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P R E CIS
wxAïwLj&rd-,
a^xctr co\£j
EN
RÉPONSE
POUR
Dame
M
a r g u e r i t e
;!
-X? » -rtS
t- ' •'
AU T E R O C H E et le Sr V O Y R E T ,
son mari, Docteur en médecine, Intim és;
CONTRE
D am e M a r i e A U T E R O C I I E et le sieur F r a n ç o is
M A L A F O S S E D U C O U F F O U R , son m a ri,
A d ju d a n t
des
d ’H a v r é ,
Chevalier des
et du P h é n i x ,
G ardes
du
C orp s,
ordres de
com pagnie
S a in t-L o u is
Appelans
EN PRÉSENCE
*
1
'•
D e dame M a r i e A U T E R O C H E et de sieur B l a i s e
C I S T E R N E - D E L O R M E , son mari, aussi Intimés.
IL
s’agit de fixer l ’amendement des parties dans la.
succession du sieur Thomas Auteroche , leur père, et
de déterminer les rapports q u ’elles ont à y faire.
Les difficultés de la cause doivent trouver leur solu
tion dans l’appréciation de quelques faits constans, et
dans la saine application de principes plus ou moins
controversés.
L ’ uue ou l ’ autre des parties est nécessairement dans
�l ’erreur, relativement à l ’étendue de ses droits; mais,
dans des questions de la nature de celles que la Cour
aura à décider dans cette cause, on peut invoquer le
D roit, sans blesser l ’équité, et sans méconnaître la
volonté du père; s’adresser à la Justice pour faire régler
ses intérêts, sans ouvrir une soui'ce de désordres s
sans rompre les liens de fa m ille , et sur-tout sans
encourir le reproche d’avoir cherché à détruire l ’union
et la
bienveillance
mutuelle
qui
doivent
exister
entre parens également recommandables et faits pour
s’estimer.
Les faits sont simples; ils consistent dans l ’analise
de quelques actes de famille.
Du mariage du sieur Thomas Àuteroche avec demoi
selle Louise-Hélène L h u ilie r, sont issus trois enfans :
M a ri e , i re du n o m , q u i a épousé le sieur François
Malafosse D u c o u f l o u r , et q u i est a p p e l a n t e ;
Autre Marie, 2e du nom, épouse du sieur Biaise
Cislerne-Delorme. Cette dame a renoncé à la succession
de son père, et assiste en la cause sans y prendre aucun
intérêt a c t if;
Enfin Marguerite, épouse du sieur V o y r e t , intimée.
L e contrat de mariage des père et mère est du ic)
novembre 1764- Les apports de la dame Auteroche
et les avantages qui lui ont été faits, sont, pour le
moment,
inutiles à connaître,
ne s’agissant point
encore de régler ses droits dans la succession de son
époux.
Le premier contrat de mariage des enfans remonte
�au a 3 juin 1789 : c’est celui (le Marie,
avec le sieur Biaise Cisterne-Delorme.
Les biens du mari étaient situés dans
de Sa uvag nat ; il pouvait désirer que
épouse y fussent réunis : aussi Marie,
2e du nom,
la commune
ceux de sou
2e du nom,
reçoit-elle de son p è r e , entr’autres objets d otau x,
« tous les biens que le sieur Auteroche a dans le lieu
« et collecte de Sauvagn at , consistant en bàtimens,
« terres, vignes et prés, etc., ainsi que les rentes fonî< cières et constituées en grains et en argent, que le
« sieur Auteroclie a dans la même commune de Sàu« vagnat ». Cette constitution comprend même la
futaille et vaisseaux vinaires qui garnissaient les caves
et cuvages du domaine.
Il est inutile de parler du surplus de la dot cons
tituée par les père et mère, et des charges qui y furent
imposées.
Toutefois, la dame Cisterne renonça aux successions
de ses père et mère; et, comme cette clause empêchait
que l ’on pùt prévoir le cas de rapport à la succession
du constituant, et que l ’on ne devait se fixer que sur
la restitution de la dot, événement uniquement relatif
du mari et de ses héritiers, à la femme et à ses héri
tiers , on inséra
ragement pour
icstveindre à ce
Cette clause
une clause qui pouvait être un encou
le mari, mais qui devait toujours se
qui y était formellement prévu.
est ainsi conçue : « Dans tous les cas
«
OÙ la restitution d e d o t au ra l i e u 3 i l sera LIBR E
«
au f u t u r é p o u x ,
ou a ses héritiers ayant cause,
« de garder et reteñir les biens ci-dessus délaissés h la
�« future, en payant, à qui il appartiendra, la somme
« de 25 ,ooo francs. »
Après ce choix qui est donné à l’époux, la restitution
ayant lieu, on prévoit le décès de Marié Auteroche,
fu ture, sans enfans, et on stipule le droit de retour
en ces ternies : « Lesdits sieur et dame Auteroclie se
« réservent, pour eux et les leurs, chacun en droit
« s o i, les biens par e u x ci-dessus donnés, en cas
« q u ’elle meure .sans enfans, ou leurs enfans sans
« descendans, ou sans en avoir valablement disposé ».
Ainsi,.dans celte position, c’est le retour des biens et
non celui de la somme qui est stipulé.
•Enfin, les père et mère poussent plus loin leur
prévoyance. Ils supposent q u ’ils peuvent survivre a
leur fille laissant des enfans; et, pour cette position,
il est « convenu q u e , si la future épouse vient à
« s>tlécéder a v a n t lesdits sieur et dam e Auteroche,
« laissant plusieurs enfans, il leur sera l i b r e , chacun
« en droit soi, d ’appliquer le profit des institutions
« et constitutions, en tout ou en partie, à celui ou
« ceux des enfans mâles q u ’ils jugeront à propos, et
« de distribuer inégalement entre les autres enfans. »
L e 21 février 1794? la demoiselle ¡Marguerite Autcroclie contracta mariage en minorité. Elle épousa le
sieur Louis Voyrel-, et outre un trousseau évalué au
contrat à 1000 francs, elle reçut en dot deux parties
de rente, estimées ensemble a 10,000 f r . , dont l ’ une,
de dix-huit setiers blé ronseigle, ainsi que le droit do
mouture, était assise sur un moulin situé à Tssoiie.
Par ce contrat, les père et mère délaissèrent à. Marie
�(5)
nf
Àuteroclie, leur fille aînée, non encore mariée , tous
les biens fonds q u ’ils possédaient dans la commune
d ’Issoire, sans autre réserve que les batimens, et une
vigne à percière, située dans la commune du Perrier.
Ce délaissement, qui n’avait d ’autre charge q u ’une
rente de 200 fr., payable aux père et mère, é t a i t , par
sa valeur et par sa fixité, en tous points préférable à
la dot qui avait été constituée à la dame Voyrct.
E u effet, 011 était à une époque où il était dangereu:
de refuser les remboursemens en assignats, et d’êti
soupçonné de discréditer le papier-monnaie. Les lois
de ce teins imputaient ce refus à crime5 des lois ré
pressives, i n fi n im en t sévères, le p u n i s sa ie n t, et un
t r i b u n a l r évo lu tio n n a ir e po uva it appliquer ces lois
dans toute l e u r rigueur. M. Auteroche savait lui-même
que cette rente devait lui être remboursée $ l ’offre lui
en avait été faite peu avant le mariage de sa fille ^ de
manière q u e , loin d ’être étonné de la nécessité où se
trouva son gendre à cet égard, il dut regarder ce rem
boursement comme un malheur inévitable, dans les
circonstances où on se trouvait alors.
La première quittance du sieur Voyret est du 22 dé
cembre 1794. Elle est donnée par lui, en qualité de
mari, comme contraint et pour obéir à la loi 5 mais
comme cette rente 11’avait été remboursée q u ’au denier
vingt, et q u ’elle devait l’être au denier vingt-cinq,
plus tard le sieur voyret vint à compte avec le débiteur
reçut le montant de la différence, et fournit, le 2/j
nivùse an 3 ( i 3 janvier 1 7 9 5 ) , une quittance finale,
'/•*
*k
�pour la perfection du remboursement, extinction et
amortissement de la rente.
Ce remboursement a ensuite
donné
lieu à un
procès, dans lequel les sieur et dame Voyret ont
succombé.
L e contrat de mariage de demoiselle Marie, i re du
n om , avec le sieur François Malafosse, est du 4 plu
viôse an i i .
La future se constitue d ’elle-mème un trousseau
et 3 ooo fr. de mobilier.
Les père et mère confirment l ’avancement d ’hoirie
porté, en sa faveur, au contrat de mariage de la dame
Voyret ; ils y ajoutent les bâtimens d ’Issoire, à la
charge toutefois du rapport, si elle vient à partage.
Les père et mère lui donnent, en préciput et avan
tage sur ses sœurs, le quart de tous les biens dont ils
mourront vêtus et saisis, et l ’in s t i t u e n t par égale por
tion avec la dame Voyret dans les autres trois quarts,
à la charge du rapport de ce que chacune aura reçu
en avancement d ’hoirie.
Enfin , s’expliquant sur la rente remboursée à
madame V o y r e t , le contrat dit : « Mais attendu que
« la dame Voyret a reçu un a v a n c e m e n t d ’hoirie
« moins considérable que celui de ses sœurs, lequel s’est
« même trouvé réduit k presque rien, p a r le re m b o u r«
sentent
forcé
qui lui a été fait des rentes qui en
« étaient l ’objet, et q u ’elle souffre par conséquent
« une perte annuelle dans la jouissance, M. Auteroc lie,
« voulant être juste envers tous ses
enfans,
et l ’en
h dédommager, veut et entend q u ’à l ’ouverture de la
�r r. \
w
1 7 ) .
« succession, la clame Voyret prélève, sur le quart
« ci-dessus donné à la future, la somme de 4ooo fr. »
L e sieur A u te ro che père est déccdé le 26 février
1821.
L e 7 juillet, les sieur et dame Voyret ont formé la
demande en partage de sa succession 5 e t , le 10 du
même mois, ils ont assigné la dame veuve Auteroche,
leur mère et belle-mère, pour voir déterminer ses
droits dans la succession de son mari.
Dans cette position, et le 9 août 18 2 1, les sier
et dame Cisterne ont fait un acte au greife du tribuna
civil de C l e r m o n t , par lequel ils déclarent q u ’ils
renoncent au partage des biens de d é f u n t Thomas
Auteroche, pour s ’en tenir a u x dispositions et avan
tages portés en leur contrat de mariage.
Dans* le courant de février 1822 , les sieur et dame
Yoyret firent sommation aux sieur et dame Cisterne,
de mettre au greffe, dans les trois jours, une déclara
tion explicative du sens q u ’ils ont entendu attacher
aux expressions de l ’acte du 9 août 1821 , c’est-à-dire
une déclaration portant q u ’ils ont réellement entendu
renoncer à la succession du sieur Thomas Auteroche,
pour s’en tenir aux dispositions portées en leur contrat
de mariage.
Les sieur et dame Cisterne ne répondirent pas à
cette sommation 5 mais il est demeuré pour certain,
et reconnu entre toutes les parties, que la déclaration
du 9 août 1821 , contenait une explication suffisante,
d ’autant
mieux qu ’elle
confirmait
la renonciatiou
portée au contrat de mariage de la dame Cisterne.
yy
:>
�Les parties ont soumis plusieurs questions princi
pales à l ’examen et à la décision du tribunal civil de
Clermont. Trois d ’entr’elles doivent être de nouveau
discutées devant la Cour.
La première est de savoir comment doit se faire
l ’imputation de la dot de la dame Cisterne. Cette
imputation doit-elle avoir lieu sur la quotité dispo
nible de la loi de germinal an 8 ? Le sera-t-elle, ait
contraire, sur la part héréditaire de la dame Cisterne,
ou au moins sur sa part dans la réserve du Code civil?
Enfin ne doit-elle pas avoir lieu d ’abord sur la légi
time ancienne, et ensuite sur la quotité disponible
de la loi de germinal?
La seconde était relative aux immeubles donnés à la
dame Cisterne. Doivent-ils être compris fictivement
dans la masse de la succession, pour leur valeur à
l ’époque du décès, ou seulement po u r la somme de
25,ooo f r . , à laquelle ils ont été estimés par le contrat?
L a troisième avait pour objet le rapport de la rente
remboursée à la dame V o y re t. Devait-elle être rappor
tée, valeur nominale, ou seulement valeur à l’échelle?
Le-jugement dont est appel est du 2G août 1822.
Sur la question d ’imputation de la dot de la dame
Cisterne :
L e tribunal reconnaît en principe que la quotité
disponible est réglée par les lois existantes à l ’époque
de la donation 5 qu'au mariage de la dame DucoufTouv
cette quotité était d ’1111 q u a r t ; mais il pense que,
pour que le père put en disposer, il fallait q u ’il n’eut
fait aucun avantage antérieur.
�(9)
E n
e x a m in a n t
ensuite le clon fait a la dame Cisterne
,
le tribunal croit inutile de s’arrêter a sa qualification
qui lui paraît insignifiante. Il se fixe sur les résultats,
et décide que, lors même que ce don ne serait q u ’une
légitime , si la quotité disponible était épuisée ou em
ployée en pa rtie, le père n ’avait pu disposer en faveur
de madame Ducouftour, ou au moins n’avait pu dis
poser que de ce qui restait.
Pour reconnaître si le père pouvait disposer à l ’épo
que du mariage de madame DucouiFour, le tribunal
veut que l ’on recherche si le domaine donné à la dame
Cisterne , équivaut à une portion d ’enfant , et à la
totalité ou par tie de la portion disponible. P o u r cela ,
il veut^que l ’on connaisse la fortune des père et mère}
en conséquence que l ’on estime (valeur de 18 2 1) les
biens délaissés a la dame Cisterne, ceux délaissés aux
autres enfans, enfin ceux dont le père était eu possesà l ’époque de sou décès.
Relativement à la dame Cisterne : le tribunal pense
que son contrat de mariage doit être régi par la légis
lation sous l ’empire de laquelle il a été passé; q u ’elle
peut retenir, en renonçant, la part d ’enfant et la
quotité disponible fixée par cette législation ; q u ’ainsi
Ie domaine de Sauvagnat, compris en sa donation, ne
*t etre par elle rapporté que fictivement.
Sur la question du rapport du domaine de Sauvagnat :
L e tribunal pense que la première clause du contrat
doit être rigoureusement restreinte au cas q u ’elle pré
voit j que le choix laissé à l ’époux était un encoura-
�(
10
)
gement à améliorer (les propriétés qui pouvaient devenir
les siennes;
Que la seconde clause interprête et explique la pre
mière, de manière à ne laisser aucun doute sur le
véritable sens à lui donner ;
Q u ’enfin les motifs qui ont pu dicter cette clause
du contrat de mariage de la dame Cisterne, sont abso
lument étrangers aux autres enfans, aux droits desquels
les père et mère n ’ont certainement pas entendu porter
préjudice.
Quant au rapport de la rente demandé à la dame
Voyret,
Le tribunal, d ’après les circonstances et la déclara
tion du père, consignée dans le contrat du mariage de
la dame Ducouftour, reconnaît que le sieur Voyret a
été obligé d ’en recevoir le remboursement, et pense
que le ra pp ort ne d o i t en être fait q u ’à l'échelle , con
formément à l ’art. i 5 du titre 3 de la loi du 16 nivôse
an G.
En conséquence, sur ces trois questions, le tribunal
décide :
i° Q u ’il sera procédé à l ’estimation (valeur de 1821 ),
tant des biens meubles et immeubles délaissés à la
dame Cisterne et aux autres enfans, ainsi q u ’ils se
composaient lors des actes, ainsi que de ceux dont le
sieur Auteroclie estdécédé saisi et vêtu, sauf aux parties
à prendre sur le rapport
telles conclusions q u ’elles
aviseront ;
20 que la dame Voyret rapportera 2o34 irancs en
numéraire, valeur réduite de celle d o y 4 ° ° h '* assiguats,
�montant du re m bour sem en t fait au sieur Voyret de la
rente en bled énoncée dans leur contrat de mariage.
La dame Ducouffour a interjeté appel de ce juge
ment, p a r exploit du 24 octobre 1822.
Enfin , le 17 décembre 1823 , la damé Marie Auteroche, autorisée du sieur Biaise Cisterne son mari, a
lait au greffe de Clermont une répudiation pure et
simple à la succession de défunt sieur Thomas Auteroche son père, et a déclaré s’en tenir uniquement
aux dispositions et avantages portés en son contrat de
mariage.
Tel est l’état de la cause.
Ce précis n ’ayant d ’a u tre but que de fixer l ’attention
de la Cour sur les vraies difficultés du procès, et
d ’appeler sa méditation sur les principes qui doivent
servir à les résoudre, la discussion peut être brève et
simple. O11 la divisera en trois parties, et on suivra
l ’ordre adopté par le jugement.
Imputation de la dot de la dame Cisterne.
Sur ce p o i n t , il faut partir d ’une idée certaine j
c est que la donation faite à la dame Cisterne doit
avoir tout l ’effet que lui attribuaient les lois exis
tantes au tems de son contrat de mariage.
Mais à quel titre la dame Cisterne retient-elle le
don qui lui a été fait?
Ce 11e peut être comme part héréditaire, puisqu’elle
�a renonce à la qualité d ’héritière; ce ne peut donc être
que comme libéralité.
L a dame Cisterne a fait une renonciation à la suc
cession de son père : Par quelle loi l'effet de cet acte
doit-il être réglé?
Il est évident :
Que respectivement à la dame Cisterne, qui était
saisie avant le Co de, les effets de sa renonciation doi
vent être réglés par les lois existantes à l ’époque de
son contrat de mariage5
Que respectivement à ses cohéritiers , les effets de
cette même renonciationn doivent être réglés, pour
la légitime, par le Code civil, sous l’empire d u q u e l
la succession du sieur Auteroche s’est ouverte.
Cela posé, quels sont les principes?
U n arrêt célèbre les a i rré vo ca b le m en t fixés. II con
tient , à cet égard, une théorie complette; et si l ’on y
joint la lecture d ’un excellent rapport , chef-d’œuvre
d ’analise et de logique, fait par M. Poriquet, conseiller
en la Cour de cassation, on a pour résultats certains;
Que les principes de l'ancienne législation sont in
conciliables avec ceux du Code civil;
Que l ’ancienne législation donnait à chacun des
enfans , pour sa légitime , une créance personnelle
affectée sur les biens;
Que le Code c i v i l , au contraire, donne à tous les
enfans collectivem ent la succession tout entière;
Que les conséquences à tirer de cette différence sont,
sous le Code civil :
�( i3 )
-
**
Que l ’enfant n’ait part à la succession q u ’en qualité
d ’héritier.
Que s’il renonce à la succession pour s ’en tenir au
d o n , ce don reste fix é , pour lu i comme pour les
étrangers, à la quotité déclarée disponible (i).
E t comme l ’article 845 du Code civil borne à la
quotité disponible ce que l’enfant renonçant a le droit
de retenir , il devient évident que cet enfant ne peut
en même tems retenir aucune partie de la réserve
légale.
Ce dernier principe avait d’abord été contredit; mais
il a été adopté par un arrêt de la cour de R i o m ,
seconde chambre, du 8 mai 1821 (2), et par arrêt de
la cour royale de Toulouse, du 27 juin de la même
année (3 ).
Ce dernier arrêt a été rendu dans une espèce iden
tique.
Il s agissait d une f i l l e dotée sous l ’ordonnance de
1731 , qui a été autorisée, après avoir renoncé à une
succession ouverte sous l'empire du Code c iv il, h re
tenir sa donation jusqu’à. concurrence des six dixièmes
(t) Voyez arrôt L a r o q u e d e Mons ( S i r e y , tom. 18 , i re p a r t . , p. 98).
Il faut lire le Mémoire en cassation, contenant tout ce qui pouvait être
d ‘t a 1 appui du système contraire à celui adopté par la Cour de cassat '° n , et où sont invoquées toutes les autorités citées par M. DucouiTour;
une Consultation de M. Proudlion , professeur de Droit c iv il, que le
demandeur produisait à l ’appui de sa requôte; enfin le rapport d e
M. P oriq u et, dont l’opinion a été adoptée par l ’arrêt de rejet.
(2) Voyez Journal du Palais, page a 10.
( 3) Voyez S ire y , toiug 2 1 , 2e partie, page 102,
«
�des biens, ce q u i , sur le nombre de cinq enfans, for
mait la réunion de la quotité disponible et de la
légitime ancienne.
Ce droit n’est point contesté à la dame Cisterne.
Mais une circonstance précieuse se fait remarquer
dans l ’arrêt.
Il y avait un autre e n fan t, qui , comme la dame
DucoufFour, avait reçu, sous la loi de germinal an 8 ,
la quotité disponible.
Or r arrêt décida q u ’elle ne pourra y prendre part
q u ’autant que la dot du renonçant serait inférieure au
quart des biens, et jusqu’à concurrence de la diffé
rence entre ce quart et la somme donnée.
C ’est absolument le système de la dame Voyret : elle
ne demande pas autre chose , et convient que si la
donation Cisterne n atteint pas le qua rt, quotité ac
tuellement d isp onib le , la dam e DucoufFour au ra le
droit de prélever le surplus , mais rien de p lus.
Quelles sont les objections ?
_ On dit que la dame Voyret ne peut réclamer que
la légitime du Code , qui est un quart des biens.
C ’est une erreur.
D ’une part , la dame Voyret doit profiter du béné
f ic e de la renonciation Cisterne , tout comme elle
profiterait du bénéfice du rapport, si la dame Cisterne
venait k partage.
D ’ un autre côté, la dame Cisterne, renonçante,
doit compter comme enfant pour fixer la quotité dis
ponible , mais ne compte pas pour prendre part dans
la réserve légale.
�Dès-lors , la part qu ’elle aurait eue accroît a ses
deuoc sceurs, dont l ’amendement, pour chacune d elle,
est alors d ’un quart et demi, au lieu d’un q u a r t, si
cette quotité se trouve encore dans la succession.
C ’est le système de l ’arrêt Laroque, et les résultats
qui doivent nécessairement s’en déduire.
On objecte ensuite que le père ne peut perdre e x
post fa c to , et par une renonciation postérieure à sou
décès, la faculté de disposer de la quotité disponible,
quotité q u ’il n’avait pas d’ailleurs entendu livrer à la
dame Cisterne; q u ’on ne peut tromper ses intentions,
et que le droit de préciput, tenant à la morale, ne
saurait être le jouet du caprice ou de la fraude d ’un
enfant.
Plusieurs réponses se présentent :
On peut d ’abord faire remarquer que cette objec
tion n est pas spéciale pour la cause, et q u ’elle attaque
dans son fondement le système de la Cour de cassa
tion. Mais il ne s’agit pas de savoir si la loi peut être
meilleure, mais bien de rechercher quelle elle est;
encore moins de découvrir si le législateur a mal fait
de changer le système ancien , mais bien de s’assurer,
5 il l ’a réellement changé. 11 faut ici appliquer la maxime
nec nos plus' lege sapere debetnus.
On doit dire ensuite q u ’il n’y a pas de fraude à user
d ’un droit légal.
Il faut même ajouter que s’il était question d ’ap
précier les deux systèmes , on verrait bientôt que l’ancien
est plus choquant que le nouveau, puisque, sous son
�empire, l ’enfant renonçant retenait non seulement la
portion disponible, mais encore la légitime.
Mais si 011 aborde la difficulté de plus près , on
parvient à se convaincre que le droit du père de fa
m ille, qui a fait des avancemens d ’hoirie et qui veut
ultérieurement disposer de la quotité disponible , est
subordonné à l ’acceptation ou renonciation de l’enfant
précédemment doté.
E n effet , ce cas est analogue à celui jugé par la
Cour de cassation, le 19 mai 1819 (1).
Il s’agissait d’un enfant qui était décédé avant son
père, après avoir dissipé la dot q u ’il en avait reçue.
L ’arrêt décide que cette dot devait s’imputer sur la
quotité disponible.
'
Il consacre donc le principe que le droit du père
était subordonné au prédécès de cet enfant.
U n autre objection résulte d ’un arrêt du 28 janvier
1820, rendu par la première chambre de la Cour royale
de Iliom.
• Cet arrêt a décidé q u ’une donation faite en avance
ment d ’ hoirie, sous la loi de germinal an 8 , pouvait
être retenue par l ’enfant qui renonçait à la succession
ouverte depuis le C o d e , jusqu’à c o ncurre n ce , non seu
lement de la quotité rendue disponible par la loi de
germinal, mais encore d’ une portion viriledans le restant
des biens.
Pour la dame DucoufFour, on en tire la conclusion,
que le préciput fait à cette dame l ’ayant été sous la loi
�( 17 )
de germinal, doit être réglé de la même manière que
si la succession se fut ouverte sous l ’empire de cette
loi.
On répond :
Si on admet que , sous la loi de germinal, l ’enfant
renonçant pouvait cumuler la quotité disponible et la
légitime (question très-ardue, et q u i , comme on l ’a
v u , a été jugée dans un sens contraire par la Cour de
Toulouse), tout ce qui résulterait de cet arrêt, c’est
que la dame Cisterne, en renonçant., peut retenir sa
donation jusqu’à concurrence de la quotité disponible
et de la légitime, droit qui ne lui est pas contesté.
Mais on ne saurait induire de l ’arrêt, que le droit
accordé à un seul e n fa n t peut se diviser entre plusieurs j
par exemple, que l ’u n , en renonçant, peut garder la
légitime, et un autre prendre la quotité disponible.
Si la succession se fût ouverte sous la loi de germinal,
le mérite de la donation DucouiFour n ’en aurait pas
moins dépendu de l ’effet de la donation Cisterne }
aussi pour soutenir leur système , les appelans sont-ils
oblig és de déplacer la question que présente la cause.
Il s’agit uniquement de savoir s i , au moment du
mariage de la dame Ducouffour, la donation Cisterne
faisait obstacle au pré ciput,
E t non de rechercher si (mettant de côté la dona
tion Cisterne), le père pouvait donner à sa ixlle D ucouftour, et la quotité disponible et la légitime, c’esta-dire moitié de ses biens.
O r , en considérant la difficulté sous son véritable
point de vu e , on îeste convaincu que la donation
3
�,
( 18 )
faisait au préciput DucouiFour un obstacle conditionnel.
E n effet , si la dame Cisterne préférait sa légitime
légale à sa légitime conventionnelle, et venait à partage ,
sa donation ne faisait pas obstacle au préciput Ducouffour, parce q u ’elle en faisait rapport à la succession.
S i , au contraire, la dame Cisterne optait pour sa
donation, et, pour la conserver, prenait le parti de
renoncer à la succesion; dans ce cas, la donation Cis
terne faisait, au préciput postérieur DucQuffour, un
obstacle total ou p a r tie l, selon que cette donation
absorbait tout ou partie de la quotité disponible.
On dit quotité disponible, parce que l'arrêt accor
dant à la donataire qui renonce, le droit de retenir la
quotité disponible et une portion virile dans le restant
des biens, ne dit)pas laquelle de ces portions sera re
tenue la première, et que-, par argument tiré de l ’art. 8 4 5 du Code c i v i l , il p arait certain que c’est
d ’abord sur la quotité disponible que cette retenue
doit se faire.
Mais s’il fallait commencer par faire l ’imputation de
la donation Cisterne sur la légitime, de quelle légi
time entendrait-on parler ? Serait-ce de la légitime
ancienne ou de la réserve du Code civil ?
D ’abord on ne peut pas dire q u ’en retenant sa dona'
tion , la dame Cisterne ne retient que la réserve du
Code civil.
Doux raisonnemens bien simples détruiraient cette
assertion :
L e premier est que , sous le C o d e , il faut être héri
tier pour avoir part dans la réserve, et que le droit de
�rétention étant abrogé, l ’excédant dé la légitime nou
velle sur la légitime ancienne accroît nécessairement
aux héritiers ;
L e second, que la légitime étant, toujours en corré
lation avec la quotité disponible, on ne peut faire
concourir la légitime du Code avec la quotité disponi
ble ancienne.
r
‘
Tout ce q u ’on peut prétendre, c’est donc que la
dame Cisterne retient la légitime ancienne, q u i, dans
l ’espèce, est d ’un neuvième; donc tout ce qui excéderait
ce neuvième serait évidemment pris sur la quotité
disponible.
Il est convenu que la donation Cisterne doit avoir
tout l ’eiFet que lui attribuaient les lois anciennes,
c’est-à-dire, q u ’elle vaut sept neuvièmes, savoir : six
neuvièmes ou deux tiers pour la quotité disponible,
et un neuvième pour la légitime.
Il est certain que cette donation n’absorbe pas les sept
neuvièmes, mais elle en absorbe plus d ’un. L a question
est donc de savoir sur quelle portion se commencera
rimputation.
O r , l ’article 845 du Code civil, qui régit la cause,
puisque la renonciation a eu lieu sous ce Cod e, indique
que l ’imputation doit commencer par la quotité dis
ponible; e t , si la question paraissait douteuse, il
faudrait se prononcer en fa ve u r de l’opinion qui tend
à ramener entre les héritiers l ’égalité naturelle.
Mais au moins est-il certain que tout ce qui excède
le neuvième qui serait revenu à la dame Cisterne,
�Vttf
,
( 20 )
pour sa légitime, doit être imputé sur la quotité
disponible.
^
§ IIRapport du domaine de Sauvagnat.
L a question de savoir si le choix laissé au sieur
Cisterne, en cas de restitution de la d o t , le rendait
ou non propriétaire du domaine de Sau vagn at, ne
peut intéresser que les époux Cisterne, et conséquemment ne peut être discutée que par e u x , et jugée dans
leu rs intérêts. L e contrat de mariage, quel q u Jil soit,
ne saurait être opposé à des étrangers; il ne peut lier
que les époux dans leurs intérêts respectifs. On ne
saurait donc interpréter ce titre contre leur volonté,
et donner à l ’un d ’eux un droit q u ’il ne réclame pas,
et que l’autre ne saurait contredire, n 'a y an t, dans le
moment actuel , ni v o l o n t é , n i i n t é r ê t , n i capacité
jiour le faire.
Le domaine de Sauvagnat provient du sieur Auteroche de c u ju s ; il a été donné par lui à la dame
Cisterne, sa fille; le rapport fictif doit en être fait
à la succession du donateur,
dans l ’intérêt de ses
héritiers : comment ce rapport doit-il avoir lieu?
Les principes sont positifs.
Les articles 860 et 922 du Code civil veulent que
la réunion fictive ait lieu, d ’après l ’état des biens, à
l ’époque de la donation, et leur v a l e u r a u teins du
d é c è s d u do nateur.
'lo u l le monde sait, îi ce suje t, que restiination de
la chose donnée, portée au contrat, n’a jamais été prise
�( 2! )
en considération, et q u ’il est de principe immuable,
que l ’augmentation de valeur des biens donnés, par la
seule progression du tems, profite aux lcgitimaires.
Les clauses du contrat de mariage de la dame C is
terne changent-elles quelque chose à ces principes?
Ce contrat porte : « Dans tous les cas où la restitu
ii tion d e la d o t a u ra l i e u , i l sera l i b r e au futur,
a ou aux siens, de garder et retenir les biens ci-dessus
« délaissés à la fu tu re , en pa yant, à qui il appar« tiendra , la somme de 25 ,ooo fr. »
Il est évident que cette clause n ’établit point une
vente du beau-père au gendre, puisque les biens sont
donnés directement à la future, et non la somme.
On y prévoit un seul cas : c’est celui de restitution
de la d o t , qui est relatif du mari et de ses héritiers,
à la femme et à ses héritiers uniquement; e t , dans ce
cas, le mari a le choix de rendre les biens ou l ’argent.
O r , conçoit-on une vente sous une condition potes
tative delà part de l ’acquéreur? les principes répondent :
N u lla promissio potest consistere, quœ e x volontate
promissoris statuiti capit{L>. 1 1 8, § Ier, ff. D e v e r ò , ob.').
« Toute obligation est nulle, lorsqu’elle a été con« tractée sous une condition potestative de la part de
« celui qui s’oblige » (Code civi l, art. 11 74).
Si l ’on continue l ’examen du contrat, on y remarque
d abord que le cas de rapport n 'y est pas prévu, et
q u ’il ne pouvait l ’ètre, puisque la future renonçait à
la succession.
Mais deux autres événemens occupent la pensée du
père.
lOf
�1^
*p\
( 22 )
, L e premier est celui du décès de l ’ un des futurs
sans enfans; et alors les constituans stipulent le retour,
non de la somme, mais des biens.
L e second est relatif à la survie des constituans aux
époux laissant des enfans; et alors il est permis aux
constituans de répartir, à leur gré, le profit de leur
constitution entre leurs petits-enfans.
Ainsi, il est démontré que l ’ensemble du contrat,
les* termes de la clause, n ’annoncent q u ’un simple
avantage éventuel de la future k son futur.
Ou ne voit donc rien dans la cause qui puisse faire
déroger aux règles tracées par les articles 860 et 922
du Code civi l, puisqu’il faudrait pour cela une vente
bien positive, "et que, dans l ’espèce, il n ’y en a pas
l ’ombre.
«
11 faut ajouter que Papon rapporte un arrêt, où le
gendre avait reçu un i m m e u b le en paiement de la dot
pécuniaire de son épouse. Venant à partage, il voulait
rapporter la dot; mais il fut condamné à rapporter la
valeur de l ’immeuble au moment du décès.
Il
est actuellement démontré que les premiers juges
ont eu raison de dire :
Que la première clause du contrat de mariage de la
dame Cisterne , était étrangère aux autres enfans
auxquels le père n’avait pas voulu porter préjudice;
Que cette clause n’était q u ’un m o tifd ’encouragement
offert au m a r i , et que d ’ailleurs elle devait être res
treinte au cas q u ’elle prévoit;
Q u ’ enlin les clauses subséquentes e x p l i q u a i e n t par
faitement la première , et a n n o n ç a i e n t assez que les
�(
5.3
)
l< p
conslituans n ’avaient jamais voulu aliéner le domaine
de Sauvagnat d a n s leurs interets et dans celui de leurs
autres enfans.
' ,
§ HT.
R a p p o rt d e la rente d u e p a r le s ie u r V o y r e t .
La rente ayant été remboursée en assignats, doit-elle
être rapportée valeur nominale ou seulement valeur à
l ’échelle.
Le rapport, valeur à l ’échelle, est établi par l ’art. i 5
de la loi du iG nivôse an 6 , ainsi conçu : « Les res« titutions seront faites, par le mari, en valeur ré« d u i t e , pour tout ce q u ’ils auront reçu en papier« monnaie ». L ’article 16 ajoute : « Il en sera usé
« de même dans le cas du rapport des dots. »
L ’article 855 du Code civil dispose «que l ’iinmeuble
« qui a péri par cas forfuit, et sans la faute du
« donataire, n ’est pas sujet à rapport. »
M. Merlin, dans son Répertoire, v ei'bo Rapport,
§ 8 , n° 8 , dit : « Le rapport des rentes, soit fon« cières , soit constituées, se règle par les mêmes
« principes que ceux des héritages. Les rentes doivent
« d o n c , comme les héritages, être
rapportées
en
« espèce, et elles sont, comme eux, aux risques de
« la succession, mais sous la garde du donataire. »
Dans 1’espèce, le r em b o u rs em en t a été forcé : il
était inévitable-, et le sieur Y oyret ne p o u v a it , sans
*f> \
�( >4S )
s’exposer aux plus grands dangers, se refuser à le
recevoir.
^
Une loi du i er avril 1793 prononce des peines graves
contre ceux qui refuseraient les assignats 5 pour la
première fois, c’est une amende de 3 oo francs et de
six mois de détention; en cas de r é c i d i v e l ’amende
était du double, et la peine corporelle de vingt années
de fers.
D ’autres lois des 21 floréal an 2 et 3 pluviôse an 3
infligeaient des peines à ceux qui discréditaient les
assignats ; et pour q u ’il ne manquât rien à cette
cruelle législation, un tribunal révolutionnaire pou
vait à chaque instant en faire l ’application, et même
prononcer impunément, et suivant ses caprices, des
peines plus dures que celles de la loi.
C ’est dans ces circonstances, que le sieur Voyret a
reçu le re m b o u rs em e n t de la rente due à la dame son
épouse. Sa dernière quittance est du 24 nivôse an 3 ;
et le tribunal révolutionnaire n ’a été supprimé que le
12 prairial de la même année.
Com men t aujourd’hui pourrait-on demander compte
au sieur Voyret et à son épouse de ce remboursement,
et les en rendre responsables ? N ont-ils pas code a la
nécessité 3 à une force majeure ? Ce remboursement
n ’est-il pas un cas fortuit q u i , sous aucun rapport, ne
peut-être imputé à faute au sieur Voyret ?
Peu importe le nombre de quittances que le sieur
Voyret peut aVoir données, les formes q u ’il a employées,
�les expressions dont il s’est servi, les engagemens q u ’il
a pu y souscrire! Il était naturel qu ayant une perte a
éprouver, il la rend it la plus légère possible, et q u ’il
f i t tous ses efforts pour obtenir au moins tout ce que
la loi lui accordait. Dès que la rente n ’avait été rem
boursée q u ’au denier vingt , le sieur Voyret devait
exiger un supplément de remboursement, autrement on
lui aurait fait un reproche de ne l ’avoir point demandé.
T o ut se réduit donc à voir si ce remboursement était
fo r c é .
O r , les circonstances du tems, les lois alors exis
tantes , les aveux consignés dans les actes de famille se
réunissent pour attester ce fait.
On connaît les lois. Elles existaient à l ’époque du
mariage de la dame V oy re t; aussi le sieur Àuteroche
savait-il que cette rente devait être remboursée, puis
que ce remboursement lui avait été offert à lui-méme
peu avant le mariage de sa fille.
Toute la famille a reconnu ce fait; il est consigné
dans le contrat de mariage de la dame Ducouifour
elle-même : le père y a fait écrire que le rembourse
ment des rentes avait été fo r c é . Comment la dame
Ducouifour pourrait-elle équivoquer aujourd’ hui sur
un iait reconnu par son père et par elle-même?
On s’arrête ici. Le sieur Voyret croit avoir atteint
le but q u ’il s’est proposé : il ne voulait autre chose
que resserrer dans le cadre le plus étroit les faits et
les moyens principaux de sa cause, sachant bien q u ’il
4
�(26
)
suffi t de fixer l'attention de la Cou r sur les questions
même les plus ardues, pour être toujours sûr d ’en
obtenir une décision conforme aux principes,
à la
saine doctrine, et aux règles de la Justice.
Me Jn - C H. B A Y L E aîné, ancien A vocat.
Me M O U T O N - L A B A S T I D E , A v o u é-L icen cié.
RIOM ,
IM PRIM ERIE
D E S A L L E S , P RES L E P A LA IS D E J U S T IC E .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Auteroche, Marguerite. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Mouton-Labastide
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
dot
assignats
renonciation à succession
successions
pays de droit écrit
conflit de lois
avancement d'hoirie
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse pour Dame Marguerite Auteroche et le Sieur Voyret, son mari, Docteur en médecine, intimé ; contre Dame Marie Auteroche et le sieur François Malafosse Ducouffour, son mari, Adjudant des Gardes du Corps, compagnie d'Havré, Chevalier des ordres de Saint-Louis et du Phénix, Appelans ; en présence de Dame Marie Auteroche et de sieur Blaise Citerne-Delorme, son mari, aussi Intimés.
Annotations manuscrites : « 8 avril 1824, 2nde chambre, arrêt confirmatif, journal des audiences, p. 255. »
Table Godemel : Donation : 17. quels doivent être les effets d’une donation, faite avant les lois nouvelles, par un père mort depuis le code civil, à une enfant qui renonce pour s’en tenir au don ? La donation fait-elle, nonobstant sa rémunération, nombre parmi les héritiers ; et peut-il retenir l’objet donné, jusqu’à concurrence de la légitime et de la quotité disponible, telles qu’elles étaient fixées par la loi en vigueur au moment du contrat ?
18. quel doit être le sort d’une donation du quart en préciput, faite à un autre enfant, postérieurement à la loi de germinal an huit, lorsque l’objet de la première donation est inférieur à la quotité disponible ancienne, et peut-être même à la disponibilité nouvelle ? - le second donataire, peut-il dans son intérêt, avec les héritiers à réserve, faire considérer le premier donataire comme légitimaire, prendre la quotité disponible au moment de la seconde donation, en imputant sur la légitime du premier donataire, les objets que celui-ci retient ? Dot : 4. dans l’ancien droit un immeuble donné en dot, avec estimation et pouvoir au mari de le retenir pour la somme indiquée, est-il présumé vendu ?
en supposant qu’il y ait eu vente, le don, devenant sujet à un rapport fictif, doit-il être estimé valeur du décès du père ? Rapport : 8. une rente foncière donnée en avancement d’hoirie doit-elle être rapportée, valeur réduite seulement, si elle a été remboursée en assignats au mari de la donataire, bien que le remboursement ait été accepté sous contrainte, qu’il n’ait pas été accompagné de remploi, et que la nullité du remboursement n’ait été mise à couvert que par le fait du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1764-1822
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2606
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53522/BCU_Factums_G2607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauvagnat (63410)
Perrier (63275)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
avancement d'hoirie
conflit de lois
contrats de mariage
dot
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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c6682f46f860835d720ede7eb082e738
PDF Text
Text
COUR R O YA LE
MÉMOIRE
POUR
2me CHAMBRE.
Dame M a r i e A U T E R O C HE et le Sieur F r a n ç o i s
M A L A F O S S E D U C O U F F O U R , son m ar i,
A d j u d a n t des G a r d e s d u C o r p s , C o m p e d ’H a v r a y ,
C h e v a l i e r des O r d r e s d e Saint-Louis e t d u Ph én ix,
^ovtiX
J
Appelant d’ un jugement rendu le 28 août 1822 ,
par le Tribunal civil de Clermont ;
CONTRE
D em oiselle M a r g u e r i t e A U T E R O C H E et le
Sieur V O Y R E T son m ari, D octeu r en m édecine,
Intimés
EN PRÉSENCE
D e Dam e M a r i e A U T E R O C I I E et de S T B l a i s e
C I S T E R N E S - D E L O R M E S , son mari , aussi
intimés.
T
rop
souvent les volontés des pères sont méconnues
par les enfans. L inté r ê t source de désordres, divise
les parens les plus proches; et des procès sont suscités
par ceux-la m ême de qui l ’on ne devait attendre
qu' union et bienveillance.
t*6 l
�115.
L a dame Du Couflotir réclame l'exécution d’un don
en préciput qui lui fut assuré par son contrat de
,
mariage : les lois du tems l ’autorisaient 5 les actes de
sa famille ne paraissaient pas s’y opposer. Cependant
on le lui conteste aujourd’hui; et pour l ’en dépouiller,
on a recours à de subtiles interprétations qui tendent
à détruire plutôt q u ’à expliquer les dispositions non
équivoques d ’un contrat de mariage.
On invoque aussi un nouveau système de prétendus
principes , dont les conséquences seraient de rendre
illusoires la faculté cle d i s p o s e r accordée par la loi. ~
' Si sévères pour la dame D u Coufîour leur sœur, la
dame et le sieur V o y r e t , ses uniques adversaires , se
montrent d ’ailleurs fort indulgens pour eux-mêmes.
Ils doivent un rapport en argent : ils ne l'offrent
q u ’en valeur de papier-monnaie ; et quoique des lois
positives les condamnent,
quoiqu’un arrêt ait déjà
préjugé l ’erreur de leur prétention, ils insistent ce
pendant, et veulent que les effets de leur propre négli
gence retombent sur cette cohéritière même à laquelle
ils disputent des libéralités légitimes.
FAITS.
L es
dames D u Couffour, Voyret et Cisternes sont
les seuls enfans nés du mariage de M. Thomas Auteroche et de la dame Louise-ITélène L ’huillier.
L e contrat de mariage de ceux-ci est en date du ic)
novembre 1764. Il fut constitué à la dame L ’huillier
20,000 francs de dot et 1000 fr. de bagues et joyaux.
Depuis, il lui est ccln: d ’autres valeurs.
�H*
4
( 3 )
Le partage de la succession du sieur Auteroclie a
donné lieu au procès.
L a demoiselle Marie Auteroclie, 2medu nom, quoique
la fille puînée, se maria la première : elle épousa le
sieur Cisternes-Delormes. Leu r contrat de mariage ,
en date du 23 juin 17 8 9 , renferme des dispositions
qui sont le germe de l’une des difficultés de la cause.
Les père et mère de la future lui constituent :
i° Une somme de 5ooo f r . , dont la célébration du
mariage vaudrait quittance;
« 2 0 Tous les b i e n s q u e l e s i e u r A u t c r o c h e a d a n s l e
« lieu et collecte de
Sauvagnat,
consistant en batim en s,
« terres, vignes, prés, et de toute autre nature que ce
« puisse être, sans aucune exception ni réserve », à la
charge d ’acquitter les cens et les fondations dont ils
sont grevés }
3° Les rentes foncières ou constituées que le sieur
Àuteroche a dans la même collecte de Sauvagnat, rentes
dont il est fait le détail;
4° Enfin la somme de 10,000 f r . , qui est stipulée
exigible seulement après le décès du dernier mourant
des père et mère.
L e cas de restitution de la dot est prévu, et le
contrat renferme sur cet objet une clause remarquable :
« Dans tous les cas où ladite restitution de dot
« aurait lieu, il sera libre au futur époux, ou à ses
« ayant-cause, de garder les biens ci-dessus délaissés
« îi la future épouse par les sieur et dame Auteroclie,
ses père et mère, en payant, par ledit sieur futur
v
�( 4 )
« ép ou x, ou ses héritiers à qui il appartiendra, la
« somme de 2^,000 fr. »
Dix aus sont accordés au fu tu r épouæ ou à ses
héritiers pour le paiement de ladite somme de vingtcinq m ille fr a n cs et des autres sommes constituées.
Enfin il est dit que, sur la somme de quarante
m ille fr a n cs form ant la dot de la dem oiselle fu tu re
épouse , il y a 8000 francs pour biens maternels , et
le surplus pour biens paternels.
L a dot était en effet de la somme de l[ü,ooo francs,
d ’après le délaissement, fait à l ’ é p o u x p o u r 20,000 f r . ,
du bien et des rentes situés à Sauvagnat.
C e délaissement surprendra peu, lorsqu’on saura
que le sieur Cisternes avait des propriétés considérables
à Sauvagnat ; que ces propriétés et celles du sieur
Auteroche ne formaient autrefois que le même patri
moine, qui avait été divisé par un partage; et que ce
fut dans le but de tout réunir, que la famille C is
ternes demanda q u ’il fût stipulé , comme condition
du mariage, l ’abandon au futur é p o u x , moyennant
25.000 fr., des biens possédés par le sieur Auteroche
h Sauvagnat.
L a plus jeune des demoiselles Auteroche épousa,
en l ’an 2 ( 1794) ? le sieur V oyret.
L e u r contrat de mariage est du 3 ventôse. Les père
et mère de la future lui constituèrent un trousseau
évalué à 1000 francs, et deux rentes f o n c i è r e s estimées
10.000 fr. : l’une de dix-huit s e p l i e r s d e blé conseigle
annuellement, assise sur un moulin ; l ’autre de quatre
sep tiers un carton deux coupes de blé conseigle, une
�( 5 )
coupe de froment , une coupe de n o i x , seize livres
un q u a r t d’huile, seize livres un quart de chanvre,
assise sur divers héritages.
Par le même acte , les sieur et dame Auteroche
donnèrent à Marie , leur fille a în é e , la jouissance
d ’une vigne située dans la commune de Perrières, et
celle de tous les immeubles qu ’ils possédaient dans les
dépendances d ’Issoire.
Devenu possesseur de deux rentes considérables, le
sieur V o y r e t ne tarda pas à se faire rembourser la
principale, celle de dix-huit septiers de blé. Il accepta,
le 2 nivôse an 3 , un r e m b o u r s e m e n t , illégal soit p a r
i n s u f f i s a n c e , soi t à défaut d’emploi , soit comme
n’ayant été accompagné d’aucune des conditions prescriles par la loi du 29 décembre 1790.
Cependant, loin de profiter, comme il l ’aurait p u ,
de la nullité d’un remboursement condamné par la
loi comme par la morale, le sieur V o y r e t , soit im
prudence , soit fausses spéculations, provoqua luimème la x’ectification de l ’erreur du débiteur. IL
demanda a ce débiteur, nommé A rn au d , un supplé
ment de remboursement} il procéda avec lui à un
nouveau compte, et reçut, le 24 nivôse an 3 , 1 7G 0 fr.
de plus , pour la perfection du remboursement }
extinction et amortissement de la rente. Tels sont les
termes de la quittance qui se termine ainsi : E t au
moyen du paiement de ladite som m e, le citoyen
V oyret tient quitte ledit A rn a u d ; e t , à ce Jaire
ci obligé ses biens prdsens et à venir.
Ainsi le
il
sieur V o yret promit au débiteur une
�\
( 6 )
garantie personnelle; et la nullité du remboursement,
que le seul défaut d’emploi suffirait pour faire pro
noncer , cette nullité ne pourrait être invoquée au
jourd’hui; sans que ses effets rejaillissent sur le sieur
Y oyre t lui-même.
La
dame Marie Auteroche , l ’aînée des enfans ,
contracta mariage, le 4 pluviôse an 11 (2/f janvier
i 8o3 ) , avec le sieur Mala fosse D u Couffour. Ses père
et mère confirmèrent en sa faveur l ’avancement d ’hoirie
q u ’ils lui avaient fait par le contrat de mariage de la
dame Yoyret. Ils lui donnèrent de plus la jouissance
de certains bâtimens q u ’ils s’étaient alors réservés.
Les articles 7 et 8 du contrat renferment des dispo
sitions qui doivent être littéralement connues.^
Article 7. « Lés père et mère de la demoiselle future
« lui donnent, en préciput et avantage sur ses sœurs,
« le quart et quatrième portion de tous les biens dont
« ils mourront vêtus et saisis, pour en jouir à titre
« de bien paraphernal et extradotal; et l ’instituent
« par égale portion avec la dame Y o y r e t , sa sœur,
« dans les trois autres quarts, à la charge de rapport
« de ce que chacune aura reçu en avancement
« d ’hoirie. »
,
Article 8.
« Mais attendu que la dame Y o y r e t a
« reçu, par son contrat de mariage, un avancement
« d ’hoirie moins considérable que celui de sa sœur,
« lequel s’est même trouvé réduit à presque rien , par
« le remboursement forcé qui lui a été iait des rentes,
« et q u ’elle souffre par conséquent une perte annuelle
« dans sa jouissance, le citoyen Auteroche voulant
—
�(
((
7 )
ctre juste e n v e r s tous ses enf^ns 5 et- 1 en dedom^
« mager, il veut et enten(l
l ’ouverture de sa
« succession, ladite Yoyret prélève sur le quart ci-dessus
« donné à la future, la somme de 4ooo fr. tournois,
« a v a n t tout partage, et à titre d ’indemnité de ladite
« non jouissance ; la présente clause étant une charge
« dudit préciput. »
S i , dans le c o n t r a t , les sieur et dame Auteroche
n’appelèrent pas la dame Cisternes au partage de leurs
successions, c’est q u ’ils considérèrent q u ’elle avait déjà
reçu tout ce q u ’elle pouvait prétendre\ ils ne pensèrent
donc q u ’à régler les droits de leurs deux autres filles.
O u verra, au reste, que la dame Cisternes a respecté
ce règlement, et que la dame Yoyret seule s’en plaint,
en contestant le don du quart en préciput.
Lors du contrat de mariage de la dame D u Couffour,
le sieur Auteroche ne connaissait pas les circonstances
du. remboursement fait au sieur Y o y r e t , en papier
monnaie; car, loin d’ètre forcé, ce remboursement
avait été absolument volontaire de la part de celui-ci.
Il a été depuis reconnu et déclaré tel par un arrêt
du 28 décembre 1811 , rendu entre les sieur et dame
Y o y re t, et l ’ancien débiteur de la rente. Yoici dans
quelles circonstances :
Les sieur et dame Voyret avaient demandé la nullité
du remboursement, comme 11’ayant pas été accom
pagné d’emploi. Ils l ’auraient fait ainsi juger, si ce
remboursement illégal avait été réellement forcé; mais
le contraire fut démontré, et la Cour déclara les sieur
et dame Y oyre t non recevable's, quaiit à p résen t,
�dans leur d e m a n d e to u s moyens de f a it et de droit
é ta n t. respectivement réservés a u x p arties, lors de
l ’action de Marguerite Auteroche (la dame V o y r e t ) ,
ou de ses héritiers.'
'
Yoici les motifs de l ’arret :
« Attendu q u e , par le dernier acte passé entre les
«
«
«
«
«
parties, en la ville d ’Issoire, le 26 nivôse an 3 , le
sieur Voyret a fa it son affaire personnelle de la
consommation du remboursement, en recherchant
et recevant la somme de 1700 f r . , et un billet pour
quelques septiers de b l é , pour supplément au rem
et boursement déjà fait, le 2 du même mois de nivôse;
« Attendu q u ’en obligeant ses biens présens et à
« venir à l ’exécution de cet acte, il y a par conséquent
« affecté son u s u f r u i t , qui dure encore, en qualité de
« mari de Marguerite Auteroche. »
Ces motifs indiquent clairement q u ’une fin de non
recevoir seule, tirée du fait et de l ’obligation person
nelle du sieur V o y r e t , empêcha la Cour de confirmer
le jugement qui avait annulé le remboursement. Aussi
la Cou r n’admit-elle cette fin de non recevoir que
quant à présent, en réservant l’action en nullité,
pour l ’exercer lorsque l ’usufruit du sieur Voyret aurait
cessé.
Nous aurons à examiner si le sieur Voyret ne doit
pas seul souffrir la perte q u e , par son fait, il a seul
causée.
L e sieur Auteroche père est décédé le 26 février
1821.
Il avait fait, dès le 2 floréal an 9 , un testament
�11}
C9 )
olographe par lequel il avait legue a la dame L ’huillier,
son épouse, l’usufruit de la moitié de scs Liens.
Par ce t e s t a m e n t , il lègue aussi à la demoiselle Marie
Auteroche, sa fille, le qu a rt, en préciput, de tous ses
biens meubles et im m eubles, sans exception.
L e 7 juillet 1821, les sieur et dameVoyret assignent
la dame Cisternes et la dame D u Couffour en partage
de la succession du père commun.
Ils assignent aussi la dame L ’huillier, veuve A u te
roche, en assistance de cause et en règlement de ses
droits.
E n réponse à cette assignation, la dame Cisternes
fait au greffe un acte p a r lequel elle déclare q u ’elle
n ’entendait « prendre aucune part au partage des
« biens de Thomas Auteroche, son père; q u ’elle s’en
« tenait uniquement aux dispositions de son contrat
« de mariage avec le sieur Cisternes-Delormes, du 3
« juin 1789. ».
Par le même acte, le sieur Cisternes-Delormes dé
clare aussi « q u ’il renonçait, ainsi que venait de le
« faire sadite épouse, au partage des biens dudit dé« funt Thomas Auteroche, son beau-père; q u ’il gar«
«
«
«
«
dait et retenait les biens délaissés par les sieur et
dame Auteroche et L ’huillier, père et mère de la
dame Cisternes-Delorme, par le contrat du 23 juin
1789, pour la somme portée au susdit contrat j
ainsi q u ’il en a la faculté par icelui. »
Cette double déclaration, qui est du 9 août 1821 ,
fut notifiée, le 29 du meiiie mois} aux avoués des
parties.
V)
�Alors la dame et le sieur Voyret élèvent plusieurs
difficultés.
Ils prétendent que les biens donnés en avancement
d ’hoirie à la dame Cisternes doivent être rapportés ,
et estimés, non d ’après le prix pour lequel ils avaient
été délaissés au sieur Cisternes, mais d ’après leur valeur
au moment du décès du sieur Auteroche père ;
•
Ils soutiennent que cette valeur estimative doit être
imputée sur las quotité disponible, c’est-à-dire sur le
quart donné en préciput a la dame D u Couiîour, parce
q u e , disent-ils, la daine Cisternes, renonçant à la suc
cession, doit être assimilée à un donataire étranger,
et ne peut retenir ce q u ’elle a reçu, pour une part
héréditaire à laquelle elle n’a pas droit;
Ils ne veulent aussi rapporter la rente en grains ,
remboursée au sieur V oyre t, que suivant la valeur des
assignats dépréciés q u ’il a reçus ;
Ils demandent enfin la réduction du legs d’usufruit
fait à la dame L ’huillier, mère commune.
L a dame D u Couffour répond :
Que par le contrat de mariage de la dame Cisternes,
le sieur Auteroche a transmis à son gendre la propriété
des biens de Sauvagnat, et que c e l u i - c i n’élant tenu
de restituer que 25,ooo fr. , c’étaient seulement ces
25,ooo fr. qui devaient être rapportés à la succession;
q u Jil fallait régir les dispositions, soit de ce contrat
de mariage, soit de celui de la dame D u CouiFour,
par les principes en vigueur au moment de leurs dates,
principes d ’après lesquels la dot de la dame Cisternes
devait s’imputer sur sa part héréditaire; principes qui
�voulaient aussi que le quart en preciput donne a la
dame D u C o u f f o u r fût pris sur la masse entière du
patrimoine paternel ;
Q u ’cniin le sieur Yoyret devait seul subir une perte
que lui seul avait occasionnée, et que la valeur réelle
des deux principaux de rente donnés à son épouse de
vait être rapportés au partage.
L ’on agita aussi une question sur la valeur du
trousseau de la dame Yoyret.
L a dame L ’huillier, veuve Auteroche, réclama ellemême, i° le prélèvement de a 5 ,ooo f r . , montant de
ses reprises sur la succession de son mari ; 20 la déli
vrance du legs d’usufruit de moitié des biens.
Quant au sieur et à la dame Cisternes, ils persis
tèrent dans leurs déclarations, et demandèrent à être
mis hors de cause.
Telles furent les circonstances dans lesquelles fut
rendu un jugement contradictoire, du 26 août 1822,
qui ordonne, avant de faire droit, l’estimation, sui
vant la valeur de 1821 , des biens meubles et im
meubles délaissés soit à la dame Cisternes, soit aux
autres enfans, et qui surseoit jusque la à statuer sur
la mise hors de cause de la dame Cisternes.
Ce jugement ordonne aussi q u e la dame Y o y r e t
rapportera seulement ao34 fr. en numéraire , valeur
réduite des 9^00 reçus en assignats , par le sieur
Y o y r e t , pour le remboursement de la rente de dixhuit septiers de grains.
Lnfin il ne prononce pas sur les demandes de la
�( I2.)
dame L ’huillier, à laquelle il accorde seulement une
provision de iaoo fr. (r).
( i ) Voici le texte des motifs du jugement :
« E n ce qui touche le partage de la succession Auteroclie ,
« Attendu que toutes les parties y donnent les mains ;
« E n ce q ui touclie le quart donné en préciput à la dame Du
C o u f fo u r ,
« Attendu qu’ il est de principe certain que la quotité disponible est
réglée par les. lois existantes à l ’époque où la donation a été faite ;
.qu’au teins du mariage de la dame Du Coufl’o ur, les dispositions per
mises ne pouvaient excéder le quart de tous les biens; que, par consé
q u e n t, pour que le sieur Auteroclie pût alors disposer du quart, il
fallait que jusque-là il n’eût fait aucune disposition ;
(t Attendu que ce n’est pas à la qualification donnée à la disposition,
ni à son m ode, que s’arrête le législaleur, mais bien à son résultat ;
qu ’ainsi, lors môme que les père et mère dé la dame Cislernes n’auraient
entendu faire à leur fille, par son contrat de mariage, qu ’ une légitime
pour lui tenir lieu de tous droits dans leur succession (ainsi que le per
mettaient les lois alors en v ig u e u r ), il n’ en serait pas moins vrai que
s i, par cette disposition, la quotité disponible, ou partie d’ icelle, se
tro u v e , d’ une manière quelconque, employee en faveur de la dame
Cisternes, les sieur et dame Auteroclie n’ ont pu valablement disposer,
au profit de la dame Du Couffuur, que jusqu’à concurrence de la
quotité disponible, encore intacte ;
« Attendu qu’ il résulte de tous ces principes établis, que la question
de savoir s’ il y a lieu ou non à la réduction de la donation, faite à la
dame Du Couifour dépend entièrement de cette autre question desavoir
si les objets donnés par le contrat de mariage de la dame Cisternes, du
23 juin 178c) , équivalent ou non a la portion d ’enfant, et à la totalité
ou à une partie de la quotité disponible ; qu ’on ne peut arriver à cotte
solution sans avoir une parfaite connaissance de la totalité de la fortune
des père et mère ;
« Al tend 11 que celte connaissance ne peut s'obtenir que par une esti
mation , tant dos biens délaissés à la dame Cisternes etaux autres enfaiii,
que de ceux dont le sieur Auteroclie est mort saisi cl vôtu ;
�!% *
( ,3 )
'
Cette décision , qui tendait à annuler le don en
préciput fait à la dame D u Co uffo ur, nuisait trop îi
ses intérêts, et blessait trop les règles du Droit et les
« Attendu quJil ne peut y avoir de doute sur les bases à adopter pour
cette estimation ; et qu’aux ternies de l ’article 860 du Code c i v i l , c’est
valeur de 18 2 1 , époque du décès du sieur Auteroclie, qu ’elle doit être
faite ;
« Attendu qu’ encore que la succession du sieur Auteroclie se soit
ouverte sous l’ empire du Code, la dame Cistcrnes n ’en doit pas moins
conserver les droits que lui assurait l ’ancienne législation, sous l’empire
de laquelle a été passé son contrat de mariage ; que ces lois lui accor
daient la faculté de retenir, on renonçant, sa pari d ’enfant et la quotité
disponible sur les biens dont clic sc trouve saisie ; qu ainsi on ne peut
dire que ce soit donner au Code un effet rétroactif ;
« Attendu qu’elle a usé de cette faculté en renonçant ; que nulle
contestation 11e s est elevee 3 son égard 5 qu ainsi le bien de Sauvagnat,
qui compose en partie sa donation, ne peut être rapporté que ficti
vement.
« E n ce qui touche la question de savoir si le rapport fictif de cc
bien doit être fait en n a tu re , pour être estimé valeur de 1821 , ou bien
s’il ne doit être rapporté que le prix pour lequel le sieur Cistcrnes
aurait eu le droit de le re te n ir, si la dame Cisternes était venue à
décéder sans enfans ;
« Attendu qu’ on lit dans le contrat de mariage des époux Cislernes
la clause suivante : « Dans tons les cas où la restitution de dot aurait
« lie u , il sera libre au futur époux, ou à ses héritiers et ayant-cause,
« de garder et retenir les biens ci-dessus délaissés à la future épouse
K par ses père et mère, en p aya n t, par ledit futur ou ses héritiers, la
« somme de vingt-cinq mille francs » ;
« Allendu qu’ il résulte de l’ensemble de cette clause, et sur-tout
de ces mots : Dans tous les cas où la restitution de dot aurait lieu
q u ’en abandonnant au sieur Cisternes le domaine de Sauvagnat pour le
prix porté audit contrat, les père et mère de la dame Cisternes n’avaient
nullement eu l ’ intention de fixer la valeur pour tout autre cas que celui
prévu par ladite clause, mais qu ’ils ont seulement eu eu yuq de pré-
*4»
�■Mix
intentions da
Du
( >4 )
père de famille,
pour quo la dame
( 'ouffour we la dénonçât pas à des magistrats
supérieurs.
sauter au sieur Cisternes l’avantage de devenir propriétaire incommutable d’ un bien q u i, réuni à celui que lui donnait son père dans la
même com m une, devait former une propriété considérable, comme
aussi de l’encourager à l’améliorer, dans la certitude qu’à tout événement
il l’améliorerait pour lui ;
« Attendu que cette première clause se trouve encore interprétée par
celte autre du même contrat : « Les sieur et dame Auteroclie, et le sieur
« Cisternes-Delorme père, se réservant pour eux et les leurs, chacun en
« droit s o i , les biens par eux ci-dessus donnés et constitués aux futurs
tr é p o u x , en cas qu ’ils décèdent sans enfans, ou leurs enfans sans des« ceudans, ou sans en avoir disposé » ; et que cette dernière clause ne
laisse plus de doute sur le véritable sens à donner à la première ;
« A tte n d u , au surplus, que ces motifs sont totalement étrangers aux
autres enfans, et que bien certainement les père et mère n'ont pas
entendu leur préjudicier par cette clause du contrat de leur aînée.
« E n ce qui touche Les rapports à faire par la dame V o y re t,
« i° A l ’égard du trousseau :
« Attendu q u e , par contrat de mariage du 3 ventôse an i , passé
pendant le cours du papier-monnaie, il a été estime à la somme de
mille livres, et que celte somme est réductible en numéraire, d’après
l ’article i 5e du titre 3e de la loi du 16 nivôse an G, n° i 64 ;
« s" A l’égard de la rente en b l é , estimée, par le même c o n tra t, à
dix mille francs ,
« Attendu que le sieur Voyret a été forcé d ’en recevoir le rembour
sement en l’an 3 , ainsi que le sieur Auteroche l’a reconnu dans le
contrat de mariage de la dame Du CouiTour, et que le remboursement
fait moyennant la somme de (jjoo livres, assignats, le 12 nivôse an 3 ,
ne représente, à l'éch elle, que ao 34 livres en numéraire, et que la
dame Voyret ne doit que le rapport de cette somme, d'après 1 article i 5
précité de la loi du 1G nivôse an G , comme étant la valeur réelle qu’elle
a reçue ,
« L e t r ib u n a l, etc. »
�•H
( »5 )
Elle en a interjeté appel, par exploit des i!\ octobre
et 7 novembre 1822.
La dame veuve Auteroche s’est aussi plainte, par
un appel , de ce que ses reprises ne lui avaient pas été
accordées.
Ces deux appels font renaître devant la Cour toutes
les questions qui avaient été agitées en présence des
premiers juges.
Sur celui de la dame D u Couffour, l ’on aura à
examiner, i° quelles doivent être les valeurs des rap
ports fictifs a faire par les dames Cisternes et V o y r e t 5
20 Quel doit être l ’effet du don du quart en préc i p u t , promis à la dame D u Couflour.
§ i" .
V aleurs à rapporter p ar les clames Cisternes
et V o y ret.
Cette question se subdivise.
La dame Cisternes doit le rapport de /jo,ooo francs
seulement.
La dame Voyret doit la valeur réelle des rentes qui
lui ont été constituées.
Le rapport de la dame Cisternes ne doit être que
fictif, puisqu’elle ne vient pas au partage; niais il faut
que la valeur à rapporter soit connue, pour déter
miner la masse héréditaire, et pour prononcer sur le
don en préciput fait à la dame Auteroche.
�Selon la dame V o y r e t , on doit estimer, d ’après leur
valeur actuelle, les biens délaissés, en 1789, à la dame
Cisternes ou à
n mari; et cette valeur doit être
imputée sur la quotité disponible, parce cj[ue la dame
Cisternes renonce à la succession.
Selon la dame D u Couffour^ la valeur de ces biens
a été invariablement fixée par le contrat de 178g.
Vendus au m a r i , leur prix seul doit entrer dans le
patrimoine du père ; et la dot reçue par la dame
doit s’imputer sur la portion héréditaire
de celle-ci.
Cisternes
Cette question d ’im putat ion, que nous traiterons
dans la suite, forme, comme on le verra, tout l ’intérêt
1
de la question d ’estimation.
Les principes e n v i g u e u r lors du contrat de mariage
de la dame Cisternes, les clauses même de ce contrat,
11e permettent pas d ’hésiter à dire que les biens qui y
sont énoncés furent vendus au m ari, et sortirent, dès
cet instant, du patrimoine paternel.
Remarquons que c’est par les lois romaines que ce
contrat doit être régi, soit que l ’on considère le domi
cile des parties, soit que l ’on se fixe sur le lieu où il a
été passé.
Les sieur et dame Auteroche et la future épouse
étaient domiciliés à Issoire, pays de Droit écrit.
L e futur époux et ses père et mère habitaient
C l e r m o n t , dont le Droit écrit était a u s s i la loi.
E n f in , l’acte a été passé à Sauvagnat, près Issoire,
lieu aussi régi par les lois romaines.
�m
( 17 )
O r , une des règles élémentaires du Droit romain,
était la maxime clos estimcita , clos ? cnclita.
Cette maxime était écrite dans uae ioule de lois;
elle était enseignée par tous les auteurs des provinces
qui avaient adopté la législation romaine.
La loi 5 et la loi 10 au Code D e ju r e dotium ,
posent le principe comme règle générale.
Quolies res œstimatœ in clotem d a n tu r , dit la
première de ces lo is , maritus clominium consecutus 3
summee velut p re tii, debitor ejjicitur.
L a rè gle ne s o u f f r a i t q u ’ u n e s e u le e x c e p t i o n , s a v o i r ,
l o r s q u ’ il a v a i t é t é ré se rv é à l a
f e m m e la
liberté
de
re pre ndr e' l e ' f o n d s e s t i m é .
Fundus œstimatus non est dotalis sed marito proprius, em ptiom sjure} msi reliiicjiicitur cirbitrio m illions
fu n d um repetere (Observation de Cujas , dans son
Traité A d A fricanum , sur la loi 9 , S i m a r i t o iF.
D e fu n d o dotali.').
Au. contraire, s’il avait été convenu que la chose ou
l'estimation serait rendue, le mari avait le choix. C ’est
la décision des lois 10, § ult. , et 69, § 7 , D e ju r e
dotium.
Dans le doute même sur le bu t de l ’estimation, on
présumait q u ’elle avait été faite dans le dessein de
vendre au mari. Telle est la remarque de Serres, dans
ses institutes, où il cite la glose sur la loi 21 , Cod.
D e ju re dotium.
11 importait peu que le mari eut ou non vendu
l’objet estimé par le contrat. Dans
tous les cas ,
l ’estimation le rendant propriétaire, il ne devait res3
�( >8 )
tituer que la somme. Item si non v œ n ie r ite stim a lio
prœstari débet, h . item 3 , ff. D e pactis dotalibus.
Cette doctrine est enseignée par tous les auteurs qui
ont examiné la question pour les pays de Droit écrit.
On peut consulter notamment , parmi les auteurs
du parlement d e T o u lo u ze , Catelan, livre 4 ? ch. 3 2 ;
Serres, dans ses Institutions, livre 2 , titre 8 , ad
p r in c ip e et parmi ceux du parlement de Paris,
Rousseau-Lacombe, au mot D o t , partie 3 , sect. 2;
Roussilles, Traité de la D o t , ch. 9 , § 1 , et sur-tout
D ô m a t , dans ses excellentes Lois civiles, livre i er,
titre 9 , sect. i re, nos 5 et suivans.
Ce savant auteur cite et explique les lois romaines
sur la question.
Il s’exprime ainsi au n° 5 :
« La dot en deniers, ou autre choses, soit m eubles,
« soit im m eubles, qui ont été estimées par le contrat
« à un certain prix, est propre au mari, et il devient
« débiteur des deniers donnés en dot ou du prix des
« choses estimées; car cette estimation lui en lait une
« vente, et la dot consiste au prix convenu. »
Il ajoute au n° 7 :
« Dans le cas où les choses dotales sont estimées ,
« les règles sont les mêmes que celles qui ont été
« expliquées dans le contrat de vente; car cette esti« mation est une vraie vente ». Quia estimatio venditio est. L . 1 0 , in fin . 3 ÎF de ju r e dolium , et L . 1
et 10, C . eod.
L ’application de cette doctrine à la cause est aussi
facile que naturelle.
�( *9 )
On lit dans le contrat de mariage de la dame Cis
ternes q u ’il lui est constitué en argent 5ooo fr. , dont
l ’acte porte quittance, et 10,000 fr. payables après le
décès du dernier mourant des père et mère*, et en
immeubles, rentes ou meubles qui se trouvaient a
Sauvagnat, des objets évalués 25,000 fr.
Cette estimation , qui est répétée dans plusieurs
parties du contrat, suffirait pour attribuer au mari
la propriété des objets délaissés.
Mais on a fait plus; on a stipulé comme condition
du mariage, comme loi de famille, que, d a n s t o u s les
c a s o h l a r e s t i t u t io n d e l a d o t a u r a i t l i e u , non.
seulement le futur époux, mais même ses héritiers
ou ayant-cause seraient libres de garder et retenir les
biens en payant, à qui il appartiendrait, la somme
de vingt-cinq m ille fran cs.
Quoi de plus formel que cette stipulation? Quoi
de plus caractéristique d’une vente faite au mari et
à ses héritiers ou ayant-cause ?
Quoi de plus exclusif de l ’idée que la propriété des
objets délaissés résidât sur la tète de la dame Cisternes,
et que ces objets dussent être rapportés en nature au.
patrimoine du père?
N ’est-il pas évident q u e , dès ce moment même, le
Perc a entendu se dépouiller de cette propriété; q u ’il
l a transmise à. la famille Cisternes; que, par consé
quent, elle a cessé, comme tous les autres biens q u ’il
aurait aliénés, de faire partie de son patrimoine , e t'
qu aujourd nui elle ne doit pas y rentrer pour en
former la masse ?
�^ V JÛ
f 20 )
D ’autres clauses du contrat démontrent de plus en
plus cette vérité.
On accorde dix ans de terme au fu tu r ép ou x ou à
ses héritiers pour la restitution des 2Î),ooo fr. et des
autres sommes constituées.
O11 déclare ensuite que la somme de quarante
m ille fra n cs fo rm e la dot de la future.
Ainsi , suivant la pensée, suivant la volonté des
contractans, cette dot était seulement pécuniaire; elle
était seulement de 4.0,000 francs en a rge n t, puisque
telle est la valeur seule qu ’on lui fixe, puisque telle
est la valeur seule que le mari ou ses héritiers sont
soumis à restituer.
Opposera-t-on que le m a r i , étant libre de restituer
:i5,ooo f r . , était aussi libre de rendre les objets même;
q u ’ainsi la c o n s o m m a t i o n de la vente dépendait de la
volonté de celui-ci ou de ses héritiers?
' Cette circonstance est indifférente. La faculté ac
cordée au mari n ’établit pour lui q u ’un mode de
libération : elle n’empêche pas que la propriété des
objets délaissés ne lui ait été transmise dès le jour
même du contrat. Il devait un jour restituer la dot,
et cette o b l i g a t i o n le constituait débiteur envers son
épouse de la valeur fixée; mais cette dette, il pouvait
s’en libérer ou en argent ou en fonds, h son choix.
O r , par cela même que le mode de libération dépen
dait de lui, la propriété des choses q u ’il avait reçues
résidait nécessairement sur sa tête; il était libre d ’en
disposer à son gré, de les vendre, de les échanger, de
les donner même; il pouvait les aliéner dès le leu-
�/of
( 21 )
/
demain du c o n t r a t i l a p u , il pourra en disposer
pendant tout le cours de son mariage*, et même après
sa dissolution, ses héritiers, ses ayant-cause auront
aussi la même faculté, sauf à rendre les 2^,000 fr. ,
prix convenu.
Au contraire, le sieur Auteroclie père, la dame Cisternes n’ont plus eu, dès le jour du contrat de mariage,
le droit d’exercer aucun acte de propriété sur ces objets.
O r , n ’e st-i l pa s é v i d e n t q u e c e l u i - l à s e u l est p r o
p r i é t a i r e q u i p e u t d i s p o s e r d e la c h o se à son g r é ; et
n e r é s u l t e - t - i l pa s d e ces idé es q u e le s i e u r C i s t e r n e s
a é t é , dès 1 7 8 9 , le s e u l , le v r a i p r o p r i é t a i r e des o b j e t s
qui
furent
alo rs délaissés
par le
( V o y e z C o d e c i v i l , article
544*)'
sieur
Auteroclie ?
On peut reconnaître sous un autre rapport, que la
propriété de ces objets résidait sur la tête, du sieur
Cisternes.
Il s’était obligé ou à les rendre en natuie , ou à
rendre leur valeur, fixée à a 5 ,ooo fr. ; c’est-à-dire que
son obligation était alternative, et même q u e , d ’après
une convention expresse, le choix lui appartenait. Or,
si les choses q u ’il avait reçues avaient péri ; si les
rentes avaient été remboursées en valeur nulle; que
les meubles eussent été détruits par l ’usage ou autre
ment-, qUe i es immeu]3lcs eussent été dégradés par
quelque accident, par une force majeure même , le
sieur Cisternes eùi-il pu se dispenser de payer les
a 5,ooo fr.? N on , sans doute : la chose aurait péri
pour lui. Par la perte de cette chose, même sans sa
faute, son obligation alternative serait devenue pure
/ »
�et simple, et il aurait dû les 2 5,ooo francs (Voir Code
civil, article 1193; et Pothier, Traité des obligations,
n° 2 5o.).
t
Mais pourquoi, malgré la perte de la chose, le prix
en est-il dû? Pourquoi? par application de la maxime,t \
lies périt dom ino; et parce que tout débiteur sous
une obligation alternative à son choix, est considéré
comme seul propriétaire do la chose, tant q u ’il n’a pas
fait d ’option.
Remarquons, au reste, que l ’option du sieur Cisternes a même été consommée par la déclaration q u ’a
faite celui-ci, en présence de son épouse, au greffe du
tribunal civil de Clerm ont, le 29 août 1821.
L e sieur Cisternes avait à s’expliquer, puisque son
épouse pouvait ê t r e d a n s le cas de r a p p o r t e r sa dot à
la succession du sieur Auteroche, et lui-même, par
suite, obligé de restituer ce q u ’il avait reçu en objets
mobiliers ou immobiliers.
O r , qu'a-t-il déclaré? « Q u ’il gardait et retenait les
«
«
«
«
biens délaissés par les sieur et dame Auteroche et
L ’ huillier, père et mère de la dame Cisternes, par
le c o n t r a t dudit jour 27 juin 17 8 9 , pour la somme
portée audit contrat j ainsi q u i l en a la fa c u lté
« p ar icelu i. »
L e choix du sieur Cisternes est donc consommé. Il
retient les objets délaissés pour les 25,000 francs, prix
du délaissement; en sorte q u ’en supposant q u ’on put
considérer la vente comme c o n d i t i o n n e l l e dans l'ori
gine, la condition accomplie, ayant eu un'effet ré
troactif au jour du contrat de mariage, a rendu la vente
�( ^
)
pure et. siinpl^ des 1 înstunt même du conttat ^Voit
le Code civil, art. 1179.)A in s i , dès 1789 , il y a eu aliénation de la part du
sieur Auteroclie de ses biens de Sauvagnat. Il y a eu
aliénation, non à titre gratuit et en faveur de sa fille,
mais à titre onéreux, et dans l ’intérêt seulement du
sieur Cisternes et des héritiers de celui-ci, quels qu ’ils
fussent , directs ou collatéraux , conventionnels ou
naturels. Désuet instant les *¿5 ,000 fr., prix de l ’aliéna
tion , ont seuls fait partie de la dot de la dame
Cisternes, ont seuls été sujets à restitution d a n s t o u s
l e s c a s où elle aurait lieu, ont se uls aussi ete sujets
u rapport-, c a r le r a p p o r t est un cas de restitution.
Ainsi, la valeur actuelle de ces biens ne doit pas
entrer, même fictivement dans la masse du patrimoine
du sieur Auteroche; car si la loi veut que l ’on réunisse
U la masse les objets donnés (voir Code civil, art. 922),
elle n’autorise pas a y réunir les objets vendus, et
, sur-tout vendus h des non successibles. Sortis du patri
moine de l ’auteur , ces objets ne peuvent y être
compris ; leur prix seul, s’il est encore d ù , doit en
faire partie.
Les observations que nous venons de faire répondent
suffisamment aux motifs du jugement sur la question.
Les premiers juges reconnaissent , par exemple,
que le but de la clause du contrat a été de présenter
au sieur Cisternes l’avantage de devenir propriétaire
de ces biens de Sauvagnat.
Mais de cet aveu même ne découlerait-il pas la
conséquence évidente que le sieur Auterochc avait
�aliéné la propriété, et que cette propriété ne devait
plus à jamais faire partie de son patrimoine*, q u ’ainsi
elle ne devait y rentrer ni par la voie du rapport, ni
par aucune autre voie?
Les premiers juges disent que la clause doit être
restreinte au cas de restitution q u ’elle a prévu.
Mais un rapport n’est-il pas une sorte de restitution?
et, d ’ailleurs, si les objets délaissés ne sont restituables
ni en nature, ni en valeur actuelle; s’ils ont été aliénés,
depuis 17 8 9 , a titre onéreux à la valeur vénale de
cette époque; si, enfin, ils sont sortis dès-lors du pa
trimoine de la famille Autcroche, pour entrer dans
celui de la famille Cisternes, comment devraient-ils
être rapportés aujourd’hui à la succession Auteroche?
Les premiers juges argumentent aussi du droit de
réversion stipulé dans le contrat de mariage.
Mais outre que le cas de réversion n’est pas arrivé, .
c’est q u ’évidemment ce droit ne s’appliquait q u ’aux
25,000 f r . , prix de l ’estimation et du délaissement; car
le sieur Cisternes et les héritiers étant autorisés, dans
tous les cas où la restitution aurait lie u , à retenir
les biens, et à ne restituer que 25,000 f r . , il est clair
que cette faculté s’appliquait aussi à la réversion qui
n ’était elle-même q u ’un cas de restitution.
Enfin l’on a dit que le sieur Auteroche n’avait pas
entendu préjudiciel’ h ses autres enfans.
Etrange raisonnement! Comme si un père n’a pas
le droit, pendant sa vie, d ’aliéner son bien; comme si
le sieur Auteroche n’aurait pas eu la laculté de vendre
avant le mariage son bien de Sauvagnal, moyennant
�IT
•
( ,5 )
a 5 ,ooo f r . , soit au sieur Cisternes, soit à toute .autre
personne, et cleconstituer à sa fille cette somme; comme
s i , ce q u ’il aurait pu faire par deux actes différons , il
n’a pas eu le droit de le faire par le même acte qui.
renfermait tout à-la-fois, et la vente au sieur Cisternes,
et les conventions matrimoniales entre celui-ci et la
demoiselle Auteroche; comme s’il rx’avait pas enfin
exprimé la volonté formelle que la dot de la dame
Cisterne fût seulement, pécuniaire, et s’élevât à la
somme de 4o,ooo francs; comme s’il n’avait pas aussi
manifesté, non seulement par le contrat de mariage
de la dame D u Cou flou r , mais e n c o r e par son testa
ment , une v o l o n t é f e r m e et constante d ’attribuer à sa
fille ainée l ’avantage du quart de son patrimoine
entier, en laissant à la dame Cisternes, pour sa part
héréditaire, la dot q u ’elle avait re ç ue , et en ne vou
lant pas qu elle participai au partage du surplus de
ses biens.
Q u ’on cesse d’en appeler aux intentions du père de
famille, ou , si l’on veut invoquer ces intentions respec
tables, q u ’on s’y soumette, q u ’on les exécute; et la
discorde alors cessera de troubler la famille Auteroche.
On doit donc reconnaître que les premiers juges
ont méconnu la volonté du sieur Auteroche, violé la
loi du contrat de 1 7 8 9 , et blessé les principes des
rapports, en ordonnant l’estimation, valeur actuelle
des biens délaissés au sieur Cisternes.
Ces biens
aliénés alors au prix vénal du tems; ces biens dont k
propriété, transmise au sieur Cisternes, n’appartenait
plus à la famille Auteroche; ces biens q u ’à la dissolution
4
�( 26 )
du mariage, la dame Cisternes ni aucun de ses héritiers
n ’auraient eu le droit de réclamer; ces biens, étrangers k
la succession du sieur Auteroche, ne doivent pas y être
rapportés, même fictivement; les 25,ooo francs qui en
sont le prix doivent seuls entrer dans la masse, afin
de servir à déterminer la qu o tité d is p o n ib le , suivant
le vœu de l’article 922 du Code civil.
L ’erreur que nous venons de signaler n ’est pas la
seule qui ait été provoquée par les sieur et dame
V o y r e t , et qu ’ait commise dans leur intérêt le tribunal
dont est'appel.
Les sieur et dame Voyret devaient le rapport en
nature, 011 en valeur réelle, des deux rentes en grains
qui avaient été constituées à celle-ci par son contrat
de mariage.
L e sieur V o y r e t , à qui avait été fait le rembourse
ment de la principale de ces rentes, a obtenu de rap
porter seulement la valeur réduite des assignats q u ’il
avait reçus.
»
Cette décision eût été juste si le remboursement
eut été forcé, et s’il eût été accompagné des conditions
prescrites par la loi.
Mais le remboursement a été illégal; mais il a été
volontaire de la part du sieur Voyret.
L e remboursement a été illégal.
L a loi du 29 décembre
1790, en autorisant les
rachats des renies foncières, soumettait les débiteurs
à diverses conditions. L ’article l\ du titre 2 porte
notamment que « les tuteurs, les grevés de substilu-
�•/$7
( a7 )
«
«
«
«
tion, et les maris, clans les pays où les dots sont
inaliénables, mèmeavecle consentement des femmes,
ne pourront liquider les rachats des rentes ou redevances foncières appartenant aux papilles , aux
« mineurs, aux interdits, à des substitutions, et a u x
« fem m es mariées, q u ’en la forme et au taux ci-après
« prescrits, et à la charge du remploi. »
L ’article ajoute que « le redevable qui ne vomira
« point demeurer garant du remploi pourra consigner
« le prix du rachat. »
L e mode et le taux du rachat sont prescrits par le
titre 3 de l a l o i .
On n ’ e x a m i n e r a pas si la f o r m e et le taux du rachat
ont clé observés; cela dépend des calculs qui ont été
faits entre le débiteur et le sieur V o y r e t , calculs qui
ne nous sont pas connus, et dont on vérifiera la jus
tesse lorsque celui-ci les aura indiqués. On se bornera,
sur ce point, a dire que, d’après l ’article ?. du tit. 3
de la loi, le rachat des rentes en grains devait être fait
sur le pied du denier vingt-cinq de leur produit
annuel; et qu e , d’après l ’article 7 , le produit annuel
se déterminait en for man t, du prix des grains, une
année commune, a l ’aide des quatorze années anté
r i e u r e s à celle du rachat, années desquelles on re
tranchait les deux plus fortes et les deux plus faibles.
L e sieur Voyret aura à démontrer q u ’il a rempli
ces dispositions de la loi.
Mais une condition q u ’il a complettement négligée,
et que les débiteurs de la rente ont oubliée comme
l u i , c’est la charge du remploi.
¿ fi,
�Cependant, aux termes de l ’article 4 du titre 2 du
décret, il ne pouvait liquider le rachat q u ’à la charge
du remploi.
Le défaut de remploi rend donc la liquidation
nulle et le remboursement illégal. On connaît , en
effet, la force, en D r o i t , de cette expression prohi
bitive, n e p e u t ; S jlla b a > o n , prœposita verbo p o t e s t ,
tollit potentiam ja r is et f a c t i 3 el reddit actum nullum
et impossibile. Fait contre la prohibition de la loi ,
accepté sans le consentement même de la dame Voyret
seule propriétaire de la rente, le r e m b o u r s e m e n t ne
peut être opposé par le sieur V oyre t; il ne pourrait
même l ’être par les redevables, puisque la loi les ren
dait garans du défaut de rem ploi, et que par consé
quent ce remploi était nécessaire pour les libérer. C ’est
ce qui a été jugé par plusieurs arrêts de la Cou r, dans
des cas semblables.
U n arrêt du 19 prairial an 12 a déclaré nul le
remboursement d ’une rente dotale, faite au mari en
nivôse an 3 , accepté par celui-ci sans remploi. Il a
jugé que la nullité, fondée sur le défaut de remploi,
avait pu être demandée, même p e n d a n t le mariage ,
et il a condamné les redevables à servir la rente.
U ne semblable nullité de remboursement a été pro
noncée, le 18 juillet 1810, par le même motif, rela
tivement à une rente créée sur une maison de ville
(V oir les deux arrêts dans le Journal des A udiences
de la Cour de Riom 3 à leurs dates.).
Ces préjugés, et les termes de la loi du 29 décembre
1790, sont trop positifs, pour douter que le rembour-
�/'S')
( 29 )
sement fait au sieur Voyret n ’eut été aussi déclaré
nul, si ce remboursement avait été forcé, et si le sieur
Voyret n ’en avait personnellement garanti la valeur.
Aussi la demande en nullité, formée par les sieur et
dame Voyret, n’a-t-elle été rejetée que quant à pré
sen t, par l ’arrêt du 22 décembre 181 r , dont nous
avons rapporté ci-dessus la teneur. C ’est par une
lin de non recevoir que cette demande a été mo
mentanément écartée , et par une fin de non rece
voir résultant des faits personnels du sieur V oyre t,
de ce q u ’il a recherché, comme le dit l ’a r r ê t , et reçu
volontairement le remboursement, et de ce q u e , à
l ’exécution de la quittance q u ’il a donnée aux rede
vables , il a obligé ses biens présens et ¿1 venir.
C ’est donc par la faute du sieur V o y r e t , par les
suites de son imprudence ou de ses spéculations ,
par l ’effet de l ’obligation personnelle q u ’il avait con
tractée envers les débiteurs, que le remboursement a
été maintenu, et que la rente a péri, ou a été réduite
a une très-faible valeur.
Mais n ’est-il pas juste que le sieur V oyret soit seul
puni de ses propres fautes ? N ’est-il pas juste q u ’ il
subisse seul les conséquences de ses faits personnels?
N e-t-il pas juste que la succession du sieur Auteroche,
que la dame Voyret et les cohéritiers de celle-ci ne
souffrent pas des suites d ’un tort qui leur est étranger?
Ne sait-on pas aussi que tout fait quelconque de
l’ homme, qui cause a autrui un dommage , oblige
celui par la faute duquel il est arriv é , à le réparer
(Code civil, art. i382.)?
�( 3o )
L e sieur Voyret pouvait refuser le remboursement,
■et il l’a accepté volontairement; il l ’a même recherché,
suivant l ’expression de l ’arrêt de 18 i i . Il devait faire
un emploi, et il l ’a négligé. Il pouvait ne pas garantir
ce remboursement; s’il se fut abstenu de le garantir,
la succession forcerait aujourd’hui
les débiteurs à
servir la rente; et il a promis sa garantie personnelle,
et il a fait du remboursement sa propre affaire.
Si donc le remboursement est nul; si le sieur Voyret
a voulu s’exposer aux suites de cette n u l li t é , c’est sa
propre affaire et non celle de la succession. Les héri
tiers D u Couffour ont le droit d ’exiger, ou q u ’il re
présente la rente telle que le père de famille la lui
avait remise, ou q u ’il en rapporte la valeur réelle,
et non une valeur dépréciée, que lui seul a rendue
illusoire.
L e tribunal a donc mal jugé, en ordonnant seule
ment le rapport, en valeur réduite, des assignats que
le sieur Voyret a spontanément reçus. Celui-ci doit
rapporter, ou les rentes même en nature et dûment
conservées, ou leur valeur actuelle. Ce rapport et
celui de la dot pécuniaire de la dame Cisternes doivent
être réunis au surplus des avancemens d ’hoirie et aux
biens dont le pèrç était en possession à son décès,
pour former la masse héréditaire sur laquelle les droits
de chaque cohéritier seront déterminés,
�/¿'
( 3 0
§ II.
Q uel doit être Veffet du don du quart en p ré cip u t,
promis à la dame D u C oujjour?
L a dame Du CoufTour réclame le quart en préciput
des biens de son père. Sa demande est fondée sur deux
titres : son contrat de mariage et le testament du père.
Par le premier de ces titres , qui est antérieur au
Code civil (il est du 4 pluviôse an 11, ou 24 janvier
i 8o3 ) , les père et mère de la dame D u Couffour lui-,
ont assuré le quart de leurs biens en préciput, et
l ’ont instituée leur héritière dans les autres trois
quarts, par égale portion avec la dame Voyret. Ils ne
parlent pas dans cet acte de la dame Cislernes, à qui
ils avaient déjà donné la valeur de ses droits hérédi
taires, par son contrat de mariage du 23 juin 1789.
L e second titre, le testament du père, contient
aussi, en faveur de la dame Auteroche , un legs du
quart en préciput de tous scs biens meubles et immeu
bles sans excep tion .
L a d a m e V o y r e t rési ste à l ’ e x é c u t i o n d e c e t t e d o u b l e
d is p o s i t i o n .
V
Elle fonde sa résistance sur ce (rue la dame Cisternes
1f 1 t j
a u e c ia r e s en t e n i r à ce q u ’e ll e a v a i t r e ç u , et ne pas
vouloir venir au partage de la succession du sieur
Auteroche.
La dame Cisternes, dit-elle, a renoncé. Par sa re
nonciation , elle doit être assimilée à une étrangère.
Sa part héréditaire a accru à ses cohéritiers} et ce qui
-C<;
�**Y
( 3 0
lui a été donné doit s’imputer sur la quotité dispo
nible, suivant la règle écrite dans l ’article 845 du
Code civil. Si donc, par la dot de la dame Cisternes,
la quotité disponible est épuisée, la dame D u CouiFour
n ’a pas droit au quart en préciput qui lui avait été
promis.
Ce que la dame Cisternes a reçu, et sou refus de
venir à partage peuvent-ils priver la-dame Du CouiTour
du quart en préciput qui lui a été promis?
Telle est la question.
Cette question ne peut être résolue q u ’en faveur de
la dame Du CouiFour.
L a dame Voyret se retranche dans les nouveaux
principes q u ’elle interprète à sa manière. Elle s’appuie
aussi sur un arrêt de cassation, du 18 février 18 18 ,
q u i , dit-elle , a donné l ’explication du Code civil
p a r innovation à la législation ancienne (1).
Nous examinerons la difficulté d ’après les nouveaux
comme d ’après les anciens principes.
Mais la dame Voyret n’a pas remarqué que le Code
civil n ’aurait pu modifier, encore moins détruire une
disposition irrévocable, faite avant son émission; et
que , quelle que fût la législation nouvelle , c’est
d ’après la législation ancienne seule q u ’on devrait
apprécier l ’eftet du don en préciput fait à la dame
Auleroche.
C ’est un principe élémentaire , que les donations
entre-vifs ou à cause de mort, l o r s q u ’ e l l e s sont irrévo(1) Voir les conclusions «les sieur et dame V o y r e t, signifiées eu
première instance, le 17 novembre 18a 1.
�!A *
'
( 33)
cables de leur n ature , sont régies par la loi en vigueur
au moment de l ’acte.
Ce p r i n c i p e conservateur avait été méconnu pen
dant quelques années de désordres et d’aberration :
les lois des 5 brumaire et
17 nivôse an 2 avaient
établi une rétroactivité monstrueuse.
Mais bientôt les idées de justice triomphèrent, et la
rétroactivité fut abolie.
Depuis, les législateurs et les tribunaux ont été at
tentifs à maintenir l ’exécution des contrats, confcîrmément aux lois sous lesquelles ils avaient été passés.
Les législateurs du Code c i v i l ont pose dans le titre
p r é l i m i n a i r e , c o m m e fondement de toute législation,
«ette règle précieuse : « La loi ne dispose que pour
« l’avenir; elle n ’a point d ’effet rétroactif » (Art. 2
du Code civil.).
Une foule d’arrêts ont appliqué ce principe à. des
donations, à des institutions, e t , en général, à des
dispositions, soit entre-vifs, soit à cause de mort, qui
avaient eu lieu sous la législation antérieure au Code.
Ou peut consulter notamment des arrêts de cassation
des 3 messidor an 5 , 5 vendémiaire an 7 , 27 germinal
an 12, 17 et 25 nivôse , 7 ventôse et 8 prairial
an i 3 (1).
U n autre arrêt de la même Cour a décidé, confor
mément à ce principe, une question de réserve ou de
(«) Voir ces arrêts dans le Journal des A udien ces, par Dcnevers ,
volume de 1791 à l ’an 1 2 , pages m
page 3 i
7;
et 164 ; volume de l ’aa 12 !
volume de l ’aa i 3 , page i g S , 2 7 6 , 3oG
407^
�( 34 )
retranchement, née sous le Code civil, entre le père et
l ’épouse du général Virion. Les deux époux, par leur
contrat de mariage, du G ventôse an G, s’étaient lait un
don mutuel de tous les biens que le prémourant laisserait
à son décès. Ce don universel était autorisé par la loi
du 17 nivôse an 2; mais, le général Yirion n ’étant
mort q u ’en 1810, le père du général demanda la ré
duction du don universel jusqu’à la concurrence de la
réserve que lui attribuait le Code. Cette demande ,
accueillie e n première instance, refusée par la Cour
de Paris, a été aussi repoussée par la Cour suprême.
L ’arrêt de cassation déclare que « le don est irrévo« cable, et que, par une conséquence nécessaire, il
« doit se régir par la loi du tems où il a été fait ;
« que si, p a r la n a t u r e des c h o s e s , son exécution est
« p u r e m e n t éventuelle, cette éventualité se rattache
•« à l ’époque de la disposition, puisque c’est elle qui
« constitue le droit du donataire; que ce droit, étant
« acquis d'une manière irrévocable ; ne peut être altéré,
« eu tout ou en partie, par une législation qui lui
« est postérieure ;
« Que la prohibition de l ’efiet rétroactif des lois
« est, en effet, l’ une des bases fondamentales de notre
« législation, et que ce serait violer ce principe établi
-« par l’article 2 du Code c i v i l , que de faire prévaloir
« les dispositions de ce Code aux lois existantes à
« l’instant de la convention » (1).
(1) L ’ arrêt est du 9.8 inai 1812. Il est rapporté par D e n c y c is , volume
«le 1 8 1 2 , première partie, pages 5 o 8 et suivantes.
�f' Ainsi, il est certain que les dispositions contenues,
soit dans le c o n t r a t de mariage de la dame Cisternes,
soit dans celui de la dame D u Couffour, doivent être
régies seulement par les principes en vigueur à la date
des contrats, et q u ’ils doivent produire aujourd liui
les mêmes effets q u ’ils auraient produits si la succession
du sieur Auteroche père s’était ouverte avant le Code
civil.
O r , la dame Cisternes s’est mariée en 1789. Par
son contrat, ses père et mère lui ont constitué une
dot, en valeurs mobilière et immobilière, dé 4°500° fr* »
dont 8000 fr. ¡>our b ie n s m a t e r n e l s , et l e s u r p l u s p o u r
b i e n s p a t e r n e l s : expressions du contrat.
Il est d i t , en o u t r e , dans une autre partie
l ’acte, qu ’«M moyen de ladite constitution
de
la fu tu r e
épouse renonce a u x successions de ses père et mère.
Ainsi, la volonté manifeste du père, celle de la fille,
les intentions de toutes les parties contractantes ont
été que les valeurs données à la dame Cisternes for
massent la portion héréditaire de celle-ci. dans les
successions futures de ses père et mère.
Le sieur Auteroche père, en payant d ’avance à sa
fille la dette de la nature et de la loi, en lui attri
buant, par son contrat de mariage même, tout ce
qu elle devait avoir un jour dans sa succession , n ’a
pas dii craindre d ’ètre privé, par cet acte de justice,
du droit de disposer, à l ’avenir, d’aiicune partie de
ses biens ; il a dû croire que ce q u ’il donnait alors à
sa fille s imputerait, suivant sou vœ u, sur la portion
héréditaire de celle-ci.
�A.\
(36)
Ce serait clone blesser la volonté du père de famille;
ce serait aussi se jouer de l ’expression formelle du
contrat, que de prétendre que l ’imputation doit se
faire non sur la portion héréditaire de la dame Cisternes, mais sur la quotité disponible; q u e , par sa
renonciation, elle doit être assimilée à un donataire
étranger; que sa portion héréditaire doit accroître aux
autres héritiers ab intestaty et que c e u x-c i, sans rap
porter même les valeurs q u ’elle a reçues, sans en tenir
compte, doivent, au préjudice de la dame Auteroche,
donataire du q u a r t, profiter seuls de cette portion
héréditaire, comme si la dame Cisternes n ’avait rien
re çu, comme si sa renonciation était gratuite.
Ce système serait aussi en opposition directe avec
les principes reçus en 1789.
E n effet, tous les auteurs s’accordent à dire que
l ’enfant qui renonce aliquo (lato, celui, par exemple,
qui renonce pour s’en tenir à une donation qui lui a
été faite par son père , fait p a r t , dans l ’intérêt des
héritiers institués, pour la supputation des légitimes*
Le Brun le décide ainsi dans plusieurs passages de
son Traité des Successions.
Voici comment il s’exprime au livre 2 (1) :
« Lorsque l ’enfant, qui fait part naturellement,
« c’est-à-dire à qui il est dû par nature une part dans'
« la succession ou dans la légitime qui est une por-'
« tion héréditaire , renonce pour s ’en tenir ¿1 une
« donation, il est vrai de d i r e , en ce c a s , q u ’il a sa
(1) Clinpitrc 3 , section 6 , n°* 8 et 9.
�tfo
( 37 )
« portion légitim aire, puisqu’ i l en a la 'va leu r, et
« qu ’il est donataire en avancement d ’hoirie-, ce qui
« ne peut pas se trouver, ni dans la personne de
« de l ’enfant qui renonce sans avoir jamais rien r e ç u ,
« ni dans la personne de l ’étranger. Ainsi il est très« juste que l ’enfant qui renonce aliquo clato fasse
« part dans la supputation ; et bien loin que les
« autres enfàns aient le droit de se plaindre de ce que
«
«
«
«
cela diminue leur légitime, il fa ut, au contraire,
qu ’ils considèrent que leurs droits diminuent natuTellement, à proportion de ce qui a été donné à l e u r
frère, puisqu’il aurait p a r t a g é a v e c e u x ab intestat. »
M . L e B r u n t r a i t e l a question avec plus de déve
loppement au livre 3 (1); et après avoir rapporté les
raisons contraires, il se décide en faveur de celui qui
doit fournir la légitime aux dépens des libéralités qui
lui ont été faites. La solution q u ’il donne est conçue
en ces termes :
« Il est juste que tous les renonçans aliquo dato
« fassent part; car comme l ’on doit faire entrer leurs
« .donations dans la masse des biens, ce qui grossit
“ beaucoup la légitime^ aussi ils doivent fa ire part
" en fa v eu r de celu i qui fo u rn it la légitim e 3 ce qui
w la diminue à proportion; et l ’héritier testamentaire
« perd encore à cela, en ce que les donataires ne s’en
« tiendraient pas à leurs dons, s’ ils n ’étaient plus
« considérables que leurs parts afférentes dans la suc« cession. »
( 0 L ivre 3 , chapitre 8 , section 2 „ n°* 79 et suivau»,
�y
,
( 38 )
Ricard avait prévu la difficulté avant L e B ru n , et
il l ’avait résolue dans le même sens, eu parlant des
renonciations aliquo clato faites soit par des fils do
nataires du père, soit par des filles qui ont reçu une
dot.
« Dans ces espèces, remarque l ’a u t e u r , il n ’est pas
« absolument vrai de dire que les en fans qui s’abs« tiennent de la succession n’y
prennent point
de
« pa rt, attendu q u ’ils ont reçu leur partage en avan*« cernent d’ hoirie, et q u ’ils ne renoncent que par la
« considération de ce q u ’ils ont été. satisfaits par la
« prévoyance de leur père ». (i).
C ’est sur ces principes q u ’est fondé l ’article 34 de
l ’ordonnance de 17 3 1, qui autorise l ’enfant donataire,
contre lequel leâ autres légilimaires agissent par l ’action
en retranchement, à retenir sa propre légitime sur la
chose qui lui a été donnée, ce qui démontre claire
ment que le don doit s’imputer d ’abord sur la portion
héréditaire de l ’enfant.
E t remarquons que cette faculté de retenir sa propre
légitime sur le don qui lui a été fait, et au préjudice
des autres enfans, s’applique, à celui qui a renoncé
comme à celui qui a accepté, suivant la doctrine de
Ricard (2), doctrine adoptée aussi par M. Merlin dans
son Répertoire de Jurisprudence.
« Il est bien juste, dit le premier auteur, en par
lant de l’enfant qui renonce aliquo
dalo , il est
(1) Ricard , Traité dos Donations, 3 " p a rtie , n° ioG 3 ,
(2) Traité des Donations, 3* partie, n° i o 65 .
�/¿9
( 30 )
i«( bien juste qu ’il retienne, par forme ¿ ’exception, ce
« qui lui appartient par droit de légitime. »
Toutes les règles que nous venons de rappeler sont
enseignées par M. Merlin dans son llépertoire, au
mot Légitim e (i).
« L e donataire renonçant, dit M. Merlin, ne prend
« point part à l ’hérédité par actio n, mais il la prend
« par rétention : il faut donc nécessairement q u ’il fasse
« nombre. »
C ’est aussi d ’après ces principes que les filles dotées,
q u i , dans certains pays, étaient exclues du partage,
ou par une renonciation ou par le statut c outum ie r,
n’en faisaient pas moins nombre au profit de l’héritier
institué ou du donataire de quote; et q u e , loin q u ’on
imputât sur la quotité disponible les dots q u ’elles
avaient reçues, les enfans mâles n’étaient admis, par
droit d’accroissement , à réclamer les légitimes de ces
filles, q u ’à la charge de rapporter la valeur des d o ts ,
et de l ’imputer sur ces légitimes.
• Ainsi, dans l ’ancien D roit, les dots constituées, les
dons en avancement d ’hoirie, toute espèce de libéralité
faite par un père à son enfant étaient considérés comme
le paiement, par anticipation , de la portion hérédi
taire de celui-ci; et si l ’enfant doté ou donataire ne
venait pas partage, s’il renonçait pour s’en tenir à
ce qu il avait reçu, il n’en faisait pas moins nombre
pour la supputation des droits des autres enfans : ce
( 0 Voyez section 8 , paragraphe i , n« 7 , c l paragraphe a , article 3 ,
question 5 .
�( 4° )
qui lui avait été donné s’imputait sur sa légitime ou.
sur sa portion héréditaire, sans affaiblir la quotité
disponible.
Tels étaient les principes en vigueur en 1789, lors
du mariage de la dame Cisternes } et ces principes
élaient encore les mêmes en janvier i 8o3 , lors du
mariage de la dame D u C ou do u rj car le Code civil,
sur lequel s’appuie la dame Vo yret, n’avait pas encore
paru.
Les s i e u r et dame Auteroche savaient donc alors
que, quoique la dame V o y r e t e û t renoncé, par contrat
de mariage, à leurs futures successions, quelque fidèle
q u ’elle fut à sa promesse, ce qui lui avait été promis
ne devait pas s’imputer sur la portion disponible; ils
savaient que cette p o r t i o n d i s p o n i b l e était restée in
tacte, et q u ’ils n’en avaient pas moins le droit de
donner à la dame D u CoufFour le quart de leurs
biens, quotité autorisée par l ’article
I er
de la loi du
4 germinal an 8 , qui était la loi régnante.
C ’est sous la foi de ces anciens principes, c’est aussi
sous la foi de la faculté que leur attribuait la loi de
germinal an 8, q u ’ils ont fait, en faveur de leur fille
ainée, une disposition irrévocable de sa nature j c’est
enfin sous la foi de l’exécution de cette disposition ,
q u ’ un mariage a été célébré, que deux familles se sont
uniesj et une loi postérieure aurait pu détruire ce qui
était valable alors !
Mais, s’il en était ainsi, que deviendrait cette règle
fondamentale q u i veut q u e les contrats, et les pactes
q u ’ils renferment, soient régis par la loi du jour ou
/
/
�/f/
( 4i )
ils ont été faits? Que deviendrait ce grand principe de
la-non rétroactivité, principe si solennellement déclaré
par les législateurs du Code civil, principe qui est le
fondement de toutes les législations des peuples civi
lisés, principe sans lequel tout ne serait que désordre,
tout ne serait qu ’anarchie dans les lois et dans les
transactions sociales ?
Reconnaissons donc qu e, puisque, suivant les règles
admises soit en 1789 soit en janvier i 8o3 , la dot
de la dame Cisternes d e v a it , dans tous les cas,
que cette dame vint ou non à partage, s’ i m p u t e r sur
sa portion héréditaire, et non sur la quotité alors dis
ponible; et p u i s q u e le sieur Auteroche a disposé alors
par un contrat de mariage, par le plus respectable
des contrats, de cette quotité disponible qui était
libre dans sa main , reconnaissons q u ’ une loi posté
rieure n’a pu porter atteinte à ce don irrévocable
de sa nature; q u ’elle n ’a pu, en changeant l ’im pu
tation de la dot de la dame ¡Cisternes, anéantir ainsi
dans la main de la dame Du CouiTour la donation du
quart, dont celle-ci était saisie avant la publication de
la loi nouvelle.
La question peut encore, être considérée sous un
autie rapport qui conduirait au même résultat.
Avant le Code civil, en janvier i 8o3 , l ’ordonnance
de 1731 , sur les donations, était toujours en vigueur.
Cette ordonnance permettait au père de famille de dis
poser de tous ses biens, moins les légitimes de rigueur
des enfans. De là cette règle écrite dans l’article 34 de
oïdonnance, suivant laquelle, si le donateur no
�( 4» )
laissait pas en mourant assez de biens libres pour
fournir la légitime des enfans, eu égard à la totalité
de son patrimoine
les légitimaires avaient le droit
de demander la réduction, d ’abord des legs, ensuite
des donations, en remontant des dernières aux pre
mières.
Alors, comme le fait remarquer Furgole sur cet
article, on faisait entrer dans le patrimoine, pour le
règlement de la légitime, i° les biens existans; 2° ceux
dont le père avait disposé par testament; 3° ceux dont
il avait disposé entre-vifs, même par contrat de ma
riage, et à titre de dot.
Sur cette masse, chaque légitimaire ne pouvait de
mander que sa légitime personnelle. S ’il la trouvait
dans les biens libres, il devait l’y prendre; si ceux-ci
étaient insufiisans, il n’obtenait, sur les dispositions
testamentaires ou entre-vifs,
que ce qui lui man
quait pour compléter sa légitime;
encore devait-il
imputer sur celte légitime tout ce q u ’il avait reçu du
patrimoine paternel, avant le décès du père.
Ces légitimaires, d’ailleurs, n’avaient pas à examiner
si les autres légitimaires acceptaient ou répudiaient
la succession.
Seulement,, si la renonciation d ’ un des légitimaires
était à-la-fois gratu ite, et pure et simple, celui-ci ne
comptait pas pour la supputation, ce qui ne donnait
cependant pas aux légitimaires acceplans le droit de
reclamer les légitimes des renonçaiis, mais ce q u i ,
selon le nombre qui restait , pouvait augmenter ou
diminuer leurs propres légitimes.
�/
( 43 )
Au contraire * lorsque la renonciation d ’un légitimaire était dirigée en faveur d ’une autre personne,
ou lorsqu’elle était faite aliquo d a to , comme nous
l ’avons déjà d i t , les légitimes des autres enfans étaient
telles q u ’elles auraient été, si tous avaient accepté (i).
Ils ne profitaient pas de la renonciation ; ils ne p o u
vaient chacun réclamer, contre l ’héritier ou le dona
taire, que sa propre légitime de rigueur.
Ces principes sont enseignés par tous les auteurs,
notamment par le savant Ricard, selon lequel, « pourvu
« que les enfans tirent des biens de leur père la por« lion que la nature leur destine, eu égard au nombre
« de frères et de sœurs q u ’ils sont, du moins ceux
« qui ne sont pas absolument exclus de sa succession,
« et auxquels le père a communiqué ses b ie n s , leur
« querelle d ’inofficiosilé doit cesser, n ’ayant pas droit
«
»
«
«
“
de se prévaloir, si les autres ne demandent point
leur part ou la légitime, attendu que chacun a son
droit pour ce regard ^ et il suffit que le père ait
satisfait les autres, et q u ’il leur ait pourvu de sorte,
qu ’ils aient eu sujet de s’en contenter (2). »
C'est comme une conséquence de ces principes ,
<1*1 était admise, dans toute la France, la règle écrite
(1) V o ir M e rlin , Répertoire de jurisprudence, au m o t L é g i t i m e
section 8 , paragraphe 1 " .
*
0 ) Voir Ricard , Traité des Donations, troisième p a rt., n° 10GÎ,
i u > e rlil1’ ^
m0t U '5' l[mQ ’ SeCli° n 8> r araPr®phe 2 , question 5” ’,
N
�( 44 )
dans l ’article
concu :
307 de la Cou tu m e de Paris , ainsi
9
« Néanmoins , au cas où celui auquel on aurait
« donné se voudrait tenir à son d on , faire le p e u t ,
« en s’abstenant de l ’hérédité, la légitime réservée
« a u x autres. »
De cette théorie, la seule admise autrefois dans le
Droit français, et des termes formels de l ’article 34
de l’ordonnance de 1 7 3 1 , il résultait que l ’enfant ne
pouvait faire r é d u i r e les dispositions entre-vifs ou
testamentaires, que pour sa propre légitime, et q u ’il
n ’avait pas le droit de réclamer, en outre, par l ’action
en retranchement, les légitimes des autres enfa ns,
quoique ceux-ci renonçassent,
n ’était pas g r a t u i t e .
si leur renonciation
C e s'prin cip e s, et notamment l ’article 34 de l ’or
donnance de 1 7 3 1 , ont été la loi du contrat de mariage
de la dame Du CouiFour : ils autorisaient ses père et
mère à lui donner toute la quotité alors disponible,
et à réduire la dame Voyret à sa légitime de rigueur.
L a quotité disponible était plus faible, il est vrai,
q u ’en 17 8 9 , et la légitime plus forte; car la loi du
4 germinal an 8 permettait seulement aux père et
mère de disposer du quart de leurs biens. Les trois
quarts étaient réservés pour les légitimes.
Mais si la quotité disponible n ’a pas été excédée,
si la réserve destinée aux légilimaires a été respectée,
la dame Voyret n ’a aucune réclamation à élever.
C ’est vainement q u ’elle se livrerait à de subtiles
�( 45 )
dissertations sur le sens de divers articles du Code
civil.
L e Code civil ne doit pas régir la succession du
sieur Auteroche; car cette succession ne s’est pas ou
verte ah intestat. Avant la publication de cette loi
nouvelle, le père de famille avait disposé de tous ses
biens sous les lois anciennes : il en avait disposé , ou en
faveur de la dame Cisternes, en 17 8 9 , mais à imputer
sur sa portion héréditaire; ou en faveur de la dame
D u Cou ffour, à qui, en janvier i 8o3 , il avait donné
un quart de son patrimoine et une portion égale dans
les trois autres quarts.
L e Gode civil ne peut porter atteinte a ces dispo
sitions, valables sous la loi de germinal an 8.
La dame Yoyret doit les respecter, les exécuter telles
q u ’elles s o n t, ou se restreindre à la légitime que lui
assurait la loi de germinal, c’est-a-dire au quart du
patrimoine entier du sieur Auteroche.
Tout ce que peut donc exiger la clame Y o y r e t , c’est
qu’on compose ce patrimoine, i° des 3 2,000 fr. cons
titués à la dame Cisternes pour biens paternels; 20 des
autres dots ou avancemens d ’hoirie; 3° des biens q u ’a
laissés le père à son décès, et que sur cette masse ,
distraction faite des dettes, on lui attribue un quart.
O i , on ne lui conteste pas ce droit.
Mais en réclamer de plus étendus, c’est non seule
ment méconnaître les volontés d ’un père respectable
c’est aussi vouloir détruire les dispositions d ’actes de
famille que la loi protège.
S il était nécessaire d invoquer la jurisprudence à.
�l ’appui (le vérités aussi claires, aussi élémentaires
nous citerions un arrêt de la C o u r , du 28 janvier
1820, qui a jugé une question dont l ’analogie est
frappante avec celle élevée par la dame Voyret.
Par le contrat de mariage de la demoiselle Julienne
Arcis-Berthon, en date du 1 1 nivôse an 11 (sous la
loi de germinal an 8 ) , il lui avait été promis une
somme de 20,000 f r . , payable après le décès de son
père, a la charge du rapport à la succession , si la
donataire venait à partage. Le don n ’était pas fait en
préciput.
L e père meurt en i 8 i 3 } et la fdle déclare ne pas
vouloir venir à partage, en optant pour les 20,000 fr.
Les autres en fans prétendirent que le don devait être
restreint a u q u a r t , q u o t it é d is p o n ib le ,
e t q u e , n e se
portant pas héritière, la dame Arcis ne devait pas re
tenir, en outre, sa portion héréditaire.
L a C ou r, sans se jeter dans l'examen des articles du
Code civil, considérant que le don avait été fait sous
la loi de germinal an 8 , et que le père pouvait alors
donner h sa fille la portion disponible 3 et une por
tion 'virile dans le surplus , ordonna l’exécution de
la donation , si mieux n’aimaient les autres enfans
abandonner à la donataire un quart en préciput, et
partager avec elle, par égalité, les trois antres quarts
(Voir cet arrêt, à sa date, dans le Journal des Audiences
de la Cour de Riom.).
Des principes semblables d o i v e n t conduire à une
décision analogue, pour la cause actuelle. Comme les
frères Arcis-Berthon, la dame Voyret d o i t, ou exécuter
�G 47 )
la disposition, faite en faveur de la dame D u Couffour,
ou être r é d u i t e à sa portion dans la réserve fixée par
la loi du 4 germinal an 8 , c’est-à-dire au quart du
patrimoine du père.
Ou se rappelle que par le contrat de mariage de la
dame Du Couffour, son père lui a donné, en préciput,
le quart de tous ses biens, et qu ’ il l ’a instituée héri
tière, par égale portion, avec la dame V o y r e t , clans
les trois autres quarts, à la charge du rapport des
avancemens d’ hoirie.
On sait aussi q u e , sur le quart qui est attribué à
la dame Du Couiï’o u r , la dame Voyret est autorisée
par le même contrat a prélever 4 ° ° ° francs.
E n fin , on n’a pas oublié qu e, par son testament,
le sieur Auteroche père, en léguant à la dame D u
Couffour un quart en préciput, donne l ’usufruit de
la moitié de ses biens à la dame L ’huillier, son
épouse.
Le legs d’usufruit de moitié à madame Auteroche,
pouvait être (ait cumulativement avec le don du quart
en propriété à l’un des enfans. Cette double dis
position était autorisée, et par les articles I er et G de
la loi du 4 germinal an 8 , et par les articles r)i3 et
I094 du Code civil.
TV
'
après ces actes, les droits des pai’ties sont faciles
à régler.
L a masse du patrimoine paternel sera composée des
dots ou des avancemens d’hoirie des trois filles, et des
autres biens du père.
U n quart de cette masse sera prélevé par la daine
�( 48 )
D u Couffour, qui paiera sur ce quart 4ooo francs à la
dame Yoyret.
Sur les trois quarts, on distraira les 32 ,ooo francs
f o r m a n t la dot paternelle de la dame Cisternes.
L e surplus se divisera , par moitié , entre la dame
D u Couffour et la dame Yoyret.
Si celle-ci refuse ce mode de portage, et q u ’elle
préfère s’en tenir aux droits que lui assurait la loi de
germinal an 8 , elle recevra le quart du patrimoine
du père, en imputant sur ce quart son avancement
d ’hoirie.
Dans les deux cas, son lot sera grevé, proportion
nellement à sa quotité, de l ’usufruit légué à la mère.
Telles sont les bases du partage à faire. Ces bases
sont déterminées par les actes de famille, et par les
principes en vigueur à l ’époque du contrat de mariage
de la daine D u Couffour.
Ces bases, invariablement fixées alors, n ’auraient
pu être ébranlées par la loi postérieure. Le Code civil
ne peut régir l’exécution des contrats qui 1 ont précédé;
il n’a pu détruire un droit acquis.
Mais s’il était besoin de consulter les règles établies
par le Code civil, on démontrerait aisément l ’erreur
et le danger du système de la dame Yoyret.
La renonciation d ’un héritier naturel, dit la daine
Voyret , le rend étranger u la succession , et lait
accroître sa portion à ses cohéritiers. I)« l;i decoulent,
ajoute-t-elle, plusieurs conséquences. Les dons que le
renonçant retient sont de pures libéralités; ils s’inv
�S i*™ “
( 49 )
putent sur la q u o t i t é disponible : un second donataire
ne peut pas réclamer cette quotité.
L a base de ce système est prise principalement dans
les articles 785 et 786 du Code.
« L ’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais été
« héritier (art. 785). »
« La part du renonçant accroît à ses cohéritiers
« (art. 786). »
Ces articles sont peu décisifs pour la question dont
il s’agit; l’un et l ’autre ne s’occupent que des cas
généraux.
L ’a r t i c l e 780 est s e u l e m e n t r e l a t i f a u cas o ù c e l u i
q u i re n o n c e n ’ a r i e n r e ç u , et
ne retient rien sur le
patrim oine du défunt.
L article *7865 611 établissant un droit d’accroisse• m e n t , suppose aussi que la successiou s’est ouverte
ab intestat.
On argumente encore de l ’article 8 4 5 , qui autorise
l ’héritier renonçant à retenir le don entre-vifs, ou à
réclamer le legs à lui fait, jusqu’à concurrence de la
quotité disponible.
Mais cet article ne s’explique pas sur le cas où la
quotité disponible a été donnée à une autre p e r s o n n e .
C ’est moins dans les articles que l’on vient de rap
peler que dans les articles 9 1 3 , 99.0 et 921 , que doit
se trouver la solution de la question.
L ’article 913 fixe la quotité disponible d’après le
nombre des enfans qui existent au décès du père.'
L article 9^®
déclaré réductibles que les dispo
sitions qui excéderont la quotité disponible.
7
�( 5o )
L ’article 921 autorise à demander la réduction ,
ceux-là seuls au profit desquels la loi Tait la réserve.
Appliquées à la cause des héritiers Auteroche, ces
règles démontrent que la dame Voyret ne devrait être
admise à critiquer les libéralités de son père, q u ’au
tant que ces libéralités excéderaient la réserve que la
loi lui attribuait.
Qu'était-elle, cette réserve? Elle était d ’ un quart
du patrimoine paternel; car le père ayant laissé trois
en fans à son décès, la quotité par lui disponible était
d ’un qu a r t, et les autres trois quarts étaient divisibles
entre les trois enfans, ce qui réduisait au quart la
portion réservée par la loi à la dame Voyret.
La prive-t-on de ce q u a rt, même en partie? elle a
le droit de se plaindre.
Mais conserve-t-elle ce quart en laissant exécuter le
don en préciput fait à la dame Du Cou flou r ? ses
plaintes sont injustes. La loi lui refuse la réduction
d ’ une disposition qui ne porte pas atteinte à sa réserve;
car elle ne peut demander cette réduction que jusqu’à
concurrence de la réserve faite à son p r o f i t ; elle ne
p e ut, à l’aide d'un prétendu droit d ’accroissement ,
réclamer la réserve légale qui était faite au profil de la
dame Cistcrncs. Le droit d ’accroissement, établi par
l'article 786, autorise à recueillir ce qui existe dans
la succession ab intestat> mais non à’ prendre dans la
main d ’ u n donataire ce que celui-ci a reçu; non à
faire annuler ou réduire une donation valablement
faite. L ’action en réduction est une action exorbitante
qui ne peut exister sans être autorisée par un texte
�c l a i r e t f o r m e l . D e s i n t e r p r é t a t i o n s s u b t i l e s e t forcées
110 p e u v e n t 1 é t a b l i r , l o r s q u e la lo i est m u e t t e .
Que l’on réfléchisse sur le système proposé, et l ’on
verra q u ’ il conduit à une injustice révoltante, et
même à l ’absurdité.
Il n’est aucun père q u i , en mariant l’un de ses enfans, ne lui donne un avancement d ’hoirie. En faisant
ce don par anticipation sur son hérédité, non seulement
il cède à ses affections, mais encore il se soumet à la
nécessité; car l ’enfant ne pourrait, sans un tel secours,
faire un établissement convenable.
O r, dans le système q u e l ’on c h e r c h e à c r é e r , le
père s’exposérait à perdre le droit de disposer dans la
suite, de la moindre partie de ses biens, par cela seul
q u ’en établissant l’un de ses enfans, il aurait, par un
don en avancement d ’hoirie, rempli le devoir de la
nature et du sentiment. Que l ’avancement d ’ hoirie soit
égal a la portion héréditaire de l ’enfant, q u ’il soit même
plus faible, cet e n fan t, par caprice ou par fraude, renon
cera à la succession du pèrej pour s’en tenir au don
qu ’il aura reçu; et le père, qui n’a pas dû craindre un tel
piège; le père qui aura voulu marquer par un bienfait
sa reconnaissance, ou une affection plus spéciale, à
celui de ses enfans qui en aura été le plus digue; le
pure sera trompé dans ses intentions. Ses libéralités
seront détruites, comme nous l’avons déjà dit, par le
caprice ou la fraude de l’enfant donataire d ’ un simple
avancement d’ hoirie.
Par le caprice, s i , sans aucun but coupable d ’ailleurs,
il veut se débarrasser de l’ennui d ’ uu partage qui ne
�( 5» )
lui offrirait qu ’ une valeur à peu près égale à celle q u ’il
a déjà reçue.
Par la fraude même. Car il pourrait arriver que cet
enfant, pour nuire à celui qui aurait été avantagé,
renonçât à la succession, fit ainsi disparaître le précip u t, et partageât ensuite secrètement avec les autres
héritiers le bénéfice que sa renonciation leur aurait
v a l u , au moyen de l’accroissement en leur faveur de
la portion du renonçant.
Un tel système serait subversif de la loi, qui n’a pas
entendu faire dépendre des héritiers eux-mèmes le sort
des volontés légales du père; un tel système tendrait
aussi à étouffer les sentimens de la nature, en empê
chant les pères de procurer à leurs enfans des unions
assorties, puisqu'ils ne pourraient d o n n e r le moindre
avancement d’ hoirie, sans s’exposer à être privés du
droit de disposer, dans la suite, d ’aucune partie de
leurs biens j un tel système aurait de trop funestes
conséquences, pour être adopté par la réilexion ; et
c’est faire injure aux législateurs, que de supposer q u ’il
est la conséquence de l’esprit de la loi nouvelle.
Dans la cause même, les mots ne peuvent pas servir
de prétexte à la théorie que l’on veut établir.
La daine Cisternes s’est bornée à déclarer q u ’elle
n’entendait pas venir à partage, afin de conserver le
don qui lui a été fait.
Elle n’a pas renoncé} elle s’est seulement abstenue
ali(juo (lato. Elle n’a pas répudié la q u a l i t é d ’héritière.
Elle est toujours héritière par rétention , si elle 11e l ’est
plus p ar action.
�0
^•53 )
Ce q u ’elle a retenu, elle a entendu le retenir,
conformément à son contrat de mariage , pour ses
droits paternels.
Donc elle ne peut être assimilée à un donataire
étranger.
Donc le don qui lui a été fait doit être imputé, non
sur la quotité disponible, mais sur sa portion héré
ditaire.
Donc les prétentions de la dame Voyret sont re
poussées, non seulement par la loi sainement entendue,
mais encore par les termes de la déclaration q u ’a faite
au greffe la dame Cisternes, et par les dispositions du
contrat de mariage de celle-ci.
La dame Voyret invoque des arrêts de cassation /
des 18 février 18 18 , et 17 mai 1 8 19 ; mais ces arrêts
ne sont pas applicables à la cause.
L arrêt de 1818 peut d autant moins s’v appliquer,
que non seulement il juge une question différente,
mais encore q u ’il est relatif à une donation faite,
le 28 messidor an 3 , c’est-à-dire sous l ’empire des lois
prohibitives, et par conséquent à une disposition qui
ne pouvait valoir comme libéralité, puisque les lois
du tems interdisaient tout avantage fait à un successible (Voir l ’arrêt dans le journal de S ir e y , tome 18,
page.98,
partie.).
L arrêt de 1819 décide aussi une question essen
tiellement différente, et qui eût été jugée de la même
manière, dans l’ancien comme dans le nouveau Droit.
Les enfans, donataires, étaient morts'sans postérité,
avant le décès de leur père, donateur. Leur prédécès
�( 54 )
ne leur ayant pas permis d ’être successibles, les dons
q u ’ils avaient reçus ne pouvaient évidemment s’im
puter sur une portion héréditaire à laquelle ils n’avaient
jamais eu droit.
Ces préjugés sont donc peu sérieux pour la cause.
Quant aux motifs de ces décisions, les invoquer, ce
serait s’exposer à faire juger à leurs auteurs des ques
tions auxquelles ils n'ont peut-être pas même pensé.
Des motifs fugitifs qui se sont glissés dans un arrêt,
ne présentent q u ’ une doctrine fort incertaine, lorsque
leur application directe à une autre question n’est pas
faite par l’arrêt même.
Au reste, si quelque doute s’élevait sur le sens et
l ’esprit du Code civil, ce serait aux principes anciens
q u ’il faudrait r e c o u r i r p o u r l ' i n t e r p r é t a t i o n des prin
cipes n o u v e a u x . On sait que les lois successives, lors
q u ’il s’agit de les interpréter, se prêtent un mutuel
secours. Loges priores ad poslenorcs traliuntur, et è
contra.
O r , l ’on a vu que sous la législation qui a précédé,
qui a préparé même le Code civil, l'enfant qui re
nonçait ciliquo dato faisait nombre dans 1 interet de
l ’héritier institué, pour la supputation des légitimes,
et q u ’il était considéré comme prenant part à l’ héré
dité, sinon par action, au moins par rétention.
Telle est aussi l ’opinion émise sous la législation
nouvelle, par des jurisconsultes dont le n o m est une
aulorite devant les t r i b u n a u x .
Telle est celle -notamment du dernier auteur du
Traité des Donations et des Testamens. Il examine avec
�V. ^ )
profondeur ordinm’C 1g cas ou. un enfant renonce,
pour s’en tenir à l’avantage qui lui a été fait; et il
prouve que si “ 1 enfant donataire ou lcgataiic ne
« vient point à la succession, le don ou le legs s’im« pute d ’abord sur sa réserve personnelle. I l en est
« saisi par la lo i » , ajoute l ’auteur (i).
M. Toullier, dans son Droit civil, reconnaît luimême que lorsqu’un enfant donataire renonce , et
qu’il existe d ’autres donations antérieures à la sienne,
il peut cependant, sur les biens q u ’il a reçus en don,
retenir sa légitime par voie d ’e x c e p t i o n , e t renvoyer
ses frères et sœurs vers les d o n a t a i r e s p r é c é d e n s , p o u r
o b t e n i r l e u r s p o r t i o n s d e la réserve légale (2).
Dc-lk découle nécessairement la conséquence que
l ’enfant donataire ne doit pas être assimilé a un
donataire étranger, et que le don qui lui a été fait
doit s’imputer, non sur la quotité disponible,
mais
sur la réserve. S’il •en était autrement,y les donataires
antérieurs lui seraient évidemment préférés, et sa
renonciation lui enlevant le litre d ’héritier , il nu
pourrait conserver aucune partie du don q u ’il aurait
reçu.
9
Ainsi, les principes du Code civil doivent être
considérés comme conformes aux principes antérieurs.
On ne doit pas, d ’ailleurs, légèrement présumer que
les législateurs du Code aient voulu apporter , aux
( i ) Traité <lcs Donations, édition in - 4° , tome 2 , page 2^3.
00 Voyez T o u llie r, Droit civil français, tome 5 , page 1 5 i , pre
mière édition.
�m
( 56 )
règles admises généralement jusqu’alors, une inno
vation aussi importante, aussi remarquable, sans q u ’il
se fut élevé même sur ce point la plus légère discus
sion lors de l ’examen du projet du Code civil. O r ,
q u ’on parcoure les procès-verbaux contenant les ob
servations faites au conseil d’Etat, l’on n’ y remarquera
rien qui annonce même que la difficulté ait été agitée.
Il ne parait donc pas que les législateurs du Code
aient eu l'intention de créer des règles directement
opposées à la législation antérieure, des règles abso
lument destructives de la faculté de disposer, faculté
que le Code civil a voulu cependant rétablir sur des
bases même plus larges que celles q u ’avait posées la
loi de germinal an 8.
Reconnaissons donc q u ’aujourd’hui même ceux-là
seuls peuvent se plaindre d’ une disposition, ceux-là
seuls peuvent la faire réduire, dont la réserve légale
est atteinte. Reconnaissons que la réduction ne peut
être demandée par un héritier à réserve, que jusqu’à
concurrence de sa portion particulière dans cette ré
serve; reconnaissons que si un enfant renonce ciliquo
clato, la chose q u ’il a reçue doit d ’abord s imputer
sur sa part héréditaire, et que c’est seulement au cas
où la part héréditaire serait plus faible, que l ’excé
dant s’imputerait sur la réserve ; reconnaissons, par
suite, que les autres enfans n ’auraient droit à l'ac
croissement de la portion du renonçant, q u ’autant
que le don retenu serait moindre que 1« part hérédi
taire; reconnaissons aussi que le père de famille a
¡reçu de la loi le pouvoir de disposer de toute Ja quotité
\
�que cette loi ne déclare pas indisponible dans l'intérêt
île chaque héritier naturel; reconnaissons enfin que
celui qui reçoit ou auquel on offre toute la quotité
qui est réellement indisponible à son égard, n’a le
droit de rien exiger de plus, et doit respecter, au
jourd’hui comme autrefois, toutes les dispositions qui
laissent intacte sa légitime personnelle.
Ou si l’on croyait superflu d ’examiner et de décider
la question d’après les principes nouveaux, convenons
que les principes anciens la jugent sans équivoque ;
convenons que les principes en vigueur eu 178g et
en janvier i8o3 , ces p r i n c i p e s , q u i sont la loi du
contrat de m a r i a g e d e la d a m e Cisternes et de celui
de la dame Du Coufl'our, commandaient d ’imputer
le don fait à la dame Cisternes sur la part héré
ditaire qui devait lui appartenir dans le patrimoine
de son père; convenons aussi q u ’à la disposition de
la loi s’unissaient les termes de la volonté expresse du
père de famille, qui avait déclaré formellement don
ner à la dame Cisternes, pour ses droits paternels et
maternels s et qui avait exigé q u ’au moyen de la cons
titution qui lui était faite, elle renonçât auæ succes
sions de ses père et mère $ convenons que le père de
famille, ayant stipulé sous la foi d ’ une législation
existante en 1789, et en v i g u e u r encore en i8 o 3 , a
dù croire que la quotité disponible était toujours
libre dans sa main; convenons que la famille D u
Coufl'our, dans laquelle entrait la demoiselle Auteroche, en janvier i 8o3 , a du se reposer avec confiance
6ur la législation la seule connue, la seule admise
8
�( 58 )
alors, et q u ’elle n ’a pas du craindre q u ’une législation
postérieure portât atteinte à un don valable au m o
ment où il a été fait, à un don irrévocable de sa
nature; convenons enfin que ce don et ses effets doi
vent être appréciés comme ils l ’auraient été si la suc
cession du père se fût ouverte au moment même , et
que, puisqu’il eût été maintenu alors, puisque la dame
Voyrct n’eût pu l’attaquer q u ’en se restreignant au
quart du patrimoine de son père, il doit être aussi
maintenu aujourd’h u i, et la dame Voyret doit ou le
respecter ou se contenter d ’ un q u a r t, qui était, en
l ’an 8 , qui est actuellement encore la seule légitime
dont la loi ne permettait pas de la priver.
Pour la calculer, cette légitime , la dame Voyret
peut, sans doute, demander que les dots et les dons
en avancement d’hoirie entrent, fictivement au moins,
dans la masse du patrimoine.
Mais elle n ’a le droit d ’y faire entrer que les valeurs
dont se composent les dots et les avancemens d’hoirie,
non les objets estimés dans les contrats de mariage , et
aliénés moyennant un prix déterminé.
Ainsi, dans le patrimoine du père ne doivent pas
être compris des objets vendus par lui au sieur Cisternes, moyennant 2^,000 fr. ; des objets sortis depuis
1789 de sou patrimoine; des objets q u i , dans tous les
cas où la restitution aurait h e u , suivant l’expression
du contrat de mariage de la dame Cisternes, ne de
vaient ni appartenir à celle-ci, n i r e d e v e n i r un bien
paternel. Le prix de l’aliénation, seule valeur à resti
tuer à l ’épouse, est aussi la seule valeur à rapporter
�( 5 9 )
fictivement à la masse de l ’hérédité, tandis q u ’au
contraire on doit y rapporter la valeur réelle d ’une
rente, dont le sieur Voyret n’était pas autorisé à
accepter un remboursement sans emploi •, d’une rente
dont la perte n’a eu d ’autre cause que les faux calculs
du sieur V o y r e t , ou plutôt des spéculations qui l ’ont
décidé à rechercher et à recevoir, pour son intérêt per
sonnel, une valeur en assignats, q u ’il a , dit-on, em
ployée fort utilement pour lui.
Ainsi, le tribunal de première instance, a commis
des erreurs graves. Il ne devait ni dispenser la dame
Voyret du rapport de la v a l e u r r é e lle de la rente
q u ’e lle avait r e ç u e en dot, ni ordonner l ’estimation,
valeur actuelle, d ’un bien vendu au sieur Cisternes,
en 1789, et dont le prix avait été alors invariablement
fixé. Au lieu de s’arrêter h un interlocutoire inutile,
et repoussé par les circonstances comme par les prin
cipes, il devait déterminer sur-le-champ les bases du
partage, et consacrer le don en préciput assuré à la
dame Auteroche, par la loi et par le plus solennel des
contrats.
La Cour réparera ces erreurs, en montrant dans
cette cause, comme dans toutes celles qui lui sont
soumises, son respect religieux pour les principes et
pour les volontés légitimes des pères de famille.
M* A L L E M A N D , ancien A vocat.
M* B R E S C HARD , Licencié-Avoué.
R I O M , I M P R I M E R I E DE S A L L E S , PRÈS LE P AL A I S DE J US TI CE.
<
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Auteroche, Marie. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Breschard
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
dot
assignats
renonciation à succession
successions
pays de droit écrit
conflit de lois
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Marie Auteroche et le sieur François Malafosse du Couffour, son mari, Adjudant des Gardes du Corps, Compagnie d'Havray, Chevalier des Ordres de Saint-Louis et du Phénix, Appelant d'un jugement rendu le 28 aôut 1822, par le tribunal civil de Clermont ; contre Demoiselle Marguerite Auteroche et le Sieur Voyret, son mari, Docteur en médecine, Intimés ; en présence de Dame Marie Auteroche et de Sr Blaise Cisterne-Delorme, son mari, aussi intimés.
Annotations manuscrites : « 8 avril 1824, journal des audiences, p. 255. »
Table Godemel : Donation : 17. quels doivent être les effets d’une donation, faite avant les lois nouvelles, par un père mort depuis le code civil, à une enfant qui renonce pour s’en tenir au don ? La donation fait-elle, nonobstant sa rémunération, nombre parmi les héritiers ; et peut-il retenir l’objet donné, jusqu’à concurrence de la légitime et de la quotité disponible, telles qu’elles étaient fixées par la loi en vigueur au moment du contrat ?
18. quel doit être le sort d’une donation du quart en préciput, faite à un autre enfant, postérieurement à la loi de germinal an huit, lorsque l’objet de la première donation est inférieur à la quotité disponible ancienne, et peut-être même à la disponibilité nouvelle ? - le second donataire, peut-il dans son intérêt, avec les héritiers à réserve, faire considérer le premier donataire comme légitimaire, prendre la quotité disponible au moment de la seconde donation, en imputant sur la légitime du premier donataire, les objets que celui-ci retient ? Dot : 4. dans l’ancien droit un immeuble donné en dot, avec estimation et pouvoir au mari de le retenir pour la somme indiquée, est-il présumé vendu ?
en supposant qu’il y ait eu vente, le don, devenant sujet à un rapport fictif, doit-il être estimé valeur du décès du père ? Rapport : 8. une rente foncière donnée en avancement d’hoirie doit-elle être rapportée, valeur réduite seulement, si elle a été remboursée en assignats au mari de la donataire, bien que le remboursement ait été accepté sous contrainte, qu’il n’ait pas été accompagné de remploi, et que la nullité du remboursement n’ait été mise à couvert que par le fait du mari ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1764-1822
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
59 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2606
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2607
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53521/BCU_Factums_G2606.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauvagnat (63410)
Perrier (63275)
Rights
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Domaine public
assignats
conflit de lois
contrats de mariage
dot
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions
-
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411520a6fbe2a527269c3353d97ddfa9
PDF Text
Text
n
PRÉCIS
COUR ROYALE
EN R É P O N S E
POUR
L e sieur C I S T E R N E - D E L O R M E , Propriétaire
à Sa u vag n at, In tim é ;
CONTRE
L
e
sieur T È A L L I E R , N otaire à M o zu n , Appelant.
In scirpo nodum qnœris.
P l a u t e , Mén echmes, acte 2 , scène 1 re.
n
pou
O rrait, à bon d ro it, appliquer au sieur Téallier
cette sentence de P la u te : in scir po nodum quæ r is
v o us cherchez des difficultés ou il n'y en a point.
E n effet, ce n’est pas l ’ interprétation, mais la substi
tution d une clause q u ’il demande. Il ne veut pas voir,
dans son contrat de m ariage, la stipulation qui y est
écrite, mais il veut q u ’on y lise celle qui ne s’y trouve
point. Supposant une intention que les parties n’ont
DE RIOM.
I ie
CHAMBRE.
�(2 )
jamais eu e, qui est repoussée formellement par les
termes les plus précis, il veut q u ’on admette un cas
non p révu ; q u ’on intercale, pour l'expliquer, des mots
additionnels; q u ’on rédige enfin et qu'on insère dans
son contrat de mariage une clause nouvelle qui l’auto
rise à profiter des revenus d ’une somme de 3 5 ,ooo fr.
dont il a perdu la jouissance par son convoi.
Toute la cause est dans ce peu de mots.
C ’est le 4 octobre 1 8 1 8, que fut dressé l’acte consta
tant les stipulations du mariage arrêté entre le sieur
T é a llie r, avocat et n otaire , et la demoiselle CisterneDelorme.
L e régime dotal fut adopté.
E n avancement de sa future succession, le sieur Cisterne constitua à sa fille une somme de 3 f>,ooo francs
payable à des termes rapprochés. E lle a été soldée.
Les père et mère de la future épouse lui assurèrent,
en outre de la dot qui venait de lui être constituée, une
somme de i 5 ,ooo fr. pour parfaire celle de 5 o,ooo fr.
q u ’ils lui garantirent dans leurs successions à v en ir,
si mieux cependant elle n ’aimait s’en tenir à sa part
héréditaire.
E n f in , ils lui livrèrent un trousseau amiablernent
évalué à iooo francs, sans que l ’estimation fit vente
au futur.
D e son coté, le sieur Téallier, déjà saisi des biens de
son père, alors décédé, reçut, par le même contrat,
de la dame Delabrosse sa m ère, et à titre de préciput^
�(3 )
la donation du quart de tous les biens dont elle mour
rait saisie.
C ’est après toutes ces dispositions, q u ’on s’occupa du
don mutuel q u ’entendaient se faire les deux époux.
Voici les termes de la clause :
« Les futurs se donnent mutuellement l ’usufruit de
« tout ce qui appartiendra généralement au pré« mourant d ’eux , po u r, p a r l e survivant d ’eu x, dis« pensé de caution, en jouir pendant tout le cours de
« sa vie, M A I S S E U L E M E N T DANS L E CAS OU I L n ’ e X I S T E « r a i t p a s d ’ e n f a n t 5 p o u r lors3 la donation cesserait
« d ’exister en cas de convoi. »
Il est impossible à la p r e m i è r e l e c t u r e de cette clause,
et même a p r è s l ’e x a m e n le plus sérieu x, de ne pas re
connaître que les époux n’ aient eu la volonté., comme
ils en avaient le droit, de subordonner leur donation
mutuelle au cas où ils n ’auraient pas d ’enfans de leur
m ariage, et de la limiter au tems de leur viduité.
Cette détermination avait sa source dans des sentimens nobles et généreux. Chacun des époux préférant
à lu i-même les enfans qui pouvaient naître du mariage,
n’entendait point les dépouiller, et se référait à leur
égard aux effets de la puissance paternelle. Ils n ’ad
mettaient point non plus q u ’ un usufruit attribué à
titre de consolation, solaliiun moi'tis, pût changer de
destination , et devenir par le c o n v o i 1 apanage d ’ une
famille étrangère.
Telle fut la véritable pensée des époux et des deux
familles. E lle est clairement exprimée par la clause
elle-même : elle n’a pas besoin d ’interprétation.
�(4 )
■ Cette union ne fut pas de longue durée; la dame
Téallier m ourut en 1 8 2 1 . Sa famille n’a jamais appris
q u ’elle ait eu la volonté de faire des dispositions en
laveur de son époux, ni que celui-ci s’y fut refusé. Il
est permis de douter de cette excessive délicatesse, lors
q u ’on voit ses efforts pour conserver une jouissance sur
laquelle il compte si p e u , q u ’il dit lui-même avoir
offert le sacrifice de la m ajeure partie 3 pourvu qu'on
reconnut ses d ro its , et q u o n ne prétendît pas lu i fa ir e
injure en lu i en laissant une portion.
L e sieur Téallier s’est déterminé à contracter un
nouvel hym en, clans le mois de juin 18 2 3 . Il connais
sait les dispositions de soin premier c o n tra t, il a clù
prévoir les résultats inévitables de son convoi.
E st-ce sérieusement q u ’on parle à'hésitation de la
part du sieur Cisterne, et voudrait-on insinuer q u ’il
avait des doutes sur le droit acquis de demander la
restitution de la dot de sa fille?
L e retard de 7 mois q u ’a mis le sieur Cisterue ¿1
former une demande judiciaire était commandé par les
ciiconstances. Il devait attendre que le sieur Téallier
s’expliquât lui-meme. É ta it-il convenable d ’agir le jour
ou le lendemain de sa nouvelle union? quoique les re
lations de parenté fussent rompues par le fait de son
gendre, ce titre ne .réclamait-il pas des procédés? Ils
ont été scrupuleusement observés.
C ’est par exploit du i 3 janvier 1 8 2 4 , que le sieur
Ciste rne-Delormc a conclu à la restitution «1« la somme
do 3 5 ,ooo.fr. argent, et du trousseau en nature, sinon
de la somme de iooo francs pour sa v ale u r, le tout
�(5)
composant la dot constituée à sa fille décédée, avec
intérêt depuis le joui' du second mariage.
L e tribunal de Clermont a accueilli cette dem ande,
par jugement contradictoire du 25 mai 1824* ^ est
inutile d’en rappeler les dispositions qui ont été litté
ralement transcrites dans le précis q u ’a fait distribuer
le sieur Téallier pour essayer (le justifier son appel.
y
MOYENS.
L e besoin de la cause n ’exige pas d ’amples déve*
loppemens. L a clause du contrat s ’e x p l i q u e par ellemême j le j u g e m e n t q u i l ’n. sainement a p p l i q u é e s e
j u s t i f i e p a r ses propres motifs. L a discussion doit donc
se borner à réfuter les objections proposées par le
sieur Téallier.
Il invoque d ’abord quelques principes sur Vinterpré
tation des c o n v e n t io n s et notamment les dispositions
des articles i i 5 G et 1 1 5 7 du Code civil.
Plusieurs idées se présentent simultanément :
i° Les règles en matière d ’interprétation ne sont
pas, de leur n atu re , im pératives, mais de simples
conseils dont les juges peuvent s’écarter, suivant les
circonstances, afin de ne pas s’exposer au danger grave
de donner à une clause un sens difl’érent de celui que
les parties avaient a d o p t é (/;01 i re D e t'eg. ju r . _A rrêt de cassation , 18 mars 1 8 0 7 ; S i r e j , p . 2 4 1 . ) ;
20 Ce n’est q u ’avec la plus scrupuleuse circonspec
tion, q u ’on peut se permettre d ’interpréter les actes
�en tre-vifs. L e savant R icard , qui rappelle ce principe,
en donne les motifs. 11 s’exprime ainsi :
« Il convient toutefois d ’observer que nous devons
« moins entreprendre de donner un autre sens aux
« termes avec lesquels les donations entre-vifs se
« trouvent rédigées, sous prétexte de chercher la
« volonté' du donateur} q u ’aux dispositions testamen« taires, p a r l a . c o n s i d é r a t i o n de ce que les parties
« intéressées ont été présentes k la donation, pour
« expliquer respectivement leurs volontés; de sorte
« que l ’acte ayan t été pleinement concerté de part et
« d ’autre, il est moins susceptible d ’interprétation ».
(P artie 2 , cliap. 4 > n° I2*7 j )
3 ° L a faculté d ’interpréter n’est point arbitraire.
L ’application de la règle énoncée par l ’ a r t i c l e
1 1 56
doit être restreinte aux cas oii il existe de l ’am b ig u ité,
et où l ’évidence force de s’écarter du sens littéral
des mots.
Tel est l ’esprit dd cet article, reconnu et constaté
dans les Conférences. On observa que le sens littéral
ne présentant que des idées claires, doit être préféré
k une sim ple présomption d ’intention y q u ’en mettant
en question une volonté clairement exprim ée, on par
viendrait souvent ¿1 élu d er l'intention des parties ,
sous prétexte de la mieux saisir. Il fut répondu, par
INI. Bigot-Préam eneu, que l ’article était fait pour les
cas où les termes exprim ent m al Vintention des parties,
laquelle se trouve d ’ailleurs m a n i f e s t é e . (T o u lli e r, t. G,
p. 3 7 9 .)
Ces principes posés, on demandera si la clause sur
�(
7
)
laquelle on disserte est susceptible d ’interprétation?
L e sieur Téallier qui s’ est fait cette q u e s t i o n , la
résout af firm ativement, parce q u e , suivant lui., la
clause est conçue dans des termes am bigus et
embarrassés.
*
On ne partage ni son opinion sur ce point de f a i t ,
ni les conséquences q u ’il en veut tirer.
S ’il s’agissait d’apprécier la clause sous un rapport
littéraire ou grammatical, on accorderait sans difficulté
qu'elle est prolixe et mal construite; mais lorsqu’ il est
question d’en reconnaître la valeur et l ’étend ue, on
ne craint pas d’affirmer q u ’elle présente un sens clair
et formel. L ’imperfection du stile n e nuit en rien k
l ’expression de la v o l o n t é des parties contractantes.
N ’est-il pas évident, en effet, q u ’ une pensée unique
occupa les parties intéressées au contrat ? ce fut de
n ’attribuer l ’ usufruit au su rvivant, que dans un seul
cas, celu i oh il n’existerait pas d ’enfans. Cette
volonté se manifeste si énergiquem ent, q u ’il n’est pas
possible de se méprendre sur le sens que présente la
clause, si on lie ensemble le membre qui contient la
donation, avec celui qui explique, m odifie, restreint
cette donation , en annonçant q u ’elle est subordonnée
a u n c a s d é t e r m i n é . Les époux se donnent m utucllem ais s e u l e m e n t
meni V usufruit
Q u i n e comprend que cette l o c u t i o n annonce une
condilion qui va suivre e t régler les effets de la dona
tion? O r , cette condition, que ces mots restrictifs
...,
....
annoncent, est q u i l n’y ait point d ’enfant y donc s’ il
y en avait e u , il n ’existait plus de donation.
�(8 )
C e fut en approfondissant la pensée qui avait pré
sidé au règlement de la disposition m utuelle, que la
prévoyance du convoi de l ’époux survivant , dans
l'hypothèse fixée, fit adopter la cessation de l ’usufruit.
Cette modification fut écrite immédiatement comme
elle s’était présentée à l’esprit : p o u r l o r s la donation
cesserait cVexister en cas de convoi.
Pour éluder l’application de cette clause, l ’appelant
veut trouver dans sa dernière partie une disposition
qui détruirait complètement la restriction imposée à
la donation, en établissant, d ’une manière absolue,
le don mutuel d’usufruit. Dans son système, il faut y
voir que s 'il y (i des cn fa n s ,
en cas de convoi .
alors
l ’ usufruit cessera
Tout résiste à cette prétention extraordinaire : les
principes, les termes de l ’acte, les circonstances.
L e s principes : E n matière de contrat, ils comman
dent de respecter les conventions légalement stipulées
entre les parties. (Article 1 134 du Code civil.)
Ils ne permettent l ’interprétation que lorsqu’il y a
am bigu ité , impossibilité de pénétrer le sens de la
clause, ou lorsque les termes expriment mal l ’inten
tion m a n i f e s t é e
a liu d sensisse.
des parties : Cum manifestum est
Ils prescrivent d ’ interpréter, dans le doute, contre
celui qui ne s’est pas expliqué assez clairement : Q ui
apertius dicere potuit.
L es termes de l ’acte : Ils sont c l a i r s , positifs,
form els, et n e m a n i f e s t e n t , de la part des parties
contractantes, d ’autre volonté que celle de sç donnor
�( o )
mutuellement l ’ u sufruit, dans le cas seulement où il
à
ii’y aurait pas cVenfans , et avec la. condition (ju il
cessera p a r le convoi.
Les deux mots pour lors qui commencent le dernier
membre de la phrase, ne prêtent nullement au com
mentaire forcé du sieur T éallier, et ne peuvent rece
voir l ’interprétation q u ’il leur donne.
1
Dans leur acception grammaticale, ils sont synonimes
de ces mots : A lo r s , po u r ce ca s, dans ce cas 3 dans
ce même cas. E n les em ployant, le rédacteur a donc
exprimé un sens com plet, et conforme a l ’intention
déjà manifestée, lorsqu’après avoir établi la donation
pour le cas où il n’existerait pas d enfans 3 il ajoute :
lors ( c ’est-à-dire pour ce c a s), elle cesserait en
cas de convoi.
Pour
L e sieur T éallie r, qui ne veut pas voir la clause
telle q u ’elle est écrite, a-t-il mûrement pesé la demande
q u ’il lait à l^i Justice?
Suivant lu i, ces deux mots p o u r lors ont une signi
fication bien étendue et fort arbitraire. Ils supposent,
ils prévoient, ils signalent le cas oh il existerait des
enfans; et c’est à cette seule hypothèse q u ’il faut
appliquer la cessation de la donation p a r le c o n v o i .
Q u’il y prenne garde! Ce n ’est point l ’interpréta
tion , mais le changement de la c l a u s e qu il sollicite.
En
effet, suppléer, sur 1 indication d ’ une partie
intéressée , à une prétendue omission ;
ajouter un
membre de phrase; admettre un cas non prévu; con2
�( 10 )
trarier la pensée nettement exprimée; torturer le sens
de la clause, n ’est-ce pas créer une disposition nou
velle ?
L ’abus d ’un tel système est évident. S ’il était admis,
il n’y aurait plus de sûreté dans les conventions : tous
les actes seraient livrés à l ’arbitraire ; et l ’on parvien
drait toujours , par la voie de l ’interprétation, à
substituer une volonté calculée tardivement sur l ’in
térêt personnel, à la stipulation qui aurait été le
résultat d ’une intention commune.
Il est permis de penser que si le sieur Téallier était
décédé avant son épouse, et q u ’elle eût contracté une
nouvelle u n io n , ses héritiers n ’auraient pas adopté le
système q u ’ il soutient. L a clause serait-elle donc une
arme à deux
tranchans ? Cela
n ’est ni lic it e , ni
possible.
C ’est mal à propos que l ’appelant s’appuie sur
les circonstances environnantes.
»
Sa mémoire le sert m a l, quand il dit que le sieur
Cisterne lui présenta le contrat de mariage de sa fille
a in ée , avec la déclaration que la convention servirait
de base au sien propre.
Cette communication eût été difficile au sieur
Cisterne, qui n ’a retiré, que depuis la ,distribution
du Mémoire de l ’appelant, l’expédition du contrat de
mariage du sieur C r o ix , q u ’il n’avait jamais eue en
son pouvoir.
Au su rp lu s, le rapprochement des deux contrats
�dément l ’assertion du sieur T e a llie r,
en prouvant
q u ’ils diffèrent dans presque toutes leurs dispositions.
L a dame Croix n ’avait reçu en’ dot que 3 o3ooo fr. ,
tandis que la constitution dotale de la dame Teallier
fut portée à 3 5 ,ooo fr.
L es sieur et dame Cisterne se réservent, dans le
premier co n trat, la réversion des sommes constituées j
elle n ’est pas stipulée dans le dernier.
clause relative au gain de survie des sieur et
dame Croix fut déterminée par des considérations par
ticulières. L e futur époux, fils u n iq u e , é t a it , au
moment du m ariage, p o s s e s s e u r de i 5 o,ooo fr. de
fortune. Il y a v a i t dès-lors un avantage évident pour
la future épouse à établir une donation m utuelle
La
d ’usufruit : elle fut absolue et sans restriction. L a
réduction à m oitié, en cas d ’enfans, était même une
redondance, puisqu’ elle est prévue par la loi. Il est
bon d ’observer que le cas du convoi ne fut pas pris en
considération.
L a position du sieur Téallier n ’était pas si favorable.
A ujo urd’ hui même la valeur de ses biens personnels
atteindrait à peine 40>°00 francs. Il n’est donc pas
étonnant que les stipulations relatives aux gains de
sum e aient été établies sur d’autres bases.
L affirmation du sieur T é a l l i e r est sans influence
dans son intérêt p e r s o n n e l , lorsqu’elle est en opposi
tion formelle avec l ’assertion
ju stifiée
du sieur C is
terne qui déclare q u ’il n’a jamais été question de copier
�(
12
)
les conventions du contrat de mariage sur celui du
sieur Croix.
Personne n’ignore , en effet, que les conventions
matrimoniales se règlent d ’après la position, l ’àge, la
fortune et la volonté des époux et des familles qui
contractent : une infinité de circonstances influent né
cessairement sur la stipulation. L a famille Cisterneen
offre elle-même un exemple frappant. Quatre des enfans ont été mariés, et dans aucun des contrats, les
conventions ne sont les mêmes; elles varient sur-tout
à l’égard des gains de survie. On a déjà signalé les diffé
rences qui se trouvent dans les deux premiers. Les
autres contrats de mariage, et notamment celui du fils,
qui est sous la date du i 5 janvier 1 8 1 0 , restreignent
• les dons mutuels à l ’usufruit de' la moitié des biens ,
q u ’il y ait enfans ou non, et pendant la v id u ité
" seulem ent.
\ *• • Ce n ’est donc pas le sieur Téallier qui a eu l ’idée de
la restriction à la v id u ité, puisqu’elle avait déjà été
admise, huit ans avant q u ’il songeât à rechercher en
mariage la demoiselle Cisterne.
Q u ’importerait d ’ailleurs l ’analogie ou la différence
des contrats de mariage des eufans Cisterne? Oii sait
Lien que les clauses d ’ un acte s’interprètent les nues
• t(M par les autres, quelquefois même par les écrits, relatijs
à la cla u se , qui ont précédé, accompagné oii suivi
l a c t é ; mais on n’a jamais vu q u ’il fut permis de recourir, pour l’inlerpréiation d ’un acte, à d ’aulros actes
étrangers aux parties qui ont contracté.
�C ’est aussi pour donner à sa prétention une couleur
favorable, que l ’ appelant offre de prouver ses diverses
.
^
assertions par témoins j le sieur C isle m e ne îedouteiait
pas le r é s u l t a t d’une enquête, si les témoins indiqués
p o u v a i e n t être entendus, et si la preuve par témoins
était admissible dans l ’état de la cause. .
'* • ’ *
On terminera ce précis par une dernière réflexion. ..
,,
' ' S ’il faut en croire le sieur T éallier, c’est lu i qui pro
posa d’ajouter que l ’ usufruit cesserait par le convoi,,
s 'il existait des eh fan s; et, sans faire de projet ni étudier son stile, on écrivit la dernière phrase de la clause. ' *■*-**
Cela suppose nécessairement que c e t t e c l a u s e avait
été é c r i t e i n t é g r a l e m e n t jus<ju a 1 addition proposée par
1
tftlrai^e.^xar la famille Cisterne. O r, elle expri
mait c 1y-i re îfi e
^a^do 11 at'f.on*4cl’ usjiflÿ i t
% 2;$,
»làfejAquq Jdans ^le ‘cas o ï l il ri existerait pas d ’enfa n s.. K
T> ' ' 1 • *****
*»* V A*\
lu j; meme, sa proposition avait pour
objet de*(Ietruirë le'sens'de laV é‘daaîbron»<htlt)ptée
, toutes les1^pa'A^s f'iT^ÜLa^tîibien nécessité de l ’expli- •
t^ier^X ae^ic^r Tea|^Hcî^l’a-t-il fait? Avait-il besoin de
f aire^fe>jwou^et détudier^ soit*stiïe pouYvl5 i i e'* ih s éfê
une modification
ê$f-/^?hiV'fci nettement? \
¿ ¡c
.........................................................................
clui
notaire, u avait lTiTI3iTTiUenreQlà rMa<TtioWt Unm.uljlif
geffÇft'tt t C M ^ ' ^ H o i n v a i l clairement •
Non seulement on'pcuP'îni'opposer'q'ii’1il’^ t itiiîdmi^*
sible à réclamer contre sa propre rédaction, puisqu’il
^
�v* • •
*** • • • ^ ( 1 4 )
r
^
dépendait de lui de s’expliquer plus disertement, a per -
** * ''
ta .
ti us dicere : mais tout conduit à la conviction, q u alors
sa volonté fut conforme à l ’intention de la famille Cis*** **mterne; q u ’il n ’y eut entre toutes les parties q u ’un sen«> «-M..,timent commun; et que ce n ’est q u ’après l ’événement,
* '* '* * '‘q u ’il a vu la clause sous un point de vue différent.
C IST E R N E-D ELO R M E .
Me G O D E M E L , ancien A v o c a t . . r
•••
% L '* J
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û u r' M e S lf
M e I M B E R T , A vo u é.
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R I O M, I M P R I M E R I E DE S A L L E S , PRÈS L E P A L A I S DE J U S T I C E .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Cisterne-Delorme. 1826?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godemel
Imbert
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
donations entre époux
gain de survie
usufruit
remariage
viduité
contrats de mariage
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse pour le sieur Cisterne-Delorme, propriétaire à Sauvagnat, intimé ; contre le sieur Téallier, Notaire à Mozun, appelant.
Annotations manuscrites : extrait de l'arrêt. Dit mal jugé.
Table Godemel : clause : -obscure. lorsqu’une clause présente quelque obscurité on doit l’interpréter moins par la valeur littérale des termes, que par l’intention commune des parties : la clause ainsi conçue : « les futurs se donnent mutuellement l’usufruit de tout ce qui appartient généralement au prémourant d’eux, pour, pour le survivant d’eux, dispensé de caution, en jouir tout le cours de sa vie, mais seulement dans le cas où il n’existerait pas d’enfant, pour lors la donation cesserait d’exister, en cas de convol. »
signifie-t-elle que la donation mutuelle des époux ne devrait avoir lieu qu’au cas où ils n’auraient pas d’enfants de leur mariage, et serait limitée au temps de leur viduité ? Ou au contraire, que la durée de l’usufruit durant la vie du survivant n’aurait pas lieu en cas de survenance d’enfants du mariage, auquel cas, il reparaît pour le convol ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1826
1818-1826
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2602
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2601
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53517/BCU_Factums_G2602.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mauzun (63216)
Sauvagnat (63410)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
contrats de mariage
donations entre époux
gain de survie
remariage
Successions
usufruit
viduité
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53516/BCU_Factums_G2601.pdf
a17765032b4f7ad43dee67e71772b126
PDF Text
Text
PRECI S
COUR R O Y A L E
de R iom.
i TC. Chambre;
POUR
Oj i k j l A
____
,
Le sieur TEALLIER , notaire a Mozun ,
Appelant,
CONTRE
L e sie u r CISTERNE-DELORME , pro*
’
priétaire à Sauvagnat
Intimé.
L
e sieur T é a llie r, donataire d’un usufruit par son
contrat de m ariage, a été douloureusement affecté de
plaider avec le sieur Cisterne pour en obtenir l'effet ;
aussi a-t-il tout essayé pour éviter cc procès. Certain
de la volonté de son épouse q u i, d’ailleurs, étoit réci
p ro q u e, il a offert le sacrifice de la majeure partie de
i
/ KA
u
C U 4 A )O X r '
O o U r 01
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ses droits , pourvu qu’on les reconnut, et qu’on ne pré
tendît pas lui faire injure en lui en laissant une portion;
il n’a pu y parvenir. Il éprouve quelque peine encore à
publier sa défense; mais il s’agit de reconnoître une vo
lo n té , par l’interprétation de l’acte qui la renferme, et
celui qui ne demande que l’exécution de ce qu’il sait
lui avoir été promis, qui ne recherche que la vérité, ne
doit pas redouter de soumettre cette clause h la méditation
des magistrats.
En 1818, le sieur Téallier rechercha la seconde fille du
sieur Cisterne ; la première étoit déjà mariée avec le
sieur Croix.
Les sieur et dame Cisterne « v o i e n t constitué à leur
fille aînée une somme de 5o,ooo f r . , dont 30,000 fr. en
avancement d’hoirie, sauf l’option qui lui appartenoit
de réclamer sa portion héréditaire. Les futurs époux s’étoient fait une donation mutuelle d’usufruit, en ces termes:
« Les futurs, pour tout gain de survie, se donnent,
« au survivant d’eux, l’usufruit et jouissance de tous les
« biens du prédécédé; lequel usufruit, en cas d’enfans
« vivans au décès du prémourant, sera réduit à moitié
« desdits biens. »
O n voit que cet: usufruit n’étoit pas restreint au temps
de U viduité; dès lors, il se continuoit, en cas de convoi,
sans qu'on eût eu besoin de le dire.
L e mariage ûu aieur Téallier fut accordé. L e sieur Cis
terne lui présenta le contrat de mariage d " sieur Croix ,
et lui déclara sa détermination, que les conventions de ce
�( 3 )
contrat servissent de base au sien, notamment pour les
gains de survie ; ou en convint, et on rédigea la clause
en ce sens.
On é c r i v o i t le contrat en présence des deux familles,
et la clause étoit déjà’en partie transcrite, lorsque le sieur
Téallier remarqua qu’il seroit peut-être convenable , au
lieu de la réduction de l’usufruit à moitié, en cas d’enfans,
qui est suffisamment écrite dans la l o i , d’ajouter que
l ’usufruit cesseroit par le convoi, s’il existoit des enfans ;
et, sans faire de projet ni étudier son style, on ajouta les
expressions qui remplacent dans l’acte la réduction à moi
tié, en cas d’enfans.
Ici, nous pouvons r e m a r q u e r que si on eut voulu faire
une d o n a t i o n d’usufruit pour toute la vie, qu’il y eût eu des
enfans ou non, il suffisoit de l’énoncer par une expression
toute simple, et de laisser la clause telle qu’elle étoit ; que
si on eût voulu, au contraire, faire cesser l’usufruit par
le convoi dans les deux cas, il suffisoit encore de dire
qu’il n’étoit donné que pour le temps de la viduité, et
q u e , dès lors, une rédaction plus compliquée ne peut
avoir été produite que parla volonté de faire deux dispo
sitions différentes, en cas d’existence, ou de non-existence
d’enfans.
Au reste, voici la clause entière, telle qu’elle est écrit«
au contrat de mariage.
« Les futurs se donnent m u t u e l l e m e n t l'usufruit de
« t o u t ce*qui a p p a r t i e n d i ’a g é n é r a l e m e n t au prémourant
« d’e u x , pour , p a r l e survivant d’eux, dispensé d e cau« tion, en fouir pendant tout le cours de sa vie, mais
i *
�C 4' 0
« seulement dans le cas où il n’existeroit pas d’enfans j
k pour lors, l’usufruit cesseroit en cas de convoi».
On ne peut pas se dissimuler que cette clause est d’un
mauvais style, merne dans la première partie : p ou r, par
le survivant (Veux, dispense de 'caution , jo u ir , etc.
Toutefois, elle étoitfort claire jusques-là; il en résultoit
nettement une donation d’usufruit pure et simple, pour
tout le cours de la vie. La pensée restrictive qui suit im
médiatement, peut n’ètre plus aussi claire; c’est celle
qu’il s’agit d’expliquer aujourd’hui. On ne peut guère
douter qu’on a voulu prévoir deux cas différons;
l ’un pour lequel on donne l’usufruit pour en jo u ir pen
dant tout le cours de la vie; c’est celui où il n’y aura
pas d’enfans, et comme c’est l’état de choses actuel, on y
parle à. l’indicatif présent ; on donne l’usufruit de tout ce
qui appartiendra au prémourant, et on veut qu’il dure
toute sa vie. Portant e n s u i t e sa pensée sur un cas hypo
thétique, qui changcroit l’état de choses présent, c’est-
à-dire, le cas où il existeroit des enfans, on employé
des termes conditionnels; on dit : P o u r lo rs, Pusiifruit
c e s s e r o i t en cas de convoi.
A in s i, voilà toute la pensée des deux époux : J e donne
l’usufruit de tout ce qui m’appartiendra h mon décès; il
durera toute la vie si je n’ai pas d’enfans; si je venois à
en a v o ir, il cesseroit par le convoi. Ces deux pensées,
il faut en convenir, sont très-naturelles et fort morales
l’une et l’autre ; elles résultent évidemment de la clause
toute entière.
S’il étoit vrai qu’à prendre le sena littéral des termes,
�( 5)
on pût donner à ces mots, pour lors , une signification
différente, il faut convenir qu’en ce cas la stipulation
seroit d’une obscurité impénétrable, ou renfernicroit
deux volontés qui se détruiroient l’une l’autre ; car
ce s e r o i t pour le même cas, celui où il n’y auroit pas d’enfans, qu’on auroit dit que l’usufruit dureroit pendant
toute la vie, et1 qu’il cesseroit en cas de convoi; deux
idées qui, cependant, font antithèse, énoncent deux vo
lontés différentes, et se rattachent nécessairement à deux
cas opposés.
Il est évident que le rédacteur, d’ailleurs peu occupé
de soigner son style, a omis deux mots q u i étoient dans
sa pensée , et qui e u s s e n t , mieux fait sentir la volonté des
parties ; mais sa locution vicieuse n’empêche pas de l’aper
cevoir ; elle ne peut pas être dissimulée.
A u reste, le sieur Téallier ne craint pas de dire que
cette intention, cette volonté des parties contractantes, fut
connue de tous les membres de la famille qui étoient
présens*, il ne craindroit pas, si cela pouvoit etre conve
nable, de s’en rapporter à la déclaration de la personne la
plus interressée à ce que cela ne soit pas ainsi; le sieur
C r o ix , époux de la fille aînée du sieur Cisterne, qui étoit
présent, qui sait et ne craint pas d’avouer que sur la de
mande du sieur Cisterne, le contrat de mariage du sieur
R a llie r avoit été copié sur le sien ; que s e u l e m e n t le
sieur Téallier avoit voulu y ajouter une restriction dans
l intérêt seulement de ses enfans à 7iaitre.
En 1821, la d a m e T u i l i e r tomba malade. Elle connut
le danger de sa position. Pleine de tendresse pour son
époux, elle vouloit lui donner toute la quotité disponible
�( 6 )
de ses biens ; elle le pouvoit sans difficulté, puisque ses
père et mère n’avoient pas stipulé le retour de la dot. L e
sieur Téallier s’y opposa constamment à plusieurs reprises,
et l’en détourna en lui disant, parce qu’il en étoit persuadé,
qu’il avoit l’usufruit pendant toute sa vie; que cela lui
suffisoit, et qu’il ne vouloit pas une propriété qui devoit
naturellement revenir à sa famille. Il est à même de prou
ver ce fait par les témoignages les plus respectables.
S’il n’eut pas été aussi plein de l’idée que cet usufruit
lui étoit donné pour la vie, on ne doit pas douter qu’a
vant de passer à un nouvel hymen , il n’eût tenté de
prendre des arrangemens avec le sieur Gisterne. Rien
n’étoit plus facile, puisqu’il ne s’agissoit que d’une somme
d’argent dont il n’e u t , en ce c a s , rendu qu’une partie
plus ou moins forte. Il n’en a pas eu l’idée ; il s’est rema
rié sans la moindre précaution , en juin 1823.
Après sept mois, après une hésitation que faisoient
naître les circonstances, et par acte du 13 janvier 1824, le
sieur Gisterne a demandé contre lui la restitution de
35,000 fr. qu’il avoit reçus en avancement d’hoirie.
Cette demande a été adjugée par le jugement dont est
appel, auquel on a donné les motifs que nous allons
transcrire.
M O T IF S .
« Attendu que d’après la première partie de la clause,
« relative à l’usufruit porté par son contrat de m a r i a g e ,
« la partie de Biauzat étoit bien fondée à s o u t e n i r que
« n’y ayant pas eu d'enfans de son mariage avec la demoi« selle Gisterne, cet usufruit devoit avoir lieu en sa faveur
« pendant tout le cours de sa vie;
�'
«
«
«
«
«
( 7 )
« Mais que les termes dans lesquels la seconde partie
de cette clause, qui ne pouvoit être divisée de la
première, étoit conçue, ne laissent aucun doute;
que, meme dans le cas de non eiifa n s, l’usufruit,
q u o i q u e d’abord s t i p u l é pendant le cours de la vie
du survivant, son convoi le faisoit cesser ;
<
*■Qu’on ne pouvoit se dissimuler que la première partie de cette clause y résistoit, parce que, dans le système du sieur Cisterne, partie de Rousseau, on auroit
dû dire nettement et sans équivoque, que l’usufruit
n’auroit.lieu que pendant la viduité du survivant, soit
qu’il y eût ou n’y eût pas d’enfans de son m a r i a g e ;
mais que le vice de cette r é d a c t i o n ne pouvoit donner
à la clause un s e n s qu'elle paroissoit ne pas présenter ;
qu’il falloit la prendre dans son ensemble, et ne pas
«
«
«
«
«
«
«
«
« chercher ailleurs ce que les parties avoient entendu;
« Que d’après les principes du droit, les actes entre« vifs s’interprétoient avec moins de faveur que les dis« positions à cause de mort, parce que, comme l’observe
« le savant R icard, dans les premiers, les parties sont
« présentes pour expliquer clairement leurs volontés et
« concerter leurs conventions, au lieu que dans les actes
« à cause de mort, le testateur est seul pour exprimer la
« sienne, et q u e , lorsque les expressions sont ambiguës,
K il faut cherchér quelle a été son intention, et l’interpré« ter largement ;
t « Qu en. s’en tenant à lâ lettre du contrat, il y auroit
« lieu de d é c i d e r que l’usufrwit dont il s’agit avoit cessé,
« quoiqu’il n’y eut ,pas eu ¡d’ertfans ; puisque ces mots
« pour lors, qui lient les deux membres de la clause,
�(S)
« suivent immédiatement ceux-ci : dans le cas où il n'y
« auroitpas à?enfans, et que, dans le sens grammatical,
« pour lors, a lo rs, ou dans ce ca s, étoient synonimes et
« cxprimoient la même chose; qu’ainsi, il y avoit lieu
a d’adjuger la demande de la partie de Pvousseau,
« Par ces motifs, le tribunal condamne celle de Biauzat
« à rendre et restituer la somme de 35,000 fr., etc. »
Les motifs d’un jugement doivent renfermer ce qu’il y a
de plus fort pour convaincre que le juge n’a pas erré ; or,
ceux-ci ne font que déceler l’obscurité que le juge trouvoit à la clause dans le sens où il l’entendoit, çt l’embar
ras'qu’a éprouvé le tribunal. Il ne nous paroît pas dif
ficile de reconnoître la volonté des parties ; mais, pour le
faire plus sûrement, l’appelons quelques principes que
le Code civil a érigés en règles positives • nous ne les re
chercherons pas dans la loi qui régit les testamens, mais
au litre de V in terp réta tio n des conventions , et par cela
seul, nous réduirons à rien le quatrième motif du juge
ment.
«■On doit, dans les conventions, r e c h e r c h e r quelle
« a été la commune intention des parties contractantes,
« plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. »
>
Telle est la disposition>de l’art. n 56 du Code civil.
Elle n’est que la /traduction de cette ancienne maxime
de Papinien : Inconventihus conlraîientium, voluntatem
potiùs quant verba spectari placuit ; et de cette règle écrite
dans la loi 96 j ff. de reg. ju r . : Tn 'ambiguis orationibus ,
m axim e sententia !spectanda est c'jus qu i cas proitilisseU
Ces principes nous sont rêtracés:par Dnnt 9 ine; dans son.
excellent.¡traité .sur. ce livre du.Üigesté\ il -le fait de la
manière
�( 9 )
manière la plu s judicieuse. Après avoir dit avec la loi, et sans
j imais s’en é c a r t e r , que le souvera:n peut expliquer la loi
lorsqu’elle est ambiguë ? le préteur son é d it, le juge sa
sentence, et que l’on doit, en prononçant, examiner
avec s o i n quelle a été leur intention, il ajoute ces termes
précieux pour la cause:
« Et comme les conventions des particuliers sont des
« lois en tre les parties, il faut moins s’attacher au x termes
« ambigus et embarrassés dont on s’est s e r v i, qu’à
« Vintention, qu i est Tessentiel du contrat. »
Avec ces règles., il ne nous rera pas difficile de reconnoître les effets nécessaires du contrat de m a r i a g e du sieur
Téallier.
Pas de doute d ’ a b o r d que la clause ne soit conçue dans
des termes ambigus et em barrassés, surtout si ou la
prend dans le sens que le tribunal dont est appel a adopté
comme étant le sens littéral des termes, et résultant de la
position cles deux mots -pour lors. Il déclare nettement,
en effet, que la première partie de la clause résiste au
système du sieur Cislcrne; que, d’après elle, l'usufruit seroit
donné pour toute la v ie , mais que la seconde partie le
fait cesser en cas de convoi ; en sorte que c’est pour le meme
cas, celui où il n’y auroit pas d’enfans, que la meme
clause donne l’usufruit pour toute la vie et le fait cesser en
cas de convoi ; contradiction choquante qui fait détruire
1 utiQ par l’autre, en les appliquant au meme cas, deux vo
lontés écrites immédiatement l’une après l’au tre, et qui
subsistent ensemble et produisent chacune leur effet, si on
les applique à deux cas difïérens.
Il est encore dans les principes que toutes les fois qu’on
�........................................................
(
1
0
.)
peut donner un sens et un effet à une stipulation, 011 doit
plutôt l’entendre dans ce sens que dans celui avec lequel
elle n’en produiroit aucun (art. 1 1 5 7 ) ; o r , d’après le
jugement, cette stipulation , si précise pourtant , que l’u
sufruit durera pendant toute la vie ^ demeure nulle et
sans eifet ; puisque cela ne sera vrai dans aucun cas, et que,
dans toutes les suppositions, l’usufruit doit être éteint par
le convoi. A lo r s , il faut en convenir, et le jugement le
reconnoît, il falloit se réduire à déclarer que l’usufruit
n’auroit lieu que pendant la viduité; c’étoit la seule ma
nière de rédiger laclause : donc, les expressions qui la cons
tituent , nè sont autre chose , si on veut l’entendre ainsi,
que des termes ambigus et em barrassés, que la justice
ni la bonne raison ne peuvent admettre dans leur sens
littéral.
Il
y a donc obligation de rechercher l’intention des
contractans; o r , elle ressort de l’ensemble de la clause
et de toutes ses parties; elle est démontrée par toutes
les circonstances qui l’environnent.
Voyons d’abord les termes de la stipulation. Les fu
turs alloient contracter mariage. Ils ne savoient pas s’ils
auroient des enfans, et leur position actuelle étoit de ne
pas en avoir. S’occupant de ce qui existe, ils se donnent
mutuellement l’usuiruit, qui durera toute la vie si leur
état ne change pas, c’est-à-dire, s’ils n’ont pas d’enfans.
Prévoyant ensuite un cas possible, mais qui n’existe pas
encore, ils l’aperçoivent dans l’aven ir, mais d’une ma
nière incertaine, et comme s’ils l’avoient prévu par l’ex
pression du contrat, ils se pressent tî’ucrîrc : Si cela arriv o it, pour lo r s, l’usufruit c e s s e r o i t en cas de convoi.
�( ” )
Nous avons déjà indiqué cette observation, mais nous
ne pouvons nous empêcher d’y revenir, parce qu’elle est
essentielle. Gomment, en voyant deux manières de s’ex
primer si différentes, pourroit-on les appliquer au même
cas ? la première partie n’est - elle pas un langngepositif,
applicable à ce qui existe actuellement ? la seconde n’estelle pas un langage conditionnel, le produit d’une hy
pothèse, la prévoyance d’un cas possible, mais qui n’existe
pas? peut-on dire raisonnablement que le donateur n’avoit qu’une seule et même pensée , lorsqu’il disoit : L ’usu
fruit que je donne durera pendant toute la vie........ Pour
lors , il cesseroit en cas de convoi ?
S’il est de règle, comme on n’en peut pas douter, qu’on
doit rejeter le s e n s littéral, lorsqu’il ne se coordonne pns
a v e c l’intention des parties ; comment s’y refuser lorsqu’on
voit une rédaction barbare où les futurs commencent par
se donner l’usufruit de tout ce qui appartiendra au prémourant d’e u x , pour, par le survivant d’e u x , dispensé de
caution, en jo u ir?... Il ne faut pas s’étonner de voir ensuite
le rédacteur, après avoir dit que cet usufruit durera toute
la vie, s’il n’y a pas çl’enfans, prévoir, par la pensée, un cas
contraire , et oubliant de l’écrire, ajouter : pour lors 3 i l
cesseroit par le convoi.
L e notaire pouvoit s’exprimer d’une autre manière, et
dire : Car a lors, il cesseroit en cas de convoi ; s’il l’eût
faitainsi, on ne douteroit pas qu’il a voulu dire: C a r, s'il
çn existait^ il cesseroit.... Mais dans l e u r sens gramma
tical, et d’apri»s tous l e s d i c t i o n n a i r e s , ces deux locutions
pour lo rs, car a lo r s, sont ab§qlument synonimes. Com
ment donc appliquer ce ternie conditionnel cesseroit 4 à
�( 12 )
un temps p r é s e n t , h u n cîjs a c t u e l , à tin état de choses
e x i s t a n t , surtout l o r s q u e ce cas v e n o i t d ’être ré gl é d ’une
m a n i è r e toute op p os ée dans la li g n e p ré céd en te ?
Rappelons nous, d’ailleurs, que cette clause fut rédi'gée d’abord simplement, et qu’au moment de la passa'tion.du contrat, on y intercala la restriction à la viduité
"en cas d’en fan s , et, dès lors, ne nous étonnbns“pas que
le rédacteur, dont la plirase étudiée étoit déjà passable
ment mal conçue, ait mal ou imparfaitement rendu la
pensée des parties. Il faut si peu de chose pour changer
le sens-d’une phrase ! L ’omission ou le déplacement Jd’un.
mot suffit pour produire cet effet; cela échappe souvent
meme aux hommes les plus exercés ; mais le mal n’est
pas grand quand l’intention reste, qu’elle est évidente ,
nécessaire, comme on ne peut pas en c lo u te r dans l’espèce^
Ainsi, tout ce qui constitue la stipulation meme, dé
montre la volonté de prévoir les deux cas d’existence ou
non existence d’enfans,de limiter la durée de l’usufruit
dans l’un , et de le donner indéfiniment dans l’autre.
On peut v o ir , daiis la cause même, un exemple'de
ces locutions vicieuses qui échappent aux hommes les
plus exercés. On la1trouve dans le second motif du ju
gement ci-dessus transcrit. Certes, il y a là une inatten
tion du rédacteur q u i, peut-etre, par l’oubli de quelques
mots ou'par un peu de préoccupation, a laissé* échapper
une phrase1mal conçiie; cependant il écrivoit et pouvoit
ïnéditer ses expressions, tandis qtle le rédacteur du contrat
de mariage faisoit un léger changement, et ajoutoit une
convention particulière au contrat de marloge, au milieu
d’une assemblée1n o m b reu x1, 'et sans avoir, ni le teinps,
�ï x3 )
ni la possibilité de calculer les termes dont il se servoit.
Si nous e x a m i n o n s ensuite ce qui résulte des circons
tances e n v i r o n n a n t e s , nous serons encore plus convaincus.
Ün premier contrat de mariage avoit été passé pour la
fille a î n é e . L e père, sans doute, et non pas elle, s’étoit
occupé des règlemens d’intérêt; il avoit admis une do
nation réciproque d’usufruit, sans en limiter la durée.
C’est ce môme père qui, mariant sa s e c o n d e fille quelque
temps après, stipule aussi pour elle; sa volonté doit
èîre présumée la me m e , à moins de preuve contraire; et
elle l’est en effet, à ne prendre que la première partie
de la clause. O r, le sieur Téallier affirme que le; s i e u r
Cisterne fut le premier à e x p r i m e r sa vo lo n té, que les
conventions de ce contrat de mariage fussent copiées
sur le contrat du sieur Croix; que ce fut lui, Téallier,
qui fit ajouter la restriction à la viduité , pour le cas, mais
pour le seul cas, d’existence d’enfans, et dans le seul intérêt
de ses enfans à naître. 11 répète que ce fut la pensée de
tous les membres de la famille qui étoient présens, et
il est en état de prouver que cela fut ainsi, et qu’on en
convint publiquement.
Nous n’avons pas besoin de répéter que dans la pen
sée où il étoit que sa jouissance ne devoit finir qu’avec
sa v ie , le sieur Téallier se servit de ce fait ( que sa
femme croyoit positif comme lui et toute la f a m i l l e ,
parce que telle avoit été leur volonté ) pour l’empêcher
de disposer e n sa faveur de tout ce q u ’ e l l e pouvoit donner
en propriété. N o u s a v o n s dît qu’il pouvoit le prouver par
des témoignages irrécusables. Il ne reculera pas devant
cette p reu v e, si on juge à propos de l’ordonner.
�0 4 )
Le sieur Gisterne a , dit - o n , essayé de donner à la
clause une interprétation fort singulière ; il a senti qu’elle
devoit nécessairement s’appliquer à deux cas, et il a cru
les avoir découverts, en disant que dan9 le cas où il y auroit des enfans, il n’y auroit pas d’usufruit dutout, et
que cela résulte de ces mots : mais seulement s’il n'y
avoit pas Æenfans \ et que, dans ce dernier cas, le seul
où l’usufruit fût donné, il ne devoit durer que pendant
la viduité.
Nous ne disserterons pas long-temps sur cette pensée
que le sieur Gisterne n’a voit pas eu d’abord, et dont le
sieur Téallier a droit de s’étonner.
Elle est contraire, en effet, à la convention formelle
des parties, que le sieur Cisterne doit mieux connoître
que personne. O r , l’intimé ne croit pas encore qu’il re
fuse de reconnoitre que l’usufruit avoit été réciproque
ment convenu , sans distinction du cas où il y auroit des
enfans.
Elle est contraire, et à l’usage ordinaire, et à toutes les
idées adoptées dans la famille Cisterne, avant et après
le mariage; car les contrats de mariage des deux autres
filles donnent l’usufruit dans les deux cas.
Elle est contraire à l’intention évidente des parties il
nous semble avoir démontré que cette intention étoit
toute autre.
Elle est contraire à ce qui se passa au moinent de la
signature du contrat, à ce fait que le sieur Téallier est
en état de prouver au besoin, que la convention étant
réciproque et illimitée , il voulut V ajouter u n e restric
tion ù la viduité, dans le seul intérêt de ses enfans à
�( 15 )
naître, et que c’est cette addition mise après coup, qui a
produit une rédaction moins nette qu’on auroit pu le
désirer.
r Enfin, elle est contraire au texte meme de la clause ;
car il y est formellement écrit qu’il est un cas où l’usu
fruit durera p e n d a n t t o u t l e c o u r s d e s a v i e . Or,
pour apercevoir de loin ce système d’interprétation, il
faut impitoyablement rayer de la clause ces termes si
formels et si volontairement écrits dans le contrat. Il faut
fouler aux pieds une volonté certaine qui autrement a
son effet; il faut enfin prêter à la clause une construction
beaucoup plus bizarre que celle qu’elle a , en l ’e n t e n d a n t
naturellement. On ne p o u r r a p a s l e nier ; cette interpré
tation , au lieu d ’ e t r e dans le sens de la lo i, réunit tous
les vices qui peuvent la faire rejeter.
Certes, le rédacteur auroit bien plus de reproches à se
faire, et il auroit à rendre compte de cette obscurité
impénétrable, si ces expressions devoient demeurer sans
effet. Cependant, i\ elles seules elles contiennent une pen
sée ; elles expriment une volonté ; elles n’ont été écrites
que parce que les parties l’ont voulu. O r , quelle a été
leur intention ? Il n’est pas permis de la méconnoître; ne
repoussons donc pas ce que la loi veut; n'admettons
pas des interprétations absurdes qui détruisent la volonté ;
^^ ettons plutôt, avec la loi et la raison , le sens le plus
naturel, celui où la clause est bien moins o b s c u r e , celui
ou chaque stipulation a son effet, c e l u i , enfin , où les
termes ne sont pas inutiles, et où on rentre dans le cercle
des conventions ordinaires, et particulièrement de celles
constamment admises dans la famille Cisterne,
�(16 )
Voilà toute cette cause : le sieur Téallier n’a pas la
prétention d’établir une discussion plus étendue sur une
stipulation qu’il a seulement voulu faire connoître à la
C o u r ; il lui de la faire soumettre à ses méditations,
et d’attendre que la vérité jaillisse d’un examen réfléchi.
Il n’a pas à discuter le mérite des motifs du jugement,
dont tout le système est renfermé dans cette proposition,
que les parties ont voulu le pour et le contre dans la
même ligne, et que la dernière expression employée doit
effacer la première. Il croit qu’il est possible de mieux
entendre la volonté des parties, et qu e, puisque toutes
les stipulations de la clause peuvent s’accorder avec
des volontés distinctes et susceptibles de produire leur
effet, il ne seroit ni légal ni raisonnable de s’obstiner à
n’y voir qu’un vain et ridicule échaffaudage d’expressions
obscures, de termes complexes employés pour rendre une
idée simple, une pensée unique, qu’on pouvoit exprimer
en deux mots, avec autant de force que de clarté. Il y
a donc réellement deux volontés applicables à deux cas
différens; il n’en faut pas davantage au sieur Téallier
pour ne pas douter du succès de sa cause.
TÉ A L L IE R .
M e. D E V I S S A C , Avocat.
M e. D E V È Z E , A voué-licencié•
T H IB A U T
Im prim eur de la C our royale e t
Libraire , à R iom . — 1825.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Teallier. 1825]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Devèze
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
donations entre époux
gain de survie
usufruit
remariage
viduité
contrats de mariage
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour le sieur Téallier, notaire à Mozun, appelant, contre Le sieur Cisterne-Delorme, propriétaire à Sauvagnat, intimé.
Annotations manuscrites : « arrêt 24 janvier 1826. voir à la fin du second mémoire. »
Table Godemel : clause : -obscure. lorsqu’une clause présente quelque obscurité on doit l’interpréter moins par la valeur littérale des termes, que par l’intention commune des parties : la clause ainsi conçue : « les futurs se donnent mutuellement l’usufruit de tout ce qui appartient généralement au prémourant d’eux, pour, pour le survivant d’eux, dispensé de caution, en jouir tout le cours de sa vie, mais seulement dans le cas où il n’existerait pas d’enfant, pour lors la donation cesserait d’exister, en cas de convol. »
signifie-t-elle que la donation mutuelle des époux ne devrait avoir lieu qu’au cas où ils n’auraient pas d’enfants de leur mariage, et serait limitée au temps de leur viduité ? Ou au contraire, que la durée de l’usufruit durant la vie du survivant n’aurait pas lieu en cas de survenance d’enfants du mariage, auquel cas, il reparaît pour le convol ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud, imprimeur de la Cour Royale (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1825
1818-1825
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2601
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2602
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53516/BCU_Factums_G2601.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mauzun (63216)
Sauvagnat (63410)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
contrats de mariage
donations entre époux
gain de survie
remariage
Successions
usufruit
viduité