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RÉPONSE
D E M. D E
FR O N D EV ILLE,
AU P R É C I S
DE
M. D E
B A T Z . (1)
M.
de Batz me provoque par un mémoire imprimé ; il a mon
argent, et il me dit des injures; M. de Batz prend à la fin trop
de libertés avec moi ; il faut l’arrêter.
J ’ai reçu , de la façon de M. de Batz, trente-neuf pages d’im
pression , dans lesquelles il parle beaucoup d’une affaire qui a
été jugée entre nous, et point du tout de celle qui est à juger.
Voici le fait.
N ous avions un procès au sujet d’un billet, dont je demandois
le paiement à M. de B a tz , qui me le refusoit.
( 1 ). Sans égard pour ce m ém oire, j ’avois é té à l'audience pour me faire
juger le lendemain du jour où je l’ai reçu ; mais les affaires qui précèdent
la m ienne, l'ayant fait renvoyer à quinze jours, je ne crois pas devoir
laisser le mémoire d e M. de Batz si long-tems sans répouse.
I
�Ce procès alloit être jugé par la Cour d’A p p e l, lorsque M. de
Bat/ me proposa des arbitres : j’aeceplai et nous signAmes un
compromis , qui donnoit pouvoir au tribunal arbitral «le nous
juger souverainement et sans recours possible à aucune au
torité (i).
Les arbitres ont jugé : le jugement porte que M. de Batz est
actuellement condamné à *ie payer cap ital, intérêts et frais ,
si , dans l’espace d’un m ois, il n'a pas fourni des bordereaux de
l’agent de change employé dans la spéculation que M. de Batz
prétend avoir absorbé le montant de sou billet.
Dans l’espace du mois , M. de Batz m’a signifié une pièce
qu’il prétend être un bordereau , et par conséquent l’exécution
du jugement.
J e prétends que la pièce de M. de Batz n’est point un bor
dereau.
Est-ce un bordereau ? n’est-ce pas un bordereau? Voilà ce
qui est à juger.
M. de Batz imprime trente-neuf pages , pour parler de toute
autre chose ; et au lieu de s’occuper du procès à juger , il dis
cute en totalité l’instruction du procès jugé : soit; je vais la
discuter aussi , non pour la soumettre h la Cour d’Appcl qui
ne peut plus s’en occuper , mais pour obliger M. de Batz qui
se c o m p l a î t dans le souvenir de cette instruction , au point de
lui faire un article nécrologique de trente-neuf pages, deux
m o i s après qu’il n’est plus question d’elle.
J ’ai au reste grand tort de me récrier sur les 59 pages , moi qui
( 1 ) Les arbitres sont M M . de la Croix F rainvillc et Bcllard j M . Dcsèze
a clé nomme ticrs-arbilre.
�vais peut-être en imprimer 60 sur le même sujet ; mais je suis
attaqué , et l’on sait qu’en pareil cas il faut souvent une page pour
répondre à une ligne , et un chapitre pour répondre à une page.
Cependant, commençons.
Voici le billet de M. de Batz , dont je lui ai demandé le paie
ment en vain , depuis 1790 jusqu’à présent.
« J e reconnois avoir reçu de M. de Frundeville , la somme de
» 1 5,ooo liv. , pour former un dépôt que je m’engage à lui reprér
» senter à sa réquisition et à toutes heures, et je lui réponds de
» ladite somme. P a ris, 3 i décembre 1789.
» S ig n é , le baron de
B atz. »
M . de Batz a pi-étendu acquitter ce billet de la manière sui
vante :
y o u s m’avez , m’ a-t-il d it , f o r c é , contre mon avis , de
diriger pour cous une opération de bourse qui a. absorbe le
montant de ce billet.
M. de Batz a appuyé ce dire d’une bonne quantité de preuves ,
dont voici rémunération et le texte : il a produit } i°. un acte de
dépôt d’un agent de change appelé C habaucl, qui dit avoir reçu
mon argent pour une spéculation ;
2°. Une lettre de moi qui prouve que j’ai eu le désir de
spéculer ;
3 \ Une lettre de l’agent de change, qui dit avoir terminé
mon opération , par ordre de M. de Batz , et que tout mon
argent est perdu ;
4°. Une convention faite par M. de Batz avec l’agent de change,
pour l’achat d’effets publics pour mon compte.
Les arbitres ont déclaré tontes ces preuves insuffisantes , ce qui
veut dire «pie les preuves de M. de Batz ont beioiu de preuves.
�On voit que toutes ces choses sont jugées; pourquoi rç.lonc y
revenir 7 c’est que M. de Batz espère y trouver son compte. N’y
trouverois-je pas aussi le mien ?
'
J e vais discuter les pièces de M. de Batz dkns leur ordre , et
pour n'épargner aucuns soins , je vais remonter , autant que
possible, à l’origine des choses : je commence par le billet.
J 'a i connu M. de Bal/, aux états-généraux, devenus l’assemblée
constituante, dont nous étions membres l’un et l’autre : des cir
constances politiques et particulières nous lièrent ( je c.royois
alors ) intimement ; j’ai changé d’avis.
M. de B atz, dont la fortune étoit engagée dans les affaires du
gouvernement , souffroit beaucoup de l’influence des premiers
mouvemens de la révolution sur le crédit public (r); il s’en plaiguoit souvent à moi , et u’avoit pas de peine à me persuader ; mais
il m’eu persuada plus encore , lorsque, comptant sur quelque
crédit qu’il crut que j’avois alors , il m’engagea à une démarche
assez délicate pour moi , laquelle a voit pour objet de le faire
payer d’une somme de 700,000 liv. environ, qu’il me dit lui être
due par le gouvernement (a).
J e fis celte déman he : son défaut de succès donna lieu à de
nouvelles plaintes sur la gêne qu’il éprouvoit.
Comme il m'entretenoit souvent à ce su je t, l’idée me vint qu’il
souhaitoit que je lui offrisse de l'argent : le 5 1 septembre 178g
je lui offris 1 5 ,ooo liv. ; il les pritet me fit le billet dont est question,
que je 11e lui demandois pas; ce billet n’est point dans le style
(1) Il en convient dans son interrogatoire et dans son mémoire.
( j ) M . de Dutz est convenu de cela devaul les arbitres.
�prdinàire ; la suite développera les raisons de M. de Batz pour !e
faire ainsi.
M. de Batz oppose h ce récit un rapport ofGciel fait par lui
à M. de Cazalès ( i ) , qui l’a émargé , dil-il , de plusieurs notes.
Paix soit aux morts qui ne peuvent être ici pour se défendre ;
je n’ai jamais discuté et ne discuterai point cette pièce qui e s t,
d’aJleurs , sans caractère et sans validité, puisqu’elle n’est signée
de personne.
J ’observerai seulement que nous avons été entendus une seule
fois et très-imparfaitement devant ces premiers arbitres , puisque
dès le début, M. de Batz annonça des lettres de m oi, et des pièces
de l’agent de change , qu’il dit devoir faire venir pour me les op
poser , et que je proposai d’attendre leur arrivée , ce qui fut convenu (a). Or, comment avons-nous pu être entendus assez pour
déterminer le jugement d’un homme sans prévention , dans une
conférence où l’on convient d’attendre des pièces pour juger ?
Cependant, dans les émargemens de M, de Cazalès (si toutefois
ils sont sou ouvrage ) , il tranche d’aulorité et décide , en quatre
lignes , que j’ai to rt, sans s’embarrasser des pièces qu’il vient de
convenir d’attendre pour juger : M. de Cazalès qui m’a d it, et à r
q u ia voulu l’entendre, sur le compte de M. de Batz, ce qu’on
peut dire de plus dur et de plus fâcheux sur le compte d’un
homme , éloil redevenu, Dieu sait comment et pourquoi, son
aveugle ami : cela est facile à voir.
(i)
M . de Cazalès et M. de lJelbeuf nie furent proposés pour arbitres , il y a
quatre ans , par M. de Batz ; je les acceptai ; il y eut une conférence devant
eux ; c’est cette conférence qui est l’objet du rapport singulier de M. de Batz
cl des ém arj'emens, plus singuliers encore , de INI. de Cazalès.
(a) M . de Batz convient de ces faits dans son m ém oire, page 12 .
�G
J'observerai encore que de deux arbitres qui nous ont entendus,
un seul a aidé M. de Batz de ses émargemens , ce qui prouveroit
que la mémoire de l’un n’a pas été conforme h la mémoire de
l'au tre, car M. de Batz a , sans doute, présenté son rapport à
M de Belbeuf avec lequel il est tout aussi lié que je le suis , et s’il
en avoit obtenu quelque chose , il ne me le cacheroit p as(i).
Mais puisque M. de Batz m’oppose des souvenirs de cette con
férence , je vais lui opposer à ce sujet quelque chose de plus
certain et de plus concluant que des souvenirs.
Comme on vient de le voir, M. de Batz allégua devant les pre
miers arbitres, qu’il avoit des papiers à H am bourg, qu’il alloit
faire venir pour me confondre ; il dit que ces papiers étoient ceux
qu’il avoit conservés de l’agent de change Chabanel, qu’il avait
employé dans la spéculation (2).
11 est donc bien établi que M. de Batz voüloit faire venir les pa
piers de Chabanel , pour suppléer à l’absence de Chabanel.
>
(1) M. de Batz glisse négligemment dans son mémoire , que M. île Cazalès
fut nommé pour lu i, et M. de Belbeuf pour moi : ctla n’est pas e x a c t; ce
fut M. de Batz qui me proposa deux de nos anciens collègues, et nie nomma
ces deux messieurs que j ’acceptai; mais pourquoi cette petite erreur? C’est que
M . do Batz n’ayant rien à montrer do M. «le B elbeu f, en fait tout de suite mon
a rb itre, pour donner uuc raison de son silence : chez M . de Batz 011 verra
que la ruse montre toujours le petit bout de l’oreille, quand elle no montre
pas toute la tête.
(2) M. de Batz a Iui-iricmc exposé ce fait devant MM. de la Croix I’ rainvüle et Beltord , lorsque je lui reprochois ses lenteurs à faire juger ce procès,
et scs réticences dans la production de scs pièces ; il m’a répondu que la
célérité de l'instruction 11c dépendoit pas de lui , parce que le» pièces de
Chabanel étoient à Hambourg , et qu’il avoit eu beaucoup de peine à les faire
venir.
�7
Qui le croiroit ? Chabanel étoit à P a ris, à coté Je M. de
Batz.
Si cet état choses n’avoit dure qu’un m om ent, on pourroit
croire qu’ il y a distraction cle la part de M. de Batz, niais j’ai per
siste, pendant neuf mois, à rester devant les arbitres choisis ( i ) ,
et pendmt ce long teins, j’ai écrit et récrit à M. de Batz,
pour le presser de faire arriver ses papiers , n’imaginant pas
qu'il y eût un autre moyen d ’éclaircir les faits entre nous.
Ce moyen pourtant exisloit dans la rue du M ail, où demeuroit Chabauel lui-même , qui valoit encore mieux que ses écrits,
et (jui étoit beaucoup plus près de nous que Hambourg.
M. de Batz paroît s’attacher à un principe q u i, au fond , {est
fortbun : le teins bonifie toujours les affaires de certaines gens ;
car , comme dil le fabuliste, dans dix ans d’i c i, le r o i, l’âne ou
moi , nous serons morts ; en efFet, en usant le tems , un té
moins m eurt, un papier se perd , c’est autant de gagné : C habanel est mort un an après , alors M. de Batz a produit les
écrits de Chabanel.
M aintenant, voyons les pièces de M. de Batz: si on ne
peut plus les confronter avec celui qui les a écrites , peut-être
parleront-elles d’elles-tnêmes.
(i) M. de Batz a imprimé que je m’étois ergpressé de récuser M M . de Belbeuf
et de Cazalès (vo y ez son mémoire page i 3 . ) On ne ment pas m ieux que
cela : j’appris , neuf mois après le commencement de l’arbitrage, qui d ’ailleurs
n’éloit point convenu par éc rit, que M . de Belbeuf partoit pour la Norm an
d ie , M . de Cazalès pour le Languedoc, et M . de Batz pour la Gascogne j
voyant mon arbitrage arrangé de la sorte, je compris «juc M. de Batz aimoit
m ieux n’en pas finir; je remerciai les a rb itres, et j’écrivis h M . de B atz , que
puisqu’il ne vouloit pas terminer devant des arbitres , j allois l’attaquer ju d i
ciairem ent.
�8
Les arbitres les onl déclarées insuffisantes; cepourroit bien être
une flatterie. Voici l’acte de dépôt de Chabanel.
»
»
»
»
« J ’ai reçu de M. le président de Frondeville , sur autre reçu
de M . le baron de Batz , G?.5 louis en o r, pour garantie de
négociations dont me suis chargé pour le compte du déposant,
dont 10,000 liv. en ia 5 millions} et 5 ,ooo liv, en actions des
Indes ou d’ assurance.
» Nous sommes convenus que j’r.ltendrois de nouveaux ordres
» de M. le baron de Batz, et que si M. de Frondeville chnngeoit
» d’avis, je rendrois aussitôt le kinême dépôt eu mêmes espèces.
» Ce 3 i décembre 1789.
Signé , C habanf.l .
Cet acte est la première pièce qu’a produit M. de Batz ; il
est aussi le sujet de sa première erreur un peu grossière ; il
lui a fourni l’occasion de nier sa propre écriture , il 11e l’a pas
mauquée*: cette erreur est constatée par sou interrogatoire,
ainsi qu’il suit :
Interrogé « pourquoi , s’il est vrai , comme le dit le répon» d a n t, qu’il ait indiqué le citoyen Chabanel au citoyen de
« Frondeville , il u’a pas parlé de cet agent de change dans sa rc» comioissance ?
A répondu « que par l’cifet de sa délicatesse , il s’étoit
» rendu personnel le dépôt de i 5 ,ooo liv. ; mais que M .
» de Frondeville sait bien (pie ce fut à l’agent de change même ,
» et non pas à lu i,s ie u r de B atz,q u e lui sieur de Frondeville,
)> remit la som m e, et que d éfait elle n’a jumais passé dans
» les mains de lui répondant..............
On 11c peut pas nier pbis pertinemment sa signature ; -voici
les icrnici du billet de RI. de Batz.
�9
J e reconnois avoir reçu de M . de F ro n deville , la somme
de 15^000 liv.
C’est avec un tel billet signé J e sa m ain , que M. de Batz,
nie avoir reçu mon argent! (i)
Cependant voyons la manière dont il explique le fait clans
son mémoire : elle est piquante.
» Au lieu donc de remettre au sieur Chabanel , un simple
» mandai sur M. de Frondeville, je lui remis le billet.
» A vue du billet, M. de Frondeville remit i 5 ,ooo liv. à
» M. de Chabanel qui en donna sa reconnoissance particu» lière dans les termes suivans. »
Suit la copie de l’acte de dépôt que M. de Batz appelle ici
la reconnoissance particulière de Chabanel.
acte de de'pôt.
J ’ai reçu en dépôt de M. le président de Frondeville, sur autre
reçu de M. lè baron de Batz, six cent vingt-cinq louis en or , pour
garantie de négociations dont je me suis chargé pour le compte du
déposant, dont 10,000 liv. en ia 5 millions et 5 ooo liv. en actions
des Indes ou d’assurances ; nous sommes convenus que j’attendrai
de nouveaux ordres de M. de Batz , et si M. de Frondeville
changeoit d ’a v is , je rendrai aussitôt le même dépôt en mêmes
espèces. Paris, 5 i décembre 1787.
Signe’ ü . ClUBANF.L.
J e voudrais bien que M. de Batz m’explique à qui Chabanel
remit sa reconnoissance particulière : ce n’est pas à moi qui
(1) J ’ai du moins eu le plaisir d’entendre M . B e lla rd , arbitre nomme par
M . de IJalz qu’il ti’a pas cessé de de’ lendre avec la chaleur et le talent dont
il est capable , lui dire à une de nos conférences : « Tour celui-là , M . de
» lîatz , je ne le crois pas ; le coutrairc est évident. »
�lO
recevois de lui celle de M. Batz ; ce n’est pas à M. de B atz,
puisque je p aye, dit-il, à vue de son billet, ce qui prouve
qu’ il étoit absent. A qui donc ? je ne sais , car je ne vois
plus personne pour la recevoir : cependant elle est entre les
mains de M, de Batz; comment y est-elle venue ?
Voici une autre dilliculté : la reconnoissance de Chabanel
porte ces mots : «' Nous sommes convenus que j’attendrois de
» nouveaux ordres de M. le baron de Batz , et que si M. de
» Frondeville cbangeoit d’avis, je rendrais aussitôt le même
» dépôt en mêmes espèces. »
Quoi ! jetois là , en présence de Chabanel, et j’ai laissé
Cbabanel écrire qu’il attendrait les ordres de M. de Batz, et
non pas les m iens, lorsqu’il ne s’ agissoit de rien de plus que
de retirer mon argent, si je cbangeois d’avis!
Mais passons : la ruse a niai fait ici son service; aussi c’étoit
-trop exiger d’elle que de vouloir lui faire prouver que j’ai
remis mon argent à un tiers , en face de la signature de M.
de Batz , qui atteste que je le lui ai remis à lui-même.
Mais quel intérêt avoit M. de Batz , pour se charger de
l'ignominie de ce mensonge ? Le voici.
M. de Batz a voulu , à quelque prix que ce so it, établir un
point de contact direct entre moi et l’agent de change; et
comme il n’a trouvé nulle part la plus petite occasion de me
placer en rapport personnel avec Chabanel que je n’ai connu
de ma v ie ; il a saisi celle-ci qui est mauvaise à la v é rité ,
mais qui est l'unique , et qui résulte de ces mots de l’acte de
dépôt , f o i reçu de M . de Frondevillc , sur autre reçu de
1\I.
de Batz. J e ne me charge point d’expliquer ce français ;
l’acte qui le contient se trouve entre les mains de M. de Batz;
il l’a fait faire par un tiers que je n’ai jamais vu ; c’est à lui de le
faire comprendre s’il le peut.
�11
L ’intérôt de M. de Batz à accréditer son mensonge , se déve
loppera à mesure de la discussion des pièces.
On. verra par.elles que M. de Batz s’est entièrement et exclu
sivement investi de ma propriété ; que c’est lui qui dépose ,
fait acheter, fait vendre , se fait rendre compte ; à la vérité on
verra mon nom partout , mais on ne me verra nulle part et
pas une seule fois agissant activement et en personne. Envoyant
tous ces actes, on jureroit que j’étois à ceut lieues de P aris;
cependant j’étois à côté de M . Batz; je le voyois tous les jours
tleux et trois fois , et pendant qu’il faisoit aiusi mes affaires ,
il ne me parloit que des affaires des autres ; il m’avoit donné ,
dit-il, un agent de change; mais il n’a pas plus existé pour
moi que s’il fut resté dans les espaces , car je n’ai jamais vu
son visage , et n’ai jamais connu son écriture. M. de Batz a
fait une spéculation pour moi , qui a duré depuis le 5 lévrier,
dit-il , jusqu’au 27 m ars; mon argent s’est écoulé goutte à goutte
pendant ces cinquante-deux jours , et M. (le Batz n'a pas imaginé
de me demander si je ne serais pas hieu aise d’arrêter ma perte,
ou de (aire quelque revirement pour la diminuer.
J e sais bien que M. de Batz me répond en peu de mots,
que tout étoit convenu avec m oi; mais je lui réponds par ses
propres pièces, qui prouvent que je n’ai jamais été qu’en nom , et
que partout il a été en personne. J e fais plus , je défie deM . Batz de
prouver, par le plus léger indice , que j aie jamais connu Chabanel
qu’ il appelle mon agent de change, et la spéculation qu’il appelle la
mienne.
M. de Balz a senti la force de ces circonstances , et dans le
danger, il a invoqué le mensonge.
lin effet, le sien remédioit à tout ; car si M. de Batz prouve que
j’ai vu l’age tilde change un moment., mes rapports avec lui sont
établis , et touL est expliqué.
�Mais je défie là-dessus M. de Batz , et il reste clans la positron
embarrassante de faire trouver légitime qu’il ait perdu 111011 argent
par le ministère d’un Innume (¡ne je n’ai jamais vu , et dans une
spéculation que je n’ai jamais connue.
M. de Ba.z n’ayant à me donner pour l’acquit de son billet que
le triste récit d’ une plus triste spéculation , a fait avec m o i , comme
font les gens q u i, de peur d'étre grondés , commencent par gronder
eux-mêmes ; il m’a dit que j’étois un obstiné ; que malgré lui j’avois
persisté dans le mauvais sens ; qu’enfin je l’avois forcé de me
rendre le service de perdre mon argent ; je crois même qu’il m’a
dit quelque part que je n'avois que ce que je meritois ( i ).
N ’es t-il pas drôle qu’en me mettant de mon plein gré sous la
direction de M. de Batz, j’aye débuté par diriger mon directeur ;
mais ce qui est plus drôle encore , c'est la bonhomie avec laquelle
il s’est laissé faire, et l’obligeance avec laquelle il a pris mou
argent ; cela sans doute annonce une grande facilité dans le com
merce de la vie j mais cependant M. de Batz ne pouvoit-il pas
imaginer quelque chose de mieux encore à faire là-dessus ? par
exemple , de ne pas prendre mes i 5 ,ooo liv. 7 il me semble que
c'est ce que j’aurois fait à sa place , si j’avois été persuadé comme
lui du mauvais sens de mon ami.
M. de Batz en a pensé autrement, il a vu de l’argent à prendre
et il l’a pris ; il a lait plus , du moins il le dit ;
11 prétend l’avoir été déposer le même jour chez l’agent de
change Chabauel.
(i) Voici les paroles de M. de Batz , page première et deuxième de son mé
moire : J ’avois tout fa it pour le détourner de cette dernière spéculation , et la
perte qu'il fît fu t le résultat, dç sa persévérance à rejeter mes conseils
M . B atz , dit page 3 : Lorsque M . de Frondeyille s’obtinoit à spéculer dans le
mauvais sens.
�J e me perds et ne vois plus que confusion : ici je vois M. de
Batz qui fait tous ses efforts pour nie détourner de mon projet
de spéculation , et qui m’assiste de ses conseils à ce sujet ; là je vois
M. de Batz qui , non content de prendre l’argent que je destinois ,
d it-il, à cette spéculation , s’empresse d’aller , le jour même où il
le re ç o it, le déposer chez un agent de change , et lui faire faire
ainsi le premier pas dans la route des spéculations. Tour ne
pas avoir trop d’idées à analyser à la fois , je m’arrête en ce
moment à celles-ci.
Pour agir aussi directement dans le même jour contre son
coeur, qui lui faisoit prendre en pitié mon obstination à ma
ruine , et contre sa pensée qui la lui faisoit v o ir , il a fallu à
M. de Batz de puissans motifs.
J e l’entends attester son b ille t, invoquer la religion de la fui
prom ise, et me demander si sa conscienee pouvoit différer le
dépôt au lendemain.
A cela je réponds oui : le billet a bien été fait pour lier au
besoin mon argent dans les liens d’une spéculation ; mais il
n’a voit pas tout prévu; et par exemple , il ne dit pas que le
dépôt auroit pour objet une opération de bourse; il ne dit pas
que le dépôt seroit fait entre les mains de Chabanel ni d’aucun
agent de change; ma lettre* qu’on verra bientôt, et que j’enlends
"M. de Batz appeler à grands cris à son secours, ne le dit pas
d’avantage.
Elle ne dit, pas plus que le b ille t, à quelle époque le dépôt
doit être fait ; en lin , le billet ne dit pas plus qu’elle, que le dépôt
doive être fait plu tôt dans les mains d’un tiers que dans celles
de M. de Bafz : au contraire, l’obligation exprimée dans le b ille t,
de nie représenter le dépôt; à ma .réquisition et à toutes heures ,
et celle de me répondre de la somme, annoncent que le dépôt
�¿levoit plutôt rester dans les mains de M. de Batz que passer dans
celles d'un tiers.
O u i, M. de Batz , avec un tel billet , cl votre conviction que j e
'volois à ma ruine , votre conscience pouvoit attendre au len
demain.
Mais , j’en conviens , votre intérêt ne le pouvoit pas aussi bien;
dès que vous m’avez vu vous demander mon argent , il vous a fallu
un plan de défense ; et pour établir une spéculation , il vous falloit
un acte de dépôt. Vous l’avez fuit faire ( i) , niais vous l’avez mal
adroitement fait dater du même jour où vous m’avez remis votre
billet, et c’est cette ponctualité m<Ve qui vous accuse. Mais pour
suivons.
M. de Batz après avoir pris mon argent le 3o décembre , à son
corps défendant , après l’avoir remis le mômç jo u r, contre son
opinion , à un agent de change, M. de Batz ce même jour encore,
fait les dispositions de son emploi; il désigne les offets publics sur
lesquels il doit être employé , et détermine la somme qu’il destine
6ur chacun d’eux ; à dire v r a i, je ne vois pas pourquoi cet em
pressement à disposer ainsi de mes fonds , car pour le coup le
billet ne parle pas de cela.
Voilà encore un excès de zèle à engager mes fonds dans les
griffes de l’agiotage , qui se trouve bien peu en harmonie avec
la répugnance que son amitié et sa prévoyance lui faisoient éprou
ver contre mon entêtement à spéculer (i).
( i ) Je déclare que je n'entends point inculper l'agent de change, qui ( si
les actes sont de l u i ) , a pu les faire tics-iiinocennncnt, comme je pou» rois
l'expliquer s'il cil étoit besoin.
( i j J/acte de dépôt porte ces mots : îS.ooo /jV. pour garantie de négntia-
fianç dont je me iu .s chargé pour le compte du déposant, dont «0,000 /jV.
�L ’amitié tic M. Batz a dû bien souffrir le 01 décembre 1780.
Que de sacrifices elle a vu faire ce jo u r - là à mon obstination!
D’abord elle a vu M. de Batz prendre mon argent ; ensuite elle l’a
vu le déposer chez Chnbanel, et , pour qu’il n'y manque rien ,
elle a vu M. de Batz déterminer exactement , et mot à m ot,
commeut mes i 5 ,000liv. seraient perclus trois mois après ; ca r,
et c’est ce qui a dû lui faire plus de mal, M. de Batz savoit que mon
argent serait perdu. J ’avois tout fa it pour l ’en détourner , et la
perte qu’ il fit fu t le résultat unique de sa persévérance à re
je te r tues conseils. Ces paroles sont de M. de Batz ( pages i ere. et
2 e. de sou mémoire ).
A la vérité, si l’amitié de M. de Batz avoit refusé mon argent,
plus de tribulations : cette idée me revient toujours ; mais vous
verrez que RI. de Batz la trouvera absurde.
J e vais examiner l’acte de dépôt sous un dernier point de vue :
est-il vraisemblable qu’il ait été fait pour garantie d’une mince
spéculation de i 5 ,ooo liv. ? Etoil-il nécessaire qu'il fût fait?.
Il faut se reporter aux tems où nous étions alors, lié avec
M. de Batz par des rapports politiques q u i, en tems de révolu
tion , doublent l’inlifailc des liaisons ; lié encore avec lui par
les rapports de société , est—il croyable que RI. de Batz eût exigé
«le moi le dépôt d’une somme aussi modique que celle de
1 5,ooo liv ,, en comparaison de mes moyens d’alors, pour ga
rantie d’ une spéculation que je l’aurois prié de diriger pour
en iî! j millions et 5ooo liv. en actions des Indes ou d ’assurances. Dans
la copie imprimée que M . de Batz donne de l’aclc du d é p ô t, il a supprimé
ce que je viens de copier , encore bien que cela se trouve au milieu de l’acte*
l ’ our tronquer ainsi pateinmcnt scs propres p ièces, il faut avoir de bonne»
raisons. Jo découvre bien encore dans ce procédé une ruse de M . de B a tz ;
mais je u’ai pus le tenu de les dire toutes.
�moi ? les procédés usités parmi les gens du monde , repoussent
l’idée de celle injurieuse précaution.
Mais en supposant à M. de Batz une aussi chétive manière
d’a g ir , et à moi la sottise de la souffrir ; M. de Batz avoit
toutes scs sûretés, puisqu’il avoit mon argent dans les mains ;
il n’avoit donc pas besoin de le déposer dans celles d’un agent
de change; car il 11e prétendra pas sans doute que lu i, M. de
Batz , un des plus renommés spéculateurs de P a ris, lui qui nous
annonce que l’agent de change Chabanel étoit un de ceux qu’il
honoroit de sa confiance dans les négociations qu’il faisoit pour
le trésor royal ( 1 ) , il ne prétendra p as, dis-je, que cet agent
de change a exigé de lui la mince somme de i5,ooo liv. pour
garantie d’une spéculation que M. de Batz lui faisoit l’honneur
de lui commander.
Le moyen donc d’expliquer pourquoi il se trouve un acte de
dépôt, pour garantie, fait par C habanel, dans une aussi médiocre
affaire ordonnée par M. de B a tz , dont la pratique seule auroit
suffi pour accréditer un agenl\le change. Qu’on juge si Chabanel,
employé habituellement par lui dans des reviremens de millions ,
en a exigé un dépôt de 1 5 ,000 liv. pour garantie.
L ’acte de dépôt est , sous quelque point de vue qu’on l’euvi-,
sage, invraisemblable à la date qu’il porte.
A une date plus reculée , c’est-à-dire , après que j’ai eu demandé
mon argent, il se conçoit; il est vraisemblable; il est môme
nécessaire : car sans lui les autres pièces qui prouvent une spé
culation , perdroient beaucoup de leur prix.
J ’ai encore une idée sur cet acte de dépôt , qui me tour
mente : comment se fait-il qu’il se trouve entre les mains de
(1) Mémoire de M . de Batz , ( page 5 . )
�l7
M. de Batz? La spéculation est finie; la somme est absorbée, et.
pourtant M. de Balz conserve le titre qui rend Chabanel comp
table de l.i somme. M. de Batz est-il resté , pour cet objet qui
n’étoit pas liquidé avec m oi, en compte courant avec lui ? Non ,
car M. de Batz m’a fait signifier q u e , le 5 juiu 1790 , il
avoit arrêté tous ses comptes avec C habanel, et il est dit dans
ce com pte,'que Chabanel a remisses pièces de comptabilité à
M. de Batz. Comment se fait-il que Chabanel remette ses pièces
<le comptabilité à M. de Batz, et qu’en meme-tems M. de Balz
conserve des pièces qui rendent Chabanel comptable envers lui i
Pour voir clair dans ces obscurités, il faudroit la lorgnette de
M , de Batz.
Pour me résumer sur l’acte de dépôt ; le projet mal déguisé
de M. de B alz, d’établir un point de contact direct entre moi
et l'agent de change que je n’ai jamais connu ; sa dénégation
d’avoir reçu mon argent , hasardée afin d’atteindre ce but; son
affectation de plaindre mon obstination à mal spéculer, et son
empressement à m’enchaîner dans une spéculation ; l’invraisem
blance, je pourrois dire l’impossibilité d’un dépôt pour garan
tie , de la part de M. de Batz, vis-à-vis de son propre agent de
change; enfin, l’existence singulière de l’acte de dépôt dans
ses m ains, après la clôture de scs comptes avec l’agent de
change; ces faits et ces circonstances forment un corps de
preuves qui portent jusqu’à l’évidence, (¡ne l’acte de dépôt a été
fait pour la circonstance, et pour faire croire à l’existence d’une
Spéculation qui n’a jamais eu de réalité pour mon compte.
Cependant, j'arrive à ma lettre du 5 février 17 9 0 , et à mon
interrogatoire. Voici ma lettre :
« V oire billet m’arrive , mou cher baron , dans le moment
» où je sors pour affaires; je ne puis aller chez vous et n’y
» suis pas nécessaire , puisque vous voulez bien vous charger de
�ï8
»
»
»
»
»
tout diriger; je suis plus décidé que jamais et je ne rois
plus que vous d’hcsitant sur le sort des effets de la bourse.
J ’espérois que votre homme aurait commencé hier ; il y a
plus d’un mois que le dépôt n’est absolument bon à rien. Ne
différez donc plus d'agir , mon cher ami. »
Ce 5 février.
Voici mon interrogatoire , ou du moins la portion de mon
interrogatoire, qui est en contradiction avec ma lettre.
»
»
»
»
« Interrogé s’il n’est pas vrai qu’à la lin de la même année
( 178g ) , lui répondant eut le désir de spéculer de nouveau sur
les fonds publics ; d’employer à cette spéculation une somme
de 1 5,ooo liv. ; si à cette occasion il u’a point consulté le sieur
de Balz et ne lui a point écrit ;
» A répondu qu’il affirme positivement que le sieur de Batz n’a
» jamais fait une spéculation pour lui répondant; il l’affirm e,
» parce qu’il ne peut pas craindre que sa mémoire le serve mal
» après seize ans sur cet objet ( 1 ) , puisque le titre fait et souscrit
n par M. de Iîatz, sa conduite , ses allégués et ses écrits au procès,
w portenteette vérité jusqu’à l ’évidence; le titre porte qu’il répond
» de la somme , sans réserve et sans exception d’aucun cas.
» 11 est évident que dans le cas de la soi-disante spéculation
n alléguée parM . de Balz, tous les profits auraient été pour lui ; car
» dès qu’il a répondu de la somme, il aurait dit à lui répondant;
»> vous n’avez aucune part dans les profits , puisque vous n’avez
3) coUru aucuns risques ; comment se fait-il donc que le sieur de
(1) Dan» la .copie de mon interrogatoire imprimée par M . de Batz , il arrête
ici ma réponse; ce qui fail qu il en dissimule la portion qui explique le
m otif de mon affirmation. M . de B alz est fidèle & ses habitudes; l a r u ie ;
toujours la xusc.
�19 •
» Batz prétende aujourd’hui que IuLrépondant a donné son argent
» pour courir risque de le perdre , sans avoir la chance de
» gagner ? »
Le raisonnement puisé dans le billet même de M, de Batz , et
que je donne pour motif de mon affirmation, est d’une justesse
palpable; mais j e ne m’y arrête poin t, e t je. conviens qu’il y a
contradiction réelle entre ma lettre du 5 février 1790 , et mou
interrogatoire du 3o novembre i 8o 5.
Cette contradiction est-elle volontaire? c’est sur quoi je demande
qu’on me juge avec rigueur.
II existe deux faits que M. de Batz lui-même ne contestera pas.
Yoici le premier :
,
Devant MM. de Bclbenf et de Cazalès, nos premiers arbitres ,
M. de Batz m’annonça qu’il a voit des lettres de m o i, qui fa ¡soient
partie de ses papiers qu’ il avoit envoyés à H am bourg, dans le
tems de la terreur, lesquelles lui fourniroient des preuves de ce
que je lui coritestois ; et je lui contcstois ce que je lui ai toujours
contesté , savoir t qu’il ait fait nne spéculation pour moi ; et malgré
ma lettre, j’afiirmerois encore , sans craindre de me d am u er,
qu’il 11’en a jamais fait. Il y en a> bien une écrite qu’il a mise
sous mon nom, ce qui lui donne un prétexte pour retenir mon
argent ; mais je soutiens qu’il a opéré pour lui , et que mon argent
n’est jamais sorti de ses mains ; j’espère le lui démoutrer bientôt,
à-peu-près mathématiquement.
M. de Batz demanda du tems pour faire venir ces lettres ; je lu i
proposai trois mois ; il consentit. J e sus donc à cette époque, c’est- ,
à-dire trois ans avant mon interrogatoire , que M. de Batz annon
çait des lettres de moi ( 1 ) ; et si je l’avois oublié, mon iuterroga(1) Voici ce que dit M. de Batz dans son mémoire "• « M . de Frondevillc
�*
30
toire me l'auroit rappelé , car M. de Balz m’a fait faire l’intorrogat
suivant : « Si à l’occasion (le la spéculation de i 5 ,ooo liv ., le
» sieur de Frondeville u a pas consulté le sieur de Batz, et ne lui a
» pas écrit ? »
Voici le second fait. A la fin de niai i 8 o5 , le procès actuel,
jugé en dernier ressort par les arbitres , fut plaidé et jugé
en première instance au tribunal civil : M. Tripier plaidant
pour M. de Batz , donna lecture à l’audience, de l’acte de
dépôt et de la lctlre de Chabanel ; il me les communiqua; je les-lus et en pris note r j’avois donc pleine connoissance de ces pièces
quand j’ai été interrogé.
J e viens d’établir par deux faits positifs , qu’avant d’être inter
rogé , je savois tout ce qu’il falloit pour ne pas répondre comme
je l’ai la it , si je n’avois pas cru dire la vérité : je savois que M. de
Batz faisoit venir de Hambourg des lettres de moi pour me les
opposer , et j’avois lu les pièces de l’agent de change , qui disent
que M. de Batz a dirigé une spéculation pour moi.
M aintenant, je me renferme dans ce dilème : ou j’ai voulu
en imposer pour m’exposer volontairement à la mésestime et à la
ccnsure publique, ou j’ai dit ce que je croyois fermement être
la vérité.
J e dis que le positif de mes réponses annonce leur since-
» me demanda avec une inquiétude mal de'guise'e, ce que c’étoit que des pas piers et des lettres de lui sur cette même a ffa ire , et qu’on diîoit que
» j ’avois dans mes mains.
» Ce que vous me demandez n’est pas dans mes mains , lui ripondis-je ;
» mais dans un dépôt de mes papiers actuellement entre les mains de M . de
» J . , îi H am b o u rg, et je vais les faire ven ir» . C etoit donc d e là bouch«
même de M . de Batz que je savois qu’il avoit des lettres de moi.
�rite , car elles pouvoicnt être évasives , elles dévoient même
l’ê tre , vu la connoissance que j’avois des pièces annoncées et
des pièces connues; mais ma conviction éloit si entière, que
j’ai méprisé le secours de l’évasion. Nier un fait qui existe , quand
on croit sincèrement qu’il n’existe p a s , c'est dire le contraire
de ce qui est, mais c’est dire la vérité par rapport à soi.
Mon interrogatoire contredit ma lettre, mais il n'a pas con
tredit ma pensée, et à présent même que je lis cette lettre , je ne
me souviens ni du m otif, ni de la circonstance qui me l’a
fait écrire : au reste , je ne m’en étonne p o in t, car il me semble
très-aisé de concevoir que j’aye entièrement oublié , le 5 o
novembre i 8o5 , ce qui s’est passé dans mon e sp rit, le 5 février
17 9 0 , au sujet d’une spéculation de bourse que je n’ai n’y com
binée ni su iv ie , dans la confidence de laquelle on ne m’a
jamais m is, quoique je fusse chaque jour à côté de M. de Batz,
qui prétend Tavoir dirigée , dont l’agent ne m’a jamais él6
connu, quoiqu’on me dise aujourd’hui qu’il étoit le mien j
d'une spéculation enfin qui a duré depuis le 5 février jusqu’au
27 mars , dans laquelle mon argent s’est écoulé chaque jour
goutte à goutte sans qu’on m’ait consulté, sans qu’on m’en ait
dit un m o t, sans que je m’en sois douté.
J e mets mon honneur , ma réputation , enfin tout ce qu’il y a
de plus cher au monde à un galant homme , à la discrétion de
M. de Batz, et l’on voit par son mémoire que c’est proposer de
les mettre en mauvaise mains , s’il peut fournir une adminiculc
de preuve que j’aye eu la moindre connoissance de la spéculation
qu’il dit avoir faite en conséquence de ma lettre , et si j'ai jamais
connu directement ou indirectement ragent dé change qu’il dit
aujourd’hui avoir été le mien.
Cependant, si ces faits sont v ra is,s’étonnera-t-on qu’ une opéra
�tion qui n’a jamais existé pour moi , n’ait laissé , après seize a n s ,
aucunes traces dans mon esprit ?
J e «rois bien que ma lettre en annonce le désir ; mais les désirs
sonl l’opération la plus transitoire de l’ame, et pour qu’ils prennent
place dans la mémoire , il faut du moins qu’ ils soient suivis de
de quelqu’accomplissement, et jamais celui-là u’a été accompli
pour moi.
Mais on me dira que si je n’ai pas connu l’opération qui a
eu lieu depuis le 5 février jusqu’au 27 mars ( 1 ) , la correspon
dance de ma lettre et du billet, qui parlent l’un ét l’autre d’un
dépôt, annonce que j’étois convenu précédemment de quelque
chose avec M. de Batz : la conséquence est juste ; ét quoique
je sois convaincu de n’avoir jamais (ait avec lui aucune conven
tion qui l’autorisât à spéculer pour m oi, je conviendrais que ma
lettre condamne 111011 souvenir ; mais il m’est impossible de faire
aucune concession sur cet objet, parce qu’il est démontré pour
moi qu'il y a eu machination dans l’acte de dépôt;
Or, dès qu’il est prouvé qu’il y a eu machination dans cet
acte , dont l’ unique objet est de donner de la réalité au projet de
spéculation , par cela môme il est prouvé que ce projet n’exisloit pas; c a r , pourquoi M. de B;itz auroit-i! eu besoin de cons
tater à mon insu un fait dont j’aurois été d’accord V J e ne puis
concevoir cela ; il m’est impossible de mettre ces deux idées en
harm onie, que réellement je voulois spéculer le 5 i décem
bre , et que M. de Batz ait été obligé de machiner un acte dató
de ce jo u r, pour constater que j’avois voulu spéculer et enta
it) On verra bientôt par la discusión d'nnc pièce produite par M . de I3a tz,
q u ’ il prétend avoir comnirucé le 5 février , la soi - disante opération 'en con
séquence de nia lettre , cl qu’il prétend l’avoir finie
le 37 m ars, en consé
quence de la fin de l’argent qui fut perdu en entier à cette époque.
�«
23
mer une spéculation, que'j’aurois été en effet impatient d'en
tamer.
La machination établie, et je crois qu’elle ne sera douteuse
pour personne : je ne puis plus comprendre ma lettre ; elle ne
prouve plus rien pour moi.
J ’ajoute à cela que l’examen des autres pièces et leur dis
cussion vient corroborer ces pensées ; c a r , elles établissent si
clairement le plan d’une spoliation m éditée , qu’il faudroit être
aveugle pour ne pas le voir.
J e ne pousserai pas plus loin l’examen des expressions de
ma lettre; je me borne à dire que la fraude étant certaine.
D’après les circonstances de l’acte de d épôt, ma lettre reste sans
objet et sans signification.
Pour terminer sur mon interrogatoire , je dirai qu’il est évi
dent que tous les actes produits par M. de Batz , sont disposés
de manière à faire croire à une spéculation ; mais la plupart
de ces actes dépendoient de lu i, puisqu’ils sont faits entre
lui et uu tiers que je n’ai jamais connu ; mon billet même a
dépendu de lui seul ; car n’ayant aucune intention de prendre
des sûretés , j’aurois pris sans les lire tous les billets qu’il
m’auroit donnés.
Aussi a-t-il usé de cette liberté ; car à voir l’entortillement du
sien , on juge tout de suite de l’intention de M. de Bat/. : il a
•voulu n’en pas trop d ire , de peur que si la fantaisie me prenoit
d’exominer , je ne visse qu’il s’agissoit d’une spéculation , et
pourtant en dire assez , pour qu’il la signifie au besoin.
Ma lettre seule a
voit, fort à la hâte :
M . de Batz m’avoit
quelques expressions
dépendu de moi ; je l’ai écrite , comme on
étoit-elle le résultat d’une disposition que
inspirée la veille i étoit-elle la répétition de
de sa lettre à laquelle je répondois ?
�C’est souvent ce qui arrive quand on est pressé. Pour avoir
plutôt fa it , pour avoir l’air de répondre pertinem m ent, on se
sert de l’expression qu’on voit dans la lettre qu'ou a sous les
y e u x ; mais au fa it, je n’en sais rien; ce que l’on voit claire
m ent, c’est que ma lettre a été provoquée par une lettre de
M. de Batz ; ce qui est certain aussi , c’cst que pendant trois
mois qu’a duré cette affaire , M. de Batz a été en correspon
dance avec l’agent de change et avec m oi, puisqu’il produit des
lettres de chacun de nous; et pourtant il ne peut justifier par
quoi que ce soit, au-delà de ma lettre, que j’aye eu la moindre
connoissance de cette spéculation que j’ai faite cependant, ditil , avec une ardeur et un intérêt remarquables , puisque je
me suis obstiné jusqu’au bout, à vouloir ce qu’il ne vouloit
p as, et que j’ai donné un exemple d'entêtement qui n’est pas
commun , celui de choisir un guide et de vouloir le guider.
Cependant, s’il est très-vraisemblable que le 5 février est le
seul jour où j’ai parlé et entendu parler de ma spéculation,
et s’il est constant que je n’ai jamais su qu’elle avoit lieu , on
ne peut s’étonner qu’après seize ans un désir aussi éphémère
ait été effacé de mon esprit.
A u reste, je me réfère à ce raisonnement qui me paroît
porter la conviction avec lui : mes lettres m’étoient annoncées
par M. de B alz; je connoissois les pièces de C habauel, qui
constatent une spéculation; il m’étoit donc bien facile de mo
difier mes réponses et de les rendre propres à tout événement ;
je ne l’ai pas fait. L’hommç qui néglige son bouclier en pré
sence de l’ennemi , ne passera jamais pour un lâche..
Ici , l’affaire a changé de face; M. de Batz ayant produit ma
lettre , et m’ayant mis par-là en contradiction avec mon interroçatoire, il a cru que je me retircrois heureux qu’il ne publiât pas
�55
ma honte ; il me l’a écrit en toutes lettres : il s'est trompé ; cette
circonstance a doublé mon ardeur à le poursuivre ; mais au lieu de
lui demander mes i 5 ,ooo I. , en conséquence de son billet, je lui ai
demandé compte de la spéculation dans laquelle il prétend m’avoir
rendu le service de perdre à bon droit mon argent.
I c i , ma lettre va jouer un rôle tout différent; M. de Batz me l’a
opposée ; je vais l’opposer à M. de Balz.
M. de Batz dit (page 6 de son mémoire ) , qu’en conséquence de
ma lettre , il donna des ordres à Chabanel : c’est donc dans ma
lettre que I\I. de Batz a trouvé mes intentions et la raison des
ordres qu’il a donnés à l’agent de change.
Voyons comment M. de Batz a exécuté mes intentions. 11 a donné
ordre d’acheter des effets publics pour mon compte ; par consé
quent , M. de Batz m’a fait spéculer à la hausse des effets.
J ’avoue que cel te manière de me diriger m’a confondu ; car en
me rappelant ma situation politique dans l’assemblée , mes opinions
que je retrouve dans les gazettes, enfin toute la composition de
mes idées de 179 0 , il m’est impossible de me reconnoltre spéculant
sur la prospérité des effets publics; et pourtant M. de Batz me
condamne impérieusement à cette dure obligation , car il m’assure
que j’étois , dans ce sens , d’une obstinai ion qui le désoloit.
Cependant , recourons à quelques indices ; voyons ce que
dit ma lettre , et ce qu’indique le cours des effets publics.
Le cours des effets publics coté dans les journaux , atteste
qu’ils n’ont pas cessé de baisser depuis le commencement de
l’assemblée, jusqu’au 27 m ars, époque à laquelle M. de Balz a
terminé mon opération , et (pie depuis cette époque ils o»t égale
ment baissé.
Maintenant , voyons ma lettre ; elle dit : I l y a plus d’ un mois
4
�que le dépôt n'est bon à rien. Si ma lettre signifie quelque chose ,
et si je parle ici du dépôt de mon argent, il est clair que ma volonté
étoit de jouera la baisse; car pendant ce mois d’inutilité dont je
me plains , les eflels avoient tellement baissé , que le dépôt
employé comme M. de Batz l’a fait le jour même de ma lettre ,
c’est-à-dire à la hausse , auroit été entièrement perdu et fort audelà. A moins que M. de Batz ne prétende que je me plaignois
de ne pas avoir déjà perdu mon argent, il (luit qu’il convienne que
nia lettre dit clairement que je voulois jouer à la baisse.
Cependant c’est dans ces circonstances , et autorisé , d it-il, par
cette lettre, que M. de Batz m’a fait spéculateur à la hausse : c’est
ainsi que mon ami a dirigé mon agent de change dans ma spé
culation.
B.
Frondcville.
5 février.
Nous allons voir à présent la plus curieuse des pièces de M. de
Batz : en voici la copie figurée :
B» Note générale (1).
I.
C.
Achats et
marchés (troncs
payables fin mais
prochain Gie.
» 11 est convenu avec M. Chabauel qu’aujourd’hui 5 février
» 1 790 , il achètera.
B.
« i°. Les 2/jo billets de m 5 millions , qui lui sont offerts à 10
» pour cent perte lin de mars ; 20. les 5 o actions des Indes , qu’il
j) croit avoir pour la môme époque, à io 3oliv.
I.
» Que le tout demeurera entre nous; qucM .de Frondcville sera
(1) Comme ccttc pièce est composée de trois ccritu rcs, savoir : d’ une
periture inconnue,
de l’écriture de M . de B a tz , et de celle de d ia b a tic i,
j ’ indiquerai par la lettre I , l’écriture inconnue, par la lettre B , récriture de
M. de B a tz , et par la lettre C , l ’écriture de Chabauel.
�27
» connu (le nom seulem ent, et que M. Chabancl sera seul en
» nom vu la garantie.
I.
» En cas de bénéfice , Chabanel ne revendra pas sans ordre ;
» en cas de perte approchant de i 5 ,ooo liv. il pourra vendre sans
» ordre , à moins de surcroît de garantie.
J e n’ai jamais pu obtenir de M . de Batz la communication de
cette pièce par la voiedu greffe, quoique jel’enaye sommé plusieurs
fois : il ne m’a permis de la voir que devant les arbitres où. il me
l’a mise sous la gorge ; ne l’ayant jamais vue , il m’a pris au
dépourvu , et je n’ai à peu - près su qu’y répondre ; au reste
M. de Batz avoit traité sou défenseur et son avoué avec la môme
réserve , car les arbitres ont pris la peine de constater que
M. Tripier et M. Elouiu n’avoient jamais vu la pièce à cette
époque ;
M. de Batz a produit cette pièce pour prouver qu’en consé
quence de ma lettre du 5 février , il avoit donné des ordres à
Chabancl , et qu’en conséquence des conventions faites dans
cette pièce avec Chabanel , il avoit donné ordre de terminer
l’opération le 27 mars , parce qu’à cette époque les i 5 }ooo liv.
étaient perdues ; M. de Batz ajoutait à cela une lettre de Chabanel ,
du 27 mars (1 ) , qui d it , en effet, que mon opération est terminée
(1) Voici cette lettre adressée à M. de Batz : # M . j ’ai fini d’après vos
» ordres et heureusement avant la bourse ; votre ami n’a au-delà des if»,ooo
» liv. rpie 47 liv. eu tout de perte , cpic je remets volontiers sur mon droit ;
» je regrette seulement qu’il se soit obstiné dans le mauvais sens.
» Tous les jo u rs, comme vous le désirez } je serai à ses ordres pour tous
» détails qu’il souhaitera.
» J ’ai l ' ho n n e u r , etc.
S ign e,
C ha b an e l .
» P a r is , 37 mars 1790.
» lin me donnant son jour et h eu re, M . de l'rondcville voudra bien nie
« prévenir la veille. »
C.
convenu D. C.
�I
38
et mon argent perdu ; il me renvoyoit , d’ailleurs , aux papiers
publics du teins , pour vérifier le cours des effets , et m’assurer de
l’exactitude de ses calculs , si j’en ëtois curieux ; c’est ainsi que
M. de Batz me donnoit mou compte.
Mais je ne l’acceptai point , et devant les arbitres , j’attaquai la
p ièce; je soutins qu’elle portoit les caractères d’une machination
préparée pour la circonstance.
J e soutins d’abord que le second émargement qui s’exprime au
pluriel en ces termes : achats et marchés ferm es, et la signature
abrégée de l’agent de change , et apposée eh marge de l’acte , fai
saient voir que c’étoient des papiers préparés d’avance par C habancl pour la plus prompte expédition des affaires de bourse ; qu’il
les donnoit en cet état à ses cliens pour les remplir des ordres
qu’ils vouloient lui donner; que M. de Batz, en sa qualité de
client de C habanel, en avoit à sa disposition, et qu’il avoit rempli
et fait remplir un de ces papiers de ce qu’il avoit' cru propre à me
convaincre d’une opération pour mon compte :
La différence des encres (i) étant visib le, elle ne fut point
contestée , et me fournit le raisonnement qui va suivre.
demandai à M. de Batz si la pièce composée de l’écriture de
trois personnes, avoit été écrite par chacune d’elles dans le même
lieu ou séparément ?
Je
M. de Batz répondit qu’il ne s’en souvenoit pas :
Je soutins alors que la pièce n’avoit pas été signée dans le même
lie il , parce qu’à moins de supposer deux sortes d’encres dans le
même bureau , et deux personnes trempant leur plume dans
( i) L Y crilu rc de l'inconnu qui a écrit le corps de l’acte est d’ une encic pâle
et vieillie ; l’écrilure de M . de Batz est d’une cncrc vive comme si elle sortoit
du coruct.
�29
deux cornets différons pour écrire un même acte , il falloit
tenir pour certain que l’acte avoit été é c rit, M. de Batz dans une
maison et Chabanel dans une autre.
Ce fait étant posé , et je puis dire convenu , j’en tirai la consé
quence que l’acte n’a pas pu être fait le 5 février, et qu'il porte
certainement une date fausse. J e le p rouvai, ainsi qu’il suit.
M. de Batz dit que c’est en conséquence de ma lettre du 5 fé
vrier , qu’il a donné ordre à Chabanel d’acheter le même jour des
effets pour moi.
Cet ordre écrit dans la pièce que je discute , contient plusieurs
conditions dont il a fallu convenir.
Etant demeuré constant que l’acte n’a pu avoir lieu qu’entre
M. de Batz et Chabanel séparés, il a fallu que les conditions ayent
été proposées et convenues par la voie de la correspondance ; par
exem ple, l’acte porte que les 240 billets des 1 25 militons sont'
offerts à 10 pour 100 perte ; pour que M. de Batz l’ait su, il a fallu
que Chabanel le lui écrive ; il en est de môme des autres conditions.
Maintenant, pour savoir si l’acte a pu ctre fait le 5 février, il
faut savoir tout ce qu’il y a eu h faire pour cela avant midi , car la
bourse commençoit à cette heure avant la révolution.
11 a fallu d’abord que M . de Batz m’écrivit, et que je lui
répondisse ; M. de Batz et m oi, nous étions gens du monde , et la
correspondance entre nous ne pouvoit guères être matinale ;
d’ailleurs , ina lettre porte que j e sortois déjà pour affaires :
j ’étois habillé , l’heure étoit donc avancée; il a fallu qu’après la
lecture de ma lettre , M. de Batz écrivît à Chabanel ; il a fallu
que Chabanel répondit et mandât à M. de Batz qu’on lui offrait
240 billets des 125 millions à 1 o pour 100 , perte, et qu 'il croyoit
pouvoir acheter 5 o actions des Indes à 1020 liv. 11 a fallu que
M. de Batz répondit que cela lui couvenoit, et qù’il ordonnât
�3o
d’écrire la convention , et de la lui envoyer pour la remplir de la
portion de son écriture qu’elle contient; il a fallu que M. de Batz ,
après avoir fait sa portion d’écrilure, renvoyât l’acte à Chabanel
pour le signer; il a fallu enfin que Chabanel renvoyât l’acte à
M. de Batz pour qu’il le garde.
11 y a sept courses à faire et sept fois à écrire dans cette négo
ciation pour la supposer ainsi ; les distances à Paris sont longues ;
M. de Batz deineuroit dans la rue de Ménars . et moi dans la rue
du Bacq ; la convention se faisoit entre RI. de Batz et un agent de
change qui sûrement avoit plus d’une affaire, et d’une autre
importance que celle-là; ce qui fait qu’il est diflicile de supposer
qu’il soit resté tout exprès chez lui pour recevoir les lettres de
M. de Batz et y répondre. Cependant il a fallu que tout cela ait
lieu avant midi : cela 11e sera cru par personne ; l’acte est faux dans
sa date. M. de Batz a fait pour celui-ci ce qu’il a fait pour l’acte de
dépôt ; il a voulu que toutes mes commissions fussent faites le jour
même où je les lui ai données. Que de religion !
L ’acte du 5 février , porte encore cette autre condition : M . de
Frondeville sera connu de nous seulement. Cela 11’est-il pas
visible 7 E t depuis quand met-on eu convention une loi expresse?
T,a loi de l’incognito des spéculateurs , est une loi nécessaire de
la bourse; car autrement, les trois-quarts du teins , il n’y auroit
qu’un avis sur la place, et les agens de change n’auroient pas
line opération à faire ; par exemple , qu’on se ligure le cas où
un agent de change diroit qu’il demande à acheter des effets ,
pour en qu’on appelle un liomine bien instruit ; aussitôt il
ij’y iuiroit plus que des acheteurs sur la place.
Cependant M. de Batz n’est pas absurde; ce n’est pas là sondéfaut,
et s’il a mis là celle cheville , c’est qu’il avoit un trou ¿1 boucher.
Une chose me frap pe; la convention du 5 février, dit bien
�3t
que Cliabanel achelera des effets; mais elle ne dit point pour
le compte de q u i, et cependant si ce devoit être pour le mien ,
il me semble que le bon sens v e u t, qu’à la suite de ces mots , il
est convenu que Cliabanel achètera, on ajoutât ceux-ci — pour
le compte de M. de Frondeville— mais on ne l’a pas fait, et il
est dit simplement : il est convenu que Cliabanel achètera .-en
suite vient l’écriture de M. de Batz , qui désigne les effets à
acheter; de sorte que , jusqu’à la curieuse convention de mon
incognito , mon nom n’a point encore paru dans l'acte , et il est
pour tout autre que pour moi. Ne semble-t-il pas que cette con
vention ridicule n’a été imaginée et placée là , que pour avoir
un prétexte de me nommer et m’approprier après coup ce qui
ne m’appartenoit pas d’abord ?
En examinant l’acte , il parolt visible qu’on avoil laissé en
l’écrivant, un intervalle en b la n c , où M. de Batz a mis la
portion d’écriture qui lui appartient dans le corps de l’acte.
C’est précisément à la suite de cette portion d’écriture de
M . de Batz, que vient la convention de mon incognito ; mais
pour peu qu’on eût laissé l’intervalle en blanc un peu large, il
s’y trouve tout de suite de la place pour bien des choses , et
avec un peu d’imagination on a bientôt fait tout ce qu’on veut
d’un acte , où on a fait laisser pour sa commodité un intervalle
en blanc.
Au reste, je suis dans cette affaire comme au spectacle
d’O livier; je sais bien que ce sont des tours, mais je ne les de
vine pas tous.
Cependant, je crois que ce que je viens de dire, fuit assez com
prendre la difficulté qui m’embarasse : je la propose à M, de
Batz.
�3a
La dernière convention de l’acte du 5 février , est celle qui
fait mieux valoir tout l’éclat dont il brille.
Mais de cette fois, je ne proposerai point la difficulté à ré
soudre à M. de Batz; je vais m’en charger moi-même.
Pour bien comprendre, il faut se rappeler qu’il est dit que
les 240 billets des 125 millions et les 5 o actions des Indes, se
ront achetés le 5 février, payables fin m a is , ce qui donne à
ma spéculation , une durée de deux mois.
M aintenant, voici la dernière
parler.
convention dont je
veux
E n cas de bénéfice, Chabanel ne vendra pas sans ordre;
en cas de p erte, approchant de i 5 ,ooo liv. , il pourra vendre
sans ordre, à moins d’un surcroit de garantie
J e dis qu’en supposant l’acte v r a i, en se persuadant qu’il a
été (ait le 5 février 17 9 0 , je dis qu’avec les conventions que
M . de Batz y a faites pour moi, pour son a m i , il y avoit au
moins mille à parier contre un , que mon argent scroit perdu.
S i cela est , dans quelle poche est mon argent? J e le demande;
mais cela s’apptlle-t-il de l’argent gagné ?
Chabanel est autorisé à revendre mes effets , dès que la perte
approchera de mes i 5 ,ooo liv.! Ainsi, pourvu que dans les cin
quante-six jours pendant lesquels ma spéculation devoit cou
rir ( 1) ; pourvu qu’un seul jour ( fùl-ce le lendemain de l'ouver
ture , c’est-à-dire le 6 février) mes effets obtinssent une perle
(1) Depuis le 5 février jusqu’à la fin de m a rs, car M . de Datz me donne
ainsi les époques de l’ouverture cl de la clôture.
�d’à-peu-près i 5 ,ooo 1Σ ., c’en étoit fait de mon argent, il étoit
perdu sans retour:
'
J e dis sans retour, et je le dis sans possibilité de contradic
tion , car mes effets ayant une seule fois perdu à-peu-près
i 5 ,ooo liv ., 011 auroit arrêté mou compte du jour où cette perle
auroit eu lieu ; et ils auroient eu beau regagner cent mille écus
jusqu’à la lin de m ars, ce n’étoit plus pour moi : et pourquoi?
C ’est que l’agent de change avoit , par les conventions faites , la
faculté de revendre dès que la perte approcheroit de i 5 ,ooo liv. ;
et si j’avois voulu nie plaindre, l’agent de change(3), couvert de sa
convention , m’auroit dit : J ’élois autorisé à revendre , si la perte
approchoit de i 5 ,ooo liv. ; le cas a eu lie u , voyez le cours des
effets dans les journaux : je suis en règle, et je ue vous dois rien.
Ainsi la longue durée donnée à la spéculation , qui est toujours
tin grand avantage pour les autres , ici étoit funeste pour m oi,
puisque plus on la prolongeoit et plus on avoit de chances pour ob
tenir le jour de la perte: enfin, sur les cinquante-six jours que
devoit durer mas peculation ^ il pouvoit arriver que je gagnasse
cinquante-cinq , et pourtant que je perdisse tout mon argent ; c a r,
qu’on place le jour qui reste , n’importe eu quel ordre , dans les
cinquante-cinq, et qu’on suppose que ce jour, la perte à appro
ché de i 5 ,ooo liv., j’avois p erdu, puisque , d’après la conven
tion, mon compte pouvoit toujours être arrêté et daté du
jour de li perte. Il résulte de ceci, que mon directeur, M. de
Batz , me faisoit parier cinquante-cinq contre un.
Mais la proportion étoit bien pire ; pour comprendre à quel
(a) Pour me p l a i n d r e , il a u r o i l fa llu s a v o i r quelque c h o s e ; et c o m m e je
n’ ai ja m a is stf un m o t <lc to u t C e la, ori v o it q a e M . de B a t z a v o it v o u l u s’ e v it c c
m ê m e ce tte i n c o m i n o J i l c.
�34
point ce jeu étoit sur pour M. de B atz, il faut savoir d’abord,
que le prix des effets qu’il avoit fait acheter, dit-il, pour moi ,
le 5 février, éloit de 267,000 liv. ; or en cinquante-six jours il
est assez commun , que 267000 liv. d’effets de bourse, subissent
une perte de i 5 ,ooo liv. Dans les terns ordinaires, M. de Batz
avoit déjà une belle chance.
Mais nous n’étions pas dans des tems ordinaires ; depuis le com
mencement de la révolution les effets se déprécioient sans in
t e r r u p t i o n et sans espoir de m ieux; c a r , les circonstances qui
influoient sur eux s’aggravoient au lieu de diminuer.
M. de Batz , en commençant ma spéculation le 5 février ,
avuit donc bien beau je u , et c’eût été bien le diable, si en se
donnant deux mois de marge , il n’eût pas trouvé un jour de
perte , approchant de 1 5 ,000 liv ., sur des effets qui se déprécioient
constamment, depuis neuf ou dix mois, par des motifs qui ne
faisoient que s’aggraver.
J ’ai montré (pie M. de Batz m’a voit fait jouer cinquante-cinq
contre un , d’après le calcul mathématique ; maintenant qu’on
multiplie ce calcul par les preuves morales de la dégradation iné
v i t a b l e des effets publics, et l'on verra que je n’ai pas eu tort de
dire qu’il 111’avoit fait jouer mille contre un.
Mais qu’elles éloient mes chances pour gagner ? J e dis un
conlre m ille, et je me trompe encore; car, si par un pro
dige, nies (jjets avoient gagné au lieu de perdre; comment et
à qui aurois-je demandé mon gain? J e n’avois ni l’acte de dé
pôt , ni la convention du 5 février; toutes ces pièces sont et ont
toujours été entre les mains de M. de Batz ; je lui ai demaudé
itérativement 111011 argent depuis J790 jusqu’à présent, et jamais
il ne m’a seulement laissé soupçonner l'existence de ces pièces,
dont il avoit les poches pleines.
�35
A présent je propose une question. M. de Batz a soutenu
dans sou interrogatoire, que tout étoil convenu avec moi j
Croit-on" que je sois convenu de spéculer ainsi ?
J ’ai dit partout que je n’avois rien su :
Croit-on que j’aye su que M. de Batz faisoit ainsi mes affaires?.
La convention du 5 février, m’a appris que M. de Batz avoit
fait acheter, dit-il , pour mon compte, des effets publics, pour
la somme de 267,000 liv.
J e voudrois bien savoir qui a autorisé M. de Batz à em
ployer pour moi cette somme : la phrase commune , tout a été
convenu avec M . de F ron deville, ne suffit pas ici ; il y a des
actes ; j’invoque à mon to u r, ceux de M. de Batz; tant pis pour
lui s’il les a mal faits.
L ’acte de dépôt de Chabanel, au moyen duquel M. de Batz a
construit sou ingénieux système de spécula loin , porte cette
clause.
Pour garantie de négociations dont je me suis chargé pour
/e compte du déposant, dont.................................. 10,000 liv. eu
125 millions,
E t................................................................................. 5 ,ooo liv. en
actions des Indes ou d’assurances.
16,000 liv.
Si j’entends bien le français , cela veut dire que Cliabanel
devoit acheter ou vendre pour m o i, des billets de l'emprunt de
125 millions, et des actions des Indes , jusqu’à la concurrence de
i 5, 000 liv. Cela , me semble , est clair pour tout le monde.
De quelle autorité M. de Batz a-t-il fait monter 1achat fait pour
mon compte , à 267,000 liv. Où est mon mandat ? où est lactc
�5G
de ma volonté qui détruit cette condition passée entre moi , ( je
■veux dire mon Sosie) , et mon agent de change.
Ce n’est pas ma lettre du 5 février ; M. de Batz y trouve to u t,
excepté cela.
J e cçuseille à RI. de Batz de rctournerses poches ; peut-être y
trouvera t-il quelque vieux papier bien loyal , comme les autres ,
qui levera cette difficulté; elle en vaut la p ein e, car lorsqu’on
perd largent des gens , il 11e faut pas grossir le mémoire , autre
ment cela 11e s’appelle plus de l’argent perdu (1) :
La différence eu vaut la peine aussi ; car si mon conseil avoit
fait ç-xécuter fidellement mon acte de dép ôt, par mon agent de
change , je n’aurais perdu à peu-prés que le dix-huitième de mes
1 5,000 liv.
On vient d’entendre les réflexions que chacune des pièces de
M. de Batz m’a fournies dans l’instruction de ce procès ; je vais eu
faire une dernière sur l’ensemble de ces pièces ; elle est frappante ,
et seule elle feroit tomber le masque de M. de Batz.
M. de RaU a fait , ¿1 P aris, avec un tiers, divers actes concernant
ma propriété ,au point qu’une perte totale s’en est suivie ; j’étois à
l ’aiis , vivant la moitié du jour sous le même toit que M. de Batz ,
'et l’on ne me voit pas une fois présent à ces actes ; 011 m’y nomme,
mais je suis absent ; 011 fait des couvenvçm tons pour.m oi, et je ne
les ratifie pas ; pourtant j’é.tois-là , je n’étois infirme ni de corps ,
ni d’esprit ; si j’avais besoin d’un directeur , je n’avais pas besoin
d’un curateur ; je ne vois pour M. de Batz qu’un bon moyen d’ex-
( 1 ) Cette objection n’a point etc proposée devant M M . les arbitres ; j ’avoue
que je ne m’élois jamais apperçu de cette licence de M . de Ilalz ; c’est en
rclléchissant sur le m otif qu’il avoit pu avoir de tronquer l’actc de dépôt i
l’en droit où. il porte cette clau se, que cela m’a sauté aux yeu x.
�plicjuer.ma nnlliité, c’est que sachant que l’opérération seroit dure
pour moi , il a voulu m’opérer sans mal ni douleur.
Pour compléter la mistifieation , M. de Batz s’est laisse' demander
par moi mon argent à différentes reprises , sans jamais tirer de
sa poche, et même sans me les faire soupçonner par un seul m o t,
toutes ces pièces précieuses (t).
Tout cela prouve que M. de Batz est un homme qui agit beau
coup et parle p eu , mais je défie que cela prouve qu’il garde à
bon droit mon argent.
Pour terminer sur le procès jugé par les arbitres ; il me reste à
( i ) M . de Batz d i t , dans son m ém oire, que je suis reste avec lui pendant
deux ans a l’assemblée constituante, sans lui demander mon argent; et il conclut»
d’après l’adage , qui ne dit mot consent, que j ’ai ratifié tout ce qu’il a fait ;
mais M . de Batz commet encore une faute d’attention ; d’a b o rd , depuis la
dernière demande que je lui ai faite de mon a rg e n t, en 1 79 0, je ne suis resté à
l ’assemblée avec l u i , qu’ un an à-peu-près et non deux. ; de plus , M . de Batz
i îe dit pas qu’il est convenu , devant les arbitres-, que je luiavois demandé mon
argent plusieurs fois en 1790 , que je lui ai écrit en l’an G , par M . D etreuil;
pour le lui faire dem ander, et qu’ il répondit ( m’a rapporte M. Detreuil ) que
s’ il ine devoit , c’étoit à la nation qu’ il devoit payer ; enfin , M . de Batz dis
simule , qu’à peine revenu îi P a r is , je lui ai demandé mon arg e n t , et me suis
occupé de me le faire restituer :
11 est vrai que je n’ai point attaqué M . de Batz pendant le tems de l’asscmb’ée
qtli s’est écoulé depuis la dernière demande, que je lui ai faite de mon argent ;
mais l’assembléee ût elle duré dix ans , je ne l’aurois point attaqué pendant sa
durée ; je pouvois alors faire le sacrifice de i 5,ooo liv. à ma situation politique,
et aimer m ieux les attendre que de donner le scandale d’une telle discussion
entre deux gens que les circonstances de la révolution avoient montres jusqucs-là étroitement unis ;
Mais j’ai conservé le billet de M . de Batz , et je ne connois ni lo i, ni principe
d ’ où il résulte que le créancier infirme son titre , parce qu’il diffère d ’attaquer
Bon débiteur.
�38
dire un mot des clameurs de M. de Batz à l’occasion de la ma
nière dont je l’ai traduit devant les tribunaux.
J e l’ai assigné à son dernier domicile connu ; c’est là ce qui le
fâche ; et il a raison de ne pas aimer qu’on aille-là savoir de ses
nouvelles , car on y parle de lui en fort mauvais termes.
J e l ai assigné là , parce qu’à cette époque , il avoit à ses ordres
une phantasmagorie de domiciles dont il jouoit à faire le plus
grand plaisir à ceux qui aiment les déceptions (i).
11 faut considérer deux hommes dans M. de Batz ; un homme
qui a de très belles propriétés au soleil, et un pauvre diable qui n’a
rien à lui sous le soleil ; un homme qui donne de très-bons dinés
à ses amis dans une très-bonne maison où il réside ,et un homme
qui n’est domicilié nulle part ; enfin M. de Batz a des résidences et
point de domicile , et M. de Batz a de très - belles terres qui sont
sous des prête-noms.
Un tel homme n’est pas du tout commode pour ses créanciers j
je l’éprouvai lorsque je voulus le traduire en justice : je l’ai éprouvé
même depuis ; car lui ayant fait signifier à personne la sentence
dont il se plaint si h a u t, mon huissier le trouva rue de Buffaut où
il résidoit alors ; et l’ayant sommé de déclarer son domicile , il
déclara qu’il étoit rue des Noyers ; d’où je conclus que si je Pavois
fait assigner rue des Noyers , il auroit répondu qu’il avoit sou
domicile rue de Buffaut.
( i ) Je crois que c’est moi qui ai eu l’Iionncur de fixer le premier un domicile
ù M. de Hatz ; je m’en flatte , parce que souvent on vient à moi pour savoir,
non son adresse, connue de tout le monde , niais son domicile ; car il y a bien
quelques gens
par
le monde à qui M. de Batz fait des comptes comme à moi»
mais q u i , comme m o i , ne s’gn contcuteut pas.
�5g
A u reste, mon défenseur fera voir à M. de Batz , que ce n’est
point pour le surprendre que je l’ai assigné rue des Filles SaintThomas ; je suis même persuadé qu’ il finira par me savoir gré de
lui avoir fixé un domicile , parce qu’enfin j’en ai fait un homme
comme tout le monde.
M. de Batz a voulu que je lui parle en détail de l’instruction
du procès jugé ; je viens de le satisfaire ;
J e vais à présent parler du procès à juger : voici la sentence
arbitrale ;
« Considérant premièrement, que le billet du sienr de Batz,
» dont le sieur de Frondeville est porteur, constitue ledit sieur
» de Batz responsable et comptable envers le sieur de Fronde» ville , de la somme de i 5 ,ooo liv. ;
»
»>
«
»
» Secondem ent, que les renseiguemens et documens , fournis
par le sieur de Batz , n’établissent pas suffisamment le compte
de cet em ploi, lequel ne peut résulter que des comptes d’achat et de revente de l’agent de change chargé de la négociation qui devoit faire l’objet de cet emploi ;
»
.
»
>■
»
» Nous disons que le sieur de Batz sera tenu , dans le délai
d’ un mois , de rapporter la preuve pa r bordereaux et comptes
de l ’agent de change, ou résultant des livres et registres
de Vagent de change qui a été chargé de la négociation, que
par le résultat de ladite négociation, ladite somme de i5,ooo
u liv. a été absorbée ; sinon etfa u te de ce Ja ir e dans ledit d élai,
» en vertu du présent jugement } et sans qu’ il en soit besoin
» d’ autre ,
» D ison s, dès-à-présent, que ledit s ie u r de Batz sera tenu
» de payer audit sieur de Frondeville , lad. somme de i 5 ,ooo liv.
» et les intérêts , à compter du jo u r de la dem ande, et qu’ à cet
�h effe t, le jugement dont est appel sera exécu té selon sa form e
» et teneur ; au premier c a s , dépens réservés ; au second cas ,
» le sieur de Batz condamné envers le sieur de Frondeville en
» tous les dépéris de la cause d ’appel et coût du présent
» jugement. »
Voilà ie jugement que M. de Batz qualifie de vicieux , en puni
tion de quoi , dans la signification qu’il m’a faite , il révoque les
arbitres et leur retire sa confiauce.
J e pense, au contraire, que le jugement est d’une grande
indulgence, car leplan de spoliation méditée est si bien établi par
les pièces même de M. de Batz, qu’il pou voit être condamné sans
scrupule et sans délai.
Ce n’est qu’à l’extrême délicatesse des arbitres , qu’il doit
d’avoir obtenu un ré p it, et la faculté de se défendre encore par des
pièces authentiques et légales.
. Les arbitres ont vu que toutes les pièces de M. de Batz témoignent
qu’il y a eu une spéculation sous mon nom ; mais ou examine
deux choses dans un témoin , ce qu’il dit et ce qu’il est; et lorsque
les arbitres ont examiné les témoins de M. de Batz, sous ces deux
rapports , ils n’ont pas trouvé tout à fait autant de perfection
dans leur moralité que dans leurs dépositions.
C’est vraisemblablement ce qui les a déterminés à condamner
M. de Batz à eu fournir de meilleur a lo i, s’il en a.
Les arbitres ont donc fait tout ce qu’on pouvoit attendre de la
plus saine équité , et tout ce que M. de Batz pouvoit espérer de leur
indulgence.
La stricte justice auroit peut être voulu que M. de Bat?., faute
de présenter les pièces de comptabité indispensables en matière
de spéculation , fût condamne sur-le-champ.
�4i
M. de Batz forcé <le sesonmetlre au jugem ent, m’a signifié une
pièce qu’il prétend satisfaire à la sentence arbitrale ;
Cette pièce est'intitulée comme il suit :
» B ref état des comptes du sieur Chabanel soussigné , re« connus par le sieur Devaux , pour M. le baron de Batz, avec
» les pièces justificatives remises sous la récépissé du sieur
» Devaux. »
Tiennent ensuite cinq diiférens articles de compte. Le sixième
est celui que M. de Batz me donne pour un bordereau de
l ’opération soi - disant faite pour moi j il est conçu comme il
suit :
G°. « Remis pareillement c i- jo in t , les achats faits le 5 fé» vrier dernier, de deux cent quarante billets de l’emprunt de
»3 cent vingt-cinq millions à dix pour cent perte et de cinquante
» actions des Indes à 1020 liv ., pour compte de M. de Fronde» ville, ordre de M . de B a tz , le tout payable fin mars dernier,
» liquidé ordre idem le 27 , savoir : les deux cent quarante
» billets à un quart un huitième p erte, et les cinquante idem
» à g 3 o liv . sans autre droit qu’un huitième sur ces 517,600 liv .,
» ce qui donne en sus des i 5 ,ooo l i v ., reçues par le soussigné,
» une perte de 47 liv. par lui remise sur son droit. "»
Pour qu’on puisse comparer la pièce que produit M. de Batz
avec celles qu’il est condamné à produire , je vais copier tout
de suite la partie du jugement qui désigne les pièces à la pro
duction desquelles il condamne M. de Batz : la voici :
« Que le sieur de Batz sera tenu de rapporter la preuve par
>1 bordereaux et comptes de l’agent de change, ou résultant des
» livres et registres dudit agent de change qui a été chargé de la
» négociation ».
G
/
�42
M. de Balz donne aussi copie de ce dispositif, mais il le déguise
et l’allère pour sa plus grande commodité. Dame nature est trèsopiniâtre chez M . de Batz.
Ceci va ressembler un peu à la dispute de Figaro. M. de Batz
copie — P a r bordereaux pu comptes,— E tle jugement dit — P ar
bordereaux et comptes. M. de Batz copie — Bordereaux et
comptes tout c o u rt, et le jugement dit — Bordereaux et comptes
de l ’agent de change ou résultant des livres et registres dudit
agent de change.
M. de Batz n’a point de Bordereaux , et il croit avoir des comp
tes ; il n’est pas étonnant qu’il copie de manière à laisser croire
que le jugement lui a laissé le choix.
A vant d’entrer dans la courte discussion qu’exige la question
simple et claire qui est soumise à la Cour d’app el, il faut que je
donne encore la copie d’un acte que les arbitres avoient sous les
yeux lorsqu’ils ont prononcé : c’est le certificat des sindics des
agens du change de Paris ; le voici :
<( Déclarons que notre avis est que Pierre ne peut exiger de
» Paul le paiement d’une perte sur les effets publics , sans justifier
« au moins des bordereaux d'achat et de 'vente de l’agent de
» change qui a opéré ».
M. de Batz m’a fait signifier, encore par surabondance , d it-il,
ie ne sais trop q u o i, car il est impossible de donner un nom à ce
qu’on n’a vu ni en original, ni en copie.
11 dit que c’cst un compte général qui paroil être signé de lui
et de Clmbanel ; je ne sais s’il y a quelque finesse la dessous ; je
n’en parlerai point p arla raison qu’on ne peut parler de ce qu’on
ne conuolt pas , et M. de Batz voudra bien n’en pas parler davan
tage , jusqu’à ce qu’il m’ait appris convenablement ce que c’est.
�43
J e n’ai donc à examiner que le compte s o i - disant rendu par
Chabancl à Devaux : je dis soi-disant , car je n’ai jamais plus
connu rccriturc que le visage de ces gens là ; ce que j’en sais , et ^
ce n’est pas rassurant, c’est que ce compte est de la même écriture
que l’aimable convention du 5 février , et ni la convention , ni le
compte ne sont de l’écriture que M. de Batz attribue à Chabanel : ils sont de la main d’un inconnu.
Maintenant posons la question.
M, de Bat* produit-il des bordereaux et comptes de l’ agent de
change , ou résultant des livres et registres de l’ agent de
change ?
Que produit M. de Batz? Un compte qu’il dit avoir été remis
par Chabanel à un sieur D evaux, qu’il dit avoir été son secrétaire.
Ce que M. de Batz appelle un com pte, n’en est pas même un ; ce
n’est qu’un projet de compte proposé par Chabanel j il n’est
arrêté ni par M. de Batz , ni par Devaux , et dans l’état où il e st,
il laisse à M. de Batz l’intégrité de ses actions contre Chabanel
pour chaque article qu’il renferme.
M . de Batz veut donc que j’accepte de lui en paiement un
compte qu’il n’a pas accepté lui-même ; cela est absurde.
Mais le compte seroit accepté par M. de Batz , qu’il ne seroit
pas acceptable pour moi.
M. de Batz, dans ce procès, a toujours voulu me faire dépendre
de scs actes privés avec un tiers , auxquels il ne m’a jamais appçlé
quoiqu’il y disposât de ma propriété ; il persiste dans ce systèm e,
mais il oublie que ce système est jugé et proscrit.
M. de Batz n’entend pas du tout sa position par rapport à m o i,
il faut la lui faire comprendre.
M. de Batz a fa it , dit-il , opérer Chabancl pour mon compte
�44
Jan s une opération déboursé ; Chabanel a donc opéi-é pour moi
en qualité d’homme public ; eu ce cas M. de Batz ne peut pas me
rendre un compte avec des actes privés ; il me faut les pièces de
comptabilité usitées en pareil cas ; l’avis des sindics des agens de
change de Paris , a décidé de quelle nature sont ces pièces : ce
sont des borderaux de vente et d’achat; c’est aussi ce que le juge
ment a littéralement prononcé.
M. de Batz traite avec uu satyrique mépris ces malheureux
bordereaux : le renard trouvoit aussi le raisin trop vert.
Le mépris de M. de Batz est injuste ; les bordereaux sont
très-utiles au public; et pourquoi? C’est que ce sont les seules
pièces de comptabilité susceptibles d’une vérification satisfai
s a n t e pour celui qui négocie sur la bourse, tandis qu’un compte
privé ne l’est pas.
Qu’on retranche des obligations des agens de chan ge, celle
de donner à leurs cliens des borderaux copiés de leurs registres,
c l qu’on suppose qu’ils seront crus sur un dire tiré d’une lettre
ou d’un espèce de compte particulier ; il en résultera que le
commerce sera à la merci de ces officiers publics ;
Mais il n’ en est pas ainsi avec des bordereaux : car, le bor
dereau est toujous énonciatif d’un fait qui exclut la fraude.
Le bordereau doit être énonciatif ; d’abord du prix , de la
q u a n t i t é de la somme employée et du terme du m arché; mais
cela ne suffit pas ; car à ces conditions seulem ent, la fraude
seroit encore très-facile ; en e ffe t, il y a quelquefois dix cours
dans uuc bourse , ce qui fait que l’agent de change, après avoir
acheté à un prix un effet, pourroit choisir un autre prix
pour le porter en compte à son client ; et dire à ce dernier cc
tjue me dit aujourd’hui M. de Batz : — Voilà le prix auquel j’ai
�45
*•
»
•
acheté et le prix auquel j’ai vendu ; allez voir les gazettes ott
les cours sont cotés , et si ceux-là n’y sont pas , c’est moi qui
ai tort.
Cette manière de compter est commode , mais la bourse seroit
un bois , si elle étoit admise.
11 n’en est pas ainsi avec des bordereaux. Les bordereaux portent
toujours le nom de l’agent de change avec lequel le marché a été
passé, ce qui fait qu’un client pdurroit , au besoin , non-seulement
vérifier les registres de son agent de change , mais aussi ceux de
l’agent de change avec lequel le bordereau énonce que le marché
a été fait.
Les bordereaux ont encore ce caractère qui leur est propre ;
qu’ils fixent tout ce qui s’est passé au moment de l’opération , parce
qu’ils sont le relevé du carnet ( i ) , qui est lui-même la base de la
composition des livres et registres de l’agent de change.
Les bordereaux sont donc la pièce de sûreté publique , et conséquemment la seule avec laquelle un agent de change doit et peut
compter avec son client.
Dès que les arbitres ont eu reconnu M . de Batz responsable et
comptable envers m o i, d’après son billet qui le constitue t e l, ils
se sont imposés a eux-mêmes l’obligation de le condamner à payer
ou à compter régulièrement avec moi j or , qu’est-ce que c’est que
de compter régulièrement d’une somme que l’on dit avoir employée
et perdue dans une opération de bourse pour le compte d’un tiers ?
C’est de fournir à ce tiers les pièces de comptabilité de cette opéra
tion. Ces pièces ne pouvant être que des bordereaux authentiques ,
(1) Carnet est le nom d’un petit journal sur lequel les agens de cliange'ecriYcnt leurs opérations sur le parquet de la bourse à l ’instaut qu’elles «ont faites.
�40
les arbitres ont condamné M. de Batz à représenter des bordereaux.
M. de Batz ne peut suppléer à ces pièces que le jugement exige ,
par des pièces privées.
L e compte de Devaux qu’il présente , est beaucoup moins que
ce que les arbitres avoient sous les yeux , lorsqu’ils ont prononcé ,
car ils avoient la lettre de Chabanel , adressée directement à M.
de Batz , le jour même ou ce dernier dit avoir terminé l’opération;
ils avoient sous les yeux ces mots écrits par l’agent de change luimême : J ’ ai fin i d’ après vos ordres et heureusement avant la
bourse , votre ami ría au-delà de ses i 5,ooo liv ., que 47 liv. en
tout de perle.
Malgré ce témoignage , les arbitres fidèles aux principes , et
a u ssi, peut-être , inquiets sur la moralité*des pièces de M. Batz »
l’ont condamné à compter avec les pièces de comptabilité admises
en matière de spéculation de bourse.
M. de Batz infatué de son compte de Devaux , comme il l’étoit
de ses autres pièces avant le jugem ent, croit pouvoir mettre ce
compte en place des bordereaux ; mais ce compte est remis à un
inconnu ; il n’est arrêté par personne , et c’est un misérable
chiffon en comparaison de la lettre de Chabanel qui n’a cepen
dant pu sauver M. de Batz d’une condamnation.
J ’ai enfin terminé ; il me reste à faire excuse à M. de B atz,
du désordre et de l’incorrection de ce mémoire ( 1 ) ; cependant
je vois que le fonds des choses y est.
J e suis empressé de faire au sien l’honneur qu’il mérite ; et j’ai
(1) É tan t oblige de donner à imprimer à mesure que j ’écrivois, j ’ai été privé
de revoir ce que j ’avois é c r it, ce qui est cause que j ’ai répété des choses , et
que j ’en ai oblié et transposé d’autres,
�47
pressé ma.réponse afin d’avoir pour lui le procédé qu’il n’a pas
en moi ; il m 'a signifié son mémoire vingt-quatre heures avant
l’audience , que malgré cela j’ai pourtant acceptée ; je veux qu’il
ait le mien plusieurs jours avant celle où nous serons jugés;
J ’espère qu’à force d’égards je déterminerai M. de Batz à me
rendre mon argent.
FR O N D EV 1L L E .
J e reçois à l’in slan t, enfin , la communication des pièces de
M. de Batz , moins ma lettre que je voudrois cependant .revoir ,
car elle est pour moi un objet de curiosité toujours nouveau. Cette
communication m’oblige à ajouter quelque chose à mon mémoire.
D ’abord elle m’oblige à placer encore ici la copie figurée de
la convention du 5 fé v rie r, que j’ai donnée très - imparfaite**
ment ; la voici :
�Frondeville, 5 février.
2"* R»
NOTE
GÉNÉRALE.
est convenu avec M. Chabanel qu’au
jourd’h u i, 5 février 1 7 9 0, il ach e te ra :
I
l
1 °. L e s 240 billets de 12 5 millions
qui lui sont offerts à 10 pour 100 de
perte, fin de m ars; — 2 °. les 5o ac
tions des Indes , qu il croit avoir pour
la même époque , a 1020 liv.
Que le tout demeurera entre nous; que
Achats et marchés fer- M . le président de Frondeville sera connu de
mes payables fin mars n o u s seulement, et que M . Chabanel sera seul
prochain fixe,
r
,
en nom , vu la garantie.
En cas de bénéfice, Chabanel ne revendra
pas sans ordre.
Term iné le 27 mars
perte au delà des 1 5, 000
En cas de perte approchant de 1 5 ,ooo 1.,
liv., est de 4
9 liv. et non i l pourra vendre sans ordre, à moins de surde 47 liv. comme le dit c r o i t d e g a r a n t i e
Chabanel qui en fa it
remise sur son droit.
Convenu D. C,
F in de tous comptes avec Frondeville.
1 . A lui r e m is » présence de Foucault,
.
.
. 2,600 liv.
2". Chez V e llo n i, 2 5 louis.............................................600
3 ”. S u r sa dem ande, 3 o louis........................................
7 20
4°. Id . à lui porté à l’assemblée solde de 2 5o louis. 6,000
9, 720
5"» P ayé pour lui à Dijoine , pour sa cotisation a
des frais à l’hôtel de Ju ig n es«
�
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Frondeville, de. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Frondeville
Subject
The topic of the resource
créances
Constituants
arbitrages
spéculation
diffusion du factum
Description
An account of the resource
Réponse de M. de Frondeville au précis de M. de Batz.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa 1789-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0602
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rouen (76540)
Chadieu (château de)
Rights
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Domaine public
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arbitrages
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À at).
NOTE EN RÉPONSE
PO U R
JEAN R O U CH Y
CO NTRE
MICHEL DIERNAT, ARNAL
E T AUTRES.
On se propose d’etablir d’une manière succincte les six proposi
tions suivantes :
1 ° Jean Rouchy est légataire universel d'Antoine L a v e rg n e , son
oncle ;
2° La validité de ce legs universel est indépendante du sort de
la disposition particulière au domaine de Lon gevergne qu’on p ré
tend entachée de substitution j
�5 ° L e testament d’Antoiné; Layergne ne renferme pas de substi
tution;
4 “ Si ce testament renferme une substitution , elle n’est que no
minale, et doit être réputée non écrite par application des art. 8 i 5 ,
900 et 906 du code civil ;
5 ° Cette substitution ne, fût-elle.pas réputée non écrite , n’excé
derait pus les dispositions permises par la loi du 17 mai 1826.
6° Si cette substitution dépasse la limite de la loi de 18 2 6 , elle
doit être maintenue pour deux degrés et ne peut être annulée que
pour les degrés postérieurs.
§ I-,
Je a n Rouchy est légataire universel.
Nous disons qu’ il est le légataire universel de son oncle , parce
que, dans son testament, celui-ci lui a imprimé celle qualité presqu’à chaque ligne.
Parce qu’ il lui a conféré les prérogatives cl les charges de l’hé
rédité.
Parce qu’il a été investi du n o m , de la presque totalité de la for
tune du testateur.
Parce que l’intention de l’abbé Lavcrgn c de lui transmettre Funi-
veisurn jus de sa succession n'est pas douteuse.
Nos adversaires reconnaissent que l'institution d’héritier ou de
légataire universel n’ est assujettie à aucune forme particulière ,
qu’il faut avant tout rechercher et faire prévaloir la volonté du
testateur ; mais ils soutiennent qu’Antoine Lavcrgn c n'a ni fait, ni voulu
faire de Jean Rouchy son légataire universel ; que les qualifications
qu’il lui a données dans son testament se contredisent j que d’ailleurs
certaines dispositions de c e testament sonl exclusives do la qualité
'nie llouchy voudrait s arroger.
�Les raisons par lesquelles on lente d’ établir que l'abbé Larergne
n’a pas voulu nous faire son légataire universel ne nous semblent
guère convaincantes.
-
Qu'importe qu’il fut dominé par l’idée d’ériger en majorai son
domaine de L o n g e v e rg n e , par le désir de réglementer l’avenir?
Cotte idée se conciliait parfaitement avec *l'institution d’ un léga
taire universel. 11 a voulu certainement transmettre à l ’uu de ses
parents sou nom et la partie la plus précieuse de sa fortune, n’etaitcc pas vouloir l’appeler à continuer sa personne, à recueillir les
droits qui constituent une hérédité. C ’est vainement qu’on objecte
que le testateur n’avait pas pour Ilouchy d’aflection particulière ,
qu’il a même manifesté pour les Diernat une préférence d ’attache
ment, que 1age de Rouchy lui a seul valu fattribution du domaine
de Longevergne. Si les espérances que l’abbé Lavergne attachait
à l ’àge de Rouchy étaient de nalure à lui faire léguer le domaine de
Longevergne, ù lui faire transmettre le nom du testateur, comment
se seraient-elles opposées à ce qu’ il reçût de son oncle une institu
tion d’héritier qui éiail la consécration la plus, naturelle de ses
espérances. Mais il n’est pas vrai que l’abbé Lavergne n’eut pas
pour Jean Rouchy une prédilection manifeste; dans ses testaments
successifs de 1 855 , 1 8 5 7 , i S 3ç), 1 8 4 2 , 1 8 4 5 , il réitère avec une
rare persévérance les témoignages les moins équivoques de cette
prédilection. En est-il de même pour les Diernat? jNon certaine
ment , car la testament de. 1842 renferme in jln e une précaution
qui prouve qu’il n’avait pas même confiance dans Jeur probité.
O11 ne? prouve donc pas que l’abbé Lavergne n’ait pas voulu
faire de Rouchy son légataire universel; loin de là, c’est la p ré
somption contraire qu’il faut admettre.
V oyons maintenant ce quM a fait en réalité. Depuis le commen
cement jusqu’ù la (in du testament, presque dans chaque clause, il
l’a appelé son héritier, il l’a désigné comme sou héritier, il l ’a
traité comme son héritier.
�Cela équivaut-il à une institution? Nos adversaires soutiennent
que non, se fondant sur ce que nulle part on ne trouve en notre
faveur une disposition générale.
Il est vrai que celtQidisposition universelle manque dans le tes
tament; qu’imporle:si l'institution s’y trouve.
C’est l’erreur de nos adversaires de croire qu’un legs uuiversel
ne peut résulter que d’une disposition; ils oublient l'art. 1002 qui
porte expressément qu’il peut également résulter d'une institution
d’héritier.
.
La différence entre la disposition cl l'institution est facile à saisir.
P ar la première on donne l’hérédité elle-même , par la seconde on
confère une qualité dont les conséquences sont déterminées par la
loi. L e résultat au fond est le même; la forme seule est différente.
Ce qu'il fallait démontrer contre nous , c’est que nous ne pou
vons pas invoquer une institution; on ne l’a pas fait. Cette institulion résulte suivant nous d'une manière indubitable de ce que le tes
tateur, à plus de dix reprises, a nommé Jeau Rouchy son héritier.
Dire de quelqu’un, il est mon héritier, n’est-ce pas dire je v eu x
qu’il le soit. L ’aflirmation n'a-l-elle pas ici la valeur d’une injonction.
Pourrait-on craindre que le testateur eût mal exprimé sa peusée;
cette pensée serait-elle équivoque parce que le curé L averg n e.u ’a
pas toujours appelé Jean Rouchy purement et simplement son hé
ritier, parce qu'il T a parfois désigné ain si': mon donataire, mou
légataire, l’héritier du domaine de Longcvcrgne?
’ Jean Rouchy est le seul des parents de l'abbé Lavcrgne auquel
il ait donné cette qualité de donataire, de légataire, il iliisait donc
entr’eux une différence; tous les autres parents avaient cependant
des legs particuliers. Ces expressions, donataire, légataire, étaient
donc identiques u celle d’héritier , et ne pouvaient s'appliquer qu’à
un don, à un legs universel
Si le testateur , par exception, a appelé Rouchy héritier du do-
�-
5
-
maine de L o n g e v e rg n e , c’est à l'occasion d’ une disposition qui sc
référait à la possession de ce domaine.
Mais ce qui donne la mesure exacte de^l’expréssion d'héritier,
employée par lu i, ce qui en détermine invinciblement la portée,
c’est que l’abbé Lavergne a vérilahlementiraité Jean Rouchy comme
son héritier ; c’est qu’il l’a doté des prérogatives, c’est qu'il lui a
imposé les charges de cette qualité.
Iles prérogatives. Il aura le nom, il aura la fortune, le manoir;
il veillera aux honneurs funèbres ; lui seul, après le décès, pourra
s’introduire le premier dans le domaine de Longevergne; on devra
l’avertir immédiatement, tout devra se faire en sa préseuce.
¡.es charges. C ’est lui qui doit les acquitter toutes : celles qui sont
étrangères a la propriété du domaine de Longevergne , aussi bien
que celles qui sont assises sur les produits de cet immeuble princi
pal. Qu’ont de commun , par exem ple, avec l’attribution particulière
du domaine, le paiement à la commune d’une somme de i , 5 oo fr.
pour un cimetière ; le paiement de 4oo fr. au notaire, exécuteur tes
tamentaire, de 3 oo fr. à un filleul du testateur. En quelle qualité
Rouchy devra-t-il payer ces sommes? Esi-ce une charge de l’hérédilé , est-ce une charge du domaine; l’abbé Lavergne a pris
soin de l’ expliquer, car c’csl à R o u c h y , son héritier , qu’ il a im
posé ces diverses obligations.
‘ *y
1
f
Sans doute , il aurait été plus simple, plus conforme aux habi
tudes juridiques que l’ancien curé de Maintenon se bornât dans son
testament à instituer R o u c h y , sou légataire universel, et à indiquer
ensuite quels legs particuliers , quelles charges poseraient sur lui
en cette qualité.
Une tendance réglementaire fort apparente (favorisée peut-être
par l'habitude de la discipline sacerdotale ) a probablement contri
bué à lui faire adopter le détail minutieux de prescriptoins dans
lequel il semble se complaire. On conçoit aussi qu’un motif plus
sérieux , plus louable, l’ait déterminé à quelques-unes des précau-
fo c r
�Il
...
lions que son testament révcle. L e neveu qu’il choisissait pour son
légataire universel était enlevé par l u i , à une profession modeste,
pour devenir subitement un propriétaire important; n’y avait-il pas
à craindre que cette faveur de lu fortune ne le trouvât pas d’abord
complètement préparé à (ç n user avec discernement; qu’il ne man
quât d’expérience pour liquider sa position ; que scs autres parents ,
mécontents de la situation inférieure qui leur était faite, ne vinssent
lui susciter des difficultés , lui créer des entraves. C ’est, n’en dou
tons pas , pour éviter ce danger que le curé L av crg n c indique sur
<juels revenus , avec quels fonds, dans quel délai les legs particu
liers devront être payés ; qu’il distribue le capital des rentes qu'il a
sur l’iltüt; qu’il se garde , autant que possible, de constituer Jean
R o u c h y , débiteur personnel.
Si le curé Lavcrgnc n’a pas dit d’une manière générale que son
héritier serait tenu de toutes les charges de la succession, c’est qu’il
savait qu’il n’en laissait pas d’autres que celles exprimées au testa
ment. Supposons/cependant, qu’une dette inconnue eût été décou
v e rte , n’ eùt-ce pas été à Jean Ilouchy à l’acquitter, et les Diernat
ne lui auraient-ils pas renvoyé ceux qui se seraient adressés à eux?
Il y avait donc une véritable institution d’héritier.
L a circonstance , qu’eu outre de cette institution, le curé Lavergne aurait disposé taxativement envers son. héritier institué de
quelques-uns des objets compris dans l’hérédité est complètement
•indifférente. Quod ubiuidat, non vitiat. Le testateur posait à la fois
le principe cl les conséquences, voilà tout. La double disposition
se concilie facilement, au lieu de se contrarier.
Faut-il maintenant répondre à l’objection tirée de. l’art, aa du
testament relatif au mobilier? iNos adversaires y voient un partage,
une licitation qui prouve jusqu’à l’évidence que les héritiers d’An
toine Lavcrgnc n’étaient autres dans sa pensée que les héritiers du
sang. C ’est la une prétention vraiment chimérique; car le mobilier
est laissé en blitier à Jean Ilouchy et les sommes qu’ il est chargé
de délivrer soit à dés parents dans les proportions les plus inégales
�— 7 —
cl les moins,,confirmes à leurs prétendus amendements , soit a
des étrangers ne représentent pas la dixième partie de la valeur de
ce mobilier, tandis que Jean R ou chyi;qni ^.suivant la l o i , n’aurait
eu qurun 24m* a plus des t)| 10 pour luî seul
Nos adversaires ont repoussé l’application que nous avons faite à
la question des quelques règles d’interprétations empruntées à la
législation romaine ; ces règles sont cependant aussi celles de notre
droit; elles sont écrites dans les art. 1 i 56 et suivans du code civil,
et la loi romaine n’a fait que nous fournir un exemple. 11 ne faut
pas confondre ce qui tient à l'interprétation des actes avec ce qui
irént au fonds du droit.
Celle première thèse se réduit à des termes bien simples. Si M.
Antoine Lavergnc avait écrit dans son testament, j’institue Jean
Rouchy mon héritier, mon légataire universel; ou je veux- et j’en
tends que Jean Rouchy soit mon h é ritie r, personne , nous le
supposons, n’ bicrail aujourd’hui contester là légitimité de cette
institution."
S ’il avait dit . Jean Rouchy est mon héritier, ne rcconiiaitrait-on
pas encore que cette phrase est équivalente à celle-ci : Jean Rouchy
sera mon héritier , ou à celte auire : J e veux que Jean Rouchy
soit mon héritier. Car comment pourrait-on nier que celui de
la volonté duquel'il dépendait que la chose fut n’a pas manifesté
également sa Volonté en disant d’ une manière plus concise : celle
chose existe.
t
‘
'
Il s’est borné à appeler Jean Rouchy son héritier : cela, suivant
nous, suivant le bou sens, revient au même que s’il avait dit : Jean
Rouchy est mon héritier.
Ou trouverait-on la différence? Si Jean Rouchy n’étail pas son
hérilier, s'il ne voulait pas qu’ il le fut, comment, pourquoi rap
pellerait-il son héritier ?
Il dépendait évidemment de la volonté du
te sta te u r
de faire un
héritier ; — cette volonté pour se réaliser n’ était soumise à aucune
�!
»0É .
........................ ......... - S ; - rormc^partîcuïicrc'/'clie pôtitVàiÎ'sfe ‘formuler en quelques mois. L e s '
expressions' employées né pèrrticltent pas de doute sur la volonté.'i
La sagesse des Romains a décidé la question : Lucius fier es ne
--»fi - ■ • . )lunn'; noüiaoi^jb V ■
.
vaut pas moins que I aicius eslo. La première expression doit avoir
, •;.»
r . .. • njOi^.0D3a 2 i l . 'ïBi .
»
„
i l a merne force et doit..produire .les memes conséquences que l a
secon de, tantumdcmjJicimus.
S II.
L a validité de'ce legs universel est indépendante du sort de la ’
disposition particulière au domaine de Longevergne qu'on
prétend,entachée de substitution .
L es Diernatont prétendu , dans leur M ém oire, que si la qualité
de légataire universel existait au proih du sieur Rouchy., elle ne
pouvait résulter pour lui que de la disposition relative au domaine
de L o n gev erg n e; que si cette disposition est entachée de substitu
tio n , le legs universel doit l’êlrc également ; que l’on ne peut pas
tuer Ici legs comme particulier, cl le faire revivre comme universel.
Cette prétention ne repose que sur une confusion. Non ; il n’est
p ts vrai que la qualité de légataire universel nç résulte pour R o u
chy que de la disposition particulière au domaine ¡de Lon gevergne;
ce n’est pas là qu’il la puise, car elle n’y est pas meme mentionnée.
f,*est sur les articles 3 , 7 , 1 6 , 1 7 , 1 9 , 2 7 , 2 9 , 3 a , 5 2 , 55 , 55
qu’il la fonde , et ces articles sont complètement distincts de articles
1 et 2 qui s’odcnpént’sjiécialcmcnt et'exclusivement de la'propriété
de Longevergne.
Noire proposition , cil fait, demeure donc inattaquable; pour
rait-il , en droit, en être autrement ?
L ’article 896 prononce , il est v r a i , même à l’égard de l'héritier
institué, la nullité de la disposition par laquelle cet héritier est
chargé de conserver et de rendre. La conséquence de cette nullité
�est de ûiire annjuler pour tous 1m disposition yicieuse , de telle sorte
‘
• • 1 • •' ** • U VLlJ . 1
#
qu’elle soit considérée comme non écrite ^ o m m e n’ayant jamais
existé.
L e sort de l'objet compris dans la disposition annulée n’étant plus
réglé par elle, cet objet rentre dans la succession légale ou testa
mentaire du disposant, sans qu’ il y ait à s’inquiéter le moins du
‘inonde de la substitution par laquelle ou a voulu le frapper.
II peut arriver qu’un légataire universel profite en entier de
l’anuullation d’ une substitution et recueille ainsi une partie de l'hé
rédité q u i, sans cette annulation lui aurait complètement échappé.
Il peui arriver,'tout aussi bien , qu’il soit simplement exonéré de
la charge de conserver et de rendre, pourvu que son titre ne lui
eût pas été conféré par la disposition vicieuse, et que la substitution
ne frappât point sur la.totalité de l’hcrédite.
On ne faii pas alors revivre la disposition vicieuse; mais on main
tient la disposition valable, et on n’étend pas jusqu’à elle le vice qui
lui est étranger.
E xem p le. Pierre commence par instituer Paul son héritier uni
versel; il fuit ensuite divers legs particuliers; l’un.de ces legs est fait
à Jac q u e s, mais pour en jouir seulement après le décès de Paul.
Ce dernier legs renferme une substitution; Paul en fait prononcer la
tjnllilé et profite de l’annulation , comme il profiterait de celle de
touUiutrclcgs particulier, comme si au lieu d’êirc héritier testamen
taire, il était héritier du sang.
On ne peut pas lui opposer qu’il se met en opposition avec l’a r
ticle 8 qG; cet article est exécuté. Ce n’est pas en vertu de la dispo
sition qui renferme la substitution qu’il recueille l’objet substitué,
c’est en vertu d’une qualité étrangère à cette disposition.
Si on le décidait autrement on arriverait, sans raison , sans motif,
à restreindre l’étendue du legs universel. Ou diviserait une succes
sion en deux parts diÜ'érciücs, l’ une testamentaire, l’autre légale.
�On créerait des difficultés incalculables; on violerait gratuitement
la volonté du testateur.
La jurisprudence e s t , du reste, positive sur ce poin t, et nos ad
versaires , dans leur M ém oire, n’ont pas osé soutenir la thèse con
traire.
§ 111.
L e testament de l’abbé Lavergne ne renferme pas de
substitution.
Il y a pour toute substitution un caractère essentiel, fondamental ;
l’existence d'une double libéralité. 11 faut que les difïércnts appelés
soient saisis par la même volonté, que leurs droits procèdent de la
même origine ; il faut qu'il y ait une double disposition.
Rencontre-t-on ce caractère dans la clause relative au domaine
de L o n geverg n e; nous croyons pouvoir affirmer le contraire.
Aucune disposition n’est directement faite aux enfants , aux des
cendants du sieur R o u chy ; pour suppléer à cette absence de dispo
sition expresse, on est obligé de fa ire de l’ interprétation, de combiner
ensemble des clauses distinctes pour en tirer des inductions. O r ,
cette manière de procéder est proscrite par la loi (art 1 1 5 7 ) , par
une jurisprudence constante de la cour suprême (arrêts des 24 mars
1 8 2 9 , 5 juillet i 8 5 a , i 3 juillet i 8 3 4 -)
Toullier que nos adversaires nous opposent, dit nettement qu’on
ne doit reconnaître l'existence d’une substitution qu'autant que
l’acte litigieux renferme nécessairement la charge de conserver
et de rendre, et qu'il est impossible d'attribuer à l’acte un sens
différent capable de le valider.
Est-il v r a i , comme on l’a dit dans le mémoire auquel nous r é
pondons, que la volonté de l’abbé Lavergno de faire une substitution
î;c soit manifestée par les termes de la stipulation , par rénonciation
�de scs conséquences , par l'induction de ses motifs? C ’est ce qu’il
faut voir.
La stipulation ne contient de don qu’en faveur de Jean Rouchy ;
on lui fait don du domaine pour être entièrement à lui. Il doit en
être le seul et unique héritier. Si l’on parle de scs enfants , de scs
descendants , ce n’est que par voie dénonciation à l’occasion de la
libéralité faite à Rouchy lui-même; le doute subsiste tout au moins
sur le sens, sur la portée de cette énonciation , cl dans le doute , il
est plus naturel de penser que le testateur a voulu exprimer un fait
conforme aux lois de la nature , que de supposer qu'il a eu l’inten
tion de se mettre en opposition contre les lois de son pays.
Si la stipulation laisse du doute, est-il au moins levé par rénon
ciation de scs conséquences; énonciation qu’on prétend trouver
dans la clause 2 " , par laquelle le testateur défend de vendre , d’é
changer , de grever de dettes le domaine de Longevcrgne, sous
quelque prétexte que ce soit. On fait une pétition de principes en
supposant que l’interdiction de vendre est une conséquence de la
substitution. 11 aurait fallu d’abord démontrer l’existence de la subs
titution contestée avant de lui attribuer telle ou telle conséquence.
La clause relative à (’interdiction d’aliéner , loin de prouver
l’existence de la substitution , permet au contraire de penser qu’on
n’a pas voulu la créer.
Cette clause se présente en eflct plutôt comme la condition de
legs fait à Rouchy , que comme la suite de la disposition probléma
tique en faveur de ses enfants. Si la substitution existait, celle clause,
devenait inutile; les droits des appelés étaient garantis par l’inves
titure qu’ils recevaient; l’obligation imposée au grevé était alors
sans objet.
Quant aux motifs par lesquels le mémoire auquel nous répon
dons explique la substitution et le choix de Iloucliy pour-premier
appelé, ils nous paraissent bien peu décisifs.
�. L ’abbé Lavergne a dit quelque part dans son testament, qu’il ne
donnait pas son domaine aux D icrn at, parce qu’ ils n’étaient pas
mariés et jnlctaient -plus en âge de le devenir; il a paru penser
ailleurs quer Rouchy, plus jeune que les Dicrnat, pourrait avoir des
enfants et mèmq,des descendants.
On en tire la conclusion que Rouchy n’a été choisi que pour
organiser une substitution ; que le choix fait de sa personne prouve
l’existence de cette substitution.
Ce raisonnement n’est que spécieux. L a jeunesse de Rouchy,
l’ espérance probable qu’ il se marierait , qu’il aurait des en
fants, ont pu dans une certaine mesure déterminer l’abbé Lavergne
à en faire son héritier universel ou principal; mais celte pensée
ne conduisait pas nécessairement à une substitution. Les' donalions
faites par contrat de mariage , sont évidemment déterminées par
en sentiment de la famille; cela suflit-il pour les-déclarer entachées
de substitution prohibée ?
Toute l'argumentation qu’on nous oppose sur ce point tombe
devant un seul fait. Roucby n’était point marié lors du testament,
il ne l’est pas encore. Pourquoi l’abbé Lavergne , s'il ne voyait en
lui que l’instrument d’une substitution , ne lui a-t-il pas imposé ,
comme condition du legs de L o n g e v e r g n e , l’obligation de se ma
rie r; alors qu’il lui en imposait d’autres: celles de porter son nom
et’ d c n e pas aliéner le domaine. La substitution n’a donc pas été la
cause déterminante du legs.
.-,1
Mais ce n’est pas seulement parce que le testament ne renferme
pas de disposition caractérisée en faveur des seconds appelés que
lions soutenons qu’il ne contient pas de substitution ; nous disons de
plus i° que les seconds appelés ne sont pas désignés d’une manière
suffisante ; a" que le grevé aurait conservé le droit de disposer ;
5* que la réunion de ces deux circonstances rend impossible
l'existence d’ une double libéralité et d’un ordre successif qui sont
les caractères nécessaires de toute substitution.
�L'insuffisance de la désignation des seconds appelés n’est guère
contestable. Il semble bien d’abord si la 'substitution existe qu’elle
soit faite en faveur de ions les enfants el^descendants de Jean
l lo u c h y , quoique l’expression io«,r ne?IS’y l)*ôuve point. Mais
lorsqu’on lit avec attention l’ensemble des deux clauses n* i el n* a,
lorsqu’on y voit que les possesseurs du domaine seront obligés de
le laisser dans un certain étal d’entretien , que leurs successeurs
pourront demander des visites d’experts ; on est forcé de recon
naître que le testateur a prévu que les générations entières ne se
raient pas appelées, 'qu'une préférence pourrait être accordée à
tel,ou tel membre d’ une lignée. C ’était du reste le seul moyen
d'éviter le morcellement qu’il prescrivait.
Ajoutons à cela que l’ interdiction de disposer n’ayant pas été
imposée au g r e v é , cette faculté semble au contraire lui avoir été
réservée et qu’il résulte de la combinaison de ces divers éléments
que llouchy aurait eu le droit de choisir ou de ne pas choisir celui
ou ceux de scs enfants auxquels devrait passer l’immeuble substitué.
S ’il eri est ainsi, il est évident qu’ il y a incertitude absolue , quant
à la désignation des seconds appelés, et il ne l’est pas moins
qu’il n’y a pas d’ordre successif créé par le testateur-; ce n’est plus
en effet le testateur qui dispose , c’est le grevé qui dispose ou no
dispose pas, à son gré, comme il lui plaît et quand il lui plaît. Que
serait ce d'ailleurs qu’ un ordre successifqui n’aurait ni détermination ,
ni r è g l e , qui demeurerait soumis à toutes Icsoüvciüunlilés de la
fantaisie et du caprice ?
Il n’y a donc an lieu d'une substitution qu’une iiinliénabilité pro
hibée pat* la loi du 1 5 mars 1790 , et qui , aux termes de l’art, goo
du codc civil doit être considérée comme non écrite.
�S i le testament renferme une, substitution , elle n'est que nomi
nale et doit être réputée non écrite p a r application des art.
8 1 5 , (joo et (joü du codà ‘cii'il.
Celte proposition est. s’ il est possible, plus certaine encore que les
précédentes.
(
. Posons d’abord comme chose incontestée^ i* que la substitution,
si elle existe , a été faite au profil d’enfants à naître cl non encore
conçus au moment du décos du testateur; 2° qu’elle a été faite à
tous les enfauls de chaque génération avec interdiction dç vendre
ou de morceler.
Quelle en est la conséquence juridique?
L ’art, goô porte expressément que pour être capable'de recevoir
par testament, il faut être conçu au moment du décès du testateur.
Les enfants à naître du mariage de Jean Rouchy n’étant pas conçus,
cl n’étant pas capables de r e c e v o ir , la disposition qui les concerne
est donc nulle. O r , si celle disposition est nulle , nous ne trouvons
plus dans la cause l'existence d’une double libéralité; les appelés
n’ont plus de droit pour exiger la restitution du domaine; le grevé
n’a plus le devoir de le conserver ni de le rendre; la.substitution
s’évanouit.
:
L e législateur, dans l’art. 89G, 11’a voulu, n’a pu vouloir qu’an
nuler les substitutions q u i, sans la prohibition de cet article, au
raient été valables et susceptibles de produire des ciTets. Ricn «’ au
torise à en étendre la portée; les principes recommandent au
contraire de rcnicriner les nullités dans le cercle le plus étroit.
On nous objecterait vainement que les art.
10.^8, 1049» 1082
du Code civil et la loi du 17 mai 1 8 2 6 , permettent de disposer au
profit d’enfants à naître. Ces divers articles constituent une excep-
�-
.5 -
f (0
lion au droit commun ; ils ne dérogent pas seulement a l’art. 896,
ils dérogent aussi à l’art. 906. Mais celle dérogation se renferme
rigoureusement dans lu limite même de ces articles. E lle avait pour
but de diminuer, de restreindre la portée de l'art. 8 9 6 ; il serait
absurde de lui reconnaître un résultat directement contraire. O11
conçoit qu’on invoque ces articles dans l’ intcrèl du maintien d’une
disposition testamentaire ; on ne conçoit pas qu’011 les invoque dans
le sens de sa nullité.
II est vrai que Furgole , que Thévcnot-Dessaules , que tous les
anciens auteurs s’accordaient à considérer comme une substitution
fidéï-couimissaire la disposition en faveur d’un individu détermine
cl de ses enfants à naître. Cela é tait, en e ffet, conforme aux prin
cipes de l’ancien droit, l’ordonnance de 1 7 5 1 , permettant par scs
articles 1 1 et 12 , les libéralités en faveur de personnes non encore
conçues.
Mais la
faculté accordée par
cette ordonnance
a
été refusée par le Code civil. La disposition valable autrefois n(\
l’est plus aujourd’h u i; c'est celte différence dans la validité de la
disposition qui fait que la substitution existe sous une législation et
n’existe plus sous l’autre.
Cette vérité a été successivement mise en lumière d’une maniera
irrésistible par Rolland de Villargues ( numéro; 187 et suivants de
sou traité des substitutions), par Merlin (nouvelle édition des ques
tions de d ro it, tome dernier, p. 17 ) . Toullier (lome 5 , numéro
8 2 0 ) ; Duranton ( tome 8 , numéro 5 5 ) ; Dalloz , ( dernier volume
du Répertoire , page 1 7 7 ) , et plusicurs^autres auteurs se sont ap
proprié leur opinion. La jurisprudence l’a consacrée d’une manière
qui, aujourd’hui, peut sembler définitive. Nous pouvons citer no
tamment deux arrêts de la Cour suprême, rapportés dans IJalIoz,
18 2 7 . i. 85 cl i 8 5 5 . 1. 598.
Tous les deux ont décidé que l’exception faite à l’art. 90G, par
lé s a it. 1 0 4 8 , 10 ^ 9 0 1 1082 du Code c i v i l , devait se renfermer
dans les cas prévus par ces art., que dans tous les
autres
cas , eu
vertu de lu règle générale, les dispositions fuites eu faveur d’enfants
�non encore conçus, devaient être regardées comme nulles; qu’il
n'y avait pas lieu d’ induire, d’une pareille disposition, l'existence
d 'u n e ,
substitution, mais de la répnter non écrite, conformément à
l ’art. 900.
Comment nos adversaires pourraient-ils résistera cet accord si
complet des principes, de la jurisprudence, de la doctrine?
Il est encore un autre motif qui s’oppose à ce que la disposition
faite aux enfants à naître de Jean Rouchy puisse être considérée
comme écrite , et engendrer une substitution
Cette disposition n’est faite que sous la condition absolue de ne
pas morceler j c’est-à-dire de 11e pas partager. Elle est donc en
opposition formelle avec l’art. 8 i 5 du code civil; elle est de plus
matériellement inexécutable et physiquement impossible. Quel se
rait à la 4e > à la 5e génération le nombre des descendants de Routh y ? Personne ne saurait le dire avec certitude , mais le calcul des
vraisemblances donne des chiffres qu’il peut être utile de consulter.
IMus de mille personnes seraient, suivant les probabilités, dans un
avenir prochain co-propriétaires du domaine de Longevergne ; ne
serait-ce pas là une situation impossible?
Tout se réunit donc pour faire décider qu’ il n’y a point de substi
tution ou qu’ il n’y a qu'une substitution nominale dans le legs fait à
.lean Rouchy.
1 Lorsqu’il s’agissait d’apprécier des questions de cctlo naluro sous
l'empire d’une législation qui autorisait les substitutions , le magis
trat devait penser que le testateur n’avait rien écrit d’inutile ; il suffi
sait alors que l’interprétation qui créait la substitution fut possible.
Ou appliquait ainsi la maxime qui depuis a été écrite dans l’article
1 i 5 ~ : ¡ }otins ut valcat quant utpcrcat.
L e même principe doit produire aujourd’hui des conséquences
contraires. La substitution qu’ on admettait facilement lorsqu’elle
était valable , ne doit plus l'être , maintenant qu'elle est prohibée,
que lorsqu’elle est manifeste, inévitable.
�SV -,
C elle substitution ne fit-elle elle pas réputée non écrite, n excé
derait pas les dispositions permises par la loi de 1S26.
Nous pourrons cire très-brefs sur celtc proposition.
Nos adversaires invoquent la loi 220 du digeste d’après laquelle
Liberorum appellalione nepotes etprænepotes cœterique qui e x
his descctidunt continentur; ils soutienent que l’expression des
cendants correspond à celle d’ancêtres dans la ligne ascendante, et
que ces mots : de génération en génération en déterminent le sens
de telle sorte qu’il n’est pas possible de limiter à deux degrés la
substitution.
Nous renvoyons à Ricard, à ïh é v e n o t, à tous les anciens auteurs,
unanimes à enseigner que l’expression enfants n’ implique pas une
substitution graduelle ; à tous les dictionnaires qui établissent que ce
mot de descendants est susceptible d’une acception plus ou moins
étendue; à un arrêt de la cour de cassation du 5 février 1 8 5 5
(D. 1 — * 58 ), duquel il résulte qu'une clause p a r laquelle un
testateur déclarait que les institués ne pourraient vendre ni
aliéner ses biens sous quelque prétexte que ce fû t et qu’ils
seraientforcés de les laisser ci leurs enfants ou à leurs héritiers,
a pu être considérée comme 1 1 excédant pas les limites de la loi
du 17 m ai 182G.
• 1
Quant à ces mots de génération en génération (en admettant
qu’ity soi«*t sans importance , qu’on les ait mis au singulier plutôt
qu’au pluriel), ils n’indiquent pas la perpétuité qu’on veut en faire
découler, et expriment seulement un ordre successif. C ’est comme
si l’on avait mis de degré en degré. Or, les mêmes auteur.s ne trou
vaient pas cette dernière locution suffisante pour caractériser la
substitution graduelle, ils voulaient de plus y trouver un indice
d’une pensée de perpétuité : le mot à toujours ,• par exemple.
3
�L ’objeciion tirée de l’obligation imposée à Roucliy de trans
mettre à sa pospérité le nom de R o u c h y , n’a pas non plus une por
tée décisive, car la transmission du nom une fois opérée, se conti
nuait naturellement ct> n’élnit plus soumise à la possession du d o
maine.
S V I.
S i cette substitution dépasse la limite de la loi de 1 8 2 6 , elle
doit être maintenue pour deu x degrés et ne peut être annulée
que pour les degrés postérieurs.
Celte proposition peut être examinée à deux points de vue diffé
rents : celui du Code civil, celui de la loi du 17 mai 1826.
Celte dernière face de la question a été iraitce avec assez de soin
dans le mémoire précédemment publié pour le sieur Rouchy,
pour que nous puissions nous dispenser d ’y revenir. Il n’en est pas
de même de la première ; c’est d’elle que nous allons plus spécia
lement nous occuper.
Pour démontrer que la substitution doil être annulée pour le tout,
les Diernat présentent le système suivant :
,.{
L ’art. 8 9 6 , disent-ils , est le principe général. Sa rigueur a un
double motif : la nécessité d ’une clause pénale, l’indivisibilité de la
substitution.
Les art. 1048 et 1049 110 f ° nl fIuc constater une exception qui
doit être restreinte aux cas spécifiés.
Les inolifs qui ont dicté l’art. 896 s’appliquent aux substitutions
du 2* et du 5 e de g ré, avec plus d’évidence et de justice qu’à toute
mitre disposition iîdéï-connnissaire.
�L e lexie et l’csprîi ¿es art. 89G, 1048 et J049, s'accordent donc
pour repousser la prétention de Rouchy , qui voudrait que la subs
titution 11e fût annulée qu’au delà des deux degrés. iZ(
¡Vous ne dissimulons pas la force apparente de ce raisonnement.
Il ne résiste pas cependant à un examen attentif.
Est-il d’abord exact que l’art. 896 soit général et domine sans
exception toute la matière des substitutions?
L ’art. 8 9 7 , que nos adversaires semblent ne pas avoir aperçu ,
répond le contraire , car il porte expressément que les dispositions
permises aux pères et aux m ères, aux frères et aux sœurs , au
chap. 6 du titre 2* , sont exceptées des deux premiers paragraphes
de l’art. 89G, c’est-à-dire de celui qui prohibe les substitutions,
comme de celui qui les annule.
Commençons donc par tenir pour certain que les dispositions
permises par les art. 1048 et 1049 c. c. , ne sont ni prohibées , ni
annulées par l’art. 89G.
Voyons maintenant les termes de ces art. 1048 et 1049 combir
nés avec l'article i o 5 o.
k Les p è re s, les mères , les frères et les sœurs pourront donner
a à leurs enfants ou à leurs frères ou sœurs , les biens dont ils ont
» la faculté de disposer , à la charge de les rendre à tous leurs en» fanls nés et à naître , sans exception ni préférence d’àge ou de
» sexe, et au premier degré seulement.
•1 ‘ !
Une substitution faite conformément à ces règles , «à CCS diverses
conditions n’ est ni prohibée , ni annulée j elle est permise , elle est
légitime.
Aucun des nrt. 1048 , 1049 cl * ° 5o ne se réfère au moins no
minalement à l’art. 89G; il n’est dit dans aucun que leurs disposi
tions soient créées par exception à celles de l’art. 89G.
�11 est facile de comprendre pourquoi le législateur permettait la
substitution des art. 1048 et 1049 , pourquoi par l’a n. 897 il avait
excepte celte substitution particulière de la prohibition de l’art. 896.
L ’esprit d’inégalité , de privilège avait été sous l’ancienne mo
narchie la cause des abus inhérents aux substitutions ; on leur
reprochait avant tout d’amener la concentration des fortunes , de
changer l’ordre légal des successions. L ’art. 896 a été un hommage
rendu à l’esprit d’égalité. O r, la substitution des art. 1048 et 1049
avait le double mérite d’être rigoureusement conforme à l’ordre
légal des successions et au principe de l’égalité des partages. Ces
articles ne dérogeaient donc pas clans la réalité à l’arl. 8 9 6 ; -ils
dérogeaient bien davantage au principe de l’art. 9 0 6 , en validant
une libéralité faite à un incapable de re c e v o ir; mais l’intérêt des
familles qui devait faire admettre plus tard les stipulations contrac
tuelles de l’art. »082 justifiait complètement cette exception.
Voyons maintenant ce qui aurait du arriver sans le code c i v i l ,
antérieurement à la loi de 1 8 2 G , si une des personnes auxquelles
les art. 1048 et 1049 accordaient le droit de substituer au premier
degré seulement, avait substitué à deux degrés.
Celle substitution devait-elle être maintenue au premier d e g r é ,
ou devait elle périr pour le tout? Nous n’hésitons pas à dire qu’elle
aurait dû être maintenue dans la limite des art. 1048 cl 1049^
■■ ■
Ce ne serait certainement pas dans cos derniers articles qu’on
trouverait les moyens d’une annulation absolue et générale ; il n’en
résulte qu’une chose, c’est que la substitution permise à tel dcjgré
ne l’csi plus à tel autre; leur application naturelle, raisonnable, de
vrait donc être de valider pour ce qui est permis, d’annulerpour ce
qui ne l’est pas.
On ne les trouverait pas davantage dans l’art. 89G. Car cel arti
cle applicable à la partie de la substitution qui excède le premier
�degré, ne l’esl pas à celle qui se renferme dans les limites des art.
1048 et 1049.
L ’art. 896 n’ annule que ce qui est prohibé, il n’annule pas ce
qui est permis.
11 ne faut pas oublier que l’art. 897 porte expressément que
l ’art. 896 ne prohibe ni n’annule les substitutions des nrt. 1048 et
1049
C ’est donc ailleurs qu’il faudrait chercher les causes de la nullité
absolue.
Ce 11c seront p a s, quoi qu’en disent nos contradicteurs, des motifs
d’ intérêt public qui pourront jamais les fournir. Comment cet imércf
pourrait-il pousser à proscrire , à détruire ce qu’ il a fait établir dans
les art. 1068 et 10G9.
Serait-ce la crainte que le maintien partiel de la disposition 11e
favorisât des infractions fâcheuses.
Celte crainie serait chimérique, car l’intérêt des g r e v é s , de leurs
créanciers, s’ils en avaient , serait une garantie suffisante. E t puis
quel grand mal y aurail-il à ce que l’ordre des successions et le
principe d'égalité étant respectés , les propriétés demeurassent un
peu plus long-temps dans les familles.
II
n'y a donc pas à imaginer une clause pénale inutile ; il n’y a
surtout pas à l’appliquer lorsqu’elle n’existe point.
L a raison qui a déterminé , contradictoirement aux anciens prin
cipes , la nullité absolue prononcée dans l’art.
8 9 6 , c ’e st
l’inccrtiiude
sur la volonté du testateur qui aurait pu ne gratifier le grevé qu’en
�’ ' considération de l'appelé. Cette raison est évidemment inapplicable.
Peut-on penser qu’un p è re , qu’un frère n’ait donné à son enfant, à
son neveu , qu’en considération de son arrière-petit fils, de son arricre-ncvcu. IVaurait-il pas donné égalementsans celle considération?
Scs affections pouvaient-elles s’égarer ailleurs? Pouvaient-elles ctrc
aussi fortes pour celui qui n’était qu’ une lointaine espérance d’a v e
n ir , que pour cciix qui étaient le prem ier, le direct objet de leur
tendresse.
Il
faut aller plus loin; il faut créer une indivisibilité absolue de la
disposition. O r , comment justifier cette indivisibilité? les degrés
des générations ne sont-ils pas distincts; les dispositions qui s’appli
quent à chacun de ces degrés 11e peuvent-elles pas également être
distinguées? L ’indivisibilité ne se rencontre pas en fait; elle, ne sç
rencontre pas non plus dans l'intention du testateur. Comment la
concilier d’ailleurs avec l’ordre successif qui est l’élément essentiel
de touie substitution? Ce moyen croule comme les autres; il n’a ,
du reste, jamais été considéré comme sérieux même par ceux qui
ont soutenu l’opinion contraire à la nôtre, et pas un seul auteur ne
s’en est appuyé.
Riais si, môme sous l’empire du Code civil, la disposition exces
sive devait seulement être réduite , cela n’esl-il pas bien plus clair
encore depuis la loi du 1G mai i 82G, qui nous a ramenés purement
et simplement aux anciens principes.
Nous terminerons ce qui est relatif à l’examen de cette dernière
proposition, par une réponse aux critiques dont un illustre auteur,
]NJ. Toullier, a été l’objet de la part de 110s contradicteurs.
On reproche au savant jurisconsulte sous le patronage duquel
nous aimons à placer la démonstration qui précèd e, d’avoir émis
sur la question une opinion superficielle et de s’étre placé presqu’à
�la même page dans une contradiction manifeste. II est viai que son
.
. , , , -'i ,
", u iti't . , i j f , m'ï»!, '»:>?«;•
>
opinion est peu développée; cela ne prouve qu une cliose, c est
.
. îiciu î"*Qiîir rr .pv \
que la question ne lui paraissait point faire de dillicnlle. Quant
au reproche de contradiction, il est facile de l’en Justifier. RI.
,
„
1 3 .- 3 - t 2,'.!Î 9 - l ! l * . | ü V I J o r .
.
.
lo u liie r a raison dans 1 une et dans J autre de scs deux opinions,
pour l’art. i o 5 o comme pour l’art. io 4 8 . Pourquoi cela?
C ’est que lorsque la condition de l’art. i o 5 o n’est pas rem plie,
la faculté créée dans les art. 1048 et 1049 disparaît. On ne se trouve
plns alors dans le cas d’exception prévu pai’ l’art. 897 ; on retombe
purement et simplement sous le coup de l’art. 896. Tandis qu’ il
n’en- cst'pas ainsi, comme nous l’avons déjà prouvé , lorsqu'on res
pectant les prohibitions de cet art. i o 5 o , on dépasse la latitude
permise 'dans les articles précédents. M. Toullier n’a eu d’autre tort
que de ne pus joindre, dans les développements de son opinion, aux
motifs vrais qu’ il a tirés de l’intention du législateur, les arguments
plus positifs qu’il pouvait emprunter aux textes.
Nous avons rempli jusqu’au bout le devoir que nous nous étions
imposés; nous déposons la plume avec l’énergique conviction que
le testament du curé Lavergne doit être maintenu dans son intégrité,
avec la(ferme espérance qu’il le sera.
Non la justice 11e consentira pas à mutiler celle œuvre de vertu
et de sagesse; non elle ne supposera pas que le ministre de
Dieu , q u i , dans l’expression de sa volonté dernière , a montré le
patriotisme le plus élevé cl le plus pur, ait voulu se révolter contre
les lois de son pays. En présence des testaments successifs de l’an
cien curé de Maintenon , de sa persévérance à choisir pour son
héritier celui de scs neveux qui seul pouvait continuer sa famille,
la cour ne doutera pas qu’il n’ait é té , quoi que puissent dire les
sieurs D iernat, l’objet de son invariable prédilection ; elle ne vou-
�— 24 —
d ra pas que les bienfaits réfléchis de cet oncle respecté et c h é r i,
n’aient été pour lui qu’une cause d’embarras , de douleur et de
ruine.
Me DUMI R A L , Avocat-plaidant.
M e A L L E M A N D , Avocat-consultant.
M e L A M Y , Avoué.
R I O M . — A . J O U V E T , I m p r im e u r , l.i b r a ir e et lith ograp h e.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rouchy, Jean. 1848?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dumiral
Allemand
Lamy
Subject
The topic of the resource
testaments
prêtres réfractaires
émigrés
indivision
domestiques
écoles
enseignement scolaire
cimetières
fondation d'une paroisse
successions
legs
intention du testateur
substitution
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Note en réponse pour Jean Rouchy contre Michel Diernat, Arnal et autres.
Annotations manuscrites. « Point de droit »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1848
1793-1848
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3019
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3016
BCU_Factums_G3017
BCU_Factums_G3018
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53636/BCU_Factums_G3019.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rouen (76540)
Maintenon (28227)
Anglards-de-Salers (15006)
Angleterre
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cimetières
doctrine
domestiques
écoles
émigrés
enseignement scolaire
fondation d'une paroisse
indivision
intention du testateur
legs
prêtres réfractaires
substitution
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53635/BCU_Factums_G3018.pdf
096dec0a05f329d8fa02e067225ff7d0
PDF Text
Text
M
E M
O
I R E
POUR
MICHEL DIERNAT, ARNAL
E T A U TR ES IN T IM É S ,
C ON T R E
JEAN ROUCHY,
Ap pelant.
L e curé de Maintenon, forcé de fuir son presbytère et sa patrie
pour rester fidèle à scs devoirs ecclésiastiques , a passé de longues
années sur la terre étrangère.
Admis comme instituteur dans les familles les plus riches de l'aristocratie anglaise, il a p u , par son travail, adoucir l'amertume de
ce temps d’exil si malheureux pour un grand nombre de nos com-
�)>•
7 2 patriotes ; ¡1 «a même préparé sur le sol étran ger, pour ses vieux
jours , une fortune qu’ il u’mirait pas pu attendre et qu’on ne doit
pas économiser dans les fonctions du sacerdoce français.
M. l’ahbé Lavergne a porté sur la terre étrangère les vertus du
bon prêtre, et par dessus tout, la bonté, la bienfaisance qu’il
trouvait dans son cœur et qui puisaient une nouvelle force dans ses
sentiments religieux. L e prêtre fiançais est resté, à cet égard , tout
ce qu’il était ; il ne s’est jamais démenti, et rie n , au surplus , dans
ses rapports avec les familles catholiques - anglaises , n’eût été de
nature à modifier scs inclinations charitables.
Mais , à l’àge où l ’homme moral se complote , à l’àgc où s’arrê
tent les tendances , les opinions, qui doivent être celles du reste do
la v ie , on ne passe pas les virjgt-cinq années réellement puissantes
de son existence, au milieu d’une nation arrivée à un haut degré de*
civilisation, en conservani complètement intactes les premières
idées de son éducation , les mœurs et les habitudes de sa patrie.
M. l’abbé Lavcrgne avait subi la loi commune.
L ’amour de la France ne s’était jamais éteint dans son c œ ur; tou
jours il avait montré désir, espoir de retou r; mais les principes sur
lesquels reposent les institutions do notre p a y s, surtout ses institu
tions nouvelles lui étaient tout-à-fa it étrangers.
llesté Français de cœ ur, il était devenu Anglais même dans les
goûts, les habitudes de la vie ordinaire; h plus forte raison, l’était-il
par les pensées qu’il avait puisées sur l'étendue du droit de disposer
au sein des riches familles Anglaises, dans ce pays où les institutions
sont si libérales cl les lois si aristocratiques , et où cette puissante
aristocratie ne vit et ne sc conserve que par les lois attributives des
propriétés immobilières et la faculté de substituer.
Peut-être plusieurs de scs jeunes élèves tenaient-ils ainsi des
majorats considérables , des dispositions qui avaient été faites bien
des années avant leur naissance.
�-
3 -
A iO
M. l’abbé Lavergne ne pensait pas que ce qui sc pratiquait si fré
quemment en Angleterre put être interdit en France.
11 faut bien admettre que les tendances de son esprit le portaient
à faire des substitutions , c a r, dans le mémoire auquel nous répon
dons, on reconnaît en analysant l’article 6 du testament, que la dis
position qu’il contient est une substitution prohibée.
Il est vrai que le sieur R o u c h y , héritier, comme les sieurs
Diernat et A rn al, a intérêt à en signaler une dans cette partie du
testament; maison ne veut pas en trouver dans les articles premier
et deuxième, qui concernent le sieur Rouchy.
Bientôt nous démontrerons que la substitution des articles p re
mier et deuxième est bien plus manifeste , bien plus étendue, bien
plus en opposition avec l’esprit et le texte de notre législation que
celle de l’art. 6.
Mais disons, avant tout, que quand on apprécie ce testament
dans son ensemble , on reste frappé de cette pensée que le testateur
a la ferme conviction qu’il peut disposer, en législateur suprême, de
la transmission de scs biens., de leur em p loi, et des moyens de
perpétuer son nom jusqu’à la fin des siècles.
S ’agit-il de cette propriété de Longevergne , acquise aux dépens
de son tra v a il, embellie par scs soins, l'immeuble le plus important
de sa fortune , le manoir de cet homme à qui la famille a été inter
dite et qui voudrait se survivre à perpétuité sur cette ierre, la puis
sance du testateur réglera la transmission à perpétuité.
S ’agit-il de son nom , qui va mourir avec lui , il l’attache au ma
noir dont la transmission est réglée par son autorité sans limites
et sans pensée de contrôle.
S ’agit-il d’un domaine moins important, celui de Labastide, il
veut bien s’arrêter à la quatrième transmission dans l’exercice de
cette puissance de réglementer les siècles.
S ’agit-il de ses bienfaits, de ces pensées libérales et religieuses
en même temps, que nous louons et que nous voudrions détacher
�v
— 4 —
de quelques prescriptions où perce la vanité humaine , admet-il
qu’un contrôle , qu’une surveillance de la loi ou de l’autorité soient
possibles. Non, c ’est l’homme mort qui doit avoir tout prescrit,
tout réglementé, et tout doit se courber dans les générations qui
vont suivre de siècle en siècle, devant cette inflexible volonté ; et
celte voix qui s’éteint veut, dans mille ans, dans deux mille anS,
parler encore aux générations futures, et veut parler pour ordonner.
Non , prêtre , vous vous trompez : accoutumé à des pensées de
toute puissance , vous avez exagéré l’humaine puissance.
L ’homme , après lu i, ne laisse rien sur cette terre.
L a loi civile a voulu encourager scs efforts et lui ménager à
l’heure suprême des consolations. Mais en créant le droit de dis
poser, elle devait se montrer sagement économe de ce d r o it , car
dans votre sylême , une génération pourrait l’absorber entièrement
aux dépens des générations futures.
Pour votre nom , vous vous trompez encore : de voire seule
puissance vous ne pouvez pas l’ imposer ; l’autorité supérieure a ,
de par la l o i , son droit de permettre , son droit de défendre.
Pour vos bienfaits eux-inèmes vous êtes dans l’erreur.
V os ¡mentions protectrices de la vieillesse et de l’eufancc méri
tent les respects de tous. Mais ne croyez pas qu’elles puissent,
qu’elles doivent être exécutées comme vous le prescriviez , sur le
vu seulement de vos ordres écrits.
Non , ici la loi veille encore.
Elle ne veut pas que par des libéralités exagérées , les membres
des familles déshéritées puissent devenir de nouveaux pauvres
qui auront recours à la charité publique ;
E lle ne veut pas que par des dispositions trop étendues pour des
corporations, des établissements de charité ou des fondations, des
masses trop considérables de propriétés se trouvent frappées de
main-morte, sorties du commerce cl de la circulation.
�-
5
-
¿if
Elle ne le veut pas , par les mêmes raisons qui s’appliquent aux
substitutions; seulement, à la différence de cc qui a heu pour lt*s
substitutions, ne pouvant pas créer une règle absolue pour ces libé-r
râblés , elle les a soumises à une approbation de l'autorité supé
rieure , et si l'autorisation a lieu , pour le tout ou pour partie , elle
réglemente cl surveille encore l'exécution.
Uisons-le sans crainte d’èlre démenti : M. l’abbé Lavergne, dans
toutes les parties principales de son testament, s'est exagéré la
puissance qu’il tenait de la loi de disposer de ses biens.
Ces dispositions de la loi se lienl à des principes d’ordre public ,
à l’organisation loutc entière des sociétés , et ne sauraient fléchir
devant une volonté particulière , qu’ il faut entourer sans doule de
respect et de protection , mais alors seulement qu elle s’est e xp ri
mée dans les limites de cc qui est permis à l ’homme.
On a pensé avec raison , dans le mémoire publié pour le sieur
Roucby , qu’il ne suffisait pas pour apprécier cette cause de meure
sous les yeu x do la cour les articles du testament qui servent de
base principale à la discussion , qu'il fallait que l’œuvre entière fût
connue des magistrats , et cependant, après avoir cilé le lexie des
art. I er et 2% on s’est borné à donner l’analyse des 5 a articles qui
suivent. Nous ne pouvons admettre ni l’exactitude de l’analyse ui
le système en lui-môme.
Quant à (’exactitude de l’analyse, nous pourrions signaler plu
sieurs omissions importantes. Nous n’en indiquerons qu’ une comme
exemple : Sur l’ai ticle 5 , après avoir dit que le testateur donne
aux Dieruat une somme de 8,ooo fr. à prendre sur le revenu du
domaine de Longevergne , on passe complètement sous silence les
dispositions finales, expression si nette de ses pensées, et qui portent :
« J e leur aurais donné le domaine s’ils se fussent mariés , mais
» leur grand i\ge a fait perdre tout espoir de mariage. «
Quant au système , nous l’avons tous dit dans les plaidoiries ,
c’csi le testateur lui-inèinc qu’ il faut lire dans l’expression littérale
�de scs pensées , c’esl lui qu’il faut juger , c’est le lexlc complet du
testament que nous mettons ici sous les j e u x de chacun des ma
gistrats.
Il sera imprimé à la suite de ce mémoire«.
Ce testament , dit-on dans le mémoire , avait paru conférer au
sieur Rouchy le titre et les droits de légataire universel ; aussi l’o r
donnance qui l’envoyait en possession eu cette qualité , avait-elle
été maintenue par un premier jugement du 12 janvier 1848.
C ’est là une erreur.
Des qu’il eut été formé opposition à l’ordonnance , Rouchy r e
connut parfaitement lui-même qu’il 11e pouvait pas espérer de se
faire déclarer héritier universel, et, à ce litre, saisi de l’ universalité
de la succession et des biens dont il n’aurait pas été disposé d’une
manière spéciale. Aussi s’empressa-t-il de form er, par conclusions
du 1 1 novembre 18 4 7 , unc demande incidente, tendante à ce que,
dans le cas où il serait seulement légataire particulier, les héritiers
naturels fussent tenus de lui faire délivrance.
Sur ces conclusions subsidiaires , il s’élève des difficultés de
forme; les Diernat et Arnal soutiennent qu’une demande en déli
vrance de legs particulier, est principale et 11e peut pas être formée
incidemment par conclusions , et le tribunal , loin de juger ou
même de préjuger que Rouchy était légataire universel, ordonne
par le jugement qu’on invoque , qu’il sera plaidé au fonds sur la
demande incidente de Rouchy tendante à la délivrance de son legs
particulier , demande qui soulevait celle de la validité de ce legs
grevé de substitution.
Ainsi, ce jugem ent, s’il préjugeait quelque chose , c’est que le
sieur Rouchy serait légataire particulier et non légataire universel.
On plaide donc au fonds.
E t alors sont tranchées, par le tribunal, par des motifs aussi
simples que nets, mais frappants de vérité, les questions qu’on sou
lève de nouveau devant la cour , et qu’on soutient entourées de
grandes didicullés, sans doute parce qu’on se préoccupe de l’iu-
�— 7 —
lerét qui y est attaché , plutôt que ties tonnes, du sens des disposi
tions mises en présence du texte et de l’esprit de notre législation.
Nous allons les discuter à notre tour , dans l’ordre où les adver
saires les présentent dans leur mémoire.
PREMIÈRE
QUESTION.
f.c sieur Rouchy est- il légataire universel de l’abbé Lavergne.
L a lecture attentive du testament que nous avons mis sous les
yeu x des magistrats devrait contenir toute notre réponse ; e t, eu
effet, dans quel article, dans quel passage, trouve-t-on de la p a r td e M #
l’abbé Lavergne la manifestation de la volonté que le sieur llouchy
recueille tous les biens dont il n’aurait pas nominativement disposé,
ou ce qui restera après les legs payés? Dans quelle partie l’appellet-il à l’ universalité de sa succession et à toutes scs éventualités? On
lie peut pas citer un seul texte.
Et comment nos adversaires pourraient-ils en trouver, eux qui
se montraient, dans la plaidoirie , si exigeants pour que les termes
fussent dispositifs.
Comment organise-t-on donc cette qualité de légataire universel
qu’on veut faire reposer sur la tète du sieur llouchy , et à laquelle
on a vu qu’il ne cr oyait pas lui-mème dans le principe.
On invoque l’art. 1002 du Code civil ; 011 se garde bien d’ v
joindre le lexte de l’art. io o 5 .
O11 cite différents textes du droit Romain , desquels il r é s u l te
que l’héritier créé par le testateur, succède à tous les droits du
défunt; qu’en droit romain, l’institution d’héritier se faisait de
diverses manières, et que l ’omission de quelques mots dans la ma
nifestation de volonté qui désignait l’héritier n’eimièchnit nas de 1
*
jV
�en conférer les droits par l’application de celle maxitnc .* Politis
voluntatem quatn verba spectari plaçait.
Parlant de ces premières idées , 011 ajoute : les art. i«T et 2« du
testament contiennent 1111 legs Irès-imporlant en faveur du sieur
Roucliy ; cependant ce n’est pas là précisément qu’on signale le legs
de l’ universalité; 011 s’en garde bien ; on tomberait sous le coup de
l’art. 896 ; mais on dit : après avoir fait ce le g s, le testateur parle
encore de Roucliy dans plusieurs passages de ce long testament ,
cl il le désigne ainsi : Roucliy , mon héritier; Rouchy, l’héritier du
domaine de Longevergne ; or il faut appliquer là ces lois Romaines
qui voyaient une manifestation complète de la volonté dans ces
mots :
Totius hæreditatis meœ dominus esto ;
I aicîus hæres esto , ou Lucius hæres , ou Lucius esto.
Loin de nous, la pensée de proscrire les citations puisées dans le
dioit Romain ; mais on nous accordera sans doute que ces citations
portent souvent à faux, et que cela doit être nécessairement lorsqu’on
les applique à des matières sur lesquelles nos législateurs ont cru
devoir s’écarter complètement des règles admises en droit Romain.
C/est ce qui arrive ici :
On reconnaissait, en droit Romain , que le testateur ne pouvait
commander qu’à l’héritier qu’ il instituait et non à l’héritier du sang
qui ne tenait son droit que de la loi ; aussi ne pouvait-on pas faire
des legs sans nommer un héritier, et si l'institution manquait , si
elle était nulle, les legs tombaient avec elle. Polhier , des dona
tions et testaments. Chap. 2. Scct. 1. § 1.
Cet héritier ne pouvait pas en même temps être légataire. Jlœ r e d i
à scineti[>so legari non potest (même auteur, chap. 3 , art. /}.)
»
« On 11e pouvait pas non plus, dans le droit Romain, dit G renier
( d is c o u r s historique, p. 2 8 ), mourir comme ayant fait une dis-
j- position testamentaire d’une partie de scs biens, cl 11’cn aya*:-
�-
9 -
/
» pas fait pour le surplus , ce que les lois Romaines rendaient par
» ces termes : parlirn testât us partim intestatus,... ce qui pro» duisit celle conséquence que l'institution d'héritier pour une
» partie de la succession , quelque modique qu’elle fut avait l'effet
» d’attribuer le tout à l’héritier testamentaire. »
E t c’est à ce sujet que M. Grenier dil : ces trois mots , Lucius
îiæres eslo faisaient un testament.
Ces règles n'étaient pas celles de nos coutumes; elles avaient au
contraire pour maxime : Fintitution d'héritier n'a lieu ; elles ne
permettaient pas aux particuliers, dit Pothicr , de se donner à euxînémcs des héritiers.
Les rédacteurs de nos codes ont admis, ont le voit .assez, d’autres
principes , d’autres règles ; ils ont permis de se donner un héritier
sous le nom de légataire universel , mais ils n’en ont pas fait une
condition de la validité du testament cl n’ont pas subordonné l’exis
tence des legs particuliers à celle du legs universel ; mais ils ont
reconnu qu’en présence des anciennes habitudes , on ne pouvait
pas imposer aux pays de droit coulumier les formules ordinaires
du droit écrit, et réciproquement.
« Toutes ces dispositions , d i lM . Grenier (t. r r , 5e édition ,
» p. 4 ? 5 ) qui tenaient à d’anciens usages des Romains qui depuis
* bien longtemps devaient nous être étrangers, ont enfin disparu de
» notre législation , on a cru toujours devoir permettre des dispo» positions sous le nom d'institution d'héritier par égard pour les
» anciennes habitudes contre lesquelles on lie sescrait pas clevé sans
» inconvénient ; mais il est indifférent que l’on qualifie celui ci qui
» on fu it des dispositions, d ’héritier ou de légataire. E n matière
» de testament ces mois : donner , instituer héritier, léguer, de» viennent par eux-mêmes sans conséquence. L ’objet essentiel, est
* que la disposition soit claire et précise. T el est le résultat de
» l’art. 9G7 où il est dit : Toute personne pourra disposer p a r
« testam ent, soit sous le titre d'institution (Théritier, soit sous
* le titre de legs , soit sous toute antre dénomination propre à
�» manifester la volonté , disposition que l’on retrouve dans la
» seconde partie de l’art. 1002. »
A in s i, tout le monde reconnaîtra qu’en droit Romain où on ne
pouvait pas faire un testament sans faire un héritier, on 11e dût pas
facilement admettre qu’un acte présenté comme
testament ne
contînt pas de nomination d’héritier, pour peu que les expressions
employées par le testateur fussent de nature à faire supposer qu’il
s’étaii conformé à cette prescription fondamentale de la loi.
M a is, parmi nous, il 11’en est plus ainsi : faites un légataire
universel ou n’en faites pas ; grevez ou ne grevez pas ce legs uni
versel de legs particuliers ; faites des légataires à titre universel
ou n’en faites pas , ne faites que des légataires particuliers ; grevez ,
si vous voulez, ces legs particuliers de certaines charges ou du
payement de certains legs particuliers , lout cela est dans votre
droit. 11 n’y a plus de forme spéciale.
Les maximes du droit Romain, que le testateur ne peut prescrire
qu’à l’héritier de son choix el non à celui du sang , qu’il n’y a pas
de testament valable sans désignation d’ un héritier, qu’on ne peut
pas m ourir, partirn tes talus , partim ¿nies lattis;
La maxime du droit couluiuier, d’après laquelle la loi seule et
non les personnes désignaient l’héritier, institution d'héritier n'a
lieu;
Tout cela est proscrit.
L a loi ne considère plus que la manifestation de la volonté ;
Pour la faire exécuter dans toute son étendue , si elle ne dépasse
pas ce qui est permis ;
Pour la restreindre, si elle dépasse certaines bornes ;
Pou r l'annuler en entier, si ces bornes sont dépassées de telle
manière, que les restrictions nécessaires ne produiraient pins
qu’ une volonté tellement tronquée qu’ il fut incertain qu’en cet étal
celte volonté fût encore celle du testateur.
�- IX -
'
/*6l
Mais encore en cet état, la nullité à la différence du droit romain,
ne porlc-t-clle pns sur le testament entier, mais seulement sur les
dispositions qui sont frappées par les proscriptions légales, et toutes
les autres, quelle que soit leur forme, universelle, à titre universel
ou particulier, restent debout, parce qu’elles restent des volontés
non douteuses.
..a
A présent, nous pouvons adopter, sans restriction et invoquer
nous-mêmes la maxime de la loi 10 1 de ni conditionibus testunien-
torurn voluntatem potins quant vetba cotis idc rare oporlet.
Cherchons donc celte volonté de bonne f o i , cl le texte qui est
sous les yeu x des Magistrats leur fournit tous moyens de contrôle.
Une première question se présente , et sa solution est de la plus
grande importance pour lever tous les doutes.
M. l’abbé Lavergnc pouvait, sous une dénomination quelconque
(le s termes ne sont pas à considérer), disposer de l’universalité de
scs biens, au profil de telle ou telle personne, et charger celte p e r
sonne de payer ou délivrer tous les legs particuliers qu’il lui plairait
de faire ;
Ou bien il pouvait faire des legs particuliers et dire qu’ une fois
ces legs payés ou p rélev é s, le surplus de scs biens appartiendrait à
telle ou telle personne.
Il pouvait employer l’un ou l’autre do ces m od es, en quelques
termes que cela fût dit, faisant passer la disposition universelle
avant les dispositions particulières , ou faisant l’inverse , grevant la
disposition université d’ un petit nombre de charges , ou , au con
traire, lui en imposant d ’ une importance telle, que le legs universel
fût, d’après l’état de la succession à sou ouverture, réduit à rien.
Cela serait insignifiant ; nous ne nous arrêtons pas à la formule
du langage ; nous ne nous arrêtons pas à l ’importance matérielle
des dispositions ; nous ne considérons que leur caractère de géné
ralité ou de spécialité ; si, d’une manière quelconque , il a exprimé
celte volonté, d’une part, de généralité de sa succession, quelle que
�fût sa valeur et, d'autre part, de spécialité , il y a un légataire, uir
héritier universel, il y a des légataires particuliers.
Mais il pouvait aussi disposer taxativement, nominativement d’un
certain nombre d’objets de sa succession, ou de tous les objets de
sa succession ; s’il l’a fa it , il y aura des légataires particuliers, plus
ou moins nombreux; et que certains de ces legs soient minimes,
que d’autres soient très importants , cela n’a aucune influence sur
leur caractère réel, il n’y aura»toujours que des legs particuliers, et
il ne lui était pas prescrit , de par la loi et sous peine de nullité,
comme en droit rom ain, de faire un légataire, un héritier universel.
A présen t, qu’a-t-il fait? Y a-t-il une seule disposition d'univer
salité, ou de ce qui restera, les legs payés ; il faut lire, et évidem
ment 011 n’ en trouve pas trace ; n’y a-t-il pas, au contraire, minu
tieux détails des objets immobiliers et mobiliers de la succession,
recevant tous une destination spéciale; encore une fois, il n’y a
qu’à lire.
Disons même q u e, dans les intentions qui animaient évidemment
le testateur, cela ne devait pas être autrement.
Aristocrate de goût et d’éducation , beaucoup plus que de nais
sance , il s’était fait un fief, c’était Longevergne, fruit de ses travaux,
et de ce qu’ il veut bien appeler scs faibles talents ; il faut y attacher
le nom du fondateur, le transmettre de génération en génération,
et pour cela ce ne sont pas les affections qui sont à considérer ;
j’aurais donné ce domaine aux D ie rn at, dit le testateur, mais pour
remplir mes v u e s, ils sont trop vieux, alors ce sera R o u c h y , cor
donnier à Ilouen , petit-neveu , et, pour le but que je «ne propose,
le petit-neveu de trciHe ans doit avoir le pas sur les neveux de
soixante.
Ce n’est pas là de la préférence dans l’ordre des aflfectious du
testateur, c’est le moyen d’assurer l’exécution d’une volonté qui ne
tient en rien à la personne de Rouchy.
Scs affections , quelles sont-elles, après cette idée fixe de création
d ’un majorai?
�—
i3 —
Sa famille, et les pauvres d’une manière générale. 11 esl donc de
toute évidence que , lors même qu’il mirait eu des valeurs beaucoup
plus considérables que celles dont il a disposé, il les aurait réparties
dans cet ordre d’aflection : rien dans le testament n’annonce une
préférence, et s’il y en a une, elle est énoncée dans la parlie finale
de l’art. 3 du testament, et cette préférence n’est pas pour le sieur
llouchy.
Ainsi, pas de dispositions à faire un légataire universel ; cela était
même contraire à cette pensée de tout faire émaner directement de
lui et de tout réglem enter, et aussi rien, dans les termes , qui soit
attributif de l’universalité.
M ais, dans diverses parties de son testament, disent les adver
saires, il üppelie llouchy , son héritier , ou L’héritier du domaine
de Longcvergne, et c’est en citant un axiome duquel il résulte qu’il
faut considérer la volonté plutôt que les mots , que , cependant on
veut de ce mol qui n’est accompagné d’aucune attribution, d’aucune
expression de volonté, qui reste à l’état de désignation, faire résulter
que M. l’abbé L a v e rg n e , a donné à U o u cliy, tous les biens dont il
n*a pas spécialement disposé, qu’ il l’a institué son légataire uni
versel ; en sorte q u e , certaines valeurs qui ont été omises dans les
dispositions toutes spéciales du testateur devraient appartenir à
llouchy et non aux héritiers , et que, si une succession de 200,000
francs était échue à M. Lavergne, sans qu’ il en eut eu connaissance,
ce serait encore au sieur llouchy qu'elle appartiendrai^, et non aux
héritiers du sang.
A l’appui du système qui attache tant d’importance à une qualifi
cation qu’on sépare de la disposition, 011 invoque un arrêt de la
Cour de Lim o g es, du 8 décembre 18 37 ( S . 3 q -2. 27 ).
Que la Cour veuille bien se mettre sous les yeux l’espèce dans
laquelle cet arrêt a été ren du , et elle y verra qu’ il y a dans le tes
tament institution formelle de légataires universels, cl que la dilliculté naissait surtout de ce que ces légataires universels étaient au
nombre de trois, sans être bien expressément conjoints dans la
disposition ;
�/x^
— »4 —
E t que néanmoins 1’arrètiste dans une note a soin de mettre le
lecteur en garde contre les applications qu’on pourrait faire de cette
décision.
Mais s i , comme le disent les adversaires , il faut considérer l'in
tention et non les paroles, ne faut-il pas par l'ensemble des disposi
tions du testateur, e t , par ses habitudes , chercher le sens que lu i ,
dans sa pensée, donne aux mots dont il se sert.
Suivant v o u s, Ilouchy , mon héritier; Rouchy , héritier de
Longevergne , n'est pas le synonime de R o u c h y , légataire du d o
maine de Longevergne auquel mon nom est attaché, et cependant
comment s’exprime le testateur dans l’article i " , en disposant du
domaine de Longevergne : Telle est mon intention qu 'il en soit
seul et unique iie iu t ie r . Comment s’exprime-t-il encore dans le
même article en disposant de ce domaine, il le donne ci l'exclusion
de scs autres patents et iieiutieiîs.
Donc le testateur attache aux mots héritier d ’un domaine , 1 a
môme portée, le même sens qu’aux mots légataire d ’un domaine.
Donc encore ses parents, dans sa pensée, restaient bien ses héritiers.
Car en parlant de R o u c h y , fh éritier du dom aine , il parle de scs
autres parents et les appelle ses héritiers.
$
En sorte que si on voulait que Rouchy fût légataire universel par
cette expression sans attribution autre que celle de legs spéciaux ,
les parents qui n’ont pas besoin eux d’attribution , pourraient égale
ment revendiquer la dénomination sous laquelle ils ont été désignés :
il les appelle ses héritiers.
Il est à remarquer q u e, dans le mémoire où on relève avec tant
de soins toutes les dénominations d’héritier employées par le testa
teur, celle de l’art, i " , appliquée à Rouchy cl qui devait frapper
la première l'attention, est la seule qui ait échappé au rédacteur.
Elle est cependant l’origine , la clef de toutes les autres dénomi
nations semblables.
II a dit que Rouchy serait, à l’exclusion de tous les autres héri-
�—
15
—
{¿ers , le seul héritier du domaine de Lon goverg n c, cl qu’il devrait,
lui cl scs descendants, porter son nom à perpétuité. H appelle par
lu suite Rouchy son héritier ou l'héritier du domaine de Lon gcvcrgne.
Et il est si vrai que celte dénomination en rapport, au surplus,
avec la formule usuelle en Angleterre, n’a d’autre source, d’autre
cause que celle qui procède de la libéralité des articles 1 “ et a,
que le testament ne contient pas d’autre disposition qui puisse y
fournir le moindre prétexte, que toutes celles qu’on y trouve la
repousseraient .au contraire.
Que donne-t-il, en effet, à Rouchy de plus quece qui est contenu
aux articles i er cl 2e?
A l’article 2 8 , il exprime la crainte que ses meubles soient brisés
par le transport d’une localité dans une autre, ce quiserait arrivé si
les héritiers en avaient faii le partage. Alors il les donne à R o u c h y ,
mais il veut qu’il paye à ses parents, pùur leur p a rt, différentes
sommes désignées.
Ainsi, sans une disposition expresse, les parents auraient partagé
le mobilier; il n’y avait donc pas de legs universel.
Il veut toujours qu’ils le partagent; mais , dans le seul but d’éviler une détérioration, il fait la licitation , et fait payer à chacun leur
part en argent; donc, dans sa pensée, s’ il a fait un légataire, ce qu’il
appelle un héritier dù domaine de Longcvergne , ¡1 n’a pas un seul
héritier de tout l’actif de sa succession. 11 laisse, pour héritiers, les
héritiers du sang , e t , dans Je mobilier , il a la précaution de faire
leur part.
A-t-on une part sans cire héritier?
On fait remarquer dans le mémoire que, par l’article 1 9 , le pro
priétaire de Longcvcrgnc est spécialement chargé de payer tous les
frais d’enterrcmciit.
Cette disposition, dans le cas même où elle serait isolée, pourrait
être invoquée contre le sieur Rouchy beaucoup plus qu’en sa (à-
�—
16
—
veur, car, s’il était légataire universel, celle charge pesait de droit
sur lui , et il était inutile de la lui imposer; mais il ne faut pas la
séparer de l’art. 54 où on voit que le testateur donne au sieur Rouchy 2,000 fr. à prendre , d it - il, sur les fonds du gouvernement ,
pour payer celte dépense.
A insi, il sait si bien que Roucby n’a rieu à prétendre en dehors
de son legs particulier de l’art. i cr, que , lui imposant une charge
un peu considérable, qui ne pourra pas être prise sur scs revenus
qui ne seront pas encore échus , il lui fait remettre une somme
spéciale pour payer ces frais.
E t il est tellement vrai que le ¿estateur sait qu'il n’a personne
qui soit spécialement saisi de l'universalité, par son testament, que
lorsqu’il ne peut pas connaître le montant d’une somme dont il veut
disposer, il crée une disposition spéciale de ce qu’ il pourra y avoir ,
ou du surplus.
A in si, la disposition du domaine de Longevergne est tellement
faite dans le seul but de satisfaire cette idée fixe de création de m a
jorai et de transmission de nom , sans intention aiFcclucuse cl per
sonnelle à Jean Roucby., qu’il veut que si, au moment de son décès,
il y a des revenus de ce domaine, échus et non payés , ils appar
tiennent au fils aîné des Julliard.
Ainsi, il ne peut pas bien faire son compte du capital des renies
s u r l 'E t a t , puisque ce capital est variable. Alors il se demande ce
que de viendra le surplus, après payement des dispositions écrites,
si surplus il y a; et comme ce surplus ne serait pas assez important
pour le laisser partager enire lous les héritiers, il le donne moitié
aux enfants d’Anioinc Roucby, de Labaslide, moitié aux enfants
Julliard.
Comment ensuite peut on attacher tant d'importance à ce (pii
n'est qu'une qualification , lorsque dans le testament lui-même ces
qualifications varient dans leur application à la même personne?
S ’il a dit : R o u c b y , mon héritier, dans certains articles,
A l'art. 8 il dit : R o u c b y, mon donataire ;
�— '7 —
Aux articles io cl 1 9 , le propriétaii e du domaine de Longc-
vcrgne;
A l’article 2 3 , Rouchy, mon légataire;
A l’article 2 9 , Rouchy, héritier du domaine de Longevergnc.
Dirons-nous, adoplant le système du sieur Rouchy : vous 11’ètes
que légataire du domaine, par cette raison qu’il vous a appelé lé
gataire , propriétaire , donataire du domaine ?
Non , nous ne le dirons pas; il ne s’agit pas , en cflfet, des expres
sions plus ou moins justes, plus 011 moins conformes au langage du
droit dont le testateur se sera servi dans la désignation d’un individu.
Il s’agit uniquement d’apprécier le fond des dispositions et d’eu
lixer le caractère.
O r, que donne le testateur au sieur Rouchy? il lui donne spé
cialement le domaine de Longevergnc et scs dépendances, et la
réalité est qu’il ne !ui donne pas autre chose, c a r , s’il lui attribue
les meubles meublants , il lui impose l’obligation la plus stricte d’en
payer la valeur qu’ il fixe, et à chaque héritier pour sa part.
S ’ il lui donne (art. 54), mie somme de 2000 fi\, il lui est prescrit
(art. 1 9 ) , de l’employer au paiement de tous les frais funéraires.
iNIais, dit-on, il faut considérer la prépondérance du legs fait au
sieur R ou chy, et on invoque l’opinion de M. G ren ier, pour faire
admettre que l’importance des legs peut servir à en fixer le carac
tère.
On n’a qu’à se mettre sous les yeux ce que dit M. Grenier au
passage cité (t. 1 " , p G5 i , 5e édition), et on verra que cet auteur
traite là des dispositions dans lesquelles il y a concours entre le
légataire universel cl un légataire à titre universel; qu’il explique
parfaitement les caractères des différents le g s, et que nulle part il
11e dit qu’un legs d’un objet ou de plusieurs objets déterminés peut
être considéré comme legs u niversel, parce que ces objets auraient
une grande valeur relativement à l’importance do la succession.
3
�&
~
1 8
“
Conmient eùt-il tenu ce langage , lui qui d i t , t. i f , 5K édition ,
p. 67G, que le legs de tous les bois, de tous les prés, n’est qu’un
legs particulier; que , par la même raison, il ne faut voir qu’un legs
particulier dans celui de tous les meubles et immeubles qui sont
situés dans un département, et qui ajoute : « le legs d’une succession
» écliue au testateur n’est aussi qu’un legs particulier, quelque
» considérable qu’elle puisse élre , et quand même elle fo rm e» rait lu totalité de la succession du testateur au moment de son
» décès. Tel est le résultat des art. 1 0 0 2 , io o 3 , 1 0 1 0 du Code. »
M. G re n ier, en tenant ce langage, s’appuie sur l’autorité de
Chabot.
llic a r d , des donations (art. 5 , n° 1 6 2 6 ) , nous donne p ar
faitement la raison de cette opinion.
Cet auteur examine la question de savoir si on considérera
comme legs universel celui q u i, fait en termes particuliers, com prendait cependant réellement tout ce que le testateur possédait
d ’ une certaine classe de biens.
E t Ricard dit que ce n’est pas un legs universel, « parce que ,
» dans les successions, nous ne considérons pas seulement le pré» sent et ce qui nous paraît, mais nous y comprenons aussi la pos» sibilitè et F espérance ; d’ailleurs le legs étant d’un corps parti» culier, la disposition est certaine cl arrêtée.»
Ici il s’agit bien plus positivement que dans les exemples que
nous venons d’emprunter aux auteurs, (Fun corps certain et arrêté.
L e testateur a voulu donner ce qu’ il désigne, il n’a pas voulu
donner autre chose; il n’ a pas voulu donner les éventualités de sa
succession ; attribuer plus d’ étendue ou un autre sens à scs dispo
sitions cc serait créer un testament.
D e même qu’un legs particulier ne perd pas son caracterc de
legs particulcr parce qu’ il est considérable ; un legs universel ne
cesse pas d’être un legs universel parce que ses résultats sont m i
nimes , et que même , charges payées , le légataire universel sc
trouve en définitive ne rien avoir. 11 serait facile d'en citer des
�— i9 —
exemples, et de prouver que, soit par la volonté du testateur, soit
par des circonstances imprévues, des legs universels se sont trouves
beaucoup plus considérables qu'on
ne
pensait , ou tout à fait
minimes. L e legs particulier est le legs certain , positif; le legs uni
versel est celui des éventualités.
Personne, dit-on , n’est chargé du payement des dettes; ce sera
donc le sieur Rouchy qui les payera? donc il est légataire universel.
On conçoit très-bien par quelle raison le sieur Rouchy rédam e
le payement des dettes , obligation qui n'aurait que des avantages ,
puisque le testateur avait fhit, pour le passif comme peur l’actif de
s i succession, des dispositions toutes spéciales, et que sa succession
n’est grevée d’aucune charge non prévue.
Mais s’il s'en découvrait, dira-t-on?
S'il s’en découvrait, elles seront à la charge des héritiers naturels
qui recevront aussi l’actif dont ibu’a pas etc disposé, cl il en existe.
Enfin, qu’on suppose un testament q u i , absorbant tout l’actif par
des legs particuliers, aurait omis de régler le payement des dettes;
qu’on suppose dans ce cas la renonciation des héritiers naturels,
en résulterait-il qu’il faut créer un légataire universel là où il n’y en
a pas? ¡Non, il en résulterait que le passifserait payé par une réduc
tion proportionnelle des legs particuliers (art. io a 4 -)
Dans le mémoire comme dans la plaidoirie , en voulant soutenir
que le legs fait au sieur Rouchy est un legs u n iversel, ou a été
conduit, par la force des choses, à en revenir aux dispositions des
art. i rr et a1' du testament; c l, en effet, le testateur n’ayant pas eu
réalité donné autre chose au sieur R o u c h y , il fallait bien faire r e
poser les prétentions sur ces articles.
On y esl conduit par la pente irrésistible du terrain.
Lorsq u ’ on dit que le legs doit être considéré comme universel
à raison surtout de son importance, quel est ce legs important dont
on veut parler ?
�Incoiitcsti\blemcnt celui (le L o n ge v erg tie , manoir principal, lit
plus importante des propriétés ; nous devons être nécessairement
d’accord, puisque, sans doute, la pensée du rédacteur du mémoire,
comme celle de l’avocat plaidant, qui l’a d’ailleurs nettement ex
prim é, ne peut pas s’appliquer aux meubles meublants donnés à !a
charge de les p a y e r , et aux deux mille francs donnés pour les
employer.
Ici le magistrat a devancé de beaucoup la réponse que nous
avions à vous faire, et il vous a dit : Mais si la qualité de légataire
universel résulte de la disposition relative au domaine de Lon gevergne , c’est là qu'on vous signale la substitution, et tout legs
grevé de substitution est atteint, par l’art. 89G, quel que soit son
caractère universel; particulier, ou à titre universel.
Cette objection admet-elle une réplique possible, à moins qu’il
ne soit permis aux adversaires de laisser tuer le même legs comme
particulier par l’article 89G, et de le faire revivre ensuite comme
universel.
Voilà les conséquences ou sont conduits même les hommes les
plus éclairés lorsqu’ils partent d’un système qui repose sur une
base fausse.
L a vérité doit se faire jour , elle ressort même des paroles et des
écrits qui la combattent.
Celle v érité, quelle est-elle en définitive?
C ’est que les qualifications, et dénominations diverses données à
Rouchy par le testament, procèdent toutes des dispositions des a r
ticles 1 et a oii ou voit même que Rouchy est appelé héritier a
cause du don du domaine, et qu’alors, pour fixer la qualité réelle
du sieur Rouchy vis-à-vis la succession , il ne s’agit que de déter
miner le caractère du legs contenu aux art. 1 et 2 , et les adver
saires l’ont fait eux-mêmes : c’est un legs particulier.
*
Qu’on réunisse d’ailleurs, si on veut, toutes les dispositions q u i ,
dans le testament, concernent Rouchy.
�— ai —
Art i ' r cl 2. L oîts
o du domaine de Lon covcren
n
D e,7 avec obliiiailon
O
de porter le nom et de transmettre à l’infini ;
Art. 22 Don des immeubles meublants, à la charge d’en payer
le prix.
Art. i g et 2/|. Don de 2,000 fi’ ., pour les employer aux frais
funéraires.
Puis des charges imposées à R o u c h y , mais toutes avec spécialité
et détermination complète , cl en même temps calculées dans le
cas même oii cela n’est pas e xp rim é , de telle manière qu’elles
puissent cire payées sur les revenus du domaine.
Voilà donc trois legs bien déterminés grevés aussi de charges
positives, sans que Rouchy ait rien à recevoir en sus , rien à payer
de pl us que ce ce qui est ordonné par le testateur. Y eùl-il cent legs
de même nature et faits à la même personne, et cent charges fixes ,
le nombre n’en changerait pas le caractère, il y aurait ccnl legs
particuliers.
Deux de.ces legs sont insignifiants ; ils n’ ont même que la déno
mination de legs. L ’autre a, au contraire, de la vale u r; le testateur
y en attachait beaucoup , par suite de l’organisation qu’il faisait.
Mais en définitive, Rouchy n’est pas compris pour autre chose
dans les volontés exprimées ; qu’à présent, à raison de ce qu’il lui
donne , le testateur qui ne connaît pas les qualifications légales ,
l’appèle son donataire , comme il le fait, le testament perdra-t-il
sa nature de testament pour devenir une donation ; qu’ il l’appèle
sou héritier ou l’héritier de L o n g e v e rg n e , ce qui est la même
chose dans sa pensée , entend-il pour cela lui donner plus ou moins?
Cela fera-t-il le s i e u r Rouchy légataire universel? Cela fera-t-il
q u e si le testateur eût laissé dans sa succession 100,000 fr. dont il
n’eût pas disposé, il serait réputé avoir voulu les donner au sieur
Rouchy ?
Il l’a. bien appelé aussi légataire. Rencontrant, cette fois, l’cxpression juste en droit, cela a-t-il plus d’ importance? Mais, 11011.
�Appliquez donc la maxime que vous invoquez ,potius volunlcilcm
qnam verba spectariplacuit , et reconnaissez en même temps qu’il
n’y a , en définitive, dans le testament, qu’ une seule disposition
d’où procèdent les dénominations diverses que le testateur donne
au sieur Rouchy , puisque, dans les deux autres également parti
culières et insignifiantes, au surplus, il ne reçoit que pour payer ;
reconnaissez que vous avez déterminé comme nous le caractère de
cette disposition , et qu’en définitive, celte détermination est même
sans b u t, sans résultat au procès, puisque, si elle contient une subs
titution prohibée , la nullité prononcée par la loi l’atteint dans tons
les cas et quelle que soit sa classification légale.
D E U X I E M E QUESTION.
L e testament du sieur Lavcrgne contient-il une substitution ou
seulement une défense d'aliener ?
L e texte de la disposition qui est sous les yeu x des magistrats
est trop clair et trop formel pour qu’il soit nécessaire de se livrer
à ce sujet à une longue discussion.
II est vrai que le testateur ne se sert pas de ces expressions : le
sieur Boitchy sera chargé de rendre ¿1 ses enfants , les enfants
de Ronchj-, au.v leurs, les enfants des enfants de llonchy, etc ;
car
pour exprimer une à une
toutes
les transmissions
qui
riaient dans la volonté, il n’y aurait pas de limites, cl c’est précisé
ment pour cela que la pensée ne pouvait se rendre que par une
disposition g é » é raie.
Ou
voudrait
pouvoir
soutenir
que
les
mois
charge
de
conserver et de rendre sont sacramentels , ei que sans leur emploi
il n’y a pas de substitution; si on ne va pas toul à fait jusques-là
011 en approche , car après avoir souligné les mois : charge de
�— »3 —
conserver et de ren d re , on dit qu’il faudrait les trouver expressé
ment écrits dans le testament, et on invoque l’opinion des auteurs
cl quelques arrêts.
Nous avons vérifié la plupart de ces citations et il faut recon
naître qu’elles ne sont pas heureuses. P o u rq u o i, par exem ple,
invoquer dans l’ouvrage de M. Toullier le n° 24 du tome 5 , où il
dit, ce qui est hors de doute : « C ’est celle charge imposée au grevé
» de c o n s e r v e r ses biens pendant sa vie et de les rendre à sa mort
» qui constitue ce que les auteurs appèlenl l'ordre successif. » Au
lieu de citer le passage du même auteur, au n<> 5 o , même v o lu m e ,
qui s’applique réellement à la question, car il dit : « toutes les fois
» que l’acte esl conçu de telle manière, qu’il renferme nécessairement
» la charge de conserver et de rendre; quoique non littéralement
•5» exprim ée, sans qu’ il soit possible de lui attribuer un sens différent
» propre à maintenir la volonté du testateur aux yeu x de la loi , la
» disposition est nulle comme renfermant une substitution ; elle est
» nulle quant à la substitution , parce qu’elle est contraire à la loi
» que le testateur avait voulu éluder; elle esl nulle quant à l’ insti» lution du legs principal , parce qu’il est certain que le testateur
» n’a voulu donner qu’à charge de rendre, et qu'il est incertain
» s'il eut voulu donner sans cette charge. »
Ces paroles, et nous pourrions en citer de semblables empruntées
à M. G renier, à Duranton, à ¡Merlin, Coin-Delille , T h é v e n o l, et
à la Jurisprudence, diseut toui'ce qu’il faut dire , et reproduisent
au surplus le texte de l’art. 896 qui, en frappant de nullité toute dis
position p a r laquelle le légataire sera chargé de conserver et de
rendre ¿1 un tiers , exprime très-bien qu’ il n’y a pas à ce sujet
d’expression sacramentelle , cl que comme dans toutes les dispo
sitions testamentaires, il ne s’agit que de chercher cl do recon
naître les volontés quels que soient les formules du langage et les
termes employés par le testateur.
Si à présent ont veut soutenir que dans le cas où les expressions
employées
peuvent naturellement recevoir un sens aulre que
�Jjb
— 2.4 —
celui d'une substitution prohibée , 011 doit croire que le testateur a
voulu faire ce qui était permis plutôt que ce qui lui était défendu.
¡Nous serons de l’avis de nos conlradicteurs.
Que disions-nous , en e ffet, en plaidant? Nous disions, lorsque
sous l’empire d’une organisation sociale qui puisait de la force dans
les substitutions, elles étaient vues avec faveur, 011 en reconnaissait
là où on n’en reconnaîtrait pas aujourd'hui. Ainsi ces mots : J ’ins
titue un tel et ses enjants étaient alors réputés contenir une v o
lonté de transmission successive. Aujourd’hui, si rien autre chose
n’expliquait la pensée, on pourrait ne pas y voir un ordre successif,
mais seulement une disposition conjointe, en ce sens que le père et
les enfants dev raient recueillir directement du testateur ensemble et
par portions égales.
On pourrait encore avoir du doute aujourd’h u i, si on disait:
J ’institue Pierre et après lui ses enfants , car le testateur a pu
vouloir prévoir le cas de son déccs avant Pierre et stipuler que
dans ce cas , il donne à ses enfants , disposition qui reste directe,
qui est une substitution vulgaire, parfaitement perm ise, et non la
substitution, avec ordre successifprévue et prohibée d’une manière
si formelle par l’article 896.
Mais ce doute pourrait encore disparaître devant l’ensemble des
dispositions du testament.
Mais ici, 011 le dem ande, le doute, l’incertitude la plus légère
sont-ils un instant permis , en face d’une disposition qui crée la
substitution en ternies formels , qui en dit toutes les conséquences,
qui attache à sa perpétuité, la perpétuité du nom , et. qui indique
que le choix du grevé a été fait uniquement dans cette pensée de
transmission, on sorte que la stipulation, les conséquences, les mo
tifs, tout s’y trouve.
La stipulation. Y a-i-il rien de plus précis que ces expressions :
« J e lui en fu is donÇii Ilo u ch y ), pour être entièrement à lui et
* ses descendants, après mu m ort , à l’exclusion de mes autres
�-
35
_
» parents cl héritiers , car telle est ma volonté qu’il en soit seul et
» unique héritier, lui et ses enfants, après lu i , de génération
» en génération .
Ajoutez à cela que i ous les héritiers, possesseurs de ce domaine,
présents el à venir d e v ro n t, comme condition absolue, renoncer
au nom de R ouchy , pour prendre et porter le nom de Lavergne.
A insi, nom et domaine, tout se transmet de génération en g é
nération, dans la famille Ilo u c h y , qui prend a la fois, l e bien de
L o n g e v e rg n e , renonce au nom Ilouchy et prend le nom de L avergne , de génération en génération.
L es conséquences. « L e domaine de Longevergne ne sera jamais
» vendu, échangé, morcelé, ni grevé de dettes, sous quelque
» prétexte que ce soit; mais il passera à chaque héritier, à chaque
» famille, lel que je l’ai laissé à ma mort. » Ce qui est aussi une
répétition de la stipulation.
Puis, tant l’idée de conservation et de transmission complète
existe , obligation à chaque possesseur successif de maintenir les
lieux dans leur état complet d’entretien, réparation et culture.
L es motifs du choix. « J e leur aurais donné ce domaine (aux
» Diernat) , s’ils se fussent mariés , mais leur grand âge a détruit
» tout espoir de mariage.
Si dans le mémoire auquel nous répondons, on n’eût pas passé
sous silence celle partie de Parlicle 5 du testament, on n’aurait pas
demandé comment il sc ferait que le testateur, pour remplir cette
intention de tranmission, eût choisi un homme qui n’était pas marié.
On demande là au testateur ce qu’il a eu le soin d’expliquer.
Ses affections seraient pour les Diernat ; niais il s’agit de l’accom
plissement de la volonté de transmission de génération en généra
tion ; ils sont trop vieux : Rouchy est jeune, et il est choisi unique
ment en vue de la substitution, en vue de ce que la loi défend. Sans
cela il ne l’eut pas élé.
4
�¡¿ fi
-
,6 -
M ais, dit-on , la disposition contient une interdiction de vendre ,
clause réputée non écrite , aux termes de l’article 90 0 , cl on va jus
qu’à dire : le tribunal qui en fait une substitution , a violé la
maxime (juod nullum est nidlum producit effectum.
Etrange application de cette maxime qui ferait que ce qui est
nul ne produirait pas môme une nullité ! ¡Nous n’avons qu’à ré
pondre : Vous avez raison, ce qui est nul ne produit aucun eflet.
L a loi dit que la disposition entachée de substitution disparaît en
entier, dans le legs lui-même comme dans la charge de rendre.
Ainsi, le legs fait au sieur R o u chy , dans les art. i tr et 2« du testa
ment ne produit aucun effet.
O u i, sans doute, il y a interdiction de vendre; mais cette inter
diction résulte implicitement de toutes les substitutions ; ici, elle est
exprim ée; si elle l’était sans que ce fût pour créer une substitution,
ce serait l’article 900 qu’il faudrait appliquer, car l’intention de
gratifier le sieur Rouchy personnellement resterait encore certaine.
Mais lorsque l’interdiction de vendre n’est exprimée que comme
conséquence de la substitution , c’est l’article 896, la loi spéciale de
la m atière, qui doit recevoir son application. ( V o y e z G renier,
troisième édition, p. 1 15 , n° 7.)
D ’autant plus que la piésomption de la loi est ici vérifiée par le
fait, qu’ il est certain que le testateur n’a donné à Rouchy que
poursubstituer, et que la substitution disparaissant, il ne voulait pas
que sa propriété de Longevcrgnc fut à lui.
Nous le comprenons, le système du mémoire doit convenir par
faitement au sieur Rouchy , il lui donne le legs et met au néant les
obligations qui l’accompagnent.
Mais ce système , sous prétexte de maintenir pour partie les in
tentions du testateur, n’en est-il pas la violation la plus manifeste?
N’a-t-il pas dit assez clairement : J e ne donne ce domaine au sieur
Rouchy que parce que je veux le maintenir dans l’état où je le laisse
à lout jamais; je veux le faire transmettre , par Rouchy qui n’est ici
�- *7 A ï)
qu’un m oyen, de génération en génération, sans cela je ne le lui
aurais pas donné, je l’aurais donné aux Diernat. E l on le donnerait,
ce domaine, à Roucliy , lorsqu’on reconnaît qu’on ne peut exécuter
sous aucun rapport la volonté réelle du testateur, celle pour l’ac
complissement seul de laquelle il l’a il passer le domaine par les mains
de Roucliy !
E t on appelle cela exécuter une volonté ! Mais si on voulait faire
accomplir la volonté seconde, alors que la première reste impuis
sante devant la l o i , ce serait aux Diernat qu'il faudrait attribuer la
propriété.
Cela ne se peut pas, parce que le testateur dit seulement ce qu’il
durait ja it s’il n’avait pas voulu fonder un m ajorai, et qu’on ne
peut faire exécuter qu’ une disposition précise.
Mais toujours est-il que lorsque la l o i , comme le disent tous les
auteurs , répute seulement qu’ il n’est pas certain que le testateur
eûl maintenu le legs dans le cas où il aurait su que la disposition do
transmission successive disparaîtrait, ici il est complètement dé
montré , prouvé que la substitution écartée, Roucliy ne serait pas
le légataire. Peut-on à présent, comme on le demande , écarter la
substitution et maintenir le legs , c’est proposer à la cour à la fois
]a violation de la loi cl la violation de la volonté du testateur.
L ’auteur du mémoire, l’avocat qui a plaidé pour le sieur Rouchy
sont d’accord avec nous , la volonté qui est en opposition avec les
principes fondamentaux de noire droit ne peut pas recevoir son
exécution; mais ne devraient-ils pas reconnaître en même temps
qu’alors que la voix qui aurait pu substituer une volonté licite à
celle qui ne l’est pas , ne peut plusT se faire entendre , c’est la loi
qui parle, et qu’elle appelle les héritiers du sang.
Les Diernat n’auront pas tout ce qu’ ils auraient eu si la volonté
du sieur Lavcrgnc pouvait encore ordonner. L e sieur Rouchy
recevra une portion beaucoup plus considérable q u e les Arnal. Mais
cette petite part les sortira de Pelai de domesticité dans lequel ils
�**" vivent. Faut-il, avec l’auteur du mémoire, tani gémir sur le sort de
l ’ouvrier cordonnier qui ne recevra pas un cliàteau , mais qui aura
des moyens d’existence assurés. Ne faut-il pas au contraire se féli
citer de ce que, dans la fortune d’un homme bienfaisant, la part de
tous se trouvera faite , la part des pauvres du village , la part des
pauvres de la famille.
TR O IS IÈM E QUESTION.
Y aurait-il même dans le testament une substitution, elle ne
serait pas prohibée.
Il faudrait, pour admettre celte proposition , que la substitution ,
une fois reconnue, put être renfermée dans les termes de la loi du
17 mai 1 8 2 6 , cl restreinte au second degré inclusivement. E st-ce
bien là ce qu’a voulu le testateur? Devons-nous, pour décider cette
question, nous liv r e r a des recherches nouvelles, afin de constater
de nouveau sa volonté? On comprend très-bien que l’appelant ait
pu diviser en deux questions ce qui a fait l’objet de la seconde et
de la troisième proposition de son mémoire. Dans l’une, il s’agissait
pour lui d’établir que les termes du testament renfermaient une
simple prohibition d’aliéner; il a pu se livrer sur ce point à une
discussion qui laissait en dehors le sujet qu’il traite dans la dernière.
Mais telles n’ont point été les conditions de la réponse qui lui a été
faite. P ou r établir qu’il existait dans le testament du sieur Lavergne
autre chose qu’une prohibition d’aliéner, nous avons été obligés de
prouver que ce testament renfermait une véritable substitution, et,
par suite, d’en démontrer les caractères cl l’étendue. Nous pourrions
donc nous en référer à cette partie de la défense présentée dans les
intérêts des héritiers du sang, et si nous passons à un examen spécial
de cette partie.de la discussion do nos adversaires, c ’est avec l’in
tention de choisir dans leurs arguments ceux qui appartiennent
d’une manière plus spéciale à celle nuance de la question.
�—29—
Jl
Leur argumentation sur cc point n’a qu’ un seul b u t , celui
d’établir que l'hypothèse des deux degrés suffit pour expliquer les
(ormes dans lesquels la substitution est conçue et assurer l’exécutiou
de cette partie du testament.
T
Nous avons déjà prouvé que les vues du testateur embrassaient
un avenir sans limites et l’esprit général de ses dispositions viendrait
ici protester , s’ il était nécessaire , contre le sens forcé que l’on
voudrait attacher à la lettre du testament. Mais la lettre et l’esprit
sont dans une harmonie parfaite à cet égard , comme il nous sera
facile de l’établir dans quelques rapides observations.
Les premières doivent porter sur la valeur des termes employés,
et ce qu’il y a de plus sûr, c’est de nous attacher à la définition
judiciaire qui a pu en être donnée. Nous sommes assez heureux
pour rapporter des autorités irrécusables sur ce genre de difficultés
qui présentent toujours un caractère assez grand d’indécision.
L a loi 220 au D . de vetbis significatione s’exprime en ces
termes : liberorum appcllationc nepotes et prœnepotes cœterique ,
qui e x his descendant continentur. Dumoulin applique «à notre
langue et à notre droit français celle signification du 11101 latin ;
c ’est ce qui résulte du passage suivant de son commentaire sur la
coutume de P aris, lit. i er, p. i 5 : « Verbum gallicum, enfant ,
» non est de se restrictum ad primurn vcl ad alium graduui ; sed
» iudiflerenter suppr.nit quovis dcscendenlcs , sicut verbum liberi
» in loge romanà. » E n fin , Ricard fait dans le même sens une
application plus directe de ce mot lorsqu’ il dit : L e mot enfant est
gênerai pour signifier tous les degrés de la ligne descendante ,
ce qui a lie u , soit qu'il s’agisse dem péc/ier Vouverture d ’un
Jidéïcommis , en conséquence de la condition , s ’il décède sans
enfants , ou de donner effet à une substitution au profit des
petits-enfants.
Cela ne veul pas dire que le mol enfants doive toujours s’enten
dre dans son acception la plus étendue, mais bien seulement que
celle acception csi susceptible de tous les degrés , suivant l'intention
�— 3o —
1
^
.
.
.
de celui qui en fait usage ci les circonstances dans lesquelles cet
usage a eu lieu.
Livrons-nous à celte double recherche pour le testament qui
nous occupe. Quel est le premier mot employé par son auleur en ce
qui touche la substitution, c’est celui de descendants : pour en
jouir, dit-il, cl ses descendants après ma mort; voila déjà une
première preuve que la pensée du testateur 11e s’arrête pas aux
premiers degrés. L e mot descendants 11e s’emploie jamais pour in
diquer uniquement les enfants et les petits-enfants ; ce serait lui
donner un sens impropre ; pour que l’expression soit juste, il est
nécessaire qu’elle désigne une longue lignée de personnes issues les
unes des autres , cl qu’elle p a rle , pour ainsi dire , d’un point fort
éloigné pour remonter jusqu’à l’auteur commun, embrassant alors
dans sa généralité , mais seulement dans ce cas , même les enfants
du premier degré ; c’est le mol de la ligne descendante qui corres
pond à celui d'ancêtres, dans la ligne ascendante. O r, nous défions
la vanité la plus ridicule d’oser appliquer celte qualification à l’uïeul
ou au bisaïeul. A in si, des le principe, nous voilà avertis par le
testateur lui-même; il veut étendre scs bienfaits sur une race tout
entière. C ’est donc dans le sens de cette première expression et
dans le sens conforme de la définition admise par les autorités citées
plus haut qiie l'auteur du testament continue en ces termes : lui et
ses enfants après lui, c’est-à-dire nepotes et prænepotes , cœ teri(jue qui e x eo descendebunt L ’explication qui suit immédiate
ment , de génération en génération , vient compléter la conviction
à cet égard. Celle locution est, en effet, des plus énergiques et ne
s’emploie jamais que pour indiquer une longue succession de per
sonnes ou de choses. Elle a passé dans le langage familier; chacun
de nous peut eu trouver cent exemples pris dans les habitudes de la
conversation et s’assurer , par lui-même, de l’étendue presque in
définie qui s'attache toujours à cette manière de s’exprimer. C ’esi
dans ce sens que les écriture? saintes entendent ces mots, de siècle
en siècle , qu’elles huit.suivre d’une si énergique explication. Il
n’existe qu’une différence, c’est que l’une de ces locutions s'applique •
�— 3 1 —-
«•tu cours du temps, l’outre à celui de l'humanité ; mais elles n’en ont
pas moins l’ une et l’autre un caractère biblique, qui doit conserver
à ces expressions toute leur force, lorsqu’elles se retrouvei.t sous
la plume d’ un prêtre.
L e mémoire du sieur Ronchy ne peut opposer sur ce point
qu’ une objection grammaticale que nous sommes obligés de repous
ser , d’abord au nom de la grammaire elle-m êm e, et pour le main
tien de scs règles. De ce que le mot génération est pris au singulier,
on v e u t conclure qu’il ne s’agit réellemçnt que de deux générations,
dont l’une serait indiquée par le premier emploi du mol génération,
et l’autre par le second emploi qui en esl fait; pour aller au-delà,
le mémoire eût exigé le pluriel. L e pluriel! lorsqu’ il s’agit d’indi
quer un ordre successif, le passage d’une chose à l’aulrc ! Mais
c ’eût été une faute gro ssiè re , en contradiction manifeste avec les
faits que l’on veut exprimer. Plusieurs générations ne succèdent
pas immédiatement à plusieurs générations, elles se suivent une à
une , dans l’ordre des temps, et pour aller de la première jusqu’à la
plus reculée, c’est toujours l’ une après l’autre qu’il faut les prendre;
c ’est donc au singulier que doivent se faire toutes les énonciations
de celle nature et jamais peut-être un plus long avenir n’a été prévu
ou annoncé que par ces mots : de génération en génération.
L a cour exigerait-elle une preuve de plus; qu’on veuille bien se
rappeler qu’une des conditions imposées par le testateur au léga
taire du domaine de Longevergne était d’abandonner sou nom pour
prendre le nom de son bienfaiteur. L e domaine cl le nom étaient
deux choses attachées l’ une à l’autre cl dont les destinées se con
fondaient dans la pensée de M. l’abbé Lavcrgne. Esl-cc à Ronchy
seul qu’il impose l’obligation de prendre et porter le nom de L a vergne? Est-ce uniquement à ses (ils ou à scs petits-fils? Non , c’cst
à sa postérité, à scs descendants garçons et Jilles. Comme la pos
session du domaine doit suivre celle du nom , c’est donc à sa pos
térité qu’il transmet l’un cl l’autre. Il est impossible que celte charge
de conserver cl de rendre soit censée ne plus exister après le second
�degré; c’est une prétention contraire au texte du testament , cl la
cour sait déjà qu’elle est encore plus contraire à son esprit.
QUESTI ON
SUBSIDIAIRE.
L e titre même de cette partie de mémoire détermine nettement
la position acceptée par les auteurs pour la dernière question dans
laquelle ils se réfugient. Ce titre suppose en cflet que les questions
principales ont déjà été décidées dans le sens contraire aux préten
tions de Rouchy. l.a qualité de légataire universel ne lui a pas
été attribuée p a r le testament, ou bien dans tous les cas, le legs
universel se trouvant entaché du mente vice que le legs particuliçr, la substitution fid éi commissaire n'en existe pas moins avec
tous scs caractères juridiques ; elle embrasse la descendance
entière du sieur Rouchy sans limitation ci un degré spécifié , et
ne peut être retenue dans les limites de la substitution légale ;
mais dans ce cas même, à en croire nos adversaires, la nullité ne
commence qu'avec la prohibition , et les tribunaux doivent dis
tinguer : annuler la disposition dans sa partie qui concerne les
personnes appelées ¿1 un degré prohibé , la maintenir à l'égard
de celles qui se trouvent ci un degré où la substitution est p e r
mise. Cette prétention , que l'on cherche à appuyer de l’exemple
des lois anciennes , suppose nécessairement l'impuissance d’appli
quer l’art. 89G aux dispositions qui rentrent dans le cas prévu par
la loi du 17 mai 18 2 G , lors même que ces dispositions excéde
raient les limites fixées par cette loi elle-même. C ’est prononcer en
un mot l'abrogation au moins partielle de cet article si important
île noire droit civil. Celle décision csi-clle admissible? ¡Nous
sommes loin de le penser cl nous espérons pouvoir porter jusqu'à
l'évidence la démonstration qui nous reste à faire sur ce point.
La question ne se présente pas seulement à propos de la loi du
1 7 mai 182G , (îl longtemps avant la publication de ce dernier acte
législatif, ou s’était déjà demandé si la clause ¡m iaule de l’art. 89G
�-
33 -
qui annule toute disposition portant substitution fidéi-commissaire,
pouvait être appliquée au cas ou une substitution faite suivant l’es
prit des an. 1048 et 1049 du code civil lui-mcnie, aurait dépassé
toutefois les bornes fixées par ces articles. Le mémoire publié pour
Iîoucfiy indique suffisamment que ses signataires avaient souvenir
de cette circonstance, mais ils regardaient la solution de la ques
tion agitée p a r eu x comme <Jouteuse sons les principes rigoureux
de l’article 8gf> du code civil, qui prohibait toute substitution et
qui annulait la disposition principale même à l'égard de dona
taire et de légataire, (p . 2G.)
C ’est là sans doute le motif qui les a empêchés d’examiner à ce
point de vue la question qu’ils ont mieux aimé porter sur le terrain
de la loi du 17 mai 18 26. Nous ne pouvons cependant restreindre
notre discussion à cette dernière partie, parce que l’ un de nos con
tradicteurs a repris dans la plaidoirie la thèse abandonnée dans le
mémoire , qu’au fond la loi du 17 mai 182G se confond pour nous
avec l’art. 8 g Sd u code civil,et que la décision pour la difficulté qui
nous occupe doit rester la même sous l’empire de deux législations
émanant des mêmes principes.
Nous allons donc examiner d’abord la question avec les termes
du Code civil, et par rapport aux articles
1048
et 1049 de ce Code.
Une’ premicre observation se présente à cet é g a r d , c’est qu’il ne peut
être dans ce cas nullement question de l’abrogation do l’art. 89G
comme dans le cas où il s’agit de la loi du 1 7 mai 1S26. Ces dispo
sitions du Code civil appartiennent au même titre, elles ont été
publiées en même temps . et pourraient tout au plus présenter
entre elles quelque opposition ou quelque antinomie. Il sera fa
cile de démontrer plus tard comment elles s’accordent et peuvent
trouver une exécution facile et simultanée; il convient d’examiner
avant tout le système qui nous est opposé.
Nos adversaires invoquent la maxime utile p er inutile non
vitiutur; mais il faudrait préalablement prouver que la substitution
faite au-delà du premier degré n’est qu’ une clause inutile, à laquelle
5
�¡¿tlai*loi n'attache aucun caractère réprouvé
34 par elle ; c’est là précisément
en quoi consiste la question , et l’invocation de la maxime rappelée
plus haut n’est qu’une véritable pétition de principes.
E lle ne peut donc dispenser nos adversaires d’examiner avec
nous les motifs de l’exception en vertu de laquelle une substitution,
que la loi déclare nulle au-delà du degré fixé par elle, ne devait
pas entraîner la nullité de la disposition principale dont elle fait
partie. L e C o d e , disent-ils, n’a point, en ce c a s , prononcé la
nullité de toute la disposition. C ’est encore là décider la question par
la question. Si l’on s’arrête aux termes isolés des art. 1048 et
io /j Q,
nos adversaires pourraient donner peut-être une apparence spé
cieuse à leur aflirmalion sur ce point; mais est-ce ainsi qu’il faut
procéder?
Une erreur de fait en quelque sorte sert de base à leur raisonne
ment. Ils semblent croire que la nullité de la substitution faite audelà du premier degré est prononcée par les articles que nous
examinons; il n’en est point ainsi. Que l’on pèse les termes dans
lesquels ces articles sont conçus, et il sera facile de se convaincre
qu’ils ne prononcent directement aucune nullité ; ils valident dans
les cas pour lesquels ils interviennent les donations par actes entre
vifs 011 testamentaires faites avec la charge de rendre aux
enfants du donataire , cm prem ier degré seulement ; ces dernières
expressions supposent une nullité préexistante en ce qui touche les
degrés inférieurs, niais elles ne la prononcent pas. Où donc est
écrite cette prohibition? Dans l’art. 8 9 6 , qui relié ainsi étroitement
aux art. 1048 et 1049 , proclame le principe, tandis que ces derniers
articles introduisent l’exception.
E n cilet, rappelons-nous les circonstances dans lesquelles sont
intervenues les dispositions qu'il s’agit d’ interpréter. Tout ce qui
avait trait aux substitutions avait été effacé de nos codes sous le ni
veau de l’égalité révolutionnaire ; la loi du
octobre 1 7 9 2 s’était
contentée de déclarer toutes substitutions abolies, sans autre com
mentaire que celui des événements au milieu desquels cette abolition
était prononcée.
�— 35 —
C ’est en l’an 1 1 qu’eut lieu la révision de cclte matière au sein
du conseil d’état ,
destiné à être
bientôt une des principales
institutions de l’empire qui se préparait. A cette époque transitoire,
il y a , sur cette matière, plus que sur toute autre transaction entre
les idées qui dominaient encore et celles dont on voulait assurer le
triomphe prochain. Cette double tendance, on pourrait dire cette
double nécessité, sc retrouve évidente dans l’ensemble des discus
sions remarquables qui ont eu lieu sur cclte grave question. C ’est
ainsi que les dispositions prohibitives de la loi de 17 9 2 ont été
proclamées de nouveau comme principe général, en tète de l’art.
8 9 6 , tandis que les dispositions contraires doivent être considérées
comme purement exceptionnelles et restreintes rigoureusement aux
cas qu’ elles ont prévus. Tout ce qui est en dehors tombe nécessai
rement sous l’empire de la règle commune. Tel est le sens du mot
seulement, employé par les art. io/{8 et 1049. Ils ne prononcent
eux-mêmes aucune nullité pour les autres cas de transmission avec
la charge de rendre, parce que le législateur savait très bien que
cette nullité avait été prononcée par lui de la manière la plus abso
lue dans l’art. 896.
Cette vérité ressort toute puissante du rapprochement des textes;
elle devient irrésistible par l’examen des discussions où se sont éla
borés les principes admis dans notre code civil. L à une discussion
unique a eu lieu , et elle a porté en même temps sur l'article 896 et
les art. 1048 et suivants. Ils forment la mémo pensée législative
chargée de donner satisfaction à tous les besoins du moment sur la
matière; c’est un tout indivisible qui n’a pas élé divise dans la dis
cussion prépatoire par le législateur cl ne peut être divisé dans scs
résultats par le pouvoir chargé de faire l’application d e là loi.
L ’art. 89G n’admet aucune exception, pas plus dans la disposi
tion principale ainsi conçue, les substitutions sont prohibées , que
dans sa disposition secondaire , ayant pour but d’annuler, à l’égard
de toutes les parties, toute disposition faite à la charge de conserver
et de rendre à un tiers. Si cet article était resté la règle unique de
la matière, aucunes dillicüllés ne pourraient évidemment s’élever
�Is 6
_
3« -
dans son application; non seulement les substitutions du second et
du troisième degrc seraient nulles, mais elles devraient aussi entraî
ner la nullité d elà disposition toute entière. Quel changement peut
donc résultera cetég crd d es termes des art. 1048 et >049? un seul :
celui qui consiste à excepter de la prohibition générale les dona
tions faites à la charge de rendre aux enfants du donataire, au
premier degré seulem ent ; mais cette exception doit cire restreinte
aux cas qu’elle spécifie, c’est ce qu’ indique l’expression seulement ,
employée dans l’article. C ’est, au reste, ce qui résullc de la na
ture des dispositions elles-mêmes et des principes qui règlent le
domaine du droit général cl celui du droit exceptionnel.'
Quelles sont les autorités citées à l’appui de l’opinion con
traire? Elles sont fort peu nombreuses; identiques dans leurs
moyens elles doivent également tomber devant la même réfutation.
M . Toullier a écrit sur la question une opinion qui paraît ne pas
avoir clé de sa part l’objet des méditations approfondies que le sujet
comporte. 11 l’exprime en quelques mots, comme en passant, et
l’appuie seulement sur les deux motiis que nous avons déjà réfutés;
le i ' r consistant à dire que le code n’a point prononcé la nullité de
toute la disposition lorsqu’il s’agit d’ une substitution fidcï-commissaire prolongée au-delà du degré légal; le deuxième tiré de la
maxime utile par inutile itou vitiatur. INous croyons avoir
démontré sufiisamment ce que de semblables arguments présentent
de futile et d’irréfléchi ; nous n’y reviendrons pas. Q u’il nous soit
seulement permis d’opposer à l’opinion de M. Toullier sur les art.
1048 et 1049 l’opinion de M. Toullier lui-même sur l’art. i o 5o du
même code.
On sait que ce dernier article avait pour but d’empêcher que la
charge de rendre put avoir lieu au profit d’un seul des enfants du
grevé ; il déclare donc que les dispositions permises p a r le s deux
articles précédents, ne seront valables qu’autant que la charge de
restitution sera au profit de tous les enfants nés ou à Huître. M.
Toullier pense qu’ une disposition faite à 1111 seul des enfants serait
nulle en totalité , c'est- à-dire que la charge de rendre 1i un ou
�1
^7
plusieurs enfants ne serait pas seulement invalide , mais encore
la donation directe fa ite au donataire ou au légataire grevé
( Toullier t. 5 , n° 7 2 8 ).
Après avoir professé de tels principes , c’est cependant dans 1«
il" qui suit immédiatement que M. Toullier change de langage et
de décision lorsqu’ il s’agit d’apprécier les résultats de la nullité qui
aurait pour cause l’obligation de conserver et de rendre au-delà
du premier degré.
Pourquoi cette distinction? Les articles io/J8, 1049 et i o 5o ne
sont-ils pas dans le même chapitre? Ne font-ils pas les uns et les
autres partie d’ un ensemble de dispositions intervenues sur la môme
matière, et soumises aux mêmes règles. Si les premiers échappent à
l’application de l’art. 89G, il doit en être de môme pour le dernier.
Nous irons même plus loin à cet égard et nous dirons q u e, si c e 1
argument de l’auteur, consistant à dire que le code ne prononce
point dans ce cas la nullité de toute la disposition , pouvait avoir ja
mais quelque chose de spécieux, ce serait dans l’cspcce de l’article
i o 5o ; car cet article prononce lui-mème la nullité à apprécier , et
il 11c s’explique point sur les conséquences qui peuvent atteindre la
disposition faite en faveur du donataire ; tandis q u e la nullité qui
frappe les substitutions du second degré et des degrés subséquents
a son origine ailleurs, dans les prohibitions générales de l’art. 89G
lui-même , et qu’ elle doit participer nécessairement à toutes les ri
gueurs qui lui servent de sanction.
Il est vrai que RI. Toullier donne un autre motif à la sévérité
qu’il déploie en ce qui touche la nullité prononcée par l’art. i o 5 o ,
dans le cas où la substitution ne serait pas recueillie par tous les en
fants du g re v é ; une pareille distinction , dit-il, ne pourrait être
fa ite que dans d is vues d'orgueil que la loi réprouve. Est-ce qu’il
Ii’y a pas un orgueil aussi grand à vouloir perpétuer une fortune
immobilière dans sa famille , de génération en génération? Est-ce
tpie l’on ne retrouve pas dans ce mode de substitution, et au plus
haut c h e f, toutes les raisons d’ordre public qui doivent la faire
prohiber comme la plus désastreuse de toutes? L ’aflinnative ne
�¡¿b*
-
38
-
pcul être douteuse. Cette contradiction d'avis prouve évidemmeni
que l’auteur s'est laissé entraîner à exprimer sur la question dont il
s’agit une opinion superficielle, cl la manière dont il a décidé celle
dont il s’est occupé en premier lieu, doit faire penser qu’un examen
plus approfondi l’ eùl ramené sur toutes les questions de même na
ture aux véritables principes de la matière.
L a cour connaît du reste les motifs qui ont fait introduire dans le
cod e, à la diflerence de ce qui existait dans les lois anciennes, une
prohibition qui frappe de nullité la disposition entière à raison de la
nullité dont se trouve frappée dans certains cas la clause de substi
tution. L e législateur s’est proposé un double but; il a voulu don
ner une sanction pénale à des défenses toujours éludées jusqu’à lui;
il a pensé que la donation faite sous la charge de rendre formait un
tout indivisible, en-dehors duquel on courrait le danger de ne plus
retrouver la volonté du donateur ou du testateur, et qu’il était im
possible de maintenir un acte semblable dans cet état d’altération
présumée. (M erlin, dict. de jurisprudence verb. substitution,
t. j*r, v. 1 4 . — pages 52 et 522 .) Ces deux motifs de la loi s'appli
quent aux substitutions du second et du troisième de g ré, avec plus
d’évidence et de justice qu’à toute autre disposition iïdci-commissaire.
Que la Cour veuille bien faire elle-même l’expérience de cette
application, cl elle restera convaincue qu’il n’existe pas sur ce point
de la cause une seule considération de nature à justifier un système
qui aurait pour résultat de soustraire à la sanelion pénale de l’art.
896 les substitutions les mieux caractérisées et les plus dangereuses,
celles en un mot que la loi a voulu atteindre par-dessus toutes.
Les mêmes raisons de décider peuvent-elles s’appliquer à la loi
du 17 mai 1826? Sans nul doute en ce qui concerne le plus grand
nombre d’entre elles , et pour arriver sous ce rapport a une dé
monstration complète , nous n’avons qu'une chose a faire , c’est
d'établir que la loi de 182G, fondée sur le même principe que les
art. 1 0 .'|8 cl 1049 i>’a fait autre chose qu’en étendre les dispositions
à un plus grand nombre de cas sans en changer le caractère.
�^9
Pour accepter celte v é rité , il suffit de lire attentivement les dispo
sitions de nos deux lois. L ’ intention du législateur est évidente, il
n’a entendu que modifier les articles du Code sur certains points ,
en les maintenant sur d’autres, et en laissant les dispositions nouvelles
comme les anciennes sous l’empire du droit commun de la matière.
L e projet de la loi du 17 mai 1826 renfermait, outre la disposition
relative aux substitutions, une disposition trcs-gravc qui fut rejetée
par les chambres, et qui tendait à créer un prcciput légal et obliga
toire en faveur de l’aîné miile de chaque famille placée dans de
certaines conditions de fortune. L ’ esprit qui avait inspiré celte
double mesure législative ne peut être douteux ; elle avait pour
but de reconstituer et de conserver en France des fortunes territo
riales propres à constituer une aristocratie nouvelle. Ce fut un des
actes les plus expressifs de la pensée qui dominait le gouvernement
, à cette époque , et l’on peut se rappeler encore combien furent
v ives les oppositions soulevées contre cette tentative. L e g ou ver
nement fut donc obligé d’agir comme celui de l’an II , et par des
motifs tout-à-fait analogues, il fit des concessions pour en obtenir.
L ’article relatif au droit d’aînesse disparut de la l o i , et l’on prit tous
les moyens d’amoindrir autant que possible fes autres modifications
introduites dans la partie si importante de notre Code civil sur les
substitutions.
C ’est ce qu’explique ires-bien le premier exposé des motifs de la
loi présentée d ’abord à la chambre des pairs, et qui est conçue en
ces termes :
« Ainsi, Messieurs, modifier les art. 10 4 8 , 1 0 4 9 0 1 i o 5o du
» Code c i v i l , et quant aux personnes seulement, étendre, mais
» seulement d’un degré, l’exercice de la faculté qu’ils accordent;
» permettre l’excrcice de cette faculté à toute personne ayant la
* capacité légale de disposer de ses biens; permettre aussi.qu’on
* en fasse usage au profit d’un ou de plusieurs enfants du donataire,
» au lieu d’exiger que la donation comprenne tous ces enfants ;
» mais en même temps ne rien changer à ce qui est déjà fixé pour
�» les biens; maintenir les bornes données à la quotité disponible, et
» renfermer dans ces bornes la liberté accordée aux donateurs et
» aux testateurs : lel est évidemment l’un des moyens les plus efTi» caces de favoriser la conservation des biens , sans choquer les
». mœurs et sans changer les bases de notre législation. »
T el est aussi le sens de cet antre passage pris dans l’exposé des
îuotils présenté à la chambre des députés :
« C ’est encore pour cela qu’on a jugé qu’il su disait de modifier,
» en mi petit nombre de points, les articles 1048 et «049 du Code
» civil, et qu’on devait se borner, i ° à rendre la faculté de substi* tu e r , à toutes les personnes qui ont la capacité légale de disposer
» de leurs biens ; 2# à ajouter un second degré au premier déjà
» établi p a r l e C o d e ; enfin à permettre d'appeler indifféremment
» un ou plusieurs enfants du g r e v é , selon la volonté de l’auteur de
> l’institution.
k T e l est, en effet, le projet de loi que nous soumettons à votre
» examen; telles sont les modifications qu’il a paru nécessaire de
» faire subir à cette partie du Code civil. *
L ’identité apparente de ces diverses dispositions législatives avait
semblé telle à tous les esprits, qu’ un magistrat qui faisait partie de la
chambre des députés , crut devoir proposer l’abrogation des art.
io/jS cl io.jg du C o d e , pour y substituer la loi nouvelle, et que M.
le garde-des-sceaux vint réclamer le maintien simultané des deux
lois, parce qu’elles n’étaient ni complètement différentes, ni com
plètement identiques entre elles. On lit dans sa réponse cette
phrase remarquable oii se trouve résumée en peu de mots toute la
vérité sur la question spéciale qui nous occupe : C elte disposition
est si loin d ’abroger les d eu x articles, qu’elle s ’appuie sur eu x ,
qu ’elle part de cette base pour s ’étendre plus loin qu'ils ne le
Jnnt eux-mernes.
La première conséquence à tirer de tout ce qui précède, cYst
que la loi du 17 mai 182G a été ramenée aux principes du Code
i
�—
4I
—
-Á ty
civil, qu’elle n’a entendu faire autre chose qu’étendre les disposilions
exceptionnelles que le premier législateur y avail déjà déposées et
que j devenue ainsi en quelque sorte partie intégrante du Code luim e m e , clic doil être soumise aux règles générales qui dominent
scs disposilions. O r n o u s savons déjà, qu’en matière de substitu
tions , le principe adopté csl celui qui est écrit dans l’art. 896, au
quel on doit conserver louic sa force.
L a seconde conséquence c’est que la loi de 18 2 6 n’a prononcé
contre cet article ni abrogation expresse ni abrogation tacite. E lle
soustrait à son empire les exceptions qu’ elle crée dans le sens et
l’esprit des art. 10 48 et 1049, mais tout ce qui csl en dehors de ces
exceptions nouvelles tombe sous le coup de la prohibition de l’art.
896 du code c i v i l , comme y tombaient, avant les modifications
qu’il a reçues en cette partie , tous les cas qui n’étaient pas compris
an nombre de ceux plus restreints formant les exceptions du code.
L e rnémoir.e publié dans l’intérêt du sieur Rouchy nous semble
contenir des raisons bien faibles en opposition de celles qui viennent
d’être développées. 11 donne pour tout motif à l’art. 89G , sur le
quel s’ est livrée une lutte si grave entre des régimes que les é v é
nements mettaient de nouveau en présence , Vintérêt des 'transac
tions commerciales et la plus grande fa cilité des 'ventes. Soit T
nous voulons bien raisonner dans cette hypothèse; mais que con
clure de ce fuit? L es législateurs de 18 2 6 avaient apprécié au
trement les intérêts de ces transactions ; ils ont aboli l’art. 8f)G
et la prohibition qu’il prononçait; la clause pénale de cet article
a dû disparaître avec la prohibition qui en était la cause. C es
sante causa, cessât ejjectus.
11 est superflu de signaler à Fatteiuion de la cour la forme de cc
raisonnement, réprouvée par l’école elle-même. 11 repose tout en
tier sur des inductions tirées d’une des propositions qui le consti
tuent à celle qui suit cl qui sont toutes contestables. Ainsi, il n’est
pas exact de dire dans le sens absolu du mémoire que les d eu x
législateurs ont apprécié différemment les intérêts des üansac0
�- ^ “
lions ; cela est vrai en cc qui touche le deuxième degré défendit
¿»y*
par le prem ier, autorisé par le second. Tous les deux retombent
d’accord sur le troisième degré, et comme la prohibition commence
à cc point pour l’un et l’autre , elle doit entraîner également sous
l’empire des deux lois toutes les conséquences pénales qui lui ser
vent de sanction. On pourrait prendre ainsi chacune des supposi
tions que nous venons de rappeler, et constater successivement la
fausseté de chacune d’elles et le défaut de rapports qui vicie leur
ensemble; mais il suflit d’avoir fait l’épreuve sur une seule pour les
avoir infirmées toutes.
Il
reste encore un argument contre lequel nous avons réservé
nos derniers efforts parccqu’il présente une apparence plus spécieuse
que les autres. L a loi du 27 mai 1 8 2 6 , disent nos adversaires ,
nous a ramenés complètement aux dispositions des ordonnances de
1 56 o et de 1 747 * Or, le plus savant commentateur de celte dernière
l o i , Thévenot Dessaules nous apprend que la nullité d’une'substi
tution au 5 e degré n'avait d’autre effet que de laisser les biens
substitués libres dans les mains de celui qui avait été appelé au
second degré. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui sous une
législation analogue
D ?
Deux réponses sc présentent et qui sont toutes deux également
décisives : la première c’est qu’aucune des lois antérieures n'avait
attaché la nullité de toute la disposition à celle de la clause fidéïcommissaire, et que cette différence capitale entre les deux légis
lations explique les motifs qui devaient faire valider cette disposition
dans le premier cas, tandis qu’elle doit être annulée dans le dernier.
Nous répondrons en second lieu que les termes des deux légis
lations peuvent bien être les mêmes en cc qui touche les résultats ,
mais qu'elles ont l’une et l’autre un point de départ bien opposé et
procèdent de principes tout différents.
Quel était en effet le droit commun en cette matière sous l’empire
de l'ancienne législation ? C’était celui de la liberté la plus complète
en fait de substitutions. Les ordonnances de i 56’o et 1 «7.-f7 avait eu
�-
43 -
Â
pour but de les restreindre, comme il est facile de s’en convaincre
en lisant leur préambule; l’exception à cette époque consistait dan»
la prohibition, et Thévenot Dessaules, s'expliquant à cet égard
dans l’ouvrage invoqué contre nous , dit en termes formels , chnp.
4 , p. i r" , que les jidùï-commis sont optirni ju iis , en sot ie que
tout s ’y interprète et tout s’y juge de la manière la plus fa v o
rable.
Nous avons déjà établi que, depuis 1792 , c’est le principe con
traire qui a prévalu. 11 est écrit comme règle absolue et générale
au titre de l’art. 89G du code civil. La faculté de substituer forme
l’exception ; elle est stricti juris et doit être renfermée dans ses
termes les plus rigoureux.
L a conclusion de ces prémisses se déduit d’ elle-mème ; tout ce
qui était douteux ou obscur sur l’ancienne législation devait s’ inter
préter suivant l’esprit des ordonnances dans le sens favorable au
maintien de la substitution , tandis que sous l’empire de la loi nou
v elle, il faut interpréter contre elle tout ce qui peut donner lieu à
interprétation.
L a loi ne s’explique-t-elle pas d ’une manière formelle sur le
sort d’une substitution permise qui se trouve mêlée à une substi
tution faite pour un degré défendu ! C ’est le droit commun de la
matière qui doit être appliqué à défaut d’une disposition spéciale,
et nous savons que le droit commun des deux époques nous conduit
à des résultats tout à fait contraires : le maintien de la substitution
pour la première et sa nullité pour la seconde.
T els sont précisément les termes de l’cspccc créée par le testa
ment soumis à l'appréciation de la Cour. L ’abbé Lavergne pouvait
donner à son neveu en lui imposant la charge de rendre à scs enfants
jusqu’au second degré ; enfermée dans ces limites, l’institution eût
été valable , puisqu’elle se fût trouvée conforme aux dispositions
exceptionnelles de la loi du 17 mai 1 8 2 6 ; mais le testateur a tait
p lu s, il u imposé à tous ses successeurs de génération en génération
�•
~ 44 —
l'obligation de conserver et de rendre l'immeuble qui 11e devait
jamais sortir de la famille; c’est là une disposition inadmissible, une
clause que toutes les parties s’accordent à considérer comme nulle.
L a seule difficulté est d’apprécier la conséquence juridique de cette
nullité.
Sous l’empire des ordonnances de 15 7 0 et 17 4 7 la disposition
principale eût été valable , la substitution eût également produit scs
effets jusqu’au second degré inclusivement. Nul doute à cet égard ;
nous en avons dit les motifs. D ’une part ces ordonnances ne p ro
nonçaient en aucun cas la nullité de la disposition entière; d’autre
part elles avaient admis pour droit commun de la matière la validité
des substitutions. O r , les deux principes contraires sont écrits dans
la loi nouvelle, et un raisonnement analogue doit nous conduire à
une décision complètement opposée, la nullité de la disposition
principale elle-m êm e. Loin d’èlre défavorable à notre cau se,
l’exemple tiré de la législation ancienne vient donc lui prêter un
appui nouveau et inattendu.
INous ne connaissons aucun arrêt qui ail décidé formellement la
question soulevée; mais un grand nombre sonl intervenus depuis la
loi de 1 8 2 6 , étions ont appliqué l’article 89G du Code civil sans
exprimer un seul doute sur le maintien de ses dispositions. On petit
consulter le plus récent rendu par la Cour d’appel de Pau , le 2
septembre 1 8 4 7 , et qui est rapporté dans le recueil de Syeis, tome
4 9 , page i q 3 ; 011 y verra que la Cour y vise plusieurs fois la loi
de 182G , qu’elle puise dans les motifs de celle loi un moyen de
nullité pour le cas dont elle s’occupe , et que cependant elle n’hésite
pas à prononcer en même temps la nullité de la clause de substitu
tion et celle de la disposition principale.
Parmi les auteurs qui se sont occupés de la question, M. Tonllier
seul a exprimé une opinion-contraire et que nous avons déjà réfutée.
Une noie qui se trouve au 5e volume de la dernière édition du
Traité des Donations, de M. G re n ier, rappelle cette opinion et s’y
range; mais elle est évidemment écrilc sous l'influence exercée par
le nom du premier jurisconsulte sur l'esprit de l’auteur, M. Ancdot,
�— 45 —
tyf
jeune magistral de grande espérance , que les événements politiques
om rendu au barreau.
Les autres auteurs sont unanimes dans le sens de l’opinion déve- '
loppée par nous. On peut consulter avec utilité Rolland de Villargues, Vazeille, Dalloz, Coin de l’Isle et surtout Duranton, tom. 8,
n° 5 i. L ’espril et le texte de la nouvelle législation , la doctrine et
la jurisprudence, tout s’élève donc contre l’étrange prétention de
nos adversaires. La loi du 17 mai 1826 était en opposition avec les
mœurs de notre époque et de notre pays ; il n’a été fait aucun usage
de la faculié nouvelle qu’elle avait introduite; elle était en quelque
sorte frappée de désuétude, lorsqu’ une mesure récente est venue
prononcer contre elle une abrogation formelle ; comment pourraiton reconnaître à une loi aussi éphémèrp la puissance d'avoir effacé
de nos codes le principe en vertu duquel les substitutions avaient
été abolies? La cour 11e saurait accorder la sanction de scs arrêts à
une semblable doctrine.
Nous venons de parcourir dans. toute son étendue le 'ce rc le où
110s contradicteurs avaient eux-mêmes renfermé la discussion , et
nous pensons n’avoir laissé sans réponse aucune des objections sé
rieuses élevées contre le système adopte par les premiers juge.«.
Dans une cause de cette nature, les principes ont une importance
telle qu’on hésite à placer à côté du grand intérêt public de leur
conservation des motifs puisés dans des considérations d ’intérêt
personnel et de justice privée.
Mais s’il est des cas où l’on puisse se montrer moins scrupuleux
à cet égard , c’est surtout à propos des affaires où , comme dans
celle-ci , l’intérêt de la famille vient se confondre avec celui de la
société. Nous avons démontré en fait que l’abbé Lavergnc n’avait
été déterminé dans son choix pour Rouchy , qu’à raison des motifs
que la nullité des clauses de substitution doit anéantir. Ses affections
l’eussent dirigé d’un autre côté , et l’exécution de son t e s t a m e n t ,
réduite à la disposition principale, n’est plus conforme à sa volonté
réelle, on pourrait même dire à sa volonté exprimée. Celle exécu
tion serait-elle au moins plus conforme aux principes d ’un régie-
�.
m ent sage et équitable pour la distribution de la fortune de l’abbé
L a v ergne entre tous ceux que la loi et la nature appelaient à la
recueillir? On doit avouer que non ; si le testament s’exécute, quel
spectacle va nous offrir la famille de l’abbé L avergne? Un de ses
membres, appelé subitement d’une humble position à une grande ri
chesse, deviendra seul opulent au milieu de ses parents les plus
proches, réduits à l’état de besoin et de domesticité que de mauvais
sentiments une position semblable peut faire naître dans le cœur de
tous! Si au contraire une répartition plus égale pouvait faire parvenir
à chacun d’eux une partie de ce patrimoine trop riche pour un s e u l,
de meilleures dispositions pénétreraient dans chaque famille avec une
aisance plus grande. L e sieur Rouchy serait encore un des mieux
traités dans le p artag e, et son retour aux habitudes de sa vie toute
entière avec des conditions de fortune meilleures , pourrait lui pré
senter plus d'une compensation à un r ève non réalisé d’une richesse
qui ne fait pas toujours le bonheur.
Cette affaire peut du reste se résumer en peu de mots : Le testa
ment de M. l’abbé L a v ergne présente deux parties bien distinctes ;
l’une sacrée et pieu se, elle sera exécutée par les héritiers naturels
avec tous les scrupules de la piété qui l’inspira; l’autre en opposi
tion flagrante avec les mœurs et les lois de notre p ays, nous ne
l’aurons pas en vain dénoncée à la justice de la cour : nous sommes
surs de rencontrer en elle la fermeté de principes contre laquelle
une disposition semblable doit venir se briser.
DUCLOZEL,
SALVETO N,
T A ILH A N D ,
M IR A ND E ,
]
l Avocats.
J
ï
i A vouès-Licenciés
I
R I OM. — A. J O U V E T , I m p r i m e u r - L i b r a i r e , près le Palais.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Diernat, Michel. 1848?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Duclozel
Salveton
Tailhand
Mirande
Subject
The topic of the resource
testaments
prêtres réfractaires
émigrés
indivision
domestiques
écoles
enseignement scolaire
cimetières
fondation d'une paroisse
successions
legs
intention du testateur
substitution
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Michel Diernat, Arnal et autres intimés, contre Jean Rouchy, appelant. Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1848
1793-1848
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
46 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3018
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3016
BCU_Factums_G3017
BCU_Factums_G3019
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53635/BCU_Factums_G3018.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rouen (76540)
Maintenon (28227)
Anglards-de-Salers (15006)
Angleterre
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cimetières
doctrine
domestiques
écoles
émigrés
enseignement scolaire
fondation d'une paroisse
indivision
intention du testateur
legs
prêtres réfractaires
substitution
Successions
testaments
-
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c3836967b3b262ae0490d998b082550f
PDF Text
Text
POUR
J E A N
R O U C H I ,
Appelant,
CONTRE
MICHEL DIERNAT,
Et autres Intimés.
Un prêtre français , q u i , en 1 7 9 3 , s’était réfugié en Angleterre,
pour éviter les poursuites auxquelles l'exposaient sa qualité et son
refus de prêter serment à lu Constitution civile du clergé, a acquis,
loin de son pays , par ses travaux et par son industrie, une fortune
assez considérable.
Rentré en F ran ce, il s’est livré long-temps aux pieuses fonctions de
son ministère s a c r é , et lorsque l’âge et les infirmités lui ont com
mandé le repos, il s’est retiré dans le lieu qui l’avait vu naître , et à
destiné sa fortune entière, moins quelques legs particuliers, au
descendant de l’une de ses sœurs, à Jean R o u c h i, son neveu. Il
�l’a , en conséquence, déclaré son h é ritie r , dans plusieurs parlies
de son acte de dernière volonté.
Mais ce titre d'héritier ou de légataire universel lui a été con
testé par des parents collatéraux, et quoiqu’il eut été reconnu, par
le Président du tribunal, qui l’avait en voyé, à ce titre, en posses
sion de tous les biens de son bienfaiteur, il lui a été contesté devant
le tribunal entier, afin de parvenir à la nullité d’une des disposi
tions principales du testament, que l’on a supposée contenir une
substitution prohibée par la loi.
L e tribunal de première instance de Mauriac a admis ces préten
tions. li a refusé à Jean Rouchi le titre d’héritier de son grand-oncle;
il a considéré et annulé comme viciée de substitution, la disposition
principale faite en faveur de Jean R ou chi, et il en a attribué tous
les avantages
aux nombreux héritiers collatéraux du testateur.
u
Ce jugement blessait trop ouvertement les intentions que le testa
teur avait manifestées dans plusieurs testaments; il interprétait aussi
les lois sur les substitutions d’une manière trop rigoureuse, pour
pouvoir être respecté.
Jean Rouchi en a déféré l’examen aux hautes lumières de la
Cour de R io m ; il espère, il doit espérer une décision plus fa v o
rable, plus conforme à la l o i , plus en harmonie avec la volonté
évidente du testateur.
FAITS.
L e sieur Antoine Lavergne , ancien curé de ¡Mainteiion , dépar
tement d’Eu r-el-Lo ire , était né dans l'arrondissement de Mauriac,
département du Cantal.
Prêtre en 1 7 9 5 , persécuté pour ses opinions religieuses, il (ut
obligé de fuir et de se réfugier en Angleterre. L à , pendant un long
séjour, il acquit, parses soins, par scs travaux , parses économies,
une fortune assez importante.
Rentré en France dans 1111 temps plus prospère, il acquit des pro-
�priétés foncières dans l’arrondissement de ¡Mauriac, et notamment
le domaine de L o n D
" c - V e r"On c et divers autres immeubles.
Averti par son grand â g e , il voulut disposer de sa fortune ; il avait
deux sœurs seulement, ou leurs descendants. 11 fit choix , pour son
h é ritie r, de Jean Rouchi , qui était son petit n e v e u , et que
ce dernier titre recommandait plus particulièrement à sa bien
faisance.
Jean Rouchi n’élail pas marié et ne l’a jamais été :
il exerçait la profession de marchand bottier, en ¡Normandie, où il
avait un établissement, que les bienfaits de son oncle lui ont fait
perdre; en sorte que ces bienfaits, loin de lui être utiles, lui se
raient devenus désastreux, s’il en était privé aujourd’hui.
»
Quatre testaments successifs furent faits, dans la forme olographe,
par le sieur Lavergne ; le prem ier, le 12 octobre 18 5 7 ; le second,
le 20 septembre 18 5 9 ; le troisième, le 9 octobre 1 8 4 2 ; le qua
trième, le 10 août i 8 4 5 ; et dans toutes ses dispositions testa
mentaires, persistant dans ses intentions en faveur de son neveu ,
Jean Piouchi, il le nomme son donataire et son h éritier ,
L e dernier testament doit seul nous occuper.
P ar ce testament , le sieur Lavergne s’exprime ainsi :
« i° J e donne et laisse après ma mort à Jean R ou chi, cor» donnier-bottier à R o u e n , en Normandie , fils d’Antoine R o u c h i,
»
»
»
»
»
»
»
»
mon neveu et filleul, par ma sœur aînée , Jeanne Lavergne, propriétaire à Labastide, commune d’Anglards , le domaine de.
L o n g c - V c ïg n e , la montagne de V c r r ie r r c , et tout le bien que
j’ai acheté de la veuve Brcsson , ma voisine , ainsi que le moulin
avec toutes scs dépendances, maison, prés, terres cl jardin, le tout
situé à Lo n ge -V e rgu e , communes d’Anglards cl de Sl-Vincent,
tel que je l’ai acheté de M. J u g e , Chevalier de la Légiond’IIonncur, avec les fonds que j’ai gagnés si honorablement en
» Angleterre , par mon travail et mes faibles talents , pendant
>> vingt-huit ans d’émigration el de séjour que j’ai fait dans ce ro-
» yamne , pour me soustraire à la hache révolutionnaire qui inon• dait de sang tout Paris et les environs, à la fin de l’année mil sept
» cent quatre-vingt-onze; je lui en fais don pour être entièrement
�A **
-
4 -
» à lui, pour en jouir lui et ses descendants après ma mort, à l’e x -
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
a
»
»
»
»
»
■»
»
clusion de mes autres parents et héritiers. Car telle est ma v o lonlé qu’il en soit le seul et unique héritier, lui , et ses enfants
après lu i , de génération en génération, sous la condition et
l’obligation néanmoins la plus étroite, que tout héritier , possesseur et propriétaire de ce bien , de ce domaine, présent et à
venir, quel qu’ il soit, renoncera à son nom de famille, qu’il
portait auparavant, pour prendre et porter celui de Lavergnc. Il
en fera usage dans tous les actes et les écrits qu’ il passera et
signera pendant sa vie , et le transmettra à sa postérité , a scs
descendants, garçons et filles, qui renonceront au nom de
Ilouchi pour prendre et signer L a v e rg u e j
» a» L e domaine de Lo n ge -V e rgn c ue sera jamais vendu,
échangé, ni morcelé ni grevé de dettes sous quelque prétexte
que ce soit; mais il passera à chaque héritier, à chaque famille,
lel que je l’ai laissé à ma mort; les propriétaires, les possesseurs
de ce domaine seront obligés, à leur m o r t , de répondre des réparafions qu’il y aura à y faire, en le laissant. Chaque successeur
po u rra, en entrant en possession du domaine, demander, par
une visite d’e x p e rls , un dédommagement pour les réparations
» qu’il y aura à faire, pour l'entretenir, et le cultiver et l’exploiter.
Telle est la disposition principale de ce testament.
L e testament contient aussi diverses autres dispositions secon
daires.
I’ ar l’article 5 , le testateur donne aux D iernat, scs neveux par
sa sœur cadette, Françoise L a v e rg n c , la somme de huit mille
francs à prendre sur le revenu du domaine de L o n g e -V e rg u e , et
payable, dit-il, par Jean Rouclii, mon h é r itie r , en plusieurs
termes, à ceux des enfants Diernat qu’il désigne par leurs noms.
Par l’article 4 , il donne son bien paternel et maternel aux enfants
de Marie Alsac, femme Julliard , à la charge par eux de faire faire
tous les ans un service pour le repos des Aines île scs père et mère.
Par l’article 5 , il donne à Antoine Uouchi, son neveu, la p or
tion des biens paternels du testateur que cet Antoine Rouchi a prise
�.
5
.
.
dans le partage que celui-ci avait fait avec sa sœur aînée.
Par l’article 6 , il dispose de son bien dejLabastidc en faveur de
Virginie Valm ier, femme J u l lia r d , pour elle et ses enfants; et si
elle mourait sans enfants, il le donne, après la mort de celle-ci, à la
fille aînée de Jean llouchi, son neveu. Cette disposition renfermerait
peut être une substitution.
Par l’article 7 , il charge Je u n R o u ch i, son héritier j, est-il
d it, de payer en six ans, 6,000 francs aux enfants de Françoise
lunichy , veuve Arnal.
Par l’article 8, il veut qu c-Jeati R o u c h i , son donataire, renonce
en faveur de sa sœur aînée à son bien paternel et maternel.
Par l’article 9 , il veut que Jean llou elii, en entrant en jouissance
du domaine de L o n g e -V e rg n e , relire auprès de lui , loge et nour
risse son père et scs deux sœurs.
mi,
:
Par l’article 10 , il ordonne que le propriétaire de Longe-Vergne
fasse faire tous les ans, pour le repos-de son àme, 1111 service com
posé d’une grand’messe et de deux messes basses.
Par l’article 1 1 , il lègue à sa domestique une renie viagère de
six cents francs , à prendre sur le domaine de Lon ge-V ergne.
P ar les articles 1 2 et i 3 , il donne aussi à cctie domestique quel
ques objets mobiliers , en chargeant Jean Rouchi de lui payer les
six cents francs, et de lui rendre service tant qu’elle vivra.
Par l’article ¡ 4 , il lègue à l’église d’ Anglards, une somme de huit
cents francs qu’il laissera , dit-il, dans nue. malle qui ne sera ou
verte que par sa domestique, son h éritier, son exécuteur testa
mentaire et deux témoins.
Par l’article i 5 il destine, sur les fonds qu’il a à Paris , (‘>,000 (r.
pour fonder une école de garçons dans la paroisse d’ Anglard.
Par l’article if), il donne à la même paroisse 5 ,000 francs pour
fonder une école de jeunes (¡lies.
Par l’article 1 7 , il donne à la môme paroisse, i , 5oo francs pour
acheter un cimetière, en chargeant Jean R ou chi, son héritier,
d it - il, de payer cette somme à la paroisse dès qu’elle l’exigera.
�jx<)J*
— G —
Par l'article 18 , il s’occupe de ses luncraillcs.
P a r l'article 19 il déclare que le propriétaire de L o n g e - V e r g n e ,
Je a n R ouchi est particulièrem ent chargé et obligé de payer
toutes les dépenses de l’enterrement cl les honoraires des ecclésias
tiques, et de les remercier et de leur payer les dépenses qu’il feront
pour le dîner.
Par l’article 20 il laisse cent écus pour distribuer aux pauvres
qui se présenteront à son enterrement.
Par l’article 21 il fonde, dans l’église d’Anglard , un annuel de
quarante messes pour le repos de son âme.
Par l’article 22 il donne et laisse tons ses meubles à Je a n R ouchi ,
sous la condition qu’il payera aux D ie rn at, scs ne v e u x ,
des
sommes détaillées s’élevant à 1,2 0 0 fr.
Par l'article 2") il donne à l’église d’Anglard , les ornements
d’ une chapelle.
Par les articles 24 , 25 et 26 il donne aux habitants de la vallée
de Lon ge-V ergne cl surtout aux habitants du village de Malaprade,
une somme de i , 5o o f r . pour fonder cl établir une succursale
dans leur village , voulant qu’on donne à cette église le nom de
la paroisse de L o n ge-V ergn e.
P ar l’article 27 il veut que les 1 1 ,0 0 0 fr. destinés à la fondation
des deux écoles de garçons et de filles , les 1 , 5oo fr. donnés pour
l’établissement d’une église , et G,000 fr. qu’il consacre à la distri
bution de 5oo fr. par an au x pauvres d’A n g lard, soient pris sur
une somme de /¡o,ooo fr. qu’il a déposée chez M. Ferrière-Lafitte,
banquier à Paris , et qu’à cet effet, on communique à celui-ci son
testament olographe qui se ra , dit-il, entre les mains de mon
h éritier ou démon exécuteur testamentaire.
Par l’arlicle 28 il donne quelques couverts d’argent à quelquesuns de ses héritiers naturels et à deux curés.
Par l’arlicle 29 il charge Je a n Ilo u c h i} héritier du domaine de
L o n g e -V e rg u e , de payer cent écus aux enfants d’un filleul.
�P ar l'article ,5o il donne au fils aine de Julliard , ce qui lui
resterait dù sur son prix de ferme.
Par l’article 5 i il recommande d’o u v rir, en présence de sa
domestique et.de deux témoins, doux malles qui se trouvent, dans
le cabinet de sa chambre.
Par l’article 32 il prie les personnes auxquelles il pourrait
confier son testament olographe, d’écrire , aussitôt après sa mort,
à Je a n Rouchi, cordonnier à Rouen, en Normandie, mon héritier,
dit-il , de se présenter sans délai pour prendre communication et
copie du testament, afin de pouvoir rég ler ses affaires , et remplir
les obligations auxquelles il aura à répondre ; il sera encore tenu
d ’avertir par un mol de lettre les autres donataires qui auront
quelque chose à réclamer dans ce testament.
Par l’article 35 il prie le curé d’Anglard d’empêcher que per
sonne n’entre dans la maison, dans le château , avant l’arrivée de
Je a n Rouchi ou de quelqu’ un envoyé de sa part et autorisé par
lui.
Par l’article 54 il donne à Jean R o u c h i, deux mille francs à
prendre sur les fonds du gouvernement, pour payer les honoraires
de son enterrement et les droits de mort.
Par l’article 55 il nomme, pour exécuteur testamentaire, INT.
P e rrie r, notaire à Mealct, et charge Je a n Rouchi , mon h éritier,
dit-il , de lui offrir /(oo f’r. pour le remercier de ses peines et de
scs bons conseils, et de lui prouver sa reconnaissance.
E t après avoir pris 5 8 ,ooo ir. sur les fonds du gouvernement
pour remplir les legs mentionnés dans le testament, il donna moitié,
du restant au fils aîné de Julliard et l’autre moitié aux deux filles
aînées de Jean Arnal.
Le testament est ccrit et signé par le sieur Antoine L a v c r g n e , à
L o n g e - V e r g n c , le lo a o û t 1 8 4 5 .
T el est ce testament dont nous avons cru devoir rappeler en détail
les diverses dispositions, pour prouver que le testateur avait disposé
de tous ses biens, qu’il a considéré et déclaré Jean Rouchi son
h éritie r, et qu’il l’a chargé en cette qualité de prendre immédia-
�lomcnt communication du testament , voulant qu’on l’avertisse
¡'t ce titr e . aussitôt après sa mort, pour qu’il puisse régler ses
affaires et.remplir les obligations auxquelles il aura à répondre.
L e sieur Lavergne décéda le 12 août 1 7
•
Une ordonnance de M. Mailhe , juge
à Mauriac et faisant
fonctions de président du tribunal , envoya sur requête , Jean
Rouchi en possession des
biens du défunt, comme étant sou
légataire universel.
Les Diernat et d’autres personnes , notamment les Alsac , se
disant habiles à se porter héritiers du,défunt, formèrent opposition
à celte ordonnance d’envoi en possession.
Mais elle fut maintenue d’abord par un jugement du tribunal de
première instance de Mauriac du 12 janvier 1 8 4 8 , qui ordonna de
plaider au fond, ensuite par un arrêt confirmatif du 5 avril 1849.
Revenus devant le tribunal de Mauriac, les Diernat et les
Alsac ont attaqué le fond du testament.
Par jugement du 2?, août 1 8 4 8 , ce tribunal a décidé 1 8 que le
testament 11e renfermait ni 1111 legs u niversel, ni une institution
d'héritier, qu’en considérant le sieur Rouchi comme légataire
universel du sieur Lavergne et en l’envoyant en possession des
biens, le président du tribunal avait mal interprété ce testament et
que son ordonnance devait être réformée;
2° Que ce testament contenait, par scs art. i*r cl 2e , une substi
tution qui s’étendait au-delà du deuxième degré des descendants
du légataire.
Lu conséquence, il a reçu les Dit ruât, Alsac et consorts,
opposants à l’ordonnance d’envoi en possession du 5 septembre
précédent; au fond, il a déclaré ladite ordonnance nulle‘et de nul
e ffe t , et statuant sur les dispositions des art. » " et a* du testament
dudit sieur Lavergne, il a déclaré les legs qui y étuient contenus
nuls cl de nul effet comme renfermant une substitution prohibée,
a débouté, en conséquence, Jean Rouchi de sa demande cl l’a con
damné aux dépens.
�L e sieur Rouclii a interjeté appel de ce jugement par exploit du
G décembre 1848.
:i,
,,
Cet appel saisira la Cour de Rioin de l'examen de plusieurs
questions d’une grande importance.
Ces questions consistent à décider :
j® Si le sieur Rouclii est ou non l’héritier 011 le légataire universe
du sieur Antoine Lavergnc ;
20 S ’il y a réellement substitution ou si l’ensemble du testament
ne prouve pas que le testateur a voulu moins substituer qu’ interdire
généralement l’aliénation du domaine compris dans sa disposition
principale ;
t/
5° S i , en supposant qu’il y eût substitution , elle ne devrait pas
être considérée comme restreinte aux enfants et pelils-enfanls du
donataire , et par conséquent reconnue valable ;
4° E t subsidiairement, si en la supposant même étendue au
troisième d e g r é , c’est-à-dire aux pelils-enfanls du donataire, elle
r.e devrait pas aussi être maintenue jusqu’au second degré , et
annulée seulement pour le degré ou les degrés postérieurs.
Examinons successivement ces diverses questions.
PREM IÈRE
La
loi déclare valable
Q UE STI ON.
toute disposition tcstamenta.re , ou
universelle , ou à litre universel, ou à lilre particulier , soit qu’elle
ail été fai le sous la dénomination dinstitution d 'h é ritie r , soit
qu’ellc ait été faite sous la dénomination de legs (Code civil, art.
J00 2 ); cet article assimile l’héritier au légataire universel.
O11 sait qu’ un héritier, qu’ un légataire universel succède à ions
les droits comme à toutes les charges du défunt, hercs ju ris
successor e st... et in omne ju s viortui ( L. g , § 12 de h ercd ib ’ts
m stitucndis , L,
de acquit, v e lo n iit hcrcd. )
�O r , l'institution d'héritier a toujours pu se faire de plusieurs
manières : elle se fait en déclarant un tel . ... maitre de toute son
hérédité Totius h œ redilalis m cœ dominus e s to , rectè insti-
tutiofit ( L . 4 8 , M arcian, Lib. 4 insiit. )
Elle se fait aussi quoique plusieurs de ces mots manquent dans
l’expression. Omissio alicitjus vo ca b u li iti heredis institutione
eam non vitiat, dit Pothier , dans son bel ouvrage des Pandectes
(L ib . 28, tit. 5 , de heredibus instituendis , n° 3 2 ) , et l'auteur cite
divers textes du droit romain :
V . G . S i ciiiteni sic scribat,
e s t o
;
licet non adjecerit,
creditnus solus nuncupaturn , minus scriptum.
E t s i ita ,
l u c i u s
e s t o
;
l u c iu s
h e r e s
;
tcintiimdem dicim us.
Ces observations sont fondées sur celle maxime si juste, si
ancienne et si connue même dans le droit nouveau : potms
voluntatem quani verba specturi plaçait.
O r , en parcourant le testament du sieur Antoine L a v e r g n c , il
est impossible de ne pas reconnaître que le testateur a toujours
voulu que le sieur Rouchi fût son seul héritier, c’est-à-dire sou
légataire universel.
Il Tavait voulu par scs trois premiers testaments de 1 8 0 7 , ‘^c
j S S q , de 1 8 4 2 ; il a .persisté dans celle ferme volonté et l’a con
sacrée dans son dernier testament du 10 août 1845.
Ou'on le p arcou re, en effet, et l'on y verra que Jean Rouchi
est le seul de scs parents que le testateur honore du titre de son
héritier.
11 le lui confère par l’article 5 de son testament.
11 le réitère par l’article 7.
11 le renouvelle par l'articlc 14 1 en prescrivant qu’une malle ne
soil ouverte que par sa domestique et son héritier.
11 le répète dans l’article 1 7 , en chargeant Je a n llo u ch i , son
héritier, de payer 1 ,5oo francs à la paroissed’Au"lard pour acheter
1111 Cimetière.
�Il déclare par l’arliclc 19 que Je a n R ou chiest particulièrem ent
chargé et obligé de payer toutes les dépenses dq l'enterrement et
les honoraires des ecclésiastiques ainsi que les dépenses qu’ils feront
pour leur diner.
Il veut, par l’article 27 , que les fonds qu’ il a chez le sieur F c r riè re , banquier à Paris, soient employés pour payer divers legs
particuliers, ol qu’à cet effet, 011 communique à ce banquier son
testament olographe qui sera, dit-il, entre, les | mains de mon
h éritier.
_.<nr,
Il charge par l’article 29 Jean R o u c h i, son h éritier Au domaine
de L o n g e -V e rg n e , de payer cent écus à un filleul.
<!''
Il prie par l’article 52 les personnes auxquelles il pourrait confier
son testament olographe , d’écrire aussitôt après sa mort à Jean
R ou chi, à R o u e n , en Normandie, mon h éritie r , dit-il, de se
présenter sans délai pour prendre communication ou copie du
testament, afin de pouvoir régler ses affaires.
Il prie aussi par l’article 55 le cure d’Anglard , de prendre des
mesures pour empêcher que personne n’entre dans la maison et
dans le château avant l’arrivce de Je a n R ouchi ou de quelqu’ un
envoyé de sa part.
Et pourquoi ces précautions? parce que, par l’article 2 2 , il •
donne tousses meubles, à Je a n R ouchi sous quelques charges.
E n fin , par l’article 3 5 , il charge Jean Rouchi, son h é r itie r ,
d’offrir 400 fr. au sieur P errier, son exécuteur testamentaire , pour
le remercier de ses soins et lui prouver sa reconnaissance.
Ainsi, en parcourant le testament entier du sieur Antoine L av e rgne, on voit qu’il a disposé de tous ses biens meubles et immeubles;
on y voit aussi qu’il a donné à Jean Rouchi scs biens meubles et la
plus grande partie de scs biens immeubles, sauf quelques legs
particuliers en faveur de ses antres parents.
On y voit surtout, qu’il a considéré Jean nonchi comme son
héritier ; que c’est à lui seul, à l’exclusion de tous scs autres parents,
qu’il attribue la qualité de son héritier, et par conséquent le ju s
�univers uni de son hérédité; c’est lui seul qu’il a investi de ce titre;
c’est lui seul qu’il a chargé de payer les charges de sa succession,
les legs dont il la grevait , les frais funéraires de cette succession ;
c’est lui seul qui devait surveiller, conjointement avec l’exécuteur
testamentaire, l’accomplissement des dons qu’il faisait, le paiement
des dettes dont elle serait chargée; c’est lui seul enfin qu il déclarait
son unique héritier.
Aussi le président du tribunal, M. Mailhe , magistral très ancien
et très éclairé, n’a-t-il pas hésité , sur la présentation du testament
olographe, à envoyer Jean Rouchi en possession de tous les biens
de l’hérédité, comme légataire universel ; cl si des ju g e s, plus
jeunes, moins instruits, ont réformé celle décision , on ne peut que
déplorer leur erreur, et reconnaître qu’ils n’ont pas refléchi sur la
vraie pensée du testateur, et qu’ils ont violé l’esprit du testament.
En vain se fondent-ils sur le don qui y en est fait , à d’autres
personnes , d’objets particuliers et notamment du petit domaine de
la Bastide.
Mais ce domaine était peu considérable.
Mais les legs particuliers étaient peu importants, comparés à la
fortune entière du testateur.
Mais ces legs particuliers ne détruisent pas la généralité du don
de l’hérédité, et ne dérogent pas à l’universalité de cette succession
qui est attribuée à Jean Rouchi. Car le titre d ’h é iit ic i , qui lui est
souvent donné dans le testament, lui conférait cette universalité et
des droits cl des charges attachés à l’hérédité.
C a r , d’ailleurs, c’est surtout l'intention du testateur, sa volonté
évidente, manifestée par l'ensemble du testament, que l’on doit
considérer, afin de s’assurer que le testateur avait réellement voulu
le gratifier du titre de son héritier u niversel, eu le nommant seul
son héritier. C'est, en effet, cette intention que l’on doit consulter;
potins voluntatcm quant v e rb a spcctari plucuil.
C ’est aussi dans ce sens que les auteurs de jurisprudence Ont
appliqué l'article 1002 du code civil.
�—
i3
—
A u ssi, M. G r e n i e r , clans un excellent ouvrage sur les donations
et les Testaments (tome i " de la seconde édition, page 5 i 5 ),»
d é c la re -t-il, que , » en droit, le mol univetsalitè a toujours été
» entendu dans le sens d’une prépondérance évidente, attachée au
» titre d’un légataire par rapport à celui des autres.
Ainsi , on peut donner la qualité de légataire ou héritier
» universel, i° à celui qui est appelé à recueillir là totalité de
» cette succession; 20 à celui qui ne recueillerait que les biens
» de cette succession , moins les réserves affectées à certains
» héritiers.
»
»
»
»
» 5° A celui qui se trouve en concours avec un légataire , non
d'u ne portion ou de quotité de biens d e la succession p rise
en masse , niais seulement d’objets qui doivent bien entrer en
contribution pour le payement des dettes et des charges de la
succession, tels que les imm eubles ou le m o b ilier , ou une quo-
» tilé fixe des immeubles ou du mobilier, mais auxquels le légis» laleur n’a pas attaché le titre d’universalité d’ une manière aussi
» évidente que celui qui est appelé à recueillir en misse le restant
» de l’hérédité. »
On remarquera q u e , dans l’espèce, aucun des legs particuliers
ne pourrait être soumis au payement des dettes et charges de
l’hérédilé.
Le sieur Rouchi devrait seul les acquitter toutes. O r , comment
le pourrait-il s’il était privé de la qualité d’héritier et de tous les
avantages attachés à ce titre.
Un arrêt de la cour de Limoges du 8 décembre 1 8 0 7 , a con
sidéré comme legs universel une disposition testamentaire , bien
que le testateur eut omis de disposer de quelques objets peu im
portants de sa succession, et qu’au lieu d’appeler les héritiers insl !tués à recueillir conjointement, il ¡»il, au contraire, attribué à
chacun d’eux un lot composé d ’objets déterminés ( V . cet arrêt
dans le journal de Sirey , 5 ç) , 2. 27).
/
�De moine , un legs qualifié d’universel par le testateur, ne cesse
pas d'avoir cc caractère, par cela seul que le testateur aurait dis
posé de la nue propriété de quelques-uns de ses biens au profit
d’autres légataires , en réservant seulement l’usufruit au profit du
légataire universel. (Arrêt de la cour de cassation du 20 novembre
)8 /j5 . Srrey, 4 3 , t.. i 8 5 ()). Il existe d’autres arrêts analogues.
.1
!. . .
.r.
Aussi, Vazcillesij dans sou traité des successions, sur l’article
i o o 5 , dit-il que loilegs ne cesse pas d’être universel, quoiqu’il
soit grevé de legs particuliers et même du legs à litre universel
défini par l’ article 1 0 1 0 , et il donne un exemple ainsi conçu :
« P au l, dit-il, est légataire universel , soit qu’il ait été institué
»
»
»
x
»
»
»
.héritier, ou que tous les biens lui aient été légués, à la charge
de payer une somme fixe ou de donner un objet déterminé à
P ie rr e , soit que le testament porte, en première ligne, le legs
de Pierre et ensuite le legs universel. Dans ces divers cas, Paul
est également h éritier an légataire universel, puisqu’il recueille
tous les biens sans partager avec personne , sous Ici distinction
seulem ent des objets déterminés qu’il doit remettre aux autres
» légataires. Aucun de ces légataires n’a de droits successifs. Paul
j> seul représente le défunt, universo ju r e , avec scs droits et ses
» obligations. »
Les autorités cl les arrêts que nous avons invoqués sont fondés
sur l'interprétation du testament, et ont pour base la m axim e,
vo/nntatern potins quant v e tb a specta rip la ça it.
Jean R o u c h i, auquel le testateur a attribué la plus grande partie
des biens de sa succession , auquel il a donné des valeurs d’une
prépondérance évidente sur les legs particuliers qu'il a déférés
aux autres légataires , qu’ il a qualifié même seul du titre de son
h éritier, et qu’il a chargé de payer à d’autres diverses sommes,
auquel ¡1 a tic plus confié le soin de scs funérailles et l’obligation
d’en faire les dépenses, cc Jean Rouchi a reçu évidemment du tes
tateur l’ universalité des droits de l’hérédité, et seul il doit profiter
de ses avantages, comme seul aussi il est grevé de ses charges.
V
�Et remarquons que le plus grand nombre des legs particuliers
sont faits à des parents , à des héritiers naturels du défunt, à des
personnes qui auraient à partager avec lui la succession qu’ils lui
disputent, et q u e , leurs legs n’ayant pas été faits par préciput ou
avec dispense de rapport, ils les perdraient si leurs prétentions
étaient accueillies.
Mais ces prétentions viendraient se briser contre le testament,
contre le titre d 'h é ritie r , o u , ce qui est la même chose, de léga
taire universel, qui a été attribué à Jean Rouchi, soit par les e x
pressions littérales et géminées de ce testament, soit par l’ensemble
«le cet acte de dernière volonté.
L ’examen de la question que nous venons de discuter rendrait
surabondante celle de toutes les autres questions proposées dans le
mémoire. Si Jean lîouchi était considéré et reconnu comme héri
tie r, c’est-à-dire comme légataire universel du sieur Antoine L a
v e rg n e , lui seul aurait le droit d’examiner la question de substitu
tion. Car celle substitution, fût-elle prononcée pour une partie de
l ’hérédité , lui seul devrait prolitor de la nullité qui en résulterait.
T ous les autres héritiers naturels, tous les intimés, par cria seul
qu’ils ne sont pas héritiers réservataires , seraient non rccevables
à soulever celte difficulté cl à soutenir que cette prétendue substi
tution était prohibée, puisqu’ils ne devraient pas profiter de celte,
prohibition et d’une nullité dont les conséquences et les avantages
ne devraient appartenir qu’au légataire universel. C ’est ce qu’a
décidé en thèse la cour de cassation, par un arrêt du 24 mai 1807 ,
rapporté dans le journal de S i i e y , t. 6 7 , 1, 5 1 7 . C ’est aussi ce
qu’avaii jugé antérieurement la cour cle Montpellier, parm i arrêt
du 10 février i 8 5 G, rapporté dans le même journal, t. 5G, 2 , 54g.
Car la nullité ou la caducité des legs particuliers profite à l’héritier
testamentaire seul ou au légataire universel, ainsi que l’ont décidé
de nombreux arrêts, ainsi que le déclarent aussi tous les auteurs et.
notamment Merlin , Grenier pour le nouveau droit , Hourjon et
J'othier pour l’ancien.
�DEUXIÈME
QUESTION.
L e testament du sieu r L avergne contient une prohibition
(Valiéner plutôt qu ’une substitution.
La loi prohibe les substitutions par l’article 89Ü du code civil ,
mais elle les définit expressément pur le même article , ainsi conçu :
« Les substitut ions sont prohibées.
» Toulc disposition par laquelle le donataire, l’héritier institué,
» ou le légataire sera chargé de conserver et de rendre ¿1 un
» tiers , sera nulle , même à l’égard du donataire , de l’héritier
» institué ou du légataire. » Des termes formels de l’article , il r é
sulte que, si le testateur 011 le donateur n’a imposé au donataire, à
l’héritier ou au légataire, ni la charge de conserver, ni la charge
de rendre ¿1 un tie rs , il n’y a pas de substitution.
Cependant, quoique ces charges expresses ne fussent pas écrites
dans la disposition , quelques personnes ont voulu trouver une
substitution dans l’ensemble des expressions qui constituaient cette
disposition.
Mais ce système inexact a été repoussé par les auteurs et par
les arrêts.
Parmi les auteurs, on peut citer T ou llier, tome 5 , n° 24 ;
Rolland de Villargues, n° ¡ 7.5 et suivants; Duranton , t. 8, 11*4 2 ;
Coin-D clille, n° 4 * •
Parmi les arrêts, 011 peut invoquer un premier arrêt de la cour
de cassation du 24 mars 1 8 2 9 , cl un second arrêt de la même
c o u r, du 5 juillet i 8 5 :i; un troisième arrêt de cette cou r, du 25
juillet 1854. Ces trois arrêts ont décidé en thèse que, s i Vobliga
tion de co n serva et de rendre n ’est p as littéralem ent e x p rim é e ,
le doute doit s'interpréter en fa v e u r de la disposition. C ’est
l'application de la maxime si connue : j>otius ut va len t actus
�—
I?
—
quani ut p erea t ( V . les arrêts cités dans le journal de S ire y ,
tome 2 9 , 1 , 2 9 3 ; tome 3 2 , 1 , 4 3 o ; tome 34 > i> $77- Les voir
aussi dans le journal de Dcnevers.)
Dans le testament du sieur L a v e rg n e , il n’existe pas de charge
de conserver; il n’existe pas aussi de charge de rendre à un tiers.
On 11c devrait donc pas y voir de substitution.
Mais, dit-on, il y a des expressions qui en tiennent lieu.
i° Jean Rouchi et ses descendants, ses enfants sont rappelés dans
la disposition principale ;
20 11 y a prohibition d’aliéner le domaine de Longe-Vergne; or,
ces termes , rapprochés entr’e u x , constituent une substitution per
pétuelle et prohibée.
Ainsi , contre les décisions des arrêts que nous avons rappelés ,
c ’est par une interprétation qu’on a cru découvrir une substitution
prohibée, c’est-à-dire que le doute qu’on se faisait a été interprêté
contre la disposition.
Mais cette interprétation rigoureuse était contraire aux principes
qui veulent que le doute soit interprété en faveur de l’acte.
Mais, d’ailleurs , rénonciation des descendants , des enfants, ni
même la prohibition d’aliéner’, n’autorisaient pas une telle inter
prétation.
i° Le don principal est fait à Jean Rouchi uniquement, sans
aucune charge de conserver et de rendre. Il y est dit, en effet :
« J e laisse à Jean Rouchi, cordonnier-bottier, à Rouen, en Nor-
» rnandie, le domaine de Lon ge-V ergne , etc.
11 est vrai que le testateur ajoute plus bas-:
« J e lu i en fa is don p o u r dire entièrem ent ¿1 lu i et p o u r en
» jo u ir lu i et ses descendants après ma m o rt , à l’exclusion de
» mes autres parents et héritiers; car telle est ma volonté, qu’il en
» soit le seu l et unique h éritier, lui et ses enfants après l u i , de
» génération en génération.
�—
b
i8
—
Là s’arrête la disposition.
L ’on voit que c’est Jean Rouchi seul qui est appelé à recueillir
le domaine.
Que c’est lui seul qui est déclaré par le testateur son unique
héritier.
S ’il y est parlé des descendants de celui-ci, le testateur y dit :
P o u r en jo u irt lu i et ses descendants , après ma mort; s’ il veut
qu’il en soit son seul et unique héritier, lui et ses enfants après l u i ,
de génération en génération , c’est parce qu’il sait q u e , suivant les
lois de la nature, et conformément aux règles ordinaires des suc
cessions, les enfants, les descendants jouissent après leur père , ot
lui succèdent de génération en génération.
L e testateur n'exprime ici qu’une pensée générale et commune à
tous les hommes , qui considèrent les enfants, les descendants
comme devant jouir après leur p è r e , comme destinés à lui su ccé d er.
D ’ailleurs, il n'institue pas les enfants, les descendants de Jean
Rouchi, ses héritiers, comme leur père qu’il déclare , au contraire,
son seul et unique héritier.
D ’ailleurs aussi, il ne charge pas Jean Rouchi de conserver et
de rendre à scs enfants , à scs descendants, le bien qu'il donne à
lui seul.
E t comment aurait-il pu choisir pour ses héritiers les enfants de
Jean Rouchi, puisqu’il n’en existait ni au moment du testament, ni
à celui du décès du testateur ?
Comment celui-ci aurait-il pu penser à substituer à Jean Rouchi,
son unique donataire du bien de Lon gc-V crgnc, les enfants que ce
Jean Rouchi laissait ou laisserait, puisque Jean Rouchi n’était pas
m arié, et même ne l’avait jamais été, au moment du décès de son
oncle ?
Que deviendrait enfin celte prétendue substitution , si Jean
Rouchi ne se mariait jamais ou ne laissait aucun enfant, aucun
descendant ?
�— 19 —
E l remarquez que le tcstaicur n’impose pas même à Jean Rouchi
l’obligation d e sc marier, cl que, par conséquent, le sieur Lavergne
ne peut avoir même l’cspcrance fondée que son donataire aura un
jour des enfants, des descendants qui pourraient recueillir les biens
donnés.
Nouvelle preuve, que rénonciation dans le testament, d’enfants ,
de descendants , ne sont que des expressions vagues, sans portée ,
sans consistance, échappées à un prêtre peu éclairé sur les lois
françaises, et qui, n’élant pas , au reste, contenues avec précision
dans les dispositions principales, ne peuvent ni en détruire, ni
même en faire suspendre l’exécution, sous prétexte de substitution.
Mais trouvera-t-on une substitution dans la prohibition d’aliéner
contenue dans le testament du sieur Lavergne?
« L e domaine de Longe-Vergne , y est-il dit, ne sera ni vendu ,
» échangé, ni m orcelé, ni grevé de dettes sous quelque prétexte
» que ce soit; mais il passera à chaque héritier, à chaque famille,
» tel que je l'ai laissé à ma m o rt, etc. »
Remarquons d’abord que cette prohibition n’est pas perpétuelle ,
comme on le suppose dans le jugement où l’on déclare la substitu
tion perpétuelle; en rapprochant la première partie de la disposition
avec l’intcrdiction de vendre.
Ce rapprochement est, d’ailleurs, vicieux sous plusieurs rapports.
i° La prohibition de vendre n’est pas déclarée faite au profil des
enfants et des descendants de Jean R o u c h i, donataire;
a0 Ne fût-elle fuite qu’à Jean R o u c h i, elle serait nulle comme
étant absolue , quoique temporaire seulement; comme restreinte
à la vie de ce Jean Rouchi , parce qu’elle établirait à son égard une
espèce de droit de main-morte , interdit par la législation nouvelle,
et notamment par l’article i*r du titre 2 de la loi du i 5 mais 179 0 ,
qui abolit « lout droil prohibitif des aliénations et dispositions, à
» litre de vente, de donation entre vifs ou testamentaire, et tous
» autres eil’cts de main-morte réelle, personnelle ou mixte, qui
» s’étendraient sur les personnes ou les biens ; »
�3° Celle prohibition serait nulle surtout si on l’appliquait à lous
les descendants de Jean R o u c h i, et si l’on considérait le testament
comme renfermant une prohibition p erp étu elle, parce qu’elle serait
contraire, non-seulement à la loi citée, mais encore aux bonnes
m œ u rs, à l’ordre public , qui veulent q u e le commerce des biens
soit libre ; elle serait nulle par suite comme impossible et proscrite
par l’art. 900 du Code civil, qui veut que les conditions impossibles,
et celles qui sont contraires aux lois et aux mœurs soient réputées
non écrites , et que , malgré leur abolition , la disposition entre vifs
ou testamentaire n’en reçoive pas moins sa pleine exécution.
C ’ est aussi ce qu’ a jugé en thèse un arrêl de la Cour de Paris,
du 1 1 mars 1 8 5 6 ; et telle est l’opinion de T o u llicr, dans son droit
civil français , tome 6 , n° 688.
E t remarquons que , s’il s’est présenté quelques décisions con
traires, ce n’est que dans les cas oii la prohibition de vendre n’était
que momentanée, et que surtout elle n’élail pas absolue.
O r , comment une obligation , une condition nulle, pourrait-elle
valoir pour faire reconnaître et déclarer l’existence d’unesubsliiution
prohibée? E t ne sait-on pas que ce qui est nul ne peut produire
aucun effet, suivant la maxime consacrée par la législation de tous
les temps : quod nnllum est, milium producit effectuai.
C ’est cependant cette maxime qu’a violée le tribunal de Mauriac,
en se servant de la prohibition d’aliéner, et en la rattachant à la
disposition principale du testament, pour en conclure que ce testa
ment renfermait dans son ensemble une substitution prohibée.
Si ce tribunal eùl réfléchi sérieusement sur le testament, il eût
reconnu que cette prohibition de v e n d re , d'échanger, de m orceler,
de g rever d’aucune dette, élail l’objet principal, l’objet même
unique de la pensée du testateur; que , dans son ignorance des lois
françaises, ou, dans leur oubli, il voulait surtout que son domaine
fût conservé dans la même situation, avec la même valeur qu’il
avait au moment où il le laissait; qu’il s’occupait peu d’une p ré
tendue substitution à laquelle il 11c songeait même pas, cl donl les
avantages n’auraient tourné qu’au proiit d’enfants qui n’ existaient
�pas au moment de son décès, et qui, peut-élre • »’existeraient
jamais; mais que so» seul désir, son désir évident était que son
domaine restât intact, et fût conservé dans toute la splendeur dont
il l’avait orné ; il voulait la conservation complète, intégrale de
son domaine; il rattachait en quelque sorte son existence morale,
sa renommée future , à la conservation de ce domaine
qu’ il
avait créé ou au moins embelli à l’aide de ses soins et de ses re s
sources, et dont il voulait prolonger la durée au-delà de sa vie
physique, en exprimant en quelque sorte le vœu d’immortalitc qui
germe dans le cœur de tous les hommes.
C ’est donc une prohibition d’aliéner, et non une substitution, qu’il
a établie par son testament; et puisque, d’aprcs l’art. 900 du C od e,
d’après toute la législation française, cette prohibition est nulle, elle
doit être annulée sans porter atteinte au don principal fait en faveur
de Jean R o u chi, en respectant ce don même , en ordonnant l’exé
cution , sans y porter atteinte à l’aide d’une prohibition illégale,
dont la nullité ne permet ni de s’en servir à établir une substitution
qui n’est pas expressément écrite dans l’acte , ni même de con
courir à l’idée de cette substitution.
Ainsi doit se décider la seconde question proposée.
TROISIÈME
Q UE S TI O N.
*
Y a u ra it-il même dans le testament une substitution, elle ne
serait p as prohibée.
Ici se présente une question d’interprétation qui, d’après les prin
cipes , doit toujours être résolue en faveur de l’acte testamentaire.
L ’art. S96 du Code civil prohibe les substitutions, c’est-à-dire les
donations ou les legs, faits à la charge par le donataire ou le légataire
de rendre à un tiers les objets donnés ou légués. Mais la loi posté
rieure du 1 7 mai 18 2 6 a modifié cette prohibition , en déclarant que
les biens dont il est permis de disposer « pourront être donnés avec
�charge de les rendre à un ou plusieurs des enfants du donataire,
ries ou à naître , ju squ'au d eu x ièm e degré inclusivem ent. »
*
Le testament du sieur Lavergnc donne, après sa mort, « à Jean
»
»
»
»
»
llouclii, son neveu , son domaine de ! .onge-V ergne ; il lu i en
fait don p o u r être entièrem ent ¿1 fu i, et pour en jo u ir, lui et ses
descendants, après sa m o r t ; ...... sa volonté est qu’il en soit le
seul et unique héritier, lui et ses enfants après lui , de génération
on génération. »
C ’est donc à Jean Rouchi seul que le domaine est donné ; c est
lui qui en doit être le seul et unique héritier.
Riais 011 supposant qu’on pût trouver une substitution dans l'addi.
lion de ces mots : p o u r en jo u ir lu i et ses descendants , ou dans
ceux-ci : q u 'il en sera le seu l et unique héritier, lui et ses enfants
après l u i , ces expressions ne constitueraient qu’ une substitution au
deuxième degré des enfants du donataire , telle qu’elle est autorisée
par la loi du 17 mai 1826.
C a r, d’un côté, l’expression pour en jo u ir lui et ses descen
dants après ma m o rt , 11e se trouve pas dans la clause principale,
constitutive du don fait à Jean Rouchi seul; elle n’est placée que
dans une addition indicative du mode de jouissance, c’est-à-dire
d’une jouissance qui doit naturellement passer aux descendants, si
le donataire 11’en dispose pas lui-tncme ; il n’y a , d’ailleurs , de la
part du testateur , aucune charge de conserver cl de rendre à ses
descendants.
I)’ un autre côté, les mots.fCJ descendants s’entendent naturelle
ment de ceux qui descendent en premier degré du donataire, lorsque
la clause elle-même ne dit pas (¡ne le testateur a entendu les appli
quer au second degré et à des degrés postérieurs, lorsque surtout
il 11'¡1 pas chargé expressément de conserver cl de rendre aux des
cendants du r>c et du 4* degrés.
Quant à la partie de la clause où il est dit que le testateur veut
que. Rouchi soit son seu l et unique h é ritie r , lu i et scs enfants:
a piès l u i , de génération en génération , ces expressions renfer-
�—
3 3
—
^
mcnl moins l'expression d’une volonté positive que l'indication de
ce qui se passe ordinairement; car les enfants sont ordinairement
les héritiers de leur auteur, cl c e de génération en génération. Les
mots enfants ne peuvent aussi s’entendre que des enfants au premier
d e g r é , aux termes de l’article 7 3 5 du Code civil, d’après lequel
chaque génération constitue un degré de parenté.
C ’est ainsi qu’ un arrêt de la Cour de Rouen , du 23 juin 1848 , a
décidé qu’ une substitution , faite conformément à l’a n . 10 48 du
Code c i v i l , c’est-à-dire à la cîiarge par les légataires de rendre les
biens à leurs enfants, ne comprenait pas même les petits-enfants,
et devait s’arrêter au i*r degré.
C ’est dans le même sens qu’ un arrêt de la Cour de cassation , du
5 février 18 5 5 , a jugé que la charge imposée par le testateur au
légataire, de conserver et de /(tisser les biens à ses enfants ou à
leurs héritiers, ne devait s’entendre que des descendants au premier
d e g ré , des enfants premiers appelés, le mot héritier n’étant souvent
employé que pour désigner les descendants au .premier degré. V .
ces arrêts rapportés dans le journal d e S i r e y , lomcs 49, 2, 1 8 1 , et
tome 55 , 1 , 87.
O11 devrait donc rigoureusement n’appliquer les mois descen
dants ou enfants , employés dans le testament , qu’aux enfants issus
au premier degré de Jean Rouchi. Car c’est le sens ordinaire attaché
à ces expressions.
Biais si, à cause des mots d e génération en génération, 011
veut entendre par l’expression les en fan ts , plusieurs degrés de
gén ération , au moins ne doit-on l’étendre qu’à deux d e g ré s, c’està-dire aux enfants et aux petits-enjants du donataire, cl cela soit
d ’après la lettre même du testament, soit d'après le sens naturel et
grammatical que présentent les mois d e génération en génération,En effet, i°le testament porle seulcmenu/e génèrationengénération
au singulier, cl non pas de générations en générations, au pluriel ;
il 11e s’applique donc littéralement qu’ aux d e u x g é n é r a t i o n s qui se
succèdent immédiatement.
�-
a4
-
?.■’ La volonté du testateur , contînt-elle , quelque vague qu'elfe
s o i t , une substitution , elle serait exactement remplie par la trans
mission des objets donnés aux pelrts-enfants du donateur. Car cette
transmission compléterait les deux*générations , sans compter le
donataire; l’une pour les enfants, l’autre pour les petits enfants.
Ainsi, sous ce rapport même, les dispositions de la loi du 17 mai
182G , seraient observées , lors même que le don du domaine de
Longe-Vergne renfermerait une substitution, puisque les enfants et
les petits-enfants du donataire seraient appelés à en recueillir les
avantages, et que la loi n'exige rieu de plus.
Pour étendre cette prétendue substitution an troisième, au qua
trième d e g ré , 011 à des degrés postérieurs, argumenterait-on de lu
clause relative
à la prohibition d’aliéner ,
d’é ch a n g e r, etc. ,
contenue dans une autre partie du testament.
I\Iais nous avons déjà fait remarquer que cette clause , étant
nulle, ne pouvait produire aucun effet; qu’elle ne devait être ratta
chée à aucune partie du testament; qu’elle ne pouvait, par consé
quent , pas plus servir à le faire annuler ou modifier , qu’elle 11e
pourrait être employée pour le faire valoir.
Au reste, les termes de cette clause sont absolument insignifiants
pour la question.
D ’une part , nous avons déjà fait observer qu’elle ne portait pas
une interdiction perpétu elle d’aliéner , en sorte que la prohibition
qu’elle contient doit se restreindre à Jean Rouchi lui-même et aux
degrés des enfants qui lui .seraient substitués , si substitution il y
avait.
D ’une autre part, la rédaction de la clause est en harmonie avec
cette idée restrictive. Car, s’il y est dit que chaque héritier, chaque
famille fera v érifie r, en entrant en possession du domaine , les r é
parations qu’il y aurait a faire pour l’entretenir , le cultiver et l’e x
ploiter , cette recommandation peut et doit s’entendre d’abord des
enfants au premier d e g r é , ensuite des enfants au second degré.
Ainsi les enfants au premier degré de Jean Rouchi , s’ils étaient
substitués , auraient à faire vérifier , à la mort de Jean Rouchi, do-
�nntairc, et conimc héritiers de celui-ci, les réparations dont le d o
maine de Lon ge-V ergne serait susceptible , pour le remettre dans
son premier état.
Et à leur tour, les enfants au deuxième degré de ce donataire,
ou ses petits enfants , auraient à provoquer une vérification sem
blable, comme héritiers des enfants du premier degré.
Ainsi se trouverait remplie la condition imposée à chaque héri
tie r, à chaque famille, à chaque possesseur de ce domaine , s’il y
avait réellement substitution, môme en faveur des descendants ou
des enfants du donataire, jusqu’au second degré.
On doit donc reconnaître qu’en supposant que le testament con
tienne une substitution, malgré l’absence de la charge de conserver
et de rendre , cette substitution doit se restreindre aux enfants et
aux petits-enfants de Jean R o u c lii, donataire.
Cette interprétation est recommandée par l’ensemble de la clause
constitutive de la donation.
E lle est exigée par ce principe conservateur qui veut que l’acte
soit interprété de manière à le faire valoir plutôt qu’à l’annuler.
E lle a été consacrée par les trois arrêts de la cour de cassation ,
des 24 août 1 8 2 9 , 5 juillet 186 2 , a 5 juillet 1 834 » ilue nous avons
ci-dessus cités.
E lle est en harmonie enfin avec les idées de justice , qui ne per
mettent pas que , pour annuler une disposition testamentaire , ou
suppose légèrement que le testateur a voulu violer textuellement
la l o i , dans ses règles fondamentales.
QUESTION
SUBSIDIAIRE.
Si, en s'écartant des principes que nous avons ci-dessus rappelés,
des arrêts que nous avons cités , des termes mêmes du testament,
sainem ent interprétés , 011 voulait y voir une substitution prolon\
�--- 26 --gce au-delà du second degré des enfants du donataire, cl s’étendant
au troisième degré ou à des degrés postérieurs, il serait légal et
juste , dans ce cas-là môm e, de prononcer comme on le faisait au
trefois , c’esi-à-dire de réduire la substitution aux deux premiers
degrés , en maintenant le don principal et la charge de conserver
et de rendre pour les enfants et les petits-enfants , en l’annulant
pour le surplus.
Une telle décison serait en harmonie avec la législation ancienne,
et elle ne blesserait pas la législation nouvelle.
E n effet, cela aurait pu paraître douteux sous les principes ri
goureux et absolus de l’article 896 du code c iv il, qui'prohibait
toute substitution, et qui annulait la disposition principale , même
à l’égard du donataire cl du légataire.
Mais ces principes extrêmes ont éié modifiés par la loi posté
rieure du 17 mai 1826.
Celle dernière loi n’a même rien de semblable à l'article i o 58
du code civil qui, en permettant à un père ou à une mère de donner
la quotité disponible à un ou plusieurs de leurs enfants , autorisait
ceux-ci à rendre les biens donnés aux cnfanls nés ou à naître au
p rem ier degré seulement ; en sorte que si la charge de rendre ne
devait pas profiler à 1011s les enfants du donataire, elle pouvait cire
considérée comme nulle.
Telle n’est pas la loi du 17 mai 182G.
Celle loi permet à toute personne , p è r e , mère ou étranger, de
disposer, aux termes des articles Q1 5 , 9 1 5 et 91G , de tousles biens
dont la disposition est permise par ces articles.
Elle autorise aussi à charger le donataire , quel qu’il s o i l , de
rendre les biens donnés , non seulement à tous ses enfants nés ou à
naître, mais à un ou à plusieurs d’entr’e u x , à son choix.
En 1111 m o l , celte loi du 17 mai 182G nous a ramenés aux dis
positions de l’ordonnance d’Orléans de
i 5 6 o , et de celle de
Louis X V , rendue en 1747 , sur les substitutions : La première
�~ 27 —
Jsb f
ordonnance déclarant, par l’article 5 9 , que les substitutions qui
seraient faites à l’avenir , 11e pourraient excéder d e u x degrés ,
sans y comprendre l'institution ou la première disposition; la se
conde ordonnance disant aussi, par l’article 5o , que toutes les
substitutions , en quelques termes qu ’elles soient conçues ,
POURRONT
S’É T E N D R E
AU-DELA
DE
DEUX
DEGRES
DE
n e
SUBSTITUES
,
outre le donataire, l’héritier institué ou le légataire.
La loi du 17 niai 1826 est absolument semblable aux ordon
nances de i 56o et de 1 7 4 7 ; elle ne s’exprime même pas en termes
aussi prohibitifs que ces anciennes ordonnances qui disaient que les
substitutions ne pourraient excéder deux d e g ré s, ne pourraient
s’ étendre a u -d elà de d e u x degrés , tandis que la loi de 18 2 6 se
borne à déclarer que les biens pourront être donnés à la charge de
rendre aux enfants jusqu’au deuxième degré.
On ne pourrait donc argumenter de cette loi de 1826 , comme
on l’aurait pu des expressions ne pourront, dont se servent les lois
anciennes, et in v o q u er, à l’égard de cette dernière l o i , cette
maxime ancienne : S y liaba
n o n
prœposita verb o p o te s t , tollit
potentiam ju ris et ja c li.
E t cependant, sous les anciennes ordonnances , une substitution
au troisième ou au quatrième degré 11c rendait pas nulle la dispo
sition principale, ni même la clause de substitution ; seulement il
en résultait que les substitutions étaient réduites aux deux degrés
autorisés par les ordonnances. C ’est ce que nous enseigne T hévenaut-Dessaules dans son traité complet sur l’ordonnance de
1 7 4 7 ; il le dit dans le chapitre 77 , au n° 1 1 1 2 , ou il déclare que
« le second substilué, qui a reçu les biens d’un premier substitué,
» possède,ces biens librement, sans charge de lideicommis , puis-
» qu’après les deux degrés , il né peut y avoir de substitution
» valable.
11 le répète au n° 1 1 i 5 , où il dit aussi que la substitution est
caduque au-deUi des d e u x degrés.
L a disposition était nulle au-delà de deux degrés , mais non
pour les deux degrés ni pour le don principal.
�—
28 —
Telle était la règle sous l’ordonnance de 1 7 4 7 ; telle elle doit
dire sous la loi du 17 mai 18 26, qui est conforme à cette ordonnance.
Mais appliquer cette nullité, soit au don principal, soit aux deux
degrés de substitution , c’est créer une nullité , c’est violer la
maxime : U tile p e r inutile non vitia lu r.
Argumenterait-ou de l’article 896 du code.
Mais l’argument ne serait pas exact. En défendant d’une manière
absolue de faire une substitution , l'article 896 devait imposer une
peine à celui qui violerait celte défense; de là la nullité qu’elle a
prononcée contre le don principal qui serait grevé de la charge
de conserver et de rendre.
Mais la loi de 1826 , en rétablissant l’ancien droit , a par cela
même aboli la clause pénale qui était infligée par le droit nouveau.
D ’ailleurs c’était dans l’intérêt des transactions commerciales,
c’était pour faciliter les ventes que l’article 896 avait prohibé les
substitutions.
Les législateurs de 1 8 2 6 , ayant apprécié différemment les in
térêts de ces transactions, ayant rétabli la faculté de substituer, telle
qu’elle était autorisée dans l’ancien droit, ayant aboli l’article 896
et la prohibition qu’il prononçait, la clause pénale portée par cct
article a dû disparaître avec la prohibition qui en était la cause,
cessante c a u sa , cessât effect us.
Pou r qu’elle eût été maintenue malgré la suppression de la loi
prohibitive, il aurait fallu que la loi de 1 8 2 6 , déclarât de nouveau
que cette peine aurait lieu pour tous les cas où il y aurait substitu
tion au-delà des premier et deuxième degrés autorisés par cette
loi. O r , elle 11c dit rien de semblable.
Aussi M. Toullier , dans son droit civil français, traitant une
question semblable, même avant la loi de i82t'>, sous l’empire seu
lement de l’article 1048 qui , par une exception particulière, p e r
mettait à un père de donner à son fils, à la charge de rendre à ses
enfants au premier degré seulement , décide-t-il v que la charge
�— '-»9 » de rendre aux petits - enin nls , serait nulle , mais que le surplus
» subsisterait , parce qu’en ce cas le code n’a pas prononcé la
» nullité de toute la disposition, et qu’on ne peut suppléer une
» nullité. » E l l’auteur rappelé la maxime utile p e r inutile non
'vitiulur (v. au lome 5 , n° 729. )
M. Toullier cile en note, à la même p a g e , l'opinion de M.
Daniels , magistral très-distingué de la cour de cassation , qui , lors
d’un arrêt du 5i mars 1807 , disait que la nullité de la clause de
restitution 1 1 opérait pas la nullité de l’institution. (V. l’arrêt dans
le journal de S irey, an 1807, r. p. 19 8, cl dans celui de Denevcrs,
lome 5 , an 1807 , pages 19 5 -19 8 .
Ainsi, même sur celte question subsidiaire , le jugement dont est
appel se serait trompé.
L ’on voit donc que le tribunal de Mauriac a mal jugé sous tous
les rapports.
.
Il a mal jugé en refusant de reconnaître dans le sieur Rouclii le
!
titre d’héritier, et par conséquent de légataire universel de sou
!
on cle, que celui ci lui attribuait, à l’exclusion de tousses autres
parents , dans de nombreux passages de son testament.
Il a mal jugé en croyant voir dans ce testament, une substitution,
tandis qu’il n’y avait réellement, et que le testateur n’avait voulu y
consigner qu’une prohibition d’aliéner , prohibition nulle de plein
d r o i t , mais qui laissait subsister le don principal et dont la nullité
11e permettait pas de s’en servir pour constituer une substitution.
Il aurait mal jugé lors même qu'il y aurait substitution , parce
que , par sa lettre , comme par son ensemble , le testament 11e
renfermerait qu’une substitution au 2* degré , qui était autorisée
par la loi du 17 mai 1826 ; parce qu’aussi la disposition devrait ,
au besoin, èlrc interprétée favorablement dans l’intérêt de la validité
de l'acte, potins ut valent quant ut perçut.
Il aurait mal ju gé, même subsidiaircmcnl, s’ il y avait eu une
substitution perpétuelle, en ne la restreignant pas aux deux pre-
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5
I
iL y
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-
3o -
miers degrés, comme cela avait lieu sous l’ordonnance de 174 7 »
à laquelle nous a ramenés la loi du 17 mai 1 8 2 6 ; il aurait mal jugé
en créant une nullité que cette dernière loi n’établissait pas, et en
considérant une clause de restitution comme une clause de nullité.
M e A L L E M A N D , Avocat consultant.
Me R O U H E R ,
> Avocats plaidants.
Me DUMIRAL , )
M e L A M Y , Avoue.
RIO M . —- A. J O U V E T , Imprimeur-Libraire, près le Palais.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rouchi, Jean. 1848?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Rouher
Dumiral
Lamy
Subject
The topic of the resource
testaments
prêtres réfractaires
émigrés
indivision
domestiques
écoles
enseignement scolaire
cimetières
fondation d'une paroisse
successions
legs
intention du testateur
substitution
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean Rouchi, appelant, contre Michel Diernat, et autres intimés.
Annotations manuscrites. 22 août 1848 : texte du jugement définitif.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1848
1793-1848
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3017
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3016
BCU_Factums_G3018
BCU_Factums_G3019
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rouen (76540)
Maintenon (28227)
Anglards-de-Salers (15006)
Angleterre
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cimetières
doctrine
domestiques
écoles
émigrés
enseignement scolaire
fondation d'une paroisse
indivision
intention du testateur
legs
prêtres réfractaires
substitution
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53526/BCU_Factums_G2611.pdf
3676ca4c63bb1ad946f50370e038a7b1
PDF Text
Text
C O U R DE C A S S A T I O N
SECTION DES REQUÊTES-
PRÉCIS
M. le Conseillier
LECOUTOUR.
Rapporteur
M. C A H IE R .
avocat général.
POUR
Le sieur LEM EILLEUR , propriétaire et fabricant de papiers.
CONTRE
Le sieur M O N T IE R , propriétaire et commerçant.
L'arrêt attaqué a violé : 1.°Les lois du 27 ventôse an 8,
et 20 avril 1810; 2.0 Les articles
1 et 452 , du code de
procédure civil ; .° Les principes généraux en matières de
servitudes et en exprès les articles
, 686, 687, 691 ,
701 et 702 du Code civil.
Peu de mots suffiront pour le démontrer.
3
45
639
�(
2
)
F A IT S .
Les sieurs Lemeilleur et Montier sont maintenant pro
priétaires de deux moulins qui ont appartenu autrefois à la
même personne, et qui, établis sur le même cours d’eaux,
ont été long-temps dépendans l’un de l'autre. On ne pou
vait réparer celui de Lem eilleur, sans détourner les eaux,
et sans faire, par conséquent, chômer le moulin de Montier,
qui est au-dessous.
M ontier, de son côté, ne pouvait faire sur le sien au
cunes réparations, sans arrêter les eaux au-dessus du mou
lin supérieur. Ils chômaient donc tous les deux, quand il
fallait réparer l’un ou l’autre.
Cette servitude réciproque était, pour les deux parties,
une source de contestations. Un des auteurs de Montier en
treprit , le premier, de changer cet état de choses , en faisant
creuser un canal supplémentaire au-dessus de son moulin ,
pour pouvoir à son gré détourner les eaux au moyen d’un
barrage, et faire toute espèce de travaux, sans nuire à l’ac
tivité du moulin supérieur.
Lemeilleur s’opposa à ce changem ent, mais son voisin
ne tint aucun compte de sa réclamation et fit décider en
justice qu’il continuerait les travaux entrepris sur son terrain.
Lemeilleur voulut alors se soustraire à une servitude qui
n’existait plus qu'à son égard, et demanda à construire un
canal, qui pût. recevoir les eaux au-dessus de son moulin et
les transmettre à M ontier, pour n’avoir point d’indemnité
de chômage à lui payer.
Les ingénieurs des ponts et chaussées furent d’avis que
rien ne s’opposait à cette construction; mais M on tier, ayant
contesté au préfet le droit de l'autoriser, les parties furent
renvoyées, après plusieurs visites et rapports d’experts , pour
faire décider par les tribunaux, si l’acte de partage fait en/
�/v,â*
(
3)
tre leurs auteurs, avait ou non réglé l’objet de la contes
tation.
C ’est en cet état qu elles se sont présentées devant le
tribunal civil de Rouen.
Montier soutenait que l’on voulait changer le cours de
l’ea u , et qu’en passant par ce canal elle n aurait plus la
même force; Lemeilleur répondait qu’elle n’y passerait que
pendant qu’il réparerait sa roue ou son m ou lin , ce qui
empêcherait de chômer celui du sieur Montier ; que si le
nouveau canal; occasionnait des frais ou des dégradations,
il les supporterait s e u l, enfin il établissait qu’elle arri
verait avec plus de force par le nouveau canal qu’en passant
sous la roue du moulin supérieur, où elle se trouvoit bat
tue par le mouvement de rotation.
Sur des moyens aussi fondés en droit et en équité , le
tribunal rendit le jugement suivant:
» Doit - on dire à bonne cause les prétentions du sieur
j) M ontier, à tort la demande du sieur Lemeilleur ? Ou doit33 o n f avant faire droit, ordonner que, par experts conve*
) nus ou nommés d'offices, il sera procédé à une exper33 tise ? Qui doit supporter les depens ?
> Attendu que Lemeilleur articule et demande à faire
>3 constater par experts que le canal qu’il veut faire ouvrir
33 et dont il déclare ne vouloir se servir que lorsqu’il sera
33 nécessaire de faire des réparations à son usine, ne peut
w porter aucun préjudice à l’usine de Montiep ;
5î Attendu que cette expertise est utile pour mettre le triM bunal en état de faire droit aux parties et ne peut d’ailleurs
leur porter aucun préjudice.
M Le tribunal par ces m otifs, ordonne, avantfaire droit,
» tous moyens tenans et sans y préjudicier que par experts à
ce commis d’office, il sera constaté si le canal que Le3» meilleur veut faire construire au-dessus de son usine
» peut porter préjudice à l’ usine de Montier ; et si dans l’élat
3
3
35
»¿p.
�>3 actuel des choses il est possible que le moulin de Lemeil« leur soit arrêté, et sa roue réparée, sans que l’activité d u
» moulin de Montier soit ralentie, soit au moyen d’un méca» nisme qui éléverait la roue de Lemeilleur pendant lesdits
3) travaux; soit en retirant momentanément quelques aubes
» de la roue de Lemeilleur, soit par tout autre moyen, au33 torise les parties à assister à la visite que les experts feront
>3 des lieux contentieux, et à faire tels étais et soutiens
33 qu elles jugeront utiles, pour, sur le procès-verbal rapporté,
33 être ultérieurement conclu et statué ce que de droit, dém pens réservés. 33
Montier interjeta appel, et voici l’arrêt qui est intervenu
et que nous attaquons :
33 Attendu que le résultat de l'expertise ordonnée eut pré33 jugé le fonds de la contestation et que le jugement dont
33 est appel ne peut être considéré comme préparatoire ;
33 Attendu que la
prétention de Lemeilleur est une in53 novation à l’état actuel des choses état subsistant depuis
>3 longues années;
33 L a Cour déclare Lemeilleur mal fondé dans sa préten33 tion de transmettre l’eau à l’usine de Montier, par un autre
3> canal que le coursier commun, lui fait défense de faire au3) cune coupure au mur de ce coursier et de changer en rien
ï3 son état actuel, ni la direction des eaux, condamne Le33 meilleur aux dépens.
M O YEN S.
§ I.er
C e t arrêt viole la loi du 27 ventôse an vin, et celle du
20 avril 1810, en ce qu’il n’a été rendu que par cinq conseil
lers et un conseiller auditeur.
�(
5)
La première de ces lois détermine, dans son article 27, le
nombre des conseillers ;
La seconde, dans le deuxième paragraphe de l’article 7 ,
prononce la nullité quand ce nombre n’est pas complet.
Dans l’espèce il ne l’est point, du moins d'après la copie
signifiée. Ce moyen n’a besoin d’aucun autre développement.
§IL
45
4^2
Cet arrêt viole les articles
1 et
du Code de procédure,
en ce que la Cour royale a reçu l’appel d’un jugement qui
n’était que préparatoire.
L ’appel de ces sortes de jugement ne peut être interjeté
qu’avec celui du jugement définitif. Le texte de l’article
1
est précis, et il serait facile de montrer tout ce que cette dis
position a de favorable à l'intérêt de la justice et à celui des
parties.
L ’appel est l’attaque faite contre un jugement, à cause
de son injustice. L. 17. in fin. f f . De Minoribus. C ’est une
ressource, sans doute pour celui dont les droits ont été mé
connus, mais il ne doit être permis d’y recourir que quand
il y a nécessité; c’est-à-dire, quand un jugement a consacré
une erreur, et que cette erreur préjudicie.
U n jugement préparatoire ne préjudicie à personne, et la
partie qui l’attaque cède à un mouvement peu réfléchi que
la loi condamne, et que les juges supérieurs devraient répri
mer même dans son intérêt. Elle attente par son appel au
pouvoir et à la liberté des juges, puisque elle les prive de leur
juridiction, avant qu’ils en aient fait usage, et quand ils ne
s occupaient encore que des moyens d’éclairer leur religion.
A la vérité, la loi permet d’appeler des jugeniens interlocu
toires, et dès-lors il ne doit pas plus dépendre d’une partie de
repousser l’appel, en qualifiant le jugement de préparatoire
45
�* * 6
(
6)
qu’il ne dépend de son adversaire d’y recourir en qualifiant
d'interlocutoire celui qui n’en a point les caractères.
C ’est ici la loi qui décide que les jugemens dont on peut
appeler, sont ceux qui préjugent le fond; et qu’on ne peut
point appeler, de ceux qui tendent à mettre le procès en état
de recevoir le jugement définitif. (A rt.
. du code de pro
cédure. )
L ’on comprend en effet qu’une partie ne soit pas privé de
l’ap p el,’ lorsque le jugement a préjugé le fond du procès.
Ce préjugé ne laisse plus les choses entières. Celui qui
en souffre, a perdu tous les avantages que son adversaire a
obtenus par cette décision.
Ainsi quand une partie demande à faire la preuve testi
moniale et que l’autre la repousse comme inadmissible, le
jugement qui l’ordonne est interlocutoire. N on-seulem ent
il préjuge le fond, mais il décide peut-être le point le plus
important du procès. Celui contre lequel il est rendu, peut
donc soutenir que l’on devait juger sur les seules pièces de la
cause et sans recourir à une voie que la loi n'autorise pas
dans tous les cas.
Mais quand il s’agit d’une mesure indispensable pour
éclairer la religion des magistrats, par exemple, d’une vérifi
cation de lieux, le jugement qui l’ordonne ne préjuge rien ,
ne décide rien; il est donc préparatoire , parce que les juges
ont été dans l’alternative, ou de juger sans connaissance de
cause, ou d’ordonner cette voie d’instruction.
Dans l’espèce, Montier prétendait que l’eau en passant
par le nouveau canal , perdrait une partie de sa force.
Son adversaire se contentait de retorquer cet argument.
C'était donc le cas d’éclaircir le fait et il ne pouvait l’étre
que par une vérification
Inutilement objecterait-on que Montier ne voulait point
d’une expertise, qu’il demandait que ses conclusions lui
fussent adjugées purement et sim plem ent, et que si la preuve,
452
�(
7
)
testimoniale ordonnée sur la demande des deux parties, ne
constitue qu’un jugement préparatoire, quand il serait in
terlocutoire , si elle avait été ordonné malgré l’opposition
de l'une d’elles , de môme la résistance à l’expertise devait
rendre pour Montier le jugement quil1ordonnait, jugement
interlocutoire.
L ’argument pèche par sa base, et il n’y a point d’analogie
entre les deux cas proposés.
Quand une partie repousse la preuve testimoniale, elle
peut invoquer une disposition de loi dont les juges euxmêmes sont forcés de reconnaître l’existence , alors qu’ils
refusent de lui en faire l’application. Le droit existe, cest
alors le cas de faire décider par une cour supérieure si la par
tie a pu le réclamer.
Mais i c i , quand Montier aurait demandé que ces conclu
sions fussent adjugées purement et simplement; quand il
aurait même repoussé l’expertise, il n’aurait pas pu tirer de
cette résistance de sa part, un motif pour appeler du juge
ment qui avait rejeté ses conclusions. U n jugement n’ est in
terlocutoire que quand la resistance était fondée sur un droit
quelconque, et non pas quand elle était sans motif.
M ontier, pour s’opposer à l’expertise, et à toute espèce
de changements à l'état des lieux devait établir qu’il en avait
le droit; soit d'après des titres, soit d’après une servitude dé
rivant de la destination du père de famille.
Quant aux titres, il n’en a pas invoqué: il ne pouvait pas en
invoquer , car le§ seuls qui existent sont, l’acte qui a précédé
le tirage des lots entre les auteurs communs et dans lequel
on lit la clause suivante : « Les parties se sont réunies pour
» faire les lots et rélléchir sur les droits et servitudes neces» saires pour que chaque co-partageant puisse facilement
« jouir de la portion qui lui écliera. »
Ensuite, l'acte fait après le tirage des lots, et qui porte :
« Quand il y aura des travaux à faire à l’un des deux mou-
�33 lins, le propriétaire sera obligé de prendre les précautions
3) nécessaires pour que ses travaux ne nuisent point à l’acti> vité de l’autre moulin, u
Ces actes ne pouvaient donc pas être invoqués par Mon
der: car, loin d'être favorables à sa prétention, ils devaient
contribuer à la faire rejeter et à faire ordonner l’expertise.
Quant à la destination du père de fam ille, Montier ne
pouvait pas l’invoquer davantage. La servitude établie par ce
mode-là doit être assimilée aux autres. Or une servitude, porte
lart. 637 , est une charge imposée‘sur un héritage pour l’u
sage et utilité d un autre héritage. Il n’y a point de servi
tude sans utilité pour le fonds dominant, et elle cesserait
d’exister le jour où elle cesserait de lui être utile. Lemeilleur
avait donc le droit de demander à prouver que les changemens qu’il projetait ne diminuaient en rien l’usage et Futi
lité de la servitude au profit de Montier. Montier en vou
lant faire repousser cette preuve sans examen ne pouvait se
fonder sur rien qui ne fût contraire aux actes des parties et
aux dispositions de la loi. Partant le jugement qui a ordonné
l’expertise, pour apprécier la convenance ou l’inconvenance
des travaux, n'a enlevé à Montier aucun droit, puisque la loi
n'en reconnaît aucun du genre de celui qu’il réclam ait, et
que les actes de la cause le proscrivent formellement.
Surabondamment Lemeilleur peut établir qu’il est jugé par
l ’autorité compétente, que ses travaux ne peuvent nuire en
rien h son voisin. Voici ce que porte l’avis de l’ingénieur en
ch ef du département de la Seine. «N ous n’examinerons pas
>• ici la question de droit que présente la demande du sieur
33 Lem eilleur, nous chercherons seulement à savoir par les
33 principes de l’art, si les travaux qu’il se propose de faire
» sont nuisibles ou non au sieur M ontier, et à éclairer
” sur ce point les juges auxquels il appartient de prendre
n une décision sur la demande du sieur Lemeilleur et sur
» les oppositions que met le sieur Montier à co qu’elle soit
3
1
�C 9 )
1
« octroyée. » (Suivent les détails dans lesquels est entré ingénienr en chef.) Il conclut ainsi : «il est démontré que tous
» les changemens que projête le sieur Lemeilleur peuvent
» être conciliés avec les intérêts du sieur M ontier, et il ne
resterait d'autre question à résoudre que celle de savoir si
« le contrat qui lie les parties permet ces changemens a
33 Tétat actuel des choses. 33
Nous avons vu ce que contiennent les contrats des parties.
§. III.
I/arrêt a violé les principes généraux en matière de ser
vitudes, et en particulier les articles
g , 686, 6gi , 701,
et 702.
Il est de principe en cette matière qu’on ne peut reclamer
aucune espèce de servitudes sans établir sur quoi elles sont
fondées, et l’article 639 nous enseigne d’où les servitudes
peuvent dériver; mais quelle que soit leur source, elles doi
vent n’avoir rien d’imposé à la personne. O r, il faut regarder
comme entachée de ce vice une servitude que le propriétaire
du fonds dominant peut maintenir dans son ancien état,
nonobstant l’utilité de son héritage. Alors même que cette
servitude aurait été acquise à M ontier, Lemeilleur n’en avait
pas moins le droit de^rouver que les travaux qu’il faisait n’y
changeaient rien d’utile. Sans doute, sa prétention aurait
pu nôtre pas fondée; mais le Tribunal qui aurait ordonné
une expertise pour l’apprécier n’ aurait rien préjugé, car il
n aurait fait que proclamer une disposition de la loi dont
personne et Montier lui-m êm e ne peuvent méconnaître
1 existence.
L arrêt a violé encore les dispositions des articles 701
et 702 qui, bien qu'une servitude existe, laissent au proprié
taire du fonds servant la faculté de changer l’état des lieux
63
�(10 )
quand il en résulte pour lui un adoucissement, et qu’il n’y
a pas de préjudice réel pour le fonds dominant.
Ici il ne s’agit point d’examiner si les changemens que
voulait faire Lemeilleur nuisaient ou non à l’exercice de la
servitude; il s’agit de décider si le jugement qui a ordonné
une expertise pour connaître de quelle nature ils étaient,
en quoi ils consistaient, a pu nuire aux droits de Montier.
Il
est évident que ce jugement peut bien être considéré
comme ayant nui à ses prétentions, mais non à ses droits.
Cette voie d’instruction était la seule que les juges pussent
ordonner pour apprécier les faits ; en la rejetant ils s’enle
vaient tout moyen de juger avec connaissance de cause sur
une demande que la loi autorisait de la part de Lemeilleur
et que les juges n’avaient pas le droit d’écarter sans examen,
alors même que, par le résultat de l’expertise, ils auraient
cru ne devoir pas l'admettre.
M A N D A R O U X V E R T A M Y , Avocat.
De l'imprimerie De BEAUCE-RUSAND, rue Palatine, n.* 5.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Lemeilleur. 1812?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux Vertamy
Subject
The topic of the resource
moulins
servitude
jouissance des eaux
ingénieurs des Ponts et Chaussées
experts
canal
usines
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Le sieur Lemeilleur, propriétaire et fabricant de papiers. Contre le sieur Montier, propriétaire et commerçant.
Table Godemel : arrêt : 2. arrêt, en matière civile, peut-il être rendu par cinq conseillers et un conseiller-auditeur ? Jugement : 3. un jugement ordonnant, avant faire droit, que des experts constateront, si un canal, que l’une des parties veut faire construire au-dessus de son usine, peut porter préjudice à l’usine de l’autre partie, est-il préparatoire ou interlocutoire ? peut-il être l’objet d’un appel ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Beaucé-Rusand (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1812
1812
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2611
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rouen (76540)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53526/BCU_Factums_G2611.jpg
canal
experts
ingénieurs des Ponts et chaussées
Jouissance des eaux
moulins
servitude
usines