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RÉPONSE
POUR
Le
S.r de M ONTLOSIER et les héritiers bénéficiaires
d e la d a m e d e M O N T L O S I E R , i n t i m é s ;
A u dernier Mémoire pour les sieurs et demoiselle de
S E R V I E R E , appelans.
----------llH I—
L
—
1
E S appelans réclament, comme aux droits de Jean de
Servière, leur père, la succession de Françoise-Marie de Servière , sa nièce, f i lle , en premières noces, de la dame de
Monllosier.
Cette Françoise-Marie est décédée le 25 octobre 1781. Il y
a dès-lors près de trente ans que sa succession est ouverte. Il
n’est guère probable qu’une famille demeure trente ans , sans
réclamer la succession d’une parente aussi proche.
D ’un autre côté, par un acte en date du
3o janvier 1783,
Jean de Servière, père des appelans, acheta de la dame de
�ssô-
( i )
Montlosier, sa cohéritière, tous les biens alors libres de celle
succession. Comment les appelans pourront-ils parvenir au
jourd’hui à un partage sur ces biens ?
Les appelans ne paraissent point s’inquiéter de cette cir
constance; ils s’en autorisent même. Les biens ont été vendus,
disent-ils, donc il n’y a pas eu de partage. De plus, les contractans ayant omis d’énoncer dans cet acte , qu’ils traitaient
comme cohéritiers, les appelans s’aulorisen I de cetle omission pour
présenter cet acte comme étranger à leur qualité de cohéritiers.
Mais d’abord, comment se fait-il que le père des appelans ait
jugé à propos d’acheter les biens d’une succession, au lieu de la
part ager;
en d’autres termes, comment se fait-il qu’il se soit
décidé a avoir, à titre o n é r e u x ,
ce q u e , selon les appelans , il
pouvait avoir à titre gratuit?
Si on consulte la vraisemblance en pareil c a s , c’est sans doute
que la prétendue succession ne valait pas la peine d ’un partage
juridique. Point du tout; les appelans répondent que leur père
était dans l ’ignorance de ses droits.
Mais les appelans eux-mêmes, comment se fait-il qu’ils aient
attendu l ’année 1809 pour réclamer leurs droils? A ne consulter
de même que la vraisemblance, on pourrait croire qu’il y a eu
en l'année 1809 nuelqu’événeinent particulier qui a déterminé
leur demande. Point du tout ; les appelans allèguent la même
ignorance que leur pere. A son dérès , il les a laisses lotis
quatre en très-bas â g e , et ce n'est qu'en Vannée 1809 qu’ils
ont c lé instruits de leurs droils.
En suivant celte ligne tracée p a rle s appelans, 011 pourrait
arriver à penser que l ’acle de i y 83 a élé en effet, de la part de
Jean de Servièrc , une méprise; el comme, dans un partage de
succession, la première règle entre les parties est la bonne f o i ,
il ist nécessaire, avant de passer aux queslions de droit, de
bien établir les points de fait.
�•>■ u //A
( 3 )
En premier lieu, s’il se trouve que la succession de FrançoiseM arie, dont il s’agit, était tellement couverte par les reprises
de la dame de Montlosier, et tellement engagée en outre dans le
dédale d’une contestation précédent e, qu’elle était en soi mani
festement n u lle , ou moins que n u lle , on pourra n’être pas
élonné que Jean de Servière ait cherché à se procurer, à titre
d’achat, des biens extrêmement à sa convenance, qu’il convoi
tait , plutôt que de les x’echercher par la voie inutile, et dange
reuse pour l u i , d’un partage juridique.
S ’il se trouve, 2.° que toutes les prétentions , tant anciennes
que modernes , de la famille , se réunissaient comme de concert
sur un certain domaine, appelé C hés-Sabi, situé à la porte de
Jean de Servière , domaine que les parties avaient déjà démem
b ré, et qu’elles continuaient plus bu moins activement à se dis
puter, on concevra que les parties ont pu être amenées à croire
que , par la vente de ce bien , elles termineraient à Ia-fois toutes
les contestations.
S ’il se trouve ,
3 .° que , malgré l’allégation d’ignorance, oppo
sée par les appellans, leur père n’a pu réellement méconnaître,
ni le décès de Françoise-Marie, ni ses droits à sa succession, ni
la nature des biens qu’il achetait; s’il se trouve que l’acte, par
lequel il a acheté, a été tout à son avantage, qu’il est l’époque
précise de la pacification des deux fam illes, et q u e , pendant
les 28 ans qui ont suivi cette époque, toutes les anciennes con
testations ont été terminées, toutes les anciennes instances reti
rées et abandonnées, il faudra un peu revenir de l’idée que les
appelans veulent nous donner de l’acte de 1783, et de 1 inten
tion dans laquelle cet acte a été passé.
Voilà quant à Jean de Servière.
Relativement aux appellans eux-mêmes, qui prétendent avoir
été dans l’ignorance comme leur père, et qui justifient cette
ignorance parce que leur p è r e , à son décès,
les laissa tous
2
�( 4 )
quatre en très-bas âge (motifs d’appel ); s’il se trouve, i.° que
ces enfanS; prétendus au berceau, étaient tous majeurs; s’il se
trouve, 2.0 que l ’année 1809, où ils prétendent avoir été éclairés
inopinément sur leurs droits, est précisément l’année où ils ont
appris, à la suite de plusieurs mémoires imprimés dans une
autre affaire, que le sieur de Montlosier avait été privé, par la
révolution, de tous ses papiers; s’il se trouve, 3 .° que cette cir
constance , concourant avec les effets de la révolution qui a
changé la nature des biens, et avec le laps d u (tems qui a fait
espérer des prescriptions, et a baissé les créances en argent, a
déplacé ainsi sous tous les rapports l’ancienne situation des
parties , on sera autorisé à trouver dans la demande des appelans
des caractères tous ditlerens de c e ux q u ’ ils affectent de présenter.
L es intimés vont d’abord dans une première partie exposer
en détail les circonstances où se trouvaient les parties à l’époque
de l’acte de 1783; dans une seconde partie ils discuteront les
allégations des appelans; dans une troisième partie ils tacheront
d’établir les questions de droit.
PREMIÈRE
PARTIE.
FAITS.
L a dame de Montlosier et les appelans tirent, comme cousins
germains, leur origine de Gilbert de Servière , leur grand -père
commun. O r , ce Gilbert de Servière avait contracté deux ma
riages : le premier, avec Catherine Daurière , de laquelle sont
issus cinq e n t o ns , notamment Jean de Servière, père des a p
pelons , et J e a n -B ap tiste, premier mari de la dame de Mont
losier; le second , avec Gilberte Dupeyrqux , de laquelle est issu
un seul fils, nommé J acqu es, et de cé Jacques, Jea n n e *M adelaine de Servière , épouse , en premières noces , de Jeanïîaptiste , son oncle c o n s a n g u i n ; en secondes noccs, du sieur
de Montlosier.
�'•A
(
5 )
Ledit Gilbert mourut en 1742. Sa succession se composait de
beaucoup d’argent comptant, d’un mobilier considérable, de la
terre duTeilhot, et de deux gros domaines, dont l’u n , entr’autres,
appelé C hés-Sabi, est souvent rappelé au procès.
Parmi ces enfans, deux filles ayant ete mariées forcloses; et
un des enfans mâles, Jean de l’Etang, ayant traité ensuite pour
sa part, avec le père des appelans, il arriva qu’en 1758 , époque
à laquelle la demande en partage fut formée, il n’y eut plus pour
copartageans q u e , i.° Jean de Servière , père des appelans, do
nataire particulier de son père; 2.0 Jean-Baptiste, depuis mari de
la dame de Montlosier,réclamant une légitime et sa part demobilier;
3.° la dame de Montlosier, alors mineure; elle réclamait,
comme Jean-Baptiste, sa légitime et une part du mobilier; elle
demandait, en outre, une partie de la dot de Gilberte Dupeyroux,
sa grand’mère, dont elle était unique héritière. Il faut savoir, à
ce sujet, que Gil bert de Servière avait dissipé une partie des
biens de Gilberle Dupeyroux, sa seconde fem m e, notamment
2,000 francs d’argent de sa d o t, et le domaine et moulin de
Roubrat.
L a cause engagée ainsi à la sénéchaussée de R i o m , le père
des appelans donna les mains au partage ; mais il chercha à
éluder les répétitions parliculières. Il opposa entr’autres, en
compensation du domaine et moulin de R oubrat, vendus par
son pcre, un cheval et un colïre de linge qu’il prétendit avoir
donné au père de la dame de Montlosier.
Une sentence de l’an 1760, qui ordonna le partage, rejeta
quelques-unes des répétitions des réclamons. Mais relativement
d o m ai n e et m o ul in de R o u b r a t ,
réclam és
p ar la d a m e de
Mo n tl o si e r c o m m e bien dotal de Gil berte D u p e y i o u x , elle p r o
n o n ç a qu e les parties contesteraient pins amplement.
L a d a m e de Mo ntl osi er et J e a n - B a p t i s t e , depuis son m a r i ,
s’élevèrent v i v e m e n t contre ces dispositions. Leur protestation
SJcy.
�d’en appeler est consigne'e d’une manière énergique au bas de
la sentence. Cependant l’opération d’experts ordonnée, ajant eu
lieu la même année, il lut délivre aux réclamans , provisoi
rement les deux tiers du domaine appelé C h é s -S a b i; l’autre
tiers demeura à Jean de Servière.En recevant ce démembrement
de domaine, comme délaissement provisoire, la dame de Montlosier et Jean-Baptiste protestèrent contre l’opération des experts ,
comme ils avaient protesté contre la sentence. L ’année d’ensuite,
17 6 1, l ’appel au parlement fut fait et relevc.
Depuis ce tems, réunir aux deux tiers arrachés à son frère
le troisième tiers qui lui a été laissé, devient le grand objet
de Jean-Baptiste. D an s cette v ue , il achète le 3 avril 176ÎÎ ,
de Jea nne- Madel nine, sa nièce, peu après sa f em me , la portion
du domaine de Chés-Sabi, qui lui avait été délivrée pour son
lot ; mais obligée de spécifier que ce lot lui a été fait par
l’opération des experts, de 1760, Jeanne Madelaine a soin de
ne rappeler cette opération que comme un partage verbal.
L ’année d’ensuite elle épouse Jean-Baptiste.» Elle a soin de
mettre les contestations pendantes sous la protection de son
mari; elle se constitue en tous ses droits échus par le décès
de scs père et mère , q u'elle lu i donne pouvoir de poursuivre
et de rechercher. Jean-Baptiste meurt sans les avoir terminées.
Nous arrivons actuellement au second point principal de la
cause , la succession de Françoisc-Maric.
Il faut savoir que du mariage de Jean-Baptiste et de la
dame de Montlosier , il était provenu une fille. Or , JeanBaptiste étant venu à décéder, sa fille F ran çoise-M arie fut
dans le cas de recueillir le tiers de ses biens ; la dame de
Montlosier, donataire de son in ari, les deux tiers. Il est bon
d’évaluer la succession.
. Les biens de Jean-Baptiste sur lesquels la légitime de Françoisc-Marie avait à se former, se composaient ostensiblement
de deux corps de domaines : l’ un , appelé llecolèno , acquis
�( 7 )
par lui avant son mariage; l’autre, appelé les deux tiers de
Chds-Sabi, dont moitié lui avait ete devolue personnellement
par l’opération des experts dont il a ete parlé, et l’aulre moitié,
ainsi qu’il a été d i t , acquise par lui , de sa fe m m e , un an
avant leur mariage.
^
O r , Recolène ayant été acheté 19,000 fran cs, en-1 7 6 6 , 'et
vendu 38,000 francs, en 1791 (42,000 fr. en assignats) , par
le sieur de Montlosier, avec ses améliorations et ses embellissemens, 011 p e u t , en 1780, le porter, si on veut, à 28,000 fr.
D ’un autre côté, C hés-Sabi ayant été ve n d u ,
en 1783, 10,000 f r . , et la dame de Montlosier en
trouvant alors môme 12,000 francs, soit....................
12,000 fr.
T o t a l .....................................
40,000 fr.
II faut prélever actuellement les reprises et créances de la
dame de Montlosier.
En premier lieu, Jean-Baptiste ayant acheté de sa nièce,
un an avant leur mariage, sa portion des deux tiers de ChésS a b i, et ne l’ayant pas payée, ce point forme un premier objet
de reprise.
E n second lie u , Jean-Baptiste ayant v e n d u , pendant le
mariage, la terre d’Arsège appartenant à sa femme, cette terre
forme un second objet de répétition.
Si on ajoute à ces deux objets la valeur du trousseau re
connu et quittancé par le contrat de mariage, ainsi que que^cl ucs
parties d’acquisitions faites immédiatement après le dtcès de
Jean-Baptiste, et confondues dans le domaine de Recolène, on
aura à peu près la masse des reprises et prélèvcmens de la
dame de Montlosier (1).
( 1 ) Il existe encore diverses pariies ilo dettes contractées par J e a n Baptiste de Servière, et acquittées par la dame de Montlosier. N o u s sommes
obligés de les négliger pour le m om en t, n’ayant pu encore les relever.
�( 8 )
Or, il ne s’agit plus que d’évaluer cette masse.
4
Et d’abord il n’y a pas de difficulté' pour le trousseau; il est
quittancé dans le contrat de mariage à la somme de 2,000 fr.
Il ne peut y en avoir davantage pour les acquisitions men
tionnées ; elles se montent à environ
3,000 francs.
Relativement au prix d ’un des deux tiers de Chés-Sabi, vendu
à Jean-Baptiste avant le mariage, cet article est susceptible de
quelques observations.
Il faut savoir d’abord que, par
mariage , la dame de Mont losier
époux de vendre ses b i e n s , mais
rem ploi en acquisition de fon d s.
un article de leur contrat de
avait permis à son premier
à la ch a rg e n é a n m o in s du
Fondés sur cette clause, les
intimés pensent qu’en toute équité, il faudrait rapporter i c i ,
non le faible prix de la vente , mais la valeur réelle des biens.
On leur oppose que la stipulation du contrat de mariage, précise
pour les ventes à venir, n’énonce rien sur les ventes passées.
L es intimés se tournent alors vers une seconde observation.
L a dame de Montlosier n’ayant vendu qu’au prix modique
de 2,248 francs un objet q u i , dans l’état ci-dessus, est porte
à 6,000 f r . , il semblerait, dans ce cas, qu’il y a lésion , nonseulement du tiers au q u a rt, mais encore d’outre moitié. Mais
comme 011 oppose encore sur ce point la différence des tems,
nous consentons à ne porter cet objet qu’à son prix modique
de v e n te , 2,248 fr.
Il reste à apprécier la valeur de la terre d’Arsège. Une conten
tion vive s’élève sur ce point; il s’agit de savoir si cette terre
s’évaluera en nature , ou seulement au prix de vente. JeanBnptiste ayant reçu de sa fe m m e , par contrat de m ariage, la
permission de v e n d re , et ayant vendu au prix de 7,600 f r . , les
appelans soutiennent que ce n’est plus que la somme de 7,600 f.
qui doit être portée pour les reprises.
Il
�( 9 )
Il est difficile de le penser.' L a dame de Monllosier a sans
doute permis à son mari de vendre ses biens; mais elle ne l’a
permis qu’à line seule condition : à la charge néanmoins de
fa ir e em ploi des deniers qui ptovicndront desdites ventes en
acquisition de fon ds.
L a condition du r e mp l oi étant ici i nt ég ra nt e, c ’est dès-lors l a
v al eu r de la terre d ’A r s è g e en nature qu i doit être r a p p o r t é e , et
non pas son f ai bl e pri x de vente. O r , cette t e r r e , c o m p o s é e ,
1.° d’un gros domaine labourant a trois paires de bœufs ;
2.° d’une dîme sur la moitié de la paroisse de Saint-Hilaire ;
3.° de redevances en censives; 4.0 de la justice haute, moyenne
et basse, sur tout son territoire, 11e peut être portée à moins
de
3o,ooo fr. ;
Ce qui, ajouté aux autres objets des reprises sus-mentionnées,
porte toute la masse à 87, 248 fr.
Celte somme retranchée de la masse ci-dessus de 40,000 fr.
laisserait à la mort de Jean-Bapl iste une masse nette de 2 , 75 2 fr.
L a succession de Françoise-Marie, se composant comme légi
time du tiers de cette somme f lesterait des-lors a 9 1 3 fr.
Reprenons.
Le
25 octobre 17 8 1, Françoise-Marie meurt; sa succession est
alors à partager par égale portion entre Jean de Servière, son
oncle , père des appelons , et la dame de Montlosier, sa mère ;
non comme mère , les ascendans n’héritent pas en coutume
d’Auvergne , mais comme cousine germaine de sa propre fille.
L a légitime de celle-ci , m ontant, ainsi que nous avons vu ,
a 9 i 3 i r . , il revient dès-lors à Jean de Servière, cohéritier, la
somme de 456 fr. 10 s.
Quelque modique que soit cette somme, il ne faut pas croire
qu elle aille entrer ainsi dans les mains du siem,* de Servière : il
3
�( 10 )
s’en faut ; car la succession de Françoise-Marie , qui vient de
s’ouvrir au profit de Jean de Servière contre la dame de Mont
losier, rencontrant l’autre succession au profit de la dame de
Montlosier, qui se débat contre Jean de Servière, celui-ci, qui
devenait partie prenante dans la succession nouvelle pour une
somme nulle et insignifiante , se trouvait dans l’autre succession
comptable pour des sommes considérables, agravées de quarante
ans d’intérêts éch u s, et des intérêts de ces intérêts , depuis
l’époque de la demande.
Dans cette situation, l’embarras des deux parties est facile à
concevoir. V eu v e depuis quelques m o is, si c’est la dame de
Montlosier qui la première commence les hostilités, en repre
nant contre son oncle les poursuites que son mari n’a pas ter
minées , son oncle forme aussitôt une demande en partage pour
la succession de Françoise-Marie. L a dame de Montlosier évince
alors, sans nul doute, pour ses reprises, les acquéreurs de la
terre d’Arsège; et elle les dépossède. Mais ceux-ci se pourvoyant
en recours contre les biens du vendeur, l’évincent à leur tour,
et la dépossèdent de Recolène : elle trouve a u -d ev an t d’elle,
sur cette route, beaucoup d’embarras et de perplexités.
S i, au contraire, c’est le sieur de Servière qui commence le
premier les hostilités, en recherchant sa moitié dans la misé
rable succession de sa n iè c e , d’un côté il fait consumer la suc
cession sans fruit ; d’un autre côté la dame de Montlosier re
prend contre lui la poursuite de la succession de son père. Jean
de Servière, qui dans une première opération d’experts, a perdu
les deux tiers de Chés-Sabi, risque, dans une seconde, de se
voir enlever le troisième tiers. On conçoit facilement que Jean
de Servière n’eut garde de réclamer juridiquement un partage
q u i, d’un côté, ne lui faisait espérer aucun profit, tandis que
d’un autre côté il lui faisait craindre sa ruine.
On vient de voir pourquoi la succession de Françoise-Marie
�( 11 )
de Servière ne fut 'point recherchée juridiquement. On va v-ois
actuellement, comment, au milieu de toutes ces difficultés, les
parties furent amenées à la vente du domaine de Chés-Sabi.
Il faut savoir, en premier lieu , que ce Chés-Sabi se trouvait,
d’ une diverse manière, le point de mire des deux successions.
E n vertu de leurs droits respectifs, dans la première, les parties
avaient commencé, depuis long-teins, à le démembrer. Noua
avons vu qu’un partage provisoire, ordonné par une sentence de
la sénéchaussée de R io m , de 1760, avait délivré à Jean-Baptiste
de Servière, un tiers de ce domaine , à la dame de Montlosier et
à Jean-Baptiste, depuis son m a r i, les deux tiers.
Dans cette position, le 21 juillet 1782 , la dame de M ont
losier se remarie. Par ce second de mariage , elle donne au
sieur de Montlosier, au prix de 20,000 francs, le domaine de
Recolène, un des biens de la succession de Jean-Baptiste. Cette
succession , à laquelle on touche, pour la première fois , se
trouve dès-lors liquidée pour les droits de la dame de Mont
losier, de toute la valeur de ce bien. Il ne restait plus de cette
succession que Chés-Sabi. L a dame de Montlosier, prévoyant
qu’elle pourra avoir à compter de la légitime de sa fille, laisse
lib re , pour satisfaire à cette légitime, ce domaine. Elle a soin,
même pour plus de facilité, de se le réserver en paraphernal.
La dame de Montlosier ayant ainsi, par un second mariage,
disposé de Recolène (le principal objet de la succession de JeanBaptiste), le père des appelans vit avec complaisance la légitime
de sa nièce, à laquelle il avait part, se placer sur les deux tiers
de C h é s - S a b i, dont il avait l'autre tiers. Cette circonstance lui
devenait favorable, soit pour défendre, contre les droits de la
première succession, son troisième tiers qu’on convoitait, soit
parce qu’il avait l’espérance qu’on lui céderait, par quelque
�.
jê b .
( T2 )
arrangement nmiable , .les deux
tiers qu’il convoitait à son
tour.
Cependant diverses personnes pressaient la dame de Montlosier de poursuivre rigoureusement ses droits.
Après y
avoir bien réfléchi, elle repoussa ce parti. Elle
venait de se remarier : par ce second mariage , elle avait
frustré sa famille d’une partie de ses biens. Son oncle n’en avait
pas montré trop d’humeur; elle en eut de la reconnaissance;
l’esprit de bonté prévalut chez elle sur celui d’intérêt. II fut
convenu que le sieur de Montlosier irait au T e ilh o t, demeure
de Jean de Servière, avec la commission de voir amiablement
ce qui pourrait être fuit de. m i e u x pour terminer tous les
diflërens.
Deux partis, à cet égard, étaient à prendre : le premier,
acheter le troisième tiers de Chés - S a b i , le réunir aux deux
autres tiers qu’on avait déjà en sa possession , et composer
ainsi un beau corps de domaine; le second, vendre à Jean de
Servière les deux tiers qu’on possédait, et lui laisser en entier
ce bien qui était à sa porte ; se débarrasser ainsi de toute
chance sur la légitime de Françoise - Marie , laquelle , en
supposant qu’elle fût quelque chose, s’y trouvait incluse : tels
les points convenus entre le sieur de Montlosier et sa
femme.
furent
L e sieur du Teilhot repoussa, dès le premier abord, la pro
position de céder, à la dame de Montlosier, son tiers de ChésS abi ; mais il entendit très-bien celle de lui acheter ses deux
tiers. Après quelques pourparlers, l ’argent à donner, ce qui
était un point important, fut convenu; il ne restait plus qu’ù
terminer.
Ici nous n’aurions plus qu’à rendre compte de l ’acte par
lequel on termina , si les appelons n’avaient jugé à propos de
�( i3 )
mettre en cause la procuration même dont on se servit : quel
ques mots sont indispensables à ce sujet.
Ne comptant à une premiere entrevue que sur de simples
pourparlers, ne sachant complètement si ces pourparlers au
raient un bon résultat, ni quel serait ce résultat, le sieur de
Montlosier était arrivé au Teilhot, sans procuration. Une fois
d’accord avec le sieur de Serviere, il était assez simple qu’il sc
retirât auprès de sa fem m e, pour se consulter avec elle et avec
des hommes de loi pour la rédaction de lacté. L a politesse la
plus affectueuse ne lui en laissa pas la liberté. On ne voulut
pas lui laisser la peine d’aller chercher lui-même cette procu
ration. L e père des appelans, qui avait peur que quelque chose
ne dérangeât les dispositions favorables du sieur de Montlosier,
s’obstina à le retenir au Teilhot : on dépêcha un exprès à la
dame de Montlosier.
Un acte de vente e'tait certainement la principale penscfe des
parties. De toute manière, une vente paraissait le meilleur ex
pédient, i.° parce que les parties étaient décidées à ne point
entrer dans une liquidation en règle de leurs divers droits suc
cessifs : liquidation à laquelle ils voyaient beaucoup de danger;
2.° parce que la grande probabilité pour les parties était que la
dame de Montlosier couvrait tout, et qu’en fin de liquidation il
aurait fallu en venir tout de même à une vente, pour faire passer
à Jean de Servière un bien qu’il désirait extrêmement et qui était
tout-à-fait à sa convenance; 3 .° enfin , parce que dnns tous les
cas le bon sens disait assez que, pour la partie minime et toute
chanceuse, appartenant à Françoise - Marie , les parties, qui
étaient en présence l’ une de l’autre, ne pouvaient jamais être
censées , l’une vendre cc qui ne lui appartenait p a s , 1 autre ache
ter ce qui lui appartenait. L a vente, dans ce cas, devenait bien
réellem ent, pour cette partie incertaine et éventuelle , une véri
table licitation, encore qu’elle n’cn portât pas le nom.
Une procuration pour vendre fut ainsi le principal objet en
�( i4 )
vue. Cependant nous ne voulons pas disconvenir que si cette
procuration eût été rédigée en la présence du sieur de Montlosier, elle aurait énoncé quelque chose des anciennes divisions
de la famille.
Cette idée n’échappa pas au sieur de Montlosier. Il écrivit
à sa femme de lui envoyer la procuration la plus am ple, no
tamment pour vendre, traiter et disposer de Chés-Sabi, comme
il entendrait.
L a dame de Montlosier envoya chez un notaire, à une lieue
de là , l’ordre d’expédier à son mari la procuration la plus
am ple, et les pleins - pouvoirs les plus étendus, notamment,
pour vendre et pour fa ir e du bien de C h é s -S a b i ce q u ’i l j u
g e r a it à p ro p o s. L e notaire, qui était étranger à des démêlés
éloignés de l u i , entendant ces paroles à sa manière , dressa
une procuration très-ample sur beaucoup de choses inutiles;
il ne fut bref que sur les points essentiels : il voulut bien
toutefois énoncer, d’une manière précise, le pouvoir de vendre.
11 ajouta m ê m e , mot pour m o t , les paroles de la dame de
Montlosier, et f a i r e d u d it bien to u t c e q u ’i l ju g e r a à p r o p o s ,
p o u r et au n o m de la dam e co n s titu a n te .
Cette procuration ayant été apportée a in s i, il n’était nul
lement commode, à dix lieues de distance, eu hiver, dans un
pays de montagne , d’en envoyer chercher une nouvelle. Les
parties finirent par se persuader q n’ elles pouvaient s’en servir,
telle qu’elle était. Jean de Servière acheta ainsi, le 3o janvier
17 8 3 , au prix radouci de 10,000 fran cs, un bien dont le
sieur
M
a z e r o n
offrait à la dame de Montlosier 12,000 fr. ; de,
p lu sf il obtint avec garantie une clause de référen ce au par
tage , ainsi qu’à la sentence de 1760 , clause qu’il désirait
beaucoup, et au moyen de laquelle ledjt partage et ladite sen
tence furent regardés entre les contractans comme définitifs.
Tel a été , dans toutes ses circonstances, l’acte par lequel
�( i5 )
Jean de Servière acheta les biens passibles de la succession
de Françoise-Marie sa nièce. On peut dire, tant qu’on voudra,
que cet acte fut mal réd igé, en ce qu’on n’y énonça pas ,
d’une manière précise, l’intention des parties, soit sur la suc
cession de Gilbert , soit sur celle de Françoise-Marie. Mais ,
d’un côté , les circonstances antérieures et contemporaines dé
cèlent suffisamment cette intention : d’un autre c ô té , les effets
font foi, à leur tour, de celte intention. Dès ce moment, toutes
les anciennes discussions sont complètement terminées : les deux
familles se visitent et se voient habituellement; plus de mention
du passé. Pendant vingt-huit a n s , il ne s’ élève aucune récla
m ation, ni de la part de la dame de Montlosier, qui retire
et acquitte à ses frais toutes les pièces de l’ancien procès, ni
de la part du père des appelans , qui survit cinq ans à cet
acte, ni de la part des appelans eux-m êm es, pendant les vingtdeux ans qui s’écoulent depuis la mort de leur père. lia famille
Servière ne songe plus à la succession de Françoise-Marie ,
dont la dame de Montlosier se croit entièrement libérée ; et
la dame de Montlosier ne songe pas davantage à la succession
de Gilbert de Servière, sur les poursuites de laquelle la famille
Servière se croit parfaitement acquittée.
Il nous reste à montrer comment l’année 1809 est venue
tout à coup changer ces dispositions.
Trois sortes de motifs avaient déterminé dans l’acte de 1783
la conduite de Jean de Servière : le premier, la nullité de la
succession de Françoise-Marie; 2.0 la crainte des recherches sur
la succession de Gilbert ; 3.° le désir d ’acquérir les deux tiers
de Ghés-Sabi, qui étaient à sa porte, et dont il possédait 1autre
tiers. En l ’année 1809, ces trois bases se trouvèrent tout a coup
déplacées.
■Et d ’a bo rd il faut s avoir q u e le do ma in e d e R ecolène, p r i n
c i pal bi en de la succession de J ea n - B a p t i s t e , ayant été ancien
nement r o t u r i e r , c ’est-à-dire c h a r g é de d î m e , de perrière et de
�\ /r<*.
( i6 )
cens, et la terre d’Arsège, au contraire, principal objet des re
prises de la dame de Montlosier, étant une terre en toute justice
haute , moyenne et basse, avantagée de tous les droits seigneu
riaux, la révolution, q u ia supprimé tous les droits seigneuriaux,
a par-là même élevé Recolène de valeur, et abaissé Arsège.
M . Lecourt ayant précisément vers ce tems acheté Recolène à
un prix très-élevé, pour ne pas dire exagéré, cette différence
dans l’ancienne balance d’actif et de passif de la succession de
Jean-Baptiste, devint manifeste.
Nous supposons ici que la terre d’A rsège, principal objet de
reprise de la dame de Montlosier, sera estimée en nature; s i ,
au contraire, on vient à la porter seulement à son prix de vente
de 1767, comme le veulent les appelans, ce prix ayant été alors
excessivement b as, et par le laps de tems ce bas prix ayant en
core baissé , à cause de la progression des terres et de la station
de l’argent, il se trouvera que ce prix aujourd’hui n’aura pres
que plus de valeur.
Il en sera de même du prix de la moitié de Chés-Sabi, autre
objet des reprises de la dame de Montlosier , ainsi que des
3,000 francs de trousseau et des autres dettes acquittées. Tout
11e formera plus aujourd’ hui que de petites sommes, compara
tivement à leur valeur foncière il y a cinquante ans.
U n autre é v é n e m e n t , p r o pr e à l ’a nné e 1809, vi ent e n c o u
r a ge r les projets des appe la ns. Dans 1111 procès de f a m i l l e , qui eut
m a lh e u r e u s e m e n t de l’c c l a t , et où plusieurs m é m oi re s i m pr i mé s
f urent r é p a nd u s a ve c p r o f u s i o n , il devi nt notoire que le sieur
de Mo ntl osi er avait per du à la r é vo l ut io n tous ses papiers. Cette
ci rconstance n ’ est pas de peu d i mportance au p ro cè s; car le
si eur de Mo n t l o s i e r aura per du de cette mani ère les titres et
lettres de sa f e m m e , re la ti ve ment à la négociation de 1783; il
aura perdu de m ê m e les lettres qui furent écrites à ce ll e* ci p ar
la mère des a p p e l a n s ; il aura perdu encore la reconnaissance
q u e lui d o n n a sa f e m m e , par-devant t é m oi n s , du p ri x de Chés-
Sabi ,
�( *7 )
Sabi, qu’il lui apporta; enfin, il aura perdu tous les anciens
titres de reprise et de créance de la part de la dame de Montlosier, soit contre son premier mari, soit contre le père des appelans; de manière que toutes les anciennes procédures, relativement à la succession de Gilbert de Serviere, pourront être
présentées aujourd’hui comme une niaiserie ou une chimère.
Les sieurs et demoiselle de Servière veulent expliquer par
leur ignorance leur silence de 28 ans. Ils invoquent une pré
tendue révélation subite qui leur a été faite de leurs droits en
1809.On peut sans miracle expliquer la différence de la conduite
de leur père et de. la leur.
i.° En 1791, la succession de Françoise-Marie n’était rien
pour leur père ; aujourd’hui, d’après les changemens survenus,
ils ont calculé qu’elle était quelque chose.
2.0
E n supposant que la succession de Françoise-Marie eût
alors quel que réalité, Jean de Servière était contenu par l’ins
tance pendante , relativement à la succession de Gilbert de Ser
vière, ainsi que par quarante ans d ’intérêts et de jouissances.
Aujourd’h u i, par la perle des papiers du sieur de Montlosier,
cette instance aura disparu; ou bien, par le laps de teins, elle
sera prescrite.
3 .° Jean de Servière regardait comme une grande fortune
pour lui de recouvrer les deux tiers de Chés-Sabi qui lui avaient
été arrachés, et de les rattacher au troisième tiers qui était dans
ses mains. A ujourd’hui Chés-Sabi est entre les mains de ses enfans ; ils n’ont aucune crainte qu’il leur échappe.
C ’est ainsi que les anciennes bases de la c o n d u i t e de Jean
de Servière ayant disparu, et des circonstances nouvelles étant
survenues , les enfans de Jean de Servière se prévalant de la
rédaction peu soignée de l’acle de 17O3, ont elé amènes à
croire à une grande facilité dans leur attaque , et a un grand in
térêt a celte attaque.
Tel est l’historique des faits. Nous allons passer à la discüssion.
�• jr i( 18 )
SECONDE
PARTIE.
Discussion sur les points de fait.
P
r e m i è r e
A
l l é g a t i o n
d e s
A
p p e l a n s
.
L e s anciens dém êlés sont étrangers à la cause.
Les appelans recherchent au Bout de 29 ans line succession
dont ils détiennent les biens; passe. Seulement, comme ils re
cherchent leurs vi eux droits , on doit croire q u ’ ils nous p er
mettront de rechercher aussi les noires. Il semble que ceux qui
forment une demande, tout juste la veille d’une prescription à
échoir, montreront quelque réserve à opposer eux-m êmes la
prescription. A l’époque où la succession qu’ils réclament s’ouvrait, comme ils étaient comptables d’une autre succession , il
est probable qu’ils 11e voudront pas repousser l’une, en recher
chant l’autre. C ’est seulement par erreur, disent-ils, que pen
dant 29 ans, eux et leur père ont négligé ce qui leur était dû ;
ils ne se feront pas un titre de celle erreur pour se libérer de ce
qu’ils doivent. De toutes manières les intimés ont dû compter
que les nppelans proposeraient, en tout et pour t out , de se re
placer à l’époque de la succession qu’ils réclament.
Point du tout. L e palais a été témoin, en ce gen re, du plai
doyer le plus inoui. Les appelons entendent se placer pour leurs
droits à l’époque du décès de Françoise-M arie; ils n’entendent
pas que nous nous y placions pour les nôtres; ils s’excusent débonnairement de leur négligence; en même-tems ils la mettent
à prolit. Si leur prétention est admise, ils se trouveront n’avoir
négligé leurs droits, que juste le lems qui était nécessaire pour
faire prescrire les nôtres. J£n mi m ot, la veille d’une prescription
�( *9 )
à échoir se trouvant pour eux le lendemain d’une prescription
échue, ils s’autorisent de cette double circonstance pour réclamer ce qui leur est dû , et se déclarer acquittés de ce qu’ils
doivent. Examinons d ’abord celte prétention.
Les appelans veulent séparer les anciennes répétitions de la
dame de Montlusier, sur la succession de Gilberte, de leurs droits
sur la succession de Françoise-Marie. Mais comme la succession
de Françoise-Marie, en faveur de Jean de Servière, s’est ou
verte en même-tems que l’ancienne succession de Gilbert au
profit de la dame de Montlosier contre Jean de Servière , se
débattait , lès deux parties réciproquement partie prenante
dans une des successions, et partie comptable dans l’autre, se
sont trouvées dans le cas de la compensation. D ’un autre côté il
faut remarquer que la succession de Françoise-Marie, qui n’est
pas encore liquidée , doit se former sur celle de Jean-Baptiste,
Son père; qu’à l’exception du domaine de I l e c o l è ne , la succes
sion de Jean-Baptiste n’est pas plus liquidée que celle de Fran
çoise-Marie, et qu’elle doit se former sur la succession de Gilbert
de Servière , son père. Dès-lors, les trois successions, celles de
Françoise-M arie, de Jean-Baptiste, de G ilbert, forment dans
la cause un tout homogène.
E n parlant de ce p o in t, on verra au premier abord , que
la recherche des appelans , sur la succession de Françoise*
Marie, n’a pu avoir lieu, sans déterminer de la part des intimés,
sur les successions de Gilbert de Servière et de Gilberte Dupeyroux , une recherche correspondante.
E n effet, si l’acte de 17O3 n’a été, comme les sieurs et de
moiselle de Servière le prétendent, qu’une simple vente ; s’il
n’a eu aucun trait aux diU’érens passés ou présens de la fam ille,
il s’ensuit que l’opération des experts et la sentence de 1760,
qui s’y trouvent mentionnés, ne sont qu’une vaine énonciation.
6
�\ jr 4 .
( 20 )
Les partages de la succession de Gilbert de Servière et Gilberte
Dupeyroux ne sont donc pas encore terminés. Les appelans ont,
à cet égard , à compter avec nous pour des sommes considé
rables, a v e c soixante-dix ans d’intérêt, et les intérêts des intérêts
depuis l’époque de la demande.
Les appelans ne se sont pas donné la peine de répondre à ces
fails dans leurs précédentes écritures. Mais, dans leur nouveau
mémoire imprimé, ils commençent à entrer dans la question :
« L e besoin de l’ une des parties, disent-ils, lui a commandé de
« compliquer un peu plus l’affaire. Une vieille procédure a
« été exhumée; et en liîr o , pour la première fois, on a pensé
« à interjeter appel d ’ une sentence rendue contradictoirement
« en 1760 , et exécutée très - volontairement dans
le courant de
« la même année (pages 2 et 12 ) ».
Lorsqu’argunnt d’une omission de qualité dans l’acte de 1783,
les appelans prétendent que Jean de Servière, qui était réelle
ment cohéritier, n’a pas a ch eté, comme cohéritier de sa co
héritière, ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent. Nous ne pouvons
leur répondre à cet égard que par la loi et par des fails; car nous
n’avons plus à notre possession les monumens et correspondances
du tems; mais quand ils parlent de la sentence de 1760, et
qu’ils en repoussent l’a p p el, sous prétexte que cette sentence a
été sig n ifiée, cl très - volontairem ent exécutée dans l ’antiee t
cette sentence se trouve heureusement en notre possession ; et
en ce point, au moins, nous pouvons abattre leurs assertions.
Suit l’ extrait suivant de ladite sentence : a Délivré copie de la
« présente sentence à M .e Claude -A m able V e r n y , procureur
« du sieur du Teilhot , sans icelle approuver aux chefs dont
« ledit sieur de Servière, capitaine, et ledit sieur de Servière de
« l ’Etang, tuteur,
sont
grevés, et par exprès en ce qu’on n’a
»' pas admis la preuve de la consistance du m obilier, suivant
�'
( 21 )
« la commune renommée, et que sur la demande en préléve«
«
«
«
«
«
«
«
ment de 2,000 francs , constituée à Gilberte Dupeyroux , les
parties sont mises hors de Cour, et le tuteur, quant à ce,
débouté de sa demande en entérinement des lettres; protestant, au surplus, de mettre la susdite sentence a exécution
pour les autres chefs, sauf à se faire faire raison du surplus
du mobilier et de la somme de 2,000 f r . , s’il est ainsi dit dans
la suite , sur Vappel que lesdils sieurs de Servière et de
V E tang, tuteur, protestent d’interjeter en la Cour de parle-
« m ent; dont acte; fait le 7 août 1760 ».
Nous venons de voir la sentence: voyons actuellement le par
tage. Ce prétendu partage se trouve n’être ni homologué, ni
expédié, ni.signé, ni signifié; les parties ne veulent pas plus le
sanctionner que la sentence.
« E t , d’autant q u e , suivant la susdite sentence, il est porté
« que nous, experts, ferons délivrance a u x parties de chacune
« sa portion, aurions fait lecture de notre présent rapport, con
te tenant partage auxdits sieurs du T eilhot, de Lim e - D ragon,
« fondé de la procuration du sieur de Servière, capitaine, et
« audit sieur de Servière, tuteur, pour savoir s’ils voulaient ap
te prouver ledit partage , et accepter lesdites délivrances par
« chacun leurs signatures; iceux nous ont dit et déclaré chacun,
« à son égard, qu’ils ne voulaient point signer ni approuver
« ledit partage; et qu’au contraire, ils entendaient se pourvoir,
« tant contre ladite sentence, de laquelle ils ont respectivement
« protesté d’appeler par les significations qui ont été faites
« d’icelles, et par le procès-verbal de notre nomination d experts,
« que contre le partage par nous fait ».
On voit par ces deux pièces , qu’à l’époque de 1acte de 1783,
rien n’était encore fini sur la succession de Gilbert dans la
quelle néanmoins devait se prendre la succession de JeanBapiiste, et dans celle-ci ¿1 son tour, la succession deFrançoiseMarie.
- SïJ.
�( ^2 )
De cet état de choses sortent avec évidence les deux points
suivans : i.° qu’il n’y a point de prescription possible sur les deux
premières successions, tant qu’il n’y en a pas sur la succession
de Françoise-Marie; 2.° que la succession de Françoise-Marie,
dans quelque hypothèse que ce puisse être, est nulle et moins
que nulle. Etablissons ces deux points.
Et d’abord, voilà au moins , dans les deux actes que nous
avons cités, quelques traits de cet appel , dont on nous a
reproché de ne pas même offrir de trace (dernier mémoire).
A yan t perdu tous nos papiers , ce n’est pas notre faute , si
nous ne représentons pas aujourd’hui la procédure; du moins
nous avons retrouvé, ù ce s uj e t , dans un vieux résidu, c h e z
M . Chas sai ng de S a i n t - A m a b î e , des lettres du fotidé de p r o
curation des parties, à Paris. Dans l’une, en date du i 3 janvier
176 1, il est dit : « J yenvoyer ai chez vous et le r e lie f d 'a p p el,
« et Vargent nécessaire pour le fa ir e signifier par le G ran d ,
au Teilhot : i l en sait le chem in ».
Dans une autre lettre du 22 janvier de la même année, il
est dit : « Quant à Vaffaire contre M. du T e ilh o t, mon p ro
cureur doit avoir le v é le r elief intervenu ».
Nous n’avons pas négligé de rechercher ce relief aux ar
chives du Parlement. Une lettre de M. le dépositaire, chef
de' la section judiciaire des archives de l’Empii'c , qui altcslo
avoir f a i t , à cet égard , des recherches infructueuses , porte
qu’il ne peut assurer que les reliefs de l’année 1761 soient dans
son dépôt : « A yan t été chargé de ces minutes en bloc, et sons
« aucun inventaire préalable, et n’ayant d’ailleurs trouvé qu’ une
« très-petite portion des registres d’entablement dressés par les
« anciens procureurs au Parlement, greiliers, gardes de ces
'
« minutes ».
Après avoir établi à la Cour l'existence de cet a p p e l, pai’
toutes les preuves qui sont en notre pouvoir , nous ne pce-
�( 23 )
tendons pas exciper de ces preuves, comme si elles établissaient
un appel réel : nous n’en avons nul besoin. Il nous suffit de
remarquer, i.° que la sentence dont il s’agit n’a pas été signifiée
par le sieur du Teilhot, à Jean-Baptiste et a la dame de Montlosier que les intimés représentent, et que , par conséquent^
n’ayant pas été constitués en demeure par un acte du sieur du
T eilh ot, la prescription de dix ans n’a pas couru contr’eux.
Il est vrai que la sentence a été signifiée par eux : mais ils
n’ont pu, par leur fait propre, se constituer en dem eure, et
ag ir contr’eux-mêmes. Ils ont signifié d’ailleurs avec protestation
d’appeler. D ’un autre côté, la dame de Montlosier n’ayant été
majeure qu’en 176 5 , et ayant épousé son oncle Jean-Baptiste
en 1767 , celui-ci n’est mort qu’en 1780. En 17 8 1, époque du
décès de Françoise-Marie , il n’y avait encore que trois ans
d’écoulés. Depuis celle époque, la dame de Montlosier s’étant
mise de nouveau en puissance de mari en l'année 1 7 8 2 , et
à l’époque de sa mort , les sieurs et demoiselle de Servière
étant devenus n l’instant même ses héritiers de droit , ils ne
peuvent plus nous opposer, pour leur profit, un tems de pres
cription qui a été leur ouvrage.
Ils disent bien, à la vérité, dans leur mémoire, que les héri
tiers bénéficiaires qui ont pris leur p lace, ont du prendre les
choses dans l'éta t où elles é ta ien t; mais en vérité, plaidant
en répétition contre nous, et nous opposant une prescription
que nous n’avons pu empêcher par aucune voie, et qui est tout
entière de leur fait, ce serait un peu trop fort.
M a i s c’ est trop nous appesantir sur ce point. L e partage de la
succession de F r a n ç o i s e - M a r i e n ’étant point f a i t , du moins dans
1 hypothèse des a p p e l a n s , et les biens aHectés a celle succession
se t ro uva nt a pp a rt e ni r en partie à la succession de Gilbert, tant
q u e le pa rt ag e de la succession de Françoi se-Marie , q u i doit se
i o r m e r dans la succession de J e a n- Ba p ti s te , et celle-ci dans la
�( M
)
succession de G ilb e rt, n’est pas fait, l’état de l’une commande
l ’état de l’autre.
T
II nous reste à traiter le second point, c’est-à-dire que la suc
cession de Françoise-Marie est, dans tous les cas et dans toutes
les hypothèses possibles, évidemment nulle.
Nous avons vu , par le compte rendu dans la première partie,
que la succession de Françoise-Marie, laquelle devait se former
pour un tiers dans la succession de Jean-Baptiste , se montait,
déduction faite des reprises de la dame de Montlosier, à une
modique somme de 913 francs, sur quoi Jean de Servière avait
à prendre pour sa moitié 456 francs 10 s. Cette situation, qui
fatigue les appelans, relativement à leurs espérances ultérieures
au procès, les fatigue encore pl us , relativement nu sens de l ’acte
de 1783 , qu’elle explique trop bien ; ils s’efforcent lant qu’ils
peuvent de la changer.
Ils n’ont pas voulu s’expliquer à cet égard dans leur dernier
mémoire; mais dans leurs précédentes écritures, nous voyons
que sans déranger l’évaluation de la succession de Jean-Baptiste,
qu’ils passent comme nous à 40,000 f r . , ils tâchent d’abaisser au
moins, du côté de la dame de Montlosier, la masse des reprises.’
Leur querelle porte principalement sur la terre d’Arsège, que
nous avons estimée en nature à la somme de 3o,ooo fr., non
qu’ils contestent cette valeur en s o i, niais parce qu'ils prétendent
que Jean - Baptiste ayant reçu de sa (emnie la permission de
ve nd re , et ayant vendu au prix de 7,500 fr. , ce n’est plus que
la somme de 7,5oo fr. qui doit ôtre portée pour ses reprises.
Celte difficulté, en point de fait, dépend de la solution d ’un
point de droit. Il s’agit de savoir si la terre d’Arsège , bien dotal
de la dame de Montlosier, vendue par son mari, sera rapportée
çn nature, ou seulement a s011 prix de vente. La dame de Mont
losier a permis sans doute, dans son contrat de m ariage, de
vendre
�•t v - ^
'( 25 )
vendre ses Liens. Elle ajoute : mais à la charge néanmoins de
fa ir e em ploi des deniers qui proviendront desdites v en tes, en
acquisition de fo n d s . L a condition du remploi en acquisition
de fonds est ici intégrante; et elle a de plus poui elle la faveur
que la coutume d’Auvergne donne en général à la dot des femmes.
Les appelans
con vien nen t
que le commencement de cette
clause est contr’eux ; mais ils répliquent qu à la suite de cette
condition expresse de faire remploi en acquisition de fon ds, la
dame de TÆontlosier a demande que ces fonds fussent certains
et suffisons pour en répondre. De cette clause, ajoutée par la
dame de-Montlosîer, en addition de précaution pour elle et
d’agravation pour son m a r i , ils en font une clause de modifi
cation et d’atténuation. Suivant eux, la dame de Montlosîer au
rait commencé sa phrase par commander à son mari le remploi
en fonds ; elle aurait fini cette même phrase par l’en dispenser.
C o m m e n t
ne pas s’apercevoir que la d ame de Mont losîer a voul u
le rempl oi fût fait en acquisition de fonds. Crai gnant
ensuite que ces fonds fussent ou insullisans, ou achetés de mau
vais vendeurs , elle est revenue sur sa clause, et a exigé que les
d ’abord que
fonds qu’on lui rendrait en place de ses biens dotaux fussent
certains
et sufiisans pour répondre de la valeur de ses fonds.
L e non accomplissement d’une condition aussi importante et
aussi impérative ne peut profiter aux héritiers de Jean-Baptiste
contre les héritiers de la dame de Montlosîer. Arsège sera
compté selon sa valeur réelle et non selon son prix de vente. L a
portion afférente des appelans sera ainsi fix é e , ainsi que nous
l’avons calculé, à la somme capitale de
456 fr. 10 s.
Tandis que les sieurs et demoiselle de Servièie plaident avec
fracas , qu’ils mettent six parties différentes en cau.se , pour la
répétition d’une somme de 456 fr. io s. , ü es* Cl,iieux de con
naître les sommes dont ils sont comptables eux-mêiues sur la
succession de Gilbert de Servièrc , grand-père commun.
7
�u
( ^6 )
On volt, soit dans la signification de la sentence de 1760,
soit dans les dires rapportés au procès-verbal des experts, soit
dans d’autres pièces , une grande irritation de la part de la dame
de Montlosier et de Je an- B ap t is t e, son premier mari, contre
cotte sentence. Elle contient en effet trois dispositions également
révoltantes.
Et d’abord, la dame de Montlosier et son mari avaient de
mandé. que la consistance du mobilier Fût établie d’après la com
mune renommée. Qu’ordonne la sentence ?,
Que les experts estimeront le mobilier selon Vêtat que ledit
Jean de Servière en a f o u r n i, en affirmant néanmoins par
ledit de Servière du T e ilh o t , par-d eva n t le com m issa ire-ra p
p orteu r , p a rties p résentes ou dûm ent a p p elé e s, qu e lesd its
états sont sincères et véritables, et q u 'il n'a trouvé lors du
décès de son p è r e , d'autres meubles et b estia u x, que ceu x
compris en iceux.
De cette m anière, la consistance du mobilier, tant en bes
tiaux que meubles, se trouva monter à rien. Cependant, au
moyen de plusieurs renseignemens très-positifs et très-précis,
la dame de Montlosier et Jean-Baptiste s’étaient assurés qu’une
quantité de bestiaux des domaines avaient été déplacés et vendus.
Par rapport à l’argent, le scandale était encore plus grand : il
11’y avait qu’ un seul bruit dans le pays relativement aux sommes
énormes laissées par Gilbert de Servière à son décès. Ces sommes
s’étant découvertes dans la suite, i.° par l’acquisition que Jean de
Servière fit de la terre de Glenat, et qu’il paya comptant; 2.0par
le traité qu’il fi1 avec son frêre et trois de ses sœurs, qu’il paya
également comptant; et enfin, par l’acquisition même de ChésS a b i, qu’il fit en 1783, et qu’il paya également comptant, on
voit que sur ce point Jean-Baptiste et la dame de Montlosier
avaient lieu d’êue assez peu satisfaits de la sentence de 1760,
�(
27 )
qui avait établi en faveur de Jean de Servière la consistance
du mobilier sur un simple état de lui affirmé.
L a sentence de 1760 contient contre la dame de Montlosier
particulièrement une seconde disposition euoore plus agra
vante.
Gilbert de Servière avait reçu de Gilberte Dupeyroux , sa
seconde femme, une somme de 2,000 francs faisant partie de
sa constitution dotale. Que fait Gilbert pour sauver Jean ,
son fils favori , de la restitution de cette dot ? Il imagine
de faire faire à Louise D upejroux , sa b elle-sœ ur, par un
traité du 17 mai 17.30, une reconnaissance de la somme de
5 ,85o francs, montant, est-il d it, de dépens, fournitures ou
fr a is de voyages qu’il a faits dans la poursuite d’une affaire
commune avec Gilberte D u p e jro u x , sa femme, et sur laquelle
il y nvnit eu , entre les p ar t ies , mie ti'ansaction amiable. C ’est
ce traité portant reconnaissance de la somme de 2,000 francs,
par Louise Dupeyroux , acte tout à fait étranger à Gilberte
Dupeyroux , que la sentence de 1760 applique à ce lle -ci
comme devant elle-m êm e supporter en défalcation de sa dot
un retranchement correspondant de 2,000 fr. Il suffit d’énoncer
une telle disposition; elle ne pourrait tenir sur l’appel : elle est
révoltante.
E n fin , une troisième disposition est relative au domaine et
moulin de Roubrat. L a sentence porte :
«
«
*
a
«
a
« Et sur la demande formée par ledit tuteur ( la dame de
Montlosier) , en prélèvement du domaine de R oubrat, ordonnons que les parties contesteront plus amplement, ainsi
que sur la demande formée par ledit du Teilhot contre ledit
tuteur, en rapport de la valeur d’un cheval hainache et de
deux coffres remplis de linge qu’il prétend avoir été délivrés
nudit défunt Jacques de Serviere, son Irere, sans néanmoins
8
�.\V„
( 28 )
que pour raison de ce , ledit partage puisse être sursis, à
« l’exception d’un huitième qui demeure réservé ».
k
On voit d’abord l’excès de faveur de cette sentence. Comment
la dame de Montlosier demande à prélever un domaine dotal
de sa grand’mère; et, sous prétexte que Jean de Servière op
pose en compensation un cheval harnaché et des coffres de
linge, qu’il dit avoir donnés à Jacques, son frère, on sursoit
à la répétition !
Maïs ce que nous avons sur-tout à faire remarquer, c’est
l ’excès d’imprudence des sieurs et demoiselle de Servière : à l’aide
du tems et de l’abolition de tous les souvenirs, q u ’ils aient espéré
échapper à la recherche de l’ancien mobilier de Gilbert de
Servière : passe ; mais sur la somme de 2,000 f r . , effacée de la
constitution dotale de Gilberte D u p eyrou x, sous prétexte d’un
traité de Gilbert de Servière avec sa belle-sœur, traité où celle-ci
veut bien se reconnaître tenue à 2,000 fr. pour les frais d’un
procès , ils ne peuvent sûrement échapper à la révision d’un
arrêt sur ce point.
D ’un autre côté , ils prétendent ne pas savoir ce que c’est que
le domaine et le moulin de Roubrat; mais cette ignorance meme
devrait les effrayer. 11 n’est pas tout à fait improbable qu’au
moment actuel ce domaine et ce moulin , qu’ils ne connaissent
p as, se trouvent valoir 3o,ooo fr. Triplons ensuite ce capit al ,
a cause des intérêts depuis soixante-dix ans ; voila aussitôt 1111
total de 120,000 fr. Ajoutons-y la sorrïîiifédè 2,000 fr. avec l’ad
dition de trois fois le capital depuis soixante-dix ans; voilà
128,000 fr. Comment! il se trouve des jurisconsultes q u i, con
seillant le sieur de Serviere , le jettent dans un procès , où ayant
d’un côté à répéter une somme de
fr* 10 s. (1,000 fr. avec
trente ans d’intérêts), ¡1 a d’un autre coté à compter d’une
somme de 128,000 fr. ! Comment ! il se trouve des jurisconsultes
qui placent ainsi leur client dans le dilemme d’être accablé de
�( 29 )
frais s’il vient à perdre son procès , et d’être ruiné de fond en
comble s’il a le malheur de le gagner ! ! !
Nous devons croire que la Cour, souveraine arbitre de ce
diiïei’end, sera plus sage que le sieur de Servière et ses conseils.
En attendant nous voulons bien le rassurer au moins sur un
point; c’est que le domaine et le moulin de Roubrat, vendus
à Michel Coulongeon, par acte du 7 octobre 1722, n’apparte
nait pas en entier à Gilberte Dupeyroux; elle en jouissait con
jointement avec Marie Bougnol, fille et héritière d’Antoinette
D u p e yro u x , sa tante, et Louise D upeyroux, sa sœur, veuve
de Jean Magne. Mais enfin , en rabattant tant qu’on voudra
de nos droits sur ce domaine et sur ce moulin ; quand on sup
poserait qu’ils ne montaient aujourd’hui qu’à 4,000 Francs ;
avec soixante-dix ans d’intérêts, cela formerait au moins une
somme de 16,000 f r . , q u i, jointe à celle de 8,000 f r . , prove
nant des 2,000 fr. de la constifulion dotnle de Gilberte Dupeyroux , formerait encore un total de 24,000 fr., dont les appelans
se trouveraient comptables.
Après cela , qu’ils restreignent Arsège tant qu’ ils voudront ;
qu’ils le portent même , s’ils veulent, à son prix de vente; au
lieu delà somme de 4^6 fr. 10 s. pour leur portion afférente, ils
ne parviendront ainsi qu’à une somme de 4,000 fr. (1) , laquelle,
doublée par les trente ans d’intérêts, leur laisserait encore à solder
sur les 24,000 fr. ci-dessus une somme de i 5 à 16,000 fr. La
demande des sieurs et demoiselle de Servière n’aura été pour eux
que d’un très-léger inconvénient, s’ils viennent à perdre leur
procès. S ’ils avaient le malheur de le gagner, ce succès devien
drait une grande charge, peut-être une ruine.
(*) E11 effet, co ne serait plus dans ce c a s , au ^elt ^ une so,ntne de
37,200 fr. Je reprises, que nous avons établie, Hue ce^e de *4,000 fr. ,
qui ne laisserait sur celle de 40,000 fr . , valeur ostensible de la succession
do Jean-Bnptiste, rjUe celle de 25,800 fr., dont le tiers 8,400 f r . , partagé
en deux parts, laisserait aux appelons celle de 4,200 fr.
�( 3o )
I I .e
A l l é g a t i o n
d e s
A p p e l a n s .
L a vente de 1783 a été une vente ordinaire ¡u n acte d'étranger
à étranger.
Il se trouve q ue, par l’acte de 1783, la dame de Montlosier
a reçu 10,000 fr. Sur une succession nulle ou moins que n u lle ,
on doit croire que son intention n’était pas de donner gratuite
ment à son oncle le bien de Chés-Sabi. L a somme de 10,000 fr.
devenait ainsi nécessaire pour la solde de ses reprises, qui
n’étaient pas remplies par Recol ène ; elle pouvait être regardée
aussi c o m m e une indemnité des successions anciennes, que l ’acte
de 1783 lui faisait abandonner.
Les parties ne s’étanf pas explique'es sur ces points, les appe
lans profitent de cette circonstance pour faire regarder l’acte
de 1783, comme une vente ordinaire, où tout a été égal de
part et d’autre. «Il est vrai, disent-ils, que nous détenons les
a biens soumis à la succession de notre cousine; mais nous en
« avons payé le prix ; c’est comme si nous n’en avions rien eu ».
Nous ne prétendons point repousser désobligeamment cette
objection ; nous allons, au contraire , indiquer aux appelans
un moyen de lui donner un grand éclat. Qu’ils nous fassent
signifier la déclaration suivante :
« Attendu que l’acte de i 783 a été entre les parties l’effet
« de l’ignorance et de la méprise, nous ne voulons point qu’on
« nous oppose cet acte sur la succession de noire cousine; mais
« nous ne voulons pas non plus en tirer avantage; qu’il soit re« gardé entre nous, comme nul et non avenu, lleplacons-nous,
« en tous les points, au même et semblable état où nous étions
« à l’époque du décès de Françoise-Marie ».
�( 3i )
Si les appelans ne nous font point signifier cette déclaration
sur laquelle nous les provoquons, c’est que , par l ’acte de
17 8 3 , la dame de Montlosier, non - seulement ne leur a pas
fait payer la convenance de Chés-Sabi, mais encore qu’elle leur
a donné, pour 10,000 fr., un bien dont elle trouvait 12,000 fr.
Ils veulent conserver les avantages de l’acte de 1783, sans en
avouer le principe : ils le pèsent dès-lors à deux balances. Comme
premier acte entre cohéritiers, comme pouvant s’entendre de
l ’absorption que leur père aurait voulu faire de ses droits, cet
acte est sans effet : les parties ne savaient ce qu’elles faisa ien t.
Mais comme vente, comme ayant transmis à un prix avan
tageux, un bien situé à leur porte, enclavé dans leurs posses
sions, et composant les deux tiers d’un corps de domaine, dont
ils possédaient l’autre tiers, les parties savaient très-bien ce
qu’elles faisaient ; ou si elles ne le savaient pas, c’est égal. L ’œuvre
de l ’ignorance, en ce p o i nt , doit demeurer stable.
Il en est de même de l’ancienne succession ; ils la repoussent
par la prescription, en nous demandant trente ans d’intérêt
sur la nouvelle. Les mains garnies ainsi de 20 à 3o,ooo fr.
des successions antérieures ; les mains garnies pareillement sur
la succession de Françoise-M arie, les sieurs et demoiselle de
Servière prétendent n'avoir rien eu.
Nous disons que la vente de Chés-Sabi, au prix de 10,000 f . ,
s’est faite à un prix adouci. Il ne s’agit pas de comparer ce
prix à des prix antérieurs. Nous offrons de p r o u v e r q u ’alors
même des étrangers , et entr’autres , le sieur M a z e r o n , en
offraient à la dame de Montlosier 12,000 fr.
Nous faisons plus.
Il est reconnu que depuis iy 83 les biens fonds ont augmenté
de quelque chose; mais d’abord ce n’est certainement pas du
double. H faut remarquer ensuite, que cest sur-tout à cause
de la libération des dîmes et des droits féodaux. Or, Chés-Sabi
�(
( 32 )
n’est pas dans ce cas ; il a toujours été allodial. Eh bien ! que
les appelans consentent à nous livrer aujourd’hui les trois tiers
réunis de Chés-Sabi !, nous les prenons pour 3o,ooo fr. : c’est
justement le double du prix des deux tiers, par l’acte de 1783.
Dans l’acte de 1783, tout a été égal entre les parties. Que
signifie donc, dans cet acte , la clause si soignée et si détaillée
de référence à l’opération des experts de 1760, consacrée
comme partage définitif, lorsque dans la réalité ce partage
n’avait été ni homologué , ni signifié , ni signé , et qu’au
contraire il y avait eu jusqu’alors protestation continuelle contre
ce prétendu partage ?
Il ne faut pns oublier que depuis cet acte seulement , le père
des appelans a commencé à jouir avec sécurité , non-seulement
de tout Chés-Sabi , mais de sa propre terre du T e i l h o t , terre
engagée jusque-là dans les chances dangereuses d’un long et
grand procès.
Sous ce point de vu e, le partage de 1760 qui était informe,
et qui est consacré par la vente de 1783 , a une liaison essen
tielle avec les intentions et le sens de cette vente. En effet, le
domaine de Chés-Sabi ne pouvait être vendu par la dame de
Montlosier, et acheté par le sieur de Servière régulièrement,
que parce qu’il était reconnu comme appartenant à la dame
de Montlosier; et il ne lui appartenait, que parce que toutes
les autres propriétés de la succession de G ilb e rt, et celles du
Teilhot même étaient consacrées par cet acte en faveur de M. dll
Teilhot; celui-ci trouvait d o n c, et dans cette acquisition, et
dans la consécration de ses autres propriétés, le prix de son
consentement a terminer tout.
On veut que ce soit là un pacte d’étranger à étranger. M M . de
Sèze , Calissane et Bélard , dans leur consultation , répondent
que l’acte tout entier repousse celte idée. « Qu’eût fa it, disent-ils,
un étranger? il eût voulu connaître le titre eu vertu duquel
Madelaine
�( 33 )
Madelaîne de Servière était propriétaire du bien qu’elle lui
transmettait. A u contraire, Jean de Servière ne s’embarrasse
pas de prouver que Madelaine était propriétaire , mais que
c ’était Jean-Baptiste, sur la succession duquel Françoise-Marie
avait à prendre sa légitime. Un seul titre de propriété est indiqué
dans l’acte, et ce titre est le partage de 1760 ; et comme il y avait
été partie, on ne peut pas dire qu’il en ignorait les dispositions
ni les réserves ».
« Il est vrai que par ce partage Madelaine de Servière pouvait
être réputée propriétaire de la moitié de l’objet vendu. Mais
Jean de Servière savait très-bien que sa nièce avait vendu,
en 1765, cette portion à Jean-Baptiste. L ’acte de 1783 prouve
donc, par ses dispositions même, que les parties connaissaient
leurs qualités; autrement cet acte constaterait que Jean de Ser
vière voulait acheter à non d om in o, puisqu’il contiendrait la
preuve écrite que la dame de Mont l osi er, qui vendait, n'était
pas propriétaire ».
« E t qu’on ne dise pas que Jean de Servière croyait Madelaine
de Servière propriétaire de l’objet qu’elle v e n d a it, en vertu de
la donation universelle qui lui avait été faite. D ’abord, dans le
système absolu d’ignorance qu’on lui suppose, il devait ignorer
cette donation comme tout le reste; et si l’on ose avouer qu’il la
connaissait, comment ne lui arriva-t-il pas dans la pensée d’exi
ger que la dame de Montlosier prît dans l’acte cette qualité de
donataire, qui validait son acquisition? Les parties ne prirent,
dans l’acte de 1783, aucune qualité, précisément parce qu’elles
connaissaient toutes leurs qualités ».
Les appelans excipent de ce que dans l’acte les contractans
ont omis de déclarer qu’ils étaient c o h é i ' i t i e r s . Mais lorsqu’en
réalité les contractans étaient cohéritiers, et qu ils ont disposé
bien réellement des objets de la succession, une simple omission ,
un simple silence , ne donnent pas aux appelans le droit d’in
venter à leur gré la pensée de leur père.
9
�Et certes, il est assez connu que la qualité d’héritier, à moins
qu’on ne l’abdique, est indélébile. En vevfu de la règle, le mort
saisit le v i f , la qualité de cohéritiers a suivi les contractans dans
l’acte de 1783 , comme elle les a suivis par-tout. Pour agir hors
de la qualité de cohéritiers dans cet acte, où l’on traitait d’un
objet de la succession, il fallait manifestement une réserve et
une stipulation expresse : cette reserve et cette stipulation ne
s’y trouvent pas.
L es appelans ont bien senli qu’ils ne pouvaient pas tenir sur
ce terrein. Ils ne se sont pas contentés d’exciper de l’omission de
la qualité de cohéritier; ils ont allégué que leur père avait été
dans l’erreur.
Sous ce rapport , la cause peut devenir très-sérieuse. Si en
effet les appelans établissent l’erreur de Jean de Servière, et que
cetle erreur porte sur des points de fait; par exem ple, si Jean de
Servière n’a pas connu l’existence de Françoise-Marie et son
décès, ou bien s’il n’a pas connu la nature des fonds qu’il ache
tait, le moyen est proposable; il doit être débattu.
Les appelans ne disent pas cela : ils avouent que Jean de
Servière a connu l’existence et le décès de sa nièce. Il a su qu’à
la mort de celle-ci, il était appelé à lui succéder par le sang ; il
a su que les biens q u ’il achetait étaient par leur nature soumis à
sa légitime. Quelle a donc été l’erreur de Jean de Servière?
' Ses enfans nous l ’apprennent dans leur premier mémoire
imprimé.
« Jean de S er v iè r e fut abusé par la donation universelle que
« son frère J e a n -Baptiste avait faite à sa femme en se ma« riant ( page 7 ) »•
Admettons d’abord cette allégation telle qu’ elle est. Elle
prouve nu moins que la succession de Françoise-Marie fut dans
la pensée de Jean de Servière : il en délibéra avec lui-même.
�'
( 35 )
I l est vrai qu’il se trompa dans cette délibération. On nous
assure positivement q u 'il ne f i t pus attention à l'art. 14 de
la coutume d ' ¿iuvergne. Mais enfin cette pensée fut présente
à son esprit : il se conseilla à cet égard ; il se consulta. L a cause
pourrait être jugée par cet aveu seul.
Reprenons.
On voudrait nous faire croire que Jean de Servière n’a pas
su que sa nièce avait une légitime. Remarquons qu’il ne s’agit
pas ici d’une règle établie par la loi particulière de quelque lieu
obscur et ignoré. L a légitime des enfans est consacrée à la fo is ,
et par les ordonnances, c’est-à-dire par la loi générale de toute
la France, et par la coutume d’ A u vergn e, c’est-à-dire p a r la
loi longuement et anciennement établie du pays où Jean de
Servière vivait. O r , est-il probable qu’ un homme qui a reçu
de l’instruction , et qui par sa fortune et son r ang est hors de
la classe commune , ne connaisse pas , sur un point aussi im
port ant , aussi f ami l i e r , aussi habi tuel , ce qui est réglé p a r l a
loi générale de la France et par la coutume particulière de son
pays ?
On nous dit que Jean de Servière , le
3o janvier 1783, ne
lit pas attention à l’art. 14 de la Coutume d’Auvergn e; mais il
eut ensuite dix années entières pour y faire attention. Dans
l’espèce, Jean de Servière q u i , selon le narré des appelans, n’a
souscrit l’acte de 1783 que par un défaut d’attention, sur vit cinq
ans à cet acte. Dans cet intervalle, la dame de Montl osi er meurt ;
le sieur de Montlosier vend Recolène; d ’autres le v en d en t et le
revendent après lui : il a fallu sûrement un mi racle paiticulier
pour que Jean de Servière ait demeuré dans 1 aveuglement.
Ce n’est pas tout. Les appelans prétendent avoir participé
eux-mêmes à ce miracle et à cet aveuglement; ils allèguent, dans
leurs motifs d’a p p e l, que leur père, à son décès, les laissa tous
quatre en très-bas âge.
10
J- s * ) .
�Celte allégation est fausse. Il se trouve, par l’extrait baptistaire de Gilbert, le plus jeu n e d ’entr’eux, qu’il avait vingt-cinq
ans à l’époque du décès de son père.
Nous venons de prouver, d’après toutes les circonstances de
fait et de position des p arties, qu’elles ont très-bien connu
leurs droits. Nous avons été plus loin dans la cause que nous
n’y sommes tenus. Il est, à cet égard, un principe général qui
n’a jamais été contesté par qui que ce soit : c’est que chacun
est présumé connaître sa chose; de plus, personne n’a jamais
été censé ignorer le droit, nemo ignarus ju r is. Les sieurs et
demoiselle de Servière prétendent n’avoir pas connu leur chose ;
ils prétendent avoir ignoré le droit; la présomption légale est en
notre f aveur ; elle nous dispense, par cela m ê m e , de toute p r e u v e ;
c’est aux sieurs et demoiselle de Servière à prouver leur allé
gation.
Il ne reste actuellement aux appelans que deux objections:
la première, relative à ce que la dame de Montlosier n’a donné
de procuration à son mnri que pour vendre ; la seconde, relative
à ce que la vente n’embrasse pas toute l ’hoirie.
Et d’abord, au sujet de la procuration, nous rappellerons;
non pour nous justifier, mais seulement pour rendre raison
de quelques négligences qu’on peut y remarquer , que le sieur
de Montlosier n’est point arrivé au Teilhot avec cette procura
tion, ainsi que les appelans le font supposer, mais seulement
qu’oïl l’a envoyé chercher du Teilhot mêtne. Elle est arrivée ,
non pour entamer des conventions, mais pour consommer des
conventions déjà faites. Ce fait, qui semble singulier en le com
parant avec la date de la procuration , ne sera cependant pas
contesté. L ’homme d ’affaire, envoyé exprès du Teilhot par Jean
de Servière, vit encore.
Nos adversaires disent ( p .
^5 de leur dernier mémoire) : « Le
« s.r de Montlosier n’a pu avoir d'autres volontés, faire d’autres
�( 3? )
« conventions, que celles autorisées par la procuration ».'Mais
entre mille autres méprises, que nos adversaires font dans cetté
affaire, ils raisonnent toujours du sieur de Montlosier, comme
si c’était un mandataire étranger à sa femme. E n faisant sur
la réticence de la procuration, relativement aux démêlés de fa
m ille, tous leurs beaux raisonnemens, ils oublient une seule
chose , c’est que le sieur de Montlosier était le mari de la dame
de Montlosier. L a procuration, disent-ils, a été donnée pour
vendre et non pour partager ; cela devait être. Pour vendre un
bien paraphernal de sa fem m e, le sieur de Montlosier a eu be
soin d’une procuration, et il l’a demandée. Mais prétendre que
sa femme ait dû lui envoyer une autorisation pour transiger sur
d ’anciens differens, ou pour partager une succession, laquelle,
hors Chés-Sabi, faisait partie de sa constitution dotale ; il n’y a
que les appelans, au monde, à qui il puisse arriver une telle
pensée.
« Mais avec cette procuration, le sieur de Montlosier pouvait
« vendre à tout autre qu’à Jean de Servière ». Sans doute. Mais
d’abord, en vendant à tout autre, il n’eût pas vendu au même
p rix , puisque le sieur Mazeron offrait 12,000 fr. En vendant à
un autre, il n’eût pas consacré, par son approbation et sa signa
ture, comme partage, un acte informe qui n’en méritait pas le
nom.
L e sieur de M ontlosier pouvait vendre à tout autre. Mais
c’est ce qu’il n’a pas fait. D ’un côté, il a dû avoir une pro
curation générale pour vendre , à l'effet de ne pas subir la
loi que n’eût pas manqué de lui imposer le sieur de Servière,
s il avait su qu’il ne pouvait vendre qu’à lui« D ’un autre coté,
appliquant avec sa qualité de donataire et son autorité de mari,
le pouvoir qui lui était donné dans les meilleurs intérêts de
celle qui le lui donnait , il a dû ne vendre qu’au sieur du
T eilh ot, afin d ’anéantir à la fois, par le même acte, les débats
des deux successions. Sa pensée, en cela, a été bonne; son
�autorité et ses droits suffisans. Si en raison des circonstances,
de l’absence de conseil et d’hommes de loi , il y a eu dans
l ’acte quelque négligence de rédaction , cette négligence pa
raîtra excusable : il suffit que tous les élémens essentiels y
soient.
Relativement à leur allégation : que l ’acquisition de ChésSabi n’embrasse pas toute l ’hoirie, il faut que nos adversaires
se croient bien surs de la puissance de cette difficulté ; car
après l’avoir faite en première instance, ils la répètent encore
dans leur dernier mémoire. « L e partage ne s’exerce pas, disent« ils, sur un objet particulier, sur un seul héritage de la suc« cession ; il se fait sur la masse entière ( 29 ) ».
A entendre nos adversaires, on dirait qu’il n’y a qu’une seule
succession en scène; il y en a trois : celle de G ilb e rt, celle de
Jean-Baptiste, et celle de Françoise-Marie. Ces trois successions
ayant à se former l’une dans l’autre , fallait-il que l’acquisition
faite par Jean de Servière embrassât les trois successions ? Ne
suffit-il pas pour la cause qu’elle ait embrassé la succession
entière de Françoise-Marie?
Il ne faut pas oublier que la succession de Jean-Baptiste, à
laquelle lesappelans font particulièrement allusion, n’a à paraître
dans la cause que fictivement, à l’effet de former la masse sur
laquelle se composera celle de F r a n ç o i s e - M a r i e . O r, sur cette
succession de Jean-Baptiste, la dame de Montlosier a disposé,
par un second contrat de mariage, du domaine de Recolène. Il
s’agit de savoir s i , étant tout à la fois donataire de Jean-Baptiste,
créancière de Jean-Baptiste, coheiitieie de sa fille, et laissant,
pour la portion légitimaire de sa fille, des biens reconnus plus
que suffisans pour parfaire cette legilime, la dame de Montlosier,
n’a pas pu disposer légalement dans la succession, d’une portion
d’héritage, moindre que celle qui lui compétaif.
Par l’évaluation portée dans le premier mémoire des appelons,
�(
il
39 )
est établi que C hés-Sabi, réservé libre après la disposition
effectuée de Recolène, était près du double suffisant pour former
la légitime de Françoise-Marie.
L e même aveu est consigné dans le dernier mémoire, p. 23.
Il en résulte que la succession de Françoise-Marie ne peut plus
aujourd’hui se former sur Recolène. L ’aliénation ayant été
faite de première date et sans opposition , elle est légalement
et irrévocablement consommée.
E n tout, l ’objection roule sur une équivoque.
Pour faire le partage de la succession de Françoise-Marie,
il faut sans doute faire le partage des trois successions; mais
lorsqu’il est établi et convenu au procès (les autres biens ayant
été précédemment aliénés ) , que C h é s-S a b i, qui reste libre ,
est suffisant, plus que suffisant, pour former la succession de
Françoise-Marie, on ne peut pas dire que la vente de cet objet
n’ait pas embrassé -toute la succession.
T R O I S I È M E
POINTS DE
PARTIE.
DROIT.
Cette partie nous paraît présenter trois questions : i.° Quel
est le caractère légal de l’acte de 1783? 2.0 Quels doivent être
ses effets , considéré comme premier acte entre cohéritiers ?
3 .o Quels doivent être ses effets, considéré
comme vente?
Sur tous ces points, nous pourrions être trop facilement accusés
de peu de connaissance ou de partialité. Des hommes très-graves
pour le caractère, ainsi que pour la science, M M . Poiiier, de
Sèze, Bélard et Calissane, ayant à diverses reprises examiné et
traité cette affaire, nous sommes assez heureux de n’avoir plus
qu’à rapporter leurs décisions.
�U °
)
'
* *
PREMIERE
;
QUESTION.
Caractère légat de l'acte de 1783.
Il faut d’abord qu’on nous accorde qu’il est permis de consi
dérer dans les actes , non-seul ement ce qui y est é c r i t , mais
ce qui est fait, non modo quod scriptum e s t , sed quod gestum
est in spicitur; il faut qu’on nous accorde que les contrats valent,
non-seul ement
par la lettre des contrats, mais encore par la
qualité des contractans. Un père qui dans un mariage autori
serait son f i l s , sans déclarer qu’il est père ; un mari qui auto
riserait sa f e mme , sans déclarer qu’ il est mari ; u n h o m m e
son
subordonné, sans déclarer son grade, n ’autoriseraient pas, par
constitué en autorité , qui accorderait une permission à
cette omission, le doute qu’on voudrait élever sur l ’intention
et l’objet de l ’acte qu’ils auraient passé.
Il ne faut sûrement pas mettre dans les actes ce qui n’y est
pas; mais il faut pourtant convenir, d’après Domat et les lois
romaines , que c’est sur-tout l’intention présumée des parties
qu’il faut consulter. Ces principes établis , les jurisconsultes
précités ont examiné l’acte de 1783 ; ils y ont trouvé écrites
matériellement les dispositions suivantes:
L e sieur de Montlosier , au nom de sa femme JeanneMadelaine , vend à Jean Servière du T e i l h o t , un doma i ne
appelé C h és-S a bi, à elle réservé par son contrat de m ariage,
comme bien paraphernal. Sur ce premier point , si on veut
savoir quelque chose de plus , il faut l apprendre d ailleurs ;
car dans l’acte on ne dit rien : on n’y dit ni à quel titre la
dame de Montlosier est propriétaire du bien qu’elle vend, ni
en quelle qualité elle vend. L a dame de Montlosier ne s’em
barrasse pas de l’énoncer : Jean de Servière ne s’ embarrasse
pas de le lui demander. O r } certainement, Jean de Servière
n’a
�( 41 )
n’a pas voulu acheter un- bien à non domino. On apprend,
bientôt, mais en dehors de l’acte, que la dame de Montlosier
qui vend, est la propre nièce de Jean de Servière qui achète,
en même-tems qu’elle est sa belle-sœur; car elle est fille d’un
de ses frères, femme d’un autre de ses frères. On voit aussitôt
pourquoi les parties ne'gligent d’enoncer dans l’acte leurs qualite's ; c’est qu’étant de la même famille , du même sang , ayant
eu dans le cours de leur vie beaucoup d’autres intérêts à démêler,
elles savent si bien leurs qualités , que par cela même elles
omettent de les énoncer. Les parties s’en rapportant à ce qui
est, comme le sachant suffisamment, il ne s’agit p lu s, pour
connaître le vrai sens de l’acte, que de rechercher ce qui est.
O r, dans la réalité, la dame de Montlosier avait, sur CliésS a b i , qu’elle vendait, le double droit de donataire de son pre
mier mari, et de cohéritière de sa fille. Les deux parties s’étant
référées à ce q u ’elles savaient de leurs qualités réelles, il en
résulte que la dame de Montlosier a vendu C hés-Sabi à son
oncle , dans ses deux qualités de donataire de son mari et de
cohéritière de sa fille : rien n’est si simple.
Point du tout. Les sieurs et demoiselle de Servière repoussent
cette explication ; ils voient dans l’acte que la dame de Mont
losier a vendu seulement comme donataire de son mari. De ce
que Jean de Servière ne lui fait énoncer aucune qualité, ils n’en
concluent pas que Jean de Servière ne lui a connu aucune qua
lité, et qu’il a voulu acheter d’elle comme à non D om ino ; ce
qui serait au moins conséquent ; entre les deux qualités de la
dame de Montlosier , également omises t o u t e s deux, il en trient
une à leur fantaisie, et ils laissent l’autre. Ils affirment positive
ment que la dame de Montlosier n’a entendu vendre que comme
donataire, et que Jean de Servière n’a entendu acheter d’elle
que comme donataire. Toutefois celte qualité, Jean de Servière
pouvait, absolument parlant, ne pas la connaître, puisque c’était
11
�( 4 0
un acte particulier enlre le mari et la femme; au lieu que sa
qualité de cohéritier^avec e lle , il ne pouvait l’ignorer, puisqu’elle
lui était acquise par le sang.
Poursuivons.
Il est dans l’acte une autre disposition non moins-intéressante,
et dont au premier abord on ne découvre pas toute l ’importance.
L a dame de Montlosier, cohéritière, vend à Jean de Seïvière,
le domaine de Chés-Sabi, et comment le vend-elle?
« Ainsi que le tout se limite et comporte, et que les héritages
« sont amplement et séparément déclarés et confinés au partage
« passé entre messire Jean - Baptiste de Servière, écuyer, capi« taine au régiment de T h i a n g e , messire Jean de Servière ,
« écuyer, sieur du T e i l h o t , et messire autre J e a n de Servière,
« en qualité de tuteur de la fille mineure de défunt Jacques de
« Servière, suivant le rapport d’experts, fait par M M . Yialette
« et
L egay,
le 29 août 1760, duement contrôlé à Riom le i 3 sep-
« tembre suivant, et le procès-verbal d’affirmation dudit rapport,
a fait en l’ hôtel de M. V issac, conseiller à R io m , dudit jour
« i3 septembre ».
E t d’abord il faut apprendre, mais en dehors de l’acte (ca r il
n’y en est rien d i t ) , que Jean-Baptiste de Servière, capitaine, est
le premier mari de la dame de Montlosier; 2.° que la personne
rappelée comme fille mineure de Jacques, est la dame de Mont
losier elle-même, venderesse; 3.° que Jean de Servière du Teilhot,
est son oncle, l’acquéreur.
Il faut apprendre, z.° mais encore en dehors de l’acte (car
on ne s’en douterait p a s ) , ce que c’est que ce prétendu partage
qu’on consent à énoncer ici comme passé.
Q u’ il nous soit permis de rappeler, quoique pour la seconde
fois, la manière dont a été passé ce prétendu partage.
« Iceux (le s parties) nous ont dit et déclaré, chacun à son
�$of>>
( 43 )
«
«
«
«
«
«
égard , qu’ils ne voulaient point signer ni approuver ledit
partage; et qu’au contraire ils entendaient se pourvoir, tant
contre ladite sentence de laquelle ils ont respectivement protesté d’appeler par les significations qui ont été faites d’icelles,
et par le procès -verbal de notre nomination d’experts, que
contre le partage par nous fait ».
On voit, par l à , qu’au moment où le mari de la dame de
Montlosier avait la complaisance de rappeler, comme partage
passé, un acte, qu’elle, ladite dame Montlosier, n’avait jamais
voulu ni approuver ni signer, il n’y avait rien réellement de
paSsé sur la succession de Gilbert ; tout était en l ’air sur celle
succession ; rien n’était positivement à personne.
C’est ainsi que cette clause, qui dans son écorce peut paraître
frivole et insignifiante, prend une importance immense de l’état
où se trouvait la famill e; et ici on ne peut pas dire que cet état
fût inconnu de Jean de Servière; on ne peut exci per, ni de son
ignorance, ni de ce qu’il n’avait pas fait attention à Part. 14 de
la Coutume d'A u vergn e; il y était lui-même partie; à l’exemple
de ses deux autres copartageans il avait refusé sa signature à cet
acte que les contractans convenaient actuellement de consacrer
comme partage.
En cet état, le sieur de Montlosier et les héritiers bénéficiaires
disent : « L a loi défend de scinder dans les actes les dispositions
« diverses des actes. Vous avez acheté Chés-Sabi, concurrem« ment avec la reconnaissance qui vous a été faite comme pnr« tage réel, de l ’opération informe des experts, en 1 an 1760.
« Nous avons le droit de vous dire : Vous a v e z acheté consé« quemment. Un acte rédigé dans un h a m p a u , sans le secours de
« conseil et d’hommes de loi, peut q u e l q u e f o i s 11 être pas bien
« tourné dans ses expressions. Mais les faits y sont pntens; ils
« ont une corrélation évidente. Vingt-huit ans d’exécution dans
« ce sens ne laissent pas de prise au* subterfuges. La prescription
« que vous alléguez ( si réellement elle vous était acquise ) dé-
12
�« poserait contre vous - même ; car ¿faut le fruit de Tacfe de
« 1783, elle vous a\erlirait d ’avoir un peu plus de respect que
a vous ne voulez en avoir pour l ’acte qui vous a apporté ce
« fruit ».
D E U X IÈ M E Q U E ST IO N .
D e Cacte de 1 7 8 3 , considéré comme premier acte entre
cohéritiers.
L e premier principe qui a frappé M M . de Sèze, Calissane
et B e l a r d , dans cette question, c’est cette disposition de la l oi,
à croire le moins possible à une l ongue indivision de choses
commîmes entre des individus. La loi
5 , §. i 5 , fF., s’énonce à
cet çgard d’une manière tranchante : Duortim in solidwn dom in iu m , v el possessio esse non pot est. La loi
3o , §. i 5 , iT. de
acquis, vel amis, posses. s’énonce d’une manière non moins
précise : P lu res eamdem rem in solidum possidere non possunt.
Elle en donne la raison : Contrà naturam quippe est , ut cùm
aliquid teneam , tu quoque id tenere videaris.
Se gouvernant selon ce principe, aussitôt que la loi peut voir
l'indivision cessée, elle la voit cessée; et elle la voit toujours
cessée, lorsque les intéressés proche parens ont par un acte quel
conque mis les mains sur la propriété commune. « Dès que les
« cohéritiers changent par un premier acte la manière dont la
« loi les avait investis des biens d’une succession; dès que leur
« possession cesse d’être commune, la loi voit dans ce premier
« acte le but unique de tout partage, qui est la cessation de Pin« division ; et elle en tire la conséquence que tel a été l’objet
« des contractans. E t , en eirel, il est impossible de leur sup« poser une autre intention , s’ils n’ont pas énoncé, de la ma« nière la plus expresse, une volonté contraire ». ( Consultât,
de M M . de Sèze, Calissane et Bélard.)
�( 45 )
L a loi, selon ces messieurs, se gouverne encore par un autre
grand principe; c’est que, d’après la réglé, le mort saisit le v if,
le partage est par sa nature non attributif, mais seulement dé
claratif de propriété. P a r t a g e r dès-lors, disent ces messieurs , est
un fait plutôt qu’ un acte ; car l’acte n’est précisément nécessaire
que là où il y a translation de propriété. A in si, des qu’une fois
la déclaration de propriété, qui constitue le parlage, est authen
tique, de quelque manière que cette authenticité se compose,
quelque nom ou quelque titre qu’on lui donne, la loi l’accueille
telle qu’elle est, et la consacre.
Cette règle, émanée des principes, était nécessaire sous le
point de vue d’ordre public. On ne peut contester que, soit la
crainte des recherches du fisc, soit le danger de prendre un titre
d ’héritier, et de s’engager ainsi dans les dettes ou dans les af
faires embarrassées d’une succession , soit la nature des affaires
d’une maison , qui repoussera c o m m e ruineuse une liquidation
en règle et les formalités ordinaiies juridiques, soit enfin telle
autre cause r peuvent porter lus familles à traiter entr’elles sous
une forme particulière. L a loi, protectrice de tous ces petits in
térêts domestiques, veut les favoriser; elle consent à confondre,
sous le nom générique de partage , tous ces actes , quels qu’ils
soient : il lui suflit qu’ils soient faits de bonne f o i , et qu’ils fas
sent cesser entre les parties l’état d’indivision.
Cependant il importait, pour l’égalité des partages, que
cette simple déclaration , qui devait pouvoir se faire f aci lement ,
ue put pas se faire non plus trop légèrement. En nnaliere de
succession, chose casuelle ordinairement, et ad ve nt i ve, il était
a craindre que des individus sans expérience sur une chose
qu ils n’ont pas encore possédée, n’eussent aucun moyen de re
parer leurs méprises. L a loi a ouvert à cet elïe t, sur tous ces
actes indistinctement, un pourvoi en rescision du tiers au quart.
Mais après nvoir fixé à cet égard le terme de dix ans , elle a
v o u lu , par la même réciprocité des motifs d'ordre et de préser
�/'
( 46 )
vation des intérêts des fam illes, rendre ces actes irrévocables
après dix ans.
Tels sont les principes. Entrons actuellemect dans l'espèce.
Après le décès de Franeoise-Marie , la dame de Montlosier et
Jean de Servière sont saisis ensemble, conjointement, de sa suc
cession , par la règle le mort saisit Je v if. Un an et demi après
ce décès, les deux cohéritiers traitant ensemble des objets libres,
soumis à cette succession , un d’eux les transmet à l’autre. Dans
cet acte, qui ne porte pas le nom de p a rta g e , mais qui certai
nement a bien fait cesser l’indivision , y a-t-il quelque erreur
pour Jean de Servière , ou pour la dame de Montlosier ? La loi
protectrice est l à ; elle leur donne dix ans pour réparer cette er
reur par un pourvoi. C e p e nd ant le pourvoi offert par la loi n’est
point accepté. Les parties continuent, non-seulement pendant
dix ans, mais pendant vingt-huit ans conse'cutifs, à être satis
faites de leur convention ; et après ce tems , lorsque de grands
événemens ont tout déplacé , les hommes et les choses, les pro
priétaires et les propriétés, un cohéritier qui se dira gratuite
ment avoir été dans l’erreur, pourra venir bouleverser le repos
de dix familles! Essayant sa position sur tous les points, il de
mandera le partage, tantôt sur un bien qui a été irrévocable
ment donné par contrat de mariage (m ém . en 1 . « inst. ) , tantôt
sur une somme qui ne fait point partie des biens héréditaires
( Motifs d’ appel ) , tantôt seulement pour se ménager à la suite
de ce procès un nouveau procès en garantie, au sujet d ’ un trouble
qu’il se fait à lui-même (dern. mém.)! Et on croit que, pour de
telles considérations, la justice s’empressera de renverser l’ordre
accoutumé et la marche ordinaire des lois!
L a sagesse de la Cour et toute la juiisprudence française ne
permettent pas de s’arrêter a cette supposition. G est ici que nous
devons rappeler textuellement celte grande règle relative au
premier acte que l’auteur du mémoire des sieurs et demoiselle
de Servière s’est tant efforcé de défigurer.
�( 47 )
Repoussant d’un côté, comme improbable, ainsi que contre
la nature des choses, la supposition d’une longue indivision
entre particuliers, et la regardant d un autre coté comme impos
sible , lorsque ces particuliers ont m is, en presence l’un de
l’au tre, les mains sur la chose commune; partant de ce principe,
que la propriété commence entre cohéritiers au moment du
décès, que le partage est une simple déclaration, et que des-lors
il est constitué par toute espèce d’a c te , pourvu que dans le fait
il fasse cesser l’indivision; regardant ensuite comme une pré
somption légale, que personne ne jette sa chose : nemo prcesum itur jactare rem suam ,* et que personne n’ignore sa chose :
nemo ignarus ju ris; s’apercevant enfin que ces actes étant, selon
la position diverse des familles et de leurs petits intérêts, sus
ceptibles de prendre divers modes et diverses formes; la juris
prudence a vou lu , tant pour conserver üégalité des partages,
que p our préserver les familles d ’ un cahos de procès et de con
tentions rui neuses , prévenir à la fois tous les i nconvéniens par
un principe général, absolu, dur peut-être quelquefois comme
la prescription, mais aussi, comme la prescription, conservateur
de l’ordre public, et fécond en toute sorte de salutaires effets.
C e principe a été : « que tout premier acte entre cohéritiers,
« faisant cesser l’indivision dans les choses à partager, serait
« regardé comme équipollent à partage, quelque nom qu’il pût
« avoir d’ailleurs ».
Ce principe une fois prononcé, toute la législation s’y est atta
chée. Les jurisconsultes anciens sont unanimes sur ce point.
Les modernes ne le sont pas moins. Ces jurisconsultes ne disent
pas, comme voudraient l’entendre plusieurs personnes, que tout
acte portant le nom de partage sera réputé partage : ce qui
serait une niaiserie. Il ne disent pas non plus, comme le vou
draient les sieurs et demoiselle de Servière dans leurs motifs
d’appel , qu’une vente entre héritiers sera réputée partage ,
lorsqu’on verra dans cette vente des lots, des parts, des prélève
ra ens , ce qui est une absurdité. Ils ne disent pas non plUSj
�Gov*
( 48 )
comme les sieurs et demoiselle de Servière le prétendent dans
leur dernier mémoire, qu’une vente entre cohéritiers ne doit
être réputée partage que lorsqu’on verra, par quelqu’en d roit,
que cette vente n’est pas réellement une vente; ce qui est une
autre absurdité. Ils disent :
« Les premiers actes qui se font entre cohéritiers, après la
« succession ouverte, de quelque manière qu’ils soient conçus,
« sont réputés partages ». ( Argou. institut, au droit français).
Ils disent : « L e partage est un contrat innommé. Ainsi il n’im« porte de quel nom on le ba ptise, soit de transaction ou autre
a acte. Il suffit que ce soit le premier acte fait entre cohéri« tiers, pour être réputé partage ». ( Bret onni er , sur Henrys,
livre 4. )
Ils disent : « E o ju re uiim ur ut qiiocitmque nom ine donetur
« contractus primus inter coheredes reique communis particc cipes, sive transactio vocetur, seu non , tarnen pro divisiotie
« heredilalis rerumque communium accipi debeat ». (Mornac.)
Ils disent : «Il est reçu en jurisprudence de regarder comme
« partage tout premier acte par lequel des communistes auraient
« voulu sortir de communion, quelque nom qu’on lui ait donné,
« comme vente, licitation, ou transaction, parce que iF'nom ne
« change pas la chose». (P rou d h on , tom. 2 , pag. 267.)
/
« Enfin 011 n étendu, dit Vaslin, l’exception des lots et ventes
« ail premier acte qui se passe entre cohéritiers, concernant
« les biens de la succession, quoique par l’arrangement tous les
« immeubles passent à un seul, et quoique cet acte soit conçu
« en forme de v en te, transaction ou autrement. L a raison est
« que le premier acte est considéré comme un acte de partage,
« ou supplétif à partage, et que les arrangcinetis convenables à
n l’intérêt et au repos des familles, mentent une faveur singu« lièrc ». ( V a s lin , coutume de la Rochelle.)
Parlant
�<jo2
(
49 )
Partant de cette jurisprudence comme établie, le Gode Nap.
l ’a proclamée loi de la France. L ’art. 888 porte :
« L ’action est admise contre tout acte qui a pour objet de
« faire cesser l ’indivision entre cohéritiers , encore qu’il fût
« qualifié de v e n te , échange , ti’ansaction , ou de tout autre
« manière ».
Mais c’est en vain que la loi et la jurisprudence auront pris
toutes ces précautions; l’esprit de chicane ne sera pas encore
aux abois; il saura, à force de subtilités , trouver un subterfuge
dans la règle la plus claire, et opposer la loi même à la loi.
Faisons connaître les nouvelles difficultés de nos adversaires.
Elles consistent, i.° dans un commentaire sur ces mots de
l’art. 888, ayant pour objet de fa ire cesser Vindivision ,* et
alors on nous dit : « P r o u v e z que l’acte de 1783 a eu pour
obj et ». E l le s consistent, z.° dans un autre commentaire sur le
texte de quelques jurisconsultes, q u i, en parlant des premiers
actes, ajoutent : au sujet de la succession , rela tif à la succes
sion ; et alors on nous dit : prouvez que l’acte de 1783 a eu lieu
au sujet de la succession , a été rela tif à la succession.
M ais, d’un côté, en disant que tout premier acte entre cohé
ritiers sera réputé partage , des jurisconsultes ont pu ajouter :
relatif à la su ccessio n , au sujet de la succession. Cela était
nécessaire au sens, afin qu’on ne crût pas qu’un premier a cte ,
sur des choses étrangères à la succession, serait aussi compris
dans cette cathégorie.
l ) ’un autre côté, quand la loi a dit : Tout acte ayant pour
objet de faire cesser l'indivision , elle n’a sûrement pas entendu,
dire que quand un acte aurait cet cllcf réel, il pourrait être
censé n’avoir pas eu cet objet; car quand des parties obtiennent
lin résultat important par un contrat , elles sont bien censées,
à. moins de la preuve contraire, avoir eu ce résultat en vue.
i
3
,
�( 5o )
•Point du tout; l ’auteur du mémoire des sieurs et demoiselle
de Servière prétend qu’on doit prouver dans ce cas l’objet de
l ’acte. « Pour décider que l’acte de 1783 a eu pour objet de faire
« un partage, il faudrait d’abord établir que les parties en ont
a eu la pensée ».
Comment établir que des contractans qui étaient cohéritiers,
ont eu la pensée d’être cohéritiers ? Etablir que des contractans,
qui ont traité réellement des objets de la succession , ont eu
la pensée de traiter de ces objets!! Etablir que l’auteur du mé
m oire, qui a fait ce raisonnement, a réellement eu la pensée
de faire ce raisonnement !
Ce sophisme n’ est point une conception nouvelle. I l avait déjà
été présenté au tribunal de première instance, et nous l’avions
repoussé alors par ces paroles même de M . le Procureur-général
à la Cour de cassation :
« Quelquefois, dit ce magistrat, pour prévenir les demandes
a en rescision, ori donne à l’acte de partage la forme d’une vente,
« le plus souvent celle d’ une transaction; mais précaution vaine.
« Pour trancher toute dispute qu’élevaient à ce sujet d’ignorans
« praticiens, la jurisprudence a établi, pour règle constante,
« que tout premier a c t e ............».
Cette citation, prise dans un cas particulier, prouve q u e ,
pour que l’acte soit réputé partage, la loi 11’exige pas que les
parties aient fait apercevoir par quelque endroit l’intention de
partager. Elle veut q u e , quand même elles auraient employé
tous les modes imaginables, pour ôter à leur acte l’apparence
d’un partage , cet acte soit réputé comme tel.
*
N on, sans d o u te , répond l’auteur du m ém oire; la loi
« n’exige pas que les parties aient m ontré 1 intention de partager ;
« car alors l’acte serait partage par l’expression comme par le
« luit. Mais elle exige qu’elles l ’üieiit eue, (¡ue l’acte ait eu pour
�( Si )
« objet de faire cesser l’ indivision, et il faut que cette intention
« el cet objet paraissent par quelque endroit ».
Mais ce subterfuge
n’élude en aucune maniéré la décision de
O
M. le Procureur-général. Ce magistrat ne dit pas : « si vous pre
nez mal vos précautions, et q u e, par 1 effet de votre mal-adresse,
votre intention de partage se décele par quelque endroit, alors
votre acte sera réputé partage ». Il dit en substance : que votre
intention paraisse ou ne paraisse pas ; que vous ayez pris bien
ou mal vos précautions, tout cela n’y fait rien. P récaution s
vaines; il en donne aussitôt le m otif. P o u r trancher toute
dispute que d'ignorans praticiens pourraient élever sur ce
p o in t , la jurisprudence a établi pour règle constante que
tout premier a c te , etc.
E t remarquons, d’après cette décision, que la loi n’a pas seu
lement en ce point un objet de justice générale; mais qu’elle a
encore un objet réglementaire. D ’un côté, elle part du principe
que le partage n’est point attributif, mais seulement déclaratif
de propriété; que personne ne jette ordinairement sa chose, et
que chacun est censé connaître sa chose; d’un autre côté, elle a
une grande précaution en vue
p o u r
t r a n c h e r
t o u t e
d i s p u t e
.
Il est bien d’autres exemples de ces dispositions réglementaires.
U n homme se porte bien aujourd’hui; il fait une donation de
ses biens; il n’y a nulle fraude de sa part. Mais un accident par
ticulier, une maladie, lui survient ; il périt peu de jours après
sa donation. Quoique cette donation ait été sincère, et réelle
ment entre-vifs, la lo i, pour trancher toute dispute sur sa vali
dité, a fixé un certain nombre de jours précis.
“
«
«
«
Elle a dit de même : « Lorsque des héritiers traiteront entre
eux, par premier acte, des objets soumis à la succession communc , la présomption naturelle et légale étant qu’ils ont su
ce qu’ils ont fait, pour trancher toute dispute, leur acte équ;vaudra ù partage ». Sur ce point, la loi n a pas pu craindre
H
�( 52 )
des méprises; car elle a donné dix ans pour se pourvoir contre
ces actes.
Tous les auteurs se réunissent à celte interprétation. En par
lant du premier acte, quelques-uns ajoutent, il est v r a i , rela tif
à la su ccessio n , au sujet de la su ccession , 1 N d i v i d c j n j u i s ;
c’est, comme nous l’avons dit, pour éloigner l’ idée qu’un pre
mier acte entre cohéritiers fût également x-éputé partage, lors
qu’il porterait sur des objets étrangers à la succession. Mais
ceux qui, regardant le scrupule de cette précaution comme inu
tile, parlent franchement sur la question , nous disent tout sim
plement :
« Les premiers actes qui se font entre cohéritiers, après la
« s u cce ssio n o u v e r te , de quel que manière q u ’ils soient conçus,
« sont réputés partage ». ( Argou ).
Ils disent : « L e partage est un contrat innom m é; ainsi il
« n’importe de quel nom on le baptise, il suffît que ce soit le
« premier acte fait entre cohéritiers, pour être réputé pax-tage ».
( Bretonnier-sur-Henrys ).
Ici nous allons avoir en confirmation une autorité beaucoup
plus imposante, celle de feu M. Treiîhard , qui avait rédigé Iuimênie l’art. 888 dont il est question : elle est rapportée par
M . Merlin.
Traitant cette matière dans un plaidoyer, en la Cour de cas
sation , prononcé n Pnttdîence du 29 janvier 1808 , présidée par
Son Excellence Monseigneur le Grand-Juge, toutes tes sections
réunies , ce magistrat rappela d’abord pour maxime : que le pre
m ier acte entre cohéritiers, de quelque nature q u 'il s o i t , équi
vaut à partage y et ne peut etre considéré que comme un par
tage. Il ajouta ensuite:
« Aussi voyons-nous dans le proces-verbal de la discussion du
« Code Napoléon , au conseil d’état, que, pour justifier cet ai’* tic*lc du reproche qu’on lui faisait d’introduire une nouvelle
�■
( 53 )
« jurisprudence, M. Treilhard disait que la section de légis« lation s’était déterminée, par la raison que le premier acte
« que tes héritiers f o n t entr’eu x ,
t e n d
t o u j o u r s
à partager
« la succession ».
Nous supplions la Cour de remarquer que la pense'e du l égis
lateur est ici dévoilée de la manière la plus authentique. L a
raison de la législation , relative au premier a c te , n e se tire pas
de toutes les origines si ingénieusement révélées aux sieurs et
demoiselle de Servière. « L a section de législation s’est détermi« née, par la raison que le premier acte que les héritiers font
« entr’eux tend toujours à partager la succession
C ’est de soi, c’est par sa nature, c’ est toujou rs, qu’un premier
acte entre cohéritiers tend à partager la succession ouverte. Il ne
s’agit donc pas de prouver par témoins la pensée des parties, ou
de faire la preuve que tel a été réellement l ’objet et l ’intention
des parties ; le premier acte que les héritiers f o n t e n lr e u x
tend toujours à partagerda succession. Telle est l’interprétation
solennellement proclamée en la Cour de cassation , eu présence
de Son Excellence Monseigneur le Grand-Juge , toutes les sec
tions réunies , de l’art. 888 dont il est ici question.
Tout ce qu’il y a de respectable parmi les jurisconsultes de la
France s’est empressé de proclamer cette décision. Les auteurs
de la jurisprudence du Code c iv il, tom.
5 , p. 1 1 2 , s’expriment
ainsi :
«
«
K
“
ct
«
«
«
« Tout acte, qu’il soit qualifié de v en te, d’échange ou de transaction entre cohéritiers, et qui fa it cesser l ’indivision , est
un acte de partage. Dans l’ancienne j u r i s p r u d e n c e , comme
dans la nouvelle , par-tout où l ’on trouvait cet effet, quelque
couleur que l’on eût donnée à l’acte, soit qu on 1 eut qualifie
ven te, licitation, transaction ou autre , si par cet acte des cohéritiers sortaient de la communauté de biens, on y appliquait les règles et les principes qui régissaient les partages.
C ’est ici que s’appliquait dans toute sa force cet adage du
CoC
�(aol •
(
54 )
« Droit romain : Non tantum quod scriptum , sed quod g e s
te. tum est inspicitur ».
Nous venons de p rou ver, contre tous les subterfuges des sieurs
et demoiselle de Servière, cjue la disposition de la jurispru
d ence, relativement à tout premier acte entre cohéritiers, est
une disposition réglementaire, fondée , non sur telle 011 sur telle
invention arbitraire de ceux qui s’appuient de la loi pour échap
per à la lo i, mais sur le fondement que, dans la position où se
trouvent respectivement des cohéritiers, lorsqu’ une succession
est ouverte , la présomption de droit est qu’ils ont voulu partager
la succession*. L e premier acte que les cohéritiers j o n t en tr'eux
t e n
d
t o
u j o
u r s
à partager la succession.
par surabondance
que nous avons traité ce point : il ne nous est nullement néces
N ous devons ajouter ac tuel lement que c’est
saire. Les sieurs et demoiselle de Servière se contentent de de
mander que dans l’acte de 17 8 3 , l'in ten tion de partager pa
raisse au m oins par quelqu'endroiC. Nous avons prouvé que
cette intention paraissait avec évidence, par tous les endroits
et par tous les points.
TROISIÈM E
QUESTION.
D e L'acte de 1783, considéré comme une simple vente.
Après avoir examiné la vente de 1783 comme premier acte
entre cohéritiers, les jurisconsultes déjà cités l’ont considérée
connue simple vente. Sous ce îappoit comme sous
1autre, ils
ont jugé que la demande des sieurs et demoiselle de Servière ne
pouvait être admise.
Et d’abord, qu’est-ce qu’une demande en partage? c’est une
répétition de droits. Or, comment peut-il y avoir lieu a partage,
lorsqu’on
a acheté les fonds qui etaieut nilectés a ses droits?
�■•£
( 55 )
2.° Qu’est-ce encore qu’une demande en partage? c’est une
demande en formation de lot. O r, comment peut-il y avoir lieu
à partage, lorsqu’on détient tous les biens et les seuls biens où
pourrait légalement se former ce lot?
3.o
Les sieurs et demoiselle de Servière rêvent que dans ce
cas il y a lieu à garantie contre le vendeur. Une décision précise
de Pothier pourra les faire revenir de leur reve.
Reprenons.
Il n’est pas donné à tout le monde de connaître les profondeurs
de la jurisprudence. Mais en règle de bon sens, comme en prin
cipe d’équité naturelle, lorsqu’ un individu consent à acheter un
fonds sur lequel il a des droits, à moins qu’il n’y ait de la part
du vendeur dol ou surprise, il est naturellement supposé qu’il
a entendu comprendre et absorber ses droits.
Dans l’espèce, si Jean de Servière a été t rompé en quelque
point, si quelque chose lui a été cachée, que justice se fasse :
mais si en connaissant bien ce qu’il faisait , il a acheté benè
sciens et benè volens , les fonds affectés spécialement à ses
droits, comment peut il y avoir lieu aujourd’hui au partage de
ses droits ?
Ici nous nous attendons bien que les appelons feront revivre
contre l’ intégralité de la vente, les mêmes objections qu’ils ont
déjà employées contre la supposition d’un premier acte, c’està-dire que Jean de Servière ne connaissait pas ses droits. Mais
nous leur répéterons encore que si leur père n’a pas connu ses
droits , il a connu au moins tous les élémens de ses droits , il a
connu l’existence de sa nièce ; il a connu son décès, il a su qu il
était son oncle et son héritier par le sang; enfin il a su que les
fonds qu’ il achetait provenaient de la succession du père de
Françoise-Marie : car il était lui-même partie dans le partage
ébauché du 1760, qui les lui avait attribues. S il fallait, après
vingt-huit ans, revenir contre les effets d’un acte important, sous
6o$
�prétexte qu’ un des contractans qui a connu tous les élémens de
ses droits, n’a pas connu ses droits, on n’en finirait plus : et c’est 1
pourquoi la loi s’est décidée, une fois pour toutes, à prononcer
l ’axiôme : Nemo ignarus furis.
Toute la question qui reste dès-lors à examiner, est de savoir
si le domaine de Chés-Sabi, renfermant éventuellement les droits
de la dame de Montlosier et du sieur de S ervière, dans la suc
cession de Françoise-Marie, la dame de Montlosier a pu légiti
mement vendre, le sieur de Servière légitimement acheter. C ’est
ce que décide formellement Pothier, cité par M . Poirier, dans
une consultation sur ce sujet, du 10 juin 1810.
« Il est v r a i , dit Pothier , que l ’on ne peut pas vendre à
il est cléjà propriélaire. Suce rei e m p tio '
« non v a let, sive scie n s, sive ignurans, emerit. Mais 011 peut
a q u e l q u ’un la chose dont
« vendre de bonne foi la chose dont on n’est pas propriétaire;
0 car le vendeur ne s’oblige pas précisément, par le contrat, à
« transférer la propriété : il s’oblige seulement à mettre l’acheteur
« en possession de sa chose, et à le défendre coutre tous ceux
« qui par la suite voudraient la lui faire délaisser et y prendre
« quelque droit. Ila cten ù s tenetur ut rem emptori habere li« c e a t, non etiam ut eju s fa c ia t. L .
3o , §. i . e r , il. de act.
« empt. Mais on peut vendre une chose commune à son coU propriétaire. Si quelqu’un a quelque droit par rapport à une
« chose qui m’appnrtient ; puta , si j ’en suis débiteur envers
« lui, la vente qu’il ine ferait de telle chose serait valable, et
« elle serait censée être la vente du droit qu’il avait par rapport
a à cette chose. Si je n’ai qu’une propriété imparfaite d’une
« chose, je puis acheter ce qui manque a mon droit de pro« priété ».
« D ’après ers principes puisés dans Pothier, dit M . Poirier,
a que pourrait-on alléguer contre la vente de 1783, puisque la
« dame de Montlosier a livré la chose, et que l’acquéreur en
« jouit sans trouble. On ne pourrait jamais prétendre, pour Jean
de
�( 57 )
«
«
«
ii
«
«
«
«
deS ervière, qu’il a acheté ce qui lui appartenait, puisqu’il
ne pouvait jamais prétendre alors sur l’objet qu’ il acq uérait,
qu’une propriété imparfaite, éventuelle, dépendante d’un
partage litigieux, et dont il connaissait parfaitement l’incertitude. Il a donc pu acheter, et la dame de Montlosier a pu
vendre, parce qu’elle avait sur Ches-Sabi des droits au moins
égaux et communs, e t , s’il faut en revenir a la v é rité , des
droits certains et exclusifs.
« L a vente considérée comme telle est donc inattaquable.
« Enfin les demandeurs, en désespoir de cause, prétendraient-
« ils, contre les héritiers de la dame de Montlosier, la restitution
« du prix de la ven te, au bénéfice de la garantie qui a été expres« sèment stipulée ?
«
«
«
«
« L ’objection serait encore repoussée par notre p rin cip e , qui
est une fin de non-recevoir absolue (jurisprudence du premier acte ( i) . Mais regardons encore une fois l’acte comme
une vente, et il ne pourra y avoir lieu davantage à aucune
garantie.
« L e vendeur, dit Pothier, pages 493 et
5o i ,
est
tenu de ga-
« rantir l ’acheteur de tout trouble et éviction, par rapport à
« la chose vendue. Il est obligé de le défendre de toute demande
« formée contre l u i , par un tiers, pour lui faire délaisser la chose
« vendue. Mais le principe souffre exception, lorsque l’éviction
« procède du fait de l’acheteur; alors il est non recevable à se
« plaindre et à agir en garantie contre le vendeur. P o u r qu’il y
«
«
«
“
ait lieu à garantie, dit-il, page 5 19 , il ne suffit pas que la
chose soit sujette à éviction, il faut que l ’acheteur en ait été
réellement évincé; car il n’y a résultat de garantie que vis-avis l’acheteur qui a souffert éviction de la chose qui lui a été
“ vendue.
(0
M. Puirier a v a i t décidé que Pacte de 1783 était un véritable premier
acte de cohéritier.
15
�(î\\
( 58 )
« D o n c , ajoute M . Poirier, point de garantie sans éviction,
« point d’e'viction sans trouble, point de possibilité d’éviction
« ni de trouble de la part de l’acquéreur. On ne peut se troubler
« ni s’évincer soi-même; il serait absurde de le prétendre; la
« nature de la garantie résiste à une pareille idée. L e vendeur a
a garanti de tout trouble de sa p a r t , et de celle de tous les
« tiers. Il ne peut pas avoir promis à l’acquéreur de le garantir
« du trouble qu’il veut se causer à lui-même ».
Considéré comme vente , l’acte de 1783 a donc tout terminé
irrévocablement. L a dame de Montlosier a pu vendre; Jean de
Servière a pu acheter un bien qui était frappé de leurs droits
communs. Toute recherche ultérieure à cet égard ne peut être
admise.
Et remarquons ici la force des principes; c’est q u e , si on
le considère dans son exécution , le partage que les sieurs et
demoiselle de Servière réclament est devenu , parle fait de cette
vente, légalement et matériellement impraticable.
E n effet, une des premières règles des partages, c’est qu’ils
doivent être faits en corps héréditaires. Les appelons n’ignorent
pas cette règle; ils en ont fait la demande expresse dans leur
requête d’introduction. O r , il n’y a dans la succession de JeanBaptiste, sur laquelle celle de Françoise-Marie doit se former,
que deux corps de bien , Ilecolène et Chés-Sabi. De ces deux
corps de Lien, Ilecolène a été en 1782 l’objet d’une donation
spéciale ; en 1783 le père des appelans a acheté Chés-Sabi.
Comment un partage se lera-t-il aujourd’hui en corps hérédi
taire ? L a Cour dira-t-elle que le lot des sieurs et demoiselle
de Servière sera fait par retranchement sur Recolène ? Il serait
sans exemple d’ordonner un retranchement sur une donation
spéciale, lorsqu’à l ’époque de la donation le reste des biens
libres était suffisant pour remplir les droits réclamés. Dira-t-elle
que le retranchement sera fait sur Chés-Sabi ? Les appelans le
détiennent.
�( 59 )
Les sieurs et demoiselle de Servière se tourmentent de toutes
manières pour échapper à cette situation. Après avoir commencé
par demander le partage en corps héréditaire, ils se sont ravisés
dans leurs motifs d’appel ; ils ont demandé a prendre leur lot
seulement sur les 10,000 f. prix de Ghés-Sabi. Une telle disposition
serait contre les règles; elle serait sans exemple. Il est bien vrai
qu’un cohéritier ayant vendu par avance un des biens de la suc~
cession commune , on ordonne que le bien sera rapporté, pour
le partage en être fait seulement sur le prix. Mais alors la chose
demeure à son lot ; et le partage se fa it, quoique par anticipa
tion , en fonds héréditaires.
Il
n’y a que dans les cas des tiers acquéreurs qu’on peut trou
ver des exemples d’une telle substitution. Mais dans ce c a s , si
la loi déroge à sa règle générale , c’est par la faveur qu’elle veut
accorder à des étrangers , q u i , ne sachant rien des affaires d’une
succession , méritent d ’être protégés contre les effets d ’une i gn o
rance tout excusable. Nous doutons que des cohéritiers, mem
bres d’une même fam ille, qui traitent entr’eux sur des intérêts
qui leur sont familiers, soient dans le cas d’ une exception.ré
servée spécialement aux étrangers. S i , pour réparer les effets
d’une imprudence par laquelle un individu a négligé de fa ire
attention à Part. 14 de la Coutume d 'A u v erg n e t la Cour trou
vait convenable de transgresser une des premières règles des par
tages , son arrêt devenant un exemple, on ne sait trop quelle
conséquence il aurait. Les lois et les règles sont une propriété
commune ; il importe qu’elles ne soient pas facilement trans
gressées.
Nous devons ajouter dans ce cas, que la règl« même serait
violée en vain. L e sieur de Montlosier a remis à sa femme le
prix de Chés-Sabi ; il en offre la preuve; et il est d’autant plus
dans le cas de l’exception portée au Code Napoléon, pour les
cas d'in cen die, de fo r c e m ajeure, ou d ’événemens im prévus,
�( 60 )
que ce n’est point ici une excuse de circonstance. L a perte
de ses papiers est un fait constaté dans une affaire précédente.
Les sieurs et demoiselle de Servière disent dans leur dernier
mémoire : « Gela ne peut faire obstacle à l’action en partage ,
« et ne peut concerner que les opérations ultérieures. Les opéra« tions de rapport sont sans influence sur la demande principale
« à laquelle elles sont subordonnées, dont elles ne sont que la
« conséquence, et qu’elles ne peuvent jamais exclure (p . 3o)».
Mais les sieurs et demoiselle de Servière sentent très-bien que,
dans la position qui est leur ouvrage, un partage ne peut avoir
lieu que par des opérations irrégulières et violentes; leur but
serait de commencer à engager la Cour par un arrêt ordonnant
le partage, et de se prévaloir ensuite de cet arrêt , à l’ellet d’ob
tenir tous les bouleversetnens qu’ils voudraient.
L a Cour ne tombera pas dans ce piège.' En remarquant l’état
actuel des objets de la succession , elle s’apercevra que , par
un acte du fait légal de la dame de Montlosier, et par un acte
du fait volontaire de Jean de Servière, il n y a plus aujourd’hui
de lot possible , et par conséquent de partage possible. Elle
trouvera dès-lors contre sa dignité, d’ordonner un partage qui
n’amènerait aucun résultat.
Même en admettant l’allégation d’ignorance si gratuilemenr
avancée par les appelans, il serait impossible de leur accorder
ce qu’ils demandent.
Us voudront bien convenir que l’ ignorance de ses droits,
lorsqu’on a sous les yeux tous les élémens de ses droits, est
une grande faute. Certes, la loi 11 est pas douce en pareil cas.
On a beau se plaindre des dommages qu on éprouve, elle répond :
Quod quis pro sud culpd dammtm s e n tit, damnum sentire
non inCelligitur.
Dans la vérité, ils n’ont éprouvé aucun dommage. Ils ont
�( 61 )
au contraire retiré de cette faute de grands et de nombreux
avantages. A u lieu de retenir ces avantages, et de nous opposer
sur l ’ancienne succession une prescription déloyale, ils avaient
une manière bien simple de donner une apparence de justice à
leur réclamation; c’était de nous dire : « Rendez nous 10,000 f.
donnés par erreur : nous allons vous rendre Chés-Sabi et tous
vos droits à l ’ancienne succession. Oublions de part et d’autre
nos erreurs, et reprenons tous nos droits ». L ’apparence de cette
proposition raisonnable aurait pu séduire les juges, et alors nous
n’aurions pu nous-mêmes en être éloignés, que par la perspective
des frais, et un chaos de procès interminable.
Mais vous avez commis une faute qui vous a été heureuse ,
qui vous a été profitable; et lorsque vous en retenez les fruits,
vous voulez la faire tomber comme un fléau sur le sieur de
Montlosier, comme donataire, sous prétexte que le domaine de
Recolène , de la succession de Jean-Bnpiisle , iui a été donné
par contrat de mariage; oii bien comme mandataire, sous pré
texte que, faisant les atFaires de sa femme , il a reçu pour elle
une somme de 10,000 fr. qu’il a eue à sa disposition pendant
toute la route qui conduit du Teilhot a Recolène !
Comment a-t-on pu croire que la Cour voulût consacrer une
telle prétention? Certes, un partage n’est pas tout à fait comme
une contribution militaire, où, quand celui-ci manque de payer,
un autre paye à sa place. Un partage est assujéti à un ordre et
à des règles établis, que la justice 11e se permet pas de violer.
RÉSUMÉ.
En examinant en soi l’acte de 1783, il c^t évident que c’est
un prem ier a cte entre coh éritiers, ayant /<//£ cesser l in d iv is io n .
En examinant cet acte dans toutes ses circonstances, ainsi que
dans les circonstance* d’intérêt et de positions des parties, il est
16
�évident que cet acte est un arrangement de famille. Vingt-huit
ans de silence deviennent sur cela un témoignage irrécusable.
En considérant l’acte de 1783 comme simple acquisition faite
par Jean de Servière, du seul objet libre de la succession affectée
à ses droits, ces droits étant évidemment modiques, incertains,
éventuels, dépendant des hasards d’un partage, la dame de
Montlosier a pu légitimement vendre, et son oncle acheter un
objet sur lequel ledit Jean de Servière n’avait qu’une propriété
im parfaite. Par cette vente, les droits de Jean de Servière ont
été absorbés. Tout a été consommé.
E nfin, l’effet de cette vente étant aujourd’hui de rendre toute
opération régulière de partage im praticable, les héritiers de
J ea n de Servière n’ ont pas le droit de faire t omber c o m me un
fléau sur des tierces parties étrangères à la succession, les effets
d’une prétendue erreur qui leur a été profitable, et dont ils
s’obstinent à retenir les fruits,
M A N D E T jeune , avoué du sieur de Montlosier.
B E A U D E LO U X avoué des héritiers bénéficiaires.
A R I O M , de l ’imprimerie de la Cour impériale et du Barreau,
chez J .- C . S A L L E S ,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Montlosier. 1811?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandet
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
ventes
partage
successions
lettres de rescision
forclusion
tutelle
experts
domaines agricoles
indivision
prescription
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour le sieur de Montlosier et les héritiers bénéficiaires de la dame de Montlosier, intimés ; au dernier Mémoire pour les sieurs et demoiselle de Servière, appelants.
Table Godemel : Vente : 14. l’acte du 30 janvier 1783 consenti par Raynaud de Montlozier, en vertu de la procuration à lui donnée le 15 dudit mois, par Jeanne-Madeleine de Servière, son épouse, par lequel il vendit, à titre de vente pure et irrévocable, avec promesse de garantie, fournir et faire valoir, au sieur de Servière de Teilhet, les deux tiers du domaine de chez Saby, circonstances et dépendances, pour le prix de 10,000 livres et dix louis d’épingle qui lui furent payés comptant ; cet acte, quoiqu’il ait été le premier passé entre ledit sieur de Servière et la dame de Montlozier depuis le décès de Françoise-marie de Servière à laquelle ils devaient succéder, peut-il être considéré comme un partage de ladite succession, qui a dû faire cesser l’indivision de tous les objets composant cette succession ? ou bien, cet acte ne doit-il pas être regardé comme une vente pure et simple des deux tiers du domaine de chez Saby ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de la Cour impériale et du Barreau, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1811
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2018
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2017
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Priest-des-Champs (63388)
Pontgibaud (63285)
Clermont-Ferrand (63113)
Paris (75056)
Saint-Hilaire (63360)
Nébouzat (63248)
Roubras (domaine de)
Recolène (domaine de)
Chez Saby (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
domaines agricoles
experts
forclusion
indivision
lettres de rescision
partage
prescription
Successions
tutelle
ventes
-
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a08f8c7f39ab8001ea07e3df6adb42fb
PDF Text
Text
G E N E A L O G I E
D E S
P A R T IE S .
Gilbert de Servière,
à
Première» noce»,
Catherine Daurière.
M arguerite-Anne,
Jean-Baptiste, décédé en 1780,
Benoît Alaiga«,
Jeanne-Magdelejno de Servière,
•a nièce, décédée en 1788.
i
à
Françoite-M arie,
de cujui ,
décédée u n i postérité en 17O1.
N.
Secondes noces,
Gilberte Dupeyroui
Jean , sieur du T e ilh o t,
à
N . . . . Beaufranchet,
G ilbert.
Jeanne.
Am able.
M arie-Gilberte,
à
N. • •. Taravant.
Louise.
Françoise,
Enjelvin.
Jean s®.
Jacques,
n
Claire Desaix.
Jeanne-Magdeleine, décédée en 1788, sans postérité
,
Audebert.
Première» noces ,
Jcan-BaptUte de Servière ,
son oncle.
Seconde» noce» ,
François-Domiuique
Raynaud do Moatlotier.
�'
!
à
Marguerite-Aune,
Jean-Baptiste,
Benoît Maigne.
Jeanne-Magde
•a nièce, dé
Franço?8tente,
. . .
^
décédée sans j
unique
mtloiier.
�-
■
M
COUR
E
M
O
P
O
U
I
R
E
‘“ ™
R
I r ®. CHAMBRE*;
Les sieur et dame D E S E R V I E R E , propriétaires,
habitant au T e ilh o t, commune de SaintPriest-des-C hamps, appelans et intimés ;
C O N T R E
Le sieur E N J E L V I N , maire à Pontgibaud;
L o u is A U D E B E R T , marchand à Clermont et les dames T A R A V A N T , leurs
épouses , intimés et appelans
Le sieur R A Y N A U D D E M O N T L O Z I E R ,
propriétaire, habitant à Paris, intimé •
Les sieurs L E CO UR D E S A I N T -A G N E ,
propriétaire à Clermont P E Y R O N N E T }
médecin à Rochefort
E
et M. le baron M AN
N E Y évêque de Trêves, aussi intimés.
Ce t t e cause, fort simple dans son principe, ne
présentent d’abord que la seule question de savoir si une
vente consentie en 1783, à Jean de Servière, auteur des
A
�( o
appelans, devoit prendre les caractères d’un premier acte
entre coh éritiers, et ¿lever une fin de n o n -re c e v o ir
contre la demande en partage formée par les sieur et
dame de Servière. E lle a été jugée en ces termes au
tribunal de Clermont : et cette question fait l’objet d’un
appel interjeté par les sieur et dame de Servière.
L e besoin de l’une des parties lui a commandé de
compliquer un peu plus l’affaire; une vieille procédure
a été exhum ée; et en 18 10 , pour la première fo is , on
a pensé à interjeter appel d’ une sentence rendue contra
dictoirement en 1760, et exécutée très-volontairement
dans le courant de la même année.
Cet appel, imaginé pour les intérêts du sieur de M ontlozier, a été interjeté par les Taravan t, qui, pour la pre
mière f o i s , en 1809 , ont pris la qualité d’héritiers
bénéficiaires de la dame d e M o n tlo z ie r, décédée en 1788.
C e sont eux qui le soutiennent, sans objet comme sans
intérêt pour e u x -m ê m e s ; ce sont eux qui paroissent
défendre à la demande en partage ; et pendant que tous
les écrits sont faits en leur n om , parce qu’ils n’ont besoin
que d’y consentir, le sieur de M ontlozier, qui ne se com
promet pas en écrivant, agit, sollicite, recherche, re
mue ciel et terre pour gagner une cause que sans doute
il croit juste.
M algré cette addition d’une procédure étrangère à la
demande en partage, et qui l’a surchargée sans utilité,
il est fa cile, avec un certain o rd re, de rendre claire
ment les faits qui ont amené la contestation. Cette nar
ration naturellement arid e, et qui ne peut rien avoir
de piquant, exigera un degré d’attention de plus pour
en bien saisir tout l’ensemble.
�(
3
)
F A I T S .
G ilbert de Servière, aïeul des appelans et de la dame
de M o n tlo zier, fut marié deux fois.
E a premières noces, il épousa Catherine D a u r iè r e ,
dont il eut six enfans ; M a rg u erite-A n n e, qui épousa
Benoît M a ig n e , et dont il n’est pas question dans la
cause; Jean-Baptiste; Jean , sieur du T e ilh o t , père des
appelans; Marie - G ilb e rte , qui épousa le sieur T a ra v a n t , auteur des dames A u debert et Eujelvin ; Jean ,
et une autre fille dont il n’est plus question aujourd’hui.
E n secondes n oces, il épousa Gilberte D upeyroux ;
il en eut un seul enfant m â le , nommé Jacques, pèrô
de la dame de Montlozier.
Gilberte D u p e y r o u x , seconde femme de G ilbert de
S e rv iè re , avoit pour cohéritière Louise D u p e y r o u x ,
sa sœur. Les biens éloient indivis, et Gilbert de Servière
avoit été o b lig é , pour leur conservation, d’intenter ou
de soutenir des procès considérables, notamment contre
un sieur de M assé, et de faire des frais énormes qu’il
avoit tous avancés. Il paroît que ccs contestations furent
terminées par un tra ité, et j l fut stipulé que les frais
avancés par le sieur de Servièie seroîent compensés avec
certaines créances que le sieur de Massé avoit droit
de répéter contre Louise et Gilberte D u p eyro u x ; en
sorte qu’elles deviennent débitrices du ni on tant de ces
frais envers le sieur de Servière : ils se portoient, à ce
qu’il p a r o ît, à une somme de
fraiics‘
Gilbert de Servière avoit reçu , du chef de sa seconde
A 2
�( 4 )
fem m e, une somme de 2,000 francs. A p rès le décès de
Gilberte D u p e y r o u x , Jacques de S e rv iè re , son fils,
forma contre son père une demande en restitution de
ces 2,000 fr. ; mais comme le père étoit créancier de
2,175 fr. pour les frais avancés pendant le mariage pour
faire rentrer les biens de Gilberte D u p e y r o u x , Jacques
de Servière se désista bientôt de cette prétention.
Gilbert de Servière môurut en 174 2 ; tous ses enfans
étoient majeurs; mais Jacques, son fils du second l i t ,
l’a voit prédécédé ; Jeanne-M agdeleine, sa fille , étoit en
core m in eu re, Jean 2e. de Servière lui fut donné pour
tuteur.
L a succession du père donna lieu à. une instance en
la sénécliaussée ; Jea n , sieur du T e ilh o t, étoit donataire
de son père; les six autres étoient réduits à leur légitime
de droit; d’eux d’entr’e u x , notamment Jean 2e., avoient
cédé leurs droits au sieur du Teilhot.
Jeanne-Magdeleine, qui étoit seul enfant du second lit,
avoit des intérêts particuliers ; le tuteur forma en son
nom diverses demandes principales ou incidentes, ce
qu’il est assez difficile d’éclaircir après un laps de temps
aussi considérable, et dans un moment où aucune des
parties n’est nantie de la procédure.
Il prit d’abord des lettres de rescision contre le dé
partement fait par Jacques de Servière, de la demande
qu’il avoit form ée en restitution de la somme de 2,000 fr.
reçue du chef de Gilberte D u p e y ro u x , sa m ère, et il
en demanda l’entérinement.
Il prétendit en outre que sa mineure devoit prélever
9ur la succession un domaine appelé de Roubrat.
�( 5 )
L e sieur du T e ilh o t, à son to u r, demanda contre^ le
tuteur qu’il fût tenu de rapporter deux coffres .ççmplis
de linge, et un clieval harnaché, qu’il; prétendit avoir été
délivrés à Jacques de Servière.
-jü;. m ;; u
,-r
Sur toutes ces contestations, fut rendue, le '22 juillet
1760, une sentence contradictoire qui ordonna le partage,
11 est dit que le partage sera'fait>en quatorze portions ;
Q u ’il en sera délivré sept au sieurndu T e ilh o t, pour
le remplir de sa donation;, une pour [Sa, portion h éré
ditaire, et deux autres pour celles des- deux cohéritiers
dont il a les droits;
;/)J t?
* .jij ¿;;îî j'.ü; 'non ii\
Q ue sur deux autres -portions destinées^ aux dames
M aigne et T a ra v a n t, filles forcloses., il sera;)fait distrac-1
tion des sommes qui leur ont été données pour; légitim e,
et que le surplus,, faisant le droit d’accroi$sement, sera
partagé entre les quatre enfans mâles;
■
,
\-j..
Q ue la treizième sera délivrée à Jean-Baptiste* pour
sa légitime de d ro it;
-, ; , -r :,
.1 ir^ovu'l u-r.
. Et la quatorzième à Jean de, S erv iè re , comme tuteur
de Jeanne-M agdeleine,jsa n i è c e . , „ n 07jj
Il est o rd o n n é , s u r j e t t e dernière portion ; que-le
tuteur iinputeiftjja 'somme ¡de ] i ,75.i£v.r avancée pa;r,l’c’iïeul
pour le compte de Gilbert I}upeyrpu;>f, oatrç les 2,000 fr,
qu’ il a voit - entre,.les mains.,-j oov,} . ;| -ju^rti^'Ti: l* ?
« En conséquence, est-il d it, sur la demande en pré«
«
«
*
lèvement de la somme de 2,oop; francs.,* constituée à
Gilbertc D upeyroux,, ayonsqmis ,l§s parties h o r s d e
Cour-, à l’effet de quoi-av<j>ns.débouté le tuteur.dû
sa demande en entérinement des lettres de rescision
�( 6 >
« obtenues contre le département de Jacques de Sera vière. »1
'
^
Sur la demande éri prélèvement du domaine de R o u brat, ainsi que sur celle du sieur du T eilh o t contre le
tu te u r, il est ordonné que les parties contesteront plus
amplement.
Cette sentence fut signifiée au sieur du T e ilh o t , et
exécutée quant au partage immédiatement après; deux
experts, les sieurs Vialette et L e g a y , furent nommés
par les parties, et le 29 août 1760 ils firent leur rapport
qui contenoit partage entre les parties.
'' Ces faits se rattachent tous à l’appel interjeté par les
T a r a v a n t , de la sentence de 1 7 6 0 , le 12 janvier 1810.
, Il paroît que jusqu’à cette époque les pai’ties avoient
conservé paisiblement la possession des' lots respectifs
qui leur avoient été attribués; aucune n’avoit pensé à
critiquer les dispositions de la sentence, toutes au con
traire l’avoient respectée et exécutée; bien moins eucore
a voient-elles songé à suivre la disposition préparatoire,
relative au prélèvem ent de R o u b ra t, sur lequel le juge
ne s’étoit pas trouvé suffisamment instruit.
L ’ordre de faits dans lequel nous allôij's1e n tr e r, et qui
est h peu près étranger à l’appel dés T a râ v a n t, est néan
moins intimément lié avec ceux dont on vient de rendre
compte.
L a succession de Gilbert de Servière, partagée entre
tous ses enfans, se! composoit du château et réserve du
T e ilh o t, du domaine appelé 'du Teilhot', et de celui
nppelé de Chez-Saby.
�( 7 )
Les experts n’ayant à faire que la portion de JeanBaptiste et celle de Jeanne-Magdeleine * suivant lesrbases
posées par la sentence, avoient attribué des héritages
désignés à chacun de ces légitimaires; et délaissé le sur
plus au sieur du T e i l h o t , donataire.
Il paroît que sur leur rapport, et par leur m édiation,
les parties s’accordèrent entre elles, et exécutèrent ce
partage sur leur bonne foi réciproque. C ’est au moins ce
qui semble résulter des actes dont on va rendre com pte,
dans lesquels on en parle comme d’un partage verbal.
L e 3 avril 1 7 6 5 , M a rie -M a g d e le in e de Servière,
devenue m ajeure, vendit à Jean-Baptiste de S e rv iè re ,
son oncle, i ° . neuf corps d’héritages ou bâtimens, situés
au lieu de C h e z -S a b y , « et généralement, dit la vente,
« tous les autres biens fonds et communaux qui peu« vent lui appartenu*, et tels qu’ils lui sont échus par le
« partage verbal fait enti’e les parties et Jean de Servière,
« sieur du T e ilh o t , par les sieurs Vialette e t L e g a y ,
« experts convenus. »
Cette vente fut faite moyennant la somme de 2,248 fr.;
et en outre sous la condition par Facquéreur de tenir
quitte la
dem oiselle
de Servière de
la
somme {de
28 fr a n cs qiüelle lu i devait pour retour e t soulte dudit
partage.
Cet acte fut suivi d’ un contrat de mariage entre les
memes parties. Jean-Baptiste de Servière épousa JeanneMagdeleine , sa n ièc e, le 10 avril 1767.
L a future se constitua, i°. son trousseau estime 2,000£.;
2°. tous les droits qui lui étoient échus par le décès de
�( 8 )
ses père et m ère, avec pouvoir/au futur de les recher
ch e r , m êm e'de les rvendre et aliéner. • d
fi'^Lès futurs époux se firent donation mutuelle, au sur
vivant d’eu x , de tous leurs Biens présens et à venir.
Ce mariage donna le jour à cune fille, Marie-Françoise
de Servière,» dont la succession fait l’objet principal du
procès.
y.
>
ya Jean - Baptiste -de, Servière mourut à Recolène , une
dé ses propriétés, le 9 ' septembre 1780;
• !E t ’M arie-Françoise, sa fille, mourut à l’âge de douze
ans , le 25 octobre 1 7 8 1 , nè laissant d’autre succession
que la portion qu’elle pouvoit exiger dans les biens de
son père , par retranchement sur la donation portée au
contrat de mariage de 1767.
- A p rè s la1«perte de sa fille un iqu e, Jeanne-Magdeleine
de Servière ne resta pas lon gtem ps veuve ; elle épousa
le sieur Raynaud de M ontlozier, le 23 juillet 1782.
P ar le contrat de m aria g e , *elle- se constitua tous ses
biens, hors son domaine de C h ez-Sab y, qu’elle se réserva
en paraphernal.
Elle fit donation entre-vifs, au sieur de M on tlozier, de
son domaine de R ecolène, et lui donna la jouissance de
ses autres biens en cas de survie.
Ce sont toutes les clauses essentielles à rappeler. O n
se souvient qu’elle réunissoit sur sa tête sa portion et
celle de Jean-Baptiste de Servière, son premier m ari,
dans les biens de G ilbert de S ervière , son aïeul; elle
avoit deux tiers du domaine de Chez-Snby; et celui de
Recolène , acquis par Jean-Baptiste, lui apparienoit en
entier.
�( 9 ) .......................
entier. A la vérité cette p r o p r i é t é é f o i t sujette à retran
chement pour la portion légitimaire de Françoise-Marie
de Servière; mais cette circonstance, ignorée sans doute
des héritiers naturels de Marie-Françoise, n’avoit donné
lieu à aucune re ch erch e, et la dame de M ontlozier ne
la connoissant pas mieux , avoit continué à se regarder
comme propriétaii'e de la totalité.
C ’est dans cet esprit que voulant se défaire de tout
ce qu’elle possédoit dans le domaine de Chez-Saby, elle
donna, le i 5 janvier 1783, au sieur de M on tlozier, son
é p o u x , une procuration qu’il est essentiel de connoître.
Elle lui donne pouvoir « d'a fferm er, régir et spé« cialem ent vendre tous les biens tant meubles qu’im«
«
«
a
«
«
meubles, bestiaux , denrées et effets, et percevoir tout
ce qui peut lui être d û , tant en principal, intérêts que
frais, le tout appartenant à ladite dame de Servière,
comme biens paraphernaux situés dans le lieu de
Chez-Saby................ toucher les deniers provenant des
baux à ferme ou des ventes qu’il pourra faire, donner
« quittance du to u t, et faire desdits biens tout ce qu’il
k
jugera à p ro p o s, pour et au nom de ladite dame cons-
« tituante, promettant, etc. »
Cet acte ne restreignoit à personne en particulier la
faculté d’acquérir; il étoit libre au sieur de Montlozier
de vendre à qui bon lui sembleroit : ce qui démontre
déjà que Jeanne-Magdeleine de Servière, héritière de sa
fille, com m e sa cousine g erm a in e, n ’ a v o i t pas le moins
du monde en v u e , dans cette p r o c u r a t i o n , un pacte
quelconque sur la succession de sa iille, ni aucun traite
avec scs cohéritiers.
B
�J 3AC 10 )
La manière la plus avantageuse de se défaire des deux
tiers du domaine de Chez-Saby, étoit sans doute de les
vendre à celui qui avoit la propriété de l’autre tiers ;
aussi le sieur de M ontlozier pensa-t-il à traiter avec le
sieur du T e ilh o t; il lui en passa la vente le 30 janvier
1 7 8 3 , à quinze jours de date de la procuration. Il faut
connoîtrecet acte exactement, puisqu’il est la pièce prin
cipale du procès : tout y est essentiel, jusqu’aux qualités
que prennent les parties.
L e sieur de M ontlozier y figure comme fondé de
procuration de son épouse, pour vendre les deux tiers
du domaine de Chez-Saby.
- IL déclare ensuite « q u 'il vend à titre de vente pure
a et sim p le , perpétuelle et irrévocable, avec promesse
« de g a r a n tir , fourn ir, faire jouir et faire valoir envers
« et contre tous, à M . Jean de S e r v i è r e . . . . les deux
« tiers du domaine appelé de Chez-Saby, etc.
« Ledit domaine ainsi vendu f r a n c et quitte de cens
« et autres charges et servitudes, et en outre pour le
«
«
«
«
«
p r ix et som m e de d ix mille liv. et dix louis d’épingles,
q u i ont été payés co m p ta n t, réellement et d e f a i t . . . .
à la vue des notaires................ . . . au moyen de quoi
ledit sieur v en d eu r, ès-dites qualités s’est dès à p résent dessaisi et dévêtu de la p ro p riété, etc. »
Cette vente faite par la dame de Montlozier est celle
qu’on veut aujourd’hui faire considérer comme un par
tage de la succession de M arie-Françoise de Servière : il
étoit essentiel de le faire connoître. Les choses restèrent
en cet état jusqu’au 21 mars 178 8, époque du décès
de la dame de Montlozier.
�( 11 )
. Cet événement fixa sur la tête du sieur de M ontlozier
la propriété du domaine de R eco lètie, et .l’usufruit de
tous les autres biens de Jeanne-Magdeleine de Servière.
Il conserva paisiblement l’un et l’autre , quoiqu’une
partie de ces biens appartînt à la succession de Fran
ç o ise -M a rie de Servière*, ses héritiers ne réclamèrent
pas davantage en ce m om ent, qu’ils ne l’a voient fait dans
l’intervalle de son décès jusqu’à l’acquisition de 17 8 3 ,
ignorant sans doute que la légitime étoit conservée par
la lo i, malgré la donation entre-vifs.
Les événemens de la révolution vinrent se joindre à
ces circonstances, et éloigner encore le moment où les
sieurs de Servière devoient connoître la réalité de leurs
droits.
- Les choses ont resté en cet état jusqu’au 21 octobre
1809. Les sieur et dame de Servière ont commencé par
répudier la succession de la dame de Montlozier.
L e 3 novembre ils y ont fait nommer un curateur.
L e 18 du même mois ils ont présenté une requête au
tribunal de C lerm ont, et introduit l’instance.
Ils ont demandé la permission d’assigner, i ° . le cura
teur, pour venir à partage de la succession de FrançoiseM arie de S e r v iè r e , dont la dame de M ontlozier étoit
héritière en p artie, non comme sa m è re , mais comme
sa cousine germaine ;
••’ 2°. L e sieur de M o n tlo zier, donataire de son épouse,
et la représentant, pour vo ir o p é re r, sur l a donation
faite à Jeanne-Magdeleine de Servière par son premier
mari y le retranchement d’un tiers f o r m a n t la légitime
de rigueur de Francoise-M arie, leur fille ;
B 2
�( 12 )
3°. I 'es acquéreurs de Recolène, pour rapporter les
biens acquis.
Ces acquéreurs étoient M . M ann ey, acquéreur de ce '
domaine en .1 7 9 1 , et les sieurs Peyronnet et L ecou rS a in t-A g n e , entre les mains desquels il a passé depuis.
4 0. Enfin les sieur et dame de Servière ont demandé
une provision de 3,000 francs.
' Cette requête ayant été répondue d’une ordonnance
portant permission d’assigner, le tribunal de Clermont a
été saisi de la contestation par exploits des 20 et 28 no
vem bre 1809.
Mais dans l’intervalle de nouvelles parties s’étoient
présentées. Les T a r a v a n t, sans se déranger de leur do
micile , a v o ie n t , le même jour 20 n o vem b re, accepté
sous bénéfice d'inventaire la succession de la dame de
M o n tlo zier, par acte mis au greiTe du tribunal de Clermont..
Cette acceptation , à laquelle vraisemblablement ils ne
mettoient pas grand intérêt, avoit été faite par le sieur
de M ontlozier, comme fondé de p o u vo ir, en vertu d’une
procuration sous seing p r i v é , du 12 du môme mois.
Ces héritiers bénéficiaires s’en tenoient à cet acte : leur
fondé de pouvoir ne s’empressoit pas de le faire connoître. Les sieur et dame de Servière en furent instruits;
ils prirent le parti d’en retirer une expédition ; et le
26 décembre ils les assignèrent, en leur notifiant l’acte
d’acceptation mis au greffe par leur fondé de pouvoir.
•: Pendant que tout cela se faisoit h Clerm ont, un autre
genre de procédure se preparoit en la Cour. La sentence
de 1760 fut exhumée ;. et malgré son isolement, son
�( *3 )
exécution, et lès cinquante années entassées sur elle, un
appel f u t . interjeté le 12 janvier 1810", nf) t
-j ■
--»
Par qui ? Mais pourquoi cette question»? n e1 vient-on
pas de dire que les Taravant s’étoient portés héritiei’s
bénéficiaires de la dame de Montlozier ?
Cet app el, interjeté pour la première fois en 18 1 0 ,
pouvoit paroître d’une inconcevable témérité; aussi cruton nécessaire de lui donner la couleur d’une reprisé!'’
On y parle d’un précédent appel, que les'sieur et damé
de S erv ière , et vraisemblablement les Taravant euxm êmes, peuvent bien soupçonner n’avoir jamais existé;
car ils n’en connoissent pas la plus petite trace!
’’
O n y assigne pour voir reprendre ï’instàncè prétendue
pendante au parlement; mais, par mesure d e 1prudence^
qui assurément ne passera pas pour un excès de pré
caution , on y demande acte de ce qu’on réitère l’ap p e l ,
de ce qu’au besoin on en interjette un nouveau; i ° . en
ce q u e , par la sentence, le tuteur de Jeanne-Magdeleine
de Servière a été débouté de sa demande en prélèvement
des 2,000 francs ; 20. en ce* qu’il a été ordonné qu’on
contesteroit plus amplement sur le prélèvement du do
maine de Roubrat. O n demande l’adjudication des con
clusions prises en première instance. >
i
•*' *
Quand on considérera cle près ces deux chefs de
demandes, on demeurera convaincu qu’ ils n’étoient pa's
sérieusement l’objet de l’appeli
'<•
^
A u s s i, à mesure que les sieur et dame de Servière
sollicitoient le jugement de la cause, les’Taravant redoitbloicnt d’eiïorts pour le retarder; ils vouloicnt le pousser
jusqu’après le jugement de la demande en partage, dont
�C x4 )
cet appel étoit destiné à devenir un incident. U n arrêt
par d éfau t, du 31 juillet 18 10 , les déclara non recevables; ils y "ont formé opposition.
Bientôt après, et le 14 août 1810, le tribunal de Clermont a prononcé sur la demande en partage; les sieur
et dame de Servière en ont été déboutés.
Les motifs de ce jugement sont en substance, que la
succession de Françoise-Marie de Servière étoit ouverte
lors de la vente de 178 3 ;
_ Que cet acte est passé entre majeurs ;
Que les deux tiers du domaine de Chez-Saby faisoient
partie de la succession de Jean-Baptiste de Servière, et
q u e Jean de Servière ne pouvoit ignorer qu’ils fussent
sujets à la légitime de Françoise-M arie;
Que cet acte, quoique qualifié v e n te , doit être con
sidéré com m e ayan t eu pour 'objet de f a i r e cesser
t indivision entre les contractans, et de f ix e r 'le s droits
successifs de chacun dans l’hoirie de Françoise-Marie
de S ervière;
Que le prix de 10,000 francs donné à la vente doit
être considéré comme soulte de partage ;
Enfin que cet acte, considéré comme p artage, n’a pu
être attaqué après le terme de dix années.
Les sieur et dame de Servière, par un appel, ont saisi
la C our de cette demande.
C ’est alors que sous le nom deT aravan t on s’est décidé
à poursuivre; on a demande la jonction de cette instance
avec celle déjà pendante sur l’appel de la sentence de 1760.
La cause portee à l’audience, les sieur et dame de Ser
vière s’opposèrent à cette jonction.
�(iS)
! Ils soutinrent qu’il n’y a voit pas lieu à reprise 3 parc©
qu’ il n’y avoit pas d’appel au parlement; ,*> r
Q ue l’appel interjeté, en tant que de besoin , en 1810,
n’étoit pas recevable; que conséquemment il n’étoit pas
question d’examiner si le fond avoit ou non de la connexité avec la demande en- partage.
A u fond même ils observèrent que l’appel étoit sans
objet pour les 2,000 francs;
r
E t que pour le prélèvement du R oubrat, ce n’étoit pas
le cas d’interjeter appel de ce que les juges ne s’étoient
pas trouvés suffisamment instruits, et de se plaindre d’une
disposition purement suspensive, après avoir reconnu , •
par un silence de cinquante années', qu’on n’étoit pas en
état de leur en apprendre davantage ;
Q u ’ainsi ce ne pou voit être, sous aucun rapport, le
cas de saisir la C our par un appel.
• Néanmoins, contre les conclusions du ministère pu b lic,
•la jonction fut ordonnée. Il faut donc examiner la cause
dans son ensemble.
:
'
D IS C U S S IO N .
. 1
r
•
L ’ordre des faits nous conduit d’abord à examiner la
demande en rep rise, et l’appel de la sentence de 1760.
Quelques réflexions démontreront bientôt qu’il n’est ni
recevable ni fondé. .
E t d’aboi'd il faut écarter la demande en reprise de
l’appel pendant au parlement; on n’en r appor te aucune
trace, les sieur et dame de Servière nelo connoissent pas:
�y ** '
( Ï6 )
comment pourroit-on en ordonner la reprisé, lorsqu’il
est plus incertain qu’il ait jamais existé ?
Que faut-il penser de l’appel en lui-m êm e ? L a sen
tence fut signifiée et exécutée en 1760.
- A là vérité cette exécution n’auroit pas préjudicié à
l ’appel de la disposition relative au domaine de R oubrat,
parce que le partage devoit être fait nonobstant le sursis;
mais elle n’en est pas moins la preuve certaine que la sen
tence fut légalement connue de toutes les p a rties, en
1760, que conséquemmentles délais de l’appel ont couru
depuis cet époque.
ç 1 Ce délai étoit de dix ans pour une sentence contra
dictoire , et il s’en est écoulé cinquante.
O r , non - seulement on ne rapporte aucune preuve
d’interruption, mais encore il est évident que la pres
cription s’est accomplie plusieurs fo is , soit sur la tête de
Jeanne-Magdeleine de Servière, pour le compte de la
quelle l’appel est interjeté , soit sur celle du sieur de
M ontlozier , son d onataire, soit même sur celle des
Taravant.
E t en effet, Jeanne-Magdeleine étoit majeure en 176 5,
lorsqu’elle vendit à son oncle sa portion dans les biens
du père : elle n’est décédée qu’en 1788.
Et depuis cette époque vingt-deux ans se sont encore
écoulés sur la tête du sieur de M o n tlo zier, son dona
taire , et sur celle de son héritier.
) Dira-t-on que la succession étoit vacante? Mais l’héri
tier qui a accepté après vin g t-d e u x ans, a dû prendre
les choses eu l’état où elles étoient. L ’acceptation remonte,
par
�( 17 )
par la fiction de la lo i, au moment du dccès; car celui
qui accepte de fait étoit déjà saisi de droit depuis l ’ou
verture de la succession; .il est censé avoir été héritier
dès le premier instant ; il a toujours été l’homme de la
succession; les actions ont résidé dans sa personne, et la
prescription a co u ru , sauf les interruptions ordinaires.
Mais au fond, qu’est cet appel? Une chimère.
Il est évidemment sans motifs pour le prélèvement de
2.000 francs constitués à Gilberte DUpeyroux. G ilbert
de Servière, qui les avoit reçus, avoit avancé pour elle
2,175 francs, dont elle avoit largement profité par la
rentrée de propriétés considérables : les deux sommes
s’étoient réciproquement compensées en se rencontrant
dans la même main.
Aussi Jacques, père de Jeanne-Magdeleine, qui avoit
form e contre son pere la demande en payement de ces
2.000 francs, s’étoit-il départi de sa demande.
C ’étoit donc très-mal à propos que le tuteur de sa fille
avoit pris des lettres de rescision contre ce département;
la sentence avoit donc bien jugé en le déboutant de sa
demande en entérinement des lettres ; et enfin JeanneM agdeleine, devenue majeure, avoit donc sagement ap
précié cette sentence en l’exécutant.
V o ilà , ce sem b le, de quoi justifier pleinement, et la
sentence, et le silence de cinquante années qui l’a suivi,
par conséquent la témérité de celui qui s’est avisé de le
rompre.
S e r o it- il plus heureux pour l’autre chef? Cela n’est
pas vraisemblable.
Pourquoi fut-il ordonné un plus amplement contesté?
C
�( 18 )
Parce que le tuteur ne justifioit pas sa demande en
prélèvement.
P o u r q u o i, après cette sentence, le tu teu r, ou JeanneM agdelein e, devenue majeure, n’ont-ils pas tenté d’éclairer le ju g e , et d’obtenir une décision ?
. Parce q u e , sans d o u te , ils n’ont pas été à même de
mieux établir leur prétention.
E t de là ressort évidemment le bien jugé de la sen
tence.
Si d o n c , à l’extrémité de cette longue période , ils
ont trouvé des moyens capables d’obtenir le prélève
ment qu’ ils demandoient, c’est au juge lui-même qu’il
falloit les produire ; mais ils ne pouvoient fournir le
plus léger prétexte d’attaquer la sentence.
Juger que la sénéchaussée a fait tort aux parties par
un sursis indéfini, lorsque les parties elles-m êm es en
ont attesté la nécessité par un sursis volontaire d’ un
demi-siècle; retenir la connoissance de cette disposition
par voie d’a p p e l, blâmer le juge et infirmer son juge
ment dans des circonstances semblables, ce seroit ne pas
a voir une assez haute idée de la justice.
, Mais deux mots sur le fond démontreront encore la
témérité des Taravant.
L e sursis prononcé par la sentence pouvoit avoir deux
causes.
O u le tuteur n’établissoit pas que sa mineure fût
propriétaire du domaine dem andé, ou il ne prouvoit
pas qu’il fût entre les mains des cohéritiers de Servière.
O r , ce que le tuteur ne faisoit pas alors, les Tavavaut ne le font pas encore aujourd’hui.
�( 19 ^
s Ils ne se sont pas mis en mesure d’établir le droit de
Jea n n e-M a gd e le in e de S erv iè re , à un domaine de
Roubrat.
E t quand ils l’auroient fa it, leur cause n’en seroit pas
meilleure ; car ce domaine n’est pas entre les mains des
héritiers de Servière. Si en effet on consulte le partage
de 1 7 6 0 , on ne voit dans la masse des biens que la
réserve et le château du T e i lh o t , le domaine du même
n o m , et le domaine de Chez-Saby ; rien qui ressemble
à un domaine appelé de Roubrat.
Comment donc pourroit s’exercer ce prélèvem ent? '
’ Ces réflexions sont surabondantes : on n’a pas cru ce
pendant devoir les omettre; elles démontrent à la C our
que cet appel n’est qu’une réminiscence tardive, destinée
seulement à faire diversion , et sur la q u elle , il faut la
croire, les Taravant conservent pour leur compte une
parfaite insouciance.
Il faut donc entièrement oublier cette partie de la
cause, et ne s’occuper que de l’appel du jugement rendu
par le tribunal de Clermont.
Sur ce p o in t, la défense du sieur de M ontlozier roule
sur un seul argument qu’ il tourne et retourne sans cesse
dans la bouche des Taravant.
Quoique la vente de 1783 soit d’un objet unique
de la succession , quoiqu’ellç soit faite pour un prix
certain, quoique j’aie reçu ce prix qui est la représen
tation de l’im m euble, et que je l’aie tout entier entie
les m ains, je soutiens que cet acte qualiiie vente étant
le premier que j’aie passé avec mon cohéiitiei t il tient
�( 20 )
lieu d’un véritable partage, lors duquel chacun auroit
reçu sa portion.
A la v é r ité , le prix payé et reçu fait obstacle à cette
interprétation -, mais l’obstacle est peu de chose : la somme
payée e st, suivant l u i , une soulte de partage, et non
un prix de vente.
C ’est donc principalement dans cet acte qu’il faut
chercher des principes de décision. P o u r cela, il faut
en considérer la natui’e , la substance et les effets.
Mais avant tou t, il faut bien saisir ce qu’ont entendu
la-loi et la jurisprudence en érigeant en principe que
le premier pacte entre cohéritiers , sur la succession
co m m u n e, est réputé partage.
D e tous les temps on a reconnu en principe qu’il n’étoit
pas plus permis d’user de fraude dans un partage que
• dans tout autre acte. C ’est ce qui' y a fait admettre l’ac
tion en rescision pour lésion.
P o u r échapper à cette action, on eut bientôt imaginé
de donner aux partages une couleur qui ne leur étoit
pas p ro p re, celle d’ une transaction-, celle d’une v e n te r
d’un échange, etc. La loi étoit éludée, si les tribunaux
n’eussent pas pris le parti de réprimer sévèrement cette
fraude.
• P a r une conséquence directe du principe qui veut
q u’on considère plutôt l’intention réelle des parties que
la form e ou la figure des actes, on considéra comme
partage, non pas comme l’ont dit les premiers juges
avec les intirnés, tout prem ier acte entre co h éritiersf
mais tout premier acte r e la tif à la succession } tout acte
�( 21 )
dont l’objet évident étoit de f o i r é cesser Fiiidivision.
Puisque cette règle n’est pas écrite dans la lo i, il faut
s’aider de l’autorité des docteurs qui les premiers l ’ont
introduite ; mais aussi faut-il prendre leur doctrine telle^
qu’elle est, et surtout ne pas lui donner une amplifi
cation ridicule.
.• P o u r n’éprouver aucun reproche, prenons les auteurs
que citoient les Taravant en première instance : d’abord,
Mornac.
Il s’exprime ainsi sur la loi 30, cod. D e p a ctis, in jin . :
Cœterum ut transaclionis verbum transfertur hic
ad bonorum diçisiones ita et servam us ex u s u , atque
e x a rrestis, doctrinam interpretum quâ d ici consuev it, coheredes quantum vis utantur transactionis verbo
I N D I V I D U N D I S QUÆ I N T E R EOS E X H E R E D I T A T E D E F U N C T I C O M MU N IA S ü n t esse
tcimen n on transactio—
nem sed meram
factam
divisionem
scilicet
u t
7iec
ver à injuriosus dam nosusque sociu s in causa s i t , ut
QUISQUE PORTI ONE SUA H E R E D I T A R I A F R U A T U R ,
deteratur hœ reditatis indivisœ unw ersitas.
11 ne faut pas se faire illusion sur le véritable sens de
ce passage. Ce n’est pas tout premier acte entre cohé
ritiers que les auteurs ont considéré comme partage,
mais uniquement celui qui a eu pour objet de diviser
la succession commune : in dividundis quœ com munia
surit.
Bien plus, cette décision porte avec elle - même son
*notif, sou objet; elle n’en a d’autre que de prévenir
les fraudes, en assujettissant à la rescision pour cause
de lésio n , les actes qui ont intrinsèquement le caractère^
�446 '
( 22 )
de partages quoiqu’autrement qualifiés : Ja cta m sciîicet
u t q uisqu e portione sua fru a tu r.
Teuons-nous-en pour ce moment à ces deux remar
ques; nous verrons bientôt si l’acte de 1783 peut satis
faire et l’esprit et l’objet de cette décision toujours ob
servée depuis en jurisprudence.
Les auteurs français tiennent tous le même langage.
Bornons-nous à M . M e r lin ; voici ses propres expres-sions rapportées par les Taravant eux-mêmes, en pre
mière instance :
« La jurisprudence a établi que tout premier acte entre
« cohéritiers, a u s u j e t d e l a s u c c e s s i o n qui leur
« est dévolue
en commun , est réputé partage. »
E t enfin, quoi de plus formel que l’article 888 du
Code Napoléon ?
« L 'a ctio n en rescision est adm ise contre tout acte
« qui a four
objet
de
fair e
cesser
l ’i n d i v i s i o n
« entre cohéritiers , encore qu’ il fût qualifié vente ,
« transaction, éch a n ge, ou d’ une autre manière. »
Cet article n’est qu’ une copie fidèle du passage de
Mornac. La loi n’a d’autre but que d’atteindre les actes
dont Vobjet est de f a i r e cesser t in d iv isio n , et de les
soumettre à Tabtion en rescision.
Mais il faut que Pobjet de l’acte soit du moins apparent;
que quelque circontance le découvre : jusque-là il reste
ce qu’ il est, sans qu’il soit permis ni de le dénaturer, ni
d’y lire autre chose que ce qui y est écrit; car il est un
autre principe non moins sacré, c’est qu’un acte vaut pour
ce qui y est ex p rim é, à moins que sa substance 11e s’y
oppose. '
�( *3 O
Q u ’on n’érige donc pas en principe que deux co h é
ritiers de Liens indivis ne peuvent faire entr’eux de
convention d’aucune espèce, sans s’interdire la faculté
de demander le partage, et que le moindi’e pacte fait
par l’un d’eux sur le plus petit héritage de la succession,
vaut de droit aliénation de sa, p o rtio n , quelque con
sidérable qu’elle puisse être. Celte proposition est tel
lement révoltante, que la raison seule la repousse sans
le secours du droit.
Cependant, a dit en première instance le sieur M outlo zier, « la loi n’exige pas, pour que l’acte soit réputé
« partage, que les parties aient m ontré l’intention de
« partager ; elle veut que quand même elles auraient
« employé tous les modes imaginables pour ôter à leur
« acte l’apparence d’un partage, cet acte soit réputé tel, r»
Cet argument ne pèche que par un seul mot ; mais
si on supprime ce m ot, l’objection disparoît toute entière.
N o n , sans d o u te, la loi n’exige pas que les parties
aient m ontré l’intention de p artager, car alors l’acte
serait partage par l’expression comme par le fait; mais
elle exige qu’elles l’aient eue, que l’acte a it
eu pour objet
de faire cesser l’indivision. Et il faut que cette intention
et cet objet paraissent par quelqu’endroit ; que l’acte
permette de le penser, et en fournisse la p reu v e, ou
par lui-m êm e, ou par les circonstances qui l’enlpurent.
A in si, dans une donation frauduleuse et déguisée sous
la forme d’une ven te, le juge n’exigera pas,, pour l a n n u lle r , que les parties aient montre leur intention de
trom per, mais au moins ne le décidera - t - i l pas sans
que cette intention lui soit dévoilée par un concours
�( M )
de circonstances. Hors ce cas , il maintiendra l’acte
comme donation , et en ordonnera l’exécution dans sa
form e, pour tout ce qui y est exprimé. Il en est de même
dans le cas présent.
Ces principes posés, examinons l ’a cte , et voyons s i,
bien loin de permettre l’explication des intimés, il nel’exclut pas entièrement.
‘ i ° . La perm et-il? non.
Il est passé entre la dame de M o n tlo z ie r, par son
fondé de p o u v o ir, et le sieur du Teilhot.
Ils n’y disent nulle part q u ’ils traitent comme cohé
ritiers.
Ils ne se donnent pas même cette qualité.
Ils n’y parlent d’aucune succession qui soit le sujet
‘de leur pensée.
L ’une des parties vend à l’autre un objet déterminé.
E lle le vend moyennant un prix certain.
L ’acquéreur paye le p r i x , et ne devient propriétaire
q u ’à cette condition.
E t il faudroit considérer cet acte comme fait au sujet
r
d’ une succession !
Considérons bien la position des parties.
Jeanne -M agdeleine de Servière étoit donataire u n i
verselle de son premier mari.
E lle se considéroit comme propriétaire du tou t; elle
l’étoit en e ffe t, sauf le droit réservé à sa fille de de
mander le retranchement.
E lle décède en minorité , ne laissant que des héritiers
collatéraux , qui ignorent le droit que leur donnoit la
loi de faire retrancher la donation.
Ces
�•
(
î
5
)
Ces héritiers, possesseurs d’un tiers de d om ain e, et
bien aises d’y réunir les deux autres, gardent deux ans
le silence, quoiqu’il leur fût facile d’en obtenir la ma-*
jeure partie par cette voie.
A u bout de ce temps, la dame de M ontlozier met en
Vente ces deux tiers de domaine; ils n’aperçoivent pas
d’autre moyen de les acquérir, ils les achètent, ils les
payent.
E t ils ont entendu faire un partage !
E t la justice doit décider qu’ils ont eu pour objet de
f a i r e cesser Vindivision !
Evidemment l’acte ne permet pas une interprétation
aussi contraire à sa substance qu’à sa forme.
2°. Il l’exclut entièrement.
Car pour décider que l’acte a eu pour objet de faire
un partage , il faudroit d’abord établir que les parties
en ont eu la pensée.
O r , le contraire est témoigné par l’acte, et surtout
par la procuration en vertu duquel il est consenti.
E n eifet, le sieur de M on tlozier, vendeur com m e
f o n d é de pouvoir seulement, n’a pu avoir d’autres v o
lontés, y faire d’autres conventions que celles autorisées
par la procuration.
Que porte-t-elle?
Remarquons d’abord que la dame de Montlozier n’y
a absolument en vue que les deux tiers du domaine de
Chez-Saby.
Elle donne pouvoir à son mari de les a fferm er , régir,
et spécialem ent vendre, percevoir tout ce q u i peut lu i
être d û , etc.
�( â'6 )
E lle ne lui permet donc de pacte que sur les deux
tiers de C h e z - S a b y , ce qui est absolument exclusif de
toute idée de partage de la succession de sa fille; car
pour cela il eût fallu y rapporter, au moins fictivement,
le bien de Recolène dont elle avoit déjà disposé ; par
conséquent traiter, faire un pacte quelconque sur cette
propriété; ce dont elle n’avoit pas donné le pouvoir.
E t ce domaine de C h e z-S a b y est tellement peu dans'
sa pensée destiné à faire des lots de partage, qu’elle
autorise son-fondé de pouvoir à le vendre à qui bon lui
semblera, sans limitation de personnes, et surtout sans
aucune indication de ses cohéritiers.
E t parce qu’un accident tout à fait étranger à. la pro
curation de la clame de M ontlozier, et indépendant de
sa v o lo n t é , a voulu que l’acquéreur fût précisément
un cohéritier, il en résultera que le fo n d é de p o u v o ir,
qui a reçu le p r i x , a voulu et pu faire un partage de
succession !
Cette proposition est insoutenable.
Ici on ne peut se dispenser d’ une réflexion.
Ce fondé de pouvoir fut le sieur M on tlozier, aujour
d’hui partie dans l’instance.
au lieu de placer des moyens de d r o i t ’dans la bouche
des T a ra v an t, pour imprimer à la vente de 1783 un
caractère qui n e peut ótre le sien , il avait positivement
avancé qu’en effet il fut question entre le sieur de
Si
Servi cire et lui du ¡partage de- ’la succession ; que l’acte
n’eut réellement 'pus d’autre o b je t, que les ro,ooo IV.
payés ne furent pas le prix réel de la vente, mais scu-
�( 27 )
lement une soulte de partage, on lui demanderoit com
ment il put le faire ainsi en vertu de sa procuration ;
Comment il n'entra pas dans sa pensée, à lui qui y
eût été spécialement intéressé comme donataire de R e c o lè n e , de lier formellement le sieur de Servière par
l’abandon de ses droits successifs ; ce qu’il eût bien fait
assurément si c’eût été là son intention ;
O u comment, s’il voulut partager avec une procuration
qui ne le lui permettoit pas, il n’eut pas l’idée, ou d’en
prendre une autre, ou de se porter fort pour son épouse;
ce qui de voit d’autant moins lui coû ter, qu’il étoit pro
priétaire de tout le surplus de la succession.
Il est difficile de deviner ce qu’il pourroit répondre;
mais au moins il auroit eu le mérite de s’expliquer po
sitivement.
Comment se p e u t- il donc que sur un fait qui lui est
personnel, il se réduise lui-même à des inductions tirées
des principes du droit, qu’il accommode au besoin de sa
cause ?
Mais il est évident que l’acte ne contient pas les con
ditions indispensables pour pouvoir le présumer partage.
Si on considère le but et les effets de la jurisprudence
dont les intimés se prévalent, on en sera bien mieux
convaincu.
O n a vu qu’elle n’a pas d’autre objet que de soumettre
ees sortes d’actes à la rescision pour lésion.
Aussi les intimés se sont-ils empressés de d ir e , et le
tribunal de Clermont de juger , que cette action ne
pouvoit être exercée après dix ans.
D 2
�( 28 }
Ils reconnoissent donc que cet acte eût été susceptible
de lésion du tiers au quart.
Il y a grande apparence qu’ils n’eussent pas tenu le
même langage le lendemain de la vente, si le sieur de
Servière eût exercé cette action ; et certes ils y auroient
été bien mieux fondés; car si on suppose qu’elle eût été
exercée, il est au moins fort difficile de concevoir com
m e n t on s’y seroil pris pour l’étab lir, et par quel moyen
la justice auroit pu l’admettre.
E t si pour distinguer mieux encore le caractère réel
de l'acte, on suppose que la dame de M ontlozier eût ellemême demandé la rescision pour lésion d’outre-moitié,
comment le sieur de Sei'vière e û t-il résisté à cette de
mande ? e û t - il dit que c’étoit un premier acte valant
partage ?
Mais la dame de M ontlozier lui eût victorieusement
répondu : V o u s êtes dans l’erreur. D ’une part, quand
l’acte seroit fait en form e de partage, il ne m’obligeroit
pas, comme tel , car je n’en ai pas donné le pou vo ir;
mais il n’est que l’exécution littérale de ma procuration.
Je n’ai voulu que vous vendre, et non pas faire un pacte
de succession; je vous ai ven d u ; je vous ai garanti la
propriété; j’ai reçu le p r ix ; mon contrat n’a donc rien
d’aléatoire; il n’est donc qu’une véritable vente, sujette
à toutes les règles de la vente ; je suis donc fondée à
prendre la voie de la rescision.
Cet argument eût été sans réponse.
En faut-il davantage pour démontrer que le tribunal
dont est appel s’est m épris?
�( 29 )
M ais, ont dit les Taravant, le domaine deC h ez-S ab y
est le dernier vendu ; donc votre demande en partage
devroit d’abord s’exercer sur cette partie de la succession.
O r , à qui pouvez-vous le demander qu’à vous-même?
E t quelle singularité de distinguer dans la cause Servière h éritier, de Servière acquéreur, et de le voir ré
duit à exercer son action contre lui-même en sa double
qualité?
>
Cette subtilité approche beaucoup du sophisme.
E t en effet, s’ il y a quelque chose de singulier à voir
un individu acheter une propriété qui étoit à l u i , en.
tout ou en partie, ignorant qu’ il y a un droit quelconque,
il n’y en a pas au moins à lui voir ensuite réclamer ses
d ro its, nonobstant l’acte de vente.
r
Dans le cas présent, que peut-il en résulter?
L e partage ne s’exerce pas sur un objet particulier,
sur un seul héritage de la succession ; il se fait sur la
masse entière.
Celui qui demande le partage p e u t, en réclamant le
rapport fictif de toutes les aliénations pour supputer son
lo t, ne demander le rapport réel qu’à certains des ac
quéreurs-, il n’est pas tenu de l’offrir s’il est acquéreur
lui-même.
.
Mais si le cohéritier qui a vendu, on ses acquéreurs
plus anciens l’exigent, il en résulte alors, que le vendeur,
obligé de garantir tous ses faits et l’exécution de sa vente,
est sujet aux dommages-intérèts de son acheteur. ■i
Mais cela ne peut faire obstacle à l’action en partage,
et ne peut concerner que les opérations ultérieures. X,es
questions de rapport sont absolument sans influence sur
�C 30 )
la demande principale', à laquelle elles sont subordonnées,
dont elles ne sont que la conséquence, et qu’elles ne
peuvent jamais exclure.
c Les intimés ont dit encore que la succession ne p résentoit aucun espoir au sieur du T e i l h o t , qui n’avoit
absolument rien à y prendre.
Si cet argument est renouvelé, on y répondra à l’au
dience; mais dès à présent on peut observer que pour
absorber la succession de Jean-Baptiste par les reprises
de son épouse , il a fallu soutenir que le bien d’ Arseige,
vendu 7,5oo francs par le m a ri, en vertu du pouvoir
qu’il tenoit de son contrat de m ariage, devoit produire
une reprise de 30,000 francs , parce qu’ il ne pouvoit
vendre qu’avec condition d’emploi. Gomme si la charge
d’emploi étoit autre chose qu’un moyen de garantie,
poiir assurer la reprise de la femme; comme si elle peut
jamais avoir d’autre efTet que d’autoriser l’acquéreur à
retenir le prix jusqu’à l’em ploi; comme si enfin le mari
peut jamais être débiteur de plus qu’ il n’a reçu !
Enfin les intimés prétendent tirer un grand parti du
silence gardé pendant vingt-huit ans.
O n l’a déjà dit ; il a eu pour cause principale l’igno
rance de son droit, et: pour cause secondaire les événemcns qui ont traversé cet intervalle.
Mais ce silence, d’ailleurs bien justifié, n’est pas une
fin de n o n - recevoir. Personne n’est coupable d’ ignorer
son d ro it; personne n’est p u n i, que celui dont l’ ignoj-ance ayant duré trente ans utiles, laisse présumer qu’il
l’ti abandonné.
Si la demande eût été formée peu de temps après l’acte
�( 31 )
de 1783, elle auroit du paroi tre incontestable : elle est
toujours la même après vingt-huit ans.
Si ce silence n’étoit justifié par r ie n , il pourroit faire
sur l’esprit du juge une légère impression morale sur la
manière dont l’acte a été envisagé par les parties.
Mais cette impression, qu’un peu de réflexion dissi—
p e ro it, ne seroit pas une présomption capable de le dé
terminer; c a r la loi ne l’autoriseroit pas à s’y arrêter, hors
le cas de prescription, et il ne pourroit s’en appuyer
sans créer une fin de n o n - rec ev o ir, contre la prohibi
tion de la loi.
M ais, on vient de le dire, ce silence est parfaitement
justifié : l’ignorance de son d roit, le décès du sieur de
S erv ière, la jeunesse de ses enfans, leur ignorance per
sonnelle du f a it , les événemens de la révolution , l’ins
cription sur la liste des émigrés de l’une et l’autre des
parties, sont des explications plus que recevables.
Il faut donc juger la cause comme on eût fait en 1783,
et alors elle ne semble pas susceptible de difficultés. L e
jugement dont,est appel froisse tout à la fois les principes
les plus positifs et les droits les mieux établis : les sieur
et dame de Servière, en se plaignant de ses dispositions,
en soumettent la censure aux lumières de la C o u r, pleins
d’ une entière confiance dans l’esprit de justice et d’im
partialité qui préside constamment à ses arrêts.
M e. V I S S A C , avocat.
Me . D E V È Z E ,
licen cié
avoué.
A R I O M , de l’ im p. de T H I B A U D , im prim . de la C ou r im périale, et libraire,,
rue des T a u le s , m aison LANDRIOT —
1 8 11.
�ï l jvudla, /Î5// ¡>h (Á.
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V l^
J (xj^¿LCr-
tü v*/| i^ t v Q\t*ts ta-
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. De Servière. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Devèze
Subject
The topic of the resource
ventes
partage
successions
lettres de rescision
forclusion
tutelle
experts
domaines agricoles
indivision
prescription
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieur et dame de Servière, propriétaires, habitant au Teilhot, commune de Saint-Priest-des-Champs, appelans et intimés ; contre le sieur Enjelvin, maire à Pontgibaud ; Louis Audebert, marchand à Clermont, et les dames Taravant, leurs épouses, intimés et appelans ; le sieur Raynaud de Montlozier, propriétaire, habitant à Paris, intimé ; les sieur Lecour de Saint-Agne, propriétaire à Clermont ; Peyronnet, médecin à Rochefort ; et M. le baron Manney, évêque de Trèves, aussi intimés.
arbre généalogique
note manuscrite. Arrêt complet du 31 juillet 1811, 1ére chambre. Mal jugé, ordonne que les parties viendront à division ce partage.
Table Godemel : Vente : 14. l’acte du 30 janvier 1783 consenti par Raynaud de Montlozier, en vertu de la procuration à lui donnée le 15 dudit mois, par Jeanne-Madeleine de Servière, son épouse, par lequel il vendit, à titre de vente pure et irrévocable, avec promesse de garantie, fournir et faire valoir, au sieur de Servière de Teilhet, les deux tiers du domaine de chez Saby, circonstances et dépendances, pour le prix de 10,000 livres et dix louis d’épingle qui lui furent payés comptant ; cet acte, quoiqu’il ait été le premier passé entre ledit sieur de Servière et la dame de Montlozier depuis le décès de Françoise-marie de Servière à laquelle ils devaient succéder, peut-il être considéré comme un partage de ladite succession, qui a dû faire cesser l’indivision de tous les objets composant cette succession ? ou bien, cet acte ne doit-il pas être regardé comme une vente pure et simple des deux tiers du domaine de chez Saby ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
1783-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2017
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2018
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53387/BCU_Factums_G2017.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Priest-des-Champs (63388)
Pontgibaud (63285)
Clermont-Ferrand (63113)
Paris (75056)
Saint-Hilaire (63360)
Nébouzat (63248)
Roubras (domaine de)
Recolène (domaine de)
Chez Saby (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
domaines agricoles
experts
forclusion
indivision
lettres de rescision
partage
prescription
Successions
tutelle
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53172/BCU_Factums_G1214.pdf
65116cc2c0b1c98315468ad72d743e7d
PDF Text
Text
M É M O IRE
,
SERVANT DE RÉPONSE
P O U R F r a n ç o i s P É R O L 9 L ab o u reu r , H abitan t
du lieu de P é r o l , P aro iffe de Saint-Prieft-desC ham ps , D em and eur.
C O N T R E Sieur C h a r l e s M A Z E R O N
de Saint-Prieft- des-Champs Défendeur.
,
U
, Bailli
N t it r e a é t é f u r c h a r g é & falfifié dans fa d a t e : le c o rp s
' du d é lit eft conft ant ; il eft r e c o n n u q u e c e t t e f a lfific a tio n
eft du fait d e l' un e o u d e l ’a u t re des p a r t i e s , & le f o r t d e
la conteft a tio n d é p e n d u n i q u e m e n t du p o i n t d e f a v o i r q u i
d es d e u x e ft le c o u p a b le .
•
L e fie u r M a z e r o n , q u i l u t t e c o u r a g e u f e m e n t c o n t r e l ’é v i
dence ,
n e d i ffim u l e pas n é a n m o in s
q u e les apparences l e
c o n d a m n e n t ; m a is il a jo u t e q u ’ elles f o n t quelques f o is trom-
�peu/es : & com m e
fu iv a n tlu i, lapremière impuljion l'emporte
prefque toujours, il a cru qu’il étoit à propos de prémunir
les efprits contre cette première impulfion , en u f a n t , dans
le préambule de ion M ém oire , d’une précaution oratoire
co n tre les funeftes effets de la prévention.
11 eft vrai que , parmi les reffources infinies qu’ il met
en œ uvre pour écarter les preuves qui l ’a cc a b le n t, il en eft
u n e , fu r - to u t , bien capable de faire impreifion. Il étale eux
y e u x du public l ’é lo ge le plus faftueux de fes propres vertus. L e
tableau qu’il préfente n’eft pas celui d’un hom m e d’un mérite
ordinaire. S ’il faut l’en croire , il a pajjé les bornes de la plus
exa iïe probité..... N on -feu lem en t le défintérefjement.... la plus
noble généro/itc ; mais encore la candeur.... la delicatejfe le
caraQérifent. Par principe de fcrupule, & fur de (impies doutes,
il a fait l ’ abandon généreux de la valeur de plus de quatorze
cents fetiers fe ig îe , pour raifon defquels il avoit des titres
dont il a fait remife volontairem ent aux d éb iteu rs, fur leur
{impie déclaration qu’ils s’étoient libérés.
V o i l à qui eft b e a u , fans doute ! mais pourquoi le Peintre
^’a-t-il pas couronné ce charmant ouvrage , en ajoutant quel
ques traits fur la réputation de fon modèle. L ’omiiïion eft
d ’autant plus iingulière , qu’il n’eiî perfonne qui ne fâche q u e ,
fans c e point eÎTentièlj les p a n ég y riq u es, les mieux faits
d ’ailleu rs, n’offrent jamais que de vains & ridicules fantômes.
A u r e fte , laiffons l ’é lo g e du fieur M a ze ro n , & renfermonsnous dans les bornes de la conteftation. E lle eft extrêm em ent
iim p le , &
fi dans le M ém oire qu’il a fait fignifier , on la
tro u ve hériffée de détails étrangers'6c c o n t r o u v é s , il ne
fa u t pas en être étonné : les d étou rs, l'e n to rtille m e n t, lo b fc u rité & le m e n fo n g e , font les reffources & les enveloppes
ordinaires t du dol & de la mauvaife foi»
�5
F A I
T S.
L e père du fleur M a ze ro n avoit été long-temps Ferm ier
du Prieuré de Saint-Prieft:des-Champs. Il dépend de ce Prieuré
pkifieurs cantons de dîmes qu’il étoit en ufage de fous affer
mer fép arém en t, tantôt à l’e n c liè r e , & par forme d étrou ffe,
tantôt fans aucune formalité d’enchères & par des baux par
ticuliers.
L e 2 juillet 1742 } 'il afferma à M arien P é ro l , aïeul du
D em andeur,
le canton de dîme appellé du Trim ou^eix ,
m oyennant quarante fetiers de bled fe ig le , & quatre livres
argent. C e bail ne fut point une étrouffe , com m e le prétend
le fieur M a z e r o n , mais le réfultat d’une fimple conven tion
conftatéepar un double fous feing privé. L a preuve d'ailleurs,
qu’il ne fut précédé ni d’e n c h è re , ni d’é tro u ffe, eft qu'il y
fut convenu que le bailleur fe refervoit de faire mettre à l’en
chère la même dîmerie du T rim o u z e ix le dimanche fu ivant,
& que fi elle étoit portée au-delà du prix c o n v e n u , l’e x c é
dant feroit partagé entre les parties. C e tte d iffé re n ce , quoique
peu eflentielle , n'eft cependant pas indifférente à obferver :
elle aura fon application dans la fuite.
C e double , du 2 juillet 1742 , fur lequel roule aujourd’hui
toute la conteftation , a eu dans le temps fon exécution de
part & d autre. Mais le fieur M azeron père avoit la louable
habitude de ne fe démunir que le moins qu'il pouvoit de fes
titres de créances, quoiqu acquittées; cette vérité réfultem êm e
évidemment d e l ’expofé du M ém oire auquel on répond : a in fi,
il n’eft pas étonnant qu’il ait toujours coniervé ôc laiffé dans
fa fucceiïion le double du 2 ju illet 1742 , quoiqu’il ne lui fût
.rien <dû à cet éeard.
O
A 2
�*
A M arien P é r o l , d écéd é en s j f f , a fuccédé Pierre-, fon
fils, père du D em andeur , décédé 'en 17 7 3 .
T a n t que l ’aïeul & le père ont v é c u , le 'iie a r M azeron a
gardé le plus profond filence fur le double dont il s’agit : ce
-n'a été qu’après leur d é c è s , & en 1778 , qu’il a cherché à
faire ufsge de fon titre contre le Dem andeur. L a jeunefle 6c
•l’inexpérience de P é r o l , * qui n’avoit pas encore atteint fa
dix-neuvièm e an n ée, fervirent à déterminer le fieur M azeron.
M ais un point eifentiel l ’embarrafioit. L e double étoit du
2.
juillet 1 7 4 2 , & entre cette époque & celle de 1 7 7 8 , il
s’ étoit écoulé un intervalle de 36 a n s , & par c o n fé q u e n t,
plus de temps q u ’il n’en falloit pour opérer la prefcription.
I l étoit indubitable que fi le fieur M azeron fe préfentoit avec
un titre p r e f c r i t , le m oyen ne manqueroit pas d’être op p ofé,
fu r-to u td a n s les termes favorables où fe trouvoit Pérol.
L e ffénie in ven tif du fieur M azeron eut bientôt tranché cette
difficulté. Il conçut qu’il lui feroit facile de rajeunir le titre
de 7 ans , & de le faire paroître fous la date de 1749 , au
lieu de celle de 1742 qu’il avoit véritablement. Il n’en coûtoit
;que deux légers traits de plume pour opérer cette métamorphofe : la date de 1742 étoit en toute le t t r e , il ne s’agiiToit
que de changer le m ot D e u x en celui de N e u f : la furcharge
. d evoit être d’autant moins fenfible , qu’elle ne porteroit que
iur la première & la dernière lettre du m ot D e u x , en faifant
une N de la lettre D , &
une F de la lettre X .
P ar l ’effet de cette transformation , le titre , au lieu de 35
ans de date , paroiifoit n’en avoir que 29 , & a v o i r confervé
toute fa vigueur en 17 78 : l e fieur M a z e r o n n’héiita donc pas
à m ettre à profit cette heureufe reifource.
E n c o n fé q u e n c e , le 3 juillet 1 7 7 8 , il fit aiïïgner P é r o l ,
�1
& Jean T a r d i f f o n curateur, au B ailliage de Saint-Priei^desC h a m p s , pour être condamné , com m e héritier de Pierre
P é r o l , fon p è r e , qui l'é to it de M arien fon grand-père , à
lu i délivrer les quarante fetiers fe ig le , & à lui payer les quatre
.livres argent portées par le billet confenti par M arien P é r o l ,
au profit du fieur M azeron p è r e , le 2 ju ille t I J 4 9 '
C e tte procédure étoit irrégulière. I l sagiffoit d un b ille t,
& Tordre judiciaire exigeoit au moins que P é ro l fut ailigné
pour reconnoître ou dénier la fignature de fon grand-perç.
M ais cette voie ne convenoit pas au fieur M a z e r o n , qui fe
.gardoit bien de produire au grand jour., & d efoum ettre à i ’exa.men un titre altéré. Il ne donna pas même copie du billet ;
fe contente d’expofer dans fon exploit qu’i/ l ’avoit commu
nique à P érol depuis 5 à 6 mois.
Un mois.après, & le 5 août fu iv a n t, l ’ailignation fut fuivie
. d ’une fentence par défaut faute de co m p a ro ir, qui ,conform d. ment à la demande , condamna P érol au paiement des quatre
livres & de la valeur des quarante fetiers feigle , portés au
billet du 2 ju ille t 2749 > lequel billet ( eit-il ajouté ) ld
demandeur a adhiré, & c .
Il eft aifez inutile de faire remarquer toutes les irrégula
rités de cette fentence. Q u ’elle ait adjugé une demande
fondée fur un b i l l e t , 6c fur-tout fur le billet d’un défunt ,
fans que ce billet ait été re co n n u , fans m êm e qu’il ait paiié
fous les yeux du Juge , au mépris de l ’article 3 du tic. j de
1 ordonnance de \66-j , c ’eft ce qui étonnera peu fi l’on fait
attention que le fieur M azeron ell le Bailli de la juftice ou
elle a été r e n d u e & qu il a été juge ôc partie en même-temps.
L a fentence paroît lig n é e , à la v é r it é , d’un nommé G o r y ,
co m m e ancien C u r i a l , à caufe de l’empêchem ent du Bailli i
�isr
mais fi cette fignature eit r é e l l e , & n’eft pas contrefaite fut
la m inute, ce qu’il importe peu de v é rifie r, la fentence n’en
eft pas moins l’ouvrage du fieur M azeron lui - m ê m e , qui Ta
faite mettre fur le regiilre par fon propre fils.
Q u o iq u ’il en foit , auiïî-tôt que cette fentence fu tfignifiée
à P é ro l , il en interjetta appel en la C our.
B ien tô t après , il fut queftion d’accommodement. L e fieur
M a zero n n’étoi't rien moins que difpofé à pourfuivre P é ro l en
c e fiége : il auroit fallu y mettre en évidence le billet furch argé , & c ’étoit principalement ce qu’ il vou lo it éviter. I l
parut faire bonne compofition à P é ro l en lui propofant de
le tenir quitte de la totalité de la c r é a n c e , m oyennant la
fo m m e d e cent quarante livres. P é r o l , de fon c ô t é , toujours
induit en erreur par la faufle date de 1745) donnée au b ille t,
fauiTeté qui faifoit paroître en vigueur un titre réellem ent
p r e f c r i t c r u t faire un bon marché en acceptant la propolition. P é ro l paya les cent quarante livres convenues au fieur
M a z e r o n , qui lui en donna quittance le 7 feptembre; 1 7 7 8 ,
au bas môme du billet.
L e s termes de cette quittance font effentiels ; l’on peut
dire avec vérité qu’ils font décififs : les voici m ot pour mot.
« R e ç u de François Pérol la fomme de cent quarante livres
» pour le reflant de la préfente promejje : le furplus ayant été
» payé à feu mon père , ou à défunte M arie Raffier ma
» b elle -m è re: dont q u itt e ; fait ce 7 fepeembre 1778. Signé
» M azeron ».
L es chofes demeurèrent en cet état jufqu’en 1786. A cette
ép o qu e, le fieur M azeron prétendit a v o i r d écouvert un autre
titre q u i l e c o r i f t i t u o i t c r é a n c i e r ds P é r o l . C e titre étoit une
étroufle de-la m êm e dim ene dû- r r im o u z c ix , qui avoit été
�7 '
ùdjur^e en 1 7 ? 7 » à Pierre P é r o l } fon père ; m oyennant trentetrois0 fetiers feigle , 6c trois livres fix fols argent. L e fieur
M azeron communiqua cette étrouife à P<5 r o l , en iui ajoutant
qu’il alloic le faire ailignçr pour être condamné a en acquitter
le. montant.
i, ,
P é ro l eft d’autant plus étonné de cette menace , que lors ,
des pourfuites de 1778 , il n’avoit jamais été queftion de cet
objet. Il cherche parmi les papiers de fon pere ; il eft aifez7
heureux pour y trouver une quittance qui avqit été^donnceà Von père par le fieur M a z e r o n , pour raifon de la dîrrt2 du
T r im o u z e ix , pour l ’année 17^7.
.1;
C e tte découverte donna lieu à des réflexion?. L e prix de
l ’étroufle de 175-7 eft a cq u itté , & cependant le titre demeure
toujours au pouvoir du créancier qui veut abufer,de ce nan-v
tiflement pour fe faire payer une fécond é fois] voilà un jufte
m o t if de foupçonner la bonne foi du fieur M azeron. O n re-,
vient fur fes p a s, On examine de plus près le double d.üi2.
juillet 1 7 4 2 ; c ’eft alors qu’on y apperçoit pour la première
fois l ’altération de fa date. C ette remarque eft fuivie bientôt
après d e l à demande en répétition des cent quarante livrer
qui avoient étépayées pour cet o b je t, d’après la quittance, du,
7 feptembre 1 7 7 8 , & dont le paiement n’ayoit é t é ique->l’.efFeci
du dol & de la furprife.
,<[ ^
.
;»
L e fieur M azeron , voyan t fa m nœ uvre découverte , cher
cha a épouvanter P é r o l , en élevant contre lui de nouvelles
réclamations. I l prétendit être créancier de, la fucceili<?n de
Pierre P é r o l , d’une fomm e de vingt>deux livres , ôç de.trois
fetiers feigle , pour refte du prix de TétrouiTe de l ’année
11757. Il prétendit encore que Pierre P érol avoit p r i s e r i |
>760 & en 1 7 7 2 , Tétrouile de la dîrne du T rim o u z e ix ? folî-
�3
clairement avec d’autres aifociés; qu’il lui reftoit du deux fetiers
fe ig le , fur l’étroufîe de 1 7 6 0 , & dix fetiers fe ig le , avec qua
tre paires de p o u le ts , fur celle de 17 7 2 . I l juftifia de ces
trois étroufles , conclut au paiement , & demanda par proviiion permiiTion de faire faifir & arrêter des biens de la fu c- ceilion du débiteur.
L e s chofes changèrent bientôt de face. Pérol avoit d écou
vert , com m e on l’a déjà d i t , la quittance qui avoit été don- '
n ée à fon p è r e , pour l ’étroufle de 175:7. L e fieur M azeron t
inftruit de cette circonftance , fit auifi-tôt fignifier un a£te
extra ju d ic ia ire , par lequel il déclara que fa demande , à ce t
égard , étoit une erreur ; qu’il s’en d ép a rto it, & qu’il n’infiftoit plus que pour ce qui lui écoit refté dû fur les étroufies de
1 7 6e & de 17 72 .
A cette première variation en fu ccéd a, peu de temps a p r è s ,J
une fécondé.
:
P é r o l , en défenfes aux demandes incidentes du fieur M a
zeron , fit voir combien fes prétentions, réfultantes des étroufc
fes de 1 7 60 & 17 72 , étoient peu fondées. L e fieur M a zero n ,
voÿaiit q u ’il lui feroit inutile de les foutenir , fut encore
ob lig é "de s’en départir. Mais l’époque "de ce feconcl dépar-1
te m e n t, fut celle d’un n’ouveau plan , produit par l ’imagina
tion fertile du fieur M azeron .
•
.¿j
D ans la même requête , contenant département de fes de
m a n d e s , relativement aux étrouffes de 1 7 J 7 , 1 7 6 0 6 c » 7 7 2 ,’
il déclara qu’il n’avoit jamais eu intention de pourfuivre fé rieufenient P é rô l:, pour raifon de ces trois étro u fies, attendu
que Ce qui s’étoit païTé ¡entre: lui & P é r o l l e 7 feptem&ré
1 7 - 7 & lui intêrclifoii tûuteîprécention à c e ’fiijet. E;i confé-i
querice'i le f i e u r M azeron itiventa des faits , créa des fables.,
è i en com pofa le fyftême que voici :
II
�Ï 1 eft é v id e n t, dit le fieur M a zero n , que la date du double
du 2 ju illet 1742 .» a été altérée , & que le m ot deux a été
transformé en celui de n e u f , pour faire paroître le titre daté
de 1 7 4 9 , au lieu de 1742. M ais cette furcharge eft du fait
de P é r o l , qui ne l a comm ife que pour s’en faire enfuite un
m oyen de répétition ; & il lui a été facile de la com m ettre
depuis le 7 feptembre 1778 , que le titre lui a été remis , en
m êm e temps que la quittance de cent quarante livres , qui
eft à la fuite.
Jufques-là l ’imputation
faite à P é ro l fe détruifoit d’e lle —
m êm e par une feule circonftance. E n 1778 , le fieur M a z e ro n
a vo it lui-même donné au double du 2 juillet 1742 , la date
falfifiée du 2 juillet 1 7 4 9 ; c ’étoit ainfi qu’il l ’ avoit d a t é e ,
fo it dans fon exp loit de d em a n d e, du 3 j u i l l e t , foit dans la
fentence par d é fa u t, du y août fuivant. P é ro l ne pouvoir donc
pas être l'auteur de la falfification du billet depuis la remife
qui lui en avoit été faite en feptembre , dès que cette fallification exiftoit dès le mois de juillet précédent ; & il ne
p ou voit pas y avoir d’équivoque fur le vrai coupable. C e t te
réflexion , à laquelle il n’étoit pas poiTible de ré fifte r, ne dé
couragea pas le fieur M a z e r o n , &
fon imagination.
vo ici quel fut le fruit de
L e double du 2 ju illet 1742 ( dit le fieur M azeron ) , dont
la date a été falfifiée, n’eft pas le feul titre de cré a n ce que
j avois contre Pérol ; j ’avois encore contre lui une étrouife
du 2 juillet 1749 , fouferite par fon aïeul au profit de mon
p è r e , moyennant la m ême quantité de bled & la même fom~
m e d’a r g e n t , que celle portée par le b illet de 1749. C e ne
fut qu’en vertu de cette étrouife de j 749 , & non en vertu
dft billet de 1742 , que j’alfignai & fis condam ner P é ro l en
B
�10
1 778 . C e n’til pas to u t : j ’étois de plus créancier de la fu cceifion de Pierre P é r o l , ion père , pour refte du prix de plufieurs autres é tro u fle s, & principalement de celles de 17^7*
17^0 & 1 7 7 2 . Enfin , j ’aurois pu ruiner P é r o l , fi j ’eufle e x i
g é rigoureufement tout ce que ces titres me donnoient droic
de réclamer. Mais je tus extrêmement modéré : Pierre P é
rol , avant ion d é c è s , avoit dit plufieurs fois dans le public
q u ’il ne me devoit en tout que cent cinquante livres (a) , èc
moi je me fuis reftreint, généreufem ent pour le t o u t , à la
fom m e de cent quarante livres. L o rs de la quittance que j’en
donnai à P é r o l , je lui fis remife de tous mes titres de créan
c e ; je lui remis entr’autres le billet de 1742 , & l ’étrouife
d e 1749 ; je ne retins que les étroufles de 1 7 5 7 , 1 7 6 0 & 1772;
parce que ces étroufles étoient infcrites dans des cahiers où
fe trouvoient mêlées des créances rélatives à d’autres par
ticuliers.
L a quittance que je donnai à P é ro l des cent quarante liv.
fut d’abord une quittance détaillée pour tout ce qu’il pouvoit
me d e v o ir , & explicative des faits ; mais P é ro l
fuite que cette quittance de cent quarante liv res,
au bas du billet du 2 juillet 1742 , pour s’en faire
prélèvem ent envers fes frères & fœ u rs , en cas
exigea enfut répétée
un titre de
de partage
de la fucceflion paternelle. Si Pérol étoit de bonne foi , il
repréfenteroit la quittance générale qui explique tous les faits,
& lévero it toute équivoque. M ais c ’efl précifément par ce
( a ) Dans la fuite s ce n’a plus été cent cinquante livres , dont le fieatr
Mazeron a prétendu .que Pierre Pérol s’étoit déclaré débiteur, mais feulement
cent vingt livres ; cette variation eft fi légère , en comparaifon de tant
d’autres , qu’on peut bien fe difpenfer de la relever.
r
�2*y
i i
m o t if qu’ il la tient cachée , & qu’il ne produit que lâ quit
tance mife au bas du billet de 1742.
Je conviens , ( continue le fieur M azeron , ) que , d’après
la quittance g é n é ra le ,
je n’avois plus rien à
démander
à
P é r o l , & fi j’ai pris le parti néanmoins de former demande
incidente de ce qui paroiffoit m ’être refté dû fur les étroufies
de 17 y 7 , 1750 & 17 7 2 , ce n'a été que pour mettre P érol
dans la néceffité de repréfenter cette quittance générale.
A u re fte , je n’avois pas intérêt de com m ettre , à la date
du double de 1742 , la furcharge que l ’on m ’impute , foit
parce que
, indépendamment de ce titre ,
j ’étois encore
créancier de Perol de fommes bien plus confidérables que
ce lle de cent quarante livres , en vertu de titres non prefcrits , foit parce que mon a£tion , réfultante du double de
174.2, étoit toujours entière , ayant été confervée par un
e xp loit qui avoit été fignifié , en 1 7 5 7 , au père de Pérol 9
pour raifon de cet objet.
T e l fut alors le plan de défenfe du fieur M azeron , ôc ce
plan fut foutenu jufqu’au mois de feptembre 178 7. Jufquesl à , le fieur M a zero n n’avoit ceiTé de foutenir que , lors de
la quittance du 7 feptembre 1778 , il avoit remis à P érol &
le billet de 1 7 4 2 , & la pretendue étrouiTe de 1749. Il avoit
tenu ce langage plufieurs fois , ( a) il venoit m êm e de le ré
péter dans une écriture du 3 feptembre 17 8 7 , lorfque , tout
d ’un c o u p , & le furlendem ain, y du m êm e m o is , il démen
tit toutes ces aifertions par de nouvelles impoflures.
( a ) V . la copie de [requête du 2.0 juin 1786» autre copie de requête dulj»
juillet 1 7 8 7 , & ia COpie d’écriture , du 3 feptembre iuivant.
B
2
�12Pérol cvoit produit depuis long-tem ps , il: pourfuivoic
le jugement de l’inftance , elle alloit enfin être jugée , lorfque le fieur M azeron fit fignifier , le j* feptembre , une re
quête par laquelle il annonçoit qu’il venoit heureufement de
découvrir l ’étroufle du 2 ju illet 1749 , qui avoit fervi de
fondem ent à fes pourfuites , en 1778 ; il demanda permiiîion
de faire faifir & arrêter cette étroufle entre les mains du fils
de Jean G o r y , d é c é d é , N o t a ir e , Greffier de la Juftice de
Saint-Prieft-des-Champs ; il conclu t en m êm e temps à ce qu’il
lui fût permis d ’ailigner G o r y , f i ls , pour être tenu de repréfenter cette étroufle , ès mains de M . le Rapporteur.
Par quel fingulier hazard cette é tro u fle , du 2 ju illet 1 7 4 9 ,
(q u e le fieur M a zeron avoit toujours foutenu avoir remife à
P é r o l , depuis le mois de feptembre 1778 , & qu’il imputoit
à celui-ci de tenir c a c h é e ) fe trouve-t-elle au pouvoir de G o r y ,
fils? L ’énigm e eft vraiment digne de curiofité ; voici com m e
le fieur M azeron l ’explique.
J ’avois oublié ( d it-il) ce qui
& m o i , le 7 feptembre 17 7 8 ,
quarante livres. (<2) J’avois cru
2 ju illet 1745?, avec le billet de
fe pafla entre le fieur P érol
lors du paiement des cent
lui avoir remis l ’étroufle du
1742 ; mais , point du tout.
J e m e rappelle qu’après lui avoir donné d ’abord une quit
tance générale & explicative de tout ce qu’il, me d e v o i t , &
enfuite une quittance particulière , au bas du double de 1 7 4 2 ,
51 ne fut pas encore content ; il me tém oigna de l ’in q u ié tu d e ,
fur ce que , venant a perdre ces quittances qui ne portoient
pas m in u te s , il ne lui refteroit plus de titré s , pour juftifier les
i£3) V . la copie de requête, d u 7 icYiicr 1 7 8 8 , o u fe trouve cette explication»;
�13
prélèvem ents qu'il feroit dans le èas de faire. I l vou lu t une
quittance par-devant N otaire. A l o r s , toutes les pièces furent
portées au fieur G o r y , père , pour faire la quittance de cent
quarante livres. G o r y fit effe&ivem ent la quittance ; mais ,
craignant que le C o n trô leu r des A & es exigeât que les étroufc
fes , dont il y étoit fait mention , fuffent contrôlées , il en
conféra avec ce C on trôleu r j qui répondit qu’il é toit indifpenfa b le , en e ffe t, qu’elles le fuifent. l i e n fit part e n fu it e à P é r o l,
q u i , effrayé de la fomme confidérable qu’il lui en c o u t e r o it ,
aima m ieux renoncer à la quittance. C ’eft depuis ce temps
(ajou te le fieur M a ze ro n ) que l ’étrouffe de 1749 a demeuré
au pouvoir du fieur G o r y , p è r e , q u i , étant décédé depuis 3
a paffé , avec tous les papiers de fa fucceiïion , entre les mains
de fon fils.
'
C e n ’eft pas ici le m om ent de relever toutes ces abfurdités,
ni de faire remarquer les raifons de G o r y , fils , pour fe prêter
au rôle poftiche que lui fait jouer le fieur M azeron. I l fuffit
maintenant dJobferver que ce G o r y , affigné en vertu de l’or
donnance , intervenue fur la requête du 5 fe p te m b re , a repréfenté une étrouffe fabriquée , fous la date du 2 juillet
1174*9 •
P o u r corroborer ce m onum ent d’indignité , le fieur M a ze
ron a encore produit un livre journal ,
évidem m ent fait à
plaifir. l i a joint à cetteprodu£tion divers aftes de procédures,
écrits de la main de P é ro l , pour en inférer qu’il n’eft pas illitéré. Il y a joint auifi un certificat du C o n trô leu r des A£tes
du Bureau de S a in t-G e rv a is , dont on fera bientôt voir l ’inu
tilité & le défaut d’objet.
Enfin , le fieur M azeron
fe défiant avec raifon de l’effi
ca cité de toute ce tte production , a demandé fubfidiairement
»
�14 .
à être âutorîfé à faire preuve teftim o niale, que P é r o l , p ere^
avoit dit p u b liq u e m e n t, foit dans le temps où il étoit c o l l e c
teur de la paroiiTe, foit dans fa dernière maladie , que de to u
t e s les é tro u fle s , billets , ou obligations que le fieur M azeron
avoit contre lui , il ne reftoit plus débiteur que de la fom m e
de cent v in g t livres ; com m e fi cette p r e u v e , en la fuppofant
admiffible, & m ême fa ite , pouvoit avoir quelque influence
fur le fort de la conteftation.
T e l eft , en analyfe , l’état des faits , il ne refte plus qu’ à'
développer les moyens de P é r o l , & , d’après l ’expofé que l ’on
vient de fa ire . ils naifîent naturellement.
M
O Y
E N S .' -
' ' "V
;
I l y a dansTinitance , une vérité conftanté , & rëfpe&ive*
m e n t reconnue: c e ftla fa lfiiic a tio n c o m m ife à la d a te du double
du 2 juillet 1742. Il eft certain que cette date .véritable a été
a lté ré e , & qu’on lui a fubftitué celle de 1 7 4 9 , en transformant
le m ot d e u x , en celui de neuf. C ’eft de cette bafe êiTeritielIe
qu il faut partir.
,
L e fieur M a z e r o n , en convenant du corps de délit 3 renfer
m e fa défenfe dans deux propoiitions. Il p ïé t e n d , en premier
lieu , que la connoiifance du vrai coupable importe peu à la
décifion de l’inftance ; il n’ofe pas dire n e tte m e n t, mais il '
infinue néanmoins dans fon mémoire q u e , quand ce feroit lui
qui le f e r o i t , la demande en reftitution de P érol ne feroit
pas fondée.
II fo u t ie n t, en fécond
lui impute la falfification
A i n f i , pour juftifier fa
me de défen fes, P erol a
:
s
l i e u , que c ’eft, mal-à-propos qu’o n
, & il là rejette fur fon advèrfaire.
réclamation , & renverfer ce fyftê«
deux objets à remplir.
�1*
Il d o i t , en premier l i e u , fixer l ’état de la q u e ftio n , en établifTant q u e , fi le fieur M a zero n eil coupable d e là falfification,
il ne peut échapper à la reftitution que P é ro l réclame.
I l doit prouver , en fécond lieu , que cette falfification eft
vraiment du fait dufieur M azeron .
I l fe flatte d’y parvenir fans peine.
P R E M I E R E
P R O P O S I T I O N .
S i la falfification de la date du double du 2 ju ille t t y 42. , ejl
du fa it du Jicur Mazeron , i l ne peut echapper a la répéti
tion que P éro l réclame.
A n n on cer cette p ro p o fitio n , c'eft l’établir. E lle eft fi évi
dente par elle-m êm e, qu'elle n’a pas befoin de p r e u v e , & on
ne concevroit pas com m ent le fieur M azeron a pu entrepren
dre de la c o m e fte r , fi on ne favoir pas com bien l ’injuitice &
la déraifon ont d’analogie avec la mauvaife foi.
E n effet, fi le fieur Mnzeron eft vraiment l ’auteur de l ’alté
ration co m m ife à la date du double du 2 juillet 1742 (co m m e
_
&
0
3
y
b ien tôt on ne pourra plus en douter) quel auroit pu être l ’ob
je t de cette manoeuvre criminelle , fi ce n’eft de tromper
P é r o l , en lui perfuadant fauifement qu’il avoit contre lui un
titre en vigueur & non preferit? C o m m e n t qualifier un procédé
de cette n a tu r e , fi ce n’eft pas un dol des plus caraciérifés ? L e
dol eft-il autre chofe que toute efpèce de furprife, de machi
nation ou de mauvaife v o i e , mife en œ uvre pour tromper quel
qu’un ? Les L o ix n’en donnent pas d’autre définition, (a)
{<0 Otwtis ÇqUidilas } faliacia 2 m<Khinatiox ad decipiendum altcrum adhibita.
�i6
Si donc le dol eft la moindre qualification qu'on puiflfè
donner au délie , co m m ent le fieur M azeron p e u t - i l
m ettre férieufement en queftion , fi , en l ’en fuppofant co u
pable , il doit reilituer le paiement qui en a été la fuite ? S i
ce tte vérité pouvoit recevoir quelque a tte in te , que deviendroit
alors cette maxime trivia le, & écrite dans tous les c œ u rs, que
le dol ne doit pas profiter à fon auteur? Voudroit-il qu’on cou
ronnât la frau d e, q u ’on confacrât l ’a rtific e , lesfurprifes ? C e
fyftême , qu’il - n’ofe pas développer clairement , mais qui ce
pendant eft réellem ent le fien, ne peut pas fe concilier aveç
l'idée de la juftice.
’ .« ■
A u refte , on peut juger de la bonne foi des m oyens du fieur
M a z e r o n , par la folidité de fes o b j e & i o n s . ....................
L a quittance du 7 feptembre 1778 , (dit-il) fur laquelle P é ro l
fonde fa demande en répétition , eft précifément ce qui doit
faire rejeter cette demande. E lle eft poftéri«ure à la fentençe
du j a o û t, qui condam noit Pérol à payer le m on tan t du b ille t,
& à l Jappel qu'il avoit interjetté. Il n'eft donc pas recevable
à reprendre les pourfuites de fon a p p el, après avoir acquiefcé
à la fentence , & l'avoir m êm e e x é cu té e par 3,e paiement
fait depuis.
M ais il ne s’agit ici . ni d’acq u ie fee m en t, ni de fin de nonr e c e v o ir , & le fieur M a ze ro n a beau mettre fon étu de à équiv o q u e r , il ne parviendra pas à faire .prendre le change. O n n’a
pas perdu de vue que c ’eft lui-même q u i , lors de fes p o u r r î
tes , en 1778 , avoit rappellé & indiqué le billet fous la fauife
date de 1749 1 foit dans fon exploit de d e m a n d e , foit dans la
fentence de condamnation. O n n’a pas oublié non plus que le
billet n’a vo it jamais é té reconnu , ni par Pérol , ni par la
•îuftice; q u e , au c o n tra ire , le fieur M azeron avoit affecté toutes
fortes
�ï?
fortes de détours fie de menfonges ; pour fe difpenfer d e »
donner connoiflance à P é r o l , tantôt en fu p p o fa n t, com m e
dans fon exploit de d e m a n d e , qu’il le lui avoit communique
depuis cinq à J ix m o is , t a n t ô t , en p ré te n d a n t} com m e dana
la fentence de condamnation , qu’il ravoitacf/t/Ve.
C ’eft donc une prétendue créance de 1 7 4 9 , & par conféquene
une créance en v i g u e u r , que P érol com ptoit réellem ent ac
q u itte r, lors de la quittance du yfep tem b re 1778 , fuivant la
fauffe date donnée par leficur M azeronlui-même, à fon titre pres
crit. M a is , point du tout ; ce n’eft que depuis le paiement qu’il a
pu découvrir la falfification de la date de c e t i t r e , q u e , jufques
là , on avoit pris tant de foin de lui cacher. D a n s cette c ir conftance , il eft ridicule de vouloir faire confidérer, com m e
un a cq u ie fce m en t, un paiement qui n’eft que la fuite du délit*
C 'e ft vraiment mettre en queftion , fi le dol doit profiter à
celui qui l’a com m is.
r
Mais ( dit encore le fieur M azeron ) en convenant que cd
foit le reliant du billet de 174a , & non celui de l ’étrouiTe d e
1 7 4 9 , que P é ro l ait payé ; en convenant que le titre fut prefç r i t , lors du p a ie m e n t, P é ro l auroit toujours payé une d ette
naturelle ; & il eft de p r in c ip e , fuivant D o m a t , que celui qui
paye volontairement une dette preferite , n’a pas d’a&ion en
répétition.
L e principe eft v r a i, on n*a garde de le c o n te fte r , il n’y a
que l’application quJen fait le fieur M a z e r o n , qui eft évidem
m ent fa u fie.
Q u ’un débiteur qui fait q u efa dette eft preferite, abandonne
l ’e x c e p tio n , fie paye volontairement , foit parce qu’il eft de fa
connoiflance que le créancier n’a pas, é té fatisfait, foit parce
q u ’il a du doute fur ce point , foit e n fin , parce qu’il cro it f a
�déiicateiîe intereÎTée à ne pas ie prévaloir de la prefcription ;
en ce cas , il ne faut pas un grand fond de ju g e m e n t, pour
concevoir qu’il n’a pas de répétition à e xerce r, & c ’eft le cas
d e là décifion.de D o m a t , liv .,2 , tit. 7 , fe&. 1 , n. n.
M ais lorfqu’un :particulier a é té induit en erreur par de
coupables manoeuvres r lorfqu’on a eu recours à une furcharge
& à u n e altération de titres ., pour le tromper , ôc pour lu i
perfuader fauifement que ce titre étoit en v ig u e u r , quoique
prefcrit ; lorfqu’en un m o t , le paiement eft e x t o r q u é , ôc
n ’eft dû qu’au dol & à la furprife ; alors , quel eft celui qui
oferoit foutenir ouvertem ent qu’un paiement de cette nature
eft irrévocable ôc fa n s ré p é titio n ? il n’y a que le fieur M a zeron qui puifle hafarder un paradoxe auffi révoltant.
, I l eft d’autant plus étrange, même de fa p a r t , ce paradoxe,
qu’il eft ob lig é de convenir qu’il faut que le paiement foit fait
volontairement pour exclure l ’a&ion en répétition. , O r , peuton dire que la v o lo n té ait eu part à ce qui^ été fait fans connoiffance de c a u fe , & à ce qui n’a été que le réfultat de la fraude
& de là trame la plus c rim in e lle ..
D o m a t , qu’invoque le fieur M a z e r o n , donne en maxime >
au N ? .. y de la m ême fe&ion , que « celu i qui paye par erreur
* ce qu’il c ro yo it devoir..» ne le devant p o in t , peut le recou
su v r e r , foit que la c h o fe n e fût en effet aucunement d u e , fo it
» qu’ayant été due i l f û t arrivé un fa it qui anéantiffoit la dettej
» b qui étoit ignoré par le débiteur».l\ appuie cette do&rine de
l'autorité de la loi 2 6 , §. 3 5 ff» de C on d . indeb. dont v o ic i
les termes : « indebitum autem fo litu m accipimus non folàm f i
» omnino non, debeatur, S e d
e t s i .p e r
aliquam e x c e p
Ï T I O N E M . : P E R P E T V A M P ^ T I JfOJf- P O T E R A T , Q
-.
üAR È
�*9
» /foc QUOQUE RE FE T I NOTf POTERIT , NTSI S C Ï E N S
» S E TUTUM EXCEPTIONE SO L V IT » .
Si donc on peut répéter le paiement d u n e fomme non d u e ,
ignorant que la dette é toit éteinte par une exception perpé
tuelle , telle que la prefcription; à combien plus forte raifon
y a-t-il lieu à cette répétition lorfque l ’erreur eft occafionnée
par le fa it , ou p lutôt par le méfait du prétendu créancier.
E n f i n , ce qu’enfeignent la loi & le jurifconfulte , ils l ’enfeignent relativement à un M ajeur. M ais P é ro l eft dans des
termes bien plus favorables e n c o r e , puisqu'il étoit m in e u rs
& n’avoit même pas 19 ans lors des pourfuites qui furent faîtes
contre lui en 1778 . O n conçoit aifément qu'a cette époque
il étoit facile au fieur M azeron d ’abufer de fa jeuneiïe & de
fon inexpérience.
C ’eft un étalage faftidieux ôc en purlrjperte que la produ&îoti
faite par le fieur M azeron de onze pièces de p rocéd u res, c o m pofées d’exp loits, requêtes ou copies de fentences, prétendues
écrites par P é ro l en 1 7 7 1 & * 7 7 2 > pour en inférer qu’il
favoit é c r i r e , & qu’il avoit même été C l e r c , Procureur ôc
Greffier.
Q u o i ! en 1 7 7 1 , P é ro l n’étoit âgé que de 12 a n s , puifqu’il
n'eft né que le 28 juillet 1 7 ^ 9 , ôc ce p en d a n t, il étoit alors
P r o c u r e u r , Greffier / Peut-on férieufem ent préfenter une pate ille abfurdité.
.
Dans l ’exa& e vérité, P é ro l, fils & petit-fils de laboureur, n’a ÔC
n’a jamais eu d’autre état que celui de fon père ôc de fon aïeu l:
c e fait eft notoire fur les l i e u x , ôc n’a rien de contraire à la
production du fieur M azeron. I l ne réfulte autre chofe de
ces onze pièces de procédures dont il a fi inutilement enfl£
fon f a c , fi ce n’eit qu’un praticien de Sainc-Prieft , parent
�30
¡de P é r o l , & chez qui il avoit été placé en » 77c pour y ap
prendre à lire & à é c r ir e , en tiroir parti dans fon é tu d e , en l ’em
ployant à fairequelquescopies tant bien que mal. Mais, aoi refte,
quand on fuppoferoit P é r o l, qui n’eft qu’un fimple L a b o u re u r,
auflî verfédans la connoiffancedes affaires que v o u d ro itle faire
entendre le fieur M azerôn , cette fuppofition feroit-elle exclufive de celle d’une tromperie ? N e voit-on pas tous les jours
des gens inftruits & é c la iré s , vi£times du dol & de l ’artifice.
A coup f u r , le fieur M azeron eft plus rompu & exercé aux
affaire* que P é r o l ; il p o fiè d e , fur-tout, un art & un genre
'dJhabileté que P érol fe fait gloire d ’ignorer : celui de métamorphofer des titres & d e les rajeunir pour les garantir de
la prefcription.
S E C O N D E
P R O P O S I T I O N .
C 'e jl vraiment le fieu r M azeron qui ejl l'auteur de la falfifîcation
commife à la date du double du 2 ju ille t 13 4 2 .
Q u e la falfifîcation de la date du double du 2 juillet 1742^
fo it réellem ent du fait du fieur M a z e r o n , c ’eft une vérité
d o n t la preuve fe maijifefte comme l'écla t de la lumière.
T o u t tend à confondre le fieur M azeron fur ce point ; il
n’ y a pas jufqu’à fes propres affertions qui ne l’accablent. Plus
il hafarde de fa its , plus il fournit d’armes contre lui-même.
E n un m o t , l ’évidence de l ’auteur du délit eft portée à tel
p o i n t , qu’on ne peut pas mettre en queftion férieufement il
. c Jeft de bonne foi qu'on a entrepris la juftification du fieur
M a z e r o n , & fur-tout ce fafte comique d’éloges qu’on lui a
fi à propos 6c ii diferétement prodigués,
�D ’abord il eft un point de fait confiant & qui fubjugue. C ’eft le
fieur M azeron lui-m êm e, q u i , dans fon exploit de demande
du s juillet 1 7 7 8 , & dans la fentence du ÿ août fu iv a n t,
a donné au billet du 2 juillet 1742 la fauffe date de 17 4 p .
P é ro l produit & fa copie d ’exploit & fa fignificacion de fen
tence , où cette fauffe date fe trouve énoncée & m êm e ré
pétée en toutes lettres & fans furcharge.
O r , ce fait menfonger conduit forcém ent à la conféquence
de la fa lfific a tio n , & le délit eft une fuite néceflaire de l ’im pofture. Pourquoi fuppofer au billet une date qu’il n’avoic
pas?Pourquoi en faire mention fous la date de 17 4 9 , au lieu de
ce lle de 1742 qu’il avoit véritablement ? Si ce n’eft dans la vue
de tromper P é ro l & de lui faire croire que le titre étoit en
v i g u e u r , tandis qu’il étoit alors anéanti par la prefeription.
I l eft donc évident que c’eft celui qui ch erch ait à furprendre
à en impofer fur la véritable date du t i t r e , q u i , pour faire
quadrer fa demande avec l’impofture., a commis la falfification.
I l ne peut pas tomber fous les fens qu’il eût relaté le titre fous
une fauffe d ate, conform e à fon fyftême frauduleux, s’il n’eût
pas en même-temps furchargé de cette fauffe date le titre qui
¿to it en fon pouvoir.
L ’argument eft fi p re fla n t, que le fieur M a z e r o n , to u t
intrépide qu’il e ft, a été obligé d’y c é d e r , & d’imaginer des
refTources pour fe tirer d’embarras. O n auroit raifon (d it-il)
d e me faire confidérer com m e l’auteur de la falfiftjation de
la date du billet de 1 7 4 2 , s’il é toit vrai que ce fût en vertu
de ce même billet que mes pourfuites euffent écé e x e rc é e s ;
mais c’eft ce qui n’eft pas. O u tre le billet de 1742 , j avois
encore contre P é ro l une étrouffe d e < 7 4 9 , qui étoit auffi du
2 ju illet, ôede quarante fetiers feigle & quatre livres d’argent,
�22
com m e le billet de 1742 (a). O r , c ’eft cette étrouiïe de 174^
qui fervit de fondement à ma demande en 17 78 , & non pas
le billet de 1742. A u jo u rd ’h u i, grâces à la provid ence, cette
étroufle de 174P eft rapportée & produite. V o ilà donc P é ro l
confondu lui-même. C ’eft donc lui qui eft l ’impofteur & le
fauflaire, puifque depuis le 7 feptembre 1778 qu’il a demeuré
nanti du billet de 1 7 4 2 , au bas duquel je lui donnai fa quit
t a n c e , il a bien eu le temps de commettre la falfification
qu’il ofe m Jimputer. T e l eft en fubftance le fyftême que p ro
duit aujourd’hui le fieur M azeron.
O bfervons d’abord que ce n’eft pas tout d’un coup & d’en
trée de caufe qu’a paru ce digne enfant de rim agination du
fieur M azeron. Sa naiflance a été précédée de tant de rétractaüons & de contradictions, qu’elles fuffiroient, abftra£tion
faite de toute preuve , 'pour opérer fa condamnation.
O n a vu dans l’expofé des faits en quoi confiftoient toute*
ces variations. L e premier mouvement du fieur M a z e r o n , en
défenfe à la demande en répétition de P é r o l , ( ce premier
a£tej Ci important à remarquer dans les procès qui roulent
fur des faits ) fut de l’épouvanter, & de lui faire abandonner
fon a£tion en formant demande , à fon tour , de ce qu’il prétendoit lui être refté du fur les étroufles de 175-7, 1750 ôc
1 7 7 2 . L e fieur M azeron fut plus loin : en vertu de ces trois
étrouflfes, il demanda & obtint permifiion de faire faifir de»
biens de P érol.
M ais b ie n tô t a p r è s , il fe reflouvint que P érol lui avoît
com m uniqué la quittance p o u rl’étrouire de 1 7 J 7 , qu’il avoit
trouvée parmi les papiers de fon p è re ; en c o n f é q u e n c e , il s’e m .
1
(<0 L’identité
. —
----- -— »— -------------
du m ois, du jour & du Pri* *
remarquablo ; mais elle étoit
ndceflaire pour que le fieur Mazeron pûi coudre fon fyilêine.
�23
prefTa de faire fignifier à Pérol un premier a£le de rétra£htion
à cet égard , & fe retrancha fur les étrouffes de 17 6 0 ôt
1 7 7 2 } fur le paiementdefqueiîes il infifta vivement.
Dans la fuite , le fieur M azeroiï a été obligé de faire., ré lativem ent aux étrouiTes de 1760 & 17 7 2 , ce qu’il avoit
fait au fujet de celle de 17 5 7 . Elles n a v o ie n t pas été faites
doubles com m e le billet de «742 ; cette circonstance, jointe
à ce qu’il s’agifioit du prix de baux de fe rm es} dont la libé
ration fe préfume aifément au bout de cinq ans , - n e laiiToit
plus dé reiTource de ce côté-là au fieur M azeron , fur-tout
dans les termes défavorables où il fe préfentoit : en co nféq u e n c e , après avoir bien infifté, il a été encore forcé de fe
départir de ce c h e f de prétention , 6c de convenir m êm e qu’il
ne lui étoit plus rien dû à cet égard.
C ’eft alors que les chofes prennent,une nouvelle f a c e , &
qu'il imagine j pour la première fois de fuppofer l ’exiftence
de l’étrouife de 174p. M ais il fait encore à ce fujet deux édi
tions différentes.
D ’abord il prétend avoir fait à P é ro l la remife de cette
étrouffe de 1 7 4 9 , a v e c d’autres prétendus titres de créance ,
lors de la quittance du 7 feptembre 1778 ; il infifte même v i
vem ent fur la remife de ce titre chimérique , qu’il impute à
P é r o l de tenir c a c h é , parce q u e , fuivant lui , il metcroit la
vérité à d écouvert.
Il n eft plus vrai enfuite que la prétendue étroufle de 1 7 4 P ,
a it été remife a P é ro l. O n fe rétraile égalem ent fur le fait de
ce tte re m ife , répétée dans toutes les écritures de l ’in fta n ce,
jufqu a celle du 3 feptembre in c lu fiv e m e n t, & le furlendemain $■, com m e l ’affaire eft fur le p oin t-d ’être ju g é e , on en
fuipend le rapport par une requête où la palinodie y eft chan-
�2?oo
\
M
tée de fa manière la plus com plette. L e Heur M azeron y expofe qu’i/ a appris depuis avant-hier feulem ent q u e , parmi les
papiers du Jieur Jean Gory , décédé N otaire & Greffier, en la
Jujlice de Saint-PrieJl-Des-Cham ps , i l p o u v o ity a v o ir , & il
y avait effectivement l'étrou fe du 2 ju ille t ¿ 7 4 9 . E n conféquence , il demande permiifion de faire affigner Ton héritier
pour être tenu de la repréfenter à M . le Rapporteur.
C ’eft par un défaut de m ém oire ( ajoute-t-il dans une écri
ture fubféquente) qu’il avoit foutenu que cette étrouife de
1749 avoic été remife à F é r o l , le 7 feptembre 1778 . Il elt
très-mémoratif aujourd’h u i, que ce m ême jour P é r o l , n’ayant
pas voulu fe contenter de la quittance fous feing privé du
fieur M azeron , & ayant encore exig é une quittance par-de
vant N o ta ire , pour plus de fureté , cette étrouife fut portée
ch e z le fieur G o r y , pour lui fervir à rédiger la quittance ,
laquelle n’eut pas lieu , à caufe des difficultés qu’éleva le
C o n trô le u r des A & es.
Enfin , le fieur M a zeron déclare enfuite très-nettement
dans fon m é m o ir e , page 9 , au com m encem ent , q u il ne
pouvoit pas remettre l ’étroujje du a ju ille t i j 4 g , parce que
cette étroujfe f e trouvoit fur un cahier , avec d'autres étrcujfcs
étrangères à Pérol.
T e l le s font les abfurdités débitées froidem ent par le fieuf
M a zero n . Mais eft-il permis de fe jouer ainfi de la Juftice ?
Peut-on reconnoître à ce tiflu de contradi&ions le ca ra û è re
uniforme de la vérité & de la bonne foi ? eft-ce ainfi q u'il
fignale f a candeur, f a d élica teffel Eft-ce ainfi qu’il pajfe les
bornes de la plu s exa â e p ro bité? L 'équité la plu s délicate eft-
elie com patible avec toutes ces variations y 6c quand on n auroit
point
�2?
point d’autre préjugé contre le fyftême du fieur M a zero n *
ne feroit-il pas fuffifant pour le faire rejeter avec indignation ?
A u refte , pour peu que l ’on réfléchiife fur le fond du fy ftêm e aftuel du fieur M a z e r o n , on le trouve tout-à-fait choquant & dérifoire.
...<v
Suivant lu i, outre la quittance qu’i i 4 o nna à P é r o l , au bas
du billet de 1 7 4 2 , il lui en donna, encore une autre au dos
de l’expédition de la fentence du j août 1778 , dont il fuppofe lui avoir fait la remife. T o u t cela ne fuffic pas à P é ro l
pour le tirer d’inquiétude , il voulut encore une quittance
par-devant N otaire.
•.
. Mais , en bonne fo i, pourquoi toutes, ces quittances ? C e tte
multiplication d’êtres inutiles eit-elle concevable ? C e n’eil
que parce que la prétendue expédition de la fentence du £
août 1 7 7 8 , n’a jamais été remife à P é tp l j. q u e le fieur Ma»
fceron imagine de dire que c ’eft fur cette expédition qu’eft
contenue une fécondé quittance générale explicative 3 com m e
s’il eût été befoin d’autre e x p lica tio n , après la quittance mife
au bas du double du 2 juillet 1742 , fervant de fondem ent
à la demande. Enfin , à quoi bon encore la quittance pardevant N o ta ire , .q u ’on.,fuppofe qu’exigea P é r o l ? Il avoic
p ayé une fomme de cent quarante liv. qu’on lui difoit refter
dûe fur le feul titre en vertu duquel fa demande é toit for
m ée ; on lui donnoit une quittance de ce tte fomme de cent
quarante livres, au bas de ce titre, & en inférant même fpé*
cialement que c ’étoit pour le re(lant de la prefente promejfe :
il ne lui en falloit pas davantage. Pourquoi donc le fieur M a
zeron préfente-t-il de pareilles'abfurdités ?
L e fieur M azeron ajoute qu’il ne pûf pas remettre à P é ro l la
prétendue étrçuiiTedç 1749 3parcç q u e lle étoit m êlée avec d'aus
D
�25
très étrouffes qui ne le concernoienc pas ; maïs que, pour lui
donner une entière fureté à c e t é g a r d , il la croifa & b iffa , &
écrivit au dos qu’il avoit été payé de cet objet.
O r , com m ent concilier ce fait a v e c ‘ce qu iréfu lted es étrouffes de 1 7 J 7 , 1760 & 17 7 2 ? C es trois dernières étrouffes
o n t toujours dem euré au pouvoir du fieur M a z e r o n , ôc il ne
les remit pas (d it-il) p a rle même m o tif qu’elles étoient infé
rées dans un cahier où étoient aufli d’autres étrouffes étran
gères à P érol. M ais elles devoient donc avoir le même fore
que l’étrouffe fuppofée de 174.9, & fe trouver égalem ent con
fondues parmi les papiers du fieur G o r y , père ; au moins ,
devoient-elles avoir été croifées , biffées ou endoffées d’une
n o te de p a iem en t, com m e le fut celle de 174p. Cependant
il n y a rien eu de tout c e l a , puifque , long-temps après, & en
* 7 8 6 , le fieur M a zeron avoit ofé former de« dem andes, &
obtenu même une permiifion de faifir, en vertu d e ces trois
étrouffes.
L e fieur M azeron dit enfuite qu’il avoit perdu de vue cette,
prétendue étrouffe de 1745» ; ce n’eft qu’en feptembre 1787 ,
q u ’il fe rappelle qu’elle a été portée chez le fieur G o r y , où
e lle a toujours demeuré depuis ce temps-là.
M ais, com m ent encore accorder cet oubli pendant neufannées
e n t i è r e s , avec la fuppofition que l ’étrouffe de 1 7 4 P , étoit
confondue dans un m êm e c a h i e r , avec d’autres créances qui
j-egardoient d’autres débiteurs que Pérol ? Croira-t-on que le
fieur M a zeron ait été affez o u b lie u x , pour ne plus fonger à
fes autres titres de créance ?
C e n’eft pas tout. Pou r tâcher d’accréditer des menfonges
fi mal o u r d i s , le fietrr -Mazeron oppofe un livre journal.
' ' U n livre journal du fieur M a zeron / , . . Il eft aifé de devi^
�a7
ner ce que cela peut être. C e précieux recueil eft encore une
pièce de nouvelle fabrication pour fervir à l ’inftance, & j]
tourne évidemm ent contre lui.
E n premier lieu , la note qui y eft co n te n u e , de ce que le
fieur M azeron prétend s’être paiTé entre les Parties , le
7
feptembre 1778 , n’eft pas une n o t e , com m e il l ’a qualifiée ;
c ’eft un com pte très-long , en forme de procès-verbal , qui
contient une page & demie de grand in -folio , où le fyftême
inventé par le fieur M azeron > eft développé dans tous fes
détails. O r , a-t-on jamais vu rien de pareil dans des livres
journaux ? A -t -o n jamais pu m ieux appliquer qu’ici la maxi
m e , nimia precautio , dolus ?
I l eft vrai q u e , pour donner une forte de couleur à ce tte
affe&ation outrée & rid icu le, il fe retranche dans fa q u alité
d ’héritier fous bénéfice d’inventaire de fon père , en ajoutant
q u ’ il étoit ob ligé de prendre cette p réca u tio n , pour f e mettre à
l'abri de toute conte/lation , de la part des créanciers de la
fucceffion.
M ais le fieur M a z e r o n , qui prône avec tant d emphafe la
remife qu’il prétend avoir f a i t e , de fon propre m o u v e m e n t,
aux anciens débiteurs de cette fucceifion ,
de titres qui le
conftituoient créancier de plus de quatorze cents fetiers fe ig le ,
& cela fur la fimpledéclaration des débiteurs, qu’il n’étoit rien
d û ; le fieur M a zeron a-t-il fait mention de ces remifes,dans le
te m p s , dans un livre journal ? E n a-t-il tenu la moindre note ?
Eft-il e n tré , à ce f u j e t , dans le moindre détail? C ’eft ce q u ’ on
ne voit nullement, ( a )
(<0 Cette qualité d’héritier bénéficiaire du fieur Mazeron , fait naître une ré
flexion qui n’eil pas indifférente.
Il doit néceflàirement y avoir eu un inventaire des biens de la fucceflion du
�•*8
2°. Dans le îivre journal du fieur M azeron , qui ne con
tient que 2? fe u ille ts , quoiqu’il comprenne dix a n n ée s, de
puis 1 7 7 5 , jufqu’en 1 7 8 5 , on trouve des dates bouleverfées
Ôc interverties. ( b )
D ’autres dates fe trouvent effacées, de manière à ne pouvoir
être déchiffrées, ( c )
E n f in , ce monum ent curieux a été fait fi récem m en t, &
a v e c tant de précipitation , qu’on y remarque plufieurs arti
cles auxquels on avoit donné la date de l ’année 1788 (par
.-l’habitude où on étoit de dater alors de 1788). Mais enfuite
T o n s’eft repris , en fubftituant un 7 au premier des deux 8.
L a furcharge ôc le chiffre furchargé fe diflinguent à mer
veille. ( d )
L ’a rtic le , rélatif à la co n te fta tio n , efl;placé, à la vérité ,
entre les fignatures C lu\el & A b a v id , qui font les noms de
«leux particuliers de Saint-Prieft j décédés avant 1 7 8 5 , & le
iieur Mazeron , père , puifque le fils n’a pas pu fe porter héritier bénéficiaire ,
lin s cela. Dans cet inventaire , ont dû être compris tous les titres de créance de
la fucceiîion. O r, on défie le fieur Mazeron d’établir qu’ il y ait été compris l’étroufle
fabriquée & repréfentée ( (bit difant) par G o ry , fous la date de 1749.
( i ) T el eft , entr’aurres, l’article rélatif à Michel T ix ie r , fol. 1. V ° . vers le
milieu de la page; cet article eft fousla date du 17 feptembre 1778 , & cependant
il précède de deux feuillets la mention rélative à l’inftance qui efl fous la date du
7 du même mois. Tel eft encore Farticle de Bofcavert, placé au milieu du fol. a ,
V ° . il eft du } feptembre j cependant .vient enfuite celui de C lu fe l, qui n’efl
«Lté que du 2.
. ( c ) Telles font celles de quatre ou cinq autres articles , qui fuivent immédiate
ment l’article de Michel T ixier, dont on vient de parler,
(d) C ’eft ce qui fe vérifie notamment à l’article de Cluzel , dont on a parlé
fur la note ( b ) fol. 3 , R°.*ïl'article fuivant, rélatif au métayer de Courtine, 1 un
autre article , concernant le même m étayer» fol 4 > V tf. & à un autre article qui
termine la rnûne page,
�S o J
29
jfieur M azeron tire de ces deux fignatures un grand avantage
p our établir que Ton livre eft fincère.
Mais le fieur M azeron ne fait que couvrir le faux par le
faux , fuivant fon ufage. L e s fignatures A ba vid & C lu \el
fon t encore fauifes ôc fabriquées. A l'égard de celle à A b a
vid t qui étoit huifiier 8t facriftain à Saint-Prieft , la falfification eft évidente , & il fuffit, pour s en co n va in cre, de jeter
les yeux fur les pièces de comparaifon qui exiftent au procès 9
telles que la copie de fignification de la fentence du y août
1788 , faifant partie de la cô te d’emploi de la produ&ion d e
P é ro l. T e lle s encore que les quatre exploits des 11 novem
bre 1771 , 9 juin , 22 ôc 26 août 1 7 7 2 , faifant partie de la
c o t e 7 de la produ&ion du fieur M azeron.
Quanti à la fignature de C lu ç e l, elle eft égalem ent fauife.
I l n’y a pas dans l ’inftance de p iè c e s de comparaifon , pour
vérifier cette fauffeté , com m e il y en a pour celle à' A bavid ;
mais il faut obferver que prudemment le fieur M a zero n a
prefque entièrem ent effacé cette fauife fig n a tu re , de m anière
à rendre la vérification impofiible.
Paifons maintenant à la prétendue étrouife de 1 7 4 9 , que
le fieur; M a zeron fait repréfenter par le fieur G o r y . L a fa
brication de cette pièce eft encore évidente , ôc quoique le
fieur M azeron ait affe&é d’e ffa c e r, avec des traits de plume
fort chargés , la fignature P é r o l, pour qu’on ne pût pas non
plus la vérifier , néanmoins , au travers des ratures , on dé
m êle aflez diftinâem enc les caraftères , popr v o i r , qu’ils,
font ablolument différents de ceu x de la fignature du double
du 2 juillet 1742 , ôc la différence eft fi fenfible , que le fimple rapprochement de ces deux p iè c e s , ne peut laiffer aucun
doute fur cette vérité.
L e fieur M azeron, qui fe voit confondu, propofe, à cet égard,
�une vérification d'Experts. Mais pourquoi vouloir fdumettrô
à des ye u x étra n g ers, ce qu’il eft ii facile à la C o u r de v é
rifier e lle-m êm e ? L a C o u r a fous fes y e u x une pièce de cornparaifon non fufpe£te, & qui fait la partie principale de la
procédure : c ’eft le double du 2 juillet 1742 , dont la date
a été falfifiée ; à la fmiple infpe£tion de ces deux pièces ,
encore une fois , on ne pourra pas fe méprendre iur le fau x
de la iignature de celle de 174p.
D ’ailleurs , indépendamment de toutes les contradictions
& impoftures qu’on a déjà r e le v é e s ,
& qui militent en core
ici avec une nouvelle force > il fuffit de faire attention aux
circonftances fingulières qui ont accompagné l'apparition de
la prétendue étrouiTe de 174p.
A p rè s avoir dit & répété plufieurs fois , que c’étoit P é ro i
qui en é to it f a ifi, on la fait trouver tout d’un coup entre
les mains du nomm é G o r y , par qui on la fait repréfenter.
S o it que ce G o r y foit inftruit de la com édie qu’on lui fait
j o u e r , foit que ce foit le fieur M azeron
nom ôc à fon infçu , il n’eft pas moins
nage eft un ami dévoué 6c affidé au fieur
v o ifin s, demeurants à Saint-Prieft , ôc
qui la jo u e , fous fo n
vrai que ce përfonM azerôn. Ils étoient
à vingt pas l ’un de
l ’au tre; ce n’eft que récemment que G o r y s’eft retiré au B o u rg
d’Efpinaiïe , & peu de temps avant cette retraite , il donna
une procuration générale au fils du fieur M a z e r o n , pour la
conduite de toutes fes affaires. C e tte procuration eft du 26,
novem bre 1786 , & le fieur M azeron n’ofera fans doute pasla défavouer.
A u iïi eft-il évident que le fieur M azeron ôc G o r y ne font
qu’un dans l’inftance. Ils n 'on t eu l’un & l ’autre qu'un m ê
m e procureur ; car c ’eft vraiment M . G o u rb ey re , P ro c u -
�r
reur du fieur M a zero a ,
qui a occupé encore pour G o r y s
fous le nom de M . Baifle. O u tre qu’il eft aiïez notoire au
Palais 3 que ces deux Procureurs fefubftituent m u tu e llem e n t,
& font prête-noms l’un de l ’autre dans les affaires , c ’eft
d ’ailleurs un fait confiant & v é r if ié , que les expéditions ori
ginales de la procédure faite fous le nom de G o r y , fon t
écrites de la m êm e main qui a g ro ifo y é la requête du fieur
M a zero n , en date du y feptembre 1787.
Enfin , & c ’eft encore une remarque efTentielle : qu’im
porte la prétendue étrouife de 1749 , & à quoi bon tout le
îyftême e x tra v a g a n t, com pofé à ce fujet par le fieur M a z e
ron ? Q uand bien m êm e il auroit eu contre Pérol une étrouife
fous la date du 2 juillet 1749 , & précisément de la m êm e
date de mois & de j o u r , de la m êm e quantité de bled , ôc
de la m êm e fom me d 'a rg e n t, que celle du 2 juillet 1742 ,
com m e il le fu p p o fe , parce q u e , fans cette identité , tout
fon fyftême to m b e ro it; le fieur M azeron n ’en feroic pas plus
avancé : l’étrouffe de 1749 feroit abfolum ent étrangère à là
demande de
1778 , & il ne feroit pas moins vrai que c ’eft
uniquement le billet de 1742 , & non l ’étroufTe de 1 7 4 2 ,
qui a fervi de fondement à la demande du fieur M azeron. II
fe prdfente à ce fujet trois réflexions dépifives.
L a première réfulte de la quittance du 7 feptembre 1 7 7 8 .
C e tte quittance fut donnée au bas du billet du 2 juillet 1742 ;
& il eft naturel d’en conclure que ce billet étoit le véritable
titre , en vertu duquel avoit agi le fieur M azeron .
L a fécondé fe puife dans les termes mêmes de cette q uit
tance. Il y eft dit fpécialem ent que le paiement de la fomme
de cent quarante liv. a été fait j non P®ur tout ce qui pouvoit être dû généralement au fieur Mazeron , foie fur fe
�5*
p r i e n t b i l l e t , foit fur tout autre titre de créance ;
maïs
feulem ent pour le refiant delà préfentepromejje. C es exprefïions
fon t n e tt e s , & ne laiiTent aucune équivoque. Si la quittance a
é té donnée pour le refiant de la préfente promef)e , qui eil
ce lle de 1742 , la demande du fieur M a zero n en 1778 n’avoit
donc pas pour o b je t la ^ r é te n d u e étroufie de 174p.
L a troifième enfin naît de la nature du titre de créance.
L e prétendu titre du 2 juillet 174P n’eft q u ’une étrouife; au
lieu que celui de 1742 eft un billet fait double & fans en
ch è re ni é t r o u fle , comme on l ’a obfervé au com m encem en t
du m émoire. O r , ce n’eft pas en vertu d’une étrouiïe que
le fieur M azeron avoit fait afligner Pérol en 1778 ; c’eft en
vertu d ’un billet. C ’eft ainfi qu’il qualifie lui même le titre
dans (on exploit de demande & dans la fentence. C ’eft d o n c
vraiment fur le titre ’é è 1742
qu’il fonda fa demande , &
non fur le titre factice de 174p.
A u r e ft e , fi l’on pourfuit le fieur M azeron jufques dana
les m oyens fur lefquels il fe re tra n ch e, on verra qu’ils four»
nifTent encore de nouvelles armes contre lui.
Il ne cefle de faire ce raifonnement qu’il tourne & retourne
dans tous les fens. Je' n’avois pas intérût de falfifier la date
du 2 juillet 1742. D 'ù n e part , j’étois votre créancier de la
valeur d ’environ c e n t fetiers de feigls ,
en vertu d ’autrej
titres poftérieurs h 1742 , pour raifon defquels j ’aurois pu
vous p o u rfu iv re , fi j ’eufle été de mauvaife foi. D ’ailleurs
mon a£tion, à l'égard du billet de 17 4 2 , étoit entière & co n fe’r vée par une aflignàtîùn de 1 7 6 7 , qui avoit'interrompu la
prefeription.
D ’abord il n’eft püf vrai que M azeron eût contre Pérol
d'autres titres d’une légitim ité ap parente, que le billet d e
1742
�33
1 7 4 2 , en le falfiiiant de 1749. Il fait à ce fu jet une légende
d e titres qui n’aboutit à rien. Il en impofe , quand il met
fur le compte de Pérol les obligations de 1 7 5 ! , 175- 3 & 1755
5
elles ne le concernent pas , mais feulement d’autres particu
liers étrangers au père & au grand-père de P érol. C ’eft ce
qui eft prouvé par l'extrait du C on trôleu r des A£tes du Bureau
de Saint G ervais , rapporté par le fieur Mazeron lu i- m ê m e ,
où Pérol n’eft pas compris. Il eft vrai que cet extrait n’eft
ré la tif qu’aux obligations de 1775 & 1 7 J j . M ais P é r o l
s’eft fait délivrer du même C o n trô leu r un autre e x t r a i t , tanç
de ces deux dernières ob ligations, que de celle de 17^1, ôc le
•nom de Pérol ne fe trouve dans aucune.
L ’étroufle de 1749 eft fabriquée , on vient de le p r o u v e r ,
•& il eft inutile d’en parler.
C e lle de 1 7 J 0 , eft fans doute un être de raifon. O n ne
la connoît pas : le fieur M azeron en parle pour la première
fois dans fon mémoire. I l dit qu’elle eft à p ro d u ire , & il ne
l ’a pas produite.
S i les étrouifes de 1760 &
17 7 2 font lignées par P é ro l ,
p è r e , ce qui n*a jamais été vérifié ; elles étoient évidem m ent
n u lle s, pour n’avoir pas été faites doubles ; & il n’eft pas
befoin de quittances , pour établir une libération en. pareil
cas , fur-tout en fait de prix de baux de ferme , dont la.plus
lé g è re circonftance fait ordinairement préfumer la folution ,
après cinq ans.
A 1 égard de 1 étrouiTe de 1 7 7 7 , com m ent le fieut* Ma
zeron ofe-t-il la préfenter com m e un titre , en vertu duquel
il auroic pu agir légitim em ent contre P é r o l , en 17 78 ; tan
dis que Pérol rapporte une q u itta n ce 'écrite & fignée d e lui -,
pour rajfoa de cette même ¿troufle de 1 7 5 7 .
�C ’eft le com ble de l’impudence , de foutenir que cette
quittance n’a é té donnée que le même jour , & au m ême m o
ment de celle du 7 feptembre 1778. Il veut abufer de ce que
cette quittance fe trouve fans date ; mais l’impofture eft groffièrè : il y eft dit : J e reconnais avoir été fatisfait de Pierre
Pérol. O r , Pierre étôît le père,de Pérol qui s’appelle Fran
çois , & Pierre étoit décédé depuis 1773. A u refte , il n’y
a qu a confronter cette'qu ittance avec celle du 7 feptembre
1778 , pour fe convaincre , par la différence d’encre & de
traits de plume , qu’elles n’ont pas été données dans le m ê
me temps, (a )
L e fieur M a z e r o n ‘fait égalem ent éclater l’im pofture, lorf' q u e , pour établir qu’en ’ 1778 fon a&ion étoit entière , rélativem ent au billet du 2 juillet 1742 , il foutient que la pres
cription avoit été mlfe à co uvert par un'e affignation donnée
"en 17 6 7 . A près pluiîeurs interpellations faites au Heur M a
z e ro n '’, :dé rapporter cette prétendue' aiïignation de
1767,
ou m ême un extrait du c o n tr ô le , qui pût établir l’cxiftence
d’un e x p l o i t , fous cette date ; les recherches du Heur Ma^eron ont enfin abouti à produire un certificat du C on trôleu r
de Sainc-Gervais , qui prouve qu’ il a été contrôlé un exploit
p o u r Charles M a z e r o n ,
contre Pierre Pérol. Mais , d’une
part , c ’èft en 1 7 5 4 , & au 27 o&obre , qu’il rapporte l’ex( trait du C o n t r ô le u r , & non à l’année' 176 7. D ’un autre c ô t é ,
il eft ajouté que c ’eft pour faifie-arrêt, & que l’exploit eft de
Cromarias , huiffier. P é ro l rapporte en e f f e t , le proccs-verbal
d ’affirmation qui fut faite par fon p è r e , fur ce tte même faifiç- f*T* f
\’ i '
îi»
'•
( a ) Ces deux qiÿcuuces compofent la cote première de la production de
Pérol.
�£ ll
3 S
arrêt , / k o n v tro^ -e ré la té ç e même exploit pofé par C ro m a
rías , au mois d’octobre 1 764. Si donc
1 exp loit de 1764 n étoit
q u ’une faifie-arrêt, il eft évident qu’il n’avoit rien de com m un
avec le titre de 1 7 4 2 , & qu’il ne pouvoit pas en interrompre
la prefcription. E n forte que , quand le fieu rM azeron prétend
& s’épuife en raifonnemens , pour donner à entendre qu il *
n’avoit pas intérêt à com m ettre la falfification du billet du
2 juillet 1742 , c'eft ce qu’il ne peut.foutenir qu’avec des .
fuppofitions démontrées.
, Mais (dit encore le iieur M a zero n ) fi j’euflfe voulu a b u f e r .
des titres que j ’avois à mon pouvoir contre P érol , j’aurois
pu lui demander la valeur d ’environ cent fetiers de feigle.
Je ne l ’ai cependant pas fait ; je me fuis contenté d’une fomme
de cent quarante livres. O r , fur ce s .c e n t quarante livres ,
il y a v in g t livres pour refte d ’une vçDte de b l e d , faite au
père de P érol en 1 7 7 1 , & portée fur mon livre journal. A
l ’égard des cent vingt livres re d a n tes, il eft certain que P é r o l,
p è r e , s’en eft reconnu débiteur plufieurs fo is, & fur-tout lors
de fa dernière maladie ; c ’eft un fait dont j’offre la p re u v e , ôc
elle ne peut pas m’être refufée.
D ’a b o rd , s’il falloit prendre à.la lettre raflertion du fieur
M a z e r p n , qu’il avoit contre Pérol plufieurs titres de créan
c e s , dont il auroit pu abufer , on feroit fondé à lui répondre
qu il ne devoit pas les retenir. C e tte injufte retenue feroit un
étrange contraire avec ce trait de candeur , dç défintérejfement,
de delicatejfe & d ’excej/ïve probité , qu’il aiTure q u ’il montra
après le décès de fon p è r e , en faifant aflembler tous les an
ciens débiteurs, à qui il fit remife de c e tt e f o u i t de titres
qui le conftituoient créancier d elà valetir de plus de quatorze
E2
�cents fetîers de bled , & cela fur leur fimple déclaration
qu’ils s’étoient libérés. ( a )
M ais il n’eft pas vrai qu’il fût dans le cas d’abufer d’aucun
titre de créance contre P é ro l , puifque ceu x qui pouvoient
l ’in téreifer, étoient fans conféquence , & évidem m ent in ca
pables de produire une a&ion légitim e , com m e on l ’a déjà
obfervé. L e feul titre apparent que le fieur M azeron eût co n
tre l u i , étoit le billet du 2 juillet 1742 ; mais il étoit p referit,
& il ne pouvoit s’en prévaloir qu’en le rajeunifTant pour le
faire paroître en vigueur. Pourquoi démentir tout d’un coup
tant de candeur, tant de déliçatejje , une fi e x a 3 e p r o b ité ,
«ne équité fi
délicate , en fe rendant coupable d’un pareil
délit ?
A u refte , à quoi bon infiiler fur la preuve teftiraoniale que
P é r o l , p è r e } s’eil reconnu débiteur du fieur M a z e ro n de la
fom m e de cent v in g t liv r e s ? Peut-il m éconnoître la loi qui
défend ces fortes de p r e u v e s , toutes les fois qu’il s’agit de
plus de cent livres ?
Il fe récrie , & répond que ce feroit vou loir introduire une
jurifprudence affreufe , que toute preuve eft adm iifible, lorfq u ’il s’agit de découvrir l ’auteur d’un délit , & qu’il feroit
étrange qu’elle ne l e 1fût p a s , quand il s’agit de juftifier un
innocent.
M ais il a tort de prétendre que la preuve qu’il o f f r e , tendroit à établir fon innocence fur la falfification de la date du
t juillet 17 4 2 ; parce que cette preuve
fuppofée faite fie
- ( a ) Obfervons que le fietfr Mazeron n’eft héritier de fon p ère, que par béné*
fice d’inventaire t comment a-t-il pu faire tant dcfacnficts , au préjudice de créan
ciers envers lefqucls cependant il dit lui-même qu'il prenoit tant de précautions.
�37
Complette , il ne fcroit pas m ieux juftifié. Il ne fait que fe
déverfer iur un point qui n’a rien de com m un ave c la c o n -^
eeftation., & frujlrà probatur quod probatum non relevât.
Il n’avoit , en 1 7 7 8 , aucun titre valable contre P érol , fie
il ne pouvoit en
préfenter d’apparent contre l u i , que le
double du 2 juillet 1 7 4 2 , fous la date falfifiée de 174p. I f
ne s’agit donc que de favoir s’il eft réellem ent l’auteur de cette
falfification. O r , on ne vo it pas qu’il puifle réfulter de la
preuve qu’il offre , la conféquence qu’il ne l ’eft pas. C e feroit
d ’autant moins le cas de cette indu&ion , q u e , pour fe tirer
du mauvais pas où il fe voit e n g a g é , il eft réduit à l ’ingé«*
nieufe reffource de fabriquer ôc l’étrouife de 1 7 4 9 , ôc un
livre journal. O r , quand le fieur M azeron prouveroit le fait
qu’il a r t i c u le , cette preuve ne feroit jamais que des pièces
manifeftement fauffes , puiffent devenir véritables ; cet
changem ent eft au-deffus de toute puiifance.
L e fieur M azeron te rm in e , en difant que ce n’eft pas pour
fe faire un titre de créance qu’il demande à faire fa p re u v e ,
mais feulement pour établir qu’il n’a. fait ufage de f e s titres
que ju fq u à concurrence de l ’aveu prétendu du père de P é ro l.
M a is i° . Il n’eft pas d ’accord avec lui - m ême. Suivant
lu i , c ’é toit d’abord d’une fomme de ce n t cinquante livres dont
le père de Pérol s’étoit reconnu débiteur; depuis ce nJa plua
été que de cent v in g t livres , ôc cependant il fe fait payer
de cent quarante livres.
20. C e qu il dit ne s’accorde pas non plus avec ion exploit
de demande du 3 ju illet 1778 . C e n’eft pas d ’une fom me
de cent vin g t livres feulement dont il a formé demande 9
com m e reftée due de tous fes prétendus titres ; fa demande
êc la fcntence ont pour objet
fetiers feig le 6* Quatre
�? 8
livres argent, montant du billet du 2 ju ille t 1 7 4 2
annoncé
fous la fauffe date de 1749.
j
30. E n fin , on a déjà vu qu’il n’avoit aucun titre de créance
qui pût donner lieu à une action légitim e contre P é r o l , fi
c e n'eft le billet du 2 j uillet 1 7 4 2 , en le préfentant fous cette
fauffe date de 17 4 9
Il
eft donc é v id e n t , d ’après tout ce qu’on vient de dire ,
que le fieur M a zeron ne peut pas fe juftifier de cette falfification
& que fes propres moyens tendent de plus en plus
à le confondre. E nforte que
s'il eft vrai que le dol ne peut
pas profiter à celui qui l’a c o m m is , s’il eft vrai que le crime
n ’a jamais eu l ’accueil de la ju ftice, il en réfulte néceff airem ent qu’il ne peut pas échapper à la reftitution d’une fomme
e xtorq u ée par des manœuvres od ie u fes, & dont le paiement
n ’e ft dû q u ’à l a f u r p rife & au délit.
M onfieur
M O L I N , Rapporteur.
Me ,
M A N D E T ,
Avocat.
M i o c h e , aîné
VA
R I O M ,
de
l'im p rim e rie
Im p rim e u r L ib ra ire ,
de M a r t i n
Procureur.
D E G O U T T E ,
près la F o n ta in e d es L ig n e s . 1788.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Pérol, François. 1788]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Molin
Mandet
Mioche
Subject
The topic of the resource
faux
prieurés
dîmes
actes sous seing privé
quittances
créances
livres-journaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire suivant de réponse, pour François Pérol, laboureur, habitant du lieu de Pérol, paroisse de Saint-Priest-des-Champs, demandeur. Contre sieur Charles Mazeron, bailli de Saint-Priest-des-Champs, défendeur.
Table Godemel : Surcharge et falsification, dans sa date, d’un acte sous signature privée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1788
1742-1788
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1214
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Priest-des-Champs (63388)
Rights
Information about rights held in and over the resource
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