qui était la loi régnante.
C ’est sous la foi de ces anciens principes, c’est aussi
sous la foi de la faculté que leur attribuait la loi de
germinal an 8, q u ’ils ont fait, en faveur de leur fille
ainée, une disposition irrévocable de sa nature j c’est
enfin sous la foi de l’exécution de cette disposition ,
q u ’ un mariage a été célébré, que deux familles se sont
uniesj et une loi postérieure aurait pu détruire ce qui
était valable alors !
Mais, s’il en était ainsi, que deviendrait cette règle
fondamentale q u i veut q u e les contrats, et les pactes
q u ’ils renferment, soient régis par la loi du jour ou
/
/
�/f/
( 4i )
ils ont été faits? Que deviendrait ce grand principe de
la-non rétroactivité, principe si solennellement déclaré
par les législateurs du Code civil, principe qui est le
fondement de toutes les législations des peuples civi
lisés, principe sans lequel tout ne serait que désordre,
tout ne serait qu ’anarchie dans les lois et dans les
transactions sociales ?
Reconnaissons donc qu e, puisque, suivant les règles
admises soit en 1789 soit en janvier i 8o3 , la dot
de la dame Cisternes d e v a it , dans tous les cas,
que cette dame vint ou non à partage, s’ i m p u t e r sur
sa portion héréditaire, et non sur la quotité alors dis
ponible; et p u i s q u e le sieur Auteroche a disposé alors
par un contrat de mariage, par le plus respectable
des contrats, de cette quotité disponible qui était
libre dans sa main , reconnaissons q u ’ une loi posté
rieure n’a pu porter atteinte à ce don irrévocable
de sa nature; q u ’elle n ’a pu, en changeant l ’im pu
tation de la dot de la dame ¡Cisternes, anéantir ainsi
dans la main de la dame Du CouiTour la donation du
quart, dont celle-ci était saisie avant la publication de
la loi nouvelle.
La question peut encore, être considérée sous un
autie rapport qui conduirait au même résultat.
Avant le Code civil, en janvier i 8o3 , l ’ordonnance
de 1731 , sur les donations, était toujours en vigueur.
Cette ordonnance permettait au père de famille de dis
poser de tous ses biens, moins les légitimes de rigueur
des enfans. De là cette règle écrite dans l’article 34 de
oïdonnance, suivant laquelle, si le donateur no
�( 4» )
laissait pas en mourant assez de biens libres pour
fournir la légitime des enfans, eu égard à la totalité
de son patrimoine
les légitimaires avaient le droit
de demander la réduction, d ’abord des legs, ensuite
des donations, en remontant des dernières aux pre
mières.
Alors, comme le fait remarquer Furgole sur cet
article, on faisait entrer dans le patrimoine, pour le
règlement de la légitime, i° les biens existans; 2° ceux
dont le père avait disposé par testament; 3° ceux dont
il avait disposé entre-vifs, même par contrat de ma
riage, et à titre de dot.
Sur cette masse, chaque légitimaire ne pouvait de
mander que sa légitime personnelle. S ’il la trouvait
dans les biens libres, il devait l’y prendre; si ceux-ci
étaient insufiisans, il n’obtenait, sur les dispositions
testamentaires ou entre-vifs,
que ce qui lui man
quait pour compléter sa légitime;
encore devait-il
imputer sur celte légitime tout ce q u ’il avait reçu du
patrimoine paternel, avant le décès du père.
Ces légitimaires, d’ailleurs, n’avaient pas à examiner
si les autres légitimaires acceptaient ou répudiaient
la succession.
Seulement,, si la renonciation d ’ un des légitimaires
était à-la-fois gratu ite, et pure et simple, celui-ci ne
comptait pas pour la supputation, ce qui ne donnait
cependant pas aux légitimaires acceplans le droit de
reclamer les légitimes des renonçaiis, mais ce q u i ,
selon le nombre qui restait , pouvait augmenter ou
diminuer leurs propres légitimes.
�/
( 43 )
Au contraire * lorsque la renonciation d ’un légitimaire était dirigée en faveur d ’une autre personne,
ou lorsqu’elle était faite aliquo d a to , comme nous
l ’avons déjà d i t , les légitimes des autres enfans étaient
telles q u ’elles auraient été, si tous avaient accepté (i).
Ils ne profitaient pas de la renonciation ; ils ne p o u
vaient chacun réclamer, contre l ’héritier ou le dona
taire, que sa propre légitime de rigueur.
Ces principes sont enseignés par tous les auteurs,
notamment par le savant Ricard, selon lequel, « pourvu
« que les enfans tirent des biens de leur père la por« lion que la nature leur destine, eu égard au nombre
« de frères et de sœurs q u ’ils sont, du moins ceux
« qui ne sont pas absolument exclus de sa succession,
« et auxquels le père a communiqué ses b ie n s , leur
« querelle d ’inofficiosilé doit cesser, n ’ayant pas droit
«
»
«
«
“
de se prévaloir, si les autres ne demandent point
leur part ou la légitime, attendu que chacun a son
droit pour ce regard ^ et il suffit que le père ait
satisfait les autres, et q u ’il leur ait pourvu de sorte,
qu ’ils aient eu sujet de s’en contenter (2). »
C'est comme une conséquence de ces principes ,
<1*1 était admise, dans toute la France, la règle écrite
(1) V o ir M e rlin , Répertoire de jurisprudence, au m o t L é g i t i m e
section 8 , paragraphe 1 " .
*
0 ) Voir Ricard , Traité des Donations, troisième p a rt., n° 10GÎ,
i u > e rlil1’ ^
m0t U '5' l[mQ ’ SeCli° n 8> r araPr®phe 2 , question 5” ’,
N
�( 44 )
dans l ’article
concu :
307 de la Cou tu m e de Paris , ainsi
9
« Néanmoins , au cas où celui auquel on aurait
« donné se voudrait tenir à son d on , faire le p e u t ,
« en s’abstenant de l ’hérédité, la légitime réservée
« a u x autres. »
De cette théorie, la seule admise autrefois dans le
Droit français, et des termes formels de l ’article 34
de l’ordonnance de 1 7 3 1 , il résultait que l ’enfant ne
pouvait faire r é d u i r e les dispositions entre-vifs ou
testamentaires, que pour sa propre légitime, et q u ’il
n ’avait pas le droit de réclamer, en outre, par l ’action
en retranchement, les légitimes des autres enfa ns,
quoique ceux-ci renonçassent,
n ’était pas g r a t u i t e .
si leur renonciation
C e s'prin cip e s, et notamment l ’article 34 de l ’or
donnance de 1 7 3 1 , ont été la loi du contrat de mariage
de la dame Du CouiFour : ils autorisaient ses père et
mère à lui donner toute la quotité alors disponible,
et à réduire la dame Voyret à sa légitime de rigueur.
L a quotité disponible était plus faible, il est vrai,
q u ’en 17 8 9 , et la légitime plus forte; car la loi du
4 germinal an 8 permettait seulement aux père et
mère de disposer du quart de leurs biens. Les trois
quarts étaient réservés pour les légitimes.
Mais si la quotité disponible n ’a pas été excédée,
si la réserve destinée aux légilimaires a été respectée,
la dame Voyret n ’a aucune réclamation à élever.
C ’est vainement q u ’elle se livrerait à de subtiles
�( 45 )
dissertations sur le sens de divers articles du Code
civil.
L e Code civil ne doit pas régir la succession du
sieur Auteroche; car cette succession ne s’est pas ou
verte ah intestat. Avant la publication de cette loi
nouvelle, le père de famille avait disposé de tous ses
biens sous les lois anciennes : il en avait disposé , ou en
faveur de la dame Cisternes, en 17 8 9 , mais à imputer
sur sa portion héréditaire; ou en faveur de la dame
D u Cou ffour, à qui, en janvier i 8o3 , il avait donné
un quart de son patrimoine et une portion égale dans
les trois autres quarts.
L e Gode civil ne peut porter atteinte a ces dispo
sitions, valables sous la loi de germinal an 8.
La dame Yoyret doit les respecter, les exécuter telles
q u ’elles s o n t, ou se restreindre à la légitime que lui
assurait la loi de germinal, c’est-a-dire au quart du
patrimoine entier du sieur Auteroche.
Tout ce que peut donc exiger la clame Y o y r e t , c’est
qu’on compose ce patrimoine, i° des 3 2,000 fr. cons
titués à la dame Cisternes pour biens paternels; 20 des
autres dots ou avancemens d ’hoirie; 3° des biens q u ’a
laissés le père à son décès, et que sur cette masse ,
distraction faite des dettes, on lui attribue un quart.
O i , on ne lui conteste pas ce droit.
Mais en réclamer de plus étendus, c’est non seule
ment méconnaître les volontés d ’un père respectable
c’est aussi vouloir détruire les dispositions d ’actes de
famille que la loi protège.
S il était nécessaire d invoquer la jurisprudence à.
�l ’appui (le vérités aussi claires, aussi élémentaires
nous citerions un arrêt de la C o u r , du 28 janvier
1820, qui a jugé une question dont l ’analogie est
frappante avec celle élevée par la dame Voyret.
Par le contrat de mariage de la demoiselle Julienne
Arcis-Berthon, en date du 1 1 nivôse an 11 (sous la
loi de germinal an 8 ) , il lui avait été promis une
somme de 20,000 f r . , payable après le décès de son
père, a la charge du rapport à la succession , si la
donataire venait à partage. Le don n ’était pas fait en
préciput.
L e père meurt en i 8 i 3 } et la fdle déclare ne pas
vouloir venir à partage, en optant pour les 20,000 fr.
Les autres en fans prétendirent que le don devait être
restreint a u q u a r t , q u o t it é d is p o n ib le ,
e t q u e , n e se
portant pas héritière, la dame Arcis ne devait pas re
tenir, en outre, sa portion héréditaire.
L a C ou r, sans se jeter dans l'examen des articles du
Code civil, considérant que le don avait été fait sous
la loi de germinal an 8 , et que le père pouvait alors
donner h sa fille la portion disponible 3 et une por
tion 'virile dans le surplus , ordonna l’exécution de
la donation , si mieux n’aimaient les autres enfans
abandonner à la donataire un quart en préciput, et
partager avec elle, par égalité, les trois antres quarts
(Voir cet arrêt, à sa date, dans le Journal des Audiences
de la Cour de Riom.).
Des principes semblables d o i v e n t conduire à une
décision analogue, pour la cause actuelle. Comme les
frères Arcis-Berthon, la dame Voyret d o i t, ou exécuter
�G 47 )
la disposition, faite en faveur de la dame D u Couffour,
ou être r é d u i t e à sa portion dans la réserve fixée par
la loi du 4 germinal an 8 , c’est-à-dire au quart du
patrimoine du père.
Ou se rappelle que par le contrat de mariage de la
dame Du Couffour, son père lui a donné, en préciput,
le quart de tous ses biens, et qu ’ il l ’a instituée héri
tière, par égale portion, avec la dame V o y r e t , clans
les trois autres quarts, à la charge du rapport des
avancemens d’ hoirie.
On sait aussi q u e , sur le quart qui est attribué à
la dame Du Couiï’o u r , la dame Voyret est autorisée
par le même contrat a prélever 4 ° ° ° francs.
E n fin , on n’a pas oublié qu e, par son testament,
le sieur Auteroche père, en léguant à la dame D u
Couffour un quart en préciput, donne l ’usufruit de
la moitié de ses biens à la dame L ’huillier, son
épouse.
Le legs d’usufruit de moitié à madame Auteroche,
pouvait être (ait cumulativement avec le don du quart
en propriété à l’un des enfans. Cette double dis
position était autorisée, et par les articles I er et G de
la loi du 4 germinal an 8 , et par les articles r)i3 et
I094 du Code civil.
TV
'
après ces actes, les droits des pai’ties sont faciles
à régler.
L a masse du patrimoine paternel sera composée des
dots ou des avancemens d’hoirie des trois filles, et des
autres biens du père.
U n quart de cette masse sera prélevé par la daine
�( 48 )
D u Couffour, qui paiera sur ce quart 4ooo francs à la
dame Yoyret.
Sur les trois quarts, on distraira les 32 ,ooo francs
f o r m a n t la dot paternelle de la dame Cisternes.
L e surplus se divisera , par moitié , entre la dame
D u Couffour et la dame Yoyret.
Si celle-ci refuse ce mode de portage, et q u ’elle
préfère s’en tenir aux droits que lui assurait la loi de
germinal an 8 , elle recevra le quart du patrimoine
du père, en imputant sur ce quart son avancement
d ’hoirie.
Dans les deux cas, son lot sera grevé, proportion
nellement à sa quotité, de l ’usufruit légué à la mère.
Telles sont les bases du partage à faire. Ces bases
sont déterminées par les actes de famille, et par les
principes en vigueur à l ’époque du contrat de mariage
de la daine D u Couffour.
Ces bases, invariablement fixées alors, n ’auraient
pu être ébranlées par la loi postérieure. Le Code civil
ne peut régir l’exécution des contrats qui 1 ont précédé;
il n’a pu détruire un droit acquis.
Mais s’il était besoin de consulter les règles établies
par le Code civil, on démontrerait aisément l ’erreur
et le danger du système de la dame Yoyret.
La renonciation d ’un héritier naturel, dit la daine
Voyret , le rend étranger u la succession , et lait
accroître sa portion à ses cohéritiers. I)« l;i decoulent,
ajoute-t-elle, plusieurs conséquences. Les dons que le
renonçant retient sont de pures libéralités; ils s’inv
�S i*™ “
( 49 )
putent sur la q u o t i t é disponible : un second donataire
ne peut pas réclamer cette quotité.
L a base de ce système est prise principalement dans
les articles 785 et 786 du Code.
« L ’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais été
« héritier (art. 785). »
« La part du renonçant accroît à ses cohéritiers
« (art. 786). »
Ces articles sont peu décisifs pour la question dont
il s’agit; l’un et l ’autre ne s’occupent que des cas
généraux.
L ’a r t i c l e 780 est s e u l e m e n t r e l a t i f a u cas o ù c e l u i
q u i re n o n c e n ’ a r i e n r e ç u , et
ne retient rien sur le
patrim oine du défunt.
L article *7865 611 établissant un droit d’accroisse• m e n t , suppose aussi que la successiou s’est ouverte
ab intestat.
On argumente encore de l ’article 8 4 5 , qui autorise
l ’héritier renonçant à retenir le don entre-vifs, ou à
réclamer le legs à lui fait, jusqu’à concurrence de la
quotité disponible.
Mais cet article ne s’explique pas sur le cas où la
quotité disponible a été donnée à une autre p e r s o n n e .
C ’est moins dans les articles que l’on vient de rap
peler que dans les articles 9 1 3 , 99.0 et 921 , que doit
se trouver la solution de la question.
L ’article 913 fixe la quotité disponible d’après le
nombre des enfans qui existent au décès du père.'
L article 9^®
déclaré réductibles que les dispo
sitions qui excéderont la quotité disponible.
7
�( 5o )
L ’article 921 autorise à demander la réduction ,
ceux-là seuls au profit desquels la loi Tait la réserve.
Appliquées à la cause des héritiers Auteroche, ces
règles démontrent que la dame Voyret ne devrait être
admise à critiquer les libéralités de son père, q u ’au
tant que ces libéralités excéderaient la réserve que la
loi lui attribuait.
Qu'était-elle, cette réserve? Elle était d ’ un quart
du patrimoine paternel; car le père ayant laissé trois
en fans à son décès, la quotité par lui disponible était
d ’un qu a r t, et les autres trois quarts étaient divisibles
entre les trois enfans, ce qui réduisait au quart la
portion réservée par la loi à la dame Voyret.
La prive-t-on de ce q u a rt, même en partie? elle a
le droit de se plaindre.
Mais conserve-t-elle ce quart en laissant exécuter le
don en préciput fait à la dame Du Cou flou r ? ses
plaintes sont injustes. La loi lui refuse la réduction
d ’ une disposition qui ne porte pas atteinte à sa réserve;
car elle ne peut demander cette réduction que jusqu’à
concurrence de la réserve faite à son p r o f i t ; elle ne
p e ut, à l’aide d'un prétendu droit d ’accroissement ,
réclamer la réserve légale qui était faite au profil de la
dame Cistcrncs. Le droit d ’accroissement, établi par
l'article 786, autorise à recueillir ce qui existe dans
la succession ab intestat> mais non à’ prendre dans la
main d ’ u n donataire ce que celui-ci a reçu; non à
faire annuler ou réduire une donation valablement
faite. L ’action en réduction est une action exorbitante
qui ne peut exister sans être autorisée par un texte
�c l a i r e t f o r m e l . D e s i n t e r p r é t a t i o n s s u b t i l e s e t forcées
110 p e u v e n t 1 é t a b l i r , l o r s q u e la lo i est m u e t t e .
Que l’on réfléchisse sur le système proposé, et l ’on
verra q u ’ il conduit à une injustice révoltante, et
même à l ’absurdité.
Il n’est aucun père q u i , en mariant l’un de ses enfans, ne lui donne un avancement d ’hoirie. En faisant
ce don par anticipation sur son hérédité, non seulement
il cède à ses affections, mais encore il se soumet à la
nécessité; car l ’enfant ne pourrait, sans un tel secours,
faire un établissement convenable.
O r, dans le système q u e l ’on c h e r c h e à c r é e r , le
père s’exposérait à perdre le droit de disposer dans la
suite, de la moindre partie de ses biens, par cela seul
q u ’en établissant l’un de ses enfans, il aurait, par un
don en avancement d ’hoirie, rempli le devoir de la
nature et du sentiment. Que l ’avancement d ’ hoirie soit
égal a la portion héréditaire de l ’enfant, q u ’il soit même
plus faible, cet e n fan t, par caprice ou par fraude, renon
cera à la succession du pèrej pour s’en tenir au don
qu ’il aura reçu; et le père, qui n’a pas dû craindre un tel
piège; le père qui aura voulu marquer par un bienfait
sa reconnaissance, ou une affection plus spéciale, à
celui de ses enfans qui en aura été le plus digue; le
pure sera trompé dans ses intentions. Ses libéralités
seront détruites, comme nous l’avons déjà dit, par le
caprice ou la fraude de l’enfant donataire d ’ un simple
avancement d’ hoirie.
Par le caprice, s i , sans aucun but coupable d ’ailleurs,
il veut se débarrasser de l’ennui d ’ uu partage qui ne
�( 5» )
lui offrirait qu ’ une valeur à peu près égale à celle q u ’il
a déjà reçue.
Par la fraude même. Car il pourrait arriver que cet
enfant, pour nuire à celui qui aurait été avantagé,
renonçât à la succession, fit ainsi disparaître le précip u t, et partageât ensuite secrètement avec les autres
héritiers le bénéfice que sa renonciation leur aurait
v a l u , au moyen de l’accroissement en leur faveur de
la portion du renonçant.
Un tel système serait subversif de la loi, qui n’a pas
entendu faire dépendre des héritiers eux-mèmes le sort
des volontés légales du père; un tel système tendrait
aussi à étouffer les sentimens de la nature, en empê
chant les pères de procurer à leurs enfans des unions
assorties, puisqu'ils ne pourraient d o n n e r le moindre
avancement d’ hoirie, sans s’exposer à être privés du
droit de disposer, dans la suite, d ’aucune partie de
leurs biens j un tel système aurait de trop funestes
conséquences, pour être adopté par la réilexion ; et
c’est faire injure aux législateurs, que de supposer q u ’il
est la conséquence de l’esprit de la loi nouvelle.
Dans la cause même, les mots ne peuvent pas servir
de prétexte à la théorie que l’on veut établir.
La daine Cisternes s’est bornée à déclarer q u ’elle
n’entendait pas venir à partage, afin de conserver le
don qui lui a été fait.
Elle n’a pas renoncé} elle s’est seulement abstenue
ali(juo (lato. Elle n’a pas répudié la q u a l i t é d ’héritière.
Elle est toujours héritière par rétention , si elle 11e l ’est
plus p ar action.
�0
^•53 )
Ce q u ’elle a retenu, elle a entendu le retenir,
conformément à son contrat de mariage , pour ses
droits paternels.
Donc elle ne peut être assimilée à un donataire
étranger.
Donc le don qui lui a été fait doit être imputé, non
sur la quotité disponible, mais sur sa portion héré
ditaire.
Donc les prétentions de la dame Voyret sont re
poussées, non seulement par la loi sainement entendue,
mais encore par les termes de la déclaration q u ’a faite
au greffe la dame Cisternes, et par les dispositions du
contrat de mariage de celle-ci.
La dame Voyret invoque des arrêts de cassation /
des 18 février 18 18 , et 17 mai 1 8 19 ; mais ces arrêts
ne sont pas applicables à la cause.
L arrêt de 1818 peut d autant moins s’v appliquer,
que non seulement il juge une question différente,
mais encore q u ’il est relatif à une donation faite,
le 28 messidor an 3 , c’est-à-dire sous l ’empire des lois
prohibitives, et par conséquent à une disposition qui
ne pouvait valoir comme libéralité, puisque les lois
du tems interdisaient tout avantage fait à un successible (Voir l ’arrêt dans le journal de S ir e y , tome 18,
page.98,
partie.).
L arrêt de 1819 décide aussi une question essen
tiellement différente, et qui eût été jugée de la même
manière, dans l’ancien comme dans le nouveau Droit.
Les enfans, donataires, étaient morts'sans postérité,
avant le décès de leur père, donateur. Leur prédécès
�( 54 )
ne leur ayant pas permis d ’être successibles, les dons
q u ’ils avaient reçus ne pouvaient évidemment s’im
puter sur une portion héréditaire à laquelle ils n’avaient
jamais eu droit.
Ces préjugés sont donc peu sérieux pour la cause.
Quant aux motifs de ces décisions, les invoquer, ce
serait s’exposer à faire juger à leurs auteurs des ques
tions auxquelles ils n'ont peut-être pas même pensé.
Des motifs fugitifs qui se sont glissés dans un arrêt,
ne présentent q u ’ une doctrine fort incertaine, lorsque
leur application directe à une autre question n’est pas
faite par l’arrêt même.
Au reste, si quelque doute s’élevait sur le sens et
l ’esprit du Code civil, ce serait aux principes anciens
q u ’il faudrait r e c o u r i r p o u r l ' i n t e r p r é t a t i o n des prin
cipes n o u v e a u x . On sait que les lois successives, lors
q u ’il s’agit de les interpréter, se prêtent un mutuel
secours. Loges priores ad poslenorcs traliuntur, et è
contra.
O r , l ’on a vu que sous la législation qui a précédé,
qui a préparé même le Code civil, l'enfant qui re
nonçait ciliquo dato faisait nombre dans 1 interet de
l ’héritier institué, pour la supputation des légitimes,
et q u ’il était considéré comme prenant part à l’ héré
dité, sinon par action, au moins par rétention.
Telle est aussi l ’opinion émise sous la législation
nouvelle, par des jurisconsultes dont le n o m est une
aulorite devant les t r i b u n a u x .
Telle est celle -notamment du dernier auteur du
Traité des Donations et des Testamens. Il examine avec
�V. ^ )
profondeur ordinm’C 1g cas ou. un enfant renonce,
pour s’en tenir à l’avantage qui lui a été fait; et il
prouve que si “ 1 enfant donataire ou lcgataiic ne
« vient point à la succession, le don ou le legs s’im« pute d ’abord sur sa réserve personnelle. I l en est
« saisi par la lo i » , ajoute l ’auteur (i).
M. Toullier, dans son Droit civil, reconnaît luimême que lorsqu’un enfant donataire renonce , et
qu’il existe d ’autres donations antérieures à la sienne,
il peut cependant, sur les biens q u ’il a reçus en don,
retenir sa légitime par voie d ’e x c e p t i o n , e t renvoyer
ses frères et sœurs vers les d o n a t a i r e s p r é c é d e n s , p o u r
o b t e n i r l e u r s p o r t i o n s d e la réserve légale (2).
Dc-lk découle nécessairement la conséquence que
l ’enfant donataire ne doit pas être assimilé a un
donataire étranger, et que le don qui lui a été fait
doit s’imputer, non sur la quotité disponible,
mais
sur la réserve. S’il •en était autrement,y les donataires
antérieurs lui seraient évidemment préférés, et sa
renonciation lui enlevant le litre d ’héritier , il nu
pourrait conserver aucune partie du don q u ’il aurait
reçu.
9
Ainsi, les principes du Code civil doivent être
considérés comme conformes aux principes antérieurs.
On ne doit pas, d ’ailleurs, légèrement présumer que
les législateurs du Code aient voulu apporter , aux
( i ) Traité <lcs Donations, édition in - 4° , tome 2 , page 2^3.
00 Voyez T o u llie r, Droit civil français, tome 5 , page 1 5 i , pre
mière édition.
�m
( 56 )
règles admises généralement jusqu’alors, une inno
vation aussi importante, aussi remarquable, sans q u ’il
se fut élevé même sur ce point la plus légère discus
sion lors de l ’examen du projet du Code civil. O r ,
q u ’on parcoure les procès-verbaux contenant les ob
servations faites au conseil d’Etat, l’on n’ y remarquera
rien qui annonce même que la difficulté ait été agitée.
Il ne parait donc pas que les législateurs du Code
aient eu l'intention de créer des règles directement
opposées à la législation antérieure, des règles abso
lument destructives de la faculté de disposer, faculté
que le Code civil a voulu cependant rétablir sur des
bases même plus larges que celles q u ’avait posées la
loi de germinal an 8.
Reconnaissons donc q u ’aujourd’hui même ceux-là
seuls peuvent se plaindre d’ une disposition, ceux-là
seuls peuvent la faire réduire, dont la réserve légale
est atteinte. Reconnaissons que la réduction ne peut
être demandée par un héritier à réserve, que jusqu’à
concurrence de sa portion particulière dans cette ré
serve; reconnaissons que si un enfant renonce ciliquo
clato, la chose q u ’il a reçue doit d ’abord s imputer
sur sa part héréditaire, et que c’est seulement au cas
où la part héréditaire serait plus faible, que l ’excé
dant s’imputerait sur la réserve ; reconnaissons, par
suite, que les autres enfans n ’auraient droit à l'ac
croissement de la portion du renonçant, q u ’autant
que le don retenu serait moindre que 1« part hérédi
taire; reconnaissons aussi que le père de famille a
¡reçu de la loi le pouvoir de disposer de toute Ja quotité
\
�que cette loi ne déclare pas indisponible dans l'intérêt
île chaque héritier naturel; reconnaissons enfin que
celui qui reçoit ou auquel on offre toute la quotité
qui est réellement indisponible à son égard, n’a le
droit de rien exiger de plus, et doit respecter, au
jourd’hui comme autrefois, toutes les dispositions qui
laissent intacte sa légitime personnelle.
Ou si l’on croyait superflu d ’examiner et de décider
la question d’après les principes nouveaux, convenons
que les principes anciens la jugent sans équivoque ;
convenons que les principes en vigueur eu 178g et
en janvier i8o3 , ces p r i n c i p e s , q u i sont la loi du
contrat de m a r i a g e d e la d a m e Cisternes et de celui
de la dame Du Coufl'our, commandaient d ’imputer
le don fait à la dame Cisternes sur la part héré
ditaire qui devait lui appartenir dans le patrimoine
de son père; convenons aussi q u ’à la disposition de
la loi s’unissaient les termes de la volonté expresse du
père de famille, qui avait déclaré formellement don
ner à la dame Cisternes, pour ses droits paternels et
maternels s et qui avait exigé q u ’au moyen de la cons
titution qui lui était faite, elle renonçât auæ succes
sions de ses père et mère $ convenons que le père de
famille, ayant stipulé sous la foi d ’ une législation
existante en 1789, et en v i g u e u r encore en i8 o 3 , a
dù croire que la quotité disponible était toujours
libre dans sa main; convenons que la famille D u
Coufl'our, dans laquelle entrait la demoiselle Auteroche, en janvier i 8o3 , a du se reposer avec confiance
6ur la législation la seule connue, la seule admise
8
�( 58 )
alors, et q u ’elle n ’a pas du craindre q u ’une législation
postérieure portât atteinte à un don valable au m o
ment où il a été fait, à un don irrévocable de sa
nature; convenons enfin que ce don et ses effets doi
vent être appréciés comme ils l ’auraient été si la suc
cession du père se fût ouverte au moment même , et
que, puisqu’il eût été maintenu alors, puisque la dame
Voyrct n’eût pu l’attaquer q u ’en se restreignant au
quart du patrimoine de son père, il doit être aussi
maintenu aujourd’h u i, et la dame Voyret doit ou le
respecter ou se contenter d ’ un q u a r t, qui était, en
l ’an 8 , qui est actuellement encore la seule légitime
dont la loi ne permettait pas de la priver.
Pour la calculer, cette légitime , la dame Voyret
peut, sans doute, demander que les dots et les dons
en avancement d’hoirie entrent, fictivement au moins,
dans la masse du patrimoine.
Mais elle n ’a le droit d ’y faire entrer que les valeurs
dont se composent les dots et les avancemens d’hoirie,
non les objets estimés dans les contrats de mariage , et
aliénés moyennant un prix déterminé.
Ainsi, dans le patrimoine du père ne doivent pas
être compris des objets vendus par lui au sieur Cisternes, moyennant 2^,000 fr. ; des objets sortis depuis
1789 de sou patrimoine; des objets q u i , dans tous les
cas où la restitution aurait h e u , suivant l’expression
du contrat de mariage de la dame Cisternes, ne de
vaient ni appartenir à celle-ci, n i r e d e v e n i r un bien
paternel. Le prix de l’aliénation, seule valeur à resti
tuer à l ’épouse, est aussi la seule valeur à rapporter
�( 5 9 )
fictivement à la masse de l ’hérédité, tandis q u ’au
contraire on doit y rapporter la valeur réelle d ’une
rente, dont le sieur Voyret n’était pas autorisé à
accepter un remboursement sans emploi •, d’une rente
dont la perte n’a eu d ’autre cause que les faux calculs
du sieur V o y r e t , ou plutôt des spéculations qui l ’ont
décidé à rechercher et à recevoir, pour son intérêt per
sonnel, une valeur en assignats, q u ’il a , dit-on, em
ployée fort utilement pour lui.
Ainsi, le tribunal de première instance, a commis
des erreurs graves. Il ne devait ni dispenser la dame
Voyret du rapport de la v a l e u r r é e lle de la rente
q u ’e lle avait r e ç u e en dot, ni ordonner l ’estimation,
valeur actuelle, d ’un bien vendu au sieur Cisternes,
en 1789, et dont le prix avait été alors invariablement
fixé. Au lieu de s’arrêter h un interlocutoire inutile,
et repoussé par les circonstances comme par les prin
cipes, il devait déterminer sur-le-champ les bases du
partage, et consacrer le don en préciput assuré à la
dame Auteroche, par la loi et par le plus solennel des
contrats.
La Cour réparera ces erreurs, en montrant dans
cette cause, comme dans toutes celles qui lui sont
soumises, son respect religieux pour les principes et
pour les volontés légitimes des pères de famille.
M* A L L E M A N D , ancien A vocat.
M* B R E S C HARD , Licencié-Avoué.
R I O M , I M P R I M E R I E DE S A L L E S , PRÈS LE P AL A I S DE J US TI CE.
<
�
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A name given to the resource
[Factum. Auteroche, Marie. 1822?]
Creator
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Allemand
Breschard
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
dot
assignats
renonciation à succession
successions
pays de droit écrit
conflit de lois
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Marie Auteroche et le sieur François Malafosse du Couffour, son mari, Adjudant des Gardes du Corps, Compagnie d'Havray, Chevalier des Ordres de Saint-Louis et du Phénix, Appelant d'un jugement rendu le 28 aôut 1822, par le tribunal civil de Clermont ; contre Demoiselle Marguerite Auteroche et le Sieur Voyret, son mari, Docteur en médecine, Intimés ; en présence de Dame Marie Auteroche et de Sr Blaise Cisterne-Delorme, son mari, aussi intimés.
Annotations manuscrites : « 8 avril 1824, journal des audiences, p. 255. »
Table Godemel : Donation : 17. quels doivent être les effets d’une donation, faite avant les lois nouvelles, par un père mort depuis le code civil, à une enfant qui renonce pour s’en tenir au don ? La donation fait-elle, nonobstant sa rémunération, nombre parmi les héritiers ; et peut-il retenir l’objet donné, jusqu’à concurrence de la légitime et de la quotité disponible, telles qu’elles étaient fixées par la loi en vigueur au moment du contrat ?
18. quel doit être le sort d’une donation du quart en préciput, faite à un autre enfant, postérieurement à la loi de germinal an huit, lorsque l’objet de la première donation est inférieur à la quotité disponible ancienne, et peut-être même à la disponibilité nouvelle ? - le second donataire, peut-il dans son intérêt, avec les héritiers à réserve, faire considérer le premier donataire comme légitimaire, prendre la quotité disponible au moment de la seconde donation, en imputant sur la légitime du premier donataire, les objets que celui-ci retient ? Dot : 4. dans l’ancien droit un immeuble donné en dot, avec estimation et pouvoir au mari de le retenir pour la somme indiquée, est-il présumé vendu ?
en supposant qu’il y ait eu vente, le don, devenant sujet à un rapport fictif, doit-il être estimé valeur du décès du père ? Rapport : 8. une rente foncière donnée en avancement d’hoirie doit-elle être rapportée, valeur réduite seulement, si elle a été remboursée en assignats au mari de la donataire, bien que le remboursement ait été accepté sous contrainte, qu’il n’ait pas été accompagné de remploi, et que la nullité du remboursement n’ait été mise à couvert que par le fait du mari ?
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Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1764-1822
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
59 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2606
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2607
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Sauvagnat (63410)
Perrier (63275)
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assignats
conflit de lois
contrats de mariage
dot
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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GENEALOGIE
P IE R R E G U E Y F F I E R ,
A
JE A N N E M A R T IN O N .
M A R IE .
JEAN, f i e
3 avril
1 7 60.
M A R G U ER ITE ,
à
M arie-A nke S o lé u a g e , f le i 3 septembre 1773.
M A U H I C E , p rêtre ,
né en 1 7 1 9 ,
et *1" en 179G.
A N T O IN E .
LO U IS.
P IE R R E .
à
P IE IU IE -J O S E P H
Nozerine.
F R A N Ç O IS ,
G U I L L A U M E , "j* le 28 août
à
à
Jeanne Lémovd.
P IE B R E -J O S E P H ,
ab sen t.
A g k è s - F s a n ç o is e L a m o th e , ’ {* en l ’ an 12 .
A N T O IN E ,
A ppelant.
J E A N -B A P T IS T E ,
n é le 20 ju in
17G0 ,
m ajeu r e n i j 85 ,
A N T O I N E T T E , n é e le 16 ju in 1768 ,
à
m aje u re e n 179 3 .
A m a b le B a t o l ,
Intimes.
A N T O IN E ,
n é le 3 n o v e m b re *774 >
m a je u r en i ; 9 5 ,
�MEMOIRE
COUR R O Y A LE
D E RIO M .
POUR
LE
SIE U R
G U E Y F F I E R D E L ’E S P IN A S S E ,
ancien A vo cat, A p p ela n t;
CONTRE
Sieur
J e a n -B a p tis te
sieur
A n to in e
G U E Y F F IE R -D E L A IR E ;
G U E Y F F IE R D U B U ISSO N ;
dame A n t o i n e t t e G U E Y F F I E R , et S r A
B A Y O L son m ari, intimés.
m a b le
Usucapio........ hoc est f i nis sollicitudinis ac periculi litium.
( C i c e r o , orat. pro Cæcinîi).
L a prescription est fondée sur le droit naturel, qui
attribue la propriété ,au possesseur : l ’intérêt public
l ’a fait admettre par le Droit c iv il, qui en a déterminé
les conditions et les eff e t s.
Chez tous les peuples, les législateurs ont considéré
la prescription comme nécessaire pour assurer les
I
« 'C„i l A“M L"'I v 7
'
bt
�fortunes, fixer l'incertitude des domaines, mettre un
terme aux dangers des procès, punir même la négli
gence de ceux q u i, pouvant avoir des droits, tardaient
' trop à les exercer, et protéger la sécurité des possesseurs
_ ou de leurs héritiers.
Ces considérations ont fait appeler la prescription
la patrone du genre hum ain, et en ont dicté les diffé
rentes règles. La loi présume que ceux qui n ’ont pas
agi dans le délai q u ’elle fixe, n ’ont eu aucun intérêt
à agir, ou ont voulu faire la remise de leurs droits ;
elle décide que celui qui a possédé pendant ce délai
est le vrai, est le seul p r o p r i é t a i r e , p a rc e que la pos
session est le signe de la propriété. E n conséquence,
elle le dispense de toute autre preuve que de celle de
sa possession j elle n ’exige pas de lui q u ’il produise
des titres p o s i t i f s , p ar ce q u ’il p e u t ne pas les c o n n a î t r e ,
parce q u ’ils ont pu disparaître dans la nuit des tems,
parce q u ’enfin, après le tems fixé pour la prescription,
il n’a pas dit les conserver avec une soigneuse sollici
tude.
Ces principes salutaires, qui offrent les seuls moyens
de défense que
rance de ce qui
à de vieilles et
bienfaisans ont
d ’anciens propriétaires, dans l ’igno
s’est passé autrefois, puissent opposer
à d ’injustes prétentions, ces principes
été invoqués par le sieur Gueyifier de
l'Espinasse dans une cause où leur application parais
sait aussi naturelle q u ’équitable : ils ont c e p e n d a n t
été écartés sous le prétexte le plus futile.
U n héritier bénéficiaire qui , pendant plus de
trente années, a joui à ce titre et exclusivement de
�l ’hérédité entière, 3 etc cependant sssiniilc u un pos
sesseur précaire, et déclaré incapable de prescrire ,
pour avoir ob te n u , contre un curateur au béné
fice d ’inventaire, une sentence q u i, pour ses créances
p e r s o n n e ll e s , l ’autorisait à faire vendre les biens ou à
s’en mettre en possession pignorative.
Jamais l ’héritier n’avait usé de cette dernière faculté,
dont il n’avait pas besoin, et qui ne lui offrait aucun
avantage : toujours il avait agi,'seulement comme héri
tier, dans ses actes d ’administration comme dans la
plupart de ses actes judiciaires, dans ses rapports avec
les créanciers de l ’hérédité comme dans ses traités
avec l ’un de ses co-successibles.
C e p e n d a n t s on titre d ’héritier, qui était tout à-lafois son vrai titre, son titre u n iqu e, et un titre u tile ,
puisqu’il lui attribuait la propriété de l ’hérédité, ce
titre important et indélébile avec lequel on ne pou
vait contester la prescription, a été méconnu en lui 5
et on lui a attribué un titre vicieux, un titre précaire
q u ’il n’a jamais e u , afin d ’accueillir une action depuis
long-tems éteinte, afin de le contraindre au partage
d’une succession ouverte depuis 1760, en déconfiture
alors, liquidée à grands frais depuis, et à laquelle
n avait pas voulu prendre part autrefois, lorsqu’elle
était en ruine, celui-là même au nom de qui des parens collatéraux la réclament aujourd’hui q u ’ils savent
q u ’il serait difficile, après plus d ’un demi-siècle, de
réunir les preuves de tous les sacrifices faits pour
acquitter les dettes héréditaires.
�(4 )
FAITS.
L e sieur Jean Gueyffier, ayeul des parties, avait
épousé Marie-Anne Soléliage en 1 7 1 7.
De ce mariage étaient nés cinq enfans mâles. Mau
rice, né en 1 7 1 9 , décédé en 1 7 9 6 ; Pierre-Joseph
Gueyffier de L on g-Pré, dont l ’appelant est le fils ;
François Gueyffier, qui 11’est pas représenté dans la
cause-, G u illau m e, qui a laissé deux fils et une fille
(ce sont les intimés); et autre Pierre-Joseph Gueyffier
• du Buisson, absent depuis 17 6 3 , époque à laquelle il
se rendit aux îles françaises en Amérique.
L ’hérédité de l ’ayeul Jean Gueyffier est l ’objet de
la cause. Les intimés en demandent le partage, non
du chef de G u i l l a u m e l e u r père, q u i a v a i t cédé ses
droits à son frère Pierre-Joseph de Long-Pré, mais du
chef de Maurice, leur oncle,
dont ils sont héritiers
partiels.
L e contrat de mariage des ayeux communs est du
27 juin 17 17 .
L e père de Jean G ueyffier, futur époux, était alors
décédé. Sa mère, la dame Martinon, l'institua son
héritier de tous les biens q u ’elle laisserait à son décès,
sous la réserve de quelques objets qui devaient faire
partie de l'institution , si elle n ’en disposait pas au
trement .
L lle déclara substituer à la propriété d« tous scs
biens celui de ses petits-enfans mâles dont son fils
ferait choix; e t, à défaut de choix, l ’ain^ d ’entr’e u x ,
�(
5)
pourvu q u ’il ne fut pas entré clans l ’Ordre ecclésias
tique.
1
Ôn r e m a r q u e clans ce contrat une preuve des désor
dres q u ’éprouvaient déjà les affaires du sieur Jean
Gueyffîer.
Il y fut stipulé q u e Y usufruit des biens
substitués ne pourrait être saisi p ar les créanciers du
fu tu r époux.
La dame Martinôn décéda sans avoir fait d’autres
dispositions.
L ’aîné des enfans Gueyffîer, le sieur M aurice,
reçut les Ordres sacrés.
L e puîné, Jean-Joseph Gueyffîer, pèreclel'appelant,
fut institué par son c o n t r a t de mariage, du 2. août
1 7 4 5 , l ’héritier universel de son père, qui se réserva
1 5,ooo francs pour la légitime des autres enfans. Il
fut aussi choisi pour recueillir l ’effet de la substitution
faite par la clame M artinon, son ayeule. L a dame
Soléliage , sa mère , lui fit don d ’une somme de
3ooo francs,
payable après son décès.
Cependant, loin de s’améliorer, la fortune du
sieur Jean Gueyffîer père devint de jour en jour
plus en désordrej et la clame son épouse fut obli
gée de demander une séparation de biens, q u ’elle fît
prononcer en 17 5 1.
Le sieur-Gueyffîer décéda en 17G0. Sa succession
était grevée de dettes considérables.
U n inventaire fut dressé, le 27 juin 17G0, à la re
quête de Pierre-Joseph G ueyffîe r de L o n g -P r é , son
fils, en présence de la dame Soléliage, sa veuve. Le
sieur Piene-Joscpli Gueyffîer du Buisson y assista ,
�K
(6)
faisant tant pour lui que pour ses autres frères; et,
sans vouloir prendre, en leur nom , de qualité, il se
borna à faire, pour eux et'pour lu i, des réserves de
leurs droits.
L e sieur Gueyffier de Long-Pré fut chargé des
objets inventoriés. Il se mit aussi, dès cet instant ,
en possession de tous les biens de l ’hérédité.
L o rs de l ’inventaire, le sieur Gueyffier avait dé
claré n’accepter la succession que comme héritier
b én é fi ci a i r e.
L e 27 juillet suivant, il ré it é ra cette déclaration,
par acte au greffe, et renonça même à l ’institution
iV héritier.
Le
3o
juillet 1760, il fit nommer un curateur au
bénéfice d ’inventaire.
Le 14 a o û t, en vertu d ’ordonnance obtenue le 1 1 ,
sur requête, il assigna ce curateur en paiement de ses
créances contre la succession,
L e i£> novembre 1760, il ob tin t, en qualité d ’hé
ritier de la dame M artinon, son ayeule, et à d’autres
titres, une sentence par défaut, q u i, liquidant scs
créances, condamna le curateur à lui payer en capi
taux la somme de
36,485
francs, avec des intérêts
remontant, pour certaines sommes, à des époques fort
reculées. Les frais de la demande furent liquidés k
1 8 9 francs. L a sentence se termine par une d i s p o s i t i o n
qui était alors une sorte de formule employée dans
toutes les sentences semblables.
E lle permet au sieur de Long-Pré de jo u ir jtigno-
�(7 )
rativement, et de se mettre en possession des immeubless
si m ieux il n aim e les fa ir e saisir et ven dre, etc.
On sait que cette permission de jo u ir pignorcitivem ent 3 s i m ieux n aime fa ire saisir et vendre , était
une dispos it io n de stile qui autrefois, en Auvergne
s u r - t o u t , terminait toujours les sentences des condam
nations obtenues par les créanciers contre les débiteurs.
Déjà en possession, en sa qualité d ’héritier bénéfi
ciaire, non seulement des.im m eubles, mais encore de
tout le mobilier de la succession, le sieur Gueyfiier
de Long-Pré ne pouvait pas penser à prendre une nou
velle possession des immeubles, s e u l e m e n t à titre
pignoratif. Aussi ne il t-il aucun acte tendant a executer, en ce point, la sentence qu il venait d ’obtenir.
On ne rapporte aucune prise de possession de sa part.
Il continua de posséder comme il possédait auparavant,
c’est-à-dire en qualité d ’héritier bénéficiaire, et passa,
en cette qualité, quatorze diiTérens baux à ferm e, de
puis le 9 décembre 17G0 jusqu’au 3o décembre Ï7 6 1.
Ces baux seront produits.
:
L e sieur Gueyfiier lit plus : bientôt il opta pour la
saisie réelle. Afin d ’y parvenir, il fit faire au curateur,
1« 7 février 1 7 6 3 , un commandement recordé, con
tenant signification de la sentence du i 5 novembre
*760; commandement que suivit uu procès-verbal de
saisie réelle; celte saisie fut aussi signifiée au curateur,
avec une nouvelle notification de la sentence.
Alors le commissaire aux saisies réelles de la séné
chaussée de Riom fit procédai’ , le if> juin 17 6 3 , au
bail des immeubles saisis. Le sieur G u eyfiier, déjà
�possesseur de ces immeubles, et de quelques autres ,
s’en rendit fermier judiciaire.
Nous disons de quelques autres, car la saisie réelle
et le bail ne comprenaient pas tous les immeubles de
l ’hérédité. On n’avait pas saisi notamment des vignes
situées à Costecirgues, et plusieurs rentes foncières ou
autres.
Cependant des créanciers de Ja succession poursui
virent le sieur Gueyfiler comme héritier bénéficiaire5
et une eentence de la sénéchaussée d ’Auvergne, du 23
août 1 7 6 4 , le condamna à rendre compte du bénéfico
d ’inventaire.
- L e sieur Gueyffier présenta ce compte le
3o
no
vembre de la même année. On y voit qu 'il porte ,
dans le chapitre des recettes : i° le produit de tous
les b ie ns d e p u i s l ’o u v e r t u r e de la succession j u s q u ’il la
date du bail judiciaire} 20 celui des renies et des
vignes jusqu’à la date du compte, parce q u ’elles n’avaient
pas été saisies.
Ce compte, rendu judiciairement, est une nouvelle
preuve que le sieur
Gueyffier de Long-Pré n’avait
jamais possédé, ne possédait pas même alors à titre
pignoratif.
Le premier bail judiciaire n’avait été passé que pour
trois années, si lant la saisie reellc dure, porte le
procès-verbal.
Ces troià ans étant expirés, un second bail judi?
ciaire fut aussi passé, le 10 avril 1 7 6 6 , pour trois
années, avec la même restriction, si tant la saisie
réelle dure.
�L e sieur Gueyfiier de Long-Pre se; rendit
encore
fermier judiciaire.'
Mais il ne cessa pas de se considérer et d ’agir comme
bénéficiaire; car, le 10 août de la même année,
h é r i t i e r
il donna à ferme , en sa qualité d ’héritier, un immeuble
dépendant de l ’hérédité; et, les années suivantes, il
traita, aussi en la même q u alité, soit avec le sieur
Guillaume G ueyfiier, son frère, père des intimés ,
soit avec les créanciers de la succession, i
'*
L e traité fait avec Guillaume Gueyfiier est du 26
juillet 1767. Celui-ci y agit* pour lui et pour la dame
Soléliage, leur m ère, créancière de la succession.
Il réclame pour la mère des sommes dues en vertu
du contrat de mariage, du 27 juin 17 17 .
Il demande, de son chef, une légitime de rigueur,
et prétendait avoir le droit de l ’exiger même sur les
biens compris dans la substitution.
Le traité fait connaitre le peu de ressources que
présentait alors l ’hérédité. On y dit que sa valeur
était absorbée par des dettes, même antérieures au
contrat de mariage de 1 7 1 7 ; il y est aussi reconnu
que la dame Soléliage avait obtenu sa séparation de
biens en 1 7 5 1 .
Par cette transaction, le sieur Gueyfiier de LongPré s oblige, non seulement; comme héritier, riiaià
encore en son propre nom , ;i payer à sa mère son
douaire annuel, h l u i f o u r n i r , pour logement,* une
chambre m eublée, et h servir les intérêts d ’une somme
de 700 francs, qui lui restait due sur sa dot pécu
niaire.
•’
'r
z
�w
( 10 )
Il promet aussi à son frère une somme de
5oo
fr.,
pour lui tenir lieu de légitime paternelle; et Guillaume
Gueyffier lui cède tous les droits q u ’il pouvait pré
tendre, tant sur les biens compris dans la substitution,
que sur ceux de Jean Gueyffier son père.
E n conséquence , les parties renoncèrent U tout
procès.
L e sieur Gueyffier de Long-Pré prit ensuite des
arrangemens avec, les créanciers ; il acquitta leurs
créances; et il obtint la main-levée des oppositions
q u ’ils avaient formées à la saisie réelle. On rapporte
six de ces mains-levees : les a u t r e s , et même tous les
actes d ’arrangement, n ’ont pu se retrouver : près de
soixante ans d ’intervalle en ont fait perdre les traces;
en sorte que les héritiers du,sieur Gueyffier de LongPré seraient aujourd’hui privés de la r e s t i t u t i o n des
sommes payées par leur père, si la prescription n ’écartait pas l ’action en partage à laquelle ils résistent.
Muni des traités q u 'il avait faits, le sieur Gueyffier
présente, le iG mai 1770 , en qu a lité cVhéritier p a r
bénéfice cVinventaire de Jean G uey ffier, son père ,
une requête en radiation de la saisie réelle. Il y parle
des arrangemens q u ’il a pris avec les créanciers, des
main-levées d ’opposition q u ’il a obtenues. Il demande
la permission d assigner, soit les créanciers encore
opposans, soit le commissaire aux saisies réelles, soit
le curateur au bénéfice d ’inventaire.
L a permission fut accordée; une assignation fut
donnée aux parties intéressées; e t , par sentence du
17 août 1670, contradictoire avec le curateur et
�certains créanciers opposans, par défaut faute de
plaider, contre les autres et contre le commissaire aux
saisies réelles, la radiation de la saisie fut ordonnée.
En
rayan t
la saisie, la sentence fit disparaître les
droits dû commissaire, et par conséquent les effets du
bail judiciaire, q u i , d’après ses termes m êm e, ne
devait pas durer plus que la saisie, q u i, d ’ailleurs,
était expiré depuis la fin de 17 6 8 , et qui n’avait pas
été renouvelé.
Il est fâcheux pour la justice que cette sentence
n’ait pas été connue en première instance, et q u ’elle
n ’ait été retrouvée q u e d e p u is le j u g e m e n t 5 sans doute
elle eût évité a u t r i b u n a l de Brioude l ’erreur grave
d an s l a q u e l l e il est tombé 5 car elle ne laissait pas de
prétexte pour considérer, au moins depuis 1770 , le
sieur Gueyffîer de Long-Pré comme possesseur à titre
pignoratif, lui qui avait obtenu la sentence en qualité
d ’héritier bénéficiaire , et qui , dès ce m om ent-là
su r-tout, n ’eut plus que ce titre d ’héritier bénéficiaire
personnellement, et celui d ’héritier pur et simple,
comme cédataire des droits de G u illa u m e, son frère,
pour jouir de la succession du père commun.
Plus de trente ans se sont écoulés, même depuis
cette sentence, avant que la possession exclusive du
sieur Gueyffîer de L o n g - P r é ne fût troublée par la
demande en partage su r laquelle la C our aura à pro
noncer. Seulement il paraît que Guillaum e Gueyffîer,
père des intimes , avait demande la rescision de la
cession de droits d u 26 juillet 17G75 mais les deux
�^ V, *
( 12 )
frères traitèrent sur cette dem ande, par acte du 10
mai 1775.
C e Guillaum e Gueyfiier décéda le 28 août 17 7 8 ,
après avoir fait un testament en date du 7 juin 1 7 7 7 ,
par lequel il avait institué son épouse son héritière
universelle. Il parait que celle-ci avait formé contre
le sieur Gueyfiier de Long-Pré, en 17 9 3 , une demande
en partage de la succession de Pierre-Joseph G u e yfiie r,
second du n o m , q u ’elle disait mort aux îles. Cette
demande n ’a pas eu de suite; et même, par acte passé
le 4 b r u m a i r e an 12 entre la dame veuve de Guillaume
Gueyfiier et ses enfans (les i n t i m é s ) , elle a reconnu
q u ’elle n’avait aucun d ro it, soit à la succession de
Pierre-Joseph G ueyfiier, leur oncle \ soit à celle de
M arie-Anne Soléliage, leur ayeule.
Maurice G ueyfiier, frère du sieur de Long-Pré, et
onc le des i n t i m é s , est décédé en j u i l l e t 1796. Il
n ’avait ni accepté, ni répudié la succession de Jean
G u e y fiie r,
son père; il 11’en avait par conséquent
jamais demandé le partage. C ’est de son chef aujour
d ’hui que ce partage est réclamé.
C etle demande 11’a été intentée q u ’après la mort
du sieur Pierre-Joseph Gueyfiier de L on g-P ré, contre
Antoine Gueyfiier de Lespinasse, son fils. Elle fut
formée par exploit du 3 floréal an i 3 ; elle avait été
précédée de deux citations en conciliation, l’ une du
18 thermidor an 12, qui avait été abandonnée, l ’autre
du i 5 pluviôse an i 3 , qui avait été suivie d ’ un procèsverbal de non conciliation, du 19 du
mois.
Par ces divers exploits, les trois enl'ans de Guillaume
�Gueyffier ‘ réclamèrent le partage de la succession de
Jean Gueyfiier et de celle de Marie Soléliage , leurs
a y e u x , pour leur en être attribué un cin qu ièm e,
comme r e p r é s e n t a n t G u illa u m e , leur p ère, et le tiers
de deux autres cinquièmes, comme héritiers de Mau
rice et de Pierre-Joseph Gueyffier, deuxième du nom ,
leurs oncles.
Cette action resta long-tems sans poursuites ; elle
fut renouvelée par exploit du 9 novembre
1812,
négligée ensuite, reprise avec plus d ’activité en 1820,
enfin jugée le
23 mai
1821.
Le sieur Gueyfiier de Lespinasse avait employé en
défense des moyens puissans.
A la d e m a n d e en partage de la succession de Marie
Soléliage, il avait opposé une répudiation.
Contre celle de l ’héritier de Jean G ueyffier, il avait
fait valoir :
i° Les actes des 26 juillet 1 7 6 7 , et 10 mai 177Î),
contenant cession de droits successifs par Guillaume
G ueyffier, père des demandeurs}
20 Le défaut de preuves du décès de Pierre-Joseph
Gueyffier, absent 5
3° Une
prescription plus que trentenaire, qui avait
Anéanti les droits que pouvait avoir, soit ce PierreJoseph G ueyfier, soit M aurice, son frère.
Tous ces moyens paraissaient sans réplique.
Cependant le tribunal de Brioude se borna à dé
bouter les demandeurs de leur action en partage de la
succession de Marie Soléliage, et de celle q u ’ils avaient
�formée du chef de G u illau m e, leur père, relativement
aux biens de l ’ayeul.
Il les déclara non-recevables, quant h présent seule
ment , dans l’action exercée du chef de l ’absent ;
E t il accueillit leur demande du chef de Maurice,
leur oncle, en considérant comme précaire la possession
paisible et exclusive, pendant plus d ’un demi-siècle,
du sieur Gueyfiiier de Long-Pré et de son fils (i).
( i ) Voici le texte des motifs d u jugement sur cette difficulté prin-p,
cipale :
« Considérant qu après le décès de J e a n G u c y filer, ayeul des parties,
et de la succession de cujuSy arrive le 2 avril ï ^ 6 o t Pierre-Joseph
G ueyffier, son fils aîné et son héritier institué, renonça à son i n s t i
t u tio n , par acte du 29 ju ille t, même an n ée, et se porfa son héritier
bénéficiaire, inventaire préalablement fait desmpubles, titres et papiers
dépendans de la succession, en présence de ses autres cohéritiers ; q u e ,
p e u de tems après, il fit n o m m e r u n c u r a t e u r à c e l t e s u c c e s s i o n , contre
laquelle il forma une demande tendant à être envoyé en possession
pignorative des biens en dépendant,
ou à être autorisé à les faire
vendre en la manière accou tum ée, pour être payé des reprises ou
avances qui lui étaient dues par cette succession ; q u e , sur cette de
m ande, intervint sentence par défaut contre le curateur, le 12 novembre
1760, qui adjugea les conclusions des demandeurs; qu ’en vertu de cette
senten ce, il préféra posséder pignorativement les biens de cette suc
cession, au lieu de les faire vendre; qu ’il le s fit néanmoins saisir réelle
ment à sa requête, et s’en rendit le fermier judiciaire; que c ’est ce
qui résulte d ’ un procês-verbal qu’ il fit dresser de ces biens, saisis lo
2 juillet 1763 ; saisie réelle à laquelle cependant il parait qu ’on n’a pas
donné de suite ;
« Considérant que la partie de Mallye ne peut méconnaître cello
sentence, qui est l’ouvrage de son au teu r, des faits
te n u e ,
et
que les parties de Jonquoy peuvent
succès ; qu en vain la partie de Mallyo so
la
duquel
elle est
1»< opposer avec
retranche
dans la qualité
d héritier bénéficiaire, prise par sou a u te u r , pour établir qu’il lui
�( *5 )
Tel est le jugement que le sieur Gueyffïer de Lespinasse a soumis à l ’examen de la C o u r , en interjetant
¡¡ppgj par exploits des et Q^aout 1821.
Ses moyens sont aussi simples que décisifs.
L a fa c u lt é d’accepter la succession de Jean Gueyfiier
a été perdue pour les intim és, par plus de trente ans
de prescription.
L a propriété des biens de cette succession a été
suffisait de cette qualité pour se maintenir dans la possession des Liens
dépendans de la succession de cujus ; qu ’ il n’est pas moins vrai qu ’on
doit supposer à son auteur un intérêt quelconque pour a v o i r p r é f é r é de
se f a i r e envoyer en possession p i g n o r a t i v e d e c e s m ê m e s b ie n s , en vertu
de c e t t e s e n t e n c e o b t e n u e c o n t r e un c u r a t e u r de son choix , et a 1 insu
de ses c o h é r i t i e r s ; q u ’ il n ’ e n a pas moins changé volontairement le titre
de sa possession, dans le dessein sans doute de faire voir qu’ il abandon
nait cette succession pour en jouir avec plus de sécurité ; que cette
sentence a été exécutée ; que cette exécution résulte de la qualité de
ferm ier, qu’il a prise, et que cette qualité suppose une possession or
donnée par Justice; et que cette possession ne p o u v ait, dans l ’espèce ,
que se rattacher à la possession pignorative qu ’ il avait obtenue par la
sentence de 1760; que dès-lors la partie de M allyc ne peut se plaindre
que les parties de Jonquoy invoquent contr’ellc un titre que son auleur
s’est créé lui-même dans son intérêt personnel, et qui existe dans toute
sa force, sur-tout lorsqu’ il s'agit d'écarteF un m oyen de prescription
°pposé par un héritier à ses cohéritiers,
sacrée ;
qui réclament une dette
" Considérant dès-lors que la possession de la partie de M a l l y c , ou
son auteur , n’est fondée que sur la sentence du 12 novembre 17G0 ;
qu’ elle n’a joui, par elle ou par son auteur, que pignorativement de ces
biens, que comme un gage de sa créance; qu’ une pareille jouissanco
n ’est que précaire, et ne peut produire une prescription utile, quelque
tems qu ’ elle ait durée ; q u ’il f a u t , pour acquérir une pareille p r e s c r ip
tio n , jouir animo dom ini; et que £a jouissance n ’a pas de
th 'c , etc. >1
caisc-
/
�acquise à l ’appelant par une possession utile et plus
que trentenaire.
Il suffirait, pour le succès de la cause de l ’appelant,
de démontrer une seule de ces propositions.
Il prouvera surabondamment q u ’elles sont toutes
les deux également vraies.
•
P R E M IÈ R E PR O PO SITIO N .
L a fa c u lté d ’accepter la succession de Jean Gueyjfier
a été perdue par p lu s de trente ans de prescription. >
«
Fixons les faits et leurs dates.
Jean Gueyfiier est décédé le
3 avril
1760.
A son décès, sa succession n ’a été acceptée que par
Joseph Gueyfiier de Lon g-P ré, son fils, soit lors de
l ’inventaire du 27 juin 1760, soit par un acte au
greffe, du 27 juillet suivant.
Maurice G u eyfiier, prêtre, au nom duquel agissent
les intimés, n ’accepta point alors, n’a point accepté
depuis.
Il est décédé, en 1 7 9 6 , sans avoir rien fait, sans
avoir exprimé aucune intention qui put être consi
dérée comme un acte d ’héritier.
O r , de 17G0 à 1 7 9 6 , trente-six ans s’étaient écoulés,
c’est-à-dire, plus d ’années qu il n ’en fallait pour le
cours de la seule prescription admise en Coutume v
d’Auvergne , et de la plus longue de celles connues
dans le Droit romain.
A sa m ort, ses uoveux, enfans de G u illaum e, ont
�( 17 )
encore gardé le silence; ils ne l ’ont rompu q u ’en i 8o 5 ,
pour réclamer judiciairement le partage de la succes
sion de Jean Gueyffier, dont ils ont pris alors, pour
la première fois , la qualité d ’héritiers du chef de
M a u r i c e , leur oncle.
Quarante-cinq ans d ’abstention permettaient-ils
encore à ces prétendus héritiers de se présenter pour
accepter enfin une succession si long-tems abandonnée
par eux, et qui cependant n’était pas vacante, puisque
le sieur Gueyffier de Long-Pré l’avait acceptée luimême dès son ouverture?
L ’article 789 du Code civil répondra à la question
en ces termes :
« L a f a c u l t é cV accep ter ,
ou de répudier une
« succession , se prescrit par le laps de tems requis
« pour la prescription la p lu s longue des droits
« immobiliers. »
O r , si l ’on consulte l ’article 22G2 du C od e, qui
fixe la durée de la prescription la plus longue^ on y
verra que cette durée est de trente ans :
« Toutes les actions, tant réelles que personnelles,
« sont prescrites par trente ans, sans que celui qui
« allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter
<( nu titre, ou q u ’on puisse lui opposer l’exception
“ déduite de la mauvaise foi. »
Les textes des deux articles sont clairs et formels.
Mais, dira-t-on peut-être, que sert ici le C o d e ,
puisqu’il s’agit de droits ouverts avant son émission?
Nous pourrions nous borner à répondre que le Code
n’a pas établi un principe nouveau, et q u e , dans cette
3
�( i8 )
partie de notre droit comme dans le surplus, les nou
veaux législateurs se sont bornés à recueillir et à.
réunir en un seul corps les principes épars dans les
lois romaines, les statuts coutumiers, les autorités des
arrêts et les opinions des jurisconsultes.
Il n’est pas difficile, au reste, de prouver q u ’autre
fois, comme aujourd’ h u i, la f a c u lt é d'accepter une
succession se prescrivait par trente ans.
- Suivant le Droit romain, la prescription de dix
ans, appelée prœscriptio longi temporis , ne suffisait
pas pour d é t r u i r e l ’ a ct io n en pétition d ’hérédité. C ’est
ce que décide la loi 7 , Cod. D e petitione hœreditalis.
Pourquoi ? parce que les droits personnels n ’ é t a ie n t
pas effacés par cette sorte de prescription. C ’est la
remarque de Godefroi sur cette loi : Personales
actiones decennio nul viccnnio non tolluntur.
Mais la prescription de trente ans éteignait l’action :
P etitio hœreditatis prescribitur triginta annisj ajoute
Godefroi.
Cette prescription de trente ans s’appliquait à toute
espèce d’actions, soit spéciales, soit universelles, soit
personnelles. Elle s’étendait même à celles q u i, dans
l ’ancien droit, étaient désignées sous le nom de perpé
tuelles. La loi 3 , C . D e p r œ s c r ip tio n e 3o v e l /|0
annoruinj s’exprime ainsi :
S ic ut in rem sp écia les, ita de universitate ac per
sonales actiones ultra triginta annorum spntimn
minime protendantur......... Jfœ aillent actiones anno
triginta contmuis cjclinguantur (pue perpétua vulebantur.
�!9
L e président Faber, dans son code, rappelle cette
règle :
Il est permis à l ’héritier naturel, dit-il, de ne pas
prendre de qualité, tant q u ’il a le droit d’accepter la
succession, c ’est-à-dire pendant trente ans : Tarn d ik
eniiii tacerè illi perm ittitur, quàrn cliü liberum est ci
aclire hœreditatem, id est, usque ad triginta annos
(Voyez livre 6 , titre 11 , yjef. 46 ).
C ’est dire assez clairement que l ’héritier qui ne
s’explique pas dans les trente ans perd le droit d ’acçepter l’hérédité.
Dans la définition 11 du titre x i , l ’a u t e u r a jo u t e
que l ’héritier qui n ’ a ni r é p u d ié ni a c c e p t e , est tou
jo ur s ad m i s si b le h a p p r é h e n d e r 1 hérédité, pourvu que
ce soit dans les trente ans : Salvum illi erit ju s
adeundi quandocumquè
dum modo
intrà triginta
annorum. Le m o tif de cette restriction est indiqué
dans une note : c’est parce que le droit d ’accepter une
hérédité se prescrit par trente ans, comme tous les
autres droits perpétuels. Jus adeundi præscribitur
hodiè spatio triginta annorum , ut et cœtera ju r a
perpétua. A l ’appui de cette note, l ’auteur cite la
loi 3 , C. de prœscrip. 3o v e l /jo annorum.
Ainsi, dans
appelé par la
trente ans sans
Il ne lui était
la pureté du Droit romain, celui qui,
loi à une succession, laissait écouler
se porter héritier, était privé de ce litre,
plus permis d ’accepter l ’hérédilé.
Dans le Droit français, où était admise la maxime:
N u l n ’est héritier qui ne v e u t, comment la même
prescription n’aurait-elle pas frappé celui qui aurait
�gardé trente ans de silence absolu depuis l ’ouverture
de la succession ?
,
■
«
«
«
«
«
«
«
u
u
«
« L ’usage de la prescription, dit l ’immortel auteur
des Lois civiles, n ’est pas seulement d ’acquérir la
propriété à ceux qui ont prescrit par la possession,
et de dépouiller les propriétaires qui ont laissé
prescrire; mais il y a encore un autre usage des
prescriptions, où la possession n ’est pas nécessaire,
qui est celu i tVanéantir les droits et actions q u ’on
a cessé d ’exercer pendant un tems suffisant pour
prescrire. Ainsi un créancier perd sa dette, et tous
droits et actions se perdent, quoique ceux qui en
sont débiteurs ne possèdent rien, si on ne dem ande ,
« ou si on cesse d ’exercer le droit pendant le tems
« réglé par la loi. »
L ’application de cette doctrine aux droits d ’un
h é r i t i e r p r é s o m p t i f est aussi facile que naturelle : il
a la faculté d ’accepter; mais il la perd, cette faculté,
si trente ans s’écoulent sans q u ’il l ’exerce. Alors le
titre d’héritier et les droits qui y sont attachés n’existent
plus pour lui.
Furgole, dans son Traité des Testamens (chap. 10,
section i re, n° i 5y ) , enseigne la même doctrine :
« Afin qu ’on soit recevable à accepter une hérédité,
« il faut venir dans les tfcrns marqués par les lois, et
« que le droit de 1 héritier n ait pas été éteint par la
« prescription. »
lia loi 8, cod. de ju r e d e lib ., décide q |ie “ le
« droit d’accepter une hérédité n ’est pas sujet à la
<< prescription de long-tems, c’esL-îi-dire de di xans.
�( ai )
' M A
« Il n’est donc su jet qu’à la prescription de trente ans
«
l ’ouverture-, et quoique certains auteurs aient
d e p u i s
« cru que la faculté d’accepter une hérédité ne se
« perd pas par la prescription de trente a n s, il n’y a
« pas liç£ de douter que l ’opinion contraire ne soit
« c e r t a i n e , parce que le laps de trente ans est le
a terme fatal de toutes les actions personnelles ».
h . 4 et tôt. , tit. C. de prœscript. 3o v e l 40 annorum.
L ’auteur ajoute cependant qu e, si l'héréd ité était
v a ca n te, et sur la tête d ’ un curateur qui serait un
simple dépositaire, elle pourrait être acceptée pendant
trente ans.
M.
M e r l i n e x a m i n e la q u e s ti o n avec sa profondeur
or d in a ir e (i)* Il cite les o p in io n s de Sand et de V oet,
auteurs B e l g e s , sur la faculté q u ’a l ’héritier naturel
de délibérer pendant trente ans, s’il n’est pas poursuivi,
nemine urgente; mais sur la nécessité où il est d ’ac
cepter dans les trente ans, pour ne pas être exclu de ce
droit : Antequhm tempore ah adeundd hœreditate
excludatur.
Il rapporte aussi et développe l ’avis de Furgole.
En fin il détermine les conséquences de cette doctrine:
« Pour nous fi.\/er sur ce point important, d it- il,
<( nous devons rechercher quelle e s t , relativement
“ aux successions *qni vsont restées vacantes pendant
« trente ans , l'eflet de la prescription du droit
« d ’accepter. Cet effet est très-bien déterminé par
« Gomès, dans ses f^ariœ l'esolutiones, t. 1 , ch. 9 ,
0)
Voyez R épertoire, au mot J U iU ier, section 3 , paragr. i Cï.
�i
( 22 )
« n° 2 7 , ju s adeundiprœ scribiturper triginta annos^
« undc si infrà eos hceres.... N on adivit hœredilatem
« sibi delatam e x testamento v e l ab intcstato, amittit
\
« cam ,etdevplviturproxim ioriingraduipsiusdefuncti.
« A in si, par la prescription, du droit (^accepter,
« il s’opère une dévolution de ce droit aux parens du
« de gré qui suit immédiatement celui dans lequel se
« trouvent les parens qui en o n t, pendant trente ans,
« négligé l ’exercice. »
I
L ’auteur suppose que tous les héritiers au premier
degré o n t né gligé p e n d a n t trente ans d ’user de leurs
droits; ce q u i, en fa isa nt d is p a ra ît re ces droits, pro
duit la dévolution de l ’hérédité en faveur des hé rit ie rs
d ’un degré inférieur.
z
. A plus forte raison doit-il en être ainsi, lorsqu’un
des héritiers au premier degré a accepté la succession ;
à sa portion doit alors accroître celle de ses cohéritiers,
q u i , par trente ans de silence, ont perdu la faculté
d ’accepter.
Cette doctrine était applicable sur-tout en Auvergne,
dont la loi municipale (art. 2 , tit. 17 ) déclare que
tous droits et actions corporels ou incorporels se pres
crivent, acquièrent et perdent p ar le laps et espace
de trente ans.
Tels étaient les principes sous lesquels s’était ouverte
la succession de Jean Gueyfiier père, décédé à Brioudc.
Il avait laissé cinq enfans appelés à la recueillir;
mais ils pouvaient ne pas répondre à cet a p p e l : car
on n’est pas héritier malgré soi. Pour q u ’ ils devinssent
héritiers, il iulluic q u ’ils acceptassent; sans accepta-
*
�( >3 )
lion ils étaient seiilement héritiers présumés, avec
la faculté de devenir héritiers réels. Mais cette faculté
devait être exercée dans le délai fixé par la l o i , c’està-dire , a v a n t les trente ans. Elle s’est éteinte en eux,
s’ils n ’en ont pas u sé , et si d ’autres héritiers ont
accepté eux-mêmes. ,
O r , c’est précisément ce qui est arrivé. L a succes
sion de Jean Gueyffier n’a jamais été vacante. Le sieur
Gueyffier de Long-Pré l ’a acceptée, dès son ouverture,
sous bénéfice d ’inventaire.
L e sieur Guillaume Gueyffier, après s’être abstenu
pendant quelques années, l ’a aussi a c c e p t é e , meme
, purement et simplement, en cédant ses droits hérédi
taires, moyennant un prix, au sieur de Long-Pré ,
son frère.
A insi, ce dernier a été saisi de l ’hérédité, non seu
lement comme héritier bénéficiaire, mais encore comme
héritier pur* et simple , puisqu’il représentait son
cédant.
11 a seul possédé, dès le décès du père com m un, le
titre d ’h éritier, le j u s et nomen hceredis.
Ce titre d’ héritier, ce j u s et nomen hceredis, il l ’a
possédé exclusivement, et sans trouble, pendant plus
de trente ans.
Qu importerait donc que le sieur de Long-Pré eût
ou non été détenteur aussi des immeubles de la suc
cession ?
Fiit-il vrai même que ces immeubles avaient été
détenus précairement, tout détenteur précaire ne les
aurait possédés que pour le sieur de Long-Pré, parce
�<ÎJK
(»4
5
q u e, scs frères s’étant abstenus, lui seul, qui avait
accepté, était seul aussi rhomme'de la succession, en
était le vrai propriétaire et le vrai possesseur.
Ce titre d ’ héritier, dont il a joui sans partage
p e n d a n t le tems le plus long que les lois fixent
pour la prescription, ce litre d ’héritier, il a le droit
de continuer d’en jouir aussi sans partage, et de l’op
poser à des personnes qui ont dédaigné la succession lors
q u ’elle était embarrassée, onéreuse, et une occasion de
tracasseries et de sacrifices. Il a le droit de leur dire que
leur abstention pendant p lu s de 4o ans, et l ’occupation
du ju s et nomen hœredis, par lui s e u l , pendant ce long
période, leur ont fait perdre la faculté d ’accepter u n e
hérédité qui n ’est devenue aujourd’hui liquide que
par ses soins, affranchie de charges q u ’à ses frais, et
qui offrirait p e u t - ê t r e quelqu’avantage, mais s e u l e m e n t
j>arce que les titres des dettes acquittées se sont la.
plupart égarés, et parce que les sommes considérables
employées à satisfaire les créanciers ne seraient pas ,
dans les comptes du partage, considérées comme valant
plus aujourd’hui q u ’en 1760; tandis que la valeur des
biens s’est beaucoup accrue , tandis que les mêmes
sommes, si elles eussent servi alors à acquérir des
immeubles, au lieu de payer les dettes héréditaires ,
auraient produit au sieur de Long-Pré une valeur plus
que triple.
Cette première dissertation suffirait pour repousser
les prétentions tardives des intimés, et pour démon
trer l’erreur du jugem ent, quand il serait vrai que le
sieur Gueyffier n’aurait pas possédé pendant trente
�(
*5 )
ans, ou n’auïait possédé que pignorativement les biens
de la succession en litige.
Mais, sous ce second rapport aussi, l ’erreur du ju
gement est palpable.
D E U X IÈ M E PR O PO SIT IO N .
)
L a propriété des biens de la succession a été acquise
à Vappelant par une possession utile et p lu s que
trentenaire.
Pour, motiver leur décision, les p re mi er s ju g e s ont
dit :
Que le sieur G u e y f f i e r de Long-Pré fit nommer un
curateur à la succession de son père;
Q u ’il forma contre ce curateur une demande [ten
dante à être envoyé en possession pignorative des biens
de la succession ; '
Q u ’en exécution de cette sentence,' il préféra pro
fite r pignorativement des b ien s , que de les fa ir e
vendre ; q u ’il les f i t saisir réellem ent 3 et s ’en rendit
ferm ier ju d icia ire ; que l ’exécution de la senténce ré
sulte de la qualité de fermier q u ’il a prise ;
Q u e c e l t e q u a l i t é de f e r m ie r suppo se u n e possession
01 donnée p a r
la J u s t i c e ; et q u e c e t t e possession
ne
p o u v a i t , dans l ’esp èce, se r a t t a c h e r q u ’à la possession
p ig n o r a t i v e q u ’ il a v a i t o b t e n u e ;
Que dès-lors sa possession et celle de scs héritiers est
fondée seulement sur la sentence du i5 novembre
17G0; qu ’ils n’ont joui du bien que pignorativement,
4
)
�( ’G )
et Comme du gage de leur créance; q u ’une pareille
jouissance n’est que précaire, et ne peut produire de
prescription.
Tels sont, en analise, les motifs du jugement.
Ces motifs prouvent que les faits n ’ont été ni bien
connus, ni bien appréciés : ils présentent beaucoup
d ’idées fausses ou contradictoires.
Il y a eu erreur de f a i t , lorsqu’on a dit que le
sieur de Lon g-P ré avait formé contre le curateur
une demande tendante à être envoyé •en possession
pignorative .
L e seul bu t q u ’il ait e u , q u ’ il ait pu avoir en
agissant contre le curateur, a été de faire liquider
ses créances.
Q u ’avait-il besoin d ’un envoi en possession pigno
rative?
Déjà il avait pris la qualité d ’hériter bénéficiaire;
déjà, en cette q u a lité , il était en possession des biens.
.Cette possession réelle et légale rendait absolument
inutile pour lui une sentence d’envoi en possession
nouvelle. Mais il lui était utile d’obtenir la liquidation de
ses créances , ainsi q u ’uue condamnation exécutoire
contre une succession q u ’il n ’avait acceptée que sôus
bénéfice d ’inventaire, et dont les actions et les biens
étaient, par cette précaution, séparés de ses propres
actions et de ses biens personnels.
Tel fut le m otif qui 1# détermina
faire nommer
un curateur au bénéfice d ’inventaire, à assiguer ce
�(
27 )
curateur en paie men t, (le ses ciéances, e t a. faire pro
noncer la sentence du i 5 novembre 1760.
Cet te sentence liquide les créances à la somme de
36,485 francs de pr inci pa ux , por tant intérêt depuis
lo ng -t em s. C ett e'l iqu id a ti o n est la disposition princi
pa le de la sentence.
Il est vrai q u e , dans une disposition secondaire, il
est ajouté :
* « Pour parvenir au paiement des condamnations
« ci-dessus prononcées, tant en principal et intérêts
« que frais et dépens, permettons au suppliant de
« jouir pi gnorativefnent, et se mettre en possession
« des immeubles des successions des dits P i e r r e (1) et
« Jean G u e y f f ic r , si m ieux ri aime les faire saisir et
« vendre par décret en nos audiences, en la manière
« ordinaire. »
On voit que la sentence n ’envoyait pas directement
en possession pignorative.
Seulement elle permettait de jouir pignorativement,
et de se m ett re, à cet effet, en possession.
C ’était une faculté q u ’elle accordait, et non une
possession q u ’elle attribuait sur-le-champ.
C ette faculté pouvait être exercée ou négligée.
Cett e faculté était même subordonnée à. une action
qui devait en précéder l ’exercice, si m ieux il r i aime
fa ire saisir et 'vendrej dit la sentence.
A i n s i, pour jouir pi gnorativem ent, il eût fallu que
( . ) Pierre Gucyfficr ¿Lait le père de Jean <pi lui aYait succédé. Le?
deux successions étaient confondues.
�le sieur de Long-Pré fit quelqu’acte tendant à sa mise
en possession pignorative ; q u e , par exemple, il dé
clarât au curateur q u ’il entendait opter pour la jouis
sance pignorative ; q u ’il l ’assignât pour assister à une
prise de possession, faite en exécution de la sentence*,
et q u ’il fit dresser un procès-verbal de cette prise de
possession.
O r , le sieur Gueyffier de Long-Pré n ’a jamais fait
d ’actes semblables ; jamais il n ’a usé de la permission
de jouir pignorativement ; jamais il ne s’est mis en
possession , à cet eft'et, des immeubles de la succession;
jam ais, par conséquent, il n’a opté j>our cette faculté
que lui donnait la sentence.
C ’est donc une idée fausse, que celle qui suppose
q u i i a j o u i pignorativement.
A u contraire, il a opté pour la seconde faculté q u e
lui d o n n a i t la s e n t e n c e ; celle de fa ire saisir et vendre 3
par décret, les immeubles de la succession.
Cette seconde faculté était en opposition avec la
première. Il lui était permis de jo u ir pignorativementy si mieux n ’aimait fa ir e saisir. Il a fait saisir :
donc il n’a pas voulu jouir pignorativement.
C ’est encore une idée fausse, et contradictoire en
quelque sorte avec elle-même, que de rattacher la
jouissance comme fermier judiciaire, à la jouissance
pignorative permise par la sentence de 17G0.
Possesseur à litre pignoratif et fermier judiciaire
sont deux qualités incompatibles.
Le possesseur à titre pignoratif a y a n t , dans la sen
tence d envoi en possession, uu lin e pour jou ir, n ’a
�(
29
)
pas besoin de s’en procurer un nouveau en affermant
judiciairement.
L e possesseur à titre pignoratif jouit en son propre
n o m , administre les biens à son g r é , en conserve la
j o u i s s a n c e , tant qu ’il n’est pas payé de sa créance*, il
fait les fruits siens, et les compense ou intégralement,
ou jusqu’à due concurrence , avec les intérêts de ce
qui lui est dû.
L e fermier judiciaire, au contraire, ne jouit qu'au
nom du commissaire aux saisies réelles ; il ne conserve
la jouissance que pendant la durée de son bail ; il
doit en payer annuellement le prix au commissaire 5
c’est ce dernier seul qui est le vrai administrateur des
biens saisis.
La saisie réelle, suivie d ’un bail judiciaire, détruit
même le titre pignoratif, si le possesseur laisse exé
cuter ce b a i l , que ce soit lui ou un tiers qui devienne
fermier judiciaire; car alors les immeubles passent
sous la main de la Justice : ils ne sont plus en la
possession du créancier, et sa jouissance p i g n o r a t i v e
disparait.
C ’est donc une grande erreur que d ’avoir confondu
la jouissance pignorative avec celle d ’un fermier judi
ciaire , et de s’être servi, contre le sieur Gueyffier de
Long-Pré, de cette dernière qualité, q u i, comme 011
le verra, n ’a été en lui que momentanée, pour lui
attribuer la qualité de possesseur à titre p ig n o ra tif,
q u ’il n’a jamais eue.
M ais, pour prouver de plus en plus le mal-jugé de
la décision des premiers juges,
rappelons quelques
�PM
(
3o
)
principes, rattachons-y les faits, et déterminons les
conséquences de ce rapprochement.
D ’Argentré, sur Particle 265 de la Coutume de
Bretagne, chapitre 5 ; M. M erlin, dans son Répertoire
de Jurisprudence, au mot Prescription (section i re,
§ 5 , art. 3 , n° 5 ) , posent des règles propres h. lever
tous les doutes, et q u ’il est utile de transcrire :
« i° Celui qui a un titre est présumé posséder en
« vertu et en conformité de ce titre : c’est la cause
« appavente de sa possession, et rien n ’est plus naturel
« que de les référer l ’ un à l ’autre. Les lois ont pris
« d ’ailleurs soin d ’assurer ce principe : A d primor« clium iitu lij dit un texte célèbre du Droit romain,
« semper posterior form atur eventus, ( C ’est le texte
de la loi unique, au Code de imponendd lucrativd
descriptione. )
« 2° Celui qui a plusieurs titres est censé posséder
« plutôt en vertu de ceux dont la validité n ’est pas
« susceptible de contradiction, que de ceux dans les« quels on peut trouver des défauts ou des nullités.
« I I peut même 3 sur-tout quand i l est défendeur ,
« rapporter sa possession à ce lu i des titres q u ’il ju g e
« ii propos, pourvu q u ’en le faisant il ne choque pas
« trop la vraisemblance.
« 4° Quand il n ’y a pas de circonstances ou de
« raisons pressantes pour faire présumer q u ’ou a pos« scdé pour un au tre, c’est pour soi-i»^mc qu on est
« censé l’avoir l’a it. »
�’
% V
( 31 )
Toutes
ces
règles ont un trait direct à la difficulté
qui s’est élevée dans la cause.
Quel t i t r e avait le sieur Gueyffier de Long-Pré
p o u r posséder? et, en supposant qu ’il en eût p l u
s i e u r s , quel est celui dont il a fait dès l ’origine et
c o n s t a m m e n t usage? quel est le seul même qu ’il ait
conservé depuis 17 70 ?
La réponse à ces questions se trouve dans le résumé
des faits.
•v. L a succession de Jean Gueyffier s’ouvre le
1760.
3
août
Dans un inventaire du 27 juin', et par un acte au
greffe, du 27 juillet de la même annee, le sieur
Gueyffier déclare accepter cette succession sous béné
fice d ’inventaire.
Ainsi, dès l ’ouverture de la succession, il prend la
qualité d ’héritier; il est investi de ce titre , qui est
indélébile, comme on le sait : Q ui sem el liceres semper hœres.
Ce n ’est pas tout; il se met en possession, en sa
qualité d ’héritier bénéficiaire, de tous les biens meu
bles et immeubles de la succession. L ’inventaire du
27 juin 17G0 en fait foi, quant au mobilier. L e fait
est attesté, quant aux immeubles, par quatorze baux
passés dans les années 17G0 et 1 7 6 1 , par lesquels, en
qualité d ’ h é r it ie r b é n é f i c i a i r e , il donne à ferme des
biens de l ’hérédité.
-.
Il fa it, il est v r a i, liquider ses créances person
nelles; il obtient des, condamnations considérables
contre un curateur de la succession bénéficiaire ; ou
�■t f t f
(30
lui permet (le se mettre en possession pignorative, si
m ieux il n’aime fa ir e saisir et vendre.
Mais il n ’use pas de la première faculté; il ne se
sert que de la seconde : il fait saisir.
Pendant cette saisie, et pour ne pas perdre la
possession q u ’il avait eue dès le moment du décès du
père, il se rend, il est encore vrai, fermier judiciaire.
Mais la saisie réelle q u ’il fait faire, le bail judi
ciaire q u ’il accepte, ne l ’empêchent pas de posséder
encore, de se considérer lui-mêm e, et d ’être considéré
par les autres, même par la justice, comme héritier
bénéficiaire.
I l continue de posséder à ce titre ; car le mobilier
de l’hérédité, plusieurs rentes et une vigne qui en
dépendaient n ’étaient pas compris dans la saisie réelle;
et il en garde la possession.
I l se considère lui-m ém c comme héritier bénéfi
ciaire ; car il passe un bail en cette qualité, le 10 août
1766.
I l est considéré comme te l , non seulement p a r luim êm e, mais encore p a r la ju stice .
Car les créanciers le poursuivent et le font con
damner, en cette q u alité, par sentence du 23 août
1764$ et- c’est en cette qualité q u ’il rend judiciaire
ment un compte de bénéfice d ’inventaire; compte dans
lequel il porte en recette la valeur du mobilier, celle
des jouissances devons les immeubles jusqu’à la date
du bail judiciaire, les jouissances postérieures même a
ce b a i l , pour les rentes et les vignes q u i n’avaient pas
¿té saisies; compte où il porte, eu dépense, diverses
�V * *
( 33 )
sommes payées aux creanfciers de la succession ; compte
qui
jusqu’à l ’évidence, q u ’il n’avait jamais
p
r
o
u
v
e
'
cessé de jouir comme héritier bénéficiaire.
B i e n t ô t il traite avec son frère G u i l l a u m e , reçoit
dans l ’acte la qualité d ’ héritier bénéficiaire, et achète
les droits.d’iin héritier pur et simple.
E n fin , voulant faire disparaître la saisie réelle, il
prend des arrangemens avec les créanciers; il demande,
en qualité d ’héritier bénéficiaire , fait prononcer, aussi
en cette qualité, la radiation de la saisie, et annulle
ainsi les baux judiciaires, q u i, déjà même, étaient
expirés, n ’avaient pas été re no u ve lé s , et q u i, d ailleurs,
d’après une clause expresse, ne devaient durer q u ’au
tant que la saisie.
Comment d outer, d ’après ces circonstances, que ce
n ’est ni pignorativement, ni précairement, mais que
c est comme héritier, comme propriétaire, que le sieur
Gueyffier de Long-Pré a toujours joui des biens de. la
succession ?
N ’a-t-il pas le droit de dire, en invoquant la pre
mière règle ci-dessus rappelée, q u ’il faut considérer
1 origine de sa possession pour en apprécier les effets?
et fIue ? puisqu’au moment de l'ouverture de la
succession, il s’est déclaré héritier bénéficiaire; puisqu a ce moment même il s’est mis en possession
des biens en cette qualiié ; puisque c’eât, en cette
qualité aussi-qu’il a rendu compte du mobilier reçu ‘
lors de l'inventaire, et des jouissances perçues dès la
première année*, n’a-t-il pas le droit de dire q u ’il est
�n
(
34
)
présumé avoir possédé en conformité de son titre
d ’héritier ? A d primordium titu li semper posterior
fo rm a lu r eventus.
N ’a u r a i t - i l pas aussi le droit, s’il y avait du doute,
d ’invoquer la seconde règle ? e t , en supposant q u ’il
eût eu réellement plusieurs titres de possession, n’au
rait-il pas le droit de choisir le titre valable plutôt que
le titre vicieux, e t, lui sur-tout qui est défendeur,
de rapporter sa possession à sa qualité d ’héritier,
plutôt q u ’à un titre précaire?
Ne serait-il pas même autorisé à soutenir que s i ,
suivant les jn’incipes, le détenteur précaire possède
pour le propriétaire, et si la possession du premier
sert au second ( i ) , sa possession, même à un titre
précaire pendant un certain tenis, n’aurait pu servir
à d’autres q u ’à l u i - m ê m e , en sa q u a l i t é d ’ h é r i t i e r ?
C ar lui seul ayant accepté la succession, c’était lui
seul aussi q u i, pendant cette possession, aurait été le
vrai propriétaire des biens de l ’ hérédité, les autres ne
pouvant le devenir avec l u i, q u ’en prenant un ti t re
d ’héritier q u ’ils avaient refusé lors de l’inventaire.
Enfin le sieur de Long-Pré et son fils ne seraient-ils
pas fondés à remarquer, suivant la dernière règle de
M. M erlin, q u ’ils sont présumés avoir possédé pour
eux-mêmes , puisqu'il n ’y a pas de circonstances ou
de îaisons pressantes p o u r f a it e pre'sutner cju ils ont
possédé pour un autre?
( i ) Voyez Dunod , Traile do la
»ïliclcs 2228 et a» 3G.
P rescrip tio n
, cl». 7 , cl Code civ il,
�E t pour q u i a u r a i e n t- il s possédé?
S e r a i t - c e .
pour les autres enfans de Jean G u e y filer?
Mais ils ne s’étaient pas portés héritiers.
S era it- ce pour les créanciers de la succession ?
Mais ils avaient été désintéressés.
Serait-ce pour la Justice ou pour le commissaire
aux saisies réelles, chargé par elle d ’administrer les
biens saisis ?
Mais les biens saisis ne formaient pas tous ceux de
l ’hérédité.
Mais la Justice n ’est pas propriétaire des biens
qu’elle fait administrer : on ne peut d o n c pas posséder
pour elle.
Mais enfin la Justice elle-même avait dépouillé' le
commissaire aux saisies de son administration , en
rayant la saisie réelle par la sentence du
17
août
1770, rendue avec le commissaire, avec le curateur
au bénéfice d ’inventaire, et avec tous les créanciers.
Celte sentence nous fournirait un nouveau moyen,
s’il était nécessaire 3 car les moyens abondent dans
cette cause.
On sait que le possesseur, même précaire, peut
prescrire, lorsque le titre de 6a possession se trouve
interverti.
G est un principe élémentaire, que celui qui pos
sède précairement commence à posséder pour soi x
comme m aître, par la déclaration de sa volonté.
« Le propriétaire qui le sait et qui le souffre, dit
« D unod, est ccnsu avoir abandonné la possession
« qu’il avait.
�if'f-y
(
3C
)
« Ainsi, non seulement le fermier, mais encore le
« créancier, le dépositaire, l ’administrateur du bien
« d’a u tru i, le vassal, l ’emphitéote, le censitaire,
« l ’usufruitier, la douairière, et généralement ceux
« qui ont la possession d’a u t r u i, changent leur pos<< session lorsqu’ils le veulent, et q u ’ils le déclarent
ft ¡par des faits et des actes extérieurs. C ’est ce q u ’on
« appelle une interversion, une contradiction, relativejp,e,nt à laquelle on prescrit; car l ’on u ’acquiert
« par cette voie que ce que l ’on a déclaré vouloir
« possédçr. >f
Le
ticle
Code civil a résumé ces p r i n c ip e s d an s l ’ar
2238.
' L eu r application à la cause est facile.
Les faits et les. actes prouvent que le sieur de LongPré a toujours-joui comme héritier de tous les biens
meubles o f i m m e u b l e s de la succession de son père ,
à l ’exception, de ceux q u ’il fit saisir réellement luimèxue, en qualité de créancier, par procès-verbal du
27 avril 1763.
Il
devint fermier judiciaire des immeubles saisis ;
çt ¿i, sous ce rapport, on le considérait comme dé
tenteur précaire do, ces immeubles, au moins est-il
certain que sa possession précaire aurait cessé avec le
b a il, avec la saisit* réelle, dont la sentence de 1770
prononça la radia lion.
.CeUo sentence, il la fil rendre en (¡milité d’hériüu*'
b/MiéJicinire.
' ■
, j
1 H l'obtint contre toutes les parties intéressées., et
même contradictoirement contre lu curateur au béné-
�c
37
)
•fice d ’ i n v e n t a i r e , c’est-à-dire contre l ’ homme qui re
présentait la s u cc e s si o n , lorsqu’ il ne pouvait pas, dans
les a ctions q u ’il a v a i t à exercer, la représenter
lui-
meme.
Cette sentence f a it main-levée au sieur Gueyffier
de la saisie r é e l l e e t
nulle et sans ejjet.
ordonne q u e lle
demeurera
E n traitant d’abord, comme héritier bénéficiaire, avec
les créanciers opposans à la saisie réelle; en demandant
ensuite, en cette qualité, contr’eux et contre le cura
te u r, la main-levée de cette saisie; en la fa is a n t pro
no n c e r avec eux et le c u r a t e u r , t o u j o u r s en qua lité
d'héritier 3 le sieur de Long-Pré aurait fait évidemment
disparaître le titre précaire, dont la saisie réelle était
la base. Des cet in stan t, s il a possédé les immeubles
saisis, ce 11’est plus comme fermier, ce n’est plus pour
le commissaire aux saisies réelles ou pour les c r é a n
ciers , c’est comme héritier seulement; car il n ’avait
plus d ’autre titre de possession.
D ’ailleurs, comme créancier seulement, il n ’aurait
pas eu qualité pour faire rayer la saisie ; il 11’avait
CG droit,
les autres créanciers étant désintéressés ,
qu en sa qualité d ’héritier, c ’est-à-dire de propriétaire
des immeubles saisis.
Ainsi,, les poursuites faites pour parvenir à la main
levée de la saibic, et la sentence qui la pr ononce, sont
des actes de propriétaire, sont des actes d ’interversion
de toute possession précaire antérieure, et d ’une in
terversion d ’autant plus puissante, q u ’elle a. été faite
�t**
(38 )
en présence de la Justice, et consacrée par son autorité,
D onc, en négligeant même les années antérieures,
au moins depuis 1770 le sieur Gueyffier de Long-Pré
a possédé comme propriétaire ; et par sa possession il a
pu prescrire.
O r , de 1770 à i 8o 5 , date de la demande, trentecinq années se sont écoulées, c’est-à-dire, cinq ans
de prescription de plus que la loi n ’en exige.
Opposerait-on q u e , ne jouissant que comme h é r i
tier b é n é f i c i a i r e , le sieur de Long-Pré n ’a pu prescrire?
L ’objection serait futile.
D ’un côté, le sieur de Long-Pré, comme acquéreur
des droits de Guillaum e G ueyffier, qui était héritier
pur et simple, avait succédé à cette qualité.
D ’un autre côté, personne n ’ignore q u ’entre un
h é r i t i e r b é n é fi c ia i r e et u n h é r i t i e r p u r et s im p l e , il
n ’y a de différence q u ’en ce que le premier n ’e§t pas
tenu des dettes au-delà des forces de la succession.
L ’héritier bénéficiaire est d ’ailleurs propriétaire des
biens de la succession. Il en est saisi, p a r la lo i,
comme l ’ héritier pur et simple. E11 les administrant,
en les possédant, il administre, il possède sa chose. 11
peut en d is po s er même à son gré. S ’il^ les vend sans
form alités, la vente est valable, parce q u ’elle est faite
p a r le vrai propriétaire. Seulement il se rend alors, à
l ’égard des créanciers, héritier pur et simple.
Donc l’ héritier bénéficiaire peut prescrire comme
tout autre héritier.
Les idées qui conduisent à cette conséquence sont
trop élémentaires en droit, pour q u ’il soit nécessaire
�c 39 )
•.
*
de preuves. On peut, au reste, consulter Furgole
(Traité des T e s t a m e n s , chapitre 10, section 3 , n° 3 );
Merlin (Répertoire de Jurisprudence, au mot bénéfice
«l’i n v e n t a i r e , n° 2 1 ) ; Chabot de l ’Allier (Traité des
Successions, sur l ’article
).
E n fin , invoquerait-on de vaines considérations ,
déclamerait-on contre la prescription, la présenteraiton comme un moyen odieux, et que l ’on doit chercher
à éluderj si quelques circonstances y prêtent?
Il
serait superflu de répondre à ces déclamations;
depuis long-tems elles ont été répétées, et depuis longtems aussi elles ont été appréciées à leur juste valeur.
Les législateurs, qui les connaissaient, n ont pas hésité
cependant à maintenir une règle bienfaisante, néces
saire pour protéger la propriété, et sans laquelle tout
lie serait que tro u ble, désordre et incertitude dans les
fortunes«
C ’est, au reste , h des prescriptions courtes q u ’elles
s’appliqueraient , c'est-à-dire à ces prescriptions de
quelques mois ou de quelques années, qui sont subor
données à l'affirmation du débiteur, mais non à la
prescription trentenaire, qui n’est soumise à aucune
condition , qui fut toujours considérée comme équi
valant à un titre, que toutes les nations policées ont
admise, dont d’Argentré et les auteurs les plus dis
tingués ont fait l’éloge, et que Cassiodore a éloquem
ment appelée le seul port où les hommes soient à l’abri
des orages de la société : H ic unus inlcv humanas
procclliis portus.
l u de quelle faveur les circonstances de la cause ne
�P
t J5
(
4°
)
doivent-elles pas entourer cette prescription, qui tend
à consacrer une possession paisible de plus de soixante
ans !
L ’hérédité
était à son
ouverture plus onéreuse
q u ’utile.
Grevée de nombreuses dettes, elle n’eût pu suffire
ii les acquitter, si les biens eussent été vendus alors.
Pour en juger, q u ’on se rappelle q u e , dès 17 17 ?
les affaires de Jean Gueyffifer étaient en désordre 5
q u ’une séparation de biens fut obtenue contre lui en
1 7 5 ï ; q u ’en 1760, le sieur de Long-Pré accepta sa
succession, seulement sous bénéfice d ’ i n v e n t a i r e ; q u ’ il
crut même nécessaire de renoncer à l'institution d’hé
ritier faite en sa faveur; et que les autres enfans,
quoique tous majeurs, quoique tous représentés dans
l ’ i n v e n t a i r e , ne v o u l u r e n t pas p r e n d r e la qualité
d ’héritiers.
Que Ton considère aussi que les biens saisis avaient
été affermés, en justice,
35o
francs seulement.
Q u ’on fasse attention au grand nombre des créan
ciers opposans, sans y comprendre le sieur Gueyffier
de L o n g -P ré , créancier de 3G,ooo francs de capitaux,
et d’intérêts considérables.
C e n ’est pas sans réflexions, que Maurice Gucyffier,
majeur avant
17G0, mort seulement en 1 7 9 6 ,
n ’a
jamais demandé lui-même sa portion •d ’ une hérédité
dont il avait connu les charges et le peu de v a l e u r .
C e n’est pas sans réflexions aussi, p e n t - ê u e , qu au
jourd'hui des parons collatéraux la réclament en son
nom. Ils n’ ignorent pas que le sieur Gueyffier do
�( 4< )
ai«
Long-Pré est m o r t depuis long-tems. Il est mort après
- l a pr e sc ri p ti on a c q u i s e , à u n e époque où il devait
croire q u e t o u t danger de procès avait cessé. Il est
m o r t et avec lui ont disparu une partie de ses titres
et p eu t -ê tr e ses principaux moyens de défense. Son fils,
q u i ne peut connaître ce qui s’est passé dans des tems
r e c u l é s , son héritier, contre lequel seul l ’action a été
formée, doit-il être entendu avec défaveur, lorsqu’il
propose un moyen que la loi protège, un moyen que
la loi lui fo u rn it, pour suppléer aux titres qui se sont
égarés, aux traités que son père a dû faire avec les
créanciers de la succession, aux a r r a n g e m e n s q u ’ il a
p ris p e u t -ê tr e même a ve c ce M a u r i c e G ueyffier, du
c h e f d u q u e l on a g it aujourd’h u i; arrangemens dont
les traces ont pu s’effacer dans le cours de près d ’un
demi-siècle ?
E t comment aurait-il conservé des droits 'a l ’héré
dité, le sieur Maurice G ueyffier, qui avait cessé
d’être exposé au paiement des dettes héréditaires?
Plus de trente ans de prescription l ’avaient libéré à
l ’égard des créanciers, qui ne l ’ont jamais poursuivi.
N ’est-il pas juste aussi que plus de trente ans de
prescription l ’aient privé
de tout, droit aux biens
d’une hérédité dont il n ’avait plus à redouter les
charges ?
Dans la cause, la prescription se présente sous un
double rapport pour repousser la demande en partage :
Prescription du droit d ’accepter contre Maurice
Gueyffier ou ses représentons, qui ont laissé écouler
quarante ans sans prendre la qualité d ’héritier ; et
�‘i j i
(
42
)
prescription d ’autant moins équivoque, que la suc
cession
ritier,
ce long
le sieur
n’est pas
le ju s et
intervalle,
G u e y ffier
restée vacante, car le titre d ’hé
nomen hœredis ont été pendant
et sans interruption, occupés par
de Long-Pré ou son fils;
Prescription de la propriété des biens de l ’hérédité,
que le sieur de Long-Pré a possédés seul, sans trouble
et sans interruption, aussi pendant plus de trente ans,
non à titre pignoratif, non même par suite d ’une
saisie réelle, puisque la Justice avait annulé cette
saisie dès 1 7 7 0 mais animo dom ini, en qualité de
vrai m aître, de seul propriétaire, qualité nécessaire
ment attachée à celle d ’héritier q u ’il avait prise dès
1760 et q u ’il a constamment exercée depuis.
N ’a - t - i l pas dû se reposer avec sécurité sur une
prescription ainsi doublement car actérisée ?
N ’a-t-il pas dû croire q u ’enfin était arrivé pou r lui
et pour ses enfans l ’heureux terme de toute inquiétude
et de tout danger d ’un procès? U sucapio ............. hoç
est finis sollicitudinis ac periculi litium,
Me A L L E M A N D , Avocat.
Me G R A N E T , L icencié-Avoué.
R IO M ;
IM P R IM E R IE
DE
SA LLE S,
P R ÈS L E
P A L A IS
DE
JU S T IC E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueyffier de l'Espinasse. 1830?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
successions
prescription
absence
renonciation à succession
séparation de biens
arbre généalogique
possession pignorative
saisie
créances
vin
preuves de décès
colonat
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Gueyffier de L'Espinasse, ancien avocat, appelant ; contre sieur Jean-Baptiste Gueyffier-Delaire ; sieur Antoine Gueyffier du Buisson ; dame Antoinette Gueyffier, et Sr Amable Bayol, son mari, intimés. Usucapio….hoc est finis sollicitudinis ac periculi litium. (Cicero, orat. Pro Caecinâ).
Annotations manuscrites.
annotations manuscrites : texte de l'arrêt.
Table Godemel : Absent : 2. le décès d’un individu à Saint Domingue est-il suffisamment établi par un acte en forme authentique indiquant le jour du décès, son nom de famille et l’un de ses prénoms, bien que, contre les termes de la déclaration du 9 avril 1736, il ne mentionne pas non plus la qualité ; à moins que l’on établisse qu’un autre individu du même nom ait résidé dans l’isle et y soit décédé à la date de l’acte rapporté ; surtout, si l’identité résulté d’autres documents et des faits de la cause. Renonciation : 14. l’enfant, héritier institué, qui, après avoir fait procéder à l’inventaire du mobilier existant au décès de son père, a renoncé à son institution d’héritier contractuel, pour n’accepter la succession qu’ab intestat et sous bénéfice d’inventaire ; qui a fait nommer un curateur au bénéfice d’inventaire et obtenu, contre lui, sentence de condamnation pour un capital de créances assez considérable, avec permission de se mettre en possession des immeubles de la succession, ou de les faire vendre par placard ; qui s’est réellement investi de fait de l’universalité des biens ; n’a joui, à titre de propriétaire, que du cinquième formant sa portion virile, et à titre pignoratif des autres quatre cinquième, en qualité de créancier.
Quelque longue qu’ait été sa possession, il a joui aux mêmes titres, s’il n’a pas manifesté expressément une volonté contraire ; il ne peut, dès lors, opposer aux autres enfans, ses cohéritiers, aucune prescription. malgré le nombre des actes de possession qu’il a pu faire, il ne peut résister au partage, ni se refuser au rapport des biens et jouissances, sauf à prendre le cinquième qui lui revient en qualité d’héritier bénéficiaire.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1830
1760-1830
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2608
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2609
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53523/BCU_Factums_G2608.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Saint-Ilpize (43195)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Saint-Domingue
République dominicaine
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
arbre généalogique
colonat
Créances
possession pignorative
prescription
preuves de décès
renonciation à succession
saisie
séparation de biens
Successions
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53528/BCU_Factums_G2613.pdf
f427b9b9c8dc51cc2c1f0d8c08cc29fe
PDF Text
Text
fl*
\
».
GÉNÉALOGIE.
r x rjr
r/
ANNET G L A D E L ,
N.
JACQ UES,
i
a
MADELEINE
JEAN CIIASSAIGNE,
à
I'** noces.
MARGUERITE,
2« n o ces.
N . . . DU TATURAL.
MARGUERITE GLADEL.
L_______
ANTOINETTE ,
à
ANNE,
à
ANTOINE DUM ONT.
MART DOUVRELEUL.
N ...
N ...
N...
N...
N...
JEAN-FUAKÇOIS,
L
Intimés.
D e s c e n d a n c e q u i n ’ est pas en cau se
JEAN-FHAN'ÇOIS.
JOSEPH,
PIERRE.
a*» IlOCCS.
if«» noces-
ARTAUD.
1
JIA UE , née le ao avril 1701 ,
à
*J* le 7 juillet iy i .
JOSEPH MICOLON.
JEAN DOUVRELEUL.
j e a n c h a s s a ig n e .
— -J
CH ARLO TTE, née le 28 août 1738,
~^1
à
JOSEl’ lI , curé <1®Glaine.
le 8 octobre 1763.
CHRISTOPHE COL.
I
JEAJiN'E-CLAÜDINE , née le 9 octobre
à
1755.
I
GUILLAUME C 0GNASSE
■dpptlans.
,
\
1
A D ÉLAÏD E-RO SA LIE,
M A R IE ,
JACQ U ES,
BART IÉ LEM I,
née le 36 septembre 1757,
née le 28 juin 1769.
né le 38 juillet 17G1 f
né le 35 septembre 17C3 ,
*J* ab in te s ta t.
LAURENT »IA T E T .
CHARLOTTE,
à
CATHERINE,
religieuse.
3
"j~ at> in te sta t.
“ 1* a b in te sta t.
�JEAN CIIASSAIG3NE,
a** n o ce s.
1 '** n o ce s.
N . . . DU rA T U R A L .
ANTOINETTE ,
M ARGUERITE GLADEL.
AM NE,
JEAN-FKANCOIS.
jte«
JEAN C»I
JOS
1
à
M ART DOUVRELEUL.
* ANTOINE DU M ON T.
I
JEANNE-CL
à
N ...
N ...
N ...
N ...
N ...
I______________ 1
D e s c e n d a n c e q u i n ’ e s t p a s en ca u se
JEAN-FHANÇOIS,
Intimés.
JOSEPH ,
LÀUKENT 3
I
CHAULC
H
GUILLAUME <
A ppc
�MEMOIRE
EN R E P O N S E ,
POUR
Dam e
C h a rlo tte
MAYET
C O G N A S S E , son m a r i,
et le
Sieur
G u illa u m e
appelans d ’ un jugem ent
rendu par le T rib u n a l civil d ’ A m b e r t , le 3 février
1821 ;
CONTRE
Sieur J e a n - F r a n ç o i s D O U F R E L E U L Propriétaire
a A r la n c, intimé et défendeur en contre recours
E T CONTRE
Dam e M arie-A nne C O L ,
veuve de sieur Benoit
F L O U V A T , usufruitière des biens de ce dernier
Propriétaire à Am bert ;
Dam e Antoinette P O N C H O N et Sieur Antoine
L E D IE U
B A Z I N , son m ari, de lu i autorisée
Propriétaire à Am bert;
D am e Louise P O N C H O N et sieur François-Ignace
�L A V A L , son m ari, de lu i autorisée
géomètre à Am bert ;
3
expert-
Dame Marie - Anne P O N C H O N et Sieur V ila l
C O S T E S , son m ari 3 de lu i autorisée 3 expertgéomètre à A m berty
Sieur Jean-Baptiste-Thomas P O N C I I O N 3 Proprié
taire à Am bert y
Tous lesdits Ponchon , frères et sœurs, héritiers de
sieur Benoit Flouvat et de demoiselle Antoinette
F louvat, leurs oncle et tante 3 aussi intim és, dé
fen deurs en recours 3 et demandeurs en contre
recours.
Sieur Jean - Baptiste G R E L L E T - B E A X J L I E U 3
A v o ca t à Saint-G erm ain-VIlerm , aussi intim é
défendeur en recours et contre recours, et deman
deur lui-même en contre -recoursy
S ie u r 'R e n o ïx .R O L H O N -M A L M E N A ID E , Négociant
à Am bert y
D e m o is e lle M a d e le in e C E L E Y R O N 3 S ie u r JeanBaptiste et autre J e a n - B a p t i s t e C E L E Y R O N
Propriétaires à Craponne 3 aussi intim és, défen
deurs en recours et contre recours, et demandeurs
eux-m êm es en garantie contre le Sieur Douvreleul.
T
ik
dame Mayet réclame une maison dont son aycule
a été dépouillée pendant sa minorité.
On lui oppose un titre et des fins de non recevoir.
L e titre est peu sérieux. C ’est un délaissement fait
par le mari d ’une prétendue créancière de celle îi qui
�appartenait 1*immeuble j et l ’acte meine en indique le
vice.
Les fins de non recevoir sont de plusieurs sortes. '
L ’ im m euble réclamé dépend d’une succession , et
l ’on oppose à la dame Mayet :
Q u ’elle n’a pu succéder, parce q u ’elle n ’était ni née
ni conçue lors de l ’ouverture de la succession ;
Que ses droits seraient d ’ailleurs prescrits ;
Q u ’au reste, elle n’aurait eu que l ’action en par
tage, non celle en désistement.
De ces objections, les deux premières, accueillies
par le tribunal d ’A m b e rt, ne reposent que sur une
confusion de principes ou sur des erreurs de Droit.
L a troisième, sur laquelle on a le plus insisté devant
la C o u r, a pour base une erreur de fait.
Mais ce n ’était pas assez de conibattre la demande
par des moyens; le sieur Douvreleul, qui se défiait
sans doute de leur force, a cru nécessaire de les ap
puyer par des injures. Les mots : L a p lu s odieuse
des vieilles recherches.............. ; la p lu s perfide de
toutes les actions......... ; une avidité désordonnées et
d ’autres politesses semblables, ont glissé légèrement
sous sa plume.
Les sieur et dame Cognasse ne répondront pas à
ces outrages : ils dédaignent un genre aussi facile que
peu brillant; et ils respectent trop la dignité de la
Justice pour suivre le sieur Douvreleul dans ses écarts.
Ils se borneront donc à prouver que la loi protège
leur action, et q u ’ elle repousse les fins do non recevoir
dont s’enveloppent leurs adversaires.
�FAITS.
L
a
maison dont il s’agit provient de Jacques Gladel,
bisayeul de la dame Cognasse.
Décédé le 22 juin 1709, Jacques Gladel avait laissé
quatre enfans, Marguerite, Pierre, Marie et Cathe
rine : celle-ci avait fait profession religieuse, et par
conséquent ne dut pas succéder à son père. Les autres
enfans étaient mineurs, et le sieur Flouvat fut nommé
leur tuteur.
Les deux aînés, Marguerite et Pierre G ladel, de
venus majeurs, répudièrent la succession du père; la
première, par acte fait au greffe de la justice d ’Ambert, le 2 avril 17185 le second, par un acle sem
b lab le, du 17 août 1722. Une copie judiciaire de ces
deux répudiations se trouve dans le dossier de certains
des intimés, les ^gur et demoiselle Celeyron. Le
sieur D o u v r e l e u l e û t p u y voir ces r é p u d i a t i o n s . Il
aurait évité une erreur assez g r a n d e , q u i l u i a fourni
le prétexte de beaucoup de raisonnemens; celle de
supposer que le tuteur de la troisième fille , Marie
G la d e l, avait concouru pour elle à la ' répudiation
de 1718.
Loin de renoncer à cette hérédité, le sieur F louvat,
tuteur, soit avant, soit depuis les répudiations que l ’on
vient d ’indiquer, considéra toujours et fit considérer
sa pupille comme héritière de son père.
Il serait superflu, il serait même impossible de rap
peler ici tous les actes d ’adminislration exercés par le
�m ------ ;
sieur F lo u vat, comme tu teu r, sur les biens de l ’héré
dité 5 il suffira d’en indiquer quelques-uns.
Dès le 28 septembre 1 7 1 6 , Pierre Gladel poursuivit
le sieur F lou vat, comme tuteur des autres eufans de
Jacques, en paiement de la part à laquelle il avait
droit dans la dot de la mère commune. O r , à quel
autre titre q u ’à celui d’héritiers du père ces enfans
pouvaient-ils être tenus de la restitution de cette dot?
Le 17 mai 17 2 2 , le sieur F lo u v a t, en son nom et
en qualité de tu teu r, fit cession à des tiers d ’une
créance de 270 francs, qui dépendait de l ’hérédité
de Jacques Gladel.
L e 18 août suivan t, il traita aussi, en qualité de
tu te u r, avec Pierre G la d el, qui avait répudié le jour
précédent ; il lui céda plusieurs créances de la succes
sion , et lui donna à ferme, pour un a n , une maison
qui en faisait partie.
Ces actes divers d ’adition d ’hérédité n’ont pu attri
buer la qualité d ’héritière q u ’à Marie G la d e l, puisque
Catherine était morte civilement par son ingrès en
religion, et que Pierre et Marguerite Gladel en firent
cesser l ’effet à leur égard, par des répudiations q u ’ils
ont faites eux-mêmes en majorité.
Ainsi Marie G la d el, par suite de ces diverses cir
constances, se trouvait seule saisie de l ’universalité de
la succession de son père. O r , cette héritière unique
est représentée par la daine Cognasse.
Marie Gladel avait été émancipée dès 1724 : elle
était majeure en 17 2 6 ."C'est ce que démontrent divers
actes authentiques où elle est parliç. Elle a vécu
�\ li- J
C ¥ r
jusqu’au 7 juillet 1 7 3 1 , et jamais elle n’a désapprouvé
les actes d ’adition d ’hérédité q u ’avait faits son tuteur.
Elle n’a renoncé ni expressément ni implicitement à la
succession de son père.
C ’est lorsqu’elle était seule héritière q u ’eut lieu
l ’acte qui est le seul titre des intimés.
Par cet acte, en date du 9 août 1 7 2 6 , le sieur
Chassaigne, stipulant en qua lité de mari de dem oiselle
Marguerite G la d el 3 icelle créancière des successions
de f e u x A nnet et Jacques G la d e l, ses a y eu x et p ère,
ve n d it, avec promesse de garantir, à Joseph-Antoine
C ele yro n , une maison et un jardin à la suite, moyen
nant la somme de 2 5 oo fr. de principal, et 200 fr. .
pour épingles. Les 200 francs furent payés comptant
au sieur Chassaigne; 2368 fr. furent stipulés payables
à termes, h diverses personnes indiquées comme créan
cières des deux successions; et il fut dit que les i 32 fr.,
reste du prix principal , seraient payés au sieur
Chassaigne -, e n s o r te que c e lu i- c i a dû recevoir
332 fanes sur le prix fixé.
Rien n ’autorisait une pareille vente, si l ’on peut
donner ce nom à un tel contrat.
Le sieur Chassaigne, ou de son chef ou de celui de
son épouse, n ’avait aucun droit de propriété sur la
maison. E n le supposant même créancier des succes
sions, il pouvait faire vendre judiciairem ent, mais
non vendre lui-même. Aucune nécessité, d ’ailleurs,
ne le pressait; car il n ’était par chargé du paiement
des dettes d ’ une hérédité qui lui était étrangère,
&
laquelle sou épouse avait même renoncé. Enliu , il
�(
7 )
Ti’est pas certain que les créances indiquées dans la
vente fussent légitimes* Les titres ne sont pas rappelés
dans l ’acte, et aujourd’hui on ne les produit pas.
Cette v e n t e illégale, et q u i, sans doute, avait été
faite à vil prix, ne fut q u ’une spéculation du sieur
C h a s s a i g n e , hasardée dans le b u t de s’approprier une
p a r t i e de la fortune de Marie Gladel,
L e sieur Chassaigne , qui était v e u f lors de son
mariage avec Marguerite G la d e l, est représenté dans
la cause par le sieur D rouvreleul, descendant de son
premier mariage. Il parait aussi que celui-ci a recueilli,
par des libéralités, toute la fortune q u ’avait laissée
Marguerite Gladel aux enfans nés de son union avec le
sieur Chassaigne.
Cependant Marie Gladel avait épousé, le 19 août
172G , le sieur Micolon; elle avait eu de ce mariage
une seule fille, née le 28 août 1728 , qui était âgée de
moins de trois ans lors du décès de sa m ère, arrivé
le 7 juillet 17 3 1.
Cette fille , nommée
Charlotte
M icolon, est l ’ayeule de la dame Cognasse.
A la mort de Marie Gladel sa mère, Charlotte
Micolon fut saisie, non seulement des biens personnels
de celle-ci , mais encore de l ’hérédité de Jacques
G la d e l, hérédité que Marie Gladel seule n’avait pas
répudiée.
Cet enfant mineur était sous l ’administration légale
du sieur Micolon, son père, lorsqu’on 1734 , celui-ci
lut poursuivi en qualité de légitime administrateur
de sa fille , conjointement avec Marguerite G l a d e l ,
par une dame Flouvat, pour le paiement d ’une somme
�( 8 )
Je io o francs, faisant le tiers d ’une rente au principal
de 3 oo francs, et pour un certain nombre d’années
d ’arrérages.
Cette modique somme était due par la succession
de Jacques Gladel. E lle aurait dû être acquittée par
le sieur Celeyron, car elle était une des dettes indi
quées dans l ’acte de 1726.
Cependant l ’ignorance complette du sieur Micolon.
sur tous les faits antérieurs , et sur la valeur de la
succession, le déterminèrent à faire, au nom de sa
fille, un acte de répudiation. Cet acte est sous la date
du 4 février 1']%'].
Il ne fut autorisé par aucun avis de parens,
par
aucune ordonnance du juge.
On peut en voir la copie dans les pièces des sieur et
dame Celeyron; il fut signifié le 26 mars 17 3 7 , avec
les répudiations de 1718 et de 1722, par un procureur
q u i était k-la-fois ‘celui de Marguerite Gladel et celui
du sieur Micolon.
Telle est la seule renonciation que l ’on puisse op
poser à la dame Cognasse.1- On en connaît les circons
tances nous en examinerons dans la suite la validité.
Il parait que la dame Flouvat suspendit alors ses
poursuites.
E n ï 7 43 , elle fit nommer un curateur à la suc
cession de Jacques G la d el, et agit soit contre ce cura
teur, soit contre Marguerite Gladel, q u ’elle poursuivit
comme détenant un domaine appelé de Mont-Simoiul,
provenait, à ce q u 'il parait, de la s u c c e s s io n de
Jacques Gladel. Marguerite Gladel agit en recours
qui
�contre le sieur Celeyron, et se plaignît de ce q u ’il
n ’avait pas acquitté la dette.
L a dame Flouvat obtint, le 3 o août 174.3 , une
sentence qui lui adjugea ses conclusions contre Mar
guerite Gladel.
E lle la fit signifier, par exploit du 4 juin 17^4 >
au sieur Micolon, en qualité de père et légitime ad
ministrateur de ses enfans, et l ’assigna en déclaration
de jugement commun.
Cette assignation était mal dirigée; car la demoiselle
Charlotte Micolon était alorsmajeure, et même mariée,
à ce qu ’il parait. Son^ oreille 11’en fut pas frappée, puis
q u ’on ne la lui notifia pas à elle-même, quoiqu’elle
fut la seule et la vraie partie. .
Au reste, on n’a pas eu à s’en occuper; car rien
n’indique q u ’il y ait été donné suite.
,
Charlotte Micolon avait épousé le sieur Christophe
Col. Elle décéda le 8 octobre 1 7 6 3 , laissant cinq
enfans dans le plus bas âge, sous la tutelle du sieur
C ol leur père.
Il parait que celui-ci, agissant en qualité de légi
time administrateur de ses enfans, o b tin t, le 6 sep
tembre 1790, contre un nommé Pierre Alligier, une
sentence qui ordonne entr’eux le partage du domaine
de Mont-Simond, dont nous avons déjà parlé. L a sen
tence attribuait deux tiers de ce domaine au sieur
Col pour ses enfans, et un tiers à Alligier, comftie
acquereur de Jean C h a s s a i g n e . Le partage fut fait
sur ces bases, par procès-verbal d ’experts, déposé au
greffe d’Ambert le 20 mai 1791»
�..............................
" ( i o )
Cette pièce prouve que les descendans de Marie
Gladel avaient été privés, au moins depuis quelque
tems , des biens de leurs a y e u x , puisqu’ils furent
obligés d ’agir en désistement contre un tiers-détenteur.
D ’ailleurs, le partage qui le constate n ’est pas celui
d ’une succession : c’est seulement un partage d’objets
indivis. Rien n ’indique même d ’après quels titres fu
rent déterminés les lots. Si les Col n’obtinrent que
les deux tiers du domaine, peut-être fut-ce parce que
les deux tiers seulement provenaient des successions
de leurs ayeux.
Cependant trois des enfans Col décédèrent ah in
testat, laissant pour uniques héritières Marie et C lau
dine C o l, leurs sœurs.
Celles-ci, devenues majeures, s’occupèrent de la
recherche de leurs droits, q u i, pendant de longues
minorités, n ’avaient été que trop négligés.
U n sieur Flouvat était alors détenteur de la maison
vendue par Joseph Chassaigne en 1726. Les demoi
selles Col le citèrent en conciliation sur la demande
en désistement des deux tiers de cette maison,
en
offrant de lui rembourser toutes les créances q u ’il éta
blirait lui être légitimement dues par les successions
de Jacques et Pierre Gladel.
L e 26 messidor an t\, Marie Col céda tous ses droits
h sa sœur.
Le 20 fructidor suivant, Claudine C o l, agissant
en son nom et comme cédataire de Marie sa sœur,
so porta héritière pure et simple do Jacques et tic
Pierre G lad el, l’ un son bisayeul, l ’autre son grand-
�{ l l ) . .
o n cle , et révoqua les renonciations précédemment
faites.'
Le 18 ‘prairial an 5 , Claudine lit citer de nouveau
en conciliation le sieur Benoit f l o u v a t , rectifia ses
précédentes conclusions qu ’une erreur avait trop res
treintes, et demanda le désistement de la totalité de
la maison et de ses dépendances, avec restitution de
jouissances, en réitérant ses offres de payer les créances
¡qui seraient dues au sieur Flouvat par les successions
de ses ayeux.
U n procès-verbal de non conciliation fut dressé,
le i er messidor an 5 , et fut suivi d’une assignation
d u - 8 brumaire an G , qui porta l ’affaire devant le
tribunal civil du Puy-de-Dôme.
Dans la suite, le tribunal civil d ’Ambert en a été
saisi; e t, la dame Col étant décédée, sa fille et le
sieur Cognasse, son époux, ont repris l ’instance.
Cependant le sieur Flouvat ayant v e n d u , pendant
le cours du procès, la maison et le jardin en litige, le
nouvel acquéreur a été mis en causé. L e sieur Douvreleul a été lui-même assigné en garantie , comme
héritier du sieur Jean Chassaigne, par qui la maison
avait été cédée en 1726.
Le 3 février 1821 a été rendu le jugement dont est
âppel. En voici les termes :
« En ce qui touche la demande principale :
« Attendu que Charlotte Micolon , mère de la
« femme Cognasse et de Marie C o l, n ’était ni née ni
« conçue 11 l ’ouverture des successions de Jacques et de
« Pierre G la d e l, qui remonte aux 22 juin 1709 et
-a» -' V
y «A
�« 3 mars 17 2 4 , puisque son acte de naissance est
« seulement à la date du 28 août 1728;
«' Attendu q u ’il est de principe que, pour succéder,
« il faut être né ou conçu à l'ouverture de la suc« cession ;
« Attendu que les répudiations aux successions de
« Jacques et Pierre Gladel étaient régulières;
« Attendu que la vente de la maison en question,
« en date du 9 août 17 2 6 , ne présente aucun des
« caractères qui constituent un acte pignoratif, et
« q u ’ainsi les acquéreurs qui ont joui paisiblement
« jusqu’en 17 9 6 , ont en leur faveur l’avantage d’ une
« double prescription , qui s’est utilement opérée
« pendant la vacance des successions et contre lesdites
« successions; de telle sorte sorte que lesdits Cognasse
« ne peuvent invoquer ni minorité ni aucun autre
« privilège personnel à eux ou à leurs auteurs, comme
« interruptif de cette prescription ;
« E u ce qui touche les demandes en garantie et
« sous garantie :
« Attendu q u ’elles doivent suivre le sort de l'action
« principale,
« L e t r ib u n a l, statuant en matière principale,
« déclare les mariés Cognasse non recevables et mal
« fondés en leur demande en désistement contre les
«< héritiers Flouvat et le sieur Rolhion; met hors de
« cause et de procès sur les demandes en garantie et
« sous garantie ; condamne les mariés Cognasse aux.
« dépens envers toutes les parties. »
�( >3 )
Telle est la décision dont les ¿poux Cognasse ont
interjeté appel, par exploit du 8 mai 1822.
Prouver que la dame Cognasse est héritière de son
bisayeul ;
• D ém on trer
1
que ses droits,, à l ’immeuble q u ’elle
ne sont pas prescrits;
Faire connaître enfin que l ’action en désistement
était la seule qu’elle eût k former :
,
Telles sont les propositions que développeront les
appelans.
t
-réclam e
•‘j
P R E M IÈ R E P R O P O S IT IO N .
L a dame Cognasse est-elle héritière de Jacques
G la d e l, son bisa yeu l?
1•
Les premiers juges ont invoqué une maxime trèsvraie en elle-même, mais dont l ’application à la cause
est au moins fort singulière.
.
,
« Pour succéder, ont-ils d i t ,
il faut être,n é on
« conçu k l ’ouverture de la succession. »
Ils ont ensuite remarqué que Charlotte Micolon,
mère de la dame Cognasse , était née seulement en
17 2 8 , tandis que Jacques G la d e l, son ayeul, et Pierre
G la d e l, son oncle, étaient décédés, l ’un en 1709,
!>
*
0
1 autre en 1724*
De lk ils ont conclu que Charlotte Micolon n’avait
succédé ni k
pas transmis
Ce moyen
D o u vreleu l,
l ’un ni k l ’autre, et q u ’ainsi elle n’avait
ces hérédités h la dame Cognasse, sa fille.
a été renouvelé sur l ’appel, par le sieur
dans un Mémoire imprimé.
�Il a paru même y attacher quelqu’importance, si
l ’on en juge au moins par le luxe d ’érudition dont il
l ’a entouré.
C ’était, en vérité, prendre une peine fort inutile»
Quel jurisconsulte a jamais pensé à contester la
maxime : Q u ’il faut être né ou conçu pour succéder?
Quel homme , doué d ’une intelligence même ordi
naire , ignore ces deux vérités physiques ?
« Il n’y a que les morts auxquels on succède. »
« Il n’y a que les vivans qui succèdent aux morts. «
Ces vérités sont exprimées avec autant d’énergie que
de précision, dans cet ancien axiome du Droit français :
L e mort saisit le v i f .,
Jamais la dame Cognasse n’avait soutenu que Char
lotte Micolon était l'héritière personnelle et immédiate
de son ayeul et de son oncle.
Il était donc superflu de combattre une assertion
qui n’avait pas étû faite, et qui ne pouvait l ’être.
Mais Charlotte Micolon avait une m ère, Mario
Gladel. E lle avait succédé à cette mère, et par consé
quent à tous les droits, à toutes les actions, à toutes
les facultés dont celle-ci était saisie elle-même au
moment de son décès : Ilercdcs, ju r is successores sunt,
L . 9 , § 12 , ff. D e hœred. inst...... /Itères succcdit in
omne j u s m o rtu i, non tantum singularum rerum
dominium succedit. L . 37 , il. D e acq. v e l omitt.
hœred...... Ilœredem ejusdem potestatis jurisque essa
eu ju s f u it defune tus constat. L . £>9, flf. D e rcgul. ju ris,
O r,
Marie G la d el, fille de Jacques et soeur do
�Pierre, était vivante au décès de son p c r e , a celui de
son frère (i).
E l l e é t a i t leur héritière naturelle : elle leur a succédé.
'•'-vT
E lle n ’a jamais répudié les successions. On le prou
vera bientôt.
E lle avait donc transmis à sa fille , Charlotte
M i c o l o n , sa propre héritière, les droits dont elle était
saisie elle-même, relativement aux successions de son
père et de son frère.
\
Donc s’il est vrai que Charlotte Micolon ne pouvait
pas être l ’héritière immédiate de deux personnes
décédées avant sa propre existence, au moins e s t - il
certain qu ’elle a été leur héritière m édiate, c’est-à-dire
que les j u s et nomen hcereclis dont Marie G la d e l, sa
m ère, était saisie elle-même, lui ont été transmis par
celle-ci, et q u e , comme héritière de sa mère, elle était
aussi héritière et de son ayeul Jacques G la d e l, et de
son oncle Pierre.
Telle était la vraie question à examiner, au lieu de
celle q u ’ont posée les premiers juges.
E lle était fort simple aussi^ et pour la résoudre, il
suffisait de donner aux faits de la cause une légère
attention., de se fixer sur la généalogie de la famille
G ladel, et de considérer les dates des décès.
Les premiers juges ont préféré se jeter dans des
abstractions, et raisonner sur de fausses hypothèses,
(i) JSota. La mort do Jacques Giacici est du 22 juin 1709;
Celle di* Pierre, du 3 niars 17^4 »
Celle de Marie , du 7 juillcl 1731. ( Yoycz la Genealogie. ).
�(
10
)
qui devaient nécessairement les conduire à une réso
lution erronée.
Que les intimés imitent cet exemple, si bon leur
semble; que, s’appuyant sur une fausse base , ils
invoquent une doctrine vraie en elle-même, niais sans
application à la cause.
Nous ne les suivrons pas dans leurs écarts, et nous
nous bornerons à leur dire : Vous parlez fort bien j
mais non erat hic locus.
Nous avons dit que Marie Gladel n’avait pas re
noncé k la succession de Jacques son père (i).
E n effet, il n’existe aucune renonciation faite ni
par elle ni en son nom.
C ’est par erreur q u ’on a supposé, dans le Mémoire
des intimés, que le sieur Cristophe Flouvat , son
tuteur, avait fait, le 2 avril 1 7 1 8 , un acte de ré
pudiation.
Il existe, il est vrai, un acte de répudiation, de cette
date ; mais il fut fait par u n autre enfant , par
Marguerite Gladel seule, qui était alors mineure, par
cette Marguerite Gladel que représente aujourd’hui le
sieur Douvreleul.
Cette répudiation, que l ’on supposait ne pas être
rapportée, et qui a servi de prétexte h un reproche
peu réfléchi; cetie répudiation, que devait produire
le sieur Douvreleul se u l, puisque seul il est aux droits
de Marguerite G ladel, cette répudiation se trouve en
succession de Pierre Gladel, frère de Marie, n’a aussi j a m a i s
¿té répudié. cç
csi ^ au rcs{e } fort ¡jnUflercnt po^eja causu,
(« ) L a
�( J7 5
~
copie judiciaire dans le dossier même des sieur et demoiselle Celeyvon : qu on la lise, et Io n reconnaîtra
que Marguerite Grladel lut la seule qui renonça en
1 7 1 8 , et que Cristoplie F lo u v a t, tuteur des autres
enfans, ne participa pas à l ’acte de renonciation»
L o in de là , Cristophe Flouvat avait accepté pour
ses mineurs la succession de Jacques G ladel, et fît,
avant, soit après 1 7 1 8 , divers actes d’adition
d ’hérédité.
s o it
Nous avons rappelé, dans les faits, des poursuites
exercées, le 28 septembre 1 7 1 6 , contre Cristophe
Flouvat, en qualité de tuteur, pour-le paiement d ’une
dette de la succession de Jacques Gladel.
Nous avons aussi parlé de plusieurs actes par les
quels le sieur Flouvat, en qualité de tu teu r, avait
disposé des effets de l ’hérédité, et en avait payé les
dettes :
Il traite,
le 17 mai 1722, avec un nommé Ma
thieu, fils d ’un débiteur de la succession5 il lui cède
une créance de 200 fr. et les intérêts de cette créance,
qui avaient couru depuis 1709 jusqu’en 1 7 1 5 j il re
çoit 100 fr. sur le prix de la cession, et stipule des
termes pour le surplus.
Il donne à location, le 18 août suivant, une maison
qui dépendait aussi de l ’hérédité, délaisse le prix de la
location en paiement d ’une dette héréditaire.
Il cède par le même acte, aussi en paiement d ’une
dette de la succession, deux sommes, l ’une de 24 fr.,
l ’autre de 180 francs , dont cette succession était
1J
�f
■îTôus ces faits caractérisent l'acceptation de l ’héré
dité, et suffisent pour la produire. Pro hœrede gerere
quis videtur si l'ebus hcei'editariis tanquam hœres
utdtur} v e l vendendo res liœ r e d ita r ia s v e l prœdia
colendo 'locandove} et quoquomodo suam voluntatem declaret, v e l rej v e l verbo, de adeundâ hosreditate, §->7-, Instit. de hered. quces. et dis.
P ro hœrede gerit ille qui debitum paternum e x
sol vil ( L . 2 , C . de ju r e delib.').
On peut voir ces principes énoncés dans les Lois
civiles de Domat (partie 2, liv.‘ i er, t i t . S, seet. i re.).
C ’est comme tuteur de Marie Gladel, que le sieur
Flouvat a fait ces divers actes d’immixtion; c’est pour
elle q u ’il les a faits; et par conséquent il a imprimé sur
sa tête la qualité d ’héritière de Jacques G la d e l, son
père.
Marie G lad el, devenue majeure, ne s’est pas fait
restituer, contre ces actes; elle n’a pas aussi renoncé
personnellement à la succession de son père ; et par
conséquent aussi elle était saisie de cette succession ,
lorsqu’en 1731 elle décéda.
E n vain dirait-on q u ’elle s’était abstenue, pendant
sa vie, de prendre qualité.
Nous avons déjà prouvé le contraire, puisque son
tuteur lui avait fait prendre la qualité d ’héritière.
Mais, ne pût-on même produire aucun acte qui eût
une telle conséquence, on n ’en serait pas moins au
torisé à dire que Marie Gladel est décédée saisie du
d ’héritière de son père, par c^ ^ ^ aêm ejjuj^ ]^
n ’avait pus répudié la succession.
titre
�( ‘9 )
_ *1JI
C ’est une erreur,de dire q u ’en Auvergne, en ligne
directe sur-tout, la renonciation expresse était .inutile,
et que la simple abstention suffisait pour -ne pas être
héritier.
'
. i;
i:
i
Cette idée est en opposition et avec les lois ro
maines, q u i, dans le silence du-statut coutumier ,
formaient le Droit de cette proyince, et avec le texte
même d’un des articles de la loi municipalefi
D ’après les lois romaines, les enfams, ies descendans
étaient héritiers nécessaires, héritiers siensj suivant
les expressions de ces lois. Pour ne pas être héritiers, il
fallait q u ’ils renonçassent , c^est-à-dire , d’après le
D roit romain, q u ’ils obtinssent du Préteur la liberté
de s’abstenir de la succession. S’ils négligeaient cette
précaution, ils étaient héritiers de plein droit. S o ld
existentid sunt hœredes , disait d’eux la loi des douze
Y
tables; et les lois postérieures avaient confirmé le prin
cipe,
in suis hœredihus aditio non est necessaria ,
fjuià statim ipso ju r e
1T. de suis et legit.
hœredes existunt.
L.
14 ,
L a Coutum e d ’Auvergne avait adopté cette règle,
et l’avait même étendue à toutes les classes d ’héritiers.
Plusieurs articles du chapitre 12 la consacrent.
On rappellera notamment l ’article i ar et l’art. 54 L'article i cr s’exprime ainsi : « L e mort saisit le v if
« son plus prochain lignager habile à lui succéder ab
« intestat} sa.ns api'jiéiiension de f a it . »
L ’article 54 est plus positif encore :
« A u cun 11’est rccevable de soi dire n ’être héritier
�« d’aucun,
«
s ’i l
ne
A SA. SUCCESS I ON.
répu die
et
renonce
expressém ent
»
M. C h a b ro l, dans une dissertation lumineuse sin
ce dernier article , démontre q u e , dans notre pro
vince , il ne suffisait pas à l ’héritier naturel de dénier
la qualité d ’héritier.
« L a loi l ’en déclare saisi, par son ministère. S’il
« veut abdiquer, il est donc nécessaire q u ’il en fasse
« une déclaration expresse. »
M. Chabrol fait même observer q u e, dans notre
C o u tu m e , il n ’y a aucune différence entre les héri
tiers collatéraux et les héritiers directs; que les uns
et les autres sont assujettis aux mêmes règles, et sont
réputés héritiers, s'ils ne renoncënt pas expressément.
Il serait superflu de développer davantage une vérité,
élémentaire en Auvergne, fondée sur un texte trop
clair, trop positif, pour se prêter aux'subtilités de
l ’argumentation, et que notre législation n o u v e l l e a
consacrée par l ’article 784*
O r, c’est sous la Coutum e d ’Auvergne que s’était
ouverte la succession de Jacques G ladel; c’est dans le
territoire de cette Coutum e q u ’ habitaient aussi ses
héritiers; c’est par les principes de celte Coutume
seule que l ’hérédité est régie.
11 serait donc assez indifférent que Marie Gladel
e û t, ou n on , fait personnellement des actes d ’adilion d ’hérédité : elle n ’en aurait pas moins été héri
tière, puisqu'elle n ’a pas renoncé.
Il serait peu important aussi q u ’en se constituant
�des biens d otau x, elle n’eût pas compris dans la cons
titution ceux qui lui étaient échus par le décès de son
père; car le seul effet de cette omission aurait été de
rendre paraphernale cette dernière espèce de biens.
Marie Gladel n’en devrait pas moins être considérée
com m e héritière_de son père, puisque la loi lui avait
imprimé ce titre; et l ’on pourrait d ’autant moins le
lui refuser, que le sieur F lo u va t, son tu teu r, avait
fait en son nom plusieurs actes d ’adition d ’hérédité ;
q u ’elle même, à sa majorité, avait consacré ces actes,
non seulement par son silence, mais même en conser
vant la possession soit du mobilier de Jacques Gladel,
soit même des immeubles; car elle possédait, à ce
q u ’il paraît, le domaine de Saint-Sim ond, qui dépen
dait de la succession; et elle avait laissé, à. son décès,
cette possession au sieur M icolon, son m a r i, qui en.
jouissait, comme administrateur des biens de sa fille,
en 1734 ; ce qui est prouvé par un exploit d’ajourne
m ent, du 17 février 1738 (V o ir la copie de cet exploit
dans le dossier des intimés Celeyron.)
.1
' Ce n’est même q u ’après une longue possession des
biens meubles et immeubles de l ’hérédité, possession
exercée soit par Flouvat, tuteur de Marie Gladel, soit
par celle-ci personnellement, soit par le sieur Micolon
son époux, que ce dernier, assigné depuis 1734 en
qualité de tuteur de sa fille Charlotte, fit , au greffe
du bailliage d ’A m b e r t, cet acte de répudiation du
4 février 178 7, que l ’on nous oppose aujourd’h u i, el
dont il'est utile d ’examiner soit la valid ité, soit les
elfets.
�L a répudiation est nulle.
E n la supposant valable dans son origine, ses effets
auraient été détruits par l ’acceptation postérieure de
l ’hérédité de Jacques Gladel.
Nous démontrerons successivement ces deux pro
positions.
La répudiation est nulle, soit parce qu ’elle était
tardive, soit parce q u ’elle aurait dû être autorisée par
un conseil de famille.
E lle était tardive, puisqu’elle avait été précédée
d’une longue possession des biens meubles et immeubles
de la succession, et de faits géminés d ’adition d ’hérédité.
Nous avons déjà indiqué plusieurs de ces faits
émanés-de Christophe F lo u v a t, en qualité de tuteur
de Marie G la d e l, tels que location d ’im m eubles,
paiement des dettes, cession des créances de la succes
sion. Nous avons aussi parlé de la possession des biens
de cetie succession, et notamment du domaine de
Saint-Sim ond, possession exercée, soit par le tuteur
F lo u vat, soit par Marie Gladel elle-même, soit par le
sieur Micolon, q u i , d ’abord comme époux de Marie
G ladel, ensuite comme père et légitime administrateur
de l ’enfant né de leur mariage, avait continué de jouir
du domaine.
Tous ces faits constituaient les actes d ’acceptation
les plus caractérisés, ainsi que le prouvent les principes
que nous avons déjà rappelés, ainsi que l ’enseigne
aussi M. C h a b ro l, dans son Commentaire sur l ’art. 54
du titre 14. (Voyez tome 2 , page 13 7.).
O r , c’est un principe élémentaire, que la qualité
�(
»3
)
d’héritier, une fois prise, ne peut plus être révoquée :
Q u i semel hœres> semper hœres. « L ’héritier naturel
« a le choix d’accepter d ’abord ou de renoncer-, mais
« il le consomme par sa détermination ». (V o y e z
M. C h abrol, loco citcito.).
L e tuteur de Marie Gladel avait consommé ce choix
pour elle. Marie Gladel elle-même l ’avait confirmé
depuis sa m ajorité, par la possession des biens hérédi%
taires. Elle n ’aurait pu varier elle-même; elle était,
avant son décès, irrévocablement saisie de la qualité
d’héritière de son père; et cette q u a lité , elle l ’a
transmise à son décès, avec sa propre succession, à
Charlotte Micolon.
Ces premières observations suffiraient pour prouver
que le sieur Micolon, père et légitime administrateur
de Charlotte sa fille, n ’a pu renoncer pour celle-ci à
la succession de Jacques G la d el, son ayeul; car la
succession de l ’ayeul et celle de la mère s’étaient con
fondues par l ’acceptation q u ’avait faite celle-ci de
l ’hérédité de Jacques Gladel. Pour ne pas être héri
tière de l ’u n , il eut fallu aussi renoncer au titre
d’ héritière de l ’autre. Or , Charlotte Micolon n ’a
jamais renoncé à la succession de sa mère j donc elle
est aussi héritière de son ayeul.
Remarquons même q u ’en supposant
Gladel n’eut fait personnellement aucun
mixtion dans la succession de Jacques
suffirait que de tels actes eussent été faits
que Marie
acte d’im
Gladel , il
en son nom
par son tuteur, pour q u ’elle ou ses descendais ne
pussent cesser d ’être réputés héritiers, tant q u ’ils ne
�( *4 )
»«iA-
sc seraient pas fait restitu er, par la justice, contre
l ’adition d ’ hérédité qui en résulterait.
La
simple expression d ’une volonté contraire à
l ’acceptation q u ’auraient produite ces actes d ’immix
tion , aurait été impuissante pour en détruire l ’effet;
et il aurait fallu et se pourvoir en restitution, et
obtenir un sentence qui l ’accordàt.
O r , ces moyens n ’ont pas été employés. L e sieur
Micolon s’est borné à déclarer q u ’il renonçait pour sa
fille à une succession depuis long-tems acceptée, depuis
long-tems confondue dans le patrimoine maternel de
celle-ci. Cette déclaration illégale n’a pu évidemment
avoir aucune conséquence nuisible aux droits acquis
et aux intérêts de Charlotte Micolon.
Mais la succession de Jacques Gladel n’eut-elle pas
été antérieurement acceptée, se fùt-elle ouverte seule
ment pendant la tutelle du sieur Micolon père, celuici n ’ aurait pu la rép u d ie r, sans des formalités salu
taires , sans des précautions propres à garantir les
intérêts de sa pupille.
Q u ’est-ce en effet q u ’un tuteur?
C ’est un simple administrateur, chargé, par la loi,
de gérer les biens du m ineur, mais à qui il n’est
. permis ni d’aliéner, ni de transiger, ni de diminuer
par aucun acte la fortune du mineur : Tutor in re
jm p illi,
tune dornini loco habetur } cum
tuteîam
adm inistrai, non cum pupillum spoliât. L . 7 , 5 3 ,
il’. Pro cmptore.
Tout ce q u ’il fait hors des bornes d ’une simple
iidniinistration est nul à l ’éçard du m ineur, si celui-ci,
�(25)
Aa*
lie l ’approuve pas , ou si ses intercts ont été blessés, a
moins cependant que 1 autorité de la justice ue soit
intervenue pour donner au tuteui des pouvoirs qu il
n’avait pas.
O r , renoncer à une succession n’est pas un acte de
simple administration; car c’est priver le mineur d ’un
patrimoine qui lui est dévolu ; c’est diminuer sa
fortune; c’est aliéner ses droits.
- On peut opposer qu ’une succession est quelquefois
plus onéreuse q u ’u tile, et qu e, sous ce rapport, les
intérêts du mineur peuvent être ménagés plutôt que
blessés par la répudiation du tuteur.
Cette observation nej*ésout pas la difficulté. Renoncer
à une succession, abandonner un patrimoine dont l ’actif
peut excéder le passif, est un fait qui excède évidem
ment les pouvoirs d ’un simple administrateur.
Il n Jy a rien, au reste, de fort dangereux pour un
mineur dans l’acceptation d ’une succession ; car les
lois, qui le protègent, l ’autorisent à ne payer les charges
héréditaires, que jusqu’à concurrence de son émo
lument.
Mais si le tuteur croit une répudiation utile, il doit
prendre l ’avis du conseil de fam ille, convoqué devant
le juge.
Ici était l’usage autrefois ,
usage fondé sur la
restriction salutaire que les lois apportaient aux pou
voirs des tuteurs.
M. Pothier, dans son Traité des successions, chap. 3 ,
section 4 , § i cr, s’exprime ainsi :
« Un tuteur peut répudier une succession déférée
.4
'
�« à son mineur; un curateur peut répudier celles
« déférées à ceux qui sont sous sa curatelle.
« Il est d ’usage que les tuteurs et curateurs prennent
« la précaution de se fa ire autoriser pour cela par un
« avis de parens assemblés devant le juge. »
M. M erlin, dans son Répertoire, au mot Renoncia
tion , n° i , emploie le même langage :
« Il est d ’usage, en cas pareil, que le tuteur ou le
« curateur se fasse autoriser par un avis de parens
n assemblés devant le juge. »
M. Toullier, dans son Droit civil français, remarque,
sur l ’article l\Gi du C ode, q u e , dans l ’ancien D ro it,
il fallait un décret de justice pour autoriser la répu
diation. Il cite D uparc-Poullain, Principes du D r o it,
tome 1 " , p. 287. (V oir T o u llier, tome 2, p. 265.).
L a répudiation alors était valable, paxce q u ’elle
était faite après vérification, par le conseil de famille,
de l'état de la succession; parce q u ’elle était faite sous
l ’autorité du juge, et que le p ou v oir du magistrat qui
l ’avait autorisée donnait au tuteur une capacité qui
lui manquait.
L e Code civil a consacré l ’ancienne règle dans son
article 4 6 1 , qui déclare que « le tuteur ne peut ré« pudier une succession sans l'autorisation du conseil
u de famille. »
• Cet article servirait à fixer les doutes même pour
l ’ancien D roit, s’il s’en élevait; car l ’on sait que les
lois anciennes et nouvelles se prêtent un mutuel set ours, comme règles interprétatives. Leges priorcs ad
posteriorcs trahuntur et c contrit.
�( a7 )
Dans la cause, la renonciation du sieur Micolon.
père n’a été précédée d ’aucun avis de parens.
Cette renonciation n ’était pas même commandée
par les circonstances, puisque la créance qui en fut le
prétexte ne s’élevait q u ’à la modique somme de cent fr,
en principal. Aucun autre créancier n’exerçait alors,
n ’a jamais même exercé depuis les moindres poursuites.
Bien plus, aucune autre créance n ’est aujourd’hui
justifiée.
Rien ne peut excuser une telle renonciation, qui
tendait à priver Charlotte Micolon d ’une succession
opulente.
E lle est n ulle, comme n ’ayant pas été autorisée par
un avis de parens et par la justice.
Elle serait nulle, d ’ailleurs, comme ne s’appliquant
pas à une succession récemment échue, mais à une
succession ouverte depuis long-tems, à une succession
depuis long-tems aussi acceptée', k une succession qui
était confondue dans celle de Marie G la d el, mère de
la mineure, à une succession de laquelle cette mineure
était saisie, et dont les biens, que sa inère avait d ’a
bord possédés, étaient alors possédés aussi par ellemême ou par son tuteur.
Renoncer, dans un pareil cas s u r - t o u t , c’était
réellement aliéner*, c’était dépouiller la mineure d’un
patrimoine qui lui était acquis*, c’était faire ce que
la loi interdit à un simple administrateur.
Donc cette p r é t e n d u e r é p u d i a t i o n est un acte in
forme, illégal, q u i ne saurait être , dans la cause ,
d’aucune considération, et qui n’a pas empêché Char-
�;« a
.
lotte Micolon de continuer d ’avoir, comme elle l’avait
auparavant, le titre d ’héritière de Jacques Gladel ,
son ayeul.
Mais en considérant même la répudiation comme
valable, elle aurait pu être rétractée par Charlotte
Micolon ou ses descendans, tant que la succession était
restée vacante.
L e principe est incontestable. Il est enseigné par
les anciens auteurs, et consacré par le Code civil.
L ebru n , dans son Traité des Successions, examine
les exceptions à la m axim e, que l’immixtion qui vient
après la renonciation n ’est point acte d ’héritier ; et
parmi ces exceptions, il range le cas où l ’héritier
déclare positivement q u ’il accepte (i).
« L a troisième exception est au cas q u ’après une
«
«
«
«
renonciation , l ’on fasse une déclaration précise
d ’être héritier, principalement si elle est faite en
jugement. E t c’est la disposition de la loi siJîliusy
i a , ff. de interrog. »
.
L ’auteur pouvait aussi s’appuyer sur la loi 20, 5 4 ,
ff. de aquirendd v c l om ittendd hœreditate.
M. Chabrol, sur l ’article 5 /f du titre 12 de la C ou
tume d ’Auvergne, dit aussi que «celui qui a renoncé
« peut reprendre le titre d ’ héritier, s’il n’est pas encore
« occupé, et si la succession est restée vacante. »
]\I. Chabrol cite l'opinion de Lebrun.
Long-tems avant, l ’auteur des Lois civiles professait
Traité des Successions, livre 3 ; des iicnoncuilionSf
cliap. 8 , scct. a , u° G3 .
0 ) Voyn* Lebrun,
�( 29
)
la même doctrine dans une note sur le n° 4 de la
section 4 d e la r e n o n c ia t io n ti l ’ l i é r é d ü é (Voyez au
titre 4 du livre i cr de la 2e partie.)
« Si après une renonciation, dit ce.savant légiste,
« l ’héritier qui l ’aurait faite venait à s’en repentir,
« les choses étant encore au même état, sans q u ’aucun
« autre héritier sè fût présenté, rien n’empêcherait
« q u ’il ne reprit son droit. »
M. M erlin, au mot Renonciation, n° 6 , dans son
Répertoire de jurisprudence 3 parle aussi de la faculté
qu ’a l ’héritier d’accepter la succession, même après y
avoir renoncé, lorsqu'elle est restée vacante.
Le Code civil a adopté cette règle ancienne.
Après avoir d it, dans l ’article 789, que la faculté
d’accepter ou de répudier une succession se prescrit
par le laps de tems requis pour la prescription la plus
longue des droits immobiliers, il s’exprime ainsi dans
l ’article 790 :
« Tant que la prescription du droit d’accepter n’est
« pas acquise contre les héritiers qui ont renoncé, ils
« ont la faculté d’accepter encore la succession , si elle
« n ’a pas déjà été acceptée par d ’autres héritiers. »
La prescription, dans ce cas, est celle de trente ans,
qui se seraient écoulés sur la tète d’ un m ajeur; car
elle ne court pas contre des mineurs (V o ir l ’ai t. 22ÎÎ2;
voir aussi l’article 22G2, sur le tems nécessaire pour
opérer la prescription.).
Ces principes étant fixés, si l’on considère comme
valable la renonciation fai le sans aucune formalité
par le tuteur de C h arlotte M icolon, au moins doit-on
�fo À
( 3o )
reconnaître q u e , tant que la succession n ’était pas ac
ceptée par d ’autres, elle avait le droit de la reprendre,
et q u ’il eût fallu une prescription de trente ans depuis
sa majorité pour la priver de ce droit.
Charlotte Micolon, née le 28 août 17 2 8 , est dé
cédée le 8 octobre 17 6 3 , c’est-à-dire âgée seulement
de trente-cinq ans; en sorte q u ’il n’avait couru sur sa
tète q u ’environ dix ans de prescription.
C e droit d ’accepter une succession qui était toujours
vacante , Charlotte Micolon l ’avait transmis à ses
propres héritiers, à ses en fans; on se rappelle la règle
hœres in omne j u s mortui succedit.
Le plus âgé des cinq enfans q u ’a laissés Charlotte
Micolon était Claudine C o l, mère de la dame Cognasse;
née seulement le g octobre î'jSS , elle n’a été ma
jeure de vingt-cinq ans, conformément à l’ancien Droit,
q u ’en
O r,
an 4 5
en son
1780.
c’ est par un acte fait au greffe, le 20 fructidor
OU ^ septembre 1 7 9 6 , cjue C laudine G o l , tant
nom que comme cédataire des droits de M arie>
sa sœur, et en qualité d ’héritière de ses autres frères
ou sœurs et de Charlotte Micolon leur mère com
m un e, a rétracté la répudiation faite par Joseph
Micolon en 17 3 7 , et a déclaré se porter héritière de
Jacques G lad el, son bisayeul.
Il n’avait pas alors couru sur sa téte seize ans com
plets de prescription ; C11 les réunissant aux dix ans
qui s’étaient écoulés pendant la majorité de sa mère,
on ne trouverait pas les trente ans nécessaires pour
opérer la prescription.
�( 3i )
Nul doute donc que Claudine C o l , ou la dame
Cognasse, qui la représente, ne soit héritière de
Jacques G lad el, leur ascendant.
Marie G lad el, fille de Jacques, n ’avait jamais ré
pudié cette succession. Au contraire, elle avait fait
divers actes d ’adition de cette hérédité*, elle en était
morte saisie*, elle l ’avait transmise, par son décès, à.
Charlotte Micolon, sa fille unique et son héritière.
Charlotte Micolon n’a jamais elle-même renoncé k
la succession de son ayeul.
La renonciation faite pour elle par son tuteur est
illégale, comme étant postérieure à des actes d ’accep
tation qui n ’avaient pas été révoqués, et qui même
ne pouvaient plus l ’être ; comme émanant d ’ailleurs
d ’un simple administrateur h qui la loi refusait le
pouvoir d’aliéner et de nuire à sa pupille; et comme
n ’ayant été autorisée ni par un avis de parens, ni par
le juge.
Cette renonciation, eût-elle été régulière, aurait
pu être rétractée tant que la succession était vacante
et q u ’il ne se serait pas écoule trente ans de pres
cription.
Elle a été rétractée dans le délai prescrit.
Donc on ne peut refuser ni à Charlotte Micolon, ni
k la dame Cognasse, sa petite-fille, le titre d ’ héritière
de Jacques Gladel.
E x a m in o n s si l ’action en d ésistem en t de la maison
dont il s’agit d evait être écartée par la p rescrip tion .
�D E U X IÈ M E PR O PO SITIO N .
1/ action
,L a.
en désistement éta it-elle prescrite?
question doit être considérée sous un double
rapport, soit en considérant comme nulle la répu
diation faite en 1737 , par le tuteur de Charlotte
Micolon, soit en supposant que la répudiation était
régulière, et que la succession de Jacques Gladel a
été vacante depuis cette époque.
•
L e premier rapport est le seul vrai ; car nous
croyons avoir démontré que le sieur Micolon père ,
simple administrateur de Charlotte Micolon, n’avait
pas eu le droit de renoncer pour elle, sans l ’autori
sation du juge, à une hérédité dont Marie G ladel, sa
mère, était saisie îi son décès, à une hérédité dont
celle-ci avait possédé les biens, à une hérédité, qu ’elle
avait transmise à sa fille.
E11 ce sens, et abstraction faite même du vice du
titre qui a été le fondement de la possession de la
maison en litige, un simple calcul suffirait pour dé
montrer q u ’il ne s’est pas écoulé trente ans de posses
sion utile , délai indispensable cependant , d ’après
l ’article 0. du titre 17 de la Coutume d ’A uvergn e,
pour attribuer la propriété au possesseur.
Le premier acte de vente de cette maison est du 9
août 172G. Marie G la d e l, née le 20 avril 1701 , était
alors majeure de quelques mois.
Elle est décédée le 7 juillet 1731 , laissant une
�( M )
' ¿ti
seule héritière, Charlotte M icolon, qui n’est devenue
majeure elle-même que le 29 août 1753.
Celle-ci laissa, à son décès, cinq enfans, dont le
plus âgé était Claudine C o l, née le 9 octobre 1 7 5 5 ,
et la puînée, Adélaïde C o l , née le 26 septembre iy S y .
Les trois autres étaient plus jeunes, comme on peut
le voir dans la généalogie.
Tous ces enfans, après la mort de Charlotte Mico
lon leur mère, décédée le 8 octobre i y 6 3 , ont été
placés sous la puissance paternelle, dont l'effet était
d ’attribuer au sieur Christophe Col leur père, l ’usu
fruit de tous leurs biens et de tous leurs droits; et ils
sont restés sous cette puissance, qui paralysait toutes
leurs actions, jusqu’à la publication de la loi du 28
août 1792, loi par laquelle ils en ont été affranchis (1).
Il est facile, en se fixant sur les circonstances, de
reconnaître que la prescription n’a pas été acquise
avant les actions en désistement, formées par cédules
en conciliation des 8 pluviôse an 4 et 18 prairial an 5 ,
et par exploit du 8 brumaire an 6 (2).
E n effet, il ne s’était écoulé sur la tête de Marie
Gladel que quatre ans et onze mois de prescription;
sur celle de Charlotte Micolon, dix ans et un mois y
et sur celles des enfans C o l , le tems qui a couru
depuis la publication de la loi du 28 août 1792 jus(1) Les appelans ont, dans leur dossier, des actes qui prouvent qu’en
1791 le sieur Col agissait encore et transigeait comme pèio et légitimq
administrateur de ses enfans.
(2) Ces trois dates correspondent aux 28 janvier 1796, 6 juin 1707,
et 29 octobre 1797.
5
'
%
�q u ’à la date de la première demande , c’est-à-dire
moins de quatre ansj en sorte que les possesseurs de
la maison ne pourraient opposer à la dame. Cognasse
que dix-huit ans au plust de proscription utile.
Nous, avons parlé de la puissance paternelle, du
sieur Cristophe C o l, et de l ’usufruit qui y était atta
ché , crtmme ayant interrompu la prescription.
A uoun jurisconsulte n ’ignore que y sous la C o u
tume d ’ Auvergne, qui était la loi des parties, la
prescription était suspendue pendant la durée de la
puissance paternelle et de l ’usufruit légal qui y était
attaché. Il serait superflu de démontrer un point de
doctrine qui n ’est pas controversé*.. H suffira de ren
voyer à la dissertation profonde de M. Chabrol; sur
l ’article 3 du chapitre 17 d e l à Coutum e d'Auvergne
(tome a , page 730 et suivantes).
Ou remarquera, au reste, q u ’abstraction faito même
de, oe. m o y e n , suspensif de la prescription , 011 11e p o u r
rait o p p o s e r t r e n t e a,na d e p r e s c r i p t i o n entre- majeurs,
que pour la portion d ’un seuLdes enfans C o l , c’est-àdine pouj’ un cinquième de la maison reclamee.
A in si, on considérant comme nulle, la répudiation
de 17371, il iv’y a pas.de prescription acquise.
Cotte répudiation, fùt-elie régulière, le m oyen de
proscription, ne serait] pas plus, sérieux.
Les. premiers juges ont dh. q u ’une double prescrip
tion do. titflÿtÇ:
ÇQHÇU'. peudflaH la vacance de
lu succession.
L'observation n ’est, pas exacte. Elle n’a pour, base
qu un principe hasardé, q u ’un principe qui, esl, eu.
�opposition avec les règles sur l ’eftet que produit 1 adition d’hérédité, qaelle que tardivfe qu ’elle soit.
L oin de dicC qüe la prescription court pendant la
vacance de la succession, d ’anciens auteurs enseignant
une doctrine absolument contraire. V oici cohiitî'ent
s’expriment les annotateurs des Lois civiles de D o m â t,
en parlant de l ’héritier qui n’aGcepte <JUe lôhg-tetafc
après l ’ouverture de la succession (V o ir ilaê des Inoteè.
sur le numéro l^.de i a section 4? ùtrç 4> livre i ’r*
2e partie.) :
4
«
«
,«
«
« Les prescriptions-iie commencent k courir que du
jour qu ’il se porte héritier, et tout le tems qui 6’esit
écoulé depuis le j.our du décès du défunt jusqu’au
jour de Inacceptation n’est compté pour rien. Quia
conlrii non valettiém agêre non currit prœ$criptio. »
On opposera peut-être que l'article 7,9o du Çodq
civil suppose que la prescription a pu coürir avant
l ’acceptation de l ’héritier, puiscju’il résèrve aux-tiers
les droits qui peuvent leur être acquis de.cette ma
niéré : « sans préjudice néanmoins des droits qui
« peuvent être acquis à des tiers sur los biens dti la
„« succession, soit par prescription, soit par des^actes
« valablement fcùts avec le ou Bâteur à la succession
« vacante. »
•
.
La répo-nse est que le Code civil ne peüG régir une
succession ouvert© et une action forniéo long-tems
avaut sa publication.
. . 1
Mais, eu supposant même- qüe la prescription put
courir pendant lu viruanc© de l ’ hérédité , la- r^gle
devrait être e n t e n d u e .s a iù e m e n t e t s 'a p p liq u a seu-
�lement au cas où l ’habile à succéder serait majeur,
S U est mineur, la prescription doit être suspendue
à son égard pendant le tems que la loi lui accorde
pour accepter, comme elle l ’aurait é té , si réellement'
il s’était porté héritier dès l ’ouverture de l ’hérédité.
Pour reconnaître la vérité de cette dernière propo
sition, il suffira de considérer les effets que produit
l ’adition d ’hérédité, quelle que soit son époque, et de
ne pas oublier la protection que la loi accorde aux
mineurs.
Les effets rétroactifs de l ’adition d ’hérédité sont
signalés par les lois romaines , par tous les auteurs
français, par le Code civil même.
« Hœres quandoquè adeundo hœreditatem 3 ja m
« tune à morte successisse
defun clo
intelligitur.
« L . 54 ) ff* de acq. v e l omitt. hered.
« Omnia fe r è ju r a hœredum perendè habentur}
« ac si continua sub tempore mortis hœredes eccu titissent. »
Voici comment M. Domat traduit et adopte ces
règles du Droit romain :
« Après que l ’hérédité, qui avait été quelque tems
« sans maitre, est acceptée par l ’héritier, son accep« tation ou adition d ’hérédité a cet effet rétroactif
« qui le fait considérer comme s’il avait recueilli la
« succession dans le même tems q u ’elfe a été ouverte
« par la mort de celui à qui il succède; et quelque
« intervalle q u 'il y ait eu entre cette mort et l'a cte qui
« l*‘ rend héritier> il en sera de même que s 'il s ’était
.< rendu héritier au. tems de la mort. »
�( H- )
_
k
Il
serait superflu de démontrer par d autres cita
tions la vérité d'une doctrine qui est élémentaire. Il
suffira de rappeler que le Code civil la consacre par
l ’article 777 , en ces termes :
« L ’effet de l ’acceptation remonte au jour de Fou
te verture de la succession. »
■
A in si, l ’hérédité de Jacques Gladel fut-elle restée
vacante jusqu’à l ’acceptation q u ’en a faite Claudine Col,
comme représentant Charlotte Micolon son ayeule, et
Marie Gladel mère de celle-ci, l ’effet de cette acceptation
serait remonté jusqu’au jour de l ’ouverture d elà succes
sion. Cette acceptation aurait imprimé le titre d ’héritier
non seulement sur la tête de Claudine C o l, mais aussi
sur celle de ses auteurs, en remontant jusquJà Gladel
lui-même, de l ’hérédité duquel il s’agit. Les biens de
l ’hérédité, comme ses charges, seraient réputés-avoir
reposé pendant tout l ’intervalle sur les personnes de
Marie G ladel, de Charlotte Micolon et des enfans de
celle-ci ; et la prescription ne pourrait être acquise
qu ’autant qu ’il se serait écoulé, en faveur des posses
seurs, trente années, pendant lesquelles Marie G la d e l,
sa fille , et ses petits-enfans auraient été capables
d ’agir, c’est-à-dire n ’auraient été ni mineurs, ni sous
la puissance de leur père.
O r, nous avons déjà prouvé que les trente ans de
possession utile n’existaient pas.
L a prescription peut encore être écartée par une
autre observation.
.
L a loi accorde à tout héritier q u i a renoncé, le droit
de reprendre la succession [tant q u ’elle n ’a pas été
�acceptée par un autre héritier au même degré ou à un
degré subséquent.
C e d roit, qui appartient à l ’héritier majeur, ap
partient aussi, et à plus forte raison, à l’héritier mi-,
neur qui n’a pas fait personnellement de répudiation,
mais pour lequel un tuteuy a renoncé.
O r , cet héritier mineur ne peut a g ir, ne peut user
4e son droit tant qu'il est dans les liens de la m i
norité.
E t gomment pourraitron supposer que pendant ce
tem s, ou la loi veille pour Uû à ses intérêts parce
q u ’il ne peut les surveiller lui-même, des tiers pus
sent acquérir? p&v une possession que personne n ’au
rait pu interrompre , la propriété des biens de
l ’hérédité? U n mineur, si l ’on adoptait un tel sys
tème, ne serait-il pas placé, par le fait de son tuteur
qui aurait répudié pour lu i, dans une position plus
difficile q u ’ un majeur lui-même qui aurait renoncé
personnellement; car ce dernier pourrait, avant quç
la prescription fût acquise, rétracter la répudiation,
çt agir en désistement contre les tiers ?
L a loi, qui protège les mineurs, ne peut avoir voulu
les traitçr plus défavorablement que des majeurs ; et
puisqu’il ne leur est pas possible, pendant leur m i
norité, de revenir contre uue répudiation q u ’ils peu
vent ne pas connaître, dont ils ne sauraieut d ’ailleurs
apprécier l ’utilité ou le dommage, la loi ne permet
pas q u e , pendant ce tems d ’incapacité légale sous la
quelle ils se trouvent par leur âge et leur inexpérience,
ils soient exposés à être privés, par des prescriptions ,
�( 39 )
des biens d’une hérédité à laquelle ils ont droit.
Contra non v a l en te tri agere. non currit prœ sciiptio.
Soit donc que l ’on considère que, par L'acceptation
de l ’hérédité, quelque tard qui’il la: fasse, Fhtciritier
est c e n s é propriétaire des biens de la successiou dès
1g moment de son ouverture, soit-qne l ’on considère
q u ’un mineur'ne doit, souffrir d ’aticune prescription,,_
il faut décider q u e , quelque longue que soit la
vacance d’une succession„ si celui qui, est habile à,
l ’accepter est: mineur, „ aucune prescription, utile, ne
court, pendant sa m inorité, en\ faveur, des. tiers dé
tenteurs-.
Ces observations s’appliqueraient même à des suc
cessions ouvertes et ‘vacanites, sons le G«de. civil. Si
l ’article 790 parle de droits, acquis* àu dos. tiars par la
prescription, c’est parGe que le. Code a établi la pres
cription de dix ans en faveur du possesseur qui a titre
et bonne foi (voyez Code civil,, art. 2265), et q u ’il
est possible que l ’habile à succéder n ’accepte pas
l ’hérédité dans les dix ans qui suivent sa majorité.
Dans ce cas, il est juste, il est conforme aux principes
d ’admettre contre lui la prescription, parce q u ’il ne
peut être traité plus favorablement penur avoir accepté
tard , qu ’il ne l'aurait été. s’il- s’utfaiü porté huiriwep dès
le moment de l ’otLverture de la* sucxjessiow* Etant^
m ajeur, ayant pu accepter l’ hérédité et agir pins» tôt
en désistement, sa négligence daitr luii nuire. JfiQÏûntibus non ncgligentibus.juirti subveniunt:
Dans la cause, les advcrsaTres.do laidamo Gognïisso n e
peuvent lui opposer ni la proscription décennale (¡cette
A '7
%
�(4 o
)
prescription n ’étant pas connue autrefois en Auvergne)’/
ni la prescription trentenaire; car ils n ’ont pas trente
ans de possession exercée contre des personnes majeures
et capables d’exercer leurs droits.
* \
On pourrait aussi faire observer que les détenteurs
de la maison en litige tiennent seulement leurs droits
d ’un créancier de l ’hérédité. E n effet, c’est en qualité
de créancier que le sieur Chassaigne avait délaissé cette
maison au sieur Celeyron, par l ’acte de 1726. O r , ce
créancier n ’avait q u ’une possession précaire; il n ’a pu
transmettre au sieur Celeyron q u ’une possession sem
blable, suivant la maxime, Nem o p lu s ju r is in alium
transferre potest çuam ipse habety en sorte que le vice
de la possession aurait paralysé la prescription (V oyez
Code c iv il, articles 2236 et 2237.).
Mais était-on tenu d ’agir seulement en partage?
T R O IS IÈ M E P R O P O S IT IO N .
JJaction en désistement était la seule à intenter.
L e sieur Douvreleul a insisté, dans son Mémoire, sur une fin de non-recevoir, dans laquelle il a paru
avoir une confiance que l ’ignorance des faits a pu
seule exciter.
C ’éta it, d it- il, par l ’action en partage, non par
l ’action en désistement, que la dame Cognasse ou ses
auteurs devaient se pourvoir.
Quelques réflexions suffiront pour écarter l ’argument. .
�( 41 )
Pour agir en partage héréditaire, il faut avoir des
cohéritiers.
O r , il est prouvé, dans la cause, que la dame
Cognasse , comme représentant Charlotte Micolon
son ayeule, et Marie Gladel mère de celle-ci, était
la seule héritière de Jacques Gladel.
On se rappelle, en effet, que Jacques Gladel avait
quatre enfans; l’un d’eu x, Catherine G la d e l, était
religieuse, et par conséquent n’a pas succédé. Deux
autres, Marguerite et Pierre G ladel, devenus majeurs,
ont répudié la succession de leur père. Les répudia
tions sont rapportées; celle de Marguerite est sous la
date du 2 avril 17 18 ; celle de Pierre est du 17 août
1723.
Marie G la d el, qui n’a jamais fait de renonciation,
était seule héritière de son père; elle est représentée
par la dame Cognasse : celle-ci n ’a donc pas eu d’a c
tion à partage à" former contre le sieur Douvreleul ou
contre tout autre représentant de Marguerite et de
Pierre G ladel, qui n’avaient ni le titre d ’héritier ni
les droits attachés à ce titre.
D ’après ces faits, il est inutile d’examiner quel a
été le motif du mode de partage du domaine de
Mont-Simon, fait entre les enfans Col et les Alligier.
On ignore d ’après quelles hases un tiers du domaine
a étc attribué au sieur Alligier. On se bornera à re
marquer que les héritiers de Marguerite G lad el ne
sont pas parties contractantes dans le traité, et que
l ’objet de l ’acte n’est pas le partage d ’une hérédité,
mais seulement celui d ’un objet particulier.
6
�( 4» )
Quelles que soient d ’ailleurs les causes du mode de
la division qui eut lieu entre Alligier et les enfans
C o l, ceux-ci se fussent-ils même trompés alors sur
l ’étendue de leurs droits, leur erreur première ne
pourrait leur nuire q u ’à l ’égard de celui avec lequel
ils ont contracté. S ’ils ont abandonné à A lligier, en
1 7 9 1 , ce q u ’ils pouvaient réclamer, ce n ’est pas une
raison pour q u ’ils renoncent aujourd’hui à une partie
de leurs autres droits; ce n ’est pas sur-tout un m otif
pour q u ’on les renvoie à exercer une action en partage,
puisqu’il est démontre q u ’ils sont les seuls héritiers
de celui de la succession duquel dépend la maison
q u ’ils revendiquent.
La dame Cognasse a examiné les diverses objections
qui lui étaient faites.
E lle croit y avoir répondu.
E lle a démontré q u ’elle était héritière de Jacques
Gladel ;
Que ses droits n ’étaient pas prescrits;
Que l ’action en désistement était la seule à exercer.
Ses moyens, elle les a puisés dans les faits, dans
les principes du Droit. L a Cour les appréciera avec la
sagesse, avec la justice qui la caractérisent.
Il
est une partie du Mémoire du sieur D ouvreleul,
dont les appelans n’ont pas dû s’occuper, lis ont du
dédaigner les injures par lesquelles 011 a commencé,
et celles par lesquelles on a fini.
Dans une cause où toutes les difficultés sont des
�( 43 )
questions de droit, que signifient ces expressions?
A ction odieuse.......... subversive de tout ordre........
injurieuse à la ju stice.
Tous ces grands mots sont de petits moyens ; e t ,
s’ils frappent l ’esprit, c’est seulement pour lui rap
peler cette réflexion du poëte latin :
Sunt verba et v o c e s , prœtereàque nihil.
Me A L L E M A N D , A vocat.
Me I M B E R T , A voué.
R I O M , I M P R I M E R I E D E S A L L E S , PRÈS L E P A L A I S D E J U S T I C E .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mayet, Charlotte. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Imbert
Subject
The topic of the resource
successions
successions vacantes
prête-nom
créances
bail judiciaire
experts
partage
ventes
fraudes
possession pignorative
répudiations de successions
renonciation à succession
curateur
arbre généalogique
ventes
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Dame Charlotte Mayet et le sieur Guillaume Cognasse, son mari, appelans d'un jugement rendu par le tribunal civil d'Ambert, le 3 février 1821 ; contre Sieur Jean-François Douvreleul, propriétaire à Arlanc, intimé et défendeur en contre recours ; et contre Dame Marie-Anne Col, veuve de sieur Benoit Flouvat, usufruitière des biens de ce dernier, propriétaire à Ambert ; Dame Antoinette Ponchon et sieur Antoine Le Dieu-Bazin, son mari, de lui autorisée, propriétaire à Ambert ; Dame Louise Ponchon et sieur François-Ignace Laval, son mari, de lui autorisée, expert-géomètre à Ambert ; Dame Marie-Anne Ponchon et sieur Vital Costes, son mari, de lui autorisée, expert-géomètre à Ambert ; sieur Jean-Baptiste-Thomas Ponchon, Propriétaire à Ambert. Tous les dits Ponchon, frères et sœurs, héritiers de sieur Benoit Flouvat et de demoiselle Antoinette Flouvat, leurs oncle et tante , aussi intimés, défendeurs en recours, et demandeurs en contre recours. Sieur Jean-Baptiste Grellet-Beaulieu, avocat à Saint-Germain l'Herm, aussi intimé, défenseur en recours et contre recours, et demandeur lui-même en contrerecours ; Sieur Benoit Rolhon-Malmenaide, Négociant à Ambert ; Demoiselle Madeleine Celeyron, sieur Jean Baptiste et autre Jean-Baptiste Celeyron, propriétaire à Craponne, aussi intimés, défendeurs en recours et contre recours, et demandeurs eux-mêmes en garantie contre le sieur Douvreleul.
Table Godemel : Successibilité : 4. le demandeur en désistement ou en partage est-il admissible à former cette action, s’il est établi que l’individu, au nom duquel il agit, n’était ni né, ni conçu, à l’époque su sécès de celui dont il réclame la succession ? Répudiation : 1. lorsqu’il résulte des actes et des circonstances du procès que le tuteur d’un héritier mineur a répudié à la succession du père de celui-ci, ouverte en 1709 ; que, dans la suite, le mineur, après sa majorité, a excipé lui-même de l’existence de cette répudiation, en la réitérant, et qu’une sentence a déclaré vacante la succession, en lui nommant un curateur, la prescription a-t-elle pu valablement courir contre cette succession ?
ainsi, la vente pure et simple d’un des immeubles de la succession, opérée en 1726, avec délégation de partie du prix aux divers créanciers de cette succession, n’ayant point le caractère d’un contrat pignoratif, est-elle devenue inattaquable et les héritiers présomptifs sans actions, après un laps de temps de plus de 30 ans utiles, lors même qu’ils auraient révoqué leur répudiation dans les formes et délais déterminés par la loi ?
en supposant que les successeurs de l’héritier renonçant eussent pû, de son chef et malgré sa répudiation, réclamer la succession du défunt, n’auraient-ils pas été obligés, en éxerçant ce droit, de prendre la succession en l’état où elle était à l’époque de la demande du 8 brumaire an 6, et par conséquent de laisser subsister la vente du 9 août 1726, d’après le principe que l’on ne peut, en pareil cas, prendre les successions qu’en l’état où elles se trouvent ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1709-1822
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2613
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2612
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53528/BCU_Factums_G2613.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Arlanc (63010)
Saint-Anthème (63319)
Ambert (63003)
Saint-Germain-l'Herm (63353)
Craponne-sur-Arzon (43080)
Saint-Férréol-des-Côtes (63341)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbre généalogique
bail
bail judiciaire
Créances
curateur
experts
fraudes
partage
possession pignorative
prête-nom
renonciation à succession
répudiations de successions
Successions
successions vacantes
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53535/BCU_Factums_G2620.pdf
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7®îü'j
MÉMOIRE
POUR
L e sieur B O U R N E T , p ro p ri ét a ire , h a b i t a n t de la
• DE RIOM.
v il le d' Iss oir e, A p p e l a n t ;
2e CHAMBRE.
CONTRE
Jean
B O N N A F O U X , p ro p rié ta ire, habitant au
lieu de L u za règ u es 3 com m une de M o lè d e , dépar
tement du C antal ; J e a n V I A L F O N T , secrétaire
i
de la s o u s - p réfectu re de S a in t- F l o u r , et dam e
F rançoise
D E L A R O C H E , son ép o u se;
V IA L F O N T , Jeanne V IA L F O N T ,
H e n r i
sa soeur,
propriétaires , habitans d u lieu de M o lèd e ; J e a n n e
V IA L F O N T
et A n t o i n e
F O U I L L O U X , son
m ari, q u i l ' autorise, propriétaires,
habitans d u
lieu de B o u f e le u f, com m une d ’A u r ia t 3 même d é
partem ent du C a n ta l, intim és ;
EN PRÉSEN CE
D e d ame
.
Amable-H e n r i e t t e D E C H A U V I G N Y D E
B L O T , veuve de M. C l a u d e - E t i e n n e - A n n e t D E S R O I S propriétaire, habitante de la ville de M ou
lins, et de M. A n n e t comte D E S R O I S , propriétaire,
habitant de la ville de P a ri s , rue Bl an c, n° 1 7 5 ,
défendeurs en assistance de cause.
L
orsqu’ en
COTJR ROYALE
1814 un gouvernement nouveau s’établit
en Fra nc e, le prince qui en était le c h e f , après avoir
publié uue charte q u ’ il destinait à rallier toutes les
�v° ήf
'
( - )
opinions, exprima bientôt le vœu d ’effacer ju sq u’aux
dernières traces des haines et des proscriptions qui
avaient affligé tant de Français.
C ’est dans cette sage pensée q u ’il abolit d ’abord
toutes les inscriptions encore existantes sur les listes
des émigrés, et q u ’il proposa ensuite aux chambres
un projet de loi sur la remise des biens non vendus.
Les chambres s’empressèrent de concourir à cet acte
de justice, et la loi du 5 décembre 1814 fut émise.
L e b ut de cette loi était clairement manifesté par ses
expressions ; elle voulait que les biens fussent rendus
en nature à ceux q ui en étaient propriétaires, ou à
leurs héritiers ou ayan t cause.
Ces termes : a u x propriétaires ou à leurs héritiers,
n ’étaieut pas é q u ivo q u es; ceux-là seuls, qui étaient
héritiers naturels des émigrés, avaient droit aux biens
rendus -, des étrangers légataires ou cédataires ne de
vaient pas etre admis à les réclamer, parce q u ’ils
n ’étaient rendus qu'à la famille de l ’émigré, h ses pa-
i
♦
rens les plus proches.
Aussi les tribunaux s’empressèrent-ils, dès l ’origine,
de repousser les demandes de ces étrangers ambitie ux ,
q u i , à l ’aide de titres vagues et généraux, cherchaient
à s’emparer de propriétés
auxquelles ne pouvaient
s’appliquer des actes très-antérieurs à la restitution.
IVlais dans les divers conflits auxquels cette loi bien
faisante autant que juste a donné l i e u ,
toujours il
avait été reconnu q u ’aux héritiers seuls de l ’émigré,
o u , si ses héritiers n ’existaient plus, à ses parens les
plus proches devaient appartenir les biens rendus.
i
�Ü iT v
*
( 3 )
é ilm
4
Jamais on n ’avait hasardé de prétendre que les pa
reils les plus éloignés de l ’émigré, et des païens qui
u ’étaient pas, qui n ’avaient jamais été ses héritiers,
dussent cependant profiter des bienfaits de la loi.
Il était réservé au sieur Desrois, q u i , encore aujour
d'hu i comme,dans une première cause, est l ’adversaire
réel du sieur B o u r n e t , il était réservé au sieur Desrois
de créer un sy stè me, dont le résultat serait de fausser
la loi sous prétexte de l ’interpréter, et d ’enrichir ceux
qui n ’ont rien perdu en privant ceux q u i ont été dé
pouillés.
Déjà ce système, présenté avec tout l ’art possible
par le sieur Desrois l u i - m ê m e devant la C o u r , a ce
pendant
etc proscrit.
Sera-t-il plus heureux aujourd’ h u i , en le reprodui
sant sous le nom des Bonnafoux?
11 nous est permis d ’en douter.
FAITS.
L a contestation a pour objet la succession de ClaudeG ilb ert de l ’Espinasse, émigré depuis 1792 , décédé
eu pays étranger le 6 frimaire an 8.
E n se fixant sur la généalogie, on voit que les aïeux
de C la u de-G il b ert de l ’Espinasse étaient C la u d e-G il bert de Sévérac et Marie-llose Bonnafoux.
Ceux-ci,
•
de leur un io n, avaient eu cinq enfans ,
savoir :
Claude de Sévérac, qui épousa Anne de Fondras, et
en eut un fils nommé Jean-Marie-Claire de Sévérac ,
décédé sans postérité le 2 germinal an 2 -,
.
�ut
( 4 )
François-Alclebert de Sévérac , qui avait épousé
Amable-Henriette C h au v ig n y de B l o t , et qui est aussi
mort sans enfans, le 4 germinal an 4 '•>
Marie et Marguerite de Sévérac, qui étaient entrées
en religion, et dont la survivante est décédée, à ce q u ’il
pa rait, le i i septembre
i
8 i 5;
E n f i n , Catherine-Marie-Louise de Sévérac, qui avait
épousé Guil lau m e de l ’Espinasse : c’est de ce mariage
q u ’était né le sieur C la u d e-G il b ert de l ’Espinasse de
l'hérédité duquel il s’agit.
A la mort de Jean-Marie-Claire de Sévérac, sa suc
cession, régie par la loi du 17 nivôse an 2 , fut divisible
par moitié entre les Fondras, pareils de la ligne mater
nelle, et les Sévérac, païens de la ligne paternelle ; et
comme le sieur de l ’Espinasse fils représentait sa mère
qui n ’existait plus, il devait concourir, avec FrançoisAldebert de
Sévérac,
son o nc le , et avec Marie et M a r
guerite de Sévérac, ses deux
t a n t e s , au
partage
de la
moitié affectée à leur l ig n e 5 en sorte q u ’il lui revenait
un huitième du patrimoine d u .d é iu n t .
C e patrimoine se composait, i° de la terre de Y e r tessère, située dans le département du C a n t a l ; 20 des
trois quarts de celle de Sévérac, située dans le même
dé p a r t e m e n t } 3 ° des trois quarts de celle de $l-Martin,
située dans le département du Pu y-de-D om e.
L e sieur de l ’Espinasse fils,
héritier pour un hui
tième, devait donc obtenir un huitième de la terre de
Vertessère, et trois trente-deuxièmes des deux autres
terres.
Lesmemesquotités appartenaient a Franeois-Aldebert
�de Sévérac, aussi héritier pour un huitième du défunt.
Au décès de François-Aldebert de Sévérac, qui eut
lieu le 9 germinal an 4 > ses seuls héritiers étaient
Marie et Marguerite de Sévérac, ses deux sœurs, et
Claude - G ilb ert de l ’Espinasse, son neveu. C h a c u n
d ’eux était appelé à recueillir le tiers de sa succession ;
et comme cette succession se composait de la terre
d ’A n z a t , d ’ un huitième de la terre de Vertessère, et
de trois trente-deuxièmes des terres de St-Martin et de
Sévérac, il en résultait que les droits du sieur de l ’Espinasse fils, dans les successions de ses deux oncles,
s’ é l e v a i e n t
à un tiers de la terre d ’A u z a t , à quatre
trente-deuxièmes ou à un huitième des terres de SaintMartin et de Sévérac, et à un huitième plus un tiers
de huitiè me, c’est-à-dire à quatre vingt-quatrièmes ou
un sixième de la terre de Vertessère.
Mais, émigré depuis 1 7 9 2 , frappé de mort civile
par la loi du 28 mars 1 7 9 3 , il n ’avait pu alors re
cueillir lui-mème ces deux successions. C ’était à l ’K ta t
d ’exercer scs droits en vertu de 1 article 3 de la loi du
28 mars, qui porte que les successions échues et à
éch o ir a u x ém igrés pendant 5 o a n s , seront recu eillis
p a r la république.
E n l ’an 2 , à la mort de Je an -M ari e - Claire de
Sévérac, ses biens furent mis sous le séquestre, à la
diligence des agens du gouvernement. Il parait q u e ,
postérieurement, un partage fixa les lots de chaque
héritier.
E n l ’an 4 > <1 l ’ouverture de la succession de François
Aldebert de Sévérac, des mesures conservatoires furent
�aussi prises clans l ’intérêt de l ’É t a t ; et le séquestre
fut mis notamment sur le mobilier qui se trouvait
dans les bàtiinens d ’ Au zat.
Mais la veuve de Sévérac (la dame de C h a u v ig n y de
B l o t ) ¿tait usufruitière des biens de son mari pour le
tems de sa viduité,.
Donataire de l ’ u s u f ru i t, elle réclama la main levée
du séquestre, et elle o b t i n t , le i 3 germinal an 4 > un
arrêté de l ’administration départementale du Pu y-d eD ô m e , q u i , en ordonnant cette main levée, l ’autorisa
à se mettre en possession de la terre d ’A u z a t , et la
soumit seulement à faire procéder à un inventaire du
m obilie r, et dresser un état des immeubles.
L ’inventaire des meubles et l ’état des immeubles
furent f a i t s , le 24 germinal an 4 ? et
dame de
C h a u v ig n y a constamment joui, dès cette époque, de
la terre d ’Auza t.
L ’annee s u i v a n t e , le 3 o floréal an 5 , elle a c q u i t ,
au plus vil prix , les droits héréditaires des deux
religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac, droits qui
comprenaient les deux tiers de la terre d ’Au zat.
L e 17 septembre 1 7 9 7 , la dame de C h a u v i g n y
épousa le sieur Desrois. Dès cet instant son usufruit
devait cesser, aux termes de son contrat de mariage;
elle conserva cependant une jouissance à laquelle elle
n’ avait plus droit.
Cependant
le sieur de l ’Espinasse fils mourut à
liurghen en B avi ère , le 16 frimaire au 85 le sieur
G u il la u m e de l’Espinasse son père, qui lui survécut,
était
son plus proche parent et son seul
héritier,
�( 7 )
d ’après la loi du 17 nivôse an 2. Les lois sur l ’éniigration
le p r i v èr e n t de cette succession.
Mais, en l ’an 10, parurent le sénatuscousulte du
16 floréal et l ’avis interprétatif du
9 thermidor.
On sait que le premier de ces deux actes législatifs
amnistia
les émigrés ,
en leur
imposant
quelques
c o n d i ti o n s, notamment celle d ’obtenir un certificat
d ’amnistie ; l ’avis du 9 thermidor étendit cette faveur
aux émigrés décédés, en autorisant leurs héritiers à les
faire amnistier.
L e sieur de l ’Espinasse père o b t i n t , le i 5 ventôse
an 1 1 , un certificat d ’amnistie pour son fils dont il
était l ’ unique héritier. Il est à remarquer q u ’à cette
d er n i è r e
époque, le chapitre du code civil sur les suc
cessions n ’avait pas encore paru. L a
an
2
était encore en vigueur.
J|l>i
du 17 nivôse
*
L ’amnistie prononcée, le sieur de l ’Espinasse père
obti nt divers arrêtés des préfets de la I l a u t e - L o i r e , du
Cail ta l et du Puy-de-Dôme , q u i l ’e n v o y è r e n t ,
en
qualité d ’ héritier de son fils, en possession des biens
de celui-ci.
Mais ces arrêtés diffèrent dans leurs dispositions ,
e t , par suite , dans leurs effets. 4
Les seuls biens à recouvrer dans le département de
la Ila ute-Loire étaient possédés par le fils, au moment
de son émigration. Ils furent restitués au père par un
ar r ê té que prit le préfet de ce département , le 11
germinal au 11.
M a i s , dans les déparlemens du Cantal et du Puyde Dôme se trouvaient les terres de Verlessère , de
�-\n
( « >
Sévérac et d ’A u z a t , dont une partie était échue au
fils l’E^pinasse, en l ’an 2 et en l ’an 4 ? pendant son
émigration.
L e préfet du C antal, par son arrêté du 25 thermidor
an 1 1 , délaissa au sieur de l ’Espinasse ce que l 'É ta t
avait recueilli pour son fils dans les terres de Vertessère
et de Sévérac.
Mais le préfet du département du P u y - d e - D ô m e ,
par arrêté du 7 frimaire an 12,
fit une distinction
entre les biens personnels du fils et ceux qui lui étaient
advenus pendant l ’émigration ; il ordonna , qua nt aux
premiers, la main-levée du séquestre, et le maintint
qua nt aux autres.
C e l t e dernière décision était autorisée par la loi du
8 messidor a n ^ , et par des actes du gouvernement,
des 5 brumaire et 24 frimaire an 9 et 3 floréal an 11.
L e si eur de l ’Espinasse fut donc obligé de s’y résigner;
et il ne put exercer, pour le m o m e n t au moins, les
droits q u ’avait son fils, soit au huitième de la lerre de
St- M ar ti n , soit au tiers de celle d'A nzat. Il parait que
le huitième de St-Martin ayant été déjà réuni à la sénatorerie attachées la cour royale de llioin, cela contribua
à la rigueur de l’ari f l é du préfet du Puy-de-Dôme.
Mais le sieur de l’Espinasse profita dès-lors des biens
qui lui étaient délaissés par l’arrêté du préfet du C a n t a l ,
dont la décision fut aussi définitive, les préfets de
chaque département étant chargés par la loi de pro
noncer sur ces sortes de difficultés.
Ces circonstances furent favorables ïi la dame de
C h a u v i g n y , (jui^ par S011 second mariage avec le sieur
�* \
de cu ju s.
�GÉNÉALOGIE.
»H*0 *3“
J ean
BOINNAFOUX DE BEYSSAT,
M a rg u e rite
) .
DE VERDONNAT.
____________ I____________
JEAM'E,
à
Jeas \ ialfost.
AG>ES,
MARIK-KOSE,
C l a o d e - G i l b e r t DE S É V ¿ R A C ,
JEAN-BAPTISTE,
à
ì
M
J t A K - J o s iP I l U O ISA FO D X .
a r ie
CLAUDE,
Roux.
A *ie
de
à
F
ondeas.
*í f r a m c o i s -a l d e b e r t , .
I
à ¡» .« ta » W |
HENRIETTE
DE CIIAUWGNY DE C L O T / *
rvuiariée i M. Dtsuois.
CATHERINE,
JE A N ,
Intimé.
1
JX A X -Jo jcru
de
L
a x o c b i.
JEAN-MARIE-CLAIRE, ,
•J- le 3 germin»! an a.
ANTOINETTE,
i
J
ia
»
V
ia lfo r t.
MARGUERITE.
MARIE.
CATHERINE-M ARIE-LOUISE
à
G
u il l a u m e de l ’E î p i s a s s e
H « li gi cU S «S <
CLAUDE-GII.BERT.
de ç u ju t.
M
a R I E - F hA S C O H E ,
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J eas V ialtoxt.
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cchue
au
�Desrois,
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m i e r mari.
perdu l ’ usufruit des biens de son pre
Elle se maintint dans la possession du
tiers
de la terre d ’A u z a t , qui était échu à l ’émigré l ’Espiuasse, et que l’E t a t négligea de réclamer contr’elle,
dans l’ignorance, sans d o u t e , de son convoi ou des
clauses de son premier contrat de mariage.
Cependant* le sieur l ’Espinasse père avait cédé au
sieur Gren ier, à la charge de le garantir des dettes, et ,
pour la somme de 3 ooo fr. , tous les droits qui lui
avaient été délaissés par l ’Etat.
U n e contestation s’étant élevée entre le cédataire et
la dame Desrois, pour le partage des biens de la suc
cession de François-Aldebert de Sévérac , son premier
mari, il fut question de la terre d ’A u z a t , de la posses
sion illégale de cette dame et de la négligence des em
p lo yés de la régie. Mais cela n ’eut pas de suites; le sieur
Grenier étant sans qualité pour réclamer, la dame
Desrois se maintint dans sa jouissance.
Les événemens mémorables de i 8 i 5 produisirent la
restauration. Alors les familles des emigres purent
espérer de recouvrer ceux de leurs biens dont l ’É t a t
était encore en possession.
Un premieractede justice fut fait par une ordonnance
royale du \ juin 18 14 s (1M>> cn réunissant au domaine
de la couronne les biens qui formaient la dotation des
sénatoreries, ordonna q u ’on eu distrairait les propriétés
particulières acquises
par voie de confiscation , et
q u ’elles seraient rendues aux anciens propriétaires.
Par l ’eifet de cette ordonnance, le sieur de l ’Espinasse
père devait recouvrer le huitième de la terre de Saint2
�Martin , qui faisait partie de la dotation de la sénatorerie de Riom.
Bientôt est publiée une loi plus générale, celle du
5 décembre 18 14 s Par laquelle le pouvoir législatif
ordonne que « tous les biens immeubles séquestrés ou
« confisqués pour cause d ’émigration, ainsi que ceux
« advenus à 1 É t a t par suite de partage de successions
« ou presuccessions, qui n ’ont pas été vendus et font
« actuellement
partie
du
domaine p u b l i c , seront
« rendus en nature à ceux q ui en étaient proprié« taires, ou à leurs héritiers ou aya^it cause. »
E n vertu de l ’ordonnance du 4 juin et de la loi du
5 décembre, le sieur de l’Espinasse père avait à récla
mer, soit le huitième de la terre de St-M a rtin , soit le
tiers de celle d ’Auza t.
Dans l ’ignorance de ses droits h ce dernier ob jet, il
n agit (1 abord, que pour le huitième de la terre de
St-Martin.
L e sieur Grenier prétendit alors que les droits du
sieur de l ’Espinasse à celte terre étaient compris dans
la cession q u ’ il lui avait faite, le 18 vendémiaire an
i /j .
C ette erreur fut repoussée d ’abord par le tribunal
d ’Is^oire, ensuite par la cour de lliom.
L e jugement du tribunal d ’issoire considère dans ses
motifs, « que les biens dont il s’agit étaient irrévoca» blement réunis à la dotation du sé nat, deux ans avant
» la cession faite par M. de l ’Espiuasse à M. Grenier;
» ‘ lue, dans la supposition où les biens eussent été
» nominativement compris daus ladite succession , la
�V* •
*
c „
)
m
>
» clause eut ¿té, par les lois existantes, déclarée comme
» non avenue. »
E t , dans son dispositif, le tribunal déclare que la
qualité de représentant d u .sieur C la u d e-G ilb ert de
l ’Espinasse } p o u r l ’objet en question, repose dans la
seule personne du sieur de l ’Espinasse père, et q u e ,
p a r conséquent, il est seu l habile à se pourvoir devant
la commission du gouvernem ent, p o u r être envoyé en
possession des biens restitués p a r ordonnance royale.
Tel est le jugement que la cour de R f o m , chambres
réunies, confirma, purement et simplement en ce point,
par-arrêt du 3 mars 1817.
Depuis, par acte authentique du 29 octobre 1817 ,
le
sieur
de l ’Espinasse, qui avait une affection particu
lière pour le sieur Bournet son parent et son successible, lui a fait donation entre vi fs , de tous les droits
qui résultaient, en sa fave ur , de l ’ordonnance royale
du 4 juin 1 8 1 4 5 île la loi du 5 décembre su ivant, et
de l ’arrêt de la C o u r , du 3 mars 1817.
Cependant cet arrêt avait ordonné que M. de l ’Espinassc con trib u e rait , dans la pioporlion de la valeur
du huitième de la terre de St-M arlin, aux dettes de la
succession du sieur de l ’Espinasse fils.
E n exécution de cetarrêl, il fut procédé à un compte,
lors duquel des débats s’élevèrent. On parla de la terre
d ’ A u z a t ; et le sieur Bournet découvrit alors les droits
de son donateur au tiers de cette terre, et la posses
sion illégitime dans laquelle s’élait maintenue la dame
Desrois.
Il forma aussitôt, devant le tribunal civil d ’ Issoire,
�la demande
en
paYtage des biens de la succession d’Al-
debert de Sévérac, qui étaient situés dans le départe
ment du Puy-de-Dôme, et il en réclama un tiers, comme
représentant le sieur de l ’Espinasse iils, héritier pour
un tiers de cette succession , les deux autres tiers ap
partenant à la dame Desrois, du chef de Marie et de
Marguerite
de Sévérac, dont elle avait acquis les droits.
C ett e action avait pour b u t , principalement, d ’ob
tenir le tiers de la terre d ’Au zat.
E lle fut accueillie par jugement du 19 décembre 1822,
qui condamna la dame Desrois et son mari à rapporter
ou à faire rapporter au partage, i° tous les immeubles
de la succession ; 20 la valeur des dégradations q u ’ils
avaient commises \ 3 ° les jouissances q u ’ils avaient per
çues depuis le 5 décembre 1 8 1 1\.
L a dame et le sieur Desrois interjetèrent appel de ce
jugement.
L e sieur B o u r n e t se p l a i g n i t aussi, par un appel
inc iden t, de ce que la dame et le si eur Desrois n ’ a v a i e n t
pas été condamnés au rapport des jouissances depuis la
date du second mariage.
Devant la C o u r, la daine Desrois n ’épargna rien pour
faire triompher des prétentions illégitimes.
E lle soutint q u ’elle était seule propriétaire du tiers
de la terre d ’A u z a t , réclamé par le sieur Bournet ,
comme du surplus de cette terre.
Il lui appartenait, disait-elle, «Vplusieurs titres :
Co mm e subrogée aux droits du sieur Grenier, à qui
la cession en avait été faite, et avec qui elle avait clleincine truité ;
�Comm e l ’ayant acquis des demoiselles de Sévérac, a
qui ce tiers appartenait ;
Comme exerçant, dans tous les cas, les actions des
demoiselles de Sévérac, qui lui avaient vendu toute la
succession d ’Àldebert de Sévérac, et q u ’elle prétendait
être héritières, pour m oit ié, de l ’émigré l ’Espinasse.
Sous ce dernier rapport, la dame Desrois demandait
à être admise, du chef des dames Marie et Marguerite
de Sévérac, à réclamer les biens rendus par l ’ordonnance
du 4 juin 18 14 ? et Par k' loi du 5 décembre i 8 i 4 ; elle
concluait aussi à ce que le sieur Bournet fut tenu de
rapporter le huitièmede la terre d e S t - M a r l i n , q u ’avait
obtenu le sieur de l’Espinasse père ; elle réclamait la
moitié, soit de ce huitième, soit du tiers de la terre
d ’A u z a t , échus à ' l ’émigré l ’Espinasse.
' Toutes ces questions furent débattues pendant p l u
sieurs audiences, devant la C o u r ; tou tes, elles furent
jugées en thèse, par arrêt du deux janvier 1827 , qui
confirma le ju gem ent , quant à l ’appel principal, et
qui, l ’infirmant sur l ’a p p e l incident, condamna lad amç
Desrois à restituer les jouissances q u ’elle avait perçues,
du jour de son convoi avec le sieur Desrois.
Les motifs de l ’arrêt déclarent que ce serait sans
qualité comme sans dr oit, que la dame Desrois vou
drait retenir le tiers de la terre d ’Auzat, et q u ’elle n’en
avait été ni pu être saisie par la cession que lui avaient
faites les deux dames de Sévérac, le 3 o floréal an 5 .
Cependant
comme l'on contestait au sieur de l ’Es-
pinasse père et au sieur Bournet son donataire la qualité
d ’ héritier unique de l ’émigré, et que l ’on soutenait que
�( r4 )
les clames de SévérajC étaient aussi les héritières de celuici pour la moitié des biens q u ’avait rendus la loi du
5 décembre 18 i 4 ? la C o u r eut à se prononcer sur cette
question, et elle la décida par des motifs aussi puissans
que précis.
E n voici le texte*:
« Considérant q u ’aux termes de celte loi (la loi du
« 5 décembre 18 i 4 ) > les biens dont elle a ordonné la
« remise ont du. être rendus en nature à ceux qui en
« étaient propriétairés, ou à leurs héritiers ou ayant
« cause.
_
J
« Que le sieur G uillaum e de l ’Espinasse, aux droits
« duquel est la partie d ’Allem and , ayant élé reconnu
« et déclaré être le seul représentant
de
Cla u de de
« l ’Espinasse son fils , par le jugement du tribunal
« d ’Issoire et par l ’arrêt de la C o u r , des iG juin 18 iG
« et 3 mars 1 8 1 7 , et ces jugement et arrêt n ’ayant
« pas été a t t a q u é s pa r les pa rt ie s de Bayle , il doit
« demeurer pour constant que le
si eu r G u i l l a u m e de
« l ’Espinasse a été seul appelé à recueillir, du chef de
« Claude-G ilb ert son fils, le bénéfice de la loi du
« 5 décembre 1 8 1 4 ? pour raison de tous les biens
« séquestrés ou confisqués sur ce dernier ;
« C o n s id é r a n t, d ’ailleurs., que le sieur Claude« G il b ert de l ’Espinasse, étant décédé le 1G frimaire
« an 8 , sous l ’empire do la loi du 17 nivôse de l ’an 2,
« et ayant élé amnistié le i 5 ventôse de l ’an 11 ,
« toujours sous l ’empire de la même loi, le sieur de
« l’Espinasse son père a été seul saisi de sa succession >
il suivant lo droit commun ; qu'à la vérité
l ’ e xerci ce
�( '5 )
« de ce droi t, acquis audit sieur de l ’Espinasse père,
»
avait
été suspendu par l'effet des lois sur l’émigia'-
(( t i o n , qui l ’avaient transmis au fisc, mais que les
« droits civils ayant été, depuis, restitués aux émigrés,
« et le sieur l ’Espinasse fils ayant été amnistie , la
« remise, ordonnée par la loi du 5 décembre i B 1 4? de
« ses biens dont l ’E t a t avait été saisi momentanément,
« n ’a pu et du etre faite qu au sieur G uillaum e de
« l ’Espinasse son père, comme seul héiùtier naturel
« au moment de son décès ;
« Considérant, au surplus, et en ce qui touche la
demande
subsidiaire que les parties de Bayle ont formée
seules sur 1 appel ,
« Que le tiers de la terre d ’ Auzat formait, ainsi que
« le huitième de la terre de Saint -Martin , la quotité
« de ces biens que le sieur de l ’Espinasse fils aurait
« recueillis dans les successions de Jean-Marie-Claire
« et de 1^rançois-Aldebert de Sévérac, s’il
« émigré, et que la nation avait
« Q u e , dès
q u ’ il
n ’e û t
r ec ue i ll i e p o u r
pas
lui;
a été reconnu et décidé par les
« jugement et arrêt des seize juin mil huit cent seize
« et trois mars mil huit cent dix -se pt, que le sieur de
« l ’Espinasse père avait e u , seul, le droit de réclamer
« la remise du huitième de la terre de Saint-Marlin ,
« en vertu de la loi du cinq décembre 18 1 4 ? les mêmes
« motifs qui ont fait admettre la réclamation du sieur
« de l ’ Espinassc père par rapport au huitième de la
« terre de Saint-Martin , comme étant l ’ unique héritier
« de son fils, doivent aussi faire accueillir celle que le
« sieur Bournet son donataire a formée,
quant au
�(
)
« tiers de la terre d ’A u z a t , sans être assujetti à aucun
« rapport, respectivement à la terre de S ain t -M arti n ,
« et sans q u ’il y ait d ’autre opération à faire que de
« procéder au partage de la terre d ’A u z a t , et du mobi« lier qui en dépendait, pour en être attribué un tiers
« au sieur Bournet, avec les jouissances, suivant q u ’elles
« seront ci après réglées. »
L a dame Desrois se pourvut en cassation contre
l'arrêt. L e pourvoi fut rejeté par la section des requêtes.
L e sieur Bournet devait donc croire q u ’il était désor
mais à l ’abri de toutes tracasseries.
M ais , sur la revendication de la moitié du bien de
l ’émigré l ’Espinasse, la C our de cassation, examinant
seulement la qualité de la dame Desrois, se borna à
déclarer « q u ’il était reconnu en fait que la cession
« consentie, en floréal an 5 , n ’avait point porté ni pu
« p o rt er sur la succession du fils l’Espinasse, décédé
« seulement en f r i m a i r e a n 8 ; q u ’ e ^ e portait seule« ment sur la succession de François-Ald eb er t de
« Sévérac, et q u e , même sur cette succession , elle ne
« conférait nullement à la cessionnaire le tiers en
« question (le tiers de la terre d ’A u z a t ) ;
« Q u ’ainsi , ne pouvant non plus représenter les
« deux religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac,
« la veuve de Sévérac, épouse Desrois, était également
« sans qualité pour eu exercer les droits. »
L e silence de la C o u r de cassation sur le fond du
droit, dont elle n’avait pas à s’occuper, à fait concevoir
a la dame et au sieur Desrois le projet de
renouveler
le
j) roc es sous le nom des héritiers maternels des religieuses,
�( *7 )
Ils ont
t ra i té
avec eux par un acte sous seing privé
q u ’ils ne présentent pa s, de crainte que l ’on n ’en
remarque
le faible prix; e t , agissant sous le nom de
cfcs prétendus héritiers, ils ont formé, soit contr’euxmêmes comme détenteurs de
la
terre d ’A u z a t , soit
contre le sieur Bournet , la demande en partage de la
succession de Claude-Gilbert de l ’Espinasse lils.
C ’est par exploit du 16 août 1828 , que l ’action à
été intentée.
n
Les prétentions que l ’on y élève ne sont pas modiques :
non seulement les demandeurs concluent au partage
de la succession de François-Aldebert de Sévérac; non
seulement ils réclament même le rapport de la portion
de la terre de Saint-Martin , restituée au sieur l ’Espin a s s e
par l ’ordonnance du 4 juin 1 8 1 4 , mais ils veulent
encore
faire confondre dans cette succession tous les
biens provenus au fils l ’Espinasse , de la famille de
Sévérac, qui était celle, disent-ils, de Catherine de
Sévérac sa mère.
T o u t e s ces p r é t e n t i o n s o n t été ac cu ei l li es p a r le t riI,
I llW ' l'Ttr ------ 1 I -
* • -»•
4
hunal d ’ Issoire, qui s’est mis en contradiction directe
avec les décisions q u ’il avait rendues l u i - m ê m e , soit
dans une cause semblable entre le sieur de l ’Espinasse
et le sieur Gren ier, soit, dans la même cause, en ire
le sieur Bournet et la daine Desrois, qui a aussi consi
déré comme inutile même, la lierce-opposilion que les
B o n n a f o u x devaient, il semble, former aux arrêts par
lesquels le sieur de TEspinasse père avait élé déclaré
,seul représentant et unique héritier de son iils.
J^es motifs du jugement examinent lu qualité des
«
�(.8 )
■
demandeurs, l ’exception résultant de la nécessité où
ils étaient de former tierce-opposition aux précédens
arrêts, les effets de la loi du 5 décembre 18 1 4 Ils décident que la qualité est suffisamment justifiée
par les actes produits.
Sur la fin de non recevoir, ils déclarent,
« Que les demandeurs n ’ayant pas'figuré dans les
jugemens et arrêts invoqués contr’eux, ont pu remettre
en question ce qui avait été jugé en leur absence; que
l ’article 474
Code de procédure, qui autorisait les
tierces-opposilions'aux jugemens auxquels on n ’avait
pas été pa rtie, accordait une f a cu lt é , mais n ’imposait
pas une obligation. »
Sur le fonds de la cause, ils jugent,
,
« Q u ’en l ’an 4 > au décès de François Aldeberl de
Sévérac, le tiers de sa succession, dévolu à C laude Gilbert L ’Espinasse, alors émigré, fut recueilli par
l ’E t a t qui le représentait ;
« Q u e , lors de l ’amnistie, le
g o u v e r n e m e n t ne réin-
. tégra le sieur L ’Espinasse père q u e dans les biens qui
avaient appartenu au fils décédé en état d ’émigration,
sans y comprendre le tiers allèrent à ce dernier dans
la succession de son oncle François-Aldebert de Sévérac;
« Q u e , dès-lors, ju sq u’au moment de la p r o m u l
gation de la loi du 5 décembre 18 1 4 > l ’ Etat s’est trouvé
propriétaire légal de ce bien; que cette loi n ’a fait
cesser, que pour l ’aven ir, l ’eiFel des lois sur l'éinigration , ce qui s’induit nécessairement de la substitution
faite dans la rédaction du mol rendu au mot restitué
qui se trouvait dans le projet;
�( i9 )
«
Q u ’en
se pénétrant bien de l ’esprit dans lequel
cette loi a été rendue et de la discussion qui a précédé
son
adoption , on voit que le législateur a voulu
accorder une laveur à l ’émigré, k sa famille ou à ceux
à qui il aurait cédé ses droits après la publication de
la loi, et q u ’en désignant les héritiers, il n ’a eu en vue
que ceux qui auraient recueilli la succession s’ il était
décédé postérieurement au 5 décembre i 8 i 4 ;
« Qu e c’est sans fondement q u ’on a prétendu q u ’en
décidant que les biens rendus doivent être attribués
aux héritiers que l ’émigré, décédé sous l ’empire de la
loi du 17 nivôse an 2 , aurait eus s’il eut survécu à la
publication de la loi de 18 r 4 ? ce serait admettre q u ’ un
individu pût laisser deux successions qui
devraient
être régies par des principes différens; q u ’il est évident,
en eff e t, q u ’on ne peut considérer comme ayant fait
partie de la succession de C l aude-Gilbert de L ’Es pi
nasse, décédé sous l ’empire de la loi du 17 nivôse an a ,
des biens q u i , à l'époque où cette succession s’est
ouverte , appartenaient à l ’E t a t ,
et qui n ’ont été
rendus à la famille de l ’émigré que par une loi de grâce
et de laveur, qui n ’a été promulguée que long-tems
après son décès, et qui, d ’après son texte et son esprit,
ne peut avoir aucun effet rétroactif:
« Q u e , d ’ après les lois alors en vigueur, les parens
du sieur de I/Espinasse fils, au degré successible le
plus rapproché, étaient, au 5 décembre 1 8 1 4 , pour
la ligne paternelle,
le sieur de L ’Espinasse père,
représenté par le sieur lîournet;
et , pour la ligne
maternelle, la dame Marguerite de Sévérac, décédée
�\
( 20 )
1e i i
septembre
i8 i
5,
*
Laissant pour héritiers les
demandeurs en partage.
Par ces m o t if s , le tribunal déclare mal fondées les
exceptions proposées par ledit sieur Bournet, les rejette,
et,
statuant au f ond, donne acte à la dame veuve
Desrois et au sieur JDesrois de la déclaration q u ’ils ont
faite par leurs conclusions signifiées 3 q u ’ ils sont prêts
à faire compte, à qui par justice sera ord onné, des,
jouissances dont ils peuvent être tenus ;
« Ordonne que les parties viendront à partage des
Liens meubles et immeubles dépendant de la succession
de François-Aldebert de Séverac; que la dame veuve
Desrois et le sieur Desrois, en leurs q ualité s, rappor
teront audit partage i° tous les immeubles de ladite
succession dont ils peuvent
être détenteurs;
i° la
valeur des dégradations qui auraient pu y être com
mises, avec les intérêts à partir du jour où elles a u
raient eu lieu ^ 3 les meubles , effets mobiliers et
créances actives qui font partie de la succession, avec
les intérêts à dater du jour du convoi de ladite dame
de C h a u v ig n y de Blot avec le sieur Desrois; 4 °
valeur
des jouissances des immeubles, à partir de la même
époqu e, avec les intérêts à dater de la première de
mande en partage, introduite par le sieur Bournet
contre les sieur et dame Desrois ;
« Ord on ne, en o u t r e , q u e , du tout ¡1 sera fait
masse pour en être attribués deux tiers à la dame
Desrois, en sa qualité de cessionnaire des dames
Marie
et Marguerite de Sévé rac, et l ’autre tiers a u sieur
B o u i n e t , aymvt cause du sieur Lespinasse père., d ’ une
�p a r t , et à Jean Bonnafcmx et consorts, d ’autre p a r t ,
comme représentant ensemble les parens successibles
dans les lignes paternelle et maternelle du sieur C la u de
Gilbert de l’Espinasse ; p o u r , ledit tiers être subdivisé
entr’eux tous, chacun suivant son amendement dans
la portion de ce dernier ; '
« Ordonne , encore , que les parties viendront à
division et partage des b iens possédés par ledit Bournet,
provenant de la succession de Jean-Marie-Cia ire de
Sévcrac n e v e u , situés dans la commune de S t - M a r i i n
desTTains^t
de
autres, ainsi que de ceux de la succession
Claude-G ilbert
de l ’Espinasse, décédé émigré, q ui
1uTprovénaient de l a famille de S év éra c, pour en être
attrïbueea
cha~cïïn sa portion afférente; auquel partage
chaque co-partageant rapportera les biens meubles et
immeubles
dépendant desdites successions, dont il se
trouve en possession , avec restitution de jouissances et
intérêts, depuis son entrée en jouissance, soit par luimême, soit par ceux dont il serait l ’ hé r i t i e r ou l ’ayant
• ■
cause. »
Tels sont littéralement les termes des motifs et du
dispositif du jugement dont on a retranché seulement
quelques membres de phrase, étrangers aux difficultés
à résoudre.
Il résulte de ce jugement que le tribunal a été
beaucoup plus lo in , peut-être, q u ’ il ne s’en doutait.
E n effet, non seulement il a attribué aux deman
deurs un droit sur le tiers de la terre d ’ Au za t et sur
le huitième de la terre de Saint-Martin , comme ayant
été restitués aux héritiers de l ’émigré l ’Espinasse par
�la loi du 5 décembre 18 1 4 1 mais encore il a condamné
le sieur Bournet à rapporter au partage tous les autres
biens meubles et immeubles provenant de la f a m ille de
Se’véra c; et par conséquent, soit les terres ou les por
tions des terres de Vertessère et de Sévérac, qui avaient
été restituées au sieur l ’Espinasse p è re , dès le 25 ther
midor an i i , par un arrêté du préfet du C a n t a l ; soit
encore les biens mêmes que pouvait avoir recueillis le
sieur de l ’Espinasse fils dans la succession de la dame
de Séverac sa m è r e , avant son émigration ; ces biens
qui furent également restitués au sieur de l ’EspinaSse
père, par les arrêtés des préfets du Puy-de-Dôme et de
la Ilaute-Loire", des 11 germinal an 11 et 7 frimaire
an 12.
.
C ette étrange largesse n ’est, sans doute, que l ’efTet
d ’une erreur q u ’ont pr od uite , on doit le croire, les
conclusions des demandeurs.
Mais elle prouve, a u m o i n s , q u e le tribunal a été
fort peu a tten ti f aux faits de la cause, comme nous
démontrerons q u ’il a commis les plus graves erreurs en
principes.
L e sieur Bournet a interjeté appel de ce jugement
contre les B o n n a f o u x , demandeurs apparenô.
Il a aussi appelé devant la C o u r la dame veuve
Desrois et le sieur Desrois son fils, demandeurs réels;
et toutes les questions soulevées devant les premiers
juges se reproduisent aujourd’hui.
C e t appel donne donc lieu à examiner les qualités
des demandeurs, la procédure q u ’ils ont tenue, le foiidement enfin des prétentions q u ’ils élèvent.
�C 23 )
Mais, sur le premier o b je t , on se bornera a faire
que les qualités ne paraissent pas suffisamment
justifiées, en ce sens, au moins, que les Bonnafoux ne
ob s erve r
représentent pas toutes les branches des parens m a
ternels de l ’émigré. On se réserve, d ’ailleurs, devérifier
les actes de famille q ui pourraient être rapportés.
Le second objet exigera quelque discussion.
L e troisième, comme le plus im po rta nt, recevra tout
le développement qui est, il semble, nécessaire pour
faire apprécier sainement les droits des parties.
S Ier. 1
*
i
P rocédure tenue p a r les dem andeurs.
~La procédure des demandeurs a été peu régulière.
Ils se présentaient comme héritiers, pour m oiti é, de
C l a u d e - G il b er t
de l ’Espinasse , d o n t , d ’après eux-
mêmes, ils n ’étaient parens q u ’à un degré très-éloigné.
Ils n ignoraient pas q u e , par plusieurs jugemens et
par plusieurs arrê ts, le sieur de l ’Espinasse père avait
été déclaré seul héritier, seul représentant du sieur
Cla ude -G ilb ert de l ’Espinasse, son fils.
C ’é t a i t , en effet, ce q u ’avait décidé un premier
jugement rendu par le tribunal d ’Issoire, le i3 juin
18 i <3 , entre le sieur de l ’Espinasse père et le sieur
Gren ier, relativement à la terre de St-Martin , objet
du procès alors comme aujourd ’ hui. Dans le dispositif
du ju g em e nt , le tribunal déclare que la q u a lité de
représentant du sieur C la u d e de /’E sp in a sse, p o u r
l ’objet dont est q u estio n ,
sonne du sie u r de l
repose
’ E s p i n a s s e pfcniî,
dans
la. s e u l e
per
et, par conséquent,
�* 1
( 24 )
q u ’ il est s e ul h a b i l e à se p o u r v o i r d e v a n t la commission
d u G ouvernem entj p o u r être envoyé en possession des
biens restitue's p a r ordonnance royale.
'»
O r , ce jugement fut confirmé par un arrêt solennel
des chambres réunies de la C o u r de Iliom , prononcé
le 3 mars 1817.
C ’est encore ce q u ’avaient jugé et le même tribunal
d ’ Issoire et la même C o u r de R i o m , entre le sieur
Bournet et les sieur et dame Desrois, qui élevaient
les mêmes questions, renouvelées aujourd'hui par euxmêmes sous le nom des Bonnafoux dont ils sont les
cédataires déguisés. Alors aussi la dame Desrois préten
dait que le sieur Bournet n’avait droit , du chef du
sieur de l ’Espinasse père , q u ’à la moitié des biens
restitués par les ordonnances royales et par la loi du
5 décembre 1814 j elle soutenait que la moitié de ces
biens a p p a r t e n a i t aux religieuses de Sévérac dont il
se disait le cédataire ou le c ré an ci er , e t dont il déclarait
exercer les droits; alors, en un m ot, elle agitait toutes
les difficultés qui se présentent aujourd’ hui; et, toutes,
elles furent repoussées par le tribunal et par la Cour,
dans un jugement du
19 décembre 1 8 2 2 , dans un
arrêt du 2 janvier 1 8 27 ; par la C o u r , notam ment,
qui , après les plaidoiries
les plus soignées, après
l ’examen le plus scrup uleux, déclare dans ses motifs ,
« que le sieur G uil la um e de l ’Espinasse a été seu l
« a p p elé à r e c u e illir , du chef de C la u d e - G il b e r t son
« fils, le bénéfice de la loi du 5 décembre 18 1 /|., p o u r
« raison de tous les biens séquestrés ou
« sur ce dernier. »
c o n fis q u é s
�( 25 )
Comment
/
concevoir q u e , sans q u ’il fut pris aucune
voie pour faire disparaître'ces respectables décisions,
un tribunal inférieur ait pu anéantir des droits aussi
solennellement consacrés ?
Mais, a-t-on d i t , ces décisions sont étrangères aux
Bonnafoux et consorts. Elles sont pour eux res inter
alios cictci.
Elles sont étrangères
aux
Bonnafoux ; mais les
Bonnafoux sont-ils les vraies parties de la cause? qui
oserait l ’affirmer? il est co n nu , il est notoire q•*u ’ils «ne
jo u e n t , dans cette nouvelle contestation, que le rôle
salarié de complaisans prête-noms, et que la dame et
le sieur Desrois ont acquis, au plus vil prix , leurs pré
tendus droits, afin de retarder l ’exécution des arrêts
de la justice, et la restitution d ’immeubles dont ils
s’étaient illégalement emparés. C e n’est q u ’en cachant
dans l ’ombre une cession prohibée par la l o i, q u ’ils
traînent encore le sieur Bournet devant les tribunaux.
A u reste, q uoiq u’étrangères aux demandeurs en ce
sens (jue ceujc-ci n ’y avaient pa s ete p a r tie s, les dé
cisions que nous venons de rappeler devaient être atta
quées, de leur part, par la voie de la tierce-opposition.
C ette voie extraordinaire, autorisée par l ’article 474
du Code de procédure comme elle l’était par les anciens
principes, a été introduite précisément pour les cas
où des tiers n’auraient pas été appelés à des jugemens,
à des arrêts qui pourraient leur nuire en att ribua n t à
un autre une qualité, un droit, un immeuble qui leur
appartiendrait.
Ces tiers sont autorisés à former tierce-opposition
4
�( 26 )
à ces décisions rendues hors leur présence, et à débattre
leurs propres moyens, à faire valoir leurs titres devant
le même tribunal qui a déjà eu à prononcer sur les
mêmes questions.
L a loi le vent ainsi dans le b ut de concilier ce qui est
du à la dignité de la justice et ce que réclame l ’intérêt
des parties;
, Ce qui est dû à la d ig n ité de la j u s t i c e , qui serait
compromise si non seulement les mêmes moyens, mais
encore les mêmes droits, la même cause étaient ac
cueillis par tel tribunal et repoussés par tel autre, sans
que celui qui d ’abord s’est prononcé ait été appelé, ou
à reconnaître sou erreur si une discussion plus appro
fondie la lui signalait, ou à consacrer son opinion par
un second jugement si un second examen lui en démon
trait la justice.
Ce que
réclame l ’intérêt des parties ; car il
convenable que ceux auxquels
sont
est
opposés (f^s juge-
mens, des arrêts oii ils n ’ont pas été appelés soient
admis à se défendre eux-mêmes, à présenter sous un
jour plus simp le, peut-être, la cause que ce jugement
a condamnée, à l ’appuyer d ’ une discussion plus forte,
plus entraînante, s’ils en ont le pouvoir; en un m o t ,
à soumettre les observations q u ’ ils croient propies à
ramener le magistrat à une opinion qui leur soit
favorable.
C ’est ce double b ut que la tierce-opposition est
destinée à remplir.
Soutenir q u ’elle n’est pas nécessaire parce que l ’ar
ticle 1 35 i du code civil n ’accorde la force do la chose
�(.,>
jugée
q u ’a u x
'
*Y-
jugemens rendus entre les mêmes parties
et pour le même o b j e t , c’est évidemment méconnaître
l'esprit de cette règle législative; c ’est aussi blesser la
lettre comme le sens de l’ article 474 du code de pro
cédure.
Sans doute l ’autorité de la chose jugée'n’a pas lieu
dans les cas prévus par l ’article
i
3 5 i
du code civ il;
car
si elle existait, il ne serait pas permis, même au tiers,
de la détruire. Mais c’est précisément d ’après le prin
cipe de l ’article 1 3 5 1 , que l ’article 474 du code de
procédure autorise la tierce-opposition. A l ’aide de
cette voie extraordinaire, les intérêts des tiers et le
respect
dù à la justice sont également ménagés, puisque
les tiers obtiennent le droit de sou tenir personnellement
leurs propres intérêts, et que la justice est elle-même
appelée à reviser, avec son impartialité ordinaire, ses“
propres décisions.
Pré tendre , d ’ailleurs, que la tierce-opposition est
in u til e , c est évidemment iaire une injure à la sagesse
du législateur que l ’on accuserait d avoir é t a b l i , dans
l ’article 474 d u c°de du procédure, une formalité abso
lument frustraloire ; c’est même vouloir rayer cet ar
ticle de la loi; car , s’il en était ainsi, quel serait le
plaideur qui ne se dispenserait pas de la règle, ne fùtce même que pour éviter l ’amende à laquelle doit être
condamné le tiers-opposant qui succombe?
La tierce-opposition est sur-tout indispensable lors
que celui qui réclame ne se borne pas à résister à une
action exercée contre lui en vertu d ’ un jugement qui
lui est étranger, mais q u ’ il prend lui-même l ’initiative;
�q u ’il veut obtenir de la justice ce que déjà elle a at
tribué à un autre; que ses efforts tendent à paralyser
les effets de jugemens ou arrêts antérieurs.
O r , C’est précisément ce q u i arrive dans l ’espèce.
L e sieur Bournet a déjà dans ses m ain s, et en vertu
de décisions judiciaires, aujourd’hui définitives, le hui
tième de la terre de Saint-Martin. Il a, de plus, obtenu,
contre le sieur et contre la dame Desrois, des décisions
semblables qui condamnent ce ux -c i à lui délaisser le
tiers de la terre d ’ A u z a t , et à lui restituer de nom
breuses jouissances. C e sont les effets de ces décisions
que tend à anéantir la demande des Bonnafoux. C o m
ment pourrait-elle être accueillie sans une tierce-oppositionPEt comment se f a i t - i l q u ’étant avertis du moyen,
puisque le sieur Desrois l ’in vo q u ait,
les Bonnafoux
n ’aient pas pris la sage précaution de former cette
tierce-opposition devant le tribunal , d ’ Issoire , qui
devait en c o n n a î t r e ? car les arrêts de la C o u r étaient
confirmatifs de jugemens rendus pa r ce t r i b u n a l .
C ette négligence aveugle ou plutôt cette étrange
obstination à ne tenir aucun compte des décisions de
la justice recevra sans doute son prix par l'annulation
de toute la procédure des Bonnafoux et consorts.
Mais, s’il fallait examiner le fonds de leurs pré
tentions, il serait facile d ’en démontrer l ’erreur.
S II.
E xa m en du f o n d des prétentions des intim és.
Les Bonnafoux et consorts, se prétendant héritiers
de l ’émigré C la u de de l ’Espinasse, ont réclamé, °n.
�vertu de la loi du 5 décembre i 8 i 4 j non-seulement
les immeubles rendus par cette lo i, mais encore ceux
qui avaient été restitués antérieurement.
Tou t ce q u ’ils demandaient leur a été accordé, par
une erreur de droit sur le sens de la loi quant aux
objets de la première classe, par une erreur de f a it ,
même dans leur propre sy s tè m e , relativement aux
biens précédemment recouvrés.
Examinons successivement les deux points :
L ’erreur de droit sera facile à démontrer en se fixant
sur les termes comme sur l’esprit de la loi, sur l ’opinion
des auteurs, sur la jurisprudence même des arrêts;
car tous les élémeus de doctrine se réunissent pour
repousser
les prétentions des Bonnafoux.
L a loi du 5 décembre 18 1 4 peut être considérée sous
deux rapports : ou comme un acte de justice, ou comme
un acte de libéralité. Or, sous l’un comme sous l ’autre
de ces rapports, elle ne peut être que favorable au
sieur Bournet.
Considérée comme acte de justice, cette loi a dù
nécessairement diriger ses dispositions en faveur de
ceux auxquels avait nui la confiscation, dont elle avait
pour b ut de réparer les effets, au moins en partie; e t ,
par conséquent, ses avantages ont dù être recueillis par
l ’émigré lui-mêm e, s'il était encore vivant; par l ’ héritier de cet émigré, si celui-ci n’existait plus au mo
ment de la loi. La justice v o u l a i t , en effet, que l ’ hé
ritier profitât de ce q u ’aurait dù recevoir l’émigré luimême, parce q ue, si la remise avait eu lieu avant le
décès de l ’émigré, l’ héritier aurait trouvé dans la suc-
�‘
( 3o )
*
cession, ou les objets remis, ou leur valeur; parce que,
en ce sens, c ’était réellement l ’ héritier qui avait perdu.
O r , c’est précisément ce que la justice prescrivait,
q u ’a entendu faire le législateur.
11 nous l ’apprend lui-même dans deux de ses actes :
dans l ’ordonnance du 21 août 1 8 1 4 , qui a précédé la
loi du 5 décembre, et dans les considérans où sont
indiqués les motifs qui ont dicté cette loi.
Dans l’ordonnance du 2 r a o û t , l ’auteur de la Charte
constitutionnelle, en la rap pelant, fait connaître sa
pensée toute entière, par ces expressions remarquables:
« L e vœu le plus cher à notre cœur est que tous les
» Français vivent en frères, et que jamais aucun sou» venir am er ne trouble la sécu rité qui doit suivre un
» acte aussi solennel. »
C ’est en exprimant ce v œ u , q u ’il annonce une loi
prochaine sur la restitution des biens non vendus des
émigres; et c est en exécution de ce vœu q u ’est pré
sentée et q u ’est adoptée la loi du 5 décembre.
O r , quel était le b ut de celte loi?
L e législateur nous l’apprend l u i- m ê m e dans son
préambule.
Il y déclare q u ’en rendant une prem ière ju s tic e par
l ’ordonnance du
21
a o û t , qui abolissait toutes les
inscriptions encore existantes sur les listes des émigrés,
il a annoncé l ’intention de présenter aux chambres
une loi sur la remise des biens non vendus.
Il
ajoute q u e , dans les dispositions de cette loi, il a
dù concilier un acte de ju s tic e avec le respret dû à des
droits acquis p a r des tiers en vertu des
lo is
existantes.
�r
( 3- )
>3
T e l s sont les m o t i f s s ur l esq ue ls est f on d é e u n e loi
o ù l ’on r e m a r q u e trois p r i n c i p a l e s d is p os i t io n s :
L ’une consignée dans l ’article i er, par laquelle «sont
» maintenus, soit envers l ’É t a t , soit envers les tiers,
» tous jugemens et décisions rendus, tous droits ac» quis avant la publication de la C h ar te constitution» nelle, et qui seraient fondés sur des lois ou actes
» du Gouvernement , relatifs à l ’émigration. » .
L ’autre, contenue dans l ’article 2 , et
qui
est ainsi
conçue :
« Tous les biens immeubles séquestrés ou confisqués
» pour cause d ’ém igrat ion, ainsi que ceux advenus à
» l ’État par suite de partage de successions ou de pré» successions, qui n'ont pas été vendus et font actuel»
lement
partie du domaine de l ’É t a t , seront rendus
» en nature à c e u x qui en étaient propriétaires, ou ci
» leurs héritiers ou ayant cause. »
L a t r o i s i è m e , e x p r i m é e pa r l ’a r t i c l e
\!\,
q u i réserve
a u x c réanci ers des é mi gr é s toutes a ctio ns su r les b i e ns
r e n d u s , en s u s p e n d a n t , s e u l e m e n t j u s q u ’ au i " j a n v i e r
1 8 1 6 , l ’e xerci ce de ces ac ti on s.
Que l ’on combine les motifs qui ont dicté l ’ordon
nance du 21 août avec ceux qui ont préparé la loi du
5 décembre, avec les dispositions littérales de cette loi.
Q u ’y reconnaitra-t-on ?
Que la loi s’est proposé de concilier tous les esprits,
d ’efiacer tous souvenirs a m e r s , de ramener tous les
Français îi une douce concorde, de les engager à vivre
tous en frères.
Que devait-elle faire pour remplir cet heureux b u t ?
y
�,*.V
i r* ‘
vi
l
( 3= )
Elle devai t, sur-tout, être jii9te!
E lle devait donc concilier tous les intérêts, tous les
droits.
,
D o n c , elle devait rendre les biens confisqués à ceux
qui en avaient été privés, c’est-à-dire aux émigrés euxmêmes s’ils étaient encore vivans; à leurs héritiers, si
ces émigrés étaient morts. C ar les héritiers avaient été
réellement privés, comme l ’émigré q u ’ils représentaient,
de tous les biens confisqués sur c e lu i - c i , puisque ces
biens leur seraient parvenus sans la confiscation.
Donc aussi elle devait respecter les droits acquis;
ca r , en les vio la n t, la justice aurait été blessée.
Donc,
enfin,
elle devait protéger les droits des
créanciers des émigrés.
O r c’est précisément tout cela q u ’elle a fait par les
articles cités; puisqu’à défaut de l ’cmigré, la remise a
été faite à son héritier; puisque les droits acquis ont
été maintenus; p u i s q u e les a c ti on s des créanciers ont
été ménagées.
Ainsi
l ’on doit
reconnaître que c ’est à titre de
justice que la remise a été faite.
E t comment pouvoir soutenir q u e , dans l ’intention
du législateur, cette remise a été une pure libéralité,
tandis que dans la loi il parle plusieurs fois d ’actes (le
justice à faire, sans employer une seule fois le nom do
lib é r a lité ?
Co mm en t ne pas réfléchir, aussi, q u e , s’ il s’était
agi d ’ un simple d o n , les actions de tous créanciers,
ou non, n’auraient pas été réservés sur les biens
rendus? c ar ces biens étant devenus, par lu d é c h é a n c e ,
déchus
�( 33 )
libres de dettes dans la main de l ’É t a t , auraient passé
libres aussi'dans celle d ’ un donataire qui n ’aurait pu
être tenu de payer les dettes d ’ un émigré dont il n ’au
rait
pas été le vrai héritier. E t cependant une jurispi u-
dence’ constante a chargé d ’ une contribution propor
tionnelle aux dettes ces héritiers eux-mêmes q u i , avant
la l o i , avaient cédé à un t i e r s , aux risques de celui-ci,
tous leurs droits héréditaires, et q u i , ayant recouvré
par Cette loi les biens non vendus,
refusaient de
contribuer avec leur propre cédataire au paiement des
dettes, sous prétexte que la remise n ’était q u ’une
libéralité. Cela a été ainsi jugé notamment entre le
sieur de l ’Espinasse lui-m«me et le sieur Grenier, par
arrêt de la cour de Riom , du 3 mars 1 8 1 7 ; et cet
arrêt fut confirmé par la cour de cassation, qui depuis
a rendu deux décisions semblables, les 26 juillet 1826
et 24 avril 1827 ( Y . Sirey, 27. 1. 100 et
Mais, d i t - o n , on a substitué dans la loi le mot
rendre au mot restituer, qui était dans le projet.
Q u ’importe? n ’est-ce pas une misérable subtilité que
de trouver dans cette substitution un acte de libéralité
dont la loi ne parle pas, au lieu d ’ un acte de ju s tic e
q u ’elle annonce positivement!
,
Telle ne fut pas, au reste, la pensée qui dicta au
législateur ce léger changement de mots; la cause en
est connue : le législateur craignit que l ’emploi du mot
restituer ne fit supposer q u ’il entendait signaler connue
une spoliation la main-mise nationale sur les biens des
émigrés.
Car 011 restitue ce q u ’on a v o lé ou,pris sans droit.
5
�Ut
k
(
3 4
)
On rend ou l ’on remet ce que l ’on a r e ç u , ce dont
on s’est chargé.
*- E n employant le mot vendre comme étant l ’expres
sion la plus juste et la plus douce, le législateur a voulu
prévenir toute fausse interprétation tendante à ‘flétrir
d ’anciennes lois, qui avaient été sévères sans dou te,
mais que les dangers de l ’E t a t avaient peut-être com
mandées.
C ’est dansce b ut unique, non dans celui d ’indiquer
un don , que l ’on a remplacé le mot restituer, non par
le mot donner, mais par le mot rendre, qui a un tout
autre sens.
L ’on donne à qui l ’on veut, par une pure générosité,
ou par des senlimens particuliers d ’affection.
Mais l ’on ne rend q u ’à celui qui a eu , et q u i , sinon
a la rigueur, au moins en éq uité , a le droit de re
couvrer.
Or, la loi de 1814 n ’ a été le fruit, ni d ’ une affection
spéciale, ni d ’ une générosité c a p r i c i e u s e , qui ait voulu
gratifier, par une étrange préférence, une classe de
citoyens plutôt q u ’une autre ; elle a été dictée par le
sage désir d ’éteindre toutes les haines, en réparant,
autant que possible, d ’anciens maux et de grandes
pertes. L ib éra le, si l ’on v e u t , en ce sens q u ’elle ac
cordait ce q u ’elle pouvait refuser, elle a cherché prin
cipalement à être juste, d ’ une justice politique et civile
tout à la fois; d ’ une ju s tic e ¡)oliti<jue, sa mesure bien
faisante tendant h détruire de funestes germes de dis
corde; d ’ une ju s tic e civile,-en ordonnant que les biens
fussent rendus à ceux-là mêmes qui en avaient été
�( 35 )
les propriétaires, ou à leurs héritiers ou ayant cause.
C ertes, ce ne serait ni faire l ’acte cle ju s tic e annoncé
par la l o i , ni remplir le b ut cle conciliation et (le
c o n c o rd e q u ’elle se proposait, que de rendre les biens
non vendus, non au parent le plus proche de l ’émigré
l ’Espinasse, mais h ses parens les plus éloignés; non
au seul héritier q u ’ il avait laissé, à cet héritier q ui
seul avait pleuré sa mort , q ui seul avait fait réhabi
liter sa mémoire,
qui seul avait accepté les charges
de sa succession, à son malheureux père enfin, encore
existant au jour ou a paru la loi du j decembie i 8 i ^ ;
mais à d ’indifierens collatéraux qui ne s’ étaient jamais
occup és du sort de l ’émigré, q u i ,
peut-être m ê m e ,
avaient toujours ignoré son existence.
On opposera peut-être q u ’au moment de son décès,
en frimaire an 8 ,
le sieur de l ’Espinasse fils était
émigré, q u e , comme tel, il était frappé de mort civile,
et q u ’ainsi il n ’a pu transmettre alors aucun droit à
aucun héritier.
C ette question, s'il était utile de l ’app ro fo ndir ,
présenterait des difficultés d ’autant plus sérieuses ,
q u ’elle a été diversement jugée par la C o u r de cassation
elle-même.
Dans l’ancienne jurisprudence, si l ’on rendait les
'biens confisqués sur un individu mort c i v il e m e n t, la
remise en était toujours faite à l ’ héritier du tems de
la mort naturelle. C ’est ce q u ’avait décidé la C o u r
de cassation par un premier arrêt du 21 fructidor
an 8; et c’est ce q u ’elle a jugé encore par un second
a n ê t , du 21 décembre 1807 , relativement à la suc
�cession d ’un
émigré,
dont la
mort
avait précédé
l ’amnistie. On lit dans l'arrêt ce motif remarquable :
« C ’est Vhéritier légitim e à l ’époque de la mort
« naturelle de l ’émigré, qui a dù recueillir sa succes« sion ( i ) . »
D e p u is, par un arrêt du j
août 1820, la même
C o u r suprême a pensé que la succession de l ’émigré
amnistié après sa mort n ’était censée ouverte q u 'a u
jour de l ’amnistie, et q u ’elle appartenait à l ’ héritier de
cette époque, non à celui qui le serait au moment du
décès de l ’émigré (2).
Mais la question est indifférente pour la cause; car
le sieur de l ’Espinasse serait l ’ héritier légitime et l ’ hé
ritier unique de son fils, le 16 frimaire an 8, date d e l à
mort naturelle; et il le serait aussi exclusivement, le
i 5 ventôse an 11
date de l ’amnistie q ui fit cesser la
mort civile du fils émigré. A cette dernière ép oque,
comme à la p r e m i è r e , la loi du 1 7 nivôse en 2 , seule
en vigueu r, attribuait au père toute la succession d ’ u n
fils qui ne laissait ni enfans, ni frères ou sœurs, ni
d ’autres ascendans.
A i n s i , que la succession du fils émigré amnistié
soit réputée ouverte au moment du décès, ou seule
ment au jo u r de l ’amnistie, dans l ’ un comme dans
l ’autre cas, le père a été le seul héritier de son fils. L u i
( i ) V o i r l e i er a r r û t , d a ns les Q u e s t i o n s d e D r o i t d e M e r l i n , nu m o t
confiscation, § 2. V o i r aussi le r é pe r t o i re d u m ê m e a u t e u r , au m o t
h é r itie r .
(^) Vuir l’ arrût dans le Journal de Sircy, a i . 1. 14.
�( 3 7 )
seul aussi, en cette q u a l ité , avait obtenu en l ’an i l
le certificat d ’amnistie du ills; lui seul, comme unique
représentant de l ’émigré, avait été, lors de l ’amnistie,
envoyé en possession, par les arrêtés des préfets du Cantal,
de la I la u te -L o ir e , du Puy-de-Dô m e, de tous les biens
de l ’émigré qui furent rendus à cette époque; lui seul
a agi, a tr ait é, a acquitté les dettes, comme héritier
de l ’émigré, depuis l ’an 11 ju sq u’au jour de la loi de
i 8 i 4;
lui seul, enfin, au moment où cette loi de
justice a été publiée, était investi et du titre d ’héritier
et des droits attachés à ce titre ;
Comment ne pas reconnaître que c’est aussi lui seul
qui a été appelé par cette loi a recueillir des biens
q u ’elle déclarait ne rendre q u ’à l ’ héritier de l ’émigré?
Que pourrait-on opposer de solide à des observations
fondées sur les faits, sur les termes de la l o i , sur
l ’équité même?
Co mm en t pourrait-on soutenir sérieusement que le
législateur, q ui a déclaré vouloir avant tout être juste,
n ’a cependant pas entendu rendre tous les biens du
fils au père , qui seul en avait été privé par la confisca
tion, et que ce législateur ait eu la bizarre pensée d ’en
rendre moitié à des parens éloignés qui n’avaient rien
perdu et à qui la confiscation u ’avait rien ô t é , puis
q u ’ ils n’auraient rien obtenu ni à la mort du fils, s’il
était décédé integri slatusj ni au momentde l ’amnistie;
la loi des deux époques ne leur accordant aucune part
dans l’ hérédité de l’émigré?
Mais la question peut être examinée avec le même
avantage sous son autre face.
�rY
( 38 )
Que l ’on suppose, si l ’on v e u t , que les biens aient
été rendus par pure lib é ra lité plutôt que par esprit de
justice.
Résulterait-il de là que ce soit à d ’autres q u ’au sieur
de L ’ Espinasse père que la remise en ait été faite?
Non sans doute.
. Les biens seront rendus, dit la l o i , à c e u x q u i en
étaient propriétaires ou à leurs héritiers ou ayant
cause.
A
leurs héritiers! Pour exécuter la loi,
rechercher si, au moment où elle a p a r u ,
il faut
l ’émigré
L ’Espinasse avait ou non un héritier.
S ’il en avait u n , c’est à lui que les biens doivent
être rendus.
S ’il n’en avait pas, c’est à ses parens les plus proches,
à ses successibles, c’est-à-dire à ceux que les lois exis
tantes appelleraient à être ses héritiers, que les biens
devront a p p a r t e n i r .
Mais nous avons vu que dans'
existait,
l ’ espèce u n
héritier
[je sieur de l ’Espinasse père avait ce ti tr e,
ou depuis le iG frimaire an 8 , date du décès du fils,
ou depuis le i 5 ventôse au n , date de son amnistie.
Il en avait été saisi par le bienfait du sénatus-çonsulte
du iG floréal an 10 et du décret du g thermidor suivant ;
il avait été reconnu comme tel par de nombreux actes
administratifs, et notamment par les arrêtés des préfets
de la Ilautc-Loire, du C a ntal, du Puy-de -D ôm e; c’est
eu cette c£11a 1ité q u ’ il avait été envoyé en possession des
biens de son fils, sur la tête duquel ne pesait plus dèslors la dangereuse qualification d ’émigré; il a
exercé
�( 39 ✓
)
seul pendant 10 ans et plus, avant le 5 décembre 18 r 4 ?
les droits d ’ héritier, et en a seul aussi supporté les
charges; il a seul disposé des biens; il a seul acquitté
les dettes de la succession.
Comm ent se ferait-il que ce ne fût pas à lui seul que
s’appliquât le texte comme l ’esprit de la loi du 5 dé
cembre 1814 > et f£ue cette loi, qui dit expressément
que les biens seront rendus a u x héritiers de l ’ancien
propriétaire, eût voulu tout lew.contraire de ce q u ’elle
disait, eût entendu que les biens seraient rendus, non
au sieur de l ’Espinasse père, encore vivant et seul in
vesti, en 1814 s fl u l itre d ’héritier de son fils, mais aux
B o u n a f o u x , qui n ’avaient jamais eu cette qualité, q ui
ne l ’avaient même jamais réclamée, et qui n’en étaient
pas plus saisis alors q u ’antérieurement?
Mais, dira-t-on, ce n ’est pas aux anciens héritiers
que la loi a entendu rendre, c’est 'a de nouveaux hé
ritiers, parens des deux lignes paternelle et maternelle,
qui auraient été successibles d ’après la l o i , si la suc
cession du fils l ’Espinasse s’était ouverte seulement le
5 décembre 18 il\.
Cett e assertion, comment la prouve-t-on?
Que l ’on cite un seul article, un seul mot dans la
loi du 5 décembre qui l’autorise?
Cette loi ne parle pas de su cce ssib le s, elle parle
d ’ héritiers déjà reconnus comme tels.
Elle ne crée pas un nouvel ordre de succession, un
nouveau mode d ’attribution ou de partage des biens ;
elle s’en réfère à l ’ordre déjà existant; elle attribue ce
�qui reste des biens de l ’émigré à l ’ héritier de celui-ci,
à celui qui déjà avait recueilli légalement le surplus de
l ’ hérédité, à celui à qui seul ce reste appartenait, puis
que seul il en avait été privé ju sq u’alors par une re
mise tardive.
Seulement la jurisprudence, plutôt même que la loi
dont le sens a été peut-être un peu forcé, la jurispru
dence a exigé que l ’ héritier légitime fut v i v a n t , pour
lui attribuer la remise, o u , si l ’on v e u t , le bienfait.
Mais aucun arrêt, aucune autorité
n ’est
allée ju sq u’à
décider, ju s q u ’à préjuger, même indirectement, que
l ’ héritier ancien, que l ’ héritier saisi légitimement et
reconnu comme tel en 18 14? s ^ existait encore lorsque
la loi a paru ,
ne fût pas aussi le Seul héritier que
cette loi appelât à profiter des biens dont elle faisait
la remise. Il était réservé aux sieur et dame Desrois
eux-mêmes e t d e faire élever par les Bonnaloux cet é t r a n g e s y s t è m e , que l'aveuglement de
l ’ intérêt ou les erreurs de l ' i m a g i n a t i o n o n t pu seuls
d ’ cl e ve r
enfanter ; qui tendrait à détruire cette maxime si con
nue : sem el hœres sem per lueres; qui établirait deux
successions différentes dans le même in div id u , et q u i ,
en laissant au sieur de l ’Espinasse p è r e , comme seu l
héritier de son fils avant
1 8 t 4 > to u t le patrimoine
recouvré antérieurement, le priverait de la moitié de
son titre pour le
tems
postérieur, et l ’obligerait à
partager les biens obtenus depuis, avec d ’autres héri
tiers, créés tout-à-coup non par la loi qui n ’en parle
pas, mais par les illusions ou les caprices de la
argumentation de quelques jurisconsultes.
vaine
�( 4. )
C ett e création fantastique est en opposition dircctG
avec les termes de la loi de 18 1 4 s qui n’appelle q u ’un
seul ordre d ’héritiers, c’est-à-dire les héritiers déjà dé
clarés
tels et eæislans encore au moment de sa p u b li
cation; qui ne reconnaît, d ’ailleurs, q u ’ une seule suc
cession de l ’émigré, puisqu’en rendant les biens non
vendus aux héritiers, elle a soumis ceux-ci à la charge
proportionnelle des dettes, même de celles dont l’É t a t
était affranchi par la decheance, et dont un simple
donataire de l ’É t a t aurait dû l ’être par le même
motif.
Ces observations, et sur-tout les termes de la l o i,
son b u t , son esprit, repoussent avec force les préten
tions tardives des B on nafoux, dont le silence prolongé
depuis 18 14 n a ^
évidemment rompu en 1829 q u ’à
la demande des sieur et dame Desrois, et moyennant
un modique salaire payé à leur complaisance plutôt
q u ’à la cession secrète de leurs droits illusoires.
L a loi de 1 8 1 4 fournirait au sieur Bournet un ar
gument de p l u s , s'il était nécessaire.
E n effet, dans le préambule, le législateur déclare
formellement q u ’il veut concilier un acte de justice avec
le respect d û 11 d e s d r o i t s a c q u i s p a r d es tiers en
vertu des lois existantes.
Dans l ’article premier, il déclare maintenir, tous
jugem en s et décisions rendus, tous actes passés, t o u s
d ro its
a cq u is
avant la p u b lica tion de la C h â tie
constitutionnelle t et <jui seraient fo n d é s sur des lois
ou des actes du Gouvernem ent rela tifs ii Vém igration.
O r , la qualité de seul héritier (le l ’Espiuasse fils
6
�p X\
'•
( 4 0
était pour le sieur l ’Espinasse père un droit acquis en
vertu des lois existantes.
C et te qualité de seul héritier lui avait été coniérée
ou reconnue par plusieurs actes du Gouvernement, re
latifs à l ’émigration, tels que le certificat d ’amnistie,
délivré à sa demande, et les arrêtés d ’envoi en possession
des biens du fils, rendus en sa faveur; ces arrêtés,
parmi lesquels celui du préfet du C a n t a l , qui reçut
sa pleine exécution, restituait au père, même les terres
de Vertessère et de Sévcrac échues au fils, par suc
cession, pendant son émigration et sa mort civile.
*
Cett e qualité indélébile d'héritier u n i q u e , ce droit
a cquis et consacré par plusieurs actes administratifs non
attaqués et inattaquables, serait un jeu si le système
des Bonnafoux était accueilli; une choquante rétroacti
vité serait admise , et tous les principes nouveaux
comme tous les principes anciens seraient également
méconnus et blessés p o u r favoriser des prétentions que
l ’équité repousse autant que la l e t t r e de la loi.
U n e autre circonstance vient encore à l’appui des
droits du sieur Guil laum e de l ’Espinasse. Il é t ait, en
18 14 > Ie parent le plus proche de l ’émigré son fils; et
sous ce dernier ra p port , n ’eiit-il pas même été alors le
seul héritier reconnu, le seul héritier saisi de ce titre
depuis le a 5 ventôse an i i , date de l ’amnistie de
l ’émigré, il eût d u , d ’après la jurisprudence, recueillir
seul tout le bénéfice de la remise accordée par la loi
du 5 décembre.
Nous verrons en effet, bientôt, que les arrêts
même
invoquas par les Bo nnafoux, ces arrêts rendus dans
�( 43 )
(les cas où l'héritier légitime de l ’émigré n ’existait plus
au moment de la publication de la l o i, ces arrêts ont
attribué tous les biens au parent le plus proche de
l ’émigré, sanstexaminer de quel côté il était parent, à
quelle ligne il appartenait.
Soit, donc, que l ’on considère que l ’émigré l ’Espinasse étant décédé en l ’an 8 ,e t ayant été amnistié en
ventôse an 11 , c’est-à-dire sous la loi du 17 nivôse an
2 , ri; a eu q u ’ un seu l héritier, un seu l représentant,
un seu l ayant-cause 3 savoir : le sieur G uillaum e de
l ’ Espinasse père;
Soit que l ’on fasse attention que le sieur de l ’Espinasse père était encore existant au 5 décembre 1 8 1 4 ,
et q u ’il avait alors un droit acquis à ce titre d ’héritier
u n i q u e , de représentant u n i q u e , d ’ayant-cause de son
fils dont la qualité d ’émigré avait été depuis long-tems
effacée par l ’amnistie;
Soit , enfin , que l ’on réfléchisse que le sieur de
l ’Espinasse père était seul aussi le parent le plus proche
de l ’ancien émigré ,
On sera dans la nécessité de reconnaître que c’est à
lui seul aussi que doivent appartenir les biens rendus
par la loi de iBi/jToutes ces idées sont en harmonie avec les opinions
des auteurs, avec la jurisprudence des arrêts.
M. Merli n, dans ses questions de d ro it, au m o t
con fiscation y § 2 , après avoir rapporté l ’arrèt de cas
sation prononcé le 25 janvier 1 8 1 9 , entre l ’abbé l)uclaux et le marquis D é p i n a y - S a i n t - L u c , fa it , sur cet
arrêt, plusieurs réflexions.
�Il remarque que l ’émigré Dép inay de L i g e r i , mort
long-tems avant la loi, avait laissé pour héritière légi
time sa fille, décédée elle-même cinq ans avant le 5
décembre i 8 i 4 > et dont l ’abbé Duclaux était le léga
taire universel \
Que cette héritière, n’existant pas en 18 t 4 ? n ’avait
pu, ni profiter du bénéfice de la loi, ni par conséquent
le transmettre à son légataire;
E t que les biens rendus avaient été attribué!' au
sieur Dépinay-Saint-Luc., comme étant le p l u s p ro c h e
p a ren t, exista n t en 1 8 1 4 ? de l ’émigré Dépinay de Ligeri.
Mais M. Merlin ajoute d ’ importantes observations :
C e n ’est,
dit-il,
que par une fin de non recevoir
contre l ’abbé D u c l a u x ,
que la question fut jugée en
faveur du sieur Dépinay-Saint-Luc. L ’abbé D u cl aux,
étranger h la famille D é p in a y , n ’avait ni titre ni qua
lité p o u r réclamer les biens rendus.
D ailleurs, p o u r a d m e t t r e la d e m a n d e du sieur de
S a in t-Lu c, il eut f a l l u supposer, s ’il exit eu en tête un
adversaire com pétent ( c ’est-à-dire un héritier vivant
de l ’é m ig r é ) , que le com te D ép in a y de Ligeri avait
laissé d e u x successions (pii s ’étaient ouvertes <i d e u x
époques différentes ; supposition q u i répugne a u x no
tions les p lu s triviales de la ju risp ru d en ce
L ’auteur fait ensuite observer que l ’arrêt cité regarde
la q u a lité d ’héritier com m e indispensable à
tout
membre de la f a m ille des anciens propriétaires 3 q u i
se présente p o u r profiter de la remise.
M. Merlin continue ainsi :
» Il dit bien ( l ’arrêt Du cl aux) que la loi du 5 dé-
�( 45 )
J f ô
« cembre i 8 i 4 est une ^oz p o litiq u e et spécia le ; mais
« il ne va pas jusqu’à dire q u ’elle donne à l ’expression
« héritier, une acception différente de celle que lui at« tribueut les lois ordinaires.
« Il dit bien que cette loi doit trouver son interpré« tation dans les motifs qui l ’ont fait rendre; mais il
« ne s’en suit nullement de là que l ’expression héritier
« soit, dans son texte, susceptible d ’un autre sens que
« celui q u ’il présente par lui-mème. »
M. Merlin termine par penser, en s’appuyant d ’ un
avis du conseil d É t a t , du q thermidor an io^ « que
«
par les mots,
le u r s
h é r it ie r s
,
l ’on doit entendre
« les personnes auxquelles les lois civiles accordent ce
« titre. »
T o u t , dans cette discussion, est précieux pour lu
cause actuelle.
S ’il est vrai que par les mots, leurs héritiers, e m
ployés dans l ’article i de la loi du 5 décembre 18 1 4 ?
on doit seulement entendre les personnes auxquelles les
lois civiles accordent ce titre, il est évident que c est
an sieur Guillaume de l ’ Espinasse seul que ces mots
s’appliquent; parce que c ’était à lui seul que les lois
civiles avaient attribué le titre d ’héritier, soit en l ’an
8 , époque du décès du fils émigré, soit en l ’an i r ,
époque de son amnistie; parce que c’est aussi le sieur
de l ’Espinasse, qui seul avait la qualité d ’hé»ilier de
vant les lois civiles, au moment où fut présentée et
décrétée la loi sur les biens remis.
S ’il est vrai aussi q u ’on ne puisse supposer que le
même individu ait laissé deux successions qui se soient
<
�U
( 46 )
ouvertes à d e u x époques différen tes, et si cette suppo
sition répugne a u x notions les p lu s triviales du droite
c’est encore le sieur de l ’Espinasse père qui doit seul
profiler des biens rendus, paice que ces biens n’ont
pas dû former une succession particulière du fils; parce
q u ’ ils ont dû se rattacher à la succession déjà ouverte
dont ils sont devenus en quelque sorte l ’accessoire, et
parce que le sieur de l ’Espinasse père, qui avait seul
recueilli et dû recueillir la succession à son ouve rt u re ,
était encore vivant en 18 14 » pour recueillir aussi l'ac
croissement que cette succession reçut alors.
E n décider autrement ce serait évidemment dire
que l ’émigré l ’Espinasse a laissé deux successions qui
se sont ouvertes à deux époques différentes; l ’une en
l ’an 8 ou en l ’an 11 , régie par la loi du 17 nivôse an
2 , et attribuée par cette loi au sieur de l ’Espinasse
père comme seul héritier; l ’autre au 5 décembre 1 8 1 4 ?
régie par le Cocl e c i v i l , e t d i v i s i b l e par moitié entre
les deux lignes paternelle et maternelle de l ’émigré.,
c ’est-à-dire entre le sieur de l ’Espinasse père d ’une
p a r t , et les Bonnafoux et consorts de l ’autre.
Indiquer une telle conséquence, c’est suffisamment
démontrer l’absurdité du système des demandeurs.
M. Dalloz dans sa Jurisprudence générale, au mot
ém ig ré, section 3 , art. 2 , § i , r , examine aussi à qui
profite la remise ordonnée par la loi du 5 décembre
1 8 1 4 ; et après avoir dit que la ju risp ru d en ce constante
de la C ou r de cassation a é té fa v o ra b le a u x parens
les />lus p roches, au jo u r de la lo i, ( ce qui cependant
n a été admis par la C o u r de cassation
elle-m êm e
que
�(47)
iff
lorsque ces parens étaient en concours avec des étrangers
cédataires ou légataires universels de l ’émigré ou de ses
héritiers) , l ’arrêtiste se livre lui-inéme à une disserta
tion sur le caractère de la remise faite par la l o i; il
prouve clairement que cette remise n’a p a s é té une
lib é r a litéj mais que l ’É ta l s ’est im posé ce sacrifice
p o u r fa ir e cesser l ’œuvre de la v io len ce , p o u r opérer
une réparation $ il le prouve avec le préambule de la
loi
où le législateur déclare s’être proposé un acte
de ju s tic e : il le prouve avec les termes de l ’article deux
par lequel les biens sont rendus non à la famille des •
émigrés, en général, mais à leurs héritiers ou ayant
cause • il Ie prouve aussi,
l ’ar ti cl e
I er
avec les expressions de
qui a maintenu les droits a c q u is, et par
conséquent les qualités et les titres existans au moment
de la remise; il argumente de la loi du 27 avril 182$
sur l ’in d e m n it é , qui est en opposition avec le système
de libéralité , puisqu’elle attribue l'indemnité
aux
héritiers du jour du décès de l’ émigré; il fait observer
d ’ailleurs , avec beaucoup de justesse, que si la loi
de 18 f 4 avait voulu faire une libéralité, il eut été
inutile de dir e, comme elle l ’a dit dans l’article 3 ,
q u ’îl n’y aurait lieu à aucune remise des fruits perçus;
enfin il ajoute , ce qui est aussi décisif, que la loi ne
contenant aucune disposition expresse qui intervertisse
l'ordre de su ccessib ilité toujours a d o p té , il ne v o it
pas ce q u i p eu t autoriser le ju risco n su lte ou le m a
gistrat à fa ir e de cette lo i une innovation exorbitante
et sans exem p le.
Ces observations sont péremploires, même celle tirée
�\v
Il *
delà
(
48
)
loi de 1825 sur l ’indemnité; car les deux lois
n ’ont de différence q u ’en ce que , d ’après la dernière,
ce sont les héritiers du jour du décès de l ’émigré,
qui profitent de l ’indem nit é, tandis q u e , d ’après la
j u risprudence actuelle delà C o u r de cassation, appliquée
à la loi de 18 r 4 5 c’est aux héritiers du jour de l ’am
nistie que les biens ont été rendus.
M. Sir ey , dans une dissertation par laquelle il a fait
précéder la relation de l ’arrêt Ma la fosse, du 18 février
i8a4? énonce une semblable opinion;
et
dans le rap-
* procheincnt des diverses parties de la loi du 5 décembre
18 14) dans le préambule notamment, où le législateur
d i t , à deux fois différentes, q u ’il se propose un grand
acte de ju s tic e et où l ’on ne voit pas q u ’il s’agisse de
lib éra lité ; dans cet article où il déclare rendre les biens
aux anciens propriétaires ou à leurs héritiers ou ayant
couse, comme dans celui qui conserve ou rétablit toutes
les actions des créanci ers des émigrés sur les biens remis;
dans la combinaison, enfin, des di ffé re nt es di sp osi t io ns
de la loi , M. Sirey trouve la preuve que le système
de la lo i n ’est pas un systèm e de lib é ra lité mais un
systèm e de ju s tic e p o litiq u e , si ce n ’est pas un système
de ju s tic e civ ile.
Ainsi ce sont des idées de justice qui ont princi
palement dominé dans la pensée du législateur. L ’on
ne peut donc pas dire q u ’il ait ordonné la remise à
titre de lib éra lité se u lem e n t, et par une libéralité
aveugle , par une libéralité indépendante de toute
autre impulsion. U n tel système serait en opposition
directe avec les termes positifs do la loi, qui
parlent
�"
( . » )
;(?
d’ actes de ju s tic e à faire, de biens à remettra a u x
héritiers de l ’ém igré. D ’ailleurs, que cette justice ait
été faite par politique ou par uu autre m o t i f ; qu elle
ait été aussi dictée, si l ’on v e u t , par des sentimens de
libéralité , il n’en est pas moins vrai que la remise n’a
pas été une libéralité pure; il n’en est pas moins vrai
q u ’elle a eu pour base principale des sentimens de jus
tice- il n ’en est pas moins vrai q u ’elle dev ait , par
c o n s é q u e n t , être dirigée en faveur de ceux-l'a mêmes
auxquels avait nui la peine de la confiscation-, e t , par
conséquent, en cas de prédécès des anciens propriétaires',
en faveur de leurs héritiers légitimes s’ils étaient encore
vivans, ou en faveur des parens les plus proches, si les
héritiers légitimes étaient aussi décédés au moment de
la loi. C a r , tout en se montrant libéral, il eut manqué
le but de justice q u ’il se proposait, le législateur q u i ,
méconnaissant les droits d ’ un héritier légitime encore
exista n t, aurait attribué tout ou partie des biens ren
dus, à des parens éloignés auxquels la confiscation n avait
pas fait éprouver la moindre perte ni le moindre tort.
L a C o u r de cassation a été bien éloignée elle-même
de commettre une pareille erreur. E n eff e t, si l ’on
parcourt les arrêts q u ’elle a rendus sur la matière, on
reconaitra q u ’ ils consacrent, au lieu de la d e t i u i i e ,
la doctrine que nous avons professee.
Les arrêts s’appliquent à trois cas différons :
i° Au cas où les parens de l ’émigré étaient en con
testation avec des légataires universels, soit de l ’émi
gré, soit (les héritiers de celui-ci;
2° A celui où l’émigré n’avait jamais été amnistié;
7
�’H
-(5°)
3 ° A celui enfin où l ’émigré, étant décédé en 18 14 ,
avant d ’avoir recueilli une hérédité ouverte pendant
sa m ort civile , avait pu cependant en transmettre les
droits à ses propres héritiers.
Dans le premier cas, c’est contre les légataires u n i
versels, dont le titre était antérieur à la l o i, que la
question a toujours été décidée. Elle devait l ’ètre ainsi,
soit parce que l ’on ne donne que ce dont on est pro
priétaire, soit parce que l ’étendue des legs repose toute
sur l ’intention présumée des testateurs. O r , il était
impossible q u ’ un testateur eût pu et eût entendu
léguer des biens qui non seulement ne lui apparte
naient pas lors du te stam en t, mais q ui même ne lui
avaient jamais appartenu , puisqu’ils n ’avaient été
rendus que long-tems après son décès. Tels sont aussi
les principaux motifs qui ont dicté l ’arrêt d ’E p in aySaint -Luc et Du cl aux , du. a 5 janvier 1 8 1 9 , l ’arrêt
R e culot, du 10 février 1 8 2 3 , l ’arrêt Ma la fosse, du
18 février 1 8 2 4 , l ’arrêt May n a r d e t L a Ferté , du 19
mai de la même année (1).
Il est même à remarquer que ces divers arrêts, en
préférant la famille de l ’émigré à des légataires un i
versels dont les titres étaient antérieurs à la l o i, n ’ont
p a s , d ’ailleurs ,
ordonné le partage
des biens
par
moitié entre les pareils des deux lignes paternelle et
maternelle de cet émigré, mais q u ’ils les ont adjugés
( 1 ) C e s arrêts sont da ns tou s les rec uei l s. O n p e u t les vo i r n o t a m m e n t
3,
a 4®} a 4 -
duns la J u r i s p r u d e n c e g é n é r a l e d e D ; t l l o z , au m o t emigre, secti on
article a , § i , et da ns le J o u r n a l d e S i r e y , 1 9 . 1. 7 6 j
1. aG 3 c l 'io'j.
23.
1.
�Jfl
en totalité aux parens les plus proches au moment de
la remise : circonstance qui rend ces arrêts favorables
au sieur (le l’Espina'sse père , parcé q u ’il était , au
moment de la loi de 18 14 ? Ie parent le plus proche de
son fils.
On doit aussi'faire observer que tous les arrêts ont
été rendus dans des espèces où les héritiers légitimes
de l'émigré étaient décédés eu x-m êm es , et n’ avaient
pu, par conséquent, recueillir, à ce titre d ’ héritiers, les
biens qui furent postérieurement remis , ni les trans
mettre à des tiers qui n ’étaient pas même parens de
t • r
1 *émigré.
Aj out ons
q u ’ une
jurisprudence semblable
établie pour l'application de la loi du
s’est
avril i B ?.5
sur l ’indemnité. Par arrêt du 8 février i 8 3 o , la C o u r
de cassation a décidé que la cession, même la plus
générale des droits héréditaires, ne comprenait pas
l ’indemnité accordée par cette loi à l ’ émigré ou à ses
héritiers.
L e second cas à examiner est celui ou 1 emigie
n’avait pas été amnistié et n’a été réintégré dans ses
droits civils q u ’en 18 14- C e cas est celui de l ’arrêt
Dcvenois.
C et a r r ê t , qui a été invoqué par les B o n n a f o u x , ne
décide absolument rien en leur faveur. Pour s’en con
vaincre il suffit de rappeler les faits, et de les comparer
aux motifs de la décision, mais en remarquant que
deux arrêts ont été rendus dans cette cause, le i er, par
déf aut , du 9 mai 1821 ( c ’est celui-là seul que rappor
tent la plupart des recueils)*, le second', contradictoire,
�sur opposition, du 28 janvier i 83 o. O11 le trouve à sa
d a te , au bulletin civil de cassation. Les motifs de ce
dernier arrêt sont sur-tout importans à combiner avec
les faits.
Pierre-René Devenois, décédé le iG octobre 1794?
avait laissé pour héritier Jacques son frère5 mais, celuici étant é m i g r é , l ’É t a t s’empara de la succession.
Jacques Devenois mourut en i 8 o 5 sans avoir été amnist ié ; il ne l ’a été q u ’en i8i/j-. Son héritière naturelle
était la demoiselle Laguerney, morte en 1808, et dont
l ’héritier était un sieur Porcher de Longchamp.
C e l u i-c i, en 1 8 1 4 ? se st présenté comme héritier de
la demoiselle Laguerne y, e t , comme se c r o y a n t , du
chef de celle-ci, héritier de Jacques Devenois auquel il
ne parait pas d ’ailleurs q u ’ il fut même parent; il s’est
présenté et a réclamé les biens rendus par la loi du 5
décembre. Mais un sieur B a zire, q ui é t a i t , en 1 8 1 4 >
le parent le p l u s proche de l ’émigré, a demandé luimême à profiter de la remise.
De là est née la question de savoir si les biens rendus
étaient censés appartenir à l ’ héritier du tems du décès,
ou à celui du tems de l ’amnistie.
C ett e question ,‘ sur laquelle la nouvelle jurispru
dence de la C o u r de cassation s’était fixée par 1111 arrêt
du 7 août 1820 , ne pouvait plus être sérieusement
élevée. Il était naturel que la C o u r , persistant dans sa
doctrine, décidât que l ’ém ig r é, mort civilement au
moment de sa mort natur elle, 11’avait pu rien transïneitre alors, ni par conséquent avoir un héritier;
*l«’ ainsi la succession devait appartenir seulement au
\
�( 53 )
;•
j6[
parent le plus proche au moment de l ’ainnistie, parce
que c’était à cette époque seulement que l ’émigré, re
c o u v r a n t son état ci vil , devait être réputé avoir laissé
une hérédité. Il était conséquent aussi avec ces idées
que la demoiselle Laguerne y, morte en 1808, ne fut
pas considérée comme ayant recueilli une succession
qui était censée ne s’ètre ouverte q u ’en 1 8 1 4 - C ’est
d ’après ces puissans motifs et notamment par le défaut
d ’amnistie avant 1 8 1 4 ? que la C o u r se détermina h
refuser l ’hérédité au représentant de la demoiselle L a
guerney, et à l ’accorder au sieur Bazire, parent le plus
proche de l ’émigré, et par conséquent son héritier en
1814, au momen t où avait cessé la mort civile de l ’émigré.
Que Ton vérifie scrupuleusement ce dernier ar rê t,
et l ’on reconnaîtra q u ’il n ’a aucune analogie avec la
cause actuelle, puisque l ’émigré l ’Espinasse fils avait
été amnistié le
ventôse an 1 1 ,
et que le sieur
l ’Espinasse père, son seul héritier alors, était encore
vivant en 1814 , n ’avait pas perdu sa qualité d ’ héritier
u n i q u e , et était par c o n s é q u e n t apt e, d ’après la loi
civile o r d i n a i r e , et appelé par la loi spéciale du 5 dé
cembre, à recueillir les biens alors rendus.
Le
seul arrêt dont l ’espèce présente une grande
analogie avec la cause actuelle est celui re ndu , le 21
janvier 1 8 2 1 , dans Tafiane de Béthune et Carnin.
Béthune-Sully fils, décéda en 1794 sous la loi du
17 nivôse an 2 , laissant pour unique héritier le comte
de Béthune son père, alors émigré. L ’É t a t qui repré
sentait le père s’empare de la succession. E11 l ’an 1 0 ,
le comte de Bélhune est amnistié; il se remarie , meurt
�%
( 54 )
avant iBi/fj mais laisse (les enfans qui lui survivent, ( i )
Plusieurs des immeubles dont s’était emparé le fisc
au décès de Béthune-Sully fils sont rendus par la loi
de 18 1 4 • Les comtes de C arn in les réclament comme
é t a n t , au décès du fils S u l l y , scs plus proches parens,
après son père, que sa mort civile comme émigré avait
rendu incapable de succéder.
Ces prétentions sont écartées par des motifs remar
quables :
Les biens étaient dévolus au père par la loi du 17
nivôse an 2 ;
L e père en était saisi par le droit com m un ;
C e droit avait é té seulem ent suspendu par l ’effet
des lois sur l ’ém ig rat io n, q ui l ’avaient transmis au
fisc ;
Mais les droits civils ayant été depuis restitués aux
émigrés, la remise, opérée par la loi du 5 décembre
18 14 > n a Pu ¿ire iaite q u ’à la famille du com te
B éthun e com m e ancien p ro p riéta ire , en t/utilité d ’hé
ritier de son f i l s .
C et arrêt présente un cas oii le succès devait paraître
plus douteux même que dans celui qui nous occupe.
E t cependant il déclare que le père émigré était saisi,
suivant le droit com m un , des biens de son fils, quoi
q u ’ il ne les eut pas recueillis, à cause de sa mort civile;
il dit que son droit n a é té que suspendu par la main-
(0
V o i r l 'arvét dans lo j ou r na l d e S i r c y ,
22,
1. 21 , et d a ns la j u
r i s pr ud e nc e g é n é r a l e d e D a l l o z , au mo t émigré, s c c t i o u
p. 8aO.
3;
art. 2. § 1»
�mise du fisc; il décide que cet émigré, en qualité d ’ hé
ritier de son fils , devait être réputé Vancien p r o
priétaire de ces biens qui cependant n’avaient été remis
q u ’après sa mort; il ajoute q u ’il a transmis son droit à
ses propres héritiers.
Tous ces principes s’appliquent littéralement à la
cause du sieur l'Espinasse père, représenté par le sieur
Bournet.
L ’Espinasse fils, émigré, avait été saisi aussi, suivant
le droit c o m m u n , en l ’an 2 et .en l ’an 4 > des biens
de Jean-Marie et de François-Aldebert de Sévérac.
Son droit avait été aussi seulement suspendu par
l ’effet des lois sur Immigration, qui l ’avaient transmis
au fisc.
Mais ses droits civils lui ayant depuis été restitués,
il a transmis, au moment de son amnistie, à son père,
à son seul héritier, tous ses droits aux biens dont son
émigration l ’avait p r i v é \ e t , par conséquent, c’est eu
faveur du père seul, q u ’a pu être faite la remise opérée
eu 1814*
On le voit; soumises au creuset d ’un examen sérieux,
les prétentions des Bonnafoux se dissipent, tandis que
les droits du sieur l ’Espinasse père en sortent intacts,
consacrés, comme nous l’avons d i t , par la loi, par la
doctrine des aut eu rs, par la jurisprudence des arrêts.
L a loi a votilu voulu faire un acte de j u s t i c e , e t ,
par conséquent, rendre à celui qui avait perdu. O r ,
le sieur de l ’Espinasse père avait seul perdu les biens
qui ont été remis; car seul il les aurait recueillis en
l ’an S , en l’an 11 , si la confiscation n’avait pas eu
�lie u , ou si les maux q u ’elle avait causés eussent été
plus tôt réparés.
Se fut-elle même proposé de faire un acte de pure
libéralité, la loi, au moins, a déclaré rendre à llié r itier, de l ’ancien propriétaire; elle n ’a d i t , ‘d ’aill eu rs,
ni explicitement ni implicitement , q u ’elle créait une
nouvelle classe d ’ héritiers; elle n ’a pas dit aussi q u ’elle
rendait les biens à l ’héri ti e r'futur ; e t , s’en référant
par son silence même au droit co m m u n , elle n ’a en
tendu , par le mot h éritier, elle n ’a pu e n t e n d r e que
celui qui déjà était saisi du titre et des droits d ’héritier ,
s’il était vivant lorsqu’elle a paru. O r , le sieur l ’Espinasse père existait alo rs , et seul il était investi de la
qualité d ’héritier de son fils; seul il avait été reconnu
comme te l, soit antérieurement, soit à cette époque,
par les autorités administratives ou judiciaires, par les
créanciers de la succession comme par toutes parties
intéressées. C ’ est d o n c lui seul aussi que désignait la
loi en appelant l ’héritier à profiler des biens r e n d u s .
L a loi de plu£ a déclaré q u ’elle entendait respecter
les droits acquis. O r , au moment où la loi a p a r u , le
sieur de l ’Espinasse père avait un droit a cquis au droit
indélébile au titre d ’ héritier unique de son fils, e t ,
par conséquent, aux avantages attachés à ce titre. Ce
droit acq ui s, la loi l ’a expressément consacré; donc
c’est à lui q u ’elle a remis les biens non vendus.
Enfin , lorsque les héritiers légitimes n’existaient
plus en 18 14 , la jurisprudence interprétant la l o i, a
attribué les biens rendus aux pareus les plus proches
de l ’cmigié.
�( 57 )
Or, le sieur de I’Espinasse père était, à cette époque,
tout à-la-fois et le seul héritier légitime exi stant, et
le parent le plus proche de son fils; c’est donc évi
demment lui seul qui doit recueillir les avantages de
la remise des biens non vendus.
Co mm en t exp liquer, d ’après ces observations, l ’as
sertion de l’avocat de la dame et du sieur Desrois,
qui , après avoir succombé sans adversaire sur un
simple pourvoi, s’est hasardé à dire dans un écrit,
que si le fond de l ’affaire avait été exam iné, l ’arrêt
aurait été cassé.
Assertion imprudente!
œuvre éphémère des désirs
pris pour la réalité ou des illusions de l ’amour-propre,
que l’on a considérées comme le succès.
Assertion irréfléchie! comme si de graves magistrats
livraient au public les secrets de leurs délibérations;
comme s i , lors même que le pourvoi aurait été admis,
une dissertation approfondie et le frottement de la
contradiction n’eùt pas fait jaillir une lumière propre
à éclairer et à guider les esprits même incertains.
C ’est cependant peut-être cette étrange assertion
q u i , imposant au tribunal de première instance, l ’a
déterminé à repousser la doctrine que lui offraient les
deux arrêts rendus par notre C o u r dans cette même
cause; c ’est par elle q u ’il a sans doute été entraîné
dans un tel oubli des principes, que non seulement il
a attribué aux Bonnafoux une partie de la terre d ’ Au zat
rendue par la loi du 5 décembre 18 1 4 , mais q u ’il a
aussi ordonné en leur faveur le rapport au partage,
soit du 8mc de la terre de S a iu t - M a r t in , restitué au
8
�( 58 )
sieur l ’Espinasse père avant cette l o i , soit même de
tous les autres biens meubles et immeubles provenus
de la famille Sévérac, et qui lui avaient été délaissés
irrévocablement depuis plus de dix années par plusieurs
actes administratifs.
L e 8me de la terre de Saint-Martin faisait partie de
la sénatorerie attachée à la C o u r de Riom. Il en fut
détaché, par une ordonnance royale du 4 juin i 8 i 4 >
comme les autres propriétés particulières acquises par
voie de confiscation , que cette ordonnance déclara
restituer aux anciens propriétaires dans l ’état où elles
se trouvaient.
Ainsi, le 4 juin , le sieur de l ’Espinasse père, comme
seul héritier et seul représentant de l ’ancien pro
priétaire, son fils, eut à cet objet un droit acquis,
indépendant de la remise faite par la loi du 5 décembre
suivant. C o m m e n t s’est-il donc fait que le tribunal
ait cru pou voir, en vertu de c e t te loi, faire participer
les Bonnafoux aux avantages d ’une restitution q ui
l ’avait précédée?
L ’erreur du tribunal est encore plus saillante rela
tivement aux autres biens meubles et immeubles pro
venant de la famille Sévérac.
L e sieur de l ’Espinasse père avait été envoyé en pos
session de ces biens, dès l’an i i et dès l ’an 1 2 , en
vertu du certificat d ’amnistie q u ’il avait obtenu , le 5
ventôse an 11 (24 février i 8 o 3 ) , pour son fils alors
décédé.
Des anétés pris, les 11 germinal an 1 1 , 25 thci-
�( 59 )
7^
midor an n , 7 frimaire an 1 2 , par les préfets de la
I l a u t e - L o i r e , du C a n t a l , du Puy-de -D ôm e, lui dé
l a i s s è r e n t , comme au seul héritier de son iils émigré
amnistié, tous les biens que celui-ci avait possédés dans
ces trois départemens. L ’arrêté du préfet du C antal
lui abandonna aussi, par une disposition expresse, les
portions des terres de Vertessère et de Sévérac, qui
étaient advenues au fils, par succession, pendant son
émigration.
Ces actes administratifs ont toujours été respectés-,
ils ont
r eç u
leur pleine exécution. L e sieur de l ’Espi-
nasse, usant des droits qui lui avaient été conférés, a
cédé, le 8 vendémiaire an i!\ (29 septembre i 8 o 5 ) ,
tout
ce qui lui avait été délaissé , au sieur Grenier qui
lui -même en a disposé à son gré depuis cette époque
reculée.
Par quel aveuglement le tribunal a-t-il cru pouvoir
condamner le sieur de l ’Espinasse à rapporter tous ces
objets au
partage q u ’il
a ordonné?
et co mment,
même dans son s y s t è m e sur le sens de la loi du
5 d é c e m b r e 181/^ ne s’est-il pas aperçu que cette loi
commandait impérieusement, par son article i cr, de ne
porter aucune atteinte a u x droits acquis avant la p u
blication de la Charte constitutionnelle} et qui sei'aicnt
fonde's sur des lois ou des actes du gouvernem ent} rela tifs à Vémigration.
Ne nous étonnons cependant pas trop de cette aber
ration. On sait q ue,
lorsqu’au point de dép art, 011
ne prend pas le droit ch em in, plus on avance, plus 011
s’écarte de la vraie route.
�JS Pt
( « . )
Riais c’est trop nous occuper de ces erreurs secon
daires, q u ’il suffit de signaler pour les faire reconnaître,
ei qui doivent, d ’ailleurs, subissant le sort de l’erreur
principale, être réformées comme elle.
C e l t e réformation est commandée par la l o i , par
l ’équité comme par la justice, par la jurisprudence de
la C our de cassation, comme par celle de la cour de
Rio m.
P a r la l o i , qui considère les biens rendus comme
une partie intégrante, comme
u n accessoire nécessaire
de la succession de l ’émigré, puisqu’elle les soumet à
contribuer aux dettes héréditaires; qui n ’a d ’ailleurs
ni déclaré ni entendu établir deux ordres de succession
dans la même personne, et q u i , rendant les biens à
l ’ héritier de l’ancien propriétaire, les a nécessairement
rendus à celui-là seul sur la tê teduqu el, au moment de
sa publication , reposait ce titre d'hé ritier, à celui-là
seul à qui les c h a r ge s c o m m e les bénéfices de l ’hérédité
avaient été depuis long-tems t r a n s m i s , l o r s q u e , s u r
t o u t , existant au moment de la l o i , il réclamait luii
%
^
4
mêmd'l’es avantages de la remise.
P a r V éq u ité com m e p a r la ju s tic e ; car c ’est l ’équité
du législateur qui a dicté l ’acle de justice q u ’il proclame
dans le préambule même de la loi. Or, l'équité voulait
que l’on effaçât les dernières traces d ’ une confiscation
odieuse, d ’ une confiscation rayée depuis long-tems de
notre législation criminelle, d ’une confiscation vio
l en te , reste affligeant d ’ un tems de discorde et d ’égaremens. L ’équité voulait aussi que l ’acte de justice lut
dirigé en faveur de celui-là seul à qui les biens confis-
�qués avaient été enlevés. Or, quel autre que le sieur
del'Espinasse père, seul héritier de son iils au moment
de son décès, au moment de son amnistie, aurait re
cueilli ces biens si les rigueurs de la confication ne l ’en
avaient
privé ? quel autre
donc doit recueillir les
faibles restes de cette succession?
E n fin p a r la ju risp ru d en ce de la C our de cassa
tion j com m e p a r ce lle de la C ou r de R iom .
Par la jurisprudence de la C our de R io m , qui s’est
manifestée deux fois sur les mêmes questions, dans
cette même cause, en faveur du sieur de l ’Espinasse
père,
q u ’elle
a déclaré seul héritier, seul représentant
de l ’émigré amnistié son fils. L ’un des arrêts fut même
l ’ouvrage solennel des chambres réunies.
Par celle de la Cour de cassation, qui n ’a eu que
dans \i ne «Soule %oacasionv* dans.ia cay&e.jle Béthuue*r\
AM.
S ullyfc.&e.5i P 1P#KWie cIuesUon a l)eu Pl'es id e n t iq u e ,
et qui l ’a résbliïô dans un seti£;*itttrorAble au sieur de
l ’Espinasse. D ’autres arrêts, quoique moins applicables,
csK c,es.
'plus au moment de la l o f * n'ont 'cepeyfnftt
appelé h recdj^lH W è^^iens,1^ (4 4 i9t»^u’un seul parent,
n ’ ex i s ta i t
c’est-à-dire le parent le plus proche de l ’émigré; e t ,
dans la cause, le parent le plus proche est encore le
sieur de l ’Espinasse père.
L e sieur de l’Espinasse, ou le sieur Bournet son
représentant,
peut aussi invoquer
la doctrine
des
auteurs modernes.
Ainsi il réunit en sa faveur les termes et l ’esprit de
la loi, le poids des opinions les plus puissantes, l ’au-
�torité des arrêts les plus respectables, tous les principes
comme toutes les considérations. Pourrait-il craindre,
avec de tels m oyens, de succomber dans sa nouvelle
lutte contre des cédataires de droits litigieux, q u i ,
se déguisant sous le masque de parens éloignés de l ’é
migré amnistié; qui, empruntant le nom de collatéraux
dont un modique salaire a acheté la complaisance,
viennent contester encore des droits évidens et consa
crés déjà deux fois par la justice éclairée de la C o u r ?
BOURNET.
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
Me S A V A R I N , A v o u é-L icen cié.
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A RIOM, CHEZ SALLES f i l s , Seul imprimeur de la C our royale et de la Mairie.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bournet. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Savarin
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions collatérales
mort civile
séquestre
amnistie
sénatorerie de Riom
rétroactivité de la loi
doctrine
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Le sieur Bournet, propriétaire, habitant de la ville d'Issoire, Appelant ; contre Jean Bonnafoux, propriétaire, habitant au lieu de Luzarègues, commune de Molède, département de Cantal ; Jean Vialfont, secrétaire de la sous-préfecture de Saint-Flour, et dame Françoise De Laroche, son épouse ; Henri Vialfont, Jeanne Vialfont, sa sœur, propriétaires, habitans du lieu de Molède ; Jeanne Vialfont et AntoineFouilloux, son mari, qui l'autorise, propriétaires, habitans du lieu de Boufeleuf, commune d'Auriat, même département du Cantal, intimé ; En présence De dame Amable-Henriette De Chauvigny De Blot, veuve de M. Claude-Etienne-Annet Desrois, propriétaire, habitante de la ville de Moulins, et de M. Annet comte Desrois, propriétaire, habitant de la ville de Paris, rue Blanc, n° 175, défendeurs en assistance de cause.
Annotations manuscrites. « 10 juin 1831, arrêt infirmatif, 2éme chambre. Pourvoi. 22 juillet 1833, Cour de cassation, section civile, rejet. Voir Sirey, 1833-1-676. »
Table Godemel : émigré : 5. ceux qui, héritiers d’un émigré à l’époque de son décès, n’ont recueilli qu’une partie des biens restitués à sa succession en vertu du sénatus consulte 6 du floréal an X, l’autre partie ayant été affectée à un service public, doivent recueillir cette dernière partie des biens, remise en vertu de la loi du 5 xbre 1814 et ce, à l’exclusion de ceux qui, devenus héritiers plus tard, se sont trouvés habiles à succéder avec eux lors de la promulgation de cette loi. – ici ne s’applique pas la règle consacrée par la jurisprudence, que les héritiers de l’époque de la remise doivent être préférés aux héritiers de l’époque du décès.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1792-1833
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2620
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2621
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53535/BCU_Factums_G2620.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
Molède (15126)
Saint-Flour (15187)
Auriac-l'Eglise (150013)
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MÉMOIRE
COUR ROYAL/
DE RIOM.
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PO U R
Le sieur M O SSIER , In tim é S
I » m
CH AM BRE
c o rre c tio n ^
CO NTRE
L e s sieurs B L A N C et G U I L L A U M O N T } gérans
,
de la Compagnie de M ena t , p o u r l ' exploitation
du schiste carbo-bitum ineux , A p p e la ns.
i
i
L a découverte du schiste carbo - bitumineux de
Menât fît naître en Auvergne une nouvelle branche
d ’industrie. On pensa que ce schiste pourrait rem
placer avantageusement le noir animal dont le prix
était alors assez élevé. Pour l ’exploiter, des spécula
teurs se réunirent en compagnie. Divers essais eurent
lieu. Ils réussirent. Alors l ’exploitation s’organisa plus
en grand et sur des bases plus fixes. Le sieur Mossier
en fut long-tems le directeur provisoire.
Sa gestion avait été approuvée, et les produits
qu’elle avait fournis avaient paru suffisans, lorsque,
la compagnie voulant convertir la régie en entreprise,
le sieur Mossier fut invité à s’en charger.
Il accepta cette offre et se soumit, d ’abord se u l,
ensuite avec un associé, à livrer des noirs semblables
à ceux dont une assez longue gestion avait pu faire
connaître les propriétés.
�(
2 )
Pouvait-il craindre que plus tard on lui élèverait
des difficultés sur la nature, sur lesqualités des produits
vérifiés déjà par l ’expérience de plusieurs années ?
C ’est, cependant, ce que l ’esprit de tracasserie de
quelques personnes lui a fait éprouver.
E n vain le sens des conventions faites avec le sieur
Mossier avait-il été fixé par une longue exécution.
E n vain ces conventions avaient - elles été même
interprétées judiciairement après un soigneux examen
par des arbitres du choix des parties.
Une semblable difficulté a été de nouveau soulevée
par les gérans de la compagnie, et il a fallu soumettre
encore aux décisions plus lentes des tribunaux., la
question de savoir si l ’on pouvait refuser une partie
des noirs fabriqués, sous prétexte que le grain en était
trop fin; c’est-à-dire, une question identique à celle
sur laquelle ces g é r a n s d i i f i c u l t n e u x venaient d e suc
comber.
Un jugement du tribunal de commerce a fait justice
de cette seconde contestation.
Assigné devant la C o u r , sur l ’appel de ce juge
ment, le sieur Mossier n’a pas à redouter l ’examen
éclairé des magistrats supérieurs.
Mais s’ils ne peuvent espérer de succès, ses adversaires
auront au moins le triste avantage de lui causer un
grand préjudice en paralysant toutes ses ressources, cri
retenant dans leur caisse les fonds qui lui sont dus; des
fonds pour lui considérables, et qui devaient lui cire
payés dans le mois même d’ une livraison que, depuis
pr ès de deux ans, ils refusent de recevoir.
�( 3 )
FAITS.
' v
On sait que la commune de Menât a clans son terri
toire des mines d’un schiste carbo-bitumineux dont
l ’industrie a su tirer parti en le calcinant, le carboni
sant, et le réduisant en poudre granuleuse propre à
divers usages.
•;
*
Ces mines, concédées d ’a b o r d ’à M. Bergougnoux
par ordonnance du 2o'avril 1825, devinrent, en 1827,
la propriété d’une société qui: se forma pour leur ex
ploitation. Le fonds social se composait de cent actions
de 2000 francs chacune.Le sieur Mossier était au nom
bre’ des actionnaires.
Par délibération du 5 mai 1827 , les.membres de la
société établirent un conseil d ’administration , firent
choix de deux gérans, et nommèrent le sieur Mossier
directeur provisoire de la fabrication du noir, objet de
l ’industrie.
Les gérans étaient les sieurs Blanc et Guillaumont,
ceux là même qui ont intenté le procès actuel.
L a direction provisoire de M. Mossier a duré seize
mois. Pendant cet intervalle,‘»‘les essais se sont multi
pliés-, des envois considérables oitt été faits , et la société a
prospéré de manière à lui faire espérer un brillant avenir.
M. Mossier était celui dont leS Soins’ avaient le plus
contribué à cette prospérité. 'A ussi les membres de la
société avaient-ils, dans plusieurs c i r c o n s t a n c e s , fait
l ’éloge de sa direction.
L ’ un des membres du conseil d’administration, le
sieur Bardonnet, lui écrivait, le 12 avril 1 8 2 8 :
f
« Les échantillons que vous m’avez fait passer sont
�«
«
«
«
superbes, sur-tout ceux que vous avez fait filtrer
de nouveau. Ne vous découragez pas*, fa iso n s du
noir comme cela , et ne craignons pas de çancurrence.
« Ces expressions, ne vous découragez p a s , avaient
« trait au mécontentement que faisaient éprouver au
« sieur Mossier les procédés de certains des sociétaires.
D ’autres membres du conseil d’administration ex
primaient aussi leur satisfaction dans une lettre qu’ils
adressaient aux gérans (les sieurs Blanc et Guillaumont), le 12 juillet 1828.
Après avoir parlé de divers essais faits sur la matière
première, pendant les seize mois précédons, ils ajoutent :
« Il parait qu’enfin 011 est satisfait des résultats
« obtenus, et. q u ’il y a certitude de faire admettre
« par le commerce les produits semblables aux der« niers é c h a n t i l l o n s envoyés à Paris. Dans.cette posi« tion, messieurs, qu’avons-nous k faire? fabriquer
« et vendre. Déjà vous avez conclu un m arché assez
« considérable. Il est donc essentiel de nous mettre
« à même de remplir les engagemens que vous avex
»< pu contracter, quoiqu’ils ne soient que conditionnels
« de votre part. Mais il est évident que ne pas profiter
« du premier débouché considérable q u i s ’oifre à nous,
« serait une faute capitale.
Ces membres du conseil d ’administration émetlent
aussi l ’avis de donner la fabrication à prix fait, et de
comparer les propositions de M. Mossier avec toutes
autres qui auraient pu être faites.
Enfin ils rappellent aux gérans les réclamations de
�(
5 )
M. Mossier, q u i, depuis long-tems sollicite de v o u s ,
disent-ils, un règlement de compte qui lu i fa sse
connaître la somme qui doit lu i être allouée p o u r les
seize mois q u i l est resté à M e n â t o h i l a reçu les
membres de la société, nourri les domestiques de
Vétablissement, et souvent cinq à s ix ouvriers p a r
jo u r .
Cette lettre annonce clairement que, dès cette
époque, le sieur Mossier avait à se plaindre des gérans.
Quant aux propositions qu’il avait faites, elles
avaient été provoquées par une lettre de M. Blanc,
l ’un des gérans, q u i, le 25 avril précédent, lui écrivait
en ces termes :
« L ’intention de la compagnie est de donner la
« calcination , par entreprise, à tant le quintal. Cette
« opération exige deux personnes; je pense qu’il vous
« conviendra de vous en charger, etc.
Telle est la demande qui avait précédé la proposition
que fit le sieur Mossier à la compagnie ou à ses gérans.
Ce fut dans ces circonstances, que de premières
conventions fuient passées entre les gérans de la com
pagnie et le sieur Mossier.
Ces conventions furent signées le
11 est utile de les analyser.
2
août 18 2 8 .
Par l ’article i*r, le sieur Mossier s’engage à livrer à
la compagnie, chaque mois, une quantité de 3 o à 5 o
milliers de noir, pour clarifier et pour couleurs, par
faitement calcinés, blutés et emballés, et de les faire
conduire h Vichi ou à Clermont, moyennant le prix
de 9 francs les cent kilogrammes.
�D ’après l ’article 2, chaque livraison doit être vérifiée
par un agent de la Compagnie, chargé d’en examiner
l ’état et le conditionnement, et d’en constater le poids/
L ’article 3 soumet le sieur Mossier à faire construire,
à ses frais, tous les fours nécessaires à Inexécution et
aux commandes de la société, et à fournir les mar
mites et les combustibles.
Par les articles 6 et 7 , les sieurs Blanc et Guillaumont s’obligèrent, au nom de la compagnie, à faire
réparer les moulins , à faire construire un ou deux
blutoirs par e a u , à faire couvrir les fours par des
liangards, à provoquer, dans l ’année, la construction
d’ une écurie pouvant contenir trois chevaux.
D ’après l ’article 8, le montant du noir livré par
l ’entrepreneur à la compagnie devait lui être payé
chaque mois.
D a p r è s l ’ a r t i c l e 10 , l e b a i l d ’ e n t r e p r i s e devait durer
deux, quatre, ou six années, sans qu ’il put être
interrompu à l ’expiration des deux premières périodes,
si ce n’est en se prévenant respectivement six mois à
l ’avance.
Telles étaient les principales clauses de c e s conven
tions , faites après plus de seize mois d’épreuves sur les
produits, et à une époque oii la qualité des noirs
fabriqués était parfaitement connue de toutes les
parties. Leurs conventions ne pouvaient évidemment
s’entendre que de noirs tels qu ’ils avaient été fournis
jusqu’alors par le sieur Mossier5 et lorsque c e l u i - c i
s’engageait il fournir, chaque mois, 3 o à 5o milliers
métriques de noir p o u r cla rifier ai p o u r co u leu rs, il
�(
7 )
est clair qu’il n’avait pu avoir l ’intenlion de promettre,
qu ’on n’avait pas eu aussi celle d’exiger de lui du noir
d’ une autre qualité, d’ une autre espèce que celui qu ’il
avait jusqu’alors fourni, que celui dont les échantillons
avaient paru superbes aux sociétaires eux-mêmes.
Aussi, pendant toute la durée de ce bail, la com
pagnie, et ces mêmes gérans qui contestent aujourd’hui
reçurent-ils sans difficulté tous les noirs, gros grain ou
fin grain , que produisaient les opérations de l ’entre
preneur 5 opérations coniformes a celles qui avaient été
suivies pendant la direction provisoire.
Il ne s’était pas encore écoulé un an de ce bail .
lorsque, le 7 avril 18 2 9 , le sieur Mossicr s’associa le
sieur Daubrée; et un nouveau bail d'entreprise fut
passé entr’eux et les gérans de la compagnie.
Ce nouveau bail comparé au précédent ne présente
de différence que relativement aux prix, et à. la charge
que prennent les entrepreneurs de vendre des noirs
pour le compte de la compagnie.
Les sieurs Mossier et Daubrée doivent fabriquer du
noir moyennant 9 fr. 5o c. par cent kilogrammes de
noir propre au rafinage,et 20 fr. par cent kilogrammes
de noir propre aux couleurs (art. I er du bail.)
L e noir à raffinerie devait être parfaitement ca lcin é,
b lu tlé et em balle j et le noir de couleur é g a l e m e n t
c a lc in é , broyé , et en tout conform e a u x échantillons
cachetés, déposés entre les mains des gérans.
Il devait être conduit, aux frais, aux risques et
périls des entrepreneurs, soit à Vichi, soit à Clennont
(art. a . )
Les fours nécessaires et les marmites devaient être aux
�frais des entrepreneurs, les bâtimens et les machines
fournis par la société (art 3 .)
Chaque livraison devait être soumise à l'inspection
et à l ’essai d’ un délégué de la compagnie (art. 4 -)
Les entrepreneurs se Soumettaient à fournir à la
société telle quantité de noir qu’elle demanderait,
pourvu qu’ils fussent prévenus six mois à l’avance
(art. 5 .)
Le montant du noir livré devait être payé chaque
mois (art. 8 . )
Il était alloué aux entrepreneurs un droit de com
mission pour les ventes qu’ils feraient (art. 14 .)
Le décès de l ’un des entrepreneurs devait entraîner
la nullité du traité, en sorte que le sieur Daubrée
décédant, le sieur Mossier ne pouvait continuer seul
l ’entreprise sans le consentement de la compagnie; et,
réciproquement, s i le sieur M o s s i e r décédait, le sieui*
Daubrée ne pouvait aussi la continuer qu’en s’ad
joignant un de ses frères; sinon, il lui faudrait le
consentement de la compagnie.
On remarquera que l ’adjonction de M. Daubrée à
l ’entreprise eut lieu principalement pour l ’employer à.
des voyages dans 1’ intérêt de la société; q u ’aussi, dès
l ’origine, il s’est peu occupé de-la fabrication qui est
toujours restée confiée à M. Mossier; le sieur Daubrée
voyageant, soit en France, soit à l ’étranger, pour le
placement des noirs.
Le noir propre aux couleurs était évalué beaucoup
plus que l ’autre, parce que, après avoir passé sous Us
meules des moulins ordinaires, il devait être encore
�(
9 )
broyé et bluté de manière à être converti en poussière
très-fine qui pût se fondre dans Fliuile avec les cou
leurs. Mais pour acquérir ce degré de finesse, d’autres
meules, d ’autres blutoirs eussent été nécessaires; et
la compagnie n’en a pas fourni quoiqu’elle se fut.sou
mise par le bail a faire à ses frais toutes les construc
tions, toutes les machines nécessaires à l ’entreprise.
Il est à remarquer que tout le noir gros ou fin
était alors considéré comme également propre k la
raffinerie. A cette époque même on employait plus gé
néralement à cet usage du noir fin grain. Mais depuis,
l ’on a découvert que le noir gros grain, d ’un certain
numéro, était plus propre à raffiner, parce qu’ il se
combinait moins facilement avec la liqueur, et que ses
molécules restaient plus séparées et clarifiaient par
suite beaucoup mieux.
Aussi voit-on qu’il n’est question, ni dans le premier
ni dans le second bail, de la distinction que l ’on a
voulu faire depuis entre le noir gros grain et le noir fin
grain. E t si l ’on considère que, dans le fa i t , l’ un
comme l’autre peuvent servir à clarifier; qu’en août
1828 et en avril 1 8 2 9 , époque des deux baux, les
railneurs ne faisaient pas de distinction; qu’aujour
d ’hui même encore beaucoup de rafineurs se servent
du noir fin grain , particulièrement du noir animal
de cette qualité, l’on reconnaîtra que, lorsque les
conventions qui nous occupent furent faites entre les
gérans de la compagnie et les entrepreneurs, il était
entendu par toutes les parties que la totalité des noirs
fabriqués, quel q u ’en fut le grain , serait prise par la
•x
�compagnie, sauf à ne payer que 9 fr. 5o c. ceux qui
ne seraient pas propres aux couleurs.
C ’est aussi clans ce sens que le second bail, comme
le premier, a reçu son exécution.
Ou a vu qu’aux termes du bail, des échantillons
cachetés devaient rester entre les mains des gérans. On
en parle même comme si le dépôt en avait été fait. Il
parait cependant que ce dépôt n’eut pas lieu , sans
doute parce qu’il fut jugé inutile; les noirs qui avaient
été livrés jusqu’alorsnevariant paset ne pouvant même
guère varier, puisque c ’était toujours à, l ’aide des
mêmes machines fournies par la compagnie qu'ils
étaient fabriqués.
Il est fâcheux pour le sieur Mossier que ces échan
tillons n’existent pas. Car, à leur inspection, on aurait
reconnu q u e les n o i r s q u ’ o n lui refuse aujourd’ hui sont
absolument semblables à ceux que les é c h a n t i l l o n s
auraient présentés, à ces noirs qu ’on a reçus sans récla
mation pendant plusieurs années, soit comme noirs
à rafinerie, soit comme noirs à couleurs.
Le 6 mai suivant les gérans de la compagnie traitè
r e n t, pour la vente des noirs, avec M. Dum ont, ma
nufacturier à Paris. Yoici les principales clauses de
l ’acte :
Les gérans promettent de livrer h. M. Dumont,
jusqu’au 1 " septembre, tout le noir provenant de la
fabrique de Menât, moyennant 18 fr. les cent kilo
grammes (Art. I e r ) .
Il est convenu qu ’à compter du premier septembre
�( 11 )
et pendant cinq années consécutives on livrerait par
mois au sieur Dumont 35 .,ooo kilogrammes du noir,
dit noir en g ra in , p ro p re , est-il dit, à Vem ploi du
p ro céd é du sieur D u m on t, ne devant pas excéder en
grosseur la toile n° 3 o, ni dépasser en finesse la toile
n° 100, et 5 ,ooo kilogrammes de noir, dit fin à raffi
n erie, propre à la décoloration des sirops (art. 2).
Ces deux espèces de noirs devront être conformes
aux échantillons déposés entre les mains des parties.
Il est dit, dans l ’article l\, que le noir désigné dans
l ’article 2 , sous le nom de noir à raffinerie, serait livré
h M. Dumont, dans la proportion seulement de 1 375
le surplus, est-il ajouté, sera vendu p a r le s gérans.
On voit qu ’il est parlé dans cet acte d’un procédé
de H. Dumont, à l ’emploi duquel était seulement
propre du noir en grain d’ une grosseur déterminée.
Ce procédé était tout à fait nouveau. Le sieur
Dumont, qui l ’avait découvert, l'employait seul alors.
C ’était celui dont nous avons parlé plus haut, et
d'après lequel il faisait seulement usage, pour la déco
loration ^ d’un noir en grain placé par sa grosseur
entre les toiles n°s 3 o et 100.
Ou y voit aussi que le sieur Dumont consentait
cependant à. prendre du noir plus lin pour la raffi
nerie , mais seulement dans la proportion d’un septième,
ce qui prouve que cette espèce (le noir était propre à
cet usage.
On y voit enfin que les gérans s’engagent à livrer
jusqu’au i er septembre tout le noir indistinctement,
et que pour le teins postérieur, si le sieur Dumont
�^
( )
12
n'en prend qu ’une partie, les gérans se- réservent de
vendre le surplus.
Donc ils reconnaissent que tous les noirs indistinc
te ment devaient être reçus par la compagnie.
Le 8 septembre 1 8 2 9 , un nouveau traité eut lieu
entre les gérans et le sieur Dumont.
Les gérans affermèrent à celui-ci l ’établissemeut
de Menât, l’exploitation du schiste, et tout ce que
comprenait la concession du 20 avril 1825.
M. Dumont déclara connaître l ’acte de société, les
conventions faites avec MM. Mossier et Daubrée, celles
pour les transports, qui avaient eu lieu avec an voiturier
nommé Veysset.
Il fut sublitué à la compagnie, à l ’égard de ceux-ci
comme envers le gouvernement.
Le h ail fut fait pour quinze années à commencer
au I er novembre suivant.
Il fut stipulé que, la première année, il ne pourrait
être fabriqué plus de 1200,000 kilogrammes, que, les
autres
années, on pourrait en fabriquer 2,/|00,000*,
et que si la quantité était plus grande, le sieurDumont
paierait à la compagnie, en sus du prix, un franc par
cent kilogrammes de tout noir, quel (juc fû t son em ploi.
Le prix du bail fut fixé à 12,000 francs pour la
première année, à 2/1,000 francs pour chacune des
autres.
Tous les frais de construction et de placement d’agrès
(rétablissement furent mis à la charge de M. D u m o n t .
Le si< ur Dumont promit de fournir une caution de
/|o,ooo francs.
�Les gérans de la compagnie s’engagèrent, de leur
coté, à rapporter la ratification de tous les actionnaires.
Les deux traités qu’on vient d’analyser offraient à
la compagnie d’assez grands avantages :
Par le premier, elle vendaità la compagnie 18 francs
les cents kilogrammes de tout noir indistinctement,
qu ’elle n’a été condamnée elle-même à payer que
9 francs 5o centimes, comme on le verra bientôt. .
Par le second, quoique moins heureux, elle obte
nait cependant sur chaque cent kilogrammes un
bénéfice d’ un franc sans aucuns frais, sans aucune
•
L e second traité a été approuvé parle sieur Mossier,
mais seulement en sa qualité d’actionnaire.
Dans l ’intervalle des deux traités, le sieur Mossier
et le sieur Daubrée avaient passé entr’eux, le iG juillet
1829, un acte par lequel, sans entendre nullement rien
changer a u x conventions du 7 a v ril précédent en ce
(¡u’elles ont d ’obligatoire de leu r part envers les
gérans , voulant prévenir toutes contestations dans
leurs attributions, est-il dit, ils divisèrent entr’eux
les fonctions dont ils s'étaient chargés par l'acte du
7 a v r il, et l ’indemnité qui leur était accordée.
Le sieur Mossier se chargea ^de la fabrication du
noir, du matériel de l ’établissement et de tout ce qui
y était relatif.
Le sieur Daubrée se soumit à faire toute tournée
ayant p o u r objet la vente ou le placem ent du noir
de M enât.
Les indemnités furent divisées comme les travaux,
�et
«
u
«
«
il fut stipulé dans l’article 8 « qu’il serait écrit
aux gérans une lettre signée des deux contracians,
ayant pour objet de les engager à s’y conformer
pour ce qui était des paiemens à faire à l ’ un et à
l ’autre. »
Que cette lettre ait été écrite ou non, il est certain
que les gérans n’ont pas ignoré ces conventions particu
lières aux deux entrepreneurs ; antérieurement même,
le sieur Mossier leur avait écrit pour leur annoncer
qu’à raison de quelques difficultés qui s’étaient élevées
entre lui et le sieur Daubrée, il renouvelait l ’engage
ment de rem plir à lu i seul les obligations contractées.
Cependant le bail fait avec les entrepreneurs conti
nuait à être exécuté de bonne foi jusqu’au i"septembre,
et les gérans, ou le sieur Dumont qui s’ était chargé de
tout p r e n d r e jusqu’à cette époque, n’élevaient pas de
difficulté sur les noirs. Ils les r e c e v a i e n t tous p r i n c i p a
lement comme propres à la raffinerie, mais en partie
aussi comme propres aux couleurs; car les plus fins,
n o t a m m e n t ceux qui étaient en poudre impalpable,
pouvaient servir à ce dernier usage.
Mais lorsque, au i er septembre 1 8 2 9 , en execution
de la convention faite avec les gérans le 6 mai précé
dent, le sieur D im ^n t n’eut plus à recevoir qu’ un
septième des noirs, en noirs fins. Alors se forma un
germe de discussion , les gérans 11e retirant pas le sur
plus de ces noirs fins qu’ils s’étaient cependant réservé
de vendre dans l’acte même du 6 mai.
Cette espèce de noirs s’accumula en p r o p o r t i o n de la
fabrication que dut faire le sieur Mossier pour remplir
�les engagemens des gérans envers le sieur Dumont.
Ceux-ci, en effet, par deux lettres des 3 août et
8 octobre 1 8 2 9 , prévinient le sieur Mossier qu’ il eût
à livrer au sieur Dumont 80,000 kilogrammes, chaque
mois, de noir propre à la décoloration, et dont la
grosseur, sans excéder celle de la toile n° 3 o, ne fût
pas au-dessous de la toile n° 100.
Le sieur Mossier leur répondit,le 12 octobre, qu’il
était en mesure de fournir le noir demandé, pourvu
qu’on le mît en possession d’ un hang'ard indispensable
pour abriter le schiste, le noir et les ouvriers. L e
retard de cette construction } disait-il, est le seul
obstacle à Vexécution actuelle de votre dem ande.
Au lieu de satisfaire à cette juste réclamation qui
avait déjà été plusieurs fois faite verbalement, les
gérans firent notifier le 12 octobre aux sieurs Mossier
et Daubrée une sommation de livrer le noir promis
au sieur Dumont.
Alors le sieur Mossier présenta, le i 4 ? au tribunal
de commerce, une requête dans laquelle il se plaignit
du retard des constructions nécessaires pour l ’établis
sement, et notamment de celle d’ un hangard;
il
demanda à être autorisé à assigner les gérans en nomi
nation d’arbitres.
Des arbitres sont nommés, une instance s’engage
sur divers points de difficultés.
Bientôt les gérans n’obtempérant pas à une somma
tion que leur fit le sieur Mossier de retirer tout le noir
fin qui avait été extrait de la fabrique, les arbitres
sont aussi saisis de ce chef de contestation.
�( «6 )
Devant les arbitres, les -gérans persistèrent clans
leur refus de recevoir ces noirs fins, prétendant qu’ils
ne remplissaient pas les conditions prescrites.
L e sieur Mossier concluait à ce qu ’on lût tenu de
retirer, comme noirs fins, tous les noirs existant en
magasins, au 3 novembre, et à ce qu’on lui en payât
le prix.
Les arbitres, par décision du 17 février i 83 o, or
donnèrent que les sieurs Blanc et Guillaumont, en
leur qualité de gérans, recevraient tous les noirs qui
étaient en magasins} quelle que fu t leu r qu a lité 3 s a u f
néanmoins ce qui aurait été mis de coté comme noir
d ’engrais, au p r ix de 9 fra n c s 5o centimes les cent
kilogram m es sans commission.
Comme ce jugement prononce sur une question
absolument semblable a celle qui est soumise au
jourd’hui il la Cour, il peut être utile d’en faire
connaître les motifs.
« Attendu qu’aux termes des conventions du 7 avril
« 1 8 2 9 , les noirs doivent ótre préparés à l ’aide d’us« tensiles et de travaux fournis et dirigés par les sieurs
« Mossier et Daubrée, et des machines livrées par la
« compagnie;
« Attendu qu’ il résulte de là , que les noirs sont à
« la charge de la compagnie s’ils sont préparés au
« mieux des travaux et des machines à fournir par
« chacun des intéressés;
« Attendu qu’il n’est pas contesté que les noirs
t< offerts par M. Mossier soient bien calcinés et blutés;
P Attendu, néanmoins, qu’il a été reconnu par los
�« pariies qu’il n’avait pas été déposé d’échantillon
a pour les noirs propres aux couleurs.*»
« Attendu qu'en l ’absence de tout échantillon,
« Mossier ne saurait contraindre les gérans à recevoir
« le noir qu ’il oflfre comme propre aux couleurs, qu’au« tant qu’il serait justifié qu’il est en tout propre à la
« destination qu’il lui indique.
« Attendu qu’il résulte des lettres produites par
« les gérans que ce noir n’a pas encore atteint un
« degré parfait de perfection.
« Attendu que dans le doute de l ’emploi auquel il
« pourra être destiné, et à défaut d’échantillon qui
« puisse servir de base fixe, il est de justice, en altri« buant le noir à la compagnie, de le lui faire payer
u au plus bas prix. »
Ainsi fut terminée cette première contestation. Ou
n’alloua au sieur Mossier que 9 fr. 5 o c. par cent kilog rammes pour ce noir qui était en grande partie
semblable à celui que l ’on avait reçu comme noir à
couleurs depuis l’origine de la gestion et de l ’entreprise
du sieur Mossier. Mais on obligea les gérans de le retirer,
parce que si ce noir n’avait pas atteint toute sa per
fection , c’est-à-dire toute la finesse possible comme
noir à couleurs , cela venait de l ’imperfection îles
machines , moulins ou blutoirs fournisO Apar la coinpagnie.
La difficulté dont nous venons d'indiquer le sort et
quelques autres résolues par le même jugement 11e
furent pas les seules tracasseries que dut subir le sieur
Mossier de la part des gérans. Le sieur Blanc , l ’ un
�d’eux sur-tout, employait toutes sortes de moyens pour
lui faire abandonner l ’entreprise. Pendant le procès
même dont nous venons de parler, il lui en intenta
plusieurs autres dont il fut aussi fait justice.
Comme trésorier de la compagnie, et conformément
à l ’article 8 du bail à entreprise, le sieur Blanc avait
fait au sieur Mossier quelques avances qu ’il devait
imputer sur le prix des noirs. O r, tandis que, comme
gérant, il refusait de recevoir les noirs et d’en acquitter
le prix, comme banquier et sous le nom de la maison
Blanc et Bonfils, il exerçait des poursuites multi
pliées contre le sieur Mossier en paiement des sommes
avancées.
Le sieur Mossier s’en plaignit vainement à cette
maison par une lettre du 18 novembre, dans laquelle
il soutenait n’avoir pris aucun fonds à leur banque; il
fallut en venir en justice.
Mais le tribunal de commerce reconnut la vérité de
la défense; et, par jugement du 18 décembre 1 8 2 9 ,
considérant que les sommes réclamées devaient figurer
en tout ou en partie dans le compte dont la décision
avait été soumise à des arbitres, et que le sieur Blanc
ne pourrait agir qu’en qualité de trésorier, il renvoya
les parties devant les mêmes arbitres qui,
l ’avons déjà vu , avaient à prononcer sur
relative aux noirs, et qui la jugèrent en
D ’auti •es réclamations semblables 11e
alors poursuivies par le sieur Blanc.
comme nous
la difficulté
même tems.
furent plus
L e jugement arbitral semblait devoir mettre fin aux
�( *9 )
^ 5
discussions; mais bientôt elles ont été renouvelées par
les gérans.
Nous avons analisé ci-dessus le bail que ces gérans
avaient consenti, le 8 septembre, à ¡VI. Dumont qu’ils
avaient subrogé à tous leurs droits. Nous avons dit que
ce bail devait prendre cours au i er novembre.
A compter de ce jour, et conformément au bail,
le sieur Mossier, sur l’invitation des gérans, fit des
t
livraisons de noir au sieur Dumont et au sieur Desrones qui devint tout à-la-fois son associé et sa caution.
Pendant plusieurs mois, les sieurs Dumont et Desrones reçurent tous les noirs indistinctement.
Mais ensuite, prévenus parles gérans eux-mêmes,
ils refusèrent les noirs fins. Ce refus fut occasionné par
une déclaration écrite, donnée le 9 décembre 1829 au
sieur Dumont, par le sienr Guillaumont qui certifia
que l ’échantillon de noir fin énoncé dans l ’acte passé
avec les entrepreneurs le 7 avril, n’avait réellement
pas été déposé, et que la compagnie n’étant pas d’accord
avec les sieurs Mossier et Daubrée relativement au noir
fin à couleurs, la question avait été soumise à des*
arbitres.
Le jugement arbitral qui est du. 7 février i 83 o e st,
en effet, postérieur de plus de deux mois.
Forts de cette déclaration, les sieurs D u m o n t et
Desroncs écrivent au sieur Mossier, le 2G janvier i 83 o,
que l ’échantillon des noirs propres à la fabrication dr§
couleurs n’ayant pas été déposé, ils ne recevront, jus
qu ’à nouvel ordre, que du noir gros grain. Ils ajoutent
que si, dans la suite, ils ont besoin de noir fin, soit
�■* *»-iX
fc*
( )
20
pour la fabrication des couleurs, soit pour remplacer
le noir animal dans les raffineries, ce sera l ’objet de
nouvelles conventions. Ils reconnaissent, d’ailleurs,
qu'il leur a déjà été expédié beaucoup de noir fin et
ils consentent à le payer.
L ’ensemble de cette lettre démontre que le noir fin
pouvait réellement servir à un double usage, à la
fabrication des couleurs comme aux raffineries. Mais
il ne pouvait, disait-on, supporter la concurrence avec
le noir animal.
Les sieurs Desrones et Dumont renouvelèrent leur
refus par des lettres des 19 mars et i 3 avril i 83 o.
Dans la dernière ils s’appuient sur la déclaration du
9 décembre. « Vous connaissez, disent-ils, la déclara« tion qui nous a été remise par la compagnie. Nous
« ne p o u v o n s a g i r que d’après cette déclaration. Si la
« compagnie s’est trompée, ce n’est pas à nous à en
« subir les conséquences; vous avez toujours vos droits
« contre elle. »
La première lettre avait été écrite de Clermont,
par M. Desrones qui s’ y trouvait.
Le sieur Mossier en prévient, le même jour, les
gérans, demande que la compagnie fasse retirer tous
les noirs, et déclare qu’il a fait connaître au sieur
Desrones, sa résolution de suspendre toute livraison
jusqu’à ce qu 011 soit réglé avec lui. 11 les invite, en
conséquence, a laire peser les noirs qui étaient en
m agasin.
(.elle lettre étant restée sans réponse, le sieur
Mossier fit notifier le même avis aux gérans, par ex-
�ploit du 24 mars, et il leur fit sommation de faire
peser, de retirer et de lui payer les noirs qui étaient
en magasin. Le sieur Blanc répond d’ une manière
évasive, et dit qu’ il n’a pas d’explication à donner au
sieur Mossier seul, la compagnie ayant traité aussi
avec le sieur Daubréej que d’ailleurs le sieur Dumont
est subrogé aux droits de la société.
Une nouvelle sommation est faite par Mossier, le
12 avril i 83 o. Il argumente du jugement arbitral du
19 février; il pose en fait, d’ailleurs, qu’il n’a jamais
livré le noir gros sans le noir fin ; il somme de retirer
et de payer la totalité des noirs, sinon il proteste de
suspendre, le i 5 du courant, toute fabrication.
Cependant, sur la demande des sieurs Desrones et
Dumont, le sieur Mossier leur livre pour 3 ooo francs
de noir gros grain qu’il leur avait promis, sous la
réserve de tous ses droits, et dont il avait reçu le prix.
Le 17 mai i 83 o, il assigne les gérans, pour les faire
condamner à retirer tous les noirs.
L e 21 , il assigne en cause les sieurs Desrones et
Dumont.
Le procès s’engage, et le sieur Daubrée y est égale
ment appelé par les gérans.
Pendant son cours, on eut un instant l ’espoir de
1 arranger par la médiation d'un juge-commissaire.
Tout était mèine convenu ; mais les gérans se rétrac
tèrent , et la justice dut prononcer.
Le 3 septembre, le tribunal nomma des experts
pour vérifier, « si les entrepreneurs avaient pu, par
« le passé, et pouvaient présentement fabriquer une
�«
«
«
«
quantité de noirs fins, moindre que celle qu ’ils ont
confectionnée, et ce en employant les machines,
ustensiles et moulins qui leur avaient été fournis
par la société.
Cette vérification fut ordonnée, parce que les sieurs
Blanc et Guillaumont soutenaient q u ’avec des soins,,
les entrepreneurs pourraient ne fabriquer qu’environ
vingt pour cent de noir fin.
Le tribunal en chargea le sieur Domas, mécanicien,
les sieurs Morateur et Géret, meuniers à Clermont.
Ces experts se transportèrent à Menât, y firent
quelques observations, et proposèrent aux parties,
pour éviter des frais, d’opérer à Clermont dans le mou
lin des Carmes d éch a u x attaché à l ’établissement.
On se rendit à cette usine, le 4 novembre; là les
experts mirent à faire leur expérience le plus grand
soin et tout le tems qui leur parut nécessaire. C ’est ce
q u ’ils nous apprennent eux-mêmes, page 19 de leur
rapport.
« Après avoir piqué les meules, disent-ils, et les
« avoir placées bien d’à plomb, nous avons commencé
« par trier le schiste , le concasser en morceaux autant
« que possible, et le passer au travers d ’ une grille en
«
«
«
«
«
fer ; n o u s ' l ’avons ensuite fait moudre au petit
moulin. Il tombait de lui-même de l ’auget ’ dans
l ’œil de la meule, parce qu’ il avait’ été préparé
avec soin, et que le mouvement du frayon suffisait
à l’auget.
Le lendemain, pour opérer sur une plus grande
masse, ils firent moudre six sacs de schiste.
�Ils firent ensuite broyer le son produit par le schiste,
en employant, comme plus avantageux dans leur
opinion, un autre procédé que celui indiqué par
M. Mossier.
La journée du 6 novembre fut consacrée à la pré
paration des soies et des mécaniques, et à commencer
à faire passer le schiste moulu.
Les experts ne terminèrent leur première opération
que le 8 ; et quel en fut le résultat?
•
•
Ils l ’énoncent ainsi à la page 26 :
k il o .
V ilo .
Noir fin, dit impalpable. . . . 3 i 81 pour 100
N° 2 , fin palpable............................*7 27 pour 100
N° 2 , gros....................................... ....G .72
N° 5 ................... , ........................... .... 32 55
N° 6 .................................................... ....12 33
Son dont les deux tiers, disentils, peuvent être considérés comme
bons et x*angés dans la classe des
numéros 5 et G................................. .... 3 G/j.
Troisième tiers.............................. .....1 8 1
Déchet.....................................................3 87
100
»
« Ainsi, ajoutent-ils, nous'avons obtenu soixante« deux kilogrammes cinquante-un centièmes pourcent
« de noir gros, en considérant comme tel le numéro
« d eu x fin . Messieurs les gérans ou M.
« leur représentant, prétendent que ce noir est bon
�^6
(
24 )
« comme gros grain; MM. Mossier et Desrones pré« tendent le contraire. »
E n retranchant les 7 , 27 pour 070 du n° 2 fin,
comme cela se devait, ainsi qu’il a été reconnu plus
tard, les experts n’avaient obtenu que 55 , 24 pour 0/0
de noir gros, quotité qui est en rapport avec la décla
ration que leur avait faite le sieur Mossier qui, par une
lettre du 12 novembre, leur disait que les noirs fins
s’élevaient de 43 à 4^ pour 0/0.
L ’opération de la mouture et du blutage avait été
faite sur 22 quintaux et avait duré plusieurs jours, et
l ’on avait employé les plus minutieuses précautions.
Cependant les experts crurent devoir en faire une
seconde, que le sieur Mossier regardait comme inutile.
Ils y procédèrent d’abord sur dix quintaux de schiste.
Lors de cette seconde opération eut lieu un accident
aussi étrange que fâcheux.
Les experts, après avoir fait moudre les dix quintaux
de schiste moins une quarte, les avaient laissées dans
l ’établissement pour continuer le lendemain leurs opé
rations.
Cet établissement restait ouvert, parce que les ou
vriers y c o u c h a i e n t , et il était facile à tout le monde
de s’y introduire. Aussi le soir même, à 8 heures, en
vit-on sortir avec quelque surprise plusieurs personnes
qui n’avaient rien à y faire.
Le lendemain, 10 novembre, les experts ne trou
vèrent plus les choses dans l’état où ils les avaient
laissées la veille. Ils remarquèrent notamment que la
quarte de schiste laissée à l’écart manquait; cela éveilla
�( =5 )
Jeurs soupçons. Ils pesèrent le sac qui contenait la
mouture. Ce sac devait peser moins de dix quin taux,
puisque sur cette quantité il fallait distraire le poids
de la quarte de schiste et celui du déchet. O r , l ’on
trouva qu’il pesait 1900 kilogrammes, c’est-à-dire près
du double. Ce poids provenait de ce qu ’on avait in
troduit dans le sac par le fond une grande quantité de
noir fin.
•«
Le sieur Mossier fut alors appelé; il partagea l ’indi
gnation générale et crut d’abord que c’était l ’œuvre de
certains de ses ouvriers. Mais depuis il a vainement
cherché à s’en assurer. Il n’a pu découvrir l’auteur de
cette fraude.
Elle était, au reste, si grossière, si frappante, si
facile à reconnaître, qu’elle ne pouvait avoir pour but
que de nuire au sieur Mossier.
Celui-ci • pressa les experts de recommencer leur
opération. Ils y consentirent et opérèrent sur six quin
taux de schiste.
Ils obtinrent le résultat suivant :
Noir fin impalpable.................... 33 83 pour 100
N° 1 , fin........................................
N° 2 , gros.......................................
N° 5 ..................................................
N° 6 ..................................................
S u r les deux tiers........................
L ’autre tiers....................................
Déchet..............................................
T otal.
4
........................ 1 0 0
8
8
28
10
5
2
2
83
83 •
..
83
5o
5o
G8
»
�( )
26
« A in s i , disaient les experts lors cette seconde^
« opération, nous avons obtenu soixante-un pour cent
« de noir gros. »
. i
■
•,
r
V Ils a j o u t e n t que la différence du premier au second
résultat provient de la rencontre d ’une pyritequi s’était
trouvée dans le schiste, etrqui avaiti dérangé pendant
4 ou *5 minutes le jeu du moulin.
’
Dans les 61 pour 0/0 étaient aussi compris les 8, 83
centièmes pour cent du noir n°! a fin, que les exp.erts
classaient par erreur dans le noir gros grain. E n dédui
sant ce noir n° 2 fin , le résultat se restreindrait à 5 i ,
17 pour 0/0:1
Les experts terminent par dire qu ’ils pensent que
l ’on pourrait obtenir en plus grande quantité'du noir
gros en employant les moyens suivans :. h* .
« Tenir toujours les meules bien d’à-plomb;
«
Les
r e p i q u e r , l o r s q u ’ elles en o n t b e s o i n ; , : , :
« Faire une extraction soigneuse des pyrites qui se
« -trouvent mêlées au schiste;
« Concasser le schiste en morceaux égaux autant
« que possible avant que le moulage ait lieu;
« Avoir soin de remplacer le C r a y o n lorsqu’il est usé;
h Moudre le schiste avant de le soumettre à la cal« cination;
« Remplacer les toiles mécaniques et les soies des
« cylindres lorsqu'elles sont usées;
« Exercer enfin une surveillance très-active et très« journalière.sur toutes les parties du moulin, a v a n t
« de mettre l'eau.
Il est à remarquer que tous ces moyens, à l ’cxcep-
�( 27 )
tion de la mouture, avant la calcination, ont été em
ployés par les experts avant d’opérer (voir la page 19
de leur rapport); et cependant ils n’ont pas obtenu en
noir gros grain une quantité plus grande que celle an
noncée par le sieur Mossier, ou indiquée par les livrai
sons qu’il avait faites.
Quanta la mouture avant la calcination , les experts
n’ont pas réfléchi que ce procédé est impraticable
sur-tout en opérant en grand ; car pour calciner le
schiste il faut le placer sur des grilles de fer à travers
lesquelles la flamme d’un feu ardent mis au-dessous,
pénétrant de toute part, puisse envelopper et carboni
ser la pierre schisteuse. Or, comment pourrait-on
opérer ainsi sur du schiste réduit en poussière ?
Tel est, en analyse, le rapport des experts. Le sieur
Mossier avait de justes motifs de le critiquer, sur-tout
sur la forme de sa rédaction. On assure, il est vrai,
que ces experts peu exercés à rédiger, avaient confié
cette rédaction à un tiers. Aussi fait-on faire au sieur
M ossier des réponses d’ une naïveté qui va jusqu’au
ridicule. Le langage qu’on lui- prèle, les observations
qu ’on met dans sa bouche sont si étranges, si peu con
formes, à ses intérêts, qu’on pourrait les croire dictées
par ses propres adversaires. On n’y parle même pas
d ’ une lettre qu’il avait écrite aux' experts, le 12
novembre, pour un document qu’ils avaient demandé
sur la quantité proportionnelle de noir fin qu ’il reti
rait de la fabrication.
Cependant l ’affaire portée de nouveau ïi l ’audience,
le tribunal de commerce, par jugement du i er février
�( ^
)
1 83 i , a condamné les gérans à retirer les noirs fins
fabriqués par le sieur Mossier depuis le commencement
de l ’exécution du bail consenti par MM. Desrones et
Damont, à la date du 8 septembre 1 8 2 9 , et ce dans
la proportion de 4.0 kilogrammes pour 100 kilogrammes
de noirs gros grain fabriqués et livrés aux sieurs Desrones et Duinont, et à en payer le prix à raison de
9 fr. 5o cent, les cent kilogrammes.
Il les a condamnés de plus à payer au sieur Mossier,
à titre de dommages et intérêts la somme de deux
mille francs.
Il condamne aussi les sieurs Dumont et Desrones a
retirer des mains des gérans tous les noirs que ceux-ci
retireront du sieur Mossier; mais il ne les soumet à en
payer que i 5 kilogrammes sur 4o, et ce au même prix
auquel les laissent les gérans;
Il leur attribue les autres 25 kilogrammes à titre
d ’indemnité, à raison de la perte qu’ils ont éprouvée
pendant l ’interruption de la fabrication;
Il condamne le sieur Daubrée à 5 oo fr. de dommages
et intérêts envers la compagnie de Menât;
^ Il condamne enfin toute la compagnie à tous les dé
pens, moins ceux faits à l ’occasion du sieur Daubr éc.
Tel est ce jugement dont le sieur Mossier avait beau
coup à se plaindre, et notamment sur la quotité à
laquelle le tribunal réduit les noirs fins, sur la faiblesse
des dommages et intérêts qu’il lui accorde pour une
longue suspension de l ’entreprise, sur le défaut de
condamnation aux intérêts des sommes qui lui sont
dues.
�( 29 )
Ce sont cependant les gérans qui les premiers en ont
interjeté appel contre lui, sans doute dans le but prin
cipal de retarder encore leur libération, et de le fati
guer par des délais et par les embarras pécuniaires
qu ’ils lui causent-.
Le sieur Daubrée s’est aussi pourvu par appel h leur
égard.
Les gérans élèvent diverses sortes de difficultés :
L ’action du sieur Mossier est non recevable, disentils, parce que ce n’était pas contre la compagnie, mais
contre les sieurs Dumont et Desrones qu’elle devait
être dirigée ;
Le sieur Mossier, d ’ailleurs, s’était engagé à leur
fournir des noirs à couleurs, et ceux qu’il leur présente
n’y sont pas propres;
- T1 pouvait fabriquer une plus grande quantité de
noir gros grain ;
Enfin il ne lui était pas permis de se séparer du sieur
Daubrée sans le consentement de la compagnie;
L ’examen de ces objections les réduira à leur juste
valeur.
§ I".
Le sieur Mossier a-t-il pu exercer son action contre
la compagnie?
Cette première question a déjà été résolue par le
jugement interlocutoire du 3 septembre i 83 o.
E n effet ce jugement a ordonné entre les gérans et
le sieur Mossier, une opération par experts pour véri
fier si, comme l ’alléguaient les gérans seuls, le sieur
�Mossier aurait pu fabriquer uue plus grande quantité
de noir gros grain.
Le jugement a été exécuté par les gérans, qui ont
fait aux experts toutes les observations qu ’ils ont jugées
utiles à leurs intérêts.
Comment pourraient-ils prétendre aujourd’ hui que
l ’action leur est étrangère?
S'il en était ainsi, ou si telle eût pu être l ’opinion,
du tribunal, pourquoi n’aurait-il pas rejeté sur-lechamp l ’action du sieur Mossier? Pourquoi n’aurait-il
pas affranchi, dès le moment même de sa réclamation,
la compagnie et ses gérans? De quelle utilité eût pu
être une vérification coûteuse ?
Si les gérans eux-mêmes avaient persisté à croire que
le fonds du procès ne les concernait p a s , pourquoi ne
se seraient-ils pas pourvus contre le jugement interlo
cutoire? pourquoi l’ont-ils, au contraire, pleinement
exécuté? pourquoi ont-ils assisté à toutes les opérations?
pourquoi, en un mot, ont-ils agi comme si l ’action
exercée devait les frapper seuls?
Dans de telles circonstances, ils sont évidemment
non recevables à prétendre que c’était contre d’autres
et non contr’eux qu’on devait agir. Cette question est
jugée par le jugement interlocutoire, par un juge
ment auquel les gérans ont librement acquiescé.
D i r a i e n t - i l s qu’ un interlocutoire ne lie pas le juge,
que d’ailleurs le jugement réserve les moyens des
parties ?
On leur répondrait que la maxime est controversée;
qu ’au reste, elle n’est pas applicable au cas ou une fin
�•
( 3i )
.
de non recevoir est opposée, ni à celui où une qualité
est contestée. Si le juge ne s’arrête pas à la fin de non
recevoir, si, reconnaissant implicitement la qualité,
il ordonne une instruction sur le fond, il y a par cela
même chose jugée, et jugée définitivement sur cette
fin de non recevoir et sur la qualité ; ce n’est que
pour le surplus que le jugement a le caractère d’inter
locutoire*, et l ’instruction laite, il ne doit plus être
permis de soulever encore des difficultés qu i, dès la
naissance du procès, y auraient-mis fin, et que le juge
a: repoussées par cela même qu’il ne les a pas admises.
Telle e^t la distinction que l ’on doit faire pour
appliquer sainement cette maxime vague , et dont
on abuse : J u d e x ab interlocutorio discedere palesi.
Telle est la distinction nécessaire pour concilier cette
maxime avec l ’irrévocabilité de la chose jugée, avec
la dignité même de la justice.
Telle est aussi la distinction admise par divers arrêts.
On peut citer notamment un arrêt de la cour de
cassation du G juillet i 8 t g , rapporté par Sirey,
tome 2 0 , page 7 8 , et un arrêt de la cour de Rioni,
du 3 février 1 8 2 5 .
Cette doctrine dispenserait le sieur Mossier d’exa
miner si son action contre les gérans était bien dirigée.
Mais le sieur Mossier ne craindra pas d’aborder ,
sur ce point même, le fond de la discussion.
Les gérans prétendent que la contestation doit leur
être étrangère, qu’elle concerne seulement les sieurs
Desrones et Dumont qui ont été substitués aux droits
de la compagnie, par des conventions du 8 septembre
�1829 , que le sieur Mossier a approuvé ces conventions,
que même il a délivré des noirs aux sieurs Desrones et
Dumont, que par conséquent c’était à eux qu’il devait
s’adresser.
Ces objections, déjà écartées par le jugement inter
locutoire, ne devraient pas être admises, lors même
q u ’on les examinerait pour la première fois.
Il est vrai que les gérans de la compagnie ont
affermé pour i 5 ans, par acte du 8 septembre 1 8 2 9 ,
l ’établissement de Menât, et que, par l’article 3 de
ce bail, les sieurs Dumont et Desrones se sous substi
tués à la compagnie, envers les entrepreneurs Mossier
et Daubrée comme envers les autres personnes qui
avaient fait avec la compagnie des conventions anté
rieures.
Il e s t vrai, aussi, que, par l’article 10 de ce bail,
les gérans se soumettent à r a p p o r t e r la ratification des
actionnaires, et que le sieur Mossier, qui avait quatre
actions, a concouru , comme actionnaire, à l’appro
bation du bail fait par les gérans, qu’il a même
renoncé, par suite, à une portion des bénéfices de la
gestion qui lui avait été attribuée par la compagnie.
Mais c o n c l u r e d e l à , qu’en sa qualité d’entrepreneur,
qualité essentiellement distincte de celle d’actionnaire,
il n’avait aucun droit particulier à exercer contre la
c o m p a g n i e , c’est une erreur que signalent, et les faits,
et les actes, et les simples notions de raisonnement.
Que s’est-il passé après ce bail du 8 septembre 1829 ?
Le sieur Mossier délivra aux sieurs Desrones et
Dumont, à compter du i er novembre, époque fixée par
�C 33 )
ce bail même, pour le commencement de son cours,de
sieur Mossier leur délivra d’abord tout le noir qu’il
fabriquait, et ceux-ci le reçurent indistinctement.
Peut-être même auraient-ils continué de le recevoir
ainsi, ce qui aurait évité le procès actuel, si le sieur
Guillaumont, un de ces gérans avec lesquels le sieur
Mossier était encore en procès devant les arbitres dont
nous avons déjà fait connaître la décision, si le sieur
Guillaumont ne s’était plu à leur donner une décla
ration qui a été la principale , on pourrait dire,
même, l ’unique cause de la longue et coûteuse contes
tation soumise aujourd’hui à la cour. Le sieur G uil
laumont leur donna par écrite le 10 décembre 1 8 2 9 ,
une déclaration ainsi conçue:
«
«
«
«
«
«
« Je soussigné, gérant de la compagnie, certifie que
l ’ échantillon de noir fin à couleurs, qui devait être
déposé cacheté, conformément au traité fait entre
ladite compagnie et MM. Mossier et Daubrée, le 7
avril 18 29 , n ’a pas encore été déposé, et qu ’il n’a
été déposé que l ’échantillon de noir en grain^ propre
à la décoloration des sirops, et pareil à celui cacheté,
i« étant entre les mains de M. Dumont. (1)
«
«
«
«
« Je déclare, en outre, que la compagnie n’est pas
d’accord avec MM. Mossier et Daubrée, relativement
au noir fin à couleurs qui ne lui a pas paru propre
à remplir cette destination^ et que cette question
est actuellement soumise à des .arbitres. »
( i ) N o ta . Il ne paraît pas m êm e q u ’ il ail etc d ép o sé, lors d u bail
d ’c n tr c p iis o , .me une espace d ’ccliantillons.
�( 34)
Le sieur Guillaumont voulait parler d’ une des
difficultés soumises a lors à ces arbitres, qui, par leur
décision du dix-sept février i 83 o, ont condamné la
compagnie à retirer tous les noirs fins qui s’étaient
accumulés jusqu’au i cr novembre précédent.
unis de cette déclaration du sieur Guillaumont,
et ¡s’appuyant sur ses termes, les sieurs Desrones et
Dumont ont refusé les noirs fins, et ont prévenu de
leur refus, le sieur Mossier, par des lettres des 26
janvier et 19 mars i 83 o. Dans la dernière, en lui
annonçant qu’ils persistaient dans leur résolution , ils
ajoutent que la discussion de la difficulté ne peut les
regarder, et que c’est au sieur Mossier à traiter cette
affaire avec les gérans.
Que devait donc faire le sieur Mossier? il devait
d’abord prévenir les gérans; et c’est ce qu’il fit par une
lettre qui 11e produisit a u c u n effet. Il devait ensuite
les assigner pour les contraindre à retirer, comme ils
l ’avaient toujours fait, tous les noirs produits de la
fabrique. II devait aussi appeler en cause les sieurs
Desrones et D um on t, et les mettre en présence avec les
gérans, pour qu’ ils "eussent à s’entendre entre eifx et à
exécuter les conventions de l’entreprise, de la même
manière qu ’elles l’avaient toujours été jusqu’alors.
Or c’est précisément tout ce qu ’a fait le sieur Mossier.
C ’était, sur-tout, contre les gérans que celui-ci
devait agir, puisquec’étaient les gérans eux-mêmes qui,
par leur déclaration officieuse ou tracassière , avaient
donné lieu à la difficulté; puisque, d’ailleurs, c’était
avec eux seuls que le sieur Mossier avait traiLe.
�.
( 35 )
kk*
J•«, fr
**
Mais, dira-t-on, il avait ratifié lé bail du 8 septem
bre 1 8 2 9 , consenti par les gérans aux sieurs Dumont
et Desrones.
11 r avait ratifié! oui. Mais en quelle qualité?
Etait-ce comme entrepreneu°r ? non. A ce dernier
titre le sieur Mossier n’avait pas h ratifier. Aussi la
ratification ne lui fut-elle pas demandée comme entre•
«
preneur. Aussi ne fut-il pas même dit dans le bail clu
8 septembre qu’elle serait rapportée.
S ’il approuva ou ratifia ce bail, ce fut comme
actionnaire seulement. C ’est ce que démontre la déli
bération prise, le o.l\ septembre 1 8 2 9 , dans une assem
blée des actionnaires convoqués à cet effet. L ’on y
énonce q u ’il fut fait lecture du traité du 8 septembre,
et que l'es voix furent unanimes pour l ’adopter.
De quelle influence pourrait donc être cette appro
bation , sur les droits personnels et distincts du sieur
Mossier, comme enlrcpx*cneur, contre la compagnie
qui lui avait confié l’entreprise?
D ’aucune, évidemment. Le sieur Mossier, à cette
époque, ne traite comme entrepreneur, ni avec la
compagnie ni avec scs gérans; il ne détruit pas, il ne
modifie pas les conventions précédemment faites entre
eux; il ne renonce pas aux droits qu’il avait contre la
compagnie, ni aux obligations qu’elle avait contractées
h son égard; il ne se départ pas de ses actions contre
elle, et ne déclare pas que désormais il n’en exercera
que contre les sieurs Desrones et Dumont ; en un mot,
il n’abandonne aucun de ses droits contre la compa
gnie avec laquelle même il ne contracte pas dans ce
'
�moment l à comme entrepreneur. Comment pourrait-on
prétendre qu’il a perdu toute action contr’elle? comme
si l ’ a b a n d o n d’ un droit se présumait; comme si l ’on
ne savait pas, au contraire, qu’ un tel abandon ne
peut résulter que d'uife renonciation expresse.
Mais, dit-on, par cette délibération même des ac
tionnaires, le sieur Mossier s’est départi de sa portion
des bénéfices de la ges’tion. Or, cette portion, ajoutet-on, lui appartenait comme entrepreneur.
On répondra que c’est moins comme entrepreneur
de la fabrication du schiste, que comme concourant à
la gestion avec MM. Blanc et Guillaumont, q u ’une
partie-du bénéfice de cette gestion lui était attribuée.
Il en était de lui à cet égard comme des sieurs Blanc et
Guillaumont, qui cependant n’étaient pas entrepre
neurs. Comme le bail fait avec les sieurs Du n$) nt et
Desrones faisait cesser toute gestion, les fermiers devant
seuls gérer à l ’avenir, il était naturel que le sieur
Mossier renonçât avec les autres gérans à sa part dans
les bénéfices d’une gestion qui n’avait plus lieu.
Mais on entendait si peu traiter sous ce rapport
avec Ini, comme entrepreneur, que le sieur Daubrée
qui était associé dans l’entreprise ne fut pas appelé
dans la délibération , et ne renonça pas lui-même à sa
part dans les bénéfices de la gestion.
Au reste ce département même qu’on obtint du
sieur Mossier sur cet objet spécial, ce département,
restreint à cet objet unique, est une preuve déplus que
tous scs autres droits, toutes ses actions, c o m m e entre-
�( 37 )
preneur, subsistaient à l ’égard de la compagnie. Car si
l ’on avait, de part et d’autre, voulu faire cesser tous
rapports, toutes obligations, on n’eut pas manqué de
le faire dire ainsi par le sieur Mossier, et de le faire
renoncer à toutes actions , comme entrepreneur ,
contre la compagnie. L a concession qu’on lui a de
mandée et qu’ il a faite sur un point, le silence gardé
sur tous les autres, démontrent que dans l ’intention de
toutes les parties, les droits, et les devoirs réciproques
sont restés dans toute leur force entre la compagnie et
les entrepreneurs, et que, par conséquent, c’est contre
la compagnie seule que ceux-ci ont dû agir dès qu ’ils
ont eu à se plaindre de l ’ inexécution de leur marché.
C ’est ainsi qu’en avaient jugé les gérans eux-mêmes,
puisque, par acte extrajudiciairc du 12 octobre 182g,
ils avaient sommé les sieurs Mossier et Daubrée de
fo u r n ir , tous les mois, aux sieurs Dumont et Desrones,
à pa rtir du 3 novembre suivan t, quatre-vingt mille
kilogrammes de noir.
A par tir. du 3 novem bre, c’est-à-dire, de l ’époque
même à laquelle le traité fait avec les sieurs Dumont
et Desrones devait commencer à être exécuté. Les gérans
considérèrent donc, comme encore obligatoires entr’eux
et les entrepreneurs, les conventions d’entreprise qu ils
avaient faites avec ceux-ci; ils considérèrent évidem
ment ces conventions comme pouvant être invoquées
par eux-mêmes; ils ne pensèrent pas que c’était aux
sieurs Dumont et Desrones seuls à agir comme leur
étant substitués. Ils crurent pouvoir réclamer directe
ment, contre les entrepreneurs, l'exécution des enga-
�gcmens que ceux-ci avaient contractés envers la com
pagnie.
Comment se ferait-il que les entrepreneurs n’eussent
pas, de leur coté, une action réciproque contre la
compagnie, en exécution des mêmes conventions?
Ajoutons une dernière observation. Quelque géné
rale même qu'on supposât l ’approbation donnée par le
sieur Mossier aux conventions faites entre la compagnie
et les sieurs Desrones et Dumont, au moins est-il cer
tain qu’il n’a ni entendu ni pu entendre que ces con
ventions apporteraient aucunes modifications aux stipu
lations du bail à entreprise et à l ’exécution que ce bail
avait reçue. Aussi ces conventions ne disaient-elles rien
k cet égard. Aussi les sieurs Desrones et Dumont ontils exécuté d’abord l ’entreprise comme elle avait été
exécutée auparavant par les gérans. Us n’ont voulu
modifier le mode d’exécution qu’après la déclaration
qui leur fut donnée en décem'bre 1829 par le sieur Guillaumont. Or, quelqu’étendue que l ’on donnât à l ’ap
probation du sieur Mossier, n ’est-il pas évident que
s’il a pu ou s’il a dù ne s’adresser qu’aux sieurs Des
rones et Dumont, tant que ceux-ci agissaient à son
égard comme agissait antérieurement la compagnie
elle-même ou ses gérans, au moins a-t-il dù actionner
celle-ci dès l’instant où les sieurs Desrones et Dumont
lui ont élevé des difficultés; dès l ’instant où ils ont
prétendu donner aux conventions qu ’ils avaient faites
avec la compagnie un sens qui était contraire au mode
d’exécution antérieur de l’entreprise; dès l ’inslant où
ils ont argumenté, ù l ’appui de leur interprétation 3
�(
39 )
de la déclaration même de l ’ un des gérans. Le sieur
Mossier a du alors s’adresser à ces gérans pour qu’ils
eussent ou à exécuter eux-mêmes le bail à entreprise de
la même manière qu’ils l ’avaient exécuté jusqu’alors, ou
à le faire exécuter ainsi par les sieurs Desroneset Dumont.
Reconnaissons donc que cette action appartenait au
sieur Mossier contre la compagnie;
Reconnaissons qu’elle lui avait été assurée par le bail
d ’entreprise du 7 avril 1829 j et qiie depuis il n’a pu
la perdre, sans y avoir expressément renoncé; car la
renonciation à un droit ne se présume pas. Or, jamais
il n’a renoncé à cette action. Loin même d’ y renoncer,
il 1 a exercée contre les gérans, comme aussi il s’est
soumis aux actions que la compagnie exerçait contre
lui-même. Donc son action'a été dirigée contre les
vraies parties qu'elle devait frapper.
§ II.
•
1
f
L e noir emm agasiné pen t-il être refu sé p a r la com
pagnie ?
,
Ce noir, disent les gérans y; n’est pas propre aux
couleurs. Faites qu’il ait cette propriété, ou gardez-le
pour votre compte.
f
1
■ Cette difficulté n’est pas l’œuvre de la franchise.
Il sera facile de s’en convaincre, si l’on considère les
circonstances dans lesquelles l ’entreprise a été donnée
par les gérans et acceptée par le sieur Mossier, l ’exécu
tion q u ’elle a reçue, les termes même des conventions
sainement entendus.
Nous l’avons dit déjà dans le narré des faits : ce 11e
�fut qu’après une épreuve de plusieurs annéeg et après
que les propriétés du noir de Menât eussent été parfai
tement connues par la compagnie et sur-tout par ses
gérans, qu’ un bail à entreprise fut consenti, d’abord
au sieur Mossier s e u l , ensuite aux sieurs Mossier et
Daubrée.
On s’était alors assuré que tout le noir, quels que
fussent son grain et sa finesse, était propre à la décolo
ration des sirops et à leur clarification; mais on savait
aussi que le noir le plus fin , celui connu sous le nom
d ’impalpable, pouvait servir aux couleurs. Seulement
pour obtenir cette dernière espèce de noir, il fallait
plus de travaux et d’autres meules, d’autres blutoirs
que ceux que la compagnie avait possédés jusqu’alors;
en sorte que le noir obtenu avec les machines dont l ’on
u s a it, ne fournissait que très-peu de noir propre aux
couleurs , et p e u t - ê t r e e n c o r e l ’ i m p e r f e c t i o n de ces ma
chines ne permettait-elle pas que ce noir fut assez
parfaitement broyé et bluté.
C ’est daus ces circonstances que le sieur Mossier
traite avec la compagnie et se soumet à fabriquer du
noir pour elle avec les moulins, avec les blutoirs, en
un mot a v e c l e s m a c h i n e s qu’ elle devait lui fournir.
Certes alors, ni la compagnie ou ses gérans, ni le
sieur Mossier ne pouvaient entendre que celui-ci four
nirait du noir autre que celui qui avait déjà été
produit par le schiste carbonisé, que celui q u ’il avait
préparé jusqu’alors avec les machines que fournissait
la compagnie.
Certes, aussi, lors des conventions, il ne vint à
�( 4r )
l ’esprit de personne de soumettre le sieur Mossier à
rester chargé d’une partie des noirs, s’ils ne paraissaient
pas dans la suite propres aux couleurs. Si on avait en
tendu lui imposer cette obligation, on lui aurait né
cessairement permis de vendre à d’autres qu’à la com
pagnie ce noir imparfait; et cependant non seulement
une telle permission ne lui est pas donnée dans le bail,
mais même l ’ensemble de l ’acte repousse une telle
faculté pour lui.
Pourquoi cela? c’est qu’on savait que tout le noir
fabriqué pouvait être propre aux couleurs ou propre à
clarifier les sirops, et que ce qui serait impropre à un
usage servirait au moins à l ’autre.
Aussi comment fut exécuté le bail d’entreprise?
Tous les noirs, sans exception , furent retirés par les
gérans, d ’abord, par le sieur Dumont, ensuite jus
qu’au I er septembre 1829.
Par les gérans depuis le 2 août, date du i er bail
d ’entreprise, jusqu’au i crmai 1829, époque à laquelle
ils convinrent avec le sieur Dumont qu’il retirerait
tout le noir qui serait fabriqué jusqu’au i er septembre
suivant;
Par le sieur Dumont depuis et pendant le tems
convenu*,
Cela est prouvé pour la compagnie, notamment par
des comptes courans des 2 mai 1829 et i 5 mars i 83 o.
Or, comment concevoir que pendant un an et plus
la compagnie et le sieur Dumont, qui Ja représentait,
se fussent fait délivrer les noirs de toutes espèces, sans
G
�distinction, si l ’esprit comme les termes des baux à en
treprise ne l’eussent pas ainsi voulu.
Il faut reconnaître cependant qu’il fut livré une bien
plus faible quantité de noir fin ou propre aux couleurs,
que de noir à raffinerie ou à clarification.
Pourquoi? parce que l ’imperfection et l ’insuffisance
des machines fournies par la compagnie ne permettaient
pas d’obtenir un noir à couleurs aussi parfait q u ’il eût
été à désirer.
Il eût fallu livrer le premier noir'obtenu à un nou
veau broiement, à l ’aide de meules fines, et le bluter
avec des machines qui manquaient.
Quoi qu’ il en soit, s’ il fut fourni une moindre quan
tité de ce noir à couleurs, c’était par la faute des gé
rans, qui ne fournissaient pas eux-mêmes les machines
nécessaires-, et c’était une perte pour le sieur Mossier
à qui ces noirs étaient plus chèrement payés.
Mais il en fut livré et reçu pendant long-lcms; on
n’en saurait douter. Les comptes courans ci-dessus
datés en font foi, et le jugement arbitral du 17 février
le prouve. Car la dix-septième question que l ’on y
juge est r e l a t i v e a 1111 règlement de compte sur le noir
lin. Il en fut livré, il en fut reçu; le commerce ache
tait, employait toutes les espèces de noir.
Si la compagnie éprouva des pertes, ce fut par sa
faute ou par celle de scs agens qui n e surent pas expé
dier les noirs ou les vendre à propos.
Depuis, le débit a été moins facile, soit pour le noir
fin à couleurs, soit pour le noir à décolorcretaclarifier.
Mais pourquoi? par des événemens récens et étran
gers) à l'entrepreneur.
�(
43
)
D ’un côté 011 a remarqué que le noir fin provenu du
schiste de Menât était tout à-la-fois et plus pesant et
plus absorbant d’ huile que le noir de fumée ou le noir
animal. Alors sa valeur a diminué; non qu’il ne fut
toujours propre aux couleurs; mais il a eu moins d’a
vantage pour soutenir la concurrence.
D ’ un autre côté, 011 a découvert un procédé h l ’aide
duquel on revivifie'le noir animal qui déjà a été em
ployé une première fois. Nouvelle cause de diminution
du prix du noir minéral de Menât, soit qu’on le des
tine aux couleurs, soit qu’on l ’emploie aux raffineries.
Enfin le sieur üumont a reconnu , après de nom
breuses expériences , que le noir d’ un certain grain,
entre les toiles n° 3 o fet 1 0 0 , décolorait mieux et plus
promptement que du noir plus fin ou plus gros. Alors
dans ses traités avec la compagnie de Menât, il a
demandé du grain qui lui convenait le plus, en ne
s’obligeant à prendre qu ’ une faible partie, quinze pour
cent, de noir plus fin; et la compagnie, sans s’inquié
ter des engagemens qu’elle avait pris avec le sieur
Mossier, de ces engagemens dans lesquels il n’était pas
question de noir gros grain, de noir d’ un grain propre
au procédé de M. üu m on t, la compagnie lui a promis
tout ce qu’ il a voulu et s’est efforcée de rejeter sur lu
sieur Mossier les suites de ses propres imprudences.
E t remarquons que ces imprudences ne se sont pas
arrêtées au traité qu ’elle avait fait, le 6 mai 1829, avec
le sieur Duniont, à ce traité qui est le premier acte de
la cause où l’on voit paraître celte distinction, dont la
compagnie a si souvent parlé depuis, entre le noir gros
/
�*?0
(44 )
grain et le noir fin. Ce traite, dont l ’eiFet était seule
ment temporaire, n’aurait eu que des suites limitées.
Mais le 8 septembre, elle subroge à tous ses droits les
sieurs Desrones et Dumont; et bientôt elle excite
ceux-ci à refuser du sieur Mossier le noir fin qui se
trouvait dans la fabrique, en leur déclarant le 8 dé
cembre 1829 q u ’aucun échantillon du noir fin n’avait
été déposé lors de l ’entreprise , et qu’elle n’était pas
d’accord avec le sieur Mossier sur la qualité de ce noir.
Jusque-là, le noir fin, comme le noir gros grain,
toute espèce de noir avait été reçu par les sieurs
Dumont et Desrones, qui même ont continué de tout
recevoir jusqu’au 26 janvier ; mais depuis ils l’ont refusé
en se fondant précisément surcetle déclaration donnée
dans le but unique de nuire au sieur Mossier, et dont
les conséquences frappent aujourd’hui avec beaucoup
de justice la compagnie elle-même.
Ainsi c’est la compagnie elle-même qui a donné lieu
au procès actuel-, la compagnie qui élevait au sieur
Mossier, en décembre 1 8 2 9 , une difficulté semblable,
relativement aux noirs fins qui, du 1 " septembre au
i*r n o v e m b r e 1 8 2 9 , n’avaient pas été pris par le sieur
Dumont, celui-ci ne s’eu étant pas chargé; la compa
gnie qui a été condamnée à recevoir ces noirs et à les
payer nu prix de 9 fr. 5 o c., par le jugement arbitral
du 17 février i 83 o; la compagnie qui doit, il semble,
éprouver une condamnation semblable, relativement
aux noirs fins qui se sont accumulés dans les magasins
depuis le 26 janvier; car il y a chose formellement
jugée sur la même question pour des noirs de la même
�qualité,par ce jugement du 17 février, qu’ont rendu,
avec la plus grande maturité, après l ’examen le plus
scrupuleux , des arbitres du choix même des parties.
E t n’y eût-il pas chose jugée, ne serait-il pas évident
que la compagnie qui a traité avec le sieur Mossier,
après une langue expérience; que la compagnie q u i,
en exécution de ce traité, a pris ou fait prendre par
le sieur Dumont les noirs de toute espèce sans distinc
tion jusqu’au 26 janvier i 83 o; que la compagnie qui
a fixé elle-même le sens des conventions faites avec le
sieur Mossier, par le mode d’exécution qu’elle leur a
appliqué; que la compagnie qui seule a fourni, qui
seule était chargée de fournir toutes les machines né
cessaires à la fabrication; que la compagnie qui n’a
jamais autorisé le sieur Mossier à vendre, pour son
propre compte, la moindre partie du noir fabriqué;
que la compagnie enfin à qui seule ce noir appartient,
doit le recevoir en totalité ou le faire recevoir par
ceux qu’elle a subrogés à scs droits.
Quelargument pourrait-elle tirer du défaut d’échan
tillon? ]N’est-il pas évident que s’il n’eu a pas été déposé,
c’est que la compagnie l’a jugé inutile; c’est qu’elle
connaissait la qualité des noirs; c’est que ces noirs fa
briqués toujours avec les mêmes machines, et produits
par la même matière, devaient être toujours aussi
propres a leur destination. Le sieur Mossier seul aurait
à regretter l’absence de ces échantillons. Carils auraient
démontré que le noir que l ’on refuse aujourd’hui est
précisément le même que celui qu’auraient présenté
les échantillons, et le procès actuel 11’aurait pas eu
�(
40
)
lieu. Leur absence est un motif de plus pour obliger
la compagnie à recevoir aujourd’ hui comme autrefois
tous les noirs sans distinction.
,
Insister plus long-tems sur les preuves de cette
v é r i t é , ce serait prolonger vainement une discussion
déjà complète.
Cette vérité, les gérans n’ont pu se la dissimuler k
eux-mêmes. Aussi pour y échapper et pour rendre un
chétif entrepreneur victime de leurs puissantes atta
ques, ont-ils voulu former un concert d'hostilités, eu
proposant aux sieurs Desrones et Dumont de s unir
à eux pour faire retomber tout le poids du procès sur
cet entrepreneur qui osait se débattre contre la
ruine dans laquelle on voulait le plonger. C ’est ce
qu’attestent deux lettres de M. Desrones, des 12 août
et 25 septembre i 83 o. Mais celui-ci avait trop de
loyauté pour accepter une telle coalition. Il la refusa,
et le tribunal rendit bientôt après justice aux parties.
Cette justice, le sieur Mossier doit espérer qu’elle
sera reconnue et consacrée par la Cour , et que ,de
vaines subtilités de fausses allégations ne feront pas
triompher le puissant contre le faible, le riche banquier
contre un entrepreneur peu fortuné, dans une cause
commerciale, ou les règles de bonne foi et d ’équité
doivent sur-tout dicter les décisions des tribunaux.
§
IH .
E st-il dém ontré que le sieur M ossier pouvait fa b r i
quer une plus grande quantité de noir gros grain que
celle f ix é e p a r le ju g em en t?
�(
47 )
Le jugement dont est appel a fixé à 4 o kilogrammes
pour cent la quantité de noir fin que devait produire
la fabrication; il l’a fixée ainsi, en reconnaissant même,
dans ses motifs, que, d’après la vérification faite par
les experts, les noirs fins, résultat de la fabrication,
étaient dans la proportion de 44 kilogrammes 7 1 cen
tièmes pour cent. Mais prenant en considération quel
ques observations des experts, il a réduit cette quan
tité proportionnelle à 4^ kilogrammes pour cent, et
a soumis le sieur Mossier à fournir le surplus en noir
gros grain.
i
Le sieur Mossier aurait été très-fondé à se plaindre
de la proportion qu’à fixée le tribunal • proportion qui
lui est d’autant plus préjudiciable q u ’il lui sera im
possible d’atteindre à une réduction aussi fortô des
noirs fins, à une réduction que n’ont pu obtenir les
experts eux-mêmes, qnoiqu’ ils n’aient pas opéré eu
grand, qu ’ils aient mis beaucoup plus de tems et de
soins minutieux que n’en peut comporter une fabrica
tion considérable et journalière , et qu’ils aient em
ployé eux-mêmes , pour leurs opérations , tous les
moyens d’amélioration qu ’ils indiquent dans leur rap
port, si l’on en excepte cependant celui de faire précéder
la carbonisation par la mouture, ce qui serait impra
ticable. Car comment placer dans les fourneaux sur
des claies, et carboniser suffisamment du schiste déjà
réduit en poussière?
L e sieur Mossier s’est cependant résigné à subir ce
jugement 5 il lui tardait d ’en finir sur tous ces
débats*
•
�Moins ennemis des discussions, les gérans qui n’a
vaient, il semble, qu’à s’applaudir et du rapport des
experts, et du jugement, prétendent cependant encore
que la quantité de noir gros grain pourrait être pro
portionnellement plus considérable.
Mais comment prouvent-ils leur assertion?
Ce n’est pas dans le rapport des experts , quelque
f a v o r a b l e qu’il leur soit, qu’ ils trouveront un appui.
E n effet, les deux opérations successives des experts
ont donné un résultat beaucoup moins favorable à la
compagnie.
Par la première opération , ils trouvent, il est vrai,
62* kilogrammes 5 i centièmes sur 100 de noir gros
grain; mais en considérant comme tel le noir fin n° 2,
dont la proportion est de 7 kilogrammes 27 centièmes
pour cent. Or cette espèce de noir fin est refusée par
les sieurs Desrones et Dumont ; et il a été reconnu,
lors du jugement dont est appel, qu ’il 11e pouvait être
rangé dans aucune des espèces des noirs gros grain. Si
donc on retranche la dernière quantité de la première,
il ne restera que 55 kilogrammes 2/j centièmes sur cent
de noir gros grain; en sorte qve le résultat de la fa
brication produirait 44 kilogrammes 76 centièmes de
noir fin.
L a seconde opération des experts présente encore
moins d ’avantage à la compagnie , puisqu’on faisant
distraction du noir fin n° 2 , l’opération n’a produit
q u e 5 i kilogrammes 17 centièmes de noir gros grain
sur cent; en sorte que le noir fin et le déchet s’élève
raient à 48 kilogrammes 83 cculièmés pour cent.
�On ne conçoit donc pas sur quel motif les gérans
pourraient fonder le grief qu’ils ont annoncé quant à
la proportion fixée par le jugement.
Se plaindraient-ils de ce que le sieur Mossier avait
d’abord refusé, dit-on, de faire connaître aux experts
le résultat de ses propres opérations ?
Mais ce refus n’aurait pas été long, puisque dès le
12 novembre et avant la rédaction du rapport, il eu
instruisit les experts par une lettre qu’il leur adressa.
D ’ailleurs cette indication était inutile; car c’était
dans leurs opérations même , et non dans les décla
rations du sieur Mossier que les experts , comme le
tribunal, avaient à rechercher des élémens d’opinion.
Ainsi rien n'autorise le grief articulé sur ce point par
les gérans, et la confirmation du jugement dont est
appel ne peut présenter à cet égard l’apparence même
d’une difficulté.
Seulement il sera nécessaire d’expliquer le jugement,
parce que le dispositif présente dans sa rédaction quel
que équivoque. Les gérans sont condamnés à prendre
des noirs fins dans la proportion de l\o kilogram m es
p o u r ioo kilogram m es de noir gros g ra in , est-il dit.
Cela pourrait s’entendre en ce sens, que sur i 4 o kilo
grammes le sieur Mossier serait tenu d’en fournir 100
de noir gros grain, et 4 ° seulement de noir fin. Or,
s’ il en était ainsi, il aurait été commis, au préjudice
du sieur Mossier, une erreur grave; une erreur qui
serait signalée, il est vrai, par le rap^brt des experts;
une erreur qui serait aussi démontree par les motifs
du jugement où il est dit textuellement : « qu’il y a
7
�( 5o )
lien de réduire la quantité de noir fin dont les gérans
ou leurs ayant droit sont tenus de prendre livraison
ci 4o kilogram m es p a r 100 de noir fa b riq u é en gros
grain ou en Jin .
M a i s enfin cette erreur ou cette équivoque ne doit
pas subsister, et la Cour la corrigera , dût le sieur
Mossier interjeter, s’il le fallait, un appel incident
pour la faire rectifier et pour faire dire que sur 100 ki
logrammes de toute espèce de noir fabriqué, il ne sera
tenu de fournir que 60 kilogrammes de noir gros grain
en demeurant autorisé à en livrer 4° en noir fin.
§ IV.
G r ie f tiré de la séparation des d eu x associés
M ossier et D aubrée.
Un quatrième grief est proposé par les gérans de la
compagnie. Ils le font résulter de ce que le sr Mossier
s est séparé du sr D a u b r é e avec l e q u e l il s’était associe
pour la fabrication du noir, tandis que selon les gérans
ce concours du sieur Daubrée avait été la principale
cause, la condition déterminante de la confiance qu’ils
ont accordée au sieur Mossier, en le chargeant de
l ’entreprise.
La compagnie, ajoutent les gérans, a droit, à raison
de ce, à des dommages-intérêts.
Ce grief n’est qu ’une illusion, s’il n’est pas un pré
texte pour détourner l’attention.
La rupture de la société qui existait entre le sieur
Desrones et le sifcur Mossier, cette rupture seulement
partielle, serait, la considérât-011 même comme géné
rale, absolument étrangère à la compagnie; car, h son
égard, le sieur Daubrée reste toujours obligé; toujours
�(
5 0
.
.
il demeure responsable des vices de fabrication et de
la mauvaise gestion de l ’entreprise; seulement il a son
recours contre le sieur Mossier. C ’est ce qui résulte de
l ’acte du 16 juillet 1829 par lequel la société est dis
soute. Ainsi les droits de*la compagnie restent intacts.
Dirait-on qu’elle ne profite pas des avantages que lui
présentait la participation du sieur Daubrée à l ’en
treprise ?
On répondrait que le sieur Daubrée s’occupait peu
ou même ne s’occupait pas de la fabrication du noir.
C ’était au sieur Mossier, presque exclusivement, que
ce soin était confié. Le sieur Daubrée était principale
ment chargé de placer les produits; et il était, pour
cela, presque continuellement en voyage. Or, d’après
l ’article 2 du traité, cette partie de l’entreprise resta à
la charge du sieur Daubrée, même après la dissolution
de son association avec le sieur Mossier; en sorte qu’il
continua de. faire ce qu’il faisait auparavant, et que
la distribution des travaux de l ’entreprise ne fut pas
changée.
Au reste, pour être admise à se plaindre de cette
séparation des deux entrepreneurs, il faudrait que la
compagnie prouvât clairement qu’elle en a éprouvé
quelque préjudice, notamment par les vices de la fa
brication du noir.
Or, quel préjudice a-t-elle éprouvé?le noir a-t-il été
plus mal fabriqué? l ’a-t-il été par des procédés diffé
rons et moins avantageux que ceux précédemment
employés? les résultats obtenus ont-ils présenté moins
de noir gros grain ou n’ont-ils produit que du noir
d’ une moins bonne qualité? enfin quels sont les vices
6 ? °t
'
' ;: ? i
v7 /
�( 5s )
de fabrication ou de gestion qui ont été remarqués
depuis la séparation du sieur Daubrée?
On ferait de vains efforts pour en indiquer de réels.
Qu’importe donc, encore une fois, cette séparation
à là compagnie?
Les gérans prétendraient-ils qu ’on aurait dû les pré
venir?
On leur ferait observer qu’il pouvait y avoir conve
nance, mais qu ’il n’y avait pas obligation.
On leur dirait aussi que les sieurs Mossier et Dau
brée avaient si bien l ’intention de les prévenir qu’ils
en étaient convenus expressément par l ’article 8 de
leur traité.
On ajouterait, au reste, que cette omission ne pour
rait donner lieu à des dommages et intérêts, qu’au
tant qu ’elle aurait occasionné une perte réelle à la
compagnie.
Enfin on serait autorisé à soutenir que la compagnie
n’a pas ignoré cette séparation; et ce qui le prouve,
entre autres faits, c’est le jugement arbitral du 7 fé
vrier i 83 o et l’instance qui l ’a précédée, instance et
jugement dans lesquels le sieur Mossier figure seul
contre la compagnie, sans que celle-ci 011 ses gérans
aient appelé en cause le sieur Daubrée; ce qu’ils n’au
raient certainement pas manqué de faire s’ils n’avaient
pas su qu’entre les sieurs Mossier et Daubrée il n’exis
tait plus de société.
. Ainsi s’évanouissent les prétendus griefs des gérans
contre un jugement qui a plutôt favorisé que blessé
les droits de la compagnie.
�( 53 )
S V
E T D ERN IER.
D om m ages-intérêts acco rd és, et griefs du sieur
Mossier.
La compagnie se plaindrait-elle des dommages et
intérêts alloués au sieur Mossier? celui-ci serait luimême beaucoup plus fondé à se plaindre de la faiblesse
de cette indemnité. Obligé, soit par le refus du noir,
soit par l’encombrement de ses magasins et par le dé
faut de fonds, de suspendre, depuis le mois d ’avril
i S 3 o , les travaux de l ’entreprise; privé du prix des
noirs que les gérans ne retiraient pas; chargé cependant
de l’entretien de nombreux bâtimens et des machines
qui servaient à la fabrication; dans la nécessité même
de payer encore certains ouvriers pour ne pas en être
absolument dépourvu, lorsqu’il faudrait reprendre les
travaux, le sieur Mossier a éprouvé des pertes considé
rables par le fait des gérans. Une indemnité de 2,000 f.
seulement est presque illusoire, si on la compare au
préjudice souffert. Cependant le sieur Mossier s’est
résigné et 11e s’est pas plaint de cette disposition du
jugement.
Il est vrai que, pour diminuer ses pertes, il a traité
avec les sieurs Dumont et Desrones, le ¿4 janvier 1 83 1,
avant le jugement dont est appel, qui est du 7 février
suivant. Par ce traité, le prix des noirs en grain avait
été fixé provisoirement à. 10 fr. 28 cent, les 100 kilo
grammes; et le sieur Mossier abandonnait les noirs fins
sans aucun prix, si ce 11’est le remboursement des frais
d ’emballage et de transport.
�Mais cet arrangement, qui n’était, au reste, que
provisoire, lui était trop onéreux; c’est ce qu’ont
reconnu depuis les sieurs Desrones et Dumont euxmèmes, q u i, par une lettre du 26 mars 1 83 1 , se sont '
soumis à recevoir au même prix de 10 fr. 28 cent. i 5
pour 100 de noirs iins. Encore sera-t-il difficile au
sieur Mossier d’exécuter, sans perte, ce second marché
qui n’est anssi que provisoire comme l’était le premier .
Plus heureux que le sieur Mossier, les gérans de la
compagnie ont fait, le 9 février suivant, avec les sieurs
Dumont et Desrones, de nouvelles conventions qui
leur offrent d’assez grands avantages. Ils ont renouvelé
ou ratifié le bail du 8 septembre 1829 et la subrogation
générale qu’il contenait*, seulement ils ont réduit à un
million de kilogrammes de noirs en gros grain la quan
tité de deux millions quatre cents kilogrammes que
les preneurs étaient auparavant autorisé? à faire fabri
quer; et par une conséquence nécessaire de cette ré
duction dans la quantité, ils ont aussi diminué pro
portionnellement le prix annuel du bail qui n’est
aujourd’hui que de 10,000 fr.
On remarque , au reste , dans ce traité , que les pre
neurs doivent payer 1 fr. 5 o cent, de plus par chaque
centaine de kilogrammes, qu’ils prendraient au-delà
du nombre convenu. E n sorte qu ’en faisant fabriquer
un million de plus par an, ils devraient payer à la
compagnie if),ooo fr. de plus; ce qui produirait à
celle-ci un bénéfice annuel de i5,ooo fr., quitte de
toutes charges, au lieu de 2/1,000 fr. qui étaient le prix
du I er bail, pour une quantité cependant plus consi-
�(
55
)
dérable de noirs, puisqu’elle devait être de 2,4°°>ooo
Kilogrammes. Cela prouve que ce dernier traité offre
plus de bénéfice proportionnel à la compagnie que les
précédons.
On y parle aussi des noirs fins, qne l ’on dit ne
pouvoir actuellem ent avoir d’emploi avantageux 3 et
pour lesquels un prix est fixé dans le cas où l ’on trou
verait dans la suite à les placer.
Ce dernier traité de la compagnie avec les sieurs
Desrones et Dumont fournit une nouvelle preuve que
les noirs fins comme les noirs gros grain recevaient
autrefois un emploi utile, er que s’ ils n’en ont pas
a c t u e l l e m e n t , l’on espère qu’ils en obtiendront à l’ave
nir. Ce traité prouve donc que ce n’est pas l'imperfec
tion dés noirs, et sur-tout une imperfection qui serait
l ’effet de la négligence ou de l’impérilie du sieur Moss i ’r , qui s’oppose actuellement à un placement avan
tageux ; il fait reconnaître la vérité que nous avons
déjà indiquée, savoir que la baisse du prix de cette
espèce de noirs a une cause absolument étrangère aux
faitsdu sieur Mossier; que cette baisse provient, soit de
la diminution du commerce en général et de la diffi
culté que l’on éprouve aujourd'hui à faire des envois à
l ’étranger, soit du procédé qui a été récemment dé
couvert pour revivifier le noir animal, après un pre
mier usage, pour lui rendre sa propriété première, et
par suite pour l’employer de nouveau à la raffinerie.
Il est évident que sieur Mossier ne peut être res
ponsable de ces événemeus.
Il est évident encore que si les noirs fins ou autres
�<f'o6
*
( 56 )
eussent augmenté de valeur, si les frais de fabrication
fussent’-devenus plus coûteux, la compaguie seule eîft
proüté de l'augmentation des prix, et le sieur Mossier
aurait seul aussi supporté la perle. Comment se feraitil , parce que nous nous trouvons dans l ’hypothèse
contraire, que ce fût sur le sieur Mossier encore que
pesât la perte, tandis que la compagnie obtiendrait,
même aujourd’ hui, de forts grands bénéfices, sans
aucune charge.
L a justice de la Cour n’admettra pas de telles prér
tenlions.
Elle s’empressera d’autant plus à les repousser,
qu’elle reconnaîtra facilement que si quelqu’ un avait
à critiquer le jugement et le rapport d ’experts qui
l ’avait préparé, c’était le sieur Mossier à qui l ’on
n ’ a l l o u e que /jo kilogrammes de noirs fins sur 100,
quoique les soins les plus m i n u t i e u x de la part des
experts n’aient pu arriver à cette réduction, même en
n’opérant pas en grand; le srMossier qui pourrait signa
ler 1’ influence qui a présidé à l ’étrange rédaction de ce
rapport, qui pourrait se plaindre aussi de l ’imprudente
faiblesse de deux des experts que l’on vit, conduits
par l’ un des gérans, le sieur Blanc, pénétrer dans la
chambre du conseil au moment où le tribunal déli
bérait sur la cause et sur leur rapport, dans le but de
présenter aux magistrats pour la compagnie, des obser
vations qu ’on ne leur demandait pas et que repoussa
l’impartialité du tribunal.
Le sieur Mossier, pressé d’en finir, renonçant à des
griefs dout la vérification entraînerait de nouvelles
�( s7 )
66J o
lenteurs, se bornera 'a deux chefs d’appel incident ,
qu’il suffit , il semble , d’indiquer pour les faire
admettre.
L ’un qui a déjà été annoncé, est relatif à l ’amphi
bologie que présente le dispositif du jugement, quant
à la proportion qu’il fixe entre les noirs fins et les noirs
gros grain.
Les motifs du jugement sont clairs; ils allouent au
sieur Mossier l\.o kilogrammes de noir fin sur ioo kilo
grammes de noirs de toute espèce gros ou fin; et ces
motifs sont en harmonie avec le rapport des experts,
sauf une différence de cinq ou six pour cent, dont le
tribunal grève en plus le sieur Mossier.
Le jugement, dans son dispositif, lui passe aussi les
4o kilogrammes de noir fin, mais en ajoutant sur cent
kilogram m es de noir gros grain.
Ces dernières expressions de noir gros g r a in , ne
sont sans doute qu’ une erreur de rédaction échappée à
la plume. Car prise à la lettre, la disposition serait en
contradiction avec les motifs qui l ’ont dictée et avec
le rapport qui l ’a préparée.
Il
fallait dire, sur cent kilogram m es de noirs de
toute espèce, gros ou f i n , comme il est dit dans les
motifs , de manière à exprimer bien clairement que sur
ioo kilogrammes, le sieur Mossier ne devra fournir
que Go kilogrammes en noir gros grain, et les quarante
autres en noir fin.
L a Cour rectifiera cette partie du jugement, ou par
une explication q u i suffira peut-être, ou par un mal
jugé, si elle le croit nécessaire.
�Un second chef de réclamation, delà part du sieur
Mossier, est relatif aux intérêts des sommes qui lui
sont dues pour le prix des noirs. Le tribunal, en
condamnant la compagnie à retirer les noirs et à en
payer le prix, ne l ’a pas condamnée au paiement des
intérêts. Cependant il est juste qu’il en soit alloué au
sieur Mossier à compter de la sommation qu’il a faite
aux gérans de retirer les noirs. Celte sommation est
du 24 mars i 83 o. Déjà deux ans se sont écoulés depuis
celte mise en demeure, le procès s’étant prolongé.par
les difficultés qu’ont élevées les gérans, el par l ’appel
q u ’ils ont interjeté. Pendant ce long espace de tems, le
sieur Mossier, privé de ses capitaux, grévé des charges
de l ’entreprise, obligé d’emprunter pour y satisfaire
et pour fournir à ses besoins personnels, a été placé
dans la plus fâcheuse position; et pour tous dommages
et intérêts, on ne lui a accordé qu’une somme de
deux mille francs. N ’est-il pas juste que, comme
supplément de dommages et intérêts, on' lui alloue
l ’intérêt, au taux du commerce, des sommes qui luisont
dues; de ces sommes qu’il aurait touchées, et dont il
aurait fait ses affaires depuis le mois de mars i 83 o,
¿>i la compagnie avait retiré les noirs, comme elle s’y
était soumise par le bail à entreprise, dès l ’époque où
ils ont été fabriqués, et si elle en avait payé le
prix dans le mois comme il avait été expressément
stipulé ?
L ’équité de la Cour n’hésilera pas, sans doute, à
accorder au sieur Mossier ces intérêts : indemnité
bien faible pour toutes les perles, pour louies le$
�.
(.59?
tracasseries que lui a fait éprouver un procès que
plus de réflexion, plus de justice n’auraient pas permis
aux gérans de lui intenter.
MOSSIE R .
Me A L L E M A N D , ancien A vocat.
Me G R A N E T , avoué-licencié.
rt
RIOM
,
IM P RIMERIE
DE
S ALLES
FILS ,
P RES L E
PALAIS
DE
JUSTICE.
%,
o
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mossier. 1832?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
mines
exploitation du sol
schiste
sociétés par actions
noir animal
commerce
industrie
moulins
bail d'entreprises
procédés de fabrication
Daubrée (Edouard)
voyageurs de commerce
exportations
tribunal de commerce
arbitrages
experts
dissolution de sociétés
sociétés
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Mossier, intimé ; contre les sieurs Blanc et Guillaumont, gérans de la compagnie de Menat, pour l'exploitation du schiste carbo-bitumineux, appelant.
Table Godemel : Cession : 7. les cédataires ou subrogés aux droits d’une compagnie de mines, peuvent-ils soutenir, que leurs cédants, faute d’avoir notifié la cession ou transport à l’entrepreneur, et de l’avoir fait ratifier par lui, sont passibles de dommages intérêts envers eux, à cause des retards dommageables que ce défaut de notification aurait pu occasionner ; lorsque connaissant parfaitement le traité relatif à l’exploitation, avec l’entrepreneur, ils avaient en eux même la faculté de faire cette signification, s’ils la jugeait utile ? Qualité : 7. un individu, réunissant en sa personne une double qualité, celle d’actionnaire et celle d’entrepreneur de la compagnie, ayant comparu à un acte de subrogation fait au nom de la compagnie, qu’il a signé, sans déclarer en quelle qualité il entendait contracter, peut-il être considéré comme n’ayant agi qu’en une seule de ses qualités, et n’avoir en rien fait novation à ses droits, résultant de son autre qualité, celle d’entrepreneur ? Mines : 4. actionnaire de la compagnie des mines de Menat exploitant une fabrique de noirs de deux espèces, l’une dite noir gros grain, et l’autre dite noir fin, le sieur mossier, qui avait traité avec elle le 7 avril 1829 pour la fabrication de ces deux espèces de noir, a-t-il pu assigner les gérants pour les faire condamner, avec dommages intérêts, à retirer tous les noirs fabriqués ou, n’a-t-il eu d’action directe que contre les sieurs Dumont et Derosne, subrogés aux droits de la Compagnie par traité du 8 septembre, même année ?
Mossier, réunissant en sa personne une double qualité, celle d’actionnaire et celle d’entrepreneur de la Compagnie, ayant comparu à l’acte de subrogation du 8 septembre, qu’il a signé, sans toutefois déclarer en quelle qualité il entendait contracter, peut-il être considéré comme n’ayant agi qu’en une seule de ses qualités, celle d’actionnaire, et n’avoir en rien fait novation à ses droits résultants de son autre qualité, celle d’entrepreneur ?
Le noir en magasin a-t-il pu être refusé par la Compagnie, ou par ses cédataires ? Le refus de renvoi a-t-il causé préjudice à l’entrepreneur Mossier et donné lieu à des dommages intérêts ? Contre qui, des gérants ou de la Compagnie, ou des subrogés, ces dommages intérêts doivent-ils être prononcés ?
Les sieurs Dumont et Derosne devenus cédataires ou subrogés aux droits de la Compagnie par l’effet du traité du 8 7bre 1829, peuvent-ils soutenir que leurs cédants, faute d’avoir notifié la cession à l’entrepreneur, Mossier, et de l’avoir fait ratifier par lui, sont passibles de dommages intérêts envers eux, à raison des retards dommageables que ce défaut de notification aurait pu occasionner ; lorsque connaissant parfaitement l’acte du 7 avril précédent, ils avaient eu eux même la faculté de faire cette notification, s’ils la jugeaient utile ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1832
1825-1832
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
59 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2715
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2716
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Menat (63223)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
bail
bail d'entreprises
commerce
Daubrée (Edouard)
dissolution de sociétés
experts
exploitation du sol
exportations
industrie
Mines
moulins
noir animal
procédés de fabrication
schiste
sociétés
sociétés par actions
tribunal de commerce
voyageurs de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53554/BCU_Factums_G2717.pdf
8acb8c5aae0e52452e0bc041e6564460
PDF Text
Text
COUR ROYALE■
:
MÉMOIRE
DE RIOiM;
Dame
A n to inette
du sieur
B R U N ,
G u illa u m e
V E RNIETTE,
ve u ve, en premières noces,
B U J A D O U X ,
et sieur
J oseph
son second m ar i, marchands, ha-
b it a ns de la ville de C l e r m o n t , appelans ;
CONTRE
L e s sieurs A
n e
nt
et
M ic h e l
B O N H O U R S , dame
B O N H O U R S et sieur J e a n - B a p t i s t e
C E L M E son m ari, et le sieu r Lo u is B O N H O U R S ,
A n ne
tuteur lég a l de ses enfans m ineurs, tous proprié
taires, habitans de Clerm ont, partie de Montf errand,
Intimés.
P
armi
■- J
I re
•
les droits accordés par la loi civile à l ’homme
social, un des plus respectables est celui de trans
mettre son patrimoine à un héritier de son choix.
C hez tous les peuples, les législateurs ont protégé
l ’exercice de ce droit sacré qui nous f a i t , en quelque
sorte, revivre dans la personne dont les affections et
il |
'■
»!
'
POUR
M1
CHAMBRE.
f:
�les services ont mérité un dernier témoignage de nos
souvenirs et de notre reconnaissance.
Mais il est rare que les efforts de l ’intérêt privé ne
cherchent pas à. anéantir les dernières volontés d ’ un
testateur. Pou r tâcher d ’y parvenir, les collatéraux ne
manque nt pas de prétextes-, l ’homme q u ’ils ont oublié
pendant sa vie leur parait inju ste, s i, à sa m o rt, il les
oublie lui- même, s’il gratifie ceux q u i , dans tous les
instans de sa vie , lui ont consacré leurs soins, et q u i ,
pour embellir son existepce ou la soulager dans les
tristes années d ’une vieillesse infirme, n ’ont épargné ni
voyages, ni veilles, ni dépenses.
C ette cause présente un nouvel exemple de ces ten
tatives hasardées, contre sa propre conviction, par l ’es
prit de cupidité qui se laisse bercer de l ’espoir q u ’il
de vra , peut-être à l ’err eu r,
justice éclairée l u i refuserait.
une hérédité q u ’une
L e sieur B run a légué, par un testament olographe,
toute sa fortune à la dame V e r n ie t t e , sa sœur.
T o u t devait faire prévoir cette disposition.
U n e amitié toute particulière unissait le frère et la
sœur ;
C e l l e - c i avait recueilli dans sa maison un frère
infir me, qui avait quitté Paris pour être entouré des
secours d ’une sœur chérie. L à lui avaient été prodigués
les soins les plus m in u t ie u x , et tous les soulagemens
que des infirmités peuvent trouver dans les ressources
de l ’a r t , dans les attentions délicates des sentimens
fraternels;
11 ne voyait jamais les enfans Bonhours, qui sont
�ses neveux, il est vrai, mais dont il disait avoir depuis
long-tems à se plaindre.
L e sieur Brun a tracé, dans l ’écrit qui contient ses
de rnières volontés, des dispositions que son cœur lui
avait dictées; et son testament est tout à-la-fois un
monument d ’affection fraternelle et de gratitude.
Co mm en t pourrait-il être sérieusement critiqué?
Aussi dans l ’embarras où ils se tr ouv en t, les enfans
Bonhours qui attaquent le te st am en t, tantôt sou
tiennent q u ’il n ’est pas l ’oeuvre de la main du défu n t,
tantôt prétendent q u ’il n’est pas celle d ’un esprit sain
et intelligent; n'hésitant pas ainsi, pour se procurer
un succès illégitime, ou à accuser d ’ un faux la dame
Verniette, leur ta n te, ou à flétrir, par la supposition
de la démence, la mémoire de l ’oncle dont ils veulent
envahir la fortune.
Ces argumens, qui se détruisent l ’ un l ’autre par
une choquante contradiction, en les isolant même,
seront faciles à combattre.
^
Déjà une vérification par experts a fait justice de
l ’une de ces déplorables objections.
U n e preuve par témoins, en réduisant l ’autre à sa
vraie valeur, démontrera aussi qu'une volonté cons
tante et éclairée avait préparé, et a consommé les
bienfaits que le testateur s’est plu à répandre sur une
sœur q u ’il chérissait spécialement.
FAITS.
L e sieur Michel B r u n , dont le testa men t a donné
�lieu au procès, avait habité Paris pendant trente ans
environ.
D u r a n t cette longue absence, il n ’avait conservé de
relations intimes q u ’avec la dame Antoinette Brun sa
sœ ¡r, épouse du sieur Verniette, négociant à Glermont.
Il avait cependant une autre sœur, la dame Mich lie
B r u n , qui demeurait à Montferrand, où elle s’était
mariée avec le sieur Bonhours; mais les rapports du
sieur Brun avec cette sœur et avec l^-s Bonhours étaient
nuls ou peu agréables; il éprouvait même pour eux
une sorte d ’éloignement dont il est inutile de recher
cher les causes, mais q u ’il a manifesté dans plusieurs
circonstances.
Au contraire, il avait toujours existé entre lui et la
dame Yer niette une amitié v i v e , q u ’avait entretenue
un échange mutu el de soins, de services et d ’attentions,
et qui engageait le sieur B r u n à faire de tems en teins
■des voyages à C le :m o n t pour revoir sa sœur et pour
passer quelques semaines auprès d ’elle.
Dès 1802, il avait entrepris la commission à Paris-,
et souvent il envoyait à Glermont des marchandises de
diverses sortes. Sa sœur Antoinette lui procurait des
demandes 5 il la chargeait aussi de ses recouvremens.
Ces rapports d ’affaires ajoutaient à leur i n t im it é , et
line correspondance suivie existait entr’eux.
C ett e correspondance est établie par une foule de
lettres qui attestent aussi les sentimens affectueux du
frère envers la sœur; elle n ’a cessé q u ’en octobre 1823,
au moment oii le sieur Br un a quitté Paris pour venir
�habiter auprès et dans la maison même de la dame '
Verniette.
E n i 8 o 5 , il désira être parrain d ’une fille de sa sœur,
alors épouse du sieur Bujadoux; il fit , dans ce b u t , le
voyage de C le r m o n t , logea chez sa sœur, et passa deux
mois auprès d ’elle, sans autre table que la sienne.
E n 1809, il voulut goûter les plaisirs des vendanges
auprès de sa sœur; il occupa chez elle les mêmes appartemens que dans ses précédens voyages, fut traité de
la même manière, et ne la q u i t t a , elle et sa famille,
q u ’avec regret, lorsque ses affaires ne lui permirent
plus de prolonger son séjour. C e fut dans cette circons
tance, que le frère et la sœur se donnèrent réciproque
ment leur portrait.
.
Il serait superflu de parler des différens autres
voyages. Mais 011 ne doit pas passer sous silence celui
que fitle si eurB run, en 1 8 1 7 , q u ’avait rendu nécessaire
la mort de son père, et lors duquel eut lieu le partage
des biens de la famille.
Ces biens étaient situés à Montferrand , ce qui obli
geait M. Brun de se rendre fréquemment dans cette
ville où demeuraient les Bonhours. Cependant jamais
il n ’a couché chez eux; et lorsqu’il s'était vu dans la
nécessité de passer la journée à Montferrand, le soir il
revenait chez sa sœur Antoinette Brun, à Clermont.
L e sieur Brun avait souvent pressé la dame Verniette
de venir le voir à Paris. C elle -c i, mère de famille et
mar chande, n ’avait pu se rendre a son invitation.
Mai s, en février 18 22 , elle apprend que son frère
est malade. Alors l ’affection re m po rte , elle abandonne
�( 6 )
son ménage, son commerce, et va passer auprès de son
frère deux mois q u ’elle consacre à l ’entourer de ses
services. Ce n ’est que lorsqu’elle l ’a rendu à la santé,
q u ’elle quitte Paris pour revenir auprès de sa famille.
Cependant
plusieurs banqueroutes éprouvées par
le sieur Br un pendant l ’année 1 8 2 2 , lui causent des
chagrins qui bientôt altèrent encore sa santé-, des soins
cons'ans lui deviennent nécessaires. Il sent le besoin
de ne pas être livré à. des services mercenaires , e t ,
par une lettre écriteMe 9 février 1823 au sieur Jarton
aînéj marchand à Clermont^ il le prie de déterminer
une des filles de la dame Ve rnie tte , la demoiselle
Amélie Bujadoux sa filleule, à se rendre auprès de lui.
C elle -ci,
qui entrait alors comme novice dans la
communauté des Urs ulines , ne put se rendre auprès
de son oncle; mais elle fut remplacée par sa sœur ainée,
la demoiselle Agathe Bujadoux, q u i a prodigué pendant
plusieurs mois au sieur B r u n tous les services que son
état pouvait exiger.
Indisposée elle-même, et voyant son oncle en conva
lescence ,
la demoiselle Agathe revint auprès de sa
mère en juillet 1823.
L e sieur B run resta encore plusieurs mois à Pari s;
mais sa santé étant chancelante, et ses infirmités p a
raissant s’accroître, il vo ulut quitter les affaires et
venir se fixer à Clermont auprès de sa sœur.
A lo rs , pour se conformer aux désirs prcssans q u ’il
manifesta par plusieurs lettres écrites en octobre 1823,
le sieur Ve rniette son beau-frère alla le chercher.
A v an t de q uit te r Paris, il mit dans ses affaires lo
�( 7 )
'ìS V
plus grand ordre; il résilia le bail de son logement,
régla ses comptes avec ses commis, donna sa procuration
à un notaire de Paris, acheta une v o i tu r e , fit marché
avec un voiturier de Marvejols, et, voyageant à petites
journées, arriva à Clermont le 2 novembre, accom
pagné de son beau-frère Y e r n ie t te , chez lequel il alla
loger, suivant son usage,N.et dans la maison duquel il
est resté jusqu’à son décès.
Les jours qui suivirent l ’arrivée du sieur B run
furent employés par lui à rendre des visites à ses amis,
à régler différens comptes avec ses commettans, et à
quelques autres affaires.
L e i 5 novembre, il acheta divers objets à son usage;
le 1 7 , il acquitta de sa propre main une facture du
sieur Leg oy t et en signa l ’acquit (1).
L e 20 novembre, il fit le testament olographe, dont
les enfans Bonhours demandent la nullité.
C e testament est court; mais il contient tout ce qui
est nécessaire pour sa validité. L e içodèle en avait été
demandé à un jurisconsulte de Clermont. En voici les
termes :
« Ceci est mon testament^: »
« J’institue
mon
« Antoinette Br un.
héritière
universelle
ma sœur
A C le n n o n t-F erran d , le vingt
h novembre mil huit cent vingt-trois.
Signe Brun
« Michel. »
Depuis comme avant ce testament, le sieur Br un
a continué de sortir, le plus souvent seul; de visiter
(1) On rapporte cette facture et son acquit.
'
*
�ses amis; de diner chez eux ; de vaquer librement à
ses différentes affaires; enfin d ’agir et de parler comme
un homme qui jouit de toutes ses facultés morales.
Il donna notamme nt, le 4 février 1824? au sieur
Verniette une procuration qui fut reçue par le sieur
A s t a i x , notaire à C le r m o n t ,
et qui autorisait son
fondé de pouvoirs à traiter avee un sieur M alhie r ,
dont il avait été l ’associé à Paris.
C ’est seulement peu de mois avant sa m o r t , que,
son mal s’aggravant, il a cessé de sortir de la maison
de la dame V e r n ie t t e , où il occupait l ’appartement le
plus commode.
L e sieur Brun est décédé le 20 octobre 1824, laissant
à la dame Verniette une fortune modique , il est v r a i ,
mais précieuse pour elle, comme un gage del à tendresse
de son frère.
Telle est l ’analyse fidèle des faits qui ont précédé la
contestation actuelle.
L e testament fut présenté le 3 o octobre p a r M ' F a b r e /
notaire à Cle rm ont, au président du tribunal civil, L a
description en fut faite, et le dépôt ordonné entre les
mains du même notaire^, e t , par une ordonnance du
3 décembre su iv ant, la dame Verniette fut envoyée
en possession des biens de l ’ hérédité.
Cependant la famille Bonhours annonce bientôt des
projets hostiles.
L e i 5 janvier 1825, un conseil de famille est réuni
pour en obtenir une autorisation afin d ’agir en partage
de la succession de l ’oncle.
C e conseil de famille, dans la délibération d u q u e l il
�(
9
)
n ’est pas parlé du testament olographe, autorise l ’ac
tion en partage, quoique l ’un des parens, un oncle
maternel, refuse son consentement, la demande ne lui
paraissant pas fondée.
Alors, et par exploit du 4 février 1825, fut intro
duite l ’instance.
L a dame Verniette fit notifier le testament.
Les enfans Bonhours déclarèrent n ’en pas connaître
l ’écriture et la signature, et formèrent opposition à
l ’ordonnance d ’envoi en possession. Us alléguèrent aussi
que le sieur Brun ét ait, bien long-tems avant la date
du testament, dans un état d ’imbécillité et de démence,
qui ne lui aurait pas permis d ’exercer une volonté libre
et éclairée.
U n ju gem ent, du 3 décembre 182!}, ordonna une
vérification,
Imberl
et
ancien
nomma,
avoué,
pour experts,
Bonjour et
Cavy,
les
sieurs
tous les.
deux notaires l ’un aux Martres-de-Veyre , l ’autre à
Clermont.
L e choix de ces trois experts,
aussi habiles que
prudens, semblait devoir offrir la plus forte garantie
aux inquiétudes des parties et à la sollicitude de la
justice. O11 verra cependant q u ’ il n ’en a pas été jugé
ainsi.
Cependant des pièces de comparaison furent pré
sentées; les unes étaient authentiques, les autres sous
seing-privé.
Parmi les pièces autlientiques, la seule qui fut ré
cente, était la procuration du 4 février 1824, dont
nous avons déjà parlé, comme postérieure au testa
�ment.
C ett e
pièce
fut
présentée
par
les
enfans
Bonhours.
Les actes sous seing-privé consistaient principalement
en lettres écrites à diverses époques par le sieur Br un.
Les enfans Bonhours en présentèrent quatre dont
les dates étaient anciennes; la plus récente était an
térieure de près de quatre années au décès du sieur
Brun.
L a dame Yerniette consentit à les admettre pour
pièces de comparaison, mais à condition q u ’on a d
mettrait aussi beaucoup de lettres q u ’elle produisit
elle-même, et sur-tout celles qui étaient les plus rap
prochées de l ’époque du testament.
Il en fut autrement. Les plus rapprochées, c ’est-àdire les plus propres k éclairer les experts et la justice
furent rejetées par les Bonhours, qui ne pouvaient se
dissimuler le d a n g e r , p o u r e u x , de la comparaison de
ces écrits récens avec l ’écriture du testament.
Cependant les experts procèdent à la vérification
qui leur était confiée.
Dans leur procès-verbal ils transcrivent les dires des
parties. C eux des époux Verniet te rappellent en subs
tance les faits que nous venons d ’exposer, et la preuve
en est offerte.
Il est ajouté q u e , « s’il existe quelque différence
« entre les écritures et signatures du sieur Brun , cela
« ne peut provenir que des attaques et des maladies
« q u ’il a éprouvées; ce qui est établi dans différentes
« lettres q u ’ il a écrites à plusieurs personnes, dans
« lesquelles il leur dit q u ’il a la main tremblante, et
�(
11
)
« q u ’il n ’écrit q u ’avec beaucoup de peine et de diffi« culté. »
A l ’appui de leurs observations, les époux Vernielte
présentent aux experts plusieurs lettres et une facture
acquittée par le d é f u n t , trois jours avant la date du
testament.
Mais les experts-vérificateurs ne crurent pas devoir
faire usage de ces nouvelles pièces; et se fixant seule
ment sur les pièces adoptées dans le procès-verbal du
commissaire, les rapprochant de la pièce désignée, se
liv ra nt, d ’abord chacun à part soi, à l ’examen le plus
scrupuleux,
s étant ensuite com m uniqué leurs ré
f le x i o n s , ils s ’exprim ent ainsi :
« Nous avons remarqué que la physionomie qui
« résulte de l ’assemblage des caractères du testament
« s’éloigne de celle q u ’offre la contexture des onze
« lettres missives co m p ar ées.' C e p en d an t, en descen« dant dans les détails de la comparaison, on est
« obligé dé reconnaître que la conform ation de beau« coup de mots entiers et de chaque ca ra ctère, pris
« isolément de la pièce indiquée, est très-ressemblante
« à celle des mots semblables et des caractères isolés
« des lettres missives; et q u ’ainsi la différence de phy« sionornie des caractères paraît provenir de ce que
« celle de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur
« et d iffic u lté , tandis que celle des lettres missives
« annonce une plus grande facilité d ’exécution. »
Cet te explica Lion des experts paraîtra foit naturelle^
si l ’on considère que la plupart des lettres missives
étalonL anciennes, et q u ’elles étaient loutes antérieures
�aux attaques et aux maladies qui avaient causé à la
main du sieur B run cette pesanteur et cette difficulté
d ’exécution dont parlent les experts.
Ces hommes de l ’art eussent trouvé plus d ’identité
dans la physionomie, s’ils eussent pu employer, comme
pièces de comparaison, des lettres plus récentes, et
l ’acquit
écrit de la main du sieur Brun l u i - m ê m e ,
le 17 novembre 1 8 23, sur une facture due par le sieur
Lego yt .
Les experts considèrent ensuite les actes aut he n
tiques qui ne leur présentaient que des signatures
isolées et déjà anciennes. L e jplus grand nombre de
ces signatures remontaient à l ’an 1 2 , à l ’an i 3 *et à
l ’an 14 (1804? i 8 o 5 , 18 0 6 ) ; quelques-unes à 1 8 1 8 ;
une seule au 4 février 1 8 2 4 , c ’est-à-dire à une époque
rapprochée de celle du testament , qui est du 20
novembre mil h u it cent vingt-trois.
Les anciennes
signatures
paraissent aux
experts
présenter peu de similitude avec celle de la pièce déniée.
Mais la signature de la procuration reçue A s t a i x ,
notaire, le 4 février 1 8 2 4 , frappe particulièrement
leur attention.
« E lle s’éloigne,
disent-ils,
du caractère de la
« signature ordinaire du sieur B r u n ; mais 011 ne peut
« se refuser à lui trouver une grande ressemblance
« avec celle du testament; et les experts ne doutent
« pas qu e lles aient é té produites toutes d e u x p a r la
« même main. »'
Quo i de plus décisif q u ’ une telle opinion, fondée sur
un acte a u t h e n t i q u e q u ’avaient présenté les Bonh ou rs
�( i3 )
eux-mêmes comme pièce (le cQmparaison, et qui a été
fait presqu’à l ’époque tlu testament, c ’est-à-dire dans
un tems où le testateur était dans le même état p h y
sique, et éprouvait, pour écrire, la même pesanteur
de la main et la même difficulté d ’exécution, effet des
maladies q u ’il avait essuyées.
Les experts descendent ensuite dans des recherches
soigneuses sur la conformation de chaque lettr e, soit
du testament, soit de la.signature; et, comparant cette
conformation* à celle des lettres de la signature de la
procuration et même des caractères et des mots sem
blables q u ’ils aperçoivent dans les lettres missives, ils
démontrent que la même main a dù tracer ces différens
écrits.
Nous ne les suivrons pas dans des détails q u ’il serait
trop long même d ’analyser, mais qui prouvent avec
quelle exactitude, avec quel scrupule les experts se sont
acquittés du mandat que leur avait donné la justice.
Nous nous bornerons à transcrire le résumé de leur
avis. Il est ainsi conçu :
n
« Par suite de l ’examen et des observations qui
« précèdent, les experts ont formé leur opinion et
« déclaré, à Vunanim ité, q u ’il demeure évident pour
« eux que l ’acte soumis à leur vérification a etc écrit
« et signé de la même main qui a tracé les caractères
« de comparaison. »
L e résultat d ’ une telle vérification devait, il semble,
ne laisser aucune ressource aux tracasseries.
Mais les enfans Bonhours ne se découragèrent pas;
ils critiquèrent le procès-verbal des experts, et deman-
�dèrent mie nouvelle vérification 5 subsidiairement ils
offriient la preuve de diverses allégations hasardées,
par lesquelles ils prétendaient que le sieur Br un avait
.toujours vécu en bonne intelligence avec son beau- frère
et ses neveux Bonhours; q u ’étaiit tombé malade, à la
fin de 1823, le sieur Verniette alla le chercher à Paris,
et le conduisit à C le rm o u t; que depuis cette époque,
la dame Ver niette avait fait tout ce qui était en son
pouvoir pour éloigner de lui le père Bonhours et ses
enfans; que la plupart du tems, lorsqu’ils venaient le
voir, ils étaient repoussés avec rudesse sans être admis;
Qu e la dame Verniette le tenait en charte privée
pour empêcher, autant q u ’il était en elle, q u ’il eut
des communications avec ses parens et amis;
Que souvent elle le m altrait ait ,
et q u ’il en faisait
ses plaintes à ceux qui pouvaient l ’aborder;
E n f i n q u ’il avait f ré q u e m m e n t des attaques q ui lui
faisaient perdre connaissance, et qui l ’avaient réduit à
un état d ’imbécillité.
On ne fixait pas d ’ailleurs l ’époque à laquelle avait
commencé cet état d ’imbécillité.
Ces faits n ’étaient ni vrais ni vraisemblables, ni
pertinens. C ’est ce que démontra la dame Verniette
en demandant l ’ homologation du rapport des experts.
I,a cause portée h l ’audience,
le t r ib u n a l , par un
jugement du 23 avril 1 8 2 7 , n ’admit pas la preuve
offerte; mais par de longs considérans, déduits n o
t a m m e n t , de la faculté q u ’avaient les juges de 11e pas
adopter l ’opinion des experts, q u i , dans ces matières,
n ’est que conjecturale; du laconisme du testament qui
�( i5 )
lui parut prêter aux soupçons; de la circonstance que
la physionomie du testament s’éloignait de celle des
lettres missives; de celle q u ’à la signature du testament
était ajouté le mot M ic h e l 3 qui ne se trouvait pas dans
les autres signatures; de la différence que le tribunal
crut remarquer entre Vn finale de la signature du tes
tament et celle de la procuration ; enfin et sur-tout de la
surcharge du mot vin g t dans la date du testament; par
ces divers motifs, le tribunal ordonna une nouvelle véri
fication, en la confiant à MM. Hugues, C a il h eet Murât.
Ces experts furent chargés de s’expliquer sur les
surcharges qui existent dans le testament, notamment
sur le mot v in g t, et sur la date qui y existait avant;
d ’examiner si le mot vingt avait été tracé par la même
main qui avait écrit et signé le testament; de peser
enfin dans leur sagesse les doutes que pouvaient faire
naître les réflexions
énoncées
dans les motifs
du
jugement.
C e jugement se mb lait, par ses motifs au moins,
indiquer aux experts l ’avis q u ’ils avaient à exprimer; et
q u o iq u ’il réservât aux parties tous leurs moyens de fait
et de droit, sa rédaction présentait des singularités qui
devaient nécessairement faire éprouver quelque em
barras aux
personnes chargées de la nouvelle vén-
fiication.
On pouvait s’étonner aussi de ce que les Bonhours
n ’avaient pas été soumis à avancer les Irais de celle
seconde opération q u ’ils avaient demandée.
L a dame Verniette a interjeté appel de ce jugement.
Devant la cour, la dame Verniette a demandé l ’homo-
�logation du procès-verbal de vérification, et a renou
v e l é , subsidiairement, l'offre de la preuve des faits
q u ’elle avait consignés dans le rapport des experts.
Les Bonhours, en concluant à la confirmation du
ju gem ent, ont offert, aussi subsidiairement, la preuve
des mêmes faits q u ’ils avaient présentés eu première
instance.
L a C o u r a rendu , le i 5 juillet 1829, un arrêt ainsi
concu
«» :
« At te n du q u e , d ’après la nature de l ’affaire et les
« circonstances qui s’y rattachent, il ne peut q u ’être
« utile pour la découverte de la vérité, de corroborer
« l ’existence du testament dont il s’agit par des preuves
« testimoniales; que cette marche est admissible, soit
« dans l ’e s p r i t , soit dans la lettre de la législation
« romaine et de la législation du code civil,
« P a r ces m o t i f s ,
« L a C o u r , sans préjudice des fins et moyens, tant
« de fait que de d r o i t, qui demeurent réserves aux
h
parties sur le fonds, ordonne, avant de faire d r o i t ,
« q u e , dans le mois, à compter de la signification du
« présent arrê t, faite à avoué en la C o u r , les parties
« d ’ All em and feront preuve, tant par titres que par
« témoins, par-devant M, V e r n y , conseiller-auditeur,
« commis à cet effet:
« i° Que lu dame Verniette et ses filles ont soigné
u le sieur B r u n , tant à Paris q u ’à C l e r m o n t , pendant*
« les dernières années de sa vie, dans les maladies quo
« celui-ci a essuyées, ou à raison de scs infirmités;
« 20 Qu e le sieur Br u n , voulant venir se fixer à Cler»
�(
*7
)
« mont à la fin de 1823, invita le sieur Verniette à
/
« le venir chercher à Paris; et que le sieur Verniette,
« cédant à cette invitation, se rendit effectivement à
« Paris et revint à Clermont avec le sieur B r u n , qui,
« depuis, ju sq u’à son décès, a continuellement habité
« avec les époux Vern iette;
« 3 ° Qu e le sieur B r u n , depuis son arrivée à Cler« mont jusq u’à son décès, a reçu et rendu de nom« breuses visites et est allé dîner plusieurs fois chez
« des personnes avec qui il avait eu d ’anciennes rela« tions; que, d ’ailleurs, il sortait fréquemment, soit
« pour se promener, soit pour voir ses amis;
« 4°. Q u ’il a souvent exprimé à diverses personnes
« son affection particulière et sa reconnaissance pour
« la dame Verniette sa sœur, ainsi que sa volonté de
« lui laisser toute sa fortune ;
« 5 ° Que lorsque son testament eut été fait, ce
« testament a été présenté à des jurisconsultes, pour
« savoir s’il était régulier;
« Q u e , depuis la date de ce testament, le sieur
« Br un a déclaré plusieurs fois q u ’il avait donné toute
« sa fortune à la dame Ve rnie tte , sa sœur;
« S a u f aux parties de Godemel toute preuve con« traire, dans le même délai et par-devant le même
« commissaire, dépens réservés. »
Comm e 011 le v o i t , la C o u r a ordonne la picuve
offerte par la dame V e r n ie i le ; elle l ’a ordonnée parceq u ’elle l ’a considérée, non peut-être comme rigoureu
sement nécessaire, mais comme utile pour corroborer
V existence de testam ent; elle l ’a ordonnée en autoriT+
0
�sant seulement lesBonhours à faire la preuve contraire.
L ’on verra bientôt que tous les faits articules ont été
prouvés par la dame Ver niette , et que certains de ces
faits sont établis même par la preuve contraire, dont la
plupart des dépositions, d ’ailleurs, roulent seulement
sur de vagues propos ou sur des points non interloqués.
Mais, avant d ’entrer dans l ’exposé de ces preuves
orales, fixons-nous sur celles qui résultent de la vér i
fication de l ’écriture du testament.
DISCUSSION.
S I.
E x a m e n du rapport des experts.
Nous l ’avons dit en commençant : le rapport des
experts était aussi satisfaisant que décisif. 11 était
l ’ouvrage d ’hommes aussi éclairés que soigneux, et que
leur sévère impartialité a toujours désignés à la confiance
des tribunaux. Il a été le résultat de l ’examen le plus
m in u t ie u x , qui s’est fixé sur chaque m o t , sur chaque
lettre de la pièce déniée, pour les comparer aux mêmes
m ots , aux mêmes lettres que présentaient les pièces
reconnues.
Les experts n’ont épargné ni soins ni peines pour la
découverte de la vér ité; et leurs recherches les ont
conduits à déclarer, h l ’u n a n im ité, q u ’il demeurait
évident p o u r e u x que l ’acte soumis à leur vérification
avait été écrit de la même main qui avait tracé les
caractères de comparaison.
C e l t e opinion si positive, appuyée sur de nom
breuses et de puissantes raisons, dev rait, il sem b l o ,
�( *9 )
nous dispenser de combatiré en détail les argumens
des Bonhours.
Mais discutons-les rapidement.
L a physionomie de l ’assemblage des caractères du
t
testament s’éloigue, d i t - o n , de celle q u ’offre la con
texture des lettres missives;
L a signature du testament ne ressemble pas à celle
des pièces produites, si ce n ’est à celle de la procuration;
L a lettre n de la signature de la procuration diffère
de la même lettre dans le testament;
L e mot M ic h e l, ajouté à la signature du testament,
ne se trouve pas aux autres signatures;
Les
experts
n’ont
pas parlé des surcharges , et
notamment de celle du mot vingt ;
Enfin le laconisme du testament est frappant.
Telles sont les objections proposées. Reprenons-les.
L a différence dans la physionomie des écrits n ’est
pas un moyen sérieux. Les experts nous en expliquent
la cause; elle provient, disent-ils, de ce que l ’écriture
de la pièce déniée a été exécutée avec pesanteur et
difficulté, tandis que celle des lettres missives annonce
une plus grande facilité d ’exécution.
On pourrait ajouter que tous les jours l ’on remarque
quelque différence de physionomie dans les écritures
faites en divers tems, quoique par la même personne.
E l l e est produite par le changement de plume, d ’encre,
de disposition dans la m ai n , de soin dans celui q ui
écrit, de largeur ou de longueur donnée aux caractères
suivant le caprice de l ’écrivain.
Aussi tousles homuiesde l ’a r t , appelés à comparer des
�écrits, s’attachent-ils moins à la physionomie générale
q u ’à la conformation de chaque mot et cle chaque lettre.
C ’est ce q u ’ont fait les experts. Ils ont comparé
aux mots du testament une très-grande quantité de
mots semblables, pris dans les pièces de comparaison ;
et ils se sont convaincus, ainsi q u ’ils le déclarent,
d ’après la très-grande ressemblance, soit des caractères
isolés, soit de mots entiers, que la même main avait
écrit la pièce déniée et les pièces reconnues.
E n général, les lettres missives sont d ’une écriture
très-fine, et celle du testament est assez grosse. C ’est
une des principales causes de la différence des physio
nomies. C ett e différence n ’existe pas entre le testament
et l ’acquit écrit et signé, le 17 novembre 1 8 2 3 , par le
sieur B r u n , sur la facture du sieur L egoyt ; pièce qui
n ’est pas suspecte et dont parle un des témoins.
M a is, ajo ui e- t- on , parmi les signatures des pièces
de comparaison, il n ’y a que celle de la procuration de
1 8 2 4 , qui soit semblable à la signature du testament.
O n répondra q u ’il suffit de rapprocher toutes ces
signatures pour reconnaître que la dissemblance n ’est
pas réelle, et que, si elle est un peu apparente d'abord,
c ’es t,
comme nous l ’avons déjà d i t ,
à raison de la
finesse de la plume qui a tracé les signatures des pièces
de comparaison.
Aussi la dissemblance est d ’autant moins grande
que les signatures sont plus grosses. Par exemple, si
l ’on rapproche la signature du testament de celle d ’un
acte au t he n tiq u e , passé le 4 brumaire an 1 4 , devant
Gorse, notaire, on leur trouvera beaucoup d ’analogie.
�( 21 )
Toutes les diverses signatures indiquent, d ’ailleurs,
les mêmes mouvemens et les mêmes habitudes dans la
main qui a écrit.
A u reste,
n ’y eût-il même que la signature de la
procuration de 1 8 2 4 ,
qui fût conforme à celle du
testament,, ne suffirait-elle pas pour établir le mérite
de la pièce déniée? Ces deux actes, faits à deux époques
très-rapprochées, signés l ’ un et l ’autre en caractères un
peu gros, revêtus de signatures identiques, et annonçant
l ’un comme l ’autre de la pesanteur et de la difficulté
d'exécution dans la main, ces deux actes ne doivent-ils
pas se servir mutuellement de contrôle? E t si , comme
on ne saurait le contester, la signature de la procu
ration est vraie, comment pourrait-on douter de la
sincérité de celle du testament? ce n ’est pas au nombre
des pièces de comparaison, que l ’on doit s’arrêter dans
de telles vérifications. C ’est la nature de ces pièces,
c ’est le rapprochement de leurs dates avec celle de la
pièce déniée; ce sont enfin les dispositions physiques
où se trouvait le signataire, que l ’on doit sur-tout
* considérer, afin de reconnaître si la même main a réelle
ment tracé les diverses signatures.
Il serait superflu de se fixer sur u ne remarque faite
par les premiers juges; elle consiste en ce qu à la signa
ture
Brun
, le bas du dernier jambage de 1’« n ’est pas
abso lume nt le même dans les deux actes.
C ette différence, qui est fort légère, avait été aussi
remarquée par les experts; mais elle ne leur avait paru
digne d ’aucuneconsidération. Si les Bonhours l ’ont rele
vée,
c’est q u ’ils ont senti le besoin de faire valoir, même
�les plus futiles objections. Nous nous contenterons d ’y
répondre par une observation générale que f o n t, à ce
s u je t, les experts, et q u ’ ils appliquent en même lems
aux paraphes.
Voici leurs expressions :
« C ett e circonstance nous donne l ’occasion de rap« peler que la signature du sieur B r u n , soit dans le
« corps de l ’écriture, soit pour son paraphe, présente
« cles variations sensibles dans les lettres missives et
« dans les actes q u i nous ont é té présentés. »
Observation des plus justes,
et que l ’expérience
confirme tous les jours.
Q u e l ’on compare, en effet., de nombreuses signa
tures de q ui que ce soit, faites, sur-tout^ à des époques
différentes, on y trouver a, si l ’on v e u t , des caractères
généraux de ressemblance; mais si on les examine avec
trop de scrupule , on remarquera entre toutes des
différences sensibles, auxquelles pourraient s’appliquer,
et avec plus de force m êm e , les minutieuses critiques
employées par les Bonhours contre le testament du
sieur Brun.
L ’addition du prénom M ic h e l à la signature Br un
fournit aussi un argument aux Bonhours.
Mais que peut-on en conclure, si, comme les experts
l ’ont reconnu, le mot M ic h e l est écrit de la main du
d éfunt? lors même que le mot serait i n u t i l e ,
son
addition pourrait-elle nuire à la validité de l ’acte?
qui ne connaît la maxime : Quœ superabundant non
n ocen t? Q u ’on le supprime, si l ’on v e u t , le testament
u’eu sera pas moins valable,
�Mais , dira-t-on , le sieur Brun n ’était pas dans
l'usage de l ’ajouter à sa signature.
Q u ’importe? cette précaution annonce l ’importance
q u ’il attachait à son testament^ et le désir q u ’il avait
de ne laisser aucune équivoque sur la personne du
testateur. C a r le prénom M ic h e l devait aider à le faire
distinguer de toutes les autres personnes qui pouvaient
porter le nom de Brun.
Quelques surcharges dans le testament ont aussi
fixé l ’attention des premiers juges. Ils se sont plaints de
ce que les experts n’en avaient pas parlé.
L e silence des experts, à cet égard, prouve seulement
q u ’ils n ’ont pas pensé q u ’on dùl y attacher la moindre
importance. De légères surcharges, qui ne sont même
apparentes que sur le mot vingt de la da te , devaient
d ’autant moins fixer leur attention que la date était
très-facile à lire. Les experts, d ’ailleurs, ont fait tout
ce q u ’ils étaient chargés de faire; ils se sont assurés, et
ils ont déclaré que le testament entier, et par consé
quent le mot v in g t, un peu surchargé, étaient, comme
les autres, écrits de la main du défunt. Ils s’en sont
assurés par la vérification la plus détaillée et la plus
soigneuse. E n comparant, lettres par lettres, les mots
du testament aux mots des pièces de comparaison, a
ceux des lettres missives notamment, ils leur ont trouvé
une parfaite similitude; en sorte que les lettres de la
pièce déniée leu r ont p a r u , dis en t-i ls, porte/ / emp rein le du caractère habituel et involontaire (¡ne donne
la disposition des organes appliqués à l ’écriture. De
quelle conséquence, d ’après cela, pouvait être l ’appa-
�rence d ’ une surcharge? Pouvait-elle nuire à la validité
de la date? personne n ’ignore le contraire. On sait
que les règles de la loi du 25 ventôse an n ,
sur
les surcharges, ne sont pas applicables aux testamens
olographes.
« L a surcharge de la d a t e , non approuvée dans un
« testament olôgraphe, dit M. T o u ll i e r , n ’est pas un
« moyen de n u l l it é , s i , d ’ailleurs, la date est fixe
( D r o i t civil français, tome 6 , n° 3 6 7 ) .
C ’est aussi c e ’ que j u g e , en thèse, un arrêt de
cassation, du 11 juin 1 8 1 0 , rapporté dans tous les
recueils de jurisprudence (1).
Mais, a-t-on d it , le mot vin g t surchargé paraissait
couvrir le mot d e u x , q u i , se rapportant au mois de
novembre, serait précisément le jour de l ’arrivée du
sieur B run à C le r m o n t ; or, ajoute- t- on , il n ’est pas
présumable q u ’il se fût o c c u p é , ce j o u r - l à , de son
testament.
Ainsi on croit voir, c’est-à-dire on présume que le
mot d e u x a été remplacé par le mot 'vingt.
On présume aussi q u e , le jour de son arrivée de
P a r i s , le sieur Br un n ’a pas dû s’occuper de son testa
m e n t; et c’est en réunissant deux futiles présomptions,
q u ’on s’efforce de jeter de l ’ incertitude sur un seul
mot d ’ une date q ui cependant est très-fixe et très-facile
k lire. — Pitoyable argutie , q ui ne mériterait pas
même q u ’on la discutât!
A u reste, en examinant avec attention le mot sur-
(1) V . le Journal de Dcnevers, 8, i, 370, cl celui <le Sirey, io, 1 , 389.
�(
)
chargé, rien n ’est moins apparent mie la substitution
du mot vingt au mot d e u x . La surcharge parait plutôt
provenir de ce que le mot vingt ayant été d ’abord impar
faitement tracé, soit parle défaut delà plu m e, soit-par
toute autre cause, le testateur, en voulant réparer
cette imperfection , a surchargé les traits et appuyé
davantage sa plume, ce qui a noirci la teinte.
D ’ailleurs, c’est évidemment lamême plume, la même
encre, la même main qui ont écrit et cette surcharge
et le surplus du testament. C ’est ce que prouve l ’inspeclion de la pièce; c ’est ce qui résulte aussi du rap
port des experts, qui ont reconnu que tout avait été
écrit par l ’auteur des diverses pièces de comparaison;
c ’est même ce que démontre la plus simple réflexion.
C a r ne .serait-il pas absurde de présumer q u e , de tous
les mots qui composent le testament, un seul eut été
écrit d ’une main étrangère*!
Mais supposons même que le testateur eut d ’abord
écrit le mot d e u x , et q u ’il y eût, ensuite, substitué le
mot v in g t; quelle conséquence pourrait-on en tirer?
L e testament en serait-il moins valable? Le testateur
n ’était-il pas libre, n ’était-il pas capable de disposer,
le d e u x novembre, comme le vingt du même mois?
N ’avait-il pas aussi pu donner à sa disposition telle
date ou telle autre? ne se pourrait-il pas aussi q u ’il
ne l ’eut consommée par sa signature que le jour même
indiqué par la dernière date, surchargée ou non? Quelle
influence cela pourrait-il
avoir sur la validité du
testament? Portât-il même les deux dates du d e u x et
du v in g t,
4
le testament
olographe serait également
�à l ’abri de toute critique.
C ’est ce q u ’a décidé un
arrêt de la C o u r de cassation, du 8 juillet 1823 ( 1 ) .
C ’est trop nous arrêter, sans dou te, à cette vaine
objection.
Remarquons même que toutes les argumentations
contre le testament,
toutes les petites irrégularités
q u ’on lui reproche en indiquent la sincérité. C a r il
eût été facile de les éviter,
si le testament eût été
l ’œuvre d ’ une main coupable. Mais dans la sincérité de
ses dispositions, le testateur n ’a dû y attacher aucune
importance. Dans sa bonne foi, l ’ héritière n ’a pas dû
elle-même y faire att en tion; et sans cherchera engager
son frère à écrire un nouveau testament où nulle sur
charge n ’aurait été laissée, pour lequel, aussi, aurait
été employée une plume plus fine et plus propre à
donner au testament la physionomie des nombreux
écrits de son frère; sans faire retrancherde la signature
le prénom M ic h e l, q u ’elle savait bien ne pas y être
ordinairement joint; sans avoir recours enfin à aucune
de ces précautions qui décèlent plutôt le dol que la
franchise, la dame Verniette a accepté les bienfaits et
n ’a pas cru devoir s’occuper minutieusement de la
forme de chaque mot de l ’acte qui les consacrait. E l l e
ne po u v a it ,
d ’ailleurs, prév oir,
elle 11e devait pas
même supposer que les Bonhours se hasarderaient,
contre leur propre conviction, non pas à dénier, car
ils ne sont pas allés jusque-là, mais à dire q u ’ ils ne rc( 1 ) Journal de Sircy, tom. 25 , 1 , 3 1.
�( 27 )
connaissaient pas récriture et la signature du testateur.
Enfin les premiers juges se sont étonnés du laconisme
du testament.
Etrange objection ! comme s’il était nécessaire de
dire beaucoup de mois inutiles pour faire une dispo
sition vraie et une disposition saine.
C e laconisme s’exp lique, soit par l ’état physique
du testateur qui a voulu s’épargner les difficultés
d ’ un long écrit, la pesanteur de sa main ne lui per
mettant pas d ’écrire long-tems; soit par la circonstance
que c’est un jurisconsulte qui a donné le modelé du
testament et qui a dû le donner simple mais suffisant.
Le fait a été attesté par ce jurisconsulte lui-m èm e,
entendu dans la cause comme témoin.
L e laconisme critiqué n’a donc rien de surprenant;
on eût pu même être plus concis et notamment suppri
mer, à la signature le mot M ic h e l, qui était absolu
ment inutile.
Nous avons parcouru,
et nous avons réfuté, il
semble, toutes les objections élevées contre le testa
ment. Ce sont, cependant, ces faibles objections qui
avaient déterminé les premiers juges à repousser l ’opi
nion unanime de trois experts des plus recommanda7
bles , dont l ’ouvrage même signalait la scrupuleuse
exactitude comme la capacité; ce sont ces objections
qui les avaient déterminés à ordonner une vérification
nouve ll e, sous prétexte que l ’art des experts était
conjectural, comme si un nouveau rapport, fait par
de nouveaux exp erts, ne devait (rien présenter de
conjectural.
�L ’on remarquera aussi quelespremiers juges n ’ont pas
même chargé les Bonhours des frais de cette seconde vé
rification, quoique ceux-ci eussent d û , dans l ’exactitude
des principes, fournir même aux frais de la première.
C a r c’est à celui qui conteste l ’écriture et la signature
d ’un testament olographe, à démontrer q u ’il n’est pas
l ’ouvrage de la main du défunt-, c’est à lui à faire cette
preu ve , parce q u e , comme demandeur, il doit justifier
sa demande : a ctori incum bit probatio ; parce que le
légataire u n iv e rs e l,
envoyé en
possession
par une
ordonnance du jug e, comme l ’a été la dame Verniette,
a le titre en sa faveur, et que ce titre doit être exécuté
tant que sa fausseté ou sa nullité n ’est pas clairement
établie; parce q u e , d ’ailleurs, le dol et la fraude ne se
présument pas, et que c’est à celui qui les allègue à
les prouver ( C o d e c i v i l , art. i i i G ) .
Telle est la doctrine enseignée par M. T o u ll i e r , dans
son Droit civil français, tome 5 , n° 5 o 3 ; et cette doc
trine a été consacrée par plusieurs arrêts de cassation ,
deux desquels ont été rendus les 28 décembre 1824 et
10 août 1825 (1).
L a daine Verniette a le titre en sa faveur; elle est
non seulement en possession de fai t, mais encore en
possession de droit , en vertu d ’une ordonnance du
président du tribunal de C l e r m o n t , rendue conformé
ment à l ’article 1008 du Code ci vil; elle n ’a pas,
d ’ailleurs, à se défendre contre un héritier à réserve;
elle n’aurait donc rien à prouver elle-même; ce serait,
( 1 ) V o i r le J o u r n a l tic S i r e y , t o m e a 5 , i , pages i
l o m c a G , i , 1 17 , et s ui vantes.
,
58
et s u i v a n t e s ; et
�29 )
au contraire, à ceux qui l ’attaquent à tout prouver
(
pour justifier leurs prétentions; en sorte q u e , y eut-il
même du dout e, l ’exécution du testament devrait être
maintenue.
Mais s’il pouvait rester devant les premiers juges
quelque incertitude dans les esprits sur la sincérité du
testament, les résultats de l ’enquête offerte par la
dame Ver niette , et ordonnée par la co u r, la ferait
entièrement disparaître.
S2.
E xa m en de VEnquête.
L ’enquête est des plus satisfaisantes; c’est ce dont
il est facile de s’assurer en rapprochant de chacun des
faits admis en preuve, les dépositions qui s’y appliquent.
On devait établir, d ’abord, que la dame Verniette
et ses filles avaient soigné le sieur B r u n , tant à Paris
q u ’à C le r m o n t , pendant les dernières années de sa
v i e , dans les maladies que celui-ci avait essuyées, ou
à raison de ses infirmités.
Ces faits sont attestés par un grand nombre de
témoins.
t
L e premier témoin, M. .Tarton aîné, marchand a
C le r m o n t , déclare que « le sieur Brun avait desire
avoir auprès de lui une des demoiselles Bujadoux, dont
il était le parrain; mais que celle-ci n ayant pu se
rendre aux désirs du sieur B r u n , l ’ une de ses sœurs
partit à sa place, et fut accueillie et traitée avec les
marques de la plus entière bienveillance par son oncle. »
�L e témoin
ajoute que
« ce fut lui qui régla et
arrêta le départ de la demoiselle Bu ja doux. »
Il répond, sur l'interpellation de l ’avoué des Bon
h e u r s , « q u ’alors le sieur Br un avait ressenti à Paris
plusieurs attaques. »
Ce témoin dit aussi, « que le sieur B r u n , depuis
« son retour de Paris ju s q u ’à son décès, est constam« ment demeuré chez la dame Yerniette sa sœur, dont
« il a , aussi constamment, reçu les soins. »
L e quatrième té m oin, le sieur B o n n a b a u d , m é
decin ^ qui a soigné le sieur Brun depuis sou arrivée à
Clermont jus qu’à sa m o r t , parle du ton a ffec tu eu x
q u ’avait toujours le sieur Br un en adressant la parole
à sa sœur Verniette ou à ses nièces; il dit ne l'avoir
ja m a is rencontré se u l dans sa ch am bre, mais toujours
¿1 la com pagnie de q u e lq u ’ un de sa f a m i l le , p a rticu
lièrem ent de sa sœ ur et de l a j î l l e aînée.
Il
ajoute q u ’il
occupait
l ’appartement
le p lu s
agréable de la m a ison , ou auparavant i l avait v u la
dam e V ern iette m alade.
L e cinquième témoin a entendu dire par le sieur
B r u n que la fille aînée de la dame Y ern iette avait
f a i t le voyage de P a ris p o u r lu i porter des secours.
L e sixième témoin a vu cette demoiselle à Pa ris,
chez son oncle, qui était alors malade.
L a dame veuve Be rn a rd in , dont la déposition est
la neuvième,
« a été plusieurs fois témoin des soins
« empressés de la dame Y ern iet te pour son fière.
« Elle parle d ’ une c h a m b re qu e la daine Y e r n i e l l o
�( 3, )
« avait fait décorer pour recevoir sou frère, parce q u ’il
« avait l ’habitude d ’être bien logé. »
L e onzième témoin , perruquier du sieur B r u n , « a
« constamment observé q u ’il recevait, dans la maison
« de sa sœur, tous les soins q u ’exigeait son état. »
Il ajoute « q u ’il occupait une chambre au premier
« é t a g e , décorée à neuf. »
L e treizième témoin , sous-maîtresse dans l ’insti
tution de Madame Bachélerie, avait su d e là demoiselle
B u j a d o u x , avec qui elle était liée, q u ’elle allait à
Paris pour donner des soins à son
oncle.
Depuis
l ’arrivée à Clermont du sieur B r u n , elle a su que sa
sœur et sa nièce lui prodiguaient tous leurs soins.
L e dix-septième témoin, Jeanne P e t it , a vu les soins
donnés par la dame Verniette à son frère, notamment
d e u x ou trois mois avant, sa m o rt; elle les indique
et ajoute que ce soin lu i parut tellem ent répugnant
q u ’e lle dit à la dam e T^erniette , q u ’elle était bien
pauvre , mais q u ’elle ne le fe r a it p a s , quand on lu i
donnerait un louis p a r jo u r .
L e troisième témoin de la prorogation d ’enquête a
su que le sieur Brun a été soigné à Paris et à Clermont
par Madame Verniette et par ses demoiselles. Il a vu
la lettre par laquelle M. Brun avait prié sa sœur de
lui envoyer une de ses demoiselles pour lui donner des
secours dans une maladie dont il était alors atteint. Il
a vu aussi une autre lettre de M. Brun qui se loua it
des attentions de sa nièce ; et M. Brun lui en a parlé
lui-même depuis son arrivée à Clermont.
�Toutes ces dépositions ne laissent pas le moindre
doute sur le premier fait interloqué.
L e second fait tendait à savoir si le sieur Brun avait
invité le sieur Verniette à l ’aller chercher a Paris; si
celui-ci s’était rendu à cette invitation, et si depuis
son arrivée à C le n no nt ju squ’à son décès, le sieur
Brun avait
continuellement
habité avec les époux
Verniette.
Toutes les circonstances de ce fait complexe sont
tellement certaines, q u ’on n ’entreprendra pas, sans
d oute, d ’en nier aucune.
Qu e ce soit sur l ’invitation du sieur Brun , que le
sieur V e r n ie t t e , son beau-frère, est allé le chercher à
Paris et l ’a conduit à C l e r m o n t , c’est ce que prouvent
même plusieurs lettres du sieur Br un.
Dans une lettre du 8 octobre 1823, écrite à sa sœur,
il s’exprime ainsi : Je voulais écrire hier p o u r dem ander
que Von fa s s e partir v ite mon b ea u -frère y mais
31 . Jarton ou J^augelade, je crois, me d it q u ’ i l était
in u t ile , et que 31 . B a rd avait écrit en lu i marquant
de ne pas perdre de tems.
Dans une autre lett re, du même mois , au sieur
Verniette, il lui dit : T^olrc départ rn est tout-à-fait
nécessaire et même urgent.
Beaucoup de témoins parlent aussi de cette demande
du sieur B r u n , et du départ du sieur Verniette pour
ramener son beau-frère à Clermont.
C ’est ce que
déposent, notamme nt, le premier témoin, le huitième
et le neuvième de l’enquête directe, le premier et lu
troisième de la continuation do celte enquête.
�Qu ant à la cohabitation constante du sieur Brun
depuis son arrivée à Clermont ju sq u’à son décès, elle
n ’a jamais été désavouée par les Bonhours, q u i , au
contraire, en ont argumenté eux-mêmes. L a preuve
en résulte, d ’ailleurs, de l ’ensemble des dépositions
des deux enquêtes, dépositions dont plusieurs parlent
de la chambre décorée à neuf q u ’occupait le sieur Brun
chez sa sœur.
Par le troisième fait interloqué, la C o u r avait voulu
savoir si le sieur Brun , depuis son arrivée à Clermont,
avait reçu
•> ou rendu de nombreuses visites;/ s’il était
allé dîner chez des personnes avec qui il avait eu d ’an
ciennes relations,
et s’il sortait fréq uem m en t,
soit
pour se promener, soit pour voir ses amis.
Cela tendait à éclairer la C o u r sur l ’allégation des
Bonhours, qui prétendaient que le sieur Br un avait
toujours été tenu en charte privée.
Or,
jamais assertion
ne fut plus contraire à la
vérité. Elle est démentie par la plupart des dépositions
de l ’enquête directe, et même par plusieurs des dépo
sitions de l’enquête contraire.
Ces nombreuses dépositions attestent que le sieur
Brun était très-libre dans la maison de la dame Y e r niette; que ceux qui le connaissaient venaient l ’y voir;
que lui-même allait leur rendre des visites; q u ’il en a
rendu plusieurs, à son médecin notamment, sans être
accompagné de personne; qu il se promenait aussi sur
la place de Jaude, tantôt seul, tantôt avec la dame
Y e rn ie t le ou ses enfans.
Les huitième et onzième témoins de l ’enquête con-
5
�( 34 )
traire déclarent eux-mêmes avoir vu le sieur Br un se
promener, soit devant la porte de la maison Ve rn ie tte ,
soit sur la place de Jaude: ils ajou tent, il est v ra i ,
q u ’il était avec quelqu'un, de la maison V er niette;
mais ce n ’en est pas moins démentir l ’allégation de la
charte privée.
Il est certain, en effet, que le sieur B run n ’a cessé
de sortir et de se promener, ou seul ou en compagnie,
si ce n ’est lorsque l ’augmentation de sa maladie et ses
infirmités s’y sont opposées; c’est-à-dire, comme le dé
clare son médecin B on abaud , quelques mois seulement
avant sa mort.
Il est aussi prouvé par les enquêtes que le sieur Br un
a plusieurs foisdiné ou soupé chez d ’anciens amis. C ’est
ce q u ’attestent, notamment les premier et deuxième
témoins de l ’enquête directe, le troisième et le septième
de la prorogation d ’enquête.
D ’autres témoins ont vu dans diverses occasions le
sieur Brun diner en famille chez la dame Verniette sa
sœur.
L e quatrième fait interloqué tendait à la preuve que
le sieur Br un avait exprimé à diverses personnes son
affection particulière et sa reconnaissance pour la dame
Ve rn ie tte , ainsi que sa volonté de lui laisser sa fortune.'
Ge fait est attesté par beaucoup de témoins.
L e premier témoin, M. Jarton aîné, lié d ’amitié
depuis l ’enfance avec le sieur B r u n , déclare q u i l lu i
avait m an ifesté des intentions bienveillantes p o u r la
dam e V ern iette sa sœur, et q u ’à l ’époque où il fil son
testament, époque que le témoin ne peut préciser, il
�(
35
)
lui avait dit q u 'il avait e x é c u té ce q u i l avait tou
jo u r s eu l ’intention de fa ir e .
C e même témoin d i t , au contraire, sur une inter
pellation de l ’avoué des Bonhours, que le sieur Brun
ne lui avait jamais parlé, avec le ton de l ’affection, de
ses neveux Bonhours. 11 se rappelle q u e , fort peu de
teins après l ’arrivée du sieur Brun à C lerm o nt,
le
témoin et sa femme étant allés lui rendre visite, les
enfans Bonhours vinrent aussi le voir,
et q u ’ils en
furent mal accueillis ; que le sieur Br un leur avait
même dit : « Qu e venez-vous faire ici? je n ’ai pas
besoin de vous. »
L a dame Jarton, second témoin
raconte aussi le
même fait.
L e quatrième té m oin , le médecin Bonabaucl, a re
marqué le ton affectueux q u ’avait toujours le sieur
Bru n en adressant la parole à la dame Verniette et à
ses enfans. Il dit que jamais il ne lui a parlé des enfans Bonhours.
L e sieur Brun a dit au cinquième témoin, dans une
conversation, q u i l se trouvait p lu s h eu reu x dans le
sein de sa fa m ille 3 à C le r m o n t, que lorsqu’il en
était f o r t éloigné.
L e sixième témoin déclare que, « dans les différentes
« conversations q u ’il a eues à Paris avec le sieur Brun,
« il lui a paru que ce dernier portait plus d ’affection à
« la dame Verniette sa sœur, q u ’aux B o n h o u r s ,..........
« et que lorsqu’ il a entendu parler du testament du
« sieur B r u n , il n’en a pas été surpris. »
Le douzième témoin était dans la maison, un jour
�'( 36 )
où l ’un des enfans Bonliours se présenta à son oncle,
q u i le reçut assez froid em en t y le témoin lui ayant
fait observer que c’était son nev eu , il lui répondit
q u ’ i l le savait bien , mais q u ’i l ne v o u la it pas parler.
A une plaisanterie, lors d ’ une autre visite que le
témoin fit au sieur Brun , celui-ci lui répondit :
« Vous voulez que je me m arie, je suis infirme, je
« n ’ai pas une brillante fortune; j ’ai perdu beaucoup;
« heureusement j ’ai eu une bonne sœur et un beau« frère qui m ’ont été utiles (il parlait alors du sieur
« B u ja d o u x ) ; et ce que je possède, je le laisserai à
« ma sœur Verniette , à qui je conserve beaucoup de
« reconnaissance. »
L e troisième témoin de la continuation d ’enquête
déclare que le sieur Brun lui avait dit que la dame
Verniette et lui s’étaient toujours beaucoup aimés; que
« cette in t im it é , qui datait de l ’enfance, tenait à la
« conformité de leurs caractères, et à ce que la seconde
« femme de leur père les avait obligés, jeunes encore,
« de sortir de la maison paternelle. »
L e surplus de la déposition prouve aussi l'affection
particulière du sieur Brun pour sa sœur V e r n i e t t e . '
L a dame Verniette a v a i t , enfin, offert de prouver,
5 ° q-ue, lorsque le testament eut été fait, elle l’avait
présenté à des jurisconsultes pour
savoir
s’il était
régulier, et 6 ° que , depuis la date de cet a ct e, le sieur
Br un avait déclaré à plusieurs personnes q u ’ il avait
donné toute sa fortune à la dame Verniette sa sœur.
Ces deux faits ressortent aussi de l ’enquête.
Sur le premier des deux faits, M* B i a u z a t , avocat
�(
)
37
à C l e r m o n t , a déclaré que c ’était lui q u i avait donné
le modela du testam ent, qu i l s était attache a fcni'c
le p lu s b r e f possible , parce q u ’on lu i avait dit que le
testateur écrivait péniblem ent.
Il ajoute ne pas connaître la personne qui lui avait
demandé ce modèle; mais que plus tard on lu i présenta
la c o p ié de ce testament, écrite sur une dem i-feu ille de
p a p ier tim bré et signée de M ic h e l B r u n , ........ et q u ’il
trouvala copie conform e au m odèle q u ’il avait fo u r n i.
Sur la représentation faite à M e Biauzat du testa
m e n t, il a cru le reconnaître.
L e neuvième témoin , la veuve Be rnardin, a déclaré
être la personne qui était allée chercher le modèle du
testament chez Me Biauzat.
E lle ajoute que la dame Verniette lui avait dit avoir
consulté sur ce testament
fort régulier.
i\ l.
Boirot qui l ’avait trouvé
H
~ M. B o i r o t, entendu dans la contr’enquête, ne s’est
pas rappelé ce fait; ce qui paraîtra peu étonnant, puis
q u ’il s’est écoulé plus de six ans depuis cette époque.
L e sieur Gillet, horloger, septième témoin, est celui
qui procura à la dame Verniette la demi-feuille de
papier timbré dont 011 s’est servi pour la confection
du testament.
C 'é ta it,
dit-il, peu de
tems après
Varrivée du sieur Brun ci C lerm ont} et pendant q u ’on
fa is a it les vins.
Divers autres témoins parlent des dispositions testa
mentaires, comme leur ayant été déclarées par le
testateur lui-même. Il a d i t , notamment au premier
témoin, à l ’époque du testament, q u i l avait e x é c u té
�( 38 )
ce q u ’i l avait toujours eu l ’intention de f a i r e ; au
septième témoin , et à plusieurs reprises, en parlant
de la dame Verniette : e lle p ren d bien assez de peine
p o u r m oi; elle sera mon héritière, v o ilà mon héritière ;
au neuvième témoiu, q u i l avait tout donné à sa sœur.
Les dix-septième et dix-huitième témoins, Jeanne
Petit et Rosalie L e b o r o t , parlent du testament comme
ayant été fait peu de tems après l ’arrivée du sieur Br un
à Clermont.
L a dame B r u n en parla à l ’ une d ’elles à l ’instant où
il venait d ’ètre fait. L ’autre témoin voulait faire des
emplettes dans le magasin
de la dame Verniette ;
celle-ci, qui était dans la chambre de son frère, étant
appelée, ne descendit ,que pour l ’engager à repasser,
disant q u e lle était en a ffa ires/ que le sieur Brun 3 son
fr è r e , fa is a it son testament et lu i donnait tout ce
q u i l possédait.
L e même fait est déclaré par le quatrième témoin
de la continuation d ’enquête, comme l ’ayant appris
de son épouse, dix-huitième témoin.
On le voit. L ’enquête prouve les soins affectueux
donnés au sieur Brun , pendant ses maladies, soit à Paris,
soit à C l e r m o n t , par la dame Verniette et ses enfans;
E lle
prouve que ce fut sur la demande de son
beau-frère, que le sieur Verniette se rendit à Paris
pour le conduire auprès d ’ une sœur qui le chérissait,
et dont les secours lui étaient nécessaires à cause de ses
infirmités;
E l l e prouve q u ’ il est constamment resté chez cette
sœur; mais q u ’ il y jouissait de la plus grande liberté;
�q u ’il y recevait ses amis; q u ’il allait les visiter luimême et manger chez e u x ; q u ’il se promenait à son
gré, ou seul, ou accompagné de ses parens.
Elle prouve enfin son affection, sa reconnaissance
pour la dame Ver niette , ses projets plusieurs fois
annoncés de lui faire le don de toute sa fortune, et
l ’exécution de ce désir par uii testament dont il parle
so u v e n t, depuis sa d a te ,
comme é tant
une juste
récompense des services qui lui avaient été rendus.
Toutes ces preuves sont d ’autant plus puissantes
que l ’enquête contraire ne les affaiblit même pas.
Dans leur enquête contraire, les Bonhours se sont
principalement occupés de faits sur lesquels l ’arrêt
interlocutoire ne portait pas.
Ainsi ils ont fait entendre plusieurs témoins qui
ont déclaré q u ’ils avaient examiné Je testament, q u ’ils
l ’avaient comparé à des lettres missives qui leur avaient
été présentées par les Bonhours, et q u ’ils avaient cru
reconnaître une différence totale entre le testament
et les lettres.
C om m e si elle était digne de quelque considération,
l ’opinion de certaines personnes officieuses, q u i , sans
mandat de la justice, sur la seule invitation
des
Bo nh our s, et sans autres*renseignemens que ceux qui
leur étaient fournis par ces derniers , sans pièces de
comparaison si ce n’est quelques lettres anciennes; en
un mot, sans autre examen q u ’ un coup-d’œil vague et
sur la justesse duquel a pu influer même la préoccu
pation dont on les avait entourées;
comme si une
telle opinion pouvait être mise en balance avec l ’avis
�unanime de trois experts nommés par la justice, qui
ont opéré sur de nombreuses pièces de comparaison,
et qui ont apporté à l ’opération qui leur était confiée
la scrupuleuse attention que l ’impartialité de leur
devoir leur commandait.
L ’ un de ces témoins, le sieur C u l l i a t , expert, qui
a eu la complaisance de se prêtei* aux désirs des
Bonhours et d ’a l l e r , p a r c u r io s ité , d i t - i l , voir au
greffe du tribunal de Cle rmont le testament qui y
était déposé; le sieur C u llia t prétend avoir comparé
cette pièce à la
Mais ,
chose
procuration
singulière ,
du
lorsque
24 février
le
sieur
1824*
Cullia t
eut beaucoup parlé contre le testament, et de la diffé
rence que présentaient les signatures apposées aux deux
actes, le conseiller-commissaire de l'enquête lui ayant
présenté le testament,, il a déclaré ne p a s reconnaître
clans le testament dép osé la même p iè ce q u i lu i avait
é té présentée p a r M . F a u v e r te ix , greffier. Étrange
résultat qui prouve quel degré de confiance on doit
accordera toutes ces dépositions qui n’o n t , d ’ailleurs,
aucun rapport avec les faits interloqués!
Les Bonhours ont aussi (iherché à prouver que le
sieur Br un était en état de démence et 11e pouvait
pas tester; e t , dans ce b u t , ils ont fait entendre le
sieur
Bergougnoux ,
pharmacien
à
Cle rmont ,
et
quelques autres témoins qui n ’ont fait eu général que
redire ce q u ’ils tenaient du sieur Bergougnoux.
Si l ’on en croit le sieur Bergougnoux , il avait vu le
sieur Brun à Paris un mois avant l ’arrivée de celui-ci à
Cle rm on t; et il l’avait trouvé dans un état de démence
�presqu’absolue , divaguant et ne répondant
exacte
ment
dit-il,
à aucune
question;
il avait
même,
chargé le sieur Jarton ainé d ’en prévenir sa famille.
Plusieurs échos , parmi les témoins de la contre
en quête, ont répété la même chose, comme l ’ayant
apprise du sieur Bergougnoux.
Si le fait eût été interloqué, on eût pu interroger
sur ce point M. Jarton ainé, un des témoins de l ’en
quête directe, mais dont la déclaration a précédé celle
du sieur Bergougnoux.
L a déclaration de celui-ci n ’est, au reste, q u ’ une
marque de plus du zèle ardent du sieur Bergougnoux
pou r la famille B o n h o u r s , dont
on prouverait au
besoin q u ’il a dirigé tous les efforts ; elle ne fera ,
d ’ailleurs, aucune sensation, si l ’on considère q u ’elle
est démentie et par les lettres q u ’a écrites le sieur
Brun à l ’époque même dont parle le sieur Bergougnoux,
et par toutes les dépositions de l ’enquête directe, et
même par beaucoup de dépositions de l ’enquête con
traire, qui démontrent que l ’état moral du ’ sieur Brun
était parfaitement
sain , soit avant son départ de
P a r i s , soit depuis son arrivée à Clermout.
L e sieur Brun est arrivé à C le r m o u t , le deux no
vembre 1823 ; et dans les mois d ’aout, de septembre
et d ’octobre précédons, il avait écrit plusieurs lettres,
soit au sieur Jarton je u n e, soit a la famille Verniette,
qui prouvent, q u ’il s’occupait avec beaucoup d intelli
gence de ses affaires de commerce, et q u ’il raisonnait
aussi très-bien sur sa santé.
Dans une de ces lettres, qui est du 12 septembre,
6
�( 4* )
écrite en entier de la main du sieur B r u n , quoi
q u ’elle ait quatre grandes pages et plus de l o n g u e u r , “
le sieur B run donne à sa sœur des détails sur l ’aggra
vation de .sa maladie, sur ses dépenses, lçs tracasseries
q u ’il éprouve, la difficulté q u ’il a à vendre le fonds
de son commerce, etc.
Il y parle aussi clc M. Bergougnoux père q u i , est,
d it -il , toujours à Paris. T o u t le contenu de cette lettre
signale l ’inexactitude de l ’étrange déposition du sieur
Bergougnoux.
Les erreurs de ce témoin sont aussi démontrées par
plusieurs
autres lettres
écrites par le sieur B r u n ,
pendant ce mois d ’octobre 182.3, à la fin duquel il
partit pour Clermont.
Dans deux lettres du même
jour, 8 octobre, écrites l’ une à sa sœur, l ’autre à sa
filleule, dont fut porteur le sieur Jarton ainé qui re
ven ait de Pa ris, il se plaint encore de sa maladie; il
dit combien il est pressé de terminer ses affaires; il ex
prime son désir q u ’on fa s s e p a rtir v ile son beau-frère;
il parle des pertes q u ’il fait depuis un an dans son
commerce, des mesures q u ’ il va prendre pour se rendre
à Cle rm o n t.j T o u t ce q u ’ il écrit annonce une intelli
gence lu c id e , et sur-tout attentive à ses intérêts.
Aussi ne les négligea-t-il pas, ses intérêts, avant de
quitter Paris :
11 traita du fonds de son commerce;
Il prit des arrangemens pour la résiliation de son
loyer, en conservant seulement une d i a m b i c où fut
placé le mobilier q u ’il n ’emportait pas. Ces a rra ng e
mens furent consignés dans un acte sous seing privé.
�(
Nous
43
)
rapportons le double signé
"
du
^
propriétaire ;
celui-ci a entre ses mains le double signé du sieur
Brun ;
Il laissa une procuration authentique à M. L a b b e ,
notaire à N e u i l l i , pour terminer ses affaires;
Il acheta un cheval et une voiture pour voyager à
petites journées;
Il prit en un mot toutes les mesures,, toutes les pré
cautions que les circonstances et son état de santé
pouvaient prescrire à l’homme le plus soigneux, le plus
réfléchi.
L ’on sait, et l ’enquête nous l ’a appris, q u ’à l ’arrivée
du sieur Brun à C le rm on t, ses premiers soins furent
de rendre des visites à ses amis, à ses relations, et d ’en
recevoir d ’eux.
L e lendemain même de son a r r i v é e l e 3 novembre
1823 , il régla avec son voiturier les irais du voyage de
Paris, et en reçut une quittance qui est écrite sur son
agenda, au bas d ’un règlement fait de la main même
du sieur Brun.
L e 17 du même mois il acquitta une facture du
sieur Legoyt. L ’acquit,, p o u r solde de tout compte
ju s q u ’à ce j o u r , est écrit en entier, daté et signé de
la main du sieur Brun.
Le 2.4 février su ivant, il donna sa procuration au
sieur Verniette. Ce fut le sieur Astaix, notaire, qui
la reçuttémoin de la prorogay *) et ce notaire (sixième
^
^
lion d ’en q u êt e), déclare que le §ieur Brun lu i parut
j o u ir de toutes ses fa c u lté s in tellectu elles y que sur
�V
( 44 )
une première lecture qui lui fut faite par le notaire,
le sieur Br un fit quelques observations que personne
ne lui suggéra; q u ’après une seconde l e c t u r e , aussi
don née par le notaire, il prit la procuration et la relut
lu i-m êm e.
Sont-ce là des indices d ’imbécillité ou de démence?
Veut-o n s’assurer davantage de l ’état moral du sieur
B r u n , soit à P a ri s , soit à C le rm ont? q u ’on relise les
dépositions des témoins :
Celle du sieur Jarton jeune , à qui le sieur Br un
avait fait un dernier envoi de marchandises le 22 sep
tembre
1823 f cinq semaines seulement avant son
départ de Paris;
Celle du sieur Jarton a în é , qui était à Paris en
septembre*et en octobre 1 8 2 3 , qui y voyait fréquem
ment M. B r u n , qui rapporta des lettres de lui à sa
famille, q u i , certes, aurait bien remarqué le prétendu
état
de
démence
s’il
avait
été
réel ,
et q u i , au
contraire, déclare q u e , plusieurs mois après, à Clerm o n t , à l ’époque où le sieur Brun lui dit avoir mis
à ex écu tio n ses dispositions fa v o ra b les à sa sœ u r,
P O S S É D A I T T O U T E SA. R A I S O N ;
il
'
•Celles de presque tous les témoins de l’enquête
directe et de plusieurs témoins de l ’enquête contraire,
qui ont vu le sieur Brun se promener seul, ([ni l ’ont
visité, qui en ont reçu des visites, chez quelques-uns
desquels il a même d în é plusieurs fois;
C elle , sur-tout, du sieur Bon ab aud, médecin , qui,
ayant constamment soigué le sieur Brun ju s q u ’à son
#
�( 45 )
décès, é t a i t , plus q u ’ un a u t r e , à portée de ju ger de
la capacité morale de celui q u ’il traitait. O r , ce témoin
atteste que le sieur B r u n jo u issa it com plètem ent de
ses fa c u lté s i n t e l l e c t u e l l e s q u i l avait les fo rm es
très-polies
q u 'il mettait de la recherche dans ses
expressions , q u ’i l recevait toujours avec politesse et
reconnaissance les soins des personnes q u i l ’appro
chaient.
Il ajoute : que le malade a cessé de sortir de son
appartement quatre ou cinq mois avant son d é c è s ,
et que s ix ou sept semaines seulem ent avant sa m ort,
v
les attaques réitérées q u ’i l avait éprouvées , et q u i
depuis p lusieurs mois étaient devenues p lu s m ultipliées,
avaient éteint chez lu i toute sensibilité et l'avaient
rendu indifférent à tout ce q u i se passait autour de
lu i ; cependant il reconnaissait les pei'sonnes. q u i l ’en
touraient , et notamment son m éd ecin ; mais il ne
répondait p lu s que très-lentement et p a r m onosyllabes
a u x questions qu'on lu i adressait.
A i n s i , ce n ’est qu e s ix ou sept semaines avant sa
m o r t , que le sieur B r u n avait perdu sa sensibilité;
encore n ’était-il pas en état de dé m e nc e;
Mais depuis plusieurs mois ses infirmités l'e m p ê
chaient de sortir de son ap partement.
C ’e s t , sans d o u t e , celte dernière circonstance, effet
de la maladie et non .de la c o n t r a i n t e , qui a fourni au
sieur Bergougnoux et à quelques autres témoins de
l ’en qu êt e contraire , un
prétexte
pour
tenait le sieur B r u n en charte privée.
dire
q u ’on
�.)
( 46 )
Une autre partie de la déposition du sieur Bergougnoux annoncerait q u e , 25 jours seulement avant le
décès du sieur B r u n , celui-ci était venu chez l u i , lui
par ut bien porta n t, se plaignit de la dame Yerniet te
qui vint le chercher, et disait q u ’elle le maltraitait
et le tenait enfermé.
Comm ent conciliera-t-on cette promenade du sieur
B r u n , sa bonne santé, sa v i v a c i t é , avec son décès
survenu bientôt après, et avec son état physique attesté
par le médecin?
T o u t démontre que la déclaration du sieur Bergougnoux et celle de son épouse, comme celle des personnes
qui ont redit ce q u ’elles leur avaient entendu dire,
sont indignes de la confiance de la justice.
A u reste, ces prétendus faits n'étaient pas inter
loqués. L a dame »Verniette n ’aurait donc pas à les
combattre.
Ces faits n ’avaient pas même été proposés à la C our
lors de l ’arrêt. On s’était borné à offrir la preuve vague
de l ’imbécillité, sans cotter aucun trait q ui la caracté
risât , sans indiquer même l ’époque à laquelle on la
faisait remonter.
Enfin le moral du sieur Brun se fùt-il affaibli à la
fin de ses jours, et celui-ci eût-il été en état de démence
plusieurs mois avant son décès , quelle conséquence
pourrait-on en tirer contre le testament?
Ne.sait-on pas que ce testament, quoique olographe,
fait foi de sa date; et q u ’ il f aud ra it , par conséquent,
�prou ve r q u e la démence était complette au 20 novembre
1 8 2 3 , époque du testament ( 1 ) ?
O r , non seulement cette preuve n ’est pas faite, mais
il e s t , au c o n t r a i r e , démontré par l ’ensemble comme
par le détail des deux e n q u ê t e s , que le sieur B r u n
jouissait alors c om p le tt e m e nt de toutes ses facultés
intellectuelles.
Ne sait-on p a s , aus si , q u ’ un testament olographe
ne pou rrait être dé tru it , sous prétexte de d é m e n c e,
q u e par les faits les plus graves, les plus caractéris
tiques d ’u ne démence habituelle q u i ne fit pas même
supposer d ’intervalles lucides? C a r
« un
testament
« olographe est plus favorable que le testament reçu
« par des notaires. L a présomption de sagesse est toute
« entière en faveur du
testateur qui prend le soin
« d ’é rire ses dernières volontés. »
( T o u l l i e r , D r o it civil français, tome 5 , n° 5 8 ;
Dagnesseau ,
p la id o ye r sur le
testament
de l ’abbé
d ’Orléans. )
* '
Il
s’a g it , dans la c aus e , d ’ un testament olographe,
d ’ un testament dont la sincérité a été reconnue par
l ’avis unan im e de trois experts chargés de le vérifier,
d ' u n testament dont l ’existence est corroborée par une
preu ve aussi complette q u ’on p ou va it la désirer, d ’un
testament qu i est un acte de sagesse et de reconnaissance,
(1) Voir sur ce point du doctrine les Questions de droit de Mcrün,
au mot testament , $ 7; un arrêt df Cassation , du 11 juin 1810; un
anêt de la Cour du Puis, du 17 juin 1822; 1111 anêt de la Cour de
Riom , cause des héritiers De Rouzat, du 20 janvier 18¿4 i l‘l “ n autre
arrêt de cassation, du 29 avril i 8'<4.
L e pr emi er f i nôt est r appor té par D e n c v e r s , t o m e ' 8 , 1 , 2 7 0 ; le
sec ond, le troisic-me et le q u a t r i è m e par S i r c y , t o i n e a j , 33, et t ome
2 , 2 7 7 , e t , m ê m e t ome , 1 , 27C.
�( 48 )
et qui a été le prix des soins d ’une sœur particulière
ment, chérie. L a C o u r ne s’ exposera pas à anéantir les
derniers vœux d ’ un
testateur ; elle s’empressera de
consacrer par sa justice les bienfaits q u ’à sa mort il
s’est plu à répandre sur celle q u i , seule, pendant sa
v i e , s était devouee à soulager ses tristes infirmités.
V E R N I E T T E , née B R U N .
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
M e G R A N E T , A v o u é -L ice n cié .
RIO M ,
IMPRIMERIE
DE
SALLES
FILS ,
PRES
LE
PALAIS
DE
JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Brun, Antoinette. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Granet
Subject
The topic of the resource
successions
testament olographe
testaments
infirmes
conseils de famille
experts
faux en écriture
expertises graphologiques
signatures
témoins
démence
médecine légale
affection fraternelle
charte privée
abus de faiblesse
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Antoinette Brun, veuve, en premières noces, du sieur Guillaume Bujadoux, et sieur Joseph Verniette, en second mari, marchands, habitant de la ville de Clermont, appelans ; contre les sieurs Annet et Michel Bonhours, dame Annet Bonhours et sieur Jean-Baptiste Celme son mari, et le sieur Louis Bonhours, tuteur légal de ses enfans mineurs, tous propriétaires, habitans de Clermont, partie de Montferrand, intimés.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Démence. v. testament. : 2. quel doit être le caractère des faits tendant à établir l’état d’imbécillité ou de démence d’un testateur ? Vérification : Lorsqu’après vérification des écriture et signature d’un testament olographe, les experts ont déclaré, unanimement, dans leur rapport que l’écriture et la signature sont émanés du testateur et que le testament est sincère et véritable ; que cette opinion est fortifiée et corroborée par les preuves contenues dans des enquêtes judiciaires ; les juges ne font-ils pas sagement de refuser un amendement de rapport et une nouvelle vérification d’experts, s’ils reconnaissent que cette vérification prolongerait inutilement le procès, sans espoir d’obtenir de documens plus positifs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1802-1831
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2717
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2718
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53554/BCU_Factums_G2717.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
affection fraternelle
charte privée
conseils de famille
démence
expertises graphologiques
experts
faux en écriture
infirmes
médecine légale
signatures
Successions
témoins
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53566/BCU_Factums_G2810.pdf
d4556047427034d074e333ba23f108ce
PDF Text
Text
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COUR ROYALE
MÉMOIRE
m
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r
i m
• ,
X t*
4 ” ' CHAMBRE.
POUR
'X'uP.''
iïjfr '
DE R IO M .
L es sieurs M A R T I N , Médecin ; M A R T I N , Greffier du
J u g e de paix-, M O N E S T I E R , U S S E L , R E Y N A U D ,
M- BONJOUR.
M A U G U E - C H A M P F L O U R , et autres Propriétaires
de T a l l e n d e , d e M o n t o n , de S a i n t - A m a n d , appelans
d ’ u n Jugement rendu par le T r i b u n a l de C l e r m o n t ;
CONTRE
Dame
J u stin e
USSEL
et
le
sieur V
in cen t
M* JOHANNEL.
C H A N D E Z O N 3 son mari, Adjoint de la com
mune de Tallende, y habitant, intimés
EN PRÉSENCE
De la dame D U V E R N I N , veuve C I S T E R N E S , en son
nom et comme tutr ice de
de dam e
H élèn e
C h arles
CISTERN ES,
V A R E N N E S , son m a r i ,
M* SAVARIN,
CISTERNES;
et du sieur de
assignes en assistance de
c a u s e , et aussi intimés;
EN PRÉSENCE
De la dame M O N E S T I E R
son m a r i ,
et d u sieur C R E U Z E T
D ’É tie n ne B O H A T - L A M I , A ntoine B O H A T - T IX IE R ,
L a u ernt T I X I E R , H u g u e s B O H A T , d i t l e G r e
n a d ier
.„U)
eM
c hirol
MeTAILHAND.
�( 2 )
M* D EBORD .
E t de
F
rançois
^
'
B A L L E T - B E L O S T E -,
To us aussi assignés en cause, et intimés;
E N P R É S E N C E ENFIN
M9 Y E Y S S E T .
D u sieur
f.s
Nicolas
B A R B A R I N , également appelant.
discussions re la tives à l ’irrig atio n de vastes p ra iries sont
l ’objet d e la cause actuelle.
O11 sait qu’à la différence dessourecs qui naissant dans une pro
priété privée en sont l’accessoire , et dont le propriétaire peut
disposer à son gré tant que lescaux restent dans son héritage, les
cours d’eau plus considérables , tels que les ruisseaux , ne sont la
propriété de personne particulièrement ; que seulement les ri
verains ou ceux dont les cours d’eau traversent les fonds peuvent
en user à leur passage ; mais que cet usage est soumis à des règles,
à des modifications , à des conditions établies dans l’intérêt de tous
les propriétaires riverains.
Il est juste,
en effet,
que tous ceux qui sont exposés aux
ravages des eau x, aux inondations qui sillonnant leur sol
en
enlèvent la terre végétale pour le couvrir de gravier et quel
quefois de rochers, à toutes les dégradations que ne produit que
trop souvent le dangereux voisinage des rivières cl des ruisseaux ,
il est juste que tous ceux que ces désastres affligent jouissent au
nioiusde quelques avantages; que les eaux, si fréquemment nuisibles,
leur servent aussi pour féconder leur terrain, pour l’améliorer,
pour les indemniser des pertes qu’ils éprouvent journellement.
La loi devait doue, dans sa sollicitude égale pour tous les inté
rêts, veiller à une sage distribution des eaux utiles tomme dange
reuses à t o u s , et ne pas permettre qu’un seul, parce qu’il possède-
��IN " orci
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�( 3 )
rait une propriété supérieure, s'en emparât sans mesure et les
détournât complètement de leur cours lorsqu’il n’aurait pas à en
redouter les ravages , pour les rejeter sur les propriétés inférieures,
lorsqu’elles pourraient lui nuire.
Telle est pourtant la prétention des époux Cliandczon.
Un ruisseau appelé la Monnc, qui, découlant des montagnes,
traverse les territoires de Saint-Amand, de Tallende et de Monton, a
servi, de tems immémorial, dans le seul territoire de Tallende, à
l’arrosement d’environ cent trente mille toises des plus précieuses
prairies , presque toutes formant des vergers brillans de végétation
et de riches fruits.
Le sieur et la dame Cliandczon, qui ne sont propriétaires que
d’environ huit mille toises de terre , dont une faible partie seule
ment est riveraine du cours d’e a u , veulent détourner à leur gré
toutes les eaux , ne pas mèine les rendre à leur cours ordinaire
après en avoir u s é , et priver ainsi une foule de propriétaires infé
rieurs des bienfaits d’une irrigation dont ils avaient toujours joui.
Et ce qu’il y a de remarquable, ce n’est pas sur leur propriété
meme que les époux Cliandczon prennent les eaux qu’ils détour
nent ; c’est sur une propriété voisine qu’ils vont la chercher, et
que, par abus ou par tolérance, plaçant d’année en année, dans une
position plus élevée et plus éloignée de leur propre terrain, des
obstacles au cours naturel, au cours ordinaire des eaux , ils les
dirigent toutes dans leur héritage ; si cc n’est dans les instans de
danger, où le ruisseau, devenu un torrent dévastateur, est rejeté
dans son lit pour couvrir et dégrader toutes les prairies inférieures,
c est a - d iie , toutes les propriétés des appelans , comme l’année
présente en a fourni les plus déplorables exemples.
C est contre cet abus qu’aucune l o i , qu’aucun principe n’autorise,
que les appelans vicnnem réclamer devant la Cour. Le jugement
qu ils attaquent n a etc que le triste fruit d ’une préoccupation et
d’une erreur non seulement sur lc droit mais encore sur le fait j
c,*r la position des parties, la localité, la nature même de la de
mande, en un mot l'objet du procès paraissent avoir etc absolument
méconnus par les premiers juges.
�( 4 )
FAITS.
Les propriétés des parties sont situées dans le territoire de T a llende, entre deux ruisseaux, l’un appelé la Monne, dont le lit, placé
au midi et dans une partie plus élevée du territoire , sert à arroser
ces propriétés ; l’autre, appelé la V e yre , au nord du prem ier, et1
q u i, coulant dans un terrain plus bas , ne peut les féconder.
Un plan des lieux, annexé au mémoire , rendra plus facile l’in
telligence de la localité. On peut y voir les lits des deux cours
d’e a u , dont la pente est de l’otiest à l’est.
L e lit de la Monne, qui est celui dont nous avons principalement
à nous occuper, est tracé sur ce plan depuis les héritages du sieur
Bouchard, qui y sont indiqués par la lettre A , à l’o uest, jusqu’à
l’extrémité des propriétés des appelans, qui se terminent à l’est vers
deux points marqués par les grandes lettres Z Z.
L e sieur Bouchard possède à l’ouest, vers le point A , et sur les
deux rives de la Monne , les premiers héritages désignés sur le
plnu. Celui qui est bordé par la rive gauche de la rivière est le seul
qui puisse être arrosé à l’aide d’une prise d’eau placée sur cette
même rive plus à l’ouest. Mais les eaux peu abondantes employée*
à cette irrigation retombent dans le lit du ruisseau à la sortie de
l’héritage même.
La propriété Bouchard, sur la rive gauche, s’arrête au point B r
où commence la propriété des époux Chandczon.
Sur la rive droite , la propriété Bou< liai d s’étend plus à l’est. Elle
va jusqu’au n° 70, qui indique des vignes et broussailles appartenant
aux époux Chandczon. Ceux-ci ne possèdent que ce seul héritage
sur la rive droite de la rivière; il est bordé par le lit dans une lon
gueur de
85 mètres ou
/p toises environ ; il est élevé de plus do
30 pieds au-dessus «lu lit; et par conséquent, cet héritage* pas plus
que les héritages voisins sur la même riv e , qui sont Ions à uno
très-grande élévation , ne peut a u c u n e m e n t profiter des eaux du
ruisseau.
Les é p o u x Chande7.on possèdent, sur la rive gauche, une vigne,
�( 5 )
une terre, une noyéree ou saussaie, et des butimens marques au plaa
par les n°» G7, 68, 69 (1). Ces objets ne peuvent être arrosés ; leur
position et l’élévation du terrain ne le permettent pas.
Les époux Chandezon possèdent aussi le pré n° GG du plan : c’est'
le fonds qu’ils font arroser. Il est borné à l’ouest par leur vigne et
leur noyérée , au nord par un chemin public, à l’est par un autre
chemin public , au midi par un pré des héritiers Cisternes, n° 72
du plan , et dans une très-petite partie, c’esi-à-dirc dans une lon
gueur seulement d’environ G6 toises, p a rle ruisseau de la Monnc.
C ’est sur cette longueur seulement que touche au ruisseau ce préverger Chandezon , dont la superficie entière, y compris le n° 75
qui a été acheté d’un nommé Ballet, est de 8712 toises; et c’est
pour ce pré qu’on voudrait absorber la totalité des eaux de la Monnc.
Toutes les propriétés Chandezon ne sont bordées par la rivière,
sur la rive gauche , que dans une longueur d’environ 120 toises, et
sur la rive droite, dans celle d’environ 4 3 toises. jN o u s avons déjà
dit que cette dernière rive est très-élevée, et qu’elle est presque à
pic du lit de la rivière.
Quatre prises d’eau sont sur ce lit.
L a première, dans le pré Bouchard, en avant du point B par le
quel les eaux s’introduisent dans la propriété Chandezon, à l’aide
d’un canal qui les conduit au n° 66: L ’entrée du canal sur la pro
priété Chandezon est fixée par un agage en maçonnerie que l’on
»Ucrcepte quand 011 le veut à l’aide d’une vanne.
• A côté, et vers le même point B, mais un peu plus haut, parallèle
ment au lit de la rivière, est établi un déversoir, aussi bâti en ma*
Sonnerie sur une longueur de trois mètres seulement, et ou est placé
0rdinaircmcnl une vanne qu’on lève quand on veut rejeter l’eau
dans la rivière.
C ’est vers ce point que se trouve la prise d’eau des époux Chande
zon. Ils n’ont pas d’ailleurs de barrage fixe sur la rivière; ils 011
clèvent un en pierres mobiles, qu’ils établissent, non pcrpcndiculaire-
( 0 C»» numéro» »ont cciit il« Cartailre, «i le» me»ure» ou contenance* que Pou ¡uJiqucr.i
d*n» le rocuioire »cronl tircct du Ca.lajli« m im e .
�(6 )
ment aux deux vives mais diagonalcmcnt le long de la propriété
llotieliard. Ce barrage mobile ils l’onl prolongé en amont depuis
quelques années, et toujours do plus en plus, de manière à diriger
vers le point B dans leur canal la totalité de l’eau do la Monpe,
sur-tout lorsqu’elle n’est pas très-abondante.
Telle est la première prise d’eau faite sur la rivière. Elle ne sert
et ne peut servir qu’aux époux Chandeïion.
Lne seconde prise d’eau a lieu au point Q , en tête du pré u* 72.,
appartenant à madame Cisternes. Elle sert à arroser ce pré , et est
destinée aussi, à l’aide d’une rase ou canal qui traverse le chemin
entre les points J K , à arroser les prés n°* 320 et 32 î appartenant
53f),
U la dame Cisternes, ainsi que les autres prés marqués parles n0l
.340 jusques et compris le n°
aux appelans.
Les
555-, héritages divers qui appartiennent
prairies auxquelles cette prise d’eau devrait servir sont
d’une surface de 28,904 toises. Mais l’eau n’arçive aux derniers
héritages que lorsque les prés des héritiers Cisternes ont suffisam
ment bu; et ceux-ci eux-mêmes ne reçoivent d’eau que ce que leur
laissent parvenir les époux Chandezon, qui o n t, dit-on,-quelques
arrangemens secrets avec la dame Cisternes et avec les autres intimés.
La troisième prise d'eau se fait au point R , toujours sur la rive
48 5
gauche de la Monne. E lle est destinée à l’irrigation de
,o o toises
de prairies , divisées-entre les appelans , et désignées sur le plan
par les lettres T T .T .
La quatrième prise d’eau est pincée ou point U , sur la rive
droite de la Monne ; elle a aussi pour objet l’arrosement d’une
vaste prairie , contenant, dans le seul terroir de Tallende , 58,074
toises, et divisée entre un grand nombre des appelans.
Ces deux dernières prises d’eau sont devenues presque inutiles
quelque tcnis avant le procès, pur suite des injustes entreprises
du sieur Chandezon sur le cours d’eau, dans la partie supérieure.
Toutes ces prairies inférieures, dont la superficie totale est de
5 5
i a o , G toises, existent depuis tin teins immémorial; elles ont tou
jours usé des eaux de la Monne pour leur irrigation; élites sont gar
nies d’arbres cl forment de beaux, de fertiles vergers, qui produisent
�(
1
)
ccs excellens fruits que recherchent, dans ce canton sur-tout, les
marchands parisiens attires par l’excellente qualité des pommes qui
y mûrissent.
Ces avantages seraient perdus pour les appelans si le jugement
dont est appel était confirmé. Leurs prairies se dessécheraient ; les
arbres qui les garnissent périraient, et leurs intérêts, comme ceux de
l’agriculture, éprouveraient un immense dommage, pour satisfaire
à l’ambition et aux arbitraires volontés des époux Chandczon.
Long-tems ceux-ci, ou plutôt le sieur Ussel leur auteur, s’étaient
rendu justice; ils ne prenaient l’eau que rarement et pendant un
tems très-court, en tête de leur propriété, vers le point B, ou audessus à peu de distance. E t alors même ils n’en détournaient qu’une
faible partie; ils en laissaient arriver la plus grande quantité aux
prairies inférieures, en sorte qu’il s’operaitfacilementune distribution,
sinon régulière, au moins assez équitable pour que personne n’eût
été autorisé à se plaindre ; et si cette modération eut continue
d’être le mobile de tous, il aurait été inutile de recourir à la justice
des tribunaux.
Cependant, comme les eaux de la Monnc n’étaient pas toujours
assez abondantes, on cherrha, en l’an 9, à augmenter les ressources
qu’elles offraient en tâchant d’y réunir d’autres eaux ; savoir celles
qui servaient au routoir d’un sieur Monestier, ou qui découlaient
petites sources surgissant d.ins le voisinage.
Ce routoir est situé au nord de l’enclos du sieur Chandczon , audelà du chemin. Il est iudiquésur leplau parla lettre D. Les sources
sont à côté.
On se proposa de recueillir les eaux sortant du routoir et des
sources, dans une rase qui devait les conduire au point E du plan ,
°ù elles devaient s’introduire dans un canal découvert mais cons
truit en maçonnerie, et suivre la ligne courbe E F G II l J K. Vers
deux derniers points elles devaient se réunir au canal trans
versal existant depuis long-tems pour l’usage de la prise d’eau Q K.
Ce premier canal, s’il avait pu remplir le but propose, aurait
aussi recueilli et rend.i à leurs cours ordinaire les eaux de la
Momie, qui se scruicnt écoulées de l’onclos Chandczon, pour l’irri-
�( 8 )
galion duquel elles étaient détournées dans sa partie supérieure. Ce
canal offrait donc d’assez grands avantages à tous les propriétaires
de prairies. Aussi le projet sourit-il beaucoup au sieur Ussel, alors
propriétaire de l’cnclos Cliandezon, soil parce qu!il assainissait le
bas de son héritage, soit parce que celte nouvelle ressource
d’irrigation obtenue pour les propriétés inférieures lui faisait
espérer pouvoir retenir lui-même à son agage supérieur une plus
grande quantité d’eau ou la conserver plus long-tems pour l’arrosement de son enclos.
L e projet fut donc exécuté , sans néamoins aucune modification
des droits des parties à l’usage des eaux de la ¡\Ionnc. Un arrêté de
l’administration municipale , homologué par le préfet , autorisa à
creuser ce canal le long du chemin public qui borde , à l’est,
l’enclos Ussel, aujourd’hui l’enclos Chandezon ; le canal fut construit
en maçonnerie, et M. Ussel contribua pour cent francs aux frais do
celte construction.
Mais on ne tarda pas à reconnaître l’inutilité du canal, et l’im
possibilité de faire arriver au point K les eaux que l’on y réunissait.
En effet , si des points D , E et F l’eau arrivait facilement au
point G qui est le plus bas, il n’en était pas de même pour la faire par
1
venir au point K le long du chemin , en suivant la ligne I I J. Le
55
point K distant du point G de 1
mètres, au lieu d'être plus bas
a une sur-élévation de a mètres 76 centimètres (plus dehuit pieds);
en sorte qu'il aurait fallu un canal très-profond dans une grande
partie de sa longueur , bien cimenté pour que l’eau ne s'échappât
pas par infiltration dans le chemin 011 dans le pré Chandezon, et
qui fût revêtu de murs latéraux et saillans , pour empêcher l'en
combrement que produirait la circulation des voilures.
Ces difiicultés et d’autres obstacles que la localité présente ont
rendu tout-à-fait insignifiant ce canal, dont le lit fut bientôt couvert
de vase qui s’opposait encore au cours de l’eau. Dès l’origine même
de sa création, l’eau refoulée se pratiqua, sur le chemin qui longe
le canal à l’est, différentes issues par où elle s’échappe pour aller se
jeter au-delà , dans la V e j r c , ruisseau dont le lit est moins élevé.
J'.n 1823 , le sieur lleynaud, desservant à Tallendc et propjié-t
�( 9 )
taire de deux prés considérables de ce canton, voulut faire récurer
et réparer le canal dans l’espoir de l’utiliser ; mais il ne put y
réussir et ne fut pas dédommagé de ses dépenses.
Ce fut alors aussi que, dans l’espoir du succès dans l’usage du
canal,
le sieur Ileynaud essaya d’établir un règlement pour
l’irrigation des prés inférieurs ; il en fît faire un projet par le sieur
Chouvy, expert. Mais ce règlement n’a jamais été adopté , ni même
connu par les autres propriétaires , et le sieur Reynaud a dû
seul en payer les frais.
On prétend que ce projet de règlement avait été confié à
M. Chandezon, comme adjoint de Tallende , et que celui-ci a
«
refusé de le restituer.
Cependant, avant comme depuis la construction et l'essai du
canal, toutes les prairies avaient continué de proGtcr de l’eau
de la Monne, et de recevoir, suivant l’étendue de chaque portion,
l’eau à laquelle elle avait droit. Le sieur Ussel, beau-père du sieur
Chandezon , la détournait rarement, et en petite quantité seulement 5
et lorsqu’il la retenait trop long-tems ou en trop grande quantité ,
‘•>n se transportait vers le barrage mobile qu’il établissait momenta
nément dans le lit de la rivière le long de la propriété Bouchard ;
°n déplaçait les pierres , 011 faisait disparaître le barrage , et l’on
rendait l’eau à son cours naturel pour l’arrosement des prés infé
rieurs,.
C ’est ainsi que cela s’est pratiqué jusqu’en i
85 a. Néanmoins on
■ne doit pas dissimuler qu’à défaut dé règlement d’eau, il y avait
nécessairement de l’arbitraire dans cet usage des eau^ ; car chacun
s*en emparait plus 011 moins fréquemment, suivant sa vigilance , scs
tentatives et le degré d’insouciance ou de résistance des autres pro
priétaires. O11 11c doit pas dissimuler aussi qu’à défaut de règles fixes
et positives qui déterminassent l’exercice des droits de chacun àl irri
gation, il s’élevait souvent des querelles assez sérieuses, parce que.
•»oins la rivière était abondante et plus les besoins paraissaient
pressans , plus c h a c u n faisait d’efi’orls pour s’approprier l’eau et
arroser sa propriété particulière.
Ces discussions, ces querelles furent portées fort loin , sur-tout
2
�on 1832, année de sécheresse où M. Cliandezon , qui jouissait de
l’cnclos de son beau-père ou qui l’administrait, augmenta scs pré
tentions, fit continuer beaucoup plus haut, en amont dans le lit de
la riv iè re , un barrage mobile , placé au-dessus de la ligne de ses
propriétés, et prolongea ce barrage jusqu’à atteindre la hauteur de
/(7 mètres ou i!\ toises environ le long d’une propriété étrangère,
celle du sieur Bouchard.
Cette œuvre était illégale; car si le propriétaire riverain est au
torisé par la loi à u se r. à leur passage, des eaux qui baignent les
bords de sa propriété, il n’a le droit de les prendre que devant son
héritage même; il n’a pas le droit d’aller les chercher devant une
propriété supérieure appartenant à autrui et de les conduire ainsi
à la sienne par une espèce de canal établi sur un terrain étranger;
et lors même que le propriétaire supérieur tolérerait cette voie de
fait, ce propriétaire supérieur ne peut avoircelte tolérance, ni celui
qui l’obtient en user au préjudice des propriétés inférieures qui
bordent le lit de la rivière. L ’eau doit en effet profiter en totalité
aux propriétaires inférieurs si le premier propriétaire ne peut luimême s’en servir à cause de la position de son héritage. C ’est ce
que nous prouverons plus tard.
Celte œuvre illégale, dans un moment où la rarclé des eaux ren
dait la sécheresse mortelle pour la végétation, cette œuvre hasardée
excita des querelles pîus violentes que jamais sur le point même où
elle se pratiquait; le barrage fut détruit plusieurs fois, plusieurs fois
rétabli pour être détruit de nouveau; et cela sans beaucoup d’eflbits
puisqu’il n’y avait qu’une simple rangée de pierres à écarte:*.
ZSous n’entrerons pas dans les liicheux détails de ces luttes. Il
suffira de savoir qu’un coup de fusil fut tiré, cl que, si personne ne
fut blessé alors, des malheurs graves étaient à craindre par la suite;
on sorte qu’il était urgent de prendre des moyens pour les prévenir.
Le moyen le plus simple el le plus sur était un règlement d’eau.
Les propriétaires des prés se concertèrent pour y parvenir. Le
plus grand nombre le considérait comme indispensable. Le sieur
lisse! ou plutôt le sieur Cliandezon s’y opposa. Quelques autres
personnes dont il avait o.blenu le silence par des arrangemens parti-
�( 11 )
ailiers ne voulurent pas s’en mêler; alors commença le procès.
855
Par exploit du x i mars 1
, le sieur Martin, grellier du juge de
pa ix, d’accord avec un grand nombre d’autres propriétaires, assi
gne les époux Chandezon et le sieur Ussel, leur père ou beau-père,
ainsi que huit autres particuliers.
11 leur expose qu’il est propriétaire, ainsi que beaucoup d’autres
personnes, de prés situés sur les deux rives du ruisseau de la Monnc;
Que l’arrosement de ces prés a lieu au moyen des eaux de ce
ruisseau, qui y sont destinées;
Q u e, n’y ayant pas de règlement, lui et les autres propriétaires
de ces prés éprouvent des dillicultés journalières pour la conduite
et la direction des eaux destinées a leur arrosement ;
Que notamment, en i 8 5 2 , le sieur Chandezon avait usé de ces
eaux comme d’une propriété à laquelle il aurait un droit exclusif,
en les tenant constamment détournées de leur lit qu’il laissait à
sec; de sorte que, par le résultat de cette voie de fait, les eau x, vu
la disposition des lieux , ne rentraient pas dans leur l i t , et les prés
inférieurs en avaient presque tous été privés, ce qui avait occa
sionné un tort considérable aux propriétaires ;
Que le plus grand nombre des propriétaires des prés, voulant
faire cesser toute discussion, avaient proposé aux compris un rè
glement amiable pour la distribution des eaux dans chaque parcelle
de pré; mais que ces derniers s’y sont refusés.
Eu conséquence il les assigne pour voir ordonner un règlement
des prises d’eau dans le ruisseau de la Monnc, pour l'arrosement des
pi’és de tous les propriétaires , et pour nommer ou voir nommer
des experts qui procéderaient à ce règlement dans la proportion
de la contenance de chaque parcelle de pré, et qui indiqueraient les
travaux à faire pour l’exécution du règlement et pour faciliter le coulcment des eaux.
Il conclut, eu cas de contestation, aux dépens contre les contes
tons, sinon à ce qu’ils soient supportés par charpie partie intéressée,
dans la proportion de la contenance de sa propriété.
Le sieur Cisternes-Dclorinc, un des propriétaires riverains, fut
«iis en cause par u n second exploit du i ,r avril i
855 .
�L e io mai suivant, plus de quarante autres propriétaires de
prés intervinrent par requête et adhérèrent aux conclusions du
sieur Martin.
Dans le cours de l’instance, le sieur Ussel meurt, et la cause est
reprise par l’une de ses (¡lies, la daine Chandezon, et par le sieur
Chandezon lui-mêine, comme cédataire des droits de l’autre fille.
L ’ailaire s’instruit par des conclusions respectivement signifiées;
et l’on remarque que, parmi tous les défendeurs , les sieur et darne
Chandezon sont les seuls qui s’opposent au règlement demandé, eux
qui moins que personne cependant avaient réellement des droits à
une eau qu’ils ne pouvaient pas prendre sur le bord même de leur
propriété, et qu’ils ne pouvaient pas rendre à son cours ordinaire ,
comme la loi le prescrit, les eaux superflues qu’ils introduisent dans
leur enclos s’écoulant, après l’irrigation, ou dans le chemin C D au
nord de cet enclos, ou dans celui G II l à l’est, sans pouvoir rentrer
dans la Monne.
Parmi les autres assignés, les époux Crouzet déclarent, par des
conclusions du 7 mars i
85 /f , n’entendre prendre aucune
part à la
contestation , se réservant tous leurs droits en cas de règlement.
Sept autres défendeurs, par des conclusions du 1 1 août, deman
dent acte de ce qu’ils s’en remettent à droit en réclamant leurs dé
pens contre ceux qui succomberaient.
Le sieur Cistcrnes s’en remet aussi à droit sous toutes réserves.
Mais les époux Chandezon résistent. Ils prétendent avoir le droit
d’user à leur gré des eaux de la Monne, argumentent des chaussées,
des canaux qu’ilsdisentavoir faitset entretenus pour leur prise d’eau,
se font un moyen de la construction du canal fait en l’an g pour re
cueillir les eaux vers le chemin G II I J K , allèguent un prétendu
règlement fait en 1822, sans leur participation, entre les aun es pro
priétaires, invoquent enfin une prétendue possession exclusive et
immémoriale comme réglant l’exercice «le leurs droits.
Cette possession était illusoire; elle n’a jamais été ni exclusive ,
ni paisible, ni de l’étendue qu’ou voudrait lui donner aujourd’hui.
La construction de l’an 9 , le pi étendu règlement de 1822, ne
�(
'3
)
fournissaient aussi au sieur Ghandczon que les plus insignifiantes
objections.
Mais les époux Ghandczon se prétendaient aussi propriétaires
des deux rives de la Momie ; ils parlaient de chaussées, de
canaux construits et réparés par eux seuls; ils prétendaient que
l’eau était rendue à son cours naturel. La localité n’était pas
connue des magistrats; ils crurent que la prise d’eau existait sur la
propriété même des époux Chandezon, entre les deux rives qui
leur appartenaient; ils pensèrent que les canaux dont on argumen
tait étaient étabtis au milieu du lit même de la rivière; ils eurent
l’idée fausse que les propriétaires inférieurs voulaient se servir, pour
l’irrigation de leurs héritages, de ces canaux à la construction des
quels ils n’avaient pas concouru ; ils considérèrent enfin l’eau
comme étant rendue à son cours ordinaire dans le lit de laMonne,
après avoir parcouru les propriétés Chandezon ; et ils rejetèrent
la demande en règlement d’eau par des moti£> qui ne sont en
harmonie avec aucune des questions de la cause.
854
Ce jugement est du 28 mai i
» en voici les termes:
« Attendu que la co-propriété de la prise d’eau dont il s’agit 11’est
« pas justifiée;
« Q u’en effet d’une part il n'est rapporté aucun titre, et d’autre
« part il n’existe aucuns travaux sur la propriété du sieur Chandezon,
” exécutés par les propriétaires inférieurs;
« Q u ’ainsi les parties restent dans les ternies des articles G/j¡2 et
« G/j/, du code civil; qu’il n’est point prouvé que Chandezon ait
« excédé les droits que lui donnent ces articles ;
Par ces motifs ,
« Le tribunal déclare les demandeurs non rcccvables dans leur
« demande, et les condamne aux dépens. »
Ainsi le tribunal a supposé qu'il existait sur le lit du ruisseau des
travaux dont nous voulions profiter, tandis qu’il n’existe aucune
construction sur le lit de la rivière; tandis que la prise d’eau sti
forme à l’aide d’une simple rangée de pierres mobiles , non liées
entr’elh*!,, irrégulièrement posées et empruntées du lit mémo ;
Le tribunal a cru que nous voulions participer à cette prise d’eau,
�inadis qu’au contraire nous nous en plaignons et qu’elle nous esi
nuisible;
Il a pensé enfin que la cause restait dans les termes des articlesô/ja
et G44 du code civil, tandis que ces articles sont étrangers à la lo
calité; tandis qu’aussi l’article G44 prescrit de rendre l ’eau ¿1 son
cours ordinaire, et que le sieur Chandezon en change au contraire
le cours et la rejette, à la sortie de son fonds, sur des points éloignés
du cours ordinaire auquel elle 11e peut plus revenir.
Cette affaire était trop importante, le préjudice que le jugement
ferait éprouver aux propriétaires des prés était trop considérable
pour qu’ils 11e portassent pas leurs réclamations devant la Cour.
Les intervenans et le premier demandeur se sont réunis pour
3
854
interjeter appel, par exploits des i septembre et 2 décembre 1
-Cet appel, dirigé principalement contre les époux Chandezon ,
leurs seuls , leurs vrais adversaires} a été signifié aussi à ceux qui
.s’en étaient remis à droit, parce que leur intérêt commande leur
présence dans la cause.
La Couraura à prononcer sur les difficultés réelles qui 11’ont pas
été abordées par les premiers juges.
L ’examen des principes nous conduira à apprécier les prétentions
des époux Chandezon, à déterminer les droits de chacun des pro
priétaires riverains et à reconnaître la nécessité du règlement d’eau
qui est réclamé.
DISCUSSION.
La doctrine ancienne, telle qu’elle avait été adoptée par les au
teurs les plus respectés , déclarait les eaux communes à tous les
propriétaires supérieurs ou inférieurs dont elles bordaient ou tra
versaient les héritages.
Le droit naturel même établissait cette communauté , et quident
nuturali ju r e communia sunt ornnia heee, aar, aqua p rojlu cn s,
etc. Inst., lib. 2, tit. 1, §. 1.
l)e ce principe découle nécessairement la conséquence que les
propriétaires riverains 11e peuvent disposer des eaux courauicv
�( i5 )
comme de leur propriété p riv é e , qu’ils ne peuvent se les appro
prier exclusivement, qu’ils ont seulement le droit d’en user à leur
passage, mais qu’ils doivent les rendre à leur cours ordinaire, c’està-dire les faire rentrer, à 1’cxlrcinitc de leurs héritages, dans le lit
qu’elles s’étaient creusé.
Davot, dans son traité du droit français , tome
5 , p. 208 , s’ex
prime ainsi :
« Si le propriétaire reçoit dans son héritage l’eau qui vient
* d’ailleurs, il peut s’en servir pour son usage, mais ils ne peut en
* détourner le cours ancien, au préjudice des héritages qui sont
* au-dessous. »
L ’opinion de l’auteur s’applique comme on le voit à un terrain
traversé par un cours d’eau.
liretonnier, sur Heyrys, tient le même langage : (Observations
nouvelles, quest. 18g, livre 4, tome 2).
« Celui dans l’héritage duquel l’eau ne fait que passer, venant
«
*
*
*
d’ailleurs, 11e peut s’en servir que pour son utilité, et non pas
pour son divertissement ; il ne peut ni la ’retenir, ni la détourner
au préjudice du public ni de ses voisins, parce qu’il n’en est pas le
propriétaire, ruais un simple usager; et par conséquent il en
« doit user en bon père de famille, c’est-à-dire en bon voisin. »
Antérieurement à ces auteurs, Domat enseignait les mêmes vérités
dans son droit public , livre 1 , tit. 8 , sect. 2, n° 1 1.
L ’usage des rivières étant au public, personne 11e peut y faire
de changement qui nuise à cet usage.
'< Ainsi, quoiqu’on puisse détourner de l’eau d’un ruisseau ou
* dune rivière pour arroser des prés ou d’autres héritages ou
« pour des moulins et autres usages, chacun doit user de cctLc li«■berle, de sorte q u ’ il uc nuise point à des voisins qui auraient
un semblable besoin et un pareil droit; et s’il n’y avait pas assez
« d eau p our ton s, ou que l’usage qu'en feraient quelques-uns
* J iït nuisible a u x a u tre s, il y serait pourvu selon le besoin,
« par les officiers de qu i c’ est la charge.
(Jporlet euitn in hujusnm di rebus ulilitatem et tulelam f o cientis spectari sine tnjurui utùjue accohirum , dit une loi
�1
romaine citée par le savant auteur. (La . 1, § 7, in fin e , ÎT, ne quid
in Jlurn. )
Toutes ces opinions s’appliquent aux héritages qui sont traversés
par les cours d’eaux connue à ceux qui en sont haignés sur un
bord seulement.
Cos principes étaient consacrés par une disposition expresse de
l’art. 207 de la coutume de Normandie.
Cette doctrine est la base des divers articles du Code c iv il, qui
se sont occupés des cours d’eau.
On y remarque une différence essentielle entre les règles rela
tives aux sources et celles applicables aux eaux qui 11e naissent pas
dans un héritage mais qui y arrivent des terrains supérieurs.
v Celui qui a une source dans son fond, dit l’article 6 4 1 , p e u t
«r en user à sa volonté.
11 peut donc la retenir, la détourner, en disposer arbitrairement,
parce qu’il en est le maître, parce que la source est un accessoire
de sa propriété oii elle surgit.
Au contraire, d’après l’article G44 5 s* Je riverain ou celui dont
l’héritage est traversé par l’eau peut en user à son passage, son
usage est restreint, est soumis à des modifications et à des condi
tions qui en préviennent l’abus.
«■Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que
« celle qui est déclarée dépendante du domaine public, peut s’en
a servira son passage pour l’irrigation de ses propriétés.
*
Celui dont cette eau traverse l'héritage peut même en user
« dans l’in ten a lle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la ren« dro , à la sortie de scs fonds, « son cours ordinaire.
Dans los deux cas, le propriétaire du fonds, soit que l’eau le tra
verse ou qu’elle le borde seulement, ce propriétaire n’a qu'un sim
ple usage de cette eau ; seulement, s’il est propriétaire «les deux
rives, 11’élant en concurrence avec personne dans cette partie du
cours d'eau, il en use seul dans tout Cintervalle qu'elle parcourt
au milieu de sa propriété ; tandis que , s’il nVst propriétaire que
•l’une r iv e , sou usage doit sc combiner, même pour l'intervalle
pendant lequel l’eau baigne d’un côté son terrain, son usage doit se.
�( 17 )
combiner avec l’usage, avec les droits semblables qu’a le proprié
taire de l’autre rive.
Mais scs droits , dans les deux c a s , se réduisent à un simple
usage, à un usage qui n’est pas attributif de la propriété de l’eau,
a un usage qui ne doit pas devenir un abus et par lequel on ne peut
être autorisé à changer le cours de cette eau , ni même à l’absorber
en totalité au préjudice des autres propriétaires dont les fonds sont
aussi traversés ou bordés par le cours d’eau.
« Cette faculté, dit Pardessus, ne doit pas cependant dégénérer
* en une occupation tellement exclusive, que les autres en soient
* privés. L ’eau est pour tous un don de la nature -, que chacun do
* ceux à qui elle peut être utile a droit de réclamer également ;
K la seule différence consiste en ce que la disposition des lieux la
* donne à l’un avant l’autre. Mais ce n’est qu’un dépôt dont il peut
* u s e r , pourvu qu’il ne prive pas ces derniers du même droit
* (Traité des servitudes, partie 2, chap. i , sect. i , n° i o i ) .
M. Toullicr, dans son droit civil français, s’exprime dans le même
35
54
sens (liv. 2 , tit. 2, chap. 2, n° i
et 1 )*
« Si le propriétaire d’un héritage que traverse un courant d’eau
w pouvait détourner ce courant ou en retenir tonies les cauæ
« au préjudice du fonds inférieur, le propriétaire supérieur aurait
<f le même droit ; en défendant à l’un et à l’autre de détourner le
« cours de l’eau, la loi protège également leurs propriétés par la
* limitation même qu’elle y apporte; ils peuvent user de l’eau pen" dant qu’elle traverse leur héritage , l’y faire circuler comme bon
* leur semble, mais à la charge de la rendre , à la sortie de leur
« fonds, a son cours ordinaire.
De tôut ce que nous venons de dire et de la lettre même de l’ar
ticle 6/(4 il résulte en droit, i* que, si celui dont la propriété borde
une eau courante peut s ’en servir ¿1 son p a ssa g e, il ne peut pas
la conduire au-delà du point ou son héritage cesse d’être bordé par
le cours d’eau; 20 qu’il en est de même du propriétaire dont le
fonds est traversé par l’eau courante ; car d’après le second para
graphe de l’article , il 11e peut user de l’eau que dans l'¡ritenutile
elle parcourt son héritage. Donc son usage doit se borner à
�l'héritage traversé par le cours de l’eau; il ne peut être étendu à
des héritages réunis au précédent , éloignés des bords du cours
d’eau et que cc cours ne traverserait pas.
M. Proudhon, déjà si honorablement connu par son excellent
Traité de l'usufruit et de l’usage , a développé avec beaucoup de
sagacité et de sagesse, dans un nouveau Traité du domaine public,
les droits que peuvent avoir sur un cours d’eau les propriétaires
d’héritages riverains ou traversés par ce cours d’eau.
Après avoir transcrit l’art.
644 du
Code et posé aussi en prin
cipe que ces héritages ont seulement l’usage de l’eau, il fait remar
quer que , s'il était permis à tous les propriétaires riverains de
changer le cours des eaux , tantôt à droite, tantôt à gauche, cette
licence introduirait bientôt entr’eux un état d’anarchie, de débats et
de guerre civile.
11 ajoute ensuite cette observation importante
,n
:
« De là on doit encore tirer la conséquence que le propriétaire
« du fonds riverain ne pourrait y pratiquer un canal depuis le
« ruisseau, pour en conduire les eaux su r un héritage plus reculé,
« attendu que cc serait appauvrir le cours d’e a u , au préjudice des
« héritages qui sont situés , soit à l’autre bord, soit plus bas , et qui
433
421
« ont lous le droit d’en profiler. » ( V . t. 4 » p* n" *
•)
A la page
, il dit que « le propriétaire riverain du cours
4^8
« d’eau 11e pourra , au préjudice des autres propriétaires , soit
« collatéraux , soit inférieurs , le faire dériver en tout ou en partie,
« dans un réservoir ou étang, etc. »
A la page
d’attention :
4 29 > *1
d’autres remarques également dignes
« Le propriétaire d’un fonds bordant le ruisseau n’a le droit d’y
v prendre que l’eau nécessaire à l’irrigation de son propre héric tage ; donc il ne pourrait y perm ettre la confection cl’un
v aqueduc pour conduire les eauæ sur le fonds d’ un autre qu i
« serait plus recu lé; et tant qu’il n’y aurait pas prescription, les
« autres propriétaires intéressés à la s u p p r e s s i o n d’un pareil 011« vrago pourraient la demander. »
Il dit à la suite que « ce propriétaire riverain n’a le droit
�( l9 )
* d’arrosement que pour l’usage du fonds qui borde l'e a u ; s’il
« l’agrandit par des acquisitions d’aulres fonds gui ne soient p as
r euæ-m ëm es adjacens au ruisseau , il n’aura pas la faculté d’y
« faire, au préjudice des autres propriétaires, de plus grandes
« prises d’eau pour l’irrigation de ses propriétés...... La raison de
« c e la , c ’est que la servitude d’usage, qui n’est établie que pour
« un fonds, ne doit pas cire étendue à d’aulres........
« S’il ne peut en user à discrétion comme le maître de la source,
« c’est parce que les autres propriétaires, soit collatéraux, soit in« férieurs, ont aussi leurs droits, auxquels il est défendu de porter
« préjudice. »
A la page / p i , s’occupant des droits du propriétaire dont les
fonds bordent le cours d’eau des deux côtés, il souligne ces expres
sions de l’article 644 >p eu t même en user, pour en conclure que
« le propriétaire du fonds n’est toujours signalé que comme
« usager, et encore que son usage ne s’applique qu’à l’irrigation
* de ses héritages...... et qu’il ne pourrait pas recueillir e t renv fe r m e r les e a u x dans des étangs ou réservoirs. »
433
A la page
, en rappelant q u e , si l’art. 644 permet à celui dont
l’héritage est traversé par l’eau , d’en user « son passage dans
l’intervalle q u e lle y p a rco u rt, c’est à la charge de la rendre,
ci la sortie de ses fo n d s , à son cours ordinaire, l’auteur fait re
marquer que l’article ne dit pas à la sortie de son fo n d s , mais
a la sortie de ses fo n d s ; et il ajoute ensuite une observation d’une
grande justesse :
«■ C ’est pourquoi, si l’on suppose que le fonds qu’il possède à
« gauche du ruisseau, s o it, vers la région inférieure, moins pro« longé que celui qu’il possède sur la droite, et qu’il veuille le
* faire circuler ou serpenter dans l’intérieur d’un de ces fonds, il
* sera obligé de le ramener à son cours naturel vis-à-vis de la
« pointe du fonds latéral de gauche , qui est le moins p r o l o n g é ;
* attendu qu’autrement on ne pourrait pas dire qu’il l’a rendu à
* son cours ordinaire à la sortie de scs fonds. »
Des diverses règles que nous venons d’analyser, le judicieux au
teur tire plusieurs conséquences, notamment, page
435 , où il dit :
�( >0 )
.
« Que les propriétaires des fonds touchant au ruisseau dans
« la partie inférieure ont ;mssi un-véritable droit à l’irrigation de
« leurs héritages-;, droit dont il n’est pas permis de les priver,
« puisque celui qui les précède ne doit jouir des eaux avant eux
« qu’à la charge de les rendre , par un aqueduc , à leur cours ork
diuaire. Et cela est de toute justice , car comme ils 11e pourraient
« s’empêcher de les recevoir si elles leur étaient nuisibles , il faut
« bien que, réciproquement, ils aient le droit d’en exiger la trans«f mission lorsqu’elles leur sont utiles. »
C ’est d’après ces mêmes idées de justice, que l'auteur décide en
faveur des propriétaires inférieurs la question qui liait lorsque
l'héritage d’un des riverains est trop élevé pour y faire monter les
eaux ; il se demande alors si le riverain opposé doit profiter de
cette circonstance pour s’emparer de l’eau dont n’use pas celui-là,
et pour faire serpenter cette eau dans son pré ?
L ’auteur répond négativement « parce qu’il est incontestable que
<r les propriétaires des héritages inférieurs ont droit à toutes les
» eaux qui découlent naturellement des fonds supérieurs ; d’où il
<î résulte que, s i , parmi ces fonds , il y en a qui n ’absorbent auv cunc partie du fluide, ce sera une cause d’accroissement, ou
« plutôt de non décroissement dans la masse dirigée vers la ré-
44
436
«■gion inférieure. » ( V . le même tome 4 »Pag e
*> u* i
.)
Tous ces principes se résument en quelques règles positives et
conformes à la lettre comme à l’esprit de l’art. 644 du Code civil :
Un propriétaire riverain d’un cours d’eau peut se servir de l’eau
à son passage ; c’est-à-dire, qu’il doit la prendre sur sa propre r iv e ,
et 11e remployer fjii’à l’irrigation du seul héritage qui borde le cours
d'eau ;
Celui dont le fonds est traversé par l’eau peut en u ser, mais seu
lem ent dans £intervalle que l'eau y parcourt.
n’a pas le droit
11
d’élendre son usage au-delà de la limite où l’eau cesse d’avoir son
cours au milieu de scs propriétés;
Ce propriétaire doit rendre , au point extrême de celle des
rives de scs deux fonds qui est la moins p r o l o n g é e , il doit rendre ,
à l'extrémité de celle rive , ¿1 son cours ordinaire, l’eau qu’d avait
�( 21 )
Retournée, sans pouvoir en prolonger l’usage dans une partie in
férieure de son héritage, qui ne borderait pas le cours d’eau ;
C ’est devant son propre héritage , et non devant l’héritage supé
rieur d’un autre que chaque pi’opriétaire doit prendre l’eau dont
il veut user ; il n'a pas le droit de la prendre , à l’aide d’une rase ou
d’un canal, dans la partie supérieure du lit du ruisseau , ou dans le
terrain du propriétaire voisin; c e lu i-c i, simple usager lui-méme
pour sou propre héritage seulement, n’a pas aussi le droit d’auto
riser l’établissement* d’un canal ou d’un aqueduc sur son terrain
ou sur la partie correspondante du lit du ruisseau, pour diriger l’eau
sur l’héritage d’un autre, au préjudice des propriétaires inférieurs ;
ces derniers sont autorisés à faire détruire ou modifier les ouvrages
qui empêchent que l’eau ne leur a r r iv e ;.
Enfin, si certains des héritages riverains ne peuvent, à cause de
leur élévation, user des eaux pour leur irrigation, ce qu’ils ne
pourront recevoir devra profiter aux riverains inférieurs par droit
de non décroissement.
Comparons cette doctrine aux prétentions des époux Chandezon
et à la localité.
Ces prétentions , et les moyens sur lesquels elles s'appuient, sont
développés dans de longues conclusions signifiées en première
instance, le
5 mai i 83 /f, et dont voici l’analyse
:
« En fait, dit-on , la propriété des sieur et dame Chandezon est
en partie b o rd ée, en partie traversée parle ruisseau de la Monne;
« A
65 mètres environ,
au couchant de leur ve rg er, il y a une
prise d’eau consacrée par un usage immémorial ;
« L ’eau introduite dans le verger se divise en une infinité de
petites rigoles établies pour son irrigation;
*
En sortant du verger, elles se rendent dans un canal dont la
direction a été donnée par les demandeurs pour distribuer ces
eaux enlre les propriétés inférieures ;
« Si elles n’arrivent pas à leur destination , c’est que le canal est
dégradé; c’est aux demandeurs à le réparer : cela est étranger au
sieur Chandezon ;
« Il avait été fuit anciennement une distribution des eaux ; elle a
�etc renouvelée en 1822 par le sieur Chouvy, expert, entre les
propriétés inférieures; et le sieur U ssel, représenté par les époux
Chandezon, 11’y figure pas.
« En droit, le libre usage qu’ont exercé les époux Chandezon
de la prise d’eau sur le ruisseau de la Monne, pendant un tems
immémorial, est une servitude que nul ne peut leur contester ;
(f Celui dont la propriété est traversée par une eau courante a
le droit d’en user dans l’intervalle quelle y parcourt, à la charge
de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire;
« Il peut absorber entièrement l’eau, toutes les fois qu’il n'en
change pas le cours ;
« O r, les époux Chandezon entretiennent les rases qui laissent
écouler l’eau de leur veFger ;
« Ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par le fait
d’ouvrages inférieurs à leurs propriétés ;
« Un règlement d’eau 11e peut être demandé que par ceux qui
sont en concuiTcnce ; or, la propriété des sieur et dame Chandezon
étant traversée par le ruisseau, ils exercent leurs droits sans aucune
concurrence, et n’ont pas à ménager ceux des propriétaires
riverains ;
«■Les propriétaires" de la rive opposée pourraient seuls se
plaindre (1);
« Les époux Chandezon seuls ont établi et entretenu, à leurs
frais , les vannes et les canaux qui servent à l’irrigation de leurs
propriétés; eux seuls doivent, par conséquent, en jouir. »
Tels so n t, en résumé, les principaux moyens sur lesquels on
s’appuie pour repousser le règlement demandé.
Parmi quelques faits et quelques principes exacts , ces moyens
en présentent beaucoup d’erronnés ; et même ce qu’il y a de vrai
reçoit une fausse application.
En fa it, la propriété des époux Chandezon n’est B o r d é e que
dans une petite partie par le ruisseau de la Monne , et elle n’est
1
( 1 ) Ceci est un e erreur. V . le p»j»age de l’io u Jb o n cité |j u» liaut, tome 4,
n* » .
430
�( 23 )
traversée par ce ruisseau que dans une partie beaucoup plus petite
e n c o re , comme on peut le voir sur le plan; les époux Chandezon
ne sont propriétaires des deux rives du ruisseau, que sur une longeur d’environ G5 toises , et la plus longue ligne par laquelle ils
touchent au ruisseau sur l’une des rives , la rive gauche , n’est
15
que de 1
toises.
La partie la plus considérable^de leur propriété est éloignée du lit
du ruisseau , et se prolonge, presque en totalité, derrière le pré de
la dame Cisternes, qui est intermédiaire entre le cours d’eau et 1e
verger Chandezon ; en sorte que c’est à la darne Cisternes seule
qu’appartiennent, dans celte longue étendue, les droits de proprié
taire riverain ; o r, celte dame use elle-même de scs droits pour
l’irrigation de sa prairie.
C ’est aussi une erreur de fait de dire que les époux Chandezon
rendent l’eau à son cours ordinaire comme le veul la loi (C . C .,
art. 644)j car le cours ordinaire est le ruisseau qui est au midi;
o r , les eaux qui sortent de la propriété Chandezon tombent, en
partie, à l’aspecl opposé, au nord, le long du chemin , vers les
lettres C D du plan , et en partie, à l’est, aussi le long d’un chemin ,
vers les lettres G I I I ; et de là , il est impossible, à raison de la
disposition du terrain , qu’elles puissent rentrer dans le lit de la
Monne; il faudrait qu’elles remontassent de près de neuf pieds.
L e canal G
11 I avait été pratiqué , il est vrai,
pour recueillir les
eaux qui tombent dans les deux chemins, et qui proviennent no
tamment de plusieurs sources. Riais lors de l’établissement do ce
canal , aux Irais duquel le sieur Ussel avait contribué en l’an 9
comme tous les autres propriétaires , les riverains inférieurs ne
renoncèrent a aucuns de leurs droits sur les eaux de la Monne;
et certes, une telle renonciation, si le sieur Ussel eût pu l’obtenir,
aurait été consignée dans un traité.
L e canal, au reste, ne peut servir à l’irrigation des prés des appelans , l’eau ne pouvant monter d’environ 9 pieds , comme il le fau
drait. Il est, d’ailleurs, complètement dégradé ; il ne pourrait être
rétabli qu’à grands frais et à une grande profondeur, en le construi
sant de toute autre manière qu’il ne l’avait été dans son origine , en
�le faisant passer sous ’plusieurs ponls , et sans même qu’il pût être
d’une utilité réelle et équivalente aux dépenses qu’il occasionnerait.
IVous verrons bientôt que si le propriétaire riverain, ou celui
dont le terrain est traversé par l’eau, veut en user, c’est à lui-même
à la rendre , à ses frais , à son cours ordinaire, et qu’il ne lui est
pas permis d’en changer le cours, et de la jeter à l’aventure , à la
sortie de ses fonds, en laissant aux propriétaires inférieurs le soin
de la reprendre.
E niin, cette prétendue distribution des e a u x , renouvelée en
1822 entre les propriétaires inférieurs , est une erreur de plus du
sieur Chandezon. Jamais cette distribution 11’a été reconnue ni exé
cutée par les appelans ; il ne peut y avoir de règlement sans que
toutes les parties intéressées y concourent, le sieur Chandezon
comme les autres. Jusqu’à présent , ou au moins jusqu’en i
832 ,
avant la tentative usurpatrice du sieur Chandezon l’eau arrivait à
chaque prairie, parce que le sieur Chandezon 011 avant lui son
beau-père en prenaient peu et rarement , et que , s’ils détournaient
l’eau , les propriétaires inférieurs allaient lui rendre son co urs, en
détruisant le barrage temporaire et mobile qu'ils y avaient établi.
Tels sont les faits : examinons le droit.
Comme propriétaire riverain , le sieur Chandezon ne pourrait se
servir de Veau qu’à son passage , c’est-à-dire, sur le bord même de
sa propriété ; il n’aurait donc pas le droit de la conduire loin de
son l i t , dans un héritage ou un prolongement d ’héritage qu’il a
ajouté à sa propriété riveraine, et q u i, n’étant ni adjacent ù
la rive ni correspondant à cette riv e , ne peut avoir aucun droit à
l ’eau. C ’est ce qui résulte des dispositions do l’art.
du Code
civil; c’est ce qu'enseigne Proudhon, toine 4» I>agc 29. (V o ir
644
5
le passage e’i -dessus cité.)
Comme possédant même une propriété traversée par ce cours
d’eau , le sieur Chandezon ne pourrait user de l’eau qnv dans Cin~
tervalle qu’ elle y p arcourt, comme le dit expressément le second
paragraphe de l’art. 644’ O r » cet intervalle s arrete au point () ; le
ruisseau de la Momie ne traverse la propriété du sieur Chandezon
que dans une partie de la ligne U Q ; et a cc dernier point se* ter
mine le bord de son héritage ; à ce dernier point, il 11c possède plus
�(
*5
)
même une seule rive du cours d’eau. Ainsi, aux termes de la l o i ,
c’est à ce point Q , qu’il devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
c ’est-à-dire, au lit du ruisseau ; car cela est impérieusement,
prescrit par l’art. 644 du Code civil, qui lui impose cette loi
comme condition attachée à l’usage de l’eau qu’il lui accorde ;
à la charge de la ren d re, à la sortie de ses fo n d s ,
à son c o u r s
o r d in a i r e , dit l’article.*
Et remarquons que , suivant la doctrine de M. Proudhon , lors
même que la propriété du sieur Chandezon s’étendrait, sur la rive
droite, plus bas que le point Q , il n’en devrait pas moins rendre
l’eau à ce p o in t, parce qu’il serait tenu de la ramener à son cours
ordinaire, vis-à-vis de la pointe ditfonds latéral qu i est le moins
prolongé su r l ’une des rives.
Nous ne rappelons cette opinion que pour mieux fixer le sens de
644
l’article
du Code civil ; car, dans l’espèce, le point Q , sur la rive
gauche, est môme le point le plus prolongé des deux héritages que
possède le sieur Chandezon sur les deux rives (V. le plan); en sorte
que le sieur Chandezon devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
même plus haut que le point Q.
L e sieur Chandezon obéit-il à cette prescription de la loi ?
Use-t-il seulement de J’eau dans l ’intervalle q u e lle parcourt sa
propriété ? La rend-il, comme il l’a prétendu, comme il l’a fait
croire au tribunal de première instance, qui a adopté aveuglément
ses allégations , la rend-il à l ’extrémité de cet intervalle, c ’est-à<bre au point Q , comme il le devrait?
Non , l’ eau ne revient p a s , l’eau ne petit pas revenir à ce point ;
clic est détournée de son cours ordinaire ; elle est jetée à un tout
autre aspect que celui où coule ie lit de la Monne ; elle ne peut plus
y rentrer naturellement, parce quelle se trouve dans un terrain
beaucoup plus bas que le lit du cours ordinaire ; elle ne pourrait y
revenu' qu’à l ’aide de travaux extraordinaires et ou creusant un
canal d’une grande profondeur, (pii consommerait en frais d éta
blissement des sommes considérables, dont Ventretien annuel serait
;iussi trop coûteux parce qu’il serait bientôt encombré par les
terres , par les sables, et que l’on sc verrait enfin forcé d’aban-*
4
�donner, comme on Va déjà éprouvé , parce que toutes les fois qu’on
a à vaincre des obstacles naturels, la résistance constante de la
nature finit toujours pur triompher.
Dans de telles circonstances, que peut-on penser de l’observation
des époux Chandezon, qui disent naïvement que l’eau étant sortie
de leur p r é , ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par
le fait d’ouvrages extérieurs à leurs propriétés?
L ’observation pourrait être do quelque justesse, si les époux
Chandezon rendaient l’eau à son cours ordinaire , et que ce cours
fût ensuite gêné par des faits indépendans de leur volonté.
Mais il arrive précisément tout le contraire. L ’eau, comme nous
l’avons déjà dit (et il est impossible qu’on nie cette vérité de fait),
l’eau n’est pas rendue à son cours ordinaire ; et les ouvrages dont on
•
•
*
*
i
p a rle , loin de nuire à la rentrée de l’eau dans le lit de la Monne ,
avaient pour but de l’y ramener ; mais ce but n’a pu être rempli.
Au reste, ce n’est pas aux riverains inférieurs à ramener dans
leur lit naturel, dans leur cours ordinaire, les eaux dont les époux
Chandezon veulent user ; c’est à eux que la loi impose cette con
dition absolue ; c’est à eux donc , ou à renoncer à l’usage des eaux,
ou à faire et à entretenir tous les ouvrages nécessaires pour exécuter
la condition sous laquelle cet usage leur est attribué.
Ainsi, les époux Chandezon violentla loidans ses principaux points r
Us la violent en ne se restreignant pas, comme riverains , à se
servir de l’eau à sou passage, pour l’irrigation du seul terrain qui
est adjacent à la rive, mais en la détournant pour la conduire à uu
terrain plus éloigné du ruisseau , et qui, n’étant pas exposé aux inconvéuicns des eaux , ne doit pas profiler de leurs a\antages ;
Ils la violent , même comme propriétaires de fonds traversés
par un cours d’eau , en ne se bornant pas à user des eaux dans
l’intervalle qu’elle y parcourt, en ne restituant pas l’eau à l’extrémité
de cet intervalle, et en l’étendant à une propriété que celle eau ne
parcourt pas , qui est au contraire séparée du cours d’eau par une
propriété étrangère ;
Ils la vio len t, en ne rendant pas l’eau à son cours ordinaire,
comme la loi les y oblige , et en la jetant, au contraire, à.u u c
�(
27
)
grande distance, et sur un terrain beaucoup plus bas , d’oii elle ne
peut rentrer dans son Ht ;
Ils violent aussi la loi sous un autre rapport, en prenant l’eau ,
«on dans la partie du cours qui est correspondante à leur propriété,
mais au-dessus, dans une partie du lit dont est riverain un proprié
taire étranger qui n’a pas le droit de disposer de l’eau au préjudice
des propriétés inférieures et riveraines.
Si les époux Chandezon se bornaient à prendre l’eau dans la ligne
de leur propriété, c’est-à-dire, dans l’intervalle du point B au point
O , les riverains inférieurs auraient peu à se plaindre , parce qu’ils
ne seraient privés que d’une faible portion des eaux de la rivière.
L e ruisseau de là Monne coule dans un vallon; et son lit est en
caissé de manière que la rive droite étant très-élevec et tresescarpée ne peut profiter des e a u x , tandis que les terrains , sur
la rive gauche , sont inclinés eu pente plus d o u c e , et peuvent
être arrosés dans leur partie basse.
L ’enclos des époux Chandezon est un petit monticule à trois
versans , l’un au midi du (*ké de la rivière l’autre au nord du
côté du chemin C D , et le troisième à l’est , vers les lettres G H I.
Si l’eau nécessaire à l’irrigation était prise seulement vers le point
B , ou même en amont mais dans un point rapproché , il ne s’in
troduirait dans la propriété.Chandezon qu’une très-petite quantité
d’eau; l’encaissement du lit en conserverait la plus grande quantité
pour les propriétés inférieures.
Mais les époux Chandezon vont aujourd’hui prendre l’eau
beaucoup plus haut que leurs propriétés , à
45
mètres environ
au-dessus du point l i , dans la partie du lit de la rivière qui
longe la propriété Bouchard, c ’est-à-dire, à un point dont le
niveau est beaucoup plus élevé que le point B , où le lit est moins
encaissé, et à l’aide d’un barrage qui n’a rien de fixe, qui n’est
formé que de simples pierres alignées dans le lit de la rivière, non
liées cntr’elles , mêlées quelquefois d’un peu de paille; à l’aide d’un
barrage qui varie de forme et de longueur à l’arbitraire du sieur
Chandezon, et que, d’année en année, il remonte,un peu plus
haut, le long de la propriété Bouchard ; en sorte que, depuis i
85 a,
il s’est emparé, dans tous les lems, de la plus grande partie de l’eau
�de la Monne, e l , dirns les tems socs, de la totalité de cette can.
Telle est la manière dont les époux Chandezon veulent s’appro
prier l’eau de la Monne.
En ont-ils le droit ?
La négative n’est pas douteuse. La lettre comme l’esprit de
l ’article
644 du
code civil le démontrent. Cet article permet au
propriétaire riverain de se servir de l’ eau à son passage, et à celui
dont le terrain est traversé p ar l’eau d’en user dans l’intervalle
qu’elle y parcourt. Mais elle ne l’autorise pas à s’introduire audessus de la ligne de sa propriété dans le lit du ruisseau, à remonter
ce li t , à y établir un barrage pour empêcher l’eau de couler dans
sou lit naturel, pour en changer le cours et pour la diriger vers
une propriété inférieure de
45 mètres au point ou elle
est prise.
Les époux Chandezon diront-ils que le sieur Bouchard le tolère,
et que lui seul étant riverain en cet endroit, pourrait seul aussi s’y
opposer?
Un tel argument serait la plus grande des erreurs.
L e sieur Bouchard n’est pas propriétaire de l’cviu de la rivière.
Cette eau est commune à tous les riverains ; el chacun d’eux peut
seulement en user sans avoir le droit de concéder à un autre ce
qui ne lui appartient pas à lui-même.
Comme riverain, le sieur Bouchard a le droit de se servir de
l’eau pour l'irrigation de sa propriété ; et dans le fait il exerce ce
droit.
Cet usage exercé par le sieur Bouchard pour son propre avan
tage, épuise tous ses droits ; il ne lui est pas d’ailleurs permis de
tolérer dans un autre ce qu’il ne pourrait pas faire lui-mème pour
son propre avantage. Il ne peut pas autoriser le sieur Chandezon ni
qui que ce soit à établir dans la partie du lit dont lui Bouchard est
riverain, un barrage pour conduire l’eau chez son voisin ; car ce
serait se rendre maître d’une eau dont il n’a qu’un usage personnel;
ce serait disposer de la chose des riverains inférieurs.
Cette doctrine ressort clairement des dispositions de l’article G44
du code c iv il, qui a entendu concilier les intérêts de tous les rive
rains, cl qui 11e veut pas que plusieurs riverains supérieurs puissent
�( 20 )
se concerter entr’eux pour priver les inférieurs des avantages qu’ils
peuvent retirer du Voisinage d’une x’iviere trop souvent désastreuse,
pour eux par ses irruptions.
Cette doctrine est aussi professée par M. Proudhon , dans son
Traité du domaine public . dont nous avons déjà transcrit le passage
si positif où il dit que le propriétaire d’ un fo n d s qu i borde un
ruisseau n’a le droit d ’y prendre que l’eau nécessaire à l’irri
gation de son propre héritage , e t qu’il ne pourrait y perm ettre
la confection d ’un aqueduc p our conduire les e a u x su r le fo n d s
d ’un autre q u i serait plus reculé ( V . tome
4 , page 429 )-
A in si, c’est sans droit que le sieur Chandezon s’empare de l’eau
de la rivière vers un point qui ne correspond même à aucune de
ses propriétés; et les x’iverains inférieurs sont d’autant plus fondes
et intéressés à s’en plaindre , qu’en ne prenant l’eau que près de
chez lu i, il n’en pourrait retenir qu’ une partie et ne priverait pas
les vastes prairies qui sont plus basses d’une irrigation dont elles
ont toujours joui.
Nous avons démontré clairement et positivement, il semble, que
l’article 644 du code civil ne conférait pas aux époux Chandezon
les droits qu’ils s’arrogent, et que par leurs entreprises ils blessaient
ouvertement la lettre comme l’esprit de notre législation sur les
cours d’eau.
Ici se présente une autre objection tirée de l’existence des canaux
et de l’usage des eaux, usage qu’ils ont exercé eux ou leurs auteurs,
disent-ils, depuis un teins immémorial.
Relativement aux canaux et à l’agage B aux frais de l’établisse
ment desquels les propriétaires inférieurs n’avaient pas contribué ,
dit-on, il est assez étrange qu’on se soit fait de celte circonstance
un moyen devant les premiers juges.
Cet usage, utile aux époux Chandezon seuls, ces rases ou rigoles
<ln’ils ont creusés dans leur pré, ne sont que nuisibles aux riverains
infér ieurs. Ceux-ci ne pourraient s’en servir, en eussent-ils le droit;
ds n’y ont jamais rien prétendu; ce n’est pas là que gît la question
de la cause.
Quant à l’argument tiré de l’usage des e au x, il csl facile d’y ré
�pondre; cl on le sentait si bien qu’on ri’y a pas insisté en première
instance. Aussi le tribunal ne s’y esw l pas arrêté:
1
Ce prétendu usage n’a pu acquérir aiicuri droit aux époux Chaiidezon, parce qu’il n’a été ni caractérisé, ni exclusif.
Il n’a pas été caractérisé par des travaux de main d’homme, éta
blis d’une manière fixe et propres à annoncer l’intention permanente
de s’emparer des eaux au préjudice des droits des riverains inté
rieurs.
E n effet, sauf un commencement de rase pratiquée dans la pro
priété Bouchard, en amont mais à peu de distance du point B , les
époux Chandezon ni leur auteur n’ont jamais pratiqué, sur le lit de
la rivière au-dessus de leur propriété , des ouvrages apparens et
solidement édifiés, tels qu’un barrage en maçonnerie, pour diriger
dans leurs héritages les eaux de la rivière de la Monne. Ils n’y ont
même jamais élevé d’écluse eu fascines soutenues par des p ie u x, ni
aucune autre espèce de construction solide qui détournât les eaux
de la rivière et qui put faire concevoir aux propriétaires inférieurs
la crainte d’en être prives.
Ils se sont toujours bornés, lorsqu’ils voulaient s’emparer de l’eau,
à faire instantanément dans le lit de la rivière et dans la partie de
cc lit, correspondante à la propriété Bouchard, un barrage mobile j
composé des pierres prises dans le lit môme de la Monne et aux
quelles ou réunissait un peu do paille, afin de détourner les eaux do
leur cours ordinaire pour les diriger, par une espèce de cannfctcm*
porairc , le long de la propriété Bouchard, jusqu’à la rase qui
commence à une faible distance de leur propriété particulière*
c’est-à-dire, près du point marqué B sur le plan.
O r de tels ouvrages, qui ne présentaient rien de certain , rien do
fixe, rien de positif, qui disparaissaient à la moindre crue d ’eau, au
moindre mouvement de la rivière , n’ont pti constituer une ser
vitude réelle de prise d’eau, ni attribuer un droit exorbitant, un
droit contraire aux prescriptions de la loi, celui d’aller prendre, sui*la rive d’un héritage supérieur cl à un point éloigné de son propré
héritage, l’eau que la nature comme la loi destinent aux héritages
�(
ê
'
3i
)
^
inférieurs lorsque le possesseur du terrain supérieur ne peut plus
en user lui-même sur sa propre rive.
Pour établir une servitude de prise d’eau, pour acquérir par la
prescription sur le lit d’une rivière , comme sur le terrain d’autrui
un droit exclusif à des eaux qui ne nous appartiennent pas, il faut
que la possession soit caractérisée par des ouvrages apparens et
fixes, qui n’aient rien de précaire et qui ne puissent pas être
considérés comme l’eiï'et de la simple tolérance du propriétaire su
périeur , ou comme ayant pu échapper à l’attention des propriétaires
inférieurs auxquels les eaux devaient arriver. On peut invoquer sur
cette question par analogie un arrêt de la Cour de Iliom, du 2G
avril 1826. (V o ir aussi l’article 6^2 du.Code civil.)
O r, certes, à la manière dont était formée l’espèce de barrage
pratiqué par les époux Chandezon ou leur auteur, et tant que ce
barrage n’avait pas été prolongé en amont d’environ
45
mètres et
élargi sur le lit de la rivière de manière à intercepter la totalité ou
la presque totalité des eaux; en un mot tant qu’il 11’y avait pas eu
832
abus comme en j
, époque de l’origine du procès, les proprié
taires inférieurs, ainsi que le propriétaire supérieur , n’avaient dû
donner qu’une légère attention à l’entreprise des époux Chandezon,
parce qu’ils n’en éprouvaient pas un préjudice sérieux et continu.
Cette entreprise ne causait en cil et aucun préjudice au sieur
Bouchard, propriétaire supérieur, un barrage peu solide et peu
élevé n’exposant pas son héritage à être inondé.
Les propriétaires inférieurs étaient eux-mêmes peu blessés dans
leurs intérêts, soit parce que ce barrage n’existait pas constamment,
soit parce q u e , même pendant son existence primitive, comme il
était plus rapproché du point II, il ne détournait qu’une petite portion
de l’eau et en laissait arriver la plus grande quantité aux prairies
inférieures.
Ainsi, sous ce premier rappo rt, l’usage des eaux invoqué par les
époux Chandezon ne pourrait leur valoir aucun droit parce qu’il
n’aurait pas été caractérisé et que leur possession n’cîxt été que pré
caire.
Mais il y a plus, cet usage n’a jamais été exclusif.
1
�Jamais, en eiïet, avant )
832 , les époux Chandezon, ni
leur au
teur ne s'étaient emparés des eaux arbitrairement, quand bon leur
semblait, et malgré la résistance des riverains inférieurs; jamais ils
u’avaient disposé de ces eaux à leur gré ; jamais ils ne les avaient
détournés abondamment et constamment au préjudice des proprié
taires inférieurs.
S’ils usaient des eaux de la M onne, ce n’était qu'assez rarement*
et en partie seulement comme nous l’avons déjà dit; en sorte que
la plus grande masse du cours d'eau arrivait constamment aux pro
priétés inférieures.
E t si quelquefois le barrage était maintenu ou disposé de ma
niéré à détourner une trop grande quantité d’e a u , les proprié
taires inférieurs se transportaient vers ce barrage toléré plutôt que
dû ; et tantôt ils le détruisaient, tantôt ils le réduisaient de manière
à faire disparaître le préjudice qu’ils en auraient éprouvé.
C ’est ainsi que les choses se sont passées jusqu’en i
; c ’est
ainsi q u e , jusqu’à cette époque, sans qu’il y eut de règlement formé
832
et bien ordonné entre les divers propriétaires des prés supérieurs
ou inférieurs, tous cependant profitaient tour à Lourdes eaux , quoi
qu’avec peu de régularité; tous jouissaient des mêmes avantages s’ils
étaient exposés aux mêmes désastres; aucun d’e ux, pas plus les
époux Chandezon que les autres , n’avait ni 11e réclamait de privi
lège exclusif sur ces eaux.
T el a été l’unique mode de possession des époux Chandezon
ou de leur auteur. O11 le demande, pourrait-on trouver dans un tel
usage des eaux, dans une possession aussi précaire, aussi incertaine,
aussi variable, aussi peu exclusive, le principe du droit, qu’ils ré
clament aujourd’h u i , de s’emparer à leur gré et sans mesure des
eaux de la Monne ; de les retenir tant qu’il leur plairait ; de les absor
ber presqu’enticrement, soit pour l’irrigation d’une grande étendua
de propriété non riveraine du cours d’e a u , soit pour l’entretien
d’un vivier qu’ils y ont récemment établi; enfin de changer la di
rection de ces eaux sans s’inquiéter de les rendre à leur cours ordi
naire comme le veut la loi: et de prétendre encore que c ’est à ceux
<jui en ont besoin à les faire rentrer dans leur lit, tandis que Ja loi
�( 33 )
impose expressément celte charge à tous ceux auxquels elle c»
accorde l’usage?
Reconnaissons donc que les époux Chandezon ne peuvent invo
quer en leur faveur une possession caractérisée et sufiisante pour les
autoriser à priver les propriétaires inférieurs des eaux communes
que la nature a destinées à tous les riverains; reconnaissons qu'ils
sont tenus de se soumettre aux principes que nous avons ci-dessus
développés sur l’usage des e a u x ; reconnaissons q u e ,) comme
riverains, comme propriétaires même d’héritages que le cours d’eau
traverserait, ils ne pourraient prendre l’eau que sur la ligne de leur
propriété, et n'auraient pas le droit d’aller s'en emparer au préju
dice des propriétaires inférieurs, sur la partie du lit correspondante
à la propriété Bouchard; reconnaissons que, même en usant de l’eau,
ils seraient tenus de la rendre à son cours ordinaire, à la sortie de
leurs fonds et au point même où ils cessent d’être riverains; recon
naissons, en un mot, que leurs prétentions, qui tendent à violer
toutes ces règles, doivent être repoussées, et qu’il est juste de mettre
un frein à l’usage arbitraire qu’ils veulent faire d’un cours d’eau
auquel beaucoup d’autres propriétaires ont aussi des droits.
Ceci nous conduit à examiner si un règlement d'eau doit cire
ordonné.
A la suite des principes poses dans l’article
644
du Code civil
sur l’usage des eaux accordé par la loi à ceux qui possèdent des
héritages bordés ou traversés par une eau courante, vienneut des
dispositions réglementaires écrites dans l’article
645 pour faire cesser
les contestations que cet usage peut faire naître.
645
L ’article
s’exprime ainsi :
« S ’il s’élève une contestation entre les propriétaires auxquels
« les eaux peuvent être utiles, les tribunaux en prononçant doivent
« concilier Vintérêt de ¿’agriculture avec le respect du à la pro« priété ; et dans tous les cas les régleuiens particuliers et locaux
« doivent être respectés.
Cette dernière partie de l'article reste sans application dans la
ca u se , puisqu’il n’cxisle aucun règlement local et que le but du
procès est d’en faire ordonner.
5
�( 34 )
Quant à la première partie, jamais cause n’en comrhanda plus
l ’applicaiion. La lutte est engagée entre un propriétaire qui ne
possède qu’environ 8,000 toises de terrain susceptible d’irrigation,
et qui, pour en augmenter les produits ou les embellisseincus dans
son intérêt privé , veut absorber ou détourner à son gré toutes les
eaux du ruisseau de la Monne et en priver plus de 120,000
toises de prairies inférieures , toutes d’une grande valeur et d’un
produit considérable, toutes garnies d’arbres fruitiers, toutes exis
tantes en nature de prairie depuis 1111 teins immémorial, et en pos
session depuis plusieurs siècles d’un droit d’irrigatiou dont le sieur
Chandezon voudrait aujourd’hui les empêcher de jouir.
' Sans doute l’intérêt de l’agriculture ne permet pas qu’on sacrifie
ainsi à un seul, et pour un terrain d’une médiocre surface, les droits
d’un grand nombre de propriétaires et la fertilité d’une vaste éten
due d’un terrain auquel l’arrosement est nécessaire.
Cette première considération suffirait seule pour faire ordonner
le règlement réclamé.
Nous pourrions aussi invoquer contre les prétentions des époux
Chandezon , soit des autorités nombreuses, soit la jurisprudence de
plusieurs cours.
Ces prétentions sont repoussées par les observations même qui
ont été faites au conseil d’é ta t, lors de la rédaction de cette partie
du Code civil.
«• Lorsque l’eau passe par plusieurs héritages, y fut-il d i t , sans
« que personne en soit propriétaire , que le modo de jouir n’est
« établi ni par le titre, ni par la possession, ni par des réglemens
* particuliers et locaux, les tribunaux déterminent la jouissance de
« chacun par un règlement qui fixe le teins pendant lequel chaque
« propriétaire usera des eaux et même l’heure oii il pourra s’en
/|5
«f servir; et l’article G veut qu’ils combinent ce règlement de matf nière à concilier l’intérêt de l’agriculture, c ’es t-à -d ire l’intérêt
« général avec le respect dù à la propriété (Esprit du Code civil
5
<t Sur l’article G/| ).
Ici Finlérct général est. tout en faveur des appelans, et l’intérêt
de la propriété ne peut leur être opposé, puisque
uous
savons que
�(
33
)
les eaux d’un ruisseau sont communes à tous les riveraius, et
que les époux Chandezon, riverains dans une très-faible étendue de
terrain, n’avaient à ces eaux qu’un droit proportionnel el par con
séquent fort restreint ; puisque nous avons vu aussi que les époux:
Chandezon n’avaient pas le droit de prendre les eaux au point du
lit où ils s’en emparent pour les conduire à leurs héritages.
Bien plus, dans l’espèce, le respect dû à la propriété est blessé par
les entreprises du sieur Chandezon, qui violent le droit que les
propriétaires inférieurs ont acquis à l’usage de ce cours d’e au , par
une possession de plusieurs siècles.
Malleville , sur le même article
645 , dit aussi que , « si l’un des
« riverains absorbait l’eau au préjudice des autres ou en prenait un
« volume considérable, c’esfle cas de faire un règlement entr’eux,
<f et que c’est l’objet de la seconde partie de l’article
645 .
M, Pardessus, après avoir posé en principe qu’un riverain ne
peut détourner l’eau en entier sur son fonds , ajoute ce conseil re
marquable :
x Si le volume était si modique qu’il ne fut pas possible d’y faire
» des saignées , et que par cela seul les eaux devinssent inutiles ,
« il vaudrait mieux les accordera un seul pendant quelques heures
« ou quelques jours, et par ce moyen les en faire jouir su ccesii« vem ent pendant un tems proportionné à leurs besoins, que de
* ne les leur donner que partiellement, et dès-lors en si petite
« quantité qu’ils se trouvent manquer d’un élément qui peut seul
v féconder leurs héritages ; en un mot les tribunaux doivent établir
« des règles de convenance et d’équité.
Telle est la vraie doctrine. Il ne doit cire permis à aucun riverain,
quoique supérieur, de s’emparer exclusivement de l’eau au préju
dice des riverains inférieurs ; et les tribunaux doivent s’empresser
de réprimer les abus et d’ordonner les réglcmcns nécessaires pour
une sage distribution des eaux.
C ’est sur cette doctrine que s’est fondée la Cour de Riorn, on
décidant par deux arrêts , l’un du
germinal en 10, l’antre du
5
27 nivôse an 12 , que le propriétaire d’un pré supérieur où passait
un ruisseau n’avait pu relcnir l’eau cl la détourner des prés iufe«
�e 36 )
rieurs. ( V o i r ;ccs arrêts dans le journal de la C o ur, an 12., pages
1 1 6 , 120 ).
o
On p<uit consulter aussi un arrêt du parlement de Paris , du
65
j 6 juillet i o , rapporté par Mornac.
C ’est encore en adoptant et cri consacrant cette doctrine , qu’un
ai’rêt de cassation du 7 avril 1807, rejeta le pourvoi contre un
arrêt de la cour de Dijon , qui avait condamné un propriétaire su
périeur et riverain à détruire des digues et des canaux qu’il avait
établis pour s’emparer de la plus grande partie de l’ean , au préju
dice des propriétés inférieures. Une des dispositions de l’arrêt ren
voie ce propriétaire supérieur ¿1 se pourvoir en règlem ent avec
les parties intéressées. L ’arrêt reconnaît donc que des réglemeijs
sont nécessaires dans de tels cas.
•
On oppose, il est vrai, un autre arrêt du 16 juillet 1807, qui a
rejeté aussi le pourvoi contre une décision contraire. Mais ce se
cond arrêt ne peut être invoque par les époux Chandezon sous plu
sieurs rapports : 1* parce que les propriétés de celui qui se servait
des eaux étaient traversées par des ruisseaux ; qu’il ne prenait les
eaux qu’à leur passage et dans la partie du lit qui était bordée des
deux côtés par ses héritages, et qu’il n’en usait que dans Vintervalle
où le ruisseau parcourait ses propriétés ; 20 parce qu’à la sortie
de ses f o n d s , et au point où il cessait d’être riverain, il les rendait
¿1 leur cours ordinaire.
O r le sieur Chandezon ne fait rien de tout cela : 10 il ne prend
pas les eaux dans la ligne de scs propriétés; il va les prendre, sans
droit,par pure tolérance, dans lapartiesupérieure du lit, devantrheritage lîouchard à qui ces eaux n’appartiennent cependant pas, et
qui ne peut légalement en disposer ni en laisser user au préjudice
des riverains inférieurs auxquels la nature comme la loi les destinent}
nous avons déjà prouvé cette vérité de principes.
2* Le sieur Chandezon n’use pas des eaux dans l’intervalle seule
ment où leur cours traverse scs propriétés; il les conduit sur un
lorrain éloigné du lit de la rivière ; et ce qu’il y a de contraire à tous
les principes , il ne les rend pas à leur cours ordinaire , il les dé
�( 3? )
tourne au contraire de ce cours pour les faire tomber sur un terrain
beaucoup plus bas d’ou elles ne peuvent rentrer dans leur lit.
L e second arrêt invoqué ne peut donc recevoir aucune applica
tion à la cause, et la doctrine que nous avons cmise reste dans toute
sa fo rc e , protégée par la loi comme par l’équité, comme par l'in
térêt de l’agriculture.
Cette doctrine a été appliquée par un troisième arrêt plus récent
de la Cour de cassation ; cet arrêt, en date du i o avril 1821, et qui
casse une décision contraire, déclare en principe, en visant l’article
645 du code sur lequel il se fonde, que «■lorsque des propriétaires
« de dilTérens terrains ont le droit de se servir des mêmes eaux, et
« que le mode de jouissance n’est déterminé ni par les anciens
titres ni par aucun règlement particulier et lo c a l , c’est aux tri« bunaux qu’il appartient de prononcer sur les points qui divisent
* les intéressés et de fixer des règles qui préviennent tous débats
« ultérieurs.
T e l est le point de droit que pose l’arrêt.
Ce point de droit s’applique exactement à la contestation présente.
Les eaux de la Monne sont communes à tous les riverains , et
tous'ontle droit de se servir de ces eaux; nous l’avons déjàprouvé.
S ’il y a des difficultés entre les riverains sur le mode d’usage de
ces e a u x , les tribunaux sont donc appelés à faire cesser ces diffi
cultés par un règlement fait dans l’intérêt de tous.
Et comment le sieur Chandczon pourrait-il être admis à s’y op
poser , lui qui y a un intérêt plus pressant que tout autre s’il veut
obtenir ou conserver l’usage légal d’une partie de ces eaux ; lui qui,
s’il 11 y avait pas de règlement , devrait être privé de toute prise
d’eau.
1
Car rs propriétaires riverains, même inférieurs , ont le droit de
1 empêcher d exercer aucune prise d’eau ailleurs que dev;,nt s011
propre héritage ; ils ont aussi le droit d’exiger qu’il fasse rentrer
dans le lit de la rivière les eaux dont il userait et qu’il les fasse ren
trer dans leur lit au point où son héritage cesse de border le cours
d’eau.
Or, comment le sieur Chandczon arroserait-il, en sc soumettant
�( 38 )
à ces prescriptions qui lui sont cependant rigoureusement imposées
par la l o i , comme condition expresse de la faculté d’user de l’eau?
Ainsi par sa résistance illégale et injuste au règlement qui est de
mandé , il s’expose lui-même à être privé absolument de l’eau dont
il abuse aujourd’hui,
Il s’expose à en être privé ; car comme nous l’avons déjà fait ob
server il ne pourrait argumenter de prescription , puisqu’il n’a pos
sédé que précairement, puisqu’il n’avait jamais usé avant i
832 que
d’une faible partie des eau x, puisque le barrage qu’il établissait illé
galement sur le lit du ruisseau vis-à-rvis la propriété Bouchard était
détruit par les propriétaires inférieurs dès qu’ils s’apercevaient que
l’eau ne leur arrivait pas ou qu’elle ne leur arrivait qu’en moindre
quantité , puisqu’enfin jusqu’aux nouvelles tentatives par lesquelles
le sieur Chandezon a voulu s’approprier la presque totalité de l’eau
commune pour s’en servir même à embellir sa propriété et à y
établir un ou plusieurs viviers, jusqu’à ces tentatives arbitraires, les
propriétaires inférieurs avaient suflisamment fait arroser leurs vastes
prairies.
Ces propriétaires inférieurs ont donc le droit de se plaindre et
d’insister sur un règlement qui ménage les intérêts de tous.
Ils sont d’autant plus dignes d’intérêt dans celle réclamation , que
leurs prairies, dont le terrain est presqu’au niveau du lit du ruisseau,
sont chaque année exposées à d’aifligeantes dégradations par l’inva
sion des eaux j et ils ont fait cette année-ci l’épreuve la plus désas
treuse de ce danger.
Les époux Chandezon, au contraire, donl le terrain est élevé audessus du cours d’eau, sont à l’abri de ces malheurs presque annuels j
et cependant ils voudraient seuls profiter du bénéfice des eaux, eux
qui n’en redoutent pas les incommodités , pour en laisser tous les
ravages dans les
momens fâcheux aux propriétaires inférieurs
qu’ils priveraient de leur avantage dans les inomens où elles pour,
raient être utiles.
n’nst pas ainsi que la justice
Ce
se distribue.
Loin de là; l’équité ;
et la justice commandent un ordre tout oppose.
^
Cîir selon la remarque de Proudhon : « Si les près infui'icurs
�( 39 )
•
« étaient sujets à des inondations dans les crues d’eau cxtraordi« naires , cc serait là une considération majeure pour leur laisser
«• pleinement l’usage des eaux d’irrigation dans les tems ordinaires,
» plutôt que de permettre au propriétaire supérieur de s’en empa«■rer, tandis que l’organisation naturelle du sol le met à couvert
« des mêmes pertes__Secundùm naturcini e s t commoda ciijus* que rei seq u i quem sequuntur incommoda. L . 10, flf de reg.
« ju ris. »
Le cas prévu par l’auteur est celui où se trouvent souvent les
parties.
Cependant, quoique dans les tems de sécheresse l’eau puisse être
insuffisante pour tous, les appelans se sont bornes à demander un
règlement qui divisât les eaux entre tous les propriétaires supérieurs
et inférieurs dans la proportion de l’étendue des propriétés respec
tives susceptibles d’irrigation. Celte réclamation était trop juste
pour que le sieur Chandezon lui-même ne l’eût pas accueillie, si les
conseils irréfléchis de son intérêt personnel ne l’avaient complète
ment aveuglé sur scs droits.
Aussi est-il le seul qui ait résisté à la demande en règlement.
Les autres intimés ne s’y sont pas opposés; ils s’en sont rapportés à
droit en première instance; - et s’ils ne se sont pas réunis aux appe
lans, c’est qu’il existe, à ce qu’il paraît, entr’eux et le sieur Chande
zon , des arrangemens secrets qui les désintéressent.
Il
est vraisemblable que devant la Cour les autres intimés reste
ront aussi neutres dans les débats , prêts cependant à profiter du
succès qu’obtiendraient les appelans.
Mais s’ils se montraient hostiles, la dissertation à laquelle on vient
de se livrer leur sci ait applicable.
Dans cette cause, un règlement d’eau est autorisé par la loi pour
l’usage d’un cours d’eau commun à un grand nombre de proprié
taires riverains, parmi lesquels il n’en est pas un seul qui ait un droit
de possession exclusive, et dont il est juste que tous recueillent les
avantages, les propriétaires inférieurs sur-tout,
exposés aux ravages des inondations.
beaucoup plus
Ce règlement d’oau, réclamé par beaucoup , refusé par un s e u l,
�est prescrit par l'intérêt de l’agriculture, qui ne permet pas que
de vastes et de nombreuses prairies de la plus grande valeur, soient
privées d’une irrigation de laquelle elles ont toujours joui, et ré
duites à une affligeante stérilité , pour fournir à la prodigalité de
l’arrosement et aux embellissemens d’une propriété unique d’une
bien plus faible étendue, d’une bien moindre valeur.
Ce règlement d’eau est voulu par l’intérêt légitime du sieur
Chandezon, à qui la l o i , rigoureusement appliquée , refuserait
toute participation à l’usage de l’e a u , puisqu’à la sortie de ses fonds,
il ne la rend pas, il ne peut la rendre à son cours ordinaire.
Ce règlem ent, enfin, est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre
p ublic, pour prévenir les violens débats , les dangereuses querelles
que font naître l’usage et l’occupation des e a u x , et qui peuvent
produire de fâcheux excès , dans l’irritation qui jaillit du choc des
passions, excitées, sur-tout dans les tems de sécheresse par l’ur
gence des besoins d’irrigation.
La Cour, dans sa haute sagesse, ordonnera la mesure commandée
par les circonstances , comme par la doctrine, comme par l'équité,
qui est la première des lois,
M e A L L E M A N D , Avocat.
M* B O N J O U R , avoué,
R I OM ,
IM PR IM ER IE DE SA LL E S F IL S ,
PRES L E PA LAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Martin. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bonjour
Savarin
Johannel
Chirol
Tailhand
Debord
Veysset
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
irrigation
jardins
rivières
vin
prises d'eau
canal
cadastre
sécheresse
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Martin, médecin ; Martin, greffier du juge de paix ; Monestier, Ussel, Reynaud, Maugue-Champflour, et autres propriétaires de Tallende, de Monton, de Saint-Amand, appelans d'un jugement rendu par le tribunal de Clermont ; contre dame Justine Ussel et le sieur Vincent Chandezon, son mari, adjoint de la commune de Tallende, y habitant, intimés ; en présence de la dame Duvernin, veuve Cisternes, en son nom et comme tutrice de Charles Cisternes ; de dame Hélène Cisternes, et du sieur de Varennes, son mari, assignés en assistance de cause, et aussi intimés ; en présence de la dame Monestier et du sieur Creuzet son mari, d'Etienne Bohat-Lami, Antoine Bohat-Tixier, Laurent Tixier, Hugues Bohat, dit le grenadier, et de François Ballet-Beloste ; tous aussi assignés en cause, et intimés ; en présence enfin du sieur Nicolas Barbarin, également appelant.
Annotations manuscrites.
plan cadastral.
Table Godemel : Cours d’eau.
en matière de cours d’eau, les dispositions des articles 644 et 645 du Code civil ne sont applicables qu’aux cas où les droits du riverain d’une eau courante sont égaux, et où il n’y a ni titre ni possession qui déterminent des droits spéciaux en faveur de l’un d’eux. – ainsi, lorsqu’il résulte, des faits de la cause, ou de l’état des lieux, ou des documens produits, que des constructions de main d’homme ont été faites pour conduire les eaux dans la propriété de l’une des parties, et qu’elle en a profité depuis une époque reculée, il y a lieu de maintenir sa possession.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1800-1836
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2810
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2811
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53566/BCU_Factums_G2810.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Amant-Tallende (63315)
Veyre-Monton (63455)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cadastre
canal
doctrine
irrigation
jardins
Jouissance des eaux
prises d'eau
rivières
sécheresse
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53585/BCU_Factums_G2829.pdf
bad28849b203f53e74d783284ba9f3ad
PDF Text
Text
Wh
MEMOIRE
POUR1
P R E M I È R E IN S T A N C E
L e C o r p s c om m u n d e la v i ll e de R i o m , p o u r s u i t e s
et diligences de M. le M a ir e de cette v i l l e ,
CO N TR E
,
M. N E I RON -D E S A U L N A T S Propriétaire
habitant du lieu de Saint-Genest-l'Enfant.
,
ville de R io m est obligée de soutenir une discussion judiciaire
pour conserver des droits reposant sur des titres qui remontent à
plusieurs siècles, et pour consommer une entreprise considérable,
L a
d’une grande utilité, d’une nécessité même absolue, q u i , après
avoir coûté d'énormes sacrifices, serait paralysée si des préten
tions nouvelles pouvaient lui être sérieusement opposées.
Heureusement que ces prétentions n’ont pour base qu’une préoc
cupation peu réfléchie ,
et que les illusions d’un intérêt mal
calculé.
L a ville de Riom est propriétaire d’un droit de prise d’eau à des
sources qui surgissent, à cinq ou six kilométres de distance, dans
une commune voisine , et qui sont connues sous le nom de sources
de Saint-Genest.
Ce d ro it, qui existait de temps immémorial fut réglé , en 1
645 ,
par un traité fait avec l’ancien seigneur propriétaire de ces sources
e t , depuis cette époque reculée, les habitants de Riom en avaient
usé à leur g r é , sans le moindre trouble, à l’aide d’un canal ou
aqueduc q u i , prenant son origine aux sources mêmes, se prolonge
jusqu’a la ville.
DEM
O
IR
�Mais ce canal, vicieux dans sa construction, dégrade, d'ailleurs,
depuis long-temps, ne transmettait pas à la ville de Riom toute la
quantité d’eau qui Jui appartenait.
Depuis nombre d’années , K s habitants de Riom reconnaissaient
la nécessité d’établir un nouvel aqu ed u c, mieux organisé , plus
compacte, plus solide, et qui lui transmît une eau plus pure et plus
abondante.
Cette précieuse amélioration, commandée aussi par les besoins
de plusieurs établissements publics ou communaux, a excité succes
sivement la sollicitude de différentes administrations municipales*
et s i , malgré de nombreuses et de longues élu des, l’exécution en
avait été différée , ce retard n’avait eu pour cause que l’insuffisance
des ressources communales pour fournir'aux dépenses de l’entre
prise.
Enfin , ces ressources ont été obtenues à l’aide de sept années
d ’une contribution extraordinaire, à laquelle se sont soumis les
habitants , et par le concours du gouvernement ci de l’administration
départementale, qui ont dù participer à des frais faits aussi dans
l ’intérêt des établissements publics.
L es travau x, dont le prix doit s’élever à la somme de 16 0 ,00 0 fr.
au moins, ont été commencés alors, et se sont continués pendant
plusieurs années , sans qu’auqunc réclamation , sans qu’aucun indice
annonçât la moindre contestation future ; et déjà l’achat des tuyaux
de conduite était com plet, leur placement était en grande partie
o p é r é , les fouilles à faire pour le surplus étaient presque terminées ;
d é jà, en un m ot, plus de 120 ,0 0 0 fr. étaient dépensés, lorsqu’à
été élevée une contestation dont le succès, si la ville de Riom pou
vait le crain d re, mettrait tout en question , et rendrait inutiles les
travaux cl les sacrifices des habitants.
M. Dcsaulnats s’est opposé à ce qu’on plaçât, dans une enceinte
close de murs, près d’un regard dont la ville de Riom a seule la clef,
le premier tuyau destiné à recevoir l’eau qui coule dans ce regard ,
propriété exclusive de la ville.
II a soutenu que l’enceinte et que les eaux qui y naissent étaient sa
chose; que les habitants de Riom n’y avaient qu’ un droit de servi-
�lu d e, limite par les litres, restreint surtout par la prescription; et
qu’un nouveau mode d’aqueduc ne pouvait pas être applique à la
prise d’eau sans son consentement.
11 a déclaré qu’ il ne donnerait pas ce consentement, parce que le
changement projeté nuirait à ses droits et blesserait ses. intérêts.
Cette prétention et le moment ou elle se présentait durent sur
prendre les administrateurs de la ville de Riom.
Ils éprouvèrent beaucoup de regrets d’avoir à lutter contre l’un
des anciens habitants , et des habitants les plus distingués de leur
v ille j contre un homme honorable, qui long-temps même avait été
le chef de l’administration municipale.
Mais les droits confiés à leurs soins étaient trop importants, cl la
réclamation qu’on leur opposait leur parut trop peu fondée pour
qu’ils n’y résistassont pas.
Aujourd’hui qu’une application des titres et une vérification des
lieux, faites, en exécution d’un maudatdc la justice, par trois experts
d’une grande capacité et tous étrangers à la ville, peuvent faire ap
précier les droits respectifs des parties , la ville de Riom est auto
risée à dire que uon seulement la prétention de M. Désaulnats ne
trouve aucun appui dans les titres produits, mais même qu’elle
n’est pas justifiée par un intérêt réel ou de quelque importance.
C ’e s t , il sem ble, ce qu’il sera facile à démontrer.
L a ville de R i o m , dont la fondation se perd dans la nuit des
siècles, ancienne capitale du duché d’Auvergne, et chef-lieu, avant
j 78c), d’une sénéchaussée aussi distinguée par la juste réputation de
scs olliciers que par l’étendue de son ressort, avait, depuis des
temps trcs-ancicns, une population nombreuse.
Aussi scs administrateurs s’étaient-ils occupés
à se procurer
l ’eau nécessaire à la consommation de ses habitants.
Cette eau , ils la prenaient, de temps immémorial, vers les limites
de dou* communes voisines, celles de Marsat cl de Sain l-G en est,
près de plusieurs sources abondâmes que l’on désigne sous le 110m
r}e sources de Saini-Cicncst.
�<r
--
4
-
Pou r régulariser et améliorer leur prise d’eau , les consuls de la
ville de Rioin traitèrent, le i
5
5
septembre iG/f , avec M. de
G u é r i» , seigneur de Lughat, de Marsnt, et d’autres p laces, et
propriétaire des sources qui servaient à l’usage des habitants.
On remarque dans le traité que les habitants prétendaient avoir
le droit d’exercer leur prise d’eau aux sources m êm es, mais que le
seigneur contestait cette prétention.
Les parties se concilièrent par l’intermédiaire de l’intendant de
la province.
Dans la transaction, il est convenu que, moyennant 1000 francs
qui sont payés au seigneur de Marsat, « les consuls et les habitants
«• de Riom pourront prendre, à perpétuel, aux sources qui sont au
« bout du grand bassin ou réservoir de ladite source de Saint« G e n e st, du côté de b ise , joignant à un sentier qui est du côté de
* nuit, la quantité d'eau nécessaire pour en avoir neuf pouces en
« circonférence ou rondeur à la sortie dudit bassin ou réservoir. »
S u r le plan général annexé au mémoire , ce grand bassin est
désigné par les lettres A et par un liseré vert-d’eau -, il est aujour
d’hui renfermé dans le parc de M. Desaulnats.
A l’angle nord du bassin, le point O indique celui où devait
s’exercer la prise d’eau concédée en 16 4 5 .
On v o i t , à peu près au milieu de ce bassin et au nord-est du
plan , le chenal qui conduit l’eau au moulin du sieur Desaulnats.
A la gauche du plan , au sud du grand bassin, existe un petit
bassin, cil forme triangulaire, entouré de murs, communiquant au
grand par des ouvertures pratiquées au bas du mur séparatif. Ces
ouvertures sont indiquées par les lettres minuscules m, n.
C ’est dans cette petite enceinte, qui est hors de l’enclos do
M. Desaulnats, qu’est aujourd'hui placée la prise d’eau de la ville.
Elle s’exerce à la principale source qui surgit au point G de cette
petite enceinte, sous une voûte ou chapelle où l’on rem arq u e en
core les armes de l’ancien seigneur.
Kn avant de celle chapelle existe une construcifon en pierres de
laille, formant une petite tham bie marquée I’ sur le plan, qui clôt
�la chapelle, cl qui est fermée elle-même par une porte à "rille de
fer.
U n can gl, autrefois en pierre, mais qui, aujourd’hui et depuis
1 7 7 5 , est en plomb, transmet l’eau prise à la chapelle dans un
regard désigné sur le plan par la lettre E , dont la ville de Riom
seule a la clef; c ’est à ce regard que correspond le canal, continu
qui conduit l’eau à la ville.
Au sud-est de cette petite enceinte et d’un petit bassin B B ’ que
que l’on y remarque, existe une ouverture désignée au plan par la
lettre I, el formée dans le mur par deux pierres verticales à rainures;
on y place une vanne qui est levée le mercredi et le samedi de
chaque semaine, à midi, pendant Pélé, pour laisser échapper l’eau
destinée à l'irrigation des prés de INIarsat.
L a petite enceinte est fermée par une porte dont il y a deux clefs,
l’une pour la ville de Riom, l’autre restant au moulin du sieur Désaulnats, ou elle est à la disposition des ayant droit à la prise d’eau
des prairies de Marsat.
Telle est la description sommaire des lieux*.
Revenons à l’analyse des titres.
Dans l’acte de 1 6 4 5 , à la suite de ce que nous en avons ci-des
sus transcrit, on lit que : « les tuyaux qui seront posés dans le grand
bassin ou réservoir pour ladite prise d’eau , seront de la grosseur
* nécessaire, en sorte qu’ils puissent fournir neuf pouces d’eau en
v circonférence 011 rondeur dans trois tuyaux de la grosseur cha« cun de neuf pouces de vide, qui seront placés, savoir : deux pro-
w che la muraille du réservoir, cl l’autre dans l’épaisseur de ladite
« muraille pour conduire les neuf pouces d’eau dans les canaux de
« la ville. »
11 fut convenu qu-e les consuls auraient la faculté de faire faire
une
voûte avec les armes de la ville au-dessus des sources, pour
fermer l’eau a clef.
Ils devaient aussi faire, à l’endroit où seraient posés les canaux ,
un regard en voûte pour pouvoir vérilier si les neuf pouces d’eau
étaient complets sans excéder la quantité allribuccj et le seigneur
�deMarsat pouvait e xiger, quand bon lui semblerait, Fbuverture de
ce regard.
Pour prévenir la déperdition de l’eau du grand bassin , les con
suls furent chargés de fa ire bien et dûment grossir la muraille qui
l’entoure et de l'entretenir, à l’avenir, à leurs frais.
Enfin il fut stipulé que le seigneur serait indemnisé par les con
suls , si le propriétaire du moulin le délaissait par suite du manque
d’eau, qui serait le résultat de la concession faite aux habitants.
T e l est, en analyse, ce premier-octe dont l’ interprétation a sou
levé plusieurs diHicultés. On a surtout beaucoup disserté sur la
clause des neuf pouces d’eau en rondeur ou circonférence, com
binée avec le placement des trois tuyaux de g pouces de vide chacun.
On verra que le vrai sens de cette clause a été fixé par un der
nier traité de 1 775.
L ’exécution de ce premier contrat présenta des difficultés.
O n les applanit par de n ouvelles co nventions qui furent faites le
5o septembre
1G
54
et qui firent abandonner les constructions qui
devaient se faire dans le grand bassin , vers le point O.
Les consuls se plaignaient de Pinsufiisancc des sources désignées
dans l’acle de 1645 et voulaient réclamer des dommages el intérêts
contre le seigneur.
Pour les satisfaire, le seigneur de Marsat consentit à changer le
point de la prise d’eau; il fut convenu que le droit serait exercé ,
«t perpétuité , dans le roservoir des sources au point C , vis-à-vis la
voûte où étaient les armes du seigneur, et qu’a cet cfict les consuls
pourraient faire faire, à leurs dépens , un regard en pierres de taille
où seraient marquées les armes do la ville;
Il fut dit, d’ailleurs, qu’ il n’était pas dérogé aux autres clauses
du contrat de iG/p.
T rois cents livres payées par les consuls au soigneur furent lo
prix de cette amélioration.
Ce fut alors que la prise d’eau fut transportée dans la petite en
ceinte et le petit bassin triangulaire marque au plan par les lettres
15 I>’ .
Depuis elle y a toujours été fixée.
Alors aussi fut établi, pour la prise d ’eau , un canal en [lierres ,
�— 7—
commençant à la voûlc où étaient les armes du seigneur, voirtc dé
signée sur le plan par la lettre C, et se prolongeant, de l’est à l’ouest
jusqu’à un regard qui dut être aussi construit à cette époque, et qui,
sur le plan, est indiqué par la lettre E .
Il paraît qu’alors aussi la petite enceinte lot entourée de murs
qui l’isolaient du grand bassin, sans cependant s’opposer à la com
munication et au mélange des eaux des deux bassins, mélange qui
se faisait par les arceaux ménagés sous le mur intermédiaire.
Les choses restèrent dans cette position jusqu’en 1 7 7 5 , époque à '
laquelle d’autres contestations furent terminées par une dernière
transaction.
Il est nécessaire d’analyser, avec quelque détail, cette transac
tion qui est pour la cause d’une grande importance.
E lle fut préparée le 18 juillet 1 7 7 5 , par une délibération de l’as
semblée municipale où figurent les noms les plus honorables.
RI. Du Défaut, maire^de la ville, expose « que les fontaines de
«• la ville sont en mauvais état; que la ville ne reçoit p as, à beau« coup p rès, le volume d’eau qui lui appartient et qu’elle a droit
« de prendre à la principale source de ln chapelle de Saint-Genest. »
Il dit qu'il se fait une déperdition considérable des eaux dans les
canaux destinés’ à les conduire à la ville, et principalement « dans
« le canal de pierre pratiqué dans une enceinte de murs où la source
* se trouve renfermée; lequel canal de pierre reçoit les eaux delà
» source et les transmet dans un premier regard également enfermé
«■ dans l’enceinle de murs ci-dessus expliquée. »
Celte enceinte forme le petit bassin triangulaire dont nous avons
déjà parlé.
M. le Maire signale aussi des plantations faites par M. de SaintGenest, comme pouvant occasionner la déperdition de l’eau.
Mais ¡1 ajoute que la ville avait négligé de remplir, à l’égard de
ce propriétaire, certains arrangements pris depuis huit à neuf ans,
et il propose <ly pourvoir.
L ’assemblée exprime l’avis do substituer au canal en pierre, qui
reçoit l ’eau à la source pour la transmettre au premier reg a rd , un
�— 8 —
tuyau en plomb , de n eu f pouces de diamètre intérieur, compo
sant vingt-sept ou vingt-huit pouces de circonférence.
E lle demande aussi qu’on fasse placer à la voûte ou chapelle, où
est renfermée la source, un avant-corps, en maçonnerie , à la dis
tance de
5 à 6 pieds
de la voûte , pour empêcher que l’eau ne soit
troublée par des mal intentionnés.
E lle v e u t , d’ailleurs , que l’on paie à M . de Saint-Genest ce qui
pouvait lui être dû d’après les arrangements pris avec celui-ci.
Enfin, pour conférer avec lui, elle nomme quatre commmissaires.
E n cft’et, le 1 1 août 1 7 7 5 , un traite fut fait entre les commissaires
et le seigneur de Saint-Genest.
Par l’article i ' r de ce traité, il fut dit que la source des eaux de
Saint-Genest continuerait d’être renfermée dans une enceinte de
murs, de même étendue et circuit que celle qui existait alors, mais
que la ville aurait la faculté d ’exhausser les murs.
Par l’article 2 , il est convenu que la porte de l’enceinte subsis
tera en l’état où elle se trouve ; qu'elle sera rétablie et entretenue
aux frais de la ville , et qu’il en sera fait deux c le fs , une pour le
seigneur de Saint-Genest, une autre pour la ville.
L ’article
5 porte
que la voûte en forme de chapelle , qui ren
ferme plus particulièrement les eaux de ladite source, subsistera en
l’état où elle est « sauf les réparations qui y sont à faire pour con« server au corps de ville le volume d'eau qu 'il a toujours pris
« et qui lui appartient. E t pour en éviter la déperdition , c’est à
« savoir qu’au lieu du canal en pierre existant actuellement , pour
« transmettre les eaux de ladite voûte ou chapelle au regard dont
« il sera parlé ci-après, il sera placé un tuyau en plomb, de n e u f
x pouces de diamètre intérieur. »
D ’apres l’article
4 > !■* ville a la faculté de construire une enceinte
à la voûte ou chapelle à la distance de cinq à six pieds , cl d’y fitiro
une porte , à condition d'en fa ir e l ’ouverture au seigiicur de
Saint-Oenest , quand bon lu i sem blerait , p o u rv é rjie r s ’il n’était
rien fa it ni pratiqué au préjudice des conventions ci-dessus.
L ’article
5 est ainsi conçu :
« L e regard , construit dans l'enceinte principale pour recevoir
�—9 —
«f la portion des eaux de ladite source appartenant à la ville , sub« sistera en l'état où il est présentement ; et la 'ville continuera
« d ’en avoir seule la clef. »
Les articles 6 et 7 indiquent des réparations à faire.
L ’article 8 fixe à
55o francs l’indemnité
due au seigneur , soit
pour le chômage de soii moulin pendant les l’éparations , soit
pour des faits anciens.
T e l esteetraité, dans lequelse résument très-clairement les droits
de la ville.
Plusieurs objets y sont à remarquer :
L e point où la prise d’eau s’exerce;
L a capacité du tuyau de plomb destiné à recevoir l’eau ;
L a propriété du premier regard où cette eau est transmise.
C ’est sous la voûte en forme de chapelle , que la ville doit
prendre et a toujours pris le volume d ’eau qui lui appartient ; et
c ’est sous cette voûte seulement, que le seigneur est autorisé à véri
fier s’il n’est rien fait à son préjudice.
Pour recevoir l’eau au lieu du canal en pierre existant alors , il
doit être placé un tuyau eu plom b, d ’une capacité de n eu f pouces
,
de diamètre intérieur.
Ce tuyau doit transmettre l’eau au premier regard construit
dans l’enceinte; la ville continuera d'avoir seule la c le f de ce
ren
Oard;7 et INI. de Saint-Genest n’est autorisé à *y faire aucune
vérification,
Co qui avait été convenu dans cette transaction , pour fixer les
droits de la ville , fut exécuté à cette époque ; et aujourd'hui on
voit sur les lieux i ° l’enceinte particulière établie à
5 à 6 pieds en
avant de la voûte ; 20 le tuyau en plomb de neuf pouces de diamètre
intérieur ; 5° le premier regard dont la ville a seule la clef.
Mais les réparations cl les améliorations à faire au canal imparfait
qui conduisait l’eau à la ville exigeaient une étude sérieuse et de
vaient entraîner de grands frais; et quoiquelebesoin de ces amélio
rations eût été signalé eu 17 7 5 dans la délibération de l'assemblée
municipale, 011 ne put s’en occuper avant 1789.
Depuis, les circonstances diJîiciles qui avaient pesé sur la ville de
2
�Riom comnic sur la F ran ce entière , n’avaient pas permis de sc
livrer sérieusement à l’ examen de celle utile entreprise. Son e xé
cution , d’ailleurs , aurait été paralysée par le défaut de ressources.
Cependant les temps étant devenus plus calmes , l’administration
municipale, présidée alors par M. Désaulnals lui-même , reprit les
anciens projets ; mais reconnaissant bientôt que de simples répara
tions au canal existant n'offriraient qu’un avantage trcs-faible et de
peu de durée, quoique fort coûteux, elle conçut l'heureuse idée de
la reconstruction totale de la conduite.
Un nouveau maire reconnut aussi les avantages de cette recons
truction; en conséquence des éludes furent faites, des devis furent
dressés ; une cotisation fut proposée pour fournir aux frais des tra
vaux; etleconseilmunicipal, adoptant ces sages vues par délibération
du 17 septembre
1 8 2 1 , invita ses administrateurs à solliciter
le concours du gouvernement et du département à des dépenses
qui devaient profiler aussi aux établissements publics placés dans
notre ville.
Il serait superflu d’entrer ici dans le détail de toutes les démarches
qui ont été nécessaires, de tous les efforts qui ont été faits, de tous
les sacrifices auxquels se sont prêtés nos concitoyens pour assurer
le succès d’un projet de la plus haute importance; il suliira de dire
que 1 6 9 ,1 8 0 francs 60 c. y ont été destinés , et q u e , dans celle
somme considérable, la contribution des habitants est de la somme
de 9 4 , 2 4 6 francs59 c .,c e lle du gouvernement, de 6 7 ,6 2 0 fr. 9 8 c .,
et celle du département, de 1 7 , 4 1
3 francs 27 c.
Cependant le zcle cl l’activilé des-administrateurs sont parvenus
à mettre le projet à exécution, à faire régler les incidents nombreux
qui sc sont élevés pendant le cours des travaux , à triompher enfin
de tous les obstacles qui se sont multipliés dans le cours de dix
années, et plus, d’opérations; et déjà une grande partie des tuyaux
de conduite était po -é e, déjà l’on avait l’espoir que la ville jouirait
bientôt du fruit de tant desoîns et de tant dosai rifices,lorsqu’un dernier
incident plus grave qu'aucun autre a été soulevé par M. Dcsaulnats.
Cclui-ci se prétendant seul propriétaire des sources de SaintGcncst ci de la petite enceinte dont la ville .avait cependant fait
�construire les murs , et qu’elle seule aussi avait réparée , alléguant
que la nouvelle conduite nuirait à ses droits, aggraverait ce qu’ il
appelait sa servitude et le priverait d’une grande partie de l’eau
' nécessaire à son moulin , s’est opposé au placement d’un tuyau en
pierres au bas du premier regard dont nous avons déjà parlé , de
ce premier regard, propriété exclusive de la ville, dans lequel sont
transmises par le tuyau de plomb les eaux que ce tuyau prend
depuis plusieurs siècles à la chapelle où naît la principale source.
Cette étrange prétention qui, si elle était accueillie > aurait pour
la ville les plus funestes résultats, dut exciter la vive sollicitude de
l ’administration.
L e conseil municipal fit aussitôt vérifier la localité et consulter
avec une scrupuleuse attention les titres constitutifs de la prise
d’eau.
Cet
examen le rassura ; il reconnut que M. Désaulnats se
faisait illusion , et il se décida à soutenir une lutte fatigante sans
doute, mais que commandait l’intérêt légitime de la cité.
Alors prît naissance le procès actuel.
L es hostilités de M. Désaulnats s’annoncèrent par un procèsverbal de l’état des lieux , qu’il provoqua, en obtenant, à cet effet,
838, une ordonnance du président du
sur requête,le 20 novembre x
tribunal civil dè Riom.
Ce procès-verbal est du 6 décembre 1
838 ;
il fut dressé p a r le
notaire Lab rossc, assisté d’un expert et de deux maçons.
Les parties intéressées y furent présentes, savoir: M. Désaulnats,
Accompagné de son con seil, et l’un des adjoints de la ville auquel
s’étaient réunis l'cxpert-architecte qui dirigeait les travaux de lu
nouvelle conduite, et les maçons entrepreneurs de ces travaux.
11 serait superflu d’analyser ici ce proccs-vcrbal.
II stiilira du dire que M. l’adjoint, en se faisant toutes réserves
dans l’intérêt de la ville, déclara que l'intention de l’administration
n’était, quant à présent, que de faire placer une cuvette sur la face
extérieure du premier regard où se déversaient les eaux dont jouis
sait la ville , et de disposer cette cuvette de manière que ces
ç a ijx ^ tombassent àla sortie du regard et s’écoulassent ensuite dans
�un premier tuyau en pierre, qui serait l’origine de la nouvelle con
duite, àlaquelle il s’adapterait par son extrémité inférieure taudis que
son extrémité supérieure serait placée dans la cuvette.
RI. l’adjoint fit observer que l’établissement de celle cuvette,
ainsi disposée, était nécessaire pour empêcher que la ville ne fût
privée d’eau pendant la durée des travaux.
Cependant M. Désaulnals présente, le 22 décembre suivant, une
requête dans laquelle , prétendant qu’il était seul propriétaire de
l’enceinte elose de murs où s’exerçait la prise d’eau de la ville et
des sources qui y naissaient, soutenant que la ville n’avait qu’un
droit de servitude qui devait être restreint à la quantité d’eau que
ses anciens tuyaux avaient jusqu’à présent transmise à la ville, faisant
remarquer que les tuyaux destinés à la nouvelle conduite avaient
une plus grande capacité que les anciens , alléguant que ses droits
étaient blessés cl que sa propriété avait été violée par les nouvelles
oeuvres de l'administration m unicipale, interprétant à son gré les
actes de 1
645 et de 1 654 > et méconnaissant
la lettre et l’esprit du
traité de 1 7 7 5 , il conclut à ce que les lieux fussent remis dans l’état
où ils étaient avant l'entreprise de l’administration municipale, et
qu’à cet effet elle fût tenue :
i ° D e faire retirer le nouveau tuyau placé dans ladite enceinte;
2° De faire rétablir la fondation du mur de cette enceinte comme
elle l’était avant l’entreprise ;
3° De faire remblayer l’excavation pratiquée dans la partie inté
rieure de l’enceinte.
Il demanda , de plus, 2,000 fr. de dommages-intéréts.
Celle re q u ê te , suivie d’ordonnance du président, fut signifiée
au Maire de la ville de Hiom , par exploit du 29 décembre 1858 ,
avec assignation pour voir adjuger les conclusions qu’elle contenait.
Appelé à délibérer sur ces difficultés, le conseil municipal fut
d’avis de soutenir le p r o c è s, et (’administration fut autorisée à sc
défendre, par arrêté du conseil de Préfecture, du 8 février 1809.
I/instance élant ainsi liée, un p r e m ie r jugement «lu 2t mars i
83q,
autorisa provisoirement le placement de la cuvette destinée à rccc-
�v o ir les eaux qui dérivent du regard contenu dans'l'enceinte, et à
les transmettre aux tuyaux de la nouvelle conduite.
Deux experts, du choix des parties, furent chargés par le tribunal
de diriger cette opération et celle de la coupe de l’ancien c a n a l,
comme aussi d’en décrire la forme et la capacité, et de conserver
les parties de canal, qui seraient coupées, afin qu’on pût, au besoin,
les rétablir identiquement dans leur premier état.
L e tribunal ordonna aussi qu’il se transporterait sur la localité ,
assisté de MM. Burdin , Eynard et L ap lan ch c, experts nommés
d’office.
Les opérations prescrites furent faites , et le rapport qui les
constate fut déposé au greffe, le
3 avril.
L e transport du tribunal fut exécuté le 1 1 mai suivant. L ’examen
des lieux fit alors connaître de récents changements opérés par
M. Désaulnats, qui avait établi, depuis peu de jours, dans le grand
bassin, un trcs-largc déversoir, et qui avait aussi beaucoup agrandi le
canal de la chiite des eaux sur les roues de son moulin. Ces chan
gements , très-préjudiciables aux droits de la ville , durent frapper
l’allcnlion de l’administration municipale et exciter ses réclamations.
Cependant, une vérification détaillée était indispensable pour
éclairer les droits respectifs.
Mais les points à vérifier n’ayant pas été déterminés par le juge
ment du a i mars, et les parties n’ayant pu s’entendre à cet é gard,
elles durent revenir devant le tribunal, qui, à son audience du 16
juillet 1 8 5 g , rendit un jugement contradictoire qu’il est utile de
faire connaître.
D ’abord le tribunal rejette, des conclusions de M. Désaulnats,
qui demandait la mise en cause de divers propriétaires, sous p ré
texte qu’ ils avaient droit aux eaux de Saint-Genest pour l’irrigation
de leurs prairies.
L e jugement décide avec sagesse que c’est à eux , s’ils croient
avoir intérêt à la contestation , à y intervenir, ou à celle des parties
déjà engagées au procès, qui désire leur présence, à les y appeler,
à scs risques et p érils, si bon lui semble.
�— i4 —
Ensuite le tribunal ordonne que les experts Burdin, E yn ard et
Laplanclie vérifieront et constateront :
« i ° L ’état intérieur de la voûte appelée la Chapelle , dans
« laquelle vient sourdre le bouillon principal des eaux que reçoit
k la ville ; la forme , la hauteur cl la destination des chevets eu
v pierre établis dans cette chapelle ;
« Quelles s o n t , par rapport au tuyau de plomb dans lequel
s’introduisent les eaux destinées à la v ille , les diverses hauteurs do
l’e a u , soit lorsque la vanne de Marsat étant baissée et les roues du
moulin du sieur Désaulnats étant en je u , l’eau de la source princi
pale entre dans le grand bassin, soit lorsque, cette vanne de Marsat
étant ou verte, l’eau de la source principale s’échappe du côté do
M a r s a i , soit enfin lorsque celte vanue et celles du moulin sont
simultanément ouvertes ( i) ;
*
2° L ’état intérieur du premier regard dans lequel débouche le
tuyau de plomb qui aboutit , en am on t, dans la chapelle; l’état do
l’ancien tuyau de fuite qui recevait les eaux à ce regard, à partir du
point où ce tuyau prend une dimension uniforme, et sur un p ro
longement qui est laissé à la sagacité des experts;
«
i
654
5® F e r o n t,
6 5
les experts, l’application des titres de i /( , do
et de 1 7 7 5 , du proccs-verbal de l’état des lieux, dressé lo
6 décembre i
858 , et do tous autres titres
qui leur seront produits
et qui so rattacheraient au droit do prise d’eau do la ville, quant au
droit en lui-mêino , quant à son étendue, et quant au mode de sou
e x e rc ic e;
« 4 ° Vérifieront, à l’aide de l’acte de concession de 1 G.|5 , à quel
point du grand bassin devaient être prises les eaux concédées à la
ville 5
«
5° A u ssi, d’après le même acte , de quelle muraille 011 ontondait
parler en chargeant les habitants de Iliom de faire bien et dûment
(1) La vanne, dite do Marsat, est placée dans la petite onrelntej ello est dos»
tlnée à fournir l'eau nécessaire à l'irrigation des prairies de Marsat, pour
lesquellt'*, le« mercredis cl samedis, i| y a un droit du prise d'eau aux source»
de baint-Ueiiost,
�— 15 —
grossir lamuraillc du bassin ou réservoir qui est au-devant dumoulin
de Saini-Gcnest, et d’ainsi l’entretenir à l’avenir, afin que l’eau
dudit bassin ou réservoir ne se perde pas ;
•f G0 D ’après les divers litres, si les eaux du grand ou du petit
bassin ne sont pas considérées dans ces titres comme une seule
source formée de plusieurs naissants ou bouillons, et comme devant
toutes être réunies ou confondues dans leur destination ;
« 70 Constateront, et d’aprcs l’inspection des lie u x , et d’après
les renseignements qu’ils pourront recueillir, même à l’aide de
témoins indicateurs, quel était l’état de ces lieux avant les change
ments apportés récemment par le sieur Désaulnals pour faire
dériver les eaux du grand bassin, soit à son moulin, soit partout
ailleurs; quelle élait la position ou la dimension des ouvertures ou
bondes par lesquelles s’ échappaient ces eaux ;
er 8° Diront quelle est, par suite de ces changements, la largeur
et la profondeur actuelle des chenaux qui conduisent l’eau sur les
roues du moulin de Saint-Genest, et notamment quelle est celle
largeur à l’ouverture de la chute d’eau sur les roues ; quelle est, à
ce même p o in t, la hauteur de l’e au , lorsque la vanne de Marsat est
baissée, et qu’une partie des eaux de la source principale entre dans
Je grand bassin ;
« Quelle e st, au contraire, la hauteur de l’eau à celle ouverture
de sa chute sur les roues du moulin, lorsque la vanne de Marsat
esl lev ée, et que les eaux du grand bassin servent seules au jeu
du moulin ;
« D iront, les experts, si ces changements apportés par le sieur
Désaulnals ont porte aileinte au droit de prise d’eau concédé à la
ville de lliom , et détermineront en quoi ;
« 9° Vérifieront à quelle hauteur se trouve l’eau dai>s la chapelle,
par rapport au tuyau de plomb det-liné à recevoir ce qui en revient
* à la ville, soit quand la vanne de Marsat est baissée tandis que la
nouvelle décharge éiablie par le sieur Désaulnals est ouverte, soit
quand on ouvre en même temps la vanne de Marsat et celle de la
nouvelle décharge j
�•r i o8 Diront à quel usage sont destinées les eaux, soit du grand,
soit du petit bassin, et vérifieront si elles peuvent suffire à leur
destination;
« i i ° Donneront leur avis , d’après les titres et l’inspection des
lieu x, sur le volume ou la quantité d’eau qui a été concédée à la
v ille , sur le mode de règlem ent, de fixation et de transmission do
cette eau, soit par les anciens,soit par les nouveaux canaux, de ma
nière que la condition du propriétaire de Saint-Gcnest ne soit pas
aggravée;
« E t, à ce sujet, indiqueront les précautions h prendre pour que
b ville de Riom ne soit pas privée de la quantité d’eau qui lui a été
concédée et qui lui appartient, cl q u e, d’un autre coté, cette quan
tité d’euu ne soit pas excédée au préjudice du sieur Désaulnats ; *
v Vérifieront s’il n’exisle point de dégradations, soit au tuyau de
plomb qui seri à la prise d’epu, soil au revêtement en maçonnerie
qui enveloppe ce tuyau, soit aux murailles de la chapelle, qui cou
vrent la source principale ou à celles qui entourent le petit bas
sin , soit aux murailles du grand bassin ; et si des réparations sont
à y faire pour empêcher la perte de l’e a u , les experts les indique
ront ;
*
12° Feront enfin , les experts , toutes autres vérifications
qu’ils jugeront nécessaires ou mêmes utiles pour bien remplir la
mission qui leur est confiée ;
« E t dans le cas où ils le croiraient utile pour faciliter l’intolligence du rapport qu’ils dresseront de leurs opérations , ils sont au
torisés à dresser un plan général et détaillé des lieux , en surface ,
en élévation et en nivellement, indicatif de l'état des lieux, comme
aussi dos changements opérés anciennement ou récemment, a v ec
une
légende explicative, p o u r , le rapport des experts déposé et
produit, être par le tribunal statué ce qu’il appartiendra.
T elle est la vérification ordonnée.
On volt qu’elle est ample , détaillée , et très-propre à fournir au
tribunal tous les documents qu'il pouvait d.&irer,
�Celte vérification, commencée le
3o septembre i 8 3 q ,
a cté ter
minée le 6 avril 1840.
Pendant son cours , .M. Désaiilnats a publié un mémoire imprimé
qu’il a remis aux experts, et en tète duquel il exprime ses regrets
de se trouver en opposition avec les habitants de la v ille , mais en
annonçant que sa insistance lui était commandée, non seulement
par ses intérêts personnels , mais encore par celui de ses voisins, et
en alléguant toujours que la nouvelle prétention de la ville opére
rait une réduction importante sur le volume d’eau employée aux
irrigations des prairies comme aux besoins de plusieurs usines.
Les regrets énoncés sont louables sans doute; et la ville en éprouve
elle-même d’avoir à soutenir une longue contestation contre l’un
de ses anciens administrateurs. Mais elle dira aussi, et avec une
conviction justifiée par les faits et par les titres , que ses intérêts
étaient trop graves et ses droits trop légitimes pour les sacrifier à
des illusions dont M. Désaulnats lui-m êm e eut pu reconnaître
l ’erreur avec plus d’examen et de réflexion. Cette erreur, les
autres propriétaires de prairies ou d’usines ne l’ont pas partagée.
Aussi se sont-ils refusés à intervenir dans un procès dans lequel
M. Désaulnats a vainement tenté de les faire appeler.
L ’analyse du rapport des experts suffira pour réduire à leur juste
valeur les assertions et les arguments du mémoire publié avant la
vérification.
Dans 1111 exposé préliminaire, les experts font la description des
lieux et parlent du mouvement des eaux.
Nous avons déjà décrit les lieux et indiqué que les eaux du grand
bassin et celles du petit communiquent enlr’elles par les deux ar
ceaux 111 et 111’ pratiqués sous le mur intermédiaire. ( V . le plan
généial ).
N ous n’avons à ajouter que ce que les experts disent sur deux
chevets en p ierre , établis dans la petite enceinte sous la voûte ou
chapelle C , et qui sont l’un à droite, l’autre à gauche de l’orifice
du tuyau de plomb placé horizontalement sous cette chapelle, re
cevant les eaux et les transmettant au regard E , à ce premier re
gard dont la ville a seule la elef.
3
�Ces chevets sont désignes sur le plan particulier de la prise d’eau
par les lettres L et L ’ ; ils séparent le sol de la chapelle du sol des
bassins A et B B ’ .
Ils s’élèvent sur le sol de la chapelle à une certaine hauteur , en
laissant cependant entre la sommité de chaque chevet et le plafond
supérieur un vide pour le passage des eaux.
Ce vide , pour le chevet L , sert au passage des eaux du grand
bassin dans la chapelle ou de celles de la chapelle dans le grand
bassin, selon qu’elles s’écoulent d’un côté ou de l’autre.
L e vide , pour le chevet L ’ , est destiné à laisser couler l’eau de
la chdpelle au sud-est, vers la vanne de Marsat, lorsque cette vanne
est levée pour l’ irrigation des prairies.
L e sommet du chevet L , placé au nord-ouest de l’orifice du
tuyau de plomb, correspond à peu près au milieu de ce tuyau.
L e chevet sud-est L ’ est plus élevé de 0 m,0D (trois centimètres).
E n fin , comme le remarquent les experts, la disposition des lieux
est telle, que l’eau qui se trouve sous la voûte C peut s’écouler
par trois ouvertures :
i ° Au milieu , par le tuyau de plomb prenant l’eau de Riom ;
2° Au sud-est, par le vide rectangulaire au-dessus du chevet L ’ ,
qui laisse pénétrer l’eau dans la partie B ’ du petit bassin, d’où elle
est conduite aux prairies de M arsat, les jours d’ irrigation.
5° Au nord-ouest, par une autre ouverture rectangulaire, au-dessus
du chevet L,servan tà conduire l’eau d’abord en B , ensuite eu A dans le
grand bassin. De là, réunies à celles du grand bassin , ces eaux . ou
s’écoulent sur les roues du moulin de INI. Désauluats par les vannes
a Z», ou elles trouvent une issue par la vanne d’irrigalion du pré long
de M. Désauluats, vanne qu'indique sur le pl.m la lettre grecque
•w ; ou bien encore elles s’échappent par les vannes du lond ,
marquées par les lettres grecques
Ces différentes issu e s, suivant qu’elles sont ouvertes toutes ou
quelques-unes seulement, font varier le niveau de l’étang ou du
grand bassin A.
Les points de lu localité ainsi fixés serviront à l'intelligence cliji»
�—
T0
—
réponses faites par les experts aux questions que leur a proposées
le tribunal.
Mais, avant de faire connaître ces réponses, nous devons rappellcr qua la page 62 de leur rapport, c’est-à-dire après leur réponse
à la deuxième question, les experts se déclarent unanimes pour
tout ce qui précède et même pour cc qui va suivre jusqu’à la par
tie où ils donnent leurs opinions particulières; cc qui comprend
notamment, soit la description des lieux et les conséquences qu'ils
en tirent, soit l’examen des questions défait qu’ils avaient à résoudre.
( Voir jusqu’à la page 25 j ).
Ils se réservent cependant le droit de modifier cette seconde par
tie dans le développement de leurs avis distincts.
Chacun d’eux présente ensuite un avis séparé. ( V oir depuis la
page
).
258
Le premier de ces avis roule uniquement sur une question de
droit que l’un des experts s’est complu à traiter, mais non sans
quelque embarras.
Les deux autres a v is, quoique séparément exprim és, sont uni
formes. Il ne sont fondés que sur les faits ; et, à la facilité de leur
dissertation, on reconnaît que ceux qui les ont émis ne sont pas
sortis de leur sphère.
Parcourons d’abord la partie unanime du rapport.
E n réponse à la première question du jugement, les experts,
après avoir fait la description de la chapelle et celle des chevets
dont ils indiquent la destination, déterminent les différentes hau
teurs de l’eau dans la chapelle, selon que l’on ouvre ou les deux vannes
du moulin, ou l’une de ces vannes seulement, soit avec la vanne de
Marsat, soit avec celle du pré long, ou que la vanne de Marsat est
seule ouverte. Ces diverses hautcurssont marquées sur le plan parti
culier de la prise d’eau annexé au mémoire. C ’est le plafond supé
rieur de l'enceinte P que les experts ont pris pour repère ; en
sorte que le chiffre écrit sur le plan est d’autant plus faible qu’il y
a plus de vannes fermées, parce que l’eau s’élevant davantage
dans la chapelle, la distance entre son niveau et le plafond supé
rieur est moins grande.
�L es experts font remarquer que, dans loutcs les circonstances eu
usage habituel, le niveau de l’eau est toujours au-dessus des che
vets.
Ils déterminent ensuite, dans ces différents c a s , la luiuteur de
l’eau au-dessus du fond du tuyau de plomb. Ces hauteurs, dont
ils présentent le tableau dans leur rapport, varient de om, i 8 8 qui
est la plus faible, à om, 278 qui est la plus forte. A cette dernière
5
hauteur, qui excède d e o m,o i (trente-un millimètres) la partie su
périeure du tuyau de plomb, toute la capacité de ce tuyau est rem
p lie, et l’eau qui est transmise au regard E déborde, disent les
experts, par la porte de ce regard. Cela est peu surprenant puis
qu’il y a sur l’eau qui s’introduit dons le tuyau une pression égale
au poids des trente-un centimètres d’eau qui sont au-dessus.
L e s experts ajoutent que cet état de choses n’a jamais lieu dans
l’usage habituel.
Pour satisfaire à la seconde question du jugem ent, les experts
décrivent le prem ier regard de la v ille , le regard E , et l'anciennc
conduite quf s’y rattache.
Ils disent que ce regard forme une petite chambre rectangulaire
dont le fond est à
65 centimètres au-dessous du sommet du tuyau
de plomb qui y débouche.
lis ajoutent que le seuil de la porte de ce regard est à
25 milli
mètres au-dessous du même som m et, en sorte que le regard peut
se remplir jusqu’à ce niveau avant que l’eau trouve une issue
par la porte.
Ils parlent d’une vanne en cuivre que la ville a fait placer au
débouché du tuyau de plomb et qui permet d’en modérer le débit.
Ils mesurent ensuite , soit à ce regard , soit aux autres regards
inférieurs de l’ancicnne conduite, 1rs différentes dimensions qu'elle
présente; cl ils trouvent que sa largeur moyenne est de 2 1
5 milli
mètres, et sa hauteur aussi moyenne de 160 millimètres.
Sur la troisième question, relative à l’application des titres, les
experts en critiquent les expressions et en .signalent l'ambiguïté.
(>54
Les actes de
de 1
leur paraissent annoncer 1 ignorance
absolue de toute notion d’hydraulique.
�Ils font remarquer aussi que l'acte de 1 7 7 5 laisse ignorer le débit
possi
e du tuyau de plomb de neuf pouces de diamètre, faute d’in
diquer a on^ueur , l’inclinaison et la charge ou pression de ce
tuy au de plo.nb.
Sur la quatrième et la cinquième questions , ils déclarent que ,
645
d ’après l’acte de i
i la conduite de la ville devait, dans le prin
cipe , aboutir au point O du plan dans le grand bassin du côté de
bise., et qu’elle fut transportée en 1
654 au point
où elle se trouve
aujourd’hui.
Quant à la muraille dont les réparations ou l’entretien sont mises
à la charge delliom , parl’actede 1645, c’est, disent-ils, In chaussée
nord-est de l’étang de M. Désaulnats, lettre grecque A du plan.
L a sixième question demande aux experts si les eaux du grand
et du petit bassin doivent être considérées comme une seule souVce
formée de plusieurs bouillons et comme devant cire toutes réunies
et confondues dans leur destination ?
A cela les experts répondent affirmativement»
Ils fondent leur opinion sur le rapprochement des eaux des
diverses sources * qui sourdent, disent-ils, les unes près des
* autres et se mêlent ensem ble jusqu’à un certain p o in t, de la
« m an ière indiquée s u r le p l a n , Suivant que l’ea u du g r a n d étang
* se rend à la vanne de Marsat en passant par-dessus les chevets
la
tête du tuyau de plomb, ou suivant que les fontaines
« abondantes,
« et devant
situées derrière ces mêmes chevets, faute de pou-
« voir entrer entièrement dans le tuyau de plomb, donnent lieu à
<r un léger courant dirigé du côté du grand bassin, lorsque la
« vanne ci-dessus est fermée.
Ensuite, « comme il importe pour Riom que ces sources soient
« entièrement solidaires les unes di.s autres pour alimenter la con
duite , ils font observer que les actes de 164
5,
de iG
54 et
177 5 ,
rapprochés des prix de vente, et surtout la déclaration faite dans
5
l’acte de 1 T) /|, que la villa de l'ioni ont ail sujet de dem ander la
restitution des 1000 francs p ayés, si l’eau n’était pas fournie ci
perpétuité, semblent bien annoncer dans le vendeur l’ intention de
�livrer toute l’eau convenue, en remplaçant, au besoin, les sources
les unes p arle s autres.
Enfin ils ne pensent pas que la ville eût payé en (rois fois une
somme (le 1800 francs pour ce liquide , et se fût livrée à des cons
tructions de toute espèce sans être assurée d’avoir de l’eau à
perpétuité.
Iis ajoutent, au reste , que la conduite de Riom étant disjointe
à Mozat ne transmet que dix-sept litres d’eau par seconde, et que
cette quantité d’eau, employée comme moteur au jeu de deux moulins
successifs, ne produirait aujourd'hui même qu’ un revenu annuel de
52
fr.
5 o c.
5
correspondant à un capital de G o fr .; revenu qui
aurait été bien moindre en 1G45, époque où l’argent avait beaucoup
plus de valeur. ( Y . le rapport aux pages 1 17 et 1 1 8 ).
Cette dernière observation des experts est frappante. Elle prouve
le peu d’ intérêt qu’a le sieur Désaulnats à la contestation qu’il é lève;
elle dém ontre com bien sont e x ag érée s ou plutôt erro nu ées les
craintes qu’il allègue pour la conservation de son moulin; et l’on
sera sans doute surpris de son insistance lorsque l’on verra dans la
suite du rapport des experts qu’il y a seulement une différence de
quelques litres par seconde entre la quantité d’eau que procurait u
la ville sa conduite disjointe à Mozat et celle que lui fournira une
conduite non interrompue dans son cours, c’est-à-dire continue de
Saint-Genest à R iom , comme le sera la nouvelle.
L a 7“ ' question était d’une grande importance. L e tribunal
chargeait les experts de constater quel était l’état des lieux avant les
changements opérés récemment par M. Désaulnats , pour faire
dériver les eaux du grand bassin, soit à son moulin , soit partout
ailleurs, et quelles étaient la position et les dimensions des o u
vertures ou bonde; par lesquelles s’échappaient les eaux.
L a réponse à cette question a été des plus vagues. Quoique les
experts pussent, il semble, trouver de précieux documents dans
un rapport fait le aG octobre 180G pour l'instruction «l’un procès
élevé par le sieur Désaulnats père contre le propriétaire d’ un
moulin inférieur, il leur a paru qu’ ils manquaient d'éléments
suffisants pour s’expliquer mathématiquement sur cet objet. Ils so
�sont bornes à exprimer des doutes fondés sur le silence de la ville,
qui ne s’etait plainte d’aucun changement depuis 1 7 7 5 .
Ils onr cependant reconnu que , par l’établissement de deux
vannes marquées a et b sur le plan , au lieu d’une seule qui existait
auparavant au caual qui dirige les eaux sur les roues du moulin , Je
niveau de l’eau du grand bassin avait été baissé dans l’état habituel
de 26 millimètres.
M. Désauluats a prétendu que la baisse remarquée par les experts
était compensée par l’élévation des seuils de ses vannes.
Mais l’élévation n’est pas justifiée et l’abaissement du niveau de
l’eau est établi. Il y aura donc lieu de corriger cette entreprise.
Les experts ont aussi îrès-vajuement répondu à la huitième
question, qui tendait à connaître la largeur et la profondeur actuelle
des chenaux qui conduisent l’eau sur les roues du moulin, et à faire
vérifier la hauteur de l’eau à l’ouverture de sa chute sur 'es roues ,
soitlorsque !a vanne de Marsat est baissée, soit lorsqu’elle est levée.
Ils sc sont abstenus de répondre à la question sur le motif que
le rapport de 1806 , qui leur avait été présenté , ne s’expliquait pas
sur le point positif dont il voulait parler.
C ’était éluder la difficulté au lieu de la résoudre. Un tel langage
doit surprendre dans la bouche d’hommes aussi instruits.
Pious reviendrons dans la s;iite sur cette partie du rapport, et
nous serons obligés de signaler la négligence avec laquelle les
experts se sont occupés de la septième et de la huitième questions
qui leur étaient proposées.
Chargés par la neuvième question de vérifier à quelle hauteur
se trouve l’eau dans la chapelle par rapportait tuyau de plomb des
tiné à recevoir l’eau de la ville, quand la nouvelle décharge établie
par le sieur Désauluats est ouverte, les experts reconnaissent que
la prise d'eau éprouve alors une grande diminution.
On sait que l’établissement de cette nouvelle décharge est pos
térieure au commencement du procès et même au jugement du
2 1 mars
i 85q ,
sur les lieux.
par lequel le tribunal avait ordonné son transport
*
O r , par l’ouverture de ccllc décharge , diseul les experts, le
�—
24
—
niveau de l’eau derrière les chevets de la chapelle s’abaisse de
quatorze centimètres au-dessous de son état habituel, et la dépense
du tuyau de plomb est réduite à dix litres par secondé au lieu
de vingt-quatre.
Il importe peu , ajoutent-ils, que la vanne de Marsnt soit alors
ouverte ou fermée. C ar l’eau du grand bassin ne peut y arriver ,
son niveau étant plus bas que le sommet des chevets ; en sorte que
les eaux qui naissent dans la chapelle vont en partie se réunir à
celle de ce grand bassin en passant par-dessus le chevet nord-ouest.
Devant les experts, M. Désaulnats a déclaré ne vouloir se servir
que provisoirement de cette nouvelle décharge pour la pèche , lo
nettoiement et les autres services de son étang.
L e tribunal prescrira sans doute des mesures pour prévenir
l’abus que l’on pourrait en faire.
L a dixième question demande à quel usage sont destinées les
eaux, et si elles peuvent suffire à leur destination.
L a réponse parle de trois destinations :
1° Les eaux servent, par intervalle, à arroser les prairies do
Marsat et le pré Long ;
,2o Ellos alimentent d’une manière continue la conduite de R io m ;
5*
Elle mettent en jeu habituellement ou exceptionnellement un
ou deux tournants dans les moulins do
31.
Désaulnats.
Les experts ajoutont une observation importante :
<r Les moulins de INI. Désaulnats, alors même que Riom rece* vrait 'deux fois plus de liquide qu’à l’ordinaire , pourraient
<f très-bien m arch er, sauf à produire par heure un peu moins do
« farine qu’auparavant. »
Su r la onzième question, les experts sont appelés à examiner
I o le volume et la quantité d’eau qui a été accordée à la ville, le modo
de règlement, de fixation et de transmission de cette eau, soit par
les ancienssoitparles nouveaux canaux, et les précautions» prendre
pour conserver les droits de chacun; 3° les dégradations «pu peu
vent exister,soit au tuyau de plomb, soit au revêtement en maçon
nerie qui le c o u v r e , soit aux murailles de la chapelle cl a celles qu»
entourent le grand cl le petit bassin.
�Su r la première partie de cette question , qui est le point essen
tiel du procès , disent les experts, nous ne pouvons répondre que
dans notre rapport et avis définitif.
Ils se bornent donc pour le moment à faire quelques obser
vations hypothétiques qu’il serait superflu de rappeler ici.
Us parlent, d’ailleurs, de dégradations à r é p a r e r , notamment
au tuyau de plomb qui doit perdre son entrée un peu ovale , et
reprendre son diamètre de neuf pouces ou de o m, a/f5G.
Les réponses que nous venons d’analyser remplissent jusqu’à la
page 1 60 du rappo rt, et n’expriment p as, comme nous venons de
le d ire , l’avis définitif des experts.
Us font ensuite jusqu’à la page
258, et avant de donner leur avis
particulier, un rapport commun sur l’ensemble de l'affaire.
Dans cette seconde partie de leur procès-verbal, les experts
examinent les deux systèmes opposés des parties : l’un , celui de la
ville de Riom , d’avoir toute l’eau que peut fournir le luyau de
L ’autre , celui de ¡M. Désaulnats , de 11’accordcr que la quantité
d’eau qui, sortant du premier regard de la ville, pouvait arriver à
Riom par scs anciens canaux.
Examinant d'abord le système de M. Désaulnats , et supposant
que le luyau de plomb, scs chevets et les autres accessoires forment
avec le premier regard de Saint-Genest, avec lout l’aqueduc qui
vient à la suite et même avec les tuyaux ronds et fermés de Mozat,
un tout indivisible destiné à prendre l’eau à Saint-Genest, à la
porter cl à la livrer à Riom ; en supposant aussi qu’il suflit de bien
r é p a r e r la conduite de Riom jusqu’à Mozat, ctcnrnaintenanltel qu’il
est aujourd’hui le niveau de l’étang de M. Désaulnats, les experts
se demandent quel volume d’eau pourrait amener à Riom l’ancienne
conduite fonctionnant en irès-bon é ta l , sans abus ou sans perte
itiulilc de liquide. ( V . de la page 166 à la page 169 de leur
rapport. )
P ou r répondre à cette question , ils se livrent à des calculs h y
drauliques qu’ils font d’après les formules contenues dans le savant
�traité d’hydraulique publié 011 1
854 par
d’Aubuisson-Desvoisinsi
et quel est le résultat de leurs calculs ?
Us trouvent que cette ancienne conduite, ainsi mise en bon état,
cl en supposant la vitesse de l’eau uniforme , aurait dù conduire ¿1
M ozat, dans le regard que l.i ville de Riom y a établi ,
25
litres
4 dixièmes de litre par seconde ou 1 1 0 pouces d’eau, ditsdefoütain i c r ( V . p. 17 4 du rapport. )
Ou , ayant égard aux coudes non arrondis des canaux , et à leurs
angles , ainsi qu’aux pentes variables, ils réduisent cette quantité à
24 litres 57 cen'ilitres par seconde ou 107 pouces. ( V . p. 176. )
Ils remarquent ensuite que le tuyau de plomb fournit de sou côté
environ 24 litres d’eau par seconde ou un volume à peu près égal
aux 107 pouces d’eau , et s’étonnent que l’ancienne conduite ne put
pas absorber toute l’eau ailluenle dans le regard de Saint-Genest.
M aison réfléchissant à ce fait, ils ajoutent que la cause pouvait
en être duc aux racines introduites dans la conduite , aux obstruc
tions passagères , aux défauts de construction ou étranglements
dont ils n’auraient pas assez tenu compte dans leurs calculs.
Ils l’attribuent aussi à une coiffe ou à un crible cylindrique en
plomb qui recouvre l’issue du regard ou l’orifice de sortie de l’eau,
et qui, sous la petite charge de 20 ou
5o centimètres seulement de
hauteur de colonne liquide, pouvait bien empêcher par la petitesse
de ses trous que la conduite ne reçut tout ce qu’elle pourrait absor
ber (V . pages 1 7 9 - 1 8 1 . )
L e s experts croient ensuite devoir exam iner, sans y être invités ,
disent-ils, la quantité d’eau que peuvent conduire à la ville de Riom
les tuyaux qui partent de Mozat , qui là sont disjoints de la con
duite antérieure et qui y prennent l’eau dans le regard que l’on y
remarque.
Us
fixent à
iGa/j
dixmillimèlres le diamètre intérieur de
ces tuyau x; cl ils calculent que le volume d’eau qu’ ils dépensent
n’est «fin* de ¡ 5 litres
centilitres par seconde , y comprises les
prises d ’eau qui existent entre Mozat et Riom.
Uî y ajoutent i° G.\ centilitres pour la prise
d’eau du sieur
Dcvaux , prise d’eau qui précède le regard do ^lUZiit ; a0 2 litres
�4 décilitres pour
le trop plein de Mozat; et ils concluent de tout
cela que le total de la prise d’eau se réduit à 1 6 litres gS centilitres,
ou environ 1 7 litres par seconde, valant à peu près 74 pouces d’eau
au lieu de 107 qu’on pourrait recevoir à Mozat, si la conduite était
en boa état. ( V oir de la page 1
à la page 196. )
85
Sans examiner la justesse des calculs des experts, nous ferons
observer q u e , quoique le diamètre des tuyaux depuis Mozat ne
soit que de
16 2 4 dixniilliinctres , s i , au regard où leur série
com mence, la colonne d’eau était plus élevée, la charge augmen
tant le débit ou la quantité de litres d’eau augmenterait proportion
nellement. O r , il arriverait plus d’eau dans ce r e g a r d , et par
conséquent la colonne d’eau ou la charge s’y élèverait davantage,
si l’ancienne conduite établie en amont de ¡Mozat était en bon état,
puisqu’elle pourrait y conduire 25 litres 4 centilitres, ou 107 pouces
d’eau par seconde.
A in si, ce n’est pas le diamètre des tuyaux établis depuis Mozat,
qu’il faut considérer pour apprécier le droit de la v ille, comme
nous verrons plus tard que l’a fait un seul des trois experts.
Aussi les experts, qui raisonnent d’abord dans la supposition que
la conduite de Saint- Gcnest à Riom resterait disjointe à M ozat,
reconnaissent-ils, aux pages suivantes, que la ville de Riom a le
‘droit de joindre bout ¿1 bout, dans le regard de Mozat, les tuyaux
qui y sont séparés actuellement, et qu’en liant ces tuyaux , et en ne
formant ainsi qu’un seul aqueduc continu, le volume d'eau, qui
5
serait amené de Saint-Gcnest, serait de 22 litres
décilitres par
seconde, au lieu de 17 litres ; en sorte qu’en retranchant
litres
4
5
centilitres , pour M. Devaux et pour Mozat , Riom recevrait
par seconde 19 litres 5 decilitres, a peu de chose p ies, au lieu de
1
5 litres 94 centilitres* et cela sans changer l’ancienne conduite, en
se bornant à la réparer, et à lier dans le regard de Mozat les tuyaux:
supérieurs et inférieurs q u i, à ce point, sont disjoints ou séparés.
( V. le rapport depuis la page 196 jusqu’à la page
205 ).
A la suite de ces calculs , les experts se livrent à diverses consi
dérations sur l’abaissement ou l’élévation du niveau de l’eau des
sources de Sainl-Gonest; et apres avoir énoncc qu en 1 emplissant
�certaines conditions q u i , selon cux-inéines, lie peuvent exister, la
nouvelle conduite pourrait fournir 40 litres d’eau par seconde , ils
terminent leurs observations par cette phrase remarquable : ( V.
page 2 2 1 ).
« Pour éviter toute fausse interprétation, nous déclarons que la
« nouvelle conduite n’aura pas pour résultat d’enlever aux sources
« de Saint-Genest quarante litres d’eau par secon de, niais qu’elle
«• recevra au plus le maximum du débit possible du tuyau de
« plom b , c ’est-à-dire, 24 litres par seconde, si ces derniers sont
« accordés à Riom ( V . le rapport, p. 2 2 1 . ) »
En résultat, cette partie du procès-verbal des experts , qu’ils
désignent par ces m ots: Rapport sur l ’ensemble de l’affaire,
nous fait voir :
i° Que l’ancienne conduite, étant conservée dans sa forme et
dans ses dimensions actuelles, mais étant soigneusement r é p a r é e ,
transmettrait au r e g a r d de Mozat 2 4 lùres 57 centilitres d’eau par
seconde, ou 107 pouces de fontainier;
20 Que dans l'état d’imperfection et de dégradation où elle se
trouve aujourd’hui, elle ne fournit à ce regard que 17 litres d’eau
environ par seconde, en y comprenant même les 64 centilitres de
la prise d’eau de M. D cvaux , cl les 2 litres 4 décilitres de trop plein
qui s’échappent à Mozat;
5° Q u e , soit à cause
de la disjonction de la conduite au regard
de Mozat, soit par l'efFet de la dégradation des canaux antérieurs, la
ville de Riom 11c profite que d’environ 14 litres d’eau par sccoude,
y comprises les prises d’eau qui ont lieu depuis Mozat;
4° Que s i , dans le regard de Mozat, les tuyaux inférieurs étaient
liés aux tuyaux supérieurs de manière à en former une conduite
continue, et si cette conduite était bien réparée, deux choses que
la ville aurait incontestablement le droit de faire, alors, malgré le
peu de capacité des tuyaux qui existent de Mozat à R iom , la ville
recevrait 22 litres
5
décilitres par secon de, eu y co m p ren an t la
prise d’eau concédée à M. Dcvaux, et celle qu’elle pourrait accor
der à Mozat ;
5° Quo,
quelle que soit lu capacité du lu nouvelle conduite qu'elle
�— 29 —
fait établir, la ville de Riom ne prendra aux sources de Saint-Gcnest
que 24. litres d’eau par seconde, puisque celte quantité est le
'maximum du débit possible du tuyau de plomb placé sous la
chapelle.
Ainsi , c’est un -litre et demi d’eau par seconde que le sieu r
Désaulnals conteste à la ville; contestation dont le faible intérêt est
signale par le peu de valeur pour lui des 17 litres auxquels il veut
la réduire, puisque, comme le déclarent les experts , ces 17 litres ,
même en totalité, ne vaudraient, pour les moulins du sieur Désaul-
3 a fr. 5o cent, par an, ce qui
litre et demi à 5 fr. annuellement.
nats, que
ne porterait pas le prix du
A la suite de la page 2 21 de leur rapport, et jusqu’à la page 2 0 8 ,
les experts énoncent , dans ce qu’ils appellent un résume, les deux
■ systèmes qu’ils ont précédemment développés. Ils examinent aussi
ce qui aurait lieu dans diverses hypothèses qu’ils posent, c’est-àdire selon l'interprétation que le tribunal donnerait aux titres , ou
les droits qu’il attribuerait à l’ une ou à l’autre des parties d’après
l’état des lieux.
Leurs réflexions les conduisent à émettre des avis sépares sur le
fond du procès.
A V IS DU P R E M I E R E X P E R T .
Cet avis roule principalement sur un argument tiré de la pres
cription.
« La prescription, dit-il, lelle que l’exige, telle que l’entend
tr l’arlide 642 du Code civil, attribue à Iliom ( défalcation faite de
v la fontaine dite du Plom b, ) la contenance plus ou moins calcu-
« lable de son ancienne conduite ; laquelle forme, à ne pas en douter,
« un ouvrage terminé cl apparent destiné à faciliter la chute et le
« cours de l’eau du fonds supérieur dans le fonds inférieur, c’est-à« dire, de St.-Genest à Mozat cl à Riom (1)» (V. rapport, p.
258).
(1) La fonlainc du lMoml» dont parle ici l’expert ¿(ail une sourre qui a depuis
lonfî-lemps disparu, qui existait autrefois entre Saint4îencsl cl Mozat, à une
assez grande distance du premier de ces villages, cl dont les eaux pourraient
�L ’expert, en parlant du tuyau de plomb placé àla source de SainlG c n c s t , admet bien la maxime vestigia relincnt possessionem .
Mais il l’applique, non à ce tuyau , mais à tout l’aqueduc de SainiGenest à R iom ; et il dit q u e , si le volume d’eau cédé à celte ville
ne peut pas être inférieur à la contenance possible de la conduite ,
il ne peut pas lui cire supérieur, « et que, notamment, 011 ne peut
v pas le prendre égal au débit du tuyau de plomb sous le niveau
« actuel de l’étang de M. Désaulnats. »
Il est, par suile, d’avis que si les actes de 1 6 4 $ , de 1
654
cl
1 7 7 5 , donnaient à Riom un volume d’eau excédant la contenance
de sa conduite, ces écrits n’en seraient pas moins aujourd’hui comme
non avenus, à cause de la prescription.
E t pour expliquer son idée , il considère toute la longueur de
l’ancienne conduite do SaiiU’ Genest à R iom , comme formant une
seule machine, 1111 seul instrument destiné à faciliter la chute ou lo
cours de l’eau du fonds supérieur, qui est Saint-Genest, dans le
fond inférieur, qui est R iom ; en sorte q u e , selon lu i, l’aqueduc
entier constitue l’ouvrage apparent qu’exige l’article 6 4 2 , pour
servir de base à la prescription ; et que la prise d’eau de la ville serait
seulement à l’extrémité inférieure de col ou v rag e , c’est-à-d ire,
dans la ville de Riom même au lieu d’être à Saint-Genest.
K o us ne suivrons pas cet expert dans la dissertation et dans tous
les raisonnements en droit auxquels il s’est livré pour justifier son
système. L e u r obscurité décèle son embarras; elle nous rappelle co
prudent conseil du fabuliste latin , suivant lequel chacun doit so
renfermer dans sa spécialité, et ne pas traiter des matières qu’il
connaît mal : cuir/uc suum.
Cependant, à la fin de sou a v is , par 1111 prudent retour a la science
qui lui csl familière, le premier expert dé».lare de nouveau « quo
* l'ancienne conduite de Riom pourrait, en s’y prenant aussi bien
* que possible, amener jusqu’à 22 litres ô d.'ciliins par seconde (lo
« tuyau de plomb donnant 24 litres), lorsque toutefois 011 exigera,
ajoutées àcollt's prises à Sainl-lJrnest, sam entrée ni l'i;»-’ ^l’ •"»nptc. Cir
la partie il» ranclmiH' <'oi ilui!»* étnMie après crlti* limt.iiii'’ « nui: jtlua j^.uadu
(linUMfeioii cjm’ oeltu <^ui ist uvaul ( V. lo rapport, !'• I ?•')•
�fr plus ou moins arbitrairement, le maintien de ]a hauteur actuelle
« do l'étang de M. Désaulnats. » ( V . le rapport , page 28g. )
Ainsi, même dans son erreur en droit, ce premier expert ne
réduit eu fait que dun litre et demi par seconde la prise d ’eau de
la ville de Riom.
A V IS DU SEC O N D E X P E R T .
L e second expert , se renfermant dans le cercle que lui a tracé le
tribunal, est plus clair dans le développement de sou opinion ( Voir
depuis la page 290 jusqu’à la page
5o 8 du rapport).
Cet expert examine aussi les deux systèmes présentés par son
collègue :
L ’ un « d'accorder à Riom la dépense possible du tuyau de
* plomb avec le niveau ancien , en décidant que le règlement
« d’eau est à la source. »
L ’autre « de n’accorder à Riom que le débit possible de la
» conduite ancienne , en décidant que sa prise d’eau n’est pas à
v Saint-G cnest, mais seulement au point où la ville commence à
« en jouir. »
E t il adopte le premier système , en se fondant sur les actes et
sur l’état des lieux.
Il r e m a r q u e avec justesse que, dans l’acte de 1 6 4 5 , il est dit
que « les consuls de Riom pourront prendre, « perp étu ité , la
ir quantité d’eau nécessaire pour en avoir n eu f pouces en circon * Jêren ce ou rondeur, à ¡a sortie du bassin ou réservoir. »
E t il en conclût que cette quantité d’eau devait être mesurée à
la sortie de ce bassin, et qu’ une fois que le sieur de Lugheat ,
concédant , avait vérifié la manière dont l’eau était prise , la ville
pouvait faire de cette eau l’usage qui lui convenait.
Il a j o u t e q u e l ’a c t e de iG }iie fait q u e changer
5
le
point d e là
prise «l’eau dans l e bassin môme.
M a i s l’acte de 17 7 5 lui parait plus concluant encore. L ’expert
se fixe sur les ternies de cette transaction, où les deux parties
reconnaissent la ucccssiie de repm c r les cons tf uctions ancienne
mentfa ites pour la prise d'eau desJontaines de la 'ville de Riom.
�-- 3 1 --Il examine principalement les stipulations de l’article 3 et de
l ’article 5 ;
D e l’article
5 , par lequel ,'ponr conserver au corps de ville le
volume (Veau qu'il a toujours pris et qui lui appartient, et pour
en éviter la déperdition, il est convenu qu’« « lieu du canal en
pierre existant actuellement pour transmettre les eau x de la
voûte ou chapelle au regard de la ville , il sera j>lacé un tuyau
en plomb , de n e u f pouces de diam ètre intérieur ;
De l’article
5 où
ou lit que « le regard construit dans l’enceinte
« principale pour recevoir la portion des ea u x de ladite source
« appartenant à la ville , subsistera dans l’état où il est actuelle« ment, et la ville continuera d ’en avoir seule la clef. *
D ’après le traité de 1 775 , qui a été fait, pour régler déjinitive-
ment la quantité d ’eau que devait prendre Ilio m , et surtout
la manière de la prendre , l’expert pense que le tuyau de plomb
était Yinstrument régulateur dont on avait l'intention de se servir
p a r la suite sans aucune contestation, cl que cet instrument régu
lateur ne pouvait cire la conduite dont il 11’esl pas même dit un seul
ipot dans le traité.
Il repousse ensuite l’objection tirée de l’imperfection de la con
duite qui ne transmet pas à Rlom toute l’eau que reçoit le tuyau do
plom b, en faisant remarquer que le traité de 1 7 7 5 ne s’occupq
pas de l’eau dont la ville a toujours jo u i, mais du volume d’eau
qu’e//e a toujours pris ; expressions qui ne peuvent s’entendre que
du volume d’eau , pris à la source , non de celui pris au château
d ’eau de lliom ; expressions qui indiquent que toute l’eau } qui
pouvait arriver au premier regard , dont la ville a toujours eu seule
la clef, était la propriété du corps commun,
L ’expert ajoute que le défaut de règlement du niveau de l'étang
a c lé , eu 1 7 7 5 , une omission qui doit être réparée, mais qui ne
détruit pas les droits de la ville.
Il pense que, pour fixer ce niveau, Il faut ndnpicr la hauteur
actuelle de l’étang , en rappelant que cette hauteur
de ioft unlli-
flictrcs nudeSsus du fonds du tuyau de plomb de la chamelle, lorsque Ica
�— 33 —
deux moulins de M. Dcsaulnats sont en jeu , la vanne de Marsat et
celle du pré Ion g étant fermées, et qu’elle est de 188 millimètres
seulement lorsque la vanne de Marsat ou celle du pré long est ou
verte , avec l’une des deux vannes du moulin.
A V IS DU .T R O IS IÈ M E E X P E R T .
L e troisième expert déclare adopter entièrement l’avis du second ;
mais il donne* à son opinion plus de développement.
54
5
Il applique d’abord les titres de 1 6 4 5 , de iG
et de 1 7 7 j et
l'examen sérieux de leurs termes et des conventions qu’ils renfer
654
ment, le changement, en 1
» du point primitif de la prise d’eau,
changement motivé sur l’insuffisance des sources à ce premier point,
la substitution, en 1 7 7 6 , d’un tuyau de plomb de neuf pouces de
diamètre au canal en pierre qui existait auparavant, l’exposé de
la délibération du conseil municipal qui a précédé le traité de l'j'jS
et les diverses clauses même de ce traité, tout lui fait regarder
comme évident « qu’en
1 7 7 5 on n’a pas innové quant à la
« q u a n tité ou v o lu m e d ’e a u q u i é ta it la p r o p r ié t é d e R io m ;
« qu’on a seulement pris certaines précautions pour conserver
i cette eau. *
Il considère cet acte de 1 7 7 5 comme n’étant que l’explication des
actes précédents ; et il lui semble qu’en disant n eu f pouces d ’eau
dans les anciens actes , on a entendu parler de la quantité d'eau
q u e peut débiter un tuyau de n eu f pouces de diamètre intérieur,
placé d’une certaine manière.
Passant ensuite à la solution particulière des troisième et onzième
questions proposées par le tribunal, il lui paraît, sur la troisième
«juestion, que le droit d’entretenir la muraille du grand bassin est
645
attribué à la ville de Riom par l’acte de 1
;
Que ce droit entraîne nécessairement celui de surveiller l’état de
cette muraille, et, par suite, d’entrer librement dans la propriété de
Sainl-Genest ;
Que les eaux des différentes sources étant solidaires, l'intérêt de
la ville, tic, lliom à maintenir la muraille en bon état subsiste encore;
Que la solidarité des eaux autorise la ville à s’opposer à l’abaisse-
5
�— 34 ment du seuil des vannes de M. Désaulnats, puisque, par cet abaisse
ment , l’eau du grand bassin ne pourrait plusse rendre dans le tuyau
de plomb en passant par dessus le clievct L , et appellerait au contraire
les eaux de la source de la chapelle dans ce grand bassin , ce qui
nuirait et à la ville de Riom et à Marsat.
L ’expert prouve , d’ailleurs, que la solidarité des eaux est établie
par les trois actes de i
645 ,
de iG
54 ,
de 1 7 7 5 , et par l’établisse
ment des ouvrages qui font que toutes les sources se mêlent, se
confondent et forment un tout qui se divise entre les moulins, les
prairies et la ville de Riom.
E n réponse à la onzième question, l’expert considère l’ensemble
des ouvrages qui constituent les prises d’eau de M arsat, de Riom et
du m oulin, comme formant un tout dont les parties ne peuvent être
modifiées sans amener au régime des eaux des changements qui
pourraient nuire aux ayant droit aux dites eaux.
Il explique que, p a r Vensemble des ouvrages , il entend seule
ment ceux qui se trouvent placés dans l’enceinte réservée et le
grand bassin, ci Fexclusion de la conduite (V . le rapport, p. 534).
«■ On peut considérer, ajoute-t-il, l’ensemble de ces ouvrages
« comme la véritable interprétation donnée aux actes par les
«r parties elles-mêmes, et chacun de ces ouvrages comme un article
« de contrat, qui lie les parties et qui ne peut être modifié sans le
* consentement de tous ceux qui ont des droits sur les eaux de
« Saint-Gcnest.
Ilajouic « que ces actes, pour fixer les droits de R iom , ne s’occu* pant que des dispositions à prendre aux sources et aux bassins qui
«• les contiennent, pour l'établissement de la prise d’e a u , on doit en
* conclure que c’est là seulement qu’il faut rechercher les éléments
« qui doivent servir de base à la détermination des droits des parties,
* et non dans la disposition des conduites servant à amener les
* eaux à la ville de Iliom, et dans la distribution de ces eaux» (V . le
53
rapport, page
o ).
Il fait observer , avec raison, que « les actes et la disposition des
« ouvrages exécutés postéi icureiuent aux différents contrats inter* venus cuire les parties, 11c peuvent justifier cette opinion que le
�35 —
« volume d'eau concédé à la ville de Riom doit être régie par le
« débit de la conduite » ( V . page
).
534
Par suite de son avis sur l’ctat des lieux, considéré comme le
véritable contrat qui régit les droits des parties , l’expert détermine
ainsi les précautions à prendre :
’
« L e tuyau de plomb resterait placé comme il est actuellement,
« saufles réparations jugées nécessaires, ainsi que les chevets ;
« Les vannes de M arsat , du pré long et des moulins seraient
« maintenues dans leur position actuelle, soit pour le niveau , soit
« pour leurs dimensions ;
« La jouissance des eaux , tant pour les moulins que pour les
« irrigations , serait maintenue, selon l’usage consacré, par ce qui
« est pratiqué depuis long-temps ;
«• Riom recevrait toute l’eau que verserait librement et en plein
air le tuyau de plomb dans le bassin, sans pouvoir augmenter lo
k débit par aucun changement à son extrémité d’aval ;
Riom aurait le droit de disposer scs conduits à partir du pre* mier bassin dans lequel les eaux sont vcrsces par le tuyau de
<r plom b, sans aucune restriction , cl conserverait la libre dispo« sition et l’usage de ces eaux ;
« Au-delà du tuyau de plomb et du premier bassin, cesseraient
* pour M.
Désaulnats tous droits d’examen de la destination
a donnée aux eaux.
338 33 34
( V oir le rapport, pages
,
g,
o. )
A la page suivante, l’expert s’exprime ainsi :
« On doit ajouter, comme complément nécessaire des disposi* lions qu’on vient d’indiquer, les réparations des différents ou
ïr vrages qui servent à maintenir et à distribuer les sources, et de
* plus des repères auxquels seraient attachés les niveaux de ces
* ouvrages. »
L ’expert ajoute cette observation importante :
« En maintenant l’état actuel des lieux et en faisant les répara» tions qui seront indiquées dans la suite de notre rapport, et
* malgré le surcroît de dépense d’eau, opéré par les nouvelles
* conduites de la ville de Riom , qui recevraient les 24 litres par
u secundo que peut fournir le tuyau de plom b , les moulins do
�— 36 —
* M. Désaulnats Cl les prairies recevront une quantité d’eau supé-
« ricurc à celle qu’ils reçoivent maintenant. Ainsi la position de
« tous les ayant droits se trouverait améliorée. »
L ’expert constate ensuite, sur les réquisitions des parties, divers
.faits, notamment q u e , d’après la déclaration de M. Désaulnats,
l’établissement de ses foulons sur la rive gauche du bief de son
moulin remonte à moins de trente ans. Les foulons ne fonctionnent
plus aujourd’hui ( V. le rapport, page
54 1 )•
A la fin de son rapport l’expert indique les réparations à faire :
i ° Aux chevets de la chapelle et autour de l’orifice du tuyau
de p lo m b , en cimentant le tout soigneusement ;
2° A la maçonnerie qui supporte ce tuyau et qui laisse échapper
dans toute sa longueur le liquide du grand bassin , de manière qu’il
peut arriver à la vanne de Marsat sans passer par les chevets et
devant l'ouverture du tuyau de plomb, ce qui diminue le volume
d ’eau que reçoivent les moulins et la ville de R iom ;
3° A la chapelle qui recou vre le gros bouillon, pour en rendre
l’acccs plus facile ;
4° Aux murs de clôture du petit bassin, murs qui devront être
crépis et dont une parlic qui s’est écroulée doit être reconstruite ;
5° aux
murs du grand bassin où l’on devrait remplir les vides qui
s’y sont formés et refaire les joints entre les pierres.
L ’expert signale aussi plusieurs sources qui s’échappent du petit
bassin à travers le mur de clôture, et qui coulent dans le chemin.
Ces sources, dit-il, pourraient être recueillies.
Il termine par répéter que , par les réparations indiquées , on
éviterait une perte (Teau considérable ; etchaque parlic recevrait
probablement un volume d e a u supérieur ¿i celui dont elle
jouit maintenant. ( V . à la page 55[). )
T el est le rapport des trois experts j rapport qui est d’une grande
étendue sans doute , mais qui fournit des documents précieux pour
l'instruction de la cause, et dont l'ensemble démontre combien
1
M. D o m in a is s’était fait illusion sur scs droits et sur «? préjudice
qile devait lui causer l’entreprise importante à laquelle la ville a
déjà consacré tant de soins cl tant de sacrifices.
�37 Il sera facile aujourd'hui de prouver la légitimité de cette entre
prise et de réfuter les prétentions de M. Désaulnats.
Celte discussion doit nécessairement rouler sur l’examen,
Dos droits du sieu r Désaulnats aux sou rces tle S a in t-G e n e st;
Des droits de la ville de R io m aux m êm es s o u rc e s ;
Des effets ou des conséquences de ces droits respectifs.
1“ PRO PO SIT IO N .
Des droits du sieur Désaulnats au x sources de Saint-Genest.
Les sources de Saint-Genest appartenaient autrefois au seigneur
de Marsat.
L e sieur Désaulnats s’en prétend aujourd’hui propriétaire.
Il ne présente , d’ailleurs, aucun titre qui lui en attribue la p ro
priété.
Il ne produit même pas les titres de sa propriété de Saint-Genesr.
Mais ces titres furent produits en 18 0 6 , lors d’un procès qu’avait
le sieur Désaulnats père avec le meunier d’un moulin inférieur.
Ces litres prouvent que le sieur Désaulnats n’a droit aux diffé
rentes sources que pour le jeu de son moulin , tel qu’il lui avait été
vendu, tel qu’il était alors.
C'est une vérité qui sera clairement démontrée, soit par les opi-
'
nions des experts qui apprécièrent les titres à celle époque, soit par
les aveux même du sieur Désaulnats père.
Au restej l’ciat des lieux suffirait, pour la constater.
L e p r o c è s d e.18 0 6 avait pour objet les mêmes eaux q u i, après
avoir fait jouer le moulin de M . Désaulnats, suivaient un ancien
cours et arrivaient à un moulin inférieur appelé moulin du Brenil.
M. Désaulnats père ayant changé ce co u rs, le propriétaire du
moulin inférieur s’en plaignit. Delà une contestation judiciaire qui
fit ordonuer l’application des titres.
Or, que disent sur ces titres les deux experts auxquels en fut
confiée la vérification? et remarquons que, conformément à l'or
donnance de 16 6 7 , loi de procédure en vigueur en 18 0 6 , l’un des
1
experts, le sieur Cailhc, avait cic choisi par M. Désaulnats; autre,
le sieur L c g a y , par son adversaire.
�— 38 —
Ces deux experts furent cependant unanimes sur l’application des
titres.
E t quels titres ?
INon seulement des contrats ordinaires, mais encore une saisie
réelle, un décret judiciaire, c’csi-à-dirc des actes où les détails des
objets saisis cl vendus, où tous les confins étaient décrits avec le soin
le plus scrupuleux.
Que résulte-t-il de ces litres, suivant les experts ?
Que le sieur Désaulnats ou scs auteurs n’ont acheté que par
fragments ce qui compose aujourd’hui son enclos ;
Que plusieurs des objets partiellement vendus sont confinés par
le grandbassin A, appelé par les experts de 180 6/« G rande fontaine ,
et désigné sur leur plan par la lettre C ;
Mais qu’aucun des contrats 11e comprend la vente de ce grand
bassin, ni celle du petit bassin où sont les autres sources, ni les droits
de justice sur ces objets;
Que le seigneur de Marsai à qui appartenaient ces sources, en
sa double qualité et de seigneur et de propriétaire du terrain ou
elles naissent , ne les avait pas comprises dans les ventes par
tielles des héritages qui les’ eonfinaient, parce que déjà il en avait
disposé en faveur des prairies de Marsat, des habitants de Riom et
du moulin de Sainl-Gencst ;
Qu’aussi, même après toutes ces ventes partielles, il avait con
servé ses armes sur la voùtc de la chapelle du petit bassin connus
signe de son droit de propriété et de justice;
Q u’erifin la petite enceinte triangulaire, qui renferme le petit
bassin, était entourée de murs avant que l'enclos de M. Désauluats
fût form é, et q u e ,
pour sa formation , on lia le mur de co
nouvel enclos, d’//« coté ¿1 celui qui existait déjà le long du
chemin à l’angle f/u’il forme de m idi à nuit, et d'un autre cul à
à l'endroit où est la porte de celte petite enceinte triangulaire.
Ces dernières expressions sont celles du rapport même mi rôlo
7 , recto de l’expédition.
l'Itisbas, et au:; rôles 13 et 1 j , 011 fait observer q "0 si l’on no
peut pas dire avec l’adversaire du sieur Désaulnats ( le nommé
�- 39 D e b a s ) que « la g ran d e so u rce dite de S a in t-G e n e st naisse toute
* entière dans une enceinte particulière et indépendante de l’en« clos, c ’est-à-dire dans le petit bassin où sont les deux regards ,
k quoiqu'il soit bien certainement hors des limites qu’on ci voulu
v donner au sieur Dès aidnats, on ne peut pas dire non plus . .. que
« cette grande source, comme le prétendM . Dèsaulnats, naisse
«r dans son enclos, puisque môme, hors de son enclos et sur une
« p r o p r ié t é étrangère ci lui , sans qu’il y ait de son fait, de même qu’il
* ne peut l'empêcher, on peut, au moyen d’une vanne, sauf les régle«■ menls établis à cet égard, ôter ou donner à son moulin un volume
«r d’eau qui porte, de sept pouces à un pied de hauteur sur deux
« pieds de largeur, celle qu’il recevrait seulement du grand bassin,
r s i l’on interceptait la communication du petit bassin au
* grand. »
A in s i, dans ce rapport de 1806, on considère la petite enceinte
comme une propriété étrangère à l’enclos du sieur Dèsaulnats.
L ’expert Legny fait ensuite l’examen , soit de l’état des lieux et
des droits qu’ont aux sources les prairies de M arsat, les habitants
de Riom, et le moulin de Saint-Genest, soit des titres de propriété
du sieur Dèsaulnats ; et après avoir énoncé que les deux seigneu
ries de Marsat et de Tournoël étaient contiguës, après avoir appli
qué divers actes par lesquels les auteurs du sieur Dèsaulnats avaient
acquis des deux seigneurs les terrains qui joignent le grand et le
petit bassin, après avoir déterminé les confins, qui sont détaillés no
tamment dans un acte d’échange, du 26 avril 1G48, et dans un acte de
T e n t e , du 2G août 1G74 » confins qui n’embrassent ni le grand ni le
petit bassin ; après s’être fixé surtout sur un procès-verbal de prise de
posses ion dressé le 2 9 avril
1 7 0 9 à la requête de M. Dem allet,
que représente aujourd’hui M. Dèsaulnats , de cet ancien proprié
taire qui avait réuni dans sa main, par diverses acquisitions , tous
les terrains adjuçents au grand et au petit bassin j après avoir dé
claré , au rôle 7 " , <]ne ce procès-verbal lui paraît e x c lu sif de
la propriété des sources , l’expcrt se résume ainsi au rôle i 5 a :
« O11 peut donc conclure encore une fois que, quoique le bassin
�— 4o —
« lelirc C ( i ) , ait etc córame renfermé par la réunion dans la
« même main des propriétés qui l'environnaient, et par l’adjonc« tion des murs de l’enclos à ceux du petit bassin triangulaire >
« l'eau et les points où elle sort de terre ne fo n t point partie
a integrante de cet enclos, parce que des seigneurs haut justiciers,
« en avaient disposé plus de trois cents ans avant la formation de cet
* enclos et que RI. Désaulnats ne peut se prétendre propriétaire,
« soit du gran d, soit du petit bassin , qu’autant qu’il établira
« qu’il est aux droits ou du seigneur de T o u rn o ë l, ou de celui de
* Marsat. Car 011 se rappelle que le sieur de Lughcat ( le seigneur
« de M arsat), en vendant sa justice sur l’église de Saint-G enest,
«r et toute cette justice dans laquelle était compris le moulin , la
« confine p a r la grande fontaine , la même chose que ce qui est
« ici rappelé sous cette double expression , Fontaine du lieu ds
r Saint-G enest et sources d ’icelles. »
L ’expert L e g a y n’est pas lo seul qui exprime une telle opinion.
L ’expert Cailhe , choisi cependant par RI. Désaulnats, l’adopto
complètement.
D ’abord il déclare, au rôle 1 45 > qu’il a été parfaitement
d'accord avec le sieur L egay sur le plan et sur lapplication de
tous les titres , et qu’ils n’ont été divisés que sur l’induction qu’on,
devait tirer de certains actes.
Ensuite , au rôle 147 , il s’exprime comme il suit sur la propriété
des eaux :
« Nous n’avons trouvé aucun acte qui transfère la justice de cette
« fontaine au seigneur de Saint-Genest. Au contraire , tous la
« rappellent pour coniin sous la dénomination de {'»ronde fontaine
« du seigneur de M a rsa t; et il est clair que ce seigneur s’en
« regardait toujours propriétaire , comme seigneur haut justicier
* de Saint-Genest. Il y a toujours conservé sou regard et son écusson,
« quoi qu’ il ail disposé de portion de teau en faveur du m e u n i e r
« qui était son tributaire, de portion en faveur do la ville de Iliom
« qui l’avait payée , et de portion pour l'arrosement de sos pres et
« de ceux des habitants de RIarsat. •
(1) C’est-à-dire le bassin lulire A dans le plan des ilcrnicis Oipcrts.
�4r L ’expert Caillic dit cependant «■ qu’il pense que cette plus forte
« source, qui fournit de l’eau à R iom , à Marsat et au meunier,
« naît dans l’enclos, et que le petit étang et le moulin sont intégra •
<r lement contenus dans ledit enclos, qui a étéfa it de pièces-'et de
«r m orceaux, et qui aujourd’hui, dans son ensemble, est circonscrit
<c de chemins. »
«• Nous ajouterons , continue l’e xp e rt , que les murailles qui
« servent de clôture à cette sou rce, en form e presque triangulaire,
« faisant crochet dans l’enclos, n’ont été pratiquées que pour mettre
« à l’abri les deux regards du seigneur de Marsat et de la ville de
* R io m , ainsi que ses conduits, et pour éviter l’abus qu’auraient pu
« faire les habitants de Marsat, qui y ont droit certains jours de la
« semaine. »
Les déclarations de cet expert sont formelles : le seigneur de
Marsat n’avait pas entendu vendre, n’avait pas vendu aux auteurs
de M. Désaulnats les eaux des sources ; il s’en regardait toujours
comme propriétaire. 11 y avait aussi conservé un regard ou une
chapelle revêtue de scs armes. C ’était pour la conservation de cette
chapelle et du regard de l li o m , que des murs de clôture y avaient
été établis; d'où l’on doit conclure que c’était la ville de Riom qui
les avait construits , comme c’est elle qui, en 1 7 7 6 , les a réparés
et exhaussés.
Q u’importe, d’après cela , que l’expert, par 1111 laisser-aller de
consolation, ait dit que la source principale naissait dans l’enclos
du sieur Désaulnats ? Qu’importerait même que dans cet enclos ,
fa it de pièces et de m orceaux , on ait enclavé les sources en tout
ou en partie? Cette entreprise ne changerait rien, d’ailleurs, à la
propriété des e a u x , à une propriété cédée antérieurement et depuis
plusieurs siècles à la ville de R iom , au moulin de Saint-Genest et
aux prairies de Marsat, à une propriété qui a toujours été conservée
p arle s trois ayant droit; car ceux-ci en ont toujours joui à l’aide
des ouvrages permanents qui y avaient été établis et qui y ont tou
jours été maintenus.
Cette co-propriété, reconnue en i8 o 6 p ar deux experts instruits et
soigneux, le fut aussi à celle époque par le sieur Désaulnats p è r e ,
6
�dans «n mémoire im prim é, public par lui devant le tribunal de
première instance.
E n effet, à la suite d’une phrase où il est dit que le seigneur de
Marsat avait fait construire le moulin de Saint-Genest, et qu’il le
concéda en emphitéose , mais en en conservant toujours la justice ,
voici ce qu’on lit, page 2 du mémoire :
« En 1 6 4 5 , il traite avec les consuls de la ville de R io m ; il lui
c è d e, en qualité de seigneur haut-justicier, et prétendant, en
<f cette qualité, avoir droit de disposer des eaux , neuf pouces
t d’eau. L e surplus se divisait entre le meunier et les habitants
« de M arsat, auxquels il avait également concédé le droit de la
« prendre certains jours. »
L e surplus se divisait, expressions aussi claires que formelles.
A insi, de l’aveu même du sieur Désaulnats p è r e , la totalité de l’eau
des sources appartenait aux habitants de R i o m , pour leur aqueduc,
a ceux de M arsat, pour leurs prairies , et au meunier de SaintGenest , pour le jeu de son moulin.
L e sieur Désaulnats, à qui le moulin appartenait en 1 8 0 6 ,
reconnaissait donc alors lui-môme qu’il n’avait aux eaux des sources
que des droits identiques à ceux des habitants de Riom et des habi
tants de Marsat.
Aujourd’hui, cependant, son fils, se prétendant seul propriétaire
dccessources, veutréduire le droitde la ville àune simplcservitude.
Cette prétention, qui est repoussée p a r le s titres même* du sieur
Désaulnats et par des aveux positifs , le serait enco re, au besoin ,
par l’état des lieux et par la clôture de la petite enceinte triangu
la ire , qui est isolée de l'enclos du sieur Désaulnats, dont le m u r,
construit en iGity > a‘ns' (IUC 1° prouve la date gravée au-dessus de
la porte d’entrée, dut l’étre alors par la ville de Riom, cl dans l’inté
rieur de laquelle est un regard aux armes de la ville , regard fermé
par une autre porte dont cette ville a seule la clef. Tous ces signes
caractéristiques sont des indices 11011 équivoques de la p ro p riété ou
de la co-propriélé de la ville de Riom sur cette petite enceinte.
1
La prétention du siaur Désaulnats serait aussi repoussée par rs
Otivrages qui existent dans cette petite enceinte, ouvrages qui n’ont
�— 43 été évidemment pratiques que dans l'intérêt des trois ayant droit
aux sources.
EUe serait repoussée enfin par la possession constante de ces
eaux , possession qui n’a toujours été exercée que par Ja ville de
Riom , par les propriétaires des prairies de Marsat et par le meu
nier de Saint-Genest. Car si le moulin inférieur la réclamait en
1 8 0 6 , ce n’était qu’au bas des roues du moulin de Saint-Genest.
Debas voulait seulement qu’à ce dernier point on ne détournât pas
le ruisseau , parce que là, disait-il, commençait son béal( V oir le
résumé im prim é, publié devant Ja Cour contre Debas par les héri
tiers Désaulnats, page g. ).
Aussi le tribunal de première instance de Riom , par jugement
du 16 mars 18 0 8 , déclara-t-il que le sieur Désaulnats n’avait jamais
acquis les sources, et n’en était pas propriétaire; et si, par son
arrêt confirmatif, la Cour ne répéta pas ce motif, c’est qu’elle crut
inutile de l’examiner; sans qu’ il soit besoin (Ty avoir ég a rd , ditelle , les autres moyens proposés par Debas lui ayant paru su/lisants
pour maintenir la décision des premiers juges.
Les observations que nous venons de faire sur la propriété des
sources de Saint-Genest font voir combien le sieur Désaulnats s’est
fait illusion dans la contestation qu’il a élevée contre la ville de
Riom.
Il dira, peut-être, que, dans la transaction de 1 7 7 5 , les com
missaires de la ville ont reconnu que la principale source était
placée dans la justice et propriété du seigneur de Saint-Genest,
le sieur Dernallet.
Mais outre que cette énonciation, qui se trouve seulement dans
l ’exposé, n’aurai! été qu’une erreur, effet de l’ignorance des com
missaires sur la teneur des titres du sieur Désaulnats, c’cst que ces
commissaires n’auraient pas eu qualité pour, faire un aveu contraire
aux intérêts de la ville; c’est que , d’ailleurs, ce n’était pas sur la
propriété des sources qu’on transigeait, mais seulement sur des
réparaiions à faire pour l’exercice de la prise d’eau; c’est enfin que
les commissaires, tout en supposant que la source principale était
placée dans la justice cl lu propriété dusicur Dcinallcl,ncdcclarent
�— 44 —
pas que celui-ci fût aussi propriétaire des sources, ei qu’ils ne
renoncent pas au droit de co-propriété des eaux que la ville tenait
depuis plusieurs siècles du seigneur de Marsat lui-même.
Ainsi les droits de la ville n’ont pas été affaiblis, ni ceux du sieur
Demallet, augmentés par l’acte de 1 7 7 5 ; et, aujourd’hui comme
autrefois, les sources de Saint-Gencst doivent être considérées
comme la co-propriété commune des habitants de R i o m , de ceux
de Marsat, et du maître du moulin de Saint-Gencst.
M a is, indépendamment même de cette première question, et
que ce soit à titre de co-propriété ou à titre de servitude, que la
ville de Riom a droit à ces so u rces, recherchons, d’après les actes,
d ’après l’état des lieux et d’après le rapport des derniers e xperts,
quelle est l’étendue des droits de la ville?
a ».
p f .O PO SIT IO N .
D e F étendue des droits de la v ille de Riom aucc sources de
Saint-Gencst.
Cette proposition se subdivise; elle conduit à examiner :
i ° Quelle est la quantité d'eau concédée à la ville?
a" Si les différentes sources sont solidaires?
5
' ° Si les droits de Riom ont été éteints en partie par la pres
cription ?
§ 1” .
Quelle est la quantité d ’eau concédée à la ville ?
O11 a beaucoup disserté sur celte question.
Cependant, elle est, il semble, éclaircie, soit par les litres , soit
par l'exécution qu’ils ont reçue.
L e premier acte , celui du i
3 septembre
présente , il'est
v r a i , quelque obscurité. Rédigé à une époque o ù , en p ro v in ce
surtout, on n’était pas très-familier avec les théories mathématiques,
l’acte attribue aux habitants de Riom le droit de prendre, aux
sources qui sont au bout du grand bassin ou réservoir, l<i quantité
d ’eau nécessaire pour en avoir n eu f pouces en circotiférencc ou
rondeur à la sortie de ce bassin.
�.
- 4* -
De ces expressions, n e u f pouces en circonfèt ence ou rondeur,
on a voulu conclure que le tuyau de réception de l’eau devait cire
un cercle dont la circonférence n’aurait que neuf po u ce s, et dont le
diamètre ne serait, par conséquent, que d’environ trois pouces.
• Mais celte hypothèse, qui n’est pas autorisée par la lettre de
l’acte, est détruite, d’ailleurs, p arle s autres conventions que l’on
y remarque.
E lle n’est pas autorisée par la lettre; car il n’y est pas dit, n e u f
pouces de circonférence, ce qui indiquerait la longueur du pour
tour d’un cercle; mais neuf pouces en circonférence ou rondeur,
expressions qui peuvent s’entendre d’une colonne d’eau de neuf
pouces d’épaisseur, en forme ronde. O r , neuf pouces d’épaisseur
ou neuf pouces de diamètre, c’est la même chose.
A u 'r e ste , les autres clauses de l’acte repoussent la première
interprétation et commandent la seconde.
E n effet, un tuyau de neuf pouces de circonférence seulement
n’aurait, pour diamètre, que trois pouces, et ne pourrait recevoir,
par son orifice, que 6 pouces
d’eau.
E t cependant il est ajouté dans l’acte q u e , pour fournir les neuf
5/4
pouces d ’eau en circonférence ou rondeur, on posera dans le réser
voir, trois tuyaux , de la gw sseur chacun de n eu f pouces de vid e.
L ’intérieur de chaque tuyau devait donc avoir neuf pouces de
large ; et ces trois tuyaux devaient recevoir ei débiter évidemment
plus de 6 pouces 5/4 d’eau; ce qui prouve que la première inter
prétation est vicieuse.
L e vice de cette interprétation paraîtra de plus en plus frappant,
si l’on considère que la prise d’eau concédée était, dans la pensée
des parties, assez abondante pour priver le moulin de l’eau néces
saire à son jeu , et pour obliger le meunier d’abandonner son usine.
Aussi le seigneur slipule-l-il q u e, dans ce cas , les habitants seront
tenus de l’indemniser.
O r , les derniers experts nous apprennent dans leur rapport que
1 7 lilres, ou 74 pouces d’eau par seconde, seule quantité que
transmet à Mozat l’ancicnne conduite, imparfaite et dégradée
comme elle l ’est, que ces 74 pouces d’eau dont est privé le moulin
�- 46 ne sont pas nécessaires à son je u , et q u e, lors même que la ville
de lliom recevrait d eu x fois plus de liquide qu'à l’ordinaire, les
moulins du sieur Désaulnats pourraient cependant continuer à trèsbien m archer, sauf à produire un peu moins de farine par heure
( V . le rapport des experts, page 1
45 ; le voir aussi à la page
«17).
E 'i se iixant sur cette opinion des experts, et en la combinant
avec la clause de garantie stipulée dans l’acte de 1 G45 » on recon
naîtra nécessairement que le volume d’eau concédé devait être
considérable puisqu’il faisait craindre que le moulin ne manquât
d ’eau. P ar conséquent , les neuf pouces d’eau en ro n d e u r, dont
parle l’acte, doivent s’entendre d’un volume ou d’une colonne d’eau,
de neuf pouces de diamètro.
L e traité du 1 1 août 1 7 7 5 expliquerait au besoin les actes anté
rieurs , et ferait cesser toutes difficultés.
Rien de plus clair, en ciTel, que »les dispositions do cet acte, et
que celles do la délibération du conseil municipal qui l’a précédée
et qui l’a en quelque sorte dictée.
On expose, dans cette délibération , que la ville ne reçoit pas
toute l’eau à laquelle elle a droit.
On y parle de la déperdition qui avait lieu dans les canaux et
principalement dans celui en p ie r r e , placé dans l’enceinte où est la
source.
On pense qu'il est à propos de changer ce canal en p ie rre , c i
d ’y substituer un tuyau de plomb dont l ’otifice aurait n e u f pouces
de diamètre et vingt-sept pouces de circonférence .
C e r t e s , on no peut pas supposer qu’ un tuyau on plomb de cotto
capacité eût été proposé par les hommes honorables et justes qui
composaient le conseil, si le canal eu p ie rre , auquel 011 devait le
substituer, n’avait pas eu aussi neuf pouces de diamètre.
Comment concevoir d’ailleurs que M. D em allet, homme éclairé
et soigneux de ses affaires, eût consenti à une telle substitution, si
scs intérêts avaient été blessés ?
Kl cependant, non seulement il 110 résiste pas à cet arrangement,
mais inêiiio rien n’ indique dans l’acte qu’ il l’ail considéré comino
ujic innovation qui (ùt de sa part un sacrifice.
�— 47 —■
3
On Se borne à rappeler, dans l’article du traité, la nécessité de
foire des réparations pour conserver au corps de 'ville le 'volume
d ’eau qu’il a toujours pris et qui lui appartient, et pour en éviter
la déperdition.
E t c’est dans ce but, que l’on convient « qu’au lieu du canal en
« pierre existant actuellement, pour transmettre les eaux de la voûte
« ou chapelle au regard dont il sera parlé ci-après, il sera placé
* un tuyau en plomb, de n eu f pouces de diamètre. »
Ainsi, ce n’est pas pour augmenter la prise d’eau de la ville, c’est
seulement pour/«/ conserver le volume d ’eau qui lui appartient ,
celui qu’elle a toujours p ris , qu’on place un tuyau en plom b, de
neuf pouces de diamètre.'
Donc, il fallait un tuyau de celle capacité pour recevoir le volume
d’eau qui appartenait à la ville ; donc aussi le tuyau de pierre pré
existant avait le même vide. Car autrement il n’aurait pu recevoir
le môme volume d’eau.
645
D e tout cela on doit conclure que dans l’acte même de j
,
par les mots, n eu f pouces d eau en rondeur..... tuyaux de n euf
pouces de vid e, les contractants avaient entendu parler d ’un v o
lume d’eau dcneufpouccs d’épaisseur, et de tuyaux de neuf pouces
de diamètre.
Ce traité de >
775, qui est l'exécution des anciens titres en est, en
même temps, l'interprétation la moins équivoque, la plus sû re ; et
d’après ses termes, c'est se refusera l’évidence que de nier que la
ville de Riom ait droit à un volume ou à une colonne d ’eau de neuf
pouces de diamètre.
Cette interprélaiion, au rcslc,
n’est pas la nôtre seulement.
E lle est celle de deux experts, notamment du troisième, qui se sert
aussi de l’acte de i7 7 5 p o u r expliquer les actes antérieurs et en fixer
le sens.
Bien p lu s , elle était autrefois celle que M. Dèsaulnats donnait luiméme aux titres de la ville, dans le procès de 180G, époque à la
quelle l’on ne songeait pas en co re, dans sa famille, à disputer à la
T.Ile fie Riom une partie de ses droits.
On lit, en eilet, dans uu mémoire publié devant la C ou r,jinti-
�lulé Résumé pour les héritiers Désaulnats et signé par M. D é
saulnats fils, celte phrase positive qui est si contraire à ses préten
tions actuelles :
<r L e seigneur de Marsat el Saini-Genest concédant en i
645 à
* la ville de Riotn n e u f pouces d'eau de diamètre. »
L e sieur Désaulnats ne désavouera sans doute pas son ancien
lan gag e , quoique scs intérêts du moment le lui aient fait oublier.
Ainsi la ville de Iliom est autorisée à dire, sur cette question ,
que les titres anciens, les litres modernes, l’état des lieux, l’opinion
des experts, l’aveu même de son adversaire, tout se réunit dans la
cause pour faire reconnaître qu’elle a d r o it, dans les sources de
Saint-G en est, à un volume d’eau de neuf pouces de diamètre.
11 importe p e u , d’ailleurs, que le tuyau de plomb soit élevé de
manière que la sommité des chevets qui sont placés à sa droite et à
sa gauche corresponde, à peu p r è s , à la moitié de la hauteur de sou
orifice. Cette disposition , ainsi faile dans l’intéiél de tous les ayant
droit aux sources, n’empêche pas que le niveau d’eau dans la cha
pelle n’atleignc souvent et même ne dépasse quelquefois le sommet
du tuyau, et que, par conséquent, ce tuyau ne se remplisse. C a r ia
lame d’eau, quis’élève au-dessus des chevets, peutsuilire ordinaire
ment pour atteindre la hauteur du tuyau ; et elle suffirait toujours
si le niveau du grand bassin n’avait pas été baissé depuis 1806.
S i l’on avait place le tuyau plus bas, l’eau s’élevant beaucoup audessus de ce tu y a u , aurait produit une charge qui en aurait aug
menté le débit.
Au contrairo, si l’on avait voulu attribuer à la ville une quantité
d’eau moindre que celle d ’une colonne de neuf pouces de diamètre,
on aurait employé un moyen fort simple, celui de diminuer le dia
mètre et par conséquent la capacité du tuyau de plomb.
L ’objection proposée est donc bien peu sérieuse,
§ 3.
Solidarité des eau x.
M. Désaulnats avait vivement contesté, avant le rapport des
exports, que la ville de lliom , pour sa j lise d’eau , eut droit à
�— 49 —'
"'fi
loutes les sources , même à celles qui naissent dans le grand
,
bassin.
A ujourd’hui celte question ne peut présenter de difficultés sé
rieuses.
Elle est résolue par l’opinion unanime des experts; et la vérité
de cette solution est établie par les termes des titres, par l’état des
lieu x, même par l’aveu du sieur Désaulnats, à une autre époque.
S u r ce point l’opinion unanime des experts n’est pas équivoque.
Ils l’expriment en réponse à la sixième question, par laquelle le
tribunal leur demandait si les eaux du grand et du petit bassin ne
sont pas considérées dans les titres comme une seule sourceformée
de plusieurs naissants et bouillons , et comme devant toutes
être réunies et confondues dans leur destination.
«■ En eO’cr, disent les experte, pages i o
5 et suivantes, les sources
tr de Saint-Genest sourdent les unes près des autres, en se mêlant
« ensemble jusqu’à un certain point, c’esi-à-dire de la manière in-
« diquée sur le p lan , suivant que l'eau du grand ctang se rend à
«r la vanne de Marsat en passant par-dessus les chevets et devant la
cr tête du tuyau de plomb, ou suivant que les fontaines abondantes
« situées derrière ces mêmes chevets, faute de pouvoir entrer en« tièrement dans le tuyau de plom b, donnent lieu à un léger cou« rant dirigé du côté du grand bassin, lorsque la vanne ci-dessus
« est fermée. »
Ils ajoutent, à la page suivante, que « les actes de iG
45 etde i 654,
rapprochés des prix de vente; que ces mots surtout écrits en 1 654 »
«
« savoir, que la ville de fiiom aurait sujet de demander la resti-
n
x
«
a
tutiondes mille livres p a y é e s , si l'eau vendue n'était pas fournie à perpétuité , semblent bien annoncer, chez le vendeur,
l’intention formelle de livrer toute l’eau convenue— , enremplaf,ant, au besoin , les sources les unes par les autres.
Us laissent, d’ailleurs, au tribunal à décider ce qui peut résulter
«le la pose du tuyau de plomb qui forme un contrat postérieur au
précédent, lequel contrat, disenl-ils, soumet bien au x j eu x t
pour le moment, la solidarité ou la communication des jontuincs
tle Saint-Gcncst.
7
�Enfin ils font ob server, aux pages i i d et 1 1
4j
qu’on ne peut
penser cfti’unc ville eût prolongé, à grands frais, (lès 1G 4 5, une
conduite déplus de 4,990 pieds, qu’elle eut acheté le liquide 1 ,
85o fr .,
qu’elle eût acheté aussi les emplacements nécessaires à la conduite
et qu’elle se fût livrée à des constructions de toute espèce, sans ctre
assurée d ’avoir de l’eau c) perpétuité, et avant que, chez le'ven
d eu r comme chez Vacheteur, toute espèce de doute, sur ce point
important, eût été dissipé.
L e troisième exp e rt, dans son avis particulier, répète que la so
lidarité des sources de Saint-G enest résulte îles actes de 16 4 5 ,
de i 654 > de 1 775.
L ’examen de ces actes ne permet réellement pas les moindres
doutes sur cette solidarité.
C ar deux dispositions de l’acte de 1
645 la démontrent :
L ’u n e , où l’on voit que la prise d’eau avait d’abord été fixée h
l'extrémité nord du grand bassin , au point marqué O sur le plan.
L ’autre, qui porte que la ville de Riom est chargée defa ir e bien
et duement grossir la muraille de ce grand bassin, et aussi
Ventretenir à scs frais j>our retenir l ’eau dans ledit bassin.
E t remarquez q u e , lorsqu’on iG
54
011 changea le point de la
prise d’eau en le plaçant sous la voûte du petit bassin , il fut expres
sément. convenu qu’il n’était pas dérogé aux autres clauses du contrat
de iG
45 ; en sorte que la ville
de Riom resta toujours chargée des
réparations et de l’entretien du mur du grand bassin ; ce qui suppo
sait nécessairement qu’elle y avait intérêt comme ayant droit aux
eaux contenues dans ce réservoir.
54 » maintenu
L ’état ancien des lieux établi en 1 G
en
les
ouvertures laissées aux murs qui séparent le grand cl le petit bassin,
ouvertures destinées à laisser passer l’eau d’un bassin à l’autre, la
forme des chevets et leur élévation, disposées de manière à faciliter
ce mouvement alternatif des eaux des diverses sources, et à m é n a g e r
les intérêts detous les ayant droit; tous ces litres
muets
sont autant
de preuves de la solidarité des eaux.
K nliu , M. Désaulnats pi re o déclaré lui-mrme celte solidarité
85
dans 1111 ni .¡moire manuscrit qu’il distribua eu i o pour l’iustruc-
�—
5i
—
tion de son procès contre le meunier Dehas; c a r, en y parlant
du bassin A , qu’il appelle son petit étang, il s’exprime ainsi :
<r Le petit étang est nécessaire, premièrement au jeu de mon
« moulin , qui y est adossé; secondement pour contenir, en temps
« de sécheresse , la plénitude du regard p rim itif des fontaines
t de la ville de Fu'om, dont F origine est à un angle de mon parc. »
$
3.
L e s droits primitifs de la ville de Riom ont-ils été modifiés ou
restreints p a r le non usage ou la prescription ?
On oppose que la ville n'a pas joui de toute la quantité d’eau que
pourrait débiter le tuyau de plomb;
On prétend qu’elle ne peut réclamer aujourd’hui que la quantité
dont elle a joui ;
E t l’on conclut de là que ses droits primitifs, quelqu’étendus
qu’ils fussent, auraient été modifiés et restreints par la prescription.
L ’argumentation à laquelle on se livre pour justifier la prescrip
tion est toute fondée su r le point où l’on place Ja prise d’eau de la
ville , et sur ce qu’on doit appeler üinstrument régulateur de celte
prise.
L a ville de Riom place sa prise d’eau à la source principale, sous
la voûte de la chapelle, et elle considère le tuyau de plomb comme
l'instrument régulateur de ses droits.
L e sieur Désaulnats place cette prise d’eau dans le premier regard,
lettre E du plan ; et l’instrument régulateur lui paraît être le canal
de fuite dont la tête est dans ce regard.
L e premier expert pense que le tuyau de plomb et tout l’aqueduc
de SaintGencst à Mozat et même à Iliom forment, réunis, cet ins
trument régulateur ; que le vrai point de la prise d’eau est celui où
la ville commence à jouir de l’eau, et que par conséquent c’est à
Riom ou tout au plus à Mozat qu’il doit être fixé.
Examinons ces trois systèmes cl prouvons l’erreur des deux der
niers; il sera facile ensuite de réfuter l’argument de prescription.
S Y S T È M E D E M. D É SA U L N A T S.
>1. Désaulnats, égaré par l’idée que l’eau concédée à la ville do
�—
Si —
5
Riom , en if)/( , »’excédait pas »cuf pouces qui, mesurés largement,
dit-il, no pouvaient lui procurer que 200 à
25o litres par minute ,
c’est-à-dire environ 4 litres par seconde, prétendant qu’il n’en avait
pas été pris davantage avant«le tarissement de la source du plomb,
alléguant que depuis cette époque les fontaines de la v ille, mieux
alimentées, selon lu i, et plus abondantes que précédemment, 11c
débitent réellement que 480 litres par minute, ce qui ne serait que
8 litres par seconde, ajoutant q u e, dans sa conviction, la moitié de
celte quantité d’eau est dirigée à la ville sans aucun droit acquis
autrement que \ ar l’usage 3 déclarant, d’ailleurs, q u e, 11cconnais
sant pas,
au commencement du p r o c è s , le regard du plomb,
il n’avait jamais manifesté l’intention de troubler celte possession ,
quelle qu’ en fût la valeur, termine, dans son mémoire imprimé ,
celle série d’observations par soutenir, « que le maximum des droits
« de la ville ne pouvait excéder le débit du tuyau de fuite de son
•• premier regard. ( 1)
T el était aussi le système qu’il avait soutenu, soit pour des con
clusions signifiées le 9 juillet 1 8 3 9 , so‘ l l ° rs
jugement interlo
cutoire du îG juillet. Aussi avait-il demandé lu vérification de cc
tuyau de fuite.
jNous ne suivrons pas M. Désaulnals dans toutes ses observations.
Nous ferons seulement remarquer qu’elles sont peu en harmonie
avec les titres et les faits.
IS'ous avons déjà dém ontré, dans un précédent paragraphe, que
la concession faiie en iG /p , ratifiée cl expliquée eu 1 7 7 5 , était d’un
volume d’eau de 9 pouces d’épaisseur ou de diamètre et non de 4
litres par seconde , comme le supj ose M. Désaulnals.
L ’assertion de celui-ci, non seulement n’est justifiée par aucun
élément, mais encore elle
cm
dénuée de toute vraisemblance; car
comment présumer q u e, pour une aussi faible quantité d’e a u , la
ville de Riom eût fait tous les sacrifices qu’ont exigés les sommes
payées par elle à diverses époques,
les frais de la consiiuctiou
(*; V. ltsuI(t>cr\alions iiiijtriiurrs, aillebM’esaux cxji'iN |»<u-.M. DôsiuhinlD.
�— 53 —
de la petite enceinte, ceux de rétablissement d’abord d’un canal en
p ierre, ensuite d’un tuyau de plomb et du premier regard, ceux
surtout de la conduite depuis Saiut-Gcnest, même ù ne la consi
dérer que jusqu’au regard de la source du plomb.
Quant à celte source , elle est tarie depuis plus de trente ans ;
sou flux était, d’ailleurs, tellement irrégulier que la ville de Rioiu
ne pouvait pas y compter.
Cette source était, au reste, tout-à-fait indépendante de la prise
d’eau de Saint-G enest, ce qui est prouvé par la différence de di
mension que présentent les canaux qui la précèdent , comparés à
ceux qui la suivent. Ces derniers canaux sont d’une plus grande
capacité, ainsi quel'ont déclarélesenperts, page 17 5 de leur rapport,
ainsi que le reconnaît M. Dèsaulnats lui-méme , page ni de ses
observations imprimées. Ils auraient donc pu recevoir l’eau de la
source du plomb, quoique contenant déjà toute celle que pouvait
leur transmettre l’ancienne conduite venant de Suint-Gcncst.
O r cette ancienne conduite , si elle avait été réparée et bien
entretenue , pouvait , malgré scs coudes et leurs angles , avec les
seules eaux de Saint-Genest, transmettre au regard que la ville a
établi à Mozat, la quantité de 24 litres 5 j centilitres d’eau par se
conde. C ’est ce q l’attestent les trois experts, unanimes sur ce point
dans leurs vérifications et dans leur opinion. ( V. page 17 6 bis du
rapport. )
Ces experts déclarent, aussi unanimement, que la villi: de Riom,
en joignant (.ans !c regard de iMozat, comme elle en avait le droit,
le tuyaux supérieurs aux tuyaux inférieurs de manière à ne for
mer du tout qu’une seule conduite continue, aurait pu recevoir ,
malgré la moindre capacité des tuyaux inférieurs, 22 litres
5 déci
litres par seconde ; et cela sans changer l'ancienne conduite en se
bornant à lier dans ce regard de iWozat les tuyaux q u i, à ce point,
y sont disjoints ou séparés. ( V. lt’ rapport, d e là page i y G à l a
page
205. )
Les experts appréciant, d’ailleurs, le. débit possible du tuyau de
plomb , disent, en plusieurs endroits de leur rapport, que ce
�-
54
-
débit no peul être que de 24 litres par seconde. ( V o ir notamment
pages 279 et 2 2 1 du rapport. )
Si donc la ville 11e reçoit pas aujourd’hui toute l’eau que pourrait
lui fournir le tuyau de plomb, ce n’est pas au défaut de capacité de
son ancienne conduite et surtout de celle de Saint-Gcnest à Mozat,
qu’il faut attribuer ce déficit; il est dû à l’imperfection de celte con
duite , aux dégradations qu’elle a éprou vées, à la déperdition consi
dérable de l’eau qui, de Saint-Genest à M ozat, se faisait depuis
long-temps rem arquer, c’est-à-dire , à toutes ces causes réunies
qui ont déterminé la ville à faire une construction plus solide,
mieux soignée et plus propre à lui conserver toute l’eau qui lui
appartient.
Aussi est-ce à ces différents vices, que les experts, par une opi
nion unanime , attribuent la modicité de la quantité d’eau qui arrive
ù M ozat, quantité q u i , selon eux , est seulement, non de 8 litres ,
mais de 17 litres par seconde.
O11 v oit, en ellet, à la page 17 9 du r a p p o r t , qu’e n 'e x p rim a n t
leur surprise de ce que l’ancienne conduite ne peut absorber touto
l ’eau aflluente par le tuyau de plom b , c’est-à-dire, les 24 litres par
secon d e, ils ajoutent que « la cause pouvait en être d’abord aux
<c racines introduites dans la conduite, aux obstructions passagères,
« au défaut de construction ou étranglements enfin, dont nous
* n’avons pas assez tenu compte........ a u x éclaboussures et a u x
« jaillissements au-dehors , si les tuyaux de fuite placés à la suite
« du regard de Saint-Genest ne sont pas hermétiquement fermés et
* bien mastiqués... Comme aussi à la coîjf'e on crible cylindrique
* en plomb qui recouvre l’issue du regard ou l'orifice de sorlio
« de l ’eau. »
Ce crible a été placé par la ville pour la pureté de l’eau.
O r , nu le demande : la ville n’avail-elle pas le droit, même en
conservant son ancienne conduite, de faire cesser toutes ces causes
de déperdition de l’eau ? et n’aurait-elle pas obtenu aitis , mémo
sans changer les tuyaux de Mozat, mais en les liant aux tuyaux
antérieurs, ce que personne ne pouvait lui
interdire,
u’aurait-ello
pas obtenu, savoir, à Mozat 24 litres d’i au pnr seconde au lieu
de 17 litres cuviiQii, et à Iliom 33 litres
5
décilitres au lieu do
�_
î
55
—
3 litres 94 centilitres que Rioin reçoit seulement, suivant les experts,
déduction faite du trop plein deMozat eide la prise d’eau antérieure
du sieur Devaux ( V . p. i g du rapport. )
4
Ainsi les faits reconnus par tous les experts et l’opinion unanime
par eux exprimée démontrent que ce n’est pas sur l’ancienne con
duite qu’on doit se fixer pour apprécier la prise d’eau de la ville ;
ces faits viennent à l’appui de la dissertation que nous ayons pré
sentée ci-dessus dans le premier paragraphe.
Prouvons aussi que ce n'est pas cette ancienne conduite qui doit
déterminer le point de la prise d’eau de la ville.
L e système suivant lequel M. Désaulnatsplacelepointde la prise
d ’eau au premier regard de la ville, est fondé principalement sur
l'insuffisance du tuyau de fuite et de l’aqueduc dont il est la tête, pour
recevoir el transmettre toute l’eau que débiterait le tuyau de plomb.
O r nous venons de voir que cette prétendue insuffisance n’était
qu’une illusion ; et par conséquent le système auquel elle sert de
base doit disparaître avec elle.
Mais supposons , pour un instant avec M. Désaulnats, qu’il y eût
insuffisance, quelque bien réparée que fût l’ancienne conduite, et
examinons, même dans cette hypothèse, le yrai point de la prise
d’eau concédée à la ville.
Les litres, l’état des lieux ne permettent pas d’hésiter à dire que
te point est celui où surgit dans la chapelle la source principale,
et que le tuyau de plomb, qui y a son orifice-, est le vrai comme
le seul instrument régulateur de la prise d’eau.
Dans le premier acte de 16 4 5 , il est dit (pie « les habitants de
*■ la ville pourront prendre ¿1 perpétu el , aux sources qui sont au
« bout du grand bassin........... la quantité d’eau nécessaire pour en
« avoir neuf pouces en circonférence ou rondeur à la sortie du
» grand bassin. »
Ainsi, lors de ce premier acte, c’était dans les sources qu’on
devait prendre l’eau ; le point de la prise était donc fixé aux
sources même, c’ est-à-dire au point marqué 0 sur le plan.
P ar l'acte de iG
54 > le point de la prise d’eau
est changé. On le
fixe vis-à-vis de la chapelle où sont les armes du seigneur de
�— 5G —
Marsat. E t comment s’exprime-t-on encore? Il est dit que les
habitants pourront prendre les n eu f pouces d ’eau en rondeur
et circonférence dans le réservoir des sources, vis-à-vis de la
voûte oii sont les armes du seigneur et dans l’épaisseur de la
muraille.
C ’est au point désigné, c’est flans l’épaisseur de la muraille de
la chapelle du se ig n e u r, que
d’eau.
doit être
exercée celte prise
Rien de moins équivoque.
L ’acte de l'j'jS est plus explicatif encore.
L ’article
5 porte que, pour conserver au corps de ville le volume
d’eau qu’il a toujours pris cl qui lui appartient __ _ au lieu du
canal en pierre existant actuellement, pour transmettre les eaux
de la voûte ou chapelle au premier regard, ¡1 sera placé un tuyau
en plomb de neuf pouces de diamètre.
Ainsi le tuyau ca plom b fui destiné , com m e l’étaii le canal en
p i e r r e , à transmettre les eaux de la chapelle au p rem ie r re g a rd .
Donc le tuyau en plomb a été établi, comme le canal en p ierre,
pour prendre les eaux à la chapelie.
Donc le regard n’a jamais servi qu’à recevoir les eaux qui
lui étaient transmises.
Donc ia vraie prise d’eau 11’a jamais été dans ce regard.
C ’est aussi ce qui résulte de la lettre de l'article
5
du traité
de 1 7 7 J , où,-si l’on parle de ce reg ard , c’est pour dire qu’il a éto
consiruii pour recevoir la portion des eaux de ia source apparte
nant à la \iilc.
C ’est encore ce qu’indique la combinaison de cet article
5 avec
l’article 4. Dans celui-ci, en ell’ct, on dit que la chapelle sera en
tourée d’un mur où l’on établira une porte dont la ville aura la <lef,
à condition d'en fa ire l'ouverture au seigneur quand bon lu i
sem blera, pour vérifier s ’il n’est rien fait ni pratiqué au p r é ju
dice de y conventions.
Dans l’article
5 , au contraire,
si l’on parle «l’une porte existante
au regard , c'est pour «lire que la ville continuent d'en avoir seule
la clef, sans que le seigneur soit autorisé à eu demunder l’ouvcr-
�turc et à exercer dans ce regard aucun acle de surveillance ni à y
faire aucune vérification. '
A in si, le seigneur n’avait le droit de rien surveiller, de rien v é
rifier dans le regard.
Pour veiller à ce qu’on ne fit rien à son préjudice , c ’est dans la
chapelle , à la source même, là et non ailleurs , c’est dans ce bassin
où plongeail l’orifice du tuyau de plomb , qu’il était seulement
autorisé à porter ses investigations.
Donc c ’était aussi là seulement que se trouvait l’instrument
régulateur de la prise d’eau.
Donc , dans l’intention des parties, cet instrument régulateur
n’était pas , ne pouvait pas être dans un regard dans lequel le sei
gneur ne pouvait pas pénétrer, et o ù , même, son inspection
aurait été complètement inutile , puisqu’il ne pouvait arriver dans
le regard plus d’eau qu’il n’en était pris à la source par le tuyau de
plomb.
Donc aussi le canal de fuite, placé dans le regard , ne pouvait
avoir pour but d’en régler le volume et ne doit être considéré que
comme établi dans l’intérct delà ville seule, qui était libre d ’en user
à son gré et de lui donner plus ou moins de capacité , puisque ,
dans aucun cas , il ne pouvait être introduit dans ce canal de fuite
plus d’eau que le tuyau de plomb n’en transmettait au regard.
N’est-il pas étrange, au reste, qu’on qualifie d’instrument ré g u
lateur un canal de fuite dont il n’est pas même dit le moindre mot
«lans le traité de 17 7 5 ? et n’est-il pas évident que si là eut été la
prise d’eau, la description en aurait été faite dans le traité, la hau
teur et la largeur en aurpient été réglées, la position même en aurait
été déterminée, la surveillance et la vérification en auraient été ex
pressément stipulées en faveur du seigneur, enfin toutes les pré
cautions nécessaires auraient été prises pour que ce pariai de fuite ne
fût pas une occasion d’abus ou de préjudice pour aucun des con
tractants, en un mot pour qu’il put recevoir toute l’eau concédée ,
niais rien au- delà.
Or le premier regard et le canal do fuite n’oifrent aucun indico
<lcs mesures proscrùcs par l’intérêt des parties.
8
�Ces mesures ont é té , au contraire, soigneusement exécutées sous
la chapelle, soit par la capacité et la position du tuyau de plomb ,
dont la hauteur même a été calculée sur l’abondance des eaux des
deux bassins et sur le sommet des deux chevets latéraux, soit par
l’inégalité de l’élévation de ces deux chevets, l’un desquels, celui du
côté du grand bassin, est un peu plus bas que celui qui est du côté
de la vanne de ¡Marsat, soit p a r l a faculté que reçut le seigneur
d ’exercer là sa surveillance, quand il le désirerait.
Ainsi les conventions écrites dans les actes et celles qui sont signa
lées par les titres muets que présente l’état des lieux s’unissent pour
démontrer jusqu’à l’évidence que la prise d’eau est sous la chapelle,
à la source qui y surgit, et que c'est là aussi que se trouve le seuï
instrument régulateur des droits de la ville de RJom.
Donc on doit repousser le système de M. Désaulnats, qui veut
placer cet instrument régulateur dans le premier regard et au canal
de fuite.
Examinons l’opinion du premier expert.
S Y S T È M E D ü P R E M IE R E X P E R T .
Ce système est plus étrange encore.
On l’a dit depuis long-temps : Rien de moins facile à p ro u v e r
que des paradoxes. Lorsqu'un esprit ordinairement juste a eu le
malheur d’en adopter, il se fatigue, il s’embarrasse, il se tourmente
dans les entraves qu’il s’est données ) et à l'obscurité des idées qu’il
énonce, à la longueur de ses phrases, au vague et à la pesanteur de
scs expressions , on reconnaît qu’il s'égare lui-méme dans le dédale
où il s’est jetté.
Telle est l’impression que l’on éprouve à regret à la lecture du
développement de l’avis du premier expert.
Il finit le lire plusieurs fois pour reconnaître, avec surprise ,
qu'il a fixé le point de la prise d’eau non aux sources de Saint-G etiost, sous la chapelle, non pas même au premier regard, mais au
lieu où la ville de llion» commence à jouir des eaux , c'est-à-dire ù
�M
ug —
—
Mozat ou à R iom , là où se termine l’une ou l’autre partie de l’an
cienne conduite.
Déjà, dans la partie du procèsrvcrbal intitulée Rapport sur l’en
semble de Í a ffaire, cet expert, dont la rédaction est facile à recon
naître, avait pose son système, mais seulement comme une hypo
thèse. ( V o ir pages iGGet 1G7 du rapport.)
1
« E n supposant, dit-il, par rs raisons ci-dessus exposées ou q u i
<r le seront plus tard , que le tuyjiu de plom b, scs chevets ou autres
« accessoires forment avec le premier regard de Saint-Genest, avec
« tout l’aqueduc qui vient à la suite et même avec les tuyaux ronds
« et fermés de Mozat yform ent un tout indivisible , un instrument
* unique destiné à prendre l ’eau à Saint-Genest, à la porter et à la
« liv re ra Riom.
Cette supposition dont l’expert ne tire aucune déduction dans
celte première partie, devient, pour lui, une vérité dans son ayis
particulier.
5
Dans cet avis, page a ç), il rappelle, on ne sait trop pourquoi ,
l ’article 642 du code civil sur la prescription de l’eau d’une source;
article qui ne s’applique cependant qu’à la prescription active ou
acquisitive, non à la prescription passive 011 libératrice ; et il ajoute
que l’ancienne conduite fo rm e , à n’en pas douter , un ouvrage
terminé et apparent destiné à fa ciliter la chute et le cours de
Peau du fonds supérieur dans le fonds inférieur , c'est-à-dire de
Saint-G enest 11 Mozat et Riom.
Plus bas, et à la page 275 , il dit que M- Désaulnats p eu t, ¿1 la
rigueur, contester le titre d ’apparent au tuy au de plom b, en
soutenant de bonne fo i qu’il lui apparaissait comme simple téta
de conduite, mais non comme un régulateur, récepteur ou,
mesuro de l ’eau due à Riom.
Enfin , aux pages 384 et a
85 , * pour achever,
dit-il, si la con-
k duile, considérée dans son ensemble indivisible , depuis et com-
r pris son premier regard jusqu’à la fontaine des Lignes, n’est pas
m l’ouvrage terminé et apparent, et par suite
tacitement consenti,
m d’où résulte la prescription, sur lequel s’appuie l’article G42 du
c
Code civil pour régler l.es droits imprescriptibles des parties,
�« malgré les négligences et suspensions de toutes so rtes, à plus
<r forte raison le premier tuyau de plomb , pris isolément , ne
* pourra , malgré sa plus grande simplicité, remplir un pareil rôle,
« puisque cet instrument 011 cet ouvrage n’est pas encore terminé;
» que du moins il ne peut, dans ce moment seul et sans nouveaux
1* canaux de fuite, fonctionner en remplissant son but 011 sa desti« nation prétendue, savoir le transport de tout son débit d’eau soit
v à R io m , soit même dans un local quelconque, propriété exclusive
« de Riom , et q u i, pouvant être appelé fonds inférieur, aux ternies
« du C o d e , sera susceptible au moins de r e c e v o ir , d’utiliser, d’é « couler le liquide en question. »
T els sont les principaux raisonnements d’après lesquels le premier
expert paraît penser, sans le dire néanmoins nettement, que la ville
de Riom doit être réduite, par lu prescription, à la quantité d’eau
qu’elle recevait par son ancienne conduite.
Il termine cependant par ajouter que cette ancienne conduite
pouvait, en s’y prenant aussi bien que possible , amener jusqu’il
32 litres
5 décilitres
par seconde, en exigeant Je maintien de la
hauteur actuelle de l’étang de M. Désaulnats ( V . le rapport, pages
2P9 et 290 ).
Cette opinion , que repoussent formellement les deux autres
experts, est fondée sur deux idées principales :
L 'itn c, que la jirise d ’eau n’est />as ¿1 Sain t-G enest , mais
seulement au point où la ville commence iï en jo u ir , c’est-à-dire,
à Riom même ( V. l’avis du second expert, page 2 9 2 ) .
L ’autre, q u e, d’après l'article G/ja du Code civ il, Riom ne doit
pas obtenir la quantité d’eau qu’ il réclame.
T our démontrer l’erreur de la première idée , nous renvoyons ù
notre discussion sur le système de M. Désaulnats. La plupart des
observations que nous y avons fuites peuvent s’appliquer aussi au
système du premier expert.
IS’ous ajouterons que le point d’une prise d'eau se détermine par
ff lui où IV011 s vprêtai dans le fond.? où est la sou rce, et non par
celui <>ù t'IIi; arrive dans le fonds qui en profite.
^ o u s rappi-II.M'oiis à ce sujet la remarque ingénieuse du second
�export qui, comparant le droit de la ville de Riom à celui des
habitants de M arsat, s’exprime en ces termes ( P a g e Soi du
rapport. ) :
v Si les habitants de Marsat venaient à réclamer au propriétaire
« de Saint-Genest les eaux qu’ils ont toujours prises , ne serait-ce
« pas la vanne de Marsat, qui ferait le règlement, quand bien même
« il serait constant que depuis un temps immémorial les prairies
« de Marsat ne jouissent que de la moitié des eaux , le reste se
« perdant dans les chemins d’une manière improductive? »
L ’assimilation est juste. C ’est aux sources de Saint-Genest
qu’existe la prise d’eau; et c ’est le tuyau de plomb qui doit faire le
règlement, quelque soit le canal de fuite, et quoique, par l'imperfec
tion de ce canal, Riom ne reçoive pas toute l’eau qui lui appar
tient.
Quant à Particle 6/f 2 du code c iv il, on doit s’étopner que l'expert
qui l’a invoqué ne se soit pas aperçu qu’il ne s'appliquait aucune
ment à la cause.
Cet article suppose que celui qui réclame l ’eau n’a pas de titres et
qu’il fonde son droit uniquement sur la prescription.
O r telle n’est pas la position des parties. La ville de Riom n’in
voque pas de prescription. C ’est sur des conventions expresses
qu’elle s’appuie; c’est dans les actes de 16 4 5 et de 17 7 5 quelle
puise son droit à un volume d’eau de neuf pouces de diamètre.
La prescription n’est donc pas son titre. Au contraire , c’est un
moyen que lui oppose le sieur Désaulnals. Mais ce moyen, ce n’est
pas dans l’article 642 qu’il peut le trouver. Les articles 705 et 2 2 62
du code pourraient seuls le lui fournir, s’il était prouvé en /ait que
trente ans de prescription ont couru contre la ville.
Or c’est ce que nous allons exam iner, en considérant, ainsi que
nous devons le faire, la prise d’eau de Rioin comme établie sous la
chapelle , et le tuyau de plomb comme l'instrument régulateur des
droits de la ville.
Q U E ST IO N D E P R E S C R IP T IO N .
Nous avons démontré précédemment que la ville de Riom avait
�sur les sources de Saint-Genest, soit à titre de copropriété , soit
à titre de servitude , droit à une quantité d’eau déterminée par un
tuyau circulaire en plomb, de neuf pouces de diamètre.
On prétend qu’elle a perdu une partie de scs droits, parce que,
depuis trente ans, elle n’a pas pris toute la quantité d'eau qui lui
appartient.
Contre cette prétention une première réflexion se présente.
Comment prouve-t-on le fait que l’on allègue ?
L e tuyau de plomb n’a éprouvé aucun changement depuis 1 7 7 S,
ni dans sa forme , ni dans sa position, ni dans sa capacité.
11 a donc toujours pu recevoir la môme quantité d’eau, toute
celle pour la prise de laquelle il avait été établi tel qu’il est.
O r, à l’aide de quel signe extérieur, de quelle innovation apparente,
pourrait-on reconnaître, pourrait-on prouver que ce tuyau de plomb
n’a pas pris toute l’eau que sa capacité pouvait contenir ou touto
celle que l’état permanent des chcvcts latéraux et le niveau des
sources, qui en résultait, lui permettaient de prendre?
L e fait restrictif est même impossible : c a r , au point de la prise
d’eau, rien n’ayant été changé dans l’instrument régulateur et ses
accessoires, la même quantité d’eau a toujours dù s’introduire dans
le tuyau de plomb.
Mais, dit-on , il importe peu que tout le volume d’eau concédé
ait dû s’introduire dans le tuyau de plomb, s’il 11c pouvait être
transmis à Iliom par l'insuffisance de la capacité de l’ancicnnc con
duite.
Cet argument, peu sérieux en droit, comme nous le verrons
bientôt, est démenti en fait par la vérification des experts, puisque
ces experts ont reconnu que, si l’ancienne conduite de Saint-Genest
à Mozat était en bon état, elle pourrait absorber et amener à Mozat
litres '>7 centilitres d’eau par seconde, c’est-à-dire tout le débit
possible du tuyau de plomb, qui 11e peut en transmettre q nC 3 4
litres par seconde dans le premier regard.
Au.vii les experts ont-ils exprimé leur surprise de co que les 34
jilres n’arrivaient pas à Mo/.al; et ils en ont attribue principalement
�— 63 —
la cause aux détériorations qu’avait éprouvées celle ancienne con
duite , aux racines qui s’y étaient introduites, aux obstructions
passagères } disenM'ls, à des vices de construction ou ¿j des étran
glements , à des éclaboussures ou ¿/ des jaillissements d ’eau au
dehors , ajoutent-ils. ( V . le rap p o rt, pages 17 9 et 180. )
Mais quel était l’efTet de toutes ces causes ?
Celui de causer* la déperdition de l’eau, pas autre chose.
Toute l’eau due à Riom ne lui arrivait pas ; soit.
Mais ce que cette.ville
perdait ne profitait pas à M. Dé*
saulnats , puisque l’eau se perdait en partie dans la route de
Saint-Genestà Mozat en s’échappant des canaux de la ville, et qu’il
s’en perdait une autre partie à Mozat par le trop plein qui était plus
ou moins considérable selon que l’eau qui parvenait au regard de
Mozat était plus ou moins abondante.
Quoique perdu pour Riom , par l’elfet de l’imperfection des
canaux de l’aqueduc, le volume d’eau n’en ctait pas moins pris
intégralement à la source par le tuyau d’absorption que la ville y
avait «placé. Riom n’cn exerçait pas moins son droit dans toute sa
plénitude. L e sieur Désauluats, ne profilant pas lui-m êm e de la
porlîon d’eau ainsi perduej ne possédait pas cette portion d’eau; et
par conséquent il ne peut invoquer la prescription en sa faveur
tonti’e la ville. Car pour détruire le droit d’autrtii par la pres
cription , il faut posséder soi-ménic : vérité élémentaire
qui
ne saurait être contestée; elle est écrite textuellement dans toutes
les législations , et notamment dans les articles 2228 cl 2229 du
Code civil.
Pour prescrire , il faut non seulement posséder , mais il faut
iiussi que la possession se soit prolongée pendant trente ans au
m oins, et <|ue la preuve en soit clairement faite. ( C o d e . c i v i l ,
article 2262 ).
Or, comment le sietir Désniilnats parviendrait-il à prouver que,
pendant les trente années qui ont précédé la contestation, non seu
lement les anciens canaux de la ville sont restés dégradés comme ils
le sont aujourd’hui , non seulement tout le volume d’eau qui
appartenait « lu ville n’est pas arrivé à M ozat, mais encore que
�A ti
i
— 64 —
c'est lui , sieur Désaulnats, qui a profite de la portion d’eau qui
n’y parvenait pas?
Pour pouvoir p rescrire, il faut non seulement posséder, mais
encore avoir une possession continue, non interrompue ¡pub lique,
paisible , non équivoque et à titre de propriétaire.
Or comment le sieur Désaulnats parviendrait-il à prouver que ,
non seulement il a toujours profité lui-même, lui seul, de toute
l’eau qui n’arrivait pas à la v i l l e , mais encore que sa possession a
clé continue et non interrompue; que jamais la ville n’a pris à la
source cl n’a transmis
dans le premier regard construit par
elle à Saint-G en est, dans ce premier regard qui était sa propriété
comme celui construit à M o zat, toute l’eau que pouvait débiter le
tuyau de plomb?
Comment parviendrait-il à prouver qu’il n’est jamais arrivé quo
l’eau , survenant trop abondamment dans ce premier regard ,
s’échappât par la porte et sc répandit , suit dans le chcmin qui est
au-dehors, soit même dans le petit bassin et dans sa partie infé
rieure d’oii clic ne pouvait plus remonter au grand bassin ?
Comment parviendrait-il aussi à calculer et à faire déterminer
quelle était la portion d’eau dont la ville était privée , quelle était
celle aussi dont il avail eu toujours lui-même 11110 possession
p a is ib le , non équivoque et à titre de propriétaire ?
E t comment pourrait-on attribuer de tels caractères à une posses
sion donl l’exercice, dont l’étendue dépendait de la plus grande ou
de la plus petite quantité d’eau que la ville do Itiom introduisait ou
laissait introduire dans son premier regard, du plusou du moins do
délérioriition de l'ancienne conduite , du plus ou du moins de duréo
de ces obstructions passagères qui empêchaient une partie de l’eau
d’arriver à Mo/.at,du plus ou du moins de réparations que faisait
la ville à son ancienne conduite , du plusou du moins d’eau qui sa
perdait,
S'»il
dans le premier regard, soit dans les canaux tic Saint-
Gnnest à Mozat, so ’l à Mozal même.
Ces dernières observations répondent à l'argument qu’on cher
cherait à tirer d'une vanne mobile qui existe dans le premier regard
�—
65
~
qui permet ou empêche l’introduction, dans ce regard, de toul
ou partie de l’eau que peut débiter le tuyau de plomb.
>
Cette vanne a été établie par le foniainier de la ville de Riom ;
elle est posée'dans un regard dont la ville est propriétaire; elle est
à la disposition de cette ville seule ; c’est son agent qui en règle et
qui en a toujours réglé les mouvements et qui l’élève ou l'abaisse
à son gré , suivant les besoins de la ville , suivant aussi que le lui
indique l’état d’amélioration ou de dégradation des canaux; car
lorsque l’on remarquait dans certaines parties de ces anciens canaux,
■une dégradation trop grave , ou l’on abaissait entièrement la vanne
pour ne pas laisser arriver l’eau dans ces canaux , afin de pouvoir
les réparer , ou on l’abaissait en partie pour n’y transmettre qu’une
moindre quantité d’eau , de crainte qu’une trop grande pression
n ’augmentât les dégradations, et même ne détruisît complètement
la partie dégradée.
Prétendrait-on que cette vanne est, pour le sieur Désaulnats, un
titre muet qui lui assure la possession d’une partie de l ’eau primiti
vement concédée à la ville?
,
On concevrait cette prétention si cette vanne mobile était établie
chez lui et s’il en avait la disposition.
Riais ni l’nnc ni l’antre circonstance n’existe.
Elle n’est pas établie cliez lui; car elle a été placée dans un regard
dont la ville est seule propriétaire, puisque seule elle l’a construit ,
seule elle en a toujours eu la clef, seule elle l’a toujours possédé. E t
cette possession n'est pas précaire; elle est fondée sur les actes de
iG54 et de 1 7 7 5 , qui ont attribué aux habitants de Riom le droit de
construire le regard , de placer sur son fronton les armes de la ville
comme
signe non équivoquedesapropriété, et d’en disposer seule,
puisqu'il fut stipulé que seule elle en aurait la clef.
Or, celui-là seul est propriétaire, qui a le titre en sa faveur; et
même en l’absence d’un litre, celui là seul est propriétaire de la
chose , qui en a toujours eu la possession exclusive.
Le sieur Désaulnats n’a pas la disposition de la vanne dont il s’agit;
c ar il n’en a jamais régie les mouvements, il 11e l’a jamais vérifiée ;
0
�il ne l’avait peut cire jamais connue avant le procès. Il ne peut donc
eu argumenter.
Que devons-nous conclure de tout ce qui vient d’ètre dit? c’est
que le sieur Dcsaulnats n’a acquis par la prescription aucune portion
des droits qu’avait la ville de Riom aux sources de Sainl-( ienest ;
c’est qu’il importe peu que cette ville ait réellement profilé do toute
l ’eau qui lui avait été concédée , et que , quoiqu’elle en ait été p ri
vée en partie plus ou moins longuement, plus ou moins temporaire
ment, soit par la déperdition qu’éprouvaient scs anciens canaux', soit
par le jeu delà vanne qu’elle avait fait placer dans son premier regard,
soit par l'abandon à Mozat du trop plein des eaux qui y arrivaient, il
sufiit qu’il dépendît d’elle de laisser a rriv er, quand il lui plaisait ,
dans son premier reg ard , tout le volume d’eau auquel elle avait
droit; il suiîit que rien ne prouve que, pendant plus de trente ans ,
elle n’a pas usé un seul jo u r, un seul moment de la plénitude de ses
droits, mùtue en laissant p e rd re, soit au premier regard, soit dans
scs anciens canaux, soit à Mozat, une partie de l’eau qui lui appar
tenait ; il suiîit aussi que M. Désaulnals ne puisse pas prou
v er que c’est lui qui, par une possession continue , non interrom
pue un seul instant, et non équivoque , a possédé exclusivement
nue portion déterminée de l’eau appartenant à la ville, pour que
l’argument de prescription ne so t que l’crieur d’une imagination
égarée par l’esprit d’iulérét ou par l’esprit de sy siè m e , et pour que
celle objection, dans laquelle 011 a paru tant se com plaire, doive
Otre écartée n.èmccii fait.
Mais nouspouvons aller plusloin , et supposer que non seulement
ln ville de Riom a cessé, pondant trente uns et plus, de posséder,
soil une p aitie, soit même la totalité de l’eau à laquelle elle avait
droit, mais encore que pendant ce long intervalle, le sieur Désnulnals a joui exclusivement de l’eau que la ville de Riom négligeait
de prendre.
Dans ce c.is là m êm e, si l’étal dos lieux, tel qu’ il est établi sons
la chapelle, n’a pas élé changé, si le tuyau de plomb avec toute sa
capiieiu;
avec le*, chevets qui l'accom p^iient n'a pas ele moi,¡lie,
s i , eu un mot, tout l'instrument régulateur des droits de la ville
�f-
g7
-
Il a éprouve aucune altération et est resté dans sa position primitive,
si surtout le sieur Désaulnats n’a fait, pendant toute la durée de la
négligence des droits de la ville, aucun acte de contradiction} qui
annonçât que c’était lui qui s’opposait à l’exercice partiel ou complet
de ces droits, dans ces diverses circonstances, le non exercice d e s '
droits, quoiqu’il se fût prolongé pendant plus de trente ans , ne les
aurait ni détruits, ni même affaiblis.
C ’est, en effet, un principe incontestable, que les vestiges con
servent la possession lé g a le , quoique la possession de fait ait été
abandonnée.
E t ce principe s’applique tant au simple droit de servitude qu’à
lin droit de propriété ou de copropriété; en sorte que la ville de
Rioni est autorisée à l’invoquer, soit qu’on la considère comme co
propriétaire des sources de Saint-Genest a soit qu’on suppose
qu’elle y a seulement un droit de servitude.
A dmis sous l’ancienne comme sous la nouvelle législation, ce prin
cipe sc résume dans cet axiome : vestigia retinentpossessionem.
Les auteurs anciens le rappellent. Les auteurs modernes l’ont
aussi adopté.
Dunod, dans son excellent traité des prescriptions, l’énonce en ces
termes :
g La possession naturelle même se conserve par ses restes et scs
« vestiges ; comme seraient, par exem ple, les ruines d’un bâtiment :
«r nam ciun sint temporis successivl et permanentis, signatum
•c retinent in possessione juris. »
C ’est sur ce principe, qu’un arrêt rendu le’ iS août 1 7 1 0 par le
parlement de Besançon autorisa le rétablissement d’un moulin qui
avait cessé d'exister depuis plus d’un siècle. On jugea que les ves
tiges de l’écluse, qui paraissaient encore dans la rivière, avaiqnt con
servé la possession et le droit. ( D u n o d , partie première, cliap. 4,
P- *9-)
Avant P u n od , le célèbre commentateur de la coutume de B re
tagne, d’A rge n lir, avait exprimé la règle dans les termes les plus
¿nergiques , sur l’article
508 de cette coutume :
1 e r signa çnim tuliu , ulio non prohibente restrucre , retinetur
�juris possessio : p e r signum enirn retinct/tr signalum ...................
quarè manentc signo, nemo libcrtatern contrà habenteni p rèscribil, propter rc.tentionem possessionis in signo permanente ,
fiisi prohibitio antecesserit.
« Ce sont là les vrais principes, dit !e savant Troplong : les ves<r tiges sont en quelque sorte des actes permanents et continus qui
« attestent Yexistence du droit qu’on possède, et sont la preuve
« qu’on ne l’abandonne pas. »
L ’auteur cite un arrêt de la Cour de Nancy, qui a fait l’application
de la règle. ( V . le traité de la prescription, par T ro p lo n g , n°
5/p. )
Tous les auteurs modernes professent aussi cette doctrine, en
l’appliquant notamment aux servitudes pour lesquelles il se rep ré
senté le plus fréquemment.
»
11 faut rem arq u e r,
dit T o u llier, que les servitudes ne s’étei-
«r gnent pas par la prescription, tant qu’il subsiste des vestiges
« des ouvrages établis pour en user. Ces vestiges conservent lo
«r droit, suivant la maxime Signum rctinct signalum.. » L ’auteur
renvoie à la loi
T o u llie r , tome
0.
vers, ilern s i , ÎT. de servi, præd. urb. ( V o ir
5 , n° 700. )
Avant T o u llie r , M. Pardessus, dans son traité des servitudes ,
et depuis, M. V azeilles, estimable auteur de noire contrée , dans
son traité des prescriptions , ont aussi enseigné que rexistence natu
relle des signes de la servitude en assure la conservation , au moins
pour les servitudes continues. ( V . le premier traité n°
5 10
et le
E ccon d h° 404. )
Ces deux auteurs distinguent, avec sagesse, quant à la prescrip
tion, les servitudes discontinues des servitudes continues:
l ’ o u r le s prem ières, elles peuvent s’éteindre par le non usage
pendant trente ans ;
M ais, pour les secondes, il est nécessaire que celui sur le fonds
duquel s’exerce la servitude, oit fa it un acte contraire ¿1 cet e x e r
cice.
Cette juste distinction est puisée dans la loi même.
Lu (îll(*t, si l'article
du Code civil porte que la servitude est
éteinte pur le non usage pendant .7>o ans , furticlc 707 ajoute que
�—
c9
les Ironie ans commencent seulement à courir... du jour où il a été
fu it un. acte contraire, lorsqu’il s’agit de servitudes continues,
Celle dernière condition s’applique aussi au mode et par consé
quent à l'étendue d’une servitude continue, suivant l’article 708 du
Codo.
* L e mode de servitude, dit cet article , peut se prescrire comme
« la servitude m êm e, et xle la même manière. »
Aussi, M. Pardessus dit-il au n° 3 og :
n Un propriétaire a un conduit d’ea u , une gouttière, une croisée
te qui, une fois établies, subsistent et annoncent l’exisience de la
«• servitude. On ne peut considérer comme un abandon volontaire
* le défaut d'usage de ces objets , quelque temps qu’il ait duré,
r
Des circonstances particulières, un plus grand avantage ont pu
* en être la cause. La présomption légère qui en résulterait ne se
te change en certitude que lorsqu’un acte contraire à la servitude
r a suffisamment fait connaître à cc propriétaire qu’on a intention
« de prescrire contre lui. »
M. Vazeilles tient un langage semblable au n" ^s 5 .
« S i le propriétaire grevé ne détruit pas les signes visibles de
« la servitude , ou s’il ne fait des ouvrages proprds à rendre im* possible ou inutile le rétablissement des choses pour lesquelles
« cette servitude existait, ou s’il ne fait signifier un acte de protesa talion contre le rétablissement de la servitude, le droit subsiste
« toujours; l’usage seulement en est suspendu. »
Il est évident que ht condition d’un acte contraire à la servitude,
exigée par l’article 707 pour l’extinction totale de celte servitude ,
doit s’appliquer aussi, conformément à l’articlc 7 0 8 , à l’extinction
partielle, ou à la modification de la servitude.
Aussi M. Vazeilles, en parlant toujours des servitudes, pour
lesquelles un tilre est nécessaire ( les servitudes continues et appa
reilles; par exemple, les conduites d’eaii), ajoute-t-il au n° 454 :
ir Quoiqu’elles puissent se perdre par prescription, il est difficile,
« à moins de contradiction, qu’elles se perdent en partie. L e
« moindre usage doit les conse/vcr en totalité , quand 011 a un
« droit établi par lilrc , l’on en use plus ou moins selon scs besoins
�« ou sa position; et l’on est toujours censé jouir po u r conserver la
« jflènilude de son droit.
A
d
piuiuordium t i t u l u m semper i o r -
« MATUn EVENTÜS. »
C ’est pour a v o ir oublié tous ces p rin cip es, que M . Désaulnats a
soulevé l’objection illusoire tirée de la prescription.
C ’est po u r les av o ir m éconnus, et p o u r s'être égaré dans l’appli
cation de l’article 6/\2 dû C od e c iv il, article absolument étranger à
la question qui nous occupe , au lieu de se fixer sur les articles 707
et 7 0 8 , qui la décident textuellement, que le p r e m ie r exp ert s’est
pei’du dans les écarts d ’une argumentation lout-à-fait fausse. Ces
éc a rts, au re ste , qui annoncent une imagination v i v e , doivent peu
surpren dre de la part d’un esprit plus familier aux ardues com b i
naisons des sciences élevées qu’aux études de la législation et aux
principes qui régissent les intérêts p r i v é s , d’un esprit dont les fa
cultés sont assez b elles, dont l’érudition est assez profonde p o u r
qu’ il se console m ême d'une g r a v e e rreu r dans une matière qu’il
n ’est pas obligé de connaître.
M . Désauluats et le p re m ier expert se sont épuisés en efforts
im p uissants, soit p o u r placer la prise d’eau et l'instrument régulateur
d e cette prise à des points où ils ne se trouvaient p a s , soit p o u r
c r é e r une prescription illusoire.
L a prise d'eau est aux sources de Saint-Gcncst, sous la chapelle.
L à aussi est l'instrument ré g u la te u r , qui se com pose du tuyau eu
plom b do n euf pouces de diamètre , et des chevets en p ierre qui
l'escortent et le llanquent.
Cet instrument régulateur n’a é p ro u v é aucune altération. L a prise
d 'e a u , qu'il caractérisait et dont il déterminait l'éteuduc et le m ode,
n ’a jamais aussi é p r o u v é , avant le pro cès actu el, aucune con tra
diction de la part de M . Désaulnats, Ja m ais celui-ci n’a v a i t , ju-.qu'à
p r é s e n t , fait publiquem en t, cl surtout à la vue et à la connaissance
des habitants de l l i o m , un acte contraire à l’e x erc ice des droits do
cette ville dans toute leur plénitude.
Donc les droits do lliom se sont maintenus inlé<»raleii»ent.
n
Donc ses administrateurs peuvent aujou rd ’hui eu user sans res
triction com m e ils l'auraient pu autrefois, et tels qu'ils ont clé c o n -
�— 7f —
ted cs par l’acte de 1 6 4 5 , tels qu’ils ont été cxp Uqncs par le traité
*le 1 7 7 5 .
Examinons-cn les effets ou les conséquences.
5mo PRO PO SITIO N .
E ffets ou conséquences des droits de la ville de Riom au x
sources de Saint-Genest.
Nous avons prouve que la prise d’eau concédée aux habitants de
Riotn avait été fixée, par les titres et par les ouvrages qui en étaient
l’exécution, à la source principale et sous la chapelle où sont les
armes de l’ancien seigneur.
Nous avons aussi démontré qu’à cette prise d’eau devaient contribuerles sources qui naissent dans le grand bassin connne celles qui
surgissent dans le petit; qu’en un mot et en nous servant du langage
des experts, toutes les eaux étaient solidaires pour les besoins des
trois parties intéressées; sa v o ir : les propriétaires des prairies de
ÏUarsat, celui du moulin de Saint-Genest, et le corps commun de la
ville de Riom.
Nous avons fait voir que ce n’était que comme propriétaire du
moulin, que M. Désaulnats avait lui-même droit aux sources; que
ni lui ni ses auteurs n’avaient jamais acheté ni la propriété ni la jus
tice des sources ; que quoique son enclos q u i, si l’on peut s’exprimer
ainsi, a été formé de pièces et de morceaux, renferme aujourd’hui
le grand bassin , cependant aucun des titres d’acquisition des héri
tages primitivement hoirs, qui ont rtc réunis en un seul p arc, ne
s’applique aux sources même ni au terrain où elles naissent; que ce
seigneur de Marsat, ancien seigneur et propriétaire de ces sources,
ne les avait pas vendues aux auteurs du sieur Désaulnats; et
qu’aujourd’hui, en l’ahscnce de tout, litre attributif de propriété en
faveur d’un seul des ayant droit, ceux-ci, qui jouissaient en commuif
de ces sources, devaient eu être aussi considérés com m e co-pro
priétaires , dans la proportion, pour chacun , de l ’étendue de la
concession qui lui avait été faite.
Nous avons l'ail observer, au reste, que, soit que le droit de la
�“
72
—
ville «le rvîom fût considéré comme une co-propriété ou commeune servitude , dans l’un comme dans l’autre cas , elle avait
conservé dans toute son étendue, et elle pouvait toujours exercer
dans toute sa plénitude la prise d’eau qui lui avait été concédée,
Nous avons aussi établi que ce droit, déterminé par la capacité
d’un tuyau de plomb de g pouces de diamètre , devait èire de tout lo
volume d’eau que cette capacité pouvait contenir et débiter, c’està -d ire, d’une quantité que les experts ont évaluée à 24 litres par
seconde.
,
Tous ces faits étant ainsi reconnus ou justifiés, il reste à en tirer
les conséquences naturelles , et principalement à examiner les
mesures à prendre pour que la ville de Riom jouisse constamment
du volume d’eau qui lui appartient, el qu’elle ne soit pas exposée à
en être privée par les entreprises des autres ayant droit.
L a première mesure à prendre c’est de rendre aux eaux du grand
bassin le niveau qu’elles avaient autrefois.
L a seconde c’est de poser
des points de repère , afin que
ce niveau, une fois déterminé, reste invariable.
Ges deux mesures sont indispensables pour que chacune des par
ties intéressées obtienne et conserve le volume d’eau qui lui appar
tient. Car, comme les eaux du grand bassin passent dans le petit et
réciproquement, au moyen des arceaux pratiqués sous le mur do
séparation entre les deux bassins, et comme les eaux du grand
bassin contribuent à la prise d’eau à laquelle a droit la ville de
R i o m , il est clair qu’en baissant le niveau des eaux de ce grand
bassin, on causerait à Riom un très-grand préjudice; on lui ferait
éprouver une double perte, et celle do la portion d’eau qui lui ar
rive du grand bassin et celle d’une partie des eaux que lui four
nissent les sotices du petit bassin, qui se jetteraient dans le grand
pour en élever le niveau; en sorte que par cette double perte , la
prise d'eau de la ville serait réduite à 10 litres par seconde au
lieu de a/j auxquels elle a droit selon les experts. ( Voir le rapport
des experts, p. i~(j. )
Or le sieur Uésauluats a baissé, depuis i8o(i, le niveau de l'eau
�—
73
—
du grand bassin par divers travaux qu’il a faits au coursier de son
moulin, notamment en 1 8 1 0 et en mars i q.
85
Les derniers travaux, surtout, doivent surprendre, soit par la
précipitation que l’on y mit, soit par le moment qui fut choisi pour
les opérer.
L e procès était entamé depuis quelques mois ; une vérification
était nécessaire pour constater l’état des lieux; il y avait donc quel
que imprudence à y faire des modifications.
En convenant de ces changements et de leurs époques, M. Désaulnats, pour les expliquer, a dit qu’en 1 8 1 0 il avait élevé de
quelques pouces le seuil des vannes de son moulin, pour substituer
aux anciennes roues à pelles de nouvelles roues à augets ; et qu’en
mars i
85g ,
en plaçant l’une à coté de l’autre ces deux roues qui
auparavant se mouvaient sur la même lig n e , et en établissant
¿deux vannes au lieu d’u n e , il aurait tant soit peu abaissé son étang,
seulement pour le 'cas où les deux tournants marcheraient à-lafois.
L ’élévation du seuil dés vannes était peu nécessaire pour changer
la forme
des roues ,
car le saut du moulin
est très-avan
tageux.
Aussi, le meunier de M. Désaulnals, que celui-ci a présenté
comme témoin, et qui était dans le moulin il y a 40 ans, ne parlet-il pas de l’élévation du seuil des vannes. Il déclare même que le
grand coursier qui amène l’eau sur les roues n’a pas été changé...
que le pavé oit dallage n’a pas été refait... mais que ce coursier
a été élargi.
En effet, la largeur de ce coursier n’était autrefois que de deux
pieds, ou de
millimètres ( V . le rapport de 1806 , rôle 12 ,
recto ).
Aujourd’hui cette largeur est de a mètres
tremité du coursier en aval ; de
5 mètres
5o centimètres à l’ex-
10 centimètres à l’autre
extrémité en amont; et, de plus, 011 l’a évasé sur la berge de
l'étang, de manière à lui donner
5 mètres d’ouverture.
Ajoutons qu’il y « deux tournants parallèles et deux vannes pour
leur jeu,
10
�/-+
L a faible largeur qu’avait le coursier autrefois, et sa position
latérale au grand bassin, ne lui permettaient pas alors de recevoir
une grande quantité d’eau.
Plus large aujourd’hui, et très-évasé à son origin e, il en reçoit
nécessairement une plus grande masse , en supposant même qu’il n’ait
pas été baissé, ainsi que le déclare le meunier.
Cette augmentation, en la rg e u r, du coursier, n’y eût-il pas eu
d’autres changements, a dù nécessairement faire baisser le niveau
du grand bassin ou de l’étang, et cela constamment, que ces deux
vannes soient 011 non levées en même temps.
L ’abaissement doit être plus remarquable encore lorsque les
eaux s’échappent à-la-fois par les deux vannes pour le jeu simultané
des deux tournants.
Les experts déclarent que le niveau du grand bassin a dù baisser,
dans l’étal habituel, de 10 millimètres ( 1 1 lignes).
IV y eùt-il que cet abaissement, il sc p rolo n g erait jusqu’au tu ya u
de plomb dans lequel l’eau ne s’introduirait ainsi qu’à 1 1 lignes de
moins de hauteur; ce qui diminuerait sensiblement le volume de lu
prise d’eau.
Mais les experts reconnaissent n’avoir p u , à défaut de repère ,
vériücr mathématiquement la baisse; et, dans le doute, ils l’ont
affaiblie.
Au reste, l’état habituel est celui oii un seul tournant joue.
Or, combien l’abaissement doit-il être plus grand , et par consé
quent plus préjudiciable à llio m , lorsque les deux vannes du moulin
sont ouverte«.
On doit prévenir ce préjudice, en réduisant les deux vannes à une
seule, comme autrefois, et eu ordonnant le rétablissement du
coursier dans son ancien état, île deux pieds (
millimètres)
de largeur; ou i! faut réparer le préjudice que cause le
changem ent,
en donnan' plus d’élévation au coursier.
Le nouveau d é \crso ir, construit en mars
doit aussi être
supprimé. Il n'est pas utile a i sieur I) •sanluats, puisqu’il en existe
un autre; et par sa [ rofondeur, par sa largeur comme par la facilité
�avec laquelle on pourrait le mettre en js u , il deviendrait le germe
de contestations sans cesse renaissantes, en fournissant aux domes
tiques même du propriétaire de Saint-Genest l’occasion de priver,
ne fùt-ce que momentanément, la ville de Rimu d’une partie, du
volume d’eau auquel elle a droit. L ’ouverture de ce déversoir réduit
la prise d’eau à 10 litres par seconde au lieu de 24.
L e mur qui domine le grand bassin doit être réparé ; l'eau
s’en échappe , soit par d’assez grands vides qu’on y remarque ,
soit par les joints mal cimentés. La ville de Riom avait été chargée
par l’acte de 1645 d'entretenir ce mur; ou doit donc l ’autoriser à
le faire.
Lorsque les réparations nécessaires auront été faites au grand
bassin, et que les eaux auront recouvré leur ancien niveau, plusieurs
repères solidement établis devront s’opposer à tout changement de
niveau, en rendant facile la reconnaissance des changements qui
pourraient survenir.
Ces repères, placés dans le grand bassin, devront correspondre
à d’autres repères qui, posés dans le petit bassin, pourraient faire
reconnaître les variations de niveau qu’éprouveraient les eaux du
grand bassin.
Cela éviterait l’excrcicc trop fréquent, dans la grande enceinte, du
droit de surveillance q u i, dans l’intérêt de la prise d’eau de la ville
de lliom , 11c peut être refusé à ses administrateurs.
Des réparations assez importantes doivent aussi être faites dans la
petite enceinte:
L e tuyau de plom b, dont l’orifice a été un peu faussé , doit être
remis dans son premier état, c’est-à-dire, qu’au lieu de sa forme
actuelle , un peu ovade , il doit reprendre son ancienne forme
circulaire, à neuf pouces de diamètre;
Les chevets et l’enveloppe en pierre du tuyau de plomb doivent
¿tre cimentés;
x
Les murs du petit bassin doivent être crépis ;
Les petites sou rces, qui s'échappent à travers les murs et qui
�coulent clans le chemin, doivent être retenues et rendues à leur
destination ;
Enfin, toutes les réparations indiquées par le rapport des ex
p e rts, et notamment dans l’avis du troisième, doivent être exé
cutées. Ces réparations seront utiles à toutes les parties intéressées,
en évitant une perte d’eau considérable, el en en procurant à chaque
ayant droit un volume même plus grand que celui dont il jouit
actuellement ( V . le rappo rt, page
559 ).
L a ville de Riom doit aussi être autorisée à disposer dans la
petite enceinte ses nouveaux canaux de la manière qui lui paraîtra
la plus convenable pour faciliter l’exercice de son droit et pour
qu’elle jouisse des 24 litres d’eau par secon de, qui lui appartiennent j
car, lors même qu’elle n’aurait qu’un droit de servitude, elle pourrait
faire tous les ouvrages nécessaires, non seulement pour le con
server , mais encore pouren user le plus avantageusement possible*
( Code c iv il, art 6 9 7 .)
Seulement elle doit ne pas altérer l’instrument régulateur, c’està-dire le tuyau de plomb et les chevets.
Telle est cette cau se, dont le
5 détails
sont plus nombreux que
les difficultés ne sont sérieuses, et qu'ont fait naître des préten
tions q u i, d’après les titres cl le rapport des experts, sont évidem
ment illusoires.
Une plus saine appréciation des droits respectifs les eût sans
doute prévenues.
Car à quoi est due la contestation ?
A une imagination trop active qui a égaré le. jugement;
A l’inquiétude d’un esprit qui a mal calculé ses intérêts et ses
dangers.
E t pour la soutenir, celte contestation imprudemment entreprise*
Mir quels moyens s’esl-on appuyé?
Sur une fausse interprétation des actes;
�— 77 _J
S u r de vains systèmes qui n’ont pu résister à l’épreuve d’u» exa
m e n un peu réfléchi;
Sur une prétendue prescription, argument peu favorable en
soi et que la loi n’admet que lorsque les circonstances font pré
sumer des conventions postérieures , dérogatoires aux conven
tions primitives ;
Sur une prescription qui n’existe pas en fait, puisqu’on est dans
l ’impossibilité de prouver une possession continue, déterminée ,
non équivoque et caractérisée par des actes émanant de celui qui
l ’invoque, e( contraires aux droits de ceux auxquels on l’oppose;
Sur une prescription repoussée, d’ailleurs, par des ouvrages
apparents qu’on n’a jamais tenté de détruire ni d’altérer, par des
ouvrages permanents qui signalaient la prise d’eau et son étendue,
par des ouvrages caractéristiques et conservateurs des droits qu’ils
indiquaient; titres muets mais puissants, sorte de contrat matériel
et solide contre lequel viennent se briser tous les efforts de l'argu
mentation cl les vaines subtilités des systèmes.
A quoi donc nous conduisent aujourd'hui et les faits constatés par
les experts et l’application des titres et les démonstrations qui en
résultent?
A reconnaître que les titres, l’état des lieux et toutes les circons
tances comme toutes les preuves, aüribuent à la ville de Riom un
volume d’eau suflisant pour remplir un tuyau de neuf pouces de
diamètre;
A reconnaître, ce qui n’aurait jamais du être oüblié, ce qui avait
été déclaré autrefois par M. Désaulnats lui-inème ou par son p è r e ,
que ce volume d’eau de n eu f ponces en diamètre appartenait à la
ville de Iliom, et que toutes les sources, celles du grand commô
celles du petit bassin, étaient destinées à entretenir la plénitude
du regard primitif des fontaines de cette ville ;
‘ A reconnaître une vérité que l’on ne saurait désavouer aujour
d’hui. Car la vérité est une; elle est inflexible ; elle ne peut varier
au gré
«les
intérêts du moment.
A reconnaître enfin q u e , pour conserver ses droits dans toute
�^
78
O .i
-
leu r étendue , dans toute la plénitude de leur instrument régula
teur, la ville de Riom est autorisée à exiger que le niveau des eaux,
du grand bassin soit rétabli à son ancienne élévation, et que des
mesures soient prises pour éviter que désormais cette élévation ne
puisse être affaiblie.
M
M . C H A M E R L A T , Maire.
M M . S I M O N N E T et S A U R E T , Adjoints.
M * A L L E M A N D , Avocat.
M e C H A R D O N , Avoué ,
RIO M IM PRIM ERIE DE SALLES FILS
�0.395 Une
0.355 L* f;
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0,935 Seai|
1.425 SeaiJ
Com
Chat
Qc’tn.t).
LÉGENDE.
A
B
Grand bassin contenu dam le parc de M. Desaulnat.
Partie du petit bassin en communication directe arec A au moyen
des ouvertures m e t IU', et en communication avecC par-dessus
les chevets L
B' Partie du petit bassin en communication avec G et B par-dessus
les chevets L L ', et arec A au moyen de B.
C Chapelle ou voûte, désignation des actes de 1654 et 1775.
P Seconde enceinte ajoutée à la chapelle. (Acte de 1775. )
D Tuyau de plomb posé p ar suite de l’acte de 1775.
E Prem ier re g a rd , dont la ville a seule la clef. ( Acte« de 1054
et 1775. )
F Caniveau ancien, teto de l'ancienne conduite.
G Ouvrage nouveau, tuyau en pierre de 0™25 de diam ètre,
L'.
de la contestation.
II
sujet
Ouvrage nouveau, cuvette menant l’eau du prem ier regard E ,
pour la conduire au tuyau G.
I Vanne pour l’irrigation des prés de Marsat.
Chevets en p ie rre , établissant, au-dessous d’un certain niveau,
nne séparation entre le bassin C et les parties A B et B'.
K Enceinte renferm ant la source C, le l* r regard E , le tuyau de
plom b, etc.
X V Plan horizontal supérieur du plafond de l’enceintp D n r»
LL'
�PLANDE LAPRISE l l l t DERIOHIT DU H DE «. DMJMT
différentes hauteurs de Veau, observées dans la
chapelle*
1
9
1
0.395 Une senle vanoe do nsoolin ouverte.
LEGENDE.
Coupe suivant la ligne f g du P la n .
0,355 Lâ vanne de Mariai seule ouverte.
6^
0»4^5 Les deux vannes do moolln et la vanne da PréLong ouvertes.
A
B
0,430 Une seule vanne do moalin et U vanne do Pré*
Long ouvertes.
t
0»44$
Une set4e vanne do moalin et U vanne de Bfa
ouvertes.
0*425 I*« deui vannes dp moalin oavertes.
0.U5
0,M3
fftreaa de l'éUng qnazxl Us dent tournant»
nurchenL
Commencement do eaoat en pierre du moulin.
Seuil.
0,701 Fia do canal en pierre conduisant l'eau sur Us roue».
0,87*
PLAIN GÉNÉRAL.
\
É lévation suivant p p' du P l a n .
B ' P artie du petit bassin en communication avec C et B par-dessus
les chevets L L ', et avec A au m oyen de B.
,C Chapelle ou v o û te, désignation des actes de 163* et 1773.
P Seconde enceinte ajoutée &la chapelle. (Acte de 1775.)
D T uyau de plomb posé p ar suite de l’acte de 1773.
E P rem ier re g a rd , dont la ville a seule la clef. ( Acte» de 1631
et 1775. )
F Caniveau an cie n , tète de l’ancienne conduite.
G Ouvrage nouveau, tuyau en pierre de 0®23 de d iam ètre,
tujet
de la contestation.
Senil des vannes do moolin.
0.7SS Choie derrière la vanne de décharge.
0,6«
G rand bassin contenu dans le parc de M. Desaulnat.
Partie do petit bassin en comm unication directe avec A an moyen
des ouvertures IU et n i', et en communication avec C par-dessus
les chevets L L '.
II
Seoü de U vanne de décharge.
in sn â Ë ^ c
0,773 Fin do Canal en pierre de la vanne de dfcharg^.
0,7W Seuil de la v.?nne de Maml.
¿i ^ . - a L U s î ç i ^ X ^
0.M5 Swail de la vanne do Pré-Long.
O.SJi Seuil de U Taon» provisoire, près la vanre de fond,
1.4X5 fcoil de U vanne de fond.
PLAN DE LA P R I S E D’EAU.
r:*
?£
=
- c
Ouvrage n ouveau, cuvette m enant l’eau du prem ier regard E ,
pour la conduire au tuyau G.
1 Vanne pour l’irrigation des prés de Marsat.
L L ' Chevets en p ie r re , établissant, au-dessous d’un certain n iveau,
une séparation entre le bassin C et les parties A B et B '.
K Enceinte renferm ant la source C , le l*r regard E , le tuyau de
plom b, etc.
X Y Plan horizontal supérieur du plafond de l’enceinte P , pris pour
plan de repère des côtes de nivellem ent.
a a ' et b b' Courants alternatifs selon que la vanne de M arsat est
ouverte ou ferm ée.
c c ' C ourant qui (’établit quand la vanne de Marsat est ouverte.
V Vanne servant à m odérer la dépense du tuyau de plomb.
M Moulin de M. Desaulnat.
M/ Dépendance du moulin (m aillerie).
M" Dépendance dit m oulin.
Digue retenant les eaux.
a Vannes du m oulin.
V V anne de décharge.
S Vanne de fond ancienne.
a Vanne rem plaçant provisoirem ent la vanne de fond (ouvrage
n o uveau}.
■C Vanne dite du Pré-Long.
« Canaux d’irrigation pour les prairies de Marsat.
N Chemin.
à
6
/
E ch e lle de la Cuupe et du P la n .
T
a
*1
Élévation suivant
s n du Plan.
D ifféren tes hauteur* de Ceati tiens ta chapslle
Terre* ou jardins contenus dans le parc de M. Desaulnat.
M ur de clôture de M. Desaulnat.
Soupape eu tôle servant au partage de l’eau entre les roues du
m oulin, lorsqu’elles étalent à la suite l’une de l’autre.
Longoeur de tuyau de plomb........................................- ............ 7»OÎ9.
Diamètre du tuyau de plomb à l’entrée en C...
a u -d e s s u s d u p la n i n f é r i e u r , tangent au
tu ya u <U plom b au p oin t 1 . *
Diamètre d.. ...y .u d e plomb
j JÏÏu C . o ^ S
k la sortie en E.. |
¡S » !
Pente totale du fond du tuyau de plomb................................. 0°>003.
0 ,0 »
Cm m i a i u h d a n o a lio .
0 .S 7Î La « l u « da M anat n i a .
0,111 U t i l n i n i M d a > > u f l l i i l l i * M i i l a P f i U i | .
1,101 |) h a d a t i w
l« a « .
F a it et t ir e n t p a r les experts so u ssig n é s, à C 1er m o n t-f e r r a n d ,
te s i * a v r il m il hu it cent 1/1taran te.
,
da B o ati* all* «inoa d a P r i-
Tu. AYNARD.
O .IM l a « aaat* aaaaa d a la o a ta «I la n n a * 4a Maiaal.
LAPLANCHE
Ul'RDIN.
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E chelle de r é lé v a tio n de 1 C h evelt.
I.tih. tdtThiàmmté
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Neiron-Desaulnats, Jean-Marie.1840?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Chardon
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
servitude
canal
prises d'eau
aqueducs
moulins
génie civil
fontaines
irrigation
approvisionnement en eau
experts
hydrométrie
prescription
copropriété
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le corps commun de la ville de Riom, poursuites et diligences de monsieur le Maire de cette ville, contre monsieur Neiron-Desaulnats, propriétaire, habitant du lieu de Saint-Genest-l'Enfant. Annotations manuscrites.
Légende et plan de la prise d'eau de Riom et du moulin de monsieur Desaulnat.
Table Godemel : Ce procès présentait à résoudre plusieurs et importantes difficultés :
1° pour la propriété de l’étang de Saint-Genest ;
2° sur le siège des droits de prise d’eau concédés à la ville de Riom ;
3° sur la propriété des terrains triangulaires et clos de murs, qui renferment les ouvrages et constructions destinés à procurer à la ville de Riom la jouissance effective de l’eau qui lui appartient ;
4° sur les suites et conséquences des œuvres pratiquées par le sr Neiron-Desaulnats ;
5° sur le moyen de reconnaître et constater l’étendue des droits de la ville, la quantité d’eau qu’elle doit recevoir et le mode de sa jouissance ;
6° sur les dommages-intérêts respectivement réclamés ;
7° enfin, sur les mesures propres à prévenir de nouvelles entreprises et des contestations ultérieures, soit par l’établissement de repères constatant le mouvement et le niveau des eaux de l’étang, soit par des constructions ou réparations destinées à maintenir, distribuer ou conserver les sources.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1840
1804-1840
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
78 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2829
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2902
BCU_Factums_G2903
BCU_Factums_G2904
BCU_Factums_G2905
BCU_Factums_G2906
BCU_Factums_G2907
BCU_Factums_G2908
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53585/BCU_Factums_G2829.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Malauzat (63203)
Marsat (63212)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
approvisionnement en eau
aqueducs
canal
copropriété
experts
fontaines
génie civil
hydrométrie
irrigation
Jouissance des eaux
moulins
prescription
prises d'eau
servitude
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53601/BCU_Factums_G2915.pdf
2ce945a728fc41845742a4cd59d031e4
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
TRIBUNAL
de
P R E M I È R E INSTANCE
Le Corps commun de la ville de R io m , poursuites
et diligences de M. le Maire de cette ville
CO NTRE
,
M. N E IR O N - D E S A U L N A T S Propriétaire ,
habitant du lieu de Saint-Genest-l'Enfant.
L a ville de Riom est obligée de soutenir une discussion judiciaire
pour conserver des droits reposant sur des titres qui remontent à
plusieurs siècles, et pour consommer une entreprise considérable,
d’une grande utilité, d’une nécessité même absolue, q u i, après
avoir coûté d’énormes sacrifices, serait paralysée si des préten
tions nouvelles pouvaient lui être sérieusement opposées.
Heureusement que ces prétentions n’ont pour base qu’une préoc
cupation peu réfléchie ,
calculé.
et que
CIVIL
les illusions d’un intérét mal
,
L a ville de Riom est propriétaire d’un droit de prise d’eau à des
sources qui surgissent, à cinq ou six kilomètres de distance ? dans
une commune voisine , et qui sont connues sous le nom de sources
de S a int-Genest.
Ce d roit, qui existait de temps immémorial, fut réglé , en 1 6 4 5 ,
par un traite fait avec l’ancien seigneur propriétaire de ces sources;
e t, depuis cette époque reculée, les habitants de Riom en avaient
usé à leur g r é , sans le moindre trouble, à l’aide d’un canal ou
aqueduc q u i, prenant son origine aux sources mêmes, se prolonge
jusqu’à la ville .
RIOM.
�Mais ce canal, vicieux dans sa construction, dégradé, d’ailleurs,
depuis long-temps, ne transmettait pas à la ville de Uiom toute la
quantité d’eau qui lui appartenait.
Depuis nombre d’années , les habitants de ïiiom reconnaissaient
la nécessité d’établir un nouvel aqueduc, mieux organisé, plus
compacte, plus solide, et qui lui transmît une eau plus pure et plus
abondante.
Celte précieuse amélioration , commandée aussi par les besoins
de plusieurs établissements publics ou com munaux, a excité succes
sivement la sollicitude de différentes administrations municipales*
et s i , malgré de nombreuses cl de longues éludes, l’exécution en
avait élé différée , ce retard n’avait eu pour cause que l'insuffisance
des ressources comnlunales pour fournir aux dépenses de l'entre
prise.
Enfin , ces ressources ont clé obtenues à l’aide de sept années
d’une contribution extraordinaire , à laquelle se sont soumis les
habitants , et par le concours du gouvernement et de l’administration
départementale, qui ont dû participer à des frais faits aussi dans
l’intérêt des établissements publics.
L es travaux , dont le prix doit s’élever à la somme de iGo,ooo fr.
au m oin s, ont été commencés a lo r s , et se sont continués pendant
plusieurs années , sans qu’aucune réclamation , sans qu’aucun indice
annonçât la moindre contestation future; cl déjà l’achat des tuyaux
de conduite était complet, leur placement était eu grande partie
o p é r é , les fouilles à faire pour le surplus étaient presque terminées ;
d é jà , en un mot, plus de 120 ,0 0 0 fr. étaient dépensés, lorsqu’à
été élevée une contestation dont le succès, si la viHtï de lliom pou
vait le craindre, mettrait tout eu question , et rendrait inutiles les
travaux et les sacrifices des habitants.
M. Desaulnats s’est opposé à ce qu’on p laçai, dans une enceinte
close de murs, près d’un regard dont la ville de Riom a seide la clef,
le premier tuyau destiné à recevoir l’eau qui coule dans ce regard ,
propriété exclusive de la ville.
Il a soutenu que l’enceinte et que les eaux qui y naissent étaient sa
chose; que les habitants de lliom n’y 'avaient qu’ un droit de servi-
�— 3 —
lu d e , limité par les titres , restreint surtout par la prescription ; et
qu’un nouveau mode d’aqueduc ne pouvait pas être appliqué à la
prise d’eau sans son consentement.
Il a déclaré qu’ il ne donnerait pas ce consentement, parce que le
changement projeté nuirait à ses droits et blesserait ses intérêts.
Cette prétention et le moment où elle se présentait durent sur
prendre les administrateurs de la ville de Riom.
Ils éprouvèrent beaucoup de regrets d’avoir h lutter conlre l’un
des anciens habitants , et des habitants les plus distingués de leur
v illej conlre un homme honorable, qui long-temps même avait été
le chef de l’administration municipale.
Mais les droits confiés à leurs soins étaient trop importants, et la
réclamation qu’on leur opposait leur parut trop peu fondée pour
qu’ils n’y résistassent pas.
Aujourd’hui qu’une application des titres et une vérification des
lieux, faites, en exécution d’un mandat de la justice, par trois experts
d’une grande capacité et tous étrangers à la ville, peuvent faire ap
précier les droits respectifs des parties, la ville de Riom est auto
risée à dire que non seulement la prétention de M. Désaulnats ne
trouve aucun appui dans les titres produits, mais même qu’elle
n’est pas justifiée par un intérêt réel ou de quelque importance.
C ’est, il sem ble, ce qu’il sera facile à. démontrer.
FAITS.
L a ville de R i o m , dont la fondation se perd dans la nuit des
Siecles, ancienne capitale du duché d’A uvergne, et chef-lieu , avant
*78 9. d’ une sénéchaussée aussi distinguée par la juste réputation de
ses olhciers que par l’étendue de son ressort, avait, depuis des
temps tres-anciens, une population nombreuse.
Aussi ses administrateurs s’étaient-ils occupés à se procurer
1 eau nécessaire à la consommation de ses habitants.
Cette eau, ils la prenaient, de temps immémorial, vers les limites
de du ix communes voisines, celles de Marsat et de Saint-G enest,
près de plusieurs sources abondantes que l’on désigne sous le nom
de sources de Saim-Gcnest.
�Pou r régulariser et améliorer leur prise d’eau , les consuls de la
ville de Riom traitèrent, le 10 septembre i 6 /f5 , avec M. de
G u e r in , seigneur de Lugliat, de M arsat, et d’autres p laces, et
propriétaire des sources qui servaient à l’usage des habitants.
On remarque dans le traité que les habitants prétendaient avoir
le droit d’exercer leur prise d’eau aux sources mêmes, mais que le
seigneur contestait certe. prétention.
L e s parties se concilièrent par l’intermédiaire de l’intendant de
la province.
Dans la transaction, il est convenu que, moyennant iooo francs
qui sont payés au seigneur de Marsat, * les consuls et les habitants
* de Riom pourront prendre, à perpétuel, aux sources qui sont au
« bout du grand bassin ou réservoir de ladite source de Saint« G e n e st, du côté de bise , joignant à un sentier qui est du coté de
» nuit, la quantité d’eau nécessaire pour en avoir neuf pouces en
te circonférence ou rondeur à la sortie dudit bassin ou réservoir. »
Su r le plan général annexé au mémoire , ce grand bassin est
désigné par les lettres A et par,un liseré vert-d’eau ; il est aujour
d'hui renfermé dans le parc de M. Desaulnats.
A l’angle nord du bassin, le point O ipdique celui où devait
s’exercer la prise d’eau concédée en 16 4 5.
On v oit, à peu près au milieu de ce bassin cl au nord-est du
plan , 1e chenal qui conduit l’eau au moulin du sieur Desaulnats.
A la gauche du plan , au sud du grand bassin, existe un petit
bassin, en forme triangulaire, entoure de murs, communiquant au
grand par des ouvertures pratiquées au bas du mur séparatif. Ces
ouvertures sont indiquées par les lettres minuscules m, n,
C ’est dans celte petite enceinte, qui est hors de l’enclos de
M. Desaulnats, qu’est aujourd’hui placée la prise d’eau de la ville.
Elle s’exerce a la principale source qui surgit au point G de celle
petite enceinte, sous une voùtc 011 chapelle où l’on remarque en
core les armes de l'ancien seigneur.
En avant de cette chapelle existe une construciion en pierres de
taille, formant une petite cluunbie marquée P sur le plan , qui clôt
�— 5 —
la-chapelle, et qui est fermée elle-même par une porte à grille de
fer.
Un canal, autrefois en pierre, mais qui, aujourd’hui et depuis
est en plom b, transmet l’eau prise à la chapelle dans un
regard désigne sur le plan par la lettre E , dont la ville de Riom
seule a la clef; c’est à ce regard que correspond le canal continu
qui conduit l’eau à la ville.
Au sud-est de cette petite enceinte et d’un petit bassin B B ’ que
que l’on y remarque , existe une ouverture désignée au plan par la
lettre I, et formée dans le mur par deux pierres verticales à rainures;
on y place une vanne qui est levée le mercredi et le samedi de
chaque semaine, à midi, pendant l’été, pour laisser échapper l’eau
destinée à l’irrigation des prés de Marsat.
La petite enceinte est fermée par une porte dont il y a deux clefs,
l’une pour la ville de Riom, l’autre restant au moulin du sieur Désaulnats, oîi elle est à la disposition des ayant droit à la prise d’eau
des prairies de Marsat.
Telle est la descripiion sommaire des lieux.
Revenons à l’analyse des titres.
Dans l’acte de i 6 4 5 , à la suite de ce que nous en avons ci-des
sus iransci'it, on lit que : « les tuyaux qui seront posés dans le grand
« bassin ou réservoir pour ladite prise d’eau , seront de la grosseur
* nécessaire, en sorte qu’ils puissent fournir neuf pouces d’eau en
* circonférence ou rondeur dans trois tuyaux de la grosseur cha* cnn de neuf pouces de vide, qui seront placés, savoir : deux pro* che la muraille du réservo ir, et l’autre dans l’épaisseur de ladite
* muraille pour conduire les neuf pouces d’eau dans les canaux de
« la ville. »
11 fut convenu qu-e les consuls auraient la faculté de faire faire
«ne voiite avec les armes de la ville au-dessus des sources, pour
ferm er l’ eau à clef.
Ils devaient aussi faire, à l’endroit ou seraient posés les c a n a u x ,
un 1 égard en voûte pour pouvoir vérifier si les neuf pouces deau
Uaicui complets sans excéder la quantité attribuée; cl le seigneur
�— 6 —
deMarsat pouvait e xiger, quanti bon lui semblerait, l’ouverture de
ce regard.
Pour prévenir la déperdition de l’eau du grand bassin , les con
suls furent chargés de fa ir e bien et dûment grossir la muraille qui
l’entoure et de l’entretenir, à l’a v e n ir, à leurs frais.
Enfin il fut stipulé que le seigneur serait indemnisé par les con
suls , si le propriétaire du moulin le délaissait par suite du manque
d’eau, qui serait le résultat de la concession faite ai;x habitants.
T e l est, en analyse, ce premier acte dont l’ interprétation a sou
levé plusieurs dillicultés. On a surtout beaucoup disserté sur la
clause des neuf pouces d’eau en rondeur ou circonférence, com
binée avec le placement des trois tuyaux de 9 pouces de vide chacun.
On verra que le vrai sens de cette clause a été fixé par un der
nier traité de
L ’exécution de ce premier contrat présenta «les difficultés.
O11 les applanit par de nouvelles conventions qui furent faites lo
3 o septembre iG 54 et qui firent abandonner les constructions qui
devaient se faire dans lé grand bassin , vers le point O.
Les consuls se plaignaient de l ’ insuflisance des sources désignées
dans l’acte de 1645 et voulaient réclamer des dommages et intérêts
contre le seigneur.
Pour les satisfaire, le seigneur de Marsat consentit à changer lo
point de la prise d’eau; il fut convenu que le droit serait exercé ,
à perpétuité, dans le réservoir des sources au point C , vis-à-vis la
voûte ou étaient les armes du seigneur, et qu’à cet effet les consuls
pourraient faire faire , à leurs dépens , un regard en [lierres de taillo
où seraient marquées les armes de la ville;
11 fut d it, d’ailleu rs, qu’ il n’était pas dérogé aux autres clauses
du contrat de iG 4 ’>.
Trois cents livres payées par les consuls au seigneur furent lo
prix de cette amélioration.
Ce fut alors que la prise d’eau fut transportée dans la petite en
ceinte et le petit bassin triangulaire marqué au plan par les lettres
Il B\ Depuis elle y a toujours été fixée.
Alors aussi fut établi, pour la prise d’eau, un canal en pierres ,
�_
7 _
■ ¿ to
commençant à la voûlc où étaient les armes du seigneur, voûte dé
signée sur le plan par la lettre C , et se prolongeant, de l’est à l’ouest,
jusqu’à un regard qui dut être aussi construit à cette époque, et qui,
sur le plan, est indiqué par la lettre E .
Il paraît qu’alors aussi la petite enceinte fut entourée de murs ,
qui l’isolaient du grand bassin, sans cependant s’opposer à la com
munication et au mélange des eaux des deux bassins, mélange qui
se faisait par les arceaux ménagés sous le mur intermédiaire.
Les choses restèrent dans cette position jusqu’en ¡ '¡ '¡ 5 , époque à
laquelle d’autres contestations furent terminées par une dernière
transaction.
Il est nécessaire d’an alyscr, avec quelque détail, cette transac
tion qui est pour la cause d’une grande importance.
E lle fut préparée le 1 8 juillet 1 7 7 5 , par une délibération de l’as
semblée municipale où figurent les noms les plus honorables.
M. Du Défanl, maire de la ville, expose « que les fontaines de
" là ville sont en mauvais état; que la ville ne reçoit p as, à beau<r coup p rès, le volume d’eau qui lui appartient et qu’elle a droit
« de prendre à la principale source de lu chapelle de Saint-Genest. »
Il dit qu’il se fait une déperdition considérable des eaux dans les
canaux destinés à les conduire à la ville, et principalement * dans
« le canal de pierre pratiqué dans une enceinte de murs où la source
* se trouve renfermée; lequel canal de pierre reçoit les eaux de là
r source et les transmet dans un premier regard également enfermé
*■ dans l’enceinte de murs ci-dessus expliquée. »
Cette enceinte forme le petit bassin triangulaire dont nous avons
'léjàp ad é.
M. le Maire signale aussi des plantations faites par M. de SaintGenest , comme pouvant occasionner la déperdition de l’eau.
Mais il ajoute que la ville avait néglige de rem plir, à l’égard de
ce propriétaire, certains arrangements pris depuis huit à neuf ans,
ci il propos«* d'y pourvoir.
L assemblée exprime l’avis de substituer au canal en pierre, qui
reçoit 1 eau a la source pour la transmettre au premier reg ard , un
�• *
•:<u
— 8 —
tuyau en plom b, de n e u f pouces de diam ètre in térieu r , compo
sant vingt-sept ou vingt-huit pouces d e circonférence .
E lle demande aussi qu’on fasse placer à la voûte ou chapelle, où
est renfermée la source, un avant-corps, en maçonnerie , à la dis
tance de 5 à G pieds de la voûte , pour empocher que l’eau ne soit
troublée par des mal intentionnés.
E lle v e n t, d’ailleurs , que l’on paie à M. de Saint-Genest ce qui
pouvait lui être dû d’après les arrangements pris avec celui-ci.
Enfin, pour conférer avec lui, elle nomme quatre commrnissaires.
E n effet, le 1 1 août 1 7 7 5 , un traite fut faitentrelcs commissaires
et le seigneur de Saint-Genest.
Par l’article i ' r de ce traité, il fut dit que la source des eaux.de
Saint-Genest continuerait d’être renfermée dans une enceinte do
murs, de même étendue et circuit que celle qui existait alors, mais
que la ville aurait la faculté d’exhausser les murs.
Par l’article 2 , il est convenu que la porte de l’enceinte subsis
tera en l’état où elle se trouve ; qu'elle sera rétablie et entretenue
aux frais de la ville , et qu’il en sera fait deux c le fs, une pour lo
seigneur de Saint-Genest, une autre pour la ville.
L ’article 5 porte que la voûte Cn forme de chapelle , qui ren
ferme plus particulièrement les eaux de ladite source, subsistera en
l ’état où elle est « sauf les réparations qui y sont à faire po u r con-
«
«
«
«r
«r
«
s e n ’e r au corps de v ille le volum e ile.au q u 'il a toujours pris:
et q u i lu i appartient. E t pour en éviter la déperdition , c’est à
savoir qu’au lieu du canal en pierre existant actuellement , pour
transmettre les eaux de ladite voûte ou chapelle au regard dont
il sera parlé ci-après, il sera placé un tuyau qn plom b , de n e u f
pouces de diam ètre intérieur. »
I) après 1 article 4 > la ville a la faculté de construire une enceinte
à la voûte ou chapelle à la distance de cinq à six pieds , et d’y faire
une porte , a condition d en f a ir e l’ouverture au seign eur de
Sam t-O enest, quand bon lu i sem blerait, p o u r v é r ifie r s ’il n était
rien f a i t ni pratiqua au préju d ice des conventions ci-dessus.
L ’article 5 est ainsi conçu :
* Le regard , construit dans l’cnccinte principale pour recevoir
�—
9 —
« la portion des eaux de ladite source appartenant à la ville , sub« sistera en l’état où il est présentement ; et la 'ville continuera
« d ’en avoir seule la clef. »
Les articles 6 et 7 indiquent des réparations à faire.
L ’article 8 fixe à 55o francs l’indemnite due au seigneur , soit
pour le chômage de son moulin pendant les-réparations , soit
pour des faits anciens.
T e l est ce traité, dans lequel se résument très-clairement les droits
de la ville.
Plusieurs objets y sont à remarquer :
L e point ou la prise d’eau s’exerce;
L a capacité du tuyau de plomb destiné à recevoir l’eau ;
L a propriété du premier regard ou cette eau est transmise.
C ’est sous la voûte en forme de chapelle , que la ville doit
preudre et a toujours p ris le volum e d ’eau qui lui appartient ; et
c'est sous cette voûte seulement, que le seigneur est autorisé à véri
fier s’il n’ est rien fait à son préjudice.
Pour recevoir l’eau , au lieu du canal en pierre existant alors , il
doit être placé un tuyau en plom b, d’une capacité de n eu f pouces
de diamètre intérieur.
Ce tuyau doit transmettre l’eau au premier regard construit
dans l'enceinte ; la ville continuera d'avoir s e u le 'la c le f de ce
regard;, et M. de Saint-Genest n’est autorisé à y faire aucunevérification.
Co qui avait été convenu dans cette transaction , pour fixer les
droits de la ville , fut exécuté à cette époque ; et aujourd’hui on
Voit sur les lieux i° l’enceinte particulière établie à
5 à 6 pieds en
avant de la voûte ; 20 le tuyau en plomb de neuf pouces de diamètre
intérieur ; 3“ le prem ier regard dont la ville a seule la clef.
Mais les réparations cl les améliorations à faire au canal imparfait
qui conduisait l’eau à la ville exigeaient une étude sérieuse et de
vaient entraîner de grands frais; et quoique le besoin de ces amélio
rations eût été signalé en 1 7 7 5 dans la délibération de l’asscmbléo
municipale, on ne put s’en occuper avant 17 8 g .
Depuis, les circonstances difficiles qui avaient peso sur la ville do
�— Iü —
Riom connue sur la F ian ce entière , n’avaient pas permis de se
livrer sérieusement à l'examen de celte utile cnlrcprisc. Son e xé
cution , d’ailleurs , aurait été paralysée par le défaut de ressources.
Cependant les temps étant devenus plus calmes , l’administration
municipale, présidée alors par M. Désaulnats lui-nième , reprit les
anciens projets ; mais reconnaissant bientôt que de simples répara
tions au canal existant n'offriraient qu’un avantage trcs-faiblc et do
peu de durée, quoique fort coûteux, elle conçut l’heureuse idée de
la reconstruction totale de la conduite.
Un nouveau maire reconnut aussi les avantages de cette recons
truction; en conséquence des études furent faites, des devis furent
dressés ; une cotisation fut proposée pour fournir aux frais des tra
vaux; ctleconseilmunicipal, adoptant ces sages vuespardélibération
du 17 septembre
1 8 2 1 , invita scs administrateurs à solliciter
le concours du gouvernement et du département à des dépenses
qni devaient profiter aussi aux établissements publics placés dans
notre ville.
Il serait superflu d’entrer ici dans le détail de toutes les démarches
qui ont été nécessaires, de tous les elTorts qui ont été faits, de tous
les sacrifices auxquels se sont prêtés nos conciloye'ns pour assurer
le succès d’un projet de la plus haute importance; il sullira de dire
que 1 6 9 ,1 8 0 francs Go c. y ont été destinés , et que , dans cette
somme considérable, la contribution des habitants est de la somme
de 9 4 , 2 4 6 francs09 c ., celle du gouvernement, de 5 7 ,5 2 0 fr. 9 8 c . ,
et celle du département, de 1 7 , 4 1 6 francs 27 c.
Cependant le zèle et l’activité des administrateurs sont parvenus
à mettre le projet, h expédition, à faire roglor les Incideius nombreux
«fm se sont élevés pendum le cours des travaux , à triompher enfin
de tous les obstacles qui se sont multipliés dans le cours de dix
années, et plus, d opérations; cl deja une grande partie dos tuyaux
de conduite d a it p o sé e , deja 1 011 avait l’espoir que la ville jouirait
bientôt du fruit de tant desoins et de tant de sacrifices,lorsqu’un dernier
incident plus grave qn’ancun antre a été soulevé par j\I. Désaulnais.
C elui-ci se prétendunt seul propriétaire des sources de SaintGcnest et de la petite cnccuilc dont la ville avait cependant fa il
�k t l
— II —
Construire les murs , et qu’elle seule aussi avait réparée , alléguant
<inc la nouvelle conduite nuirait à ses droits, aggraverait ce qu’ il
appelait sa servitude et le priverait d’une grande partie de l ’eau
nécessaire à son moulin , s’est opposé au placement d’un-tuyau en
pierres au lias du premier regard dont nous avons déjà parlé , de
ce premier regard, propriété exclusive de la ville, dans lequel sont
transmises par le tuyau de plomb les eaux que ce tuyau prend
depuis plusieurs siècles à la chapelle où naît la principale source.
Cette étrange prétention qui, si elle était accueillie , aurait pour
la ville les plus funestes résultats, dut exciter la vive sollicitude de
^’administration.
L e conseil municipal fit aussitôt vérifier la localité et consulter
avec une scrupuleuse attention les titres constitutifs de la prise
d’eau.
Cet
crânien le rassura ; il- reconnut que M. Dcsaulnats se
faisait illusion , et il se décida à soutenir une lutte fatigante sans
doute , mais que commandait l'intérêt légitime de la cité.
Alors prit naissance le procès actuel.
L es hostilités de M. Désaulnats s’annoncèrent par un procèsverbal de l’état des lieux , qu’il provoqua, en obtenant, à cet effet,
sur requête, le 20 novembre i 838 , une ordonnance du président du
tribunal civil de Rioin.
Ce procès-verbal est du 6 décembre ï 838 ; il fut dressé p a r le
notaire L ab ro ssc, assisté d’un expert et de deux maçons.
Les parties intéressées y furent présentes, savoir: M. Désaulnats,
accompagné de son con seil, et l’un des adjoints de la ville auquel
6 étaient réunis l'cxpert-architecte qui dirigeait les travaux de" la
nouvello conduite, et les marons entrepreneurs de ces travaux.
11 serait superflu d’analyser ici ce procès-verbal.
il suilira de ilire que M. l’adjoint, en sc faisant toutes réservas
dans J intérêt de la v ille, déclara que l’intention de l’administration
n ci.ut, quant à présent, que de faire placer une cuvcttc sur la face
cxtei nuire du premiçr regard ou sc déversaient les eaux dont jouis
sait la ville , ei de disposer cette cuvette de manière que ces
Caux y tombassent ùla sortie du regard
cl
s'écoulasscnt-cusuito-dans
�ifA
------
12
— ■
un premier tuyau en pierre, qui serait l’origine de la nouvelle con
duite, àlaquelle il s’adapterait par son extrémité inférieure tandis que
son extrémité supérieure serait placée dans la cuvette.
M. l’adjoint lit observer que l’établissement de cette cuvette,
ainsi disposée, était nécessaire pour empêcher que la ville ne fût
privée d’eau pendant la durée des travaux.
Cependant M. Désaulnats présente, le 22 décembre suivant, une
requête dans laquelle , prétendant qu’il était seul propriétaire de
l’cnceiute close de murs où s’exerçait la prise d’eau de la ville et
des sources qui y naissaient, soutenant que la ville n’avait qu’un
droit de servitude qui devait être restreint à la quantité d’eau que
ses anciens tuyaux avaient jusqu’à présent transmise à la ville, faisant
remarquer que les tuyaux destinés à la nouvelle conduite avaient
une plus grande capacité que les anciens , alléguant que ses droits
étaient blessés et que sa propriété avait été violée par les nouvelles
oeuvres de l’administration municipale, interprétant à son gré lçs
actes de i 645 et de 1 654 » ct méconnaissant la lettre et l’esprit du
traité de 1 7 7 5 , il conclut à ce que les lieux fussent remis dans l’état
où ils étaient avant l'entreprise de l’administration municipale, et
qu’à cet effet elle fut tenue :
i ° De faire retirer le nouveau tuyau placé dans ladite enceinte;
2° De faire rétablir la fondation du mur de cette enceinte comme
elle l’était avant l’entreprise ;
3° De faire remblayer l’excavation pratiquée dans la partie inté
rieure de l’enceintc.
Il demanda , de plus, 2,000 fr. de dpniinagcs-iiitéréis.
Cette requête , suivie d’ordonnance du président, fut signifiée
au Maire de la ville de Hiom , par exploit du 29 décembre 1 858 ,
avec assignation pour voir adjuger les conclusions qu'elle contenait.
Appelé à délibérer sur ces difficultés, h: conseil m u n i c i p a l fut
d’avis de soutenir le p ro cè s, cl (’administration fut autorisée à se
défendre, par arrête du conseil de Préfecture, du 8 février irtJ>9 L ’inslanco étant ainsi liée, un premier jugement du 21 mai s 1859.,
autorisa provisoirement le placement de lu cu\etlo destinée à rece
�— i3 —
v oir les taux qui dérivent du regard contenu dans l’enceinte, et à
les transmettre aux tuyaux de la nouvelle conduite.
Deux experts, du choix des parties, furent chargés p a rle tribunal
de d iriger cette opération et celle de la coupe de l’ancien c a n a l,
comme aussi d’en décrire la forme et la capacité, et de conserver
les parties de canal, qui seraient coupées, afin qu’on pût, au besoin,
les rétablir identiquement dans leur premier état.
L e tribunal ordonna aussi qu’il se transporterait sur la localité ,
assisté de MM. Burdin , E yn ard et Laplanche , experts nommés
d’oflice.
Les opérations prescrites furent faites , et le rapport qui les
constate fut déposé au greffe, le 5 avril.
L e transport du tribunal fut exécuté le 1 1 mai suivant. L ’examen
des lieux fit alors connaître de récents changements opérés par
M. Dcsaulnats, qui avait établi, depuis peu de jours, dans le grand
bassin, un très-large déversoir, et qui avait aussi beaucoup agrandi le
canal de la chute des eaux sur les roues de son moulin. Ces chan
gements , très-préjudiciables aux droits de la ville , durent frapper
l'attention de l'administration municipale et exciter ses réclamations.
Cependant, une vérificaiion détaillée était indispensable pour
ccl aii er les droits respectifs.
Mais les points à vérifier n’ayant pas etc déterminés par le juge
ment du 2 1 m ars, et les parties n’ayant pu s’entendre' à cet égard ,
elles durent revenir devant le tribunal, qui, à son audience du 16
juillet i 85 r), rendit un jugement contradictoire qu’il est utile de
foire connaître.
D ’abord le tribunal rejette des conclusions de M. Désaulnats,
qui demandait la mise en cause de divers propriétaires, sous p ré
texte qu ils avaient droit aux eaux de Saint-Genest pour l’irrigation
de leurs prairies.
*
«
IjC jugement décide avec sagesse que c’ est à eux , s’ils croient
0\ou intérêt a la contestation , à y intervenir, ou à celle des parties
dt j.t engagées au procès, qui désire leur présence, à les y appeler,
** ses îisques et périls, si bon lui semble.
�—
14
—
Ensuite le tribunal ordonne que les experts B u rd in , Eyn ard cl
Laplandie vérifieront et constateront :
« i° L ’état intérieur de la voûte appelée la C h ap e lle , dans
« laquelle vient sourdre le bouillon principal des eaux que reçoit
«f la ville; la forme , la hauteur et la destination des chevets en
« pierre établis dans celte chapelle ;
« Quelles sont , par rapport au tuyau de plomb dans lequel
s’introduisent les eaux destinées à la ville » les diverses hauteurs do
Peau, soit lorsque la vanne de Marsat étant baissée cl les roues du
moulin du sieur Désaulnats étant en je u , l’eau de la source princi
pale entre dans le grand bassin, soit lorsque, celte vanne de Marsat
étant ou verte, l’eau de la source principale s’échappe du côté do
A la r s a l, soit enfin lorsque celte vanne et celles du moulin sont
simultanément ouvertes ( i) ;
<f 2° L ’état intérieur du premier regard dans lequel débouche lo
tuyau de plomb qui aboutit, en amont, dans la chapelle; l’état do
l’ancien tnyau de fuite qui recevait les eaux à ce regard, à partir du
point où ce tuyau prend une dimension uniforme, et sur un p ro
longement qui est laissé à la sagacité des experts ;
« 3*'F e r o n t, les experts, l’application des titres de ï‘C4 5 , do
i 65 /f et de 1 7 7 S , du procès-verbal de l’état des lieux, dressé" 1e
G décembre i 8 5 8 , et de tous autres litres qui leur seront produits
c f qui se rattacheraient au droit dV» prise d’eau de la ville, quant au
droit en lu i-m é m e , quant à son étendue, et quant au mode de son
ex ercice;
'
« 4° V érifieront, à l’aide de l’acte de concession de i G j 5 , à quel
point du grand bassin devaient être prises les eaux concédées à la
vilte ;
« 5* A u ssi, d après le même a c ie , de quelle muraille on e n te n d a i t
parler eu chargeant les habitants de lliom de faire bien et dûment
(1) La vanne, (lite ile Marsat, est placéedans la ¡»“lite cucchile; d ie est îles*
tinée à Im irnir 1eau nécessaire à l'irrigation des prairies (le .Mariai, pour
lesquelles, les mercredis et samedis, il
(le Saint-liencit,
ya un droit de prif>c d'eau aux sources
�— 15 —
grossil'lainuraillc du bassin ou réservoir qui est au-devant dumoulin
de Süint-Gcncst, et d’ainsi l’enlretenir à l’aven ir, afin que l’eau
dudit bassin ou réservoir ne se perde pas ;
« G0 D ’après les divers titres, si les eaux du grand ou du petit
bassin ne sont pas considérées dans ces titres comme une seule
source formée de plusieurs naissants ou bouillons, et comme devant
toutes être réunies ou confondues dans leur destination;
« 7° Constateront, et d’après l’inspection des lie u x , et d’après
renseignements qu’ils pourront recueillir, même à l’aide de
témoins indicateurs, quel était l’état de ces lieux avant les change
ments apportés récemment par le sieur Désaulnats pour faire
P r i v e r les eaux du grand bassin , soit à son moulin, soit partout
ailleurs; quelle était la position ou la dimension des ouvertures ou
bondes par lesquelles s’ échappaient ces eaux ;
w 8° Diront quelle e st, par suite de ces changements, la largeur
la profondeur actuelle des chenaux qui conduisent l’eau sur les
roues du moulin de Saint-Genest, et notamment quelle est celle
largeur à l'ouverture de la chute d’eau sur les roues ; quelle est, à
ce même p o in t, la hauteur de l’eau , lorsque la vanne de Marsat est
baissée, et qu’une partie des eaux de la source principale entre dans
le grand bassin ;
« Quelle est, au contraire, la hauteur de l’eau à cette ouverture
de sa chute sur les roues du moulin, lorsque la vanne de Marsat
est le v é e , et que les eaux du grand bassin servent seules au jeu
dumoulin ;
« D iront, les experts, si ces changements apportes par ld sieur
frésaulnais ont porlc atteinte au droit de prise d’ eau concède à la
Ville de R io m , et détermineront en quoi ;
*
9 ° V é r i f i e r o n t à quelle hauteur se trouve l’eau dans la chapelle,
par rapport au tuyau de plomb destiné à recevoir ce qui en revient
a la ville, soit qiumd ja vaiul0
Marsat est baissée tandis que la
nouvelle déchargé é t a bl i e par le sieur Désaulnats est ouverte, soit
quand on ouvre en même temps lu vanne de Marsat cl c e l l e de la
nouvelle décharge;
�* io ° Diront à quel usage sont destinées les eaux, soit du grand,
soit du polit bassin, et vérifieront si elles peuvent suffire à leur
destination ;
<r i i ° Donneront leur avis , d’après les titres et l’inspection des
lieux, sur le volume ou la quantité d’eau qui a été concédée à la
v ille , sur le mode de règlement, de fixation et de transmission do
cette eau, soit par les anciens, soit par les nouveaux canaux, de ma
nière que la condition du propriétaire de Saint-Genest ne soit pas
aggravée;
« E t , à ce sujet, indiqueront les précautions à prendre pour quo
la ville de Riom ne soit pas privée de la quantité d’eau qui lui a été
concédée et qui lui appartient, et q u e , d’un autre côté, cette quan
tité d’euu ne soit pas excédée au préjudice du sieur Désaulnats ; »
« Vérifieront s’il n’existe point de dégradations, soit au tuyau do
plomb qui sert à la prise d’eau, soit au revêtement en maçonnerie
qui enveloppe ce tuyau, soit aux murailles de la chapelle, qui cou
vrent la source principale ou à celles qui entourent le petit bas
sin , soit aux murailles du grand bassin ; et si des réparations sont
à y faire pour empêcher la perte de l’eau, les experts les indique
ront ;
* 12 ° Feront enfin , les experts , toutes autres vérifications
qu’ils jugeront nécessaires ou mêmes utiles pour bien remplir la
mission qui leur est confiée ;
« E t dans le cas où ils le croiraient utile pour faciliter l’inlelligcncc du rapport qu’ils dresseront de leurs opérations , ils sont au
torisés à dresser un plan général et détaillé des lieux , en surface ,
en élévation et en nivellement, indicatif de l’état des lieux, comme
aussi des changements opérés anciennement ou récemment, a v e c
une légende explicative, p o u r , le rapport des experts déposé et
produit, être par le tribunal statué ce qu’il appartiendra.
T elle est la vérification ordonnée,
On voit qu’elle est a m ple, détaillée, cl très-propre à fournir OU
tribunal tous les documents qu’ il pouvait djsirer.
�k
v
— 17 —
Celte vérification, commencée le 5 o septembre 1 8 0 9 , a
ter~
minée le G avril iS/fO.
Pendant son cours , INI. Désaulnats a publié un mémoire imprimé
qu’il ;i remis aux experts, et en tète duquel il exprime ses regrets
d^ se trouver en opposition avec les habitants de la v ille , mais en
annonçant que sa résistance lui était com m andée, non seulement
par ses intérêts personnels, mais encore par celui de scs voisins, et
en alléguant toujours que la nouvelle prétention de la ville opére
rait mie réduction importante sur le volume d’eau employée aux
lrrigations des prairies comme aux besoins de plusieurs usines.
Les regrets énoncés sont louables sans doute; et la ville en éprouve
elle-même d’avoir à soutenir une longue contestation contre l’un
de ses anciens administrateurs. Mais elle dira aussi, et avec une
conviction justifiée par les faits et par les titres , que ses intérêts
étaient trop graves et ses droits trop légitimes pour les sacrifier à
ues illusions dont M. Désaulnats lu i-m êm e eût pu reconnaître
l’erreur avec plus d’examen et de réflexion. Cette erre u r, les
autres propriétaires de prairies ou d’usines ne l’ont pas partagée.
Aussi se sont-ils refusés à intervenir dans un procès dans lequel
M. Désaulnats a vainement tenté de les faire appeler.
L ’analyse du rapport des experts suffira pour réduire à leur juste
valeur les assertions et les arguments du mémoire publié avant la
vérification,
Dans un exposé préliminaire, les experts font la description des
lieux et parlent du mouvement des eaux.
Mous avons déjà décrit les lieux et indiqué que les eaux du grand
bassin et celles du petit communiquent enlr’clles par les deux ar
ceaux m et m’ pratiqués sous le mur intermédiaire. ( V . le plan
généial ).
Nous 11 avons à ajouter que ce que les experts disent sur deux
chevets en pierre, établis dans la petite enceinte sous la voûte ou
chapelle C , et qui sont l’un à droite, l’autre à gauche de l’orifice
du tuyau de plomb placé horizontalement sous celte chapelle, re
cevant les eaux et les transmettant au regard E , à ce premier re
gard dont la ville a seule la clef,
3
�Ces chevets sont désignés sur le plan particulier (le la prise d’eau
par les lettres L et L ’ ; ils séparent le sol de la chapelle du sol des
bassins A et B B \
Ils s’élèvent sur le sol de la chapelle à une certaine hauteur , en
laissant cependant entre la sommité de chaque chevet et le plafond
Supérieur un vide pour le passage des eaux.
Ce vide , pour le chevet L , sert au passage des eaux du grand
bassin dans la chapelle ou de celles de la chapelle dans le grand
bassin, selon qu’elles s’écoulent d’un coté ou de l’autre.
L e vide , pour le chevet L ’ , est destine à laisser couler l’eau de
la chapelle au sud-est, vers la vanne de Marsat, lorsque celte vanne
est levée pour l’irrigation des prairies.
L e sommet du chevet L , placé au nord-ouest de l’orifice du
tuyau de plomb, correspond à peu près au milieu de ce tuyau.
L e chevet sud-est L ’ est plus élevé d e o “ ,o 5 (trois centimètres).
E n fin , comme le remarquent les experts, la disposition des lieux
est telle , que l’eau qui se trouve sous la voûte C peut s’écouler
par trois ouvertures :
i ° Au m ilieu, par le tuyau de plomb prenant l’eau de R iom ;
2° Au sud-est, par le vide rectangulaire au-dessus du chevet L ’ ,
qui laisse pénétrer l’eau dans la partie IV du petit bassin, d’où elle
est conduite aux prairies de M arsat, les jours d’ irrigation.
5 ° Au nord-ouest, par une autre ouverture rectangulaire, au-dessus
dif chevet L , servant à conduire l’eau d’abord en B , ensuite en A dans le
grand bassin. De là , réunies à celles du grand bassin , ces eaux , ou
s’écoulent sur les roues du moulin de M. Désaulnats par les vannes
a b , ou elles trouvent une issue par la vanne d’irrigation du pré long
de M. Désaulnats, vanne qu’ indique sur le piau la lettre grecque
/¡¡r j ou bien encore elles s cchappcnl par les vannes du fond ,
marquées par les lettres grecques ^¡x.
Ces diilérentes issues, suivant qu’elles sont ouvertes toutes ou
quelques-unes seulement, font varier le niveau de l’étang mi du
grand bassin A.
L es points de la localité ainsi fixés serviront à Tiutelligcnco dus
�“
*9
—
réponses faites par les experts aux questions que leur a proposées
le tribunal.
Mais, avant (le faire connaître ces réponses, nous devons rappellcr qu’à la page 62 de leur rapport, c’est-à-dire après leur réponse
a la deuxième question, les experts se déclarent unanimes pour
•tout ce qui précède et même pour ce qui va suivre jusqu’à la par
tie où ils donnçnt leurs opinions particulières; ce qui comprend
notamment, soit la description des lieux et les conséquences qu’ ils
en tirent, soit l’examen des questions de fait qu’ils avaient à résoudre.
( V oir jusqu’à la page 257 ).
Ils se réservent cependant le droit de modifier cette seconde par
tie dans le développement de leurs avis distincts.
Chacun d’eux présente ensuite un avis séparé. ( V o ir depuis la
page 258 ).
L e premier de ces avis roule uniquement sur une question de
droit que l’un des experLs s’est complu à traiter, mais non sans
quelque embarras.
Les deux autres a v is , quoique séparément exprim és, sont uni
formes. 11 ne sont fondés que sur les faits ; et, à la facilité de leur
dissertation, 011 reconnaît que ceux qui les ont émis ne sont pas
sortis de leur sphère.
Parcourons d’abord la partie unanime du rapport.
E n réponse à la première question du jugement, les experts,
après avoir fait la description de la chapelle et celle des chevets
dont ils indiquent la destination, déterminent les différentes hau
teurs de l’eau dans la chapelle, selon q u cl’on ouvre ou les deux vannes
du moulin, ou l’une de ces vannes seulement, soit avec la vanne de
Marsnt, soitavec celle du pré long, ou que la vanne de Marsat est
seule ouverte. Cesdivcrscshautcurssont marquées sur le plan parti
culier de la prise d’eau annexé au mémoire. C ’est le plafond supé
rieur de l’enceinte P que les experts ont pris pour repère ; en
sorte que le chiffre écrit sur le plan est d’autant plus faible qu’il y
a plus de vannes fermées, parce que l’eau s’élevant davantage
dans la chapelle, la distance entre son niveau et le plafond supé
rieur est moins grande.
�-----------
20
------------------
Les experts font remarquer que, dans tontes les circonstances ea
usage habituel, le niveau de l’eau est toujours au-dessus des che
vets.
lis déterminent ensuite, dans ces différents c a s , la hauteur de
l’eau au-dessus du fond du tuyau de plomb. Ces hauteurs, dont
ils présentent le tableau dans leur rapport, varient de om,i 8 8 qui
est la plus faible, à o “ , 278 qui est la plus forte. A celle dernière
hauteur, qui excède de om,o 5 i (ircnlc-un millimètres ) la partie su
périeure du tuyau de plomb, toute la capacité de ce tuyau est rem
plie, et l’eau qui est transmise au regard E
déborde, disent les
experts, par la porte de ce regard. Cela est peu surprenant puis
qu’il y a sur l’eau qui s'introduit dans le tuyau une pression égale
au poids des irente-un centimètres d’eau qui sont au-dessus.
L e s experts ajoutent que cet état de choses n’a jamais lieu dans
l’usage habituel.
Pour satisfaire à la seconde question du jugem ent, les exporta
décrivent le premier regard de la v ille , le regard E , et l’anciennc
conduite qui s’y rattache.
Ils disent que ce regard forme une petite chambre rectangulaire
dont le fond est à 65 centimètres au-dessous du sommet du tuyau
de plomb qui y débouche.
Ils ajoutent que le seuil de la porte de ce regard est à 25 milli
mètres au-dessous du même som m et, en sorte que le regard peut
se remplir jusqu’à ce niveau avant que l’eau trouve une issue
par la porte.
Ils parlent d’une vanne en cuivre que la ville a fait placer au
débouché du tuyau de plomb et qui permet d’en m odérer le débit.
Us mesurent ensuite , soit à ce regard , soit aux autres regards
.inférieurs de l'ancienne conduite, les différentes dimensions quelle
présente; cl ils trouvent que sa largeur moyenne est de 2 1 5 milli
mètres, et sa hauteur aussi moyenne de ifio millimètres.
Su r la troisième question, relative à l’application des titres, les
experts en critiquent les expressions et en .signalent 1’ambiguilé.
Les actes de i 6 /|5 c ld c r65 .f leur paraissent annoncer l’ignorance
absolue de toute notion d'hydraulique.
�A v i
------
21
------
ïls font remarquer aussi que l'acte de
laisse ignorer le débit
possi')!c du tuyau de plomb de neuf pouces de diamètre, faute d’in
diquer ‘a longueur , l’inclinaison cl la charge ou pression de ce
luyau de plomb.
Sur la quatrième et la cinquième questions , ils déclarent que ,
d’après l’acte de i G^d , la conduite de la ville devait, dans le prin
cipe , aboutir au point O du plan dans le grand bassin du côté de
hise, cl qu’elle fut transportée en iG 54 au point où elle se trouve
Aujourd’hui.
Quant à la muraille dont les réparations ou l’entretien sont mises
ô la charge deRiom , par l’acte de 16 4 5 , c’est, disent-ils, la chaussée
nord-est de l’étang de M. Désaulnals, lettre grecque A du plan.
L a sixième question demande aux experts si les eaux du grand
du peut bassin doivent être considérées comme une seule source
formée de plusieurs bouillons et comme devant être toutes réunies
et confondues dans leur destination ?
A cela les experts répondent affirmativement.
Ils fondent leur opinion sur le rapprochement des eaux des
diverses sources w qui sourdent, disent-ils, les unes près des
« autres et se mêlent ensemble jusqu’à un certain point, de la
« manière indiquée sur le plan, Suivant que l’ eau du grand étang
« se rend à la vanne de Marsat eu passant par-dessus les chevets
« et devant la tête du tuyau de plomb, ou suivant que les fontaines
* abondantes, situées derrière ces mêmes chevets, faute de pou« voir entrer entièrement dans le tuyau de plomb, donnent lieu à
* un léger courant dirigé du côté du grand bassin, lorsque la
* vanne ci-dessus est fermée.
Ensuite, « comme îl importe pour Riom que ces sources soient
v entièrement solidaires les unes dus autres pour alimenter la con
du ite, ils fom observer que les actes de 1 1>45 , de i 654 et 1 7 7 5 ,
»approchés des prix de vente, et surtout la déclaration faite dans
I acte de 1 G54, que la v ille de liiom mit ait sujet de dem ander la
r (‘sttttiiton des 1000 francs p a y es , si l’eau n’était /,(,s fo u rn ie à
.perp étu ité} semblent bien annoncer dans le vendeur l intention de
�- 22 '
livrer toute l’eau convenue, en remplaçant, au besoin, les sources
les unes parles autres.
Enfin ils ne pensent pas que la ville eût payé en trois fois une
somme de 1800 francs pour ce liquide , et se fût livrée à des cons
tructions de toute espèce sans être assurée d’avoir de l ’eau à
perpétuité.
Ils ajoutent, au reste , que la conduite de Riom étant disjointe
à Mozat ne transmet que dix-sept litres d’eau par seconde, et quo
cette quantité d’eau, employée comme moteur au jeu de deux moulins
successifs, ne produirait aujourd’hui même qu’un revenu annuel de
52 fr. 5o c. correspondant à un capital de G5o fr. ; revenu qui
aurait été bien moindre en 1 645 , époque où l’argent avait beaucoup
plus de valeur. ( Y . le rapport aux pages 1 1 7 et 1 1 8 ).
Cette dernière observation des experts est frappante. Elle prouve
le peu d’ intérêt qu’a le sieur Désaulnats à la contestation qu’il élève;
elle démontre combien sont exagérées ou plutôt erronnées les
craintes qu’il allègue pour la conservation de son moulin; et l’on
sera sans doute surpris de son insistauce lorsque, l’on verra dans la
suite du rapport des experts qu’il y a seulement une différence do
quelques litres par seconde entre la quantité d’eau que procurait à
la ville sa conduite disjointe à Mozat et celle que lui fournira uno
conduite non interrompue dans son cours , c’est-à-dire continue do
Saint-Gcnest à R iom , comme lésera la nouvelle.
L a 7me question était d’ une grande importance. L e tribunal
chargeait les experts de constater quel était l’état des lieux avant les
changements opérés récemment par ¡NI. Désaulnats, pour faire
dé river les eaux du grand bassin, soit à son moulin , soit partout
ailleurs, et quelles étaient la position cl les dimensions des o u
vertures ou bondes par lesquelles s’échappaient les eaux.
L a réponse à cette question a été des plus vagues. Quoique les
experts pussent, il semble, trouver de précieux documents dans
un
rapport fait le aG octobre 1806 pour l'instruction d’ un procès
élevé par le sieur Désaulnats père contre le propriétaire d’ un
moulin inférieur, il leur a paru qu’ils manquaient d’éléments
suilisants pour s’expliquer mathématiquement sur cet objet. Us 50
�¿ « 9
-2 ?» --Sont bornes à exprimer des doutes fondés sur le silence de la ville,
qui ne s’était plainte d’ aucun changement depuis 1 7 7 5 .
Ils ont cependant reconnu que , par l’établissement do deux
vannes marquées ci et b sur le plan , au lieu d’une seule qui existait
auparavant au canal qui dirige les eaux sur les roues du moulin , le
niveau de l’eau du grand bassin avait été baissé dans l’état habituel
de 26 millimètres.
M. Désaulnats a prétendu que la baisse remarquée par les experts
«tait compensée par l’élévation des seuils de-ses vannes.
Mais l’élévation n’est pas justifiée et l’abaissement du niveau de
l’eau est établi. Il y aura donc lieu de co rrig er cette entreprise.
Les experts ont aussi très-vaguement répondu à la huitième
question, qui tendait à connaître la largeur et la profondeur actuelle
des chenaux qui conduisent l’eau sur les roues du moulin, et à faire
Vérifier la hauteur de l’ eau à l’ ouverture de sa chute sur les roues ,
soitlorsquc la vannede Marsatest baissée, soit lorsqu’elle est levée.
Ils sc sont abstenus de répondre à la question sur le motif que
le rapport de 1806 , qui leur avait été présenté , ne s’expliquait pas
sur le point positif dont il voulait parler.
C ’était éluder la difficulté au lieu de la résoudre. Un tel langage
doit surprendre dans la bouche d’hommes aussi instruits.
Nous reviendrons dans la suite sur cette partie du rap p o rt, et
nous serons obligés de signaler la négligence avec laquelle les
experts se sonl occupés de la septième et de la huitième questions
qui leur étaient proposées.
Chargés par la neuvième question de vérifier à quelle hauteur
sc lrouve l’eau dans la chapelle par rapport au tuyau de plomb des
tine à recevoir l’eau de la ville, quand la nouvelle décharge établie
P<>r le sieur Désaulnats est o u verte, les experts reconnaissent que
la prise d’eau éprouve alors une grande diminution.
t
sa'1 que Rétablissement de cette nouvelle décharge est pos
térieure au commencement du procès et même au jugement du
21 " lars ' 85 y , par lequel le tribunal avait ordonne son transport
sur les lieux,
O r , par l’ouverture de cette décharge , disent les experts., le
�ev*
— 24 —
niveau de l’eau derrière les clievels de la chapelle s’abaisse do
quatorze centimètres au-dessous de son élat habituel, et la dépense
du tuyau de plomb est réduite à dix litres par seconde au lieu
de vingt-quatre.
Il importe peu , ajoutent-ils, que la vanne de Marsat soit alors
ouverte ou fermée. Car l’eau du grand bassin ne peut y arriver ,
son niveau étant plus bas que le sommet des chevets ; en sorte quo
les eaux qui naissent dans la chapelle vont en partie se réunir à
celle de ce grand bassin en passant par-dessus le chevet nord-ouest.
Devant les experts, ¡NI. Désaulnats a déclaré ne vouloir se servir
que provisoirement de celte nouvelle décharge pour la pèche , lo
nettoiement et les autres services de son étang.
L e tribunal prescrira sans doute dos mesures pour prévenir
l’abus quo l’on pourrait en faire.
L a dixième question demande à quel usage sont destinées les
eaux, et si elles peuvent suffire à leur destination.
L a réponse parle do trois destinations :
i ° Les eaux se rv e n t, par intervalle, à arroser les prairies do
Marsat et le pré Long ;
2° Elles alimentent d’une manière continue laconduite de Riorn ;
5 ° Elle mettent en jeu habituellement ou exceptionnellement un
ou deux tournants dans les moulins de M. Désaulnats.
Les experts ajoutent une observation importante r
* L e s moulins de M. Désaulnats, alors même que Riom rccc* vrait deux fois plus de liquide qu?à l’ordinaire , pourraient
* très-bien m archer, sauf à produire par heure un peu moins do
v farine qu’auparavant. »
Su r la onzième question, les experts sont appelés à examiner
i° le volume et la qu; ntité d’eau qui a été accordée à la ville, le modo
de règlement, de fixation et de transmission de cette eau, soit par
les ancienssoilparles nouveaux canaux, et les prénmtionsà prendre
pour conserver les droits de chacun; 20 les dégradations qui peu
vent exister,soit au tuyau de plomb, soit au revêtement en maçon
nerie qui le co u v re, soit aux murailles de la chapelle et à celles q"<
entourent le grand cl le petit bussin.
�—
—•
Sur la première partie de cette question , qui est le point essen
tiel du procès , disent les experts, nous ne pouvons répondre que
dans notre rapport et avis définitif.
Ils se bornent donc pour le moment à faire quelques obser
vations hypothétiques qu’il serait superflu de rappeler ici.
Ils parlent, d’ailleurs, de dégradations à r é p a r e r , notamment
au tuyau de plomb qui doit perdre son entrée un peu ovale , et
reprendre son diamètre de neuf pouces ou de o m, 2456.
Les réponses que nous venons d’analyser remplissent jusqu’à la
page 160 du rap p o rt, et n’expriment pas, comme nous venons de
le di re , l’avis définitif des experts.
Ils font ensuite jusqu’à la page 258 , et avant de donner leur avis
particulier, un rapport commun sur l’ensemble de l’affaire.
Dans cette seconde partie de leur p ro cè s-v e rb a l, les experts
examinent les deux systèmes opposés des parties : l’un , celui de la
"ville de Riom , d’avoir toute l’eau que peut fournir le tuyau de
plomb ;
L ’autre , celui de 3VI. Désaulnats , de n’accorder que la quantité
d’eau qui, sortant du premier regard de la ville, pouvait arriver à
lliom par ses anciens canaux.
Examinant d’ abord le système de M. Désaulnats , et supposant
que le tuyau de plomb, ses chevets et les autres accessoires forment
«vec le premier regard de Saint-G en est, avec tout l’aqueduc qui
vient à la suite et même avec les tuyaux ronds et fermés de Mozat,
Un tout indivisible destiné à prendre l’eau à Saint-G enest, à la
porter et à la livrer à Riom ; en supposant aussi qu’il suffit de bien
icparorla conduite de Riom jusqu’à Mozat, et en maintenant tel qu’il
est aujt>urd’liUi le niveau de l’étang de M. Désaulnats, les experts
se demandent quel volume d’eau pourrait amener à Riom l’ancienne
conduite fonctionnant en très-bon état, sans abus ou sans perte
inutile de liquide. ( Y . de la page 166 à la page 169 de leur
rapport.)
1
our repondre à cette question , ils se livrent à des calculs h y
drauliques qu ils font d’après les formules contenues dans le savant
4
�------
20
------
traité d'hydraulique publié en i 85 /| par M . d’Aubuisson-Desvoisins;
et quel est le résultat de leurs calculs ?
Us trouvent que celle ancienne conduite, ainsi mise en bon état,
et en supposant la vitesse de l’eau uniforme , aurait du conduire à
M ozat, dans le regard que la ville de Riom y a établi , a 5 litres
4 dixièmes de litre par seconde ou 1 1 0 pouces d’eau, dits de fontain ie r ( V . p. 17 4 du rapport. )
Ou , ayant égard aux coudes non arrondis des canaux , et à leurs
angles , ainsi qu’aux pentes variables, ils réduisent cette quantité à
24 litres 57 cen ilitres par seconde ou 107 pouces. ( V . p. 176 . )
Us remarquent ensuite que le tuyau de plomb fournit de son coté
environ 24 litres d’eau par seconde ou un volume à peu près égal
aux J07 pouces d’e a u , et s’étonnent que l’ancienne conduite ne put
pas absorber toute l’eau aillucnle dans le regard de Saint-Genest.
Mais en réfléchissant à ce fait, ils ajoutent que la cause pouvait
en élre due aux racines introduites dans la conduite , aux obstruc
tions passagères , aux défauts de construction ou étranglements
dont ils n’auraient pas assez tenu compte dans leurs calculs.
Ils l’attribuent aussi à une coiffe ou à un crible cylindrique en
plomb qui recouvre l’issue (lu regard ou l’orifice de sortie de l’eau,
et qui, sous la petite charge de 20 ou 5 o centimètres seulement de
hauteur de colonne liquide, pouvait bien empêcher par la petitesse
de scs trous que la conduite ne reçût tout ce qu’elle pourrait absor
ber (V . pages 1 7 9 - 1 8 1 . )
L es experts croient ensuite devoir examiner, sans y être invités,
disent-ils, la quantité d’eau qne peuvent conduire à la ville de Riom
les tuyaux qui partent de Mozat , qui là sont disjoints de la con
duite antérieure et qui y prennent l’eau dans le regard que l’on y
remarque.
Ils
ces
fixent à
1624
dixmillimèlres le diamètre intérieur de
tuyaux ; et ils calculent (pie le volume d’eau qu’ ils dépensent
n’ost que de i 5 litres 94 centilitres par seconde , y comprises les
prises d ’eau qui existent entre Mozat et Riom.
Ils y ajoutent 1® G4 centilitres pour la prise
d’eau du sieur
D c v a u x , prise d’eau qui précède le regard de Mozat ; 2° 2 litres
�—
*7 —
4 décilitres pour le trop plein de Mozat; et ils concluent de tout
cela que le total de la prise d'eau se réduit à 16 litres 98 centilitres,
ou environ i 7 litres par seconde, valant à peu près 74 pouces d’eau
au Heu de 107 qu’on pourrait recevoir à Mozat, si la conduite était
en bon état. ( V oir de la page 1 85 à la page 196. )
Sans examiner la justesse des calculs des experts, nous ferons
observer q u e, quoique le diamètre des tuyaux depuis Mozat ne
soit que de
16 2 4 dixmillimètres , s i , au regard où leur série
commence, la colonne d’eau était plus élevée, la charge augmen
tant le débit ou la quantité de litres d’eau augmenterait proportion
nellement. O r , il arriverait plus d’eau dans ce r e g a r d , et par
conséquent la colonne d'eau ou la charge s’y élèverait davantage,
si l’ancienne conduite établie en amont de Mozat était en bon état,
puisqu’elle pourrait y conduire a 5 litres 4 centilitres, ou 107 pouces
d’eau par seconde.
A in si, ce n’est pas le diamètre dés tuyaux établis depuis Mozat,
qu’il faut considéi’er pour apprécier le droit de la v i l l e , comme
nous verrons plus tard que l’a fait un seul des trois experts..
Aussi les experts, qui raisonnent d’abord dans la supposition que
la conduite de Saint-Genest à Riom resterait disjointe à M ozat,
reconnaissent-ils, aux pages suivantes, que la ville de Riom a le
droit de joindre bout à bout , dans le regard de Mozat, les tuyaux
qui y sont séparés actuellement, et qu'en liant ces tuyaux , et en ne
formant ainsi qu’un seul aqueduc continu, le volume d’eau, qui
serait amené de Saint-G enest, serait de 2 2 litres 5 décilitres par
seconde, au lieu de 17 litres; en sorte qu’ en retranchant 5 litres
4 centilitres , pour M. Devaux et pour Mozat , Riom recevrait
par seconde 19 litres 5 décilitres, à peu de chose près, au lieu do
*5 litres 94 centilitres; et cela sans changer l’ancienne conduite, en
se bornant à la réparer, et à lier dans le regard de Mozat les tuyaux
supérieurs et inférieurs q u i, à ce point, sont disjoints ou séparés.
( V. le rapport depuis la page 196 jusqu’à la page 2o5 ).
A la suite de ces calculs , les experts se livrent à diverses consi
dérations sur rabaissement ou l’élévation du niveau île l’eau des
souices de Saint-Genest; et après avoir énonce qu en rcmplissunt
�— 28 —
certaines conditions qui, selon eux-m êm es, ne peuvent exister, la
nouvelle conduite pourrait fournir 40 liires d’eau par seconde , ils
terminent leurs observations par cette phrase remarquable : ( V .
page 2 2 1 ).
« Pour éviter toute fausse interprétation , nous déclarons que la
« nouvelle conduite n'aura pas pour résultat d’enlever aux sources
« de Saint-Genest quarante litres d’eau par seconde, mais qu’elle
« recevra au plus le maximum du débit possible du tuyau de
« p lo m b , c’est-à-dire, 24 litres par seconde, si ces derniers sont
«• accordés à Rioin ( V . le rapport, p. 2 2 1 . ) »
E n résultat, cette partie du procès-verbal des experts , qu’ils
désignent par ces mots : R apport su r l ’ensem ble de l ’a ffa ire ,
nous fait voir :
i° Que l’ancienne conduite, étant conservée dans sa forme et
dans ses dimensions actuelles, mais étant soigneusement rép arée,
transmettrait au regard de Mozat 24 litres 57 centilitres d’eau par
seconde, ou 107 pouces de fonlainier;
2 0 Que dans l’état d’imperfection et de dégradation où elle sc
trouve aujourd’h u i, elle ne fournit à ce regard que 1 7 litres d’eau
environ par seconde, en y comprenant même les 64 centilitres de
la prise d’eau de M. D e v a u x , et les 2 litres 4 décilitres de trop plein
qui s’échappent à Mozat;
5 ° Q u e , soit à cause de la disjonction de la conduite au regard
de Mozat, soit par l’efiet de la dégradation des canaux antérieurs, la
ville de Riom ne profite que d’environ 14 litres d’eau par seconde,
y comprises les prises d’eau qui ont lieu depuis Mozat;
4 ° Que s i, dans le regard de Mozat, les tuyaux inférieurs étaient
liés aux tuyaux supérieurs de manière à en former une conduite
continue, et si cette conduite était bien rép arée, deux choses que
la ville aurait incontestablement le droit de faire, alors, mal »ré le
peu de capacité des tuyaux qui existent de .Mozat à lliom , la ville
recevrait 22 litres 5 décilitres par seconde, en y comprenant la
prise d’eau concédec à M. 1Je vaux, et celle qu’elle pourrait accor
der à Mozat;
5 “ Qrte, quelle que soilla capacité de la nouvelle conduite qu’elle
�.A 'i ')
— 29 —
fait établir, la ville de Riom ne prendra aux sources de Sainl-Genest
que 24 litres d’eau par seconde, puisque celle quantité est le
m axim um du débit possible du tuyau de plomb placé sous la
chapelle.
Ainsi , c’est un litre et demi d’eau par seconde que le sieur
Désaulnais conteste à la ville ; contestation dont le faible intérêt est
signalé par le peu de valeur pour lui des 17 litres auxquels il veut
la réduire, puisque, comme le déclarent les experts, ces 17 litres ,
même en totalité , ne vaudraient, pour les moulins du sieur Désaulnats, que 52 fr. 5o cent, par an, ce qui ne porterait pas le prix du
litre et demi à 5 fr. annuellement.
A la suite de la page 2 2 1 de leur rapport, et jusqu’à la page 2 5 8 ,
les experts énoncent, dans ce qu’ils appellent un résum é, les deux
systèmes qu’ils ont précédemment développés. Ils examinent aussi
ce qui aurait lieu dans diverses hypothèses qu’ ils posent, c’est-àdire selon l'interprétation que le tribunal donnerait aux titres , ou
les droits qu’il attribuerait à l’ une ou à l’autre des parties d’après
l’étal des lieux.
Leurs réflexions les conduisent à émettre des avis sépares sur le
fond du procès.
A V IS DU P R E M I E R E X P E R T .
Cet avis roule principalement sur un urguuicnt lire de la pres
cription.
« La prescription, dit-il, lelle que l’e x ig e , telle que l’entend
* l’article G ¡2 du Code c iv il, attribue à Riom ( défalcation faite de
* la fontaine dite du Plom b, ) la contenance plus ou moins calcu* lablc de son ancienne conduite ; laquelle forme, à ne pas en douter,
tr 1111 ouvrage terminé cl apparent destiné à faciliter la chute el le
« cours de l’eau du fonds supérieur dans le fonds inférieur, c’csl-à* dire, d e S t Gcuesi ù Mozal cl à Riom (1)# (V . rapport, p. 258 ).
(I) La fontaine du l'ionil) dont parle ici l'expert ¿tait une source qui a depuis
long-temps disparu, qui existait autrefois entre S a i n l - i î e n e s t et Mozal, à une
assez grande distance du premier de tes >¡liages, et dont les eaux pourraient
�L ’expert, en parlant du tuyau de plomb placé à la source de SaintGenest , admet bien la maxime vestigia rctinent possessionem .
Mais il l’applique, non à co tu y au , mais à tout l’aqueduc de SaintGenest à Riom ; et il dit q u e , si le volume d’eau cédé à celte ville
ne peut pas être inférieur à la contenance possible de la conduite ,
il ne peut pas lui cire supérieur, « et q u e , notamment, on ne peut
v pas le prendre égal au débit <lu tuyau do plomb sous le niveau
a actuel de l’étang de M. Désaulnats. »
Il est, par suite, d’avis que si les actes de 1 6 4 0 , de i 654 et de
1 7 7 5 , donnaient à Rioin un volume d’eau excédant la contenance
de sa conduite, ces écrits n’en seraient pas moins aujourd’hui comme
non avenus, à cause de la prescription.
E t pour expliquer son idée , il considère toute la longueur de
l ’ancienne conduite de Saint-Genest à R io m , comme formant uno
seule machine, iin seul instrument destiné à faciliter la chute ou le
cours de l’eau du fonds supérieur, qui est Saint-Genest, dans le
fond inférieur, qui est R iom ; eu sorte q u e , selon lui, l’aqueduc
entier constitue l’ouvrage apparent qu’exige l’article 6/^2 , pour
servir de base à la prescription ; et que la prise d’eau de la ville serait
seulement à l’extrémité inférieure de cet o u v rag e , c’est-à-dire,
dans la ville de Riom même au lieu d’élre à Saint-Genest.
Nous ne suivrons pas cet expert dans la dissertation et dans tous
les raisonnements en droit auxquels il s’est livré pour justifier son
système. L e u r obscurité décèle son embarras; elle nous rappelle ce
prudent conseil du fabulisto latin, suivant lequel chacun doit so
renfermer dans sa spécialité, et 11c pas traiter des matières qu’ il
connaît mal : cuiqttc suit/n.
Cependant, à la fin de son a v is , par un prudent retour à la science
qui lui est familière, le premier expert déclare de nouveau <- quo
« l’anciomio conduite de Riom pourrait, eu s’y prenant aussi bien
e que possible, amener jusqu’à 22 litres 5 décilitres pnrsccondt* (lo
g tuyau de plomb donnant 24 litres), lorsque toutefois on exigera,
itro ajoutées à colles pris»'» à Saint-Genest, *ans entrer en lifç»»' de compte. Car
la partie do l anrionni' conduite établie après cette fontaine a uue plus ¡$r*,utl°
dimension que, celle <jui tst avant (V, le rapport, p. 173),
�— 31 —
* plus ou moins arbitrairement, le maintien de la hauteur actuelle
* de l’étang de M. Désaulnats. » ( V . le rapport , page 289. )
Ainsi, mcnie dans son erreur en droit, ce premier expert ne
réduit en (ait que d’un litre et demi par seconde la prise d’eau de
1° ville de Riom.
A V IS D U S E C O N D E X P E R T .
Le second expert, se renfermant dans le cercle que lui a trace le
tribunal, est plus clair dans le développement de son opinion ( V oir
depuis la page 290 jusqu’à la page 5 o 8 du rapport).
Cet expert examine aussi les deux systèmes présentés par son
Collègue:
L ’un « d’accorder à Riom la dépense possible du tuyau de
* plomb avec le niveau an cie n , en décidant que le règlem ent
* d’eau e sta la source. »
L ’autre « de n’accorder à Riom que
* conduite ancienne , en décidant que sa
» Saint-G en est, mais seulement au point
«r en jouir. »
E l il adopte le premier système , en se
le débit possible de la
prise d’eau n’est pas à
où la ville commence à
fondant sur les actes et
sur l’état des lieux.
11 remarque avec justesse q u e, dans l’acte de 1 6 4 5 , il*est dit
que * les consuls de R iom pourront prendre, à p e rp é tu ité , la
* quantité d’eau nécessaire pour en avoir n e u f pouces en circon * Jèrcncc ou rondeur , à la sortie du bassin ou réservoir. »
E t il en conclut que cette quantité d’eau devait être mesurée aJ
sortie de ce bassin, et qu’ une fois que le sieur de Lugheat , '
concédant, avait/vérifié la manière dont l’eau était prise , la ville
pouvait faire de cette eau l’ usage qui lui convenait.
Il ajoute que l’acte de 1 654 nc & ' 1 (Iue changer le point de la
prise d eau dans le bassin même.
Riais 1acte de 1 7 7 5 lui paraît plus concluant encore. L ’expert
se fixe sur les termes de celte transaction, où les deux parties
reconnaissent la nécessité de réparer les constructiont ancienne-
nientfa ites pour lu prise d'eau desjonluines de la ville de lliotn.
�- 32 Il examine principalement les stipulations de l’arlicle 5 et de
l’article 5 ;
l)e l’article 3 , par l e q u e l, pour conserver au corps de 'ville le
'volume d ’eau q u il a toujours pris et qui lui appartient, et pour
en éviter la déperdition , il est convenu quV/« lieu du canal en
pierre existant actuellement pour transmettre les ea u x de la
voûte ou chapelle au regard de la ville , il sera placé un tuyau
en plomb , de n eu f pouces de diam ètre intérieur ;
De l’article 5 où on lit que « le regard construit dans l'enceinte
v principale pour recevoir la portion des ea u x de ladite source
« appartenant à la v ille , subsistera dans l’état où il est actuelle« ment, et la ville continuera d ’en avoir seule la clef. »
D ’après le traité de 1 7 7 5 , qui a été fait, pour régler définitive
ment la quantité d’eau que devait prendre lîio m , et surtout
la manière de la prendre , l’cxport pense que lo tuyau de plomb
était l’ instrument régulateur dont on avait l’intention de se servir
p a r la suite sans aucune contestation , et que cet instrument régu
lateur ne pouvait être la conduite dont il 11’est pas même dit un seul
mot dans le traite.
Il repousse ensuite l’objection tirée de l’imperfection de la con
duite qui ne transmet pas à Riom toute l’eau que reçoit le tuyau do
plom b, en faisant remarquer que le traité de 1 7 7 5 ne s’occupe
pas de l’eau dont la ville a toujours jo u i , mais du volume d’eau
concile a toujours pris ; expressions qui ne peuvent s’entendre que
du volume d eau , pris a la source , non de c«:Jui pris au chuteau
d eau de IUom ; expressions qui indiquent que toute l’eau, qui
pouvait arriver au premier r e g a r d , dont la ville a toujours eu sculo
la clef, était la propriété du corps commun,
L ’expert ajoute que le défaut de règlement du niveau de l’étang
a c t e , en 1 7 7 5 , une omission qui doit être réparée, mais qui 110
détruit pas les droits de la ville.
Il pense que, pour fixer ce niveau, il faut adopter la hauteur
actuelle de l’etang, en rappelant que celle hauteur esi de 208 millijnèlrcs au-dessus du fonds du tuyau de plomb de la chapelle, lorsque les
�— 33 —
deux moulins de M. Désaulnats sont en jeu , la vanne de Marsat et
celle du pré long étant fermées, et qu’elle est de 188 millimètres
seulement lorsque la vanne de Marsat ou celle du pré long est ou
verte, avec l’ une des deux vannes du moulin.
A V IS DU T R O IS IÈ M E E X P E R T .
L e troisième expert déclare adopter entièrement l’avis du second ;
mais il donne à son opinion plus de développement.
Il applique d’abord les titres de iG/j 5 , de iG 54 et de 1 7 7 5 ; et
l’examen sérieux de leurs termes et des conventions qu’ils renfer
ment, le changement, en 1 654 » du point primitif de la prise d’eau,
changementmotivé su rl’insuflisance des sources à ce prem ier point,
la substitution, en 1 7 7 5 , d’un tuyau de plomb de neuf pouces de
diamètre au canal en pierre qui existait auparavant, l’exposé de
la délibération du conseil municipal qui a précédé le traité de l'J'jS
et les diverses clauses même de ce traité , tout lui fait regarder
comme évident « qu’en 17 7 5 on n’a p as innové quai\t à la
* quantité ou volum e d 'ea u q u i était la propriété de lïio m ;
« qu’on a seulement pris certaines précautions pour conserver
« cette eau. » .
Il considère cet acte de 1 7 7 5 comme n’étant que l’explication des
actes précédents ; et il lu i sem ble qu’en disant n e u f pouces d ’eau
dans les anciens actes , on a entendu p a rle r de la quantité d'eau
que pont débiter un tuyau de n e u f pouces de diam ètre intérieur ,
placé d ’une certaine manière.
Passant ensuite à la solution particulière des troisième et onzième
questions proposées par le tribunal, il lui paraît, sur la troisième
question, (pic le droit d’entretenir la muraille du grand bassin est
attribué a la ville de Riom par l’acte de 1 645 ;
Que ce droit entraîne nécessairement celui de surveiller l’état de
celle muraille, et, par suite, d'entrer librement dans la propriété de
Saint-Genest ;
Que les eaux des diffère tu es sources étant solidaires, l’intérêt de
la ville de Rioin à milinicmr la muraille en bon état subsiste encore;
Que la sulidariié des euux autorise la ville à s’opposer à l’abaissc-
5
�CfÀ
'
-
34 -
ment du seuil des vannes de M. Désaulnats, puisque, par cet abaisse
ment, l’eau du grand bassin ne pourrait plusse rendre dans le tuyau
de plomb en passant par dessus le chevet L , et appellerait au contraire
les eaux de la source de la chapelle dans ce grand bassin , ce qui
nuirait et à la ville de Riorn et à \Iarsat.
L ’expert prouve , d’ailleurs, que la solidarité des eaux est établie
par les trois actes de iG 4 5 , de 1 654 » de 17 7 ^ , et par rétablisse
ment des ouvrages qui font que toutes les sources se mêlent, se
confondent et forment un tout qui se divise entre les moulins, les
prairies et la ville de Riom.
E n réponse à la onzième question, l’expert considère l’ensemble
des ouvrages qui constituent les prises d’eau de M arsat, de Riorn et
du moulin, comme formant un tout dont les parties ne peuvent être
modifiées sans amener au régime des eaux des changements qui
pourraient nuire aux ayant droit aux dites eaux.
Il explique que, p a r l’ensemble des ouvragest il entend seule
ment ceux qui se trouvent placés dans l’enceinte réservée et le
grand bassin , ci F exclusion de la conduite ( V . le rapport,p. 324)»
* On peut considérer, ajoute-t-il, l’ensemble de ces ouvrages
* comme la véritable interprétation donnée aux actes par les
* parties elles-mêmes, et chacun de ces ouvrages comme un article
a de contrat, qui lie les parties et qui ne peut être modifié sans le
« consentement de tous ceux qui ont des droits sur les eaux de
« Saint-Gcnest.
Il ajoute « que ces actes, pour fixer les droits de R io m , ne s’occu« pant que des dispositions à prendre aux sources et aux bassins qui
* les contiennent, pour l'établissement de la prise d’eau , on doit en
« conclure que c’est là seulement qu’il faut rechercher les éléments
« qui doivent servir de base à la détermination des droits des parties,
ir et non dans la disposition des conduites servant à amener les
« eaux à la ville de Riom, et dans la distribution de ces eaux» (V . le
rapport,
55 o ).
Il fait observer , avec raison, que « les actes et la disposition des
« ouvrages excoriés postérieurement aux différents contrats interr venus entre les parties , 11c peuvent justifier celle opinion que le
�K volume d’eau concédé à la ville de Riom doit être réglé par le
v débit de la conduite » ( V . page 334 )•
Par suite de son avis sur l’état des lie u x, considéré comme le
véritable contrat qui régit les droits des parties , l’expert détermine
ainsi les précautions à prendre :
« L e tuyau de plomb resterait placé comme il est actuellement,
« saufles réparations jugées nécessaires, ainsi que les chevets ;
« Les vannes de M arsat, du pré long et des moulins seraient
* maintenues dans leur position actuelle, soit pour le niveau , soit
“ pour leurs dimensions ;
« L a jouissance des eaux , tant pour les moulins que pour les
* irrigations , serait maintenue, selon l’usage consacré, par ce qui
« est pratiqué depuis long-temps ;
« Riom recevrait toute l’eau que verserait librement et en plein
K air le tuyau de plomb dans le bassin, sans pouvoir augmenter le
« débit par aucun changement à son extrémité d’aval ;
*
Riom aurait le droit de disposer ses conduits à partir du pre« mier bassin dans lequel les eaux sont versées par le tuyau de
«t plom b, sans aucune restriction , et conserverait la libre dispo« sition et l’usage de ces eaux ;
« Au-delà du tuyau de plomb et du premier bassin, cesseraient
* pour M. Désaulnats tous droits d’examen de la destination
« donnée aux eaux.
( Voir le rapport, pages 358 , 33 g , 540. )
A la page suivante, l’expert s’exprime ainsi :
« O11 doit ajouter, comme complément nécessaire des disposi* tions qu’on vient d’indiquer, les réparations des différents ou* vrages qui servent à maintenir et à distribuer les sources, et de
« plus (les repères auxquels seraient attachés les niveaux de ces
* ouvrages. »
L expert ajoute cette observation importante :
» En maintenant l’état actuel des lieux et en faisant les répara« lions qui seront indiquées dans la suite de notre rapport, et
maigre le surcroît de dépense d’e au , opéré par les nouvelles
* conduites de la ville de R iom , qui recevraient les 24 litres par
« seconde que peut fournir le tuyau de p lo m b , les moulins do
�«■ M. Désaulnats et les prairies recevront une quantité d’eau supe* rieurc à celle qu’ ils reçoivent maintenant. Ainsi la position de
<r tous les ayant droits se trouverait améliorée. »
L ’expert constate ensuite, sur les réquisitions des parties, divers
faits, notamment q u e , d’après la déclaration de M. Désaulnats,
rétablissement de ses foulons sur la rive gauclie du bief de son
moulin remonte à moins de trente ans. Les foulons ne fonctionnent
plus aujourd’hui ( V. le rapport, page 5 4 1 )•
A la fin de son rapport l’expert indique les réparations à faire :
i° Aux chevets de la chapelle et autour de l’orifice du tuyau
de plomb , en cimentant le tout soigneusement;
2° A la maçonnerie qui supporte ce tuyau et qui laisse échapper
dans toute sa longueur le liquide du grand bassin , de manière qu’il
peut arriver à la vnnnc de Marsat sans passer par les chevets et
devant l’ouverture du tuyau de plomb, ce qui diminue le volume
d’eau que reçoivent les moulins et la ville de Riom;
5° A la chapelle qui recouvre le gros bouillon, pour en rendre
l’accès plus facile ;
4 ° Aux murs de clôture du petit bassin, murs qui devront être
crépis et dont une partie qui s’est écroulée doit être reconstruite j
5° aux muis du grand bassin où l’on devrait remplir les vides qui
s’ y sont formés et refaire les joints entre les pierres.
L ’expert signale aussi plusieurs sources qui s’échappent du petit
bassin à iraveis le mur de clôture, et qui coulent dans le chemin.
Ces sources, dit-il, pourraient être recueillies.
Il
termine par répéter que , par les réparations indiquées, on
¿(’¿ferai' une perte d'eauconsidérable; vtchmptc partie recevrait
probablement un volume d'eau supérieur à celui dont elle
jouit maintenant ( V. a la page 55q. )
Tel est le rapport des trois experts; rapport qui est d’une grande
étendue sans doute, mais qui fournit des documents précieux pour
l'instruction de la cause, et dont l'ensemble démontre combien
]\1. Désaulnats s’élait iaii illusion sur ses droits et sur h* p r é j u d i c e
que (levâ t lui causer l'entreprise immortalité à laquelle la ville a
déjà consacré tant de soins et tant de sacrifices.
�37 Il
sera facile aujourd’hui de prouver la légitimité de cette entre
prise et de réfuter les prétentions de M. Désaulnats.
Celle discussion doit nécessairement rouler sur l’examen,
Des droits du sieur Désaulnats aux sources de Saint-Genest;
Des droits de la ville de Riom aux mêmes sources ;
Des effets ou des conséquences de ces droits respectifs.
1" PR O P O SIT IO N .
Des droits du sieur Désaulnats a u x sources de Saint-Genest.
Les sources de Saint-Genest appartenaient autrefois au seigneur
.de Marsat.
L e sieur Désaulnats s’en prétend aujourd’hui propriétaire.
H ne présente , d’ailleurs, aucun titre qui lui en attribue la p ro
p riété.
Il ne produit même pas les titres de sa propriété de Sainl-Gcncst.
Riais ces titres furent produits en 18 0 G , lors d’un procès qu’avait
le sieur Désaulnats père avec le meunier d’un moulin inférieur.
Ces titres prouvent que le sieur Désaulnats n’a droit aux diffé
rentes sources que pour le jeu de son moulin , ici qu’il lui avait clé
vendu, tel qu’il était alors.
C'est une vérilé qui sera clairement démontrée, soit par les opi
nions des experts qui apprécièrent les titres à celle époque, soil par
les aveux même du sieur Désaulnats père.
Au reste, l’état des lieux suffirait, pour la constater.
L e procès de 180G avait pour objet les mêmes eaux q u i, après
»voir fait jouer le moulin de M. Désaulnats, suivaient un ancien
cours et arrivaient à un moulin inférieur appelé moulin du Iîreuil.
Désaulnats père a_yant changé ce cou rs, le propriétaire du
moulin inférieur s’en plaignit. Delà une contestation judiciaire qui
fit ordonner l’application des titres.
que disent sur ces titres les deux experts auxquels en fut
conliiH>. la vérification? et remarquons que, conformément a l'or
donnance de 1GG7, loi de procédure en vigueur en 18 0 6 , 1un des
experts, hj sieur Cailhe, avait été choisi p a r M . Désaulnats; l’autre,
lfc sieur L c g a y , par son adversaire.
�— 38 —
Ces deux expcrls furent cependant unanimes sur l’application des
titres.
E t quels titres ?
Non seulement des contrats ordinaires, mais encore une saisie
réelle, un décret judiciaire, c’est-à-dire des actes où les détails des
objets saisis et vendus, où tous les confins étaient décrits avec le soin
le plus scrupuleux.
Que rcsulte-t-il de ces titres, suivant les experts ?
Que le sieur Désaulnats ou ses auteurs u’ont acheté que par
fragments ce qui compose aujourd’hui son enclos;
Que plusieurs des objets pnrtìellement vendus sont confinés par
le grand bassin A, appelé par les experts de 1806/« G ran de fo n ta in e ,
et désigné sur leur plan par la lettre C ;
Mais qu’aucun des contrats ne comprend la vente de ce grand
bassin, ni celle du petit bassin oùsont les autres sources,nilesdroits
de justice sur ces objets;
Que le seigneur de Marsat à qui appartenaient ces sources, en
sa double qualité et de seigneur et de propriétaire du terrain ou
elles naissent , ne les avait pas comprises dans les ventes par
tielles des héritages qui lesîconfinaient, parce que déjà il en avait
disposé en faveur des prairies de Marsat, des habitants de Riom et
du moulin de Saint-Gcnest ;
Qu’aussi, même après toutes ces ventes partielles, il avait con
servé scs ormes sur la voûte de la chapelle du petit bassin comme
signe de son droit de propriété et de justice;
Qu enfin la petite enceinte triangulaire, qui renferme le petit
bassin, était entourée de murs avant que l’ enclos de INI. Désaulnats
fût formé, et q u e , pour sa formation , on lia le mur de co
nouvel enclos, d’un côté ¿1 celui qu i existait dèjt) le long du
chemin a l angle qu d form e de midi ¿1 nuit, et d'un autre culo
a l endroit où est la pot te de cette petite enceinte triangulaire.
Ces dernières expressions sont celles du rapport num e au rôlo
7 , recto de l’expédition.
IMus bas, et aux rôles 1 5 et 1 4 , on fait observer que si l’on no
peut pas dire avec l’adversaire du sieur Désaulnats ( le nominò
�Â
_ 39 D ebns) que « la grande source dite de Saint-Genest naisse tome
* entière dans une enceinte particulière et indépendante de l’en« clos, c’est-à-dire dans le petit bassin où sont les deux regards ,
* quoiqu'il soit bien certainem ent hors des limites qu’on a voulu
« donner au sieu r Dèsaulnats, on ne p eu t pas dire non p lu s . .. que
* cette grande source, comme le p réten d J\I. Dèsaulnats , naisse
* dans son enclos, puisque même, hors de son enclos et sur une
* propriété étrangère à lui, sans qu’il y ail de son fait, de même qu’ il
* ne peut l’em pêcher, on peut, au moyen d’une vanne, saufles régie*
* menis établis à cet égard, ôter ou donner à son moulin un volume
* d’eau qui p orte, de sepl pouces à un pied de hauteur sur deux
* pieds de largeur, celle qu’ il recevrait seulement du gran d bassin ,
* s i l'on interceptait la communication du p etit bassin au
* grand. »
A in si, dans ce rapport de 18 0 6 , on considère la petite enceinte
comme une propriété étrangère à l’enclos du sieur Dèsaulnats.
L ’ expert L e g a y fuit ensuite l ’examen , soit de l’état des lieux et
des droits qu’ont aux sources les prairies de M arsat, les habitants
de R iom , et le moulin de Saint-Gcnest, soit des titres de propriété
du sieur Dèsaulnats ; et après avoir énoncé que les deux seigneu
ries de Marsat et de Tournoel étaient conliguës, après avoir appli
qué divers actes par lesquels les auteurs du sieur Dèsaulnats avaient
acquis des deux seigneurs les terrains qui joignent le grand et le
petit bassin, après avoir déterminé les confins, qui sont détaillés no
tamment dans un acte d’échange, du 26 avril 16 4 8 , et dans un acie de
Vcnic, du 26 août 1674 , confins qui n’embrassent ni le grand ni le
petit bassin; après sV'tre fixé surtout sur un procès-verbal de prise de
posspsMon dressé le 29 avril 170 9 à la requête de M . D em allet,
que représente aujonrd’h ui M. Dèsaulnats , de cet ancien propriélairo M11* nvait réuni dans sa m ain, par diverses acquisitions , tous
les terrains adjaçcnts au grand et au petit bassin; après avoir dé
clare , au rôle 7 j que ce p ro c è s-v e rb a l lu i paraît e x c lu s if de
propriété des sources , l'expert se résume ainsi au rôle i5 a :
* On peut donc conclure encore une fois que, quoique le bassin
�f'C'-:
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*
*
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—
lettre C ( i ) , ait été comme renferme p a r l a réunion flans 1»
même main des propriétés qui l’environnaient, et par l’adjonction des murs de l’enelos à ceux du petit bassin triangulaire,
l’eau et les points où elle sort de terre ne fo n t />oint partie
intégrante de cet enclos, parce que des seigneurs haut justiciers,
en avaient disposé plus de trois cents ans avant la formation de cet
enclos et que M. Désaulnais ne p eu t se prétendre propriétaire)
soit dit grand , soit du petit bassin , qu’autant qu’il établira
qu’il est aux droits ou du seigneur de T ou rn o i:!, ou de celui do
Marsat. Car on se rappelle que le sieur de Lugheat ( le seigneur
de .Marsat), en vendant sa justice sur l’église de Saint-G enest,
* et toute cette justice dans laquelle était compris le moulin , la
* confine p a r la grande fontaine , la même chose que ce qui est
« ici rappelé sous cette double expression , Fontaine du lieu de
« Sairit-Q enest et sources d ’icclles. »
L ’expert L e g a y n’est pas le seul qui exprime une telle opinion.
L ’expert Cailhe , choisi cependant par M. Désaulnats, l’adopto
complètement.
D ’abord il déclare, au rôle i /«5 , qu’il a été parfaitem ent
tTaccord avec le sieu r L e g a j sur le plan et su r F application de
tous les litr e s , et qu’ils n’ont été divisés que sur l’induction qu’on
devait tirer de certains actes.
Ensuite , au rôle 1^7» d s’exprime comme il suit sur la p ro p rié té
des eaux :
« IS’ ous n’avons trouvé aucun acte qui transfère la justice de cette
<r fontaine au seigneur de Sainl-Gcnest. Au contraire , tous la
k rappellent pour e o n iin sons la d é n o m in a tio n de ('¡rotule /ottfaitiO
k du seign eur de M a rs a t; et il est clair (pie ce s e i g n e u r s’en
* regardait toujours propriétaire, comme seigneur haut justicier
« do Saint-Genest. Il y a toujours conservé son regard et son écusson»
«■ quoi qu il ail dispose de portion de l'eau en faveur du m e u n ie r
k qui etuil son tributaire, de portion en faveur de la ville do Ilioi>1
« qui 1 avait payée , et de portion pour l’arrosemeiil de ses près et
« de ceux des habitants de Marsat. »
(1) C’est-à-diro le bassin lettre A dans le plan des derniers ci^eits.
�L ’expert Caillic dit cependant » qu’ il pense que cette plus forte
u
«
*
«
«
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*
0
source, qui fournit de l’eau à R io m , à Marsat et au meunier,
naît dans l’enclos, et que le petit étang et le moulin sont intégra •
lement contenus dans ledit enclos, q u ia été f a i t de p ièces et d e
m orceau x, et qui aujourd’hui, dans son ensemble, est circonscrit
de chemins. »
« Nous ajouterons , continue l’e x p e rt , que les murailles qui
servent de clôture à cette sou rce, eu form e p resq u e triangulaire ,
faisant crochet dans l’enclos, n’ont été pratiquées que p o u r mettre
à l’a b ri les deux regards du seigneur de Marsat et de la ville de
Riom , ainsi que ses conduits, et pour éviter l’abus qu’auraient pu
faire les habitants de Marsat, qui y ont droit certains jours de la
* semaine. »
Les déclarations de cet expert sont formelles : le seigneur de
Marsat n’avait pas entendu v e n d re , n’avait pas vendu aux auteurs
de M. Désaulnats les eaux des sources ; il s’en regardait toujours
Comme propriétaire. Il y avait aussi conservé un regard ou une
chapelle revêtue de scs armes. C ’était pour la conservation de cette
chapelle et du regard de lliorn , que des murs de clôture y avaient
été établis ; d’où l’on doit conclure que c’était la ville de Riom qui
les avait construits, comme c’est elle q u i, en 1 7 7 5 , les a réparés
et exhaussés.
Qu’importe, d’après cela , que l’expert, par un laisser-aller de
consolation, ait dit que la [source principale naissait dans l’enclos
du sieur Désaulnats? Qu’importerait même que dans cet e nclos,
fait de pièces et de m o rc e a u x , 011 ait enclavé les sources en tout
0,1 eu partie? Cette entreprise ne changerait rien, d’ailleurs, à la
piopnété des eaux , à une propriété cédée antérieurement et depuis
plusieurs siècles à la ville de R iom , au moulin de Saint-Gcncsi et
aux l)ra|ries de Marsat, à une propriété qui a toujours été conservée
parles trois ayant droit; car ceux-ci en ont toujours joui à l’aide
des ouvrages permanents qui y avaient été établis et qui y ont tou
jours été maintenus.
Cette co-propriélé, reconnue en 1806 par deux experts instruits et
fi0li,neux t iç (m aussj £
époque par le sieur Désaulnats pere ,
G •
�4-2 —
dans un mémoire imprimé, publié par lui devant le tribunal de
première instance.
E n effet, à la suite d’une phrase où il est dit que le seigneur de
Marsat avait fait construire le moulin de Saint-Genest, et qu’il le
concéda en emphitéose , mais en en conservant toujours la justice,
voici ce qu’on lit, page 2 du mémoire :
« E n 1 6 4 5 , il traite avec les consuls de la ville de R iom ; il lui
« c c d e , en qualité de seigneur haut-justicier, et prétendant, en
« cette qualité, avoir droit de disposer des eaux , neuf pouces
* d’eau. L e surplus sc divisait entre le meunier et les habitants
« de M arsat, auxquels il avait également concédé le droit de la
« prendre certains jours. »
L e surplus se d iv is a it , expressions aussi claires que formelles.
A insi, de l’aveu même du sieur Désaulnats p è r e , la totalité de l’eau
des sources appartenait aux habitants de Riom , pour leur aqueduc,
à ceux de M arsat, pour leurs prairies , et au meunier de SaintG enest, pour le jeu de son moulin.
L e sieur Désaulnats, à qui le moulin appartenait en 1 8 0 6 ,
reconnaissait donc alors lui-même qu’il n’avait aux eaux des sources
que des droits identiques à ceux des habitants de Riom et des habi
tants de Marsat.
Aujourd’hui, cependant, son fils, se prétendant seul propriétaire
dccessources, veutréduire le droitde la ville aune simpleservitude.
Cette prétention, qui est repoussée par les titres même du sieur
Désaulnats et par des aveux positifs, le serait enco re, au besoin,
par l’etat des lieux et par la clôture de la petite enceinte triangu
laire , qui est isolée de l’enclos du sieur Désaulnats, dont le m u r,
construit en 1 Gr>4 > n'MS' T 10 1° prouve la date gravée au-dessus de
la porte' d’entrée, dut l’être alors par la ville de Riom, et dans l’inté
rieur de laquelle est un regard aux armes de la ville , regard fermé
par une autre porte dont cette ville a seule la clef. Tous ces s ig n e s
caractéristiques sont des indices non équivoques de la propriété ou
de la co-pi’opriéte de la ville de Riom sur cette petite enceinte.
L a prétention du sieur Désaulnats serait aussi repoussée par les
ouvrages qui existent dans cette petite enceinte, ouvrages qui n ’ont
�—
43
—
etc évidemment pratiqués que dans l’intérêt des trois ayant droit
aux sources.
Elle serait repoussée enfin par la possession constante de ces
e au x, possession qui n’a toujours été exercée que par la ville.de
Riom , par les propriétaires des prairies de Marsat et par le meu
nier de Saint-Genest. Car si le moulin inférieur la réclamait en
î8oG , ce n’était qu’au bas des roues du moulin de Saint-Genest.
Délias voulait seulement qu’à ce dernier point on ne détournât pas
le ruisseau , parce que l à , disait-il, commençait son béai ( V o ir le
résumé imprimé , publié devant la Cour contre Debas par les héri
tiers Désaulnats, page 9. ).
Aussi le tribunal de première instance de Riom , par jugement
du 16 mars 1 8 0 8 , déclara-t-il que le sieur Désaulnats n’avait jamais
acquis les sources, et n’en était pas propriétaire; et s i, par son
arrêt confirmatif, la Cour ne répéta pas ce motif, c’est qu’elle crut
inutile de l’examiner; sans qu’il soit besoin d ’y avoir é g a r d , ditelle , les autres moyens proposés par Debas lui ayant paru sufiisants
pour maintenir la décision des premiers juges.
Les observations que nous venons de faire sur la propriété des
sources de Saint-Genest font voir combien le sieur Désaulnats s’est
fait illusion dans la contestation qu’il a élevée contre la ville de
Riom.
11 dira, peut-être, q u e, dans la transaction de 1 7 7 5 , les com
missaires de la ville ont reconnu que la principale source était
placée dans la justice et propriété du seign eur de S a in t-G e n e st ,
le sieu r Dem allet.
Mais outre que cette énonciation, qui se trouve seulement dans
1 exposé, n’aurait été qu’une e rreu r, cllct de l’ignorance des com
missaires sur la teneur des titres du sieur Désaulnats, c’est que ces
commissaires n’auraient pas eu qualité pour faire un aveu contraire
aux intérêts de la ville; c’est q u e , d’ailleurs, ce n'était pas sur la
propriété des sources qu’on transigeait, mais seulement sur des
réparations à faire pour l’exercice de la prise d’eau; c’est enfin que
les couuiiissaiies, tout en supposant que la source principale était
placée dans la justice et la propriété dusieur Demallet, ne déclarent
�44
-
-
pas que celui-ci fui aussi propriélaire des sources, cl qu’ils ne
renoncent pas au droit de co-propriélé des eaux que la ville tenait
depuis plusieurs siècles du seigneur de Marsat lui-même.
Ainsi les droits de la ville n’ont pas etc affaiblis , ni ceux du sieur
Demallet, augmentés par l’acte de 1 7 7 6 ; e t, aujourd’hui comme
autrefois, les sources de Saint-Genest doivent être considérées
comme la co-propriété commune des habitants de R i o m , de ceux
de Marsat, et du maître du moulin de Saint-Genest.
M ais, indépendamment même de celte première question, et
que ce soit à titre de co-propriété ou à titre de servitude, que la
ville de Riom a droit à ces sou rces, recherchons, d’après les actes,
d’après l’état des lieux et d’après le rapport des derniers experts,
quelle est l’étendue des droits de la ville?
a m* P R O P O SIT IO N .
D e retendue des droits de la v ille de Riom auoc sources de
Saint-G enest.
Cette proposition sc subdivise; elle conduit à examiner :
i ° Quelle est la quantité d’ eau concédée à la ville?
2° Si les différentes sources sont solidaires?
5 e Si les droits de Riom ont été éteints en partie par la pres
cription ?
§ 1".
Q uelle est la quantité d ’eau concédée à la v ille ?
On a beaucoup disserté sur cette question.
C e p e n d a n t, elle est, il s e m b le , é c la irc ie , soit p a r les litr e s , soit
p a r l ’exécution q u ’ils ont reçue.
L e premier acte, celui du i 3 septembre 1 G /fî, présente, il'est
v r a i , quelque obscurité. Rédigé à une époque 011, en province
surtout, on n’était pas très-familier avec les théories mathématiques,
l’acte attribue aux habitants de Riom le droit de prendre, aux
sources qui sont nu boni du grand bassin ou réservoir, la
q u a n t it é
d 'ea u nécessaire />our eu avoir n e u f pouces en circonjérence ou
rondeur ¿1 la sortie de ce bassin.
�t>c Ces ex pre ssion s ,
n e u f pouces en circonférence ou rondeur ,
on a v o u lu co n c lu re q ue le tu y a u de ré c e p tio n de l ’eau d e v a it être
u n cercle d o n t la circon fére nce n ’aurait que n e u f p o u c e s , et d o n t le
d iam ètre ne s e r a it, p a r c o n s é q u e n t, q u e d ’e n v iro n trois p o u ce s.
Mais cette hypothèse, qui n’est pas autorisée par la lettre de
l’acte, est détruite, d’ailleurs, p a r le s autres conventions que l’on
y remarque.
Elle n’est pas autorisée par la lettre; car il n’y est pas dit, n e u f
pouces de circonférence , ce qui indiquerait la longueur du pour
tour d’un cercle; mais neuf pouces en circonférence ou ro n d eu r ,
expressions qui peuvent s’entendre d’une colonne d’eau de neuf
pouces d’épaisseur, en forme ronde. O r , neuf pouces d’épaisseur
° u neuf pouces de diamètre, c’est la même chose.
Au reste, les autres clauses de l’acte repoussent la première
interprétation et commandent la seconde.
E n effet, un tuyau de neuf pouces de circonférence seulement
h aurait, pour diamètre, que trois pouces, et ne pourrait recevoir,
pa r son orifice , que G pouces 3/4 d’eau.
E t cependant il est ajouté dans l’acte que , Tponv fo u rn ir les n e u f
pouces d ’eau en circonférence ou rondeur , on posera dans le réser
voir, trois tuyau æ , d e Icigrosseur chacun de n e u f pouces de v id e .
L ’intérieur de chaque tuyau devait donc avoir neuf pouces de
lar g e ; et ces trois tuyaux devaient recevoir et débiter évidemment
plus de 6 pouces 5/4 d’eau; ce qui prouve que la première inter
prétation est vicieuse.
L e vice de cette interprétation paraîtra de plus en plus frappant,
Sl Ion considère que la prise d’eau concédée était, dans la pensée
^ es Paj’lies, assez abondante pour priver le moulin de l’eau néccssaue a son jeu , et pour obliger le meunier d’abandonner son usine.
Aussi le seigneur stipule-t-il que , dans ce cas , les habitants seront
tenus de l’indomuKcr.
^ r , h“s derniers experts nous apprennent dans leur rapport que
17 litres, ou 74 pouces d’eau par se con d e, seule quantité que
liansmct a Mozat l'ancienne conduite, imparfaite et dégradée
comme elle l’est, que ces 74 pouces d’eau dont est prive le moulin
�-
46 -
ne sont pas nécessaires à son je u , et q u e, lors même que la v ills
d e Rioni recevrait deuoc fois plu s d e liquide qu ’à l ’ordinaire, les
moulins du sieur Désaulnats pourraient cependant continuer à trèsbien m archer, sauf à produire un peu moins de farine par heure
( V . le rapport des experts, page i/j.5 ; le voir aussi à la page 1 1 7 ) .
E n se fixant sur cette opinion des experts, et en la combinant
avec la clause de garantie stipulée dans l’acte de 1 6 4 5 , on recon
naîtra nécessairement que le volume d’eau concédé devait élro
considérable puisqu’il faisait craindre que le moulin 11e manquât
d’eau. Par conséquent , les neuf pouces d’eau en rond eu r, dont
parle l’acte, doivent s’entendre d’un volume ou d’une colonne d’eau
<le neuf pouces de diamètre.
L e traité du 1 1 août 17 7 6 expliquerait au besoin les actesantérieurs , et ferait cesser toutes diflieuhés.
'
Rien de plus clair, en effet, que les dispositions de cet acte, et
que celles de la délibération du conseil municipal qui l’a précédée
et qui l’a en quelque sorte dictée.
On e xp ose, dans cette délibération , que la ville ne reçoit pas
toute l’eau à laquelle elle a droit.
On y parle de la déperdition qui avait lieu dans les canaux et
principalement dans celui en p ie r r e , placé dans l’enceinte ou est la
source.
On pense q u 'il est 11 propos de changer ce canal en p ie r r e , et
d ’y substituer un tuyau de plom b dont Vorifice au rait n e u f pouces
de diam ètre et vingt-sept pouces de circonférence.
C e r te s , on ne peut pas supposer qu’un tuyau en plomb de cette
capacité eut etc proposé par les hommes honorables et justes qui
composaient le conseil, si le canal en p ierre, auquel on devait lo
substituer, n’avait pas eu aussi neuf pouces de diamètre.
Comment concevoir d’ailleurs que M. Oemallet, homme éclairé
et soigneux doses afiaircs , eût consenti à uno telle substitution, si
scs intérêts avaient été blessés ?
E l cependant, non seulement il ne résiste pas à cet arrangement,
niais même rien n’ indique dans l’acte qu’ il l’ait considéré commo
une innovation qui (ùt de sa part un sacrifice.
�«_ 4 7 — ■
'
w
On se borne à rappeler, dans l’arlicle 3 du traité, la nécessité de
foire des réparations p o u r conserver au corps d e v ille le volum e
d ’eau qu’ il a toujours p ris et qui lui appartient} et p o u r en éviter
la déperdition.
E t c’est dans ce but, que l’on convient « qu’au lieu du canal eu
* pierre existant actuellement, pour transmettre les eaux de la voûte
* ou chapelle au regai’d dont il sera parlé ci-après, il sera placé
* un tuyau en plomb, de n e u f pouces de diam ètre. »
Ainsi, ce n’est pas pour augmenter la prise d’eau de la ville, c’est
seulement pour lu i conserver le volum e d ’eau q u i lu i a p p a rtie n t ,
celui qu’elle a toujours p r is , qu’on place un tuyau en plomb , de
neuf pouces de diamètre.
Donc, il fallait un tuyau de celle capacitépour recevoir le volume
d’eau qui appartenait à la ville; donc aussi le tuyau de pierre p r é
existant avait le môme vide. C ar autrement il n’aurait pu recevoir
le même volume d’eau.
D e tout cela on doit conclure que dans l’acte même de i 6 /f5 ,
par les mots, n e u f pouces cTeau en ro n d e u r..... tu y a u x de n e u f
pouces d e v id e , les contractants avaient entenduvparler d ’un v o
lume d’eau de neufpouces d’épaisseur, cl de tuyaux de neuf pouces
de diamètre.
Ce traité de 1 7 7 5 , qui. est l’exécution des anciens litres en est, en
tnêrne temps, l’interprétation la moins équivoque, la plus sû re ; et
d’après scs termes , c ’est se refuser à l’cvidcnce que de nier que la
ville de Riom ail droit à un volume ou à une colonne d ’eau de neuf
pouces de diamètre.
Celle interprélation, an reste,
n’est pas la nôtre seulement.
Elle est celle de deux experts, notamment du troisième, qui se sert
aussi de l’acte de 177 5 pour expliquer les actes antérieurs et en fixer
le sens.
ttien plus , elle était autrefois celle que M. Désaulnals donnait luiïnêine aux titres de la ville, dans le procès de 180G, époque à la
quelle l’on ne songeait pas encore, dans sa famille, à disputer à la
v lie de Riom uni» partie de ses droits.
lit, en efict, dans un mémoire publié devant la C o u r,|iu li-
�-48 tulc R ésum é p o u r les héritiers D êsaulnats et signé par M. D ésaulnais fils, cette phrase positive qui est si contraire à ses préten
tions actuelles :
(f L e seigneur de Marsat et Saim-Genest concédant en i 645 à
» la ville de Riom n e u f pouces d'eau de diam ètre. »
L e sieur Dêsaulnats ne désavouera sans doute pas son ancien
lan gage, quoique ses iniérèts du moment le lui aient fait oublier.
Ainsi la ville de Riom est autorisée à dire, sur cette question ,
que les titres anciens, les litres modernes, l’état des lieux, l’opinion
des experts, l’aveu même de son adversaire, tout se réunit dans la
cause pour faire reconnaître qu’elle a d ro it, dans les sources de
S aim -G e n e st, à un volume d’eau de neuf pouces de diamètre.
II importe peu , d’ailleurs, que le tuyau de plomb soit élevé de
manière que la sommité des chevets qui sont placés à sa droite et à
sa gauche corresponde, à peu près, à la moitié de la hauteur de son
orifice. Cette disposition , ainsi faite dans l’iiuéiêt de tous les ayant
droit aux sources, n’empêche pas que le niveau d’eau dans la cha
pelle n’atteigne souvent et même ne dépasse quelquefois le sommet
du tuyau, cl que, par conséquent, ce tuyau ne se remplisse. C a r ia
lame d’eau, quis’élève au-dessus des chevets, peut suffire ordinaire
ment pour atteindre la hauteur du tuyau ; et elle suffirait toujours
si le niveau du grand bassin n’avait pas été baissé depuis 180G.
S i l’on avait placé le tuyau plus bas, l’eau s’élevant beaucoup audessus de ce tuyau, aurait produit une charge qui eu aurait aug
menté le débit.
Au contraire , si 1011 avait voulu attribuer à la ville une quantité
d’eau moindre que celle d’une colonne de neuf pouces de diamètre,
on aurait employé un moyen fort sim ple, celui de diminuer le dia
mètre cl par conséquent la capacité du tuyau de plomb,
L ’objection proposée est donc bien peu sérieuse,
§
a.
Solidarité des ea u x ,
M. Dêsaulnats avait vivement contesté, avant le rapport des
exports, que la ville de Riom , pour sa prise d’eau , eût djoit à
�-
49
-
toutes les sources , même à celles qui naissent dans le grand
bassin.
Aujourd’hui celte question ne peut présenter de difficultés sé
rieuses.
Elle est résolue par l’opinion unanime des experts; et la vérité
de cette solution est établie par les termes des titres, par l’état des
lieux, même par l’aveu du sieur Désaulnats, à une autre époque.
Sur ce point l’opinion unanime des experts n’est pas équivoque.
Ils 1’expriment en réponse à la sixième question, par laquelle le
tribunal leur demandait si les eaux du grand et du petit bassin ne
s°nt pas considérées dans les titres comme une seule sourceform ée
de plusieurs naissants et bouillons , et comme devant toutes
être réunies et confondues dans leur destination.
”
«
*
*
«
«
«
« En eiTet, disent les experts, pages i o 5 et suivantes, les sources
de Saint-Genest sourdent les unes près des autres, en se mêlant
ensemble jusqu’à un certain point, c’esv-à-dire de la manière indiquée sur lé plan , suivant que l'eau du grand étang se rend à
la vanne de Marsat en passant par-dessus les chevets et devant la
tête du tuyau de plomb, ou suivant que les fontaines abondantes
situées derrière ces mêmes chevets, faute de pouvoir entrer entièrement dans le tuyau de plom b, donnent lieu à un léger cou-
« rant dirigé du coté du grand bassin, lorsque la vanne ci-dessus
* .est fermée. »
Ils ajoutent, à la page suivante, que * les actes de iG /f5 et de iG 5 /f,
* l’approchés des prix de vente; que ces mots surtout écrits en iG54,
* savoir, que la v ille de Riom aurait sujet de d em a n d er la resti” tutiondes m ille livres p a y é e s , s i l ’eau ven d u e n'était p a s foitr" HlG à p e rp é tu ité , semblent bien annoncer, chez le vendeur,
* 1 intention formelle de livrer toute l’eau co n v e n u e ...., en rempla
çant , au besoin, les sources les unes par les autres.
Us laissent, d’ailleurs, au tribunal à décider ce qui peut résulter
<0 la pose du tuyau de plomb qui forme un contrai postérieur au
I H (.i,dent, leq u el contrat , disent-ils, soum et bien a u x y e u x j
/ ai /c moment, la solidarité ou la communication des fon tain es
dc
Genest.
7
�Enfin ils font o b se rv er, aux pages i i d et n 4 , qu’on ne peut
penser qu’une v ' !Ie eût prolonge, à grands frais, dès if>4 5 , une
conduite de plus de 4,990 pieds, qu'elle eût acheté leliquide 1 , 85 o fr.,
qu’elle eût acheté aussi les emplacements nécessaires à la conduite
et qu’elle se fût livrée à des constructions de toute espèce, sans être
assurée d ’avoir de l’eau à perpétu ité, et avant que> chez le v e n
d e u r comme chez l'acheteu r, toute espèce de doute, su r ce point
im portant, çut été dissipé.
L e troisième expert, dans son avis particulier, répète que la so
lid arité des sources d e S a in t-G en est résulte des actes d e i 6 ^ 5,
d e 1 654 » d e 17 7 5 .
L ’examen de ces actes ne permet réellement pas les moindres
doutes sur celte solidarité.
Car deux dispositions de l’acte de 1 645 la démontrent :
L ’une, où l’on voit que la prise d’eau avait d’abord etc fixée à
l’extrémité nord du grand bassin, au point marqué O sur le plan.
L ’au tre, qui porte que la ville de Riom est chargée def a ir e bien
et duem ent grossir la m uraille de ce g ra n d b a ssin , et a u ssi
l'en treten ir ci scs fra is p o u r retenir Veau dans led it bassin.
E t remarquez q u e , lorsqu’on 1 654 on changea le point de la
prise d’eau en le plaçant sous la voùle du petit bassin , il fut expres
sément convenu qu’il n’était pas dérogé aux autres clauses du contrat
de 16 45 ; en sorte que la ville de Riom resta toujours chargée des
réparations et de l’cnlrcticn du mur du grand bassin; ce qui suppo
sait nécessairement qu’elle y avait intérêt comme ayant droit a.ux
eaux contenues dans ce réservoir.
L ’état ancien des lieux établi en iG 5 4 » maintenu en
les
ouvertures laissées aux murs qui séparent le grand et le polit bassin,
ouvertures destinées à laisser passer l’eau d’un bassin à l’au tre, la
forme deschevets et leur élévation, disposées do manière à faciliter
ce mouvement alternatif des eaux des diverses sources, et à ménager
les intérêts de tous les ayant droit ; tous ces titres muets sont autant
de preuves de la solidarité des eaux.
Enfin , INI. Pcsaulnats pèro a déclaré lui-même cette solidarité
dans un mémoire manuscrit qu’il distribua en 1806 pour l’instruc-
�•
—
Si
I
—
tion de son procès contre le meunier D ebas; c a r , en y parlant
du bassin A , qu’il appelle son petit étang , il s’exprime ainsi :
(f Le petit élang est nécessaire, premièrement au jeu de mon
w moulin , qui y est adossé; secondement pour contenir , en temp&
* de sécheresse , la plénitude du rega rd p rim itif des fo n ta in es
u de la v ille de Riom , dont torigine est à un angle de mon p arc. »
§
3.
L e s droits prim itifs de la v ille de Riom ont-ils été modifiés ou
restreints p a r le non usage ou la prescription ?
On oppose que la ville n’a pas joui de toute la quantité d’eau que
pourrait débiter le tuyau de plomb;
On prétend qu’elle ne peut réclamer aujourd’hui que la quantité
dont elle a joui ;
E t l’on conclut de là que ses droits primitifs, quelqu’étendus
qu’ils fussent, auraient été modifiés et restreints par la prescription.
L ’argumentation à laquelle on se livre pour justifier la prescrip
tion est toute fondée sur le point où l’on place la prise d’eau de la
ville , et sur ce qu’on doit appeler Vinstrument régulateur de cette
prise.
L a ville de Riom place sa prise d’eau à la source principale, sous
la voûte de la chapelle, et plie considère le tuyau de plomb comme
l’instrument régulateur de scs droits.
L e sieur Désaulnats place cette prise d’eau dans le premier regard,
lettre E du plan ; et l’instrument régulateur lui paraît être le canal
de fuite dont la tôle est dans ce regard.
L e premier expert pense que le tuyau de plomb et tout l’aqueduc
de Samt-Genest à Mozat et môme à Riom forment, réunis, cet ins
trument régulateur ; que le vrai point de la prise d’eau est celui où
ta ville commence à jouir de l’eau, et que par conséquent c’est à
Riom ou tout au plus à Mozat qu’il doit être fixé.
Examinons ces trois systèmes et prouvons l’erreur des deux dern,crs; il sera facile ensuite de réfuter l’argument de prescription.
S Y S T È M E D E M. D É S A U L N A T S .
M. Désaulnats, égaré par l’idée que l’eau concédée a la
y ÜIc
do
�I
— 5^ —
Riom, en i 645 , n’excédait pas neuf pouces qui, mesurés largement,
d it-il, 11c pouvaient lui procurer que 200 à 25o litres par minute ,
c’est-à-dire environ 4 litres par seconde,-prétendant qu’il 11’en avait
pas été pris davantage avant le tarissement de la source du plomb,
alléguant que depuis cette époque les fontaines de la v ille, mieux
alimentées, selon lu i, et plus abondantes que précédemment, 11c
débitent réellement que 4S0 litres par minute , ce qui ne serait que
8 litres par seconde, ajoutant que , dans sa conviction, la moitié de
cette quantité d’eau est dirigée à la ville sans aucun droit acquis
autrement que ( ar l’ usage , déclarant, d ’ailleurs, q u e, ne connais
sant pas,
au commencement du p r o c è s, le regard du plomb,
il 11’avait jamais manifeste l’intention de troubler cette possession ,
quelle qu’en fût la valeur, termine, dans son mémoire imprimé ,
cette série d’observations par soutenir,
«
que le
maximum
des droits
« de la ville 11c pouvait excéder le débit du tuyau de fuite de son
«■ premier regard. ( 1)
T el était aussi le système qu’il avait soutenu, soit pour des con
clusions signifiées le 9 juillet i S 3 (), soit lors du jugement interlo
cutoire du 16 juillet. Aussi avait-il demandé la vérification de ce
tuyau de fuite.
Nous ne suivrons pas M. Désaulnats dans toutes scs observations.
Nous ferons seulement remarquer qu’elles sont peu en harmonie
avec les titres et les f.iits.
Nous avons déjà démontré, dans un précédent paragraphe, que
la concession laite en il>4 5 , ratifiée cl expliquée eu 1 7 7 5 , était d’uu
volume d eau de 9 pouces d'épaisseur ou de diamètre el non de 4
litres par seconde, comme le suppose M. Désaulnats.
L ’assertion de celui-ci, non seulement n’est justifiée par aucun
clément, mais encore elle est dénuée de toute vraisemblance; car
comment piésuiner q u e , pour une aussi faible quantité, d’eau , h»
ville de Iùom cul fait tous les saci ificcs qu'oui exigés les sommes
payées par elle a d ,\ n s o s é p iq u es, les frais de la construction
(I) V. les obsenatioiis imprimées, adressées aux (‘xperts jiarM . Désaulnats.
�— 53 —
■de la petite enceinte, ceux de l'établissement d’abord-d’ un canal en
pierre, ensuite d’un tuyau de plomb et du ¡premier regard, ceux
surtout de la conduite depuis Saint-Gcncst, même à ne la consi
dérer que jusqu’au regard de la source du plomb.
Quant à celte source , elle est tarie depuis plus de trente ans ;
son flux était, d’ailleurs, tellement irrégulier que la ville de Riom
Ne pouvait pas y compter.
Cette source était, au reste , tout-à-fait indépendante de la prise
d’eau de Sain t-G cn est, ce qui est prouvé par la différence de di
mension que présentent les canaux qui la précèdent , comparés à
ceux qui la suivent. Ces derniers canaux sont d’une plus grande
capacité, ainsi que l’ont déclaré lesexperts, page 17 5 de leur rapport,
a*nsi que le reconnaît INI. Dcsaulnats lu i-m êm e, page 2 1 de scs
observations imprimées. Ils auraient donc pu recevoir l’càu de la
source du plomb, quoique contenant déjà toute celle que pouvait
leur transmettre l’ancienne conduite venant de Saint-Gcnest.
O r cette ancienne conduite , si elle avait été réparée et bien
entretenue , pouvait , malgré ses coudes et leurs angles , avec les
seules eaux de Saint-Gcncst, transmettre au regard que la ville a
établi à .Ylozaf, la quantité de 24 litres 57 centilitres d’eau par se
conde. C’est ce qu'attestent les trois experts, unanimes sur ce point
dans leurs vérifications et dans leur opinion. ( V . page 17 6 bis du
rapport. )
Ces experts déclarent, aussi unanimement, que la ville de Riom ,
ctl joignant (’ ans le regard de Mozat, comme elle en avait le droit,
1®
tuyaux supérieurs aux tuyaux inférieurs de manière à ne for
mer du tont qu’ une seule conduite continue, aurait pu recevoir ,
maigre 1« moindre capacité des tuyaux inférieurs, 22 litres 5 déciÜt'cs par seconde; et cela sans changer l'ancienne conduite en se
nrnarii « lier dans ce regard de Mozat les tuyaux q u i , à ce point,
y sont disjoints ou séparés. ( V. le rapport, d e là page i g G à l a
lK,i;e 203. )
Les experts appréciant, d’ailleurs, le débit possible du tuyau de
l W h ’ ‘lisent, eu plusieurs endroits de leur rapport, que ce
�-
54
-
débit ne peut être que de 34 litres par seconde. ( V o ir notamment
pages 279 et 2 2 1 du rapport. )
Si donc ,1a ville ne reçoit pas aujourd’hui toute l’eau que pourrait
lui fournir le tuyau de plomb, ce n’est pas au défaut de capacité de
son ancienne conduite et surtout de celle de Saint-Genest à Mozat,
qu’il faut attribuer ce déficit; il est dû à l'imperfection de cette con
duite , aux dégradations qu’elle a éprouvées, à la déperdition consi
dérable de l’eau qui, de Saint-Genest à M o z a t, se faisait depuis
long-temps rem arq u er, c’est-à-dire , à toutes ces causes réunies
qui ont déterminé la ville à faire une construction plus solide,
mieux soignée et plus propre à lui conserver toute l’eau qui lui
appartient,
Aussi est-ce à ces différents vices, que les experts, par une opi
nion unanime , attribuent la modicité de la quantité d’eau qui arrive
à M ozat, quantité q u i , scion eux , est seulement, non de 8 litres ,
mais de 17 litres par seconde,
On voit, en effet, à la page 1 7 9 du rapport, qu’en exprimant
leur surprise de ce que l ’ancienne conduite ne peut absorber toute
l ’eau afllucnte par le tuyau de p lo m b , c’est-à-dire, les 24 litres par
seconde, ils ajoutent que « la cause pouvait en être d’abord aux
racines introduites dans la conduite, aux obstruc tions passagères,
* au défaut de construction ou étranglements enfin, dont nous
* n’avons pas assez tenu compte........ a u x éclaboussures et a u x
« jaillissem ents au -defiors, si les tuyaux de fuite placés à la suite
v
«
«
«
du regard de Saint-Genest ne sont pas hermétiquement fermés et
bien mastiques... Comme aussi à la coiffe ou crible cylindrique
en plom b q u i recouvre l’issue du rega rd ou l ’orifice de sortie
de l ’eau. »
Ce crible a été placé par la ville pour la pureté de l’eau.
O r , ou le demande : la ville n’avait-cllc pas le d ro it, même en
conservant son anc.cnnc conduite, de fairo cesser toutes ces causes
de déperdition de l’eau? et n’aurait-cllc pas obtenu oins', mémo
sons changer les tuyaux de Mozat, mais en les. liant aux tuyaux
antérieurs, ce que personne ne pouvait lui interdire, n'miruit'ello
pas obtenu, savoir, à Mozat 34 litres d’run par seconde au heu
de 17 litres environ, et à Riom 33 litres 5 dcciliuos au lieu de
�— 55 —
i 5 lïlres 94 centilitres que Riom reçoit seulement, suivant les expert*,
déduction faite du trop plein deMozat et de la prise d’eau antérieure
du sieur Devaux ( V . p. 19 4 du rapport. )
Ainsi les faits reconnus par tous les experts et l’opinion unanime
par eux exprimée démontrent que ce n’est pas sur l’ancienne con
duite qu’on doit se fixer pour apprécier la prise d’eau de la ville ;
ces faits viennent à l’appui de la dissertation que nous avons p r é
sentée ci-dessus dans le premier paragraphe.
Prouvons aussi que ce n’ est pas cette ancienne conduite qui doit
déterminer le point de la prise d’eau de la ville.
Le système suivant lequel M. Dêsaulnats place le point de la prise
d’eau au premier regard de la ville, est fondé principalement sur
^’insuffisance du tuyau de fuite et de l’aqueduc dont il est la tôte, pour
r ecevoir et transmettre toute l’eau que débiterait le tuyau de plomb.
Or nous venons de voir que cette prétendue insuffisance n’était
qu’ une illusion j et par conséquent le système auquel elle sert de
base doit disparaître avec elle.
Mais supposons , pour un iustant avec M. Dêsaulnats , qu’il y eût
insuffisance, quelque bien réparée que fût l’ancienne conduite., et
examinons, même dans cette hypothèse, le yrai point de la prise
d’eau concédée à la ville.
Les titres, 1état des lieux ne permettent pas d’hésiter à dire que
ce point est celui où surgit dans la chapelle la source principale,
et que le tuyau de plom b, qui y a son orifice', est le vrai comme
le seul instrument régulateur de la prise d’eau.
Dans le premier acte de i(i 4 5 , il est dit que « les habitants de
" la ville pourront p ren d re à p e r p é tu e l , aux sources qui sont au
* hout du grand bassin........... la quantité d’eau nécessaire pour en
" «voir neuf pouces en circonférence ou rondeur à la sortie du
* grand bassin. »
Ainsi, lop.s de ce premier a c te , c’était dans les sources qu’on
ev.ut p ren d re l’eau ; le point de la prise était donc fixé aux
s°nrces même, c'est-à-dire au point marqué O sur le plan,
p ^ ,lr 1acte de iGf >4 , lu point de la prise d’eau est changé. On le
c vis-a-vis de la chapelle où sont les armes du seigneur de
J!
�— 56 —
Ma rsat. E t comment s’cxprime-t-on encore? Il est dit que les
habitants pourront pren d re les n e u f pouces d ’eau eu rondeur
e t circonférence dans le réservoir des sources, vis-à-vis de la
•voûte où sont les armes du seigneur et dans l'épaisseur de la
muraille.
C ’est au point désigné, c’est dans l’épaisseur de la muraille de
la chapelle du seigneur, que doit être exercée cette p rise
d ’eau.
Rien de moins équivoque.
L ’acte de 1 7 7 5 est plus explicatif encore.
L ’article 5 porte que, pour conserver au corps de ville le volume
d’eau qu’il a toujours p ris et q u i lu i a p p a rtien t...., au lieu du
canal en pierre existant actuellement, j>our transmettre les eaux
de la voûte ou chapelle au premier regard, il sera placé un tuyau
en plomb de neuf pouces tic diamètre-.
Ainsi le tuyau en plomb fut destiné , comme l’était le canal en
p ie rre , à transmettre les eaux de la chapelle au premier regard.
Donc le tuyau en plomb a été établi, comme le canal en p ierre,
poi\r p ren d re les eaux à la chapelle.
Donc le
regard 11’a jamais servi qu’à recevoir les eaux qui
lui étaient transm ises .
Donc la,vraie prise d’eau n’a jamais été dans co regard.
C ’est aussi ce qui résulte de la lellrc de l’article 5 du traité
de 1 77ÎÏ, o ù , si l’on parle de ce regard , c’est pour dire qu’il a été
construit j>our recevoir la portion des eaux de la source apparte
nant à la ville.
C est encore cc qu'indique la combinaison do cet article 5 avec
l'article l\. Dans celui-ci, en effet, 011 dit que la chapelle sera 'en
tourée d’un mur où l’on établira une porte dont la ville aura la clef,
il condition d eu fa ire ! ouverture au seign eur quand bon lu i
sem b lera , p o u r vérifier s ’il n’est rien fa it n i p ra tiq u é au p ré ju
dice des conventions.
Dans 1article 5 , au contraire, si l’on parle d’une porte exisinnlo
au regard , c’cst pour dire que la v ille continuera d ’en avoir seul0
la cle/ , sans que le seigneur soit autorisé à en demander l’on ver-
�îure et à exercer dans ce regard aucun acte de surveillance ni à y
faire aucune vérification.
Ainsi, le seigneur n’avait le droit de rien surveiller, de rien v é
rifier dans le regard.
Pour'veiller à ce qu’on ne fit rien à son préjudice , c’est dans la
chapelle , à la source même, là et non ailleurs , c’est dans ce bassin
où plongeait l’orifice du tuyau de plomb , qu’il était seulement
autorisé à porter ses investigations.
Donc c’était aussi là seulement que se trouvait l’instrument
régulateur de la prise d’eau.
D o n c , dans l’intention des parties, cet instrument régulateur
n’était pas , ne pouvait pas être dans un regard dans lequel le sei
gneur ne pouvait pas pénétrer, et o ù , m êm e, son inspection
aurait été complètement inutile , puisqu’il ne pouvait arriver dans
le regard plus d’eau qu’il n’en était pris à la source par le tuyau de
plomb.
Donc aussi le canal de fuite, placé dans le regard , ne pouvait
avoir pour but d’en régler le volume et ne doit être considéré que
comme établi dans l’intérêt delà ville seule, qui était libre d’en user
à son gré et de lui donner plus ou moins de capacité , puisque ,
dans aucun cas , il ne pouvait être introduit dans ce canal de fuite
plus d’eau que le tuyau de plomb n’en transmettait au regard.
JN’est-il pas étrange , au reste, qu’on qualifie d’instrument ré g u
lateur un canal de fuite dont il n’est pas même dit le moindre mot
dans le traité de 1 7 7 5
? et 11’est-il
pas évident que si là eût été la
prise d’eau, la description en aurait été faite dans le traité, la hau
teur et la largeur en auraient été réglées, la position même en aurait
etc déterminée, la surveillance et la vérification en auraient été ex
pressément stipulées en faveur du seigneur, enfin loutes les pré
cautions nécessaires auraient été prises pour que ce canal de fuite ne
fût pas une occasion d’abus ou de préjudice pour aucun des con
tractants, en uii mot pour qu’il pût recevoir toute l'eau concédée ,
Mais rien au-delà.
Or le premier regard et le canal de fuite »’offrent aucun indice
des mesures prescrites par l’intérêt des parties.
8
�— 58 —
Ces mesures ont é té , an contraire, soigneusement exccutccs sous
la chapelle, soit par la capacité et la position du tuyau de plomb ,
dont la hauteur même a été calculé« sur l’abondance des eaux des
deux bassins et sur le sommet des deux chevets latéraux, soit par
l’inégalité de l’élévation de ces deux chevets, l’un desquels, celui du
côté du grand bassin, est un peu plus bas que celui qui est du cot<3
de la vanne de M arsat, soit p a r l a faculté que reçut le seigneur
d ’exercer là sa Surveillance, quand il le désirerait.
Ainsi les conventions écrites dans les actes et celles qui sont signa
lées par les titres muets que présente l’état des lieux s’unissent pour
démontrer jusqu’à l’évidence que la prise d’eau est sous la chapelle,
à la source qui y surgit, et que c’est là aussi que se trouve le seul
instrument régulateur des droits de la ville de Riom.
Donc on doit repousser le système de M. Désaulnats, qui veut
p lacer cet instrument régulateur dans le premier regard et au canal
de fuite.
Examinons l’opinion du premier expert.
S Y S T È M E DU P R E M I E R E X P E R T .
Ce système est plus élrange’encorc.
On T a dit depuis long-temps : Rien de moins facile à prouver
que des paradoxes. Lorsqu’un esprit ordinairement juste a eu le
malheur d’en adopter, il se fatigue, il s’embarrasse, il se tourmente
dans les entraves qu’il s’est données; et à l’obscurité des idées q iu l
énonce, à la longueur de scs phrases, au vague et à la pesanteur de
ses expressions, on reconnaît qu’il s’égare lui-même dans le dédale
ou il s’est jetté.
Telle est l’impression que l’on éprouve à regret à la lecture du
développement de l’avis du premier expert.
Il faut le lire plusieurs fois pour reconnaître, avec surprise ,
qu’il a iixé le point de la prise d’eau non aux sources de Saint-Gc7jcst, s o u s la chapelle, non pas même au premier regard, m a is au
lieu ou la ville de Riom commence à jouir des eaux , c’csi-à-dirc ù
�—
59
—
itfozat ou à Riom , là où sc termine l’une ou l’autre partie de l’an
cienne conduite.
Déjà, dans la partie du procès-verbal intitulée R apport su r l ’en
semble de l'a ffa ir e , cet expert, dont la rédaction est facile à recon
naître, avait posé son système, mais seulement comme une hypo
thèse. ( Voir pages 166 et 1G7 du rapport. )
* En supposant, dit-il, par les raisons ci-dessus exposées ou.qui
* le seront plus ta rd , que le tuyau de ploinb, scs chevets ou autres
* accessoires forment avec le premier regard de Saint-Genest, avcc
" tout l’aqueduc qui vient à la suite et même avec les tuyaux ronds
* et fermés de Mozat, form ent un tout in d ivisib le , un instrument
" unique destiné à prendre l ’eau à Saint-Genest, à la porter et à la
K livrer à Riom.
Cette supposition dont l’expert ne tire aucune déduction dans
cette première partie, devient, pour lui, une vérité dans son avis
particulier.
Dans cet avis, page 25g, il rappelle, on ne sait trop pourquoi ,
l'article G42 du code civil sur la prescription de l’eau d’une source;
article qui ne s’applique cependant qu’à la proscription active ou
acquisitive, non à la prescription passive ou libératrice ; et il ajoute
que l ’ancienne conduite form e , ù n’en pas douter , un ouvrage
terminé et apparent destiné ¿1 fa c ilite r la chute et le cours de
ten u du fonds supérieur dans le fo n d s in fé rie u r , c'est-à-dire de
S a in t-G en est ¿1 Mozat et Riom.
Plus bas, et à la page 275 , il dit que M. D êsaulnats p e u t , ¿1 la
rigueur, contester le titre d ’apparent au tuyau de p lo m b , en
■soutenant de bonne fo i qu’il lu i apparaissait comme sim ple tête
rtc condu ite, mais non comme un rég u la teu r , récepteur ou
f»esure de l’eau due à Riom.
knfin , aux pages a84 et a 8 5 , « pour achever, d it-il, si la con* thiite, considérée dans son ensemble indivisible , depuis et com* pris son premier regard jusqu’à la fontaine des Lignes , n’est pas
* 1 ouvrage terminé cl apparent, et par suite tacitement consenti,
* <1 où résulte la prescription, sur lequel s’appuie rariicloG4a du
* Code civil pour régler les droits imprescriptibles Je s parties,
�—
Go —
«r malgré les négligences et suspensions de toutes sortes, à plus
a forte raison le premier tuyau de plouih , pris isolément , ne
» pourra , malgré sn plus grande simplicité, remplir mi pareil rôle,
« puisque cet instrument ou cet ouvrage n’est pas encore terminé;
* que du moins il ne peut, dans ce moment seul et sans nouveaux
canaux de fuite, fonctionner en remplissant son but ou sa desti« nation prétendue, savoir le transport de tout son débit d’eau soit
* à R io m , soit même dans un local quelconque, propriété exclusive
* de Riom , et q u i, pouvant être appelé fonds inférieur, aux termes
« du C o d e , sera susceptible au moins de r e c e v o ir , d’utiliser, d’é« couler le liquide en question. »
T els sont les principaux raisonnements d’après lesquels le premier
expert paraît penser, sans le dire néanmoins nettement, que la ville
de Riom doit être réduite , par la prescription, à la quantité d’eau
qu’elle recevait par son ancienne conduite.
Il termine cependant par ajouter que cette ancienne conduite
pouvait, en s’y prenant aussi bien que p o s s ib le , amener ju s q u ’à
m
2 2 litres 5 décilitres par seconde, en exigeant le maintien de la
hauteur actuelle de l’étang de M. Désaulnats ( V . le rapport, pages
289 et 290 ).
Cette opinion , que repoussent formellement les deux autres
experts, est fondée sur deux idées principales :
l 'u n e , que la jnise. d ’eau n’est pas à S d in t-G en est, mais
seulement au point où la v ille commence ù en jo u ir , c’est-à-dire,
à Riom même ( V . l’avis du second expert, page 2 9 2 ).
L ’autre, q u e, d’après l'article 6/(2 du Code c iv il, Riom ne doit
pas obtenir la quantité d’eau qu’ il réclame.
Pour démontrer l’erreur de la première idée, nous renvoyons à
notre discussion sur le système de M. Désauluats. La plupart des
observations que nous y avons faites peuvent s’appliquer aussi au
système du premier expert.
Nous ajouterons que le point d’ une prise d’eau se détermine par
celui où l'eau se p re n d dans le fonds,où est la source, cl non par
celui oii elle arrive dans le fonds qui en profite.
Nous rappellerons à ce suj 't la remarque ingénieuse du s e c o n d
�— 6i —
expert q u i, comparant le droit de la ville de Riom à celui des
habitants de M arsat, s’exprime eu ces termes ( P a g e Soi du
rapport. ) :
« Si les habitants de Marsal venaient à réclamer au propriétaire
K de Saint-Genest les eaux qu’ils ont toujours prises , ne serait-ce
* pas la vanne de Marsat, qui ferait le règlement, quand bien même
K il serait constant que depuis un temps immémorial les prairies
0
de Marsat ne jouissent que de la moitié des eaux , le reste se
, * perdant dans les chemins d’une manière improductive? »
L ’assimilation est juste. C ’est aux sources de Saint-Genest
iju’existe la prise d’eau; et c’est le tuyau de plomb qui doit faire le
règlement, quelque soit le canal de fuite, et quoique, par l’imperfec
tion de ce canal, Riom ne l’eçoive pas toute l’eau qui lui appar
tient.
Quant à l’article 642 du code c i v il, on doit s’étonner que l'expert
qui l’a invoqué ne se soit pas aperçu qu’il ne s’appliquait aucune
ment à la cause.
Cet article suppose que celui qui réclame l’eau n’a pas de titres et
qu’il fonde son droit uniquement sur la prescription.
Or telle n’est pas la position des'parties. La ville de Riom n’in■voque pas de prescription. C’ est sur des conventions expresses
qu’elle s’appuie; c’est dans les actes de 16 4 5 et de 1 7 7 5 qu’elle
puise sou droit à un volume d’eau de neuf pouces de diamètre.
La prescription n’est donc pas son titre. Au contraire , c’est un
moyen que lui oppose le sieur Désaulnats. Mais ce moyen, ce n’est
pas dans l’article G42 qu’il peut le trouver. Les articles 705 et 2262
du code pourraient seuls le lui fournir , s’il était prouvé en fait que
trente ans de prescription ont couru contre la ville.
Or c’est ce que nous allons examiner , en considérant, ainsi que
nous devons le faire, la prise d’eau de Riom comme établie sous la
chupdle, et le tuyau de plomb comme l’instrument régulateur des
droits de la ville.
Q U E S T IO N D E P R E S C R IP T IO N .
^ous avons démontré précédemment que la ville de Riotn avait
�— 62 —
sur les sources de Saint-Gcnest, soit à titre de copropriété , soit
à titre de servitude , droit à une quantité d’eau déterminée par uu
tuyau circulaire en plomb, de neuf pouces de diamètre.
On prétend qu’elle a perdu une partie de scs droits, parce que,
depuis trente ans, elle n’a pas pris toute la quantité d’eau qui lui
appartient.
Contre cette prétention une première réflexion se présente.
Comment prouve-t-on le fait que l’on allègue ?
L e tuyau de plomb n’a éprouvé aucun changement depuis 1 7 7 $ ,
ni dans sa fo rm e , ni dans sa position, ni dans sa capacité.
11
a donc toujours pu recevoir la môme quantité d’eau, toute
celle pour la prise de laquelle il avait été établi tel qu’il est.
O r, à l’aide dequelsigne extérieur, de quelle innovation apparente,
pourrait-on reconnaître, pourrait-on prouver que ce tuyau de plomb
n’a pas pris toute l’eau que sa capacité pouvait contenir ou touto
celle que l’état permanent des chevets latéraux et le niveau des
sources, qui en résultait, lui permettaient de prendre?
L e fait restrictif est même impossible : car , au point de la prise
d’eau, rien n’ayant été changé dans l’instrument régulateur et ses
accessoires, la même quantité d’eau a toujours dû s’introduire dans
le tuyau de plomb.
M a is , d it- o n , il im p o rte p eu q ue tout le v o lu m e d ’eau co n cé d é
ait d û s'in tro d u ire dans le tu y a u de p lo m b , s’il n e 'p o u v a it cire
transm is à llio m p a r l'insuffisance de la capacité de l ’ancienne c o n
d u ite .
C et a r g u m e n t, peu sérieux en d r o it , c o m m e nous le verrons
b ie n tô t, est d é m e n ti en fait p ar la vé rificatio n des ex pe rts, p u isq u e
ces experts o n t re c o n n u q u e , si l’ancienne c o n d u ite de Saint-Genest
à M o z a t ita it en bon é ta t, elle p o u rra it absorber et am e n e r à M o zat
34 litres 57 centilitres d ’eau p ar s e c o n d e , c’est-à-dire tout le d éb it
possible d u
tu y au de p lo m b , q u i ne p e u t en transm ettre que ^ 4
litres p a r seconde duns le p re m ie r ro g ard .
Aussi les ex[>erts ont-ils exprimé leur surprise de ce que les a 4
litres n’arrivaient pas à ¡Mozat j et ils eu ont attribué principalement
�—
G.l —
la Cause aux détériorations qu’avait éprouvées colle ancienne con
duite , aux racines qui s’y étaient introduites, aux obstructions
p assagères, disent-ils, à des vices de construction ou ¿1 des étran
glements , à des éclaboussures ou ci des jaillissem ents d ’eau au
dehors , ajoutent-ils. ( V . le rap p o rt, pages 17 9 et 180. )
Mais quel était l'effet de toutes ces causes ?
Celui de causer la déperdition de l’e a u , pas autre chose.
Toute l’eau due à Riom ne lui arrivait pas ; soit.
Mais ce que celte ville perdait ne profitait pas à M. Désaulnats , puisque l’eau se perdait en partie dans la route de
Saint-Genestà Mozat en s’échappant des canaux de la ville, et qu’il
s’en perdait une autre partie à Mozat par le trop plein qui était plus
ou moins considérable selon que l’eau qui parvenait au regard de
Mozat était plus ou moins abondante.
Quoique perdu pour R i o m , par l’effet de l’imperfection des
canaux de l’aqueduc, le volume d’eau n’en était pas moins pris
Wtcgralemcnt à la source par le tuyau d’absorplion que la ville y
avait placé. Riom n'en exerçait pas moins son droit dans toute sa
plénitude. L e sieur üésaulnats , ne profilant pas lui-m êm e de la
portion d’eau ainsi perdue, ne possédait pas celle portion d’eau; et
par conséquent il ne-peut invoquer la prescription en sa faveur
contre la ville. Car pour détruire le droit d’autrui par la pres
cription , il faut posséder soi-même : vérité élémentaire
qui
ne saurait. être contestée; elle est écrite textuellement dans toutes
les législations, el notamment dans les articles 2228 cl 2 2 2 9 du
Code civil.
Pour prescrire , il faut non seulement posséder , mais il fuut
aussi que la possession se soil prolongée pendant trente ans au
ll>oins , et que la pfeuve en soit clairement faite. ( Code c i v i l ,
Qrl*clc 22O2 ).
O*’» comment le sieur Désaulnats parviendrait-il à prouver que,
pendant les trente années qui ont précédé la contestation, non scuenient les anciens canaux de la ville sont restés dégradés
connue
ils
c sont aujourd’hui , non seulement tout le volume d’eau qui
“ pparienait à la ville n’est pas arrivé à M o zat, mais encore que
�-
64
-
c’est lui , sieur Désaulnats, qui a profite de la portion d’eau qui
n’y parvenait pas?
Pour pouvoir prescrire, il faut non seulement posséder, mais
encore avoir une possession Continue, non interrompue , publiqu e,
p a isib le , non équivoque et à titre de propriétaire.
Or comment le sieur Désaulnats parviendrait-il à prouver que ,
non seulement il a toujours profité lui-même , lui seul, de toute
l’eau qui n’arrivait pas à la v ille , mais encore que sa possession a
clé continue et non interrompue ; que jamais la ville n’a pris à la
source et n’a transmis dans le premier regard construit par
elle à Saint-Gonest, dans ce premier regard'qui était sa propriété
comme celui construit à M ozat, toute l’eau que pouvait débiter le
tuyau de plomb?
Comment parviendrait-il à prouver qu’il n’est jamais arrivé quo
l ’eau , survenant trop abondamment dans ce premier regard ,
s’échappât par la porie et se répandît, soit dans le chemin qui est
au-deLors, soit même dans le petit bassin et dans sa partie infé
rieure d’où elle ne pouvait plus remonter au grand bassin ?
Comment parviendrait-il aussi à calculer ei à faire déterminer
quelle était la portion d’eau dont la ville était privée , quelle était
celle aussi dont il avait eu toujours lui-méine une possession
p a is ib le , non équivoque et à litre de propriétaire ?
E t comment pourrait-on attribuer de tels caractères à uno posses
sion dont l’exercice, dont l’étenduo dépendait de la plus grande ou
de la plus petite quantité d’eau que la ville de Iliom introduisait ou
laissait introduire dans son premier regard, du plus ou du moins de
détérioration de l’ancienne conduito , du plus ou du moins de durée
de ces obstructions passagères qui empêchaient uno partie de l’eau
d’arriver ¡1 Mozat, du plus ou du moins de réparations que faisait
la ville a son ancienne conduito , du plus ou du moins d’eau qui so
perdait, soit dans le premier regard, soit dans les canaux de Saint”
Gcnest à M ozat, so t à Mozat mémo.
Ces dernières observations répondent à l'argument qu’on cher"
chernit à tirer d’ une vanne mobile qui existe dans le premier regard
�65
W qui permet ou empêche l'introduction , dans ce r e g a r d , de tout
ou partie de l’eau que peut débiter le tuyau de plomb.
Cette vanne a été établie par le fonlainier de la ville de Riom ;
elle est posée dans un regard dont la ville est propriétaire; elle est
y la disposition de cette ville seule ; c’est son agent qui en règle et
qui en a toujours réglé les mouvements cl qui l’élève ou l’abaisse
à son gré , suivant les besoins de la ville , suivant aussi que le lui
mdique l’état d’amélioration ou de dégradation des canaux ; car
lorsque l'on remarquait dans certaines parties de ces anciens canaux,
Une dégradation trop g r a v e , on l’on abaissait entièrement la vanne
pour ne pas laisser arriver l’eau daus ces canaux , afin de pouvoir
les réparer , ou on l’abaissait en partie pour n’y transmettre qu’une
Moindre quantité d’eau , de crainte qu’une trop grande, pression
11’augmentàl les dégradations, et même ne détruisît complètement
la partie dégradée.
Prétendrait-on que cotte vanne est, pour le sieur Désaulnats , un
tUre muet qui lui assure la possession d’une partie de l’eau primiti
vement concédée à la ville?
On concevrait cette prétention si cette vanne mobile était établie
chez lui et s’il en avait la disposition.
Mais ni l’une ni l’autre circonstance n’ existe.
Elle n’est pas établie chez lui ; car elle a été placée dans un regard
dont la ville est seule propriétaire, puisque seule elle l’a construit ,
seule elle en a toujours eu la clef, seule elle l’a toujours possédé. E t
celte possession n’est pas précaire; elle est fondée sur les actes de
1G54 et de 1 7 7 5 , qui ont attribué aux habitants de Riom le droit de
construire le regard , de placer sur son fronton les armes de la ville
comme signe non équivoque de sa propriété, et d’en disposer seule,
puisqu’il fut stipulé que seule elle en aurait la clef.
O r, celui-là seul est propriétaire, qui a le titre en sa faveu r; et
même en l’absence d’un litre , celui -là seul est propriétaire de la
chose , qui en a toujours eu la possession exclusive.
L e sieur Désaulnats n’a pas la disposition de la vanne dont il s’agit;
car il u C11 a jamais réglé les mouvements, il ne l’a jamais vérifiée ;
�•— 66 —
il ne l’avait peut être jamais connue avant le procès. Il ne peut J o n c
en argumenter.
Que (levons-nous conclure de tout ce qui vient d’être dit? c’est
que le sieur Désaulnats n’a acquis par la prescription aucune portion
des droits qu’avait la ville de Riom aux sources de SainM lenest ;
c’est qu’il importe peu que cette ville ait réellement profité de toute
l ’eau qui lui avait été concédée , et que , quoiqu’elle en ait été pri
vée en partie plus ou moins longuement, plus ou moins tempoiairement, soit par la déperdition qu’éprouvaient scs anciens canaux , soit
par le jeu delà vanne qu’elle avait fait placer dans son premier regard,
soit par l’abandon à Mozat du trop plein des eaux qui y arrivaient, il
suflit qu’il dépendit d’elle de laisser arriver, quand il lui plaisait ,
dans son premier reg ard, tout le volume d’eau auquel elle avait
droit ; il suffit que rien 11e prouve que, pendant plus de trente ans ,
elle 11’a pas usé un seul jo u r, un seul moment de la plénitude de scs
droits, même en laissant perdre , soit au premier regard, soit dans
ses anciens canaux, soit à ¡Mozat, une partie de l’eau qui lui appar
tenait ; il suffit aussi que ÎM. Désaulnats ne puisse pas prou
v er que c’est lui qui, par une possession continue , non interrom
p u e un s e u l in stan t , et non équ ivoqu e , a possédé exclusivement
une portion déterm inée de l’eau appartenant à la v ille , pour que
l'argument de prescription 11c soit que l’erreur d’une imagination
égarée par l’esprit d’intérêt 011 par l'esprit de système , et pour que
celte objection, dans laquelle 011 a paru tant se complaire, doive
cire écartée n.éme en fait.
¡Mais nous pouvons aller plus loin , et supposer que non seulement
la ville de lliom a cessé, pendant trente uns cl plus, île posséder,
soit une partie, soit même la totalité de l’eau à laquelle elle avait
droit, mais encore que pendant ce long intervalle, le sieur Désaulnals a joui exclusivement de l’eau que la ville de Hiom négligeait
de prendre.
Dans ce cas la même, si l’état des lieux, tel qu’ il est établi sous
la chapelle, 11 a pas etc changé, si le tuyau de plomb avec toute sa
capacité cl avec les chevets qui raccompagnent n’ a pas été mo<lili<’ ,
s i, en un mot, tout l'instrument régulateur des droits de la ville
�67
—
éprouvé aucune altération et est resté dans sa position primitive,
si surtout le .sieur Dcsuulnals u’a fait, pendant toute la durée de la
négligence des droits de la ville, aucun acte de contradiction, qui
annonçât que c’était lui qui s’opposait à l’exercice partiel ou complet
de ces droits, dans ces diverses circonstances le non exercice des
droits, quoiqu’ il se fût prolongé pendant plus de trente ans , ne les
aurait ni détruits, ni même affaiblis.
C ’est, en e ffet, un principe incontestable, que les vestiges con
servent la possession légale , quoique la possession de fait ait etc
abandonnée.
E t ce principe s’applique tant au simple droit de servitude qu’à
un droit de propriété ou de copropriété; en sorte que la ville de
ftiom est autorisée à l’invoquer, soit qu’on la considère comme co
propriétaire des sources de Saiut-Genest, soit qu’on suppose
qu’elle y a seulement un droit do servitude.
Admis sous l’ancienne comme sous la nouvelle législation, ce prin
cipe se résume dans cet axiome : vestigia rctinentpossessionem .
Les auteurs anciens le rappellent. Les auteurs modernes l’ont
aussi adopté.
Dunod, dans sôn excellent traité des prescriptions, l’énonce en ces
termes :
« L a possession naturelle même se conserve par ses restes et scs
« vestiges ; comme seraient, par exem p le, les ruines d’un bâtiment :
« nam cùm sint temporis su ccessivi et pen n an en tis, signalum
* retinent in possessione fu ris. »
C ’est sur ce principe, qu’ un arrêt rendu le i 5 août 1 7 1 0 par le
Parlement de liesançon autorisa le rétablissement d’un moulin qu i
avait cessé d'exister depuis plus d’un siècle. On jugea que les vesllgcs de l’écluse, qui paraissaient encore dans la rivière, avaient con
servé la possession et le droit. ( D u n o d , partio prem ière, cliap. 4»
P-«9. )
Avant Dunod , le célèbre commentateur de la coutume de B re
tagne, J Argentré, avait exprimé la règle dans les termes les plus
¿nei giquos ^ SU|, ]’i(rtidc* 5(53 (]0 cette coutume :
P e rs ig m i eium
la
lia , alio non prohibente rcstru crc , rctinetur
�— 68 —
jn ris possûssio : p e r signitm cnirn retinctnr signalnm .............
quarè munentc signo, nemo libertalem contra habentem p re scribit, proptcr rctcntioriem possessionis in signo perm anente ,
uisi prohibitio antecesserit.
« Ce sont là les vrais principes, dit le savant Troplong : les ves« tiges sont en quelque sorte des actes permanents et continus qui
*■ attestent l’existence du droit qu’on possède, et sont la preuve
« qn’on ne l'abandonne pas. »
L ’auteur cite un arrêt de la Cour de Nancy, qui a fait l’application
de la règle. ( V . le traité de la prescription, par T ro p lo n g , n° 543 . )
Tous les auteurs modernes professent aussi celte doctrine, en
l’appliquant notamment aux servitudes pour lesquelles il se repré
sente le plus fréquemment.
*
11 faut rem arqu er, dit T ou llier, que les servitudes né s’élei« gnent pas par la prescription, tant qu’il subsiste des vestiges
« des ouvrages établis p our en user. Ces vestiges conservent le
« droit, suivant la maxime Signttm retinet signalnm ,. » L ’auteur
renvoie à la loi G. v ers, item s i, ff. de servi, prœ d. urb. (V oir
T o u llie r , tome 3 , n° 709. )
Avant T o u llie r , M. Pardessus, dans son traité des servitudes ,
et depuis, M. Vazeilles, estimable auteur de notre contrée , dans
son traite des prescriptions , ont aussi enseigne que l’existence natu
relle des signes de la servitude eu assure la conservation, au moins
pour les servitudes continues. ( V . le premier traité n° 3 i o et le
second n° 4o.j. )
Ces deux auteurs distinguent, avec sagesse, quant à la prescrip
tion, les servitudes discontinues des servitudes continues:
Pour les premières, elles peuvent s’éleindre par le non usage
pendant trente ans ;
¡Mais, pour les secondes, il est nécessaire que celui sur le fonds
duquel s exerce la servitude, au fa it un acte contraire iï cet e x e r
cice.
Cette jusîe distinction est puisée dans la loi même.
lin eflet, si 1article 706 du Code • ivil porte que la servitude est
éteinte pat le non i.saga pendant 5 o ans , l’article 707 ajoute que
�P
i
tas ti'enle ans commencent seulement« cou rir... du jo u r où il a été
fu it un acte contraire, lorsqu’il s’ agit de servitudes continues.
Celle dernière condition s’applique aussi au mode et par consé
quent à l’étendue d’une servitude continue, suivant l’article 708 du
Code.
<f L e mode de servitude, dit cet article , peut se prescrire comme
* la servitude m êm e, et d e la même m anière. »
Aussi, M. Pardessus dit-il au n° 5 og :
« Un propriétaire a un conduit d ’e a u , une gouttière, une croisée
K qui, uno fois établies, subsistent et annoncent l'existence de la
* servitude. On ne peut considérer comme un abandon volontaire
* le défaut d'usage de ces objets , quelque temps qu'il ait dur«'*.
w Des circonstances particulières', un plus grand avantage ont pu
* en être la cause. L a présomption légère qui en résulterait 11e se
« change en certitude que lorsqu’ un acte contraire à la servitude
r a suffisamment fait connaître à ce propriétaire qu’on a intention
« de prescrire contre lui. *
M. Vazeilles tient un langage semblable au n°
4 25-
k S i le propriétaire grevé ne détruit p as les signes visib les de
« la se rvitu d e , ou s’il ne fait «les ouvrages propres à rendre im* possible ou inutile le rétablissement des choses pour lesquelles
* cette servitude existait, ou s’ il ne fait signifier un acte de proies* lation contre le rétablissement de la servitude, le droit subsiste
* toujours; l’usage seulement en est suspendu. »
11
est évident que la condition d’un acte contraire à la servitude,
exigée par l’article 707 pour l’extinction totale de celte servitude ,
doit s’appliquer an.ssi, conformément à l’article 7 0 8 , à l’extinction
partielle , ou à lq modification de la servitude.
Aussi M. Vazedles, on parlant toujours des servitudes, pour
lesquelles un litre est nécessaire ( les servitudes commues et appa
rente*; par exemple , les conduites d’e au ), ajoute-t-il au n° 454 :
n Quoiqu’elles puissent se perdre par prescription , il cst difficile,
* « uioius de contradiction , qu’elles se perdent en partie. L e
" '»oindre usage doit les conserver en totalité , quand 011 a un
* droit établi par titre , l’on eu use plus ou moins selon scs besoins
�« o u sa p o sitio n ; c l l ’on est to ujo u rs censé jo u ir p o u r conserver la
« plénitude de son droit. A d p rim o u d iü m t i t u l u m sem per io n « JlIATUR EVENTDS. »
C ’est p o u r a v o ir o u b lie tous ces p r in c ip e s , q u e M . D ésau lu als a
soulevé l'o bje ctio n illu so ire tirée de la p re sc rip tio n.
C ’est p o u r les a v o ir m é c o n n u s , et p o u r s’ètre égaré dans l ’a p p li
catio n de l’article G /p d u C o d e c iv il, article ab so lum e n t étran g e r à.
la question q u i nous o c c u p e , au lie u de se fixer sur les articles 707
et 7 0 8 , q u i la d éc id e n t te x tu e lle m e n t, q ue le p r e m ie r ex pe rt s’est
p e r d u dans les écarts d ’une a rg u m e n ta tio n tout-à-fail fausse. Ces
é c a rts , au re ste , q u i an n o n c e n t u n e im a g in a tio n v iv e , d o iv e n t p e u
su rp re n d re de la p a r i d ’un e sprit plus fa m ilie r aux ardues c o m b i
naisons des sciences élevées q u ’aux études de la lég islatio n et aux
p rin c ip e s q u i régissent les intérêts p r iv é s , d ’un esprit d o n t les fa
cultés sont assez b e lle s , d o n t l'é r u d itio n est assez p ro fo n d e p o u r
q u ’il se console m ê m e d 'u n e g rave e rre u r dans une m atière q u ’il
n ’est pas o b lig é de connaître,
M . D ésau lu als et le p re m ie r expert se sont épuisés en efforts
im p u is s a n ts , soit p o u r p la c e r la prise d ’eau et l’in stru m e n t ré g u la te u r
de cette prise à des p oin ts o ù ils ne se tro u v a ie n t p a s , soit p o u r
créer une p re s crip tio n illu soire .
L a prise d ’eau est aux sources de S aint- G enesl, sous la ch apelle.
L à aussi est l'in s tru m e n t r é g u la te u r , q u i se com p ose d u tu y a u en
p lo m b de n e u f pouces de d ia m è tre , cl des chevcls en p ie rre q u i
l ’cscortcni et le flanquent.
C e t instrum ent ré g u la te u r n'a é p ro u v é aucun e altératio n. L a prise
d'eau , q u d caractérisait cl d o n t il d éte rm in ait l’étcudue et le m o d e ,
n ’a jam ais aussi é p r o u v é , avant le p rocès a c tu e l, aucun e c o n tra
d ic tio n de la p art de jNl. D ésauluals. Ja m a is celui-ci n’a v a it , ju sq u ’à
p r é s e n t , fait p u b liq u e m e n t, et su rto ut à la \ue et à la connaissance
des habitants de I l i o m , u n acte co n traire à l'exercice des d roits do
cette ville dans toute le ur p lé n itu d e .
D o n c les droits de llio m se sont m ain te n us in té g ra le m e n t.
D o n c ses adm inistrateurs p e u v e n t a u jo u r d ’hu i en user
m iiis
rcs»-
tric lio n c o m m e ils l’auraie n t p u au tre fo is, et lois q u ’ils o n t été cou-
�—
,
Cédés par l’acte de i 6 /f5 , tels qu’ils ont été expliqués par le traité
de 17 7 5 .
Examinons-en les effets ou les conséquences.
3“ ' P R O P O SIT IO N .
E ffe ts ou conséquences des droits de la v ille de Riorn a u x
sources de S a in t-G en est.
Nous avons prouvé que la prise d’eau concédée aux habitants de
l>.ioin avait été fixée , par les titres et par les ouvrages qui en étaient
^exécution, à la source principale et sous la chapelle où sont les
armes de l’ancien seigneur.
Nous avons aussi démontré qu’à cette prise d’eau devaient con
tribuer les sources qui naissent dans le grand bassin comme celles qui
surgissent dans le petit; qu’en un m o t. et en nous servant du langage
des experts, toutes les eaux étaient solidaires pour les besoins des
trois parties intéressées; savoir : les propriélaires des prairies de
^larsat, celui du moulin de Saint-Genest, et le corps commun de la
ville de Riom.
Nous avons fait voir que ce n’était que comme propriétaire dtf
boulin, que M. Désaulnats avait lui-même droit aux sources; que
lui ni scs auteurs n’avaient jamais acheté ni la propriété ni la jusl,ce des sources ; que quoique son enclos q u i, si l’on peut s’exprimer
auisi, a été formé de pièces et de m orceaux, renferme aujourd’hui
ta grand bassin , cependant aucun des titres d’acquisition des hérilages primitivement rsolés, qui ont été réunis en un seul p a r c , ne
SaI'pIique aux sources même ni au terrain oii elles naissent; que ce
seigneur de M arsal, ancien seigneur et propriétaire de ces sources,
toc les avait pas vendues aux auteurs du sieur Désaulnats; et
*|u aujourd’h u i, en l’absence de tout titre attributif de propriété en
f;*veur d’un seul des ayant droit, ceux-ci, qui jouissaient en commun
ces sources, devaient en être aussi considérés comme co-pro
priétaires , dans la proportion, pour chacun , de l’étendue de la
Concession qui lui avait été faite.
Nous avons fait ob server, au reste, q u e, soit que le droit de la
�—
72
—
ville de Riom fût considéré cominc une co-propriélé ou comme
une servitude , dans l’un comme dans l’aulre cas , elle avait
conservé dans toute son étendue, et elle pouvait toujours exercer
dans toute sa plénitude la prise d’eau qui lui avait été concédée.
Nous avons aussi établi que ce droit, déterminé par la capacité
d’un tuyau de plomb de 9 pouces de diamètre, devait être de tout le
volume d’eau que celte capacilé pouvait contenir et débiter, c’està -d ire, d’une quantité que les experts ont évaluée à 2/j. litres par
seconde.
Tous ces faits étant ainsi reconnus ou justifiés, il reste à en tirer
les conséquences naturelles , et principalement à, examiner les
mesures à prendre pour que la ville de Riom jouisse constamment
du volume d’eau qui lui appartient, et qu’elle ne soit pas exposée à
en être privée par les entreprises des autres ayant droit.
L a première mesure à prendre c’est de rendre aux eaux du grand
bassin le niveau qu’elles avaient autrefois.
L a seconde c’est de poser
des points de repère , afin que
ce niveau, une fois déterminé, resie invariable.
Ces deux mesures sont indispensables pour que chacune des p a r - ’
tics intéressées obtienne et conserve le volume d’eau qui lui appar
tient. Car, comme les eaux du grand bassin passent dans le petit et
réciproquement, au moyen des arceaux pratiqués sous le mur do
séparation entre les deux bassins, et comme les eaux du g r a n d
bassin contribuent à la prise d’eau à laquelle a droit la ville de
R i o m , il est clair qu’en baissant le niveau des eaux de ce g r a n d
bassin, 011 causerait à Riom un très-grand préjudice ; ou lui ferait
éprouver une double perte, et celle de la portion d’eau qui lui ar
rive du grand bassin et celle d’une partie des eaux que lui four
nissent les souces du petit bassin, qui se jetteraient dans le g r a n d
pour en olcvcr le niveau; en sorte que par celte double perte , Ia
prise d eau de la ville serait réduite à 10 litres par seconde au
lieu de 24 auxquels elle a droit selon les experts. ( Voir le rapport
des experts, p. i 5q. )
Or le sieur Désaulnats a baissé , depuis 180G, le niveau de l’eau
�-
73 -
du grand bassin par divers travaux qu’il a faijs au coursier de son
Moulin, notamment eu 1 8 1 0 et en mars i 83 g.
Les derniers travaux, surtout, doivent surprendre, soit par la
précipitation que l’on y mit, soit par le moment qui fut choisi pour
Jcs opérer.
Le procès était entame depuis quelques mois ; une vérification
ctait nécessaire pour constater l’état des lieux ; il y avait donc quel
que imprudence à y faire des modifications.
En convenant de ces changements et de leurs époques, M. Dés
aulnats, pour les expliquer, a dit qu’en 1 8 1 0 il avait clevc de
Quelques pouces le seuil des vannes de son moulin, pour substituer
aux anciennes roues a pelles de nouvelles roues à augets ; et qu’en
Mars 1 85 g , en plaçant l’une à côté de l’autre ces deux roues qui
auparavant se mouvaient sur la même lig n e , et en établissant
deux vannes au lieu d’une , il aurait tant soit, peu abaissé son étang ,
seulement pour le cas où les deux tournants marcheraient à-laiois.
L ’élévation du seu il des vannes était peu nécessaire pour changer
la forme des roues , car le saut du moulin est irès-avantageux.
Aussi le meunier de M. Désaulnats , que celui-ci a présenté
comme témoin, et qui était dans le moulin il y a 40 ans, ne parlet-il pas de l’élévation du seuil des vannes. Il déclare même que la
grand coursier qu i amène l’eau su r les roues n’a pas été changé...
que le pavé ou dallage n’a p as été refait... mais que ce coursier
a été élargi.
efict, la largeur de ce coursier n’était autrefois que de deux
pieds, ou de (349 Millimètres ( V . le rapport de 180G , rôle 12 ,
recto ).
Aujourd’hui cette largeur est de u mètres
trémité du coursier en aval; de
5o centimètres à l’ex-
5 mètres 10 centimètres à l’autre
extrémité en amont; et, de plus, on l’a évasé sur la berge do
1étang, de manière à lui donner 5 mètres d’ouverture.
Ajoutons qu’il y a deux tournants parallèles et deux vannes pour
leur jeu.
10
�—
?4
—
L a faible largeur qu’avait le coursier autrefois, et sa position
latérale au grand bassin, 11e lui permettaient pas alors de recevoir
une grande quantité d’eau.
Plus large aujourd’hui, et très-évasé à son origine, il en reçoit
nécessairement une plus grande masse , en supposant même qu’il n’ait
pas élé baissé, ainsi que le déclare le meunier.
Cette augmentation, en largeur, du coursier, n’y eut-il pas eu
d’autres changements, a du nécessairement faire baisser le niveau
du grand bassin ou de l’étang, et cela constamment, que ces deux
vannes soient ou non levées en même temps.
L ’abaissement doit être plus remarquable encore lorsque les
eaux s’échappent à-Ia-fois par les deux vannes pour le jeu simultané
des deux tournants.
Les experts déclarent que le niveau du grand bassin a dû baisser,
dans l’état h ab itu el, de a 5 millimètres ( i i lignes).
ÏVy eùt-il que cet abaissement, il se prolongerait jusqu’au tuyau
de plomb dans lequel J’eau ne s’introduirait ainsi qu’à 1 1 lignes de
moins de hauteur; ce qui diminuerait sensiblement le volume de la
prise d’eau.
Mais les experts reconnaissent n’avoir p u , à défaut de re p è re ,
vérifier mathématiquement la baisse; et, dans le doute, ils l’ont
affaiblie.
A u reste, l ’étal habituel est ce lu i o ù u n seul to u rn an t jo u e .
Or, combien 1abaissement doit-il être pins grand , cl par consé
quent plus préjudiciable à Ilio m , lorsque les deux vannes du moulin „
sont ouvertes.
On doit prévenir ce prejudice, en réduisant les deux vannesàune
seule, connue autrefois, et eu ordonnant le l'établissement du
coursier dans son ancien état, île deux piedi (
millimètres)
de largeur; ou il faut reparer le préjudice que cause le changement»,
en donnant plus d élévation au coursier.
L e nouveau déversoir, construit eu mars i 85 q , doit aussi
supprimé. 11 n’est pas utile au sieur Desaulnats, puisqu’il en existe
un autre; et par sa profondeur, par sa largeur comme par la facilité
�avec laquelle on pourrait le mettre en jeu , il deviendrait le germé
de contestations sans cesse renaissantes, en fournissant aux doïriestiques même du propriétaire de Saint-Gencst l’occasion de p r iv e r ,
Jic fùt-ce que momentanément, la ville de liiom d’une partie du
volume d’eau auquel elle a droit. L ’ouverture de ce déversoir réduit
la prise d’eau à 10 litres par seconde au lieu de 24. \
L e mur qui domine Je grand bassin doit être réparé ; l’eau
s’en échappe , soit par d’assez grands vides qu’011 y remarque ,
soit par les joints mal cimentés. L a ville de l\iom avait été chargée
par l’acte de 1 645 d'entretenir ce m u r; on doit donc l’autoriser à
le faire.
Lorsque les réparations nécessaires auront été faites au grand
bassin, et que les eaux auront recouvré leur ancien niveau, plusieurs
repères solidement établis devront s’opposer à tout changement de
niveau, en rendant facile la reconnaissance des changements qui
pourraient survenir.
Ces repères, placés dans le grand bassin, devront correspondre
ü d’autres repères qui, posés dans le petit bassin, pourraient faire
reconnaître les variations de niveau qu’éprouveraient les eaux du
grand bassin.
Cela éviterait l’exercice trop fréquent, dansla grande enceinte, du
droit de surveillance q u i, dans l’intérêt de la prise d’eau de la ville
de Riom , ne peut être refusé à scs administrateurs.
»
Des réparations assez importantes doivent aussi être faites dans la
petite enceinte:
L e tuyau de p lo m b , dont l’orifice a été un peu faussé , doit être
remis dans son premier état, c’est-à-d ire, qu’au lieu de sa forme
actuelle , un peu ovale , il doit reprendre son ancienne forme
circulaire, à neuf pouces de diamètre;
Les chevets et l’enveloppe en pierre du tuyau de plomb doivent
¿ire cimentés;
Les murs du petit bassin doivent être crépis ;
Les petites so u rce s, qui s’échappent à travers les murs cl qui
�coulent dans le chemin, doivent être retenues et rendues à leur
destination ;
Enfin, toutes les réparations indiquées par le rapport des ex
perts , et notamment dans l’avis du troisième, doivent être, exé
cutées. Ces réparations seront utiles à toutes les parties intéressées,
en évitant une perte d’eau considérable, et en en procurant à chaque
ayant droit un volume même plus grand que celui dont il jouit
actuellement ( V . le rapport, page
5 Sç)).
L a ville de Riom doit aussi être autorisée à disposer dans la
petite enceinte ses nouveaux canaux de la manière qui lui paraîtra
la plus convenable pour faciliter l’exercice de son droit et pour
qu’elle jouisse des 24 litres d’eau par seconde, qui lui appartiennent;
car, lors même qu’elle n’aurait qu’un droit de servitude, elle pourrait
faire tous les ouvrages nécessaires , non seulement pour le con
server , mais encore pour en user le plus avantageusement possible^
( Code c iv il, art 6 9 7 .)
Seulement elle doit ne pas altérer l'instrument régulateur, c’est-à-dire le tuyau de plomb et les chevets.
Telle est celte cau se, dont les détails sont plus nombreux que
les difficultés 11c sont sérieuses, et qu’ont fait naître des préten
tions q u i, d’après les litres et le rapport des experts, sont évidem
ment illusoires.
Une plus saine appréciation des droits respectifs les eût sans
doute prévenues.
Car à quoi est due la contestation ?
A une imagination trop active qui a égaré le jugement;
A 1inquiétude d un esprit qui a mal calculé scs intérêts et ses
dangers.
L t pour la soutenir, cette contestation imprudemment entreprise^
sur quels moyens s’est-on appuyé?
Sur une fausse interprétation des actes;
�'S u r dû vains systèmes qui n’ont pu résister à l’épreuve d’un exa
men un peu réfléchi;
'•
Sur une prétendue prescription, argument peu favorable en
soi et que la loi n’admet que lorsque les circonstances font pré“
sumer des conventions postérieures , dérogatoires aux conven
tions primitives ;
Sur une prescription qui n’existe pas en fait, puisqu'on est dans
l’impossibilité de prouver une possession continue, déterminée ,
non équivoque et caractérisée par des actes émanant de celui qui
l’invoque, et contraires aux droits de ceux auxquels on l’oppose;
Sur une prescription repoussée, d’ailleurs, par des ouvrages
apparents qu’on n’a jamais tenté de détruire ni d’altérer, par des
ouvrages permanents qui signalaient la prise d’eau et son étendue ,
par des ouvrages caractéristiques et conservateurs des droits qu’ils
indiquaient; titres muets mais puissants, sorte de contrat matériel
et solide contre lequel viennent se briser tous les efforts de l'argu
mentation et les vaincs subtilités des systèmes.
A quoi donc nous conduisent aujourd'hui et les faits constatés par
les experts cl l’application des titres et les démonstrations qui en
résultent?
A reconnaître que les titres, l’état des lieux et toutes les circons
tances comme toutes les preuves, attribuent à la ville de Rioin un
Volume d’eau suffisant pour remplir un tuyau de neuf’ pouces de
diamètre;
A reconnaître, ce qui n’aurait jamais dù élre oublié, ce qui avait
eté déclaré autrefois par M. Désaulnats lui-méme 011 par son père ,
fl'ie ce volume d’eau de n e u f pouces en diam ètre appartenait à la
vdlc de Riom, et que toutes les sources, celles du grand comme
ccllcs du petit bassin, étaient destinées à entretenir la plénitude
du regard primitif des fontaines de cette ville ;
A reconnaître une vérité que l’on no saurait désavouer aujourdlmi. Car la vérilé est une; elle est inflexible ; elle ne peut varier
uu fï|,(; des intérêts du moment.
A reconnaître enfin q u e , pour conserver scs droits dons toute
�le u r etendue , dans toute la plénitude de leu r instrument régu la
teur, la ville de Riom est autorisée à exiger que le niveau des eaux
du grand bassin soit rétabli à son ancienne élévation, et que des
mesures soient prises pour éviter que désormais cette élévation ne
-puisse être affaiblie.
M. CH AM ERLAT,
Maire.
M M . S IM O N N E T et S A U R E T ,
M* A LLEM A N D ,
Me CHARDON,
RIO M ,
IM P R IM E R IE
DE SALI,ES
F I I .S .
Adjoints.
Avocat
Avoué.
.
�PLAN llï LA PRISE D’EAU DE lllll ET DII P U DIB. DESAIMT
Différentes hauteurs de l'eau, observées dans la
chapelle.
i,395
Une »«nie
>,355
La vanne de M arul seule onverle. «
,445
k®4 deux vannes du moulin et la vanne du Pr^»
Long ouvertes.
430
Une seule vanne du moolin et la vanne du PréLong ouvertes.
,445
Une seule vanne du moulin et la vanne de Maraat
ouvertes.
0,4^5
T anne
do moulin ouverte.
Les deux vannes du moolin ouvertes.
A
B
X -
425 Niveao de l'étang quand les deux
marchent.
PLAN GENERAL.
, 1 4 * S * ‘T * 9
tournants
't613 Commencement du canal en pierre du moulin.
Seuil.
it703 Fixa du canal en pierre conduisant Peau sur les roues.
Élévation suuant p p» ¿ u p i aïlw
,674 Seuil des vannes du moulin.
i,785 C hute derrière la vanne de décharge.
6C6 Seuil de la vanne de décharge.
1*775 Fin
àn
canal en pierre de la vanne de dfcharge.
,740 Seuil de la vanne de Marsti.
0,815 So«il de la vanne do Pré-Long,
0,9J> Seuil de 1* vann» provisoire, prè, I. , , nPe j e fon(1
1,425 Seuil de la vanne de fond.
P L A N D E L A P R I S E D ’E A U .
EchelledelaCoupeetduPlan,
r
Différente» hauteurs de l'eau dans la chapelle
au-destut du plan inférieur , tangent au
tuyau de plomb au point x. *
0,Ï38 Une aenle vanna do m a lin . < v . .
LEGENDE.
Coupe suivant la (igne f g du P lan .
*» rrt */>-+*.
Grand bassin contenu dans le parc de M. Desaulnat.
Partie du petit bassin en communication directe avec A au moyçn
desouvertures met ni', et en communication avecC par-dessus
les chevets L LA
B7 Partie du petit bassin en communication avec C cl B par-dessus
les chevets L L ', et avec A au moyen de B.
,C Chapelle ou voûte, désignation des actes de 1654 et 1775.
P Seconde enceinte ajoutée à la chapelle. (Acte de 1775. )
D Tuyau de plomb posé par suite de l’acte de 1775.
E Premier regard, dont la ville a seule la clef. ( Acte« «te 1031
et 1775. )
F Caniveau ancien, tète de l'ancienne conduite.
G Ouvrage nouveau, tuyau en pierre de 0™25 de diamètre, sujet
de la contestation.
II Ouvrage nouveau, cuvette menant l’eau du premier regard E ,
pour la conduire au tuyau G.
I Vanne pour l’irrigation des prés de Marsat.
L L ' Chevets en pierre, établissant, au-dessous d’un certain niveau,
une séparation entre le bassin C et les parties A B et II'.
K Enceinte renfermant la source C, le 1 " regard E, le tuyau de
plomb, etc.
X Y Plan horizontal supérieur du plafond de l’enceinte P , pris pour
plan de repère des côte* de nivellement.
a a' et b 1)' Courants alternatifs scion que la vanne de Marsat est
ouverte qu fermée,
c c' Courant qui s’établit quand la vanne de Marsat est ouverte.
V Vanne servant &modérer la dépense du tuyau de plomb.
M Moulin de M. Desaulnat.
M' Dépendance du moulin (maillerie).
M" Dépendance du moulin.
A Digue retenant les eaux.
a 6 Vannes du moulin.
V Vanno de décharge.
S Vanne de fond ancienne.
/* Vanne remplaçant provisoirement la vanne de fond (ouvrage
nouveau ).
^
Vanne dite du Pré-Long.
« Canaux d’irrigation pour le* prairies de Marsat.
N Chemin.
T Terres ou jardins contenus dans le parc de M. Desaulnat.
a Mur de clôture de M. Deyiulnat.
u Soupape en tôle servant au partage de l’eau entre les roues du
moulin, lorsqu’elles étaient à la suite l’une de l’autre.
I.n n g tm ir ilr tuy au île p lo m li........................................................... 7W HI).
^
(vertical....... 0n>22j.
Diamètre du tuyau do plomb a 1entrée en C... |hürilohul_ 0m2n3
Diamètre du tuyau de plomb à la sortie en E.. I TerJ'ca* " " "
1
|horizontal... ()moi3.
Pente totalo du fond du tuyau de plomb.............. .............. 0™06ô.
i
0,278 La Tanne de M arul aeulc.
0,185
L ti deux vanneadu moulin allavinnedu
Pri-Long.
0,203 Une aenlô vanna du moulin etla vanna du
Pri-
Fait et dressé par les experts soussignés, à dermom-terrand,
le sia avril mil huit cent i/uaranlé.
liOng.
0,181 Hua aeole vanot da moulin <t la n o n « de Mariai.
Tu. AYNAHI).
0,208 Le» deiu vanna« da moulin onrnlc».
LA PLANCHE.
HURDI.N.
ÉchelledeVÈlivationdei Chevelt.
r. n .~ F1
IM A . d t 7 ’h ib*4**i L * * r u J r t+ f *é < '** à C l ê r t u e r x t K f
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�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Neiron-Desaulnats, Jean-Marie.1840?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Chardon
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
servitude
canal
prises d'eau
aqueducs
moulins
génie civil
fontaines
irrigation
approvisionnement en eau
experts
hydrométrie
prescription
copropriété
utilité publique
architecture hydraulique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le corps commun de la ville, poursuites et diligences de monsieur le Maire de cette ville, contre monsieur Neiron-Desaulnats, propriétaire, habitant du lieu de Saint-Genest-l'Enfant.
Annotations manuscrites.
Plan de la prise d'eau de Riom et du moulin de monsieur Desaulnat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1840
1804-1840
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
78 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2915
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2829
BCU_Factums_G2901
BCU_Factums_G2922
BCU_Factums_G2921
BCU_Factums_G2920
BCU_Factums_G2918
BCU_Factums_G2917
BCU_Factums_G2916
BCU_Factums_G2914
BCU_Factums_G2913
BCU_Factums_G2912
BCU_Factums_G2911
BCU_Factums_G2910
BCU_Factums_G2909
BCU_Factums_G2908
BCU_Factums_G2902
BCU_Factums_G2903
BCU_Factums_G2904
BCU_Factums_G2905
BCU_Factums_G2906
BCU_Factums_G2907
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53601/BCU_Factums_G2915.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Malauzat (63203)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
approvisionnement en eau
aqueducs
architecture hydraulique
canal
copropriété
experts
fontaines
génie civil
hydrométrie
irrigation
Jouissance des eaux
moulins
prescription
prises d'eau
servitude
utilité publique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53603/BCU_Factums_G2917.pdf
89cad4c4eafc17c033cdb6ef25acfd56
PDF Text
Text
r
f a *
OBSERVATIONS
POUR
L E S H A B I T A N T S E T L E COR P S C O M M UN
D E L A V IL L E D E R IO M ,
D éfendeurs a u p rin cip al et incidemm ent
D em andeurs 7
CONTRE
M. N E IR O N -D É S A U L N A T S ,
D e m a n d e u r et D é fe n d e u r .
D
eux
mémoires ont été répandus par M. Désaulnats;
L ’un, adressé aux experts, qui était destiné à préparer leurs
opérations et à diriger leur a v is ,
L ’au tre, postérieur à ces opérations, et dans lequel on s’est pro
posé de critiquer le rappo rt, de combattre l’opinion qui y est
exprimée et d’en annuler les conséquences.
L e premier mémoire a manqué son but.
-Le second aura-t-il plus de succès?
Il
est permis d’en douter, si l’on examine les titres des parties,
principalement le traité de 1 7 7 6 ; si l’on se fixe sur l’état des lieux,
*
�Cl)
titre muet cl cependant des plus expressifs; si l’on considère surtout
l’ensemble de cette cause qui présente d’un côté un intérêt puissant,
un intérêt précieux pour la ville et des établissements publics, de
l’autre, un intérêt presque nul, puisque sa valeur n’excéderait pas
12 a i 5 fr. de revenu annuel, quel que fût le résultat.
Aussi , pour attacher à ses prétentions l'importance qui leur
manque, M. Désaulnats a-t-il cherché à y faire concourir les p ro
priétaires des prairies de Marsat.
Mais ceux-ci n’ont pas cédé aux insinuations, et, justes appré
ciateurs des droits des parties, ils n’ont pas cru devoir favoriser ,
par leur assistance, des réclamations q u i, sans doute, ne leur ont
pas paru légitimes.
Dans son nouveau m ém oire, M. Désaulnats s’occupe de quatre
objets principaux :
L a propriété des sources de Saint-Genest;
L ’examen des titres de la ville et de la quantité d’eau que ces
titres attribuent ;
L a discussion du rapport des experts ;
Des arguments tirés d’un proccs-vcrbal dressé en 1 7 2 5 par
l’intendant de la province.
Sur chacun de ces objets la ville de Iliotn bornera sa réponse à
de courtes observations, que rendrait même inutiles peut-être le
mémoire qu’elle a déjà publié.
§ 1”.
Ile la propriété «le» source*.
Cette question de propriété est examinée dans le mémoire des
habitants, pages 07 et suivantes.
On y a démontré que jamais l’ancien seigneur de Sl-Gcncst et
de Marsat, propriétaire des sources dont il s’agit, ne les avait ven
dues aux auteurs de M. Désaulnats.
Cette démonstration a été puisée dans deux rapports d’experts
faits en t8 o ü , lors d’un procès que soutenait M. Désaulnats p è re ,
�rapports où sont (rancrits et appliques les titres de propriété qu’in
voquait alors M. Désaulnats.
L ’examen de ces titres prouva aux experts que le domaine actuel
de celui-ci avait été formé d’héritages isolément acq u is, plusieurs
desquels confinaient les bassins ou réservoirs des sources , mais qui,
dans les confins m êm e, plaçaient ces bassins hors des objets acquis.
S ’il en est ainsi, comment M. Désaulnats peut-il se prétendre
propriétaire des sources de St-Gcnest? et que deviennent tous les
arguments qu’il déduit d'une prétendue propriété que rien ne jus
tifie?
Et comment n’a-t-il pas prévu qu’il s’exposait à de justes récri
minations , lorsqu’il a reproché avec quelque amertume aux admi
nistrateurs de la ville de s’être livrés, en 1 8 5 8 , à ce qu’il appelle
des voies de fait, auxquels il a cru , dit-il, nécessaire de s’opposer?
Comment n’a-t-il pas réfléchi que les actes dont il se plaint, ne
changeant rien à h prise d’eau appartenant à la ville, n'en augmen
tant ni la quantité ni les conditions, n’étant, d'ailleurs , pas exercée
dans sa propriété privée et exclusive, ne pouvaient, sous aucun
rapport, autoriser même de légères réclamations, encore moins
une opposition aussi prononcée dont le tribunal, au reste, a fait
provisoirement justice.
Cependant M. Désaulnats persiste dans sa prétention de propriété
des sources, et soutient que la ville n’a pas le droit d ’argumenter
des documents qu’elle trouve dans des rapports d’experts et dans
l>n ancien procès oîi elle n’était pas partie.
L ’objection est d’autant moins sérieuse, que M. Désaulnats argu
mente lui-même de ces documents pour son intérêt, dans plusieurs
parties de son mémoire.
Au reste, que d o it - 011 chercher dans toutes les causes ? — I-a
vérité.
Quelque part qu’on la trouve, chacun n’a-t-il pas le droit de la
saisir, de la signaler, de l’invoquer ?
l u M. Désaulnats serait-il disposé à s’arroger un droit qui n au
rait pour base qu'une erreur ?
�_
4
—
Personne ne le pensera ; sa loyauté est trop connue pour lui faire
une telle iujure.
Cette réflexion ne nous permet pas aussi de croire qu’il veuille
opposer sérieusement à la ville une énonciation fugitive qui s'était
glissée dans le traité de i']r/5 , où il est dit que la principale source
de St.-Gcnest est placée dans la justice et la propriété du seigneur
de St.-Gcnest.
Remarquons , au reste, que c’est dans l’exposé seulement, et en
forme énonciative, non dans les clauses de la transaction, que l’on
parle de la situation des sources, et que, quel que fût le lieu de la
situation, les droits de la ville sur ces sources devaient être réglés
contradictoirement avec le seigneur de Saint-Gcnest q u i , comme
propriétaire d’un moulin, avait aussi l’usage des eaux , et dont les
intérêts à cet égard devaient être ménagés.
Ajoutons que les contractants, en 1 7 7 5 , n’exaniincrent point la
question de propriété des sources, et qu’en principe, toutes les
conventions, les transactions même, ne comprennent que les cho
ses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposé de con
tracter. (Code civil., art. 1 1 6 5 , 2 0 4 8 , 2 0 4 9 .)
Enfin, M. Désaulnats a un moyen fort simple de faire cesser sur
ce point toute difliculté. Qu’il produise ses titres, et notamment
l’acquisition du moulin de Saint-Gcnest, en date du 4 janvier 16 2 0 ,
et l'on y verra s’il a réellement acquis ces sources qui appartenaient
autrefois au seigneur de M a r sa t, ainsi que l’attestent encore les
armes de ce seigneur qu’on voit incrustées sur la voûte de la cha
pelle dans laquelle naît la source principale.
Tant que des titres de propriété ne seront pas présentés , 011 aura
le droit de dire que M. Désaulnats n’a pas acquis ces sources; qu’il
n’en a pas la propriété; que l’aucien seigneur de Marsat ne les
ayant jamais aliénées , en était resté propriétaire, et qu’aujourd’hui,
cet ancien seigneur ne les réclamant pas, elles doivent être considérées
comme appartenant en commun a ceux qui en ont seuls et constam
ment usé, savoir, à M. Désaulnats pour le jeu de son moulin, aux
habitants de lliotn pour leurs fontaines, à ceux de Marsat pour l'h’’
rigntion de leurs prairies.
�ht
E t comment la co-proprictc de ces sources, celle surtout du petit
bas?in où surgit la source principale, pourraient-elles être contestées
aux habitants de R io m , qui seuls, à ce qu'il paraît, en ont fait faire
la clôture; qui seuls aussi en ont entretenu, rép aré , exhaussé les
murs d’enceinte; qui ont établi dans cette enceinte un regard dont
ils avaient seuls la clef; qui y 'o n t toujours fait, sans opposition,
sans le moindre trouble, tous les travaux et tous les actes nécessaires
à l'exercice de leurs droits.
Au reste, cette question de co-propriété est peu importante dans
la cause. Ne fussent-ils pas co-propriétaires des sources et des bas
sins où elles naissent, les habitants de Iliom n’en seraient pas moins
autorisés à y faire toutes les réparations, tous les ouvrages propres
à rendre plus facile, plusavantageux, plus complet l’usage des eaux
qui leur appartiennent, pourvu que leur prise d’eau ne fût pas aug
mentée, et qu’ils ne causassent pas de préjudice légal à M. Dcsaulnats et aux propriétaires des prairies de Marsat. O r, nous verrons
bientôt que les droits légitimes de M. Désaulnals et de ces proprié
taires ne sontaucunement blessés par ce qu’ont déjà fait les habitants
de Ilio m , et par ce qu’ils se proposent de faire encore aux sources
de Saint-Genest.
§
a.
E x am en des titres de la ville et de rétendue
de ses droits.
Dans ce paragraphe , notre adversaire annonce qu’il va analyser
les o d es ei les fa its sur lesquels se trouve /ondée la prise d ’eau
de la ville.
L ’analyse des actes en quoi consistc-l-elle ?
A disserter sur l’acte de iG/j 5 ;
A ne rien dire de celui de iG 5 /( ;
A glisser sur le plus important, lo plus clair, le plus décisif, la
transaction de 1 7 7 5 .
L'analyse des laits , quelle est-elle ?
�— G—
Une discussion , plus ou moins claire, qui se réduit à de vngucs
conjectures, et dont on a cherché à puiser quelques éléments dans
les traités d’hydraulique de Mariolte, de Bélidor, de G enieys; ou
vrages dont le plus ancien n’a été publié, pour la première fois à
l iC yd e,
qu’en 1 7 1 7 , c ’est-à-dire 76 ans après la convention de
i 645.
On sc demande quelles lumières, pour éclairer des conventions
faites en Auvergne, en 16 4 5,0 11 a pu emprunter d’un écrit imprimé
en Hollande en 1 7 1 7 seulement?
Que disent, nu reste, ces auteurs, et notamment Genieys qui a
écrit le dernier (en 1829)?
Cet auteur dit que » l’évaluation de la quantité d'eau nécessaire
* pour satisfaire aux besoins d’une population déterminée, n’a pas
► encore été faite d’une manière précise ;
» Qu’en France on est dans l’habitude de la fixer à raison de
« 1 9 1 9 5 litres ( 1 pouce) par mille habitants;
*
Que les ingénieurs écossais attribuent neuf gallons par jour, ou
41 litres 58 centilitres à chaque individu. » ( V o ir G e n ie y s , édition
1829 , page 5 3 , n° i o 5 ).
L ’auteur du mémoiresupposc ensuite que Ja ville de Riom n’avait,
en 1 6 4 5 , que 9000 habitants, quoiqu’elle fût plus populeuse alors
qu’aujourd’hui; et il conclut de toutes ces suppositions que neuf
pouces d’eau seulement devaient appartenir à la ville.
Peu sûr cependant de ses hypothèses, tantôt il en accorde 14
pouces, tantôt 2 7 , en ajoutant que ce devait être des pouces d ’eau
dits foiUainiers.
Nous ferons d’abord observer que les j>ouccs d 'e a u , dits fontai-
niers , n’étaient certainement pas connus en 1G4 5 ; qu'aujourd'hui
même ce n’est pas une mesure légale , comme le déclare Genieys
qui exprime le vœu que les lois déterminent une mesure positive
qui puisse devenir la règle des ingénieurs et des tribunaux dans les
distributions des eaux.
Le pouce d’eau, dit fontainivr, qui s’échappe par un orifice cir-
culairc d’un pouce de diamètre, peut d’autant moins servir de guide
dans cette cause, que toutes les distributions, soit extérieures, soit
�intérieures, de l’eau qui appartient à la ville, sont faites par des ori
fices c a rre s, dont le produit est d’environ un tiers en sus de celui
d’un orifice circulaire du même diamètre. Un calcul fortsimple nous
apprend, en effet, qu’ un tuyau rond de 4 pouces de diamètre ne re
çoit que 12 pouces 4/7 de liquide, tandis qu’un tuyau carré du
même diamètre en reçoit îG.
Mais de quelle utilité peuvent être, pour la cause, toutes ces
conjectures hasardées, toute celte prétendue théorie à laquelle on
s’est livré sans la bien connaître.
L a prise d’eau, acquise en 1 6 4 5 , confirmée en iG 5 4 -> expliquée
et clairement déterminée en
n’a pas pour base les besoins
rigoureux et individuels d’une population plus ou moins nombreuse ;
elle n’a été évaluée, à toutes ces époques, ni en pouces d’eau, dits
fontuiniers, ni en pouces d’ eau ordinaires ; elle a été réglée par des
tuyaux dont l’orifice, placé aux sources mêmes, avait et a conservé
une capacité déclarée dans les actes.
Les besoins rigoureux et individuels de chaque habitant n’en ont
pas fixé la quantité; car l’acte même de i 645 , cet acte sur leqfiel
on a beaucoup disserté en profitant, avec une certaine habileté, de
l’obscurité de quelques-unes de ses expressions , cet acte ne dit pas
que la prise d’eau dont il parle est attribuée seulement pour la con
sommation des habitants cl de chacun d’eux , mais qu’elle aura lieu
pour leurs service et usage. O r, ces mots service et lisage de
l’eau s’entendent évidemment, non seulement d’une consommation
individuelle, mais de tous les besoins d’une ville à qui les eaux
peuvent être nécessaires pour scs usines, pour les établissements
publics, pour les bestiaux, pour le nettoiement des rues, pour les
concessions qu’elle est dans le cas de faire à beaucoup d’habitants,
et même pour les embellissements.
Et certes, si la prise d’eau avait été aussi modique qu’on le sup
pose dans le m em oire, on n’aurait pas manifesté, dans l’acte de
1G45 , la crainte tlu préjudice qu’elle pouvait causer au jeu du
moulin deSt.-Gencst; on n’aurait pas chargé l.i ville des domina»'»
et intérêts que pourrait réclamer l j propriétaire tic ce moulin. (,.ar
ce préjudice eut etc n u l, ces dommages et mUTi’ls auraient etc
�—
8
—
insignifiants. On peut en juger par ce que disent les experts, page
14 5 de leur rapport, où ils calculent la perte annuelle que ferait
éprouver au jeu du moulin la totalité de l’eau que prendrait la ville
avec son ancienne conduite toute dégradée, toute imparfaite qu’elle
est, perte qu’ils évaluent à 5 a fr. 5 o cent, de revenu annuel pour
17 litres ou 74 pouces d’eau par seconde.
Et remarquons que cette estimation est faite, non valeur de 1 6 4 5 ,
mais valeur actuelle,valeur de 1840, c’est-à-dire aune valeur quin
tuple au moins de celle qu’elle devait offrir il y a deux siècles.
Qu’est-ce, en effet, que le faible volume d'eau attribué à la ville
par scs divers titres, si on le compare à la masse abondante des
eaux qui font jouer le moulin du sieur Désaulnats?
Mais analysons ces titres avec un peu plus de soin qu’on ne l’a
fait dans le mémoire auquel nous répondons , et rectifions différentes
erreurs qu’on y a commises.
Une première erreur est relative au point 011 les habitants
prenaient, avant iG 4 5 , de l’eau pour leurs service et usage .
Il est dit, dans l’exposé de l’acte, qu’ils étaient en possession de
la prendre en un ruisseau qui vient de la source de St.-Genest et
bien proche d'icelle.
Plus bas, cl à la fin des conventions faites entre le seigneur et les
habitants, pour la prise d’eau qui est attribuée à c e u x - c i , on lit ces
mois :
* L e présent contrat ne fera aucun préjudice à la ville de R io m ,
* pour la prise de l’eau qu’elle a accoutumé deprendre au ruisseau
« qui vient de ladite source de Sainl-Gcncsi et dans la justice de
cr ¡Ma rsat, et au-dessous du partage de l’eau. »
M. Désaulnats nous apprend Iui-méme que cctlc dernière prise
d’eau avait lieu au-dessous du point connu sous le nom des P a r
faisons , distant de la Source de Saint-G enest de plus de 400
mètres.
La'distnncc e s t , en effet, plus grande ; et cependant 011 veut
confondre la prise d’eau qui s’nxcrçait bien proche de la source,
avec celle qui avait lieu ¿1 plus de 400 mètres.
L ’erreur est palpable.
�—
9
f)k\
—
L ’eau prise au-dessous des Partaisons est celle qui forme le
ruisseau qui traverse la v ille , qui longe le foirail et qui se prolonge
au-delà. Dans aucun temps, cette eau n’a été destinée aux fontaines
de la cité. Aussi ne trouve-t-on , vers les Partaisons , aucune trace
d’une ancienne conduite d’eau. Il n’y a l à , il n y a jamais eu en ce
point que le commencement du lit d’ un cours d’eau extérieur et
p u b lic, qui se continue jusqu’à la ville, et qui, dans l’intervalle ,
sert à l’irrigation des prairies qu’il borde ou qu’il traverse.
L a prise d’eau employée au x service et usage des habitants
s’exerçait, avant iG/j.5 , bien proche de la source dans l’origine du
ruisseau qu’elle produisait, et non à plus de 400 mètres de
distance.
Les habitants voulurent la prendre à la source môme. Dans ce
but, ils y avaient posé des canaux. De là, les difficultés que termina
l’acte de i 6 /f5 .
Une seconde erreur a trait au point oii la prise d’eau fut placée
en 164 5 .
Nous avons soutenu, dans le premier mémoire imprime , que la
prise d’eau avait été, à cette époque, fixée dans le grand bassin, au
point marqué O sur le plan des experts; et dans celte indication
nous étions d’accord avec les experts qui ont opéré en 1806 ,
comme avec ceux qui ont vérifié les lieux en 1840.
Le sieur Désaulnats contredit ce fait.
¡Mais il 11’a pas remarqué qu’indépendamment de l’avis unanime
des cinq experts, il était établi par les termes de l’acte de 1 6 4 $ ,
comme par ceux des conventions postérieures de i 6 5 4 L'acte de iG 45 autorise les habitants à prendre l’eau aux sources
qui sont au bout du grand bassin, ...... du côté de b ise, joignant
à un sentier qui est du côté de nuit. C ’est là que furent placés les
canaux de la prise d’eau.
O r, toutes ces désignations s'appliquent à l’extrémité du grand
bassin 011 de 1 étang , à ce point marqué sur le plan par la lettre O ,
qui se trouve réellement à l’angle et au bout de ce grand bassin , du
côté de b ise , cl près duquel existait autrefois un sentier du côté de
a
�—
10
—
nuit, comme le prouvent les titres appliqués par les experts de
1806.
Ces signes divers repoussent l’ idée que ces canaux eussent été
placés dans le petit bassin. Car, là, il n’y avait qu’ une seule so u rce ,
celle où existent aujourd’hui le tuyau de plomb et les chevets; et
celle source ne surgit pas à la bise du petit bassin.
Elle naît au contraire au sud-ouest de ce petit bassin; elle n’est
donc pas, elle ne peut pas être celle dont parle l’acte de i 6 4 5 .
Aussi, dans l’acte de 1 6 4 5 , ne parle-t-on pas de la chapelle sous
laquelle naît la principale source.
Les conventions de
i 654 confirment notre
idée ,
en nous
apprenant que le lieu fixé en 1 G4 5 avait dû cire changé, soit parce
que les sources désignées audit contrat ri étaient pas suffisantes
pour fournir à la prise d’eau de la ville, soit parce qu’il y avait des
oppositions et empêchements de prendre l’eau ciudit endroit.
L e premier de ces motifs ne pouvait s’appliquer à la source de
la chapelle marquée par le point C , source q u i , si Ton en croit
les assertions du sieur Désaulnats dans son mémoire, était plus
que suffisante pour fournir à la ville l’eau à laquelle elle avait
droit.
L e second motif s’explique facilement. Les sources de l'étang
ou du grand bassin fournissaient par leur pente naturelle la plus
grande partie de l’eau qui servait au jeu du moulin dont le chencau
était placé au-dessous , et à peu près au milieu de la longueur de
l’étang. L e propriétaire de ce moulin était intéressé à ce que les
eaux ne fussent pas dérivées de leur pente naturelle par des ca
naux qui en priveraient ce moulin , en contrariant le mouvement
des eaux , et cela dans l’intérêt des habitants de Iliom.
Tout s’explique aisément dans les deux actes , en considérant le
point 0 , djus le grand bassin f comme celui d«* la prise d ’eau
primitive.
Tout y est obscur, au contraire, en la supposant dans le petit
bassin, au [»oint C , sous la chapelle.
Une troisième erreur , d.ms l'interprétation donnée ù cet uctc de
�éh
—
li
—
i 6 4 5 , porte sur la voûte et sur le regard que la ville fui autorisée
à y construire.
Cet acte est imprime en entier à la suite du premier mémoire ; il
serait trop long de le transcrire ici de nouveau.
Il suffira de remarquer qu’on y parle de deux constructions
distinctes qui pouvaient être faites dans le réservoir des sources.
i° Celle d’une voûte avec les armes de la v ille , que les consuls
sont autorisés à faire faire au-dessus des sources , pour fe rm e r
l’eau sous clef \ en sorte qu’ on ne puisse empêcher ladite prise
cTeau.
20 « A l’endroit où seront posés les canauæ , est-il d it, les
« consuls feront aussi faire un regard en voûte , pour pouvoir voir
« et vérifier que lesdits neuf pouces d’eau soient complets sans en
« excéder la quantité...........
« E t seront tenus , est-il ajouté , lesdits consuls et leurs
• successeurs d é faire faire ouverture de ladite voûte et reg ard,
* lorsqu’ ils en seront requis par ledit sieur de L u g eac ; afin de
« vérifier, avec lesdits sieurs consuls, ladite prise d’eau à ladite
» sortie du bassin ou réservoir dans ledit regard. » ( 1)
Ainsi, deux constructions devaient êlre faites parles habitants :
L ’une consistait en une voûte avec les armes de la ville , pour
fermer l’eau sous c le f ci pour la conserver.
Dans cette première clause, il n’est pas question de vérification
à faire par le seigneur sous cette voûte. Les consuls, qui doivent
en avoir seuls la clef, ne sont pas soumis à en faire l’ouverture au
sieur de Lu geac.
L ’autre construction est un regard en voûte , où les canaux
doivent être placés, où la prise d’eau doit s’exercer et où doit aussi
s’exercer la surveillance du sieur de Lugeac , auquel l’ouverture
doit en être faite à sa première réquisition, afin qu’il puisse vérifier
la quantité d’eau (pii y serait prise.
(1) Dans le mémoire du sieur Désnulnals, 011 a imprimé : dans lesdits regards;
erreu r de typographie qui a sans doute donné lieu à IVrreur de raisonnement
que nous discutons.
�—
12
—
Celle vérification doit cire faite, non pas sous les deux voûtes ou
regards, niais sous un seul, dans ledit regard, est-il dit.
Elle est autorisée, non sous la voûte à l’exiéricur de laquelle
doivent ótre placées les armes de la ville , mais sous le regard en
voûte où doivent être posés les can aux, dans l’orifice desquels
s’introduirait l’eau des sources, et c’était aussi le seul point impor
tant à vérifier.
11 n’y avait donc, d ’apres l'acte de iG 4 5 , qu’un seul regard où
devait être exercée la surveillance du seigneur, et ce regard était
celui où était réellement la prise d’eau.
Cependant l’auteur du mémoire parait avoir pensé que , des
i 6 .j 5 , le seigneur de Marsat avait eu le droit de vérifier les deux
voûtes ou r e g a r d s, celle dont la ville avait seule la clef, comme
celle sous laquelle l’eau était prise.
Celle e r r e u r , il ne l’eût pas commise si , dans son second
mémoire , il eut rappelé lui-même les deux parties de la convention
principale, de cette convention qu’il reproche à la ville d’avoir
scindée dans son mémoire, sans remarquer qu’il la scindait lniinème, par inattention sans doute, mais par une inallenlion trèsfavorable à son système.
Qu’cst-il arrivé depuis i 6 4 i>?
Que la prise d’eau a été changée de position ;
Qu’elle a éié placée sous la chapelle revêtue des armes du
seigneur et où a été dès-lors transporté le droit de vérifier;
Q u e , par conséquent, il a été inutile de construire un regard en
voûte pour y poser l’orifice des canaux;
Et qu’au lieu des deux constructions projetées , 011 11’cn a fait
qu’ une, celle du regard destiné à la conservation des eaux prises
dans la chapelle, de ce regard où ont été placées les armes de la
ville; celle d’ un regard dont la ville a toujours eu seule la clef, et
dans lequel le seigneur n’avait jamais jusqu’à ce jour îéclamé de
droit desurveillance et de vérification.
Aussi l’acte (le i ô 5 /| ne le lui accorde-t-il pas.
Au reste, dans celui de 17 75 qui contieni les dernières conventions
arrêtées cnirc la ville cl le propriétaire de Saint-Gcnest, lors duquel
�6kJ
on examina scrupuleusement quelle était la quantité d’eau qui
appartenait à la ville , lors duquel ce volume d’eau fut l’objet d’ une
des difficultés et fut définitivement réglé , lors duquel on détermina
aussi où s’exercerait le droit de surveillance du propriétaire de
Saint-Genest, ce droit ne lui fut accordé que là où était réellement
la prise d’eau, c’est-à-dire sous la chapelle où étaient placés le
tuyau de plomb et les chevets. Il lui fut par conséquent refusé en
tout autre lieu , et notamment quant au regard de la ville dont il (ut
dit qu’elle seule aurait la clef, sans qu’on la soumît à en faire
l’ouverture , dans aucune circonstance, au propriétaire de SaintGenest.
Ce que nous avons dit jusqu’à présent répond à différentes
argumentations éparses dans le mémoire que nous discutons.
Mais il est bon de nous fixer plus spécialement sur les termes des
titres de la ville, pour juger delà quantité d’eauà laquelle elle adroit.
Cependant, comme cette question a déjà été traitée dans notre
premier m ém oire, pages 45 et suivantes, de courtes observations
suffiront ici :
M. Désaulnats répète fréquemment que l’acte de 1645 n'accorde
à la ville de Riom que neuf pouces d’eau, et il oublie constamment
que cet acte lui attribue la quantité d’eau que pouvaient contenir
trois tuyaux de la grosseur chacun de n eu f pouces de vit idc.
Un seul tuyau de neuf pouces de vide doit contenir évidem
ment plus de neuf pouces d’eau.
Aussi la convention parle-t-elle de neuf pouces iTeau en cir
conférence ou rondeur , et cela pour chaque tuyau.
11 n’est pas d it , en effet, cl il eÙL été absurde de le dire, que les
Irois tuyaux ne recevraient que neuf pouces d’eau. Cn tuyau de
neuf pouces de vide présente une capacité propre à recevoir une
colonne d’eau de neuf pouces d’épaisseur; cn sorte (pie, dans trois
tuyaux dune telle capacité, devaient s’ introduire trois colonnes
d eau de cette force , quantité considérable sans doute . mais
Quantité que signalent les termes de la convention et
qui
explique
la crainte, exprimée dans l’acte de i G i 5 , que cotte prise d’eau ne
nuisît au jeu du moulin.
�1»
'
Qu’est-il besoin , d’ailleurs, de disserter sur l’acte de 1 6 4 5 ? et
fut-il vrai que cet acte ancien présentât quelque obscurité , n’auraitelle pas été éclairée par l’acte de 1 7 7 5 ; par cet acte nouveau où tout
est clair et bien circonstancié ; par cet acte, dans l’exposé duquel les
parties déclarent qu’il pouvait s’élever des « contestations entre le» dit seigneur et le corps de v ille , sur le volume d’eau appapte» nant à ladite ville, ainsi que sur la manière de la prendre et la
* forme du rétablissement des constructions. »
Ainsi les parties transigent sur ces deux objets; et qu’arrêtent-elles
définitivement?
Quant à la prise d’eau, elles arrêtent, dans l’article 5 , « q u e
« pour conserver au corps de la ville le volume d’eau qu’il a
« toujours pris, et qui lui appartient, et pour éviter la déperdi» tion, au lieu du canal en pierre existant actuellement pour
» transmettre les eaux de la voûte ou chapelle au regard dont il
« sera parlé ci-aprcs, il sera placé un tuyau en plomb de n eu f
* pouces de diamètre intérieur, »
Cette voûte ou chapelle, qui renfermait plus particulièrement ,
est-il dit , les eau x de la source , devait subsister dans l’état où
elle était, sauf les réparations à y faire.
Elles arrêtent , dans l’article 4 * T 10 1° corps de ville pourra
faire construire une enceinte à la voûte ou chapelle, et faire unc
porte à ladite enceinte, à condition d'en fa ir e l’ouverture audit
seigneur , quand bon lui sem bla a , pour vérifier s’il n’est rien
fait ni pratiqué au préjudice des conventions ci-dessus.
C ’est là tout ce qui est dit sur la prise d’eau# L a quantité en est
déterminée par les ouvrages existants sous la voûte en forme do
chapelle, qui doit subsister en l’état où elle était alors, et qui est
a u j o u r d ’ hui ce qu’elle était à cette époque.
Cette quantité est surtout réglée par le tuyau en plomb de neuf
pouces de diamètre que l’on doit poser dans la chapelle pour y
prendre les eaux cl les transmettre au regard.
'
Jù c’est à cette chapelle seulement que le seigneur aura le droit
�de fa ire , quand bon lui semblera, les vérifications qu’il jugera
convenables, pour s’assurer que l’on ne nuit pas à ses droits.
Une semblable faculté ne lui est pas accordée relativement au
regard construit dans l'enceinte, pour recevoir la portion des eau x
de ladite source appartenant à la ville.
Ce regard, est-il dit dans l’article 5 , subsistera en Pétât où il est
présentem ent , et la ville continuera d ’en avoir seule la clef.
Les clauses de cette transaction son claires, précises, formelles;
elles mettent fin à toutes contestations antérieures, soit sur le volume
d’eau appartenant à la v ille , soit sur les droits de surveillance du
seigneur de Saint-Gcnest.
Comment, d’après des conventions si positives, si soigneusement
détaillées, peut-on se faire illusion au point de prétendre que la
ville de Rio in n’a droit qu’à neuf pouces d’ eau , ou qu’à 1 4 pouces,
ou même qu’à 27 pouces dits de fon tain ier?
Comment aussi s’ égarer jusqu’à croire qu’on a le droit de faire
ouvrir et d’inspecter à son g r ê le regard d e là ville, ce regard qui
11’cst que le vase où sont déposées les eaux prises par la ville sous la
chapelle supérieure, ce regard qui est la chose de la ville seule ,
dont il est dit aussi qu’ elle seule aura la clef, sans qu’on lui impose
l’obligation d’en faire l'ouverture à ¡NI. de Saint-Genest, comme on
fait, dans l’article 4> pour la chapelle? et n’estil pas évident que
l expression , quant à la chapelle, et le silence, quant au regard,
sont une dénégation absolue du droit d’inspecter ce regard. {)ui
dtc/t de uno negat de altero.
Précédemment, et par l’article 2 de la transaction , l’on avait dit
(luc , pour la serrure de la porte de l’cnccinte, il serait fait deux
ciels, l’une pour le seigneur de Sainl-Genest, l’autre pour le corps
de ville; ce qui prouve de plus en plus le soin avec lequel 01*
rappelait tous les droits qu’on entendait attribuer à ce propriétaire,
et ce qui ne lui permet pas d’en réclamer aucun autre.
C est assez, et trop peut-être, s’arrêter à la réfutation de celle
partie du mémoire de M . Désaulnats.
Passons y 1 examen de la critique du rapport.
�\b
—
16
—
§ 5.
llcp o n sc à l’cxam cn et à la discussion «lu rapport
«les experts.
L e but principal, on pourrait môme dire le but unique, que
parait s’ètre propose M. Désaulnats dans sa longue discussion, a été
de faire considérer le droit de prise d’eau de la ville comme établi,
non à l’endroit où il s’exerce réellement, mais à celui où celte eau
arrive ; c’est-à-dire non dans la chapelle ou ont été placés un tuyau
en plomb, dans l’orifice duquel l’eau s’introduit, et des chevets laté
raux pour maintenir les eaux à une hauteur suffisante, mais dans
les canaux inférieurs qui la reçoivent à quelque distance du point
où elle est prise, en un mot, dans l’aqueduc qui la transmet à la ville.
L ’étrange erreur de ce système a déjà été démontrée avec quel
que développement, dans le premier mémoire de la ville , pages 5 1
et suivantes.
Nous y avons prouve , d'après les actes et d’après l’état des lieux,
que le droit existait au poiiit où l’eau était prise, et non au point
où elle était transmise.
Nous y avons rappelé, en effet, les termes de l ’acte de iG 4 5 , de
celui de iG 5 4 * ct l^u trai1^ de * 7 7 5 ;
De l’acte de i 6 4 5 , où il est dit que « les habitants de la ville
* pourraient prendre à perpétuel, aux sources du grand bassin ,
» la quantité d'eau nécessaire, e tc ,...»
De l’acte de iG 5 4 , dans lequel on change le lieu de la prise
d’eau , en parlant de l'insuffisance des sources dans ce lieu cl d’autres
empêchements, et où il est stipulé que les habitants de la ville de
fltom pourront pukndiu: 'aperpétuel les neuf pouces d’eau en ron
deur et circonférence dans le réservoir des sources de Saint-
Oenest, et ce vis-ct-vis de la susdite ■voûte où sont les armes du
seigneur de Marsat;
Du traité de 1 7 7 5 , dans l’exposé duquel on parle du volume
d’eau qui appartient à la ville et qu’elle est en possession de prendre
<1 la principale source de Sainl-G encsl, cl où l’on stipule, arùclc
5 , qu’on placera sous la voûte en forme de chapelle , nu lieu du
�—
17
—
canal en pierre qui y existait, un tuyau en plomb de neuf pouces de
diamètre , pour transmettre les eaux de ladite voûte ou chapelle,
au regard dont il est question dans l’article 5 , à un regard cons
truit pour recevoir la portion des eaux de ladite source, appartenant
à la ville.
Évidemment la prise d’eau est fixée au point où l’on doit prendre
l'e au , et non pas à celui où elle est transmise et où on la reçoit.
Evidemment aussi le droit existe au point où ont été établis les
ouvrages propres à son exercice et à en régler l’étendue.
O r , c’est sous la chapelle que l’on prend l’eau.
C ’est sous la chapelle aussi qu’a été placé uu tuyau de plomb pour
la pren dre, et qu’ont été construits des chevets pour déterminer
l’étendue de la p rise , en maintenant les eaux à une hauteur suffisante
pour que le droit ne devînt pas illusoire.
Evidemment, en un mot, la prise d’eau a été fixée là où ont été
faits les travaux nécessaires à l’exercice du droit, là où a été posé
l’ instrument régulateur de ce droit.
O r , c’est sous la chapelle que coe travaux ont été faits ; c’est sous
la ch apelle, comme nous l’avons déjà p r o u v é , qu’a été posé l’ins
trument régulateur des eaux qui appartiennent à la ville; c’est donc
sous la chapelle qu’est établie réellement la prise d’eau.
11 serait superflu de suivre dans tous scs détails la longue discus
sion à laquelle on s’est livré pour obscurcir une vérité aussi claire.
Bornons-nous donc à écarter quelques difficultés partielles élevées
dans le mémoire auquel nous répondons.
On y parcourt les questions proposées aux experts par le tribunal,
cl l’on dit que cerlaines de ces questions sont restées sans réponse;
que les autres ont été mal résolues.
Celte critiqu e, dictée par l'intérêt de l’écrivain, n’est fondée ni
sous l’u n , ni sous l’aulre rapport.
Far la première question, les experts étaient chargés de décrire
1 élatintérieur de la chapelle, la forme, la hauteur, la destination
des chevets.
O r , par une description minutieuse et compjcte, ils ont fail con
naître tout ce qui Icnuù aux faits qu’ils avaient à conslalcr, pour les
3.
�0 0
—
18
—
chevets comme pour les outres parties de l’intérieur de la chapelle.
Quant à la destination des chevets, qu’aucun des actes n’indique,
elle n’entrait pas dans le cercle de la description ; elle ne pouvait
être que du domaine de l'opinion; et cette opinion , les experts la
manifestent assez nettement, en déclarant, page 5 6 , que dans toutes
les circonstances en usage habituel , le niveau de l’eau est tou
jours au-dessus des chevets. Celte opinion est signalée plus préci
sément encore à la page 544 ° ù *1 est
fluc Vensemble des ouvra
ges placés dans l’enceinte réservée et dans le grand bassin , ¿i l’e x
clusion de la conduite , constituent les prises d’eau de Marsat, de
Riom et du Moulin.
S ’exprimer ainsi, n’est-ce pas indiquer la destination des chevets
qui font partie intégrante de ces ouvrages?
jN’esi-ce pas déclarer que leur hauteur a été calculée de manière à
ménager, à concilier les trois prises d’eau?
L a seconde question demandait aux^expcrls l’état intérieur du
premier regard dans lequel débouche le tuyau de plomb et l’état de
l’ancicn tuyau de fuite qui recevait les eaux à ce regard, et ce, dans
un prolongement laissé et leur sagacité.
Les experts ont aussi fait cette description avec soin et avec dé
tails. Ils ont même poussé leur vériiication bien au-delà de ce qui
leur était prescrit et de ce qui était nécessaire. Car se rendant aux
désirs de M. Désaulnats, ils ont indiqué les dimensions du tuyau de
fuite en divers points , jusqu'au regard du lMoiub.
Cependant M. Désaulnats n’est pas satisfait; et il se plaint parce
que le résultat de l’opération ne lui est pas avantageux.
Iù que pouvait-il en espérer? puisque, comme nous l’avons dé
montré , ce n’est pas le canal de fuite qui constitue la prise d’eau et
son étendue; puisque c’est sous la chapelle que le droit a été réglé
et que l’état intérieur de cette chapellen’a pas été changé; puisque,
cet étal intérieur étant maintenu, les droits de la ville étaient iiussi
intégralement conserves, qu'elle en usât ou non dans toute leur latiludc, soit que son aqueduc fût insuilisant pour lui faire parvenir la
totalité de l’euu qui Jui appartenait, soit que l'imperfection du mode
de construction de ce cnual ne lui permit pas d ’y introduire touia
�—
19
—
celle eau dont la pression aurait pu le dégrader et même le détruire,
soit enfin , que , par un effet de sa propre volonté, sans éprouver ,
d’ailleurs, de la part de M. Désaulnais, aucune opposition , aucun
empêchement, elle n’ait pris qu’une partie de l’eau à laquelle elle
avait droit.
Ces diverses réflexions répondent à un argument que tire
M. Désaulnats d’ une vanne en cuivre placée dans le premier regard,
vanne à l’aide de laquelle 011 peut n’y laisser pénétrer qu’une p o r
tion de l’eau qui est prise à la chapelle par le tuyau de plomb.
Ou remarquera d’abord en fait que cette vanne est un ouvrage
récent; qu’elle a été établie par le sieur Bonin père, fontainier delà ■
ville, soit pour intercepter le cours de l’eau
lorsque les canaux
avaient besoin de réparations, soit pour le modérer, dans l’intérêt
de la conservation du canal qui 11’était composé que de pierres mal
lices entr’elles, et 11e formant pas , comme la nouvelle conduite ,
un aqueduc continu et résistant. Le type de cette vanne existe
encore.
Ou fera observer, en droit, que la totalité des eaux que le tuyau
de plomb pouvait prendre à la chapelle , pour les transmettre au
r e g a r d , appartenait à la ville, et que celle-ci était libre de les re c e .
voir toutes dans son regard, ou de 11’ cn admettre qu’ une partie,
selon ses besoins, selon les circonstances, selon sa volonté ; que le
sieur Désaulnats n’avait, d’ailleurs, aucun droit d’inspection sur ce
qu’ il plaisait à la ville de faire dans un regard dont elle avait seule
la clef; (pie la vanne placée dans ce regard n’a pas été exigée par
l u i, et qu’ il est toujours resté étranger à l’usage que les habitants
en ont pu faire ; que, par conséquent, il 11e peut pas prétendre que
cette vanne avait pour but de restreindre les droits de la ville, et
d'aflaiblir sa prise d’e au , dms l’intérêt du propriétaire de SamtGencst.
Si tel eût été le b it de la vanne , elle aurait été misJ a la dispo
sition de M. Désaulnats, ou celui-ci aurait s t i p u l e dans les actes,
notamment dans celui de 1 7 7 3 , le droit d’exiger 1 ouverture du
regard , à sa première réquisition, comme il l’n hiit pour la grille
�de la chapelle ; et cependant on a vu qu’aucun des actes ne conte
nait une telle stipulation.
E n réponse à la quatrième et à la cinquième questions, les e x
perts disent que la prise d’eau avait etc fixée, dans l’acte de r 6 4 5 ,
au point O du grand bassin ou de l’étang.
L e sieur Désaulnats cherche vainement à combattre cette opinion
dont l’exactitude est justifiée par scs propres titres et par l’état des
lieux combiné avec les termes de l’acte constitutif de la prise d’eau,
ainsi que nous l’avons déjà démontré.
La solidarité des eaux de toutes les sources, objet de la sixième
question , est trop clairement prouvée , soit par le rapport des e x
perts , soit par noire premier mémoire (pc/g* 4^ et sniv ,) , pour
qu’il soit utile de suivre M. Désaulnats dans sa dissertation contraire.
Une légère réflexion aurait d u , il semble , lui faire reconnaître que,
si l’intention des parties n’avait pas été de rendre ces eaux solidai
res , pour les intérêts de tous, on n’cùt pas ménagé leur communi
cation sous l’ouverture en arceau qui a été pratiquée dans le mur
séparatif du grand et du petit bassin, ouverture par le moyen de
laquelle les eaux de chaque bassin passent alternativement dans
l’autre, selon les circonstances cl les besoins respectifs. On doit
même d’autant plus s’étonner de voir le sieur Désaulnats dénier à la
ville 1’ avantage de la solidarité de ces eaux , que lui-même la reven
dique et a un grand intérêt à la conserver pour le jeu de sou
moulin.
Sur la septième question, relative à l’abaissement du niveau du
grand bassin ou de l’étang, i\I. Désaulnats a contesté le droit de
surveillance et de vérification de la ville.
Cette contestation n’est qu’une conséquence: de son système da
dénégation de la solidarité des cauxj et elle doit tomber avec cc
système meme dont nous avons prouve l’erreur, (f^oir le prem ier
Mémoire, de la vd îc , ¡/âges 72 et suivantes )
Sur la huitième question, il cherche vainement à démontrer que
le niveau de l’étang était plus élevé cn 180G qu’aujourd’hui.
�Su r la neuvième question, ¡NI. Désaulnats ne pouvant se dissi
muler qus l’ouverture d’une nouvélle décharge qu’il a pratiquée
dans son élang, cause ufie perle sensible à la prise d’eau de la ville,
qu’elle réduit u 10 litres par seconde, se borne à soutenir que la
ville n’a pas droit à une plus grande quantité.
C ’est avouer le préjudice causé. Quant au droit de la ville, s’ il est
contesté pur le sieur Dcsaulnats, il esi justifié par les titres, et il est
reconnu par les experts.
Dans leur réponse à la dixième question , les experts signalent la
faiblesse de l'intérêt de M. Dcsaulnats dans ce fatigant litige. Celuici se débat vainement contre leur appréciation. Elle restera maigre
SeS efforts ; cl l’on se demandera toujours avec surprise pourquoi
tant d’insistance pour un procès qui, lors même qu’il priverait la
ville de toute l’eau qui loi appartient, n’accroîtrait les revenus de
M. Désaulnats que de 32 fi\ 5 o cent, par an?
En réponse ;i la onzième question, les experts se sont livrés à un
long examen et à de savants calculs, desquels il est résulté que l’an
cienne conduite de la ville, conservée dans sa forme et dans ses
dimensions actuelles, mais étant soigneusement réparée, transmet
trait au regard qu’a construit la ville à M ozat,
litres 57 centili
tres d’eau par seconde. ( V oir le rapport, page 17 7 . )
Pour détruire ce calcul, M. Désaulnats se fatigue en raisonne
ments qu’il serait trop long de parcou rir, et dans lesquels il est
dilliciie qu’il puisse avoir lui-même beaucoup de confiance.
jNotis ne le suivrons pas dans cette pénible di>scrtation, parce
q u e , quelle que soit son opinion, il nous est permis d’en croire
plutôt à l’avis unanime de trois experts habiles et soigneux, qui
11 ont pu être guidés que par l’amour de la vérité et le sentiment de
leurs devoirs, et qui n’ont pas été égarés par les illusions de l’intérêt
privé.
Tsous d i r o n s F eu l eme n t u n m o t s u r l’ a n c i e n r e g a r d d e P l o m b :
M. Désaulnats d it , page 4 1 de son second mémoire, que 1 an
cienne conduite débouchait dans ce regard par un orifice de 02
centimètres de largeur sur ao ceniimètrcs de hauteur.
Or , il est *1 remarquer qu’ uu tel orifice avait beaucoup puis de
�—
22
—
surface que celui du tuyau de ploinbdcQ poucesde diamètre , placé
sous la chapelle ou est la principale source de St-Genest; car 5 a cen
timètres de largeur sur 20 centimètres de hauteur donnent une sur
face de 6/)0 centimètres, tandis qu’un tuyau circulaire de 9 pouces,
ou 2D centimètres de diamètre, n’a en surface que 492 centimètres.
Cette remarque prouve que, si le canal qui transmettait les eaux
de Saint-Genest au regard du Plomb avait été fait avec soin et n’avait
pas éprouvé de perte, la totalité de l’eau qu’aurait absorbée ce
tuyau aurait pu facilement être transmise et introduite dans le regard
du Plomb.
Quant à la source du Plomb, elle était peu abondante; elle est
depuis long-temps tarie, et ce qu’elle a peut-être fourni autrefois
à l’aqueduc de la ville, se perdait dans le trajet, ainsi que la plus
grande partie de l’eau prise à la source de Saint-Genest, par l'im
perfection d’une conduite mal liée, mal jointe, de la forme la plus
vicieuse, qui se dégradait à chaque instant, et dont l’eau s’échappait
par un grand nombre do fissures.
C ’est ce qui explique ia faible quantité d’eau qui arrivait au regard
construit à ¡\Iozat, quelque considérable que fût celle qui était
prise à Saint-Genest; et c’est pour éviter Cette fâcheuse déperdition
que la ville a conçu l’heureuse idée de substituer, quoique à grands
frais, à une ancienne conduite, des plus mal confectionnée, inter
rompue par plusieurs reg ard s, et qui ne lui transmettait qu’une
partie de l’eau qui lui appartenait, un aqueduc continu , bien
soigné, en pierres perforées, et qui lui conservera désormais l’usage
do la plénitude de son droit.
' S 4.
i:\niiini «lu prooivs-voi’Iml de 1 3 2 5 .
Après avoir disserte sur les titres de; la ville et sur le rapport des
experts , M. Desaulnats consacre un grand nombre dç pages à nous
entretenir d’une pièce qu’il a découverte à la bibliothèque de
Clertnont, dont il donne, dans son mémoire, plusieurs extraits, el
où il croit trouver des arguments à l’appui de ses prétentions.
�Celte pièce esl ancienne : c’est un procès-verbal dressé, le 17
février 1 7 2 5 , par l’intendant de la province, dans le but i° de
constater les réparations à faire à la conduite des eaux de SaintGenest à Riom ; 20 de remédier aux abus auxquels se livraient los
concessionnaires d’une partie de ces eaux; 5 ° de recevoir des soumis
sions pour des concessions nouvelles; 40 de déterminer la quantité
d’eau qui serait attribuée à chaque fontaine publique alors existante ,
et à chaque concession particulière; 5° de déterminer 1 endroit où
seraient construites les caisses de réception de l’eau, dans lesquelles
chaque concessionnaire viendrait prendre l’eau qui lui aurait
été cédée.
D ’ailleurs on 11’y indique pas la quantité d’eau qui parvient à la
ville. Seulement on y parle de ce qu’elle a le droit de prendre ¿1 la
source.
En cfiet, dans l’exposé, 011 rappelle les conventions de 1G45 et
le droit qui y était concédé aux habitants de prendre Ici quantité
d ’eau qui pourrait entrer dans les bois tuyaux de la grosseur
chacun , de n eu f pouces de vuide.
Le sieur Dcmallet , qui se présente , dit qu’il ne s'oppose pas à
ce que la ville prenne l’eau qui lui est nécessaire par trois tuyaux
de n eu f pouces de circonférence
chacun , et M. Désaulnats
s’empare de ces expressions qui, selon lui ne sont pas contredites,
pour prétendre que les tuyaux n’avaient que neuf pouces de c ir
conférence.
Mais il eût pu voir, quelques lignes plus bas, que ces expressions
loin d’etre acceptées sont repoussées par le commissaire. Car l'in
tendant 11’eut aucun égard à l’observation de M. Démallot, et
ordonna au contraire , que la ville continuerait de prendre l’eau,
p a r trois tuyaux de n eu f pouces de vuide chacun.
Dans la partie de ce procès-verbal, destinée plus spéci al ement a
constater les réparations à faire à la conduite, l’intendant parle aussi
d’abord d’un tuyau de plomb qui existait autrefois et qui conduisait
le tiers des eaux de la ville jusqu’au regard dont elle avait seule la
clef, ensuite de deu x autres auvertm e s , chacune de neuf pouces
*le vuule p a r lesquelles le surplus de s
destinées pour le
,
e a
u
x
�»
i
Q
—
24
—
service de la ville entre dans ledit regard dont la ville a seule la
clef.
Il est ajoute que tontes lesdites e a u x , rassemblées dans le regard,
composant vingt-sept pouces, sont conduites jusqu’à la fontaine du
Plomb.
Ces mots, vingt-sept pouces se réfèrent à ceux qui précèdent et
qui indiquent trois tuyaux de neuf pouces de vide chacun, dont
la réunion composait les vingt - sept pouces de vid e; ce qui ne
signifiait p a s , comme le suppose M. Désaulnats, que la quantité
d’eau fût restreinte à 27 pouces dits de fontainiers.
Au reste, pour juger de celte quantité, il faut lire la partie du
procès-verbal où l’on fixe la capacité des canaux destinés à la prise
d’eau, de ces canaux ou tuyaux q u i, au nombre do trois, doivent
transmettre les eaux des sources dans le regard de la ville.
’
Voici ce qui est dit :
« Depuis la grille qui renferme la source fusqu’audit regard ,
« 011 posera, au fond dudit bassin, des canaux de pierre de taille
» de Vol vie , d'un p ied de largeur sur siæ pouces de profondour
r de creusage, lesquels canaux seront couverts, etc. »
Ainsi, les canaux de la prise d’eau, placés au fond même de la
source, sur le sol du bassin , devaient avoir 53 centimètres de lar
geur, sur i.G à 17 centimètres de hauteur; et plusieurs canaux do
cette dimension formaient la prise. Le volume d’eau qu’ ils absor
baient et qu’ils transmettaient au regard de la ville, était nécessaire
ment plus considérable que celui que petit prendre le tuyau circu
laire en plomb do neuf pouces de diamètre , qui fut établi par la
transaction de 1 7 7 5 , pour régler définitivement la prise d’eau.
Q u'importe, d’après cela , que la totalité de l’eau , qui était prise
à la source, ne parvint pas à la ville ?
Qu’importe que les tuyaux en terre, placés de Mozal à R iom ,
n’eussent que quatre ponces de diamètre?
Q u ’ i m p o r t e r a i t aussi q u e la di s t r i b u ti on i n t é r i e u r e d e s e a u x ne
¡.’ é l e v â t , en 1 7 ^ * 5 , q u ’à i/f p o n c e s ?
Toutes ces remarques, sur lesquelles insiste beaucoup M. Désuuluats, sont absolument insignifiantes pour lu fixation de l'étendue
�—
25
6p
—
de la prise d’eau concédée en i 6 4 5 , expliquée et clairement déter
minée en i 7 7 5 .
On fera surabondamment observer qu’en
1 7 2 5 , ainsi que le
constate le procès-verbal, le regard de la ville était en mauvais état
et laissait, par conséquent, échapper une parlie de 1 eau qu’il rece
vait ;
Q u e , quoique les canaux supérieurs à Mozat eussent été répa
r és, leur mode do construction était trop vicieux pour qu’ils ne
laissassent pas perdre une assez grande quantité de l’eau qu’ils con
tenaient ;
Q u’ une parlie notable de cette eau a été concédée par la ville au
propriétaire de l’enclos des auteurs de M. Granchier, pour obtenir
d’eux le droit de placer les canaux dans toute la largeur de cet
enclos ;
Qu’une autre parlie très-considérable s’écoulait du regard de
Mozat par un trop-plein qui formait un cours d’eau perpétuel et
considérable;
Q u e, nonobstant ces déperditions successives, l’eau élait trop
abondante dans le regard de Mozat, qu’elle s’élevait en masse audessus de l’orifice des tuyaux de terre cuite qui, de ce point à Riom,
formaient la conduite, et que , si la pression qui en résultait avait
l ’avantage d’augmenter le débit de l’eau, elle présentait l’ inconvé
nient grave de dégrader fréquemmenlces tuyaux, ainsi que le cons
tate le procès-verbal de 1 7 2 5 .
Aussi depuis, la ville s’est-clle vue obligée de remplacer ces
tuyaux de terre cuite par des canaux cylindriques en pierres de
taille perforées, auxquels elle a du donner même une capacité plu.c
grande, celle qu’offrent 6 pouces de diamètre, la capacité des
tuyaux do terre étant beaucoup trop faible.
Quant à la distribution des eaux, le procès-verbal énonce, il est
vrai, qu il en fut distribué 14 pouces.
Mais ce procès-verbal ne dit pas que les 14 pouces composaient
'a totalité de l’eau qui arrivait à la ville.
La distribution 11 y est faite que pour réprimer les abus signales
au commencement du procès-verbal. Elle est faite uniquement pour
4
%
�—
26
—
régler les droits des concessionnaires, et pour déterminer aussi la
quantité d’eau nécessaire à chaque fontaine publique , afin de se mé
nager ainsi les moyens, soit de créer d'autres fontaines publiques ,
soit de faire d’autres concessions , s’ il en était dem andé, par des
soumissions que l’on avait provoquées, ainsi que l’indique le procès*
verbal qtoi ne s’occupe que des soumissions déjà faites et qui n’en
interdit pas de nouvelles.
La ville recevait d’ailleurs un volume ^l’eau bien supérieur aux
14 pouces dont parle le règlement; et ce qui le p rou ve, c’est
i° qu’il y est dit qu’à la fontaine des Ligues, où était placé un
réservoir de distribution, les eaux seraient reçues par un tuyau
montant, de quatre pouces de diamètre ; capacité jugée néces
saire par l’intendant pour la réception des eaux qui arrivent à ce
point en montant, et qui néanmoins devaient y arriver cn moindre
quantité qu’il n’en entrait à Mozat, où la pression de la colonne
d ’eau dont étaient surmontés les tuyaux descendants, en augmentait
nécessairement le débit; c’est que 20, avant que les eaux arrivassent
à la fontaine des L ign es, dans le réservoir où les portait un tuyau
de 4 pouces de diamètre, une partie des eaux était attribuée à la
fontaine desSannaires , à celle de Mozat, aux Capucins, aux dames
deSaintc-Maric, aux dames de Notre-Dame, aux Sœurs grises, et
à beaucoup d’individus concessionnaires particuliers; c’est que 5° ,
depuis le règlement Indiqué , il.a été établi plusieurs autres fontaines
importantes, telles (pie celle de la porte de M ozat, celle de
la Poterne, celle de Saint-Am able, celle du Collège,
et il a été
fait aussi un assez grand nombre de concessions, par exem ple, à
M m'D u Unisson, aux bâtiments des Francs-Maçons , à M Jusseraud,
à M. de Jcnzat ou Du Joulianncl, à M. De C ord és, à M. Clianlon,
à .M™« de Cliampétière, et à beaucoup d’autres Individus.
Et cependant les quantités réglées eu 1 7 2 5 n’ont pas été dimi
nuées.
Il est donc certain que le règlement fait à celte époque, ne c o m
prenait pas toute l’eau qui arrivait à la ville.
Pour le prouver de plus en plus,
011
rappellera (pie les
qui ont mesuré l’eaa dont étaient alimentées dix fontaines
experts,
seulement
�—
27
—
de la v ill e , publiques ou particulières, en négligeant plusieurs
privées, ont reconnu cependant que celles qu’ils vérifiaient, re
cevaient 56 pouces d’eau; o r , il n’en arrivait certainement pas, en
1 8 4 0 , une plus grande quantité qu’en 1 7 2 6 ; caries canaux d e S t .Gcnest à Mozat n’avaient pas été améliorés.
Enfin, on fera observer que le règlement de 1 7 2 5 ne rappelle que
les distributions intérieures de la ville; qu’il est muet sur la fontaine
dite du Colombier, placée au bord d e là route départementale ,
presque à l’extrémité du territoire de la ville;
Q u’ il ne dit rien aussi de la concession faite, avant Mozat, à 1
l’ancien propriétaire de l’ enclos De Vaux , ni du trop-plein de
Mozat. 11 eût été néanmoins trcs-important de connaître le volume
de ce trop-plein, que , par l’insuflisancc de ses tuyaux, la ville
laissait échapper du regard de Mozat, et qui formait à ce point un
cours d’eau considérable et continu.
E l comment le procès-verbal de 1 7 2 5 pourrait-il être de quelque
considération dans la cau se, lorsqu’on se rappelle la déclaration
unanime des experts q u i, par une vérification soigneuse, ont re
connu que l’ancienne conduite , telle qu’elle existe de Saint-Genest
à M o zat, aurait pu débiter et conduire à Mozat 25 litres 4 décilitres
d’eau par seconde ( 1 1 0 pouces dits de fontainier); ou au moins 24
litres 57 décilitres (ou 107 pouces), si les canaux de celle conduite
avaient été mis dans un bon étal de réparation. (V oir les pages 17 4 ,
1 7 5 , 1 76 bis et 177 du rapport. )
Ces différentes observations réfutent complètement, il me semble,
les arguments tirés par le sieur Désaulnats du procès-verbal de 1 7 2 5 .
Au reste, ce procès-verbal n’est pas le titre constitutif de la prise
d’eau. 11 ne peut donc servir de règle pour sa quantité.
C ’est dans l’acte de i(’>4 5 , c’est dans celui de iG 5 4 » c ’est surtout
dans la transaction de 1 7 7 5 qu’il faut chercher à reconnaître les
droits de la ville.
L a transaction de 17 7 5 doit principalement se rv ira déterminer
ces droits; car, lors de cette transaction, des diilicultes s étaient
élevées sur le volume d’eau que la ville prétendait lui appartenir.
�(0
—
28
—
Quelles que fussent les causes de ces difficultés, soit qu’elles pro
vinssent de l’obscurité des titres antérieurs , soit qu’elles fussent
produites par la forme et la capacité des tuyaux placés aux sources,
elles furent résolues alors. Tout fut, à celte époque, contradictoi
rement réglé ; et il fui reconnu formellement par le sieur Démalet, que la ville avait droit au volume d’eau que pourrait absorber
un tuyau en plomb de neuf pouces de diamètre, posé sous la cha
pelle.
La dimension de ce tu y a u , sa position, l’existence des chevets
destinés à maintenir les eanx à une hauteur telle qu’avec la lame
d’eau qui doit recouvrir constamment leur sommité, le tuyau de
neuf pouces de diamètre puisse toujours être rempli, l’état des
lieux disposé de manière à conserver et à concilier les droits de
toutes les parties intéressées , en un mot, les titres écrits et les litres
muets s’accordent pour fixer les droits de la ville et pour lui assurer,
dans toute sa plénitude , la prise d’eau qu’elle réclame.
Ce n’elait donc pas mie augmentation de cette prise d’eau_, mais
seulement la conservation et la jouissance complète du volume d’eau
qui la constituait, que cherchèrent à obtenir les administrateurs de
la ville, lorsque, en i 8 5 8 , sans faire d’ailleurs aucun changement
aux tuyaux de plomb, aux chevets, à tous les ouvrages qui avaient
élé établis sous la chapelle comme régulateurs du d roit, ils voulu
rent seulement changer la forme de l’aqueduc dans lequel s’écou
laient les eaux, cl substituer à des canaux imparfaits, sujets à des
dégradations journalières, et qui laissaient échapper, dans l’inté
rieur des terres, de Sainl-Gencst à Iliom, la plus grande partie de
l’eau qui y était déposée, une conduite en tuyaux de pierre de
mille , perforés avec soin , unis entre eux par une matière solide et
compacte, et préparés de manière à conserver la totalité du liquida
qu’ils recevaient.
Il est làcheux que M. Desaulnats ait cru apercevoir une vole de
fait dans ce qui nVtail qu’un a eu» de sage administration, que
coib -
11 aidaient les intérêts légitimes de la ville, qui ne blessait les droit»
de personne, qui fut autorisé par l’avis de nombreux conseils; plu-
�-
29
—
sieurs desquels ont avec M. Désaulnats des relations aussi intimes
qu’ honorables.
f
Il est fâcheux que cette pensée erronée de M. Désaulnats ait ex
cité en lui une sorte d’irritation qui lui ait fait oublier son ancienne
sollicitude pour sa ville natale , et même sa coopération au projet
de l’œ uvre que l’on exécute aujourd’hui, qui l’ait entraîné à intenter
un procès lo n g , fatigant et coûteux , dans leq uel, comme il le dit
lui-m êm e, l’augmentation de la prise d’eau n’est pas le vrai point de
la difficulté, et qui ne lui ait pas permis de recourir à des moyens
conciliateurs que l’administration municipale de 1 8 3 8 , comme l’ad
ministration actuelle , se serait empressée de saisir pour éviter les
désagréments d’une lutte judiciaire contre un concitoyen aussi recommandable.
A L L E M A N D, M aire.
S A U R E T , A d jo in t ,
C H A R D O N , A voué.
R I O M — I MPRIMERIE DE A JOUVET ET CIE PRES LE PALAIS
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Neiron-Desaulnats, Jean-Marie. 1843?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Sauret
Chardon
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
servitude
canal
prises d'eau
aqueducs
moulins
génie civil
fontaines
irrigation
approvisionnement en eau
experts
hydrométrie
prescription
copropriété
utilité publique
architecture hydraulique
étangs
asséchements
salubrité
poids et mesures
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour les habitants et le corps commun de la ville de Riom, défendeurs au principal et incidemment demandeurs, contre monsieur Neiron-Désaulnats, demandeur et défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de A. Jouvet et Cie (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1843
1804-1843
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2917
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2829
BCU_Factums_G2901
BCU_Factums_G2922
BCU_Factums_G2921
BCU_Factums_G2920
BCU_Factums_G2918
BCU_Factums_G2916
BCU_Factums_G2915
BCU_Factums_G2914
BCU_Factums_G2913
BCU_Factums_G2912
BCU_Factums_G2911
BCU_Factums_G2910
BCU_Factums_G2909
BCU_Factums_G2908
BCU_Factums_G2902
BCU_Factums_G2903
BCU_Factums_G2904
BCU_Factums_G2905
BCU_Factums_G2906
BCU_Factums_G2907
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53603/BCU_Factums_G2917.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Malauzat (63203)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
approvisionnement en eau
aqueducs
architecture hydraulique
asséchements
canal
copropriété
étangs
experts
fontaines
génie civil
hydrométrie
irrigation
Jouissance des eaux
moulins
poids et mesures
prescription
prises d'eau
salubrité
servitude
utilité publique
-
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o b se r v a t io n s
POUR
L es sieurs R O U G IE R et C R O M A R I A S , anciens A v o u é s , h a b i
tants de R io m ; et p o u r les sieurs S A B A T I E R , M O R E L et
B A R O D I,
p ro p rié ta ires - cu ltiv a te u rs ,
h a b ita n t
au
lieu
d ’A u z a t - s u r - A llie r , ap p elan ts ;
CONTRE
L es sieurs J e a n - G
a b r ie i.
e t N ic o l a s - F é l i x D U M A Y , in tim és;
C on tre le sie u r B O N N E F O I , A v o u é au T rib u n a l d ’Isso ire , aussi
intim é ;
Et en core co n tre le sieu r J o s e p h P R U N A Y R E e t a u tre s, é g a le
m ent intim és.
Dolum malum dicimus esse omnem caliditalem,
fallaciam , machinationem ad circumvenicndum,
fallendum, decipicndum altcrum, adhibilam,
Ulpianus.
Si l’on doit considérer com m e vraie cette sentence du juriscon
sulte Ulpien , il serait difficile d ’excuser la conduite des sieurs D umay dans la cause actuelle.
L ' un d ’eux a laissé croire à des acquéreurs du sieur P runayre , son
beau-frère , q u ’il était le subrogé-tuteur du m ineur P runayre , son
neveu.
�-
2 -
L ’un et l ’autre, profitant ensuite d ’une erreur qui était en q u e lq u e
sorte leur ouvrage , se sont réunis pour obtenir de ce beau-frère untitre hypothécaire qui leur m an q u a it, ch erch er à effacer l’h yp o th è
que légale qui frappait les immeubles qui venaient de leur être af
fectés, et en faire tom ber tout le danger sur ces acquéreurs trompés
par l’irrégularité d ’une purge dont ils ne soupçonnaient pas le vice.
Mais l’adresse est quelquefois trompée dans ses c a l c u l s , et les tri
bunaux n ’hésitent pas à la d é jo u e r , lorsque les lois leur en fournis
sent les moyens.
Dans l’e s p è c e , la C our aura à examiner si un simple su b ro g é -tu
teur avait qualité pour c é d e r la créance d ’un m ineur dont la loi ne
le chargeait d ’administer ni les personnes ni les b ien s; si les sieurs
D um ay, qui étaient aussi les beaux-frères de ce s u b rog é-tu teur, ont
pu agir com m e cédataires légitimes de c e lte créance donl leur cé
dant n’était pas proprétaire ; si enGn
en cette vaine qualité de
cédataires, ils ont pu faire disparaître l ’h yp o th èq u e
légale du mi
neur, et renoncer à la collocation de cette h yp oth èq u e sur certains
im m eubles nouvellem ent vendus, pour faire consacrer le prix de celte
dernière vente au paiem ent d ’une créance qui leur était person
nelle mais r é c e n t e , et cela au préjudice des précédents a cq u é
reurs.
L es faits signaleront l'illégitimité des moyens em ployés pour par
venir à ce but.
L e sieur Prunayre avait épousé , le
23
mars i 8 a 3 1 une dem oiselle
Dumay à laquelle il avait été constitué un trousseau estimé i , o o o f r . ,
et une dot pécuniaire d e 20,000 francs.
En 1841 et en 1842, il vendit en détail un assez grand nom bre
d ’héritages situés dans la com m un e d ’Auzat.
L e prix fut en partie payé c o m p ta n t, en partie stipulé payable
à termes.
L es ventes furent transcrite», et les objets vendus n’étaient grevés
que de l ’h yp o th èq u e légale d ’un seul enfant mineur né du mariage
de mademoiselle D um ay avec le sieur l ’ runayre, lorsque celui-ci»
désirant être payé de ce qui lui restait dû sur le p r i x , en céda le
�montant aux sieurs Gromarias et Rougier , par acte authentique du
i l août 1842. moyennant 17,8 20 fr., qui, q u o iq u e quittancés clans
l’a cte, ne devaient être payés q u ’après la purge de l ’h yp o th èq ue lé
gale du m ineur Prunayre.
L e sieur P r u n a y re , qui était seul porteur des actes de v e n t e s , se
chargea de faire opérer cette purge.
L es pièces furent remises à ¡VI* B o n n e fo i, parent de la famille
D um ay, et avoué à Issoire.
P o u r purger l ’h yp o th èq ue légale du mineur, les ventes furent dé
posées, et la signification de l’acte de dépôt devait être faite au su
brogé-tuteur.
M aïs, au lieu de l’adresser à un vrai subrogé-tuteur, Me Bonnefoi
l’adressa avec ce litre au sieur Auguste D u m a y , receveur des hos
pices de C le r m o n i , parlant à son em ployé.
L e sieur Dum ay n ’avait pas cette qualité. Il garda cependant un si
lence absolu sur l’erreur. Il avait ses projets, sans doute ; car il était, d e
puis 1 835 , caution avec le sieur N icolas-FélixD um ay son frère,et pour
une somme c o n s id é r a b le , du sieur P r u n a y r e , dont les affaires e m
barrassées leur étaient nécessairement connues.
Q u ’ont fait depuis les sieurs D um ay!
Après avoir attendu q ue les acquéreurs du sieur Prunayre et ses
cédataires, les sieurs Cromarias et R o u g ie r , eussent co m p lété le
payem ent des prix des v e n te s , et eussent acquitte le montant d e la
cession , ils ont obtenu de ce sieur P runayre une obligation par acte
authentique du 8 mai i 843 , causée pour prêt fa it dès a vant ce jo u r
et hors la vue des notaires.
Cette obligation fut h yp o th éq u é e sur tous les im m eubles possédés
par le sieur P r u n a y re , dans les com m unes d A uzat et de Sain t-G erinain-Lembron. L es immeubles hypothéqués
furent évalués dans
l’acte 160,000 francs; mais il y fut déclaré q u ’ils étaient grevés de
l’hyp oth èq ue légale du fils Prunayre pour
24 »°o°
fra n c s, et de dif
férentes h yp o th è q u e s conventionnelles.
Il ne paraît pas qu a la date de cette obligation il fût rien dû aux
sieurs Dumay par le sieur Prunayre qui ne toucha rien alors. Mais
�-
% L£
4 -
ils étaient ses cautions, et le 17 du môme m o is , ils acquittèrent
>pour lui 20,000 francs q u ’ils avaient cautionnés depuis long-temps.
Ces faits sont constatés par les livres d ’un agent de change de C le r
mont.
Bientôt ils ch erch èrent à affranchir de l’h yp o th è q u e légale du
m ineur, leur neveu, les im m eubles qui leur avaient été h y p o th é q u és
à eux-mêmes.
L e m oyen leur parut facile.
Ils savaient que leur neveu n ’avait pas de s u b ro g é -tu te u r, et jus
q u ’alors ils avaient négligé une nomination que leur intérêt person
nel ne comm andait pas.
Mais en 1 844 »
22 m a i, ils font p rocéd er à cette nomination
par un conseil de famille d o n l les d eu x frères Du may font partie.
Un de leurs b e a u -frère s , le sieur C ham bordon , est choisi 7 jours
après, le 29 m ai; ils obtiennent de ce subrogé-tuteur la cession de la
créance du m ineur, m oyennant
23,000
francs , qui doivent être d é
posés à la caisse des consignations.
Il est dit dans l ’acte que les intérêts des
25 ,000
francs seront
em ployés aux frais de l’éducation du m ineur ; et com m e les inté
rêts des dépôts volontaires faits à cette caisse étaient s e u le m e n t,
d ’après l ’ordonnance du 19 janvier i 8 3 5 , de 2 p. 0/0, le sub ro gétuteur s’obligea personnellem ent à faire com pte au mineur de la dif
férence entre ce faible taux et l ’intérêt de
5
p. 0/0.
Ce subrogé-tuteur, q uo iq ue b e a u -frè re du sieur Dum ay, n ’avait
aucun m otif pour contracter celte singulière obligation. Il en a sans
doute été indemnisé par les frères Dumay.
Q uoi q u ’il en soit, le dépôt des
23 ,000
francs fut fait à la caisse
des consignations, le 3o m a i , m êm e mois.
Ainsi , subrogé plus 011 moins légalement à la créance du mineur,
le sieur Félix D um ay, prend, en cette qualité, deux inscriptions suc
cessives, les G juin et 26 décem b re
i 84 /î , sur les biens q ue pos
sédait ou q u ’avait possédés le sieur Prunayre , com m e affectés à
l’h yp oth èq u e légale du mineur.
Mais parmi ces biens se trouvait un enclos appelé de la F o r ê t , qui
�-
5
vH
-
n été vendu ju d ic ia ire m e n t, le 6 juin
>844 > m oyennant
~ S ,o 6 o fr.,
dont le prix était à distribuer, et sur lequel portait aussi l'h ypo thè
q ue particulière des frères Dum ay qui en poursuivaient la vente.
Il fallait faire disparaître l'h ypothèq u e légale ; et le sieur NicolasFélix Dumay crut y parvenir, en d o n n a n t, par acte authentique ,
main-levée des inscriptions de cette hyp oth èq ue en tant q u ’elles frappaientsur l’enclos de la Forêt, mais en ayant soin de les maintenir sur
les autres biens q u ’avait possédés le sieur P r u n a y r e , et par conséquen t
sur les immeubles d ’Auzat q u e celui-ci avait vendus aux appelants ,
et à l ’égard desquels avait été faite la purge viciée par la notification
faite au faux subrogé-tuteur, le sieur Jean-G abriel Dum ay.
C ependant les acquéreurs des héritages d ’Auzat apprennent avec
surprise les vices de c elte notification. Ils refusent de payer ce q u ’ils
restaient devoir.
En danger de payer une seconde fois les sommes q u ’ils ont déjà
versées , com m e les sieurs Cromarias et
R ou gier étaient exposés
à perdre les valeurs qui leur avaient été cédées , sans espoir d ’ail
leurs de rien recouvrer du sieur Prunayre devenu insolvable, instruits
m êm e que les sieurs D um ay tâcheront d ’em p ê ch e r de co llo q u e r la
créance du m ineur à l’ordre du prix de l’enclos de la F o r ê t , les uns
et les autres se présentent à cet ordre , signalent la fraude dont 011
veut les rendre victim e s, et dem andent que la créance du m in e u r ,
com m e la plus ancienne, soit colloq uée avant celle des frères D um ay,
et q u ’elle le soit, com m e elle doit l’être naturellem ent, sur le prix de
la vente la plus récente.
(
A cet ordre intervient aussi, en son nom p e r s o n n e l, l ie Bonnefoi
qui déjà y occupait pour les frères Duinay scs parents , et q u i , pré
tendant q u ’on l’injurie , réclame des dom m ages et in té r ê ts , parceq u ’on a parlé de sa négligence dans la purge légale dont il avait été
chargé.
Cependant q uelqu es circonstances n’ayant pas permis aux e x p o
sants de faire valoir leurs m o y e n s , un jugem ent par défaut rejeta
taules leurs d e m a n d e s , et admit celle du sieur B o n n e fo i, moins lesdommages et intérêts q u ’il réclamait.
*
�ii»
-
6 -
C ’est sur l’appel de ce jugem ent que la C our doit prononcer.
II fait naître plusieurs questions:
L ’intervention des appelants était-elle recevable devant les pre
miers juges?
La cession de la créance du m ineur Prunayre par son subrogétuteur est-elle n u lle?
L a créance du mineur doit-elle être co llo q uée avant celle des
frères Dumay ?
L ’intervention du sieur Bonnefoi ne devait-elle pas être écartée?
La solution affirmative de ces différentes questions ne p e u t , il
sem b le, présenter de difficultés sérieuses.
Sur la première question q uelqu es réflexions suffisent :
T o u te action a pour mesure l’intérêt de celui qui l ’ exerce. Aussi
tous les auteurs s’accordent-ils à dire q u e le droit d ’intervenir dans
une cause appartient à ceux dont les intérêts seraient blessés par le
jugement. T e lle est la doctrine enseignée par Pigeau , T r a ité de ta
’ P rocédure , tome i , page
4g 8;
4*5
; par Carré, L o is de la P rocédure, page
par B ern ât de St-Prix, C ours de Procédure, page 220, n ote
par Favard de L a n g l a d e , R é p e r to ir e , tome
3 , page
3 o;
1 1 8 ; par Dalloz
ainé, R ec u eil alphabétique de ju risp ru d en ce, tom e 9, page 582, n° 1.
O r, les intérêts des appelants seraient gravement co m p rom is, si les
projets des sieurs Dum ay réussissaient dans l’ordre du prix de l’en
clos de la Forêt.
Cet enclos est grevé de l’h yp o th è q u e légale du mineur Prunayre ,
créancier de 20,000 fr. et p l u s , et cette h yp o th èq u e est la première
en rang. La créance serait donc c o llo q u é e en ordre utile , si elle
était réclamée.
L e s frères D um ay s’en prétenden t aujourd'hui p ropriétaires, et ne
la réclam ent pas. Mais dans quel b u t?
L e u r b u t est d o u b le , celui d ’obtenir un
rang utile pour une
créance qui leur est p e r so n n e lle , et qui est la dernière en date de
titre co m m e d ’inscription , et celui d ’exiger la créance du mineur
contre les appelants, premiers acquéreurs depuis lo n g - te m p s du
père Prunayre , qui devaient s’en croire affranchis, mais qui ont été
�- 7 ~ . ,
..
* 1 1
jetés dans une fatale erreur par letrange irrégularité de la purge faite
en leur n o m , et qui sont menacés de payer une seconde fois un
prix dont ils s'étaient libérés.
Ils ont intérêt à éviter ce danger ;
Ils ont le droit de dem ander que la c r é a n c e , la plus ancienne en
date et en rang, soit c o llo q u é e la première sur un prix qui est encore
dû , et sur la dernière des ventes faites par le débiteur.
Ils ont aussi le droit de p r é v e n ir , par une intervention surveillante,
les effets de la collusion q u e pratiquent à leur préjudice le père
tu te u r , un oncle su b r o g é -tu te u r , et d eu x autres oncles du m ineur
P r u n a y r e , c ’est-à-dire quatre beaux-frères dont le concert dirigé
contre de premiers acquéreurs n ’a déjà été q ue trop manifesté par
les circonstances ci-dessus signalées.
Aussi l ’intervention ne paraît elle pas même avoir été contestée en
première in s ta n c e , quant à la qualité et à l’intérêt des intervenants.
L a seconde question exige q u e lq u e développem ent.
En principe c o m m e en c ir c o n s ta n c e s , la c e s s io n , faite aux sieurs
Dum ay p a r l e subrogé-tuteur du m ineur P r u n a y r e , ne saurait être
considérée com m e valable.
L e subrogé-tuteur était sans qualité p our la faire.
Car c é d e r , c ’est aliéner ; et celui-là seul peut a lién er, môme une
valeur mobilière , qui est le propriétaire de cette valeur ou qui a reçu
de la loi un m a n d a t , non-seulem ent pour l ’adm inistrer, mais m êm e
pour en disposer.
O r , un tel mandat n ’appartient pas au subrogé-tuteur. Ses fo n c
tions sont déterm inées par l ’article 420 , qui déclare q u ’elles consis
tent à agir pour les intérêts du m in e u r , lorsqu’ils sont en opposition
avec ceux du tuteur.
Mais son droit d ’agir pour les intérêts du mineur n ’est q u ’un droit
d e s u r v e illa n c e qui ne l ’autorise p a s, d ’ailleurs, à s ’immiscer dans
l’administration des biens du mineur. C ’est c c q u e nous a p p ren n en t
les discussions qui ont préparé la loi sur la tutelle.
« Il était utile , pour le plus grand intérêt des m in e u rs , disait le
» tribun I l u g u e t , de placer à côté d e s tuteurs un sub rorT,,- , '«teur
�» q u i , s a n s s ’im miscer d a n s l ’a d m i n i s t r a t i o n confiée au tuteur , s e r a i t
» c e p e n d a n t l à , p o u r , dans certains cas 3 le surveiller et lui porter
» secours.
» Il est possible, ajoutait le tribun L e r o i , que le tu teur, souvent
» parent du m in e u r , ait des intérêts comm uns en opposition avec
» les siens. L e législateur ne devait pas laisser la fidélité aux prises
» avec l'intérêt. Dans ce c a s , un autre protecteur est donné au mi> -n eur dans la personne du subrogé-tuteur. »
( V o ir la législation civile et com m erciale de L ocré , tome 7 , c o m
mentaire 8 , n* 1 5 , et comm entaire g , n° 1 1 . )
A in si, le subrogé-tuteur n ’a q u e des fonctions de surveillance , de
protection ; il n’en a pas même d ’administration ; il en a encore moins
qui l’autorisent à aliéner les biens du mineur.
Aussi l ’article L \il\ du C ode dit-il q u e le subrogé-tuteur ne rem
placera pas le t u t e u r , lorsque la tutelle deviendra vacante., soit par.
le décès du t u t e u r , soit par son a b s e n c e , et q u ’il d e v r a , dans ce
c a s , pro voq uer la nomination d ’un nouveau tuteur.
Ses fonctions sont indiquées avec détail dans le Traité des m ino
rités, par Magnin , tome 1“ , p.
444 ?
et dans celui de M. de F r é -
minville , t. 1“ , n8 1 6 0 ; et l ’on y voit q u ’elles se bornent à défen
dre les intérêts du mineur., lorsqu’ils sont en opposition avec ceux
du t u te u r , et à e x ercer des actes de surveillance et de p ro te ctio n ,
et non aucun acte d ’administration.
11 ne
peut pas m ême recevoir les revenus du mineur. Il pourrait
encore moins en touclier les capitaux. C om m e n t pourrait-il donc les
céder?
Ces vérités étaient trop certaines pour ne pas être reconnues par
les sieurs Duinay eux-m êm es.
A u s s i , le sieur IS’icolas-Félix D u m a y , tout en offrant au subrogétuteur , la somm e de 23,000 fr. à laquelle il fixait lui-m ême la
créan ce du m ineur, tout en colorant cette oiTre du désir apparent d ’ai
der aux dépenses nécessaires à l’éducation du m in e u r , tout en
engageant ce subrogé-tuteur, son.beau-frère., à lui donner quittance,
n ’a-t-il .pas voulu q u e celui-ci touchât la s o m m e , et il a fait stipuler
�—
9 —
dans la quittance que Ijs 2 3 ,o o o fr . seraient déposés à la caisse des
consignations pour la sûreté du m in e u r , et le dépôt en a eu lieu
le 27 mai i844*
C e p a ie m e n t, q u elqu e couleur q u ’on ait c h erch é à lui d o n n e r ,
n ’avait q u ’un seul m o lif tout dans l ’intérêt des frères D u m a y , celui
d ’obtenir la subrogation aux droits et à l ’h yp oth è q u e légale du mi
neur Prunayre, dans le b ut d ’en user plus tard contre des m alheu
reux acquéreurs ou cédataires qui avaient payé et qui avaient été
trompés par une vicieuse procéd ure pour la purge de l’h yp o th èq u e .
Aussi le sieur ¡Nicolas-Féüx Dum ay eut-il le soin de se faire subroger
par le subrogé-tuteur à l’h yp oth èq u e légale.
Mais le payem ent n ’était ni l é g a l , ni nécessaire, ni m êm e utile au
mineur.
-,i
'
L e payem ent n ’était pas légal ni la subrogation ou cession qui
l’a cc o m p a g n e , parce q ue le subrogé-tuteur était sans qualité pour
r e c e v o ir , sans qualité pour q uittancer, sans qualité pour subroger.
L e payem ent n’était pas légal, parce q u ’aux termes de l’art.
123g
du C o de civil , « il doit être fait au créancier ou à q u e lq u ’un ayant
» pouvoir de lu i, ou qui soit autorisé par la justice ou par la loi à
» recevoir pour lui. »
:
O r , le sieur C h a m b o r d o n , sub'rogO-luteur, n’était pas le créan
c i e r ; il n ’avait pas pouvoir du mineur pour re ce v o ir; il n’était auto
risé ni par la justice ni par la loi à recevoir pour ce mineur. Lui et
le sieur Dum ay l ’ont si bien s e n t i , que le sieur Félix Dum ay n ’a
voulu payer q u ’à la caisse des consignations, et que le sieur C h a m
bordon n’a pas réellem ent reçu , q u o iq u ’il ait donné quittance.
La subrogation, concertée entre l’un et l’autre , est aussi illégale,
parce q u ’au vrai créancier seul appartient le droit de subroger à ses
a ctio n s , privilèges et h y p o th è q u e s ; et cette subrogation , il rie la
d o n n e , il ne peut la don ner q u ’en recevant va lab lem en t; et celui
qui n ’est pas le vrai c ré a n c ie r , celui qui ne reçoit m êm e p a s , celui
qui, d ’ailleurs, reçoit ce q u ’il n ’a pas le droit de re ce vo ir, ne peut con
sentir une subrogation aux actions et aux hyp oth èq ues attachées à
la créance. ( Y . l’art. i 25o du Code civil. )
a
�S tfJ .
—
10 —
. L e payem ent n’était ni nécessaire ni utile au mineur.
Il n ’était pas nécessaire. Car sa créance était garantie par une h y
p othèque légale qui frappait sur 160,000 fr. de b ie n s, d’après l’csli—
mntion faite dans l’obligation consentie par le tuteur aux frères Dumay , le 8 mai i 843 ; car le prix d ’une partie de ces b ie n s, celui de
l ’enclos de la F orêt qui fut vendu 78,060 f r . , le 6 juin 1844 > q u e l
ques jours seulement après la quittance du sieur C h a m b ord o n , était
sur le point d ’être distribué. L ’ordre de ce prix fut ouvert le 26 n o
vem bre s u iv a n t, et le m ineur avait l’assurance d ’être prom ptem ent
payé sur ce prix de sa créance totale.
Il n’était pas utile au mineur, puisque les
23,000
fr. versés n ’ont
jamais servi à ses d ép e n ses, q uoiq ue c ’eût été le p rétexte donné
dans la quittance ; prétexte d ’autant plus faux , que le 26 janvier
suivant , le conseil de famille où assistaient cependant soit le sieur
Cham bordon, subrogé-tu teur, soit le sieur Kicolas-Félix D u m a y , cédataire de
celui-ci, autorisèrent le subrogé-tuteur à em pru nter
1,600 fr. pour faire face aux dépenses de l’éducation du m ineur.
Dans le procès-verbal de la délibération du C o n s e il , non-seulement
on garde le silence sur la créance du m ineur c é d ée au sieur D u m a y,
mais m êm e on parle de cette créance comm e encore due au mineur
pour une somme de 2 J ,o o o fr. q u ’avait touchée le tuteur son père.
Loin m êm e d ’être utile, la cession serait nuisible au m ineur, puis
que les
23,ooo
;fr. versés à la caisse des consignations ne lui produi
raient que 2 p. 0/0 d ’in té r ê t, conform ém ent à une ordon nance du
i g janvier 1 8 2 5 , nu lieu de
5
p. 0/0 auxquels il avait d r o i t ; puis
q u e la différence des 3 p. 0/0 annuellem ent n e
lui serait assurée
que par la garantie personnelle et volontaire du subrogé-tu teur sur
les biens duquel la loi ne lui accordait pas d'h yp oth è q u e ; puisqu’on
lui faisait perdre les intérêts auxquels il avait aussi droit depuis q u ’il avait
eu atteint l’ûge de 18 a n s V p u is q u ’enfin p our retirer de la caisse des
consignations les
23 ,000
fr. qui y avaient été déposés pour lui, il se
rait obligé de souffrir les embarras et les frais d ’une délibération du
conseil de famille et d ’un ju g em en t qui permettraient le retrait de
la somme, tandis que l’h yp o th è q u e considérable que la loi lui attri
�buait sur les biens de son tuteur lui assurait, sans aucune charge, sans
aucune difficulté, le paiem ent e n principaux, intérêts et frais de la tota
lité de sa créance.
r
j ’..
A in s i, illégale en p rin cip e , dangereuse plutôt q u ’utile en fait, la
ijuittance donnée par le tuteur et la subrogation ou cession consen
tie par lui no peuvent avoir aucun eüet et ne peuvent attribuer au
cun droit au sieur Duinay.
.
■
*
, .
C ette subrogation ou cession ne peut soutenir le regard de la jus
tice sous un autre ra p p o r t, c o m m e ayanl de la part des sieurs D umay, pour unique ou.principal m o tif, celui de se procurer un avan
tage illégitime au préjudice des autres créanciers du sieur P runayre
père, et de nuire surtout aux appelants,-
i*.
.
'L es premiers acquéreurs du sieur P run a yre a ch èten t à une é p o
que où des biens considérables appartenaient encore à leurs ven
deurs. Ils veulent cependant se mettre à l’abri de toutes poursuites
hypothécaires. Ils font transcrire et s’assurent q u ’aucune h yp o th è
q ue conventionnelle ne frappe leur acquisition. Ils tâchent aussi de
s’affranchir de toute h yp o th è q u e légale , et pour y p arv e n ir, ils re
m ettent leurs pièces à un avoué sur l ’exactitude du q uel ils devaient
d ’autant plus com pter, que cet a v o u é , parent des familles P runayre
et D u m a y , devait plus q u ’un autre connaître la position de ce$ fa
milles.
Et cependant q u ’arrive-t-il?
L ’avoué n é g lig e n t, sans s ’assurer que le sieur Nicolas-Félix ï)umay est réellement le subrogé-tuteur du mineur P runayre , lui
fait f a i r e , en celte qualité, la notification prescrite ppr la l o i , et
lui a ttr ib u e , de sa propre m ain , ce litre erropiu*, dqu$ l’exploit de
notification.
E l le sieur Dumay , ainsi qualifié, garde le silence sur c e lte er
r e u r , lui q u i, depuis i 835 > était alors créan cier avec son frère , ay
moins com m e caution , mais en vertu d ’un titre chirographaire seu
lem ent, du vendeur Prunayre; lui qui espérait sans doute tirer bien
tôt parli de c e lle irrégularité.
.,
Et bientôt les deux frères obtiennent de leur beau-frère P ru n a y re ,
�—
12 —
par acte authentique du 8 mai, une obligation portant h y p o th è q u e
sur l’enclos de la Forêt.
Et com m e cet enclos allait se vendre sur saisie im m o b iliè re , ils se
hâtent de faire nom mer, le 2 2 , un subrogé-tuteur qui est aus3i leur
beau-frère.
Et l ’un d ’eux traite, le 29 m ai, avec ce subrogé-luleur, pour se
faire subroger à l ’h yp oth èq ue légale du mineur.
E t il prend alors, com m e subrogé aux droits du m ineur, une ins
cription générale sur les biens vendus ou à vendre du tuteur ; mais
avec le projet de la faire rayer relativement à l’enclos d elà Forêt seule
m e n t ; ce qui est exécuté les
25
d écem bre 184^ et 8 janvier 1846.
E t définitivem ent aujourd’h u i , les deux frères réunis ch erch ent à
s’em parer, pour une créance nouvelle , du prix de cet enclos qui est
à distribuer, en réclamant cette c réa n ce à l’ordre de ce p rix , mais
en dissimulant la créance du m ineur pour l’exiger plus tard contre
des acquéreurs qui se reposaient avec sécurité sur une purge illégale
dont ils ne pouvaient soupçonner le vice caché.
T o u tes ces sp écu lations,
toutes ces manœuvres, ne seront pas
sanctionnées par la justice.
D es magistrats équitables et instruits déclareront la cession et la
subrogation qur s’y trouve illégales et nulles T sauf ¡1 examiner si la
créance du m ineur devra être co llo q u é e , et à quel rang, dans l’ordre
de l'enclos de la Forêt.
(^ette dernière observation nous conduit à l’exauvcn du mode de
collocation qui doit être adopté dans l’ordre dont il s’agit.
Si la quittance donnée p a r l e subrogé-tuteur est n u lle , comme
nous croyons Tavoir dém ontré, si., par suite , la subrogation q u e . c o ll e
quittance contient est aussi sans effet, la créance du mineur et l’hy
p oth èq u e qui y était attachée conservent lo u le leur fo r c e , et la
créance doit être colloquée au rang q u e la loi lui attribue sur 1 en
clos de la Forêt dont le prix est à distribuer.
Elle doit donc
recevoir cette collocation par préférence à la
créance personnelle et beaucoup plus récente des sieurs D u m a y ,
puisque cette créance ne remonte q u ’au 8 mai
18^3 ,
taudis que la
�créance du mineur et l’h ypothèque légale qui en est le gage , ont
une date antérieure de 20 a n s , c ’est-à-dire celle du contrat de ma
riage du mineur Prunayre.
La loi et l’équité s’unissent p our faire admettre ce rang de collo
cation.
La lo i, q u i , dans les art. 2 1 34 et 2 1 35 veut que l’h ypothèque ait
rang, savoir : la judiciaire et la conventionnelle du jour de leurs ins
criptions, et l’h y p o th è q u e légale de celui de la date des reprises de
la femm e ou des mineurs.
L ’équité qui exige que l ’h yp o th èq ue la plus ancienne obtienne
aussi la préférence sur les sommes à distribuer
‘
L a jurisprudence est conforme à ces règles. Car lorsque des h yp o
thèques générales et spéciales concourent dans le même ordre , elle
adopte un m ode de collocation réglé par le rang des hypothèques
spéciales les plus anciennes ; et combinant les droits respectifs des
créanciers hypothécaires de manière à prévenir toute fraude, elle ne
perm et pas au créancier à h yp o th èq u e générale de restreindre sa
collocation à tel ou tel imm euble au préjudice du créancier prem ier
inscrit avec h yp oth èq ue sp éciale; elle déclare que le créancier à h y
p o th è q u e générale n ’a que le droit de dem ander que son inscription
vienne en ordre utile, sans q u ’il puisse désigner l’imm euble sur lequel
il veut être c o llo q u é ; mais elle prescrit de le colloqtier dans l’ordre
de date des inscriptions à h yp o th è q u e spéciale, en com m ençant par
la dernière. C ’est ce q u ’ont jugé notamment un arrêt de la C our de
Paris du 28 août 1 8 1 6 , un arrêt de la C our de Tou lou se du
i
836 ,
un arrêt de la C o ur de Limoges du
5
5 mars
janvier 1 8 3 9 ; et c ’est
aussi dans ce sens équitable q u ’ont décidé des arrêts de la C our de
Cassation du
5
juin 1821 , de la C o u r d c R i o m du j 8 janvier 1828,
de la C our de Poitiers du i 5 décem bre 1829 ( 1); et telle est la d oc
trine de MM. Grenier et T r o p lo u g d a n s leurs Traités des H y p o th è
ques , n°‘ 180 et 760.
• 1<
Cette doctrine est fondée sur le plus convenable sentiment d e ■.
j ■>".<
(lj V. les arrûts dans le Journal do Sircy, 1 .17. 2. 376; 39. 2. 5 j3 et 5^5; 21 J.
360; 3 1 .2 . 310; 3 0 .2 .9 2 .
'
�—
H
—
(juité, qui ne perm et pas que.jles premiers créanciers qui^ont traité
avec le débiteur c p in m u a soient sacrifiés aux derniers de ces créan
ciers par la combinaison intéressée de celui qui, ayant line,hypothè
q ue g é n é r a le , renoncerait,à. son gré à sa collocation sur tel ou tel
des im m eu b le s, pour faire peser son h yp oth èq u e générale sur celui
des im m eubles q u ’i l j u i plairait de ch o is ir , au (préjudice d ’un autre
c r é a n c ie r
’
’
!
>
i
•
■ *
En un mot, c ’est le rang des h yp oth èq ues que l’on doit suitre, au
tant q u e possible, dans un ordre pour la collocation de toutes les créan
ces, et dans l'intérêt d e tous les créanciers, pourvu ;que la créance à h y
poth èq ue générale, si elle est la première inscrite^soit com plètem ent
soldée- L a C o u r de Riom l a encore ainsi décidé par un arrêt du 11
février 1 8 4 1 que rapporte la Presse Ju d icia ire n° i a 3.
, L e môme, sentiment d'équité com m ande aussi q u ’entre plusieurs
acquéreurs égalem ent grevés d ’une h yp oth èq u e g é n é r a le , ce soient
les plus, récents qui; en supportent le danger avant de rem onter aux
pljus anciens. Car les premiers acquéreurs dans l’ordre des ventes
avaient dû être rassurés par les autres propriétés q ui restaient à leur
ve n d e u r.
.. >
‘ •
a E t rem arquez q ue l'arrêt de la C our de Riom q ue nous venons de
citer s’était conform é à cette idée pour le rang des collocations q u ’il
ordonûa.
j' r.
.1.1.'
C ’est aussi par ce juste sentiment d ’équité que la C o u r de Toulouse
a jugé par arrêl du 19 mars.] 1 838 q u e , lorsqu’un créancier à h y p o
th è q u e générale, voulait agir h ypothécairem ent contre plusieurs ac
quéreurs successifs de son débiteur., il devait poursuivre les derniers
de ces a cq u éreu rs, si la valeur des im m eubles détenus par ceux-ci
suffisait pour acquitter sa c r é a n c e . . ( Yoir l’arrêt dans le Journal de
S irey, t.
38 .
2.
458. )
..
ï>e c e lte dissertation , il résulte q u e , pour la solde de toute créance
h yp o th éca ire, il f a u t, autant q ue p o ssib le , suivre cl le rang des
hyp oth èq ues et l’ofdre des aliénations.
,
C ’est ainsi seulement q u ’on peut être juste envers tous les créan
c iers, envers tous les acquéreurs du m ême d é b ite u r; c ’est ainsi seu-
�—
15
V U
—
lpment <m’qn peut prévenir, tou le fraude e t t o u t çl^m m ngenon né
cessaire.
............... .• .a'!.-,...
;
,,t ¡Clependant: derniers-, créanciers inscrite*, et n ayant «J’insfript^on
q ue sur le dernier,im m eu ble a lié n é , l’enclos de la Forêt, f savoir
les frères Dumay dem anden t q u ’on laisse de côté Ia;première ç r p n c e
inscrite o u en rang sur cet im m euble, et q u ’on les colloque ,enx(tnêmesà J’exclusion.de la créance du mineur P runayre ;
■¿•sa. n
Ils le dem andent., q u o iq u ’ils, aient été- prévenus par l’acte i^ême,
constitutif de Ipur droit q ue Je créance du m jn e u r je s p r i m a s u r cet
enclos qui leur,était h yp o th é q u é ;
•:
i :
Ils le.,demandent p o ur déverser cette-prem ière créançe. bypothtv.
caire sur les premiers acquéreurs du débiteur com m un ; _ ^
Ils le d em a n den t, sous prétexte quîils sont aux droits d e ce mi
neur, en vertu,d!une,5ubrogation dont nous avons dém ontré l a p u l Klj»-•
\ ^
1.1 > i* « Vil .
./ t J
J l s Je dem andent aq détrim ent des appelants, premiers acquéreurs;:
.^ llsledem ^n denL inêm e au p réjudice du sieur D ou x , adjudicatajre^de
l’enclos de la Forêt. Car Le ipineur, dont la créance n’a pas été valable
m ent aliénée, pour lequ el une nouvelle.inscription a été prise même(
sur ,çe(t. enclos, aurait le droit un jour de se plaindre de ce q u ’on ne
l’a pas appelé à l’ordre du prix de l ’adjudication, et sans s’em bar
rasser d ’une consignation-illégale et qui lui est m ême préjudiciable ,
d ’exercer des poursuites hypothécaires contre ce dernier acquéreur^
R em a rq u o n s aussi que le danger de l’adjudicataire serait d ’autant
plus grave, et que m^mes les intérêts du m ineur seraient d ’autant plus
compromis, que les appelants se proposent et ^e réservent.expressén^ept le droit de soutenir, le jour où ils seront attaqués com m e o,n;en
a le projot, que l’h yp oth èq ue légale a été valablement purgée par les
pr.çpiiers acquéreurs du sieur Prunayre père ; q u e stio n ,im p o rta p te
et difficile qui n ’a pas d û l e s em pêch er d intervenir dans la çai^sc
actuelle pour prévenir les poursuites dont ils sont m e n a cé s , et pour
provoquer,la collocation du m ineur dans l’ordre du prix de l’enclos
d e ,!* Forêt.
Ajoutons, au resto, que,,fût-il possible q u e les frères Dumay eus-
�/
{
0
-
k
16-
scnt été valablement subroges aux droits du m ineur P r u n a y r e , ils
devraient se conform er à la doctrine et à la jurisprudence que nous
avons ci-dessus rappelées ; q u ’ils devraient d ’abord faire colloquer
leur créance la plus ancienne
en date et en r a n g , et q u e cette
c ré a n c e , qui est inscrite aujourd’h u i, qui m êm e par sa nature exis.
terait hypothécairem ent ne fût-elle pas in s c rite , ne devrait pas être
rejetée de l’ordre actuel pour donner le pas à une autre créance plus
récente. Car le créancier lu i-m ê m e, qui a plusieurs créances inscrites
sur un ou plusieurs im m eubles dont le prix est à distribuer, ne
p e u t , d ’après l’article
2 i 34 du
C o d e civil , et d ’après la jurisprudence,
faire de choix pour la collocation q u ’en faveur de la créance q ui se
trouve la plus ancienne en rang hypothécaire.
Mais cette dernière
observation est s u r a b o n d a n te , puisque la
créance du m ineur n ’a pas cessé de lui a ppartenir; puisque cette
c ré a n c e , ne fût-elle pas in scrite, n ’en existerait pas moins com m e
hypothécaire sur l ’immeuble dont le prix est à distribuer ; p u i s q u e ,
d ’ailleurs, l’inscription, dont le sieur Dum ay avait illégalement donné
m ainlevée, a été renouvelée depuis par un parent du m ineur ; puisq u ’enfin, si le subrogé-tuteur de ce m ineur néglige ses d r o its , le mi
nistère public est là pour les surveiller et p our réclam er la colloca
tion à laquelle il a droit.
Il nous reste q uelqu es mots à dire sur l ’intervention en prem ière
instance du sieur Bonnefoi.
C et avoué a voulu jouer un rôle personnel dans cette cause.
E t certes il eût été plus sage p our lui de ne pas y figurer , au
moins en son propre nom.
C ependant il a cru devoir crier h l'in ju r e , vanter sa délicatesse et
ses s o in s , dem ander des dommages et intérêts.
Ces
dom m ages et intérêts lui ont été refusés, m ême par défaut.
S e u lem e n t, ce défaut lui a valu q ue lq u es dépens.
Sera-t-il aussi heureux devant la C o u r? On peut en douter.
C ar pourquoi est-il intervenu? Q u e lui avait-on dit d ’oulrageant ?
O n s’était borné à se plaindre de sa négligence ,«t à se réserver
contre lui uue action en dom m ages et intérêts.
�_
J7 —
Kt c e r t e s , de m alheureux acquéreurs, que la mauvaise procédure
de M* Bonnefoi expose à payer d eu x fois le prix de leurs acquisitions,
n ’ont-ils pas dû éprouver contre lui q u e lq u e irritation ?
Car com m ent pouvaient-ils s’exp liq uer que M e B o n n e f o i , parent
du tuteur P r u n a y r e , parent aussi des sieurs D u m a y , eût eu 1 im pru
den ce de considérer le sieur D um ay aîné , receveur des hospices de
C le r m o n t, com m e subrogé-tuteur du m ineur Prunayre , sans être
certain q u ’il remplissait réellem ent cette fonction ?
C om m e n t concevoir q u ’il e û t , de sa propre m ain , qualifié , dans
l’exploit de notification , son propre p a re n t, de subrogé-tuteur , sans
avoir vérifié l’exactitude de cette qualification?
C o m m ent ne pas être surpris aussi de son silence à l ’égard des a c
quéreurs q u ’il n ’a jamais avertis, d ’une erreur q u ’il avait nécessaire
ment reconnue depuis?
Com m ent aussi ne pas s’étonner q u e ce soit l u i , M* Bonnefoi, q ui
ait été l’agent, le mandataire des frères D um ay, dans tout ce q u ’ils
ont fait pour profiter de celte erreur?
Q ue ce soit lui q u i , aussi de sa propre main , ait écrit les inscrip
tions prises le 6 juin et le 21 d écem bre 1 844 » s,,r le sieur P ru n a y re ,
au nom du sieur D um ay p u î n é , com m e subrogé aux droits du m i
neur P ru n a y re?
Q ue ce soit lui q u i , com m e avoué des sieurs D um ay, ait p o u r
suivi en leur nom , l’ordre du prix de l’enclos de la F o r ê t , cet ordre
dans lequel il ne réclamait pas une créance qui, n ’étant pas payée sur
le prix de cet enclos, ne pourrait plus l’être, par son étrange faute,
q u ’aux dépens des acquéreurs dont il avait si mal soigné les intérêts?
Que ce soit lui-m êm e qui se soit chargé de soutenir pour les frères
Dumay, et contre ses anciens c lie n ts , un procès dont la seule cause
est une purge irrégulière qui est son ouvrage e t dont il a encore les
pièces entre les mains?
C om m ent croire q u ’il puisse espérer d ’accroître e n c o r e , par des
frais et par des dommages et intérêts, le m alheur de scs ancien»
clients, de la triste position desquels il paraît le principal a u te u r?
Les appelants ne se livreront pas à des expressions injurieuses.
�contre M* Bonnefoi. Mais ils ne pourront s’e m pêch er de déplorer
sa légèreté, son peu de soins , son imprudence , et de se réserver
contre lui une action en dommages et inté rê ts, pour le tort q u ’il
leur a causé, q uel q u ’en soit le mobile.
n
I-M* A L L E M A N D , A vocat-consultant ;
Me d ’A R N O UX ,
A v o c a t, plaidant contre
M« Bonnefoi ;
M*
E
ugène
ROUHER,
A v o c a t , plaidant
contre Dum ay et autres;
M 'M I C H E L L E T , A v o u é de MM. Cromarías
et Rougier.
•>■3
I
Riom , im prim erie de E- LEBOYER.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rougier. 1846?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
D'Arnoux
E. Rouher
Michelet
Subject
The topic of the resource
hypothèques
conseils de famille
tutelle
créances
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour les sieurs Rougier et Cromarias, anciens avoués, habitants de Riom ; et pour les sieurs Sabatier, Morel et Barodi, propriétaires-cultivateurs, habitant au lieu d'Auzat-sur-Allier, appelants ; contre les sieurs Jean-Gabriel et Nicolas-Félix Dumay, intimés ; contre le sieur Bonnefoi, avoué au tribunal d'Issoire, aussi intimé ; et contre le sieur Joseph Prunayre et autres, également intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Leboyer (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1846
1835-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3010
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3011
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53627/BCU_Factums_G3010.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
Créances
hypothèques
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53634/BCU_Factums_G3017.pdf
c3836967b3b262ae0490d998b082550f
PDF Text
Text
POUR
J E A N
R O U C H I ,
Appelant,
CONTRE
MICHEL DIERNAT,
Et autres Intimés.
Un prêtre français , q u i , en 1 7 9 3 , s’était réfugié en Angleterre,
pour éviter les poursuites auxquelles l'exposaient sa qualité et son
refus de prêter serment à lu Constitution civile du clergé, a acquis,
loin de son pays , par ses travaux et par son industrie, une fortune
assez considérable.
Rentré en F ran ce, il s’est livré long-temps aux pieuses fonctions de
son ministère s a c r é , et lorsque l’âge et les infirmités lui ont com
mandé le repos, il s’est retiré dans le lieu qui l’avait vu naître , et à
destiné sa fortune entière, moins quelques legs particuliers, au
descendant de l’une de ses sœurs, à Jean R o u c h i, son neveu. Il
�l’a , en conséquence, déclaré son h é ritie r , dans plusieurs parlies
de son acte de dernière volonté.
Mais ce titre d'héritier ou de légataire universel lui a été con
testé par des parents collatéraux, et quoiqu’il eut été reconnu, par
le Président du tribunal, qui l’avait en voyé, à ce titre, en posses
sion de tous les biens de son bienfaiteur, il lui a été contesté devant
le tribunal entier, afin de parvenir à la nullité d’une des disposi
tions principales du testament, que l’on a supposée contenir une
substitution prohibée par la loi.
L e tribunal de première instance de Mauriac a admis ces préten
tions. li a refusé à Jean Rouchi le titre d’héritier de son grand-oncle;
il a considéré et annulé comme viciée de substitution, la disposition
principale faite en faveur de Jean R ou chi, et il en a attribué tous
les avantages
aux nombreux héritiers collatéraux du testateur.
u
Ce jugement blessait trop ouvertement les intentions que le testa
teur avait manifestées dans plusieurs testaments; il interprétait aussi
les lois sur les substitutions d’une manière trop rigoureuse, pour
pouvoir être respecté.
Jean Rouchi en a déféré l’examen aux hautes lumières de la
Cour de R io m ; il espère, il doit espérer une décision plus fa v o
rable, plus conforme à la l o i , plus en harmonie avec la volonté
évidente du testateur.
FAITS.
L e sieur Antoine Lavergne , ancien curé de ¡Mainteiion , dépar
tement d’Eu r-el-Lo ire , était né dans l'arrondissement de Mauriac,
département du Cantal.
Prêtre en 1 7 9 5 , persécuté pour ses opinions religieuses, il (ut
obligé de fuir et de se réfugier en Angleterre. L à , pendant un long
séjour, il acquit, parses soins, par scs travaux , parses économies,
une fortune assez importante.
Rentré en France dans 1111 temps plus prospère, il acquit des pro-
�priétés foncières dans l’arrondissement de ¡Mauriac, et notamment
le domaine de L o n D
" c - V e r"On c et divers autres immeubles.
Averti par son grand â g e , il voulut disposer de sa fortune ; il avait
deux sœurs seulement, ou leurs descendants. 11 fit choix , pour son
h é ritie r, de Jean Rouchi , qui était son petit n e v e u , et que
ce dernier titre recommandait plus particulièrement à sa bien
faisance.
Jean Rouchi n’élail pas marié et ne l’a jamais été :
il exerçait la profession de marchand bottier, en ¡Normandie, où il
avait un établissement, que les bienfaits de son oncle lui ont fait
perdre; en sorte que ces bienfaits, loin de lui être utiles, lui se
raient devenus désastreux, s’il en était privé aujourd’hui.
»
Quatre testaments successifs furent faits, dans la forme olographe,
par le sieur Lavergne ; le prem ier, le 12 octobre 18 5 7 ; le second,
le 20 septembre 18 5 9 ; le troisième, le 9 octobre 1 8 4 2 ; le qua
trième, le 10 août i 8 4 5 ; et dans toutes ses dispositions testa
mentaires, persistant dans ses intentions en faveur de son neveu ,
Jean Piouchi, il le nomme son donataire et son h éritier ,
L e dernier testament doit seul nous occuper.
P ar ce testament , le sieur Lavergne s’exprime ainsi :
« i° J e donne et laisse après ma mort à Jean R ou chi, cor» donnier-bottier à R o u e n , en Normandie , fils d’Antoine R o u c h i,
»
»
»
»
»
»
»
»
mon neveu et filleul, par ma sœur aînée , Jeanne Lavergne, propriétaire à Labastide, commune d’Anglards , le domaine de.
L o n g c - V c ïg n e , la montagne de V c r r ie r r c , et tout le bien que
j’ai acheté de la veuve Brcsson , ma voisine , ainsi que le moulin
avec toutes scs dépendances, maison, prés, terres cl jardin, le tout
situé à Lo n ge -V e rgu e , communes d’Anglards cl de Sl-Vincent,
tel que je l’ai acheté de M. J u g e , Chevalier de la Légiond’IIonncur, avec les fonds que j’ai gagnés si honorablement en
» Angleterre , par mon travail et mes faibles talents , pendant
>> vingt-huit ans d’émigration el de séjour que j’ai fait dans ce ro-
» yamne , pour me soustraire à la hache révolutionnaire qui inon• dait de sang tout Paris et les environs, à la fin de l’année mil sept
» cent quatre-vingt-onze; je lui en fais don pour être entièrement
�A **
-
4 -
» à lui, pour en jouir lui et ses descendants après ma mort, à l’e x -
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
a
»
»
»
»
»
■»
»
clusion de mes autres parents et héritiers. Car telle est ma v o lonlé qu’il en soit le seul et unique héritier, lui , et ses enfants
après lu i , de génération en génération, sous la condition et
l’obligation néanmoins la plus étroite, que tout héritier , possesseur et propriétaire de ce bien , de ce domaine, présent et à
venir, quel qu’ il soit, renoncera à son nom de famille, qu’il
portait auparavant, pour prendre et porter celui de Lavergnc. Il
en fera usage dans tous les actes et les écrits qu’ il passera et
signera pendant sa vie , et le transmettra à sa postérité , a scs
descendants, garçons et filles, qui renonceront au nom de
Ilouchi pour prendre et signer L a v e rg u e j
» a» L e domaine de Lo n ge -V e rgn c ue sera jamais vendu,
échangé, ni morcelé ni grevé de dettes sous quelque prétexte
que ce soit; mais il passera à chaque héritier, à chaque famille,
lel que je l’ai laissé à ma mort; les propriétaires, les possesseurs
de ce domaine seront obligés, à leur m o r t , de répondre des réparafions qu’il y aura à y faire, en le laissant. Chaque successeur
po u rra, en entrant en possession du domaine, demander, par
une visite d’e x p e rls , un dédommagement pour les réparations
» qu’il y aura à faire, pour l'entretenir, et le cultiver et l’exploiter.
Telle est la disposition principale de ce testament.
L e testament contient aussi diverses autres dispositions secon
daires.
I’ ar l’article 5 , le testateur donne aux D iernat, scs neveux par
sa sœur cadette, Françoise L a v e rg n c , la somme de huit mille
francs à prendre sur le revenu du domaine de L o n g e -V e rg u e , et
payable, dit-il, par Jean Rouclii, mon h é r itie r , en plusieurs
termes, à ceux des enfants Diernat qu’il désigne par leurs noms.
Par l’article 4 , il donne son bien paternel et maternel aux enfants
de Marie Alsac, femme Julliard , à la charge par eux de faire faire
tous les ans un service pour le repos des Aines île scs père et mère.
Par l’article 5 , il donne à Antoine Uouchi, son neveu, la p or
tion des biens paternels du testateur que cet Antoine Rouchi a prise
�.
5
.
.
dans le partage que celui-ci avait fait avec sa sœur aînée.
Par l’article 6 , il dispose de son bien dejLabastidc en faveur de
Virginie Valm ier, femme J u l lia r d , pour elle et ses enfants; et si
elle mourait sans enfants, il le donne, après la mort de celle-ci, à la
fille aînée de Jean llouchi, son neveu. Cette disposition renfermerait
peut être une substitution.
Par l’article 7 , il charge Je u n R o u ch i, son héritier j, est-il
d it, de payer en six ans, 6,000 francs aux enfants de Françoise
lunichy , veuve Arnal.
Par l’article 8, il veut qu c-Jeati R o u c h i , son donataire, renonce
en faveur de sa sœur aînée à son bien paternel et maternel.
Par l’article 9 , il veut que Jean llou elii, en entrant en jouissance
du domaine de L o n g e -V e rg n e , relire auprès de lui , loge et nour
risse son père et scs deux sœurs.
mi,
:
Par l’article 10 , il ordonne que le propriétaire de Longe-Vergne
fasse faire tous les ans, pour le repos-de son àme, 1111 service com
posé d’une grand’messe et de deux messes basses.
Par l’article 1 1 , il lègue à sa domestique une renie viagère de
six cents francs , à prendre sur le domaine de Lon ge-V ergne.
P ar les articles 1 2 et i 3 , il donne aussi à cctie domestique quel
ques objets mobiliers , en chargeant Jean Rouchi de lui payer les
six cents francs, et de lui rendre service tant qu’elle vivra.
Par l’article ¡ 4 , il lègue à l’église d’ Anglards, une somme de huit
cents francs qu’il laissera , dit-il, dans nue. malle qui ne sera ou
verte que par sa domestique, son h éritier, son exécuteur testa
mentaire et deux témoins.
Par l’article i 5 il destine, sur les fonds qu’il a à Paris , (‘>,000 (r.
pour fonder une école de garçons dans la paroisse d’ Anglard.
Par l’article if), il donne à la même paroisse 5 ,000 francs pour
fonder une école de jeunes (¡lies.
Par l’article 1 7 , il donne à la môme paroisse, i , 5oo francs pour
acheter un cimetière, en chargeant Jean R ou chi, son héritier,
d it - il, de payer cette somme à la paroisse dès qu’elle l’exigera.
�jx<)J*
— G —
Par l'article 18 , il s’occupe de ses luncraillcs.
P a r l'article 19 il déclare que le propriétaire de L o n g e - V e r g n e ,
Je a n R ouchi est particulièrem ent chargé et obligé de payer
toutes les dépenses de l’enterrement cl les honoraires des ecclésias
tiques, et de les remercier et de leur payer les dépenses qu’il feront
pour le dîner.
Par l’article 20 il laisse cent écus pour distribuer aux pauvres
qui se présenteront à son enterrement.
Par l’article 21 il fonde, dans l’église d’Anglard , un annuel de
quarante messes pour le repos de son âme.
Par l’article 22 il donne et laisse tons ses meubles à Je a n R ouchi ,
sous la condition qu’il payera aux D ie rn at, scs ne v e u x ,
des
sommes détaillées s’élevant à 1,2 0 0 fr.
Par l'article 2") il donne à l’église d’Anglard , les ornements
d’ une chapelle.
Par les articles 24 , 25 et 26 il donne aux habitants de la vallée
de Lon ge-V ergne cl surtout aux habitants du village de Malaprade,
une somme de i , 5o o f r . pour fonder cl établir une succursale
dans leur village , voulant qu’on donne à cette église le nom de
la paroisse de L o n ge-V ergn e.
P ar l’article 27 il veut que les 1 1 ,0 0 0 fr. destinés à la fondation
des deux écoles de garçons et de filles , les 1 , 5oo fr. donnés pour
l’établissement d’une église , et G,000 fr. qu’il consacre à la distri
bution de 5oo fr. par an au x pauvres d’A n g lard, soient pris sur
une somme de /¡o,ooo fr. qu’il a déposée chez M. Ferrière-Lafitte,
banquier à Paris , et qu’à cet effet, on communique à celui-ci son
testament olographe qui se ra , dit-il, entre les mains de mon
h éritier ou démon exécuteur testamentaire.
Par l’arlicle 28 il donne quelques couverts d’argent à quelquesuns de ses héritiers naturels et à deux curés.
Par l’arlicle 29 il charge Je a n Ilo u c h i} héritier du domaine de
L o n g e -V e rg u e , de payer cent écus aux enfants d’un filleul.
�P ar l'article ,5o il donne au fils aine de Julliard , ce qui lui
resterait dù sur son prix de ferme.
Par l’article 5 i il recommande d’o u v rir, en présence de sa
domestique et.de deux témoins, doux malles qui se trouvent, dans
le cabinet de sa chambre.
Par l’article 32 il prie les personnes auxquelles il pourrait
confier son testament olographe, d’écrire , aussitôt après sa mort,
à Je a n Rouchi, cordonnier à Rouen, en Normandie, mon héritier,
dit-il , de se présenter sans délai pour prendre communication et
copie du testament, afin de pouvoir rég ler ses affaires , et remplir
les obligations auxquelles il aura à répondre ; il sera encore tenu
d ’avertir par un mol de lettre les autres donataires qui auront
quelque chose à réclamer dans ce testament.
Par l’article 35 il prie le curé d’Anglard d’empêcher que per
sonne n’entre dans la maison, dans le château , avant l’arrivée de
Je a n Rouchi ou de quelqu’ un envoyé de sa part et autorisé par
lui.
Par l’article 54 il donne à Jean R o u c h i, deux mille francs à
prendre sur les fonds du gouvernement, pour payer les honoraires
de son enterrement et les droits de mort.
Par l’article 55 il nomme, pour exécuteur testamentaire, INT.
P e rrie r, notaire à Mealct, et charge Je a n Rouchi , mon h éritier,
dit-il , de lui offrir /(oo f’r. pour le remercier de ses peines et de
scs bons conseils, et de lui prouver sa reconnaissance.
E t après avoir pris 5 8 ,ooo ir. sur les fonds du gouvernement
pour remplir les legs mentionnés dans le testament, il donna moitié,
du restant au fils aîné de Julliard et l’autre moitié aux deux filles
aînées de Jean Arnal.
Le testament est ccrit et signé par le sieur Antoine L a v c r g n e , à
L o n g e - V e r g n c , le lo a o û t 1 8 4 5 .
T el est ce testament dont nous avons cru devoir rappeler en détail
les diverses dispositions, pour prouver que le testateur avait disposé
de tous ses biens, qu’il a considéré et déclaré Jean Rouchi son
h éritie r, et qu’il l’a chargé en cette qualité de prendre immédia-
�lomcnt communication du testament , voulant qu’on l’avertisse
¡'t ce titr e . aussitôt après sa mort, pour qu’il puisse régler ses
affaires et.remplir les obligations auxquelles il aura à répondre.
L e sieur Lavergne décéda le 12 août 1 7
•
Une ordonnance de M. Mailhe , juge
à Mauriac et faisant
fonctions de président du tribunal , envoya sur requête , Jean
Rouchi en possession des
biens du défunt, comme étant sou
légataire universel.
Les Diernat et d’autres personnes , notamment les Alsac , se
disant habiles à se porter héritiers du,défunt, formèrent opposition
à celte ordonnance d’envoi en possession.
Mais elle fut maintenue d’abord par un jugement du tribunal de
première instance de Mauriac du 12 janvier 1 8 4 8 , qui ordonna de
plaider au fond, ensuite par un arrêt confirmatif du 5 avril 1849.
Revenus devant le tribunal de Mauriac, les Diernat et les
Alsac ont attaqué le fond du testament.
Par jugement du 2?, août 1 8 4 8 , ce tribunal a décidé 1 8 que le
testament 11e renfermait ni 1111 legs u niversel, ni une institution
d'héritier, qu’en considérant le sieur Rouchi comme légataire
universel du sieur Lavergne et en l’envoyant en possession des
biens, le président du tribunal avait mal interprété ce testament et
que son ordonnance devait être réformée;
2° Que ce testament contenait, par scs art. i*r cl 2e , une substi
tution qui s’étendait au-delà du deuxième degré des descendants
du légataire.
Lu conséquence, il a reçu les Dit ruât, Alsac et consorts,
opposants à l’ordonnance d’envoi en possession du 5 septembre
précédent; au fond, il a déclaré ladite ordonnance nulle‘et de nul
e ffe t , et statuant sur les dispositions des art. » " et a* du testament
dudit sieur Lavergne, il a déclaré les legs qui y étuient contenus
nuls cl de nul effet comme renfermant une substitution prohibée,
a débouté, en conséquence, Jean Rouchi de sa demande cl l’a con
damné aux dépens.
�L e sieur Rouclii a interjeté appel de ce jugement par exploit du
G décembre 1848.
:i,
,,
Cet appel saisira la Cour de Rioin de l'examen de plusieurs
questions d’une grande importance.
Ces questions consistent à décider :
j® Si le sieur Rouclii est ou non l’héritier 011 le légataire universe
du sieur Antoine Lavergnc ;
20 S ’il y a réellement substitution ou si l’ensemble du testament
ne prouve pas que le testateur a voulu moins substituer qu’ interdire
généralement l’aliénation du domaine compris dans sa disposition
principale ;
t/
5° S i , en supposant qu’il y eût substitution , elle ne devrait pas
être considérée comme restreinte aux enfants et pelils-enfanls du
donataire , et par conséquent reconnue valable ;
4° E t subsidiairement, si en la supposant même étendue au
troisième d e g r é , c’est-à-dire aux pelils-enfanls du donataire, elle
r.e devrait pas aussi être maintenue jusqu’au second degré , et
annulée seulement pour le degré ou les degrés postérieurs.
Examinons successivement ces diverses questions.
PREM IÈRE
La
loi déclare valable
Q UE STI ON.
toute disposition tcstamenta.re , ou
universelle , ou à litre universel, ou à lilre particulier , soit qu’elle
ail été fai le sous la dénomination dinstitution d 'h é ritie r , soit
qu’ellc ait été faite sous la dénomination de legs (Code civil, art.
J00 2 ); cet article assimile l’héritier au légataire universel.
O11 sait qu’ un héritier, qu’ un légataire universel succède à ions
les droits comme à toutes les charges du défunt, hercs ju ris
successor e st... et in omne ju s viortui ( L. g , § 12 de h ercd ib ’ts
m stitucndis , L,
de acquit, v e lo n iit hcrcd. )
�O r , l'institution d'héritier a toujours pu se faire de plusieurs
manières : elle se fait en déclarant un tel . ... maitre de toute son
hérédité Totius h œ redilalis m cœ dominus e s to , rectè insti-
tutiofit ( L . 4 8 , M arcian, Lib. 4 insiit. )
Elle se fait aussi quoique plusieurs de ces mots manquent dans
l’expression. Omissio alicitjus vo ca b u li iti heredis institutione
eam non vitiat, dit Pothier , dans son bel ouvrage des Pandectes
(L ib . 28, tit. 5 , de heredibus instituendis , n° 3 2 ) , et l'auteur cite
divers textes du droit romain :
V . G . S i ciiiteni sic scribat,
e s t o
;
licet non adjecerit,
creditnus solus nuncupaturn , minus scriptum.
E t s i ita ,
l u c i u s
e s t o
;
l u c iu s
h e r e s
;
tcintiimdem dicim us.
Ces observations sont fondées sur celle maxime si juste, si
ancienne et si connue même dans le droit nouveau : potms
voluntatem quani verba specturi plaçait.
O r , en parcourant le testament du sieur Antoine L a v e r g n c , il
est impossible de ne pas reconnaître que le testateur a toujours
voulu que le sieur Rouchi fût son seul héritier, c’est-à-dire sou
légataire universel.
Il Tavait voulu par scs trois premiers testaments de 1 8 0 7 , ‘^c
j S S q , de 1 8 4 2 ; il a .persisté dans celle ferme volonté et l’a con
sacrée dans son dernier testament du 10 août 1845.
Ou'on le p arcou re, en effet, et l'on y verra que Jean Rouchi
est le seul de scs parents que le testateur honore du titre de son
héritier.
11 le lui confère par l’article 5 de son testament.
11 le réitère par l’article 7.
11 le renouvelle par l'articlc 14 1 en prescrivant qu’une malle ne
soil ouverte que par sa domestique et son héritier.
11 le répète dans l’article 1 7 , en chargeant Je a n llo u ch i , son
héritier, de payer 1 ,5oo francs à la paroissed’Au"lard pour acheter
1111 Cimetière.
�Il déclare par l’arliclc 19 que Je a n R ou chiest particulièrem ent
chargé et obligé de payer toutes les dépenses dq l'enterrement et
les honoraires des ecclésiastiques ainsi que les dépenses qu’ils feront
pour leur diner.
Il veut, par l’article 27 , que les fonds qu’ il a chez le sieur F c r riè re , banquier à Paris, soient employés pour payer divers legs
particuliers, ol qu’à cet effet, 011 communique à ce banquier son
testament olographe qui sera, dit-il, entre, les | mains de mon
h éritier.
_.<nr,
Il charge par l’article 29 Jean R o u c h i, son h éritier Au domaine
de L o n g e -V e rg n e , de payer cent écus à un filleul.
<!''
Il prie par l’article 52 les personnes auxquelles il pourrait confier
son testament olographe , d’écrire aussitôt après sa mort à Jean
R ou chi, à R o u e n , en Normandie, mon h éritie r , dit-il, de se
présenter sans délai pour prendre communication ou copie du
testament, afin de pouvoir régler ses affaires.
Il prie aussi par l’article 55 le cure d’Anglard , de prendre des
mesures pour empêcher que personne n’entre dans la maison et
dans le château avant l’arrivce de Je a n R ouchi ou de quelqu’ un
envoyé de sa part.
Et pourquoi ces précautions? parce que, par l’article 2 2 , il •
donne tousses meubles, à Je a n R ouchi sous quelques charges.
E n fin , par l’article 3 5 , il charge Jean Rouchi, son h é r itie r ,
d’offrir 400 fr. au sieur P errier, son exécuteur testamentaire , pour
le remercier de ses soins et lui prouver sa reconnaissance.
Ainsi, en parcourant le testament entier du sieur Antoine L av e rgne, on voit qu’il a disposé de tous ses biens meubles et immeubles;
on y voit aussi qu’il a donné à Jean Rouchi scs biens meubles et la
plus grande partie de scs biens immeubles, sauf quelques legs
particuliers en faveur de ses antres parents.
On y voit surtout, qu’il a considéré Jean nonchi comme son
héritier ; que c’est à lui seul, à l’exclusion de tous scs autres parents,
qu’il attribue la qualité de son héritier, et par conséquent le ju s
�univers uni de son hérédité; c’est lui seul qu’il a investi de ce titre;
c’est lui seul qu’il a chargé de payer les charges de sa succession,
les legs dont il la grevait , les frais funéraires de cette succession ;
c’est lui seul qui devait surveiller, conjointement avec l’exécuteur
testamentaire, l’accomplissement des dons qu’il faisait, le paiement
des dettes dont elle serait chargée; c’est lui seul enfin qu il déclarait
son unique héritier.
Aussi le président du tribunal, M. Mailhe , magistral très ancien
et très éclairé, n’a-t-il pas hésité , sur la présentation du testament
olographe, à envoyer Jean Rouchi en possession de tous les biens
de l’hérédité, comme légataire universel ; cl si des ju g e s, plus
jeunes, moins instruits, ont réformé celle décision , on ne peut que
déplorer leur erreur, et reconnaître qu’ils n’ont pas refléchi sur la
vraie pensée du testateur, et qu’ils ont violé l’esprit du testament.
En vain se fondent-ils sur le don qui y en est fait , à d’autres
personnes , d’objets particuliers et notamment du petit domaine de
la Bastide.
Mais ce domaine était peu considérable.
Mais les legs particuliers étaient peu importants, comparés à la
fortune entière du testateur.
Mais ces legs particuliers ne détruisent pas la généralité du don
de l’hérédité, et ne dérogent pas à l’universalité de cette succession
qui est attribuée à Jean Rouchi. Car le titre d ’h é iit ic i , qui lui est
souvent donné dans le testament, lui conférait cette universalité et
des droits cl des charges attachés à l’hérédité.
C a r , d’ailleurs, c’est surtout l'intention du testateur, sa volonté
évidente, manifestée par l'ensemble du testament, que l’on doit
considérer, afin de s’assurer que le testateur avait réellement voulu
le gratifier du titre de son héritier u niversel, eu le nommant seul
son héritier. C'est, en effet, cette intention que l’on doit consulter;
potins voluntatcm quant v e rb a spcctari plucuil.
C ’est aussi dans ce sens que les auteurs de jurisprudence Ont
appliqué l'article 1002 du code civil.
�—
i3
—
A u ssi, M. G r e n i e r , clans un excellent ouvrage sur les donations
et les Testaments (tome i " de la seconde édition, page 5 i 5 ),»
d é c la re -t-il, que , » en droit, le mol univetsalitè a toujours été
» entendu dans le sens d’une prépondérance évidente, attachée au
» titre d’un légataire par rapport à celui des autres.
Ainsi , on peut donner la qualité de légataire ou héritier
» universel, i° à celui qui est appelé à recueillir là totalité de
» cette succession; 20 à celui qui ne recueillerait que les biens
» de cette succession , moins les réserves affectées à certains
» héritiers.
»
»
»
»
» 5° A celui qui se trouve en concours avec un légataire , non
d'u ne portion ou de quotité de biens d e la succession p rise
en masse , niais seulement d’objets qui doivent bien entrer en
contribution pour le payement des dettes et des charges de la
succession, tels que les imm eubles ou le m o b ilier , ou une quo-
» tilé fixe des immeubles ou du mobilier, mais auxquels le légis» laleur n’a pas attaché le titre d’universalité d’ une manière aussi
» évidente que celui qui est appelé à recueillir en misse le restant
» de l’hérédité. »
On remarquera q u e , dans l’espèce, aucun des legs particuliers
ne pourrait être soumis au payement des dettes et charges de
l’hérédilé.
Le sieur Rouchi devrait seul les acquitter toutes. O r , comment
le pourrait-il s’il était privé de la qualité d’héritier et de tous les
avantages attachés à ce titre.
Un arrêt de la cour de Limoges du 8 décembre 1 8 0 7 , a con
sidéré comme legs universel une disposition testamentaire , bien
que le testateur eut omis de disposer de quelques objets peu im
portants de sa succession, et qu’au lieu d’appeler les héritiers insl !tués à recueillir conjointement, il ¡»il, au contraire, attribué à
chacun d’eux un lot composé d ’objets déterminés ( V . cet arrêt
dans le journal de Sirey , 5 ç) , 2. 27).
/
�De moine , un legs qualifié d’universel par le testateur, ne cesse
pas d'avoir cc caractère, par cela seul que le testateur aurait dis
posé de la nue propriété de quelques-uns de ses biens au profit
d’autres légataires , en réservant seulement l’usufruit au profit du
légataire universel. (Arrêt de la cour de cassation du 20 novembre
)8 /j5 . Srrey, 4 3 , t.. i 8 5 ()). Il existe d’autres arrêts analogues.
.1
!. . .
.r.
Aussi, Vazcillesij dans sou traité des successions, sur l’article
i o o 5 , dit-il que loilegs ne cesse pas d’être universel, quoiqu’il
soit grevé de legs particuliers et même du legs à litre universel
défini par l’ article 1 0 1 0 , et il donne un exemple ainsi conçu :
« P au l, dit-il, est légataire universel , soit qu’il ait été institué
»
»
»
x
»
»
»
.héritier, ou que tous les biens lui aient été légués, à la charge
de payer une somme fixe ou de donner un objet déterminé à
P ie rr e , soit que le testament porte, en première ligne, le legs
de Pierre et ensuite le legs universel. Dans ces divers cas, Paul
est également h éritier an légataire universel, puisqu’il recueille
tous les biens sans partager avec personne , sous Ici distinction
seulem ent des objets déterminés qu’il doit remettre aux autres
» légataires. Aucun de ces légataires n’a de droits successifs. Paul
j> seul représente le défunt, universo ju r e , avec scs droits et ses
» obligations. »
Les autorités cl les arrêts que nous avons invoqués sont fondés
sur l'interprétation du testament, et ont pour base la m axim e,
vo/nntatern potins quant v e tb a specta rip la ça it.
Jean R o u c h i, auquel le testateur a attribué la plus grande partie
des biens de sa succession , auquel il a donné des valeurs d’une
prépondérance évidente sur les legs particuliers qu'il a déférés
aux autres légataires , qu’ il a qualifié même seul du titre de son
h éritier, et qu’il a chargé de payer à d’autres diverses sommes,
auquel ¡1 a tic plus confié le soin de scs funérailles et l’obligation
d’en faire les dépenses, cc Jean Rouchi a reçu évidemment du tes
tateur l’ universalité des droits de l’hérédité, et seul il doit profiter
de ses avantages, comme seul aussi il est grevé de ses charges.
V
�Et remarquons que le plus grand nombre des legs particuliers
sont faits à des parents , à des héritiers naturels du défunt, à des
personnes qui auraient à partager avec lui la succession qu’ils lui
disputent, et q u e , leurs legs n’ayant pas été faits par préciput ou
avec dispense de rapport, ils les perdraient si leurs prétentions
étaient accueillies.
Mais ces prétentions viendraient se briser contre le testament,
contre le titre d 'h é ritie r , o u , ce qui est la même chose, de léga
taire universel, qui a été attribué à Jean Rouchi, soit par les e x
pressions littérales et géminées de ce testament, soit par l’ensemble
«le cet acte de dernière volonté.
L ’examen de la question que nous venons de discuter rendrait
surabondante celle de toutes les autres questions proposées dans le
mémoire. Si Jean lîouchi était considéré et reconnu comme héri
tie r, c’est-à-dire comme légataire universel du sieur Antoine L a
v e rg n e , lui seul aurait le droit d’examiner la question de substitu
tion. Car celle substitution, fût-elle prononcée pour une partie de
l ’hérédité , lui seul devrait prolitor de la nullité qui en résulterait.
T ous les autres héritiers naturels, tous les intimés, par cria seul
qu’ils ne sont pas héritiers réservataires , seraient non rccevables
à soulever celte difficulté cl à soutenir que cette prétendue substi
tution était prohibée, puisqu’ils ne devraient pas profiter de celte,
prohibition et d’une nullité dont les conséquences et les avantages
ne devraient appartenir qu’au légataire universel. C ’est ce qu’a
décidé en thèse la cour de cassation, par un arrêt du 24 mai 1807 ,
rapporté dans le journal de S i i e y , t. 6 7 , 1, 5 1 7 . C ’est aussi ce
qu’avaii jugé antérieurement la cour cle Montpellier, parm i arrêt
du 10 février i 8 5 G, rapporté dans le même journal, t. 5G, 2 , 54g.
Car la nullité ou la caducité des legs particuliers profite à l’héritier
testamentaire seul ou au légataire universel, ainsi que l’ont décidé
de nombreux arrêts, ainsi que le déclarent aussi tous les auteurs et.
notamment Merlin , Grenier pour le nouveau droit , Hourjon et
J'othier pour l’ancien.
�DEUXIÈME
QUESTION.
L e testament du sieu r L avergne contient une prohibition
(Valiéner plutôt qu ’une substitution.
La loi prohibe les substitutions par l’article 89Ü du code civil ,
mais elle les définit expressément pur le même article , ainsi conçu :
« Les substitut ions sont prohibées.
» Toulc disposition par laquelle le donataire, l’héritier institué,
» ou le légataire sera chargé de conserver et de rendre ¿1 un
» tiers , sera nulle , même à l’égard du donataire , de l’héritier
» institué ou du légataire. » Des termes formels de l’article , il r é
sulte que, si le testateur 011 le donateur n’a imposé au donataire, à
l’héritier ou au légataire, ni la charge de conserver, ni la charge
de rendre ¿1 un tie rs , il n’y a pas de substitution.
Cependant, quoique ces charges expresses ne fussent pas écrites
dans la disposition , quelques personnes ont voulu trouver une
substitution dans l’ensemble des expressions qui constituaient cette
disposition.
Mais ce système inexact a été repoussé par les auteurs et par
les arrêts.
Parmi les auteurs, on peut citer T ou llier, tome 5 , n° 24 ;
Rolland de Villargues, n° ¡ 7.5 et suivants; Duranton , t. 8, 11*4 2 ;
Coin-D clille, n° 4 * •
Parmi les arrêts, 011 peut invoquer un premier arrêt de la cour
de cassation du 24 mars 1 8 2 9 , cl un second arrêt de la même
c o u r, du 5 juillet i 8 5 :i; un troisième arrêt de cette cou r, du 25
juillet 1854. Ces trois arrêts ont décidé en thèse que, s i Vobliga
tion de co n serva et de rendre n ’est p as littéralem ent e x p rim é e ,
le doute doit s'interpréter en fa v e u r de la disposition. C ’est
l'application de la maxime si connue : j>otius ut va len t actus
�—
I?
—
quani ut p erea t ( V . les arrêts cités dans le journal de S ire y ,
tome 2 9 , 1 , 2 9 3 ; tome 3 2 , 1 , 4 3 o ; tome 34 > i> $77- Les voir
aussi dans le journal de Dcnevers.)
Dans le testament du sieur L a v e rg n e , il n’existe pas de charge
de conserver; il n’existe pas aussi de charge de rendre à un tiers.
On 11c devrait donc pas y voir de substitution.
Mais, dit-on, il y a des expressions qui en tiennent lieu.
i° Jean Rouchi et ses descendants, ses enfants sont rappelés dans
la disposition principale ;
20 11 y a prohibition d’aliéner le domaine de Longe-Vergne; or,
ces termes , rapprochés entr’e u x , constituent une substitution per
pétuelle et prohibée.
Ainsi , contre les décisions des arrêts que nous avons rappelés ,
c ’est par une interprétation qu’on a cru découvrir une substitution
prohibée, c’est-à-dire que le doute qu’on se faisait a été interprêté
contre la disposition.
Mais cette interprétation rigoureuse était contraire aux principes
qui veulent que le doute soit interprété en faveur de l’acte.
Mais, d’ailleurs , rénonciation des descendants , des enfants, ni
même la prohibition d’aliéner’, n’autorisaient pas une telle inter
prétation.
i° Le don principal est fait à Jean Rouchi uniquement, sans
aucune charge de conserver et de rendre. Il y est dit, en effet :
« J e laisse à Jean Rouchi, cordonnier-bottier, à Rouen, en Nor-
» rnandie, le domaine de Lon ge-V ergne , etc.
11 est vrai que le testateur ajoute plus bas-:
« J e lu i en fa is don p o u r dire entièrem ent ¿1 lu i et p o u r en
» jo u ir lu i et ses descendants après ma m o rt , à l’exclusion de
» mes autres parents et héritiers; car telle est ma volonté, qu’il en
» soit le seu l et unique h éritier, lui et ses enfants après l u i , de
» génération en génération.
�—
b
i8
—
Là s’arrête la disposition.
L ’on voit que c’est Jean Rouchi seul qui est appelé à recueillir
le domaine.
Que c’est lui seul qui est déclaré par le testateur son unique
héritier.
S ’il y est parlé des descendants de celui-ci, le testateur y dit :
P o u r en jo u irt lu i et ses descendants , après ma mort; s’ il veut
qu’il en soit son seul et unique héritier, lui et ses enfants après l u i ,
de génération en génération , c’est parce qu’il sait q u e , suivant les
lois de la nature, et conformément aux règles ordinaires des suc
cessions, les enfants, les descendants jouissent après leur père , ot
lui succèdent de génération en génération.
L e testateur n'exprime ici qu’une pensée générale et commune à
tous les hommes , qui considèrent les enfants, les descendants
comme devant jouir après leur p è r e , comme destinés à lui su ccé d er.
D ’ailleurs, il n'institue pas les enfants, les descendants de Jean
Rouchi, ses héritiers, comme leur père qu’il déclare , au contraire,
son seul et unique héritier.
D ’ailleurs aussi, il ne charge pas Jean Rouchi de conserver et
de rendre à scs enfants , à scs descendants, le bien qu'il donne à
lui seul.
E t comment aurait-il pu choisir pour ses héritiers les enfants de
Jean Rouchi, puisqu’il n’en existait ni au moment du testament, ni
à celui du décès du testateur ?
Comment celui-ci aurait-il pu penser à substituer à Jean Rouchi,
son unique donataire du bien de Lon gc-V crgnc, les enfants que ce
Jean Rouchi laissait ou laisserait, puisque Jean Rouchi n’était pas
m arié, et même ne l’avait jamais été, au moment du décès de son
oncle ?
Que deviendrait enfin celte prétendue substitution , si Jean
Rouchi ne se mariait jamais ou ne laissait aucun enfant, aucun
descendant ?
�— 19 —
E l remarquez que le tcstaicur n’impose pas même à Jean Rouchi
l’obligation d e sc marier, cl que, par conséquent, le sieur Lavergne
ne peut avoir même l’cspcrance fondée que son donataire aura un
jour des enfants, des descendants qui pourraient recueillir les biens
donnés.
Nouvelle preuve, que rénonciation dans le testament, d’enfants ,
de descendants , ne sont que des expressions vagues, sans portée ,
sans consistance, échappées à un prêtre peu éclairé sur les lois
françaises, et qui, n’élant pas , au reste, contenues avec précision
dans les dispositions principales, ne peuvent ni en détruire, ni
même en faire suspendre l’exécution, sous prétexte de substitution.
Mais trouvera-t-on une substitution dans la prohibition d’aliéner
contenue dans le testament du sieur Lavergne?
« L e domaine de Longe-Vergne , y est-il dit, ne sera ni vendu ,
» échangé, ni m orcelé, ni grevé de dettes sous quelque prétexte
» que ce soit; mais il passera à chaque héritier, à chaque famille,
» tel que je l'ai laissé à ma m o rt, etc. »
Remarquons d’abord que cette prohibition n’est pas perpétuelle ,
comme on le suppose dans le jugement où l’on déclare la substitu
tion perpétuelle; en rapprochant la première partie de la disposition
avec l’intcrdiction de vendre.
Ce rapprochement est, d’ailleurs, vicieux sous plusieurs rapports.
i° La prohibition de vendre n’est pas déclarée faite au profil des
enfants et des descendants de Jean R o u c h i, donataire;
a0 Ne fût-elle fuite qu’à Jean R o u c h i, elle serait nulle comme
étant absolue , quoique temporaire seulement; comme restreinte
à la vie de ce Jean Rouchi , parce qu’elle établirait à son égard une
espèce de droit de main-morte , interdit par la législation nouvelle,
et notamment par l’article i*r du titre 2 de la loi du i 5 mais 179 0 ,
qui abolit « lout droil prohibitif des aliénations et dispositions, à
» litre de vente, de donation entre vifs ou testamentaire, et tous
» autres eil’cts de main-morte réelle, personnelle ou mixte, qui
» s’étendraient sur les personnes ou les biens ; »
�3° Celle prohibition serait nulle surtout si on l’appliquait à lous
les descendants de Jean R o u c h i, et si l’on considérait le testament
comme renfermant une prohibition p erp étu elle, parce qu’elle serait
contraire, non-seulement à la loi citée, mais encore aux bonnes
m œ u rs, à l’ordre public , qui veulent q u e le commerce des biens
soit libre ; elle serait nulle par suite comme impossible et proscrite
par l’art. 900 du Code civil, qui veut que les conditions impossibles,
et celles qui sont contraires aux lois et aux mœurs soient réputées
non écrites , et que , malgré leur abolition , la disposition entre vifs
ou testamentaire n’en reçoive pas moins sa pleine exécution.
C ’ est aussi ce qu’ a jugé en thèse un arrêl de la Cour de Paris,
du 1 1 mars 1 8 5 6 ; et telle est l’opinion de T o u llicr, dans son droit
civil français , tome 6 , n° 688.
E t remarquons que , s’il s’est présenté quelques décisions con
traires, ce n’est que dans les cas oii la prohibition de vendre n’était
que momentanée, et que surtout elle n’élail pas absolue.
O r , comment une obligation , une condition nulle, pourrait-elle
valoir pour faire reconnaître et déclarer l’existence d’unesubsliiution
prohibée? E t ne sait-on pas que ce qui est nul ne peut produire
aucun effet, suivant la maxime consacrée par la législation de tous
les temps : quod nnllum est, milium producit effectuai.
C ’est cependant cette maxime qu’a violée le tribunal de Mauriac,
en se servant de la prohibition d’aliéner, et en la rattachant à la
disposition principale du testament, pour en conclure que ce testa
ment renfermait dans son ensemble une substitution prohibée.
Si ce tribunal eùl réfléchi sérieusement sur le testament, il eût
reconnu que cette prohibition de v e n d re , d'échanger, de m orceler,
de g rever d’aucune dette, élail l’objet principal, l’objet même
unique de la pensée du testateur; que , dans son ignorance des lois
françaises, ou, dans leur oubli, il voulait surtout que son domaine
fût conservé dans la même situation, avec la même valeur qu’il
avait au moment où il le laissait; qu’il s’occupait peu d’une p ré
tendue substitution à laquelle il 11c songeait même pas, cl donl les
avantages n’auraient tourné qu’au proiit d’enfants qui n’ existaient
�pas au moment de son décès, et qui, peut-élre • »’existeraient
jamais; mais que so» seul désir, son désir évident était que son
domaine restât intact, et fût conservé dans toute la splendeur dont
il l’avait orné ; il voulait la conservation complète, intégrale de
son domaine; il rattachait en quelque sorte son existence morale,
sa renommée future , à la conservation de ce domaine
qu’ il
avait créé ou au moins embelli à l’aide de ses soins et de ses re s
sources, et dont il voulait prolonger la durée au-delà de sa vie
physique, en exprimant en quelque sorte le vœu d’immortalitc qui
germe dans le cœur de tous les hommes.
C ’est donc une prohibition d’aliéner, et non une substitution, qu’il
a établie par son testament; et puisque, d’aprcs l’art. 900 du C od e,
d’après toute la législation française, cette prohibition est nulle, elle
doit être annulée sans porter atteinte au don principal fait en faveur
de Jean R o u chi, en respectant ce don même , en ordonnant l’exé
cution , sans y porter atteinte à l’aide d’une prohibition illégale,
dont la nullité ne permet ni de s’en servir à établir une substitution
qui n’est pas expressément écrite dans l’acte , ni même de con
courir à l’idée de cette substitution.
Ainsi doit se décider la seconde question proposée.
TROISIÈME
Q UE S TI O N.
*
Y a u ra it-il même dans le testament une substitution, elle ne
serait p as prohibée.
Ici se présente une question d’interprétation qui, d’après les prin
cipes , doit toujours être résolue en faveur de l’acte testamentaire.
L ’art. S96 du Code civil prohibe les substitutions, c’est-à-dire les
donations ou les legs, faits à la charge par le donataire ou le légataire
de rendre à un tiers les objets donnés ou légués. Mais la loi posté
rieure du 1 7 mai 18 2 6 a modifié cette prohibition , en déclarant que
les biens dont il est permis de disposer « pourront être donnés avec
�charge de les rendre à un ou plusieurs des enfants du donataire,
ries ou à naître , ju squ'au d eu x ièm e degré inclusivem ent. »
*
Le testament du sieur Lavergnc donne, après sa mort, « à Jean
»
»
»
»
»
llouclii, son neveu , son domaine de ! .onge-V ergne ; il lu i en
fait don p o u r être entièrem ent ¿1 fu i, et pour en jo u ir, lui et ses
descendants, après sa m o r t ; ...... sa volonté est qu’il en soit le
seul et unique héritier, lui et ses enfants après lui , de génération
on génération. »
C ’est donc à Jean Rouchi seul que le domaine est donné ; c est
lui qui en doit être le seul et unique héritier.
Riais 011 supposant qu’on pût trouver une substitution dans l'addi.
lion de ces mots : p o u r en jo u ir lu i et ses descendants , ou dans
ceux-ci : q u 'il en sera le seu l et unique héritier, lui et ses enfants
après l u i , ces expressions ne constitueraient qu’ une substitution au
deuxième degré des enfants du donataire , telle qu’elle est autorisée
par la loi du 17 mai 1826.
C a r, d’un côté, l’expression pour en jo u ir lui et ses descen
dants après ma m o rt , 11e se trouve pas dans la clause principale,
constitutive du don fait à Jean Rouchi seul; elle n’est placée que
dans une addition indicative du mode de jouissance, c’est-à-dire
d’une jouissance qui doit naturellement passer aux descendants, si
le donataire 11’en dispose pas lui-tncme ; il n’y a , d’ailleurs , de la
part du testateur , aucune charge de conserver cl de rendre à ses
descendants.
I)’ un autre côté, les mots.fCJ descendants s’entendent naturelle
ment de ceux qui descendent en premier degré du donataire, lorsque
la clause elle-même ne dit pas (¡ne le testateur a entendu les appli
quer au second degré et à des degrés postérieurs, lorsque surtout
il 11'¡1 pas chargé expressément de conserver cl de rendre aux des
cendants du r>c et du 4* degrés.
Quant à la partie de la clause où il est dit que le testateur veut
que. Rouchi soit son seu l et unique h é ritie r , lu i et scs enfants:
a piès l u i , de génération en génération , ces expressions renfer-
�—
3 3
—
^
mcnl moins l'expression d’une volonté positive que l'indication de
ce qui se passe ordinairement; car les enfants sont ordinairement
les héritiers de leur auteur, cl c e de génération en génération. Les
mots enfants ne peuvent aussi s’entendre que des enfants au premier
d e g r é , aux termes de l’article 7 3 5 du Code civil, d’après lequel
chaque génération constitue un degré de parenté.
C ’est ainsi qu’ un arrêt de la Cour de Rouen , du 23 juin 1848 , a
décidé qu’ une substitution , faite conformément à l’a n . 10 48 du
Code c i v i l , c’est-à-dire à la cîiarge par les légataires de rendre les
biens à leurs enfants, ne comprenait pas même les petits-enfants,
et devait s’arrêter au i*r degré.
C ’est dans le même sens qu’ un arrêt de la Cour de cassation , du
5 février 18 5 5 , a jugé que la charge imposée par le testateur au
légataire, de conserver et de /(tisser les biens à ses enfants ou à
leurs héritiers, ne devait s’entendre que des descendants au premier
d e g ré , des enfants premiers appelés, le mot héritier n’étant souvent
employé que pour désigner les descendants au .premier degré. V .
ces arrêts rapportés dans le journal d e S i r e y , lomcs 49, 2, 1 8 1 , et
tome 55 , 1 , 87.
O11 devrait donc rigoureusement n’appliquer les mois descen
dants ou enfants , employés dans le testament , qu’aux enfants issus
au premier degré de Jean Rouchi. Car c’est le sens ordinaire attaché
à ces expressions.
Biais si, à cause des mots d e génération en génération, 011
veut entendre par l’expression les en fan ts , plusieurs degrés de
gén ération , au moins ne doit-on l’étendre qu’à deux d e g ré s, c’està-dire aux enfants et aux petits-enjants du donataire, cl cela soit
d ’après la lettre même du testament, soit d'après le sens naturel et
grammatical que présentent les mois d e génération en génération,En effet, i°le testament porle seulcmenu/e génèrationengénération
au singulier, cl non pas de générations en générations, au pluriel ;
il 11e s’applique donc littéralement qu’ aux d e u x g é n é r a t i o n s qui se
succèdent immédiatement.
�-
a4
-
?.■’ La volonté du testateur , contînt-elle , quelque vague qu'elfe
s o i t , une substitution , elle serait exactement remplie par la trans
mission des objets donnés aux pelrts-enfants du donateur. Car cette
transmission compléterait les deux*générations , sans compter le
donataire; l’une pour les enfants, l’autre pour les petits enfants.
Ainsi, sous ce rapport même, les dispositions de la loi du 17 mai
182G , seraient observées , lors même que le don du domaine de
Longe-Vergne renfermerait une substitution, puisque les enfants et
les petits-enfants du donataire seraient appelés à en recueillir les
avantages, et que la loi n'exige rieu de plus.
Pour étendre cette prétendue substitution an troisième, au qua
trième d e g ré , 011 à des degrés postérieurs, argumenterait-on de lu
clause relative
à la prohibition d’aliéner ,
d’é ch a n g e r, etc. ,
contenue dans une autre partie du testament.
I\Iais nous avons déjà fait remarquer que cette clause , étant
nulle, ne pouvait produire aucun effet; qu’elle ne devait être ratta
chée à aucune partie du testament; qu’elle ne pouvait, par consé
quent , pas plus servir à le faire annuler ou modifier , qu’elle 11e
pourrait être employée pour le faire valoir.
Au reste, les termes de cette clause sont absolument insignifiants
pour la question.
D ’une part , nous avons déjà fait observer qu’elle ne portait pas
une interdiction perpétu elle d’aliéner , en sorte que la prohibition
qu’elle contient doit se restreindre à Jean Rouchi lui-même et aux
degrés des enfants qui lui .seraient substitués , si substitution il y
avait.
D ’une autre part, la rédaction de la clause est en harmonie avec
cette idée restrictive. Car, s’il y est dit que chaque héritier, chaque
famille fera v érifie r, en entrant en possession du domaine , les r é
parations qu’il y aurait a faire pour l’entretenir , le cultiver et l’e x
ploiter , cette recommandation peut et doit s’entendre d’abord des
enfants au premier d e g r é , ensuite des enfants au second degré.
Ainsi les enfants au premier degré de Jean Rouchi , s’ils étaient
substitués , auraient à faire vérifier , à la mort de Jean Rouchi, do-
�nntairc, et conimc héritiers de celui-ci, les réparations dont le d o
maine de Lon ge-V ergne serait susceptible , pour le remettre dans
son premier état.
Et à leur tour, les enfants au deuxième degré de ce donataire,
ou ses petits enfants , auraient à provoquer une vérification sem
blable, comme héritiers des enfants du premier degré.
Ainsi se trouverait remplie la condition imposée à chaque héri
tie r, à chaque famille, à chaque possesseur de ce domaine , s’il y
avait réellement substitution, môme en faveur des descendants ou
des enfants du donataire, jusqu’au second degré.
On doit donc reconnaître qu’en supposant que le testament con
tienne une substitution, malgré l’absence de la charge de conserver
et de rendre , cette substitution doit se restreindre aux enfants et
aux petits-enfants de Jean R o u c lii, donataire.
Cette interprétation est recommandée par l’ensemble de la clause
constitutive de la donation.
E lle est exigée par ce principe conservateur qui veut que l’acte
soit interprété de manière à le faire valoir plutôt qu’à l’annuler.
E lle a été consacrée par les trois arrêts de la cour de cassation ,
des 24 août 1 8 2 9 , 5 juillet 186 2 , a 5 juillet 1 834 » ilue nous avons
ci-dessus cités.
E lle est en harmonie enfin avec les idées de justice , qui ne per
mettent pas que , pour annuler une disposition testamentaire , ou
suppose légèrement que le testateur a voulu violer textuellement
la l o i , dans ses règles fondamentales.
QUESTION
SUBSIDIAIRE.
Si, en s'écartant des principes que nous avons ci-dessus rappelés,
des arrêts que nous avons cités , des termes mêmes du testament,
sainem ent interprétés , 011 voulait y voir une substitution prolon\
�--- 26 --gce au-delà du second degré des enfants du donataire, cl s’étendant
au troisième degré ou à des degrés postérieurs, il serait légal et
juste , dans ce cas-là môm e, de prononcer comme on le faisait au
trefois , c’esi-à-dire de réduire la substitution aux deux premiers
degrés , en maintenant le don principal et la charge de conserver
et de rendre pour les enfants et les petits-enfants , en l’annulant
pour le surplus.
Une telle décison serait en harmonie avec la législation ancienne,
et elle ne blesserait pas la législation nouvelle.
E n effet, cela aurait pu paraître douteux sous les principes ri
goureux et absolus de l’article 896 du code c iv il, qui'prohibait
toute substitution, et qui annulait la disposition principale , même
à l’égard du donataire cl du légataire.
Mais ces principes extrêmes ont éié modifiés par la loi posté
rieure du 17 mai 1826.
Celle dernière loi n’a même rien de semblable à l'article i o 58
du code civil qui, en permettant à un père ou à une mère de donner
la quotité disponible à un ou plusieurs de leurs enfants , autorisait
ceux-ci à rendre les biens donnés aux cnfanls nés ou à naître au
p rem ier degré seulement ; en sorte que si la charge de rendre ne
devait pas profiler à 1011s les enfants du donataire, elle pouvait cire
considérée comme nulle.
Telle n’est pas la loi du 17 mai 182G.
Celle loi permet à toute personne , p è r e , mère ou étranger, de
disposer, aux termes des articles Q1 5 , 9 1 5 et 91G , de tousles biens
dont la disposition est permise par ces articles.
Elle autorise aussi à charger le donataire , quel qu’il s o i l , de
rendre les biens donnés , non seulement à tous ses enfants nés ou à
naître, mais à un ou à plusieurs d’entr’e u x , à son choix.
En 1111 m o l , celte loi du 17 mai 182G nous a ramenés aux dis
positions de l’ordonnance d’Orléans de
i 5 6 o , et de celle de
Louis X V , rendue en 1747 , sur les substitutions : La première
�~ 27 —
Jsb f
ordonnance déclarant, par l’article 5 9 , que les substitutions qui
seraient faites à l’avenir , 11e pourraient excéder d e u x degrés ,
sans y comprendre l'institution ou la première disposition; la se
conde ordonnance disant aussi, par l’article 5o , que toutes les
substitutions , en quelques termes qu ’elles soient conçues ,
POURRONT
S’É T E N D R E
AU-DELA
DE
DEUX
DEGRES
DE
n e
SUBSTITUES
,
outre le donataire, l’héritier institué ou le légataire.
La loi du 17 niai 1826 est absolument semblable aux ordon
nances de i 56o et de 1 7 4 7 ; elle ne s’exprime même pas en termes
aussi prohibitifs que ces anciennes ordonnances qui disaient que les
substitutions ne pourraient excéder deux d e g ré s, ne pourraient
s’ étendre a u -d elà de d e u x degrés , tandis que la loi de 18 2 6 se
borne à déclarer que les biens pourront être donnés à la charge de
rendre aux enfants jusqu’au deuxième degré.
On ne pourrait donc argumenter de cette loi de 1826 , comme
on l’aurait pu des expressions ne pourront, dont se servent les lois
anciennes, et in v o q u er, à l’égard de cette dernière l o i , cette
maxime ancienne : S y liaba
n o n
prœposita verb o p o te s t , tollit
potentiam ju ris et ja c li.
E t cependant, sous les anciennes ordonnances , une substitution
au troisième ou au quatrième degré 11c rendait pas nulle la dispo
sition principale, ni même la clause de substitution ; seulement il
en résultait que les substitutions étaient réduites aux deux degrés
autorisés par les ordonnances. C ’est ce que nous enseigne T hévenaut-Dessaules dans son traité complet sur l’ordonnance de
1 7 4 7 ; il le dit dans le chapitre 77 , au n° 1 1 1 2 , ou il déclare que
« le second substilué, qui a reçu les biens d’un premier substitué,
» possède,ces biens librement, sans charge de lideicommis , puis-
» qu’après les deux degrés , il né peut y avoir de substitution
» valable.
11 le répète au n° 1 1 i 5 , où il dit aussi que la substitution est
caduque au-deUi des d e u x degrés.
L a disposition était nulle au-delà de deux degrés , mais non
pour les deux degrés ni pour le don principal.
�—
28 —
Telle était la règle sous l’ordonnance de 1 7 4 7 ; telle elle doit
dire sous la loi du 17 mai 18 26, qui est conforme à cette ordonnance.
Mais appliquer cette nullité, soit au don principal, soit aux deux
degrés de substitution , c’est créer une nullité , c’est violer la
maxime : U tile p e r inutile non vitia lu r.
Argumenterait-ou de l’article 896 du code.
Mais l’argument ne serait pas exact. En défendant d’une manière
absolue de faire une substitution , l'article 896 devait imposer une
peine à celui qui violerait celte défense; de là la nullité qu’elle a
prononcée contre le don principal qui serait grevé de la charge
de conserver et de rendre.
Mais la loi de 1826 , en rétablissant l’ancien droit , a par cela
même aboli la clause pénale qui était infligée par le droit nouveau.
D ’ailleurs c’était dans l’intérêt des transactions commerciales,
c’était pour faciliter les ventes que l’article 896 avait prohibé les
substitutions.
Les législateurs de 1 8 2 6 , ayant apprécié différemment les in
térêts de ces transactions, ayant rétabli la faculté de substituer, telle
qu’elle était autorisée dans l’ancien droit, ayant aboli l’article 896
et la prohibition qu’il prononçait, la clause pénale portée par cct
article a dû disparaître avec la prohibition qui en était la cause,
cessante c a u sa , cessât effect us.
Pou r qu’elle eût été maintenue malgré la suppression de la loi
prohibitive, il aurait fallu que la loi de 1 8 2 6 , déclarât de nouveau
que cette peine aurait lieu pour tous les cas où il y aurait substitu
tion au-delà des premier et deuxième degrés autorisés par cette
loi. O r , elle 11c dit rien de semblable.
Aussi M. Toullier , dans son droit civil français, traitant une
question semblable, même avant la loi de i82t'>, sous l’empire seu
lement de l’article 1048 qui , par une exception particulière, p e r
mettait à un père de donner à son fils, à la charge de rendre à ses
enfants au premier degré seulement , décide-t-il v que la charge
�— '-»9 » de rendre aux petits - enin nls , serait nulle , mais que le surplus
» subsisterait , parce qu’en ce cas le code n’a pas prononcé la
» nullité de toute la disposition, et qu’on ne peut suppléer une
» nullité. » E l l’auteur rappelé la maxime utile p e r inutile non
'vitiulur (v. au lome 5 , n° 729. )
M. Toullier cile en note, à la même p a g e , l'opinion de M.
Daniels , magistral très-distingué de la cour de cassation , qui , lors
d’un arrêt du 5i mars 1807 , disait que la nullité de la clause de
restitution 1 1 opérait pas la nullité de l’institution. (V. l’arrêt dans
le journal de S irey, an 1807, r. p. 19 8, cl dans celui de Denevcrs,
lome 5 , an 1807 , pages 19 5 -19 8 .
Ainsi, même sur celte question subsidiaire , le jugement dont est
appel se serait trompé.
L ’on voit donc que le tribunal de Mauriac a mal jugé sous tous
les rapports.
.
Il a mal jugé en refusant de reconnaître dans le sieur Rouclii le
!
titre d’héritier, et par conséquent de légataire universel de sou
!
on cle, que celui ci lui attribuait, à l’exclusion de tousses autres
parents , dans de nombreux passages de son testament.
Il a mal jugé en croyant voir dans ce testament, une substitution,
tandis qu’il n’y avait réellement, et que le testateur n’avait voulu y
consigner qu’une prohibition d’aliéner , prohibition nulle de plein
d r o i t , mais qui laissait subsister le don principal et dont la nullité
11e permettait pas de s’en servir pour constituer une substitution.
Il aurait mal jugé lors même qu'il y aurait substitution , parce
que , par sa lettre , comme par son ensemble , le testament 11e
renfermerait qu’une substitution au 2* degré , qui était autorisée
par la loi du 17 mai 1826 ; parce qu’aussi la disposition devrait ,
au besoin, èlrc interprétée favorablement dans l’intérêt de la validité
de l'acte, potins ut valent quant ut perçut.
Il aurait mal ju gé, même subsidiaircmcnl, s’ il y avait eu une
substitution perpétuelle, en ne la restreignant pas aux deux pre-
i
5
I
iL y
�'
-
3o -
miers degrés, comme cela avait lieu sous l’ordonnance de 174 7 »
à laquelle nous a ramenés la loi du 17 mai 1 8 2 6 ; il aurait mal jugé
en créant une nullité que cette dernière loi n’établissait pas, et en
considérant une clause de restitution comme une clause de nullité.
M e A L L E M A N D , Avocat consultant.
Me R O U H E R ,
> Avocats plaidants.
Me DUMIRAL , )
M e L A M Y , Avoue.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rouchi, Jean. 1848?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Rouher
Dumiral
Lamy
Subject
The topic of the resource
testaments
prêtres réfractaires
émigrés
indivision
domestiques
écoles
enseignement scolaire
cimetières
fondation d'une paroisse
successions
legs
intention du testateur
substitution
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean Rouchi, appelant, contre Michel Diernat, et autres intimés.
Annotations manuscrites. 22 août 1848 : texte du jugement définitif.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1848
1793-1848
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3017
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3016
BCU_Factums_G3018
BCU_Factums_G3019
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rouen (76540)
Maintenon (28227)
Anglards-de-Salers (15006)
Angleterre
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cimetières
doctrine
domestiques
écoles
émigrés
enseignement scolaire
fondation d'une paroisse
indivision
intention du testateur
legs
prêtres réfractaires
substitution
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/28/54005/BCU_Factums_DVV04.pdf
a77ec1d995eea76534adde67ae372c24
PDF Text
Text
PRÉCIS
COUR ROYALE
E N
DE IlIOM.
R É P O N S E
I ro C H A M B R E .
POUR
B ernard
D U V E R T , A p p e la n t;
CONTRE
D am e M
arie
-G
enèse
C H A U V A S S A G N E-
L A B R U G I È R E , Intimée.
»11«
L a dame Labrugière a cru devoir publier un Mémoire
dans une cause q u ’elle déclare elle-même être d ’ un
faible intérêt.
Si la cause est , en effet, d ’un faible intérêt pour
elle, elle est d ’ un grand intérêt pour un cultivateur
peu riche, auquel on veut enlever une partie de haie^
inutile à la dame L ab ru gière, dont la propriété n ’est
close
d ’aucun
co t é ,
nécessaire à Bernard
O u v e r t,
puisqu’elle complète la clôture d un héritage précieux.
L a dame Labrugière réclame la propriété de q u a
rante-six toises en longueur d une haie plus étendue ,
qui sépare son héritage de celui de
D u ve rt .
Elle
convient q u e , dans sa prolongation des deux côtés,
le surplus de la haie appartient à D u v e r t ;
mais.,
�dit-elle, l ’intermédiaire est ma chose, parce que j ’en
ai la possession..
Cett e possession est au moins très-équivoque; car
si le dame Labrugière a fait entendre des témoins qui
la lui a tt rib u e nt , un de ses propres témoins et tous
ceux de l ’enquête contraire la lui refusent.
L a dame Labrugière ne présente d ’ailleurs aucun
titre, et l ’état des' lieux repousse ses prétentions :
aussi, tout en déclarant q u 'e lle ne craint pas Ici
lu m iè r e , elle redoute au moins beaucoup une vérifi
cation \ elle ne veut pas sur-tout q u ’on examine s’il y
a des bornes entre les deux propriétés, jiarce que la
confiance donnée (ï une b o r n e p a r cela seu l qu on la
trouve im p la n tée, serait un moyen sûr de d ép ou iller
les propriétaires les p lu s honnêtes.
L a dame Labrugière pense q u ’au lieu d ’ une vérifi
cation par des experts du choix des magistrats, il est
plus juste q u ’on s’en rapporte à elle-même sur IîÎ
localité q u e l l e d é c rit , sur le plan q u e l l e présente,
sur les faits q u ’elle allègue. 11 lui a 'paru aussi clans
les convenances judiciaires d ’orner son écrit imprimé
d ’insinuations contre son adversaire,
d ’imputations
même aussi singulières q u ’étrangères au'procès.
D uvert a d û répondre pour faire apprécier h leur
juste valeur ces petits écarts de l ’intérêt p rivé, pour
dire les faits dans toute leur ex ac ti tude, pour décrire
les lieux tels qu ils sont , et pour faire reconnaître à la
C ou r quelle est celle des deux parlies, du faible ou du
puissant, du pauvre ou du riche, qui cherche à dé
pouiller l ’autre de ce qui lui appartient.
�FAITS.
Bernard Dave rt est propriétaire cTun pré (l’ une
assez grande va leu r , clos, à tous les aspects, par des
haies qui le séparent des héritages voisins. U n e des
quatre haies qui forment la clôture est intermédiaire
entre le pré de D u vert et un héritage de la dame
L ab ru gière, dont la plus grande partie est en terre,
dont une lisière seulement est en nature de pré.
C ette haie in te rm é d i a ir e , à s’en référer même au
plan de la dame Labrugière , a cent six toises de
longueur.
Devant la C o u r , il s’agit seulement de la propriété
de quarante-six toises, à prendre dans le milieu de
cette longueur. L a darrfc Labrugière reconnaît aujour
d ’hui que soixante-six toises de haie, sur les cent six,
appartiennent à Du vert. E lle consent «i ne pas lui
contester les deux extrémités de la longueur de la
haie; elle avoue q u ’il a* la propriété de vingt toises
au nord, et de quarante toises au m i d i , sur toute
l'étendue; mais elle veut s’attribuer celle des quarantesix toises, placées dans le milieu de la ligne. ( V o i r le
plan de la dame Labrugi ère.)
C ett e prétention assez si n g u l i è r e 3 qui tendrait à
diviser la même h a ie , non dans sa l a r g e u r , mais dans
sa longueur,
est justifiée,
dit-o n,
par l ’ usage des
lie u x, usage que l ’on croit pouvoir établir à l ’aide de
certificats assez équivoques, obtenus d ’ailleurs de la
COmplaisance c[e quelques ^individus isolés.
Pour do nner quelque couleur à son système , la
�dame Labrugière allègue q u ’en arrivant sur les l ie u x ,
on est frappé de la physionomie différente de ces di
verses parties (le haie.
Cette allégation tardive, commandée par le besoin
de la cause, surprendra si l ’on considère q u ’elle est en
contradiction directe avec les faits, q u ’avait exposés
Duve rt devant les premiers juges, qui ne paraissent
pas avoir été démentis par la dame Labrugière, et dont
l ’exactitude eut été facile à vérifier par une opération
d ’experts à laquelle celle-ci a toujours résisté.
La haie, dans toute son ét en due, dans la partie
contestée comme dans celles qui ne le sont pas, dans
tout le pourtour «même du pré de D u v e r t , est partout
de la même nature, de la même essence, de la même
force, du même âge; partout elle présente la même
physionomie ; partout on reconnaît à la simple vue
qu elle a été plantée et retaillée par le même m aîtr e,
et q u ’elle doit appartenir à un seul propriétaire.
U n autre point de localité'fort remarquable est que
l ’héritage de madame Labrugière n ’est clos d ’aucun
coté ab so lu m en t, et que le procès q u ’elle a intenté
n ’a pour b u t d ’obtenir une clôture que pour une trèsfaible portion du circuit de sa propriété, tandis que
D u v e r t , dont le pré est entouré de haies, s’en trou
verait privé dans ce seul point. C ett e circonstance ser
vira à apprécier quelle est celle des parties qui a un
intérêt réel a la contestation.
L e f\ février 1 8 2 2 , D u v e r t ,
usant de ses droits,
coupa un chêne enradiqué dans la haie, cl eu re
tailla quelques autres suivant son usage.
�Cela fournit au garde particulier de la dame L a b r u
gière une occasion de déployer son zèle. Il se transporta
chez Duve rt en l ’absence de celui-ci, et dressa procèsverbal sur un prétendu délit q u ’il ne lui avait pas été
difficile de découvrir, pu isqu’ il avait eu lieu en plein
jo ur sans que Duvert eût pris aucune précaution pour
éviter les regards de qui que ce soit.
Des injures que s’était permises ce salarié de la
dame Chauvassagne-Labrugière donnèrent lieu à une
plainte que Duve rt porta contre lui par exploit du
5 février 1822.
Mais cette action fut paralysée par une autre plainte
portée par la dame Chauvassagne elle-même, le 25 du
même mois, sur l ’enlèvement de l ’arbre enradiqué dans
la haie.
U n jugement du 14 mars 1822 renvoya les parties
à fins civiles.
Après un procès-verbal de non conciliation lors d u
quel D u v e r t , tout en argument ant, et de sa possession
et de l ’état des lieux et de l ’existence d ’ une borne >
offrit,
mais i n u t i l e m e n t ,
de s’en rapporter à des
experts du choix des parties., l ’affaire fut portée devant
le tribunal civil de C l e r m o n t ,
du
I er
par une assignation
août 1822 , par laquelle la dame Chauvassagne
réclama la totalité de la haie qui séparait son pré de
celui de Duvert.
D evant le tr ib u n a l , des écritures ou des conclusions
furent signifiées.
L à dame Chauvassagne argumenta seulement de sa
prétendue possession.
�( <5 )
Du vert invoqua, comme il l ’avait fait devant le juge
de paix, l'identité d ’essence et de grosseur, d ’àge et de
force des arbres et de la haie contestée avec d ’autres
arbres qui se trouvaient dans l ’héritage de D u v e r t ,
et avec la haie qui se continuait autour de cet héritage.
Il indiqua une borne séparative et conclut subsidiairement à une vérification des lieux.
P ar jugement interlocutoire du 18 février 1 82 3, le
tribun al crut devoir ordonner la preuve de la pos
session exclusive de la dame Chau va ss agn e, mais en
réservant les moyens des parties et les dépens. Il ne
rejeta pas d ’ailleurs le moyen de vérification-, seule
ment il déclara q u ’il ne deviendrait nécessaire q u ’a u
tant que les enquêtes ne seraient pas concluantes.
La
dame Labrugière
fut chargée
de
la
preuve
directe parce que la possession était son seul titre.
Treize témoins ont été entendus à la requête de la
dame Chauvassagne ; parmi eux , douze déposent en
sa faveur; mais le plus grand nom bre, habitant loin
d e l à , connaissant peu les localités, ne rapportent que
des ouï-dire ; cinq d ’en tr’eux sont frères, beaux-frères
ou cousins germains de l ’artisan du procès, Gil bert
D u s s o l , garde particulier de la dame Chauvassagne;
un autre est son expert de confiance; d ’autres étaient
ses débit eur s, ou plaidaient avec Du vert.
Nous discuterons , dans la suite , ces dépositions
qui ne devraient p a s , il semble, balancer même celles
de
onze
déclarations
unanimes
et
favorables
à
D u v e rt , et parmi lesquelles il avait l'avantage de
�pouvoir invoquer un des propres témoins de la dame
Labrugière.
Cependant, embarrassée par le résultat des enquêtes,
la dame Labrugière jugea prudent, d ’abord de restrein
dre ses prétentions à une portion de cette haie qu elle
avait toute réclamée j u s q u ’alors,
ensuite de se pro
curer quelques certificats pour persuader h la justice
que dans l ’ancien canton de Mozun , il était d ' u s a g e ,
pour les haies communes, de les partager dans leur
longueur; en sorte que l ’un des copropriétaires en eût
un bout et l ’autre ce qui restait à la suite. A l'aide
de cette adroite restriction et de certificats officieux,
la dame Labrugière a fait accueillir ses prétentions
par jugement du 2 mars 182Î).
Les motifs de cette décision ont été transcrits dans
le mémoire de l ’intimée.
Pour en démontrer l ’erreur, il suffira d ’examiner :
i° A qui l'état des lieux et les principes attribuent
la propriété de la portion de haie en litige?
20 Si la possession alléguée par la dame Labrugière
serait assez exclusive, assez puissante pour détruire
les droits de D u vert ?
L ’état des lieux a déjà été indiqué.
L ’ héritage de la dame Labrugière est ouvert de tous
côtés ; il n'a pas même de clôture du cote d ’un chemin
public qui le borne au nord. C o m m en t présumerait011 q u ’il est clos dans une laible partie seulement de
son pourtour? et a quoi lui servirait pour sa défense
la haie partielle q ’ uelle réclame?
L e pré de D u vert est au contraire clos de toutes
�par ts, et la portion de haie q u ’on lui conteste est
nécessaire pour compléter
p o u rrait -o n
cette clôture.
supposer q u ’elle
dépend
C om m ent
de l ’ héritage
auquel elle est in u t il e , plutôt que de celui auquel
elle est indispensable?
•
L a haie en litige est de la même natu re, du même
âge, de la même force que son prolongement au nord
et au m id i, et que la totalité de la haie qui circonscrit
le pré de D u v e r t ; partout aussi dans la ha ie, et même
dans l ’intérieur du pré de D u v e r t , l ’on trouve des
arbres de même essence, de même grosseur que ceux
q u ’a coupés Duve rt ou qui restent encore dans la
partie litigieuse;
Part ou t les liens mis à la haie ont leurs nœuds du
côté de l ’ héritage D u vert ;
En fin il y a identité
entre ce qui est contesté
et ce qui ne l ’est pas*
C om m en t expliquera-t-on cette identité de la chose
si ce n ’est en reconnaissant l ’identité du propriétaire?
Ou
comment échappera-t-on à la force de cette
preuve matérielle , si ce n ’est en déniant des laits
exposés et non contredits en i ro instance?
E t d ’ailleurs, si l ’on croit pouvoir les dénier aujour
d ’ h u i , pourquoi
experts ?
se refuser h une
vérification
par
Cette vérification ferait connaître aussi l ’existence
et les caractères d ’ une borne dont il a toujours été
parlé |>ar D u v e r t , même au bureau de paix.
C e n ’est pas sérieusement
que la dame
C lia u-
�vassagne prév oit, dans son mémoire, l ’hypothèse où
la borne existerait près d ’un point non en litige.
L a borne est située auprès de la portion de haie
réclamée par la dame Labrugière*, et par conséquent,
elle est d ’une grande importance pour la décision de
la cause. On la remarque près du point désigné par la
lettre C dans le plan de 1 intimée. C ’est la lettre A qui
l ’indique dans le plan de l ’appelant \ elle laisse la
haie du coté du pré Duvert.
Mais quelle confiance mérite une borne im p la n tée,
a-t-on d it ? N e fo u r n ira it-elle pas un moyen sur de
d é p o u iller les propriétaires les p lu s honnêtes.
L ’observation eût éLé reçue peu favorablement chez
les Romains, nos maîtres en législation , dont le respect
pour les bornes est si connu, et dont les plus anciennes
lois n'avaient établi le culte d ’aucun dieu avant celui
du dieu Te rme.
Mais
a-t-on cru que
cette observation était
un
argunient ?
Sans doute une borne implantée ne doit pas servir
va dépouiller des propriétaires honnêtes.
Mais elle est un moyen légal pour fixer les limites
des propriétés, et pour repousser les prétentions in
justes des propriétaires même honnêtes.
Une borne est 1111 litre m u e t , q u i d a n s l ’absence
des titres écrits et positifs, en tient l ie u , a la même
force, et fait cesser toute incertitude.
Ici la borne existante est le titre de Duvert.
«1nel est le titre contraire que présente la dame
Labrugière ?
a
�( IO )
9
y.
E lle n ’en présente aucun. Mais la passion n ’a-t-elle
pas des ressources? Qua nd elle ne peut raisonner, elle
in] h ri«.
Q u ’y a-t-il de plus facile, s’écrie la dame L a b r u
gière, que d 'en fo u ir des b o rn es?.... L a dame C h a u
vassagne n 'a ccuse pas D u vert de V avoir f a i t $ mais il
la fo r c e à lu i dire que ce ne serait pas la prem ière
fo is
q u ’il au rait eu des contestations p o u r des bornes,
et q u o n aurait reconnu qu elles n étaient p a s dans
leu r situation p rim itiv e.
Tel est le charitable langage de la dame C h au vas
sagne. C ’est comme si elle disait : « Je n ’accuse pas
« mon plaid eu r, mais gardez-vous bien de ne le pas
« croire coupable. »
E t su r-le-champ, pour adoucir encore le trait de
ses bénignes insinuations, elle ajoute que D u vert s’est
laissé surprendre p a r M . 1 im al-D uvcrriin, changeant,
avec p e lle et jfiochc , le lit d'un ruisseau , p o u r
s approprier quelques arbres.
Tel est l'honnète argument que propose la damet
Chauvassagne contre la vérification qu elle veut éviter,
q u o iq u 'e lle ne craigne p as la lum ière.
C e t argument a-t-il été bien réfléchi?
Un aveugle désir de succès a-t-il pu égarer la dame
L a b rugi è r e , jus q u’à lui faire oublier le respect que
tout plaideur doit a la Justice, celui q u ’il
se
lui-mêm e, ce respect salutaire qui
à ce que
s ’o p p o s e
doit à
l ’on hasarde jamais des accusations inconsidérées, par
lesquelles on décèle plus d irritation que de franchise?
Q u ’avaient à faire dans la cause actuelle M. Y im a l-
�( 11 )
Duvernin et les contestations q u i ont pu avoir lieu
entre Du vert et lui? Où. ont-ils etc pris ces prétendus
renseignement sur
des difficultés étrangères , qui ,
depuis quatorze ans et plus, ont été terminées sans
d i s c u s s i o n ? On ne fera pas à M . Duvernin
de penser que c ’est
l ’injure
auprès de lui que toutes ces
faussetés ont été recueillies}
il est trop ami
de la
v é r it é , des lois et de l o r d r e , pour s’être prêté 'a ce
déplorable jeu des passions.
Que la dame Labrugière consulte, au reste, ceux-la
même q u i ont présidé aux arrangcmens faits entre
Du vert et M . Duvernin j q u ’elle consulte aussi et le
juge
de
paix des lieux , et ses suppléans et son
g r e f f i e r ( r ) ; et, reconnaissant elle-même l ’injustice
de ses réflexions, elle regrettera sans doute de s’être
laissé aller à des calomnies qui n ’étaient ni autorisées
ni excusées par l ’intérêt d ’une défense lé gi tim e, et qui
font sur l'esprit de dignes magistrats une impression
bien opposée au b u t q u ’on se propose.
Mais c ’est trop s’occuper de ces misérables tracas
series. Revenons à notre sujet.
Les moyens de faits que l ’état des lieux et la borne
existante fournissent à D u v e r t ,
se fortifient par les
règles de notre législation.
A utr ef ois on considérait les haies intermédiaires
c o m m e dépendant de celle des deux propriétés voisines
(OC»;s fonctionnaires et les experts qui ont terminé les arrangement
pris avec M. Duvernin ont délivré à Duvert des certificats qui r é p o n d e n t
à la scandalouse accusation que l ’on s’est permise,
�qui avaient le pins besoin de clôture. C ’est sur cette
idée-pririçipe qu'était fondée la règle écrite dans p l u
sieurs coutumes q u ’entre une terre et un pr é, la haie
était réputée appartenir au pré, parce que le p r é a p lu s
besoin de clôture que la terre.
Cette présomption de propriété exclut les préten
tions de la dame Labritgière et protège la résistance de
D u v e r t , puisque l ’ héritage de celui-ci est en totalité
en nature de p r é . et que la clôture au point litigieux
lui est d ’autant plus nécessaire q u ’il est aussi clos dans
toutes les autres parties de son périmètre, tandis que
la presque totalité de l ’ héritage ae madame Labrugière
est en nature de terre labourable, q u ’ une très petite
portion seulement est en pré, et que cette portion a
même d ’autant moins besoin de clôture q u ’elle n ’est
close à aucun autre aspect , pas même le long du
chemin public qui la confine au nord.
L e Code civil, loi des parties et de la cause, établit
aussi en faveur de
l ’héritage clos une présomption
légale de la propriété de la haie qui le sépare d ’un
héritage non clos (V o ir le Code c iv il , article 670);
et quel est le m o t if de la loi?
C e m oti f que rappelle M. Locré sur l ’article cité est
aussi sage que concluant.
L ’a u t e u r , après avoir fait observer q u e , pour une
ha ie ,
la chose résistait à ce que I on admit aussi les
marques de non mitoyenneté adoptées pour les murs
et les fossés, ajoute:
« On les a donc remplacées par un autre indice qui
�( «3 )
« devient assurément une preuve irréfragable de la
« non mitoyenneté; je parle de la circonstance où un
« seul des héritages est en état de clôture, c’est-à-dire
« fermé de tous côtés. Alors il est évident que la haie
« appartient à cet héritage comme faisant partie de la
« clôture e n tière, et non pas un terrain contigu que
« son propriétaire a laissé ouvert. »
A i n s i, il y a pour D u v e r t présomption légale de la
propriété. Or on sait qu ell e est la force d ’ une telle
pr éso m pt io n; elle dispense de toutes preuves celui au
profit duquel elle existe, et nulle preuve n ’est admise
contr’elle. ( V o y e z le Code c i v i l , article i3£>2.)
C ’est donc bien vainement que la dame Labrugière
in v oq u e des certificats datés des 3 o janvier et c) fé
vrier i S ^ S , à l ’aide desquels elle a persuadé aux pre
miers juges que dans le canton de M ozu n , les haies
communes étaient divisées entre les co-propriétaires
dans leur longueur et non dans leur épaisseur.
Ces certificats dont on a senti le besoin pour ré
pandre de l ’incertitude dans la cause ou pour expliquer
à sa manière les déclarations des té m o ins , ces certi
ficats que l’on a dû préférer à des enquêtes légales,
parce q u ’il est peu vraisemblable que des habitans du
canton de Mozun se fussent prêtés à attester, sous la
foi du serment et devant un magistrat,
le ridicule
usage q u ’ils in d iq u en t, ces certificats obtenus de la
complaisance et que la loi repousse ( V o i r l'article 2 8 3
du Code de procédure), ces certificats ont cependant
produit merveille devant les premiers juges qui ont
considéré q u ’il était éta b li que dans le canton de la
�( 4
)
situation des l ie u x , l ’ usage était de partager ainsi les
haies séparatives des propriétés.
Certes, on 11e sait ce qui doit le plus étonner, ou
de la coniiauce que les premiers juges ont accordée à
ces déclarations extrajudiciaires, ou de la complaisance
avec laquelle la dame Labrugière s’est appuyée sur une
aussi futile autorité.
Il est é ta b li} dit-elle, que dans*le pays les haies
sont partagées dans leur longueur.
Il est éta b li : mais co mment? votre certificat: du
3 o janvier i 8 ‘2 5 , parle de jouissances communes de
certaines haies séparatives; mais il n ’indique pas le
mode de cette jouissance, et il est absolument muet
sur le partage.
C elui du 9 février su iv a n t, qui parle de division de
haies est assez équivoque sur la manière dont elles
sont divisées; et la lecture des actes de partages serait
nécessaire pou r bien ente ndr e la déclaration. C e se
cond acte, d ’ailleurs, n ’atteste pas un usage constant;
il dit seulement que les partages de jouissance ont lieu
fréquemment.
O r,
lors même que cela se serait pratiqué entre
certains propriétaires,
peut-on transformer en usage
un mode aussi bizarre qu impropre à conserver aux
haies leur destination ?
Quelle est, en c l f c t , la destination d ’ une haie? de
clore 1 héritage dont elle dépend. E l celle destination
serail-elle remplie, s i , dans la même ligne séparative,
une portion de haie appartenait a 1 un des héritages,
et l'autre portion à l ’héritage voisin ? L e maître de
�( ’S )
cette seconde portion ne pourrait-il pas la détruire
à son gré , et livrer ainsi à l ’invasion l ’autre propriété
qui ne serait plus que mi-close. U n inconvénient aussi
grave ne se rencontre pas pour les haies mitoy ennes,
puisque chacun des copropriétaires peut s’opposer à la
destruction de la haie, suivant la maxime l u com m uni
causa potior est causa prohibentis.
Livrons donc au ridicule q u i l u i app artient, cet
usage prétendu qui ne tendrait*qu.’à rendre les haies
inutiles; et convenons que s’il est vrai, ce qui n ’est pas
vraisemblable, q u ’ il ait été fait quelque partage de
cette espèce, au moins ils ne sont pas com m un s, et
q u ’ils ne peuvent pas être pris pour règle en faveur
de madame Labrugière^ tant q u ’elle ne prouvera pas
q u ’ il en a été iait un de ce genre en tr e elle et D u vert.
Dans la cause, l ’état cfes lieux écarte l'idée d ’un tel
partage.
L ’ un
des
héritages
est entièrement
clos;
l'autre est ouvert de toutes parts. L a haie qui entoure
le premier offre les mêmes caractères d ’essence, d ’;\ge,
de force, d identité parfaite dans la partie contestée
comme dans tout le surplus. C ett e haie est nécessaire
à D uvert;
elle est inutile à la dame Labrugière. L a
loi elle-même en att ribue la propriété à Duve rt ; et une
borne ancienne vient ajout er, en faveur de ce lu i- c i,
à la force de la présomption légale résultant de l ’état
des lieux.
Pour combattre toutes ces circonstances, tons ces
prïncàpes} e t pour obtenir de la Justice une chose dont
elle n a absolument aucun besoin, que reste-t-il à la
daine Labrugière?
�( 1(5 )
Il lui reste la prescription : c’est son moyen unique.
L a prescription q u i , dans une telle cause, ne m é r i
terait sans doute pas d être appelée la patrone du
genre
humain , mais
devrait
plutôt être
qualifiée
d ’im pium præ sidium } pu is q u’elle consacrerait une
injustice.
Dans un tel cas, la prescription qui aurait pour b ut
de dépouiller le vrai propriétaire, ne doit au. moins
être admise que lorsqu’elle ne présente rien d ’équi
vo que , et q u ’il est démontré clairement q ue, pendant
t re n t e a n s ,
elle a été co ntin ue,
exclusive et sans
contradiction. ( V o ir l ’art. 2 du tit. 17 de la C ou tu m e
d ’ Auvergne, et l ’art. 222g du Code civil.)
O r , examinons si l ’enquête présentée par la dame
L abrugière doit obtenir un haut degré de confiance 5
si les deux enquêtes ne se balancent pas m ê m e , et
s il est possible à la dame Labrugière d invoquer la
possession exclusive et co n ti n u e qui lu i aurait été
nécessaire pour prescrire.*
Treize témoins ont été entendus à la requête de la
dame Labrugière.
C i n q d entr eux sont païens très-proches de Gil b er t
D ussol, garde particulier de cette d a m e , et le prin
cipal auteur d ’ une contestation q u ’il a le plus grand
intérêt à faire réussir.
Pou r en assurer le succès, il a paru à ce garde uiile de
faire entendre ses deux frères Jacques et Jean Dussol, <je
et 1 1 e témoins de l ’enquête directe} sou beau-frère
Antoine I*ru lié re , G° témoin j ses cousins germains
Antoine Croissant et Antoine Dussol, Î>c et 12e té-
�( T7 )
moins; d ’autres individus en procès avec Du vert ; un
débiteur de madame Labrugière; l ’expert de confiance
de celle-ci; en général des étrangers qui ne pouvaient
rien savoir personnellement, et dont la véracité peut
inspirer de justes soupçons.
Mais que nous apprennent ces diverses dépositions?
Le
I er
té m oin,
le sieur C h o m e t t e ,
parle d ’une
opération q u ’il a faite en 1820 , et lors de laquelle il
n u m é ro t a , comme appartenant à la dame Labrugière,
trois arbres enradiqués dans la haie contentieuse.
Il ajoute q u ’il n ’cprouva d ’opposition de personne;
mais il ne dit pas que Du vert ait été présent à ce
q u ’il a fait.
E t lo r s q u ’on l ’interroge sur ceux q u i lu i ont fourni
les renseignemens nécessaires, il indique le domestique
de la maison,
Ou quelques voisins dont il ne se
rappelle pas le nom.
On le demande : quelle preuve de possession présente
pour la dame Labrugière une opération qui n'a pré
cédé que de deux ans le commencement du procès;
à laquelle rien ne prouve que D u vert ait assisté; que
peut-être meVne il a toujours ignorée, et qui a été
faite sous la direction du domestique de madame
Labrugières ou de tout autre inconnu?
L e 2e t é m o i n , nom m é L a m b e r t ,
jour nalier, est
d ’autant moins digne de coniiance que d ’abord il
déclare avoir toujours v u ,
depuis trente-deux a n s,
tailler et couper les arbres de la haie en lit ig e, pour
le compte de la dame Chau va ss agn e, et q u ’à la ün
de la déposition il ajoute n ’avoir vu q u ’ une seule fois
3
�l'aire le retail de la haie en litige par les fermiers
de la dame Chauvassagne ; m ais q u 'il a
toute sa v ie que
la
haie
appartenait
ouï-d ire
à la dame
Chauvassagne.
C e témoin a entendu dire au vieux Germain q u e ,
s’il ne faisait pas plus attention que ses maîtres euxmèmes , Bernard D u vert
finirait par s’emparer de
la haie.
C e témoin qui se contredit d ’abord dans sa dépo
si ti on, q u i la restreint ensuite à des ouï-dire nous
donne la mesure de la foi que l ’on doit à l ’enquête
de la dame Labrugicre.
La
réflexion q u ’il
prête
au
vieux
Germain
ne
prouve-t-elle pas aussi q u ’il y avait contradiction de
la part de D u vert dans la possession des fermiers de
son voisin? O r , l ’on sait q u ’ une possession non pa i
sible n ’est pas suffisante pour prescrire.
Le
3 e témoin ,
aussi
no m m é
Lambert ,
parle
d ’un seul fait de retail qui aurait eu lieu il y a
46 a n s , dit-il.
L e surplus de sa déposition ne consiste q u ’en ouidire. Or l ’on connaît le cas q u ’on doit* faire de ces
sortes de renseignemens. O u ï-d ir e , v a p a r v i l l e , dit
Loysel ; en un m u id de ouï-dire y il ri y a poin t de
p lein ; un seul œ il a p lu s de crédit (jue d e u x oreilles
n'ont d 'a udiyi.
Le 4 e témoin, Jacques P r u l li è r e , qui est sans doute
le frère d ’A n toin e, 6e témoin et beau-lrère du garde
Dussol , et qui , comme tous les témoins de cette
enquête , habite dans une autre commune que celle
�( i9 )
de la situation des lie u x, dit avoir taillé et entretenu
la clôture pendant q u ’il était métayer de la dame
Chauvassagne ; mais il ne nous apprend pas à quelle
époque ni pendant combien de tems il a été métayer.
L e 7e témoin, nommé Gamelon, habitant deM ozu n,
reproché comme étant en procès avec D u v e r t , prétend
aussi q u ’il est de sa connaissance que depuis 4 2 ans
les métayers de la dame Labrugière ont retaillé la
haie. Mais il ne déclare pas l ’avoir vu et n ’indique
pas c o m m e n t le fait dont il dépose lui a été co nn u .
Le
10e témoin ,
Joseph
Parrot ,
ancien
garde
champêtre, n ’a rien vu lui-même* Sa déposition, qui
ne s’a p p l i q u e q u ’a des faits récens, ne présente rien
de remarquable, si ce n ’est q u ’il a entendu dire par
madame Ghauvassagne q u ’elle était propriétaire d ’en
viron trente pas de haie.
Trente p a s ; on en réclame 4 ^> toises, ce q u i ferait
92 pas au moins.
Les autres témoins, à l ’exception du 8% sur lequel
nous nous arrêterons bientôt , sont jeunes pour la
plupart j et les faits dont ils parleut ne datent que de
quelques années avant le procès. Ces témoins, qui
sont les 5e , 6e, 9e , n ° et 12e , s o n t , comme nous
l'avons déjà
remarqué , les frères , beaux-frères ou
cousins-germains de ce garde
Dussol , l ’homme de
l'intimée et l ’artisan du procès.
Il n ’y a de rem arq uab le, dans les déclarations de
trois d ’en tr ’eux , que le fait du retail d ’ un ch êne ,
retail qui a u r a i t , disent-ils, été restitué par Duve rt
�( 20 )
à la dame L a b r u g i è r e , pour éviter, un procès dont
il était menacé cinq ans avant l ’enquête.
C e fait qui n ’a été déclaré que par trois bouches
fort suspectes, qui n ’a été su d ’aucun habitant de la
commune où il s’est passé, qui cependant aurait dû
exciter une sorte de rumeur , et n ’aurait pu être
ignoré par les propriétaires des lie ux; ce f a i t , si peu
vraisemblable , est cependant la plus forte base du
jugement dont est a pp el, le pivot sur lequel roulent
les principaux
argumens de la dame Labrugière ,
le trait le plus caractéristique de la possession qu elle
allègue.
E t néanmoins pourrait-on y croire si l ’on considère
la qualité des témoins qui en déposent ? si l ’on (ait
aussi attention q u ’il n’en fut pas même dressé procèsv e r b a l , ni par le garde champêtre de la co m m u n e, ni
par le garde particulier de la dame Labrugière?
O n fait rem onter le fait à qu el q u es années seule
ment avant le procès actuel. O r , comment supposer
que D u v e r t , si résigné et si docile, les années anté
rieures à 1822,' eût été si entreprenant et si obstiné
peu de teins après?
Enfin , quand il serait vrai même q u e , dans l'igno
rance de ses droits, ou que cédant aux menaces d ’ une
personne riche et puissante cl h la crainte d ’ un procès
ruineux pour l u i , Du vert aurait eu un instant d ’in
quiétude et de pusillanimité, cela aut.oriserait-il ¿1 le*
priver d une portion de haie, d o n t la localité et les
principes s’accordent h lui attribuer la propriété, et
dont il n ’est pas prouvé que la dame Chauvassagne ait
�( 21 )
ou pendant trente ans la possession paisible, exclusive
et continue, sans laquelle la loi ne reconnaît pas de
prescription ?
E n effet, q u ’on examine avec soin les douze dépo
sitions de l ’enquête directe dont argumente la dame
Labrugi ère, on pourra y trouver des ouï-dire, quelques
faits isolés, mais peu de faits anciens et de déclarations
de visu ; rien qui indique une continuité de possession ,
une possession exercée sans tr o u b le, une possession
connue de D u v e r t et autorisée par lui , une possession
pro pre , en un m o t , à. remplacer le titre écrit que
l ’on ne présente pas, et à détruire les titres muets que
l ’état des lieux fournit à l ’appe lan t.
A u c o n t r a i r e , si l ’ on se fixe sur les témoignages
favorables
h Duve rt , ils sont nombreux , ils sont
visuels, ils sont positifs.
L e 8e témoin de l ’enquête même de la d a m e .L a b r u
gière , le seul des témoins de cette enquê te ,
qui,
h ab ita nt les lieux , pû t connaître parfaitement les
faits, ce témoin , âgé 70 an s, « dépose q u ’ il est à sa
« connaissance personnelle, depuis plus de /p ans, que
« la clôture en litige a toujours été jouie par D u v e rt
« ou ses auteurs.
11 ajoute
« q u ’il existe une hom e séparative des
« propriétés. »
Il parle d ’un chêne placé dans la haie et vendu par
D u vert père au curé, qui le retira sans nul empêche
ment.
Il j»aîle aussi de deux chênes situés sur un te rtre,
mais dans le prc de madame Labrugicrc.
�( 22 )
Ce témoin qui venait de faire la déposition la plus
claire fut interpellé par l'avoué de la dameLabru gière,
qui lui demanda s’il ne savait pas que la partie de
haie qui joignait le pré «de cette dame, lui appartenait.
C ’était demander au témoin q u ’il dit oui
3
après
avoir dit non.
"4b;
•* '* •
L e juge-commissaire rejeta la question comme insi
dieuse et irrégulière.
L a dame Chauvassagne f e in t , dans son Mémoire,
de s’en étonner.
Si quelque chose doit étonner, c’est q u ’on se soit
permis une question dont la réponse se trouvait dans la
déclaration que venait de faire le té moi n, et q u ’on
n ’ait pas voulu remarquer que cette déclaration était
d ’autant moins équivoque, q u ’elle parlait d ’ une borne
séparative des deux propriétés, borne qui existe pré
cisément vers la portion contentieuse de la haie.
A cette déposition si c on clu ante de l ’en qu êt e
directe se réunissent dans l ’enquête contraire des
dépositions unanimes
d habitans de divers
villages
de la commune de Bougheat :
Le rPr témoin, femme âgée de trente-sept ans,'sortie
depuis 9 ans de la maison D u vert où elle était restée
7 ans, comme domestique, qui déclare q u e , pendant
tout le teins d e s o n s e r v i c e , e lle a v u Duvert
reta iller la haie don t il s’agit;
Q u i ajoute (ju ayant d'entrer chez D u vert , elle
avait v u reta iller cette haie />ar le p è r e y
L e ‘2e témoin, âgé de soixante-sept an s, qui toute
sa v ie a v u le grand-père et le père de D u vert et
�( ^
)
D uvert lu i - m ême c o u p e r} retailler et
planter la haie dont il s ’agit y
Le 3e témoin , âgé de cinquante ans , qui dépose
aussi, comme en ayant la connaissance personnelle,
sur la jouissance constante et sans opposition de la
haie litigieuse par Duvert père, et par le fils luimême;
Le 4e témoin, âgé de cinquante-neuf an s, q u i,
toute sa vie , a v u Bernard D uvert 3 son p è re , son
grand-père jo u ir e x c l u s iv e m e n t cl sans trouble de
la haie en litige y
Le 5 e témoin , âgé de près de trente a n s , qui
déclare avoir toujours vu D uvert ou ses auteurs jo u ir ,
sans nulle opposition, de la haie, l’avoir vu retailler
plusieurs fo is , avoir lui-m ém e aidé Duvert une année;
Le 6e témoin, âgé de quarante-huit ans, qui a
toujours vu Duvert et ses auteurs exploiter et entre
tenir la liaie litigieuse ;
Le 7 e témoin , âgé de soixante-douze ans, qui déclare
aussi avoir vu de tout teins D uvert et ses a u teu rs,
jo u ir
et
de la haie liti
gieuse, et (fu il a lui-m ém e
au retail de ladite
haie pour le compte de la fa m ille D uvert y
Ce témoin parle de l’arbre vendu au curé.
Le 8e tém oin, âgé de cinquante-deux ans, qui
atteste aussi, comme 1 ayant v u e , la jouissance cons
tante et sans trouble de cette haie par la famille
Duvert; qui ajoute être resté deux ans au service des
fermiers de la dame (jliauvassagne, sans avoir jamais
vu ni oui-dire q u ’ils exerçassent de droits sur la haie;
B ern ard
exclusivem en t
sans
trouble
coopéré
�( *4 )
qui parle enfin des glands recueillis par les D u v e r t ;
Les 9e et 10e témoins, âgés, l ’un de quarante-sept
ans, l ’autre de cinquante-cinq ans, qui certifient éga
lement avoir vu toute leu r v ie D u vert ou ses auteu rs,
jo u ir exclu siv em en t et sans trouble de la haie liti
gieuse ; qui parlent même de leurs faits personnels de
coopération à cette jouissance, comme de glands re
cueillis, d ’ un chêne vendu au curé de Bougheat.
A u c u n de ces témoins n ’a v u , n ’a même entendu
dire que la dame Chauvassagne ou ses fermiers aient
jamais exerçé des ac^es de possession sur la haie.
Ils déclarent aussi n ’avoir jamais entendu parler de
l ’étrange fait annoncé par les parens du garde Dussol,
de cette restitution par Du vert k la dame Labrugière
du produit du retail d ’ un chêne, principal argument
de l ’intimée.
Qu e la dame Labrugière elle-même oublie un instant,
s’il est possible , que les deux enquêtes ont été faites
dans sa propre cause, q u ’elle compare sans prévention
leurs dépositions contraires ; q u ’elle se fixe sur les
termes de ces dépositions,
sur le vague de celles in
voquées dans son système, sur les simples ouï-dire qui
en constituent les principales assertions, sur la qualité
même des témoins et sur la foi due à tous les parens de
son propre garde; qu elle considère ensuite la précision,
la clart é, la loree des onze dépositions q u i , soit dans
sa propre enquête, soit dans celle de D u v e r t , attestent
les droits de celui-ci; q u ’elle se rappelle que tous ces
té moins, domiciliés dans la commune de Bo u gheat,
parlent de faits q u ’ils ont v u s , de faits qui sont de
�( -5 )
leu r connaissance p erson n elle et, sans doute, alors
faisant un retour sur elle-même; ne se livrant plus aux
impulsions d ’un garde qui joue le zèle et le dévoûment;
n ’écoutant plus la voix des passions et de l ’intérêt
privé; ramenée par la réflexion à des sentimens plus
justes, elle sera disposée à reconnaître ses torts, à ne
plus disputer à un cultivateur honnête une portion
de haie nécessaire à celui-ci, inutile pour elle,
une
portion de haie que les principes du d r o i t , les cir
constances de la localité et l ’existence permanente d ’ une
borne ancienne attribuent à Duvert et lui refusent à
elle-même, une portion de haie que ne lui accorde
même pas la prescription : ce moyen honteux pour
ceux même qui lui doivent leur succès, et que la loi
n ’admet que lorsqu’il est fondé sur une possession
trentenaire,
paisible, non
équivoque et exclusive;
possession que Du vert seul pourrait invoquer dans la
cause, et qui vient ajouter aux titres m u ets , tracés
sur les lieux en sa faveur.
DUVERT.
»
Mc A L L E M A N D , ancien A v o ca t.
Me V E Y S S E T , L ic e n c ié -A voué.
HIOM , I M P R I M E R I E DE SALLES , PRES L E PALAIS DE JUST1CK-
�
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A name given to the resource
Factums fonds privés
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Description
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<a href="https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les Factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Duvert, Bernard. 1825?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Veysset
Subject
The topic of the resource
conflit de voisinage
bornage
enquêtes par ouï-dire
haies
gardes des propriétés
abus de faiblesse
coupe de bois
experts
diffamation
usages locaux
prescription
coutume d'Auvergne
Description
An account of the resource
Précis en réponse pour Bernard Duvert, appelant; contre Marie-Genèze Chauvassagne-Labrugière, intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1825 ?
1822-1825
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
25 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV04
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_DVV03
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/28/54005/BCU_Factums_DVV04.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mauzun (63216)
Clermont-Ferrand (63113)
Bongheat (63044)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
bornage
Conflit de voisinage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
diffamation
enquêtes par ouï-dire
experts
gardes des propriétés
haies
prescription
usages locaux
-
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24a3d65c21e515b4da93fdc577d3f899
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Text
MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATIO N,
Pour les L
universels de Madame
DE CHAZERAT.
égataires
�MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CO NSULTATIO N,
POUR
Les
universels de Madame DE
CH AZERAT,
L ég ataires
CONTRE
\
Le Sieur M IR L A V A U D .
MADAME R ollet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’Auvergne, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été modifié par celle du 4 germinal an 8 , qui permettoit
A
�( 3 )
à ceux qui n’avoient ni ascendans ni descendans, ni frères
ni sœurs, ni descenclans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs biens, elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit cette loi.
Elle fit im ’-testament olographe le 26 messidor an g.
Après un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à la propriété de mes biens, mon intention
» étant, autant q u il dépend de m oi, de les faire retour» ner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils me sont parvenus, je donne et lègue tout ce
» dont il m’est permis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
» de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
» aïeule maternelle, qui seroient en ordre de me suc» céder suivant les règles de la représentation à l’infini,
.
» telle q u e lle a voit lieu dans
v
»
»
»
ï>
»
»
»
»
»
v
»
la ci-devan t Coutum e
(TAuvergne, pour être partagé entre les trois branches, au marc la livre de ce qui m’est parvenu de
chacune desdites branches, et etre ensuite subdivisé
dans chacune d’elles, suivant les incmes règles de la
représentation à l’infini; et néanmoins, je veux et entends qu’avant la division et subdivision, il soit pris
et prélevé sur la masse totale des biens compris au
présent legs, cVabord le montant de mes legs particuliers, et ensuite le sixième du surplus, que je donne
el lègue au citoyen Farradèche de Gromont fils aîné,
et au citoyen SablQii - Ducorail aîn é , chacun pour
m oitié, etc. »
�Z 'b
(
3
)
.
M me de Chazerat a fait depuis différens codicilles.
Par les deux premiers, des 17 floréal an 10 et i/j. messi
dor an 1 1 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques changemensà ceux déjà faits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
Et dans le troisième, du \l\ messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i 3 floréal an 1 1 , sur
les donations et testamens , elle s’exprime en ces termes :
« La nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veux et entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tainent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
» aïqul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule maternelle, de tout ce dont il m’ étoit permis
» de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait son effet
» pour la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de la manière
» expliquée audit testament, sauf aussi mes legs parti» culiers, et les dispositions par moi faites en faveur
» de mon mari 5 à tout quoi il n’est rien dérogé par
» le présent codicille. »
Après le décès de M me. de Chazerat, M . de Chazerat
s'est mis en possession de ses biens, pour en jouir en
qualité d’usufruitier.
Ses dispositions testamentaires ont paru pendant long
temps i\ l’abri de critique.
Ce n’a été qu’au mois de janvier 1808, qu’un cessionnaire de droits litigieux, agissant au nom d’un sieur M irluvaud, l’ un des dcscendans du second mariage de PliiliA 2
�(4 )
bert M arcelin, aïeul maternel de M me de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur le fondement que
ce legs universel étoit fait en liaine et au mépris des
nouvelles lois.
Et cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R iom , qui, par son jugement
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M me de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille dti i/j.
messidor an 1 1 , qui ont été déclarés nuls, quant au legs
universel, a ordonné le partage de ses biens, confor
mément au Code civil.
Les légataires universels, dépouillés par ce jugement,
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
— tac— — m— ■ —■-
L E C O N S E IL S O U S S I G N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugement et le mémoire
à consulter,
E st d ’ a v i s que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M me de Chazerat
ne peut faire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en lutine des nouvelles
lois , on diroit qu’elle a déclaré formellement qu’elle entendoit sc conformer à la loi du 4 germinal an 8, qui lui
permettoit de disposer des trois quarts de ses biens, tandis
que la Coutume qui les régissoit, ne lui auroit permis do
disposer que du quart p a r testament ;
�(S )
Que par respect pour cette l o i , et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens qu autant q u il dépend d’elle ;
Que par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma*
tex-nelle , sans distinction des sexes , des filles forcloses et
de celles qui n e l’étoient pas;
Qu^elle n’emploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain ^
Qu’elle emploie les expressions du régime républicain,
en qualifiant de citoyens M M . larradèclie de Groinont
et Sablon-Ducorail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
On ajouteroit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M mo de Clxazerat pouvoit etre considérée
comme faite en haine des nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
distribué chaque année après son décès 3 o setiers froment
et io setiers seigle aux prêtres et aux religieuses qui sont
demeurés fid èles à l’ancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui p a r cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Que cependant cette disposition a été formellement ap
prouvée par un décret émané de Sa Majesté l’Empercur.
Mais n quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de M me de Clxazerat-, il suffit d’examiner ce qu’elle a fait
et ce qix’elle a pu faire ?
L ’art. 91G du Code porte: « A défaut d’asceudant et
�(6j
» de descendant, les libéralités par actes entre-vifs ou tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, ce
lui de la loi, et celui de la volonté de l’homme.
Lorsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans,
meurt ab intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se tait 5
la volonté du testateur la remplace: dicat testator, et eiit
lex.
C’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugement que nous examinons fait taire
la volonté de M mede Cliazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
Et on croit justifiez- cette interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-mème, en
invoquant l’article G de ce même Code, ainsi conçu :
« On ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent Vordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est commenté, délayé dans de nombreux
considérans , et répété jusqu’à la satiété.
Mais jamais 011 n’en fit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver^
nement, et tend à ébranler l’édifice social.
�(7)
Il agit contre les bonnes mœurs ; quand il offense l’iionnêteté publique.
Or, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes mœurs,
que M me de Cliazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parens, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Qu’on dise, si l’on veut, qu’elle en a disposé contre le
vœu et contre le texte de la lo i, et qu’on mette à l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes mœurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion prendra le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M me de Cliazerat a cité dans son testament la ci-devant
Coutume d’Auvergne, et cette citationannulle,dit-on,ses
dispositions.
Car on lit dans l’article i 3go du Code, que « les époux
» ne peuvent plus stipuler d’une manière générale que leur
» association sera réglée par l’une des coutumes, lois ou
» statuts locaux qui régissoient ci-devant les diverses par» tics de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
On ne se seroit pas attendu à trouver dans ce texte la
nullité des dispositions faites par M ine de Cliazerat en
faveur des consultans.
i ent, parce que cette loi, qui est au titre de la communauléj n’a rien de commun avec les testamens, et surtout
avec un testament en ligne collatéralle, pour lequel la
loi donne au testateur une latitude sans bornes ;
Que celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle q67 du Code, on peut disposer, soit sous le titre d’ius-
�( 8 )'
•
•
,
.
F
titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre ci manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent être restreintes au cas qui y est prévu, et
qu’on ne doit pas les étendre d’un cas à un autre, sur
tout d’une matière ordinaire à celle des testamens, où la
Volonté est tout. « Voluntas in testamentis dominatur.
» Tout ce qui diminue la plénitude de la liberté est
» odieux et détesté par la loi. » M . d’Aguesseau, plai
doyer 58 .
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12 , et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an 9, par conséquent antérieur de
plusieurs années;
Qu’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on ne peut raisonna
blement exiger que M me de Cliazerat ait dû s’y conformer
avant qu’ elle existât.
Car c’est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugement, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur; tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la loi qui est en
vigueur au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéresse la confec
tion du testament, ses formes, scs expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment 011
il a été fait.
Mais indépendamment de ces premiers m oyens, il
est facile d’écarter l’application de celte loi au testament
de
�(9)
de M me de Chazerat, par dey moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille delYI^de Chazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses Liens aux
estocs d’où ils lui sont pi’ovenus.
Par suite de cette intention qu’elle vient d’exprimer,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est pei'mis de dis
poser par la loi du 4 germinal an 8.
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aïeul et aïeule
paternels, et de son aïeule maternelle.
Elle ne les nomme pas chacun par leur nom, et il est
facile d’en sentir la raison1, les morts, les naissances jour
nalières parm i de nom breux h éritiers, auroient pu faire
naître des difficultés, et entraver l’exécution de ses vo
lontés; elle préfère de les appeler à recueillir scs biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rien, sans doute, dans ce testament,
non-seulement qui porte atteinte à l’ordre public et aux
lionnes mœurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus repréhensible.
Après avoir dit qu’elle appelle à recueillir sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de Chazerat ajoute,
pour éviter toute équivoque sur la désignation des parens
appelés, que ce sont ceux qui seroient en ordre de lui
succéder, suivant les règles (le la représentation à l'infini.
Jusqu’ici, on ne trouve encore rien qui offense l’ordre
B
�( 10 )
public et les bonnes mœurs, rien qui soit contraire aux
lois.
M me de Ghazerat, pouvant choisir parmi tous les êtres
vivans ses légataires universels, pouvoit à plus forte raison
les choisir dans sa famille, et préférer telles ou telles
branches.
Son choix fixé, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler î\ sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décès j et
le seul moyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation à l’ infini.
Quand le testament de M TO0 de Ghazerat auroit été pos
térieur au Code, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté'.
Mais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fini, telle qil elle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d ‘ Auvergne.
Si on en croit les considérans du jugement, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Chazerat a transcrit ces lignes fatales; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribunaux, et frappe son
testament d’anatlième.
On croit voir la montagne en travail.
A u l'ait. On a déj<\ vu que c’étoit en l’an 9 que M me de
Chazcrat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
communauté, insérée dans le Gode.
lit on voit dans la discussion qui a eu lieu au conseil
�2>\
( .11 )
d'État sur cet article, et par les observations de M. Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume malgré la défaveur alors attachée à toutes les an
ciennes institutions.
M . Berlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
» il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» que, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
» un droit nouveau, etc. »
^ D ’où il résulte qu'en supposant que cette loi nou
velle , uniquement créée pour la communauté , fût
applicable au testament, même à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes , le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n’en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même du codicille fait depuis le Code
civil, parce qu’il ne fait que confirmer et étendre à la
fortune entière de M mo de Chazerat, le legs des trois
quarts fait en vertu de là loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la moindre trace du rappel des
anciennes lois.
En second lieu, cet article 1390 dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d ’une manière gé
nérale , que leur association sera réglée par l’une des
coutumes, lois ou statuts locaux qui régissoient ci-devaut
les diverses parties du territoire français.
B a
�•
«
( 12 )
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet article, que « chacun conserve la faculté
« de faire passer dans son contrat de mariage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour règle, pourvu
« q u il les énonce. »
Ainsi, dans le cas même prévu par la loi du règle
ment de la communauté entr’époux, le vice delà con
vention ne consiste pas à rappeler telle ou telle coutume,
mais à la rappeler d ’une manière générale, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
O r, en raisonnant toujours dans la fausse supposition
que cette loi soit applicable à l’espèce, on voit que si
J\ime de Chazerat rappelle dans son testament la coutume
d’A uvergne, ce n’est pas d ’une manière générale, et
comme règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière ^ et seulem ent pour désigner avec
clarté et précision le mode dans lequel elle veut que
scs biens, une fois dévolus aux branches qu’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
Elle prend si p eu , en effet, la coutume pour règle
généx*ale et unique de sa succession, que loin de sc con
former à cette coutume, elle s’en éloigne en tous
points.
La coutume d’Auvergne interdisoit ¿VMmc de Chazerat
plus légère libéralité en faveur de son m ari, et elle
profite avec autant d’empressement que de reconnoissance de la iuculté que la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa laveur de l’usufruit universel de ses biens.
�( i3 )
La coutume d’Auvergne ne permettent de disposer par
testament que du quart de ses biens, et elle dispose des
trois quarts.
Elle fait plus, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conformément ci la loi
du 4 genninal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullement la coutume d’Auvergne.
M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
Des propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses;
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle }
Des acquêts, des contrats sur l’état et sur particuliers*
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contrats, ce mobilier étoient
dévolus par la coutume d’Auvergne aux parens paternels,
exclusivement à tous autres.
O r ,M me de Chazerat, au mépris de cette loi, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule mater
nelle", elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, au marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ; ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en !
étoit formellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de'la coutume-, et loin de la prendre
pour règle de successibilité entre ses héritiers, elle la
fronde ouvertement dans tous les points.
M me de Chazerat n ’a pris d’autre règle pour la quotité
de disposer que la loi du 4 germinal an 8»
�- E t pour le choix de ses héritiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté ; et cette volonté est absolument en
contradiction avec la coutume d ’Auvergne.
La coutume d’Auvergne n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
Mais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recueillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroient suivant les règles de la représentation à Vinjini.
C’en étoit assez; elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels; elle pi'évenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
ment et son décès.
Mais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppement à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
mode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité
dans la ci-devant Coutume d’Auvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rappelée, d’une part, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’invoquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’éloit rappelée que comme une
indication surabondante, superflue si l’on veu l, mais q u i,
telle qu’elle fut, n’a jamais pu nuire à l’objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
aux trois branches appelées à les recueillir.
�( i5 )
O r , si la disposition principale est valable enelle-meme,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la suivre, les descendans de Philibert M arcelin,
aïeul maternel de M m0 de Cliazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la prétendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
des trois branches, auquel les descendans de Philibert
Marcelin ne peuvent avoir aucune part.
Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’Auvergne, qu’a faite M medeChazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 1 7 nivôse, qui admettoit la représentation ¿1 l’infini , article 82.
Qu’en admettant le mode de partage de la représen
tation à l’infini dans- les divisions çt subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M me de Cliazerat, on ne peut trouver aucune
différence assignable entre les divisions et subdivisions
à faire conformément à la représentation à l’infini, telle
qu elle avoit lieu dons la ci-devant coutume d’Auvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u e lle avoit lieu
d'après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
De sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d ’Auvergne, ou de la loi du 17 nivôse, étoient absolu
ment synonymes.
Ce qui justificroit de plus en plus M mo de Cliazerat,
s’il eu étoit besoin, du prétendu délit qu’on lui impute,
puisque sou testament étant fait en l’ail 9 , sous l’empire
�■
( j6 5
delà loi du 17 nivôse, et la confection des testamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourroit porter l’humeur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is, qui étoit absolument
conforme à celles de la loi nouvelle, qui étoit alors en
pleine vigueur.
Les autres considérans du jugement dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagues, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l’exécution du testament de M me de Chazerat, à raison
des procès auxquels il peut donner lieu.
- On parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions, la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des commentateurs, depuis la rédaction de la coulume
d’Auvergne, et 011 les trouve toutes dans le testament de
M me de.Chazerat,
Cependant rien 11’est plus simple, d’une exécution plus
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
Elle possède des biénspropres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’mère paternels, et de su
*grand’mère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M nus de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des desccndans des trois brandies, dont les aulciu\s
pn ont fait le partage avec ceux de M rae de Chazerat.
Ainsi,
�( *7 )
A in si, rien n’est si facile que de trouver ces biens, con
sistant tous en fonds de terre, qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi dire, sous la main des légataires appelés à les
recueillir.
Il n’y a pas plus de difficulté sur la manière de distri
buer ses autres biens, quels qu’ils soient, entre les trois
branches de ses héritiers.
Elle veut que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exemple, que si M me de
Chazerat a laissé pour 600,000 f. de propres, dont 3 oo,000 f.
de l’estoc de l’aïeule maternelle, 200,000 fr. de l’estoc de
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aïeule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule maternelle prendront la moitié de ses autres biens ; les parens de l’estoe de l’aïeul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germe du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est difficile à la chicane la
plus raffinée de trouver, prise.
On ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu’il faille annuller un testament, parce qu’un praticien avide ou un
acquéreur de droits litigieux peut y trouver des prétextes
de faire des procès et de troubler le repos des héritiers
légitimes appelés par la testatrice à recueillir sa succession.
C’est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. Mai*
C
�( 18 )
faut-il priver les légataires universels de M me de Cliazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C ’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des erreurs qui sont le partage de
l’humaniité
t
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’audience, et n’a pas eu sans doute une médiocre influence
sur la détermination du tribunal (i).
On lit dans cet ouvrage ce qui suit, tom. 3 , pag- i 35 :
«« Il est bien permis de disposer ù son gré de ses b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
>» établit. »
S’il est permis cle disposer à son gré de ses biens, ce ne
peut être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
Si la loi donne cette faculté de disposer à son gré, ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne peut, en effet, créer en collatérale un ordre
de succéder autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et desTestamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par la loi pour la trans(i) Traité dos Donations ot Tostamens, par J. Grenier, (du Puy-do-Dûmo),
ancien jurisconsulto, mombro du Tribunat et do la Légion d'honnci^r.
�*9
( *9 )
mission des biens, et y substituer la volonté de l’homme.
jiliquando bonus domiitat Ilom em s.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du C od e,.qui interdit
toutes conventions contraires à l’ordre public et aux
bonnes mœurs.
Abus étrange des mots et des choses, auquel on a ré
pondu précédemment, et sur lequel il est inutile de
revenir.
L a citation que fait cet auteur de l’art. 1389 n’est pas
plus heureuse.
.<
On y lit que « Les époux ne peuvent faire aucune
» convention ou renonciation dont l’objet seroit de cliari» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport à eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen» dans, soit par rapport à leurs enfans entr’e u x , sans pré» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
» pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé» terminés par le présent Code. »
Outre que cet article n’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait aux
époux de donner dans leur contrat de mariage des lois
particulières h leur postérité;
Qu’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui sc présente, où il s’agit d’une succession
collatérale dont la transmission dépend uniquement de
la volonté du testateur, qui a pu choisir ses héritiers nonseulement dans sa famille, mais hors de sa famille, et
parmi tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse à l’objection dans les
expressions qui le tex-mment : « Sans préjudice des dona-
�( 20 )
» tions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» form es } et dans les cas déterminés p a r le présent
» Code. »
Enfin, on oppose encore aux consultans l’article der
nier du Code, qui porte que, « à compter du jour où ces
» lois sont exécutoires, les lois romaines , les ordon» nances, les coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
» particulière dans les matières qui sont l’effet desdites
« lois composant le présent Code. »
Mais en prononçant que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de loi, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lois,
et frapper d’anathème tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou même, si l’on veut, les prendre pour
règle de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas form ellem ent proh ib é par le Code, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion } que le Gouvernement a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’E m p ire, et
que nul ne peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de magistrature, qu'autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu’il y a acquis de vastes connoissances.
On terminera cette discussion, qui n’a quelcju’importance que parce qu’elle est d’un grand intérêt, par ob
server que si M ra9 de Chazerat a traité les dcscendans
*lu second mariage de Philibert M arcelin, son aïeul ma-
�ternel, moins avantageusement que les descendans de
son aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui étoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rien , au lieu qu’elle se regardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c’étoit avec ces propres que
s’étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir d’autres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas même à la loi, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui permettoit
de la transmettre à son gré. D icat testator, et erit lex.
D élibéré
à Clermont-F errand, le 29 juillet 1808.
B O I R O T , B E R G IE R , D A R T IS -M A R C IL L A T ,
F A Y A R D , M A U G U E , JE U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ), A L L E M A N T .
A CLERM O N T, de l'imprimerie de Landriot , Imprimeur de la Préfecture
et Libraire , rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière.
�
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Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
domestiques
émigrés
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le Sieur Mirlavaud.
note manuscrite : « voir arrêt, au Journal des audiences, 1809 , p. 448. »
Table Godemel : Testament : 9. un testateur a-t-il suffisamment exprimé son choix en désignant ses légataires, collectivement, par l’indication certaine de leur origine ? - l’article 1390 du code civil s’applique-t-il aux testaments ? doit-on considérer comme valables des dispositions qui seraient faites sans la désignation particulière de chaque légataire, et par une expression collective en faveur de ceux qui auraient été appelés à succéder suivant les règles de la représentation à l’infini établie par uns coutume abrogée ? ces dispositions sont-elles valables, surtout lorsque l’on ne s’en est pas référé d’une manière générale à la coutume abrogée, et lorsque les termes du testament suffisent, soit pour reconnaître les légataires, soit pour déterminer le mode du partage et l’amendement de chacun ? peut-on, sur des présomptions, étendre un legs au-delà des expressions de la clause qui le constitue ? 19 – 19.
10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1902
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53354/BCU_Factums_G1902.jpg
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Agoulin (63311)
Ménétrol (63224)
Joze (63180)
Entraigues (63149)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
domestiques
émigrés
legs universels
ordre de successions
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53824/BCU_Factums_M0513.pdf
dacd8f1eba26a783fa1d9c8ee866d1d6
PDF Text
Text
MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATION,
PO UR
Les L
universels de M adame DE
CHAZERAT,
é g a t a ir e s
CO NTRE
L e S ie u r M I R L A V A U D .
M adame R ollet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’Auvergne, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été modifié par celle du 4 germinal an 8 , qui permetto it
A
�(2 )
à ceux qui n’avoient ni ascendans ni descendans, ni frères
ni sœurs, ni descendans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs biens, elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit cette loi.
Elle fit un testament olographe le 26 messidor an 9.
Après un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à Ja propriété de mes biens, mon intention
» étant, autant q u il dépend de moi, de les faire retour» ner ¿1 ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils me sont parvenus, je donne et lègue tout ce
» dont il m’est pei'mis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
» de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
» aïeule maternelle, qui seroient en ordre de me suc» céder suivant les règles de la représentation à l’infini,
» telle q u elle avait lieu dans la ci-devant Coutume
» d ’Auvergne, pour etre partagé entre les trois bran» clies, au marc la livre de ce qui m’est p a r v e n u de
» chacune desdites branches, et etre ensuite subdivisé
» dans chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la
» rep résen tatio n à l’infini; et néanmoins, je veux et en» tends qu’avant la division et subdivision, il soit pris
» et prélevé sur la masse totale des biens compris au
» présent legs, d’abord le montant de mes legs parti* culiers, et ensuite le sixième du surplus, que je donne
» et lègue au citoyen îarradeche de Gromont fils aîné,
» et au citoyen Sablou - Ducorail aîn é, chacun pour
» m oitié, etc. »
�(
3
)
M me de Chazerat a fait depuis différens codicilles.
Par les deux premiers, des 17 floréal an 10 et 14 messi
dor an 11 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques cliangemens à ceux déjà faits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
Et dans le troisième, du ily messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i 3 floréal an i l , sur
les donations et testamens , elle s’exprime en ces termes :
« L a nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veux çt entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tainent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
» aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule maternelle, de tout ce dont il m’ étoit permis
» de disposer par la loi du 4 germinal an 8, ait son effet
» pour la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de'la manière
» expliquée audit testament, sauf aussi mes legs parti» culiers, et les dispositions par moi faites en faveur
» de mon mari ; à tout quoi il n’est rien déro gé par
» le présent codicille. »
Après le décès de M mo. de Cliazerat, M . de Chazerat
sJcst mis en possession de ses biens, pour en jouir en
qualité d’usufruitier.
Ses dispositions testamentaires ont p a r u pendant long
temps à l’abri de critique.
Ce na été qu’au mois de janvier 1808, qu un cession*
naire de droits litigieux, agissant au nom d un sieur M irlavaud, l’ un des desceudans du second mariage de PhiliA 2
�( 4 )
bert M arcelin, aïeul maternel de M mo de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur le fondement que
ce legs universel étoit fait en liaine et au mépris des
nouvelles lois.
Et cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R ioin, qui, par son jugement
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M mo de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille du i/j.
messidor an 1 1 , qui ont été déclarés nuls, quant au legs
universel, a ordonné le partage de ses biens, confor
mément au Gode civil.
Les légataires universels, dépouillés par ce jugement
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
L E C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugement et le mémoire
à consulter,
que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M me de Chazerat
ne peut faire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en lutine (les nouvelles
lois , on diroit qu’elle a déclaré formellement qu’elle entendoit se conformer à la loi du 4 germinal an 8, qui lui
permettoitde disposer des trois quarts de scs biens, tandis
que la Coutume qui les régissoit, ne lui auroit permis do
disposer que du quart p a r testament y
E
st d a v is
�(5)
Que par respect pour cette lo i, et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens quautant q u il dépend d'elle ;
Que par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma
ternelle , sans distinction des sexes , des filles forcloses et
de celles qui ne l’étoient pas*,
Qu'elle n’emploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain $
Qu’elle emploie les expressions du régime républicain,
en qualifiant de citoyens M M . Farradèche de Gromont
et Sablon-Ducorail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
On ajoutex-oit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M mo de Cliazerat pouvoit être considéi'ée
comme faite en liaine des nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
distribué chaque année après son décès 3 o setiers froment
et io setiers seigle aux prêtres et aux religieuses qui sont
demeurés fid èles à l'ancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui par cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Que cependant cette disposition a été form ellem en t ap
prouvée par un déci’et émané de Sa Majesté l’E m p e re u r.
M ais ¿\ quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de M me de Cliazerat; il suffit d’examiner ce qu elle a fait
et ce qu’elle a pu faire ?
L ’art. 91G du Gode porte: « A défaut d’ascendant et
�(6 )
» de descendant, les libéralités par actes entre-vifs ou tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, ce
lui de la loi, et celui de la volonté de l’homme.
Lorsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans
meurt cib intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se taitla volonté du testateur la remplace : (licat testator, et erit
lex.
C’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugement que nous examinons fait taire
la volonté de M me de Chazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
Et on croit justifier cette interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-même, en
invoquant 1 article G de ce même Code, ainsi conc.u :
« On ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est commenté,.délayé dans de nombreux
considérons , et repelé jusqu a la satiété.
JVlais jamais on n’en fit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver
nement, et tend à ébraulcr l’édifice social.
�(
7
)
Il agit contre les bonnes mœurs, quand il offense l’hon
nêteté publique.
Or, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes mœurs,
que M me de Chazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parens, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Qu’on dise, si l’on veu t, qu’elle en a disposé contre le
vœu et contre le texte de la lo i, et qu’on mette à l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes mœurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion prendra le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M mo de Chazerat a cité dans son testament la ci-dèvant
Coutume d’Auvergne, et cette ci tationannulle, dit-on, ses
dispositions.
Car on lit dans l’article 1390 du C ode, que « les époux
» ne peuvent plus stipuler cl une manière
cile que leur
» association sera réglée par l’une des coutumes, lois ou
» statuts locaux qui regissoient ci-devant les diverses par» ties de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
On ne se seroit pas attendu h trouver dans ce texte La
nullité des dispositions faites par M me de Chazerat en
faveur des consul tans.
lCnt, parce que cette loi, qui est au titre de la commu
nauté, n’a rien de commun avec les testamens, et surtout
avec tin testament en ligne collatéralle, pour lequel la
loi donne au testateur une latitude sans bornes;
^ Que celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle 9G7 du Code, on peut disposer, soit sous le titre d’ins
�titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre à manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent être restreintes au cas qui y est prévu, et
qu’on ne doit pas les étendre d’un cas à un autre, sur
tout d’une matière ordinaire h celle des testamens, où la
Volonté est tout. « Voluntas in testamentis dominatur.
» Tout ce qui diminue la plénitude de la liberté est
»> odieux et détesté par la loi. » M . d’Aguesseau plaidoyer 58.
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12 , et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an g , par conséquent antérieur de
plusieurs années5
Qu’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on ne peut raisonna
blement exiger que M me de Chazerat ait dû s’y conformer
avant qu’elle existât.
Car c est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugement, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur} tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la loi qui est en
vigueur au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéressé la confec
tion du testament, ses foimes, scs expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment où
il a été fait.
Mais indépendamment de ces premiers m oyens, il
est facile d’écarter l’application de cette loi au testament
de
�(
9
)
de M me de Chazerat, par des moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille d eM made Cliazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses biens aux
estocs d’où ils lui sont provenus.
Par suite de cette intention qu’elle vient d’exprimer,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est permis de dis
poser par la loi du 4 germinal an B.
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aieul et aïeule
paternels, et de son aïeule maternelle.
Elle ne les nomme pas chacun par leur nom, et il est
facile d’en sentir la raison; les morts, les naissances jour
nalières parmi de nombreux héritiers, auroient pu faire
n aître des difficultés, et e n tra v e r l’exécution de ses vo
lontés: elle prélère de les appeler à recueillir ses biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rien, sans doute, dans ce testament,
non-seulement qui porte atteinte à l’ordre public et aux
bonnes mœurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus repréhensible.
Après avoir dit qu’elle appelle à recueillir sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de CJiazeral ajoute,
pour éviter toute équivoque sur la désignation des parens
appelés, que ce sont ceux qui seroieut en ordre de lui
succtder, suivant les l'ègles d e lu re p r é s e n t a tio n à l i n jîn i.
Jusqu ic i} on ne trouve encore rien qui offense l’ordre
B
�(
10
)
public et les bonnes mœurs, rien qui soit contraire aux
lois.
M mô de Chazerat, pouvant choisir parmi tous les êtres
vivans ses légataires universels, pouvoit à plus forte raison
les choisir dans sa famille, et préférer telles ou telles
branches.
Son choix fixé, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler h sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décèsj et
le seul moyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation à l infini.
Quand le testament de M me de Chazerat auroit été pos
térieur au Code, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté.
Mais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fini , telle qu elle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d’Auvergne.
Si on en croit les considérans du jugement, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Chazerat a transcrit ces lignes fatalès; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs ; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribunaux, et frappe son
testament d’anatlieme.
On croit voir la montagne en travail.
A u fait. On a déjà vu que c’étoit en l’an 9 que M rae de
Chazerat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
communauté, insérée dans le Code.
Et on voit dans 1& discussion qui a eu lieu au conseil
�(
3
d’État sur cet article, et par les observations de M. Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume *, malgré
© la défaveur alors attachée à toutes les anciennes institutions.
M . Berlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
« il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» que, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
» un droit nouveau, etc. »
D ’où il résulte qu'en supposant que cette loi nou
velle , uniquement créée pour la communauté , fut
applicable au testament, même à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes, le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n’en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même dû codicille fait depuis le Code
civil, parce qu’il ne fait que confirmer et étendre à la
fortune entière de M me de ChazcraJt, le legs des trois
quarts fait en vertu de la loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la moindre trace du rappel des
anciennes lois.
En second lieu, cet article i3go dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d ’une manière gé
nérale , que leur association sera réglée par I une des
coutumes, lois ou statuts locaux qui régissoient ci-devant
les diverses parties du territoire français.
B 2
�(
12
)
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet article, que « chacun conserve la faculté
« de faire passer dans son contrat de mariage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour regie, pourvu,
« q u il les énonce. »
A insi, dans le cas même prévu par la loi du règle
ment de la communauté entr’époux, le vice de la con
vention ne consiste pas à rappeler telle ou telle coutume,
mais à la rappeler (Vune manière génerûle, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
en raisonnant toujours dans la fausse supposition
loi soit applicable à l’espèce, on voit que si
3Mm® de Cliazerat rappelle dans son testament la coutume
d’A uvergne, ce n’est pas (Vune manière générale, et
c o m m e règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière , et seulement pour désigner avec
clarté et précision le mode dans lequel elle veut que
ses biens, une fois dévolus aux branches q u ’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
Elle prend si p eu , en effet, la coutume pour règle
générale et unique de sa succession, que loin de se con
former à cette coutume, elle s’en éloigne en tous
O r,
q u e cette
points.
La coutume d’Auvergne interdisoit à M me de Cliazerat
la plus légère libéralité en faveur de son mari, et elle
profite avec autant d empiessement que de reconnoissance de la faculté que’ la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa faveur de J’usufruit universel de ses biens»
�(
)
L a coutume d’Auvergne ne permettent de disposer par
testament que du quart de ses Liens, et elle dispose des
trois quarts.
T Elle fait plus, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conform ém ent ci la lo i
du 4 germinal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullement la coutume d’Auvergne.
■ M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
Des propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle;
Des acquêts, des contrats sur l’état et sur particuliers,
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contrats, ce mobilier étoient
dévolus par la coutume d’Auvergne aux parens paternels,
exclusivement à tous autres.
• O r, M mo de Chazerat, au mépris de cette loi, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule mater
nelle; elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, an marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ; ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en
éloit formellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de la coutume; et loin de la prendre
pour règle de successibilité entre ses héritiers, elle la
fronde ouvertement dans tous les points.
M mo de Chazerat n ’a pris d’aulre règle pour la quotité
de disposer que la loi du l\ germinal an
�( i4 5
Et pour le clioix de ses héritiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté 5 et cette volonté est absolument en
contradiction avec la coutume d ’Auvergne.
La coutume d’Auvergne n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
Mais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recueillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroientsuivant les règles de larepre'sentation à Vinjîni.
C’en étoit assez j elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels j elle prévenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
ment et son décès.
Mais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppement à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
mode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité
dans la ci-devant Coutume d’Auvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rappelée, d’une part, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’invoquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’étoit rappelée que comme une
indication surabondante, superflue si l’on veut, mais q u i,
telle qu’elle fut, n a jamais pu nuire ¿\ 1 objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
nux trois branches appelées à les recueillir,
�( i5 )
O r , si la disposition principale est valable en elle-meme,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la suivre, les descendans de Philibert M arcelin,
aïeul maternel de M me de Chazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la pretendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
'des trois branches, auquel les descendans de Philibert
Marcelin ne peuvent avoir aucune part.
, Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’Auvergne*, qu’a faite M mede Chazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 1 7 nivôse, qui admettoit la repi’ésentation à l’in fin i, article 82.
Qu’en admettant le mode de partage de la représen
tation à l’infini dans les divisions et subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M me de Chazerat, on ne peut trouver aucune
différence assignable entre les divisions et subdivisions
à faire conformément à la représentation à l’infini, telle
q u elle avait lieu dans la ci-devant coutume d ’Auvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u elle avoit lieu
d’après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
De sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d Auvergne, o u de la loi du 17 nivôse, étoient absolu
ment synonymes.
^ Ce qui justificroit de plus en plus M m0 de Chazerat,
s il en étoit besoin, du prétendu délit qu’on lui impute,
puisque son testament étant fait en l’an 9 ? sous 1 empire
�( i6 )
delà loi du 17 nivôse, et la confection destestamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourvoit porter l’humeur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is, qui étoit absolument
conforme à celles de la loi nouvelle, qui étoit alors en
pleine vigueur.
Les autres considérans du jugement dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagues, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l’exécution du testament de M me de Chazerat, à raison
des procès auxquels il peut donner lieu.
On parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions, la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des commentateurs, depuis la rédaction de la coutume
d’Auvergne, et on les trouve toutes dans le testament de
M me de Chazerat.
Cependant rien n’est plus simple, d’une exécution p lu s
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
Elle possède des bienspropres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’mère paternels, et de sa
grand’mère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M we de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des descendans des trois bx*anches, dont les auteurs
en ont fait le partage avec ceux de M m0 de Chazerat.
Ainsi,
�( *7 )
A in si, rien n’est si facile que de trouver ces biens, con
sistant tous en fonds de terre , qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi dire, sous la main des légataires appelés à les
recueillir.
Il n’y a pas plus de difficulté sur la maniéré de distri
buer ses autres biens, quels qu’ils soient, entre les trois*
branches do ses héritiers.
Elle veut que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exemple, que si M ms de
Chazerat a laissé pour 600,000 £ de propres, dont 3oo,000 f.
de l’estoc de l’aïeule maternelle, 200,000 fr. de l’estoc de
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aïeule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule maternelle prendront la moi
tié de ses autres biens} les parens de l’estoc de l’aïeul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germe du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est diilicile à la chicane la
plus rallinée de trouver prise.
On ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu’il faille an
nuliez- un testament, parce qu’un praticien avide ou un
ncquéreur de droits litigieux peut y trouver des prétextes
de faire clés procès et de troubler le repos des héritiers
légitimes appelés par la testatrice à recueillir sa succession.
C est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. Mais
G
�< i8 )
faut-il priver les iégataires universels de M mo de Chazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des .erreurs qui sont le partage de
l’humaniité
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’audience, et n’a pas eu sans doute une medLocrc iniluenec
sur la détermination duutribunal fi).
On lit dans cet ouvrage ce qui suit, lom. 3 , pag. i 35 :
« Il est bien permis de disposer à son gré de scs b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
w établit. »
S il est permis de disposer à son gré de ses biens, ce ne
peut être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
Si la loi donne cette faculté de disposer à son gré, ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne peut, en effet, créer en collatérale un ordre
de su ccé d e r autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et des Testamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par,la loi pour la trans*
(O Traitd des Donations ct T estam ens, par J. Grcnier, (du Puj-dc Dómc),
anden jurisconsulto, mombro du Tribunat ct do la Legión d’houncur.
�.( o iÿ )
mission des biens, et y substituer la volonté dû l’homme.
ydlifjiumdo bonus domiitcil Uomcrus.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du Code, qui interdit
toutes conventions contraires ù l’ordre public et aux
bonnes ' mœurs.
r
Abus étrange des mots et des choses, auquel on a ré
pondu précédemment, et sur lequel il est inutile de
revenii*.
L a citation que fait cet auteur de l’art. 1389 n’est pas
plus heureuse.
On y lit que « Les époux 11e peuvent faire aucune
* convention ou renonciation dont l’objet seroit de chan» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport à eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen* dans, soit par rapport à leurs enfans entr’eu x, sans pré» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
« pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé» terminés par le présent Code. »
Outre que cet article n’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait aux
époux de donner dans leur contrat de mariage des lois
particulières à leur postérité;
Qu’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui se présente , où il s’agit d’u n e succession
collatérale dont la transmission dépend u n iq u e m en t de
la volonté du testateur, q u i a pu choisir scs héritiers nonseulement dans sa famille, mais hors de sa famille, et
panni tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse îi l’objection dans les
expressions qui le terminent : « Sans préjudice des doua-
�(20)
» lions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» formes , et dans les cas déterminés par le présent
» Code. »
E n fin , on oppose encore aux consultans l’article der
nier du Code, qui porte que, « à compter du jour où ces
» lois sont exécutoires , les lois romaines , les ordon» nances, les.coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
» particulière dans les matières qui sont 1 effet desdites
» lois co m po san t le présent Code. »
Mais en p ro n o n ça n t que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de loi, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lois,
et frapper d’anathème tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou même, si l’on veut, les prendre pour
règle_de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas formellement prohibé par le Code, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion ) que le Gouvernement a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’Em pire, et
que nul lie peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de-magistrature, qu’autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu’il y a acquis de vastes conaoissances.
On terminera cette discussion, qui n’a quelqu’importauce que parce qu’elle est d un grand intérêt, par ob
server que si M me dé Chazérat a traité les descendans
du second mariage de Philibert M arcelin, son aieul ma»
�ternel, moins avantageusement que les descendants de
son aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui étoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rien, au lieu qu’elle se r egardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c’étoit avec ces propres que
s’étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir d’autres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas même à la loi, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui permettoit
de la transmettre à son gré. D icat testator, et erit lex.
D
élibéré
à Clermont-Ferrand, le 29 juillet 1808.
B O IR O T , B E R G I E R , D A R T I S - M A R C I L L A T ,
F A V A R D , M A U G U E , JE U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ), A L L E M A N T .
C L E R M O N ]T , «lo l'imprimerie c I o L a n d r i o t , Imprimeur do la Préfecture
et Libraire, rue Saiut-Gcncs, maison ci-devant Potière.
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter, et consultation pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le Sieur Mirlavaud.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0513
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
legs universels
ordre de successions
Successions
testaments
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MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATION,
POUR
Les L
égataires
u n iv e r s e ls d e M ad am e D E
C H A Z E R A T ,
V
'
CONTRE
L e S ie u r M I R L A V A U D .
M a d a m e R o llet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’A u vergn e, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
<
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été inodiiié par celle du 4 germinal an 8 , qui permettoit
A
�(2 )
a ceux qui n’avoient ni ascendans ni clescendans, ni frères
ni sœurs, ni dcscendans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs b ie n s , elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit celte loi.
E lle fit un testament olographe le 26 messidor an 9.
A p rès un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à la propriété de mes b ien s, mon intention
» étant, autant q u i l dépend de m o i, de les faire retour» ner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils m e sont pai’venus, je donne et lègue tout ce
» dont il m ’est permis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
,, de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
„ aïeule m aternelle, qui seroient en ordre de me suc»
.»
»
»
»
»
v
céder suivant les règles de la représentation à. l’infini,
telle, q u e lle avoit lieu dans la ci-devant Coutume
d Auvergne, pour être partagé entre les trois brauc lie s , au marc la livre de ce qui m’est parvenu de
chacune desdites branches, et être ensuite subdivise
dans chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la
représentation à l’infini} et néanmoins, je veux et en-
» tends q u ’avant la division et subdivision, il soit pris
» et prélevé sur la niasse totale des biens compris au
,,
»
»
»
présent le g s, d’abord le montant de mes legs particuliers, cl ensuite le sixième du surplus, que je donne
et lègue au citoyen Fiiirudeche de Grom ont fils aîné,
et au citoyen Sablon - D ucorail a m é , chacun pour
» m o itié , etc. »
�(3 )
M me de Chazerat a fait depuis différons codicilles.
Par les deux prem iers, des 17 floréal an 10 et 14 messi
dor an 11 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques changemens à ceux déjà laits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
E t dans le troisièm e, du il\ messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i floréal an 1 1 , sur
les donations et testam ens, elle s’exprim e en ces termes :
« L a-n ouvelle loi m ’ayant accorde la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veu x et entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tam ent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
-» aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule m aternelle, de tout ce dont il m’étoit permis
» de disposer p a r la loi du t\ g e r m i n a l an 8, ait son effet
» poui la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de la m anière
3
»
»
»
»
expliquée audit testament, sauf aussi mes legs particu liers, et les dispositions par moi faites en faveur
de mon m a ri} à tout quoi il n’est rien d é r o g é par
le présent codicille. »
A p rès le décès de M mo. de C h azerat, M . de Chazerat
s est mis en.possession de ses biens, pour en jouir en
(lu■
aUté (Tusu(Vni tier.
dispositions testamentaires ont p a r u pendant long
temps a l’abn de critique.
Ce u u
q u’;ui rnois de janvier 1808, qu un cession'
naire de droits litigie u x, agissanl au nom d’un sieur IVlirlavaud, l’uu j üs
second mariage de Phili-,
A 2
�(4)
bert M a rcelin , aïeul maternel de M m0 de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur fe"~fondement que
ce legs universel étoit fait en haine et au mépris des
nouvelles lois.
E t cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R iorn, q u i, par son jugem ent
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M me de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille du 14
messidor an 1 1 , q u i ont été déclarés nuls, quant au le^s
universel, a o r d o n n é le partage de ses b ien s, confor
m ém ent aii Code civil.
L es légataires universels, dépouillés par ce jugem ent
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
L E C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugem ent et le m ém oire
à con sulter,
que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M m0 de Chazerat
ne peut la ire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en haine des nouvelles
E st d avis
lois , on diroit qu’elle a déclaré form ellement qu’elle entendoit se conform er à là loi du 4 germinal an 8, qui lui
perincttoitde disposer des trois quarts de scs biens, tandis
que la Coutum e qui les régissoit, ne lui auroit permis de
disposer que du quart p a r testament j
�(5 )
Que par respect pour cette l o i , et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens qu autant q u il dépend d elle ;
Quvi par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma
ternelle , sans distinction des se x es, des filles foi closes et
de celles qui n e l’étoient pas*,
Qu^elle n’em ploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain ;
Q u ’elle emploie les expressions du régim e républicain,
en qualifiant de citoyens M M . Farradèche de G ioinon t
et Sablon-Ducoi*ail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
O n ajouteroit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M m0 de Chazerat pouvoit être considérée
comme faite en haine dès nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
3
'distribué chaque année après son décès o setiers from ent
et 10 setiers seigle a u x prêtres et a u x religieuses qui sont
demeurés Jidcles à Vancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui par cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Q ue cependant cette disposition a été f o r m e l l e m e n t ap
prouvée par un décret émané de Sa M ajeste llim p ereu r.
M ais à quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de IVl"10 de Gliazerat j il suffit d ’ e x a m i n e r ce qu’elle a fait
et ce qu’elle a pu faire ?
L art. ()iG du Code poi'te: <( -A- défaut d ascendant et
�(
6
5
» de descendant, les libéralités paractes entre-vifs oy tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, celui de la lo i, et celui de la volonté de l’homme.
L orsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans,
m eurt ab intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se tait;
la volonté du testateur la rem place : dicat testator, et erit
lex .
C ’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugem ent que nous examinons fait taire
la volonté de M me de Cliazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
E t on croit justifier c& te interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-même, en
invoquant article G de ce meine C ode, ainsi con çu:
« O n ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent Vordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est com m enté, délayé dans de nom breux
considérans , et répété jusqu’a la satiété.
1
]\]ais jamais on n’en lit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver
nem ent, et tend à ébranler l'édifice social.
�(7)
Il agit contre les lionnes mœurs, quand il offense l’iionnêteté publique.
O r, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes m œ urs,
que M me de Chazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parons, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Q u ’on dise, si l’on v e u t, qu’elle en a disposé contre le
vœ u et contre le texte de là l o i , et qu’on mette h l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes m œurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion pien d ia le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M mo de Chazerat a cité dans son testament la ci-devant
Coutum e d’A u v e rg n e, et cette citation an nu lle,d it-on ,ses
dispositions.
C a r on lit dans l ’article 1.390 du Code , que « les épOUX
» ne peuventplus stipuler d ’une manière générale que leur
» association sera réglée par l’une des coutum es, lois ou
•» statuts locaux qui régissoient ci-devant les diverses par» ties de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
O n ne se seroit pas attendu a trouver dans cc texte la
nullité des dispositions faites par M m0 de C h a z e ra t en
faveur des consultans.
lCnt, parce que cette lo i, qui est au titre de la commu
naulé, u’a
commun avec les testainens, et sm tout
avec un testament en ligne collatéralle, poux lequel a
loi donne au testateur une latitude sans bornes j
. Q uy celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle 967 du Code, on peut disposer, soit sous le titic d ius-
�( 8
)
titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre à manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent etre restreintes au cas qui y est p ré v u , et
qu’on ne doit pas les étendre d’ un cas à un autre, sur
tout d’une m atière ordinaire à celle' des testamens, où la
volonté est tout.
bluntas in testamentis dominatur.
» T o u t ce qui diminue la plénitude de la liberté est
» odieux et détesté par la loi. » M . d’A guesseau, plai
doyer
.
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12, et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an g , par conséquent antérieur de
plusieurs années;
58
Q u ’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on 11e peut raisonna
blem ent exiger que M me de .Chazerat ait dû s’y conformer
avant qu’elle existât.
Car c’est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugem ent, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur; tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la. loi qui est en
vigu eu r au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéresse la confec
tion du testament, ses formes, ses expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment où
il a été lait.
M ais i n d é p e n d a m m e n t de ces premiers m o yen s, i l
est facile d’écarter l’application de cette loi au testament
do
�(9)
de M me de Chazerat, par des moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille d e M mede Cliazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses biens aux
estocs d’où ils lui sont provenus.
Par suite de cette intention qu elle vient d exp iim er,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est permis de dis
poser par la loi du 4 germinal an 8.
_
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aïeul et aieule
paternels, et de son aïeule maternelle.
E lle ne les nomme pas chacun par leur nom , et il est
facile d’en sentir la raison; les m orts, les naissances jour
nalières parmi de nom breux h éritiers, auroient pu faire
naître des difficultés, et entraver l’exécution de ses v o
lontés: elle préfère de les appeler à recueillir ses biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rie n , sans doute, dans ce testament,
non-seuleinent qui porte atteinte à l’ordre public et aux
bonnes m œurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus répréhensible.
A p r è s avoir dit qu’elle appelle à r e c u e i l l i r sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de Chazerat ajoute,
pour éviter toute équivoque s u r la désignation des parens
appelés, qlle ce Sont ceux qui s e r o i e n t en o ïd ie de lui
succeder, suivant les règles île lu représentation à l injini.
Jusqu’ici , on no trouve encore rien qui offense 1 ordre
B
�( 10 )
public et les bonnes m œ urs, rien qui soit contraire aux
lois.
M me de Chazerat, pouvant choisir parmi tous les être?
vivans ses légataires universels, pouVoit à plus forte raison
les choisir dans sa fam ille, et préférer telles ou telles
branches.
'Son choix fix é, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler à sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décès; et
le seul m oyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation ¿1 1 infini.
Quand le testament de M rae de Chazerat auroit été pos
térieur au C ode, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté.
Xvlais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fin i, telle q u e lle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d'Auvergne.
Si on en croit les considérans du ju gem en t, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Cha
zerat a transcrit ces lignes fatales; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs ; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribun aux, et frappe son
testament d’anatheme.
O n croit voir la montagne en travail.
Au*fait. O n a déjà vu que c’étoit en l’an 9 que M m0 de
Chazerat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
com m unauté, insérée dans le Code.
lit on voit dans la discussion qui a eu lieu au conseil
�(
11
)•
d’Etat sur cet article, et par les observations de M . Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume , m algré la défaveur alors attachée à toutes les an
ciennes institutions.
M . B erlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
» il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» q u e, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
»» un droit nouveau, etc. »
D ’où il résulte quJen supposant que cette loi nou
velle / uniquem ent créée pour la communauté , fut
applicable au testam ent, m êm e à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes , le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même du codicille fait depuis le Code
c iv il, parce qu’il ne fait que confirm er et étendre à la
fortune entiere de M me de Chazerat, le legs des trois
quarts fait en vertu de la loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la m oindre trace du rappel des
anciennes lois.
k n second lie u , cet article i3 90 dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d u n e manière gé
nérale, qUc leur association sera reglee par lu n e des
coutumes, lois ou statuts locaux qui regissoient ci-devant
les diverses parties du territoire français.
B 2
�( la )
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet a rticle, que « chacun conserve la faciiTté
« de faire passer dans son contrat de max-iage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour rè g le , pourvu
« q u i l les énonce. »
,
A in si, dans le cas m êm e prévu par la loi du règle
m ent de la communauté entx-’ é p o u x , le vice de la con
vention ne consiste pas à r a p p e l e r telle ou telle coutum e,
mais ci la rappeler d’ une manière generate, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
O r , en
dans la fausse supposition
q u e cette l o i soit applicable à l’espèce, on voit que si
jVIme de Chazerat rappelle dans son testament la coutume
- d’A u v e rg n e , ce n’est pas d’ une manière générale, et
raisonnant^toujoui’S
comme règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière , et seulement pour désigner avec
clarté et pi’écision le mode dans lequel elle veut que
ses biens, une fois dévolus aux branches qu’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
E lle prend si p e u , en effet, la coutume poux* règle
généi’alc et unique de sa succession, que loin de se con
form er à cette coutum e, elle s’en éloigne en tous
points.
L a coutume d’A u vergn e interdisoit à M m6 de Chazerat
la plus légère libéralité en faveui* de son inaiù, et elle
profite avec autant d’empressement que de reconnoissance de la faculté que la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa laveur de ¿’usufruit universel de ses biens»
v
�( i
3 .)
L a coutume d’A u verg n e ne permettoit de disposer par
testament que du quart de ses biens, et elle dispose des
trois quarts.
E lle fait p lu s, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conformément à la loi
du 4 germinal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullem ent la coutume d’A u vergne.
M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
D es propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule m aternelle;
D es acquêts, des contrats sur l ’état et sur particuliers,
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contx*ats, ce m obilier étoient
dévolus par la coutume d’A u vergn e aux parens paternels,
exclusivem ent à tous autres.
O r , M m®de Chazerat, au mépris de cette lo i, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule m ater
n elle; elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, au marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ,* ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en
étoit form ellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de la coutum e; et loin d e la p re n d ie
poui règle de successibilité cntx’e ses liéx’itiex-s, elle la
fxonde ouvertement dans tous les points.
M mo de C h a z e r a t n ' a pris d ’a u t r e r è g l e pour la quotité
de disposer que la loi du l\ germinal au S»
�( H >‘
E t pour le clioix de ses liéri tiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté*, et cette volon té est absolument en
contradiction avec la coutume (VAuvergne.
L a coutum e d’A u vergn e n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
M ais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recu eillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroient suivant les règles de la représentation à Vinfini.
C ’en étoit assez', elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels j elle prévenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
m ent et son décès.
M ais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppem ent à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
m ode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité ,
dans la ci-devant Coutum e d’A uvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rap pelée, d’une p art, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’in voquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage-, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’étoit rappelée que comme une
indication s u r a b o n d a n t e , superflue si l’on veu t, mais q u i,
telle qu’elle lût, n’a jamais pu nuire à l’objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
aux trois branches appelées à les recueillir,
�( i5 )
O r , si la disposition principale estvalable en elle-m êm e,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la su ivre, les descendans de Philibert M arcelin ,
aïeul maternel de M me de C liazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la prétendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
des trois branches, auquel les descendans de Philibert
M arcelin ne peuvent avoir aucune part.
- Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’A u v e rg n e , qu’a faite M mede Cliazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 17 nivôse, qui adinetloit la représentation à l’in fin i, article 82.
Q u en admettant l e mode de p a r ta g e de la représen
tation à l’infini dans les divisions et subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M mc de Cliazerat, on ne peut trouver aucune
diiïerence assignable entre les divisions et subdivisions
a faire conformément à la représentation a l’in fin i, telle
qu'elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d ’A uvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u e lle a voit lieu
d après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
D e sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d ’A uvergne, ou de la loi du 17 n ivôse, étoient absolu
ment syn0nymes.
Ce qui justiiieroit de plus en plus M m0 de C liazerat,
s il en étoil besoin, du prétendu délit q u on lui im pute,
puisque son testament étant fait en l’an 9 , sous l’em pire
�( is y
d elà loi du 17 nivôse, et la confection destestamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourroit porter l’hum eur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is , qui étoit absolument
conforme à celles de la loi n o u v e lle , qui étoit alors en
pleine vigueur.
L es autres considérans du jugem ent dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagu es, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l ’ e x é c u t i o n du testament de M me de Cliazerat, à raison
des p r o c è s auxquels il peut donner lieu.
O n parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions , la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des com m entateurs, depuis la rédaction de la coutume
d’A u verg n e, et on les trouve toutes dans le testament de
M me de Chazerat.
Cependant rien n’est plus simple, d’une exécution plus
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
E lle possède des biens propres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’m ère paternels, et de sa
grand’m ère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M nie de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des dcsccndans des trois branches, dont les auteurs
en ont fait le partage avec ceux de JVlme de Chazerat.
A insi,
�»7 5
<
A in s i, rien n’est si facile que de trouver ces bien s, con
sistant tous en fonds de te r r e , qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi d ire, sous la main des légataires appelés a les
recueillir
Il n’y a pas plus de difficulté sur la manière de distri
buer ses autres biens, quels q u ils soient, entre les tiois
brandies de ses héritiers.
E lle veu t que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exem ple, que si M
de
Cliazerata laissé pour 600,000 f. de propres, dont ^00,000 .
de l’estoc de l’aïeule m aternelle, 200,000 fr. de 1 estoc e
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aieule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule m aternelle prendront la moi
tié de ses autres biens •, les parens de l’estoc de l’aieul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germ e du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est diilicile à la chicane la
plus raifinée de trouver prise.
O n ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu il faille aa
nuller un testament, parce qu’un praticien avide ou un
acquéreur de droits litigieux peut y trouver des piétextes
de faire des procès et de troubler le repos des 1 ritiers
légitimes appelés par la testatrice h r e c u e i l l i r sa succession.
C est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. M ais
G
�( >8)
faut-il priver les légataires universels de M mo de Chazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C ’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des erreurs qui sont le partage de
l’hum aniité
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’aud ien ce, et n’a pas eu sans doute une médiocre influence
sur la d é t e r m i n a t i o n du tribunal (i).
O n lit dans cet ouvrage ce qui suit, tom. , pag. i
:
« Il est bien permis de disposer ù son gré de ses b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
v établit.
3
35
S’il est permis de disposer son gré de ses biens, ce ne
p eu t être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
( Si la loi donne cette faculté de disposer à son g ré , ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne p e u t, en cifet, créer en collatérale un oi’dre
de succéder autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et des Testamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par la loi pour la trans-
( i) T raitJ des Donations et Testam ens, par J. Gronier, (du Puy-de-Dôm e),
ancien jurisconsulte , mombro du T rib u n a to t do la Légion d’honneur.
�( *9 )
mission des biens, et y substituer la volonté d e llio n im e .
A liquando bonus dormitat Jlomerus.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du C o d e, qui interdit
toutes conventions contraires à l o i dre public et aux
bonnes mœurs.
A b u s étrange des mots et des c h o s e s , auquel on a re
pondu précédem m ent, et sur leq u el il est inutile de
l'evenir.
L a citation que fait cet auteur de l ’art. i
389 n’est pas
plus heureuse.
O n y lit que « L es époux ne peuvent faire aucune
» convention ou renonciation dont l’objet seroit de chan
» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport a eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen» dans, soit par rapport à leurs enfans entr’eu x , sans pre» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
» pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé>» terminés par le présent Code. »
O utre que cet article n ’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait atix
époux de donner dans leur contrat de m ariage des lois
particulières à leur postérité \
Q u ’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui se p résen te, où il s’agit d’une succession
collatérale dont la transmission dépend uniquem ent e
la volonté du testateur, qui a pu choisir scs liéiitiers non
seulement dans sa fam ille, mais hors de sa fam ille, et
paim i tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse à l’objection dans les
expressions qui le terminent i Sans préjudice des dona*-
�( 20)
» tions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» form es y et dans les cas déterminés par le présent
» Code. »
E n fin , on oppose encore aux consultans l’article der
nier du C od e, qui porte q u e, « à compter du jour où ces
» lois sont exécu to ires, les lois romaines , les ordon» nances, les coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
»> particulière dans les matieres qui sont l’effet desdites
» lois c o m p o s a n t le present Code. »
M ais en prononçant que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de lo i, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lo is,
et frapper d’anatlième tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou m êm e, si l’on veu t, les prendre pour
règle de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas form ellement prohibé par le C od e, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion } que le G ouvernem ent a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’E m p ire , et
que nul ne peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de m agistrature, qu’autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu?il y a acquis de vastes connoissances.
O n terminera cette discussion, qui n’a quelqu’im portance que parce q u ’elle est d’un grand intérêt, par ob
server que si M m0 de Chazerat a traité l’es descendans
du second mariage de Philibert M arcelin, son aïeul ma-
�( 21 )
ternel, moins avantageusement que les descendans de
son aïeul et aïeule paternels et de son aieule m atern elle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui etoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rie n , au lieu qu’elle se regardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c etoit avec ces propres que
s’ étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir dautres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas meme à la lo i, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui p ermettoit
de la transmettre à son gré. D ica t testator, et erit lex .
D élibéré
à Clerm ont-Ferrand, le 29 juillet 1808.
B O IR O T , B E R G IE R , D A R T IS -M A R C IL L A T , /
F A V A R D , M A U G U E , J E U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ) , A L L E M A N T .
A C L E RM O N T , de l'imprimerie de L a n d r i o t Im p r im eu r de la Préfecture
Libraire, rueSaint-Genès, maison ci-devant
Potière.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation, pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le sieur Mirlavaud.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0519
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53830/BCU_Factums_M0519.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
-
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2e94d630de0e93c1ae48507bb77b67b6
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C o n tr e M . G e o r g e s O N S L O W ,
L E S A N CIEN S JU R IS C O N S U L T E S près la Cour royale de
Riom, soussignés, qui ont vu diff erens actes de l a famille Onslow,
s p é c i a l e m e n t le contrat de mariage de M. Edouard Onslow père avec
M lle de Bourdeille, du 16 mars 1783; celui de M. Georges Onslow,
leur fils aîné, du 18 juillet 1808; celui de Gabriel-Amable, autre
fils, du 17 octobre 1819; la copie d’un acte de partage du 11 avril
1828; celle des testament et codicille de M . Onslow père; enfin
une consultation donnée à Gabriel-Amable Onslow, le 19 jan
vier 1 85o, et copie d’une lettre adressée par M. Dunoyer à M. de
F o n t a n g e s , dans l ’intérêt de M. Georges Onslow, son gendre, sur
les questions soumises en ce moment au conseil ;
E s t i m e n t que les questions proposées doivent être résolues
comme il suit :
1°. M. Onslow père, quoique Anglais d’origine, est devenu Fran
çais, et a conservé cette qualité jusqu’à sa mort.
2°. Sa succession ayant été complètement mobilisée de son
v i v a n t , est totalement régie par les lois françaises.
3°. M Georges Onslow n ’a de droits acquis par son contrat de
mariage q u 'a un capital produisant vingt mille francs de rente,
qui lui était assuré sur les biens situés en Angleterre.
�( 2 )
•
^
4°. L e partage du 11 avril 1818 ne peut porter atteinte aux
^ ^ j ^ ^ d r o i t s réservés aux enfans par la disposition des Jpjs.
Parcourons successivement ces propositions; ilsera facile de les
^ ^ p ^ p ^ ^ ^ t r e f ^ t a b lie s sur des hases solides, et d'en tirer îles consé
quences immédiates.
■^9^
d’abord, M. Onslow père a été naturalisé et il est mort Fran
çais.
Celte proposition eslMort*idtMrèl^fl(Çtée dans la consultation du
i9janvier i 83o. Elle y est, d’ailleurs, clairement établie. On peut
la réduire h des termes très simples, en résumant ce que la loi et
les actes fournissent de plus saillant.
La loi du 2 mai 1790 est claire et précise. Elle n’exige, pour la
naturalisation de l’étranger qui réside en France, aucune déclara
tion, aucune mesure, aucun acte de sa volonté. Elle le déclare
Français de droit, par cela seul qu’il aura «cinq ans de domicile con» tinu dans le royaume, s’il a, en outre, acquis des immeubles,
» épousé une Française, O U formé un établissementde commerce,
» O U reçu dans quelque ville des lettres de bourgeoisie, nonobs» tant tous règlemens contraires, auxquels il est dérogé. » On
ne peut rien dire de plus formel. Aussi,«ans avoir besoin de nous
attacher à la constitution de 1793, ni à celle de l’an 8j moins encore à la
disposition du Code civil, qui impose de nouvelles conditions, il
nous suffit de rechercher si, au moment de la loi du 2 mai 1790,
M. Onslow père avait cinq ans de domicile en France, s’il y avait
acquis des immeubles, épousé une Française, ete. ; car s’il en
était ainsi, il est devenu Français, et a conservé cette qualité,,
qu’aucun événement ultérieur n’a pu lui enlever, si ce n’est une loi
formelle, ou sa volonté expresse et légalement exprimée. C ’est, en
effet, ce qui lésulte de la loi du 2 mai 1790, qui n’exige le serment
civique que de ceux qui veulent être admis à exercer les droits
de citoyen a ctif, comme le démontre. fort bien la discussion de
¡Vl^Merlin,sur l’affaire Mac-Mahon (Répertoire, y ° Divorce, section
�( 3 )
4 i § 10) , et l’arrêt de la Cour de cassation, dans l ’affaire du prince
d’IIénin (Denevers, 1819, p. 297).
Les faits rendent-ils le principe applicable à M . Onslow pere?
C ’est ce dont il n’est pas permis de douter. Ces faits et sa conduite
personnelle démontrent que sa volonté était conforme à celle de
la loi.
Son contrat, de mariage constate que, quoique né d’un pair
d’Angleterre, il habitait en France: résidant actuellement à Clermont en Auvergne, est-il dit au contrat.
II constate, en second lie u , q u ’il épousait une F rançaise ,
M 11* de B o u rd e ille , h a b i t a n t e d e l a v i l l e d e S t - G e r m a in - h e m b r o n ,
en A u v e rg n e .
Ce mariage supposait naturellement l ’intention de se fixer en
France. M..Onslow s’alliait à une famille noble, qui ne semblait
pas devoir présumer le contraire à l’égard d’un jeune homme
résidant à Clermont avant son mariage, et qui semblait s’y fixer
par cela seul; mais le contrat n’est pas muet sur ce point. On.
y trouve, à trois reprises, la déclaration formelle de cette intention.
EUe y prend, dès lors, le caractère d’une volonté positive, qui,
sans doute, fut la condition du mariage, et qui, d’ailleurs, a été
constamment accomplie.
.
En effet, pendant que les père et mère de M . Onslow, futur
époux, constituent à leur fils une somme de vingt mille livres
sterling, on leur impose la condition de réaliser celle de dix mille
livres sterling « en achat de terres ou autres immeubles en France, ce
» que lesdits lord Georges Onslow et milady Henriette Shelley
» s obligent solidairement de fa ir e , dans deux années , à compter
» de la célébration du mariage. »
Plus bas ils ajoutent : « Jusqu'à la réalisation e n F r a n c e , de
» ladite somme de dix mille livres sterling, en f o n d s d e t e r r e o u
* a u t r e s i m m e u b l e s , ils promettent lui payer huit cents livres
» sterling chaque année. »
�(4)
‘ Et enfin, pour prévoir un autre cas, il est encore ajouté : » Apres
» la réalisation desdites dix mille livres sterling, en terres ou
» autres immeubles en France, ledit 'intérêt de huit cents livres
» sterling demeurera réduit à trois cents livres. »
Il est donc évident qu’il y avait intention exprimée, condition
imposée et acceptée de.résider en France, ’d ’y acheter des terres
ou autres immeubles, de s’y naturaliser, en un mot, au lieu de
penser au retour en Angleterre, pour y naturaliser la jeune
épouse.
Or, celte condition a été fidèlement hccomplie* M . Onslow est
demeuré en France, et il y avait plus de cinq ans de résidence; il
y était marié avec une Française, et il paraît même qu’il y possédait
des biens (ce qui, d’ailleurs, n’était pas nécessaire), lorsque fut
promulguée la loi du 2 mai 1790.11 fut donc réputé Français , par
celte seule promulgation.
11 importe très-peu'*3e savoir s’il prêta ou non Je serment ci
vique , s’il exerça les droits de citoyen a c tif, qui pouvaient seuls
rendre ce serment nécessaire; si encore il a exercé, dans aucun
temps , des fonctions publiques , ou des droits politiques quelcon
ques. La qualité de citoyen, de Français , est indépendante de tout
cela. Beaûcoup de Français d’origine n’exercent pas de droits po
litiques ,’ ou les négligent; peu d'entre eux sont appelés à des fonc
tions publiques qui exigent toujours la nomination du Souverain
ou de ses délégués; et tous cependant sont Français, et ne cessent
pas de l’être. D ’ailleurs} et en ce qui concerne M. Onslow, il ne
paraît pas qu’il'ait exercé de fonctions publiques en Angleterre;
il ne serait donc citoyen d’aucun pays , si, pour le devenir , il fal
lait être fonctionnaire public.
11 n’importe pas davantage de rechercher si M. Onslow père fut
momentanément contraint de quitter le territoire français dans les
temps orageux de la révolùfion. Cet acte de violence fort illégale
ment exercée contre lui à une époque où la loi et la justice étaient
�( 5)
foulées aux pieds , ne pouvait lui ôter scs droits et son titre de ci
toyen. Ce n’était ni une lo i, ni un jugement rendu sur sa qualité ;
et' on ne peut attribuer aucune conséquence à un acte de cette nar
turc, d’autant que M. Onslow, après les orages, e s t revenu dans
le sein d’une famille qu’il avait laissée en France , et qui l ’y rap
pelait ; qu’il a continué d’y vivre avec son épouse et ses enfans ;
qu’il a aliéné tous ses biens d’Angleterre, bien'loin de conserver
u.n esprit de retour vers son pays natal, et qu’enfin il a attendu la
mort au sein de sa dernière patrie et de sa famille, toute française
comme lui. Reconnaissons donc qu’il était Français , au moins de
puis la loi du 2 mai 1790; Français d’intention, Français de vo
lonté , comme le prouve son contrat de mariage , Français de fait,
comme le prouvent ses acquisitions, son mariage, sa résidence
constante , et tout ce que nous venons de voir.
M . Dunoyer semble le reconnaître par la lettre communiquée,
mais il y attache peu d’importance. Cette opinion ne lui parait d’ aucune influence sur Yobjet actuellement en discussion, attendu
qu étranger ou Français, la disposition des biens n'en devra pas
moins être régie d’après les lois de leur situation. Il s’attache, en
effet, aie prouver parla seule force des statuts réels, et par la com
paraison de ce qui existait autrefois sur le territoire français, où
les* diverses coutumes établissant des règles différentes de dispo
nibilité , chacune d’elles régissait le partage des biens situés dans
son ressort, comme s'il y avait eu plusieurs successions ouvertes en
même temps, et à partager à la fois. Par cela seul, il considère
comme lout à fait indifférente la question de savoir si M . Onslow
père était Français ou étranger.
Q u o i q u ’il en puisse être de l ’application des statuts réels aux
biens situés daus tels ou tels lie u x , ce q u i n ’est pas contestable ,
généralem ent p a r la n t, nous ne saurions que difficilem ent adm ettre
les conséquences rigoureuses q u ’en tire M. D u n o y e r; et si nous
avions besoin de les discuter , il ne serait peut-être pas difficile de
^ c o n n a îtr e q u ’il les pousse beaucoup trop loin.
�_•A côté du principe lird de la réalité des statuts , par rapport aux
Liens situés sur tels ou tels territoires, se place cet autre principe ,
que toute succession est régie par la loi du domicile. O r , n’im
porte la situation de tels ou tels biens, la succession, au domicile
du défunt, a un centre commun auquel viennent aboutir toutes
ses branches , et duquel il faut partir pour fixer les droits de dis
ponibilité du père de famille.
Ainsi, pendant que, par la force du statut ré e l, un seul enfant
prendra tous les biens situés en tel lieu, parce'que la loi ne réser
verait pas de légitime aux autres, et qu’il prendra les neuf dixiè
mes dans lin autre pays, il ne pourra agir, sur les biens de France ,
que conformément aux lois françaises.
S ’il n’y prend aucune part, il est incontestable que les autres
enfans ne pourront pas obtenir la réduction de ce qu’il reçoit en
pays étranger, d’après les statuts réels , parce que les lois du pays
s’y opposent, et qu’ils ne peuvent pas agir en vertu des lois fran
çaises sur les biens situés en pays étranger.
Mais si l’enfant qui reçoit tout ou presque tout en pays étranger,
veut prendre part aux biens de France, alors surtout que la suc
cession y est ouverte, la question sera de savoir comment il le
pourra, sans faire, au moins fictivement, les rapports de d ro it,
conformément aux lois françaises.
;
Si nous avions besoin de traiter cette question , nous pourrions
entrer fort avant dans l’examen des principes, des lois positives, et
môme des anciens usages nécessités par la différence de la-quotité
disponible dans telles ou telles coutumes, ou dans diverses loca
lités, et peut-être arriverions-nous plus facilement qu’ori ne pense
à démontrer que celui qui vient partager une succession pareille ,
au lieu de son ouverture , et réclamer une part sur les biens de
France , où était le domicile du défunt, ne peut la prendre qu’à
la charge de laisser à son cohéritier ses droits légitimaires, tels
qu’ils lui s o n t réservés par les lois françaises .sur les biens situés en
France.
'
�( 7 )
Ce résultat est le seul qui puisse élrc conforme î\ la loi et aux
principes sur lesquels elle repose. 11 n’a rien de contraire a la rea
lité des statuts , puisque , dans aucun cas, le légitimaire n obtien
dra la réduction des avantages faits sur les biens d’Angleterre ,
mais que seulement il préservera les biens de France de toute main
mise de l’héritier précipué , s’il a obtenu sur les biens d’Angleterre
tout ce que les lois françaises lui accordent dans la succession , soit
en préciput, soit pour sa part héréditaire.
C ’est donc donner aux statuts réels un effet trop général et trop
absolu, que de voir autant de successions dans une seu le, qu’il y
a de lois différentes q.ui la régissent. On ne peut pas disloquer ainsi
la succession d’unindividu. Les statut# réels n’ont d’empire que sur
le territoire qu’ils régissent, et pour préserver les biens qui leur
sontsoumis de toute influence des lois étrangères. Us peuvent seu
lement empêcher qu’on y touche au delà de ce qu’ils permettent ;
mais, sortant de là pour exiger une part des biens régis par une
autre législation, il faut se soumettre ces lois et en adopter tou
tes les conditions, non-seulement pour la quotité qu’on y amende,
mais pour les rapports auxquels on est soumis.
Nous pourrions prouver cette proposition par un exemple tiré de
la loi elle-même sur le droit d’aubaine, sans avoir besoin de fouil
ler plus avant.
Après diverses variations sur cette matière, Jes articles 726 et
912 du Code civil s’en étaient référés aux règles de la réciprocité
entre états, pour déterminer le'droit des étrangers sur les succes
sions ouvertes en France. La loi du i/j. juillet'181g a révoqué ces
deux articles , et admis les étrangers à succéder , disposer et rece
voir de la niQfnei manière que les Français, dans toute Vétendve
du royaume.
. r,«
•
Or, supposant que1le défunt peut avoir laissé des biens hors de
France, et que l'étranger1 appelé à la stfcCession drun Français les
a recueillis par*la fotee des lois et coutumes locales, clle'vcut, par
�(M
son article 2 , que, les cohéritiers français prélèvent sur les biens
situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en
pays étranger, dont ils seraient exclus.
Voilà donc la condition du rapport nettement imposée au cohé
ritier étranger qui veut prendre part aux biens situés en France.
L e législateur ne touche point aux exclusions que prononcent, ou
aux prérogatives qu’accordent les lois étrangères sur les biens qu’el
les régissent; mais il soumet aux lois françaises tout ce qui a rap
port aux biens situés en France, et n’accorde de droit à l ’étranger
que sous cette condition qu’il était le maître d’écrire dans la loi,
et qui en est inséparable. On peut voir là-dessus lé rapport de
M . Boissy-d’Anglas à la Chambre'des pairs (Merlin, Répertoire,
v° Héritier, § 6, aux additions , vol. 16, p. 382 ). Il contient des
documens fort remarquables sur l ’article 2 , et les principe*s dont
il dépend.
Si cela, est vrai pour l ’ctranger, qui a , bien plus qu’un autre,
le droit d’user pour.son avantage des lois de son pays , combien la
vérjté n’est-elle pas plus saillante, lorsque c ’est un Français qui
invoque les lois étrangères, pour s’attribuer exclusivement les biens
situés en Angleterre , et qui veut, malgrécela, participer aux biens
de France, et y prendre , soit la quotité disponible , soit sa por
tion héréditaire L Est-ce que , pour cela, il n’est pas soumis aux lois
françaises ? Est-ce que , en ce cas, il peut excéder les bornes de la
disponibilité établie par les lois françaises ? Est-ce qu’il n’est pas,
par cela seul, obligé au rapport fictif de tout ce qu’il a reçu du
défunt ? Est-ce que-la succession ne se compose pas de tous les
biens du défunt, en quelque pays qu’ils soient situés ? Est-ce que
la succession ouverte en France n’est pas régie parles lois fran
çaises ! Il semble que la réponse à toutes ces questions se présente
d’elle-même , et que la conséquence en est indubitable. Il résulteraitdonc de là que si M. Georges Onslow veut se.réduirc aux biens .
d’Angleterre, il doit y prendre tout ce qui lui a été.attribué par la
�volonté du père , et par les lois du pays , mais que s il vient a
exercer ses droits sur les biens de Frandfe, il faut d abord compo
ser la succession pour en connaître la masse , et pour cela y porter
les biens de toute nature et de toute situation , pour lui attribuer
la quotité disponible et déterminer la part héréditaire de chacun.
Encore avons-nous supposé, pour arriver là , que, d’après les
lois anglaises et la volonté de son père , M . Georges Onslow aurait
pu prétendre à la propriété de tous les immeubles situés en Angle
terre. Mais nous aurions besoin de beaucoup de lumières sur ce
point. Cela serait très-possible s’il était Anglais ; mais il nous fau
drait savoir si les lois anglaises autorisent des prérogatives de cette
nature au profit d’un étranger, Français de nation , et professant
la rcligio'n catholique. Il est difficile de croire que , dans le cas
même où M. Onslow père eût été Anglais lors de son décès , de
semblables droits fussent accordés à des Français , surtout par des
lois qui sont nécessairement antérieures à l ’émancipation des ca
tholiques en Angleterre , et qui la régissent encore. O r, ce serait
à M. Georges à nous édifier sur ce point, en rapportant les preuves
que sa prétention est fondée, surtout alors que son père était França is, et que sa succession est ouverte en France ; qu’enfin
M . Georges, né en France , est demeuré Français incontestable
ment.
Mais nous avons supposé, en outre, que le père, au moment de
sa mort, avait des biens immeubles en Angleterre; or, c’est une
erreur de fait dans laquelle est enveloppée l ’opinion émise par
M . Dunoyer; ceci nous amène à la seconde proposition.
La succession de M. Onslow a été entièrement mobilisée de son
vivant, quant aux biens d’Angleterre; elle est donc entièrement
régie par les lois françaises.
Nous n avons pas besoin d’accumuler les preuves, pour éta
blir que le mobilier d’une succession est régi par la loi du domi
cile. C ’est un principe incontestable, et, d’ailleurs, fort inutile
a
�( 10 )
à Ja question, puisqu’il est certain, en fait, que les immeubles
d’Angleterre ont été rpndus en totalité, et que le prix en a été
placé en France, du vivant du père. Gela résulte de tous les actes
de famille, et spécialement du partage fait pendant la vie du père,
et par lui-même , entre ses enfans, le n avril 1828.
On voit aisément pourquoi cette vente a été consentie. Les lois
anglaises n’ont pas, comme les nôtres, aboli le droit d’aubaine.
Il y existe encore dans toute sa force, comme l ’indique M. Boissy
d’Anglas, dans son rapport ci-dessus cité. Or, en conservant cette
propriété immobilière, tous les enfans couraient le risque de se
voir exclus. M . Georges était celui qui pouvait en éprouver le plus
grand dommage. Il était donc de son intérêt de la dénaturer, et
d’en transporter le produit en France. C ’est ce qui a été fait.
Ici, on pourrait se faire la question de savoir par qui la vente en
a été faite, par qui le prix en a été reçu. On avait cru, d’abord,
que tout avait été fait par le fils aîné, avec une procuration de son
père. Ce fait demeure incertain. On croit que la vente, négociée
et vraisemblablement consentie par lui en Angleterre, a été signée
à Clermont par le père* sous l ’attestation.de deux notaires, sans
doute par forme d’approbation ou ratification de l’acte. Ces faits
deviennent à peu près indifférons, puisque la vente est constante,
et que le prix, porté à 84o,ooo fr., se retrouve entièrement dans
les mains des enfans, ou dans celles de banquiers français, ou
dans les caisses publiques de France. Toutefois, il est démontré
que tout a été négocié par M . Georges, puisque dans l’acte de par
tage, et dans son testament, le père reconnaît qu’il ne l’a fait que
par son mandataire , et que ce mandataire était M . Georges. Cela
est attesté non-seulement par l’acte de partage, mais encore par la
quittance de M. Auguste, du 7 janvier 1828, ou le fils aîné se dé
clare chargé de Vadministration des biens et affaires du père
commun.
A in si, tous les biens sppt soumis, aux règles établies pariés-
�. ( 11)
lois françaises. Cela seul nous démontre qu’il n’est point du tout
indifférent de savoir si M. Onslow père était Anglais ou Français,
ou, pour mieux dire, s’il était domicilié en France (ce qui ne peut
être contesté), puisque son domicile et sa qualité doivent avoir une
^ ssi grande influence sur sa succession mobilière.
Voudrait-on dire que le fils aine était donataire, par son contrat
de mariage, de la terre de Lillingsfonn, et qu’elle a été'vendue
pour lui? Ce serait une erreur de droit et de fait.
De droit, parce qu’une disposition pareille, faite à un Français ,
ne pouvait pas être valable, dans un pays où le droit d’aubaine
continue de subsister.
De fait, parce qu’on aperçoit très-clairement dans le contrat de
•mariage de M . Georges, q u e , tout en lui donnant la terre par
l ’expression, le père ne lui assurait, par le fa it, qu’un capital
devant produire un revenu net de 20,000 fr. argent de Fiance, et
aussi s’est-il empressé de vendre, et le fils y a-t-il concouru comme
mandataire ou négociant pour le père commun, ce qui le rendrait
désormais non recevable à critiquer l ’aliénation. Or, elle a suffi pour
mobiliser la terre, et soumettre le prix h l ’influence des lois fran
çaises, comme toutes les autres parties de la succession qui sont sur
le territoire français. La troisième proposition se trouve donc éta
blie.
La quatrième est plus facile encore. Elle consiste à dire que le
partage de 1828 n’a pas lié les enfans ni entre e u t , ni envers le
père.
Cela est évident. L e partage que faitlepère de son vivant, est
plus facile à atteindre encore que celui fait par les enfans entre eux,
après 1ouverture d’une succession. Celui-ci n’est attaquable que
pour cause de lésion de plus du quart; et le premier peut être
attaqué s il résulte du partage et des dispositions faites par préciput, que l'iui des copartageans aurait un avantage plus grand
que la loi ne permet (art. 1079 du Code civil). O r, il est évident
�( 12 )
que les dispositions du contrat de mariage et celles du partage,
soit réunies, soit isole'es, font à M . Georges un avantage qui excède
le quart; ¡1 ne peut donc lier les parties; et il le peut d’autant
moins qu’on aperçoit visiblement qu’il a été fait dans le but unique
de faire valoir, par le consentement plus ou moins libre des trfl^
enfans puînés, des dispositions qui ne pouvaient valoir ni comme
donation entre-vifs de biens immeubles, ni comme disposition
testamentaire faite en préciput.
Il doit donc demeurer pour constant, en dernière analyse,'que
tout l ’avantage de M. Georges se réduit à prélever 4.00,000 francs
pour son préciput, si cette somme n’excède pas le quart de la
masse totale, ou à prendre le quart des biens de toute nature, et
sa portion héréditaire sur le surplus, qu’il partagera par égalité,
avec ses trois frères.
L a masse se composera de tout ce qui appartenait à la succession
du père commun; 1°. des immeubles situés en France, et que
M . Georges aura droit néanmoins de retenir, soit comme dona
taire, soit parce qu’ils sont indivisibles; 2°. des sommes déposées
chez de tierces personnes, soit par le père, soit, en son nom,
par le fils aîné, ou tout autre ; 3°. de celles qui ont été reçues par
les enfans, et qui seront rapportées par chacun d’eux. 11 est à ob
server, sur ce point, que M . Georges devra i si on l’exige., le
compte du mandat qu’il avait reçu de son père,' parce que celui-ci
n’a pas pu l’on dispenser, après lui avoir donné toute la quotité
disponible. S’il a reçu des sommes excédant le prix de la terre,
de Lillingslonn, tel qu’il est fixé par la vente à 8.40,000 fr., il en
devra ,1e rapport comme du surplus.
Il est une remarque assez essentielle à faire. L'es sommes reti
rées d ’A ngleterre et placées d’abord chez M . Mcslier à Paris ,
ont été mises en d autres mains. Si cela a été fait du vivant du
père et par ses ordres, tous les enfans en attendront 1 échéance,
quoiqu’ils prétendent que c’est l’ouvrage du fils aîné. Si5 au can"
�C 13 )
traire, celui-ci avait fait ces placemens de son chef, surtout après
la mort de son père, et à longues échéances, comme il le parait,
il devrait en supporter seul les inconvéniens et les prendre a
son lot. Toutefois, M. Auguste lui ayant donné , à ce qu il parait,
une procuration pour ce placement, il ne peut élever aucune
contestation là-dessus; il ne serait pas recevable à s’en plaindre,
surtout dès qu’il recevra sa part héréditaire.
D ’ailleurs, cette procuration ne peut pas non plus êtro opposée
comme moyen approbatif du testament.
Enfin, il suffit d’une dernière réflexion. A u moyen de ce que
nous avons ci-dessus résolu, et du partage à faire suivant les lois
françaises, les deux testamens du père demeurent inutiles et sans
effet.
On n’a pas besoin de prouver que le fils, prélevant le quart des
biens, devra supporter le douaire de la mère commune jusqu’à
concurrence de ce qui ne sera pas couvert par l’usufruit d’un
autre quart. C ’est une proposition qu’il suffit d’énoncer. D ’après
l ’article iog 4 du Code civil, l’époux qui a des enfans peut dis
poser d’un quart en toute propriété et d’un autre quart en usu
fruit seulement. Il est Constant que ce don peut être distribué
entre la veuve et l’enfant précipué, sans que celu i-ci puisse
excéçler le quart, en ce qui le concerne. Ainsi, madame Onslow
prendra son douaire sur l’usufruit du quart des biens que son
mari pouvait lui donner; et si ce quart ne lui suffit pas , le surplus
sera à la charge du fils aîné, parce que son préciput doit suppor
ter tout ce qui excéderait la quotité disponible. Si le quart en usu
fruit excède le douaiie, le reste tombera dans la succession ah
intestat pour être partagé par les quatre enfans. Pour mieux dire,
et pour procéder plus simplement, dans ce dernier cas où le
douaire de la mère n’excéderait pas l’usufiut dont le père pouvait
disposer sur nn second quart des biens, les quatre enfans pren
dront immédiatement leurs portions égales dans les trois quarts
�( *4 )
des biens, et payeront par quart le douaire de la mère, sans égard
pour la distribution qui en avait été faite par le père commun.
L es soussignés pensent avoir résolu, selon les lois et la justice,
toutes les questions qui pouvaient naître des pièces communiquées.
Ils Vont fait avec attention, et après les avoir sérieusement mé
ditées.
'
D é l i b é r é à Riom, le i 6 février i 83o. •
D e VissAc, G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i a n d .
Sur Iarnouvelle observation faite au conseil, que M . Onslow
père avait, dit-on, obtenu du roi d’Angleterre une déclaration ou
ordonnance qui lui conservait ses di'oits et titres comme Anglais,
il regarde celte circonstance comme-tout à fait indifférente quand
elle serait vraie, soit parce que cette faveui accordée par le s o u
verain pourrait seulement préserver M . Onslow des effets du
droit d ’aubaine dans■
certaines suppositions, mais ne pourrait dé
truire en France les effets de la loi du 2 mai 1790; soit parce
que les biens d’Angleterre ayant été V e n d u s , et le prix transporté
en France, les lois d’Angleterre ne le régissent plus, et qu’après
to ut, c’est plutôt une question de domicile qu’autre chose. O r,
sur le domicile, il n’y a pas de difficulté.
D e V i s s a c , G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i a n d .
JLiES JU R ISCO N SU L T ES SO U S S IG N E S , qui ont vu une pré
cédente consultation du iG février i 83o , et un avis de M. Gamier,
du 10 mars suivant, deux consultations délibérées à Paris, dans
l ’intérêt de M . Georges Onslow, le même jour 17 avril i 83o , l’une
signée par M. Delacroix-Frainville, et quatre autres jurisconsul
tes , l’autre par M. Delacroix-Frainville seul, et qui ont revu
les pièces du procès ;
*
�{ i5)
D é c l a r e n t que, Lien loin de les convaincre du droit deM. Georges
Onslow, un nouvel et sérieux examen des questions qui se pré
sentent n’a fait qu’affermir leur première opinion. Toutefois,
comme il peut être nécessaire de quelques explications'sur les re
solutions prises, et que les moyens proposés pour M . Georges
Onslow peuvent exiger quelques réponses, le conseil croit devoir
reprendre la discussion sous une nouvelle forme, et résumer les
questions du procès.
L a première des consultations délibérées à Paris, et qui porte
cinq signatures fort respectables sans doute, établit deux propo
sitions principales :
i
i
L ’une, que M . Edouard Onslow est décédé sujet du roi d’An
gleterre, et que sa succession est régie par les lois anglaises , sauf
les immeubles situés en France;
• Et de là on tire la conséquence qu’il a valablement donné sa terre
d e L ü l’ingstonn à son fils aîné, sans qu’il y aitlieu h retranchement
pour Ja légitime ; q u e , même réduite à une somme d’argent par
la vente faite depuis la donation contractuelle, cette terre n’a pas
cessé d’appartenir au donataire , qui1a seul droit d’en réclamer le
prix.
‘
L a seconde position consiste à dire que M . Onslow, fût-il Fran
çais , le prix de la terre de Lillingstonn appartiendrait encore à
M . Georges, son fils aîné; et cela, parun principe de garantie tiré
de son contrat de mariage.
••••-•- 1(j ■1 <
Nous allons parcourir les preuves qu’on donne de ces deux pro
positions ; et nous ne craignons pas de dire qu’elles nous parais
sent se renverser d’elles-mêmes.
G est bien vainement qu’on prétend , sous la loi du 2 mai. 1790,
attacher la qualité de Français à la nécessité du serment civique ;
tout y résiste, la lettre comme l ’esprit de la l o i , et les principes*
généraux de la matière.
La loi est claire, positive, absolue : elle ne présente aucune am-
�( id )
biguïté. Nous pourrions dire que la construction de l ’article ne per
met pas d’hésitation ; il semble que les mots y sont rangés tout ex
près pour montrer que le serment civique n’est pas nécessaire pour
devenir Français.
« Toiis ceux qui, nés hors du royaume de parens étrangers ,
» sont établis en France, seront réputés Français et a d m i s , enpré» tant le serment civique, à l ’ e x e r c i c e d e s d r o i t s d e c i t o y e n
» a c t i f , après cinq ans de domicile dans le royaume , s’ils o n t ,
» en outre, acquis des immeubles, ou épousé une Française.»
Il était impossible de s’exprimer plus clairement. Ces mots : En
prêtant le serment civique, pouvaient être placés de manière à
prêter à l’amphibologie, par exemple, s’ils, eussent été mis après
ceux-ci : Citoyen actif. On semble avoir médité la manière qui
produirait un sens plus clair, plus décisif; et en les plaçant, par
une coupure de phrase , entre ces expressions , admis.... à l'exer
cice, e t c ., on a dit aussi positivement que possible, que tout étran
ger habitant en France serait réputé Français, s’il y avait résidé
cinq ans, et si, de plug, il y avait acquis des immeubles, ou épousé
une Française ; et qu’il serait, en outre, admis à l’exercice des
droits de citoyen actif, si à ces conditions il ajoutait celle de prê
ter le serment civique. L e titre de la loi suffirait h lui [seul pour le
démontrer:
« Loi concernant les conditions requises pour être réputé Fran» cais, et admis, en prêtant le serment civique , à l ’exercice des
»> droits de citoyen. »
Cela ne demande ni ne supporte de paraphrase.
A u reste, nous n’avons point erré dans les citations que nous
avons faites de la jurisprudence. Nous n’avons pas dit que l ’arrêt
M a c - M a h o n eût jugé la question ; mais nous avons invoqué l’auto
rité de M. Merlin, qui ne laisse pas que d’être fort grave, quoique
l ’arrêt ne l ’ait pas expressément consacrée, et qui l ’est d’autant
plus , dans l’espèce , qu’elle a été adoptée parla cour de cassation,
dans 1 affaire du prince d TIénin.
�(
17
)
Il est très-vrai que la Cour royale de Paris s’était bornée à décla
rer que la qualité de Français dans la personne du prince d Hénin
résultait de tous les actes de sa vie publique et privée; mais la Cour
de cassation s’est expliquée davantage.
Devant elle , on soutenait que l’arrêt avait violé les lois ancien
nes et celle de 1790,
i°. Parce q u e , sous les anciennes lois, on 11e pouvait devenir
Français que par des lettres de naturalisation , ou par la déclaration
qu’exigeait l’édit du 3o novembre 1716. O r, on ne rapportait ni
l ’un ni l’autre.
2°. Parce q u e , sous la loi du 2 mai 1790 , il fallait le serment ci
vique; et, pour trouver cette nécessité dans la loi, on invoquait ,
comme aujourd’h u i, la constitution de 1791 et les lois postérieures,
qui le disent assez nettement.
O r, la Cour de cassation , en examinant ce moyen, déclare « qu’il
» suffit que le prince d’IIénin ait résidé plus de cinq années en
» France , et qu’il ait épousé une Française, pour être réputé Fran» ça is, aux termes de la loi de 1790 ; que dès lors il importe peu
V qu il ait rempli toutes les formalités voulues par les lois anté& Heures et postérieures à celle de 1790, sous laquelle la qualité
» de Français lui a été irrévocablement acquise. » On ne peut rien
dire de plus clair. L a lo i, la doctrine de M . Merlin , et un arrêt, de
la Cour de cassation aussi formel, en vôih\, sans doute , plus qu’il
n’en faut pour convaincre.
D ’ailleurs , il est évident que si le serment civique eût été né
cessaire , d’après la loi de 1790, rien ne pouvait le suppléer dans
cette espèce; et la Cour le disait nettement, en affranchissant
de toutes formalités voulues par les lois antérieures et posté
rieures. C était dire assez que l’exigence du serment civique ,
qui résulte de la constitution de (7 9 1, n’ôte rien aux droits acquis
sous la loi de 1790, et que l’article 3 de la constitution n’est point
interprétatif de cette lo i, mais établit un droit nouveau.
3
�( >8 )
Au reste, la Cour de Paris vient de donner, en matière électorale,
un nouvel exemple de la doctrine qu’elle avait adoptée dans l ’af
faire du prince d’IIénin, que la qualité de Français pouvait résulter,sous la loi de 1790, de l’ensemble des actes de la vie. Le 19
juin i 83o, elle a jugé, dans l ’affaire du sieur Morlighem, que,
sans avoir prêté le serment civique, il devait être reconnu Fran
çais, pour être venu en France en 1777, pour y avoir épousé une
Française, ctj* avoir acquis des propriétés. La Gazette des tri
bunaux du 20 juin, qui rapporte cet arrêt, ajoute qu’il avait
payé les contributions, satisfait à l'emprunt fo r c é , et obtenu une
décoration dans la garde nationale. Ces circonstances ne sont
qu’accessoires; et nous verrons que toutes se rencontrent dans la
position de M. Edouard Onslow. Les actes de sa vie témoignent
plus hautement que dans ces espèces sa qualité de Français.
La jurisprudence est donc évidente sur le sens de la loi de 1790,
d’ailleurs assez claire par elle-même. Quand il s’agirait ici des
droits de M. Onslow, comme Français, il faudrait les reconnaître;
mais nous devons aller plus loin; il ne s’agit quqderses obigations;,
et, en cela surtout, la loi est tout à fait en harmonie avec les principes.
Il y a une grande différence entre les droits du citoyen actif
qu’on peut accorder à un étranger, et les obligations qu’on peut
lui imposer, par suite de sa résidence en France. Les prérogatives
sont établies en sa faveur;.on ne peut pas exiger qu’il en u s e , il
faut qu’il les réclame, et qu’il remplisse les conditions auxquelles la
loi en a attaché l’exercice. Les obligations, au contraire, lui sont
imposées de droit, et par la force même de la loi, non pour son
propre avantage , mais dans l ’intérêt de l’état et de la famille avec
laquelle il contracte des engagemens. Ce ne sont pas là des abs
tractions sur lesquelles puisse s’étaLlir une douteuse controverse;
ce sont des principes du droit public.
11 est, en effet, de l’intérêt de l’état que celui qui acquiert e*
possède des biens en France ne puisse pas çn disposer autrement.
�( ‘9 )
que suivant les lois du pays ; que celui qui y épouse une Française,
après une résidence assez longue pour faire présumer sa volonté
de s’y fixer, ne soit pas considéié comme étranger, et que la
femme qui s’unit à lui ne soit pds trompée dans la confiance que
lui inspirent des faits publics et patens , qui lui ont fait penser
que les lois de son pays seraient toujours les siennes. L e législateur
a dû s’occuper de ces grands intérêts : cinq ans de résidence, des
acquisitions d’immeubles, et un mariage avec une Française, voilà
plus de faits qu’il n’en faut pour qu’un étranger d’origine soit sou
mis aux obligations du Français envers l’état; et aussi la loi de 1790
en a consacré les conséquences, en réputant Français celui en qui
ces conditions se rencontrent, Français de droit, même malgré lui,
parce qu’il s’agit de scs obligations, et que ce ne sont pas ses seuls
intérêts qu’on envisage.
Ce sont donc, d’après la loi, deux choses grandement différentes
que d être réputé Français, quant aux obligations que ce titre im
pose, et à quelques avantages qui en résultent naturellement;
et d être admis à l'exercice des droits de citoyen actif. Or, n’impor
tent les définitions données par les lois postérieures et par le Code
civil lui-même, qui ne s’occupe de la qualité de Français que sous
le rapportde la jouissance ou de la privation des droits civils; la loi
de 1790 les avaient distingués parfaitement par l ’expression, et
c’est elle qui nous régit.
Ce que nous avons dit s’applique parfaitement aux faits du procès.
Il ne s agit pas de savoir si M. Edouard Onslow pourra être admis
a 1 exercice des droits civils, s’il pourra être appelé à des fonctions
publiques, voter comme électeur, etc.; il s’agit de décider si, par
1 ensemble des actes de sa vie privée, par sa résidence, son mariage
et ses acquisitions en France, il s’y est assez naturalisé pour que sa
succession soit soumise aux lois françaises, et pour que ses enfans,
tous Français, doivent la partager conformément aux lois du pays.
On l ’a senti parfaitement dans la consultation du 17 avril. On y
soutient :
3*
�( 20 )
i°. Q u ’il n’a manifesté par aucun fait, par aucun acte, l'intention
d’abdiquer sa patrie; que c c s t comme étranger qu'il a épouse une
Française , en 1780, comme étranger qu’il a acquis des immeubles
en France;
2°. Que la loi anglaise y aurai^mis obstacle, parce que, dans ce
pays, les sujets ne peuvent jamais être déliés envers le souverain,
du serment d’allégeance;
5°. Que non-seulement M. Onslow n’a pas songé à s’en faire
délier, en prêtant serment de fidélité au gouvernement français,
mais qu’il a sans cesse conservé l ’esprit de retour dans sa patrie,
et que cela est démontré par deux circonstances impérieuses;
l ’u n e , que, considéré comme sujet d’Angleterre, il fut mis hors
de France par arrêté du directoire; l’autre que, rentré en 1798,
il ne revint en France qu’avec une autorisation du roi Georges. Ces
deux pièces, dit-on, démentent hautement la qualité de Français.
E x am inons ces argum ens et sur le fa it, et sur le droit.
i°. Sur le fait :
L e conseil ne connaît pas les deux pièces dont on parle; et la
consultation de Paris ne lui démontre pas qu’elles aient été com
muniquées aux jurisconsultes qui l’ont délibérée. On peut les avoir
seulement mentionnées dans le mémoire. Dans tous les cas, rien ne
nous conduit à leur supposer les effets que leur attribue la consul
tation; et nous pouvons d’autant moins les leur reconnaître, qu’on,
a tiré du contrat de mariage des conséquences toutes contraires à
celles qui en naissent; en telle sorte qu’il est encore fort douteux
pour nous que les jurisconsultes de Paris aient eu sous les yeux le
contrat de mariage du père.
C ’est, en effet, une proposition pour le moins extraordinaire
que celle qui s’applique à la qualité d’étranger tirée du contrat de
mariage. C 'est comme étranger, dit*on, qu'il a épousé une Fran
çaise en 1783^ fit cet acte témoigne qu’il a conservé l'esprit de re
tour.
,
�(
21
)
D ans la précédente c o nsu ltatio n , nous avons re nd u com pte de
quelques stipulations de ce contrat. E lles sont lo in de fou rnir celle
preuve.
Et d’abord, M. Onslow n’y prend pas la qualité d étranger,
d’ Anglais; il aurait pu le faire sans conséquence, puisqu’il *^1était
par sa naissance; mais il évite avec soin cette qualification pour
lui-même, pendant que son père la prend.
» Furent présens ,
» Très-honorable Georges lord Onslow, pair du royaume d’An» gleterre, lo rd , lie u te n a n t, e tc .; et sous son autorité M ila d y ....... .
»
»
»
»
son épouse, demeurant ordinairement à Londres; et, sous l’autorité de l ’un et de Taulre, l'honorable M . Edouard Onslow,
mineur, leur fils puîné, résidant actuellement à Clermont, en
Auvergne, et tous étant aujourd’hui à Paris, etc., etc. »
Assurément, il n’y a rien, dans cette déclaration de qualités,
qui pût annoncer à M"* de Bourdeille , future épouse, que
M . Onslow se mariât comme étranger, et qu’elle dût procliaine*ment le suivre en Angleterre, et se soumettre aux lois et à la re
ligion d un pays où on refusait aux catholiques toute espèce de
droit et de participation aux affaires publiques. Cela ne se conce
vrait pas, alors que, catholique elle-même, elle n’avait diAi rece
voir du souverain Pontife l’autorisation d’épouser un protestant
que sous la condition, d’élever ses enfans dans sa religion : il y
a donc erreur dans la consultation du 17 avril, si elle a fait résulter
la qualité d’étranger de celles qui sont prises en tête du contrat de
mariage.
Résulterait-elle des autres parties de l’acte ?
Ce ne sera certainement pas des trois clauses successives où, en
constituant au futur une dot en argent, payable plusieurs années
après, on 1 oblige à la réaliser en achats de terres ou autres im
meubles situés en France: nous en avons déjà rendu compte, et
tiré les conséquences dans la précédente consultation.
�( 22 )
Ce sera bien moins encore dans la clause relative à la constitu
tion de dot de M lle de Bourdeille. Elle lui conserve la faculté de
vendre ses biens; mais il est ajouté, comme condition prohibitive,
quelle ne le pourra qu’avec le concours et consentement du futur
époux, et enfaisant emploi en fonds certain, ex France.
A in s i, bien loin de se marier comme étranger , M. Onslow se
présente comme Français ou voulant le devenir; et il obtient la
main d’une fille de famille noble , en souffrant la condition qu’il ne
pourra jamais transporter hors de France les biens de son épouse ,
ni par conséquent, son épouse et les enfans du mariage , ce qui
demeure bien , pour le moins , sous-entendu. N ’est-ce pas là une
preuve icrésistible qu’il voulait être Français, se naturaliser en
France? et n’est-il pas évident que le mariage a été contracté sous
la foi de cette promesse , d’ailleurs si constamment et si fidèlement
exécutée!
Nous examinerons plus tard celte objection tirée du droit, que
la loi anglaise y aurait mis obstacle. Quant à présent, restons sur
le fait.
On dit que c’est comme sujet de l ’Angleterre que M. Edouard
Onslow fut mis hors de France par arrêté du directoire, et qu’il a
manifesté l ’esprit de retour, en n’y rentrant qu’avec l’autorisation
de son souverain.
Si :ces deux faits pouvaient être de quelque importance, M .
Georges Onslow aurait à les prouver par le rapport des pièces. Jus
que-là , ils ne seraient que de vaines allégations. O r , non-&eulement ils ne sont pas justifiés, mais la position de M . Onslow père,
à l’égard de son pays natal, demeure tout à fait incertaine. Nous
ignorons quel motif le lui a fait quitter, quel motif l’a empêché d’y
remettre le pied depuis sa sortie; mais cela seul, avec son établissementen France, suffiraitpour constater sa volonté d’yêtre naturalisé.
Mais, outre que ces deux faits allégués sont tout à fait invrai
semblables , los circonstances notoires dans le département du
�( 25 )
Puy-de-Dôme ne permettent pas de leur donner le moindre crédit.
Tout le monde s a it, dans ce pays, que la sortie d e M . Onslow,
en 1797 , fut occasionée par un mouvement politique , auquel il
prit une part trop active , et non parce qu’il était né en Angleterre.
Lo gouvernement fort rigoureux de 1792 et 179^ l’y avait souffert
sans la moindre difficulté pendant la guerre, dans les temps les plus
orageux. Il avait été respecté dans sa personne et dans ses proprié
tés , comme tout Français , sans qu’on parût s’inquiéter de son ori
gine; et le directoire n’aurait pas eu de motif de l ’expulser en 1797*
s’il n’y eût pas donné lieu, en participant à quelquesévénemens de
cette époque.
=
C ’est encore un faitnotoire dans ce département, que M. Onslow»
en quittant le territoire français , ne se retira pas en Angleterre.
Ij’opinion générale est qu’il n’y est plus retourné depuis son éta
blissement en France. Singulier esprit de retour! Après son ma
riage , après ses acquisitions d’immeubles en France, il y a passé
sa vie dans le sein de sa nouvelle famille; il y a élevé ses enfans
comme des Français , et dans la religion catholique ; il y a , comme
le sieur Morlighem, payé ses contributions , et satisfait à l ’emprunt
forcé. Il a fait plus : après quarante ans d’uné résidence non inter
rompue , le dernier acte de sa vie a été de vendre tous scs biens
d Angleterre , et d’en transporter le prix en France. Enfin , il y a
terminé sa carrière, sans jamais en avoir quitté le s o l, si ce n’est
dans un moment de trouble , et pour y revenir immédiatement. E t
il n était pas Français ! et il n’avait jamais voulu l ’être ! et il avait
conserve 1esprit de retour ! Sa vie toute entière atteste que celte
assertion est une erreur.
Nous pourrions parler de certains souvenirs desquels il résulte
rait qu il a exerce des droits civils, ou même rempli des fonctions
publiques dans ce département. Mais il faut s’en tenir aux faits
constans , d autant que ceux-là sont inutiles , pu’isqu il ne s’agit
pas, nous le répétons , de rechercher si M . Onslow p e u t exercer
�( >4 )
aujourd’hui des droits politiques, niais seulement s’il était Français,
et si sa succession est régie par les lois françaises.
Quoique ce soit là une vérité démontrée par tout ce que nous
venons de dire , n’oublions pas l ’objection tirée du droit, que les
lois d’Angleterre se seraient opposées à celte naturalisation. Ou
puise la preüve de cette assertion dans Blackstone, qui dit que
tout Anglais est lié envers son prince dès le moment de sa nais
sance ; que son éloignement ne le délie pas envers le souverain ,
quand bien même il aurait prêté serment de fidélité à un autre.
Cette doctrine de Blackstone , qui peut être très-vraie, tient à
un principe purement politique, tout à fait indépendant de la ques
tion de naturalisation. Passe qu’en prêtant serment de fidélité au
roi de France, un Anglais ne soit pas délié de celui qu’il a prêté
au roi d’Angleterre, qu’il ne puisse pas porter les armes contre
l u i , e tc., en sera-t-il moins Français , moins sujet aux obligations
civiles d’un Français ? Qui donc en doute? Ce ne sont pas les con
seils de M . Georges Onslow; ils font dépendre la naturalisation de
son père de la prestation de serment civique. Il importerait donc
très-peut s’il l ’eût fait, qu’il fût demeuré lié envers le roi d’A n
gleterre par un serment d’allégeance il ne serait pas moins natu
ralisé Français. O r , nous avons prouvé que le serment civique était,
dans l’espèce , absolument inutile.
L a consultation dit ‘encore que nos précédentes résolutions con
duiraient à penser « que M . Onslow «tait h la fois Français et An» glaisj pour Anglais, dit-elle, cela est évident: pour Français ,
v rien ne Ictablil. »
Nous croyons, au contraire, avoir bien établi qu’il était Fran
çais, et pat la force de la lo i , et par sa volonté; et rien ne nous
fait entrevoir cet esprit de retour vers l’Angleterre , avec lequel on
veut faire obstacle à sa naturalisation ; mais cette observation prouve
que le système que nous combattons est fondé sur une confusion
de qualités et de droits qui disparaît devant-les véritables principes
du droit public.
�( 2$ )
' •
.
Ouvrons le Code diplomatique des aubaines de M . Gaschon; il
nous servira de guide sur ces règles qui.lient les nations entr elles.
Dans le chapitre 8, il examine si l’on peut être sujet d-e deux
souverains, cl il dit, page 79 :
« La jouissance des droits civils , quoique ordinairement inhe» rente à la qualité de citoyen ou de sujet, n’en forme cependant
» pas un caractère distinctif, puisque souvent elle en est séparée.
« De là, il faut tirer la conséquence que le même individu peut
>> jouir dans deux endroits diflerens des droits civils , sans être ,
/) pour cela, sujet de deux souverains. »
11 poursuit, et, appliquant ce principe à l’Angleterre , il dit que
l’individu né dans ce royaume ne perd jamais sa qualité d’Anglais
( c ’est la doctrine de Blackstonc), « quelque chose qu'il fasse ,
» quelque résolution qu’il prenne, vint-il même à s'expatrier, il
m la conserve toujours j toujours il jouit en Angleterre des droits
» qui y sont attachés, pourvu que cette jouissance ne nuise pas aux
» d.i'ûits des tiers , ou qu’il n’en ait pas été privé par l'effet de cer» taines condamnations. De là , cet état de choses extrêmement
>> singulier..... L e même individu est,, en même temps, Anglais et
» Français, ou Anglais et Espagnol, etc..... M m , qui n’aperçoit
» pas que la loi anglaise repose sur un principe d’intérêt ou decon» àervation qu’on ne remarque qû’en Angleterre ?......Elle a un but;
» et ce but se rattache à des considérations d’une très-haute poli» tique. »
On peut lire tout ce chapitre et le suivant, dans lequel M . Gaschon examine comment on perd la qualité de sujet; et on y verra
développé avec une assez grande élévation de pensées, cette dis
tinction de la qualité d’Anglais ou de Français avec la q u a l i t é de
sujet de tel ou tel* souverain, qui explique ce qu’a v o u l u dire
Blactstone, à raison du serment de fidélité. Il n’y a évidemment
aucune conséquence à en tirer pour la question qui nous occupe ;
car nous répéterons sans cesse q u ’i l s’agit ici des droits ou des oblih
�ç.
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( 26 )
gâtions civiles de M. Onslow, comme Français, et non de la ques
tion purement politique de savoir s’il a été délié envers le roi d’Anv
gletcrre de son serment d’allégeance.
Au reste, ces principes sont ceux du Code civil. Qu'on médite
les articles 3 , 7 , 9 et i 5 , et on les y retrouvera dans toute leur
intégrité; ils admettent clairement qu’on peut être sujet du roi
d’Angleterre, et cependant exercer des droits civils en France,
par le seul domicile autorisé du gouvernement. Les différences de
cette législation avec la loi de 1790 ne touchent absolument rien
au principe.
L e conseil ne doute donc pas q u e , soit par la force de la loi ,
soit par la force des faits émanés de lui-même , et par une volonté
constante, M. Onslow n’ait été naturalisé et ne soi:, mort Fran
çais , et que sa succession ne soit régie par les lois françaises. .
Nous ne nous sommes pas trompés en disant qu’après tout c ’est
une' véritable question de domicile. On en est presque d’accord
avec nous; mais on veut que ce domicile soit demeuré celui d ’An
gleterre. Il est évident que non, par tout ce que nous venons de
dire, ne fût-ce que par l’arlicle i 3 du Code civil. L i succession
mobilière de M. Onslow est donc régie par les lois françaises.
Et dès lors , puisqu’il a mobilisé toute sa fortune de son vivant,
qu’il l’a totalement transportée en France, il n’a pu en disposer ,
et ses enfans, Français comme lui , et bien plus encore que lui ,
n’ont pu la recueillir que conformément aux lois françaises.
Nous arrivons à la seconde proposition, celle qui consiste à dire
qu’à supposer que M . Onslow fût Français, son fils aîné ne serait
pas moins saisi de toute la valeur de la terre de Lillingstonn pai'
un principe de garantie résultant de son contrat.de mariage. Il la
lui aurait valablement donnée, dit-on; et pour l’avoii vendue luimême et en avoir reçu le prix, il devrait le restituer au véritable
propriétaire, sans qu’il pût en naître ùn droit de légitime, au pro
fit des autres enfans.
�( à? )
Ici, M . Georges Onslow a tout à prouver, et.il ne prouve rien;
et ses frères, qui ne sont tenus d’aucune preuve, prouvent tout
contre lui.
'
En supposant que M. Onslow père eût disposé nettement et sans
condition de ses biens d’Angleterre au profit de M*Georges Onslow,
celui-ci aurait h prouver que, d’après lés lois anglaises, son père
aurait pu faire cette disposition, sans que le donataire fût assujetti
à la.légitime de ses frères et sœurs.
Il aurait à prouver, en second lieu, que lu i, Georges Onslow,
constamment étranger à l ’Angleterre, puisqu’il est né et demeure
Français, serait apte à la recueillir , quoique professant la religion
catholique.
Sur la première de ces propositions, on ne trouve absolument
rien dans les consultations de Paris. Il eût été nécessaire cepen
dant de citer des lois ou des autorités graves, pour établir cette
doctrine si contraire à nos usages et à notre législation.
•Blackstone ne dit rien de positif à ce sujet. Seulement, on voit
quelques principes généraux indiqués dans divers chapitres du
5e volume.
Au chapitre 14 (du titre de la possession des biens par des
cendance), après avoir fait la distinction des biens tenus en fief
d’avec ceux tenus en roture, et parlé d'une manière assez vague
des droits de primogéniture, il ajoute, à la page 28, que les terres
en roture, qui, dans le principe, « descendaient fréquemment à
» tous les fils également.... sont presque toutes tombées dans le
» droit de primogéniture, excepté dans le‘ comté de K e n t, où l'on
» se gloçifie de la conservation de la tenure en gavelkind, dont
» 1 objet principal est de réunir tous les enfans dans l ’héritage. Il
» n y a môme d’exception que dans quelques manoirs particuliers,
» ou les coutumes locales varient en appelant quelquefois le plus
» jeune des fils, et quelquefois un adtre à sa succession, »
Cette première citation ne s’applique qu’à la transmission des
�Mens à titre successif; mais elle démontre que, même sous ce
rapport, les droits de successibilité varient suivant les lieux , et ne
sont pas en Angleterre aussi exclusifs qu’on le prétend sans le
prouver.
A u reste, arrivant à la transmission des biens par disposition
entre-vifs, que Blackstone indique au chapitre ig , par ces termes :
du titre par aliénation, il explique nettement que « la loi.........
s> permet à tout homme de vendre et disposer comme iWeut des
» terres qu’il a achetées, et non pas de celles qui lui ont été trans» mises p a r ses ancêtres . . ». Il est vrai, cependant, que la liberté
» de vendre les acquêts était aussi limitée dans certains points,
» car le vendeur ne pouvait pas plus déshériter. totalement ses
» en/ans, qu’il ne pouvait disposer de son patrimoine;.. . . mais
» la liberté de disposer entièrement de toutes ses possessions lui
» était laissée, s i, au préalable , il avait acheté pour lui et pour
» ses en/ans assez de biens pour former leur héritage. Il fallait,
» de plus, que ses acquisitions eussent clé faites au nom de ses
» enfans comme au sien , sans quoi il n avait pas le pouvoir d ’ a» liéner au delà de la quatrième partie de lhéritage qu'il avait
» reçu de ses ancêtres, sans le consentement exprès de son hé» ritier. »
Cela est fort clair, et nous, démontre que les lois anglaises
n’ont pas, comme on le prétend, méconnu les droits de la nature;
qu’elles réservent une légitime aux enfans, et que cette légitime,
réduite toutefois, aux biens de patrimoine, est des trois quarts
de la succession. Tenons donc pour certain-que M . Onslow père,
eût-il été Anglais, et sa terre de Lillingstonn n’eût-ell.e pas été
vendue* à sa mort, il eût dû en réserver les trois quails à ses en
fans, s il n’eût acheté pour eux et en leur nom assez de biens
pour former leur héritage.
In d é p e n d a m m e n t de cette nécessité q u i s’a p p liq u a it au p è re *
u n m o tif de prQ hibilion pouvait encore se trouver dans la per-
�C 29 )
sonne du fils. Etranger, né d’une Fiançaise, lui-meme établi eil
France, catholique enfin", élait-il apte à recueillir des biens im
meubles en Angleterre 2 C ’est une question qui tient encore a la
connaissance particulière des lois anglaises; et on ne prouve pas
qu’il le pût. O r, jusque-là il ne pourrait pas l’obtenir, surtout
par l’autorité des tribunaux français.
On cite bien, à la vérité’, dans la consultation un passage de
Blackstonc, qui suppose que la règle générale- à ce sujet reçoit
exception en faveur des enfariS nés hors du royaume, 'dont le
père était Anglais de naissance, à moins que le père ne fût ac
cusé ou banni, ou au service de quelque puissance ennemie de
la Grande-Bretagne. Mais, d’une part, cela n’est pas appliqué par
Blackstonc aux catholiques; de l’autre, ce qu’on ajoute de l’avis
d’un jurisconsulte anglais qu’on avait sous les yeux, et duquel il
résulte qu’un acte de Georges III,‘ en 1760, le leur applique ex
pressément, 11’est point une preuve suffisante contre cette règle
générale, qui déclare les étrangers, et surtout les catholiques,
incapables de posséder ou d’hériter des immeubles en Angleterre.
Au reste, s i, contre la règle générale, on voulait faire valoir
des'exceptions, il faudrait prouver qu’on peut les invoquer.enlièrement; et pour cela , il faudrait connaître la situation person
nelle de M. Onslow à l ’égard de son souverain primitif. La seule
circonstance qu’une fois sorti d’Angleterre, il n’y est plus revenu,
suffit pour démontrer sa volonté de lui demeurer étranger, et
faire présumer que ni lui, ni ses enfans ne sont dans les cas
d exception admis par les lois anglaises.
Les soussignés regardent donc comme impossible, dans l’état
d e s choses, de faire admettre par les tribunaux français ni l’une
ni 1 autre des deux propositions principales de la c o n s u l t a t i o n d é
Paris; quant aux trois questions secondaires, elles ne sont que le
développement des deux premières, et ne d e m a n d e n t pas de ré
futation spéciale. Nous nous sommes s u f f i s a m m e n t expliquas sue
�( 5o )
tous ccs poinls dans notre précédent avis. Il est donc tout à fait
inutile d’entrer dans l’examen des conséquences, qu’un autre ju
risconsulte a déterminées par chiffres, à la suite de la consultation.
Il nous reste un dernier point, c’est la proposition que nous
avions émise, que M . Georges Onslow, prenant part aux Liens
de France, ne pourrait, dans tous les cas, échapper au rapport
fictif des biens qu’il aurait reçus en Angleterre, quand bien même
la terre n’aurait pas été mobilisée. Elle a été réfutée par la seconde
consultation de M. Delacroix-Frainville seul. Sans nous demander
pourquoi cette consultation, datée du même jour que la première,
n’est signée que d’un seul des cinq jurisconsultes qui avaient signé
celle-ci, examinons-en l’argumeYit. Il est tout à fait renfermé dans
ce système de M. Dunoycr, qu’il faut voir autant de successions
qu'il y a de lois différentes , comme autrefois dans les diverses
coutumes du royaume, qui établissaient des préciputs différens.
L o r s q u ’on raisonne uniquement par analogie, on s’expose à ne
pas rester dans l’exactitude des règles. En matière de principes et
de leur application, il faut s’attacher, avant tout, aux arguméns
directs, et n ’appeler les analogies que comme auxiliaires. On juge
plus facilement alors si elles sont exactes. C ’est donc sur les prin
cipes qu’il faut spécialement nous fixer. Nous les trouvons suffi
samment développés dans le Traité des successions de Lebrun, et
dans lés Commentaires d eFerrière, sur les articles 17 et 298 de
la Coutume de Paris.
Remarquons, avant tout, qu’il faut distinguer deux causes dif
férentes, qui ont pu faire agiter des questions touchant la légitime;
1 ”. les droits de primogéniture, ou les préciputs diversement éta
blis par les anciennes coutumes; 2°. les dispositions en avantage
que pouvaient faire les.père pt mère,
La première de ces causes tenait essentiellement au système
féodal; c ’est ce qui résulte, soit de l ’article 17 de la Coutume de
Paris, soit de la (Joctrine de tous les auteurs, soit mênie de l ’es*
�(Si)
sence des choses; et*, eñ cela, les lo i s d’Angleterre y sont tout à
fait semblables; les prérogatives qu’elles accordent à la primogéniture de'pendent tout à fait de ce système. On peut s’en con
vaincre par toute la doctrine, et même par la partie historique
des commentaires de Blackstone , spécialement aux chapitres des
francs-fiefs.
Partout ce système consistaitprincipalement à attribuer à l’ainé
des mâles les fiefs nobles , ou le manoir avec une certaine quantité
de terres, ou des choses semblables; et partout aussi on lui accor
dait le droit de le conserver intégralement au préjudice des autres
cnfans; mais il fallait saisir les conséquences de ce principe, et
c ’est là que les variations de doctrine et de jurisprudence se sont
établies , les uns pensant que le préciput coutumier ne pouvait
pas être sujet à la légitime, et les autres croya-nt qu’il la devait
comme le surplus des biens.
Ces différences d’opinion provenaient d’une certaine confusion
dans les idées. Il était convenable que la matière même du pré
ciput ne dût pas être diminuée par la légitime; le système féodal
et l’ordre politique des états pouvaient l ’exiger là où on tendait à
conserver les grandes propriétés, comme cela existe encore en
Angleterre ; mais le droit sacré de légitime ne disparaissait pas pour
cela. S’il n’y avait pas d’autres biens pour la fournir, l’enfant pre
cipuo par la loi ne pouvait retenir l ’intégralité du préciput qu’en
fournissant en argent la légitime de ses cohéritiers. D ’aillears,
qu’il y eût ou non d'autres biens pour fournir la légitime, le fief
entrait dans l’estimation de la masse, en sorte que, par cette réu
nion dernoyens, le préciput servait à la computation de la légitime,
et qu’il la fournissait, à défaut d’autres biens, sauf le droit de l’en
fant précipué de reteñirla totalitéde l’immeuble, e n remboursant
en argent la légitime de ses cohéritiers. On peut voir Ferrière, nos 5 ,
5 et G de la glose sur l ’article 17, et cet article lui-même, qui est
clair fct précis.
•'
�( 32 )
C ’est encore ce que déclare formellement Lebrun, Traite des
successions, 1. 2, ch. 3 , section 7, n° 24: « La trébellianique, la
» falcidie, noq plus que la légitime, ne doivent point se prendre
»' sur ces fiefs royaux........... ?Cependant, lorsque l’aînc qui pos» sède ces fiefs ne peut récompenser ses puînés en autres terres
» ni en argent, ces fiefs peuvent être divisés pour leur légitime;
» ce que nous avons expliqué au sujet de. la succession des fiefs ,
» où nous avons montré, dans la section 2, que celte prérogative
» de l’indivisibilité des hautes seigneuries souffrait cette exception,
» parce qu’elle n’augmente pas le droit de l’aîné, mais lui donne
» seulement lieu de conserve^ son fief en entier, en récompen» iant ses puînés, ' »
1
Ainsi, voilà le principe fort clairement posé, même dans les
temps où les droits de primogéniture étaient admis avec le plus
d’extension, parce que la légitime est, dans tous les cas, et a été ,
dans tous les temps, une dette sacrée de la nature.
On peut encore voir Lebrun, ch. 2, sect. i re, sur la Succession
des fiefs j au n" 25 et suivans. Il y explique parfaitement cette
doctrine, et examine la question sôus un point de vue tout à fait
analogue au cas présenté des légitimes dans divers coutumes. Il
demande si une succession ouverte dans le ressort de la Coutume de
Paris, se composant d’un seul manoir, ce manoir se partagera comme
fief, en telle sorte que, pour la fixation de la légitime, il faille
appliquer à la fois l’art. 17 relatif au droit d’aînesse, et l’art. 298
relatif aux dispositions du père sur les autres biens qui ne sont pas
frappés par ce droit exhorbitant. Il décide que non, et reconnaît
rju’en oe cas la prérogative de l’aîné se réduit à un partage féodal,
où les puînés doivent trouver leur légitime, « qui est préférée au
» droit d’aînesse comme plus ancienne, et ayant son fondement
V dans la nature, dont les lois ne peuvent être abolies parles dis» positions du droit civil: »
En examinant quelle doit être la quotité de la légitime, et s’il
�( 53 )
faut prendre pour règle générale le droit romain ou la Coutume
de Paris, Ferrière dit bien, sur l’article 298, que la légitime doit
se régler suivant les coutumes des lieux où les biens sont situés;
mais cela n’est autre chose que l ’image de ce qu’il dit sur le re
tranchement des fiefs, c ’est-à-dire, que, dans chaque situation,
ces biens ne peuvent être effectivement retranchés pour la légi
time que jusqu’à concurrence de la quotité réglée par les lois de
leur situation; mais cette décision n’cmpêche pas que là, comme
dans le cas du préciput légal, il n’y ait qu’une seule légitime , prise
ou supportée sur la niasse de tous les biens, desquels, cependant,
le précipué ne peut être dépossédé que jusqu’à concurrence de
ce que prescrit la loi de chaque situation, sauf récompense envers
les autres. La raison en est qu’il ne peut y avoir qu’une seule suc
cession, qu’un àeul domicile du défunt, et qu’un seul lieu d’ou
verture tic cette succession; qu’enfin, avant de répartir la légi
time sur les diverses natures de biens, il faut la composer sur
une masse unique qui se forme de toutes lès propriétés du défunt,
sans exception.
Nous persistons donc dans la .résolution que nous avons prise
dans la précédente consultation. Ce que nous y avions exprimé
comme principe reçoit sa sanction de la plus pure doctrine des
auteurs. Nous ne répéterons pas ce que nous y avons déjà dit.
Mais, en vérité, on s’étonne de voir élever cette question dans
les circonstances où elle se présente. M. Onslow, fût-il Anglais,
n’était pas moins marié et domicilié en France depuis près de
cinquante ans. Sa succession y est ouverte; elle doit se partager
suivant le Code civil qui règle la réserve des enfans, et auquel
aucun d. eux ne peut se soustraire. Cela ne peut être effacé ni par
les lois anglaises, ni par un acte de donation passé en France sous
1 empire du Code civil; car il faut bien rem arquer que c est d une
donation qu’il s’agit, et non d’un préciput, d’un droit exclusif qui
serait accordé par les lois anglaises, sur une terre non vendue
au moment de 1& mort du père.
5
�( 34)
C ’est ici que les fails particuliers nous amènent à résumer la
question clans les termes les plus simples.
Le père, il est vrai, avait donné celte terre à son fils aîné,
par son contrat de mariage; mais, indépendamment de la question
de savoir s’il pouvait le faire d’une manière absolue, et sans au
cune condition de légitime envers ses autres enfans, il s’était ré
servé de le réduire par des dispositions à un revenu do vingt mille
francs de France, ou 4 oo,ooo fr. de capital. O r, qu’a-t-il fait? Il
a vendu la terre, il en a reçu le prix, et l ’a transporté en France,
où il fait partie de sa fortune mobilière; les lois anglaises demeu
rent donc sans force et sans application sur ses biens. Nous n’avons
pas à examiner si la donation assurée restait pour 4oo,ooo francs
en immeubles, ou seulement en argent. La terre une fois vendue,
il ne s’agit plus que du prix. O r, dès que le père ne s’était défini
t i v e m e n t l i é que pour une valeur de 400,000 fr., nous regardons
comme incontestable qu’en dénaturant sa fortune, et en achevant
de la transporter en France, il l ’a volontairement soumise aux
lois françaises, en telle sorte que le fils aîné, soit directement
comme donataire , soit indirectement par un principe de garantie,
ne peut rien prétendre au delà des 400,000 fr ., ou de sa portion
héréditaire, joint le quart en préciput. La garantie, en effet, ne
produirait que des dommages-intérêts, et ils ne peuvent consister
que dans la perle qu’éprouve le fils. O r, sa perte provenant d’un
fait du père qui s’était réservé de Je réduire à une valeur de
20,000 francs de rente, ne peut produire de dommages-intérêts
que pour le capital de ces 20,000 fr., c ’est-à-dire ¿{00,000 fr. La
garantie ne peut aller plus loin que ce à quoi le père était défini
tivement oblige.
Ne doutons pas, d’ailleurs, d’après les dispositions manifestées
par M. Onslow, dans tous les actes de famille qu’il a faits pendant
les dernières années de sa vîc, que quelques motifs particuliers,
qu’on dissimule, et qui pouvaient naître, soit de la législation an
�(55)
glaise, soit de sa situation personnelle ou de celle de son fils,
comme Français et catholique, à l’égard du roi d’Angleterre, n aient
forcé la vente de Lillingslonn. Il nous est fort permis de penser
que si M. Georges Onslow eût été apte à en profiter en Angle
terre, sans réduction de la légitime , le père l ’eût laissée en nature
dans sa succession. Il a donc vu qu’il n’y parviendrait pas au moyen
de#la législation anglaise; mais il s’est abusé, s'il a cru obtenir ce
résultat en aliénant la terre. Domicilié en France, et marié depuis
1783, naturalisé par la loi d e '1790, devenu tout à fait étranger
à 1 Angleterre, mort en France avec des immeubles situés dans ce
pays et une succession d’ailleurs toute mobilière, il l’a laissée
nécessairement soumise au Code civil qui la régit sans la moindre
exception. Telle est, en définitif, la ferme opinion des soussignés.
Cela posé, il n’y a pas le moindre doute que les enfans puînés,
avec des droits aussi certains, et dont la quotité seule est contes
tée, ne soient fondés à demander une provision, et ne doivent
1 obtenir sans difficulté contre le fils aîné, qui jouit de tous les
biens, et qui a dans les mains la disposition de capitaux consi
dérables appartenant à la succession.
D
élibéré
à R io m , le 27 juillet i 83o.
D e V i s s à c , G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i à n d .
J adopte entièrement la consultation ci-dessus.
G a r n ier.
L ’avocat soussigné, qui a été appelé à prendre part aux délibé
rations qui ont préparé la consultation ci-dessus, en adopte entiè
rement toutes les solutions.
Fait à Clermont, le i 3 août i 83o.
H . C o n c i i o n , avocat.
J adhéré aux résolutions qui précèdent.
Paris, c e 1 6 d é c e m b r e i 83o.
B e r r y e r fils.
�( 5G )
, y
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a revu sa consultation du
i g janvier dernier, lu le contrat de mariage de M . Georges Onslow
et le partage de famille qu’il n’avait pas lors de son premier travail,
après avoir obtenu sur les faits des renseignemens différons de ceux
contenus dans une note précédente , et médité la consultation du
16 février dernier, délibérée par MM. Allemand, Godemel , de
Vissac et Tailhand,
Partage, à une légère différence près, l ’opinion de ces juriscon
sultes , et son sentiment produira un résultat identique avec le leur.
C ’est désormais un point hors de doute que M. Onslow père a
cté natural/sé Français par l'effet de la loi du 2 mai 1790, et qu’iL
est mort en possession de ce titre.
^ Mais cela n’empêchait q u e, d’après les lois anglaises, M. Onslow
11c fût toujours Anglais , en Angleterre. Blacks.tonc, dans son Com^
mentairc sur la législation de la Grande-Bretagne, dit qu’un Anglais
d’origine ne peut, lors même qu’il le voudrait (à l’exception d’un
cas qui ne se rencontre pas), cesser de l'être, ni se dégager de l’o
béissance et des devoirs envers son souverain. Ainsi, il peut être
tout à la fois Anglais et Français : cela tient à la différence des lé
gislations, à l’indcpendance des nations, d’après laquelle chacune
règle la condition des personnes qui habitent son territoire, suivant
scs besoins et sa politique, sans s’occuper de ce qu’il plaît à la na
tion voisine de statuer , et sans pouvoir , d’ailleurs , l ’on empêcher.
Cela conduit à reconnaître qu’en obtenant de S. M. Britannique
la déclaration qu’il était resté Anglais, M. Onslow n’a rien ajouté
à scs droits , ni changé sa position; il n’a fait que faire déclarer ce
que les lois anglaises disaient positivement. C ’est un surcroît de
précaution assc* inutile.
Blackstone dit aussi que le fils d ’un Anglais d’origine est Anglais,
quoique né en pays étranger, à moins que ce fils n’ait embrassé la
religion, catholique. On peut yoir.sur cela le Coxle diploniatiqua
�(57)
des aubaines, par M. Gaschon, et l ’ouvrage de M. .Daligny , par
lui cité.
M. Georges a été élevé dans la religion catholique; par consé
quent il est Français, non-sculemert par les lois françaises , mais
encore suivant celles de la Grande-Bretagne.
O r, Blackstone dit encore que les étrangers ne pouvaient ac
quérir en Angleterre aucun immeuble, qu’ils ne pouvaient deve
nir propriétaires que de choses mobilières, et cela, par des raisons
politiques qu’il expliquc.Donc,ladonationdelaterredeLillingslonn,
contenue dans le contrat de mariage , était nulle. Si M . Onslow
le père l ’eût encore possédée à l’époque de sa m ort, ni M. Geor
ges , ni ses frères n’auraient pu la recueillir; elle eût été dévolue
aux autres parens anglais, ou au fisc d’Angleterre.
Vainement objecterait-on que la terre ayant été vendue , le prix
a dû en appartenir à M . Georges , en vertu du principe que nous
venons de rappeler, qui permet aux étrangers d’acquérir des ob
jets mobiliers; car la donation de 1808 étant nulle, le prix de la
vente était, comme la chose même , la propriété de M . Onslow
père. Pour que son père pût faire paraître sa prétention spécieuse ,
il faudrait au moins que son fils lui eût fait, avant de transporter
le prix en France, une nouvelle donation spéciale de ce prix, ce
qui n’a pas eu lieu.
Nous ne partageons pas l’opinion émise dans la consultation, que
le père n’a donné à M . Georges , en le mariant, que 20,000 fr. de
rente : il lui a donné la terre toute entière. C ’est la disposition
principale. Accessoirement, il s’est réservé de disposer de l ’excé
dant de 20,000 fr. de rente sur cette même terre, mais en déclarant
que ce dont il n’aurait pas disposé appartiendrait à soù fils. Si donc
la terre valait 85o,ooo fr ., et qu’il n’eût disposé que de i 5o,ooo f. ,
le fils aîné tiendrait 700,000 fr. de la stipulation du contrat de
mariage. Cela est conforme A l ’article 1086 du Code civil, qui dé*
krogc à la règle générale de l’article g/fG.
�(58)
Mais il ne s'agit pas d’interprcter les clauses du contrat de ma
riage; il s’agit seulement d’en examiner la validité et l ’effet in
trinsèque.
O r , nous croyons avoir démontré que la donation d’immeubles
situés en Angleterre, faite à un particulier qui, d’après les lois
anglaises elles-mêmes, n’a jamais été Anglais, est frappé d’une
nullité radicale.
Supposons néanmoins le contraire.
Les immeubles ont été vendus du vivant du père, parle fils aîné,
comme son mandataire.
Peut-on dire que, par une sorte de remplacement, de subroga
tion , le prix provenant des immeubles d’Angleterre s’est trouvé
substitué à ces immeubles, à participer de la même nature ?
Mais , pour qu’il y eût lieu à l ’examen de celte objection , il fau
drait au moins que le fait matériel fût certain, et que l ’identité en
tre le prix touché en Angleterre et les sommes ou créances dépen
dantes de la succession fussent bien constatées, comme si dans les
actes de prêt ou de placement il était dit qu’elles provenaient de la
vente des propriétés; et il se peut qu’elles aient été dissipées.
Mais rien de semblable ne paraît exister. Peut-être les actes de
placement portent-ils que M . Onslow père est usufruitier, et
M. Georges un propriétaire; mais, encore une fois, celle énon
ciation nctablirail point l’identité. On pourrait tout au plus admet
tre que le père a fait au fils une donation avec réserve d’usufruit,
q u i , d’après l’article 918 du Code c iv il, se réduit <\ la portion disEnfin, lors même que l ’identité serait bien clairement établie
(ce qui paraît au conseil soussigné être impossible), cela ne
servirait en rien. Eu effet, l’acte de partage énonce qu’indépen
damment du prix de la terre de Lillingslonn , M. Onslow père a
touché 20,000 liv» sterling, ou 5oo,ooo f. argent de France, qui lui
avaient été constitués en dot, et qui devaient être au moins en par-
�( 39 )
lie employés en acquisition d’immeubles en France. Ces 5oo,ooo fr.
ayant toujours été mobiliers dans les mains de M . Onslow pere ,
doivent être incontestablement régis par la loi française. Il en doit
être de même de la terre de Chalendrat et de la maison de Clermont. Ainsi, sur i , i 55,ooo fr. dont se compose la succession, il
y en a 700,000 qui évidemment sont soumis à notre législation. O r ,
de deux choses l’une : ou M. Georges renoncera purement et sim
plement Ji la succession, et alors les 700,000 fr. appartiendront cl
ses trois frères; ou il viendra à parlage, et alors, comme au mo
ment de l’ouverture de la succession la valeur représentative des
objets donnés se trouvait en France , il faudrait nécessairement
qu’il se contentât de l’avantage du quart et rapportât le surplus, aux
termes de l ’article 918. On peut dire en outre que lors même que
les immeubles donnés seraient encore la propriété de la famille
Onslow, le frère aîné serait oblige, s’il voulait prendre part aux
biens de France, de rapporter fictivement ce qui des biens d’A n
gleterre excéderait le quarl. Nous croyons que c’est là une consé
quence fort juste de l’article 2 de la loi du i/j juillet 1819.
Il est évident que les testamens ni le partage fait en famille ne
peuvent apporter le moindre obstacle à l’application de ces princi
pes ; la loi 11e permettait pas au père qui avait quatre enfans de don
ner plus du quart de sa fortune à l ’un d’eux. Quelle que soit la
voie qu’il ait prise , ou l’acte qu’il ait imaginé pour obtenir un ré
sultat contraire, il n’a pu éluder la disposition légale à l’exccution
de laquelle tous ces actes doivent être ramenés.
Nous partageons encore l’opinion de M M . les jurisconsultes de
Riorn sur la manière dont le douaire de la mère doit être acquitte:
le mari pouvait donner à celle-ci le quart do sa fortune en pleine
propriété, et un autre quart en usufruit. Il a pu r e p a r t i r cette
portion disponible entre elle et son fils. Comme le douaire est la
première donation, s’il formait la moitié du revenu de la succes
sion , le fils aurait un quart en nue propriété. S ’il ne fortne que le
�C 4o >
quart, il ne le supportera pas comme donataire , mais seulement
comme héritier, c’est-à-dire , qu’il commencera par prendre son
quart en pleine propriété , et que le douaire sera assis sur les trois
autres quarts ; chacun des enfans payera 3,ooo fr.
D
élibéré
à Paris, ce iomars i 83o.
S ig n é
G a iin ie r .
SOUSSIGNÉ , qui a pris lecture, i°. des consultations déli
bérées à Riom les 16 février et 27 juillet 1800 , dans l’intérêt des
trois fils puînés de M. Edouard Onslow; 2°. des consultations
délibérées à Paris le 17 avril de la même année, et à Riom le
1" août i 85 i , dans l'intérêt de M. Georges Onslow, leur frère
L
e
aîné ;
Consulté spécialement sur la question de savoir par quelles lois
estrégie la succession mobilière de M . Edouard Onslow , père com
mun des parties, décédé à Clcrmont-Ferrand, département du Puyde-Dôme, en 1829,
E s t d ’ a v i s que cette succession est régie par les lois françaises,
et ne peut être régie que par elles; sauf à examiner ensuite (ce
qu’il ne peut faire quant à présent, faute des pièces qui lui seraient
nécessaires à cet effet) si, dans la masse des objets mobiliers dont
elle se compose, il s’en trouve ou non qui doivent, respective
ment aux parties, être considérées fictivement comme des immeu
bles régis parles lois anglaises.
Les faits, non contestés ou non susceptibles de contradiction ,
sur lesquels repose cet avis , sont simples et faciles à saisir.
M. Edouard Onslow, 11c en Angleterre, et fils puîné d’un pèro
protestant de ce royaume, avait, jeune encore et d’accord avec sa
famille , quitté son pays natal pour s’établir en France.
Il y épousa, en 1780, la D u‘ dc Bourdeillc, Française; et le con-
�(4 0
trat de mariage qui précéda la cérémonie nuplialc constate trois faits
importans : Je premier, qu’il demeurait dès lois a Clermont en
Auvergne ; le second , qu’il avait tellement abdiqué tout esprit de
retour en Angleterre , et que ses père et mère , en adhérant à celte
détermination, la regardaient comme tellement constante,que ceuxci , en lui constituant à titre d’apport une somme de 20,000 livres
sterling, s’obligèrent solidairement de réaliser la moitié de ce ca
pital en achat de terres ou autres immeubles en France, dans deux
années , à compter du jour de la célébration du mariage ; le troi
sième, que les parens de son épouse et son épouse elle-même
comptaient tellement sur cette même détermination, qu’ils stipulè
rent expressément que les biens par elle apportés en dot ne pour
raient être aliénés par elle , même du consentement de son mari,
que moyennant remploi en fonds certains situés en France.
Effectivement , M. Edouard Onlow ne remit plus le pied en
Angleterre; et non-seulement il continua jusqu’à sa mort, arrivée
en 1829, d’habiter le département du Puy-de-Dôme avec sa femme
et ses enfans; non-seulement il y fit des acquisitions en immeu
bles , sans en faire aucune ailleurs; non-seulement ce fut en France
qu’il employa la légitime qui lui était advenue par la mort de ses
père et m ère, à l’exception d’une somme qu’il employa en Angle
terre sur le trois pour cent consolidé; mais dès l’aurore de la révo
lution qui avait éclaté l’année précédente, il s’était empressé de
prendre rang dans la garde nationale qui s’était spontanément for
mée à Clermont-Ferrand, et de se dévouer par serment, comme le
constate un procès verbal de la mairie de cette ville , du 27 décem
bre 1789, à la défense de la constitution dont l ’assemblée consti
tuante venait de poser les bases essentielles ; et s’il n’est pas encore
prouvé qu'il eût exercé des droits politiques en France im m éd iate
ment après la publication de la loi du 3o avril-2 mai 1790 1 ^ Ie
sera du moins, en cas de dénégation, qu’il avait été appelé, en 1an 5,
aux fonctions d’électeur, et qu’il les avait remplies ; il l ’est même
6
�( 42 )
déjà, par des pièces mises sous les yeux du soussigné, qu’il avait
été compris, en fructidor an i 3 , dans la liste des cinq cent qua
rante p l u s imposés du département du Fuy-de-Dôme, qui devaient,
d’après l’article 25 du Senatus-consulte du 16 thermidor an 1 1 , for
mer le collège électoral de ce département.
Cependant il lui était échu en Angleterre, depuis son mariage,
une succession collatérale composée des terres de Lillingstonn et
de Cbarlestown ; et en mariant son fils aîné , le 18 juillet 1808, il
lui avait donné par préciput la nue propriété de ces terres, en s’en
réservant l’usufruit, et sous la condition qu’il resterait maître d’en
disposer jusqu’à concurrence de ce qui excéderait la somme
de 20,000 fr. de revenu évalué au denier vingt.
Mais depuis, et par un acte passé à Londres, le 21 juin 1824,
que ses fils puînés n’ont encore pu se faire représenter, et dont ils
ne connaissent que le résultat matériel, il avait vendu ces mêmes
terres moyennant la somme de 840,000 fr., qu’il avait placée à Paris
tant en rentes sur l’état qu’en obligations de particuliers.
D e tous ces faits non contestés ou à l’abri de toute contestation
sérieuse, naissent deux questions : l’une principale, si c’est par les
lois françaises qu’est régie la succession mobilière de M . Edouard
Onslow, ou si elle l ’est par les lois anglaises ; l’autre, subsidiaire,
si du moins les lois anglaises ne doivent pas seules régir ceux des
biens mobiliers de la succession de M. Edouard Onslow qui pro
viennent du prix de la vente des terres de Lillingstonn et de Charlestown.
L e soussigné ne peut, comme il l’a déjà dit, s’expliquer ici sur
laseconde de ces questions, parce qu’il ignore quelle parta prise à
la vente qui l’a fait naître le sieur Onslow, sans le consentement
et le concours duquel il est évident qu’elle n’a pu avoir lieu ; mais
il n’hésite pas à se prononcer sur la première , et à dire qu’en gé
néral la succession mobilière de M. Edouard Onslow n’est et ne
peut être régie que par les lois françaises.
�( 43 )
M. Georges Onslow convient lui-même que les lois françaises
doivent seules régir la succession du père commun des parties,
quant aux immeubles qui s’y trouvent en nature; et pourquoi?
parce que c’est en France que ces immeubles existent, et qu ils
ne peuvent y exister que sous l’empire des lois françaises.
Mais n’est-ce pas aussi sous l’empire des lois françaises qu exis
taient, à sa mort, les biens meubles qui dépendent de celte suc
cession ! Non-seulement c’était enFrancu qu ils existaient tous ou
presque tous de fa it à cette époque , niais il était impossible, si le
défunt avait son domicile en France, quils existassent ailleurs de
droit ; car c’est un principe généralement reconnu que les proprié
tés mobilières suivent la personne et sont censées n’avoir pas d au
tre situation que celle de sou domicile. O r, c était bien certaine
ment en France que M . Edouard Onslow était domicilié lors de
son décès, puisque c’était à Clermont-Ferrand, ville française,
qu’il avait son -principal établissement, puisque c était dans cette
ville qu’il avait fixé le siège de toutes scs affaires; en un mot, puis
que sa demeure dans celte ville réunissait toutes les circonstances
au concours desquelles la loi 7, C. de incolis, attache le caractère de
domicile proprement dit : in eo loco (ce sont les termes de cette loi)
singulos haberedomiciliumnon ambigitur, ubi quislarem rerumque
ac Jortunarum summam constituit ; undh rursiis non sit discessurus , si nihil avocet ; undh cùm profectus est peregrinari videtur ;
quo si rediit, peregrinari jam destitit. Donc , nul doute que toutes
les propriétés mobilières de M . Edouard Onslow ne dussent être
considérées comme ayant élé situées en France au moment de son
décès ; donc, nul doute qu’elles n’aient été régies en ce moment
par les lois françaises.
M. Georges Onslow ne peut méconnaître ces deux c o n s é q u e n c e s
(sur lesquelles, d’ailleurs, nous reviendronsci-apres), qu en niant
lu n e des bases sur lesquelles elles reposent; q u en niant que
son père est mort domicilié en F rance ; et c’est précisément ce
6*
�( 44 )
qu’il fait ; mais comment justifie-t-il sa de'ne'gation l Le voici :
Mon pore, dit-il, était né Anglais, et il est décédé sujet du roi'
d’Angleterre. Il n a donc pu résider en France que comme étran
ger; o r , un étranger peut-il, à son gré et par son seul fa it, par sa
seule volonté , imprimer au séjour plus ou moins prolongé qu’il lui
plaît de faire en France le caractère d’un véritable domicile l Non,
il ne le peut, d’après l’article i 3 du Code c iv il, qu’avec l’autorisa- j
tion du gouvernement français
et cette autorisation , jamais
M. Edouard Onslow ne l’a obtenue, ni même sollicitée. M. Edouard
Onslow a donc conservé en France son domicile d’origine; c ’est
donc en Angleterre que sont censées'avoir existe , au moment de
sa mort, les propriétés mobilières qu’il a laissées en France; c ’est
donc parles lois anglaises que ses propriétés doivent être régies.
Mais toute cette argumentation va s’évanouir devant la doublepreuve que M. Edouard Onslow est mort Français , et que, quand
même il eût conservé jusqu’à son décès sa qualité originaire d’Anglais, il n’en aurait pas moins acquis en France un véritable domicile,
sans que l’art. i 5 du Code civil y eût apporté le moindre obstaclePREMIERE PROPOSITION.
il/. Edouard Onslow, quoique né sujet du roi d'Angleterre , était
devenu Français long-temps avant sa mort, et il n’ en a jamais
perdu la qualité.
Il
y avait déjà beaucoup plus de cinq ans que M. Edoua/d
Onslow était établi en France et y avait contracté avec une Fran
çaise un mariage dont il était né plusieurs enfans, lorsqu’est sur
venue la loi du 3o avril-2 mai 1790, par laquelle ont été déclarésFrançais tous les étrangers qui, ayant alors cinq années de domi
cile continu en France, avaient épousé une Française, ou y avaient,
soit acquis des immeubles, soit formé un établissement de corn-
�( 45 )
merce. M . Edouard Onslow était donc, de plein droit, devenu
Français par l'effet de cette loi ; il en a donc conservé la qualité jus
qu'à sa mort, à moins qu’on ne prouve, ce qui, dans le fait, est
impossible , qu’il l ’eût perdue par l’une des causes que determine
1article 17 du Code civil, lequel n’est à cet égard que lécho de
l’article 6 du litre 2 de la constitution du 3 septembre 1791 , de
I article 7 de la constitution du 5 fructidor an 5 , et de l ’article 4
de la constitution du 22 frimaire an 8 , c ’est-à-dire, soit par la
naturalisation acquise en pays étranger , soit par l'acceptation non
autorisée par le gouvernement étranger, de fonctions publiques
conférées par le gouvernement français , soit enfin par un établis*
sentent fa it en pays étranger , sans esprit de retour.
On oppose à cela plusieurs objections ; mais il n’en est aucune
qui puisse soutenir le choc d’une discussion sérieuse.
Première objection. La naturalisation est un contrat entre le gou
vernement qui adopte, et l ’étranger adopté. Ce contrat, comme
tous les autres, exige un consentement réciproque, et ce consen
tement ne peut résulter que d’actes positifs. O r , on ne peut citer
aucun acte par lequel M . Edouard Onslow ait réclamé et accepté
le bénéfice de naturalisation qui lui était accordé par la loi de 1790.
II n'est donc pas devenu Français par l’effet de cette loi.
D eu x réponses.
i°. L a naturalisation peut sans doute s’élablir par un contrat
positif, résultant de la demande que fait l’étranger de cette faveur,
et de la concession que lui en fait le souverain. Mais elle peut aussi
s’établir par la seule puissance de la loi, et sans l’assentiment ex
près de l’étranger. Le souverain, par cela seul qu’il est souverain,
peut dire : J e v e u x q u e t o u s c e u x q u i h a b i t e n t m e s é t a t s s o i e n t
c i t o y e n s ; et une fois qu’il l ’a dit, nul n’a le droit de lui répondre :
J e n e v e u x p a s ê t r e c i t o y e n , q u o iq u e ] h a b i t e v o s é t a t s . C est ainsi
que , par un édit rapporté dans la loi 17 , D . d e s t a t u h o m i n u m ,
l ’empereur Anlonin accorda aux habitans de toutes les parties de
�( 46 )
son vaste empire la qualité de citoyens romains , qui jusqu’alors
avait été réservée aux habitans de l'Italie, et plus anciennement
à ceux de Rome ; et que la loi du 5 .ventôse an 5 (dérogeant à l’ar
ticle 5 de celle du 9 vendemiaire an 4 > par laquelle la qualité
de citoyen français était restreinte , dans la Belgique , aux habitans
des communes qui avaient voté, en 1793, leur réunion à la France),
déclara citoyens français indistinctement, et sans qu’ils l ’eussent
demandé, sans s’enquérir de leur acceptation, tous les habitans
des communes de la Belgique dont la souveraineté n’était dévolue
à la France que par droit de conquête.
Il aurait donc été bien au pouvoir de l’assemblée constituante
de dire, le 5o avril 1790 : « Je déclare Français tous les étrangers
» qui sont actuellement domiciliés en France , n’importe qu’ils
» ne le soient que depuis peu, ou qu’ils le soient depuis plusieurs
» années. Je les laisse libres de se faire ou de ne se faire pas ad» mettre à l ’exercice des droits politiques attachés à cette qualité,
» en prêtant le serment requis à cet effet; mais qu’ils s’y fassent
•> admettre ou non, qu’ils prêtent le serment requis à cet effet,
» ou qu’ils ne le prêtentpas, ils n’en seront pas moins Français,
» comme le sont tous ceux qui, nés en France, ne prêtent pas cé
» serment; comme le sont tous ceux qui, nés en France, se trou» vent, par l’effet de la non-prestation de ce serment, exclus de
» l ’exercice de droits de citoyens actifs. »
Sans doute, si en disposant de la sorte, si en déclarant ainsi
règnicoles de plein droit, tous les étrangers sans distinction qui
résidaient alors en France , la loi de 1790 les eût mis dans l’impuis
sance d’en refuser la qualité, elle aurait fait un grand abus du po\ivoir législatif; elle se serait souillée, à leur égard, d’un vice de
rétroactivité inexcusable; elle les eût privés, malgré eux, des droits
qui leur étaient acquis à la qualité de citoyens ou sujets de leur
pays; et il y a évidemment rétroactivité, selon les principes de
tous les temps Ct de tous les lieux, renouvelés par l’arl. 2 du
�( 47 )
Code civil, là où des droits précédemment acquis sont violes; il
n’y en a même à proprement parler que là (1).
Mais elle ne serait pas sortie de la sphère légitime du pouvoir
législatif; elle n’aurait pas rétroagi dans le sens de 1 article 2 du
Code civil, si, en leur conférant la qualité de règnicoles , sans
qu’ils l'eussent demandée, elle ne leur eût pas ôté la faculte
de répudier celte qualité , en sortant du territoire français ; elle
n’aurait fait, en les plaçant dans l’alternative de sortir immédiate
ment du territoire français, ou d’accepter la naturalisation qu elle
leur conférait, que s en remettre à leur volonté sur le choix entre
l ’acceptation de la nouvelle qualité dont elle eût voulu les investir,
et la conservation de celle de citoyen ou sujet de leur pays natal;
et de là même il résulte qu’ils auraient nécessairement été censés
opter pour la première, et renoncer à la seconde, par cela seul
qu’ils auraient continué leur domicile en France. C ’est la consé
quence irrésistible de. la combinaison de deux principes également
incontestables : l’u n , que le souverain d’un pays, par cela seul qu’il
en est souverain, a le droit d’empêcher qu’un étranger ne s’y éta
blisse, comme celui d’en faire sortir ceux qui y sont déjà établis,
et par suite de régler les conditions sous lesquelles il lui convient
de leur permettre, soit d’y former, soit d’y continuer des établissemens (2); l’autre, qu’en fixant ou continuant leur domicile
dans un pays qui n’est pas le leur, les étrangers acceptent virtuel
lement les conditions sous lesquelles la loi de ce pays les autorise
à l ’y fixer ou continuer.
A insi, dans l’hypothèse à la discussion de laquelle nous nous li-
( 1 ) Voyez le Répertoire de jurisprudence, aux mots Effet rétroactif , sect. 3 ,
§ 1 " , n° 3.
(a) Voyez le Droit des gens de Vatel, § 3ao; et le Répertoire de jurispru-,
dcnce, aux mots Effet rétroactif \section 3, § 3, art. 3.
�( 43)
vrons ici surabondamment, quand môme M. Edouard Onslow n’eût
été, lors de la publication de la loi de 1790, domicilié en Franco
que depuis peu de temps, il aurait suffi qu’à la suite immédiate
de cette publication, il ne fût pas sorti du territoire, ou du moins
n’eût pas manifesté authentiquement le dessein d’en sortir le plus
tôt possible, pour qu’il devînt Français de plein droit.
2°. Nous sommes fort loin de cette hypothèse; il ne s’agit pas
ici d’une naturalisation imposée, plutôt qu’accordée à des indivi
dus qui, non-seulement ne l’eussent pas demandée expressément,
mais même n’eussent rien fait qui permît de leur en supposer
l ’envie. La loi de 1790 n’a pas naturalisé indistinctement tous les
étrangers q u i, au moment de sa publication, avaient en France un
domicile quelconque ; elle n'a accordé ce bienfait qu’à ceux d’entr’eux dont le domicile en France comptait déjà au moins cinq
années révolues, et qui ayaient, en outre, ou épousé une Française,
ou acquis des immeubles, ou formé des établissemens de comu
merce, ou obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville ;
et pourquoi le leur a-t-elle accordé? parce qu’elle a trouvé dans
les faits matériels et positifs que signalait la position dans laquelle
ils s’étaient eux-mêmes placés en France, des signes non équivo
ques d’une intention bien marquée de s’associer aux destinées de
la nation française; parce qu’elle a présumé, d’après ces faits, qu’iis
aspiraient à devenir Français’; parce qu’elle a considéré ces faits
comme équipollens à une demande tacite en naturalisation. Elle n’a
donc fait, en déclarant qu’ils étaient réputés Français , qu’adhérer
à un vœu qu’elle présumait elle-même être au fond de leur cœur.
Mais dès là , il est clair que leur naturalisation s’est trouvée com
plète, du moment où a été promulguée la loi qui la leur conférait
sur leur demande présumée par elle, et qu’ils n’ont pas eu besoin
de l ’accepter expressément pour lui donner tout son effet à leur
égard, comme il n’est pas besoin pour la perfection d’un contrat
formé par le concours des volontés des deux parties contractantes,
�( 49 )
qu’après l ’adhésion donnée par l ’une à la proposition mise en avant
par l’autre, celle ci accepte l’adhésion qu’y a donnée celle-là.
Sans doute, si M. Edouard Onslow, à la vue de la loi qui le natu
ralisait sur la-seule présomption formée par elle , d'après la position
dans laquelle il s’était placé en France depuis plus de cinq ans, de
sa volonté de devenir Français, eût trouvé qu’elle avait mal inter
prété ses intentions, et s’il eût voulu conserver, à l’égard de la France,
sa qualité d'Anglais, il aurait pu le faire ; car il est de principe que
les présomptions admises par la loi, doivent céder à des preuves
contraires, à moins que la loi elle-même n’en dispose autrement.
Mais comment aurait-il dû s’y prendre pour cela? de deux manières
seulement.il aurait fallu, ou qu’immédiatement après la publication
de la loi, il eût protesté devant la municipalité de son domicile,
qu’il n’avait pas entendu, par l ’établissement qu’il avait forme en
France, et par le mariage qu’il y avait contracté, abdiquer sa
qualité d’Anglais, ou qu’il eût fait sur-le-champ ses dispositions
pour retourner en Angleterre, et qu’il eût quitté la France sans
esprit de retour. C ’étaient là les seuls moyens qu’il eût de faire
cesser la présomption q u i, dans l’esprit de la l o i , le faisait réputer Français; car il est de principe, comme le dit textuellement
un arrêt de la cour de cassation , du 5 janvier 1810 , sections réu
nies, que, si une présomption de droit peut être détruite par la
preuve positive d'un fa it contraire à celui qu elle suppose, elle ne
peut du moins pas l'être par des présomptions non autorisées par
la loi et purement arbitraires (1).
Or, M . Edouard Onslow n’a employé ni l ’un ni l ’autre de ces
moyens pour conserver en France sa qualité d’Anglais. Il a donc
reconnu que la loi de 1790 avait fait une juste interprétation de
( 1 ) Questions de dro it, au mot Douanes, § 1 2 . Voyez aussi M. Touiller, t. 1 0 ,
pag. 89 .
7,
�( 5o )
la volonté qu’il avail cue en s’établissant dans le royaume , et en
y épousant une Française, de devenir Français.
Et dans le fait, il n’aurait pas pu agir autrement; il n’aurait pas
pu surtout transporter sa femme en Angleterre, et la rendre An
glaise, sans manquer aux engagemens qu’il avait implicitement
pris envers elle et ses parens, par son contrat de mariage.
C ’est trop peu dire : il n’aurait pas pu prendre ce parti, sans*se
mettre en contradiction avec lui-même; car il n’avait pas attendu
que la loi de 1790 le réputât Français pour se regarder et agir
comme tel. Déjà, et dès le 27 décembre 178g, il avait, comme
nous l’avons annoncé plus haut, prété individuellement et en qua
lité de garde national,* entre les mains des officiers municipaux de’
Clermont-Ferrand, le serment de soutenir la constitution et les
décrets de l'assemblée nationale.
Du reste, c ’est bien inutilement qu’au texte de la loi de *790,
et à la preuve irréfragable du fait que M. Edouard Onslow a cons
tamment reconnu jusqu’à sa mort qu’elle lui était applicable} on
vient objecter q u e , d’après la jurisprudence de son pays natal r
1 allégeance, c ’est-à-dire, la fidélité qu’il devait à son souverain na
turel, le niellait dans l’impuissance de se faire naturaliser en pays;
étranger, sans la permission de celui-ci.
La jurisprudence anglaise n'offre, à cet égard, rien de particu
lier; elle n’est que le corollaire d’un principe de tous les temps,
et commun à tous les pays, comme le disait Louis X IV , dans le
préambule de son édit du mois d’août 1GG9, relatif à Immigration,
que « les liens de la naissance qui attachent les sujets naturels à
» leur souverain et à leur patrie, sont les plus étroits et les plus
» indissolubles de la société civile; que l’obligation du service
» que chacun leur doit, est profondément gravée dans le cœur
» des nations les moins policées , et qu’elle est universellement
» reconnue comme le premier et le plus indispensable des devoina
,y de l’homme. »
�( 5i )
A insi, il y a , pour la naturalisation d un Français en Angleterre,
le même obstacle que pour la naturalisation d un Anglais en France ,
il n’est pas plus permis à un Frarçais d’obtenir 1une sans 1autori
sation de son gouvernement, qu’il ne l’est à un Anglais d obtenir
l’autre sans l ’autorisation du gouvernement britanniqueMais tout ce qui résulte d e là , c’est que si, au mépris des lois
politiques de leur patrie respective, un Français et un Anglais se
font naturaliser, l’un en Angleterre, sans l’autorisation du roi des
Français, l’autre en France, sans l’autorisation du roi d'Angle
terre, ils s’exposent tous deux, en cas qu’ils reparaissent chacun
dans sa patrie originaire, à y être poursuivis comme coupables
de félonie; et c’est h quoi a pourvu, pour ce qui concerne la
France, le décret impérial du 2G août 1811.
Faire un pas de plus et aller jusqu’à dire que la naturalisation
de l’un et de l’autre sera nulle et comme non avenue par rapport
au pays^dont le gouvernement l ’aura accordée, en sorte que le
Français, quoique naturalisé en Angleterre, y soit toujours con
sidéré comme Français, et que l’Anglais, quoique naturalisé en
France, y soit toujours considéré comme Anglais , ce serait subal- .
terner la souveraineté française à la souveraineté britannique, et
la souveraineté britannique à la souveraineté française ; ce serait
méconnaître les premiers principes du droit des gens.
Aussi est il de notoriété universelle qu’une foule d’Anglais na
turalisés en France sans l’autorisation du gouvernement britanni
que , y ont constamment été et y sont encore traités en tous points
comme Français, et que c’est notamment par la loi française que
sont régies leurs successions mobilières.
Deuxième objection. La loi du 3o avril-2 mai 1790, n’accorde
la naturalisation aux étrangers dont elle s’occupe, que sous la
condition de prêter le serinent civique. O r, il n’existe aucune
preuve qu’Edouard Onslow ait jamais prêté le s e r m e n t civique en
France. II n’est donc, pas devenu Français par 1 effet de cette loi.
7*
�( 5a )
Encore deux réponses,
i°. En f a i t , comment peut-on dire que M . Edouard Onslow
n’a jamais- prélé le serment civique en France? Non-seulement il
l ’avait prêté même avant la publication de la loi dont il s’agit,
comme le constate le procès verbal déjà cité de la mairie de
Clennont-Ferrand, du 27 décembre J789; mais ce qui prouve,
ou qu’il avait réitéré ce serment immédiatement après la publica
tion de celte loi, ou que la réitération en avait été jugée inutile
pour le faire admettre à l’exercice des droits de citoyen actif, c ’est
qu’en l’an 5 , il a été appelé aux fonctions d’électeur, et qu’il les a
remplies.
2°. En droit, il suffit de lire la loi en entier, pour voir celle
objection s’évanouir d’elle-même.
« L ’Assemblée nationale (y est-il dit), voulant prévenir les dif» ficullés qui s’élèvent au sujet des conditions requises pour de» venir Français , décrète ce qui suit:
» Ceux qui, nés hors du royaume de parens étrangers, sont
» établis en France, sont réputés Français, et admis, en prêtant
» le serment civique, à l’exercica des droits de citoyens actifs ,
»
»
y
»
»
»
»
après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils ont, en
outre ou acquis des immeubles, ou épousé une Française, ou formé
un établissement de commerce, ou reçu dans quelque ville des
lettres de bourgeoisie..., nonobstant toits règlemens contraires
auxquels il est dérogé, 'sans néanmoins qu’on puisse induire du
présent décret, qu’aucune élection faite doive'être recommencée’. »
Voilà le texte intégral de la loi d’après laquelle on prétend que
M . Edouard Onslow n’aurait pu devenir Français, qu’en prêtant
le serment civique; et cette prétention serait évidemment fondée,
si, comme le disait le soussigné, le 22 mars 1806, à l’audience
(le la Cour de cassation, chambres réunies, dans l'affaire MacMahon, les expressions conditionnelles, en prêtant le serment ci-
�( 53 )
vique, étaient placées ou immédiatement après les mots réputés
Français, ou immédiatement après les mots, et admis a l exercice
des droits de citoyens actifs; et si, en conséquence, la loi disait :
Sont réputés Français en prêtant le serment civique, ou sont ré
putés Français, et admis à l'exercice des droits de citoyens actifs,
en prêtant le serment civique. Dans le premier cas, la condition ,
en prêtant le serment civique, se rapporterait au seul membre de
phrase, sont réputés Français; dans le second, elle se rapporte
rait tout à la fois à ce premier membre de phrase et au suivant,
admis à Vexercice des droits de citoyens actifs ; et le sens de la
phrase entière serait que, tant pour cire réputés Français, que
pour être admis à l’exercice des droits de citoyens actifs, les étran
gers établis en France sont tenus de prêter le serment civique. —
Mais ce n’est nî de l’une ni de l’autre de ces deux manières que
s’énonce la loi : Sont réputés Français, dit-elle, et admis, en prê
tant le serment civique, à l ’exercice des droits de citoyens actifs.
Ce n est donc que pour l’admission à l’exercice des droits de ci
toyen actif, que la loi exige la prestation du serment civique. Cette
condition n est donc pas imposée à la disposition résultant des
mots, sont réputés Français ; la loi laisse donc cette disposition
dans son sens pur et simple ; elle présente donc cette disposition
comme absolue.
Et il ne faut pas s’étonner que la loi ainsi entendue , comme elle
doit l’être d’après les premières règles de la syntaxe, exige, pour
l’admission des étrangers établis dans le territoire français à l’exer
cice des droits de citoyens actifs, une condition qu’elle ne prescrit
pas pour leur naturalisation.
Elle ne fait, îicet égard , pour les personnes nées hors de France,
que ce qu elle f a i t pour les personnes nées en France même. Les
petsonnès nées en France norit Françaises de plein droit; elles ne
sont pourtant pas admises de plein droit aux avantages attachés à la
qualitédecitoyen actif; elles n ’y s o n t a d m i s e s , aux termes de l’art. 3
�( 54 )
da la première section delà loi du 22 décembre 1789, que sous deux
conditions : l’une de se munir d’une inscription civique; l’autre de
prêter, à l’âge de vingt-cinq ans, le serment de maintenir de tout son
pouvoir la constitution du royaume , d’ étrefidèle à la nation , à la
loi et au roi, et de remplir avec zèle et courage lesfonctions civiles
et politiques qui leur seront confiées.
Veut'On une autre preuve que c ’est uniquement à l ’admission
des. étrangers aux droits de citoyens actifs que la loi du 5o avril
1790 attache la condition de prêter le serment civique, et qu’elle
ne l ’attache pas à leur naturalisation ? Nous la trouverons dans la
loi du 9 décembre de la même année, concernant les biens des
religionnaires fugitifs : « Toutes personnes ( y est-il dit, art. 20 ) ,
» qui, nées en pays étranger , descendent, en quelque degré que
» ce soit , d’un Français ou d ’ u n e F r a n ç a i s e expatriés pour cause
» de religion, s o n t déclarés naturels Français , et j o u i r o n t des
» droits attachés àcette qualité , s’ils reviennent en France, y fixent
» leur domicile , et y prêtent le serment civique. » — On voit que ,
dans cette disposition, comme dans la loi du 5o avril précédent,
la naturalisation est accordée en termes qui ont un effet actuel, ab
solu et indépendant de toute condition, sont déclarés naturels Fran
çais ; et qu elle est accordée , non-seulement aux descendans de
Français expatriés pour cause de religion, mais encore aux descend a n s d e Françaises expatriées pour lamêmecause, et par conséquent
nés étrangers comme leurs ascendans. On voit aussi que, dans cette
même disposition, la loi s’exprime au futur, jouiront, et n’exige
entre autres la condition du serment civique, que relativement
h la jouissance des droits attachés à celte qualité. Ce n’est donc
,point par inattention , c’est par suite d’un système combiné et ré
fléchi, c’est pour raccorder cntr’cllcs toutes les parties de la légis
lation sur celte matière, que la loi du 5*0 avril 1790 fait rapporter
la condition , en prêtant le serment civique , aux seuls mots, et ad
mis à l'exercice des droits de citoyens actifs ; et qu’en la faisant
�( 55 )
rapporter à ces seuls mots , elle en affranchit la premiere et prin
cipale disposition , sont réputés Français.
'troisième objection. Pour que la loi (lu So avril-2 mai 179° cut
pu cire censée ne rapporter les mots en prêtant le serment civique
qu’à l’admission des étrangers dont elle s’occupait, à 1 exercice des
droits de citoyens actifs ; pour qu’elle eût pu être censée ne pas les
rapporter également a la naturalisation de ces étrangers , il faudrait
supposer , comme le faisait M . Merlin dans l’affaire Mac-Mahon,
qu elle avait deux objets différons , celui de déterminer les condi
tions imposées à l’étranger pour devenir Français, et celui de fixer
les conditions requises de l’étranger pour être admis à l ’exercice
des droits de citoyen actif; or, cette supposition est inadmissible.
En effet, si l’un des objets de la loi eût été de fixer les conditions
requises de l’étranger pour être admis à l ’exercice des droits de ci
toyen actif, elle ne se serait pas bornée , dans celle de ses dispo
sitions qui s’y serait référée , à énoncer seulement la prestation du
serment civique ; elle eût rappelé toutes les autres conditions pres
crites pour l’exercice des droits politiques. L e serment civique n’é
tait pas la seule condition, ainsi que le supposait M. M erlin; les
lois en vigueur à cette époque , et notamment le décret relatif aux
assemblées primaires et administratives, prescrivaient des condi
tions au nombre de cinq. Les Français n’étaient certainement pas
soumis à un plus grand nombre deconditionS que ne l’aurait été l’é
tranger naturalisé. L a loi de 1790 ne renfermait donc pas, comme
le soutenait M. M erlin, les conditions nécessaires pour devenir
citoyen actif, mais seulement pour être réputé citoyen français ;
son objet était d’ailleurs déterminé par son titre ( c ’est sans doute
son préambule qu’on a voulu dire),ainsi conçu : « L ’assemblée na» tionale voulant prévenir les difficultés qui s’élèvent au s u je t des
» conditions requises pour devenir Français. »
Réponse. Oui, l’objet principal, e t, à proprement parler, lobjet unique de la loi, était, comme elle le disait elle^même dans son
�( 56)
préambule, de prévenir les difficultés qui s'élèvent au sujet des con
ditions requises pour devenir Français ; mais c ’est de là même qu’est
parti le soussigné dans ses conclusions du 28 mars 180G, pour, éta
blir qu’elle né rapportait les mois en prêtant le serment civique ,
qu’à l'admission des étrangers naturalisés par les moyens qu’elle in
diquait à l ’exercice des droits de citoyens actifs; et, pour se con^
vaincre delà justesse de la conséquence qu’il tirait de là , en même
temps que pour voir disparaître la prétendue absurdité qu’il y au
rait h ne rapporter la condition exprimée par les mots en prêtant
le serment civique , qu’à l ’admissibilité des étrangers naturalisés
par les moyens qu’indiquait la lo i, à l’exercice des droits de ci
toyens actifs, il ne faut que se rappeler, i°. où s’étaient élevées les
difficultés que rassemblée nationale déclarait vouloir |prévenir au
sujet des conditions requises pour devenir Français ; 20. à quelle
occasion elles s’étaient élevées; 3°. quelle question elles présen
taient à résoudre.
Ces difficultés s’étaient élevées d"ans les assemblées primaires
q u i, à celte époque, étaient convoquées de toutes paris pour pro
céder aux élections des administrateurs de districts et de départemens; et c’est à quoi font évidemment allusion les derniers termes
de la loi elle-même : sans néanmoins qu'on puisse induire du pré
sent décret qu'aucune élection fa ite doive être recommencée.
Elles s’étaient élevées à l’occasion du grand nombre d’étrangers
non naturalisés dans l’ancienne forme, mais qui étant domiciliée en
France depuis plus ou moins de temps, se présentaient aux as
semblées primaires pour y voter, comme réunissant les cinq qua-,
lités quede décret du 22 décembre 1789, sanctionné par lettrespatentes du mois de janvier 1790, avait déclarées nécessaires pour
être citoyen a c tif, savoir, i°. d ’ê t r e F r a n ç a i s o u d e v e n u F r a n
ç a i s ; 2°. dêtre majeur de vingt-cinq ans accomplis', 3 e. d'être do
micilié d é fa it dans le canton, au moins depuis un an; l\. de payer
une contribution directe de la valeur locale de trois journées de
�( $7 )
travail; 5°. de n être point dans l ’état de domesticité, c'est-à-dire,
de serviteur à gages.
Enfin, ces difficultés se réduisaient à Une seule question, à
celle de savoir ce qu’avait entendu le décret du 22 décembre 1789»
par les mots ou devenu français ; c’est-à-dire, si l’on devait s’en tenir
strictement à l’ancienne maxime, qui, à quelques exceptions près,
n’admettait les étrangers à la condition de règnicoles, qu’autantqu’ils
représentaient des lettres-patentes de naturalisation , enregistrées
dans les cours supérieures, ou si, par dérogation à celte ancienne
maxime , ils’ devaient être considérés comme naturalisés de plein
droit, soit par cela seul qu’ils demeuraient depuis plus ou moins
de temps en France, sans esprit de retour dans leur pairie origi
naire, soit au moins parce qu’en outre ils s’y étaient mariés avec
des Françaises, ou qu’ils y avaient acquis des propriétés mobilières,
ou qu’ils y avaient formé des établissemens de commerce, on
qu’ils avaient obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville
du royaume. C ’était entre ces deux thèses que gisait toute la con
troverse; car on était généralement d’accord que s i, quoique
dépourvus de lettres de naturalisation, ces étrangers avaient
droit d’êlrc considérés comme devenus Français, ils devaient,
par une suite nécessaire, être admis à l’exercice des droits de ci
toyens actifs, en rapportant la preuve qu’ils réunissaient à cette
première qualité, les quatre autres requises par l'article 5 de la
loi citée; et il est à remarquer que celte preuve, d’après le mode
qu’en avait fixé l’article 4 de la même loi, devait nécessairement
emporter celle de la prestation du serment civique ; car voici com
ment était conçu cet article ; « Les assemblées primaires forme» ront un tableau des citoyens de chaque canton, et y inscriront
» chaque année, dans un jour marqué, tous ceux qui auront at» teint 1 âge de vingt-un ans, après leur avoir fa it prêter le ser» nient de fidélité à la constitution, aux lois de l ’ état et au roi;
» nul ne pourra être électeur, et ne sera éligible dans les assem-
8
�(
53
■
)
» blées primaires, lorsqu’il aura accompli sa vingt-cinquième an* née , s’il n’a été inscrit sur ce tableau civique. »
Ainsi, les étrangers qui, domiciliés en France depuis cinq ans,
ou s'v étaient mariés avec des Françaises, ou y avaient acquis des
immeubles, ou y avaient formé des établissemens de commerce,
ou y avaient obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville,
devaient-ils être réputés Français, quoiqu’ils n’eussent pas obtenu
de lettres de naturalisation? C ’était là le seul point qui fit diffi
culté ; et s’il était résolu en leur faveur, il ne pouvait pas rester
le moindre doute sur leur admissibilité à l’exercice des droits de
citoyens actifs, en prêtant le serment civique.
Co fut ainsi, en effet, que la question fut présentée à l ’assem
blée nationale par son comité de constitution ; et la preuve que ce
fut ainsi qu’elle l ’envisagea elle-même, c ’est qu’elle déclara ex
pressément que la solution en était nécessaire, non pour régler
le mode d’admission des étrangers devenus Français à l’exercice
des droits de citoyens actifs, objet sur lequel la loi du 22 dé
cembre 1789 avait déjà tout réglé, mais pour prévenir les diffi
cultés élevées au sujet des conditions requises pour devenir Fran
çais, qualité qui, bien certainement, était indépendante de celle
de citoyen actif, et pouvait exister sans elle.
Que conclure de tout cela? une chose fort simple, mais déci
sive : c’est qu’à la vérité la loi du 5o avril-2 mai 1790 a déclaré que
les étrangers devenus Français ne seraient admis à l’exercice der»
droits de citoyens actifs, qu’en prêtant le serment civique; mais que
ce 11’était là qu’un accessoire de son objet direct; que son objfet
direct était de décider si les étrangers pouvaient devenir Français. •
Sans lettres de naturalisation, et à quelles conditions ils pouvaient
le devenir; qu’elle a rempli cet objet en voulant, par sa disposi
tion principale, que l’on réputât Français les étrangers q u i, ayant
en France un domicile continu de cinq années, auraient épousé
des Françaises, etc.; et que, dès lors, il serait aussi contraire' à
�C 5g )
son esprit qu’au sens grammatical de son texte, de faire rapporter
a sa disposition principale, les moLs en prêtant le serment civique,
qui ne figurent que dans sa disposition accessoire.
Quatrième objection. Les efforts que l ’on fait ici pour établir
que la loi du oo avril-2 mai 1790 a naturalisé de plein droit et
sans prestation de serment civique, tout étranger qui était alors
domicilié depuis cinq ans en France et avait épousé U n e Fran
çaise , on les a faits inutilement dans l'affaire Mac-Mahon, devant
la Cour d'appel de Paris, devant la chambre civile de la Cour de
cassation , devant la Cour d'appel d’Orléans, devant les chambres
réunies de la Cour de cassation, et devant la Cour d’appel de Dijon.
liéponse. La question de savoir si le sieur Mac-Mahon avait
etc naturalisé de plein droit par la loi dont il s’agit, n’a pas même
été soulevée devant la Cour d’appel de Paris.
- C'est devant la chambre civile de la Cour de cassation qu’elle a
été agitée pour la première fois; et l’arrêt de celte Cour, du 3o plu
viôse an i 5 , 1 a certainement laissée entière, puisque, la regardant
comme surabondante dans l’espèce, il n’en a pas dit un mot.
II est vrai que 1 arrêt de la Cour d’Orléans, du 11 thermidor de
la même annee, l a jugée pour la négative, et qu’en cassant cet
arrêt, le 22 mars i8o6,les chambres réunies de laCour de cassation
11e se sont pas plus expliquées que ne l’avait fait précédemment la
chambre civile, sur la prétendue cxlranéité du sieur Mac-Mahon ,
et qu elles se sont bornées à dire que le sieur Mac-Mahon ne pou
vait pas se soustraire à ïapplication de la loi du 26 germinal
M u i sous le prétexte qu'il était étranger, non soumis à la législation française.
Mais 1 arrtitdo lacour d’appel de Dijon , du 27 août 1806, n’est
pas resté muet sur ce point important : il a expressément déclaré
q u e , « soit comme Français naturalisé en exécution de la loi du
» 3o avril-2 mai 1790 , soit même comme étranger domicilié en
» France, marié sous 1-empire des lois françaises , et ayant même
8*
�( 6o )
» reconnu solennellement ces lois comme devant régir le pacte
» nuptial, le sieur Mac-Mahon était indispensablement tenu de
» l’exécution de la loi du 20 septembre 1792 , de celle du 26
» germinal an 11 , et du décret du 18 prairial an 12. >> Il a donc
décidé nettement que le sieur Marc-Mahon eût dû succomber,
quand même sa ci-devant épouse n’aurait eu à lui opposer que sa
qualité de Français naturalisé par l'effet de la loi de 1790.
Au surplus, ce qui prouve bien clairement qu’en s’abstenant de
se prononcer dans l’affaire Mac-Mahon, sur la doctrine professée
parle soussigné à ses audiences des 3o pluviôse an i 3 et 22 mars
1806, la Çour de cassation n’avait pas entendu la condamner, mais
seulement en ajourner l’examen jusqu’à ce qu’il se présentât une
espèce où il deviendrait nécessaire d’y statuer; c’est qu’elle l’a adop
tée formellement par l’arrêt qu’elle a rendu le 27 avril 1819, au
rapport de M. Favart de Langlade, et sous la présidence de M.Henrion de Pansey , au sujet du testament du prince d Hénin. .
Et c ’est bien vainement que l’on s'efforce de trouver des diffé
rences entre l’espèce sur laquelle cet arrêt a été rendu, et celle
dont il est ici question.
L e prince d’Hénin était né étranger comme M. Edouard Onslow,
e t , comme lui, il avait épousé une Française ; mais il n’avait pas
plus que lu i, avant la loi du 3 o avril-2 mai 1790, obtenu des let
tres de naturalisation.
Il est vrai qu’en 177/* il avait été fait capitaine des gardes du
comte d’Artois ; qu’il avait dû , en cette qualité , prêter le serment
de fidélité au roi. Mais ni l’acceptation de cette place, dont il avait
exercé les fonctions purement militaires jusqu’en 1789, ni la pres
tation de ce serment, n’avaient pu équivaloir pour lui à des let
tres de naturalisation; elles n’auraient pu le rendre Français , aux
termes de la déclaration du roi du 5 o novembre 17 15 , qu’autant
qu’il eût déclaré au greffe du présidial dans le ressort duquel il
était domicilié, c ’est-à-dire, du Châtelet de Paris, qu’il entendait
�( 61 )
Rétablir , vivre et mourir dans le royaume (1) , formalité qu’il n avait jamais remplie.
A u ssiM M .d e Caraman,qui soutenaient qu’il était décédé Fran
çais, ne s’appuyaient-ils que faiblement sur la déclaration du 3o no
vembre 17 16 , et tiraient-ils leur principal moyen de la loi du
5o avril-2 mai 1790.
Par arrêt du 25 avril 1818 , la Cour royale de Paris jugea que le
prince d’Hénin était mort Français, mais sans s’expliquer spécia
lement sur le point de savoir si c’était par l ’effet de cette dernière
loi qu’il était devenu tel, et en se bornant à dire que ce fa it résul
tait de tous les actes de sa vie , tant privée que publique.
L e comte d’Alsace , dont cet arrêt rejetait les prétentions à la
succession mobilière du prince d’Hénin, l’a attaqué devant la Cour
de cassation, et a soutenu :
i°>. Qu'il violait les anciennes ordonnances du royaume , lesquel
les n’admettaient pour les étrangers d’autres moyens pour devenir
Français que d’obtenir du roi des lettres de naturalisation dûment
enregistrées;
20. Qu’il violait également la déclaration du 3o novembre 1 7 15,
qui subordonnait le bénéfice de naturalisation qu’elle accordait
aux étrangers ayant dix années de service militaire en France, à
une formalité que le prince d’Hénin n’avait pas remplie ;
3°. Qu’il ne violait pas moins la loi du 3o avril-2 mai 179 0, en
ce qu elle ne naturalisait les étrangers mariés à des Françaises, que
sous la condition de prêter le serment civique, condition à laquelle
le prince d’Hénin ne s’était jamais soumis avant sa mort, et que
1 on ne pouvait pas sérieusement prétendre avoir été accomplie A
1 avance par la prestation qu’il avait faite, en 1774» d’un serment
de fidélité au roi, qui ne pouvait pas é v id e m m e n t équivaloir auser-
(*) Voyez le Urperloire de Jurisprudence, au m ot Aulaine , n° 6-4*
�(6a )
ment d'être fidèle à la nation et au roi, et de maintenir une cons
titution dont l’objet principal était de diminuer les attributs de l’au
torité royale ;
.
.
t.
4°. Qu’en tout cas, il en faisait une application fausse et rétroac
tive, parce que le domicile continu de cinq ans ne »pouvait être cal
culé qu’à partir de la promulgation de la lo i, et qu’il ne s’était pas
écoulé cinq ans entre la promulgation de la loi et la mort du prince
d'Hénin.
•
De ces quatre moyens de cassation , les deux premiers rentraient
évidemment dans le troisième, et le quatrième était insoutenable
en présence de ces termes de la loi du 5o avril-2 mai 1790, sam
néanmoins qu’on puisse induire du présent décret qu aucune élec
tion fa ite doive être recommencée ; car il en résultait manifeste-*
ment que celte loi avait en vue, non les étrangers qui demeure-*
raient à l’avenir pendant cinq ans en France, mais les étrangers
qui jusqu’alors y avaient demeuré sans interruption pendant cinq
années.
?
Il ne restait donc que le troisième moyen ; et là se présentait,
dans toute sa simplicité, la question de savoir si la naturalisation
des étrangers domiciliés en France depuis cinq ans, et mariés à des
Françaises, était subordonnée à la condition de prêter le serment
civique.
O r , celte question , l’arrêt de la Cour de cassation, du 27 avril
1819, l’a décidée textuellement pour la négative;
« Attendu que la loi du 2 mai 1790 distingue entre les étrangers
» qui doivent être réputés Français et ceux qui veulent être admis
» à l’exercice des droits de citoyens actifs ; qu’elle impose aux pre» iniers deux conditions : i°. d’avoir dans le royaume un domicile
*> continu de cinq années; 2°. d’avoir, ou acquis des immeubles
» en France, ou épousé une Française, ou formé un établissement
» de commerce, ou reçu dans quelque ville des lettres de bour» jgeoisie; q u e , pour les seconds, elle exige les mêmes condû
�( 63 )
» tîons , et, en outre , la prestation du serment civique; que cette
» distinction , qui résulte de la construction grammaticale de la loi,
» est justifiée par la différence des droits civils attachés à la qua
rt lité de Français, et des droits politiques inhérens nu titre de ci» toyens actifs; qu’il suit de là que, d’après la loi du 2 mai 1790,
» le serment civique exigé de l’étranger qui voulait exercer en
» France les droits politiques de citoyen actif, ne l’était pas de
» celui qui voulait seulement être réputé Français ;
» Attendu qu’il résulte des faits déclarés constans par l'arrêt
» attaqué , que le prince d’Hénin , né à Bruxelles en 1744, a été
» peu de temps après sa naissance , amené en France par sa mère,
» Française d’origine; qu’il y a résidé jusqu’à sa mort, arrivée en
» 1794.; qu’en 1758 , il obtint du roi de France des lettres de bé» néfice d’âge , qui furent entérinées au Châtelet de Paris; qu’en
* 1766 il a épousé en France une Française, et que, dans leur
)> contrat de mariage, les époux déclarèrent qu’ils se soumettaient
» aux dispositions de la Coutume de Paris; qu’en 17741 il fut
7> nommé capitaine des gardes de Monseigneur le comte d'Artois,
» et qu’en celte qualité il prêta serment de fidélité au roi ;
« Attendu que, des diverses circonstances ci-dessus énoncéesr
» il suffit que le prince d’Hénin ait résidé plus de cinq années en
» France, et qu’il y ait épousé une Française, pour être réputé
» Français , aux termes de la loi de 1790 ; que dès lors il importe
» peu qu’il ait rempli ou non les formalités voulues par les lois
» antérieures et postérieures à celles de 1790, sous l'empire de
J» laquelle la qualité de Français lui a été irrévocablement acquise;
» Attendu que, ces faits une fois reconnusr la Cour royale de
» Paris n a fait qu’une juste application des principes de la ma» tièro , en déclarant que le prince d’IIénin est mort Français. »•
Un arrêt aussi bien motivé et aussi positif 11c laisse pas la moin
dre prise au plus léger doute; et encore ne forme-t-il ici pour
M M . Onslowpuînés qu’une autorité surabondante, puisque, tomme
�( 64 )
on l ’a déjà observé , non-sculemeut leur père avait prêté, dès le
37 décembre 1789, entre les mains de la municipalité de£lermont,
le serment de soutenir la constitution décrétée par ï assemblée nationale (serment qui embrassait essentiellement toutes les parties du
système constitutionnel, et par conséquent équipollait évidemment
au serment civique) , et que d’ailleurs sa nomination aux fonctions
d électeur en l’an 5 fait nécessairement présumer que s’il eut dû
prêter, pour être admis à l’exercice des droits politiques, un nou
veau serment civique après la publication de la loi do 1790, il l’a
vait effectivement prêté.
Cinquième objection. La disposition principale de la loi du 3o
avril-2 mai 1790, c’est-à-dire , celle qui prononçait la naturalisa
tion des étrangers domiciliés en France depuis cinq ans, et y ayant
en outre , ou épousé une Française , ou acquis des immeubles , ou
formé un établissement de commerce, ou obtenu des lettres de
bourgeoisie dans quelque ville, a été reproduite dans l’article 3 du
titre 2 de la constitution du 5 septembre 1791 ; et voici comment
cet article a été rédigé : « Ceux qui , nés hors du royaume, de pa» rens étrangers, résident en France, deviennent citoyens fran» çais après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils y
» ont en outre acquis des immeubles, ou épousé une Française,
» ou formé un établissement d’agriculture ou de commerce , et
)> s’ils ont prêté le serment civique. »
Réponse, Que prétend-on conclure de là ? Veut-on dire que la
constitution de 1791 n’a pas établi un droit nouveau par rapport
aux conditions sous lesquelles les étrangers pouvaient devenir Franr
çais, indépendamment de leur admission à l’exercice des droits de
pitoyens actifs ; qu’elle n’a , à cet égard, dérogé en rien à la dis
position principale de la loi de 1790, et qu’elle n’a fait qu’expli
quer le sens dans lequel cette disposition avait toujours dû êtreenlendue 1 ou bien voudrait-on insinuer que la constitution de 1791
implicitement déclaré comme non avenue la disposition princi*
�( 65 )
pale delà loi de 1790, ou, en d’autres termes, qu’elle l’a abrogée
avec effet rétroactif? Ni l’un ni l’autre système ne serait soutenable.
i°. La preuve que l ’article 5 du titre 2 de la constitution de
i 791 n’était pas simplement explicatif du sens dans lequel l’assem
blée constituante avait adopté la disposition principale de son dé
cret du 3o avril 1790 , et que son objet était, en statuant par droit
nouveau, de déroger aux règles établies depuis seize mois sur le
mode de naturalisation des étrangers, c‘est qu’il ne parlait plus de
ceux q u i, quoique dbmiciliés en France depuis cinq ans, n’y avaient,
ni épousé des Françaises, ni acquis des immeubles, ni formé des
établissemens de commerce, mais seulement obtenu des lettre^ de
bourgeoisie dans quelque ville ; c ’est par conséquent qu’il faisait
cesser, en ce qui les concernait, l ’empire de ces règles. Mais si
l ’on est forcé de reconnaître qu’il était, sous ce rapport, introductif d’un droit nouveau, il est impossible de ne pas lui attribuer le
même caractère , par rapport à la condition qu’il impose aux étran
gers de prêter le serment civique pour devenir Français, indé
pendamment de leur admission ù l’exercice des droits de citoyens
actifs.
20. Non-seulement l ’acte constitutionnel de 1791 n’rt pas déclaré
comme non avenue la disposition principale de la loi de 1790, en
tant qu elle naturalisait, de plein droit et sans prestation de ser
ment civique , les étrangers domiciliés en France depuis cinq ans
et maries à des Françaises, pas plus qu’il ne l a déclarée comme
non avenue, en tant qu’il étendait la même faveur aux étrangers
qui à la preuve d’un domicile en France ne joignaient que celle
de 1 obtention de lettres de bourgeoisie dans quelque ville du
royaume; non-seulement il ne contient pas un seul mot qui per
mette de lui en supposer l’intention , mais il n’aurait pas pu le faire
sans violer le grand principe qui limite à l ’avenir le p o u v o ir du
législateur, et le met dans l’impuissance de d é r o g e r aux droits ac
quis. J.1 en a donc été nécessairement il cet égard de la constitu9 *
�(66 >
tion de 1791, comme de toutes les lois : elle dérogeait aux lois qui
l ’avaient précédée, mais pour l’avenir seulement. Elle ne détrui
sait pas, en dérogeant aux lois antérieures, les effets qu’elles avaient
produits avant sa publication; elle respectait donc les droits que
les lois antérieures avaient conférés aux étrangers ; et de même
qu’elle ne privait pas les étrangers de la naturalisation qu’ils avaient
obtenue, avant 1789, par lettres patentes du roi, de même aussi
elle ne dépouillait pas ceux d’entr’eux q u i , domiciliés en France
depuis cinq ans, avaient épousé des Françaises', de celle que leur
avait purement et simplement attribuée la loi de 1790.
Ce qui d’ailleurs tranche là-dessus toute difficulté, c ’est que la
question a été ainsi jugée, de la manière la plus positive, par l ’arrêt
de la Cour de cassation du 27 avril 1819.
Sixième objection. M . Edouard Onslow était si peu regardé en
France comme naturalisé, qu’en 1797 il fut, comme sujet du roi
d’Angleterre, expulsé du territoire Français par un arrêté du direc
toire exécutif ; et il se regardait si peu lui-même comme Français ,
que lorsqu’il rentra en France, l’année suivante , il se trouvait por
teur d’un diplôme du roi Georges III, qui l’autorisait à y résider.
Réponse. Nous ne connaissons ni le prétendu arrêté du direc
toire exécutif, ni le prétendu diplôme du roi Georges I I I , sur les
quels repose celte objection ; mais en supposant que ces deux pièces
existent, elles ne peuvent être ici d’aucune influence.
Et d’abord , sur le prétendu arrêté du directoire exécutif, quatre
observations :
i*. En même temps que l ’on affirme, dans la consultation déli
bérée à Paris , le 17 avril i 85o , que cet arrêté existe, qu’il a expplsé M. Edouard Onslow du territoire français, et qu’il l’en a ex
pulsé à raison de sa qualité de sujet du roi d’Angleterre, on convient
que M. Edouard Onslow est rentré en France dès l’année suivante.
Mais comment y est-il entré? furtivement? Cela eût été impossible.
Il n’a donc pu y rentrer qu’en vertu d’un acte émané de la même.
�( 6? )
autorité qui l ’en avait naguère expulsé. Or , est-il concevaLle que
si le Directoire exécutif eût, en 1797, expulsé M. Edouard Onslovr
à raison de sa prétendue qualité de sujet du roi d Angleterre, il
eût pris sur lu i, en le reconnaissant toujours comme t e l , de le rap
peler en 1798, époque où (comme l’atteste hautement la loi du
G nivôse an 6, relative à un emprunt national pour une descente
en Angleterre), l’animosité contre la n a tio n britannique , bien loin
d être attiédie en France, et surtout dans les chambres législati
ves , n’avait fait que prendre une nouvelle intensité; et tout ne
poi lc-t-il pas à croire que si c’est comme Anglais que M. Edouard
Onslow a été expulsé en 1797, d’après de faux renseignemens ,
c’est comme Français qu’il a été rappelé en 1798?
2°. Pourquoi, au lieu de descendre jusqu’à l’année 1797 pour
rechercher de quel œil M . Edouard Onslow était alors regardé en
France, ne remonte-t-on pas jusqu’aux premières années qui ont
suivi la loi du 3 o avril 1790 l Pourquoi notamment ne rappellet-on pas ici quel fut à son égard l'effet de la loi du 9 octobre 179»
(19 vendeiniaire an 2 ) , laquelle ordonnait, article 1 " , le séques
tre de tous les biens meubles et immeubles appartenant en France
à des Anglais, et article 4 , l’arrestation de leurs personnes , avec
apposition des scellés sur leurs papiers ? Ah 1 sans doute, s’il eût
subi alors les rigueurs de cette lo i, 011 en trouverait les preuves
sans beaucoup de.peine , et on ne manquerait pas de les produire.
Cependant on se tait absolument là-dessus; on avoue donc impli
citement que cette loi ne fut pas appliquée à M . Edouard Onslow,
parce qu’il était généralement reconnu pour Français.
3°. Qu importerait, au surplus , qu’au milieu des désordres in
séparables de la guerre impie que tous les rois de l’Europe faisaient
alors u la nation française , il se fût" glissé dans q u e lq u e s actes
administratifs des erreurs sur l ’état qui alors appartenait en France
a M , Edouard Onslow! De pareilles erreurs sont toujours sans
conséquence, et jamais elles ne passent en force de chose jugée,
9*
�( 68 )
* 4°. Ce qui prouve qu’en effet l’erreur qui avait, en 1797 , motive
la prétendue expulsion de M. Edouard Onslow du territoire Fran
çais , a été reconnue par le gouvernement qui a succédé au direc
toire exécutif, c ’est qu’il est notoire, et qu’il serait facile de prouver,
en cas de dénégation, que, pendant tout le temps qu’a subsisté,
après le traité d’Amiens, l’ordre qui enjoignait à tous les sujets du
roi d’Angleterre de se retirer à Verdun (et l’on sait avec quelle
sévérité et quelle constance- cet ordre a reçu son exécution) ,
M . Edouard Onslow a continué d’habiter paisiblement son domi
cile dans le département du Puy-de-Dôme ; c’est surtout qu’à cette
époque même, et pendant que les Anglais non naturalisés en France
étaient tous relégués à Verdun et traités en ennemis, il était tellement considéré comme devenu Français par naturalisation, que la
municipalité de Clermont-Ferrand, le préfet du département dont
cette ville est le chef-lieu, et le ministre des finances, le compre
naient dans la liste des plus forts contribuables que le sénatus-consulte du iG thermidor an 10 appelait à former le collège électoral de
ce département.
Quant au prétendu diplôme du roi d’Angleterre , qui, en 1798,
aurait autorisé M . Edouard Onslow à résider .en France, dans quel
esprit ct-à quelle fin M . Edouard Onslow se le serait-il procuré ?
Les auteurs de la consultation du i er août x83 1 nous l’indiquent
eux-mêmes. Un acte du parlement d’Anglcterrc«venait de prendre
de sévères mesures pour empêcher plus efficacement pendant la
guerre tout individu sujet de Sa M ajesté, qui n’en aurait pas ob
tenu d’elle l’autorisation expresse, de se transporter volontaire
ment ou: de résider en France, ou dans tout autre pays ou lieu
allié de la France , ou occupé par les armées françaises, et à pré
venir toute correspondance avec les susdits individus et avec les
ennemis de Sa Majesté.
Quelles étaient ces mesures ? On ne nous le dit pas ; mais il est
évident qn’cllcs devaient tendre pour le moins à punir par de f o r t C 3
�( $9 )
amendes, et pîus probablement par le séquestre de leurs proprié
tés, les Anglais qui, sans la permission de leur gouvernement ,
se transporteraient ou continueraient de résider en France. O r , à
cette époque , M. Edouard Onslow était à la fois créancier de sou
frère aîné , à raison de sa légitime tant paternelle que maternelle ,
et possesseur des terres de Lillingstùnn et de Charlestown ; et U
était naturel qu’à la vue de cette loi il cherchât à prévenir 1 appli
cation qu’il eût été du devoir des agens du fisc britannique de
lui en faire, s’il eût gardé le silence. Mais comment devait-il s y
prendre?
Déclarer franchement qu’il était devenu Français par naturalisa
tion , et soutenir en conséquence que cette loi ne lui était pas ap’ plicable, c’eût été le pire des moyens qu’il eût pu employer. En
effet, quoique sa naturalisation en France ne fût pas un mystère
dans le département du Puy-de-Dôme , quoiqu’il eût manifesté bien
hautement, dès le 27 décembre 1789, le désir ardent qu’il avait (le
l’obtenir; quoiqu’il eût accepté bien clairement la concession que
lui en avait faite la loi de 1790 ; quoiqu’elle eût été reconnue , en
1795, par toutes les autorités locales, en s’abstenant de lui appli
quer la loif qui à cette époque avait ordonné l ’arrestation des A n
glais; quoique ses concitoyens du canton de Clermont-Ferrand
en eussent avec éclat réitéré Ja reconnaissance, en le nommant
électeur en l ’an 5 , il avait néanmoins tout lien de croire qu elle
n’était même pas soupçonnée en Angleterre , parce que si la loi de
1790 n’y était pas entièrement ignorée, les’circonstances qui l’a
vaient rendue applicable à sa personne devaient l’être, suivant tou
tes les probabilités. C ’eût donc été de sa part une grande impru
dence que d’aller dire aux agens du fisc britannique , par l’organe
d un mandataire quelconque :Je suis Français ; l'acte du parleyient en vertu duquel vous me poursuivez ne me regarde donc point ;
et les agens du fisc britannique n’auraient pas manque de repondre
^ son mandataire ; A h ! sir Edouard Onslow est naturalisé en
/
�( 7° )
France, et il l'est sans la permission du gouvernement. I l est donc
coupable de félonie ; e t , dès lors , ce n’est pas une simple amende ,
ce n'est pas un simple séquestre qu’il a à subir ; c’est la confisca
tion de tout ce qui lui est du et de tout ce qu’il possède dans la
Grande-Bretagne.
Quel expédient lui restait-il d’après cela, pour échapper aux
' peines dont le menaçait l ’acte du parlement d’Angleterre, et pour
soustraire aux investigations des agens du fisc britannique, les
créances et les propriétés qu’il avait dans ce royaume? point
d’autre que de se conduire comme il l’a fait, de se taire sur sa na
turalisation; d’agir comme si, toujours sujet du roi d ’Angleterre,
à raison de ses propriétés, il l’eût encore été à raison de sa per
sonne, et de solliciter de ce monarque la permission de résider en
France. ’
,
Mais comment pourrait-on sérieusement partir de là, pour dire
qu’en obtenant cette permission, il a effacé, anéanti et rendu inopérans tous les actes, tous les faits antérieurs des dix années précé
dentes de sa vie , et qu’il a renoncé à la naturalisation dont il était
redevable à la loi de 1790?
Q u e, dans le cas où M. Edouard Onslow aurait, avant sa mort,
quitté la France sans esprit de retour, aurait repris en Angle
terre son domicile d’origine , et y serait décédé, on raisonnât
ainsi devant les tribunaux anglais,* pour faire juger que ce n’est
pas la loi française qui doit régir sa succession mobilière, rien de
mieux. Mais il est impossible de raisonner de même devant un
tribunal français, alors que c ’est le cas absolument inverse qui est
arrivé; alors qu’au lieu de retourner en Angleterre, pour s’y fixer
irrévocablement, après avoir, à la suite du diplôme de 1798, ajouté
quelques nouvelles années de séjour en France aux dix-sept an
nées qu’il y avait précédemment passées, M. Edouard Onslow a
continue d’y demeurer sans interruption pendant les trente-une
fjnnces suivantes qui ont comploté la carrière de sa vie ; —- alors
�( 71 )
qu’en se faisant inscrire, à la suite du sénatus - consulte du
16 thermidor an 1 1 , dans le tableau des plus forts contribuables
du département du P u y -d e -D ô m e , il a manifeste 1intention
formelle de s’associer à l’exercice des droits politiques conférés au
collège électoral de ce département; — alors surtout qu il n a pas
laissé un seul pouce de terre dans la Grande-Bretagne; qu il a
vendu tous les biens qu’il y possédait, et que c’est en France qu il
en a placé le prix; — alors par conséquent que tout concourt à
démontrer qu’il n’y avait eu rien de sérieux dans les démarches
qu’il avait fait faire en 1798 auprès du gouvernement britannique,
pour obtenir une permission de résider en France, et que ces demarches n’étaient qu’un jeu imaginé par lui pour masquer sa po
sition en France aux yeux de l’Angleterre.
DEUXIEME PROPOSITION.
Quand même AT. Edouard Onslow aurait conservé jusqu'à son dé
cès , sa qualité originaire d'Anglais, il n'en aurait pas moins
acquis en France un véritable domicile, sans que la rt. i 3 du
Code civil y eût apporté le moindre obstacle ; et par suite sa
succession mobilière n'en serait pas moins régie par les lois
françaises.
Que l ’on puisse être domicilié dans un pays, quoique l’on soit
citoyen ou sujet d’un autre, c’est une vérité qui a été reconnue
dans tous les temps; et les législateurs romains l ’avaient expressé
ment consacrée, en disant dans la loi 7, C. de incolis, que le droit
de cité s’acquiert par la naissance ou la naturalisation, mais que
le domicile ne s’acquiert que par l ’incolat : Cives quidem origo,
allectio vel adoptio, inculas ve,rb domicilium facit. C ’est nieme
pour prévenir l’abus de la faculté qui, de droit naturel, appartient
à tout citoyen ou sujet d’un pays, de t r a n s f é r e r . son domicile daua
�( 72 )
un autre, que l'art. 7 du Code civil punit de la privation de la
qualité de Français tout établissement fa it par un Français en pays
étranger, sans esprit de retour.
Q u e, dans le fait, M. Edouard Onslow ait forme en France , dès
l’année i 783 , un établissement à perpétuelle demeure , cl qu’il l’ait
conservé jusqu’à sa mort, c ’est-à-dire, pendant quarante-six ans,
c ’est ce que l ’on ne nie pas et que l'on n'oserait pas nier.
Il ne nous reste donc plus qu’à nous fixer sur le point de droit.
Il présente deux questions : l ’une, s i, avant le Code c ivil, un étran
ger pouvait, par son seul fait, par sa seule volonté, el sans l’auto
risation expresse du gouvernement français, se constituer en France,
p a r rétablissement qu’il y faisait à perpétuelle demeure, du siège
de ses affaires: 1autre, si l ’article i 5 du Code civil a introduit à
cet égard un droit nouveau.
Sur la première question, il est à remarquer que l’on ne peut
citer, en faveur de la négative , qu’un auteur du commencement
du 17' .siècle (Boërius), qui, dans sa 1 ô* décision, n° 18, s’expri
mait ainsi, au sujet des étrangers : Et ta ies, inregno Franciœ ve
ulent es moratum , non possunt domicilium sibi (quocumque tempore
manserint) constituere, nec bénéficia in eodem obtinere, nec pariter
de acquisitis dispenere, etiam in proprios liberos aut alios propinquos ; sed rex capit et occupât jure albinagii.
Alais d’abord, sur quoi fondait-il l ’assimilation qu’il faisait ainsi
de la prétendue incapacité de l’étranger, d’acquérir un domicile en
France, à son incapacité bien reconnue d’y posséder des bénéfices
ecclésiastiques, et de transmettre sa succession à scs héritiers na
turels, au préjudice du droit d’aubaine! 11 n’en donnait aucune
raison.
Eu second lieu, Lefèvre de la Planche, qui, en sa qualité d ’avor
cat du Iloi au bureau des finances de Paris, avait fait une étude
approfondie de cette matière, n’hésitait pas, dans son Traité du
_dpiriaine, tome
page i/jo, à coudamner cette doctrine, comme
�( ?5 )
incompatible avec nos maximes sur ce qu'on appelle domicile.
« En effet (continuait-il), pour établir son domicile, il faut que
» deux choses concourent, concilium et factum ; et comme 1 etran♦
> ger peut faire concourir ces deux circonstances , en arrivant en
France , il s’ensuit qu’il peut y établir son domicile.
» Il est vrai que, par des lettres de 1617 et de 1G20, l ’étranger
» qui veut s’habituer en une ville du royaume, est obligé de le
» déclarer à l ’hôtel commun de la ville, sous peine den être
» hors, comme indigne; mais ces lettres mêmes fon t connaître
» que nos lois n'interdisent point à l'étranger un établissement en
» France. »
Il
y a plus/, voici ce qu’ajoutait, dans une note sur ce texte , le
savant et judicieux inspecteur-général des domaines , Lorry : « Et
« ces lettres sont tombées en désuétude ; la différence du domicile
» au droit de cité est assez sensible pour que l’exclusion de l’un
» ne soit pas l ’exclusion de l ’autre. L e domicile, uniquement re» latif à l’intention de l’homme, et ne lui donnant point un nouvel
» ctat, se change par sa volonté. L e droit de cité, comme faisant
»> partie de l’état des hommes, appartient à l’homme public, et ne
». se change que par la force des lois. »
De là, l’accord unanime de tous les auteurs qui ont écrit dans
les deux derniers siècles, à parler du droit de domicile des étran
gers en France , comme d’une vérité constante et universellement
reconnue.
Renusson, dans son Traité du douaire, chapitre 2,n* 10, suppose
un homme et une femme, étrangers d'origine, qui viennent, depuis
leur mariage, s'habituer en France ; et cette démarche par laquelle
ils viennent s’habituer en France, il l’appelle translation de do
micile.
Pothier, dans son Traité de la communauté, n° 21 , s occupe
du cas ou des étrangers , non naturalisés, m a i s d o m i c l l i e s e n
F r a n c e , s’y marient sans contrat de mariage, sous une coutume
10
�qui admet la communauté de biens sans qu’il soit besoin de la
stipuler; et il n’hésite pas à décider que la communauté légale a
lieu entre ces personnes. « Il est vrai (dit-il) que ces personnes ne
» sont pas capables du droit civil qui n’a été établi que pour les
» citoyens, tels que le ‘droit des testamens, des successions, de
» retrait lignager; mais elles sont capables de ce qui appartient
» au droit des gens, telles que sont toutes les conventions; or, la
» communauté légale n’est fondée que sur une convention que les» personnes qui contractent mariage sont présumées avoir eue
» d’établir entre elles une communauté, telle que la loi de leur
» domicile l’établit. »
Les auteurs du Nouveau Denisart, au mot Aubaine
1 , n° 5 ,
disent que « l'étranger qui décède en France dans le cours d’un
» voyage, est sujet à l'aubaine, ainsi que celui qui y décède après
» y avoir fix é son domicile. »
Les mêmes auteurs nous offrent, à l’article Droit des gens, § 2 ,
n'» 4, un arrêt du parlement de Paris, du 3o août 1742, qui, sur
les conclusions de M. l'avocat-général d’Ormesson, décide que,
lorsqu'il s'agit, de la succession d'un étranger qui a été domicilié
en France, le curateur créé en pays étranger à sa succession va
cante , ne peut pas exercer en France les actions appartenant h
celte succession; et ils y ajoutent, au mot Etranger, 5 5 , n° 4,.
un arrêt de la même C ou r, du 8 mai 1779, par lequel il fut jugé,
sur les conclusions de M . l’avocat-général Joly de Fleury, que le
sieur Junkcr, né sujet du landgrave de Hesse-Cassel, mais domi
cilié à Paris depuis 1GG1, n’avail pas pu , à raison de cette circons
tance, êlre contraint par corps au payement d’une somme de
680 livres qu’il devait à un tapissier.
A c e s autorités, qu’il serait aussi facile que superflu de multi
plier, se joignent des lois expresses qui, avant le Code civil, qua
lifiaient de domicile rétablissement que tout étranger faisait en
France du siège de scs affaires, notamment ;
�( 75 )
ï° . L a loi du 20 messidor an 3 , qui après avoir enjoint à tous les
'étrangers nés dans les pays arec lesquels la France était alors en
guerre, de sortir du territoire français dans un délai déterminé,
ajoutait, article 6: «Pourront rester en France, i°. les étrangers
» nés dans les pays 'avec lesquels la république française est
» en guerre, venus en France depuis le Ier janvier 1792, et y ayant
» un domicile connu ; »
20. La loi du 3o avril, a mai 1790, par laquelle étaient naturalisés
de plein droit tousies étrangers qui’avaient alors en France un
domicile continu depuis cinq ans, pourvu qu’ils eussent en outre,
ou épousé une Française, ou acquis des immôubles, etc.; et l’ar
ticle 3 du titre 2 de la constitution du 3 septembre 179 1, qui,
réglant pour l’avenir le mode de naturalisation de l’étranger, les
déclarait citoyens français , après cinq ans de domicile continu
dans le royaume, lorsqu’ils auraient rempli toutes les autres con
ditions qu’il leur prescrivait.
Aussi la Cour de cassation ayant à statuer par règlement de
‘juges, le 8 thermidor an 1 1 , au rapport de M . Cassaigne, sur
la question de savoir si le comte de Walsh-Serrant, en le suppo
sant Irlandais, devait être considéré comme ayant acquis un do
micile proprement dit à Paris avant sa sortie deFrance en 1789,
«t comme l'ayant repris en 1802 à sa rentrée dans le territoire
français, n a-t-elle pas hésité h annuler un jugement du tribunal
civil d Angers, qui avait embrassé la négative , par le motif qu'un
é:ranger ne peut avoir en France d'autre domicile que celui de
sa résidence actuelle, et à l’annuler, attendu quaucune loi ne
s oppose a ce que les étrangers aient un domicile réel en France,
et qu ils demeurent conséquemment sous la disposition générale de
la loi commune, qui n'exige, pour l'établissement du domicile,
que le fa it de l'habitation réelle, joint à l'intention de l'établir
( 0 Répertoire d t jurisprudence , au mot D om icile, § i 3.
■
10*
t
�(7 6 )
E t vainement a-t-on depuis, dans l’espcce qui sera retrace'e
ci-après, entrepris de faire prévaloir l ’opinion contraire , au sujet
d’un étranger qui, sans la permission expresse du gouvernement,
avait, avant le Code civil, fixé le siège de ses affaires en France,
et y avait acquis tous les droits, comme il y avait subi toutes les
charges de l’incolat; vainement a-t-on prétendu qu’il ne s’y était
pas, pour cela, constitué un domicile proprement dit : ce système
a été successivement repoussé par un arrêt de la Cour impériale
de Paris, du 12 janvier 18x2, et par un arrêt contradictoire de la
Cour de cassation, du 3o novembre i 8 i 4 Ainsi, nul doute que M. Edouard Onslow, en le supposant
non naturalisé par la loi du 3o avril-2 mai 1790, n’eût, avant le
Code civil, acquis un véritable domicile en France, par cela seul
que, de son propre mouvement, et sans une autorisation expresse
et solennelle du gouvernement français, il y avait fixé sa résidence,
et qu’il avait manifesté de toutes les manières possibles son inten
tion de l ’y fixer à perpétuelle demeure.
Voyons maintenant, et c ’est notre seconde question, si ce que
M. Edouard Onslow avait fait avant la publication de l’article r 3
du Code civil, il aurait pu le faire après, c'est-à-dire, s i , arrivant
en France pour la première fois, non en 1783, mais en 1804, il
aurait pu, sans qu’un acte exprès du gouvernement l’y eût auto
risé , y acquérir un véritable domicile par le seul effet de l’éta
blissement qu’il y eût fait, à perpétuelle demeure, du siège prin
cipal de ses affaires.
La négative ne serait pas douteuse, si l’article i 3 du Code civil
disait: Nul étranger ne peut établir son domicile en France, s ’il
n'y a été autorisé par le gouvernement.
jYIais ce n’est là ni l’objet ni le sens de cet article.
Ce n’en est point l’objet; et ce qui le prouve d’une manière sans
réplique, c’est qu’il est placé non sous le titre de domicile, mais
sous celui de la jouissance et de la privation des droits civils.
�' ( 77 )
Ce n’en est point non plus le sens; car il dit, et rien de plus,
que « l ’étranger qui aura été admis par le gouvernement à établir
» son domicile en France, y jouira de tous les droits civils, tant
» q u il continuera d'y résider. »
Sans doute, il résulte clairement de cet article que l’étranger
qui a fixé le siège de ses affaires en France sans l’autorisation du
gouvernement, n’y jouit pas de tous les droits civils, c ’est-à-dire,
non-seulement des droits civils q u i, ayant leur racine dans le droit
des gens, tels que celui d’acquérir hypothèque, d’ester en juge
ment, etc., mais encore des droits civils qui sont de pures créations
de la loi civile, tels que celui de toister, de succéder, d’être té
moin dans les actes publics, etc.; mais il n’en résulte certaine' ment pas qu’à défaut d’autorisation du gouvernement , l'étranger
qui a fixé en France le siège de ses affaires, n’y est pas vérita
blement domicilié; et tirer de cet article une pareille conséquence,
ce serait ajouter à son texte, lui faire dire ce qu’il ne dit pas, et
supposer qu’il abroge, par son seul silence sur les étrangers domi
ciliés en France «ans l ’autorisation du gouvernement, la maxime
de 1‘ ancien droit qui, jusqu’alors, les avait fait considérer comme
ayant en France un domicile proprement dit.
On oppose à cela, dans la consultation délibérée à Paris, le
17 avril i 83 i , ce qu’a écrit le soussigné, en 1807, dans le § i 3
de 1 article domicile, de la 5e édition du Répertoire de jurispru
dence; mais on ne fait pas attention à ce que le soussigné luimême a substitué à ce paragraphe, en 1827, dans la 5e édition de
ce recueil.
L e fait est que, trompé sur le sens de l’article i 5 , par une lec
ture tr o p peu réfléchie de quelques phrases du discours p ro n o 'n c é
par 1 orateur du tribunat à la séance du corps législatif du 17 ven
démiaire an 1 1 , le soussigné s’était laissé aller à l ’opinion q u il
était dans 1 esprit de cet article d’ôter aux étrangers la faculté
dont ils jouissaient sous l’ancien droit, d’établir leur domicile en
�C 780
France sans la permission du gouvernement • mais qu’il n’a pas
tardé à reconnaître son -erreur, et qu’il a fait, pour la réfuter,
une dissertation qu’il se proposait d’insérer dans le supplément
aux 3 e et 4e éditions . publié en 1824 , mais qui, y ayant été oublie1
par l’effet d’une indisposition grave qui menaçait alors ses jours,
n ’a pu entrer que dans le volume publié en 1827 de la-5e édi
tion.
Cette dissertation remplit-elle l’objet pour lequel le soussigné
ij’a composée? Démontre-t-ello complètement que l ’article i 3 du
Code civil, en attribuant un grand privilège aux étrangers admis
par le gouvernement à établir leur domicile en France , laisse les
étrangers qui n’y sont domiciliés que par le seul effet de leur vo
lonté , dans le même état où ils se trouvaient sous‘l’ancien droit?
C ’est aux magistrats qui voudront bien la lire et la méditer, à en
juger. Quant à lui, il en a l’intime et profonde conviction (1).
Sa doctrine est, il est vrai, critiquée par l’auteur de la juris
prudence du 19e siècle, au mot Dom icile, sect. 1 , n° i 5 . Mais
sur quoi fonde-t-il la critique qu’il en fait? Ce n’est point sur Je
texte de l’article î 3 du Code civil ; il convient, au contraire, et ce
sont ses propres termes , que les expressions littérales de îa rt. i 5
du Code civil ne peuvent être invoquées avec succès contre ce qu’ il
appelle le système de M . M erlin; et, en effet, encore une fois,
cet article ne fait qu’indiquer aux étrangers qui veulent établir
leur domicile en France, le moyen qu’ils doivent employer pour
s’y procurer, par cet établissement, la jouissance des droits civils
réservés aux Français. 11 est donc bien loin de sa pensée de vou
loir que, faute d’employer ce moyen, l’étranger n’acquerra pas un
domicile en France par le seul effet de l’établissement qu’il y fera
à perpétuelle demeure, et de déroger par là à l’ancienne juris
prudence.
«*■■■...1
,1 ----• ' In
( j) V oir le § i3 de,l’article domicile de la 5e édition.]
�V 79 )
M . Dalloz ne se fonde pas non plus sur la faculté qu’a toujours1
le gouvernement d’expulser du territoire français les étrangers
dont il a sujet de croire que la présence y serait dangereuse ou
nuisible; car cette faculté, le gouvernement ne l’a pas seulement
a l ’égard des étrangers qui se sont établis en France sans sa per
mission expresse , il l’a également à l ’égard des étrangers dont il a
lui-même autorisé l’établissement en France; et c ’est, comme on
le verra dans un instant^ ce que reconnaît formellement un avis
du Conseil d’état, du 18 prairial an 1 1 , approuvé le 20 du
même mois. O r, cette faculté n’empêche certainement pas que
1 étranger à qui le gouvernement a permis d’établir son domicile
en France, n’y soit véritablement domicilié, tant que le gouver
nement ne révoque pas l ’autorisation expresse qu’il lui en a don
née, et les termes mêmes de l’article i 3 du Code civil le prouvent
d’une manière sans réplique. Elle ne peut donc pas non plus em
pêcher q u e , tant que le gouvernement no fait pas cesser, par une
injonction de sortir du territoire français, la résidence qu’un étran
ger y a prise spontanément à perpétuelle demeure, cette résidence
n ait le caractère et tous les effets d’un véritable domicile.
M . Dalloz ne se fonde que sur l’art. 100 du Code civil, sur lavisdu Conseil d’état dont nous venons de parler, sur le discours déjà
cité de 1 orateur du Iribunat à la séance du corps législatif, du 17
vendémiaire précédent’, et sur un arrêt de la Cour d’appel de
Paris, du 16 août 18x1.
Mais, i°. de ce qu’il est dit dans l’article 100 du Code civil que
« le domicile de tout Français, quant à l’exercice de scs droits
» civils, est le lieu où il a son principal établissement ; » de ce que
cet article ne définit pas le domicile par rapport aux étrangers ,
s ensuit-il que, suivant l’expression de l’auteur cité, il déclare im
plicitement les étrangers incapables du droit de domicile? Il serait
absurde de le penser; car, d’un côté , il en r é s u lte r a it , entre autres
�( 8o )
inconvéniens auxquels il serait impossible d’échapper, qu’un étran
ger établi en France à perpétuelle demeure , et qui y aurait réuni
toute sa fortune, ne pourrait pas y être actionné devant un tribunal
français, en payement des dettes qu’il aurait contractées envers
d’autres étrangers, puisque nul ne peut, sauf quelques cas d’ex
ceptions, être cité par action personnelle, que devant le juge de
son domicile; qu’il pourrait ainsi braver impunément toutes les
poursuites de ses créanciers non Français', et que la loi ellemême se rendrait complice de sa mauvaise foi, en la protégeant.
D ’un autre côté, si régler le domicile par rapport aux Français
c’est implicitement reconnaître que le droit de domicile est un
droit civil, ce n’est certainement pas dire que ce droit est exclu
sivement réservé aux Français; car si c’est un droit civil, il a du
moins sa racine dans le droit des gens, qui laisse à tout homme la
faculté de s’établir où il lui plaît, d’y demeurer tant que l’autorité
locale n’y met pas obstacle; et c’est une vérité incontestable, re
connue par M. Dalloz lui-même à l ’endroit cité, et que le sous
signé se flatte d’avoir porté au plus haut degré de démonstration (i),
que l’art. i 3 du Code civil ne réserve aux Français que les droits
civils créés par la loi civile. Pourquoi donc l’article 100 ne parlet-il que des Français dans la définition qu’il donne du domicile l
Par une raison très-simple, et qui se sent d’elle-même à la lecture
du procès verbal de la séance du Conseil d’état, du 16 fructidor
an g : c’est que son unique objet a été de résoudre une question
vivement controversée entre les membres du conseil, et qui, sans
objet pour les étrangers, ne pouvait concerner que les Français,
c'est-à-dire, la question de savoir si le domicile civil serait néces
sairement là où serait le domicile politique, et si les règles de
( i ) V oyez les Questions de droit , aux m ois Propriété littéraire , § 2 , et R em ploi ,
§ 4 , 4 * éd itio n , ou S u p p lé m e n t à la 3 '.
�(80
fixation et de translation de domicile seraient communes à 1 un et
à l ’autre.
2°. Il est vrai qu’un avis du Conseil d’état, du î S prairial an 1 1 ,
approuvé le 20 du même mois, déclare que, dans tous les cas ou
un étranger veut [s’établir en France, il est tenu d'obtenir la per
mission du gouvernement ; mais à propos de quoi le déclare-t-il! On
en jugera par la manière dont il est conçu :
« L e Conseil d’état, après avoir entendu la section de législation
» sur le renvoi qui lui a été fait du rapport du grand-juge ministre
» de la justice, qui présente la question de savoir si l ’étranger q u i}
» aux termes de la constitution, veut devenir citoyen français,
» est assujetti'à la disposition du Code civil (liv. i*r, art. i 5 ), qui
» ne donne à l’étranger des droits civils en France r tant qu’il con« tinuera d’y résider, que lorsqu’il aura été admis par le gouver» nement à y établir son domicile;
» Est d’avis que , dans tous les cas où un étranger veut s’éta» blir en France, il est tenu d’obtenir la permission du gouverne» ment, et que les admissions pouvant être, suivant les circons» tances, sujettes à des modifications, à des restrictions , et même
» à des révocations, ne sauraient être déterminées par des règles
» ou des formules générales. »
Cet avis se réfère, comme l’on voit, au mode de naturalisation
qu avait introduit, à l ’exemple de la constitution du 5 fructidôr
an 5 , l’article 3 de cello du 22 frimaire an 8.
L ’article 10 de la première portait que « l'étranger devient
» citoyen français, lorsqu’après avoir atteint l’âge de vingt-un ans
» accomplis, et avoir déclaré l’intention de se fixer en France, il
» y a résidé pendant sept années consécutives, pourvu qu’il y paye
» une contribution directe, et qu’en outre il y possède une pro» priété foncière, ou un établissement d’agriculture ou de com» merce, ou qu il y ait épousé une Française. » A cette disposi
tion, 1article 3 de la constitution du 22 frimaire an 8 , sous l’emît
�(
82
)
pire de laquelle a été rédigé le Code civil, substituait celle-ci :
« Un étranger devient citoyen français, lorsqu’après avoir Rtteint
» l’âge de vingt-un ans accomplis, et avoir déclaré l’intention de
» se fixer en France, il y a résidé pendant dix années consécu» tives. »
Ainsi, d’après la lettre de l’article 3 de la constitution de l ’an
8, comme d’après celle de la constitution de l’an 3 , un étranger
aurait p u , sans le concours de l ’autorité du gouvernement et
par l’effet de sa seule volonté manifestée par une déclaration suivie
de sept ou dix années de domicile continu en France , et non ex
pressément contredite par le gouvernement qui pouvait l ’ignorer,
acquérir la qualité de citoyen français, avec tous les droits civils et
politiques qui y étaient attachés. Mais , en disposant ainsi, la cons
titution de l ’an 8 n’avait pas plus que celle de l ’an 3 ôté au lé
gislateur le pouvoir d’organiser sa disposition de manière à ce
qu'elle ne fut applicable qu’aux étrangers qui seraient jugés par le
gouvernement dignes du bienfait de la naturalisation ; elle le lui
avait donc virtuellement réservé ; et c’est ce pouvoir qu’a exercé
l ’article i 3 du Code civil, non pas directement et en termes ex
près, mais indirectement et d’une manière implicite, et qui ne
laisse pas d’exclure toute équivoque, en disant que les étrangers
domiciliés en France n’y jouiraient de tous les droits civils qu’au
tant qu’ils auraient obtenu du gouvernement la permission expresse
de s’y établir; car, dire que la permission du gouvernement est
nécessaire à un étranger pour jouir des droits civils , c’est nécessai
rement dire qu’elle l ’est aussi et à plus forte raison pour l’acquisi
tion des droits politiques. C ’est la conséquence du principe q u e ,
quoiqu’on puisse jouir des droits civils sans jouir en même temps
des droits politiques, on ne peut cependant jamais jouir des droits
politiques si l’on ne jouit en même temps des droits civils.
La question de savoir s i , par rapport à la nécessité de l ’autori
sation du gouvernement, on doit assimiler le cas où l’étranger
�( 83 )
qui veut s’établir en France aspire à la jouissance des droits poli
tiques , en devenant citoyen français par une résidence continue de
dix années, au cas où il n’ambitionne pour le moment que la jouis- sance immédiate de tous les droits civils , ne présentait donc au
cune difficulté sérieuse. Aussi le conseil d’état n’a*t-il pas hésite a
la résoudre pour l’affirmative.
Mais est-il vrai, comme le prétend l’auteur dont il s’ag it, qu il
ne s’est pas borné à la solution de la question qui lui était ren
voyée par le premier consul , et qu’il en a, en même temps,
tranché une autre sur laquelle le premier consul n’avait pas
appelé son examen? est-il vrai qu’il a décidé que l’étranger qui
n’aspirait en France , ni à la jouissance immédiate de tous les
droits civils, ni à la jouissance des droits politiques après dix an
nées de résidence, ne pouvait établir son domicile en France qu’a^
vec l’autorisation expresse et solennelle du gouvernement? com
ment cela se pourrait-il? L e conseil d’état du consulat et de l’empire
n’était pas une académie où chacun pût élever à volonté et propo
ser de résoudre officiellement telles ou telles questions. 11 était,
et c’est une vérité que le soussigné ne craint pas d'affirmer person
nellement pour l’avoir yu constamment pratiquer pendant les huit
années et plus qu’il y a siégé , rigoureusement astreint à ne s’oc
cuper que des questions qui lui étaient spécialement soumises par
le chef du gouvernement. O r, quelle était la question que le pre
mier consul lui avait soumise en lui renvoyant le rapport du mi
nistre de la justice? C e n’était certainement pas celle de savoir si
un étranger avait besoin d’une autorisation expresse du gouverne
ment pour établir son domicile en France, sans autre vue que celle
-•de s y fixer à.perpétuelle demeure; c ’était uniquement celle de sa
voir si, en y établissant son domicile de son propre mouvement ,
il lui suffisait d en faire la déclaration à la municipalité du lieu où
il entendait se fixer , pour devenir citoyen français par le seul effet
4 une résidence continue de dix années. II n’avait donc ii répondre
11 *
�( 84 )
qu'à cette question; il ne pouvait donc pas, en s’expliquant sur
cette question , en résoudre une autre; et ce qu’il ne pouvait pas
faire , le bon sens veut qu’on ne présume pas qu’il l’ait fait. Qu’im
porte , d’après ce la , qu’il ait dit q u e, dans tous les cas où un
étranger veut s'établir en France , il est tenu d’ obtenir la permis
sion du gouvernement? Ces mots, dans tous les cas, quelque gé
néraux qu’ils soient littéralement, n’en doivent pas moins être res
treints à l’objet de l ’avis dans lequel ils sont insérés. O r , encore
une fois , cet avis ne porte que sur la question de savoir s’il en est
du cas où l ’étranger veut s’établir en France à l’efFet de devenir ci
toyen français après dix années de résidence, comme du cas où il
cherche , en s’y établissant, à jouir de suite des droits civils. 11 ne
fait donc virtuellement qu’assimiler le premier de ces deux cas au
second; et en disant dans tous les cas , c'est évidemment dans l ’un
et Vautre cas qu’il veut dire.
A qui persuadera-t-on, d’ailleurs, que s’il eût été dans son inten
tion comme dans son pouvoir d’aller plus loin , et de décider que ,
même hors ces deux cas, nul ne pouvait établir son domicile en
France sans la permission du gouvernement, le .premier consul
eût négligé , en approuvant sa décision, d’en ordonner l’insertion
au Bulletin des lois , pour la faire connaître aux milliers d’indivi
dus qu’elle aurait intéressés?
5°. Comment l’auleur de la Jurisprudence du 19e sic le , tout en
convenant, comme 011 l’a déjà vu , que les expressions littérales de
l ’article i 5 du Code civil no peuvent être invoquées avec succès
contre la doctrine du soussigné, peut-il prétendre qu’elle n’en doit
pas céder à la manière dont cet article a été entendu par l'orateur
qui portait la parole au nom du tribunal, lors de la discussion à
laquelle cet article a donné lieu ?
D ’une part, de ce que l’orateur du tribunat, en s’expliquant sur
cet article, en aurait outre-passé et par conséquent méconnu le
sens textuel, s'ensuivrait-il que les magistrats dussent sur sa parole
�( 85 )
supposer à cet article l’intention de dire ce qu il ne dit pas ; et ne
devraient-ils pas plutôt, en rejetant sa prétendue assertion, s en
tenir au texte de la loi ? Assurément les orateurs du gouvernement
étaient bien plus à portée que ceux du Tribunat de connaître 1es
prit dans lequel avait été rédigé l’article i 3 . Eh bien ! que l ’on con
sulte les deux exposés des motifs du titre du Code civil dont
l’article io fait partie, et l’on*y verra les deux orateurs suc
cessifs du gouvernement, M . Boulay (de la Meurthe) et M . Treilhard, s’accordera dire sur cet article, que son objet n’est pas
d’empêcher que des étrangers n’établissent leur domicile en France
sans la permission expresse et solennelle du gouvernement, mais
seulement de restreindre ceux qui auront obtenu cette autorisa
tion, soit à la jouissance de tous les droits civils qu’il leur accorde
immédiatement, soit à la jouissance des droits politiques que la
constitution leur accorde après dix années de residence.
«A ux termes de la constitution (disait le premier orateur, à la
« séance ducorps législatif du 1 i frimaire an 10), l’étranger ne peut
« devenir citoyen français qu’en remplissant trois conditions :
» i°. être âgé de vingt-un ans accomplis; 2°. avoir déclaré l’inten» tion de se fixer en France; 5°. y avoir résidé pendant dix an» nées consécutives. — Mais l’étranger a-t-il le droit absolu , en
» remplissant ces conditions, de devenir citoyen français? Si un
» étranger couvert de crimes, échappé au châtiment qui l’alien» dait dans son pays, mettant le pied sur le territoire français,
» disait au gouvernement : Je veux non-seulement résider en
» France, mais y devenir citoyen; c'est un droit que m'accorde
» votre constitution, et dont vous ne pouvez pas nie priver;
» croit-on de bonne foi que le gouvernement fût lié par une
» telle prétention? Non , sans doute; la constitution française n’a
» pas entendu stipuler contre les Français en faveur des étrangers;
» elle n a pas voulu verser sur nous la lie des autres peuples : son
» but n’a pu être, en adoptant les étrangers. "»'•
1
�( 86)
» F r a n c e de nouveaux sujets utiles et respectables. Cette adoption
» d ’a ille u r s doit être un engagement réciproque, et la nation ne
» peut pas être plus forcée de recevoir au nombre de ses citoyens
» un étranger qui lui déplairait, que cet étranger ne pourrait être
» contraint à devenir, malgré lui, citoyen français. II est donc
» dans l’intérêt national, et dans le véritable sens de la constitu» tion ; il est dans la nature des’ ehoses, qu'un étranger ne puisse
» devenir citoyen français que quand il est admis par le gouver» nement à le devenir, et qu’on a par conséquent l’assurance,
j> ou au moins l’espoir qu’on fera dans sa personnè une acquisition
» précieuse (i). »
« La loi politique (disait le second orateur, à la séance du 6 ventôse
» an 11) a sagement prescrit une résidence de dix années pour
» l’acquisition des droits politiques; la loi civile attache avec la
» même sagesse le simple exercice des droits civils à l ’établissement
» en France. — Mais le caractère personnel de l ’étranger qui se
» présente, sa moralité plus ou moins grande, le moment où il veut
» se placer dans nos rangs, la position respective des deux peuples,
» et une foule d’autres circonstances, peuvent rendre son admission
)> plus ou moins désirable; et pour s’assurer qu’une faveur ne tour» nera pas contre le peuple qui l ’accorde, la loi n’a dû faire par» ticiper aux droits civils que l’étranger admis par le gouverne» ment (2).
Il
n’y a, comme l’on voit, dans l ’un et l ’autre exposé des motifs,
rien qui puisse faire supposer que l’autorisation du gouvernement
soit nécessaire à l ’étranger qui n'a en vue , dans cette détermina
(1) Exposé /¡es m otifs du projet de lo i re la tif à la jouissance et à la privation des
, présenté à la séance du corps législatif du 11 frimaire an 10, p. iG
de l’édition de l ’im prim erie nationale.
(a) Procès verbal de la discussion du projet du Code civil au conseil d ’é ta t, tome t ,
page £ 4 3 , de l ’édition officielle.
droits c'vits
�}
tion, ni l ’acquisition des droits civils, ni l’acquisition des droits
politiques; rien, au contraire, qui ne décèle, de la part du légis
lateur , Tintention de restreindre la nécessité de cette autorisation
a 1étranger qui se propose, en établissant son domicile en France,
de $’y procurer d’abord la jouissance des droits civils, et, avec le
temps, la qualité de citoyen français.
D ’un autre côté, la preuve que l’orateur du tribunat lui-même,
en disant : « Il n’y a aucune objection contre la disposition de
» l ’article i 3 , qui veut que l ’étranger ne puisse établir son
» domicile en France s’il n'y est admis par le gouvernement, » n’a
eu en vue que l ’étranger, q ui, en établissant son domicile en
France, se propose d’y jouir des droits civils immédiatement, et
des droits politiques après une résidence de dix années , c’est qu’il
ajoute aussitôt : « C ’est une mesure de police et de sûreté, autant
» qu’une disposition législative. L e gouvernement s’en servira
» pour repousser le vice, et pour accueillir exclusivement les» hommes vertueux et utiles, ceux qui offriront des garanties à
» leur famille adoptive, » termes qui, bien évidemment, ne peu
vent s'appliquer qu’aux étrangers qui veulent associer leurs des
tinées à celle de la nation française, et partager d’abord avec tous
les Français la jouissance des droits civils , en attendant qu’ils
puissent jouir comme eux des droits politiques.
4°* Quant à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris , du 16 août 1811 ,
il n’est que trop vrai qu’en adhérant à l ’opinion hasardée par le
soussigné dans la 3 « édition du Répertoire de jurisprudence, sur
le sens de l’article i 3 du Code civil, il a jugé qu’un étranger do~
micilié en France sans l’autorisation du gouvernement, pouvait
y être condamné par corps au payement d’une dette purement
civile, en vertu de l’article i5 de la loi du 10 septembre 1807,
portant que « tout jugement de condamnation qui in te r v ie n d r a au
« profit d un Français contre un étranger non domicilié en France*
» emportera la contrainte par corps.»
(
8
7
�( 88 )
Mais il est Lien difficile de croire que les magistrats qui ont
rendu cet arrêt, n’eussent pas jugé tout autrement, s’ils avaient
fait attention à la manière dont M. Treilhard, l’un des princi
p a u x rédacteurs de la loi du xo septembre 1807, en avait défini
les expressions non domicilié en France, dans le discours par
lequel il avait, au nom du gouvernement, exposé les motifs de
ceite loi à la séance du corps législatif du 3 i août de la même an
née. Ecoutons-le lui-même : « Vous avez remarqué que la loi n’est
» faite que contre l’étranger non domicilié en France, c'est-à-dire,
» contre létranger qui, d'un moment à l'autre, peut disparaître
» sans laisser après lui aucune trace de son passage ou de son
» séjour. » Assurément, cette définition ne peut pas s’adapter à
l’étranger qui, ayant transporté en France la totalité ou une grande
partie de sa fortune, y a fixé son principal établissement, et en
a fait le siège de ses affaires. Il serait donc souverainement dérai
sonnable de supposer à M . Treilhard la pensée que I ’ o q pût, dans
l’application de la loi qu’il proposait, considérer des étrangers de
cette catégorie comme non domiciliés en France, et les traiter,
relativement à la contrainte par corps , avec la même rigueur que
ceux qui, ne faisant que passer en France, ou y séjourner mo
mentanément, n’offrent à leurs créanciers français trop confians,
aucune espèce de garantie. Eh! comment aurait-il pu seulement
en concevoir l’idée, lui qui, en s’expliquant comme orateur du
gouvernement sur l’article i 5 du Code civil, avait énoncé si clai
rement que ce n’était qu’à l ’effet d’acquérir tous les droits civils,
que l’étranger était astreint à obtenir l ’autorisation du gouverne
ment pour établir son domicile en France?
A u ssi, l’un des plus célèbres professeurs qui honorent nos
écoles de droit, M. Proudhon, 11’a-t-il pas hésité, deux ans après
la publication de la loi du 10 septembre 1807, à enseigner, dans
son Cours de droit français, tome i er, chapitre 12, une doctrine
diamétralement contraire à la décision de l ’arrêt cité. Voici ses
termes, pages 90, 91 et 90.
�( 89 )
*> Il existe en France des milliers d’individus étrangers de
» naissance, qui y viennent de toutes les parties de l ’Europe,
» pour se perfectionner dans leurs arts ou métiers, et finissent
» par s’y établir à perpétuelle demeure, sans autorisation du gou» vernement : il en existe des milliers que le sort de la guerre y
a amenés, comme prisonniers ou autrement, que la douceur du
» climat y fixe, et qui s’y établissent sans esprit de retour, mais
» sans l ’autorisation spéciale de l ’empereur; quel est leur état per» sonnel.....?
« Dans le fait, on peut trouver plus ou moins de doute sur la
» question de savoir si un homme qui a quitté un pays étranger
» pour venir s’établir en France , a réellement acquis, dans l'em» pire , un véritable domicile à perpétuelle demeure, ou s’il n’y a
» pris qu’une résidence momentanée ; mais à supposer qu’il soit
» constant qu’il ait abdiqué pour toujours sa patrie natale, et qu’il
» se soit établi en France, sans conserver aucun esprit de retour
» pour son pays d’origine, il n’est plus possible, dans le d ro it,
» de l’assimiler entièrement à l ’étranger qui n’existe qu’accidentel» lement et comme voyageur dans l’empire...
» Il n’est donc plus étrangerproprement dit, et dans toute l’étcn» due de 1 expression ;.... aussi la loi ne le rend plus passible de
» contrainte par corps comme les étrangers ordinaires. (Voyez la
» loi du 10 septembre 1807.') »
Au surplus , et ceci paraîtra sans doute plus que suffisant pour
-contre-balancer le préjugé résultant de l ’arrêt de la Cour d’appel
de Paris, du 16 août 1 8 1 1 , il existe deux arrêts de la Cour de cas
sation , qui décident formellement q u e , pour qu’un étranger soit
considéré comme domicilié en France, il i^’est pas nécessaire que
Je gouvernement 1 ait autorisé à y établir son domicile.
Voici l espèce du premier :
L e 17 brumaire an
, jugement du tribunal de commerce
,du département de la Soine, qui, avant faire droit sur les contes12
�C 9° )
tâtions élevées entre les sieurs Church et Gargill, relativement à
l’expédition du navire la llannac, portant pavillon américain, et
capturé par les Anglais, ordonne la mise en cause du sieur Burlouw,
citoyen des Etats-Unis d’Amérique , qui a été employé par les par
ties dans celte expédition, et peut, par conséquent, donner des
éclaircissemens utiles sur les points litigieux, mais qui se trouve
en ce moment à Londres.
Pour satisfaire à ce jugement, le sieur Gargill le fait signifier
au sieur Burlouw, dans une maison dont celui-ci avait été proprié
taire à Paris, et dans laquelle, après l’avoir vendue, il occupait
encore un appartement au moment de son départ pour l ’Angleterre.
L e sieur Burlouw ne comparaît pas , et de là , un incident sur le
mérite de la signification qui lui a été faite.
Le sieur Church , grandement intéressé à ce qu’il comparaisse
et donne les explications pour lesquelles sa comparution a été or
donnée, demande la nullité de cette signification, et soutient, à
l’appui de sa demande, que le sieur BurlouAv n’ayant pas été auto
risé par le gouvernement à établir son domicile en France, la maisoti
où la signification a été faite ne peut pas être considérée comme
le lieu de son domicile; qu’ainsi, il n’a pu , aux termes de l’art. 7
du titre 2 de l ’ordonnance de 1G67, encore en pleine vigueur à
cette époque , être assigné, comme étranger étant hors le royaume,
qu’au parquet du ministère public.
Le 18 avril 1809, jugement q u i , d’après l’art. 8 du même titre
delà même ordonnance, portant que les absens pour voyage de long
cours ou hors du royaume, seront assignés à leur dernier domicile,
déclare que le sieur Burlouw a été valablement assigné à son der
nier domicile connu en France, rt que, par suite, il a été pleine
ment satisfait par le sieur Gargill à l’interlocutoire qui ordonnait
sa mise en cause.
Appel de ce jugement, de la part du sieur Clm rch, à la Cour
de Paris.
Le 2 février 1810, arrêt confirmait".
�( 91 )
Le sieur Church se pourvoit en cassation, et dit qu en mécon
naissant l’arlicle i 5 du Code civil, aux termes duquel, suivant
l u i , le sieur Burlouw ne pouvait pas , sans la permission du gou
vernement, acquérir un domicile en France, la Cour d appel a
viole , par une fausse application de l’article 8 du titre 2 de 1 or
donnance de 1667 , la disposition de la même loi, qui voulait que
les étrangers ne pussent être assignés qu’au parquet du ministère
public.
Mais par arrêt du ao août 1811 , au rapport de M. LefessierGrandprey, et conformément aux conclusions de M . l’avocat-général Daniels ;
« Attendu qu’en droit, le domicile attributif des droits politiques
» et civils qu’un étranger ne peut acquérir qu’en remplissant les
» conditions prescrites par la loi , est essentiellement distinct du
» domicile de fait auquel peut être assigné tout individu résidant
» en France;
» Attendu qu’en fait, d’après les circonstances du procès , les
» juges ont reconnu que le sieur Burlouw demeurait à Paris, où
» il payait ses impositions....;
>* La Cour ( section des requêtes) rejette le pourvoi (1).... »
Le second arrêt est d’autant plus remarquable, qu’il décide tout
à la fois , et qu’avant le Code civil, un étranger n’avait pas besoin
de l’autorisalion du gouvernement pour se constituer en France un
domicile proprement d it, et que le Code civil n’a ni abrogé, ni
modifié à cet égard l’ancienne jurisprudence.
Dans le fait, le sieur Parker, citoyen des Etats-Unis d’Améri
q ue, avait transporté son domicile en France long-temps avant la
publication de l’article i 3 du Code civil; il y avait acquis divers
immeubles , et c’était à Paris , lieu de son principal établissement,
(1) Recueil de Sirey , année 1811 , partie 1" , page 3G2. Journal des au
diences de la Cour de cassation , même année , page
12
*
�( 92 )
qu’il payait ses 'contributions personnelle et mobilière ; mais il
n’avait pour cela fait à l ’autorité locale aucune déclaration de
laquelle on pût induire de sa part l ’intentioii de passer en France
le reste de ses jours, ni obtenu du gouvernement aucune espèce
d’autorisation.
Le 4 juillet 1808, il est assigné , à la requête des sieurs Swan
et Schweizer, Américains comme l u i , devant le tribunal de com
merce de Paris, en payement d’obligations commerciales qu’il a
contractées envers eux en France, mais qui, d’après leur objet et
leur nature , ne pourraient, aux termes de l ’article 420 du Code
de procédure civile, le rendre justiciable de ce tribunal qu’autant
qu’il fût domicilié à Paris.
Il
comparait et demande son renvoi devantles juges de son pays
natal.
Le 12 janvier 1808, jugement qui, vu les articles i 3 et 14 du
Code civil, accueille le déclinatoire ,
« Attendu que le sieur Parker n’a , non plus que les sieurs Swan
» et Schweizer, obtenu la permission de l’empereur d établir son
» domicile en France ; et que , quoique le sieur Parker ait des pro» priétés en France et qu’il y ait résidé long-temps , néanmoins il
» n’y a point acquis de domicile légal ; d’où il suit qu’il continue
» d’être toujours Américain , ainsi que cela est prouvé par le cer» tificat portant permis de séjour, à lui délivré le 5o du mois de
» mars dernier, par le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis
» d’Amérique près de Sa Majesté l’empereur, dans lequel certifi» cat le ministre, en le qualifiant de propriétaire demeurant à
>> Paris , certifie qu’il est citoyen des Etats-Unis, et demande pour
» lui protection et hospitalité;
» Attendu qu’aux termes de l’art. 14 du Code civil, l’étranger ne
» peut être cité devant les tribunaux français que pour l’exécution
h des obligations par lui contractées en France avec un Français,
» et non pas avec un étranger'; qu’ainsi ledit sieur Parker ne peut
�( 93 )
»
»
»
»
»
être traduit devant les tribunaux de France pour des obligations qu’il aurait contractées en France avec la maison Swan et
Schweizcr, puisque cette maison, ainsi que lui, sont et contitinuent tous deux d’être Américains, et qu’ils n’ont pas acquis
un domicile légal en Franoe. »
Appel de la part des sieurs Swan et Schweizer, qui le fondent
sur deux propositions : la première, que l ’article i 3 du Code civil
n’a ni dérogé aux anciens principes qui laissaient l’étranger maître
d’établir son domicile en France par l'effet de sa seule volonté,
jointe à une habitation réelle et continue dans ce royaume, ni
par conséquent subordonné à l’autorisation du gouvernement l ’effet
de cet établissement; la seconde, que si l ’on pouvait, par une in
terprétation extensive, supposer à cet article l’intention de déroger
aux anciens principes , on ne pourrait du moins pas lui donner un
effet rétroactif, ni par conséquent en argumenter, pour priver
soit le sieur Parker, soit ses ayans-cause, du domicile qu’il avait
acquis en France long-temps avant le Code civil.
De ces deux propositions, la Cour d’appel de Paris laisse de
coté la première; mais elle adopte la seconde; et, par arrêt du
i x juin 1812, elle réforme le jugement du tribunal de commerce :
« Attendu que Parker, domicilié enFrance depuis longues années,
» et y possédant plusieurs immeubles, bien avant la promulgation
» du Code civil, a été régulièrement assigné derant les tribunaux
» français (1). »
L e sieur Parker se pourvoit- en cassation, et persistant à sou
tenir que lart. 10 du Code civil doit être entendu dans le sens
que lui a attribué le jugement du tribunal de commerce, il en
conclut que la cour d’appel l’a formellement violé par le refus
qu elle a fait de le lui appliquer. En effet, dit-il, les lois qui m’au-
(1) Recueil de Sircy, année iS ia , partie 2% page 398.
�( 9^ )
raient autrefois donné un domicile légal en France, qui m’au
raient ainsi rendu justiciable des tribunaux français, m’auraient
évidemment conféré une qualité que je n’aurais pu tenir que de
leur autorité ; elles ne pourraient donc être considérées que comme
des lois personnelles. O r, on sait que les lois de cette nature per
dent tout leur empire du moment qu’elles sont remplacées par
d’autres, et que leur effet ne survit jamais à celles-ci. C ’est ainsi que
le Normand qui, ayant atteint sa vingtième année révolue, la veille
de la publication de la loi du 20 septembre 1792 , était par là devenu
complètement majeur, aux termes de l’art. 2S des Placités de Nor
mandie de 16GG, est rentré dans l’état de minorité par l’effet de la
disposition de cette loi qui déclarait la majorité acquise à vingt-un
ans accomplis (1). C ’est ainsi que, comme l’enseigne M.Proudhon,
dans son Cours de droit français, chap. 4 >sect. i re, n° 6, «les mi» neurs des pays de droit écrit, qui étaient âgés de moins de quinze
» ans révolus, et qui étaient su iju ris, sont, après la publication
» du Code civil, retombés sous la tutelle de leur mère, pour tous
» actes postérieurs à cette publication, mais sans porter atteinte
» aux négociations antérieurement consommées. »
Les sieurs Swan et Schweizer répondent qu’un domicile de fait,
indépendant de la jouissance des droits civils, suffisait autrefois
et doit suffire encore pour rendre un étranger justiciable des tri
bunaux français; qu’aucun texte formel du Code civil ne contrarie
celte proposition, et que les raisons les plus puissantes la justi
fient.
« D ’abord (ajoutent-ils), l’art. 10 du Code civil est bien loin de
» se prêter à la conséquence que l ’on veut en tirer. Cet article
» règle uniquemenl les conditions que l ’étranger doit remplir pour
§
( 1) Yoyez le Rrpcrtoirr.
2 , art. fj, n° 2.
de jurisprudente , aux inots liffr t rétroactif. sect. 3 ,
�( 95 )
acquérir la jouissance des droits civils. Il exige, pour que le
domicile de l’étranger en France lui procure ces droits, que ce
domicile soit établi sous l ’autorisation du gouvernement; mais il
ne dit point que, sans cette autorisation, sans les droits qu elle
confère, le domicile de l’étranger soit moins légal, moins attributif de juridiction.......
» Maintenant, si nous envisageons tous les inconvéniens atta» chés au système du demandeur, bien loin d’être tenté, pour
» l'admettre, de suppléer au silence de la l o i , on cherchera dans
» tous les textes les moyens de le rejeter. En effet, quelle déplo» rable législation serait la nôtre, si un débiteur de mauvaise
» foi pouvait, en s’abstenant'toute sa vie d’acquérir la jouissance
» des droits civils, parvenir à échapper aux poursuites de tous
» ses créanciers étrangers ! Suivant ce système, nos lois qui sont
» établies pour contraindre chacun à l’exécution de scs promesses ,
» serviraient à soustraire l ’étranger à ses engagemens les plus sa» crés, et la France serait un asile ouvert à l’improbité de tous
» les cosmopolites.
» Reconnaissons donc, au contraire , que l’abstention volontaire
» du droit que l ’art. i 3 offre à l ’étranger ne doit jamais favoriser.
» sa mauvaise foi, et que toutes les fois q ae, par son séjour, sou
» existence, ses relations civiles o u ‘commerciales , cet étranger
» aura acquis un domicile de fait en France , il pourra être soumis
» à la juridiction des tribunaux français pour les obligations qu’il
» a contractées même avec des étrangers.
»
»
»
»
»
»
» Telle était la jurisprudence que l ’on suivait autrefois........
» De cette jurisprudence il résulte deux choses : la première ,
» qu elle doit servir, dans le silence de nos lois nouvelles, à établir
» les mêmes principes qui étaient suivis autrefois; la seconde , que ,
» dans le cas même ou le Code civil consacrerait le système du
» sieur Parker, ce système ne pourrait pas être admis dans 1 es» pccc particulière de la cause, parce que c est avant la publica-
�( 9g )
» lion de ce Code, que le sieur Parker a fixé sa résidence en
« France i et qu’il a acquis alors un domicile qu’il conserve enx core aujourd'hui; car c’est à tort que l ’on a prétendu que le do» micile du sieur Parker avait cessé avec les lois qui le lui avaient
» conféré. C ’est là une erreur qu’il est facile de reconnaître : les
» lois qui attribuaient un domicile à l’étranger étaient, à la vérité,
» personnelles; mais les droits qu’une loi personnelle confère ne
» sont pas toujours révocables. Ils sont révocables, quand l’indi»> vidu qui en jouit ne les lient que de la loi, et non pas de l’ac» complissement de certaine formalité que lui impose celte loi
» pour les acquérir. Ainsi, un majeur est remis en tutelle , quand ,
»> par un changement de législation, la majorité est reportée à un
» âge plus avancé, parce que c’était de la seule existence de la loi
» qu’il tenait les droits dont il jouissait. Mais, au contraire, celui
>> à qui la loi permet d’acquérir une certaine qualité en remplissant
» quelques conditions auxquelles il s’est soumis, ne peut pas per» dre cette qualité, parce qu’une loi postérieure ne l’accorde qu’à
» d’autres conditions. C ’est ainsi que l ’étranger qui aura acquis la
» qualité de citoyen français, en remplissant les formalités voulues
» par la constitution de l’an 3 , c’est-à-dire, par sept années de
•» résidence, ne perdra pas celle qualité , parce qu’au moment où
» la constitution de l'a n 8 aura été publiée, il ne comptera pas les
»> dix années de résidence qu’exige cette constitution pour accor» der la même qualité à un étranger.
» De même celui à qui les lois anciennes permettaient d’acqué» rir un domicile légal en France , sous la seule condition qu’il y
» établirait un domicile de fa it, £t qui a rempli celte condition y
■
» ne peut pas perdre les droits que ce domicile lui a donnés,parce
» qu’une loi postérieure impose de nouvelles conditions pour l’ac» quisilion de ces mêmes droits. »
Tels étaient, dans cette grande affaire, les moyens respectifs des
deux parties , et quel a été le résultat du rapport qu’en a fait, à
�( 97 )
la chambre civile le savant et judicieux magistrat que son mérite
«minent a depuis peu fait élever à la dignité de président de la
chambre des requêtes (M . Zangiacomi) ? La Cour de cassation a
rejeté le pourvoi du sieur Parker, et a par conséquent décidé que
celui-ci avait en France un véritable domicile par l ’effet duquel il
était pleinement assujetti à la juridiction des tribunaux français ;
mais comment a-t-elle motivé cette décision! Elle s’est bien gar
dée de supposer, avec l’arrêt de la Cour d’appel de Paris , que
l’article i 3 du Code civil e û t, pour l’avenir, fait dépendre de 1au
torisation du gouvernement la légalité du domicile qu un étranger
voudrait se constituer en France par une résidence effective jointe
à l ’intention de s’y fixer pour toujours ; elle a déclaré, au contraire,
«n termes exprès, que cet article était absolument muet sur la ques
tion de savoir si un étranger qui n’aspirait point à la jouissance
des droits civils réservés aux Français, aurait besoin de l’autorisa
tion du gouvernement pour établir son domicile.cn France; et con
cluant de là que le Code civil avait laissé les choses à cet égard
sur le même pied qu’elles étaient sous l’ancienne législation, elle
en a tiré la conséquence ultérieure q u e , puisqu’on ne pouvait citer
aucun acte de l’ancienne législation qui subordonnât à l ’autorisa
tion du gouvernement l’efficacité de l’établissement qu’un étranger
faisait de son domicile en France , il fallait sur ce point, et tant
pour le passé que pour l’avenir, s’en tenir aux principes généraux
de la matière, suivant lesquels , comme elle l’avait déjà dit par son
arrêt du 8 thermidor an 11 , les étrangers demeurent sous la dis
position générale de la loi commune, qui ri exige , pour Vétablisse
ment du domicile , que le fa it de l'habitation réelle , jointe à l'in
tention de £ établir.
« Considérant (a-t-elle dit d’après cela) que l’article i 5 du
j> Code civil a pour objet unique d’indiquer comment un étranger
» peut acquérir la jouissance des droits civils; que, ne statuant
» rien sur la compétence des tribunaux , il est sans application a
» l’espèce;
îô
�( 98 )
» Que l’article i 4 ne dispose que relativement aux contes» tâtions élevées entre Français et étrangers ; que l ’on ne peut
» rien en conclure à l’égard de celles existantes entre étrangers,
>» ainsi que cela a été expliqué , lors de la discussion de cet arti» cle, au Conseil d’état;
» Enfin , que le demandeur ne peut citer aucune loi qui inter» dise à un étranger de traduire devant les tribunaux français un
» autre étranger domicilié et propriétaire d’immeubles en France,
» long-tçmps avant la publication du Code civil.
» La Cour rejette le pourvoi (i). »
Quelle différence y avait-il, à l’époque du décès d eM . Edouard
Onslow, entre la position dans laquelle il se trouvait par rapport
à la France, et celle où se trouvait, par rapport au même pays,
l ’Américain Parker , au moment où il avait été assigné devant le
tribunal de commerce de Paris, à la requête des deux autres Amé
ricains ? Aucune : il avait, comme lui, fixé en France le siège
de toutes ses affaires avant le Code c iv il, et il l ’y avait conservé ,
comme l u i , depuis la publication de ce Code; comme lui, il y avait
acquis des -immeubles ; il avait même fait plus que lui, il y avait
épousé une Française , et il avait transporté en France le prix des
immeubles qu’il possédait dans son pays natal. Il était donc bien
évidemment, et à bien plus forte raison, comme lui, domicilié en
France , quoique , comme l u i , il s’y fût établi sans l’autorisation du
gouvernement. .
Mais si le sieur Parker , tout dénué qu’il était de l’autorisation
du gouvernement pour s’établir en France à perpétuelle demeure,
n’en a pas moins été jugé y avoir acquis un domicile qui le rendait
justiciable des tiibunaux français, à raison des obligations qu’il avait
contractées envers d’autres étrangers, comment serait-il possible de
(i) Jo u rn a l des audiences de la Cour de cassation , année iS i/(, page 144-
�( 99 )
juger que M. Edouard Onslow n’avait point acquis en France un
domicile qui assujettissait tous les biens meubles qu il y possédait,
à la loi française ?
Dira-t-on qu’il n’en est point de la question de savoir si la suc
cession mobilière d’un étranger domicilié en France est régie par
la loi française, comme de la question de savoir si un étranger do
micilié en France peut être assigné, par actions personnelles, de
vant un tribunal français ? Ce ne serait là qu’un vain et puéril sub
terfuge.
Pourquoi l’étranger domicilié en France peut-il, en matière per
sonnelle , et lorsqu’il est défendeur, être cité, même par d’autres
étrangers qui ont conservé leur domicile d’origine, devant le tribu
nal français dans l ’arrondissement duquel il est établi à perpétuelle
demeure ? Parce que c’est là qu’existe sa personne , sinon toujours
physiquement, du moins toujours moralement ; parce que, dès lors,
il est nécessairement soumis à la disposition de l ’article 59 du Code
de procédure civ ile , qui veut qu'en matière personnelle le défen
deur soit assigné devant le tribunal de son domicile. JEh bien ! où
existent les eiFets mobiliers d’un étranger domicilié en France?
Nous l ’avons déjà dit, ils n’existent, soit réellement, soit pry: l’efTct
d’une fiction universellement admise, que dans le domicile de la
personne à laquelle ils appartiennent. Ils sont donc nécessairement
soumis à la loi de ce domicile. 11 n’y a donc que la loi de ce do
micile qui puisse, lorsque la personne vient à mourir , en opérer
la transmission à scs successeurs. Or , comment pourrait-on sérieu
sement contester à la loi qui opère une transmission de biens meu
bles , le pouvoir de la régir ? Comment pourrait-on sérieusement,
tout en profitant de la loi qui transmet une succession mobilière ,
faire dépendre cette succession d’une autre loi ?
Objectera-t-on que l’article 3 du Code civil ne soumet à la loi,
française, en ce qui coïicerne les étrangers, que les im m e u b le s qu ils
i3*
�(
100
)
y possèdent, et chercliera-t-on à conclure de là qu’elle n’a aucun'
empire sur les propriétés mobilières qu’ils ont en France?
Pour bien saisir le sens de cet article , il faut le lire en entier, et
le rapprocher de l ’ exposé des motifs qu’en a donnés l'orateur du
gouvernement ( M . Portalis^ à la séance da corps législatif, du
4 ventôse an 1 1.
Cet article est divisé en trois paragraphes. 11 établit, parle pre
mier, que les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui ha
bitent le territoire ; par le second , que les immeubles, même ceux
possédés par des étrangers , sont régis par la loi française; par le
troisième, que les lois concernant l'état et la capacité des per
s o n n e s régissent les Français , même résidant en pays étranger.
Dans l'exposé des motifs de ces trois dispositions, M. Portalis a
d’abord justifié la première par des considérations étrangères à l’ob
jet qui nous occupe ici; ensuite, passant à la seconde et à la troi
sième , voici comment il s’est expliqué :
« On a. toujours distingué les lois qui sont relatives à l ’état et à
» la capacité des personnes, d’avec celles qui règlent la disposition
» des biens. Les premières sont appelées personnelles , et les secon» des réelles.
» Les lois personnelles suivent la personne partout... 11 suffit
» d'’être Français , pour être régi par la loi française , dans tout ce
» qui concerne l’état de sa personne. Un Français ne peut faire
» fraude aux lois de son pays, pour aller contracter mariage en pays
» étranger, sans le consentement de ses père et mère, avant l’âge
» de vingt-cinq ans. Nous citons cet exemple entjrc mille autres
» pareils, pour donner une idée de l’étendue et de la force des
» lois personnelles....
» Les lois qui régissent la disposition des biens sont appelées
m r é e l l e s ; ces lois régissent les immeubles, lors même qu’ils sont
* possédés par des étrangers.... Aucune partie du territoire ne peut
�•
(
101\
» être soustraite a l'administration du souverain1,‘ córame aucune*
» personne habitant le 'territoire’ he^peut être soustraite a sa sur» veillance ni à son autorité. La souveraineté e s t 'indivisible : elle
» cesserait de l ’être, si les portions d’un même territoire pouvaient
» être régies par des lois qui n’émaneraient pas du m ê m e souve>> rain. 11 est donc de l ’essence même des choses, que les irameuv bles dont l’ensemble forme le territoire publicd'un peuple, soient
» exclusivement régis par les lois de ce peuple, quoiqu’une partie
» de ces immeubles puisse être possédée par des étrangers. »
A in si, l’orateur du gouvernement qualifie de lois réelles , et par
conséquent de lois obligatoires pour tous, soit nationaux, soit étran
gers , toutes celles qui régissent la disposition des biens ; et cepen
dant, à l ’exemple du texte dont l’explication l’occupe, il ne parle
que des immeubles; il se borne, comme ce texte, à dire que les
immeubles, n’importe qu’ils soient possédés par des étrangers ou
par des Français, sont régis par la loi française. D ’où vient et que
signifie ce silence sur les biens meubles ?
Personne assurément n’en inférera que la loi française ne ré^it
pas les meubles possédés en France par des Français; une pareille
conséquence serait trop absurde. On ne peut donc pas non plus en
inférer que la loi française est sans autorité sur les biens meubles
possédés en France par des étrangers; car il est impossible d’ad
mettre, h l’égard des étrangers, une manière de raisonner que le
bon sens repousse à l’égard des Français.
11 faut donc nécessairement reconnaître que l’article 3 du Gode
civil se réfère , pour les meubles possédés en France par des Fran
çais , comme pour les meubles qu’y possèdent les étrangers, au
principe général que les propriétés mobilières suivent la personne
et sont censées n’avoir pas d’autre situation que celle de son do
micile.
Mais de là même il résulte de toute nécessité que les meubles.
�( 102 )
possédés en France par u n étranger q u i y a son dom icile , ne p e u
vent , lorsqu’il y meurt-sans avoir^manifesté aucun esprit de retour
dans son pays n atal, être régis dans ^ s u c c e s s io n que par la loi
française.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Onslow. 1832?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Godemel
Allemand
Tailhand
Garnier
H. Conchon
Berryer fils
Merlin
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour MM. Onslow puînés, contre M. Georges Onslow, appelant.
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1832
1783-1832
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
102 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2701
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2702
BCU_Factums_G2703
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2705
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
BCU_Factums_G2708
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53538/BCU_Factums_G2701.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Lillingstone Lovell (01280)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53630/BCU_Factums_G3013.pdf
ad93337f9999a7792377e00775668a5e
PDF Text
Text
MEMOIRE
P our
M
Mlle PELLACOT Mme SEREIX,
Appelants.
Contre
M:
ROCHE desESCURES,
Intimé.
�y>\.
m* / C/J
^ ¿à- 3 u.M-£^______ _ ^ p ù u ,
*J
^ûrll-tô
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Pellacot. 1849]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
biens dotaux
coutume d'Auvergne
testaments
jurisprudence
droit romain
doctrine
hôtels particuliers
loi Quintus Mucius
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour monsieur et madame de Pellacot et madame de Sereix, appelants. Contre monsieur Roche des Escures, intimé.
Titre en caractères d'impression et texte manuscrit.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie lithographique de Brugheat (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1849
1786-1849
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3013
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3012
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53630/BCU_Factums_G3013.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
coutume d'Auvergne
doctrine
droit Romain
hôtels particuliers
jurisprudence
loi Quintus Mucius
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53810/BCU_Factums_M0426.pdf
9a0fe3789cc639dcc2cd7b4ae17a0263
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CONSULTATION
Pour
l e
sie u r
PINTHON.
L ES A V O C A T S SO U SSIG N ÉS,• qui ont lu , 1 °. les
titres et pièces d’un procès entre les sieurs Cibot et Pin-"
thon ; 2°. une consultation donnée par l’un d’eux au
sieur Pinthon, en 1 8 1 1 ; 30. le jugement rendu au tri
bunal civil d’Aubusson, le 20 novembre 1 8 1 1 , en faveur
du sieur Pinthon; 40. un imprimé publié par le sieur
Cibot, contenant ses griefs d’appel contre ledit jugementsuivi de trois consultations délibérées à Riom , à Clermont
et à Limoges, par M es. Yissac Bergier et Dumas
que la redevance de deux setiers de grains,
due à M. le duc d’Orléans, et non au sieur Cibot, a
été abolie, comme féodale, au profit du sieur Pinthon;
que le tribunal d’Aubusson s’est parfaitement conformé
aux principes en le jugeant ainsi ; et que tout ce qui
a été écrit en faveur du sieur Cibot se réduit à des
maximes inapplicables, qui ne peuvent pas empêcher la
confirmation de ce jugement.
On a comparé une charge foncière, assise sur un im
meuble vendu, à une simple créance que le vendeur
pouvoit Réclamer après l’avoir déléguée. Et c’est ainsi
qu’après avoir dénaturé la question, on a appelé au
secours du sieur Cibot tous les lieux communs du droit ?
A
E stim en t
�( 3 )
en matière de délégation, pour en conclure que cette
charge foncière, féodale d’après lui-même, étoit rentrée
dans ses mains, comme roturière, après la suppression
de la féodalité. On a prétendu qu’il pouvoit la récla
mer à son profit, comme n’étant éteinte qu’au préju
dice de M. le duc d’Orléans.
Ce système est si faux, si contraire aux lois, que le
premier mouvement est de s’étonner que de simples so
phismes, sans application et sans liaisons, aient pu séduire
trois jurisconsultes. Mais il paroît que le sieur Gibot s’est
’attaché principalement à leur persuader qu’il avoit fait
de grandes réparations dans ce qu’il a cédé au sieur
Pinthon, et qu’il seroit injuste de faire gagner au sieur
Pinthon une redevance supprimée, plutôt qu’à lui. On
remarque, en effet, que les opinions de ses conseils
paroissent plutôt lui être favorables par équité que par
principes; mais il ne sera pas difficile de prouver que,
ni l’équité, ni les principes, ne sont en faveur du sieur
Cibot.
f a it s
.
En 1784, les agéns de M. le duc d’Orléans concédè
rent au sieur Cibot , à titre d’emphytéose perpétuelle, deux
étangs, l’un appelé du Périchon, et l’autre de la Rivière,
dépendans de sa seigneurie d’Evaux, moyennant neuf
setiers de grains, de cens'annuels et "perpétuels, por
tant droit de directe seigneurie, lods et vente, à raison
du tiers denier, payable et portable chacun an par ledit
Gibot au fermier de son altesse, à chaque fête de SaintJulien. Il est dit que le preneur jouira desdits étangs,
conformément au titre do propriété de M. le duc, et
�(3 )
qu’il lui sera libre de les convertir en telle nature de
production que bon lui semblera, en les améliorant,
et entretenant les chaussées. Il est ajouté que le preneur
oblige spécialement par privilège lesdits étangs, dans
quelque état de produit qu’ils puissent ôtreMnis, ainsi
que le revenu d’iceux.
\
•
A l’époque de cette concession, Arnaud-Pintlion étoit
fermier de la terre d’Evaux, par bail du 9 mars 17 8 1,
qui s’est prolongé jusqu’après 1792 •, et cette observation
n’est pas sans utilité.
•
.
} ;* . >*
Par acte du 20 mars 1786*, le sieur Cibot délaissa âudifc
Arnaud-Pinthon, au même titre,d’êmphytéose perpé
tuelle, avec garantie, la queue de l’étang Périclion ( que
l’on dit équivaloir à un huitième de l’étang ), avec condi
tion ( comme dans l’acte de 1784) que le sieur Pintlïon
pourroit convertir ladite queue d’étang en telle nature de
production que bon lui sembleroit; et après avoir réglé
le mode des jouissances respectives, il fut ajouté que le
sieur Pinthon se conformeroit au surplus, pour ladite
jouissance, aux clauses insérées en Vacte d'emphytéose
consenti par le duc d’ Orléans au sieur, Cibot, le 24
juillet 1784*
Voici maintenant la clause que s’approprie le sieur
Cibot pour réclamer une redevance non féodale, comme
constituée uniquement à son profit. « Le présent délais« sement ainsi fait entre les parties, moyennant la rente
« annuelle, perpétuelle et non rachetable, de deux
« setiers blé-seigle, mesure d’E v a u x , que ledit sieur
« Pitithon sera tenu de payer à son altesse, ses rece« vèurs ou ferm iers? en décharge dudit Cibot, en cette
A z
�(
4
)
« ville d’Evaux, et à chaque fête de Saint-Julien, et de
« laquelle redevance il remettra la quittance qu’il en
« retirera audit M. Gibot.
« Reconnoît ledit sieur Cibot avoir reçu avant ces pré« sentes, dudit sieur Pinthon, la somme de 60 francs,
« pour épingles, dont quittance. »
Toutes les conditions de cet acte se sont accomplies.
L e sieur Armand - Pinthon s’est payé par ses mains,
comme fermier d’E v a u x , des deux setiers de ble dont
il étoit chargé; et cela a eu lieu ainsi jusqu’à la fin de
son bail, résilié de droit, comme tous les baux de cette
nature, par les lois féodales.
C’est en cet état, et après cette exécution constante
de l’emphytéose de 178 6, que la redevance de neuf
setiers de grains, due à M. le duc d’Orléans, a été sup
primée par ces mêmes lois. Le résultat de cette suppres
sion a été que le sieur Gibot a été affranchi d’une re
devance de sept setiers, et le sieur Pinthon a été af~
franchi d’une redevance de deux setiers.
C ’est ainsi que toutes les parties l’ont entend« ; et le
sieur Cibot ne peut pas s’en défendre, puisque, depuis
1792 jusqu’en 18 10 , il ne lui est pas même venu à la
pensée de réclamer pou? le payement de cette redevance
éteinte.
- Mais en 18 10 , il s’est ravisé, et ses conseils ont cru
apercevoir quelque différence entre la redevance de 1784,
parce qu’elle étoit appelée cen.9 , et la redevance de 1786,
parce qu’elle étoit appelée rente , quoiqu’elles fussent
toutes deux payables ou duc d’Orléans.
E a conséquence, le sieur Cibot a notifié au sieur
�-
.
( 5 )
Pintlion qu’il révoquoit l’indication de payement par
lui faite en 1786, et il lui a fait sommation de payer les
arrérages de la redevance de deux setiers, échus depuis
la suppression, de même que de continuer à l’avenir
le service de ladite redevance à son profit.
Le sieur Pinthon a répondu qu’il avoit été débiteur
du duc d’Orléans, et qu’il avoit servi la redevance jus
qu’en 1792; qu’ensuite les lois ayant aboli la féodalité,
son héritage avoit été affranchi de la redevance de deux
setiers, comme les héritages du sieur Cibot l’avoient
été pour le surplus de la redevance demeurée à sa
charge.
Cette défense du sieur Pinthon a été adoptée par le
tribunal d’Aubusson.
Il a donné pour motifs à sa décision, i° . que l’objet
emphytéosé par Cibot à Pinthon étoit une portion de
ce que Cibot avoit acquis lui-m êm e du duc d’Orléans,
moyennant une redevance féodale; 20. que le sieur Cibot
exigea du sieur Pinthon l’obligation de payer sa rente
de deux setiers au même terme, au même lieu, à la
même mesure, et au même ^seigneur, à la décharge de
lui Cibot, et en diminution des neuf setiers compris
dans le premier bail ; 30. que cette redevance de deux
setiers n’est qu’une fraction de la rente féodale de neuf
setiers; ce qui s’indmt de l’obligation ci-dessus, et delà
charge imposée à Pinthon de jouir conformément au
premier bail; 40, que Cibot n’auroit pas pu exiger ponc
lui le payement de la redevance, sans contrevenir à la
convention de la payer au seigneur, et parce que ce
seigneur aurait, pu l’exiger solidairement de Pinthon
�( 6 )
lui-même, comme détenteur d’une portion de son eraphytéose ; 5°. que les redevances abolies l’ont été au
profit du détenteur du fonds qui en étoit grevé, et non
au profit de Cibot.
Ces motifs sont d’une grande solidité; et lorsqu’après
s’en être pénétré on cherche à approfondir les raisonnemens du sieur Cibot pour les bien entendre, on les
trouve d’une foiblesse telle, qu’ils ne peuvent soutenir
aucune comparaison*
Moyens du
sieur Cibot»
Le système du sieur Cibot se réduit à deux propo
sitions principales. La première consiste à dire qu’il n’a
stipulé une rente de deux setiers que pour lui, et non
pour le duc d’Orléans ; que si à la vérité il a indiqué
le duc d’Orléans pour recevoir, ce n’est point une dé
légation parfaite, mais une simple indication de paye
ment, qui n’opère pas novation, suivant l’article 1277
du Code civil. Il en conclut que lui seul étoit resté dé
biteur du duc d’Orléans, et que Pinthon n’auroit pas
pu rembourser la rente au duc d’ Orléans, môme avec
son acceptation, sans la participation de lui Cibot ; il en
conclut encore qu’il a pu révoquer son indication de
payement, et redemander pour lui une rente dont la
délégation n’avoit pas été consommée»
La deuxième proposition du sieur Cibot est puisée dans
quelques arrêts sur les arroturemens de rentes féodales,
parce qu’ il est de principe que les redevances détachées
du fief avant la suppression ne sont plus féodales; et le
sieur Cibot en conclut que la redevance créée par lui
n’étoit plus seigneuriale, étant stipulée payable à lui, et
nou en faveur du iief.
�- ( 7 )
- Voilà le résumé des moyens qu’il s’agit de discuter,
pour justifier l’opinion déjà émise en faveur du juge
ment d’Aubusson.
- Avant de s’occuper du fond de cette affaire, le sîeur
Pinthon pourra proposer la fin de non-recevoir de l’ap
pel , parce que l’objet de la demande sur laquelle le
tribunal d’Aubusson a statué, n’excédoit pas 1,000 fr.
Cette fin de non-recevoir peut être proposée d’après
l’article 453 du Gode de procédure , quoique le juge
ment ne soit pas qualifié en dernier ressort.
Par sa sommation d u ji4 août Ï8 10 , le sieur Cibot
avoit demandé tous les arrérages de la redevance de deux
setiers, échus depuis 178 6 , outre le service à venir de
ladite rente ; mais lors du jugement dont est appel, il
avoit restreint ses conclusions aux arrérages échus de
1786 à 1792 , et aux arrérages de cinq ans antérieurs au
commandement; ce qui fait dix ans d’arrérages. O r, sui
vant la jurisprudence, la compétence se règle par les
dernières conclusions prises au procès, surtout lors
qu’elles réduisent les prétentions du demandeur. ( Voir
Sirey , suppl. de l’an 1 2 , page 1 9 1 ; Denevers, 1 8 11 ,
page 465, et 18 12 , page 475. )
Suivant la loi du 18 décembre 1790 , qui permettoit
le rachat des rentes, il étoit dit que lorsqu’elles auroient
été créées sans évaluation de capital, ce capital seroit
fixé , savoir, au denier vingt à l’égard des rentes créées
en argent, et au denier vingt-cinq du produit annuel à
l’égard des rentes payables en grains, récoltes, sçrvice
d’homme, etc., en ajoutant un dixième auxdits capitaux,
Fin de nonrecevoir de
l’appel.
�( 6 )
si les rentes avoient été créées sous la condition de non re
tenue des impositions ( titre 3 , article 4 ) ; et pour avoir
une règle générale de fixation, quant aux redevances en
grains, il doit être fait sur la pancarte du marché le plus
prochain, une année commune des quatorze années an
térieures en retranchant les deux plus foibles, et prenant
le dixième du surplus ( article 7 ).
D ’après ce procédé, le sieur Pinthon s’étant procuré
la pancarte du marché de la ville d’ E v a u x , il en résulte
que le terme moyen de chaque année se porte à 26 fr,
30 c., ce qui, au denier vingt-cinq, forme un capital de
657 fr. 5o c ., à quoi il faut ajouter 216 fr. 80 c ., pour
les années d’arrérages , déduction faite du cinquième ;
ce qui fait un total de 874 fr. 30 centimes. Il est donc
prouvé que le montant total de la demande, y compris
les arrérages échus, qui doivent être portés en compte,
suivant la jurisprudence, ne s’élèvent pas à la somme
de 1,000 francs.
La loi du 24 août 1790, qui détermine le taux de
la compétence judiciaire, dit au titre 4 , article 5 : « Les
« juges de district connoîtront en premier et dernier res« sort de toutes affaires personnelles et mobilières, jus« qu’à la valeur de 1,000 fr. de principal, et des affaires
« réelles dont l’objet principal sera de 5o fr. de revenu
« déterminé, soit en rentes, soit par prix de bail. »
On pourra objecter que la redevance de deux setiers
de grains dont il s’agit, n’est pas expressément déter
minée à 5o francs de revenu. A cela il sufliroit peut-,
être de répondre que la loi postérieure, du 18 décembre
179 0 , est venue faire le complément de cet article, en
fixant
�(
9
)
fixant légalèment le capital des redevances qui jüsques
alors n’en avoit aucun, parce qu’elles.étoient créées irrachetables.
'
Mais il ne faut pas traiter aussi légèrement une ques
tion, qui n’étoitpas alors sans difficulté par d’autres motifs.
La loi du 18 décembre 1790 portoit que la faculté
de racheter les rentes ne changeoit rien à leur nature
immobilière, ni aux droits que les créanciers des bailleurs
pouvoient exercer sur lesdites rentes. D ’après cela on
pouvoit considérer une rente où redevance, comme
inhérente à l’immeuble, à tel point que les procès qui
pouvoient s’élever sur la propriété des rentes, fussent ré
putés avoir pour objet l’immeuble lui-même sur lequel
elle étoit assise.
Ceci néanmoins n’étoit pas sans réponse, puisque l’ar
ticle cité de la loi du 24 août 1790 comprenoit dans la
compétence de dernier ressort les affaires réelles qui
n’excédoient pas 5o francs de rente.
: Mais une observation plus satisfaisante, c’est que la
nature des redevances foncières est absolument changée
depuis le Code civil, : en 17 9 0 elles étoient immeuble,
et le Code civil les a classées parmi les choses mobi
lières (art. 529 et 630 ). Ce point de droit est aujourd’hui
reconnu comme une vérité incontestable.
Ce changement de législation répond à toutes les
difficultés qu’on auroit pu se faire sur la possibilité de
juger en dernier ressort la propriété d’une redevance dont
le capital, réglé parla loi elle-même et sans arbitraire , ne
s’élève pas à 1,000 francs. Dès qu’une semblable rente n’est
plus un immeuble, dès que le propriétaire n’a sur l’héritage
B
�C
)
asservi à la rente, qu’une simple créance privilégiée de
bailleur de fonds, il n’y a pas plus de raison de disputer
sur la compétence en pareil cas , qu’il n’y en auroit de
prétendre que le prix d’une vente, ou d’une ferme payable
en denrées au taux de la mercuriale, ne peut pas être jugé
en dernier ressort, même au-dessous de 1,000 francs (i).
Il ne faut pas s’appesantir davantage sur cette iin denon-recevoir, dont le sieur Pinthon n’a véritablement
pas besoin ; car les objections qu’on lui propose n’ont
rien de redoutable y ni même de spécieux..
Réponse
au premier
moyen du
sieur Cibot.
La première proposition du sieur Pinthon n’est fondée*
que sür une confusion de principes du droit.
Sans contredit il n’est douteux pour personne que la
simple indication de payement n’opère pas de novation,
et que souvent on peut la rétracter. Mais qu’est-ce que
tout cela siguifie à la cause actuelle ?
Le sieur Pinthon ne veut pas prétendre qu’il y ait
de novation dans son emphytéose de 1786, puisqu’il
soutient au contraire ne devoir qu’ une portion de la re^
devance établie en 1784, et puisqu’en effet il a été astreint,
en 1786 , à se conformer aux clauses de Pacte de 1784Le sieur Ci bot s’embarrasse donc lui - même dans ses
propres citations, puisque c’est le sieur Pinthon qui est
intéressé à ce qu’il n’y ait pas de novation.
L ’indication de payement peut être révoquée : cela
est vrai, mais non pas dans tous les-cas. Aussi la loi est
( 0 La Cour d’appel de Riom a prononcé une lin de non-recevoir d’appel,
s’ngissant d’une rente en blé, parce que, d’après Ja pancarte, le p r i n c i p a l et les
arrérages nc se portèrent pas ù 1,000 ir, ( Journal des audiences, n». 27. )
�( II )
muette à cet égard, pour ne pas établir mal à propos
une règle générale.
Dans une obligation mobilière, et même dans la vente
à prix fixe d’un immeuble qui n’est sujet à aucunes
charges foncières ou hypothécaires, il est sans difficulté
que le prêteur et le vendeur peuvent donner à ce prix
toutes les destinations qui sont à leur convenance; ils peu
vent charger leur débiteur de payer une portion de ce prix
à un créancier; et si ce créancier n’accepte point cette
indication de payement, il est sans difficulté encore que
le créancier est le maître de la révoquer : cela ne blesse
l’intérêt de personne, car il est indifférent au débiteur
de se libérer envers l’un ou l’autre , pourvu qu’on lui
donne une quittance solide.
Mais cette hypothèse n’a rien de commun à une charge
réelle et foncière assise sur l’héritage vendu ; elle en
est inséparable sans le concours de volonté des parties
intéressées ; elle suit l’immeuble en quelques mains qu’il
passe; et par conséquent le vendeur ne peut pas détruire
l’indication qu’il a faite, pour exiger qu’on paye à luimême cette charge foncière, s’il ne rapporte le coiisen*tement exprès du bailleur de fonds.
Avant la révolution, dans la plupart des mutations des
biens en roture, la première condition de la vente étoit
de payer au seigneur telle quotité de redevance à laquelle
l'héritage vendu étoit asservi; et il étoit peut-être sans
exemple que de semblables indications de payemens fus
sent acceptées par les seigneurs, au profit de qui elles
étoient laites. Croit-on cependant que le vendeur, dans
cette espèce, pût notifier à son acquéreur, comme le sieur
B 2
�( ra )
Cibot, qu’il révoquoit l’iadicatioii de payement' par lut
faite, et le sommer de payer la redevance à lui-même?
Un semblable système auroit eu des suites bien ex
traordinaires après la suppression de la féodalité. Chaque
vendeur auroit pu, avec cette formalité, tourner à son
profit la suppression des redevances, qui n’auroient fait
que changer de possesseur. Heureusement personne ne
s’est avisé de cette tournure, et les redevances féodales
sont restées abolies au profit des derniers propriétaires.
Le sieur Cibot n’auroit pas même pu révoquer son
indication de payement, s’il se fût agi d’une créance sim
plement hypothécaire^
Car alors l’acquéreur n’étoit plus sans intérêt à voir
détruire sa convention, et le vendeur n’étoit plus au
torisé à dire qu’elle étoit stipulée pour lui seul. En effet,
celui qui en achetant convient de payer à un créancier
hypothécaire, a fait cette convention pour sa propre
sûreté, et pour ne pas demeurer exposé à des poursuites.
Il n’est donc pas au pouvoir du vendeur de détruire
cette convention , quoiqu’elle ne soit pas acceptée par
le créancier; car elle fait partie intégrante de Pacte; et
suivant l’article 113 4 du Code civil, les conventions
tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites.
Il n’y auroit qu’un moyen pour le vendeur de révo
quer son indication de payement malgré l'acquéreur, ce
seroit de payer lui-même la créance déléguée. Mais alorsr
prcnons-y bien garde, cela ne lui donneroit pas le droit
d’agir en révoquant la stipulation; ce scrôit au contraire
l’avoir exécutée, car il agiroit comme subrogé au créan
cier, conformément ¿\ l’article 126 1 du Code civil-
�(
!3
)
- O r, si le sieur Gibot étoit allé rembourser la rede
vance du duc d’Orléans avant la suppression, il est évi
dent que son action se seroit éteinte comme celle du duc
d’Orléans, dont il auroit pris la place par subrogation;
car subrogatum capit naturam subrogat?,
La rigueur des lois féodales est bien précise à cet
égard. On sait que tous les tenanciers d’une même reconnoissance étoient débiteurs solidaires envers le sei
gneur ; cependant s’ils avoient payé volontairement la
dette de leur codébiteur solidaire, ils n’avoient pas d’ac
tion en répétition contre lui après la suppression. La loi
du 9 brumaire an 2 ne donne cette action qu’à ceux qui
ont payé comme contraints , et par autorité de justice<
Mais il paroît que le système du sieur Cibot étoit
fondé sur une règle générale qui n’admet aucune excep
tion ; il a même poussé l’exagération jusqu’à mettre en
principe ( pages 9 et 10 ) que le sieur Pinthon n’auroit
pas pu'rembourser la rente au duc d’Orléans sans la
participation de lui Cibot, qui seul avoit capacité pour
faire ce remboursement.
Il est vraisemblable,que le sieur Gibot, en écrivant
une erreur de droit aussi intolérable, a oublié que dans
son emphytéose de 1786 il avoit chargé spécialement le
sieur Pintlion de payer au duc d'O rléans, et de lui
rapporter quittance. Il n’étoit pas question du rembour
sement du capital, parce que la redevance alors n’étoit
pas remboursable; mais lorsqu’elle l’est devenue, il est
évident que le sieur Pintlion pou voit libérer le sieur
Cibot et lui-m êm e, puisque c’éloit tout à la fois son
obligation et son intérêt personnel. ,L ’article 1236 du
Code dit qu’uue obligation peut être acquittée par toute
✓
�Ch )
personne intéressée, telle qu’un coobligé.’L ’article I 25r
ajoute que la subrogation a lieu de plein droit, i ° . au
profit de Yacquéreur d’un immeuble, qui emploie le
prix de son acquisition au payement des créanciers ayant
hypothèque sur Vhéritage ; 2°. au profit de celui qui,
étant tenu ayec d’autres ou pour d'autres au payement
de la dette, avoit intérêt de Tacquitter,
Ce n’étoit pas sans réflexion que le sieur Cibot écrivoit
un paradoxe aussi choquant, c’étoit pour en tirer une
conséquence en faveur de son système ; car immédiate
ment après ( pâge 10 ) il observe que le remboursement
s’est opéré par la suppression féodale, et que la créance
n'a pu s*éteindre qu'au profit de celui qui la déçoit ,*
d’où il conclut que le duc d’Orléans étant censé avoir
été remboursé par la suppression, l’indication de paye
ment s’est évanouie, et Cibot est redevenu créancier.
Cette conclusion n’étant que la suite d’un principe
faux, est par cela même nécessairement fausse. Mais ce
u’est pas tout; car il est facile de rétorquer contre le sieur
Cibot son propre raisonnement. En eiTet, si déjà il a
été prouvé, la loi h la main, que le sieur Pinthon étoit
débiteur du duc d’Orléans, et pouvoit le rembourser,
c’est lui qui dira maintenant, avec plus de raison : L a
créance n'a pu s'éteiiulre qiiau profit de celui qui la
devoit. O r, c’est moi Pinthon qui devois cette créance,
d’après mon titre; donc elle s’est éteinte à mon profit.
Rien n’est plus concluant et plus décisif’ que ce rai
sonnement puisé dans le propre écrit du sieur Cibot :
«joutons, pour abonder dans son sens, et ne pas même
lui laisser ln ressource de forcer l'application de ses prin
cipes en matière de délégation, qu’il y a eu, de la part
�c i5 y
du duc d’Orléans, acceptation de fait de la délégation
portée en l’acte de 1786.
En effet, il ne faut pas oublier qu’Arnaud-Pinthon
étoit fermier de la terre d’E v a u x , et même il est dé
nommé ainsi dans l’acte de 1786 : il avoit donc qualité
pour stipuler les intérêts du duc d’Orléans, dont il étoit
naturellement le negotiornm gestor, A in si, quand il a
stipulé l’obligation de payer au duc d’Orléans deux setiers de grains en décharge du sieuu Cibot, sa stipulation
a valu acceptation de la part du duc d’Orléans ; et cette
acceptation s’est réitérée à chaque payement qui a été fait
en décharge du sieur Cibot, c’est-à-d ire, pendant les
années 178 6 , 178 7, 178 8 , 1789, 1790, 17 9 1 et 1792.
Mais le duc d’Orléans n’avoit pas besoin de cette ac
ceptation de délégation par son fermier; car, i ° . suivant
Lathaumassière, en son Traité du franc-alleu, et Bacquet,
au Traité des francs-fiefs , la déclaration d’un vendeur,
que son héritage doit une redevance, fait titre au sei
gneur ; il est réputé l’avoir acceptée, quoiqu’il n’y ait
pas de sa part d’approbation formelle; 20. le duc d’Or
léans ayant concédé deux étangs en 1 7 8 4 , moyennant
neuf setiers de redevance , avec retenue du domaine
direct, avoit sous-entendu que les aliénations qui se-*
roient faites par son censitaire, de tout ou partie de ce
terrain, porteroient la condition de les assujétir à la re
devance qui en étoit inséparable , et par là même il
acceptait les délégations qui pou voient être faites à per
pétuité sur tous les propriétaires successifs de l’immeuble.
Celte délégation étoit tellement forcée, que le sieur
Cibot n’auroit pas même p u , comme on l’a déjà d itr
�( 16 )
notifier au sieur Pintîion , qu’il s’opposoit à ce que le
payement fût fait à M. le duc d’Orléans ; car le sieur
Pinthon devoit cette rente, non-seulement comme acqué
reur du sieur Cibot, mais encore comme détenteur d’un
héritage asservi au domaine direct du duc d’Orléans.
Il tenoit au duc d’Orléans par un l(en féodal dont
celui-ci pouvoit seul le détacher. Il n’étoit donc pas au
pouvoir du sieur Cibot de s’adjuger personnellement le
profit d’une redevance inséparable de l’immeuble. Il veut
se faire un moyen de ce qu’il étoit le débiteur de cette
redevance; par conséquent il n’en étoit pas le créancier.
L e sieur Cibot répond à cela (page 17 ) d’une ma
nière assez singulière. Pour imaginer un raisonnement,
il suppose un terrain allodial, pour en conclure qu’on
peut poursuivre solidairement une rente foncière comme
une rente féodale. Un peu plus bas il suppose qu’il a
payé le seigneur, pour en conclure que , s'il Vavoit
payé il auroit pu agir contre le sieur Pinthon.
Il est difficile de pénétrer le sens de ces deux sup
positions, et de deviner comment le sieur Cibot peut ar
gumenter d’ une situation imaginaire, pour en tirer une
conséquence en faveur d’une situation diamétralement
contraire. Car enfin les étangs n’étoient pas allodiaux;
cela est convenu. Le sieur Cibot n’a pas pnyé le seigneur;
il n’a pas môme notifié, avant la suppression , qu’il ré-^
voquoit son indication de payement; par conséquent la
redevance étoit encore attachée à la ¿féodalité au mo~
ment de la suppression, ce qui est le signe principal
de l’abolition , d’après les propres termes des arrêts de
passation que le sieur Cibot a cités.
Toute
y
�( *7 )
Toute l’illusion du sieur Cibot est renfermée dans
l’idée qu’il existe deux redevances distinctes dans les
deux setiers que doit payer le sieur Pinthon. Les mots
en sa décharge sont commentés par lu i, pour signifier
tout à la fois une rente féodale due par lu i, et une
rente roturière due à lui» Mais ce n’est pas avec un
jeu de mots qu’on interprète les actes. Il est de prin
cipe qu'on ne juge les actes que par l’intention des parties/
et non par l’examen scrupuleux de chaque expression.
Il est encore de principe que toute condition doit être
accomplie de la manière que les parties ont vraisem
blablement voulu et entendu qu’elle le fût. ( Gode civil,
articles n 56 , 1 1 6 2 , 1 1 7 1 ).
Or , comme l’a très-bien remarqué le tribunal d’Aubusson, il n’est pas possible de voir deux natures de
redevance dans les actes de 1784 et 1786. Les deux setiers
étoient payables au duc d’Orléans, comme seigneur
d’E vaux, à la même mesure et au même terme : ajou
tons que la redevance étoit assise sur le même immeuble
vendu en 1784, et que toute redevance payable au sei
gneur, sur un immeuble provenu de son fief, est néces
sairement féodale.
Dumoulin, l’oracle du droit sur les matières féodales,
nous enseigne à quel signe 011 peut reconnoître qu’une
seconde redevance est un sur-cens, distinct du cens prin
cipal ; et il décide que même quand une seconde re
devance seroit établie en augmentation de la première,
elle n’en est pas moins censuelle, lorsqu’elle n’est pas
expressément séparée du chef-cens. (Rousseaud-Lacombe,
v °. cens)...........
G
�( 18 )
O r, le sieur Cibot ne trouvera pas deux redevances,
dont l’une soit étrangère au seigneur, et en augmenta
tion de celle créée en 1784. Lorsqu’il a chargé de payer
deux setiers pour lu i, et d’exécuter cet acte de 1784,,
il lui étoit impossible de mieux exprimer la désignation
d’une partie de la redevance de( 1784. En effet, il n’en
a plus payé que sept setiers^ et le sieur Pinthon a payé
les deux autres.
Après que le sieur Cibot a tiré des inductions de
toutes les règles de droit, en matière de délégation , il
se retranche dans des moyens d’équité qui lui semblent
plus persuasifs, et il se prévaut de la garantie qu’il a
promise, comme si cette garantie pouvoit ôter quelquechose au caractère féodal d’une redevance.
Mais cette garantie n’étoit pas purement gratuite.
i ° . Il chargeoit le sieur Pinthon d’une redevance plus
considérable que n’auroit dû le comporter une petite
portion d’étang qu’il falloit mettre en culture; 2°. il
l’obligeoit de faire une haie de séparation d’avec le sur
plus de l’étang; 30. il rcccvoit 60 francs d’épingles.
Le sieur Cibot fait valoir comme une grande charge
l’obligation qu’il s’étoit imposée d’empecher l’eau de relluer sur la queue de l’étang. Mais il s’arrête là, et n’ajoute
pas qu’il obligeoit Pinthon de faciliter l’écoulcment de
ladite eau. La.plusgrande charge étoit,donc pour Pinthon ;
et Cibot ne faisoit qu’une chose fort naturelle, puisque
personne n’auroit voulu acheter un terrain submergé.
M ais, dès que Pinthon étoit tenu de faciliter l’écoulement
de l’eau, l’engagement de Cibot se réduisoit à rien.
Il fuit valoir encore qu’il avoitmis l’étang en valeur ; et
�( *9 )
l’avoit fait entourer de fossés et de plant v if, ce dont il
accuse le sieur Pinthon d’avoir profite. Mais l’acte de 1786
dément cette supposition , car il y est dit que le sieur
Pinthon pourra convertir la queue de Tétang en telle
natiwe de production que bon lui semblera ; ce qui
prouve clairement que cette partie n’avoit pas été déjà
mise en valeur.
Au reste, encore une fois, ce ne seroit là que des
moyens de considération, étrangers à la question de
féodalité. lie sieur Cibot n’a rien risqué en promettant
de garantir un .objet solidement acquis, et lui-même
ayant gagné sept setiers de redevance, n’est pas trèsfavorable à trouver injuste que son copropriétaire ait
gagné les' deux setiers qui étoient mis à sa'charge.
r. ■\
La seconde proposition'du sieur .Cibot seroit la plus Réponse
propice à son système, à cause de son obscurité, s’il^ a~la scconile
, .
. f , .
.
.
proposition
n’étoit pas très-aisé d’éclaircir ce qu’il a voulu dire, et du sieur,
de démontrer qu’il s’est placé dans une situation qui nd
Cibot.,
lui appartient pas.
Tous les arrêts de cassation, invoqués par le sieur Cibot,
sur l’arro turement des redevances, sont dans l’espèce que
voici. Une concession est faite par un seigneur de fief;
moyennant une redevance, et jusque-là cette redevance
est féodale. Ensuite le seigneur vend cette redevance à
un roturier, avec réserve de la directe. C’est après’ cela
que surviennent les lois suppressives de la féodalité. Le
roturier, acquéreur de cette redevance, dit avec raison
qu’elle n’est pns supprimée, parce qu’elle n’étoit plus
féodale au'moment de la suppression , i°. parce qu’elle
C 2
�(
)
n’étoit pas due à un possesseur de fief; 2°. parce que le
vendeur s’étant réservé la directe, et l’ayant séparée de
la redevance, il ne subsistoit plus aucun lien féodal qui
la mît dans la classe des redevances supprimées.
Ces moyens ont été adoptés par la Cour de cassation,
dans les arrêts que cite le sieur Cibot, des 10 nivôse
an 14 , 7 juillet 18 0 7, et 21 juillet 18 11 . Il n’est pas be
soin de commentaire pour voir tout d’un coup que cette
jurisprudence n’a rien de commun h l’espèce actuelle,
car le duc 4’Orléans n’a pas vendu sa redevance.
Pour se trouver dans l’espèce de ces arrêts, le sieur
Cibot fait un amphigouri fort bizarre. Il y remarque
qu’il n’a constitué aucune directe à son profit, que la
directe n’est jamais sortie des mains du duc d’Orléans,
que lui Cibot n’y a jamais eu ni droit ni prétention ;
d’où il conclut qu’il y a arroturement de fait, même quand
il auroit dit, en 178 0 , que sa redevance étoit féodale(pages 12 et 1 3 )r
Avec une telle manière de raisonner on peut s’appli
quer au hasard, tous les arrêts possibles, pourvu qu’il
y ait quelques mots d’une physionomie semblable. M. le
duc d’Orléans, qui a établi une redevance sur deux étangs,
en 1784, a-t-il vendu cette redevance au sieur Cibot?
celui-ci l’a - t - i l perçue jusqu’à la suppression? Pas un
mot de tout cela : la redevance et la directe sont restées
dans les mains du duc d’Orléans. Où donc y a-t-il la
moindre application aux arrêts cités ? Si le sieur Cibot
eût voulu être plus exact dans ses citations d’arrêts sur
rarroturement, il en auroit cité un quatrième, du 29 avril
1 8 1 1 , qui se trouve au verso du dernier arrêt par lui
�( ai )
cité. U's’agissoit d’iine redevance vendue a un roturier,
sans retenue de la directe. La Cour de cassation juge
qu’ il n’y a pas arroturement, et que la redevance est
abolie, attendu......... que bien qu'elle eût été déclarée
f o n c i è r e y elle n'avoit pas cessé pour cela d e conserver
sa qualité originelle de rente féo da le, parce que la
qualification de rente fo n cière, qui lui avoit été donnée
par ladite vente, rüétoit pas incompatible avec sa Ha
bilité originaire, '( Denevers, 1 8 1 1 , p. 497. ) On com
prend, parla conformité de ces motifs avec l’induction que
tiroit le sieur Cibot de ce que l’acte de 1786 parle de
rente fo n cière, pourquoi il n’a pas jugé à propos de citer
cet arrêt.
L e principal motif de décision, dans cette affaire, est
de considérer les droits du duc d’Orléans sur la queue
d’étang vendue au sieur Pinthon ; car pour déclarer fon
cière la redevance de deux setiers i assise sur cet héritage,
il faudroit pouvoir dire que le duc d’Orléans n’avoit rien
à voir dans cette redevance, ni dans le fait, ni dans le droit.
O r, le duc d’Orléans étoit propriétaire de cette rede
vance dans le fait comme dans le droit/
J
io. U l’étoit dans le fait, parce que le sieur Cibot l’avoit
indiqué pour la recevoir; ce qui n’étoit qu’une exécu
tion de l’emphytéose de 1784, Cibot étoit le maître ,
comme acquéreur des deux étangs, de distribuer la re
devance de neuf setiers sur toute la surface des étangs,
^ et dans la proportion qui lui plaisoit, puisque cela ne
nuisoit pas à la solidarité ; mais il n’étoit pas le maître
de priver le seigneur de percevoir sa redevance sur toutes
�( 22 )
les portions de ces étangs. Aussi avoit-il assujétî le sieur
Pinthon à se conformer pour sa jouissance à l’acte de 1784.
2°. Il l’étoit dans le droit; car le lien féodal qui s’étoit
formé en 1784, loin de s’être dissous en 1786, n’avoit
fait que se consolider, en y rattachant le sieur Pinthon,
qui prenoit la place du sieur Cibot pour une portion;
à la vérité, sans en détacher le sieur Cibot, qui restoit
copropriétaire et codébiteur en pagésie.
Les principes élémentaires en matière de féodalité ne
permettent pas de penser que le lien féodal ne continue
pas d’exister au profit du second acquéreur, à l’égird
d’une redevance qu’il doit payer au seigneur; il n’y a
de différence que lorsque le môme acte porte deux re
devances distinctes, l’une au profit du seigneur, et l’autre
au profit du vendeur, laquelle est en sus de la première
et n’y déroge pas.
On a déjà invoqué la doctrine de Dumoulin, pour
prouver qu’une redevance est toujours réputée féodale,
lorsqu’elle se rattache au fief et n’en est pas expressé
ment séparée. O r , jusqu’à la suppression des cens, il n’est
pas possible de voir un autre créancier que le duc d’ Or
léans. Sa directe couvroit tout; la redevance qui lui
étoit payée emportoit directe et droits seigneuriaux,
contra le sieur Pinthon : elle étoit donc nécessairement
féodale à son égard.
Quelle étoit donc celle de? parties qui devoit profiter
de la suppression? Cela ne peut plus faire un doute sé~
riuux. O11 avoit regardé comme un principe, dans une
précédente consultation, que la suppression 11e doit pnv
�, ( 23 )
fíter qii au propriétaire, d’après l’esprit de la loi et de
la jurisprudence. Mais le sieur Cibot s’élève avec vigueur
contre ce principe (page 1 9 ) , et il' veut que la loi n’ait
entendu que punir les seigneurs, sans s’inquiéter'de celui
qui profîteroit de la suppression,
r
La loi du 20 août 17 9 2 , qui s’est occupée la pre
mière de cette suppression, suffira seule.pour désabuser’
le sieur Cibot ; elle dit mot pour m ot, dans son préam
bule, que son but est Vaffranchissement des propriétés,
commandé par Vintérêt précieux de Vagriculture : et
ensuite les premiers mots du texte de la loi sont, i ° . de
permettre au propriétaire le rachat des redevances justi
fiées par titre primitif; 2°. de permettre à tout acquéreur
d’exiger la représentation de ce titre primitif.
Evidemment donc, si cette loi n’eût pas été suivie d’une
suppression absolue et sans conditionaucun autre que
le sieur Pinthon n’étoit désigné pour faire le rachat;
aucun autre m êm en’avoit intérêt de le faire.
Le sieur Cibot, qui se trouve à son aise depuis la sup
pression, pour dire qu’il auroit pu rembourser la re
devance au seigneur, et pour en conclure que cette fa
culté équivaut à un remboursement effectif, n’auroit eu
aucun intérêt à ce pnyememt ; car s’il eût remboursé leseigneur, on pouvoit le rembourser lui-même. Mais il
suffit d’avoir prouvé que le sieur Pinthon avoit droit
et qualité pour faire le rachat permis par la loi du 2o>
août 1792. La conséquence forcée de cette preuve, est
que la suppression absolue, prononcée par les lois posté
rieures , n’a profité qu’à lui,-
�C 24 )
Depuis la consultation donnée au sieur Pinthon en
1 8 1 1 , le journal de Denevers a rapporté un arrêt du
2 septembre 1 8 11 , qui ne permet plus de douter que la
suppression d'une redevance profite à l’acquéreur et non
au vendeur, lorsque l’acquéreur étoit chargé de l’acquitter
au seigneur, Yoici l’espèce de cet arrêt, si conforme à
l’espèce actuelle.
L e comte d’Issuile, seigneur féodal de la forêt de
Beaufort, en concéda, le 2.6 février 1 7 7 8 , quatre-vingthuit arpens au sieur Teissier-Lamothe, moyennant 40 fr.
de redevance féodale.
En 17 8 1, le sieur Teissier-Lamothe donna à titre de
bail à rente, à Jean Loiseau et sa femme, cinq arpens
de cette forêt, à la charge par eux de servir deux par
ties de rente, l’une de 40 fr. due au comte d’Issuile,
et l’autre de 29 fr, au profit du bailleur; ce à la charge
cc en outre de se conformer aux autres conditions dé« taillées dans le sumptum, et à l’esprit tant des arrêts du
« conseil de 17 7 1 et 17 7 5 , qu’au bail à cens de 1718 . »
L a veuve Loiseau déguerpit cet héritage ; et lorsque
ses enfans ont été majeurs, ils ont demandé le désiste
ment pour une moitié : le sieur Teissier l’a offert, à la
charge d’être payé de la redevance de 69 fr. par ar
pent.
Le sieur Teissier distinguoit avec raison la rente de
29 fr. de celle de 40 fr. La première étoit foncière, comme
séparée du chef-cens, et comme créée ¿\ son profit per
sonnel ; mais en reconnoissant que la rente de 40 fr*
avoit été originairement féodale, il soutenoit qu’il devoit
seul profiter de l’abolition, parce que ceLte redevance
avoit
�( 25 )
avoit été arroiurée à l’égard des mariés Loîseau, par
l’eftet du bail à rente qu’il leur avoit consenti.
' La Gour d’appel d’Angers a déclaré abolie-la rente
de 40 f r ., et n’a ordonné le payement que de celle dè
29 fr. Le sieur Teissier s’étant pourvu en cassation, faisoit valoir les mêmes moyens que le sieur Gibot. Il di
soit être resté débiteur direct de la .redevance de 40 fr.
envers le comte d’Issuile, et avoir été seul autorisé à
? amortir. 11 prétendoit que le bail à rente de 1781 n’avoit
porté aucune atteinte à ses obligations 'personnelles envers
le seigneur direct ; d’ou il concluoit qu’il avoit dû pro
fiter de la suppression plutôt que les Loiseaü, parce que
ceux-ci n'avoient pas contracté avec le seigneur, et que
n’ayant jamáis été en contact avec lui, il ne s’étoit établi
aucun lien féodal en tr’eux.'
' Les Loiseau répondoient que la redevance de 40 fr.
due au seigneur étoit inhérente au fonds; que l’abolition
des redevances devoit profiter au fonds qui en étoit
grevé, et par conséquent au propriétaire de ces fonds.
’L a section civile de la Cour de cassation a rejeté lé
pourvoi, par des motifs aussi simples que clairs : attendu
que la rente dont il s agit étoit féodale de sa nature ,
qu'elle étoit due p a r l e f o n d s , et que les défendeurs
s*étoient chargés d'en payer le montant. — Rejette, etc.
Penevers, 1 8 1 1 , pag. 498.
•
* Cet arrêta été discuté dans la consultation de M e. Vissao,
qui y trouve défaut d’application , parce que Loisenu
avoit souffert la clause de se conformer à des arrêts du
conseil, et à un bail à cens, qui emportaient condition
D
�(a6)
de faire au seigneur les obéissances de fiefs, et de relever
de la seigneurie de Beaufort.
Mais est-il possible de trouver dans l’emphytéose de
1786, que le sieur Pintlion ait été dispensé de tout cela?
Cet acte de 1786 porte, i°. que Pintlion sera tenu de
se conformer, pour sa jouissance, a u x c l a u s e s i n s é
r é e s e n l ’ a c t e d ’e m p h y t é o s e , c o n s e n t i p a r l e d u c
24 j u i l l e t 17 8 4 ;
20. que ledit Piuthon sera tenu et obligé de payer à son
altesse , ses receveurs ou fermiers , deux setiers de seigle
en décharge dudit M. Cibot.
O r, les clauses de l’acte de 1784 portent expressément
que les étangs sont tenus en directe de M. le duc d’Or
léans , qu’ils sont dans la mouvance de sa seigneurie
d’Evaux , et que la redevance de neuf setiers est féodale.
Tout cela n’est-il pas mot à mot la copie de la clause
insérée au bail desLoiseau?
Où donc est la différence, pour trouver une autre
nature de redevance dans celle de deux setiers, que le
sieur Pintlion est tenu et obligé de payer au duc d’Or
léans en décharge de Cibot, c’est-à-dire, en diminution
des neuf setiers créés par le bail de 17 8 4 , déclaré com
mun au sieur Pintlion ?
d ’O r l é a n s a u s i e u r C i b o t , l e
Le sieur Cibot, voulant éluder la corrélation de l’acte
de 1786 avec celui de 178 4 , joue avec les mots, et ob
serve que le sieur Pintlion n’a été chargé de se confor
mer aux clauses de l’acte de 1784, que pour sa jouis
sance. Mais on lui demanderait comment ce premier acte
peut lui être commun en cette partie, sans l’être encore
�( 27 )
dans l’obligation de relever du seigneur féodal, et d’être
soumis à tous les privilèges de la concession primitive.
t
.V
Il est vraisemblable que cette clause de l’acte de 1786
avoit échappé à M e. Dumas; car il n’auroit pas d it, dans
sa consultation, que le bail de 1784 étoit, à l’égard
du sieur Pinthon, res inter alios acta ,* qu’ainsi il ne
pouvoit en tirer aucune induction. Ce jurisconsulte, en
se laissant séduire par les principes sur les délégations
de payement, ne paroît néanmoins convaincu de leur
application, que parce que le sieur Cibot l’a trompé,
en lui disant que l’indication de payement n’avoit point
été exécutée par le sieur Pinthon. Il regarde en effet
comme constant que le sieur Pinthon n’a rien payé
pendant toutes les années postérieures à son acquisition.
Mais on a déjà prouvé que cette: supposition du sieur
Cibot étoit fausse ; que le sieur Pinthon, fermier d’Evaux,
s’étoit payé à lui-même la redevance due au seigneur;
que le sieur Cibot.en avoit été pleinement déchargé,
et n’avoit rien payé lui-même. Ainsi la délégation a été
parfaitement exécutée de la manière que l’exigeoit l’acte
de 1786.
Ce n’est que par la nécessité de ne laisser aucune objec
tion sans réponse, qu’on s’est cru obligé de discuter avec
autant de détail une question fort simple par elle-même,
sur laquelle on avoit le secours de plusieurs lois précises,
et d’un arrêt plus précis encore. En deux mots, le sieur
Pinthon n’a jamais été un seul instant débiteur du sieur
Cibot ; il 11e l’a été que du duc d’Orléans, La redevance
�qu'il payoit au seigneur étoit assise sur un immeuble
détaché d’un fief, avec retenue de la directe, et c’est en
cet état que la loi de 1793 l’a ôtée au duc d’Orléans,
pour en affranchir l’héritage. Croira-t-on qu’après une
abolition qui a duré dix-huit ans, cette redevance soit
ressuscitée tout à coup, comme'roturière, au profit du
sieur Cibot, qui n’en a jamais été ni voulu être le créancier
avant la suppression ? Non sans doute, cette redevance
n’a jamais changé de nature; elle étoit féodale en 178 4 ,
elle l’étoit encore en 1 7 8 6 } elle rétoit en 1 7 9 2 lorsque
la loi l’a frappée. La propriété concédée en 1784 étoit
alors divisée en deux parts , comme la redevance, et
chacune de ces parts a été affranchie de ce qui pesoit
sur elle. Il seroit donc illégal de prononcer que les deux
fractions du même héritage n’ont pas participé également
au bénéfice de la loi ; et il seroit injuste de penser que
le sieur Cibot, gagnant une redevance contre le duc
d’Orléans, se mette aussitôt à sa place pour en gagner
une autre, provenue de la même origine.
D é lib é r é à Riom, le 28 octobre 1812.
L . F. D E L A P C HIE R , P A G E S , A L L E M A N D ,
A RIOM, de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et librairet
rue des Taules , maison L a n d r io t . — Novembre 1 8 1 3 .
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Pinthon. 1812]
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An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
abolition des privilèges
droits féodaux
bail emphytéotique
bail
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An account of the resource
Consultation pour le sieur Pinthon
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1784-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0426
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Évaux-les-Bains (23076 )
Périchon (Étang du)
La Rivière (Étang de)
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Domaine public
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abolition des privilèges
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Bail emphytéotique
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À at).
NOTE EN RÉPONSE
PO U R
JEAN R O U CH Y
CO NTRE
MICHEL DIERNAT, ARNAL
E T AUTRES.
On se propose d’etablir d’une manière succincte les six proposi
tions suivantes :
1 ° Jean Rouchy est légataire universel d'Antoine L a v e rg n e , son
oncle ;
2° La validité de ce legs universel est indépendante du sort de
la disposition particulière au domaine de Lon gevergne qu’on p ré
tend entachée de substitution j
�5 ° L e testament d’Antoiné; Layergne ne renferme pas de substi
tution;
4 “ Si ce testament renferme une substitution , elle n’est que no
minale, et doit être réputée non écrite par application des art. 8 i 5 ,
900 et 906 du code civil ;
5 ° Cette substitution ne, fût-elle.pas réputée non écrite , n’excé
derait pus les dispositions permises par la loi du 17 mai 1826.
6° Si cette substitution dépasse la limite de la loi de 18 2 6 , elle
doit être maintenue pour deux degrés et ne peut être annulée que
pour les degrés postérieurs.
§ I-,
Je a n Rouchy est légataire universel.
Nous disons qu’ il est le légataire universel de son oncle , parce
que, dans son testament, celui-ci lui a imprimé celle qualité presqu’à chaque ligne.
Parce qu’ il lui a conféré les prérogatives cl les charges de l’hé
rédité.
Parce qu’il a été investi du n o m , de la presque totalité de la for
tune du testateur.
Parce que l’intention de l’abbé Lavcrgn c de lui transmettre Funi-
veisurn jus de sa succession n'est pas douteuse.
Nos adversaires reconnaissent que l'institution d’héritier ou de
légataire universel n’ est assujettie à aucune forme particulière ,
qu’il faut avant tout rechercher et faire prévaloir la volonté du
testateur ; mais ils soutiennent qu’Antoine Lavcrgn c n'a ni fait, ni voulu
faire de Jean Rouchy son légataire universel ; que les qualifications
qu’il lui a données dans son testament se contredisent j que d’ailleurs
certaines dispositions de c e testament sonl exclusives do la qualité
'nie llouchy voudrait s arroger.
�Les raisons par lesquelles on lente d’ établir que l'abbé Larergne
n’a pas voulu nous faire son légataire universel ne nous semblent
guère convaincantes.
-
Qu'importe qu’il fut dominé par l’idée d’ériger en majorai son
domaine de L o n g e v e rg n e , par le désir de réglementer l’avenir?
Cotte idée se conciliait parfaitement avec *l'institution d’ un léga
taire universel. 11 a voulu certainement transmettre à l ’uu de ses
parents sou nom et la partie la plus précieuse de sa fortune, n’etaitcc pas vouloir l’appeler à continuer sa personne, à recueillir les
droits qui constituent une hérédité. C ’est vainement qu’on objecte
que le testateur n’avait pas pour Ilouchy d’aflection particulière ,
qu’il a même manifesté pour les Diernat une préférence d ’attache
ment, que 1age de Rouchy lui a seul valu fattribution du domaine
de Longevergne. Si les espérances que l’abbé Lavergne attachait
à l ’àge de Rouchy étaient de nalure à lui faire léguer le domaine de
Longevergne, ù lui faire transmettre le nom du testateur, comment
se seraient-elles opposées à ce qu’ il reçût de son oncle une institu
tion d’héritier qui éiail la consécration la plus, naturelle de ses
espérances. Mais il n’est pas vrai que l’abbé Lavergne n’eut pas
pour Jean Rouchy une prédilection manifeste; dans ses testaments
successifs de 1 855 , 1 8 5 7 , i S 3ç), 1 8 4 2 , 1 8 4 5 , il réitère avec une
rare persévérance les témoignages les moins équivoques de cette
prédilection. En est-il de même pour les Diernat? jNon certaine
ment , car la testament de. 1842 renferme in jln e une précaution
qui prouve qu’il n’avait pas même confiance dans Jeur probité.
O11 ne? prouve donc pas que l’abbé Lavergne n’ait pas voulu
faire de Rouchy son légataire universel; loin de là, c’est la p ré
somption contraire qu’il faut admettre.
V oyons maintenant ce quM a fait en réalité. Depuis le commen
cement jusqu’ù la (in du testament, presque dans chaque clause, il
l’a appelé son héritier, il l’a désigné comme sou héritier, il l ’a
traité comme son héritier.
�Cela équivaut-il à une institution? Nos adversaires soutiennent
que non, se fondant sur ce que nulle part on ne trouve en notre
faveur une disposition générale.
Il est vrai que celtQidisposition universelle manque dans le tes
tament; qu’imporle:si l'institution s’y trouve.
C’est l’erreur de nos adversaires de croire qu’un legs uuiversel
ne peut résulter que d’une disposition; ils oublient l'art. 1002 qui
porte expressément qu’il peut également résulter d'une institution
d’héritier.
.
La différence entre la disposition cl l'institution est facile à saisir.
P ar la première on donne l’hérédité elle-même , par la seconde on
confère une qualité dont les conséquences sont déterminées par la
loi. L e résultat au fond est le même; la forme seule est différente.
Ce qu'il fallait démontrer contre nous , c’est que nous ne pou
vons pas invoquer une institution; on ne l’a pas fait. Cette institulion résulte suivant nous d'une manière indubitable de ce que le tes
tateur, à plus de dix reprises, a nommé Jeau Rouchy son héritier.
Dire de quelqu’un, il est mon héritier, n’est-ce pas dire je v eu x
qu’il le soit. L ’aflirmation n'a-l-elle pas ici la valeur d’une injonction.
Pourrait-on craindre que le testateur eût mal exprimé sa peusée;
cette pensée serait-elle équivoque parce que le curé L averg n e.u ’a
pas toujours appelé Jean Rouchy purement et simplement son hé
ritier, parce qu'il T a parfois désigné ain si': mon donataire, mou
légataire, l’héritier du domaine de Longcvcrgne?
’ Jean Rouchy est le seul des parents de l'abbé Lavcrgne auquel
il ait donné cette qualité de donataire, de légataire, il iliisait donc
entr’eux une différence; tous les autres parents avaient cependant
des legs particuliers. Ces expressions, donataire, légataire, étaient
donc identiques u celle d’héritier , et ne pouvaient s'appliquer qu’à
un don, à un legs universel
Si le testateur , par exception, a appelé Rouchy héritier du do-
�-
5
-
maine de L o n g e v e rg n e , c’est à l'occasion d’ une disposition qui sc
référait à la possession de ce domaine.
Mais ce qui donne la mesure exacte de^l’expréssion d'héritier,
employée par lu i, ce qui en détermine invinciblement la portée,
c’est que l’abbé Lavergne a vérilahlementiraité Jean Rouchy comme
son héritier ; c’est qu’il l’a doté des prérogatives, c’est qu'il lui a
imposé les charges de cette qualité.
Iles prérogatives. Il aura le nom, il aura la fortune, le manoir;
il veillera aux honneurs funèbres ; lui seul, après le décès, pourra
s’introduire le premier dans le domaine de Longevergne; on devra
l’avertir immédiatement, tout devra se faire en sa préseuce.
¡.es charges. C ’est lui qui doit les acquitter toutes : celles qui sont
étrangères a la propriété du domaine de Longevergne , aussi bien
que celles qui sont assises sur les produits de cet immeuble princi
pal. Qu’ont de commun , par exem ple, avec l’attribution particulière
du domaine, le paiement à la commune d’une somme de i , 5 oo fr.
pour un cimetière ; le paiement de 4oo fr. au notaire, exécuteur tes
tamentaire, de 3 oo fr. à un filleul du testateur. En quelle qualité
Rouchy devra-t-il payer ces sommes? Esi-ce une charge de l’hérédilé , est-ce une charge du domaine; l’abbé Lavergne a pris
soin de l’ expliquer, car c’csl à R o u c h y , son héritier , qu’ il a im
posé ces diverses obligations.
‘ *y
1
f
Sans doute , il aurait été plus simple, plus conforme aux habi
tudes juridiques que l’ancien curé de Maintenon se bornât dans son
testament à instituer R o u c h y , sou légataire universel, et à indiquer
ensuite quels legs particuliers , quelles charges poseraient sur lui
en cette qualité.
Une tendance réglementaire fort apparente (favorisée peut-être
par l'habitude de la discipline sacerdotale ) a probablement contri
bué à lui faire adopter le détail minutieux de prescriptoins dans
lequel il semble se complaire. On conçoit aussi qu’un motif plus
sérieux , plus louable, l’ait déterminé à quelques-unes des précau-
fo c r
�Il
...
lions que son testament révcle. L e neveu qu’il choisissait pour son
légataire universel était enlevé par l u i , à une profession modeste,
pour devenir subitement un propriétaire important; n’y avait-il pas
à craindre que cette faveur de lu fortune ne le trouvât pas d’abord
complètement préparé à (ç n user avec discernement; qu’il ne man
quât d’expérience pour liquider sa position ; que scs autres parents ,
mécontents de la situation inférieure qui leur était faite, ne vinssent
lui susciter des difficultés , lui créer des entraves. C ’est, n’en dou
tons pas , pour éviter ce danger que le curé L av crg n c indique sur
<juels revenus , avec quels fonds, dans quel délai les legs particu
liers devront être payés ; qu’il distribue le capital des rentes qu'il a
sur l’iltüt; qu’il se garde , autant que possible, de constituer Jean
R o u c h y , débiteur personnel.
Si le curé Lavcrgnc n’a pas dit d’une manière générale que son
héritier serait tenu de toutes les charges de la succession, c’est qu’il
savait qu’il n’en laissait pas d’autres que celles exprimées au testa
ment. Supposons/cependant, qu’une dette inconnue eût été décou
v e rte , n’ eùt-ce pas été à Jean Ilouchy à l’acquitter, et les Diernat
ne lui auraient-ils pas renvoyé ceux qui se seraient adressés à eux?
Il y avait donc une véritable institution d’héritier.
L a circonstance , qu’eu outre de cette institution, le curé Lavergne aurait disposé taxativement envers son. héritier institué de
quelques-uns des objets compris dans l’hérédité est complètement
•indifférente. Quod ubiuidat, non vitiat. Le testateur posait à la fois
le principe cl les conséquences, voilà tout. La double disposition
se concilie facilement, au lieu de se contrarier.
Faut-il maintenant répondre à l’objection tirée de. l’art, aa du
testament relatif au mobilier? iNos adversaires y voient un partage,
une licitation qui prouve jusqu’à l’évidence que les héritiers d’An
toine Lavcrgnc n’étaient autres dans sa pensée que les héritiers du
sang. C ’est la une prétention vraiment chimérique; car le mobilier
est laissé en blitier à Jean Ilouchy et les sommes qu’ il est chargé
de délivrer soit à dés parents dans les proportions les plus inégales
�— 7 —
cl les moins,,confirmes à leurs prétendus amendements , soit a
des étrangers ne représentent pas la dixième partie de la valeur de
ce mobilier, tandis que Jean R ou chyi;qni ^.suivant la l o i , n’aurait
eu qurun 24m* a plus des t)| 10 pour luî seul
Nos adversaires ont repoussé l’application que nous avons faite à
la question des quelques règles d’interprétations empruntées à la
législation romaine ; ces règles sont cependant aussi celles de notre
droit; elles sont écrites dans les art. 1 i 56 et suivans du code civil,
et la loi romaine n’a fait que nous fournir un exemple. 11 ne faut
pas confondre ce qui tient à l'interprétation des actes avec ce qui
irént au fonds du droit.
Celle première thèse se réduit à des termes bien simples. Si M.
Antoine Lavergnc avait écrit dans son testament, j’institue Jean
Rouchy mon héritier, mon légataire universel; ou je veux- et j’en
tends que Jean Rouchy soit mon h é ritie r, personne , nous le
supposons, n’ bicrail aujourd’hui contester là légitimité de cette
institution."
S ’il avait dit . Jean Rouchy est mon héritier, ne rcconiiaitrait-on
pas encore que cette phrase est équivalente à celle-ci : Jean Rouchy
sera mon héritier , ou à celte auire : J e veux que Jean Rouchy
soit mon héritier. Car comment pourrait-on nier que celui de
la volonté duquel'il dépendait que la chose fut n’a pas manifesté
également sa Volonté en disant d’ une manière plus concise : celle
chose existe.
t
‘
'
Il s’est borné à appeler Jean Rouchy son héritier : cela, suivant
nous, suivant le bou sens, revient au même que s’il avait dit : Jean
Rouchy est mon héritier.
Ou trouverait-on la différence? Si Jean Rouchy n’étail pas son
hérilier, s'il ne voulait pas qu’ il le fut, comment, pourquoi rap
pellerait-il son héritier ?
Il dépendait évidemment de la volonté du
te sta te u r
de faire un
héritier ; — cette volonté pour se réaliser n’ était soumise à aucune
�!
»0É .
........................ ......... - S ; - rormc^partîcuïicrc'/'clie pôtitVàiÎ'sfe ‘formuler en quelques mois. L e s '
expressions' employées né pèrrticltent pas de doute sur la volonté.'i
La sagesse des Romains a décidé la question : Lucius fier es ne
--»fi - ■ • . )lunn'; noüiaoi^jb V ■
.
vaut pas moins que I aicius eslo. La première expression doit avoir
, •;.»
r . .. • njOi^.0D3a 2 i l . 'ïBi .
»
„
i l a merne force et doit..produire .les memes conséquences que l a
secon de, tantumdcmjJicimus.
S II.
L a validité de'ce legs universel est indépendante du sort de la ’
disposition particulière au domaine de Longevergne qu'on
prétend,entachée de substitution .
L es Diernatont prétendu , dans leur M ém oire, que si la qualité
de légataire universel existait au proih du sieur Rouchy., elle ne
pouvait résulter pour lui que de la disposition relative au domaine
de L o n gev erg n e; que si cette disposition est entachée de substitu
tio n , le legs universel doit l’êlrc également ; que l’on ne peut pas
tuer Ici legs comme particulier, cl le faire revivre comme universel.
Cette prétention ne repose que sur une confusion. Non ; il n’est
p ts vrai que la qualité de légataire universel nç résulte pour R o u
chy que de la disposition particulière au domaine ¡de Lon gevergne;
ce n’est pas là qu’il la puise, car elle n’y est pas meme mentionnée.
f,*est sur les articles 3 , 7 , 1 6 , 1 7 , 1 9 , 2 7 , 2 9 , 3 a , 5 2 , 55 , 55
qu’il la fonde , et ces articles sont complètement distincts de articles
1 et 2 qui s’odcnpént’sjiécialcmcnt et'exclusivement de la'propriété
de Longevergne.
Noire proposition , cil fait, demeure donc inattaquable; pour
rait-il , en droit, en être autrement ?
L ’article 896 prononce , il est v r a i , même à l’égard de l'héritier
institué, la nullité de la disposition par laquelle cet héritier est
chargé de conserver et de rendre. La conséquence de cette nullité
�est de ûiire annjuler pour tous 1m disposition yicieuse , de telle sorte
‘
• • 1 • •' ** • U VLlJ . 1
#
qu’elle soit considérée comme non écrite ^ o m m e n’ayant jamais
existé.
L e sort de l'objet compris dans la disposition annulée n’étant plus
réglé par elle, cet objet rentre dans la succession légale ou testa
mentaire du disposant, sans qu’ il y ait à s’inquiéter le moins du
‘inonde de la substitution par laquelle ou a voulu le frapper.
II peut arriver qu’un légataire universel profite en entier de
l’anuullation d’ une substitution et recueille ainsi une partie de l'hé
rédité q u i, sans cette annulation lui aurait complètement échappé.
Il peui arriver,'tout aussi bien , qu’il soit simplement exonéré de
la charge de conserver et de rendre, pourvu que son titre ne lui
eût pas été conféré par la disposition vicieuse, et que la substitution
ne frappât point sur la.totalité de l’hcrédite.
On ne faii pas alors revivre la disposition vicieuse; mais on main
tient la disposition valable, et on n’étend pas jusqu’à elle le vice qui
lui est étranger.
E xem p le. Pierre commence par instituer Paul son héritier uni
versel; il fuit ensuite divers legs particuliers; l’un.de ces legs est fait
à Jac q u e s, mais pour en jouir seulement après le décès de Paul.
Ce dernier legs renferme une substitution; Paul en fait prononcer la
tjnllilé et profite de l’annulation , comme il profiterait de celle de
touUiutrclcgs particulier, comme si au lieu d’êirc héritier testamen
taire, il était héritier du sang.
On ne peut pas lui opposer qu’il se met en opposition avec l’a r
ticle 8 qG; cet article est exécuté. Ce n’est pas en vertu de la dispo
sition qui renferme la substitution qu’il recueille l’objet substitué,
c’est en vertu d’une qualité étrangère à cette disposition.
Si on le décidait autrement on arriverait, sans raison , sans motif,
à restreindre l’étendue du legs universel. Ou diviserait une succes
sion en deux parts diÜ'érciücs, l’ une testamentaire, l’autre légale.
�On créerait des difficultés incalculables; on violerait gratuitement
la volonté du testateur.
La jurisprudence e s t , du reste, positive sur ce poin t, et nos ad
versaires , dans leur M ém oire, n’ont pas osé soutenir la thèse con
traire.
§ 111.
L e testament de l’abbé Lavergne ne renferme pas de
substitution.
Il y a pour toute substitution un caractère essentiel, fondamental ;
l’existence d'une double libéralité. 11 faut que les difïércnts appelés
soient saisis par la même volonté, que leurs droits procèdent de la
même origine ; il faut qu'il y ait une double disposition.
Rencontre-t-on ce caractère dans la clause relative au domaine
de L o n geverg n e; nous croyons pouvoir affirmer le contraire.
Aucune disposition n’est directement faite aux enfants , aux des
cendants du sieur R o u chy ; pour suppléer à cette absence de dispo
sition expresse, on est obligé de fa ire de l’ interprétation, de combiner
ensemble des clauses distinctes pour en tirer des inductions. O r ,
cette manière de procéder est proscrite par la loi (art 1 1 5 7 ) , par
une jurisprudence constante de la cour suprême (arrêts des 24 mars
1 8 2 9 , 5 juillet i 8 5 a , i 3 juillet i 8 3 4 -)
Toullier que nos adversaires nous opposent, dit nettement qu’on
ne doit reconnaître l'existence d’une substitution qu'autant que
l’acte litigieux renferme nécessairement la charge de conserver
et de rendre, et qu'il est impossible d'attribuer à l’acte un sens
différent capable de le valider.
Est-il v r a i , comme on l’a dit dans le mémoire auquel nous r é
pondons, que la volonté de l’abbé Lavergno de faire une substitution
î;c soit manifestée par les termes de la stipulation , par rénonciation
�de scs conséquences , par l'induction de ses motifs? C ’est ce qu’il
faut voir.
La stipulation ne contient de don qu’en faveur de Jean Rouchy ;
on lui fait don du domaine pour être entièrement à lui. Il doit en
être le seul et unique héritier. Si l’on parle de scs enfants , de scs
descendants , ce n’est que par voie dénonciation à l’occasion de la
libéralité faite à Rouchy lui-même; le doute subsiste tout au moins
sur le sens, sur la portée de cette énonciation , cl dans le doute , il
est plus naturel de penser que le testateur a voulu exprimer un fait
conforme aux lois de la nature , que de supposer qu'il a eu l’inten
tion de se mettre en opposition contre les lois de son pays.
Si la stipulation laisse du doute, est-il au moins levé par rénon
ciation de scs conséquences; énonciation qu’on prétend trouver
dans la clause 2 " , par laquelle le testateur défend de vendre , d’é
changer , de grever de dettes le domaine de Longevcrgne, sous
quelque prétexte que ce soit. On fait une pétition de principes en
supposant que l’interdiction de vendre est une conséquence de la
substitution. 11 aurait fallu d’abord démontrer l’existence de la subs
titution contestée avant de lui attribuer telle ou telle conséquence.
La clause relative à (’interdiction d’aliéner , loin de prouver
l’existence de la substitution , permet au contraire de penser qu’on
n’a pas voulu la créer.
Cette clause se présente en eflct plutôt comme la condition de
legs fait à Rouchy , que comme la suite de la disposition probléma
tique en faveur de ses enfants. Si la substitution existait, celle clause,
devenait inutile; les droits des appelés étaient garantis par l’inves
titure qu’ils recevaient; l’obligation imposée au grevé était alors
sans objet.
Quant aux motifs par lesquels le mémoire auquel nous répon
dons explique la substitution et le choix de Iloucliy pour-premier
appelé, ils nous paraissent bien peu décisifs.
�. L ’abbé Lavergne a dit quelque part dans son testament, qu’il ne
donnait pas son domaine aux D icrn at, parce qu’ ils n’étaient pas
mariés et jnlctaient -plus en âge de le devenir; il a paru penser
ailleurs quer Rouchy, plus jeune que les Dicrnat, pourrait avoir des
enfants et mèmq,des descendants.
On en tire la conclusion que Rouchy n’a été choisi que pour
organiser une substitution ; que le choix fait de sa personne prouve
l’existence de cette substitution.
Ce raisonnement n’est que spécieux. L a jeunesse de Rouchy,
l’ espérance probable qu’ il se marierait , qu’il aurait des en
fants, ont pu dans une certaine mesure déterminer l’abbé Lavergne
à en faire son héritier universel ou principal; mais celte pensée
ne conduisait pas nécessairement à une substitution. Les' donalions
faites par contrat de mariage , sont évidemment déterminées par
en sentiment de la famille; cela suflit-il pour les-déclarer entachées
de substitution prohibée ?
Toute l'argumentation qu’on nous oppose sur ce point tombe
devant un seul fait. Roucby n’était point marié lors du testament,
il ne l’est pas encore. Pourquoi l’abbé Lavergne , s'il ne voyait en
lui que l’instrument d’une substitution , ne lui a-t-il pas imposé ,
comme condition du legs de L o n g e v e r g n e , l’obligation de se ma
rie r; alors qu’il lui en imposait d’autres: celles de porter son nom
et’ d c n e pas aliéner le domaine. La substitution n’a donc pas été la
cause déterminante du legs.
.-,1
Mais ce n’est pas seulement parce que le testament ne renferme
pas de disposition caractérisée en faveur des seconds appelés que
lions soutenons qu’il ne contient pas de substitution ; nous disons de
plus i° que les seconds appelés ne sont pas désignés d’une manière
suffisante ; a" que le grevé aurait conservé le droit de disposer ;
5* que la réunion de ces deux circonstances rend impossible
l'existence d’ une double libéralité et d’un ordre successif qui sont
les caractères nécessaires de toute substitution.
�L'insuffisance de la désignation des seconds appelés n’est guère
contestable. Il semble bien d’abord si la 'substitution existe qu’elle
soit faite en faveur de ions les enfants el^descendants de Jean
l lo u c h y , quoique l’expression io«,r ne?IS’y l)*ôuve point. Mais
lorsqu’on lit avec attention l’ensemble des deux clauses n* i el n* a,
lorsqu’on y voit que les possesseurs du domaine seront obligés de
le laisser dans un certain étal d’entretien , que leurs successeurs
pourront demander des visites d’experts ; on est forcé de recon
naître que le testateur a prévu que les générations entières ne se
raient pas appelées, 'qu'une préférence pourrait être accordée à
tel,ou tel membre d’ une lignée. C ’était du reste le seul moyen
d'éviter le morcellement qu’il prescrivait.
Ajoutons à cela que l’ interdiction de disposer n’ayant pas été
imposée au g r e v é , cette faculté semble au contraire lui avoir été
réservée et qu’il résulte de la combinaison de ces divers éléments
que llouchy aurait eu le droit de choisir ou de ne pas choisir celui
ou ceux de scs enfants auxquels devrait passer l’immeuble substitué.
S ’il eri est ainsi, il est évident qu’ il y a incertitude absolue , quant
à la désignation des seconds appelés, et il ne l’est pas moins
qu’il n’y a pas d’ordre successif créé par le testateur-; ce n’est plus
en effet le testateur qui dispose , c’est le grevé qui dispose ou no
dispose pas, à son gré, comme il lui plaît et quand il lui plaît. Que
serait ce d'ailleurs qu’ un ordre successifqui n’aurait ni détermination ,
ni r è g l e , qui demeurerait soumis à toutes Icsoüvciüunlilés de la
fantaisie et du caprice ?
Il n’y a donc an lieu d'une substitution qu’une iiinliénabilité pro
hibée pat* la loi du 1 5 mars 1790 , et qui , aux termes de l’art, goo
du codc civil doit être considérée comme non écrite.
�S i le testament renferme une, substitution , elle n'est que nomi
nale et doit être réputée non écrite p a r application des art.
8 1 5 , (joo et (joü du codà ‘cii'il.
Celte proposition est. s’ il est possible, plus certaine encore que les
précédentes.
(
. Posons d’abord comme chose incontestée^ i* que la substitution,
si elle existe , a été faite au profil d’enfants à naître cl non encore
conçus au moment du décos du testateur; 2° qu’elle a été faite à
tous les enfauls de chaque génération avec interdiction dç vendre
ou de morceler.
Quelle en est la conséquence juridique?
L ’art, goô porte expressément que pour être capable'de recevoir
par testament, il faut être conçu au moment du décès du testateur.
Les enfants à naître du mariage de Jean Rouchy n’étant pas conçus,
cl n’étant pas capables de r e c e v o ir , la disposition qui les concerne
est donc nulle. O r , si celle disposition est nulle , nous ne trouvons
plus dans la cause l'existence d’une double libéralité; les appelés
n’ont plus de droit pour exiger la restitution du domaine; le grevé
n’a plus le devoir de le conserver ni de le rendre; la.substitution
s’évanouit.
:
L e législateur, dans l’art. 89G, 11’a voulu, n’a pu vouloir qu’an
nuler les substitutions q u i, sans la prohibition de cet article, au
raient été valables et susceptibles de produire des ciTets. Ricn «’ au
torise à en étendre la portée; les principes recommandent au
contraire de rcnicriner les nullités dans le cercle le plus étroit.
On nous objecterait vainement que les art.
10.^8, 1049» 1082
du Code civil et la loi du 17 mai 1 8 2 6 , permettent de disposer au
profit d’enfants à naître. Ces divers articles constituent une excep-
�-
.5 -
f (0
lion au droit commun ; ils ne dérogent pas seulement a l’art. 896,
ils dérogent aussi à l’art. 906. Mais celle dérogation se renferme
rigoureusement dans lu limite même de ces articles. E lle avait pour
but de diminuer, de restreindre la portée de l'art. 8 9 6 ; il serait
absurde de lui reconnaître un résultat directement contraire. O11
conçoit qu’on invoque ces articles dans l’ intcrèl du maintien d’une
disposition testamentaire ; on ne conçoit pas qu’011 les invoque dans
le sens de sa nullité.
II est vrai que Furgole , que Thévcnot-Dessaules , que tous les
anciens auteurs s’accordaient à considérer comme une substitution
fidéï-couimissaire la disposition en faveur d’un individu détermine
cl de ses enfants à naître. Cela é tait, en e ffet, conforme aux prin
cipes de l’ancien droit, l’ordonnance de 1 7 5 1 , permettant par scs
articles 1 1 et 12 , les libéralités en faveur de personnes non encore
conçues.
Mais la
faculté accordée par
cette ordonnance
a
été refusée par le Code civil. La disposition valable autrefois n(\
l’est plus aujourd’h u i; c'est celte différence dans la validité de la
disposition qui fait que la substitution existe sous une législation et
n’existe plus sous l’autre.
Cette vérité a été successivement mise en lumière d’une maniera
irrésistible par Rolland de Villargues ( numéro; 187 et suivants de
sou traité des substitutions), par Merlin (nouvelle édition des ques
tions de d ro it, tome dernier, p. 17 ) . Toullier (lome 5 , numéro
8 2 0 ) ; Duranton ( tome 8 , numéro 5 5 ) ; Dalloz , ( dernier volume
du Répertoire , page 1 7 7 ) , et plusicurs^autres auteurs se sont ap
proprié leur opinion. La jurisprudence l’a consacrée d’une manière
qui, aujourd’hui, peut sembler définitive. Nous pouvons citer no
tamment deux arrêts de la Cour suprême, rapportés dans IJalIoz,
18 2 7 . i. 85 cl i 8 5 5 . 1. 598.
Tous les deux ont décidé que l’exception faite à l’art. 90G, par
lé s a it. 1 0 4 8 , 10 ^ 9 0 1 1082 du Code c i v i l , devait se renfermer
dans les cas prévus par ces art., que dans tous les
autres
cas , eu
vertu de lu règle générale, les dispositions fuites eu faveur d’enfants
�non encore conçus, devaient être regardées comme nulles; qu’il
n'y avait pas lieu d’ induire, d’une pareille disposition, l'existence
d 'u n e ,
substitution, mais de la répnter non écrite, conformément à
l ’art. 900.
Comment nos adversaires pourraient-ils résistera cet accord si
complet des principes, de la jurisprudence, de la doctrine?
Il est encore un autre motif qui s’oppose à ce que la disposition
faite aux enfants à naître de Jean Rouchy puisse être considérée
comme écrite , et engendrer une substitution
Cette disposition n’est faite que sous la condition absolue de ne
pas morceler j c’est-à-dire de 11e pas partager. Elle est donc en
opposition formelle avec l’art. 8 i 5 du code civil; elle est de plus
matériellement inexécutable et physiquement impossible. Quel se
rait à la 4e > à la 5e génération le nombre des descendants de Routh y ? Personne ne saurait le dire avec certitude , mais le calcul des
vraisemblances donne des chiffres qu’il peut être utile de consulter.
IMus de mille personnes seraient, suivant les probabilités, dans un
avenir prochain co-propriétaires du domaine de Longevergne ; ne
serait-ce pas là une situation impossible?
Tout se réunit donc pour faire décider qu’ il n’y a point de substi
tution ou qu’ il n’y a qu'une substitution nominale dans le legs fait à
.lean Rouchy.
1 Lorsqu’il s’agissait d’apprécier des questions de cctlo naluro sous
l'empire d’une législation qui autorisait les substitutions , le magis
trat devait penser que le testateur n’avait rien écrit d’inutile ; il suffi
sait alors que l’interprétation qui créait la substitution fut possible.
Ou appliquait ainsi la maxime qui depuis a été écrite dans l’article
1 i 5 ~ : ¡ }otins ut valcat quant utpcrcat.
L e même principe doit produire aujourd’hui des conséquences
contraires. La substitution qu’ on admettait facilement lorsqu’elle
était valable , ne doit plus l'être , maintenant qu'elle est prohibée,
que lorsqu’elle est manifeste, inévitable.
�SV -,
C elle substitution ne fit-elle elle pas réputée non écrite, n excé
derait pas les dispositions permises par la loi de 1S26.
Nous pourrons cire très-brefs sur celtc proposition.
Nos adversaires invoquent la loi 220 du digeste d’après laquelle
Liberorum appellalione nepotes etprænepotes cœterique qui e x
his descctidunt continentur; ils soutienent que l’expression des
cendants correspond à celle d’ancêtres dans la ligne ascendante, et
que ces mots : de génération en génération en déterminent le sens
de telle sorte qu’il n’est pas possible de limiter à deux degrés la
substitution.
Nous renvoyons à Ricard, à ïh é v e n o t, à tous les anciens auteurs,
unanimes à enseigner que l’expression enfants n’ implique pas une
substitution graduelle ; à tous les dictionnaires qui établissent que ce
mot de descendants est susceptible d’une acception plus ou moins
étendue; à un arrêt de la cour de cassation du 5 février 1 8 5 5
(D. 1 — * 58 ), duquel il résulte qu'une clause p a r laquelle un
testateur déclarait que les institués ne pourraient vendre ni
aliéner ses biens sous quelque prétexte que ce fû t et qu’ils
seraientforcés de les laisser ci leurs enfants ou à leurs héritiers,
a pu être considérée comme 1 1 excédant pas les limites de la loi
du 17 m ai 182G.
• 1
Quant à ces mots de génération en génération (en admettant
qu’ity soi«*t sans importance , qu’on les ait mis au singulier plutôt
qu’au pluriel), ils n’indiquent pas la perpétuité qu’on veut en faire
découler, et expriment seulement un ordre successif. C ’est comme
si l’on avait mis de degré en degré. Or, les mêmes auteur.s ne trou
vaient pas cette dernière locution suffisante pour caractériser la
substitution graduelle, ils voulaient de plus y trouver un indice
d’une pensée de perpétuité : le mot à toujours ,• par exemple.
3
�L ’objeciion tirée de l’obligation imposée à Roucliy de trans
mettre à sa pospérité le nom de R o u c h y , n’a pas non plus une por
tée décisive, car la transmission du nom une fois opérée, se conti
nuait naturellement ct> n’élnit plus soumise à la possession du d o
maine.
S V I.
S i cette substitution dépasse la limite de la loi de 1 8 2 6 , elle
doit être maintenue pour deu x degrés et ne peut être annulée
que pour les degrés postérieurs.
Celte proposition peut être examinée à deux points de vue diffé
rents : celui du Code civil, celui de la loi du 17 mai 1826.
Celte dernière face de la question a été iraitce avec assez de soin
dans le mémoire précédemment publié pour le sieur Rouchy,
pour que nous puissions nous dispenser d ’y revenir. Il n’en est pas
de même de la première ; c’est d’elle que nous allons plus spécia
lement nous occuper.
Pour démontrer que la substitution doil être annulée pour le tout,
les Diernat présentent le système suivant :
,.{
L ’art. 8 9 6 , disent-ils , est le principe général. Sa rigueur a un
double motif : la nécessité d ’une clause pénale, l’indivisibilité de la
substitution.
Les art. 1048 et 1049 110 f ° nl fIuc constater une exception qui
doit être restreinte aux cas spécifiés.
Les inolifs qui ont dicté l’art. 896 s’appliquent aux substitutions
du 2* et du 5 e de g ré, avec plus d’évidence et de justice qu’à toute
mitre disposition iîdéï-connnissaire.
�L e lexie et l’csprîi ¿es art. 89G, 1048 et J049, s'accordent donc
pour repousser la prétention de Rouchy , qui voudrait que la subs
titution 11e fût annulée qu’au delà des deux degrés. iZ(
¡Vous ne dissimulons pas la force apparente de ce raisonnement.
Il ne résiste pas cependant à un examen attentif.
Est-il d’abord exact que l’art. 896 soit général et domine sans
exception toute la matière des substitutions?
L ’art. 8 9 7 , que nos adversaires semblent ne pas avoir aperçu ,
répond le contraire , car il porte expressément que les dispositions
permises aux pères et aux m ères, aux frères et aux sœurs , au
chap. 6 du titre 2* , sont exceptées des deux premiers paragraphes
de l’art. 89G, c’est-à-dire de celui qui prohibe les substitutions,
comme de celui qui les annule.
Commençons donc par tenir pour certain que les dispositions
permises par les art. 1048 et 1049 c. c. , ne sont ni prohibées , ni
annulées par l’art. 89G.
Voyons maintenant les termes de ces art. 1048 et 1049 combir
nés avec l'article i o 5 o.
k Les p è re s, les mères , les frères et les sœurs pourront donner
a à leurs enfants ou à leurs frères ou sœurs , les biens dont ils ont
» la faculté de disposer , à la charge de les rendre à tous leurs en» fanls nés et à naître , sans exception ni préférence d’àge ou de
» sexe, et au premier degré seulement.
•1 ‘ !
Une substitution faite conformément à ces règles , «à CCS diverses
conditions n’ est ni prohibée , ni annulée j elle est permise , elle est
légitime.
Aucun des nrt. 1048 , 1049 cl * ° 5o ne se réfère au moins no
minalement à l’art. 89G; il n’est dit dans aucun que leurs disposi
tions soient créées par exception à celles de l’art. 89G.
�11 est facile de comprendre pourquoi le législateur permettait la
substitution des art. 1048 et 1049 , pourquoi par l’a n. 897 il avait
excepte celte substitution particulière de la prohibition de l’art. 896.
L ’esprit d’inégalité , de privilège avait été sous l’ancienne mo
narchie la cause des abus inhérents aux substitutions ; on leur
reprochait avant tout d’amener la concentration des fortunes , de
changer l’ordre légal des successions. L ’art. 896 a été un hommage
rendu à l’esprit d’égalité. O r, la substitution des art. 1048 et 1049
avait le double mérite d’être rigoureusement conforme à l’ordre
légal des successions et au principe de l’égalité des partages. Ces
articles ne dérogeaient donc pas clans la réalité à l’arl. 8 9 6 ; -ils
dérogeaient bien davantage au principe de l’art. 9 0 6 , en validant
une libéralité faite à un incapable de re c e v o ir; mais l’intérêt des
familles qui devait faire admettre plus tard les stipulations contrac
tuelles de l’art. »082 justifiait complètement cette exception.
Voyons maintenant ce qui aurait du arriver sans le code c i v i l ,
antérieurement à la loi de 1 8 2 G , si une des personnes auxquelles
les art. 1048 et 1049 accordaient le droit de substituer au premier
degré seulement, avait substitué à deux degrés.
Celle substitution devait-elle être maintenue au premier d e g r é ,
ou devait elle périr pour le tout? Nous n’hésitons pas à dire qu’elle
aurait dû être maintenue dans la limite des art. 1048 cl 1049^
■■ ■
Ce ne serait certainement pas dans cos derniers articles qu’on
trouverait les moyens d’une annulation absolue et générale ; il n’en
résulte qu’une chose, c’est que la substitution permise à tel dcjgré
ne l’csi plus à tel autre; leur application naturelle, raisonnable, de
vrait donc être de valider pour ce qui est permis, d’annulerpour ce
qui ne l’est pas.
On ne les trouverait pas davantage dans l’art. 89G. Car cel arti
cle applicable à la partie de la substitution qui excède le premier
�degré, ne l’esl pas à celle qui se renferme dans les limites des art.
1048 et 1049.
L ’art. 896 n’ annule que ce qui est prohibé, il n’annule pas ce
qui est permis.
11 ne faut pas oublier que l’art. 897 porte expressément que
l ’art. 896 ne prohibe ni n’annule les substitutions des nrt. 1048 et
1049
C ’est donc ailleurs qu’il faudrait chercher les causes de la nullité
absolue.
Ce 11c seront p a s, quoi qu’en disent nos contradicteurs, des motifs
d’ intérêt public qui pourront jamais les fournir. Comment cet imércf
pourrait-il pousser à proscrire , à détruire ce qu’ il a fait établir dans
les art. 1068 et 10G9.
Serait-ce la crainte que le maintien partiel de la disposition 11e
favorisât des infractions fâcheuses.
Celte crainie serait chimérique, car l’intérêt des g r e v é s , de leurs
créanciers, s’ils en avaient , serait une garantie suffisante. E t puis
quel grand mal y aurail-il à ce que l’ordre des successions et le
principe d'égalité étant respectés , les propriétés demeurassent un
peu plus long-temps dans les familles.
II
n'y a donc pas à imaginer une clause pénale inutile ; il n’y a
surtout pas à l’appliquer lorsqu’elle n’existe point.
L a raison qui a déterminé , contradictoirement aux anciens prin
cipes , la nullité absolue prononcée dans l’art.
8 9 6 , c ’e st
l’inccrtiiude
sur la volonté du testateur qui aurait pu ne gratifier le grevé qu’en
�’ ' considération de l'appelé. Cette raison est évidemment inapplicable.
Peut-on penser qu’un p è re , qu’un frère n’ait donné à son enfant, à
son neveu , qu’en considération de son arrière-petit fils, de son arricre-ncvcu. IVaurait-il pas donné égalementsans celle considération?
Scs affections pouvaient-elles s’égarer ailleurs? Pouvaient-elles ctrc
aussi fortes pour celui qui n’était qu’ une lointaine espérance d’a v e
n ir , que pour cciix qui étaient le prem ier, le direct objet de leur
tendresse.
Il
faut aller plus loin; il faut créer une indivisibilité absolue de la
disposition. O r , comment justifier cette indivisibilité? les degrés
des générations ne sont-ils pas distincts; les dispositions qui s’appli
quent à chacun de ces degrés 11e peuvent-elles pas également être
distinguées? L ’indivisibilité ne se rencontre pas en fait; elle, ne sç
rencontre pas non plus dans l'intention du testateur. Comment la
concilier d’ailleurs avec l’ordre successif qui est l’élément essentiel
de touie substitution? Ce moyen croule comme les autres; il n’a ,
du reste, jamais été considéré comme sérieux même par ceux qui
ont soutenu l’opinion contraire à la nôtre, et pas un seul auteur ne
s’en est appuyé.
Riais si, môme sous l’empire du Code civil, la disposition exces
sive devait seulement être réduite , cela n’esl-il pas bien plus clair
encore depuis la loi du 1G mai i 82G, qui nous a ramenés purement
et simplement aux anciens principes.
Nous terminerons ce qui est relatif à l’examen de cette dernière
proposition, par une réponse aux critiques dont un illustre auteur,
]NJ. Toullier, a été l’objet de la part de 110s contradicteurs.
On reproche au savant jurisconsulte sous le patronage duquel
nous aimons à placer la démonstration qui précèd e, d’avoir émis
sur la question une opinion superficielle et de s’étre placé presqu’à
�la même page dans une contradiction manifeste. II est viai que son
.
. , , , -'i ,
", u iti't . , i j f , m'ï»!, '»:>?«;•
>
opinion est peu développée; cela ne prouve qu une cliose, c est
.
. îiciu î"*Qiîir rr .pv \
que la question ne lui paraissait point faire de dillicnlle. Quant
au reproche de contradiction, il est facile de l’en Justifier. RI.
,
„
1 3 .- 3 - t 2,'.!Î 9 - l ! l * . | ü V I J o r .
.
.
lo u liie r a raison dans 1 une et dans J autre de scs deux opinions,
pour l’art. i o 5 o comme pour l’art. io 4 8 . Pourquoi cela?
C ’est que lorsque la condition de l’art. i o 5 o n’est pas rem plie,
la faculté créée dans les art. 1048 et 1049 disparaît. On ne se trouve
plns alors dans le cas d’exception prévu pai’ l’art. 897 ; on retombe
purement et simplement sous le coup de l’art. 896. Tandis qu’ il
n’en- cst'pas ainsi, comme nous l’avons déjà prouvé , lorsqu'on res
pectant les prohibitions de cet art. i o 5 o , on dépasse la latitude
permise 'dans les articles précédents. M. Toullier n’a eu d’autre tort
que de ne pus joindre, dans les développements de son opinion, aux
motifs vrais qu’ il a tirés de l’intention du législateur, les arguments
plus positifs qu’il pouvait emprunter aux textes.
Nous avons rempli jusqu’au bout le devoir que nous nous étions
imposés; nous déposons la plume avec l’énergique conviction que
le testament du curé Lavergne doit être maintenu dans son intégrité,
avec la(ferme espérance qu’il le sera.
Non la justice 11e consentira pas à mutiler celle œuvre de vertu
et de sagesse; non elle ne supposera pas que le ministre de
Dieu , q u i , dans l’expression de sa volonté dernière , a montré le
patriotisme le plus élevé cl le plus pur, ait voulu se révolter contre
les lois de son pays. En présence des testaments successifs de l’an
cien curé de Maintenon , de sa persévérance à choisir pour son
héritier celui de scs neveux qui seul pouvait continuer sa famille,
la cour ne doutera pas qu’il n’ait é té , quoi que puissent dire les
sieurs D iernat, l’objet de son invariable prédilection ; elle ne vou-
�— 24 —
d ra pas que les bienfaits réfléchis de cet oncle respecté et c h é r i,
n’aient été pour lui qu’une cause d’embarras , de douleur et de
ruine.
Me DUMI R A L , Avocat-plaidant.
M e A L L E M A N D , Avocat-consultant.
M e L A M Y , Avoué.
R I O M . — A . J O U V E T , I m p r im e u r , l.i b r a ir e et lith ograp h e.
�à c . " ô u ï \ 7T~
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rouchy, Jean. 1848?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dumiral
Allemand
Lamy
Subject
The topic of the resource
testaments
prêtres réfractaires
émigrés
indivision
domestiques
écoles
enseignement scolaire
cimetières
fondation d'une paroisse
successions
legs
intention du testateur
substitution
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Note en réponse pour Jean Rouchy contre Michel Diernat, Arnal et autres.
Annotations manuscrites. « Point de droit »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1848
1793-1848
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3019
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3016
BCU_Factums_G3017
BCU_Factums_G3018
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53636/BCU_Factums_G3019.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rouen (76540)
Maintenon (28227)
Anglards-de-Salers (15006)
Angleterre
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cimetières
doctrine
domestiques
écoles
émigrés
enseignement scolaire
fondation d'une paroisse
indivision
intention du testateur
legs
prêtres réfractaires
substitution
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53539/BCU_Factums_G2702.pdf
bd53f64a3e8d9b8a873f108d8e953faa
PDF Text
Text
W
CONSULTATIONS
' Pour MM. O N S L O W puînés,
C o n tr e
M . G eorges
O N S L O W .
----------- « S S - ï - S w a » ----------
L E C O N S E IL SO U S SIG N É qui a fait un nouvel examen des
pièces et consultations de l ’affaire existant au tribunal civil de
Clermont-Ferrand, entre les frères puînés de M . Georges Onslow
et ce dernier , notamment d’un projet d’acte de vente de la terre
de Lillingston, en date du 2 juin 1824,
P er siste à penser què les puînés sont très-fondés à soutenir que
la succession entière de M . Edouard Onslow est régie par la lé
gislation française ; qu’en conséquence, leur frère aîné doit se bor
ner à prélever le q u a r t, et partager le surplus par égalité avec
eux ; il ajoute que l’acte nouvellement produit, qui n ’est pas la
v ente originale , n’a fait que le confirmer dans cette opinion.
A l’époque du décès du père, toute sa fortune mobilière ou im
mobilière était en France] par conséquent, elle doit être partagée
entre ses enfans, d’après les principes des lois françaises, soit parce
qu’il avait été naturalisé Français; soit, au m oins, parce qu’il
avait son domicile en F ra n ce; soit, enfin, d’après l’art. 3 du Code
civil. Ces divers points déjà établis dans les premières consulta
tions, l'ont été dernièrement par M. M e r lin , avec la logique qui
distingue ce profond jurisconsulte, et sont désormais hors de toute
controverse.
T elle est donc la règle générale applicable à la cause, et qui en
rend la décision aussi simple que facile.
Mais M . Georges Onslow veut se placer dans une exception ;
àA
�il prétend, sans le prouver positivement, qu’au ncmbre des som
mes mobilières existant en France dans la succession de son père ,
il en est q u i proviennent de la vente de la terre de LillingstoH, et
que le prix doit repre'senter pour lui la chose vendue ; qu’il peut
le réclamer de ses cohéritiers à titre de dommages-intércts, parce
que son père aurait disposé d’une chose qu’il lui avait antérieu
rement donnée. C ’est à M . Georges à' établir que l ’exception qu’il'
invoque est bien fondée. Jusque-là ses frères auront en leur fa
veur le droit commun; mais M . Georges est loin de justifier son
exception. E n réfutant s» prétention, nous établirons, i°. que la
donation de la terre de Lillingston est n u ll e , parce qu’elle n ’ap
partenait pas à son père en 1808, et q u e , comme catholiqne, il ne
pouvait pas acquérir d ’immeubles en Angleterre; 20. que le père
avait le droit de convertir la donation en un capital de 400,000 f.
argent de F ran ce; qu ’il l’a fait, et n’a j par conséquent, laissé
qu’une somme mpbilière qui doit être soumise à la législation de
son domicile ; 3 °. q u e le fils l ’a lui-même reconnu en ratifiant la
vonte; 4°. qu’enfin, d’après la loi du 14 juillet 1819,, il est obligé
de se contenter , sur la masse totale de la succession, de la portion
disponible fixée par le C o d e , et. d’une part égale à celle de ses
cohéritiers.
Avant d ’arriver à cette démonstration , il importe de se fixer sur
l'acte prod uit, dont la date est du 2 juin 1824*
Evidem m ent, ce n’est que le projet de la v e n te , ainsi que l’at«
testent les officiers publics qui l’ontrédigc. C ’est sur ce projet qu’a
été fait six jours après (le 8 j u i n , comme le constate le partage,
de famille du 11 avril 1828 ) , le contrat original revêtu à C lermont de la signature et de la ratification, de M . Edouard Onslow.
père. L es frères puînés ont toujours affirmé et affirment encore,
qu’eux et leur frère aîné y apposèrent également leur signature et
ratification : nous verrons tout à l’heure que c ’était une condition,
de la vente. C ’est sa/i$ doijte pour cela que M . Georges persiste à.
�■
'
(5)
ne pas produire la vente originale, ou, au moins, une copie sur
laquelle on lirait sa ratification et celle de ses frères.
L ’on voit, dans le projet du 2 juin , que par acte du 20 avril 17 9 '»
M . et M m‘ Edouard Onslow vendirent à réméré, à Thomas, comte
d’Onslow, et à Arthur-Georges , vicomte Cranley , la terre de Lillingston, moyennant 4)000 livres sterling, ou 100,000 fr. argent de
France. Il y est d i t , à plusieurs reprises , que la propriété leur
fut transférée; q u e , par acte du 24 ou 25 juin i 8 o5 , ils donnerent celte terre à bail à M . Edouard; e t , en e f f e t , l’acte du 2 juin
atteste qu’encore à cette date il la tenait à bail.
O n voit encore dans ce projet que la vente de la terre au colonel
Boyle-Delap n ’est pas faite par M . Edouard Onslow s e u l, mais bien
en outre par le comte Thomas d ’Onslow et le vicomte Cranley, ac
quéreurs à réméré , et constamment qualifiés de propriétaires.
M . Edouard Onslow déclare n ’avoir vend u, engagé, ni donné à
personne aucune partie de la terre ; il s’oblige à garantir le colonel
D elap , acquéreur, de la réclamation de tous ceux qui prétendraient
en avoir acquis tout ou partie.
Enfin , pour assurer davantage îi l’acquéreur la propriété du do
maine , M . Edouard Onslow s’oblige de faire reconnaître , ap
prouver et ratifier la vente par ses héritiers.
Une vente à réméré est translative de propriété. Celui qui l’a
faite cesse dêtre propriétaire; il ne peut donc plus disposer de la
chose à titre onéreux ou gratuit. Il n ’a plus le ju s in rc ; mais s e u
lement le ju s ad rem , ainsi que l’explique P o th ier, dans son Traité
du contrat de vente. Il ne peut transmettre que le droit d’exercer
le réméré. A i n s i , quand M . Onslow a donné à son fils aîné, en
1808 , la terre de Lillingston, il a fait un acte nul ; il a donné ce
qui ne lui appartenait p lu s , et n’a pas donné ce qui lui appartenait.
F.ecit <juod non p o tu it, non fe c it çuod potuit.
Objectera-t-on qu’en 1824 M . Edouard Onslow a exercé le ré
méré! Nous répondrions, en fait, qu’il ne l ’a pas exercé , à pro-
¿V
�( 4 )
prcraent parler; qu’il n’a pas retiré la chose en remboursant le
p r ix , pour la revendre à un tiers; que la propriété n’a pas reposé
un seul instant sur sa tête depuis la vente faite aux M M . Onslow
père et fils ; qu ’ils se sont tous réunis pour la transmettre, en 1824,
au colonel Delap ; et en droit, que M . Edouard O nslow , fût-il
redevenu propriétaire en 1824, cette circonstance n’aurait pu va
lider une donation nulle de plein droit; q u ’il n ’y aurait eu d’autre
moyen que d ’en faire une nouvelle.
Ajoutons qu’alors même que M . Edouard Onslow n ’eût pas
cessé d’être propriétaire, et qu’il eût seulement hypothéqué sa
terre, le créancier aurait eu le droit de la faire vendre pour se
payer sur le prix. L ’aliénation eût été forcée; le donataire posté
rieur n’aurait pu l ’empêcher. O r , M . Edouard Onslow pouvait
faire volontairement ce q u ’011 l’aurait contraint de souffrir; et lors
même qu’il n’y aurait pas eu d’hypothèque ni nécessité de vendre,
l ’aliénation faite au colonel Delap n ’en serait pas moins inattaqua
ble. Cet acquéreur ne pourrait être inquiété : il ne connaissait pas
la donation, car elle n ’avait été transcrite dans aucun registre pu
blic d’Angleterre, et il doit y avoir dans ce pays, comme en France
( art. 909 ,
r ) , nécessité de publier les donations, pour éviter les
surprises, les fraudes envers les tiers. Il est, d ’ailleurs, fort dou
teux qu’un contrat passé en France et contenant donation d’une
terre située en A ngleterre, pût être valable et exécuté dans ce
royaume.
C ’est, il faut en convenir, une singulière donation que celle
qui ne peut, sous aucun rapport, empêcher le donateur de disposer
librement de la chose donnée , et il est difficile de concevoir com
ment ce qui a cté fait valablement donnerait cependant lieu à une
action en donunages-intérêts ou en garantie contre les héritiers du
donateur.
A ces diverses causes de nullité de la donation vient s’en join
dre une autre : c ’est que , comme cela a été démontré dans les
�( S )
précédentes consultations, il est défendu aux catholiques, par la
législation anglaise, d’acquérir des immeubles en Angleterre. Dans
une consultation délibérée à Riom pour le frère aîné , on convient
du principe ; mais on allègue qu’un statut de GeorgesQlI a levé
cette prohibition, en assujettissant seulement les catholiques à
prêter serment d’allégeance dans les six mois de l’ouverture de
leurs droits.
Sans nous jeter dans une discussion sur le sens et l ’eflet de ce
statut, que l’auteur de la consultation ne nous paraît pas avoir
Lien saisi, nous nous bornerons à faire remarquer que M. Onslow
l’aîné n’aurait pas rempli la condition à laquelle, de son aveu même,
serait subordonnée la validité de ses droits. C ’était dans les six
mois de la donation entre-vifs, qui, suivant lui, le rendait pro
priétaire et l’autorisait à disposer de la terre^ sauf la réserve de l ’u
sufruit, et non dans les six mois de la cessation de cet usufruit,
qu'il devait prêter serment. L émancipation partielle ou totale des
catholiques des cinquième et dixième années du règne de Geor
ges I V étant postérieure à l ’expiration des six mois, est p a rla
même indifférente , et ne peut rétroagir pour valider un acte nul
dans son principe.
C e n est pas tout encore ; et il importe d apprécier la clause du
contrat de mariage de 1808, pour en déterminer l’effet. 1
L a terre est donnée sous des conditions et des réserves. L e droit
est acquis dès le jour du contrat, mais ce n’est qu'éventuellement;
caria libéralité est subordonnée à des conditions q u i, venant à s’ac
complir, opèrent non-seulement dans la valeur, mais même dans
la nature de la chose donnée, une notable modification.
E n effet, le pere se réserve d’abord de prendre sur les biens
donnes diverses sommes , mais de manière que son (lisait toujours
un revenu de 20,000 fr. argent de F ra n c e; et immédiatement
après il est dit que si, au décès du père, ces biens produisaient
moins de 30,000 f r . , le fils se remplirait de la différence, en rete-
�nant entre ses mains sommes suffisantes pour former le capital
au denier 20 de la portion de revenu nécessaire au complément des
20.000 francs de revenu que son père entend lui assurer, comme
condition Æsentielle du mariage.
II résulte de la clause sainement entendue, la faculté de la part
du pèro de convertir la terre en argent. Il peut en disposer ; et
comme, par suite de cette disposition, il peut en réduire le revenu
à un taux' minime et presque n u l , il s’ensuit que ce n ’est réelle
ment qu’un capital de 4 oo,ooo f r . , argent de F rance, qu’il a as-r
suré à son fils, et que celui-ci, non plus que sa femme et ses par e n s , n e peuvent se plaindre; ils retrouvent ce capital dans la
succession. Ils n’ont pas été tro«ipés, puisqu’ils n ’ont pas dû comp
ter sur autre chose,
C ’est bien aussi dans ce sens que les parties ont entendu et in*
terprété le contrat de mariage, par le partage de famille du 11 avril
1828, puisque immédiatement après avoir rappelé la donation, on
parle de la vente de la terre de Lillingston par M. Onslow père ,
sans aucune réserve ni protestation, C e t acte contient une nou?
velle approbation ou ratification de la vente. D ’un autre c ô t é , la
valeur totale de la succession devant être au moins de 1,200,000 f . ,
parce que la terre de Chalandrat et la maison de Clermont excè
dent la valeur qui leur a été donnée dans le partage, M . Georges
prélèvera le quart ( 3 oo,ooo fr. ) ; il aura encore le quart dans la suc
cession , c’est-à-dire, 2 ? 5 , ooq francs; ce qui lui fera plus de ses
400.000 fr. , et à peu près autant à lui seul que ce qu’auront ses
frères ensemble.
O n conçoit donc pourquoi M . Georges O nslow , non-seulement
n ’jt jamais réclamé contre la vente faite par son père, mais même
l ’a formellement ratifiée, soit en la négociant, soit en y apposant
sa signature à Clerm ont, soit en çn recevant le prix et le plaçant
en France au nom de son père s e u l, ainsi que cela est résulté d’un
compte produit à l’audience du tribunal de Clermont , soit par tou
te? les énonciations du partage de famille,
�( 7)
On a objecté que la ratification de la vente était insignifiante;
mais , au contraire , c ’est l’acte le plus significatif, le plus grave
qu’on puisse imaginer.
Dans son système , M . Georges était saisi de la nue propriété
de la terre de Lillingston, par son contrat de mariage; son père
n’avait pas le droit de vendre : en approuvant la v e n t e i l recon
naît , au contraire , qu’il en avait le droit.
Cette réflexion acquiert plus de force e n c o r e , quand on fait
attention aux énonciations de la vente passée au colonel Delap.
M . Edouard Onslow se présente comme propriétaire avec le comte
et le vicomte Onslow. Il déclare n ’avoir conféré à personne autre
que ceux-ci aucun droit sur cette terre ; il s’oblige de faire ratifier
par ses héritiers. M . Georges a donc approuvé ces énonciations ; il
en a reconnu la véracité ; il a lui-même avoué l’invalidité de la do
nation de 1808. C ’est parce qu’il en était convaincu;: c ’est parce
qu’il craignait aussi que le fisc d’Angleterre 11e s’emparât de la terre
de Lillingstoij, si on avait pu la considérer comme sie n n e , qu’il
l ’a fait vendre par son père, et s’est bien gardé de se présenter
comme en ayant la nue propriété.
I l reste un dernier point à examiner : c’est l ’application de la loi
du 14 juillet 1819.
M» Georges Onslow prétend avec raison prendre part aux biens
que son père a laissés en France. 11 soutient, en outre, q u e , fils
d’Anglais et Anglais lui-mêine, il peut commencer par s’attribuer
sur la valeur représentative des biens situés en Angleterre l'effet
de la donation t et venir ensuite partager avec ses frères les biens
de France.
Si M . Georges était étranger , il serait obligé de laisser ses frères
prelever sur les biens de France une valeur égale à celle q u i l aurait perçue en Angleterre. L ’art, a de la loi précitée est très-formel
à cet égard ; il est une conséquence de l’art. 1 " , d’après lequel lesétrangers ont le droit de succéder en France de la même maniera■
�( 8 )
que les Français. O r , les Français sont assujettis aux règles du
Code sur l’égalité des partages et la portion disponible.
r
Si l’étranger, concourant avec des Français, est obligé de souf
frir sur les biens de France le prélèvement d’une valeur égale à
ce qu’il a eu en pays étranger, à plus forte raison le Français
y est-il tenu. D ’ailleurs , dans l’espèce , M . Georges peut d’autant
moins s’y opposer, que c ’est parce qu’il prétend être resté sujet
anglais qu’il revendique la terre de Lillingston. L es motifs de la
loi du i/|. juillet 1819 s’appliquent très-bien à la cause. L e législa
teur a voulu empêcher qu’un cohéritier ne se servît de sa qualité
d’étranger pour dépouiller des Français^ pour s’attribuer dons la y
fortune du père commun une plus grande part que nos lois ne lui
accordent. 11 y a pourvu, en statuant fjue celui qui se présenterait
comme héritier au partage de biens situés en France , subirait l’in
fluence de la législation française. En cela la loi n’agit pas hors de
son territoire ; elle ne détruit pas ce qui a lieu dans un autre pays ;
c a r l’étranger conserve toujours matériellement sa chose ; il peut,
d’ailleurs, renoncer aux biens de France et ne pas se présenter
comme héritier; mais dès qu’il invoque cette qualité, il doit se
soumettre à la loi du pays où il prétend exercer des droits.
Puisque la législation fiançaise doit régir la succession de
M . Onslow, le frère aîné doit donc prélever seulement le qu a rt,
et partager le surplus avec ses frères.
L ’équité, la foi duc aux contrats de mariage, et la loi veulent
qu’il en soit ainsi.
L e résultat en sera encore assez beau pour l'aîné. Il auxa au
moins 5 oo,ooo fr. de plus que chacun de scs frères.
D k liu e ré à Paris , ce 3 i octobre i 8 3 a , par l’avocat aux Conseils
du roi et à la Cour de cassation soussigné.
G A R K IE R .
�L e s J U R IS C O N S U L T E S S O U S SIG N É S, qui ont vu une der
nière consultation de M . Garnier, pour M . Auguste Onslow et
consorts, ot attentivement examiné l’affaire dans son dernier état,
D é c l a r e n t , en se réunissant à l ’avis de IVI. Garnier, que plus
ils réfléchissent et plus ils se fortifient dans l’opinion qu ’ils ont
émise.
Il ne s’agit plus de discuter, de représenter des questions déjà
plus que suffisamment débattues; tout doit se résumer, désormais,
en quelques idées positives et déterminantes.
M . Georges Onslow veüt-il se présenter comme Anglais, pro
fessant la religion anglicane, et jouissant en Angleterre de toutes
les prérogatives qu’attache à la qualité d’aîné le système éminem
ment aristocratique de celte nation? E n ce cas, il invoque un pri
vilège qu’il ne peut étendre au delà du pays pour lequel il a été
fait, ni à des biens autres que ceux auxquels il est appliqué par
la loi de ce pays.
O r , qu’il en use en Angleterre tant qu’il lui plaira; qu’il réclame
la terre de Lillingston; qu’il cite le possesseur devant les tribu
naux anglais, c’est chose à laquelle ses cohéritiers ne s’opposent
pas le moins du monde.
Mais un premier fait s’y oppose. Celte terre n’est pas dans la
succession. Son père l’a vendue, et l’acquéreur la possède librement,
sans doute sous la protection de la loi et la sauvegarde des magis
trats. C e fait accompli suffirait à lui seul pour repousser la préten
tion du fils ; car, avec l ’immeuble, ont disparu la matière du pri
v i l è g e et la possibilité de l ’exercer.
Il ne peut servir à rien à M . Georges, en se prétendant pro
priétaire, de réclamer son privilège contre la succession de son
père, à litre d’indemnité; car il lui faudrait, pour cela, prouver par
un jugement des tribunaux d’A ngleterre, que la terre lui appar
tenait , et qu’on ne pouvait pas la vendre à son détriment. Or, dans
ce cas-la même, ce ne serait pas par le fait d’autrui, mais par le
�-'V •
■
* V.
( 10 )
sien propre, qu’il serait dépouillé, puisque c ’est pour avoir exécuté
la vente, en avoir reçu le prix et l’avoir placé en France, sous le
nom de son père, qu’il serait non recevable à le réclamer contre
1 acquéreur. Au reste, il ne le fait pas, il ne veut p a s , et sans
doute il ne peut pas l’attaquer.
Il est facile, au reste, d’en apercevoir la raison; fût-il Anglais,
il est catholique, et cela seul est un titre d ’exclusion; non-seule
ment il ne peut pas réclamer un privilège, mais encore il lui est
interdit de posséder en Angleterre la plus petite partie d’une pro
priété territoriale à quelque titre que ce soit.
A la vérité, la prohibition des anciennes lois a été adoucie;de
nouveaux statuts de Georges III ont admis les catholiques à pos
séder des biens en Angleterre, mais c’est à la charge rigoureuse
de prêter, dans les six mois, un serment d’allégeance. Dans la
dernière consultation produite pour M . Georges, on reconnaît cette
vérité d’ailleurs certaine, et nous lisons, page 1G4 du tome 5 de
la dernière édition de Blackslone, faite en 1825 , ce paragraphe
remarquable.
« Ceux qui professent la religion romaine, et qui n’ont pas
!» prêté, dans le temps fixé par la loi, le serment presciit par le
» statut 18e de Georges III, sont incapables, d’après le statut n *
y et 12e, § 3, ch. /|, d ’acquérir des terres, rentes ou héritages;
>> et toute vente de propriétés faite pour leur usage (use) ou par
y une sorte de fidéi-commis en leur faveur (in trust), est nulle.»
O r , sans rechercher si M. Georges eût dû prêter ce serment
dans les six mois de sa donation ou dans les six mois du décès de
son père, il est constant qu’il ne l’a prêté ni à une époque ni à
l ’autre. La terre ne lui appartenait donc pas; et il ne peut trou
ver dans cette circonstance le moyen de reporter en France un
droû qu’évidemment il n’avait pas en Angleterre.
*
D ’ailleurs, la donation ne l’avait pas irrévocablement saisi de la
propriété, surtout de la propriété entière. L e père s’était réservé
de disposer à son préjudice jusqu’à concurrence de 20,000 fr. de
�( 11 )
revenu. Il est fort inutile de rechercher s’il lui avait promis la
terre jusqu’à concurrence de 20,000 f r ., ou seulement 20,000 fr.
de revenu affectés sur la terre. Elle est v e n d u e ,il approuve la
vente; il l’exécute volontairement, et n’exerce qu’un droit mobilier,
ne réclame qu’une somme d ’argent sur des biens de France. 11 est
évident d’ailleurs qu’il était, pour le moins, difficile de ne vendre
qu’une partie de la terre. L à politique anglaise s’oppose à ces
démembremens deá propriétés territoriales, et la réserve d en ven
dre une partie entraînait la vente du tout. A côté de cette vente
reconnue valable par tous ceux qui l ’exécutent, la donation ne
peut plusproduire, dans aucun cas, les effets qu’on lui attribue.
Tous ces faits expliquent, au surplus, pourquoi le fils a laissé
vendre, pourquoi lui-même a dû provoquer la vente de cette terre.
Il a senti le besoin de la mobiliser et d ’en transporter le prix en
F rance, parce qu’après la mort de son père, il en eût été exclus
par les tribunaux anglais.
Il est dès lors bien plus extraordinaire de le voir exercer, en
France, comme inhérent à sa personne, un privilège qui n ’est
propre qu’au sol de l ’Angleterre, et le réclamer des tribunaux fran
çais , par application sur des biens de France, comme une sorte
d indemnité d’ùn prétendu droit qu’il n’ose pas réclamer des tri
bunaux anglais sur des biens d’Angleterre soumis à leur juridic
tion. S il avait formé la demande en désistement de la terre devant
les tribunaux anglais, et q u e lle eût été rejetée, pourrait-il r é
clamer une indemnité devant les tribunaux de F ra n c e , parce q u ’on
aurait jugé en Angleterre q u ’il n’était pas apte à réclamer ce privilége, qu il n était pas propriétaire de l’immeuble? le peut-il da
vantage parce qu il n’a pas réclamé et qu’il s’est jugé lui-même?
O ù est donc le principe de son indemnité en F rance, s’il n’a pas
de privilège en Angleterre?
11 y a plus encore: considéré même comme Anglais, et ayant
un privilège en Angleterre, il trouverait une barrière insurmon
table dans la loi du i/t juillet 1819; car ses cohéritiers, appelés
�( 12 )
par celte loi à prélever en France une portion cgale à la valeur
des biens dont ils auraient été exclus en Angleterre, peuvent, à
plus forte raison, s'opposer à tout prélèvement en France, alors
qu'il n’a pas pu le faire en Angleterre, et que, s’il l’avail fait, ils
l ’auraient anéanti par un prélèvement égal sur les biens de Fiance.
Sur quoi, d’ailleurs, M . Georges Onslow, plaidant en F rance,
pourrait-il s’appuyer pour l ’obtenir ?
Serait-ce sur la loi anglaise, pour appliquer en France et sur
des biens de France un privilège fait pour le sol de l’A n g lelerre,
et qu’il n’y réclame pas? On n ’aura pas sans doute ce ridicule,
surtout dans sa position actuelle.
Ce serait donc uniquement en vertu de sa donation! mais quel
privilège peut en naître, autre que ceux qui y sont attachés par la
loi du pays ou elle a été faite? et comment la régir par les lois
anglaises, lorsqu’elle se détache entièrement de ces lois et de»
biens qui sont soumis à leur empire î
Q ue sera-ce donc si nous supposons que M . Georges Onslow
est Français? Ici une réflexion majeure frappe l ’esprit, et elle ré
sume toute la cause, parce qu’elle renferme toute la vérité. Que
I\ï. Georges le veuille ou ne le veuille pas, il est Français; il l’est
par sa naissance, par son domicile, par son mariage, ses posses
sions, sa résidence; ¡1 l’est aussi, par sa soumission aux lois du
recrutement, l’exercice des droits civils et politiques, et toutes
les conditions auxquelles la lai attache cette qualité.
Ce n'est donc plus un Anglais professant la religion anglicane,,
qui demande à profiler des privilèges de la loi de son pays : c ’est
un Fiançais, catholique romain, qui demande un privilège fait
pour l’Angleterre et créé par les lois anglaises, seulement pour
les Anglais religionnaires. Il le demande en France et aux tribu
naux fiançais; il le réclame en vertu d ’une donation faite en France;
enfin, il veut qu’on 1 applique dans son intérêt à une succession
ouverte en France, et sur des biens situés en France.
Où donc est la question , et comment une donation faite en
�( i5 )
F r a n c e , sous le C ode c i v i l , grevcrait-elle les biens de F ran ce
d’une quotité disponible autre que ce lle des lois françaises? Si cela
ne pouvait pas être pour un An glais, co m m e n t, dans ce pays où
les préciputs ne sont que des exceptions, un Français pourrait-il
prétendre des prérogatives aussi exorbitan tes, que nos lois et nos
mœurs eussent repoussées dans tous les»temps, et que repoussent
bien plus encore celles qui régissent la succession de M . O n slo w 2 •
Cela passe la portée de l ’esprit.
Réduite à ces termes aussi simples que v r a is , la cause semble se
présenter toute n u e , et porte sa décision avec elle-m êm e. C e tt e
importance majeure q u ’on lui a donnée ne réside plus que dans
la qualité des parties, le rang q u ’elles occupent dans la société, et
le chiffre de la succession. Convenons, en effet, que s’il s’agissait
de quelques centaines de francs à distribuer à des cultivateurs qui
arriveraient à l ’audience sans autre préliminaire, la cause, dépouillée
de tout le prestige dont on l ’a environnée, ne permettrait plus la
pensée que la magistrature française peut appliquer d ’autres lois que
celles de son pays, s u r une succession régie exclusivem ent par elles,
alors surtout q u ’il s’agit de la partager entre des F ran ça is, et de
faire exécuter des actes passés en F ran ce. T e l le est cependant la
situation réelle de la famille Onslow . L e s soussignés pensent do n c,
en dernière analyse, que M . G eorges ne peut exiger autre chose
que le préciput de l ’article 9 i 3 j mais q u e , d ’après les dispositions
du p è r e , les autres enfans ne p eu vent pas contester la moindre
partie de ce préciput, dès q u ’ils n ’exécutent pas le partage fait par
le père commun.
D élibéré à R io m , le 10 novem bre
i
852.
DE Y ISSA C , ALLEM AN D .
L e soussigné, qui a ete appelé à prendre part à la discussion
qui a prépare la consultation ci-dessus, en adopte les solutions.
Fait à C le rm o n t, le 14 novembre i 85 2.
CONCHON.
�( >4)
IL i E SO U S SIG N É , qui a revu sa consultation du 5 avril der
nier , sur les differens qui existent entre l’aîné et les puînés des
enfans de M. Edouard O nslow , et pris lecture , i°. de la copie d’un
acte passé à Londres, le 2 juin
et par lequel M . Edouard
Onslow a , par le minislèrg de James Seton , son fondé de pouvoir,
vendu au colonel Delap les propriétés anglaises dont il avait fait
donation à son fils aîné , par son contrat de mariage du 18 juillet
1808 ; a0, de docuinens où sont présentés comme tenus pourconslans entre les parties, dans les débats qui ont eu lieu jusqu’à pré
sent devant le tribunal civil de C lerm o n t-F e rran d , et d’après
lesquels ce tribunal doit incessamment prononcer, trois faits importans : savoir , le premier, que M. Georges O nslow , né en
France avant le Code civil, a toujours été regardé et a toujours
agi comme Français; le second, qu’il a été élevé dans la religion
catholique, et qu’il la professe encore; le troisième, que c ’est lui
qui , en vertu d ’une procuration de son père, du 27 juin 1824 » a
touché le prix de la vente passée le 2 du même mois, en a fait
l ’emploi à Paris, tant en rentes sur l'E ta t, qu’en obligations de
particuliers , et en a constamment perçu les produits ;
E st d ’a vis , en revenant sur la question que le défaut de renseignemens suffisans l'avait forcé de laisser indécise par sa consultation
du 5 avril, qu elle ne peut être résolue qu’en faveur des enfui:s puî
nés de M . Edouard Onslow, ou, en d’autres termes, que M . Edouard
Onslow étant mort Français et domicilié en F rance, la portion mo
bilière de sa succession, qui provientdu prix de la vente faite par
l u i , en 1824 , des propriétés qu’il avait alors en Angleterre , n’e s t ,
comme fous les autres biens meubles et immeubles qu’il a laissés,
régie que parla loi française, et q u ’en conséquence, tous les avan
tages qu’il a faits à son fils aîné, doivent indistinctement subir la
réduction prescrite par l’art. g i 5 du Code civil.
Commençons par nous,fixer sur un point qui ne peut être l’ob
jet d ’aucune controverse.
�( i5 )
Mêlions de côté , pour le m o m e n t , la donation faite a M. Geor
ges Onslow par son contrat de mariage du 18 juillet 1808 , et sup
posons que M. Edouard Onslow n’ait, fait d’autres dispositions en
tre ses enfans , que son testament olographe du 24 décembre 1811 ,
et son acte de partage du 11 avril 1828.
Sans doute, M . Georges Onslow conviendra q u e , dans celte
hypothèse , les avantages dont ces dispositions 1 ont gratifié par préc ip u t, devraient être réduits de manière à laisser intacte la réserve
assurée à ses cohéritiers par l’art. 9 1 5 du Code civil ; et il ne lui
viendrait pas à la pensée de prétendre que de la masse des Liens
soumise à cette réserve on dût distraire la partie de la succession
mobilière qui provient du prix de la vente faite par le d é fu n t, le
2 juin 1824 , des propriétés qu il avait alors en Angleterre.
Q ue pourrait-il, en effet, alleguer a 1 appui d u n e pareille pré
tention ? Rien autre chose , si ce n’est que ces propriétés, si elles
existaient encore dans le patrimoine du d é fu n t, lui seraient, en
sa qualité d’aîné , dévolues en totalité ou presque totalité, d après
les lois* de leur situation ; que le prix de ces propriétés a remplacé
ces propriétés elles-mêmes dans les mains de M . Edouard Onslow,
qu’il leur a été subrogé, et q u e , par conséquent, il doit, en vertu
de la maxime , subrogatum sapit naturam sithrogati, suivre dans
la succession de*celui-ci le sort qu’auraient eu ces propriétés , si
elles n’avaient pas été aliénées.
Mais ce système serait évidemment insoutenable. T out le monde
sait que , s’il n’y a rien de plus trivial que la maxime subrogatum
sapit naturam subrogati, il n’y a aussi rien de plus rare que les
cas où elle est susceptible d ’une juste application. Q u ’est-ce que
la subrogation d’une chose à une autre? llic n qu’une pure fiction
de droit. E t à qui appartient-il d’établir des fictions de droit? A la
loi ; la loi seule en a le pouvoir. O r , où est la loi qui subroge de
plein droit le prix d’une chose vendue à celle chose même ? Nonseulement il n’en existe aucune trace dans le Code civil , mais le
�principe contraire était consacré, dans l’ancienne jurisprudence,
par des lois expresses et par une foule d’arrêts. La loi 4 8 , § der
nier, D. de fu rtis , disait expressément que l’argent provenant de
la vente d’une chose volée, ne pouvait pas être regardé comme
furtif. L eprêtre, dans son Recueil d'arrêts de la cinquième cham
bre des enquêtes du parlement de Paris; Lebrun , Traité des suc
cessions, livre 2 , chap. j " , section 1 , n° G5 ; Rardct, tome 2 ,
livre G, chap. 3 i j et Dénizart, au mot P ro p re, citent des arrêts
de î S g a , 1 6 1 1 , 1G37 , 1668 et 175 8 , qui ont jugé que le prix
d’immeubles vendus appartenait, dans la succession des vendeurs,
non aux héritiers immobiliers, mais aux héritiers des meubles , et
qui l ’ont jugé d’après le grand principe écrit dans la loi 79, D . ad
legem falcidiam , q u e , si de patrimonio quœritur, ea sola substan->
tia spectatur çuam pater , citm moreretur h abuif, principe que le
Code civil lui-même consacre expressément par son art. 923, en
disant que la réduction des dispositions à titre gratuit qui blessent
la réserve , se déterminent en form ant une masse de tous les b i e n s
EXISTANT
AU
D É C È S D U D O N A T E U R OU T E S T A T E U R .
*
Aussi n est-ce pas sur la maxime subrogatum sapit naturam subrogati, que M . Georges Onslow fonde sa prétention, de faire régir
par les lois anglaises la partie de la succession du défunt, qui pro
vient du prix de la vente faite par celui-ci, en x82/^, des proprié
tés qu’il avait alors en Angleterre ; il la fonde sur la donation que
lç défunt lui avait faite de ces mêmes propriétés, par son contrat
de mariage du 18 juillet 1808, jusqu’à concurrence d’un revenu
annuel de 30,000 fr. , et sur la vente qu’il en a faite en totalité,
lç 2 juin 1824. Mon père, dit-il, pouvait sans contredit vendre la
partie de ces biens, dont le revenu annuel s’élevait au-dessus de
20,000 fr. ; mais la partie dont le revenu n’excédait pas ce taux ,
n’était plus à sa disposition. Q u ’a-t-il donc fait en vendant mémo
cette partie? II a vendu mon propre bien, c ’est-à-dire, la chose
d’autrui: et . m r conséquent, il a contracté envers m oi, pour lq
�m
( x7 )
cas o ù , comme il le prévoyait Lien , je ne voudrais pas flétrir sa
mémoire par une accusation de sleîlionat, l ’obligation de me ren
dre la portion du prix total de sa vente , qui correspondait à ma
part dans les propriétés qu’il vendait. Cette obligation forme donc
une dette de sa succession, et dès lors, nul prétexte pour m’en con
tester le prélèvement. Q u ’importe, en effet, que cette dette ait sa
source dans une donation primitive ? Une chose me suffit : c ’est
que celte donation n’était et ne pouvait ê tre, au moment où elle
a été faite, régie que p a r le * lois anglaises , auxquelles seules appart.i'.na't, le pouvoir de régler la disponibilité des immeubles situés
dans leur territoire. C e n’est donc pas d’après le Code civil , mais
uniquement d’après les lois anglaises, qu’il doit être jugé si cette
donation est sujette à quelque retranchement pour la légitime des
enfans puînés , comme , dans notre ancienne jurisprudence, c ’é ta it,
au moins suivant l’opinion la plus généralement reçue , d’après la
coutume du lieu où étaient situés les immeubles donnés par préciput à l’un des enfans , et non d’après celle du lieu où le donateur
était domicilié lors de son d écès, que l’on jugeait si la donation
était sujette à rapport ou non.
i
Ce raisonnement, il faut en convenir, est très-spécieux , et on
ne le réfuterait pas en disant, comme on l’a déjà fait dans l’intérêt
des puînés Onslow, que la donation faite au fils aind, par son con
trat de mariage , ne portail que sur un capital mobilier de 30,000 f.
de rente , à prendre sur les propriétés anglaises du donateur; car
il portait évidemment sur le corps même de ces propriétés, et elle
lui en transférait actuellement la plus forte partie , sous la seule
réserve de l’usufruit, en même temps qu’elle lui en assurait le
restant, en cas que le donateur n’en disposât pas autrement. Mais
il est un moyen plus simple et plus logique de le réfuter : c est d en
analyser les bases, et de prouver qu’elles sont fausses.
Il repose tout entier sur deux suppositions : l’une, que la dona
tion contractuelle du 18 juillet 1808 était de nature à ne rcncon-
�( ‘8 )
trcr dans son exécution aucune espèce de difficulté; l’autre, qu’elle
subsistait encore à l’époque du contrat de vente du 2 juin 182^ '•
mais qu’y a-t-il de vrai dans ces deux suppositions?
Il ne fa u t, pour renverser la première , que répondre à ces deux
questions : M . Edouard Onslow était-il, en 180S , capable de don
ner des immeubles situés en Angleterre ? M . Georges Onslow
étail-il capable de les recevoir ?
C ’est une des maximes les plus constantes de la jurisprudence
anglaise, qu’aucune propriété immobilière ne peut reposer sur la
tète d’un étranger : elle est attestée par Blacktone ; et ce qui prouve
qu’elle était encore dans toute sa vigueur en 1808, c ’est q u e ,
dans une affaire célèbre qui a été jugée à la Cour de cassation, le
11 août 1822, on produisait des lettres de dénization obtenues du
roi Georges III en 180G , et des lettres de naturalisation obtenues
du parlement d'Angleterre en î S i g , par un Français et un Italien
q u ’elles relevaient, le premierde l’incapacitéd’acçuéri'r, posséder,
aliéner, donner et recevoirpar donation des immeubles situés dans
la Grande-Bretagne; le second de la même incapacité, e t , de
plus , de celle d’hériter, c ’est-à-dire, de succéder ab intestat (1).
O r , 1°. il est maintenant bien démontré que M . Edouard Ons
low n’était plus Anglais en 1808, et que la loi du 28 avril-2 mai
1790 l’avait naturalise de plein droit en France; il ne pouvait
donc plus, en 1808, posséder légalement d ’immeubles en A n g le
terre ; il n’c'tait donc , à l’égard des immeubles dont il y jouissait
de fait , qu’un simple détenteur , exposé à être d’un moment à autre
évince , soit par le fisc anglais , q u i , en apprenant q u ’il avait ac
ce p té, sans l’autorisation du roi de la Grande-Bretagne, la natu
ralisation à lui offerte par une loi française, pouvait le faire décla
rer coupable de félonie , avec confiscation de tous ses b ien s, soit
(1 ) Répertoire de jurisprudence , au m o t D enitulion.
�(
*9 )
par les héritiers du parent collatéral qui lui avait légué , depuis son
établissement en France, les terres de Lillingston et de Charlslon;
et assurément il ne pouvait pas être capable de donner les pro
priétés qu'il était incapable de posséder.
a0. Q u ’était M. Georges Onslovv en 1S08 ? Sans doute , il n’était
pas devenu Français par l'effet de la naturalisation qu i, plusieurs
années après sa naissance, avait été conférée à son père; mais il
l ’était devenu par sa naissance même sur le sol fi ançais ; car c ’est
par dérogation à l'ancienne jurisprudence que l ’art, g du Code
civil veut que les individus nés en France de pères étrangers , 'né
deviennent Français que sous la condition qu’ils en accepteront la
qualité dans l’année de leur majorité, en déclarant qu’ils enten
dent fixer pour toujours leur domicile en F ra n c e ; l’ancienne ju
risprudence , c ’est-à-dire, celle sous l’empire de laquelle est né
M . Georges Onslow , les reconnaissait purement, simplement cl
sans condition pour Français, par cela seul qu’ils résidaient en
France; cela était même écrit en toutes lettres dans l’art. 1 " du
titre 2 de la Constitution du 5 septembre 1791 ’. S o n t citoyens
français (portait-il) ceux qui , nés en France..... d'un père étran
ger , ont f i x é leur residence dans le royaume. L ’art. 8 de la Cons
titution du 5 fructidor an 8 , et l’art. 1 de celle du 22 frimaire an 8 ,
accordaient également la qualité de citoyen fi ançais à tout homme
né et résidant en F ra n ce, q u i , à l'âge de vingt-un ans, et quelle
que fut la nationalité de son père, se faisait inscrire sur le registre
civique de son canton ; et c était de là que partait M. Boulay (cle
la M eu rllie) , à la séance du conseil d’état, du G thermidor an 9 ,
pour dire qu on peut d ’autant moins refuser les droits civils au
f i l s de tétranger , lorsqu'il naît en F ra n ce, que la Constitution
lui accorde les droits politiques (1).
(1 ) P rocès verbal de la discussion du C o d e civil au conseil-d’é l a l , tome i ‘ r ,
page 17,
�( 20 )
Aussi M . Georges Onslow avait-il, avant de se marier, en 1808 ,
satisfait à la loi de la conscription, quoique bien certainement elle
'n ’eût pas pu l’atteindre , s i , par le seul effet de sa naissance sur le
sol français avant le Code civil, il n’eût pas été Français de plein
droit; c a r, disait Napoléon à la séance du conseil-d’état que l’on
vient de rappeler, « si les individus ne's en France d’un père étran» ger n’étaient pas considérés comme étant de plein droit Fran» çais , alors on ne pourrait sgumettre à la conscription et aux au» tres charges publiques les fils de ces étrangers qui se sont éta« blis en grand nombre en France, où ils sont venus comme pri» sonniers, ou par suite des événemens de la guerre (1). »
Aussi M. Georges Onslow a-t-il tellement continué, après son
mariage, d’êlre considéré en France comme né Français, qu’il a
été nommé par Louis X V I I I , en 18 16 , consciller.municipal de la
ville de Clermont-Ferrand; qu’il en a accepté les fonctions et qu’il
V a été installé , ce qui u’a pu avoir lieu sans qu’il prêtât le ser
inent de fidélité au roi et à la Charte constitutionnelle. Il était donc,
en 1808 , incapable d ’acquérir et de posséder les propriétés an
glaises qui lui ont été données à cette époque. L a donation qui lui
a été faite à celte époque par son père , n’a donc pas pu le saisir
de la propriété des immeubles qui y étaient compris ; elle n ’aurait
donc pas pu en dessaisir son père, si celui-ci en eût été saisi léga
lement , puisqu’il ne peut pas y avoir dessaisissement de la part de
celui qui donne, là où il n ’y a pas saisissement au profit de celui
qui reçoit : Non videntur data quee eo tempore quo dantur accipientis non j i u n t , dit la loi 167 , D. dû regulis juris.
M. Georges Onslow oppose à cela un passage de Blacklone, du
quel il resulte que la jurisprudence anglaise reconnaît pour A n
glais les individus nés d’Anglais en pays étranger.
(1) lL itl., p»»e 18.
1
�/ft/
( ?l )
M ais, d’une p art, en quoi la jurisprudence anglaise diflerct-elle à cet égard de notre législation ? E n rien , puisque 1 art. 10
du Code civil déclare que tout enfant né d'un Français en pays
étranger, est Français ; et comme on ne peut pas raisonnablement
donner à la jurisprudence anglaise sur ce point une extension qu il
serait absurde de donner à notre législation sur la même matière ,
il est clair que ce serait iusulter la jurisprudence anglaise sur ce
point, que de supposer qu’elle aille jusqu’à reconnaître pour A n
glais les individus q u i , nés d’un Anglais naturalisé dans un pays
étranger sans l’autorisation de leur souverain, ont eux-mêmes*,
dans ce pays, exercé les droits et rempli les devoirs attachés à la
qualité de citoyens ou sujets de ce pays m êm e; et telle est bien
certainement en France la condition de M. Georges Onslow.
D ’un autre côté, s’il était possible que la jurisprudence anglaise
allât aussi lo in , ce ne serait du moins qu’en faveur des individus
qui auraient manifesté , par des déclarations faites devant les ma
gistrats compétens et franchement exécutées, l ’intention de rentrer
dans la patrie de leurs pères. O r , M . Georges Onslow n ’avait cer
tainement pas fait de déclaration semblable avant le 18 juillet 1808.
Il n’était donc encore à celte époque qu’un étranger pour l'A n gle
terre, e t, par conséquent, il était encore à cette époque incapable
d’acquérir en Angleterre aucune espèce d’immeubles.
E t remarquons bien que la capacité et l ’incapacité de donner et
recevoir, dépendent uniquement de l’état où se trouvent le dona
teur et le donataire à l’instant de la donation (1 ); et qu’ainsi, il
^i) Ricard , Traité des donations , part. 1 , n° 791 , demande à (fuel temps il
Jaut avoir égard pour établir les incapacités de donuer et de recevoir ; et Voici sa
réponse : « P o u r ce qui concerne la donation en tre-vifs , celte question est fa» cîlc 4 résoudre , parce que le donateur étant obligé de se dessaisir dans le
» même temps qu’ il donne , et la tradition étant de Tessétice de la donation ,
*> elle est exécutée sitôt qu’elle est accomplie en sa forme ; si bien que n’ ayaui
�Vi (V
(
22
)
ne servirait de rien à M . Georges Onslow de prouver (c e qu’il est
d'ailleurs hors d’état de fa ire ) qu'il aurait, n'importe par quel
m o y e n , acquis la qualité d’Anglais depuis l ’année i8ü8.
Remarquons encore qu’il ne peut être douteux que l ’incapacité
des étrangers d’acquérir des immeubles par donations, n ’ait, dans
la Grande-Bretagne , le même caractère qu’elle avait incontesta
blement en France avant que la loi du 14 juillet 1819 l’eût abolie ,
c ’est-à-dire, qu’elle ne soit absolue, et q u e , par conséquent, elle
11e puisse être opposée par tous ceux qui y ont intérêt.
* Mais il y a plus encore; M . Georges Onslow, quoique fils de
protestant, professait publiquement, en 1808, la religion catho
lique qu’il professe encore aujourd’hui ; tt c ’en est assez pour nous
autoriser à dire q u e , s’il eût été Anglais.en 1808, et capable,
comme te l, d’accepter la donation dont il s’agit, il s’en serait
trouvé déchu bien long-temps avant la vente faite par son père en
i 8 2 4 j faute d’avoir prêté au roi d’Angleterre, dans les six mois
de son contrat de mariage, le serment d’allégeance prescrit par le
statut de la 18« année du règne de Georges III, lequel ne relevait
les Anglais professant la religion catholique, de l'incapacité dont
» qu’ un temps à c onsid érer, il n’ y a point de doute qu’ il est nécessaire que le
» donateur soit alors capable de d o n n e r , et le donataire capable de recevoir. »
11 y a môme un arrêt de la C o u r de cassation, du 8 ventôse an i 3 , qui c on
firme positivem ent cette doctrine. L e sieur L afaye attaquait un a r r it de la C o u r
d'appel de B o r d e a u x , qui avait annulé une donation en tre-vifs, sur le fonde
m en t qu'à l’ ép oque où l ’acte avait été p a ssé , le donataire était incapable de
r e c e v o i r , quoique son incapacité eût cessé depuis; et son r e c o u rs a été rejeté
au rapport de M . V a l l é e , «attendu qu’ en jugeant qu’ un individu qui reçoit à
titre de donation e n tr e - v if s , pour ôtre capable de recevoir à ce t i t r e , doit a v o ir ,
la capacité au m om en t de la d on atio n , et qu'il ne peut l’ acquérir par la s u i t e ,
la C o u r d’appel de Bordeaux s’ est conform ée aux principes de la matière et aux
dispositions du statut local. » ( Journal des audiences de la Cour de cassation ,
»n i 3 , s u p p lém en t, page ga. )
�( a3 )
les avaient frappés les lois précédentes, de posséder des immeubles,
que sous la condition de prêter ce sermeut dans les six mois qui
suivraient l’ouverture de leurs droits. Inutilement, en effet, vientil dire que , d’après la réserve que son père s’était faite de 1 usu
fruit des biens compris dans la donation, avec faculté d’en aliéner
une partie indéterminée , ses droits n ’ont pu s’ouvrir que’ par la
mort de son père , et q u e , par conséquent, tant qu’a vécu son père,
le délai de six mois n’a pas pu courir contre lui. Q ui est-ce qui ne
sait pas que le donataire d’une nue propriété, même indéterminée »
en est saisi h l’instant même où la donation lui en est faite ; qu’il
■peut la vendre dès cet instant, et qu’en la vendant il transmet à
son acquéreur le droit d’intenter contre le donateur une action en
partage à l’effet de déterminer et circonscrire l ’objet de la donation ?
et peut-on, d'après cela, ne pas reconnaître qu’interpréter le statut
de Georges I I I , comme le fait M . Georges O n slo w , c ’est lui prê
ter un sens absurde , puisqu’il en serait résulté qu'un Anglais ca
tholique à qui il serait échu une succession de laquelle le défunt
eût légué l’usufruit à un Anglais protestant, aurait pu , deux ou
trois années après son ouverture , la vendre et la faire passer à l’ac
quéreur sans avoir prêté le serment prescrit par ce statut !
L a première des deux suppositions qui forment la base du grand
argument de M . Georges O n slo w , est donc inadmissible sous tous
les rapports.
i
. .
Quant à la seconde, il ne faut, pour la détruire, que rappro
cher des faits constans et prouvés par écrit, de l’ensemble desquels
il resuite invinciblemènt que , lorsqu’à eu lieu la vente du 3 juin
1824, M . Edouard Onslow et son fils aîné s’accordaient à consi
dérer la donation contractuelle du 18 juillet 1808, soit comme
nulle dès son principe soit comme annulée après coup par l’inaccomplissement de la condition qu’y avait apposée le statut de Geor
ges 111 ; qu’ils la tenaient tous deux pour non-avenue ; qu’en un
un m ot, ils l’avaient résiliée.
�( 24 )
. • En effet, on conçoit très-bien sans cela que M. Edouard Onslow
et son fils aîné se s'oient déterminés, en 1824, l’un à vendre la
p a r t i e des biens donnés pat'lui en’ 1808, dont il s’était réservé la
libre disposition ; l ’autre à vendre en môme temps la partie de ces
b ie n s , dont le revénu annuel n’excédait pas 20,000 fr. : ils devaient
naturellement y être portés tous deux par deux motifs très-graves.
D ’abord , il était à craindre que la naturalisation du père en France
dès le mois de mai 1790, qui n’était déjà que trop manifestée par
son inscription, tant sùr la liste des-électeurs du département du
Puy-de-Dôm e, de l’an 5 , que sur celle des plus forts contribua
bles que le sénatus-con$ulte du 16 thermîdpr an io appelait à for
mer le collège électoral du même département, ne vînt à s’ébruiter
en Angleterre, et qu’elle n’amenât, soit ¡delà p a r t i e s pareuscol
latéraux qu'il y avait, soit de la part des agens du fisc anglais, les
déclamations.dontnous parlions! tout à l’heure. E n su ite, ce q u i ,
en mettant à part ce sujet de crainte, n ’était pas moins à redou
t e r , c ’était qu’après sa mort, nonrseulement ses enfans puînés.,
mais même les parens collatéraux qu-’il avait en Angleterre n’éle
vassent sur la donation stipulée par le contrat de mariage du 18
juillet 1808, des difficultés qui eussent soulevé à la fois , cl la ques
tion de savoir si M , Georges Onslow avait été capable, quoique
Français, de recevoir celte donation, et la question de savoir si ,
même en l ’en supposant çapable , il n’en avait pas élé.déchu par le
défaut de prestation ,’ efl temps( u t i le , du serment prescrit par le
statut cité de Georges 111.
;
Mais ce q u ’il est impossible d’expliquer sani présupposer la ré
siliation préalablement consentie entre lé père et le iils aîné, de
la donation contractuelle de 1808,
C ’e?t que le père ait figuré seul dans la vente du 2 juin 1824 j
C'est que M . Edouard O n slo w , hoimne d’hoilnèur et de probité,
ait pris sur lui de s’exposer, non-seulement aux pcihes , mais même
au reproche, au simple soupçon d’un.stellionat, en vendant, s an*
�¡2,0)
( «5 )
le concours de son fils a in e, des biens dont il a v a it, en majeure
partie , transféré depuis seize ans la nue propriété à celui-ci ;
C ’est q u ’il se soit oublié ju squ’à laisser ignorer au colonel Delnp ,
son a cq u é r e u r , l ’obstacle que la donation contractuelle de 1808
opposait à ce q u ’il lui fît une pareille v e n te ;
C ’est que le colonel D c l a p , s’il était informé de cet obstacle ,
comme on doit nécessairement supposer qu’il l’a été en effet, n’ait
pas pris, avant de conclure un marché aussi important et d ’en
payer un prix aussi considérable, la précaution de se faire remet
tre un double de l’acte secret, qui seul-pouvait lui ôter toute in
quiétude ;
, :
C est que M . Georges Onslovv, au lieu de ratifier expressément
cette vente en sa prétendue double qualité de copropriétaire ac
tuel des biens qui y étaient compris ,■et de propriétaire éventuel
de la partie de ces mêmes biens à 1 égard de laquelle le père n’au
rait pas exercé, à sa m ort, la faculté .qu’il s’était réservée d’en dis
poser, ne l ’a ratifiée que tacitement, c ’est-à-dire, par un acte q u i ,
tout aussi efficace qu’il était, de lui à l’acquéreur, qu’une ratifica
tion expresse, n’en avait cependant pas la forme extérieure, et ne
pouvait, par conséquent, pas éveiller l’attention des tiers intéressés
à sonder les vices de son propre titre.
Force est donc pour tout homme qui n’est pas assez insensé
pour nier qu’il fait jour en plein m id i, de convenir franchement
que la nullité manifeste de la donation contractuelle de 1808 avait
été reconnue par un acte quelconque fait entre M . Edouard Onslow et son fils aîné , lorsqu’à eu li<îu la vente du 2 juin 1824.
E t de là il suit nécessairement qu’en vendant, le 2 juin i8a/i ,
les biens qu’il avait donnés à son fils aîné en 1808, M . Edouard
Onslow n a pas vendu la chose d’autrui ; qu’il n’a fa it, en les ven
dant, comme ressaisi d e là propriété nominale qu’il en avait pré
cédemment transférée à son fils aîn é, qu’exercer le droit qui ap
partient à tout propriétaire de convertir scs immeubles ea argent
■4
�( 26 )
comptant, et d’en soumettre le prix à la loi de son domicile; qu’ainsi
tombe et s’évanouit l’argument qui forme la dernière ressource de
M . Georges Onslow.
Viendra-t-on dire maintenant q u e , s’il est'possible que la do
nation contractuelle de 1808 ait été'résiliée entre le père et le
fils, avant la vente du 2 juin 1824» il est du moins à présumer
qu’elle ne l’a été que sous la condition que le père resterait débi
teur envers le fils d.^ la portion du prix qui lui serait revenue per
sonnellement de la vente , s’il y eût concouru lui-même !
O u i , cela pourrait se présumer , si la donation de 1808 eût
formé pour le donataire un titre bien solide , et à la résiliation du
quel il ne se fût prêté que par complaisance pour son père.
Mais , on vient de le voir, elle était infectée de vices q u ’il suf
fisait de^révéler pour la faire retomber dans'le n é a n t, et contre la
révélation desquels on n’avajt ni ne pouvait avoir aucun moyen de
se prémunir. C e n’est donc pas pour le seul avantage du père qu’elle
a été résiliée ; elle l’a été dans l’intérêt de toute sa famille, e t , par
conséquent, dans celui de son fils aîné , comme de ses enfans puî
nés; e t , ce qui est à remarquer, elle l’a été avec un mystère qui
décèle ouvertement la crainte des dangers que l’on aurait courus
en la divulguant en Angleterre.
-
Quelle raison y aurait-il, dès lors, de présumer que la résilia
tion n’en a eu lieu que sous la condition dont on vient de parler î
Mais , d'ailleurs , qu’importe que cette condition ait ou n ’ait pas
été stipulée entre le père cl le fils aîné, dans l’acte de résiliation,
q u ’il est impossible de nier avoir été fait entre eux avant la vente du
2 juin 1824?
Si elle ne l’a pas é t é , point de prétexte pour l’y sous-entendre
ou l ’y suppléer par une présomption qui sans d o u te , d’après la
maxime nemo presumitur jactare suum , aurait été naturelle, si la
donation eût été valable à tous égards, cl que le donataire n'eût
�( *7 )
consenti que par complaisance pour le donateur à la résilier , mais
qui se trouvait évidemment sans cause dans le cas dont il s agit.
Si elle l’a été , elle ne peut être d’aucun effet par rapport a la
question qui nous occupe i c i , et elle doit être, à cet é g a rd , con
sidérée comme non écrite. Pourquoi ! Parce que , du moment que
M . Edouard Onslow ressaisi, par la résiliation de la donation de
1808 , des propriétés anglaises dont il s’était dessaisi nominalement
en faveur de son fils aîné , prenait le sage parti de les vendre pour
les mettre à l’abri des dangers qu’elles auraient courus d’cchapper
à sa famille, si elles étaient restées plus long-temps dans ses mains,
il ne dépendait pas de lui d’en soustraire le prix à la loi française
qui régissait son domicile, parce qu’il ne pouvait pas empêcher
que ce prix , en passant sous l'empire de la loi française, ne devînt
sujet à la réserve établie par l’art. 910 du Code c iv il; parce qu’il
ne pouvait pas l’en affranchir en reconnaissant qu’il en était débi
teur envers son fils aîné ; parce que son fils aîné n’en était pas plus
réellement créancier, qu’il n’avait été réellement propriétaire des
biens à lui donnés en 1808, par la vente desquels il s’en était pro
curé le montant.
Q u ’importe
olographe de
ait renouvelé
put à son fils
encore, d’après tout cela , q u e , par son testament
1811 et son partage de 1828, M . Edouard Onslow
et confirmé les avantages qu’il avait faits par préciaîné parla donation de 1808 , et q u e , par ces deux
actes , il ait plus ou moins implicitement reconnu avoir contracté
envers l u i , en vendant ses propriétés anglaises , l’ obligation de lui
conserver ces mêmes avantages sur le prix qu’il en tirait! Il résulte
bien de la qu il a réparé, sinon par son partage de 1828, évidem
ment défectueux dans la forme , du moins par son testament de
1811 , les nullités dont la donation de 1808 était entachée dès son
origine, et qui en avaient nécessité la résiliation; mais il n’en ré
sulte certainement pas qu’il ait légalement affranchi du retranche
ment commandé par l'art. 9 1 5 du Code civil, un préciput qui ne
peut plus être pris que sur les biens existant en France.
�( a*)
■En voilïi beaucoup plué qu’il n’en faut pour démontrer que,
par la vente que M . Edouard Onslow a faite, en 1824, de se»
propriétés anglaises, M . Georges Onslow n’est pas devenu, en
vertu de la donation de 1808, créancier du prix de cette vente
jusqu’à concurrence du préciput que lui avait assigné la donationm êm e; qu’il ne peut réclamer ce préciput que comme légataire,,
et que, par conséquent, ses frères'puînés ont le droit d’en déduirela somme nécessaire pour compléter la réserve qui leur est as*surée par la loi française.
Mais ce n’est pas tout, et nous devons dire que , quelque décisif
que soit, pour M M . Onslow puînés, le résultat de la discussion
à laquelle nous venons de nous liv re r, il ne forme cependant
pour eux qu’un moyen subsidiaire, et que nous aurions pu nous
épargner cette discussion
en nous renfermant dans la loi dit *
i 4 juillet 1819., qui, après avoir dit, art. 1er, que les étrangers
auront, à l’avenir, le droit de succéder , de disposer et de rece
voir de la même manière que les Français dans toute l’étendue
du royaume, ajoute, art. 2 tl « dans le cas de partage d ’une même
» succession entre des cohéritiers étrangers et fra n ça is, ceux-ci
» prélèveront, sur les biens situés en France, une portion égale
» à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient
» exclus, à quelque titre que ce s o it, en vertu des lois et co u» tûmes locales. »
En effet,, admettons- que la donation de 1808 a é té , dès son
principe, valable et obligatoire pour IVI. Edouard Onslow;
Admettons qu’elle n’a pas éprouvé une résiliation proprement
dite avant la vente du a juin i8 a 4 , et qu’il n’y a e u , de la part de
51. Georges Onslow,, consentement à ce que fussent compris dans
cette vente des biens de la nue propriété desqnels il était réel
lement et irrévocablement saisi , qu’en sc réservant sur le prix
tpus les droits qu’il avait sur fa chose même;
* , Admettons, en conséquence, que p a r la M . Edouard Onslow,
�(
39 )
est devenu, envers son fds aîné, débiteur du prix des biens qu il
lui avait précédemment transférés en nature ;
Admettons, par suite, que c'est comme créancier, en vertu de
la donation de 1808, que M . Georges Onslow a droit au prix de
ces biens;
A quoi toutes ces concessions aboutiraient-elles,, d ’après la loi
que nous venons de citer! Précisément à justifier de plus en plus
les conclusions de M M . Onslow puînés, et il ne faut pas de grands
efforts d’esprit pour s’en convaincre.
D ’une part, en effet', la donation de 1808 n’aurait pu être va
lable et obligatoire pour M . Edouard O nslow , et elle ne pourrait
par conséquent aujourd’hui former le titre primordial d’une créance
sur sa succession au profit de son fils aîn é, q u ’autant que son fils
aîné eût été Anglais en 1808 même. O r , si M . Georges Onslow
était Anglais en 1808j.il l’était nécessairement encore à la mort de
son père; et il était, dès lors, bien impossible qu’à la mort de son
père il se prévalût en France de sa qualité orfginelle de Français;
cac> s’il était vrai* comme il.lui plaît de le soutenir, que la lé
gislation anglaise admît la compatibilité de la qualité d’Anglais
avt c celle d’étranger, il est du moins certain que ces deux qua
lités son incompatibles dans la législation française, et que c ’est
sur leur incompatibilité qu’est fondé l’article 17 du Code civil.
D un autre côté, quel est en France l'état de ses trois cohéri
tiers! 11 en est un, et c ’est le plus jeune, à qui l’on ne peut évi
demment pas contester la qualité de Français, puisqu’il est né
après la publication de la loi du 28 avril, 2 mai 1790, et par con
séquent après la naturalisation de leur père commun. Quant aux
deux autres, ncs en France, comme leur frère aîné, à une époque
où, pour être Français de plein droit,, il suffisait d’y avoir reçu le
jour et d’y résider, ils n’en ont jamais quitté le territoire, et ja
mais ils n’ont laissé entrevoir la m o i n d r e disposition â le quitter;,
ils sont donc Français au même titre que leur frère ainé recon.-
�( 3o )
naissait l'être lui-même, lorsqu’il satisfaisait à la loi de la conscrip
tion, et qu’il acceptait à Clermonf-Ferrand les fonctions de con
seiller municipal. E t sans parler spécialement de M . François-Maurice Onslow, dont tous lesanlécédens ne nous sont pas bien connus,
qui est-ce qui oserait contester la qualité de Français à M . Arthur
Onslow, que l’acte de partage de 1828 qualifie expressément d of
fic ie r retraité, et chevalier de l'ordre de la légion d'honneur ?
'>
C ’est donc ici, à prendre M . Georges Onslow au mot, ce que
l ’art. 2 de la loi du 14 juillet .1819 appelle le cas de partage d’une
même succession entre des cohéritiers étràngers et français ; et
dès là il est clair q u e , si les propriétés, anglaises données en 1808
à M . Georges O nslow , existaient encore en nature, ses frères
puînés auraient, suivant le même article, le droit de prélever, sur
les biens situés en F ra n c e , une portion égale à la valeur de la
partie des propriétés anglaises dont les lois d’Angleterre affran
chiraient leur réserve.
Sans doute, ce dfbit est devenu sans objet par l’aliénation qui,
en 1824, et du consentement de M . Georges Onslow, a été faite
des propriétés anglaises; et la raison en est simple: c ’est que ces
propriétés ont été mobilisées, converties en sommes d’argent, pla
cées ainsi sous l’empire de la loi française, et par conséquent
soumises à la réserve des enfans puînés. M ais, puisqu’il plaît à
M . Georges Onslow de réclamer, sur la succession du père com
mun, telle qu elle était composée à son ouverture, la prétendue'
créance résultant pour lui de la donation de 1808; puisqu’il pré
tend, par là, se faire remettre au même état que si les propriétés
anglaises n’avaient pas été aliénées, il faut bien qu’en revanche,
çt par une exception qui sort naturellement de sa demande, ses
frères puînés soient admis à réclamer, sur celte même succession, le
droit de prélèvement qui ne pourrait indubilablertient pas leur être
contesté, si les propriétés anglaises y existaient en nature; il faut
bien, par conséquent, qu’ils soient fondés à dire à Jeur frère aîné :
�[
t
(Si)
« A la vérité, si les propriétés anglaises existaient encore en na» ture, si le prix n'en était pas venu grossir le patrimoine niobi» lier de notre père, nous ne trouverions vraisemblablement pas
s» dans les biens situés en F rance, de quoi compléter le préleve» ment auquel nous avons droit; mais il ne nous en serait pas
» moins dû par vous en entier; nous aurions donc action ^contre
:» vous pour en obtenir le complément ; et cette action nous pour3» rions l’exercer sur tous vos biens présens et à venir. Q u ’importe
»
»
»
»
»
»
»
q u e , pour le moment, elle ne pût pas atteindre vos biens d Angleterre? Vous ou vos héritiers pourriez, un jour ou l’autre , les
transporter en F ra n c e, et alors rien ne pourrait les soustraire
à l ’exercice de nos droits. E h bien! ce q u e , dans cette i y p o thèse, vous ou vos héritiers pourriez faire un jour, a été fait
d’avance par notre père commun et de votre consentement. L es
rentes sur l’état et les obligations de particuliers qui remplacent
» aujourd’hui en France les biens que notre père commun vous
j»
*
»
*
»
»
»
»
avait donnés en 1808, au préjudice de notre réserve, sont donc
soumis de plein droit à l ’action que nous avons contre vous. E t
inutilement venez-vous dire que vous en êtes affranchi par la
condition sous laquelle vous avez consenti à la vente de 1824, et
au remploi en France du prix qui en est provenu; c ’est comme
si, pour repousser l’action qu’un créancier français exercerait
en France sur les propriétés qu’y possède un Anglais, celui-ci
venait dire qu’il n’a acheté ces propriétés que sous la condition
» quelles seraient insaisissables de la part de ses créanciers. »
A in si, en derrière analyse, de deux choses l’une : ou M . Georges
Onslow était Français, ou il était Anglais en 1808.
S ’il était Français, la donation de 1808 était c e r t a in e m e n t nulle
à raison de son incapacité de la recevoir, quand même elle n ’eût
pas eu d’autre vice ; et il ne peut en résulter pour lui aucune ac
tion sur le prix des biens qui y étaient compris.
e '
f
^
�( 33 )
S'il était Anglais en 1808, il l'ctait nécessairement encore à la
mort du père commun des parties. E t dès lors, quand même il eût
été, comme te l, capable de la recevoir, quand même il parvien
drait à la purger des autres vices dont elle se trouvait entachée
lors de la vente de 1824» la loi du 14 juillet 1819 serait encore
là pour assujettir le prix de cette vente à la réserve de ses frères
puînés.
D élibéré à Paris, le 6 novembre 1832.
M E R L IN .
C
lermont
, I m pr im e r ie
de
T Hi b a u d - L
a n d r io t.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Onslow. 1832?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garnier
De Vissac
Allemand
Conchon
Merlin
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
droit des catholiques en Angleterre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour MM. Onslow puînés, contre M. Georges Onslow.
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1832
1783-1832
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2702
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2701
BCU_Factums_G2703
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2705
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
BCU_Factums_G2708
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53539/BCU_Factums_G2702.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Lillingstone Lovell (01280)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des catholiques en Angleterre
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53520/BCU_Factums_G2605.pdf
91b0e145176edecedd92094dcec0b1b8
PDF Text
Text
/O'*
CONSULTATION.
C O U R ROYAL
DE RIOM.
I re
L e C O N S E IL SO U SSIG N É , v u les pièces d’un procès pendant au tri
bunal c iv il séant à Clerm ont, entre M . le lieutenant-général du Boscage
et quelques habitans de la commune de V ernines;
V u aussi un Mémoire im prim é, contenant les moyens de défense des
habitans de V ernines;
V u enfin une Note de questions proposées, au nom du général du Boscage,
par M . le comte de Cosnac , son gendre,
E
s t d ’a v i s ,
1 °. Que M . du Boscage, en qualité de légataire de M . de Lavigneix,
est saisi de tous les droits qu’avoit celui-ci à la percière reclamée ;
2°. Que cette percière n’est pas féodale}
3°. Que c’est à ceux des habitans qui contestent la percière, à prouver
qu’ils sont dans l ’exception qu’établit l’arrêt de 1765.
On doit être surpris de l’insistance qu’ont mise les habitans dans la
proposition du premier moyen; car ils ne sont ni recevables, ni fondés a
le proposer.
M . de L a vigneix avoit acquis la terre de V ernines par acte du 8 juin 17 9 2 ;
l'acte de vente indique en détail les objets dont se composoit cette terre,
et y comprend notamment « un droit de percière sur toutes les terres
» enclavées dans l’étendue de la ci-devant justice de V ernines, non tenues
» a cens, soit du propriétaire, soit d’autres ci-devant seigneurs. »
Par un testament du 14 janvier 1 8 1 9 , M . de Lavigneix a légué cette
terre à M . du Boscage, sans en indiquer les détails, mais sans aucune
reserve. Il n’a employé, pour la désigner, qu’une seule expression; il a
dit : J e donne et lègue...... ma terre de Vernines.
Cette expression générale comprend évidemment tout ce qui composoit
la terre de Vernines , tous les droits qu’il avoit acquis lui-même en 179 2 ,
et qui n avoient pas été atteints par les lois sur la féodalité; en un mot,
tout ce dont il étoit propriétaire dans les dépendances de V ernines, au
moment où le legs fut fait.
Aussi, des difficultés s étant elevées sur l'etendue du legs entre l’héritier
du testateur et le légataire, elles ont été résolues en faveur de celui-ci;
1
C HAM BRF.
�( a )
et le tribunal de Clerm ont, par un jugem ent, la C ou r, par un arrêt
confirmatif, ont attribué à M . du Boscage la terre de Vernines, dans l'état
où elle se trouvoit au moment du décès du testateur, avec ses- accessoires,
circonstances et dépendances généralement quelconques.
Il est donc jugé que M . du Boscage représente M . de Lavigneix pour
tout ce qui composoit la terre de Vernines : cela est jugé avec l ’héritier
universel du défunt. Comment la question pourroit-elle être agitée encore?
Ceux qui l ’agitent dans la cause, sont eux-mêmes sans qualité pour la
proposer; car ils ne représentent pas eux-mêmes le défunt. Ils étoient '
ses débiteurs d’un droit de percière ; il doit leur importer peu à qui, d’un
légataire ou d’un héritier universel, ce droit appartienne aujourd’hui : il
doit leur suffire d’être certains qu’ils ont, dans la personne de M . du Boscage,
un légitime contradicteur. O r, ce point n’est pas douteux, puisqu’il a été
décidé, entre les vraies parties, par un jugement et par un arrêt.
L ’examen de la nature de la rente, objet de la seconde question, ne
peut laisser de doutes sérieux dans un esprit non prévenu.
L e terrain sur lequel la percière est réclamée, est situé en Auvergne ,
c’est-à-dire, dans une province où la puissance féodale ne se présumoit
pas; où ses droits ne pouvoient s’exercer qu’avec des titres positifs, et où
l’on ne reconnoissoit pas cette m axim e, si rigoureuse pour les habitans :
N ulle terre sans seigneur. L ’Auvergne étoit un pays de franc-aleu, dans
lequel il n etoit admis de présomption qu’en faveur de la liberté des hé
ritages, et d’autre règle que celle-ci : N u l seigneur sans titres.
Cette règle fondamentale du droit de notre province; cette règle, qui
fut toujours religieusement observée parmi nous, formoit autrefois un
obstacle invincible, contre lequel venoient se briser toutes les prétentions
de la féodalité.
Pourquoi la méconnoîtroit-on aujourd’hui ! et pourquoi ne serviroit-elle
pas aussi, quoiqu'en sens contraire, à vaincre la résistance des débiteurs
des percières, qui cherchent à se soustraire à une dette légitime par des
déclamations contre les abus de la puissance féodale.
Ces déclamations très-puissantes, si on les faisoit entendre dans un lieu
où la puissance féodale étoit de droit, ne sont que de vains mots, en les
appliquant à une contrée où la puissance fcodale n’exisloit pas sans titres.
Si l’acte constitutif de la créance n’a aucun des signes de la féodalité; s’il
n ’attribue au créancier aucun de ces droits nombreux et si caractéristiques ,
qui ne pouvoient appartenir qu’à un seigneur féodal, et seulement en sa
�(3 \
qualité de seigneur ; si l’acte enfin établit un droit qui n’est pas essen tielle
ment féodal, et qui auroit pu appartenir à tout autre qu'à un seigneur,
dans tous ces cas, le droit existe encore; les lois sur la féodalité ne 1 ont
pas atteint, car elles ont respecté les propriétés ordinaires.
O r , personne n’ignore qu’en Auvergne, le droit de percière n étoit pas
féodal de sa nature; personne n’ignore aussi que l ’on ne reconnoissoit
aucune différence entre les percières dues à des seigneurs , et celles qui
appartenoient à de simples particuliers ; personne enfin ne soutient sérieu
sement aujourd’hui que les possesseurs d’héritages grevés de percières,
peuvent se dispenser de les acquitter, s’ils ne prouvent pas clairement qu’elles
étoient entachées de féodalité, et, comme telles, abolies par les lois nouvelles.
Tous les doutes sur ces diverses propositions ont été fixés par de nom-,
breux arrêts, depuis celui rendu entre M. de la Salle et les habitans de
Blanzat, jusqu’à ceux qu’a récemment obtenus le sieur Crcuzet, comme
étant aux droits de M . de L aq ucu lhe, ancien seigneur, contre un grand
nombre d’habitans de C c b a z a l.
De tous ces arrêts, il résulte que celui qui réclame la percière n’est
astreint à autre chose, si ce n’est à prouver que la percière lui étoit due
autrefois; et que c est a celui qui la refuse, en argumentant des lois sur la
féodalité, à démontrer q u elle étoit réellement féodale.
O r, le droit invoqué par M . du Boscage est établi sur une foule de titres
qu il seroit trop long de détailler, et parmi lesquels on remarque surtout
un procès verbal du 9 novembre 1489, et un arrêt du i5 juillet 1765 : le
procès verbal, qui contient la délimitation du territoire de Y ernin es,
énonce le droit qu’avoit le propriétaire de la terre, de labourer et faire
lalourcr
lesdites terres et prendre et percevoir la gerbe et percière
desdites terres qui ont été labourées dedans lesdits territoires.
Plusieurs autres parties de ce procès verbal rappellent aussi, parmi les
droits du seigneur, celui de bailler à percières tous les héritages situés
dans les dépendances de Vernines, et d’appliquer à son seul et singulier
projit les fru its revenus et émolumens desdits héritages et d'en jouir et
u ser, comme tout vrai seigneur et p r o p r ié t a ir e pou voit et devoit faire
de sa chose propre.
.. ,
,
,
,
,
On voit que , dans ces temps reculés, la percière étoit due au seigneur
de Vernines, pour tous les héritages situés dans l’étendue de ceUe pa
roisse; et que cetoit comme vrai propriétaire des terres, non comme
seigneur féodal, qu’il exigeoit la percière, en accordant la permission de
�(4 )
faire des défrichemens. A insi, non-seulement la propriété directe, mais
même la propriété utile du sol, appartenoient au seigneur de V ernines;
en sorte que ce n'étoit que comme colons, et moyennant une portion des
fruits, que les habitans défrichoient ou cultivoient.
Pour tout le terrain défriché ain si, avec la permission du seigneur
propriétaire, les habitans, auteurs des défrichemens annuels, n’avoient
ni ne pouvoient avoir de titres, par cela même qu’ils n’étoient que de
simples çolons , et qu’aucune concession ne leur avoit été faite.
11 paroît que , dans la suite, les défrichemens étant plus nombreux, et
la culture des diverses parties du territoire de Vernines étant plus suivie,
elle fut tolérée par le propriétaire , moyennant la délivrance d une portion
des fruits de la part de chaque colon, et que cet état de choses se prolongea
pendant un très-grand nombre d’années, sans titre pour les colons, et
sans contestation de part ni d’autre.
Mais il paroît aussi que, si la plus grande partie du territoire de Vernines
appartenoit au seigneur, et ne pouvoit être cultivée sans sa permission au
moins tacite, une autre partie du même territoire étoit la propriété par
ticulière de certains individus, en vertu de concessions faites moyennant’
un cens, soit par le seigneur de Vernines, soit par des seigneurs voisins,
ou par le chapitre de la cathédrale : ces concessions sont même indiquées
dans le procès verbal de 1489 (0 *
.... 1' ' %
Cette circonstance fit naître, entre les habitans de Vernines et le sei
gneur, un long procès , sur lequel prononça l’arrêt du i 5 juillet 17 6 5 ; et
elle explique les dispositions de cet arrêt, qui confirme une sentence du
6 février 1766 : cet arrêt condamne les habitans de Vernines à payer et
porter le droit de percière pour tous les héritages qui ne seroient pas
assu jettis à des cen s, soit envers le seigneur de V ernines, soit envers '
d’autres seigneurs.
Cette disposition est en harmonie parfaite avec tous les titres rappelés
dans l’arrêt, et avec l’idée que nous avons ci-dessus énoncée. On conçoit,
en effet, que les anciens titres attribuant au propriétaire de la terre dé
V ernines, la propriété de tout Je territoire situé dans les enclaves de cette
terre, les anciens titres indiquant que les défrichemens et les cultures •
ne dévoient avoir lieu q u ’avec sa permission et à la charge d’une percière,
( 1 ) L e s habitans de V e rn in e s p o s s é d o ie n ta u s s i, en o u tr e , trois cents sep teréesenviron
de c om m u n a u x , pour le pacage de leurs bestiaux; il n ’ en est pas question dans la cause.
�s*»'
/0/
(
5
)
chaque habitant, pour s’affranchir de cette charge, devoit prouver, par
le rapport d’un titre particulier de concession, qu’il étoit propriétaire
lui-même do la partie de terrain qu’il possédoit; et comme les conces
sions avoient été grevées de cens , il étoit naturel de ne considérer comme
affranchi de la percière qui caractérisoit un simple colonage, que celui
qui ju stifieroit qu’il payoit des cens, parce qu’à la différence de la percière,
la redevance censuelle étoit caractéristique d’une concession prim itive,
qui avoit transféré au possesseur la propriété utile.
La distinction établie par l ’arrêt de iy 6 5 , entre le cens et la percière,
prouve donc, tout à la fois, et que le seigneur étoit resté propriétaire
des fonds sujets à la percière, et que cette percière n’étoit pas féodale;
qu’elle étoit seulement la valeur du droit de propriété, comme cela a lieu
dans toute espèce de colonage, tandis que le cens ctoit une redevance
annuelle, prix de l ’abandon de ce même droit de propriété, pour tous
les héritages auxquels il s’appliquoit.
Toutes ces réflexions sont fortifiées par une autre circonstance bien
remarquable; savoir, que les habitans de Vernines ne produisent abso
lument aucun titre de concession quant aux héritages soumis à la perciere, ce qui démontré de plus en plus que s’ils ont joui jusqu’en 17 9 0 ,
c est seulement au meine titre de colons, comme dans l ’origine des défiichemens.
Aussi remarque-t-on, dans le procès verbal du 27 juin 1780, la dé
claration d un grand nombre d’habitans qui reconnoissent ne cultiver
qu a titre de colonage, les terres qu'ils détiennent dudit seigneur.
S ils ne sont que de simples colons, s’ils ne sont réputés avoir toujours
cultivé qu’avec la permission tacite du propriétaire de Vernines, il est
évident que la percière ne peut être considérée comme féodale, car ce
caractère ne pourroit convenir qu’à une redevance fondée sur un titre,
mélangée de droits seigneuriaux.
A insi, non-seulement la preuve de la féodalité devroit être à la charge
des débiteurs de la percière : et dans le doute , d’après les principes
admis en Auvergne, ce vice ne se présumeroit pas; mais encore il est
démontré par les actes produits, comme par les circonstances, que cette
percière n’est pas féodale, et n’a pu par conséquent être atteinte par les
lois abolitives des droits féodaux.
Les observations que nous avons déjà faites, peuvent aussi servir de
réponse à la troisième question.
�( 6 ) ..
L ’arrêt de 1765 renferme deux dispositions, l’une générale, l’autre éta
blissant une exception.
Par la disposition générale, la percière est déclarée due pour tous les
héritages situés dans l ’étendue du territoire de Vernines.
Par l’exception, l ’arrêt affranchit les héritages grevés de cens envers
d’autres seigneurs, et même envers le seigneur de Vernines.
L a disposition générale a formé le droit du sieur du Boscage.
L ’exception forme celui des habitans.
De là il suit que c’est aux habitans qui veulent se placer dans l’ex
ception, à en prouver l ’application.
Ils le doivent, soit d’après la combinaison de la maxime Reus J l t actor
cxcipiendo, avec celte autre maxime A ctori incumbit probatio ; soit parce
que la preuve négative seroit impossible au sieur du Boscage; car quels
moyens auroit-il pour prouver que tel ou tel héritage ne payoit pas de
cens ? Au contraire, le fait positif pourra être prouvé par les habitans :
il leur suffira de rapporter des titres récognitifs de cens pour les héritages
qu’ils voudront affranchir de la percière. C ’est, au reste, une règle élé
mentaire en droit, que c’est à celui en faveur duquel est le fait positif
à le prouver, et que la preuve négative du fait ne peut être exigée.
Enfin, les termes, comme l’esprit de l’arrêt de 1765, mettent à la charge
des habitans la preuve de l’exception dans laquelle ils voudront se placer.
Mais on oppose que l’arrêt de 1765 n’a été rendu qu’avec la communauté
des habitans, et non avec les individus ; et qu’il ne peut être invoqué contre
ceux-ci.
L ’objection se repousse de plusieurs manières.
x°. L a contestation intéressoit tous les habitans, soit comme corps com
mun, soit comme individus, puisqu’il s’agissoit d’un droit de percière réclamé
sur tout le territoire de Vernines, c’est-à-dire, sur tout le terrain occupé, et
journellement défriché ou cultivé par les divers habitans de ce territoire.
11 étoit donc naturel qu’ils regardassent le procès comme une affaire com
mune, et qu’ils le soutinssent au nom de la communauté.
20. L ’arrêt est r e n d u , non-seulement contre la communauté, niais encore
contre les habitans considérés individuellement, et représentés par des
syndics qu’ils avoient choisis. On rappelle, en effet, dans l'arrêt, et le nom
des syndics anciens qui avoient représenté les habitans dans l e commencf[ncnt du procès, et le nom des syndics actuels, est-il dit, c est-à-dirc, de
ceux qui avoient été nommés pour soutenir l’nppel. O r, cette nomination
�C7 )
de syndics n’avoit pu être faite que par une assemblée des individus posses
seurs des héritages sur lesquels étoit réclamée la percière ; ces possesseurs
étoient donc valablement représentes dans le procès; et par conséquent,
l’arrêt a contre eux, soit comme indi\idus, soit comme liabitans, la force
de»-la chose jugée.
5°. Enfin, indépendamment de ce que plusieurs des habitans sont indi
viduellement nommés dans l'arrêt; indépendamment aussi de ce qu en exé
cution de cet arrêt, plusieurs autres habitans ont été individuellement
poursuivis et condamnés par des sentences que l’on rapporte, c’est que le
procès verbal de 1780 prouve aussi que l’arrêt s’appliquoit aux individus
possesseurs, puisque ce sont ces individus même qui font, avec le proprié
taire, des conventions pour parvenir à une plus facile exécution de l’arrêt.
Nous avons répondu aux diverses questions proposées ; nous avons dé
truit, il semble, les principales objections opposées à M . du Boscage.
Invoqueroit-on aussi contre lui la prescription, en soutenant que la percîère n’a pas été servie depuis longues années?
Cette dernière difficulté seroil écartée tant par les faits que par les titres.
On feroit d’abord observer, abstraction faite même de tout autre moyen,
qu’il faudroit trente-cinq ans au moins de prescription entre majeurs, avant
la demande, pour détruire le droit de percière (voir l’art. 2 du titre 5 de la
loi du 20 août 1792). Or, il paroit qu il seroit facile au sieur du Boscage de
prouver, meme par témoins, que la percière a été servie jusqu’en 17 9 0 ; et
il est de principe que la preuve faite pour une seule année pendant le temps
de la prescription, suffiroit pour la conservation d’un droit fondé sur titres,
comme l’est celui de M . du Boscage.
Celui-ci seroit également autorisé à soutenir que les détenteurs n’ayant
possédé que comme colons, ainsi que cela est prouvé par les titres, ainsi
que cela même a été reconnu par eux en 178 0 , leur possession, viciée dans
«on origine, n’a pas eu les caractères exigés par la loi pour opérer la pres
cription (voyez le Code civil, art. 2229 ).
Au reste, le sieur du Boscage est porteur de plusieurs pièces qui lui serviroicnt à prouver la perception de la percière, et par conséquent à inter
rompre la prescriptioâ.
Tels sont, par exemple, les divers carnets écrits de la main des fermiers
ou sous-fermiers, et où sont notés les payemens. Ces carnets, ouvrages
d hommes aujourd’hui décédés, et non intéressés d’ailleurs ;\ la cause, ces
carnets seroient considérés, d’après les principes et la jurisprudence, comme
�(8 )
suffisans pour fournir la preuve des payemens reçus par les fermiers. L es
tribunaux ajouteroient surtout la plus grande confiance à l’espèce de registre
ou de relevé intitulé É ta t du compte des gerbes reçues 'par L a ssalas et
Iléb ra rd , ferm ier et sous-fermier de la terre de V ernines, d’autant plus
que cet état paroît avoir servi de base au traité passé le 7 avril 17 9 0 entre
H ébrard et Lassalas. L e traité, qui est authentique, prouve la vérité de
l ’état qui l’a préparé, en fixe aussi la date, et démontre par conséquent que
la percière étoit payée en 1790. D eux arrêts de la Cour de Riom , rendus
les 12 janvier et 7 août 18 2 1, ont admis des registres privés d’anciens fer
m iers, comme preuve de payemens interruptifs de la prescription.
Enfin, la sentence arbitrale de 179 1 pourroit aussi être invoquée contre
cette prétendue prescription.
D é l i b é r é par les anciens Avocats soussignés, à Riom , le 2 1 avril 1 8 2 2 .
G O D E M E L , A L L E M A N D , D E V ISSA C .
t
A C lerm on t , de l'Imp. d e THIBAUD -L A N D RIOT, L ib r a ir e , Imprimeur du
- .
Roi et d e la Préfecture.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lavigneix De. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godemel
Allemand
De Vissac
Subject
The topic of the resource
percière
experts-géomètres
experts
assignats
féodalité
émigrés
legs
coutume d'Auvergne
franc-alleu
doctrine
cinquième gerbe
communaux
climat
droits féodaux
physiocrates
agriculture
colonat
longues procédures
communaux
défrichements
livres de comptes
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Table Godemel : Percière : 3. la percière était-elle, en Auvergne, réputée féodale, lorsqu’elle était due au seigneur du tènement ? était-elle réputée mélangée de féodalité lorsque les titres qui la rappelaient, rappelaient en même temps les censives dues au même seigneur sur d’autres héritages ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1765-1822
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53520/BCU_Factums_G2605.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Nébouzat (63248)
Vernines (63451)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
agriculture
assignats
cinquième gerbe
climat
colonat
communaux
coutume d'Auvergne
défrichements
doctrine
droits féodaux
émigrés
experts
experts-géomètres
féodalité
franc-alleu
legs
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longues procédures
Percière
physiocrates
-
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22750a9fd41b35ca133ea1c7f10a76ab
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
M . J e a n - M a r i é N E Y R O N - D E S A U L N A T S , pro
priétaire , habitant au lieu de St-Genès, a p pe la nt
d'un jugement par d éfau t} rendu au tribunal civil
d ’Issoire, le 27 juillet 1 8 2 7
CONTRE
M .
J
a c q u e s
D E L S U C , propriétaire et ancien no ta ir e,
h a b i t a n t d u lieu d e S t - P a r d o u x - L a t o u r , Intimé.
U n droit d’usage, réclame par M. D elsuc, dans une forêt appar
tenant à M.D ésaulnats , est l’objet du procès.
Le sieur Delsuc invoque un titre et une longue possession accom
pagnée de paiement de redevance.
Le titre sur lequel il s’appuie est tellement équivoque, qu’il s’en
est servi seulement devant la cour. Jusques-là il s’était fondé sur
un autre titre , qu’il est, aujourd’h u i, obligé d’abandonner.
Ce titre, au reste, et les droits qui pourraient en résulter ne lui
ont jamais été transmis, et ne l’avaient même pas été à ceux qu’il
prétend représenter.
Q u a n t à la possession qu’il allègue, elle n’est pas établie ; la déli
vrance prescrite par les lois forestières pour donner à la possession
un eff e t légal, le paiement de la redevance , exigé aussi pour faire
COUR ROYAL
D E IUOM.
I re CHAMBRE.
�( o
considérer cette possession comme le résultat d’un droit reconnu ,
la continuité nécessaire pour en consacrer les avantages, en un mot,
aucun des caractères propres à rendre, en pareille matière, une
possession valable et utile, aucune des conditions que veulent les
principes et la jurisprudence, ne se rencontrent dans les faits dont
déposent les nombreux témoins qu’a fait entendre M. Delsuc.
Tout ce que démontre clairement l’ensemble de cette cause ,
c’est que ce droit d’usage, qui était attaché , dit-on , à un domaine
appelé de Laguièze , était resté, pendant un demi-siècle au
moins, sans exercice ; que dans la suite un nouveau propriétaire
du domaine, qui cependant n’avait pas acquis l’usage, chercha à lui
donner une v ie , une consistance qu’il n’avait jamais eue, ou qu’il
avait perdue depuis long-tems; que ces tentatives furent, sur-tout,
réitérées , et accompagnées d’un commencement de succès dans un
tems où la forêt était frappée du séquestre national ; que depuis la
réintégration de cette forêt dans les mains du propriétaire, des rela
tions de voisinage et d'affaires avaient déterminé celui-ci à consentir
à quelques délivrances provisoires, en attendant que les titres eussent
été communiqués et les droits vérifiés , et que c’est à l’aide de ces
vagues élémens, et en abusant d’une tolérance que l’on devait croire
sans danger, qu’aujourd’hui le sieur Delsuc veut s’arroger un usage
auquel, il ne saurait se le dissimuler, il n’a réellement aucun droit.
Il fait plus; il cherche même à donnera ce prétendu droit une étendue
que ne comporteraient, ni le titre dont il argumente, ni la compo
sition de l’ancien domaine.
FAITS.
La forêt de Laroche, dans laquelle le sieur Delsuc veut exercer
un droit d’usage, était une dépendance de la propriété seigneuriale
de Laroche, et fut l’objet des deux actes qu’on a successivement fait
valoir dans le cours du procès. L ’un de ces actes est du i 5 janvier
1 56 1 ; l’autre du 17 décembre i 63 /f
Par le premier, le sieur Jean de Laroche, alors propriétaire de
cette forêt, concéda à Jean F umat, clerc du village du mas Del Tourr c,
le droit, ¡tour lui et les sien s, à perpétuité , de p ren d re, couper,
�( 3 )
.
m ,
et emporter au villageDelm asDelTourreeta ses appartenances, du
bois de la forêt de la Malguièze et de Laroche, tant pour son chauf
fage d’un feu seulement, que pour clore et fermer ses héritages, et
pour tous autres usages, avec cette convention, qu’il ne pouvait
prendre du bois de sapin que pour bâtir, édifier et réparer maisons,
granges, étables, moulins, et autres édifices.
Le prix de la convention fut de 20 fr., dont l’acte porte quittance,
et de deux cartons de cens et rente annuelle.
Cette concession perpétuelle, mais restreinte au village Del Mas
Del Tourre, fut suivie en 1634-> l l décembre, d’une autre con
cession qui ne semblait que temporaire, qui est contenue, non dans
un acte authentique comme le premier, mais dans un acte sous seing
privé, par lequel le sieur De La Barge, alors propriétaire de la forêt,
investit le sieur J e a n Fumât son ferm ier, est-il dit, d’un droit
dans cette forêt pour son usage des maisons , pour ses tènemens
des villages de Guièze et Pis sol, soit pour son chauffage et
réparations qu’il pourrait faire dans lesdits ténemens, à la charge
de payer chaque année la quantité d’un setier d’avoine qu’ il
serait tenu de porter audit Laroche.
Cet acte qui n’est pas fait double, qui ne déclare pas la concession
perpétuelle, qui ne parle que de simples réparations et non de
constructions à faire, qui rappelle seulement les maisons de Fumât
dans les deux villages , sans indiquer d’autres bûlimens, tels que
granges, étables, moulins, etc., cet acte ne paraît pas avoir reçu
une exécution soutenue ; rien n’établit même qu’il en ait reçu
aucune; et ce qui est constant, c’est que de 1729 à 1773, l’on ne
trouve absolument aucune trace qui indique que personne ait songé
à l’exécuter.
C ’est, en effet, ce que démontrent plusieurs baux successifs du
domaine de la Guièze , dont le premier remonte au 4 avril 172g.
Par ce bail, le sieur François Fumât, procureur d’office au
bailliage de Montaigut-le-Blanc, et y habitant, donna à ferme pour
six années a Annet Plane et à Jean et Antoine G a y s, son domaine
de la Guièze et trente-deux têtes d’herbagès de la montagne de
Montaigut.
�Le preneur s’oblige à clore et à bien cultiver les héritages; on
le soumet aussi à entretenir les bàtimens de menues et légères
u
réparations.
Et cependant on ne lui parle pas du droit d’usage qui aurait été
attaché au domaine , d’un droit qui lui aurait fourni son bois de
chauilage comme celui dont il devait a voir besoin pour les réparations.
Aussi ce fermier n’est-il pas chargé de payer la redevance qui
aurait été le prix de l’usage.
C’est à la charge du bailleur seul, que, d’après une stipulation
expresse du b ail, demeurent les cens et les rentes comme les impôts
dont était grevé le domaine.
A l’expiration de ce premier bail, un second fut consenti pour
trois ou six années, par acte du 3o mars 1755 , par le même sieur
François Fum ât, eu faveur d’Annet Plane, l’un des précédons
fermiers. L ’on y remarque le même silence sur le droit d’usage et
sur la redevance , en même tems que la même charge imposée au
preneur de clore les héritages et d’entretenir les bàtimens.
Un troisième bail fut consenti pour trois, six ou neuf ans, le
17 mars 1750, par la demoiselle Gabrielle Fumât à Antoine Plane,
fils d’Annet, fermier antérieur.
Le preneur est chargé de clore les prés, d’entretenir les bàtimens
de menues et légères réparations , de payer les impôts, mais en
diminution du prix du bail.
On n’y parle encore, ni du droit d’usage, ni de la redevance.
11 est évident que si un droit d’usage avait été attaché au domaine,
ce droit, destiné au chauffage de ceux qui y auraient habité et aux
réparations à faire aux bàtimens, eût été déclaré au fermier pour
qu’il l’exerçât; il est évident encore que la redevance qui en était le
prix eût été aussi mise à sa charge.
Le silence de ces baux, dont le dernier à duré jusqu’en 1758 ,
démontre clairement que le droit n’existait pas, soit que la concession
de i6 7>4 fût seulement temporaire, soit qu’011 y eût renoncé depuis
long-tcms.
La lecture de ces divers baux donne lieu à une autre observation
fort importante.
�( 5 )
Le domaine de la Guièze est aflerme avec tous les héritages d é
pendant d’un autre domaine appelé d’A u z a t, le tout apparte'
teliant au sieur Fum ât, est-il dit.
Ainsi le domaine de la Guicze, qui ne se composait autrefois, et
notamment en iG 3/f, que d’héritages situés dans les dépendances du
village de la G uièze, avait reçu , dès 172 g, un accroissement consi
dérable par l’adjonction de tous les héritages qui composaient un
autre domaine situé à Auzat.
O11 concevra facilement que cet accroissement et la réunion dans
les mains du même fermier de trente-deux tètes d’herbages, objet
indépendant aussi du domaine et du ténement de la G uièze, durent
rendre nécessaire l’augmentation des bàtimens, et par conséquent
beaucoup plus onéreux pour la lorôt de la Roche, un droit d’usage
qui primitivement aurait été restreint aux besoins d’un très-petit
domaine.
Le bail de 1750 venait d’expirer, lorsque le domaine delà Guièze
changea de maître.
Par acte du 29 mars 1758 , la demoiselle G abri clic Fumât, alors
épouse d’un sieur Bonnet, vendit ce domaine et les trente-deux tètes
d’herbages à M. Jean Burin, seigneur de Saint-Pardoux.
Le domaine fut vendu avec ses servitudes dues et accoutumées ,
ses circonstances et dépendances, ainsi qu’il était composé , et que
la dame Bonnet et ses auteurs en avaient joui ou du jo u ir, ou leurs
jerm iers , et par exprès ledit sieur de St.-Pardouæ pour l’avoir
fa it exploiter l’année dernière, et Antoine P la n e , précédent f e r
m ier} suivant le bail du 17 mars 1760, reçu M oulin, notait e.
Il est dit plus bas que le sieur de Saint-Pardoux a déclaré avoir
une expédition du b ail, que lui avait remise la dame Bonnet, lors
de la retraite du fermier Antoine Plane.
Dans cette vente il n’est encore fait mention, ni d’aucun droi1
d’usage dans la foret de la Hoche, ni de la redevance qui en aui’ait
été le prix.
C’est dans un bail du 14 mars 1773 , qu’il est parlé pour la pre
mière fois d’un droit d’investison pour le domaine de la G u ièze,
dans la forêt de la Roche.
�(6 )
Par ce dernier b ail, ce même M. Burin , acquéreur en 1758 , à
qui il n’avait été vendu aucun droit d’usage, et qui n’avait reçu aucun
titre justificatif d’un tel d ro it, voulut s’en arroger u n , à l’aide de
quelques clauses qu’il inséra dans l’acte ; mais , comme il n’avait
aucun titre en son pouvoir, dans son ignorance, soit sur la consis
tance du droit m êm e, soit sur la redevance qui devait en être le
p r ix , les clauses qu’il dicta n’étaient en harmonie avec aucun des
actes de i 56 i ou de 1634.
Il soumit ses fermiers à lui délivrer chaque année quatorze chars
de bois à brûler, à prendre dans la forêt de la Roche ; comme s i,
en supposant même qu’un droit de chauffage eût été attaché à ce
domaine, il pouvait être permis de conduire et de faire consommer
ce bois ailleurs que dans le domaine même.
Les fermiers furent aussi chargés de payer au seigneur de Labro
un setier avoine et une poule, chaque année , pour droit d’investison du domaine dans la forêt de Laroche.
Et néanmoins, dans les actes que l’on invoque aujourd’h u i, s’il
était parlé d’uu setier d’avoine , il n’était pas au moins question de
poule.
L ’année même de ce bail, le domaine de la Guieze fut délaissé
par le sieur Burin à sa fille qu’il mariait avec le sieur Bléton. Dans
le contrat de mariage qui est du 17 octobre 1773, le domaine fut
cédé en paiement de la dot de la demoiselle Burin , avec le droit
d ’usage r e t prendre du bois dans lafo r e t de L aroche, tout ainsi
et de même que ledit Burin ou ses ferm iers en ont jo u i ou du
jo u ir , est-il dit.
D ’ailleurs , on n’énonce pas de redevance , quoique le prix du
domaine soit fixé à 19,860 fr., tandis que la dot n’était que de la
somme de 8,000 fr. Le gendre s’oblige à payer la différence.
Aussi le domaine est-il délaissé avec promesse de garantir,
fournir et fa ire valoir, de tous troubles et évictions généralement
quelconques , sans qu’aucune charge soit imposée pour le droit
d’usage ; circonstance qui indique combien peu étaient claires et
déterminées les idées du sieur Burin sur l'existence, l’étenduC et les
�Si)
conditions du prétendu droit qu’il déclarait abandonner avec
domaine.
L e sieur Bléton, nouveau possesseur, afferme le domaine le
g mars 1774? *1 charge le fermier R epayer, chaque année, la
rente due pour l’im estison du bois , sans en indiquer la nature
et la valeur.
La même charge est imposée dans un autre bail du 20 mars 1778 ;
mais cette fois-ci 011 déclare que la redevance annuelle consiste en
un setier d’avoine. Au reste, le titre constitutif du droit n’est visé
dans aucun de ces baux.
O11 verra dans la suite combien a été imparfaite la preuve qu’a
voulu faire le sieur Delsuc , soit de l’exercice du droit d’usage aux
époques de ces divers baux , soit du paiement regulier d’une rede
vance, ce qui aurait été le principal caractere dun véritable droit
de ce genre.
Oue des propriétaires de domaines voisins delà forêt aient tenté,
d’ailleurs, de s’attribuer de tels droits , on n’en sera pas surpris si
l’on considère que le propriétaire de la forêt, habitant assez loin de
là , ne pouvait que faiblement surveiller sa propriété et s’assurer de
la vigilance ou de la fidélité de ses gardes ; si l’on fait attention aussi
que le bois étant alors d’une valeur presque nulle et d’un débit
difficile , une surveillance rigoureuse présentait peu d’intérêt -, si
l’on remarque enfin que la forêt était réellement soumise à d’autres
droits d’usage; ce qui ne permettait pas toujours de vérifier si fous
ceux qui s’y introduisaient étaient de vrais usagers, et ce qui était
très-propre à favoriser les entreprises de ceux qui cherchaient à se
créer des usages.
La seigneurie de Laroche et la forêt qui en dépendait avaient été
vendues le 17 août 1784, par le sieur de Labro à un sieur Brassier.
Le sieurNeyronde la Tanière, parent du vendeur, exerça le retrait
lignager; il fut subrogé à la vente , par acte du dix janvier 1785.
L ’acte porte que l’acquéreur n’aurait à exercer aucune action en
garantie contre l’ancien propriétaire, à raison des droits d’usage qui
pouvaient êtx’e dus dans le bois de Laroche.
Le sieur Neyron la Tarlière, qui n’avait acquis cette propriété
�•>
C S ).
q ne pour le sieur Noyron Désaulnalts, fut placé sur la liste des émi
grés ; et cette circonstance fit mettre sous le séquestre national la
forêt de Laroche : elle y est restée jusqu’à la fin de l’année 1809.
Durant cet intervalle, comme auparavant, il 11e paraît pas qu’il
ait été payé aucune redevance pour le prétendu droit d’usage que
l’on réclame 5 car l’on 11’en rapporte pas de quittance.
Cependant la forêt fut peu respectée par les habitans des lieux
voisins. Abondonnée en quelque sorte dans les premiers tems du
séquestre, beaucoup de prétendus usagers s’y introduisaient et y
prenaient du bois, sans délivrance, sans contrôle.
Dans la suite, et lorsque parut la loi du 28 ventôse an 1 1 , sur la
police des forêts de l’Etat, quelques-uns de ceux qui se croyaient
des droits d’usage déposèrent leurs titres au secrétariat du dépar
tement, comme le prescrivait la loi.
t
Parmi ces prétendus usagers , l’on doit remarquer AinableGabriel Ileboul, représentant de Jean et autre Jean Fumât, avec
lesquels avaient été passés les actes des i 5 janvier i 56 i et 17 dé
cembre 1654.
Le sieur Reboul, qui seul avait ces actes en son pouvoir, après
les avoir déposés dès le 8 décembre 179 1, dans l’étude du sieur
Chassagne, notaire à Clermont, en relira une expédition qu’il pré
senta au préfet et à l’administration forestière, afin de se faire atttribuer les droits d’usage que ces actes rappelaient. 11 obtint même du
conservateur des eaux et forêts de la 1o®division un avis favorable ,
ci la charge de verser, chaque année, entre les mains du receveur
des domaines, le prioc de d eu x setiers d'avoine, mesure de
Lalour, et même de payer tous les arrérages de celte redevance
qui pouvaient être dus.
Cet avis n’eut cependant aucune suite ; M. Reboul n’obtint rien,
et même ne réclama plus, à ce qu’il parait, soit que le droit lui parut
trop équivoque, soit qu’il considérât la redevance comme trop
onéreuse.
<
Mais le sieur Bléton père était alors receveur des domaines. Les
titres déposés par le sieur Reboul lui furent connus ; et comme le
Je droit d’usage lui avait été indiqué dans son contrat de Inariago
�de 177s , il crut pouvoir profiter de cette découverte, et il réclama
lui-méme ce droit pour son domaine de la Guièze. 11 réussit à se
faire comprendre, en i8 o5 , en 1807 et en 1808, dans plusieurs
délivrances accordées provisoirement, en attendant que les titres
des usagers lussent vérifiés et leurs droits reconnus.
Mais ces délivrances lurent laites sous la réserve expresse des
droits du gouvernement.
Quelqu’insignifianlcs qu’elles soient pour établir le droit d’usage ,
on les invoque néanmoins aujourd’hui, quoique l’inspecteur forestier
lut sans qualité pour reconnaître un tel droit, et quoiqu’il n’ait été
payé alors aucune espèce de redevance.
Ce fut à la fin de 1809, que le sieur Neyron-üésaulnats parvint à
faire lever le séquestre et à recouvrer sa propriété.
11 en ignorait et la consistance et les charges ; il savait vaguement
qu’elle était grevée de divers usages. Beaucoup d’usagers se pré
sentèrent ; la plupart n’avaient pas de titres , mais ils en certifiaient
l’existence ; ils promettaient de les rapporter incessamment. Le
sieur Ncyron-Désauhials ne crut pas devoir se montrer trop diffi
cile dans ces premiers terns. Il suivit l’exemple de l'administration ,
et fit comme elle quelques délivrances provisoires, mais sans tirer
à conséquence, et en attendant que les titres des usagers lui fussent
produits.
C ’est ainsi qu’il délivra du bois pendant pendant plusieurs années
à certains voisins, auxquels il en a , dans la suite, refusé, après avoir
assez long-tcms réclamé leurs titres, qu’ils ne lui ont pas produits
ou qui se sont trouvés vicieux.
C ’est ainsi qu’il a fait, notamment, diverses délivrances au sieur
Bléton, quoique scs titres ne lui fussent pas connus, mais avec lequel
il avait des rapports de voisinage et de bienveillance réciproque.
Les fermiers du sieur Bléton ont même conduit chez le sieur
Désaulnats quelques setiers d’avoine , en attendant que les droits
respectifs fussent réglés.
Dans ces circonstances , les immeubles du sieur Bléton furent
frappés d’une saisie immobilière; et, le 1 5 novembre 1819, le do
maine de la Guièzc et quarante-une tètes d’herbages de la montagne
�( 10)
de Montaigut furent vendus judiciairement, au faible prix de
17,100 fr., somme inférieure de plus de 2000 fr. à celle à laquelle
avait été évalué le domaine seul, près de 5o ans auparavant, dans le
contrat de mariage du sieur Bléton père, avec la demoiselle Burin ,
le 19 octobre 1773.
Dans le détail des objets vendus, il n’est pas fait la moindre men
tion du droit d’usage ;
Dans le cahier des charges, l’adjudicataire n’est soumis au paie
ment d’aucune rente, d'aucune redevance.
L ’adjudication avait été faite au duc de Castries.
Le sieur Delsuc lui fut bientôt après subrogé par un fondé de
pouvoir, au môme prix et aux mêmes conditions.
Le sieur Delsuc, devenu propriétaire du domaine de Laguièze,
invita le sieur Désauluats à lui délivrer du bois dont il avait besoin.
Celui-ci pouvait-il s’y refuser? Le sieur Delsuc était le plus proche
voisin du sieur Désaulnats. Il existait entr’eux journellement des re
lations de tout genre. Le sieur Désauluats consentit donc à lui faire
des délivrances provisoires, en attendant que les droits du sieur
Delsuc fussent examinés. C elui-ci fit, de son côté, porter chez.
M. Désaulnats quelques setiers d’avoine qui ne furent aussi reçus
que conditionnelleineut, et sans que le droit fût reconnu.
Cependant ce provisoire devait avoir un terme; et les droits du
sieur Delsuc ne paraissant pas justifiés au sieur Désaulnats, il y eut
refus de délivrance de bois : alors commença le procès.
Le 23 mars 1827 , le sieur Delsuc fait signifier au sieur
Désaulnats, 10 l’acte d’investison d’un droit d’usage, consenti le
i 3 janvier i 56 i , parle sieur de Laroche à Jean Fumât, ensemble,
est-il dit, l’acte de ratification de ce droit, du 17 décembre 16545
20le contrat de vente consenti au sieur Burin , le 27 mars 1758 ;
5 ° le contrat de mariage de la demoiselle Burin, du 19 octobre 1773.
Il expose ensuite que , par l’acie de i 56 i , Jean Fumât avait été
autorisé à prendre, dans la foret, du bois de sapin pour bdtir et
édifier ma ¿sons, granges, étcibles, moulins et autres édifices, etc.;
qu il est aujourd’hui auæ droits du sieur Fum ât ; qu’ il est sur le
point de construire un bâtiment dans le domaine de la Guièze ,
�et qu’ il a le droit, a u x termes de Pacte d’investison sus énoncé,
de prendre dans le bois de Laroche et de Malguièze , apparte
nant au sieur Désaulnats, tous les bois en sapin nécessaires
pour la construction dudit bâtim ent, auquel le sieur Delsuc se
propose de donner une longueur de 24 mètres 55 centimètres
(78 pieds), et une largeur de 11 mètres (55 pieds).
En conséquence, le sieur Delsuc somme le sieur Désaulnats de
lui délivrer les arbres nécessaires à cette construction.
Cette sommation fut suivie d’une cédule en conciliation , du
29 mars 1827 , fondée sur l'acte du i 5 janvier i 56 i , et tendante
à faire condamner le sieur Désaulnats à délivrer au sieur Delsuc le
bois nécessaire à la construction d’un bâtiment ayant les dimensions
qui viennent d’être indiquées.
Le sieur Delsuc ne comparut au bureau de paix que par son fondé
de pouvoir; et la conciliation n’ayant pas eu lieu, une assignation
fut donnée aux mêmes fins, toujours en vertu de celte prétendue
concession, du i 5 janvier i 56 i la seule qui soit rappelée dans
l’exploit d’ajournement, comme dans la cédule en conciliation.
Des conclusions sont signifiées dans les mêmes termes, le 27
juillet 1827 ; et un jugement par défaut, obtenu le même jour, par
le sieur Delsuc, lui adjugea sa demande, en se motivant aussi uni
quement sur l’acte du 1 5 janvier 1 56 r.
Le sieur Désaulnats interjeta appel de ce jugement devant la
Cour ; il a répondu à un interrogatoire sur faits et articles qu’a de
,
mandé le sieur Delsuc ; il y a parlé de quelques délivrances de bois
de chauffage ou autres qu’il avait accordées provisoirement au sieur
Delsuc ; il a reconnu aussi avoir reçu quelques setiers d’avoine ,
mais sans entendre attribuer aucun droit, seulement en attendant que
les titres fussent vérifiés et les difficultés résolues.
La cause portée à l’audience du i 5 mars i 85 o, le sieur Delsuc ,
q u i, jusqu’alors, avait invoqué seulement l’acte d’investison du 1 5
janvier i 56 i , parce que cet acte seul pouvait justifier l’exagération
de sa demande , se ravisant un peu tard , fit principalement usage
du second acte, du 17 décembre 1 634 î al° rs
C ou r, s’occupant
moins de l’étendue du droit que pouvait concéder ce second acte,
�que tie sa validité et de son exécution, ordonna, « avant de faire
« droit aux parties, et sans préjudice des moyens, tant de fait que
« de droit qui leur sont, est-il d it, respectivement réservés, que le
« sieur Delsuc prouverait, tant par litres que par témoins, que,
« dans le cours des trente années qui ont précédé la demande, il
<; avait, lui ou ceux qu’il représente, exercé le droit d’usage qu’il
« réclame sur le bois de Laroche , au v u , ou su et dre cousenle« ment du propriétaire du bois prétendu assujetti au droit, ou de
« ceux qu’il représente ;
« Que le sieur Delsuc prouverait également, et de la même tna<( nière, que, dans le même espace de teins , ledit sieur Delsuc, on
«• ceux qu’il représente, ont payé la redevance, prix du droit
« d’usage prétendu j sauf au sieur Neyron-Désaulnats la preuve con« traire. »
Les motifs particulièrement applicables à celte disposition inter
locutoire sont ainsi conçus :
« Considérant que, suivant la jurisprudence, ce titre (celui de
« iG34) ne suiïit pas pour l’établissement d’un pareil droit; qu’outre
« le titre, il (le sieur Delsuc) doit être fondé sur une possession
(<
■trentenaire, postérieure au titre ; parce qu’à défaut de cetie pos« session, le titre serait prescrit, et que (être prescription aurait
« opéré l'affranchissement du droit, quand même il aurait été établi
« long-tems auparavant ;
« Considérant encore q ue, suivant cette même jurisprudence ,
« pour que la possession soit valable et puisse opérer son effet, il
« faut qu’elle soit accompagnée de la délivrance du bois, faite du
« consentement du propriétaire , et de la prestation de la rede«■vance, moyennant laquelle la concession du droit d’usage a été
« faite dans le principe ;
« Considérant que le sieur Delsuc ne rapporte, ni la preuve par
« écrit du consentement donné à chaque délivrance par le pro« priétaire, ni la preuve du paiement de la redevance, à chaque
« délivrance, cl qu’il offre seulement de prouver par témoins, soit
« Je consentement à la délivrance , soit le paiement de la redevance,
« dans le cours des trente années avant la demande j
�A y
« O r , considérant que toutes les mentions contenues dans tous
« les actes ci-dessus énoncés doivent être regardés comme autant de
« commencemensdepreuveparécritduconsentementàladélivrance
« et du paiement de la redevance; qu’on doit encore attribuer le
« même effet aux décisions prises par l’administration , qui ont
« maintenu le sieur Blé ton ou ceux qu’il représente dans l’exercice
« du droit d’usage dont il s’agit, même quoique ces décisions n’aient
« été que provisoires et prises sous la réserve des droits du gouver« nement, puisque, d’après les circonstances, il ne dépendait pas
« du sieur Bléton, ou de ceux qu’il représente, d’exercer autre<f ment leurs droits. »
En exécution de l’arrêt, des enquêtes respectives ont été faites.
Nous aurons à les discuter.
Tels sont les faits d’après lesquels nous avons à examiner ,
i° Les titres et les droits du sieur Delsuc ;
20 S’il a exercé une possession légale du droit d’usage qu’il
réclame ;
5° Quels seraient, au reste, l’objet et l’étendue de ce droit
d’usage.
§ I"
E xa m en des titres et des droits du sieur Delsuc.
Le sieur Delsuc invoquait d’abord un seul litre, un acte d’investison du i 5 janvier 1 56 1.
C’est cet acte seul qui est rappelé, soit dans l’exploit introductifde
l’instance, soit dans les conclusions prises, soit dans le jugement
dont est appel.
Et cependant cet acte est absolument étranger au domaine de la
Guièze auquel le sieur Delsuc veut rattacher le droit qu’il réclame.
Car la concession du 1 5 janvier 1 56 1 est faite seulement pour des
propriétés situées au village Del Mas Del Tourres. Il y est dit que
le seigneur de la lloche investit, à titre de perpétuelle vestison
Jean Fum ât, du droit de prendre, couper et emporter par ledit
Fumât et les siens , à
ses appartenances ;
p erp étu el
, au village D el Tourres, et à
�Il rinSrcst.it aussi du droit de prendre du sapin dans la même forêt
pour bâtir et édifier maisons, granges, étables , moulins et autres
édifices , iceu x réparer, et fa ire dudit bois de sapin, tant pour
les réparations desdits bdtirnens, qu’autres ses affaires.
Cette concession e st, comme on le v o it, des plus larges ; elle
s’applique, soit au bois ordinaire pour le chauffage et la clôture des
héritagesj soit au bois de sapin nécessaire pour réparer; soit, et ce
qui est bien plus important, à tout le bois de sapin dont Fumât
pourrait avoir besoin pour bâtir et édifier m aisons, granges,
é tables, Moulins et autres édifices ; en sorte qu’il était loisible à
Fumât, d’après la généralité des termes de la concession, de faire,
aux dépens du bois de la forêt, toutes les constructions qu’il aurait
jugées utiles.
Mais le droit concédé est restreint au village Del Mas Del Tourres,
et à ses appartenances ; il ne s’étend pas au-delà des limites de ce
village; il n’y est aucunement question du village de la Guièze. O r,
ces deux villages et leurs ténemens étaient autrefois, comme aujour
d’hui, absolument distincts; donc, l’acte de i 56 i n’est pas appli
cable au village de la G u icze, où le sieur Delsuc est propriétaire.
Cet acte de i 56 i ne peut lui servir de titre. Comment se
fait-il donc qu’il n’ait agi pendant tout le cours de l’instance qu’en
vei'tu de cet acte? et qu’après s’être borne à rappeler dans la som
mation qui avait précédé le procès, un autre acte du du 17 décembre
i 634 > qu’il présentait seulement comme la ratification du premier,
il n’ait fondé ses réclamations dans la cédule en conciliation comme
dans l’exploit d’ajournement, dans ses conclusions et dans le juge
ment, que sur cet acte isolé de i 56 i , sur cet acte qui 11’attribuait
aucun droit d’usage pour le domaine de la Guièze ?
Cette singularité trouve son explication dans quelques obser
vations.
Par l’acte de i 65 /\, le seigneur de la Barge investit Jean Fumât
son fermier, des bois de Malaguièze et Laroche, pour en jo u ir
pour son usage des maisons , pour ses ténemens des villages de
Guièze cl Pissol, soit pour son chauffage et réparations.
|.l n’est pas dit dans cet acte, comme dans le premier, que la
�( .5 )
k f
concession est perpétuelle , et qu’elle est accordée pour le sieur
Fumât et les siens.
Il n ’y est pas stipulé, comme dans le précédent, qu’elle aura lieu,
non seulement pour l’usage des maisons et ténemens , ce qui ne
s’entend que du chauffage , mais encore pour bâtir et édifier
meusons, granges, ètables , moulins e t autres édifices.
Il n’y est parlé que de réparer , ce qui ne signifie évidemment
pas faire des constructions nouvelles et considérables, ce qui ne
peut s’entendre que d’entretenir les constructions déjà existantes.
Or, le sieur Delsuc voulait faire construire un nouveau bâtiment
et un bâtiment considérable , puisqu’il doit avoir 78 pieds de
longueur sur 33 pieds de large : car tel est l’objet du procès.
S’appuyer sur l’acte de 1634-» ç’eût été manquer son b u t, soit à
cause de l’obscurité de ses termes sur la durée de la concession,
soit parce qu’il n’y était parlé d’usage que pour réparer et non
pour construire. Pour éviter ces difficultés , c’est l’acte seul de
1 56 1 qu’il invoque; c’est d’après l’acte seul de 1 56 1 qu’il obtient,
par défaut, il est v r a i, ce qu’il demande.
Mais devant la C o u r, le change ne sera pas pris, et le titre de
ï 5 6 i sera nécessairement déclaré étranger au domaine du sieur
Delsuc , puisque ce domaine n’est pas situé dans les dépendances
Del Mas Del Tourres , auquel Mas s’applique exclusivement l’acte
de i 56 i .
Ainsi disparaît ce premier titre servant de base à la demande que
nous contestons.
A l’audicncc de la Cour, lesieur Delsuc a invoquél’actc de 1634.
Mais, en supposant même , ce que les circonstances rendent fort
douteux, que l’usage dont il est parlé dans ce second acte doive être
perpétuel, limité à de simples réparations à faire , le droit d’usage
concédé par ce titre n’autoriserait pas à réclamer du bois pour une
vaste construction, telle que celle qu’on se propose.
Au reste, tel qu’il est, le droit concédé par cet acte a-t-il été
transmis au sieur Delsuc? avait-il été transmis, avant lui, aux sieurs
Burin et Bléton?
La négative est démontrée par tous les baux qui ont précédé
-/0
v,
�( «6 )
l’époque à laquelle le domaine de la Guieze passa de la famille
Fumât aux familles Burin et Bléton. INous voulons parler des baux
des 4 avril 1729, 5o mars 1755 , 17 mars ly S o , baux qui se sont
prolongés pendant environ trente ans, et dans aucun desquels il
n’est fait mention, ni d’aucun droit d’usage attaché au domaine sur
la foret de Laroche, ni d’aucun paiement de redevance.
Ce silence est une preuve non équivoque que dans la pensée du
bailleur, comme dans celle du preneur, il n’était dû au domaine de
la G uieze, ni droit de chauffage ni droit d’usage pour réparations,
sur la foret de Laroche. Car si un tel droit avait existé, le fermier
en aurait été prévenu, puisqu’il en aurait dû jouir; et s’il eût été
autorisé à en user, il aurait été aussi nécessairement chargé de
payer la redevance annuelle qui aurait élé le prix de sa jouissance.
Cependant on ne lui impose aucune charge de redevance.
Au contraire , c’est le bailleur q u i, par les expressions vagues
cl générales de ces baux, demeure chargé de tous les cens et rentes
dont le domaine pouvait être grevé.
La conséquence de tout cela est simple ; c’est que le droit d’usage
n’était pas exercé ; c’est que la redevance n’était pas payée, soit que
la famille Fumât eût considéré comme temporaire seulement la
concession faite en 1654 par le seigneur de Laroche à Jean Fumât,
alors son ferm ier, est-il dit; soit que le prix annuel du droit
d’usage parût, à celte famille plus onéreux que n’était utile l’usage
même à un époque où le bois, sur-tout dans le voisinage des forêts,
était sans aucune valeur.
Quelle que soit, au reste, la cause du silence des actes et des
faits, il n’en est pas moins vrai qu’on ne trouve absolument aucune
trace de l’exercice de ce droit d’usage, pendant les cent années
antérieures au 29 mars 1758 , date de la vente que fit là demoiselle
Fumât, épouse Bonnet, au sieur Burin , du domaine de la Guieze ,
pour lequel ce droit est aujourd’hui réclamé.
Mais jetons les yeux sur cet acte de vente. Y trouverons-nous
quelque chose qui rappelle le droit, qui l’indique même, quoique
un peu vaguement?
l'ion; nous 11’y trouverons rien, absolument rien.
�Que l’on se fixe sur les termes de cette vente (nous les avons rap
portas dans l’exposé des faits); l’on y verra que le domaine est vendu
au sieur Burin dcSt-Pardoux, tel que celui-ci en avait jo u i l’année
dernière, et tel qu’en avait joui aussi Antoine Plane, précédent
ferm ie r, suivant le bail du 17 mars i^So , reçu Moulin, notaire.
Ainsi c’est au dernier bail de 1 qSo , que l’acquéreur est renvoyé
pour connaître la consistance du domaine ; et il est ajouté qu’une
expédition du bail a été remise à cet acquéreur.
O r, le bail est muet sur le droit d’usage et sur la redevance. Le
fermier ne jouissait pas de cet usage ; il ne payait aussi d’après le
bail aucune redevance.
Comment donc supposer que la dame Fumât ait entendu vendre,
et que le sieur Burin ait entendu acquérir un droit dont ils n’ont pas
parlé, un droit accompagné d’une charge à laquelle l’acquéreur n’a
pas été soumis?
Comment présumer aussi que le sieur Burin, qui avait joui du
domaine, l’année antérieure à la vente, n’y eut pas fait exprimer le
droit d’usage, si réellement il l’avait exercé ?
Certes, ce silence des baux de 1729, 1755 et iqSo sur l’usage
et la redevance, aurait frappé l’attention de la Cour , si ces baux lui
avaient été connus lors de l’arrêt interlocutoire (i); elle aurait, sur
tout, remarqué avec surprise qu’il n’en était pas fait la moindre
mention dans le dernier bail de 1760 auquel la vente se référait; et
considérant l'inexécution plus que séculaire de la concession pré
tendue perpétuelle de 1654, peut-être eût-elle regardé comme inutile
d’ordonner la preuve de l’exécution postérieure qu’alléguait le sieur
Delsuc.
Le silence de ce bail sur le droil d’usage, explique pourquoi il
11’a pas été produit par le sieur Delsuc , qui l’avait à sa disposition
aussi bien que la vente.
Ajoutons une observation importante.
Ces titres que l’on invoque aujourd’hui, ces actes de i 56 i et de
i 634 n’étaient pas dans les mains des familles Burin et Bléton ;
ils ne leur avaient pas été remis par la dame Fum ât, lors de la
(1) Le sieur D csaulnats s'est procuré des expéditions de ces baux à l'aide d’ uu couijK üioire,
�( 18}
vente. Ces actes se trouvaient au pouvoir de la famille Reboul qui
représentait la famille de Fumât pour d’autres propriétés. Ce fut un
sieur Reboul qui les déposa, le 8 décembre 1791 , dans l’étude de
M e Chassagne, notaire ; ce fut aussi un sieur Reboul qui, pendant le
séquestre de la forêt de la R oche, et lors de la publication de la loi
du 28 ventôse an 11 , déposa , dans son propre intérêt, et comme
représentant de Jean Fumât, au secrétariat de la préfecture du Puyde-Dôme , l’expédition de l’acte de dépôt constatant l’existence des
actes des i3 janvier i 56 i et 17 décembre i 63 /f. C’est ce qu’atteste
un avis donné, le 17 décembre 1806, parle conservateur des eaux
et forêts de la 10e division.
Et ce qu’il y a de remarquable, le sieur Reboul n’a rien obtenu et
ne demande rien, tandis que la famille Burin et Bléton, qui n’avait
pas de ttres, qui n’avait pas fait de dépôt a la préfecture, mais qui
fut instruite, sans doute, du dépôt fait par le sieur Reboul, réclama
et obtint quelques délivrances de bois, seulement provisoires, il est
vrai. Sic vos non vobis mcllijicatis opes.
Ce fut pendant la durée du séquestre national, que furent décou
verts par la famille Bléton ces actes de i 56 i et i 654 qui étaient
restés jusques là dans l’obscurité et sans exécution; qui ont été remis,
il y a peu d’années, au sieur Delsuc, devenu adjudicataire sur saisie
immobilière du domaine de la Guièze, et sur lesquels celui-ci se
fonde aujourd’hui pour réclamer un droit d’usage qui ne lui a pas été
vendu , pas plus qu’d ne l’avait été à la famille Burin, et pour oilrir
comme prix du droit une redevance annuelle dont il n’a pas été
chargé. Car l’adjudication du 1 5 novembre 1819 est aussi muette
et sur le droit et sur la redevance.
Ainsi point de transmission, ni au sieur Burin ni au sieur Delsuc,
des droits d’usage que pouvaient avoir les Fumât en vertu des actes
de 1561 et i 654 J point d’exécution d’ailleurs de ces actes, pendant
un siècle et plus, antérieurement à la vente faite au sieur Burin , du
domaine de la Guièze; point d’énonciation même du droit et de la '
redevance dans aucun acte authentique ou sous seing-privé, anté
rieur à 1770.
Comment le sieur Delsuc pourrait-il prétendre, et que ce droit
a cté conservé, et qu’il en est propriétaire ?
�( T9 )
Dirait-on qu’il est rappelé dans des baux de 177^ , de 1774* de
1778, et dans le contrat de mariage de la demoiselle Burin avec le
sieur Bléton ?
Mais tous ces actes, étrangers au propriétaire de la forêt de la
Roche, ne peuvent être invoqués contre lui.
Mais si l’usage avait été légalement exercé , si une redevance avait
été réellement et régulièrement payée 011 en trouverait quelques
traces écrites ; des quittances plus ou moins anciennes seraient rap
portées. O r, l’onne produit rien, on 11e présente aucun écrit, aucun
commencement de preuve écrite émanée des anciens propriétaires
de la forêt, qui indique soit l’existence du droit, soit le paiement de
la redevance. Et certes dans de telles circonstances les sieurs Burin
et Bléton avaient trop d’intérêt à retirer des quittances de la rede
vance comme preuve de leurs droits, pour ne pas en exiger s’ils
l’eussent réellement acquittée.
Cependant c’est à la preuve testimoniale seule , à laquelle le sieur
Delsuc s’ost vu dans la nécessité d’avoir recours pour se procurer
des argumens, afin de suppléer et aux preuves écrites que la loi
paraît e x ig e r, et même , en quelque sorte , aux titres dont il est
dépourvu.
Nous verrons si cette preuve est assez forte, assez caractéristique,
assez positive, pour attribuer au sieur Delsuc un droit qu’il a vai
nement cherché à faire ressortir de ses titres, qui le repoussent par
leur silence.
§ H.
L e sieur D elsuc a -t-il exercé une possession légale du droit
d’usage ?
Nous avons ci-dessus transcrit les termes de l’arrêt interlocutoire
rendu par la Cour.
Nous y avons vu que la Cour avait décidé q ue, suivant la juris
prudence , un titre ne suffisait pas pour l’établissement d’un droit
d’usage ; qu’outre ce titre, le droit devait être fo n d é sur une pos
session trentenaire, postérieure au titre, parce qu’ ci défaut de
cette possession , ce titre serait prescrit.
Que, suivant cette même jurisprudence} pour que lapasses-
�( 20 )
s ion soit 'valable et puisse opérer son e ffe t, il faut qu'elle soit
accompagnée de la délivrance du bois, fa ite du consentement
du propriétaire, et de la prestation de la redevance, moyennant
laquelle la concession du droit d’usage a été faite dans le principe.
Ainsi l’usager même qui a un titre positif doit prouver trois choses
pour en réclamer l’eiTet :
i° Qu’il a possédé le droit qu’il réclame ;
2° Qu’il a payé la redevance qui en était le prix ;
5° Qu’il a reçu du propriétaire la délivrance du bois.
La simple possession, non accompagnée des deux conditions
prescrites, serait sans force, sans eiTet légal, et n’empêcherait pas
le cours de la prescription, c’est-à-dire de l’extinction du droit.
Cette doctrine , consacrée par la Cour, a été empruntée, soit des
auteurs les plus recommandables, soit d’une jurisprudence qui n’est
pas équivoque.
Le paiement de la redevance est une condition nécessaire, indis
pensable pour la conservation du droit de l’usager. C ’est ce qu’en
seigne Fréminville dans sa pratique universelle des droits seigneuï’iaux, tome 5 , page 22G.
« Il est certain, dit-il, que le seigneur peut prescrire la servitude
« de l’usage , lorsque l’usager ne paye pas la redevance.
v Le droit d’usage est une véritable servitude, qui 11e peut se
«■soutenir qu’en remplissant régulièrement par l’usager ses obliga« lions annuelles ; il ne lui sert de rien de se maintenir en jouissance
« et en possession de son usage. Celte possession, par elle-même,
« ne lui donne aucun droit, c’est la redevance. Ce n’est donc pas
« la jouissance qui acquiert, et conserve le droit, c’est la prestation
«■de paiement qui renouvelle le titre, suivant la loi : qui enini in
v tam longo prohæoque spatio ju s minime consecutus e s t , serd
t< pæmtentid ad pristinam servitulem desiderat.
Selon Coquille, cité par l'auteur, il faut même, pour conserver
le droit, que la prestation soit faite au seigneur ou à, son receveur
comptable, qui en ait com pté, et non pas ¿1 un ferm ier, qui a
toujours les tnaius ouvertes pour recevoir, et n’ a pas grand in-
�térct au droitfon cier du seigneur, et dont le fa it ne peu t nuire
au seigneur pour la possession ou pour la prescription.
Ces principes sont d’une grande sagesse. Ils ont pour but de mé
nager les intérêts légitimes du propriétaire comme ceux de l’usager,
de faire connaître avec certitude au propriétaire du bois l’exercice
des usages qui grèvent sa propriété , et de prévenir les entreprises
obscures et les spoliations clandestines qui ne se pratiquent que trop
souvent dans les forets.
C ’est dans le même but qu’a été prescrite la délivrance que doit
obtenir tout usager, délivrance qui s’opère par une marque faite
avec le marteau du propriétaire sur le bois que celui-ci livre ou fait
livrer à l’usager.
Cette délivrance est d’autant plus indispensable, que l’usager peut
seulement exiger le bois qui lui est nécessaire ; qu’il faut donc véri
fier d’abord l’étendue de scs besoins, et que trop souvent il serait
disposé à prendre largement et à excéder de beaucoup le nécessaire,
s’il lui était permis d’agir sans contrôle , et si son arbitraire était sa
seule règle.
Aussi la nécessité de la délivrance préalable par le propriétaire à
l’usager a-t-elle été établie par diverses ordonnances de nos rois ;
aussi a-t-on toujours considéré comme délit le fait des usagers qui,
sans délivrance préalable, coupaient et enlevaient le bois auquel des
titres leur donnaient droit ; aussi de nombreux arrêts ont-ils con
damné à des amendes, à des dommages-intcrêls, les tisagers qui
négligeaient de se soumettre à cette importante condition.
On peut citer, sur cette question, une savante dissertation de
M. Merlin, dans son répertoire, au mot usage (droit d’).
On peut voir aussi, dans tous les recueils, de nombreux arrêts
qui ont puni comme délits des usages exercés sans cette formalité de
rigueur , quelque certains d’ailleurs que fussent les droits des
usagers (i).
L ’omission de cette formalité, impérieusement ordonnée, en
traîne la prescription du droit d’usage, parce que, quelque possession
(1) Voir notamment des arrêts.
�( 22\
défait qu’ail eue l’usager, celte possession, dépourvue descaracteres
propres à la rendre valable, cette possession qui n’aurait été qu’une
suite de délits , celte possession illégale, doit être considérée comme
n’ayant pu interrompre la prescription, ni empêcher l’extinction du
droit d’usage.
Telle est la conséquence que déduit M. Merlin de la doctrine
qu’il professe ; telle est celle qu’ont adoptée plusieurs arrêts de la
Cour de Riom, et qu’a consacrée la Cour de cassation elle-même,
par sa jurisprudence. On peut citer notamment l’arrêt Bertrand, du
a5 août 1826; l’arrêt Locard, du 4août 1828, et l’arrêt Romeuf, du
20 juin 1827. La Cour de cassation, par arrêt du 27 janvier 182g ,
a rejeté le pourvoi qui avait été formé contre l’arrêt Locard.
L ’application de ces principes à la cause de M. Désaulnats doit
repousser la prétention du sieur Delsuc ; car celui-ci n’a prouvé,
ni le paiement de la redevance , prix du droit d’usage dont il s’agit,
ni la délivrance faite par le propriétaire à l’usager.
Déjà, en discutant les litres du sieur Delsuc et des sieurs Bléton
et Burin, ses prédécesseurs, nous avons remarqué qu’antérieure
ment à 1773, il n’existait aucune trace de l’exercice du droit de
l’usage , ni du paiement de la redevance.
Nous avons vu en effet que pendant le siècle qui a précédé cette
époque, et notamment depuis 1729, aucun bail et absolument au
cun acte, même purement énonciatif, n’avait rappelé ni le droit
d’usage ni la redevance qui en était le prix.
Si l’on se fixe sur ce qui est postérieur à cet acte, l’on voit bien
que le droit est indiqué dans les baux de 1775 , de 1774, de 1778;
niais il reste encore incertain si réellement on a usé du droit; il
reste aussi incertain, et c’est le point principal, si la redevance an
nuelle a été payée ; aucune quittance 11’est produite pour constater
les paicinens ; aucun acte absolument ne les énonce.
Et cependant les anciens propriétaires de la forêt donnaient des
quittances aux usagers qui s’acquittaient. C ’est ce que prouve la
déposition du sieur Ilenoux, un des témoins de l’enquête contraire,
ancien usager de la forêt. Ce témoin déclare avoir parmi scs papiers
des quittances attestant le paiement de la redevance.
�( =3 )
Et cependant encore le sieur Delsuc n’a épargné aucun soin,
aucune recherche pour se procurer des preuves du paiement de
cette redevance; ils’est adressé, parl’intermédiaire d’un de ses parons,
au sieur Culhat, dépositaire des papiei’s de la famille Labro, de cette
famille à laquelle appartenait avant 1785 la forêt de Laroche; il a
examiné les registres, les papiers de cette famille, et néanmoins
il n’a rien découvert, ou au moins on doit le penser ainsi puisqu’il
n’a rien produit.
En vain, pour écarter ou affaiblir le défaut de représentation de
quittance, le sieur Delsuc a-t-il rapporté à l’audience de la Cour un certificat d’incendie attestant que la maison du sieur Bléton,
ancien prétendu usager, avait été la proie des flammes.
La présomption du brûlement des quittances disparaîtra aujour
d'hui que M. Bléton fils, deuxième témoin de l’enquête contraire,
a déclaré non seulement qu'aucun papier de la succession de son
père n'avait été brûlé, mais encore que lors de l'inventaire des
papiers de cette hérédité, il 11e se trouva rien qui eût rapport à la
redevance, prix du droit d’usage.
Ainsi, point de quittance de la redevance avant 1775; point de
quittance aussi depuis 1773 jusqu'au moment où l'émigration du
sieur Neyron de la Tartière fil séquestrer la forêt de Laroche ;
Point de quittance encore pendant la durée du séquestre qui
s'est prolonge de 1792 à 1809;
Poin d'émargement de paiement dans les registres des préposés
des domaines de l’Etat ;
Enfin aucune preuve légale du paiement de cette redevance n'est
produite, non seulement pour les trente années, mais encore pour
les cent ans qui ont précédé l'époque à lrquelle M. Désaulnats a
recouvré ses bois.
De là on doit conclure, si la doctrine ci-dessus développée est
exacte , que le droit d'usage était depuis long-tems prescrit et anéanti
au moment où M. Désaulnats, en 1809, est rentré dans ses bois. Nous
examinerons bientôt si ce droit perdu a été recouvré depuis.
Pour repousser l'argument, on invoquera sans doute quelques
dépositions de témoins qui parlent du paiement de la redevance.
�............... ( ?4 )
L'objection sera facile à détruire.
Cinq témoins de l’enquête directe et autant de témoins de l’enquête
contraire ont parlé de faits antérieurs à 1809.
Sur ces dix témoins, deux seulement que le sieur Delsuc à fait
entendre parlent du paiement de la redevance.
Trois des plus anciens témoins, qui sont restés, avant 1789,
dans le domaine de la G uièze, parens ou domestiques des anciens
fermiers, non seulement 11’ont pas vu payer la redevance ; mais ils
n’en ont pas même entendu parler. Ce sont les xer et 2e de la pre
mière enquête et le 1er de la continuation.
Semblable déclaration sur celte redevance par cinq témoins de
l’enquête contraire, les 5% 6e, 7% 9e de l’enquête contraire, et le
I er de la continuation de cette enquête. Deux de ces témoins sont
également restés dans le domaine à ces époques anciennes ; un autre
a été domestique du sieur Neyron ; cependant ils n’ont jamais vu
porter la redevance d’avoine ; ils n’ont même jamais entendu pai’ler
de cette redevance.
Le 9e témoin de l’enquête contraire dit qu’un ancien fermier lui a
déclaré qu’il ne donnait pas d’avoine.
Les deux seuls témoins qui parlent de la redevance , sont le 3e de
l’enquête directe , et le 3e aussi de la continuation d’enquête ;
L ’un d’eux , âgé de 5o ans, nommé Léger Dufaud; l’autre , âgé
de 67 ans, nommé Jean Bruglial. (1)
Léger Dufaud déclare qu’il était âgé de 8 ans, lorsque son père
devint fermier du domaine de la Guièze ou il resta 11 ans.
(t Quant à la redevance , d it-il, il sait qu’on la payait annuelle« m e n t , en hiver, ou au commencement du printems; parce que
« tantôt il a entendu dire à son père qu’il revenait de porter l’avoine
« due pour celte redevance à M. Manaranches, homme d’affaires
« de M. Désaulnats ; tantôt qu’il fallait prendre la jument du
« domaine, et aller porter cette avoine au même M. Manaranches.
Une telle déposition, fondée sur des souvenirs d’une personne
(1) Il y a un autre témoin , le /j1»*, qui <lit avoir vu deux fois les gariles Madceuf et Fa\i¡»ières venir chercher île l’ avoine. Ces parties étaient ceux de l’ Ëtat pendant le séquestre.
lie fait signalerait un abus, non un paiement légal.
�( >5 )
ftgée seulement de huirans lors des ouï-dire qu’elle retrace, une
telle déposition qui s’applique à une cliose qui devait peu fixer
l’attention et frapper l’esprit d’un enfant de liuit ans , peut paraître
assez extraordinaire. Elle surprendra sur-tout si on la compare à
celle du septième témoin de l’enquéle contraire, q u i, étant, à la
même époque, dans le domaine, où il servait comme domestique,
n’a cependant eu aucune connaissance de la redevance, et ne l’a
jamais vu porter.
Au reste , le témoin ne dit pas avoir vu porter l’avoine ; il déclare
seulement avoir entendu dire qu’on revenait de la porter ou qu’il
fallait aller la porter.
O r, quelle confiance aura-t-on dans un simple oui-dire, si l’on
se rappelle celte règle de Loisel : oui-dire va par vdle ; en un
muids de ouï-dire, il n’y a pas de plein. Un seu l œ il a plus de
crédit que d eu x oreilles n’ ont d ’a u d i vi.
Remarquons aussi que s’il était vrai que l’avoine eût élé portée
au sieur Manaranches, celui-ci eût donné une quittance; car elle
eût été nécessaire au fermier pour prouver au propriétaire du do
maine que la redevance avait été acquittée.
O r, aucune quittance n’est produite ; aucune quittance n’a été
trouvée dans les papiers du sieur Bléton père, lors de l’inventah'e
qui en a été fait. (Voir la déclaration du sieur Blélon fils, troisième
témoin de l’enquête contraire).
Remarquons enfin q u e, selon la déposition du témoin, il serait
entré au domaine de la Guièze en 1788 , et y serait resté onze ans ,
c’est-à-dire jusqu’en 1799 ; et que c’est pendant ces onze ans que la
redevance aurait élé portée annuellement au sieur Manaranches,
homme d’ailaires du sieur Désaulnats.
Mais la forêi de Laroche fut séquestrée à la fin de 1792 , à cause
de l’émigration de M. Neyron de la T anière, qui en était seul le
propriétaire apparent ; et depuis le séquestre qui s’est prolongé jus
qu’en 1809, c’est au bureau des domaines qu’aurait été payée la
redevance, si réellement 011 avait acquitté celte charge. O r, il
11’apparaît aucune quittance du receveur, et ses registres de celte
époque ne font mention d’aucun paiement ; c’est en effet ce qu’at-
�( *6 )
teste un certificat délivré à M. Désaulnats, par le receveur des do
maines.
Combien de motifs de suspicion s’élèvent contre cette étrange
déposition ?
Nous en ferons remarquer quelques autres encore dans la partie
de la déposition du témoin , où il parle de l’exercice de l’usage.
L ’autre témoin, Jean Brughal, qui parle aussi delà redevance, nous
apprend qu’il est entré au service du sieur Bléton, il y a trente-sept
ou trente-huit ans, ce qui remonte à 1792 ou 1795, c’est-à-dire à
l’époque même où la forêt de Laroche fut séquestrée, et où elle
cessa, par conséquent, d’être régie par le sieur Neyron-Désaulnats
ou par son homme d’affaires, pour être placée sous l’administration
des agens du domaine.
Cependant ce témoin parle de la redevance, comme l’ayant por
tée une fois à M. Manaranches, qui avait écrit à M. Bléton, pour se
plaindre de ce que son fermier Dufaud avait négligé de la payer.
11 ajoute qu’après la fin du bail de Dufaud, il régit deux ans le
domaine, et porta, ces deux années , l’avoine de la redevance au
sieur Manaranches.
Enfin il déclare que celui-ci lui donna des quittances qu’il remit
au sieur Bléton.
Pour faire apprécier la sincérité de cette déposition, quelques
observations seront suffisantes.
On remarquera, d’abord, sa contradiction avec celle de Léger Du
faud, précédent témoin, qui atteste l’exactitude du service annuel delà
redevance. Mais ce qui est plus digne d’attention, c’est la partie de
la déclaration de Brughal, où il parle de l’avoine qu’il aurait portée
au sieur Manaranches pendant deux années de suite , après l’époque
où le fermier Dufaud avait quitté le domaine.
Ce fermier, entré dans le domaine eu 1788, y était resté 11 ans,
c’est-à-dire jusqu’à 1799.
A lors, depuis long-tems la forêt de la Roche était sous le séquestre
national, et administrée par les préposés de l’Etat, c’est-à-dire par
le sieur Bléton père lui-même, en qualité de receveur des domaines.
O r, c’cst précisément pendant ce tems-là que le témoin, si on
�( 27 )
veut l’en croire, aurait porté de l’avoine , deux années de suite, au
sieur Manaranclies, qui lui en aurait fourni quittance.
Comment expliquer cette assertion? Et quelle confiance avoir
dans des dépositions de témoins qui ont si évidemment altéré la
vérité dans des points aussi essentiels? y/& uno disce omnes.
Le témoin, lorsqu’il a parlé, avait oublié le séquestre national; il
a hasardé tout ce qu’il a cru utile à celui dans l’intérêt duquel il dé
posait. Aveuglé par son propre zèle, il a voulu tromper la justice;
sa déposition est indigne de confiance.
Comment concilier, au reste, ce qu’il atteste sur les quittances
que lui aurait données le sieur Manaranclies , en 1799 et en 1800 ,
avec la circonstance qu’il ne s’en est pas trouve dans les papiers du
sieur Bléton p ere, inventoriés après son décès, quoique cependant
le sieur Bléton fils ait déposé que dans l’inventaire auquel il a pré
sidé , il peu t certifier que rien d’ essentiel n’a été omis , notam
ment des quittances de la redevance dont il est question, qu’il
n'aurait pas manqué d ’y faire comprendre s’ il s’ en f u t trouvé,
et quoique ce témoin irréprochable ajoute qu’il n’ a rien trouvé qui
se rapportât à celte redevance.
Cependant, c’est sur les dépositions de ces deux seuls témoins, que
le sieur Delsuc peut s’appuyer pour la preuve des paiemens de la
redevance.
Puisque toutes les circonstances signalent comme invraisemblables,
et plus que suspectes, ces deux dépositions isolées ; puisque l’allé
gation des deux témoins est démentie par la déclaration d’un grand
nombre d’autres témoins, plusieurs desquels étant au service des
anciens fermiers du domaine , étaient plus à portée de connaître ce
qui s’y passait, et qui n’ont cependant jamais entendu parler de la re
devance ; puisque cette allégation est détruite par le défaut de rapport
de toutes quittances de la redevance, par l’absence aussi d’émarge
ment, dans les registres des receveurs des domaines, de tout paie
ment qui leur aurait été fait, il faut reconnaître qu’il n’est pas prouvé
que la redevance ait été payée ; qu’il n’est pas établi, par conséquent,
que le droit d’usage ait été légalement execule, et qu’ainsi, comme
l’enseigne Fréminville, comme l’ont décidé les motifs de l’arrêt
�( =8 )
interlocutoire , le droit d’usage était éteint en 1809 , lorsque
M. Désaulnats a obtenu la main-levée d’un séquestre que l’erreur
avait fait mettre sur la forêt de Laroche.
Ce premier moyen suffirait au succès de la cause deM. Désaulnats.
Mais on peut y ajouter celui du défaut de délivrance du bois
destiné aux besoins de l’usager.
L ’on se rappelle la doctrine professée par tous les auteurs, établie
par la jurisprudence, adoptée par les motifs foi’mels de l’arrêt
interlocutoire sur la nécessité de la délivrance à faire par le
propriétaire à l’usager; et l’on n’a pas oublié que c’est en consé
quence de ces motifs, que la Cour a soumis le sieur Delsuc à
prouver que l’usage avait été exercé, au v u , au su et clu consen
tement du propriétaire de la fo ret de L a ro ch e, ou de ceucc qu’ il
représente.
O r , en nous fixant sur une longue série d’années antérieures
à 1809, époque de la cessation du séquestre, la preuve ordonnée
a-t-elle été faite ?
De nombreux témoins ont été entendus sur ce fait. Plusieurs
parlent du bois de cliauflagc pris par les fermiers du domaine de la
Guicze. Trois témoins parlent aussi du bois pris pour réparations ;
mais aucun de ces divers témoins 11e dit que le bois était marqué ou
qu’il ait été pris au vu, au su et du consentement du propriétaire.
T ou s, à l’exception de trois, reconnaissent qu’il 11’y avait eu ni
marque ni délivrance. Ils ne se rappellent pas si le bois pris pour
des constructions était marqué.
L ’un des témoins, le sixième de l’enquête contraire , dit qu’avant
la révolution, il a été domestique du sieur Désaulnats, et que celuici, qui était très-facile, laissait prendre du bois à tout le monde,
sans qu’il fût marqué ; il ajoute qu’il 11’a même jamais vu de marteau.
Le témoin dit aussi que, depuis la révolution, la forêt était au
pillage , et que prenait du bois de chauffage et d’usage qui voulait.
V
oilà à quoi se réduisent les preuves de l’exercice du prétendu droit
d’usage, soit avant la révolution, soit pendant son cours. Certes , il
serait dilïîcile d’y reconnaître l’exercice régulier et légal d’un droit
réel ; on 11e peut y voir que des actes de clandestinité, de tolérance,
�( 29 )
ou de voie de fait, qui ne peuvent pas fonder une possession
légitime.
Les témoins ne se rappellent pas davantage d’avoir rencontré le
garde.
Mais il est trois témoins isolés, dont les dépositions doivent
donner lieu à quelques observations.
On remarquera cependant que l’un d’eux, qui est le premier de
l’enquête , ne parle que dubois abbattu ou sec marqué par le garde,
non du marteau du propriétaire , mais seulement d’un coup de
hache; ce qui n’était ni légal ni propre à prévenir les abus de
l’usager ; car la marque d’un coup de hache n est pas fort difficile
à imiter.
Une telle délivrance, à laquelle rien ne prouve que le proprié
taire ait jamais consenti, une délivrance aussi peu soigneuse est
d’autant moins caractéristique d’un fait de possession de l’usager ,
qu’elle pouvait bien être un acte de complaisance du garde , q u i,
à ce qu’il paraît, d’après le témoin lui-même, mangeait de tems en
teins t'hez les voisins de la forêt, et sans doute chez les propriétaires
du domaine de la Guieze.
Le bois de chauffage, dont parle uniquement ce témoin, pouvait
paraître au garde d’une assez faible valeur pour ne pas se faire
scrupule d’en laisser prendre aux fermiers du domaine.
Quant aux deux autres témoins, qui disent que du bois de cons
truction a été marqué par les gardes pour l’usage du domaine, il
est à remarquer que ce soin ces mêmes deux témoins qui ont déposé
avec tant de complaisance sur le fait du paiement de la redevance ,
et dont il est impossible de ne pas considérer comme suspectes
autant qu erronnées les deux obligeantes dépositions.
L ’un de ces témoins, Léger Dufaud , entré dans le domaine
en 1788 , et qui en est sorti en 1 799, déclare que trois à quatre ans
avant sa sortie , du bois de construction fut délivré et marqué par
le nommé Tallet, garde de M. Désauliiats, pour réparer le sol de
la grange du domaine.
On reconnaîtra que cette déposition est d’une étrange vérité, en
remarquant, d’une part, qu’à l’époque signalée, le domaine était
�( 3° )
sous le séquestre national, et par conséquent sous la surveillance des
gardes forestiers de l’État, et en apprenant aussi que ce Tallet était
alors mort depuis plusieurs années ; il avait été assassiné, dès 1792,
dans la forêt même de Laroche; l’acte de son décès le prouve.
L ’aulre témoin, Jean Brughal, entré au service de M. Blélon, en
1792 ou en *795, c’est-à-dire au commencement du séquestre,
prétend aussi que dans le cours des onze ans de son service, des
arbres furent délivrés et marqués par les gardes , pour réparer une
grange abattue, et ce sur la demande de M. Bléton, et sur l’autori
sation du sieur Manaranches, agent d’affaires de M. Désaulnats. Et
cependant cet agent d’affaires n’avait évidemment aucune autorisa
tion à donner durant un séquestre, pendant lequel c’était le sieur
Bléton lui-même , qui, comme receveur des domaines, régissait la
forêt séquestrée.
On voit combien peu sont dignes de confiance ces dépositions
isolées, sur lesquelles cependant s’appuierait toute la preuve de la
délivrance exigée par la lo i, pour l’exercice légal du droit d’usage.
Ainsi l’on doit reconnaître que celte preuve n’est pas faite , et que
rien n’établit que ceux que représente le sieur Delsuc aient exercé
ce droit, avant 1809 , au v u , au su et du consentement clupro
priétaire de la forêt.
Et cependant l’arrêt a exigé celte preuve ;
Et cependant le sieur Delsuc s’y était soumis.
Donc, puisqu’il n’y a pas satisfait, sa réclamation doit être rejetée,
parce que son droit s’est éteint, faute du paiement de la redevance,
ou pour ne pas avoir obtenu du propriétaire de la forêt la délivrance
du bois qui lui était nécessaire, o u , enfin , pour ne pas avoir usé de
son d roit, au v u , au su et du consentement de ce propriétaire.
Le sieur Dclsuc argumenterait-il des délivrances qui lui ont élé
faites pendant la durée du séquestre ?
L ’argument tomberait devant quelques observations.
Ces délivrances ont toutes été provisoires seulement; toutes ont
été faites avant que les titres et les droits des usagers eussent été
examinés et confirmés par le conseil de préfecture ; toutes émanent
d’un inspecteur, trop instruit pour ne pas savoir qu'il n’était pas
�appelé à régler les droits et à être le juge de la validité des titres,
ni de la conservation ou de l’extinction de l’usage. Ces délivrances
précaires ne peuvent donc être d’aucune influence dans la cause ;
elles sont d’autant moins justificatives de l’usage, que dans les proccsverbaux même qui les contiennent, l’inspecteur forestier a eu la
prudence de faire , au profit du Gouvernement, telles réserves et
restrictions de droit} s i le cas y échet, est-il dit, après le jugement
qu’aura prononcé le conseil de préfecture sur les diverses pro
ductions de titres faites par les usagers.
Ainsi les délivrances provisoires laissent intacts les droits res
pectifs ; et si le droit d’usage n’avait jamais existé , ou s’il n’existait
plus, ces délivrances ne lui ont pas donné la vie.
O r , nous avons prouvé que, dès avant 1809 ou même dès avant
1789, le droit fort équivoque d’ailleurs du sieur Bléton, ou de ses
prédécesseurs, avait été anéanti, parce que jamais il 11’avait été lé
galement exercé, et que jamais il 11’avait été accompagné du paie
ment de la redevance qui en était le prix. Ce prétendu droit ne gre
vait donc plus la forêt de Laroche, lorsqu’à la fin de 1809, cette
forêt fut rendue à M. Neyron-Désaulnats, son ancien propriétaire.
Pour le faire revivre, il eût fallu à l’usager, ou un nouveau titre,
ou une possession légale de trente ans. Le sieur Dclsuc peut-il in
voquer l’un ou l’autre des deux moyens ?
Examinons ce qui s’est passé depuis 1809.
Lorsque M. Désaulnats recouvra sa forêt, un grand nombre de
personnes se présentèrent à lui comme usagers. Leurs droits
n’étaient pas établis, mais ils en certifiaient l’existence; ils disaient,
les uns, avoir égaré leurs titres , les autres les avoir déposés au
secrétariat de la préfecture; tous promettaient d’en justifier inces
samment ; beaucoup d’enlr’eux avaient reçu , pendant la durée du
séquestre, quelques délivrances provisoires qui pouvaient être
considérées comme un indice de leurs droits.
Le sieur Désaulnats, qui, privé depuis près de vingt ans de sa
propriété , n’en connaissait pas bien ni les droits ni les charges ,
pouvait-il se montrer trop sévère dans ces premiers teins? il eût
�( 3 0
craint d’ètre injuste. Il crut donc devoir accorder du bois en atten
dant qn’il pût vérifier les titres.
Parmi les réclamans était M. Bléton, alors propriétaire du
domaine de la Guièze. M. Bléton et M. Désaulnats avaient
entr’eux des relations créées et entretenues par un bon voisinage et
par des circonstances qui se rattachaient môme à la main-levée du
séquestre.
M. Bléton avait aussi obtenu des délivrances provisoires.
M. Désaulnats ne pouvait pas être rigoureux à son égard.
Mais il entendait que le provisoire ne serait maintenu définitive
ment qu’après la vérification des titres et des droits.
Le domaine de la Guièze ayant été vendu, et le sieur Delsuc en
étant devenu propriétaire, le sieur Delsuc qui avait journellement
avec le sieur Désaulnats des relations d’affaires , le provisoire se
prolongea entr’e u x, mais aussi sous la promesse réitérée que des
titres justificatifs seraient produits , examinés et appréciés, et sans
que, de part ni d’autre, on entendît, l’un s’attribuer, l’autre concédef
un droit définitif.
C ’est par suite de ce provisoire, que quelques setiors d’avoine
ont été portés à différentes époques, à Saint-Pardoux, chez le sieur
Désaulnats , presque toujours en son absence, par les métayers ou
fermiers de la G u ièze, les sieurs Bléton et Delsuc ayant voulu sans
doute envoyer cette légère indemnité pour le bois qu’ils recevaient
de teins en tems. Si des reçus n’ont pas été donnés, c’est parce que
le sieur Désaulnats était rarement présent lors de la remise de
l’avoine , ou qu’on ne lui en demandait pas; car il en aurait donné
sans difficulté, niais en expliquant dans les quittances les intentions
communes, et en se faisant les réserves nécessaires (i).
Ainsi se sont écoulées quelques années, pendant lesquelles une
confiance réciproque n’a pas permis de penser à prendre aucune
précaution contre les conséquences que l’on veut tirer aujourd’hui
de ce provisoire.
( i)C e p e n d a n i, peu <le lenis après l'acquisition du sieur Delsuc, le sieur Désauluals refusa
une quittance au fermier de celu i-ci, qui la demandait pure et simple.
*
�( 33 )
Mais enfin cela devait avoir un terme : des titres attributifs ou
conservatifs du prétendu droit, des titres formels n’étant pas pré
sentés , le sieur Désaulnats a refusé du bois , et alors est né le
procès.
Aujourd’hui, qu’a prouvé le sieur Delsuc, par son enquête? Que
du bois lui avait été accordé à différentes fois; qu’il avait aussi été
porté de l’avoine chez le sieur Désaulnats.
Mais tout cela était déjà connu dans la cause. Tout cela avait été
déclaré par le sieur Désaulnats lui-même dans son interrogatoire,
sauf les exagérations de certains témoins , q u i, comme ce n’est que
trop le malheureux usage, sont allés au-delà de la vérité , soit par
infidélité de mémoire, soit par toute autre cause.
Rien donc de moins important que cette partie de l’enquête. Car
ce n’est point pour des faits postérieurs à 1809, pour des faits déjà
constans dans la cause, que l’enquête avait été ordonnée par la Cour;
elle eût été absolument inutile. C ’est pour les faits antérieurs, c’est
pour la preuve du paiement de la redevance et de la délivrance légale,
soit avant 180g, soit avant 178g, que l’enquête a été jugée nécessaire,
parce que les faits étaient allégués avec insistance par le sieur Delsuc,
qui présentait à l’appui de ses allégations des baux qui pouvaient
leur prêter quelque appui.
Et cependant nous avons vu combien peu les allégations avaient
été justifiées, nous avons vu même que des baux plus anciens encore,
auxquels se rattachait la vente du 27 mai’s 17 58 ^ démontraient que
le droit d’usage réclamé 11’avait pas été vendu au sieur Burin, et
que celui-ci n’avait p u , en conséquence, le transmettre au sieur
Bléton ; nous avons vu enfin que ce prétendu droit n’avait jamais été
légalement exercé par la famille Burin et Bléton, et que , lorsqu’on
supposerait même que quelquefois du bois aurait été pris par leurs
métayers dans la forêt de Laroche, c’eût été sans que la délivrance
en fût faite, sans que cette délivrance s’opérât par l’cmpreiute du
marteau du propriétaire, et sans même que le prétendu usage eût
été exercé au v u , au su et du consentement du propriétaire de
la forêt, comme 011 avait offert de le prouver.
Dans de telles circonstances, le droit ayant été depuis long-tems
5
�(3 4 )
anéanti, pourrait-on considérer les faits postérieurs à 1809, comme
l’ayant fait renaître ?
Non , sans doute, à moins qu’un nouveau titre émané du proprié
taire ne l’eût renouvelé, ou qu’une possession trentenaire et légale
ne put tenir lieu d’une concession nouvelle.
Nous disons une possession légale; c’est-à-dire une possession
continue , non à titre précaire, mais à titre de propriétaire du droit,
une possession caractérisée par le paiement de la redevance et par
des délivrances annuelles faites par le propriétaire de la forêt, une
possession, enfin, qui se fût prolongée pendant tout le tems nécessaire
pour acquérir la servitude, c’est-à-dire pendant les trente ans que la
loi exigeait pour suppléer au nouveau titre.
O r, c’est évidemment ce que n’ofire pas l'enquête.
Nous avons déjà indiqué le résultat des dépositions relatives aux
faits antérieurs à 1809; et nous avons vu qu’elles n’établissaient rien
de positif en faveur du prétendu usager.
Quant aux faits postérieurs, quelque caractérisés qu’ils fussent,
ils seraient insuffisans pour rendre l’existence à un droit d’usage
antérieurement éteint, puisque ces faits ne remonteraient pas, à
beaucoup près, aux trente ans nécessaires pour acquérir le droit
par la prescription.
Mais parcourons ce que disent les témoins sur ce qui s’est passé
depuis 1809.
Le cinquième témoin de l’enquête directe parle d’un seul fait de
délivrance de bois, marqué, dit-il, par le sieur Désaulnats ou
Micliel, son domestique. Le témoin ne peut cependant affirmer la
présence de M. Désaulnats.
Le sixième témoin déclare que son père, fermier pendant deux
ans et demi à la G uièze, prit pendant deux années du bois de chauf
fage ; il le prit sans qu’il lui fût marqué ; il ne dit pas même que ce
fût du consentement du propriétaire. Il ajoute qu’il ne remit pas
d’avoine la première année ; qu’il en remit un setier la seconde,
parce qu’un garde nommé Guest refusa de lui délivrer du bois, s’il
ne payait pas cette redevance.
Cette déposition indique le peu d’exactitude du pVétendu paie
ment de la redevance , et fait voir qu’en supposant l’existence du
�( 35 )
d roit, le propriétaire de la forêt, qui n’avait aucun moyen d’exiger
la redevance, aurait été absolument à la discrétion de l’usager de
qui il dépendait de payer ou de ne pas payer cette redevance, selon
qu’il lui aurait plu de prendre du bois ou de s’en abstenir.
On doit conclure de là qu’un tel usage était nécessairement pré
caire ; carie propriétaire ne pouvait pas être lié, si l’usager ne
l’était pas lui-mêine. Si donc il y a eu quelquefois des délivrances
de bois et des paiemens momentanés de redevance , cela ne pouvait
être que provisoire, comme l’a déclaré M. Désaulnats.
Le septième témoin, dont la déposition a des vai’iations, parle
du refus que lit, dans une circonstance, M- Désaulnats, si on ne
lui payait pas de redevance. Il dit qu’il porta un setier d’avoine, et
qu’alors on lui donna du bois de chauffage.
11 parle aussi du bois de construction reçu par M. Bléton ; il
ignore par qui ce bois fut marqué et délivre.
D ’autres témoins parlent encore de bois de chauffage, et quelquesuns de bois de construction, qui aurait été pris dans la forêt. Peu
de témoins seulement disent que ce bois leur était délivré. Un d’eux
déclare qu’il était marqué à l’avance. Le neuvième dit avoir, la
première année, demandé du bois de son propre mouvement,
INI. Delsuc ne lui ayant pas donné d’ordre, parce qu’il n’avait pas de
titre.
Plusieurs disent aussi avoir porté de l’avoine. Aucun n’a reçu de
quittance. Le dixième dit en avoir demandé une fois, de crainte
que M. Blcton n’en exigeât.
11 est bien certain que le sieur Désaulnats se serait empressé à
donner cette quittance, mais en y insérant les conditions et les ré
serves nécessaires.
L ’on remarquera que la plupart des témoins qui parlent d’avoine
par eux portée au sieur Désaulnats avaient été les fermiers des
sieurs Bléton ou Delsuc, et qu’ils déposent en quelque sorte dans
leur propre cause sur le fait de l’avoine, s’ils s’en sont fait tenir
compte, quoiqu’ils ne l’eussent réellement pas remise à M. D é
saulnats.
Le dixième témoin de l’enquête directe dépose d’un fait qui
prouve combien le sieur Delsuc doutait lui-même de la réalité du
f/5
�( 3 6 )
droit d’usage qu’il réclame. Il avait des réparations à faire à sa
maison du domaine de la Guièze ; et, au lieu de se faire délivrer du
bois par. le sieur Désaulnats, il en prit dans une forêt dont il est luimêine propriétaire, appelée Bois de la Jarrige.
Ce fait est aussi attesté par le cinquième témoin de la continuation
de l’enquête directe, et par le deuxième témoin de la continuation
de l’enquête contraire.
Le onzième témoin, aussi fermier à la Guièze, demanda un jour
à M. Désaulnats de la rame pour clore les héritages. Le sieur Dé
saulnats lui dit ne pas en avoir, mais lui permit de prendre des
écoudards ou des croûtes de rouleau, enlevées par la scie.
Tous ces faits annoncent la facilité du sieur Désaulnats, tant qu’on
n’exigeait pas du bois de lui à titre de droit, tant qu’il espérait qu’on
justifierait enfin des titres annoncés.
Cette facilité, il la montrait à l’égard de plusieurs autres habitans
des lieux qui, cependant, n’avaient aucun droit d’usage. C’est ce
qui aurait été clairement démontré par l’enquête, si le sieur Delsuc,
a qui la connaissance de cette vérité de fait paraissait dangereuse s
ne s’était pas opposé aux interpellations que le sieur Désaulnats a
voulu faire faire sur ce point à plusieurs des témoins même de l’en
quête directe, notamment au prem ier, au cinquième et au huitième
témoins.
Le sieur Désaulnats désirait que l’on demandât aux témoins s’il ne
leur avait pas fait à eux-mêmes et ci d'autres personnes des déli
vrances de bois, sans qu’ elles eussent des droits d’uscige dans
la fo r ê t, et sans même en exiger de paiement, mais seulement
par des considérations de bon voisinage.
La question n’a pas été faite, parce que le sieur Delsuc s’y est
opposé, sous prétexte qu’elle ne se rattachait pas directement aux
faits retenus par l’arrêt.
Cependant un fait semblable est rapporté par les 4 e et 5®témoins
de l’enquête contraire. Il s’applique au noimné Antoine Gardelle,
qui , pendant le séquestre, avait été compris dans le tableau des
usagers auxquels l’inspecteur forestier avait fait des délivrances pro
visoires. Quoique ce Gardetle n’eût pas trouvé le titre,qu’il annon
çait , M. Désaulnats lui a délivré provisoirement du bois, cl cela,
�C 37 )
pendant plusieurs années ; et il a reçu aussi de lui la redevance qu’il
disait devoir. Mais le droit n’étant pas justifié, la délivrance à cessé.
C ’est ce qu’attestent, soit Gardette lui-même, soit le témoin qui
lui succède.
L ’exemple de Gardette est absolument conforme à ce qui s’est
passé avec le sieur Delsuc. Pour l’un comme pour l’autre, le sieur
Désaulnats a été officieux et facile ; pour l’un comme pour l’autre, il
n’avait entendu faire qu’une concession provisoire ; pour l’un comme
pour l’autre , il avait été convenu que l’usage cesserait si des titres
justificatifs et conservatifs du droit n’étaient pas rapportés. La con
vention a été exécutée à l’égard de Gardette; le provisoire a même
été interrompu. Le sieur Delsuc , au contraire , veut le rendre dé
finitif.
Y
parviendra-t-il? lui qui n’a acquis aucun droit d’usage par
l’adjudication de 1819, et qui 11’a aussi été chargé d’aucune rede
vance indicative d’un tel droit ; lui dont les prédécesseurs même
en propriété, les sieurs Burin et Bléton, n’avaient également acquis
aucun droit de ce genre, puisque la vente de 1758 11’en énonce pas,
et que le bail de 1750, auquel cette vente se réfère, écarte même
l’idée de tout droit d’usage attaché au domaine vendu ; lui qui n’a
pas prouvé que ce droit d’usage eût été légalement exercé dans
aucun tems, ni avant ni depuis 1789, puisqu’il 11e rapporte aucune
quittance du paiement de la redevance qui en était le p rix , puis
qu’il n’est pas établi qu’il ait été fait jamais de délivrance par le pro
priétaire au prétendu usager, ni même que celui-ci ait exercé ce
droit, au v u , au su et du consentement du propriétaire de la
foret ; lui enfin qui voudrait profiter d’une tolérance, d’une com
plaisance de bon voisinage , pour s'attribuer sur le sieur Désaulnats
un droit onéreux, 1111 droit q u i, en supposant même qu’il eût existé
dans le dix-septième siècle, aurait depuis long-temps été anéanti par
* la renonciation tacite de l’usager; celui-ci, à une époque où le bois
était sans valeur, ayant sans doute voulu s’affranchir de la redevaucc
annuelle qui en était le prix.
La réclamation du sieur Delsuc doit donc être rejetée.
Mais en supposant qu’il eût un droit d’usage sur la forêt, exami
nons en quoi ce droit devrait consister.
�(38
)
S iii.
Quels seraient l’objet et l’étendue du droit d’usage ?
C ’est dans le titre constitutif d’un droit d’usage qu’on doit re
chercher et cet objet et cette étendue.
Le sieur Delsuc présente deux titres, l’un du i 3 janvier i 56 i ,
l’autre du 17 décembre i 634 *
Nous avons démontré déjà que l’acte de i 56 i était étranger à la
cause ; qu’applicable seulement aux propriétés que Jean Fumât
possédait alors au village Del Mas Del Tourres, il ne pouvait être
invoqué pour un domaine situé au village de la G uièze, dont il 11e
parle pas.
C ’est donc sur l’acte seul de 1634 q116 l’on
se fixer, en con
sidérant même comme concédé valablement et à perpétuité le droit
d’usage qui y est énoncé.
O r , que porte cet acte? L ’investison de la forêt de Laroche en
faveur de Jean Fumât, pour son usage des maisons, pour ses ténemens des 'villages de la Guièze et Pissol, soit pour son chauf
fa g e et réparations , qu’ il pourrait fa ire dans lesdits ténemens.
II est inutile de nous occuper du village de Pissol, où le sieur
Dclsuc ne possède rien des anciennes propriétés de Jean Fumât (1).
Le village ou le ténement de la Guièze sont seuls à considérer,
parce que ce village ou ténement est dans la cause le seul objet du
droit réclamé.
Quant à l’étendue du droit, il est fixé par les termes mêmes de
l’acte : pour chauffage et pour réparations, y est-il dit.
O r c’est un principe élémentaire, que celui à qui une servitude
est due, ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir rien
faire pour l’aggraver (argument de l’article 702 du Code civil).
Ce principe s’applique notamment aux droits d’usages dans les
bois. L ’usage accordé pour une maison ne peut être étendu à plu
sieurs. L ’usage attribué à une mélaii’ie ou à un domaine ne peut être
(1) Les representans des Fumât) quant au domaine de Pissol, n'ont jamais considéré
JUcLe
de i 63 4 comme leur attribuant aucun droit d'usage,
�( 3g )
réclamé .que pour ce domaine , et seulement tel qu’il existait au mo
ment de la concession ; il ne peut être étendu à de nouveaux bàtimens , à de nouvelles propriétés qui auraient été réunies à l’ancien
domaine ; car ce serait évidemment aggraver la condition du fonds
dominant, c’est-à-dire du propriétaire de la forêt.
Toutes ces vérités élémentaires sont professées comme telles par
tous les auteurs qui se sont occupés de servitudes comme par tous
ceux qui ont traité des droits d’usage dans les bois.
Le sieur Delsuc paraît cependant les méconnaître; car le domaine
de la Guièze, pour la totalité duquel il réclame un droit d’usage ,
est beaucoup plus considérable aujourd’hui qu’il ne l’était en 1654.
En effet, les baux produits par M. Désaulnats, ces baux anté
rieurs à la vente faite le 29 mars 1768, par la demoiselle Fumât au
sieur Burin, tous ces baux nous apprennent que, des 1729, le sieur
Fumât avait réuni dans la main du même fermier à son domaine de
la G uicze, tous les héritages dépendant d’un autre domaine
appelé d’ A u za t, appartenant aussi au sieur Fumât. C’est ce
qu’on lit dans les baux des 4 avril 1729, 5 omai 1755, 17 mars 1750.
Et remarquons que le sieur Burin acheta en 1758 ces deux
domaines ; car la vente lui en fut faite en se référant au dernier bail
du 17 mars i j 5o.
Ainsi, ce n’est plus seulement pour le petit domaine primitif de
la Guicze que le droit d’usage est réclamé; c’est pour un gros
domaine qui s’est accru notamment de l’augmentation de tous les
héritages qui formaient autrefois le domaine distinct appelé d’Auzat.
D’autres adjonctions ont aussi été faites à cet ancien domaine par
des acquisitions successives qui embrassent la totalité du tellement
de la Guicze. Autrefois il existait un village dans ce tellement. Ce
village est rappelé dans l’acte même de i 634 - Dans ce village, se
trouvaient nécessairement plusieurs habilans ; car on ne donne pas
le nom de village à une propriété isolée. Ce nom 11e convient qu’à
une agglomération d’habitations. Les divers habilans devaient avoir“
chacun la propriété d’une portion quelconque du ténement. Le
contraire ne peut se supposer, sur-tout pour un pays de montagne.
Or aujourd’hui le ténement entier est la propriété du sieur Delsuc.
�( 40 )
Aujourd’hui tous les bâtimens qui sont sur ce ténement lui appar
tiennent; et c’est pour le ténement entier, c’est pour la totalité de
ces bâtimens qu’il réclame le droit d’usage en litige, sans remarquer
que nécessairement aujourd’hui il y a plus de bàtimens pour ce
domaine qui a reçu et qui reçoit encore de grands accroissemens,
qu’il n’en fallait pour les besoins du petit domaine que possédait
Fumât en i 634 Nous disons que ce domaine reçoit encore des accroissemens ;
c’est ce que nous apprend môme le onzième témoin de l'enquête
directe, qui parle d’un pré et d’une terre récemment acquis par le
sieur D elsuc, qui en a défriché, dit-il, trois septerées.
Il est fort bien, sans doute, que M. Delsuc augmente ses pro
priétés ; mais il ne serait pas juste que cette augmentation aggravât
le droit d’usage dû à l’ancien domaine, et que le sieur Désaulnats
dut fournir tous les bois nécessaires, soit à construire, soit à réparer
des bâtimens qui ont dû être augmentés dans la proportion de l’aug
mentation des héritages annexés au domaine.
Une autre observation est également digne d’attention.
Le sieur Delsuc a acquis avec le domaine de la Guicze quaranteune tètes d’herbages de la montagne de Montaigut. Ces quaranteune têtes d’herbages, il les fait consommer, en été, par des bestiaux
qu’il loge, en hiver, dans les bâtimens de son domaine de la Guièze;
et l’on conçoit que pour loger cette quantité assez considérable de
bestiaux étrangers aux besoins du domaine, il lui faut des bâtimens
plus vastes.
Les bâtimens ont dû même recevoir une grande augmentation
dès le tems où l’on avait réuni à l’ancien domaine, non-seulement
tous les héritages dépendant du domaine d’Auzat, mais encore
trenle-deux lêtes d’herbages de la montagne de Montaigut ; et celle
double réunion remonte au moins à 1729, ainsi que le constate le
bail de celte époque.
Comment pourrait-on soumettre le sieur Désaulnats à souffrir un
usage que l’on étendrait ainsi à tous les besoins que produisent et à
tous les bâtimens qu’exigent des accroissemens qui "ont plus que
�(4 0
double l’ancien domaine, et qui aggraveraient ainsi de plus du
double l’ancien droit concédé par l’acte de 1654 *
Telle est pourtant la prétention du sieur Delsuc. C’est, ce qu’an
nonce au moins la demande en délivrance qui a été l’origine et la
cause du procès actuel.
Par les actes qui ont précédé ou introduit l’instance, le sieur
Delsuc a déclaré qu’il était sur le point de construire un bâtiment
dans le domaine de la Guièze ; il a prétendu avoir le droit de prendre
dans la foret de Laroche le bois nécessaire à cette construction, et
il a demandé qu’on lui en délivrât la quantité suffisante pour un bâ
timent d’une longueur de 26 mètres 32 centimètres, ou 78 pieds,
et d’une largeur de 11 mètres , ou 53 pieds.
L ’acte de 1654 ne l’autorisait, sous aucun rapport, à faire une
telle réclamation.
En effet, i° l’ancien domaine de la Guièze, tel qu’il existait en
i 6 3 4 , avant tous les accroissemens qu’il a reçus, notamment en
1729, n’avait pour tout édifice qu’un seul bâtiment sous le même
toît, dont une partie servait de logement au fermier, et une autre
partie d’établerie ; la partie supérieure de cette établerie formant la
grange, ainsi que cela est d’usage sur les lieux. Ce bâtiment suffi
sait aux besoins d’un domaine alors peu considérable, et où l’on
ne plaçait ni les bestiaux nécessaires à l’exploitation du domaine
d’Auzat, ni ceux qui consomment, l’été, les têtes d’iierbages que
l’on a réunies au domaine.
Le sieur Delsuc, au moment actuel, a , dans le lénement de la
G u ièze, beaucoup plus de bâtimens qu’il 11e lui en faudrait pour
l’exploitation de l’ancien domaine. S’il lui plaît de faire de nouvelles
constructions dans ce ténement, il n’a pas le droit d’exiger de
M. Désaulnats qu’il lui en fournisse les matériaux; car, en supposant
même que le titre parlât de bois de construction, il est certain que
cela ne pourrait s’entendre que pour les bâtimens nécessaires aux
besoins du domaine, tel qu’il existait autrefois, et non pour ceux
d’un domaine beaucoup plus considérable.
a0II est à remarquer même que l’acte de 1634- n’accorde pas de
droit d’usage pour des constructions à faire ; il ne parle de bois que
�( 4* )
pour chauffage ou pour réparations. Une telle concession ne s’ap
plique évidemment pas à des constructions nouvelles et à des cons
tructions aussi considérables que celles que veut faire le sieur Delsuc.
Réparer n’est pas construire ; ce n’est pas établir de nouveaux biitiinens, c’est seulement entretenir les anciens.
La demande en délivrance du sieur Delsuc a donc été peu réflé
chie ; et l’on doit penser que s i, au lieu de s’appuyer comme il l’a
toujours fait, sur l’acte de i 5G i qui ne s’applique pas au domaine
de la Guièze, il se fût fixé sur le seul titre qui parle de ce domaine,
sur l’acte de i 634 » sans doute il aurait reconnu qu’il n’élait pas au
torisé à demander du bois pour construire , aux dépens du sieur
Désaulnats, un vaste bâtiment de 78 pieds de longueur sur 33 pieds
de largeur, et que le droit d’usage qu’avait obtenu Jean Fumât, ce
droit d’usage limité, soit par les termes même de l’acte, soit par le
peu d’étendue et de valeur du domaine de la Guièze, lors de la
concession, lui permettait seulement de réclamer du bois pour ré
parer la seule maison désignée dans l’acte de concession, où il n’est
parlé ni de grange ni d’autre édifice, ni même du droit de bâtir ou
de construire.
On le voit donc : le sieur Delsuc s’est fait illusion ; sa demande
en délivrance est contraire au titre même qu’il invoque ; cette de
mande, qui est cependant le fondement de tout le procès actuel,
devrait donc être rejetée , même lorsqu’il ferait considérer le droit
d’usage porté par l’acte de i 63 /|. comme lui ayant été réellement
transmis, et comme ayant été légalement conservé. Il devrait suc
comber dans l’action qu’il a formée, sauf à lui à user, dans la suite,
conformément et dans les limites de l’acte de i 634 >du droit d’usage
que cet acte confère.
T el serait, sans doute, clans l’instancc actuelle, le sort de la ré
clamation hasardée par le sieur Delsuc , lors même qu’on lui recon
naîtrait un droit d’usage.
Mais ce droit lui appartient-il? lui a-t-il été vendu? avait-il été
vendu au sieur Burin en 1758?
C ’est ce que la lecture des ventes ne permet pas de supposer.
En 1758, le sieur Burin achète le domaine de la G u icze, tel qu’il
�( 43 )
_ ctait designé dans un bail de 1750, tel qu’en jouissait l’ancien fermier.
O r, le bail était muet sur le droit d’usage, et le fermier n’en jouissait
pas.
En 1819, le duc de Castries devient adjudicataire du domaine;
et peu de tems après il le revend au sieur Delsuc; et l’adjudication
et la revente sont silencieuses aussi sur le droit d’usage et les rede
vances.
On n’en sera pas surpris, si l’on se rappelle les faits, et si l’on
reconnaît, en remontant à un siècle et plus , qu’il n’existe aucune
trace du paiement de la redevance ; que l’exercice légal du droit
n’est pas prouvé ; qu’aucune possession , caractérisée par une dé
livrance faite à l’usager, n’a été établie.
Ainsi, le sieur Delsuc veut obtenir ce qui ne lui appartient pas ;
il veut se procurer un bénéfice auquel il 11 a pas droit. C erlat de
lucro captando.
' Le sieur Désaulnats, au contraire, refuse de payer ce dont il n’est
pas débiteur. Il résiste à un droit d’usage, dont l’unique prix aurait
été une redevance annuelle que l’usager n’a pas servie; à un droit
dont sa foret n’est pas grevée ; à un droit dont elle aurait été af
franchie, par le fait de l’usager lui-même, depuis plus d’un siècle; à
un droit, enfin , auquel 0n voudrait même aujourd’hui donner une
extension arbitraire. L e sieur Désaulnats veut éviter une perte :
C ertat de damno vitando.
Quelle est celle des parties que la justice et l’équité protègent ?
NEIRON D E SA U L N A T S.
M e ALLEM AM D, Avocat.
M® MARIE , Avoué-licencié.
RI O M , de l'imprimerie de S A L L E S
fils
,
près le Palais de Justice.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Neyron-Desaulnats, Jean-Marie. 1828?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Neiron des Aulnats
Allemand
Marie
Subject
The topic of the resource
droit d'usage
séquestre
biens nationaux
bois
coupe de bois
droit de chauffage
pacage
droit de bâtissage
eaux et forêts
émigrés
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Jean-Marie Neyron-des Aulnats, propriétaire, habitant au lieu de Saint-Genès, appelant d'un jugement par défaut, rendu au tribunal civil d'Issoire, le 27 juillet 1827 ; contre M. Jacques Delsuc, propriétaire et ancien notaire, habitant du lieu de St-Pardoux-Latour, Intimé.
Table Godemel : Usage (droits d') : 2. dans la contestation relative à un droit d’usage de prendre des bois de construction dans les forêts de la Malguièze et de Laroche appartenant au sr Désaulnats ; celui-ci prétend que ce droit ne résulte pas des titres produits, ni de la possession ; qu’il serait éteint par non usage ; et que, dans tous les cas, il ne pourrait être éxigé pour la réparation ou reconstruction de la grange qui fait l’objet de la contestation, parce qu’elle n’aurait été construite qu’après l’acte de concession du 17 décembre 1764, et après diverses augmentations faites au domaine de la Guièze, qui appartient à Delrue ; demandeur en délivrance. Quid ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie De Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1828
1561-1828
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2712
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2714
BCU_Factums_G2710
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53549/BCU_Factums_G2712.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Tour-d'Auvergne (63192)
Auzat (domaine d’)
Lagièse (domaine de)
La Roche (forêt de)
Pissols (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens nationaux
bois
Coupe de bois
droit d'usage
droit de bâtissage
droit de chauffage
eaux et forêts
émigrés
pacage
séquestre
témoins
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A CONSULTER,
SUIVI DE CONSULTATION.
�v' G E N E A L O G I E
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C O T É
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P A T E R N E L .
Guillaum e P a s t i e r ,
M arguerite Pastier,
à
sœur de G u i ll a u m e ,
à
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de~J àteiu/
ÇiÆezi~^ tPadiei/-, j3tètte~^>
G É N É A L O G I E
Gilberte P ra lo is ,
DES
P R A L O I S ,
CO TÉ
M A T E R N E L .
A nn et-G ab riël P ra lo is , frère de G ilb erte ,
à
Gilbert Delesvaux.
M arie-M agdelaine A y m é .
Gilbert Baudon.
M arie
C lau d e P a s tie r ,
M arie
à
M arie D elesvaux.
Claude Pastier.
Nota. Po in t d’ héritiers
du côté des D e le s v a u x .
J . - B . Bouchard.
i.
2.
3.
Ann et ,
Marie,
N .......P ra lois,
prêtre,
à
à
à Senat.
N ....... Lucas.
N ....... Maudosse.
Etienne Debar.
N ....... Dubuisson.
Marie
G ilb e r te ,
A n t o in e - M a r ie n ,
M a g d e la in e ,
ù
à
à
à
N ,... Delesvaux.
Jean M urgheon.
Françoise Delafaye.
A ntoine Montpied.
M arie,
Jean A lexa n d re ( * ) ,
F rançolsc-G abriclle ,
N ....... M o n tp ie d ,
à
à
h
à
N > L o iie l Guilluis.
Denise Bouchard (*).
J.n-M ichel P a illa rd .
5.
M arie-A n n e,
N .......Pralois,
à
Gilbert •
I.
2.
Gilbert Pastier,
M arie-Francoise
p r ê tre ,
( f sans postérité ) ,
.
de eu,jus
D en ise (*)
J .-A l. Murgheon (*)•
de eu ju s.
à
M icIieUGilbert Ju ge.
N .......Gobet.
�- J^aéüeu
G IE
D ES
P R A L O IS ,
COTÉ
M A T E R N E L .
Annet-G abriël P ra lois, frère de G ilb e r le ,
Guili
M arie-Magdelaine A y m é .
N..
Gl¡
3.
4-
5.
M arie-A nne ,
N .......Pralois,
à
à
à
N ...... Maudosse.
Etienne Debar.
N ....... Dubuisson.
G i lb e r te ,
A n to in e-M a rien ,
M ag d e la in e,
N .......Pralois j
Ma
lucas.
à
G
•svaux.
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i uilluis.
à
Jean Murgheon.
Françoise Delafaye.
Antoine Montpied.
Jean A lexa n d re ( * ) ,
Françoisc-GabrlcUe,
N ....... M ontpied,
à
h
à
Denise B ouchard (*).
J.»-M ichel P aillard.
N ...... Gobe».
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M E M O I R E
A CONSULTER,
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SUIVI DE CONSULTATION,
POU R
Dame
DEBAR,
F r a n ç o is e -G a b r ie lle
J ea n - M ic h e l
d a m e héritière
PA ILLA R D ,
de
défunt
son
G ilb e r t
et le sieur
mari , ladite
PASTIER ,
prêtre ;
CO N TR E
L e s prétendant droits à la succession d u d it d éfu n t
G ilbert
M
a
d
a
m e
défunt Gilbert
nouvellement
P A S T IE R .
Paill a rd , née D e b a r , est- héritière de
Pasti e r , ancien curé de Charroux ,
décédé.
Elle
réclame c e tte hérédité
î^iiA
u
�'CULX
( 2 )
en ver! 11 de la disposition de son contrai de m aria ge ,
et c o m m e parente dans la ligne maternelle.
11 se présente d’autres héritiers de plusieurs sortes,
les uns en vertu des dispositions contenues en leur
contrat de mar iage, un autre en vertu d ’un testament
olographe du défunt.
P ° ur apprécier le mérite de ces réclamations di«^¿»Sj'erses, il faut
«»¿t?;
faire connaître l ’état de la famille ,
contrats de mariage sur lesquels on appuie
des
-k - ^ p r é t e n t i o n s et le testament lui-même.
O n voit par la généalogie c i - c o n t r e , que Gilbert
Pastier de cu jtis , n ’a laissé des parens q u ’à un
degré assez éloigné.
O n ne connaît pas de parens du c h e f de M a ri e
D e l e s v a u x , sa mère ; il n’y a q u ’ un seul descendant
du
côté
des P a s t ie r ,
qui
est
D enise
B ouchard,
mariée à J e a n - A l e x a n d r e M a r g h e o n , tous les deux
vivans.
D u c h e f de Gilberte Pralois, aïeule maternelle du
défunt ,
les
parens sont
assez
nombreux;
Jean-
A l e x a n d r e M u r g h e o n , ép oux de Den ise B o u c h a r d ,
descend l u i - m ê m e de cet estoc.
M a d a m e Paillard, née D e b a r , est fille d ’Antoin eM a ri e n D e b a r , cousin
issu
de germain
de défunt
Claude Paslier.
L a suite de la discussion établira q u ’on ne doit pas
�( 3 )
¿ 4 3
s’ occuper des aulres parens qui descendent aussi des
Pralois.
L e domicile et les biens du
en Bourbonnais. L e
défunt étaient silués
5 septembre 1 7 9 3 , avant la p u
blication des lois prohibitives, en ligne collatérale ,
le sieur
Pastier
de c u ju s
intervint au contrat
de
mariage de J e a n - A l e x a n d r e M u rg h eo n et de Denise
Bouchard ; les mères des futurs étaient au nombre des
parens les plus proches du sieur Pastier ; mais elles
avaient cessé de vivre à cette époque. L e sieur Pastier
déclare dans le con tr at, q u ’il rappelle les futurs à sa
succession , « chacun pour ce qui les concerne par
« représentation de chacune
leur m è r e " , mais à la
charge par les futurs d ’associer audit rappel leurs frères
et sœurs.
L e 27 du m ê m e
mois
de
septem bre
1793,
ma
demoiselle D eb ar épouse J e a n - M i c h e l Paillard.Le sieur
P astier
intervient à ce contrat de m ariage; le père
de la demoiselle D e b a r vivait e n c o r e , et le mariage
a lieu sous son autorité.
L e sieur Pastier y déclare « q u ’en contemplation du
« présent
mariage , reconnaissant
que
ledit
sieur
« Ant oine-Marien D e b a r , père d e l à f u t u r e , est l ’ un
« de ses héritiers présomptifs le plus p r è s , et voulant
« prévenir toute discussion à sa succession sur le droit
« de représentation q u ’aurait la futu re, si son père
« venait à décéder avant ledit Pastie r, il a , par ces
« présentes, volontairement rappelé la future etlessiens
�( 4 )
« à sa succession, audit cas de prédécès du s.r D e b a r , .
«■pour la m êm e portion q u ’aurait droit de prendre
« le sieur D eb a r s’il survivait au sieur P a s t i e r , à la
« charge toulefois d ’associer A n n e t - G a b r i e l D e b a r ,
« son frère ou ses héritiers, pour moitié au présent
v ra p p e l , etc. ».
L e i8 mai 1810 ; défunt sieur Pastier a fait son
testament ol ographe; il c o m m e n c e par déclarer q u ’il
ve u t profiter de la faculté que lui accorde le C ode
N a p o l é o n , de disposer de ses biens ainsi q u ’il a v is e r a ,
en m aintenant les dispositions légalement fa ite s .
P a r une première disposition, il confirme le rappel
p o r té par le contrat de mariage du 5 septembre 1 7 9 3 ,
e n faveur de J ean-Alexandre M u r g h e o n , et de Denise
Bouchard , pour les portions héréditaires seulement
qu e l ’un et l'autre ont droit d ’am end er dans sa su c
cession ; il veut en outre que ce rappel soit ex écuté
chacun en ce qui les concerne et par tête ; mais il
rév o q u e les clauses d’association faites au profit de leurs
frères et
sœurs
, q u ’il croit n’avoir pas été saisis dès
q u ’ils ne contractaient pas;
2 ° Il rév o q u e le rappel fait en fa ve ur d’A n n e t Gabr iël D e b a r , frère à la dame D e b a r , épouse de
M . Paillard ;
3.° Il donne et lègue à François Pastier, e m p l o y é
à la recette gé nér ale de C l e r m o n t , sur tous les biens
non compris d a n s le rappel, une somme de 4-OjOOo fr.
�( 5 )
H S
à prendre sur le pins clair desdits b i e n s , sans être
te nu à aucune charge ni dette à cet égard ;
4.0
Il institue en outre le m ê m e François Pastier
son héritier du surplus de ses bie ns, à la charge par
lui de p a y e r , a v e c les rappelés à sa succession, et
par portion égale entr’e u x , toutes ses dettes.
Il fait ensuite des legs particuliers au profit de sa
do m est iq u e, et quelques legs dont il est assez inutile
de s’occuper.
Il
n o m m e pour son
exéc ut eu r testamentaire le
m ê m e Jean-François Pastier. Il est b on de remarquer
que ce Jea n- Fra nço is Pastier n ’a d ’autre affinité avec
le testateur, que l ’avantage de porter le m ê m e n o m ;
ou au moins il ne lui appartiendrait q u ’à un degré
si éloigné , q u ’ il n e sa ur ai t pas m ê m e t ’i n d i q u e r .
Ap rès la mort du sieur Gilbert P a s t ie r , les scellés
ont été apposés à la requête de l’héritier testamen
taire qui se trouvait sur les lieux,- on n’a pas daigné
p r év en ir la dame Pa ill ard , q u i , cependant par p r é
c a u t i o n , a formé opposition à la rémotion des scellés.
M a d a m e et M. Paillard désirant être éclairés sur
les droits q u ’ils ont dans cette succession, proposent
au conseil les questions suivantes :
i.° Quel est l ’effet du rappel porté en leur contrat
de m a r ia g e ?
2 -° Quelle portion amendent-ils dans cette successsion ?
�< |V'
( 6 )
3 .° Leurs droifs d o i v e n t - i l s se régler d ’après la
C o u tu m e de Bourbonnais , qui régissait les parlies
à l ’époque de
leur
co n t r a t , ou d ’après le C od e N a
poléon qui règle actuellement le m ode de partage?
4.0 Quelle porlion rc vie n l-i l aux autres cohéritiers?
5 .° Quel sera l’effet du testament fait sous l’empire
du C o d e ? En quoi consistent les droits de l’héritier
testamentaire ?
^ L E S J U R I S C O N S U L T E S A N C I E N S soussignés, qui
ont pris lecture , i.° de l’extrait du contrat de mariage
de J e a n - A l e x a n d r e Murglieon avec Denise Bo u ch ard ,
du 5 septembre
de
dame
1793;
2°
du contrat de mariage
Françoise - Gabrielle
Debar
a vec J e a n -
M i c h e l Paillard, du 27 septembre de la m ê m e a n n é e ;
3 .° du testament olographe de Gilbert P a s l i e r , du
18 mai
1 8 1 0 , de la généalogie des Pastier et du
m é m o i r e à consulter,
E s t i m e n t , sur les questions p ro po sée s;
Q u ’il convient en première ligne de définir ce q u ’on
entend par ra p pel, et quel doit être l ’effet de cette
disposition.
Elle était fort usitée en C o u tu m e de Bou rbonnais,
ou la représentation n ’avait lieu en ligne collatérale,
q u ’entre frères et s œ u r s , et descendans de frères et
sœurs.
Hors les termes de la repré sen tation, les héritiers
�( ? 3
les plus proches succédaient par
u y
têles et non per
siirpes. ( A i t . 3 o6 de la C o u t u m e ) .
Il est assez simple q u ’on dût succéder par tête ,
toutes les fois q u ’on était hors des termes de la r e
présentation, parce q u ’on ne peut succéder par souche
q u ’autant q u ’on se met à la place de que lq u’ un , et
q u ’on prend ce q u ’il aurait pris; c ’e s t - a - d i r e , q u ’il
faut représenter pour succéder per siirpes ; et lors
q u ’on vient de son c h e f , on ne doit succéder que par
te le.
»
D a ns ce dernier cas , l ’héritier le plus prochain en
d e g r é , excluait
éloigné ,
ce ux qui étaient à un degré
successlo
ex tra
plus
terminos representationis
p rp xim io ri defertur. Decullant.
Mais celte m ê m e c o u t u m e é t a i t c e q u ’ o n appelle
d'estoc et lig n e, ce qui veut dire que les biens retour
naient à l ’estoc d’où ils étaient p r o v e n u s , ce qui a
besoin encore d’explication.
O n distinguait les meubles et acquêts d ’a vec les
propres naissans et les propres anciens.
A l ’égard des meubles et a c q u ê ts, il se divisaient
en deu x parts, moitié aux héritiers paternels les plus
p r o c h e s , l ’autre moitié aux héritiers maternels les
plus prochains.
L es propres naissans appartenaient aux plus proches
héritiers du côté et ligne de celui par la mort duquel
ils lui étaient avenus.
�• Quant aux propres a n c i e n s , ils appartenaient aux'
parens les plus proches du défunt , du côté et ligne
d ’où
ils étaient prove nus , q uo iq u’ ils ne fussent pas
les parens les plus prochains du d é f u n t , art. 3 i 5 de
la Coutum e. A u r o u x , sur les art., n.° n , 12 et suiv.
Cette différence , dans la nature et l ’origine des
biens, pour en régler la transmission, a beauco up
exercé les commentateurs de cette C o u t u m e , et donné
lieu à de grandes discussions ; la circonstance que la
succession est ouverte sous le Code N a p o l é o n , dispense
de se livrer à un ex a m en plus profond de
celt e
question, ainsi q u ’on va bientôt l’établir.
Mais il faut en venir au r a p p e l , et il est évident
que le sieur Pastier n ’ignorait pas la disposition de
la C o u tu m e sur les termes de la représentation ; il
savait aussi que le sieur D e b a r , son cousin issu de
g e r m a i n , était un de ses plus proches héritiers; il
craint que le sieur D e b a r ne vienne à le p r é d é c é d e r ,
et que ce prédécès exclue sa fille de sa succession,
parce q u ’elle pourrait ne pas se trouver en degré utile;
il prend le parti de la r a p p e l e r , et de lui assurer la
po rtion que son père aurait eue s’il lui survivait.
C ett e disposition éventuelle est faite entre vifs, par
contrat de mariage , sans aucune réserve , et a un
caractère d ’irrév oc abilité, auquel le testateur n ’a pu
déroger dans la suite ; il avait alors le droit de faire
toutes les libéralités q u ’il lui plaisait. L a première loi
prohibitive
�(9)
prohibitive
n’est
que du
^4 ^
5 brumaire an
2 ( no
vem b re 1 7 9 4 ) .
Quel a été Feiïet de ce ra p pel ? sans contredit, la
dame Paillard a été mise par ce m o y e n à la place de
son p è r e , si celui-ci mourait avant le sieur Pastier;
et ce der n ie r, par celte disposition, a dû laisser sa
succession ab intestat par rapport au rappelé.
I l est sans contradiction que la dame Paillard doit
prendre dans la succession du sieur Pastier, tout ce
que son père y aurait pris, s’il élait vivan t à l ’o u
verture de la succession de Gilbert Pastier.
A la v é r i t é , la dame Paillard était chargée d ’associer
son frère à ce r a p p e l , mais ce frère ne contractait
pas , et n’était pas saisi; c ’était la dame P a i ll a r d , qui
seule était i n v e s t i e cia l i t r e : s o n f rè r e n e pouvtùt
recevoir que d ’elle; c ’était une condition que le sieur
Pastier avait mise à sa libéralité.
Mais en m ê m e tems cette condition était onéreuse,
dès-lors révocable à volonté de la part de l ’auteur de
la disposition. L a faveur due aux contrats de mariage
a fait admettre ce principe, que toutes les clauses
onéreuses sont révocables au profit des mariés.
O r le sieur Pastier ayant par son testament r é
vo q u é la condition de l’association, il en résulte que
la dame Paillard vient exclusivement prendre la portion
qui reviendrait h son p è r e ; la part destinée à son
frère ne peut accroître q u ’à elle ; le sieur Pastier a
3
�disposé de ioute la portion que D e b a r père devait
recueillir.
L a dame Paillard étant ainsi mise à la place de
son p è r e , on doit la considérer c o m m e parente ail
m ê m e degré que le père, c’e s t-à -d ir e , c o m m e cousine,
issue de g e r m a in e , du défunt; alors elle se trouve la
parente la plus prochaine du défunt ; de sorte que
sous la
coutum e m ê m e , elle aurait exclu tous les
pai ens à un degré plus é l o i g n é , aurait succédé par
moitié aux meubles et acquêts, c o m m e héritière m a
ternelle , et à tous les propres anciens provenus des ^
Pralois dont elle descend.
C e qu’ on dit de la dame P a i ll a r d , s’applique éga
le m e n t à Jean - A le xa ndre
Murgheon
et à Denise
Bouchard sa f e m m e ; leurs mères à la vérité n'existaient
plus lors de leur m ar ia ge ; elles étaient aussi cousines,
issues de germ aines , du d é f u n t ; il a mis les ép oux à
la place de leurs mères. M u r g h e o n , c o m m e la dam e
Paillard descend des Pralois; il se trouve au m o y e n
du rappel au m ê m e degré que la dame Paillard : il
aurait donc succédé co ncurremment et par tête sous
l ’ancienne l o i , avec la dame Paillard.
A l’égard de Denise Bouchard , fe m m e M u r g h e o n ,
elle ne descend pas du m ê m e estoc; elle appartient
a la' ligne P a stie r ; elle se serait e n c o r e , sous la C o u
t u m e , trouvée seule au degré pour succéder dans sa
l i g n e ; par conséquent , elle aurait
meubles et
pris moitié des
acquêts , les propres naissans
provenus
�( ii
)
2 SI
jt fj
des P a s t i e r , et les propres anciens qui auraient eu
la m ê m e origine.
. !
Mais il ne faut plus aujourd’hui raisonner d ’après
la C ou tu m e : ce n ’est plus elle qui doit régler le mode
de partage de la succession de Pastier.
L e rappel fait en faveur des ép ou x M u r g h e o n , et _
de la dame Paill ard, a bien un effet présent quant
à l ’irrévocabilité de la disposition ; c’ e s t - à - d i r e , q u ’il
assure à la dame Paillard un droit certain à la suc
cession , mais la
portion
q u ’elle prendra
n’est pas
d é t e r m i n é e , et ne peut être connue q u ’à l’ouverture
de la succession ; c ’est là que la dame Paillard est
r e n v o y é e pour s u cc é d e r, c o m m e son père l ’aurait
fait s’il ne fût pas mort avant Pastier., et celui-ci lui
assure tout ce que la loi qui régira sa s uc c e s s i o n t
aurait accordé à son père.
L e sieur Pastier n’a pu déroger à cette promesse ,
ni régler la portion héréditaire de celui q u ’il a rap
p e lé ; il-s’est engiigé par rapport à l u i, à ne rien faire
qui dérogeât à-ce droit de successibilité, qui diminuât
sa portion lé g a le, quelque changement qui intervienne
dans la législation; en un m o t, il s’est obligé à laisser
sa succession ab intestat.
ar rapport au rappelé.
L a dame Paillaid a m êm e couru la
chance
de
ne rien recueillir, si son père ne s’était pas trouvé
en degré pour s u c c é d e r ,
ou
de prendre toute la
4
j
�U *
( 12 )
portion Cfni lui serait att rib ué e, si son père se trouvait
le païenI le plus proche.
Il est encore sans contradiction que le m o d e ' d e
succéder et de par tager, doit être réglé par la loi
qui est en vigueur à l ’ouve rture de la succession ,
sur-lout pour les successions qui s’ouvrent ab intestat ;
et on vient de voir q u ’il faut considérer sous ce rapport
la succession P a s t ie r , relativement aux rappelés.
L e sieur Pastier l u i- m ê m e a senti que sa succession
devait se régler par le Code Napoléon ; il veut profiter
de la faculté qu'il lui accorde. Il sait et il veut que
toutes dispositions précédentes
et
légalement faites
soient maintenues; il confirme les rappels par lui faits
pr écéde m m en t ; il veut favoriser les rappelés , en ré
vo q uan t les conditions q u ’il y a mises, et dans son
intention bien manifestée, son héritier testamentaire
ne doit rien prendre qu'après que les rappelés auront
eu la portion que la loi leur assure.
O r , quel est celte portion l é g a l e ?
« L a loi ne considère, ni la n a t u r e , ni l’origine
« des biens pour en régler la transmission. (A rt.
« Code N a p o l é o n ) .
« T o u t e succession éc hu e à des
2,
ascendans ou à
« des parens collatéraux, se divise en deux parts égales,
« l’ une pour les parens de la ligne paternelle, Fautre
« pour les parens de la ligne maternelle. (A rt. 7 3 3 ).
« Cette première division opérée
entre les lignes
�( >3 )
2 /3
« paternelles et m atern elles, il ne se fait plus de
« division entre les diverses b ran ch es ;l a portion dé« volue à chaque ligne appartient à l ’héritier ou a u x
« héritiers les plus proches. ( A r t . 784).
Il n ’est personne qui n ’ait reconnu la sagesse de
ce
mode
de
division; il tranche
toute d if fic ulté ,
anéantit une foule de procès ruineux sur l ’origine des
biens, sur la contribution desdettes, sur les refentes, etc.
Déjà
la C o u tu m e
du
Bourbonnais , l ’ancienne loi
des parties, avait adopté cette règle pour le partage
des meubles et acquêts ; et on va voir que la repré
sentation est encore réglée par le C o d e , c o m m e elle
l ’était par cette Coutume.
L ’art. 742 n’admet la représentation en ligne col
l a t é r a l e , q u ’ e n f a v e u r des e n f a n s et d e s c e n d o n s des
frères ou sœurs du d é f u n t . S u i v a n t l ’art. 7 4 3 , le partage
s’opère par souche toutes les fois que la représentation
est admise aux termes de l ’art. 7 5 3 , lorsqu’il n ’y^ a ni
frères ni sœurs, ni descendans d e ‘frères ou de sœurs;
les parens les plus proches succèdent, et lorsqu’il y a
concours de parens collatéraux au m ê m e degré , ils
succèdent par tête.
C e règlement est parfaitement entendu , il ne s’agit
que d ’en faire l’application. L e sieur D e b a r , père
de la dame Paillard , était cousin , issu de
du défunt ; si le sieur D e b a r v i v a i t ,
germ ain,
il serait
le plus
proche parent de sa l ig n e, avec la mère de M u r g l ie o n ,
qui était au m ê m e degré.
�( 14 )
L a dame Paillard et M u rgh eo n sont mis au m ê m e
degré que les ascendans ; ils appartiennent à la ligne
m at e r n e l l e ; moitié de la succession doit être attribuée
à cette l i g n e , quelle que soit la nature et l’origine des
b ie n s ; madame Paillard et M u r g h e o n , parens par
fiction au m êm e degré , se trouvant les plus proches
du d é f u n t , doivent donc recueillir conc urr emment
et par tête, la moitié affectée à leur l i g n e , c ’est-àdire, q u’il revient à chacun le quart des biens délaissés
par Gilbert Pastier.
■ Ma inte na nt que
la
portion revenant à la dame
Paillard est déterminée , il est assez indifférent pour
elle de savoir ce que deviendra la moitié affectée a
la ligne paternelle à laquelle elle est étrangère ; elle
ne doit m ê m e prendre aucune
part aux questions
qui peuvent naître entre l ’héritier de cette ligne et
l ’héritier testamentaire, qui n ’est appelé par la force
de la l o i , et la volonté bien exp rim ée du te sl alp ur,
q u ’après que
les rappelés auront pris ce qui leur
revient.
L a dam e Paillard est bien avertie que le testament
n’a pu faire aucun retranchement dans sa ligne : elle
connaît tout l ’effet que doit avoir son rappel.
Cepe ndant il lui importe de prévenir toute discus
sion avec l ’héritier testamentaire; elle doit m êm e être
en garde sur la qualité q u ’il voudra prendre lors de la
rémolion des scellés et de l’inventaire ; et , dans ce cas,
on doit examiner les prétendus droits de cet héritier.
�( i5 )
2$5
Son tilre s’é v a n o u i t , ses droits s’é t e ig n e n t , et ne
pe uvent résister à la plus légère discussion. D en is e
Bouchard est la seule en ordre de succéder dans la
ligne paternelle; elle se tr o u ve, d ’après la généalogie
qui a été soumise, la cousine issue de germ ain , du
d é f u n t ; elle descend de Guillaume Pastier, aïeul de
Gilbert de c u j u s ; elle est l’héritière la plus proche de
ce ll e l ig n e ; elle le serait sans fiction«, quand m ê m e
elle ne viendrait pas à la place de sa m è r e ; elle est
rappe lé e, en ce qui la conc erne, pour la portion q u ’au
rait recueillie sa mère. L e sieur Pastier, par son tes
t a m e n t , n’a pu ni voulu déroger aux dispositions par
lui c i - d e v a n t faites; il a m ê m e confirmé ce rappel
par le testament.
A u x termes de l’art. 734 du C od e Napoléon , Denise
Bouchard doit r e c u e i l l i r la m o i l i é a f f e c t é e à sa l ig n e ,
il moins q u’il n’y eût d ’autre héritier dans la m ê m e
ligne et au m ê m e degré que la f e m m e Bouchard ; dans
ce cas, l’hérilier testamentaire serait mis à la place de
c e u x qui auraient droit de concourir a vec el le ; mais
si elle est la seule parente au degré utile, l’héritier
testamentaire n’a lie n à prétendre. L e testateur n ’a
pas-été le maître de disposer, au profit d ’ un tiers, d ’ une
chose q u ’il avait déjà d o n n é e ; par conséquent son tes
tament est c o m m e non avenu par rapport au sieur
Pastier; il n’a q u ’ un vain titre, fait au préjudice d ’un
contrat de mariage dont la foi ne peut être violée.
L e sieur Pastier s’abuse, s’il croit avoir un droit quel
�(
16]
conque à la succession de Gilbert de cu ju s. L e partage
de c e ll e succession était déjà réglé par des dispositions
antérieures et irrévocables, que le leslateur a dû res
pecter. Ce n’est que par un mal-entendu qu’il a pensé
que le C ode Napoléon lui donnait le droit de disposer
de ses biens.
L e Code n’accorde cette f a c u l t é , en ligne collatérale,
q u ’autant que le teslaleur n'aurait pas déjà fait des
dispositions e n t r e - v i f s dans un tems utile. L e sieur
Paslier, par les contrats de mariage des 5 et 27 sep
tembre 1 7 9 3 , s’était déjà do nné,des héritiers conven
tionnels. Celui qui a fait un héritier par des libéralités
irrévocables, ne peut plus en faire un second, et son
testament n’aura aucun effet, si ce n’est pour les legs
rémunératoires ou les legs p i e u x , qui doivent avoir
leur e x é c u t i o n , lorsqu’ils ne sont pas excessifs, lorsqu’ils
n e portent pas un préjudice notable aux donataires de
la qualité d ’héritiers.
Ces legs seront acquittés par les rappelés, chacun
dans la proportion de leur amendement.
\
P e u t - ê t r e le testateur a - t - i l pensé q u ’il p o u v a it dis
poser de la portion p r im i ti v e m e n t destinée a u x associés.
C e serait une erreur : la révocation de cette condilion
ne peut profiler et accroître q u ’à ceux qui étaient déjà
investis du titre, malgré la condition qui leur était
im pos ée; ils ont couru la chance du prédécès des asso
ciés,
com m e
ils ont pu espérer une révocation de cette
charge.
En
�t s r
( 17 )
En la r é v o q u a n t , l ’auteur de la disposition ne peut
leur donner d’autres associés malgré eu x -m ê m e s : ils
profitent exclusivement de la révocation.
C ’est donc assez inu tilement que le sieur Pastier a
requis l’apposition des scellés, sans m ê m e prévenir de
cette dém arc h e ce ux qui avaient droit à la succession,
et q u ’il n’a pu méconnaître d’après le testament.
L a dame Paillard a agi prudemment en formant
opposition à la rémotion des scellés; elle oblige par-là
les prétendant droit à l’appeler lors de ce ll e r é m o tio n ,
mais elle ne doit pas s’en tenir à cette démarche pure
m en t conservatoire.
I l est de son intérêt de demander la ré m oti on, de
faire procéder à un inventaire e s t i m a t i f , pour constater
les forces mobiliaires de la succession, sauf ensuite à
demander le partage à ses cohéritiers rappelés c o m m e
elle , e t à faire promptement régler les droits de chacun,
d ’après le mode q u ’on vient de lui indiquer.
D élibéré à R io m , le 26 décembre 1812.
P AGÈS,
L . - F . D E L A P C H I E R , VISSAC , A L L E M A N D ,
J .-C
h.
BAYLE.
A RIOM, de l'imprimerie du Barreau, chez J - C .S A L L E S .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Debar, Françoise-Gabrielle. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Delapchier
Vissac
Allemand
Bayle
Subject
The topic of the resource
successions collatérales
estoc
coutume du Bourbonnais
testaments
conflit de lois
contrats de mariage
paterna paternis
doctrine
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, suivi de consultation, pour Dame Françoise-Gabrielle Debar, et le sieur Jean-Michel Paillard, son mari, ladite dame héritière de défunt Gilbert Pastier, prêtre ; contre les prétendant droits à la succession dudit défunt Gilbert Pastier.
arbre généalogique
note manuscrite « arrêt du 16 février 1814. Voir journal des audiences, 1814, p. 51 ».
Table Godemel : Rappel à succession, stipulé par contrat de mariage, sous l’empire de la coutume du Bourbonnais, a-t-il l’effet d’une institution contractuelle irrévocable ? Ou, au contraire, peut-il être anéanti ou modifié par dispositions entre-vifs ou testamentaires émanées de l’auteur de la disposition ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Barreau, chez J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1793-1812
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
17 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2114
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2115
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53410/BCU_Factums_G2114.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vendat (03304)
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
doctrine
estoc
généalogie
paterna paternis
successions collatérales
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53564/BCU_Factums_G2808.pdf
e78057cd91ac6dc12e55a584f2becfb4
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Text
YH. 4 c
t
¿y
CONSULTATIONS .
POUR
JEAN-JAPTISTE CHEVALIER ET AUTRES,
APPELANS D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE RIOM ;
CONTRE
‘T
GASPARD
4
SE R V O LLE ,
INTIMÉ.
L e Conseil soussigné, qui a lu 1° un contrat de mariage du 2 5 pluviôse
an 6; 2° un acte de cession de droits successifs, du 2 3 décembre 1807;
3° un mémoire à consulter, dans lequel est relaté un jugement rendu le
27 novembre 1854 par le tribunal de Riom;
Est d’avis des résolutions suivantes :
Un sieur Ussel avait eu deux enfans, Etienne et Madelaine.
Etienne est décédé célibataire, le 14 novembre 1807.
Madelaine s’est mariée à Blaize Servolle, et est décédée avant son frère,
le 2 frimaire an 10 (2 3 novembre 1801).
Au nombre des enfans issus du mariage de Madelaine Ussel et Blaize
Servolle, il suffit de remarquer Gaspard Servolle et Jacqueline, qui a épousé
Henri Chevalier.
C est le contrat de mariage des époux Chevalier qui renferme la clause
litigieuse, et dont l’interprétation est demandée au conseil.
Ce contrat est à la date du 2 5 pluviôse an 6 . Les père et mère de la
�;
\
( ^ )
future lui constituent un trousseau évalué i 5o fr., plus la somme de iooo fr.
Ensuite vient la clause que l’on va transcrire littéralement.
« Il est convenu entre les parties que, dans le cas où le citoyen Etienne
« Ussel, ci-devant notaire à Riom , viendrait à décéder avant Madelaine
» Ussel, mère de la future, héritière de droit dudit Ussel, son frère, ladite
n Jacqueline Servolle prendra dans la succession dudit Etienne Ussel, dès le .
» moment du décès de ce dernier, la portion qui lui reviendrait, si ladite
» Madelaine Ussel était morte avant son frère, laquelle portion lui sortira
» nature de bien dotal, et à cet effet, ladite Madelaine Ussel, autorisée de
» son m ari, constitue à la future le droit de succéder audit Etienne Ussel
» pour la portion ci-dessus déterminée. »
Le cas prévu de la survivance de Madelaine Ussel à son frère Etienne ne
s’est pas réalisé; au contraire, c’est Madelaine qui est décédée six ans avant
son frère.
Le 25 décembre 1807, cinq semaines environ après le décès d’Etienne
Ussel, Jacqueline Servolle, stipulant comme maîtresse de ses biens adventifs, et Henri Chevalier, son m ari, qui l’autorise, stipulant en son nom
personnel, et encore solidairement l’un pour l’autre, cèdent à Gaspard
Servolle, leur frère et beau-frère, tous les droits appartenant à ladite Jac
queline Servolle dans la succession cchue d’Etienne Ussel.
Il paraît qu’après le décès de Jacqueline Servolle, ses enfans ont de
mandé la nullité de la cession du
décembre 1807, sur Ie m otif que les
droits cédés étaient dotaux à ladite Jacqueline.
Cette prétention a été repoussée par le jugement du 27 décembre i<85/j.
Les juges ont considéré: i° que le contrat de mariage de Jacqueline Ser-*
voile, renfermant une constitution particulière de dot, il s’ensuivait, aux
termes de la Coutume d’Auvergne, que le surplus de scs biens était paraphernaux; 20 que la stipulation de dotalité faite dans le même contrat ne
pouvait afi'ectcr la part de Jacqueline dans la sucession d’Eticnne Ussel
qu'autant que cette part lui serait advenue en vertu de la convention, et
du vivant de sa mère, par le prédécès d’Elicnnc Ussel; qu’au contraire, la
dotalité cessait si Jacqueline était appelée à recueillir cette portion directe
ment cl jure suo par le prédécès de sa m ère; 3° qu’en fait, c’était dans cette
dernière position que s’était trouvée placée Jacqueline Servolle. ,
Cette interprétation peut, au premier aperçu, paraître assez conforme à
la lettre de la clause du contrat de mariage; mais, à coup sûr, elle est con-
�5
}
traire à son esprit, et elle détruit la véritable pensée des parties contrac
tantes.
En effet, que voulaient les parties?
Admettre Jacqueline Servolle, en cas de prédécès d’Etienne U ssel, à
prendre dans sa succession, malgré la survie de Madelaine Ussel., héritière
en première ligne, la part que naturellement ladite Jacqueline n’aurait dû
recueillir que dans la succession de sa mère.
Voilà le but de la clause, voilà le m otif de la prévision du prédécès
d’Etienne Ussel.
Dans celte même clause, il est vrai, par une phrase incidente, la dotalité
de la part éventuelle de Jacqueline est stipulée, mais cette dotalité est une
charge réelle qui affecte cette part éventuelle; on ne saurait donc la faire par
ticiper à la condition de la clause sans se faire illusion. En effet, celle dota
lité grève et suit la part de Jacqueline, sans distinction d’origine, sans qu'il
soit besoin d’examiner si c’est p a rle prédécès d’Etienne Ussel, et en vertu
de la convention, ou par le prédècès de Madelaine U ssel, et en vertu de la
que, celte part arrive dans les mains de Jacqueline.
On conçoit la prévision du prédécès d’Etienne Ussel pour attribuer, dans
ce cas, à Jacqueline un droit qu’elle n’aurait pas eu sans convention for
melle : on ne conçoit pas l’influence de ce même prédécès sur la stipulation
de la dotalilé.
(
Ces deux modes de succession conventionnelle ou légale sont parallèles et
n altèrent en rien la dotalité.
La pensée des parties s’est portée sur la dotalité en elle-même; et quoique
la stipulation soit jetée au milieu d’une clause hypothétique, on n’en doit pas
moins reconnaître que cette dotalilé est pleine, entière, complète, absolue
et non incertaine, subordonnée, accidentelle. ,
Daprès ces réflexions, le conseil est d’avis que le jugement du tribunal
civil de Riom doit être infirmé.
Délibéré à Clermont-Ferrand, le 9 février >836 .
1*1». BAYLE.
II. CONCIION.
V ERD IER-LA TO U R,
av. j . sup.
�L t e Conseil soussigné,
Vu un contrat de mariage du a 5 pluviôse an 6 , une cession du a 5 oc
tobre 1807, et un jugem ent du 27 novembre 1854 ,
*
Estime que les biens que Jacqueline Servolle a receuillis, comme prove
nant d'Etienne Ussel, sont dotaux, et que ces biens n’ont pas cessé detre
soumis au régime dotal, par le fait que Jacqueline Servolle, au lieu de les
prendre dans la succession d’Etienne Ussel, les aurait recueillis dans celle de
Madelaine Ussel, qui avait survécu et succédé à son frère.
Il faut connaître les faits qui font naître la difficulté.
Le contrat de mariage de Henri Chevalier et de Jacqueline Servolle est
sous la date du 25 pluviôse an 6; il contient, en faveur de la fu ture, consti
tution d’un trousseau de i 5 o fr. et d’une dot de 1000 fr.; mais, comme cette
dot n’était pas suffisante, on voulut l’augmenter d’une portion des biens
qui pourraient advenir à la mère de la future ou à elle-même.
Il existait, à Riom, un sieur Etienne Ussel, ci-devant notaire, dont Made
laine Ussel était héritière de droit. Madelaine était plus jeune que son frère,
e t, prévoyant qu’elle pourrait succéder à ce dernier, elle voulut que, ce cas
arrivant, Jacqueline sa fille prît dans la succession d’Etienne la portion qui
pourrait lui revenir; en conséquence, une stipulation à cet égard fut con
signée au contrat, en ces termes :
« Convenu entre les parties, que dans le cas où Etienne Ussel... viendrait
» à déccder avant Madelaine Ussel, mère de la future, héritière de droit
h dudit Ussel, son frère, ladite Jacqueline Servolle p ren d ra , dans la suc» cession dudit Etienne Ussel, dès le moment du décès de ce dernier, la
« portion qui lui reviendrait, si ladite Madelaine Ussel était morte avant
» son frère; laquelle portion lui sortira nature de bien dotal ; et, à cet effet,
» ladite Madelaine Ussel, autorisée de son m ari, constitue à la future le
>1 droit de succéder audit Etienne Ussel, pour la portion ci-dessus déter» minée. »
Contrairement à la prévision de cette clause , Etienne Ussel a survécu ù
Madelaine, sa sœur; de manière que c’est dans la succession d’Etienne
m êm e, et junp. suo, que Jacqueline a rcceuilli les biens qui font aujourd'hui
l’objet de la difficulté.
I>e a 5 octobre 1807, Jacqueline Servolle, agissant comme maîtresse de
�(5 )
ses biens adventifs, et autorisée de son m ari, céda à Gaspard Servolle, son
frère, ses droits dans la succession d’Etienne Ussel, leur oncle.
Les enfans de Jacqueline Servolle, se fondant sur ce que ces droits étaient
dotaux à leur mère, on t, suivant exploits des 4 et 5 juillet 1 834 » formé la
demande en nullité de cette cession.
Un jugem ent du 27 novembre suivant, se fondant :
i° Sur le principe que lorsqu’une dot particulière a été constituée dans
le contrat, il 11’y a de dotal que ce qui est compris dans cette constitution ;
20 Que la clause du contrat ne constitue comme dotale, à la future, la
portion des biens provenus d’Etienne Ussel, que si Madelaine Ussel avait
survécu à son frère; mais qu’il en doit être autrement si la future vient jure
suo à la succession de son oncle ;
3° Que ce cas étant arrivé, l a . c a u s e de la dotalité est devenue illusoire.
Déclare la demande non recevable.
C’est dans cette position qu’il s’agit de justifier l’opinion que le conseil a
émise en commençant, en déterminant le sens et les effets de la clause du
contrat de mariage, et en appréciant les motifs du jugement qui l’a dépouillé
du caractère de dotalité qui lui est inhérent.
Il faut d’abord poser quelques principes :
Pour qu’il y ait constitution de dot, on n’exige point des expressions sa
cramentelles; elles peuvent être suppléées par des équivalens; ainsi, en pareille
matière, c’est l’esprit de l’acte qu’il faut consulter et interpréter suivant l’in
tention des parties, bien plutôt qu’une lettre trompeuse q u i, quelquefois, par
la place qu’elle occupe dans l’acte, peut présenter quelques difficultés, donner
lieu a quelques objections subtiles , qui, dans un esprit peu attentif, se subs
tituent facilement à la vérité.
Ce principe était admis comme incontestable sous la loi Rom aine, et, par
1 ancienne jurisprudence, il nous est enseigné par tous les auteurs (pii ont eu
à ¡s'expliquer sur la loi 2 3 , au f f de jure dntium, et les meilleurs interprètes,
tels que Salviat, la v r e , Dupéricr et Merlin se réunissent à la jurisprudence
de tous les parlemens^ pour lui donner toute la force d’un axiome de droit.
Cette doctrine a même paru tellement salutaire, (pie, malgré les termes si
positifs de l’art. 1392 (lu Code civil, elle a été adoptée par tous les auteurs
qui ont traité de la dot. ( V . Benoît, D alloz, Duranton et Tevssier.)
Il faut donc dire (pic la constitution implicite mais non tacite de la dot, a
la même force que la constitution faite en expressions sacramentelles ; et l’on
�comprend que ces équivalons doivent être admis avec plus de facilité, quand
il s’agit d’un contrat passé en pays de droit écrit et dans les localités où la
règle générale des contrats de mariage est le régime dotal.
Ici il faut consulter la Coutume d’Auvergne, qui est la loi régissant le
contrat de mariage du 25 pluviôse an 6. Ce statut, après avoir réglé la cons
titution en dot des biens présens et à venir, et celle des biens présens, dispose
« que tous les biens que la femme a au temps de ses fiançailles sont tenus
» et réputés biens dotaux, s’il n’y a dot particulière, constituée en traitant
» le mariage. » Dans quel sens la Coutume a-t-elle été entendue ? Le dernier
commentateur enseigne que la dot comprend, non-seulem ent les biens
propres à la femme, au moment du mariage, mais encore ceux dont Vespé
rance est pour elle certaine 3 telle, par exem ple, qu’une institution d’héritier,
et il cite à cet égard l’arrêt Barge, qui ne fait que fixer et confirmer une ju
risprudence plus ancienne; et pour que cette règle cesse de recevoir son
application, que fa u t - ilQ u e la dot particulière, constituée au contrat, soit
exclusive de tous autres biens; par exemple, si une femme se constituait une
somme d’argent, avec déclaration que cette somme forme tout son avoir,
une pareille clause exclurait évidemment la dotalité des biens à venir.
(Arrêt, Riom, 7 décembre i 83o.)
Cela posé, que l’on examine le fait ;
La constitution dotale de Jacqueline Servoüc, embrassait non-seulement
les 1,000 fr. portés en son contrat, mais encore la portion de sa mère dans
les biens d’Etienne Ussel. Ces biens étaient, pour la contractante, une es
pérance certaine. Effectivement, ils ne pouvaient lui échapper, soit qu’elle
la receuillît, comme représentant sa mère dans la succession d’Etienne
Ussel, soit quelle les prît de son chef dans la même succession. A in si, sous
ce rapport, les biens Ussel étaien t, comme les 1,000 fr., compris dans la
constitution dotale.
D’un autre côté, la constitution de dotde 1,000 fr. n’était point exclusive
d’une autre constitution. La contractante ne déclare point que c’est tout ce
qu’elle peut ou veut se constituer en dot; au contraire, dans le même contrat,
il est dit que la portion des biens qui lui proviendra d’Etienne Ussel lui
sortira nature de bien dotal. Comment, dès lors, trouver dans la Coutume,
qui ne reconnaît de biens adventifs ou paraphernaux que ceux que la femme
s’est réservés, ou ceux quelle a exclus de la dot, en la restreignant nominati
�(7)
vement à des objets déterminés, la singulière application qui en a été faite
à cette espèce.
Mais examinons cette clause de plus près :
Que veulent les parties? Que la portion des biens provenant d’Etienne
Ussel, et qui doit revenir à Madelaine Ussel, appartienne à Jacqueline sa
Tille, contractant mariage; quelle lui appartienne dans tous les cas, soit
que Madelaine, survivant à son frère, donne à sa fdle le droit de la prendre
immédiatement et d’en jouir, soit que le sieur Ussel, survivant à sa sœur,
Jacqueline Servolle la prenne de son chef dans cette succession. Dans toute
cette'clause, il n’y a qu’une seule idée, assurer à Jacqueline Servolle la por
tion revenant à sa mère dans les biens Ussel.
Mais qu’est cette portion pour Jacqueline Servolle? Elle fait partie de sa
dot. « Elle lui sort nature de bien dotal. » Ici on n’est pas réduit à rechercher
des expressions équivalentes, et une constitution de dot im plicite;la cons
titution de dot est explicite; les expressions sont sacramentelles; elles portent
sur la portion de bien qui proviendra d’Etienne Ussel, sans restriction :
voilà la dotalité placée dans cette clause comme principe dominant; il doit
donc la régir, et, pour que son empire pût cesser, il faudrait que son effet
pût être détruit ou restreint par une exception positive, clairement exprimée,
et qui apprît que, dans le cas où Jacqueline Servolle recueillerait directe
ment, et sans l’intermédiaire
sa m ère, ces biens dans la succession de
son oncle, cette p o rtio n , déclarée dotale par le contrat, perdrait cette qualité
pour devenir paraphernale.
Quelles sont les objections ?
i* S’il y a constitution de dot particulière, il n’y a de dotal que ce qui
est compris dans la constitution.
*
La position de ce principe ne résout rien; en eflet, il y a dans le contrat
deux constitutions particulières : i° les 1,000 f r . , 20 les biens à provenir
d Etienne Ussel ; et la chose à démontrer contre les termes si exprès du
contrat, « Laquelle portion lui sortira nature de bien dotal, » est que ces
biens n’ont pas ou ont perdu ce caractère.
Mais 20 on dit : la portion des biens d’Etienne Ussel n’est dotale à la
femme que si sa mère survit; il en est autrement si Jacqueline Servolle vient
ju resu o a la succession de son oncle; or, c’est ce qui est arrivé : donc cette
portion de biens est paraphernale.
Si on lit avec attention laclause du contrat de m ariage, loin d’y rien trouver
�(8 )
qui autorise cet argument, on s’assure au contraire que l’esprit et les termes
dans lesquels cètte clause est conçue, se réunissent pour l’exclure et la dé
truire.
En effet, l’esprit de l’acte n’est pas équivoque : il est d’assurer à Jacqueline
Servolle, et dans le délai le plus co u rt, la portion héréditaire que Madelaine
Ussel aurait à prétendre dans la succession de son frère.
Les termes de la clause sont aussi des plus propres à mettre cette volonté
en relief; et dans le cas, dit l ’acte.... (suivent ensuite les clauses qu’il serait
oiseux de répéter, mais qui se groupent toutes autour de la même idée
qu’elles font ressortir) la portion que Madelaine Ussel peut prendre dans la
succession de son frère, est dès « l’instant même la propriété de Jacqueline
» qui la prendra... » Mais à quel titre, à quelle condition ? « comme bien do» tal, comme lui sortant nature de dot. »
Actuellement, comment dénaturer des choses aussi simples ? si les équivalens, même la constitution implicite, sont admis dans les intérêts de
l’établissement et de la conservation de la dot, à plus forte raison, faut-il re
connaître qu’ils ne peuvent servir à la détruire; et que pour cela, il faudrait
trouver dans l’acte des expressions tellement sacramentelles, qu’il fut imposde leur donner un autre sens. Or, où les premiers juges en ont-ils trouvées de
cette nature ? Où est le si quisert.de point de départ à leur argument ? Où est
la distinction entre le cas où la mère survivrait à son frère, et celui où la fille
viendrait/un? jho à la succession de son oncle., et qui enseigne que dansjce cas,
la portion provenant des biens d’Etienne Ussel sortira à la femme nature de
bien dotal? C’est donc un argument que les premiers juges ont voulu faire;
mais cet argument est doublement vicieux; d’abord il l’est, comme portant
atteinte à une clause expresse du contrat, au principe de dotalité qui le do
mine et le régit tout entier'; il l’est encore, comme violant ouvertement un
principe fondamental et de droit public, principe que le magistrat doit tou
jours avoir en vue, lorsqu’il s’agit de dot: interest reipubliece mulierum dotes
salvas esse.
5° Les premiers juges ont dit que la caüsiî de la dotalité est devenue illu
soire.
Un mot suffit pour répondre à ce motif, qui n’est que la conséquence des
deux autres. Que signifie ici cette expression ? Une dot n’a pas de cau9d, elle a
un objet. Dans l’espèce, l'objet de la dot est la portion de biens provenue d'E«
tienne Ussel ; cet objet , bien certainement, est aujourd’hui au 44i tt!el qu’au
�(9 )
moment de la constitution; il n’y a donc rien d’illusoire, et l'objet existant
toujours, ne peut être privé du privilège dont le contrat l’a revêtu, et doit
continuer de sortir nature de bien dotal à la femme.
Enfin, que pourrait-on entendre par cause de la dot, si ce n’est la volonté
de toutes les parties contractantes ? Or, quelles sont ces parties ? Les contrac
t a i mariage et la mère constituante. Qu’a voulu la mère ? Constituer en dot
à sa fille les biens qui lui proviendraient de son frère. Qu’ont fait les époux ?
Ils ont accepté ces mêmes biens, mais à la charge qu’ils sortiraient nature de
bien dotal. Dans quel acte cela est-il écrit ? Dans un contrat de mariage, qui
intéresse non-seulement les contractans , mais encore qui agit si puissament
sur l’avenir des enfans.
Et cependant, contre la volonté de toutes les parties au contrat, contraire
ment aux principes les plus certains, au mépris de la clause la plus formelle,
.le contrat de mariage du 25 pluviôse au G serait dénaturé ; une propriété do
tale serait devenue parapliernale ; une aliénation nettement prohibée par la
loi serait valable : ainsi la planche de salut réservée aux enfans en cas de nau
frage , leur serait enlevée. Cela ne saurait être, et la Cour s’empressera de ré
former un jugement qui a accueilli un pareil système.
Délibéré à Iliom , le i/( mars i 836 .
BEUNKT-IiOLLANDE.
'
J. C ii. BAYLE.
L e J u r i s c o n s u l t e s o u s s i g n é , qui n’avait pas hésité à conseiller l’appel après
la prononciation du jugement, et qui a revu les pièces, déclare (pic, loin d’af
faiblir sa conviction, ce nouvel examen l’a encore aiferraie. La clause du contrat
lui paraît claire et sans ambiguité. Ce n’est point une lettre trompeuse qu’il
faille expliquer par l’intention dés parties; c’est une lettre impérative et con
forme à. la volonté démontrée des contractans. Tout en approuvant les prin
cipes de la consultation et les conséquences logiques qu’en a tirées le juriscon
sulte éclairé <pii l’a souscrite, le soussigné croit devoir insister sur la lettre
même du contrat où des expressions tout-à-fait tranchantes n'ont peut-être
pas été assez remarquées.
,
,,
,
.
�^
( 10 )
Nous devons, avant tout, faire une observation qui se lie tout-à-fait à la
consultation de Me Bayle.
Sans doute, si on n’eut pas parlé du tout des biens d’Etienne U ssel, et que
Jacqueline Servolle les eût recueillis, ils eussent été paraphernaux. Mais,
sans doute aussi, on pouvait stipuler que Jacqueline Servolle, venant à les
recueillir, ils lui sortiraient nature de bien dotal.
Si on n’avait pas voulu sortir de cette hypothèse toute simple et créer un
droit exceptionnel, il n’y eût pas eu la moindre ambiguité, et on ne peut
pas douter que la dotalité n’eût été stipulée de préférence; c’est la pensée do
minante du contrat, comme on l’a fort bien remarqué.
Mais on a voulu prévoir le cas de prédécès de l’oncle et attribuer à Jacque
line Servolle un droit exorbitant que la loi ne lui accordait pas au cas prévu ;
on a voulu lui réserver les biens d ’Etienne Ussel, non-seulement si elle était
en ordre de lui succéder, cas auquel elle y venait de droit, mais encore alors,
même que, par le prédécès de celui-ci avant sa sœur, Jacqueline Servolle se
trouverait exclue par sa mère; on a voulu, nous ne craignons pas de le dire,
que la dpt qu’on lui constituait en fût augmentée dans tous les cas.
Au surplus, voyons les termes mêmes du contrat à côté de l’argumentation
des premiers juges. Ils prétendent que la part de Jacqueline Servolle ne lui
est pas dotale, parce qu’elle vient jure suo à la succession de son oncle. Il
semble que pour compléter l’argument, le juge va ajouter, par antithèse, que
la dotalité n’a été stipulée que pour le cas où elle la recueillerait à un autre
titre (jue ju re suo. Tas du tout; il se borne à dire que cette portion n’a ètéconstituée , comme dotale , que si M adelaine Ussel avait survécu à son frère.
On a fort bien prouvé, dans la consultation, que le si conditionnel des
premiers juges ne se trouve nulle part ailleurs que dans le jugem ent; et nous
croyons pouvoir ajouter que, même avec ce si, c’est un argument non con
cluant, incom plet , entortillé, et qu’à tout prendre on ne peut pas même
appeler un argument. Qu’importe, en effet, que Madelaine Ussel ait ou non
survécu à son frère ¡ n’est-il pas vrai que, pour faire de cela un argument
complet, il faudrait que la dotalité n’eût été stipulée au contrat que pour le
cas où Jacqueline Servolle viendrait à la succession à un autre titre? Cela seul
pouvait faire antithèse et fournir un argument à contrario , qui d'ailleurs
n’est pas toujours concluant.
Or, pour ([u’on pût dire quelle larecueille à un autre titre, il faudrait sup
poser qu’elle ne la prend pas directement, mais par un intermédiaire, par
�exem ple, quelle la trouvât seulement dans la succession de sa mère. C’est là
le seul cas où la survie de la mère aurait pu produire l’effet que suppose le
motif du jugement.
Le contrat permet-il cette pensée ? Lisons :
« Dans le cas où Etienne Ussel.......viendrait à déccéder avant Made» laine....... Jacqueline Servolle prendra, dans la succession dudit F.tienne
» Us scl, dès le m om ent du décès de ce dernier, la portion qui lui reviendrait si
» Madelaine était morte avant son frère, laquelle portion lui sortira nature
» de bien dotal. »
Il ne faut pas se mettre l’esprit à la torture, pour comprendre pas plus
que pour analyser une clause aussi claire; elle renferme évidemment deux
volontés bien distinctes et bien positives.
L ’une, que Jacqueline Servolle, appelée à la succession de son oncle, parce
que sa mère y renonce en sa faveur, prendra sa part directement dans cette
succession; qu’elle y prendra la part qui luif û t revenue personnellement dans
le cas de prédécès de sa mère ; qu’elle la prendra au moment du décès de
I oncle ; quelle y exercera son droit personnel, comme si sa mère était décédée,
en sorte que, dans un cas comme dans l ’autre, elle prendra sa part ju re suo.
L ’autre, que cette portion lui sortira nature de bien dotal, et cela sans aucune
restriction, au cas où la mère aura survécu, sans aucune distinction entre les
cas divers qui pourront la faire tomber dans les mains de la future; car c’est
après avoir prévu le cas où la mère aura survécu et l'avoir assimilé au cas
ou elle serait morte avant son frè re , qu’on dit que cette portion sera dotale.
II est évident que le sens comme la lettre de cette clause se résument en cette
promesse que la mère fait à sa fille, et qui forme sa dot :
« Alors même que Etienne Ussel viendrait à décéder avant moi, vous
)> prendrez dans la succession et au moment de son décès , la part que vous y
» auriez Cue sij étais morte avant lui. Vous la prendrez de voire chef et sans
» mélangé avec mes biens; j ’y renonce en votre faveur ; tout se passera comme
” si j étais m orte, et cotte portion vous sera dotale. »
Evidemment donc, dans un cas comme dans l’autre, Jacqueline Servolle
prendra cette succession ,ju re suo, de son propre chef et par la force de son
droit.
Qu importe donc qu’elle la prenne par la seule volonté de la loi ou par la
stipulation du contrat? Q uelle y vienne, parce que son titre seul d’héritière
1 ) appelle, ou parce que la renonciation de sa mère donne son titre d’hé-
�4*
*I
( 13 )
litière en seconde ligne, le droitde venir au premier rang? Qu’importe, pour
la qualité des biens, que la renonciation de la mère soit une condition écrite
dans le contrat, ou qu’elle soit faite au greffe après la mort de l’oncle? L ’eflet
n’est-il pas absolument le même? Qu’importe, enfin , que ce soit par la mort
ou par la renonciation de sa mère, qu’elle se trouve héritière immédiate de
son oncle et qu’elle vient à sa succession? Est-ce que ce n’est pas toujours par
son droit personnel sur la succession d E tie n n e l Est-ce que le contrat ne dit
pas nettement que sa portion ; lorsqu’elle tombera dans ses m ains, lui sortira
nature de bien dotal ?
En vérité, on a droitde s’étonner de voir des choses aussi claires se dé
naturer sous la main des hommes.
Le soussigné persiste donc à penser que le jugement a mal ju g é, sans
même y faire entrer pour rien les considérations qui résultent d’une alié
nation à vil p r ix , qui peut être vraie, mais qui n’est pas légalement dé
m ontrée.
Délibéré à Riom, le 19 mars i 856 .
D e VISSAC.
------------
r r ^ O - i —!■
L k C o n s e i i , s o u s s i g n é , vu le contrat de mariage de Henri Chevalier et de
Jacqueline Servolle, du
pluviôse an 6; vu aussi les consultations de
MM. Bayleet de Vissac, anciens avocats à Riom ;
Estime, comme les auteurs de ces consultations, que les biens que Jac
queline Servolle avait recueillis dans la succession d’Eticnne Ussel, lui
étaient dotaux, et ne pouvaient par conséquent être aliénés.
La lettre du contrat de mariage, l’intention évidente des parties contrac
tantes, l'usage même généralement reçu dans la contrée où l’acte était passé,
tout se réunit pour résoudre la difficulté dans le sens que nous adoptons.
La lettre du contrat suffirait seule; voici les termes de la clause :
« Convenu entre les p a rtie s , que dans le cas où Etienne Ussel viendrait
» à décéder avant Madelaine Ussel, mère de la future, héritière de droit
» dudit Ussel, son frère, ladite Jacqueline Servolle (la future) prendra dans
» la succession dudit Etienne Ussel, dès le moment du décès de ce dernier,
�( i3 )
la portion qui lui reviendrait si ladite Madelaine Ussel était morte avant son
» frère, laquelle portion lui sortira nature de bien dotal', et à cet effet, ladite
« Madelaine Ussel, autorisée de son m ari, constitue à la future le droit de
» succéder audit Etienne Ussel pour la portion ci-dessus déterminée. »
Dans cette clause, deux choses distinctes sont à considérer : la prem ière,
le cas prévu; la seconde , la constitution faite et la dotalité déclarée.
Le cas prévu est celui où la mère de la future serait appelée elle-même à
recueillir la succession de son frère Etienne ; dans ce cas-là même, elle veut
que là future sa fille recueille à sa place, comme si elle était décédée elle-même
avant son frère; elle veut que la future succède, et qu’elle succède pour la
portion qui lui reviendrait comme nièce d’Elienne Ussel, si celui-ci avait
survécu à sa sœur Madelaine, c’est-à-dire, que dans le contrat on prévoit,
on suppose la mort anticipée de la sœur, on stipule dans cette prévision,
dans cette supposition, on règle les droits de la future, comme si le cas
pr^vu devait nécessairement arriver, et l’on veut que, quel que soit l’événe
ment, la condition de la future soit la même, et qu’elle profite d’une portion
déterminée de la succession de son oncle.
Telle est la première partie de la clause.
Dans la seconde partie, on déclare dotale cette portion que doit recueillir
la future dans la succession de son oncle, laquelle portion, sortira nature
de bien dotal, est-il dit; et pour prévenir toute difficulté, on constitue à la
future le droit de succéder à son oncle pour la portion déterminée.
Cette dernière partie de la clause est claire, formelle, positive. Le caraclère de dotalité est expressément attribué à la portion que recueillera la
future dans la succession de son oncle. Comment lui refuser, après l’événe
ment, ce caractère qui lui était imprimé avant, dès le moment même du
contrat.
»
Ce caractere de dotalité résulterait d’ailleurs des expressions finales de la
clause par lesquelles on constitue à la future le droit de succéder à Etienne
Ussel.
Cette constitution est générale, absolue; elle s'applique à tous les cas aux
quels ce droit de succéder serait exercé; que la future succède de son propre
chef, quelle succède du chef de sa mère et du vivant même de celle-ci,
comme étant mise à sa place, par cela même que le droit de succéder esf
compris dans la constitution, ce droit, avec tous les avantages qu’il a produits,
t:st devenu dotal. Donc, même à ne considérer que cette dernière partie de
�/ 1
.r .
( *4 )
la clausse, la dotalilé s’applique à tous les biens que Jacqueline Servolle a
recueillis en exerçant le droit de succéder qui faisait partie de la constitu
tion. On sait en effet que les mots constituer, constitution, dans un contrat de
mariage, équivalent à ceux-ci : constituer en dot, constitution de dot.
Comment les premiers juges ont-ils donc pu méconnaître la dotalilé des
biens recueillis par Jacqueline Servolle dans la succession d’Etienne Ussel.
Leur erreur a été causée par une confusion de mots et d’idées.
Ils ont confondu les diverses parties de la clause ci-dessus transcrite, et
ont pensé que la dotalilé n’élait stipulée, que la constitution du droit de
succéder n’était convenue que pour le cas où la inère, Madelaine Ussel, vi
vrait encore au décès de son frère, et où, quoique seule appelée à recueillir
la sucession de celui-ci, elle laisserait sa fille recueillir à sa place.
Mais, d’une part, dans ce cas-là même, comme nous le dirons plus bas,
il faudrait se fixer sur l’intention des parties, et cette intention ne permet
trait pas de douter de la dotalilé des biens, quoique le cas préciséinent
prévu ne soit pas arrivé.
D’une autre part, le sens étroit auquel se sont arrêtés les premiers juges
ne se concilie pas même avec les termes de la clause.
Car, de quelle portion parle cette clause?
Elle parle précisément de la portion qui reviendrait à la future, si Made
laine Ussel était morte avant son frèi'e.
Et elle ajoute immédiatement : laquelle portion lui sortira nature de bien
dotal.
Donc, les contractai)s ont voulu rendre dotal cette portion même que la
future pourrait recueillir directement dans la succession de son oncle.
Donc, il importe peu qu’on ait prévu dans le contrat le cas où la mère
survivrait à l’oncle. Cette prévision, qui n’avait pour but (pie de faire re
noncer la n ière , dans ce cas, à des droits qui auraient pu mettre obstacle
à ceux de sa fille, cette prévision, qui assurait, dans tous les cas possibles,
à la fille une portion héréditaire et déterminée dans les biens de l’oncle
cette prévision ne peut affaiblir le caractère de dotalilé attaché par le
contrat même à la portion qui devait revenir à la nièce dans la succession
de l’oncle, puisque c’est précisément cette portion qui est déclarée dotale
dans le contrai.
. Que ferait-on, au reste, dans le système des premiers juges, de la consti
tution du droit de succéder à fo n d e , constitution qui est faite, il est v ra i,
�rV
1si
(i5)
par la mère, mais parce que, comme il est dit dans le commencement de
la clause, cela étant ainsi convenu entre toutes les parties, constitution à la
quelle la future a participé et quelle est censée s’ètre faite aussi elle-même?
Or, en se constituant, ou , ce qui est la même chose, en voulant qu’on
lui constituât le droit de succéder à son oncle, elle a rendu évidemment
dotal ce qui lui adviendrait par la suite, soit directement, soit indirecte
ment, dans la succession d’Etienne Ussel.
Ainsi la lettre du contrat signale le mal jugé du jugement.
Mais, s’il y avait doute, comment 1ambiguité devrait-elle être inter
prétée ?
Elle devrait l’être, soit par ce qui était d’usage en A uvergne, soit par
1 intention des contractans. (Code civil, art. 1 156 et i i 5g.)
Or, d’ un côté en Auvergne, et notamment dans le lieu où le contrat a été
passé, il était d’usage constant, en l’an 6, de soumettre au régime dotal
tous les biens des épouses. Ce régime était la loi générale du pays.
D’un autre côté, comment douter que telle fut l’intention des parties
lors du contrat dont il s’agit? Comment supposer qu’en déclarant dotale
la portion qui reviendrait à la fu tu re dans la succession (FEtienne Ussel, son
oncle, elles aient voulu que le caractère de dotalité dépendit du mode sous
lequel cette portion serait recueillie; qu’elle fût dotale si la future succé
dait à l’oncle pendant la vie de sa mère; qu’elle fût, au contraire, paraphernale, si elle ne lui succédait qu’après la mort de la mère? Une telle
supposition est trop ridicule, il semble, pour être admise. Et en consultant,
comme le veut la lo i, l’intention évidente des parties, la dotalité de la
portion héréditaire doit s’appliquer au second comme au premier cas.
Délibéré par l’ancien avocat soussigné, à Riom, le 18 mars i 836 .
ALLEMAND.
Le Jurisconsulte soussigné, qui avait déjà été consulté sur la ques
tion dont il s’agit, et qui dès lors, avait donné un avis conforme à celui
des savans jurisconsultes qui ont été ensuite appelés à délibérer, n’a pu
�(1 6 )
que se confirmer dans sou opinion, par la lecture des consultations cidessus , et par celle qui a été donnée par M. Allemand. En conséquence, il
déclare adopter entièrement la solution donnée par ses anciens confrères.
A Riom, le 14 avril 1836 .
M. CHALUS.
Le soussigné adhère complètement à la solution donnée par ses confrères.
Riom , 14 avril 1 856 .
L. ROUHER.
Le soussigné, qui a lu la consultation qui précède et celle du 1 3 mars 1836
délibérée par Me Allemand, estime comme ses confrères, que s’il y avait am
biguité dans les termes constitutifs de la dot, cette ambiguité, interprétée par
l’intention manifeste des parties, devrait nécessairement faire décider que les
biens dont il s’agit devaient sortir nature de biens dotaux; mais il n’hésite
pas un instant à déclarer q u e , dans son opinion, il n’y a même aucune am
biguité dans les expressions, et que la lettre de la clause du contrat déclare
formellement les biens dotaux.
Riom , le 14 avril 1856 .
H. DUCLOSEL.
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'
Le soussigné, après avoir pris connaissance des consultations et adhésions
données par ses confrères, déclare adopter sans difficulté leur opinion.
Riom, 14 avril 1836 .
J. GODEMEL.
M . L A D I N , avoué-licencié.
M. JOHA N N E L , avoué-licencié.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chevalier, Jean-Baptiste. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Ph. Bayle
Conchon
Verdier-Latour
Bernet-Rollande
J. Ch. Bayle
De Vissac
Allemand
Chalus
Rouher
Duclosel
Godemel
Ladin
Johannel
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
biens dotaux
coutume d'Auvergne
biens paraphernaux
successions
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour Jean-Baptiste Chevalier et autres, appelans d'un jugement rendu par le tribunal de première instance de Riom ; contre Gaspard Servolle, intimé.
Annotations manuscrites. « 30 septembre 1836, arrêt 3éme chambre, confirme par les motifs exprimés au jugement.
Table Godemel : paraphernaux.
2. un contrat de mariage régi par la coutume d’Auvergne, contenant constitution d’une dot particulière en faveur de la future, stipulait, en outre, au nom de sa mère, le droit qu’elle lui attribuait de recueillir, pour lui ressortir nature de bien dotal, la part qu’elle pourrait amender dans la succession d’étienne Ussel, son frère, oncle maternel de la future, dans le cas où elle survivrait à celui-ci. La mère de la future est décédée avant étienne Ussel et sa fille, future, a succédé, pour partie, à son oncle, non par l’effet de la clause, mais par la force de la loi et jure suo. elle a fait cession de ses droits successifs à son frère. après sa mort, ses héritiers ont attaqué de nullité la cession comme portant sur des biens dotaux et inaliénables ; ils ont demandé partage.
jugé que les biens cédés étaient paraphernaux, que l’aliénation en est valable, et que la cession équivaut à un partage.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de J. Vaissière et Perol (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1797-1836
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2808
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2807
BCU_Factums_G2809
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53564/BCU_Factums_G2808.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Herment (63175)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
biens paraphernaux
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53489/BCU_Factums_G2503.pdf
181338465512a0752a39a52964da5ee6
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MÉMOIRE
PO U R
L e sieur P ierre - A ntoine C A P E L L E - P E U C H - J E A N ,
et les demoiselles S ophie et M a r ie C A P E L L E ,
frères et sœurs, habitans de la ville d’Aurillac ,
héritiers de M e A n t o i n e C a p e l l e , leur père,
appelans
CO NTRE
Sieu r F élix V A L E N T I N , - pro p riétaire,
et la dam e
son épouse , de lu i
autorisée h éritière, sous bénéfice d'inventaire
de sieur Joseph-Aym ard N ouveau , son o n cle, lesdits mariés V a le n t in , habitans du lieu et commune
de Calvinet intim és
S o p h ie - M arie
NOUVEAU,
EN PRÉSENCE
D e dame Marie - Sophie Langheac de Montlogis ,
religieuse} habitante de la v ille d ’A u rilla c ; MarieJudith Langheac, veuve de sieur P ia le s Marie-
�Honorée Langheac-Lignac, toutes d eu x propriétaires,
habitantes du lieu et commune du V^iviers y sieur
Brassat - M u râ t, docteur en m édecine, et dam e
Judith Langheac, son épouse¿ de lu i autorisée ,
habit ans de la v ille d ’A u b ie r ; autre Marie-Juclith
Langheac de Montlogis-Chanat, propriétaire„ habi
tante du lieu de la Rouquette} commune de Cassaniouse
canton de JSIontsalvy y sieur Mai’sillac ,
docteur en médecine ; Olympie-Silvie Langheac de
Montlogis, son épouse 3 de lu i autorisée y MarieChristine Langheac de Montlogis, Marie-Anne
Chaudesaignes de Turrein, veu ve de Claude L a n
gheac de Montlogis, tutrice de leu r f i l s mineur y
Joséphine - Judith Langheac de Montlogis, tous
propriétaires, habitans du lieu de Dov.sques, com
mune de J^ eza c; Pierre-Alexandre Rigobert, JeanAlexandre et Pierre-Honoré Langheac de Montlogis,
propriétaires 3 habitans du lieu de M o n tlo g is c o m
mune de Laden hac 3 susdit canton de JSIontsalvy }
■aussi appelans.
I l n’est pas de loi dont la cupidité n ’abuse, et dont
elle ne cherche à s’emparer pour favoriser une préten
tion injuste.
L a loi qui a aboli les substitutions fidéi-commissaires
est une de celles qui a fourni le plus de prétexte aux
arguties de l'intérêt personnel.
Cependant son but était marqué j elle avait celui
�( 3 )
de prévenir les fraudes, et de faire rentrer dans le
commerce une grande masse de propriétés qui en étaient
sorties.
Mais ce Lut a été méconnu. E n détournant le sens
de la lo i, on a voulu l ’appliquer k toutes les dispositions
conditionnelles, k celles même qui ne présentaient
aucun des caractères du fidéi-commis ; et delà sont
nées des discussions multipliées, des argumentations
subtiles, qui ont répandu le désordre et l ’obscurité sur
les idées les plus simples, et qui ont créé .une branche
fécondé de nouveaux procès.
E n vain les tribunaux ont-ils, par des décisions
nombreuses, tenté de ramener les esprits k la vérité
et a la justice ; en vain même, dans les cas douteux ,
se sont-ils décidés d’après la maxime équitable qui
veut que l ’interprétation tende k faire valoir l ’acte
plutôt qu’k l ’ a n n u lle r . L ’ in té r ê t p e rs o n n e l ne s’est pas
tenu pour battu j et des contestations toujours renais
santes apprennent aux magistrats que les leçons de
1 expérience sont ordinairement perdues pour les
plaideurs.
Les héritiers Capelle réclament des biens dont la
pioprieté leur a été assurée par le contrat du second
mariage de leur père.
Ces biens sont d’ une valeur assez considérable-, mais
ils ne sont pas le fruit d’une pure libéralité : de grands
sacrifices en ont été le prix.
La demoiselle Nouveau prétend que ces biens lui
appartiennent. Son titre est postérieur -, c’est une
�( 4 )
donation faite au sienr Josepli-Aymard Nouveau, son
oncle, et sur laquelle même cet oncle n’avait pas dû
compter 5 car elle porte avec elle la* preuve que la
donatrice doutait qu’elle eut le droit de disposer de
ce qu’elle donnait.
Ce titre équivoque, le seul que fasse valoir la
demoiselle Nouveau , est devenu puissant à ses y e u x ,
parce q u e , selon ses idées, une substitution , annullée
par la loi du il\ novembre 17 9 2? serait le seul fonde
ment des droits des héritiers Capelle.
C ’est donc sur les principes des substitutions, com
parés aux termes du contrat de mariage du sieur
Capelle père, que doit rouler la discussion.
F A IT S.
M* Antoine Capelle, avocat, avait épousé, en pre
mières noces, demoiselle Hélène Bastid.
T r o is e n fa n s é t a ie n t n és d e ce m a ria g e : ce so n t les
a p p e la n s .
L e sieur Capelle contracta, en 17.86, un second
mariage avec demoiselle Marie - Judith Langheac de
Montlogis.
Les illusions du goût et l ’espoir d’une paternité
nouvelle ne présidèrent pas à cette seconde union. La
demoiselle Montlogis était d’un âge avancé.
L e sieur Capelle y fut déterminé par sa tendresse
pour les enfans de son premier mariage.
L a demoiselle Montlogis n’avait elle-même qu’ un
�( 5 )
.
tnodique patrimoine ; mais une sœur opulente, enrichie
des dons d’un premier m a ri, assurait ses biens aux
deux époux, sous des réserves cependant, et sous des
charges très-onéreuses.
Le sieur Capelle croyait avoir assez de fortune pour
satisfaii'e aux charges. Il était dédommagé de ses sacri
fices par les richesses qu’ il devait laisser à ses enfans.
Telles furent les intentions qui dictèrent le contrat
de mariage, du a 3 septembre 17 8 G , dont on va faire
connaître les principales dispositions. <
« Ladite demoiselle future épousé Vtést constitué en
« dot tous Ses biens présens et à’ v e n ir, avec pouvoir
« audit futur époux d’en faire la recherche, traite r,
« t r a n s i g e r c é d e r , transporter, vendr'é1, engager,
« aliéner, toucher, recevoir, fournir quittance et dé« charge valable, îi la charge par lui de re c o n n a îtr e
« to u t ce q u ’ il re c e v ra s u r to u s ses biens présens et
« à venir ^ lesquels deméùrent dès à présent affectés
« pour la restitution, le cas arrivant-,
« E t aux présentes est intervenue dame Judith
« Langheac de Montlogis, veuve de sieur Jean-Pierre
« Jalinques de la Rouquette;, ancien gendarme, habi« tant en son château , paroisse de Cas'saniouse ,
« laquelle, de gré, pour l ’amitié particulière qu’elle a
« pour la future épouse, sa scèur, a , en faveur du
« picsent mariage, donne h titre de donation entre« 'v iis, pure, simple, et à jamais irrévocable, a sadite
« sœur, future épouse, ce acceptant, tous les biens
“ meubles, immeubles, et effets dépendant de la
�(6 )
«
«
«
«
«
«
«
«
succession dudit sieur Jalinques de la Rouquette,
son mari, dont elle est héritière testamentaire,
suivant son testament olographe, du 3 juillet 1782 ,
déposé ès-mains de Bouquier, notaire, le 1 1 février
suivant, en forme, en quoi que lesdits biens consistent et puissent consister , ensemble la somme de
3ooo francs, qui lui a été reconnue par ledit
sieur Jalinques, dans leur contrat de mariage, du
«, 10 avril 17 7 2 .
« Ladite donation ainsi faite, sous les réserves,
« charges et conditions ci-après 5
. : Savoir : i° de tous les meubles meublans, qui
« sont dans le château de la Rouquette........... \
« 2 0 D ’ u n e ju m e n t .................5
t
. « 3 ° De tout ce qui est dù par le sieur. Auriac de
« C alsary............., par le sieur Jalinques de Barsagol,
« tant en principal q u ’accessoires5 de tout ce qui peut
« être aussi dù par le sieur Delcamp , greffier de
« Calvinet.............. j
« 4° D e tous les -arrérages de rentes et revenus
« actifs, échus jusqu’à çç jour, ainsi que de tous frais
« et dépens dus à ladite succession, liquidés ou à
« liquider.
c 5 ° Sous la réserve de la somme de cent vingt
« m ille fr a n c s , que ladite dem oiselle fu tu re épouse }
« et ledit sieur fu t u r é p o u x , s o l i d a i r e m e n t Vun
« p o u r Vautre, sans division ni discussion, sous
« quelque prétexte que ce soit y seront tenus , ainsi
« q u ’ils s’y obligent, de payer îi ladite dame Lan-
�( 7 )
« gheac de la Rouquette, savoir : 20,000 livres dans
« six mois, à compter de ce jour-, 10,000 livres dans
« un an d’après, et les 90,000 livres restant, 'a raison
de 3 ooo liv. par a n , dont le premier terme écherra
un an après celui ci-dessus de 10,000 livres, avec
l ’intérêt de ladite somme totale de 120,000 livres,
à compter de ce jo u r , lequel diminuera à proportion
des paiemens qui seront faits sur le principal \
« 6° A la charge p a r ladite dem oiselle fu tu re
« épouse y et ledit fu t u r é p o u x , ainsi q u ’ils s’y obli« gent aussi solidairem ent, de payer la pension viagère
« de la somme de 600 livres, due à la dame Delom de
« Gironde, veuve du sieur Joseph Jalinques, à com« mencer au i er octobre 1787 , et ainsi continuer
« jusqu’au décès de ladite dame de Gironde, et ce,
« outre et au par-dessus la jouissance du domaine
« d’Agrovieille, sa vie durant, cjui lui a été léguée
« par le testament dudit sieur Joseph Jalin ques, son
«
«
«
«
«
« mari.............. • de loger, nourrir à leur pot et feu et
« compagnie; éclairer, chauffer et blanchir, tant en
« santé que maladie, sieur Antoine Bouquier de
« L abro, sa vie durant-,
,
« 70 A la charge encore, par lefcdits futurs époux,
«« d acquitter toutes les dettes de ladite succession }
« ainsi qu’ils s 'y obligent comme dessus;
(( 8° D ans le cas que ladite dem oiselle fu tu re
« épouse vienne à d écéder sans enfans du présent
« m ariage} audit cas seulem ent, les biens qui reste« ront de ceuçc ci-dessus donnés 3 seront remis et
�( 8)
appartiendront audit fu t u r é p o u x y et j en cas de
prédécès 3 à ses héritiers, ou à celu i d 'en tr’e u x
q u ’il aura choisi, avec néanmoins liberté à la de
moiselle future épouse de disposer de la somme de
trois mille livres, reconnue sur les biens dudit
sieur Jalinques, à ladite dame de Langheac son
épouse, en faveur de qui bon lui semblera; et au
moyen de tout ce que dessus, ladite dame de Langheac de la Rouquette s’est dessaisie et dévêtue
desdits biens donnés, et en a saisi et invêtu, tant
en propriété qu ’en usufruit, ladite demoiselle future
épouse, pour, par elle et ledit futur époux, en jouir
dès à-présent j avec liberté audit fu t u r épo u x de
vendre } alién er} en tout ou en partie lesdits biens
donnés, à tel p r i x , charges, clauses et conditions
q u ’i l avisera 3 du consentement de la d it e fu tu re
épouse y de recevoir le montant du p r ix , ainsi que
des sommes dues fa isa n t partie des biens donnés y
t r a i t e r t r a n s i g e r s u r to u s p ro cès^ in s t a n c e ; du
tout fournir quittance et décharge valables 5 à la
charge de la reconnaissance des sommes qu ’il rece
vra, pour le tout être rendu, le cas dé restitution
arrivant, à qui il appartiendra; et à cet effet, ladite
dame Langheac de la Rouquette promet remettre et
délivrer, audit sieur futur époux, les titres de
créances, jusques à concurrence de la somme de
quatre-vingt mille livres en principal, intérêts ou
frais, soit en rentes constituées ou autrement, pour
par lui en faire le recouvrement............. E t dans le
�( 9 y
_
y,
« cas que lesdites créances, en principal, intérêts et
« dépens, ne monteraient point à ladite somme de
« quatre-vingt mille livres, audit cas, la réserve de
« cent vingt mille livres ci-dessus demeurera d’autant
« réduite, jusques à concurrence de ce qu’ il se trou« vera manquer pour parfaire ladite somme de quatre« vingt mille livres, et lesdits futurs époux déchargés
« d’autant a prendre sur les derniers ternies de ladite
« somme de cent vingt mille livres. » '
Tel est l ’acte où l ’on croit trouver une substitution
fidéi-commissaire, grevant la demoiselle Montlogis en
faveur de M. Capelle ou de ses héritiers ; comme si le
principal caractère d’une telle substitution n’était pas
la charge de conserver et de rendre la totalité des
biens, et non celle de restituer seulement ce (jui res- '
lerait dès biens donnés; comme si un simple substitué
pouvait être lui-même partie c o n tr a c ta n t e clans l’acte
de d is p o s it io n , et d e v a it être astreint personnellement
à quelques obligations, à quelques charges, avant
meme que la substitution fût ouverte.
Oii n’aurait pas exigé, sans doute, du sieur C a
pelle, et celui-ci n’aurait pas contracté des engageméns aussi onéreux, s’il n’eut pas été considéré, et
s il ne se hit pas considéré lui-même comme donataire
direct, dans le cas prévu par le contrat.
Ses engagemens, il commença h. les remplir; mais
bientôt il s’aperçut qu’ils excédaient scs forces , et
qu’ ils compromettaient toute sa fortune personnelle ,
parce que
plupart des créances comprises dans
2
*
�les biens donnés étaient d ’une valeur nulle, à cause
de l ’insolvabilité des débiteurs, soit parce que les im
meubles n’offraient qu’une vente difficile.
Il voulut échapper à la rigueur de ses obligations et
h la vivacité des poursuites qu’exerçait contre l u i , à
raison des 120,000 livres qui lu i étaient dues, la dame
veuve Jalinques, alors remariée avec le sieur Murât j
il renonça donc à la donation, en ce qui le concernait,
par acte du 1 4 j uin 1 78S ; et réuni, à son épouse, il
dénonça sa renonciation à la donatrice, par acte du
25 février 1789.
Alors s’éleva, entre la donatrice et les donataires,
un procès sérieux, qui fut porté au bailliage du Palais,,
à Paris, et qui y fut jugé par une sentence du 28 août
179 0 .
L e sieur Capelle renouvela sa renonciation devant
la justice; il offrit de rendre tout ce qu’ il.avait reçu :
il demanda en conséquence à être affranchi de. toutes
ses obligations.
L a dame Capelle consentait à conserver le titre et
les droits de donataire; elle demandait que les objets
donnés lui fussent remis; elle offrait d ’acquitter les
charges de la donation.
L e but des deux époux Capelle était de dégager les
biens du mari. Dans ce cas, le,sieur Capelle aurait
consenti à ne profiter d’aucun des avantages que la
donation lui assurait.
,
Mais alors, réduite aux seules, ressources que présen
tait la dame Capelle, la donatrice eût été mal payée :
�)
aussi ré sista -t-e lle et k la renonciation du mari e t aux
offres de l ’épouse. Elle demanda, ou que la donation
f u t annulée pour le to u t, ou que l ’acte fut exécuté
dans toutes ses clauses.
C ’est cet qui fut décidé, le 28 août 1 7 9 0 , par les
magistrats du 'bailliage du palais.
Voici les termes de leur sentence :
« Sans nous arrêter aux répudiations faites par la
« partie de Me Rimbert (le sieur C ap elle), disons que
« la donation dont il s’agit sera exécutée selon sa forme
« et teneur ; en conséquence, ordonnons que les pour"« suites commencées seront continuées*, et à faute par
« les parties de Mc> Rimbert et Populus (1) de remplir
^ lès clauses et les conditions portées en ladite dona« tion, dans le tems et espace de trois mois, à compter
« du jout de notre présente sentence, disons qu ’en
« vertu ¿le la d it e s e n te n c e , e t sa n s cju ’i l en soit besoin
« d’autre, ladite* donation et tous actes postérieurs
« itératifs seront révoqués; en conséquence, autorisons
«^lesdites parties de Me ^le'unier (la dame «t le sieur
« Murât) a entrer en jouissance, possession et pro« priété de tous les biens immeubles, meubles et effets
« compris en 'ladite donation , etc. »
Cette sentence était juste-, car l ’acte de donation
était •indivisible.
Cependant les débats se prolongèrent par un appel;
ils furent terminés par une transaction du 20 dé(T) M Populus était Vavocat do la dumc Capelle,
y
�eembre 1 7 9 1 ? qui fut faite par la médiation et de
l ’avis de trois anciens jurisconsultes.
Le sieur Capelle se décida à ne plus persister dans
une répudiation qui eut privé son épouse, comme lu i,
de tous les avantages que pouvait présenter la donation.
Aussi cette donation fut-elle considérée comme com
mune à l ’un et à l ’autre.
On remarque dans l ’acte des expressions non équi
voques sur le sens et l ’eifet de la donation.
« Les parties, est-il dit dans l ’exposé, désirant ter« miner les différentes contestations pendantes entre
« elles en différons tribun aux, tant en première ins« tance que par appel, à raison de l ’exécution de la
« donation fa ite p a r ladite dame de Lan gh eac. de
a M urât , en fa v e u r de ladite dame de Langheac
« Lascom bes} et dudit sieui' Capelle son m ari 3 dans
« leur contrat de mariage du 23 septembre 1786. »
Plus b a s, et dans le corps de l ’acte, des expressions
semblables sont employées.
Ou y parle du domaine de Saint-Miçhel, comme
fa isa n t partie des biens donnés auxdits sieur et daine
C apelle.
On y rappelle la somme de 120,000 f r . , que la dame
de Langheac de Murât s’était réservée dans la dona
tion p a r elle fa it e en fa v e u r des sieur et dame Capelle.
O11 cède h compte le domaine de Saint-Michel, tel
et de même q u 'il f u t délaissé auxdits sieur et dame
C apelle , p a r la donation fa ite en leur fa v e u r.
On abandonne aussi en paiement une rente faisant
�( ' 3 )'
p a rtie, est-il ajouté, de la donation fa ite p a r ladite
dame de M urât a u x sieur et dame C apelle.
Nulle part la dame Capelle n’est déclarée, n’est
môme indiquée comme seule donataire.
E t cependant des jurisconsultes habiles concouru
rent au traité.
S ’ils s’exprimèrent ainsi, ne fut-ce pas parce qu’il
était juste j parce qu’ il était conforme à l ’intention des
parties et au sens bien entendu du contrat de mariage,
que le sieur Capelle , qui participait aux charges,
devait aussi participer dès-lor.s même aux bienfaits, et
avait le droit d’être considéré comme un codonataire ,
non comme un simple substitué.
Par cette transaction , après avoir retranché les
paiemens faits par le sieur Capelle à la dame M u rât,
la somme de 120,000 fr ., que s’était réservée celle-ci, 1
fut réduite a 100,000 fr. en principal, et à 9600 fr.
en intérêts.
L e sieur Capelle paya un,à-compte de 12 ,7 9 8 fr.
Il consentit au paiement d'une somme de 1 1 , 8 1 2 f r . ,
valeur des droits légitimaires de son épouse, en prin
cipaux et en întcrets, et cette somme fut aussi touchée
par la dame de Murât.
11 lui laissa le domaine de Saint-Michel pour le prix
de 8000 francs’ 5
.
. Il lui céda une rente foncière d’ un principal de
4 °°o francs j
.
Il lui remit 20,000 fr. de créances, faisant partie
des objets donnés.
�< *4 )
Tous ces paiemens réduisirent la dette k 5 3 ,ooo fr .,
qui furent stipulés payables par termes.
Le sieur Capelle a exécuté fidèlement, depuis, la
donation et le traité.
Il a payé les dettes qui grevaient les biens donnés.
<
Il s’est aussi acquitté en partie envers la dame
M u râ t, à laquelle, selon le sieur Nouveau lui-même,
il ne devait q u ’environ 3 4 >ooo fr. lorsqu’il décéda.
E t comme les ressources que lui offrirent les biens
donnés étaient insuffisantes; comme il ne put retirer
que 4ooo francs des créances comprises dans la dona
tion , il fut forcé, pour satisfaire k ses engagemens ,
d’aliéner à vil prix une partie de ses propres biens, et
notamment le domaine de Mallaret , vendu pour
21,0 0 0 francs, et qui en vaut aujourd’hui plus de
60,000'fr.
Cependant le sieur Capelle, qui devait se considérer
désormais comme propriétaire des biens donnés, y fit
de grandes réparations, augmenta les cheptels du bien
de la Rouquette, principal immeuble, et y plaça un
mobilier d’ une grande valeur.
Le sieur Capelle ne jouit pas long-tems d ’une for
tune qui lui avait coûté tant de sacrifices : il décéda
presque subitement , le i 5 janvier 1704*
Ses enfans du premier lit étaient mineurs.
Il n’avait pas eu d’enfans du second mariage.
Des scellés furent apposés huit jours après son décès:
un inventaire fut fait dans le mois suivant.
Ou a reproché k la veuve d’avoir soustrait l’argent,
�C. ‘5 )
les effets, u n e partie du mobilier. Des poursuites en
spoliation avaient même été dirigées contre elle. Mais
les tuteurs des enfans Capelle négligèrent ces pour
suites.
Cependant là dame veuve Capelle passa à de secondes
noces avec le sieur Joseph Aymar-Nouveau.
Leur contrat de mariage, en date du i 4 frimaire
an 3 , est le titre invoqué aujourd’hui par le sieur
Nouveau.
Voici les clauses utiles à connaître.
« L a citoyenne Langlieac, future épouse, donne et'
« lègue audit citoyen Nouveau, son futur époux, aussi
« en cas de survie, la propriété et jouissance des do« maïnes'et enclos de la Rouquette et dépendances,
« francs et quittes de toutes charges, dettes et hypo« thèques présentes et à venir, sous la réserve de tous
« ses autres droits, actions et prétentions, dont elle
« pourra disposer, ainsi et comme bon lui semblera. »
L a future épouse donne ensuite au sieur Nouveau
pouvoir de vendre ses immeubles, à la charge d’en
employer le prix en acquisitions, ou en paiement des
dettes auxquelles ils étaient affectés.
Enfin on remarque la clause suivante :
« 11 demeure encore convenu que, dans le ças où
*< ladite future épouse ne pourrait disposer ni aliéner
« ses biens immeubles, e t, par exprès, ceux par elle
“ donnés audit futur époux, à titre de gain de survie,
« comme il çst dit plus haut} en ce cas, elle donne,
« à titre de donation entre-vifs, pure^ simple et irré-
�« vocable, audit futur époux, tous ses autres biens
« mobiliers et immobiliers, présens et à venir. »
Cette donation secondaire indique assez l ’opinion
de la dame Langheac elle-même sur le droit qu ’elle
s’arrogeait de disposer de la terre de la Rouquette ,
objet principal des libéralités contenues dans son pre
mier contrat de mariage.
Cependant les sieur et dame Nouveau agirent en
propriétaires.
Ils remboursèrent d’abord à la dame Murât , en
assignats d’une valeur presque nulle, les sommes qui
lui restaient dues d’après la transaction de 17 9 1 •
Us s’adressèrent ensuite aux mineurs Capelle , et
firent a leur tuteur, par acte du 5 floréal an 3 , offre
de i i j 835 francs d’assignats, somme à laquelle ils
fixèrent, par leurs calculs, les rembourscmens dont
ils étaient débiteurs envers les mineurs Capelle, pour
les paiemens faits par leur père à la dame Murât.
Le tuteur refusa les offres, comme insuffisantes et
immorales. Il demanda un compte.
Le sieur Nouveau obtint, le 25 floréal, un jugement
par défaut qui déclara les offres valables.
Un second jugement par défaut débouta le tuteur
de son opposition.
Celui-ci reçut, comme contraint, ces valeurs idéales,
le 25 messidor an 3 , le jour même oii fut rendue cette
loi si connue, q u i, réprimant les spéculations peu ho
n o rab les de certains débiteurs, déclarait nids les remboursemens en papier-monnaie, si ruineux pour les
créanciers.
�( *7 )
E n l ’an 12 commença le procès principal.
Les sieur et dame Nouveau formèrent la première
demande.
Par un exploit du 27 nivôse an 12 , ils récla
mèrent , i° 6938 livres qu’ils disaient avoir été
touchées par le sieur Capelle sur les capitaux de la
dame Nouveau; 2° 80 livres pour les frais funéraires
du sieur Capelle; 3 ° i a 35 livres pour frais de la nour
riture et de l ’entretien des enfans pendant deux ans
et cinq mois; 4° 275 francs pour les dépenses du procès
de l ’an 3 ; 5 ° la remise des quittances justificatives des
paiemens faits par le sieur Capelle à la dame Murât.
Depuis, les sieur et dame Nouveau ont reconnu le
ridicule de plusieurs de ces réclamations, et les ont
abandonnées.
L e s héritiers Capelle s o u t in r e n t d a n s le u r s défenses
q u ’ ils é ta ie n t se u ls propriétaires des biens compris
dans la donation faite par le contrat de mariage de 1786.
Ils conclurent aussi :
i° A la restitution du mobilier de la Rouquette;
20 A la remise des papiers et livres-journaux de
leur père ;
3 ° Au paiement d’une somme de 3 oo fr. en argent,
et de Goo fr. en assignats, qu’avait laissés leur père;
4 ° Au compte des arrérages de rente et des intérêts
de créances, qui étaient dus au sieur Capelle à son décès,
et dont avaient profité la- dame et le sieur Nouveau.
L a cause ayant élé portée a l’ audience, il fut ordonné
qu’elle serait instruite par écrit.
3
�( .8 )
Tel était l’état (les contestations, lorsque la dame
Nouveau décéda, laissant pour héritières les demoiselles
de Montlogis, ses sœurs.
Celles-ci ont été mises en cause à la requête du sieur
Nouveau.
Elles ont comparu, et ont fait signifier, le 18 no
vembre 1 8 1 6 , une requête dans laquelle la dame
M u rât, l ’une d’elles, déclare qu’elle avait entendu ,
non pas substituer, mais associer le sieur Capelle à la
donation qu’elle avait faite dans le contrat de mariage
du a3 septembre 1786.
Les héritiers Capelle ont demandé, par requête du
i 5 fé v r ie r 18 17 , le désistement de tous les biens donnés
à leur père.
Le sieur Nouveau a soutenu qu’ ils lui appartenaient,
parce que le sieur C apelle, simple substitué , avait
perdu ses droits, à l ’émission de la loi du 2 5 octobre
1 7 9 2 , et que la dame Capelle, saisie dès-lors irrévo
c a b le m e n t de la propriété, avait pu la transmettre à
son second mari par leur contrat du 5 novembre 1 79A•
C ’est sur ces prétentions respectives, et sur quelques
autres, qu'a prononcé le tribunal d’Aurillac, par juge
ment du 3 i décembre 18 1 7 .
Ce jugement déclare « que la donation portée en
« l ’article 8 du contrat de mariage de la demoiselle de
« Montlogis avec le sieur Capelle, en date du a 3 sep« tembro 17 8 6 , contenait une substitution en faveur
« du sieur Capelle et de ses héritiers, abolie par la
« loi du 25 octobre 1 7 9 2 ; maintient et garde le sieur
�( *9 )
Nouveau clans la paisible possession et jouissance des
« deux domaines de la Rouquette, enclos et dépen« dances, composes de tous les héritages qui étaient
« attachés à la réserve du propriétaire. »
Les motifs de cette décision n’ont pas coûté beaucoup
de méditation.
« Attendu, disent-ils, que l ’on trouve dans la clause
« du contrat «de mariage charge de rendre, trait de *
« tems, et ordre successif, qui étaient les principaux
« caractères par lesquels on distinguait les substitutions
« fuléi - commissaires des autres espèces de substitu« lions ; que dès-lors la donation faite par la dame
« veuve Jalinques à sa sœur, contenait une véritable
« substitution iidéi-commissaire, du moins de eo quod
« supereritj en faveur du sieur Capelle et de ses
« héritiers ;
« Attendu que cette substitution n’était pas encore
« o u v e rte h l ’ époque de la publication de la loi du
« 25 octobre 17 9 2 , qui abolit les substitutions fidéi« commissaires qui n’étaient pas encore ouvertesj que
« dès-lors les biens qui étaient compris dans cette do« nation devinrent entièrement libres sur la tête de
« la dame Capelle, q u i, par une conséquence natu« relie, put en disposer à son gré, tant à titre gratuit
« qu’à titre onéreux5 et que par conséquent la dona« tion par elle faite, à titre de gain de survie, au
« sieurNouveau, dans le contrat de mariage, du /j dé
cembre 17 9 4 , doit être confirmée et maintenue. »
Le jugement prononce sur d’autres objets dont il
n est plus question dans la cause, à l ’exception d’ un
�( 20 )
chef relatif au mobilier qui garnissait les bàtimens (le
la Rouquette.
11 ordonne notamment un compte relatif aux sommes
payées et reçues par le sieur Capelle, compte qui sera
le germe d’une foule de difficultés, et que rendrait
inutile une décision contraire sur la question principale.
Les héritiers Capelle ont interjeté appel du jugement.
Les dames Montlogis se sont aussi rendues appe
lantes.
Depuis l ’appel, le sieur Nouveau est mort. Une
nièce, son héritière, a repris l ’instance ; et c’est contre
cette héritière collatérale, que les. enfans Capelle ont
déjà discuté leurs droits devant la C our, à plusieurs
audiences.
Un arrêt du 18 août dernier a ordonné que la cause
serait instruite par écrit.
Les héritiers Capelle démontreront :
i° Que le contrat de mariage ne contient pas de
substitution fidéi-commissaire;
a° Que, dans le doute même, la disposition devrait
être maintenue.
P
r em ièr e
p r o po sitio n .
L e contrat de mariage de 1786 ne contient pas de
substitution J i d e i -commissaire.
Nous n’entrerons-pas ici dans le détail des diverses
espèces de substitutions. Ce serait nous livrer à une
théorie aussi compliquée qu'inutile.
�Il suffit de savoir que les substitutions fidéi-commissaires sont les seules qu’ait abolies la loi des
oc
tobre et 14 novembre 179 2.
C ’est ce que déclare M. Merlin dans son Répertoire
de Jurisprudence (1).
C ’est aussi ce qu’a remarqué M. Bigot-Préameneu,
en présentant au Corps législatif le titre du Gode civil
sur les donations et le§ testamens.
« Parmi les règles communes à tous les genres de dis« positions, a-t-il d it, la plus importante est celle qui
« confirme l ’abolition cles substitutions jicléi-com m is« saires. »
Cet orateur, qui était en 1792 membre de l ’assem
blée législative, nous fait aussi connaître les motifs
qui dictèrent cette première innovation de nos lois
anciennes.
« L ’esprit de fraude introduisit les substitutions ;
« l ’ ambition se saisit de ce’m oyen, et l ’ a perpétué.......
« L ’expérience a prouvé que, dans les familles opu«
«
«
«
lentes , cette institution^ n’ayant pour but que
d’enrichir l ’un de ses membres en dépouillant les
autres, était un germe renaissant de discorde et de
procès..............
« Chaque grevé de substitution, n’étant qu’ un
« simple usufruitier , avait un intérêt contraire à
« toute amélioration.
(1) Voir lo Répertoire do M. Merlin , au mot Substitution Jidéi-commissaire, section i " , § i3.
�( 22 )
« Unetrès-grande masse de propriétés se trouvait
« perpétuellement hors du commerce.
« Ceux qui déjà étaient chargés des dépouilles de
« leur fam ille, avaient la mauvaise foi d’abuser des
« substitutions pour dépouiller aussi leurs créan« ciers...........
« Ce sont tous ces motifs qui ont déterminé à con« Jîrm e r l’abolition des substitutions, d éjà prononcée
« par la loi d’octobre 179 2. »
On voit qu’il y a conformité parfaite sur la matière
entre la loi de 1792 et le Code civil; en sorte que les
raisonnemens, les principes, les arrêts applicables à
l ’une des législations, peuvent aussi être invoqués pour
l ’autre.
L ’on doit faire une autre remarque très-importante,
que nous empruntons des auteurs les plus distingués (1).
Personne n’ignore qu’il y a des rapports sensibles
entre les substitutions et les conditions : mais il n’est
pas défendu de donner sous condition. Il faut donc bien
se garder de c o n fo n d re les conditions qui forment une
substitution fidéi-commissaire, avec celles qui n’en
ont pas les caractères; ce serait compromettre le sort
de dispositions que la loi respecte;
Ainsi les magistrats ne sauraient user de trop de
circonspection, lorsqu’ils ont à prononcer sur des ques
tions aussi délicates.
(1) Voyez le Commentaire de M. Chabrol, tome 2 , page 12G, et le
Traité des Donations de M. Grenier, observations préliminaires, n° 9 ,
tome i " , pages i i 3 , 114 , 2' édition.
�Mais examinons la nature de la disposition qiii a fait
naître le procès, et pour cela rappelons en analise la
principale clause du contrat de mariage.
« Dans le c a s, est - il d i t , que ladite demoiselle
« future épouse vienne à décéder sans enfans du p ré-
« sent m ariage ^ audit cas seulement, les biens qui
« resteront de ceux ci-dessus donnés, seront remis et
« 'appartiendront audit sieur futur époux*, e t , en cas
« de prédécès, à ses héritiers, ou à celui d’entr’ eux
« q u ’ il aura choisi, etc. »
Le
futur époux a la lib erté de vendre , a lié n e r,
en tout
ou e n . p a r t i e , lesdits biens donnés, à tels prix,
charges, clauses et conditions q u ’ il avisera, du con
sentement de la future épouse ; de recevoir le montant
du p r i x 3 ainsi que des sommes dues fa isà n t partie des
biens.
C e s s t ip u la t io n s c o n te n u e s clans le p lu s solennel des
contrats , ces stipulations qui furent la condition du
mariage même, ne pourraient être critiquées, q u ’ autant
q u ’on prouverait q u ’elles renferment nécessairement
une substitution fidéi-commissaire.
Toute
autre convention',
toute autre disposition
faite dans un lel acte doit être considérée comme in
violable.
Mais à quoi reconnaît-on
une substitution
fidéi-
commissaire ?
A ses expressions ou à ses caractères.
A ses expressions. C a r q u o iq u ’on ne fût pas obligé
autrefois d ’employer des termes m arqués, cependant il
�( 24 )
y en avait de consacrés par l ’usage, tels que ceux-ci :
J e substitue.. .. J e charge mon mandataire de con
server et de rendre......... J e le prie de rendre.
O r, aucune expression semblable ne se trouve dans
la clause; aucune charge n’est directement imposée à
la future épouse.
On lui donne dans un cas ;
Mais dans un -autre cas, dans celui où elle mourrait
sans enfans, les biens sont donnés au futur époux :
c’est à lui qu’ils appartiendront, est-il dit.
Cette observation serait peu considérable, s’il s’agissait d’une disposition faite depuis les lois nouvelles,
parce qu’on pourrait croire qu’on a cherché à. éluder
leur prohibition.
Mais elle est importante , si l’on considère qu’à
l ’époque du contrat de mariage, les substitutions étaient
permises; q u ’ainsi on n’élait pas gêné dans le choix des
expressions; qu’on n’aurait donc pas hésité à employer
les te rm e s usités, et à d ire : J e su b stitu e 3 o u j e c h a rg e
d e c o n s e r v e r et d e r e n d r e , si l ’on avait entendu réel
lement faire une substitution fidéi-commissaire.
-Fixons-nous aussi sur les caractères de cette sorte de
substitution.
Ces caractères sont indiqués dans la définition que
donne l’article 896 du Code civil, dont voici le texte :
« Les substitutions sont prohibées.
« Toute disposition par laquelle le donataire, l ’héri« tier institué, le légataire sera chargé de conserver
« et de rendre à un tiers, sera nulle.' »
�( 25 )
l û<)
Nous avons clioîsi cette définition comme la plus
claire et la plus juste; comme ayant été donnée par
le législateur lui-m êm e afin de prévenir toute équi
voque ; comme convenant aussi aux substitutions sur
lesquelles a frappé la loi d’octobre 1792 ; car nous
avons vu que cette loi et le Code civil s’appliquaient
à la même espèce de substitution.
L a définition du Code civil est d’ailleurs, à peu de
chose près, la même que celle donnée par M. Thevenot
d’Essoles, q u i, a p r è s y a v o i r l o n g - t e m s r é f l é c h i ,
définit la substitution fidéi-commissaire u n e d i s p o s i
tio n
de Vhom m e j
p a r l a q u e l l e 3 en g r a t if ia n t q u e l
q u 'u n , e x p r e s s é m e n t o u t a c it e m e n t } o n le c h a r g e d e
ren d re la ch o se à lu i d o n n é e ,
A
un
t ie r s
ou
une
a u tre
ch o se,
q u e l ’ o n g r a t if ie e n s e c o n d o r d r e ( 1 ) .
Quoique dans cette définition imparfaite ne soit pas
placée la charge d e c o n s e r v e r , il est é v id e n t que cette
charge résulte de la définition même ; la condition
de rendre la chose donnée suppose nécessairement
qu’on la conservera; aussi l ’auteur explique-t-il, au
même chapitre, n° 2 1 , que c e l u i q u i e st c h a r g é d e
ren d re
n ’a p o in t,
en
g é n é r a l,
la
lib e r t é
in d é f in ie
d 'a l i é n e r , p u i s q u e , s ' i l a v a i t c e tte l i b e r t é i n d é f i n i e ,
l a c h a r g e d e r e n d r e s e r a it p r e s q u e t o u jo u r s s a n s e ff e t .
On voit donc que la définition du Code c iv il, soit
par sa conformité avec les anciennes définitions, soit
(1) Voyez le Traité des substitutions fidéi-commissaires, par M. Tlievenot d’Essoles, section i re, chapitre 1 " , S 2.
4
�(
)
par sa simplicité et son exactitude, soit par le but que
se sont proposé les lois nouvelles en annulant les
substitutions, est la seule à consulter pour vérifier si
une disposition ancienne est comprise dans l ’abolition
prononcée par la loi de 1792.
De cette définition ressort avec évidence le principe
que l ’on va poser :
Ce qui constitue essentiellement une substitution
jidéi-com m issaire
est
la
D E R EN D R E A UN T IE R S .
ch arge
de
co n server
et
_
Ce principe, nous l ’avons puisé dans une source
abondante en doctrine (1).
O r, rien de ce qui constitue essentiellement une
substitution ne se rencontre dans la clause ci-dessus
transcrite.
Il n’y a pas charge de conserver.
Il n’y a pas aussi charge de rendre h. un tiers.
§ I er.
I l n’y a pas charge de conserver.
Cette vérité n’est pas douteuse, d’après les termes
du contrat de mariage.
Le futur époux a la liberté d’aliéner, en tout ou en
partie , les biens donnés ;
Il peut les vendre à tel p r ix } clauses ou conditions
q u ’il avisera;
(1) Voir le Traité «les donations, déjà cité, tome i*r, page n \ }
a® édition. Voir aussi le Droit civil de M. Toullier, tome 5 , n° 1.
I
�( 27 )
Seulement il faut le consentement de l ’épouse}
Mais avec le consentement de celle-ci, il est permis
de ne rien conserver, de faire dispaxaître, par des alié
nations , la totalité des biens donnés.
Comment reconnaître, dans une faculté aussi illi
mitée , le principal caractère d’une substitution fidéicommissaire, la charge de conserver, qui constitue
essentiellement une telle s u b s t it u t io n disent les au
teurs , et sans laquelle, par conséquent, il ne saurait,
y avoir de substitution ?
Par une conséquence du pouvoir indéfini d’aliéner,
l ’on dit seulement dans le contrat que les biens qui
resteront de ceu x ci-dessus donnés appartiendront au
futur époux ou à ses héritiers.
Singulière substitution, qui n’assure rien aux per
sonnes qu’elle indique, et de laquelle il résulterait que
celles-ci n’auraient pas la moindre chose à réclamer,
dans le cas où to u t aurait etc vendu !
Comment trouver aussi dans la clause l ’application
des motifs principaux qui ont dicté l ’abolition des substi
tutions, la crainte des fraudes envers les créanciers, le
but de faire rentrer les biens dans le commerce?
Les biens donnés îi la dame et au sieur Capelle
n’étaient jamais sortis du commerce, et leurs créan
ciers ne pouvaient être trompés, puisque le pouvoir de
s’obliger à leur égard était évidemment renfermé dans
celui de vendre, de traiter, transiger, recevoir toutes
sommes, etc.
Cependant l ’argumentation s’est emparée de ces
///
�( =8 )
expressions m êm e, qui resteront des biens donnés 3
pour y puiser diverses objections.
Prem ière objection. Si la clause ne s’applique qu’à
ce qui restera des biens donnés, la dame Capelle aurait
fait une disposition valable en faveur du sieur Nouveau,
son second mari.
L ’objection n’est qu’ une équivoque.
L a dame Capelle n’était pas propriétaire absolue des
biens compris dans la donation } elle n’y avait qu’un
droit subordonné à un événement} et cet événement
était l ’existence d’enfans nés de son premier mariage.
Propriétaire dans ce dernier cas, elle eut pu disposer
k son gré des biens donnés.
Non propriétaire dans le cas contraire, elle n’avait
aucune qualité pour en gratifier qui que ce soit.
Aussi, par le contrat même, la faculté de disposer
à titre gratuit fut-elle restreinte à une somme de
3 ooo francs.
Mais e lle p o u v a i t , c o n jo in te m e n t a ve c son premier
m ari, tout aliéner à titre onéreux} et c’est en ce sens,
que l ’on ne peut pas dire qu’il y eût dans le contrat
charge de conserver, ni par conséquent substitution.
»
D euxièm e objection. Dans l ’ancien droit, on con
naissait la substitution ejus quod supercrit; ainsi,
fût-elle de cette nature , celle dont il s’agit n’en
aurait pas moins été annulée par les lois nouvelles.
Deux réponses écartent l ’argument.
*
Dans l’ancien droit même, la substitution ejus quod
�( 29 ) '
supererit n’ était considérée comme fidéi-commissaire,
q u ’autant que le pouvoir d ’aliéner était restreint.
Lorsque l ’ acte gardait le silence sur la quotité de
l ’aliénation permise, cette mesure était à l ’ arbitrage
du ju ge; il le fallait ainsi, pour que le fidéi-commis
ne fût pas vain.
In totum diminuere non potest, dit C u ja s, alioquin
inane esset fideicom m issum . L e x ait posse diminuere
bond fid e et e x ju s tâ causa (i).
Mais la loi n’avait rien à régler, lorsque l’acte dé
terminait lui-même la faculté d’aliéner, et lorsqu’il la
déclarait indéfinie. Alors, qu’on qualifiât la disposition
conditionnelle de substitution ou de toute autre ma
nière, ce qui était indifférent dans l ’ancien droit, au
moins ne pouvait-elle pas être considérée comme J id é icommissaire (2). O r, nous avons vu qu’il n’y avait
que cette dernière espèce de substitution qui eût été
abolie.
Dans le contrat de mariage du sieur Capelle, la
donatrice ne s’est pas bornée aux premières expressions,
par lesquelles elle attribuait au sieur Capelle ou à ses
héritiers, seulement ce qui resterait des biens donnés;
elle y a ajouté expressément un pouvoir indéfini de
vendre, la lib e rté , est-il d it, d 'a lién e r, en tout ou
en p a rtie 3 les biens donnés, c’est-à-dire, qu’elle a
autorisé à rendre complètement illusoire le don éventuel.
(1) Voir Thcvenot «l’Essoles, section 3 , chapitre 22.
(2) Voir Thcvenot d’Essoles, section i re, chapitre 1 " , n° a i.
�( 3o )
Donc il n’y a pas de substitution fidéi-commissaire.
Au reste, si l ’on consulte la législation nouvelle, on
verra que la substitution ejus quod supererit n’est
pas comprise dans l ’abolition qu’elle prononce.
Les auteurs et la jurisprudence s’accordent sur la
question.
M. Tou llier, dans son droit c iv il, remarque, en
deux endroits différens ( i ) , que la charge de rendre
ce qui restera des biens, à la mort du d o n a t a ir e id
quod supererit y ne constitue pas une substitution
prohibée. Il rappelle l ’ usage de ces sortes de disposi
tions sous la coutume de Bretagne , qui cependant
n’admettait pas les substitutions. Il dit qu’on doit
les considérer comme valables aujourd’h u i, « parce
n qu’elles ne contiennent pas l ’un des caractères essen« tiels des substitutions prohibées, la charge de
« conserver. »
L ’auteur du dernier Traité des Donations cite un
a r r ê t r e n d u , le i 4 n o v e m b re 18 0 9 , par la Cour
de Bruxelles, qui a jugé qu’ il n’y avait pas de substi
tution fidéi-commissaire, dans une clause par laquelle
l ’institué dans la propriété de tous les biens était chargé
de rendrej a u x héritiers de Vinstituant} ce q u 'il 1 1 au
rait ni dépensé ni alién é.
Ce profond jurisconsulte, en approuvant l ’arrêt,
fait observer qu’il ne faut pas avoir égard,'au moins
(1) Voir tome 5 , a0* 38 et 47 1 première édition.
�( 3. )
sur ce point, aux lois romaines, dont le génie était de
favoriser et d’étendre singulièrement les substitutions.
« On doit ne v o ir, ajoute-t-il, de substitution fidéi« commissaire , que la où l ’on doit nécessairement
«< supposer une charge de conserver et de rendre à un
« tiers (i). »
On pourrait trouver quelques opinions contraires;
Mais ces opinions rigoureuses ne s’appliqueraient
qu’à des cas où le pouvoir d’aliéner aurait été limité ;
sinon elles seraient en opposition directe avec les termes
comme avec l’esprit de la législation nouvelle, qui a
aboli seulement les substitutions dans lesquelles il y
avait charge de conserver; qui les a abolies, principa
lement par des considérations politiques, afin de pré
venir les fraudes dont elles étaient le germe, et pour
faii'e rentrer dans le commerce des biens considérables,
que ces sortes de substitutions en avaient fait sortir.
Ni les termes, ni l ’esprit de cette législation ne
s’appliquent à la disposition qu’invoquent les héritiers
Capelle, puisque la totalité des biens donnés pouvait
être vendue, et par conséquent perdue pour eux.
Une troisième objection est présentée.
Ce qui restera des biens donnés, dit-on, doit s’en
tendre de ce qui restera, les charges remplies : or, il
y en avait un assez grand nombre.
L ’objection est peu sérieuse.
Ï1 eût été fort inutile de dire qu’ori rendrait seule(i) Voir observations préliminaires j pages 1 1 2 et J i 3.
�( 3> )
ment ce qui resterait après le paiement des dettes.
Cela était de droit. Personne n’ignore la maxime :
B ona non dicuntur nisi deducto œre alieno. Il n’y
avait de donné à la dame Capelle elle-même que ce qui
n’était pas dù.
Ainsi ces expressions du contrat, les biens qui resteront de ceu x ci-dessus donnés, ne peuvent s’en
tendre que de ce qui n’aurait pas été aliéné, en vertu
du pouvoir illimité accordé au sieur et à la dame
Capelle.
Au reste, ce n’est pas sur les mots les biens qui
resteront, etc. , qu’il faut seulement se fixer. C ’est
cette liberté indéfinie d’aliéner q u ’il faut considérer,
ce droit de vendre la totalité des biens, droit extraor
dinaire en matière de substitution fidéi-commissaire,
droit évidemment exclusif de la charge de conserver,
qui forme l ’essence d’une telle substitution.
Ici se présente une dernière objection qui pa
r a ît r a p lu s f u t ile e n c o r e , p o u r p e u qu’on l ’approfon
disse.
On oppose que, si le sieur Capelle pouvait vendre,
et toucher le prix des ventes, il était tenu de recon
naître, sur ses propres biens, les sommes qu’il rece
v ra it, p o u r le tout être ren d u , le cas de restitution
arrivant, à qu i i l appartiendra.
On veut trouver dans cette clause une charge de
conserver, puisque ce qui ne se trouverait plus eu
nature devait se recouvrer en valeur.
�On répondra que la stipulation pouvait bien être
quelque chose pour la daine Capelle elle-même.
Car si elle avait eu des enfans de son premier ma
riage, événement qui l ’eût rendue propriétaire des biens
donnés, elle aurait pu exercer ses reprises sur les biens
de son mari; et si celui-ci avait vendu ses propres
biens, elle aurait conservé, à l ’aide des précautions
prescrites par les lois, le droit d’agir hypothécairement .
contre les tiers-détenteurs.
Mais si l’on considère à qui devaient appartenir les
biens donnés, dans le cas où la dame Capelle n’aurait
pas d’enfans de son premier mariage, on s’apercevra
que la reconnaissance des sommes reçues par le sieur
Capelle devenait absolument insignifiante, et ne pou
vait équivaloir à une charge de conserver.
E n effet, ce n ’ est pas un tiers étranger au sieur
C a p e lle , à qui les biens donnés devaient appartenir
par l ’ événement.
C ’est au sieur Capelle lui-même 3 ou à ses héritiers.
Or, dans ce dernier cas., le seul où la prétendue
substitution aurait eu son effet, il est évident que la
dame et lesieur Capelle pouvaient tout dissiper, savoir,
l ’ un et l’autre, en vendant les biens donnés; ou le
sieur Capelle seul, soit en disposant du p rix, soit en
contractant des dettes qui auraient absorbé la valeur
des biens.
Quel effet aurait produit alors la reconnaissance des
sommes ?
�( 34 )
Que serait devenue cette
conserver ?
prétendue charge de
Le sieur Capelle lui-même n’aurait pu se plaindre
de ses dissipations.
Ses héritiers n’auraient pas eu plus de droits que
lui} car tenus de ses faits, en leur qualité d’ héritiers,
ils auraient été obligés ou d’acquitter ses dettes, qui
auraient absorbé les biens, ou de renoncer a leur titre
d’héritiers, ce qui eût été renoncer aussi à la donation.
O r, il n’y a charge de conserver, dans une substi
tution fidéi-commissaire, que lorsque c’est en faveur
du substitué lui-même que la charge est établie.
Donc l’on ne peut pas dire qu’il y a substitution,
si celui que l ’on indique comme substitué a cependant
pu être privé de tous les biens.
Comme la charge de conserver constitue l ’essence
des substitutions aujourd’ hui proscrites, les héritiers
Capelle ont dû s’attacher à démontrer que cette charge
n ’ e x is t a it pas dans le contrat du mariage de leur père}
ils croient avoir rempli cette tâche} et ils pourraient
sans danger se borner à cette première discussion ,
parce qu’en l ’absence du principal caractère d’ une
substitution, d ’autres caractères moins importuns ,
fussent-ils même reconnus dans la clause dont il s’agit,
ne suffiraient pas pour faire déclarer la disposition
nulle.
Mais les autres caractères indiqués par les auteurs
n'existent même pas.
�(35)
'
§ II.
I l ri y a pas charge de rendre à un tiers.
Il est dit dans le contrat qu’au cas où la future
épouse vienne ¿1 d écéder sans enfans du présent m a
riage , les biens qui resteront seront remis et appar
tiendront au fu t u r é p o u x y et en cas de p ré d é c è s, a
ses héritiers> ou à celu i d 'e n tr e u x qu il aura choisi.
Nous démontrerons bientôt que ces expressions n’ in
diquent pas une charge de rendre, plutôt qu ’un don
conditionnel ou tout autre convention, q u i , même au
jourd’hui , serait licite dans un contrat de mariage.
Mais remarquons que ce n ’est pas un tiers y c’est
une partie contractante, le futur époux à q u i, dans
le cas prévu, doit appartenir la chose donnée.
Cependant ce qui indique en général une substi
tution fuléi-commissaire, c’est qu’un tiers non présent
à l ’acte est appelé à en recueillir le bénéfice, après la
mort du grevé (i).
L e grevé seul accepte ; et son acceptation su ffit,
parce que l ’obligation de rendre étant la charge de la
libéralité qui lui est faite , produit une action en
faveur du substitué.
Mais aussi lorsque le subtitué meurt avant le grevé,
la substitution s’éteint; l ’ héritier du substitué ne peut
demander les biens au grevé qui demeure affranchi de
la charge (a).
(1) Voir llicvcnot d’Essoles, section i , chapitre i et, n® n .
(2) Voir Thcvcnot û’Essolcs, sect.
chap, 28 el 29 , u05 5a 1 , 534
^
�( 30)
Pourquoi cela ?
Le même auteur nous en explique les raisons (i).
C ’est que les fidéi-commis diffèrent des stipulations
conditionnelles.
Dans les stipulations conditionnelles, l’espérance se
transmet à l ’ héritier ; e t , même après notre m o rt,
celui-ci recueille si la condition s’accomplit.
Ex
condition a li stipulalione t a n t u m s p e s e s t
D E B I T U M j r i y eamque ipsam spem in hœredem
transm ittim us, s i, priusquàm conditio extet 3 mors
nobis contigerit. Instit. De verb. oblig. , § 4 Cela est fondé sur ce que, dans les contrats, on est
censé stipuler, tant pour soi que pour ses héritiers.
Quia plerum que tant j i æ r e d i b u s N O S T R IS quàm
nobismet ipsis cavemus. L . 9 , ff. De probat.
Il en est ainsi notamment dans les legs et les ildéicommis, où il n 'y a personne qui stipule.
In hœreditatibus et legatis 3 dit C u jas,
T R A N S m it titu r i n
sp es
non
h æ r e d e r i j qu œ tam en tra n sm it-
titur in stipulationibus et omnibus contractibus.
E t remarquons avec M. Thevenot d ’Essoles, que ce
principe de la caducité du fidéi-commis, par le pré
décès du substitué, 11e s’applique pas moins au fidéieoinmis par donation entre-vifs 3 qu’au fidéi-commis
par testament (2).
Aussi l ’article 20 du litre i er de l’ordonnance des
substitutions déclare-t-il, d’une manière générale et
(1) Voir aux n05 5 iG ,
, 5 18 , 528 , 529 , 53o.
(a) Numéros 5a8 et suivaus.
�absolue, que ceux qui sont appelés à une substitution,
et dont « le droit n’aura pas été ouvert avant leur
décès, ne pourront en aucun cas être censés en avoir
« transmis l ’espérance à leurs enfans ou descendans. »
E t M. Furgole, sur cet article, en rappelant le § l\.
aux instit. D e verb. o b lig a t.j qui établit la trans
mission de l ’espérance aux héritiers, dit que ce para
graphe peut bien « être appliqué aux stipulations et
« aux contrats à titre onéreux, ou bien aux donations
« entre-vifs, en faveur du donataire ; mais il ne peut
« pas être appliqué a u x substitutions. »
Tels étaient les principes en vigueur, lors du contrat
de mariage du sieur Capelle père avec la demoiselle
Montlogis.
D ’après ces principes, l ’idée d’ une substitution pré
sentait celles :
i° D 'u n tier-s appelé à recueillir après le grevé, mais
non partie au contrat qui renfermait la libéralité;
a° D ’une libéralité conditionnelle, mais gratuite,
et qui ne soumettait le substitué à aucune charge, à
aucun sacrifice anterieur au moment où son droit serait
ouvert.
3 ° D ’une simple espérance qui s’évanouissait par le
prédécès du substitué, et que celui-ci ne transmettait
pas à ses propres héritiers.
Recherchons si ces idées caractéristiques d’une
substitution fidéi-commissaire conviennent à la dispo
sition qui est l'objet de notre examen.
Nous l’avons déjà dit ; ce n’est pas un tiers : c’est le
futur époux, c’est le sieur Capelle lui-même, rune
�( 38 )
des parties principales du contrat, à qui est attribué
la propriété des biens donnés, si le mariage qu’il con
tracte ne donne le jour à aucun enfant.
Cette libéralité conditionnelle ne lui est pas faite a
titre g ratu it, mais elle est le prix de sacrifices consi
dérables qu’on lui impose, et auxquels il s’oblige ,
puisqu’ il se charge de payer les dettes nombreuses
auxquelles étaient affectés les biens donnés, et de plus
une somme de 120,000 francs à la donataire.
E n fin , en se soumettant à des obligations, il stipule
par réciprocité ses propres intérêts -, car dans tout acte
synallagmatique, et sur-tout dans un contrat de ma
riage, toutes les clauses, quelle que soit la forme de
leur rédaction, sont réputées corélatives, et être les
conditions les unes des autres.
Bien plus, non-seulement il stipule pour lu i, mais
il stipule aussi pour ses héritiers, puisqu’il est expres
sément convenu que le droit conditionnel qui lui est
a t t r i b u é a p p a r t i e n d r a , en c a s d e p r é d é c è s , à ses h é
r itie rs ,
ou
à
c e lu i
d 'e n
tr eu x
(¡u i l
a u r a c h o is i.
(Expressions littérales de la clause.)
Ces diverses circonstances n’écartent-elles pas toute
idée de substitution ?
Ne caractérisent-elles pas, au contraire, des conven
tions réciproques, dont les conditions ont été dictées
par toutes les parties, même par le sieur Capelle, qui
achetait h grand prix, pour lui ou pour ses enfans, un
droit encore incertain ?
Com m ent conciliera-t-on , sur-tout avec les principes
des substitutions, la transmission, stipulée dans le
�( 39 )
I 9fi>
contrat, du droit ou de l ’espérance du sieur Capelle
à ses héritiers, ou même à l ’héritier de son choix?
Supposera-t-on que la donatrice, quoiqu’étrangère
à la famille Capelle, et sans autre motif qu’une pure
générosité, ou un étrange caprice, eût préféré, nonseulement le sieur Capelle, mais encore l ’héritier que
celui-ci choisirait un jour} qu’elle eût préféré, disonsnous , un inconnu à sa propre fam ille, aux enfans
qu’aurait pu avoir sa soeur d’un second mariage, à
elle-même enfin , qui pouvait succéder à cette soeur, et
qui réellement lui a succédé ?
Que l ’on cesse donc de parler de substitution fidéicommissaire.
Que l ’on reconnaisse dans l ’ensemble des clauses du
contrat de mari.age du sieur Capelle le do ut i/eidu droit
romain , c’est-à-dire des obligations et des avantages
réciproques, et auxquels le s lo is n o u v e lle s n ’ o n t pu
p o r te r a t t e in t e }
Que l ’on y cherche si l ’on veut une libéralité con
ditionnelle, mais une libéralité de la nature de celle
dont parle le savant auteur du Traité des Substitu
tions } une libéralité dont le droit est censé avoir été
fo rm é dès Vorigine,, quand définitivem ent la condition
arrive ( i ) ; une libéralité q u i, dans l ’acte même, n’a
pu être déclarée transmissible aux héritiers du sieur
Capelle, que parce qu’on a considéré celui-ci comme
saisi dès-lors des biens donnés, si révénemen€Çprévu
avait lieu dans la suite.
Quoique conditionnelle, une donation n’en est pas
( i ) Numéro 53o.
*
�( 4o )
moins valable, et n’en doit pas moins être fidèlement
exécutée, si la condition s’accomplit.
« Car cette donation, qui est faite pour avoir son
« effet en un cas, ne laisse pas d’être parfaite en sa
« disposition, dès l ’instant de la donation, quoique
« la condition ne soit pas échue (i). »
L e Code civil indique, dans l ’article 1 1 7 9 ? l ’effet
de l’accomplissement de la condition.
« L a condition accomplie a un effet rétroactif au
« jour auquel l ’engagement a été contracté. Si le créan« cier est mort avant l ’accomplissement de la condi« tio n , ses droits passent à son héritier. »
Tels sont les seuls principes applicables à la dispo
sition faite en faveur du sieur Capelle et de ses héritiers.
Un don est fait dans le contrat de mariage.
On déclare, il est vrai, qu'il est fait à la future épouse.
Mais aussitôt cette déclaration est modifiée par une
clause expresse.
L a future épouse ne sera propriétaire, qu’autant
qu’elle aura des enfans nés du mariage même qu’elle
contractait.
Si elle n’a pas d’enfans de ce mariage, en eùt-elle
d’une seconde union , son droit s’évanouit.
Alors, est-il d it, les biens s e r o n t r e m is et a p p a r
t ie n d r o n t
a u f u t u r é p o u x e t à s e s h é r it ie r s .
A in si, dans l ’ un des cas , c’est l ’épouse qui sera
donatiiiure.
Dans l’autre cas, c’est à l’époux, que les biens ap
partiendront.
(1) Ricard, Traite des Donations, partie première, u° io44 >
�( 4* )
D o n c , dès l ’ instant même du contrat de m a ria g e,
l ’époux a été saisi conditionnellement aussi bien que
l ’épouse.
L ’événement seul devait apprendre quel serait le
propriétaire des biens donnés.
L ’époux était saisi, puisqu’il transmettait à ses hé
ritiers, et que nul ne peut transmettre un droit qu ’il
n’a pas.
Donc la disposition contestée est un don condi
tionnel , non une substitution iîdéi-commissaire.
Argumentera-t-on des expressions seront rem is, pour
en induire une charge de rendre ?
Mais des inductions hasardées, des interprétations
forcees ne suffisent pas pour établir une substitution.
C est moins aux mots qu’aux choses } c’est moins à
1 ecorce qu’à la substance, qu’on doit s’ari’êter pour
juger de la nature d’une disposition : potîüs 'voluntatem qucim verba spectari placu it.
Ici la volonté des parties n’est pas équivoque ; et la
substance de la disposition résiste, comme nous l’avons
démontré , a toute idée de substitution.
Les mots seront remis s’entendent de la cessation de
1 usufruit des biens*, car la dame Capelle devait en
jouir jusqu à son décès. On dit tous les jours, dans le
langage du droit, qu ’à la mort de l ’ usufruitier les
biens seront remis au propriétaire.
Aussi la clause porte-t-elle que les biens seront remis
et appartiendront , ce qui indique la remise comme
(levant être l’eifet de la condition, dont l’accouiplisseG
�ment atirait attribué cl’avancc la propriété au sîeur
Capclle et à ses héritiers. (Voyez l ’article 1 1 79 du
Code civil.)
La distinction que nous venons de faire entre les
substitutions fidéi-commissaires et les dons condition
nels, est écrite dans l ’ancienne comme dans la nouvelle
jurisprudence.
Autrefois, dans plusieurs de nos provinces, les cou
tumes prohibaient les substitutions iidéi-commissaires.
Nous rappellerons notamment les coutumes d’A u
vergne et du Bourbonnais.
E t cependant, sous l ’empire de ces coutumes, on
considérait comme valables des dispositions semblables
à celle qui nous occupe.
t
Nous citerons deux des exemples rapportés par
M. Chabrol, sur l’article 53 du titre 12 de la coutume
d ’Auvergne. (Pages 1 2 6 , 12 7 .)
P rem ier exem ple. Gabriel Dossandon, qui avait
deux fils, et plusieurs filles, avait légué le quart de
ses biens à celui de ses deux fils qui vivrait jusqu’à
l ’àge de vingt-cinq ans; et s’ils atteignaient tous les
deux leur majorité., il donna les trois quarts du quart
à l ’aine, et le reste seulement au cadet.
L ?un des frères décéda mineur; le survivant réclama
le quart entier.
Les sœurs le lui disputèrent , prétendant qu’il y
avait substitution réciproque.
L a sénéchaussée d ’Auvergne jugea que la disposition
-n’éiait qu ’un legs conditionnel.
�D euxièm e exem ple. U n testateur avait fait u n
legs conçu en ces termes : « Je lègue 100 liv. à Titius j
« et où il viendrait à mourir sans enfans ou désun
it Mans, ledit légat retournera à mon héritier ab in« testât. »
L a sénéchaussée décida aussi que la disposition de
vait avoir son effet.
On pouvait dire cependant qu’il y avait charge de
conserver et de rendre à un tiers, si le légataire mou
rait sans enfans.
Mais les magistrats pensèrent que l ’on ne devait
pas interpréter avec rigueur, dans le but d’anéantir
la disposition.
M. Auroux , sur l’article 3 2 $ de la coutume du
Bourbonnais, rapporte, au n° 1 8 , plusieurs sentences
qui déclarent valables des legs conditionnels , dont
l ’analogie avec des substitutions paraissait frappante.
La
sé n éch a u ssé e (le M o u lin s c o n fir m a u n legs fa it
par Madeleine Bidon à Jean Bechonnet, son m ari, au
cas que leurs enfans vinssent à m o u rir, et non au
trement.
Elle ordonna aussi l ’exécution de deux autres legs
semblables •,
L ’ un fait par Antoinette Poincet , en faveur de
Jacques Ilermant, son m ari, p o u r avoir lieu après le
décès de la disposante et de sa f i l l e ;
L ’autre par lequel Gervaise Martin avait aussi
donné le quart à son m a ri, après le décès de G ilbert
Ja rm et, leur fils,
�( 44 ;
Ces diverses dispositions prêtaient plus aux subti
lités de la critique, que celle invoquée par les héritiers
Capelle; et cependant elles furent maintenues.
Telle était la jurisprudence en Auvergne et en BourbonnaiSj lorsqu’à été publiée la loi du i4 octobre 179 2,
qui n’a fait que rendre commune à toute la France
une prohibition qui était restreinte à quelques pro
vinces.
Doit-on être plus sévère aujourd’ h u i, pour anéantir
des actes faits de bonne foi, q u ’on ne l ’était alors
contre des actes dont on pouvait croire que les expres
sions avaient été déguisées dans le but d ’ éluder la loi?
L a jurisprudence nouvelle a été aussi sage et aussi
juste.
L a Cour de Riom a donné, par un arrêt du 28 avril
18 0 6 , un des premiers exemples de l ’équité des déci
sions nouvelles en cette matière.
Par leur contrat de mariage, du 3 mai 1 7 7 8 ,
Marien Bâtisse et Marguerite Chaumelte s’étaient
d o n n é ré c ip ro q u e m e n t to u s leurs b ie n s présens et à
venir, pour, par le survivant, en jouir en toute pro
priété, avec convention que les biens qu’ils pourraient
avoir seraient partagés par moitié entre les héritiers
de chacun des contractans, après la mort du survivant.
Marien Bâtisse meurt sans enfans, le i 5 juin 1790.
Sa veuve reste en possession des biens qu’ il avait
laissés.
Elle décède elle-même en fructidor.
Ses héritiers veulent tout retenir, sous prétexte que
�la clause renfermait une substitution iîdéi-com m is
saire , non ouverte à la publication de la loi d ’ octobre
1 7 9 2 , et abolie par cette loi.
L e u r système, accueilli en première instance, fut
rejeté par la C o u r , qui ordonna le partage de tous
les biens, par moitié, entre les héritiers du mari et
ceux de la femme.
Voici les motifs de l ’ arrêt :
1; Attendu que la disposition réciproque portée au
« contrat de mariage du
3 mai 1 7 7 8 , n ’a aucun ca-
« ractère de la substitution, et que les lois abolitives
« des .substitutions ne s’y appliquent pas;
«
«
«
«
«
« Attendu que le but de la substitution, et son effet
sont de réserver à l ’appelé nominativement en second ordre, les biens confiés au grevé, et que, dans
l ’espèce, non-seulement le survivant p o u v a it tout
a lié n e r o u d is s ip e r , m a is même qu’il ne s’y rencontre
pas de vocation personnelle; qu’au contraire, les
« héritiers de l ’un et de l ’autre des époux doivent
« recueillir, aux termes de droit, ce qui restera ;
«
«
»
«
«
«
« Attendu que cette disposition, purement conditionnelle, a eu pour objet unique de confondre les
biens des époux, de n’en faire q u ’une seule masse,
de laquelle le survivant aurait eu la pleine propriété,
mais qu i, au décès de celui-ci, et pour ce qui en resterait, devait se répartir par égalité entre les héritiers des deux époux ;
'< Attendu que cette clause n’a rien de contraire
�« aux bonnes mœurs , et qu’elle est licite en elle« même. »
Trois circonstances ont décidé la Cour :
L e pouvoir qu’avait le survivant de tout aliéner ou
dissiper y
L e défaut de vocation personnelle d’ un individu
t
désigné ;
L a restriction de la disposition à ce qui resterait des
biens.
Ces trois circonstances se rencontrent dans la cause
des héritiers Capclle.
Aucun d’eux n’était personnellement appelé dans le
cas du prédécès du sieur Capclle.
Il y avait liberté indéfinie d’aliéner et de dissiper.
Les héritiers du sieur Capelle ne devaient avoir que
ce qui resterait des biens donnés.
Quoi de plus frappant qu ’ une telle similitude!
L ’espèce étant semblable, la décision pourrait-elle
être différente ?
U n arrêt de la Cour de Bruxelles, du 17 avril 180 6,
a décidé qu'il n’y avait pas de substitution dans la
disposition par laquelle un époux avait donné à son
conjoint l ’usufruit de ses biens, dans le cas où les
enfans que V époux donateur laisserait à son décès 3
mourraient avant le conjoint donataire (1).
L a Cour de Rouen, par un arrêt du 10 juin 1 8 1 4 >
a déclaré qu’il n’ y avait pas substitution dans une
( 1 ) Sircy, tome G, a* partie, page 271.
�disposition faite en faveur de plusieurs pérsonnes, avec
la condition que la part de ceu x qui seraient décéde's
sans postérité 3 et sans avoir disposé, accroîtrait a u x
survivans.
Pourquoi? Parce qu’ il n’y avait pas charge de con
server (i).
L a Cour de Poitiers a considéré comme un don con
ditionnel , non comme une substitution, une disposi
tion entre-vifs, par laquelle le donateur avait déclaré
qu’en cas de prédécès du donataire, il fa is a it la même
donation à un tiers (2).
rL a Cour de Montpellier n’a pas vu de substitution
dans un testament par lequel un héritier avait été
institué pour « par lui jouir et disposer de l ’hérédité
« en bon père de famille, et à la charge de la rendre
« à ses enfans légitim es. »
Le principal motif fut que l ’ héritier n’avait pas été
soumis à Vobligation de conserver.
L a Cour de cassation a respecté celte décision, par
arrêt du 12 mai 1 8 1 9 (3).
L a Cour de cassation a jugé aussi qu’il n’y avait pas
substitution dans un testament par lequel, en insti
tuant Pierre et Paul ses héritiers, le testateur avait
(1) Voir l ’arrêt dans le Journal du continuateur de Denevers, t. 12 ,
suppl. , page 63.
(2) L arrêt est du 3 avril 18 18 ; il est rapporté dans le J o u r n a l du
continuateur de Denevers, volume de 1818 , suppl., page
(3) Voir 1 arrôt dans le Journal de Sirey, tome 20 , première partie ,
page 79. •
�déclaré que si l'un (Veux venait à m ourir sans posté
rité, sa portion profiterait au survivant.
L ’arrêt est du 19 juillet' 1 8 1 4- (1).
La même Cour avait jugé, le 12 pluviôse an 4 >
sous l ’empire de la loi du \l± novembre 1 7 9 2 , que la
disposition par laquelle plusieurs propriétaires d ’un
immeuble se donnent mutuellement leur portion, avec
accroissement entr’euæ à mesure clu décès du prém ou
rant, ne contient pas une substitution prohibée (2).
On pourrait multiplier les citations, mais cela de
viendrait fastidieux autant qu’ inutile.
Peut-être argumentera-t-on de décisions différentes.
Il serait peu étonnant q u ’il s’en rencontrât sur des
questions où l'argutie des raisonnemens et l ’arbitraire
des opinions sont livrés à un vaste champ.
Cependant les héritiers Capelle ne croient pas qu ’on
puisse leur opposer un seul préjugé qui ait considéré
comme substitution fidéi-commissaire, une disposition
qui ne r e n fe r m a it p a s , au m o in s im p lic it e m e n t , la
charge de conserver} réunie à celle de rendre à un
tiers non présent à l ’acle, et à un tiers qui n’aurait pu
transmettre son droit à ses propres héritiers , avant
d’en avoir recueilli lui-même le bénéfice.
C ’est l’absence de toute charge de conserver, charge
incompatible avec la liberté indéfinie d ’aliéner;
(1) Voir le Journal du continuateur de Dcncvcrs, tome 1 2 , p.
(2) Voir cet arrôt dans lo Journal dcDencvers, vol.de 1791 à l’an ta,
page 3a8.
�m
49 )
C ’est le concours du sieur Capelle au contrat qui
renferme la disposition éventuelle*,
C ’est la stipulation expresse, d’après laquelle les
droits du sieur Capelle sont transmis à ses héritiers
ou à l’ héritier de son choix, s’il meurt avant son
épouse.
1
Ce sont toutes ces circonstances, si opposées aux
caractères distinctifs des substitutions fidéi-commissaires, qui ne permettent pas de donner un tel nom
à la disposition dont il s’agit, et qui doivent la faire
considérer, ou comme un don conditionnel, ou comme
toute autre convention, que l ’on devrait respecter clans
un acte quelconque, que l ’on doit maintenir sur-tout
dans un contrat de mariage, le plus favorable des
contrats, celui que la législation a toujours entouré
d’une protection spéciale, et dans lequel elle autorise
le s p a c t e s , quels qu’ils soient, lorsqu’elle ne les in
terdit pas formellement.
Les héritiers Capelle doivent donc espérer que la
Cour ne verra pas de substitution fidéi- commissaire
dans le contrat de mariage de leur père , et qu ’elle
ordonnera l ’exécution d’un pacte solennel, sous la foi
duquel deux familles s’étaient unies.
Mais si quelques doutes s’ élevaient, les principes et
les circonstances devraient faire pencher, en faveur
des héritiers Capelle, la balance de la justice.
7
AVI
�D E U X IÈ J IE
P R O P O S IT IO N .
D ans le doute > la disposition devrait être maintenue.
C ’est un principe de justice admis par la législation
de tous les tem s, que « dans le doute sur le sens d’une
« clause, l'interprétation qui tend à valider l ’acte
« dont cette clause fait partie, doit être préférée à
« l ’interprétation qui tendrait à le faire annuler (i). »
Tel était le langage que tenait M. Merlin , en exami
nant la validité d ’une disposition testamentaire, atta
quée comme contenant une substitution.
Ce langage était emprunté de la loi 1 2 , ff. D e rebus
dubiis.
1
»
Quotiès in actionibus aut in exceptionibu's ambigu a
oratio est} commodissimum est id a c c ip i, cjuo res 3 de
qu d agiturj magis v a le n t, quàm pereat.
Cette rè g le b ie n fa is a n te est ra p p e lé e p a r tous les
auteurs., comme devant servir de guide h la décision
des magistrats.
L ’auteur du dernier Traité des Donations dit que
l ’on ne doit voir de substitution fidéi-commissaire que
là oii l ’on doit nécessairement supposer une charge de
conserver et de rendre.
M. ToUllier, dans son Droit civil français, enseigne
(1) Voir le Répertoire tic Jurisprudence , aux mots Substitution fulci~
commissaire, sect. 8, n° 7.
�(50
'V
que l ’esprit général de la loi, et celui’*de la jurispru
dence est de n’annuler une disposition qu ’ a u t a n t
q x iid le p r é s e n t e
n éc essair em en t
u n e s u b s t it u t io n , et
q u ’ e ll e n e p e u t ê tr e s o u t e n u e d ’ a u c u n e m a n iè r e ( i ) .
L ’équité 'des Cours royales a rendu de fréquens
hommages à ce principe.
’
La Cour'de Riom (premièré chambre) l ’a'appliqué ,*
notamment par un arrêt rendu le 28 mai 1 8 1 9 , dans
la cause de la famille Maret.
*
Il
s’agissait d’un legs universel fait par Bonnet
Maret en faveur de ses trois neveux, mais grevé de
1 usufruit de leur père.
Le testament contenait la clause suivante :
« Je veux que si quelqu’un d’eux (des légataires)
« vient à d é c é d e r s a n s e n f a n S j sa portion soit r e v e r « s ib le sur les'autres héritiers ci-dessus institués.;»
L e testament avait précédé de quelques jours seule
ment la mort du testateur.
Les légataires étaient non m ariés, et mèche im pu
bères.
‘
*
Le décès d’u n ’des légataires sans enfans ne parais
sait pas devoir ¿’entendre du cas où ce légataire mour
rait avant le testateur; car les enfans, n’étant pas
institués eux-mêmes, n’auraieni pas recueilli la portion
donnée à leur père.
*
'* '• ,
Les circonstances, comme le''sens le plus naturel
de la phrase, indiquaient donc que, dans l ’ intention
«
'
I
(1) Voir lomc 5 , page 68, première édition.
‘ »1
�clu testateur, après l ’ouverture même du legs, si l ’uix
dos légataires qui aurait recueilli mourait sans enfans,
la chose léguée retournerait aux autres , ,c’est-à-dire
serait rendue, ce qui emportait charge de conserver.
Cependant la Cour pensa qu’on pouvait interpréter
(
la clause dans le sens d’une substitution vulgaire, et .
qu ’il suffisait qu ’elle pût être entendue dans un Sens
propre à maintenir l ’acte, p o u r cju o n .d ü t p ré fé rer
cette interprétation..........;
.'
« Parce qu’il est de principe que les'clauses d’ un
« acte susceptible de plusieurs sens, doivent être inter« prêtées dans celui qui tend à maintenir l ’acte, plutôt
« que dans celui qui en entraînerait la. n u llité, potiùs
* ut actus va lea t quàm ut pereat ; ,
« Parce q u e , dit aussi la Cour , 011 ne voit pas, dans
« cette clause, la condition expresse de conserver et
« de ren d re, caractère essentiel aux substitutions que
« l ’article 896 a voulu défendre. » . > _ .
Ces motifs remarquables.peuvent être littéralement
a p p liq u é s a la disposition contenue dans le contrat de
mariage de 1 7 8 6 , puisque la clause constitutive de la
libéralité peut s’entendre d ’un don conditionnel, plutôt
même que d’une substitution fidéi-commissaire; puisqu’aussi on ne trouve pas dans cette clause la condition
expresse de conserver et de rendre , caractère essentiel
des substitutions proscrites par la loi de 1792 comme
par le Code civil.
L a Cour de Limoges, dans un arrêt du 3 janvier
1 8 i G, eu déclarait valable uu legs, attaqué de nullité
�(
53 )
commeprésentantunesubstitution prohibée, s’était alissi
fondée sur le principe q u e, « lorsqu’un acte quelconque
m présente un sens qui peut le faire valoir , il doit être.
« préféré à celui qui l ’anéantirait. »
L e legs était conçu dans des termes qui prêtaient
singulièrement k la critique : « J e donne et lègue à
Joseph et à M arie M eu lliera t, mes petit-fils et petitef i l l e , la m oitié de tous mes biens.........; et dans le
cas ou l ’un de mesdits petits-enfans meure sans enfa n s j e lu i s u b s t i t u e Vautre survivant.
Ici le mot même j e substitue venait ajouter an
danger du sens* que présentait le surplus de la clause.
Cependant la Cour de Limoges décida qu’il n’y avait
pas de substitution fidéi-commissaire prohibée, mais
seulement une substitution vulgaire autorisée par la
loi •, et la Cour de cassation a confirmé cette décision,
par arrêt du 1 1 ju i n 1 8 1 7 , en rappelant la règle d’une
interprétation favorable à l ’acte.
«
«
«
«
«
«
«
« A tten d u , dit l’arrêt de rejet du pourvoi, què les
termes dans lesquels était conçue la clause, pouvant
se prêter à l ’une ou a l ’autre interprétation , la Cour
royale n’a vio lé, ni l'article1 896 du Code c iv il, ni
faussement appliqué l’article 898', en interprétant
la vo lon té du testateur dans le sens q u i donne
fo r c e et exécution à l ’acte testamentaire dont il
s’agit (1). »
f.
Les expressions de ce m otif de la Cour suprême rie
v
(1) Voir cet arrôt dan» lu Journal de Sirey-, t. ^ y !*• partio, p. 294*
�p*
"
( 54 )
bont-ils pas xinéi invitation indirecte aux Cours royales,
d ’éviter toute interprétation tendant h annuler i les
actes, et à autôriser les donataires à se jouer de la vo
lonté de leurs bienfaiteurs? .
Cqtte volonté si respectable sera-t-elle blessée par les
magistrats eux-mêmes, destinés par la loi à l ’entourer
d ?une protection spéciale?
Cette volouté ne doit-elle pas être au contraire le
principal guide des décisions de la justice?
O r, dans la cause des héritiers Capelle , rien de
moins équivoque que l ’intention de la donatrice.
A la simple lecture du contrat de mariage de 1 7 86,
on reconnaît qu’elle a voulu que sa fortune! appartînt
au sieur Capelle, ou aux héritiers de celui-ci, si des
enfans ne naissaient pas de ce mariage même.
Il est donc évident qu ’elle a donné , dans ce cas, ses
biens au sieur Capelle.
E t les doutes même ne seraient-ils pas dissipés par
la c o n s id é ra tio n d es c h a rg e s c o n s id é ra b le s imposées au
sieur Capelle?
Croira-t-on que le sieur Capelle eut consenti h con
tracter pour lui et pour ses héritiers, des obligations
aussi. grandes, si lui-même et ses héritiers n’avaient
pas dù être indemnisés de leurs sacrifices par le don
conditionnel, mais irrévocable, qui lui était fait?
Le vrai sens du contrat de mariage n’aurait-il pas
été fixé, sur-tout par cette transaction du 20 décembre
x 7 0 1 » lerine (l’ un procès qui durait depuis plusieurs
années; par cette transaction à laquelle concoururent
�(55)
toutes les parties'intéressées , i la donatricë, la< dame
Capelle et le sieur Capelle; par. cette transaction où
les deux époux furent, également qualifiés de dona
taires , et où il fut répété plusieurs fois que la dona
tion avait été faite au mari comme à la femmei^par
cette transaction sans laquelle la*contestationîactuèllë
n’existerait pas; car si le sieur Capolle avait persisté à
renoncer à la donation, afin de s’ affranchir des charges
qui pesaient sur lu i, la donation aurait été révoquée,
ainsi que l’ordonnait la sentence ,du 28 août 17 9 0 ’ ;
la donatrice serait rentrée en possession de ses biens;
la dame Capelle les aurait perdus; et si le sieur C a
pelle en avait été privé lui7m ème, au moins aurait-il
conservé et transmis à ses enfans les sommes qu ’il em
ploya et les biens qu’il vendit pour remplir les obliga
tions auxquelles il se soumit une seconde fois par-le
traité.
v.*
: 1 . 1
Serait-il juste que la demoiselle Nouveau, c’est-àdire qu’une étrangère à la donation;, aux; donataires ,
à toutes les parties contractantes, profitât seule aujqurd hui du prix de tant de sacrifices P^Yc vo s non
vobis. .
.
.
.
I, —
.1 •
.•!(* ;; 1 "
-La veuve Capelle elle-même, et le sieur NôuSveau ;
son second m ari, n’ont jamais cru à une aussi grave
injustice. Qu’on se rappelle, en eifel les doutes exprimés
par la veuve Capelle dans sou seOoiul contrat de 111*1r^ 8 e ) où, tout en donnant au sieur Nouveau le bien
de la Rouqaette, elle prévoit que ce don pourra ne
�^
•
( 56)
pas être valable, et lui fait une libéralité secondaire
de tous ses autres biens.
p i.
t .
Les plus puissans moyens, les plus grandes considé
rations protègent la demande dtís héritiers Capelle.
L a clause qu ’ils invoquent résiste à l ’idée d’une
substitution fidéi-commissaire.
E lle ne présente ni charge
d e ren d re
a
un
t ie r s
d e co n server> n i ch arge
.
On y remarque au contraire le pouvoir indéfini
d’ aliéner.
L e sieur Capelle, destiné, dans le cas prévu, à
profiter de la libéralité, n’est pas u n t i e r s ; il est une
des parties contractantes, et même une des parties
principales.
Bien plus, il stipule non-seulement pour l ui , mais
aussi pour ses héritiers; car s’il meurt avant son épouse,
il tr a n s m e t à ses h é r it ie r s n a t u r e ls , ou à l ’héritier de
son choix, les avantages qui lui étaient promis.
Com m ent dès-lors l’assimiler à un simple substitué,
dont les espérances incertaines disparaissent, si le grevé
lui survit, et qui ne transmet rien , s’ il n ’a rien re
cueilli lui-même avant son décès?
Comment ne pas reconnaître à cette transmission de
droits une disposition étrangère aux substitutions,
c’est-à-dire, un don conditionnel,qui, par l'accomplis
sement de la condition, avait saisi le sieur Capelle dès
�l’instant du contratj d’ un droit que son décès a fait
passer à ses héritiers ?
Comment concilier aussi avec l ’ idée d’ une substitu
tion ,
les engagemens
les sacrifices
auxquels s’ est
soumis le sieur C a p e lle , sous la foi de l ’ exécution de
l ’avantage éventuel qui lui était assuré ?
L a loi du 14 novembre 1.792 n’a pu atteindre une
pareille disposition-, elle n’a frappé que les charges de
conserver q\xi avaient placé les biens hors du commerce,
et les charges de rendre à des tiers qui n’ étaient saisis
de rien.
L a loi a respecté les conventions réciproques, celles
sur-tout qui , consignées dans un contrat de mariage,
avaient été le gage de l ’ union des deux familles.
Les héritiers Capelle pourraient-ils avoir à redouter
une d é c isio n fa ta le à le u r s d r o its , eux qui ont en leur
faveur les principes unis à une jurisprudence constante
qui ne permet pas d’annuler une donation, si elle ne
présente nécessairement une substitution, et s’ il n’est
impossible de l ’ interpréter dans un sens propre à la
maintenir ?
L ’acte serait-il plus rigoureusement interprété par
des magistrats, qu’ il ne l ’a été par la donatrice et par
toutes les parties intéressées, lors du traité de 1 7 91 ?
Les tribunaux douteraient-ils moins des prétendus
dioits de la iamille Nouveau, que n’en doutait la
dame Nouveau elle-m êm e, lorsque, cherchant à. les
attribuer à un second mar i , elle exprimait si ciairc8
�ment ses craintes sur l ’exécution de ses injustes vo
lontés.
Les lois, les opinions des auteurs, les arrêts, l ’équité,
tout ce qu’il y a de recommandable devant la justice,
semble inviter les héritiers Capelle à attendre avec
sécurité l ’arrêt qui prononcera sur leur sort.
S ’ils succombent cependant, malgré tant d’avan
tages, ils se résigneront avec respect. Mais leur exemple
ne prouverait-il pas qu’elle est un guide quelquefois
infidèle, cette fière raison dont on fait tant de bruit!
L eu r exemple ne rappellerait-il pas cette sentence d’un
philosophe romain, selon laquelle il n’y a , dans les
opinions des hommes, rien de certain que l ’incertitude :
Solum certum nihil esse certi.
Monsieur TA SSIN D E V I L L E P I O N , Rapporteur.
Me A L L E M A N D , A vocat.
Me M A R IE , L icen cié-A vo u é.
RIOM, IMPRIMERIE DE SALLES, PRÈS
PALAIS DE JUSTICE.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Capelle-Peuch-Jean, Pierre-Antoine. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tassin de Villepion
Allemand
Marie
Subject
The topic of the resource
donations
contrats de mariage
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession
assignats
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Pierre-Antoine Capelle-Peuch-Jean et les demoiselles Sophie et Marie Capelle, frères et sœurs, habitans de la ville d'Aurillac, héritiers de maître Antoine Capelle, leur père, appelans ; contre sieur Félix Valentin ; propriétaire, et la dame Sophie-Marie Nouveau, son épouse, de lui autorisée, héritière, sous bénéfice d'inventaire, de sieur Joseph-Aymard Nouveau, son oncle, lesdits mariés Valentin, habitans du lieu et commune de Calvinet, intimés ; en présence de dame Marie-Sophie Langheac de Montlogis, religieuse, habitante de la ville d'Aurillac ; Marie-Judith Langheac, veuve de sieur Piales ; Maire-Honorée Langheac-Lignac, toutes deux propriétaires, habitantes du lieu et commune du Viviers ; sieur Brassat-Murat, docteur en médecine, et dame Judith Langheac, son épouse, de lui autorisée, habitans de la ville d'Aubier ; autre Marie-Judith Langheac de Montlogis-Chanat, propriétaire, habitante du lieu de la Rouquette, commune de Cassaniouse, canton de Montsalvy ; sieur Marsillac, docteur en médecine ; Olympie-Silvie Langheac de Montlogis, son épouse, de lui autorisée ; Marie-Christine Langheac de Montlogis, Marie-Anne Chaudesaignes de Turrein, veuve de Claude Langheac de Montlogis, tutrice de leur fils mineur ; Joséphine-Judith Langheac de Montlogis, tous propriétaires, habitans du lieu de Dousques, commune de Vezac ; Pierre-Alexandre Rigobert, Jean-Alexandre et Pierre-Honoré Langheac de Montlogis, commune de Ladenhac, susdit canton de Montsalvy, aussi appelans.
Table Godemel : Bestiaux : Pour l’ancien législateur, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi, ils ne faisaient point partie de la donation du domaine, s’il n’y avait clause expresse et spéciale. Instruments aratoires : sous l’ancienne législation, les bestiaux attachés à la culture et les instruments aratoires n’étaient pas nécessairement considérés comme immeubles par destination, et accessoires du domaine. – ainsi ils ne faisaient pas partie de la donation du domaine, s’il n’y avait point de clause expresse et spéciale
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1786-1819
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2503
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2504
BCU_Factums_G2505
BCU_Factums_G2506
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53489/BCU_Factums_G2503.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Calvinet (15027)
Cassaniouze (15029)
La Rouquette (château de)
Agrovieille (domaine d')
Saint-Michel (domaine de)
Mallaret (domaine de)
Ladinhac (15089)
Vézac (15255)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
contrats de mariage
donations
fideicommis
pensions viagères
renonciation à succession