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MÉMOIRE
FO U R
Le sieur J e a n - A n t o in e C H A B R O L , propriétaire
à C lerm o n t-Ferran d , place M ichel-de-l’Hospital,
appelant d’un jugem ent rendu au tribunal de pre
m ière instance de C lerm o n t-Ferran d , le 25 août
1837, signifié le 9 novem bre suivant 5
CONTRE
Les sieurs A n t o i n e et J e a n G ILLET, beaux-frères,
marchands horlogers à Clermont-Ferrand.
l i E S questions que le sieur Chabrol se voit contraint, pour sa sûreté, de
soumettre aujourd’hui à la décision de la Cour royale, sont, à notre avis,
des plus simples, nous dirons presque des plus vulgaires :
Le vendeur peut-il forcer son acquéreur à se libérer, tout en lais
sant peser sur sa propriété l’inscription d’office et le privilège des
précédents vendeurs, surtout lorsque cet acquéreur a stipulé dans
son contrat, de la manière la plus expresse, qu’il ne pourrait être
obligé au payement, qu’autant qu’on le débarrasserait de cette ins
cription et de ce privilège?
Lorsqu’il a été convenu que le payement n’aurait lieu qu’après
1 accomplissement de certaines conditions , auxquelles le vendeur
1
�s’est soum is, peut-il se faire payer le prix, sans remplir les condi
tions?
Particulièrement les sieurs Gillet peuvent-ils exiger le payement
du prix dû par le sieur Chabrol, et se soustraire eux-mémes à l’obli
gation qu’ils ont contractée de désintéresser leurs vendeurs? Le sieur
Chabrol n’est-il pas bien fondé à suspendre le payem ent, tant que
le prix n’est pas em ployé, conformément à la convention , à éteindre
totalement l’action dos précédents propriétaires?
« Le vendeur peut-il imposer à l’acquéreur cette dure condition :
» de ne pouvoir consigner (son contrat le lui défend), de garder
» cependant une propriété grevée, et de rester indéfiniment exposé
» à tous les dangers, à tous les inconvénients d’un semblable état
» de choses? »
Dans de pareilles circonstances, et indépendamment de ce que
l’échéance du terme convenu n'est p o in t arrivée, ainsi que nous le dé
montrerons, l’opposition du sieur Chabrol u’est-elle pas bien fondée?
Nous diviserons cette discussion en trois parties :
Dans la première, il sera démontré que le sieur Chabrol ne doit rien aux
sieurs Gillet, tant que ceux-ci n’auront pas payé eux-mêmes ce qu’ils doi
vent personnellé'ment aux précédents vendeurs, tant qu’ils refuseront de four
nir à leur acquéreur les garanties résultant de la loi et de la conventiom.
Dans la deuxième, nous prouverons que les sieurs Gillet n’ont rien à de
mander au sieur Chabrol, parce que Véchéance du terme du payement n’est
point arrivée.
l a troisième partie seca consacrée à la réfutation du jugement de pre
mière instance.
PREMIÈRE PARTIE.
Garanties résultant, de la loi et de la convention..
L e domaine de Saulzcl, mis en vente pendant plusieurs années, est resté
orl lonÿ-temps sans trouver d ’acquéreurs, par l'a raison que le droit de
dropriété des vendeurs était susceptible d’ôlre mis en doute.
�Les sieurs Gillet, spéculateurs plus hardis que leurs concurrents, n’ont
acquis ce domaine qu’en prenant de grandes précautions; ils n’étaient pas,
eux non plus, sans inquiétudes; leur contrat d’acquisition, du 26 septem
bre 1828, fait connaître le motif de leurs craintes ; ils n’ignoraient pas que
l’acte du 10 prairial an ix, par lequel Mme deSaint-Mendes,étanten puissance
de mari, ayant alors des enfants, et en ayant eu depuis, rétrocédait il son
neveu , Jérôme-Emmanuel Aubier, purement et simplement, et à vil prix,
ce même domaine qu’elle avait acquis nationalement le 25 thermidor an iv,
à un prix considérable par elle soldé; que cet acte était d’une validité fort
équivoque, et masquait une véritable donation entre-vifs, dont la nullité
peut encore être réclamée par Mme de Saint-Mendes elle-même, après la
mort de son mari , ou par ses enfants.
Les sieurs Gillet, en traitant de l’acquisition du domaine de Saulzet,
avec les héritiers du sieur Jérôme-Emmanuel Aubier, ont agi sous l’inlluence de cette idée qu’il existait, ou pouvait exister un jour pour eux , un
danger d’éviction, dont la cause n’a point encore disparu ; aussi font-ils sti
puler solidairement les quatre vendcresses et les maris de deux d’entre elles.
11 ne leur suffit pas que ceux-ci contractent en leurs simples qualités de
m aris, il faut encore qu’ils s’obligent en leurs propres et privés noms.
D’autre part, ils prévoient, dans deux clauses différentes , le cas où ils ne
pourraient se libérer par une cause quelconque , et alors ils font stipuler
que l’intérêt de leur prix sera réduit à 4 pour cent : cette cause quelconque,
qui doit faire obstacle à leur libération, les inquiète et les préoccuppe à un
point extraordinaire.
Cette même crainte, ce même danger, les sieurs Gillet les ont légués au
sieur Chabrol, leur sous-acquéreur, pour une partie du domaine de Saulzet;
mais de cette qualité d’acquéreur partiel naissait, pour le sieur Chabrol,
un nouveau danger qui lui était particulier , et contre lequel il a dû se pré
munir d’après la maxime : Vigilantibus jura subveniunt.
Le nouveau danger, dont nous voulons parler, rémltait de l'état d’indivi
sion . dans lequel se trouvaient les vendeurs des sieurs Gillet, par rapport au
domaine de Saulzet, et qui donnait à chacun de ces vendeurs, bien qu'ils
se fuisent divisé le prix de la vente, un privilège atteignant la totalité du
domaine vendu, et le droit d'exercer leur action résolutoire contre les sieurs
(iillet, sans s'inquiéter des sotts-acquéreurs ; ce qui n’aurait pas eu lieu , si
la vente eût été précédée d’un partage, parce qnn’alors chacun des héritiers
�( * )
Aubier, étant censé n’avoir hérité que des objets échus à son lot, se trou
vait 6ans droit aucun sur les objets échus aux lots de ses cohéritiers.
Cet état de choses était bien fait pour éveiller la sollicitude du sieur
Chabrol : nous allons voir quelles précautions il a prises, quelles conven
tions il a faites avec ses vendeurs, qui, en sentant l’opportunité, qui, oc
cupés de réaliser leur bénéfice, ne songeaient sans doute pas alors à les
rendre illusoires.
Par acte du 1er septembre 1829, les sieurs Gillet ont vendu, avec leur
garantie solidaire, au sieur Chabrol, une portion du domaine de Saulzet,
moyennant un prix, qui, par un autre acte du 21 mai 1831, se trouve
aujourd’hui réduit à la somme principale de 27,875 fr. 35 cent.
Le sieur Chabrol, par ce même contrat de vente , s’est obligé, sur l’indi
cation et la délégation des sieurs Gillet, à payer cette dernière somme à
Mrae de Tournemine, pour ladite somme être imputée sur la portion reve
nant à cette dernière dans le prix de la vente consentie par les héritiers
Aubier de la Montheille auxdils sieurs Gillet.
Viennent ensuite les dispositions suivantes, textuellement extraites du
contrat de vente :
« Il est expressément convenu entre les parties à ce sujet :
» 1°. Que M. Chabrol ne sera tenu d'effectuer que les derniers payements
» auxquels lesdits sieurs Gillet sont tenus envers ladite dame de Tourne—
» mine, et qu’il profilera des termes et délais stipulés au profit des sieurs
» Gillet, dans le contrat de vente du 26 septembre 1828, et qui résulte» raient , soit de ce qu’une partie de la somme , revenant à Mrao de Tour» nemine , n ’est payable qu’à la mort de M. Emmanuel Aubier de la Mon» theille, ou à l’expiration de l’année qui suivra son décès, soit de ce que
M. et M,uc de Tournemine, étant obligés de faire remploi de la portion
» revenant à ladite dame de Tournemine, mettraient du retard à faire ledit
» remploi ;
» 2°. Que de son côté M. Chabrol sera tenu de remplir les obligations
» contractées par les sieurs Gillet envers M. et Mm0 de Tournemine, en
» ce qui concerne la portion du prix qu’il doit payer en leur acquit, qu en
» conséquence il ne pourra consigner que dans les termes et de la manière
» stipulée dans le contrat de vente ci-dessus relaté ;
a 3". Que M. Chabrol profitera de tous les droits desdits sieurs Gillet
» relativement aux payements à faire, et notamment de la réduction de
�» l'intérêt à 4 pour cent par an , dans tous les cas où lesdits sieurs Gillet
» auraient le droit d’en profiter ;
» 4°. Qu’au moyen des payements effectués par M. Chabrol , il sera
» subrogé, jusqu’à duc concurrence, dans lous les droits, actions, privi» léges et hypothèques des précédents vendeurs, pour sûreté de son acqui» sition.
» Il est encore bien entendu et convenu que la fixation des payements
» ci-dessus indiquée ne sera obligatoire pour M. Chabrol , quant aux ca» p ita ux, qu’autant q u il n existerait point, lors des échéances, d’inscription
» hypothécaire d’aucune espèce, sur les biens vendus, du chef des vendeurs
» ou de leurs auteurs, autre que l’inscription d’office des précédents ven» deurs, pour raison de la somme restant à payer par M. Chabrol. »
Est-il besoin de s’appesantir sur les dispositions de ce contrat? leur
texte seul ne fait-il pas connaître l’esprit qui les a dictées, le but et l’in
tention des parties contractantes? Ces délais, m ais, avant tout, ces sûretés
et ces garanties, le sieur Chabrol n a-t-il pas bien entendu se les assurer ?
L’intention des sieurs Gillet n’a-t-elle pas été de les lui accorder de la
manière la plus large ?
Ces conventions font la loi des parties : Contractus stricti juris. Comme
ici le sens est sans ambiguïté, il n’est point, suivant Toullier, sujet à inter
prétation ; mais, quoiqu’il en soit, nous prouverons que nous ne redoutons
point l’interprétation.
Par l’extrait que nous venons de donner du contrat de vente du l or septembre 1829 , et qui contient tout ce qui intéresse cette cause , nous voyons
d’abord que les sieurs Gillet donnent au sieur Chabrol leur garantie person
nelle et solidaire.
C’était toujours, à tout hasard, une garantie éventuelle contre les dangers,
dont la crainte préoccupait, ajuste titre, le sieur Chabrol; contre l’éviction
dont il est encore menacé, ainsi que tous les acquéreurs du bien de Saulzet,
de la part de Mmc de Sainl-Mendes ou de scs héritiers.
Mais ce n’est pas tout; celte garantie pouvait faillir, et le sieur Chabrol
devait se prémunir contre le nouveau danger qui naissait pour lui de sa
qualité de sous-acquéreur.
il a dit alors aux sieurs Gillet : « Comme par votre acte du 26 septembre
» 1828 , les héritiers Aubier vous ont vendu, moyennant 138,000 francs,
» un domaine indivis entr’eux; je ne puis, moi, qui n’en ai acquis que
�» pour 27,875 fr. 35 c. , vous payer le prix de ma revente partielle, que
» lorsque vous aurez soldé votre prix ; autrement je me trouverais sous le
» coup de l’action résolutoire ou du privilège de vos vendeurs. »
Les sieurs Gillet se sont empressés de lever celte difficulté, et il a été
stipulé expressément convenu que le sieur Chabrol ne serait tenu d'effectuer
(jue les derniers payements.
Vient ensuite une stipulation qu’on pourrait considérer comme purement
de style, comme n’ajoutant rien aux garanties de droit, et comme n ’ayant
pas attiré beaucoup l’attention des parties ; elle prouve toutefois le soin que
les contractants ont apporté à ne négliger aucune sûreté ; c’est la clause qui
porte, qu’au moyen des payements effectués par l u i , le sieur Chabrol sera
subrogé dans tous les droits et actions des précédents vendeurs.
Ce n’est, en effet, que dans la situation la plus défavorable , en désespoir
de cause , que le sieur Chabrol pourrait faire valoir cette subrogation ; il
faudrait qu’il eût d’abord subi le dommage et les frais de l’éviction, pour
se lancer ensuite dans les chances et les nouveaux frais d’une action récursoire, dont il ne sortirait certainement pas sans un préjudice notable.
Cette subrogation que lui donnerait-elle? une créance, une action. O r,
ce n’est pas là ce que le sieur Chabrol a entendu acquérir; ce n’est pas là
ce qu’on a entendu lui assurer: c’est une propriété incommutable et liquide.
M eliùs est liabere re m , q u àm actionem .
Mais cependant cette stipulation , en apparence si peu importante en ellemême , vient encore, par la force des termes de sa rédaction , à l’appui de
notre système , que proclament d’ailleurs si haut toutes les clauses de notre
contrat, et qui consiste à dire que les sieurs Gillet doivent se libérer inté
gralement avant qu’aucune demande des fonds puisse nous être faite.
Comment concevoir, en effet, que la dame de Tournemine, étant créan
cière de 60,274 fr., le sieur Chabrol pût être , pour sûreté de son acquisition,
subrogé efficacement dans tous les droits des précédents vendeurs, si cette
dame ne se trouvait pas entièrement désintéressée par le fait du payement
que lui ferait le sieur Chabrol?
Mais, si Mmn de Tournemine, si les autres vendeurs ne sont intégralement
payés, ils conservent donc une partie de leurs créances , une partie de leurs
droits, actions, privilèges et hypothèques ; et cependant vous nous ave/
promis que nous serions subrogés dans tous leurs droits ; comment pou
vons-nous les avoir tous, si d’autres en conservent une partie? Car, enten
�dez-vous bien, iL y a tous, tous les droits, actions, privilèges ét hypothèques
des précédents vendeurs ; et c’est justement pour lest avoir tous, qiie nous
avons commencé par stipuler que nous ne ferions que les derniers payements.
Ainsi donc, lors de la rédaction du c o n trat, il entrait bien dans votre
pensée intime, sieurs Gillet, aussi-bien que dans celle du sieur Chabrol,
que vous étiez tenus de vous libérer intégralement, avant qu'il fût lui-même
obligé d'effectuer aucun payement ; car cette pensée ressort de toutes vos
stipulations, même de celles qui sont en apparence les plus indifférentes.
Cette même pensée ressort encore très-clairement, à notre avis, de la
fixation des termes de payement \ car , ainsi qu’on le verra plus tard , te
dernier payement de p r i x , réservé au sieur Chabrol, devant suivre, à une
année d’intervalle, Vavant-dernier, à la charge des sieurs Gillet, il est
clair qu’il entrait alors dans la conviction des contractants, qu’à l’époque
où le sieur Chabrol payerait, les sieurs Gillet se seraient eux-mêmes libérés
intégralement depuis un a n , et qu’ainsi le sieur Chabrol pourrait, sans
difficulté aucune , être subrogé à tous les droits, actions, privilèges et hypo
thèques des précédents vendeurs.
Vous le voyez , sieurs Gillet, toutes les clauses de notre contrat concourent
k un seul et même but , celui de l’évidence ; rendez-vous donc enfin à
cette évidence. Payez, vous ne pouvez échapper à cette nécessité ; payez,
ce grand procès ne tient qu’à cela; payez, remplissez vos engagements , et
alors il sera temps pour m u s d’examiner dans quels termes et dans quels
délais nous sommes tenus de remplir les nôtres envers vous.
N’êtes-vous pas encore convaincus ? Oh ! mais il nous reste de quoi ré
duire une obstination plus tenace encore que la vôtre. Vous n’avez pas sans
iloute oublié la clause finale de nos conventions ; cette clause que nous avons
exprimée avec des termes , s’il est possible, plus sacramentels que les autres;
que nous avons rejetée à la lin pour qu’elle les dominât toutes , pour qu’elle
en expliquât et mît au jour la véritable pensée. Cette clause, qui prouve
avec tant d'évidence que les termes et délais, convenus: entre nous, l'ont été
principalement dans un intérêt' de garantie et de sûreté pour l’acquéreur;
clause que nous voulons répéter ici, parce qu’en elle se trouve, de la ma
nière la plus absolue, votre condamnation définitive.
« Il est encore bien entendu et convenu que la fixation des parje» ments ci-dessus indiquée, ne sera obligatoire pour M. C habrol,
�»
»
»
»
»
quant aux capitaux, qu’autant qu’il n’existerait p oin t, lors des
échéances, d’inscription hypothécaire d’aucune espèce, sur les biens
vendus du chef des vendeurs ou de leurs auteurs, autre que l’inscription d’office des précédents vendeurs, pour raison de ta somme
restant à payer par M. Chabrol. »
Cela est-il assez clair? N’est-il pas vrai que les payements que nous avons
fixés , que j ’ai promis de faire , ne sont pas obligatoires pour moi ; qu’en un
mot, vous n’avez rien à me demander, quant aux capitaux, tant que vous
ne m ’aurez pas rapporté mainlevée et radiation de toute inscription hypo
thécaire, et notamment de l'inscription d’office des précédents vendeurs, en
totalité , moins la somme que j ’ai été chargé de payer pour vous.
Avant de lancer contre moi un commandement de payer, la prudence et
vos propres engagements ne vous obligeaient-ils pas, indépendamment des
délais que vous m ’avez promis , à faire ce simple calcul :
Nous devons, à nos vendeurs, ou du moins ils ont contre nous , sur la
totalité du domaine de Saulzet, un privilège indivisible, une inscription
d’office, pour............................................................................................ 138,000f 00r
Le sieur Chabrol est chargé de payer pour nous..................... 27,875 35
Nous devons donc , a u x ternies d t nos conventions , l u i ------------
rapporter , avant qu’il lui soit rien demandé , mainlevée
et radiation de celte inscription d’oflice , jusqu’à concurrence
(]c.................................................................................................................110,124f 65e
Tel est en effet le langage que le sieur Chabrol est en droil de tenir aux
sieurs Gillet : nous ajouterons que, pour procéder régulièrement, ces der
niers, auraient dû lui signifier cette radiation.
Que les sieurs Gillet payent donc ce qu’ils doivent, car il faut toujours en
revenir là; qu’ils payent et qu’ils justifient de leurs quittances ; non pas de
quittances sous signatures privées »• qui peuvent s’égarer , disparaître ou
s’anéantir ( car il faut aller au-devant de toutes les subtilités ) , mais de
quittances authentiques, dont on puisse retrouver la trace , de quittances
qui puissent servir de titres de propriété , éteindre définitivement le privi
lège et l’action résolutoire, et opérer la radiation de l’inscription d’office.
( Arrêt de la Cour royale de Bordeaux, du 17 décembre 1835. )
Nous ne pouvons nous dispenser de transcrire ici un autre arrêt de la
�Cour royale de Iîordeaux, du 17 février 1812 , dont la jurisprudence n’a
reçu jusqu’à ce jour aucune atteinte. Les motifs de cet arrêt et l’espèce
dans laquelle il a été rendu , sauf la question du cautionnement, ont des
rapports trop directs avec l’affaire qui nous occupe, et précisent trop exac
tement les positions respectives des parties actuellement en cause , les consi
dérants en sont trop remarquables , pour que nous négligions ce nouvel
argument en notre faveur.
« Attendu , porte cet arrêt, que, lorsque le terme d’une obligation
» est joint à une condition , et qu'elle lui est subordonnée , le payement
» ne peut être exigé, malgré l’échéance du terme, si la condition n’est
» pas remplie ;
» Attendu q u e, par le contrat de yente du 30 novembre 1808 , il
» a été formellement stipulé que les appelants ne pourraient exiger le
» payement du restant du prix de la maison par eux vendue, quen
» rapportant la radiation des inscriptions prises sur cette maison, et
» en donnant en outre à l’acquéreur la certitude quelle serait entiè» renient affranchie de tous droits et prétentions étrangères ;
« Attendu qu’ils n ont pas rempli cette obligation préalable , puis» qu’il est justifié que la maison par eux vendue est encore hypothé» quée , dans l’intérêt du trésor public , contre François Rochctle
» père ;
» Attendu que l’article 1653 du Code Napoléon , qui permet aux
» vendeurs d’exiger le prix, en donnant caution , si l’acheteur est
» troublé, ou a juste sujet de craindre un trouble ou une éviction,
*> n’est pas applicable au cas où le vendeur n’a pas rempli les condi» lions de la vente , et qu’un cautionnement ne peut pas suppléer «
» iaccomplissement d’une stipulation écrite, à moins que toutes les
» parties n’y consentent;
» La Cour reçoit Michel Rochette et Jérôme Lcscure opposants
» pour la forme envers l’arrêt du 30 décembre 181.1, (qui avait fait
» suspendre les poursuites des vendeurs jusqu’au rapport de la radia» lion), néanmoins ordonne qu’il sera exécuté selon sa forme cl te» neur, etc. »
2
�Nous avons jusqü’à présent argumenté des garanties étipulées dans Fè
contrat d’acquisition du sieur Chabrol. On ne pourrait àous contester ces
gdranties, ou nous en priver, que par une violation ou tine fausse application
de l’art. 1627 du Code civil, qui porte : Les parties pourront ajouter a la
garantie de droit. Ces garanties , ainsi stipulées , nous appartiennent donc
bien.
Mais allons plus loin ; supposons, pour un instant, que ces conventions
protectrices n’aient point été écrites aussi clairement dans notre contrat ;
nous y renonçons pour un moment ; nous supposons qué , lors de la rente ,
il n a été fait aucune stipulation sur la garantie ( art. 1626 du Code civil} ,
croyez-vous que votre prétention en serait beaucoup meilleure? Croyezvous que nos positions respectives seraient beaucoup changées? Ne savezvous pas que nous aurions alors pour nous les articles 1626 et 1G53 du
Code civil ?
Entre celle hypothèse et l’état réel des choses , nous ne trouvons, quant
à n ou s, qu’une seule et légère différence ; c’est que , dans le cas où nous ne
pourrions invoquer que la garantie de droit, vous auriez , en vertu de l’ar
ticle' 1653 , la faculté de loucher le prix de noire acquisition , en fournissant
caution , tandis que cette faculté vous est interdite par íes conventions exis
tantes.
l>u resto, mémo obligation de votre part d’éleindre le privilège des pré
cédents vendeurs , de rapporter mainlevée de leur inscription d’office, jus
qu’à concurrence de la somme principale de 110,124 fr. 65 c. ; de faire les
premiers payements , et ce , il peine de violation des articles précités; même
droit pour nous d’exiger toutes ces justifications, et de faire les derniers
payements ; m ê m e d ro it, que nous accorde l’art. 1653, de suspendre le paye
ment du p r i x , puisque nous avons juste sujet de craindre d'être troublés par
Vaction hypùthécairô de vos Vendeurs : en un mot, le procès est toujours le
même.
Tout ce qui se passe dans celle affaire est une malière à de sérieuses ré
flexions pour le sieur Chabrol : puisque les sieurs Gillet s'obstinent h ne
point payer les précédents vendeurs , c’est que sans doute ils ont l’intention
de conserver ces fonds pendant un temps indéterminé ; sans doute aussi ces
vendeurs ne consentent à laisser leurs fo n d s qu’en conservant, dans leur en
tier, leur privilège indivisible sur la totalité du domaine de Saulzct ; et pôur
cela il faut que le sieur Chabrol, qui a dCquis le droit de faire le dernier
�( H )
payement, fasse cependant lç premier. Les précédents vendeurs ont certai
nement le droit de stipuler leurs garanties en accordant un emprunt ; mais
faut-il que les sous-acquéreurs du domaine de Saulzet les fournissent ces
garanties? Que les sieurs Gillet empruntent s’ils veulent sur leurs propriétés,
et non pas sur les nôtres ; car nous ne pouvons pas, nous, rester éternellement
exposés sans défense à toutes les chances de leurs bonnes ou mauvaises af
faires. D’une fois que nos fonds seront sortis de nos mains , nous n’aurons
plus d’action pour les redemander , et nous resterons cependant sous 1«
coup de l’action résolutoire et hypothécaire.
Les sieurs Gillet ont fait sur la revente du domaine de Saulzet, sur nous ,
un bénéfice considérable, il est juste qu’ils en profitent ; mais il est juste
aussi qu’ils nous rendent nos propriétés liquides et purgées ; ils ne peuvent
prétendre s’en servir encore après les avoir aliénées ; ils ne peuvent avoir /a
cJüqsc et le p rix ,
Nous avons encore un sujet plus grave et plus réel, s’il est possible , de
nous inquiéter et de craindre ; nous savons, de science certaine, que vous ne
vous êtes point libérés, sieurs Gillet , puisque vous ne justifiez d’au^ifu
payement, puisque l’inscription d’oflicc existe entière; mais nous savons
aussi de science certaine que vous vous êtes fait payer une grande partie des
prix de vos reventes du domaine de Saulzet, par d’autres sous-acquéreurs
plus faciles ou moins prudents que nous.
Que sont donc devenus ces fonds , sur lesquels nous avons un juste droit
(Je contrôle ; nous, qui devons être subrogés à tous les droits des prépédents
vendeurs? auraient-ils été détournés de leur véritable destination, qui était
l'extinction de tout privilège antérieur au nôtre? Le sieur Chabrol peul-if
être contraint de demeurer plus Jong-lemps dans une semblable confusiop?
«t ces considérations ne l’obligetfk-elles pas fi exiger toutes les garantes qui
Uii oijt été promises ?
SECONDE PARTIE.
Délais stipulés.
La discussion qui prççède a prouvé surabondamment cpmi>iep
fondés les motifs tTopposiliofl ¡du sieur Chabrol. Sans doute, il n’éjUut pa#
hç»ojn 4 ’autant pfeuy.es accumulées $ i-,exjst#flcje de l’ipscriptiou d’pffipc
oi l'art,
çiyjj devaient wpus #ufôrs,, çjl fti PPM* .soi&gie* e#Jr&
�( ta )
dans quelques développements , c’est que nous avons voulu démontrer que
le sieur Chabrol avait pour lui, non-seulement le droit, mais le bon droit.
Nous pourrions nous arrêter ici, car le triomphe de notre cause est désor
mais assuré; toute question relative aux termes et délais stipulés entre les
parties peut paraître maintenant oiseuse : ce n ’est en effet que lorsque les
sieurs Gillet auront fait disparaître les obstacles qui s’opposent à la libéra
tion du sieur Chabrol, que celui-ci devra s’occuper d'examiner si le terme
de son obligation est arrivé.
Toutefois, poursuivons nos adversaires jusque dans leurs derniers retran
chements ; fonons-les d’avouer que leur injuste entreprise ne peut pas même
se colorer du moindre prétexte, et qu’ils ont fait au sieur Chabrol un ou
trage g ra tu it, en le traînant devant les tribunaux, lorsqu’ils savaient bien
que , d’une p a r t , ils n’avaient pas eux-mêmes rempli leurs engagements,
et que, de l’autre, les délais stipulés pour le payement à effectuer par le
sieur Chabrol n’étaient pas expirés.
Par la copie textuelle que nous avons donnée plus haut dos conventions
existantes entre le sieur Chabrol et les sieurs Gillet, on a vu « que ces der» niers Font chargé de payer son prix à M"‘e de ïournemine ; que le sieur
» Chabrol n’est tenu d’effectuer que les derniers payements auxquels lesdits
» sieurs Gillet sont tenus envers ladite dame de Tournemine ; qu’il doit
» profiter des termes et délais stipulés , au profit des sieurs Gillet, dans le
» contrat de vente du 26 septembre 1828, et qui résulteraient de ce que
» M. et MD1C de ïournemine , étant obligés de faire remploi de la portion
» revenant à ladite dame de Tournemine, mettraient du retard à faire ledit
» remploi ; et qu’enfin les sieurs Gillet ont subrogé le sieur Chabrol à tous
» leurs droits, ainsi qu’à leurs obligations, envers Mmo de Tournemine pu» rement et simplement, sauf l’exécution des conditions stipulées , et sauf
» encore la faculté qu’ils lui ont donnée de ne payer que le dernier terme. »
11 est bien entendu que nous mettons à part, pour un m om ent, la clause
finale, la clause la plus essentielle de ces conventions, sans l'exécution
préalable de laquelle aucun payement n’est obligatoire pour le sieur Chabrol,
et que nous ne nous occupons ici que de la question des termes, indépen
damment de la question de garantie , que nous avons suffisamment débattue,
et qui est pour nous la question la plus importante, la question vitale’.
Cela posé, nous allons rechercher dans le contrat de vente du 20 sep
tembre 1828, la solution de la question, purement secondaire, qui nous
�( 13 )
.
- :
occupe en ce moment. Les conventions contenues en ce contrat appartiennent
au sieur Chabrol qui y est subrogé ; les sieurs Gillet ne peuvent le priver ni
du bénéfice des termes , ni de la réduction du taux de l’intérêt stipulés en ce
contrat ; ils ne peuvent en un mot reprendre ce qu’ils ont cédé , ce qu’ils ont
vendu , ni imposera leur acquéreur des conditions plus dures que celles qu’il
a acceptées; ils n’auraient d’action contre lui que pour l'exécution de ses
obligations envers M,n<‘ de Tournemine, en cas de retard, et toutefois encore,
ainsi que cela a été démontré, seulement après qu’ils auraient exécuté euxmêmes les leurs.
Commençons par transcrire ici les dispositions de ce contrat qui intéressent
notre cause :
« A r t . 9. La porlion du prix revenant à MmR de Tournemine , sera payée , savoir :
» quinze mille francs, le 1er novembre 1834; autres quinze mille francs, le l ernovem» bre 1835; cl vingl-un mille cinq cent vingt-quatre fraiics, le 1er novembre 183(5.
» Néanmoins, comme la portion revenant il Mme de Tournemine dans le domaine de
» Saulzet lu i est dotale , ainsi qu'il résulte de son contrat de mariage susdit, du 2!) mai
» 1827, cl que l’aliénation n’en a été permise que sous condition expresse qu’il serait
» fait emploi du prix en fonds certains, i l demeure convenu que les acquéreurs ne seront
■■
)> tenus de vider leurs mains qu’à la charge par M . et M me de Tournemine de justifier
» d'un remploi suffisant.
» A r t . 10. Dans le cas o ù , aux époques ci-dessus déterminées ,
et Mme de Tour» nemine n’auraient point encore faille remploi exigé, les acquéreurs ne pourront par
» ce motif consigner cette portion du p r ix , el seront tenus de la garder dans leurs mains
» jusqu’à l’expiration de la treizième année, c’est-à-dire jusqu’au 1er novembre 18i2 ;
» mais dans ce cas , l'intérêt, à partir du 1er novembre 1830 , sera réduit à quatre pour
» cent, el l ’inscription d’office prise au nom de Mme de Tournemine sur le domaine qui
» fait l’objet de la présente vente , sera restreinte jusqu’à due concurrence , de telle
» sorte que , si les sieurs Gillet revendent partie dudit domaine , ils pourront toucher le
» prix des reventes des mains des nouveaux acquéreurs, el ce , nonobstant l’inscrip« tion de Mme de
, à la charge par eux d'établir qu'ils possèdent des biens
» libres de tous privilèges et hypothèques d'une valeur d'un quart en sus , de la part
» héréditaire de
de Tournemine , ou de telle somme qui pourra lui rester duc.
» Et dans l ’intervalle de 1830 à 18'iü , si M. el M mc de Tournemine trouvaient à faire
n ce remploi convenable , leur portion du p rix deviendra exigible et sera payable en
« deux termes, d'une année à l'autre, à la charge par eux de prévenir les acquéreurs
ï> six mois d'avance.
» A r t . I L Si au 1er novembre 18V2 , les sieurs fiillet ne pouvaient valablement se
» libérer, soit parce que M. et Mra# de Tournemine n’auraient pas fait le remploi voulu,
r> soit pour toutes autres causes provenant de ces derniers ou de leurs ayants-droil r
» lesdits acquéreurs pourront consigner cette porlion de prix.
M.
Tournemine
Mmo
�( **.)
» Abt.
12. A la mort (le M. Emmanuel Aubier de la Montheille, ou à l'expiration de
* J’année qui suivra son décès, le capital de vingt mille francs , resté entre les mains
» des acquéreurs pour le service de la rente viagère à lui due . sera divisé entre les ven» deurs ou leurs ayants-droit, dans la proportion ci-dessus déterminée, savoir : un hui» tième ou quatre trente-deuxièmes montant à deux mille cinq cents francs à Mino veuve
*
?
»
»
à
Aubier de la Montheille ; un trente-deuxième , montant six cent vingt-cinq francs ,
à M"“' de. Fontenille ; quatorze trente-deuxièmes, montant à huit mille sept cent cinqxtanle francs, à M mo de Tourncmine ; et enfin treize trente-deuxièmes, montant à
huit mille cent vingt-cinq francs , à M!lc Aubier.
rt 13.
par une cause quelconque
»A .
11 demeure convenu que s i,
, les acquéreurs
» ne pouvaient valablement se libérer des portions du prix revenant âMraede Fontenille,.
» àMme veuve Lamonlhejlle et Mllu Aubier, aux époques ci-dessus déterminées, l'intérêt
» sera réduit à quatre pour cent par an , jusqu'en 1812 , époque à laquelle ils pourront
n opérer la consignation. »
*'
Avant de nous livrer à l’examen approfondi de ces conventions, il faut
d’abord fixer deux faits extrêmement importants dans la discussion : le pre
mier est que le décès de M. de Tournemine, arrivé le 25 juin 1835, a fait
cesser la condition de remploi qu’on a vu ci-dessus stipulée ; qu’en consé
quence (nous sommes en cela d’accord avec nos adversaires), ce décès a rem
placé le remploi exigé, et que la date du décès tient lieu pour nous de la
date du remploi.
Le second de ces faits est qu’on ne nous a notifié ce décès , qu’on ne non«
â prévenus , qu’on ne nous a donné la justification exigée parle contrat pour
faire courir nos délais , que le 29 décembre 1830 , et que cette même justi
fication n’a été donnée aux sieurs Gillet, nos vendeurs, par M,nc de TourBemine , que le 8 du même mois.
Quoique les clauses ci-dessus transcrites ne soient pas rédigées avec toute
la lucidité désirable , cependant il est facile d’en saisir l’esprit et le véritable
sens ; l’intention des contractants a été , sans nul doute , de fixer les paye—
qients de telle sorte que les acquéreurs, auxquels on interdisait la faculté
de consigner, ne fussent pas cependant exposés, par l’époque incertaine d"
remploi, à se voir demander le payement d’une somme considérable aq mo
ment où ils s’y attendraient le moins, ni obligés à la garder improductive
entre leurs mains pendant un temps plus ou moins long. La rédaction eût
pu sans doute faire encore mieux ressortir celte intention des parties , qui
toutefois est exprimée et qui existe réellement dans les termes du contrat ,
comme nous allons le démontrer,
Lu effet, l’art. 9 stipule comme règle générale : u que le# acquéreur# «e
�>> seront tenus de vider leurs mains qu’à la charge par M. et Mme dé Tour» nomme de justifier d’utï remploi suffisant : » ce qui veut dire qu’on ne
payerait au terme, qu’autant que le remploi serait effectué, et qu’on en
justifierait. Comment, en effet, puisqu’il y a , dans tous les cas , condition
de remploi, exiger le payement sans justifier du remploi?
Nous disons que cette clause stipule d’une manière générale, parce que
effectivement elle s’applique aussi-bien , et peut-être plus spécialement,
aux termes qui la suivent qu’à ceux qui la précèdent ; et si quelquefois on
a omis de répéter cette obligation de justifier, c’est que , la règle générale
une fois posée , 0 1 1 n’a plus compris le remploi séparé de sa justification , of
que toutes les fois qu'il s’est agi de prendre ce remploi pour point de départ
d’une échéance ou d’un terme de payement, on a toujours entendu parler du
remploi justifié.Vous êtes en effet obligés envers nous, non pas positivement
au remploi ; car , au contraire, ce remploi vous e s t , dans tous les cas, facul
tatif; mais vous êtes obligés envers nous, dans tous les cas , à la justification
du remploi, si vous voulez, dans un temps fixé , loucher vos fonds, afin
qu’étant avertis, nous puissions prendre nos mesures.
C‘csl en vain qu’on voudrait aujourd’hui abuser d’une certaine négligence
de rédaction , pour changer le véritable sens de la convention. Quoi! on
aurait accumulé les précautions pour que les acquéreurs ne fussent point
surpris, pour qu’ils fussent, dans tous les cas, bien et dûment prévenus,
pour qu’ils sussent bien à quelles échéances ils devaient tenir leurs fonds
prêts; dans quelles circonstances il leur était loisible de les placer à des
termes plus ou moins longs ! El malgré tout ce luxe de prévoyante , ces
acquéreurs, auxquels il est interdit de consigner, vont se trouver obligés ,
pendant huit années consécutives, de garder devant eux une somme qui ,
pendant la première année , sera de 15,000 f r . , de 30,000 fr. pendant la
deuxième , et pendant les six dernières de 6 0,27i fr. (art. 9 et 12), sommes
dont ils ne pourront aucunement disposer , et qu’on pourra leur demander
à chaque jour, à chaque heure , à chaque instant ! Car , n’en douiez point,
telle est la conséquence absurde, mais rigoureuse de votre raisonnement r
et nous prenons l’engagement de vous le démontrer tout à l’heure de la
manière la plus péremploire.
Non ! telle n ’a point été l’intention des parties , telles ne sont point fours
conventions; ce n’est pas non plus dans ce sens que ces conventions soiil
exprimées , et s’il y avait doute sur le sens littéral des termes T ce qui n’est
�pas, ce serait le cas ou jamais, d’appliquer le précepte : In conventionibus
contrahcnlium voluntas , potiùs quant verba , spectare placuit.
Tenons donc pour constant, dans la suite de celle discussion, que par
remploi, nous devons entendre, non le fait seul du remploi, mais le remploi
justifié , la justification du remploi ; car cela est exprimé dans la disposition
générale qui dit : « Que comme le remploi est nécessaire , les acquéreurs
» ne seront tenus de vider leurs mains qu’à la charge par les vendeurs de
» justifier du remploi ; » car cela est encore répété plus bas , lorsqu’il est
dit : « A la charge par eux de prévenir les acquéreurs six mois d’avance. »
O r, dans l’espèce, puisqu’il s’agit d’un remploi, prévenir et justifier fin
remploi, c’est tout à fait la même chose ; prévenir de quoi? de l'accomplis
sement du remploi; c’est en justifier ; cette justification est donc indispen
sable dans tous les cas ; et cela est si vrai, qu’on ne peut admettre le système
contraire sans fausser l’esprit et la leltre de la convention , sans tomber dans
la conséquence absurde que nous venons d'indiquer.
Les clauses du contrat de vente du 26 septembre 1828, en ce qui con
cerne le prix dû à Mme de Tournemine , prévoient deux cas, créent deux
périodes bien distinctes ; et d’abord l’art. 9 stipule que ce prix sera payable
en trois termes: aux 1ers novembre 1834, 1835 et 1836. Comme pendant
celte première période de huit ans, les acquéreurs avaient des termes de
payement bien fixés ; qu’ils étaient par là bien avertis, c’était à eux à s’ar
ran ger com m e en toute autre convention de vente où l’on stipule des termes.
Ils devaient tenir leur argent p r ê t , et disposer leurs placements de telle
manière que si on leur justifiait du remploi pendant cette même période , ils
eussmt à payer immédiatement tous les termes échus, lors de la justifica
tion , ou autrement ces mêmes termes à mesure de leurs échéances.
Mais on concoit que pour cela il fallait que la justification fût faite pen
dant la première période, c’est-à-dire, avant le 1er novembre 1830 ; c’était
déjà une gêne assez grande pour les acquéreurs, de demeurer pendant deux
ans, du 1er novembre 1834 au 1er novembre 1830, dans l’incertitude de
savoir si le remploi serait notifié ou non pendant cet intervalle, et exposé»
;i se voir demander, du jour au lendemain , une somme de 15 ou 30,000 fr.
Aussi l’on s’empresse de faire cesser cet état d’incertitude et de gêne ;
à défaut par les vendeurs d’avoir justifié du remploi aux époques ci-dessu»
déterminées , c’est-à-dire avant le 1er novembre 1836, nous entrons dans la
deuxième période, du 1er novembre 1836 au 1er novembre 1842; les ac
�quéreurs, tenus en suspens jusque-là, et dans l’attente de la justification,
deviennent libres ; ils disposent de leurs fonds comme ils l’entendent, et
nous sommes régis par l’article 10.
Cet article pourvoit avec sollicitude aux intérêts des deux parties; dans
1*intérêt des vendeurs, il commence par stipuler que les acquéreurs, nonobs
tant le défaut de remploi , ne pourront consigner, et par compensation , il
réduit , en faveur des acquéreurs, le taux de l’intérêt à quatre pour c e n t,
à compter du 1er novembre 1836 ; il leur accorde la facilité de placer leurs
fonds à longs termes; ils les garderont jusqu'au 1er novembre 1842.
Mais comme il pouvait arriver que dans l’intervalle de 1836 à 1842, les
sieur et dame de Tournemine eussent trouvé un remploi convenable , on
veut leur accorder à Cet égard toute facilité , en ménageant toujours les
intérêts des acquéreurs, qui auraient alors placé leurs fonds, et l’on stipule
que , dans ce cas, « la portion de prix revenant aux époux de Tournemine,
» deviendra exigible et sera payable en deux termes, d’une année à l’autre,
» à la charge par eux de prévenir les acquéreurs six mois d’avance. »
Le prix ne peut donc devenir exigible, pendant cette deuxième période, si
ce n’est en deux termes, d’une année à l’autre, et encore à la charge par
les vendeurs de prévenir, ce qui veut dire justifier du rem ploi, six mois
d’avance , et l’on voit ainsi que cette justification est nécessaire dans tous
les cas; qu’elle a été stipulée pour les deux cas: dans le premier, pour
obliger à payer de suite les termes échus, ou, à leurs échéances, ceux à
échoir; et dans le second, pour faire courir ces deux termes d'une année
à l’autre , lesquels doivent commencer six mois après avoir prévenu.
Ainsi entendues dans leur sens raisonnable et vrai, ces conventions sont
d'une clarté remarquable , d’une application facile ; elles n’ont rien que
de fort naturel et de fort juste.
Mais si vous voulez user de subtilité , si vous voulez aujourd’hui faire
comprendre ces conventions dans un sens différent de celui suivant lequel
vous les avez formées, si vous voulez méconnaître la clause essentielle et
générale qui dit : Qu’attendu que le remploi est obligé, les acquéreurs ne
videront leurs mains qu’à la charge par les vendeurs de justifier du remploi ;
çlause qui domine et explique toute la convention , clause applicable aux
deux cas, et plus spécialement au second, où elle est répétée; si vous voulez
prétendre « que les vendeurs n ’étaient tenus de justifier que lorsqu’ils vou» (iraient exiger le prix ; que daus l’esprit de la convention, le remploi peut
3
�»
»
»
»
être séparé de sa justification , et enfin que nous n avons pu disposer de nos
fonds qu’à la condition de nous assurer et de prouver que le remploi n était
pas arrivé à temps ; » oh ! alors nous allons voir où vous conduit un pareil
système. »
Remarquons en passant, qu’en exigeant que nous prouvions que le rem
ploi n'est pas arrivé, on demande /’impossible : il y a en France dix mille
trois cents notaires, un nombre fort considérable de receveurs de l’enre
gistrement, et quand même on admettrait que le remploi ne peut être fait
à l’étranger, on conçoit que cette preuve serait toujours au moins fort dif
ficile.
N’est-il pas clair que l’acquéreur, livré à ses propres affaires, comptant
sur la justification promise, habitant une autre région que celle des ven
deurs , ne pouvait avoir la certitude nécessaire pour disposer ses placements ,
pour prendre des engagements importants , qu’au moyen de celtc justification
indispensable ; et que non-seulement il ne pouvait pas prouver, mais encore
fu’il devait ignorer ce remploi, jusqu’au moment où on le lui ferait con
naître ?
Voyez maintenant quel effet monstrueux votre système fait produire à
la convention. Vous prétendez « que l’exigibilité n’est subordonnée qu'au
» remploi avant le 1er novembre 1836, et non à la justification dans le
» m êm e délai. » D’où il résulte rait que le re m p loi étan t fait p enda nt la
première période, le payement deviendrait, par cela seul, exigible pen
dant la seconde , sans que les vendeurs fussent aucunement tenus de justifier
ni de prévenir. Car tel est le sens de votre proposition , ou elle n’en a aucun ,*
eh bien! si le remploi a eu lieu de 1828 à 1834, les acquéreurs auxquels
on ne l’aura point notifié par négligence, caprice ou toute autre cause,
puisqu'au surplus , selon votre avis , on n’y est pas tenu , ces acquéreurs
vont donc rester du 10T novembre 1834, jo u r de la première échéance, au
1er novembre 1842, jour auquel la faculté de consigner leur est enfin accor
dée ( art. 11); c’est-à-dire , pendant huit années consécutives , sous le coup
d’un commandement de payer q u i pourra les frapper à tout instant! cl par
cela seul que le remploi aura été effectué avant le 1er novembre 1836, on
sera dispensé de les prévenir ; il faudra qu’ils payent au moment même, sans
terme , sans délai , sans répit! nul moyen d’échapper à cet étal d’anxiété,
à celle torture continuelle. Non , cette sollicitude si vive pour les acqué
reurs, qui paraît avoir préoccupé les contractants, n’était rien qu’une
�amère dérision ! Ils ne pourront même pas consigner pendant ce délai /
Nous avons prouvé que ce n ’est point ainsi que s’exprime la convention ,
et que s’il y avait lieu de l’interpréter, ce n ’est pas non plus dans ce sens
qu’il faudrait le faire.
Avant d’aller plus loin , nous avons encore h faire une observation trèsimportante. C’est que par ces mots : Justifier du rem ploi, avertir, on doit
nécessairement entendre non pas une justification, un avertissement verbal,
mais une notification , une mise en demeure , un acte formel et authentique.
On n’a pas pu l’entendre autrement, car, d’une part, il ne suffisait pas que
les acquéreurs apprissent, même avec certitude, que le remploi était fait ,
ils avaient encore à examiner s’il était r'ègulier et quelles échéances on avait
fixées dans le nouveau contrat de vente , afin de pouvoir eux-mêmes s’y
conformer ; d’autre p a r t , il était nécessaire d’une notification formelle qui
liât les parties entre elles , de manière à ce que si l’une devenait obligée
au payem ent, l’autre né p û t , après avoir prévenu , se dispenser, sous aucun
prétexte, de recevoir. C’était une opération importante pour les acquéreurs
de déplacer environ 00,000 fr., de changer et déranger leurs dispositions
prises , et celles des personnes qui détenaient leurs fonds; il ne fallait pas
(jno cette opération , une fois terminée, pût être rendue vaine par un chan
gement de volonté ou une circonstance quelconque.
Nous faisons cette observation pour aller au-devant de toutes les asser
tions, même les moins vraisemblables, de nos adversaires, et pour détruire
les fausses inductions qu’ils cherchent à en tirer, à défaut de meilleurs
moyens; car, nous l’affirmons, et nous en convaincrons nos juges par les
circonstances de la cause et les pièces qui sont entre nos mains , le sieur
Chabrol n’a été prévenu, ni officieusement ni légalement, qu’après Vexpira
tion de la première période, que postérieurement au 1er novembre 1836.
Ces principes une fois reconnus, il est facile d’en faire l ’ap plication à
l’espèce particulière qui nous occupe.
Le sieur Chabrol a vu , avec satisfaction , arriver le 1er novembre 1836 ,
«ans qu’aucune demande ni aucune signification lui eût été faite; parce
qu'alors il a été délivré de l’embarras de tenir des fonds toujours prêts pour
payer à la première réquisition , parce qu’il a lu dans le contrat d’acquisi
tion des sieurs Gillet, qu’à partir de cette époque, on ne pouvait rien exi
ger sans avoir prévenu six mois d’avance; que de plus, le prix dû à
Mm,; de Tournemine devenant alors exigible en deux termes, d'une année à
�Vautre, et la dette du sieur Chabrol n ’atteignant pas le montant du premier
terme, il aurait toujours, pour se libérer, un délai de dix-huit mois après
qu’on aurait prévenu ; puisqu’il n’était tenu d’effectuer que les derniers
payements, et qu’il devait profiter des termes et délais stipulés.
Ainsi donc le sieur Chabrol, indépendamment de ce qu’il connaissait
l’existence de l’inscription d’office, dont la radiation ne lui était point
rapportée , s’est reposé sur la foi de ces conventions ; il a disposé des fonds
qu’il avait entre ses mains, il a prévenu ses débiteurs qu’ils n’eussent point
à se déranger encore, il a prolongé les délais qu’il leur avait accordés.
Nous avons dit qu’il n’avait pas été prévenu , même officieusement, avant
le premier novembre 1836, du décès de 3VI. de Tournemine, décès qui rem
place ici le remploi ; et en effet le sieur Chabrol n ’a jamais été mis en
rapport avec Mme de Tournemine; jamais, ni par écrit, ni verbalement,
elle ne lui a fait connaître ni le décès, ni son désir d’être payée.
Il ne connaissait point les vendeurs des sieurs Gillet, et il n’avait avec
ces vendeurs aucune relation directe ou indirecte, et quant aux sieurs Gillet
eux-mêmes , il ne les fréquentait pas davantage ; il n’avait avec eux que les
relations strictement indispensables ; il ne les voyait qu’une fois par an
pour le payement des intérêts de son prix, payement qui a toujours été
effectué directement entre leurs mains, conformément au contrat, et ainsi que
sept quittances données p a r eux en font fo i.
Ces sept quittances successives, ainsi données purement et simplement
par les sieurs Gillet, jusqu’au 12 novembre 183G , sans aucune mention rela
tive à l’exigibilité du capital, prouvent bien évidemment qu’on ne songeait
point, avant cette époque, à demander le payement du prix, et qu’on n ’a
point prévenu le sieur Chabrol. Ces quittances, en effet, ne sont point
intervenues entre gens ignorants des affaires. Or, que se passe-t-il ordinai
rement dans les cas semblables? Pour le moindre congé, si l’on se dispense
d’un acte extrajudiciaire, n’a-t-on pas toujours la précaution d’insérer,
dans la quittance du loyer , une mention , ou de souscrire ou faire souscrire
séparément une déclaration qui atteigne le même but? Et lorsque le contrat
exige unc justification, un avertissement, comment supposer que pour lixer
l’exigibilité d’une somme importante , on se soit contenté d’un simple
avertissement verbal, et qu’on ail négligé l’une des précautions si simples
que nous venons d’indiquer?
Le sieur Chabrol est un homme actif, et qui apporte à ses affaires les
�soins les plus vigilants; il a su rtout, nous pouvons la dire avec assurance,,
la réputation d’être exact à remplir ses engagements, et si on Vpût prévenu,
même officieusement, comme nos adversaires le prétendent, il ne se fut
pas endormi ; les registres de son banquier auraient témoigné de son activité
à réunir ses capitaux. Loin de là, nous le voyons en 1835 et 1836, faire
divers placements assez importants, et employer ses fonds disponibles à la
construction d’une maison clans son enclos.
Seulement, le 12 novembre 1836, le sieur Gillet aîné, en recevant, pour
lui et pour son beau-frère , une année d’intérêts, annonce au sieur Cbabrol,
eu termes assez embarrassés, que M. de Tournemine est décédé, et qu’il
pourrait se faire qu’on demandât le payement du prix. C’était le 12 no
vembre , date de la quittance du sieur Gillet (notez bien que le délai de ri
gueur était passé); le sieur Cbabrol ne perd point de temps, le 14 du
même mois il obtient une consultation, délibérée à Riom , qui apprécie les
conventions dans leur véritable sens, et qui décide que le sieur Chabrol ne
sera tenu de payer que dix-huit mois après la notification.
Cette consultation a été communiquée les jours suivants aux sieurs Gillet,
et, pour toute réponse , on a , avec une activité assez remarquable, malgré
la longueur et le nombre des actes à transcrire, fait à la fois notification et
commandement aux sieurs Gillet le 8 décembre 1836, et au sieur Chabrol
le 29 du même mois.
C’est que sans doute par la précipitation des poursuites, par l’affront
d’un commandement de payer, on voulait intimider le sieur Chabrol ,
l'empêcher de réfléchir sur ses dangers, et emporter l’affaire d’emblée.
Ainsi donc le sieur Chabrol n’a été prévenu, soit légalement, soit officieu
sement , que postérieurement au 1er novembre 1836, et en conséquence, il
a acquis le droit de ne payer que dix-huit mois après avoir été prévenu.
C’est en vain que les sieurs Gillet affirment le contraire, leurs assertions
sont démenties par toutes les circonstances que nous venons de rapporter.
Quoi ! on sait que l’on est tenu de prévenir, de justifier, on a l’intention
d’exiger immédiatement le principal, et l’on vient toucher les intérêts! et
l’on, en donne quittance sans y faire insérer aucune réserve relative au
capital.! et l’on ne prend aucune de ces précautions qu’on ne négligerait pas
pour le moindre congé! L'intention n’était donc pas alors bien arrêtée. Et
d’ailleurs les sieurs Gillet n’ont-ils pas aussi affirmé devant le tribunal de
première instance, que jamais le sieur Chabrol n ’avait payé ses intérêts
�entre leurs mains, qu’il les avait toujours payés aux précédents vendeurs?
Et nous, nous affirmons que tous nos payements, au nombre de sept, ont été
effectués par nous entre les mains des sieurs Gillet; que les sieurs Gillet se
sont personnellement présentés sept fois en notre domicile, pour toucher ces
intérêts annuels, et que sept fois ils nous en ont donné quittance de leur
main. Nous affirmons que jam ais nous n’avons payé aux précédents vendeurs,
et pour preuve de nos assertions, nous rapportons : 1°. le texte de notre
contrat d’acquisition, qui porte : « Lesquels intérêts mondit sieur Chabrol
» promet et s’oblige de payer auxdits sieurs G illet, annuellement au pre» mier novembre; » 2°. et les sept quittances qu’ils nous ont fournies , et
que nous avons conservées.
Il faut donc en revenir à ce qui est juste et vrai. Il faut qu’aujourd’hui
nos adversaires conviennent qu’ils ne nous ont prévenus d’aucune manière ,
avant le temps fixé; qu ’ils n’en avaient pas mênie l’idée; mais que, ce délai
expiré, quelques réflexions nouvelles, quelques circonstances favorables,
quelques besoins imprévus, les ont portés à vouloir récupérer le temps
perdu , et nous enlever les avantages de notre contrat, que cependant nous
avions acquis assez cher!
Nous avons, au surplus, démontré que le sieur Chabrol, eût-il été pré
venu verbalement en temps utile, ce qui n’est pas, cet avertissement verbal
n’était rien d’assez prononcé , d’assez positif et d’assez précis , pour fixer
l’exigibilité de la créance , et ne pouvait remplir le but du contrat.
Le décès de M. de Tournemine a fait cesser la nécessité du remploi;
il en lient lieu absolument, il ne fait que le remplacer; c’est ce que nous
disons avec nos adversaires, avec le tribunal de première instance.
Toutefois nous devons faire remarquer, avant de terminer ce chapitre,
que ce décès apporte à l’état des choses une différence assez essentielle et
toute à notre avantage; c’est qu’une justification, une notification formelle
et régulière, est encore plus nécessaire et plus obligatoire , s’il est possible ;
c’est qu’aussi les délais stipulés sont encore plus indispensables h l’acqué
reur dans le cas du décès que dans le cas du remploi.
Kn effet, le remploi effectué et notifié même verbalement, fixait au moins,
d’une manière certaine, la position de l’acquéreur; il existait, dans ce cas,
un contrat authentique capable d’engager réciproquement les parties, et
dans lequel l’acquéreur, pourvu qu’on voulût bien le lui communiquer,
pouvait puiser la connaissance positive de ses engagements; l’état d’incer
�titude et de gêne , que nous avons signalé plus haut, cessait pour lui,
jusqu’il un certain p oin t, du moment que l’acte de remploi existait, et qu’il
en avait la certitude.
Mais le décès du m a ri, même parvenu à la connaissance de Vacquéreur,
et non légalement notifié , dispensait bien la femme du remploi, mais ne
l'obligeait pas à recevoir; il n ’autorisait pas l’acquéreur à l’y forcer, ni
même à consigner contre la défense portée au contrat; si Mme de Tournemine,
qui avait un intérêt fixe avec un privilège certain sur les biens vendus,
redoutant le déplacement de ses fonds, préférait garder cette position . elle
en était bien la maîtresse; l’acquéreur, lié par son contrat, ne pouvait
pas l’en faire sortir ; personne ne pouvait la priver du bénéfice de cette
stipulation , faite, il est v r a i, dans l’intérêt de l’acquéreur, mais qui n ’avait
pas moins engagé ce dernier.
Cela posé, il était nécessaire, jusqu’au 1er novembre 1836, que M,ne de
Tournemine eût notifié avant le terme, avec l’acte de décès, sa volonté de
recevoir, pour que la seule échéance de ce l or novembre 1836, obligeât au
payement. Passé ce terme de rigueur, la notification était encore nécessaire,
non plus pour obtenir le payement immédiat, mais pour prévenir l’acqué
reur de la volonté de recevoir , et faire courir les nouveaux délais , de six
mois et de dix-huit mois, après lesquels la somme devrait être soldée.
En voilà assez pour qu’il soit démontré que l’opposition du sieur Chabrol
était également bien fondée, soit qu’on veuille la considérer sous le rap
port des délais qui lui ont été solennellement promis; soit qu’on veuille
envisager les conditions que les vendeurs ont acceptées, les justes craintes
du sieur Chabrol, et la question des garanties qui lui sont accordées par
sa convention , aussi-bien que par la loi.
TROISIÈME PARTIE.
Jugement de première instance.
La réfutation des motifs , sur lesquels le tribunal de première instance a
fondé son jugement du 25 août 1837 , est maintenant pour nous chose
facile; car la discussion qui précède el l’exposé sincère des faits ont déjà
détruit la plupart des arguments du dispositif de ce jugement.
Pour relever les erreurs dans lesquelles le tribunal a été e n tr a în é , nous
allons donc nous contenter de donner la transcription des attendus du
jugement, que nous ferons suivrc'de quelques réflexions.
�1°. « Attendu que par acte de vente du 26 septembre 1828, les frères Gillet ont
*> acquis des héritiers Lamontheille le dom; iae de Saulzet, moyennant 138.000 IV. ;
» et que le 1er septembre 1829 , ils ont revendu au sieur Chabrol pour 29,538 fr., d’hé» ritages provenant de cette acquisition. »
Nous ferons seulement rem arq uer, sur cet attendu , que la contenance
des héritages vendus au sieur Chabrol, ayant été, dans le contrat de 1829,
déclarée être de beaucoup supérieure à la contenance réelle, les sieurs
Gillet ont enfin consenti , le 21 mai 1831 , après plusieurs arpentages et
réarpentages successifs, à réduire ce prix h 27,875 f. 35 c.
2U. « Attendu qu'aux termes de cette dernière vente , le sieur Chabrol, substitué aux
» droits et charges de ses vendeurs , s’est obligé « paijer pour e ux , à la dame de Tour» nemine . le montant de son acquisition , après l’échéance du dernier terme exigible
» par cette dame. »
Ce mot substitué, énoncé ainsi d’une manière absolue , n’est pas exact,
et fait voir combien le tribunal a mal lu et apprécié le texte et le sens des
conventions; le sieur Chabrol n’est pas substitué purement et simplement ,
comme le jugement l’énonce; il est substitué, mais sous des conditions que
doivent préalablement accomplir les sieurs Gillet ; tant que ces conditions
ne sont pas remplies , il n'est pas substitué ; il ne le sera réellement et effec
tivem ent q u ’alors.
~
Obligé à payer après l'échéance du dernier terme exigible par cette dame :
c’est encore là une bien fausse interprétation. Le sieur Chabrol est obligé à
payer non-seulement , après l’échéance , etc— mais encore après que les
sieurs Gillet auront fait tous les payements précédents; après qu’ils auront
rapporté mainlevée et radiations de toutes inscriptions , et notamment
de l’inscription d’office des précédents vendeurs , en totalité , moins la
somme restant à payer par le sieur Chabrol ; après qu’ils auront fait cesser
ses justes craintes d’être troublé ; car, si l’on a stipulé que le sieur Chabrol
ne lerail que les derniert payements , ce n’est pas uniquement dans le but
de fixer un terme de payement, comme paraît l'entendre le tribunal, c’est
bien plu» encore dans un but de sûreté pour l'acquéreur, et pour avoir la
certitude que tout privilège antérieur serait totalement éteint , comme au
surplus nous l’avons démontré dans la première partie de ce mémoire , de
manière à n’y plus revenir.
Il est à regretter que parmi ces nombreuses circonstances, qu’il était
�indispensable d’examiner et d’apprécier, pour fixer l’exigibilité, le tribunal
n ’en ait envisagé qu’une seule , et surtout qu’il n ’ait point porté son atten
tion sur l’article 1653 du Code civil, et sur cette clause essentielle et si
importante : Il est bien entendu et convenu que la fixation des payements cidessus indiquée , ne sera obligatoire pour le sieur Chabrol, etc. ( Voyez
page 7 et suivantes du présent mémoire ).
3°. « Attendu dès lors que la partie de Michel ( le sieur Chabrol ) n’a que les mêmes
» droits que celle de Latour (les sieurs Gfllet), et c’est uniquement dans l’acte du
» 26 septembre 1828 qu’il faut puiser la solution de la question d’interprétation sou-1» levée par l’opposant. »
Toujours même préoccupation de la part du tribunal ! ainsi , par cet
attendu , se trouvent annihilés tous les engagements des sieurs Gillet envers
le sieur Chabrol, toutes les conditions de garantie, contenues dans le contrat
du 1er septembre 1829, dont nous avons fait connaître l’importance et la
lucidité.
4°. a Attendu qu’aux termes de l’article 9 de ce contrat, la porlion du prix, reve» nant à Mrae de Tournerninc, était payable en trois termes, dont le plus reculé
» expirait le 1er novembre 1836 , si avant cette époque i l avait été fait des acquisitions
x> en remploi à son profit, ou , ce qui était la môrne chose , s i , dans le môme d é la i, le
r> remploi était devenu inutile par la dissolution du mariage. »
Ici encore la convention n’est pas exactement rappelée ni énoncée dans
son véritable sens ; nous avons , en effet, démontré avec une grande évi
dence ( page 15) que l’échéance des termes était déterminée, non par le
remploi seu l,\n par l’événement qui le rendait inutile, mais par la ju s
tification de ce remploi ou de cet événement ; nous avons fait voir que la
convention devait être entendue et était exprimée dans ce sens , et que le
«ystème contraire conduisait à une conséquence inadmissible et absurde,
que le tribunal n’a pas aperçue , celle de contraindre un acquéreur auquel
on a interdit la faculté de consigner , pour lequel le contrat de vente
témoigne tant de sollicitude , h garder dans ses mains , pendant huit
années consécuiives, uue somme considérable, pour la payer à première
réquisition.
5°. n Attendu que M. de Tourncmine étant mort le 22 juin 1835 , sa veuve a pu, sans
* ^emploi , exiger et toucher le p rix , après les délais accordés aux acquéreurs , pn
4
�» justifiant uniquement que la condition , m ise’à leur libération immédiate, était
x> arrivée dans les délais stipulés , c'est-à-dire*, avant le 1er novembre 1836. »
Il a été démontré ( page 17 ) que M,nc de Tournemine ayant laissé arriver
le 1er novembre 1836 , et laissé commencer la deuxième période, sans
avoir fait aucune justification , le prix est devenu , pendant cette période ,
exigible en deux termes , d’une année à l’autre , et encore à la charge xle
prévenir six mois d’avance , el que par conséquent le tribunal s’est trompé
en disant que Mrae de Tournemine a pu exiger et toucher le prix en ju sti
fiant.
du
6°. « Attendu que le 8 décembre 1836, il a été signifié aux frères Gillet , e t , le 29
» même mois , par ces derniers , au sieur C habrol, l'acte de décès du sieur de Tojjru neminc , avec commandement de payer. »
La dame de Tournemine , non plus que les sieurs Gillet, n’avait aucun
droit de faire a la fuis la signification du décès et un commandemant de
payer, puisque le contrat porte que, pendant cette période de six ans , du
1er novembre 1836 au 1er novembre 1842, le prix ne pourrai^ être exigé
qu’à la charge de prévenir six mois d'avance. La dame de Tournemine devait
donc d’abord prévenir, c’est-à-dire, justifier du remploi ou du décès, et
six mois après , elle aurait été en droit de faire un com m andem ent «le
payer pour la première moitié de ce qui lui est dû. Et nous avons
démontré ( page 22 ) que cet avertisiement„ cette justificalioi}, était encore
plus nécessaire , s’il est possible, dans le cas du décès que dans le cas du
remploi.
d
7°. « Attendu que le contrat n’obligeant lavendercsse à justifier de I exécution de
la condition de remploi ou de son inutilité , que lorsqu'elle voudrait exiger le prix,
n sans déterminer de délai pour cette justification, il est évident que l’exigibilité n était
« subordonnée qu’au remploi , avant le 1er novembre 1836, et non à la justification
» dans le mémo délai ;
puisque
qu’au
8°. « Attendu que l’article 10 vient ajoutera cette démonstration,
les gtj» pulations qu’il renferme, ne sont encore rendues expressément applicables
cas
j> où le remploi seulement, el non le remploi et la justification n’auraient pas été faits
« dans le délai de l’article 9 ;
9°. « Attendu que de la combinaison de ces clauses, il résulte évidemment qu’au mo» ment de l’acle , M. de Tournemine était dans l’inleulion de faire emploi avant
d le l ur novembre 1836 ; il
avait intérêt; Jes acquéreurs devaient compter , et ainsi
y
y
�» prévenus, ils n’ont pu disposer de leurs fonds, ou les conserver jusqu’aux termes
» nouveaux stipulés par l’art. 10, qu'à la condition de s'assurer et de prouver que le
» remploi n'était pas arrivé à temps. »
Nous avons prouvé sans réplique, dans la deuxième partie de ce mémoire,
que tous les principes émis ci-dessus par le tribunal , sans exception , sont
complètement erronés ; nous avons démontré l’impossibilité où était
l’acquéreur de s'assurer et de prouver que le remploi n'était pas arrivé ; nofts
ne recommencerons pas celte discussion.
Mais nous rappellerons encore, de peur qu’on ne l’oublie, que quand
même tous les délais seraient expirés depuis cent ans , quand même nos ad
versaires auraient droit sur tous ces points, ils auront toujours cent fois
tort, l’opposition du sieur Chabrol sera toujours bien fondée, tant qu’ils
s'obstineront à lui refuser les mainlevée et radiation promises, il laisser
peser sur sa propriété l’inscription d’office et le privilège des précédents
vendeurs, et enfin à ne point effectuer les premiers payements.
10°. « Attendu qu’à ces déductions tirées des actes viennent se joindre des considéra» lions puissantes tirées des faits. »
11°. « Attendu que les sieurs Gillet qui auraient le même intérêt que le sieur Chabrol.
» et avec lesquels seuls a été passé l’acte qu’i l s’agit d'interpréter, reconnaissent que
» tel a été le sens de la stipulation; ils soutiennent encore, avec la partie de liouqanne,
» que la partie de Michel a été informée officieusement avant le 1er novembre 1836, du
» décès du sieur Tournemine, et tout le fait présumer ; des termes d’intéréts échus, de» puis ce décès, ont mis les parties en position de s’expliquer sur le remboursement,
» la dame de Tournemine avait le plus grand intérêt à l’exiger , et la rapidité des com» mandements lancés par elle après Vexpiration du dernier terme, prouve son intention
» dont elle avait dû faire précéder la manifestation rigoureuse, et de démarches propres
» à éviter des frais, et de la justification de son droit; enfin , une consultation délibérée.
» à Riom , le \\novembre 1836 , constate formellement que la partie de Michel était
v «visée de ce décès bien avant le commandement. »
« Les sieurs Gillet qui auraient le même intérêt que le sieur Chabrol ».......
Comment nos adversaires ont-ils pu abuser à ce point le tribunal? Et contro
qui donc avons-nous été et sommes-nous en procès, si ce n’est contre les
sieurs Gillet?
Ce n’est pas contre les précédents vendeurs ; nous n’avons avec eux aucun
point de contact jusqu’à présent ; la délégation faite h
p v /lt
si elle n’existait pas, puis^ü’
acceptée par nous que flpus
�conditions non encore accomplies ; et si ces précédents vendeurs agissaient
contre n o us, ce serait aux sieurs Gillet à nous garantir.
Contre M. de Fontanges? ............ Mais M. de Fontanges n ’est pas sérieuse
ment notre adversaire ; peu lui importe ( il nous l’a déclaré ) que ce soient
les sieurs Gillet ou le sieur Chabrol qui fassent les premiers ou les derniers
payements.
Mrae de Tournemine ?__ Eh ! qui nous dira aujourd’hui si Mrac de Tournemine__ m ourante\\\.... avait une volonté bien ferme et bien arrêtée île
nous intenter un injuste procès? s i , dans la douleur d’un récent veuvage ,
et dans l’épuisement de sa longue maladie , elle a pu apporter à cette affaire
toute l’attention nécessaire? Près de laisser des orphelins en ce monde,
n ’avait-elle pas, dans ces moments suprêmes, de plus graves et de plus
dignes préoccupations?
L ’intérêt des sieurs Gillet, nous l’avons fait toucher du doigt aux pages 10
et 11 de ce mémoire.
L ’intérêt du sieur Chabrol, c’est de purger sa propriété, c’est de se libérer
avec sûreté dans les délais convenus; d’exécuter et de faire exécuter son
contrat d’acquisition; d’avoir une propriété dont il puisse librement dis
poser, qui ne soit point affectée et hypothéquée à des emprunts étrangers ;
c'est de ne point se laisser imposer un cautionnement forcé.
Le tr ib u n a l a donc été grave m e n t in d u it en erre u r , lo rs q u ’ il a pensé que
les sieurs Gillet auraient le même, intérêt que le sieur Chabrol ; c’est au con
traire entre eux que le débat a réellement lieu ; rien de plus opposé que leurs
intérêts.
Le tribunal a pu facilement s'y méprendre ; car en effet, en bonne logi
que , les sieurs Gillet devraient avoir le même intérêt que le sieur Chabrol ;
et c’est justement de cette anomalie , de celle position étrange qu’ils se sont
faite, de ce renversement des idées, que nous avons conclu qu’il y avait,
dans leur conduite , un but caché , et que nous sommes arrivés ii la connais
sance de la vérité.
« Ils soutiennent encore avec la partie de Jlouganne que fa partie de Michel
» a été informée officieusement.......... » Nous avons fait connaître , page 21,
quelle confiance pouvaient mériter ces assertions; nous avons établi par
des pièces, par des dates précises, par les plus fortes présomptions, que le
sieur Chabrol n ’avait été informé du décès de M. de Tournemine que le 12
novembre 183G.
�Q u a n ta M. de Fontanges (partie de Rouganne ), il n ’était pas présent à
l’audience; il sait bien aussi qu’il ne nous a jamais prévenus, à aucune
époque, et il est évident que le tribunal a ici commis une erreur. ( Voyez
page 20. )
E t , au surplus, nous avons prouvé d’une manière évidente (page 10),
que c’était fausser l’esprit et le texte de la convention , que de vouloir
remplacer, par un simple avertissement verbal, la justification, la notifica
tion qu’elle exige.
« La rapidité des commandements »....... Ces commandements, quelque
rapides q u ’ils fussent, n’en étaient pas moins faits tardivement, c’est-à-dire,
à une époque ou nous avions acquis le droit de nous libérer, dix-huit mois
après le commandement ou signification dont il s’agit; nous nous sommes
expliqués ( page 21 ) sur cette rapidité, nous avons fait voir quelle induclion on devait en tirer; et quant à l'intention et à la volonté de Mme de
Tournemine, nous avons également fait connaître, quelques lignes plus
h a u t , ce qu’on doit en penser.
« Elle avait dû faire précéder la manifestation de son intention de dé» marches propres à éviter des frais , et de la justification de son droit ».......
Voilà une présomption que rien n’appuie, que tout contredit; aussi le tri
bunal ne l’énonce-t-il qu’avec doute : Elle avait dû.
Sans doute nous sommes persuadés que si nous eussions été en rapport
;ivec Mme de Tournemine, nous nous fussions fort bien entendus avec elle.
Mais rappelons-nous bien que Mme de Tournemine ne nous connaissait en
aucune façon , quelle n avait point accepté la délégation , qu’elle n’avait
aucun droit ni litre pour s’adresser à nous , qu’elle n’était pas en état de
faire des démarches, et que si, coque nous n’admettons pas, elle avait
réellement justifié de son droit aux sieurs Gillet, ces derniers qui voulaient
nous faire payer et s’en dispenser Knous étourdir sur nos dangers, nous ef
frayer , nous intimider p a r la rapidité des commandements, se sont bien
gardés de nous en faire part, ou du moins ne l’ont fait que tardivement, et
en termes ambigus, honteux et peu précis, et seulement le 12 novembre 1836
( Voyez page 21 ).
« line consultation délibérée à Iiiom , le 14 novembre 1830....... » Cette
consultation est un des meilleurs arguments en faveur du sieur Chabrol ; elle
prouve sa bonne foi, elle prouve qu’il n‘a pas été avisé en temps utile; car
c’est alors qu’il aurait consulté ; le 12 ou lui fait connaître qu'on pourrait lui
�rédamer le prix; étonné d’une semblable demande, croyant avoir dix-huit
mois devant lui h comjplcr de la notification , sachant d’ailleurs qu’on n’était
j>as en règle pour toucher, il consulte le 13 à Clermont, le 14 à Riom: les
avis lui sont favorables; il les communique à ses adversaires (les sieurs
G illet), qui lui répondent par une rapidité de commandements singulière
ment remarquable, et toutefois tardive.
« Avant le commandement, » soit, mais non avant le 1er novembre 183G ;
et, encore une fois, toutes ces allégations, tous ces dires, auraient-ils
même quelque fondement, ne pourraient jamais tenir lieu de la notifica
tion , de la justification, de Y avertissement léyal qu’exige le contrat, pour
que l’acquéreur puisse se mettre en mesure ( Voyez page 19 ) ; justification,
avertissement que le sieur Chabrol n ’a reçus que le 29 décembre 1836.
« 12°. Attendu que vainement le sieur Chabrol soutient que n’étant obligé qu’à payer
» 1rs derniers termes des sieurs G illet, tant que ceux-ci ne seront pas entièrement libén rés, il ne peut être contraint au payement;
» 13°. Attendu en effet que la clause qu’indique ici l’opposant se réfère évidemment
» aux termes stipulés par les vendeurs, et non à l’époque où se libéreront réellement les
n sieurs Gillet, la partie de Rouganne ayant son privilège sur les deux ventes, et celle
» de Latour, qui lu i déléguerait lep rix dû par le sieur Chabrol, ayant bien p u et voulu
» accorder le délai le plus éloigné, mais non un délai différent ou plus long que celui
» qu'ils avaient eux-mêmes ;
» 1 l n. Attendu, quant au* intérêts, que courant en vertu de l’art. 9 du contrat, et en
* vertu du commandement, ils sont dus à 5 pour cent, le cas de l’article 10 n’étant pas
3 arrivé ;
» 15°. Attendu dès lors que la demande de l’opposant ne s’appuie sur aucune raison
» solide;
» P a r c e s m o t i f s , le tribunal le déclare mal fondé dans son opposition, l’en déboute,
» le condamne à payer aux héritiers de Tournemine la somme de 27,875 fr. 35 centimes
» portée en la vente du l rr Septembre 1829, enregistrée, aux intérêts depuis le 1er no» >ombre 1830, et aux dépens, n
Les principes ci-dessus émis ont été complètement réfutés dans tout le
cours de ce mémoire , et particulièrement dans la première partie; pour évi
ter la satiété, nous ne ferons que de très-courtes observations.
« Vainement le sieur Chabrol soutient.......» ; mais si les sieurs Gillet ne
commencent par se libérer, le privilège subsistera sur la propriété du sieur
Chabrol ; ce n'est donc pas vainement que la convention et la loi autorisent
ce dernier à ne faire que les derniers payements, et à garder ses fonds tant
�que les sieurs Gillet ne se seront pas eux-mêmes libérés : c’est cet état de
choses que nous avons le droit de faire cesser, c’est l'extinction de ce
p rivilège que nous demandons et qu’on ne peut nous refuser.
« Le.s sieurs Gillet n'ont pu ni voulu accorder un délai différent, ou plus
» long que celui qu'ils avaient eux—mêmes....... » Non-seulement ils ont pu
et voulu l’accorder ce délai différent ou plus long ; mais ils l'ont posi
tivement, expressément, solennellement accordé pour le cas où il existerait,
lors des échéances , des inscriptions hypothécaires de quelque espèce qu’elles
fussent, sur les biens vendus, du chef des vendeurs ou de leurs auteurs; de
telle sorte que la créance des héritiers de Tournemine serait-elle même
échue, par rapport aux sieurs Gillet, elle ne le serait pas à l’égard du sieur
Chabrol.
« Attendu que lorsque le terme d'une obligation est joint à une condition ,
» et qu’elle lui est subordonnée, le payement ne peut être exigé, malgré
» l’échéance du terme, si la condition n’est pas remplie. » Qu’arriverait-il
dans ce cas? c’est que les sieurs Gillet seraient soumis à payer de leurs
propres deniers, à garantir même le sieur Chabrol, et ne pourraient que
s’imputer à eux-mêmes le tort de n’avoir pas rempli leurs engagements
envers lui (Voyez la conventioa , page 7 , et l’arrêt de la Cour royale
de Uordeanx , page 9 ).
J. A, CHABROL.
Clekhokt , Imprimerie de THIBAUD—LANDRIOT.
�
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Factums fonds privés
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chabrol, Jean-Antoine. 1837?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
J.A. Chabrol,
Subject
The topic of the resource
ventes
domaines
biens nationaux
indivision
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Jean-Antoine Chabrol, propriétaire à Clermont-Ferrand, place Michel-de-l'Hospital, appelant d'un jugement rendu au tribunal de première instance de Clermont-Ferrand, le 25 août 1837, signifié le 9 novembre suivant; contre les sieurs Antoine et Jean Gillet, beaux-frères, marchands horlogers à Clermont-Ferrand.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1837 ?
1828-1837
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV08
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saulzet (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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biens nationaux
domaines
indivision
ventes
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d8d860d9953126b0d8ec9b4d39c9d9e0
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Text
tribunal civil
de
CLERM ONT.
MÉMOIRE
P O U R
D
ame
F
M
a r i e - F r a n ç o ise
abrede
A U B I E R , épouse de M . Benoît
S t . - M e n d e , autorisée p ar j u s t i c e , e t p o u r ledit
Sieu r D E S t . - M E N D E , propriétaires , habitant à S t.M e n d e , co m m u n e de S t . - Y v o i n e , défendeurs ;
E t encore p o u r D a m e MARIE-CLAUDINE D E C H A M P F L O U R ,
ve u v e de M . Jérôm e-E m m an uel A ubier- l a - M onteilhe ,
tant en son nom q u ’en qualité de tutrice de leurs d e u x
enfans m in e u r s , aussi prop riéta ire, d em euran t à C le r
m o n t-F e rra n d , intervenante et défenderesse ;
C O N T R E
M . E m m a n u e l A U B I E R - L A - M O N T E I L H E , ancien magis
trat } demeurant en la même ville ; demandeur.
M. A u b i e r ? frappé de mort civile par l’inscription de son
nom
sur la liste des é m ig r é s , a été réintégré dans ses droits par
un brevet d ’amnistie du 20 fructidor an 10. A ssu rém en t, depuis
n e u f ans, il a eu le tems de méditer le projet de traduire devant
1.re chambre
1 8 1 1.
�les tribunaux la dame de St.-M ende , sa sœ ur , et M. de S t.Mende , son beau-frère , pour les forcer de déclarer que , dans
l ’acquisition que la dame de St.-M ende a faite de la nation
des
biens séquestrés par suite de son ém igration, elle n ’a été que son
prête-nom ou sa mandataire. Ce projet s’est enfin réalisé , puis
qu ’il l é s a fait assigner à ces fins par exploit du 5 avril 18 11.
D ès ce moment , il a été facile de prévoir les desseins de ¡VI.
A u b i e r , et de calculer les conséquences de ses demandes. Aujour
d ’hui tout est connu } puisqu’il « révélé sa pensee d une manière
fort é te n d u e , dans un meinoire im p r im e , auquel celui-ci ya servir
de réponse.
Attaquer la dame sa soeur , en obtenir la déclaration qu’il e x ig e ,
n ’avait pour objet que de s’ouvrir une route pour arriver ensuite
à la dame veuve de la M o n te ilh e , sa belle fille , alin de lui faire
connaître que s i , lors de son mariage , elle a cru pouvoir compter
que le domaine de Saulzet serait une propriété assurée à ses enfans,
elle s’était grandement trompée , et que c’ était vainement que la
dame de S t.-M en d e , et lui même M. A u b i e r , en avaient souscrit
la subrogation à Jérôme A u b i e r , père desdits enfans.
L a dame de S t.-M e n d e , qui avait déjà apperçu le but que se
proposait M. son frère , ne voulant point être exposée au reproche
d ’avoir trompé la famille de Champflour , s’est refusée constamment
ù l’exécution dé pareils desseins, et a préféré combattre des p ré
tentions qu’elle ne peut aucunement approuver.
Mais
comment une s œ u r , qui a exposé mille fois sa v i e , dans
les tems les plus orageux de la révolution , pour le salut de son
fiè re ,
est-elle livrée aux ennuis d ’un procès
im agin é,
sous tous
les rapports , pour navrer son cœ ur de douleur ?
Com m ent encore un b e a u - f r è r e , qui a eu la générosité de refuser
tous les avantages quu les lois nouvelles lui procuraient , est-il in
quiété et soumis à une action judiciaire?
M . A u bier , dans la première ligne de son mémoire , répond d ’a
vance à
ces
convertit
questions, en assurant le public qu’une cruelle fa ta lité
en
procès ce gui eût du cimenter l ’ union dans sa Jam ille.
C e r te s, il faut croire que cette fatalité n ’est pas seulement cruelle,
siais q u e lle est encore bien aveugle , puisqu’elle amène des résultats
�(3 )
totalement opposés aux sentiîrjens que devaient faire naître natu
rellement des actions louables , de» services sigualés et de noble»
sacrifices.
Quoi qu’il en s o it, les choses en sont arrivées au point de fixer
l ’attention de la justice sur l’objet de la contestation, sur les faits qui
la constituent et sur les moyens de droit qui doivent la décicibr, Mais
ici remarquons que la dame de St.-Mende , son m a r i , et la dama
veuve de la Monteilhe ont des moyens différens à faire v a lo ir , et
que s^ils s’occupaient de chaque fait mis en avant par M. A u bier , la
tribunal perdrait nécessairement de vue le véritable point de la cause.
.
Il a plu à M. Aubier , sous le prétexte d’exposer les faits de sa
cause , de donner au public l’histoire de sa vie , et de n oyer l’affaire
qui doit nous occuper dans des détails si m u ltip liés, qu’à peine il est
possible de la reconnaître et de la saisir. A la vérité , cette histoire
est écrite avec la délicatesse de style qu’on acquiert plus particulière
m ent dans les cours des rois ; mais la cla r té , la précision , voilà ce qui
est nécessaire dans les cours de justice. Il y a même lieu de s’étonner
qu ’il ait négligé ces deux qualités essentielles, lui qui , a u tre fo is,
dans l’exercice des fonctions du ministere public , se faisait distin
guer par la réunion des trois qualités les plus precieuses , celles
d’être érudit , fleuri et concis.
Il faut pourtant convenir que M . Aubier a su trouver des res
sources extraordinaires, pour parvenir a masquer les défectuosités
de la plus déplorable de toutes les causes.
Il fallait commencer par se rendre intéressant.
Il a fait aussitôt connaître comment les circonstances les plus glo
rieuses de sa vie avaient en même teins causé ses infortunes ( page 6
de son mémoire ).
Il fallait aussi jeter un vernis odieux sur la conduite actuelle
de sa soeur , devenue son adversaire , et une petite teinte de ridicule
sur un beau-frère que sa probité notoire met à l’nbri de tout autre
genre d ’attaque ; il n’était pas même indifférent de répandre quel
ques agrémens sur un sujet aride et fastidieux de sa nature.
C ’est dans cette vue que M. Aubier a fait e n tier dans son
histoire un petit épisode relatif à un certain casuiste, qui est tout
�entiéi* de sa c r é a tio n , et auquel il fri! tenir un langage ridicule èt
mem.e absurde. Il le présente néanmoins comme le directeur des
consciences de M. et Madame de
S t.-M en de. Mais , d’après les
conseils de ce casuiçîe , M. de St.-Mende , qui veul qu'on rende, ne
sa it comment s'y prendre , et M adam e de St.-M ende ne veut
rendre q u ’ après sa m ort, c'est-à-dire } ja m a is ( pages 2 4 , 2 5 ,
20
27 de son m ém oire).
Il convenait d ’ajouter à l’intérêt de sa personné celui qu’inspirent
des enfans infortunés , et des créanciers sans espoir.
A u s s i , M . Aubier
gémit sur le sort de ses enfans qui , suivant
l u i , seront privés de toute légitime à sa m o r t , et sur le sort de ses
créanciers qu’il 11e pourra jamais p a y e r , si la dame sa sœ u r ne lui
rend rien ( page 56 ).
Enfin , il fallait neutraliser l’intérêt opposé que devait naturelle
m ent exciter la position d ’une veuve et de deux orphelines , obli
gées de se défendre contre un grand-père qui veut leur ôter la
moitié de leur fo rtu n e , assurée par des actes sacrés , tous signés
p a r lui-m êm e.
M. A u bier n ’est point embarrassé de cette difficulté; non-seule
m ent il parvient à neutraliser l ’intérêt de leur cause, mais il fait p lu s ,
il
s’en empare en
se présentant
comme leur vrai défenseur.
Suivant l u i , la fortune de ses petites filles court les plus grands
dangers. La dame de la Monteilhe } leur m è re , est une imprudente ;
elle ne voit pas qu’ un jour les enfans de S t.-M en d e peuvent leur
reprendre le domaine de Saulzet; que les actes qui ont transmis cette
propriété à Jérôme A u b i e r , leur père , sont nuls , et que leur grandp ere ne stipule ici que leurs intérêts , en cherchant à substituer à des
titres invalides , des actes irréfragables ; que s’il no peut leur assurer
que la moitié du domaine de S a u lz e t, c’est que la loi ne permet pas à
un père d ’en faire davantage } et qu ’il vaut mieux , pour ses petites
fille s , avoir une moitié c e rta in e , que d ’être exposées un jour à ne
rien avoir du tout (pages 27 et suivantes).
C ’est ainsi que le génie de l ’homm e peut applanir
tontes les
difficultés , et même les faire tourner à son avantage. Il est fâcheux
pour M. A u bier que les prestiges de l’imagination ne soient pas de
longue durée } (ct qu’on puisse lui prouver que son système do
�défense n ’est dû qu’aux efforts d’ un
esprit brillant , capable de
produire des effets séduisans ; mais d’un esprit qui , à force de
t r a v a il , se subtilise et s’évapore pour faire bientôt place à la vérité
à qui seule appartient le droit de fuiie des impressions duiables et
d ’obtenir des succès non-équivoques.
O r la vérité est que la dame de St.-M ende n ’a point été le p rê le nom ni la mandataire de M. son f r è r e , lors de son acquisition de
la nation.
l i a vérité est q u e, depuis dix a n s , la dame de S t.-M en d e ne
tient rien par le pur effet de sa générosité des biens de M. son
frère ; que le Saulzet est possédé depuis cette époque par les enfans
de la daine veuve de la M o n te ilh e , et que le grand verger de M o n t ferrand est possédé par M . Aubier lui-même.
L a vérité est que les deux fils de M. A u b ie r auront une légitime
a sa m o r t, parce qu’il ne peut vendre le grand verger et le domaine
de C rêve-cœ u r , l’ un à cause des hypothèques et garanties, l ’autre
parce qu’il appartient à ses fils.
L a vérité est que , si M. Aubier ne p aye pas ses créanciers
c ’est
q u ’il aura niai calculé ses ressources et excédé ses moyens.
L a vérité est que les petites-filles de M. A u b ie r sont très-soli
dement propriétaires de Rentier domaine de Saulzet j qu ’il voudrait
leur en ôter la moitié pour pouvoir vendre ensuite à son a is e, afin
d ’acquitter ses prétendues dettes en Prusse
et ailleurs.
L a vérité , enfin , est que la dame de St.-M ende n’a disposé des
biens qu’elle avait achetés de la nation , que par des actes souscrits
conjointement avec M .son frère; que le domaine de Saulzet tout entier
fut assuré à défunt Jérôme A u b i e r , pour lui obtenir la demoiselle
de Champflour en mariage ; que si M. A u b ie r en a regret } la dame
de S t.-M en d e , au contraire, n ’en a aucun r e g r e t , et qu ’elle
c jo î-
rait m a n q u e ra tout ce qu’elle se doit à e lle -m ê m e , que de porter
atteinte à des actes faits en connaissance de cause , et sur la foi
desquels les deux familles A u b ie r et C h a m p f l o u r l a dame de la
Monteilhe et ses enfans ont dû com pter pour toujours.
E n voilà suffisamment pour donner une juste idée de la cause;
maintenant nous allons rappeler les fuit» principuux } a p iès quoi
nous passerons à la discussion des points de droit,
�> 0 *
V -'
( G)
F A
I T
S .
D u mariage d e M . Antoine Aubier-la-M onteilho avec clame A nneJeanne de C h am pflo ur, sont nés quatre enfans , sa v o ir, M. A u b ie r ,
actuellement d e m a n d e u r, M. Pierre A u b i e r ,
M. Jean-J 3aptiste
A u b ie r , qui a été chanoine de la cathédrale de C len n on t , et la
^ !
dame de St.-M en d e.
L e 4 décembre 1 7 G8 , M. Aubier s’étant m a r ié , a été institué
héritier universel de son père.
Quelque teins après, la dame Aubier est décédée, ainsi que Pierre
Au bier , son fils.
i
L e 10 février 1777 , M. de S t.-M en d e ayant épousé mademoiselle
A u b ier , le pcrc de celle-ci lui constitua une dot de 5 o,ooo livres ,
j
1
au moyen de quoi elle renonça à toutes successions directes et co lla -
'
tcrales , et à tous droits échus et à échoir.
M . Antoine A u bier , père c o m m u n , est décédé le 25 brumaire
an 2 ; son fils aîné était alors en fuite pour échapper à des persé
cutions.
M . le chanoine Aubier a péri révolutionnairement à L y o n .
Dans cet état , quelle fut la conduite de M. de St.-Mende ?
j
M. Aubier dit lui-même ( page 5 do son m é m o ir e ) , que « M. de
» S t.-M en de n’hésita pas à d é c la r e r , dès l’instant de la m ort de
» M. A ntoine A u b ie r ,
q u ’il s’en tenait cà la constitution dotale
)> faite à sa femme , et qu’il y aurait des millions à g a g n e r , il
y
)) ne voudrait pas profiter du malheur de son beau-lrère )>.
j
Il était encore du 12,000 livres à M. de S t.-M en de sur la dot de
6on épouse.
L e 18 germinal an 2 , M. Aubier a été inscrit par la municipalité
de C l e r m o n t sur la liste des émigrés. Cet!« inscription a été bientôt
suivie du séquestre des birns délaissés par son père et par son frère ;
et lorsqu’au mois de messidor an 4 , un étranger allait les soumis
sionner , la dame de St.-Mende en fuL avertie , prit les devants et
les soumissionna elle-même
en sorte que les administrateurs du
�département du P u y - d e - D ô m e lui en ont passé vente le 2 5 ther
midor suivant.
Au m om ent de cette acquisition , la dame de St.-Mende ne fut ni
le p rête-n om ni la mandataire de M. son frere. 11 est vrai qu’elle
n ’entendait pas
plus
que son m a r i , profiter de la dépouille de son
fr è r e ; mais il est vrai aussi q u e , si ses intentions lurent toutes en
faveur de ce frère et de ses enfans , rien ne les commandait, et
q u ’elles prenaient leur source dans son extrême affection pour eux ,
ce qui est bien différent que si elle eût été l’instrument nécessaire
des volontés de M -so n frère. Au surplus, la conduite postérieure
de la dame de St.- M ende a bien prouvé la sincérité de ses intentions;
car quel usage a-t-elle fait des biens qu’elle avait achetés ?
Elle en a vendu une partie pour payer à la nation le prix de la
to ta lité , pour acquitter des dettes de M. son p è r e , pour rem plir
son mari des 12,000 livres qui lui restaient dues sur sa dot. Q u e l
usage a -t-e lle encore fait des revenus du surplus ? Elle les a fait
passer à M. son frère et à ses fils. E lle a donc fait tout ce q u ’une
tendre sœur peut faire , ce que peu de parens ont osé enlreprendre
dans des tems si terribles ; et quand le moment est arrivé , elle a
mis le comble à ses procédés généreux par la transmission des fonds.
A u mois de mars 1801 , M. A u bier ayant obtenu de rentrer en
F ran ce , sous la surveillance de M. le p r é f e t , revint à Clerm ont.
« Il se rappelle ( page 16 de son mémoire ) , la joie qu’il éprouva
« de se retrouver dans sa patrie , au sein de sa famille ». A h !
la dame de St.-M ende , sa soeur , se rappelle aussi ce jo u r de
f é lic it é , où elle put serrer dans ses bras un frère cliéri , p ou r
lequel elle avait risqué tant de fois sa vie. Cette allégresse fut
commune à M. de St.-M ende et a ses enfans. A peine M. A u b ier
eut-il goûté quelques jours de r e p o s , que sa sœur lui fit connaître
jusqu’à quel point elle avait porté la tendresse pour lui ; combien
il avait été l ’objet de ses pensées dans son acquisition et dans ses
opérations ultérieures, et combien elle désirait, par un compte e x a c t }
lui prouver que n ’ayant agi que dans l'intérêt de ce frère et de ses
f i l s , elle voulait bien ne garder pour elle quo les peines et les
soins de son acquisition , et leu r en laisser tout le profit.
\
�(8)
E lle ne présumait pas alors que , pour lui faire perdre le mérile
de ses actions son frère profiterait un jour des témoignages d’ une
affection sans bornes , pour la regarder à la lettre comme son prête-
nom , sa m andataire, et lui dicter des lois , et qu’il ne craindrait pas
de la traduire eu justice pour lui faire im prim er ces titres avec
toute la force et les effets que la loi leur donne.
C e r ta in e m e n t, M. A u b ier était alors aussi bien éloigné d’avoir de
telles pensées, et rien ne peut le mieux prouver que l’acte du 8 mai
1801 ( 18 floréal an 9 ) , passé entre la dame de S t .- M e n d e , son
frère et Jerôme A u b ie r , son fils , par les conseils de M M . Boirot
et D a r t is , en présence de M M . Dorcières et de Chardon. On est
étonné que M. Aubier ( page 16 de son m ém oiie ) , ne rappelle cet
acte que pour en extraire deux lignes : « L a dame de St.-M ende
)) y reconnaît , d i t - i l , avoir acheté mes biens pour me les co n se r)) ver. Cet acte finit par une promesse de faire
la transmission
J) définitive de tout , dès que je serai rayé. »
C e n ’était pas cela seulement qu’il fallait y re m a rq u e r, mais
bien si on avait traité alors avec elle comme avec un prête- nom , un
mandataire ; si , au moins , il y
avait quelques expressions qui
pussent en donner l ’idée.
L a lecture de cet acte suffit seule pour détruire toutes les
prétentions de M . A u bier touchant les qualités qu’il veut aujour
d ’hui donner à la dame sa sœur.
D écha rg e et convention entre M adam e de S t.-M e n d e , E m m a
n u el A u b ier , son fr è r e , et Jérôme E m m anuel A u b ie r , son
second fils.
M adam e de S t . - M e n d e aya n t , e n t r e a u t r e s p r e u v e s de tendresse qu’elle a
données à sa fam ille, fait la pénible en treprise d 'acheter de la rép u b liq u e le bien
de S a u lz e t , le grand v e rg e r et autres propriétés provenues de la succession
d’ A n toin e A u b ie r , sou p è r e , m ort en réclusion , et de Jean-B aptistc A u b i e r ,
sou frère , clianoiu c de la cathédrale de C lc r m o n t , condam né par lo trib u n al
ré v o lu tio n n a ire de L y o n , pour conserver lesdils biens à son frère E m m an u el
A u b i e r , soussign é, ou a u x enfans do son frère , et M adam e de S t.-M en d e
a yau t c cjo iiid ’ Iiui réitéré
scî
offres
de
faire l ’ucLu de transm ission desdits b ien s,
�E m m n nu cl A u b ie r l ’cn rem ercie avec la plus v iv e reconnaissance , tan t en son
muni propre qu’au nom de ses enfans , (le q u i il a déjà rem is à sa sœ ur acte
d adhésion à tout arran gem en t q u i p o u rrait être con clu en tre lad ite dam e de
S t.-M e n d c et E m m an u el A u b ie r.
I l la rem ercie p a rticu lièrem e n t des soins m aternels q u e lle a pris pour p rou
v e r que ses enfans n’étaien t point dans le cas de l ’ém igration , d en a v o ir
obten u des certificats au th en tiq u es, et d ’ a v o ir préparé les voies a sa l’ad iation
personnelle de la liste des é m ig ré s, dem ande sur laqu elle est in terven u e u n e
perm ission p ro v iso ire de re n tre r , sous la su rveillan ce du P réfet.
L ’acte au then tiq u e de transmission d éfin itive desdits biens à E m m a n u el
A u b ie r , n ’étant point possible solidem ent , ju squ ’à ce que c elu i-ci ait obten u
sa radiation d éfin itive ; d ’ailleurs E m m a nu el .Aubier et sa sœur se proposant
de fix e r les principales propriétés sur la tête de Jérôm e-E m m anuel A u b ier ,
second des fils d’E m m a n u e l, si ou tro u v a it pour lu i un m ariage avantageux:
agrce de son père et de sa ta n te , enfin , les conditions de ce m ariage e t le 3
résultats de quelques affaires non term inées d evan t in flu e r su r la n atu re e t la
q u alité des reserves q u i d evron t être faites ta n t p o u r A n to in e et Jean-B aptiste^ n t o i n e , p rem ier et second fils d’E m m an u el A u b ie r , que p o u r la subsistance
nécessaire à c e lu i-c i , sur-tout s’il perdait sa place , les partiesso n t convenues
d e difTerer l ’acte d éfin itif de transm ission.
M adam e de S t.-M en d c aya n t cependant désiré qu’ on ne différât pas de la.
délivrer des peines infinies que lu i a données depuis q u atre ans le soin desdites
prop riétés et de toutes les affaires de ces d e u x successions , i l a été con ven u
q u ’elle en dem eurerait dès-à-présent déchargée.
M adam e de St.-M endc aya n t e x ig é de son frère et de son n e v e u , q u ’ils ex a
m inassent le com pte de sa gestion , ils Vont f a i t uniquem ent parce q u ’ elle
l ’exigeait.
Us la rem ercien t de l ’avance de fonds et des em p ru n ts qu’elle a v a it eu la
com plaisance de faire pour cette acquisition , et d u sage em ploi q u ’elle a fa it
des revenus et des cap itau x des objets qu’elle a reven d u s , à éteindre tous
lesdits em p ru n ts, à solder ladite a c q u is itio n ,e t à liq u id e r les affaires des deux
successions très-em brou illées.
E m m a n u el A u b i e r , ta n t en son nom
qu’au nom d’A n to in e e t de Jean-
B ip tis te A n to in e , ses fils, et Jérôm e , soussigné eu son prop re nom , p rom etten t
de ratifier toutes v e n tes.e t re v e n te s, échanges , traités , et autres engagem eiis,
de ga ran tir et indem niser M adam e de S t.-M e n d c de toutes reclirrches quelcon
ques, soit q u elles fussent exercées con tre elle , comme acquércuse desdits biens ,
soit q u e lle fû t seu lem ent actionnée com m e héritière t n partie de aon père et
de son fr è r e .
E m m an uel A u b ie r a rem ercié plus p articu lièrem en t M adam e de S t.-M e n d a
d a vo ir fuit hon neu r à la m ém oire de leu r p è re
et a ïe u l, ainsi que de le u ï
�( ro )
frère et oncle ,en dédom m ageant en n u m éraire quelques personnes dont la créancese tro u v ait ren v o y ée sur le grand liv r e par la confiscation.
Ils reconnaissent que M adam e de S t.-M e n d e leur a f a i t raison des revenus
desdits biens , de m anière que par le résu ltat de tous comptes et de toutes com
pensations , M .“ e de S t -M onde est encore créan cière de d j u x m ille fr .sur sa lé g i
tim e paternelle ou m aternelle,qu ’ils s’obligen t de lu i payer d èsq u ’slle le v o u d ra ;
attendu qu’il est dû sur S au lzet une somme de treize m ille cinq cents francs ,
p ro v en a n t de n e u f m ille fran cs prêtés en 1 7 9 1 à A n toin e A u b ie r , père f par
sim ple b illet portant promesse d’in té r ê ts , pou r solder le p r ix de S au lzet , et de
tou s les intérêts de ce prêt qui sont dûs depuis lors
ju sq u 'à ce jo u r > le déten
t e u r de S au lzet fera p a y er à M adam e D eliolles , v e u v e du gén éral G r o b e u ,
subrogée à celte créance , la ren te v ia g è re de m ille francs , m oyen n an t laq u elle
i l a été composé de cette créance par un arran gem en t con ven u en tre elles et
E m m an u el A u b ie r , q u i porte aussi sur quelques autres ob jets. Jusqu’à l ’arran .
gem eu t d éfin itif qui sera f a i t , soit après la rad iation d’E m m an u el A u b ie r»
père , soit p lu tô t , s’il se tro u v a it plu tôt un m ariage a v a n ta g eu x pou r Jérôm cE m m an u el A u b ie r , c e lu i-c i est étab li ad m in istrateu r desdits biens , et rep ré
sentant de tou te la fam ille pour toutes les affaires des d eu x successions ; m aiSj
ju sq n ’à la rad iation d’E m m an uel A u b i e r ,
son p è r e , il ne p o u rra re c e v o ir
les rem bourseincns des p rin c ip a u x , faire aucune ven te ou échange , passer de
tran saction d éfin itive , sans l ’au torisation de sa tante ; il reco n n aîtq u e c e lle -c i
lu i a remis les titres et papiers desdits biens , et de ces deux successions qu’ elle
a p u retirer des dépôts des autorités constituées.
Jérôm e-E m m anuel A u b i e r , p rélèv era su r les reven u s desdits biens douae
cents francs par an , pour sa dépense personnelle et ses. soins ; l ’em ploi du
su rplu s des reven u s , après charges et entretien payés , lu i sera réglé et in d i
qué chaque année par sa tante , ju squ ’à ce que son père ait ob ten u sa rad iation.
F a it
trip le en tre nous ,
M a r c il l a t
par les Conseils de M M . B o i r o t , D
, Jurisconsultes , Tj U i l t .i e r ^ D o r c i e r e s ,
de-Cuardon
- D
ar tisd e
-
uranquet,
C lerin on t , le 18 floréal an 9 ( v. s . , 8 m ai 1801 ).
A U B IE R , Jérô m e A U B I E R , M a r i e AU B IE R - S r . - M E N D E ,
Em m anuel
L u i l l i e r - D o rcik re s , C u a rd o k - D u r a n q u e t, B o ir o t , D a iitis - M a r r c illa t^
M ich e l C hardon ,
Em m anuel
S t.-M e n d e .
En m a rg e -
Je reconnais que ma soeur m 'a f a i t raison de tou t ce qu elle a reçu pou r m oi,
’depuis le 8 m ai 180t , ju s q u ’ à ce jo u r , sur q u o i elle se retient les deux m ille
fr a n c s à elU dits, suivant l ’ acte ci-contre ; en conséquence elle demeure déchargé*
de toute recette , et j e demeure quitte desdits deux mille fr a n c s , le 7 vendémiaire
a n 1 1 . E m m a n u el A U B I E R ,
Depuis cet acte
,
l 'A B R E - S t . - M E N I ) E .
que s'est—il passé pour son exécution touchant
la transmission des biens acquis
par la damo do St.-M en de.
Jérôme Aubier ayant recherché en mariage la dame de C h a m p -
�f lo u r , alors veuve (le M. fie Bullion , M. Aubier , son p è r e ,
ras
sembla vingt-cinq parens le 10 prairial an 9 , et il fut arrêté que
de son consentement Madame de S t.-M en de subrogeait M. Jéiômo
A u bier à la pleine propriété du domaine de Saulzet , sous diverses
c h a rg e s, notamment de payer à INT. son père une somme annuelle
de 700 * , et qu’il laisserait à ses frères le tiers à lui revenant
dans le domaine de C r ê v e -c œ u r , dont Madame Aubier a la jouis
sance. Moyennant les conditions enoncees dans cet arrete , il fut
dit que , dans tous les cas quelconques , Jérôme Aubier dem eurerait
dispensé de rapporter le domaine de Saulzet a aucun p artage >
et qu’il était autorisé à se le constituer dans son contrat de mariage.
E n e f fe t , le lendemain 11 p ra iria l, le contrat de mariage ayant
été signé entre. Jérôme A u bier et la dame de Cliampflour , veuve
de JJtillion , il se constitua le domaine de S a u lze t, dont lui et ses
enfans n ’ont pas discontinué de jouir depuis cette époque.
L e 3 fructidor suivant , la dame de S t.-M en d e mit M . Aubier
son frère en possession de tout ce qui lui restait de son acquisition ,
et celui-ci lui donna une nouvelle décharge complète, avec la garantie
la plus étendue. Si depuis la dame de Saint-Mende a donné au sieur
G orce u n e procuration pour toucher les revenus du grand v e r g e r ,
avec ordre de les faire passer à M. son f r è r e , elle n ’a donné
ce
pouvoir que pour l’obliger , et non qu’il lui fût nécessaire.
L e casuiste qui , suivant M. Aubier , conseille à sa sœur de ne
rendre qu'après sa m ort , ignore apparem ment toutes ces conven
tions ; car , sans cela , il 11e se creuserait pas le cerveau pour cal
culer l ’époque et la manière de rendre des biens qui . depuis plus
de dix ans , ne sont plus au pouvoir de la dame de S t.-M en d e .
C e casuiste ne sait pas non plus , sans doute , que par un der
nier acte du 8 fructidor an 9 , passé devant M . Coste , notaire à
Beaurnont , la dame de St.-Mende , en présence et du consente
ment exprès de M . A u b ie r , non frère , qui a signé avec les p arties ,
a fait une subrogation bien authentique à Jérôme Aubier du do
maine de S a u lz e t , à la charge , i.° de maintenir les ventes et échan
ges que la dumo de S t.-M en d e a consentis de quelques petites par
celles d’héritages dudit bien; a.° de la garantie de toutes re ch erch e s,.
�5.° de la renonciation de Jérôme Aubier à son tiers dons le domaine
de C rêve-C œ u r , et à toute succession de l’estoc paternel $ 4 .° et
m oyennant une rente viagère de 700
au profit «le j\I. son père.
Si le casuiste eût su tout cela , il se serait dispensé de donner des
conseils sur des choses faites et non à f a ir e , ou plutôt comme M .
et Madame de'St.-M ende n ’ont pas dû lui laisser rien i g n o r e r , il est
clair que c ’est iin personnage de pure invention.
E t comment en d o u t e r , quand on voit M. A u b ie r ( page 58 de
6on m é m o ir e ) , convenir que « celui qui a le talent de conduire sa
» sœur d ’une manière si opposée à son caractère naturellement
)) noble et délicat, lui est tout-à-fait inconnu » ?
1
Si donc tout a été rendu par la dame de S t .- M e n d e , il y a plus de
d ix ans, comment comprendre queJYJ. son frère lui suscite un p ro
cès pour faire ce qu’elle a fait ?
C e qui a porté M . Aubier à en venir aux voies judiciaires , c’est
q u ’il 11e trouve rien de bon , rien de solide dans tous les actes dont
»
nous venons de rendre compte ; et cependant il les a médités avec
des jurisconsultes d’un grand mérite ; il les a présentés à la sanction de
vingt cinq païens j tous les ont non seulement app rouvés, mais signés,
et depuis dix ans ces actes ont reçu leur pleine et entière exécu
tion. T outes ces circonstances n ’ont pu tranquilliser M . A u b i e r , ¡1
a v o u lu ’absolument détruire ces actes , sans égard aux droits des
tiers , et il suppose que c’est sa sœur qui veut détruire ce qu’elle
a fait pour lui ( page 57 du m ém oire).
Puisqu’il voulait des actes n o u v e a u x , rédigés dans son intérêt et
dans le but qu’il avait en v u e , la dame de St.-Mende a trouvé que
ne pouvant y adhérer , il valait mieux lui laisser prendre les voies
judiciaires.
L e 5 avril 1 8 1 1 , M. A u bier fit signifier ù M . et Madame de S t .Mendo le procès-verbul de non-conciliation dressé par M. le juge
d e
p a i x
de M ontferrand le a mars p ré céd e n t, et les traduisit en ce
tribunal pour lui voir adjuger les conclusions suivantes, auxquelles
on doit faire une grande attention , parce que ce sont les conclu
sions qui fixent l’objet de la contestation.
�( i3 )
• V o ir d ire et o rd o n n er q u e , clans le jo u r de la signification tin ju g e m en t
'
!
1
à in te rv e n ir , les sieu r e t clame de St.-M cn de seront tenus de lu i laisser et
abandonner le grand v e rg e r situ e à M ontferran d ,
contenant en viron c in q
cents perches quarrées , et fau te de ce fa ire , que le d it ju gem en t tien d ra
lie u d ’acte de délaissem ent de leu r part ; qn’en conséquence le req u éran t
T estera e t dem eurera p rop riétaire
I
incom m utable , pour en disposer com m e
il a v is e r a , sous les conditions déjà convenues et acceptées entre les parties.;
s a v o ir ,
i,® que le d it v e rg e r dem eurera grev é en vers
M . et M .“ ®de S t.-
M endc de la garan tie de toutes recherches généralem en t quelconques , p o u r
quelques causes que ce soit ; 2.® qu’ il dem eurera charge de la rente v ia g è re
de 3 oo fr . par an , créée au profit de M .lle de I î a r t , m oyennant 3 ooo fr . ,
i
em prun tés d ’elle p o u r les p rêter à M .mc A u b ier , q u i doit les ren d re à l ’épo-
I
que fixée par son ob ligation ; 3 .° qu’ il dem eurera cliargé des in térêts , et
ga ran t d u cap ital de i 3 , 5 oo fr. , m entionné en l ’acte de m ai 1801 , ju squ ’ à
ce q u ’il a it été pris d’autres arrangem ens en tre le req u éran t et ses enfans
et petits eufans p o u r l ’ex tin ctio n de lad ite dette ;
V o i r donner acte au req u éra n t de ce qu’ il se soum et à em p lo yer le surplus
des reven u s d u d it v e r g e r , si plus y
a v a i t , en paiem ent des in térêts
et
d u ca p ita l des autres em prunts par lu i faits p o u r ses enfans j
V o i r ord on n er que le requ éran t dem eurera subrogé à tous droits q u el
conques et tous reven u s échus , courants ou à éch oir , a u x offres qu’il fa it
de ratifier toutes les garanties p a r lu i prom ises a u x sieu r et dame de S t.M en d e ;
V o ir ordonner p areillem en t que tous papiers de fam ille seront rem is audit
re q u é ra n t, tant par lesdits assignés que par tous dépositaires , é la t som m aire
d ’ic e u x préalablem en t dressé , au pied duquel i l donnera décharge ;
E t en ou tre pou r procéd er sur autres conclnsious que le req u éran t se xésorve de prendre par la suite , en tou t éla t de cause et à fin de dépens , sans
p réju d ice au req u éran t de tous ses au 1res d ro its , actions et prétentions géné
r alem e n t
quelconques , et pou r p a rv e n ir au paiem ent des condam nations à
in te r v e n ir contre lad ite daine de St.-M eu d e , se v o ir le d it sieu r de S t.M e n d e , son m ari ,
condam ner à in d iq u er des biens d’icelle à cet e ffe t,
ju stifie r de le u r con trat de m ariage , sinon v o ir d ire et ordonner qu’aprè*
liu ita m e ex p iré e de la M gilificalion
sont et lu i
fra is.
du ju gem en t , les condam nations lu i
d em eu reron t personnelles ,
Ces conclusions sont précédées
tant en
de
p rin cip a l , in té r ê ts , quô
vingt-trois motifs ,
dont
d ix -h u it uu moins sont inutiles ou sans liaison directe avec elles.
On remarquera que I\l, A u b ie r avait oublié de conclure à ce que
�( i4 )
M. de St.-Mendc autorise sa f e m m e , ou qu’elle Ferait autorisée par
la ju s t ic e , comme l’exigent les articles 2 i 5 et 218 du code N a
poléon. Néanmoins M. de St.-M en de , qui n ’avait sans doute pas
fait attention à cette omission , et qui ne voyait pas pourquoi on
lui intentait un procès , à lui qui ne s était melé de rien , déclara
q u ’il ne voulait pas autoriser sa lemine ; ce qui a donne lieu à un
jugement d ’autorisation , rendu le 27 avril dernier.
<
M. A u bier , qui voulait absolument tenir en cause M. de S t .Mende , imagina de présenter une requête tendant à ce qu’il lui
fût permis de l’assigner personnellement , en qualité de mari et
maître des actions dotales de sa femme \
P o u r assister en la cause pendante entre lu i M . A u b ie r et sa soeur , à cause
d u m andat par elle r e m p li, et autres conclusions , pour v o ir d iie qu’en exécu
tion du con trat de m ariage de M . de St.-M ende , lu i M . A u b ie r sera m aintenu
dans la q u alité de seul h é r itie r con tractu el bénéficiaire de son père , et appelé
à r e c u e illir tou t ce qui est proven u de sa succession , ainsi que de celle de son
fr c r c le clianoine j tou t ce q u i a etc conservé et rach eté
à quelque titre et
de quelque m anière que ce s o i t , et attendu que m oyennant la dot de 3 o,ooo fr.
fa ite à la dam e de S t.-M ende , elle a renoncé à toutes successions , et que celle’
d o t a été réellem ent payée à M . de S t.-M en d e , p o u r le com pie de M. A u b i e r ,
i l sera tenu d’en passer q u ittan ce en sa fa v e u r , dans le jo u r de la signification
d u ju gem en t à in t e r v e n ir , sinon que le ju gem en t v a u d ra q u itta n c e ; qu’en
conséquence , M . A u b ie r sera subrogé à tous droits légitim aires , de mémo
q u ’à toute h ypoth èq u e sur tou t ce q u i est p roven u , a été conservé ou racheté
p o u r son com pte ; v o ir au surplus , adjuger ti SI. A u b ie r les conclusions par
lu i prises c o u tr e la dame de S t -M e n d e',personnellem ent com m e sa m an d ataire,
pour la conservution et rach at des biens desdites successions , avec dépens , sous
la rc s e iv e que M . A u b ie r se fa it, pour tous les cas quelconques ,d e ses créances ,
e t de dem ander à q u i il appartien dra d’eu ôtro rcsponsablo le com pte do
tous cap itau x et intérêts.
Cette requeto du 8 juin a été notifiée à M. de St.*Mende le i 3
juillet avec assignation, et lo 28 a o û t , M. Aubier a obtenu
par
défaut 1111 jugement qui joint cette instance a la précédente dirigée
contre sa soeur, pour etre statué sur le tout par un seul et même
jugement.
Depuis et dans le courant d ’octobre , la damo veuve
de la
�( i5 )
M o n te illie , instruite des demandes de M. Aubier , et ne pouvant se
dissimuler qu’elles tendaient à préparer à son beau-père et à ses
enfans des moyens de Kevenir contre la subrogation du domaine de
Saulzet, a senti la nécessité d’intervenir dans la cause pour surveiller
les intérêts de ses deux filles mineures , et combattre les prétention»
de leur grand-père.
Comme t u t r i c e , elle devait se faire autoriser par le conseil de
famille , aux termes de l’article 464 du code Napoléon. Elle l ’a fa it,
et son intervention a été signifiée.
A ce s u je t , nous remarquerons que M. A u bier ( page 3 g de son
mémoire ) , annonce que sa belle-fille veut repousser ses demandes ,
en lui disant : V o u s êtes mort civilem ent pour m o i,
vous êtes
retranché de la fa m ille ; tandis qu’au contraire elle a obtenu l’au
torisation du conseil de famille pour défendre les droits et les titres
de ses enfans, sur-tout dans le cas où leur grand-père viendrait à
alléguer sa mort civile pour détruire l’effet de ses signatures appo
sées à ces titres.
L e procès-verbal du conseil de fam ille, la requête d’interven
tion , signifiés à M. A u b i e r , ne lui permettaient pas de prêter à sa
belle-fille des sentimens tous contraires à ceux qu’elle a e x p r im é s ,
et une défense indécente.
Mais continuons.
Com m e il était essentiel de connaître les actes sur lesquels M.
A u bier s’appuyait pour soutenir que la dame de St.-M ende n’avait
été que son prête-nom ou sa mandataire dans son acquisition de
]a nation , nous l’avons requis de nous donner une copie exacte
de ces actes, et de les déposer pour en prendre communication.
A p rè s nous avoir annoncé qu’il en avait une m ultitude, il a fini par
nous
communiquer sept lettres qui
nous dispensent
d’en yoir
davantage.
Dans l ’u n e , Madame de St.*Mende lui écrit d’un ton familier t
qu’elle n’est que son homme de confiance ; dans une a u t r e , elle
mande que le département lui a remis les litres de la famille j dans
une autre , elle dit qu’elle a présenté le mémoire et la procuratiou
aux administrateurs 3 et que l’ un d ’eux l’a persiflée. E n un
mot,
�iii
(
'
16
)
ces lettres sontloin de faire regarder la dame de St.-M ende comme
un p rê le -n o m ou la mandataire de ¡NI. son frère. Elles n ’ont mémo
pas de date , et leur contenu seul peut faire préjuger l’époque où
elles ont été écrites.
Au r e s te , que peuvent signifier des lettres quand les parties ont
souscrit des actes postérieurs bien plus clairs
bien plus positifs
q u ’une correspondance ? Si M. Aubier a des lettres de sa s œ u r ,
elle en a aussi de lu i, elle l’invite à ne pas la forcer d ’en faire usage.
Maintenant que les faits essentiels sont rappelés , il faut s’occuper
de la discussion.
m
o
y
e
n
S ..
§. I.er
M o yen s de la dame de St.-M ende.
M . Aubier veut que la dame sa sœ ur ait été son prête-nom et sa
mandataire dans son acquisition de la nation. Il allègue ce fait
( page i 5 de son m é m o ire ) , mais il ne le prouve pas. A u contraire ,
il en dit assez pour prouver qu’elle n ’était ni son prête-nom , ni sa
mandataire. Il convient « qu’il avait ignore l ’urgence du rachat j
)) que dans le premier in sta n t, il crut que sa sœur s’étaittropjhâtée,
» mais qu’il n’en fut pas moins empressé à a v o u e r , à ratifier ce
)> qu’elle avait f a i t , et qu’il lui envoya une nouvelle procuration. »
Si la dame de St.-M ende eût acquis de la nation comme prêtenom ou comme mandataire de M. son fr è r e , il n ’aurait pu ignorer
l ’ urgence du r a c h a t , et elle n ’aurait eu besoin ni de son aveu , ni do
sa ratification , ni d ’une nouvelle procuration.
Mais puisque M. A u b i e r , qui devait tout p ro u v e r, n ’a pu rien
prouver , la dame de S t.-M e n d e qui n’est tenue d’aucune preuve, va
faire cesser à l’instant
les vaines déclamations de son frère , en
démontrant à la justice deux vérités : la p re m iè r e , qu’elle n ’a pas
été son p r ê t e -n o m , ni sa mandataire ; la seconde , que ni l u i , ni
elle , ne pouvaient avoir cette pensée au tems de l’acquisition , et que
c ’est par un abus des mots que M A u bier voudrait faire croire à l ’exis*
tencodeln
d o u b le
qualité qu il a imagine do donner
à
la daniesa sœur*
D ’abord, qu’est-ce qu’ un prête-nom dans la réalité , et dans le sen»
des lois ?
�Si
m
( *7 )
C ’est une personne qui, pour accéder aux désirs d ’un autre, consent
à lui prêter sou nom dans une opération qu’elle se propose de faire.
Si le p rête-nom n ’en lire aucun bénéfice ( c e qui est rare ) } c ’est
un pur service ; si le prête-nom prend une rétribution, le service
ayant une récompense , n ’a plus autant de droits à la reconnaissance.
Mais , dans tous les cas possibles , il ne peut y avoir de prête-nom
sans un acte syn a lla g m a tiqu e, c ’est-à-dire, une convention par
laquelle les contraclans s’obligent réciproquement l’ un envers l’autre.
L a nécessité de cette convention résulte de ce que, sans cette p ré
caution, le prête-nom courrait personnellement toutes les chances
de l ’opération , et que celui auquel il aurait prêté son nom pourrait
être déçu de toutes ses espérances.
E n effet , si celui qui achète sous le nom d ’un autre , n ’a pas
fait une convention antérieure qui le prouve , comment pourra-t-il
forcer son prête-nom, qui est en qualité dans le contrat d’acquisition ,
à lui délaisser l’objet acquis? e t , si celui auquel 011 a prêté son nom
ne veut plus tenir ses engagemens
comment le prête-nom qui ne
devait être chargé de rien , et qui cependant est nominativement
obligé dans le contrat,pourra-t-il forcer l’autre à tenir ses engagemens?
Il est donc évident q u e , pour qu’il existe un p rê te -n o m , il faut
une convention antérieure ou authentique , ou du moins sous seingprivé , rédigée en autant d ’originaux qu’il y a de parties ayant un
intérêt distin ct, comme le veut l’art.
i 525
du Code K apoléon.
M. Aubier représente-t-il cette convention ? non. D onc il n ’a
pas eu de prête-nom dans l’acquisition qu’a faite ladame de St.-Mende.
Supposons qu’après son acquisition , la d a m e de S t.-M en de eût été
désavouée par M. son frè r e , qu’elle eût été poursuivie pour payer
la nation , et qu’ elle n eut pu se procurer de l ’a r g e n t, com m ent
serait-elle parvenue à forcer M. son frère à exécuter son marché ?
elle n’aurait pu y p a r v e n ir , parce que n ’étant lié par aucune con
vention antérieure y il lui ét^it impossible de le traduire devant
les tribunaux de Berlin , pour le faire condamner à remplir les
engagemens qu’elle aurait souscrits pour lui.
Il faut donc convenir qu’elle n ’était pas son p rê te -n o m , puis
qu 'elle n’ayait aucun titre ù faire valoir contre lui.
3
�Si elle eût été son p rê te -n o m , est-ce que M. Aubier aurait ea
besoin d’avouer et de ratifier ce qu’elle avaiL fait ? est-ce que , d ’un
autre c ô t é , la dame de S t.-M em le aurait eu besoin de son aveu
et de sa ratification ? leur convention aurait été leur l o i , et il n’a u
rait pas fallu autre chose que la montrer.
A p rès avoir fait voir que la dame de St.-Memle n ’a point été le
prête-nom de M. son f r è r e , allons plus a v a n t, et faisons sentir à
tout le monde que ni l ’un ni l ’autre n ’ont pu avoir cetto pensée
au tems de l’acquisition.
M. Aubier était en m ort civile au 25 therm idor an 4 . Dans cet
é ta t , il pouvait encore a c h e te r, vendre et d o n n e r, parce que ce
sont des contrats du droit des gens , et que les lois ro m ain e s, adop
tées par la jurisprudence française,accordaient cette faveur à celui
qui était en cet état.
Mais il faut prendre garde queles auteurs qui ont traité dé la mort
c iv ile , tels que R i c h e r , page 2o4 et 432 , L e b r u n , dan3 son traité
des successions , liv. i , chap. 2 , sec». 2 , n." 9 , rappellent que
les biens acquis par celui qui était en mort civile , passaient au fisc
après sa mort n a tu re lle ; et C u ja s, en ses observations } lib, Q >
cap. 2 5 , nous en donne la raison : c’e s t , dit-il, parce qu'un hom m e
jnort civilement ne peut pas avoir d héritier.
Si donc M. A u bier ne pouvait ignorer cette rigueur du d r o i t ,
c o m m e n t lui serait-il venu dans l’esprit de racheter ses biens par la
voie d’un p rê te -n om > p o u r , en cas de mort naturelle 3 les laisser
retourner au fisc }
Il y a plus : la rigueur des lois romaines n’était pas à com parer
avec celle des lois p o r t é e s contre les émigrés. L e corps politique >
tourmenté par une fièvre ardente , semblait ne pouvoir se désaLtérer qu’avec le
sang
de ses ennem is, et les emigiés fin en t mis en
prem ière ligne. La peine de m o r t , la confiscation, tout était employé
pour les ruiner et les détruire. O n n ’aurait pas souffert qu’ils jouis
sent en France des biens qu’ils auraient achetés , et s’ils avaient eu
la folie d ’acquérir } 011 leur aurait repris le lendemain
au raien t
racheté la veille. Ils 11e pouvaient tester
leurs droits , elle s’élait
réservé celui
ce qu’ils
la nation était ù
de succéder pendant 5 ®
ans pour c u j , e t de jouir dca usufruits (¿ui reposaient sur leurs têtes.
�( '9
)
C o m m e n t, sons une pareille législation , M. Aubier aurait il pensé
q racheter ses biens par la voie d’un prête-nom ? L a convention qu’-il
aurait passée à ce sujet avec sa sœur , n ’avait qu’à se découvrir par
quelque événement f o r t u i t , son bien retombait encore sous !e poids
cio la confiscation. 11 n ’avait qu’à venir à m o u r ir, ses enfans ne
pouvaient lui succéder , et c ’était encore le fisc qui devenait son.
héritier.
Madame de S t.-M e n d e ,
de son c ô t é ,
pouvait-elle servir de
prête-nom a son f r è r e ? Quelle garantie aurait-elle eue contre ce
fiè r e entièrement dépouillé ? Quelle action aurait-elle pu diriger
contre un homme mort civilement ?
M ais , flit M. A u b i e r , si ma sœur n ’a pas été m on prête-nom t
elle a du moins été ma mandataire.
Pas davantage , et la chose était encore plus impossible.
P o u r elre mandataire d’ un a u t r e , il faut deux c h o s e s , d’abord
qu’il y ait un m a n d a t, ensuite qu’on en fasse usage. O r quand on
supposerait , ce qui n’est nullement p ro u v é , que M . Aubier aurait
envoyé à sa sœ ur des pouvoirs confidentiels pour racheter son
bien , elle eût fait un acte de folie que de s'en servir; car alors la
nation aurait encore le lendemain repris ce qu’elle aurait vendu la
veille ; ou p lu tô t, comme les lois punissaient de m ort quiconque
entretenait des intelligences avec les é m ig ré s, si la dame de S t . Mende eût eu la témérité de se présenter avec une procuration
de son frère pour racheter ses biens , elle se serait jetée elle-m ême
dans le précipice. L a procuration
et le mém oire qu ’elle d i t ,
dans une de ses lettres , avoir présentés au d é p a r te m e n t, n’étaient
relatifs qu’à la radiation de M. A u b i e r , comme cela est avoué dons
l ’acte du 8 mai. M. Aubier était si éloigné de regarder la dame de
S t.-M e n d e , sa s œ u r , comme son prête-nom et sa m andataire,
qu il lui é criv it, peu do jours avant le mariage de son fils Jérôme f
que celui-ci a va it p eu r sans doute que son p è te on ses frères
le trompent. I l me semble cependant , ajoutait M. A u b i e r , que
nantie de tout t contre un père in scr it, sans titr e , sans qualité
p ou r agir , q u i , même après sa radiation , ne peut avoir que
ce que tu lu i céd era s , et p a r conséquent n’aura ja m a is de
�.\*
(
20
)
droit sur Sa u lzel } contre deux fr è r e s , à la vérité munis de
certificat de non-inscription , grâces à t o i, m ois étant à l ’étran
ger , n'ayant point de certifca t de résidence , p a r conséquent
ne p ou v a n t réclam er , de p lu s ne pouvant avoir que les droits que
tu leur transmettrais , il devrait être sans inquiétude,
V oilà qui est encore clair et décisif.
Mais , répond M. Aubier , si ma sœ ur n’a été ni mon p rê t e nom ni ma mandataire , pourquoi a-t-elle donc déclaré , dans l’acta
du 8 niai., qu’elle n ’avait acheté mes biens que pour me les con
server ? Pourquoi m ’a t-elle rendu un co m p te ? Pourquoi m ’a-telle demandé des ratifications et des garanties ? Pourquoi n ’a-t-elle
disposé de rien sans mon consentement revêtu de ma signature ?
Si elle était véritable propriétaire , elle était la maîtresse de faire
comme elle l’e n te n d a it, elle n ’avait pas besoin de moi. O u i , sans
doute , la dame de St.*Mende aurait pu agir comme maîtresse
absolue depuis son acquisition ; mais, pour rem plir ses intentions,
elle devait tenir la conduite qu’elle a tenue.
E lle n ’avait acheté vos biens que pour vous les transmettre ,
si votre demande en radiation prospérait , ou p ou r les em ployer
£ procurer des étal)hssemens et vos enfans . ce sont les termes
des actes du 18 floréal et du 10 prairial an 9. Or un prête-nom >
un mandataire n ’a rien à transmettre, puisque tout appartient à
celui auquel il a prêté son nom , ou à celui qui lui a donné ses
pouvoirs. Si donc la dame de St.-Mende a transmis à vous et à
votre
fils Jérôme
ce
qu’elle avait acheté
de
la nation ,
elle
ne l’a évidemment fait que par l’împulsion de son c œ u r , et non
comme y étant obligée par aucune des qualités que vous lui donnez
actuellement.
Si elle vous a rendu compte , c’est qu elle 1 a bien voulu j et
aussi vous d ites, dans l ’acte du 8 m a i , que vous avez exam ine
ce compte uniquem ent parce q u 'elle Vexigeait . E st-ce là le lan
gage qu ’on lient à un mandataire?
Si elle a demandé des ratifications , c’était pour tranquilliser
des acquéreurs tim id e s, q u i, avant le
18 f r u c t id o r , craignaient
une réaction , ou bien après votre radiation, pour leur servir de
preuve de votre ap p rob atio n , ce qui leur faisait plaisir.
�( 21 )
Si elle vous a fait stipuler des garanties , lors de la transmission
de vos biens , c ’est qu’il était bien juste qu ’en cas de recherches
au sujet de ces mêmes biens } vous l’indemnisiez , puisque voua
en aviez eu tout le profit , et qu’elle n ’en avait retiré que des
peines infinies : ce sont encore les termes de l’acte du 8 mai.
Si elle n ’a disposé de rien que conjointement avec vous , de votr»
co n sen tem en t, et sous l’approbation de vos signatures , c’est que
n ’ayant jamais eu d ’autre intention que de disposer des biens par
elle achetés que d ’une manière qui vous fût agréable et avanta
geuse à vous et à vos enfans, elle a voulu constater par vos signa
tures qu’elle n ’avait suivi à cet égard que vos propres déterminations^
L ’excès de la délicatesse l’a conduite, et aujourd’hui vous faites
ce raisonnement : « M a sœur a agi comme l ’aurait fait un prête-nom
» ou un mandataire , donc elle doit être regardée comme tel. »
V oilà tout le fondement de vos prétentio ns, mais il n ’a rien de
solide, parce que la différence est trop sensible.
L a dame de St.-M ende a agi dans votre i n t é r ê t , pas de doute;
mais elle n ’a agi que par sa propre im p u lsio n , et non par vos
o rd res, ni par l’efiet d ’aucune convention qui la soumît à faire
ce qu’elle a fait.
V oilà la pierre angulaire contre laquelle se brise tout votre s j's tême. P a r ses procédés généreux , elle a cru s’acquérir des droits
éternels à votre reconnaissance , tandis qu’elle en aurait bien peu
si elle s’était rangée dans la classe d ’un p rê te -n o m ou d’un man-:
dataire. Il est impossible que la justice prenne jamais le change
sur les motifs de sa conduite. E t dès-lors vous n ’avez rien à espérer
des tribunaux. L ’autorité publique a le droit de surveiller les actions
et de prendre connaissance des affaires des particuliers ; mais quand
elle ne voit que des actes de bienfaisance , elle se contente d'y ap
p la u d ir , et ne s’ingère jamais à en régler le mode et les conditions.
Q uant à la remise des papiers de famille , vous lui en avez donno
décharge par l ’acte du 8 mai. V os demandes conlre la dame votre
sœ u r doivent donc être re je tée s, car les magistrats, comme le public^
auront meme peine ù comprendre quelle illusion a pu vous décider
ù les m cllre au jour.
�M oyens de M . de St.-M ende.
M . A u b ie r a traduit son beau-frère devant la justice , et il a
pris contre lui trois chefs de conclusions , comme le prouvent ses
requête et exploit des 8 ju il le t i 5 ju ille t, ci-devant relatés.
Il v e u t , i.° que M. de S t - M e n d e , comme mari et maître des
actions dotales de sa fe m m e , soit témoin des débals touchant l’exé
cution du prétendu mandat qu’il prétend avoir donné à sa sœ ur
p our racheter ses biens ; 2.0 que M. de S t.-M e n d e le reconnaisse
pour seul héritier contractuel bénéficiaire de M. Antoine A u b i e r ,
son père ; 3 .° qu’il lui donne quittance de la dot qu’il a reçue.
L a réponse à ses demandes ne sera ni longue ni difficile , et
néanmoins elle sera pérem ptoire comme la précédente.
P r e m iè r e m e n t , M . de S t.-M en d e n ’a jamais voulu profiter des
avantages que les lois nouvelles procuraient à l u i , à sa femme et à
leurs enfans. Content de la dot faite à son épouse , il n ’a jamais été
tenté d’en prendre davantage. Profiter de la dépouille d ’un beau frèro
était une idée propre à le révolter. T o u t ce que-son épouse a fait lui
paraissait si digne de sou approbation t qu ’il ne s ’y est jamais
opposé.
Il savait qu’ elle n ’agissait que dans l ’intérêt de son frère ou de ses
en fa n s; m ais, quoiqu’il apperçût bien tous les dangers auxquels
e ’.le s’e x p o sa it, il crut devoir la laisser f a i r e , persuadé qu ’il existo
une protection
souveraine qui tôt ou tard couronne les bonnes
actions d’ un plein succès. Il voyait dans son épouse une sœur ardente
à sauver du naufrage les biens d ’un f r è r e , conduite par les sentiniens d ’une affection sans bornes, n’ayant que de bons desseins ; c ’en
était assez pour qu’il louât ses dém arches, au lieu de les contrarier.
Jamais il n’a pensé qu e, pour agir a in s i, elle fût le prête-nom ni la
mandataire de M. A u b ie r ; au co n tra ire, il a toujours cru que sa
conduite ne recevait d ’autre impulsion que de son cœ ur ; e t , coinmo
la dame de S t.-M en d e l’a démontré jusqu’à l’évidence da ns scs
m oyens personnels de défense , M. de St -M ende ne peut-être que
témoin de lu défuite de M. A u b i e r , et du rejet de ses demandes
relatives à son prétendu mandai.
�( *3
X
)
Secondem ent, il est vrai que M. A u b ier a été seul h éritie r institué
de son père , et que la dame de St. Mende , m oyennant une dot
fixée à 00,000 fr. , a renoncé à toutes successions directes et c o l
latérales. Mais qui est-ce qui a contesté ce fait à M. Aubier ? p e r
sonne. M. de St. Mende a -t-il demandé et reçu plus que le montant
de la dot qui lui avait été promise ? non. A -t-il pris quelque
portion dans la succession du chanoine A u bier , son beau-frère ?
non. D e quoi se plaint donc M. Aubier , puisqu’il a
pris avec
son fiis Jérôme l’entière succession de son père et de son frère ,
des mains libérales
de sa soeur ? M. Aubier se plaint de ce que
la dame de S t.-M en d e , sa s œ u r , a pris la qualité d ’ héritière en
partie de son père et de son frère le c h a n o in e , dans plusieurs
actes, tandis qu’elle n ’était qu’une fille dotée et renonçante.
V o y o n s donc si elle a eu le droit de
p rend re cette
qualité
tChéritière en p a r tie , qui e st-ce qui la lui a donnée , qui est-co
q u i l ’a reconnue comme t e l le , et si on peut maintenant la lui ôter.
Ce n ’est point M. de S t.-M en d e qui a fait donner à sa fem m e
la qualité d ’héritière en partie de son père et de son frère Je
ch a n o in e , car il est constant qu’il ne s’est mêlé de rien. C ’est la
loi seule qui la lui a donnée : en voici la preuve.
L ’art. I X de la loi du 5 brumaire an a a prescrit le partage
par égalité de toutes les successions directes et collatérales
ouvertes
depuis le i 4 juillet 178g.
L ’art. I X de la loi du 17 nivôse suivant l ’a ordonné de m ê m e ;
et l ’art X I a voulu que les dispositions contractuelles faites en mariant
un héritier présom ptif ne pussent lui être opposées pour l’exclure
du partage é g a l , à la charge de ra p p orter ce qu ’il avait reçu lors
de son mariage.
L ’art. 1 " de cette loi avait annuité les institutions contractuelles
dont l’auteur était encore v i v a n t , ou qui n ’etait décédé que depuis
le 1 4 juillet 1789.
Ces deux lois de brumaire et de nivôse contenaient évidemment
un effet rétroactif. Il fut détruit par la loi du 9 fructidor an 2 , qui
décida que ces lois n ’auraient d ’effet touchant la transmission des
biens qu à compter do leur promulgation. L a loi du .î vendémiaire
&u 4 s u r v in t, qui régla le mode de restituer aux héritiers rétablis
�( 2i
^
les Liens
qui avaient clé
soumis
)
au partage
d’égalité ; or ces
Tiérifiers rétablis étaient ceux dont les auteurs étaient décédés avant
la loi de nivôse. E t comme M. A u b ie r , père co m m u n , ¿taitdécédé
avant cette loi , son institution contractuelle restait toujours valable ,
et la dame de St. Mende n ’avait droit qu’à une légitime de r ig u e u r,
mais elle avait droit au partage d’égalité de la succession de son frère
le chanoine, mort ab intestat. A u s s i , lorsqu’au a 5 thermidor an 4 ,
la darne de St. Mende acheta lés biens délaissés par son p è r e , et
son frère le chanoine , TAdministration départementale régla ses
droits à une légitime de rigu eu r, c ’e st-à -d ir e , d'un neuvième dans
la succession de son p è r e , et à la moitié de îa succession de son
frère le ch an oin e, revenante , dit l’arrêté de l’Administration x à
M a rie A u b ie r , acquéreuse , comme héritière dans cette propor~
iion fie Jean-B aptiste A u b ie r , son frère..
L.a qualité ¿Vhéritière lui fut donc imprimée par l ’Adm inislration départem entale, d’apres les lois existantes ; mais , comme la
République représentait le frère é m ig r é , elle s’attribua le béné
fice de l’institution faite en sa faveur.
Depuis cette époque est survenue la loi du 18 pluviôse an 5 ,
q u i , par son art. X , a déterminé que les filles forcloses par les statuts
seraient appelées au partage des successions ouvertes postérieure
ment à la publication du décret du 8 avril 1791 , et que les filles
qui auraient renoncé dans les p ay s de non-exclusion prendraient
p art au partage des successions ouvertes depuis la publication de
la loi du 5 brumaire an 2.
Il résulterait donc de cette loi ( si tout n ’avait été réglé auparavant
p ar l’arrêté de l’administration d é p a r te m e n ta le ), que la dame do
S t .- M e n d e , quoiqu’ayant renoncé à toutes successions directes et
collatérales dans son contrat île mariage passé à Clerm ont ( pays de
droit écrit ou de non exclusion ) , a dû partager la succession de son
père , mort après la loi du 5 brumaire an u , et qu’ainsi la qualité
d ’héritière en partie de son père et de son frère lui ayant été
donnée par la loi ir.êm e, personne ne peut ni lu lui contester , ni
la lui ôter.
Il suffirait même que l ’administration
départementale
lui eût
imprimé celte qualité, pour que Ai. Aubier n ’eût rien à dire , parco
�(
25
)
q u ’n!ors la nation le r e p ié s e n ta it, et qu’un émigré rayé ou amnistié
doit prendre les choses en l’élal où elles se trouvent. D ’ailleurs , les
tribunaux ne peuvent rien changer aux arrêtés des corps adminis
tratifs , puisqu’ils n’ont pas même le droit de les i n t e r p r é t e r , et
q u ’en cas de dispute sur leur véritable sens , il faut absolument leur
en faire le renvoi, pour qu’ ils y statuent eux-mêmes.
*11 n’y a pas d ’exemple d’ un procès aussi extraordinaire que celuici. M. Aubier a Un-même reconnu sa sœur en qualité A'hèrU i re
en partie de son père et de son fr è r e , dans l’acte du 8 mai. 11 lui a
promis une pleine garantie pour tout ce qu’elle aurait fait en celte
qu alité; et voilà qu’oubliant son propre fait,
il veut que M. de
St.-Mende en réponde , q u o iq u e M .d e St.-Mende n ’y ait coopéré
en rien. C e n ’est pas tou t: M. de S t.-M en de pouvait exiger que sa
femme conservât pour elle et ses enfans les portions de biens qi,e la
nation lui a délaissées comme héritière de son père pour un neu
vième
et comme héritière pour moitié de son frèie le chanoine",
et cependant il lésa refusées pour augmenter la fortune de M. Aubier.
Com ment comprendre qu'un pareil acte de générosité lui vaille un
procès ?
L a qualité d ’héritière est imprimée par la loi même sur la tête de
la dame de S t.-M en de , et M. A u b ie r , après l’avoir reconnue , p ré
tend la lui ôter !
Cette qualité n’ a tourné qu’au profit, de M. A u b ie r , et c’ est lui
qui s’en plaint ! Pourrait-on jamais croire des singularités de cette
espèce ?
T ro isiè m e m en t, et relativement à la quittance de la d o t , M .
Aubier en a déjà plusieurs. Com bien lui en faut-il ?
Par l'acte du 8 mai , Madame de S t.-M e n d e reconnaît qu’il ne
lui est plus dû que 9,ooo liv. sur sa légitim e, et en marge est la
quittance de ces 2,000 liv. , signée de M. de S t . - M e n d e , à la date
du 7 vendémiaire an 11.
D e p u is , M. Aubier a reçu diverses lettres qui prouvent qu’il ne
doit rien rie la légitime de sa sœur ; et enfin , pour lui com plaire,
011 lu ia o lle r t une nouvelle quittance le 28 juillet d e rn ie r, et il l’a
refusée ; elle est encore dans notre d o s s i e r .
T o u t ce que M. do S t.-M en do vient de dire p our sa défense est
4
�tellement d écisif, que M. Aubier doit se reconnaître vaincu aussi
bien par son beau-frère que par sa soeur.
§.
III.
M oyens de la D am e veuve de la M onteilhe,
L ’intervention de la dame veuve de la Monteilhe , tant en son
nom que comme tutrice de ses enfans , était nécessaire , parce qu’en
définitif c ’était sur elle et sur ses enfans que devait porter tout le
poids de la contestation.
E n e f f e t , si la dame de St.-M en de n ’avait été que le prête-nom
ou la mandataire de M. Aubier dans son acquisition de la nation ,
il en résulterait un litige forcé sur la validité de la transmission
du domaine de S a u lz e t, faite à Jérôme A u bier par la dame de S t .M ende et par M. Aubier lui-m ême.
M. A u bier ou ses enfans auraient dit que la transmission de ce
domaine n ’avait pu s’opérer par la dame de S t.-M en d e ^ jugée
n ’être ni acquéreuse ni propriétaire v é rita b le , et que cette trans
mission émanée de M. A u b i e r , jugé véritable acquéreur sous le nom
de sa sœur , ne pouvait valoir que pour la portion héréditaire
de Jérôme Au bier , dont les enfans auraient été tenus de rapp orter
à la succession de leur grand-père le domaine de Saulzet pour c i r e
partagé en trois lois.
On pouvait même appréhender que M . A u b ie r n ayant signé la
subrogation de ce domaine que pendant sa mort c iv ile , son consen
tement ne devînt l’objet d ’une discussion.
Toutes ces considérations ont déterminé le conseil de famille à
autoriser la dame yeuve de la Monteilhe à soutenir les droits de ses
enfans.
F rap p ée de la solidité des moyens développés par la dame de
St.-M ende , elle n ’a point à craindre qu’on répute cette dame prêtejiotn ni mandataire de son frère dans son acquisition de la nation;
et dès-lors la subrogation du S a u lze t, fuite par la dame de S t.M ende à Jérôme Aubier ; conserve loulc sa force c l doit produira
tous ses effets.
�( 27 )
Néanmoins il est à propos de faire sentir u la justice que , quelque
convention qui eût pu exister entre la dame de St.-Mende et son
frère , la dame de la Montcillie et ses enfans
n ’auraient jamais
dû en être les victimes.
L a dame veuve de la Monteilhe s’est mariée avec Jéiôme Aubier.
E lle était alors veuve de M. de Bullion. Elle avait une propriété
personnelle , plus la jouissance des gains nuptiaux que lui avait
assurés son prem ier m a r i , un trousseau et des bijoux d’ une valeur
assez considérable.
E lle
pou vait
être certaine de trouver 25 o,ooo fr.
pour sa portion dans la succession de ses père et m ère ; et ceuxci , en attendant, lui constituaient un revenu annuel de 2}5 oo fr.
A la v é r i t é , elle avait une fille de son prem ier mariage ; mais le
patrim oine de M. de Bullion , son père , et l ’hérédité universelle
de sa grand’m è r e , procuraient à celle demoiselle une assez jolie
fortune personnelle pour n ’êlre jamais à charge à sa mère.
Dans cette situation, Jérôme Aubier l’a recherchée en mariage.
L e s intérêts des deux époux ont été examinés et déterminés par
deux jurisconsultes distingués et par vingt-cinq parens. L ’arrêté
de famille du io prairial an 9 en fait foi. Cet acte fut l’ouvrage
de M. A u b ie r , et il fut trouvé si parfait par les ju risconsu ltes,
q u ’ils l’approuvèrent en tous points. L a preuve s’en trouve encore
dans cotte même lettre écrite par M. A u bier à sa s œ u r , dont nous
avons déjà cité un passage. Elle commence ainsi :
Je devais , ma chère, amie , a ller te voir hier 3 et te porter
l ’acte que j'a v a is p rojeté , il y a six jo u rs. I l avait eu Vap
probation de Pâgés et B c ir o t, sans changer une virgule. Oit
m 'a traîné dix fo is de Coste à P a rtis , de D artis à liio m , etc.
parce que, d isa it-o n , la subrogation étant sans p rix donné p o u
vait être critiquée. B o ir o te t Pages trouvaient q u e, relativem ent
A un acte de fa m ille de bonne f o i , l ’ objection était ridicule.
J ai d u à Caste , auteur de l'objection , q u ’ elle était de p lu s
indecente , et j e l'a i dit a la DIonteilhe , qui revient dix fo is
en a rriéré , « /a crainte que ses avantages ne soient p a s bien
consolidés. P e u m'importent toutes ces difficultés.
C e lle lettre finit par ces mots : L e projet du contrat de m ariage
est littéralement de P a g é s , j ’ avais seulement ajouté l ’ article ,
page 4 .
—
�L a dame de St.-Mende subrogea Jérôme Aubier au domaine du
Saulzet ; et M. A u b ie r , son père , consentit à ce qu’il se constituât
ce bien en mariage. E t ce fut sous la foi de cette constitution
que le mariage a eu lien , et qu’il fut stipulé dans le co n tra t, qu’en
cas de p rédécès, les époux se donnaient mutuellement l’usufruit
de la moitié de leurs biens.
On sait que des conventions matrimoniales sont sacrées , que
la bonne foi doit y présider , et qu’étant le gage de l’ union des
époux et de leurs deux familles , elles sont aussi le fondement de
la fortune des enfans qui naîtront du mariage. On n ’ignore pas
non plus que les droits des tiers sont sous la protection spéciale
des lois et de la justice.
O r la dame de la Monteillie et ses enfans pourraient-ils jamais
souffrir des arraiigemens secrets qui auraient pu avoir existé entre
M . Aubier et Madame de St.-M en de, sa sœ u r? non.
Nous en avons une preuve bien récente dans une circonstance
semblable , qui a donné lieu à une affaire jugée en la cour de
cassation le i . " août dernier , rapportée dans le journal de M.
i
D e n e v e r s , page 4 oy du 10.' cahier de cette année.
L a demoiselle Iiereur-de-M alans, inscrite sur la liste des é m ig ré s,
n ’a été éliminée qu’en l’an g ; et en l ’an 1 2 , elle fut interdite
pour cause de démence. E n l’an 4 , elle avait donné une partie de
ses biens au sieur Higonaux par contrat de mariage.
A p rès son interdiction , son curateur attaqua de nullité cette
donation ; m ais, par arrêt rendu le 5 o mars 1 8 1 0 , la cour de
Besançon l’a m aintenue, « attendu que la loi du 12 ventôse an 8 ,
)) qui frappait de mort civile la demoiselle de Alalane , ne pouvait
» avoir l’effet d ’anéantir, au préjudice d'un tiers , les droits qui lui
» étaient acquis par la donation , avec d autant plus de raison ,
}) que le mariage du fils Rigonaux n ’a eu lieu que sous les auspices
» de cette donation , et que ce serait p riv e r deux familles et les
» enfans issus de ce m ariage, de l’e(Tet d’une libéralité fuite dans
» les formes voulues par la l o i , et sur laquelle ils ont dû compter. »
Cet arrêt a été attaqué , mais la cour do cassation a rejeté lo
pourvoi des héritiers de ]\lalaus ,
»
Attendu (¡u’avant la promulgation du code Napoléon , la dona-
�( 2g )
S 2 5
)> tion entre-vifs éta it, comme appartenant au droit des gens , et
3) non au droit c i v i l , au rang des actes dont les individus morts civi» lement étaient capables ; qu’ainsi la demoiselle de Malans a pu t
)> quoique frappée de mort c iv ile , transmettre valablement partie
» de ses biens à Rigonaux fils , p a r la donation insérée au contrat
» de mariage dudit Rigonaux du g frimaire an 4 , et que la dis—
» position de l’arrêt attaqué qui maintient cette donation , est
)) conforme aux principes et aux lois de la matiere. ))
O n voit , par cet a r r ê t , que les signatures de M. Aubier aux actes
de subrogation du domaine de Saulzet, quoique données pendant sa
inort civile sont valables , et qu’ainsi , sous tous les rapports , le
domaine de Saulzet a été irrévocablement assuré tout entier à Jérôme
Aubier j on voit que les droits des tiers ne peuvent recevoir aucune
atteinte ; on v o i t , enfin , que des conventions matrimoniales doivent
cire respectées. Dans l’espèce actuelle, la dame veuve de la Monteilhe
a de plus la satisfaction de reconnaître que la dame de S t.-M en d e
étail seule propriétaire du domaine qu’elle a cédé à Jérôme Aubier ,
ce qui tranche toute difficulté et dissipe toutes ses inquiétudes.
Elle ne peut néanmoins qu’êlre surprise d’entendre son beau-père
alléguer qu’il n ’aurait pas consenti a la transmission de l’entier
domaine de S a u lz e t, s’il n ’avait été trompé sur sa valeur ; qu’on lui
avait persuadé qu’il n’était afiermé que 5 ,ooo fr. , et que dans cette
proportion avec la masse de ses b ie n s , il n ’avait vu aucun obs
tacle à en saisir son fils Jérôme.
Comment M. Aubier peut-il tenir ce langage ? ... il ne pouvait
pas ignorer la vraie valeur du domaine de S a u lz e t, car dans son m é
moire (page 54 ) , il dit que M. son père l ’a acheté i o 5 ,ooo fr. en 1788.
L e s vingt-cinq parensqui ont été témoins de la subrogation de la dame
de St.-Mende connaissaient aussi la vraie valeur de ce bien. Environné
de tant de lum ières, à portée de juger par lui*mème , croira-t-on
qu’il ait agi par imprudence ? et c ’est après dix ans de mariage de
sa belle-fille , après le décès de son fils , qu’il fait une pareille
réclamation ! E s t - c e que l’acte du 8 mai ne prouve pas qu’il a voulu
fixer ses principales propriétés sur la tête de ce fils ? n est-il pas
constant que le domaine de Saulzet était la propriété principale»
de toutes celles achetées par la dame de St.-M ejide ?
/
�I
* i
(
So
)
M. Aubier se récrie aujourd'hui sur ce que le domaine de Saulzet,
fixé sur la tête d ’un de ses fils , met ses deux autres fils dans
le cas de n ’avoir point de légitime à sa m o r t, comme si la daine
de St.-Mende l’avait violenté dans cette résolution ; tandis qu’on
a v u , et par la c l e du 8 m a i , et par sa lettre à su soeur, que la
subrogation du Saulzet en faveur de son fils Jérôme, fut toujours
dans son intention , el qu’en cela même M. Aubier ne blessait point
la portion héréditaire de ses deux autres fils , sous le rapport des
dispositions du code Napoléon , qui leur servira de règle.
Pour bien ju ger
des choses , il faut se reporter au tems où
elles ont été faites, et apprécier l’esprit qui les a dictées. O r , le
domaine de C rêve-cœ u r , le grand verger , valent bien 100,000 fr. ,
et au tems de la subrogation du domaine de Saulzet
M. Aubier avait
encore plus de 80,000 fr. à espérer d’une liquidation du G o u v e r
nement. N ’y avait-il pas là de quoi assurer la légitime de ses deux
fils ? et fraudra- t-il
parce que celte liquidation est tombée en
déch éan ce, que la veuve et les enfans de Jérôme Aubier en sup
portent la perte ? non. C ’est en vain que M. Aubier colore son
attaque d ’un v if sentiment d ’intérêt pour ses deux fils , il a fait pour
le mariage de son autre fils J é r ô m e , tout ce qu’1111 père pouvait
faire , sans
que ses
autres enfans accusent
son coeur ni
sa
sagesse.
C ’est encore bien vainement qu’il veut persuader à la dame veuve
de la Monteilhe , qu’en assurant par de nouveaux actes à ses p etitesfilles la moitié du domaine du Sau lzet, il leur ferait un bien r é e l ,
et les mettrait à l’abri des attaques que pourraient un jour leur faire
les enfans de S t .- M e n d e , car elle n’a aucune inquiétude
de ce
côté-là.
Q u ’est-co que les enfans de St.-M ende pourraient demander aux
enfans de la dame de la M onleilhe ? quelles seraient leurs p r é
tentions ?
Suivant M. Aubier , les héritiers de St.-M ende pourraient récla
m e r tous les biens achetés de la nation par leur mère , sous le pré
texte que s’étant mariée d o ta lcm e n t, toutes ses acquisitions étaient
nécessairement dolalcs et inaliénables.
�( 3i )
Quand la daine veuve de la Monteilhe n ’aurait pas tous les motifs
qu’elle a de croire à la délicatesse des enfans de St.-Mende , qui se
feront toujours honneur d’imiter leurs pere et m e r e , en- v é r i t é ,
elle ne les craindrait pas.
La subrogation du domaine de Saulzet a été consentie au profit
de son mari par la dame de S t.-M e n d e , comme maîtresse de ses
biens aventifset paraphernaux ; or cette qualité lui a été reconnue
par M. Aubier dans tous les actes qu’il a passés avec elle, et par M. des
S t . M e n d e dans l’arrêté de famille du 10 prairial an y. D ’après c e la ,
comment les enfans de St.-Mende pouiraient-ils s a\isei de donner ,
iur cette qualité r e c o n n u e , même par vingt-cinq pareils et par les
jurisconsultes qui ont signé cet a c te , un démenti à leurs père et
m è r e , et aux deux familles Aubier et Cham pilour ?
L e s biens acquis par la dame de St.-Mende et ceux que l’admi
nistration départementale lui a délaissés en qualité d'héritière pour
un neuvième de son p è r e , et pour moitié de son f r è r e , et qu elle a
ensuite transmis à ce frère et à son fils Jérôme , lui étaient véri
tablement aventifs et
paraphernaux.
La
raison
en
est toute
évidente.
Dans le principe , la dame de St.-Mende avait été mariée avec une
dot fix e , moyennant laquelle elle avait renoncé à toutes successions
directes et collatérales ; mais son contrat de mariage ne porte nul
lement qu’elle se soit constituée en dot ses biens présens et à venir.
O r , comme les articles i / r et 8 du chapitre
i 4 de la Coutuir.e
d’Auvergne , à laquelle M. et Madame de St.-Mende se sont e x p r e s
sément soumis par leur contrat de mariage , répute aventifs et p ara
phernaux tout ce que la fille qui a une dot particulière peut avoir
d ’ailleurs , il est clair que les portions de successions que Madame
de St.-M ende a recueillies an delà de sa dot de 50,000 1. , s o i t comme
héritière de son père , soit comme héritière de son frère le chanoine,
lui est a ve n lif et paraphenuil ;
voyez Chabrol ,
sur l’article 8
précité. L lle a donc pu l’aliéner ensuite à son gré , sans mêm e
1 autorisation do son m a r i , parce q u ’avant le Code , cette auto
risation n était pas nécessaire.
Maintenant qu il est reconnu que la dame do St.-M ende a eu des
biens aventifs et paraphernaux , personne ne peut soutenir que
ses acquisitions soient dotales et inaliénables,
�f C ’est d ’abord une très-fausse idée que de vouloir répnier dotales
et inaliénables des acquisitions faites par une femme niariee , quand
jmême elle se serait constituée en dot ses biens pjésens et à venir.
Dans ce cas là m ê m e ,
ses
acquisitions sont réputées appartenir au
mari. L a loi Quint us M utins 5 i , //• de don. ¡nier vir. et ux. le
d é c id e , e t e l l e a été
adoptée dans
notre jurisprudence. M. C h a b ro l,
liv. 1 , p. 5 i , fait voir par des exemples que ces acquisitions entrent
dans le patrimoine du mari. A i n s i , dans cette hypothèse m ê m e ,
M. de St.-M ende ayant signé la subrogation du S a u lz e t, cette trans
mission consentie par lui-m êm e serait suffisante pour empêcher tes
enfans de la critiquer.
Dans notre hypothèse , il s’agit évidemment de biens p ara p h e rnaux transmis par la dame de S t.-M en de , qui en était dame et
jn a îtresse , comme s’exprim e l’art. 1 du chap. i 4 d e là Coutume.
Com m ent donc ses enfans pourraient - ils attaquer cette trans
mission ?
A la mort de Madame de St -Mende, ils pourraient d i r e , à la vérité,
que les subrogations faites par leur mère ne sont pas de véritables
aliénations; que celle du grand v e r g e r , à la date du 5 fructidor
an g , n ’a aucun prix , et que celle du Saulzet n ’est grevée que
d é ch a rg é s et conditions utiles à M. Aubier et à ses deux fils, et
n ’a rien produit à leur mère ; q u ’ainsi tous ces actes ne peuvent
être considérés que comme des donations
Partant de-là , ils invo
queraient l’article g i 5 du code Napoléon pour établir que leur
mère n’ayant pu donner à des étrangers que le tiers de ses b ie n s,
lesd& ux autres tiers de ce6 acquisitions leur reviennent p a r la force
de la loi.
Cette difficulté semblerait présenter des suites fâcheuses ; mais co
danger qui est dans l’ordre des possibles , a peu d ’npparence et
moins encore de réalité : d’une part , M.
épouse , fille de M. de S t.-M en d e , ont
de Chardon et son
signé l’arrêté de famille du
j o prairial ail (| ; M. de Chardon a encore signé l’acte du 8 mai, et
par un écrit particulier il a itérativement reconnu et confessé que
la dame de S t.-M e n d e , sa belle-mère , n'avait acheté de la
nation les biens de son fr è r e que p ou r les conserver aux enfans
�de ce frère , et qu'ainsi lesdits biens ne fo n t p oint p artie de la
succession de la dame de St.-M ende.
L e fils (le Madame de St.-Mende fait une pareille déclaration. Ainsi
quelle inquiétude peut-on avoir du côté des enfans de St.-M ende ?
Veut-on quelque chose de plus f o r t ? il est facile de consolider
ces déclarations , et de leur donner plus d ’authenticité. Il suffit
d’appeler en cause les enfans de S t.-M e n d e } qui les réitéreront
devant la justice.
L e jugement qui donnera acte de leurs déclarations ne sera point
susceptible d ’être attaqué par eux par voie de tierce opposition après
la m ort de la dame de St.-Mende ; car cette voie n ’est ouverte qu’à
ceux qui n ’ont pas été parties dans les jugeraens } suivant l’art. 4 y 4 du
code de procédure. Ils ne pourraient se pourvoir non plus par
requête c i v i le , n ’ayant à faire valoir aucun des m oyens indiqués
par le titre 2 du livre 4 du même Code. D ’ailleurs , le code Napoléon
ne prohibe point de pareilles déclarations. N ulle loi ne force p er
sonne à garder dans son patrimoine des biens qu’elle ne croit pas en
honneur pouvoir retenir , et qu’elle n ’a achetés que pour les conser
v e r à un autre , et avoir le plaisir de les lui transmettre. Quand
on supposerait donc qu’après un pareil ju g e m e n t , les enfans de
St.-M endë voudraient se déshonorer publiquement en attaquant
M . Aubier et les filles de Jérôme A u b ie r , ils seraient victorieuse
ment repoussés, i.° parce qu’aucune voie judiciaire ne leur serait
ouverte pour attaquer ce jugem ent ; 2.0 parce que leurs déclara
tions s’élèveraient contr’e u x , et qu’ils ne pourraient pas les faire
considérer comme de simples actes de soumission et de déférence à
la volonté de leurs père et mère ; puisque , loin qu’ils soient suspects
d ’avoir participé à aucune fra u d e , la bonne foi de leurs déclara
tions se trouvera justifiée par tous les actes qui auront servi de base
au jugement.
I) après cela , on ne voit pas com m ent jamais les enfans de
Jérôme Aubier pourraient être troublés dans la propriété de l’entier
domaine du Saulzet. Ils n ’ont donc à craindre que leur grand-pere
puisque, sous le prétexte de leur assurer irrévocablement la moitié
de ce dom ain e, il leur euléve l’autre m o itié , et rompt à l’inslant, de
5
�son autorité , les conventions matrimoniales de leurs père et mère.
C e p e n d a n t, si l’on en croyait INI. A u b ie r , ses petites filles seraient
dans un danger im m in e n t, et il y aurait une imprudence extrêm e de
la part de leur mère de ne pas préférer les avantages certains qu’i!
leu r offre aux incertitudes de l ’avenir. E h bien! ne nous contentons
pas de sonder le terrein , puisque M. Aubier prétend
ferm e
qu’il re n
un volcan capable de renverser un jo u r toute la fortune
de ses p e t ite s - f ille s ,
creusons ce te r re in , vérifions-le dans tous
les s e n s , et n ’ayons rien à nous reprocher.
Supposons l’impossible , plaçons-nous au centre du danger dont
on menace la dame veuve de la Monteilhe et ses enfans , et cal
culons si les effets du mal prévu seraient dans le cas de faire regretter
un jour des offres gracieuses qui l’auraient prévenu.
Adm ettons pour un instant qu ’à la mort de la dame de St. M en d e,
ses enfans ne soient arrêtés par aucune considération , par aucun
m oyen ni de fo r m e , ni de d r o it, qu’ils trouvent une justice capa
ble de consacrer leur in ju stice , c ’e s t-à -d ir e , de faire entrer dans
la succession de cette dame tous les biens par elle acquis de la
nation , et de décider qu’elle n ’a pu en sortir que le tiers par voie
de donation.
Dans ce cas , on trouverait que sa succession serait forte de
216,000 fr., savoir, sa dot de 5 o,ooo fr , le Saulzet valant i 5 o,ooo f r . ,
le grand verger 5 o,ooo fr. , et les héritages vendus à Malintra ou
ailleurs par M. A u b i e r , 6,000 f r . , le tiers serait donc de 72,000 f r . ,
irrévocablement acquis aux enfans de Jérôme Aubier. Joignons-y le
tiers du domaine de C r ê v e - c œ u r , qui appartient aux enfans (le
M. A u bier , et qui vaut au moins 54 ,000 fr. , il est clair que ses
petites filles auraient toujours 90,000 fr. Si les acquisitions deMadaino
de St.-M ende pouvaient être réputées appartenir au mari , le tiers des
biens de celui-ci formerait plus de i5 o ,o o o fr.
L orsqu e M. Aubier prétend que ces donations n ’en ont pas la
forme , il ignore donc quo , par plusieurs a r rê ts , la Cour de cassation
a jugé que les ventes simulées sont reputees donations valables pour
Ja portion disponible, quoique non revetues des formes des donations.
M aintenant, qu’auraient-elles d’assuré, si la dame veuve de la
�( 55 )
$ "£ > I
Monteilhe , leur mère , préférait les avantages qne leur offre leür
g ran d-père? elles auraient la moitié de sa succession , savoir , le
quart en préciput , et un autre quart pour leur portion héréditaire
dans les trois quarts. Si la fortune de M. Aubier se co m p osa it, à
sa m o r t , du Saulzet et du grand v e r g e r , on trouverait 180,000 fr.
an prix que nous avons porté ces mêmes biens ; m a is , comme
il prétend avoir 20,000 fr. de dettes , il ne resterait que 160,000 f r . ,
en sorte que les demoiselles la Monteilhe auraient 80,000 fr. p ou r
leur m o itié , plus 18,000 fr. dans le domaine de C r e v e * c œ u r , en
tout 98,000 fr. , ce qui présente une différence de 8,000 fr. de
bénéfice sur ce qu ’elles auraient, au cas où les enfans de St.-M ende
parviendraient à les spolier tout à leur aise.
Mais qui p eu t, répondre que M. Aubier laissera dans sa suc
cession 160,000 fr. ? S ’il était reconnu qu’il a racheté de la nation
ses propres biens par la voie d’un prête-nom ou d ’ un mandataire ,
il serait le maître de réduire sa succession bien plus bas ; c a r , quand
il ferait donation de la moitié du S a u lz e t, et mêm e du grand verger
à ses petites-filles , elles ne seraient pas pour cela sûres de la garder.
M. A u bier pourrait vendre l’autre moitié du Saulzet pour payer les
dettes qu’il prétend a vo ir, ou qu’il contracterait jusqu’à sa mort.
Alors resteraient le grand verger , et la moitié donnée du S au lzet,
qui feraient n 5 ,ooo f r . , dont ses petites-filles auraient la moitié
de .67,500 f r . , qui , réunis aux 18,000 fr. de Créve-coeur , feraient
75,5oo fr. , somme inférieure de i 4 , 5 oo fr.
à celle qui ne p e u t
jamais leur échapper , malgré les entreprises et les succès supposés
des enfans de St.-Mende.
Mais s’ il était vrai encore que l’épouse de M . Au bier eût des
créances considérables à exercer sur les biens de son m a r i , com m e
elle s’en vante p ubliquem ent, il serait possible qu ’elle s’em parât
du grand verger , et il 11e resterait à partager que la moitié du
S au lzet, c ’est-à-dire que la portion des demoiselles la Monteilhe
serait reduite à û2,5oo francs q u i , joints
aux
18,000 francs de
C r e v e - c œ u r , feraient 5 o, 5 oo francs. Ces calculs nous font voir que
la dame veuve de la Monteilhe ne p eu t, ni pour son intérêt, à
cause de sou usufruit et de sa portion dans la succession de sou
'
�( 36 )
y a
fils , décédé après son père Jérôme , ni pour l’intérêt de ses enfans ,
accepter les offres de M. A u b ier , puisqu’il est évident que , dans la
position la plus fâcheuse , les demoiselles la Monteilhe auraient presqu ’autant que si la succession de leur g ran d-pèie devait compii-mlre
tous les biens achetés de la nation par la dame de St.-Mende , et
q u ’en acceptant ses offres, elles courraient des dangers beaucoup
plus grands que celui dont on leur fait peur. Com m e le danger
re la tif aux enfans de St.-Mende n ’est qu’une chimère , M. Aubier
trouvera bon qu’elles préfèrent une fortune de i 5 o,ooo francs à une
nouvelle donation qui commencerait par leur en enlever la m oitié,
sans même pouvoir leur garantir l ’autre moitié.
D ’après c e la , M. Aubier peu t-il tant s’étonner que sa belle-fille
soit intervenue dans une contestation qui l’intéresse si é m in em m en t,
ainsi que ses enfans ? Devait-elle suivre le conseil qu’il lui donnait
d attendre les évènemens , sous le prétexte que la voie d e là tierceopposition lui serait toujours ouverte ?
Si M. A u b ie r eût réussi à faire déclarer sa sœur son prête-nom
ou sa m a n dataire, et que la dame veuve de la Monteilhe ou ses
enfans eussent attendu la mort de M . Au bier ou de Madame de St.M ende p our s’en plaindre , elles auraient vu alors si leur tie rce opposition aurait fait fortune , ou plutôt elles ne seraient pas arri
vées à cette é p o q u e , sans ressentir tous les fâ ilieu x effets de leur
silence.
Si la dame veuve de la Monteilhe ne fût point in terv en u e, elle
aurait manqué de prévoyance , elle aurait fait une faute impardon
nable , surtout pour une mère tutrice. L a dame de St.-M ende seule
n ’avait qu’à succomber , faute du développement de
tous ses
m o y e n s , il serait arrivé que M . A u b ie r aurait fait tout ce qu’il
aurait voulu.
Supposons qu’il n ’eût rien vend» , ses petites-filles n’en auraient
pas moins passé dans te public pour ruinées de la moitié de leur
f o r t u n e , et par conséquent auraient été très-embarrassées lors de
leur établissement.
Supposons que leur grand-père eût vendu une partie du do
maine de Saulzet pour payer les 20,000 fr. qu’il prétend devoir ,
�c 57
)
aussitôt sa "belle-fîlle était obligée de former tierce opposition au
jugement qu’il aurait obtenu contre sa soeur.
Is'e valait-il pas m ieux intervenir de s u i t e , profiter des p iè c e s ,
des documens et des moyens de Madame de St.-Mende , et par
un concert de justice et de raison , arrêter le mal dans sa source ?
Si M. A u bier ne veut pas convenir de cette v é r ité , tout le monde en
conviendra pour lui. L a dame veuve de la Monleilhe arrelerail~la
sa d éfen se, si M. son beau-père ne l’avait forcée d ’y ajouter quelque
chose.
E lle lui demandera d’abord à quelle fin il a p lacé, dans la page 5 i
de son m ém oire, une note tendante à faire croire qu’elle est plus
que ruinée , puisqu’il lui attribue seulement 4 ,000 fr. de revenus ,
chargés d'un paiement annuel de 6 , 5 oo fr. Cette note n'était d’aucuue
utilité pour la cause de M. A u b ie r ; c a r , la fortune plus ou moins
grande de la dame la Monteilhe ne peut influer sur la question de
s a v o ir , si la dame de St.-M ende a été son prête-nom ou sa manda
taire. Il y a plus , cette note tournerait dans la cause au profit de la
dame la Monteilhe ; car moins elle aurait de fortune , plus la justice
devrait se refuser à lui en ôter. E n ajoutant cette note dans son m é
m o ire , M. Aubier aurait dû sentir q u ’elle était pernicieuse pour
la tille aînée de Madame la M o n te ilh e , arrivée dans l ’âge d ’un
établissement ; que c’était faire un mal gratuit à la m ère et aux
enfans qui ne le méritaient certainement pas.
L a dame
veuve
de la Monteilhe
défend
ses droits
et ceux
de ses e nfans, contre les prétentions de M. A u b i e r , parce qu’elle en
a senti toutes les conséquences. E lle n ’emploie que des moyens
justes et honnêtes. Pourquoi M. Aubier e st-il sorti de son sujet pour
composer une note aussi déplacée ? puisqu’il reconnaît dans son m é
moire , et même vante les bonnes qualités et la douceur de sa
b e lle - f ille , il semble qu’il aurait dû user de ménagemens envers
elle. H eureusement que M. A u b ie r convient que les soeurs de la
dame la Monteilhe ont eu chacune 25 o,ooo fr. dans le partage
anticipé des biens que leur ont cédés leurs père et mère , et que
dès-lors on no peut douter qu’elle en
a eu
autant quo scs soeurs f
non compris ce qu’elles auront par la suite dans les biens reserves»
par M. et Madame de Champilour.
�C elte n o t e , au su rp lu s, l’a bien moins fatiguée que tout ce que
M. A ub ier s’esl permis de dire touchant M. de C h am pflo ur,
père.
Mais
qu’a
donc fait
M. Cham pflour
pour
sou
exciter le
courroux de M. Aubier ? « Il a été placé en Lête de la liste des parena
)> composant
le conseil de famille qui a autorisé la dame de la
)) Monteilhe à
former
son
intervention
» ( page 5 g
de son
m ém oire ).
Oui , sans dnule, M. Champflour a eu la place qu’il devait te n ir ,
suivant l ’article 4 oy du code Napoléon. E st-cç qu’ un père ne doit
pas élre le premier appelé pour autoriser sa fille ? Est-ce qu’ un
grand-père ne doit pas tenir le prem ier rang dans une assemblée
de parens convoqués pour l’intérêt de ses petites-filles ? C e n ’est
pas lui pour cela qui p ré s id e , mais bien M. le juge de p a i x , suivant
l ’article 4 16 du code. Com m ent M. Aubier peut-il donc se répan
dre en sarcasmes
en épigrammes , en reproches virulens" contre
un père qui 11’a fait que ce que la loi l’obligeait de faire ?
M. Aubier ( page 18 de son mémoire ) dit que M. Coste , homme
tV a ffa ires , et guidé p a r M . Champflour , a rédigé la subrogation
du 8 fructidor an 9 ; qu’ on lui a offert une contre-lettre également
rédigée par M. Coste , guidé p ar 31 . Cham pflour , portant que cette
subrogation n ’était qu’ une simple ratification de l ’acte de famille.Plus
h a u t , à la page 1 7 , M. A u bier avait dit qu’à la suite de quelques
conférences avec M. P a g ê s , avocat de M . Cham pflour , il avait
rédigé l’acte de famille du 10 prairial an 9.
N e croirait-on pas , d’après ces expressions , que M. Champflour
a ‘ tout m e n é , tout conduit pour les intérêts de la dame la M on
teilhe , sa fille ; que M. Coste aurait fait les actes sous sa diclée ,
et comme subordonné à ses vo lo n tés; qu ’e n f in ,
M. I’agès lui—
mêm e 11’aurait manifesté dans les conférences que
des pensées
utiles à M. Champflour ? et n’en conclurait-on pas que M. A u bier
a été circonvenu de toutes parts ?
Cependant il suffit de lire sa lettre à sa sœ ur , ci-devant trans
c r i t e , pour y trouver la justification de M. Champflour. On y lit
ces propres mois : P a gès et Boirot trouvaient qu'en se consti
tuant lu i même seulement scs biens présens et à v en ir , ccux-ci
�( 3 f) )
¿laieut suffisamment établis p a r l ’ acte de fa m ille . L a M ontheille
insiste pour se constituer Saulzet , cepsndant Cham pflour ne f a i t
aucune difficulté.
On y a déjà vu que M. Aubier a rédigé tous les actes,et notamment
l ’arrêté de fam ille, auquel les jurisconsultes ont donné leur a p p ro
bation , au point de
n’en pas retrancher une virgule 5 que
M.
C cste a reçu des reproches assez amers de ce q u 'il fa isa it des
objections-, qu’enfin M. Pages avait rédigé le contrat de mariage de
son fils J é r ô m e , de manière que M. Aubier avait seulem ent ajouté
Varticle page 4 .
Puisque M. Cham pflour ne faisait aucune difficulté , il est évident
qu’il s’en est rapporté à M. Aubier.
Pourquoi donc attaquer une personne qui n ’est pas dans la cause,
et ne peut dès-lors se défendre par lui-même ?
Pourquoi l’aflecter par des imputations injustes?
Quiconque connaît M.
A u b ie r et M. Cham pflour } conviendra
que le p rem ier devait avoir de l ’avantage sur le second , car un
ancien magistrat très-éclairé ne peut se laisser surprendre.
E n o u t r e , à quoi servent les d ia trib e s, surtout entre p arens?
L e s gens de bien les m ép risent, et le public s’en amuse. Ce n ’est
point ainsi que l’on conserve l’honneur des familles et la considéra
tion , qui est un bien précieux , très-difficile à obtenir et très-facile à
perdre.
Vainem ent voudrait-on diminuer dans le cœ ur de la Dame de
la M o n t e i lh e , la force des sentimens qu’elle a p our M. son père ,
elle dira hautement qu’aucun père n’a plus fait pour ses enfans
que M. de Champflour ; il s ’est élevé au-dessus des préjugés et
de l’hab itude, pour ne suivre que l ’équité naturelle dans la distri
bution de ses biens entre tous ses enfans ; et Madame de Champflour
en a agi de même ; l ’égalité de tendresse envers eux a amené l'ego Hlé
tte fortune. M. et Madame de Cham pflour se sont dépouïllés&euxmemes avant le t e m s , pour investir leurs trois filles des sept hui
tièmes de leurs propriétés. Ces exem ples 11e sont pas communs
mais ils n en sont que plus dignes d ’éloges. Ainsi l ’amour filial
devant etre en
rapport avec l ’amour paternel , la dame de la
Monteilhe se sentira toujours blessée quand on blessera M, son
père.
�( 40 )
A quoi bon peuvent encore servir ces déclamations de M. Aubier
qui terminent son mémoire ? et surtout cette p h rase ( page 3 9 ):
V o u s avez des appuis , mais nous avons un préfet ju ste 3 et
le tribunal où l'affaire va être ju g ée l'est aussi. Q ui est-ce qui
doute de la justice de M. le préfet., et de celle du tribunal ? Estce donc à M. et Madame d e S t.-M en d e et à Madame de la M o n teiLhe à redouter la justice des autorités et des organes de la lo i?
Si quelque partie de la cause pouvait se flatter d ’avoir des appuis ,
ce serait bien plutôt M. Aubier. Il est partout , il anime tous
les cercles , il compte de nombreux amis dans toutes les conditions
de la société. C ’est l'effet naturel de son m é r i t e , et de l’amabilité
de son caractère. Chacun de ses parens ne peut que l ’en féliciter.
Mais quels appuis peuvent avoir une veuve et deux orp h e lin es,
telles que la dame veuve d e la Monteilhe et ses deux petites-filles,
sinon ceux qui aiment la justice et désirent sa gloire ?
M . Champfl our , leur père et g ran d -p ère, n ’ignore pas que dans
]a prospérité on a beaucoup d 'a m is , mais qu’il en est tout autre
m ent dans l’adversité. Enfin , M. et Madame d e S t.-M e n d e , relégués
dans une maison de campagne is o lé e , loin des vanités du m o n d e ,
ne
cherchent d ’autres appuis que dans le témoignage de leur
co nscience, d’autre bonheur que celui de leur famille , et se reposant
tranquillement dans le sein de la ju s t i c e , ils ne croyent pas qu’on
puisse avoir jamais besoin de la solliciter.
Signé FABRE-DE-St.-MENDE , AUBIER
femme
DE St.-MENDE , DE CHAMPFLOUR, veuve AUBIERLA-MONTEILHE.
M. P1COT-LACOMBE, procureur-impérial .
M.c C. L. ROUSSEAU , ancien avocat.
M.e TRÉBUCHET, avoué.
A
CLERMONT-FERRAND,
Chez J. VEYSSET , Imprimeur-Librair e r u e d e l a T reille.
1 8 1 1.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubier, Marie-Françoise. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Picot-Lacombe
Rousseau
Trébuchet
Subject
The topic of the resource
émigrés
prête-nom
successions
renonciation à succession
mandats
amnistie
administration de biens
divorces
dénonciation
créances
forclusion
assignats
médiation
exécutions révolutionnaires
transactions
mort civile
séquestre
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Marie-Françoise Aubier, épouse de M. Benoît Fabre de Saint-Mende, autorisée par justice, et pour ledit sieur de Saint-Mende, propriétaires, habitant à Saint-Mende, commune de Saint-Yvoine, défendeurs ; et encore pour dame Marie-Claudine de Champflour, veuve de M. Jérôme-Emmanuel Aubier-la-Monteilhe, tant en son nom qu'en qualité de tutrice de leurs deux enfans mineurs, aussi propriétaire, demeurant à Clermont-Ferrand, intervenante et défenderesse ; contre M. Emmanuel Aubier-la-Monteilhe, ancien magistrat, demeurant en la même ville, demandeur.
Table Godemel : mandat : 3. le mandat se présume-t-il, en droit, ou ne peut-il se former que par l’acceptation du mandataire ? l’interprétation de la correspondance et des actes invoqués pour prouver le mandat appartient-elle aux juges du fond ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 2-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2123
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2122
BCU_Factums_G2124
BCU_Factums_G2125
BCU_Factums_G2126
BCU_Factums_G2127
BCU_Factums_G2128
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53419/BCU_Factums_G2123.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Yvoine (63404)
Clermont-Ferrand (63113)
Malintrat (64204)
Saulzet (domaine de)
Crève-Cœur (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
administration de biens
amnistie
assignats
Créances
dénonciation
divorces
émigrés
exécutions révolutionnaires
forclusion
mandats
médiation
mort civile
prête-nom
renonciation à succession
séquestre
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53331/BCU_Factums_G1804.pdf
3165fdc4966a60d05146bd2a44a09d30
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Text
HILLIARD , cotuteurs
D u m o n t , appelans;
P o u r les sieur et dame
de la demoiselle
RABUSSON
D E VAURE et D E L A R O Q U E intimés.
C o n t r e les sieurs et dames
,
L E S O U S S I G N E , qui a lu le mémoire imprimé
pour les sieur et dame H illiard, cotuteurs de la demoi
selle D u m o n t, appelans, contre les sieur et dame R a
busson de V a u re, et contre le sieur de la Roque, intimés-,
qui d’ailleurs connoissoit déjà la contestation, sur les
pièces originales qui lui avoient été communiquées à
P a ris, afin de connoître son opinion,
E s t d ’ a v i s que la prétention des sieur et dame
Rabusson de V a u r e , et du sieur la R o q u e , est absolu
ment destituée de fondement, et que le jugement rendu
par le tribunal civil de Gannat doit être infirmé.
O u n’a pu soutenir cette prétention qu’en se créant
Une fausse logique, à l’aide de laquelle on n’a pas craint
d’attaquer tous les principes.
Quand il y auroit quelque subtilité dans les raisonnemens des sieur et dame Rabusson de V au re, et du sieur
de la R o q u e , cette subtilité n’échapperoit certainement
pas aux lumières de la cour d’appel ; mais il est constant
A
�•> I
(
2 )
que ces raisonnemens n’ont pas même le triste mérited’etre subtils.
L e droit de la mineure Dum ont prend son fonde
ment, et dans les clauses des conti'ats de mariage de Marie
et Marguerite D u m o n t, filles de Jean Dumont et de
Procule P it a t , et dans les dispositions de l’article 3 o 5 >
de la coutume du Bourbonnais.
On sera dans la v é r i t é , en conciliant les unes avec
les autres , en considérant les conventions établies dans
les contrats de mariage comme des modifications à la loi
municipale ; modifications uniquement avantageuses aux
filles qui se marioient, et contre lesquelles elles s’élèvent
avec une injustice qui tient du ridicule. En partant de
là , on sera conduit à cette, conséquence certaine, que
M a r i e et Ma rg u er it e D um ont n’ont dû avoir que la partie
des biens de leurs père et mère qui leur a été assurée
par leurs contrats de mariage , et que tout le surplus
est devenu le patrimoine d’A n d ré Dumont.
R e m e t t o n s -nous encore sous les yeux les clauses du
contrat de mariage de Marie D u m o n t, fille aînée, en
observant qu’elles feront connoitre aussi les clauses du
contrat de mariage de Marguerite D u m ont, fille puînée,
parce que, malgré quelques réflexions qu’on a faites pour
établir une différence entre ces clauses, il sera aisément
reconnu , lors de la discussion générale des mo yens , qu’il
n’y en a aucune, et que les clauses du second contrat se
réfèrent entièrement à celles du premier.
Les filles furent instituées héritières par égales portions
avec les antres enfans; mais ce fut en même temps sous
la r é s e r v e expresse que Jean Dumont et Procule Pitat.
�(3 )
se firent de la terre de M on t et autres objets. Il fut dit
que les sieur et dame D u m o n t, ou le survivant (P eu x,
pourroient disposer des objets réservés, nu profit de tels
de leurs enfans qu’ ils jugeroient à propos , môme de la
future, par quelqu’acte que ce fût. Il fut ajouté que dans
le cas de non disposition de la part des père et m è r e ,
la terre de M o n t , et les autres objets réservés, appartiendroient en toute propriété à André D u m o n t, leur
fils, lequel en demeureroit précipité.
A la suite de ces dispositions 011 inséra encore la clause
suivante : « L a d ite institution f a i t e sous ladite réserve,
« et ¿1 condition de ladite disposition , et encore i\ la
« charge par la future de laisser jouir le survivant de
« ses père et mère de la portion qui lui seroit revenue
« dans les biens du prédécédé ; sans toutes lesquelles
« charges , clauses et conditions ladite institution
« n ’ a u r o i t é t é f a i t e , et la future auroit été apanée
.« moyennant la dot qui va lui être constituée. »
V ien t ensuite la constitution de dot, faite en avance\ ment des futures successions, de 30000 livres.
Procule Pitat décéda en 1783, sans avoir fait d’autres
dispositions que celles contenues dans les contrats de
mariage de ses filles.
A n dré D u m o n t, son fils , se maria en 1789.
Par son contrat de mariage, Jean D u m o n t, son père,
rappelant le défaut de dispositions ultérieures de la part
de Procule P ita t, son épouse, et la faculté de disposer
accordée au survivant d’eux par les contrats de m a r i a g e ,
disposa à son prolit de la totalité des réserves portées
par ces mêmes contrats.
A 2
�( 4 )
'
r
.
Contester cette disposition, en ce qui concerne Procule
P it a t , c’est attaquer l’évidence. Cette disposition doit
autant avoir son effet que celle faite personnellement par
Jean Dumont.
P o u r s’en convaincre encore plus, il faut rapprocher
des conventions et des faits qu’on vient de rap p o rter,
les dispositions de l’article 305 de la coutume de Bour
bonnais : « Fille mariée et apanée par père ou par
« m è r e , aïeul ou aïeule paternels ou maternels , après
« le décès de ses père ou m ère, aïeul ou aïeule paternels
c< ou maternels, ne peut demander légitime ni supplé« ment d’icelle, ni aussi venir à succession collatérale,
« dedans les termes de représentation, tant q u 'il y a
'« mâle ou d e s c e n d o n s d e m â le , soit mâle ou femelle,
« héritant ès-dites successions , combien qu’elle n’y ait
« expressément ren on cé, etc. »
A quoi se réduisent les conventions établies par les
contrats de m ariage, combinées aVec les dispositions de
la coutume.
Il n’est pas exact de d ir e , ainsi que le répètent sans
cesse les intim és, et comme on le voit dans le jugement
dont est appel, que Jean D um ont et Procule Pitat n’ont
pas apané Marie et Marguerite Dumont; que s’ils eussent
voulu que leurs filles fussent réduites à un apanage, ils
se sei’oient servis d’expressions qui ne laisseroient aucun
doute sur leur volonté.
Q u’ont fait Jean D um ont et Procule Pitat? Ils avoient
le pouvoir de forclore ou apancr leurs filles, et de les
réduire à une dot; mais par attachement pour elles, pour
les marier pins avantageusement, et dans les vues d’un
�(
5 )
arrangement salutaire à leur fa m ille , ils ont voulu ne
pas exercer en son entier la faculté que leur donnoit la
loi. Ils ont jugé à propos de limiter le droit de forclore;
mais la limitation d’un droit n’en est-elle pas l'exercice
même ? et celles contre lesquelles l’exercice de ce droit
pouvoit être dirigé dans toute sa fo rce , peuvent-elles
se, plaindre d’une limitation qui est entièrement à leur
avantage ?
Sans doute M arie et Marguerite D um ont ont reçu,
par leurs, contrats de m ariage, le droit de participer,
comme héritières conventionnelles, aux successions de
Jean D um on t et de Procule P ita t; mais ont-elles été
investies de ce droitt d’une manière indéfinie ? Ce droit
art^il été la base fondamentale des conventions de leurs '
contrats de m ariage? a - t - i l été accordé comme étant
l’effet d’une volonté absolue de Jean Dum ont et de
Procule Pitat? art-il été créé dans toute l’étendue possible,
sans conditions, abstraction faite des dispositions de la
loi municipale, et de la faculté de forclore qu’elle attribuoit à J e a n .D um ont et à Procule P ita t?
Il faudroit aller jusque-là pour soutenir la prétention
dep intimés ; aussi n’onti-ils pas manqué de se placer
dai^SiCette position»
Mais p o u r. peu qu’on réfléchisse suv. les dispositions
faite? , paTf.les contrats, d e , mariagi?. , on est convaincu
quelles n’ont,jamais-étç détachées de l'influence que la
loi municipqlç exçrçoitsur lç sort de M arie et Margperiter
Durp.qotj au mpment de leu 3ç;rnqpiage, lorsque la volonté
desppère; etf mère, concouroit ,qvoç le yœ,u de. la loi..
Lovsqu’jlos’agit/ d’intçrprétqp dps clauses do, contrats
A 3
�de m ariage, de démêler les vues qui ont présidé à des
arrangemens de fam ille, on ne doit pas toujours être
asservi à un ordre d’écriture. O r , en se pénétrant de
l ’ensemble des dispositions des contrats de mariage de
M arie et Marguerite D u m o n t , il devient évident pour
tout homme qui recherche la vérité de bonne fo i, que
l ’apanage ou la forclusion moyennant une d o t , ont été
la première idée qui se soit présentée à l’esprit des contractans, et que la seconde idée a été la limitation de
ce droit que les père et mère n’ont point voulu exercer
dans toute la rigueur.
L ’attribution que Jean D um ont et Procule Pitat ont
accordée à leurs filles, du droit de leur succéder, mais
non par égalité avec leur fils, et sous des réserves posi--'
tives et déterminées, stipulées en faveur de ce fils auquel
la l o i , de son propre ministère, les déféroit; cette attri
bution, disons-nous, n’a pu être autre chose qu’une
exception h la forclusion , ou une limitation du droit
de forclore. L e droit de succéder qu’ont eu Marie et
M arguerite D u m o n t, n’est point émané de la loi ; il a
été l’effet de la volonté des père et mère : ceux-ci avoient
le droit de les en p r iv e r , ils le leur ont accordé, mais
ils ne l’ont pas fait pleinement ; ils ont mis des bornes
à ce d ro it; ils ont voulu qu’il ne portât que sur une
partie des biens ; et en voulant cette restriction, ils ont
entendu que le restant des biens demeurât sous l’empire .
de la loi qui les attribuoit au fils, s’il n’en étoit pas
privé dans la suite par la volonté des père et mère.
T o u t ce qu’on vient de dire résulte de ces termes qui
s’élèveront toujours avec la plus grande force contre la
�C7 )
prétention des intimés : « Ladite intitutîon fa it e sons
« ladite réserve, et à condition de ladite disposition..,. « sans toutes lesquelles charges , clauses et conditions
« ladite institution n ’ AUROIT é t é F A I T E , ET LA
« f u t u r e a u r o i t é t é a p a n é e moyennant la dot qui
« va lui être constituée. »
Si Jean Dum ont et Procule Pitat eussent apané
M arie et Marguerite Dum ont moyennant une dot ,
elles n’auroient rien à prétendre dans les successions de
leurs père et mère ; Jean D um ont auroit eu seul le droit
de recueillir ces successions, en payant les dots. C ’est
un point qu’on ne r év o q u e pas en doute.
E t parce que Jean D u m o n t et P r o c ul e Pitat ont
voulu adoucir le sort de leurs filles ; parce qu’ils ont
voulu modifier en leur faveur le pouvoir qu’ils tenoient
de la lo i; parce qu’ils ont accordé qu’elles eussent, môme
à titre d’héritières conventionnelles, une partie de leurs
biens, outre la dot qui leur étoit constituée, mais en
réservant le restant et en confirmant la destination que
la loi en faisoit à leur fils, on prétendroit qu’il est résulté
de là que les filles sont devenues tout à coup habiles à
succéder, comme si leurs père et mère n’avoient jamais
eu le droit de les priver de leurs successions, comme s’il
n’y avoit point eu d’enfant m â le , et de la même manière
que si le droit de forclore les filles, y ayant un enfant
m âle , n’eût jamais existé !
Quelles sont les personnes qui pourront jamais être
convaincues de la vérité d’une pareille proposition ? C ’est
un principe élém entaire, indiqué par la seule raison ,
que celui qui peut le plus, peut à plus forte raison le
�moins. Jean Dum ont et Procule Pitat pouvant priver,
leurs filles du droit de leur succéder, moyennant les
dots qu’ils leur assuroient, pouvant le faire sans qu’ il y
eût de leur part aucune disposition en faveur de leur
fils ? celui-ci tenant les
* biens de la seule volonté de la Loi,
on sent qu’à plus forte raison ils ont pu relever leurs-,
filles de la forclusion coutum ière, sous des conditions,
et que ces conditions forment une loi domestique qu’il
n’est pas permis aux filles d’enfreindre.
Il y a eu un avantage pour les filles à être relevées^
de la forclusion ; cet avantage, on l’a teim de la conven
tion ; il y a été apposé des conditions. O r , on ne peut
profiter de l’avantage sans se soumettre aux conditions
sous lesquelles il^ a été fait : voilù les premières, notions
de droit contre lesquelles il est impossible qu’on s’élève
avec succès.
!
Il n’y a pas eu de convention simple et absolue/, i l i;
n’y a eu qu’une convention modifïcative de la lpi. La^.
convention a déféré aux filles une partie des biens, outre,
la d o t, et la loi a exercé tout son empire sur le surplus r
des biens;'elle les a réservés au fils, d’accord avec le vœu.,
des père et mère. Ceux-ci ont .voulu, ou qu’on s’en tînt
à la convention telle qu’elle étoit ré g lé e, et avec toutes,,
ses conditions , ou qu’on fût renvoyé à la loi. O r , la loi
perinettoit la forclusion, et les père et mère ont déclaré,)
qu’ils vouloient cette forclusion, si les filles ne se teupient
pas a la convention : « 'Sans toutes lesquelles charges,
« '.clauses et conditions ladite., institution rtauroit été
« f a i t e , et la future auroit été apanée m oyennant la
« dot (lui va lu i être constituée, y
�( 9 )
.
..
On 11e conçoit donc pas qu’on puisse dire qu’il n’y a
pas eu d’apanage dans les contrats de -mariage de Marie
et Marguerite Dumont. Celui qui auroit pu être entiè
rement libéré en donnant un écu, ne le seroit donc pas
parce qu’il en auroit voulu donner cinq ?
D u raisonnement des intimés il résulteroit encore que,
dans les principes de la coutume de Bourbonnais, un pèi’e
qui auroit eu un fils et deux filles, se seroit trouvé dans
celte nécessité absolue, ou de forclore ses filles de sa suc
cession , moyennant une d o t , ou d’assurer une égalité
pai'faite entre le frère et les sœurs : système dont l’ab
surdité se sent sans aucun effort de raison. T^a loi qui
to lé r o it, à l’égard des filles, une rigueur admise dans
des vues de bien public, permettoit sans doute un adou
cissement, bien loin de vouloir en punir des pères et
mères et ceux des enfans qui étoient l’objet de celte
rigueur.
L e second moyen sur lequel les intimés se fo n d e n t,
consite à dire qu’ André Dumont n’a pu prétendre dans
la succession de Procule Pitat une portion de biens plus
considérable que ses sœurs, parce qu’il n’y a point eu
en sa faveur une disposition directe de la part de P ro
cule Pilât.
En raisonnant ainsi on élude la question qui est
juger, pour en présenter une qui n’existe pas.
On ne sera jamais dans la question , tant qu’on di
visera les conventions portées par les contrats de mariage1
de Mario et de Marguerite D u m o n t, tant qu’on iso l cm
l’ensemble de ces conventions des dispositions de l’art. 306’
delà coutume de Bourbonnais, qui en sont le régulateur..
Il est probable
qu’on
uc désavouera
P:ts *c
principe 1
�.que les contrats de mariage ont toujours été susceptibles
de conventions et de conditions qui ne blessent ni les
mœurs ni l’ordre public. Si cela est certain, il l’est éga
lement que Marie et Marguerite Dumont n’ont dû suc
céder à leurs père et mère que sous les conditions et
réserves stipulées dans leurs contrats de mariage.
An dré Dumont a puisé pour lui ou sa descendance.,
le droit de succéder à Procule Pitat comme à Jean D u
m o n t , dans la disposition de la lo i, tant que Procule
Pitat et Jean Dum ont ne se départii'oient pns de la fa
culté qu’ils avoient de forclore ou apaner leurs filles
moyennant une dot. Ils n’ont pas voulu cette forclusion
pleine et entière ; ils y ont dérogé dans l’intérêt de
leurs filles : mais le droit de succéder de celles - ci n’a
,dû être que partiel; ce droit a dû être mesuré par la
dérogation même apposée par les père et m ère, surtout
dès qu’ils ont déclaré qu’on ne pourroit diviser les con
ventions sous lesquelles les filles étoient mariées, et que
sans l’espoir que ces conventions tiendroient telles qu’elles
étoient réglées, les filles auroient été apanées moyennant
la dot qu’ ils constituoient de suite.
Les parties, lors des contrats de mariage, et d’après
ce qui y a été convenu, ont donc été dans une position
telle, que tout ce que les filles ont dû avoir dnns les
successions de leurs père et m ère, elles n’ont pu y pré
tendre que parce que leurs père et mère n’ont pas voulu
les en priver en les livrant à toute la rigueur de la loi;
et que tout ce dont il n’étoit pas disposé en faveur des
filles, demeuroit sous l’empire de la loi, et revenoit par
cela seul à A ndré D u m o n t, à moins que ses père et
mère n'eussent voulu , d’après la réserve particulière
�(
11 )
qu’ils s’en étoient faite, o n tr a r ie r le vœu de la loi par
leur volonté.
Il n’a donc point fa llu , en faveur d’A n d ré D u m o n t,
de disposition directe de tout ce qui n’étoit pas donné
précisément à ses sœurs ; la simple réserve du surplus
des biens devenoit, par la force des clioses, par la com
binaison de la loi municipale avec les conventions des
contrats de mariage des sœ urs, une saisine en faveur
d’A n d ré D um ont : cette saisine auroit pu être anéantie
par les père et m è r e , par l’effet de l’exercice du droit
qu’ils s’étoient réservé, de disposer îY leur gré des biens
qui n’étoient pas assurés aux filles. Ma i s ce droit n’ayant
pas été e x e r cé , et au contraire Jean D u m o n t ayant dis
posé des biens réservés en faveur d’A n d ré D u m o n t ,
tant pour lui qu’en vertu du pouvoir que lui avoit
conféré Pi'ocule Pitat, en ce qui la concernoit, tous les
biens, excepté la portion qui en avoit été donnée à Marie
et Marguerite D u m o n t, ont été irrévocablement assurés
à A n d ré Dumont. t a loi et la volonté de ses père et
mère ont concouru pour en fixer la propriété sur sa tete.
A i n s i , tout se réduit à ce moyen inattaquable , que
Ma rie et Marguerite Dum ont ne peuvent succéder que
comme leurs père et mère ont voulu qu’elles succédassent;
qu’elles ne peuvent venir à leurs successions qu’en rem
plissant les conditions qui leur ont été im posées, parce
que c’est un des premiers principes du droit et de l’équité
que personne ne peut diviser son titre. Les-premiers juges
seront sans doute les seuls qui penseront que « les clauses j
« charges et conditions apposées aux i n s t i t u t i o n s des daines
« de Vaure et de Beauregard , étant contraires-à la lo i,,
�( 12 )
S ’il y a quelque ch ose de contraire à la
craint pas de dire que c’est cette opinion
choque la raison ; elle attaque la doctrine
auteurs ; elle est combattue par la pratique
l o i , on ne
m êm e; elle
de tous les
de tous les
temps.
Telles sont les réflexions, auxquelles le soussigné croit
devoir se borner , parce qu’il les regarde comme seules
décisives. Il lui suffit de renvoyer, relativement à tous les
autres moyens qui ont été opposés par les intimés , et
au défaut de fondement des autres motifs du jugement
qui est attaqué, au mémoire imprimé et distribué pour
la mineure Dumont. Elle peut se reposer sur la discussion
lumineuse et savante qu’il ren ferm e, et qui décèle un
vrai talent. La justice oblige même d’avouer qu’on trouve
dans ce mé moi re les réflexions que le soussigné vient de
faire, parce qu’il ne laisse rien à désirer.
Si le soussigné a présenté ces réllexions , s’ il ne s’est
pas contenté de donner un simple assentiment aux motifs
développés dans, le mémoire , c’est parce qu’il a cru
devoir prouver de plus en plus qu’ il a sur la question
une opinion fortement prononcée. Il a en effet la con
viction q u e les moyens des intimés sont, à proprement
parler, des chicanes créées par l'imagination, dans la vue
de priver la mineure Dumont d’un patrimoine acquis à
son malheureux père , aussi solidement et aussi légale
ment qu’ il ait été possible.
Délibéré à R iom, par l’ancien jurisconsulte soussigné,
ce 26 juillet 1808.
G R E N IE R
( du Puy-de-Dôme ).
A R I O M de 1’im p rim e tie do T h i b a u d - L a n d r i o t , im p rim e u r de la C o u r d ’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Hilliard. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Grenier
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour les sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans ; contre les sieurs et dames Rabusson de Vaure et de la Roque, intimés.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1804
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1802
BCU_Factums_G1803
BCU_Factums_G1801
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53331/BCU_Factums_G1804.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
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Domaine public
avantages prohibés
communautés
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions
-
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a2e84655464e1d58a0469488a8e93e36
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MÉMOIRE
POUR
Les sieur et dame H I L L I A R D , cotuteurs de la demoiselle
D u m o n t , appelans;
C O N T R E
Les sieurs et dames R A B U S S O N - D E V A U R E
D E L A R O Q U E , intimés .
et
U
n e disposition de p r è c i p u t , faite e n f a v e u r d ’un fils p a r ses père et m è r e , dans les
contrats de m ariage de ses deux soeurs , c o m m e c o n d i t i o n de n on-a pa na ge et d ’une ins
titutio n c o ntractu elle à leur p r o f i t , est-elle v a l a b l e , lors surtout que par le contrat d e
mariage du f i l s , le père su rvivan t a su rab on d am m en t confirm é cette disposition , en
v ertu de la facu lté q u e s’en étoient réservée les insti t u a n s , c o m m e con d itio n de cette
m êm e institution ?
T e l l e e s t , dans l ’expression la plu s e x a c t e , la question soumise à la décision de la C o u r .
I l y auroit lieu de s’étonner , sans d o u t e , q u ’elle ait pu faire d ev an t les premiers juges
u n sujet sérieux de c o n t r o v e r s e , si l ’expérience n’a voit appris q u ’i l n ’est r i e n , en juris
p r u d e n c e , que l ’a v e u g le m e n t de l ’intérêt personnel ou le d élire de la présom ption n ’ait
ch erch é à r en d r e problém atique.
C ette cause sem ble destinée à offr ir à la m éd ita tio n un de ces exem ples frappans d u
plus grand excès où l ’on ait pu porter l ’abus du sophisme : on seroit tenté de croire que
les dames D e v a u r e et de la R o q u e n ’ont eu po u r b u t , dans cette en treprise, q u e de faire
briller leur esprit aux dépens de la raison et de la bonn e foi.
O n ne leur enviera pas ce fr iv o le avantage.
Forts de la justice de leur cause , les sieur et d a m e H illia r d n ’e m p lo iro n t que des armes
q u e' lle puisse a v o u e r ; ils se contenteront d ’opposer la vérité à l ’e r r e u r , la droiture à
l ’artifice et aux détours. L e reste sera l’ouvrage de la Cour.
Ils savent que les prestiges d ’une fausse é l o q u e n c e , et tous les tours de force de l ’esprit
hum ain , ne pe uve n t en im poser q u ’à des esprits superficiels.
I l s savent q u e , devant des magistrats intègres et éclairés , quels que soient les efforts
d' une cu pid ité en d é l i r e , le talent et la ruse ne peuvent su p pléer au bon d r o i t , et q u e
toutes les ressources de l'esprit sont v a in e s, q uan d elles heurtent de front la justice et la
Vérité.
F A I T S.
D u m a r i a g e de Jean D u m o n t a v e c P r o c u l e P i t a t , sont issus trois enfnns , savoir M
arie
M arguerite et A n d ré D um ont.
�( 4 )
L e 19 n ovem bre 1775 , M a rie D u ra o n t c o n tra c ta mariage a v e c M . Claude-Josepli
llab u sson -D eva u re.
L ’acte de leurs c on v en tion s m atrim oniales contient la clause suivante :
« E n faveur du mariage , les sieur et d a m e D u m on t ont institu é la demoiselle fu t u r e ,
leur fille , leur h éritière par égale portion avec les autres enfans q u ’ils auront au jou r de
leu r décès , de tous les biens dont ils m ou rro n t vêtus et saisis, sous la réserve expresse
qu'ils se font d e la terre d e M o n t , consistante en un c h â te a u , p r é s , terres, vignes, dîm es ,
c e n s , rentes , quatre domaines , un m ou lin et deux locateries , avec toutes les c irc o n s
tances et d épendances de lad ite te rr e , en q u oi que le tout puisse consister , a vec les bes
tiaux qui garnissent ladite terre ou p o u rr o ie n t la garnir à leur décès , jusqu a c o n c u r re n c e
de
5 ,ooo
liv r e s, en sem ble tous les vaisseaux vin a ir es, c u v e s , foudres et autres qu i se tr o u
vero nt dans ladite terre, ainsi que tous les meubles meublant les appartemens d u d it château
de M o n t , lin g e s , batteries de c u i s i n e , a rg e n te r ie , en l ’état que le tout se trouvera au décès
du dernier m ouran t desdits pére et m ère ; en o u t r e , la som m e de 6 ,0 0 0 liv. que lesdits
sieur et d a m e D u m o n t se proposent d ' e m p l o y e r en acquisition de fonds , cens et devoirs
po ur être annexés à ladite terre et en faire partie ; p o u r , par lesdits sieur et d am e D u m o n t ,
ou le survivant d ‘e u x , disposer de ladite terre au profit de tels de leurs enfans q u ’ils juge
ront à p r o p o s , m êm e de la future , par q u e lq u ’acte que ce soit d ’entre-vifs ou à cause de
i n o r t , sous signature p rivé e ou par- devant n otaire ; dans laquelle réserve les sieur et dame
D u m o n t , père et m ère de la fu ture , en tendent être com prises toutes constructions n o u
v e lle s, am éliorations et réparations utiles et d ’agréinent q u ’ils pourront a voir faites, et le
survivant d ’eux , dans les biens com posant ladite réserve ; et d ans le ca s d e non d isp o si .
d o n d e leu r p a r t , ladite terre de M o n t , avec les bestiaux q u i se trouvero nt la g a r n i r ,
j u sq u ’à c o ncurrence de ladite som m e de
5 ,000
fr a n cs , les vaisseaux v in a ir e s , meubles
m e u b la n s , l i n g e , batterie de cuisine et a r g e n te r ie , en l ’état que le tout se t r o u v e r a , a p
p a r tie n d r o n t , en tou te p r o p r ié té , à A n d r é D u m o n t, leu r f i l s , lequel en demeurera,
précipité , ainsi q u e des annexes q ui auront été faites à ladite te r r e , jusqu’à c o n c u r re n c e
de ladite som m e de 6,000 l i v . ; ladite institution faite sous la d ite réserve , et à condition,
d e la d ite d isp o sitio n , et encore à la c h a r g e , par la f u t u r e , de laisser jou ir le survivant
de ses père et inére de la portion qu i lui seroit revenue dans les biens du p r é d é c é d é ; sans
toutes le sq u e lle s c h a r g e s , cla u ses e t c o n d itio n s , la d ite in stitu tio n n ’a u r o i t é t b
f a i t e , et la future auroit été apanée m o y en n a n t la d ot qui va lui être constituée.
.« E n a va n c em e n t de leur future s u c ce ssio n , lesdits sieur et d ame D u m o n t ont constitué
en dot à la dem oiselle f u t u r e , leur f i l l e , la somme de
3o,o oo
l i v . , e t c . , etc. »
L a dot de M a r ie D u m o n t , épouse de M . D e y a u r e , lui a été payée pendant la vie de ses
pè re et mère.
E n 1 7 7 7 > Marguerite D u m o n t c o n tra c ta mariage a vec M . G r e l l e t de Beauregard.
U n e clause de leur contrat de m ariage est ainsi conçue :
« L e s sieur et d am e Dui.nont, dans l’esprit d u contrat de m ariige de m adem oiselle
M a r iç D u m o n t , leur fille a î n é e , avec M . J os e ph llabusson-Devaure , passé devant Ilolla t,
n o ta ire , le 19 n o ve m b re 1 7 7 5 , ont institué la demoiselle f ut ur e leur h é r i t i èr e par égale
p o rtio n avec les autres enfans qu ils auront au jour «le leur d é r è s , de tous Us biens d o n t
ils mourront vêtus et s.iisis, sous la réserve exp resse q u ’ils se font du la terre d e M o n t ,
telle: q u 'e lle est exp liq u ée au contrat sn sd atè , ensem ble des autres objets qui y sont
d é ta illé s , et de la som m e de G,000 iiy . dont il est p a r l é , p o u r,p u r lesdits sieur et dama
�(5)
'
(ül
D u i n o n t , ou le survivant d ’ e u x , dans le s term es d u m im e c o n t r a t , disposer de lad ite
réserve au profit de tels de leurs e n f a n s , m êm e de la f u t u r e , p a r ¿es m o y e n s e t d e la
m a n ière expliqués audit contrat.
« Cette institution faite en outre a u x m êm es ch a rg es que celles expliquées a u d it
contrat. Et en a v a n c e m e n t de leur future succession , lesdits sieur et dame D û m e n t o n t
c onstitu é en d o t à la demoiselle future , la somm e de
3 o,o oo
livres , e tc. »
L a d am e G r e lle t de Beauregard a r e ç u , pe n d a n t la vie de ses père et mère , à co m p te
de sa constitution d o ta le, une som m e de 6,000 f r a n c s , et elle a tou ché annuellem ent
les intérêts du surplus de sa dot.
E n 1 7 8 3 , P ro c u le P i t a t , m ère et aïeule des p a r tie s , d é c é d a ; Jean D u m o n t , son
d a r i , lui survécut.
C e ne fut q u ’en 1789 q u ’i l maria A n d ré D u m o n t , son f i l s , à demoiselle M a rie Sopliie-B arth e le m i G i b o n t , a ctu ellem en t épouse du sieur H illiard .
L e contrat de m ariage contient les dispositions suivantes :
« E n fa veur du présent m ariage, est-il d i t , le sieur D u m o n t père a institué et institue
i o n fils, son héritier par égale p o rtio n avec ses deux soeurs , épouses de M M . Rabus*onD e v a u r e et G r e lle t d e Beauregard , d e t ous les biens m e u b l e s et im m eub les d o n t il m ourra
Vêtu et saisi ; et c o m m e par le c on tra t de m ariage de d a m e M a r ie D u m o n t , épouse d u d i t
R a b u sso n -D e v a u re , ledit sieur D u m o n t p è r e , et ladite d éfu n te P r o c u le P i t a t , son épouse,
s'étoient co n jo in tem e n t réservé^ m êm e a u survivant d ' e u x , la fa c u lté de disposer au
profit de tels de leurs enfans q u ’ils jugeroient à p r o p o s , et par tel acte que b o n leur
s e m b l e r o i t , de la terre de M o n t , consistante en u n château , p r é s , te rr e s, d î m e s ,
YÎgnes , c e n s , r e n te s, quatre d o m a i n e s ,
un m ou lin et deux lo c aterie s, avec les c i r
constances et d ép en dan ces de ladite terre , en q uoi que le tout p u t consister, a vec les
bestiaux qui garnissoient lad ite te r r e , ou po urroien t la garnir à leur décès , ju s q u ’à c o n
c u rr e n c e de la somm e d e 5,000 l i v r e s , ensemble tous les p r e ss o irs, vaisseaux v i n a i r e s ,
c u v e s , fou d res, et autres qui se trouveroient dans ladite terre , ainsi que tous les meubles
m eublan t les appartemens d u d it château de M o n t , linge , batterie de cu isine , a r g e n te r ie ,
en l ’état que le tout se tr o u v ero it au décès du d ern ie r m ou ran t desdits sieur et d a m e
D u m o n t , père et mère ; et en cas de n on disposition desdits objets du v iv a n t desdits sieur
et d am e D u m o n t , père et m è r e , ils a p p a rtien d ro n t en toute p r o p r i é t é , et à titre de préc i p u t , audit sieur futur ép o u x , ainsi que les annexes qui auroient été faites à ladite t e r r e ,
jusqu à c o n c u r re n c e de la som m e de G,000 francs.
« E t com m e ladite d a m e P it a t , épouse d u dit sieur D u m o n t père, est décédée sans avoir
manifesté ses intentions à l ’égard de la réserve ci-dessus d é s i g n é e , ledit sieur D u m o n t père
usant de la faculté de po u voir disposer de la totalité desdites r é se r v e s, d éclare qu'il dispose
à titr e d e p r è c i p u t , au profit d u d it sieur futur é p o u x , t a n t d e la d i t e terre d e M o n t ,
circonstances et dépendances d ’i c e l l e , que d o tou s le s a u tr e s o b j e t s c i - d e s s u s s p é c ifié s ,
et tel que le tout est d é sig n é e t s p é c ifié en la d i t e réserve p o r tée a u co n tra t d e m a r ia g e
c i- d e s s u s d a té d e s s ie u r e t d a m e R a b u sso n -D e v a u r e . N e font pas partie de la présente
disposition , les grains, vins et autres denrées qu i se trouveront dans les d épendances d u d it
château de M o n t , à l ’ép oq ue du décès d u d it sieur D u m o n t pere , p o u r , par ledit sieur
fu tu r , faire le p rélèvem ent et en trer en jouissance de ladi te terre de M o n t , et d e to u s le s
a u tr e s o b je ts c o m p r is en la p ré sen te d i s p o s i t i o n , im m éd iatem en t après le décès d u d i t
sieur D u m o n t , sous la réserve q ue se fait ledit sieur D u m o n t père de la som me de 3o,o oo 1.
2
�à p ren d re sur lad ite terre de M o n t , p o u r en disposer en faveur de tels de ses enfan* ou
petits-enfans q u ’il jugera à propos , m êm e en fa veur dud it sieur futur époux, par tel acte
d ’entre-vifs , à cause de m o r t , ou sous signatures privées , que b o n lui semblera. Et de suite
le d it sieur D u m o n t , en faveur d u d it m a ria ge, a dispose et dispose en fa veur dud it sieur
fu tu r époux , sur la susdite som m e de
3 o,ooo
livres réserve e, de celle de 10,000 livres ; d e
laq u elle som m e de 10,000 livres présentement disposée en fa veur dudit sieur futur é p o u x ,
led it sieur son père se charge de lui servir 1 interet au taux de l ’o r d o n n a n c e , sans aucune
reten u e des im positions créées et à cré er, jusqu’au rem boursem ent, q u ’il lui sera loisible
de faire q u an d il le jugera à propos.
» D e la m ême som m e de 5 o,o oo livres réservée par ledit sieur D u i n o n t p é r e , il en a
présentem ent disposé et dispose en faveur de demoiselle P ro c u le G r e l le t de Beauregard ,
sa petite f i l le , fille de J e a n - B a p t i s s e G r e lle t de Beauregard et de feue d am e Marguerite
D u r a o n t , ses pére et i n è r e , de la som m e de 5 ,000 liv. à prendre sur lad ite réserve, payab le
après le décès d u d it sieür D u m o n t père se u le m e n t, par ledit sieur fu tu r é p o u x , sans
intérêt j u sq u ’audit d é c è s , après lequel ils auront cours au taux de l'o r d o n n a n c e , jusqu’au
r e m b o u r s e m e n t , que ledit sieur futur sera tenu de faire dans d eu x ans du décès de sondit
père. Et dans le cas où ladite dem oiselle P roc u le G r e l l e t , ou ses père et mère , con tre viendroienl. d ire ctem en t ou in d ir ec tem e n t à la disposition faite par ces présentes de ladite
terre de M o n t , en faveur du sieur fu tu r époux , la di s p os i t i o n des 5 , 000 livres faite en
fa v e u r de ladite d e m o i s e l l e G r e l l e t , sera et dem eurera nulle et de nul e f f e t , et c o m m e
n o n faite. P a r e i l l e m e n t , d a n s le cas où ledit sieur D u m o n t père nedisposeroit de son v i v a n t
des z5 ooo livres restantes de la susdite som me r éservé e, elle demeurera réunie à ladite
terre de M o n t , et a ppartien dra a ud it sieur futur é p o u x , sous la réserve que led it sieur
D u m o n t pére se fait de la jouissance , pe n d a n t sa vie , de la susdite terre de M o n t , pour,
après son décès , appartenir en toute prop riété a ud it sieur futur époux ; et en avancem ent
d ’iioirie , et de lad ite institution , led it sieur D u m o n t père a constitué en dot audit futur
la som m e d e ....... , etc. , etc. »
C ’est de ce mariage d ’A n d r é D u m o n t a v s c M à r ie - S o p lu e - B a r th e le m i G i b o n t , q u ’est
issue A n n e D u m o n t , appelante du jugem ent rend u par le tribunal de G a n n a t , le 26 dé»
c ein b re 1S07.
S o n p è r e , m ort v ic tim e des temps désastreux de la r é v o l u t i o n , la laissa dans les
lien s de la m inorité , où elle est en core.
P riv é e de cet a p p u i , la m ineu re D u i n o n t espéroit trouver dans la tendresse de son
a ï e u l , un supplém ent naturel à la tendresse d 'u n père : son espoir fu t déçu .
L a perte irréparable de l ’auteur de ses jours , devint po u r elle u n e source intarissabla
de pertes nouvelles : elle fit refluer, e x c lu s iv e m e n t, sur les dames D ev au re et de la
R o q u e , toute l ’affection de son aïeul.
Il n ’est personne dans la ville de G a n n a t qui ne sache que la daine D evaure , d e-.
Ve n u e l ’objet d e la p r é d ile c tio n du sieur D u m o n t père , depuis la m o r t de son fils, f u t
con stam m e n t
aussi
l ’objet de ses largesses ut d e ses libéralités.
T a n d is que cet a ï e u i , q u i jouissoit de plus de 20,000 liv. d e rente , et ne dépensoit
pas 2,000 francs par an , faîsoit passer le surplus de ses revenus a ses deux filles , la
d em oiselle D u m o n t , en tièrem ent aband o nn ée aux soins de sa inere, n a jamais reçu de
«on grand -père le plus léger secours.
C e p e n d a n t , ce sont ces d a in e s; c ’est la daine D eyaure , e l l e - m ê m e , avantagée da
�\o
3
( 7 )
plus de 100,000 fr. par des dons manuels ou par des donations d é g u isé e s, soit sous la
form e de contrats onéreux , soit sous le n om de personnes interposees ( * ) , qu i sans res
p e c t pour la m ém oire de leurs père et m è r e , et foulant aux pieds , de la inaniere la
plus sc an d ale u se, le p a c te de famille le plu s s a c r e , dispu tent a la dem oiselle D u m o n t
u n p réc ip u t q u i , lors m êm e q u ’i l n ’auroit pas été aussi lé g itim e m e n t acquises son p e r e ,
n ’auroit dû leur paroitre q u ’ un foible d éd om m a ge m en t des pertes immenses q ue lu i a
causées une révo lu tio n qui a dév oré tou te sa f o r t u n e , avec son m alheureux pere.
L e c œ u r se brise à cette i d é e , les moeurs f r é m i s s e n t , et l ’étonnem ent b a la n c e l i n dign ation ! ...................
Le
3o
brumaire an n , le sieur D u m o n t père in t e r v in t au contrat de mariage de la
dame de la R o q u e , et il réitéra à son profit la d isposition de
le contrat de mariage d ’A n d r é D u m o n t.
5 ,ooo
francs déjà faite par
Il in t ervin t pareille m ent au contrat de mariage de la demoiselle Devau re , avec le
sieur N a r j o t , passé d evant M e. Hue. , notaire à G a n n a t , le 4 ju in 1804 , et lu i fit d o
nation de la somme de i 5 ,ooo fr. par lui
c ette donatio n que sc dirigeoit un des
la d e mo i s e l l e D u m o n t au t r i b u n a l d e
d u contrat , a concouru au j u g e me n t !
réservée sur le p r é c ip u t de son fils. C ’est contre
cl-iefs de c o n clu sion de la d em and e portée par
G a n n a t ; et cepend ant le n ota ire , réd acte u r
......................
E n l’année i 8o 5 , Jean D u m o n t est d éc éd é , laissant p o u r h é r i ti e r , i°. la dame Rab usson -D evaure ; a0, la daine de la R o q u e , sa p e tite-fille, p a r représentation de M arguerite
D u m o n t ', sa m è r e ;
3°.
A n n e D u m o n t , représentant A n d ré D u m o n t , p récipué.
A u décès de Jean D u m o n t , les scellés fu rent apposés ; i l fu t p r o c é d é .à leur rec o n noissance en p résence de toutes les parties intéressées ; et l ’on se disposoit à effectuer le
partage des b ie n s , lo rsq u e les dames D e v a u r e et de la R o q u e d é c larèren t ha u tem e n t l'in
tention où elles ètoient de refuser à la d em oiselle A n n e D u m o n t le relâc h em e n t de la
m o itié du p r é c ip u t du c h e f de leur m ère.
Les sieur et dame M illiard , cotuteurs de la dem oiselle D u m o n t , r é s o l u r e n t , dèslors , de r éc la m er en ju stic e l ’exécution pleine et entière des contrats de m a ria ge
corrélatifs des i y n ovem bre i j j 5 , 9 février 1 7 7 7 , et
testée a vec une insigne mauvaise foi.
3i
mai 1 7 S 9 , qui leur étoit c o n
A p rè s avoir tenté en vain les prélim inaires de la c o n c ilia tio n , ils traduisirent les
dames D evaure et de la R o q u e , d evan t le tribun al de p r e m iè r e instan ce de l ’arrond ijsem ent de G ann at , et y prirent des conclusions t e n d a n t e s ,
« i°. A ce qu il plut au tr ib u n a l, en c e q u i lo u c h e le p r é c i p u t , ord onn er q u e les
c ontrats de m ariage susdatés , de M a rie D u m o n t a v e c le sieur C laud e Rabusson-D evaure ,
de M arguerite D u m o n t avec le sieur G rellet de Beauregard', et de feu A n d r é D u m o n t
a vec M a r ie - S o p h ie - B a r tlifle m i G ib o n t , seroient exécutés selon leur form e et te n e u r , et
n ota m m en t dans leurs dispositions relatives a u p r é c ip u t attribué à A n d ré D u m o n t ; en
( * ) Il est do n o t o r i é t é p u b l i q u e q u e dans un t e m p s où Io s i e u r D e v a u r e c t o i t o b é r é , il e s t d e v e n u
a c q u é r e u r , sans b o u r s e d é l i e r , de d e u x d o ma i n o s a p p a r t e n a n s a ux mi n e u r « D s y a t , q u * > * ' ant^ a v e n t e ,
e t o i e n t d é b i t e u r s d e s o m me s c o i u i d é r a b l o s e n v e r s le s i eur D u m o n t p è r e . —-
der ni er a également
t r a n s mi s un d o m a i n e , par v o i e d e f i d é i c o mmi s , au s i e u r D o v a u r o ; et H y a , à c e t é g a r d , p r o c è s
p e n d a n t e n t r e le« pa r t i e s au t r i b u n a l do G a n n a t . — E n f i n , on «ait qu' i l » a c h e t é , au n o m d u s i e u r
Devaure
un e m d u o n s i t u é e à M o u l i n s , m e do la C o r r o y e t i e ; e t l ’o n sait e n m ê m e t e mp s q u * l e i
f a cul t é s d u ¿i our D e v a u r e u e l u i o n t j amai s p e r m i s do fiiirc d e s a cqui s i t i ons *
�( 8
)
c o n s é q u e n c e , que les sieur et d am e H i l l i a r d , ès qualités qu'ils p r o c è d e n t , seroient au
torisés à p r é l e v e r , avant partage des successions de feu Jean D u u io n t et P rocule P i t a t ,
po u r et au nom de A n n e D u m o n t , leur mineure , représentant feu A n d r é D u m o n t , son
père , la to ta lité d e la terre d e M o n t , circon sta n ces et d ép en dan ces , et autres o b jets
désignés et spécifiés en la reserve portée aux susdits contrats de m a ria g e , q u ’ils én u m é
rèrent en l ’e x p l oi t de d em ande ; de tous lesquels o b je ts , lesdites dames R a b u sso n -D e va u re
et de la R o que , seroient tenues de Faire le r e lâ c h e m e n t, et de souffrir la distraction et
le p r é lè v e m e n t avant p a r ta g e , com m e co n d itio n de leur in s titu t io n , en ex écu tio n de
leurs contrats de mariage, si mieux elles n ’aim o ient s’en tenir à leurs c on stitu tion s dotales,
form ant apanages; les c o n d a m n e r , en outre , aux dépens sur ce c h e f ;
« 2U. Et en ce q u i tou che le surplus d es biens composant lesdites su c ce ssio n s, o rd on n er
q u ’il seroit p r o c é d é au partage , c o n fo rm é m e n t à la loi ; q u ’en cas de contestation sur la
p a r t a g e , les contestans seroient condam nés aux d é p e n s , le s q u e ls , au cas c o n t r a ir e ,
seroient p rélev és sur la chose. »
A peine la d em a n d e fu t-elle f o r m é e , q u ’on vit les dames D ev a u r e et de la R o q u e p o u r
su ivre l ’a u d ie n c e avec une a ctiv ité sans exem ple. O n céda à leurs vives s o llic it a tio n s , et la
cause fut appelée le 8 août 1807 ; l ’avoca t de la dem oiselle D u m o n t fut en tendu pend ant
trois heures c o n s é c u ti v e s , en présence de l ’avocat et des avoués de ses parties adverses ;
mais , en même temps , par l’effet d ’ une c o n tra d ictio n bizarre , et par suite de pratique!
se c r è te s , de com bin aisons nstucieuses, de m an œ u vres ténébreusement o u r d i e s , qu’il eût
été d ifficile de p r é v o ir , et dont il ne seroit peut être pas impossible d ’expliquer les motifs ,
les dames D ev a u r e et de la R o q u e se laissèrent cond am ner p a r d éfau t.
C e tt e c o n d u ite ne parut pas à tout le inonde exempte de blâine et de reproches : elle
fou rnit un a lim ent à la censure pub lique ; elle servit de texte aux entretiens des gens d u
i n o n d e ; elle d o n n a lieu à une foule de réflexions satyriques et d ’interprétations m alignes.
Les uns parurent surpris q u e les dames D e v a u r e et de la R o q u e n ’eussent fait paroitre à
l ’a u d ie n c e un a vo c a t et des avoués, que po u r a ssister à la p la id o ie r ie de leur adversaire,
et laisser p re n d re un ju ge m en t par d éfa u t. Étrangers à la tactiqu e du palais , et ne c o n noissant po in t les d étours obscurs de la c h i c a n e , ils im aginèrent que la parole avoit ex p iré
sur les lèvres des défenseurs ; et de ce q u ’ils n ’avoient rien répond u , ils en c o n c lu o ien t
assez judicieusem en t en apparence , q u ’ils n ’a voie n t rien eu de bon à répondre.
D ’a u tre s, plus sévères dans leurs d é c i s i o n s , plus délicats sur les b ie n séan c es, et no
p o u va n t supposer q u ’on en m é c o n n û t à c e point les règles au barreau , c r u r e n t vo ir , dans
cette c o n d u ite étrange , un oubli de toutes les c o n v e n a n c e s , un p r o c é d é n o u v e a u , tout
à la fois injurieux p o u r l ’avoca t de la dem oiselle D u in o n t , et irrévéren t po ur le tribunal
q u i en étoit le témoin.
L e sieur D ev a u r e , po ur c a lm e r l ’o p in io n p u b liq u e , qu'une pareille jonglerie a voit sou
lev ée c o n tre lui , ch erch a à pallier sa c o n d u i t e , en la c oloran t par des m otifs qui respiroient la plus p u r e délicatesse.
I l p ré te n d it q u ’il n ’auroit été n ullem e n t
convenable
à ses intérêts de laisser ren d re
u n juge m en t c o n t r a d i c t o i r e ; q u ’en supposant q u ’il eût gagné son procès , on n ’au roit
pas m anqué de dire q u ’il l ’a voit gagné p a r un ju g em en t d e faveu r ; »-t que dans la
supposition r o n t r a i r c , la d écision de ses collègues eut été contre lui un préjugé grave aux
y>ux de la C o u r d'appel. Il d on na sa parole d honneur ^ l avocat de la demoiselle D u m o n t ,
q u ’il ne foruaeroit p o i n t o p positio n au jugem ent par défaut.
�O n ignore ce q u ’est devenue c e t te p a r o le d 'h o n n e u r ; niais l ’opposition ne tarda
pas à paroître.
S u r cette o p p o s i t io n , la cause portée à l ’a ud ie n ce du n
d éc em b re 1S 0 7, fut de
nouveau d isc u tée ; et après plusieurs p la id o iries , il i n t e r v i n t , après un d é lib é r é , un
ju ge m en t c o n tra d icto ire , le 26 décem b re su iv a n t , dont la demoiselle D u m o n t est a p p e
lante , et dont il im p o rte d ’analiser les dispositions et les motifs.
C e jugem ent d éclare nul et de n ul effet la donation en p r é c i p u t d e la terre d ç M o n t ,
faite par le sieur D u m o n t père , en fa veur d ’A n d r é D u m o n t , son fils, p o u r la m o itié
de ladite terre, provenante du c h e f de la d am e P ro c u le P ita t , son épouse; et o rd on n e
en c o nséquence q u ’elle fera partie de sa succession a b in ts e ta t.
I l déclare b on n e et valable la d onation faite à A n d r é D u m o n t , de la somme de
6,000 f r a n c s , faisant partie de la réserve exprim ée aux contrats de m a r i a g e d e s dames
D ev a u r e et de Beauregard , mais seu lem ent p o u r la m o itié de cette somme , d u c h e f d u
pere , sa u f l’im putation , jusqu’à due c o n c u r r e n c e , dans le cas où les sieur et d am e D u inont père et m ère, au roient e m p lo y é cette som m e en acquisition de fo n d s ; e t , dans
le cas contraire , i l autorise la dem oiselle D u m o n t à faire , sur la masse de la. succession ,
le prélèvem ent (le la som m e de 3 ,000 francs.
L e s m o t i f s de c e j u g e m e n t s ont ,
« i°. Q u ’une réserve faite a v e c stipulation que la disposition en sera faite en faveur
de celui des enfans q u ’il plaira à l ’instituant c h o i s i r , n ’ôte p o in t à l ’institué le droit de
r ec u eillir sa po rtio n dans l ’objet réservé , lorsque l’instituant d écèd e sans disposition ;
« 20. Q u ’A n d ré D u m o n t n ’a pu être saisi de ladite terre de M o n t , par la clause de
destination apposée dans les contrats de m ariage des dames D ev au re et de B e a u re g a rd ,
i°. parce q u ’il étoit étranger à ces deux contrats , et q u ’il est de p r in c ip e que les contrats
ne peuvent va lo ir q u ’entre les contractan s ; a0, p a rce que , d ’apré* les dispositions de
l ’article 219 de la coutu m e de B o u r b o n n a i s , la d o n atio n de préciput ne p o u voit v a lo ir à
son profit, q u ’autant q u ’elle auroit été faite par son contrat de m aria ge;
«
5°.
Q u e P rocu le P i t a t , mère des p a r tie s, étant d écéd ée avant le mariage de son fils ,
et n’ayant pas été à portée de faire , en sa faveur , la disposition de p r é c ip u t q u ’elle lui
destinoit , dans la form e q u ’ ind iq ue l ’art. 21g de la c o u t u m e , ses trois enfans o n t été
saisis de sa succession entière au m o m e n t de son décès ;
« 4 • Q u e 1rs cla u se s, charges et conditions apposées aux institutions des dames D e
vaure et de Beauregard , étant contraires à la l o i , d o iv e n t être réputées non écrites ;
«
5
. Q u A n d ré D u m on t n ayant pu être saisi de la m oitié de la terre de M o n t , du c h e f
de sa m è r e , par la clause de destination , n ’a pu l ’être non plus par la disposition de la
totalité la terre , faite à son profit par son père , en vertu de la fa culté qui en avoit été
donnée au survivant d e u x , par la raison q u e , dans la coutum e du B ou rb on n a is, les
époux ne p o u vo ie n t se transm ettre d ’autre don que la jouissance m u tuelle des meubles
et acquêts , et dans le cas seu lem ent où il n ’exi stoi t pas d V n fa n t de leur union ;
« 6°. Q u e cette disposition de la coutum e , p r o h ib itiv e de tous avantages entre époux ,
e x c lu t tout d ro it d ’é l e c t i o n , q u i , sous l ’em p ire du d ro it r o m a in , c o » ,I|,t: S0,1S ' e mpire
des coutum es , a toujours été Considéré c o m m e a b u s i f , et pre.sqn* toujours déclaré n u l ;
“ 7°- Q u e l'inexécution des c o n d itio n s apposée» aux i nst i t ut i ons des 'lames D e v a r r e e t
de li^aurpgard , ne constitue contre elles au cu n apanage , parce que si l e j s u u r et dame
D u m o n t eussent vo u lu que leurs filles fussent réduites ù un apanage , ils se soroient se 1 vis
�C 10 )
d'expressions qui ne Iaisseroient a u c u n d o u te sur leur volonté ; d ’où il résulte qne la
m oitié de la terre de M o n t , faisoit partie a b in t e s t a t de la succession de P ro ru le P i t a t ,
et qu’elle doit être partagée c o m m e le surplus des biens com posant la succession. »
T e l s sont les dispositions et les m otifs du jugement dont la demoiselle D u m o n t est
appeIante‘
M O Y E N S .
P o u r éta b lir q u ’il a été mal jugé au jugem ent dont est appel , et que les premiers
juges ont m éc o n n u les vrais principes de la matière , la dem oiselle D u m o n t a une d ouble
tâche à rem plir.
E l l e divisera la discussion de cette cause en d eu x p a rties.
L a prem ière aura p o u r but de justifier la demande , par elle f o r m é e , en p rélèv em e n t
d e la t o t a lité du p r é c ip u t a ttribué à A n d r é D u m o n t , son père , par les trois contrats
de m ariage corrélatifs de 1 77 5 , 1777 et I 7^9 ‘
L a d euxièm e aura po u r objet la refu tation des m otifs erronés qui ont servi de base
à la décision des premiers juges.
P R E M I È R E
P A R T I E .
La demande de la demoiselle Dumont, en prélèvement de la totalité du
préciput y doit être accueillie.
P o u r d é m o n t r e r ce t t e assert i on , o n é t a bl i r a t r o i s p r o p o s i t i o n s .
£ « p r e m i è r e : Q u e les dames D ev au re et de la R o q u e sont aujourd’hui n on recev a b les à renoncer aux institutions faites à leur p r o f i t , po u r se dégager des charges
et c o n d itio n s qui en fon t partie.
L a d e u x iè m e : Q u e , si elles accep ten t l ’in s titu tio n , elles ne peuvent l ’a c c e p te r p o u r
p a r t i e , et se dispenser d ’en a c c o m p lir les c o n d i ti o n s , au nom bre desquelles se trouve
la destination de précipu t en faveur d'Andre^ D u m o n t.
L a t r o i s i è m e : Q u e , si elles renoncent au bénéfice de leur in stitu tion , en supposant
q u ’ell es y fussent encore rec e v a b le s, elles doivent être réduites à un apa na ge, fixé par
leur constitution dotale.
p r e m i è r e
p r o p o s i t i o n
.
F in d e non-recevoir.
C ’est u n p r in c ip e de tous les temps , que l ’exécution volontaire des actes em porte la
r en o n c iatio n à tous les moyens et excep tions q u ’on auroit pu opposer contre eux.
O r , les dames D ev au re et d elà R o q u e o n t e x é c u té , sans réserve, les contrats de m ariage
d o n t est question , pendant une lon gu e suite d ’années.
C ’est un fait c o n s ta n t, q u ’ elles on t reçu tout ou partie des capitaux de leurs dots ,
d u vivant de leurs père et m è r e ; que l ’ une d ’elles a reçu a n n u e lle m e n t, depuis le
décès de sa m ère , les intérêts de ce qui ¡lui restoit d û ; et qu’elles o n t , l ’une et l’autre ,
exécuté la c o n d itio n im posée à leur institu tion , de laisser jouir le survivan t des père
et mère , des biens du p red e cé d é .
Q u e les dames D ev au re et de la R o q u e veu ille n t d o n c nous dire en quelle qualité
elles ont ainsi reçu leurs constitutions de dots.
D ’a b o r d , c e n e p e u t ê t r e e n q u a l i t é d 'héritières
naturelles
: c a r l e d r o i t d ’h é r i t i e r
�( I I )
. . .
.
.
n a t u r e l n e p e ut s ’o u V r i r q u ’ au dè c ès de la p e r s o n n e à q u i l ' o n s u c c è d e , viventis nullus
h xres.
C e ne peut être non plus en qualité de filles m a r ié e s et (lo tê e s : c a r , s il en étoit
ainsi , en
r e c e v a n t leur d ota tion
elles
auroient été forcloses de la succession de
leurs père et mère , et réduites à un apanage ; tou t le inond e sait q u e , dans la c o u tu m e
du Bourbonnais , toute fille dotée à q u i l ’on a voit donné en m ariage q u elq u e chose
de certain , étoit répu tée apanée et excluse des successions , q uoiqu'elle n y eut pas
expr»ssément r e n o n c é , et q u ’on ne se fût pas servi d u m o t apanage.
C e n ’est d o n c évid em m en t q u ’e n q ualité d ’ h è r iliè r e s in s titu é e s qu'elles ont reçu
leurs constitutions dotales : — mais , en ce c a s , on sera forcé de co n v en ir que l ’institution
est in d iv is ib le ; que les dames D ev a u r e et de la R o q u e n ’ont pu la r e c u e illir sans se so u
m ettre à l'a ccom p lissem en t des conditions qui y sont a pposées; et que rien ne peut les
dispenser de r e l â c h e r , à la représentante de leur f r è r e , -le p r é c ip u t qui lui a été attribu é
c o m m e charge de leur institu tion .
Les daines D e v a u r e et de la R o que pe u ve n t d ’autant m oin s éch a p p er à cette c on sé
q u e n c e , q u ’elles ont déjà exécuté , en partie , les charges de l ’in stitu tion , pe n d a n t plus
de vin g t ans , en laissant jouir le sieur D u m o n t père de tous les biens de la succession
de leur m è r e , en vertu île la con d itio n qu i avoit été apposée à leur institution.
E n vain allègu en t - elles q u ’elles n ’ont laissé jo u ir leur père de s biens dép en dan s de la
succession d e leur m è r e , que par l ’effet d 'u ne c r a in te rèv è r en cielle ■ne p e ju s fa c a r e t.
C ’est se jouer de notre c ré d u lité , que de p r étend re substituer ainsi une vaine allégation ,
un m o tif chim ériq u e et supposé , une exception gratuite et r i d i c u l e , à un m o t i f certain ,
c on n u , d é te r m i n é , q u i d érive d ’ une obligation qui leur est imposée par leurs contrats de
m ariage.
L es dames D ev a u r e et de la R o q u e ne persuaderon t à personne q u ’elles aient ainsi laissé
jouir leur père, par le seul effet d 'u n e c r a in te r è v è r e n c ie lle , d ’une succession o p u le n te
qu’elles pou vo ient appréhend er il y a plus de v in g t a n s , lo rsq u ’on considérera surtout que,
depuis 1 7 8 9 , le sieur D u m o n t père ne p o u v o it plus disposer que d ’ une somme de i 5 ,ooo fr.
. Ajoutons que , q u an d la justice doit c h e r ch e r des règles de décision dans la conduite des
parties , c ’ est m oin s dans des allégations supposées que dans des motifs apparens q u ’elle
doit les puiser ; et il est plus naturel d ’adm ettre que si les dames D ev a u r e et de la R o que
ont laisse jou ir leur père de la succession de P roc u le P i t a t , elles n ’ont fait en cela que
rem p lir une obligation qui leur étoit imposée c o m m e con d itio n de leur in s titu tio n , que
de supposer qu elles on t ainsi agi par le p u é ril effet d ’une prétendue crainte r èvè re n c ielle.
M a i s , lors meme qu on supposeroit q u ’elles n ’ont agi que par crainte r è v è r e n c i e l l e ,
pourroient-elles esperer d è t r e relevées de l ’exécution de leurs contrats de mariage? N o n ,
sans doute.
C ’est un ancien p r in c ip e consacré par l'a r t. 1 1 1 4 du C o d e N a p o lé o n , que la seule c rainte
r èvèrencielle envers les père et m è r e , ne peut suffire pour fonder une action : il y a parité
de raison pour d é c id e r qu’elle ne peut non plus justifier une exception. T e l étoit le v œ u
des lois ro m ain es, qui n ’admettoient l ’e x c e p tio n de c r a i n t e , q u e l orsqu elle étoit l’ effet
d une violence illicite et c on tra ire aux bonnes moeurs , s e d v im a c c ip im u s a tr o c e m e t
earn <jnœ a d versn s b on os m ores f i a t ( L o i 3 , f f . f/itod tn elu s c a u s a . ); niais q u i rej.etoient
toute crainte prétendue r èv è re n c ielle. ( L o i
d e r itu n u p tia r itm , — L o i 3.6, f f . de.
pignorilr. e t h y p o th . — L o i 2 , c o d . q u i e t a d v e n u s q u o s. )
�C o n c lu o n s J o n c que les daines D e v a u r e et d e l à R o q u e seroient aujourd’hui non recevables à renoncer au b énéfice de l ’institution , pour se dispenser de rem p lir les dispositions
q u i en font partie.
DEUXIÈME
PROPOSITION.
S i le s d a m e s Devait?/* e t d e la R o q u e a c c e p te n t l'i n s t it u t i o n , e lle s d o iv en t a c c o m p lir
la c o n d it io n d e p r è c ip u t q u i y e s t a p p o s é e en fa v e u r d ’ A n d r é D u m o n t.
C e tte p r o p o s i t i o n est c om p lex e ; elle nécessite l ’examen des trois questions suivantes :
i ° . D e s c o n d i t i o n s p e u v e n t - e l l e s êtr e a p p o s é e s à une i n s t i t u t i o n ?
, ■•
2°. U n p r é c ip u t peut-il être une c o n d itio n d ’institution?
5 °.
L e précipu t don t i l s’a g i t , a-t-il été attribué à A n d r é D u m o n t , c o m m e c o n d itio n
de l ’institution de scs soeurs ?
§. Ier. D e s c o n d itio n s p e u v e n t-e lle s être a p p o sé e s à une in s titu tio n ?
P o u r Vaffirm ative s ur c e t t e q u e s t i on , il suffiroit d ' i n v o q u e r l ’a u t o r i t é d e la raison ;
e l l e d i t à q u i c o n q u e v e u t l ’e n t e n d r e , q u ’i l est l o i s i b l e à c e l u i q u i e x e r c e un e l i b é r a l i t é ^
d ' y a pp o s e r telles c o n d i t i o n s q u ’il j u g e c o n v e n a b l e s , p o u r v u q u e l l e s ne s o i ent c o n t r ai r e s
n i a u x lois , n i a u x b o n n e s m œ u r s ; u nicuiqite lic e t m odum quem v o lu erit lib e r a lita ti
suce apponere : c ’est à c e l u i qui est l ’obj et d e l a l i b é r a l i t é , à l ’a c c e p t e r o u a y r e n o n c e r ;
m a i s s’il l ’a c c e p t e , il est d e ra i s o n qu' i l ne pui sse la s y n c o p e r , e t q u il soi t t enu d e 1 a c c e p t e ^
in tég r a lem e n t , a v e c les c h a r g e s et c o n d i t i o n s q u i y s ont i mposées .
M ais i n d é p e n d a m m e n t de l'autorité de la r a i s o n , on peut en core se pr év a lo ir de l’op inion
des j u r i s c o n s ul t e s anciens q u i o nt traité la matière des institutions conditionnelles.
A u r o u x , sur la c o u tu m e d u b o u r b o n n a is , et L e b r u n , en s on T r a ité d e s s u c c e s s io n s ,
apr ès a v o i r d é m o n t r é q u e l ' i n s t i t ut i o n c o n t r a c t u e l l e ne peut être v a l a b l e m e n t faite , d ’ una
m a n ière d i r e c t e , q u ’au prof i t et ut i l i t é des ma r i é s et des d e s c e n d a n s d u m a r i a g e , et q u e t
f ai t e au prof i t d ’a ut r e s , e l l e est a b s o l um e n t nul l e et c a d u q u e , di s e n t q u ’ on p e u t f ai re i n
d ir e c te m e n t u n e i n s t i t u t i o n v a l a b l e au prof i t d un t i e r s , en 1 a p p o s a n t c o m m e c o n d itio n
à l ' i n s t i t ut i o n f ai t e au profi t des c o n t r a c t a n s ma r i ag e .
« Il y a , dit le premier de ces auteurs , un m oyen de faire
1 equipollent
d une institution
c o n t r a c t u e l l e , au profit d ’autres personnes q u e des mariés , en instituant la personne
mariée à la charge d ' a s s o c i e r ses frères et soeurs , par ex em p le, pour une certaine q u otité
de l'in stitu tio n ; ce qui v a u t, au profit des frères et sueurs, com m e u n e c o n d i t i o n de
l'institution. [ A r t . 2 1 9 , «°. 28 .)
a C a r , ajoute le même com m entateur , l'association étant une cliarg« de
.
1 institution
d o n t e l l e f a i t p u n i t * , l’ institué est dans la nécessité ou d e r e n o n c e r à l ’ i n s t i t u t i o n , ou
d e c o n s e n t i r a l ’a s s o c i a t i o n . { A r t . 2/,4 , n ° . 8 . )
« Il y a plus , ajoute-il , r est qu'à l'égard de deux institutions r é c ip ro q u e s , faites par
deux fières dans le contrat de m triage de l'un , il a été d é c id e que celle faite en faveur
du frère qui ne c o n t ra c ta it pas mariage , par celui qui c o n t r a c t o i t , ¿ to it v a la b le , et cç
à cause de la ré c ip ro c ité d-s institutions. M o nsieur le Rapporteur s'explique , et dit que
les institutions des deux frères fia n t réciproques , 1 institution que l’un avoit faite au
profit de l'autre , étoit u n e c o n d itio n de celle don t il se trouyuit en même temps bien
gratifié ; d ’où il restoit à c o n c lu r e que r e l l 1* faite en f av e u r d u frere q u i n e c o / ttr u c io it
p a s m a r ia g e , deyoit valoir 10/n/ne c o n d itio n . . . • ,
�( *3 )
« C ’est ce q ui fu t jugé au rap port d e M .
de
V
ienne
r e n d u en la g r a n d ’c h a m b r e , le î a mars 1756. ( I b i d .
, par arrêt du parlem ent de P a r i j ,
9 , à l ’a d d it io n . ) >»
On peut d o n c , suivan t cet a u te u r , apposer d e s c o n d itio n s a une in s titu tio n ; il y a
p l u s , une institution qu i ne va u d roit pas , dans certains cas , com m e disposition d i r e c t e ,
peut va loir c o m m e c o n d it io n d ’une autre institution régulièrem ent faite ; et il nous
atteste que telle étoit la ju risp ru d e n c e sous l'e m pire de la coutum e du Bourbonnais.
L e b r u n , en so n T r a ité d e s s itc c . , liv .
cette doctrin e.
3,
c h a p . a , rc°s. i 3 e t 45 , professe égalem ent
'
Ce po in t de d ro it n ’est pas n ou ve au ; il a toujours été perm is de stipuler a u p ro fit d 'u n
t i e r s , lorsque telle étoit la c o n d itio n d ’ une d on atio n q u ’on faisoit à un autre.
On peut consulter le litre 1er. J u i ; V- 4 5 du D ig e s te , qui en fournit plusieurs exemples,
n otam m ent la lo i
58 e t
suiv. ; ainsi que la l o i 10 ^ ff. d e p a c t i s d o ta lib u s .
L e C o d e N a p o l é o n , art. 11 a i , n ’a fait que m ain tenir et consacrer les anciens p rincipes
à cçt égard ; il est ainsi c o n ç u :
« O n p e u t p a r e i l l e m e n t s t i pu l e r au prof i t d 'u n tie r s , l or s q u e tel l e est la c o n d itio n
d un e s t i p u l a t i o n q u ' o n fait p o u r s o i - m ê m e , ou d ’ une d o n a tio n q u e l'o n f a i t à un a u tr e ;
c e l ui q u i a fuit c e t t e s t i p u l a t i o n ne p eut pl us la r é v o q u e r , si le tiers a d é c l a r é v o u l o i r en
profiter. »
D an s ce cas , la disposition au profit du tiers va ut c o m m e co n d itio n de la donation ;
et elle d ev roit être exécutée à l’égard de ce tiers , d it M . G r e n i e r , q u o i q u ’il ne l ’eût
pas acceptée , pa rce que la d on atio n subsisteroit a vec toutes ses cond itio ns , en vertu de
l ’a ccep tation que le donataire en auroit faite , en supposant q u e lle s n’eussent pas été r é
voquées par le donateur. {Traité d es donat. , tom. \ ,p a g . a 3 j.( «°. 7 4 . )
A la v é rité , cette disposition au profit d'u n tiers , q u i vaut c o m m e c o n d itio n d ’une
institution , ne jouit pas de toutes les prérogatives de l'institution elle-mêm e ; le tiers désigné pour r e c u e illir l ’objet de la disposition, n ’en est p>s saisi irrévocablem ent : elle peut
être révoquée au gré des c ap rices de l ’in s titu a n t, à la différence de l'institution , q ui n’es-t
pas révocable.
C ’est en c e sen s, et uniquem ent p a r c e q u e le d o n a te u r ou l ’ in s titu a n t
n 'e s t p a s lié , q u ’on p e u t dire que la disposition cond itio nn elle n ’est pas confirmée par
la faveur du c o n tra t , c o m m e l’institution.
Mais cette faculté de révo ca tion ne com péte q u ’à l ’instituant ou don ateur ; de ce qu’il
n est pas lie envers le tiers désigné , il ne s’ensuit pas que le donataire ou l’institué ne le
soit p a s : une charge a-t-el le été imposée à ce d e r n i e r , il ne d épend pas de lui de s’y
soustraire. Il peut être contraint à s’y c o n fo rm e r , soit par le donateur ou l in s t i t u a n t ,
soit s u b o r d o n n p m e n t, par le tiers d é s i g n é , si l’instituant est d écédé sans l’avoir revoquee*
•C est une loi qui lui a été imposée c o m m e c o n d itio n du b ie n fa it ; il ne peut s en dégager
q u V n renonçant au bienfait lui-mêm e.
L a l égi s l at i on n o u v e l l e a m o d i f i é , â quelques égards , l es p r i n c i p e s anci ens s ur ce t t e
m a t i è r e , en c e q u ' e l l e ne p e r m e t pl us à cel ui q u i a fait la s t i pul a t i o n de la r é v o q u e r ,
l o r s q u e le tiers a d é c l a r é v o u l o i r en prof i t er.
M a i s c e c h a n g e m e n t de l égi sl at i on n i nfl ue
en 111*11 sur la s o l ut i on d* la d i f f i c u l t é q u ’o n é l è v e à la d e mo i se l l e D u u i o n t .
D e s c o n d i t i o n s p e u v e n t d o n c être a ppos ée s à une i n st i t ut i on.
§. I I .
U n p r é c ip u t p e u t - il ¿tre une c o n d i t i o n d in s titu tio n ?
S i , cotnmc on c ro it l ’avoir dém on tré , des conditions pe uve n t être apposées à une i n s
�( i4 )
ti t ut i on
on n e v o i t pas ce q u i p o u r r o i t f ai re o b s t a c l e à ce q u ’ un i nst i t ué f ût t e n u d e s o uf f r i r
l e p r é l è v e m e n t d ’u n p r é c i p u t , c o m m e c o n d itio n d e son i nst i t ut i on.
O n v i e n t de v o i r q u e s u i v a n t
le s e n t i m e n t
d ’A u R O u x , d e L e b r u n , et de t ous les
a ut eur s q u i o n t traité la ma t i è r e des i n s t i t u t i o n s , o n p eut f ai re passer à des tiers une
q u o tité d e s ucce s si o n , c o m m e c o n d i t i o n d e l ' i n s t i t ut i o n f ai t e au profi t de c e l u i q u i se
m a r i e : à c o m b i e n p l us f orte ra i s o n do i t - o n d é c i d e r q u ’une d i s p o s i t i on au p r of i t d ’ un
t i e r s , q u i n ’a p o u r b u t q u ' u n e c h o s e p a r t ic u liè r e , q u ’ un co rp s c e r ta in e t d é te r m in é ,
p e u t v a l oi r c o n n u e c o n d i t i o n d ’ un e i ns t i t u t i on : c est l e cas d ’a p p l i q u e r la m a x i m e q u e ,
q u i p e u t le p lu s p e u t le m o in s , m in u s l i c e t c u i et p lu s ; et la r c g l e in eo q u o d p lu s
s i t sem p er i n e s t e s m in u s. ( L o i 11 o , Jf. d e reg u lis j u r i s .)
C e q u e la ra i s o n p a r o i t l é g i t i m e r , l ’aut o r i t é des a n c i e n s a vo c a t s d e la s énéchaussée du
B o u r b o n n a i s l e c o n f i r m e d e la m a n i è r e la mo i n s e q u i v o q u e .
O n p e u t p r o d u i r e , à l ’a p p u i de c e t t e a s s e r t i o n , p l u s i e u r s d é c i s i o n s d e M M . H e u i l : l a r d , T o u r î t , D u r y , C h a r r i e r et B e r a u d , é c r i t e s de la i nai n de ce de r n i er , â
l a m a r g e d ’u n a n c i e n c o m m e n t a i r e de la c o u t u m e de B o u r b o n n a i s ,
par P a v o n , l equel
a a p p a r t e n u à M . B e r a u d , l ’u n des p l us c é l éb r é s j ur i s co ns ul t es q u ’ait p r o d u i t cette
province.
« L e 7 j u i l l e t 1 7 6 1 , d i t - i l , M M . H e u i l l a r d , D u r y , T o u r e t et mo i a v o n s d é c i d é
q u e d e h u i t enf ans q u a v o i en t les sieur et d a m e Bo n n c l a t , en a y a n t i n s t i t ue q u a tre lie*
ri t i ers p a r égal e p o r t i o n a ve c les a u t r e s , sous lu réserve d'une, somm e de s i x m ille
liv r e s, p o u r en d i s p os e r p a r quel s actes q ue r e f ut d ’e n t r e - v i f s , o u à cause d e m o r t ,
a v o i e n t d i s p os é i n f r u c t u e u s e m e n t de la m o i t i é de ce t t e rés er ve au p r of i t de G i l b e r t ,
l eu r fils p u î n é , p ar le c o n t r a t de m a r i a g e de P a u l , l ’a î n é , p o u r la d i s p o s i t i on n ’a v o i r
p a s été a c e r p t é e p a r G i l b e r t , ce t t e d i s p o s i t i o n n ’a y a n t a u c u n c a r a c t è r e d ’actes e n t r e
v i f s , ou à cause de m o r t , p a r l esquel s les p è r e et mè r e a v o i e n t rest rei nt la f o r me de l eu r
d i s p os i t i o n ; q u e c e t te d is p o s itio n ne v a lo i t q u e p o u r la p o r tio n d e P a u l , co m m e
c o n d itio n d e son i n s t it u t io n , et a t t r i b u t i o n de l ’a ut re m o i t i é de la ré s er ve q u i lui a v o i t
été faite p a r son c o n t r a t de ma r i ag e . ».
Ce s j ur i s c o n s u l t e s , en d é c i d a n t q u e la d i s p os i t i o n f ai t e p a r l e c o n t r a t de ma r i ag e d e
P a u l , au prof i t de G i l b e r t , v a l o i t , p o u r la p o r t i o n de P a u l ,
c o m m e c o n d i t i o n de
so n i ns t i t u t i on , ont f o r m e l l e m e n t d é c i d é q u e le p r é l è v e m e n t d ’ une s o m m e , o u d ’un
c o r p s c e r t ai n , p o u v o i t être app o s é c o m m e c o n d i t i o n a une i n s t i t u t i on .
A u t r e d é c i s i o n , d u i 5 j ui l l et 1 7 7 a : « P a r l e c o n t r at de ma r i a g e d u s i eur G o s s e a v e c
E l i s a b e t h L a p l a n c h e , G i l b e r t L a p l a n c h e a i ns t i t u é l a di t e É l i s a b e t h s o n h é r i t i èr e p a r
ég a le p o r tio n a v e c ses autres enf ans , so u s u n e réserve d e f o n d s d e v a le u r d e q u in z e
m ille f r a n c s ; p a r le m ê m e a c t e , G i l b e r t L a p l a n c h e a di sposé de tro is m ille livres sur
c e t t e réserve , au prof i t <1’A n t o i n k L a i - l a n c h e , s on f i l s , P o u r *a p r e n d r e et p r é l e v e r
a v a n t tout p a r t ag e de la s uc c e s s i o n .
G i l b e r t L a p l a n c h e étant m o r t le 17 s e p t e mb r e 1 7 7 1 ,
il s’est agi ent re les e n f an s G o s s e , A n t o i n e et M. tri e L a p l a n c h e , n o n ma r i é s , c o m m e n t
d e v a it s e p re n d r e le p r é c ip u t.
MM. D u r y ,
Les p ar t i e s a y a n t c o m p r i s et
n o m m é p o u r arbi tres
C h a r r i e " e t m o i B i r a u j > , nous a v o n s a m p l e m e n t agité la q u e s t i o n ,
si le p r é c i pu t d e v o it être p r it en en tier sur la p o r t i o n d e la réserve a f f é re nt e aux e nf an s
G o s s e , ou s ’ils n e d e v o i e n t y c o n t r i b u e r
que
p o u r l e u r p o r t i o n v i r i l e . No u s é t i ons
d ’a c c o r d q ue Ma r i e L a p l a n c h e , non mariée, , n e d e v o i t pas y c o n t r i b u e r . P a r s e n t e n c e
a rbi t ral e du i 5 jui l l et 1 7 7 2 , n o u s a vo n s j u g é , c o n t r e I’ayi s d e M . D u r y > q u e le p r é -
�Ul
'W *
( ï5 )
c i p u t d e v a n t se p r e nd r e p a r p r é l e g s avant -partage , l es m i n e u r s G o s s e n ' y c o n t r i b u o i e n t
que pour un tiers ; q u ' A n t o i n e L a p l a n c l i e , p r é c i p u é , e n c o n f o n d o i t u n ti ers en sa p e r
s o nn e , et q u ’il p e r d o i t l e tiers au r e s p e c t de M a r i e L a p l a n c l i e , non m ariée. »
Il résul te é v i d e m m e n t de c e t t e s e n t e n c e a r b i t ra l e , q u e les trois j u r i s c o n s u l t e s q u i 1 o nt
r e n d u e ét oi ent d 'a v is unanim e q u e l e p r é c i p u t v a l o i t c o m m e c o n d i t i o n de 1 i n s t i t u t i o n
d ' E l i z a b e t h L a p l a n c l i e , et q u e M a r i e L a p l a n c l i e , n o n m a r i é e , ni p a r c o n s é q u e n t i n s
t i t u é e , ne d e v o i t pas y c o n t r i b u e r ; en sorte q u ’i l s n e d i f f é r o i e n t d o p i n i o n q u e s ur la
q u e s t i o n de s a v o i r si le p r é c i p u t s eroi t pri s e n e n t i e r sur la p o r t i o n d e la r es er ve a f f e r e n t e
aux mi n e ur s G o s s e , e nf ans d ’E l i z a b e t h L a p l a n c l i e , i n s t i t u é e , o u s'ils n e d e v o i en t y c o n
t ri b u e r q u e p o u r l e u r p o r t i o n v i r i l e .
,
Ce s aut ori t és i m p o s a n t e s , é ma n é e s des pl us fidèles i n t e r p r è t es d u d r o i t c o u t u m i e r q u i
r égi s s oi t la p r o v i n c e d u B o u r b o n n a i s , d o i v e n t être d u p l us g r a n d p o i d s dans la d é c i s i o n
d e c e t t e cause.
M a i s elles se t r o u v e n t e n c o r e étayées p a r une j n ri spru den ce q u e s on a n c i e n n e t é n e
r e n d q u e p l u s r e s pe ct ab l e .
C ’est ce q u e nous assure A u h o u x - D e s p o m m i e r s , en son Com m entaire sur l ’ art. 3 o 8 ,
n°. 5 , où il r a p p o r t e un arrêt du 22 mai 1 7 1 6 , q u i a j ugé v a l a b l e un p r é c i p u t a t t r i b u é à
u n m â l e p a r las c o nt r at s de ma r i ag e de ses soeurs, c o m m e c o n d i t i o n d e l e u r i n s t i t u t i o n .
C e t arrêt q u ’ A u n o u x ne fait q u ’i n d i q u e r , se t r o u v e a m p l e m e n t d é v e l o p p é , a v e c les
c i r c o n s t a n c e s q u i l ’a c c o m p a g n è r e n t , dans les not es m a nu s c r i t e s de M . B t R A u n , d o n t
c o m m u n i c a t i o n a été d o n n é e aux d a me s D e v a u r e et d e la R o q u e : l ' i m p o r t a n c e d e c e t t e
cause nous Tait un d e v o i r d ’e n t r a ns c r i r e l i t t é r a l e m e n t l ’e x t r a i t , tel q u ' i l existe dans la
s ource q u e nous i n d i q u o n s .
« A u r e s pe c t d u c o n t r a t d e m a r i a g e , y est-il d i t , n a î t un e que s t i on , s a v o i r , si la c o u
t u m e a p r é t e n d u q u e , p o u r la v a l i d i t é du p r é c i p u t , i l f u t néce s sa i r e q u ’il f ût fait p a r le
c o n t r a t du p r é c i p u é , ou si le mâl e n ’ é t a n t p o i n t en âge ou s i t uat i on de se m a r i e r , ses pèr e et
i n er e p e u v e n t , pur le c o n t r a t d e ma r i a g e d ’ une de ses soeurs, faire a u d i t mâ l e p r é c i p u t va l a bl e?
« C e t t e q u e s t i on f ut agi tée e n l ' a nn é e 1 7 1 6 , s u r u n a p p e l d ’ u n e s en t e n c e d e m o n s i e u r
l e s é n é c ha l , r e n d u e par d é f a u t , au prof i t de M . S é b a s t i en M a q u i s , a v o c a t , l e 29 août
1 7 1 4 , co n t r e d a m e A n n e M a q u i n , é po us e du si eur P a l i e r n e d e l ’ E c l u s e , et d a m e
M a r i e - E l u a b e t h M a q u i n , épous e d u s i eur D e s b o u c h a i n s , soeurs d u d i t S é b a s t i en
M a q u i n , l esquel l es lui c o n t e s t o i e nt u n p r é c i p u t de trente m ille liv res , q u i a v o i t été
r é s e r v é p a r le c o n t r a t du l adi te A n n e M a q u i n , p o u r en di s pos er au p r of i t des m â l e s , tel»
et ainsi q u e b o n s e m b l e r o i t au s i eur Sé bas t i en M a q u i n et E l i s a b e t h P i e d e m e s , p è r e et
m è r e des part ies ; de l a quel l e s o m m e ils a v o i e n t di s pos é au p r o f i t de S é b a s t i e n , l eu r fils,
p a r le c o n t r a t d e l adi te M a r i e E l i z a b e t h M a q u i k . L a c l a u s e d u d e r n i e r c o n t r a t é t o i t
t out -à-f ai t re l at i v e au p r e m i e r , et ell e étoi t
1 o n ç u e en ces t e r me s t
« C o n s o m m a n t le c h o i x rt la di s pos i t i on q u e se s ont réser vés d e l adi te s o m m e de trente
mille, livres , à c e t é g a r d , ils o n t d é c l a r é q u ’ils e n t en d e n t q u e ce t t e s o m m e soit pri se et
Pr é l e v é e après l eu r dé c è s , par f o r m e de p r é c ip u t , p a r S é b a s t i e n M a q u i s , l eu r fils ,
»ans q u e l edi t p r é c i p u t p r é j u d i r i c au p a y e m e n t de la s o m m e de vingt-quatre u n
q u i l ui sera fait p o u r l ’ég.ilcr a v e c les de mo i s e l l e s ses s œ u r s l o r s de son élu
e l i vr es
i ssei nent o u
a u t r e m e n t , ainsi q u ’ils a v i s e r o nt ; sans l a q u e l l e rés er ve de p r é c i p u t l esdi ts p è r e et mèrede l a f ut ure l’auroi ent a p a n é e , c o m m e il leur est p e r mi s p ar la c o u t u m e de c e t t e p r o v i n c e , ,
et sous c o n v e n t i o n q u ’o ù la f u t u r e v o u d r o i t c o n t e s t e r l edi t p r é c i p u t , e l l e demeurera; ero
•
�( 16 )
e f f e t a pa né e p o u r l a d i t e s o m m e d e v i n g t - q u a t r e m i l l e l i v r e s . L a s e n t e n c e r e n d u e f aut e d e
c o m p a r o i r , ' p o r t o i t q u ' a v a n t d e p r o c é d e r au p a r t a g e , l edi t S é b a s t i e n M a q u i n p rélèvera it
la s o m m e d e t re nt e m i l l e l i v r e s p o u r le p r é c ip u t à l ui a c c o r d é , e n s e m b l e le s in t é r ê t s ,
p o u r mo i t i é , d u j o u r d u dé c è s de sa m è r e , et de l ’aut re m o i t i é à c o m p t e r s eu l eme n t d u
j o u r du d é c è s du s i eu r M a q u i n pèr e.
« L e s d a m e s a p p e l a n t e s , p o u r f ai re i n f i r m e r la s ent ence , se f o n d o i e n t s u r l ’art. 3 o 8 ,
et p r é t e n d o i e n t q u e le p r e c ip u t ne p o u v o it être la is s é q u e p a r le c o n tr a t d e m a ria g e
d u p r é cip ité ; q u ’a i n s i , il f a l l o i t e n t e n d r e c e s t e r m e s , en fa v e u r d 'i c e l u i m a ria g e. E l l e s
a j o u t o i e n t q u e l ' i n t i mé ne p o u v o i t qua l i f i e r l edi t act e d e d o n a tio n e n tr e - v ifs , p a r c e
q u ' i l n ’a v o i t pas a c c e p t é ; q u e s’il di s o i t q u e c e f ût un e d o n a t i o n à c a us e d e m o r t , i l ne
p o u v o it être h é r itie r e t lé g a ta ir e ; q u e bi e n étoi t v r a i q u ’en c o n s é q u e n c e d e la ré s er ve
f a i t e , le si eur M a q u i n p è r e p o u v o i t d i s p os e r , ma i s q u Jil ne l ’a v o i t pas f i i t v a l a b l e m e n t
p a r un a c te étran g er à l'i n t im é ; e n f i n , q u e la s i eur M a q u i n pèr e ri avait p u , p a r une
s t ip u la tio n p é n a le , fai re Val oi r u n e c l a u s e n u l l e et c o n t r a i r e à la loi .
« L ’i n t i m é , e n r é p o n s e , se s er vi t d e qua t r e p r i n c i p a u x m o y e n s ;
« i ° . Q u e la loi n ’é t o i t p o i n t c o n ç u e en t e r me s p r o h i b i t i f s , et p a r c o n s é q u e n t p o u v o i t
p e r m e t t r e une s t i p u l a t i o n c o n t r a i r e ; q u e sa p r é t e n t i o n n e t o i t p o i n t c o n t r a i r e à la l o i ;
q u e le p r é c i p u t é t o i t f ai t à d e s c e n d a n t , e n c o n t r a t de mari . i ge et en f a v e u r d ' i c e l u i ,
p u i s q u 'i l é t a it le p r i x d u r a p p e l d e s f i l l e s , q u i a u r o ie n t été a p a n ées sans l edit p r é c i p u t ;
« 2°. Q u e cette prétention éto it suivant l ’esprit de la c o u t u m e , qui tendoit , par le s
a r t. S oi ,. 3o 5 , Z07 , 3 i o et S i 1 , à la faveur des mâles, au préjudice des filles ; que la c o u
tu m e n’a réprouvé les avantages faits par donations en tre-vifs, testamens et autres actes
p a r tic u lie r s , que parce que lesdits actes étoient p a r t ic u li e r s , et que 1rs avantag-s auroient
pù être faits à l ’ in sçu e t s a n s le c o n s e n te m e n t d e s a u tres e n f a n t , c.e que l'on ne p o u v o it
présum er en un c o n tr a t d e m a r ia g e , qui est un acte pu b lic et c o m m u n à toute la famille ;
« 3 ®. Q u e le* a pp e l a n t e s a v o i en t c o n s e n t i a u d i t p r é c i p u t , et q u ’il n ’y avoi t p o i n t de
s t i pu l a t i on p é n a l e , ma i s q u e c ’étoi t u n e c o n v e n t i o n faite a v e c fille m. i jeure;
«
4°.
Par l ’u sa g e de la p r o v i n c e , é ta b li par l ’extrait de tr e n te - n e u f c o n tr a ts d e m a
r ia g e , c o n te n a n t p a r e ille c la u s e , le rn n iij d e la s e n te n c e , une a tte s ta tio n d e s a v o ca ts
du barreau d e la sénéchaussée, d e s p r o c u r e u r s , et un c e r tific a t d e s notaires-,
« E t sur l ’a p p e l , l ' i n t i m é a y a n t f o r m é i n c i d e m m e n t d e m a n d e à ce q u ’en c o n s é q u e n c e
d e la c o n t e s t a t i o n q u i é<oit f ai t e et f o r m é e du p r é c i p u t , les a pp el a nt e s d e me u r a s s e n t
a p a n é e s , c o n f o r m é m e n t a \i cl a us e de s c o n t r a t s d e mari age.
« L e 22 mai 1 7 7 6 . au r a p po r t d e M . l ' a b b é P ucf . l l f , i nt e r v i nt arrêt :
« L a • o u r m i l l 'appt-l Uiion
n é,int t o r d o n n a q u e c e d o n t a voi t été a p p e l é s o r t i r o i t
ef f et ; et s ur la d e m a n d e d * .Sébastien M a q u i n , à fin d e d é c h é a n c e d u r a p p e l , m i t les
p a r t i e s l\ors d e c o u r ; c o n d a m n a le» «pr i a nt e s à l’a m e n d e , et tant el l es q u e leurs ma r i s
a u x troi s qua r t s de> d é p r n i , l ' a ut r e q u a r t c o m p e n s é . »
L ' e s p è c e d e c e t arrêt a ht p l i M g m n d e . m. dngi r avec, c e l l e q ui f.i■
t la ma t i è r e d e la c o n t e s
t at i on p e n d a n t e e n t r e la d e mo i s e l l e Du mo nt n tes part ¡es ad verses : on pou 1 roi t m ê m e s o u
t e n i r q u e ces d e u x e spè ces sont i d e nt i q u e s ; la s eul e d i f f é r e n c e q u ' ou y d é c o u v r e est q u e ,
di t q u e si la f ut ur e cont es t e le p r e c i p u t , ella dem eurera
apanée à la soin me de v i n g t m i l l e li vres ; t andi s q u e , dans n o t r e espéc./j, il est dit q ue , sans
da n s l ' es pèce de M a Q U I N , il
les c h a r g e s et c o n d i t i o n s de l ’i n j t i t u t i u n , la f ut u r e aurait été apanée à la s o m m e q u i l ui
est c o n s t i t ué e en d o t . .
�M3
(
17
)
L a demoiselle D u m ô n t fait Cette rem arq u e , parce q u ’il convient en tout de rendre
hom m age à la vérité, et q u ’elle veut prouv er à ses adversaires q u ’elle ne ch erch e à a ffoiblir
aucune de leurs objections : mais on leur prouvera bientôt que cetle variante ne doit être
d ’aucu n e considération dans la c a u s e , et q u e , dans l'u n et dans l ’autre c as, i l y a apanage,
s’il n ’ y a pas institution.
Q u a n t à présent , la seule conséquence à tirer de l ’arrêt de 171(1, est q u 'il a jugé in
te r m in is , q u ’une disposition de p r é c ip u t est valable lorsqu'elle est a p p o sé e , com m e con*
d ition j à une institution.
Q u ’on ne dise pas que l ’a rrêt a ainsi jugé , à raison de la m enace de forclu sio n , d o n t les
effets se fussent réalisés si l’on n'eut po in t a cc o r d é le précip u t.
*
O n répondra que la clause de l ’apanage est étrangère à la question de valid ité de préCiput ; que si cette clause de p r é c ip u t avoit été contraire à la l o i , ainsi que le porte un déj
considerans du jugement de G a n n a t , e lle a u r o it été réputée non é c r i t e , n o n o b sta n t la
m e n a c e d e fo r c lu s io n . Il a toujours été de p rincipe q u ’ une c la u s e p é n a le ne p o u v o il
v a li d e r une c la u s e c o n tr a ir e à la l o i , parce qu’autrem ent on pourroit se réserver le s
m o y en s d e v io le r lu lo i à son gré.
Il faut d o n c tenir po u r constant que si cet arrêt à d éc laré la disposition du p r é c ip u t
valable , c ’est parce q u ’une pareille disposition , q uoique faite hors le contrat de mariage
du précipué , n ’a rien de contraire à la l o i , lorsqu ’elle est une con d itio n d ’institution.
L a r a i s o n , l ’autorité des jurisconsultes de la sénéchaussée du B o u rb o n n a is, et la juris
p r u d e n c e , con cou ren t à établir q u 'u n p r é c ip u t p e u t être une c o n d itio n d 'in s t it u t io n .
§. III. L e p r é c ip u t d e la terre d e M o n t d o i t être a ttr ib u é à A n d r é D u m o n t , co m m e
la c o n d itio n d e l'in s t it u tio n d e s e s sœ urs.
P o u r se c o nvain cre de cette v é r i t é , il suffit d ’analiser la clause des contrats de mariage
des soeurs d ’A n d t é D u m on t.
Cette clause contient une institution restreinte par la stip u la tion d'une réserve , et
modifiée par plusieurs conditions q u ’il a plu aux instituans d 'y apposer ; condition» te l
lem en t liées et fondues dans un m êm e c o n t e x t e , a vec la clause d ’in stitu tion , q u ’il est i m
possible d en supprim er une par la pensée, sans a n é a n tir,d a n s le voeu des instituans, l’in i titutio n elle-inêiue.
Par cette clause , les père et m ère in stituen t leurs f i l l e s , sous une réserve déterminée ,
dont ils auront la faculté de disposer.
Ils instituent sous la c o n d itio n que si l ’un d ’eux d éc c d e Sans avoir dispôso de la
portion de la réserve , le survivant aura le droit de disposer de la totalité.
Ils'instituen t sous la c o n d itio n que s’ils d écèd en t l ’ un et l ’autre sans a vo ir disposé de Ia
réserve, elle a p p a r tien d r a , en toute propriété , à A n d ré D u m o n t , leur fils, à titre de p ré
c ip u t. « l a d i t e in s tit u tio n f a i t e , est-il d i t , so u s l a d i t e réserve, e t à c o n d td o n d e lad is p o s itio n . »
Enfin , ils instituent sous la c o n d itio n que la future laissera jouir le
survivant
des pere
et m ère, de la portion qui lui seroit revenue dans les biens du p r é d é c é d é .
S a n s to u te s le s q u e lle s c h a r g e s , c la u s e s et c o n d i t i o n s , e s t i l ajouté , la d i t e i n s t it u
tio n n ‘ a u ra it été f a i t e , et la future auroit été «panée moyennant sa constitution dotale.
Cette clause contient év id em m en t tro is c o n d i t i o n s , auxquelles les pere et in tre des d e
moiselles D u m o n t on t entendu sub ordo nn er l ’institution faife à leur profit.
.
5
* i{
�O r , deux de ces conditions se sont accom p lie s dans l ’intérêt d ’A n d ré D u m o n t .
E n effet, une prem ière con d itio n a ttachée à la cause d'institution , est q u ’en cas de
non disposition, la terre de M o n t appartiendra íi A n d r e D u m o n t . O r, P rocu le Pitat est d é
cédée sans a v o ir disposé de sa m oitié de la réserve ; l ’év én em en t de la c o n d itio n a d o n c
assuré à A n d r é D u iu o n t la m oitié de cette terre p a r v o ie d e d e s tin a tio n .
U n e d euxièm e con d itio n apposée à l'institution , est q u ’en cas de non disposition de la
part du p r é d é c é d é , le survivant aura le d roit de disposer de la totalité de la réserve. O r ,
cette seconde c o n d itio n s’est a c c o m p lie , au profit d 'A n d r é D u m o n t , par son contrat de
m ariage , en 178g ; la moitié de cette terre , d u c h e f de la mère , lui a donc encore été assurée
par v o ie d 'é le c tio n .
Il y a donc double m o tif de d é c id e r que le p réc ip u t appartient à la représentante d ’ A n
d ré D u m o n t , par la raison q u ’il lui a été a c q u i s , ou p a r v o ie d e d e s tin a tio n , ou pur v o ie
d ’ éle c tio n -, à moins q u ’o n ne d écid e q u 'il lui a été acquis p a r l'u n e e t l ’a u tre v o ie s
réu n ies.
O n persistera sans doute à soutenir que ces deux cond itio ns doive n t être réputées non
écrites , c o m m e contraires à la loi ;
Q u e la c la u s e d e d e s tin a tio n de la terre de M o n t au profit d ’A n d r é D u m o n t , hors son
contrat de mariage , est une c ontraventio n à l ’ art. 217 de la coutum e du Bourbonnais ;
E t que la f a c u l t é d ’ élir e donnée au survivant des père et mère , est contraire aux dispo
sitions de l ’ a rt. 226 de la mêm e cou tu m e.
I l c o n v ien t d ’a p p réc ier cette objection , et de la réduire à sa juste valeur.
E n ce qui con cern e la c la u s e d e d e s tin a tio n de la réserve , au profit d ’ A n d ré D u m o n t ,
à titre de p r é c i p u t , com m e cond itio n de l'institution de ses soeurs, on a déjà vu q u e , suivant
l'o p in io n des jurisconsultes les plus éclairés de la ci-devant sénéchaussée du Bourbonnais,
u n e telle disposition étoit valable ; et que cette opinion n étoit point une inn ov atio n en
ju risp ru d e n c e , puisq u 'elle se trouve consacrée par un a r r ê t , q ui rem onte à 1716.
. P o u r c o n c ilie r cette jurisprudence avec l ’a rt. 214 de la coutume , tout consiste à ne pas
confo nd re les dispositions p r in c ip a le s et d ir e c t e s , avec les dispositions r ela tiv es et c o n
d itio n n e lle s .
Ain si , par exemple , une donation p r in c ip a le ¡ q u ’ un pere auroit faite à son Fils , d ’ u n e
m a n iè r e d i r e c t e , et com m e disposition p r in c ip a le , par le contrat de mariage d ’un de
ses frères , seroit n u lle , parce q u ’une telle donation est prohibée par l ’ a rt. 217.
M ais il n ’en est pas de même d ’une d i s p o s i t i o n r e l a t i v e et i n d i r e c t e , qui se rattache c o n
d itio n n e lle m e n t à une d i s p o s i t i o n p r in c ip a le >teHe q u ’une i n s t i t u t i o n , et qui doit suivre
le sort de cette i n s t i t u t i o n , dont elle est une d é p e n d a n c e ; en sorte que c ’est moins la
d i s p o s i t i o n rela tiv e qu il faut c o n s i d é r e r en elle-m êm e , et i s o lé m e n t , pour juger de sa
V a l i d i t é , que la d i s p o s i t i o n p r in c ip a le à laquelle elle se r a tta c h e , et dont elle fuit essen
tiellem ent partie.
C e n ’est pas seulem ent en matière de p réc ip u t que la loi v a l i d o i t , com m e c o n d itio n
n e lle s , des dispositions qu’elle prohiboit lorsqu’elles étoient p r in c ip a le s et d ir e c te s .
C ’est ainsi q u e , c o m m e on l ’a déjà d i t , l ’institution faite par un p è r e , en faveur
de deux en fa n s, par le contrat de mariage de l’un d ’e u x , étoit n u lle à l ’égard de c elu i
qui ne sem.irioit pas ; tandis que
51 l'institution
n ’étoit faite q u ’en faveur de celui qui se
i n a r io i t , à la charge d a s s o c ie r son frère , la disposition étoit v a la b le au profit de ce der
nier , coim ne c o n d itio n de l'institution fait« à l ’autre.
�iJ i
( \9 )
C ’est ainsi q u ’en coutum e du B o u r b o n n a i s , la disposition faite par des époux pendant
le mariage , au profit du s u r v i v a n t , de l ’usufruit des biens du p réd é cé d é , étoit n u lle ,
c o m m e contenant un avantage p rohib é , tandis q u ’elle a toujours ete consid érée c o m m e
v a la b le lorsqu’elle se raltach oit à une in stitu tion de leurs enfans , et qu elle en étoit la
con d itio n ; ce q ui nous est attesté par tous les com m entateurs , et n otam m ent par
A uroux
, su r le s are. 226 , n°. 10 , et 227, «°.
3 o.
Il ne faut d o n c pas s’étonner si les adversaires on t c r u raisonner juste dans leur
système , en parlant d e l'a r t. 217 de la c o u tu m e ; leur erreur pr o v ien t de ce q u ’ils o n t
fait une confu sion p e rp étu elle des clauses constituant une donation p r in c ip a le , avec les
dispositions relatives et c o n d itio n n e lle s , q u i se régissent par des régies de droit b ien
différentes.
C est sur les principes que nous venons de d évelopp er , que repose essentiellement une
consultation signée de trois jurisconsultes recom inandablcs de C l e r m o n t , M M . B o i r o t ,
B
ergier
et D
artis
, sous la date du 12 d é ce m b r e i 8o 5 .
D a n s c e t t e c o u s u l t a t i o n , d e m a n d é e et o b te n u e p a r M . D
evaure
lu i- m ê m e , d o n t
les a p p e l a n s o n t sous les y e u x une c o p i e f i dè l e me n t c o l l a t i o n n é e s ur c e l l e q u i est d a n s
le* ma i n s des i n t i m é s , ces j u r i s c o n s u l t e s o n t f o r m e l l e m e n t d é c i d é q u e le p r é c i p u t
d e v o i t être r e l â c h é à la d e mo i se l l e D u i n o n t , e n v e r t u d e la c o n d i t i o n app o s ée à l ’i n s
titu tio n de ses tantes.
« L a coutum e du B o u r b o n n a is , d isen t-ils, étoit une co u tu m e de forclu sio n légale:
on lit dans l ’a rt.
5o 5 ,
que toute fille mariée et d o té e , ou , ce qui est s y n o n y m e , a p a n è s
par ses père et mère , est forclose de toutes successions directes et collatérales.
« La dame D ev a u r e , mariée et dotée par ses père et m è r e , étoit d o n c forclose de
droit par leur seul silence , et par le seul effet de la loi m unicipale.
« A u lieu de cette forclusion r ig o u reu se , les pcre et mère l ’appellent à leur succession ,
mais ils l'a ppellent a vec d e s m o d ific a tio n s ; ils veulent bien q u ’elle soit leur héritière
par égalité avec sa sœ u r et son fr c r e , mais non pas dans l'universalité de leurs biens;
ils en exceptent la terre de M ont.
« Peut-on dire que cette exception ne leur fu t pas permise ? pouvant livrer leur fille
a une forclusion absolue , ne pou voient-ils pas laisser du m oins subsister cette f o r
clusion pour une partie quelconque de leur f o r tu n e , ou pour tel et tel objet p a rticulier ?
« C o m m e on le dit v u l g a i r e m e n t , qui peut le plus peut le moins : les sieur et d ame
D u m o n t pouvant priver leur fi!le de leur succession , pouvoient à plus forte raison ne
1 en priver qu en partie ; et s ils ont voulu que la forclusion subsistât pour celte p a rtie ,
leur volonté doit être accom plie.
<( O r , cette volonté a été e i p r i m e e de la manière la p lu s ex p r esse dans le contrat de
mariage de la dame D evau re , en ce q u ’il y est dit form ellem en t que la dame D evau re
n est 'usfituée leur héritière q u ’à cond itio n q ue la terre de M o n t demeurera exceptée do
cette in s titu tio n ; que sans cette c o n d itio n l'in stitution n ’ a u r o it p a s été f a i t e , et la
ju tu r e a u r o it é t é a p a n é e m o y en n a n t la d o t q u i v a lu i être c o n s t i t u é e .
Apanage qui auroit produit lo u t son effet pour la succession d 0 1° dame D u m o n t ,
Puisqu’elle est décédée en l 7 86.
« La conséquence de tout ce q u ’on vient de dire , c ’est que si la représentante d ’A n d ré
D u m o n t conserve la terre de M o n t en p r é c i p u t , et sp écialement la moitié qui en a a p
partenu à la dame D u m o n t , ce 11’est pas en vertu de la disposition q ui en a été faite en
�( 20
)
faveu r d ’A n d r é D u m o n t , par son contrat de mariage du S i niai 1 7 8 9 , disposition q ui
étoit nulle p o u r la portion de la daine D u m o n t d é c é d é e ; mais parce que c ’étoit u n e
CONDITION EE l ' î NSTITUTION F AI T E AU PROFIT DE LA DAME D E V A U R E , Une ex cep tion
à l'in stitu tion de cet objet p a r t i c u l i e r , pour lequel les sieur et dam e D u m o n t ont voulu
laisser subsister la forclusion pron on cée par la c o u t u m e , forclu sio n à laquelle ils n’ont
Voulu déroger que pour le surplus de leurs biens.
« C ’est à ces idées simples que doit se réduire la question proposée; envisagée sous ce
po in t de vue , la décision 11’en peut être fa vorable à la dame D evaure. »
A in si s’e x p r i m e n t , dans l ’avis donné à la dam e D ev a u re , ces ju ris c o n s u lte s , don t
l ’aut6riié imposante ne sauroit être suspecte.
O n objectera peut-être , contre cet a v i s , que la forclusion légale ne peut être p artielle;
que l ’apanage est une sorte de fo r fa it qui tient lieu de la succession ; q u ’on ne peut être
apanée p o u r partie et héritière po ur p a r tie; que ces deux qualités sont in c on ciliables.
O n con v ien d ra d e la vérité de ces p r i n c i p e s , en matière de forclusion lé g a le, lors
q u ’elle a lieu dans le silence des parties , et p a r le se u l e ffe t d e la lo i m u n icipale.
ft^ais il n ’en est pas de m êm e lorsque les père et m è r e , dérogeant à cette forclusion
l é g a l e , appellent leur fille à leur succession par une institution contractuelle. Ils peuvent
alors faire l ’équ iva len t d 'u n e forclusion p a r tie lle , en imposant des charges et des c o n d i
tions à l ’institution , parce que les charges et conditions sont le prix de la n on-forclusion
légale , et de son rappel à la succession conven tion nelle ; aussi ces jurisconsultes ont-ils
form ellem en t d é c id é que la demoiselle D ü m o n t d ev oit conserver le p r é c i p u t , parce que
c'éto it u n e c o n d i t i o n d e l ’ i n s t i t u t i o n faite aux dames ses tantes.
Il reste à examiner quels pe uve n t être les effets de l ’espèce de f a c u l t é d ’é l i r e donnée
au s u r v i v a n t , par la clause q ui l ’autorise à disposer d e la to ta lité de la réserve.
I l est à peu prés indifférent à la d em oiselle D u m o n t q u ’on valide ou non les effets
de l ’é l e c t i o n faite dans le c o n tra t de mariage de son pére , puisqu’il est démontré
q u ’elle a un titre Incontestable au p r é c ip u t dans la d estin a tion prim itive de la terre
d e M o n t , au profit d e son p è r e , con n u e charge e t co n d itio n d e l'in stitu tio n de»
dames D evaure et d e Beauregard.
Mais il i m p o r t e , p o u r l ' h o n n e u r de s p r i n c i p e s , d e d i s c u t e r e n c o r e , s ous c e p o i n t
d e v u e , la q ue s t i o n d e la v a l i d i t é d u p r é c i p u t .
1
Les j ur i s c o n s ul t es d o n t i l v i e n t d ’être p a r l é , o n t é mi s l ’o p i n i o n q u e c e t t e f a c u l t é
to’ ÉLi RE é t o i t n u l l e , et q u e la d e mo i se l l e D um on t n e p o u v o i t r é c l a m e r l e p r é c i p u t ,
d u c h e f de P r o c u l e P i t a t , q u ’en v e r t u d e la cla u se co n d itio n n e lle d e destination .
E n rendant hom m age aux vastes ronnoissances de ce» j u r i s c o n s u l t e s , 1« demoiselle
D u m o n t se perm ettra de penser q u ’ils o n t erré sur ce p o i n t , et que leur erreur provient
d e ce q u ’ils ont considéré cette fa c u lté d ’électio n . en elle-m êm e , d ’une manière a b
solu e , et Art l iso la n t de l institution dont e lle éto it une d es co n d itio n s ; tandis q u ’il
falloit ra iso n n er, dans l ’e sp èc e, sur cette fa c u lté d ’é lir e , c o m m e ils ont raisonné sur la
disposition de préciput par la v o ie de la d estin a tion con dition n elle.
O n distinguoit autrefois deux sortes de dispositions subordonnées à la fa c u lté d ’elire :
— l u n e de ces espèces con ten oit un don fait à qu elqu ’ un avec charge d e rendre à un
tiers q u ’ il pourroit élire ; il y avoit là év id em m en t substitution fidéicommissaire.
L 'a u tre espèce avoit lieu lorsque la disposition étoit faite, indéfiniment ou parmi plu«ieurs personnes in d iq u é e s, à celui qui seroit élu par le tiers désigné ; elle ne c o n teu o it
�Ü?
( 2t )
aucun avantage au profit de Celui q u i devoit ¿lire ; et c ’est dans cette espèce que rentre
]a fa culté donnée au s u r v iv a n t, dans les contrats de mariage des dames D ev au re et de
Beauregard.
O n p o u r r o i t d o n c s o ut e n i r q u e ce t t e di s p o s i t i o n , p a r cel a seul q u ’elle n e c o n f è r e a u
cun é m o lu m e n t au s u r v i v a n t , ne c o n t r e v i e n t p o i n t aux l oi s p r o h i b i t i v e s d a v a n t a g e s e n t re
é p o u x ; et c e p e n d a n t ces j ur i s c o n s ul t e s ne f o n d e n t la n u l l i té de la di s pos i t i on f a c u l t a t i v e
d o n n é e au s u r v i v a n t , q ue sur ce q u ’ell e est c o n t r a i r e d l'a r t. 227 de la c o u t u m e , q u i n e
p e r m e t a u c u n a va nt a ge e nt r e ma r i et f e m m e , q u e c e l u i d u d o n m u t u e l des me u b l e s et
a c q u ê t s en u s u f r u i t , et dans le cas s e u l eme n t o ù ils n' ont p o i n t d ’e nf a n t d e l e u r u n i o n .
M a i s suppos ons q u ’il y e û t dans c e t te f a c u lt é d 'é l ir e un a va n t a g e q u e l c o n q u e au prof i t
du s u r v i v a n t , la n u l l i té d« la d i s p os i t i o n d e v r o i t - e l l e s’e n s ui v r e ?
C ’est i c i q u ’il c o n v i e n t d e r a p p e l e r la d i s t i n c t i o n des di s p o s i t i o n s p r in c ip a le s e t d i
r e c te s d ’a v e c les d i s p o s i t i o n s rela tiv es e t c o n d itio n n e lle s .
Sa ns d o u t e d e u x c o n j o i n t s , q u i p a r le c o n t r a t de m a r i a g e de l ’un d e l eurs e n f a n s , o u .
p a r t o u t a ut r e a c t e , d o n n e r o i e n t au s u r v i v a n t d ’e u x , d a n s le u r in térêt r e s p e c t if , et
p a r une cl a us e d ir e c t e e.t p r in c ip a le , la f a c u l t é de t r a ns me t t r e t out o u p a r t i e d e la suc*
c e s s i on d u p r é d é c é d é à un h é r i t i e r à é l i r e , f er oi ent u n e s t i pu l a t i o n n u lle , c o m m e co n t r ai r «
aux lois p r o h i b i t i v e s d ’a va n t a g e s e nt re é p o ux .
M ais il en est bien autrement lorsque cette faculté est donnée au survivant des c o n
jo in ts, par les contrats de mariage de leurs enfans , c o m m e ch a rg e e t c o n d itio n e x p r e s s e
d e leu rs in s titu tio n s .
L a raison e st, c o m m e on l ’a déjà d i t , q o e ce qui ne vaut pas dans un ca s com m e d i s
position p r in c ip a le , peut v a lo ir com m e disposition c o n d itio n n e lle .
C ’est a i n s i , on le r é p è t e , que le don fait par c o n jo in ts pendant le mariage , au profit
du s u r v i v a n t , de l ’usufruit des biens du p réd é cé d é , est nulle c o n n u e contenant un a va n
tage prohibé , tandis q u ’elle est v a la b le lorsqu'elle se r a tta c h e à u n e in s tit u tio n et
q u 'e lle en e s t la c o n d itio n .
C ette distinction est fon d ée sur ce que les c on v en tion s m atrim on iales sont susceptible#
de toutes sortes de clauses et c o n d itio n s qui n ’ont rien de contraire a u x bonnes m œ u rs,
et sur ce q u ’on ne pe u t pas séparer la r e n d itio n de la libéralité à laquelle elle est atta
chée , q u i s e n tit c o m m o d u m s e n tir e d e b e t e t onu s.
O r , c ’est com m e c o n d itio n de l ’in stitu tion des dames D e v a u r e et de Beauregard q u e
les sieur et dame D u m o n t o n t respectivem ent d o n n é , au su rviv an t d ’eux , la faculté de
disposer de toute la réserve ; c e q u i résulte de ces mots : « sa n s to u te s le s q u e lle s c la u s e s ,
c h a rg es e t c o n d itio n s , la d it e in s titu tio n n a u r o it été f a i t e . »
D ’où il y a lieu de c o n c lu re que la d isposition faite par Jean D u m o n t p è r e , de U
m oitié de la réserve , du c h e f d e P ro c u le P it a t , par le c o n tra t de mariage de 178 9 , en
faveur d ’A n d ré D u m o n t , est valable ; ce qui d o n n e surab on d am m en t à la r e p r é s e n t a n t *
d A n d ré D u m o n t un double titre à cette réserve.
t r o i s i è m e
r « o r o s i t [ o k.
S i les d a m e s D eva u re e t d e la R o q u e r e n o n c e n t an b én éfice d e le u r in s titu tio n ( en
su p p o sa n t q u 'e lle s y s o ie n t en co r e r e .c e v a b lc s, e lle 1 d o iv en t ê tte r é d u ite s à un
a p a n a g e , f i x é p a r le u r c o n s titu tio n d o ta le .
C e tt e prop osition ne p e u t f<*ire la matière du plus léger d oute : elle se trouve parfai-
6
�fv
( 22 )
teraent établ i e , et p a r l a
b o n n a i s , et p a r l e
pacte
l o i m u n i c i p a l e qui régissoit l ' a n c i e n n e p r o v i n c e d u B o u r
d e f a m i l l e q u i f ai t la l o i de toutes les par t i e s .
E lle est établie par la loi m u n icipale.
T o u t l e i n o n d e sait q u e , p o u r q u ’u n a p a n a g e f û t v a l ab l e c o m m e f o r c l u s i o n l é g a l e ,
c i n q c o n d i t i o n s é t a i e n t req-uises ;
i ° . Q u e la personne apanée fût une fille , et i l n ’im portoit qu’elle fut noble ou r o t u
r iè r e , majeure ou m i n e u r e , po u rv u q u'e lle eut l ’âge compétent p o u r le mariage ; a0, q u ’elle
fût mariée ;
ascendant ;
5 J.
5 °-
dotée ; 40. que la constitution dotale fût faite par père et mère ou autres
qu elle fut payée , en tout ou en partie , du v iv a n t des père et m ère.
E t il n ’étoit pas nécessaire , pour que l’apanage eût lieu , q u ’o n se fût servi du m ot
a p a n a g e : c ’étoit un point r o u tn m ie r incontestable , que la sim ple dotation d ’une fille
einportoit apanage et exclusion des successions de ses père et mère.
C 'est ce que nous attestent A
uroux,
D
fcullant
, D
urit
, G
enin
, V
incent
et
J a c q u e s P o t i f . r , a ncien s com m en tateu rs de l a coutu m e du Bourbonnais.
« U n e fille qu i a été m a riée , dit A
uroux
, par père ou par m ère , aïeul ou aïeule, et
à qui on a d onné en mariage quelque chose de certain , est réputée a p a n é e, et excluse
par conséquent des successions exprimées dans n otre a r tic le , q u o iq u ’elle n 'y eût pas expressement r e n o n c é , et q u ’on ne se soit pas servi, du m ot a p n n è ou a p a n a g e ; car il n ’est
pas nécessaire, po u r la valid ité de cette exclusion t a c it e et c o u tu m iè r e , q u ’on se soit
servi du mot a p a n é e , po u rv u qu’il y ait dotation f.iite a la fille , etc. »
O r , les d a me s D e v a u r e et de Beaur»-gard o n t é t é m a r iée s et d o té e s p a r l e u r s pèr e et mè r e ;
elles o nt r e ç u , du v i v a n t desdi ts p è r e et mè r e , tout o u p ar t i e de l eurs dot s ; il est d o n c
d a n s le voeu de la loi q u ’elles soi ent a p a n é e s , si elles ne s ont i nst i t ué es .
Ain.'i , lors même que lessieur et d.une D u m o n t ne se seroient point expliqués s u r l e u r
intention que leurs filles fussent apanées dans le cas ou elles n’accepteroient point l'ins
titu tio n avec ses charges , il faudroit nécessairement con clu re de leur reno nciatio n à l'ins
t i tu t io n , qu'elles demeurent apanées par la seule force des dispositions coutumiéres.
M ais cet apanage résulte e n outre
du p a c t e de f a m i l l e
qui fait la loi des parties.
L ' i n t e n t i o n des s i eu r et d.itno D u m o n t , q u e les d a m e s D e v a u r e et de Beauregard s oi en t
a p a n é e s si elles n ’a c c e p t e n t l eur i n s t i t ut i o n a v e c ses charges et conditions , est écrite eu
Oros
'
c a r
ac i è r e s dans leurs, c o n t r a t s d e ma r i a g e .
« De s i n s t i t u t i o n s l eur f u r e n t a c c o r d é e s , d i t M . C
iiabroud
dans nne c o n s u l t a t i o n d u
2 3 j ui n 1^07 , d o n t les i n t i m é s o n t une- c o p i e , à la c h a r g e d e la r é s ç r v e d e la terre d e
M o n t , à la c h a r g e d e la d i s p os i t i o n q u i s er o i t fai te de cett e t er re p a r les i n s t i t u a nt o u
l e s u r v i v a n t d ’e u x , à la c h a r g e d e ta d e s t i n a t i o n à A n d r é D u m o n t à d é f a u t de d i s p o ï i t i o n ; et les d o n s d e 40,000 l i y . en a v a n c e m e n t d e s uc c e s s i o n , e n t r è r e n t d a n s la i nèoi a
co mbin aison d ; volonté.
« C e q u ' i l f au t c h e r c h e r dans les d e u x c o n t r a t s , c ’rst l ’i n t e n t i o n des i n s t i t u a n s ;
v o lu n ta tr m p o t in s q u a n t v erh a s p e c iu r i p la ç a i t . ( L . 2 1 9 . f j . da v e r ho ru ni s ig n if. )
« O r , après a vo ir énum éré fes <h.irges qu'ils imposent aux instituées , ils fout é> rire que
ta n s to n te s c e s c h a r g e s , c la tts e s et c o n d itio n s , la d i t e in s titu tio n n ’ a 11ro it été f u i t e ,
et la d i t e f u t u r * a u r o it été tl p a n ce m o y en n a n t la d o t q u i a lla it lu i c tr - c o n s titu é e .
a Q u e signifie c e l t e ex p l i c a l i o n , qui n e s t pas là sans d e s s e i n , si c e n est q u e la l oi
*st L i t e à l’i nst i t ué e d ’.ic< o m p l i r les c h a r g e s et c o n d i t i o n s , ou d e r e n o n c e r à l 'i ns t i
t u t i o n , e t , d a n s c e c a s , de n ’être p l u s qu^un c fillo apai i ee et e x c l uo ? »
�( 23 \
*9
T o u t est i c i c o n d itio nn el : l'apanage ou l ’in s titu tio n , voilà l ’alternative qui est offerte
aux dames D evaure et de la R o q u e .
Il y a in s titu tio n , si les instituées se soum ettent aux obligations q u ’on leur i m p o s e ;
auquel c a s , les constitu tion s de 40,000 liv . sont u n avancem ent de l ’avantage q u i en
résultera.
S i , au c o n t r a i r e , les instituées se refusent à leurs obligations , les institutions disparoissent , et les constitutions ne sont plus q ue des fixations d ’a p a n a g e , d ’où résulte
l ’exclusion.
T e l l e fut év id e m m e n t la vo lo nté des in s titu a n s, et elle est la règle des deux institutions ;
p rim u m lo ciim o b t i n e t , rég it q u e c o n d itio n e s . ( L o i 19 , f f . d e e o n d it. e t d e m o n st. )
Osera-t*on dire , avec les intim és , que la clause ne contient point un apanage formel ;
q u ’elle ne manifeste que l ’intention où étoient les pere et mère d ’apaner leurs filles , dans
le cas ou elles n ’eussent p o in t été instituées sous des charges ?
U n e par ei l l e o b j e c t i o n s er oi t d ’a u t an t pl us i n o p p o r t u n e , q u e , c o m m e o n l ’a dé j à d i t ,
l o r s m ê m e q u e les s i eur et d a m e D u m o n t n ’a u r o i e n t pas e x p r i m é l eu r v o l o n t é , ell es
n e n s er oi ent pas m o i n s a p a n é e s , en r e n o n ç a n t à l ’i n s t i t u t i o n , p a r l e seul ef f et de l ’e x
c l u s i o n t ac i t e et c o u t u i n i è r e q u i r é s u l t e d e l e u r d o t at i o n .
M a i s c o m m e n t oser s o u t e n i r de b o n n e f oi q u e les s i eu r et d a m e D u m o n t n o n t pas
- suf f i samment m a ni f e s t é l e u r v o e u , l or s q u' i l s d é c l a r e n t s u b o r d o n n e r à des c o n d i t i o n s le
n o n - a p a n a g e d e l eur fille , et l eur r a p p e l à la s uc c e s s i on .
On le r é p è t e , ce pacte de fam ille auroit dû être sacré p o u r les dames D e v a u r e et de la
R o q u e ; rien ne d ev oit les dispenser d ’en exécuter religieusem ent le contenu.
.
Il devoit être d ’autant plus respectable à leurs y e u x , qu'il ém anoit d'un père et d ’une
m ere qui avoient été les artisans de leu r fo r tu n e , et q u i ont laissé une succession opulente
à des filles in g ra te s , qui insu ltent à leur m é m o ir e en foulant aux pieds leurs dernières
dispositions , lorsqu’elles d evoien t être p o u r elles des lois saintes et in v io lab les.
M ais il y a plus : tout ho m m e sensé ne verra dans une telle ob jec tio n q u 'u n e m isé
rable subtilité , q u ’un jeu de mots p u é r i l , qui fait d égén érer la cause en pure l o g o m a c h ie ,
in d ig n e de la majesté de la justice et de la sagesse de ses ministres.
E ll e avoit été pressentie par un drs c om m en ta teu rs de la co u tu m e du B o u rb o n n a is.
« N ous r e c e v o n s , d it M e n ü d e l , le précipu t au profit des uiâles au contrat de mariage
de la fille mariée et instituée héritière avec les frères, à la charge d u dit précipu t au profit
des f r e r e s , parce que les ascendans qui instituent p o m o ie n t apaner la fille , auquel cas la
r enonciation eût profité auxdits mâles. »
« Mais po u r «ter tout doute , a jo u t e - t - i l , il est à p ro p o s de d ire que les père et mère
®nt doie la fille de la som m e d e .......... à l.i charge de ve n ir à la succession en r ap p o rta n t,
que ou elle fuurniroit débat con tre ledit précipu t , déclarent qu'ils apanent ladite filla
6 la somme d e ..............p a r ce qu en mettant sim plem ent la clause q u ’ils instituent ladite
le sous ledit p r è r .ip u t, «lie peut dire q u ’elle n’a pas été apanée à défaut de l’exécu tion
e ladite clause , q u i so n n e to u te fo is e n i n s t i t u t i o n c o n d i t i o n n e l l e , et que les mots q u i
*®roient dans le contrat , sans lequel p réc ip u t les père et mère J'auroient n p a n e e , ne son t
P « un apanage f o r m e l , mais plutôt une sim ple énonciation d» dessein d ’apaner , le q u e l
n tant pas disertemeut exp liq u é , ne d*-vroit pas l'em pêcher de venir aux successions 11&
intestat des pere et m ère , en rapportant : laquelle o b je c t io n 11 est pourtant pas c o n s id é **
�( 24 )
ible , parce que le mot de b o t emporte quant à soi l ’ a p a n a g e
ral
p re ssen ti. »
On
v o i t que le c o m m e n t a t e u r M
enudel
,aliquo dalo de
a v o i t p r é v u ce t t e p u é r i l e o b j e c t i o n , e t
q ue l cas il en fait !
Il dit
par form e de c o n s e i l , et p o u r ôter tout prétexte aux subtilités de la c h i c a n e ,
q u 'il vaut mieux rédiger la clause de telle m a n i è r e , p lu tô t que de telle a u tre ; mai*
elle n ’en s o r t i r o i t pas moins effet , suivant l ui , parce que le m ot de d o t em porte tou
jo u r s quant à so i l apanage.
A in si , la question se trouve résolue , in te r m in is , par lin des hom m es les plu*
habiles et les plus expérimentés dans l'in telligen ce et l'interprétation de sa cou tu m e , par
un de ceux même qui l’ont com m en tée .
E t les dames D evaure et de la R o q u e auroient pu se flatter de réussir dans leur
tém éraire entreprise !
Osons le dire : s’il en étoit ainsi , il n ’y auroit plus rien de sacré parm i les h o m m e s ;
n u l a cte ne seroit A l’abri des atteintes de la cu pid ité et de la mauvaise foi. L ’effronterie pou rroit se jouer im p u n é m e n t de la foi des traites, et 1 ho m m e de bien deyroit
d outer de la justice u m n e .
D E U X I È M E
P A R T I E .
,
L e ju g em en t dont est a p p e l repose sur des m otifs insignifians ou erronés.
Si
m ité
la
dem oiselle
D u m o n t a , ainsi q u ’o n le p e n s e , c o m p lètem en t justifié la l é g it i
de ses prétentions , on d evra nécessairement en c o n c lu re q ue les premiers juge*
ont erré dans leur d éc isio n .
Mais pour ne rien laisser À désirer dans cette cause , elle va soumettre au creuset
de la discussion le s p r é te n d u s p r in c ip e s qui ont servi de base à leur jugement.
P b e m i e ' b m o t i f . « Une réserve faite avec stipulation que la disposition en sera f,iita
en faveur de^celui des enfans qu'il plaira à l ’in stitu a n t de c h o i s i r , n o t e point à l'in s
titu é le d ro it de r e c u e illir sa po rtio n dans 1 objet r e s e r v e , lorsque 1 instituant d ecede
sans d i s p o s i t i o n . »
RÉr ONSE. C ette prop osition est incontestable : elle étoit vraie sous lV m p ire de l ’or
d o n n a n c e de i 7 5 i , com m e elle l'est e n c o re a u jo u r d 'h u i , depuis que l'a rticle a de la
lo i du 18 p lu v iô se an
5
¡1 été abrogé.
M a is reçoit-elle applicatio n à l’e s p è c e ?
P o u r soutenir avec succès l'a ffirm ative , il faudroit que les sieur et d am e D u m o n t
e u s s e n t fait une réserve sous la seu le stipulation qu'ils p o u r r o i e n t en disposer en f.ivour
de c elu i de leurs enfans q u ’il leur p la iro it choisir.
Il f a u d r o i t faire disparoitre de l ’institution la clause , q u 'en cas de non disposition da
leur part , la réserve appa rtien droit à A n d ré D u m o n t à titre de p r é d p u t .
Il faudroit faire disparoitre de l ’institution la clause , qu en cas de non disposition d«
l ’ un d ’eux , le survivant pourra disposer de la totalité de la réserve.
Il faudroit f.iire disparoitre d u contrat de m ariage d ’A n d ré D u m o n t , la disposition d«
cette réserve effectuée ji.tr le sieur D u m o n t pare.
Il f a u d r o it, eu un m o t , c h a n g e r l ’état de la question.
C e p rem ier u i o t i f est d o n c en tièrem ent insignifiant.
�( *5 )
D e u x i è m e m o t i f . « A n d ré D u m o n t n ’a pu être saisi dé la terre de M o n t , par la clause
de destination , i°. parce qu'il étoit étranger aux contrats de mariage de ses soeurs , et q u ’il
est de principe que les contrats ne pe uve n t valoir q u ’entre les contractans ; z a. parce que
d après lesdispositions de T a rt. 219 de la coutum e du B ourbonnais, la donation ne p o u voit
Valoir à son p r o f i t , q u ’autant q u ’ elle auroit été faite par son contrat de mariage. »
ïlÉroN SE. Les-contrats ne pe uve n t valoir q u ’entre les contractans ; mais aussi doivent«
ils va loir entre les contractans ta n q u à m so n a n t ; o r , les sieur et dame D u m on t , c o n
tractans , n o n t in s titu é les dames Devaure et de Beauregarcl , q u ’à la charge de souffrir
la distraction de la terre de M o n t , destinée à celui des enfans qui seroit c h o i s i , et à A n d ré
D u m o n t , à d é fa u t da c h o ix . La cou tu m e du Bourbonnais qui permettoit cette institution,
ne s opposoit point à ce qu elle fut modifiée et grevé« de cette charge ; et la lo i ayant été
ainsi faite p a r les in s titu a n s, et n ’étant point c ontraire à la c o u t u m e , il n ’ y a pas da
m oyen légitim e de ne pas l ’e x é c u te r , à moins q u ’on ne renonce à l ’institution ; auquel
c a s , il ne reste plus qu une simple d o t a t i o u , e m p ortan t e x c lu s io n c o titu m iè r e , et par
conséquent a p a n a g e.
l i n v a i n d i r o i t - o n q u A n d r é D u m o n t n ’a y a n t pas f i guré au c o n t r a t , n« p e u t en r e q u é r i r
1 e xé c u t i o n : un e a c t i o n u t i l e a t o u j o u r s é t é a c c o r d é e d a n s le d r o i t , au tiers dé s i g n é , p o u r
f ai r e v a l o i r l u i - mê me , à son p r o f i t , la v o l o n t é d u d o n a t e u r , j n x t à d o n a to r is v o lu n ta le m .
N ou s avons d ém ontré que l ’ancien d roit accord oit cette action ; et l’art. 1121 du C o d e
N a p o l é o n , qui n ’est q u ’un résumé des principes à cet é g a r d , les consacre de nouveau.
C est ainsi que celui qui étoit institué sous la c o n d itio n d ’associer son frère, n’auroit
pu se dégager de la c o n d itio n , sous le prétexte que son fic re n’étoit pns partie co n tra c
tante au contrat.
L a demoiselle D u m o n t sera toujours fondée à dire aux dames DeVaure et de la R o q u e :
Ou vous vous présentez pour succéder en vertu de votre titre d ’in s titu tio n , ou bien vous
renoncez à ce titre ; dans le premier c a s , votre titre est in d iv is ib le , et vous devez l ’exécuter
in tégralem en t; dans le second c a s , n ’étant plus institu ées, vous n ’êtes que d o t é e s , et
dès-lors vous êtes f o r c lo s e s d e d r o i t , parce q u ’aux termes de l ’article 3o5 , et suivant la
ju risp rud ence la plus constante , toute fille sim plem ent d o té e est par cela m ême a p a n é» ;
d où il résulte que vous ne pouvez venir c o m m e héritières a b in te s ta t.
« M a i s , dit-on , suivant l ’art. 219 de la coutum e , la donation ne pouvoit valoir «u profit
d A n d r é D u i n o n t , qu autant q u ’elle auroit été faite par son contrat de mariage. »
O n ne répétera po in t i c i tout ce q ui a été dit p r é c é d e m m e n t , sur la différence essen
tielle qui existe entre une donation d ir e c t e et p r in c ip a le , et une disposition rela tive et
c o n d itio n n e lle attachée à une donation principale , d on t elle est une dépendance , et dont
®lle doit suivre le sort.
Kn d év elop p an t les vrais principes sur cette matière , on croit avoir réfuté d ’avance , et
Ur>e manière victorieuse , l ’ob jec tio n proposée.
M ais on léc a r te ra plus vic torieu se m en t e n c o r e , par l ’ exemple déjà rapporté.
ne institution faite au profit de deux fr è r e s , est nulle à l’égard de celui qui ne se mae l,i<s , tandis que si l ’on n'institue que celui qui se marie sous la condition que son frère
issoi ie à I i n s t i t u t i o n , e l l e v a u d i a au prof i t d e c e d e r n i e r , c o m m e c o n d i t i o n de l 'i ns
t i t u t i o n fa |le |vllltri,
C e d e u x i è m e m o tif est d o n c erroné, et c o n t r n i r e ¡1 une jurisprudence de plusieurs siècles.
T-Ro x s i e m e
motif.
« P r o c u l u P i i a t , ui ère des p ar t i e s , é t a n t d é c é d é e a v a n t le ma r i a ge
�( 36 )
d e son fils , et n ’a y a n t pas été à p o r t é s ,1e f ai re , en s* f a v e u r , la di s pos i t i on d e p r ê c i p u t
q u ' e l l e lui d e s t i n o i t , da ns la f o r m e q u ’i n d i q u e l ’ a rt, z i g de la c o u t u m e , ses trois enfans
ont é t é saisis d e sa s uc c e s s i o n au m o m e n t de son d é c è s . »
HÉroNSF.. C e m o t i f rentr e dans le p r é c é d e n t ; i l s up po s e q u e la t er r e de M o n t n ’ a pu être
a t t r i b u é e à A n d r é O ü i n o n t , p a r la d o u b le c o n d itio n app o s ée à l ’i ns t i t ut i o n de ses soeurs :
le c o n t r a i r e
ayant
Q uatrièm e
é té p r o u v é , on se di s p e n s e r a de r é p é t e r c e q u i a déj à été di t .
m o t i f
. « Les cl auses , c h a r g e s et c o n d i t i o n s a pp o s ée s a ux i n s t i t u t i on s des
d a me s D e v a u r e et de B e a u r e g a r d , é tant c o n t r ai r e s à la loi , d o i v e n t être r é p ut é e s n o n
é cr i t es . »
R é i ’O n s f . A u c u n e loi ne d é f e n d d ’i mp o s e r à u n i nst i t ué la c o n d i t i o n de s o u f f r i r le p r é
l è v e m e n t d ’un p r ê c i p u t ; et , au c o n t r a i r e , o n a t o u j o u r s t enu p o u r p r i n c i p e q u e les c o n
v e n t i o n s m a t r i m o n i a l * * é t o i e n t s us c e pt i b l es de toutes sortes d e cl a us es et c o n d i t i o n s q u i
n ’o nt r i en de c o n t r ai r e aux b o n n e s m œ u r s . '
L a r ai s on d i t
q u e des c o n d i t i o n s p o u v a n t êtr e apposées à un e l i bé r a l i t é , r i e n n e s’o p
p o s e à c e q u e le p r é l è v e m e n t d ’un p r ê c i p u t soit u n e de ces c o n d i t i o n s .
L e sentiment des auteurs, l ’autorité des anciens jurisconsultes de la sénéchaussée du
B o u r b o n n a i s , une jurisprudence d ’un siècle , tout atteste q u ’une telle c ond itio n n’a rien
d 'illicite et de con tra ire à la loi.
. C e m o t i f est d o n c e n c o r e e rroné.
M a i s ce n'est pas tout ; il est e r r o n é sous u n a ut r e r a p p o r t q ui a é c h a p p é aux p r e mi e r s
Ils avoient sans doute p e rd u de vue la différence que les lois romaines ont tracée entre
les cond itio ns illicites apposées d a n s le s te s t a m e n s , et les conditions illicites apposées
d a n s le s c o n tr a ts .
L e s p r e mi è r e s y aux t er mes d e la lo i 1 0 4 , §. i , f f . d e Irg a tis x ° . , et de la loi
3,
f f . do
c o n d itio n ib u s et d e m o n s tr a tio n ib n s , s ont r é put ée s n o n é c r i t e s , v itia n tu r e tn o n v itia n t.
L e s s e c o n d e s , au c o n r a i r e , v i c i e n t r a d i c a l e m e n t les cl a us es a u x q u e l l e s elles s ont a p
p o s é e ; , e t e m p ê c h e n t q u ’il en naisse a u c u n e o b l i g a t i o n : c ’est c e q u e d é c i d e n t e xp r e s s é me nt
l a loi 3 i , ff. d e o b lig u tio n ib n s e t a c t io n ib u s , et la lo i 7 , f f . d e v erb o ru m o b lig a tio -
n ib u s ; et c ’est ce q ui a été j ugé p ar d e u x arrêts de l a c o u r de c a s s a t i o n, des a z n i vô s e an q ,
et 6 floréal an n , r a p po r t é s p a r M . M f . r l i n , e n ses Q u e s t . île d r oi t . , v e r b . c o n d i t i o n .
I l s’agissoit , dans la d e u x i è m e e s p è c e , d ' u n e i nst i t ut i on c o n t r a c t u e l l e ;i l a quel l e on a v o i t
i m p o s é la c o n d i t i o n que l ' i nsti t ué ép o u ser a it te lle p erso n n e ; c o n d i t i o n q u e le d e m a n d e u r
en ca s s a t i o n s o u t e n o i t i l l i c i t e , et c o m m e t el l e r èp u to it non é c r ite .
« Q u a n d nous s u p po s e r i o n s , di sai t M . M b b l i n , q u e la c o n d i t i o n i i n p o s é e à M a g d e l c i n e
f î i r o i r , d ’é po us e r Pit-rre R o b y , d û t être c o n s i d é r é e , d ’apr ès le» I o n r o m a i n e s , c o m m e
i l l i c i t e , d é s h o n n ê t e et i m m o r a l e , à q u e l l e c o n s é q u e n c e c e t t e s u p p o s i t i o n nous c o n d u i r o i t eUe ?
« El le n ous c o n d u i r o i t
di r e , , n o n pas q u e la
condition
d é po us e r d o i t , d ' a p t è s les
lois
r o m a i n e s , être r e g a r d e s c o m m e non é c r i t e , mais, q " « l'in s t it u tio n c o n tr a c tu r llu f.iite
sous cett e c o n d i t i o n , d o it Ptre regarda 9.c o m m e n u lle d a n s son p r in c ip e ; »
et
il f o n d e
cette dé c i s i o n sur les lois r o m a i n e s citées,.
JLa lo i
, f f île oblig. fit n c tio m b u s , et les co n s u l er an s de 1 arrêt de la C o u r de c a s
sati on , d u 22 n i v ô s e an q , d o n n a n t p o u r m o t i f de cette d i f f é r e n c e e n t re IVffrt dt*$ c o n d i ù o n s i l l i ci t es apposées r.ux t o s l a m e n s , et ce l l e s appos ées aux n c t i s e n t r e - v i f s , q ue ces
�(2 2
( %1 '
de r n i e r s actes s ont l’o u v r a g e de pl us i eur s p e r s o n n e s q ui s t i p u l e n t s e l o n l e u r s vues et leurs
i n t é r ê t s ; e n sort e q u e ces c o n d i t i o n s e l l e s - mê me s o n t dû e s s e n t i e l l e me n t e n t r e r dans le*
c o m b i n a i s o n s de leurs v o l o n t é s , et q u' i l faut r e s p e c t e r la v o l o n t é d e t o u s , om nium volu n ta tes speclantur.
A la vé r i t é , l'a r t. 900 du C o d e N a p o l é o n a d é r o g é au d r o i t r o ma i n , en c e q u e d a n s les
d o n a t i on s e n t r e - v i f s , il r é p u t e n o n écri t es , c o m m e da ns les testatnens , les c o n d i t i o n s i m
p ossi bl es , et ce l l e s q u i s er oi ent c o n t r ai r e s aux moeurs et à la l oi ( Répert. du ju r is p . , p a r
M .
M
e r l in
, verb.
co n d itio n
) ; mai s le c h a n g e m e n t de l égi s l at i on n e p eut a vo i r a u c u n e
i n f l u e n c e s ur le sort d ' u n e co nt e s t a t i o n q ui d o i t se j ug e r d ’a pr ès les l oi s a n c i en n e s .
A i n s i s’il étoi t possi bl e de s u p p o s e r q u e h c o n d i t i o n d o n t il s’agi t f ut c o n t r a i r e a ux l o i s ,
les daines D e v a u r e et d e la R o q u e n e s er oi ent pas da n s u n e p o s i t i o n p l u s f a v o r a b l e ; c a r la
n u l l i t é d e la c o n d i t i o n e n t r a î n a n t cel l e de l ’i ns t i t u t i o n , ces d a m e s se t r o uv e r o i e n t r é dui t e s
a u n e s i mp l e d o t a t i o n , q u i o p é r e r o i t u n e f o r c l u s i o n l égal e.
Sous tous les r a p p o r t s , c e q u a t r i èm e m o t i f d u j u g e m e n t est d o n c u n e c o n t r a v e n t i o n à
tous les p r i n c i pe s .
C i n q u i è m e e t s i x i è m e m o t i f s . « A n d ré D u in o n t n'a pu être saisi de la m oitié de la
terre de M o n t , d u c h e f de P rocule P i t n t , par la disposition qu'en a faite son père à son
profit , en vertu de cette faculté réservée au survivan t , parce que ce droit d ’élection est
contraire à la coutum e du B ou rb on nais, suivant laquelle les époux ne p e u ve n t se d on n e r
que la jouissance m utuelle des meubles et acquêts , et dans le cas seulement où il n ’existe
pas d ’enfant de leur n nion. »
R
é po n se
.
L a d e mo i s e l l e D u m o n t a c o m p l è t e m e n t ré f ut é ce m o t i f da n s c e q u ’elle a d i t
sur les effets de la fa cu lté d 'é lire : p o u r ne pas se l i v r e r à des r é p ét i t i on s f as t i di eus es , e l l e
se c o n t e n t e r a de r a p p e l e r q u e , dans l ’ e s p c c e , l a f ac u l t é d o n n é e au s u r v i v a n t n ’e m p o r t e
p o i n t de s ubs t i t ut i on f î d è i c o i n mi s s a i r e , q u ’ell e ne l ui c o n f è r e a u c u n é m o l e i n e n t ; q u e s o u s
c e p o i n t de v u e , elle n ’est p o i n t c o n t r a i r e aux lois p r o h i b i t i v e s d ’a vant age s e nt re é po ux .
Q u e dans t o us les cas, si une telle f a c u l t é n e p o u v o i t v a l o i r c o m m e d i s p o s i t i o n p r i n c i pa l «
et d i r e c t e en f av e u r d u s u r v i v a n t , ell e do i t s ort i r effet c o m m e c o n d i t i o n d ’i nst i t ut i on ;
p a r la m ê m e rai son que le d o n d ’usufrui t des bi ens d u p r é d é c é d é en f av e u r d u s u r v i v a n t ,
q u i e m p o r t e p r o f i t , et qui ne peut a v o i r effet c o m m e d i s p o s i t i o n p r i n c i p a l e , est n é a n m o i n s
Val abl e q u a n d il est u n e d é p e n d a n c e d ’i n s t i t ut i o n c o n d i t i o n n e l l e .
S t p T i E M n e t dei\ n i e r MOTi r. « L ’i n e x é c u t i o n des c o n d i t i o n s ne c o n s t i t ue , c o n t r e les
dai nes D e v a u r e et de la R o q u e , a u c u n apa na ge , p a r c e q u e si les s i eur et d a m e D u m o n t
eussent vo ul u q u e leurs fille» f ussent ré dui t e s à un a p a n a g e , ils se s er o i en t s ervi s d ' e x p r e s
sions q u i ruî l aissrroi ent a u c u n d o u t e sur l eur v o l o n t é . »
RiïrONSF.
L o r s m e ne q u e les s i eur et d une D u m o n t n ’ a u r o i e n t p i s ma ni f e s t e 1 i n
tent i on o ù ils e t o i e nt q ue l eurs filles f ussent a panées si ell es n ’e x é c u t o i e n t pas les charges
*t c o n d i t i o n s de l eu r i ns t i t ut i o n , il est é v i d e n t q u e p a r le seul
fait
de l eu r
renonciation
a 1 i ns t i t ut i o n , elles se t r o u v e r o i e n t f orcl os es d e p l e i n dr oi t , en v e r t u des d i sp os i t i o ns
de la c o u t u m e . L a d e mo i se l l e D u m o n t se c r o i t di s p e n s é e d e r a p p e l e r i ci les p r e u v e s i rr é•istibles q u ’e l l e en a d o n n é e s .
Mais qui pourroit douter de l'intention des père et mère , lorsqu ils disent fo r m elle
m en t que sans toutes les cla u se s, cjiargfs et c o n d i t i o n s attachées à l institution leurs
filles n auroient point été instituées , mais apanées 11 leurs constitutions dotales ? .N'est-ce
pus le cas de répéter sans cesse , p o tiù t voluntatem quàm verba sp ccta ri p la ça it..
J J t
�A p rè s avoir réfuté lts m otifs du jugem ent dont est appel , il reste à la dem oiselle
D u m o n t à repousser quelques objections qui lui on t été faites en première instance , et
qu'on ne m anquera pas , sans d o u t e , de reproduire devant la cour.
Prem ière
oBJfcCTioN.
C e t t e o b j ec t i o n est p a r t i c u l i è r e à la d a m e de la R o q u e ; ell e
d i t : « P a r le c o n t r a t de m a r i a g e
d e la d a m e G r e l l e t d e B e a u r e g a r d , m a mè r e , les
si eur et d a m e D u m o n t , en se ré s er va nt la t er re de M o n t , n ’o nt pas-di t q u 'à d éfa u t de
d isp o sitio n , e lle appartiendrait à A n d r é D um ont. »
R
éponse.
L a clause du contrat de m ariage de la dame de Beauregard fournit la r é
ponse à cette objection.
E l l e p o r t e q u e le c o n t r a t est f ai t d a n s l'e s p r it d e c e l ui de m a d a m e D e v a u r e .
I l y est d i t q ue la rés er ve est f aite te lle q u 'e lle est exp liq u es a u d i t c o n t r a t .
11
y est ajouté que l'institution est faite sous les mêm es charges.
Q u o i de plus p o s itif! Si le contrat est fait dans le même e sp r it, si la réserve est la-
m êm e , si l ’institution est faite sous le s mêm es charges , il faut vouloir fermer les yeux
à la lu m iè r e , et m anq u er de bonne f o i , pour ne pas conven ir q u ’il existe entre ces deux
contrats une parfaite conform ité.
E n e f f e t , si l ’o n n e s o u s - e n t e n d da ns le s e c o n d c o n t r at t o ut e s les cl auses d u p r e m i e r ,
i l ne sera pas passé da n s le m êm e e s p r it.
S i l ’o n r e t r a n c h e la d e s t i n a t i o n au profi t d ’A n d r é
D m n o n t , e n cas d e n o n d i s p o s i
t i o n , la ré s er ve ne sera p l us t e l l e q u e l l e e s t e x p l i q u é e da ns le p re mi er co nt r at , et l’o n
n e p o u r r a pl us d i r e q u e l a s e c o n d e i n s t i t u t i on est sujette a ux m ê m e s c h a r g e s q u e la p r e
mière.
D isons
d o n c q u e la d e s t i n a t i o n au profi t d ’ A n d r é D u m o n t existe p a r m i les c o n d i t i o n s
i m p o s é e s à la d a m e d e B e a u r e g a r d , c o m m e e l l e existe p a r m i ce l l e s i mp o s é e s à la d a m e
Devaure.
M a is ind é pen d am m e n t de cette clause de d estin a tio n , on trouve dans le c on tra t de
m adam e de Beauregard une des conditions de {"imùUiûon form ellem en t exp rim ée, c ’est
c e lle q ui d on ne au s u rviv an t la faculté de disposer de toute la réserve ; et l'on sait que
cette condition a eu son a cc o m p lisse m en t dans le c o n tra t de 17^9 • au profit d A n d re
D um on t.
D
e u x iè m e
oisjectiom
.
« L a terre de M ont étoit un conquét de c o m m u n a u té , d on t la
d a m e D u m o n t a été incapable d e disposer pe n d a n t tout le cours de sa vie ; d o n c elle est
to m b ée dans l'hérédité. »
R éponse.
Q u ’on suppose une fem m e mariée qui a d i s p o s é d e tous Us biens q u V lla
laissera à ion d é c è s , par institution c o ntractu elle ou par te sta m ent, et q u'on rétorque
l'a r g u m en t.
Il l ’en suivra que la part de cette fem m e , dans l e s c o n q u i t s de com m unauté , ne devra
pas être com prise dans la disposition , parce q u e l l e aura été incap able d 'en d isp oser
pendant sa vie. Q uelle conséquence nbsurde ! qu elle l o g i q u e !
Sans doute la d a m e D u m o n t n ’auroit pu di s p o s e r , d'u ne manière a c t u e lle , de sa moitié
do la terre de M o n t , du viv an t de son m a r i , sans son concours ; mais ri< n ne s’opposoit
à ce q u e lle en disposât év en tu ellem en t , dans le cas où elle ne seroit pas aliénée à
1ep oque
de son dérès.
le sort de l'institution elle-même ; o r , Témolument
d e l’i n s t i t ut i o n est p u r e m e n t éventuel', o n n ’e n est saisi q u ’au d é c è s d e l ' i n s t i t u a n t ; et
L a c o n d i t i o n de p r è r i p u t suit i c i
�( 29 )............
jusque-lá ¡1 n ’y a rien de certain que le titre d ’h é r i t i e r , puisque l'in stitua n t peut faite
tou te sorte de contrats à titre onéreux.
A u s s i a-t-on t ouj ours d i s t i n g u é , dans l ’i ns t i t ut i o n , le titr e d ’h é r i t i e r , q u ’elle c o n f è r e
ir r é v o c a b le m e n t , d ’a v e c l'é m o lu m e n t , q u i n e se d é t e r m i n e q u ’au d é c è s , p a r c e q u e
j us que-l à l ’i nst i t ué n ’est saisi d e ri e n.
T
koisiéme o b ject io n .
« Dans la coutum e du B o u rb o n n a is, on ne p o u v o it être héritier
et légataire ; or, si la représentante d ’A n d ré D u m o n t r ec u eille p r é c i p u t , elle sera tout à
la fois héritière et légataire, elle réunira deux qualités incom p atib les ; elle ne peut d o n c
p rélev er le préciput et ve n ir à l'h érédité. »
R
éponse.
Confusion d ’idées , fausse application de principes : — A n d r é D u m o n t na
recueille point le p r é c ip u t à titr e d e legs-, on ne lui a légué ni donné la terre de M o n t
directem ent , et par une disposition p r in c ip a le e t is o lé e ; il tie la r ec u eille que parce
que c e s t une con d itio n im posée
à l ’institution des fille s, qui sans cela eussent été
apanées ; auquel cas A n d r é D u m o n t a u ro it recu eilli l’hérédité entière , ce qui lui eut
été bien plus avantageux.
Q u o n se r a p p e l l e c e q u i a déj à été d i t t o u c h a n t la d i s t i n c t i o n des d i sp os i t i o ns p r in
c ip a le s et c o n d itio n n e lle s , le s e n t i me n t des j u r i s c o n s u l t e s d e la s é n é c ha u s s é e du B o u r
b o nn a i s , et c e q u i a été j u g e p a r 1 a r r ê t de 1 7 1 6 ; et l ' o n sera c o n v a i n c u
q u e ce t t e
o b j e c t i o n n' est q u e l e f r u i t d e l ’i g n o r a n c e 011 d e la ma u v a i s e foi.
Q
u a t r iè m e
O
b je c t io n
.
« A la inort de m adame D u m o n t , disent les a d versa ires, la
m oitié de la terre de M o n t a dû résider sur la tête d 'A n d r é D u m o n t s e u l , ou sur la têts
de ses héritiers a b i n t e s t a t ; o r , ajoute-t-on , si elle a résidé sur l.i tète d ’A ndré D u m o n t
s e u l, vous devez renoncer à l ’argum ent tiré de ce que le su rviv an t a eu le d ro it de lui
d o n n e r cette m o i t i é , par son contrat de mariage de 17S3. »
R
éponse.
C e t t e o b j e c t i o n n ’est q u ’ un p a r a l o g i s m e q u i se r é f u t e e n de ux mot s,
O u l ’on soutient que la disposition faite en vertu de la fa cu lté d ’élire est nulle» ou ort
r ec o n n o it q u ’elle est valable.
D an s le p rem ier cas, il faut réputer c o m m e non aven ue la disposition faite en vertu
d u droit d élection ; et alors il sera vrai de dire q u ’à l’instant du décès de P rocule P i t a t ,
la propriété d e la moitié de la terre de M o n t a résidé in c o m in u ta b lem rn t sur la tête
d A n d r é D u m o n t , par la destination con d itio n n elle a c c o m p lie à son profit.
Dans le s e c o n d c a s , c o m m e i l y a v o i t d e u x c o n d i t i o n s a pp o s ée s à l ’i n s t i t ut i o n , il f a u
d r a di r e q u a u dé c è s d e P roc u le P i t a t , la saisine par v o i e d e d e s t i n a t i o n n etoi t qu eV e n t u e l l e , q u e l l e etoit e l l e - i n e me c o n d itio n n e lle et s u b o r d o n n é e à l ’é l e c t i o n à f ai re p ar
le pére s u r v i v a n t .
E n sorte que s’ il n’eût po in t fait d e l e c t i o n a vant son d é c è s , la saisine, par voie de
destination, seroit devenue d é fin itiv e et a b s o lu e ; et q u ’ayant fait une élection en faveur
du sieur D u m o n t, cette élection n ’a fait que confirm er la destination originairement faite.
L ’objection ne conduit d o n c à rien de favorable au système des a d v e r s a i r e s . o b j e c t i o n . « E n renonçan t à l 'i n s t i t u t i o n , les dames D«y.iurn et de
B e a u r ig r1, j , l e resi ent point apanées; il im p liq u e c o n t r a d i c t i o n de ronsn ltrer c o m m e
C inquièm e
apanage une dot constituée en avancem ent d 'h oirie , et qui p** s " j * ,te *'1 rapport. »
R ù t o n s f . . O r , jc lle j e l'obscurité dans la m a tiè r e , par une p e rp étu elle confusion des
lu oti el d ts choses.
8
�Sans cloute, on ne peut être apanée et héritière tou t à la f o i s , mais i l faut être
n é c e s s a i r e me n t l ’une o u l ’a ut r e .
E n v o u s i n s t i t u a n t h é r i t i èr e s sous des c o n d i t i o n s , il Falloit b i e n v o u s d o t e r e n a v a n
c e m e n t d ' h o i ri e ; ma i s c e t a v a n c e m e n t d ’h o i r i e se r é f è r e à l ’i ns t i t u t i on d o n t e l l e f ai t
p u r t i e , et s up p o s e s o n a c c e p t a t i o n . S i l ’i n s t i t ut i o n est a c c e p t é e , e l l e ne p e u t l ' êt re q u ’a v e c ses c h a r g e s et c o n d i t i o n s . S i
elle n ’est p o i n t a c c e p t é e , t oute la cl ause d i s p a r o i t , et il n e reste p l us q u ’ un e d o t a t i o n ,
q u i n ’est et n e do i t êtr e , dans l e v œ u d e l a c o u t u m e et de s p è r e et m è r e , q u ’un
apanage.
Q ue
les dai nes D e v a u r e et de B e a u r e g a r d s o i e n t d o n c c o n s é q u e n t e s et d ’a c c o r d a v e c
e l l e s - mê m e s ! Si elles r e n o n c e n t à l ’i n s t i t u t i o n , i l n e l eu r est pl us p e r m i s d ’en i n v o q u e r
l es d i s p os i t i o ns p o u r se s o us t r a i r e à l ’a p a n a g e .
S i x i è m e o i ï j e c t i o k . « P o u r q u ’une d o t soi t r é p u t é e a p a n a g e , il f aut q u ’e l l e soit c e r
t ai ne , et non s u je t te à ra p p o rt; o r ,
si les aut eurs c o m m u n s s’é t o i e nt r u i n é s , A n d r é
D u i n o n t a u r o i t p u f o r c e r ses soeurs au r a p p o r t : o n n e p e u t d o n c pas c o n s i dé r e r l e u r d o t
c o m m e un apanage. »
R é p o n s f . Il n ’est pas v r a i q u e les d a me s D e v a u r e et de B e a u r e g i r d eussent été forcée«
d e r a p p o r t e r l eurs d o t s , si les a ut e ur s c o m m u n s s et oi e nt r u i né s , p o u r v u t o u t e f o i s q u e
l e fils e ut t r o u v é sa l é g i t i m e dans la s u c c e s s i o n ; elles a u r o i e n t é i é b i e n f on d é e s
à
l ui d i r e :
N o u s r e n ô n r o n s à l ’i n s t i t u t i o n p o u r n o u s en t eni r à not r e d o t q u i c o n s t i t u e n o t r e a p a n a g e .
Il
n ’est pas vr ai n o n p l us q u ’ une Fille a p a n é e s o it d is p e n s é e d u rapport d a n s to u s
le s c a s ; ell e est au c o n t r ai r e t e n ue d e r a p p o r t e r , q u a n d les aut res enf ans ne t r o u v e n t
( L e b r u n , d e s S u c c e s s . , liv. 3 , c h a p . 8 ,
A u n o u x , su r l ’ a rt. 2 1 9 , n°. 7 9 , a u x a d d it io n s . )
pa s l e u r l é g i t i m e .
Il
sect. i ,
7 3 ; et
y a c e t t e d i f f é r e n c e , q u e la fille a p a né e est e xcl us e d e l a s u c c e s s i o n , sans p o u v o i r
d e m a n d e r un s u p p l é m e n t de l é g i t i m e ( A r t . 2 1 9 , n°. 6 7 . ) ;
T a n d i s q u ’e l l e est o b l i g é e d e r a p p o r t e r p o u r la l é g i t i m e d e ses f rères et soeurs.
L e r a i s o n n e m e n t des a d v e r s a i r e s , sur c e p o i n t c o m m e s u r t o us les a u t r e s , r e p o s e d o n c
4Ur d e faux p r i n c i p e s .
R É S U M É .
i
°.
L e s dai nes D e v a u r e et
i n s t i t u t i o n s faites
à
de
la
Roque
s ont a u j o u r d ’h u i non
reccvables
à
r e n o n c e r a ux
l eur p r o f i t , p o u r se d é g a g e r des c ha r g es et c o n d i t i o n s q u i en f o n t p a r t i e
i n t é g r a n t e , p a r c e q u ’elles o nt a c c e p t é ces i n s t i t u t i o n s , e n e x é c u t a n t , d e p u i s le dé c è s de
l e u r m è r e , et p e n d a n t u n e l ong ue s ui t e d ’a n n é e s , les c l a us es d e leurs c o n t r a t s de mari age.
C e t t e e x é c u t i o n rés ul t e d e ce q u ’ elles o nt r e ç u t out o u p a r t i e des c a p i t a u x de l eurs d o t i
d u v i v a n t d e l eurs pèr e et mè r e ; d e c e q u e l ’ un e d ’elle» a reçu a nn u e l l e m e nt , d e p u i s le
d é c è s d e sa m è r e , les i ntérêt s de ce qui l ui res t oi t d û , et d e c e q u e l l e s o n t l ’une et l ’aut re
a c c o m p l i la c o n d i t i o n i m p o s é e à l eur i n s t i t u t i o n , d e l aisser j o u i r l e s u r v i v a n t des p è r e et
m è r e des bi ens d u p r é d e c é d e .
O r , elles n ’o n t p u t o u c h e r l eurs d o t s q u e c o m m e filles m a r ié e s e t d o t é e s , ou c o m m e
h é r itiè r e s in s titu é e s .
A i » p r e m i e r c a s , elles sont a p a n é e s , et f o r c l o s e s d e s s u c c e s s i o n s d e leurs p è r e e t m è r e .
�A u secon d c a j , elles on t a ccepté l ’institution , et se tr o u v e n t soumises à l'e xécution
des charges qui en font partie.
2". A u F o a » , le p r é c ip u t attribué à A n d ré D u m o n t doit sortir son effet p a r suite
de la d o u b le c o n d itio n a ttachée à l ’institution des filles.
C ette double c o n d itio n réside dans la d estination de la t e r r e , au profit d A n d r é
Dutnont , en cas de non disposition ; et dans la fa cu lté d ’élire attribuée cousine c o n
dition de l'in s titu tio n , au su r v iv a n t des père et m è r e ; lesquelles conditions ont reçu
leur accomplissement.
5 °. Si les dames D evaure et da la R o q u e reno ncen t à l ’institution , elles dem eurent
apanées à leurs constitutions d o ta le s , p a r ce que tel est le voeu form el de la cou tum e du
Bourbonnais , et le voeu du pacte de fam ille qui fait la loi de toutes les parties.
Si toutes ces résolutions po u voie n t faire la matière du plus léger d o u t e , il faudroit dire
qu il n’y a rien de certain en jurisprudence ; que le flambeau de la loi n’est q u ’une fausse
lu eu r qui égare ; que les p r in c ip e s d u d ro it ne sont que des erreurs a ccréditées , et
que 1 evid ence m êm e peut être réd u ite en p r o b lè m e .
S ig n é H I L L I A R D et B a r t h e l e m i G I B O N T , c o tu te u r s.
M ' . J U T I E R , a voca t.
M e. H U G U E T , avoué l ic e n c i é .
v
Les anciens Jurisconsultes soussign és, sp écia lem en t attachés au ministère de la justice,
qui ont lu avec attention le M é m oire fait pour la dem oiselle A n n e D u m o n t ,
E stim en t que les propositions qui y sont discutées sont résolues d ’après les plus saines
maximes du d r o i t , en matière d ’institution c o n t r a c tu e lle , et p a rticu lièrem e n t d ’après
la jurisprudence qui a fixé sur ce po in t la juste a p p lic a t io n des dispositions de la
coutum e du Bourbonnais ;
Q u e l ’institution faite en fa veur des sœurs d ’A n d ré D u m o n t , dans leurs contrats de
m a r ia g e , est in d iv is ib le; q u ’on ne peut en détruire les ch a r g e s, sans la détruire elle-m êm e;
que 1 acceptation de l’institution entraîne nécessairement l ’a ccom p lissem en t des conditions
qui y sont apposées , lesquelles ne sont contraires ni aux lois , ni aux bonnes moeurs ; que
le p réc ip u t a ttribué à A n d r é D u m o n t , doit par con séqu e n t faire partie des droits de sa
fille qui le represente , c o m m e c o n d itio n form elle de l ’institution de ses soeurs ; que c ’est
là un pacte de fam ille consacré par plusieurs actes , auquel on peut d ’autant m oins porter
atteinte q u ’il a été exécuté ;
'
Qu ainsi la dem oiselle D u m o n t doit obtenir la réform ation d u ju gem ent rendu par 1«'
tribunal c i v i l de G a n n a t , le 26 décem b re 1807.
d é l i b è r e à P a r i s , le i /j. m ai x8o8.
B E R N A R D I.
B.
M.
D E C O MB RO U S S E.
#
V u le M é m o ire des tuteur» de la dem oiselle D u m o n t , contre les sieurs e t
�( 32 )
dames R a b u s s o n - D e v a u r e et de l a R o q u e , signé des t u t e u r s , e t de J u tie r ,
a v o c a t , et H u g u e t , a vou é ;
. ,
. ,
.
L e C onseil pense que le précipu t d e la terre de M o n t doit être adjugé en entier
à la m i n e u r e ; et que le jugem ent du tribunal de G ann at , dont les motifs sont
très-clairem en t réfutés dans le M é m o i r e , doit être infirmé.
A P a r i s , le 1 5 juin 1808.
C H A B R O U D .
* M A I L H E.
POIRIER.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Hilliard. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jutier
Huguet
Bernardi
Decombrousse
Chabroud
Mailhe
Poirier
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés de biens entre époux
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans ; contre les sieurs et dames Rabusson, de Vaure et de la Roque, intimés.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1803
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1802
BCU_Factums_G1801
BCU_Factums_G1804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53330/BCU_Factums_G1803.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages prohibés
communautés de biens entre époux
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53329/BCU_Factums_G1802.pdf
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Text
REPONSE
Des Sr. et Dme. DE LA ROQUE DE MONS,
intimés,
AU M É M O I R E
D e s sieur et dame H I L L I A R D , cotuteurs de la
demoiselle D u m o n t , appelans.
sieur et dame de la Roque exercent des droits
consacrés par la nature et les lois ; et si leur réclamation
contrarioit les sieur et dame H illiard, ils ne devoient la
discuter qu’avec calme et décence : ils eussent peut-être
persuadé alors qu’ils croyoient avoir une bonne cause,
et qu’elle pouvoit se passer de personnalités et de décla
mations. Mais ce n’est point là le plan qu’ont voulu suivre
L
ES
A
�( o
les sieur et dame Plilliard. Les personnalités leur ont paru
devoir tenir le premier rang dans leur défense *, les
moindres circonstances leur ont paru de grands moyens;
et s’il falloit les suivre pas à pas, il faudroit écrire pour
les voisins et les voisines, qui seroient peut-être fort en
état de juger une partie des faits articulés, et de les dé
m entir, plutôt que pour la cour qui n’a qu’une simple
question de droit ù juger.
A insi, pour être entendu de la cour, il suffit de mettre
sous les yeux les expressions même des.'actes qui cons
tituent le litige.
F A I T S .
L e sieur Jean D u m o n t, et la dame Procule P itat,
eurent de leur mariage trois enfanS , M arie, épouse du
sieur de V aure, M arguerite, mère de la dame delà Roque,
et A n d ré , père de l’appelante. .Les filles furent mariées
à- l ’âge de dix-sept ans.
'
L e contrat de la dame de V a u r e , en date du 19 no
vembre 17 7 5 , contient ce qui suit :
« En faveur du m ariage, les sieur et dame Dumont
« ont institué la demoiselle future, leur fille, leur hé« xùtière par égale portion* avec les autres enfans qu’ils
« auront au jour de leur décès, de tous les biens dont
« ils mourront vêtus et saisis, sous la réserve expresse
« qu’ils se font de la terre de M ont, consistante e n . . . . .
« avec les bestiaux qui pourroient la garnir , jusqu’à
« concurrence de 5ooo livres, ensemble tous les vaisseaux
«- vinaircs} ainsi que les meubles meublans . . . . . , ar-
�( 3 )
geiHerie, en l’état que le tout se trouvera au décès du
dernier mourant ; en outre la somme de 6000 livides
que lesdits sieur et dame Dumont se proposent d’em
ployer en acquisition de fonds, cens et devoirs, pour
être annexés à ladite terre, et en faire partie, pour,
par lesdits sieur et dame D u m o n t, ou le survivant
d’eux, disposer de ladite terre au profit de tels de leurs
enfans .qu’ils jugeront à propos, même de la future,
par quelqu’acte que ce s o it, d’entre-vifs ou à cause de
m ort, sous signatures privées ou par-devant notaire;
dans laquelle réserve les sieur et dame D um ont, père
et mère de la future, entendent être comprises toutes
constructions nouvelles : et dans le cas de non dispo
sition de leur p a rt, ladite terre de M o n t , avec les
bestiaux qui se trouveront la garnir, jusqu’à concur
rence de ladite somme de 5ooo francs, les vaisseaux
vinaires, meubles meublans, lin ge, batterie de cuisine
et argenterie, en l’état que le tout se trouvera, ap
partiendront à André D um ont, leur fils, lequel en
demeurera précipué, ainsi que des annexes qui auront
été faites à ladite terre , jusqu’à concurrence des
6000 livres; ladite institution faite sous ladite réserve,
et à condition de ladite disposition, et encore à la
charge , par la fu tu re, de laisser jouir le survivant
des père et m ère, de la portion qui lui seroit revenue
dans les biens du prédécédé : sans toutes lesquelles
charges, clauses et conditions, ladite institution n’auroit
été faite , et la future auroit été apanée moyennant
« la dot qui va lui être constituée. »
En avancement de leur future succession , lesdits
A a
�(4)
sieur et dame Dumont ont constitué en dot à la future
la somme de 30000 livres, et 10000 livres de bien paraphernal. L a disposition est terminée ainsi : « Sera
. «. néanmoins tenue ladite demoiselle future, de rapporter
« tant ladite somme de 10000 livres à elle donnée pour
« lui tenir lieu de bien paraphernal, que celle de 300001.
« à elle aussi donnée en avancement d’hoirie, pourvu
« que le payement en ait été fait lors de l’ouverture
« des successions des sieur et dame ses père et m ère,
« ou de moins prendre dans lesdites successions. »
Chaque fois que les sieur et dame Hilliard ont rap
porté les stipulations de ce contrat de m ariage, ils se
sont arrêtés après ces mots : en avancement de leur
fu tu r e succession, lesdits sieur et dame D um ont ont
constitué en dot j cl la, demoiselle ¿future , la somme
de 30000 livres. Ils ont affecté d’omettre la dernière
clause, qui caractérise de la manière la plus précise la
constitution faite à la future, et explique que les 100001.
sont un bien paraphernal; que les 30000 ne sont pas
une constitution dotale, mais un* avancement d’hoirie ;
que la future est tenue de rapporter le to u t, lors de
l’ouverture des successions de ses père et mère.
La mère de la dame de la Roque se maria le 10 fé
vrier 1777? avec le sieur Grellet de Beauregard. On lit
dans leur contrat que : « Dans l’esprit du contrat de
« mariage de demoiselle Marie Dumont, lcur= fille aînée,
« avec M. Joseph Rabusson de Vaure , passé devant
« R o llat, notaire, le 19 novembre 1 7 7 5 , les sieur et
« dame Dumont ont institué la demoiselle future leur
« héritière par égale portion avec les autres enfans<
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
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5
3
qu’ils auront au jour de leur décès, de tous les biens
dont ils mourront vêtus et saisis, sous la réserve expresse qu’ils se font de la terre de M o n t, telle qu’elle
est expliquée au contrat sus-daté, ensemble des autres
objets qui y sont détaillés, et de la somme de 6000 1.
dont il est parlé , p o u r, par lesdits sieur et dame
D um ont, ou le survivant d’e u x , dans les termes du
même contrat, disposer de ladite réserve au profit
de tels de leurs enfans, même de la future, par les
moyens et de la manière expliquée audit conti’at.
« Cette institution faite, en outre, aux mêmes charges
« que celles expliquées audit contrat; et en avancement
« de leur future succession, lesdits sieur et dame D u « mont ont constitué, etc., etc. » L a future est obligée
au rapport de tout ce qu’elle aura reçu. Il est bien exprimé
dans ce contrat que les sieur et dame Dumont se sont
réservé la terre de M ont avec les accessoires, pour en
disposer en faveur de tels de leurs enfans qu’ils jugeront
à propos ; mais ils ne disent pas qu’à défaut de dispo
sition, elle appartiendra par préciput à André D um ont,
et que sans cette disposition, ils auroient apané la
future : ce qui donne lieu de penser que leur volonté
n’étoit plus la m êm e, ou qu’ils craignoient que le ma
riage n’eût pas lieu si l’on pouvoit supposer que l’ins
titution de la future ne fût que conditionnelle.
En vain les adversaires prétendent - ils que ces mots ,
dans les term es, renferment les dispositions irritantes
par l e s q u e l l e s ils voudroient repousser les filles des sieur
et dame Dumont. 11 est de principe que les prohibitions,
de même que les peines, ne s’étendent pas au-delà des
�( 6 )
cas exprimes ce qui n’a été interdit qu’à une personne,
ne peut, par induction, être regardé comme interdit
à une autre. La disposition de la terre de Mont
étoit un objet assez important, pour qu’il fallût en faire
mention expresse dans le contrat de mariage de la dame
de Beau regard, si les père et mère vouloient qu’elle ap
partînt à André D um ont, en vertu de ce contrat. L ’institutiou de la mère de la dame de la Roque ne peut
être conditionnelle, lorsqu’il n’a été stipulé aucune con
dition dans son contrat ; le mot charges ne se rapporte
qu’à l’usufruit des biens du prédécédé, réservé en faveur
du survivant des père et mère : les contrats de bienfai
sance sont de droit étroit, tout y est de rigueur. Les
actes des 19 novembre 17 7 5 , et 10 février 17 7 7 , sont
des traités passés entre des familles différentes : les obli
gations de l’une sont étrangères à. l’autre.
ga
Marguerite D u m on t mourut le 8 avril 1783, huit jours
après avoir donné naissance à la dame de la Roque. La
dame Dumont ne survécut à sa fille qu’environ six mois:
• elle étoit commune en biens avec son mari ; il en con
serva la possession comme chef de la communauté, qui
se continua avec ses enfans.
André Dumont se maria en 1789. Il est dit dans son
« contrat: En faveur du présent mariage, le sieur Dumont
« père a institué et institue son fils, par égales portions avec
« ses deux sœurs, épouses de M M . Rabusson de Vaure
« et Grellet de Beauregard , de tous les biens meubles
« et immeubles dont il mourra vêtu et saisi ; et comme
« par le contrat de mariage de dame Marie Dumont ,
« épouse dudit Rabusson de V a u re, ledit sieur Dumont
�(7)
père, et ladite défunte Procule P itat, son épouse,
s’étoient conjointement réservé, même au survivant
d’eu x , la faculté de disposer au profit de tels de leurs
enfans qu’ils jugeroient à propos, et par tel acte que
bon leur semblerait, de la terredeM ont, consistante, ..
et en cas de non disposition desdits objets du vivant
desdits. sieur et dame Dumont , ils appartiendront
en toute propriété, et à titre de préciput, audit sieur
futur ép o u x, ainsi que les annexes qui auroient été
faites à ladite terre, jusqu’à concurrence de la somme
de 6000 francs.
« Et
mme ladite dame Pitat est décédée sans avoir
manifesté scs intentions à l’<5garcL de la réserve ci-dessus
désignée, ledit sieur Dumont père, usant de la faculté
de pouvoir disposer de là totalité desdites réserves,
déclare qu’il dispose, à titre de préciput, au prolit
dudit sieur futur époux, tant de ladite terre de M on t,
circonstances et dépendances d’icelle, que de tous les
autres objets ci-dessus spécifiés, et tel que le tout est
désigné et spécifié en ladite réserve portée au contrat
de mariage ci-dessus d até, des sieur et dame Rabusson
de Vaure ; p ou r, par ledit sieur futur, faire le prélè
vement et entrer en jouissance de ladite terre de M ont,
et de tous les autres objets compris en la présente dis
position , immédiatement après le décès dudit sieur
Dum ont; sous la réserve que se fait ledit sieur Dumont
p è re , de la somme de 30000 francs, à -prendre sur
ladite terre de M ont / pour en disposer en faveur de
' tels de ses enfans ou petits-enfans qu’il jugera à propos,
même en faveur dudit sieur futur, par tel acte d’entre-
�«f
«
«
ce
«
«
«
«
«
(
8
)
.
vifs, à cause de m ort, ou sous signatures privées, que bon
lui semblera ; et de suite ledit sieur Dum ont, en faveur
dudit mariage , a disposé et dispose en faveur dudit
sieur futur é p o u x , sur la susdite somme de 30000 fr.
réservée, de celle de 10000 francs ; de laquelle ledit
sieur son père se charge de lui servir l’intérêt au taux
de l’ordonnance, sans aucune retenue , jusqu’au remboursement, qu’il lui sera loisible de faire quand il
le jugera à propos.
« D e la même somme de 30000 livres, réservée par
« ledit sieur Dumont père, il a présentement disposé et
« dispose, en faveur de demoiselle Procule Grellet de
« Beauregard, sa petite-fille, fille de Jean-Baptiste Grellet
« de Beauregard, et de feue dame Marguerite D um ont,
« de la somme de 5ooo liv ., à prendre sur ladite réserve,
« payable après le décès dudit sieur Dumont père, seuec lem ent, par ledit sieur futur ép ou x, sans intérêts jus« qu’audit décès, après lequel ils auront cours au taux
« de l’ordonnance, jusqu’au remboursement, que ledit
« sieur futur sera tenu de faire dans deux ans du décès
« de son dit père; et dans le cas où ladite demoiselle
« Grellet, ou ses père et mère, contreviendraient direc
te tement ou indirectement à la disposition fa ite par ces
« présentes, de ladite terre de'M ont, en faveur du sieur
«f fu t u r ép o u x, la disposition de 5ooo livres, fa it e en
« fa v e u r de ladite demoiselle G rellet, sera et demeurera
k nulle et de nul e jfe t, et comme non fa ite ' pareille« ment, dans le cas où ledit sieur Dumont père ne dis—
« poseroit pas de son vivant des ï 5 ooo livres restantes
ft de la susdite somme réservée, elle demeurera réunie
« à
�( 9 )
« à ladite terre de M o n t, et appartiendra audit sieur
« futur époux, sous la réserve que ledit sieur Dumont
« père se fait de la jouissance, pendant sa v ie , de la
« susdite terre de M o n t, pour, après son décès, appar« tenir en toute propriété audit sieur futur époux et
« en avancement d’hoirie et de ladite institution, ledit
« sieur Dumont père a constitué en dot audit sieur futur
« la somme de.........etc., etc. »
Suivant la disposition de l’article 217 de la coutume
de Bourbonnais, sous l’empire de laquelle vivoient les
parties, la disposition de 5ooo francs, faite en faveur de
Procule G rellet, étoit nulle; la condition onéreuse dont
elle étoit grevée l’auroit aussi empêchée de l’accepter :
mais nu mois de brumaire an n , ie sieur D um ont,
présent au contrat de mariage de ladite Procule G rellet,
sa p e tite -fille, augmenta de 10000 francs l’avancement
d’hoirie promis à sa mère ; il stipula que 5ooo fr. seroient
rapportés au partage, et que les autres 5ooo non sujets
à rapport seroient payés sur la réserve qu’il s’étoit faite
en disposant de la tei’re de Mont.
A u mois de novembre i 8o 5 , le sieur Jean Dumont
décéda : c’étoit l’époque où ses enfans devoient faire
valoir leurs droits héréditaires. Les dames de Vaure et de
la R oque, après avoir fait examiner les contrats ci-dessus
cités, se sont empressées de déclarer qu’elles 11’entendoient pas contester à la demoiselle Anne Dum ont, fille
et unique héritiere d’André , la moitié de la terre de
M o n t, qui avoit appartenu au feu sieur Jean D u m o n t;
mais qu’elles se croyoient fondées à recueillir leur portion
dans l’autre m o itié, qui étoit la propriété de la dame
B
�( 1° )
Pitat, décédée avant le mariage d’André Dumont. Mères
de fam ille, et appelées par la nature et la loi au partage
égal de la succession de ladite dame Pitat, devoient-elles,
au préjudice de leurs propres enfans, abandonner à leur
cohéritière, qui recueillera les quatre sixièmes de cette
terre, la petite part que leur, attribue la coutume à
laquelle les parties étoient soumises ?
Les qualifications odieuses que les sieur et dame Hilliax-d
'ont données à la conduite des dames de Vaure et de la
R o q u e, et les inventives prodiguées dans le mémoire
!des adversaires, rejailliront sur leurs auteurs. Les sieur
et dame de la R oque, par attachement pour leur cousine
rgermaine, aimënt à se persuader qu’elle n’a aucune part
à cette indécente'diatribe.
;Lës tuteurs d e: mademoiselle ODumont troublent mal
% propos la cendre de son respectable aïeul, lorsqu’ils
disent qu’il l’a laissée dans l’abandon. On >trouverait les
preuves d’envois d’argent qu’il1lui a faits. Il est notoire*
daiis le pàj^s que quelques années avant sa mort, il la
fit venir d’une ville éloignée, où elle habitoit avec ses
tuteurs, auxquels il fit?passer pour les frais de voyage
et retour une somme plus!forte que celle qui étoit né'cessaire. Lorsque sa petite-fille partit, son trousseau étoit
bien différent de celui qu’elle avoit porté :,les autres
enfans du sieur Dumont auroient vu avec plaisir qu’il
eût fait davantage pour elle; mais-le désir de payer ses
dettes enchaînoit sa générosité.
Il n’est pas moins facile d’écarter le reproche que les
appelons font aux; dames de V a u re et de la R o qu e, sur
la conduite par elles tenue depuis le commencement du
�( II )
procès. A peine, disent-ils, la demande fut-elle formée,
qu’on vit les dames de Vaure et de la Roque poursuivre
l’audience avec une activité sans exemple, ü n croiroit
sur cette allégation que .lorsque, l’affaire'fut jugée, l’ac
tion étoit intentée depuis peu de jours : il s’étoit «coulé
une année entière ; on ne peut supposer qu’il ait été
employé des sollicitations pour obtenir, après un si long
temps, le jugement d’une affaire provisoire, en ce qu’elle
suspend le partage des successions des sieur et dame
•Dumont.
Les sieur et dame Hilliard se plaignent de ce qu’à
l’audience du 8 août, leur avocat ayant plaidé pendant
trois heures , les dames de Vaui-e-et de la Roque lais
sèrent obtenir un défaut; ils attribuent à des combinai
sons astucieuses, et à des manœuvres ténébreuses, une
chose fort simple. Il avoit été signifié, le 14 juillet pré
cédent, un écrit signé de M . Chabroud, intitulé : Notes
pour mademoiselle Dumont. Cet écrit fut envoyé aux
sieur et dame de la. R o q u e q u i' habitent le département
de la Creuse; ils l’avoient.fait.passer à leur conseil pour
y répondi-e;et leur avoué ayant reçu cette réponse peu
de jours avant le 8 août, n’avoit. pu se préparer à plai<der. L e sieur de V au re, qui avoit quelque répugnance
à plaider devant le tribunal dont il étoit membre, voyant
, que l’avoué des sieur et dame de la Roque 11’étoit pas
p r ê t , laissa prendre défaut.
Si le défenseur des sieur et damp Hilliard eût eu avec
ceux de- ses parties adverses d e s. communications ami
cales, ils l’eussent prévenu qu’il$. n e plaideraient pas à
cette audience. L ’avoué,des sieur et dame de la Roque
3 z
�( *4 )
clairem ent, dans le contrat de mariage d’André , son
fils; il y énonce les différens objets qui composoient la
réserve, et ne fait nulle mention des 6000 francs. Lorsqu’il
dit à la fin de sa disposition, que tous les objets énu
mérés appartiendront à André D um ont, il ajoute, ainsi
que les annexes qui auroient étéfaites à la terre de Mont,
ja sq u à concw'rence de 6000 francs. Lés titres d’acqui
sition et rachat de cens existoient alors; ces acquisitions
avoient été réunies à la terre de Mont : le sieur Dumont
vouloit qu’elles continuassent à en faire partie. Mais on
voit très-distinctement qu’il n’est pas entré dans la pensée
des instituans, qu’outre ladite terre et ses dépendances,
on pourroit encore exiger la somme de 6000 livres.
Par le contrat de mariage de son fils, le sieur Dumont
se dépouilla entièrement, quant à la propriété, de ce
qu’il vouloit lui donner. Les mots, avec les annexes qui
auroient été f a it e s , ne peuvent s’entendre que du passé,
et non d’acquisitions à faire dans la suite, pour joindre
à un objet, dans ce que le sieur Dumont avoit cédé
sa propriété. Il avoit si peu l’intention d’ajouter à la
valeur des choses par lui données, qu’il la diminua par
une réserve.
' Quant aux dépens, la demoiselle Dumont ayant suc
combé sur l’objet principal de la contestation, devoit
supporter une partie des frais. Les sieur et dame de
la R oque, en signifiant le jugement, se sont reservé de
poursuivre la réparation de ces deux griefs, pour lesquels
ilsseproposentd’interjeter incidemment appel. Les tuteurs
de mademoiselle Dumont sont appelans des dispositions
qui ont déclare huile la donation en préciputdè’ ld' terre
�(
)
de M ont, pour la moitié provenante du chef de la
dame Pitat. C’est sur cet appel qu’il faut en ce moment
se fixer.
MOYENS.
Il ne sera échappé à aucune des personnes qui ont lu
le mémoire de mademoiselle D um ont, que ce n’est pas
sur les dispositions de la coutume, qui fait loi entre les
parties, qu’elle fonde ses prétentions; elle n’en invoque
textuellement aucun article. E h ! comment eût-elle pu
s’en prévaloir, lorsqu’il n’en est aucun qui lui soit favo
urable ? C’est en citant des autorités et des préjugés pres
que tous puisés dans des ouvi'ages étrangers à la coutume
jie Bourbonnais , ou clans des îtianusevils inconnus aux
sieur et dame de l a vRoque, qu’elle prétend établir une
jurisprudence qui anéantiroit les dispositions de la loi
sous l’empire de laquelle vivoient les parties.
On pourrait soutenir que cette loi étant claire et pré
cise , les cours actuellement existantes doivent la faire
exécuter, sans égard pour une jurisprudence qui s’en
sçroit écartée. Mais ou verra dans la suite qu’à raison des
circonstances particulières de cette affaire, les appelans
ne peuvent tirer aucun avantage de la prétendue juris
prudence qu’ils voudraient faire admettre.
Désirant rapprocher les réponses des objections, afin
de rendre plus lumineuse la réfutation du mémoire de
leurs adversaires, les sieur et dame de la Roque auraient
voulu suivre l’ordre que les sieur et dame Hilliard ont
adopté : mais il y a dans leur mémoire tant de diffusion1
et d’incoJiérauce ! il faudroit revenir sans cesse sur ses
�c 16 )
pas. Il a donc paru plus simple d’établir quelques pro
positions qui détruisent de fond en comble le système
des appelans : on réfutera en même temps les objections
qui s’y rapportent.
PREMIÈRE
PROPOSITION.
L a coutume qui régit les parties est une coutume
d'égalité ; elle ne permettoit ni d'avantager
A n dré D u m o n t, dans les contrats de mariage
de ses sœurs, ni de les exclure des successions,
par dot ou apanage ¡ à moins que ce qui aurait
été donné à ce titre ne leur eût été irrévoca
blement acquis a Vépoque desdits contrats, et
sans être retenues dans la famille par une ins
titution; stipulation qui ne se trouve pas dans
ceux des dames de Vaure et de Beauregard.
Pour établir cette proposition et les suivantes , les
sieur et dame de la Roque n’ont pas cru devoir secouer
la poussière des anciens manuscrits des avocats de la
ci-devant province de Bourbonnais ; il leur a paru que
ceux qui ont des procès seroient trop malheureux, si
pour apprécier leurs droits il falloit fermer le livre de
la l o i , et y suppléer par les décisions de quelques
hommes plus ou moins éclairés. Cette manière de juger
seroit sujette aux plus graves inconvéniens. Un avocat
qui a fait prévaloir son avis, l’a consigné dans des notes
où
�( 17 )
oïl sans doute il n’a pas rappelé toutes les circonstances
qui auroient pu faire juger le contraire; dans le même
temps, son voisin rendoit peut-être une décision opposée.
Seroit - il juste de s’en rapporter à l’un plutôt qu’à
l’autre? N’cst-il pas plus raisonnable de laisser à l’écart
tous ces écrits p rivés, et de ne consulter que la loi à
laquelle les parties doivent obéir ?
Les contrats de mariage de tous les enfans des sieur
et dame Dumont ont été passés sous l’empire de la cou
tume de Bourbonnais. Cette coutume veut que les enfans
partagent également les biens des auteurs de leurs jours.
Les articles 217 et 219 prohibent toutes donations et
avantages en faveur des enfans, si ce n’est en contrat de
mariage. L ’article 321 ne leur permet pas de prendre part
à une succession comme héritiers et comme légataires.
M . A uroux des Pommiers, que nous citerons souvent,
parce que son commentaire a presque obtenu l’autorité
de la lo i, observe, sur l’article 317 de ladite coutume,
que « sa disposition a pour principe Végalité que la nature
« désire, étant juste que ceux qui sont égaux en nais« sance, et qui doivent l’être dans l’affection de leurs
« père et m ère, le soient aussi dans le partage de leurs
« biens. La donation entre-vifs a été exceptée, parce qu’il
« eut été difficile aux pères et mères de marier leurs
« enfans, s ils n’avoient pas eu la liberté de leur faire
« des donations entre-vifs en les mariant. »
Ce n’est donc que pour l’intérêt des mariés, et dans
leur contrat de mariage, qu’il est libre aux pères e t mères
de faire des donations entre-vifs à leurs enfans. Dumoulin,
sur le môme article de la coutume de Bourbonnais, dit
C
�C 18 )
que cela a été étendu aux ascendans , toujours en vue
de l’égalité -, façore œqualitatis.
On trouve à l’article 219 , nombre 13 et suivans, de
nouveaux développemens. M. A uroux s’y exprime en
ces termes : « Une condition pour la validité des insti« tutions contractuelles, est qu’elles soient faites en
« faveur des mariés ¿ ou de l’un d’eux, ou des descen
te dans du mariage. » C’est la disposition de notre cou
tume et de plusieurs autres ; tel est aussi le sentiment de
nos commentateurs. F a çor hujus paragraphi, dit M. de
Culant, nubentes tantum et ex eodem matrimonio des
cendentes affîcit, in tantum ut si institutio fa c ta ,fu e r it,
in gratia contrahentium, et aliorum no?i contrahentiu n i, pro portionihus contrahentium valent 3 et prç
non jiubentiuni parhbus corruat•
« Ainsi si un père fait une institution contractuelle
« en faveur de deux de ses enfans, dans le contrat de
« mariage de l’aîné des d eu x , il n’y aura que le seul
« aîné qui sera institué d’une institution contractuelle,
c< le puîné ne l’étant que par un acte' non valable à
et son égard -, la raison est que la faveur du contrat
« de mariage ne concerne que les mariés et leurs des-« cendans du mariage. » C’est le raisonnement de
M . Lebrun , Traité des successions, liv. 3 , cliap. 2, n°. 1 a.
D ’où cet auteur conclut que quoique la donation faite
aux futurs conjoints n’ait pas besoin d’être acceptée par
eux, néanmoins si elle conceraoitdes personnes étrangères,
elle devroit être acceptée par eux. M. le président B uret
pousse la chose si lo in , qu’il prétend qu’une donation,
faite en faveur de mariage à l’un des conjoints, dont il
�( z9 )
feroit sur le champ cession à une personne étrangère,
seroit n u lle, par la raison que cette donation ne seroit
pas censée faite au profit et utilité des m ariés, comme
le requiert notre article.
Par suite du même principe d’égalité, M . Auroux
décide, à l’article 321, qu’en ligne directe, le legs fait,
même au fils de l’h éritier, seroit déduit et précompté
sur la portion héréditaire du père.
Ce seroit une grande erreur de croire que l’article 305
a dérogé à cette égalité voulue par la coutume de Bour
bonnais ; il porte : c< Fille mariée et apanée, ne peut
« demander légitime ni supplément d’icelle. »
Les rédacteurs de la coutume , en déclarant forcloses
les filles mariées et apanées, n’ont pas eu intention de
les traiter moins favorablement que les garçons : ils ont
pensé qu’elles se marieroient plus avantageusement, si
au lieu de leur part dans une hérédité incertaine j on
leur constituoit une somme fix e , dont elles ne pussent
être privées par les événemens auxquels seroit exposée
la fortune de leurs père et mère.
« L ’apanage des filles, dit M . A u ro u x , sur cet article,
« ou leur exclusion de la succession de leurs père, mère,
« aïeul ou aïeule , même des successions collatérales,
« dans les termes de représentation établie par notre
« coutume en faveur des mâles , pour la conservation
« des familles, n’a rien d’injuste, parce qu’une succession
« pouvant diminuer, comme elle peut augmenter, cette
« incertitude fait que l’on suppose toujours de la justice
« et de l’égalité dans les exclusions tacites qui sont faites
C a
�( 20 )
cf moyennant un certain prix et une certaine récom« pense. »
L e texte et le commentaire de cet article de la cou
tume du Bourbonnais , font connoître qu’elle diffère
essentiellement de la coutume d’Auvergne. Dans cette
dernière, la fille mariée, dotée ou non, ne peut, suivant
l’article 20 du chapitre 1 2 , venir aux successions au
lieu que la coutume du Bourbonnais n’exclut que les
filles dotées et apanées.
Il sembleroit que la loi n’étant pas censée contenir des:
termes inutiles , il faut pour forclore la fille dans les
pays régis par la coutume de Bourbonnais , que son
contrat contienne dot et apanage. Mais les sieur et dame
de la Roque ne dissimulent pas que, par un usage peu
favorabLe au sexe le plus facile à opprim er, on considère
comme dotée et apanée toute fille à laquelle il a été
fait une constitution de dot irrévocable , sans aucune
réserve de participation à l’hérédité. On suppose que
les auteurs de ses jours ont entendu l’apaner, quoiqu’ils
n’aient pas dit que la dot qu’ils lui donnoient étoit à
titre d’apanage.
Appliquons ces principes à la cause, et prouvons que
les filles des sieur et dame Dumont n’ont été ni apanées
ni dotées.
Quoique les termes du contrat de mariage de la dame
de la R oque la mettent dans une position plus avan
tageuse , nous allons raisonner comme si toutes les sti
pulations du contrat de la dame de V au re se trouvoient
dans celui de la dame de Beauregard.
�C 21 )
Nous soutenons qu’il n’y a dans lesdits contrats ni
dot ni apanage.
Il n’y a pas d’apanage, parce qu’il y a institution : ces
deux dispositions sont incompatibles *, et'les auteurs
communs ont déclaré qu’ils n’apanoieni pas leurs filles.
Il n’y a pas de d o t, parce qu’il n’a été rien donné
irrévocablement : tout ce qui a été constitué aux filles
ne l’a été qu’en avancement d’hoirie, et à la charge du
rapport.
Les sieur et dame Hilliard seroient donc réduits, pour
combattre cette évidence de principes, à prétendre en
point de droit, qu’une fille peut être en même temps
lievititîre et apanée; m ais ce seroit une erreur choquante '
car par l’institution elle est retenue dans la maison
paternelle ; par l’apanage elle en est excluse : et on ne
peut tout à la fois être retenu dans la maison et exclu
de la maison.
O r, il a été fait une institution d’héritières en faveur
des dames de Vaure et de Beauregard , avec réserve
d’un objet dont la disposition pouvoit avoir lieu en leur
faveur ; elles n’ont donc pas été apanées.
Lorsque M . Auroux d it , dans son commentaii’e sur
l’article 305 de la coutume de Bourbonnais, « qu’une
« fille mariée par pèi'e et mère , à qui on a donné
« quelque chose de certain, est réputée apanée, et par
« conséquent excluse des successions, quoiqu’elle n’y ait
« pas expressément renoncé , et qu’on ne se soit pas
« servi du mot apané, attendu qu’il n’est pas nécessaire
« pour la validité de cette exclusion tacite et coutumière
�« qu’on se soit servi du mot apanê, pourvu qu’il y ait
« dotation faite à ladite fille. »
Il est évident que cet auteur s’exprime ainsirpour les
cas où les père et m ère, dotant leur fille, n’auroient pas
expressément énoncé s’ils entendoient qu’elle vînt ou
non à partage de leur succession; alors, d it-il, il y a
renonciation tacite et coutumière : mais cette renonciation
ne peut être supposée, lorsqu’elles ont été formellement
instituées héritières.
Après avoir fait l’institution avec réserve , et même
conditionnelle si l’on v e u t, les père et mère ont ajouté
que s’ils n’avoient pas fait cette institution, ils auroient
apané ; ce qui explique clairement qu’ils ont mieux aimé
faire l’institution que Fapanoge; car lorsqu’on annonce
que si on n’eût pas fait telle chose, on en eût fait une
autre, on dit positivement que c’est la première et non
la seconde qui a été faite.
Il est indifférent que les auteurs communs eussent pu
apaner, dès qu’ils n’ont pas usé de ce droit; s’ils eussent
fait un apanage de la manière voulue par la coutum e,
il eût été valable ; mais la disposition qu’ils ont préférée
étant prohibée par la l o i , doit être annullée.
Après l’institution , les père et mère ont dit qu’en
avancement de leur future succession, ils constituoient
en dot à la future la somme de. . . . qu’ils l’ont, par une
disposition subséquente, obligée de rapporter lors de
l’ouverture de leurs successions, ou de moins prendre dans
lcsdites successions. Les appelans voudroient adroitement
assimiler cette constitution de d o t, qualifiée d’avance-
�( *3 )
ment d’hoirie, et sujette à rapport, avec la dot dont
parle M. A u ro u x ; mais elles n’ont aucune analogie. Celle
qui est spécifiée par cet auteur, a lieu lorsqu’il n’a pas
été dit si la fille auroit ou non part aux successions; et
dans les contrats des dames de Y aure et de Beauregard,
elles ont été expressément instituéesliéritières. M . Auroux
dit positivement qu’il faut, pour la validité de la cons
titution de d o t, que la fille ait reçu un prix certain ,
une récompense qui soit hors des atteintes de tous les
événeinens : mais les sommes promises ou données aux
dames de Vaure et de Beauregard étant sujettes à rapport,
leur frère, héritier comme elles , devoit y prendre p a rt,
Js’il ii’en eût pas reçu d’égales.
Cette partie du commentaire de M . A uroux s’accorde
avec ce qu’il avoit précédemment énoncé, que l’apanage
des filles ou leur exclusion n’a rien d’injuste, parce que
les successions pouvant diminuer comme elles peuvent
augmenter, cette incertitude fait que l’on suppose toujours
de la justice et de l’égalité dans les exclusions tacites,
faites moyennant xin prix certain.
Les constitutions faites aux dames de Vaure et de
Beauregard, ne leur ont pas été irrévocablement acquises,
puisqu’on les a obligées d’en faire le rapport; ce n’est
pas un prix certain que celui qu’on n’est pas maître de
garder.
Afin de rendre cette vérité plus sensible , on a dit aux
adversaires : Supposons que postérieurement aux contrats
de mariage des dames de Vaure et de Beauregard, la
fortune des père et mère se fût évanouie ; et certes de
■pareils exemples ne sont pas rares. D ’après la loi qui
�Ch )
leur étoit faite dans leurs contrats, lesdites dames n’auroient pu s’empêcher de partager , avec l’héritière de
leur frère, tout ce qu’elles auroient reçu en avancement
d’hoirie.
Dans leur m ém oire, les adversaires cherchent à faire
entendre que ces dames, en renonçant à l’institution,
auroient conservé ce qu’elles avoient reçu , pourvu que
le fils eût trouvé sa légitim e, à défaut de laquelle la
fille même dotée est tenue de l’apporter.
Cela pourroit être vrai s’il n’y avoit dans les contrats
de mariage qu’une dot pure et simple.
Mais précisément les sieur et dame Dumont ont voulu
empêcher que les futures ne profitassent de la faculté de
retenir leur d o t , et ils ont fait ce qui étoit en eux pour
les
empêcher.
i ° . Ils n’ont donné cette dot qu’à titre d’avancement
d’hoirie.
20. Craignant qu’à ce titre encore les futures ne re
tinssent cet avancement, ils ont stipulé que la fu tu r e
seroit néanmoins tenue de rapporter la somme à elle
donnée en avancement.
Si les auteurs communs s’étant ruinés, les filles avoient
voulu garder ce qu’elles auroient reçu, avec quelle véhé
mence les adversaires ne se seroient-ils pas élevéscontre
cette prétention! Ils auroient dit avec raison qu’il n’y
avoit pas dans le contrat des dames de Vaure et de
Beauregard de constitution dotale; qu’il ne leur avoit
été rien donné ou promis qu’à titre d’avancement d’hoirie;
que tout ce qui a été reçu de cette manière est par sa
nature sujet à rapport, lors de l’ouverture des successions;
qua
e n
�( 25)
que par une stipulation bien expresse, à laquelle nulle
loi ne 9’opposoit, on les a obligées à ce rapport; qu’ainsi
leur frère doit en avoir le tie rs, étant institué comme
elles héritier pour cette quotité.
Ainsi les dames de Vaure et de la Roque , qui auroient été contraintes de partager avec l’héritière de leur
frère ce qu’elles avoient reçu, doivent, par réciprocité,
profiter des avantages que leur procurera le partage égal
des autres biens des successions communes.
f Les appelons ont dit que pour décider s’il y a eu un
apanage , il faut examiner si les père et mère ont eu
l’intention d’apaner , plutôt que les termes dont ils se
sont servis , voltmtatern potius quant vcrbci spectavi
placuitj mais il importe peu de rechercher l’intention ,
lorsqu’elle ne pouvoit suffire sans un prix certain qui
n’existe pas. Loin que cette intention ait été telle que
les sieur et dame Hilliard la supposent, elle étoit abso
lument contraire ; on en trouve la preuve dans le propre
contrat de mariage d’André Dumont. Si lors du contrat
de mariage de la dame de V a u re , dans lequel les père
et mère disent que sans l’institution ils l’auroient apanée,
leur intention eût été que cette clause produisît l’eifet
d’un apanage, personne ne devoit mieux le savoir que
le législateur de la fam ille, le sieur Dumont père; il
a prévu dans le contrat de mariage de son fils , le cas
ou la dame de la Roque se refuseroit à la délivrance
du préciput dont il disposoit en faveur d’André Dumont.
S’il avoit entendu, lors du mariage de ses filles, qu’elles
dussent etre regardées comme apanées, dans le cas oii
elles refuseroient d’exécuter les conditions attachées h
V
�( a6 )
l’institution, le sieur Dumont n’eût pas manqué de dire
que la dame de la R o q u e, si elle contestoit le don en
préciput, devoit être restreinte aux 40000 francs cons
titués à. sa m ère, en avancement d’h oirie, et que son
fils recueilleroit toute son hérédité.
A u lieu de cela, le feu sieur Dumont ne suppose
pas même que la dame de la Roque puisse jamais être
privée de sa part héréditaire, persuadé que le contrat
de mariage de la dame de Beauregard ne contenant
aucune disposition de préciput en faveur d’AndréD um ont,
la dame de la Roque pourroit le contester-, il lui fait
un don de 5ooo francs, si elle respecte la disposition
dudit préciput ; et en cas qu’elle ne veuille le souffrir,
il la prive de ce don. C’est, suivant le meilleur interprète
des c l a u s e s contenues dans les contrats de mariage des
filles, la seule peine qu’elle peut encourir. M algré la
grande envie qu’il avoit d’avantager son fils, le sieur
D u m o n t ne se croit pas autorisé à donner atteinte à l’ins
titution de ses filles : son fils n’est institué comme elles,
et conjointement avec,elles, que pour la même quotité.
Relevant avec l’apparence du triom phe, des objec
tions moins importantes, les sieur et dame Hilliard ont
passé celle-ci sous silence, quoiqu’elle leur eût été faite
dans tous les écrits signifiés en première instance ; ils
ont senti l’impuissance d’y répondre rien de plausible.
L e don de 5ooo francs fait à la demoiselle de Beauregard, dans le contrat de mariage de son oncle, étoit
radicalement nul, suivant les articles de la coutume déjà
cités, qui ne permettent de gratifier les enfans que dans
leur propre contrat de mariage. La condition apposée à
�( *7 )
cc don étoit d’ailleurs trop préjudiciable à la dame de la
Roque, pour qu’elle l’acceptât. Aussi n’a-t-elle jamais ré
clamé cette somme en vertu du contrat de mariage du 31
mai 1789. Mais le sieur Dumont père, présent au mariage
contracté par ladite demoiselle de Beau regard , le 30 bru
maire an 11 , augmenta de 10000 francs la constitution
faite à sa mère en avancement d’hoirie, et stipula que
de ces 10000 francs, 5 seroient sujets à rapport, s’ils
avoieiit été payés , et que les 5 autres seroient pris sur
sa réserve de la terre de Mont.
C ’est eh vertu de cette disposition affranchie de toute
condition, et faite dans le propre contrat de la dame
de la R o qu e, qu’elle a exigé ces 5 ooo francs, dont la
demoiselle Dumont lui sert l ’intérêt -, en attendant qu’elle
puisse les acquitter. Quant aux i 5 qui formoientle restant
de ladite réserve, le feu sieur Dumont en a fait donation
à la dame Narjot, fille de la dame de Yaure. Les tuteurs
de la demoiselle Dumont ayant formé demande en nullité
de cette donation, par la même requête qui a précédé
la demande en partage et délivrance de préciput, dirigée
contre la dame de Y a u re , les sieur et dame de la R oque,
ces derniers, pour ne pas surcharger d’un objet étranger
la contestation relative au partage et au préciput, à
laquelle les sieur et dame Narjot ne sont pas intéressés,
après avoir observé qu’il devoit être traité séparément,
sont restés spectateurs du débat qui existoit entre la
demoiselle D u m o n t, les sieur et dame Narjot.
Néanmoins la loi du 18 pluviôse an 5 , attribuant aux
héritiers non avantagés les réserves dont les instituans
D 2
�(
2 8
)
n’auroient pas valablement disposé, les sieur et dame des
la Roque ont pris devant les premiers juges des con
clusions tendantes à ce que la demoiselle Dumont fût
condamnée, si la nullité de la donation faite à la dame
Narjot étoit prononcée, à leur payer j 5oo francs faisant
moitié de la somme donnée, avec intérêts et frais. En
première instance, la demoiselle Dumont a été déboutée
de sa demande en n u llité, et condamnée à payer à la
dame Narjot les i 5ooo francs. On voit dans les motifs
des juges de Gannat, qu’ils ont été principalement dé
terminés par la considération que la demoiselle D u
mont étoit sans qualité pour contester ladite donation,
attendu que ce droit n’appartenoit qu’aux héritiers lé
gitimés;
O
" c’est-à-dire,* il la dame de V a u rc et à la dame
d e la R o q u e .
L e mémoire que les appelans ont fait imprimer ne
dit rien de ce qui s’est passé depuis ledit jugem ent,
entre la demoiselle Dumont et les sieur et dame Narjot.
Les sieur et dame de la R o q u e , qui n’en ont pas connoissance, doivent faire remarquer que si les sieur et
dame Hilliard ont interjeté appel vis-ù-vis des sieur et
dame N arjot, dans le cas où la cour prononceroit la
nullité de cette donation de iôooo francs, il y auroit
lieu d’adjuger la moitié de cette somme , aux sieur et
dame de la R oque, conformément aux conclusions par
eux prises en première instance, et à la loi du 18 plu
viôse an 5. Si au contraire les sieur et dame Hilliard
sont repoussés par la fin de non-rccevoir qui les a fait
succomber en première instance, les sieur et dame de
�( 29 )
'
la Roque entendent se réserver tous leurs droits à la
moitié de ladite somme de iôooo francs, pour les exer
cer quand et ainsi qu’ils aviseront.
SECONDE
PROPOSITION.
Tout don de préciput est formellement prohibé par
la même coutume, hors du contrat de Venfant
qui se marie. S i la jurisprudence Va admis, d’une
manière indirecte, dans les contrats de mariage
des filles instituées héritières, ce n est quautant
q u e lle s auroient été en même temps' dotées moyen
nant un p r ix certain et une récompense irrévo
cable.
i
Forcés de reconnoître dans leur mémoire qu’André
Dumont n’auroit pu être avantagé d’un préciput par le
contrat de mariage de ses sœurs, si cet avantage lui eût
été fait directement, les appelans se bornent à soutenir
qu’il a pu le recueillir par voie indirecte, à cause de la
condition mise à l’institution de ses sœurs.
Si on écoute la voix de la raison, il semble que toute
violation de la loi doit être également réprim ée, et que
le but du législateur est manqué s’il souffre qu’on ob
tienne par artifice ce qu’il a expressément défendu.
L ’article 308 de la coutume du Bourbonnais est ainsi
conçu :
. « Donations faites par père, mère ou autres ascendaos
« à leurs descendans, en préciput, en contrat de ma-
�( 30 )
« nage et faveur d’icelu i, ne sont sujettes à collation
« entre les donataires et leurs cohéritiers. »
Cet article est si formel qu’il n’a pas besoin de com
mentaire : ouvrons néanmoins celui de M. Auroux.
A p rè s avoir dit qu’il faut que le préciput soit donné
expressément à ce titre, il ajoute : « Une seconde condi« tion requise pour la validité du préciput, est qu’il
« soit fait en contrat de mariage et faveur d’icelui, ainsi
« qu’il est dit dans notre article; et la raison est qu’aux
« termes de l’article 217 suprà, les pères et mères ne
« peuvent donner entre-vifs à leurs enfans, hors contrat
« de mariage, » C’est l’observation de M. de Culant sur
notre article : « In gratiam contrahentïs matrimonium ,
« d it - il, alias m o r i b u s n o s tr is n o n v a l e t , hoc quia
« extra contraction matrimonii et ejus favorem non
« valet d o n atio facta liberis à parentibus. A rt. 217. »
M . A u ro u x ne compose pas avec la loi ; comme elle
il dit que le préciput n’est valable qu’autant qu’il est
fait en faveur de ceux qui se marient. L ’opinion de
M . de Culant, qu’il rapporte, n’est pas moins tranchante:
in gratiam contrahentis matrimonium et ejusjavorem ,
alias non valet.
« A la vérité, continue M . A u ro u x, par arrêt rendu
« au rapport de M . l’abbé Pucelle , le 22 mai 1 7 1 6 ,
« entre les dames Maquin et leur frère , le préciput
« de 30000 fr. fait au frère dans le contrat de mariage
« de ses sœurs, par les père et m è r e , fut confirmé :
« mais c’est parce que ce préciput étoit une clause et
« condition du rappel et institution desdites dames,
« sans laquelle réserve du préciput il étoit dit que
�yt
( 31 )
lesdits père et mère lesauroient apanées, et sous conVention que, où lesàites dames voudraient contester
ledit préciput, elles demeureraient apanées pour la
somme de 24000 fr a n c s chacune ; ce qui se pratique
ainsi dans cette province. »
Les appelans se sont persuadés que cet arrêt étoit
à leur avantage , tandis qu’il leur est absolument con
traire. M . A u r o u x , en rapportant les motifs qui ont
déterminé cet a rrê t, fait connoître qu’il n’est pas en
opposition avec ce qu’il a dit précédemment. Les mots
soulignés ci-dessus le sont aussi dans le commentaire
de M . A uroux ; ils contiennent la stipulation expresse
d’un apanage qui doit demeurer aux filles , et tenir
lieu de leur portion héréditaire r si elles ne veulent
souffrir le préciput. En disant qu’on a jugé ain si, par
cette raison, M . A uroux exprime d’une manière évi
dente que sans cette stipulation ont eût jugé différem
ment •, d’ou il résulte que les dames de Vaure et de
Beauregard, qui n’ont pas été apanées, et auxquelles
il n’a été rien constitué qu’en avancement d’hoirie, et
à la charge du rap p o rt, sont fondées à soutenir que
l ’arrêt de 1716 a préjugé p o u r, et non contr’elles.
Enfm M . A uroux qui avoit cité M . Menudel l’apporte
son avis, dans lequel cet auteur après avoir dit qu’on
reçoit le préciput dans le contrat de mariage des filles
instituées lieritieres à cette condition, conseille de mettre
dans le contrat que les père et mère ont doté la fille
de la somme de.... h la charge de venir à la succession
en la rapportant, et qu’où elle fourniroit débat contre
ledit préciput, ils déclarent qu’ils apanent ladite fille h
«
«
«
«
«
\
�( 3 0
la somme d e ....... parce qu’en mettant simplement la
clause qu’ils instituent ladite fille sous ledit préciput,
elle peut dire qu’elle n’a pas été apanée, à défaut d’exé
cution de ladite clause , qui sonne toutes fois en une
institution conditionnelle, et que les mots qui seroient
dans le contrat, sans lequel préciput les père et mère
l ’auroient apanée, ne seroient pas un apanage form el,
mais plutôt une simple én'oncintion du dessein d’apaner,
lequel n’étant pas diserlement expliqué , ne l’empê
che roi t pas de venir à une succession ab intestat des
père et m ère, en rapportant. Laquelle objection n’est
pourtant pas considérable , parce que le mot de dot
emporte quant à soi l’apanage, lequel est valable ah'qito
dato 2>cl promisso de pressenti.
Quoique l’avis de M . Menudel ne soit pas rédigé avec
toute la clarté qu’on pourroit désirer, on y voit que
.la solidité des stipulations par lesquelles on voudroit
assurer au fils un préciput dans le contrat de mariage
de ses sœurs , est subordonnée à la constitution d’une
dot de prœsenti. Les mots laquelle objection n'est pour
tant pas considérable, se rapportent aux difficultés que
la fille élèveroit, en alléguant qu’elle n’a pas été expres
sément apanée; ce q u i, suivant M . Menudel et même
suivant M . A u ro u x , peut être suppléé par une consti
tution à titre de dot.
L ’arrêt du 22 mai 17 16 , comme l’avis de M . Menudel,
ne peuvent être opposés, parce que les contrats de ma
riage des dames de Yaure et de Beauregard ne con
tiennent pas les deux clauses d’institution conditionnelle,
et stipulation de dot, tenant lieu de la portion hérédi
taire.
�( 33 )
faire. Les auteurs communs n’ont ni apané , ni eu
l’intention d’apaner leurs filles.
A u décès de la dame D um ont, ses filles ont été saisies
du tiers qui revenoit à chacune d’elles dans sa succession,
par la règle le mort saisit le vif. L e sieur Dumont père
n’a pu, postérieurement à ce décès , transmettre à André
Dumont la moitié de la terre de M on t, qui avoit appar
tenu à sa mère. La donation faite audit André Dumont
ne peut être validée par la faculté d’élire que les père
et mère s’étoient déférée mutuellement. Nul ne peut
faire par autrui ce qu’il ne lui est pas permis de faire
lui-même. Dès que la loi municipale défendoit impé
rieusement à la dame Dumont d’avantager son fils dans
un autre contrat de mariage que le sie n , le pouvoir
donné au mari est vicieux dans sa source : tout ce qui
a été fait en vertu de ce pouvoir est nul.
Dans nos mœurs , le droit d’élire a toujours été
regardé comme abusif ; il doit surtout être rejeté lors
qu’on ne l’a déféré que pour se procurer le moyen d’avan
tager une personne prohibée. Celui à qui ladite faculté
d’élire a été donnée ne pouvoit la recevoir , parce que
les articles 226 et 227 de la coutume de Bourbonnais,
défendent, durant le mariage, toute association, dona
tion ou autre contrat entre la femme et le mari, même
les donations mutuelles, s’ils ont des enfans.
Vainement les sieur et dame Ililliard disent-ils que
la faculté d’elire seroit n u lle, si elle étoit confé rée par
disposition directe, mais qu’elle peut valoir comme con
dition de l’institution des filles; qu’elle ne conféroit
E
�( 34 )
aucun avantage à l’époux survivant ; qu’ainsi elle n’étoit
pas contraire aux lois prohibitives d’avantages entre
époux.
3N’est-ce pas un avantage bien ré e l, et d’une grande
im portance, que celui qui met à la disposition d’un des
époux environ la moitié des biens de l’autre? D ’ailleurs
la loi n’a pas fait de distinction -, elle a prohibé toute
association, donation ou autre contrat entre époux,
même les dons mutuels : sa disposition doit être exécutée
par tous ceux qui étoient soumis à son empire.
Ce qui sera dit ci-après sur la question de savoir si
les stipulations prohibées peuvent valoir comme condi
tion d’une institution, s’appliquera à cette faculté d’élire
que les appelans vouloient en première instance faire
valoir comme mandat ou procuration; moyen qu’ils
ont abandonné, parce qu’on leur a observé que tout
.mandat expire à la mort du mandant, et que les morts ne
sauroient contracter, ni en personne, ni par procureur.
’ Il y avoit un autre vice dans la disposition de la
terre de M on t, et la faculté d’élire qui s’y rapportoit.
: Cette terre étoit un acquêt de communauté dont le
mari est seul maître, suivant l’article 136 de la même
coutume : les dispositions que faisoit la femme relative
ment à un bien sur lequel elle n’avoit pas de droit
acquis, étoient une usurpation du pouvoir que la loi
donne au mari seul sur les biens de la co m m u n a u té . O n
peut, disent les appelans, disposer d’un droit éventuel;
cela est vrai : mais la dame Duinont n’a pas disposé
'hypothétiquem ent; elle a donné, comme a elle appar-
�>/
. (
3
5
)
tenant, un bien qui étoit entre les mains de son mari.
-Aux textes les moins équivoques de la coutume, aux
suffrages de ses plus habiles interprètes, les sieur et
dame Hilliard opposent les notes manuscrites d’un ancien
avocat de M oulins; ils disent que ces notes ont été com
muniquées aux sieur et dame de la R oque, qui ne les
ont p oin t/ vues, et seroient hors d’état d’en vérifier
l’écriture. Nous avons fait connoître à quels dangers on
s’exposeroit si on vouloit asseoir des jugemens sur de
pareilles bases.
Les sieur et dame Hilliard ont encore cherché à tirer
avantage d’une consultation obtenue, d is e n t-ils , par
M . de Vaure l u i - m ô m e , de M M . B o iro t, Bergier et
D artis, sous la date du 12 décembre i 8 o 5 . Les appelans
assurent qu’ils ont copie de cette consultation, que cepen
dant ils ne tiennent pas du sieur de Vaure.
Ces jurisconsultes ont été d’avis, et c’est une erreur
échappée à des hommes très - éclairés, que le préciput
devoit être relâché à la demoiselle D um ont, en vertu
de l’institution de ses tantes ; ils ont aussi décidé qu’on
ne pouvoit regarder comme valable la faculté que les
père et mère s’étoient donnée, et au survivant d’eux,
par le contrat de la dame de V a u re, de disposer de la
totalité de la terre de M ont, au préjudice de l’institu
tion faite au profit de ladite dame, par égalité avec ses
frère et sœurs, soit parce que la coutume contenoit
des prohibitions particulières pour les dispositions des
pères et mères à leurs enfans, et pour les dispositions
entre ép ou x, soit parce que la terre de M ont étant un
E a
�, ( 36}
acquêt de communauté, la dame Pîtat donnoit ce qui
étoit sous la puissance du mari seul; qu’ainsi la repré
sentante d’André Dumont ne peut avoir la moitié de la
terre de M on t, qui a appartenu à la succession de la
dame Pitat, en vertu de la disposition faite en faveur
d’A ndré D u m o n t, par son contrat de mariage.
Enfin ils ont décidé que la somme de 6000 livres,
réservée pour acquisition de cens, et dont les premiers
juges ont mal à propos attribué la moitié à la demoiselle
D u m on t, ne pouvoit lui appartenu'.
Les sieur et dame Hilliard s’emparent de ce qui est
à leur avantage, dans cette consultation, et rejettent
tout ce qui est contraire à leurs intérêts.
En coutume d’A u v e r g n e , l’exclusion de la fille mariée
est de droit -, elle ne peut venir aux successions que par
un rappel formel dé ses père et mère : mais il n’en est
pas de même ën Boui’bonnais, où la fille a des droits
égaux à 'ceux de ses frères, dans la succession de ses
père et mère ; que pour être privée de ses droits, il
faut qu’on lui en ait assuré le prix de manière qu’elle
puisse gagner comme perdre à cet arrangement, suivant
les événemens auxquels sera exposée ensuite la fortune
de ceux dont elle auroit été instituée héritière : d’où
résulte la nécessité de faire, avec l’institution condition
n elle, une constitution de dot irrévocable, afin que si
la fille n’accfcpte pas la première, elle soit forclose par
la seconde.
�(
TRO ISIÈM E
37
),
PROPOSITION.
S i les conditions apposées à une institution sont
contraires aux lo is , Vinstitué peut profiter de
l ’institution sans exécuter la condition ; il peut
aussi renoncer a Vinstitution ; et la fille qui n a
pas été apanée, ou à laquelle il n a pas été f a it
une constitution dotale} telle quelle doit être pour
tenir lieu d’apanage, vient à la succession comme
héritière naturelle et légitime.
Pour tacher de persuader qu’André Dumont a pu
être avantagé par préciput, dans le contrat de mariage
de ses sœurs, de la moitié de la terre de M o n t, qui
appartenoit à sa m ère, parce que la destination de ce
bien , et le pouvoir d’élire donné au survivant des
époux , étoient des conditions de l’institution , les appelans exposent dans leur mémoire (page 10 et suivantes),
que la raison dit à qui veut l’entendre, qu’il est loisible
à celui qui exerce une libéralité, d’y apposer telles con
ditions qu’il juge convenables, pourvu qu’elles ne soient
contraires ni aux lois, ni aux mœurs; que c’est à celui
qui est l’objet de la libéralité, à l’accepter ou à y re
noncer; mais s’il l’accepte, il doit remplir les charges
et conditions qui y sont imposées ;
Qu’A uroux et Lebrun décident qu’on peut faire
l’équipollent d’une institution contractuelle , au profit
d’autres personnes que les mariés, en instituant la per_
�t 33 )
sonne mariée à la charge d’associer ses frères et sœurs
pour certaine quotité de l’institution ; ce qui vaut à leur
profit comme une condition de l’institution, parce que
l’association étant une charge de l’institution dont elle
fait partie, l’ institué est dans la nécessité, ou de renoncer
à l’institution, ou de consentir à l’association;
Que deux frères s’étant institués réciproquement dans
le contrat de mariage de l’un d’eux, celle faite en faveur
de celui qui ne se marioit pas , valoit comme condi
tion; que l’article 1121 du Code Napoléon a consacré
ces principes ; que cette disposition au profit d’un tiers
peut être révoquée par l ’instituant, qui n’est pas lié ,
mais le donataire ou l’institué ne peut se dégager qu’en
renonçant au bienfait ;
Que des conditions pouvant être apposées à une ins
titution , on ne voit pas ce qui pourroit faire obstacle à
ce qu’un institué fût tenu de souffrir le prélèvement d’un
précipu t, comme condition de son institution ; qu’un
instituant pouvant faire passer à des tiers une quotité de
succession, comme condition de l’institution faite au profit
de celui qui se m arie, on doit à plus forte raison décider
qu’une disposition au profit d’un tiers, qui n’a pour but
qu’une chose déterminée, peut valoir comme condition
d’une institution, suivant la maxime qui peut le plus
peut le moins ; qu’il y a plusieurs décisions d’avocats de
M ou lin s, sur un manuscrit de l’un d’e u x , et un arrêt
du 22 mai 17 16 , cité par A u ro u x, et dont les circons
tances sont développées dans ledit manuscrit ;
Que les contrats de mariage des filles des sieur et dame
Dumont contiennent une institution restreinte par la sti-
�( 39 )
pulation d’une réserve modifiée par plusieurs conditions
qu’il a plu aux instituans d’y apposer, tellement liées
avec l’institution , qu’on ne peut en supprimer une sans
anéantir, dans le vœu des instituans, l’institution ellemême •,
Que l’objection tirée par les dames de Vaure et de la
R oque, des articles 217 et 226 de la coutume, dont l’un
s’opposoit à la disposition faite au profit d’André Dum ont,
dans le contrat de mariage de ses sœurs, et l’autre à la
faculté d’élire, se détruit, en ne confondant pas les dis
positions principales et directes avec les dispositions rela
tives et conditionnelles; que l’institution faite par un père
en faveur de deux enfans , par le contrat de mariage de
l’un d’eu x , étoit nulle à l’égard de celui qui ne se marioit
p as , tandis que si l’institution n’étoit faite qu’en faveur
de celui qui se m arioit, à la charge d’associer son frère,
la disposition étoit valable au profit de ce dernier, comme
condition de l’institution faite à son frère; de m êm e, en
coutume de Bourbonnais, la disposition faite par des
époux pendant le m ariage, au profit du survivant, de
l’usufruit des biens du prédécédé, étoit n u lle , comme
contenant un avantage prohibé, tandis qu’elle a toujours
été considérée comme valide, lorsqu’elle se rattaclioit à
une institution de leurs enfans , et qu’elle en étoit la
condition ; ce qui est attesté par A u r o u x , sur les arti
cles 226 et 227 ; que c’est sur ces principes que repose
la consultation de M M . B oirot, Bergier et D artis, dont
les sieur et dame Hilliard argumentent longuement.
Nous n’avons omis aucunes des raisons par lesquelles
�( 4° )
les appelans veulent établir que la fille d’André Dumont
doit avoir, par préciput, la moitié de la terre de M ont,
qui avoit appartenu à la dame P itat, comme étant une
condition de l’institution de ses tantes.
En analisant ces raisons, on voit d’abord qu’à l’art. 308
de la loi municipale , qui défend toutes donations en
préciput, si ce n’est dans le contrat et en faveur de
l’enfant qui se m arie, les sieur et dame Hilliard n’en
opposent aucun autre duquel on puisse tirer des induc
tions contraires; mais ils disent que suivant M . A u ro u x,
dont l’avis est conforme à celui de Lebrun, on peut faire
indirectement, et par condition apposée à une institution,
des dispositions en faveur d’autres que les mariés ; qu’on
peut instituer celui qui se m arie, à la charge d’associer
telle ou telle personne, et donner l’usufruit au survivant
des é p o u x , en stipulant cette condition dans une insti
tution.
La première réflexion qui se présente est que M . A uroux
q u i, dans son commentaire sur les articles 219 et 224,
indique le moyen de faire l’équipollent d’une institution
contractuelle au profit d’un autre que les mariés, en ins
tituant la personne mariée à la charge d’associer l’autre,
ayant établi de la manière la plus positive, lorsqu’il traite
du préciput, qu’on ne peut le donner qu’à celui qui con
tracte mariage, on doit en conclure qu’il n’en est pas de
l’association, dont la coutume ne parle pas, comme du
préciput sur lequel elle a une disposition prohibitive trèsexpresse.
Dans les pays où l’association est en usage, elle a lieu
autant pour l’avantage de l’institué que pour celui de
l’associé.
�(4 0
l’associé. Ce dernier est retenu dans la maison; il aide à
cultiver les biens, à faire valoir les entreprises de com
merce. Les sieur et dame Hilliard ont cité un arrêt rap
porté par M. A u ro u x , qui confirma une institution réci
proque , faite par deux frères dans le contrat de mariage
de l’un d’eux ; mais ils se sont bien gardés d’ajouter que
M . Auroux donne pour motif que c’étoit une convention
par l’effet de laquelle les deux frères couroient même
chance, et dont le bénéfice dépendoit uniquement de la
survie.
Ces stipulations, qui peuvent tourner au profit de
l’institué, ne sauroient être comparées avec un don en
p r é c ip u t, qui a essentiellement pour objet de détruire
l’égalité voulue par la coutume à laquelle les parties
étoient soumises.
Quant à l’usufruit, les appelans ont cité le n°. 30 du
commentaire de M . A uroux , sur l’article 327 de la cou
tum e, où il dit que les conjoints père et mère, mariant
leurs enfans, peuvent convenir, en leur faisant des do
nations ou les instituant leurs héritiers, que lesdits enfans
laisseront jouir le survivant de leurs père et m è re , ainsi
qu’il est dit dans l’article 281 de la coutume de Paris,
qui s’observe en Bourbonnais, suivant M M . de Culant,
D uret et Semin : E o casu , dit M . de Culant, Jilius
recipt'oce censeiur usum Jructum douasse superstiti.
Il résulte de ce passage, que le conjoint survivant n’est
pas censé tenir l’usufruit de l’autre conjoint, auquel la
loi interdisoit cette libéralité - qu’ ü la reçoit p a r l ’e ffe t
du consentement de l’héritier institué, sans doute m a je u r ;
car M . A uroux ajoute, dans le nombre suivant, qu’il
F
�faut , pour la validité de cette convention, qu’elle soit
faite avec tous les enfans héritiers, à mesure qu’ils se
marient. Quoi qu’il en soit, lorsqu’il s’agit de déroger
à une loi précise, il ne faut pas raisonner d’un cas à un
au tre, n’y ayant jamais mêmes circonstances et mêmes
motifs.
L ’arrêt de 1 7 1 6 , cité dans les prétendues notes de
M . Beraud, et rapporté par M . A uroux loin d’être
contraire aux sieur et dame de la R o qu e, confirme les
principes- sur lesquels ils se fondent, attendu , comme
nous l’avons déjà d it , qu’il n’adjugea le- préciput qu’à,
raison de ce qu’y ayant dans les contrats des dames
M aquin , institution conditionnelle et apanage form el,
il falloit qu’elles prissent l’institution, ou qu’elles fussent
forcloses.
. M al à propos les appelans o n t-ils invoqué la dispo
sition de l’article 1121 du Code N apoléon, qui permet
de stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la con
dition d’une donation que l’on fait à un autre ; cet article
suppose que la stipulation a pour objet une chose qui
n’est défendue par aucune l o i , sans quoi il seroit en
contradiction avec l’article 900, qui répute non écrite
toute condition contraire aux lois, et avec l’article 1108 ,
qui v eu t, pour la validité d’une obligation, qu’elle ait
une cause licite. La même raison écarte l’allégation que
les contrats de mariage sont susceptibles de toutes con
ventions; celles qui tendent à violer la l o i , ne sont pas
plus permises dans les contrats de mariage que dans les
autres actes.
Les appelans auroient beaucoup mieux fait de garder
�( 43 )
le silence sur la consultation de M M . Boirot, Bergier et
Da rtis , dont ils se prévalent, quant au point qui leur
est favorable , et qu’ils rejettent dans tous les autres. S’il
faut croire, sur l’allégation des adversaires, que ces juris
consultes, décidant quatre questions, ont erré dans les
trois où ils ont contrarié les prétentions de la demoiselle
Dumont , elle ne peut exiger qu’on prenne leur avis
pour guide en jugeant l’autre question, qu’ils ont décidée
contre les sieur et dame de Vaure.
En Bourbonnais, le mot dotée n’étoit synonyme d’a\panée que lorsque les père et m ère, mariant leur fille,
lui av o ie n t , avec intention de l’exclure de leur succes
sion, constitué un objet déterminé dont elle ne pou voit
être privée par les événemens auxquels leur fortune
seroit exposée, et qui formoit ainsi lejprix de la renon
ciation tacite que la fille étoit présumée avoir faite aux
Buccessions des auteurs de ses jours. Les sieur et dame
Dumont n’ont fait ni voulu faire une constitution de
ce genre.
■Le contrat de ‘mariage de la dame de 'Vaure contient
la preuve que dans l’intention des instituans le mot
dot n’étoit pas synonyme à'apanage ; car ils ont cons
titué une dot, et ont dit qu’ëlle n’étoit pas un apanage;
qu’ils en auroient constitué une à ce titre, s’ils n’avoient
mieux aimé instituer la'future comme ils l’ont ifait.
Ce ne sont pas les mots, comme les appelans l’ont dit
eux-m êm es, qu’il faut considérer en pareil cas, mais
la chose qui a été réellement faite par les père et mère.
O n t-ils privé la fille de la qualité d’héritière, si elle
n’acceptoit'pas l’institution'? L ’o n t-ils alors qfïranchie
F 2
�C44)
des charges et des inquiétudes de l’hérédité? L u i ontils donné le prix de sa renonciation tacite, en lui assurant
une somme qu’elle conserverait indépendamment de tous
les événemens ? Ne lui on t-ils réservé aucun espoir
successif? On pourrait dire, quand ils n’auroient em
ployé ni le mot d o t, ni celui d'apanage, qu’il y a for
clusion. Si au contraire la fille a été retenue dans la
fam ille, et instituée héritière; si ce qui lui a été donné
ou promis n’étoit qu’un avancement d’hoirie qu’on l’a
obligée de l’apporter, et q u i, par conséquent , n’étoit
pas une récompense certaine, eussent-ils dit expressé
ment qu’ils ont doté et apané leur fille, elle ne serait
pas forclose.
Les. auteurs communs attachoient si peu au mot dot
l’idée présentée par celui d'apanage, qu’ils se sont servi
des mêmes expressions dans le contrat de mariage d’André
Dumont ; il y est dit : « En avancement d’h oirie, le
« sieur Dumont père « constitué et constitue en d o t,
« au sieur futur époux , la somme de 40000 livres, qui,
« avec celle de 10000 livres provenante de la réserve,
« font 5oooo livres; laquelle constitution dotale sera
« imputée, etc. » Les mots constitué en dot et consti
tution dotale, employés et même plus répétés dans le
contrat de mariage du frère, que dans celui des soeurs,
ne permettent pas de douter qu’on 11’y attachoit pas.,
dans la famille, le sens que les appelans voudraient lui
donner pour le rendre identique avec celui d'apanage..
Ce qui a été dit précédemment , répond aussi à l’ob
jection que les père et mère pouvant livrer leur fille
�à une forclusion absolue, ont p u , à plus forte raison,
ne la forclore qu’en partie , et l’obliger à respecter la
destination d’un objet particulier : 011 ne conçoit pas
trop comment, dans la même succession, une fille peut
être héritière en partie, et forclose pour une autre partie.
Mais les instituans n’auroient p u , suivant la loi qui les
régissoit, forclore la fille par leur simple volonté ; elle
étoit appelée, par cette lo i, à partager leur succession;
on ne pouvoit la priver des droits qu’elle y avoit, que
par l’espèce de composition à forfait, qui se trouve dans
la constitution d’une dot certaine et irrévocable, tenant
lieu de cc qu’elle auroit recueilli dans des successions
qui pou voient diminuer comme augmenter.
L ’adage qui peut le plus peut le m o in s, est ici inap
p licable, puisque les père et mère 11’ayant pas constitué
à leur fille une dot telle qu’il la falloit pour opérer la
forclusion, ils ne pouvoient la priver ni de la totalité,
ni de partie de leurs successions. Eussent-ils pu la livrer
à une forclusion absolue en l’apanant, cette circons
tance est indifférente, dès qu’ils ne l’ont pas apanée. Il
en est comme si un particulier, voulant gratifier son
am i, lui faisoit vente d’un bien sans stipulation de p rix;
l’acquéreur n’acquerroit aucun droit par un pareil contrat,
quoiqu’il fût certain que le vendeur auroit pu valablement (
lui faire une donation cent fois plus considérable. Tant
pis pour l’avantagé, quand celui qui vouloit le gratifier
a fait ce qu’il ne pouvoit pas faire, au lieu de faire ce
qui eût été valable.
Il est certain que la terre de M ont n’a été mise hors
de l’institution faite en faveur de la dame de Vaure ,,
�( 4 0
qu’èn ce sens, qu’elle pouvoit ne pas la trouver dans
l’hérédité : c’est le seul effet qu’étoit susceptible de pro
duire la longue stipulation insérée dans son contrat de
mariage. La réserve de cette terre rendoit les instituons
maîtres d’en disposer par acte valable ; et si la dame
D u mont eût été présente au contrat de mariage de son
'fils , et lui eût donné en préciput sa moitié de cette
te rre , la fille d’A ndré D u m ont, à laquelle on ne con
teste pas l’autre moitié donnée par le père, auroit aùssi
recueilli celle-oi.
Non-seulement le contrat de mariage de la dame de
V a ure ne l’a point privée de l’espérance d’avoir part à
cet immeuble ; elle pouvoit ’môme l’avoir en totalité, si
ses père et mère en disposoîent en sa faveu r, comme
ils s’en étoient réservé le droit. A défaut de disposition
valable, cette terre rentroit dans la masse de l’hérédité,
et toiis ceux qui y venoient avec un titre universel devoient la partager.
A l’allégation, quon peut fa ir e indirectement ce qui
est prohibé ouvertement, les sieur et dame de la Roque
ont opposé la maxime bien plus digne d’être consacrée
par la justice, que la condition contraire aux lois ou aux
bonnes mœurs, est réputée non écrite; qu’ainsi, celui
qui en a été grevé n’est pas tenu de l’exécuter. 'Ils ont
v. soutenu que la loi ordonnerait vainement, s’il étoit permis
de se soustraire à son empire par des voies tortueuses et
indirectes ; rque cette vérité étoit écrite dans les anciens
livres, comme elle l’est dans les articles 900 et 1174 du
Code Napoléon; enfin, qu’elle avoit été proclamée par
plusieurs arrêts solennels.
�( 47 )
Denizart, dans sa collection de jurisprudence, au mot
Dispositions conditionnelles, n°. 2 1 , en cite un rendu
en la grand’chambre du parlement de Paris, le 13 mai
1762. Il s’agissoit d’une institution d’héritier faite par le
sieur de V auban , en faveur de son n eveu , à la charge
de laisser à la veuve la jouissance de plusieurs terres
situées dans des coutumes qui prohiboient les avantages
entre époux. L ’institution fut maintenue , et l’héritier
déchargé de la condition. Cet arrêt rendu sur les con
clusions de M. Joly de Fleury, est aussi rapporté dans la
collection des décisions nouvelles, vulgairement appelée
Nouveau D enizart, au mot Avantage prohibé. On y voit
que la veuve faisoit valoir que la disposition devoit être
exécutée en tout son contenu; que l’héritier n’étant ins
titué que sous cette condition, ne pouvoit se dispenser
de l’accomplir ; qu’à la difficulté qui naissoit de la con
dition sous laquelle l’héritier éloit institué, on observoit
qu’elle devoit être regardée comme non écrite, puisqu’elle
étoit contraire à la prohibition expresse de la coutume:
et il fut ainsi jugé.
Par un autre arrêt du 2 avril 176 2 , rapporté dans
la môme collection, le parlement de P aris, dans le ressort
duquel avoient été. passés tous les contrats de mariage des
enfans des sieur et dame D u m ont, consacra les mêmes
principes, et jugea de plus que la prohibition d’avan
tager, dans les coutumes qui la contenoient, étoit absolue,
et pouvoit etre opposée par tous ceux qui y avoient
intérêt, sans examiner si elle avoit été introduite en leur
faveur ou non.
Il seroit trop long de rapporter l’espèce de cet arrêt ;
�54>
( 48 )
il suffit de remarquer qu’on opposoit aussi à. l’héritier
qu’il n’étoit pas recevable à attaquer la principale dispo
sition de l’acte dont il tiroit lui-même son droit à l’hé
rédité ; que cet acte étoit un tout dont on ne pouvoit
diviser les dispositions; il répondoit que les lois 14 , au
digeste D e cond. et déni. , et la loi 9 , §. 10, D e hœred.
inslituend. , décident qu’une condition nulle peut être
attaquée par le légataire, sans qu’il soit exposé à perdre
son legs. M . l’avocat général écarta les fins de non-rece
vo ir, et se fonda sur ce que l’article de la coutume étant
impératif, la prohibition étoit d’ordre public, et absolue;
qu’elle avoit été introduite par les lo is, de peur que les
conjoints ne se dépouillassent trop facilement par un
amour m utuel, et plus encore pour enlever une source
de division dans les mariages, empêcher le plus adroit,
le plus intéressé de tromper l’autre, le plus violent, le
plus emporté , de forcer l’autre à donner : et toutes les
fo is, disoit ce magistrat, que quelqu’un pourra établir
un droit, une qualité, une action, la justice doit saisir avec
empressement l’occasion de faire prévaloir sur la dispo
sition prohibée de l’homme, la disposition prohibitive
de la loi.
Hors d’état de citer aucune disposition de la coutume,
ni aucun préjugé favorable au système qu’ils voudroieut
faire adopter, les appelans s’emparent de quelques phrases
d’un discours de ce très-savant jurisconsulte, qui remplit
avec tant de distinction l’une des places les plus éminentes
de l’ordre judiciaire. Mais dans la cause où M. Merlin
portoit la parole, il s’agissoit d’une condition d’épouser
telle personne ; condition qui, à l’époque où elle avoit
été
�(49 )
é,té imposée n’étoit pas illicLle ; et ici la condition a pour
objet un don en p récip u t, que le texte le plus formel
de la loi municipale défendoit de donner à l’enfant qui
ne contractoit pas mariage. M . M erlin disoit que si la
condition dont il s’occupoit devoit être considérée comme
illicite, elle conduiroit à dire qu’il falloit regarder comme
nulle l’institution faite sous cette condition.
Un pareil résultat ne procureroit aucun avantage à
la demoiselle Dumont : les dames de Vaure et de la
Roque se trouveroient placées dans la même position
que si elles s’étoient mariées sans contrat de m ariage,
ou si leurs père et mère n’avoient pas été présens à
leur contrat ; alors elles i-ecueilleroient toujours le tiers
de tous les biens de la dame P itat, leur m ère, décédée
intestat. L ’arrêt du 22 nivôse an 9 , dont les adver
saires isolent un considérant, se rapporte aussi à une
condition qui n’étoit point illicite ; et s’il y est dit que
dans les actes entre-vifs, il faut respecter la volonté de
tous, ce ne peut être que relativement aux actes synallagmatiques, consentis par des personnes capables de conI tracter, et non pour ceux où une mineure a été, en fraude
de la l o i , grevée d’une condition à laquelle il lui étoit
impossible de donner un consentement valable.
Par une bizarrerie bien extraordinaire, tout ce qui
est dit dans cette partie du mémoire des appelons est
en contradiction avec ce qu’on lit à la page i 5 , où parlant
de l’arrêt de 1716 , rapporté par A u ro u x , qui valida une
disposition en p récip u t, apposée comme condition à
une institution d’héritier, dans un contrat où on avoit
en même temps apané une fille majeure, les appelans,
G
�C5o )
disent que si cette clause de préciput eût été contraire
il la lo i, ainsi que le porte un des considérans du ju
gement de Gannat, elle auroit été réputée non écrite,
nonobstant la menace de forclusion ; qu’il a toujoui-s été
de principe qu’une clause pénale ne pouvoit valider
une clause contraire à la l o i , parce qu’autrement on
pourroit se réserver les moyens de violer la loi.
Les appelans conviennent ic i, d’une manière bien
expresse, que si les conditions mises à l’institution de
la dame de Vaure étoient contraires à la lo i, elles sont
censées non écrites. Il ne sagit donc que d’examiner le
fait; et pour cela il suffit de lire le contrat du 19 no
vembre 1775. La dame D um ont, en avantageant son
fils de sa portion de l,à terre de M on t, en cas qu’elle
n ’ e n d i s p o s â t ,pas autrement, et donnant à son mari le
droit de. la lui transférer, violait ouvertement les articles
3 1 7 , 219 et 321 de la coutume sous l’empire de laquelle?
elle v iv o it, qui défendent aux pères et mères d’avantager
leurs enfans, si ce n’est par leur.propre contrat de mariage,
ou p<jr legs tenant lieu de portion héréditaire; l’art. 227,
qui ne permet point aux époux ayant enfans de se-faire,
aucun avantage, mêmepardonmutuel', durant le mariage;
l’article 136, qui l’endant le mari seul maître de la com
munauté , prive la femme du droit de disposer des biens
qui la composent.
L a condition.de respecter le préciput eût-elle été
obligatoire'pour les dames de Vaure et de la R o q u e ,elles peuvent s’en dégager en s’en tenant à la qualité
d’hériticres naturelles et légitimes. Lq coutume du Bour
bonnais, aïticle.223, dit que rhéritier institué. est libre
�( 5i )
de renoncer. M . A u ro u x, sur cet article, observé què
celui qui a été institué héritier par son contrat de mariage,
peut renoncer, si bon lui semble } à la successiori de
l’instituant, quand elle est échue, par hl raison qüe
l’institution contractuelle n’a été introduite qu’eii faveur
des mariés et de leurs descendans, et qu’il est librë à tui
chacun de renoncer à une-cliose introduite en sa faveur^
joint que l’héritier contractuel n’étbit pas en état d’ac
cepter la succession lors de l’institution, puisqu’elle ri’étôit
pas encore ouverte, et qu’il n’a contracté que sur Ici
faculté d’être héritier s’il le véüt.
T o u s les auteurs que les sieur et damé ïlilliard ont
cités comme disant que des associations et ddns d’üsufrilit
peuvent être maintenus, s’ils sont une condition de l’ins
titution , se fondent sur ce que ¡’institué ne pèiit s’àin
franchir dé la condition qti’en renonçant à l’iilstitutioü ;
d’où il suit qu’au moyéii de èetté réiidficiatiüiri, l’insti
tution et les conditions qui ÿ tint été fiiisës sënt éorfime
non avenues.
O r , si l’institution n’existoit Jjaà,- l^îs dattieè dé Vâuf-ë
et delà Roqué, contre lesquelles il a ’ÿ à aucune forclusion
légale ni conventionnelle, cdirïttié ôn' î’à:prouvé ci-devant,
recueilleroient le tiers dé touté là succession dé là dame
1 itat, leur mère et aïeule, èri qualité de ses héritières
naturelles ét légitimes : on rie saüroit donc les en priver.
A la page 33 de leur m ém oire, les appelait ont cru
faire une forte- objection, en disant qu’ori petit opposer
aux- dames de Vaure e t de la Roque Qu’elles se p r é s e n te n t
pour succéder'en vertu dé leur institution, ou q u ’e lle s
renoncent à c& titré -q u e d&És lé prerûier cas, leur titré
G 2
�( 52 )
étant indivisible, elles doivent l’exécuter intégralement;
que, dans le second cas, n’étant plus instituées, elles ne
sont que dotées, et dès-lors forcloses de d ro it, parce
qu’aux termes de l’art. 3o 5 , et suivant la jurisprudence la
plus constante, toute fille simplement dotée est par cela
même apanée ; d’où il résulte qu’elles ne peuvent venir
comme héritières ab intestat.
On peut répondre aux appelans : Ce dilemme, qui
renferme la quintessence de tous vos moyens, n’est qu’un
tissu d’erreurs.
i°. En nous présentant comme héritières instituées ,
nous ne serions pas obligées d’exécuter intégralement
le titre qui contient l’institution; nous en séparerions
la condition de souffrir le préciput, le don fait à André
Dumont dans le contrat de mariage de ses sœurs, étant
prohibe par la loi qui nous régissoit. Nous profiterions
de l’institution comme s’il n’existoit pas de condition,
celles de ce genre étant réputées non écrites. Si ce qui
est prohibé ne pou voit pas être séparé de ce qui est permis,
on violerait les lois quand on voudrait.
Lorsqu’il est question d’une stipulation faite dans un
acte passé entre majeurs et usans de leurs droits, cha
cune des parties étant aussi coupable que, l’autre de la
contravention à la lo i, on annulle purement et simple
ment la convention. Mais ce qui a été stipulé dans le
contrat de mariage des dames de Vaure et de Beauregard,
n’est pas leur ouvrage : âgées alors d’environ dix-sept
ans, soumises à la volonté des auteurs de leurs jours,
qui dictoient la disposition, elles n’ont pu ni consentir
ni la combattre. Ce sont leurs père et mère qui ont
�( 53 )
cherché à se soustraire à la prohibition ; et malgré la
faveur que les appelans veulent qu’on accorde a ce qui
est fait indirectement, la prohibition doit produire son
effet.
2°. D e ce que les dames de Vaure et de Beauregard
ne seroient plus héritières instituées , en renonçant a
cette qualité , il ne s’ensuivroit pas qu’elles ne fussent
plus héritières : leur position seroit la même que si lors
de leur établissement il n’avoit pas été passé de contrat,
ou si elles s’étoient mariées avec les droits qu’elles
pourroient avoir. Alors la fille vient aux successions
comme héritière naturelle et légitime , et y prend sa
portion de tout ce dont les auteurs de' ses jours n’ont
pas valablement disposé ; filins aut Jilia ergo hcercs.
3 °. Ni l’article de la coutume que les sieur et dame
Hilliard ont cité,, ni la jurisprudence, ne disent point
que la fille simplement dotée est par cela même apanée;
ils ne regardent comme apanage que la dot qui a été
constituée avec intention qu’elle fût le prix de la portion
héréditaire ; prix qui doit être certain, et hors des at
teintes de tous les événemens auxquels est restée exposée
la fortune des père et mère. On a vu que celle des dames
de Vaure et de Beauregard n’étoit pas de ce genre.
Dans tous les raisonnemens qui se rattachent à leur
dilem m e, les adversaires ont oublié que les dames de
Vaure et de Beauregard étoient héritières naturelles et
légitimes des sieur et dame Dumont ; elles doivent, à
ce titre recueillir les mêmes avantages qu’avec celui
d’héritières instituées. Espérant arriver plutôt à leur but,
elles out réclam é, comme héritières naturelles et légi-
�Ç54 )
times, le tiers de tous les biens généralement quelconques,
appartenons à la dame Pitat, leur m ère, qui n’en a fait
aucune disposition valable : et dans le cas où il y auroit
quelque difficulté ( ce qui n’est pas vraisemblable ) à
leur adjuger ledit tiers de tous les biens de la dame
P itat, en leur qualité d’héritières naturelles, elles de
mandent qu’il leur soit adjugé en vertu de l’institution
contractuelle faite à leur profit par ladite dame Pitat.
On a démontré jusqu’à l’évidence que la constitution
qui leur a été faite en avancement d’h o irie, n’est point
uue dot tenant lieu d’apanage ; que leurs père et mère
n’ont pas eu l’intention de les apaner, et qu’ils n’auroient
pu le faire de cette manière : ainsi rien ne s’oppose à
ce qu’elles recueillent, comme héritières naturelles et lé
gitimes , le tiers de tous les biens de leur m ère, décédée
intestat. S’il ne leur étoit possible d’obtenir le tiers
desdits biens, qu’en qualité d’héritières contractuelles,
alors, mais seulement alors, il faudroit se fixer sur reflet
que doivent produire les stipulations contenues dans leurs
contrats de m ariage, et examiner si nonobstant la prohi
bition expresse de la coutume, la fille d’André Dumont
doit obtenir en préciput la moitié de la terre de M ont,
appartenante à la dame Pitat, qui n’en avoit pas disposé
valablement.
Que les sieur et dame Hilliard cessent de se persuader
qu’en répétant sans cesse qu’il faut que les dames de
Vaure et de la Roque soient, ou instituées, ou apanées,
on finira par les en croire sur leur parole. Elles ont
un double titre d’héritières, et peuvent préférer celui
qui leur est le plus avantageux, suivant la maxime
�( 55)
Quoties dupîici jure defertur hcereditas sublato novt
super est vêtus. La nature et la loi appellent tous le;
enfans à recueillir également les successions des auteurs
de leurs jours, lorsque les actes par lesquels on a voulu
donner atteinte à ce droit ne sont pas valables ; ou lorsque
l’enfant peut venir auxdites successions, sans se prévaloir
de ces actes, il est dégagé de toutes les charges et con
ditions qu’on a voulu lui imposer.
QUATRIÈME
PROPOSITION.
L e s dames de Vaure et de la Roque n o n t f a i t
aucun acte qui leur ait im prim é la qua lité (th é -
ritières instituées , ou dont on puisse induire
quelles se sont considérées comme apanées.
Ne pouvant se dissimuler que si les dames de Vaure
et de la Roque appréhendent la succession de la dame
P ita t, comme héritières naturelles et légitim es, il faut
regarder comme non avenues l’institution, et la condi
tion de souffrir le préciput, les appelans prétendent que.
les dames de Vaure et de la Roque ont exécuté san
reserve les contrats de mariage dont il s’agit; que pai
là; elles se sont rendues non recevables à les attaquer:
ils font: résulter cette exécution de ce qu’elles ont reçu
le tout , ou partie de leurs dots, du vivant de leurs
père et m ère, de ce que l’une:d’elles a reçu annuelle
ment depuis le décès de sa mère les intérêts de ce qui
lui était d û , et enfin de ce que Tune: et l’autre ont
t
> r.
�yÇ'-'
;
.
(-5 6 )
laissé jouir le survivant des père et mère des biens (lu
prédécédé.
Gene peut être, disent-ils, en qualité d’héritières na
turelles qu’elles ont reçu leurs constitutions de d ot; car
le droit de l’héritier naturel ne peut s’ouvrir qu’au
décès de la personne à qui l’on succède. Ce ne peut
être en qualité de filles mariées et dotées, car elles
auroient été forcloses et réduites à un apanage. Ayant
reçu en qualité d’héritières instituées, et l’institution
étant indivisible, elles n’ont pu la recueillir sans se
soumettre à relâcher à l’héritière de leur frère le préciput qui en est une charge.
.E lles ont aussi laissé jouir leur p ère, pendant plus
de vingt ans, de la succession de leur m ère, en vertu
de la condition qui avoit été apposée à leur institu
tion. La crainte révérencielle qu’elles allèguent est un
m otif chimérique; elles ne persuaderont à personne que
par le seul eifet de cette crainte elles aient ainsi laissé
jouir leur père d’une succession opulente, qu’elles pouvoient appréhender depuis plus de vingt ans, lorsqu’on
considérera surtout que depuis 1789, le sieur Dumont père
ne pouvoit plus disposer que d’une somme de iô o o o f.;
qu’il est d’ailleurs plus naturel d’admettre qu’elles ont
laissé jouir le père de lu succession de la dame P itat,
pour remplir l’obligation qui leur étoit imposée, comme
condition de l’institution, que de supposer qu’elles ont
agi^ainsi par le puéril motif d’une crainte révérencielle:
eussent-elles agi par cette crainte, elles ne pourroient
espérer d’être relevée de l’exécution de leurs contrats
de mariage, parce que l’article 1114 du Code Napo
léon
�Iéon consacre l’ancien principe, que la seule crainte révérencielle ne peut suffire pour fonder une action ; qu’il
y a parité çle raisons pour décider qu’elle ne peut jus
tifier une exception; que les lois romaines rejetoientla
crainte prétendue révérencielle , e t n’admettoient l’excep
tion de la crainte que lorsqu’elle étoit l’effet d’une vio
lence illicite, et contraire aux bonnes mœurs.
Nous avons rapporté très-fidèlement tout ce qui a
été dit par les adversaires pour fonder leur prétendue
fin de non - recevoir ; il sera facile d’anéantir ce fruit
d’une imagination féconde.
Il a été prouvé précédemment que lorsqu’un acte
contient des stipulations contraires aux lo is, on doit les
considérer comme non écrites, et exécuter l’acte comme
si elles n’existoient pas, n’y ayant à cet égard aucune
indivisibilité ; que si cette assertion pouvoit être con
tredite relativement aux actes passés entre majeurs, qui
étant tous deux coupables de la contravention à la lo i,
sont tenus de l’exécuter tel qu’il est, ou de consentira
son anéantissement total, il ne sauroit en être de même
d’une condition dont l’objet étoit prohibé , qui a ét<?
imposée à une mineure par ceux sous la puissance des
quels la nature et la loi l’avoient placée : ainsi les dames
de Vaure et de la Roque devant être dégagées de la
condition illicite qui leur a été imposée dans l ’institu
tion , leur droit n’en seroit pas moins certain quand
elles auroient exécuté sans réserve les contrats de ma
riage qu’on leur oppose.
Mais .nous allons démontrer que toutes choses sont
entières à leur égard.
H
�Il est bien constant qu’elles n’ont fait aucun acte dans
lequel elles aient pris la qualité d’héritières instituées.
Toutes les fois qu’on veut induire de quelques faits la
renonciation à un droit certain, tel que celui de renoncer,
il faut que lesdits faits soient tels qu’ils n’auroient pas eu
lie u , si ceux qui en sont les auteurs n’avoient été décidés
à prendre la qualité dont ils voudroient ensuite se dé
pouiller.
Ces principes sont v rais, même dans le cas où l’hé
ritier se seroit immiscé dans les biens de l’hérédité.
M . Lebrun, en son Traité des successions, liv. 3, chap. 8,
section 2 , rapporte ce que dit M. l’Epine de Grainville
à l’occasion d’un arrêt de 1724, qui jugea qu’ une dame
L eclerc, qu’on vouloit faire réputer héritière à cause
de diiFérens actes qu’elle paroissoit avoir faits en cette
qualité, avoit pu renoncer. Ce magistrat observe que
ledit arrêt sert à faire connoître qu’on ne doit se porter
qu’avec scrupule à déclarer héritier celui qui n’a pas
intérêt de l ’être ; que les actes qu’on peut lui opposer
ont souvent des motifs bien diiiérens, et que les seuls
qui doivent lui faire donner celte qualité sont ceux qui
établissent qu’il a voulu la prendre et s’en attribuer le
profit -, à quoi M . Lebrun ajoute qu’il suffit que l’on
puisse faire une chose en quelqu’autre qualité que celle
d’béritier, pour n’être pas réputé l’avoir faite en ladite
qualité d’héritier.
Les mêmes principes peuvent être invoqués par l’hé
ritier naturel et légitim e, exem pt, en cette qualité, de
toutes charges, lorsqu’on veut le faire déclarer héritier
contractuel pour l’obliger d’exécuter des conditions qui
lui ont été imposées en fraude de la loi.
�Il
ne résulte de la réception des sommes qui ont été
touchées par les dames de Vaure et de Beauregard, au
cune approbation de l’institution : ces sommes étoient la
représentation des alimens que les pères et mères doivent
à leurs enfans , comme ceux-ci en doivent à leurs pères
et mères lorsqu’ils sont dénués de biens. Ce qui avoit été
promis en avancement d’h oirie, n’avoit rien de commun
avec l’institution ; car on pouvoit instituer sans avance
ment d’hoirie, ou donner un avancement d’hoirie sans
institution. Ainsi ce qui a pu être reçu par les filles des
sieur et dame Duraont, en attendant l’ouverture de leurs
successions , ne les a point privées du droit d’examiner
dans la suite à quel titre elles dévoient appréhender lesdites successions.
L e second fa it, duquel on veut faire résulter l’appro
bation de l’institution, est la jouissance laissée au p è re ,
des biens de son épouse décédée.
A cet égard, les appelans ont trouvé commode de dis
simuler la réponse tranchante et décisive qui leur avoit
été faite en première instance. On leur avoit dit : Nos
père et mère étoient en communauté ; l’intérêt des dames
de Vaure et de la Roque étoit que cette communauté
ne fût pas rompue : or, la continuation n’auroit pu avoir
lie u , si les enfans avoient retiré des mains du sieur
Dumont les biens de leur m ère, dont les fruits appartenoient à la communauté. Ainsi la jouissance desdits
biens n’est pas restée au p è re , à cause de la condition
mise à l’institution , mais par un m otif bien différent,
et pour l’intérêt des héritiers de la dame Pitat.
N ’y eût-il pas eu de communauté, les d a m e s de Vaure
H ^
�( 60 )
et de la Roque n’auroient pas préjudicié à leurs droits,
en laissant jouir leur père de l’hérédité m aternelle,
pendant un temps moindre que celui qui est nécessaire
pour la prescription. Cette négligence à réclamer les
biens maternels est un fait négatif, qui ne sauroit être
considéré comme une approbation de l’institution.
Tous les jours on voit des pères privés de l’usufruit
par des secondes noces, sans que leurs enfans profitent
du bénéfice de la loi ; et jamais cependant on ne s’est
avisé de soutenir qu’ils dérogeassent à rien par ce silence,
ni même qu’ils fussent non recevables à former leur
demande en privation, après une longue jouissance du
père. L e silence des dames de Vaure et de la Roque
n’est donc ici qu’un effet de la révérence paternelle, et
de la crainte que la privation de cette jouissance n’en
gageât le sieur Dumont à frustrer ses filles de partie des
biens qu’elles espéroient trouver dans sa succession.
Les sieur et dame Hilliard ont opposé que depuis
1789 , le sieur Dumont n’avoit plus à sa disposition
que i 5ooofrancs ; que suivant le Code c iv il, la crainte
révérencielle ne pouvoit fonder une action; qu’il y avoit
même motif pour une exception ; que les lois romaines
n’acceptoient pas l’exception de la crainte révérencielle,
mais seulement celle qui étoit l’effet de la violence.
Relativement au ne jtejus J h cer et, il y a inexactitude
à dire que depuis 1789, le sieur D u m o n t ne pouvoit
disposer que de i 5ooo francs ; il pouvoit disposer de
» v in g t, la dame de la R oque n’étant pas saisie de la
somme à elle donnée dans un contrat qui n’étoit pas le
sien : mais ce n’est pas sur ces 20000 francs qu’il faut
�( 61 )
apprécier l’effet du mécontentement que ledit sieur D umont auroit pu concevoir. Il avoit la liberté de vendre ;
il pouvoit faire des dons, soit de la main à la main ,
soit par obligations simulées. Irrité contre sa fam ille,
son affection se seroit portée sur des étrangers.
L ’article 1114 du Code Napoléon, qui dit que la seule
crainte révérencielle ne peut pas fonder une action ,
fignifîe que celui qui voudroit revenir contre un acte,
sous prétexte qu’il ne l’a signé que par révérence pa
ternelle , ne seroit pas écouté, s’il n’alléguoit aucun
autre motif ; ce qui ne paroît pas comprendre le ne pejus
J 'a c e r e t , c’est-à-dire, une autre crainte bien plus forte,
celle d’être privé de la plus grande partie de l’h érédité,
sur laquelle on avoit droit de compter.
Si la crainte révérencielle ne peut suffire, suivant le
Code c iv il, pour fonder une action, il n’y a pas parité
de raisons pour l’exception ; c’est-à-dire, pour celui qui
étant maître d’exercer ou ne pas exercer un droit, sus
pend , par révérence paternelle, l’exercice de ce droit
durant le temps où il ne périclite pas. L ’enfant qui n’a
pas agi en pareil cas, a cédé à l’un des plus doux sentimens de la nature : il eût dû malgré la crainte révé
rencielle résister à son père, s’il avoit exigé un acte de
renonciation au droit qui lui étoit acquis; mais dès que
le droit ne se perdoit pas, on ne peut que louer l’enfant
d’avoir garde le silence. Elle seroit bien dure, la loi qui
placeroit une fille tendre et soumise dans l’alternative,
ou de priver ses enfans d’une partie de leur fortune,
ou de remplir d’amertume les derniers jours de celui à
qui elle doit la vie.
�( 62 )
La fin de n on -recevoir est le plus pitoyable des
moyens opposés par les appelans ; il seroit inapplicable
à la dame de la R o q u e, qui n’avoit que huit jours lors
qu’elle a perdu ;sa mère décédée avant l’accomplisse
ment de sa majorité. Les 6000 livres payées à compte,
sur ce qui lui a voit été constitué en avancement d’hoirie,
l’ont été au tuteur naturel de ladite dame de la Roque.
Par l’effet des nouvelles lois elle a atteint sa majorité
d ix -h u it mois avant la mort du sieur Dumont , son
aïeul ; mais dans cet intervalle il n’a été fait aucun acte
approbatif de l’institution; et aussitôt après la mort
dudit sieur Dumont elle a manifesté qu’elle entendoit
réclamer sa portion dans la moitié de la terre de M ont,
qui avoit appartenu à la dame Pitat; et par conséquent
ne pas approuver les actes qui.auraient dérogé à ce
droit.
CINQUIÈME
PROPOSITION.
Quand les termes des contrats de mariage des
dames de Vaure et de Beauregard , contien
draient constitution d’une dot, telle quelle doit
être pour former apanage ; quand il seroit dit
expressément que si elles contestoient le pre'ciput,
elles seroient réduites à cette d ot, il riy auroit
pas lieu de les déclarer déchues du bénéfice de
V institution, mais seulement dyordonner la dé
livrance dudit pre'ciput.
Les sieur et dame Ililliard ont souvent manifesté
�dans la cause un grand désir de dépouiller les dames
de Vaure et de la Roque de leurs droits héréditaires.
Espérant leur faire abandonner par la crainte une partie
de leur patrimoine, on a plusieurs fois fait circuler le
bruit qu’elles couroient risque d’être réduites à la somme
qui leur avoit été constituée en avancement d’hoirie ;
mais il faut rendre aux appelans la justice de dire qu’ils
ont eu la pudeur de ne pas prendre de conclusions à cet
égard devant les premiers juges. C’est une contradiction
dans leur conduite , de discuter en la cour d’appel un
objet qu’ils n’ont pas demandé en première instance.
Ils auroient fait vainement cette demande, même dans
le cas où les contrats de mariage dés daines de Vaure
et de Beauregard auroient contenu la stipulation la plus
expresse que si elles contestoient le préciput, la somme
constituée en avancement d’hoirie tiendroit lieu d’apa
nage. L e droit sacré qu’ont les enfans à la succession des
auteurs de leurs jou rs, eût fait regarder la peine comme
comminatoire : on eût ordonné la délivrance du pré
ciput, sans égard à la demande en déchéance de la por
tion héréditaire.
Les appelans nous ont eux-m êm es fourni la preuve
de cette assertion, à la page 14 de leur m ém oire, où
ils l'apportent, d’après M . Beraud, les circonstances de
l’arrêt de 17 16 , cité par M . A uroux. Les filles qui, lors
de cet arrêt, avoient contesté le préciput, étoient ma
jeures à l’époque de leur contrat de mariage; elles étoient
instituées héritières sous réserve de 30000 liv. données
en préciput à leur frère, et avec convention expresse
qu’où lesdites filles voudroient contester ledit préciput %
�'
( 64 )
elles demeureroient apanées à la somme de 24000 liv.
Cet apanage form el, et moyennant un prix certain, les
obligeoit à souffrir le p réciput, ou à se contenter de
l’apanage. L e premier tribunal ordonna que le fils prélèveroit ledit préciput.
Sur l’appel, l’intimé forma incidemment demande ten
dante à ce qu’en conséquence de la contestation du pré
cip u t, ses sœurs demeux-assent apanées, conformément à
la clause expresse stipulée dans leurs contrats de mariage;
mais l’arrêt qui intervint, en confirmant le préciput, mit
hors de cour sur la demande en déchance de la portion
héréditaire.
Les contrats de mariage des dames de Vaure et de
Beauregard les placent dans une position bien plus avan
tageuse que celle où se trouvoient celles qui donnèrent
lieu à l’arrêt de 1716. Les dames de Vaure et de Beauregard n’avoient que dix-sept ans lox’s de leurs contrats
de mariage, les autres étoient majeures; circonstance bien
importante. Il n’y a pas d’apanage, pas même de cons
titution de dot certaine, en faveur des dames de Vaure
et de Beauregard; les autres étoient expressément apanées
à une somme déterminée. Il étoit stipulé dans les contrats
de mariage de celles-ci que si elles contestoient le pré
ciput , elles demeureroient apanées à la somme qui leur
étoit constituée; tandis qu’au contraire les père et mère
des dames de Vaure et de Beauregard ont dit dans le
contx*at de la dame de Vaure qu’ils 11e l’avoient point
apanée ; et le sieur Dumont père a prévu , dans celui
d’ André D um ont, le cas où la dame de la Roque contesteroit le préciput. Loin de déclarer qu’en ce cas elle
ne
�( 65 )
ne pourroit exercer ses droits héréditaires, il s’est borné
à dire qu’elle devroit être privée de 5ooo, francs dont
il lui faisoit don sur sq réserve; et il n’a institué son fils
héritier que pour un tiers, conjointement avec ses sœurs :
de sorte que la demoiselle Dumont ne pouyroit réclame^
qu-delà du tiers des successions à partager, sans contre
venir de la manière la plus formelle au liti’e qui, lüi
assure en préciput la moitié de la terre de M ont, apparf
tenante au feu sieur Dum ont, son aïeul. Elle peut d’autant
moins contester les droits de ses cohéritières, qu’il n’çst
pus douteux que le feu sieur Dumont n’eût fait aucun
avantage audit André Dum ont, $’¡1 eût pensé que lui ou
ses représentai» essayeraient de dépouiller 1rs dames de
Voure et de Beeuregard d’une partie des droits coqsacrés
par leurs contrats de m ata ge, et jnême par celui dudit
André Dumont.
S I X I È M E
PROPOSITION.
L a disposition du jugement dont les sieur et danie
H illia rd sont appelans, doit être maintenue tant
en faveur des sieur et dame de Vaure, que des
sieur et dame de la Roque ; mais s 1il y avait
difficulté v is -à -v is des prem iers, il 11 en existe
aucune relativement aux sieur et dçime de la,
Roque.
$ ie n convaincus que les droits de la dame de V a u r e ,
leur t a n te , sont incontestables ? les sieur et dame de la
�(
66)
Roque ont toujours raisonné comme si le contrat de la
dame de Beauregard contenoit les mêmes stipulations.
Mais les clauses irritantes de celui de la darne de Vaure
n’ont pas été mises dans celui de la dame de Beauregard;
il n’y est fait nulle mention qu’en cas de non disposition
de la terre de M ont, elle appartiendra à André D um ont,
ni que l’institution des filles soit grevée de cette condition ;
il n’est pas exprim é, comme dans le premier, que sans
ces conditions l’institution n’auroit pas été faite, et qu’elle
eût été apanée : des clauses de cette nature ne peuvent
se suppléer. On dit bien que l’institution de la dame de
Beauregard est faite aux mêmes charges que celles expli
quées dans le contrat de la dame de V a u re, mais cela
ne peut s’entendre que de l’usufruit réservé en faveur du
survivant*, il n’est nullement parlé de conditions.
M al à propos les appelans prétendent-ils que le mot
charges comprend la réserve d’usufruit, et la destination
de la terre de Mont. Dans le contrat de la dame de V aure,
les instituans ont bien distingué ces deux choses. Lors
qu’ils stipulent la réserve d’usufruit, ils disent à la charge
de laisser jo u ir ; lorsqu’ils rappellent la destination de la
terre de M ont, ils se servent de ces mots, et à condition
de ladite disposition.
L e meilleur interprète des actes dont il s’agit étant sans
contredit le sieur Dumont père qui en est l’auteur, on
ne sauroit trop faire remarquer comment il les a entendus.
Toute sa pensée est dévoilée dans le contrat de mariage
d’André Dunoont : s’il lui donne le préciput, c’est, dit-il,
parce que la faculté d’en disposer lui a été attribuée par
la dame Pitat, son épouse, dans le contrat de mariage
�( 67 )
de la dame de Vaure. Il n’eût pas manqué d’exprimer
que cette faculté lui appartenoit eu vertu des contrats de
mariage de ses deux filles, s’ils eussent contenu les memes
stipulations.
Faisaut ensuite donation à la dame de la Roque d’une
somme de 5ooo f r ., il lui impose l’obligation de con
sentir audit préciput, et vent qu’elle soit privée de cette
somme de 5ooo francs , si elle ou ses père et mère con
treviennent à la disposition qu’il fait en faveur d’André
Dumout.
Eût-il pris tous ces moyens, s’il eût cru la dame de
la Roque obligée par le contrat de mariage de sa mère
à soutlrir ledit p r é c i p u t ? N ’auroit-il pas plutôt l’appelé
que c’étoit une condition de l’institution de la dame de
Beauregard, si vraiment son institution eût été condi
tionnelle ?
Ces réflexions sont simples •, elles portent la convic
tion dans tous les cœurs, malgré la subtilité avec laquelle
les appelans cherchent à les écarter : ils font des mots
dans ¿’esprit, un talisman qui suffit à tout. Mais qui
est-ce qui ignore qu’une condition à laquelle on voudroit
donner l’efTet de priver l’héritière instituée de sa portion
dans l’un des objets les plus considérables de la. sucession
qui lui étoit promise, devoit être exprimée avec d’autant
plus d’energie, qu’il est de principe que les peines ne
peuvent etre appliquées qu’à celui qui y a été positi
vement soumis?
La famille paternelle de la dame de la Roque a dû
penser que le contrat de-mariage de la dame de Be.'U regard seroit son unique loi ; elle étoit loin d’iniagiuer
la
;
*
�( 68 °
que dans ui^ coutume d’égalité , qui met les plus grands
obstacles aux dispositions en précipu t, André Dumont
en réclameroit un très - considérable , en vertu d’un
contrat de mariage qui n’étoit pas le sien, et dans lequel
il n’est pas même nommé.
S i , contre toute vraisemblance , la dame de Vaure
venoit à succomber, les sieur et dame de la Roque ont
lieu de croire que la disposition du jugement dont est
appel , qui a déclaré nulle la donation en préciput de
la terre de M o n t, pour la moitié provenante de la dame
Pitat , seroit toujours maintenue à leur égard. Ils ont
démontré précédemment que les mauvais raisonnement
sur lesquels les appèlans fondent une fin de non-recevoir
inadmissible, ne peuvent ‘s’appliquer ni à la dame de la
Roque , ni à la dame sa mère , à raison de minorité.
O n feroit des répétitions inutiles, si l’on suivoit les
sieur et dame Hilliard dans leur critique des motifs qui
ont déterminé les premiers juges, lorsqu’ils ont décidé,
sur les conclusions conformes du procureur im périal,
que la moitié de la terre de M on t, qui avoit appartenu
à la dame P itat, seroit partagée entre tous ses enfans ;
ils ont fait une juste application de la loi sous l’empire
de laquelle ils sont nés et ont toujours vécu. On iie sauroi't
douter qu’ils n’en aient saisi le véritable sens.
R É S U M É .
Il
résulte des propositions établies dans le present mé
m oire,
iu, Q u’André Dumont ne pouvoit recevoir aucun avan-
�( 69 )
tage de ses père et mère dans les contrats de mariage
des dames de Vaure et de Beauregard; que la dame Pitat
étant décédée avant le mariage dudit André D um on t,
il n’a pu recueillir dans tous les biens qui lui avoient
appartenu, qu’une portion égale à celle de ses sœurs.
2°. Que la disposition en préciput qui a été faite en
faveur du môme André D um ont, dans lé contrat de
mariage de la dame de V aure, étant prohibée formelle
ment par la coutume de Bourbonnais, à laquelle les
parties étoient soumises , doit être déclarée nulle et
comme non avenue.
3°. Qu’il en est de même de la faculté d’élire donnée
par ladite daine Dumoüt à son m ari, soit parce que ladite
coutume ne permettoit aucunes donations ni autres contrats
entre époux, soit parce que cette faculté d’élire ne pourroit être considérée que comme une procuration ou un
mandat; et il est de principe que tout pouvoir finit à la
mort de celui qui l’a donné.
4°. Que la disposition de la terre de M ont, ainsi que
la faculté d’élire, ne sauroiënt être maintenues, comme
étant une condition de l’institution faite dans le contrat
de mariage de la dame de V au re, attendu que les con
ditions' contraires aux lois ou aux mœurs sont réputées
non ecrites , et n’empêchent pas l’exécution de l’acte
dans lequel elles ont été mal A propos insérées ; qu’il
doit plus particulièrement en être ainsi, lorsque l’enfant
auquel la condition a été imposée, iie pouvoit, à cause
de sa minorité , donner aucun consentement qui lui fût
préjudiciable.
5°. Qu’il seroit également contraire aux lois et à la
�.
( 7° )
m orale, qu’on pût faire par voie indirecte ce qui est
expressément prohibé. Si quelques auteurs ont dit qu’en
contrat de mariage on pouvoit instituer avec l'obligation
d’associer une tierce personne à l’institution, et stipuler
un don d’usufruit en faveur de celui des instituans qui
su rvivrait, c’est parce que l’association peut procurer
des avantages à l’un comme à l’autre des associés; et ce
n’est pas comme donation, mais comme acte de reconnoissance de la part de l’institué, que la clause d’usufruit
obtient son effet. A u surplus, n’y ayant pas égalité de
raisons, on ne sauroit en induire qu’il est permis, malgré
la disposition de la loi m unicipale, et le sentiment de
ses plus célèbres commentateurs, de donner un préciput
à l’enfant qui ne contracte pas mariage.
6°. Que la coutume de Bourbonnais étant une coutume
d’égalité, les pères et mères ne pouvoient forclore leurs
filles de leurs successions, par le seul empire de leur
volonté : il falloit, pour lesapaner, qu’ils leur donnassent
un prix certain par la constitution d’une dot qui leur
fût irrévocablement acquise. Si quelques auteurs, et un
arrêt de 1716 , ont déclaré valable un préciput (donné au
fils, dans le contrat de mariage de ses sœurs, c'est parce
que leurs contrats contenoient deux stipulations bien dis
tinctes , institution sous la condition du préciput, et
apanage formel ; au lieu que les sieur et dame Dumont
n’ont rien constitué à leurs filles qu’en avancement d’hoirie,
et à la charge du rapport : ils ont expressément déclaré
dans leur contrat de mariage , et dans celui d’ André
D um ont, qu’ils n’avoient p a s entendu les apaner, ni les
priver, dans aucuu cas, du partage égal avec leur frère;
�( 71 )
et ce dernier n’ayant été lui-même institué que pour un
tiers , conjointement avec les dames de Vaure et de
Beauregard , n’a transmis à son héritière aucun titre
#en vertu duquel elle puisse prétendre au-delà de cette
quotité.
7°, Que les appelans peuvent d’autant moins tirer
avantage, relativement à la succession de la dame Pitat,
de la prétendue condition relative au préciput, que les
dames de Vaure et de la Roqu e ayant le droit de re
cueillir sa succession en qualité d’héritières naturelles et
légitimes, si cette condition étoit valide, elles s’en trouveroient dégagées en n’acceptant pas la qualité d’héritières
instituées, et s’en tenant à celle d’héritières naturelles
et légitimes.
8°. Que les dames de Vaure et de la R o q u e, qui
n’ont p ris , dans aucune circonstance , la qualité d’hé
ritières instituées, ne sauroient être privées du droit de
venir à la succession de la dame Pitat, comme ses héri
tières naturelles et légitim es, qu’autant qu’elles auroient
fait des actes incompatibles avec cette dernière qualité :
au lieu que les deux faits dont les appelans essayent de
tirer avantage, sont absolument insignifians ; la réception
du tout ou de partie de ce qui avoit été constitué en
avancement d’hoirie, n’ayant rien de commun avec l’ins
titution , et la jouissance laissée au père des biens de
son épouse étant une suite de la communauté conjugale,
dont la continuation ne pouvoit avoir lieu au profit des
etafans , qu’en par eux laissant cette jouissance à leur
père.
< 9°* Que nul des moyens opposés par les sieur et dame
�(7 0
Billiard, ne sont applicables à lu-daine de 1<>R oque, le
contrat do mariage de sa mère ne contenant aucune dis-'
position en faveur d’André D u m o n t, et à raison de
l e u r minorité , ni la dame de Beauregard, ni la dame de
la Roque n’ayant pu faire aucuns actes préjudiciables ;
do sorte que la disposition du jugement dont la demoiselle
Dumont est appelante, d o it, dans tous les ças, ■
être
confirmée vis-à-^vis des sieur et dame d elà Roque.
" P . 5 . Quoique dans.cette affaire il n’ait déjà été que
trop parlé de consultations, on ne peut se dispenser de
dire un mot sur celles que les appelans ont fait imprimer
à la suite de leur mémoire ; elles sont données par cinq
jurisconsultes , dont quatre avoient, avant le, commence
ment du procès, signé en faveur de mademoiselle Dumont
une autre, consultation, qui a été communiquée, et est
en quelque sorte une pièce du procès, puisque les tuteurs
l’ont présentée au conseil de fam ille, pour obtenir son
autorisation. Si la cour veut se la faire représenter, elle
remarquera qu’il existe une différence notable entre les
moyens sur lesquels la prétention de mademoiselle D u
mont étoit fondée dans la première consultation , et ceux
qui 6ont présentés dans le mémoire.
On soutenoit principalement dans la première consul?
tation , que la disposition faite par la dame P ilât, lors
du contrat de mariage de la dame de V n u re, devoit
valoir comme legs, ou disposition testamentaire en faveur
d’André Dumont ; mais les sieur et dame de la Roque
ayant démontré dans les écrits par eux signifiés en
première instance, que si la demoiselle Dumout obtenoit,
à
�(73 J
à titre de disposition testamentaire, la moitié de la terre
de M o n t, qui avoit appartenu à la dame P itat, elle ne
pourrait, suivant l’article 321 de la coutume à laquelle
les parties étoient soumises , prendre autre chose dans la
succession de ladite dame P ita t, parce que dans cette
coutume d’égalité, l’un des enfans ne peut être héritier
et légataire. Les appelans ont changé de langage, et mis
à la page 27 de leur m ém oire, qu’André Dumont ne
recueille point le préciput à titre de legs; qu'on ne lui
a donné ni légué la terre de M ont directement; qu’il ne
la recueille que par l’effet de la condition imposée à l’ins
titution des iilles. Ainsi la première consultation, et celle.'
qui ont a p p r o u v é le m é m o i r e , n ’ éta nt pas appuyées SUl’
les mêmes hases , il est probable que les avocats qui les
ont signées n’avoient pas suffisamment examiné.
D ’ailleurs, les unes et ¡les autres .paraissent données
sur un extrait du contrat Ide mariage de la dame de
V au re; extrait dans lequel a< été-«omise la clause qui
Pobligeoit au rapport de tout ce qui lui étoit promis
par ses père et mère. Cette clause formant la preuve
la moins équivoque que la dame de Vaure n’avoit pas
été d otée, dans le sens qui rend ce mot synonyme
d ’apanée, celte omission a pu induire en erreur les juris
consultes qui ont signé toutes lesdites consultations.
Les sieur et daine de la Roque auraient *pu en faire
imprimer un très-grand nombre.;■
-mais ;ils n’ont-pas cru
devoir faire usage de pareilles armes: ils citeront néan
moins des suffrages dont on doit faire d’autant plus do
cas que ce ne sont pas eux qui les ont provoqués.
E u l’i i n - 6 , lo feu sieur D u m o n t voula nt savoir quel
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�( 74 )
effet produiroient les lois nouvelles sur les dispositions
par lui faites, et etre instruit de celles qui lui étoient
encore,permises, lit faire un mémoire à consulter, qui fut
envoyé avec les copies des’contrats de mai'iage de ses trois
enfans, à un jurisconsulte très-distingué, alors membre du
conseil des anciens, et aujourd’hui du sénat. Ce juriscon
sulte s’environna des lumières de plusieurs membres des
conseils, qui s’étoient spécialement occupés des lois rela
tives aux successions. Parmi les questions proposées par
le feu sieur D um ont, étoit celle qui est l’objet du procès.
Dans la réponse qu’il reçut, il est dit que l’héritière
d’André Dumont ne peut à aucun titre recueillir la
moitié de la terre de M o n t, qui avoit appartenu à sa
mère; que les filles des sieur et dame Dumont, qui,
étant héritières naturelles et légitim es, n’ont pas même
besoin
de se prévaloir de l’institution faite en leur
faveur dans leurs contrats de mariage, doivent partager
cette moitié de ladite terre.
Après le décès du sieur D um on t, cette consultation
a été trouvée sous les scellés, et fait partie des papiers
de sa succession. Les sieur et dame de la Roque l’ont
citée dans les écritures par eux signifiées en première
instance. Si leur assertion eût été contredite, il eût été
facile au tribunal de se la faire représenter.
Les sieur et dame de la Roque éprouvent la plus
douce satisfaction h rappeler un autre fait cité dans la
même écriture, et dont ils ont la preuve. L ’ inventaire
du mobilier de M ont ayant donné aux héritiers l’occa
sion de manifester leurs prétentions respectives sur la
terre de M o n t, les appelans se firent autoriser par le
�(
)
conseil de famille à soutenir celles de mademoiselle Dumont, après .avoir obtenu la consultation dont nous avons
p a ilé, qu Jls communiquèrent aux dames de Vaure et
e la Roque. Elles s’étoient également consultées, et
voient une si grande confiance dans leurs moyens ,
q u e es n’hesiterent pas à proposer aux tuteurs de la
demoiselle Dumont de faire délibérer les jurisconsultes
qui avoient donné leur avis en sa fa ve u r, avec ceux
qui en avoient^ émis un contraire, et de se conformèr ‘â
«> ecision qui serait rendue par ce tribunal arbitral.
1 ous les risques d’un pareü parti S o ie n t poui les dames
f " Vaure c, de la R oql,e ; ^clles p W ô ic n t
r e v e n ir '
eontie ce. qL„ a u r o n s
mademoiselle
DiJniont « .r o * si «l]e m
voftlu. ^ ' C c a question',
apiès sa majorité ,‘ ce.qùe. les arbitres auraient'décidé.
Mais voulant 4 tout prix éviter un procès, et persuadées '
que ma emoiselle-Dumont ne reviendrait pas ccmtfç .ce
qui aurait clé jugff en- grand», .oonnoissdycc de icfu »
les dames 9 e V rnre « . de la Rbc/ue d é v o ie n t ardem
m en tq u e leiiï proposition -fût'accepté« : elle ne.'le fut
q u i! falloit plaider.
d* Ia ^
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“ ^ D u m o n t .é c r iiil...
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n’1n !!irn f°û'lu' i dCS întimées P^ouve que les Appëlansn . uioient ga, du les acctfseï' d'avidité', et d’avoii* voulu,
s le P'occs a ju g e r, firire*brillér leuV esprit aux dépans de la justice et de la l,„nne foi. Les efforts faits par
les dames de Vaure et a é 'V f c o q u c , pour éviter M
p io ccs, ont excédé les bornes de la prudence; et elles
evoitnt se croire exposees à aucuns reproches, en
�réclamant la foible portion qui leur revient d ans un
immeuble dont il n’a été fait, à leur préjudice, aucune
disposition valable. *
.
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CVUu>
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Signé. L A R O Q U E
ojuiaX
TARDIF
/IfOif.
DE MONS
avoué licencié.
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. de la Cour d’a p p e l.— Juillet 1808.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De La Roque. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tardif
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse des sieur et dame de la Roque de Mons, intimés, au mémoire des sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
76 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1801
BCU_Factums_G1803
BCU_Factums_G1804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53329/BCU_Factums_G1802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages prohibés
communautés
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53328/BCU_Factums_G1801.pdf
de7d1531659c918e7438d1ead83cd2ec
PDF Text
Text
PRÉCIS
EN R É P O N S E ,
POUR
Les sieur et dame RABUSSON DE V A U RE,
intimés ;
CONTRE
Les sieur et dame H IL L IA R D , cotuteurs de
demoiselle D
umont
, appelans.
Le s sieur et dame Rab usson de V au re sont divisés
d’intérêts avec la demoiselle D um ont, leur nièce. Ils ont
proposé leurs moyens avec modération , mais ils se
plaignent à juste titre du ton d’aigreur qui règne dans
la défense de leurs adversaires.
Les expressions outrageantes sont répandues avec pro•. !
A*
• ' -i .
■.,
■ . - ■-/
.'■■y ,
. •■•l *-w. h ■'
�( 2)
fusion. On lit à chaque-page, artifice, ruses, détours,
cupidité en délire, tours deforce de l’esprit hum ain, etc.
L e cœur de la clame Ililliai’d se brise, les m œ ursfré
missent , Vétonnement balance îindignation, parce que
les cohéritiers de la demoiselle Dumont réclament leur
portion héréditaire dans les biens maternels.
C'est fouler aux -pieds, de la manière la plus scan
daleuse, le pacte defa m ille le plus sacré, que de disputer
à. la demoiselle Dumont un préciput qu’on devroit s’em
presser de lui accorder, quoique les lois le lui refusent,
pour la dédommager des pertes immenses qu’elle a faites.
On ose rappeler la mort tragique d’un père infortuné,
lorsque la dame Hiliiard, son épouse, s’est remariée dans
la première année de son deuil; et c’cst dans les bras
d’un second ¿-poux qu’elle vient faire parade d’une ten
dresse exclusive pour sa fille du premier lit.
On accuse un ancien magistrat, qui jouit à juste titre
de l’estime publique, dé s’étre enrichi des dépouilles de
son beau-père, d’avoir acquis sans bourse délier, en
puisant dans celle du sieur Dumont. Et si on en croit
la dame H iliiard, la dame de Vaure a été avantagée de
plus de i ooooo francs, par des dons annuels ou par des
donations déguisées
Cependant le sieur de Vaure n’a point augmenté sa
fortune; il est, comme;dans les premières années de son
mariage, au-dessus des besoins, jamais obéré parce qu’il
n’emprunta jamais; et la note qui le concerne personnel
lement est d’autant plus indécent«5* que
dame Hiliiard
ne peut ignorer l’emploi qu’a fait M . Dumont de ses
revenus; elle sait qu’il a payé plus de 130000 francs de
�( 3 ),
dettes, comme, par exemple,"33140 fi\ aux créanciers
de son fils, premier mari de la dame ïliliiard; 3200b.fr.*
aux héritiers Dumont-Lacliassagne ; 6000 fr. au sieur
Chabot, de Moulins ; ôooo fr. à la dame Beaufort, de
Montluçon ; 4000 fr. au sieur Chaudillon, 4000 fr. à la
dame Lagrange, de Chantelle; 2Ôooo fr. restés dûs sur
le prix des domaines de Saulzet*, 20000 fr. au sieur de
D ouzon, à qui il payoit encore 3000 fr. de rentes via
gères, etc., etc.
- Les sieur et dame de Vaure répondent par des faits à
des assertions injui’ieuses, et fort inutiles pour la cause.
Ils finiront par observer que la dame Hilliard avoit toutes
sortes de motifs pour être plus modeste ; qu’elle donne
un mauvais exemple ci sa fille, qu il fuuOruit entretenir
dans de plus douces pensées ; elle devroit surtout lui
rappeler qu’elle a reçu souvent de son aïeul des témoi
gnages de tendresse, et que la dame de V au re, sa tante,
lui a donné des preuves multipliées de son affection,
pendant un an qu’elle a été confiée à ses soins. •Les déclamations de la dame Hilliard ne font point
ornement dans une cause dégagée de toutes circonstances,
et qui ne présente que des questions purement de droit.
La terre de Mont est l’objet du litige; c’est un conquôt
de communauté des sieur et dame D u m o n t, auteurs
communs des parties.
Ils étoient domiciliés, et la terre de M ont est siluée en
coutume de Bourbonnais.
- Cette coutume admet l’égalité la plus parfaite entre les
enfans; elle ne permet aux pères et mères de disposition*'
A a
�(4)
libérales qu’autant qu’elles sont faites par contrat de ma
riage au profit des contractans.
L e mari est le chef de la communauté ; il dispose seul,
à titre onéreux ou gratuit, de tous les acquêts, pendant
la durée du mariage.
Mais du moment de la dissolution il cesse d’être le
chef; il n’est qu’un simple associé, et ne peut plus par
conséquent disposer que de sa portion.
Maintenant la dame Dumont a - t- e lle pu faire une
donation en préciput à son fils, d’un conquêt de com
munauté, du vivant de son m ari, et par le contrat de
mariage de ses filles?
A - t - e l l e pu transmettre à son mari le droit d’élire*
c’est-à-dire, le droit de faire ce qu’elle.
pouvait faire
elle-même? L e mari a - t - i l p u , après la dissolution du mariage r
donner à son fils la portion qu’amendoit sa femme dans
un conquêt de communauté ?
Telles sont les questions principales; et il ne faut pas
recourir à des tours de Jbrce de Yesprit humain pour
les résoudre. A la vérité la dame Hilliard ne les a pas
présentées ainsi y mais elle trouvera bon que chacun les
pose à sa manière.
Si on daigne ensuite descendre jusqu’aux questions,
secondaires,
Des filles peuvent-elles être tout à la fois apanées et
retenues ?
L ’institution faite en faveur de lat dame de Vaure estelle grevée de la condition irritante d’abandonner à son
frère la terre de M ont en préciput ?
�( 5)
Peut-on éluder la disposition prohibitive de la lo i,
par des conditions illicites ?
Les premiers juges se sont avisés de décider négati-r
veinent ; et suivant la dame H illiard , c'est h délire de
la présomption.
Ne seroit-ce pas porter trop loin l ’abus du sophisme.
que de tenter de justifier cette décision ?
Au moins la dame Hilliard ne se plaindra pas que
les intimés aient voulu fatiguer son attention, ou lasser
sa patience leur tâche ne sera ni longue ni pénible.
Déjà les sieur et dame de la Roque qui ont le même
intérêt, ont publié leur défense; les règlemens de famille
sont connus ; les motifs et le dispositif du jugement sont
rapportés - il faut surtout éviter ic» ^¿p4titions»
L a première question se divise en deux parties : la
dame Dumont a-t-eîle p u , pendant le mariage, disposer
d’un conquêt de communauté au profit de son fils ?
p o u v o i t-elle le faire, dans tous les cas, par le contrat
de mariage de ses filles ?
Prem ière partie. L e mari est le chef et le maître de
la communauté j il a le droit exclusif de donner, vendre
et aliéner h sa volonté les meubles et les acquêts faits
pendant le mariage ; mais il ne peut le faire que par
contrats entre-vifs, et non par contrats ayant trait à la
mort : telle est la disposition de l’article 236 de la cou
tume de Bourbonnais, qui est en ce point conformé à
toutes les coutumes de communauté.
La femme qui est en la puissance de son m ari, n’a
aucune participation aux objets communs, si la coutume
restreint le droit du mari aux Contrats entre - vif3 ?
�( 6)
M. Auroux nous en donne la raison sur l’article cité,
n°. 7. Il dit que « si le mari pouvoit disposer par contrats
« à cause de m ort, la disposition tomberoit dans un
« temps auquel le droit du mari cesse, et que la femme
« commence à y avoir un droit effectif.
'« Pendant le mariage, le droit de la femme sur les
« acquêts, n’est^ qu’un droit ha bitu el• mais il devient
« actuel après la dissolution de la communauté; ce qui
« fait qu’on dit que le mari vit comme maître absolu, mais
« qu’il meurt comme associé. » Ce n’est donc que pen
dant le mariage qu’il peut disposer en maître de tous
les acquêts ; sa volonté fait la l o i , et la femme est obligée
de la respecter; elle ne prend ni ne peut prendre aucune
part aux dispositions des Liens de cette nature.
La femme ne peut môme disposer de ses propres
qu’avec le consentement de son mari, et sous son autorité;
comment auroit-elle donc eu le droit de donner à son
fils moitié de la terre de M o n t , q u i , de l’aveu de tout
le inonde, est un conquêt de communauté ?
Comment surtout auroit-elle pu donner à son fils cette
moitié, par le contrat de mariage de sa fille, lorsque
• l’article 217 de la coutume de Bourbonnais porte en
termes précis que « les père et m ère, ou F un d’e u x ,
« ne peuvent donner entre-vifs à leurs enfans , hors
« contrat de m ariage, soient leidits enfans émancipés
« ou non ? »
« La disposition de cet article, dit A u r o u x , n°. 2 ,
« a pour principe l’égalité que la nature désire entre
« les enfans, étant juste que ceux qui sont égaux en
u naissant, et qui doivent l’être dans l’uffectiou de leurs
�( 7)
« père et'mère, le soient aussi clans le partage de leurs
« biens. »
Auroux ajoute, n°. 3 , que « cette prohibition de la
« coutume s’entend directement et indirectement, et par
« quelque manière que ce soit. » Suivant cet auteur,
n°. 8 , la donation faite hors contrat ne profiteroit pas
au donataire, quand il voudroit renoncer à la succession
pour s’en tenir à son don ; et Decullant, bien pénétré
de la prohibition absolue de la coutume, s’exprime ainsi :
eritm cum paragraphus noster intendat œqualitatem
ínter liberos, ut notât MoHnœus, et non excipiat nisi
donationern fa cta m façore m atrim onii, censeo extra
hune casum prohiberi donationern cuidonatarius etiarn
cibstinendo ab hcereditate non possve *tar-e.
Passant à l’article 219 de la même coutume, les do
nations, conventions, institutions d’héritiers, faites en
contrat de mariage, sont bonnes et valables au profit
et utilité des mariés et de Vun d'eux, ou des descendons
du mariage ; ce qui veut dire que ceux qui contractent
mariage, ou les descendans, peuvent seuls profiter des
avantages stipulés. Favor hujus paragraphi, nubentes
tantum , et ex eodem matrimonio descendentes, ajficit
in tantum , ut si institutio fa c ta fu e r it in gratiam
contrahentium et aliorum non contrahentium , pro
portionibus contrahentium valeat, et pro non nubentium partibus corruat.
Voilà sans doute une décision précise et absolue, et
on ne peut en tirer d’autre conséquence, sinon que la
dame Dumont n’a pas eu le droit, pendant le mariage,
de s’occuper, encore moins de disposer de tout ou de
�( 8 ) ■
partie d’un conquêt de communauté; 2 °. qu’en lui sup
posant un droit quelconque, elle n’auroit pu le donner
à son fils que par son contrat de mariage.
E t certes, si elle ne pouvoit pas disposer, à plus forte
raison n’a-t-elle pu conférer à son époux le droit d’élire
son fils ou tout autre, pour recevoir ce bienfait; car le
droit d’élire suppose un droit préexistant plus étendu.
A vant de transmettre le pouvoir de ch oisir, il faut
pouvoir donner; ainsi, par exem ple, une femme mi
neure ne pourroit donner à son mari la faculté d aliener
ses biens, puisqu’elle ne peut elle-m êm e les vendre;
ainsi, la femme qui se trouve dans la prohibition de
disposer, ne peut transmettre à un tiers la faculté de
choisir un de ses enfans pour recevoir une libéralité de
sa part, lorsqu’elle ne peut par elle-même exercer cette
libéralité.
D ’ailleurs le droit d’élire que donneroit un époux à
l’autre, ne se ro it-il pas en contravention formelle à
l’article 226 de la coutum e, qui prohibe les avantages
entre m ari, femme et enfans, par dispositions entre-vifs
pendant le mariage? Cette prohibition, dit encore Auroux,
s’entend tant directement qu’indirectement. Cet auteur
regarde unjidéicom m is notamment comme une manière
indirecte d’éluder la défense de la lo i, et veut que celui
à qui on donne ne puisse faire la donation à la personne
prohibée, ni la retenir pour lu i, mais il doit y renoncer
«n faveur de l’héritier.
Un fidéicommis a beaucoup de similitude avec le droit
d é lire ; et cette option a été regardée comme une manière
indirecte d’éluder la prohibition de la l o i, par un arrêt
du
�( 9 )
du 18 mai 1736, rapporté p a r 'l’Epine de Grainville.
L ’arrêt ari nu lia une institution faite par un père au profit
de l’un de ses enfans qui seroit choisi par sa seconde
femme, par cela seul que l’option de l’enfant institué
avoit été donnée à la seconde fem m e, qui ne pouvoit
recevoir qu’une portion d’enfant moins prenant.
Ce droit d’élire doit donc être regardé comme non
avenu.
La dame Dumont a prédécédé son mari ; son fils ne
s’est marié qu’après la mort de sa mère; tous les enfans
ont été saisis des biens maternels, et notamment de la
portion des acquêts qui l’evenoient à leur mère : le sieur
D um ont pere n’n pin»
cjn’iin simple associé. Comment
auroit-il pu dès-lors donner à son fils la portion d’acquêt
dont les héritiers de sa femme étaient saisis? Ce seroit
évidemment disposer de la chose d’autrui, puisquè les
héritiers maternels avoient un droit actuel à la moitié
de tout ce qui compose la communauté. Cette proposi
tion est trop claire pour avoir besoin d’un plus grand
développement. Pourquoi d’ailleurs se livrer à des dis
sertations oiseuses, lorsque déjà les sieur et dame de la
Roque ont présenté leurs moyens avec la plus grande
étendue? La dame Hilliard diroit peut-être que les sieur
et dame de Vaure ont voulu fa ire briller leur esprit,
ou séduire par le prestige d'une fa u sse éloquence.
On va passer aux questions secondaires ; on discutera
ensuite rapidement les fins de non-recevoir qu’oppose la'
d me Hilliard.
La dame de Vaure, par son contrat de mariage, est
instituée héritière par égalité avec les autres enfans? sous
B
�( IO )
la réserve expresse de la terre de Mont, pour en disposer,
de la part des père et mère, au profit de tels de leurs
autres enfans qu’ils jugeront à propos, même de la future.
On a prétendu faire résulter de cette clause que la dame
de Vaure étoit bien retenue dans la maison pour tous les
biens de la succession, mais qu’elle étoit apanée et exclue
l’elativement à la terre de Mont, d’après l’article 305 de
la coutume de Bourbonnais, qui est une coutume d’ex
clusion.
On se fonde sur une consultation donnée par trois
jurisconsultes de Clermont, à la dame de Vaure ellemême, et dont on dit avoir une copie collationnce.
Etoit-il bien permis à la dame Hilliard d’argumenter
d’LUie Consultation confidentielle, donnée à la partie ad
verse, quand bien même la dame de Vaure auroit eu
la franchise de la communiquer? Ce n’étoit point ainsi
qu’on en usoit autrefois au barreau ; mais la dame Hilliard
nous apprend qu’on voit tous les jours des choses nou
velles.
Il est rare cependant qu’on soit obligé de discuter, et
qu’on oppose à une partie la consultation qu’elle a de
mandée dans son intérêt : mais en mettant le procédé à
l’écart, on prouvera que ce système est erroné dans le
fait et dans le droit.
Dans le fait, parce que la dame de Vaure est retenue
dans la maison même pour cet objet; les père et mère
lui laissent l’espoir successif comme «ux autres enfans,
en se réservant la liberté d’en disposer à son profit.
Dans le droit, parce qu’ une fille ne peut être en même
temps apanée et retenue, forclose dans une portion des
�C 11 )
biens, et héritière dans l’autre. Cette singularité impli
quèrent contradiction. L ’apanage est une exclusion absolue;
tellement que la fille apanée devient étrangère à la suc
cession, et qu’un cohéritier pourroit exercer contr’elle
la subrogation d’action, si elle achetoit un droit indivis
d’un autre cohéritier.
La forclusion est une dénégation de la qualité d’hé
ritier ; l’une ne peut subsister avec l’autre. Comment
seroit-il possible que, d’une part, la fille n’eut pas le
droit de porter un œil curieux dans les affaires et les.
papiers de famille, de connoître la consistance d’une suc
cession , et qu’en même temps elle eut tous les droits de
l ’ h é r i t i e r , d e t o u t v o i r , d e tout examiner, de provoquer
le partage?
La dame Hilliard a prévu l’objection-, elle convient
même du principe que les deux qualités sont inconci
liables; mais elle voudroit le restreindre à un cas où il
ne peut jamais avoir lie u , à une forclusion légale pro
noncée par le seul effet de la loi municipale.
C’est ce qu’il est difficile de comprendre. On ne con
cevra jamais ^comment il pourra arriver, lorsque la for
clusion est légale, qu’elle sera partielle ; car ici tout ou
çien.
Ma ¡menant qu’est-ce qu’une forclusion convention
nelle? Toujours la même chose qu’une forclusion légale,
surtout dans une coutume d’exclusion, où la renonciation
de la fille est comptée pour rien , ou du moins est con
sidérée comme surérogatoire, d’après la loi du 18 plu
viôse an 5 .
Et qu’on ne dise pas que le père a le droit de faire
B *
�C 12 )
eette bigarrure, d’apaner sa fille dans une partie, de la
retenir dans l’autre : du moment qu’il honore sa fille de
la qualité d’héritière, cette qualité est indivisible; elle
efface toute idée de forclusion et d’exclusion. Il en est
ici comme des testamens chez les Romains, où le testateur
ne pouvoit mourir partim testatus, partim intestatus.
Ces idées sont simples, n’ont rien d’exagéré, et répondent
suffisamment à la proposition des sieur et dame Hilliard.
D e u x i è m e q u e s t i o n . L ’institution faite au profit
de la dame de Vaure ne contient point la condition
irritante d’abandonner à son frère la terre de Mont en
préciput. L e rédacteur du contrat n’a stipulé que des
clauses inutiles relativement à cet immeuble.
En effet, les père et mère se sont réservé deux choses
qui n’étoient pas à leur pouvoir. La première, est celle
où il est dit que les père et mère se réservent le droit
de disposer de la terre de M o n t, au profit de celui de
leurs enfans qu’ils jugeroient à propos, même de laju tu r e .
Ils trompoient la dame de Vaure lorsqu’ils lui ont donné
cet espoir. La coutume ne leur auroit permis une dis
position au profit de la dame de V aure, qu’autant qu’elle
auroit été faite par contrat de mariage : dès qu’ils la
marioient sans disposer de cet objet à son profit, ils ne
pouvoient plus le faii’e dorénavant, pas même par tes
tament ; car dans cette coutume on ne pouvoit cumuler
la qualité d’hériter et de légataire : voilà donc une clause
inutile et trompeuse.
Par la seconde, il est dit qu’en cas de non disposition ,
la terre appartiendra à leur fils qui ne contracte pas ;
cette clause n’étoit pas plus utile que la première. André
�'■ '
( 13 )
Dumont, étranger à ce contrat , n’étoit pas saisi -, il ne
pouvoit l’être valablement que par son conti’at de ma
riage.
Gela posé, la terre de Mont a toujours demeuré dans
la succession ah intestat • et chacun des enfans successi
vement institué par égalité, a dû espérer que tant qu’il
n’y auroit pas de disposition expresse de cet immeuble
par le contrat de mariage de l’un d’e u x , il auroit un droit
égal dans la terre de Mont : cet espoir est devenu une
certitude pour la portion maternelle, dès que la mère
est morte avant le mariage de son fils, et sans en avoir
disposé par le contrat de mariage de la dame de Beauv e g a r d , sa s e c o n d e fil lu.
Qu’importe maintenant que la mère, qui ne pouvoit
pas donner un conquêt de communauté, qui n’auroit pu
disposer d’un propre que par le contrat de mariage de
l’un de ses enfans , ait ajouté que « l’institution de la
« dame de Vaure n’est faite que sous la condition de
« cette disposition, à la charge par elle de laisser jouir
« le survivant des instituans, de la portion qui lui seroit
« revenue dans les biens du prédéccdé, sans lesquelles
« charges et conditions l’institution n’auroit été faite, et
« la futui*e auroit été apanée moyennant la dot qui va
« lui être constituée. »
Ce n’est là qu’une tournure indirecte pour éluder une
loi prohibitive ; et on ne peut le faire, d’après Auroux,
par quelque manière que ce suit ; s’il en étoit autre
ment, la prohibition de la loi seroit inutile, et les hommes
ne manqueroient pas de moyens pour l’éluder. Dans une
coutume d’égalité, il faut surtout bien se g a r d e r d’établir
�( i4 )
un intermédiaire dont on pourroitse servir pour gratifier
tel enfant au préjudice de tel autre : cette vérité avoit
été bien sentie lors de la publication delà loi du 17 nivôse
an 2. On sait que le système restrictif de cette loi n’étoit
pas pour les libéralités entre époux; elle leur donnoit
au contraire la plus grande latitude lorsqu’il n’y avoit
pas d’enfans; et bientôt les époux voulurent se servir de
cette faculté , pour transmettre tout ou partie de leurs
biens à des parens incapables, en imposant cette con
dition aux donations qu’ils se faisoient de l’un à l’autre.
Ils se servoient de l’argument favori de la dame Hilliard :
« Il dépend de celui qui donne, d’imposer à ses libéra« lités les conditions qu’il lui plaît. » Mais la loi inter
prétative du 22 ventôse an 2 , questions 11 et 13, vint
annuller toutes ces conditions comme 11’étant que des
fidéicommis , ou des intermédiaires pour contrarier le
système de la loi.
N ’y a - t - i l pas ici même raison? Les sieur et dame
Hilliard pouvoient-ils faire disparoître leur incapacité,
ou contrarier le principe de la loi municipale, par des
conditions illicites , ou par un intermédiaire qui détwuiroit le système d’égalité proclamé avec autant d’éDergie, en termes irritans et prohibitifs, ne peuvent
les père et mère donner, etc. ?
Mais, dit la dame Hilliard, malgré la p r o h i b i t i o n de
l’article 2 1 7 , malgré la disposition de l’article 219, qui
dit que les dispositions ne saisissent que les contractons,
il est cependant un moyen de faire l’équipollent d’une
institution au profit d’autres personnes que des mariés.
Ce moyen, Auroux l’indique sur l’article 219, n°. 28;
�( i5 )
il consiste à instituer la personne mariée , à la charge
d’associer ses frères et sœurs à l’institution : par cette
voie, les associés, quoique non contractans, sont saisis
de leur portion , par cela seul que l’association est une
charge de l’institution.
O r , la condition du préciput n’est autre chose qu’une
condition de l’institution ; donc André Dumont a été
valablement saisi du préciput, quoique non contractant.
Voilà bien l’objection dans toute sa force.
Il est aisé d’y répondre. On convient que la charge
d’associer a été admise en jurisprudence ; on s’est fondé
sur l’avis du jurisconsulte en la loi Cum ex filio , ff. D e
vulg. et pupill.
Maïs quelle différence énorme
entre l’association, et la condition qu’on voudroit lui assi
miler!
Dans le cas de l’association , l’institué est saisi du titre
universel : c’est lui qui a tout ; l’associé ne tient rien de
l’instituant-, il ne le prend que de l’institué. C elui-ci a
des chances favorables à courir, comme, par exemplè,
le prédécès de l’associé, même avec enfans, car les enfans
ne seroient pas associés : hœres socii m eiy non est socius
m eus; la révocation de la charge ou de la condition, car
l’instituant peut révoquer toutes les clauses onéreuses, et
ne le peut qu’en faveur de l’institué.
I c i , au contraire , la dame de Vaure n’avoit rien à
gagner, et tout a perdre; elle n’étoit point saisie du titre
universel; le père ne pouvoit plus révoquer la condition
à soi] profit, et sa disposition n’avoit d’autre objet que
d’éluder la prohibition de la loi : ce n’étoit pas un titre
honorable qu’il vouloit donner h sa fille; il cherclioit un
�( i6 )
moyen d’avantager son fils, dans le cas où il ne pourroit
pas le marier ; de faire en un mot ce que la loi lui défendoit.
Gomment une semblable condition seroit-elle licite? ne
faudroit-il pas rayer absolument l’art. 217 delà coutume?
La dame ïïillia rd , poussée jusqu’au dernier retran
chement, n’a plus d’autre refuge que son arrêt de 1716;
elle se plaint de ce qu’ Auroux en a parlé trop légè
rement : mais cet arrêt unique est bien plus développé
dans un manuscrit qu’elle a le bonheur de posséder. E t
il a jugé en thèse, qu’une institution pouvoit être grevée
d’un p récipu t, au profit d’un non contractant, lorsqu’il
a été la condition de l’institution faite au profit d’une
fille q u i , sans cela, eût été apanée.
Ce manuscrit, quel qu’il soit, p o u r r o i t - il balancer
l’autorité de la loi et en modifier la rigueur? Auroux
en avoit bien assez dit sur l’arrêt invoqué par la dame
Hilliard.
Ce commentateur éclairé commence à poser en prin
cipe , sur l’article 308 de la coutume , n°. 4 , que le
préciput n’est valable qu’autant qu’il est fait en contrat
de mariage, et en fa v e u r d’icelui ,* il rappelle les termes
de l’article 217 , et l’observation de Decullant.
« A la vérité, ajoute-t-il, nombre suivant, par arrêt
« du 22 mai 1716 , le préciput de 30000 francs fait à
« Sébastien M aquin, par le contrat de mariage des dames
« ses sœurs , fut confirmé ; mais il étoit dit par leur
« contrat de mariage que dans le cas où lesdites dames
« voudraient contester ledit préciput, elles demeureroie fit
« apanées pour 24000Jfrancs chacune. »
Et c’est à raison de l’apanage si disertement exprimé,
quç
�( 17 )
que l’arrêt jugea la validité du préciput ; aussi MenudeL
dit-il que c< pour ôter tout doute, il est à propos de
« dire par le contrat, que les père et ruère ont doté la
« fille de la somme de.......... ., à la charge de venir à
« la succession en rapportant; et qu’où elle fourniroit
« débat’ contre ledit préciput, déclarent qu’ils apanent
« ladite fille de la somme d e ........., parce qu’en mettant
« simplement la clause qui/s instituent ladite fiile sous
« ledit préciput, elle peut dire qu’elle n’a pas été apanée,
« à défaut de l’exécution de ladite clause , qui sonne
« toutefois en une institution conditionnelle, et que les
« mots qui seroient dans le contrat, sans lequel préciput
cî les pere et incit* 1 iiuioicnt
te
«
«
«
^ ne sct*oient pcïS UD.
apanage formel, mais plutôt une simple énonciation du
dessein d’apaner, lequel n’étant pas disertement expliqué, ne l’empêclieroit pas de venir aux successions
des père et mère, en rapportant. »
Dans le contrat de mariage de la dame de V au re , il
n’y a point comme dans celui des dames M aq u in , que
si elle conteste le préciput, elle sera apanée à la somme
d e . i l y est seulement dit, que sans les charges et
conditions, l’institution n’auroit été faite, et la future
auroit été apanée moyennant la dot qui va lui être
constituée. 11 n’y a dans ce contrat qu’une simple énon
ciation du dessein d’apaner, et non un apanage précis;
dès-lors on ne pourroit même appliquer l’arrêt de 1716.
On ne doit pas dissimuler que M enuàel ne trouve
pas l’objection considérable, parce que, suivant ce com
mentateur, le mot dot emporte avec lui l’apanage; mais
ce n’est pas là l’opinion d’/luroux , qui tranche la
G
�( 18 )
question, et ne considère pas l’arrêt de 1716 comme
devant faire la règle : il en rend compte comme d’une
exception particulière , unique ; et il est remarquable
que sur une question aussi importante, et dans un temps
où tout étoit en faveur des mâles, il n’y ait qu’un seul
préjugé rendu dans des circonstances particulières qui
ne se rencontrent pas dans l’espèce.
Que sera-ce donc aujourd’hui que les lois nouvelles
se rapprochent davantage de l’égalité entre les enfans;
et que le Code Napoléon est plutôt restrictif que libéral,
lorsqu’il s’agit de dispositions en ligne directe !
Eh ! pourquoi s’occuper si long-temps du contrat de
mariage de la dame de Vaure ? Ce n’est point en vertu
de ce titre qu’elle vient à la succession de la mère ; les
choses ne sont plus au même état : le père a fait des
dispositions particulières dans le contrat de son fils, qui
font disparaître les clauses des contrats précédens. L a
dame de Vaure se présente pour recueillir la succession
maternelle, ouverte ab intestat, ou ce qui est la même
chose, sans aucun règlement valable.
La dame Hilliard qui redoute cette manière toute
naturelle de se présenter, la prétend non recevable à
abdiquer un titre onéreux.
Elle a exécuté, dit la dame Hilliard, les clauses et
les conditions de son institution; elle a reçu, par exemple,
son avancement d’hoirie : mais c’est encore chose nou
velle , que de faire résulter une iin de non-recevoir
d’une action si simple. Où a-t-on trouvé que l’héritier
qui reçoit un avancement d’hoirie, c’est-à-dire, une chose
qui lui donne la qualité d’héritier, qui est promise avant
�( j9 y
l’ouverture de la succession, qui est sujette à rapport
lors du partage, et qui n’est donnée qu’en attendant le
partage, soit non recevablè à venir à la succession comme
héritier ab intestat ?
Ce n’est pas sérieusement, sans doute, que la dame
Hilliai-d propose cette objection; elle ne peut pas ignorer
que tant que l’héritier ne s’est pas immiscé, il a toujours
>le droit d’abdiquer un titre onéreux, pour s’en tenir à
la qualité d’héritier ab intestat.
Mais la dame de Vaure a laissé jouir son père des
biens de son épouse, et ce ne peut être qu’en vertu des
clauses de son contrat qui lui en imposoit l’obligation :
donc elle a exécuté les conditions de son institution.
Singulière conséquence. Quoi! la dame de Yaure, patrespect pour son père, n’a pas voulu provoquer un par
tage ; elle a désiré dans son intérêt qu’il n’y eût pas
d’inventaire dissolutif, et que la communauté se con
tinuât -, elle a craint, si on v e u t , que ses recherches
donnassent de l’inquiétude ou du chagrin à son père,
qui avoit une longue habitude d’administration; et elle
seroit non recevable !
La crainte révérencielle , dit la dame H illiard, ne
peut suffire, ni pour fonder une action, ni pour justifier
une exception; l’article 1114 du Code Napoléon con
sacre ce principe.
Ce n’est pas là ce que dit le Code : il dit bien que la
seule crainte révérencielle ne suffit point pour annuller
un contrat, lorsqu’il n’y a pas eu de violence exercée ;
mais il faut entendre sainement cette disposition, c’està-dire, que si la dame de Yaure avoit passé un acte, 1111
�(2 0 )
traité avec son p è re , et qu’elle attaquât cet acte par le
seul motif de la crainte révérencielle; si elle n’étoit pas
dans la dépendance de son p ère; si son consentement
avoit été libre, et qu’elle n’eût point, d’autre motif à
opposer ce ne seroit pas suffisant pour faire annuller
l’acte.
Mais ici il n’y a point d’acte, point de consentement:
on n’oppose à la dame de Vaure que son silence ou son
inertie; on ne lui fait d’autre reproche que d’avoir resté
dans l’inaction pendant la vie de son père; ce seroit lui
donner tout au plus l’avis de demander la restitution
des jouissances perçues par le père, si d’ailleurs elle ne
préféroit la continuation de la communauté.
L es sieur et dame d e Vaure ne pousseront pas plus
loin leurs observations : ils se proposent de développer
leurs moyens avec plus d’étendue, lors de la plaidoirie
de la cause ; ils se sont expliqués sans prétention ; et
quoiqu’ils eussent dû s’attendre à quelques égards de la
part de leur nièce ils ne cesseront d e lu i donner des
exemples de modération et de décence.
Signé R A B U S S O N D E V A U R E .
DUM ONT DE VAURE.
*
M e. P A G È S (de R iom ), ancien avocat,
«
M e. V E R N I È R E , avoué.
I
A
R IO M ,
11
de l’imprimerie de T h ib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Juillet 1808.
�
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[Factum. Rabusson de Vaure. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jutier
Huguet
Bernardi
Decombrousse
Chabroud
Mailhe
Poirier
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour les sieur et dame Rabusson de Vaure, intimés ; contre les sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans.
Particularités : notation manuscrite : texte complet de l'arrêt 1ére section 5 août 1808.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1801
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1802
BCU_Factums_G1803
BCU_Factums_G1804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53328/BCU_Factums_G1801.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages prohibés
communautés
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions