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MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATION,
POUR
Les L
égataires
u n iv e r s e ls d e M ad am e D E
C H A Z E R A T ,
V
'
CONTRE
L e S ie u r M I R L A V A U D .
M a d a m e R o llet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’A u vergn e, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
<
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été inodiiié par celle du 4 germinal an 8 , qui permettoit
A
�(2 )
a ceux qui n’avoient ni ascendans ni clescendans, ni frères
ni sœurs, ni dcscendans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs b ie n s , elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit celte loi.
E lle fit un testament olographe le 26 messidor an 9.
A p rès un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à la propriété de mes b ien s, mon intention
» étant, autant q u i l dépend de m o i, de les faire retour» ner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils m e sont pai’venus, je donne et lègue tout ce
» dont il m ’est permis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
,, de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
„ aïeule m aternelle, qui seroient en ordre de me suc»
.»
»
»
»
»
v
céder suivant les règles de la représentation à. l’infini,
telle, q u e lle avoit lieu dans la ci-devant Coutume
d Auvergne, pour être partagé entre les trois brauc lie s , au marc la livre de ce qui m’est parvenu de
chacune desdites branches, et être ensuite subdivise
dans chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la
représentation à l’infini} et néanmoins, je veux et en-
» tends q u ’avant la division et subdivision, il soit pris
» et prélevé sur la niasse totale des biens compris au
,,
»
»
»
présent le g s, d’abord le montant de mes legs particuliers, cl ensuite le sixième du surplus, que je donne
et lègue au citoyen Fiiirudeche de Grom ont fils aîné,
et au citoyen Sablon - D ucorail a m é , chacun pour
» m o itié , etc. »
�(3 )
M me de Chazerat a fait depuis différons codicilles.
Par les deux prem iers, des 17 floréal an 10 et 14 messi
dor an 11 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques changemens à ceux déjà laits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
E t dans le troisièm e, du il\ messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i floréal an 1 1 , sur
les donations et testam ens, elle s’exprim e en ces termes :
« L a-n ouvelle loi m ’ayant accorde la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veu x et entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tam ent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
-» aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule m aternelle, de tout ce dont il m’étoit permis
» de disposer p a r la loi du t\ g e r m i n a l an 8, ait son effet
» poui la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de la m anière
3
»
»
»
»
expliquée audit testament, sauf aussi mes legs particu liers, et les dispositions par moi faites en faveur
de mon m a ri} à tout quoi il n’est rien d é r o g é par
le présent codicille. »
A p rès le décès de M mo. de C h azerat, M . de Chazerat
s est mis en.possession de ses biens, pour en jouir en
(lu■
aUté (Tusu(Vni tier.
dispositions testamentaires ont p a r u pendant long
temps a l’abn de critique.
Ce u u
q u’;ui rnois de janvier 1808, qu un cession'
naire de droits litigie u x, agissanl au nom d’un sieur IVlirlavaud, l’uu j üs
second mariage de Phili-,
A 2
�(4)
bert M a rcelin , aïeul maternel de M m0 de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur fe"~fondement que
ce legs universel étoit fait en haine et au mépris des
nouvelles lois.
E t cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R iorn, q u i, par son jugem ent
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M me de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille du 14
messidor an 1 1 , q u i ont été déclarés nuls, quant au le^s
universel, a o r d o n n é le partage de ses b ien s, confor
m ém ent aii Code civil.
L es légataires universels, dépouillés par ce jugem ent
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
L E C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugem ent et le m ém oire
à con sulter,
que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M m0 de Chazerat
ne peut la ire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en haine des nouvelles
E st d avis
lois , on diroit qu’elle a déclaré form ellement qu’elle entendoit se conform er à là loi du 4 germinal an 8, qui lui
perincttoitde disposer des trois quarts de scs biens, tandis
que la Coutum e qui les régissoit, ne lui auroit permis de
disposer que du quart p a r testament j
�(5 )
Que par respect pour cette l o i , et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens qu autant q u il dépend d elle ;
Quvi par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma
ternelle , sans distinction des se x es, des filles foi closes et
de celles qui n e l’étoient pas*,
Qu^elle n’em ploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain ;
Q u ’elle emploie les expressions du régim e républicain,
en qualifiant de citoyens M M . Farradèche de G ioinon t
et Sablon-Ducoi*ail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
O n ajouteroit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M m0 de Chazerat pouvoit être considérée
comme faite en haine dès nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
3
'distribué chaque année après son décès o setiers from ent
et 10 setiers seigle a u x prêtres et a u x religieuses qui sont
demeurés Jidcles à Vancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui par cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Q ue cependant cette disposition a été f o r m e l l e m e n t ap
prouvée par un décret émané de Sa M ajeste llim p ereu r.
M ais à quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de IVl"10 de Gliazerat j il suffit d ’ e x a m i n e r ce qu’elle a fait
et ce qu’elle a pu faire ?
L art. ()iG du Code poi'te: <( -A- défaut d ascendant et
�(
6
5
» de descendant, les libéralités paractes entre-vifs oy tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, celui de la lo i, et celui de la volonté de l’homme.
L orsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans,
m eurt ab intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se tait;
la volonté du testateur la rem place : dicat testator, et erit
lex .
C ’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugem ent que nous examinons fait taire
la volonté de M me de Cliazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
E t on croit justifier c& te interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-même, en
invoquant article G de ce meine C ode, ainsi con çu:
« O n ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent Vordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est com m enté, délayé dans de nom breux
considérans , et répété jusqu’a la satiété.
1
]\]ais jamais on n’en lit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver
nem ent, et tend à ébranler l'édifice social.
�(7)
Il agit contre les lionnes mœurs, quand il offense l’iionnêteté publique.
O r, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes m œ urs,
que M me de Chazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parons, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Q u ’on dise, si l’on v e u t, qu’elle en a disposé contre le
vœ u et contre le texte de là l o i , et qu’on mette h l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes m œurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion pien d ia le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M mo de Chazerat a cité dans son testament la ci-devant
Coutum e d’A u v e rg n e, et cette citation an nu lle,d it-on ,ses
dispositions.
C a r on lit dans l ’article 1.390 du Code , que « les épOUX
» ne peuventplus stipuler d ’une manière générale que leur
» association sera réglée par l’une des coutum es, lois ou
•» statuts locaux qui régissoient ci-devant les diverses par» ties de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
O n ne se seroit pas attendu a trouver dans cc texte la
nullité des dispositions faites par M m0 de C h a z e ra t en
faveur des consultans.
lCnt, parce que cette lo i, qui est au titre de la commu
naulé, u’a
commun avec les testainens, et sm tout
avec un testament en ligne collatéralle, poux lequel a
loi donne au testateur une latitude sans bornes j
. Q uy celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle 967 du Code, on peut disposer, soit sous le titic d ius-
�( 8
)
titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre à manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent etre restreintes au cas qui y est p ré v u , et
qu’on ne doit pas les étendre d’ un cas à un autre, sur
tout d’une m atière ordinaire à celle' des testamens, où la
volonté est tout.
bluntas in testamentis dominatur.
» T o u t ce qui diminue la plénitude de la liberté est
» odieux et détesté par la loi. » M . d’A guesseau, plai
doyer
.
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12, et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an g , par conséquent antérieur de
plusieurs années;
58
Q u ’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on 11e peut raisonna
blem ent exiger que M me de .Chazerat ait dû s’y conformer
avant qu’elle existât.
Car c’est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugem ent, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur; tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la. loi qui est en
vigu eu r au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéresse la confec
tion du testament, ses formes, ses expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment où
il a été lait.
M ais i n d é p e n d a m m e n t de ces premiers m o yen s, i l
est facile d’écarter l’application de cette loi au testament
do
�(9)
de M me de Chazerat, par des moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille d e M mede Cliazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses biens aux
estocs d’où ils lui sont provenus.
Par suite de cette intention qu elle vient d exp iim er,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est permis de dis
poser par la loi du 4 germinal an 8.
_
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aïeul et aieule
paternels, et de son aïeule maternelle.
E lle ne les nomme pas chacun par leur nom , et il est
facile d’en sentir la raison; les m orts, les naissances jour
nalières parmi de nom breux h éritiers, auroient pu faire
naître des difficultés, et entraver l’exécution de ses v o
lontés: elle préfère de les appeler à recueillir ses biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rie n , sans doute, dans ce testament,
non-seuleinent qui porte atteinte à l’ordre public et aux
bonnes m œurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus répréhensible.
A p r è s avoir dit qu’elle appelle à r e c u e i l l i r sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de Chazerat ajoute,
pour éviter toute équivoque s u r la désignation des parens
appelés, qlle ce Sont ceux qui s e r o i e n t en o ïd ie de lui
succeder, suivant les règles île lu représentation à l injini.
Jusqu’ici , on no trouve encore rien qui offense 1 ordre
B
�( 10 )
public et les bonnes m œ urs, rien qui soit contraire aux
lois.
M me de Chazerat, pouvant choisir parmi tous les être?
vivans ses légataires universels, pouVoit à plus forte raison
les choisir dans sa fam ille, et préférer telles ou telles
branches.
'Son choix fix é, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler à sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décès; et
le seul m oyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation ¿1 1 infini.
Quand le testament de M rae de Chazerat auroit été pos
térieur au C ode, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté.
Xvlais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fin i, telle q u e lle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d'Auvergne.
Si on en croit les considérans du ju gem en t, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Cha
zerat a transcrit ces lignes fatales; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs ; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribun aux, et frappe son
testament d’anatheme.
O n croit voir la montagne en travail.
Au*fait. O n a déjà vu que c’étoit en l’an 9 que M m0 de
Chazerat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
com m unauté, insérée dans le Code.
lit on voit dans la discussion qui a eu lieu au conseil
�(
11
)•
d’Etat sur cet article, et par les observations de M . Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume , m algré la défaveur alors attachée à toutes les an
ciennes institutions.
M . B erlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
» il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» q u e, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
»» un droit nouveau, etc. »
D ’où il résulte quJen supposant que cette loi nou
velle / uniquem ent créée pour la communauté , fut
applicable au testam ent, m êm e à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes , le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même du codicille fait depuis le Code
c iv il, parce qu’il ne fait que confirm er et étendre à la
fortune entiere de M me de Chazerat, le legs des trois
quarts fait en vertu de la loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la m oindre trace du rappel des
anciennes lois.
k n second lie u , cet article i3 90 dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d u n e manière gé
nérale, qUc leur association sera reglee par lu n e des
coutumes, lois ou statuts locaux qui regissoient ci-devant
les diverses parties du territoire français.
B 2
�( la )
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet a rticle, que « chacun conserve la faciiTté
« de faire passer dans son contrat de max-iage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour rè g le , pourvu
« q u i l les énonce. »
,
A in si, dans le cas m êm e prévu par la loi du règle
m ent de la communauté entx-’ é p o u x , le vice de la con
vention ne consiste pas à r a p p e l e r telle ou telle coutum e,
mais ci la rappeler d’ une manière generate, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
O r , en
dans la fausse supposition
q u e cette l o i soit applicable à l’espèce, on voit que si
jVIme de Chazerat rappelle dans son testament la coutume
- d’A u v e rg n e , ce n’est pas d’ une manière générale, et
raisonnant^toujoui’S
comme règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière , et seulement pour désigner avec
clarté et pi’écision le mode dans lequel elle veut que
ses biens, une fois dévolus aux branches qu’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
E lle prend si p e u , en effet, la coutume poux* règle
généi’alc et unique de sa succession, que loin de se con
form er à cette coutum e, elle s’en éloigne en tous
points.
L a coutume d’A u vergn e interdisoit à M m6 de Chazerat
la plus légère libéralité en faveui* de son inaiù, et elle
profite avec autant d’empressement que de reconnoissance de la faculté que la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa laveur de ¿’usufruit universel de ses biens»
v
�( i
3 .)
L a coutume d’A u verg n e ne permettoit de disposer par
testament que du quart de ses biens, et elle dispose des
trois quarts.
E lle fait p lu s, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conformément à la loi
du 4 germinal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullem ent la coutume d’A u vergne.
M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
D es propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule m aternelle;
D es acquêts, des contrats sur l ’état et sur particuliers,
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contx*ats, ce m obilier étoient
dévolus par la coutume d’A u vergn e aux parens paternels,
exclusivem ent à tous autres.
O r , M m®de Chazerat, au mépris de cette lo i, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule m ater
n elle; elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, au marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ,* ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en
étoit form ellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de la coutum e; et loin d e la p re n d ie
poui règle de successibilité cntx’e ses liéx’itiex-s, elle la
fxonde ouvertement dans tous les points.
M mo de C h a z e r a t n ' a pris d ’a u t r e r è g l e pour la quotité
de disposer que la loi du l\ germinal au S»
�( H >‘
E t pour le clioix de ses liéri tiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté*, et cette volon té est absolument en
contradiction avec la coutume (VAuvergne.
L a coutum e d’A u vergn e n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
M ais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recu eillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroient suivant les règles de la représentation à Vinfini.
C ’en étoit assez', elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels j elle prévenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
m ent et son décès.
M ais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppem ent à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
m ode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité ,
dans la ci-devant Coutum e d’A uvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rap pelée, d’une p art, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’in voquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage-, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’étoit rappelée que comme une
indication s u r a b o n d a n t e , superflue si l’on veu t, mais q u i,
telle qu’elle lût, n’a jamais pu nuire à l’objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
aux trois branches appelées à les recueillir,
�( i5 )
O r , si la disposition principale estvalable en elle-m êm e,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la su ivre, les descendans de Philibert M arcelin ,
aïeul maternel de M me de C liazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la prétendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
des trois branches, auquel les descendans de Philibert
M arcelin ne peuvent avoir aucune part.
- Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’A u v e rg n e , qu’a faite M mede Cliazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 17 nivôse, qui adinetloit la représentation à l’in fin i, article 82.
Q u en admettant l e mode de p a r ta g e de la représen
tation à l’infini dans les divisions et subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M mc de Cliazerat, on ne peut trouver aucune
diiïerence assignable entre les divisions et subdivisions
a faire conformément à la représentation a l’in fin i, telle
qu'elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d ’A uvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u e lle a voit lieu
d après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
D e sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d ’A uvergne, ou de la loi du 17 n ivôse, étoient absolu
ment syn0nymes.
Ce qui justiiieroit de plus en plus M m0 de C liazerat,
s il en étoil besoin, du prétendu délit q u on lui im pute,
puisque son testament étant fait en l’an 9 , sous l’em pire
�( is y
d elà loi du 17 nivôse, et la confection destestamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourroit porter l’hum eur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is , qui étoit absolument
conforme à celles de la loi n o u v e lle , qui étoit alors en
pleine vigueur.
L es autres considérans du jugem ent dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagu es, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l ’ e x é c u t i o n du testament de M me de Cliazerat, à raison
des p r o c è s auxquels il peut donner lieu.
O n parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions , la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des com m entateurs, depuis la rédaction de la coutume
d’A u verg n e, et on les trouve toutes dans le testament de
M me de Chazerat.
Cependant rien n’est plus simple, d’une exécution plus
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
E lle possède des biens propres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’m ère paternels, et de sa
grand’m ère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M nie de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des dcsccndans des trois branches, dont les auteurs
en ont fait le partage avec ceux de JVlme de Chazerat.
A insi,
�»7 5
<
A in s i, rien n’est si facile que de trouver ces bien s, con
sistant tous en fonds de te r r e , qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi d ire, sous la main des légataires appelés a les
recueillir
Il n’y a pas plus de difficulté sur la manière de distri
buer ses autres biens, quels q u ils soient, entre les tiois
brandies de ses héritiers.
E lle veu t que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exem ple, que si M
de
Cliazerata laissé pour 600,000 f. de propres, dont ^00,000 .
de l’estoc de l’aïeule m aternelle, 200,000 fr. de 1 estoc e
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aieule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule m aternelle prendront la moi
tié de ses autres biens •, les parens de l’estoc de l’aieul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germ e du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est diilicile à la chicane la
plus raifinée de trouver prise.
O n ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu il faille aa
nuller un testament, parce qu’un praticien avide ou un
acquéreur de droits litigieux peut y trouver des piétextes
de faire des procès et de troubler le repos des 1 ritiers
légitimes appelés par la testatrice h r e c u e i l l i r sa succession.
C est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. M ais
G
�( >8)
faut-il priver les légataires universels de M mo de Chazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C ’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des erreurs qui sont le partage de
l’hum aniité
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’aud ien ce, et n’a pas eu sans doute une médiocre influence
sur la d é t e r m i n a t i o n du tribunal (i).
O n lit dans cet ouvrage ce qui suit, tom. , pag. i
:
« Il est bien permis de disposer ù son gré de ses b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
v établit.
3
35
S’il est permis de disposer son gré de ses biens, ce ne
p eu t être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
( Si la loi donne cette faculté de disposer à son g ré , ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne p e u t, en cifet, créer en collatérale un oi’dre
de succéder autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et des Testamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par la loi pour la trans-
( i) T raitJ des Donations et Testam ens, par J. Gronier, (du Puy-de-Dôm e),
ancien jurisconsulte , mombro du T rib u n a to t do la Légion d’honneur.
�( *9 )
mission des biens, et y substituer la volonté d e llio n im e .
A liquando bonus dormitat Jlomerus.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du C o d e, qui interdit
toutes conventions contraires à l o i dre public et aux
bonnes mœurs.
A b u s étrange des mots et des c h o s e s , auquel on a re
pondu précédem m ent, et sur leq u el il est inutile de
l'evenir.
L a citation que fait cet auteur de l ’art. i
389 n’est pas
plus heureuse.
O n y lit que « L es époux ne peuvent faire aucune
» convention ou renonciation dont l’objet seroit de chan
» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport a eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen» dans, soit par rapport à leurs enfans entr’eu x , sans pre» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
» pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé>» terminés par le présent Code. »
O utre que cet article n ’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait atix
époux de donner dans leur contrat de m ariage des lois
particulières à leur postérité \
Q u ’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui se p résen te, où il s’agit d’une succession
collatérale dont la transmission dépend uniquem ent e
la volonté du testateur, qui a pu choisir scs liéiitiers non
seulement dans sa fam ille, mais hors de sa fam ille, et
paim i tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse à l’objection dans les
expressions qui le terminent i Sans préjudice des dona*-
�( 20)
» tions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» form es y et dans les cas déterminés par le présent
» Code. »
E n fin , on oppose encore aux consultans l’article der
nier du C od e, qui porte q u e, « à compter du jour où ces
» lois sont exécu to ires, les lois romaines , les ordon» nances, les coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
»> particulière dans les matieres qui sont l’effet desdites
» lois c o m p o s a n t le present Code. »
M ais en prononçant que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de lo i, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lo is,
et frapper d’anatlième tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou m êm e, si l’on veu t, les prendre pour
règle de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas form ellement prohibé par le C od e, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion } que le G ouvernem ent a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’E m p ire , et
que nul ne peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de m agistrature, qu’autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu?il y a acquis de vastes connoissances.
O n terminera cette discussion, qui n’a quelqu’im portance que parce q u ’elle est d’un grand intérêt, par ob
server que si M m0 de Chazerat a traité l’es descendans
du second mariage de Philibert M arcelin, son aïeul ma-
�( 21 )
ternel, moins avantageusement que les descendans de
son aïeul et aïeule paternels et de son aieule m atern elle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui etoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rie n , au lieu qu’elle se regardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c etoit avec ces propres que
s’ étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir dautres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas meme à la lo i, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui p ermettoit
de la transmettre à son gré. D ica t testator, et erit lex .
D élibéré
à Clerm ont-Ferrand, le 29 juillet 1808.
B O IR O T , B E R G IE R , D A R T IS -M A R C IL L A T , /
F A V A R D , M A U G U E , J E U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ) , A L L E M A N T .
A C L E RM O N T , de l'imprimerie de L a n d r i o t Im p r im eu r de la Préfecture
Libraire, rueSaint-Genès, maison ci-devant
Potière.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation, pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le sieur Mirlavaud.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0519
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53830/BCU_Factums_M0519.jpg
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Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
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Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
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Text
MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATION,
PO UR
Les L
universels de M adame DE
CHAZERAT,
é g a t a ir e s
CO NTRE
L e S ie u r M I R L A V A U D .
M adame R ollet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’Auvergne, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été modifié par celle du 4 germinal an 8 , qui permetto it
A
�(2 )
à ceux qui n’avoient ni ascendans ni descendans, ni frères
ni sœurs, ni descendans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs biens, elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit cette loi.
Elle fit un testament olographe le 26 messidor an 9.
Après un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à Ja propriété de mes biens, mon intention
» étant, autant q u il dépend de moi, de les faire retour» ner ¿1 ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils me sont parvenus, je donne et lègue tout ce
» dont il m’est pei'mis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
» de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
» aïeule maternelle, qui seroient en ordre de me suc» céder suivant les règles de la représentation à l’infini,
» telle q u elle avait lieu dans la ci-devant Coutume
» d ’Auvergne, pour etre partagé entre les trois bran» clies, au marc la livre de ce qui m’est p a r v e n u de
» chacune desdites branches, et etre ensuite subdivisé
» dans chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la
» rep résen tatio n à l’infini; et néanmoins, je veux et en» tends qu’avant la division et subdivision, il soit pris
» et prélevé sur la masse totale des biens compris au
» présent legs, d’abord le montant de mes legs parti* culiers, et ensuite le sixième du surplus, que je donne
» et lègue au citoyen îarradeche de Gromont fils aîné,
» et au citoyen Sablou - Ducorail aîn é, chacun pour
» m oitié, etc. »
�(
3
)
M me de Chazerat a fait depuis différens codicilles.
Par les deux premiers, des 17 floréal an 10 et 14 messi
dor an 11 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques cliangemens à ceux déjà faits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
Et dans le troisième, du ily messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i 3 floréal an i l , sur
les donations et testamens , elle s’exprime en ces termes :
« L a nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veux çt entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tainent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
» aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule maternelle, de tout ce dont il m’ étoit permis
» de disposer par la loi du 4 germinal an 8, ait son effet
» pour la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de'la manière
» expliquée audit testament, sauf aussi mes legs parti» culiers, et les dispositions par moi faites en faveur
» de mon mari ; à tout quoi il n’est rien déro gé par
» le présent codicille. »
Après le décès de M mo. de Cliazerat, M . de Chazerat
sJcst mis en possession de ses biens, pour en jouir en
qualité d’usufruitier.
Ses dispositions testamentaires ont p a r u pendant long
temps à l’abri de critique.
Ce na été qu’au mois de janvier 1808, qu un cession*
naire de droits litigieux, agissant au nom d un sieur M irlavaud, l’ un des desceudans du second mariage de PhiliA 2
�( 4 )
bert M arcelin, aïeul maternel de M mo de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur le fondement que
ce legs universel étoit fait en liaine et au mépris des
nouvelles lois.
Et cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R ioin, qui, par son jugement
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M mo de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille du i/j.
messidor an 1 1 , qui ont été déclarés nuls, quant au legs
universel, a ordonné le partage de ses biens, confor
mément au Gode civil.
Les légataires universels, dépouillés par ce jugement
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
L E C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugement et le mémoire
à consulter,
que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M me de Chazerat
ne peut faire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en lutine (les nouvelles
lois , on diroit qu’elle a déclaré formellement qu’elle entendoit se conformer à la loi du 4 germinal an 8, qui lui
permettoitde disposer des trois quarts de scs biens, tandis
que la Coutume qui les régissoit, ne lui auroit permis do
disposer que du quart p a r testament y
E
st d a v is
�(5)
Que par respect pour cette lo i, et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens quautant q u il dépend d'elle ;
Que par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma
ternelle , sans distinction des sexes , des filles forcloses et
de celles qui ne l’étoient pas*,
Qu'elle n’emploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain $
Qu’elle emploie les expressions du régime républicain,
en qualifiant de citoyens M M . Farradèche de Gromont
et Sablon-Ducorail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
On ajoutex-oit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M mo de Cliazerat pouvoit être considéi'ée
comme faite en liaine des nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
distribué chaque année après son décès 3 o setiers froment
et io setiers seigle aux prêtres et aux religieuses qui sont
demeurés fid èles à l'ancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui par cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Que cependant cette disposition a été form ellem en t ap
prouvée par un déci’et émané de Sa Majesté l’E m p e re u r.
M ais ¿\ quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de M me de Cliazerat; il suffit d’examiner ce qu elle a fait
et ce qu’elle a pu faire ?
L ’art. 91G du Gode porte: « A défaut d’ascendant et
�(6 )
» de descendant, les libéralités par actes entre-vifs ou tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, ce
lui de la loi, et celui de la volonté de l’homme.
Lorsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans
meurt cib intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se taitla volonté du testateur la remplace : (licat testator, et erit
lex.
C’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugement que nous examinons fait taire
la volonté de M me de Chazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
Et on croit justifier cette interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-même, en
invoquant 1 article G de ce même Code, ainsi conc.u :
« On ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est commenté,.délayé dans de nombreux
considérons , et repelé jusqu a la satiété.
JVlais jamais on n’en fit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver
nement, et tend à ébraulcr l’édifice social.
�(
7
)
Il agit contre les bonnes mœurs, quand il offense l’hon
nêteté publique.
Or, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes mœurs,
que M me de Chazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parens, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Qu’on dise, si l’on veu t, qu’elle en a disposé contre le
vœu et contre le texte de la lo i, et qu’on mette à l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes mœurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion prendra le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M mo de Chazerat a cité dans son testament la ci-dèvant
Coutume d’Auvergne, et cette ci tationannulle, dit-on, ses
dispositions.
Car on lit dans l’article 1390 du C ode, que « les époux
» ne peuvent plus stipuler cl une manière
cile que leur
» association sera réglée par l’une des coutumes, lois ou
» statuts locaux qui regissoient ci-devant les diverses par» ties de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
On ne se seroit pas attendu h trouver dans ce texte La
nullité des dispositions faites par M me de Chazerat en
faveur des consul tans.
lCnt, parce que cette loi, qui est au titre de la commu
nauté, n’a rien de commun avec les testamens, et surtout
avec tin testament en ligne collatéralle, pour lequel la
loi donne au testateur une latitude sans bornes;
^ Que celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle 9G7 du Code, on peut disposer, soit sous le titre d’ins
�titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre à manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent être restreintes au cas qui y est prévu, et
qu’on ne doit pas les étendre d’un cas à un autre, sur
tout d’une matière ordinaire h celle des testamens, où la
Volonté est tout. « Voluntas in testamentis dominatur.
» Tout ce qui diminue la plénitude de la liberté est
»> odieux et détesté par la loi. » M . d’Aguesseau plaidoyer 58.
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12 , et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an g , par conséquent antérieur de
plusieurs années5
Qu’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on ne peut raisonna
blement exiger que M me de Chazerat ait dû s’y conformer
avant qu’elle existât.
Car c est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugement, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur} tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la loi qui est en
vigueur au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéressé la confec
tion du testament, ses foimes, scs expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment où
il a été fait.
Mais indépendamment de ces premiers m oyens, il
est facile d’écarter l’application de cette loi au testament
de
�(
9
)
de M me de Chazerat, par des moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille d eM made Cliazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses biens aux
estocs d’où ils lui sont provenus.
Par suite de cette intention qu’elle vient d’exprimer,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est permis de dis
poser par la loi du 4 germinal an B.
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aieul et aïeule
paternels, et de son aïeule maternelle.
Elle ne les nomme pas chacun par leur nom, et il est
facile d’en sentir la raison; les morts, les naissances jour
nalières parmi de nombreux héritiers, auroient pu faire
n aître des difficultés, et e n tra v e r l’exécution de ses vo
lontés: elle prélère de les appeler à recueillir ses biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rien, sans doute, dans ce testament,
non-seulement qui porte atteinte à l’ordre public et aux
bonnes mœurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus repréhensible.
Après avoir dit qu’elle appelle à recueillir sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de CJiazeral ajoute,
pour éviter toute équivoque sur la désignation des parens
appelés, que ce sont ceux qui seroieut en ordre de lui
succtder, suivant les l'ègles d e lu re p r é s e n t a tio n à l i n jîn i.
Jusqu ic i} on ne trouve encore rien qui offense l’ordre
B
�(
10
)
public et les bonnes mœurs, rien qui soit contraire aux
lois.
M mô de Chazerat, pouvant choisir parmi tous les êtres
vivans ses légataires universels, pouvoit à plus forte raison
les choisir dans sa famille, et préférer telles ou telles
branches.
Son choix fixé, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler h sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décèsj et
le seul moyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation à l infini.
Quand le testament de M me de Chazerat auroit été pos
térieur au Code, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté.
Mais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fini , telle qu elle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d’Auvergne.
Si on en croit les considérans du jugement, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Chazerat a transcrit ces lignes fatalès; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs ; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribunaux, et frappe son
testament d’anatlieme.
On croit voir la montagne en travail.
A u fait. On a déjà vu que c’étoit en l’an 9 que M rae de
Chazerat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
communauté, insérée dans le Code.
Et on voit dans 1& discussion qui a eu lieu au conseil
�(
3
d’État sur cet article, et par les observations de M. Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume *, malgré
© la défaveur alors attachée à toutes les anciennes institutions.
M . Berlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
« il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» que, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
» un droit nouveau, etc. »
D ’où il résulte qu'en supposant que cette loi nou
velle , uniquement créée pour la communauté , fut
applicable au testament, même à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes, le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n’en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même dû codicille fait depuis le Code
civil, parce qu’il ne fait que confirmer et étendre à la
fortune entière de M me de ChazcraJt, le legs des trois
quarts fait en vertu de la loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la moindre trace du rappel des
anciennes lois.
En second lieu, cet article i3go dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d ’une manière gé
nérale , que leur association sera réglée par I une des
coutumes, lois ou statuts locaux qui régissoient ci-devant
les diverses parties du territoire français.
B 2
�(
12
)
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet article, que « chacun conserve la faculté
« de faire passer dans son contrat de mariage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour regie, pourvu,
« q u il les énonce. »
A insi, dans le cas même prévu par la loi du règle
ment de la communauté entr’époux, le vice de la con
vention ne consiste pas à rappeler telle ou telle coutume,
mais à la rappeler (Vune manière génerûle, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
en raisonnant toujours dans la fausse supposition
loi soit applicable à l’espèce, on voit que si
3Mm® de Cliazerat rappelle dans son testament la coutume
d’A uvergne, ce n’est pas (Vune manière générale, et
c o m m e règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière , et seulement pour désigner avec
clarté et précision le mode dans lequel elle veut que
ses biens, une fois dévolus aux branches q u ’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
Elle prend si p eu , en effet, la coutume pour règle
générale et unique de sa succession, que loin de se con
former à cette coutume, elle s’en éloigne en tous
O r,
q u e cette
points.
La coutume d’Auvergne interdisoit à M me de Cliazerat
la plus légère libéralité en faveur de son mari, et elle
profite avec autant d empiessement que de reconnoissance de la faculté que’ la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa faveur de J’usufruit universel de ses biens»
�(
)
L a coutume d’Auvergne ne permettent de disposer par
testament que du quart de ses Liens, et elle dispose des
trois quarts.
T Elle fait plus, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conform ém ent ci la lo i
du 4 germinal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullement la coutume d’Auvergne.
■ M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
Des propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle;
Des acquêts, des contrats sur l’état et sur particuliers,
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contrats, ce mobilier étoient
dévolus par la coutume d’Auvergne aux parens paternels,
exclusivement à tous autres.
• O r, M mo de Chazerat, au mépris de cette loi, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule mater
nelle; elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, an marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ; ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en
éloit formellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de la coutume; et loin de la prendre
pour règle de successibilité entre ses héritiers, elle la
fronde ouvertement dans tous les points.
M mo de Chazerat n ’a pris d’aulre règle pour la quotité
de disposer que la loi du l\ germinal an
�( i4 5
Et pour le clioix de ses héritiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté 5 et cette volonté est absolument en
contradiction avec la coutume d ’Auvergne.
La coutume d’Auvergne n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
Mais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recueillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroientsuivant les règles de larepre'sentation à Vinjîni.
C’en étoit assez j elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels j elle prévenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
ment et son décès.
Mais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppement à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
mode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité
dans la ci-devant Coutume d’Auvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rappelée, d’une part, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’invoquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’étoit rappelée que comme une
indication surabondante, superflue si l’on veut, mais q u i,
telle qu’elle fut, n a jamais pu nuire ¿\ 1 objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
nux trois branches appelées à les recueillir,
�( i5 )
O r , si la disposition principale est valable en elle-meme,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la suivre, les descendans de Philibert M arcelin,
aïeul maternel de M me de Chazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la pretendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
'des trois branches, auquel les descendans de Philibert
Marcelin ne peuvent avoir aucune part.
, Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’Auvergne*, qu’a faite M mede Chazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 1 7 nivôse, qui admettoit la repi’ésentation à l’in fin i, article 82.
Qu’en admettant le mode de partage de la représen
tation à l’infini dans les divisions et subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M me de Chazerat, on ne peut trouver aucune
différence assignable entre les divisions et subdivisions
à faire conformément à la représentation à l’infini, telle
q u elle avait lieu dans la ci-devant coutume d ’Auvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u elle avoit lieu
d’après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
De sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d Auvergne, o u de la loi du 17 nivôse, étoient absolu
ment synonymes.
^ Ce qui justificroit de plus en plus M m0 de Chazerat,
s il en étoit besoin, du prétendu délit qu’on lui impute,
puisque son testament étant fait en l’an 9 ? sous 1 empire
�( i6 )
delà loi du 17 nivôse, et la confection destestamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourvoit porter l’humeur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is, qui étoit absolument
conforme à celles de la loi nouvelle, qui étoit alors en
pleine vigueur.
Les autres considérans du jugement dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagues, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l’exécution du testament de M me de Chazerat, à raison
des procès auxquels il peut donner lieu.
On parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions, la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des commentateurs, depuis la rédaction de la coutume
d’Auvergne, et on les trouve toutes dans le testament de
M me de Chazerat.
Cependant rien n’est plus simple, d’une exécution p lu s
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
Elle possède des bienspropres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’mère paternels, et de sa
grand’mère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M we de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des descendans des trois bx*anches, dont les auteurs
en ont fait le partage avec ceux de M m0 de Chazerat.
Ainsi,
�( *7 )
A in si, rien n’est si facile que de trouver ces biens, con
sistant tous en fonds de terre , qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi dire, sous la main des légataires appelés à les
recueillir.
Il n’y a pas plus de difficulté sur la maniéré de distri
buer ses autres biens, quels qu’ils soient, entre les trois*
branches do ses héritiers.
Elle veut que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exemple, que si M ms de
Chazerat a laissé pour 600,000 £ de propres, dont 3oo,000 f.
de l’estoc de l’aïeule maternelle, 200,000 fr. de l’estoc de
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aïeule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule maternelle prendront la moi
tié de ses autres biens} les parens de l’estoc de l’aïeul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germe du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est diilicile à la chicane la
plus rallinée de trouver prise.
On ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu’il faille an
nuliez- un testament, parce qu’un praticien avide ou un
ncquéreur de droits litigieux peut y trouver des prétextes
de faire clés procès et de troubler le repos des héritiers
légitimes appelés par la testatrice à recueillir sa succession.
C est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. Mais
G
�< i8 )
faut-il priver les iégataires universels de M mo de Chazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des .erreurs qui sont le partage de
l’humaniité
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’audience, et n’a pas eu sans doute une medLocrc iniluenec
sur la détermination duutribunal fi).
On lit dans cet ouvrage ce qui suit, lom. 3 , pag. i 35 :
« Il est bien permis de disposer à son gré de scs b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
w établit. »
S il est permis de disposer à son gré de ses biens, ce ne
peut être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
Si la loi donne cette faculté de disposer à son gré, ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne peut, en effet, créer en collatérale un ordre
de su ccé d e r autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et des Testamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par,la loi pour la trans*
(O Traitd des Donations ct T estam ens, par J. Grcnier, (du Puj-dc Dómc),
anden jurisconsulto, mombro du Tribunat ct do la Legión d’houncur.
�.( o iÿ )
mission des biens, et y substituer la volonté dû l’homme.
ydlifjiumdo bonus domiitcil Uomcrus.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du Code, qui interdit
toutes conventions contraires ù l’ordre public et aux
bonnes ' mœurs.
r
Abus étrange des mots et des choses, auquel on a ré
pondu précédemment, et sur lequel il est inutile de
revenii*.
L a citation que fait cet auteur de l’art. 1389 n’est pas
plus heureuse.
On y lit que « Les époux 11e peuvent faire aucune
* convention ou renonciation dont l’objet seroit de chan» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport à eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen* dans, soit par rapport à leurs enfans entr’eu x, sans pré» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
« pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé» terminés par le présent Code. »
Outre que cet article n’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait aux
époux de donner dans leur contrat de mariage des lois
particulières à leur postérité;
Qu’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui se présente , où il s’agit d’u n e succession
collatérale dont la transmission dépend u n iq u e m en t de
la volonté du testateur, q u i a pu choisir scs héritiers nonseulement dans sa famille, mais hors de sa famille, et
panni tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse îi l’objection dans les
expressions qui le terminent : « Sans préjudice des doua-
�(20)
» lions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» formes , et dans les cas déterminés par le présent
» Code. »
E n fin , on oppose encore aux consultans l’article der
nier du Code, qui porte que, « à compter du jour où ces
» lois sont exécutoires , les lois romaines , les ordon» nances, les.coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
» particulière dans les matières qui sont 1 effet desdites
» lois co m po san t le présent Code. »
Mais en p ro n o n ça n t que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de loi, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lois,
et frapper d’anathème tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou même, si l’on veut, les prendre pour
règle_de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas formellement prohibé par le Code, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion ) que le Gouvernement a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’Em pire, et
que nul lie peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de-magistrature, qu’autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu’il y a acquis de vastes conaoissances.
On terminera cette discussion, qui n’a quelqu’importauce que parce qu’elle est d un grand intérêt, par ob
server que si M me dé Chazérat a traité les descendans
du second mariage de Philibert M arcelin, son aieul ma»
�ternel, moins avantageusement que les descendants de
son aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui étoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rien, au lieu qu’elle se r egardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c’étoit avec ces propres que
s’étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir d’autres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas même à la loi, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui permettoit
de la transmettre à son gré. D icat testator, et erit lex.
D
élibéré
à Clermont-Ferrand, le 29 juillet 1808.
B O IR O T , B E R G I E R , D A R T I S - M A R C I L L A T ,
F A V A R D , M A U G U E , JE U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ), A L L E M A N T .
C L E R M O N ]T , «lo l'imprimerie c I o L a n d r i o t , Imprimeur do la Préfecture
et Libraire, rue Saiut-Gcncs, maison ci-devant Potière.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter, et consultation pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le Sieur Mirlavaud.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0513
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
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BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
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Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
legs universels
ordre de successions
Successions
testaments
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MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CONSULTATIO N,
Pour les L
universels de Madame
DE CHAZERAT.
égataires
�MÉMOIRE A CONSULTER,
ET CO NSULTATIO N,
POUR
Les
universels de Madame DE
CH AZERAT,
L ég ataires
CONTRE
\
Le Sieur M IR L A V A U D .
MADAME R ollet, épouse de M . de Chazerat, ci-devant
intendant d’Auvergne, est décédée sans postérité au mois
de septembre 1806.
L e système restrictif de la loi du 17 nivôse an 2 ayant
été modifié par celle du 4 germinal an 8 , qui permettoit
A
�( 3 )
à ceux qui n’avoient ni ascendans ni descendans, ni frères
ni sœurs, ni descenclans de frères ou de sœurs, de dis
poser des trois quarts de leurs biens, elle crut devoir
profiter de la latitude que lui donnoit cette loi.
Elle fit im ’-testament olographe le 26 messidor an g.
Après un grand nombre de legs particuliers, dont le dé
tail est superflu, elle lègue l’usufruit de ses biens à son m ari,
E t elle dispose de la propriété en ces termes :
« Quant à la propriété de mes biens, mon intention
» étant, autant q u il dépend de m oi, de les faire retour» ner à ceux de mes parens qui descendent des estocs
» dont ils me sont parvenus, je donne et lègue tout ce
» dont il m’est permis de disposer suivant la loi du 4
» germinal an 8, à tous ceux de mes parens de la branche
» de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle de mon
» aïeule maternelle, qui seroient en ordre de me suc» céder suivant les règles de la représentation à l’infini,
.
» telle q u e lle a voit lieu dans
v
»
»
»
ï>
»
»
»
»
»
v
»
la ci-devan t Coutum e
(TAuvergne, pour être partagé entre les trois branches, au marc la livre de ce qui m’est parvenu de
chacune desdites branches, et etre ensuite subdivisé
dans chacune d’elles, suivant les incmes règles de la
représentation à l’infini; et néanmoins, je veux et entends qu’avant la division et subdivision, il soit pris
et prélevé sur la masse totale des biens compris au
présent legs, cVabord le montant de mes legs particuliers, et ensuite le sixième du surplus, que je donne
el lègue au citoyen Farradèche de Gromont fils aîné,
et au citoyen SablQii - Ducorail aîn é , chacun pour
m oitié, etc. »
�Z 'b
(
3
)
.
M me de Chazerat a fait depuis différens codicilles.
Par les deux premiers, des 17 floréal an 10 et i/j. messi
dor an 1 1 , après quelques legs particuliers, ou quel
ques changemensà ceux déjà faits, elle persiste au sur
plus dans toutes les dispositions contenues dans son tes
tament.
Et dans le troisième, du \l\ messidor an 1 1 , postérieur
à la promulgation de la loi du i 3 floréal an 1 1 , sur
les donations et testamens , elle s’exprime en ces termes :
« La nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis» poser de la totalité de mes biens, je veux et entends
» que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes» tainent, en faveur de mes parens de l’estoc de mes
» aïqul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
» aïeule maternelle, de tout ce dont il m’ étoit permis
» de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait son effet
» pour la totalité de mes biens, sauf les divisions et sub» divisions à faire entre mesdits héritiers, de la manière
» expliquée audit testament, sauf aussi mes legs parti» culiers, et les dispositions par moi faites en faveur
» de mon mari 5 à tout quoi il n’est rien dérogé par
» le présent codicille. »
Après le décès de M me. de Chazerat, M . de Chazerat
s'est mis en possession de ses biens, pour en jouir en
qualité d’usufruitier.
Ses dispositions testamentaires ont paru pendant long
temps i\ l’abri de critique.
Ce n’a été qu’au mois de janvier 1808, qu’un cessionnaire de droits litigieux, agissant au nom d’un sieur M irluvaud, l’ un des dcscendans du second mariage de PliiliA 2
�(4 )
bert M arcelin, aïeul maternel de M me de Chazerat, a
cru pouvoir demander la nullité du legs universel de
la propriété de ses biens, et cela sur le fondement que
ce legs universel étoit fait en liaine et au mépris des
nouvelles lois.
Et cette prétendue nullité a été accueillie par le tri
bunal d’arrondissement de R iom , qui, par son jugement
du 22 juin dernier, sans s’arrêter au testament de M me de
Chazerat, du 26 messidor an 9, et à son codicille dti i/j.
messidor an 1 1 , qui ont été déclarés nuls, quant au legs
universel, a ordonné le partage de ses biens, confor
mément au Code civil.
Les légataires universels, dépouillés par ce jugement,
se proposent d’en interjeter appel.
Ils demandent au conseil s’ils y sont fondés.
— tac— — m— ■ —■-
L E C O N S E IL S O U S S I G N É , qui a vu et examiné
le testament, les codicilles, le jugement et le mémoire
à consulter,
E st d ’ a v i s que le succès de l’appel que se proposent
d ’interjeter les légataires universels de M me de Chazerat
ne peut faire la matière d’un doute raisonnable.
Si on avoit besoin de justifier M mo de Chazerat du re
proche d’avoir fait son testament en lutine des nouvelles
lois , on diroit qu’elle a déclaré formellement qu’elle entendoit sc conformer à la loi du 4 germinal an 8, qui lui
permettoit de disposer des trois quarts de ses biens, tandis
que la Coutume qui les régissoit, ne lui auroit permis do
disposer que du quart p a r testament ;
�(S )
Que par respect pour cette l o i , et pour les autres lois
nouvelles, elle déclare qu’elle n’entend disposer de ses
biens qu autant q u il dépend d’elle ;
Que par déférence pour les nouvelles lois qui ont aboli
la forclusion, elle rappelle à sa succession tous les descendans de ses aïeul et aïeule paternels et de son aïeule ma*
tex-nelle , sans distinction des sexes , des filles forcloses et
de celles qui n e l’étoient pas;
Qu^elle n’emploie dans son testament et dans tous ses
codicilles d’autre date que celle du calendrier républicain ^
Qu’elle emploie les expressions du régime républicain,
en qualifiant de citoyens M M . larradèclie de Groinont
et Sablon-Ducorail, les seuls de ses légataires universels
qui soient désignés par leur nom.
On ajouteroit que si quelqu’une des dispositions du
testament de M mo de Clxazerat pouvoit etre considérée
comme faite en haine des nouvelles lois, ce seroit sans
doute celle par laquelle il est dit qu’elle entend qu’il soit
distribué chaque année après son décès 3 o setiers froment
et io setiers seigle aux prêtres et aux religieuses qui sont
demeurés fid èles à l’ancien culte de la religion catho
lique , apostolique, et qui p a r cette raison ont été privés
de leur traitement ;
Que cependant cette disposition a été formellement ap
prouvée par un décret émané de Sa Majesté l’Empercur.
Mais n quoi bon rechercher les motifs des dispositions
de M me de Clxazerat-, il suffit d’examiner ce qu’elle a fait
et ce qix’elle a pu faire ?
L ’art. 91G du Code porte: « A défaut d’asceudant et
�(6j
» de descendant, les libéralités par actes entre-vifs ou tes» tamentaires pourront épuiser la totalité des biens. »
Il y a deux modes de successibilité en collatérale, ce
lui de la loi, et celui de la volonté de l’homme.
Lorsqu’un individu, qui n’aniascendansnidescendans,
meurt ab intestat, la loi règle l’ordre dans lequel ses biens
sont dévolus à ses héritiers.
S’il a manifesté sa volonté par un testament, la loi se tait 5
la volonté du testateur la remplace: dicat testator, et eiit
lex.
C’est dans ces deux mots que consiste toute la théorie
de la législation en matière de successions collatérales.
Cependant le jugement que nous examinons fait taire
la volonté de M mede Cliazerat, et préfère aux héritiers
de son choix ceux que la loi ne lui donnoit qu’à dé
faut de dispositions de sa part.
Et on croit justifiez- cette interversion de l’ordre de
transmission des biens, établi par le Code lui-mème, en
invoquant l’article G de ce même Code, ainsi conçu :
« On ne peut déroger par des conventions particulières
» aux lois qui intéressent Vordre public et les bonnes
» mœurs. »
Ce principe est commenté, délayé dans de nombreux
considérans , et répété jusqu’à la satiété.
Mais jamais 011 n’en fit une plus fausse application.
Un individu agit contre l’ordre public quand ce qu’il
fait est contraire aux maximes fondamentales du gouver^
nement, et tend à ébranler l’édifice social.
�(7)
Il agit contre les bonnes mœurs ; quand il offense l’iionnêteté publique.
Or, qu’importe à l’ordre public et aux bonnes mœurs,
que M me de Cliazerat ait disposé de ses biens en faveur
de tels ou tels de ses parens, plutôt qu’en faveur de tels ou
tels autres ?
Qu’on dise, si l’on veut, qu’elle en a disposé contre le
vœu et contre le texte de la lo i, et qu’on mette à l’écart
les grands mots d’ordre public et de bonnes mœurs, alors
on commencera à s’entendre , et la discussion prendra le
caractère de simplicité qu’elle doit avoir.
M me de Cliazerat a cité dans son testament la ci-devant
Coutume d’Auvergne, et cette citationannulle,dit-on,ses
dispositions.
Car on lit dans l’article i 3go du Code, que « les époux
» ne peuvent plus stipuler d’une manière générale que leur
» association sera réglée par l’une des coutumes, lois ou
» statuts locaux qui régissoient ci-devant les diverses par» tics de l’empire français, et qui sont abrogés par le pré» sent Code. »
On ne se seroit pas attendu à trouver dans ce texte la
nullité des dispositions faites par M ine de Cliazerat en
faveur des consultans.
i ent, parce que cette loi, qui est au titre de la communauléj n’a rien de commun avec les testamens, et surtout
avec un testament en ligne collatéralle, pour lequel la
loi donne au testateur une latitude sans bornes ;
Que celte latitude est telle, qu’aux termes de l’ar
ticle q67 du Code, on peut disposer, soit sous le titre d’ius-
�( 8 )'
•
•
,
.
F
titution, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre
dénomination propre ci manifester sa volonté.
2ent, parce qu’il est de principe que les lois prohi
bitives doivent être restreintes au cas qui y est prévu, et
qu’on ne doit pas les étendre d’un cas à un autre, sur
tout d’une matière ordinaire à celle des testamens, où la
Volonté est tout. « Voluntas in testamentis dominatur.
» Tout ce qui diminue la plénitude de la liberté est
» odieux et détesté par la loi. » M . d’Aguesseau, plai
doyer 58 .
3ent, parce que la loi de la communauté est du 20 plu
viôse an 12 , et que le testament de M me de Chazerat est
du mois de messidor an 9, par conséquent antérieur de
plusieurs années;
Qu’en supposant qu’elle fût applicable aux testamens,
et aux testamens en ligne collatérale, on ne peut raisonna
blement exiger que M me de Cliazerat ait dû s’y conformer
avant qu’ elle existât.
Car c’est une erreur manifeste de dire, comme on le
fait dans les considérans du jugement, que tout ce qui in
téresse la confection du testament, doit se juger d’après
les lois existantes au décès du testateur; tandis qu’il est au
contraire de principe incontestable que la loi qui est en
vigueur au décès du testateur , règle uniquement la
quotité disponible, et que tout ce qui intéresse la confec
tion du testament, ses formes, scs expressions, et le mode
de disposer, se règle par les lois en vigueur au moment 011
il a été fait.
Mais indépendamment de ces premiers m oyens, il
est facile d’écarter l’application de celte loi au testament
de
�(9)
de M me de Chazerat, par dey moyens encore plus di
rects.
Si on analyse le testament et le codicille delYI^de Chazerat, on y voit qu’elle commence par manifester son in
tention de faire retourner la propriété de ses Liens aux
estocs d’où ils lui sont pi’ovenus.
Par suite de cette intention qu’elle vient d’exprimer,
elle donne et lègue tout ce dont il lui est pei'mis de dis
poser par la loi du 4 germinal an 8.
A qui fait-elle ce don et legs ?
A tous ses parens de la branche de ses aïeul et aïeule
paternels, et de son aïeule maternelle.
Elle ne les nomme pas chacun par leur nom, et il est
facile d’en sentir la raison1, les morts, les naissances jour
nalières parm i de nom breux h éritiers, auroient pu faire
naître des difficultés, et entraver l’exécution de ses vo
lontés; elle préfère de les appeler à recueillir scs biens par
la dénomination générale de parens de la branche de ses
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maternelle.
Jusque-là il n’y a rien, sans doute, dans ce testament,
non-seulement qui porte atteinte à l’ordre public et aux
lionnes mœurs, mais qui ne soit en parfaite harmonie
avec les lois existantes alors ou intervenues depuis.
Ce qui suit n’est ni plus illégal ni plus repréhensible.
Après avoir dit qu’elle appelle à recueillir sa succession
ses parens de ces trois branches, M me de Chazerat ajoute,
pour éviter toute équivoque sur la désignation des parens
appelés, que ce sont ceux qui seroient en ordre de lui
succéder, suivant les règles (le la représentation à l'infini.
Jusqu’ici, on ne trouve encore rien qui offense l’ordre
B
�( 10 )
public et les bonnes mœurs, rien qui soit contraire aux
lois.
M me de Ghazerat, pouvant choisir parmi tous les êtres
vivans ses légataires universels, pouvoit à plus forte raison
les choisir dans sa famille, et préférer telles ou telles
branches.
Son choix fixé, elle avoit incontestablement le droit
d’appeler î\ sa succession tous les individus de chaque
branche qui seroient existans au moment de son décès j et
le seul moyen pour cela étoit de les appeler suivant les
règles de la représentation à l’ infini.
Quand le testament de M TO0 de Ghazerat auroit été pos
térieur au Code, elle auroit été autorisée à disposer ainsi
par le texte formel de l’art. 967, qui lui laissoit le choix de
toutes les dénominations propres à manifester sa volonté'.
Mais elle ajoute, en parlant de la représentation à l’in
fini, telle qil elle avoit lieu dans la ci-devant coutume
d ‘ Auvergne.
Si on en croit les considérans du jugement, il semble
que la terre a dû s’entr’ouvrir au moment où M me de Chazerat a transcrit ces lignes fatales; c’est de sa part un
attentat sans exem ple, contre l’ordre public et les bonnes
mœurs; c’est un blasphème contre la nouvelle législation,
qui appelle la vengeance des tribunaux, et frappe son
testament d’anatlième.
On croit voir la montagne en travail.
A u l'ait. On a déj<\ vu que c’étoit en l’an 9 que M me de
Chazcrat traçoit ces lignes, long-temps avant la loi sur la
communauté, insérée dans le Gode.
lit on voit dans la discussion qui a eu lieu au conseil
�2>\
( .11 )
d'État sur cet article, et par les observations de M. Berlier, que dans les temps les plus orageux de la révolution,
il n’a pas été défendu de stipuler selon telle ou telle cou
tume malgré la défaveur alors attachée à toutes les an
ciennes institutions.
M . Berlier ajoute que « c’est parce que jusqu’à présent
» il n’y a point eu sur cette matière de nouvelles lois, et
» que, pour défendre de stipuler d’après les anciennes,
» par référé et en termes généraux, il falloit bien établir
» un droit nouveau, etc. »
^ D ’où il résulte qu'en supposant que cette loi nou
velle , uniquement créée pour la communauté , fût
applicable au testament, même à un testament qui a
pour objet une succession collatérale pour laquelle la
loi donne au testateur une latitude sans bornes , le
rappel d’une ancienne loi dans ce testament seroit sans
conséquence, et il n’en conserveroit pas moins toute sa
validité.
Il en seroit de même du codicille fait depuis le Code
civil, parce qu’il ne fait que confirmer et étendre à la
fortune entière de M mo de Chazerat, le legs des trois
quarts fait en vertu de là loi du 4 germinal an 8 , et
cela sans qu’on y aperçoive la moindre trace du rappel des
anciennes lois.
En second lieu, cet article 1390 dit seulement que
les époux ne peuvent plus stipuler d ’une manière gé
nérale , que leur association sera réglée par l’une des
coutumes, lois ou statuts locaux qui régissoient ci-devaut
les diverses parties du territoire français.
B a
�•
«
( 12 )
O r, on voit dans la discussion qui eut lieu au conseil
d’état sur cet article, que « chacun conserve la faculté
« de faire passer dans son contrat de mariage les dispo« sitions de la coutume qu’il prend pour règle, pourvu
« q u il les énonce. »
Ainsi, dans le cas même prévu par la loi du règle
ment de la communauté entr’époux, le vice delà con
vention ne consiste pas à rappeler telle ou telle coutume,
mais à la rappeler d ’une manière générale, et sans énon
cer la disposition particulière pour laquelle on l’in
voque.
O r, en raisonnant toujours dans la fausse supposition
que cette loi soit applicable à l’espèce, on voit que si
J\ime de Chazerat rappelle dans son testament la coutume
d’A uvergne, ce n’est pas d ’une manière générale, et
comme règle unique de sa succession, mais d’une ma
nière particulière ^ et seulem ent pour désigner avec
clarté et précision le mode dans lequel elle veut que
scs biens, une fois dévolus aux branches qu’elle appelle
pour les recueillir, soient divisés entre tous les individus
qui les composent, pour qu’il n’y en ait aucun d’exclu.
Elle prend si p eu , en effet, la coutume pour règle
généx*ale et unique de sa succession, que loin de sc con
former à cette coutume, elle s’en éloigne en tous
points.
La coutume d’Auvergne interdisoit ¿VMmc de Chazerat
plus légère libéralité en faveur de son m ari, et elle
profite avec autant d’empressement que de reconnoissance de la iuculté que la nouvelle loi lui accorde pour
disposer en sa laveur de l’usufruit universel de ses biens.
�( i3 )
La coutume d’Auvergne ne permettent de disposer par
testament que du quart de ses biens, et elle dispose des
trois quarts.
Elle fait plus, elle déclare formellement qu’elle fait
cette disposition des trois quarts conformément ci la loi
du 4 genninal an 8.
Elle prend donc cette loi pour règle de ses disposi
tions, et nullement la coutume d’Auvergne.
M me de Chazerat avoit différentes natures de biens.
Des propres anciens, qui lui étoient parvenus de ses;
aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle }
Des acquêts, des contrats sur l’état et sur particuliers*
et un immense mobilier.
Tous ces acquêts, ces contrats, ce mobilier étoient
dévolus par la coutume d’Auvergne aux parens paternels,
exclusivement à tous autres.
O r ,M me de Chazerat, au mépris de cette loi, dispose
de tous ses biens au profit de ses parens des trois branches
de ses aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule mater
nelle", elle veut que ces biens soient divisés entre ces
trois branches, au marc la livre de ce qui lui est parvenu
de chacune desdites branches ; ce qui en assuroit la
majeure partie à la branche de l’aïeule maternelle, qui en !
étoit formellement exclue par la coutume.
Ainsi tout est dans ce testament en sens contraire du
texte et de l’esprit de'la coutume-, et loin de la prendre
pour règle de successibilité entre ses héritiers, elle la
fronde ouvertement dans tous les points.
M me de Chazerat n ’a pris d’autre règle pour la quotité
de disposer que la loi du 4 germinal an 8»
�- E t pour le choix de ses héritiers, elle n’a cherché d’autre
loi que sa volonté ; et cette volonté est absolument en
contradiction avec la coutume d ’Auvergne.
La coutume d’Auvergne n’a donc pas été son guide,
sa loi sacrée, l’objet d’une servile adoration, comme le
suppose le jugement.
Mais le sort de sa succession une fois fixé entre ses
parens des trois branches qu’elle a appelées à la recueillir,
elle a cru devoir expliquer que les divisions et subdivisions
s’en feroient suivant les règles de la représentation à Vinjini.
C’en étoit assez; elle évitoit par là le détail de tous
les individus qui composoient les trois branches de ses
légataires universels; elle pi'évenoit d’ailleurs les inconvéniens qui auroient pu résulter des changemens qui
pouvoient arriver dans chaque branche entre son testa
ment et son décès.
Mais elle a cru devoir donner un plus grand déve
loppement à ces expressions, suivant les règles de la re
présentation à Vinfini, et éviter toute équivoque sur ce
mode de représentation, en indiquant celui qui étoit usité
dans la ci-devant Coutume d’Auvergne.
Cette Coutume n’étoit donc rappelée, d’une part, qu’a
vec Vénonciation de l’objet particulier pour lequel on
l’invoquoit, ce qui eût été très-permis, même en contrat
de mariage, et en réglant la communauté entre époux.
D ’autre part, elle n’éloit rappelée que comme une
indication surabondante, superflue si l’on veu l, mais q u i,
telle qu’elle fut, n’a jamais pu nuire à l’objet principal du
testament, à la disposition delà propriété de tous les biens
aux trois branches appelées à les recueillir.
�( i5 )
O r , si la disposition principale est valable enelle-meme,
et indépendamment de l’énonciation surabondante qui
a pu la suivre, les descendans de Philibert M arcelin,
aïeul maternel de M m0 de Cliazerat, se trouvent sans
qualité et sans intérêt à contester la prétendue validité
ou invalidité de cette énonciation secondaire, puisqu’elle
n’a pour objet que le mode du partage entre les individus
des trois branches, auquel les descendans de Philibert
Marcelin ne peuvent avoir aucune part.
Ajoutons que la critique de cette énonciation de la
coutume d’Auvergne, qu’a faite M medeChazerat dans son
testament, est d’autant plus déplacée, qu’elle écrivoit ce
testament sous l’empire de la loi du 1 7 nivôse, qui admettoit la représentation ¿1 l’infini , article 82.
Qu’en admettant le mode de partage de la représen
tation à l’infini dans- les divisions çt subdivisions entre
les individus des trois branches appelées à recueillir les
biens de M me de Cliazerat, on ne peut trouver aucune
différence assignable entre les divisions et subdivisions
à faire conformément à la représentation à l’infini, telle
qu elle avoit lieu dons la ci-devant coutume d’Auvergne,
et la représentation à l’in fin i, telle q u e lle avoit lieu
d'après Varticle 82 de la loi du 17 nivôse.
De sorte que ces expressions, de la ci-devant coutume
d ’Auvergne, ou de la loi du 17 nivôse, étoient absolu
ment synonymes.
Ce qui justificroit de plus en plus M mo de Cliazerat,
s’il eu étoit besoin, du prétendu délit qu’on lui impute,
puisque sou testament étant fait en l’ail 9 , sous l’empire
�■
( j6 5
delà loi du 17 nivôse, et la confection des testamens, quoi
qu’on en puisse dire , ne pouvant se référer qu’aux lois
existantes à cette époque, on ne pourroit porter l’humeur
et l’injustice jusqu’à lui faire un crime d’avoir rappelé
une disposition des anciennes lo is, qui étoit absolument
conforme à celles de la loi nouvelle, qui étoit alors en
pleine vigueur.
Les autres considérans du jugement dont se plaignent
les consultans , ne sont fondés que sur des considérations
vagues, telles que les inconvéniens qui peuvent naître
de l’exécution du testament de M me de Chazerat, à raison
des procès auxquels il peut donner lieu.
- On parcourt avec affectation la longue nomenclature
de toutes les questions qu’a créées, en matière de succes
sions, la subtilité des praticiens et la funeste abondance
des commentateurs, depuis la rédaction de la coulume
d’Auvergne, et 011 les trouve toutes dans le testament de
M me de.Chazerat,
Cependant rien 11’est plus simple, d’une exécution plus
facile, et moins susceptible de contestation que l’opéra
tion qu’elle prescrit.
Elle possède des biénspropres, provenus de trois estocs:
de son grand-père et de sa grand’mère paternels, et de su
*grand’mère maternelle.
Ces biens sont constatés par des partages de famille.
Ces actes sont consignés dans l’inventaire fait après le
décès de M nus de Chazerat. Ils sont d’ailleurs dans les
mains des desccndans des trois brandies, dont les aulciu\s
pn ont fait le partage avec ceux de M rae de Chazerat.
Ainsi,
�( *7 )
A in si, rien n’est si facile que de trouver ces biens, con
sistant tous en fonds de terre, qui sont sous les y e u x , et
pour ainsi dire, sous la main des légataires appelés à les
recueillir.
Il n’y a pas plus de difficulté sur la manière de distri
buer ses autres biens, quels qu’ils soient, entre les trois
branches de ses héritiers.
Elle veut que la distribution s’en fasse au marc la livre
des propres, c’est-à-dire, par exemple, que si M me de
Chazerat a laissé pour 600,000 f. de propres, dont 3 oo,000 f.
de l’estoc de l’aïeule maternelle, 200,000 fr. de l’estoc de
l’aïeul paternel, et 100,000 fr. de l’aïeule paternelle, les
parens de l’estoc de l’aïeule maternelle prendront la moitié de ses autres biens ; les parens de l’estoe de l’aïeul pa
ternel un tiers, et les parens de l’aïeule maternelle un
sixième.
Quant à la division secondaire à faire dans chaque
branche, suivant les règles de la représentation à l’infini,
il est impossible d’y trouver le germe du plus léger procès,
puisqu’elle dépend d’un simple tableau généalogique,
basé sur des actes de naissance et de décès, qui sont des
faits matériels sur lesquels il est difficile à la chicane la
plus raffinée de trouver, prise.
On ne voit pas d’ailleurs où on a pris qu’il faille annuller un testament, parce qu’un praticien avide ou un
acquéreur de droits litigieux peut y trouver des prétextes
de faire des procès et de troubler le repos des héritiers
légitimes appelés par la testatrice à recueillir sa succession.
C’est sans doute une sollicitude très-louable que celle de
prévenir et d’éviter des procès dans les familles. Mai*
C
�( 18 )
faut-il priver les légataires universels de M me de Cliazerat
de 1,200,000 fr. de propriétés, parce qu’il est dans l’ordre
des possibles qu’il survienne un jour quelque contestation
entre les intéressés pour en faire le partage?
C ’est donc en tous points que ce jugement paroît sortir
de la sphère ordinaire des erreurs qui sont le partage de
l’humaniité
t
Cependant cette erreur semble accréditée par l’opi
nion d’un auteur, dont l’ouvrage a paru à la veille de
l’audience, et n’a pas eu sans doute une médiocre influence
sur la détermination du tribunal (i).
On lit dans cet ouvrage ce qui suit, tom. 3 , pag- i 35 :
«« Il est bien permis de disposer ù son gré de ses b ens,
» d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il ne l’est pas
» de créer un ordre de succéder autre que celui qu’elle
>» établit. »
S’il est permis cle disposer à son gré de ses biens, ce ne
peut être que pour changer l’ordre de succéder établi par
la loi.
Si la loi donne cette faculté de disposer à son gré, ce ne
peut être que pour faire cesser son empire.
Si on ne peut, en effet, créer en collatérale un ordre
de succéder autre que celui que la loi établit, il faut retran
cher du Code le titre entier des Donations et desTestamens, puisque les donations et les testamens n’ont d'autre
but que d’intervertir l’ ordre établi par la loi pour la trans(i) Traité dos Donations ot Tostamens, par J. Grenier, (du Puy-do-Dûmo),
ancien jurisconsulto, mombro du Tribunat et do la Légion d'honnci^r.
�*9
( *9 )
mission des biens, et y substituer la volonté de l’homme.
jiliquando bonus domiitat Ilom em s.
L ’auteur cite ensuite l’art. 6 du C od e,.qui interdit
toutes conventions contraires à l’ordre public et aux
bonnes mœurs.
Abus étrange des mots et des choses, auquel on a ré
pondu précédemment, et sur lequel il est inutile de
revenir.
L a citation que fait cet auteur de l’art. 1389 n’est pas
plus heureuse.
.<
On y lit que « Les époux ne peuvent faire aucune
» convention ou renonciation dont l’objet seroit de cliari» ger l’ordre légal des successions, soit par rapport à eux» mêmes dans la succession de leurs enfans ou descen» dans, soit par rapport à leurs enfans entr’e u x , sans pré» judice des donations entre-vifs ou testamentaires, qui
» pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas dé» terminés par le présent Code. »
Outre que cet article n’a trait qu’à la transmission des
biens en ligne directe, et à l’interdiction qu’il fait aux
époux de donner dans leur contrat de mariage des lois
particulières h leur postérité;
Qu’un pareil texte ne peut avoir rien de commun avec
l’espèce qui sc présente, où il s’agit d’une succession
collatérale dont la transmission dépend uniquement de
la volonté du testateur, qui a pu choisir ses héritiers nonseulement dans sa famille, mais hors de sa famille, et
parmi tous les êtres vivans;
Cet article porte sa réponse à l’objection dans les
expressions qui le tex-mment : « Sans préjudice des dona-
�( 20 )
» tions et testamens qui pourront avoir lieu selon les
» form es } et dans les cas déterminés p a r le présent
» Code. »
Enfin, on oppose encore aux consultans l’article der
nier du Code, qui porte que, « à compter du jour où ces
» lois sont exécutoires, les lois romaines , les ordon» nances, les coutumes générales ou locales, les statuts,
» les règlemens cessent d’avoir force de loi générale ou
» particulière dans les matières qui sont l’effet desdites
« lois composant le présent Code. »
Mais en prononçant que les lois romaines, les ordon
nances et les coutumes cessent d’avoir force de loi, on a
si peu entendu proscrire la citation de ces anciennes lois,
et frapper d’anathème tous les actes dans lesquels on a pu
les rappeler, ou même, si l’on veut, les prendre pour
règle de ses dispositions ou de ses conventions dans ce qui
n’est pas form ellem ent proh ib é par le Code, que le droit
romain est encore l’objet principal des cours de législa
tion } que le Gouvernement a établi pour l’enseigner des
écoles publiques dans toutes les parties de l’E m p ire, et
que nul ne peut avoir entrée au barreau, ou être admis à
une place de magistrature, qu'autant qu’il est muni de
diplômes authentiques, qui constatent qu’il en a fait une
longue étude, et qu’il y a acquis de vastes connoissances.
On terminera cette discussion, qui n’a quelcju’importance que parce qu’elle est d’un grand intérêt, par ob
server que si M ra9 de Chazerat a traité les dcscendans
*lu second mariage de Philibert M arcelin, son aïeul ma-
�ternel, moins avantageusement que les descendans de
son aïeul et aïeule paternels et de son aïeule maternelle,
c’est sans doute parce qu’il ne lui étoit parvenu aucuns
biens de cet estoc, et que dans ses principes elle ne leur
devoit rien , au lieu qu’elle se regardoit comme redevable
de sa fortune aux parens des estocs dont lui étoient par
venus ses propres, parce que c’étoit avec ces propres que
s’étoit soutenue et enrichie sa maison.
A u surplus, elle a pu avoir d’autres motifs dont elle
ne devoit compte à personne, pas même à la loi, qui lui
laissoit un empire absolu sur sa fortune, et lui permettoit
de la transmettre à son gré. D icat testator, et erit lex.
D élibéré
à Clermont-F errand, le 29 juillet 1808.
B O I R O T , B E R G IE R , D A R T IS -M A R C IL L A T ,
F A Y A R D , M A U G U E , JE U D I-D U M O N T E IX ,
P A G E S , (de R io m ), A L L E M A N T .
A CLERM O N T, de l'imprimerie de Landriot , Imprimeur de la Préfecture
et Libraire , rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Farradèche de Gromont et Sablon-Ducorail. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Bergier
Dartis-Marcillat
Favard
Maugue
Jeudy-Dumonteix
Pagès
Allemand
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
domestiques
émigrés
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation pour les légataires universels de Madame de Chazerat, contre le Sieur Mirlavaud.
note manuscrite : « voir arrêt, au Journal des audiences, 1809 , p. 448. »
Table Godemel : Testament : 9. un testateur a-t-il suffisamment exprimé son choix en désignant ses légataires, collectivement, par l’indication certaine de leur origine ? - l’article 1390 du code civil s’applique-t-il aux testaments ? doit-on considérer comme valables des dispositions qui seraient faites sans la désignation particulière de chaque légataire, et par une expression collective en faveur de ceux qui auraient été appelés à succéder suivant les règles de la représentation à l’infini établie par uns coutume abrogée ? ces dispositions sont-elles valables, surtout lorsque l’on ne s’en est pas référé d’une manière générale à la coutume abrogée, et lorsque les termes du testament suffisent, soit pour reconnaître les légataires, soit pour déterminer le mode du partage et l’amendement de chacun ? peut-on, sur des présomptions, étendre un legs au-delà des expressions de la clause qui le constitue ? 19 – 19.
10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1902
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53354/BCU_Factums_G1902.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Agoulin (63311)
Ménétrol (63224)
Joze (63180)
Entraigues (63149)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
domestiques
émigrés
legs universels
ordre de successions
Successions
testaments