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M E M O IR E
i
EN
R É P O N S E
Pour Ja c q u e s -Pier re -Mar ie -An n e
ancien Magistrat ;
t
En présence de
.
d ’ALBIAT,
.
C l a i r e - J o s ê p h i n e d 'A
L B I A T safille.
�A V E R T I S S E M E N T.
U n homme bien connu à R iom , a secrètement favorisé le
rapt. Mais il l’a h a u te m e n t improuvé , e n disant que c'était
une révolte contre l'autorité paternelle , une révolte contre
l’autorité maritale. C e t h o m m e m'a pressé de former oppo
sition au mariage de m a fille } . en me disant qu 'on trouverait
bien des m o y e n s de l 'empêclier ; que les actes de respect
p o u rra ie n t p ré se n te r quelques nullités et que dans tous les
cas on retard era it pour long-temps ce mariage , en ordonnant
une a ssem b lée de parens. Eh bien ce même homme qui
m’avait abusé d’une futile espérance., a sollicité contre moi
au moment du jugement. Quel machiavélisme ! quelle noire
perfidie ! Il ne me trompait que pour accabler une famille
entière avec plus d’éclat.
�M É M O I R E
E N
l a i r e - J o s é p h i n e d ’A
P eb
au mariage dosai-
au
d’A L B IA T ,
ancien Magistrat \
En présence de C
» ’ un
P O U R V (j(
R E P O N S E
Pour J a c q u e s - P i e r r e - M a r i e -A n n e
OPPOSITI/
L B I A T safille.
L ’art des ambitieux est de se rendre utiles ,
D e feindre des vertus jusqu’au fatal moment
O ù le projet du crim e éclate impunément.
Tragédie des Templiers.
U n Mémoire imprimé sous le nom de demoiselle Julie d’A lb iat, contre
son père , a été répandu à Riom sur l’appel , et distribué avec pro
fusion par un ancien facteur aux lettres , même à Clermont où l’affaire
n’était plus pendante.
*
L a D .IIe d’Albiat vient donc porter une main parricide sur le cœur
de son père ; elle vient l’affliger ; elle veut l’accabler. E lle renonce aux
égards qu’elle doit à toute une famille ; elle renonce à la tendresse
d ’un frère , âgé de 28 ans , qui s’est trouvé au poste d’honneur dans
les plaines d’Austerlitz ; elle lui adresse , pour prix de ses travaux
militaires , un Mémoire contre son père. L e premier jour de sa majorité
a été marqué par un acte de violence; elle réduit actuellement son
père à la dure nécessité de publier les motifs de l ’arrêt que l’opinion
publique a prononcé contre un mariage qui fera , tant quelle vivra, sa
honte et son désespoir.
Quelle est donc la fureur qui entraîne M . Dufreisse de Fontsalive, pour
porter la désolation dans une fam ille qu’il fréquente depuis trois an s,
contre la volonté d ’un père , d ’un ép o u x , contre la décence publique ?
A 2
T e n u
n
|1
de Cassation’]
�( 4 )
Il veut encore , suivant le Mémoire im prim é, qu'on lu i sache quelque
gré de chercher a s'allier à une fam ille• malheureuse ; et c’est M . de
Fontsalive qui y a porté le poison de la discorde, en fixant, après la mort
de sa mère , son domicile à la suite de l’appartement de la D.n,e et
de la D .lle d’Albiat , et en excitant une demande en séparation de
corps contre un époux dont il ravissait la fille.
Q u ’apporte-t-il donc de si précieux à ma famille ? la misère , les
infirmités , et un esprit de discorde.
Puis-je être flatté d’un mariage qui est contre nature , d’un mariage
que la conscience publique réprouve , d’un mariage qui est l'effet
d’un rapt , d’un mariage contraire aux maximes de l’Eglise qui
étaient scrupuleusement observées avant la révolution?.... M a fille a été
enlevée à ma surveillance sans aucun mofif quelconque , contre la dis
position précise de l ’art. 5o 3 du Code civil.
Ces mana°es n’ont jamais prospéré dans la ville de Clermont j un
des Conseils de cette affaire en fait la triste expenence.
O n prétend , dans le Memoire imprimé , que toute la fam ille de la
D.lle d'Albiat approuvait et encourageait les recherches de M . D ufreisse de Fontsalive ^ C ’est une insigne fausseté : toute la famille a
unanimement improuvé ce projet de mariage , et moi-même j’ai per
sévéré dans mon refus. L a D .,Ie d’Albiat a fait l’aveu, dans le premier
acte dit respectueux , que ce mariage était approuvé par une partie de
sa famille seulement ; parce qu’elle espérait alors que la famille de sa
mère approuverait ce mariage. Je consens que M . de M arlillac ( i ) ,
qu’on n’aurait pas dû citer , s’explique dans une assemblée de famille
ou d’amis : sa conscience pourra révéler toutes les causes qui peuvent
s’opposer a ce mariage.
O n me représente comme ne croyant pas qu’z7 fû t convenable de
donner ma j i lle à un émigré. Je ne me suis jamais arrêté à une
pareille absurdité , qui serait contraire ’à l'union qui doit exister entre
des hommes destinés à vivre en société. Je croyais qu’il n’y avait plus
d’émigrés en France. M . de Fontsalive veut encore paraître émigré , pour
renouveler sans doute des qualifications inverses. 11 m’apprend bien qu’il
est toujours émigré , puisqu’il m’a séparé de mon épouse. S’il veut rap
peler qu’il est toujours émigré, pourquoi se perm et-il de transgresser
des lois qu’il prétendait défendre ; ces lois qui fixaient la majorité à
2 5 ans ; ces lois qui défendaient le rapt ; ces lois d’honneur qui ne
( i ) M. «le M.n tillac est un ancien
p:ir les Suvuron.
de mu famille ; il descend d’une d’AIWat
�( 5)
permettaient pas à un homme délicat de porter le trouble dans une
fam ille, et de se placer entre deux époux ? Si je n’ai pas émigré , ma
position a été plus périlleuse que celle de M. de Fontsalive. J’ai été enve
loppé pendant quinze mois. Déjà plusieurs de mes co-dénoncés avaient
péri ; j’allais.ûtre mis hors de la loi : je cède aux instances de la
D .m"- d'Albiat qui m’engageait de me rendre à L}'on ; je sors de ma
retraite cachée , mais je sms arrêté à Thiers , et conduit dans les prisons
de Clermont. J’ai supporté les angoisses de la mort dans ma transla
tion de Clermont à Lyon-, et j ’y ai conservé mon courage. L a D .mü d’Albiat
le sait bien, puisqu’elle m’avait fait prévenir, mais trop tard , par deux
lettres, de ne pas m’exposer à venir à Lyon , parce que les Juges
disaient qu’ils me feraient guillotiner. Triste souvenir pour m oi, d’avoir
exposé ma vie pour conserver la fortune de la D .me d’A lb ia t , qui ne
retrouverait sa dot que sur le Grand-livre , et d ’être poursuivi par la
plus noire ingratitude ! C ’est M . de Fontsalive et ses associés qui pro
fitent du fruit de mes dangers.
L a D .1,e d’Albiat a l’inconvenance de publier que la dot de sa mère
est la seule ressource de ses frères et la sienne. Dieu le veuille !
La dame d’Albiat est entourée depuis long-temps de gens qui lui sou
tirent les capitaux de sa d o t , dont elle reço it, malgré nos conventions ,
le remboursement.
L a D .1!e d’A lb iat, qui mesure ses soins et ses égards* par la, fortune
de son père , sait bien que son père contribue annuellement pour une
somme de 200 fr. à la pension de son fils cadet, qui cependant n’est
plus à la charge de la D .me d’Albiat , et qui est placé au Lycée
de Moulins.
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père vit de ses revenus, et
qu’il possède des capitaux.
L a D .1!c d ’A lbiat sait bien que son père a- été dépouillé de ses
meubles sans indemnité ; que son père s’est libéré envers son cpouse
aussitôt qu’elle l’a voulu, parce qu’il 11’y avait dans ses affaires aucun
désordre , qu’il n’existait aucune inscription , que la dot n’était pas
en danger , que son père avait toujours satisfait aux charges du ménage,
suivant les registres de dépense tenus par sa mère.
L a D .llc d’Albiat sait bien que son père a perdu 4°jQoo fr. sur le
remboursement de sa charge dont le prix avait été porté à 5 1,200 fr.
L a D.lle d’Albiat sait bien que son père a reçu , en
1795 , de
3Y1. Daubusson , premier marguillier de la cathédrale , acquéreur d’un
bien dont il est toujours possesseur , un remboursement de .20,000 ir,
en assignats sans valeur.
’
�( 6)
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père a perdu 20,000 fr. sur la
vente de sa maison de la rue de la' T reille , par la baisse subite
des assignats.
La D .lle d’Albiat sait bien que son père a perdu plus de 20,000 ir.
par le séquestre de ses revenus , par les dépensai ..iaû|lculables du
voyage de Lyon , qui ont servi à sauver sa tete.
La D .Ue d’A lbiat sait bien que son père a perdu plus de 12,000 fr.
pour procès sacrifices et transactions avec sa mère.
L a D .lie d’Albiat sait bien que son père n’a cessé de payer pendant
le cours du mariage , aux dépens de ses capitaux , les cleLtes con
tractées par sa mère , dont la continuité lui apprendra un jour que la
présence d’un père est plus utile aux enfans que celle des étrangers.
L a D."e d’Albiat sait bien que son père a été plus d’une fois entraîné
à venir au secours de ses plus proches parons , pour des sommes con
sidérables.
Ta n lie rl’Albiat sait bien que son père a trop souvent é té forcé
de fuir tes da n gers q u i le menaçaient.
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père ne voulait pas mobiliser
sa fortune ; qu’il a long-temps et inutilement fait proposer à sa mère
de prendre la maison de l’Eclache.
L a D.'ie d’Albiat dit que.«/ tnère a dirige son éducation. Est-ce à cette
éducation qu’il faut attribuer la publicité de son Mémoire contre son père ,
où elle rend compte au pu blic, par un imprimé , des événemens de sa
famille? Elle est dominée par M . Dufreisse de Fontsalive, qui, étranger à
ma famille et à mon nom , ne l’entraîne que pour l’accomplissement de
ses desseins-criminels.
U n sentiment de modération m’empêche de relever la lettre menson
gère , placée au bas du Mémoire imprimé et signé de la D.Ue d’Albiat.
L a D.ll° d’A lbiat prétend qu’o/z n'a jam ais dit pour elle à l'audience
de C lerm on t, que son mariage fu t projeté il y a trois a n s, entre e lle ,
sa mère, M . D ufreisse, de l'agrément de 3J r Dufreisse de F ern iu es{i)
mère et à l ’insu du sieur d'A lbiat ; et elle a la témérité de reprocher
aux J u pc s de Clermont d'avoir motivé leur jugem ent sur un fait faux.
E lle enveloppe par conséquent son père dans une pareille inculpation.
Je réponds que la déclaration en a été faite à l’audience de Clermont
par le défenseur de la D .1,e d’A lb ia t, en présence de plus de trois
cents personnes ; c ’est sur ma demande formée à l’audience , qu’il en
( 1 ) L a D.11« il’Alhiat <|iii , dans le premier acte dit respoctueux , a l’incon
venance d’appcier sa mèro la dame Dupuy, 11e se permet pus d’appeler madame
de Y c rn in cs du nom de la dame ¡loyer.
�C7 )
a été fait mention dans le jugement. L ’avoué de la D .lle Albiat n ’a
fait aucune réclamation contre cette insertion pendant les quatre audiences
données à cette affaire. L a foi doit donc être ajoutée à un jugement
aussi authentique ; c’est donc une injure atroce qui méritait toute la
répré]^y^ y ^JBfl^Justice , lorsque j’ai demandé en la Cour d’appel la
suppression curM em oire.
On dit que la naissance et les conditions ètaient a-peu-près les mêmes.
E h ! qu’imporle que la naissance et les conditions soient à-peu-près les
mêmes, lorsqu’on veut en détruire la filiation dans ma personne ? M es
titres sont les vertus domestiques et civiles qui se sont perpétuées dans
ma famille d âge en âge , et que mon fils , officier d’artillerie au ser
vice de l’Empereur , observe à l’exemple de son père. Une honnête
médiocrité a soutenu depuis un temps immémorial ma famille ; la
probité a toujours été son plus bel héritage : des coteries ne proté
geaient pas alors les tiers qui s’introduisent dans les familles pour les
dévaster.
L ’antiquité de mon nom est attestée dans les Voyages d’Anacharsis en
Grèce.
Guillaume d’Albiat présidait en l ’an 1 100 le Conseil des habitans de la
ville de M ontferrant, lorsque les religieux de la Chaise - Dieu et de
Souseillange vinrent y fonder le prieuré de St-Robert (i). Je nie per
mettrai d ’ajouter que l’Auvergne compte parmi ses hommes célèbres
un Laurent d’A lb ia t, évêque de T u lle en 1060 (2) , un Acart d’A lbiat,
conseiller au parlement en 1 4 8 7 ( 3 ) ; que mes armes étaient peintes ,
dans l ’Eglise principale de M ontferrant, sur les vitres de la chapelle dite
de toute ancienneté des d’A lb ia t ( 4 ) . M ichel Albiat , député en
i 5 io aux Etats de la Prqvince , fut un des commissaires choisis pour
la rédaction de la Coutume d’Auvergne. U n de mes pères était pro
cureur-général en la Cour des Aides en i 585.
J'ai la douce satisfaction de penser que le sang des Marillac n’a
pas dédaigné de se mêler avec celui de mes ancêtres ; que mon père
a été l ’heritier des Pascal, et que je suis d’une famille q u i a donné
une mère au célèbre Savaron, député de la Province aux Etats-généraux
tenus en 1614.
Je pourrais encore rappeler les longs services rendus dans la magis
trature par M M . Barbat-Duclozel père et fils , mon ^rand-père et mon
oncle maternels. O11 conservera long-temps la mémoire des travaux
de M M . Chabrol, l ’un mon bisaïeul, et l’autre mon grand-oncle ma( 0 V o y e z Baluzc.
(2) V o y e z le Commentaire de la Coutume d ’Auvergne , à l ’article Monlferrant.
( ) V o y e z ï f l i s t o i r e d ’A u v e r ç n c , par M. Audigier.
5
(/1) Expressions des anciens litres de cette Eglise , datés de i
56o.
�(8)
ternels , magistrats célèbres ; du savant Basmaison , qui est de la
me famille , et de M . Prohet, mon arrière-grand-oncle , jurisconsulte
d i i gué par ses ouvrages.
J’ai été chargé en l’an 4 , conjointement avec M . de Biauzat , par
la commune de Clermont (1) , de l ’honorable, W JSk& iÉ ÍSíÉ ** com
mission de solliciter auprès du Corps législatif, en i a v e iir d e la ville de
Clerm ont, contre la ville de Riom , pour le placement du Tribunal de
département. Il n’en fallait pas tant pour attirer sur moi le mécontentement
d’une ville que l’esprit de parti a excité. L a défaveur inspire la pré
vention ; et lorsqu’il y a préveution , l’opprimé reste sans protection,
l ’oppresseur seul triomphe. O n ne sera plus étonné si la justice de la
Cour d’appel de Riom a été surprise et trompée.
J’ai gagné tous mes procès à Clerm ont, j ai perdu tous mes procès
à Riom. ° O n est bien excusable de laisser échapper quelques plaintes
sur les erreurs de la Justice , lorsquon se croit victime.
( 1 ) Administration municipale de Clermont-Ferrant , chef-lieu du département
<Ju P u y-d e-D ô m e .
,
_
Séance du
nivôse , an 4 de la république irançaise une et indivisible.
V u le r a p p o r t du Commissaire du D irectoire cxécutil,sur la nécessité de présenter
au Corps législatif des observations essentielles sur le placement du T r ib u n a l
civil du D ép a r tem e n t;
L es Administrateurs m u n ic ip a u x , considérant que le placement de ce T r ib u n a l
dans la commune de Uioin , est un des principaux objets qui doivent fixer leur
atten tio n , en ce que cet établissement nuit considérablement aux intérêts des
administrés , qui se voient forcés d ’aller chercher au loin et à grands frais , la justice
q u ’ils sont dans le cas de réclamer ;
Considérant qu’il est dans l'esprit de la Constitution de rapprocher les justi
ciables de leurs juges , et que le placement du T r ib u n a l à liiom opère tout le
contraire ;
Considérant que l'intérêt général du D épartem ent demande ce changement ;
que non-seulement les Communes de ce D é p a r te m e n t, mais encore celles des D ép aiv
temens voisins ont manifesté leurs vœ ux à cet égard , sous le rapport bien vrai que
la commune de Clermont est le point central de toutes les relations ;
?.5
C o n s id é r a n t que la s u p p ressio n des n o m b r e u x éla b lissem ens q m s 'y t r o u v a i e n t ,
r i les trénéreux sacrifices q u ’o nt faits les habitan s de ce tte c o m m u n e , les o nt p r iv é s
de leurs ressources ;
C o n s id é r a n t enfin , que le Corps législatif va s occuper définitivement du placement
des T r i b u n a u x c ivils; q u ’il est important d’a v o ir a u p rè s du Gouvernement, des Com jnissaires qui p u i s s e n t faire valoir les différons niclifs qui sont en faveur de la comjnunc de Clermont ;
.
O n t nommé le citoyen Al]jiat commissaire pour se rendre à Paris dans le plus
court délai , afin de solliciter auprès du Corps législatif l’établissement du T r ib u n a l
civ il dans cette CammiNie ; invitent par ces présentes le cit. Biauzat , commissaire
près du T rib u n al de police correctionnelle a Paris , à se joindre au citoyen Albiat
pour agir conjointement avec lui par tous les moyens que pourront leur suggérer
leurs lumières, pour parvenir à obtenir ce changement; les autorisent a se présenter
par-tout ou ils jugeront convenable pour remplir ayee succès lu commission dont ils
ïo n t chargés. Fait et arrêté lesdits jour et an.
Demando
�( 9 )
Demande en séparation de biens.
Jugement de Clerm ont-Ferrant,
au 37 nivôse an 1 o. Présidence
de M . Domat.
Attendu le rapport fait par le cit.
d ’A lbiat de la radiation des ins
criptions faites sur lui par Pierre
Iliberolle et Françoise Carriat son
épouse , le 19 germinal an 7 ; par
Marie Grillon , le i 5 du même
mois ; Gervais Démanèches, le 28
dudit mois; par Joseph Daubusson,
le i . er floréal même année; par le
cit. Tabarrier , receveur du do
maine national, au nom de la Répu
blique , le 8 dudit mois de floréal
et 19 floréal an 7 ; par Antoine
C h alteix,le 27 floréal même année;
par M ichel Barbat-Duclozel, le 21
prairial suivant ; par Herbuer-Laroclie , le 1 3 nivôse an 8 ; et par
JeanDufournel, le 9 nivôse dernier:
Attendu qu’il résulte de l’acte du
1 ,er nivôse dernier, reçu D artois,
notaire , que les inscriptions faites
par Antoine G ay , Jérôme Astier
et Etienne Langlois, les 7 ventôse,
16 germinal an 7 , 5 et 22 floréal
an 8, pour la somme de 57,096 fr.,
n’ont eu réellement et uniquement
pour objet que la créance de 12,000
francs en capital , porté par traité
du 2 x ventôse an 7 ; qu’il résulte
au ssi, tant de l’acte dudit jour
1 .er nivôse, que des autres pièces
produites par le cit. d’A lbiat, qu’il
ne reste d é b ite u r à cet égard que
de la somme de 770 francs ( 1 ) ,
payables dans un au :
( r ) Celfe créance est sold ée, et ¡’ins
cription csL actuellement rayée.
D eu x jugem ens du Tribunal d'ap
p el de Pùom , des 22 pluviôse
et 2 floréal an 1 1. P résidence
de M . Piedon.
Prem ier Jugement par défaut, du
22 pluviôse an 11.
Attendu ce qui résulte de l’en
quête , et particulièrement des
preuves littérales , et notamment
des lettres écrites par le cit. d’Albiat
à sa fem m e, et des aveux qu’il y
fait du dérangement total de ses
affaires et de l’état de détresse où
il est; le T ribunal, par jugement
en dernier ressort , donne défaut
faute de plaider , contre l ’intim é,
ni avoué pour lui; et pour le profit,
dit qu’il a été mal jugé par le ju
gement dont est appel, bien appelé ;
emendant, et faisant ce que les pre
miers juges auraient dû faire, or
donne que l’appelante demeurera
séparée, quant aux biens , d’avec
l’intimé son mari , pour par elle
jouir à part et séparément desdits
biens, à la charge néanmoins de
nourrir et entretenir son mari et
leurs enfans, suivant ses facu ltés ;
condamne en conséquence l ’intime
à rendre et restituer à l’appelante
la somme de 67,000 fr. à elle cons
tituée en dot par son contrat de
mariage du 5i décembre 1776, en
semble les intérêts de ladite somme,
à compter du jugement du 26 plu
viôse an 9 ; et sans s’arrêter à ^a
demande judiciaire formée par l ’ap
pelante , pour laquelle elle se pour
voira ainsi qu’elle avisera, l ’autorise
à retirer ses nippes, linges et bardes >
B
�( io )
S u ite du Jugement de Clerm ont,
S u ite du Jugement de Ilioni.
Attendu que l ’inscription faite
ainsi que ses dorures, dans l’état où
par Jeanne Poisson, le i 5 ventôse
tout se trouvera actuellement, aux
an 7 , n’a eu lieu que pour sûreté
termes de son contrat de mariage
d’une pension viagère de 2 5 francs
dudit jour 81 décembre 17 7 6 ; lui
qui se trouve éteinte par son décès:
réserve son action pour ses droits
Attendu que par l’e ffe t, soit des
éventuels, pour l’exercer le cas arri
radiations d’inscriptions et actes
vant ; et condamne l ’intimé aux
ci-dessus énonces , soit de l ’ins
dépens tant des causes principale
cription faite par la cit. d ’Albiat le
que d’appel. Fait et prononcé, etc.
27 prairial an 7 , soit de la stipu
le 22 pluviôse an 11.
lation d ’emploi du prix de la vente
qu’a faite le cit. d’Albiat de ses biens
M o tifs et d isp o sitif du second
de Cornon, la dot de la cit. d’Albiat
Jugement contradictoire du T ri
se
trouve pleinement assurée :
bunal d'appel séant a Riom , le
Attendu que la cit. d’A lb ia t, en
2 jlo rèa l an 11.
restreignant son inscription du 27
L e T r i b u n a l , par jugement en
prairial an 7 , sur les biens de son
dernier ressort, persistant dans le
mari situés à Cornon et à R o y a t,
m otif exprimé au jugement par
quoiqu’il fut propriétaire de maison,
défaut, dudit jour 22 pluviôse an
enclos et jardin sis à Clerm ont,
11 , et qui est ainsi conçu: Attendu
a , par cela , reconnu que lesdits
ce qui résulte de l ’enquête, et par
biens de Cornon et de Royat étaient
ticulièrement des preuves littérales,
suffisans pour répondre tant de sa
et notamment des lettres écrites par
dot que de ses reprises éventuelles :
le cit. d’Albiat à sa femme , et des
Attendu qu’il est établi que le
aveux qu’il y fait du dérangement
cit. d’Albiat 11'a cessé de fournir
total de ses affaires et de l’état de
convenablement au besoin de son
détresse où il est, déboute la partie
épouse et de leurs enfans , et que
de T a rd if de son opposition audit
l ’état de ses affaires lui assure
jugement j ordonne en conséquence
des ressources suffisantes pour porter
qu’il sera exécuté suivant sa forme
les charges du mariage
et teneur, et condamne ladite partie
L cT rib u n al, après en avoir déli
deT ardif aux dépens faits sur ladite
béré , faisant droit aux parties , et
opposition. Fait et pronpncé, elc.
sans s’arrêter à l’enquêle du 26
pluviôse an g , reçoit le cit.d’Albiat
opposant au jugement dudit jour
2G pluviôse an y , remet en consé
quence les parties au même et sem
blable état où elles étaient avant
ledit jugement ; ce faisant, déboute
la cil. d’Albiat de sa demande en
séparation de biens. Sur le surplus,
�( II )
Suite du Jugement de Clermont.
des demandes, fins et conclusions,
met les parties hors de procè3 ;
condamne la citoyenne d’Albiat aux
dépens. Prononcé à l’ai}dience, etc.
le 27 nivôse an 10.
Le Jugement de Riom reconnaît tacitement que la dot n’était pas
en danger; que le sieur d’Albiat avait fourni convenablement aux charges
du ménage : ce Jugement est seulement motivé sur un prétendu désordre.
L e contraire est prouvé d’après les motifs exprimés au jugement de
Clermont ; le contraire est prouvé d’après les actes d’offres que j’ai
fait faire à la dame d’Albiat le 16 fructidor an 11 ; et enfin, d’après
la délivrance que j’ai faite à la dame d’A lb ia t, pour l ’entier payement
de sa d o t, de créances privilégiées, suivant la transaction du 1 o nivôse
an 12. Quant à la détresse, on ne pouvait me l’imputer , puisque la
dame d ’Albiat m’avait ôté tous les moyens de vivre et de me défendre,
en faisant saisir tous mes revenus échus.
L e contraire est encore prouvé , puisque je contribue, suivant la
transaction du 10 nivôse an 12, pour une somme de 200 francs par
a n , à l’entretien de mon fils cadet placé au L ycée de Moulins.
L’usage que la dame d’Albiat a fait de ce jugem ent, a été de quitter
la maison de son mari et d’aller habiter dans la maison Fougliasse.
Demande en séparation de corps, au nom de la dame d’A lb ia t,
dgée de 5o ans.
Demande provisoire du sieur d’A lb ia t, pour que les enfans soient
mis en dépôt dans des maisons d’éducation, attendu que la
maison qu’occupait la dame d’A lbiat était habitée par des
célibataires.
Jlt gement
de Clermont-Ferrant
du 5 thermidor an 12. Présidence
de M . Uomat.
Arrêt de la Cour d'appel de Riom ,
du 12 fructidor an 12. P rési
dence de 31- Redon.
Attendu que d’après l’art. 267
du nouveau Code , l’administration
provisoire des enfans reste au mari
pendant la poursuite de la demande
en divorce, et que la disposition
Attendu que Claire - Joséphine
d’Albiat est âgée de près de vingt
ans, étant née le 22 décembre 1784;
A ttendu , quant au fils , les té
moignages des soins et de la bonne
B 2
�( I
Suite de VArrêt de la Cour de Riom.
éducation qu’il a reçus depuis qu’il
est sous la direction de sa mère;
Attendu aussi qu’il est de l’intérêt
et des époux et de leurs enfans,
que ceux-ci continuent de résider
à la compagnie de leur mère jusqu’à
la définition de l’instance en sépa
ration pendante entre les époux ,
et que les raisons de sage économie,
comme de saine morale,se réunissent
pour la continuité de cette résidence;
Attendu que l ’ouverture des va
cances, et les raisons de croire que
la cause en séparation sera promp
tement terminée par voie de juge
ment , ou d ’esp érer qu’elle le sera
par voie de conciliation, seraient
un nouvel et légitime obstacle a ce
que l’état des choses fût provisoi
rement changé ;
Attendu enfin ce qui résulte de
l ’art. 14 du traité passé entre les
parties le 1o floréal an 1o :
L a Cour dit qu’il a été mal jug^
par le Jugement rendu au Tribunal
civil de Clermont, le 5 thermidor
dernier , en ce qu’il a été ordonné
que les deux enfans des parties seront
p la cés dans des maisons d’éducation;
bien appelé : ordonne qu'à cet égard
ledit Ju«einent demeurera sans effet;
émendant , que Claire - Joséphine
d’Albiat et Pierre-Hubert d’Albiat
continueront de résider à la com
pagnie d’Antoinette Dupuy leur
mère , jusqu’à la définition de 1ins
tance en séparation de corps qui est
pendante entre les parties devant
les juges dont est appel, et d y re
cevoir l’éducation que leur mer«
leur a fournie jusqu’à présent ; à la
)
Suite du Jugement de Clermont.
de cet article est applicable à la
demande en séparation de corps ;
Attendu que le sieur d’Albiat 11e
renonce au droit que lui confère
cet article, que sous la condition
que ses enfans seront placés dans
des maison d’éducation ;
Attendu qu’il peut être avan
tageux aux enfans d’être placés dan3
des maisons d’éducation , et que
d’ailleurs ce moyen assure à 1 une
et à l’autre des parties la surveil
lance de l’entretien et de l’éducation
de leurs enfans ;
Attendu que d’après l’art. 3o 3 du
même C o d e, les père et mère doi
vent contribuer à la dépense de
leurs enfans dans la proportion de
leurs facultés ;
Attendu que par le jugement qui
a prononcé la séparation de biens
d’entre les parties, la dame d’Albiat
a été chargée de la nourriture, en
tretien et éducation des enfans, et
que néanmoins , par un traité pos
térieur , le sieur d’Â lbiat s’est engagé
à contribuer à la dépense des enfans
pour une somme de 200 fr. chaque
année :
Le Tribunal autorise la dame
d’Albiat à continuer à faire sa de
meure dans la maison de la dame
veuve Foughasse où elle s’est retirée
et réside actuellement, avec dé
fense: au sieur d’Albiat de l’y trou
bler , aux peines de droit
Ordonne que Claire d'Albiat et
Pierre-Hubert d A l b i a t , enfans des
parties , seront placés, dans la hui
taine de la signification du présent
Jugement à personne ou domicile,,
�( 13 )
Suite du Jugement de Clennont.
savoir , Claire d’Albiat dans la
maison d’éducation de la «Jame
Gastau, institutrice à Clermont; et
Pierre-Hubert d ’Albiat en l’école
secondaire de la ville de lliom. Or
donne que le sieur d A lb iat contri
buera aiu frais des pensions desdits
deux eufans , à raison de 200 francs
par a n , et que ladite dame d A lb iat
contribuera pour l’excédant desdites
dépenses. Joint le surplus des de
mandes des parties au fonds , sur
lequel les parties1procéderont en la
manière ordinaire : dépens réservés.
Sut te de l'A rrêt d elà Cour de Riom.
charge par ladite D u p u y, suivant
ses offres, d envoyer, à toutes réqui
sitions de d A lb ia t son mari, leurs
enfans dans la maison de la dame
Chabrol- 1 ronet , cjue la Cour in
dique pour les visites que les enfans
devront'à leur père , toutes les fois
qu’il l’exigera. Réserve les dépens,
même Je coiit du présent A rrêt, sur
tout quoi il sera statué en définitif;
et ordonne que l ’amende sera ren
due.
C ’est sous l’enveloppe de cet arrêt,-que la Dlle. d’A lbiat, encore mi
neure , a resté sous l’influence de M . Dufreisse de Fontsalive, malgré
l ’assentiment des premiers juges ,* malgré l’opposition du père de famille.
C ’est avec cette batterie menaçante qu'un j ère a été dépouillé du droit
de, surveiller l’éducation de ses enfans. Cet arrêt est contraire à l’art. 5o 3
du Code civil. L e sieur d A lb ia t 11e pourrait pas contraindre son fils
cadet, âgé de douze ans, de venir lui relidre visite chez lui. Les événcmens "11’ont que trop justifié la sage prévoyance du sieur d ’Albiat à
l'égard de sa fille.
.td.
L a Dlle. d A lb ia t a fait à_son père,Tfaimoinent de sa m ajorité, trois
actes dits respectueux, les 26. ..décembre i8 o 5 , 2y janvier et 4 ’ mars
1806.
O p p osition
à* '
sieur cFÜ lbial au ,m ariage de sa fille .
D em a n d e en m ain-lei’ée d'opposition d e'la p a rt de la D lle . d’A lb ia t.
Conclusions écrites, du sieur d ’A lZ ia t, devant les premiers Juges.
« ,Mes conclusions so n t, à ce qu’il vous plaise recevoir ledit sieur
d A lb ia t, en sa qualité de père, opposant au mariage de Claire-Joséplnne
d’Albiat sa fille/avec le;sieur Joseph-Guillaume Dufreisse de Fontsalive :
faisant droit sur ladite opposition et y ayant égard;
» Attendu que les actes des 5 nivôse, an 14» 5 janvier et 4 mars
derniers , 11 ont aucuns qaractères d’autlienticité , comme ayant été eu
partie rédigés d’avance et par une écriture 'étrangère à celle du notaire,
�( i4 )
'et qu’ils 110 peuvent en conséquence attester la volonté libre de la
Dlle. d'Albiat : Attendu que les actes des 5 nivôse et 29 janvier
derniers ne font aucune mention de la demande que devait faire la
Dlle. d’Albiat du conseil de son père, et que ladite Dlle. d’Albiat a
contrevenu à l ’art. i 5 i du Code civilj et à votre ordonnance du 3 nivôse
dernier :
» A ttendu que les actes des 5 nivôse, 29 janvier et 4 mars derniers,
ne sont pas respectueux, et qu’ils ne contiennent que des protestations
ou renonciations de la Dlle. d’Albiat aux conseils de son père, pour
s’en tenir aux conseils de sa m ère, qu’elle appelle seulement du nom
derla dame Dupuy sa mère :
'¡f^dtteiulu que ces actes prouvent que la Dlle. d A lbiat est subjuguée
et quelle n’a pas une volonté libre ;
» Ordonner que lesdits actes seront déclarés nuls et de nul e ffet, et
comme tels re je té s ; et cependant que l’opposition sera maintenue.
» Et
et
dans
le cas où vous ne prononceriez pas la nullité desdits actes,,
préjudices quelconques •
sans aucuns
» Attendu que, suivant l’intention du Législateur exprimée dans le rapport
fait au nom du Gouvernement par M . Portalis, les pères ont le droit
de veiller'Sur l’intérêt de leurs enfans , même majeurs , pour les empêcher
de se précipiter dans des en^igemens honteux ou inconsidérés ; et que
l ’opposition d’un père doit eqpÔrc .être adm ise, suivant la pensée de M .
Portalis, pour ne pas favojiïér le jeu des passions et la licence des
mœurs :
» Attendu que l’arrêt du 11 fructidor an u . , motivé sur des raisons
de sage économie et de saine m orale, a ordonriJlque la Dlle. d’Albiat
co n tin u era it de résider à la compagnie de sa m è ra k o u r y recevoir l’édu
cation qu’elle lui avait fournie jusqu’à p r é s e n t .
» Attendu que le sieurJosepTï-Guillaume Dufreisse deFontsalive, malgré
la modicité de ses fa c u lt é s , a conservé pour lui seul , depuis le mois
de prairial an 12 , l’appartement que la dame Dufreisse de Vernines sa*
mère occupait avan t sa mort dans la maison Foughasse avec ses autres
enfans ; qu’il en a éloigné ses frères : Attendu qu’il habite sous le même
toit et à la suite de l’appartement qu’occupe la Dlle. d’Albiat avec sa
mère : Attendu que par ses intrigues il a entretenu la division entre
les sieur et dame d’A lb ia t, pour rester seul dans ladite maison , se dé
barrasser de la surveillance du père de familla , se rendre maître de la
famille > et tromper ladite Dlle. d Albiat ;
�( i5 )
» Attendu que la décence et l’honnêteté publique ne^lui permettaient
pas de fréquenter l’habitation où la Dlle. d’Albiat avait été mise en
dépôt par autorité de justice ; suivant la disposition des arrêts, et les
maximes établies par M . l’avocat-général Gilbert de Voisins, portant la
parole lors d’un arrêt du 8 mai 1742 :
» Attendu que ledit sieur Dufreisse n’a pas respecté l’asile de la famille,
contre la volonté du père exprimée publiquement à votre audience du
5 thermidor an 12 ; et que par une violation manifeste audit arrêt du
11 fructidor an 12 , il a interrompu l ’éducation que la dame d'Albiat
devait donner à sa fille :
» A ttendu que ledit sieur Dufreisse de Fontsalive a quarante-trois
ans dix mois et vingt-un jours , et qu’il est notoirement valétudinaire,,
et sujet à des maladies d’étisie et d’humeurs de poitrine : Attendu qu’il
n’a ni bien, ni fortune certaine, ni état, ni talent, ni force pour s’en
procurer , ni aucuns moyens d’existence ; et attendu que ladite D lle.
d’Albiat est âgée de vingt-un ans quatre mois.et neuf jours, et qu’il y a .
une différence d’âge de vingt-deux ans et six mois ; et que la D lle.
d ’Albiat a l’assurance d’une portion héréditaire avec ses deux frères ,
dans une fortune réelle de 162,000 fr. Attendu que ledit sieur Dufreisse
de Fontsalive exerce un empire absolu sur l ’esprit de la Dlle. d’A lbiat
qui ne peut avoir une volonté libre : Attendu que depuis 1 âge de la
minorité de la Dlle. d’A lb ia t, il a abusé de son inexpérience, et qu’il
exprimée du Législateur n’a pas. été de favoriser le jeu des passions et
la licence des mœurs ; faire défenses de passer outre audit mariage. »
Jugement de Clerm ont-Fcrrant,
du i.er mai 1806. F résidence
de M . Domal.
Ouï M . Cotlion, juge suppléant,
en ses conclusions. En ce qui touche
la validité des actes de la fille
d ’Albiat à son père ;
Attendu qut^ conseil et consen
tement ont une acception diffé
rente ; que d’après l’article i5 i du
Code civil, la fille d'Albiat devait
demander par un acte respectueux
Arrêt de la Cour d'appel de R ion i,
du 1 1 juin 1806. Présidence de
- M . Redon.
T a rd if, avoué de l'intimé ( le
sieur d'Albiat ) , conclut à ce qu’il
plût à la Cour, par les mêmes motifs
exprimés au Jugement dont est ap
pel , dire qu’il a été bien jugé par
ledit Jugement, mal et sans.cause
appelle ; ordonner que ce dont est
appel sortira son plein et entier effet,
sans dépens.
�(
16
S u ite de UArrêt delà Cour de Riom.
‘H conclut en outre à la suppres
sion du Mémoire distribué de la
part de l’appelante.
L e sieur d'Albiat père plaida
ensuite lui - même ses différens
moyens de défense.
L a Cour continua la cause à cette
audience pour entendre M . le Sub
stitut du Procureur-général.
L a cause de nouveau appelée à
cette audience , M . le Substitut du
Procureur-général a pris la parole,
et après avoir rappelé les moyens
respectifs des parties, il a conclu a
ce qu’il fût dit qu’il a été mal juge
par le jugement dont est appel, bien
appelé ; ém endant, qu’il fut fait
main-levée de l’opposition formée
par l’intimé , et qu’il fût ordonné
qu’il serait passé outre à la célé
bration du mariage dont il s’agit.
Attendu que la partie de Ji^ie
a satisfait à ce qu’exige la Iquipar
les trois actes respectueux dcsjÿ ni
v ô s e an 1 4 , 29 janvier et 4, mars
derniers , et que ces actes sont ré
gulièrement et légalement faits ;
A tten d u l’insuffisance destînotifs
de l ’opposition du père :
La Cour met l’appellation et ce
dont est appel au néant ; émendant,
sans s’arrêter à la demande en nul
lité , formée par d’Albiat p è re , des
actes respectueux de sa fille , ni a
l’opposition qu’il a formée à son
mariage, dont il est fait main-levee ;
ordonne qu’il pourra être passé^outre
à la célébration d u mariage dedaireJoséphine d’Albiat avec JosephGuillaume Dufreisse l'ontsalive. Sur
)
Suite du Jugement de Clermont.
et formel, le conseil de son père;
que dans des actes de cette nature
tout doit s’observer à la lettre ;
Q ue la volonté du Législateur ne
peut se trouver que dans la loi
même, et non dans les discussions
qui l’ont préparée ;
Q ue les termes employés par le
Législateur pour exprimer sa vo
lonté , sont sacramentels, et ne"
peuvent être^prisque dans leur sens
et leur acception véritable :
Attendu que dans les actes des
5 nivôse an 14 et 29 janvier 1806,
la fille d’Albiat a requis le consen
tement et non le conseil de son
père ; que dans l’acte du 4 mars
liîoG, elle a elle-même reconnu
qu’elle n’avait pas rempli le vœu
de la loi dans les deux précédons,
et que pour la première fois elle
a demandé le conseil de son père ;
mais que par ce dernier elle n’a pu
effacer le vice des deux premiers ;
Attendu que toutes les nations
ont révéré la puissance paternelle ,
et qu’elle s’étend à tous les âges ;
Que ce serait faire injure au
Législateur,que de penser qu’il n’a
voulu imposer à l’enfant qui veut
contracter un mariage désagréable
à l ’auteur de ses jours , d’autro
condition que celle d’une vaine
formalité, sans exprimer le respect
et les sentimens de piété filiale qu’il
doit à son père , pour obtenir un
conseil sur lequel l’enfant ne doit
avoir pris de détermination qu’après
que le temps des épreuves est ex
piré ;
A tten d e
�( *7 )
Suite du Jugement de Clermont.
Alteudu que les trois actes de la
fille d’A lbiat ne sont de sa part
qu’une déclaration de la ferme ré
solution qu’elle a prise et dans
laquelle elle persévère , et qu’elle y
annonce à son père que la loi l’oblige
de recourir à son consentement,
mais qu’elle s’inquiète peu de sa
volonté et de son avis, et que sa
démarche n’a d’autre but que de
remplir la formalité que la loi lui
commande ;
Q ue les actes de la Dlle. d’A lb ia t,
qui ne doivent être que l ’image de
la soumission et de la déférence que
l ’enfant doit à son père, n'ont mar
qué au père que la volonté d’un tiers
dans une rédaction anticipée et faite
hors la présence du père;
Que ces actes sont donc, sous tous
les rapports , irrévéfentiels et non
respectueux.
En ce qui touche l’opposition de
d’Albiat père :
Attendu que l’essence du mariage
consiste dans le consentement mu
tuel des époux ;
Q ue le mineur ne peut avoir un
consentement libre et éclairé ;
Q u ’il résulte de kvdéclaration
faite à l’audience parMcNdéfenscur
de la fille d’A lb ia t, et dont le T r i
bunal a donné acte par jugement
du jour d’hier, que son mariage avec
Duireisse-Fontsalive avait été pro
jeté il y a trois ans entre sa mère ,
ledit Dufreisse et e lle , de l’agrément
de la mère Dufreisse alors vivante ,
à l’insu et sans aucune communi
cation à d ’Albiat père ;
Suite de Varrêt de la CourdeRiom.
le surplus des demandes , met les
parties hors de Cour , sans dépens ;
et ordonne que l ’amende, si elle a
été consignée, sera rendue.
C
�18 )
Q ue la fille d’Albiat était alors
mineure , qu’elle n’avait point de
volonté libre et éclairée;
Que son consentement ne pouvait
être que l’effet de la captation;
Q ue cette captation s’est dévoilée
à la première heure de la majorité
de la fille d’Albiat , par les actes
qu’elle a fait faire à son père :
L e T rib u n al, après en avoir déli
béré en la chambre du Conseil ,
et avoir repris sa séance , déclare
les trois actes des 5 nivôse an 14 ,
29 janvier et 4 mars 1806, nuls et
irrespectueux; maintient l’opposition
faite par d’Albiat au mariage de sa
fille avec Dufreisse-Fontsahve ; dé
boute la fille d’Albiat de sa demande
en main-levée de ladite opposition:
sans dépens.
Cet arrêt est contraire aux articles 1 51 et 1 52 du Code c iv il, qui
exigent que, si le père refuse son consentement * l’enfant demande.le
conseil de son père , et qui veut que l’acte soit respectueux. Cet arrêt
est contraire à l’art. 154, qui porte qu’il sera dressé procès-verbal; tandis
que la ; rédaction de partie desdits acte 3 étant faite d’avance par-'une
écriture étrangère à celle du notaire , et hors la présence du père, n’a
exprimé que la volonté d’un tiers et non celle de la Dlle. d’Albiat. L a
Cour fie Bordeaux m’eût fait gagner mon procès ; la Cour de Riom me
1, ç-y nprdre dans des circonstances bien plus graves. ( Voyez l’arrêt de
Bordeaux du
fructidor an i 3 , cité page
•)
Cet arrêt est encore contraire" b. la loi du 24 août 1790.
Les Juges de la Cour d’appel ne devaient prononcer que sur le
bien ou le mal jugé des premiers Juges. O r , les premiers Juges n’avaient
prononcé que sur la nullité des actes prétendus respectueux ; ils n’avaient
pas statué sur les motifs d’empêchement au mariage, parce que le sieur
d’Albiat avait formé son opposition au mariage de sa fille , d’abord sur
la nullité des actes, et il avait demande par des conclusions précises
ci-dessus rapportées, q u il ne lût statué sur la défense de passer outre
au mariage, que dans le cas où les Juges ne prononceraient pas la nullité
des actes. Les causes d’opposition du sieur d'Albiat étaient bien distinctes.
�La Cour d’appel de Riom devait se borner à prononcer sur la nullité
des actes , et elle devait renvoyer devant les premiers Juges pour statuer
sur les causes d’opposition concernant l’empêchement au mariage, attendu
que les premiers Juges n’y avaient pas statué. L a Cour d’appel de
Riom s’est donc transformée en Tribunal de première instance.
Les conclusions prises parle sieurd’A lbiaten la Cour d’appel, tendaient
seulement à ordonner la confirmation du Jugement dont était appel.
J ’ai formé le ?.5 juin une nouvelle opposition au mariage de ma fille,
notifiée à la M airie et à ma fille , attendu que la loi me défère le droit
de me pourvoir au Tribunal de cassation. La Cour d’appel de Riom en
a ordonné la main-levée par arrêt du 27 juin 1806 , rendu à l’audience
sur requête qui ne m’a pas été signifiée. La Cour d’appel de Riom
n’était pas compétente pour statuer sur cette nouvelle opposition ; ses
pouvoirs étaient finis. E lle m’a privé du droit de recourir en la Cour
de cassation; elle ne pouvait m’en priver sans m’entendre ; elle aurait
dù au moins en référer à la. Cour de cassation.
sieur d’Albiat a fait prononcer par le Tribunal le Clermontférrant sur la demande en séparation de corps.
Jugement de Clerm ont-Ferrant, du 1 7 fév rier 1806. Présidence de
B'L Domal.
« La cause en cet état a été appelée à l’audience de ce jour.
» L ’avoué de la demanderesse , présent, 11’a pris aucunes conclusions,
et aucun avocat ne s’est présenté pour plaider. Alors M..e V id a l, avoué
du défendeur, a conclu au débouté de la demande.
» Y a-t-il lieu à accueillir ces conclusions l
» Attendu le principe, que tout demandeur doit établir sa demande;
» Attendu que JjMfemanderesse , loin de justifier la sienne , de se
présenter pour faire admettre en tout ou en partie les faits qu’elle a
articulés, et de se soumettre à faire la preuve de ceux qui le seraient;
» Attendu que de son silence il en résulte la présomption qu’elle est
dans l’impuissance où de les faire admettre ou de les établir:
» L e T rib u n al, oui M . Cotlion, suppléant, faisant les fonctions de
Procureur impérial , sur la récusation de IYÏ. Picot-Lacombe , donne
C 2
�( flo )
congé défaut contre la demanderesse, et pour le profit la déboute de
sa dem ande; ordonne en conséquence quelle sera tenue de se réunir
à son mari pour y vivre en bonne union 5 et la condamne aux dépens.
D u 27 février 1806. »
A ppel de la dame d'Albiat en la Cour d appel de Riom.
Il est temps que le sieur d'Albiat sorte de cet état d’oppression
scandaleuse qui accable sa famille entière. Il n’y a que 1autorité supreme
qui puisse Yen délivrer ; il n’y a que l’autorite supreme qui puisse
rétablir l ’ordre dans sa famille. 11 l’invoque , il la sollicite autant pour
lui-même que pour ses enfans ; p o u r son fils ame qm en sortant de
l ’éducation paternelle , s’est dévoué à la défense de la atne , au service
de l’Em pereur; qui donne l’exemple des vertus domestiques, des vertus
civiles , des vertus militaires.
•/
�PLAIDOYER
P r o n o n c é e n l a C o u r d 'a p p e l d e T iio m , le r) j u i n 1 8 0 6 .
M
essieur
s,
Il faut qu’un père de famille ait des motifs bien graves pour refuser
son consentement au mariage de sa fille ; il faut qu’il soit retenu par
des considérations bien majeures pour persister dans son refus. Il faut
qu’il soit vivement pénétré du danger qui menace sa fille, pour se déter
miner à former opposition à son mariage. Je ne viendrais point vous
demander, Messieurs , l’abolition de ces actes dits respectueux , si l’acte
le plus saint, le plus solennel , le plus essentiel au |)^ilïeûr des époux ,
devait reposer 'su r l’honnêteté publique ; je ne vie'ifâV-ais point vous
demander la réparation de l’outrage fait à un père de famille , si la
nature ne devait pas être outragée par une union aussi disparate. Je
ne relèverais point l’oubli de quelques formalités ; je dissimulerais éga
lement l’irrévérence qui me serait faite : le cœur d’un bon père est
toujours disposé à pardonner. Je ne demande rien pour moi. Je ne
viendrais point à cette audience me surcharger du poids de nouveaux
malheurs , si je ne voulais dégager ma fille de tous les malheurs qui
sont prêts à l’envelopper. Ce n’est point un père irrité qui vous parle ;
ce n’est point une partie adverse qui vous sollicite; c’est un père qui
vient une seconde fois devant vous réclam er les secours de la Justice,
pour sauver sa fille du naufrage prêt à l’engloutir.
Ce n ’est point ma cause que je viens défendre , c’est la cause de
ma fille. Sa carrière commence lorsque la mienne finit. C ’est son sort que
je considère ; c ’est son sort que je vous prie de considérer. M a fille a
été ravie pendant sa minorité à ma surveillance ; ma fille a resté jusqu’à
présent sous l'influence de celui qui la trompe. Elle est subjuguée ,
elle n’a aucune volonté. O n éloigne d’elle les conseils de son père , les
conseils de tous mes parens ; elle est livrée aux illusions d’une jeunesse
sans expérience ; elle est retenue en chartre privée ; elle est trompée.
Que l’esprit de parti se taise ? N on ! je ne puis croire que l’esprit
de parti puisse rallier autour de lui assez d’individus qui veulent se
déclarer hautement les partisans de ceux qui jettent le désordre dans
les familles et les bouleversent.
�( 22 )
C ’est la cause des pères : ils sont intéressés au bonheur de leurs
enfans ; ils doivent craindre pour eux-mêmes que l’impunité de pareils
exemples ne vienne un jour porter le trouble dans leurs familles.
C ’est la cause des enfans, qui doivent retrouver le bonheur d’une vie
entière , dans les difficultés mômes que la sagesse de leurs parens met à
leur établissement.
C ’est la cause de la société entière , intéressée à proscrire ces alliances
bizarres qui portent la division dans les familles , et qui font le malheur ■
des générations futures.
C ’est la cause des mœurs. Les bonnes mœurs ne peuvent long-temps
se maintenir pures entre deux époux dont l’union est un assemblage mons
trueux de jeunesse et de vieillesse , de santé et dmürmite , de fraîcheur
et d’épuisement , de besoin et de misèie.
(
C ’e s t la cause des Magistrats : ils sont les tuteurs nés des enfans ;
ils sont sur la r é c la m a t io n des peres , les régulateurs des mariages ; ils
sont les’ conservateurs des bonnes mœurs ; ils sont les protecteurs des
familles Les lois veillent a la conservation de 1honneur des familles.
Eh ! qu'importe le croassement de ces gens isolés et sans famille ,
qui n’ont d’importance que dans les troubles civils , et d’existence que
dans les ménages qu’ils ont divisés l
N e recherchez pas en moi les charmes de celte éloquence qui a fixé
votre attention sur le jeune orateur que vous avez entendu avec intérêt ;
ne recherchez pas la profondeur de cette érudition que vous admirez
chaque jour parmi les magistrats , et les défenseurs qui soutiennent la
gloire de ce Barreau célèbre depuis un temps immémorial. C est un père
qui ne peut que vous parler des malheurs de sa fille , qui^ a ete ravie a sa
surveillance avec une audace sans exemple, pour reste!' livrée à celui qui lui
■prépare une destinée plus malheureuse que sa situation présente. C ’est un
père qu’on représente comme_inflexible, et à qui on a tout caché, à qui on
n’a rien communiqué pendant trop long-temps. C ’est un époux poursuivi
avec acharnement par des vampires , et des gens qui ne dissimulent pas
leur im m o ra lité au milieu des sociétés qui ^ reçoivent II n’y a eu d'in
flexible dans cette malheureuse affaire, que la I ) . ,ne d A lb ial, qui a résiste
avec obstination aux instances de ma famille et de la sienne , de ses anus ,
et de plusieurs de ses conseils ; aux représentations de ceux qui donnent
l’exemple de la morale et des vertus religieuses, ( i ) Elle a résisté au . pres
s a n t e s sollicitations d’un fils chéri et honoré , q u i, du sein des armées,
la prie les mains jointes , et la presse de renoncer a une demande qui
répand l’affliction sur toute une iannlle.
C i ) M. Mercier , gvaud-Yicairc
la Cathédrale,
et C u ré du P o r t , M . M o r i n , C uré -V icaire de
�L e jugement tient est appel, est attaqué sur deux motifs. On prétend D m ,« ma; ,S(J
que les premiers juges ont cumulé la forme et le fonds ; qu’ils devaient
préalablement juger sur la nullité des actes de respect, et qu’ils ont prononcé
sur le fonds même du mariage. 11 est nécessaire de vous retracer quelle
a été la marche de la procédure , et sur quoi les premiers juges ont
statué.
J’ai formé opposition au mariage de ma fille ; j’ai fondé mon oppo- Lecture du ju
sition et sur la nullité des actes dits respectueux , et sur les inconvcniens Se,yicnt du i.<
graves de ce mariage , que j’ai regardé comme inconsidéré , comme con- mjl
traire à la nature et à l’honnêteté publique. L a Dlle. d’Albiat a demandé
la main-levée de cette opposition.
Sur quoi les premiers juges ont-ils statué ? Ils ont statué sur la nullité
des actes dits respectueux , et sur la demande en main-levée de mon
opposition ; ils ont déclaré lesdits actes nuls , et ils ont débouté la
D lle. d’Albiat de sa demande en main-levée d’opposition : ils n’ont pas
prononcé autres choses.
Je vois que tout est régulier dans la forme. Les premiers juges se sont
renfermés dans la question relative aux actes dits respectueux ; ils n’ont
pas été au-delà. Ils ont statué sur la demande en main-lavée de l’oppo
sition au mariage : et par une conséquence forcée , ils ont débouté la
Dlle. d’Albiat de sa demande en main-levée d’opposition.
Les premiers juges n’ont absolument rien prononcé sur la question
relative au mariage , puisqu’ils ont maintenu mon opposition ; ils ont
seulement statué et sur la nullité des actes dits respectueux , et sur
la demande en main-levée de mon opposition.
Il est vrai
ai qu’un des motifs de leur jugement est l ’état de captation
où se trouve la Dlle. d’Albiat. Ce ne serait pas encore une irrégularité,parce que les juges sont les maîtres de donner à leur jugement les
motifs qui leur conviennent.
L a captation est un fait ; ce fait a paru prouvé aux yeux des pre
miers juges; ce fait a été un des motifs qui ont déterminé à prononcer la
nullité des actes dits respectueux. Les premiers juges n’ont pas outre-passés
leurs pouvoirs.
J’ai demandé la nullité desdits actes sur le même molit ; je me suis
exprime en ces termes : attendu que la D lle. d'Albiat a été subjuguée,
et qu’elle n a pas une volonté libre.
M ais on pretend que le fait de captation étant reconnu par un juge
ment , peut être un obstacle au mariage : j’en conviens. M ais la cap
tation est par elle-meme un obstacle à la validité des actes quelconques
\
/
�qui en sont l’effet. O r , s'il est démontré que 1g3 actes dits respectueux
sont l’effet de la captation , qu’ils portent même avec eux tous les caraclères de la captation , peut-on refuser d'en prononcer, sur ce m o tif, la
nullité , sous le prétexte que ce serait préjuger la question d„u mariage?
L ’acte respectueux, comme je le démontrerai, n’est plus une vaine for
malité , comme au temps de M . Pigeaut. L ’enfant doit réfléchir , doit
délibérer sur le3 conseils de son père. Il faut donc qu’il soit libre ; il
faut qu’il ne soit pas dans un état de captation lorsqu’il fait des actes
aussi importons à son bonheur,Et précisément je vous fournirai des preuves
trop concluantes de cette captation,
11 me paraît inutile de s’a p p esan tir, davantage sur la régularité du
jugement dont est appel. Je dois me renfermer a vous démontrer que
le jugement dont est a p p e l, est conforme aux règles de la justice.
Vous vous rappellerez, Messieurs , avec, quelle pressante sollicitude
je vous ai demandé que ma fille alors âgee de
ans , et mon fils âgé
de 11 ans , fussent éloignés de la maison Foughasse , attendu que
cette maison a v a it été une source de désunion, une continuité de désu
n io n , un obstacle à \me réunion; e t'q u e mes enfans fussent mis en
dépôt dans des maisons d’éducation, pour y être élevés dans les devoirs
de la religion, dans la pratique de la vertu , dans l ’amour du travail.
Vous avez rendu, le 11 fructidor an 12 , un arrêt ainsi conçu.
(hi
L a lo i , art. 5o 3 du Code civil , conserve respectivement aux père
l2' et mère le droit de surveiller L’éducation et: l ’entretien de leurs enfans,
quelle que soit la personne « laquelle les enfans seront confiés.
U n père de famille , un homme qui fut toujours probe et d élicat,
un homme d ’honneur a été dépouillé du droit de surveiller ses enfans.
Vous avez entendu vous-mêmes , Messieurs , à votre audience du
11 fructidor an 12 , cjue le voisinage des célibataires qui habitaient
la maison Foughasse n’etait point dangereux , à raison de leur hon
nêteté et de leur âge avancé; que je noircissais les intentions les plus
pures. O n allait jusqu’à me représenter sous les traits les plus inju
rieux, Les événemens qui se sont passés diront mieux que moi de quel
côté -était la prévoyance et la saine morale.
C ’est l’immoralité qni a triomphé ; c’est l’immoralité qui a abusé ;
c’est l’immoralité qui traduit devant vous un père do famille.
M . Dufreisse de Fontsalive est celui que j’ai désigné il y a deux anâ
comme dangereux à ma famille , et que je désigne encore aujourd’hui
comme l’auteur des troubles actuels de nui famille , de l ’égarement et
de
�T A B L E
DES MATIERES.
I n t r o d u c t i o n et motifs sur la publicité du Mémoire.
pages 3 et 4
L e ravisseur considéré comme émigré.
4
Les malheurs du père pendant la révolution.
5
Etat de ses pertes faites pendant la révolution.
5 et 6
Notes sur la famille d’Albiat.
7
Causes de la prévention contre le père dans la ville de Riom.
8
T ableau de comparaison des jugemens de Clermont et de R iom ,
page 9 ju sq u ’à la page 20.
Réflexions sur l’arrêt du 11 fructidor an 12.
i3
M oyens de cassation. L a Cour d’appel ne pouvait prononcer que sur la
validité des actes, et non sur les empêchemens au mariage. 18 et 19
A utre arrêt du 27 juin 1806, incompétemment rendu sur requête non
communiquée.
19
Exorde du Plaidoyer, ou Tableau de l’affaire.
21 et 22
Fille mineure ravie à la surveillance de son père.
4 } 13 et 24
Fille mineure laissée sous l'influence de son ravisseur.
1 3 et 2 5
Menace de poursuivre le père comme rebellionnaire à Justice.
25
Situation pénible d’un père, forcé de résister à la nature qui lui commande
ce qu’un arrêt lui défend.
25
Intrigues du ravisseur.
2 5 , 26, 3 6 , 37. et 40
Situation des autres enfans.
ao
Moyens employés par le ravisseur. Sa constitution physique. 26,27,28,29,
3 i, 35 et 40.
L e ravisseur est éloigné pendant un temps par la mère. Résultat avanta
geux pour le père et la fille.
29 et 5o
L e ravisseur fait demander la fille en mariage. Improbation de toute la
famille.
3o
L e ravisseur criminel aux yeux de la Justice, pour avoir ravi la fille à la
Justice même.
3r
De la preuve par présomption.
3 i et 3a
Maximes de M . le Chancelier d’Aguesse&u sut, la séduction.
33 et 34
Appliçahon de ces principes à la caus-mé la deml’ôge; infirmités.
55
Inégalité de biens. Point d’état.
^ n é par ses intrifo3g
Indignité dans la conduite.
^aix comme
3g ej, 5y
Nécessité du consentement des époux.
37 et 40
�TABLE
DES MATI ERES.
L a séduction ôte la liberté du consentement.
54, 37, 5 8 , 09 et 40
L a séduction s’applique aux majeurs , lorsqu’elle a commencé en
minorité.
S9 et 40
Les circonstances aggravantes, encore plus fortes que la séduction, ôtent
la liberté du consentement.
56 et 40
Parallèle entre les lois anciennes et les lois nouvelles sur le
mariage.
4 1 et 4 2
Maximes de M . Portalis, Rapporteur, au nom du Gouvernement, de la
loi sur le mariage.
_
3 5 , 4 1 , 4 3 , 45, 4 4 j 4 0 et 46
D u droit d ’un père de former opposition au mariage de son enfant, et de
l ’autorité illimitée des juges.
48 et 44
Principes sur les causes d’opposition.
^
45 et 46
L e père peut s’opposer à un mariage honteux ou inconsidéré.
46 et 47
Causes qui rendraient un mariage honteux.^ ^
47
Causes qui rendraient un mariage inconsidéré.
47 et 48
Premier acte irrespectueux.
(
48 et 49
L a fille ne demande pas le conseil de son pere.
41 , 42 et 49
Conseil et co n s en tem en t ne sont pas synonymes.
18 et 5o
Irrévérence, protestations, violence et captation.
5o et 5 i
Analyse du second acte.
5 i et 5a
Analyse du troisième acte.
5z
L ’acte respectueux ne doit pas être une vaine form alité, comme dans
l’ancien régime.
24 et 53
A rrêt de la Cour de Bordeaux, du i 3 fructidor an i 3 , favorable
au pè^e.
18 et 53
Preuve de captation, d’après les actes.
¿4 et 55
L es actes sont nuls, comme étant écrits d ’avance, et par une écriture
étrangère à celle du notaire.
18 , 55 , 56 07 et 58
Danger des conseils.
'
by
Résumé des motifs d’opposition au mariage.
1 5 , i/j et 1 5
Résumé des faits qui établissent la captation.
58 , 69 et 60
Réflexions sur la mère.
60, 61 et 63
Invocation faite à la mère.
62
Invocation, faite aux Juges.
62 et 6 s
1
Fin de la Table.
1
nt,"
A LYO N / il
,<jntsalive este____ _.
. a ï à ma famille ,
-les trouble* »10 B a l i .a n c h e père et fils, aux halle»
ue la Grenelle. 1806.
�( 25 )
de l’obstination de mon épouse , du malheur de ma fille , et de l’op
pression qui m’accable.
M . Dufreisse de Fontsalive n’a point cessé d’habiter la maison Foughasse ; il a conservé pour lui seul le même logement que la dame
de Vernines sa mère occupait avec ses autres enfans ; il eu a éloigné
ses frères. Son appartement est à la suite de celui de la dame et de la
Dlle. d’A lb ia t , et il n’en est séparé que par une cloison en planches.
Il paye depuis deux ans, époque de la mort de sa mère , 400 fr. de
lo ye r, malgré la modicité de ses facultés. U n homme d’honneur , un
homme délicat , ne jette pas le trouble dans une famille pour s’y
établir , ne se rend pas maître des destinées d’une famille. M . de
Fontsalive 11e peut , sous aucun rapport, donner aucune excuse à sa
conduite.
J’ai apporté devant vous le dalme d’une conscience pure. Vous n’avez
vu alors que moi : l ’homme honnête n’intrigue pas. Vous avez été trompé
par des insinuations perfides ; vous avez cru mieux faire parce que vous
en aviez la volonté. L ’Empereur a eu raison de dire à une députation
du Tribunal d’appel de Paris , que le mieux était l ’ennemi du bien.
Je ne pouvais plus exercer de surveillance envers mes enfans ; je
ne pouvais plus m’entretenir avec mes enfans ; je ne pouvais recevoir
que de simples visites dans une maison tierce.
J’étais menacé par les conclusions précises de la dame d’A lb ia t, d’être
poursuivi comme rébellionnaire à la Justice.
Vertueux aux yeux de la nature si j ’avais osé arracher ma fille de
la maison Foughasse , j’aurais été traité en criminel si j’avais contre
venu à l’arrêt au 11 fructidor an 12.
Place entre ma conscience et cet a rrêt, je ne pouvais plus agir. Dévoré
par le chagrin , isolé de ma famille , je me suis éloigné de mes foyers
arroses de mes larmes ; j’ai fui dans cette circonstance comme dans
beaucoup d’autres, une terre témoin depuis $5 de mes longs malheurs.
M ais tout s’éclaircit à la longue. O n a fait l’aveu , consigné dans le
jugement dont est ap p el, que le mariage de ma fille avec M . Dufreisse
de Fontsalive était arrêté depuis trois a n s, c’est-à-dire depuis le mois
de floréal au 1 1 ; que M .me de Vernines la mère l ’avait approuvé long
temps ayant son décès. Cependant j ’ai resté un an dans la même maison ,
et je la i absolument ignoré. C ’est donc pour faire réussir ce mariage,
qu on m a tourmenté , qu’on a formé la demande en séparation de
corps , que M. de Fontsalive m’a éloigné par ses intrigues de ma famille,
qu’il m’a fait dénoncer chez le Juge-de-paix comme portant le trouble
D
�( *6 )
clans la maison Foughasse , qu’il a répandu conlrc moi une horrible
diffamation; et M . de Fontsalive voulait devenir mon gendre dans le
moment qu’il organisait la persécution qui me poursuit.
Celui de mes enfans qui devait recevoir une éducation négligée et
efféminée , a été nommé au L ycée de Moulins. L e Gouvernement seul
avait la force de le soustraire à la fatalité de son éducation dont
les. fruits devaient appartenir' à la patrie. M on fils aîné a obtenu cette
faveur de S. M . l ’Empereur. 11 a fait valoir mes services rendus dans
la magistrature pendant 20 ans d’exercice , et ceux qu’il rendait dans
les années en qualité d’officier d’artillerie. Sous un Gouvernement
reconnaissant et bienfaisant, les bonnes actions protègent les familles.
M a fille seule a resté sous la direction de sa mère ; vous reconnaîtrez
par sa conduite les principes qu’elle a puisés.
Cette affaire est te lle m e n t identifiée avec la demande en séparation
de corps formée par la dame d’Albiat , que les moyens employés
par la dame d ’Albiat pour le succès de l ’une , l ’ont été pour le succès
de l ’autre.
L a diffamation répandue contre moi pour favoriser la demande en
de corps , a été recueillie pour surprendre un arrêt qui ravit
ma fille à ma surveillance. L ’imposture et la fraude sont aujourd’hui
découvertes. O n n’a écarté le père que pour tromper la fille. C ’est pour
dépouiller la mère que des conseils perfides la flattent d ’une indépen
dance utile à leurs projets ; c’est pour séduire la fille qu’ils la flattent
d’illusions chimériques ; c’est pour écarter un père devenu incommode
à l ’e x é c u t io n de leurs projets criminels , qu’ils s’agitent, qu’ils inventent,
qu’ils osent tout , pour attaquer ma réputation, m’envelopper et me
détruire.
s é p a r a t io n
Ces hommes qui n’ont ni corps ni biens , ces perturbateurs du repos
des ménages , ces dévastateurs de la fortune des époux et des enfans,
ces corrupteurs déboutés des bonnes mœurs , ont répandu contre moi
la c a lo m n ié la plus noire et la plus atroce. L a perversité bien connue
de ces hommes desséchés, suffirait pour l'aire regarder comme invraisem
blable tout ce que pourrait distdler leur langue envenim ée', tout ce
que pourrait rendre leur bouche empestée.
O ui dois-je rechercher dans ce dédale affreux d’intrigues et d’im-.
postures qui arment l’épouse contre l’époux, la fille contre le père ? :
ceux qui avaient intérêt à la diffamation.
Celui qui profite d ’un vol est présumé voleur ; celui qui profite de la
diffamation est présumé auteur de la diffamation. Oui prodest scclus
is fe c it.
�( 27 )
M . Dufrcisse de Fontsalive a répandu contre moi la diffamation la
plus atroce. Je ne crois pas que la méchanceté humaine puisse rien
imaginer de plus fourbe , de plus noir , de plus affreux, pour ravir
mes enfans à ma surveillance.
Ce n’est pas le simple effet d’un caractère violent et .emporté; c’est
la réflexion que M . de Fontsalive a apportée , c’est la combinaison
qu’il a faite , c’est la persévérance qu’il a mise dans l’exécution de
ses projets.
M . Dufreisse de Fontsalive a voulu s’assurer d’avance des moyens
d ’existence. A -t-il été enivré par l’illusion d ’une imagination ardente?
A -t-il été entraîné par la violence d’une passion qu’il ne pouvait éteindre ?
N on , il n’y a rien de tout cela. Les feux de son imagination sont
de courte d u rée, ils s’évanouissent aussitôt, et toute passion est
chez lui absolument nulle. L e mal moral est grand ; c’est le mal de
la privation, il ne laisse appercevoir à l’imagination que des fantômes.
L e mal physique est plus r é e l, c’est l ’absence de toute faculté.
Celui qui peut séduire par le mouvement d’une passion ardente, est
capable de grands traits, d’un dévouement généreux, d’actions sublimes ,
pour plaire à l’objet aimé qu’il recherche, pour le m ériter, pour le
posséder : le feu de lam e est un présent du ciel , une émanation
de la Divinité , qui donne à l’homme un caractère de grandeur et
de loyauté , et lui laisse ignorer jusqu’aux idées de bassesse et
d'imposture.
M ais que dirai-je de celui q u i, parvenu à un âge avancé , et
dépourvu de fortune et de talens , veut séduire lorsque les feux de
la jeunesse sont éteints, lorsque tout son corps est desséché, lorsque
ses forces l’ont abandonné, lorsque son épuisement est com plet,
lorsque toute sa constitution est attaquée; lorsque des vices internes
rassemblent abondamment des humeurs contagieuses ; lorsqu e des
maladies réitérées lui laissent à peine l ’espoir d’une vie languissante ;
lorsque son sang appauvri commence à se dissoudre ; lo rsq u ’un teint
périodiquement pâle et cadavereux , présente les signes certains d ’une
mort prochaine ?
Q ue dirai-je de M . Dufreisse de Fontsalive, dont je viens de
vous peindre la situation trop certaine et assez connue où il se
trouve !
Il
a voulu séduire ; il n’a pu
riques. Sa marche ne pouvait plus
nature, cette marche sentimentale,
il est vrai, embraser les cœurs, mais
donner que des espérances chimé
être cette marche simple de la
cette marche de feu, qui peut,
qui ne trompe jamais.
D a
�_< 28 )
M . de Fontsalive ne pouvait réussir que par un langage factice ;
il ne pouvait réussir que par des prom esses trompeuses : il n’a que
trop réussi pour le malheur de ma famille. Il a subjugué la mère;
il a séparé l’épouse de l’époux. Il a excité , il a entretenu les germes
de division qui arment encore h présent la fille contre sou p è re ,
et la femme contre son mari. Il a paralysé la surveillance de la mère
envers la fille ; il a éloigné du sein de la famille le surveillant
naturel, le surveillant nécessaire , le surveillant légal , que la nature,
que la loi donnent aux enfans , il a éloigné le père de famille.
Q u ’a fait M . de Fontsalive pour me séparer de ma famille ? Il a
répandu la diffamation la plus noire , la ^plus invraisemblable. Il
a voulu m’éloigner pour toujours comme époux , en ^cherchant à
donner de l’importance aux termes injurieux de la requete en sépa
ration de corps ; il a été le précurseur d une seconde requete.
Il
exerce une influence qui peut être un jour funeste à mes autres
enfans ; et déjà la dame d’Albiat s’est procuré à mon insu des
rem b o u rsem en s sur sa d o t , contre les dispositions formelles du traité
que j’ai passé avec elle. 11 a voulu m’éloigner comme p è re , en se
débarrassant de ma surveillance sur ma fille ; surveillance qui lui
devenait incommode.
L a Dlle. d’Albiat ma fille s’est trouvée dès ce moment privée
de l’appui, du secours, des conseils que l’expérience d'un père aurait
pu lui donner. Elle est restée absolument abandonnée aux insinuations
d’un homme qui ne voulait la tromper que pour trouver un asile
certain dans sa détresse , et obtenir un soulagement forcé dans ses
infirmités habituelles.
Pour plaire à la dame d’Albiat et se rendre nécessaire, M . de
Fontsalive l ’a flattée qu’il pouvait par ses intrigues lui assurer, son
indépendance , et empêcher pour toujours le retour de son mari.
L a daine d’A lb ia t, trop faible et trop crédide, n’a plus balancé de
se réunir à M . de Fontsalive, et de se concerter avec lui, pour mieux
s’assurer une indépendance qui entraîne toutes les femmes a leur
ruine.
O u i, M . de Fontsalive est depuis long-temps mon persécuteur; il
a été dam toutes ses démarches un imposteur adroit et effronté.
L a dame de Vernines sa mère est morte le 17 prairial an 1 2 ;
elle a été enterrée le 18. L a dojne d’Albiat a cessé do manger avec
moi le ly prairial.
�( 29 ) '
C ’est M . de Fontsalive qui a favorisé , le 2 1 prairial, trois jours
après la mort de sa mère , l’évasion de la dame d’A lbiat et de sa
fille. C ’est lui qui a reçu chez lu i , à neuf heures du so ir, ceux qui
ont enlevé la dame d’Albiat et sa fille. C ’est lui qui, le lendemain, a
eu l’impudeur de se rendre chez le Juge-de-paix avec la dame Fonghasse
qu’il y avait entraînée , pour m’y dénoncer, sans me prévenir, du pré
tendu trouble qu’il disait que j’avais apporté à son sommeil ; et ce
trouble n’était autre chose que d’avoir exprimé dans l’intérieur de
mon appartement, avec l’expression d’une douloureuse sensibilité, ma
trop juste indignation au moment de la fuite nocturne de mon épouse
et de ma fille. J’avais, disait-il, troublé son sommeil : et il avait eu
la constance de m’écouter tranquillement derrière les planches qui
séparent son appartement de celui de la dame d’Albiat. Cependant
ma douleur était son ouvrage, ma douleur était son triom phe, ma
douleur était sa jouissance.
C ’est alors que M . de Fontsalive a répandu contre moi des
calomnies aussi atroces qu’incroyables. Il a calculé que la calomnie lui
était nécessaire pour me perdre dans l’opinion publique et dans l’opinion
des Juges ; il a calculé que la calomnie lui était nécessaire pour
s’établir en mon absence au milieu de ma famille ; il a calculé que
la calomnie lui était nécessaire pour me détruire; il a calculé que la
calomnie lui était nécessaire pour subjuguer à son aise l’esprit de la
dame d’Albiat ; il a calculé que la calomnie lui était nécessaire pour
compromettre le p ère, la mère et la fille , et les forcer par un lan^a^e
imposteur et fallacieux, à consentir à un mariage désastreux.
° °
L a dame d’Albiat avait réussi au-delà de ses espérances. Elle avait
à sa disposition ses enfans qu’il m ’était impossible de surveiller.
E lle fait enfin un retour sur elle-même. Elle songe sérieusement à
éloigner M . de Fontsalive , et elle refuse de le recevoir. Alors la dame
d’Albiat se trouve affranchie de l’influence qu’exerçait M . de Font«alive. Elle se rappelle qu’elle est m ère, que sa fille a des devoirs
à rem plir, et elle me fait proposer par mon fils cad et, à la fin de
novembre 1804, deux mois et demi après 1 arrêt de la C o u r, si je
voulais recevoir chez moi ma fille. Les sentimens paternels calmèrent
l’agitation d'un cœur aigri. Je désirais revoir ma fille , mais avec la
dignité qui convient à 1111 père qui a constamment professé les prin
cipes de l’honneur. Je l’ai reçue avec empressement, et je n’ai eu
besoin que de me rappeler que j ’étais père, pour lui exprimer toute
ma tendresse.
�( 3° )
Je dois celte démarche, qui s’est continuée jusqu’au i . er décembre
d e r n ie r , à la volonté libre de la dame d’Albiat.
L a dame d’Albiat s’est jugée elle-même par cette dém arche, puis
qu’elle a cessé d’exécuter à l’égard de mes enfans, les dispositions d’un
arrêt provisoire surpris à la justice de la Cour.
La dame d’Albiat a jugé , par cette démarche , M. de Fontsalive ,
lorsqu’après l’avoir expulsé, elle a rétabli les relations entre le père
et les enfans , que les intrigues et l’influence de M . de Fontsalive avaient
interrompues.
L a dame d’A lbiat me juge enfin, lorsque , dégagée de cet entourage
trompeur, elle écoute la.voix de la nature , elle cède sans hésiter
aux cris de sa conscience ; qu’elle se montre juste envers son époux,
qu’elle rappelle à ses enfans qu ils ont des devoirs a remplir envers
leur p e re , ot qu’elle les restitue a ma tendresse paternelle.
Heureuse la dame d’A lb ia t, plus heureuse encore sa fille , si elle
eût p e r s é v é r é dans sa résolution de ne point recevoir M . de
Fontsalive !
C ’est le 6 octobre dernier, quinze jours après mon retour de Paris,
que j ’ai la douleur d’apprendre que le mariage de ma fille , encore
m ineure, est irrévocablement arrêté avec M . Dufreisse de Fontsalive ,
du consentement de la dame d’Albiat sa mère ; et que M . Dufreisse
de Fontsalive me fait demander mon consentement avec une forfanterie
incroyable, et des réflexions trop pénibles à révéler. Sur mon refus,
il répond qu’on saura se passer de mon consentement, que le
mariage se fera cinq mois plus tard et à la majorité de ma fille ;
tant il comptait sur le dévouement de celle qui est désignée pour
être sa victime.
U n événement aussi extraordinaire a saisi d ’indignation tous mes
parens ; ils ont vu avec frémissement les tristes apprêts d’un mariage
qui doit être funeste à ma fille; et j’ai déclaré, d ’après leur avis unanime,
que je ne pouvais , ne devais ni ne voulais donner mon consentement
à ce mariage.
Vous voyez que la calomnie et la diffamation n’ont été employées
contre m o i, que pour paralyser, pour enchaîner la puissance paternelle ,
pour ravir ma fille à ma surveillance, pour la retenir en chartre privée
dans une maison que j’avais désignée comme dangereuse.
Je ne cesserai de répéter , que c’est par la calomnie et la diffa
mation que M . de Fontsalivo est parvenu à écarter le père de
�( Si )
famille du sein de 6a fam ille, pour cohabiter dans la maison où se
trouvaient la dame et la D lle . d'Albiat.
M . de Fontsalive est criminel envers un père de famille qu’il accable,
envers la société qu’il scandalise , envers une fille qu’il trom pe, une
fille de fam ille, une fille sans expérience, une fille qui était dans
les liens de la m inorité, et qui n’avait que dix-huit ans. 11 est criminel
envers la Justice, qu’il a trompée pour ravir ma fille à la puissance
paternelle ; il est une seconde fois criminel envers la Justice, pour
avoir ravi ma fille à la Justice m êm e, qui l’avait mise en dépôt chez
sa mère.
Pourrais-je pardonner à M . de Fontsalive , l ’ivresse, l ’égarement de
l’amour l Mais l’amour ne peut exister dans un corps épuisé. Pourraisje le remercier de ses sentimens de bienfaisance ! Mais la bienfaisance
est absolument stérile pour un homme sans b ien , et pressé lui-même
par le besoin. M . de Fontsalive ne pouvait donc réussir, qu’en exci
tant , en alimentant la division ; et cet hymen ne sera éclairé que par
les sombres torches de la discorde.
O n me reprochera peut - être de faire un tableau exagéré de la
situation de ma famille ; de ne parler qu’à l’imagination pour sur
prendre les cœurs et les intéresser. M ais , Messieurs , c’est à vos
yeux , c’est à vous-mêmes que je veux produire des preuves certaines;
c ’est au calcul de la réflexion , c’est au creuset de l’expérience , c’est
à l’inflexible raison que je veux soumettre des témoignages incor
ruptibles.
Je ne crois pas qu’on puisse dire sérieusement, que les lois nou
velles ont bouleversé la morale. L es principes de la morale ont été
et seront de tous les temps. O n a pu radoucir les peines ; mais
on n’a pas violé les principes de la morale. O n a pu donner, pour
contracter un mariage honnête et raisonnable , une grande faveur à
la volonté libre des personnes devenues majeures ; mais on n’a pas
voulu favoriser la licence et le crime envers les mineurs , pour les
surprendre et les accaparrer au moment de leur m a jorité. On a voulu
reconnaître les droits de la nature ; mais 011 n’a pas voulu l’outrager
par des réunions disparates, hideuses et dégoûtantes.
L a séduction s’exerce plus facilement sur une personne mineure ; la
séduction est prouvée toutes les fois qu’il y a inégalité d ’â g e , inégalité
de fortune. Je sais bien que cette preuve de séduction dérivé seulement
d ’une présomption ; mais cette présomption est suffisante lorsqu’elle
�( 32 )
derive de faits reconnus certains aux yeux de la Justice. O r , l’inégalité
d a g e , l’inégalité de fortune étant bien constantes, il y a présomption de
séduction; et je le répète , cette présomption est suffisante aux yeux de
la loi pour prouver la séduction. Ces maximes ont été adoptées dans
tous les temps, et doivent l’être de nos jours.
L e s présom ptions, dit M . Domat , sont des conséquences qu’on
tire d ’un fa it connu , pour servir à faire connaître la vérité d ’un f a it
incertain dont on cherche la preuve.... L e s présomptions sont de
d eu x espèces : quelques-unes sont s i f o r t e s , q u elle s vont à la certi
tude et tiennent lieu de preuves même dans les crimes ; et d'autres
ne sont que des conjectures qui laissent dans le doute..... A in s i
on tire des conséquences des causes ¿1 leurs effets , ou des effets
à leurs causes ; ainsi on conclut la venté d u n e chose par sa liaison
à une autre qui lu i est conjointe.
L e Code civil est absolument conforme à ces principes ; il a adopté
cette disposition de l’ancien Droit , art. 1349 » en ces termes : L e s
présomptions sont des conséquences que la loi ou le M agistrat tire
d ’un fa it connu ci un fa it inconnu.
I/art. 1 553 est conçu en ces termes : L e s présomptions qui ne sont
point établies par la •loi , sont abandonnées a ux lumières et a la
prudence du M agistrat, qui ne doit admettre que des présomptions
graves, précises et concordantes, et dans le cas seulement où la
lo i admet les preuves testimoniales.
L a loi étant précise et générale , je puis en faire l ’application au
fait particulier de la séduction , et tirer la conséquence que du fait
certain d’inégalité d’âge et de fortune, il y a présomption de séduction.
Cette présomption est reconnue si fo rte, qu’elle va jusqu’à la certitude
et a toujours tenu lieu de preuves. L a jurisprudence des anciens arrêts
doit donc servir de fanal dans cette matière.
M . le Chancelier d ’Aguesseau est un guide sûr. Il a développé avec
clarté et précision les causes qui démontrent la séduction ; il a déter
miné les circonstances aggravantes qui peuvent la rendre plus criminelle ;
il a posé des principéis fondés sur la nature, sur la loi et la religion.
Plusieurs moyens pouvaient empêcher un mariage et même l’annuller,
lorsqu’il n’y avait pas de fins de non-recevoir ; les uns fondés sur la
nature , tels que la séduction qui ne laisse aucune volonté libre ; les
autres fondés sur la l o i , lorsqu’elle n’a pas été observée , ou qu’elle a
été violée. Chacun de ces moyens pouvait être seul un obstacle à
un mariage. M ais écoutons M . le Chancelier d’Aguesseau dans la cause
dq
�( 33 )
de René et Charles Bellet contre Marguerite Bernier, plaidoyer 19.
« II n'y eut jam ais de cause à laquelle on pût appliquer avec tant
» de ju stic e toute la sévérité de la lo i ; jam ais un plus grand nombre
» de circonstances pour prouver le rapt de séduction : minorité ,
» inégalité d'dge , de biens , de condition ; indignité de la personne ;
» déf<iut de consentement de la mère ( elle était veuve ). A rrêt du
» 4 ju ille t 1 Gy5 , qui déclare le mariage nul. »
Dans la cause de Louis et Nicolas Forbi contre Barbe B riet, plaidoyer
36..... « Exam inons donc les présomptions de fait par lesquelles on
» prétend établir la séduction. Inégalité d'dge , Barbe B riet dgéc
» de trente-deux ans et N icolas Forbi de vingt-six ; inégalité de
» biens ; nul patrimoine , nul établissement dè la part de Barbe
» Briet.... D ans toutes ces circonstances, ne peut-011 pas dire qu’en
» réunissant ces trois inégalités d ’d g e , de b ie n s, de conduite , les
» présomptions de séduction sont toutes contre e lle 1 » Arrêt du 3
mai 1697, qui a déclaré le mariage nul.
Dans ia cause de la dame de C h abert, Nicolas Chabert et Marguerite
V in o t, plaidoyer 45..... « I l est plus d ifficile d'y choisir que d'y
» trouver des défauts qui rendent une semblable union nulle et illé» gitim e. P o in t de consentement du père et d e là mère; ce m oyen,
» jo in t à la m inorité, fa it une forte présomption de rapt. C e rapt
» est p rouvé, non seulement par ce lle présoniplion de la l o i , mais
» encore par plusieurs présomptions de fa it..... Prem ière présomption :
» inégalité d ’dge. C ’est une maxim e importante, qu'avant la majorité
t) la présomption est toujours favorable pour celu i qui a été surpris ;
» la lo i plaint la faiblesse , l'aveugle fa c ilité , la légèreté naturelle,
» le défaut d'expérience qui l'ont rendu victim e de ¿’artifice et de
» la séduction. Inégalité de condition , de biens et de fortune : quelle
» présomption plus forte et plus sensible de rapt et de séduction /
» Q u’on ne dise point qu'il n'y a pas d'enlèvement n i de violence.
» L a subornation est beaucoup plus dangereuse ; elle ravit le cœur:
*> L’autre ne ravit que le corps. » A rrêt du 2 5 mai 1697 , qui déclare
le mariage nul.
Dans la cause du sieur de St-Gober t , son fils, sa fille, et de Henry
Desmarets , ravisseur de sa fille , plaidoyer 56 ; M . dAguesseau établit
les moines présomptions de fait, a II est nécessaire , d it- il, de vous
ÿ rappeler la mémoire de ces grandes circonstances qui rerjerment
» des présomptions plus fortes , dans des questions de rapt et de
t> mariage , que toutes les dépositions des témoins. jVoiis voulons
»> parler de l o g e , de la naissance, de la fortune des parties. Un
» majeur de trente-six ans ; une mineure dgée de dix-huit ans.....
E
�( 34 )
>> L'un riche seulement en pensions et en espérances ; l'autre en état
» d 'a v o i r 20,000 liv. de biens.... Prem ière observation : inégalité en
» tout > ce qui ne se rencontre pets toujours dans les affaires de
r> cette nature ; inégalité d'âge , Desmarets avait le double d'années ;
» inégalité de biens , Desm arets n'avait rien de solide. S i 011 entre
» dans le détail de ce qu'il a , ce sont de sim ples pensions incer» laines. L a D lle . de St-G obert aura au moins 20,000 liv. Seconde
» observation : cui prodest scelus is fe c it, reçoit toute son application
» i c i , attendu l'entière inégalité. »
Messieurs , il était question dans la cause du sieur de St-Gobert et
de sa fille , d’un enlèvement avec séduction : la mère paraissait complice ;
elle plaidait en séparation de corps contre son mari. M . d’Aguesseau
ne put s’empêcher de re m a rq u e r combien la mere et la fille étaient
réunies contre l’honneur d e leur famille. L e pere et le fils etaient
accusés par Henry D esm a rets d’un assassinat imaginaire , et c’était pour
faire diversion. A rrêt du 5 août 1699 , qui renvoie le sieur de St-Gobert
et son fils de l’accusation d’assassinat; décrète de prise de corps Desmarets,
ravisseur, et ordonne que son procès lui sera fait et parfait par le Bailli
du Palais.
M . dAguesseau faisait la distinction des présomptions de fait et des
présomptions de droit. Les présomptions de fait établissent cette convic
tion morale , cette conviction de l’homme qui est indépendante de là
l o i , et qui n ’appartient pas au domaine de la loi. C u i prodest scelus
is fe c it .
Il
établissait pour maximes constantes , fondées sur la jurisprudence
des arrêts , que l’inégalité d’âge et l ’inégalité de fortune étaient des
présomptions assez fortes pour prouver la séduction.
»
»
»
»
»
Lorsque la séduction est prouvée, il n’y a pas de volonté libre. « L e
mariage , dit M . dAguesseau , plaidoyer 7 , doit son institution à
la nature, s a perfection a la lo i, sa sainteté à la R eligion. Comme
union instituée par la nature , il consiste dans la f o i m u tu elle,
dans le consentement libre et volontaire que les parties se donnent
mutuellement. »
« La nature, dit encore M . d’Aguesseau .n ’établit que deux conditions;
» elle ne demande que la capacité personnelle des contractons, et la
» liberté de leur c o n s e n te m e n t : m a is ces deux conditions sont telle*> ment essen tielles, que le défaut ne peut j a m a i s en être suppléé. »
L a législation a changé à l’égard des mariages qui sont contractés
dans les formes exigées. Les époux, art. 180 du Code c iv il, ont seuls
le droit d’attaquer leur mariage lorsque le consentement n’a pas été libre.
�( 35 )
Avant la célébration du m a ria g e la loi donne une plus grande lati
tude. Les motifs d’opposition doivent être exprimés par les collatéraux ,
et les causes en sont limitées. Mais à l ’égard des ascendans, la loi ne
limite point les causes, la loi n’oblige point d’exprimer les motifs ; la
loi laisse aux juges une grande latitude pour prononcer. La loi nou
velle a seulement voulu détruire ces entraves , écarter, comme l’observe
M . Portalis , ces oppositions faites à un mariage honnête et raison
nable , sous prétexte de la plus légère inégalité dans la fortune ou
la condition. E lte a voulu , continue M . Portalis, que deux époux
pussent céder aux douces inspirations de la nature.
M a is le souvenir de l'abus, dit encore M . Portalis , que l'on fa isa it
des oppositions au mariage des f ils de fa m ille ou des citoyens, n'a
pas du nous déterminer à proscrire toute opposition. N ous eussions
favorisé le je u des passions et la licence des m œ urs, en ne croyant
que protéger la liberté du mariage.
L a séduction est prouvée , et les circonstances sont des plus aggra
vantes. La séduction a commencé pendant la minorité; il n’y a eu aucun
intervalle de la minorité à la majorité ; il n’a été laissé aucun instant à
à la méditation , à la réflexion, sur une démarche réglée et arrêtée
pendant la minorité. L a séduction a donc continué en majorité, ou
plutôt à cet âge qui laisse encore, une fille dans une espèce de mino
rité relativement au mariage , comme l'observe M . d’Aguesseau, plai
doyers 53 et 36 ; et Potliier, sur la séduction, N .° 5o.
Faisons l ’application de ces principes à l’état de la cause. H y a
inégalité en tout, ce qui est très-rare, et peut paraître incroyable ; iné
galité d’âge , épuisement, infirmités habituelles.
M . Dufreisse de Fontsalive est né le 25 juin 1762; la Dlle. ClaireJoséphine d’Albiat ma fille, est née le 21 décembre 1784 : la différence
d’âge est de vingt-deux ans et six mois. Circonstances particulières.
M . de Fontsalive est dans un état d’épuisement; il a des maladies
réitérées, de fausses fluxions de poitrine , une étisie réelle qui lui laisse
ou un appétit dévorant, ou un dégoût qui est l’effet d’un engorgement
d’humeurs catarreuses qui l’étouffent : il en est de son appétit comme
de sa figure, qui est alternativement empreinte par la pâleur de la m ort,
ou ondulée par des rougeurs. A u lieu de trouver un lit nuptial, ma fille
ne trouvera qu’un lit de mort après quelques années d’une vie languis
sante. O ù est donc, dans M . de Fontsalive, cette capacité personnelle
que la nature demande pour contracter m ariage, comme l’observe
M* d’Aguesseau ? 11 lui est donc impossible de remplir cette condition
tellem ent essentielle , que le défaut ne peut jam ais en être suppléé,
«uivant l’expression de M . d’Aguesseau.
Ea
�( 36 )
• Inégalité de bien?, inégalité de fortune ; point d’é ta t, pauvreté. M a
fille peut bien espérer d’avoir 55,ooo f r ., attendu qu’il y a dans la
maison 162,000 fr. et que mes deux fils sont placés,
M . de Fontsalive n’a aucune fortune certaine et connue ; on peut
lui présumer 6 à 7,000 fr. L ’actif de la succession de Mme. de Vernines
sa mère se portait à 72,000 fr. ; sur quoi il a fallu distraire les dettes
courantes, dettes contractées envers sa belle-fille, legs , frais de maladie,
frais mortuaires , droits de succession, de partage et quittances, et enfin 'f
le quart réservé à l’aîné ; ce qui a pu laisser 48,000 fr. à partarger entre
quatre, ce qui fait 12,000 fr. poursaportion.M .de Fontsalive avait,à l’époque
de la mort de sa m ère, au moins 2,000 fr. de dettes; reste à 10,000fr.
Ses fonds qui sont entre les mains de M . de Lavigne, lui produisent le sou
pour livre , et ce faible reven u lui a été nécessaire pour payer à lui
seul la totalité du loyer de son logement qui était occupe par sa mere '
et ses frères.
Il a fallu vivre depuis deux ans que sa mère est morte. Je porte à
3,ooo fr. pour ces deux ans la dépense de sa table , de son fe u , de sa
lumière , de son entretien , et de sa gouvernante ; reste 7,000 fr.
;
Il faut encore présumer que ses emprunts pour vivre ont été à urr
intérêt modéré. On prétend encore qu’il a perdu 5,000 fr. chez Louche.
M . de Fontsalive 11’a point d’état ; il n’a aucun talent pour s’en
procurer , nj vigueur pour s’y maintenir. S’il était jeune ou en bonne
santé , il y aurait lieu d ’eopérer qu’il pourrait en obtenir un. M ais à son
âge et avec une santé délabrée , il ne tdoit rien espérer ; tout doit être
fini pour lui en ce monde. Ses moyens d’existence sont donc presque
nuls. M a fille est donc trompée ; elle, est donc séduite par les intrigues
de M . de Fontsalive ; elle n’a donc pas une volonté libre.
Indignité dans la conduite.
Les circonstances aggravantes sont encore prouvées. M a fille est sous
l ’influence de M . de Fontsalive qui habile depuis trois ans la même
maison , la suite du même appartement ; ma fille est en chartre privée ,
hors de la surveillance de son père ; nia fille a été ravie à ma surveil
lance par M . de Fontsalive. C ’est lui qui a favorisé l ’évasion de la dame
d ’Albiat et de sa fille , à l’époque de k demande en séparation de corps :
cui prodest scelus is fe c it ; celui-là a commis le crime à qui le crime
a profité. C ’est lui qui le lendemain a entraîné M .n,e Fonghasse chez
le Juge-de-paix pour me dénoncer : cui prodest scelus is fe c it. C est
lui qui arme la fille contre son père , la femme contre son mari :
cui prodest scelus is fccit. Une diffamation atroce a ele répandue
contre m o i, il en. est l ’auteur, et les témoignages que je pourrais avoir
�( 37 )
vous paraîtraient moins certains que les preuves qui résultent de sa con
duite criminelle : cui prodesl scelus is fecit. L a diffamation a produit
son effet ; il y a eu arrêt au provisoire ; ma fille a été ravie à ma sur
veillance ; et c’est lui qui est coupable de ce ravissement crim inel,
puisque ma fille a resté sous son influence, dans la même maison où
il a continué d’occuper , malgré la modicité de ses revenus , la totalité
de l’appartement qu’avaient sa mère et ses frères : cui prodest scelus is
fec it. Il ne s’est rendu coupable de tous ces crimes envers moi et ma
famille , que pour chercher à commettre un crime plus grand , mais que
je veux l ’empêcher de consommer. ( i )
Nouvel Appius , qui, entouré de l’autorité, voulait dépouiller Virginius
de son titre de pere , pour ravir impunément et sans obstacle sa fille
Virginie ; il supposait un crime imaginaire pour commettre un crime
trop réel. M . de Fontsalive ressemble à Appius par son crime, et non
par ses richesses et ses dignités.
Chacun peut éprouver un sentiment pénible sur la position d’un père ,
sur la position de sa fille, par la difficulté d’empêclier que sa fille ne soit
sacrifiée contre le voeu de la nature , contre le sentiment de l’honneur
et de l’honnêteté publique. M ais c’est en s’attachant aux principes im
muables, en reconnaissant que la loi nouvelle n’a pas voulu favoriser
le je u des passions et la licence des mœurs , comme l’observe M .
Portalis , qu’on sera convaincu que les circonstances aggravantes qui
ont amené ces événemens , sont suffisantes pour fonder les motifs d’une
opposition et empêcher ce mariage.
Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas de consentement, dit
l ’art. 146 du Code civil. Le consentement est l’effet de la volonté ; il
n’y a pas de volonté, s’il n’y a pas de liberté ; il faut donc que la volonté
soit libre. Mais comment reconnaîtra-t-on si la volonté n’est pas libre ?
C ’est une question purement de fait, dont la décision dépend de la preuve;
et on sait que le Code civil n’a rien réglé sur les questions de fait,
qui sont toutes laissées à la sagesse des juges.
L a Dlle. d’Albiat a-t-elle une volonté libre ? la Dlle. d’Albiat peutelle donner un consentement ? Q uelle est sa position ? quelles peuvent
être les suites de ce mariage ?
L ’usage, l ’opinion des Jurisconsultes, la jurisprudence des arrêts, ont
établi des règles fixes pour reconnaître si la v o lo n té n ’est pas libre.
L a Dlle. d’Albiat n’a pas une volonté libre ; cette preuve résulte de
la séduction , elle résulte des circonstances aggravantes, elle résulte de
sa position.
( 1 ) Les preuves sont aussi rapportées dans le résumé sur la captation, p»g.
et elles sont encore établies dans le troisième Acte.
�( 3S )
J’aurai encore recours à l’autorité de M . d’Aguesseau , et je vais vous*
rapporter ses propres expressions.
#
»
n
»
Plaidoyer 19 , tome 2 , page 487.
ii Jamais un plus grand nombre de circonstances pour prouver le
rapt de séduction : minorité , inégalité d’dge , de biens , de conduite ; indignité dans la personne ; une déclaration fa ite par un
mineur aveuglé par sa passion, soumis à la domination de celle
qui l'avait séduit. »
Plaidoyer 7 , tome 2 , page 166.
« S i Vinégalité des conditions ne peut donner atteinte a l'essence
» du mariage , elle sert toujours ¿1 fa ire présumer quun homme
» qui contracte un engagement indigne de sa naissance , n’a pas
» été libre , et que son consentement n a pas été volontaire. »
»
»
»
»
»
Plaidoyer 3o , tome 5 , page 9 °•
« Ic i, qualité de fam ille certain e, minorité constante, inutilité que
F leuri était proche de la majorité ; jusqu’il ce qu’il ait atteint le
dernier m o m e n t de cet âge fa ta l, la Loi présume toujours qu’il a
été séduit : exem ple du sieur B r io n , qui s’était marié majeur ,
et dont la séduction n’avait commencé que deux mois avant la
majorité. »
M êm e plaidoyer , page 92.
« Quoique la séduction soit réciproque , elle n’est pas moins con*
» traire à la liberté du consentement. »
a
V
»
»
»
»
»
»
Plaidoyer 55 , tome 4 , page 691. Dans la cause du sieur de St-Gobert.
« L e seul nom de rapt -su ffi....... il attaque la nature , la lo i , la
religion : la nature, en ôtant cette liberté si précieuse dans tous
les moinens de la v ie ; la lo i , soit qu’il attaque l ’autorité des
pères que la loi a revêtus de toute sa puissance, soit qu’il déshonore des fa m illes par des alliances honteuses , soit parce qu’il
trouble la tranquillité de l ’état par des divisions funestes qui se
perpétuent souvent dans le cours de plusieurs générations ; la religion enfin , puisque la violence ou la séduction n'a pour objet que
la profanation d'un des plus augustes Sa.cremens. »
»
»
»
n
M êm e plaidoyer , page 6^ 5.
a i.° L e rapt de séduction doit etre puni encore plus sévèrement
que celui de v io le n c e , parce qu’on peut résister h la force ; mais
qui peut être assuré de se défendre contre les enchantemens de la
séduction ! Dans le rapt de violence , la personne qui en est
l'objet n'a que le ravisseur a craindre; mais dans le rapt de séduc-
�( 39 )
» tion , elle trouve dans elle-même son plus dangereux et son plus
» redoutable ennemi.
»
»
»
»
»
» 2.0 I l n’est pas même vrai de dire que dans le rapt de séduction
l'on trouve la volonté et le consentement de la personne ravie.
C elte volonté n’est point la sienne , c ’est celle du ravisseur que la
fo r c e de la passion lu i fait suivre. C'est la passion qui v e u t , et
non la raison. L a mesure de la volonté , du consentem ent, de la
passion de la personne ravie, est la mesure du crime du ravisseur.
»
»
»
»
»
» M a is le moyen de se mettre a couvert des artifices subtils , des
insinuations se crète s, des voies sourdes et obliques d'un séducle u r , qui trouve souvent même dans la maison p a tern elle, et
dans les asiles les plus sa crés, des ministres dévoués à sa passion , et prêts à lu i sacrifier ces victim es malheureuses qu’un
père trompé confie à leurs soins ! »
M
e s s i e u r s
,
Ces mêmes règles s’appliquent aux majeurs, lorsque la séduction a
commencé en minorité. Je m’appuie toujours de l ’autorité de M . le
chancelier d’Aguesseau.
Plaidoyer 55 , tome 5 , page i 55.
« S i on lu i avait opposé la majorité , elle aurait trouvé sa réponse
» dans vos arrêts , qui ont ju g é que les règles observées pour les
» mineurs , doivent être suivies quand la séduction a commencé en
n minorité. »
Plaidoyer 36 , tome 5 , page 253.
« M a is si au contraire ce m ariage, quoique contracté par un
» majeur ^ paraissait l effet de la surprise , un ouvrage de ténèbres ,
t> un mystere d’iniquité ; s'il s'était plaint aussitôt après ; s i on ne
» pouvait lu i opposer aucune ratification publique ou particulière-,
» nous croyons alors que sa qualité de majeur ne devrait pas empê» cher de l'écouter. »
M êm e plaidoyer , page 25/f.
« M a is s i les présomptions de la lo i cessen t, celles qu'on tire des
« fa its sont encore recevables ; et comme les majeurs peuvent être
» restitués contre toutes sortes d'actes sur le fondem ent du dol per» sonnel , de même dans les mariages , ils peuvent proposer des
« moyens tirés du dol et de l'artifice, f it encore h plus fo rte raison
}) pour un majeur qui n'a pas 5o ans ; parce que la nécessité de
�( 4° )
» requérir le consentement jusqu'à cet dge , fa it présumer une espèce
» de faiblesse et de minorité ju sq u ’à cet dge. V os arrêts ont jo in t
» une seconde considération à celle que nous venons de vous faire ;
c ’est lorsque la séduction a commencé en minorité.» Arrêt de Brion.
Pothier , tome 3 , page 23 1 , N .° 2 5o , observe que la séduction n'est
pas présumée à l'égard des majeurs , à moins que la séduction n’ait
commencé dans le temps de leur m inorité, de manière que le mariage
contracté en majorité puisse être une suite de la séduction.
L e Concile de T rente ne permet pas le mariage entre la personne
ravie et le ravisseur , tant qu’elle est en sa puissance , quelque con
sentement qu’elle y donne.
L ’ordonnance de i 65g a une pareille disposition. Elle rejette le con
sentement des personnes ravies , veuves ou filles, de quelquage qu’elles
soient , tandis que les personnes ravies sont en la puissance du
ravisseur.
«
L e défaut de liberté de la Dlle. d ’Albiat résulte des circonstances
a g g ra v a n te s , qui sont encore des présomptions plus fortes et plus réelles ,
que celles tirées de la séduction.
L a Dlle. d’Albiat est retenue, depuis l’âge de 18 a n s, en chartre
privée dans la maison Foughasse , par une œuvre d ’iniquité utile à
l ’immoralité , funeste à ma fille. L a Dlle. d’Albiat habite la même
maison que M . de Fontsalive ; la D lle. d’Albiat est sous l’influence de
M . de Fontsalive. Les artifices les plus honteux sont employés pour la
captiver. M . de Fontsalive éloigne la fille de son père , et des parens
de son père. Il profite de son influence sur la mère pour l’entraîner à
rendre une plainte qui peut blesser mes fils , qu’il a intérêt de tenir
éloignés de la ville de Clermont.
Quand des tiers s’introduisent dans des ménages par des intrigues et
contre la volonté du père de famille , on peut dire qu’une famille
honnête est bien à plaindre. Vous retrouverez , Messieurs , de nouvelles
preuves de suggestion dans les actes dits respectueux.
Il résulte de ces faits bien certains, et de la position de la D lle.
d ’Albiat , une preuve que la D lle. d’A lbiat n’a pas une volonté libre ,
et qu’elle n’est pas en état de donner un consentement à son mariage.
J’ai appris , Messieurs , que M.™e d’Albiat avait quitté depuis une
quinzaine de jours l’appartement qu’elle occupait depuis trois ans dans
la maison Foughasse , et qu’elle logeait actuellement avec sa fille dans
.les bâtimens de l’hôpital de St-Joseph ; et j ’ai la certitude que M .mt:
'
d’Albiat
�(40
d’Albiat souffre que M . de Fontsalive fréquente journellement son
habitation.
L es habitudes sont toujours les mêmes. M . de Fontsalive exerce la
même influence ; il ne s’en cachë pas, par les voyages q u 'il‘fait à Riom :
il intercepte toute communication entre ma1 fille 'etfm oi : la situation'
de ma fille n ’a pas changé , et la captation dure toujours.
Je ne vous ai entretenus , Messieurs , jusqu’à ce moment que'de ques
tions de fait , tant sur la volonté libre que sur la validité du consen
tement d’une personne subjuguée en minorité, et dont la séduction a
continué en majorité. .On prétend que ces questions ne sont plus ad
mises depuis le nouveau Code , et que le Législateur a voulu protéger
la liberté du mariage.
Je rapprocherai succinctement les lois anciennes des lois nouvelles ,
sur le m ariage, et j’analyserai leur esprit. J’espère , M essieurs, vous
démontrer que la nouvelle législation est également favorable à l’op
position d’un père dans les circonstances de cette affaire.
Dans l’ancienne législation, une fille ne pouvait se marier avant 25
an s, et un garçon avant 5o ans , sans le consentement de ses père
et mère. L a loi nouvelle restreint cette défense jusqu’à 21 ans pour
les filles, et 25 ans pour les garçons; il n ’y a de différence que dans
un rapprochement d’âge.
.
, .
La loi ancienne enjoignait aux fils ayant atteint l ’âge de 3o ans,
et aux filles l’âge de 25 a n s, de requérir par écrit l’avis et le conseil
de| leurs^ père et m ère, pour contracter mariage , sous peine d’être
exhérédés par eux.
L a loi nouvelle exig e , pour la validité du mariage , que les enfans
de famille demandent le conseil de leurs père .et mère par trois actes
formels et respectueux jusqu’à 25 et 3o a n s, et par un seul acte
depuis a 5 et 5o a n s, pour les filles et fils de fam ille, à peine de
nullité, du m ariage, qui peut être demandée ipar le père, suivant l ’ar
ticle 182 du Code civil , èt de 3oo fr. d’amende et un mois d’em
prisonnement contre l’officier civil qui aurait célébré le m ariage,
suivant l’article iSy du Code civil.
(
« I l nous a paru utile aux m œurs, dit M . Portails , de fa ire
i> revivre cette espèce de culte rendu par la piété f i l i a l e , au carac~
» tère'\de) dignité , et j'o se dire de m ajesté, continue M . Portalis,
» que la nature elle-même semble avoir imprimé sur ceux qui
F
�( 4 * ')
» sont pour n o u s, sur la te r r e , l'im age et même les m inistres dit
7> Créateur. »
L a loi nouvelle est plus favorable à l’autorité des pères j à la
solennité du m ariage, à l’observation rigoureuse .des formes ; elle
n’a retranché que la peine d ’exljérédation, comme contraire à la
nature.
L a loi ancienne ne prononçait pas la nullité du
l’omission de cette formalité.'
mariage pour
L a loi nouvelle regarde , au contraire, la formalité de l ’acte respec
tueux pour demander' le conseil des père et m ere, comme nécessaire
à la validité du. mariaige.
L a loi ancienne exigeait que le consentement fut lib re ; elle déter
minait plusieurs cas où le .consentement ne pouvait pas elre libre.
C ’était une loi im m u a b le ., . commune à tous les contrats, et plus
particulièrement au contrat de, mariage j qui est le premier et le plus
essentiel des contrats. . > b
.i
L a loi n o u v e lle
co n sen tem en t. L a
prononce qu’il ne peut pas y avoir de mariage sans
liberté du consentement est également nécessaire
sous la nouvelle.'législation.
'
,..
, .
Ce principe si11naturel est exprimé d’une manière précise par M .
Portalis. « L e mariage-, dit-il , quels que soient les contractons ,
» mineurs ou m ajeurs, suppose leur consentement ; o r , point de
» consentement proprepiçrit d i t , sans liberté : requise dans tous les
»' contrats , elle doit être sur-tout parfaite et entière dans le
ty mariage. L e cœur doit pour ainsi dire respirer sans g ê n e , dons
» une action ci laquelle il a tant de part : ainsi l'acte le plus
» doux doit être encore l ’acte le plus libre. »
L a loi nouvelle est claire dans ses principes, mais elle es,t toujours
laconique et elle ne précise aucuns faits.
L a liberté du consentement est une question de fa it; la détermi
nation des faits , depuis le Code c iv il, est laissée , dans toutes le s.1
affaires, avec une grande latitude à la sagesse des Juges. Le Codé
civil ne détermine rien en général sur les questions de fait. C ’efct donc "
aux Juges à prononcer s i , d’après la gravité des faits constans de
su^estion en minorité , çt continuée en majorité , le consentefuent
peut être libre.
'
’\
L a liberté du consentement est donc , dans la loi nouvelle,, ce. qu’elle
a été dans la loi ancienne. .
'
�( 43 )
Il résulte du parallèle que je viens de tracer entre la législation
ancienne et les dispositions du Code c iv il, qui même laisse plus do
latitude aux Juges sur les questions de fait t que la liberté du con
sentement est une condition nécessaire et morale dans le nouveau
Code comme dans celui qui l’a précédé ; la seule différence est dana
le rapprochement de l’âge ; et j’en tire la conséquence que , dans lea
questions do fa it, la jurisprudence ancienne doit avoir de l ’influence
sur la décision des tribunaux.
L e nouveau Code n’a pu être assez médité sur lès questions de
mariage. O n a répandu une espèce de croyance, qu’un majeur étant
maître de sa destinée, pouvait contracter mariage malgré l’opposition
du père ; que cette opposition pouvait bien le retarder, mais ne pouvait
en aucun cas l’einpêcher. E t c’est cette assertion fausse et erronée ,
qui. a sans doute entraîné M . de Fontsalive à tout oser, à tout entre
prendre, dans la persuasion où il est et qu’il a manifestée, que l’op
position d’un père ne peut produire, dans aucun cas, aucun efiet pour
empêcher le mariage d’un en fan t, aussitôt qu’il est parvenu à l ’âge
de majorité.
L ’autorité des pères est absolue pendant la minorité des enfans ;
mais , à la majorité d’un en fan t, leur autorité est remplacée par l'au
torité des juges. L ’enfant reste toujours sous la surveillance de son
père par rapport aux mariages. L e père a le droit de stipuler l’in
térêt de son enfant devenu majeur. Il peut invoquer le secours do
la Justice et son appui tutélaire , pour empêcher un en fan t, comme
l’observe M . Portalis, de se précipiter dans des engagemens honteux
ou inconsidérés. Son espoir ne peut être trompé dans le temple des
mœurs.
L e père exerce devant les tribunaux une fonction de magistrature,
semblable à celle qu’exercent les procureurs impériaux dans les affaires
qui intéressent leur ministère. Le père n’a plus le droit de prononcer
lorsque son enfant est devenu majeur; ce droit appartien t aux Juges,
qui deviennent les arbitres souverains du mariage des enfans. Ces
principes ont été adoptés par le Code civil.
L e père est autorisé par la l o i , de former opposition au mariage
de ses enfans; c ’est la disposition précise de l’article 173 du Code
civil. L e père n’est dans le cas d’exercer ce droit , qu’à la majorité
de ses enfans. Ce droit n’est pas accordé à la puissance paternelle ,
à 1autorité paternelle; il est accordé à la tendresse paternelle, à la
sollicitude paternelle. L e père n’a plus d’autorité à exercer sur ses
enfans à leur majorité ; sa puissance est alors finie : M a is leur amour
F
2
�( 44)
et leur sollicitude ne finissent, p a s , dit M . Portalis. Pourrai t-on raisonnoblem ent, dit aussi M . Portalis, refuser aux pères et aux m ères,
a u x aïeuls et. a ïe u le s, le droit de veiller sur l'intérêt de leurs
enfans même m ajeurs, lorsque la crainte de les voir se préci
piter dans des engagemens honteux ou inconsidérés , donne l'éveil
il leur sollicitude 7
' L e droit du père est fondé sur l’intérêt des..enfans. L ’opposition du
père ou autres ascendans, n’est pas limitée à certains cas, comme l’op
position des collatéraux; elle n’est pas limitée à la simple observation
des formes. Les vues du Législateur sont plus ^étendues : le père est le
seul qui puisse faire valoir en son nom l’intérêt de ses enfans devenus
m ajeurs, pour empêcher un mariage honteux ou inconsidéré.
Les lois anciennes au torisaien t les oppositions des pères au mariage
de leurs enfans, mais elles exprimaient les cas qui pouvaient motiver
leur opposition.
L a loi nouvelle autorise également l ’opposition des pères, art.
mais elle n’exprime à leur égard seulement, aucun des cas qui peuvent
motiver leur opposition.
O n prétend tirer du silence de la lo i, là conséquence que l ’oppo
sition d’un père ne peut dans aucun cas empêcher le mariage de
son enfant devenu majeur. Le silence de la loi ne peut pas rendre
sans effet le droit qui est conféré au père , de former opposition au
mariage de son enfant. Ce droit donne nécessairement lieu à former
une action en justice contre le père. O r , si le droit accordé au père
de former opposition à un mariage honteux ou inconsidéré , ne
devait produire aucun e ffe t, ce droit serait alors un présent bien:
funeste ; il ne pourrait qu’indiquer le m a l, sans pouvoir jamais en
obtenir le remède.
Ce droit reste dans toute sa force. L’enfant même majeur est dans
une espèce de tutelle , par rapport au m ariage, tant qu'il a son père
ou autre ascendant; mais il est entièrement maître de sa destinée
lorsqu’il n’a ni père ni ascendant. L e père fait un acte de magis
trature , lorsqu’il stipule les intérêts de son enfant. Le3 Juges sont
investis par la loi du droit de prononcer dans toutes les aflaires sur
les questions de fait. La loi s’en rapporte à leur sagesse; leur pouvoir
n'est pas limité ; et ils sont absolument les maîtres de rejeter ou
d'admettre les oppositions . comme ne pouvant être fondées (pie sur
des faitr. Cependant nous
rechercher dans la pensée
Légis
lateur, ].C3 motifs de la loi.
devons
du
�( 45 )
M on opinion se trouve conforme au rapport fait le 22 mars
dernier , au Corps législatif, par M . N ogarède, d’un ouvrage intitulé,
l’Esprit du Code Napoléon , par M . Locrée , secrétaire général du
Conseil d’Etat.
L ’objet de cet ouvrage, dit M . N ogarède, rapporteur, est d ’ex,
pliquer le sens des nouvelles lois c iv ile s, non par des commen
taires dont on a trop abusé pour soutenir des sy stèm es, mais par
le sim ple développement des intentions du Législateur. L e rapporteur
ajoute : L e nouveau Code c iv il sera compté parmi les causes les
plus puissantes de la gloire et de la prospérité de la France.
T ous les développernens et toutes les applications des lois qu'il
renferm e, se trouvent réunis dans les nombreux élémens qui ont
servi à le fo rm er, et sur-tout dans les discussions dont il a été
l'objet....
C ’est la pensée du Législateur qui doit éclairer la conscience des
Magistrats. La pensée du Législateur est dans le rapport fait de la l o i ,
au nom du Gouvernement, par M . Portalis.
L e s pères et les a ïe u ls, dit M . Portalis, sont toujours magistrats
dans leurs fam illes , lors même que , vis-h-vis de leurs enfans , ils
paraissent ne se montrer que comme parties dans les tribunaux.
Leur tendresse présumée écarte d ’eu x tout soupçon de mauvaise
f u i , et elle fait excuser leur erreur.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
v
»
»
« Il a ex isté un tem p s, dit encore M . Portalis, et ce temps
n’est pas loin de n ous, où, sous le prétexte de la plus légère
inégalité dans la fortune ou la condition, on osait form er opposition à un mariage honnête et raisonnable. M a is aujourd'hui où
l'égalité est établie par nos lo i s , deux époux pourront céder aux
douces inspirai ions de la nature, et n’auront plus h lutter contre
les préjugés de l'o r g u e il, contre toutes ces vanités sociales qui
mettaient dans les mariages la gêne , la nécessité, e t, nous osons
le dire , la fa ta lité du destin même. On a moins à craindre ces
oppositions bizarres qui étaient inspirées par l ’ambition , ou commandées par l'avarice. On ne craint plus ces spéculations combinées avec tant d 'a rt, dans lesq u elles, en fa it de m ariage, on
s’occupait de to u t, excepté du bonheur. Toutes les classes de la
société étaient plus ou moins dominées par les mêmes préjugés.
L e s vanités étaient graduées, comme les conditions : un carac/ère s u r , dos vertus éprouvées ,J les grâces de la jeunesse , les
charmes de la beauté , tout était sacrifié a des idées ridicules et
m isérables, qui faisaient le malheur des générations présentes ,
et qui étouffaient d'avance les générations il venir, »
�( 40
Vous voyez , Messieurs , que la pensée du Législateur est de repousser
ces oppositions bizarres qui étaient inspirées par l ’ambition ou commandées
par l’avarice ; ces oppositions à un mariage honnête et raisonnable sous
prétexte de la plus légère inégalité dans la fortune ; ces oppositions
où l’on sacrifiait un caractère sûr, des vertus éprouvées , les grâces de
la jeunesse , les charmes mêmes de la beauté, à des idées ridicules qui
étoüffaient d’avance les générations à venir ; ces oppositions où l’on
s’occupait de tout, excepté du bonheur. Deux époux pourront céder
aux douces inspirations de la nature. Voilà les oppositions que le L égis
lateur a voulu rejeter.
Mais suivons M . Portalis ; vous allez connaître la pensée du L égis
lateur toute entière.
D ans le système de notre législation , dit M . Portalis , nous ne
sommes plus exposés aux m ê m e s dangers ; chacun est devenu plus
maître de sa destinée : mais il ne jo u i pas tomber dans l extrém ité
contraire. L e s o u v e n ir de l ’abus que l ’on fa isa it des oppositions aux
mariages des f ils de fa m ille ou des citoj/ ens , n a pas du nous déter
miner à proscrire toute opposition ; nous eussions favorisé le je u
des passions et la licence des moeurs, en croyant ne protéger que
la liberté des mariages.
L e Législateur autorise l’opposition des pères, pour ne pas favoriser
le je u des passions et la licence des mœurs ; pour que les enfans,
comme l’a observé M . Portalis , ne soient pas précipités dans des
engagemens honteux ou inconsidérés. Voilà l’objet que le Législateur
s’est proposé. L e magistrat doit donc recevoir l ’opposition d’un père ,
toutes les fois que les bonnes mœurs sont blessées , toutes les fois qu’un
enfant peut être, victime du jeu des passions, toutes les fois qu’un
mariage est honteux ou inconsidéré.
L es lois reposent sur les mœurs. P lu s boni mores qucim bonce leges.
L e dépôt des lois est confié aux magistrats. L e cœur des magistrats est
le sanctuaire des bonnes mœurs ; le magistrat doit suivre le mouvement
de sa conscience.
Vous ne recevriez pas l’opposition d’un père k un mariage honnête
et raisonnable, sous le prétexte de la plus légère inégalité. Si un père
n'avait aucune raison décisive, vous ne recevriez pas son opposition,
même pour empêcher u n mauvais m ariage, c’est-à-dire, un mariage
où se trouverait la jeunesse sans la fortune, ou la fortune sans la jeu
nesse.
Mais le magistrat recevrait l’opposition d’un père à un mariage
honteux. O r , un mariage serait honteux, si un enfant voulait épouser
�r
( 47 )
quelqu'un qui aurait été flétri ; un mariage serait honteux, si un enfant
voulait épouser celui qui aurait attenté aux jours de son père; un mariage
serait honteux, si un enfant voulait épouser celui qui aurait dénoncé son
père, ou attenté à son honneur par quelqu’injure atroce.
L a novelle 1 1 5 , rapportée par Rousseau-Lacombe et par M . D om al,
autorisait l’exhérédation d’un enfant , si l ’enfant avait attenté à la vie
de ses parens ; s’il avait battu ses parens ; s’il leur avait dit quelque
injure atroce ; s’il leur avait fait quelque outrage ou quelque griève
offense ; s’il les avait accusés crim inellement, et qu’il leur eût occasionné
de grosses dépenses par sa dénonciation ; s’il ne les avait pas secourus,
et notamment en maladie ; s’il ne les avait pas délivrés de prison ; s’il
avait habité avec sa belle-mère.
R suffisait au .père qui avait exprimé plusieurs causes, d’en prouver
une , suivant la même novelle , chapitre 3.
Ce que la loi ancienne permettait au père contre des enfans rebelles
ou ingrats, balanceriez-vous de l’appliquer à un étranger! ne le repous
seriez-vous p a s, sur la demande du père , du sein d’une famille où il ne
s'efforcerait d’entrer que par des moyens aussi criminels? Vous ne voudriez
pas favoriser le je u des passions et la licence des mœurs ; vous ne
laisseriez pas un enfant se précipiter dans des engagernens qui seraient
honteux.
Ces principes trouvent leur application dans la conduite de M . de
Fontsalive, dont je vous ai fait le tableau.
L e magistrat recevrait encore l’opposition d’un père à un mariage
inconsidéré.
L e Législateur donne au père le droit d’empêcher un enfant de se
précipiter dans des engagernens inconsidérés : o r , peut-il y avoir un
engagement plus inconsidéré que celui où la jeunesse d’un enfant serait,
à-la fois sacrifiée à un homme âgé, valétudinaire, sans état et sans fortune ?.
L e Législateur vous dit que ce serait favoriser le jeu des passions et
la licence des m œurs, en croj ant ne protéger que la liberté du mariage.
U n jeune homme dépourvu de fortune, laisse au moins l’espoir
se procurer de l’aisance par un travail assidu ; mais au déclin de la
et avec des infirmités, on ne commence pas un apprentissage,
ii’acquiert pas des ta le n s ;o n reste ce qu’on est; toute espérance
perdue : cest le temps de jouir des tiavaux de sa jeunesse; c’est
temps de se réunir au conseil des sages.
de
vie
on
est
le
Ce mariage est inconsidéré , parce qu’il intervertit les lois de la
�( 48 )
nature ; ce mariage est inconsidéré, parce qu’il est contre nature ; ce
mariage est inconsidéré, parce qu’il répugne à la conscience du père de
fam ille; et j’ose dire que ce mariage est inconsidéré, parce qu’il répugne
à la conscience publique.
L ’opposition du père est recevable non seulement sous le rapport
de la loi ; mais encore elle est nécessaire, dans la pensée du Législateur,
sous le rapport des moeurs, sous le rapport de la société.
T o u t me paraît développé dans les principes de la législation nouvelle
sur les mariages des enfans de famille. Il ne^ peut plus exister de doute
que les pères n’aient le droit de veiller à l’intérêt de leurs enfans
même majeurs , pour les empêcher , suivant les expressions de M . Portalis, de se précipiter dans des engagemens honleuoc ou inconsidérés.
L e Législateur s’est prononcé ; il ne
passions et la licence des mœurs. Les
se rassurer ; ils auront moins à craindre
de leurs conseils et méconnaître l ’utilité
veut pas favoriser le je u des
pères de famille peuvent donc
de voir leurs enfans s’éloigner
de leurs avis.
L a Dlle. d’Albiat ma fille , naturellement timide et réservée, sans
désir comme sans expérience, a resté dans la maison Fonghasse à la
disposition de sa mère. Elle n’a eu d’autre volonté que la volonté de sa •
m ère, d’autres-sociétés que les sociétés de sa m ère, d’autres conseils que
les conseils de sa mère; elle n’a rien calculé, elle était à son âge hors
d’état de calculer ; c’est sa mère qui a tout calculé pendant sa minorité ;
c’est sa mère qui lui a donné les principes qui doivent la diriger; c’est
sa mère qui a conduit ses pas.
M a fille , sans visite préalable, et sans me faire prévenir, se rend
chez m oi, le lundi a 3 décembre, premier jour de sa majorité, à sept
heures et demie du matin, avec un notaire et deux témoins : il faisait
un froid rigoureux ; le soleil n’était pas encore levé ; le temps était'
obscur.
Ce jour mémorable pour elle , et qui lui sera toujours fa ta l, fut flétri
par un acte de violence et d’irrévérence. Il sem ble, par les coups re
doublés qu’on donnait à la porte de mon appartement, qu’elle venait
insulter, le premier jour de sa majorité, à la douleur d’un père.' Elle ne
put entrer chez moi à une heuré aussi indue. Elle revint, le 5 nivôse
ou le 26 décembre dernier, à onze heures du matin, avec M . Chevalier,
notaire, M M . Besseire de Dianne du P uget, et Boubon comme témoins.
M.
�( 49 )
M . Chevalier me remit l ’expédition d’une requête et d’une ordonnance
du Tribunal, du 24 décembre, dont je vais vous faire lecture.....
M . Chevalier, notaire 3 me présenta, au nom de ma fille , un prétendu
acte de respect tout rédigé et écrit par une main étrangère , que je n’ai
point signé, et contre lequel j’ai protesté : je vais vous en faire lecture......
J’ai fait signifier, lçr lendemain 27 décembre , à M . Chevalier, un
acte de protestation contre les deux témoins : je vais aussi vous en faire
lecture..... (1)
Les démarches de la Dlle. d’Albiat ont un caractère d’irrévérence ,
d'égarement, de faiblesse, d’abnégation d’elle-même; elle est absolu
ment subjuguée, elle n’a plus de volonté.
O n a tracé, dans la requête présentée au nom de ma fille, un men
songe avéré. Si ma fille avait cette indépendance que la majorité devrait
donner , aurait-elle signé que je ne donne aucune raison de mon refus
à son mariage ? Q uel que soit le rédacteur de cette requête , elle n ’en
contient pas moins une fausseté, de dire que je ne donne aucune raison
de mon refus. Je 11’ai cessé de donner à ma fille des raisons pour la
détourner de ce mariage, depuis que j’en suis instruit; j’en avais de
trop bonnes pour vouloir les dissimuler, et je n’avais pas intérêt de les
cacher à ma fille. M ais c’est une mauvaise ruse pour chercher à me
donner de la défaveur. Je ne puis que plaindre ma fille d’être trompée
par un entourage aussi perfide.
L e Dlle. d’Albiat se borne à me demander mon consentement, qui
lui devenait nécessaire pour abréger les délais; mais elle ne me demande
aucun conseil ; elle ne se conforme même pas à la requête et à l’ordondance des premiers juges, qui lui prescrivait, suivant ses conclusions, de
me demander conseil. Elle a contrevenu à l ’article 1 5 1 du Code civil.
Cet article s’explique ainsi : « L e s en/ans de fam ille ayant atteint la
» majorité fix é e par l ’art. 148 , sont ten u s, avant de contracter 111a» riage , de demander par un acte respectueujc et form el, le conseil
» de leur père et de leur mère , ou celu i de leurs aïeuls et aïeules,
» lorsque leur père ou leur mère sont d écéd és, ou dans l'impossi» b ilité de manifester leur volonté. »
La loi est précise , elle n’admet aucune équivoque ; le conseil doit
être demandé par un acte, et cet acte doit être formel; il doit en être dressé
procès-verbal, suivant l’article 154, ainsi conçu : « L ’acte respectueux
» sera notifié à celu i ou ceu x des ascendans désignés en l'article 1 5 1,
» par deux notaires, ou par un notaire et deux témoins; et dans le
( 1 ) Les Pièces sont imprimées à la fin.
G
�( 5o )
)) procès-verbal qui doit en être d ressé, il sera fait mention de la
» réponse. »
C ’est le conseil de leur père et de leur mère que les enfans doivent
demander, et non un simple consentement ; ils ont besoin d’élre éclairés,
et ils ne peuvent être éclairés que par le conseil de leur père et de leur
mère.
L a demande d’un conseil tient à l’essence de l’acte; les autres ex
pressions tiennent seulement à la forme de l’acte. La demande du conseil
est commandée p a rla loi; cette demande est de rigueur; cette omission
ne peut pas être réparée.
O n ne peut pas assimiler la demande d un consentement avec c
demande d’un conseil. Les expressions et les eiïets de l ’une ne sont
pas les expressions et les effets de 1 autre. L a demande d’un conseil
tend à éclairer pour parvenir
une détermination ; la demande d’un
consentement suppose au contraire une resolution déjà prise«
L ’une est un acte d’honnêtete , de déférence et d’égards ; l’autre est
un acte de grossièreté, de manquement et d’irrévérence.
Il n’est pas permis de juger la loi ; on doit se renfermer dans ses
propres expressions. Je m’appuie de l’autorité d’un arrêt de la Cour de
cassation, section des requêtes, du 19 frimaire an 14, à l’occasion d ’un
testament déclaré nul. Attendu , dit cet arrêt, que la lo i et la raison
ji admettent d’expressions équivalentes que celles qui sont synonymes
et identiques avec celles ex ig ées par la lo i , qu’ainsi la Cour de
Br(xxellt'sa p u , dans l'espèce, appliquer rigoureusement les dispositions
de l'article 10001 du Code civ il ; re jette, etc.
Je ferai une dernière réflexion. L e conseil ne doit être demandé que
sur le refus de donner un consentement ; et en effet
sur le refus
de donner ce consentement qu’il faut demander ce consèil, qu’il faut
renouveler cette dem ande, est-il dit formellement par l’article i5 a :
donc conseil et consentement n’ont pas la même signification.
Est-ce inadvertance, est-ce oubli de la part de la Dlle. d’Albiat ? Je
vois au contraire qu’elle ne perd pas de vue qu’elle a besoin de conseils,
et qu’elle doit en demander. Elle proteste au sieur d’Albiat son père,
qu’elle se pourvoira par les voies et moyens de droit pour parvenir à
son mariage, d ’après les conseils de la dame Dupuy sa mère et du
surplus de sa fam ille.
L a Dlle. d’Albiat proteste donc à son père qu’elle veut se diriger
d’après les conseils de sa mère , quelle appelle jusqu’à deux fois la dame
Dupuy y et les conseils du surplus de sa famille.
�( 5i )
T oute protestation est une irrévérence de la part d’un enfant qui
doit se borner à demander le conseil de son père, qui doit le méditer,
et attendre le délai de trois mois pour manifester sa résolution. Mais
la Dlle. d’Albiat renonce aux conseils de son p è re , aux conseils des
parens de son père qui n’ont pas voulu donner leur approbation à ce
mariage. Sa résolution est prise ; sa démarche n’est qu’une communication
irrévérencielle de mariage ; elle ne veut se décider que d’après les conseils
de la dame Dupuy sa mère , et du surplus de sa famille : aucun de
ses parens n’approuve ce mariage. Elle n’appelle plus sa mère par le
nom de son père ; elle préjuge d’avance la séparation de corps, qui est
une ouverture au divorce.
Ce n’est pas ici une simple irrévérence ; c’est une révolte audacieuse ,
conseillée par l’immoralité la plus profonde , par ces dévastateurs de
la fortune des familles , par ces amphibies domestiques , ascendans et
descendans , pères et époux, et tout cela à-la-fois.
L a Dlle. d’A lbiat fait l’aveu qu’elle est subjuguée , lorsqu’elle dit
qu’elle se trouve forcée de faire cette démarche ; mais que les avan
tages bien calculés et appréciés par la darne Dupuy sa mère et le
surplus de sa fam ille, sont impérieux dans cette circonstance , et ne lui
permettent point d’abandonner un projet mûri et approuvé par toutes
les personnes qui prennent intérêt à son mariage.
L a Dlle. d’Albiat s’est présentée chez son p è re , le 29 janvier dernier ,
avec M. Chevalier , notaire , Joseph M albet , menuisier , et Etienne
Bezombre , cabaretier , tous les deux comme tém oins, pour faire pro
céder à un second acte de respect dont il m’a été remis un double du
procès-verbal que je n’ai pas signé. Ce procès-verbal était encore en
partie tout rédigé d’avance , et il est en partie écrit par une main
étrangère : en voici la lecture . . . .
L a Dlle. d’Albiat suit dans ce second acte la même marche que dan3
le premier. Elle adhère aux mêmes raisons et motifs exprimés au pre
mier acte du 5 nivôse précédent. Elle ne demande point le conseil
de son p è re , comme la loi l’y oblige ; sa démarche 11’a d’autre objet
que de notifier à son père qu’elle est dans la ferme résolution de
ne point abandonner son projet de mariage.
Ce second acte n’est point conforme à l’art. i 5 i du Code civil. L a
D lle. d’Albiat devait encore se borner à demander le conseil de son
père. Il est irrévérenciel qu’une fille ne se présente devant son père
que pour lui notifier qu’elle est dans la ferm e résolution de 11e point
abandonner son projet de mariage , sur-tout d’après les raisons et motifs
G a
�( 5 2 }
exprimés au premier acte , et de dire encore qu’elle ne veut autrement
se soustraire à l'autorité paternelle, que dans le cas où il apporterait un
plus long refus de se rendre à ses instances ; et enfin , elle déclare
11’elle persiste dans les mêmes intentions. Cet acte est plutôt rédigé
ans la forme d’une lutte d’un enfant avec son père , que dans la
forme respectueuse d’un enfant qui doit demander le conseil de son
p ère, et ne se décider qu’après l’expiration des délais exigés par la
loi.
3
L a D lle. d’Albiat donne encore une nouvelle preuve quelle est subjugée , lorsqu’elle fait l ’aveu qu’il n’est point en sa puissance de renoncer
à cette union.
L a D lle. d’Albiat est revenue le 4 mars dernier chez son père , avec
M M . Chevalier et Chassaigne , notaires. Il m’a également été remis
un double du procès-verbal dressé par les notaires ; je l’ai signé, mais
avec protestation. Ce procès-verbal était en partie rédige d avance , et
il est écrit d’une main étrangère : en voici la lecture.....
L a Dlle. d’Albiat a fini par où elle aurait dû commencer. L e temps
ramène le calme , la réflexion donne un esprit de modération ; et la
D lle. d’Albiat aurait mieux connu ses intérêts, si elle n’avait pas été
retenue dans une maison sous l’influence de M . Fontsalive, et de ses
amis envoyés chez moi avec le notaire pour gêner la liberté réciproque
des communications entre ma fille et moi.
Ce troisième acte est rédigé dans des termes modérés. L a Dlle.
d’Albiat demande les conseils de son père; elle s’est conformée à l’art.
i 5i
du Code civil , elle en reconnaît la nécessité ; mais cet acte est
frappé d’un vice qui doit le rendre nul. L a Dlle. d’Albiat aurait dû
rétracter les deux actes des 2 nivôse et 29 janvier dernier , comme
n ’étant pas respectueux : elle n’en fait rien ; elle déclare au contraire ,
que par les mêmes motifs exprimés aux actes des 5 nivôse an 14 et
2Q janvier dernier , elle persiste à réaliser son projet de mariage avec
ledit sieur Dufreisse de Fontsalive. L ’acte n’est donc pas respectueux ,
puisque la Dlle. d'Albiat adopte les motifs des actes précedens qui
ne sont pas respectueux, et auxquels elle devait renoncer. Sa réponse
à mes observations 11 est pas îespectueuse , lorsque la Dlle. d A lb ia t dit
qu’elle prendra les moyens que kla loi lui indique pour parvenir à son
mariage : c’est vouloir anticiper le temps des épreuves , et annoncer
d’avance qu’on n’aura aucun égard au conseil qui doit être mûrement
médité par un enfant , et la loi prescrit le délai d’un mois. Ce troi
sième acte doit donc subir le sort des deux premiers.
Il semble qu’on cherche à étouffer dès sa naissance les sages dispo
�( 53 )
mettre
sitions d’une loi consacrée à la piété et au respect filial. O n veut
en parallèle avec la loi , des formules praticiennes rédigées depuis
plus de 3o ans.
Les lois de 3o ans ne sont pas les lois d’aujourd’hui. Les somma
tions respectueuses n’étaient pas nécessaires pour la validité des mariages;
elles n’élaient nécessaires que pour garantir les enfans de l’exhérédation.
Elles n’étaient devenues qu’une simple formalité , et un acte pour
ainsi dire conservatoire. Les juges évitaient d’ailleurs de prononcer
l ’exhérédation , comme contraire à la nature. Les pères n’avaient pas
intérêt de contester contre ces sommations.
M ais aujourd’hui l’acte respectueux a un but plus m oral, plus direct
au père , plus essentiel au mariage. L ’acte respectueux a un but d’utilité
pour l’enfant, qui doit demander le conseil de son père. L ’acte respec
tueux ne peut plus être éludé ; il ne doit donc pas être assimilé aux
sommations respectueuses prescrites par les anciennes lois. N e cherchons
donc pas à ternir la moralité conservée dans nos lois nouvelles, par des
formes usées sous les lois anciennes. Il faut savoir marcher en juris
consulte , c’est-à-dire en homme éclairé , et non en simple praticien
ou en homme qui ne connaît que la routine des formes.
Il a été rendu par la Cour de Bordeaux , le i 3 frnctidor
an i 5 , un arrêt rapporté dans le Journal de Sirey ( i ) , au sujet
d’un acte irrévérenciel ; je vais vous donner lecture de l’extrait
que j’en ai fa it ............. L ’acte fait par la fille à ses père et mère
est ainsi conçu : Laquelle adressant le présent acte à sesdits père et
m ère, leur a dit qu'étant dans la ferme résolution de devenir l'épouse
du sieur l Jierre-3ia rc B ....... et ne pouvant y parvenir sans au préa
lable leur fa ir e des actes respectueux , conformément à ce qui est
prescrit par le nouveau Code , lu i ayant constamment refusé leur
consentement ; elle les prie , les requiert avec tout le respect qui leur
est du , et les somme en tant que de besoin, de vouloir bien consentir
qu'elle s'unisse avec led it sieur B . . . . . , leur déclarant que dans le
cas où ils persisteraient dans leur refus , elle agira de même et
comme s’ils lu i avaient donné leur consentement ; pour quoi elle pro
teste de tout ce q u e lle peut et doit protester de ja it et de droit.
Réponse du p è re , qui ne veut pas de ce mariage déshonorant, avec
un homme qui a abusé d’un caractère sacré pour séduire sa fille.
Dires du défenseur d es’ père et mère : E lle les a sommés de con-
5
(i) An i , tome
4 > décisions diverses ,
page i
85.
�( 54 )
sentir a son mariage ; elle leur a annoncé qu'elle, était résolue a
le contracter , et qu'elle passerait outre nonobstant leur refus;
e lle s'est permis de faire contre eu x des protestations ; loin d ’avoir
demandé des conseils , elle leur a implicitement déclaré qu’elle saurait
§’en passer, ou quelle était résolue à n ’y avoir aucun égard. Ainsi la
puissance paternelle , les égards que la nature et la loi commandaient,
ont été méconnus.... L ’arrêt rendu , considérant que l’art. 1 5 1 n’autorise
pas les enfans à dresser des sommations........ déclare les actes dits
respectueux , nuls.
U n arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen, du G mars 1806, déclare
des actes de respect suffisans et respectueux,. quoique le mot sommé se
trouvât dans les actes ; mais M . Bnère , s u b s titu t du procureur-général,
qui a pris des conclusions conformes à l’arrêt,.a observe que dans l’espèce
de l’arrêt de Bordeaux, on voit une filie rebelle aux douces insinua
tions de l’amitié paternelle, qui refuse de voir son père avant les actes
respectueux, quoiqu’il l’en ait tendrement soilicitee. D ailleurs, les actes
de cette fille n ’é t a i e n t rien moins que respectueux ; ils contenaient des
expressions a n n o n ç a n t du dédain pour son père , et de l ’affectation
à le braver.
Vous devez vpir , M essieurs, par l’ensemble de ces actes , combien
ma fille est subjuguée, combien elle est trompée.
L e langage , le style des conseils de la Dlle. d’A lb ia t, prouve qu’on
veut exercer la persécution sur ma fille comme sur m o i, et qu’on veut
la sacrifier. Il semble même qu’on ne la dirige que pour la précipiter dans
un abyme de maux.
O n a la noirceur de lui faire déclarer dans un acte public , qu’elle se
trouve forcée de faire cette démarche ; que les avantages sont impérieux
dans cette circonstance , et ne lui permettent pas d’abandonner ce
projet. O n lui fait encore répéter , dans le second acte, qu’il n’est point
en sa puissunce de renoncer à celte union.
M a fille est donc forcée , elle est subjuguée , puisqu’il n’est pas en
sa puissance de renoncer à cette union. Sa volonté 11’est donc pas libre.
Il est vrai qu’elle est retenue en chartre privée depuis trois ans ; qu’on
l ’a éloignée de mes conseils et de ceux de mes parens. Cette décla
ration commandée est d’une impudeur réfléchie et atiectée. Les perfides
conseils de ma fille sont moins occupés de ménager son honneur, que
d ’assurer à M . de Fontsalive une possession qui ne puisse pas lui
échapper.
Je trouve encore dans ces actes prétendus respectueux , une preuve
que M . de Fontsalive a fréquenté la société de la dame d’A lbiat et
�( 55 )
de sa fille. O n Fait déclarer à m t file , dans le premier acte , que les
rapports du caractère de M . de Fontsalive avec le sien, et sa délica
tesse et honnêteté , qui lui sont bien connus, ne peuvent que la fortifier
dans ses premières intentions ; dans le second acte , qu’elle croyait
trouver dans cette union son bonheur, par une sympathie d’humeur et
de caractère. L a Dlle. d’Albiat n’a pu acquérir cette connaissance de
caraclère et de sympathie, que par une fréquentation ancienne et habi
tuelle. T o u te preuve testimoniale me devient inutile.
Je vois encore la preuve que cet arrangement s’est depuis long-temps
concerté avec la mère , puisqu’on fait dire à ma fille que les avantages
im périeux, dans cette circonstance, ont été calcules par la dame D u p u j
sa m ère, et qu’elle se pourvoira par les voies et moyens de droit, d’apres
les conseils de sa mère. E t en effet, M . Dufreisse l’aîné avait été chargé
en mon absence , il y a un a n , ma fille étant encore mineure, de parler
à M . Chabrol de Iliom , de ce projet de mariage , pour en obtenir son
approbation.
Vous voyez actuellement, M essieurs, que M . de Fontsalive n’a
répandu contre moi la diffamation , que pour me repousser de la
maison Fonghasse, moi qui suis le père de famille ; pour ravir ma fille
à ma surveillance qui lui était incommode , pour la fréquenter contre
mon gré , contre ma volonté expresse , pour la tromper , la réduire à
un état de langueur , de misère , et en faire sa garde-malade. Une
mort prochaine sera la plus belle perspective qu’elle puisse attendre.
Fille malheureuse et trompée , ô ma fille ! j’ai voulu garantir ta jeu
nesse des écueils qui te menaçaient. J’ai réclamé la sûreté de ta
personne ; pouvais-je développer un caractère plus honnête ? pouvais-je
taire un acte plus moral ? Je remplissais un devoir religieux ; j’en ai
été puni. J. u as ete livrée contre ma volonté paternelle ; tu as été
laissée a la disposition de celui qui subjugue ton esprit, tu es menacée
de devenir sa victime; et pour que tu n ’échappes pas à ses intrigues ,
des conseils perfides et complices veulent te iaire dire qu’il n’est pas
en ta puissance d ’y renoncer.
L a conduite de la Dlle. d’Albiat deit vous paraître bien répréhen
sible , d’après les actes que je viens de vous analyser ; rassurez-vous ,
Messieurs; rassurez-vous, pères de fam ille; la Dlle. d’Albiat s’est bornée
me demander mon consentement
son mariage , mais pour le sur
p lu s, elle ne m’a rien dit de tout ce qu’on lui fait dire, elle n’a rien
observe de tout^ ce qu’on lui fait observer. C ’est une énonciation con
traire à la vérité. L a preuve de ce que j’avance est consignée dans ces
M.
a
actes mêmes.
à
Chevalier , notaire ? s’est présenté chez moi avec des
�( 56 )
actes écrits , et ces actes ne sont pas même écrits par M . Chevalier ;
il est donc prouvé qu’il n’est point le rédacteur des observations que l’on
prétend que la Dlle. d’Albiat m’a faites. Ces actes ne sont pas de simples
actes recordés ; c’est un procès-verbal que le notaire doit rédiger , suivant
l ’article i /j . du Code civil.
5
Q u ’est-ce qu’un procès-verbal ? U n procès - verbal est un écrit qui
contient l’exposé fidelle de tout ce qu’un fonctionnaire public a vu ou
entendu. U n procès-verbiil devient alors le miroir de la vérité, qui doit
réfléchir sur tous ceux qui veulent s’en servir , de la même manière
que sur l'officier public qui a tout vu ou tout entendu. Ce ne sont pas là des
idées métaphysiques , ce sont des idées simples et claires. O r, un juge
ne dresse procès-verbal d’un corps de d é lit, que parce qu’il l’a vu ;
un iu^e ne dresse procès-verbal de la déposition des témoins, que parce
qu’il a entendu la déposition des témoins : il no dresse procès-verbal
que de ce qu’il a vu ou entendu. Q uelle confiance auriez-vous à un
fonctionnaire public qui doit vous attester par son écrit ce qu’il a vu ou
entendu, et q u i c ep en d a n t n’a rien écrit ni rien fait ecrire en sa présence
au m o m e n t de ce qu’il a pu avoir vu ou entendu ? L a signature du témoin
sera it insuffisante , puisque le fonctionnaire public doit transmettre par
son procès-verbal la vérité comme il l ’a vu ou entendu.
O n ne doit pas confondre, dans un procès-verbal , ce qui tient à la
forme avec ce qui tient à l’essence de l’acte. Ce qui tient à la forme
est du fait du notaire ; ce qui tient à l’essence de l ’acte est du fait
des parties. O r , il est indiffèrent d’écrire d’avance et hors de la présence
des parties, tout ce qui tient à la forme ou au préambule de l ’acte. J’ajou
terai encore que tout ce qui est du fait d’une des parties seulement, pourrait
encore être écrit d’avance ; cela pourrait être une irrégularité , cela
pourrait être une preuve de suggestion, mais ne serait pas un faux.
A u m o m e n t où les deux parties sont en présence; au moment où un
enfant fait à son père ou un exposé ou des observations , pour me
servir des termes mêmes de ces actes ; au moment où commence la
conférence entre le père et l’enfant, le fonctionnaire public écoute ,
le fonctionnaire public constate par son écrit ce qu’il a entendu, ou
plutôt il en dresse procès-verbal , et son procès-verbal doit faire foi :
il ne peut pas lui être permis d’écrire au - delà de ce qui a été dit.
JVL. Chevalier , notaire , a
écouté , a-t-il entendu , a-t-il écrit ou fait
écrire en ma présence le procès-verbal qu’il devait dresser? M . Chevalier »
notaire , n’a point écoute , puisque ma fille n’a rien dit ; M . Chevalier
n’a rien entendu, puisque ma fille a gardé le silence ; M . Chevalier n’a
rien écrit ni fait écrire eu ma présence , puisque son procès - verbal était
écrit par une main étrangère , et avant d’arriver chez moi.
M.
�( 57 )
M . Chevalier n’a rien entendu, M . Chevalier n’a rien écrit; et il est
absurde qu’il veuille attester par sa signature que le procès-verbal des
actes dits respectueux est son ouvrage , qu’il a entendu, qu’il a dressé
procès-verbal, ou écrit avoir entendu. 11 ne peut pas y avoir procèsverbal de la main d’un notaire qui n’a pas écrit. 3YI. Chevalier a donc
faussement certifié avoir dressé procès-verbal, puisqu’il n’a pas écrit la
partie du procès-verbal que j’atlaque comme contraire à la vérité.
On a dicté et écrit d’avance ce que la Dlle. d ’Albiat devait dire à son
père; et ma fille n’a pas eu l’impudeur de me le dire; M. Chevalier n’a
pas eu la peine de l’écrire : ce n’est donc qu’un procès-verbal fait sous la
cheminée.
U n pareil procès-verbal ne pèut pas être considéré comme un procèsverbal de forme, qui reçoit une authenticité suffisante par la signature
de la partie requérante et du notaire.
U n pareil procès-verbal est de rigueur. Il doit recueillir scrupuleux
sement les paroles d’un enfant , afin que la Justice puisse avoir la
certitude que la démarche de l'enfant a été respectueuse.
U n conseil peut bien sans doute régler d’avance ce qu’un enfant doit
dire à son père ; mais il est dangereux d’en préparer d’avance l’acte ,
dans l’incertitude si l ’enfant osera s’exprimer de la même manière ; parce
que l’acte devenant l ’ouvrage du notaire, ne doit attester que la vérité de
ce qui se dit et nondeeequi doit se dire. Mais ne serait-il pas plus simple
de laisser à un enfant la liberté de s’exprimer naturellement ? Son cœur,
son éducation son habitude le porteront toujours à parler avec respect;
et il écoutera avec plus de confiance les conseils de son père. U n
conseil étranger gale tout ; un conseil inspire quelquefois à un enfant
la révolté , flatte ses passions , entretient ses erreurs, et ne conserve la
confiance que par la défiance qu’il donne.Quoique cet inconvénient n’existe
pas toujours , il s’est réalisé dans cette circonstance. M a fille dirigée
par elle-même a été réservée et décente ; ma fille dirigée par ces actes
qui étaient l’ouvrage de ses mauvais conseils , a été irrespectueuse.
U n énoncé faux n’est pas toujours criminel.. Il n’est pas criminel
lorsqu’il est matériel ; il est simplement matériel lorsqu’il ne peut pas
nuire à un tiers. Cette fausse énonciation est nuisible. lille prépare ma
fille a commettre une action mal-honnête et irrévérencielle envers son
père ; elle est donc nuisible. Cette fausse énonciation prouve la sug
gestion ; M . Chevalier s’en rend complice ; elle est donc nuisible. Cette
Fausse énonciation suppose l’irrévérence commise par un enfant envers
son père ; l’irrévérence d'un enfant envers son père est contraire à la
nature t est contraire a l lionnetete publique ; cette fausse énonciation est
H
�< 58 > _
donc nuisible. Celte fausse énonciation arrête 1élan du sentiment ,
étouffe la pensée , gêne la liberté de s’exprimer naturellement , détruit
les heureux effets d’une communication entre le père et l ’enfant ; cette
fausse énonciation est une fraude aux dispositions de la loi; elle est
donc nuisible. T o u t ce qui est nuisible doit être réparé : ces actes
doivent donc être rejetés.
Ces actes sont nuls dans la forme ; ils n’ont point ce caractère suffisant
d’authenticité, comme ayant été rédigés d’avance , et par une écriture
étrangère à celle du notaire.
L es actes des 5 nivôse et 29 janvier derniers sont nuls au fonds ; ils
ne font aucune mention de la demande que devait faire la Dlle. d’Albiat
du conseil de son père , conformément au texte formel de l’art. i 5 i du
Code civil.
Les actes des 5 nivôse , 29 janvier et 4 mars derniers sont encore
nuls au fonds, comme n ’étant pas respectueux , et ne contenant que
des protestations ou renonciations de la Dlle. d’Albiat aux conseils de
son père , pour s’en tenir à ceux de sa mère, qu’elle appelle la dame
D upuy. Ces actes n ont d’autre effet que de prouver que la Dlle. d’Albiat
est subjuguée, et qu’elle n’a pas une volonté libre.
Les moyens de captation ont été préparés d’avance, et sont prouvés
par les actes mêmes.
L e projet de mariage était arrêté depuis trois ans , et lorsque ma
fille n’avait que dix-huit ans ; ce fait est constaté par le jugement dont
est appel. Je n’en ai été instruit que deux ans après , et postérieu
rement a l’arrêt du 11 fructidor an 12. Le père a été éloigné ; la fille
a été laissée a la disposition de sa mère dans la même maison où M.
de Fontsalive avait fixé sonlogement. Si vous aviez pu connaître cet état de
choses qui est aujourd’hui avoué , vous 11'eussiez pas rendu l’arrêt du
11 fructidor, surpris à votre justice par une mère qui vous laissait ignorer
ses secrètes intentions.
Ce mystère ténébreux a fait le malheur d’un père qui doit actuellement
vous être mieux connu. C elle intrigue sourde prouve jusqu'à quel point
la captation a été préméditée.
Cette captation résulte de la précipitation qui a été mise à faire ces
actes , sans en prévenir le père , sans prendre l’avis d’une famille, sans
mettre aucun intervalle entre la minorité et le temps de la majorité , sans
laisser quelques inslans à la méditation , sur-tout dans un moment
où la dame d ’Albiat djvait recueillir une succesiion de plus de soixante
mille francs.
�( 59 )
L a captation est prouvée par la précautiori qu’on a prit d’envoyer
pour témoins M M . de Dianne du ro u g e t, et Bouben , intimes amis
de M . de Fontsalive, et qui paraissent n’avoir été choisis que pour
circonvenir la Dlle. d’Albiat et violenter son père , dans le moment
même où il devait exister une grande indépendance. Cependant la
D lle. d’Albiat aurait dû çtre éloignée de l’influence de M . de Font
salive, au moment d’un acte qui devait être libre et respectueux*
L a captation résulte de l’acte que j’ai fait signifier à M . Chevalier,
notaire, le lendemain 6 nivôse , contenant mes protestations contre le
choix de ces deux témoins, comme intimes amis de M . de Fontsalive,
et notamment contre M . de Dianne du Pouget, un des habitués de la
maison F on g ha sse, pour avoir fait des interruptions désagréables audit
d ’A lb ia t, et avoir manifesté une contradiction sur des ïaits positifs ,
avancés par ledit d’Albiat à sa fille; attendu qu’il ne pouvait exister
de communication libre entre ledit d’Albiat et sa fille , en présence
de témoins intimes amis de M . de Fontsalive.
L a captation est prouvée par la précaution qu’on a prit d’écrire
d ’avance ce qu’on voulait faire dire à ma fille.
L a captation est prouvée par. le silence de la D lle. d’Albiat en pré
sence de son père.
L a captation est prouvée par les actes mêmes , où il est dit que
la Dlle. d’Albiat est forcée de [faire une démarche qui porte avec
elle le caractère d ’une désobéissance, mais que les avantages bien
calculés et appréciés par sa mère , et qui sont impérieux dans cette
circonstance, ne lui permettent pas d’abandonner ce projet ; qu’elle
regrettait de ne pouvoir se rendre aux vœux de son p e re , mais qu’il
n’etait pas en sa puissance de renoncer à cette union.
L a captation est prouvée, lorsqu’on fait dire dans ces actes, contre
les règles immuables de la nature, que la Dlle. d’Albiat croit trouver
dans cette union son bonheur, par une sympathie d ’humeur et de
caractère, malgré que les goûts et les jouissances des jeunes per
sonnes sympathisent peu avec ceux des gens âgés et valétudinaires.
L a captation est prouvée par la continuité de co-habitation de M . de
Fontsalive dans la même maison , par la fréquentation habituelle de
M . de Fontsalive avec la D lle. d’Albiat.
Cette captation est attentatoire à l’arrêt du n fructidor an 12,'
puisque M . de Fontsalive n’a pas respecté l’asile de la fam ille, contre
la volonté du père de fam ille, exprimée publiquement à votre audience
comme devant les premiers Juges.
H a
�( 6o )
Cette captation est encore une violation manifeste à l’arrêt du n
fructidor an 12 , puisque M . de Fontsalive a interrompu l’éducation
que la Cour avait commandé à la dame d’A lbiat de donner à sa
fille.
Cette captation n’a laissé à la Dlle. d’Albiat aucune faculté à la
réflexion , aucune liberté pour faire des actes respectueux. Cette cap
tation serait seule un m otif suffisant pour annuller les actes qui m’ont
été faits.
O n a employé des moyens violens pour parvenir à la captation.
a bravé la puissance paternelle en tr o m p a n t votre justice. O n a
bravé la Justice en abusant de votre arrêt. M . de Fontsalive a bravé
l ’honnêteté publique en se fixant dans la même maison , sous le meme
to it, et à la suite de l ’a p p a r t e m e n t quoccupait la Dlle. d’Albiat. L a
décence et l’honnêteté publique ne lui permettaient pas de fréquenter
l ’habitation où la Dlle. d’Albiat avait été mise en dépôt par autorité
de justice, s u iv a n t la disposition des arrêts , et les maximes établies
par M . l’Avocat-général Gilbert de V oisins, portant la parole lors
d ’un arrêt du 8 mai 1 7 4 1 , cité par D en isart, au mot m a ria g e,
N .a 190. Ce Magistrat requit d'office la défense aux parties de se
fréquenler , malgré que le mariage déclaré nul par défaut de form e,
parût sortable.
On
L a pensée se reporte naturellement sur la dame d’Albiat. Je voudrais,
M essieurs, pouvoir vous dissimuler , je voudrais me dissimuler à moimême les reproches bien plus réels que j’ai le droit de lui faire ,
que la Justice doit lui faire. Sa fille était confiée à sa garde ; elle
l ’ava it obtenue contre la volonté du père de famille , contre la décision
des premiers Juges. Seule et unique régulatrice des pensées, des
v o lo n té s de sa fille qui lui était soumise , dévouée et assujettie par
la nature de son caractère et de sa position, elle d evait, suivant les.
expressions de l’Edit de 1 56o , lui rendre le double office de père et
de mère ; et cependant elle l’abandonne , elle néglige de la surveiller ,
elle souffre des assiduités, des fréquentations continuelles. ÜYlais }
Messieurs , ce qui vous paraîtra incroyable et ce qui est peut-être
sans exemple , 011 ne cherche pas même à recouvrir la dame d A lb ia t
du voile du mystère, à la soustraire aux soupçons qui peuvent s’élever
contre e lle , à l’excuser sur les présomptions et les probabilités qui
sont constantes ; on l ’associe , contre l ’usage reçu , à ce projet de
mariage et aux moyens d’exécution. On a fait enfin l’aveu à l’audience
du Tribunal de' Clerm ont, que ce projet de mariage était arrêté
par la 'dame d’AIbiat depuis trois ans , et avant la moit de M me.
�( 61 ? ,
de Vernines la m ère, qui en avait été instruite et avait donné son
consentement.
Q uelle étrange révélation ! Je l ’ai appris pour la première fois à
l ’audience du Tribunal de Clermont. Q uel mystère ténébreux ! J'ai
vécu dans la maison Fonghasse plus d’un a n , et la dame d’Albiat
ne m’en a jamais rien dit. Q uel concert affreux ! M . de Fontsalive
qui déjà était adopté par la dame d’A lbiat, méditait ma ruine. Q uel
aveuglement ! La dame d’Albiat demandait à la Justice que sa fille
lui lut confiée , et elle ne voulait que préparer les liens d’un mariage
déjà arrêté. Q uel égarement ! L a dame d’Albiat éloigne la défiance
que j’élevais contre M . de Fontsalive , en le désignant en la Cour
sous un âge avancé : elle ne voulait que ravir sa fille à la surveillance
de son m ari, la laisser sans conseil comme sans appui, sous l’influence
d ’un homme qui doit faire son malheur.
Les droits d ’un père ont été méconnus ; un enfant est clandestine
ment sacrifié ; la Justice est trompée. Je ne vois pas , M essieurs, qu’il
soit possible d’imaginer une combinaison plus outrageante pour un
p ère, plus désastreuse pour un enfant ; et on ose venir à une audience"
en faire l’aveu. Q ue de réflexions ne pourrais-je pas faire ! mais j’ai
le cœur trop serré.
C ’est la mère qui a m édité, réfléchi et calculé, pendant la mino
rité de sa fille , les avantages impérieux de cette union. C'est la mère’
qui a donné des conseils ; c’est la mère qui , pendant la minorité a
donné son consentement, malgré le refus du père de donner le sien.
L a dame d’Albiat devait préalablement en délibérer avec moi, puisque"
j ’habitais alors avec elle. L a loi lui imposait l’obligation de concerter
avec son mari le consentement qu’elle voulait donner à ce mariage,
et qui aurait dû être produit avant les actes de respect ; c ’est ce qui
résulte de l’article 148 du C o d e, qui porte qu’en cas de dissentiment,
le consentement du père suffit.
Si la dame d’Albiat avait eu les ménagemens que sa position et la
mienne semblaient commander ; si elle avait voulu connaître l’opinion
du père de famille , et de la famille entière, avant de se d écid er,
elle aurait mieux calculé, et elle ne se croirait pas forcée de conduire
sa fille , comme une victim e, à l’autel.
C ’est daiis l’âge de la faiblesse, c’est dans lage de l ’inexpérience,
c’est pendant sa minorité que ma fille a été égarée par les faux
calculs de sa mère; c’est pendant sa minorité et depuis l ’âge de dixliuit a n s, qu’elle est trompée par les conseils de sa mère ; et on ose
en faire l’aveu.
U ne mère révoltée contre la puissance m aritale, même dans le
moment le plus important de la v ie , ne peut que faire de mauvais
calculs, et ne donner que des conseils irréfléchis à ses enfans.
�( 62 )
T o u t est donc éclairci dans cette cause , sans avoir recours à des
témoignages timides ou suspects. On n’a donné l’épouvantail de crimes
im aginaires, invraisemblables , que pour exécuter des crimes trop
réels , des crimes prouvés. Je me plais à répéter , que Dieu ne
permet pas toujours que le crime puisse long-temps triompher. L e
complot est à la fin découvert , même lorsqu’on peut encore le
réparer.
Dans quelle situation ne me jettent pas les agens de la dame d’A lbiat,
lorsqu’ils réduisent un père malheureux à la cruelle nécessité de
confier au public l’histoire des malheurs de sa famille , pour sauver
sa fille de malheurs qui seraient irréparables ! La dame d’Albiat est
dans leurs mains un instrument^ qu’ils tournent à leur fantaisie ,
suivant leurs caprices, leur in teiêt, leurs passions. L a conduite de
toute ma vie est le reproche de la leur. Ils veulent envelopper et
anéantir une famille qui a une antique possession d é ta t, une antique
possession d’honneur et de probité qui ne se sont jamais altérés.
Epouse faible et trompee , mère credule et im prudente, dis donc
où t’ont c o n d u it jusqua présent les conseils, tes agens, ton entourage
et tes éclats. Vois la position où tu places ton mari, vois celle que tu
destines à ta fille, vois ta position même. Q ue penses-tu? quel est ton
bu t ? C ’est en t’éloignant de ton m ari, c’est en te privant de ses conseils
que tu as ouvert cet abyme de maux. 11 en est temps encore , reprends
le rang qui convient à ton époux, à ta famille , à tes enfans, au nom
que tu portes. Songe que la qualité d ’épouse est s i honorable, dit
M . Fortalis, q u e , suivant l'expression des anciens , ce n'est point la
volupté , mais la verlu , l'honneur même qui la fo n t appeler de ce
nom. .
i
JJxorem digm talis nomen e s s e , non voluptatis.
Messieurs , la loi vous a revêtus d’un grand pouvoir ; vous allez
donner un exemple mémorable qui va influer sur la morale publique.
Chaque père de famille attend avec une inquiète sollicitude votre dé
cision. Vous ne favoriserez point le je u des passions et la licen ce
des mœurs; vous ne souffrirez pas que des hommes sans fortune s’in
troduisent impunément dans les ménagés pour y porter le trouble et la
désolation; vous resserrerez davantage le lien des familles; vous proté
gerez l'esprit de fam ille contre l'esprit de so ciété, contre les calculs
de la séduction, contre les intrigues ourdies dans l’ombre d’une société
mal assortie. L/outrage préparé avec art sera vengé ; vous maintiendrez
les bonnes m œurs, et l ’autorite paternelle qui les défend.
S ig n é
d’
A l b ia t .
�( 63 )
COPIES
DES
ACTES.
Aujourd’hui cinq nivôse an quatorze , vingt-six décembre dix huit cent
cinq , heure de onze du matin ; en conséquence de l’ordonnance de
M . le Président du Tribunal civil de Clermont-Ferrant, du trois du
présent, étant au bas de la requête à lui présentée le môme jo u r,
et annexée à la minute des présentes, en la présence et assisté de
M .e C hevalier, notaire en ladite v ille , commis par ladite ordonnance,
et des témoins ci-après nommés, soussignés, la Dlle. Claire-Joséphine
d ’A lb ia t, fille m ajeure, habitante de ladite ville de Clermont, s’est
transportée en la demeure de M . Jacques-Pierre-Marie-Anne d ’A lbiat
son père , ancien Procureur du Roi en la ci-devant sénéchaussée de
ladite ville , y habitant; où étant, et parlant à sa personne,
Ladite Dlle. d’Albiat a exposé qu’elle se propose de contracter ma
riage avec M . Joseph-Guillaume Dufreissede Vernines-Fontsalive, majeur,
habitant de la même ville; que le refus de son père d’y ‘consentir lui
devient d’autant plus pénible, qu’elle se trouve forcée de faire une dé
marche qui porte aven elle le caractère d’une désobéissance; qu’elle eût
bien désiré tenir de lui la faveur que lui accorde la loi du a 6 ventôse
au i i , articles i 5 r et 1 5a ; il lui eût épargné le désagrément d ’un acte
qu’elle craint autant cpi’il répugne à son cœur ; mais que les avantages
bien calculés et appréciés par la dame D u p u j sa mère et le surplus
de sa famille , sont impérieux dans cette circonstance , et ne lui per
mettent point d abandonner un projet'm ûri et approuvé par toutes les
personnes qui prennent interet à son mariage : en conséquence, qu’elle
priait et suppliait respectueusement sondit père de se rendre à ses ins
tances , et de joindre son consentement à celui dp ladite dame Dupuy
sa m ère, nécessaires à son mariage avec ledit sieur Dufreisse de Vernines.
( ci-dessus écrit d'avance et non par le notaire) (i). Ladite Dlle. d ’Albiat
a signé, avec les sieurs Jean-Baptiste de Dianne du P ouget, et Antoine
Bonbon, tous propriétaires liabitans de cette ville, témoins présens au
présent acte ; avec nous Chevalier , notaire, qui avons donné lecture
d ’icelui.
d ’A l b i a t , d e
D ia n n e
du
P o u g e t , B oubon.
C H E V A L IE R .
(i)'Voyez, pages 55 et suivantes.
�( 64 )
L e sieur d’Albiat a observé que l’acte est incom plet, puisqu’on no
lui donne pas l’âge précis de M . Dufreisse-Fontsalive, qu’il lui est essentiel de connaître ; et au surplus, sous toutes réserves quelconques,
il a répondu qu’ayant consulté sa fam ille, et conformément à sou avis
unanime, il ne p e u t, ne d o it, ni ne veut donner son consentement à
ce mariage : d’ailleurs il observe qu’il ne peut y avoir de mariage lorsqu’il
n’y a pas de consentéftient; qu’il ne peut y avoir de consentement libre
lorsqu’il y a séduction ; qu’on ne peut pas vouloir ce qui est essentiel
lement nuisible.
« E t attendu que ladite Claire-Joséphine d’Albiat sa fille, est depuis long
temps subjuguée par des péfrsonnes qui ont abusé de sa faiblesse pour prendra
et'exercer sur elle un ascendant et une domination qui l'empêchent
d ’avoir d ’autre volonté que la l e u r , ledit sieur d’Albiat se réserve de
former opposition audit m a r i a g e , et de fahe valoir ses causes et m oyens,
ûvec protestation contre ca qui peut et doit être protesté. Et a déclaré
ne vouloir signer sa réponse, de ce enquis et interpelle.
Ladite D lle. d’Albiat proteste audit sieur d’Albiat son p ère, que sans
avoir dessein de manquer au profond respect et à la reconnaissance
qu’elle lui d oit, elle se pourvoira par les voies et moyens de druit pour
parvenir à son mariage , d'après les conseils de sa mère et du surplus
de sa famille; attendu qu’elle n’ignore pas que M . Duireisse-Fontsalivo
est plus âgé qu’elle , mais que les rapports de son caractère avec le
sien, et sa délicatesse et honnêteté, qui lui sont bien connus, ne peuvent
que la fortifier dans ses premières intentions. Desquelles sommations ,
réponses , déclarations et protestations, elle nous a requis a cte , que lui
avons octroyé lesdits jour et an. E t a été laissé audit sieur d A lbiat
copie çollationnée de la requête et ordonnance sus-énoncées, et des
présentes signées de nous et des témoins. Fait et clos et passé en la
maison dudit sieur d ’A lb ia t, à l’heure dç m id i, après avoir donnô
lecture des présentes.
d ’A l b ia t
,
de
D ia n n e
du
P o u g e t , B oubon.
CHEVALIER.
L ’AN quatorze, et le six nivose, à la requête de M . Jacques-PierreM arie-Anne d’A lb ia t, habitant de cette ville de Clermont-Ferrant, dé
partement du Puy-de-D ôm e, rue de l’Eclache, où il fait élection de
domicile ; je , Claude Vidalein, huissier patenté N .° 6 1 , reçu au Tribunal
civil de l’arrondissement de Clermont-Ferrant, résidant à Clerm ont,
soussigné, me suis transporté au domicile de M . Chevalier , notaire
en
�( 65 )
en cettedite v ille , rue des Carm es, où étant, et en parlant à sa do
mestique, je lui ai audit nom déclaré, que le jour d’h ie r, heure do
onze du m atin, lui Chevalier s’est transporté subitement chez moridit
sieur d’Albiat avec la Dlle. d’Albiat sa fille , assisté de M M . de Dianne
et Boubon comme témoins choisis par lui Chevalier, pour être présens
à la rédaction d’un acte fait au nom de ladite Dlle. d’A lb ia t. relative
ment à un projet de mariage entre ladite Dlle. d’Albiat et M . Dufreisse
de Fontsalive ; et comme lesdits deux témoins se sont déclarés être amis
particuliers de M . Dufreisse de Fontsalive, et qu’ils le sont en e ffe t, et
que mondil sieur de Dianne a fait plusieurs interruptions désagréables
audit d’A lbiat, et même manifesté une contradiction sur des laits positifs
avancés par ledit d’Albiat à sa fille , et qu’il ne peut exister de commu
nication libre entre ledit d’Albiat et sa fille en présence de témoins
intimes amis de M . Dufreisse de Fontsalive ; ledit sieur d 'A lb ia t, sans
aucune approbation dudit acte du jour d’hier, somme M .e Chevalier de
faire choix d’autres témoins qui ne soient point de la connaissance
intime de M . Dufreisse de Fontsalive, sinon il le rendra personnellement
garant et responsable de la violation qui serait faite de son domicile et
du trouble qui serait apporté à sa tranquillité ; sous toutes réserves et
protestations quelconques.Et a ledit d’Albiat signé avec nous huissier,
tant sur l’original que sur la co pie, lesdits jour et an.
d ’A lb ia t.
V i d a l e in.
Enregistré à Clerm ont, le i o nivôse an 14 , fol. 134 ; reçu un franc
dix cent, dixième compris.
n-,
L
T R U N E L.
Aujourd’hui vingt-neuf janvier dix huit cent s ix , heure de onze du
matin ; en conséquence de l’ordonnance de M . le Président du Tribunal
civil de Clermont-Ferrant , du trois nivôse an quatorze , étant au bas
de la requête <1 lui présentée le même jo u r, et annexée à la minute
du premier acte de respect fait le cinq dudit mois de nivôse, en la
présence et assistée de M .e Chevalier, notaire en ladite ville, commis
par ladite ordonnance , et des témoins ci-après nommés , soussignés,
ladite Dlle. Claire-Joséphine d’A lb ia t, fille majeure, habitante de la
même ville , s’est derechef transportée en la demeure de M . JacquesPierre-Marie-Anne d’Albiat son père, ancien Procureur du Roi en la
sénéchaussée de ladite ville, y habitant; où étant , et parlant à sa
personne, ladite Dlle. d’Albiat a réitéré l’intention où elle était de
contracter mariage avec M . Joseph - Guillaume Dufreisse de VerninesFontsalive, majeur, habitant de la même ville, et lui a observé que par
les memes raisons et motifs exprimés au premier acte dudit jour cinq
nivôse an quatorze, elle était dans la ferme résolution de ne point
/
I
�( 66 )
qu’elle
abandonner son projet de mariage, avec ledit sieur Fontsalive ;
re g re tta it infiniment de ne pouvoir se rendre aux vœux de son père ,
mais qu’il n’était point en sa puissance de renoncer à une union dans
laquelle elle croyait trouver son bonheur, par une sympathie d’humeur
et de caractère ; qu’elle espérait que l’avenir justifierait aux yeux de son
père toutes les considérations qu’elle a pu faire valoir pour se refuser à
ses désirs; et qu’elle lui renouvelait en conséquence sa prière de lui
donner son consentement, avec toute la soumission et tout le respect dû
à l’autorité paternelle , à laquelle elle ne voulait autrement se soustraire
que dans le cas où il apporterait un plus long refus à se rendre à ses
instances.
( Ci-dessus écrit d ’avance, et non par le notaire. )
( i)
Ledit sieur d'Albiat déclare qu’il persiste dans son refus, et par les
mêmes motifs , attendu qu il voit avec peine que sa fille est subjuguée
par un homme sans fortune , ayant près de quarante-quatre ans , étant
accablé d’infirmités, étant dans un état d’épuisement, ayant des maladies,
réitérées et continuelles, de catarres, d’humeurs, qui lui donnent une
figure blanche et alternativement rouge ; ce qui annonce l’humeur,
l ’épuisement, et une tendance à la dissolution prochaine du sang. Le
sieur d’Albiat persiste d’ailleurs à protester tant contre les actes précédens
que contre le présent acte; et déclare au surplus qu’il ne peut reconnaître
dans sa fille une volonté libre, lorsqu’elle manifeste en apparence le
désir d’épouser un homme aussi âgé , un homme valétudinaire , un
homme sans fortune pour exister. E t il déclare, en outre , qu’il ne
cessera de lui témoigner, tant qu’il pourra, des marques de son attache
ment et de sa tendresse paternelle, en lui accordant son assistance et
sa protection pour l’empêcher d’être une victime malheureuse dans un
mariage qui ne peut que lui être funeste. E t a déclaré ne vouloir signer,
de ce°enquis et interpellé.
Ladite D lle. d’A lb ia t, toujours avec la soumission et le respect
qu’elle porte à M . son père, persiste dans les mêmes intentions de s’unir
avcc M . Dufreisse-Fontsalive , espérant que M . d’Albiat se rendra à se3
prières et sollicitations.
D e tout quoi nous avoirs dressé le présent a cte, pour valoir et servir
ce que de raison, en présence de Joseph M albel, menuisier , et d’Etienne
(i) Voyez pages 55 et suivantes.
�( 6/ )
BesonVbe, cabaretier, tous deux habilans de cette v ille , soussignés avec
la Dlle. d’Albiat et Nous notaire, après lecture faite, tant à l’original
qu’à la copie laissée audit sieur d’Albiat: lesdits jour et an.
°
d 'A l b ia t .
M
albet,
B eso m b e . C h e v a l ie r .
Aujourd’hui quatre de mars mil huit cent six, heure de quatre trois quarts
du soir; en conséquence de l’ordonnance de M . le Président du Tribunal
civil de Clermont-Ferrant, du trois nivôse an quatorze, étant au bas de la
requête à lui présentée le même jour, et annexée à la minute du
premier acte de soumission et respect fait le cinq du même mois de
nivôse, en la présence et assistée de M .e Chevalier, notaire en ladite
v ille , commis par ladite ordonnance , et de son confrère Chassaigne ,
soussignés, la Dlle. Claire-Joséphine d’A lbiat, fille majeure, habitante
de la même ville , s’est derechef, et pour la troisième fois, transportée
en la demeure de M . Jacques-Pierre-Marie-Anne d’Albiat son père ,
ancien Procureur du Roi en la sénéchaussée de ladite v ille , y habitant;
où éta n t, et parlant à sa personne , la Dlle. d’Albiat s’est de nouveau
prononcée pour l’exécution de son mariage avec M . Joseph-Guillaume
Dufreisse de Vernines-Fontsalive , majeur, habitant de la même ville; en
observant à M . son père , que bien loin que le temps ait pu apporter
du changement à sa volonté première , il n’a fait que l’affermir dans sa
résolution, et que par les mêmes motifs exprimés aux actes des cinq
nivôse an quatorze et vingt - neuf janvier dernier, elle persiste à
réaliser son projet de mariage avec ledit sieur Dufreisse-Fontsalive ; que
si dans toutes ses démarches quelque chose peut lui donner des regrets,
c’est la dure nécessité où elle se trouve de lutter contre les ordres°et la
volonté de son père ; qu’elle espère néanmoins qu’il voudra bien se
rendre sur ses nouvelles instances. Elle lui a en conséquence renouvelé
sa prière, et l’a supplié, avec toute la soumission et le respect dus à
l ’autorité paternelle , de ne plus mettre d’obstacle à l’exécution de son
m ariage, de lui donner ses conseils et son consentement, pour lequel
sa reconnaissance sera d’autant plus grande , que cet acte lui donnera
de' nouvelles preuves de toute sa bonté. E t a signé. d ’A l b ia t .
( Ci-dessus écrit d'avance, et non par le notaire.)
(i)
Ledit sieur d ’Albiat a dit : M a fille , vous êtes trompée ; ce mariage
vous sera funeste. Vous avez vingt-un an s, et M . de Fontsalive après de
quarante-quatre ans ; il y a vingt-deux ans et six mois de différence.
( 0 Voyez pages 55 et suivantes.
�( 68 )
M . de Fontsalive a une vieillesse anticipée ; son sang est appauvri, son
sang est. vicié; il est dans un état d’épuisement complet; il a des infirmités
habituelles; il a des maladies périodiques d ’étisie et d’humeurs conta
gieuses; elles'se sont renouvelées trois fois depuis l’automne, et il a été à
chaque fois en danger; son teint est périodiquement pâle et cadavéreux,
ou ondulé par des rougeurs : toute sa constitution est attaquée. Ce
mariage répugne à la nature ; M . de Fontsalive n’a pas la capacité qu’exige
la nature pour contracter mariage. T o u t est fini pour lui , et rien ne
pourra jamais y suppléer. — Ce mariage vous menace d’une mort
prochaine , ou vous réduira à traîner une vie languissante et misérable.
Votre lit nuptial où vous entrerez toute vivante , deviendra votre
tombeau. Pourquoi vous obstinez-vous , maigre les conseils de votre
père? F u ye z, il en est temps encore, fuyez une union qui ferait votre
désespoir. — IVI. de Fontsalive est dans la pauvreté ; je doute qu’il puisse
avoir conservé la modique somme de six a sept mille francs qui pouvait
lui rester à la mort de sa mène, puisqu’il avait des dettes, attendu l’intérêt
excessif de l’argent. M . de Fontsalive n’a aucun état; il n’a aucun talent
pour s’en procurer. M. Dufreisse de Fontsalive ne peut pas même espérer
d ’obtenir une ambulance dans les Octrois ou dans les Droits réunis ; il
n’aurait pas assez de vigueur pour en soutenir la fatigue. Q uel est donc
votre aveuglement, ma fille, pour vous obstiner à votre perte? T o u t prouve,
ma fille, que vous êtes trompée; tout prouve que vous êtes subjuguée depuis
le temps de votre minorité ; tout prouve que vous ne pouvez pas
avoir une volonté libre. T o u s mes parens ont frémi à la nouvelle de
ce mariage ; tous mes parens ont refusé de donner leur approbation ;
ils n’o n t, comme moi , d’autre intérêt que de vous sauver du malheur
qui vous menace. Vous me laissez depuis long-temps dans l'affliction;
depuis long-temps le chagrin me dévore. Je 11e m’occupe pas de moi;
c ’est vous, c’est votre sort qui excite toute ma sollicitude. Vous le
savez, mon langage a toujours été franc et droit. J’ai voulu mettre
votre jeunesse à l’abri; j’ai voulu vous éloigner de la maison Fonghasse
où je voyais des dangers pour vous, où je voyais que la discorde était
excitée contre moi. J’ai fait des dépenses inévitables, mais nécessaires;
je remplissais les devoirs de père : je ne m’en répens pas. Je n’ai
pas réussi. E t j’en ai été puni, puisqu’il m’a été impossible de vous
surveiller ; le coup m’a accablé : vous en serez bien plus punie , si
je ne puis vous soustraire à votre malheureuse destinée. Les circons
tances qui ont amené ces événemens, sont bien aggravantes. M .
Dufreisse de Fontsalive rie pouvait vous captiver que par des chimères ;
il avait besoin d’écarter les surveillans qui lui étaient incommodes. 11
a écarté de vous le surveillant naturel, le surveillant légal, le surveillant
nécessaire ; il a éloigné le père de famille ; il a éloigné votre père.
C ’est lui qui a préparé la discorde dans mon m énage, c’est lui qui a
�.
.
C 69 )
excité la discorde , c’est lui qui a été l’agent de la discorde, c’est lui qui
dans ce moment même sollicite contre moi dans le procès en séparation
de corps c’est lui qui attendait le moment de la mort de sa m ère, pour
séparer l’épouse de l’époux, et se rendre par son influence maître de
ma famille. M .ma Dufreisse de Vernines sa mère est morte le dix-sept
prairial; elle a été enterrée le dix-huit. Votre mère a cessé de manger
avec moi le dix-neuf. Votre mère s’est évadée avec vous le vingt-un
prairial , après neuf heures du s o ir , lorsque j’étais couché. C ’est
M . Dufreisse de Fontsalive qui a favorisé cette évasion. C ’est M . Dufreisse
de Fontsalive qui a reçu chez lui, à neuf heures du soir, ceux qui vinrent
secrètement vous chercher avec votre mère. C ’est M . Dufreisse de Font
salive q u i, le lendemain vingt-deux prairial, a entraîné M .ra®Fonghasse
chez le Juge-de-paix, pour me dénoncer, sans me prévenir, parce qu(^
j ’avais exprimé trop vivement, dans l’intérieur de mon habitation, ma juste
douleur au moment de votre fuite nocturne avec votre mère. M . de
Fontsalive se plaignait de ce que j’avais troublé son sommeil, tandis qu’il
m ’écoutait avec tranquillité derrière les planches qui séparent son appar
tement de l’appartement de votre mère. Il dénonçait votre père, le père
de celle qu’il voulait tromper; et cependant ma douleur était son ouvrage,
ma douleur était son triom phe, ma douleur était sa jouissance. Il répand
et fait répandre les calomnies les plus atroces contre moi, pour surprendre
et tromper les Juges de la Cour d’appel. Il est crim inel, pour vous avoir
ravi à ma surveillance, en trompant la Justice. 11 est une seconde fois
crim inel, en vous ravissant à la Justice même , qui vous avait mise en
dépôt chez votre mère. Vous a vez, il est vrai, continué de me rendre
visite chez m oi, depuis le mois de frimaire an treize. Je ne dois ce retour
vers moi qu’à la division qui a existé à cette époque entre M . de Font
salive et votre mère. M ais je restais dans l’impossibilité de vous éloigner
de la maison Fonghasse. M . de Fontsalive a resté seul, après la mort de
sa mère , dans l’appartement qu’elle occupait avec ses enfans. 11 en a
éloigné ses frères. 11 continue depuis celte époque de pi>yer à lui seul
quatre cents francs de loyer, malgré la modicité de ses facultés. C ’est par
l ’influence d eM .d e Fontsalive que vous êtes venue, sans me faire prévenir,
le premier jour de votre majorité, lundi vingt-trois décembre dernier, à
sept heures et demie du m alin, frapper à coups redoublés à ma porte,
que je ne pus vous ouvrir. Vous étiez accompagnée des intimes amis de
M . de Fontsalive , qui assistaient votre notaire. Si vous n’étiez pas
subjuguée, vous seriez incapable de venir insulter à la douleur de votre
père. Je ne vous donnerai pas ici le détail de toutes les forfanteries
impudentes de M . de Fontsalive , lorsqu’il m’a fait demander mon
consentement à votre mariage. Mais je vous observe que plus je m’oppose
à votre mariage, plus la vengeance me poursuit. M a réponse au second
acte de respect, a excité contre moi de nouvelles fureurs, dont votre
�( 70 )
mère serait incapable , si M . de Fontsalive n’habitait pas la même
maison. — On a l’horreur de me déchirer jusque dans la personne de mes
enfans qui sont innocens , qui devraient être étrangers à ces débats
domestiques, et que l’honnêteté publique demandait de recouvrir d’un
voile. Ma fille , je ne puis vous dissimuler tout l ’excès de ma douleur.
C'est lorsque je veux m’opposer à votre malheur, c’est lorsque je combats
pour l’honneur et la dignité du mariage , que l’on veut accabler votre
p ère qui fut toujours probe. — M . Dutreisse de Fontsalive, entraîné par
la perspective d’une misère inévitable, s’est rendu criminel envers toute
ma famille qu’il enveloppe; il s’est rendu indigne d'y entrer. Je persiste à
refuser mon consentement; et je réitère mes protestations tant contre le
présent acte que contre les deux actes qui ont précédé, me réservant
de me pourvoir pour en faire p ro n o n c e r la nullité, et de m’opposer à ce
mariage. E t a signé , d’après lecture faite.
d
’A
lbiat
. •
L a D lle. d’Albiat voit avec douleur que M . son père est sans doute
induit en erreur sur le compte de M . de Fontsalive ; qu’elle le supplie de
nouveau de donner son consentement à son mariage avec ledit de Font
salive, dont les mœurs et la probité lui sont connues ; et que ce n’est qu’à
son grand regret qu’elle prendra les moyens que la loi lui indique pour
parvenir à son mariage, toujours en conservant le respect filial.
D e tout quoi avons donné acte , pour valoir et servir ce que de raison ;
et icelui fait sceller. A Clermont-Ferrant, dans la maison dudit sieur
d’A lb ia t, lesdits jour et a n , heure de six du soir. E t avons signé avec la
D lle. d’A lb ia t, après lecture faite, tant à la minute du présent qu'à la
copie laissée audit sieur d 'A lbiat, icelle sur trois rôles, le présent compris.
d ’A l b ia t .
C h a s s a ig n e , C h e v a l ie r .
F I N.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Albiat, Jacques-Pierre-Marie-Anne. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Albiat
Subject
The topic of the resource
rapt de séduction
mariage
émigrés
actes respectueux
abus de faiblesse
bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Jacques-Pierre-Marie-Anne d'Albiat, ancien magistrat ; en présence de Claire-Joséphine d'Albiat sa fille.
Table des matières
copie des actes.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
Circa 1776-Circa 1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
70 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0534
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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abus de faiblesse
actes respectueux
bonnes mœurs
émigrés
mariage
Rapt de séduction