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m M
REPLIQUE
POUR
le fieur F E U I L L A N T .
CONTRE
L
G e r v ais
SAURET.
E Défenfeur du fieur Feuillant , dans fon mémoire en
réponfe à celui de Sauret , cherchoit uniquement à éclai
rer la religion de fes J u g e s , convaincu que la vérité ne s'ac
c o m m o d e d’autre o r n e m e n t, que de celui d’une noble fïmpli-
cité , relevée par la folidité des preuves, & foutenue par la
force des raifonnements. L e Défenfeur de Sauret a cru mal à
propos y reconnoître de l’a r t , & a voulu prouver par fa réponf e , que ce n'eft point dans une difcuffion telle que celle dont
il s’agit , que l ’on doit chercher à briller. L ’on convient qu’il
a fait fa preuve , & que fes lecteurs doivent ê tre enchantés
d e l a répétition ingénieufe d e cette partie de phrafe choquante ,
les Lecteurs amateurs de l'art oratoire. L e ton plaifant qui règne
dans cette répon f e , d’un bout à l’autre , eft bien fait pour
A
Ju r i s d i c t i o n
Confulaire.
�faire regarcl«r com m e autant de fe n te n c e s , les a lertio n s fans
nombre que l'on y tro u ve, & le D éfenfeur du fieur Feuillant
fe gardera bien d’envier le plaiiir que ce perfifflage char
mant doit avoir caufé aux le&eurs de fon adverfaire ; il ne
relèvera pas même certaines réricences du Ddfenfeur de Sauret , au jugem ent duquel cependant le fieur Feuillant auroit
remis la décifion de l ’affaire dont il eft quefticn ^ s’il eût voulu
e’en ch a rg e r, quoique le fieur Feuillant n'ignorât point que
Sauret eût pris les devants , en lui donnant fa confiance.
Il faut convenir que le Le& eur qui détefte l’a r t , aime allez
ordinairement le piquant du farcafme. A u d i le Défenfeur
de Sauret a - t - il préféré à certaines d é c e n c e s , le fel de ce
genre de plaifanterie.
Il eil fâcheux que le fieur Sauret ait cru trouver des pro
pos injurieux dans le mémoire pour le fieur F eu illa n t, & que
ïan indignation a itété excitée. L e D é fe n fe u r du fieurFeuillant
Croit ce reproche mal fondé. Il ne tient jamais de propos in
ju rieu x; il f« contente feulement quelquefois defaire c o m m e
la lime de l ’H o rlo g er de la Fontaine qui émouifoit les dents
qui s’efiayoiènt à la mordre.
Il refpe£te trop la religion des Juges du fieur F e u illa n t,
pour eflayer de la furprendre par des foliicitations ; il n’ap
partient qu’à Sauret de folliciter avec vivacité.
L e D éfenfeur de Sauret trouvera bon que le fieur F eu il
lant obferve qu’il cro yo it que Sauret étoit feni capable de
fuupçonner un livre d’infidélité, parce qu’il eil en bon é t a t ,
& paroît neuf. Il ne peut
difconvenir d ’avoir lu
dans un premier m é m o ire , q u e ce liv rea vo it été paraphé par les
Juges-Confuls de B r io u d e , au bas des pages écrites dans
le temps même des expéditions faites à Sauret , & cela à
raifon d’une affaire pendante à ce T ribunal entre le fieur
�3
F eu illant & un autre particu lier, a£te judiciaire , propre à
faire impreiïion fur l'efprit des Juges. L a poiïïbilité d’une
tranfcription infidelle peut tout au plus donner lieu à la,
foupçonner. Pou r hazarder de rendre public un foupçon
injurieux, il faut des preuves qui approchent de la conviction.
L e Défenfeur de Sauret prétend peut - être qu'il,
faut mordre , quand on a les dents agacées. Q u ’il jouifTe
de ce plaifir à fon aife ; mais que du moins il nous
permette une réflexion au fu jet de ce qu’on l i t , page 4 de
fa réponfe : de ce qu’ un homme dirait fauffem ent n avoir reçu
d'un particulier que dou7te voyes de charbon , au lieu de vin g t,
l'on ne pourroit pas en conclure rai/onnablement qu ii en im pofè,
lorfqu’ild it q u ii n a donné à un autre que dou^e voyes. C e tte ma
nière de raifonnereft toute neuve. L ’on avoit cru jufqu’àpréfent
que d’une première infidélité , l’on pouvoir conclure une fecon
de. L ’on ne pourra donc plus maintenant conclure raifonnablementque de la bouche d’un menteur, il forte des menfonges.
M ais abandonnons la difcuifion de cet axiome infidieux ,
ne nous appéfantiffons point à en faire fentir le vice.
L e fieur Feuillant s’eft difpenfé de rappeller en entier îa '
déclaration de la femme Girard , qu’il avoit lue dans le m é
moire pour Sauret. Il n’eft point néceifaire de répéter ce
que l’on n’entend pas contredire. N e nous plaignons pas
cependant du reproche du Défenfeur de Sauret ; il avoit des
raifons fi folides à donner ,
qu’il s’eft hâté de les jeter fur
le p a p ie r, fans fe donner 1a peine de lire le mémoire de
fon adverfaire ; il y auroit vu que le fieur Feuillant a avoué
que le fieur Grimardias , fon commis * avoit prié Girard
de faire décharger les flx premières voyes ; qu’il s’eft fervi
ailleurs de ces expreflions ,
6" qui ont été effectivement reA 2
�4
. *.
mîfes à Sauret. E t celui-ci fe plaint d'affectation à a i i c i c r i a
déclaration de cette femme ! Q u e ne fe plaint-il plutôt de
l'infidélité de F e u i lla n t , dans la citation du paiïbge de Born i e r , fur l’article X du titre I I I de l ’O rdonnance , où il dit:
exprefTément, que celui qui ne tient point de livres > ejl ré-'
pute de mauvaife f o i ?
PaiTons à une infidélité plus apparente. Sauret fe plaine
de ce qu’il eft dit faufTement dans le m ém oire de fon ad"
verfaire , que la lettre que le fieur Feuillant lui a écrite ,
annonce qu’il fera conduire ce charbon cher^ Girard. L e D é fenfeur de Feuillant n’a point cette lettre fous les y e u x ,
il convient qu^il a fait une e rre u r; mais il obferve que le
fait de l’expédition che\ Girard , n’eft dans fon m émoire
qu’un fait ifolé , dont il n’a tiré aucun parti dans les m oyens
de défenfe. T o u te s les circonftances font fi concluantes ,
pour prouver que Girard étoit le commiilionnaire des deux
Parties , qu’il a conclu à l ’affirmative j pour un fait que riea
ne dément , & que tout tend à prouver , que le fieur
Feuillant a toujours attefté. Les moyens effentiels dans la
c a u f e , f o n t , î 0. cette claufe expreiTe de la lettre du fieur
F euillant à Sauret , la décharge à votre charge.
a 0. L e contenu au livre du fieur Feuillant , tenu par fon
C om m is , qui a fait les envois, & le feul en règle à cet é g a rd ,
aux termes de l’O rdonnance.
30. L ’énoncé de la lettre du fieur Griinardias à G i r a r d ,
par laquelle il eft indubitable que Sauret a connu le préjnier envoi , en fon temps.
4°. L ’abfurdité qu’il y auroit à
penfer que Sauret n’eût
pas fuivi l ’exécution d’une fentence qui prononçoit la dé
livrance du charbon dans trois jours.
�L ’aveu de S a u r e t , d’avoir enlevé douze v o y es , d e
puis la fin de fe p te m b re , date de l ’expédition de quatorze
voyes.
6 °. L a foibleilb des m oyens de défenfe de Sauret , qui
s’appuye fur des déclarations t où l’on ne vo it que de
l ’incertitude , quant à la quantité de voyes ; tandis que ,
d’autre p a r t , elles attellent deux envois , & dém ontrent par
la la faufleté du contenu au livre des dépofants^ qui p o r t e ,
ou deux envois diftin&s , fous une m êm e date 3 ou un
feul envoi , un mois avant l’époque de fon arrivée.
T o u s ces moyens font fuffifamment difcutés dans le pre
mier mémoire auquel Sauret vient de répondre , de la ma
nière la plus commode & la plus plaifante. I l efpère que fes
ju g e s prendront fes aflertions pour autant de vérités.
feint , par exemple , d ignorer que Grimardias , co m
mis du fieur Feuillant ait dit expreüem ent que Sauret feroit le lundi , 8 août , au Pont-du-Château , pour enlever la
première expédition. Il fait au fieur Feuillant la grâce de le
fuppofer , &: dit que ce commis ne parloit que par l'effet d’u
ne préfom ption; voici les termes de cette lettre. J 'a i ¿’hon
neur de vous adrejfer >fo u s la conduite de M artiaux , préfent
porteur, deux bateaux de charbon , de la mine de Barathe ,
11
à h tenue de. trois voyes chacun, pour le compte de M . Sauret,
de Riom , qui enverra des voitures lundi pour en chercher.
E n conféquence j e vous fera i infiniment obligé de fa ire fa ir e
toute la diligence pofiible lundi matin , pour le déchargement
de ces deux bateaux , & éviter par ce moyen des fr a is à
M . F e i.i’lant , que le fieur Sauret ejl dans l'intention de lui
fa ire , f i le charbon n était pas déchargé à l ’arrivée de Jes
voitures. C ette lettre eit-elie é q u iv oq u e? efl-elle faite avec
�£
art ? n’eft - elle pas fim p le , & par cela môme vraie ? ne
prouve - 1 - elie pas fans répliqué que le commis du fieur
F e u illa n t parloit avec certitude de l ’arrivée de Sauret au
P o n t - du - Château , le lundi qui devoit fuivre le f a o û t ,
date de cette lettre ? ne prouve - 1 - elle pas d’autre parc
que le commis favoit que Girard étoit le commiiïionnaire
convenu , puifque c ’eft à lui qu’il adreiïe l’expédition , avec
inftance de prefTer le déchargem ent ? Il f a v o i t , à n’en pas
douter , que Sauret feroit ce jour - là au Pont. Sauret a
d on c tort de fe plaindre de n’avoir pas été prévenu de
l ’arrivée du charbon.
M ais avoit-il befoin de l'être ? la fe n ten ce qu’il avoit
obtenue le 50 ju ille t , n’é t o i t - elle pas elle feul le meilleur
avertiiTement poflible
pour tous les d e u x ;
pour le fieur
F e u i l l a n t , en lui déclarant qu’il falloit que le charbon ÿ
fû t dans trois jours ; pour Sauret , en le mettant dans le
cas de fe rendre ?u Pont-du-Château , avec fes v o itu re s ,
trois jours après la lignification de la fentence. L e commis
du fieur F e u illa n t, averti par la fentence obtenue contre l u i ,
a expédié fix voyes fur le champ. Si Sauret veut dire
q u ’il a ignoré que ce charbon fut au Pont-du-Château le jour
indigué par le fieur Grim ardias, & avoué par Girard , qu’il
repréfente donc un a£te qui conftate que le fieur Feuillant
n ’a point obtempéré à la fentence , & qu’il n’a pas effe£Hvem en t trouvé du charbon pour lui au Port le jour fixé par la
fentence. Il ne fait point cette preuve , & le (ieur Feuillant
prouve par fon livre quJil a expédié le charbon ; il prouve par
G irard, que ce charbon eit arrivé au P o r t , & d’abondance par
la lettre de fon commis que Sauret a dû fe trouver le lundi ,
Z a o û t , au P o n t-d u -C h â tea u , pour enlever les fix premières
�?
voÿes. Sauret a donc été fuffifamment inftruit de l ’envoi fait
en août. O r cet envoi n’eft que de fix v o y e s , 6c Sauret con
vient d’en avoir reçu douze , & quJil les a retirées depuis la
fin de feptembre , date du fécond envoi. Il a donc été inf
truit de ce fécond envoi. S ’il n ’a pas retiré ces fix premières
v o y e s , eft-ce au fieur Feuillant à lui en faire compte ? Il
fuflit qu’il ait été inftruit de cet envoi , pour qu’il foit à fa
charge. L e charbon étoit fur le lieu convenu. Mais Girard
qui repréfente la lettre d’avis du fieur Grimardias , déclare
que Sauret a retiré ce qu’il a reçu. O r Girard a reçu ce pre
mier envoi. Sauret Ta donc retiré.
O n ne peut rien conclure contre le fieur Feu illant
de la recommandation' de fon commis à Girard , au
iujet du déchargement ; il ign oroit la claufe de la
lettre du fieur F eu illant à Sauret ; c ’eft cetce recom
mandation qui fait un des titres de Sauret , qui a donné
lieu à cette partie de la déclaration d e là femme Sairarcl ,
que le fieur Feuillant l ’a chargée de fa ir e décharger. O r la fupprellion de ces expreffions dans le mémoire de Feuillant
eit accufée d’infidélité par le D éfenfeur de Sauret ; ce
reproche tombe de lui - même , puifque ce n’eft pas le
fieur F eu illan t, mais feulement fon co m m is qui a prié Girard
de faire décharg«r ce charbon.
Mais qui eft le porteur de cette lettre de Grimardias
?
Girard , le tém oin appellé par Sauret. Si Sauret veut tirer
avantage de cette lettre d’a v i s , il eft forcé de conven ir
qu'elle eft vraie en fon entier ; s’il p r é t e n d , d’après elle ,
que le charbon qu’il a retiré , eft arrivé en août , il eft
donc forcé suffi de co n ven ir qu’il a dû fe trouver , ôc q u ’il
s’eft effe&ivem ent trouvé le lundi 8 aoû t au P o n t-d u -C h â -
�8
teau , pour enlever ce premier envoi. S ’il veu t tirer avan
tage du livre de' Girard , il eft encore forcé de con
venir qu’il a retiré ce qui eft arrivé en août. O r Girard a
écrit fur fon livre qu’il eft arrivé du charbon en août , &
q u ’il a été remis à Sauret. Celui - ci a donc retiré la pre
m ière expédition , qui eft de fix voyes. Selon Girard il a
reçu du charbon arrivé en deux expéditions diñantes l’une
de l’autre. Girard ignore la quantité de voyes de cette fé
condé expédition. Sauret convient d’en avoir retiré douze
depuis la fin de fe p te m b re , & cette date eft celle de l’e n
v o i de quatorze voyes. I l a donc reçu le charbon des deux
envois.
I l dit cependant qu'il n’a reçu que douze v o y e s , & ne
iîxoit d’autre temps , pour cette r é c e p t io n , que celle du
m ois d ’août , & ce n’eft que depuis quJil a été aidé dans
fes réflexions , qu’ il a prétendu ne les avoir enlevées que
depuis la fin de feptembre ; il confond par cette adreife
d e u x envois en un
M a is i ° . à queile fin Sauret auroit - il repréfenté
fi vivem ent le befoin qu'il avoit de ce charbon en
ju illet 178 j , fi fon intention é t o i t d e laifier écouler deux
mois , fans fuivre l ’eflfet de la fentence qu’il follicitoit fie
q u ’il obtint. Q u ’on ne dife point que le charbon délivré
par V ig ie r l’avoit appaifé ; il en avoit reçu au moins gran
d e partie avant la fe n te n ce , comme le Défenfeur de F e u il
lant l ’a appris depuis peu.
20. A quelle fin les Juges ont - ils pris l ’aiTirmation du
fieur Grim ardias, commis du fieur Feuillant ? n’eft - ce point
afin d’éclairer leur réligion ? C e tte affirmation ne l’éclai r e - t - elle que f u r i a fmcéricé des expéditions & des d ates,
fans
�/*
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9
fans 1’' éclairer fur la fincérité du contenu entier en la lettre
d avis de la première de ces expéditions , lettre d’avis qui
donne l’arrivée de S a u r e tle lundi , pour m o tif de la prompte
expédition , ainfi que de la néceilité de faire décharger le
charbon fur le champ. Grimardins mériteroit d'être cru
dans ce qu'il a infcrit fur fon regiftre , qui refte entre fes
mains , & il ne mériteroit aucune foi fur le contenu eti
une lettre qu’il écrit à un tiers , en conféquence de cette
tranfcription , à un tiers qui a cru la confervation de cette
lettre-d’avis fi peu effentielle , qu’il a eu de la peine à la
retrouver , & qu’il a négligé de conferver celle du fécond
envoi.
Sauret eft donc co n va in cu , même par fes propres moyens
'de défenfe , d ’avoir eu avis du premier envoi. Il n'eft pas
poflible que ce premier envoi faflfe p a rtie . du fécond. I l a.
donc retiré en août fix voyes , & à la fin de feptembre
douze , félon lui - même. Mais pourquoi n’en au ro it- il pas
enlevé quatorze , comme le prétend le fieur Feuillant ,
com m e le fait croire la contenue du tombereau de Sauret ,
qui étoit d’un feptième en fus de ce qu’il déclaroit que ce
tombereau contenoit.
I l eft bien fâcheux que l ’évidence du c a lc u l, inféré dans le
mémoire pour le fieur F e u illa n t, ait tellement frappé le D é »
fenfeur de S a u r e t , qu’il ait fait de vains efforts pour le tourner
en ridicule. Ce c a lc u l, dit-il , production précieufe de l ’ima
gination de nos adverfaires
ejl annoncée d’une manière,
vraiment fublim e , & q u o n ne peut fuivre. Au(Ti fe c o n
tente-t-il dans fon d é p it, de lui décocher un traitfatyriq u ç.
C e c a lc u l, dit-il ^ page 8 , ejl un effort pcnible de l imagination
�10
'
de ce B é f e n f e u r , à qui il plaît de Vappeller une dem onf
tration mathématique. M ais il ne falloit pas un effort pé
nible pour comprendre la note dont il s’agit. Pourquoi le
D é fe n feu r de Sauret ne. s*eft-il pas donné la peine de la lire
avec plus de réflexion ? E lle n’eft point louche. L a voici pour
qu’il la m éd ite , puifque, par m alheur, il en a pris, ou ce qui
feroit pire , voulu prendre le fens totalement à gauche. Q u e
n ’eft-elle du moins vraiment abfurde ; elle mériteroit la cri
tique des Lecteurs amateurs de l ’art oratoire. Une démonflration mathématique montreroit la vérité dans tout fo n jo u r ;
elle co n fo n d , terraffe le menfonge. La probabilité fo u rn it des
armes contre lui\ elle lè v e , fuivant f e s divers d:grés , plu s ou
moins du voile dont il s ’enveloppe. O n ne lit point m ontre,
mais montreroit. O n lit fo u r n it, ôcnon fourniroit. L e D éfenfeur de Feuillant a donc donné fon c a lc u l , non pour une
démonjlration mathématique, mais pour ce qu’il e f t , une pro•
habilité.
Il eft pénible fans doute , de voir retomber fur foimême fa propre plaifanterie. Mais auiTi 3 qu’il feroit fatiguant
pour l ’amour propre du calculateur perfifflé , de s’être trompé
fi lo u rd e m e n t, que de prétendre démontrer ce qui n’eft que
probable. Ses connoiiîances, fans être g ra n d e s , le font ailez
pour lui faire appercevoir qu’il n’y a point de degrés, qu’il
n 'y a point de plus ni de moins , dans une démonftration
mathématique , qu’elle prouve évidemment que fon cara&ère
eifentiel eft de forcer la conviction, prérogative à laquelle ne
fauroit atteindre la probabilité.
Eft-il é to n n a n t, d’après une erreur pareille, que le D é fe n feur de Sauret ait mal pris le fens des pages «4 ,
17 ôc 18
�ïî
du mémoire pour F e u i lla n t } & qu’il ait prétendu dans fa
réponfe que celui-ci a v o u lu , page 18 , infmuer que Sauret
avoit lui-même avoué q u i l avoit pris les J îx premières voy es.
L e Heur Feuillant fe contentera de dire q u e , dans les pages
c i t é e s , il n’a pas iuppofé que .Sauret eût reçu les fix pre
mières voyes ; mais qu’il a conclu des divers genres de preuves
qu’il adminiftroit, que Sauret les avoit reçues. O r , une conclufion n'eft point une fuppofidon. E lle peut porter fur une
,
,fupjfí)fition, »mais elle nJen eft pas une elle-même.
Sauret défire que la vérification de fon tombereau foit
ordonnée. Sa
demande eft - elle admiilible ? Il a déjà fait
voir à l ’audience qu’il n’ofoit donner un démenti à une f e r vante de cabaret ; ( que cette expreffion va-bien à S a u r e t, )
I l a été co n va in cu , par la déposition de cette fille , que fon
tombereau contenoit vingt-une rafes, puifqu’il n ’a fait à ce
fujet d’autre réflexion , d ’autre réponfe, finon, que fon tom
bereau s’étoit élargi par l’ufage. Mais fi ce tombereau s’étoit
déjà fi fort élargi en 178J , qu’il avoit augmenté de trois
rafes, à quel taux la contenue en feroit-elle portée mainte
nant? O h ! S a u r e t , cet Homme fim ple , n’auroit pas la m aladreife de préfenter un tombereau qui fe feroit fi fort élargi.
L es meubles d’un ufage journalier changent confidérablement
dans deux ans, & quand ils font fujets à s’é la r g i r , ils ne
font plus reconnoiflables au bout d’un certain temps.
Q u ant au contre-mefurage du charbon , quelques convaincans que fo ie n t, au gré du D éfenfeur de S a u r e t, fes raifonnemens pour prouver qu’il a lieu , le (leur Feuillant déclare
qu’il ne craint point l ’information la plus rigoureufe^ &
qu’il offre d’en faire dépendre le fuccès de fa caufe.
�12
N o u s trouvons bon que le D éfenfeur de Sauret plaifante
tout à fon aife fur les fobriquets ; cette partie ne conviendroit point à un amateur de l'art oratoire. N o u s ne lui en
vierons point cette g l o i r e , non plus que l ’ardeur qui empêcheroit Sauret de faire un troc de fobriquets. Il eft de ces
idées charmantes qu’ il faut laiffer au le cteur le plaifir d’ap
précier.
«
A
Signé F E U I L L A N T .
Monf i eur B O I S S O N > Juge en charge. ^
*
F l o u r i t t Procureur.
R I O M , de l’im prim erie de M a r t i n D É G O U T T E ,
Im p rim eu r-L ibraire, près la F ontaine des Lignes. 1787.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Baron Grenier
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Feuillant. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boisson
Flourit
Subject
The topic of the resource
marchandises
troc
charbon
créances
transport fluvial
livres-journaux
mines
poids et mesures
faux
témoins
auberges
Description
An account of the resource
Réplique pour le sieur Feuillant. Contre Gervais Sauret.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1785-1787
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
BCU_Factums_B0125
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_B0122
BCU_Factums_B0123
BCU_Factums_B0124
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/18/53964/BCU_Factums_B0125.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pont-du-Château (63284)
Brassac-les-Mines (63050)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
auberges
charbon
Créances
Faux
livres-journaux
marchandises
Mines
poids et mesures
témoins
transport fluvial
troc
-
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d5d2dd4e209b90a3873f210551c9f5b8
PDF Text
Text
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4
4
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4
REPONSE
POUR
&
G e r v a i s
Juridiction
confulaire
S A U R E T , Défendeur
D em an d eu r.
C O N T R E le fieur F E U I L L A N T & autres
L
E ton qui règne dans le m ém oire du fieur F e u illa n t
,
annonce que l’on s’y eft principalem ent occu p é à capti ,
ver les Lecteurs amateurs de l'art oratoire. N ous ne nous atten
dions cependant pas qu’il dût être queftion de captiver les
Lecteurs amateurs de l'art oratoire dans une difcuffion rélative à un troc d 'u ne jum ent avec dix-huit voyes de charbon.
C 'e ft fans doute , pour éloigner cette id é e , & pour don
ner l'apparence de la n é c e ffité , à ce qui n’eft que pom pe
inutile & vain é c la t , que l ’on a dit dans ce m ém oire , page
3 , que Sauret n 'avoit f a i t imprimer t que dans l'efpérance
fa n s doute d'en impofer au p u b lic , par l ’éclat donné à cette
affaire.
Sauret s’eft contenu dans les bornes d’une jufte défenfe.
S il l'a fait im prim er , c ’eft feulem ent pour en donner une
connoiff ance plus parfaite & plus exacte à fes Juges. I l y a
À
�\
2
é té e xcité par Îa crainte que doivent infpirer à un homme
iimple les précautions & les efforts d’un adverfaire expéri
menté & infinuant, par la nécefllté d’effacer des impreffions
q u ’auroit pu produire un mémoire fait avec art , de la
part du fleur F euillant, & q u ’on ne vouloit p as d ’a b o rd faire
imprimer. E n fin , il y a été excité par l'indignation qu’ont
d û faire naître en lui des propos injurieux: qu'on s’eft permis
dé tenir à fon égard«
O n fe fait e n c o r e , de la part du fleur F e u illa n t, page 14*
un précexte de la pétulance de S a u ret , dans les Joüicitations
auprès de f e s Juges.
D e v o ir - on s’attendre à l’emploi de pareilles exprefïions ,
de la part du fleur Feuillant & de fon D éfenfeur ? C ette idée
manque au moins de ré flex io n } c ’eft peut - être pour la pre
mière fois qu’on la voit hazarder dans un mémoire conte
nant une défenfe. Sauret refpe&e trop fe3*Juges , pour fe
p erm ettre, à leur égard , dés follicitations, & pour redou
ter celles qui pourroient être faites de la part de fon ad
verfaire , s'il ofoit en concevoir le projet.
O n fe gardera bien de répondre à tout ce que contient
le mémoire du fleur Feuillant ; on en eft heureufement difpenfé ; nous prenons le parti de le ré d u ir e , & il faut efpérer que les Lecleurs amateurs de l ’art oratoire, auront plus
d e plaifir en le lifant , que nous n'en avons eu en faifant
cette réduction.
L e fieur Feuillant fait valoir trois principaux moyens.
L e premier confifte à foutenir que Sauret a reçu v in g t
voyes de c h a rb o n , envoyées de BrafTaget au Pont-du-Château , parce que ce t envoi eft couché fur fon livre journal
qui doit faire foi. O n fe flatte d ’y avoir répondu dans le
m émoire de Sauret ; 011 croie devoir y perfifter, pour éviter
des répétitions.
�3
D ’un cô té , il n’eft pas vrai que les livres Journaux faiïene
toujours foi ; cela ne réfulte pas même des articles de l’O r donnance , cités par le fieur Feuillant , auxquels il fuffic
de renvoyer. Perfonne n’ignore combien les circonftances in
fluent fur cette matière ; Sauret eft d’ailleurs réduit à l'im poffibilité de critiquer la forme de ce livre journal , q u ’il
ne connoît pas plus que fon Défenfeur. Quelques perfonnes
qui l ’ont vu , lui ont obfervé qu’il étoit t r è s - b o n , à r^ifon
de ce qu’il paroiffoit neuf. Il
eft poflible que fe trouvant
dans certaines circonftances , on tranfcrive , avec des diffé
ren ces, le contenu en un jo u r n a l, fur un a u t r e , qui auroic
m êm e été cô té & paraphé en blanc par un Juge.
D ’un autre cô té , quelqu'exaSitude qu’on fuppofe dans
l e livre journal du fieur F euillant , cela importe peu à
Sauret. Il en réfulteroit la preuve que le fieur Feuillant 3.
e n voyé vingt voy es de charbon de Braifaget au P ont-d u Château ; mais il n’en réfulteroit pas la preuve que Sauret
les ait reçues au Pont-du-Château. C e m oyen , qui eft bien
fin i pie , refte dans toute fa f o r c e , malgré tous Iet efforts du
fieur Feuillant.
O n croit qu’il eft impoifible de concevoir que Sauret
'doive être confidéré comme ayant reçu vin g t v o y e s , tandis
que Girard & fa femme déclarent qu'il n'en a
reçu
que
douze , & que Sauret eft en é t a t , & offre d’affirmer ce
fait. Q u 'o n fe forme l’idée qu’on voudra du livre de G ira rd ,
que le fieur Feuillant triomphe à fon gré de fa prétendue
inexa&itude , encore une fois , qu’importe à Sauret ? L a
déclaration de Girard & de fa femme ne laiifent pas de
former fon titre , à l’effet de n’imputer que la quantité de
d ou ze voyes. L ’inexa&itude du livre journal de Girard ne
pourroit faire que fuppofer que lui 6c fa femme ont fouftrait
A 2
�4
hu it voyes de charbon au fieur Feuillant , par méprife ou
autrement j ôc qu’ils lui en doivent rendre compte ; mais
jamais elle ne peut fe rétorquer contre S a u r e t , en faveur
du fieur Feuillant. D e ce qu'un homme diroit fauflement
'n ’avoir reçu d’un particulier que douze voyes au lieu de vingt,
l ’on ne pourroit pas en conclure raifonnabletnent qu’il en
impofe , lorfqu'il dit quJil n’a donné à un autre que douze
voyes. C e moyen , qui n’échappera certainement pas à l'at
tention de nos J u g e s , eft ii d é c ifif, qu’il eft impoilible au
fieur Feuillant & à fon D éfenfeur de raffoiblir.
L e fieur Feuillant fait toujours de vains efforts pour faire
trouver de l’inexa&itude dans les déclarations de Girard &
de fa femme. O n perfide dans ce qu'on a déjà dit à ce
fujet dans le mémoire de Sauret ; on fe contentera de re
le ver une affe&ation que Je fieur Feuillant nJauroit pas dû
fe permettre dans la manière dont il a rendu la déclaration
de la femme , qui eit à-peu-près conforme à celle du mari.
L e fieur Feuillant d i t , page 11 ; » la dépofition de la femme
» Girard porte qu’elle ne fe rappelle pas précifément le
» nombre de voyes ; qu'elle croit que c ’eit douze qui ont
r> été déchargées &c remifes à Sauret. »
Mais ce ne font pas les termes de la déclaration ; le fieur
Feuillant pouvoit d ’autant moins les ignorer , que cette d é
claration a été tranfcrite très-exactement & en cara£tères
italiques , dans le mémoire de Sauret ; en voici les ter
m es ; » q u elle lie fe rappelle pas précifément le nombre
7> de voyes de charbon ,
» CHARGÉE
DE
F A I RE
» a u d it G ervais
qu e
le
DECHARGER
S au ret
sieur
POUR
F
euillant
ETRE
; mais q u elle croit
l’a
REMI SES
que c e j l
» dou\e v o y e s , qui ont été ainfi déchargées pour être remi» fes }
E T Q U I O N T ÉTÉ E F F E C T I V E M E N T
REMI SES A U D I T
�!>
»
S
auret
pour
le
compte
du
sieur
F
euillant
. »
Il y a deux infidélités dans la manière dont le iieur
Feuillant a rendu la déclaration de la femme Girard. L a pre
mière , en ce qu’on a fupprimé que cette femme avoit dit
»
que
le
sieur
F
euilland
l ’a v o i t
chargée
de
faire
» d é c h a r g e r ( le charbon ) p o u r ê t r e r e m i s a S a u r e t . »
L a fécondé , en ce qu’on a fupprimé le mot efîentiel ,
e f f e c t i v e m e n t , & qu’en réunifiant le m o t , remife s ,
à
c e l u i , déchargées, le fieur Feuillant a voulu donner à en
tendre que le doute qu’il attache au mot cro it, portoit tant
lur la remife faite à S a u r e t, par G i r a r d , que fur la récep
tion faite par celui-ci au Pont-du-Château. C e p e n d a n t, s’il
y avoit du doute dans le mot croit , il eft évident , d'a
près les termes de la déclaration , que ce doute ne porteroit que fur la quantité reçue au Pont-du-Château
& non
fur la quantité remife à Sauret. Il réfulte de ces termes ,
& qui ont été effectivement remife s , que , dans tous les cas ,
Sauret nJa que douze voyes. Si la manière dont !e fieur
Feuillant fe défend n'eft pas hon n ête, il faut convenir qu'elle
eft commode.
Son fécond moyen confiée à dire , au moins fubftantielle m e n t , pages i ? <
5c 1 6 , qu’il importe peu , pour le fieur
Feuillant , que Sauret ait reçu ou non les vingt voyes de
charbon ; que s’il ne les a pas reçues , il a dû le faire ; que
G ira rd , prétendu Correfpondant de Sauret les a au moins
r e ç u e s , & que Sauret doit lui en demander compte.
C ette objection a été parfaitement détruite dans le m é
moire de Sauret ; & fi le fieur Feuillant étoit parvenu à lui
donner quelque couleur , ce ne pourroic être , que parce
qu il n a pas craint de dénaturer les faits.
L a preuve que Girard n’étoit pas correfpondant de Sau-
�5
r e t , &: que celui-ci ne devoit pas veiller au déchargement
des bateaux , réfulte: i° . de ce que Girard & fa fem m e, ou
au moins ces derniers , ont déclaré que le Jieur Feuillant les
avoit chargés de fa ire décharger les dix-huit voyes de char
bon , pour être renüfes à Gervais Sauret. V o ilà un moyen
également iimple & d é c i i if , auquel le fieur Feuillant n’a
pas répondu.
2°. D e ce que Sauret n’a point été averti par le fieur F eu il
lant de l’envoi par lui fait au Pont-du-Château ; il en a aver
ti Girard , & c ’eft à lui qu'il a adreiTé la lettre d’avis ; on
n ’a pas ofé dire qu’on en ait adreflfé à Sauret. O n dit pour
s’en défendre , qu’il n’auroit pas fu lire la le ttre , page 13 ;
il étoit difficile de mieux montrer l ’embarras de fe juftifier.
On
d i t , pour la première f o i s , qu’il y a eu un avertiiTement
verbal avant l ’e n v o i , mais c ’eft: une faufle allégation. A u d i
n ’a-t-on fu dire en quel lieu & com m ent il avoit été fait. O n
ne voit pas même qu’il réfulte de la lettre écrite , dit-on ,
par le Com m is du fieur Feuillant à Girard , le 3 août 1785* j,
dont on rapporte les termes dans le mémoire du fieur F eu il
lant , page 13 , que Girard ait été prévenu par le C o m m i s ,
que Sauret fe trouveroit au Pont-du-Château , le lundi fuivant. A u furplus, le Com m is auroit bien pu annoncer à G i
rard , que Sauret feroit au P on t-d u rC h â t e a u , à un certain
jour , par l’effet d’une préfomption de fa p a rt, & non d’une
certitude.
3°. L a preuve que Sauret n’a pas dû veiller au décharge
ment , réfulte de ce que Girard n’a jamais appellé S auret;
c ’eft lui ôc fa femme qui y ont préiidé ; cela réfulte , com m e
on a déjà v u , de leur déclaration. C e n’eft point Sauret qui
a payé les frais du d é ch a rg e m e n t, c ’eft Girard qui les a payés ,
ni & fa femme l ’ont ainfi d é c la r é , & le fieur Feuillant n ’at
�7
taque pas cette déclaration , il la regarde au contraire c o m
me vraie.
L e fieur F e u i ll a n t , pour faire croire que Girard ¿toit le
correfpondant choifi par Sauret , n’a pas craint de dire q u e ,
dans la lettre du 20 février 178^ , adreffée à Sauret, il avoit
annoncé qu’il feroic conduire le charbon che\ Girard. V o i c i
les te rm e s, page 22 , » Feuillant ne propofe pas à Sauret
» d’aller le recevoir chez Girard , maisi/ir q u i lle fe r a con» duire cheç Girard. Les conventions de la lettre ne font
» que la répétition des conventions verbales. I l avoit donc
» été convenu que Girard [croit le Commiffionnaire des deux ».
Mais il eft faux qu’il foit parlé de Girard dans cette lettre.
E n voici les termes : » j ’e n v o ie , Moniieur , mon domefti» que , pour chercher la jument que vous m 'avez v e n d u e ,
» pour dix-huit voyes de charbon de baratre , que je vous
» conduirai au plutôt au Pont-du-Château , la décharge à
» v o tr e c h a r g e .........la préfente vous fert d'aifurance. (a ) »
C e tte lettre contient-elle la preuve que Girard dût Être
1e CommiJJionnaire des deux ? Y a-t-on entendu que Sauret
fut tenu de veiller au déchargement ; fur-tout il on fait
attention que c’eft plus de fix mois après que l’envdi a été
f a i t , fans qu’il y ait eu de lettre intermédiaire , adreflee à
Sauret ? Pourquoi a-t-on ajouté ces deux mots , che\
Girard ?
L e troifieme moyen du fieur F e u illa n t , confifte à dire
que Girard n’a pas fait contremefurer le charbon qu’il a re*
eu , qu’il l ’a remis indéfiniment comme il l ’avoit reçu ,
fans s’occuper de la quantité ; que d’ailleurs, ce qui peut
( a ) V oilà un titre de la part du fieur F euillan t, il faudroit une preu
ve bien précife pour le détruire.
�8
avoir donné lieu à la m ép rife, c ’eft la contenue du tombe
reau d eS a u ret; qu'il contenoitvingt-une rafes, quoiqu’ilprétendic qu’il n’en contenoit que dix-huit. L e fieur Feuillant préfente
à ce fujet un c a l c u l , page 16 } qui fans doute a dû captiver
les Lecteurs amateurs de l'art oratoire.
R E P O N S E . L ’on a prouvé dans Je mémoire de Saur e t , le fait confiant du contrem efurage, & la néceffité même de
ce contremefurage. L e fieur Feuillant dit a & u e lle m e n t, page
2 5 , que les déchargeurs ne contremefurent p o in t , & qu’ils
s’en rapportent à ce qu’on leur dit fur la contenue.
Mais le fait eft faux. L es déchargeurs contremefurent ,
ainfi qu’on Ta expliqué dans le mémoire de Sauret ; fans
c e l a , ils feroient trop fouvent trompés. D'ailleurs , l ’affertion du fieur Feuillant
fuppofe que
les déchargeurs
ont
pris vingt voyes pour d o u z e , & qu’ils fe font contentés de
fix liv r e s , au lieu de dix livres. Mais à qui perfuadera-t-il
une pareille méprife de leur part?
A l’égard du calcul annoncé par le fieur F e u illa n t , d’une
manière vraiment fu b lim e , ôc qu’on ne peut fuivre , (a) il
ne prouve autre ç h o f e j fi ce n’eft que fon imagination a fait
un effort pénible.
L a bafe de ce calcul e ft, malheureufement pour le fieur
F eu illa n t, un fait évidemment faux ôc fuppofé. Il calcule la
différence qu il a dû y avoir dans la quantité de charbon en
levé , d’après la différence de la contenue réelle du tom
bereau de Sauret , qui eft de dix-huit à dix-neuf rafes ,
d’ avec la contenuefuppoféequieft de vingt-une rafes. D ’après
Ion c a l c u l, qu’il lui plaît d’appel 1er une démonjlratïon mathéma
tique , il dit que la différence eft de quatorze à douze voyes t
( a } Voyez la note à la fin de la page itf.
ôc
�9
& il conclut que Sauret a emporté quatorze voyes , tan
dis qu’il pouvoit c r o ir e , ou faifoit croire à Girard qu’il n'en
tranfportoit que douze.
Mais l'opération eft déjà vicieufe , par cela feul qu’elle
ne frappe que fur une partie du charbon contentieux. Il
s’agit de vingt voyes , & l’objet du calcul n’eft que de qua
torze voyes. Les fix premières voyes auroient été tranfportées fur le même tombereau que les quatorze dernières; (en
fuppofant ces deux quantités pour un m om ent) l ’erreur auroit donc été é g a le , quant aux deux quantités. Sauret , en
fuivant le fyftême du fieur F e u illa n t, auroit donc néceflairement emporté une première fois fept voyes au lieu de f i x ,
une fécondé fois, quatorze voyes , au lieu de d ou ze, ce qui
feroit vingt-une voyes. D 'o ii il faudroit conclure que le
fieur Feuillant auroit envoyé non pas feulement vin g t voyes ,
mais bien vingt-une , 6c que Girard auroit eu la bonhommie
de faire une m é p rife , dont le coup-d'œil le moins exercé
fuffiroit feul pour s’en garantir ; c ’eft-à-dire, qu’i f auroit pris
un tas de charbon de vingt-une v o y e s , pour douze voyes
feulement.
Q u ’a fait le fieur Feuillant , pour tâcher de couvrir le
vice de fon opération? Il a fuppofé , pages 1 4 , i j , 17 &
18 , que Sauret avoit enlevé le charbon à deux reprifes ;
que d’abord , il avoit pris les fix premières v o y e s , & enfuite au mois de feptem bre, les quatorze. Il a fait plus, il a
voulu infinuer , p?ge 18 , que Sauret l ’avoit lui-même avoué.
V o i c i fes termes : » d’un autre cô té , il convient d’avoir en» levé douze v o y e s , depuis le mois de feptembre. I l a donc
» connu & enlevé les deux envois de c h a r b o n , chacun
» dans leur temps. Sauret a donc reçu vingt voyes "de char» bon du fieur Feuillant ».
B
�t»
IÔ
M ais il eft faux que Sauret ait pris du charbon en deutf
reprifes , c ’eft-à-dire, avant la fin de feptembre , ou le com
mencement d’o£tobre. i l eft également faux qu’il l ’ait avoué.
I l n’a ceiTé de d i r e , ( vo y ez la page 3 de fon mémoire , )
qu'il a com m encé de tranfporter le charbon à la fin de fep
tem bre , ou au com m encem ent d’oflobre. E n difant que ce
tas de charbon écoit de douze v o y e s , il a dit en même
temps que c ’étoit tout le charbon qui lui fut p ré fen té , com me
ayant été e n vo yé pour fon c o m p te , par le fieur Feuillant.
S ’il eût entendu dire qu’il eût reçu ces douze voyes en fep
te m b r e , & qu’il eût encore reçu auparavant les fix premières
v o y e s , prétendues envoyées pour fon compte > au mois
'd’août j il auroit lui-m êm e prononcé fa condamnation ; puifque fa prétention confifte à foutenir qu’il n’a reçu , en t o u t ,
que douze v o y e s , indépendamment des quatre voyes & de
mie qu’il avoit déjà reçues du fieur V ig ie r , par l ’ordre du
fieur Feuillant, (a)
D ’ailleurs , le fieur Feuillant fuppofe que Girard a parfai
tement fu qu’en feptembre ou octobre Sauret avoit pris qua
to rze voyes j ou au moins douze ; qu’il favoit également que
précédemment Sauret en avoit pris fix. Mais fi Girard & fa
(a) Pour abréger , on ne parlera plus de ce qui concerne les quatre
v o y e s & demie , qui ont été
co m p te
ce
qu’on
délivrées
à Sauret par V igie r ,
de ce que lui devoit le fieur Feuillant.
a dit dans le mémoire de Sauret.
dame Scve , dirigée plutôt contre
Sauret ,
La
à
O n perfide dans
demande
que contre
de la
le fieur
Feuillant , ne prouve rien. Il peut fe faire qu’alors la dame Séve
aimât mieux
avoir Sauret pour
d é b iteu r.
On
a d’ailleurs dit à
Sauret que l’on lifoit dans le livre journal du fieur V i g i e r , délivré
à Sauret , par l'ordre du fieur Feuillant.
�1T
femme favoient tout cela , comm ent en auroient-ils oublié la
moitié ? le fécond tranfport de douze ou quatorze voyes fe
feroit bien gravé dans leur tête , & le premier en feroit en
tièrem ent forti ? D e deux chofes l’une , ou le fieur Feuillant
fe trompe , lorfqu’il dit qu’il a envoyé vingt voyes de chart o n , ou Girard a retenu le premier envoi. M ais dans l’un
ou l’autre de ces deux c a s , il eft impoilible au iieur Feuillant
de prouver que Sauret ait reçu vin g t v o y e s , ôc l’on peut dire
que celui-ci a prouvé le contraire.
Mais que va devenir encore le c a l c u l , cette produ&ion
précieufe de l’imagination de nos Adverfaires ? L e tom be
reau eft dans cette V i l l e , chez Sauret. I l fera reconnu par
des témoins dignes de f o i , pour être le même dont Sauret
fe fert depuis bien avant 178^ ; il fupplie la C o u r d’en or
donner la vérification. Il allure qu’il en réfultera qu’il con
tient dix-huit à dix-neuf ra fe s , ainfi qu’il l ’a toujours dit.
C e tte opération vaudra fans doute bien la démonjîration
mathématique du fieur F e u illa n t, qui a d ’ailleurs p o u rth é o réme la dépofition d’une fervante de cabaret.
N ou s facrifierons , au defir d’abréger & de fimplifier la
conteftation, l'avantage que nous pourrions nous procurer,
en relevant certains raifonnements vraiment abfurdes , &
quelques différences qui fe trouvent entre le mémoire im
primé du fieur Feuillant , &
nuferit.
fon
premier mémoire ma-
Par exem ple , dâns le premier mémoire , on avoit prêté
à S a u r e t , une réponfe foible , fur un fait avancé par le
fieur Feuillant j & on en trio m p h o it. Sauret a rapporté dans
fon m é m o ire , page p , les termes dont il s’étoit fervi , & il
a dit que la réponfe étoit verte. L e fieur F e u illa n t, page
# 2 , eft convenu des term es 3 ou à-peu-près } & il ajoute,
�î2
que cette réponfe n'eft point verte, mais effrontée , indécente ,
vis-à-vis d’un homme reconnu pour loyal. Mais une réponfe
effrontée & indécente n’eft pas une réponfe foible , & qui
d écéle le menfonge & l ’embarras de répondre.
N ’y a-t-il pas encore une affectation puérile dans la pre
mière phrafe du récit des faits , de la part du fieur F e u il
lant ? » L e fieur F e u illa n t, N é g o cia n t de Braffa g e t , a ch e ta ,
» dans les premiers mois de 1 7 8 5 , de Gervais S a u r e t , dit
» le Grenadier » ; Sauret s’empreff e d’avouer qu’il l ’a été. Il
fe confoleroit encore , quand il feroit furnommé l ’Enfant
B leu . Un homme , pour être furnommé le Grenadier , ou
l ' Enfant B leu , n'en eft pas moins eftimable , puifque les
fobriquets font prefque toujours l'ouvrage du h a z a r d , ou
du caprice. Cependant , com m e chacun eft jaloux de la
gloire de fon n o m , Sauret defire ardemment qu’on fâche
qu’il penfe que l ’un de ces fobriquets vaut bien l ’autre ,
& qua
' ce fujet , il ne feroit pas un fécond troc, S igné
SAURET.
M onfieur B O I S S O N , Juge en charge,
Me
G R EN IER,
S a u v a g e o n
A v o c a t.
f
Procureur»
\
■ M
A
n n M
n M
n r M
M
M
M
M
'n M
M
n a m
M
M
M
B
a n n
R I O M , d e l’imprimerie de M a r t i n D É G O U T T E ,
Imprimeur-Libraire, près la Fontaine des Lignes. 1787.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Baron Grenier
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Sauret, Gervais. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boisson
Grenier
Sauvageon
Subject
The topic of the resource
marchandises
troc
charbon
créances
transport fluvial
livres-journaux
mines
poids et mesures
faux
témoins
auberges
Description
An account of the resource
Réponse pour Gervais Sauret, défendeur et demandeur. Contre le sieur Feuillant et autres.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1785-1787
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
BCU_Factums_B0124
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_B0122
BCU_Factums_B0123
BCU_Factums_B0125
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pont-du-Château (63284)
Brassac-les-Mines (63050)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
auberges
charbon
Créances
Faux
livres-journaux
marchandises
Mines
poids et mesures
témoins
transport fluvial
troc
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MEMOIRE
P O U R Le fieur F E U I L L A N T , Défendeur &
Demandeur.
CONTRE
G
.
e r v a i s
S A U R E T
,
Défendeur & Demandeur
L
E fieur Feuillant convient qu’un créancier ne doit
imputer fur fa créance , d ’autres objets que ce u x que
le débiteur prouve qu’il a payés. M ais auffi penfe-t-il que
tout hom m e raifonnable trouvera qu’il e f t injufte qu’un créanc i e r q u i a c e f f é d e l ' ê t r e , e x ig e que celui qui par
paiement a ce ffé d'être fon débiteur» foit encore f orcé à
payer fes dettes , fous le p rétexte qu’il a été fon débiteur.
O r telle e ft la prétention de Sauret. D ans le même temps
où le fieur Feuillant étoit fon d é b ite u r, il a été fa caution.
Sauret à la vérité prétend que le fieur Feu illant n’a pas été
f a caution , mais qu'il a fait fon affaire perfonnelle de fa dette.
L e fieur Feuillant a rempli fes engagements envers S a u r e t ,
dans le m ême temps où celui-ci prétend que le fieur F e u il
lant s eft rendu débiteur à fa décharge. S i le fieur F eu illant
A
�V
2
prouve qu’il s’eft libéré de fes engagem ents perfonnels envers
Sauret , ne paroîc-il pas jufte que les choies rentrent dans
l’ordre naturel , 6c que Sauret paye une dette qui a tourné
à ion profit ? O r le fieur Feuillant prouve non feulement que
Sauret a été pave en entier de fa créance contre l u i , mais
e ncore que Sauret eft fon débiteur de deux v o y es de
'•'T ïïa r b o n T ^,
O T p re m iè re aflignation dans cette affaire a é té donnée
en mars 178 7 à Sauret , par le fieur S é v e , qui l ’a toujours
regardé com m e fon unique débiteur } fous le cautionnement 'du fieur Feuillant. Sauret , dans les commencements
] d c c e t te ajïaire , a fait naître une foule d'incidents , qui
[ e n ont d ifféré le jugem ent , & dans lefquels il a toujours
p é t é convaincu ou de fe tromper ou d’avoir voulu tromper.
Sur la fin de juin , le fieur Feuillant a fait un v o y a g e à
P a r i s , où il a été retenu pendant trois mois pour affaires
im po rtantes, ou pour raifon de maladie. Sauret pendant ce
temps n ’a ceifé de folliciter un jugem ent ; la préfence du
fieur Feuillant ayant été regardée com m e néceflaire, le ju
g em en t a été différé jufqu’à fon arrivée. M ais S a u r e t, crai
gnant alors la préfence du fieur Feuillant & fes défenfes , a
eu recours à un A v o c a t , qui lui a donné une confultation
en fa faveur. L e fieur Feuillant , inftruit que cet A v o c a t
s’étoit porté pour défenfeur de S a u r e t , le pria de mettre
l ’affaire en arbitrage. L e fieur Sauret , l ’on ne fait fou3
quel prétexte , mais vraifemblablement fondé dans fes efpér a n c e s , nJen a montré que plu* de chaleur dans cette af
fa ir e , & a refufé abfolument de fe rendre à la propofition
du fieur Feuillant. C elu i-ci a , de fon cô té , mis fous les
y e u x de quatre célébrés A vocats de cette V ilie , un m é
moire déraillé des faits & de fes moyens de défenfe ; & tous
ont été d'avis que la co n te ih tio n de Sauret é toit des plus
mal fondée.
T o u t alors étoit égal entre les p a rties, lorfque le défen
feur de Sauret a demandé communication du njémoire du
licur F e u illa n t , & de la confultation qui a fuivi. Il a ré
�pondu à l’un & à l’autre par un m ém oire que Sauret a fait
im prim er, dans l’efpérance fans cloute d’en impofer au public «
par l’éclat donne à cette allaire.
'
'
L e T ribunal auquel l ’affaire eft p o r t é e , peu accoutum é à
voir imprimer dans les affaires de fa com pétence , gémic
fans doute des frais qu’occafionnent les chicanes du fieur
Sauret. Mais ce dernier aura peut-être à fe repentir dJavoir
donné à cette conteftacion une publicité qui pourroit nuire
à la réputation de probité , dont il fait parade avec trop de
chaleur.
Q u o iq u ’il en f o i t , le fieur Feuillant a dû à lui-m êm e , au
public & aux Jurifconfultes qu’il a c o n f u lt é s , de fe juftifier
authentiquement du reproche de fuppofitions & d June foule
d 'in e xa & itu d e s, au m oyen defquelles il auroit furpris la re
ligion de fes Avocats. I l va tâcher de fuivre pied à pied le
défenfeur de S a u r e t , fans efpérer cependant de captiver les
le£teurs amateurs de l ’art oratoire. Us feront peut - être
curieux de favoir lequel du fieur F eu illa n t ou de S a u r e t ,
9 débité des inexactitudes.
F
A
I
T
S
.
L e fieur F e u illa n t , N é g o c ia n t de B ra fia g e t, acheta dans
les premiers mois de 1785: , de G ervais S a u r e t , dit le G r e
nadier , M a rchand ^ R io m , un cheval m oyennant dix-huit
v o y e s de charbon , qu’il s’engagea , par une lettre du 20
février , à lui faire conduire au P o n t-d u -C h â te a u , chez le
nom m é G i r a r d , A ubergifte de cette V i l l e , le déchargem ent
a la charge de Sauret. C e fut fur cette lettre que Sauret re
m it au domeftique qui en étoit porteur , le ch e v a l qu'il
avoit vendu au fieur Feuillant. C e cheval fut donc livré en
conféquence des conventions inférées dans la le t t r e , qui eft
le titre de Sauret contre Feuillant.
Sauret prétend dans fon mémoire que n ’ayant point l ’ufage de lire & d’é c r i r e , il ne fe fit donner q u ’une c o n noiffance très - fuperficielle d e l à le ttre du fieur Feuillant
A a
'
�4
dans l ’infiant où elle lui fut re m lfe , &: que ce ne fut que
lo n g - temps après qu’il apprit que les frais de décharge des
d i x - h u i t voyes feroient à fa c h a r g e , d’après cette lettre.
C eci eft une aflertion que rien ne prouve que le fieur
Feuillant d é m e n t, mais qu’il étoit utile à Sauret de mettre
en a v a n t , pour donner à la conduite du fieur Feuillant une
couleur de mauvaife foi. Les frais de ce déchargement étoient
un trop petit o b j e t , pour occuper le fieur F e u i l l a n t , de ma
nière à le porter à une furprife envers Sauret ; le comm erce
du fieur Feuillant le m et au - deiTus de pareilles petiteiTes.
I l étoit de plus eiTentiel pour Sauret de prévenir ,
par cette réflexion , les indu£tions qui fuivent de ces
expreilions de la lettre de F e u illa n t, le déchargement à votre
charge. Elles font voir que c’eft à Sauret à veiller à ce d é
chargement. L e fieur Feuillant n’a dû répondre du char
bon que jufqu’au Pont - du - Château ; c ’eft là que Sauret
eft convenu de le prendre , le déchargement à fa charge.;
TLe charbon une fois arrivé au P o n t , eft fur le lieu choifi
par Sauret ; l’arrivée de l’expédition prouvée , Sauret feul
eft chargé du charbon ; c ’eft à lui à le faire décharger ; &
fi Feuilîant a fi expreffément recommandé à Girard , dans
fa lettre du 5; août , de tenir le charbon déchargé , 6c prêt
à être enlevé par Sauret : c ’eft que c e l u i - c i étoit extrê
mement preifé de le retirer ; que Girard ayant été co m m is
par les deux parties , de la part de F e u illant à la rccep~
tion , d e"la part de Sauret au déchargement ; le meilleur“
moyen ,, pour "confiatef~i’âFnvlSe du charbon , étoit que
Sauret le. trouvât tout prêt à être enlevé. Il importoit peu
dans le fait que la recommandation fut faite par Feuillant
ou par S a u re t; mais il étoit intéreflant pour Feuillant de
fixer l ’époque où il ceifoit d’en être garant. E t quelle fejroit en effet la condition du vendeur , fi , après avoir fait
’• conduire la marchandife vendue nu lieu indiqué Ôc a c c e p té ,
-1, il en rcftoit refponfable jufqu a fon enlèvement complet ?
Q u e l feroit donc le lieu où le vendeur ceiferoit d ’en être
garant ? D ’après ces ré flexio n s, on fent toute la confé-
�f
-,
quence de ces expreiïions , le déchargement à votre charge.^
Ces autres expreiïions de la même lettre , j e vous fe r a i con- (
dnire au p lu tô t, prouvent encore que le Commiifionnaire \
Girard a été choifi par les deux parties. A u plutôt fignifie )
prom p tem en t, mais ne fixe point de jour. Il falloit donc /
que quelqu’un fût commis d’accord pour le recevoir , avec /
connoiffance réciproque de la fidélité du Commiifionnaire i /
d e l à part de F e u illa n t, pour attefter l’a r r iv é e , de la parcj
de S au ret, pour veiller au déchargement.
L e fieur Feuillant convient d’avoir été en re ta rd , quant
à l’envoi de ce charbon. D ’abord le grand nombre d ’e x p é
ditions qu’il avoit à faire dans ce m ême te m p s , le rend excufable : enfuite il furvint une fécherefle extraordinaire ,
qui fut un obilacle infurmontable.
Sauret cependant
avoit revendu au nommé G arde , le charbon
que
le fieur Feuillant lui devoit : il reçut en conféquence de
Garde une aflignation qu’il dénonça au fieur F e u i lla n t , &
obtint contre lui , le 30 juillet 1 7 8 ; , une fentence qui le
condamnoit à délivrer ce charbon dans trois jours
à
compter de la.lignification, & faute de ce faire dans ledit
'temps , aux dommages & intérêts de Sauret , ainfi
qu’aux frais fouiferts ou à foufïrir de la part de Garde.
C e fut alors que le fieur Feuillant pria V ig ie r du Pont-duChatcau , de vendre à Sauret & lui délivrer la quantité
de charbon qui lui feroit néceflaire, ajoutant quJil en répondoit. Je dis que 1s fieur Feuillant pria , follicita V i g i e r , parce
que V ig ier qui connoiffoit déjà S a u r e t , ne vouloir abfolument
faire aucune affaire avec lui ; fie il ne fallut rien moins que le
plaifir d’obliger le fieur F e u illa n t, pour déterminer Vigier.
I l fembleroit par la manière dont ce fait eft racon
té par .Sauret , que Feuillant a dit , en préfence de
V i g i e r , que le charbon qui feroit délivré à Sauret , feroit .
imputé fur la quantité qu’il devoit perfonnellement. C e fait /
eft démenti par i’afiignation des héritiers V ig ie r à S a u r e t , ôc 1
par la conduite du fieur F e u illa n t, qui dans le même temps [
6 eft libéré envers S a u r e t , en lui faifant conduire au Pont- I
�s
du-Château v in g t voyes de charbon en deux e n v o is , l'un de
fix v o y e s , du $ août 1 7 8 ^ , l’autre de quatorze voyes., du
mois de feptembre fuivant.
L es chofes étant en c e t é t a t , le fieur S év e , gendre du
iieur V i g i e r , fait aflîgner Sauret à lui payer quatre voyes
& demie de c h a r b o n , qui lui avoient été vendues par fon
beau-père. Sauret répond en défendant qu’il ne doit rien,
& par une afTercion auiïi vague , auili hafardée , force les
Juges à ordonner la comparution du fieur S é v e , gendre de
V ig ie r , qui, en fon abfence, fut repréfenté par la dame S é v e ,
fon époufe. Sauret conferve à cette fécondé audience le mê
me air d’aiTurance , fe tient f j r la négative. Sauret prétend
que la dame S év e lui fait demande d’une certaine quantité
de charbon , qu’il affure avoir payée , en fatisfaifant, à la dé
charge du fieur V i g i e r , à la demande de quelques ouvriers.
L a dame S é v e lui dit alors qu’ elle veu t bien le croire fur
fa parole , quant à cet article; & ajoute que ce n’eil point
de cet objet dorrt elle forme demande , mais de quatre voyes
& d e m ie q u e fon père lui a vendues , à la follicitation du
fieur F e u i lla n t , qui avoit promis de payer lui-même le char
bon que Sauret p re n d ro it, dans le cas où celui-ci ne payeroit point. Sauret s’é lève alors avec chaleur fur la quantité
demandée par la dame S év e > rend cette quantité problé
matique , prétend tantôt qu’il n’en a pris que trois v o y e s ,
tantôt trois & dem ie; & enfin la dame S é v e demande que
la fervante qui demeuroit ch ez fon p è r e , lors de l'en lève
m ent de ce c h a r b o n , foit entendue fur cette conteflation :
Sauret reprenant la parole , dit alors q u e , dans tous les ca s,
c ’efl au fieur Feuillant à payer ce charbon ; de-là une fentence préparatoire , qui ordonne que cette fervante fera
ouie , & le fieur Feuillant mis en caufe.
Q u ’eft-il réfulté de la dépofition de cette fervante? i° . q u e ,
d ’après le com pte des v o itu re s , fait fur la déclaration de cette
f i l l e , & contradi&oirem ent avec S a u r e t , la quantité du
charbon a été fixée à quatre voye* & demie. 2 0. L e s Ju
ges ont appris de cette fervante , qu’elle avoit vu mefurer
/
�7
le tombereau de Sauret , qu’il contenoit vingt*une r a fs s ,
& Sauret cependant prétendoit que ce tombereau n’en
contenoit que «iix-huit. Auifi cette fervante ajouta - 1 - elle
que Saurat cliargeoit au t a s , fans avertir perfonne de la
maifon ; ce qui m écontentoit fort Ton maître.
L e fieur Feuillant en caufe , a foutenu n’avoir été
que fimplement la caution de S a u r e t , & a formé con
tre lui demande de deux v o y e 3 de charbon , attendu
qu’il lui en avoit fait conduire v in g t au P o n t - du Château , & qu’il ne lui en devoit que dix-huit. Sauret
a , de fon cô té , formé demande d’une v o y e & demie
au fieur Feuillant , attendu que quatre v o y e s & demie
qu’il venoit d’être convaincu d’avoir retiré , & douze
qu’il prétend uniquement avoir reçues au P ont-du-C hâteau,
fon t feize voyes & d em ie; & pour prouver qu’il n’en avoit
reçu que douze , il demanda le rapport du livre de G ira rd ,
commis à la réception du charbon. L e rapport de ce livre ne
le fatisfaifant p a s, il demanda la déclaration de Girard & celle
de fon époufe. Girard vint dépofer ici. S on époufe fit fa dé
claration devant le Bailli du Pont-du-C hâteau , où elle
étoit retenue , pour raifon de groflefle avancée. E t c ’eit
dans le livre de Girard , fa déclaration & celle de fon épou
fe , que Sauret puife fes moyens de défenfe. O r , on fe flatte
d'établir que ces dépofitions ne peuvent être concluantes
en faveur de Sauret; qu’elles font au contraire des moyens
de défenfe effentiels dans la caufe du fieur Feuillant.
M O Y E N S .
Sauret d i t , dans fon m é m o ire , q u e le fieur Feuillant ne
peut prouver fa libération envers lui , qu’en prouvant
qu il a reçu dix - huit voyes de charbon , que cette
preuve n’étant point f a i t e , & Sauret fàifant la preuve con
traire , le fieur Feuillant eft redevable à Sauret du m on
tant de fa demande. O n obferve qu’un fait entre mar
chands 3 fe prouve ou par le s 7livres journaux 3 ou par la voie
\
�s
teftim oniale, quelquefois m ême par des circonilances q u i ,
réunies, ont force de preuve. E t il eft d’un ufage très-ordi
naire d e ’ fe déterminer dans Jes Jurifditlions C on fu laires,
d’après ces circonilances probantes ; ces fortes de Jurifdiâions
n’étant p o i n t , pour l ’avantage du commerce , aflervies aux
formalités^ rigoureufes des procédures ufitées dans les autres
C o u r s , ainfi que le porte l’Ordonnance de 1667 , art. I I du
ritre X X (a). O r
le fleur Feuillant prouve par ces divers
moyens , non feulement qu’il s’eft libéré envers S a u r e t ,
mais encore que celui-ci eft fon débiteur.
E n effet, fuivant l ’article I I du titre I I I de ¡’Ordonnan
ce de 16 7 5 , les agents de change & de banque doivent te
nir un livre jo u r n a l, dans lequel fo n t inférées toutes les Par
ties par eu x négociées, pour y avoir reçours, en cas de co/ztejlation. Girard dans l’affaire préfente , eft est agent inter
médiaire. Pour que fon livre f î t f o i , & que l’on pût y avoir
r e c o u r s , il faudrait qu’il fût d’une même fuite , par ordre
de date , fans aucun b la n c, fuivant l ’article V du titre I I I
de la même Ordonnance ; & encore dans ce c a s , n’en tireroit-on des induirions , qu’en le conciliant avec le livre
des deux conteftants, comme l ’obferve M . J o u fle , C om m en
tateur de cette Ordonnance. Mais le livre de Girard n’eft
point en règle , c Jeft plutôt un chiffon qu’un livre , il eft
en trois ou quatre feuilles volantes , mal t e n u , écrit fans
f u i t e , ayant des vuides intermédiaires ; & il faut que ce fait
foit bien vrai , pour que Sauret ne l'ait pas relevé dans__
fon m ém oire.^Aufli t r o u v e - t - i l plus fimplc , page 7 ,
d écarter les liv r e s journaux ,
fous un prétexte fri
vole , fans faire réflexion qu’il entend tirer grand parti de
celui de Girard , qui par là-même q u ’il n ’eft pas en rè g le , ne
mérite aucune foi ; ce livre eft de plus démenti par la dépo( a ) L e J u g e , dans les affaires de com m erce , ne m arche pas to u jo u rs h la lu eu r
d’un io leil éclatant : fi , d’une part , la loi I'éclaire fur les règles a u ftères d e I*
p ro b ité , d’autre part , \et circo n ila n ce s lu i fourniH ent un e lu m iire sû re , q u o i
qu e m oins v i v e , à l’aide d e laquelle il p erce l’épaifleur des tén èbres , où la
m auvaife fo i s’e n fo n ce p our cacher Ces o p ératio n s,
fitioo
�9
ficion de Girard & celle de fon époufe. Sauret n’en peut
donc rien induire contre Feuillant , de même auili que le
fieur Feuillant n’en peut rien conclure contre Sauret. A u x
termes de l’ordonnance , ce livre doit être de peu de
confidération. Il refte donc à recourir dans cette partie à
la voie teftimoniale. O r Girard Ôc fa femme , feuls tém oins,
& ouïs à la requête de Sauret
difent qu’ils ne fe rappel
lent pas la quantité de charbon qu’ils ont reçu , qu’ils cro yen t
que c ’eit douze voyes qu’ils ont délivrées à Sauret. G irard
^déclaré en outre avoir reçu deux envois diitintts , quoique
fon livre ne faiTe mention que d’un l e u l , de douze voyes.
I l répréfente en outre une lettre d’avis de lix voyes ,
parties le j août de BraiTac , & arrivées le 8 au P o n tdu-Château.
Il y a de l'incertitude , quant à la quantité , dans la
déclaration de la fe m m e , mais elle porte douze voyes , ÔC
la lettre repréfentée n’en annonce que fix ; cette déclara
tion , toute incertaine qu’elle eft , ôc qui , de l ’aveu de
Sauret , ne va pas jufqu’au doute , fait donc voir clairement
q u’il y a plus de fix voyes envoyées. C e tte déclaration ,
loin d o n c de détruire l ’énoncé du livre du fieur Feuillant ,
vient à l ’appui de ce livre qui annonce deux envois. O r l ’on
apprend par le livre du fieur F eu illa n t, que la rivière à la
fin de feptembre charrioit à fept voyes j & que Girard reçut
le même jour un envoi d’un bateau à fept v o y e s , expédié pour
un autre particulier. L a dépofttion du mari eft plus précife ,
elle attelle la vérité de deux envois , & ne laiiTe de l ’in
certitude que fur la quantité , elle force donc à avoir re
cours au livre du fieur F e u illa n t, par lequel feul cette quan
tité peut être connue. O r ce livre doit faire f o i , quoi
qu’en dife Sauret dans fon mémoire, où , pour appuyer la pré
tention étonnante que les livres journaux ne font foi qu’en
tre marchands entre lefquels il y a une correfpondance de
com m erce bien établie , il dit : cela ejl f i vrai , que les li
vres des Marchands ne fo n t point f o i contre les bourgeois ,
& il cite Lacom be. L ’autorité de L acom be eft refpe£table ,
�Io
mais elle eft au moins déplacée , dans une conteftation en
tre marchands.
i ° . L ’article I du titre I I I de l ’Ordonnance , porte : les
Négociants & M archands, tant en gros qu’ en a é ta il, auront
un livre qui contiendra tout leur négoce : autrement , dit
Joufle , les autres Marchands qui Jeroient \en contejlatioti
avec eu x , & qui auroient des livres en règle 3 pourraient être
écoutés dans leurs demandes, par cela f e u l que leurs livres f e roient en règle , ces derniers étant alors préfumés être dans
la bonne f o i. Bornier dit auiü que , f i l e Marchand n'a point
tenu de liv r e, bien que fa demande f o it fondée fu r une promeffe écrite , & fignée de la main de celui à qui les marchaitdifes ont été délivrées ; en ce cas le livre journal du débiteur
doit fa ire f o i , pour prouver qu’i l a p a y é , parce q uun M ar
chand qui tient des livre? , eft réputé de meilleure f o i .
2°. Q u a n t à ce que porte le mémoire de S au ret, que les
livres journaux ne font foi qu’entre les marchands entre lefquels il y a une correfpondance de commerce bien établie:
cette réflexion ne fe trouve nulle part que dans ce mémoire :
l ’ordonnance & l’ufage n'ont donné nulle part l ’exclufion à 1 a
foi que méritent les livres journaux, dans la premiere affaire
que fait un marchand en gros avec celui en détail. Sauret eft
marchand de charbon en d é ta il, puifqu’il avoit revendu partie
de ce charbon à un nommé Garde. Il en confomme beaucoup
pour l’entretien de fes fours à c h a u x , & peut & doit donc
è re confidéré com me commençant par cette première affaire,
u ie correfpondance avec le fieur Feuillant. Un livre en règle
doit, fuivant l ’ordonnance, faire foi môme contre le créancier
qui ne préfente point de liv r e , tant dans le gros que dans le
détail. O r Sauret ns tient point de livres, quoiqu’il fâche
écrire, com m e il en eft convenu lui-mêm e, en réclamant de la
part de Girard un livre autre que celui qu’il rep réfen to it, &
& dans lequel Sauret difoit avoir écrit une promefle en faveur
de Girard. Sauret n’eft donc point en règle , & aux termes de
l ’ordonnance , le livre de Feuillant fait foi contre lui. O r ce
livre fait foi qu'il a été expédié à Sauret vingt voyes de char-
�bon au Pont-du-Château ; c’eft-là que Sâuret a dû le recevoir.
U ne fois le charbon arrivé au Pont-du-Château , il a été à la
charge de Sauret ; il a pu en difpofer fuivant fon bon plaifir.
Sauret cependant prétend n’avoir reçu que douze v o y e s , invo
que en témoignage le livre de G i r a r d , fa déclaration & celle
de fon épo ufe, & enfin il d it, page 1 3 de fon mémoire , que
fi les expéditions ont été faites, il n’en a jamais été prévenu
par lettres d’avis, ou autrement.
i° . Q u e l fi grand parti Sauret peut-il tirer de la déclaration
du livre de Girard , qui porte au
août une feule délivrance
de douze voyes de charbon faite à Sauret, en vertu d’un envoi
du fieur Feuillant ? L ’on ne voit rien de fi convainquant contre
S a u re t, que l’énoncé de ce livre; la date f e u le , qui n’eil
conform e à aucun des envois du fieur F e u illa n t, prouve que
cet envoi a été porté fur le liv r e , abfolument fans aucun fouvenir tant des époques que d e là quantité. Girard & fa fe m m e,
jdont les dépofitions ont été requifes par S a u r e t, ont dû d épofer d’une manière moins affirmative. L a dépofition de la
femme G ira rd , porte qu’elle ne fe rappelle pas précilëment le
nombre de v o y e s , qu’elle croit que c ’eft douze qui onr ¿rA
déçhargées & remîtes à S auret. G irard ignore ainfi que fa
fe m m e îa quantité de v o y e s , mais convient de deux envois
cliftin£ts, quoique fon livre ne faiTe foi que d’un feul e n v o i,
d ’une feule délivrance. I l rapporte au procès une lettre en \
date du j août 1 7 8 ; , par laquelle le fieur Grimardias, commis '
du fieur F eu illa n t, lui donne avis qu’il lui e xp éd ie , ce même
jo u r , fix voyes de charbon en deux b a te a u x , pour le compte
de Sauret. Pourquoi n’eft-il point fait mention de cet envoi
fur le livre de G ira rd , & qu’au contraire il y eft fait note d’un
de douze voyes le 27 a o û t , tandisque le dernier envoi n’a été
fait qu'à la fin de feptembre ? C ’eft que Girard ne s’eft rappcllé que très-long-temps après leur arrivée , qu il avoit
oublié de les infcrire fur fon livre; qu’il ne s’eft pas plus rappellé la quantité que contenoient les feconas b a t e a u x ,
que la date de l’expédition. Les deux premiers bateaux
contenant fix voies, il a conclu de la contenue des premiers à
B 2
�12
celle des féconds. I l a penfé que le premier envoi ayânt été
fait précipitamment en vertu de fe n te n c e , le y a o û t, le fé
cond avoit dû fuivre de près, ôc en co n féq u en ce, il a cru
pouvoir les rapporter fous une feule d a te , celle du 2 j août.
Son incertitude fur la quantité eft fi fo r m e lle , que Girard
conclut à la fuite de fa déclaration en ju ftic e , au rembourfement d’une fomme plus confidérable que celle de fix liv r e s ,
dans le cas où il feroit prouvé au procès qu’il eût reçu une
plus grande quantité de charbon. Sauret ne peut donc rien
conclure en fa faveur du livre journal de Girard ; livre qu’il
a rejetté lui-m êm e, en prétendant qu’il y en avoit un autre
dans lequel il avoit vu qu’il n’y avoit que fix livres endoifées
pour être répétées pour le déchargement. Sauret a donc eu
connoiflance de ce que contenoit ce livre , & en a tiré parti
à fon ava n ta ge , foit parce qu’il avoit oublié lui - même la
quantité, foit parce qu’il a cru qu’elle ne pourroit être connue.
Il eft d’autre part très-probable que c ’eft Sauret lui-même qui,
abufant de l’oubli de G i r a r d , l’a induit en erreur fur la quan
t i t é , & que fort de ce tém oignage qu’il s’efl procuré en fa
f V3 ur,il a pour lors conçu ia hardieiTe d’élever cette conteftation. Auili le fieur Feuil'ant aflure-t-il , qu'ayant rencontré
S a u re t, fur le chemin de C i e r m o n t , il lui dit: Mais S a u re t,
vous me redevrez deux voyes de charbon ; à quoi celui-ci
répondit: O h ! nous arrangerons cela dans une bouteille de
vin , & puis il ajouta : Mais vous me devez les frais de cette
f ) fentence , nous ferons TTri compte. C ette converfation fut
C répétée à 1 audience par le fieur F eu illa n t, à qui Sauret ré/ pondit leftement que c ’étoit autant de menfonges. C ette ré( ponfe n’eft point verte, mais effron tée, in décen te, vis-à-vis"
/ d’un homme reconnu pour lo y al, en préfence de Juges q u i,
S p'uir découvrir de quel cô té eft la v é r ité , fe font un devoir
\ d'entendre les parties elles mêmes.
(
2°' Sauret fe plaint de n avoir été prévenu d’aucun des en
vois. Sauret d i t , page 2 de fon mémoire , qu’il n’a point
l ’ufage de lire ni d ’écrire , 6c qu il ne fe fit donner qu’une
connoiflance très-fuperfïcielle de la lettre du fieur F eu illa n t,
�1 3’
.
.
.
.
en date du 20 février. O r il eft fort inutile d’écrire une lettre
d ’avis à un homme qui n’a l’ufage ni de lire ni d’é c r ir e , vu S
fur-tout q u e , dans le premier moment d’une affaire, m om ent ?
eifentiel pour les co n ven tio n s, la lettre contenant ces co n - \
vendons, l’affeSte allez peu pour n’en prendre qu’une connoif- C
fance fuperficielle. I l étoit plus fimple d’avertir Sauret de
vive vo ix ; ce qui a été fait. L a lettre d'avis écrite Je 3 août
1 7 85 à G ira rd , porte que Sauret fera le lundi., qui étoit le
8 , au Pont-du-Château , avec des voitures pour enlever ce
charbon. Je vous ferai o b l i g é dit le fieur Grimardias dans cette
lettre , de faire toute la diligence poffible lundi matin , pour
le déchargement de ces deux bateaux , & éviter par ce moyen
à M . Feuillant des fr a is que Sauret ejl dans l'intention de
lui f a i r e , f i le charbon n étoit pas déchargé à l ’ arrivée de fe s
voitures. E t efFeâivem ent, Sauret prefToit vivem ent le fieur
F e u illa n t, puifqu au terme de la fentence qu’il avoic obtenue
contre l u i , dix-huit voyes de charbon devoient lui être dé
livrées dans trois jours. O n ne peut dire que le commis
du fieur Feuillant ait avancé fans fon d em en t, dans fa lettre
que Sauret feroit le lundi au Pont pour enlever ce premier
envoi. Il avoit certainement été convenu entre les p arties,
que ce charbon feroit délivré ce lu nd i, à moins de fuppofer
que les expreifions de la lettre du fieur G rim ardias, ne fuiTent
dès ce temps difpofées de telle f o r t e , qu’il en pût tirer
a v a n ta g e , pour une coquinerie. qu’il méditoit ; ce qu’il eft
abfurde de cro ire-q u and on confidérera , fu r-tou t, que le
fieur Grimardias ayant atteilé la vérité des expéditions, ainfi
que celle des dates, fon affirmation porte auffi nécefiairement
fur la fincérité du contenu en fa lettre d’avis à Girard. D e
plus , l’expédition a été fa ite , puifque Girard l’a v o u e ; l’e x
pédition a été enlevée dans le temps , puifque la fentence
obtenue par S a u r e t, & fixant dans un temps de fécherefle,
trois jours feulem ent, pour la délivrance de dix-huit v o y e s ,
démontre clairement que Sauret avoit repréfenté avec cha
leur aux Juges, le befoin qu’il a v o i t de ce charbon, qu il les
en avoit convaincus en leur repréfentant l ’aiTignation qu’il
�*4
avoit reçue d’un nommé G a r d e , à qui il avoit revendu ce
charbon. S a u r e t , d’après une fentence p a reille , eft-il recevable à dire qu’il n’en a pas pourfuivi l’exécution & que
prévenu de cet envoi , com m e il ne peut le nier d’après
la lettre du fieur G rim ardias, il n’a pas enlevé ce char
bon fur le champ , (a) mais qu’il l ’a laifTéfur le p o r t , ôc que
ces fix voyes font partie des douze qui y étoient fur la fin
de feptembre. Il auroit donc ainfi laiiTé écouler deux mois
entiers fans enlever du charbon qu’ila v o it v o u lu , le 30 juillet,
lui être délivré dans trois jours. C ette prétention eft de toute
abfurdité , ÔC d ém o n tre, tout à-la-fois, la pétulance de Sauret
rlnns tes folliritations auprès de fes Juges, 6c ladreffe la plus~
"mal conçprrée pour les induire aujourd'hui en erreur.
C e tte abfurdité fera au moins aulli frappante, quant à' ce
qui concerne le fécond envoi. Page 3 de fon m ém o ire, Sauret
déclare que fur la fin du mois de fep tem bre, ou e n viro n , il
demanda au fieur Girard fi le fieur Feuillant ne lui avoit pas
adreifé du charbon qui devoit lui être remis. Girard répondit
qu’il en avoit reçu en plufieurs fois douze voyes. Sauret con
v ie n t , dans la même p age, d’avoir retiré le charbon à cette
époque. Q u e lle époque le fieur Feuillant fixe-t-il pour le fé
cond envoi de quatorze voyes? L a fin de feptem bre;( le char
bon eftparti de BrafTac le 22 de ce m ois, ) & Sauret ofera dire
qu’il n’a pas eu avis de cet envoi ! Q u e l étoit donc le charbon
qui étoit fur le port? Etoit-ce celui du premier envoi? Il eft
démontré qu’il étoit impoflible qu’il n'eut pas été enlevé par
Sauret. C ’eft donc celui du deuxieme envoi 3 6c fi Girard ne
l'a porté fur fon livre que pour douze voyes , c ’eft qu’il ne Ta
infcricquetrès-long-tem ps après la délivrance ; c'eft qu’ayant
perdu la lettre d’avis de ce fécond e n v o i, il a oublié la quantité
de voyes. I l avoit confervé la lettre d’avis du premier e n v o i ,
( a ) Il e ft à o b ferve r qu e Sauret n’a jamais^ n ié le p rem ier e n v o i , quand l ’on a
repréfen té la lettre d’avis é crite à G irard } mais qu ’il s’e il to u jo u rs retranché à dire
u’il n’a v o it re ç u qu e d o u z e v o y e s , com m e il o ffro it d e le p ro u v er par le livre
e G ira rd .
a
�& a crû inutile de l ’enrégiitrer 3 la repréfentation de cette
lettre étant fon titre pour fe faire rembourfer de fes avances
pour le déchargement. Q u and Sauret lui demanda s’il n’avoit f
jjas reçu du charbon pour l u i , Girard ne pouvoit croire que \
Sauret e ntendit parTëF de cëlui du premier envoi ; il avoit ¿té }
^ Ï ^ T l ü ë T u i ^ p o n d i t donc que relativement à u n ie c o n d . j
■ ^ ïirè ra meilleure mémoire que G ir a r d , quant à la q uantité, \
puifque Girard ne dit autre c h o f e , finon q u i l croit. L orfq u e *
Girard l ’â infcrit fur fon liv r e , ayant totalement perdu cette
affaire de v u e , il a ¿'té induit en e rreu r, foit par S au ret, foit
par la contenue des premiers bateaux ; de-là auifi, fon incerti
tude dans fa dépofition,qui ne contient d’autre vérité q u e c e l - 7
le-ci, que Sauret a retiré ce que Girard a reçu , fur-tout quand (
on la rapproche des expreifions de la page 3 du m ém oire, où|
Sauret déclare avoir enlevé ce que Girard lui a dit avoir reçu.)
A la vérité , par la réponfe de Girard , il femble que
c’eft en plufieurs fo is que ce charbon eft arrivé ; mais qui ne
vo it que ces mots en plufieurs f o i s , font à defTein ajoutés
à cette réponfe? Q u ’importoit-il dans ce temps-là à S a u r e t,
que ce fût en une ou plufieurs fois ?_ Q u e lle raifon avoic G i
rard de lui dire que c’étoit en plufieurs f o i s f c e n ’eft que depuis
que la conteftation eft élevée, que ces mots font devenus de
quelqu’importance. Aufïi Girard , en écrivant fur fon livre ,
m et fimplement douze voyes : dans fa d éclaration, il dit qu’il
croit n’avoir reçu que douze voyes en un ou plufieurs bateaux :
il convient uniquement de deux envois diftin&s, & ne parle
pas d’un troifieme. O r , il faudroit qu’il y eût eu trois envois,
pour que Girard fe fut réellement fervi de cette maniéré de
p arler, en plufieurs fois.: un premier de fix voyes , le %a o û t, }
qui néceffairement a été enlevé dans le temps , & deux pour
les douze voyes que l’on convient avoir été retirées depuis la
fin de feptembre;ces mots en plufieurs fo is font donc ajoutés. E t
Sauret fe plaindra d’inexa&itudes dans le mémoire deFeuillant! j
L es deux envois ont donc été connus ôc enlevés par Sauret.
I l ne peut être recevable à dire que le charbon peut être
arrivé an Pont fans qu’il ait reçu la quantité qui lui étoit due.
�16
Il fuffit qu’il foît prouvé que le charbon eft arrivé, & qu’il en *
eti connoiflance , pour qu’il en foit feul refponfable.
L e charbon n’eft jamais contremefuréau Pont. Il eft reçu fur
la foi des lettres de voiture. Girard & tous les autres marchands
le reçoivent ainfi. L a condition de Sauret doit être la même.
L e charbon mis à tas fur le port, eft livréà la foi publique.Girard
a averti Sauret de ce quJil avoit r e ç u , il a dû lui dire : voici
votre tas; il eft de telle quantité. Si Sauret avoit voulu connoître par lui-même la q uantité, il falloit qu’il le fît mefurer
fur le champ. Il prétend s’être afluré de cette quantité par le
nombre de voitures qu’ila faites du Pont-du-Château à R io m .
D e -là fuit que Sauret ne s’en eft crû certain qu’à l ’inftant de
la ceflfation des tranfports ; & de fon aveu, ce charbon eft refté
fur le port, livré à la foi publique, pendant l’efpace de deux
mois ou environ. Mais ne feroit-ce pas plutôt ce nombre de voi
tures qui auroit induit Girard enerreur?(a) A y a n t oublié de por
ter dans le temps les envois fur fon livre, il aura demandé à Sau
ret combien il avoit enlevé de charbon. Sauret lui aura dit que
d'après le nombre de voitures qu’il avoit chargées, il n’y en
avoit eu que d ou ze; alors, Girard fe fera contenté de cette
réponfe , & aura mis douze voyes fur fon livre. Mais le tom
bereau de Sauret contenoit 21 rafes., & il lefaifoit paifer pour
n ’en contenir que 18. O r , le même nombre de voitures qui
ont conduit
12 voyes félon Sauret , en ont dans le fait
conduit
14.
L a voie eft compofée de trente rafes. 12 voyes font par
conféquent
3^0 rafes.
Et
14 voyes
420 rafes.
Il a fallu
20 voitures, chacune de
18 rafes, pour
conduire
360 rafes, ou 12 voyes.
Et
20 vo itu re s, chacune de
21 r a fe s ,
c n tc o n d u it 420 ra fe s, ou 14 voyes.
(a )U n e «Îémonitration m athém atique m o n trero it la vérité dans to u t fon jo u r ; elle
con fon d , terrafle le m en fo n ge : la probabilité fo u rn it des arm es con tre lu i ; elle
le v é fuivan t fes d ivers d e g ré s , p lu s o u m o in s du v o ile don t il s’e n velo p p e.
Qui
�17
Q u i ne voit dans cette opération de calcul la fource de l’er
reur de Girard, fur le nombre des voyes enlevées depuis la fia
de Septembre ? ce calcul eft d’une exa&itude fi frappante, qu’il
prouve tout à-la-fois, & la vérité de la dépofition de ln fervante
de V i g i e r , ôc la fincérité de l ’énoncé du livre de F e u illa n t,
qui porte ce fécond envoi pour quatorze voyes.
Il eft de plus à obferver que Girard n’eft pas ici dans la
claiïe des commilTionnaires qui reçoivent des émolumens. C euxci non-feulement veillent au déchargement des v o itu re s , &
en payent le montant. N o n feulement ils font tenus d’avertir ~
ceu x pour qui il ont reçu ; mais encore ils emmagafinent la
marchandife en lieu fain & c lo s , de manière q u e , par c et
a£te, ils deviennent refponfabTes de cette marchandife : auïïî
leur eft-il payé une ibmme qui tourne à leur p r o f i t , & ne
diminue en rien le rembourfement qui doit leur être fait pour
raifon des voitures; au lieu que les 10 fols pour le décharge
ment de chaque voye de charbon, forment uniquement le paie
ment-des déchargeurs, de même qu’il eft payé une certaine
fomme au porte-faix ou crocheteur qui aide à décharger les
balles de deflus les voitures , ou à les tranfporter de la voiture
au magafin. E t en e ffe t, la v o y e contient 30 grandes bacholées , qui font tranfportées des bateaux fur le p o r t , & mifes à
tas. I l n’eft paffé que 10 fols par voye à G i r a r d , ce qui fait 4.
deniers par rafe ou bacholée. L a modicité de ce prix prouve
qu’il eft uniquement deftiné au paiement des déchargeurs, &
que Girard n’a , dans ce d éch argem en t, d’autre intérêt que ce
lui d’o b lig e r, & jamais l’on n'a dit que ces 10 fols tour
n a ie n t à fon profit. Girard ne tient regiftre du déchar
gem ent , qu’afin de fe faire rembourfer de fes avances.
S o n inexa&itude ne peut lui être préjudiciable que pour ce
rembourfement. I l a d’ailleurs averti Sauret à la fin de feptembre , qu’il avoit reçu pour lui du charbon » & lelon Sauret
~lui-mëme, douze voyes. (Jette date elt celle de l'envoi de quatorze v o y e s , puifque la date de l ’expédition eft du 22 feptembre.
O n ne peut préfum er raifonnablem ent, d’après la lettre du
<ieur Grim ardias à G irard, en date du j ao û t, que Sauret ait
C
^ &
•
[J
�18
ign oré le premier e n v o i, encore moins qu’en étant àverti, il
ait négligé de l ’en leve r, lui qui avoit demandé & obtenu que
Feuillant fût condamné à délivrer dix huit voyes dans 3 jours.
D ’un autre cô té , il convient d’avoir enlevé douze v o y e s .
'"depuis le mois ~HêT~~feptëmbn^ ÎT a donc connu & enlevé
les deux- envois de charbon , chacun dans leur temps. Saurec
a donc reçu vin g t voyes de charbon du fieur Feuillant. L e
fieur Feuillant eft donc n o n -fe u lem e n t libéré envers lui >
mais encore Sauret lui eft redevable de deux voyes , fous
la dédu£tion des frais de la fentence qu’il avoit obtenue con
tre l u i , le 30 juillet 178^.
Sauret , pour s’étayer de to u t, prétend qu’on ne prend
pas ordinairement plus qu’on ne doit j & qu’on ne paye pas
ordinairement plus qu'il n’eft dû. V o ic i ce fe m b le , comme il
falloir raifonner : O n ne paye pas fouvent plus qu’on ne doit/
& on prend fouvent plus qu’il n’eft dû. Il eft d’ufage & d’é co
nomie de charger les bateaux à la tenue de l’e a u , fur-tout
quand l’objet eft d’une petite conféquence. L ariviere charrioit
à fept voyes , & le fieur Feuillant a profité de cet avantage ,
attendu qu’il étoit convenu avec Sauret que s’il lui envoyoic
quelques voyes d ép lu s, ils feroient bien d’accord. Il n’eft de ne
p is étonnant qu’il en ait envoyé vingt au lieu de dix-huit.
Maintenant qu’il eft prouvé que Sauret a reçu vingt voyes
du fieur F e u i lla n t , il eft facile d’établir que les quatre voyes
ôc demie qui lui ont été vendues par V ig ie r , père de la dame
S é v e , font à fa charge. L e fieur Feuillant avoit dit indéfinim en tà V ig ie r , qu’il le nrioit de vendre à Sauret la quantité de
cln rbon dont il auroit b ^ V in , & s’étoit engagé verbalement à
être fa caution ; & ce ne fut qu’en confédération du fieur
Feuillant que V ig ier confentit à cette vente. L e fieur
Feuillant ne pouvoit penfer que ce charbon fut un à
compte fur ce qu’il devoit , lui qui a toujours ignoré la
quantité qui avoit été délivrée à Sauret ; & il a fi peu re-'
gardé cette dette comme perfonnelle à lui , qu’il a expédié
a Sauret vingt voyes de charbon , o m m e il a été prouvé ,
& cela à comm encer du 3 août , dans les mûmes temps
�19
où Sauret retîroit les quatre voy es 6c demie du fieur V ig ïe r . ]
Il eft étonnant que Sauret , rempli de fa c r é a n c e , V
ait ofé foutenir que ces quatre voyes & demie fuflent à
compte d e .c e que lui dévoie le fieur Feuillant. C om ptoitil en impofer davantage à fes Juges , en feignant d'avoir
oublié cette quantité ? mais il a fait plus , il a nié cette
quantité , a foutenu qu’elle étoit moindre , & la diffé
rence n’étoit pas de demi - v o y e , comme il le prétend
dans fon mémoire , mais d'abord d’une v o y e & demie ,
& puis d’une voye. Il a fallu enfin le convaincre qu’il avoic
retiré quatre voyes & demie , comm e aujourd’hui il faut
le convaincre que c eft vingt voyes qu’il a reçues du fieur
Feuillant. •
L e fieur Feuillant a prouvé qu’il avoit fatisfait en entier
à fa dette envers Sauret. Les quatre v o y es & demie y
dues au fieur S é v e , 6c qui ont tourné au profit de S a u r e t ,
font donc à la charge de ce dernier.
1Répliqué
à
.
la prétendue réfutation des objections d u
mémoire du Jieur Feuillant
C ’eft avec raifon que le fieur Feuillant attaque les dé
clarations de Girard & de fa femme , fur le fondement
qu’elles ne font point précifes , & ne préfentent que de
l ’incertitude.
i° . L e fécond membre de la déclaration de Girard a une
liaifon intime avec le premier. S i Girard dit vrai , en décla
rant qu’il n’a reçu que douze v o y e s , Sauret eft cenfé par
le fécond membre , n’en avoir enlevé que douze. Mais il
G irard ne fait que croire que c ’eft douze voyes f qu il ne
foit pas certain de cette quantité , il eft vrai aufii de dire
que ces mots , 6» qui ont été effectivement remifes à Sau ret,
ne fignifient autre chofe , finon : Sauret a reçu ce que
j e crois avoir reçu.
2°. C e n’eft pas parce que Girard n’a donné que fix liv»
G
3
�20
pour le d é ch a rg e m e n t, qu’il ne doit y avoir eu que douze
v o y es; mais c ’eft parce qu’il a cru qu’il n’y avoit eu que
douze voyes
qu’il ne réclame que fix liv r e s , & vingt fols
pour buvette. E t il eft bon de favoir que Girard ne dit pas
dans fa déclaration., qu’il n’a payé que 6 livres, mais qu’il
croit n ’avoir payé que 6 liv.
Dans la Consultation donnée en faveur de Sauret , par
fon d éfe n fe u r, le i er. o & o b r e , il eft dit q u i l n’y a plus de
doute, même pour la quantité reçue au Potit-du-Château, dès
que Girard & fa fem m e ont fo n d é leur déclaration fu r un f a it
efje n tie l, qu’il eji marqué dans leur livre , fo u s la date du 2.5
août t y 85 y qu’ils ont payé & hv. pour le déchargement. L a
même réflexion fe retrouve dans le mémoire imprimé , mais
avec une petite différence. Pourquoi n y lit-on pas que ces
6 liv. données pour le déchargement , font portées dans ce
livre , fous la date du 25 août ? C ’eft que le défenfeur de
Sauret a bien fenti que le livre de G ir a r d , informe & c o n
tredit par fes dépofitions , ne pouvant faire foi contradi£toirement à celui du fieur Feuillant , qui eft en r è g l e , & donc
les dates font réiatives à celles fixées avant le rapport de ce
l i v r e , il étoit aifé de voir que les 6 liv. pour le décharge
m e n t , n’ont pas été données le 2Ç a o û t , puifque dans ce
mois il n’eft arrivé que fix voyes. Com m ent faire décharger
en août ce qui n’eft arrivé qu'en feptembre ? 11 faut conve
nir auifi que Girard a mis Sauret dans un furieux embarras,
en convenant de deux envois , rapportant une lettre d’avis
de fix voyes , & écrivant cependant fur fon livre douze
voyes , fous une feule date de délivrance, date qui ne fe rap-porte à aucun des envois.
Réplique relative à ta fecon.de objection,
i° . O n convient q u e , de ce que Girard & fa femme nuroient reçu vingt v o y e s , il n’en réfulteroit autre c h o fe , finon que ceux-ci doivent compte de vingt voyes au fieur
�Feuillant. M ais comme il eft prouvé que Sauret a été averti
de l’arrivée du ch arb o n , dans le temps même de cêtre~arri-~
v é e , ce n’eft plus Girard qui en eft refponfable , mais Sauret. C ’eft au Pont-du-Château que le charbon a dû lui être
conduit ; il a été inftruit de fon arrivée ; de ce moment il
eft à 'fa charge.
2°. C e n’ eft point après coup que Girard a réclamé le
prix du déchargement d’un plus grand nombre de voyes ,
s’il étoit prouvé au procès qu’il en eût reçu davantage. C ’eft
lors de la déclaration qu’il a faite en juftice , c ’eft à la fuite
de cette déclaration , avant qu’il fût en caufe ; & cela eft
aifé à juftifier par les dates. V o i c i , ce femble , com m e il
faut raifonner dans cette conteftation : Girard a reçu une
certaine quantité de charbon pour Sauret , & l’a dans le
temps prévenu de l ’arrivée de ce charbon. Girard a oublié
la quantité des v o y e s ; Sauret ne l ’a point fa itm e fu r e r , &
n’en peut énoncer la quantité, que d’après le nombre de fes
-voitures ; mais il n’a retiré ce charbon de deflus le p o r t ,
que dans l’efpace de deux m o is , il ne peut donc en fixer la
q uantité: à qui donc s’adreflfer pour la connoître? aux livres
journaux refpe£tifs. Sauret n’en tient point. L e journal du
fieur Feuillant eft en règle , p ro p re , écrit dans toute la con
tenue de chaque page , tenu par un commis qui n’a d ’autre
occupation que celle d’y porter les expéditions jour par jour ,
. qui n’a eu nul intérêt à faire un faux dans ce l i v r e , & qui en
a affirmé la fincérité. Si cette affirmation n’a pas été fuivie
d’un ju g e m e n t, c ’eft qu’il reftoit à prouver que Sauret avoit
é té prévenu du fécond envoi; le fieur Grimardias ayant affiiré
qu'il avoit été prévenu du premier, comme il eft démontré par
fa lettre du j août 1785: , à Girard. O r il n’eft pas poiïïble de
confondre le premier envoi avec le charbon qui s’eft trouvé à
la fin de feptembre au P o n t-d u -C h â tea u , & que S a u r e t , fur
l ’indication de Girard , convient d’avoir retiré , à com m en
cer de la fin de ce m o is , ou du commencement d’o£tobre.
Sauret a donc connu ce fécond e n v o i } lors de ion arrivée
�au Pont-du-Château. Sauret eft donc refponfable des deux
e n vois, c ’eft-à-dire , de vin g t voyes.
Réplique rclaùve a la trolfième objection.
L e fieur Feuillant n’a point dit dans fon mémoire , ni
prétendu q u i , dans le cas où Girard n’auroit délivré que
douze voyes à Sauret , quoiqu’il en eût reçu v i n g t , Sauret
fût refponfable de vingt voyes envers lui; il a dit que Girard
avoit été commis à la réception par F e u illa n t , & au déchar
gem ent par S a u r e t , & que dans le cas où^ Sauret n’auroit
retiré que douze v o y e s , au lieu de v in g t, l ’arrivée des vin g t
voyes prouvée , & les deux expéditions connues dans le
temps par Sauret , ce dernier feul en étoit refponfable. E t
i ° . Sauret a remis le c h e v a l, prix des dix-huit voyes , fur la
lettre du fieur Feuillant ; Feuillant ne propofe pas à Sauret
.V^-Td’aller le recevoir chez G i r a r d , mais ait qu’il le fera c o n - 7
'B uire ch ez Girard les conventions de la lettre ne font que
la” répétition des conventions verbales. I l avoit donc é t é _
convenu que Girard feroit le commiflio'nnaire des deux ;
"mais fuppofons que Girard ne fût point le commiilionnaire~
réciproque , qu’il fût uniquement celui du fieur Feuillant.
A quoi dans cette fuppofition étoit ob ligé Girard ? à avertir
S a u r e t , aufli-tôt après l’arrivée des bateaux. Girard a rem
pli fa miflion. Si Sauret ne convient pas d’avoir été averti par
G irard du premier e n v o i , il ne peut nier qu’il a connu cet
e n v o i, & qu’il en étoit même inftruit avant Girard , puifqu’il
dû être le lendemain matin de l’arrivée de ces pre
m i e r s bateaux au Pont-du-Château, pour enlever ce charbon.
I l convient qu’il a été averti à la fin de feptembre de l ’arrivée
d e douze voyes , & qu’il les a retirées. E t la fécondé expé
dition eft du 22 feptembre. Il a donc été prévenu des deux
envois. O n a prouvé que le fieur Feuillant cefToit, après ces
prélim inaires, d’en être garant. L e fieur Sauret doit donc
compte de vin g t voyes au fieur Feuillant
�23
f
.
Réplique relative à la quatrième objeâion
L e défenfeur de Sauret prétend que la vérité & la réflexion '
il ont point préfidé à la défetife du Jleur F eu illa n t, & croit le
prouver en difant qu’il étoit aifé de faire attention qu’on ne
peut payer dix fols par v o y e , fans favoir combien il y en a.
L a prétention du défenfeur de Sauret feroit v r a i e , fi celui de
Feuillant difoit que le charbon eft déchargé , fans que la
quantité foit connue des déchargeurs. Ils la connoiffent fur
le rapport qui leur eft fait de la contenue des bateaux. Ils
ne le contremefurent point. Ils fe fient à la foi des lettres de
voiture : en for:e qu’il n’eft point vrai de dire que l’on n 'ap
prend le nombre de voyes , que par le déchargement des
bateaux. L e fait eft que jamais le charbon n'eft contre-m efuré au Pon t du-Château ; & jamais on n’a mis des raifonnements en oppofition a v e c des faits.
.
Répliqué relative à la cinquième objection
Sauret a ignoré ou feint d’ignorer la quantité de charbon
qu’il avoit retiré de chez V ig ier. Il a d’abord dit qu’il n’en
avoit retiré que trois voyes , pour trois & demie ; & enfin
la dame S é v e , fille de V ig ie r , a , pour le convaincre, fait
entendre la fervante qui demeuroit pour lors chez fon p è re ,
& c'eft le tém oignage de cette fille , réuni au compte
des voitures qu’il avoit enlevées , qui a convaincu Sauret
qu’il avoit reçu quatre voyes & demie. D e - là fuit qu’il
n’eft pas exa£t de dire que Sauret s’en eft rapporté au livre
de V i g i e r ; il a fallu le convaincre. La déclaration de cette
fille eft de plus venue à l’appui de ce quJavoit dit le Procureur
du fieur Feuillant ; que le Heur Sauret s’étoit fervi dans fes
enlèvemens de charbon , d’un tombereau frauduleux. E t ef
fectivement cette fervante a dit & affirmé que le tombereau de
Sauret contenoit vingt-une rafes^ qu’elle l ’avoit vu m efu rer,
�& q u e Ton M aître avoït fait des reproches à Sauret de ce qu’il
avoit chargé à ion tas fans avertir perfonne de la maifon. O r
Sauret prétendoit q u e c e tombereau n econ ten o it que dix-huit
r a fe s ,& il n’a fait d’autre réponfe au reproche qui lui a été fait
fur cette contenue , finon que ce tombereau s’étoit élargi par
l ’u fa g e .T o u t homme raifonnable fentira le ridicule de cette
défenfe de Sauret dans une accufation d’une telle importan
ce. L£contenju^_de__çe__tombereaufera3^
ouvrir Tes yeux fur le point eifentiel de la conteftation.
C O N C L U S I O N.
,
J
-1
4" 7
'
f
V
L e livre de Girard , agent intermédiaire , ne peut faire
foi. Son tém oignage verbale , réclamé par S a u r e t , à la
requête duquel il a été o u ï , vient à l ’appui du livre du
fieur Feuillant. Celui - ci eft en r è g l e , & attefte deux en
vois. Girard rapporte une lettre d ’avis de fix voyes , du
y août 178^ , par laquelle il appert que Sauret a été
prévenu de cet e n v o i , & a dû fe trouver le lundi au
r o n t - du - Château , pour le recevoir. I l a été prouvé ,
foit par les expreilions de cette l e t t r e , foit par l ’obtention de la fentence rendue en faveur de Sauret , contre
le fieur Feuillant ; fentence qui montre le befoin le plus
preffant de charbon , de la part de Sauret ; qu’il a néceffairement enlevé ces fix voyes , dans le temps de l’arri
v é e , ( le 8 août 1785: , ) que ce charbon ne peut par c o n féquent faire partie de celui que Sauret a appris de Girard 9
être fur le port , à la fin de de feptembre , & qu’il con
vient d’avoir retiré dans le temps ; cette date eft celle de l ’expé
dition des quatorze v o y e s , parties de Brafiac le 22 feptembre.
_
S a uret a donc retiré fix voyes le 8 août , & quatorze
— ^ c o m m e n c e r de la fin (Je feptembre.
^
D e p lu s , le charbon n’eft jamais contremefuré au P o n t-C h âtea u ; Girard par là même s’en eft rapporté à la
bonne foi des lettres d’avis qui annonçoient la contenue
bateaux. L a condition de Sauret a dû être la même.
�II n’a fait efFe&ivement fon com pte j félon Iuï - m êm e
que fur le nombre de voitures qu’il a
fait conduire
du Pont - du - Château à R io m . O r la contenue de fon
tombereau a certainement induit Girard en erreur fur
le nombre fixe des voyes du fécond envoi , attendu ,
i° . que celui - ci a perdu la lettre d’avis de cet envoi.
2°. Q u e , la différence de douze voyes avouées , à qua
torze voyes expédiées , s’explique par la contenue de ce
tombereau , qui eft d’un feptième en fus de ce que Sauret
déclare qu’il contenoit ; ce qui opère précifément , a ve c
même nombre de voitures , la conduite de deux voyes
de plus.
- Sauret en outre ne tient point de livre journal ; Feuillant
feul eft en règle à cet é g a r d , & fon commis, teneur de ce livre,,
en a attefté la fincérité. C e livre feul doit donc faire foi.
Sauret eft donc refponfable de vingt voyes envers le fieur
Feuillant. L e s quatre voyes & d em ie, dues au fieur S é v e ,
on t tourné uniquement au profit de Sauret ; elles font
donc à fa charge. Sauret doit donc être débouté de fa
demande incidente contre le fieur Feuillant , condam né au
paiement de quatre voyes & demie envers le fieur S év e ,
& à celui de deux voyes envers le fieur Feuillant , fous
la dédu&ion de ce qui peut être dû à Sauret pour le
montant des frais de la fentence du 30 juillet 1 7 8 ; , & à
tous les dépens.
M onjieur B O I S S O N ,
-
Juge
F l o u r i t
en chargé.
,
Procureur.
�CONSULTATIONS.
E C onfeil foufligné , qui a vu les mémoires , les pièces
y mentionnées , &, la C o n fu lta tio n , délibérée à R io m
le 6 du préfent mois :
E S T D ’A V I S que la prétention du fieur Sauret n’eft
point fondée , & que la demande incidente de deux voyes
a e charbon , qu’a formée contre lui le fieur F e u illa n t , paroît
abfolument inconteftable.
L e livre journal qu’ a rapporté le fieur Feuillant , eft des
plus réguliers, & il prouve clairement que le fieur Feuillant
a fait deux envois de charbon pour le com pte du fieur
Sauret , l ’u n , de fix v o y e s , en deux bateaux, le f août
17$$ ; le f é c o n d , de quatorze voyes y aufli en deux ba
teaux , le 22 feptembrc fuivant.
C es deux envois ne peuvent être conteftés ; ils font
avoués par Sauret ; & G i r a r d , fa&eur commun des deux
parties, les a atteftés dans fa dépofition juridique.
I l ne refte donc plus qu’à favoir fi ces deux envois ont
été réellement reçus par S a u r e t , à leur arrivée au P o n t du - Château , & c ’eft de quoi il n’eft pas permis de dou
ter , d’après le livre journal du fieur F e u illa n t} q u i paroît
être à l'abri de tout foupçon.
Sauret ne défavoue pas ces deux envois ; il ie. retranche
à dire qu il n a pas reçu la quantité exprimée ; qu’il peut
fe faire que Girard en ait retenu une partie , & que dans
ce c a s , c’eft au fieur Feuillant à exercer fon recours contre
Girard. V o ilà quel eft le feul argument que propofe le fieur
Sauret ; argument qu’il eft facile de réfoudre.
i ° . L e fieur Sauret eft convaincu de mauvaife foi dans
la c a u fe , rélativement à la manière dont il s’eft défendu
vis - à - vis la dame Séve , au fujet des quatre voyes & de
mie de chajbon , dont elle lui a demandé le p a ie m en t,
L
�27
¿c au fujet auflî de l’abus de confiahce qu’il a commis lors
de la délivrance de ces quatre voyes & demie de charbon.
O r ) il eft de principe qu’en fait de c o m m e r c e , celui qui
eft convaincu de mauvaife foi fur un article , laiiTe fur fon
com pte de bien violents foupçons fur les autres articles
de délivrances qui lui ont été faites } quoique par d’autres
Marchands.
20. Girard a dépofé dans la caufe , & il a d'ailleurs tenu
un livre journal.
Sa dépofition conftate les deux envois faits par le fieur
F e u i l la n t , & elle laiffe de l’incertitude fur la quantité de
ces deux envois : il ne dit pas qu’il eft afluré qu’ il n’y a
eu dans ces deux envois que douze voy es de charbon ; il
dit qu’il ne s’en rappelle p o i n t , mais qu’il n’a payé que
pour douze voyes , & que s’il y en avoit davantage , le
prix de déchargement du furplus étoit dû.
C ette dépofition n’attelle donc rien de certain ; elle
laifle fur la quantité des deux envois la plus grande in
certitude , & le livre journal du fieur Feuillant n’en laiiTe
aucune.
3°. L e livre journal de Girard n’eft qu’un vrai c h iffo n ,
& d’ailleurs très - infidèle : il donne le 2^ août pour é p o
que de la délivrance faite à Sauret des deux envois du
fieur Feuillant ; tandis que le premier eft du j août s
& le fécond n’eft que du 22 feptembre.
C om m ent concevoir que Girard a pu délivrer à S a u r e t ,
au 2 ; août , le fécond envoi du fieur Feuillant , qui
étoit de quatorze voyes ; tandis que ce fécond envoi
n ’eft parti de BrafTaget que le 22 feptembre fuivant ?
V o ilà donc l’infidélité du livre journal de Girard bien
prouvée , & le livre journal du fieur Feuillant n’eft pas
môme taxé d’inexa&itude.
Q u on rapproche ces deux livres journaux , on verra
aifément que celui de Girard n’a été fait qu’après coup ,
& fur la rélation de Sauret lui - même , qui , pour
diminuer les frais du déchargement qui étoient pour fon
�Compte , lui a déclaré qu’il n’y avoit que douze v o y e s ;
ôc c ’eft fur cette déclaration que Girard , qui étoit de
bonne foi , a mentionné fur fon livre qu’il n 'a v o it été
payé que fix livres pour les frais du déchargement.
Qu*on rapproche encore le livre journal de Girard de
fa dépofirion juridique ; on voit que l’un & l ’autre font
en contradiction. L e livre journal ne parle que d’un feul
envoi fait par le fieur Feuillant ; la dépofition fait men
tion de deux expéditions. D ans le livre journal il paroît
qu’il n’a été payé que pour douze voyes de déchargement ;
dans la dépofition , Girard dit qu’il ne fe rappelle pas
qu’elle étoit la quantité de charbon , quJil n’a été payé que
pour douze voyes de déchargement , & que s’il y avoit
une plus grande quantité de ch a rb o n , les frais du déchar
gem ent lui font dûs.
L e fieur Feuillant n’a point de recours à exercer contre
le fieur Girard ; il a vraiment e n v o y é , en deux fois , les
vin g t voyes de charbon , mentionnées en fon livre journal f
& ce l i v r e , non fufpe£t, en fait foi.
'
Girard convient avoir reçu les deux envois ; il a donc
reçu les vingt voyes. Il a délivré à Sauret les deux envois.,
à mefure qu’ils lui font parvenus , & celui-ci eft forcé de
convenir que la délivrance lui a été faite en deux fois ; c ’eft
donc vingt voyes que Girard lui a délivrées au Pon t - du Château. C eft pour le compte de Sauret que le charbon a été
déchargé fur le p o r t , 6c dès ce m om ent la perte fortuite
eft retombée fur lui.
O n ne préfume point qu’il en ait é té fouftrait fur le
p o r t , & il y a tout lieu de c r o i r e , d’après les circonftances , que Sauret a réellement voituré ch ez lui la totalité
des v in g t voyes , m a is , dans le cas co n tra ire , ce feroit ü.
faute , s’il étoit furvenu du déchet fur le port.
Il faut donc tenir pour certain que Girard a délivré à
Sauret toute la quantité de charbon qui lui a été adreiTée
par le fieur Feuillant. L e livre journal du fieur Feuillant
prouve qu’il y en a voit v in g t voyes. O n a rapporté une
lettre
�' #
t
a i > .
lettre de l u i o u d e f o n co m m is , qui fait foi que le premier
envoi étoit de fix voyes ; pourquoi ne rapporte - t - o n pas
auffi la féconde lettre , pour le fécond envoi du mois de
feptembre ? C ’eft parce que cette féconde lettre prouveroit
démonftrativement que le fécond envoi é toit de quatorze
voyes. T o u t porte à croire qu’elle eft entre les mains de
Sauret , foit qu’elle lui ait été adreffée directement , foit
qu’elle lui ait été enfuite com m uniquée par Girard.
O n ne peut pas préfumer que le commis du fieur
F e u illa n t, qui avoit eu attention de donner avis du premier
envoi , quoiqu’il ne contînt que fix v o y e s , ait n égligé de
donner avis du f é c o n d , qui en contenoit quatorze.
Pourquoi ne rapporte - t - o n que la lettre du premier
envoi ? C ’eft pour faire croire que le fécond n’a pas é té
plus confidérable que le prem ier, & c ’eft en quoi la bonne
fo i de Sauret doit être fufpectée.
Enfin , fa mauvaife foi eft prouvée au p r o c è s , com m e
o n l 'a déjà obfervé , foit par la manière dont il s’eft co m
p o rté dans le principe de la conteftation , vis - à - vis la
dame S év e , foit en retirant le charbon que le fieur V ig ie r
lui avoit vendu ; foit enfin par la circonftance que ce n’eft
qu’incidemment que Sauret a imaginé de fe replier fur le
fieur Feuillant ; & il eft plus que vraifemblable qu’il n’auroit jamais formé contre lui la demande incidente d’une
v o y e & demie de charbon , fi la dame S éve ne l’eût ja
mais recherché pour la valeur de quatre voyes & d em ie,
dont Sauret eft encore fon débiteur.
D é lib é ré à R io m , le 24 O ctobre 178 7. T O U T T É E t
L A P E Y R E , A N D R A U D
& M A N D E T .
A
R I O M , de l’imprimerie de M a r t i n D É G O U T T E ,
Im prim eur-Libraire, prcs la F ontaine des Lignes. 17 8 7,
�
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Factums Baron Grenier
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Feuillant. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boisson
Flourit
Toutté
Lapeyre
Andraud
Mandet
Subject
The topic of the resource
marchandises
troc
charbon
créances
transport fluvial
livres-journaux
mines
poids et mesures
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Feuillant, défendeur et demandeur. Contre Gervais Sauret, défendeur et demandeur. [suivi de]Consultations.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1785-1787
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
BCU_Factums_B0123
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_B0122
BCU_Factums_B0124
BCU_Factums_B0125
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pont-du-Château (63284)
Brassac-les-Mines (63050)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
charbon
Créances
livres-journaux
marchandises
Mines
poids et mesures
transport fluvial
troc
-
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8288a613b0efed88b7aeb3540887a05f
PDF Text
Text
J u r isdiction
C onfulairç.
POUR G e r v a
& Demandeur.
i s
SAURET,
Défendeur
C O N T R E G i l b e r t S É V E en qualité
de M ari de M a r t in e V I G I E R Demandeur
,
.
E T encore contre le fieur F E U L H A N T ,
Défendeur & Demandeur, & autres Défendeurs.
Feulhant élève dans cette affaire la c o n t e n
L Etionfieurla plus
déplacée ; elle fe réduit à la queftion de
favoir fi un créancier doit imputer fur fa créance d’autres
objets que ceux que le débiteur prouve que ce créancier a
reçus. Le fieur Feulhant devroit prouver que Sauret a reçu
au-delà de dix-huit voyes de charbon qu’il lui devoit : non
feulement il n’a pas fait cette preuve , mais encore Sauret
prouve lui-même qu il n’a reçu que douze voyes d’un co té,
& quatre voyes & demie de l’autre ; en forte qu’il lui eft refté
du une voye & demie , dont il a formé demande. Com
ment , dans de pareilles circonftances , le fieur Feulhant
A
�« r
a
peut - ïl foutenir que Sauret a reçu vingt-quatre voyes
demie ? P e u t - il raifonnablement prétendre qu’une fimple allégation de fa parc doive l’emporter f non feule
ment fur celle de fon créancier } mais encore fur deux
déclarations , l’une du fieur Girard , l’autre de fa
femme , qui s’élèven t, avec la plus grande force , en faveur
de Sauret ; déclarations qui font au furplus furabondant e s , puifque Sauret n'avoit rien à prouver , & que Îa
déclaration ne pouvoir être combattue que par une preu
ve que le fieur Feulhant nJa point faite.
F A I T S .
E n l’année 1 7 8 ; , le fieur Feulhant & Sauret firent un
troc d’une jument appartenante à Sauret, contre dix-huic
voyes de charbon, que le fieur Feulhant devoit faire con
duire au Pont-du-Château , où elles devoient être délivrée*
à Sauret. Lors du marché ce dernier reçut des arrhes.
■ Il nJeft pas inutile de remarquer que le fieur Feulhant a
toujours montré la plus mauvaife volonté , lorfqu’il a été
queftion d’exécuter ce marché : d’abord il manifefta
qu’il fe répentoit de l’avoir fait. Sauret eut l’honnê
teté de lui rendre fa liberté , en annullant la convention;
il remit les arrhes. Quelques jours après le fieur Feulhant
revint fur fes pas : il adrefla une lettre à Sauret , le 20
février > 7 8 ? , par laquelle il annonça l’intention où il étoit
d’exécuter le marché ; il y dit qu’il feroit conduire ail
plutôt au Pont- du - Château les dix-huit voyes de char
bon. Alors Sauret donna la jument au domeftique du fieur
Feulhant , qui étoit porteur de la lettre.
Il faut obferver que Sauret , qui ^ n’a point Tufage de
lire & d écrire , ne fe fit donner qu’une connoiflance trèsfuperficielle de la lettre , dans l'inftant où elle lui fut remife. Ce ne fut que long - temps après que l’on fit re
marquer à Sauret que le fieur Feulhant y annonçoit que
les frais de décharge des dix - huit voyes , au Pont - d u -
�Château, feroientfupportés par Sauret. Il eft pourtant vrai quô
lors du marché , cela n’avoit été ni d it, ni entendu ainfi.
Cependant le iieur Feulhant étoit toujours en retard de
faire faire à Sau ret, au Pont - du - Château , la délivrance
des dix - huit voyes de charbon : il fallut que Sauret eûc
recours aux voies judiciaires. E n cet é ta t, ôc un jour que
le fieur Feulhant rencontra Sauret au Pont - du - Château ,
il donna ordre au fieur Vigier , beau - pere du fieur Séve ,
de donner du charbon à Sauret ; il en fit fon affaire, en
difant que ce qui lui feroit délivré par V ig ie r , feroit im
puté fur la quantité qu’il devoit lu i-m êm e à Sauret. E n
conféquence de cet o rd re, Sauret fit prendre chez le fieur
V igier jufques & à concurrence de quatre v o y e s, ou qua
tre voyes & demie de charbon. L a vérité eft cependant que
Sauret ne croyoit en avoir fait tranfporter que quatre
voyes.
Sauret demeuroit créancier de quatorze v o y e s , ou au
moins de treize & demie. Sur la fin du mois de feptembre
1 7 8 5 ', 0« environ, il demanda au fieur Girard, aubergifte
au Pont - du - Château , chez lequel le fieur Feulhant loge ,
& qui eft fon correfpondant, fi le fieur Feulhant ne lui
avoit pas adreiTi du charbon qui devoit être remis à lui
Sauret. Girard lui répondit qu’il avoir reçu , en plufieurs
fo is , douze voyes de charbon qui devoient lui être déli
vrées. Sauret le fit retirer & tranfporter à Riom. Ce char
bon fut pris fur l’indication de G irard , de fon confentement , & toujours en fa prdfence , ou de perfonnes
de fa maifon. D ’après le nombre de voitures qui en
furent faites en cette Ville , à différentes époques , &
qu'il étoit bien aifé de marquer , Sauret s’aflura , & fut cer
tain à l ’inftant de la ceffation des tranfports , qu’il n’avoit
reçu que douze voyes : en forte q u e , diftra£lion faite des
quatre voyes ou quatre voyes & demie qu’il avoit fait re
tirer chez V ig ie r , il lui étoit refté du par le fieur Feulhant
deux voyes , ou au moins une & demie.
En cet é ta t, le fieur Séve y mari de la demoifelle Vigier 4
A a
�*
croynnt que ta quantité de charbon qui avoit été délivrés
par le (leur Vigier à Sauret , étoit due par celui - ci , le
iît afllgner pour le paiement de quatre voyes & demie.
D ’Abord Sauret crut que le fieur Séve réclamoit le paie
ment , non des quatre voyes & demie dont il s’agit actuel
lement ; mais bien de quatre voyes, qui , long-temps auîaravant lui avoient été vendues par le fieur Vigier & par
e nommé M a c é , fon aiTocié. La mdprife ¿toit d’autant plus
facile, que Sauret croyoit alors qu en 1 7 8 j le fieur Vigier
ne lui avoit délivré que quatre voyes , pour le compte du
iieur Feulhand , & non quatre voyes & demie. En conféquence de cette m éprife, Sauret dit qu’il avoit payé ce
qu’on lui demandoit 9 foit à Vigier Toit à Macé , & il ex
pliqua comment.
Dans la fuite, le fieur Séve ayant fait entendre qu’il ré
clamoit le paiement de la quantité de quatre voyes & de
mie , à laquelle il faifoit monter le charbon qui avoit été
donné à Sauret pour le compte du fieur Feulhant ; Saurec
fe défendit, en difant que cette délivrance , quoiqu’elle
lui eût été faite, concernoit le fieur Feulhant , parce que
Sauret n’avoit reçu ce charbon , qu’à compte de celui qui
lui étoit dû par le fieur Feulhant , & d’après l’ordre don
né par celui - ci au fieur Vigier.
Cette manière de fe défendre a donné lieu à la mife en
caufe du fieur Feulhant ; Sauret a formé demande inci
dente contre lui du paiement d'une voye & demie, reftante
pour fatisfaire les d ix-hu it.
L e fieur Feulhant a prétendu que Sauret avoit acheté
pour fon compte particulier les quatre voyes ôc demie
qu’il avoit reçues du fieur Vigier , que par conféquent il
devoir les payer ; qu’au lieu de dix - huit voyes de char
bon qu’il a reconnu devoir à Sauret , il en a fait pafler
vingt voyes au Pont * du - Château , à Girard ; qujl a dit
que Sauret avoit reçues. Il en a conclu qu’il ¿toi fier,éancier de Sauret de la valeur de deux voyes3 dont iia formé
•
f
demande incidente.
�,r
Sauret ayant foutenu qu’il ne lui avoit été délivré au
Pont - du - Château que douze voyes de charbon de la part
de Girard , pour le compte du fieur Feulhant j Girard & fa
fem m e ont étéouïs; ils ont enfuiteété mis en caufe; les déclara
tions de ces particuliers confirment ce qui a été avancé par
Sauret ; néanmoins par une obftination inconcevable , le
lieur Feulhant entreprend de foutenir que Sauret doit être
confidéré comme ayant reçu vingt voyes de charbon , au lieu
de douze. On démontrera aifément le ridicule de cette pré
tention.
M O Y E N S .
C ’eil un principe que , lorfqu’une créance eft reconnue *
fur-tout par un titre , le débiteur doit prouver fa libération.
Par conféquent Sauret étant devenu créancier du fieur
Feulhant de dix-huit voyes de charbon, celui-ci l’ayant recon
nu par une lettre , c’eft à lui à établir que Sauret a réelle
ment reçu cette quantité ou plus, comme il le prétend. L e
fieur Feulhant a-t-il fait cette preuve ? O r , non feulement
il ne l'a point faite, mais même on peut dire que Sauret a
iui-même fait la preuve contraire.
D ’abord il n’y a pas de difficulté fur quatre voyes & demie
que Sauret a reconnu avoir reçu du fieur Vigier , par l’or
dre du fieur Feulhant, à compte des dix-huit voyes.
Il eft vrai que le fieur Feulhant, dans un mémoire con
tenant fes moyens de défenfe , qui a été donné en commu
nication au Défenfeur de Sauret , prétend que ce n’ell point
à compte des dix-huit voyes, que ce charbon a été déli
vré ; que Sauret l’a acheté feulement fous le cautionnement
du fieur Feulhant; que par conféquent c ’eft à Sauret à le
payer.
Mais d’abord , cette aifertion peu vraifemblable en
elle-même , eft démentie par la manière dont le fait
eft raconté , au commencement du mémoire , avant qu’or»
fongeat fans doute à i’objettion qu’on a faite enfuite. Voici
�6
les termes du mémoire : le fieur Feulhant ne pouvant falrt
conduire ce. charbon, (les dix-huit voyes) parce que les eaux
étaient trop baffes , fu t ajjigné par Sauret qui obtint Sen
tence contre lui en la Jurifdiction Confulaire de cette Taille de
Riom , & la lui fit fignifier. Ce dernier, pour arrêter les pourfuites de Sauret , pria , en fa préfence , le fieur V ig ier, Mar
chand au Pont-du-Château , de vendre à Sauret , & lui déli
vrer la quantité de charbon qui lui feroit néceffaire , » ajoutant
a qu’il en répondoit » : qui ne v o it, d’après ces expreifions*
que le charbon délivré par Vigier , l ’a été par Tordre du
fieur Feulhant, à imputer fur ce qu’il devoit , pour arrêter
les poursuites de Sauret ?
D ’ailleurs , Sauret prouveroit ce qu’il a avancé à cet égard*
s’il en étoit befoin , par la déclaration de la veuve V ig ie r,
belle-mère du fieur S é v e , & par celle d’Antoine Rouillon ,
en préfence defquels le iieur Feulhant s'expliqua, lorfqu’il
donna ordre de délivrer du charbon à Sauret ; ils feront
fans doute en état de déclarer que le fieur Feulhant les de
manda non comme caution de Sauret, mais pour fon comp*
te j afin d’acquitter une dette perfonnelle.
Mais toutes les réflexions qu'on vient de faire fur cet
objet, font purement fubfidiaires; il n’y a pas de difficulté
fur ces quatre voyes & demie , dès que Sauret a offert d’en
faire raifon. Il eft indifférent pour le fieur Séve d’être
payé de ces quatre voyes & demie ou par le fieur Feulhant,
ou par Sauret.
L a principale difficulté efl: donc de favoir fi , indépen
damment de cette première quantité de charbon , Sauret t
reçu douze voyes , ou au contraire vingt voyes.
Sauret déclare, ôc offre affirmer qu’il n’a pris au Pont-du-Châ
teau , à compter delà fin de feptembre ou d’o&obre 1 7 8 ; , jufques à la N oël fuivante, que la quantité de douze voyes ; ( a )
( a ) Le fieur Feulhant a dit dans fon mémoire <jue Sauret convenoit avoir retiré
le charbon au mois d’août 1 I l n’a jamais fait cet aveu, On ne finiroit pi*
fi l’on vouloit relever toutes les inexaititudes de ce mémoire.
»
�•
*
7
aufli Gîrard , mandataire & correfpondant du fieuf
Feulhant, lui déclara qu’il n’avoit reçu que cette quantité de
douze voyes , de la part du fieur Feulhant.
Cette déclaration ne peut être détruite que par une
preuve contraire. O r , non feulement le fieur Feulhant n ’a
pas fait cette preuve, comme on le dira bientôt, mais en
core Sauret a prouvé lui-même fon aflertion.
En effet, Girard & fa femme ont déclaré qu’autant qu’ils
puiiTent fe rappeller , ils ont reçu la quantité de douze
voyes de la part du fieur Feulhant , pour être remifes à
Sauret.
^
L e fieur Feulhant croit pouvoir combattre cette preuve,
par le rapport de fon livre journal , tenu p?r fon commis ,
fur lequel il eft fait mention d’un envoi de vingt voyes , ôc
parla déclaration de ce commis.
Les réponfes à ce moyen fe préfentent en foule.
i°. Il eft impofiible , dans les principes, de foutenir que
le livre journal du fieur Feulhant doive faire foi contre Sau
ret , dans l’efpèce qui fe préfente * les livres journaux ne
font foi qu’entre marchands, entre lefquels il y a une correfpondance de commerce bien établie, comme d’ un mar
chand en gros à un marchand en détail , dont il eftlefourniifeur. La raifon en eft que la fréquence des envois & dis
marchés refpe&ifs ne permet pas d’arrêter à chaque fois des
comptes, & de retirer des billets ; que d’ailleurs la correfpondanceétablie entre ces deux marchands, fait fuppofer que
l’un a entendu fuivre la foi de l’autre. On croiroit faire in
jure aux lumières des Juges à la décifion defque’s la conteftation eft foumife, que de paroître faire des efforts pour
établir une vérité aufli certaine , en invoquant des autori
tés. Tout cela eft fi vrai, que les livres des marchands ne
font point foi conrre les bourgeois. Voyc £ Lacombe, au
mot prefeription , fe£>. %, n. =}.
On comprend donc que le fieur Feulhant ne peut exiger
qu’on ajoute une foi religieufeau livre tenu par fon commis,
dès qu’il s’agit d’un marché particulier entre lui & Sauret,
çutre lefquels il n'y a point de correfpondance.
�8
2°. L a mention écrite fur le livre, & la déclaration du com
mis, font combattues dire&ement par la déclaration de Girard
& de fa femme , mandataires & correfpondants du iieut
Feulhant.
'
Suppcfons encore, pour un moment, que la mention furie
livre, ô: la déclaration du commis duflent obtenir la préférence
fur laflertion de Girard & de fa f e m m e i l n’en réfulteroic
autre chofe, fi ce n’eft que le iieur Feulhant auroit droit de de
mander que Girard lui rendît compte de vingt voyes qu’il dit
lui avoir adreiTées, ôc qu’il lui fît raifon du reftant, diftra&ion
faite de douze voyes, reçues feulement parSauret. Mais celui-ci
ne peut jamais être tenu d’imputer que ce qu’il dit j & ce qu’il
eft prouvé qu’il a reçu.
5°. La mention écrite fur le livre journal, & la déclaration
du commis, en les fuppofant fmcères, necontiendroientpasde
preuves décifives contre Sauret. (flj.
En effet, il en réfulteroit feulement que le fieur Feulhant
a envoyé vingt voyes de Braflagec au Pont-du-Château , mais
il y a loin de-là à la preuve que ces vingt voyes foient parve
nues au Pont-du-Châtead, quelles y aient été déchargées paf
Girard, & encore plus, qu’elles aient été reçues en totalité par
Sauret. II peut fe faire que foit chemin faifant, foitau Pont-duChâteau, il y ait eu une perte ou une diftra£tion ; en un m ot,
ce qui eft décifif pour Sauret, c ’eft qu’il prouve qu’il n’a reçu
que douze voyes, & que ce fait n’eft contrarié par aucune
preuve de la part du Heur Feulhant.
4°. On peut dire qu’il ne paroît pas vraifemblable que le fieur
Feulhant., faifant un envoi pour Sauret, l’ait fait de vingt voyes
de charbon, & que Sauret eut reçu cette quantité, dès qu’il ne
lui en étoit dû que dix-huit. On ne paye pas ordinairement
( a ) On a dit plufieurs fois dans le mémoire du fieur Feulhant, que Sauret n’avoit nas défavoué l’envoi de vingt voyes de charbon ; mais \iu r c t n’a jamais avoué
ni dtfavoué que l’envoi eût été fait; il n’a pu s'expliquer fur ce qu’il ignore. Ce
mémoire contient une foule d’inexaétitudes, & il n cil pas étonnant qu’on foit par
venu à o b ten ir, en faveur du fieur Feuillant, la confulution de quelques Jurifcon*
fuit Cf.
plus
�9
plus qu’on ne doit, ni on ne prend pas ordinairement plus
qu’il n’eft dû. D ’ailleurs, le fieur Feulhant auroit-il gardé le
fiience depuis 1 7 8 7 , fi Sauret lui eût dû deux voyes , comme
il le prétend ? Il n’en a formé la demande que lorfqu’il a été
traduit en juftice.
Le fiefar Feulhant qui a fenti la force de cette obfervation ,
a dit qu’il avoir prévenu Sauret que peut-être il lui enverroit
quelque chofe déplus que ce qui lui revenoit, qu’auiTi il lui
demanda un jour le paiement de ces deux voyes, que Sauret
ne s’y refufoit pas. Il ajoute qu’ayant rappellé ces faits à Sauret,
en préfence de M M . les Juges , Sauret les contcfta fi foiblem e n t , qu’il parut les avouer.
L e fieur Feulhant eft toujours réduit malheureufement à de
fimples allégations,- lorfqu’il en fit ufage à l’audience, Sauret
lui repondit q u il ne /avoir dire que des menfonges. On ne fe
feroit jamais douté qu’une réponfe auiTi verte dût être inter
prétée comme un aveu.
Pour ne rien négliger, nous allons réfuter quelques objec
tions faites par le fieur Feulhant.
P R E M I E R E
O B J E C T I O N .
L e lieur Feulhant attaque les déclarations de Girard 6c de
fa femme, fur le fondement qu’elles ne font pas précifes, ôc
qu’elles ne préfentent que de l’incertitude.
R É P O N S E .
1 1 eft vrai que la femme Girard s’eft expliquée ainfi: quelle
ne fe rappelloit pas précifément le nombre de voyes de charbon
que le Jieur Feulhant l'avoit chargée de faire décharger, vour
être remifes à Gervais Sauret, mais quelle croit que c e fl doi^e
voyes qui ont été ainfi déchargées vour être remifes, & qui l ont
¿té effectivement. On ne c o n n o i t pas la déclaration de Girard,
mais on préfume qu’elle eft à peu-près conforme.
D e cette manière des’énoncer, il ne réfulte pasune incer
titude qui foit telle qu’elle doive faire rejeter ces déclarations.
<0n peut n’avoir pas une certitude auifi précife d’un fait paflé
�IÔ
depuis deux ou trois ans, qu’on l'auroit d'un fait beaucoup
plus récent. On croit devoir prendre la précaution de dire:
autant quon puiffe f e rappeller, qu’on ne fe rappelle pas précifément, mais quon croit cependant, &c. Cette maniéré de
s’exprimer ne va pas jufqu’au doute, elle eft le réfultat d’une
idée qui s’eft gravée depuis long-temps, & dont l’inlpreilion
eft reftée.
Mais il y a plus, il eft aifé de démontrer que les déclarations
de Girard & de fa femme font tout-à-la-fois précifes & con
vaincantes.
i° .I l s difent qu’il n’a été remis à Sauret, pour le compte du
fieur Feulhant, que douze voyes. Cela réfulte de ces termes,
& qui ont été effectivement remifes audit Sauret. Ainfi, fous ce
premier point de vue , le doute ne porteroit que fur ce qui auroit été déchargé au Pont-du-Château , & non fur ce qui auroit été reçu par Sauret.
a 0. Il n'y a plus de doute , même pour la quantité reçue au
Pont-du-Château , dès que Girard & fa femme ont fondé leurs
déclarations fur un fait eiïentiel, c’eft qu’ils ont payé 6 liv.
pour le déchargement des bateaux que le fieur Feulhant avoit
fait conduire pour Sauret. Il réfulte de là qu’il n’y a eu que
douze voyes de déchargées , parce que , comme l’ont obfervé
Girard & fa femme, les frais de déchargement font conftammentde 10 fous par voye. Ils ont encore ajouté qu'ils avoient
payé 20 fous pour frais de buvette , & cette dépenfe eft
encore proportionnelle à la quantité de douze voyes.
S E C O N D E
O B J E C T I O N .
L e fieur Feulhant eft allé plus loin ; il impute de la
mauvaife foi à Girard & à fa femme ; il dit que le livre
journal fur lequel ils ont écrit qu’ils avoient payé 6 livres
pour frais de déchargement , & 20 fous pour frais de bu
vette , n’eft point en règle ; qu’ils n’ont écrit cette men
tion qu’après coup. Que ce qui le prouve , c’eft qu’ils ont
porté le déchargement des douze voyes fous la date du 2f
août 1 7 8 ; j que cependant il eft établi par le livre du
�fieur Feulhant qu’il a été fait un envoi de douze voyes
en août , & un autre envoi de quatorze voyes au mois
de feptembre feulement ; que Girard & fa femme n’ont
pas pu écrire au mois d’août qu’ils avoient reçu des objets
qui ne leur ont été envoyés qu’au mois de feptembre.
L e fieur Feulhant ajoute que , ce qui prouve la fincérité de
ce qu’il avance , c’eft que Girard a juftifîé de la première
lettre d’envoi de fix voyes de charbon , &c qu’il refufe de
montrer la fécondé.
R É P O N S E
.
i° . L e fieur Feulhant ne comb?.t & les déclarations de
Girard & de fa femme , & leur livre journal , que _ par
celui qui a été tenu par fon commis. Mais auquel doit-oa
plutôt ajouter foi ? L e fieur Feulhant ne cherche donc à
réfoudre une difficulté que par une autre.
a 0. Il lui plaît de dire que Girard ôc fa femme ont
écrit la mention , contenue dans leur livre , après coup ,
& fur la déclaration de Sauret. Mais le fieur Feulhant
hafarde tout & ne prouve rien. Sauret laiifera à Girard
ôc à fa femme le foin de fe juftifier fur toutes ces imputa
tions ; elles font abfolumçnt indifférentes à Sauret ; on ne
ceifera de dire qu’en fuppofant que Girard & fa femme
euifent reçu vingt v o y es, il n ’en réfulteroit autre c h o fe ,
fi ce n’eft qu’ils devroient en faire raifon au fieur Feulhand ;
mais il ne s’enfuivra certainement pas que Sauret ait reçu
ces vingt voyes.
Girard & fa femme , au fecours defquels le fieur Feulhant
femble enfuite v e n ir, effrayés fans doute de la vérité de
cette obfervation, ont déclaré, dit - o n , après cou p , qu’au
furplus fi 011 jugeoit que Sauret eût reçu vingt voyes , ils
entendoient avoir l’excédent des frais de déchargement 3 eu
fus de 6 livres, à raifon de 10 fous par voye.
Mais cette tournure ne peut nuire à Sauret. Girard &
fa femme n’ont pu rien ajouter à leurs déclarations , à fon
préjudice.. D ’ailleurs , il faut faire attention qu’en fuppoB 2
�I2
Tant du doute dans les déclarations de Girard & de fa
femme , ce doute ne fauroit fe tourner en certitude de
tout ce qu’avance le fieur Feulhant ( a ). V o i c i , ce femble , comme il faudroit raifonner. L e fieur Feulhant ne rap
porte pas de preuve que Sauret ait reçu, au Pont - du - Châ
teau , vingt voyes. Sauret dit n’y avoir reçu que douze
voyes ; Girard & fa fem m e, qui avoient intérêt à ne pas
diminuer le nombre de voyes reçues par Sauret , pour ne
pas perdre les frais de déchargement qu’ils ont avancés , ont
dit tout ce qu’il étoit poffible de dire pour montrer qu’ils
étoient dans la perfuafion que Sauret n’avoit reçu que douze
voyes de charbon ; donc on ne doit pas croire qu’il en ait
reçu une plus grande quantité, & 1 affirmation qu’il offre
devient déterminante. L ’incertitude même qu’il pourroit y
avoir dans les déclarations , deviendroit une préfomption
en faveur de l’afTertion de Sauret.
T R O I S I E M E
O B J E C T I O N .
L e fieur Feulhant n’a pas craint de dire, ( toujours dans
fon mémoire , ) qu’il eft inutile , quant à lui , d’examiner
la poiïïbilité que Girard ait reçu vingt voyes , & que ce
pendant il n en ait délivré que douze à Sauret. Il foutient
que , dans ce cas même , Sauret doit perfonnellement faire
raifon au fieur Feulhant de vingt voyes ; que Girard a été
le correfpondant de Sauret ; que conféquemment c’étoit à
lui à veiller à ce que deviendroit le charbon au P o n t-d u Château i en un mot , que Sauret eft garant des faits de
Girard.
R E P O N S E .
L e fieurFeulhant,fuivant la lettre du 20 février 1 7 8 ? , a dû
'délivrer lui*même, ou faire délivrer les dix-huit voyes àSauret,
au lieu du P o n t - du - Chateau ; c eft donc le fieur Feulhanc
{ a ) C ’eit ainii que le fieur Feulhant /aifonue dans fon nu'moire»
�1?
qui a dû les faire mettre en place ; aufli Ies^ a-t-il adrefTées
à G ira rd , qui eft fon correfpondant, & q u i n'a jamais été ce
lui de Sauret ; cela réfulte de la manière dontfe font expliqués
Girard & fa femme ; ils ont dit que le fieur Feulhant les a
chargés de faire décharger les dix-huit voyes de charbon ,
pour être remifes à Gervais Sauret. Ce qui ne permet plus encore
d’en douter , c’eft que le fieur Feulhant a envoyé le charbon
direftement à G irard, c’eft à lui qu’il a adreifé une premiers
lettre d’envoi, qu’il dit être rapportée par G irard , & encore
une fécondé lettre qu’il prétend que Girard refufe de faire paroître. Sauret n’a jamais été prévenu de ces envois par des
lettres d’avis, ni autrement; il ne pouvoir donc veiller ni au
déchargement , ni à la confervation du charbon, avant qu’il
lui eût été préfenté.
Au furplus, fuivant le fyftême du fieur Feulhant, tout le
poids de la conteftation devroit retomber fur Girard & n o n fur
Sauret.
Q U A T R I E M E
O B J E C T I O N ,
L e fieur Feulhant dit que Girard a reçu au Pont-du - Châ
teau le charbon qu’il y avoit en voyé, fans en favoir la quantité ;
attendu qu’il nJeft point d’ufage de contremefurer le charbon
au Pont-du-Château. Que Girard a préfenté le tas de charbon
e n v o y é tel qu’il é to it, abftra&ion faite de fa contenue qui
lui importoit peu , que Sauret a fait enlever ce tas de charbon
fans mefurer , & que s'il contenoit vingt voyes , il a reçu
pareille quantité.
R É P O N S E ,
Cette objeftion prouve combien peu la vérité & la réflexion
iréfident à la défenfe du fieur Feulhant. A chaque page dan3
aquelle on fait cette obfervation , on y dit qu il eft d ufage
de payer aux déchargeurs 10 fous par vo y e, il étoit aifé de
faire attention qu’on ne peut payer 10 fous par v o y e ”, fans fa
voir combien il y en a. Aufli eft-il très-vrai que l’on apprend au
jufte le nombre de voyes, parle déchargement des bateaux, Leg
Î
�, 14
ouvriers fe fervent pour cela d’un vafe d’une mefure déterminée,'
& dont un certain nombre fait la voye. Audi réfulte-t-il des
déclarations de Girard & de fa femme qu’ils ont pu connoître
le nombre de voyes déchargées, & s’ils avoient payé io l i v .
pour les frais de déchargement, il n’eft guères poffible de con
cevoir pourquoi ils n’auroient demandé que 6 liv. car les déchargeurs ont été payés dans le temps, & ils ne fe font cer
tainement pas trompés à leur défavantage.
Q U A T R I E M E
O B J E C T I O N .
L e fieur Feulhant dit que l’on doit rejeter toutes les afiertions de Sauret, parce qu’il a été conftitué en mauvaife fo i,
en ce qu’il a d’abord dit avoir payé la quantité de charbon de
mandée par Séve, 6c qu’enfuite ayant été forcé de convenir
qu’il ne l’avoit pas payée, il a élevé des c.onteftations fur la
quantité. L e fieur Feulhant dit même que Sauret paroiffoic
ignorer cette quantité , & il en conclut que Sauret a toujours'
dû prendre du charbon fans mefure & fans compte.
R É P O N S E .
On a prévenu ce moyen dans le récit des faits. L e fieur
Feulhant abufe d’une méprife de la part de Sauret: il avoit
cru d’abord que Séve demandoit quatre voyes de charbon ,
anciennement vendues par Vigier & par Macé fon aflocié.
L a preuve en réfulte des moyens de défenfe écrits par fon Pro
cureur, au dos de la copie de l’exploit de Séve. Lorfqu’enfuite
Séve a annoncé qu’il réclamoit le paiement d’autres quatre
voyes que Vigier avoit délivrées en décharge du fieur F eu
lhant, Sauret a foutenu, avec raifon , qu’il ne devoit pas cette
quantité de charbon , que le fieur S éve n'avoit d’attion à cet'
égard que contre le fieur Feulhant.
Il n’eft pas exaft, de la part du fieur F eu lh an t, de dire
que Sauret ignoroit la quantité de charbon qu’il avo’ t prife
de Vigier. Il a foutenu qu’il n’avoit retiré de Vigier que
quatre voyes pour le compte du fieur Feulhant, & il lecroyoic.
�,y
- .
aînfi (a). Séve a prétendu que cette quantité étoit de quatre
voyes & demie ; Sauret a fini par dire que fi le livre jour
nal de Vigier faifoit mention d’une délivrance de quatre
voyes & demie , il entendoit les palier en compte. Sau
ret a donc dû favoir, qu’en prenant dans la fuite les douze
voyes adreflces à Girard, le fieur Feulhant lui refteroit de
voir deux v o y e s , fuivant le compte qu’il avoit fait, ou au
moins une voye & demie, fuivant celui fait par Vigier.
L e fieur Feulhant dit encore , que Sauret eft conftitué
•en mauvaife f o i , parce qu’une ancienne fervante de Vigier
a , dit-il, déclaré que , lorfque Sauret envoyoit prendre les
quatre voyes & demie , cela fe faifoit quelquefois fans que
Vigier fût prévenu, & que d’ailleurs elle s’étoit apperçue que
-le tombereau de Sauret contenoit vingt-une rafes , tandis
qu’il prétendoit qu’il n’en contenoit que dix-huit.
E n fuppofant que cette déclaration foit ainfi conçue , on
fent aifément qu’un témoignage unique, & de cette nature,
n ’a rien d’effrayant. Où en feroit-on , fi à raifon de quelques
difficultés élevées par une fervante fur la contenue d’un tom•bereau , le maître de ce tombereau devenoit par-là indigne
de toute croyance ?
- M aisce qui tranche toute difficulté,c’eft que le fieurVigier,
qui favoit fans doute bien la quantité de charbon qui avoit
été prife par Sau ret, ne l’a portée fur fon livre journal ,
qu’à quatre voyes & dem ie; que le fieur S é v e , d’entrée
de caufe , nJa demandé que cette quantité ; & que Sauret
& le fieur Séve n’ont d’abord été divifés que fur une demiv o y e , on peut môme dire qu’il n’y a point eu de conteftation ,
dès. que Sauret s’en eft rapporté au livre journal.
L e (ieur Feulhant a bien ofé dire que Sauret n’avoit pas
pu défavouer que fon tombereau contenoit vingt-une rafes , &
q i’il l’avoit donné pour dix^huit.
Cû ) Sauret en it certain d en ’avoir pris que q>;arre voyes.
pour éviter toute
difficulté qu il ¡,’en eft rapporté au livre jo irrui de V :t'i î r . Si fur ce livre journal
a été marqué quatre voyes & dert ie , c’efl parce qu’il a été induir en erreur par
fa lervante q u i, comme on verra bientôt , pu'tendon que le tombere.iu de Sauret
avoit une plus grande contenue que celle pour laquelle il vouloir le faire palier.
,
�16
Mais Sauret n'a jamais fait cet a v e u , il eft convenu feu*
lement que fon tombereau , qu i , dans le principe , ne conte*
n o it que dix-huit rafes,pouvoit contenir aujourd’hui quelque
chofe de plus, parce qu’il s’étoit élargi par l’ufage. Mais
il a foutenu que la différence étoit très-petite , & que le
même tombereau paffe encore habituellement pour contenir
dix-huit à dix-neuf rafes tout au plus.
A in fi, quelques efforts qu’ait fait le fieur Feulhant , les
principes s’élevent contre lui , & il ne peut pas les efquiver
à la faveur des circonftances; on peut même dire qu’elles l’acca
blent. La prétendue réception de vingt voyes au Pont-du-Château , eft un fait qu’il ne peut point affurer ; il ne peut que
foutenir qu’il a envoyé cette quantité de braffaget au Pontdu-C h âteau ; mais quand ce fait feroit v r a i , il n'en réful-i
teroit pas la preuve que Sauret eût reçu cette même quanti
té au Pont-du-Château , & cette réception eft démentie par
Sauret, & par les deux feuls témoins qui aient connoiffan
ce de ce qui s’eft paffé. Il ne faut pas confondre le fait de
l ’envoi avec celui de la réception.
Les déclamations que le fieur Feulhant s’eft permifes con
tre Sauret, font donc pour le moins déplacées. Sauret fait
un commerce modefte , dans lequel il fe procure honnête-«
ment de quoi fubvenir à fa fubfiftance & à celle de fa fa
mille , fa réputation n’a fouffert aucune atteinte , & il ne
s’eft jamais élevé contre lui ni plaintes ni murmures.
Monfieur B O I S S O N , Ju ge en charge.
)
!
'
M c. G R E N I E R ,
S
A
a u v a g e o n
,
Avocat.
Procureur.
R I O M , de l’imprimerie de MARTIN D É G O U T T E
Imprimeur-Libraire, près la Fontaine des Lignes. 1787.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Baron Grenier
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Sauret, Gervais. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boisson
Grenier
Sauvageon
Subject
The topic of the resource
marchandises
troc
charbon
créances
transport fluvial
livres-journaux
mines
Description
An account of the resource
Mémoire pour Gervais Sauret, défendeur et demandeur. Contre Gilbert Séve, en qualité de mari de Martine Vigier, demandeur. Et encore contre le sieur Feulhant, défendeur et demandeur, et autres défendeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1785-1787
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
BCU_Factums_B0122
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_B0123
BCU_Factums_B0124
BCU_Factums_B0125
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/18/53961/BCU_Factums_B0122.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pont-du-Château (63284)
Brassac-les-Mines (63050)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
charbon
Créances
livres-journaux
marchandises
Mines
transport fluvial
troc
-
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750587255a75aeadc640561ca543bf43
PDF Text
Text
P R I N C I P E S
DE
LA
M A T I È R E
t
DES SÉ P A R A T IO N S
«
DE BIEN S,
Extraits du mémoire manuscrit de P. A n d r a u d ,
ancien jurisconsulte
P O U R LA D A M E
L e s séparations de biens entre mari et femme ont été
établies dans notre droit français , dans les mêmes cas
et pour les mêmes causes pour lesquelles, par le droit
romain, la femme pouvoit, pendant le mariage, demander
la restitution de sa dot.
La jurisprudence romaine avoit eu ses p ro g rès, et
A
�!
( 2 )
s'étoit à cet égard formée par degrés. D ’abord , dans le
droit du digeste, par la loi 2 4 , au tit. soîuto m atrim onio ,
l’action de la femme fut resserrée dans des bornes assez
étroites; dans le droit du code, par la loi 2 9 , au titre
de ju re dotiuni , cette action reçut plus d’étendue ;
mais dans la novelie 97 elle en reçut encore davantage.
Cette progression de la jurisprudence romaine est trèsbien expliquée par Barthole , dans son commentaire de
la loi 24, if. soîuto m atrim onio . Voici sts termes traduits
fidèlement, quoiqu’avec moins d’ énergie: Circa hoc sunt
tria ju ra : scilice t , ju s digestorum , et hoc providet
m ulieri plenè ,* ju s cod icis, et hoc -providet pleniùs ; ju s
autein authenticorum , et hoc providet plenissimè. B a rthole ajoute que par le droit du digeste, la femme pouvoit
agir pour se faire rendre sa dot, lorsque le mari étoit
réduit à une extrême m isère, et que déduction faite de
ses dettes, ses biens ne suffisoient pas pour la restitution
de la dot : Secundùm ju s digestorum rnulier poterat
agere , cùm v ir erat in extrernâ m iseriû , et bona sua
non sirfficiehant ad exactionem dotis , deducto cere
alieno { 1). Mais par le droit du code, quoique les biens
du mari fussent sutlisans pour répondre de la dot, si le
mari étoit menacé de tomber dans l’indigence, et de ne
pouvoir pas vivre honorablement suivant son état, cela
( 0 L . 2 4 soîuto matrimonio. S i constante matrimonio,
profiter inopiarn mariti¡millier agere velit, undè exactionem dotis
inilium accipere por/armfS'? et CQnstat exindè dotis exactionem
competere, ex quo evidentissirnè appamenit mariti\facultates ad.
exactionem dotis non sujfîcere. y '
�c 3 3
suifisoit pour que la feimue pût répéter sa dot : c'est
encore ce que dit Barthole : Sed per jus codicis provismn
est pîeniùs , q u ò d , licei bona m ariti sujficiant ad exaciionetn dotis, tawen s i maritus laborat inopia , et habet
in bonis p a rim i , tamen habet in bonis tantum quod
sufficiat ereditaribus et doti; tamen quia opus est vivere
honorijìcè et omnia expeiidit, et m ulier pateretur neces
sitatevi secimdùm ista tem pora, hodiè potest agere (i).
Enfin Barthole dit encore que le dernier état du droit
romain, dans la novelle 9 7 , pourvoit encore plus parfai
tement à la femme, en décidant que quoique le mari ait
non seulement de quoi payer ses créanciers, cl faire face
-à la dot, cependant s’il y a lieu de douter qu’il dérange
ses affaires, parce qu’il commence à mal user de ees biens
et de ses facultés, alors la femme peut agir pour la resti
tution de sa dot, quoiqu’on pût en douter par les lois
précédentes. Jt^.in, per jus authenticorum est provisum
pienissime. E cce r ir habet tantiim quod sujjiciat creditoribus et d o ti , et est d ives, tamen est dubium quòd
rergat ad inopiam , quia malè utitur sud substantiel,
et secundùm ista ju ra m ulier non poterai agere, sed hodiè
est sibiprovisum pîeniùs, et etiani tune potest agere(2).
( 1 ) L. 2.cj, cod. de jure duiium. Ubi aulem adirne matrimonio
çonstiiuto, maritus sit ad inopiam deductus, et sibi mulier prospicere velit, resytic sibi suppositas velit tenere, non obesse ei
matrimonium consîitutum.
( 2 ) Nov. 9 7, cap. 6. Deâimus mulieribus élection em , etiam
constante matrimonio, si malè res maritus gubemet, et accipere
eas, et gubernare, sibimet eulpam inférât, eut inox viro inchoante
nialè snbstanlid uti, non pcrcepit, et non auxiliata est sibi,
A a
�U )
Sur quoi Barthole observe que ces lois ne dérogent point
les unes aux autres , les dernières ne faisant qu’ajouter aux
premières, pour pourvoir plus pleinement à l’intérêt de la
femme : Unum ergo ju s non cor'rigit a liu d , sed addit
a lte ri, pleniùs providendo.
On trouve la même doctrine dans tous les interprètes
du droit romain , sur la loi 2 4 , if. soluto matrimonio. Ils
disent tous que pour que la femme puisse répéter sa d o t ,
il suffit que le mari soit menacé d’une ruine prochaine :
V iro vergente ad inopiam , etiarn constante mat ri monio , m ulier potest dotem exigere. C ’est ainsi que
s’en explique Balde. Il suffit que le mari ait commencé
à mal user de ses biens et de ses facultés, pour que la femme
puisse répéter sa dot. Cùm m aritus ad inopiam ver g î t ,
?>eî ùicohat malè uti substantiâ sua , pro dote agit et
excipit. Ce sont encore les termes de Salicet. M êm e doc
trine dans la glose d’Accurse. Hodiè autem constat priiis
et post posse a g i, scilicet quandô v ir cœpit maie uti
suâ substantiâ. Godefroy, sur la même lo i, dit également
qu’il suffit que le mari ait commencé de mal user de ses
facultés : Hodiè sujficit s i inchoaçerit malè uti suâ
substantiâ.
Mais combien toutes ces autorités ne reçoivent-elles
pas encore plus de poidj par celle de notre illustre Cujas r
le plus savant et le plus profond de tous nos jurisconsultes.
C’est dans son commentaire du digeste, sur la loi \ , % V ,
de dotis collatione y qu’il dit que la femme peut se faire
rendre sa dot, si le mari est dissolu dans ses mœurs, ou
si sa fortune commence à déchoir : Est unus casus itz
quo j constante m atrim onio, dos repeti potest, p r opter
�......................... ( 5 )
inopiarn videlicet m ariti , quod sit dissolutus m oribus ,
aut eo quod bonis labitur ; et il ajoute que cela doit
avoir lieu , lors même que l’indigence du mari ne seroit
arrivée que par malheur ou par accident, sans qu’il y evit
contribué de sa faute : E t hoc generaliter verum est ,
swe maritus inopsfactus sitvitio suo, sU>e casu aliquo.
Mais les docteurs vont encore plus loin , et ils prévoient
deux cas où il sembleroit que, la séparation seroit moins
nécessaire.; par exem ple, celui où le mari et le beau-père
scroient i]un et l’autre obligés à la restitution de la dot*
Ils disent que même, dans ce cas, il suffit qu'il y en eût
un des deux qui ait commencé à mal user de ses facultés,
quoique .l’putre soit ^olvable , pour que la femme ait fac
tion pour répéter sa dot : Quod si ambo tenecintur socer
et v i r , et aller vergit ad inopiarn, potest etiam agi , cùm
malè uti inchoatum sit. Ce sont les paroles d’Accurse.
N ’est-il pas juste, en eifet, que la femme ayant exigé une
double obligation , celle de son mari et celle de son beaupère, il y ait à craindre qu’une de ces obligations vienne
à lui manquer, pour qu’elle puisse répéter une dot qu'elle
n'a confiée que sur la foi de cette double obligation ? L e
même docteur prévoit un autre cas, celui où le mari
présente une caution solvable qui s’oblige à la garantie
de la do t, et il décidç, que même encore en ce cas , là
femme peut toujours répéter sa do t, et il donne une raison,
sensible qui s’applique à l’un et à l’autre cas, c’est que la
caution ne répond de la dot qu’après la dissolution du
mariage; ce qui n’empêche pas que la dissipation du m ari,
pendant le mariage , ne le mette hors d'état d’en soutenir
les charges, et de faire vivre sa femme honorablement,
�.
..( 6 )
...
.
la dot ne lui ¿tant donnée que pour soutenir les charges
du mariage: Sed penè in îioslro ca.su virum velle dure
Jîdejussores de dote restituendâ , soluto matrirnonio ,
num quidevitabitexàctîuiiem dotis adprœ seris? Seddi'co
contra , quia v ir débet retinere dolem ad susteritatiàhem
su i et uxuris. Barthole , à l’endroit cité , avoit aus^i,
comme Accurse, prévu le cas où le mari présenterait une
caution , et il avoit également été d a v is, que la caution
n ’ é m p e c h o it p a s la r e s titu tio n de lâ dot, parce q u e , disoit-il,
Il y avoit plus1'de'sàreté dans la chose que dans la cau
tio n : M elim est habere res qnàm cautiones.
liés principes du droit romain ont été admis dans notre
droit 'français. Î,egrand , dans son commentaire de la cou
tume de T royes^iom . i , p a g '3 7 2 , dit que la femme peut
agir contre son* mari pour la restitution de 6a dot, et se
•rJ“
*
.. ■ , I
1 .
,
' ^
^
faire séparer de biens'dès l’instant où le mari a commencé
à mal user de scs facultés, et que même la notoriété pu
blique suivit pour preuve de son Mauvais ménage. Renusson, 4'ahs son traité de la conimunàuté/part.‘X',«h. 9,
ni 3*, dît que, la séparation de biens ‘peut etre ordonné«
p a r justice, et que la fetntrie peut la demander, lorsque
son mari est mauvais ménager; en'un m ot, quand il n’y
f
. .
a, pas de sûreté pour la femme de laisser la possession de
goriîiîen à son m ari, à l'exemple de ce qui sc pratique dünS
le droit romain* et il cïle sur cela les lois du digeste, du
code et dés novellesi'Pôthier^ *dans son traité de la com
munauté, part.’ 3.5 ch. I , §. 1 , n. 6 1 0 , après avoir éga
lement rappelé les lois romainés, dit q'u’il n’est pas néces
s a i r e ' 1, °pour que là’ fti'rtthie soit reçue à demander làsépaf
>
- i. / * • »
* *' •
ration , que son mari soit entièrement insolvable, parce
�C 7)
que la séparation seroit alors un remède inutile ; mais
qu’il suffit qu’il commence à le devenir, et que le mau
vais train que prennent ses affaires donne lieu de craindre
qu’il ne le devienne de plus en plus. Les commentateurs
de la coutume de Paris disent aussi, qu’il n’est pas né
cessaire qu’ un homme soit ruiné pour que la femme puisse
demander la séparation ; mais qu’elle doit être accordée
lorsqu’on connoît un dérèglement, une débauche pu
blique, un attachement au jeu, et d’autres commerces
indignes, et que le mari vergit ad înopiam. Ferrières,
sur l’art. 324 de la coutume de Paris. D ’autres motifs
encore, donnent lieu à la séparation de biens 5 par exem
p le, lorsque les(biens du mari sont en décret; le B ru n ,
traité de laicommimauté, 1. 3 , ch. 1 , n. 5 et 7 ; la Thaumassière, sur la coutume de B e rry , til. 1 , n. 49. Il en
est de même de la cession de biens faite par le mari ;
Renusson, à l’endroit cité, n. 66 . On pourroit citer beau
coup d'autres auteurs ; mais il n’en est aucun qui tienne
un langage différent, et on ne croit pas qu’on puisse citer
d’arrêts qui aient jugé le contraire, à moins d’une espèce
tout à fait favorable.
Telle est celle d’un arrêt du dernier février 16 5 9 , que
l’on trouve dans le recueil de Soefve , et où la séparation
de biens fut rejetée par deux circonstances, l’une parce
qu il étoit constant que l’échec que le mari avoit reçu dans
sa fortune ne procédoit que des faillites qu’il avoit eu le
malheur d’éprouver dans son commerce, et l’autre parce
qu’il avoit déposé une somme produisant intérêts, équi
valente à la dot et à l’augment de dot, les parties étant
domiciliées en pays de di’oi-t écrit.
�C 8)
On ne pourroit pas non plus se prévaloir de l’arrêt
rendu entre le marquis et la marquise du Pont-du-Chateau , le 27 janvier 17 4 0 , dont il est fait mention à la
suite des œuvres du célèbre avocat Cochin , par la raison
qu’ il étoit établi que le marquis du Pont-du-Chiiteau avoit
trois fois plus de biens qu’il n’en falloit pour répondre de
la dot de sa femme et de ses gains éventuels ; et ensuite
on voit même dans le plaidoyer de Cochin, tom. 5 , p 7 1 8 ,
qu’il .convenoit que les 'dispositions du m ari, à moins
qu’elles ne fussent légères , faisoient un juste motif de
séparation : c’est ce qui résulte de ce qu’il disoit. « On
« convient qu’il n’est pas nécessaire que le mari soit ruiné
« pour que la femme puisse demander la séparation de
« biens mais aussi il ne faut pas supposer que la moindre
dissipation suffise pour autoriser une pareille action.....
« Il y a un juste milieu entre ces deux extrémités. »
C es'principes ont été consacrés par le jugement du tribunal d’appel de R io m ,d u I er thermidor an 9 , par lequel,
sans s'arrêter à l’intervention du beau-père, et à ses offres
de cautionner la dot, la séparation de biens a été confirmée,
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A* R iom , d e l’im prim erie 'de L a n d r i o t , im prim eur du tribunal
d ’appel.
— An 9.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dame**. An 9]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
mariage
Description
An account of the resource
Principes de la matière des séparations de biens, Extraits du mémoire manuscrit de P. Andraud, ancien jurisconsulte ; pour la Dame **
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
An 9
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0633
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0150
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53893/BCU_Factums_M0633.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pont-du-Château (63284)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
mariage
séparation de biens
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53691/BCU_Factums_M0150.pdf
92f525f07fff15b9f10c33af6d0e8435
PDF Text
Text
P RI NCI PES
DE
LA
MATIERE
.
DES S É P A R A T I O N S DE B I E N S ,
Extraits du mémoire manuscrit de P . A n d r a u d ,
ancien jurisconsulte;
P O U R
LA
D A M E
**.
L E S séparations de biens entre m ari et femme ont été
établies clans notre droit français , dans les m êmes cas
et pour les mêmes causes pour lesquelles, par le droit
romain, la femme pouvoit, pendant le mariage, demander
la restitution de sa dot.
Lu jurisprudence romaine avoit eu .ses progrès
A
et
�,
. ,
,
(2 )
s’ étoit c'i cet égard formée par degrés. D ’a b o r d , dans le
droit du digeste, par la loi 2 4 , au tit. soluto m a tr im o n io ,
l’action de la femme fut resserrée dans des bornes assez
étroites; dans le droit du cod e, par la loi 2 9 , au titre
de ju ra dotiuni , cette action reçut plus d’ étendue ;
mais dans la novelle 97 elle en reçut encore davantage.
Cette progression de la jurisprudence romaine est trèsbien expliquée par Barthole , dans son commentaire de
la loi 24 , ff. soluto m atrim onio. V o ici ses termes traduits
fidèlement, quoiqu’avec moins d’ énergie: Circa hoc su n t
tria ju r a : sc ilic e t , ju s digestorum , et hoc providet
m u lieri plenè ; ju s c o d icis , et hoc providet p l e m ù s j u s
autem a u th e n tic o ru m , et hoc providet plenissim è. B a r thoîe ajoute que par le droit du digeste, la femme pouvoifc
agir pour se faire rendre sa d o t , lorsque le mari étoit
réduit à une extrême m isè re, et que déduction faite de
ses dettes, ses biens ne suffisoient pas pour la restitution
de la dot : Secundùm ju s digestorum m ulier poterat
agere, citm v ir era t in extrem â r n is e n â , et bona sua
non sujficiebant ad exàctionem dotis , deducto cere
alieno ( 1 ). Mais par le droit du code, quoique les biens
du mari fussent suffisans ppur répondre de la d o t, si le
mari étoit menace de tomber dans l’indigence, et de ne
pouvoir pas v iv re honorablement suivant son état, cela
( 1 ) L . 24 >JF ' s°tul° matrimoniu. S i constante matrimonio ,
propter inopuun manti mulier agere velit, undd exactionem dotis
ihitiutn aecipere ponomus? et cqnstat exinde dotis exactionem
competcre, ex (¡no cvidentissimd apparucrit mariti facilitates ad
exactionem dotis non sujficcre.
�(3K
,
suffîsoit pour que la femme pût répéter sa dot : c’est
encore ce que dit Barlliole : Sed per ju s codicis provisum
est p len iits , q v à d , licet bona m a r iti sujfficiant a d exactionem dotis, tam cn s i m a ritu s laborat inopicî , et habel
in bonis pariim , tam en habet in bonis tantum, quod
su fficia t creditonbus et d o tij tam en quia opus est viverc
honorijicè et om nia expendit, et m illier paleretur néces
sitaient secundùm ista tem pora, hodiè potest agere (i).
E nfin Barthoie dit encore que le dernier état du droit
rom ain, dans la novelle 9 7 , p ourvoit encore plus parfai
tement à la fem m e, en décidant que quoique le mari ait
non seulement de quoi payer ses créanciers, et faire face
à la d o t, cependant s’il y a lieu de douter qu’ il dérange
ses affaires, parce qu’il commence à mal user de ses biens
et de ses facultés, alors la femme peut agir pour la resti
tution de sa d o t , quoiqu’on pût en douter par les lois
précédentes. Tt«m , per ju s a uthenticorum est provisum
plenissiniè. K cce v ir habet ta n tu m quod su jjicia t cre(litoribus et d o ti, et est d iv e s , tam en est dubium quod
rergat ad in o p ia m , quia m alè u titu r sua s u b s ta n tiâ ,
e t secundùm ista ju r a m ulier n o n p o tera ta g ere, sedhodiè
est sibi provisum plenius, et etiam tune potest agere(z').
( 1 ) L. zg , cod. de jure dotium. TJbi aulem adhuc matrimonio
ponslituto, maritus sit ad inopiam deductus, et sibi mulier prospicere velit, resque sibi suppositas velit lenere, non obesse ci
mdlrirr)onium constitutum.
(2)
Nor. 97, cap. 6, Dedimus muîieribus clectionem, eiiam
constante matrimonio, si malè res maritus gubemet, et accipere
ras, et gtibernare, sibimet culpam inférât, cur mox vira inchoante
malè substantiâ uti, non pçrccpit, et non auxiliata est sibi,
Aa
�.
U )
.
,
■
Su r quoi Bartliole observe que ces lois ne dérogent point
les unes aux autres, les dernières ne faisant qu’ajouter aux
premières, pour pourvoir plus pleinement A f intérêt de la
femme : Unurn ergo ju s non corrigit a liu d , sed a d d it
a it c r i , pleniùs providendo.
On trouve la même doctrine dans tous les interprètes
du droit romain , sur la loi 2 4 , if. soluto m atrim onio. Ils
disent tous que pour que la femme puisse répéter sa d o t ,
il suffit que le mari soit menacé d’une ruine prochaine:
V ir o vergente ad inopiani , etia m constante m a t ri m onio , m ulicr potest dotem exigere. C'est ainsi que
s’en explique Balde. II suffit que le mari ait commencé
à mal user de ses biens et de ses facultés, pour que la femme
puisse répéter sa dot. Giim m a ritu s ad inopiarn v e rg it ,
v el iiicohat m alè u ti su b sta n tiâ suâ , pro dote agit et
excipit. Ce sont encore les termes de Salicet. M êm e doc
trine dans la glose d’ Accurse. H odiè autem constat prias
et post posse a g i , scilicet q u a n d o v ir cœpit m aie u ti
su â substantiâ. G odefroy, sur la même loi, dit également
qu’ il suffit que le mari ait commencé de mal user de ses
facultés' : H odiè sufficit si inchoaverit m alc u ti su â
substantiâ.
M ais combien toutes ces autorités ne reçoivent-elles
pas encore plus de poidj par celle de notre illustre Cujas,
]e plus savant et le plus profond de tous nos jurisconsultes.
C ’est dans son commentaire du digeste, sur la loi 1 , § V ,
de dotis coHatlone >qu il dit que la femme peut se faire
rendre sa d o t, si le mari est dissolu dans ses mœurs, ou
si sa fortune commence à déchoir : E st um ts c a s u s in
iju o , constante w a trim o n io , dos rcpeti p o te s t , p ropter
�( 5)
inopiarn videlicet /n a n t i , quàd s it dissolutus m o rib u s ,
a u t eo quod bonis la b itu r \ et il ajoute que cela doit
avoir lieu , lors mcme que l’indigence d u 'm a ri ne seroit
arrivée que par malheur ou par accident, sans qu’il y eût
contribué de sa faute : E t hoc generaliter veru m e s t ,
siçc fncLTitiis m ops fit ci us sit vitio su o , siçc c&su ahquo.
Mais les docteurs vont encore plus loin , et ils prévoient
deux cas où il sembleroit que la séparation seroit moins
nécessaire; par e x e m p le , celui où le mari et le beau-père
seroient l'un et l’autre obligés à la restitution de la dot.
Ils disent que m ê m e , dans ce cas, il suffit qu’ il y en eût
un des deux qui ait commencé à mal user de ses facultés,
quoique l’autre soit solvable , pour que la femme ait l’ac
tion pour répéter sa dot: Q uod s i am bo ten ea n tu r socer
et v i r , et aller vergit ad in o p ia m , potest etiam a g i , cù m
■rnalè u ti inchoatum s it • Ce sont les paroles d’Accurse.
N ’est-il pas juste, en effet, que la femme ayant exigé une
double obligation , celle de son mari et celle de son beaup è re , il y ait à craindre qu’une de ces obligations vienne
â lui m anquer, pour q u ’elle puisse répéter une dot qu’ elle
n ’a confiée que sur la foi de cette double obligation? L e
rnême docteur prévoit un autre cas, celui où le pnari
présente une caution solvable qui s'oblige à la garantie
de la d o t, et il décide, que même encore en ce cas , la
femtne peut toujours répéter sa d o t , et il donne une raison,
sensible qui s’applique à l'un et à l’ autre c a s, c’est que la
caution ne répond de la dot qu’ après la dissolution du
mariage; ce qui n’empêche pas que la dissipation du m ari,
pendant le mariage , ne le mette hors d’état d’ en soutenir
les charges, et de faire viv re sa femme honorablement,
�•
.,
• c 6 }
.
•
la dot ne lui étant donnée que pour soutenir les charges
du mariage : Sed penè in no siro casu v'irum velle dure
Jidejussores de dote restitaendâ , soluto m a trim o n io ,
n u m q u id evita b itexa ctio n em dotis adpreesens? Seddico
contra , quia vird eb et retinere dotem ad sustentationem
'siri et uxoris. Barthole , à l’endroit cité , avoit au ssi,
comme Accurse, prévu le cas où le mari présenteroit une
caution, et il avoit également été d’avis, que la caution
n’empêchoit pas la restitution delà dot, parce q u e , disoit-^il,
il y avoit plus de sûreté dans la chose que dans la eau-»
tionr: M eliùs est habere res q u à m cautiones.
lies principes du droit romain ont été admis dans notre
droit français, Legrand , dans son commentaire de la cou*
tumè de T ro y e s , lom. i , pag. 372 , dit que la femme peut
agir contre son mari pour la restitution de sa d o t , et se
faire séparer de biens dès l’instant oit le mari a commencé
à mal user de ses facultés, et que même la notoriété pu
blique suffit pour preuve de son mauvais ménage. Re^
nùsson , dans son traite de la com munauté, part. I , ch. 9,
n,
dit que' la sépara'tion de biens peut être ordonnée
jpar ’justice , et que la femme peut la dem ander, lorsque
son mari est mauvais m énager; en un m o t, quand il n y
a pas de sûreté pour la femme de laisser la possession de
son lîîèn'à son m a ri, à l’exemple de ce qui se pratique dans
le di’’oit: rônVain^ et il cite sur cela les lois du digeste, du
code et des novelles. Pottiier, dans son traité de la corn»
mimantes part. 3 ,‘cti. 1 ,
1 , n. 6 1 0 , après avoir éga*
Içment rappelé’ les lois romaines , dit qu’il n’est pas néces*
¿a ir e 'fp o ù r que' ia'fërtiine soit reçue demander la »¿pn*
ViVlfon ^qYit’ ^oU ^»nrf'soi’t entièrement insolvable, paiTü
�,
c 7 }
que la séparation seroit alors un remède inutile • mais
qu’il suffit qu’il commence à le devenir , et que le mau
vais train que prennent ses affaires donne lieu de craindre
qu’il ne le devienne de plus en plus. Les commentateurs
de la coutume de Paris disent aussi, qu’il n’est pas né
cessaire qu’ un liomrne soit ruiné pour que la femme puissè
demander la séparation ; mais .qu’elle doit être accordée
lorsqu’on connoît un dérèglem ent, une débauche p u
b liq u e , un attachement au je u , et d’autres commerces
in dignes, ^ej. que le mari vergit a d inopiam . F e r r iè r e s ,
sur 1 art. ^ 2 4 de la coutume de Paris. D ’autres motifs
encore, donnent lieu à la séparation de biens ; par exem
p le , lorsque les biens du mari sont en décret j le B r u n ,
traité de la communauté, 1. 3 , ch. 1 , n. 5 et 7 ; la T h a u inassière, sur la coutume de B e r r y , tit. 1 , n. 49. Il en
est de môme de la cession de biens faite par le mari •
Renusson , à l’endroit cité, n. 66 . On pourroit citer beau
coup d'autres auteurs; mais il u’en est aucun qui tienne
nn langage différent, et on ne croit pas qu’on puisse citer
d’arrêts qui aient jugé le contraire, à moins d’ une espèce
tout à fait favorable.
Telle est celle d’un arrêt du dernier février i 65o que
I on trou" e dans Ie recueil de Soefye , et où la séparation
de biens fut rejetee par deux circonstances, l’ une parce
qu il étoit constant que l’échec que le mari avoit reçu dans
sa fortune ne p. océdoit que des faillites qu’il avoit eu le
malheur d ’éprouver dans son commerce, et l’autre parce
qu il avoit déposé une somme produisant intérêts , équi
valente à la dot et à lau gm en f de d o t, les parties étant
domiciliées en pays de droit écrit,.
�C 8;
On ne pourroit pas non plus se prévaloir de l’arrêt
rendu entre le marquis et la marquise du Pont-du-Chateau , le 27 janvier 1 7 4 0 , d ont il est fait mention à la
suite des œuvres du célèbre avocat Cochin , par la raison
qu ’ il étoit établi que le marquis du Pont-du-C hâleau avoit
trois fois plus de biens qu’il n'en falloit pour répondre d e
l a dot de sa femme et de ses gains éventuels ; et ensuite
on voit meme dans le'plaidoyer de Cochin , tom. 5 , p 7 1 8 ,
qu ’il convenoit que les dispositions du m a ri, à moins
qu’elles ne fussent lé g è r e s , faisoient un juste motif de
séparation : c’est ce qui résulte de ce qu’il diso it. « On
« convient q u ’il n'est pas nécessaire que le mari soit ruiné
« pour que la femme puisse demander la séparation de
« biens ; mais aussi il ne faut pas supposer que la moindre
» dissipation suffise pour autoriser une pareille action.....
« Il y a un juste milieu entre ces deux extrémités,
C
es principes ont été consacrés par le jugement du tribunal d’appel de R i o m , du Ier thermidor an 9 , par lequel ,
sans s’ arrêter à l’ intervention du beau-père, et à ses offres*
de cautionner la dot, la séparation de biens a été confirmée.
À R io m , .de l’imprim erie de L a n d r i o t , im prim eur du tribunal
d'appel. —r A n 9..
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dame**. An 9]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
mariage
Description
An account of the resource
Principes de la matière des séparations de biens, Extraits du mémoire manuscrit de P. Andraud, ancien jurisconsulte ; pour la Dame **.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
An 9
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0150
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0633
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53691/BCU_Factums_M0150.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pont-du-Château (63284)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
mariage
séparation de biens
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53624/BCU_Factums_G3007.pdf
2402f80701a47d68d3897d069ea1b64a
PDF Text
Text
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Sentence arbitrale. Giroud. 1848?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
transport fluvial
charbon
arbitrages
mines
asphalte
banqueroute
tribunal de commerce
ports
banquiers
génie civil
experts
jugement arbitral
marchandises
diffamation
Description
An account of the resource
Titre complet : 1ére affaire. 21 juillet 1847. suivi de 2éme affaire, 2 août 1848. Giroud, appelant contre Sauret et Jozian. Questions
Document manuscrit. Suivi de l'arrêt
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1848
1838-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
11 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3007
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3005
BCU_Factums_G3006
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53624/BCU_Factums_G3007.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Pont-du-Château (63284)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
asphalte
banqueroute
banquiers
charbon
diffamation
experts
génie civil
jugement arbitral
marchandises
Mines
ports
transport fluvial
tribunal de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53623/BCU_Factums_G3006.pdf
cea748dafc9bc0c9a20eb7e1b5b12581
PDF Text
Text
tr ib u n a l
première
PRECIS
IN ST A N C E
dela S e in e .
POUR
5' CHAMBRE.
M DURANTIS,
MM. JOZIAN et SAURE T , défendeurs,
P ré s i d e n t .
CONTRE
M. GIROUD, demandeur.
------ —■ •'¡■T
"
--.
Le 21 novem bre 1 8 3 8 , par acte devant Casati , notaire à Lyon ,
MM. Chevalier et Giroud achètent de M. Corcelette, au prix de 140,000 fr.,
la moitié indivise, avec M. Julien Sadourny, de la m ine de houille des
Barthes, concédée p a r ordonnance royale du 11 février 1829.
Le 30 du m êm e m o i s , ils passent u n marché avec M. Pezerat, gérant
d e ‘la société d ’asphalte granitique établie à P a r i s , d ’après lequel ils
s ’obligent à livrer à cette Société, à partir du 1er mars 1839, 10,000 hec
tolitres de charbon par m o is , au prix de 90 c. l’hectolitre.
Le traité comporte u n e clause compromissoire conçue en ces termes :
« A r t . 9. — En cas de contestations au sujet des présentes ' conventions,
» elles seront jugées à P a r is ,
et non ailleurs à l’exception cependant de
» celles q u i,p a r leur nature, ne pourraient se décider que dans la localité, par
» un tribunal arbitral composé de trois membres, dont deux seront respecti» vement choisis par les parties, et, à leur défaut, p a r le président du tribunal
» de commerce
le troisième sera nommé par les deux arbitres désignés ,•
» et, faute p a r eux de s’entendre sur cette nomination, elle sera faite égale» ment par le tribunal de commerce du lieu où sera portée la contestation ;
» le tout à la requête de la partie la plus diligente. »
Le 1er décembre 1 838, par acte devant F o u r c h y , notaire à P a r is ,
MM. Chevalier et Giroud forment une Société en commandite pour l’ex
�ploitation de la mine des Barthes, au capital de 1,200,000 fr., représenté
par douze cents actions de 1,000 fr. chacune.
La mine est comprise dans l'apport social de ces messieurs p o u r une
valeur de 800,000 fr.
M. Giroud est nommé gérant provisoire de l’entreprise.
Le 3 avril 1839, la Société Pezerat e tC o m p 1“. cède à M. Jozian tous les
droits acquis à cette Société par la convention du 30 novembre 1 8 3 8 ,
à la charge , par le cessionnaire, de rem plir tous les engagemens imposés
à la société cédante.
.M. Pezerat fait déclaration de la cession à MM. Chevalier et Giroud,
par un exploit du 29 mai suivant.
M. Jozian se m et en devoir d ’exiger les livraisons de charbon promises
à la Société Pezerat et Compie.
Un débat s’engage s ur le carreau de la mine au m om ent de la première
livraison.
M. Jozian se pourvoit devant le tribunal de commerce de Brioude, pour
faire ordonner l ’exécution du marché du 30 novembre 1838.
Un jugem ent par défaut, du 8 novembre 1839, fait droit à sa dem ande.
Mais, dans l’intervalle, une autre procédure avait été engagée à Paris
contre la Société Pezerat et Compie, à la diligence de MM. Chevalier et
Giroud : ils l ’avaient actionnée devant le tribunal de com m ercede la Seine
en résolution de la convention du 30 novembre 1838, et un ju gem ent du
26 juillet 1839 avait renvoyé les parties devant arbitres juges, en confor
mité de la clause compromissoire ci-dessus relatée.
Il y avait ainsi deux instances simultanées s u r le même o b j e t , l ’une
engagée ù Brioude, l’autre à Paris.
Dans le cours de l ’instance a rb itra le , la Société Pezerat et Com p1* est
mise en liq u idation, et la procédure est reprise contre les liquidateurs
choisis par les actionnaires en assemblée générale.
Le tribunal arbitral est composé de MM. Gibert, Girard et Venant, an
ciens agréés^ et régulièrem ent constitué.
D'un autre côté, MM. Chevalier et Giroud se rendent opposans au
�jugem ent par défaut du tribunal de commerce de Brioude du 8 novembre
1839. Ils contestent la compétence du tribunal par un moyen tiré de la
clause comproinissoire portée en la convention du 30 m ars 1838.'
II est statué su r les deux instances.
A Brioude , l’opposition est rejetée par un jugem ent du 3 avril 1 840, et
le tribunal ordonne que son jugem ent du 8 novembre précédent sortira
effet.
A P a r is , les a rb itre s , par une sentence du 17 juin J 8 4 0 , déclarent
MM. Chevalier et G iroud non recevables et mal fondés dans leur demande
en résolution de la convention du 30 novembre 1838, ils ordonnent néan
moins que, po u r garantie de son exécution, les liquidateurs de la Société
Pezerat et Compie fourniront un cautionnem ent de 54,000 fr.
La sentence est rendue exécutoire sans contestation de la p art d ’aucune
des parties; mais le ju gem ent de Brioude est frappé d'appel devant la
cour de Biom par MM. Chevalier et Giroud.
S ur cet appel, la cour infirme ce jugem ent par un arrêt du 24 novembre
1840, dont u n des motifs est formulé comme suit :
» Considérant que tontes les contestations ci naître entre les parties devaient}
» a u x termes de la convention du 30 novembre 1838, être jugées p a r des a r» bitres, que, dbs-lors, le tribunal de Commerce de Brioude s’est attribué
» contre la volonté des parties une juridiction qui ne lui appartenait pas, et,
» qu'en procédant ainsi il a ju g é incompétemment. »
Pour régulariser la convention intervenue entre la Société Pezerat et
Com pie. et le sieur Jozian, les liquidateurs cèdent à ce dernier, par un
acte du 2 février 1841, le bénéfice et les effets de la sentence arbitrale
rendue à leur profit le 17 ju in précédent. Cet acte est enregistré et signi
fié à MM. Chevalier et Giroud.
M. Jozian fournit le cautionnem ent de 54,000 francs à la charge des
liquidateurs, dans les formes prescrites p a r l a loi, ainsi q u ’il résulte d ’un
acte au greffe du tribunal civil de la Seine, on date du 12 février 1841,
V
.
�sans q u ’il y ait contestation de la p art de MM. Chevalier et Giroud.
M. Jozian, obéissant à l’arrêt de Riom, fait ses diligences po u r soumettre
à des arbitres juges la contestation dont le tribunal de commerce de
Brioude avait été indûm ent saisi. Les arbitres qui ont rendu la sentence
du 17 juin 1840 sont de nouveau constitués en tribunal arbitral du con
sentement des parties.
'
L’instance est engagée entre M. Jozian, cessionnaire de la Société lJezerat et Com pagnie d ’une part, et MM. Chevalier et Gj^toud d ’autre part.
Le 2 V mai 18VI, une nouvelle sentence arbitrale ordonne que les li
vraisons de charbon à faire, en exécutionde la convention du 30 m ars 1838,
auront lieu dans des proportions q u ’il est sans intérêt d ’indiquer ici, et
dispose q u ’à défaut p a r MM. Chevalier et Giroud d ’effectuer lesdites li
vraisons aux époques fixées par la sentence et sans q u ’il soit besoin de
mise en demeure, il sera fait droit a u x conclusions du sieur Jozian tendant à
la fixation d'une peine contre eu x pour ce défaut d’exécution.
La sentence ordonne en outre que MM. Chevalier et Giroud rapporte
ront à M. Jozian, dans le mois de la signification, l’adhésion de la So
ciété de la m ine des Barthes à l’exécution de toutes les conditions portées
au traité du 30 novembre 1830, sinon <[U il sera fait droit sur la fixation des
dommages-intérèts réclamés par le sieur Jozian.
Cette sentence est frappée d ’opposition à l’ordonnance d'exei/uatur et
vivement attaquée par MM. Chevalier et Giroud. L ’opposition donne lieu
à une série d ’instances, en première instance et en appel, et il ne faut rien
moins que trois juge me iis et quatre arrêts pour donner passage au ju g e
ment arbitral du 2 h mai 1841.
Néanmoins, M M .Chevalier et Giroud résistent à son exécution, e t c ’est
le cas, alors, de revenir devant les arbitres pour q u ’il soit statué sur les
points réservés par leur sentence.
Les arbitres sont donc une troisième fois saisis, à la diligence du sieur
Jozian du litige né du traité du 30 novembre 1838, et, le ü juin I8'i3, ils
rendent une nouvelle sentence qui porte en substance ce qui suit :
�MM. Chevalier et G iroud sont tenus de comm encer les livraisons de
charbon dans la quinzaine de la signification de la sentence.
A défaut de ce faire ils sont condamnés à des dommages-intérêts sur la quo
tité desquels les parties sont renvoyées à se faire ju g er dans la localité.
Kt ce dernier chef d e là sentence est motivé en ces termes.
» Attendu que la quotité de ces dom m ages-intérêts ne peut être bien a p » préciée que dans la localité elle-m êm e, parce q u ’elle doit résulter d ’un
» concours de faits et de circonstances qui ne peuvent être bien connus
» que dans cette localité.
» Que c’est donc le cas de renvoyer les parties à se faire ju g e r dans le
» pays sur la quotité des dom m ages-intérêts ainsi que le réserve la c o n » veution p o u r ce genre de question.»’
E n ce qui touche l ’adhésion de la Société de la mine des Barthes, non
produite encore, les arbitres déclarent surseoir à prononcer su r les domm ages-intérêts j u s q u ’après le mois de janvier de l ’année 1844.
MM. Chevalier et Giroud satisfont en tem ps utile à cette disposition do
la sentence, mais ils se refusent aux livraisons de charbon dans les condi
tions prescrites p a r cette sentence.
De là, nécessité de soum ettre le débat et l’appréciation des dom m agesinlérêts, à des arbitresde la localité, dans les termes de ladite sentence.
A ce moment, M. Chevalier se tient à l ’écart et M. Giroud agit en son
nom dans tous les actes de la procédure qui précèdent la constitution du
tribunal arbitral.
Cette procédure atteste des
efforts inouis de M. G iroud p o u r empê
cher laréunion des arbitres, et c ’est encore là u n des curieux épisodes de
cette longue lutte judiciaire qui date de 1839.
Dès le 9 août 1843 et par un acte du même jo u r enregistré à IJrioude le
24 du môme mois, M. Jozian avait cédé à M. Sauret, b a n q u ie r à Riom, la
moitié des droits résultant, au profit de lui c é d a n t, tan t de la convention
du 30 novembre 1838 que des sentences arbitrales sus-relatées.
Alors, MM. Jozian et Sauret se pourvoient en nom ination d ’arbitres de
vant le président du tribunal de commerce d ’Issoire. Deux ordonnance»
�sont rendues p a r ce m agistrat les 9 et 18 novembre 1843; mais M. Giroud
interjette appel de ces ordonnances.
L ’appel est fondé su r ce que l a m in e d e sB arthes se trouvant dans la cir
conscription territoriale du ressort de B r io u d e , les ordonnances ont été
incoinpéleinment rendues par le juge d ’Issoire.
Ce système est accueilli par un arrêt de la cour de Riom du 21 février
1844,
MM. Jozian et Sauret recom mencent leur procédure s u r nouveaux frais
ù Brioude.
tE n voici seulem ent les principaux incidens :
Le 4 m ars 1844, MM. Jozian et Sauret notifient par exploit, à MM. Che
valier et Giroud q u ’ils font choix p o u r arbitre de la personne de M. D orival, et leur font somm ation d ’en désigner un. S ur le refus de satisfaire
à cette som m ation, le même exploit contient assignation à comparaître, le
('), devant le président du tribunal de commerce de Brioude, en nom ination
d ’arbitre.
Le G m ars, MM. Chevalier et Giroud ne se présentent pas au désir de
l’ajournem ent; mais M. le président de lîrioude juge q u ’on ne leur a pas
donné un délai suffisant et surseoit à statuer ju s q u ’au 14 m ars, jo u r auquel
MM. Chevalier et Giroud seront intimés de nouveau de se présenter à son
hôtel.
Le 14 m ars, MM. Chevalier et Giroud font encore défaut; néanm oins,
M. le président leur accorde un nouveau délai de huitaine, et, faute par eux
de se prononcer dans ce délai, il désigne d ’office po u r arbitre, Me Bardy ,
notaire à Angers, et commet Vallat, huissier à Brioude,
po u r la signi
fication de l’ordonnance.
Mais les exploits ayant été signifiés à MM. Chevalier et Giroud aux
Barthes, siège de l’exploitation de la mine, et non à leurs domiciles réels
respectifs, c’est là un prétexte pour M. Giroud de se pourvoir par appel
contre les ordonnances des G et 14 mars.
Mais, par un arrêt du 5 août 1844, la cour de lliom déboute M. Giroud
de son appel et dit que ces ordonnances sortiront effet.
�L ’arrêt est signifié à M. G iroud le 24 août, et le 30 il se décide enfin à
nom m er un arbitre, il déclare choisir M. Lam otlie; toutefois, l’exploit
m entionne que M. G iroud ne fait celte désignation que comme contraint,
et forcé, et sous la réserve de demander lanullité de la signification du 24 aoiît
et de se •pourvoir en cassation contre l’arrêt du 5.
Il ne s ’agit plus que de compléter le tribunal arbitral par la nomination
d 'u n troisième arbitre; mais cette nom ination doit être faite p a r les deux
arbitres déjà désignés, MM. Dorival et Lam othc , et des difficultés sans
nom bre surgissent p o u r l’entraver.
Plusieurs mois s’écoulent, et MM. Jozian et Sauret s’épuisent en vains
efforts po u r am ener une réunion des arbitres : tantôt les absences réitérées
de M. Lamotlie em pêchent la réunion, tantôt il y a désaccord su r le lieu
de cette réunion; et ce n ’est que le 11 novembre 1844 que MM. Dorival
et Lamotlie se trouvent en présence po u r nom m er le troisième arbitre.
Un procès-verbal de ce jo u r constate q u ’ils n ’ont pu s ’entendre sur cette
nom ination et q u ’ils l ’ont renvoyée au tribunal de commerce de lîrioude.
P a r u n ju gem ent du 13 novembre, le tribunal désigne M. Desniez pour
troisième arbitre, et, su r son refus, un nouveau ju gem ent du
17 nom me à
son lieu et place M. Amable Cougnet, avocat à Prioudo.
M. Giroud fait appel du jugem ent du 17 décembre, mais la cour le con
firme par un arrêt du 24 février 1845, et le tribunal arbitral se trouve ainsi
au complet.
M. Lamotlie se rend à Paris po u r y passer l’hiver, de telle sorte que
malgré les diligences de MM. Jozian et Sauret les arbitres ne se réunissent
que le 15 mai.
Dans cette réunion, M. Lamotlie déclare se déporter, les deux autres
arbitres dressent procès-verbal de déport et, renvoient les parties à se
pourvoir po u r faire rem placer M. Lamotlie.
Le 19 mai, somm ation est faite à MM. Chevalier et Giroud d ’avoir à se
présenter, le 2 3 , devant M. le président du tribunal de commerce de
lîrioude, à l’clfet d ’être présens à la nomination d ’un arbitre au lieu et place
de M. Lamolhc.
�Le 23 mai, M. le président rend une ordonnance portant ajournem ent
en son hôtel po n r le 29.
L ’ordonnance est signifiée le Vv à MM. Chevalier et Giroud, avec som
mation d ’v%
t obéir.
Le 29 m a i , M. le président rend une ordonnance par défaut contre
MAI. Chevalier et Giroud, p ortant nom ination de M. Sabatier Gasquet.
Mais, par u n exploit du même jo u r, 29 mai, M. G iroud, procédant seul,
en son nom personnel, et comme gérant de la société de la m ne des Barthes,
assigne MM. Jozian et Sauret devant le tribunal civil de la Seine , en nul
lité de la clause comprom issoire portée au traité du 30 novembre 1838, par
ce motif que les nom s des arbitres n ’ont pas été désignés dans le compro
mis selon le vœu de l’art. 1000 du Code de procédure civile.
Les conclusions de l ’exploit sont formulées ainsi : « V o ir ie s sieurs J o » zian et S auret, etc., déclarer nulle et de nul effet la clause com prom is» soire dont il s ’agit, laquelle sera considérée comme non avenue, voir dire
» en conséquence que pour toutes les contestations qui existeront à l’avenir con» tre les parties, elles procéderont devant leurs juges naturels, etc. »
L a coïncidence de la date de cet exploit avec celle du jo u r assigné p a r le
président de lîrioude dans son ordonnance du 23 mai explique que M. Gi
roud voulait s ’en faire un moyen d ’émpêcher la nom ination d ’un arbitre en
rem placement de M. Lainotlic et la constitution du tribunal arbitral,
M. Giroud a été trom pé dans ses prévisions.
Kn effet, l'ordonnance du 29 mai, p a r la nom ination de M. S a b a
tier G a sq u e t,
complète le tribunal a r b i t r a l , e t, après une instruction
dont il est inutile de relater les incidens et les actes, les arbitres rendent, le
15 septembre 1845, une quatrièm e sentence arbitrale qui contient on subs
tance les dispositions suivantes :
MM. Chevalier et Giroud sont condamnés à 20,000 fr. de dommagesintérêts pour réparation du préjudice causé p a r l e u r refus d ’effectuer les li
vraisons de charbon dans les délais prescrits par la sentence arbitrale du
(’» juin I B M ;
Us sont condam nés à commencer les livraisons dans la quinzaine de la
l
�signification de la sentence, sous peine de .‘50 c. de dom m ages-intérêts par
hectolitre de charbon par chaque jo u r de retard.
A défaut de comm encer leadites livraisons da n s les vingt jours de la s ignilicalion . ou, en cas d ’interruption dans ces livraisons, après avoir été
commencées, pendant le tem ps spécifié en ladite sentence, la résolution du
marché du 30 novembre 1838 est prononcée , et MM. Chevalier et Giroud
sont condamnés au p a ie m en t, à titre de dom m ages intérêts, d ’une somme
égale au m ontant desdits dom m ages-intérêts calculés à raison de 30 c. par
hectolitre, pour tout le tem ps restant à courir de la durée du traité, à
compter du jo u r de la résolution.
Sur la signification de cette sentence, M. G iroud se pourvoit contre elle
devant le tribunal do prem ière instance d e B r io u d e , p a r voie d ’opposition
à l’ordonnance d ’exequatur, suivant exploit du 22 octobre 1845.
11 est rem arquable que le texte des conclusions de la dem ande porte ce
qui suit :
« Voir déclarer nulle et de nul effet toute clause comprom issoire r é s u l » tant de conventions verbales ou écrites « défaut de désignation du nom des
» arbitres et de l’objet de l’arbitrage; en conséquence, voir déclarer nul et
» de nul effet l’acte qualifié ju g em e n t arbitral, etc. »
Le tribunal d e B rioude, saisi du litige a ren d u , le 16 décem bre 1 8 4 4 , un
ju gem ent qui rejette l’opposition à l’ordonnance d ’exequatur et les moyens
de nullité proposés et ordonne que la sentence arbitrale du 15 septem bre
précédent sortira effet.
Le jugem ent, en ce qui touche la nullité de la clause comprom issoire, est
motivé en ces termes :
« Attendu que !e pacte comprom issoire sous lequel les parties se sont
» placées ne doit pas être soum is aux conditions irritantes portées par
>> l ’art. 1006 du Code de procédure civile, et q u ’il prescrit po u r la validité
» d ’un compromis, en ce que cette convention , sous le rapport, du pacte
» comprom issoire, n ’est pas sim plem ent un com prom is à fin de n o m ina» tion d ’a rb itre s , mais un mode que les parties on t v o l o n t a i r e m e n t adopté
�» pour arriver au ju gem ent des contestations qui pourraient les intéresser
'<*> et se créer u n trib u n a l exceptionnel ;
» Que, dès lors, il n ’y a point eu nécessité, ni m ême possibilité de dési» g n e r des objets dont le litige n ’existait pas encore, et qui n ’étaient
» q u ’une prévision éventuelle; que, de môme, elles n ’ont point à s ’occuper
» de la désignation des nom s des arbitres.
» Que, conséquem m ent, ce pacte comprom issoire, fort ordinaire dans
» les transactions commerciales, n’a pu être vicié de nullité prononcée
» par l ’art. 100G. »
M. Giroud fait appel du jugem ent, et ¡VI. Chevalier, étranger au procès
depuis la sentence du 0 ju in 1843, est partie dans cet appel dont la solution
est prochaine.
Tels sont les laits qu'il était nécessaire de relater ici, pour l’intelligence
du débat soumis à la 5e chambre du tribunal de la Seine.
11 est clair que ce d éb at, apprécié sous l’influence de ces faits, doit être
dégagé des théories de droit puisées dans l’art. 1006 du Code de procé
dure, et de leur application à la clause insérée dans la convention du
30 novembre 1838, et que la défense de MM. Jozian et Sauret se réduit
nécessairement à deux fins de non-recevoir q u ’ils font résulter de la
chose jugée et de l’exécution de cette clause.
P rem ière (iu «le n on -recevoir.
<
A U T O niT IÎ
DE
LA
CHOSE
JUGÉE.
Il est de principe que ce qui a fait l'objet d ’un prem ier ju gem ent ne
saurait être l’objet d ’un second, et ce respect de la chose jugée a p o u r but
de prévenir la contrariété des jugem ens, et de sauvegarder ainsi la dignité
de la justice.
Dés le début du procès, la validité de la clause comprom issoire a été
mise en question devant la cour de lliom. M. Jozian, ne la regardant pas.
I
�— il —
comme un lien de droit, prétendait être jugé par la justice ordinaire.
M. Giroud soutenait la thèse contraire, et la Cour a adm is cette thèse par
son a rrêt du 24 novembre 1840. Il y a donc eu ju gem ent su r la validité
de la clause compromissoire.
Or, que dem ande a ujourd’hui M. G iroud? Il dem ande que le T rib u n a l
déclare nulle la clause compromissoire. M. Jozian, au contraire, soutient
q u ’elle doit être déclarée valable. Il est donc évident que l’objet du ju g e
m ent à rendre par les juges de Paris est exactement le même que celui
du ju gem ent rendu p a r les juges de Riom, si ce n ’est que les rôles des
parties en cause sont intervertis.
L ’a rrê t de Riom fait donc obstacle à la dem ande de M. Giroud devant
le tribunal de la Seine.
Ce n ’est pas tout : on a vu que cette demande en nullité de la clause
compromissoire était fondée su r le défaut de désignation du nom des
arbitres, conform ém ent à l ’art. lOOGdu Code de procédure.
Mais, par sou exploit du 22 octobre 1845, M. Giroud, de son plein
gré, a porté la même dem ande, dans les mêmes termes, devant le tribunal
de lirioude, et le ju gem ent du 1G décembre suivant, rép o n d an t, p a r un
de ses motifs, aux moyens de nullité argués dans la dem ande, a rejeté ces
moyens, et la clause compromissoire est encore sortie victorieuse de cette
seconde épreuve judiciaire.
M. G iroud a saisi à la fois de la même question deux trib u n a u x dif
férons, et l’un des deux ayant statué, l ’autre se trouve dessaisi p a r la
présomption de droit tirée de la chose jugée.
Deuxièm e fln de non-recevolr.
EX ÉCU TIO N
DE
LA
CLAUSE
CO M PR O M ISSOIU E.
U est admis en principe que la confirmation ou la ratification d ’un«
convention couvre les vices de cette convention quand ils ne procèdent pas
�d ’une cause qui lient à l ’ordre public ou aux bonnes m œ urs, c’est dans ce cas
seulement que l’action en nullité survit à l ’exécution volontaire du contrat.
Or, il s’agit ici d ’un contrat parfaitem ent licite, et M. Giroud argile
seulem ent d ’une irrégularité de forme, du défaut de désignation des noms
des arbitres dans le comprom is. Il esL donc incontestable que si ce compro
mis a été exécuté par M. G iroud, il n ’est plus recevable à le critiquer?
Mais cette question n’est-elle pas résolue de la façon la plus énergique
par le simple récit des faits du procès ?
E n effet, l’exécution de la clause comprom issoire insérée au traité du
30 novembre 1838 résulte :
■1° Du ju g em e n t ren d u le 20 juillet 1839 par le tribunal de commerce
de la Seine, à la diligence de MM. Chevalier et G'iroud, et portant renvoi
devant arbitres pour le ju g em e n t de leur demande en résolution de la
convention ;
2° Des conclusions prises par eux au tribunal de Brioude, dans l’iris—
taucc su r leur opposition au ju gem ent par défaut du 8 novembre 1839,
conclusions d ’après lesquelles ils proposent l’incompétence de ce tribunal
su r le fondement de la clause comprom issoire dont il s ’a g it;
3° Des mêmes conclusions prises devant la cour de Biom, sur l’appel du
jugem ent de Brioude du 3 avril 1840, et accueillies par l’arrêt du 24
novembre 1840;
4° De la sentence arbitrale du 17 juin 1840 à laquelle ont concouru
MM. Chevalier et Giroud ;
5* Do celle du 17 ju in 1840;
()° De celle du G juin 1833.
11 est à rem a rq u e r que ces trois sentences ont statué successivement
su r tous les points de difficultés qui pouvaient naître de l’interprétation
dos clauses de la convention du 30 m ars 1838 ou de son exécution, de
telle sorte que ce ne serait plus cette convention qui serait a u jo u rd ’hui la
loi des parties, mais bien les sentences arbitrales dont il s agit, et q u ’alors
la clause comprom issoire aurait produit tous ses effets. Ce qui dém ontre
j u s q u ’au dernier degré d ’évidence que l’exécution a été complète.
�Mais il y a lieu de rem arquer encore que, dans l’état des choses, et, po u r
le débat qui resterait à ju g er entre les parties, en adm ettant que la sen
tence arbitrale du 15 septembre 1845 tombe, sur l’appel, devant l’opposi
tion à l’ordonnance d’excquatur, ce serait la sentence a rbitrale, du 6
juin 1843 qui serait attributive de juridiction et non plus seulem ent la
clause compromissoire. Cette sentence renferm e, en effet, tous les clé—
mens d ’un compromis que la force du contrat judiciaire r protège contre
toute attaque.
r
L ’exécution résulte enfin de divers actes de procédure, sig n ifié sp a r M.
(iiroud avant la constitution du dernier tribunal arbitral, à Brioude;T et
notam m ent : l°D e l’exploit du 30 août 1844 po rta n t nom ination de M.
Lamothe pourj arbitre sans que la réserve m entionnée en l’exploit frappe
su r le droit d ’attaquer la clause com prom issoire,
‘2° E t d ’un autre exploit du 2 novembre 1844 contenant des protesta
tions sur le lieu de la réunion des arbitres avec ajournem ent dans un autre
lieu pour le 15 du même mois.
C ’en est assez po u r convaincre les juges que la dem ande de M. G iroud
en nullité de la clause compromissoire q u ’il a volontairement et librem ent
exécutée pendant une période de cinq années est u n de ces expédiens as
tucieux q u ’imagine un plaideur aux abois po u r conjurer le péril d ’une
position désespérée.
¡Mais la justice prononcera bientôt entre M. Giroud et ses adversaires,
H lorsqu’elle au ra dit son dernier mot, il sera bien prouvé que la vérité et
le bon droit o n t t o u j o u r s été du côté de MM. Jozian e tS a u re t.
'11
fév rie r 1814.
JOZIAN, propriétaire, au P on t-C h â te a u ,
SA U R E T, banquier, à Riom.
Ou nous com m unique à l’instant un volum ineux factum signé l’ijon,
avocat, publié dans l’intérêt de M. Giroud. S ’il fallait suivre l’auteur de ce
factum dans le récit des faits, imaginaires pour la plupart, q u ’il s ’est plu
�— 14 —
à y entasser, il serait facile de le prendre à chaque pas en flagrant délit de
m ensonge. Il est impossible, en effet, de travestir avec plus d ’audace les
faits et les actes les plus authentiques. E t, comme si ce n ’était pas assez
d’u n pareil scandale, Fauteur du m ém oire ne se fait pas faute d’insinua
tions injurieuses et diffamatoires contre nous : nos conseils même ne trou
vent pas grâce devant lui. Nous ne voulons pas plus répondre aux injures
q u ’aux assertions m ensongères, nous dirons seulem ent que la perfidie ou
la violence des formes employées dans la défense d ’une cause, ne sont
pas les auxiliaires d u bon dro it et de la raison, et trahissent au contraire
l’im puissance de l’astuce et de la mauvaise foi. Nous ajouterons que c’est
chose fâcheuse de voir un avocat s’associer aux passions de son client au
point de lui faire oublier les règles de convenance et de modération qui
sont un des devoirs de sa profession.
IMPR I MERIE
LANGE LÉVY
E T C O MP A G N I E , R U E DU C R O I S S A N T ,
16.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jozian. 1844?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jozian
Sauret
Subject
The topic of the resource
transport fluvial
charbon
arbitrages
mines
asphalte
banqueroute
tribunal de commerce
ports
banquiers
génie civil
experts
jugement arbitral
marchandises
diffamation
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour messieurs Jozian et Sauret, défendeurs, contre monsieur Giroud, demandeur.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie Lange Lévy et Compagnie (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1844
1838-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3006
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3005
BCU_Factums_G3007
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Brioude (43040)
Pont-du-Château (63284)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
asphalte
banqueroute
banquiers
charbon
diffamation
experts
génie civil
jugement arbitral
marchandises
Mines
ports
transport fluvial
tribunal de commerce
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MÉMOIRE
POUR
M. G1ROUD, propriétaire, tant en son nom personnel qu’en
qualité de gérant de la Société Giroud et Cie;
CONTRE
MM. JO Z IA N et S A U R E T , associés en participation, pour
l'exploitation des droits cédés au sieur JO Z IA N par le sieur
PEZERAT.
Quoique les détails d’un procès soient toujours arides, la lecture de ce Mémoire
offrira peut-être quelqu’intérêt : on y verra les aberrations étranges de la
juridiction arbitrale, cette institution si vantée en théorie, mais quelquefois
si défectueuse en pratique.
F A IT S .
En 1838, les progrès de l’ industrie houillère décidèrent M. Giroud à entre
prendre l’exploitation de la mine des Barthes située dans l’arrondissement de
Brioude, département de la Haute-Loire. La concession de cette mine avait été
faite à M. Sadourny, par ordonnance royale du 11 février 1829 : M. Giroud, réun
à un autre capitaliste, acheta cette concession, reprit les travaux, ouvrit des
puits et organisa l’extraction de la houille sur une grande échelle : plus tard, les
besoins toujours croissants de l’exploitation l’obligèrent d’appeler à lui de nouveaux
�capitaux. II fonda alors une société qui, restreinte à. un très petit nombre d’ac
tionnaires, fut moins une commandite qu’une famille dont il était le représentant
et le mandataire.
Vers le môme temps, une autre Société se formait à Paris, sous les auspices
d’ un sieur Pézerat ingénieur, pour la fabrication de l’asphalte granitique, sub
stance qui s’extrait de la houille, et qui s’emploie au dallage des rez-de-chaussées.
M. Pezerat, voulant s’approvisionner de houille, s’adressa aux copropriétaires de
la mÿie des Barthes, et fit avec eux, le 30 novembre 1838, un marché qui devait
*
être le texte d’ une multitude de chicanes.
Ce marché portait que MM. Giroud et Chevalier, copropriétaires de la mine ,
s’engageaient à livrer par chaque mois à M. Pezerat la quantité de 10,000 hecto
litres de houille; que la livraison serait faite quotidiennement dans une quantité
proportionnelle ; qu’une partie de cette houille était destinée à fabriquer du gou
dron; qu’une autre partie devait être transformée en co k e ; que MM. Giroud et
Chevalier fourniraient le terrain et l’eau nécessaires pour cette manipulation ;
qu’ils s’obligeaient également à faire transporter au bord de l’A llier, à leurs frais
et sur le terrain qu’ils fourniraient, tous les produits do la compagnie Pezerat, et
même les charbons en nature, s’il lui convenait de ne pas les manipuler; que ce
marché durerait quinze ans, à partir du 1*' mars 1839 ; qu’il pourrait être porté
jusqu’à 600,000 hectolitres par an; que les charbons houillers seraient fournis dans
une proportion de moitié gros, moitié menu, au prix de 90 centimes l’hectolitre;
qu’enfin, en cas de contestations, elles seraient jugées à Paris et non ailleurs { ex
cepté celles qui par leur nature ne pourraient se décider que dans la localité ) par
un tribunal arbitral composé de trois membres, dont deux seraient choisis par les
parties, ou , à leur défaut, par le président du tribunal de commerce, et le troi
sième par les deux arbitres désignés, sinon par le tribunal de commerce du lieu
où serait portée la contestation ; que la décision serait en dernier ressort ; enfin,
les parties déclaraient faire élection de domicile à Paris, savoir : M. Pezerat au
siège de la Compagnie, quai de Jemmapes, 190, et MM. Chevalier et Giroud, dans
la demeure de ce dernier.
Les livraisons do houille devaient commencer au mois de mars 1839; mais la
Compagnie Pezerat n’avait pu parvenir à accréditer l’asphalte granitique; elle
manquait d’argent; elle ne payait pas même le loyer des lieux qu’elle occupait.
Comment aurait-elle payé l’énorme quantité de houille qui devait lui être livrée ?
I.'exécution du marché lui était évidemment impossible; d’ailleurs, ne fabriquant
pas d’asphalte, elle n’avait plus besoin de houille. Les propriétaires de la mine
considérèrent donc ce marché comme non avenu.
Mais M. Peierat avait pour conseil un praticien consommé qui vit une affaire i»
exploiter dans ce marché que la compagnie Pezerat ne pouvait pas exécuter.
�M. Pezerat renonçait à faire de l’asphalte, mais qu’importe? Ne pouvait-il pa
spéculer sur la houille ? l’argent lui manquait pour payer les livraisons ; ne pou
vait-il pas revendre la marchandise, avant môme qu’elle ne lui fût livrée? 11
résolut donc de céder son marché, et il traita d’abord avec un sieur Bravard, à
qui il donna une procuration pour se faire livrer la houille. Mais, le 29 mai
1830, il révoqua cette procuration et signifia la révocation à MM. Giroud et
Chevalier en leur déclarant que son nouveau mandataire était un sieur Jozian,
demeurant à Pont-du-Château, prés Clermont (Puy-de-Dôme.)
M. Jozian, quoiqu’il fût maire de sa commune, n’était guère plus solvable
que M. Pezerat D’ailleurs, ce titre de mandataire déguisait celui de cessionnaire.
Or, MM. Giroud et Chevalier ne voulaient pas avoir affaire à des agioteurs.
Ils avaient traité avec la Compagnie d’asphalte granitique, qui achetait des
houilles, non pour les revendre, mais pour les convertir, soit en goudron,
soit en coke ; ils crurent avoir droit d’exiger ou que cette Compagnie exécutât
elle-même ses engagements, ou que, si elle tombait en déconfiture, le marché
tombât avec elle. Cette déconfiture n’étant pas encore publique, il fallait la
constater. A cet effet, MM. Giroud et Chevalier firent sommation à M. Pezerat,
le 5 juillet 1839, de prendre livraison de 10,000 hectolitres do charbon, et de
fournir, en môme temps, une traite de 9,000 fr. acceptées par son banquier.
Le premier point n’aurait pas été difficile, mais, le second était impossible.
M. Pezerat ne répondit pas. MM. Giroud et Chevalier l’assignèrent alors en paie
ment des 9,000 fr., moins pour obtenir une condamnation illusoire que pour
constater, par cette condamnation même, l’insolvabilité de M. Pezerat, et la
nécessité de résilier le marché.
Cette condamnation, qui paraissait inévitable, fut cependant éludée par l’ha
bileté du praticien qui dirigeait M. Pezerat. Il demanda d’abord une remise,
puis le renvoi devant des arbitres-juges; MM. Giroud et Chevalier consentirent
à ce renvoi et nommèrent pour arbitres, d’abord M. Ilobert, avoué, et ensuite
M. Venant, ancien agrée près le tribunal de commerce.
Ainsi M. Pezerat avait gagné du temps. Mais que dirait-il pour sa defense devant
les arbitres? Il avait acheté la houille, pouvait-il la payer? Pouvait-il tirer de
sa caisse 9,000 fr. par mois pendant quinze ans? Ni M. Pezerat, ni M. Jozian
n’étaient capables d’exécuter cette condition. Cependant leur conseil ne voulait pas
que le marché fût annullé. Il imagina donc un système fort commode pour un
acheteur qui ne peut pas payer. C’était de dire que le vendeur ne voulait pas
livrer, d’accuser au lieu de se défendre, et de demander, au lieu do houille, des
doinmages-intérôts. Pour marcher dans cette carrière nouvelle il fallait beaucoup
d’audace et d’astuce, MM. Pezerat et Jozian ne furent pas au-dessous du rôle qu’on
leur faisait jouer.
houille devait être livrée sur le carreau de la mine et transportée ensuite
�sur les bords de l’ Allier. MM. Pezerat et Jozian prétendirent qu’elle devait être
livrée au bord de l’Allier, et dans le cas seulement où cette rivière serait navi
gable. C’était une invention gratuite, car rien de semblable n’avait été convenu.
Ils ajoutèrent que les 10,000 hectolitres qu’on les sommait de recevoir n’existaient
pas sur la houillère. A l’appui de ces allégations mensongères, ils présentèrent
requête à M. le président du tribunal de Brioude, et lui demandèrent une exper
tise. Si jamais demande dut être contradictoire, c ’était celle-là, mais les demandeurs
ne voulaient pas être contredits, et le juge qui répondit à la requête ne s’aperçut
pas qu’ on surprenait sa religion en lui faisant faire, par ordonnance ce qu’il ne
pouvait faire que par jugement. Ce fut un notaire qui reçut la mission de vérifier
l’état de la rivière et les produits de la mine. Mais, comme cela entrait fort peu
dans les fonctions du notariat, il s’adjoignit des experts et des témoins, ou plutôt
il accepta le cortège qui lui avait été préparé d’avance. Tous ces individus, arri
vant aux Barthes, déclarèrent qu’ils venaient inspecter la mine et sonder la
rivière. M. Chevalier, qui se trouvait sur les lieux, répondit qu'il s’opposait à
cette visite domiciliaire, qu’il défendait à ses employés do s’y prêter, qu’il offrait
de livrer tout ce qu’il devait, mais qu’il repoussait l’inquisition qu’on voulait
faire, comme une mesure illégale et odieuse. Cependant le notaire dressa un
procès-verbal, dans lequel il déclara que la rivière n’était pas navigable, et que,
s’étant promené sur la houillère avec sa compagnie et un marinier, qui avait bien
voulu remplir le rôle honorable d’indicateur, ils n’avaient trouvé en évidence
qu’une quantité de 4,090 hectolitre 50 litres de houille (1).
MM. Pezerat et Jozian cherchaient ainsi à dissimuler la véritable question que
soulevait la déconfiture de la Société d’asphalte granitique. Cette déconfiture était
devenue flagrante. Le matériel de cette Société avait été saisi pour les loyers. II
avait été vendu publiquement les 7 novembre 1839 et jours suivants, parM. David,
commissaire-priseur. La dissolution de cette Société avait été prononcée par déli
bération de l’assemblée générale, en date du 16 janvier 1840, et des liquidateurs
avaient été nommés. Dans ces circonstances, la question n’était pas de savoir si
l’Allier était navigable, ou s’il y avait du charbon dans la mine des Barthes, mais
do savoir s’il y avait des fonds dans la caisse de cette Société dissoute, et s i, par
elle-même ou par son cessionnaire, elle serait en mesure de réaliser, dans les ter
mes du marché, une acquisition qui n’allait pas à moins de 1,800,000 hectolitres
de houille, moyennant 1,620,000 fr. La négative était évidente. En conséquence,
un tribunal arbitral ayant été nommé,MM. Giroud et Chevalier demandèrent la ré
siliation du marché, faute par l’acheteur de pouvoir l’exécuter.
Tandis que cette grave question s’agitait à Paris devant les arbitres que les par
( I ) A la suite do c e p ro c è s-v e rb a l, ¡1 p a ra ît q u e M . Jozian lit som m ation d e liv rer les ch arb o n s.
On offrit la livraison, m ais, a lo rs, il p ré te n d it qtfe le ch arb o n n 'é ta it p as rc c c v a b le . Avec celto
som m ation il av ait offert une tra ite do 9 ,0 0 0 fr. qui n'é ta it p a s & o rd re .
�ties avaient choisis, M. Jozian continuait ses ruses de praticien. Il emprunta
9,000 fr. pour faire des ofïres réelles, et il réclama la livraison de 10,000 hectolitres
de charbon. Il savait bien que ses offres seraient refusées et qu’aucune livraison
ne pouvait être faite quand l’existence du marché était mise en question, mais il
cherchait un prétexte pour demander des dommages-intérêts ; et il commença dès
lors à dire assez ouvertement que ce qu’il voulait qu’on lui livrât, ce n’était pas de
de la houille, mais de l’argent. Il forma don c, devant le tribunal de commerce de
llrioude, au nom de M. Pézerat une demande en paiement de 50,000 fr. d’indem
nité. Il obtint môme, par défaut, des jugements qui paraissaient lui donner gain
de cause ; mais, sur l’appel, la cour royale de Riom décida que les parties ayant
soumis leur différend à des arbitres qu’elles avaient choisis et qui avaient accepté
leur mission, tout autre tribunal était incompétent.
Les arbitres nommés étaient MM. Gibert, Venant et Girard, anciens agréés près
le tribunal de commerce de Paris. La principale question posée devant eux consis
tait à savoir si le marché serait résolu, soit pour inexécution, soit pour incapacité
résultant de la déconfiture de l’acheteur. Les arbitres reconnurent que la Société
d’asphalte granitique étant dissoute, et représentée par des liquidateurs, la décon
fiture était complète ; cependant ils voulurent bien admettre les procédures faites
à Brioude, au nom de M. I’ezerat, comme témoignage de son désir d’exécuter le
marché ; mais ils décidèrent que dans l’état d’insolvabilité où il se trouvait, il de
vait une garantie spéciale aux propriétaires de la mine, pour que ce u x -ci, obligés
de donner plus d’activité à l’extraction, ne fussent pas exposés à perdre le fruit
de leurs travaux. En conséquence, ils ordonnèrent que le marché serait exécuté,
mais à deux conditions : la première, que les charbons livrés seraient payés comp
tant et en espèces, au lieu d’être réglés par une traite ; la seconde, que M. Pezerat
et ses liquidateurs seraient tenus de fournir caution pour le paiement des livrai
sons à faire, jusqu’à concurrence de 54,000 fr. Cette sentence, rendue le 17 juin
1840 , fut déposée le 18, et toutes les parties consentirent à son exécution.
Jusqu’alors, M. Jozian n’avait agi que comme mandataire de M. Pezerat. Il était
cependant cessionnaire ; mais le droit cédé étant litigieux, l’ habile conseil de
M. Jozian l’avait empêché de signifier la cession. Quand on vit le procès jugé, on
devint plus hardi, on signifia le transport ; mais on eut soin que l’acte n’énonçât
aucun prix. C’était une dernière précaution contre le retrait litigieux. En même
temps, M. Jozian fit signifier un acte par lequel deux négociants se portaient cau
tions dans les termes de la sentence arbitrale.
C’était le 22 février 1841 que cette dernière formalité était accomplie. MM. Giroud et Chevalier étaient dès longtemps en mesure de faire les livraisons de
houille, et si M. Jozian eut été un acheteur de bonne foi, désireux d’avoir la mar
chandise, et capable de la payer, aucune difficulté ne pouvait plus s’élever. Mais
M. Jozian, guidé par le praticien dont on a parlé, voulait toute autre chose que de
�la houille; il spéculait sur l’importunité d’un procès pour des hommes occupés
d’ une grande entreprise ; il était témoin de l’industrie déployée à la mine des liartlies et de la prospérité naissante de cet établissement; il médita de lever un im
pôt sur cette prospérité ou de la troubler par un nouveau débat. En conséquence,
il se mit à relire le marché ; il y trouva cette phrase : Que le charbon serait fourni
dans une proportion de moitié gros, moitié menu. Il déclara aussitôt qu’il ne rece
vrait comme gros charbon que celui dont les morceaux auraient un diamètre de
p lusse 20 centimètres. Et dès le 21 février 1841, il demanda des arbitres pour vi
der cette nouvelle contestation.
Les précédents arbitres furent donc constitués de nouveau, et M. Giroud se pré
senta devant eu x , tant en son nom que comme représentant désormais M. Cheva
lier, qui lui avait cédé son droit dans la mine. M. Jozian parut, de son côté, assisté
de son conseil, et armé de conclusions par lesquels il réclamait, à son ordinaire,
u n e énorme quantité de dommages-intérêts. Ce n’était pas sérieux, mais plusieurs
questions plus graves furent soulevées dans cet arbitrage. On examina notamment
si un marché contenant des obligations respectives pouvait être cédé. L'affirma
tive fut jugée en faveur de M. Jozian. Il faut respecter cette décision. Mais la ques
tion la plus importante était de savoir comment devait s’interpréter l’obligation de
livrer moitié gros, moitié menu.
Sur ce point, les arbitres, ainsi qu’ils l’ont reconnu depuis, s’égarèrent complè
tement. Ils créèrent cinq catégories de charbon : le perat, dont les morceaux de
vaient avoir 32 centimètres au moins de diamètre, en tous sens ; le rondelet, de
16 centimètres ; le grenat ou gaillette, de 10 centimètres; la petite gaillette, audessous de 10 centimètres ; et le poussier. Ils prirent les trois premières catégories
pour en composer le gros charbon, et formèrent le menu avec les deux autres.
Cela posé, ils décidèrent que la moitié livrable en gros charbon devrait compren
dre un tiers de perat, un tiers de rondelet, et un tiers de grenat ou gaillette ; et
que l’autre moitié, faisant le menu, comprendrait, deux dixièmes de petite gail
lette, et huit dixièmes de poussier. Enfin, ayant remarqué que chaque catégorie
pouvait se subdiviser en diverses grosseurs, ils imposèrent au vendeur l’obligation
de livrer non-seulement toutes les catégories, mais encore toutes les grosseurs
possibles de chaque catégorie. Telle fut la sentence qui fut rendue le 24 mai 18 4 1 ,
et déposée le lendemain.
Or, cette sentence était inexécutable; les arbitres avaient indiqué des grosseurs
de charbon qui ne se trouvaient, ni dans la mine des Barthes, ni dans aucune mine
de charbon. Aussi M. Jozian triomphait, car avec la meilleure volonté de livrer
sa marchandise, M. Giroud ne ¡pouvait livrer ni des grosseurs que la mine ne
produisait pas, ni cet assortiment complet qui aurait exigé que chaque morceau
de charbon fut choisi à la main. M. Jozian put donc se flatter d’avoir son adver
saire à sa merci ; et ce fût alors qu’il se vanta que cette mino de houille serait pour
�lui une mine d’or. M. Giroud chercha dans la loi un remède à l’erreur des arbitres;
il forma opposition à l’ordonnance d’exequatur. Cette opposition fut soumise au
tribunal civil de Paris, puis à la Cour royale; mais quelque injuste que fut la sen- •
ten ce, le fond ne pouvait pas ôtre révisé, et il fut décidé que la forme était
régulière.
M. Jozian et son conseil se hâtèrent d'exploiter cette sentence dont ils savaient
bien que l’exécution était impossible. En conséquence et par acte des 14 octobre
et 17 novembre 1842, il provoquèrent un nouvel arbitrage pour faire condamner
M. Giroud à lui payer ces dommages-intérêts qui étaient lebut do tous leurs désirs,
ils ne parlaient môme plus de houille, c’était de l’argent qu’ils réclamaient sans
mise en demeure préalable, tant l’impossibilité de livrer, d’après la sentence,
était évidente à leur yeux. Cependant, ils se ravisèrent et comprirent que pour
la form e, ils devaient avoir l’air de demander de la houille. En conséquence, ils
firent dresser, le 5 décem bre, un procès-verbal qui avait pour but de constater
quô M. Giroud ne pouvait pas livrer. Mais ce procès-verbal servit au contraire à
démontrer qu’il pouvait livrer, si ses adversaires voulaient être de bonne foi. En
effet, M. Giroud offrit de mettre à leur disposition tout le charbon extrait, s’élevant
à 30,000 hectolitres et tout celui qu’on allait extraire, tel qu’il sortirait de la
mine. On ne pouvait pas exiger plus. Mais M. Jozian se retrancha dans la
sentence, et déclara qu’il exigeait les grosseurs et les catégories qu’elle indi
quait. On retourna donc devant les arbitres, et M. Jozian demanda modestement
20,000 francs de dommages-intérêts parce que M. Giroud n’avait pas liv ré ,
et 500 francs par jour s’il ne livrait pas à l’avenir.
Cependant, les arbitres avaient reconnu l’erreur dans laquelle ils étaient tombés,
ils désiraient la réparer, mais ils étaient retenus par la crainte de se déjuger.
M. Giroud démontrait qu’on l’avait condamné à l’impossible ; il soutenait qu’ une
telle condamnation ne pouvait avoir l’autorité de chose ju gée, surtout devant un
taibunal revêtu des pouvoirs d’amiable compositeur ; M. Jozian soutenait au
contraire qu’ il y avait chose jugée, et que possible ou non la condamnation devait
être maintenue. Les arbitres voyaient avec douleur qu’ils avaient donné des armes
à la mauvaise foi; ils résolurent de les lui oter, mais n’osant pas détruire euxmêmes leur sentence, ils imaginèrent d’obtenir de M. Jozian qu’il y renonçât. Ils
l’appelèrent auprès d’eux avec son conseil; ce qui fut arrêté dans cette conférence
intime, M. Giroud l’ ignore; mais le 2 juin 1843, M. Jozian lui fit signifier des
conclusions par lesquelles se désistant tout à coup des demandes qu’il avait
soutenues jusqu’alors avoc une infiéxiblo opiniâtreté, il réduisait à plus de moitié
le diamètre du gros charbon et consentait à le recevoir tel qu’il serait extrait et
sans catégorie.
Quatre jours après cette signification, le 6 juin 1843, les arbitres rendirent leur
nouvelle sentence. Elle était conform e, comme on le pense b ie n , aux dernières
�conclusions de M. Jozian. Les arbitres fesaient disparaître les grosseurs surna
turelles et les catégories qu’ils avaient imposées; ils accordèrent même ù
ML Giroud la faculté de livrer au-dessous des grosseurs convenues en diminuant
le prix. Ils décidèrent que les livraisons de 10,000 hectolitres par mois seraient
faites jour par jo u r, à raison de 333 hectolitres chaque jo u r ; ils déclarèrent
que jusqu’alors M. Giroud n’ayant pas été en retard de livrer, ne devait aucune
indemnité ; ils firent défense à M. Jozian de vendre du charbon sur le terrain
de M. Giroud. Enfin, cette nouvelle sentence était favorable à Si. Giroud sur
toutes les questions principales ; elle ne lui fut contraire que sur la question des
dépens. M. Giroud gagnant son procès fut néanmoins condamné aux frais de
l’arbitrage. C’était une injustice d’autant plus révoltante que les frais étaient
considérables; mais il fallait sans doute que M. Giroud expiât l’erreur de la
sentence précédente, et M. Jozian avait probablement mis cette condition au
désistement que les arbitres lui avaient demandé.
Cette dernière sentence aurait dû terminer toutes les difficultés. Si M. Jozian
voulait de la_houille, M. Giroud était en mesure de le satisfaire, car ce n’était plus
l’impossible qui lui était prescrit Mais la mauvaise foi du prétendu acheteur de
charbon allait reparaître plus éclatante que jamais : à peine les livraisons étaient
commencées quo M. Jozian annonça un quatrième procès. Il avait prétendu,
en 1840, que l’Aliier n’était pas navigable : en 1841, que le charbon n’était pas
moitié gros, moitié menu; en 1842, que l’impossible était passé en force de chose
jugée; en 1843, il revient &l’Allier et critique non plus la rivière, mais le port qu’il
prétend n’ôtre pas assez élevé ni assez sûr pour y déposer son charbon. C’était
une contestation pitoyable, comme on va le voir.
MM. Giroud et Chevalier étaient propriétaires d’un terrain de 5 3 ares 20 cent.,
situé sur le bord de l’Allier. Ils avaient acheté ce terrain pour s’assurer un
débouché sur la rivière, qui malgré les inégalités de son cou rs, était cependant
l’unique véhicule à l’aide duquel les marchandises pouvaient sortir du pays. Le
terrain avait été choisi dans lo lieu le plus avantageux, c’est-à-dire, le pins
voisin de la mino et en môme temps le plus élevé au-dessus du niveau ordinaire
des eaux do la rivière. Tel était le port des Barthes lorsque M. Pézerat fit avec
MM. Giroud et Chevalier lo marché du 20 novembre 1838. L’article 3 de ce marché
était ainsi conçu : MM. Chevalier et Giroud s’obligent à faire transporter à leurs
frais au bord de l’AUier à leur port et sur le terrain qu’ils fourniront tous les
produits de la compagnie I’ézerat et môme les charbons on nature, s’il lui
convient de ne pas les manipuler.
Ainsi doux choses étaient promises à M. Pézerat : 1° le transport de ses produits
ou de ses charbons en nature, depuis le carreau de la mine jusqu’au bord de
l’ Allier; 2” l’abandon d’une place dans les 53 ares 20 centiares formant le port des
Barthcs. Cette place devait ótre donné dans le port ; elle ne devait donc pas êtro
�plus élevée ni plus sûre que le port lui-même; le terrain serait livré tel qu’il était,
avec ses inconvénients et ses avantages que M. I'ézerat connaissait mieux que
personne, car il était ingénieur civil, il avait vu les lieux, et il en avait dressé le
plan.
Mais aucun port n’est l’abri des inondations,, surtout sur les bords de l’Allier
que,la voisinage des montagnes expose à des crues extraordinaires. M. Jozian s’est
donc avisé de prétendre que le port des Barthes n’était pas convenable, parce qu’il
pouvait être atteint par les grosses eaux; il a allégué, comme un second grief,
que le terrain était, un gravier couvert de sable et de cailloux. Sous ses deux
prétextes, il a refusé de recevoir le charbon,qui lui était offert et dont une partie
lui était déjà livrée.
Ces prétextes n’avaient rien de sérieux. Ce n’étaient ni les grosses eaux, ni le
gravier qui effrayaient M. Jozian ; mais pour prendre livraison, il lui fallait de
de l’argent; or, il n’en avait pas, et il était aux expédients pour s’en procurer.
Après avoir emprunté à la maison Marche et Comitis, de Clermont, il s’était adressé
ùM. Sauret, banquier à Riom ; celui-ci n’avait voulu lui ouvrir sa bourse qu’à
condition de toucher, outre l’intérêt de ses avances, la moitié des bénéfices qui
seraient faits sur la revente du charbon ; mais le prix d’achat étant assez élevé, ces
bénéfices réduits à moitié n’avaient plus-d’attrait pour M. Jozian, et il préférait
de beaucoup ce qui était d’ailleurs son idée fixe, continuer une guerre de chicanes,
pour obtenir ou de l’erreur des juges, ou de la fatigue de ses adversaires, les dommages-intérêts qu’il rêvait depuis si longtemps.
Il faut avouer que ce goût de M. Jozian pour la procédure était justifié par
l’adresse merveilleuse qu’il y déployait. On a déjà vu comment il savait se procu
rer des expertises favorables, en les faisant ordonner sur requête et sans contra
diction. Il employa ici le même procédé en l’assaisonnant d’un mensonge. 11 ex
posa à M. le, président du. tribunal civil d’ Issoire que M. Giroud avait été condamné,
pas sentence arbitrale à. lui livrer une quantité considérable de charbon, et que ta
sentence portait, cntr’aulres dispositions, que la houille ou le charbon de. terre
serait déposé sur un port convenable; en conséquence, il priait M. le président de
commettre son notaire pour constater que le port des Barthes n’était pas conve
nable.
Or, cette disposition ne se trouvait pas dans la sentence; elle ne pouvait même
pas s’y trouver, car la convention du 30 novembre 1838, désignait le port des
llarthes comme celui dans lequel les marchandises devaient être déposés. Telle
était la loi des parties; le port des.Barthes était accepté tel qu’il était; sa conve
nance ne pouvait donc plus être discutée.
Mais M. Jozian ayant fait cette addition à la sentence arbitrale, surprit à la reli
gion du magistrat une ordonnance par laquelle Gourcy, notaire à Jumeaux, était
�commis pour vérifier si le port des Barthes était convenable. Le notaire-expert sç
rendit sur les lieux le 29 août 1843, avec trois individus auxquels il donna la qua
lité de témoins indicateurs. Il aurait été plus exact de dire que c’étaient des
témoins indiqués par M. Jozian. Il fit la description du port des Barthes , et cons
tata notamment que la partie livrée àM. Jozian était élevée de 1 mètre 433 milli
mètres au-dessus du niveau des eaux de l’Allier. Une autre partie était élevée de
1 mètre 973 millimètres ; mais le notaire reconnut que c’était au moyen d’ un
remblar exécuté par la Société Giroud et Cie pour y déposer son propre charbon.
Or, ce que la Société faisait pour abriter ses marchandises, M. Jozian pouvait le
faire pour les siennes; personne ne l’en empêchait; mais M. Giroud n’était pas
tenu de lui construire un terrain artificiel, quand il n’avait promis qu’ un empla
cement sur le sol naturel. Le notaire-expert ajouta que le sol était un gravier
couvert dp Sable et de cailloux ; c’est assez l’ordinaire au bord des rivières ; ce
pendant les témoins indicateurs prétendirent qu’il n’en était pas de même dans
les autres ports, comme si la nature eût réservé le sable et le gravier pour le seul
port des Barthes. Quoi qu’il en soit, M. Jozian devait prendre ce port tel qu’il
était, et s’en accommoder, car M. Giroud ne lui devait pas un pouce de terre
ailleurs.
M. Giroud voulut toutefois prouver sa bonne volonté, et éviter, s’il était possible,
une nouvelle discussion. Il avait des ouvriers occupés à niveler le terrain du port ;
il offrit de faire niveler et même remblayer, par eux, l’emplacement que M. Jozian
choisirait ; il déclara, de plus, qu’il mettait tout le port à la disposition de
M. Jozian, pour que celui-ci indiquât lui-même l’emplacement qui lui convenait.
Enfin il réitéra l’offre de livrer tout le charbon qu’il pouvait devoir d’après les
termes de la dernière sentence arbitrale.
Mais M. Jozian voulait plaider, c ’était un parti pris; en conséquence, il repoussa
toutes les offres qui lui étaient faites, et fit déclarer par le notaire-expert et les
témoins indicateurs que le port des Barthes n’était pas convenable, parce que la
rivière était torrentueuse, et qu’en 1837 ou 1838, s’étant élevée très haut, elle avait
emporté quelques charbons déposés sur ses bords. Le procès-verbal contenant
cette prétendue expertise fut signifié àM. Giroud le 5 septembre 1843, avec assi
gnation devant le tribunal do commerce d’Issoire pour se voir condamner : 1 “ à
10,000 fr. de dommages-intérêts, faute do fournir un port convenable; 2" à payer
500 fr. par jo u r , faute do livrer les charbons qu’il avait constamment offerts ;
3° à faire cette livraison sur le port, prétention injuste et nouvelle qui avait pour
objet de rendre la livraison impossible.
A peine cette demande fut formée que M. Jozian déclara s’en désister, pour
substituer à la juridiction du tribunal de commerce un arbitrage local. Jusqu’alors
les arbitres des parties avaient été d’anciens agréés près le tribunal de commerce
de Paris, car c’était à Paris que tous les procès devaient être jugés; les parties
�n’avaient excepté de ce principe général que les contestations q u i, par leur
nature, ne pourraient se décider que dans la localité. Cette exception fut une
bonne fortune pour M. Jozian ; il résolut d’en faire la règle, et d’appliquer la ju
ridiction locale à toutes les contestations quelconques entre lui et M. Giroud. Il
crut que, dans son propre pays, l’esprit de coterie soutiendrait le compatriote,
et proscrirait l’étranger. Il savait que certains habitants n’avaient pas vu sans
envie un homme venu de Paris pour exploiter leurs mines. Avec des arbitres im
bus de tels sentiments, il pourrait tout oser, tout demander, tout obtenir. L’ar' bitrage local était donc l’instrument le plus favorable à ses projets. On va voir
quel usage il en sut faire.
Il commença par déclarer qu’ il choisissait pour son arbitre M. Gourcy, notaire ¡1
Jumeaux. M. Gourcy était le rédacteur do la prétendue expertise du 29 août;
M. Gourcy avait déclaré comme expert que le port des Barthes n’était pas conve
nable, et M. Gourcy était nommé arbitre pour décider comme juge si le port des
Barthes était convenable. Certes, l’opinion d’un tel juge n’était pas douteuse, et
si jamais un arbitre dut se récuser, c’était M. Gourcy. Il ne se récusa pas ; il
accepta la nomination, et donna ainsi la mesure de son impartialité, soit comme
expert, soit comme juge. On put dès-lors pressentir le caractère de cet arbitrage
local que M. Jozian cherchait à constituer.
M. Giroud cependant ne voulait pas de nouveau procès ; il écrivit de Paris- à son
mandataire, que pour rassurer M. Jozian sur la sécurité du port des Barthes, il
offrait de placer les charbons de M. Jozian derrière ceux de la Société Giroud et Cie;
ainsi les eaux de l’Allier atteindraient ceux-ci avant d’arriver à ceux-là ; j e re
pète. dit-il dans sa lettre du 15 septembre 1843, ce que j'ai eu l'honneur de vous
dire et de dire à M. Jozian lui-même: que j e placerais nos charbons devant les
siens; je suis toujours prêt à le livrer quand il voudra, et à lui donner la place la
plus sûre et la plus convenable de notre port.
Mais M. Jozian tenait à plaider devant ces juges-experts dont la décision était
connue d’avance; il fit adjoindre deux collègues à M. Gourcy, et M. Giroud fut
sommé de comparaître devant ce tribunal arbitral. Quelque simple que dut être
le débat, M. Giroud ne crut pas devoir accepter de tels juges; il soutint que le
tribunal d’Issoirc, qui les avait nommés, n’était compétent ni à raison du domicile
du défendeur, puisque M. Giroud était domicilié à Paris, ni à raison de la situation
des biens, puisque la mine des Barthes appartenait à l’arrondissement do Brioude.
cependant le tribunal d’Issoire se déclara compétent ; mais la décision fut réformée
par arrêt de la cour royale do lliom du 21 février 1844 .
Cet échec aurait découragé tout autre que M. Jozian. Car enfin pourquoi plai
der? que voulait-il? du charbon? tout celui de la mine lui était offert. Un port?
celui des Barthes était le seul qu’on lui eut promis. Une place convenable dans ce
�port? on lui offrait celle qu’il choisirait, fût-elle la meilleure, fût-elle occupée
déjà par d’autres charbons. Quel était donc son intérêt à guerroyer? que deman
dait-il encore, s’il était de bonne foi? Son intérêt, il faut le dire, était le même
qu i, depuis 1840, lui faisait entasser procès sur procès. En achetant les droits
de M. l’ezerat, il avait cru prendre M. Giroud au dépourvu, il s’était flatté
que la mine ne produirait pas 10,000 hectolitres par m ois, et qu’une in
demnité lui serait offerte à la place du charbon qu’on ne pourrait pas lui
livrer. Mais il s’était trompé ; M. Giroud prenant le marché au sérieux avait
fait percer un nouveau puits qui avait doublé le produit de la mine, et ce n’était
pas seulement 10,000 hectolitres, mais 30 à 40,000, qui étaient extraits chaque
mois. M. Jozian se voyait donc obligé d’exécuter lui-même ce marché qu’il avait
cru inexécutable. Mais 10,000 hectolitres de charbon par mois étaient une charge
beaucoup trop lourde pour lui ; il lui était aussi difficile de les payer que de les
placer. En conséquence, il ne craignait rien tant que d’être forcé de prendre
livraison, et il plaidait, comme on l’a vu, sur la grosseur des charbons, sur la
convenance du p o rt, sur l’état de la rivière, sur tout enfin. Il recommença donc à
ürioude la procédure annullée à Issoire ; mais ce ne fut plus M. Gourcy qu’il
choisit pour son arbitre ; il lui préféra M. Dorival, géomètre et épicier à Souxillanges ; et pourtant M. Gourcy lui avait montré assez de dévouement ; mais il crut
que M. Dorival ferait encore mieux. Il fit nommer un second arbitre par le tribu
nal daBrioude; et il allait faire nommer le troisième, lorsque M. Giroud, impa
tienté de toutes ces procédures, fatigué des assignations qu’on ne cessait de lui
adresser aux Barthes, quoique son domicile fut à Paris, invoqua de nouveau l’au
torité de la cour royale pour faire cesser ces procédures et annuller ces assigna
tions. Mais la cour décida que les assignations étaient valables, et M. Giroud,
voyant qu’il ne pouvait éviter un nouveau procès, se résigna à le subir.
La jurisprudence qui annulle les clauses compromissoires était déjà établie par
de nombreux arrêts. M. Giroud aurait pu s’en emparer, et demander que le procès
qui lui était fait fût porté devant ses juges naturels. Mais ce procès n’en était pas
un. M. Giroud offrait à M. Jozian tel emplacement que celui-ci voudrait choisir
dans tout le port des Barthes ; aucune difficulté ne semblait possible. M. Giroud
consentit donc à un arbitrage, sur la demande de M. Jozian, mais il mit pour
condition que l’un des arbitres serait M. Auguste Lamothe, ancien exploitant de
charbons et propriétaire très honorable, membre du conseil général do la HauteIvoire , demeurant à son château do Frugères, aussi indépendant par son carac
tère que par sa fortune.
Un tel arbitre ne convenait pas à M. Jozian; mais l’ éconduire n’était pas chose
facile. M. Jozian y parvint cependant, à l’aide de procédés qui méritent d’être si
gnalés.
M. Lamothe ayant accepté sa mission, devait so réunir avec M. Dorival pour
�nommer un troisième arbitre. Il sollicita plusieurs rendez-vous à cet effet, mais
on lui répondit que M. Dorival était malade. Un mois s’écoula ainsi, et M. Lamothe
se trouvait obligé de faire une absence de dix jours pour un voyage à Paris, lorsqu’ il
reçut une sommation de comparaître, le 18 octobre, dans une auberge ou caba
ret de la commune de Jumeaux, à l’effet d’y procéder avec M. Dorival à la nomi
nation du troisième arbitre, ce qui était la première opération de l’arbitrage.
Quoique surpris du lieu choisi pour cette réunion, et de la forme dans laquelle ce
rendez-vous était donné, M. Lamothe s’empressa'd’écrire à M. Veyrincs, agréé de
M. Jozian, pour faire connaître son empêchement, mais on n’en tint compte ; et
M. Lamothe n’ayant pas comparu dans le cabaret de Jumeaux, AI. Jozian fit dres
ser procès-verbal contre lu i, non par le maître du cabaret, mais par M. Gourcy
notaire, qui se trouvait toujours prêt à verbaliser en faveur de M. Jozian, quoiqu’ il
n’eût aucune qualité, n’étant plus arbitre, pour se mêler do l’arbitrage.
M. Giroud protesta contre ce procès-verbal et invita les arbitres à se rendre, le
U novembre, à la mine des Barthes, où ils trouveraient un lieu de réunion conve
nable et à portée des objets litigieux. M. Jozian répondit que son arbitre, M. Do
rival, entendait élire domicile dans le cabaret de Jumeaux, et qu’il n’irait pas
ailleurs. En effet, M. Jozian fit dresser par le même M. Gourcy un second procèsverbal constatant que, le U novembre, M. Dorival, au lieu de se rendre aux Bar
thes, était venu à Jumeaux ; et de suite il présenta une requête pour faire nommer
un autre arbitre à la place de M. Lamothe qu’il fallait, disait-il considérer comme
démissionnaire, puisqu’ il n’avait pas paru au cabaret où l’attendait son collègue.
Cette ridicule requête fat rejettée, et les deux arbitres trouvèrent enfin le moyen
de se réunir, mais ils ne purent tomber d ’accord sur le choix d’un troisième ar
bitre , et ce fut le tribunal de commerce qui nomma d’abord M. Denis Bertrand,
et à son refus, M. Couguet avocat à Brioude. M. Couguet passait pour l’un des
conseils de M. Jozian M. Giroud attaqua sa nomination, mais elle fut confirmée
par la cour royale de Riom , et le tribunal arbitral se trouva composé de MM. Lamotho, Dorival et Couguet.
Quand des arbitres sont constitués, il est d’usage qu’ils s’entendent entre eux
pour fixer le jou ret le lieu de leurs séances : s’ilsne parviennent pas à s’entendre,
on se réunit chez le plus âgé. Ces règles de la politesse la plus vulgaire ne furent
pas observées vis à vis de M. Lamothe, arbitro nommé par M. Giroud. Les deux
autres arbitres décidèrent entre eux que le tribunal arbitral se réunirait dans
l’étude do M. Veyrines agréé de M. Jozian. C’était un lieu plus décent que le caba
ret de Jumeaux, mais peut-être n’était-il pas plus convenable, car M. Veyrines
était le mandataire de l’ une des parties. Dans tous les ca s , M. Lamothe aurait dû
être consulté ; mais scs collègues, se voyant deux contre u n , crurent appa
remment que tout leur était permis, et, oubliant que M. Lamothe était leur ég a l,
lui firent signifier par huissier l ’ o r d r e qu’ils lui donnaient de se trouver, le
'5 mai 18Zi5, dans l’étude do M. Veyrines. M. Lamothe s’y rendit, mais ce fut pour
�— l/l —
se démettre de ses fonctions d'arbitre. Pouvait-il en effet les exercer avec indépen
dance et dignité en présence de la coalition de ses deux collègues qui, par le lieu
et la forme brutale de leur convocation n’indiquaient que trop que leur parti était
pris d’avance? MM. Dorival et Couguet comprirent le sens de cette démission, et
ils prièrent M. Lamothe de vouloir bien, en les quittant, leur signer un certificat
de probité. M. Lamothe n’eut garde de leur refuser cette satisfaction, et sa démis
sion fut rédigée en ces termes par ses deux collègues : Purdevant nous ( Dorival et
Couguet ) est comparu M. Auguste Lamotlie, lequel nous a dit qu’il lui était impos
sible d’accepter la mission d'arbitre qui lui avait été conférée, se trouvant en cc
moment fortement engagé dans des opérations très conséquentes ; qu'il en était
d'autant plus fdclié qu’on lui avait donné pour collègues deux messieurs qu'il esti
mait beaucoup, et dont il connaissait l'honneur et la probité, et a signé. M. Lamothe signa et se retira. Le tribunal arbitral se trouva donc réduit à ces deux
messieurs que M. Lamothe eslimait beaucoup.
Cependant M. Giroud n’avait consenti à ce dernier arbitrage qu’à condition que
M. Lamothe serait arbitre, et M. Lamothe était éconduit; les deux messieurs aux
quels il avait légué son estime pouvaient en être dignes, mais leurs débuts dans
l’exercice de leurs fonctions n’inspiraient aucune confiance à M. Giroud. Quelque
mince que fût la contestation, M. Giroud craignait de se voir jugé par des hommes
qui n’avaient respecté ni leur collègue, ni leur propre caractère; il n’avait jamais vu
deux arbitres faire sommation à un troisième, et lui demander ensuite une attesta
tion de probité ! 11 se rappelait le lieu étrange que ces deux arbitres avaient choisi
pour y placer leur siège d é ju g é , et il n'attendait rien de bon d’une sentence qui
serait rendue ou dans une taverne, ou dans le cabinet de ses adversaires. Il con
sulta ses amis; leur avis fut qu’ il devait user du droit que la loi lui donnait de
récuser cette juridiction suspecte, et de réclamer la protection de ses j uges natu
rels. D’ailleurs c’était le moyen de mettre un terme à toutes les chicanes du sieur
Jozian. Audacieuses devant des arbitres, elles seraient timides en présence des
magistrats. M. Giroud forma donc une demande en nullité de la clause compromissoire contenue dans le marché du 30 novembre 1838. Cette demande, pour
être régulière, dut être intentée non seulement contre MM. Jozian et Sauret, mais
encore contre M. Pezerat avec qui le marché avait été fait. Elle fut portée devant
le tribunal civil de Paris, lieu du domicile contractuel de toutes les parties, et du
domicile réel de l’un des défendeurs.
MM. Jozian et Sauret avaient pour conseil à Paris cet habile praticien dont on a
déjà parlé. Aussi toutes les ressources de la chicane furent employées par eux pour
empêcher le jugement de cette demande. Ils prétendirent d’abord que l’assignation
qu'ils avaient reçue était nulle pour vice de forme. Ils attaquèrent ensuite la com
pétence du tribunal. Un jugement rendu par la 5* chambre du tribunal de la Seine,
le 2 décembre 18/i 5 , déclara l’assignation régulière et le tribunal compétent.
MM. Jozian et Sauret interjetèrent appel, et par cette tactique, ils sont parvenus à
�— 15 —
suspendre jusqu’à présent l’annulation de la clause compromissoire qui, d’après |
la loi et la jurisprudence, ne peut souffrir aucune difficulté sérieuse.
Mais si la nullité de cette clause est évidente, on demandera peut-être quel
avantage il peut y avoir pour MM. Jozian et Sauret à différer un jugement qu’ils
ne peuvent pas éviter. C’est ici le dernier trait de cette affaire. On ne connaîtrait
pas les adversaires de M. Glroud sans ce qui reste à raconter.
La demande en nullité de la clause compromissoire avait été signifiée à MM. Jo- »
zian et Sauret le 29 mai 1845. Le même jour, MM. Jozian et Sauret se présentent \
devant le président du tribunal de commerce de Brioude, et lui demandent la no
mination d’ un arbitre pour remplacer M. Lamothe. Le président qui ignore que
la clause compromissoire est attaquée, nomme M. Sabattier-Gasquet, charpentier
en bateaux. MM. Jozian et Sauret signifient cette nomination à M. Giroud, mais au
lieu de faire cette signification à son domicile, ils la font aux Barthes, en parlant
à son préposé, pour qu’elle lui reste inconnue pendant quelques jours. Cette
signification est suivie de deux autres au même lieu ; mais celles-ci méritent une
attention particulière. Ce ne sont plus MM. Jozian et Sauret, les adversaires de
M. Giroud, qui lui adressent un huissier, ce sont MM. Dorival, Couguet et SabattierGasquet, qui se posent comme ses juges, et qui, à l’exemple des prêteurs romains,
lui envoient l’appariteur pour le traîner à leur tribunal.
Quand la copie de ces exploits parvint àM. Giroud, il croyait rêver en les lisant,
tant il lui semblait singulier de se voir interpellé, provoqué et saisi pour ainsi dire
corps à corps par des gens qui avaient la prétention de le juger. Était-ce donc
avec M. Dorival qu’il avait un procès? Devait-il quelque chose à M. Couguet?
Avait-il jamais vu M. Sabattier-Gasquet? De quel droit ces messieurs le pour
suivaient-ils? Eussent-ils été ses juges, qu’une justice aussi acharnée aurait eu
quelque chose d’effrayant Cependant, comme ils pouvaient ignorer que M. Giroud
avait demandé la nullité de la clause compromissoire, sur laquelle reposait leur
prétendu pouvoir, il leur fit dénoncer cette demande en leur rendant, comme cela
était naturel, exploit pour exploit. Il leur déclara en même temps qu’il protestait
contre leur qualité d’arbitres et contre toute opération d’arbitrage ; puisque le
compromis était attaqué, c’était une question préjudiciellequi devait être examinée
avant tout. Cetto protestation fut signifiée à chacun des arbitres les 11, 12 et 15
juillet 1845.
Nonobstant cette protestation, les prétendus arbitres se réunissent le 18 juillet,
et décident que M. Giroud serait sommé de se présenter devant eux. Qu’ils aient
pouvoir ou non, ils jugeront. M. Jozian triomphait. Qu’avait-il à désirer de mieux
qu’ un adversaire qui no pouvait pas se défendre et un tribunal qui voulait absolu
ment juger 1 C’était le cas de demander tout, puisqu’on no serait contredit sur
r>cn. m . Jozian était trop habile pour ne pas profiter de cette circonstance. Jus-
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qu’alors il n’avait demandé qu’ une place pour déposer ses charbons, il prétendait
que celle qu’ on lui offrait n’était pas convenable, la question était donc réduite â
quelques mètres de terrain, et en supposant que M. Jozian fut fondé à refuser la
place qui lui était offerte, tout ce qu’ il pouvait réclamer était une indemnité
égale à la location d’une place meilleure. Le procès en lui-même était donc
chétif et misérable, mais M. Jozian va lui donner tout à coup des proportions
irigantesques. Ce ne sont plus quelques mètres de terrain qu’il lui faut, c’est la
fortune entière de M. Giroud qu’il va demander, c ’est sa personne, c’est toute la
raine des Barthes qu’il faut lui livrer. Il se présente,, en effet, devant les trois
hommes, qu’il a érigés en juges, et voici la série des nouvelles demandes qu’il a le
courage de leur adresser: Il veut d’abord 30,0Q0 fr., une fois payés; c ’est, d it-il,
pour l’indemniser notamment du cautionnement d e 54,000 fr., que M; Pezerata
été condamné à fournir par la sentence arbitrale du 17 juin 1840; mais ces 30,000 fr.
ne lui suffisent paa^ il: veut de plus une rentq de 48,000 fr. par an, qui lui sera
servie pendant quinze ans, ce qui donnerait un chiffre de 720,000 fr. Ces préten
tions insensées sont déguisées, il est vrai, sous des.formes hypocrites; ce n’est pas
une rente pure et simple que JU. Jozian demande, c ’est l’exécution du marché,
pourvu qu’on l’exicute à sa manière ; il veut bien prendre les charbons, pourvu
que la livraison soit faite sur le bord de l’Allier( à deux kilomètres du lieu convenu,
Sinon le marché sera résolu , et on-lui paiera autant de fois 40 cen t qu’on aurait
dû lui livrer d’hectolitres de charbon, ce qui veut dire qu’au lieu de vendre à
M. Jozian 120,000 hectolitres de charbon, moyennant 108,000 fr., qu’il n’aurait pas
pu payer, on lui servira tous les ans une rente de 4,800.000 cen t ou 48,000 fr.,
ce qui lui sera beaucoup plus agréable.
Quand M, Giroud apprit que les prétendus arbitres s’étaient constitués en
tribunal, il crut devoir leur signifier uno nouvelle protostation par exploit d’huis
sier du 19 août 1845. II leur disait dans cet: acte que- s'il pouvait convenir «
M. Jozian de plaider sans adversaire, il ne pouvait convenir à■des hommes hono
rables de s’associer à cette tactique, et de condamner aveuglement celui qui, con
testant leur compétente devant: un autre tribunal, ne pouvait pas- se défendre
devant eux.
Ce langage ne fut pas compris, et, malgré l’appel fait à leur honneur,, les trow
prétendus arbitres se réunirent le 29 août, pour procédera un simulacre de juge
ment. La protestation de M. Giroud fut réitérée devant eux par son avocat, et
inscrite en ces termes dans le procès-verbal : loquet a dit qu'il se présente unique
ment pour réitérer les protestations qu’il nous a fait signifier; qu'il persiste il sou
tenir que la clause compromissoire étant par lui arguée de nullité, et l'a/fairc étant
indiquée devant la cinquitme chambre du tribunal de la Seine au samedi, 30 du
courant, nous n’aoions, quant à présent, ni caractère ni pouvoir pour te juger.
Toutes ces protestations furent inutiles; MM. Jozian et Sauret voulaient une sen
�tence, ils en obtinrent deux, l’une sur la question de sursis, l’autre sur la question
de fonds.
Ces deux sentences méditent d’être lues. La première porte la date du 29 août
1845. Elle décide que M. Giroud n’a pas droit d’attaquer la clause compromissoire,
qu’en conséquence, la demande en nullité qu’il a formée devant le tribunal de la
Seine doit être rejetée. Ainsi, cette demande qui est soumise aux magistrats de
Paris, la voilà jugée à Brioude par MM. Dorival, Côuguet et Sabatticr-Gasquet. Et
par quels motifs est-elle rejetée ? M. Dorival et ses collègues prétendent-ils ap
prouver les clauses compromissiores, malgré l’unanimité des arrêts qui les pros
crivent? Non, ils les condamnent en principe, mais ils refusent à M. Giroud le
bénéfice de ce principe, et ils déclarent qu’il doit avoir pour juges MM. Dorival,
Couguet et Sabattier-Gasquet, par la raison notamment qu’il n’a pas voulu d’eux
pour juges, et qu’il a contesté leur nomination devant la Cour royale de lliom.
« Attendu, dit la sentence, qu’il a appelé des ordonnances qui ont nommé
» MM. Sabattier-Gasquet et Couguet. » Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que le
fait était complètement faux en ce qui concernait M. Sabattier-Gasquet, qui n’était
pas même ¡nommé lorsque M. Giroud avait demandé la nullité de la clause com
promissoire; mais le fait fut-il vrai, il serait assez bizarre qu’ un juge devint
compétent par cela seul qu’on a contesté sa compétence.
Mais si cette première sentence est bizarre, la seconde, il faut bien le dire, est
révoltante. M. Jozian demandait, comme on l’a v u , 750,000 francs d’indemnités,
c était un rêve, une dérision, une extravagance. M. Dorival et ses collègues
prennent cette demande au sérieux , mais ils la trouvent pourtant un peu exagérée,
et dans leur équité profonde, iis arbitrent l’indemnité à la somme modeste de
066,000 francs, payable dans les termes de la demande, savoir : 26,000 francs de
suite et le surplus en cas de résolution du marché, et par annuités de 36,000 francs
pendant quinze ans.:1Après cette décision, il ne leur restait plus qu’à prononcer
la résolution du marché; ils la prononcent, et ils déclarent le marché résolu de
plein droit si les livraisons de charbon sont interrompues pendant quinze jours ,
soit par suite de refus de Giroud et consorts, soit à raison de difficultés nouvelles ,
provenant de leur fait. Enfin, ils év.'tcnt de dire si les livraisons doivent se faire
sur le carreau do la m ine, comme le voulait le m arché, ou sur le bord de la
rivière, comme le demandaient MM. Jozian et consorts; ils se contentent d’ordonner
qu elles auront lieu dans les conditions de ta sentence arbitrale du 6 juin 1843 et
du marché verbal du 30 nobembre 1838. Par cette réticence, ils laissent subsister
la difficulté; et commô on doit s’attendre que MM. Giroud et Consorts ne voudront
pas livrer sur le bord de l’Alliér, à deux kilomètres de leur mine, Cette combi
naison perfide réserve à MM. Jozian et Sauret un prétexte tout prêt pour dire que
la résolution est opérée par le fait de M. Giroud et que l’indemnité de 566,000 fr.
leur est acquise. Telle est cette sentence, qu’on pourrait traduire par ces mots:
a m' ne tlcs Uarthes est adjugée à MM. Jozian et Sauret.
�— 18 —
Une circonstance particulière augmentait l’audace de cette décision. Pendant
qu'elle s’élaborait à Brioude, M. Giroud pressait l’audience à Paris pour plaider
sur la nullité de la clause compromissolre. La cause fut retenue aux audiences
des 17 et 24 septembre, mais n’ayant pu venir en ordre utile, elle fut remise par
le tribunal avec injonction que toutes choses demeureraient en état. Cette injonction
prononcée contradictoirement avec MM. Jozian et Sauret ne fut pas attaquée par eux;
Elle les obligeait donc de cesser toute poursuite devant les prétendus arbitres. Elle
obligeait les arbitres eux-mêmes dont elle suspendait le mandat, mais ceux-ci
n’en tinrent pas compte, quoique M. Giroud leur eut fait notifier par deux fois
la décision du tribunal. Ils cherchèrent seulement à l’éluder en donnant à leur
sentence la date du 15 septembre quoiqu’elle n’ait été déposée que le 8 octobre
suivant.
M. Giroud se pourvut immédiatement devant le tribunal civil de Brioude par
voie d’opposition à l’ordonnance d’exéquatur. Le fonds de la prétendue sentence
n e pouvait pas être révisé, mais la forme était aussi vicieuse que le fonds. Plusieurs
moyens de nullité se présentaient ; le premier résultait de la nullité de la clause
compromissoire qui était la base du prétendu arbitrage. Mais cette nullité était
demandée devant le tribunal de la Seine, et la même question entre les mêmes
parties ne pouvait pas être soumise à deux tribunaux différents. Il fallait donc
que le tribunal de Brioude suspendit son jugement jusqu’à ce que le tribunal do
la Seine, saisi avant lu i, eut prononcé. M. Giroud avait conclu dans ce sens, et il
fut fort étonné d’apprendre que le tribunal de Brioude , mal informé des faits,
ou cédant à quelque prévention involontaire, avait prononcé sur le fonds et
décidé non seulement que la prétendue sentence arbitrale était régulière, mais
encore qu’il y avait lieu à l’exécution provisoire du jugem ent
Ainsi, la main qui dirigeait M. Jozian avait si bien conduit les procédures,
qu’ une contestation insignifiante sur la convenance d’ un coin de terre aurait fini
par produire une créance de 566,000 fr. payable par provision 1
Appel de ce jugement est interjetté devant la Cour royale de Biom, et avant
tout, des défenses d’exécuter sont réclamés de sa justice.
D ISC U S SIO N .
Quand on a parcouru les actes de cette cause, on est étonné de toutes les
procédures qui ont eu lieu et on se demande ce que cela signifie. Est-il vrai,
comme le dit M. Jozian, quo M. Giroud ait vendu ce qu’ il no peut pas livrer?
Est-il vrai, comme le dit M. Giroud, que M. Jozian ait acheté ce qu’il ne peut
pas payer?
La mine des Barthes produit chaque annéo 300,000 hectolitres do charbon. Elle
pourrait produire beaucoup plus, mais on no parle que de son état actuel.
�li’extraction se fait par trois puits. I/un de ces puits a été percé par les ordres
de M. Giroud, et n’a pas coûté moins de 150,000 fr. M. Giroud a fait cette
dépense en vue du marché qu’il venait de conclure avec M. Pezerat et pour mettre
la production au niveau de tous les besoins. Ce marché lui assurait un débouché
de 120,000 hectolitres par année ; chaque jour amenait de nouveaux consomma
teurs; il n’a donc pas hésité à faire des frais qui étaient couverts d’avance par la
certitude des bénéfices.
Il pouvait donc livrer. Dira-t-on qu’il n’a pas voulu ? mais pourquoi donc extraitil du charbon? n’est-ce pas pour le vendre ? n’est-co pas là son industrie, sa
profession, son occupation, son existence ? à qui persuadera-t-on qu’ un marchand
refuse de vendre sa marchandise?
On alléguera peut-être que le prix de 90 cent, par hectolitre ne lui parait pas
assez avantageux, mais il déclare au contraire que ce prix est excellent ; il offre
de prouver que ce prix lui assure un bénéfice très raisonnable. Si donc il peut
livrer, s’ il a intérêt à livrer, on ne peut pas supposer qu’il refuse de livrer.
Dira-t-on qu’il a refusé en 1840 et en 1841 ? mais son refus avait un motif
légitime que la justice a reconnu. En 1840, M. Pezerat était tombé en déconfiture.
M. Giroud devait-il livrer son charbon quand il courait le risque de n’être pas
payé? Les arbitres, auxquels cette question a été soumise, l’ont résolue en sa
faveur par leur sentence du 17 juin 1840 ; ils ont astreint M. Pezerat à donner
caution. Cette caution s’est fait attendre longtemps. Est-ce la faute de M. Giroud,
et peut-on lui reprocher de n’avoir pas livré sans caution quand les arbitres ont
jugé qu’il ne devait livrer que sur caution?
Mais pourquoi n’a-t’ il pas livré en 1841? parce que M. Jozian, interprétant le
marché à sa guise, ne voulait accepter comme gros charbon que celui qui ne
passerait pas dans un anneau de 20 centimètres de diamètre. Cette prétention
de M. Jozian était-elle fondée ? il faut bien reconnaître qu’elle ne l’était pas,
quoiqu’elle ait été accueillie d’abord et môme dépassée par la sentence arbitrale
du 24 mai 1841 ; mais cette sentence a été rétractée par celle du 6 juin 1843Les arbitres ont reconnu l’erreur dans laquelle ils étaient tombés ; ils ont réduit
eux-mêmes les grosseurs impossibles qu’ils avaient d abord adoptées; ils ont forcé
M. Jozian à abandonner et l’exception de chose jugée dans laquelle il se retran
chait, et la grosseur de 20 centimètros qu’il réclamait. Cependant M. Giroud
avait refusé de livrer le gros charbon tel que M. Jozian l’exigeait. Avait-il tort
de repousser une exigence qui a été proclamé injuste ?
On arrive ainsi jusqu’au milieu do l'année 1843. Demandera-t-on pourquoi
M. Giroud n’a pas livré depuis cette époque? mais c ’est alors que M. Jozian s aviso
de vouloir changer le lieu de la livraison. Elle devait se faire sur le carreau de
la mine ; M. Jozian veut qu’elle se fasse à deux kilomètres plus lo in , sur le bord
�— 'JO —
de l’ Allier ; il prétend en outre que le port des Barthes ne lui convient pas, et
que si M. Giroud ne lui en donne pas un autre, il a droit, non pas de s’en procurer
un aux frais de M. Giroud, mais de refuser les livraisons qu’on lui offre et
d’accuser M. Giroud de ne pas vouloir livrer.
Or, ces nouvelles prétentions de M. Jozian sont-elles plus raisonnables que les
anciennes? Où doit-on lui livrer le charbon ? sur le carreau de la mine. La loi et la
convention sont d’accord à cet égard. La loi veut que la marchandise se livre au
lieu où elle était au moment de la vente. (Art. 1600 du Code civil.) Tout corps cer
tain doitêtre livré au lieu où il se trouve. (Art. 1247 et 1264.) La convention main
tient cette disposition de la loi ; voici en effet comment les parties se sont expri
mées : « Comme cette houille est destinée en partie à fabriquer du goudron, à
• extraire d’autres produits, et à être aussi, en partie, transformée en cok e,
» MM. Chevalier et Giroud seront tenus de fournir à M. Pezerat, d’après la dési» gnation qu’il en fera, le terrain nécessaire pour la construction des appareils ;
» et ce, sur L’emplacement même de l'exploitation, dans la partie la plus voisine
» de l’extraction, sans toutefois que cela puisse entraver ladite exploitation. Ils
» fourniront aussi l’eau nécessaire à la condensation des produits bitumineux
» prise à l’orifice du puits, plus le terrain pour l’établissement des magasins dont
» M. Pezerat aurait besoin. MM. Chevalier et Giroud s’obligent à faire,transporter
» à leurs frais, au bord de l’Allier, à leur port et sur le terrain qu’ils fourniront,
» tous les produits de la compagnie (Pezerat), et même les charbons en nature,
» s’il lui convenait de ne pas les manipuler. »
Cette convention impose aux vendeurs l’obligation de fournir aux acheteurs
deux terrains ; l’u n , sur l’emplacement même de l’exploitation ; l’autre, sur le
bord de l’Allier. Pourquoi ces deux terrains ? Le premier est destiné à la manipu
lation du charbon, l’autre à son exportation. Sur le premier, le charbon sera tra
vaillé pour être converti en coke ; sur le second, il sera déposé pour être embar
qué. Mais avant que l’acheteur s’empare de la marchandise pour la travailler, il
faut qu’il en prenne livraison. Où donc lui sera-t-elle livrée? où recevra-t-il les
333 hectolitres qui doivent lui être mesurés chaque jou r? il no peut les recevoir
que sur le carreau de la mine, puisque c’est là qu’il doit les manipuler. Dira-t-on
que le vendeur est tenu de transporter les charbons manipulés ou non sur les
bords do l’Allier? c’est une obligation particulière distincte de la livraison. 11 ré
sulte des termes mêmes de la convention, que lorsque la marchandise sera ainsi
transportée, elle appartiendra déjà à l’acheteur, elle sera devenue sa chose,
elle aura pu être transformée par son travail, elle lui aura donc été livrée aupa
ravant. Où donc aura-t-elle été livrée, si ce n’ost sur le carreau de la mine?
La livraison et le transport des marchandises sont deux opérations fort diffé
rentes. Qu’ une marchandise livrée soit transportée ensuite aux frais du vendeur,
qui prête à l’acquéreur ses voitures ou ses wagons, cela est tout simplo; mais .quo
�— 21 —
la livraison d’ une forte partie de charbon puisse se faire ailleurs que sur le lieu
môme de l’extraction, c’est ce que personne ne pourrait comprendre. Pour livrer
tous les jours 333 hectolitres de charbon, moitié gros, moitié menu, il faut tomber
d’accord sur la qualité et sur la mesure. Peut-on choisir la qualité ailleurs que sur
la mine? peut-on faire voyager 333 hectolitres sans:les avoir mesurés? ou bien
faudra-t-il les mesurer deux fois, d’abord à la mine et ensuite au port? faudra-t-il
faire cette double opération tous les jours, et cela pendant quinze années de suite?
Telle n’a pu être l’intention des parties ; il faut donc reconnaître que soit que l’on
consulte la l o i , la convention ou le bon sens, c ’est sur la mine que les charbons
doivent être livrés. Aussi, dans une lettre écrite huit jours avant la conclusion du
marché, M. Pezerat s’exprimait ainsi : « J’ai l’honneur de vous envoyer l’indica» tion du terrain choisi par moi aux m in a des Darlhes; je n’ai pas jugé conve» nable do changer la première indication que je vous avais adressée. » Et cette
lettre était accompagnée d’un plan descriptif où le terrain se trouvait en effet
choisi et marqué par M. Pezerat sur le carreau de la mine.
' ’
Mais comment M. Jozian a-t-il pu prétendre que le. charbon devait être livré
ailleurs? ne se souvient-il plus de l’usage qu’il voulait faire lui-même du terrain
choisi par M. Pezerat? il voulait en faire non-seulement:un atelier pour y mani
puler son charbon, mais encore une boutique pour l’y vendre.> M. Giroud s’est
plaint de cet abus, qui a été réprimé, par la sentence arbitrale du G juin 1863,
dont voici la disposition : Faisons défense au sieur Jozian de vendre et débiter sur
le carreau de la mine, ou sur les terrains qui lui seront fournis "par tes sieitrs
Giroud et Chevalier, en exécution de la convention, les charbons que ces derniers
devront lui livrer. Pour vendre sa marchandise, il fallait d’abord qu’elle lui eut été
livrée. Or, dans quel endroit voulait-il la vendre? sur le carreau de la mine. C’était
donc là qu’il l’avait reçue.
Pour terminer sur ce point, on ajoutera que plusieurs livraisons ont été faites ii
M. Jozian sur le carreau de la mine, notamment le 11 et 12 août 1843. Il les a
acceptées; et s’ il a changé tout-à-coup d’idée, que ce soit caprice, ou spéculation,
ou besoin de chicaner, ou impuissance de payer, lo fait n’en subsiste pas moins.
C’est donc à la mine que le charbon devait être livré. La convention est évi»
dente, et M. Jozian lui-même l’a reconnu. M. Giroud a donc raison de vouloir
livrer sur le carreau de la mine ; 11 est dans son droit ; et si M. Jozian ne prend
pas livraison, ce n’est pas la faute de M. Giroud.
Mais, dit-on, M. Giroud doit fournir un emplacement sur les bords de l’Allier
pour y déposer les marchandises do M. Jozian. Or, la livraison de cet emplacement
sur le bord de l’Allier, et la livraison du charbon sur lo carreau de la mino', sont
une seule et même chose. Si donc M. Giroud n’a pas fourni un terrain sur le bord
de 1 eau, on aura droit de dire qu’il refuse de livrer à la mine.
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Cela n’est pas sérieux. L’obligation do livrer le charbon et l’obligation de fournir
u n l i e u d’embarquement, sont deux choses distinctes et Indépendantes l’une de
l’autre. Lors môme que M. Giroud n’aurait pas pu fournir à M. Jozian un terrain
sur les bords de l’Allier, cela n’empêchait pasM. Jozian de prendre livraison, et
même d’embarquer sa marchandise. La place ne manque pas le long de la rivière,
et rien n’était plus facile que d’y obtenir la jouissance de quelques mètres de
terrain aux frais do M. Giroud. Cette jouissance aurait coûté peut-être 1 fr. le
mètre (ou 10,000 fr. l’hectare) ; c ’était une centaine de francs au plus que M. Jo
zian aurait pu réclamer à titre d’indemnité.
Mais est-il vrai quo M. Giroud ait refusé lo terrain qu’il devait fournir au bord
de l’ Allier ? Lo 29 août 1843, M. Jozian a fait dresser un procès-verbal par
M. Gourcy, notaire, hommo qui lui a montré un dévouement sans bornes. Voici la
déclaration do M. Giroud , constatée par M. Gourcy : « Qu’il Ignoro le motif pour
« lequel M. Jozian n’a pas continué à prendre les livraisons qu’ il avait cornmen» céos lo 11 de ce m ois....; qu'il offre do lui livrer dès demain la quantité de chari» bon qu’il peut lui devoir...; que quant il l’emplacement nécessaire pour placer
»
»
«
»
»
«
n
»
les charbons dont M. Jozian doit prendre livraison, M. Giroud lui offre la partie
du port qui appartient à la Société des llarthes, qu'il voudra choisir, à côté des
charbons qui ont déjà été déposés par ladito Société... ; quo M. Giroud no peut lui
fournir d’autro emplacement que celui dont 11 sa sert pour lo dépôt du charlion
des Barthes ; que do l’avis do tous les exploitants du bassin, lo port actuel est le
plus élevé de tous les terrains qui se trouvent lo long de l’AllIer; qu’il réitère
l’offre qu’il a faite au sieur Jozian de recommencer les livraisons des domain, et
rie lui fournir lu partie du )>ort la plus convenable pour y déposer les char-
» bons..,. »
Ainsi M. Giroud mettait lo port des llarthes à la disposition de M. Jozian ; il lui
donnait à choisir dans touto l’enceinte du port la place qui lui conviendrait le
plus. Devait-Il autro chose7 était II obligé de fournir une place ailleurs que sur
son propre terrain? Voici les termes de la convention: VW. Giroud et Chevalitr
s'obligent à faire transjiorter à leur port et sur te terrain qu'ils fourniront tous les
vroiluits de ta comjxignie l'ezerat. C’est donc au port des llarthes que les produits
doivent être transportés : c’est là que le terrain doit Ctre fourni.
il plaît aujourd’hui à M. Jozian de prétendre que le port des llarthes n’est pa*
«'ontenable. Mais il est tel qu’ il était au moment de cette convention. Si le fond
du »ol se compose de u tile ou de gravier, cela n’est pas nouveau ; si la rive n'est
élevée que d'un métro et demi au-desmis du Ilot, l'élévation était la mémo quand
les partira ont traités. On fournit à M. Joilan ce qu'on a promu & M. P w era t.
ul plus ni moin». Il est vrai que M. Jozian a m i d'un cnil jaloux certains tra\aiix rxécuU-i par ta Société dos Marthe*, pour ethauw er le terrain où elle dépow
«4 charbons: mal* qui cm pM iall M. Jojian de faire rem blayer. de ton c ô t* .
�1’emplaccinent qu’il choisirait? On lui fournit le terrain, c’est à lui (le s’y installer
et d’y protéger sa marchandise. Une rivière est un voisin toujours dangereux. Le
port des Barthcs n’est pas plus que tout autre à l’abri des inondations (1 ). M. l’ezerat le savait, et cependant il n’a demandé qu’ une place dans ce port. Cette place
a été constamment offerte, M. Jozian ne peut exiger davantage.
Cependant M. Giroud a fait offrir à M. Jozian, et lui offre encoro de placer ses
charbons sur la partie remblayée, et derrière les charbons de la Société des Jlartlies. Ainsi los marchandises do la Société serviraient do rempart aux marchandi
ses de M. Jozian, et celles-ci no seraient atteintes par les eaux que lorsque celleslà auraient disparu. Certes, il était impossible do montrer plus do complaisance,
plus do bonno fol, plus do bonno volonté.
Comment donc M. Giroud peut-il ôtro accusé do no pas vouloir livrer les char
bons qu’il a vendus? 11 n’exploite quo pour vendre et livrer; il trouve un notable
bénéficodanslo prix do 90 centimes par hectolitre ; ce n’est qu’en livrant qu’il peut
réaliser ce bénéfice ; il a d’ailleurs dépensé 150,000 francs pour augmenter l’ex
traction et satisfalro à toutes los exigences do la consommation, comment refuse
rait-il do livrer? S’il a refusé en 1840, c'est quo l’achotour était en déconfiture ;
s’ il a refusé en 1841-1843 c’est quo M. Jozian exigeait dos grosseurs exhorbltantes
et impossibles, enfin s’ il n’a pas livré dopuis 1843, c ’est que M. Jozian prétendait
d’un côté quo la livraison devait étro faito au port, ot d’ un autro côté qu’ollo 110
pouvait pas y ôtro falto parco quo lo port n’était pas convenable ; ainsi M. Giroud
pouvant et voulant livrer, M. Jozian l’on a constamment empôché.
' M. Giroud aurait pu, à l'exemple do son adversaire, accumuler les procèsverbaux pour constater ses offres do livrer ; mais la quantité do charton produite
par la mlno était un Tait do notoriété publlquo; Les sentences arbitrales do 1840,
1841 et 1843, décidaient quo M. Giroud n’avait jamais été on retard do livrer, ot
M. Jozian était forcé do reconnaître quo depuis 1843, les livraisons lui auraient
été faites s’ il avait voulu les recevoir. M. Giroud peut cependant invoquer deux
procès-verbaux, l’un du 29 août 1843, dressé à la requéto de M. Jozian ; l'autre du
20 novembre 1845, dressé à la requéto do M. Giroud lul-méme. Lo premier dont
on a déjà parlé constate quo les livraisons avalent été commencées sur lo carreau
do la mlno, et quo M. Joxlan les ayant interrompues sous prétexte qu’elles devaient
ôtro faites sur lo port, M. Giroud a déclaré être prêt à livrer à la mlno lorsque
'I. Joxlan so présenterait pour recevoir. Lo second procès-verbal constate qu’ il
existait, tant sur la mlno qu'au port des liarthes, la quanti té do 50,000 hectolitres
(I , Il (virJ), en »Un, <pM le 4 ao«tabre 1813, un* cru* Mtraonfcuiir« a tu l»eu. C««l u»
luqtHl Irt mrUWurtpofli toc* n p o ih . TwWfo«« il o'y • p*« «u d* perte*. Ton! *•
d*» drui
Uiirt I M. Joiùo » M *jxrj»4.
�—
m
—
de houilles; qu’en outre, l’extraction quotidienne produisait 1000 hectolitres;que
la totalité de ces houilles a été m ise, par M. Giroud, à la disposition de Al. Jozian,
que-M. Giroud a offert de lui livrer, jou r par jo u r , 333 hectolitres, ou s’il l’aimait
m ieux, de livrer r sans désemparer et en travaillant jour et nuit, la quantité de
10,000 hectolitres, ou même une quantité supérieure; mais que M. Jozian n’a ré
pondu à ces offres que par de nouvelles chicanes, qu’il a prétendu notamment que
le notaire, rédacteur du procès-verbal, n’avait pas qualité parce qu’il était en
présence d’un notaire plus ancien !que M. Jozian avait amené ; qu’il a ajouté
qu’ayant apporté de l’argent pour payer 10,000 hectolitres, il voulait que cette
quantité lui fut mesurée dans une journée, ce qui était physiquement impossi
ble. Ainsi toutes les fois que M. Giroud a voulu livrer, M. Jozian a inventé des pré
t e x t e s pour ne pas recevoir.
!
La mauvaise volonté n’est donc pas du côté de M. Giroud. Cependant depuis six
ans on ne peut parvenir à exécuter le marché. Quelle en est la cause ? Comment
M. Jozian a-t-il toujours un prétexté tout prêt pour refuser les charbons qui lui
sont offerts? Il les refuse en 1840 parce'que l’Allier n’est pas navigable, il les re
fuse en 1841 parce que le gros charbon n’a pas 20 centimètres de diamètre, il les
refuse en 1843 parce qu’ils lui sont livrés sur la m ine, il les refuse en 1845 parce
qu’il veut 10,000 hectolitres en un instant. Chacun de ces refus est accompagné
d’une ou de plusieurs assignations dont la conclusion est qu’au lieu de charbon,
c’est de l’argent qu’ il faut lui donner. Qu^est-ce que cela signifie ? C’est que
M. Jozian n’est pas un acheteur sérieux, mais un spéculateur qui achète du char
bon pour avoir des dommages intérêts’, "et qui fait des procès pour extorquer des
sacrifices. Le marché même que M. Jozian s’est fait céder constate ce calcul se
cre t Ce marché comprend une énorme quantité de houille. Il CQnvenait à la
Société Pezerat, qui ayant entrepris de convertir la houille en asphalte, avait
intérêtà assurer son approvisionnement. Mais M. Jozian ne fabrique pas l’asphalte.
Que ferait-il donc de 10,000 hectolitres de houille qui lui seraient livrés tous le?
mois pendant quinze ans? 11 revendra en détail, dit-on. Mais quel est le détaillant
qui s’approvisionne quinze ans d’avance? D’ailleurs cette revente est-elle bien as
surée ? Quand on a demandé au sieur Jozian quels ôtaient ses acheteurs, il n’a
pas pu en nommer un seul. Enfin, il ne suffit pas d’acheter, il faut payer. Or pour
payer 9,000 francs par m ois, pendant quinze ans, même avec la chance de reven
dre, 11 faut avoir des capitaux disponibles. La fortune de M. Jozian est nulle ; au
lieu de capitaux, il a des dettes, et s’il exhibe quelquefois de l’argent dans les
procès-verbaux qu’il fait dresser, c’est l’argent d’autrui qui lui a été prêté à gros
in térêts soitpar MM. Marche et Comitis, de Clermont, soit par M. Sauret, de Uioni.
Ainsi M. Jozian est accablé par le marché Pezerat. Il ne peut ni payer, ni placer
la marchandise. Faut-il s’étonner qu’il refuse de la recevoir. ? Faut-il demander
par le fait de qui les livraisons n’ont pas lieu ? Ne faut-il pas au contraire admirer
les ressources prodigieuses de M. Jozian et de sesconseils, no doit-on pas envier
/
�leur imagination si habile, à trouver des motifs pour ne pas accepter le charbon,
aujourd’hui parce que la rivière est haute, demain parce que le port est bas,
ensuite parce que le charbon est petit, puis parce que la journée n’est pas assez
grande pour livrer 10,000 hectolitres à la fois? Ne doit-on pas enfin s’étonner de
l’audace avec laquelle ils accusent M. Giroud de ne pas vouloir livrer, eux qui ont
épuisé tous les prétextes pour éluder les livraisons?
Les positions sont donc rétablies, et désormais on ne parviendra plus à induiro
la justice en erreur sur le caractère général de cette affaire. Ii y a d’un côté une
mine de houille, largement exploitée, fécondée par des capitaux importants, et
versant chaque année, sur le sol, 300,000 hectolitres de marchandises. A la tète
de l’exploitation est un homme laborieux, loyal, intelligent, qui ne demande qu’à
vendre les produite que l’extraction accumule. Cet homme a promis de livrer une
partie considérable de houille. 11 s’est mis en mesure d’exécuter son engagement,
il offre, depuis plusieurs années, délivrer ce qu’il a promis. Mais de l’autre côté
se trouve une spéculation organisée entre un homme d’affaires, un industriel et
un banquier. Ces trois individus ont racheté le marché Pezerat, non pour l’exé
cuter, mais pour l’exploiter. Ils ne veulent pas de houille, et toutes les fois qu’on
leur en offre, ils ont des motif particuliers pour la refuser, mais ces refus qui ex
poseraient des acheteurs vulgaires à payer des dommages-intérêts, leur servent
de prétexte pour en demander. Ils veulent de l’argent et ils prétendent qu’on les
indemnise, parce qu’on ne leur livre pas ce qu’ils refusent de recevoir.
Les intentions des deux parties étant bien connues, on comprend parfaitement
que le marché Pezerat soit resté jusqu’à présent sans exécution, et, qu’au lieu
d’échanger de la houille contre de l’argent, les parties n’aient échangé que des
procès. Mais on comprend aussi que ces procès aient dû fatiguer M. Giroud, et
qu’il ait voulu y mettre un terme. C’est pour en tarir la source qu’il a demandé la
nullité de la clause compromissoire contenue dans le marché du 30 novembre 1838.
Il lui a semblé qu’un tribunal composé de magistrats imposerait plus à M. Jozian
qu’ un tribunal composé de trois arbitres, dans lesquels AI. Joziàn'croirait posséuer une voix, deux voix, et quelquefois trois voix.
Hr
Or M. (¡iroud va établir 1“, qu’en attaquant cette clause, il ne peut être accusé ni
de légèreté, ni d’infidélité à ses engagements; T que cetteclause estnulle aux yeux
de la loi ; 3° que lanullité n’a pas été couverte par l’exécution antérieure; h° quela
demande en nullité a dû être portée devant lé tribunal de laSeine; 5°qu’en présence
de cette demande les prétendus arbitres devaient surseoir à ^arbitrage ; 6° que >
dans tous les cas, le tribunal de Brioude devait surseoir à statuer sur l’opposition
à l’ordonnance d’exequatur; 7" qu’en supposant même cetto clause légitim e, les
arbitres ont excédé leurs pouvoirs en prononçant sur des questions qui ne leur
étaient pas valablement soumises; 8” qu'ils ont prononcé après que les délais de
�Tarbitrage étaient expirés; 9° qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner l’exécution pro
visoire du jugement qui a été rendu.
i"
P r o p o s itio n .
M. Giroud, en attaquant la clause compromissoire, ne peut être accusé , ni de
légèreté, ni d'infidélité à ses engagements.
Un honnête homme n’use pas toujours de son droit. M. Giroud le sait et il l’a
prouvé par sa conduite. Il voyait la jurisprudence proscrire unanimement les
clauses compromissoires ; le signal avait été donné par la Cour suprême, et toutes
les Cours du royaume y avaient répondu : il pouvait donc dès le principe, refuser
de compromettre et forcer M. Jozian à plaider devant leurs juges naturels. Mais il
n’a pas voulu invoquer le droit que la jurisprudence lui donnait, il a accepté des
arbitres ; et en vertu des pouvoirs qu’il leur a conférés, MM. Venant, Gibert et
Girard, anciens agréés prèsletribunal de commerce de Paris, ont statué trois fois
sur ses discussions avec M. Jozian. Cependant, lorsqu’ il leur conférait pour la
troisième fois la mission de le ju g er, il n’ avait pas lieu d'être satisfait de leur pré
cédente décision, car ils l’avaient condamné à livrer des grosseurs impossibles, et
M. Jozian, armé de cette sentence, réclamait déjà des indemnités énormes. M. Gi
roud , victime de cette erreur, ne réclama pourtant pas d’autres ju ges, et il com
promit de nouveau devant eux, persuadé que s’ils n’étaient pas infaillibles, ils n’en
étaient pas moins honorables et consciencieux.
Ces trois compromis prouvent assez que M. Giroud voulait rester fidèle à la con
vention qu’ il avait faite, quoique cette convention fût illégale. Mais ce n'est pas
tout. Après avoir plaidé à Paris, M. Jozian veut plaider à lirioude. 11 chicane sur
la convenance du port des Barthes, et il propose un arbitrage local. M. Giroud ne
voulait pas de procès, et il ne comprenait pas qu’ un procès fût possible, quand il
disait à M. Jozian : Choisissez dans le port des Barthes la meilleure place et prenezla. Cependant M. Jozian voulait un arbitrage local, et il proposa d’abord M. Gourcy
son notaire, et ensuite M. Dorival son géométre. Que fait M. Giroud? Il nomme
M. I.amothe de Frugières , homme honorable et indépendant. U respectait donc
toujours sa convention.
Mais s’il s’est à la fin adressé ii la lo i, s’ il a voulu revenir à ses juges naturels ,
est-ce par caprice, par légèreté, ou, comme on le dit, pour éviter une juste Con
damnation? Il suffît de rappeler les faits pour absoudre M. Giroud de tous ces re
proches. Quel a donc été le caractère de cet arbitrage local sollicité par M. Jozian?
Dès le début il s’est annoncé par la nomination de M. Gourcy. M. Gourcy avait
déclaré comme expert que le port dos Barthes n’était pas convenable; c’ e~t
M. Gourcy que M. Jozian chois/t pour prononcer comme arbitre .sur la même ques
�— 27 —
tion. Kt M. Gourcy ne se récuse pas; au contraire, il accepte. Voilà donc les
arbitres que !\I. Jozian va choisir. Voilà la délicatesse qui existe dans celui qui
nomme et dans ceux qui sont nommés. Il faut à M. Jozian des juges dont l’opi
nion soit connue d’avance. A défaut de M. Gourcy, M. Jozian nomme M. Dorival,
épicier-géomètre. Il va sans dire que M. Dorival pense comme M. Gourcy. Aussi,
de quelle manière commence-t-il ses fonctions? Il devait s’entendre avec M. Lamothe pour nommer un troisième arbitre ; mais M. Lamothe ayant été choisi par
M. Giroud, M. Dorival voit en lui non pas un collègue, mais un adversaire, et il le
fait sommer par huissier de se trouver dans une auberge de la commune de Ju
meaux pour s’entendre avec lui. Pourquoi à Jumeaux ? M. Lamothe demeure au
château de Frugières, M. Dorival demeure à Souxillanges (1) ; n’était-il pas plus
convenable que l’ un des arbitres se rendît chez l’autre, pour conférer sur le choix
du troisième ? ¡Mais Jumeaux est la résidence de M. Gourcy ; M. Gourcy sera dans
l’auberge, il s’imposera comme troisième arbitre, si M. Lamothe vient ; et s'il ne
vient pas, M. Gourcy dressera procès-verbal. M. Lamothe a été absent ; d’ailleurs
il n’aurait pas voulu faire descendre la justice arbitrale dans une auberge :
M. Gourcy dresse donc son procès-verbal. Plus tard, M. Dorival et M. Lamothe se
réunissent. Ils ne s’accordent pas, ce qui n’a rien d’étonnant d’après la manière
dont M. Dorival avait entamé la correspondance. Le troisième arbitre est donc
nommé par le président du tribunal de comm erce, sur la présentation de M. Jo
zian. Quel est-il ? C'est d’abord un négociant qui ne croit pas devoir accepter.
C’est ensuite M. Couguet, jeune avocat qui accepte. La profession de M. Couguet
semblait être une garantie de son impartialité, sa nomination même était une rai
son de plus pour y croire ; M. Giroud fut donc péniblement affecté de voir qu’a
vant l’ouverture des débats, la division existait dans le tribunal arbitral, et y
formait d’avance une majorité composée de MM. Dorival et Couguet, et une mino
rité composée de M. Lamothe. Cette majorité ne cherchait pas même à se dissi
muler , elle débutait de la façon la plus brutale. MM. Dorival et Couguet faisaient
sommation à leur collègue et aux parties de se trouver devant leur tribunal; et ce
tribunal, ils déclaraient l’établir non plus dans une auberge, mais dans le cabinet
de M. Veyrines, agréé à Brioude et conseil de M. Jozian. Était-ce là de l’impartia
lité? était-ce môme de la convenance? Depuis quand avait-on vu des juges envoyer
des huissiers à leurs collègues? des juges assigner à leur requête? des juges
s’asseoir au foyer d’ une des parties ? Cette attitude prise par MM. Couguet et Do
rival effraya M. Lamothe et lui fit donner sa démission. C’est alors que M. Giroud,
usant d’un droit que la loi lui donnait, déclara que, puisque M. Lamothe se reti
rait, il demandait à êtrejugé par des magistrats, juges naturels de toutes contes
tations. fttait-ce légèreté, ca p rice, ou mauvaise foi de sa part? Non certes ; mais
I
(I) Soiiùllangt's «si h 8 lieues de la mine des lUrllws M. Jozian allait l>icn loin pour cherclior un arbitre.
�il voulait des ju g es, et il ne pouvait voir que des adversaires dans ces deux
arbitres qui, avant tout débat, se constituaient en m ajorité, proclamant leur
opinion par leur conduite hostile et partiale. La suite a prouvé que ces deux ar
bitres n’étaient en effet que les instruments aveugles des volontés de M. Jozian. On
les a vus, bravant tous les principes et toutes les considérations, se faire
juges de leurs propres pouvoirs, déclarer valable la clause illégale dont la nullité
était demandée devant un autre tribunal, s’imposer à M. Giroud, l’assigner eu xmêmes pour comparaître devant eux, le juger par défaut malgré ses protetations ,
et le condamner sans l’entendre à 566,000 fr. de dommages-intérêts ! Une sentence
aussi scandaleuse justifie assez'la répugnance que ses auteurs avaient inspirée à
M. Giroud. Une juridiction qui porte do tels fruits est elle-même ju gée; et désor
mais personne né peut blâmer M. Giroud de n’avoir pas voulu livrer sa fortune à
l ’omnipotence de MAI. Dorival et Couguet.
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P r o p o s it io n .
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La clause compromissoire est illégale et nulle.
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Cette question a été si souvent jugée depuis dix ans que, c’est perdre le temps
que la discuter encore. Ilsufütde lire les arrêts qui ont été rendus, et d’entendre
ceux qui se rendent chaque jour. Quand la jurisprudence est aussi complette, aussi
unanime,' aussi persévérante, son autorité vaut celle de la loi.
Kaut-il citer les arrêts ? Tout le monde les connaît, et leur nombre s’accroît
incessamment On rappélera seulement, par leur date, trois décisions rendues ii
la Cour de cassation, les 10 juillet 1843, 21 février 1844 et 2 décembre 1844. (Jour
nal du Palais, tome II, 1843, page 235, tome I, 1844, page 596 et tome II, 1844,
page 567). Le dernier de ces arrêts ayant, après cassation, renvoyé la question
devant la Cour royale d’Orléans, cette cour s’est réunie en audience solennelle ;
la question a été de nouveau considérée sous toutes ses faces, et la clause com pro
missoire s’est vue définitivement condamner par arrêt du 5 avril 1845. (Journal du
Palais, tome I, 1845, page 536).
Cette jurisprudence est fondée sur le texte et sur l’esprit de l’art. 1006 du Code
de procédure civile. Cet article veut que le compromis désigne les objets en litige
et le nom des arbitres à peine de nullité. Pourquoi ces énonciations? Est-ce pour
la forme qu’elles sont imposées à peine do nullité? Cette peine serait bien sévère
si le législateur n’avait en vue que la perfection de l’acte et sa régularité exté
rieure; mais il se propose un but plus important, c’est une garantie qu’il veut
établir contre la légèreté et l’ irréflexion. On renonce volontiers à ses juges natu
rels quand on n’a j^as de procès; on ne sait pas alors combien la position élevée
du magistrat, son institution publique, son impartialité notoire, son habitude à
�— 29 —
distribuer la justice, inspirent de confiance au plaideur honnête et opprimé ; on
ne sait pas combien il y a de sécurité pour le bon droit dans les formes mêmes de
là justice ordinaire, dans la publicité des plaidoiries, dans la signification des
conclusions, dans la solennité des jugements; on ne comprend tout cela que lors
qu’on a le malheur d’être appelé sur le terrain funeste des procès; mais tant que
cet accident n’est pas arrivé, la justice magistrale et publique apparaît de loin
comme une importune, à laquelle il faut se soustraire, et substituer, le cas
échéant, une justice domestique et bourgeoise. C’est ainsi que les clauses com promissoires se glissent dans les actes, et que les parties abandonnent d’avance
une institution dont elles ne comprennent pas l’utilité. Et, pourtant, quoi déplus
nécessaire qu’un bon juge ? quoi de plus rare, en dehors de la magistrature? où
trouver des hommes qui réunissent l’ indépendance du caractère au sentiment du
devoir, la science du droit au tact des affaires, le respect des principes aux tolé
rances de l’équité? où trouver des hommes qui soient dignes de prononcer sur le
sort de toutes les familles, de toutes les propriétés, de toutes les existences? Ces
hommes siègent dans les tribunaux ; une longue et religieuse éducation les a pré
parés à ce grand ministère ; et la justice qu’ils rendent chaque jour complette leur
initiation, et achève de les former à son image: C’est ainsi que la société pourvoit
à l’établissement de cette institution sur laquelle tout repose, et sans laquelle la
société elle-même ne subsisterait pas. Mais pour que cette institution ne fut pas
un vain nom, il fallait empêcher que, par des clauses irréfléchies et des formules
de style, on ne lui en substituât une autre. L’art. 1006 du Code de procédure a été
fait dans ce but. Il ne prohibe pas la juridiction arbitrale, il permet, au contraire,
de l’établir en désertant la justice ordinaire, mais il veut qu’une détermination
aussi grave ne soit prise qu’avec prudence et réflexion. Il ne suffira donc pas de
convenir que, le cas échéant, on sera jugé par des arbitres ; cette promesse vague
et banale n’obligera pas, il faudra nommer les arbitres, et désigner le point liti
gieux qui leur sera soumis. Alors, la liberté d’abandonner ses juges naturels ne
sera exercée qu’en connaissance de cause. On saura quels hommes on leur préfère,
et quels intérêts on soustrait à leur vigilance. Le compromis désignera les objets
en litige et le nom des arbitres, à peine de nullité.
Pour éluder cette loi salutaire, on a imaginé de dire qu’une clause compromissoire n’était pas un compromis; mais où donc est la différence? Un compromis est
un contrat par lequel on renonce à la justice publique pour lui substituer une
justice privée. Qu’est-ce qu’ une clause compromissoire? c’est la même chose, ou
ce n’est rien. C’est, dit-on, la promesse de faire un compromis ; mais si cette pro
messe a pour effet d’intervertir la juridiction, c ’est un compromis ; si non, quel
sera son effet? d’obliger à des dommages-intérêts? mais des dommages-intérêts
supposent un préjudice, et il serait assez difficile de prouver qu’ il y a préjudice
dans la préférence donnée aux juges publics sur des juges privés.
D'ailleurs, ki loi ne veut pas être éludée. Si la clause compromissoire énonce le
4I
�— 30 —
nom des arbitres et les objets en litige, elle est légale et obligatoire quelque nom
qu'on lui donne. Si elle ne contient pas ces énonciations, elle est illégale et nulle.
Or, une stipulation nulle ne produit pas d’action en dommages-intérêts, car ce
serait un moyen de la rendre valable. La loi ne veut pas qu’on renonce indéfini
ment à ses juges naturels. Elle ne permet la juridiction arbitrale que par exception
et dans de certaines limites ; ou ces limites sont observées, et dans ce cas la stipu
lation subsiste, et le tribunal arbitral s’élève sur les ruines de la juridiction 01 dinaire, ou elles ne sont pas observées, et alors il n’y a rien, pas même une action
en dommages-intérêts.
On dit qu’une clause compromissoire qui ne contient pas le nom des arbitres
n'est pas contraires, aux bonnes mœurs. Peut-être n’est-elle pas immorale, mais
il suffit qu’elle soit illégale. Les prohibitions de la loi n’ont pas seulement les
bonnes mœurs pour objet ; elles s’occupent aussi de prévenir les dangers résul
tants des actes irréfléchis. C’est ainsi que la loi défend les donations sous signa
ture privée, les procurations générales d’aliéner, les clauses de voie parée; la
convention par laquelle un débiteur dispense son créancier des formes de la procé
dure en cas d’expropriation, n’est pas non plus contraire aux bonnes mœurs, elle
paraît même favorable au premier aspect, car elle a pour objet d’éviter des frais
au créancier et du scandale au débiteur ; mais la loi la défend, car, sous cette
apparence, elle voit le suicide de la propriété. Il en est de même des clauses compromissoires qui ne contiennent pas les énonciations que la loi exige.
On objecte enfin que ces clauses vagues et indéterminées sont permises dans le
contrat d’assurance et dans le contrat de société ; mais s’agit-il ici d’un de ces
contrats? non; il s’agit d'une vente. Les contrats d’assurance et de société ont
leurs lois particulières et leurs tribunaux exceptionnels ; mais tout ce qui n’est pan
dans l’exception reste dans le droit commun.
Or, le droit commun, c’est la juridiction publique à laquelle on ne peut se sous
traire qu'aux conditions prescrites par l’art. 1006 du Code de procédure. Ces con
ditions sont la sauve-garde des droits les plus sacrés qui, sans cette précaution de
la loi, se trouveraient, par imprévoyance, livrés à tous les dangers d’ une juridic
tion privée, souvent aveugle, quelquefois partiale, et soumise aux plus fâcheuses
influences. La cause de M. Giroud en offre un exemple frappant. Il est condamné
par des arbitres à 566,000 fr. de dommages-intérêts, pour n’avoir pas livré à son
adversaire un emplacement de quelques mètres qu’il ne lui devait pas, et que
celui-ci pouvait dans tous les cas se procurer ailleurs à très peu de frais. Cette
décision monstrueuse est accompagnée des formes les plus étranges, usurpation
de pouvoirs, coalition de deux arbitres contre le troisième, sommations faites aux
parties par le juge lui-même, désignation d’ un lieu inconvenant ou suspect, enfin,
précipitation et acharnement tels, que, malgré la demande en nullité de la clause
compromissoire, ces juges sans qualité, condamnent sans entendre, tant ils sont
�— 31 —
impatients d’accomplir leur tâche. De tels abus justifient assez les précautions dé
la loi et les décisions do la jurisprudence. Si cette jurisprudence n’existait pas, il
faudrait l’inventer pour le procès actuel.
:i'
p r o p o s itio n .
Im nullité de la clause compromissoire n'a pas été couverte par l’éxécution
antérieure.
La nullité d’une clause compromissoire qui ne désigne ni le litige ni les arbitres,
n’empêche pas les parties de faire un compromis contenant cette désignation ;
alors le compromis est valable, quoique la clause compromissoire soit nulle. La
juridiction arbitrale est alors établie pour l’objet et devant les juges désignés au
compromis ; mais pour tout autre litige qui pourrait exister dans l’avenir, la
juridiction ordinaire conserve son empire. C’est ainsi, que par trois fois, la
juridiction arbitrale a été acceptée par MM. Giroud et Jozian. Les arbitres étaient
désignés, les parties ont consenti ù plaider devant eux. C’était un consentement
libre et réfléchi ; la loi était satisfaite.
Mais ce qu’on ¡.fait spontanément une ou plusieurs fois, est-on obligé de le
faire toujours? non; car la liberté consiste précisément à pouvoir faire ou ne pas
faire. On comprend d'ailleurs que la volonté change quand les circonstances sont
changées. M. Giroud a pu compromettre pour plaider à Paris devant des hommes
qu'il savait être honorables quoiqu’ils ne fussent pas infaillibles, mais quand il s’est
agi de plaider ailleurs et devant d’autres hommes, il a pu sans inconséquence,
préférer ses juges naturels.
On prétend que toutes les nullités des actes sont couvertes par 1exécution. C’est
dire en d’autres termes que tous les actes vicieux peuvent être ratifies. Or, cette
proposition n’est pas vraie. Il y a des actes qu'on ne peut pas ratifier; il y a des
nullités qu’on ne peut pas couvrir; l'art. 1339 du Code civil en donne un exemple,
line donation sous seing privé ne peut pas être ratifiée; une clause compromissoire
peut-elle l'être si elle ne remplit pas les conditions vwilus par l’art. 100G du
Code de procédure ? C’est ce qu’il faut examiner.
On a déjà dit qu’elle pouvait être convertie en un compromis qui désignant le
litige et nommant les arbitres constitue un arbitrage régulier. En ce cas la clause
sera ratifiée et deviendra obligatoire pour la contestation particulière qui est
soumise aux arbitres désignés. Mais sera-t’elle ratifiée pour l’avenir en ce sens
que désormais les parties soient obligées de plaider devant un tribunal arbitral
quoiqu’il n’y ait ni arbitres ni litige désignés? non, certes, car la prohibition de
loi subsiste. Si la loi défend de faire un pareil contrat, elle defend évidemment
�V*
-
32 -
de le ratifier, la ratification équivaut à la convention, l’ une n’est pas pluspermise
que l’autre.
Il ne suffit pas qu’une obligation soit exécutée volontairement pour être ratifiée;
il faut, d’après l’art. 1,338, que l’exécution volontaire intervienne après l’époque
à laquelle l'otiligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée. Il y a donc
une époque où la ratification est impossible. Et en effet, tant qu’une incapacité
subsiste, l’incapable de contracter est incapable de ratifier : une femme m ariée,
un mineur ne peuvent, pendant le mariage ou la minorité, ratifier ies obligations
nulles qu’ils ont contractées. O r, l’incapacité de faire un acte que la loi défend,
estune incapacité perpétuelle. Ainsi la prohibition établie par l’art. 100G s’oppose
perpétuellement à la ratification d’une clause compromissoire qui ne contient pas
le nom des arbitres et l’objet en litige ; car les parties étant toujours incapables
de faire cette convention sont toujours incapable de la ratifier. La ratification
se trouverait infectée du même vice que la convention elle-même.
Mais, dira-t-on, si la clause compromissoire n’a pas pu être ratifiée pour l’avenir,
elle a pu être convertie en un compromis valable. O r, ce compromis existe.
M. Giroud l’a consenti et il ne peut s’en départir. C’est ce qu’ il faut examiner.
Est-il vrai qu’il existe un compromis, en vertu duquel JIM. Dorival, Couguet,
et Sabattier-C.asquet avaient été constitués arbitres-juges entre MM. Jozian et
Giroud? non, ce compromis n’existe pas; M. Giroud n’a jamais consenti it être
jugé par MM. Dorival, Couguet, et Sabattier-Gasquet. Il avait consenti à être
jugé par MM. Dorival, Couguet et Lamothe. Cela est vrai, mais M. Lamothe s’étant
retiré, ce consentement est devenu inutile. Dira-t-on que si M. Giroud avait
consenti à être jugé par M. Lamothe, il avait consenti à être jugé par tout autre?
non sans doute, car la confiance qu’ un arbitre inspire est toute personnelle.
Dira-t-on que lorsqu’ un arbitre désigné par le compromis n’accepte pas ses
fonctions, on peut s’adresser au j uge pour en faire nommer un autre ? cela est vrai
quand l’arbitrage est forcé; cela est faux quand l’arbitrage est volontaire. L’arbi
trage cesserait d’être volontaire si le choix des arbitres ne l’étaitpas. Dira-t-on enfin,
que M. Giroud était forcé de se soumettre à un arbitrage en vertu de la clause
compromissoire? ce serait supposer que cette clause était légale et obligatoire,
tandis que le contraire est démontré.
line dernière objection, à laquelle M. Giroud ne s’attendait guères, est celle de
la chose jugée. M. Jozian prétend que la clause compromissoire a été déclarée
valable, si non par un j u g e m e n t spécial, au moins par l’ensemble des jugement«
et arrêts intervenus entre les parties. Ces jugements et arrêts ne sont quo trop
nombreux, grâce à M. Jozian; mais dans le nombre, il no s’en trouve pas un seul
qui ait statué sur cette question, car cette question n’avait jamais été posée.
Or, une question qui n’a pas été posée peut-elle avoir été jugée? Une question
�qui n'est jugée par aucune décision qui lui soit spéciale peut-elle être jugée par
un ensemble de décisions qui lui sont étrangères? on parle cependant de chose
jugée. La chose jugée n’a lieu, dit l’art. 1351, qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet
du jugement ; il faut que la chose demandée soit la mêm e, et que la demande soit
fondée sur la même cause. Il faut donc, à plus forte raison, que la question ait été
posée; il n’y a donc pas de chose jugée sur une contestation qui n’a jamais été
soulevée.
Tout ce qu’on peut dire , c’est que pendant un certain temps les deux parties
ont été d’accord pour soumettre leurs différends à des arbitres. Des compromis
ont été faits et des jugements et arrêts ont été rendus soit pour nommer les
arbitres du consentement des parties, soit pour renvoyer devant les arbitres déjà
nommés. C'est ainsi par exemple que pendant la durée du premier arbitrage,
M. Jozian ayant formé devant le tribunal de commerce de Brioude une demande
en paiement de 50,000 fr. de dommages-intérêts, la cour royale de Riom décida
que cette demande devait être renvoyée devant le tribunal arbitral que les parties
avaient constitué et qui était actuellement saisi de leur différend. Mais la cour
royale de Riom n’a pas statué sur la nullité de la clause compromissoire, car
cette nullité n’avait pas été demandée.
«•
Plus tard, M. Giroud fut assigné en nommination d’arbitres devant le tribunal;
d’ Issoire. Il déclina la compétence de ce tribunal ; la cour royale de Riom
accueillit ce déclinatoire et renvoya la cause devant les juges qui devaient en
connaître. En résultait-il que la clause compromissoire était déclarée valable?
Enfin M. Giroud attaqua la nomination de deux arbitres, savoir : d’un M. Allézard
qui depuis a refusé sa mission, et deM. Couguet. Etait-ce pour nullité de la clause
compromissoire? non; c’était pour des motifs tout différents, que l a cour de Riom
a rejettes. Rien n’a donc été jugé sur la nullité de l a clause compromissoire.
Dira-t-on que la nomination de ces deux arbitres a été reconnue valable? cela est
vrai, mais deux arbitres ne suffisaient pas pour composer le tribunal arbitral ; o r ,
la troisième place ayant été donnée à M. Lamothe, M. Lamothe s est retiré; le
tribunal n’était donc pas complet, il n ’ e x i s t a i t donc pas de compromis désignant
trois arbitres qui acceptassent leur mission ; la clause compromissoire n’était
donc pas encore convertie en compromis, elle pouvait donc être attaquée.
Qu’on reproche à M. Giroud d’avoir critiqué à tort la nomination de M. Allezard
et de M. Couguet, ce reproche est juste, puisque M. Giroud a succombé; qu’on
l’accuse d'avoir voulu traîner l’arbitrage en longueur, ce reproche, quoique in
juste, a pu lui être adressé dans l’ignorance des faits ; mais qu’on prétende que
cas contestations incidentes ont eu la vertu de consacrer la validité d’une clause
dont la nullité n’était pas demandée, c’est ce qu’ il est impossible d’admettre.
•I est très vrai que M. Giroud ne s’est décidé que fort tard à invoquer la loi qui
5
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lui permettait de redemander ses juges naturels. Il est très vrai qu’il a respecté sa
convention, quoique illégale, jusqu’à la dernière extrémité. Il est très vrai qu’il
ne l’a contestée que lorsqu’il l’a vue devenir, dans les mains de M. Jozian, un ins
trument de fraude et d’iniquité; qu’en résulte-t-il? que cette clause a subsisté du
consentement des parties, tant qu’elle n’a pas été attaquée ; mais l’adhésion qu’elle
a reçue pour le passé, l’a-t-elle rendue valable pour l’avenir? non, car cette clause
contraire aux prohibitions de la loi n’était pas susceptible de ratification.
H faut donc reconnaître que la nullité n’a pas été couverte.
4 e P r o p o s it io n .
La demande en nullité a dû ftre portée devant le tribunal de la Seine.
L e tribunal de la Seine saisi de cette demande, s’est déclaré compétent par ju
gement du 2 décembre 18/|5. M. Jozian a interjetté appel, mais cet appel n’a pour
objet que de gagner du temps. M. Jozian voudrait que la justice prit pour le servir
deux allures différentes, qu’elle fut lente à Paris et précipitée à niom. Il sait bien
que la clause compromissoire doit être annullée, la jurisprudence ne lui laisse pas
le moindre doute., mais il retarde autant que possible cette décision inévitable, qui
sapera par sa base l’œuvre laborieuse de MM. üorival, Couguet et Sabattier-Gasquet! il voudrait que cette œuvre, amnistiée parle tribunal de lirioude, fut con
sacrée par la Cour royale de Kiom, avant de tomber à Paris sous le marteau de la
jurisprudence. En attendant sa chute, il posséderait un titre provisoire qu’il exé
cuterait, certes, sans rémission et sans quartier ; et quand il aurait encaissé,
M. G i r o u d pourrait obtenir des arrêts, mais non des restitutions.
En conséquence, M. Jozian décline la compétence du tribunal de la Seine ; mais
cette exception est repoussée par la loi, par la convention et par les conclusions
même de M. Jozian.
La loi veut que, lorsqu’il y a plusieurs défendeurs, la demande soit portée de
vant le tribunal du domicile de l’un d’eux, au choix du demandeur. (Art. 59 du
Code de procédure civile).
Il y a plusieurs défendeurs; car le marché du 30 novembre 1838 ayant été fait
avec M. Pezerat, il a fallu assigner M. Pezerat avec M. Jozian, son cessionnaire, pour
faire prononcer contre l’un et l’autre la nullité de la clause contenue dans
ce marché. lia môme fallu assigner les liquidateurs de M. Pezerat, pour procéder
régulièrement. Or, M. Pezerat et scs liquidateurs sont domiciliés à Paris. C’était un
premier motif pour saisir le tribunal de la Seine.
M. Jozian prétend quo M. Pezerat ne devrait pas être assigné parce qu’ il a cédé
son marché ; mais M. Jozian sc figure apparemment qu’ un marché qui contient des
�engagements réciproques peut se transmettre de main en main, sans laisser trace
de son passage. C’est manquer à la fois de mémoire et de réflexion. M. Jozian
devrait se souvenir que cette question a été agitée en 1840, et résolue par la sen
tence arbitrale du 17 ju in , qui a décidé que M. Pezerat devrait fournir un caution
nement de 54,000 fr. pour garantie du paiement de la houille, quoiqu’il déclarât
avoir cédé son marché. II. Jozian ne devrait pas oublier que cette décision a été
confirmée par la sentence arbitrale du 24 mai 1841, qui prononce queM. Pezerat
avait pu céder son marché, sauf l’accomplissement de la condition qui lui était
imposée par la sentence précédente, c ’est-à-dire en restant garant et en donnant
caution. D’ailleurs, si M. Jozian avait pris la peine de réfléchir sur la nature du
droit qu’il avait acheté, il aurait compris que M. Pezerat, étant obligé envers
M. Giroud, comme M. Giroud envers M. Pezerat, la cession faite par l’ un ne pou
vait pas le dégager envers l’autre, car si un créancier peut cédër sa créance, un
débiteur ne peut pas céder son obligation. Ainsi le marché' du 30 novembre 183!)
continue d’être obligatoire pour M. Pezerat. Il fallait donc appeler ,M. Pezerat
quand on demandait la nullité d’une des clauses de ce marché.
Quand même.M. Pezerat n’aurait pas été mis en cause, M. Jozian, son cessionnaire, n’aurait pu récuser la juridiction du tribunal de la Seine. Un cessionnaire
est tenu de toutes les obligations de son cédant ; il n’a pas plus de droit que lui.
Or, si le marché n’eut pas été cédé, le tribunal de la Seine était seul compétent.
Les deux parties contractantes étaient domiciliées à Paris, elles y avaient fait
élection de domicile, elles devaient y plaider en ,cas de contestation. Cette cir
constance avait pu n’être pas étrangère à la conclusion du marché. MM. Giroud
et Chevalier, domiciliés à Paris, avaient pu traiter plus volontiers avec M. Pezerat,
parce qu’il habitait la même ville, et qu’en cas de difficulté, c ’était à Paris qu’elle
se viderait. M. Pezerat a cédé son droit, mais a-t-il pu diminuer le droit de
.M. Giroud? a-t-il pu, par cette cession, obliger M. Giroud ù quitter son domicile
pour aller plaider devant un tribunal éloigné ? Le cessionnaire demeure à Brioude ;
il pouvait demeurer à Brest ou à Perpignan, M. Giroud sera-t-il obligé de l’y sui
vre? non, assurément; la convention n’est pas changée par la cession. Il n’y a
qu’ un nom mis à la place d’ un autre nom ; mais le contrat subsiste d’ailleurs dans
toutes ses dispositions.
M. Jozian l’a bien compris, car il a consenti à plaider devant le tribunal de la
Seine. Avant d’opposer le déclinatoire, il a prétendu que l’assignation qu’il avait
reçue était nulle pour n’avoir pas été remise à son domicile réel. C’était même le
chef principal de ses conclusions ; le déclinatoire ne venait qu’après, et comme
moyen subsidiaire. Il consentait donc à plaider sur la nullité de l’exploit devant le
tribunal de la Seine, et par là même, il reconnaissait la compétence de ce tri
bunal.
***! déclinatoire, qui n’a pas même été proposé in limine litin, n'est donc qu’ une1
�chicane imaginée pour retarder l’annullation de la clause compromissoire.
M. Jozian agit en tacticien. Il a surpris une condamnation inique ; il voudrait
qu’elle devint définitive à Riom, avant d’être renversée à Paris.
)
.»* P r o p o s it io n .
Il y avait lieu de surseoir à l'arbitrage, tant que la clause compromissoire n’avait
pas été jugée.
Aussitôt que la demande en nullité de cette clause eut été formée, M. Giroud la
aux prétendus arbitres. Que devaienWls faire? Cette clause était la base
de leurs pouvoirs. Si elle était nulle, ils n’étaient pas juges. Devaient-ils néanmoins
juger avant que cette clause fut reconnue valable? le pouvaient-ils?
d én on ça
En droit, ils ne le pouvaient pas, et en conscience, ils ne le devaient pas. Ils ne
pouvaient pas juger sans compromis. Or, la clause compromissoire était attaquée,
non-seulement au moment où ils se réunissaient pour juger, mais encore au mo
ment où l’ un d’eux, M. Sabattier-Gasquet, était nommé. Cette clause attaquée
était-elle cependant exécutoire par provision? Elle ne l’était pas entre les parties,
car l’exécution provisoire est un droit exceptionnel, c ’est le privilège de l’acte
authentique. Il ne s’agissait que d’une convention verbale. Or, une convention
verbale ne peut pas être exécutée lorsqu’elle est attaquée, à moins que le tribunal
saisi de la demande en nullité n’en ait ordonné l’exécution en cas d’urgence. Hors
ce cas la demande en nullité suspend l’exécution de l’acte; la raison en est simple.
li’exécutioQ des conventions ne peut être que volontaire ou forcée. L’exécution
volontaire n’a lieu que par la volonté de celui qui exécute; l’exécution forcée n'a
lieu que par le mandat de justice. Or, ce mandat n’est accordé qu’aux actes no
tariés ou aux jugements. Ainsi, la clause compromissoire n’étant pas notariée, il
suffisait qu’elle fut attaquée, pour que son exécution fut suspendue entre les par
ties ; mais à plus forte raison était-elle suspendue à l’égard des tiers. M. Jozian ne
pouvait pas déléguer à des tiers des pouvoirs qu’il n’avait pas. Les jugements euxmêmes ne sont exécutoires à l’égard des tiers que lorsqu’ils sont passés en force de
chose jugée. Les conventions n’existent pour les tiers que lorsqu’elles sont recon
nues par les deux parties; mais s’il y a contestation, il y a doute pour les tiers,
et quels que soient les droits réciproques des parties, les tiers ne peuvent que
s’abstenir.
Il fallait un compromis pour conférer à des tiers la qualité d’arbitres. Cet acte
indispensable existait-t-il? L'une des parties disait oui, Tautre disait non. Le procès
était pendant, et la nullité du prétendu compromis était prononcée d’ avance par
la jurisprudence. En cet état, ce qui apparaissait aux tiers c’étaient deux préten
tions contraires dont le jugement n’appartenait qu'au tribunal qui en était saisi.
�— 37 —
C’ était un débat dans lequel les tiers devaient rester neutres et attendre la décision
de la justice.
On remarquera d’ailleurs que la demande en nullité de la clause compromissoire
avait précédé la constitution du prétendu tribunal arbitral. C’est le 29 mai 1845
que cette demande fut signifiée à M. Jozian. Or le troisième arbitre a été nommé
le môme jo u r, sur la requête de M. Jozian , deux heures après cette significatidn.
Cet arbitre n’a accepté sa nomination que le 13 juin 1845. Les trois prétendus
arbitres n’avaient pas encore siégé, lorsque M. Giroud leur a fait dénoncer la
demande en nullité de la clause compromissoire, par exploit du 15 juillet 1845.
Enfin M. Giroud a constamment protesté contre ces hommes qui voulaient juger
quand leur qualité de juges était contestée.
il est de principe que les questions de compétence et de juridiction doivent être
résolues avant toutes les autres. Chaque procès a son juge qui lui est donné
par la loi; il faut savoir si on est devant ce juge avant d’exposer le procès. Quel
était le tribunal compétent entre M. Giroud et M. Jozian? Suivant M. Giroud c’é
tait la magistrature ordinaire ; suivant M. Jozian, c’étaient des arbitres. Il fallait
que cette question fut décidée avant tout autre débat. Or cette question était sou
mise au tribunal de Paris, et ne pouvait être soumise qu’à lui. Les prétendus
arbitres ne pouvaient prononcer sur leur propre compétence. Ils ne pouvaient pas
être juges de la clause compromissoire, car cette clause étant la source de leurs
pouvoirs, si elle n’était pas valable, ils n’avaient pas de pouvoirs. Ils se trouvaient
dans la même position que des arbitres forcés, en matière de société, lorsque
l’ une des parties demande non pas la dissolution de lasociété, mais la nullité même
de l’acte social. Dans ce cas, la jurisprudence a constamment décidé que les ar
bitres sont incompétents, ca r, dit M. Pardessus : il ne s'agit plus de l’exécution de
l’acte de société, mais bien de son existence. (Cours de dr. comm., tom. 4, pag. 70.)
Cette jurisprudence a été consacrée par de nombreux arrêts. On citera notam
ment un arrôt de la cour de Trêves, du 5 février 1810. (Joum , du Palais, 1" tom.
de 1811, pag. 46.) Et un arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 1821
( môme recueil, tom. 2 de 1826. pag. 20 ). En un mot, des arbitres ne peuvent
prononcer sur la nullité du compromis ; car pour prononcer, il faut d’abord qu’ils
soient arbitres, et pour qu’ ils soient arbitres, 11 faut que le compromis soit valable.
Mais d’un autre côté, ils ne peuvent juger quand leur compétence est contestée,
car le déclinatoire est essentiellement préjudiciel. Or il n’y a pas de déclinatoire
plus absolu que celui qui consiste à nier la juridiction. Les arbitres dont la juri
diction était niée devaient donc s’arrêter, et attendre que la question eût été réso
lue par le tribunal qui en était saisi.
Ces vérités ne sont pas seulement des maximes de procédure ; ce sont des ga
ranties nécessaires au droit de défense ; ce sont des institutions fondamentales
sans lesquelles l’autorité judiciaire, et tous les intérêts qu’elle abrite seraient
�exposés à de continuelles surprises. Que peut faire un citoyen appelé devant un
juge dont il conteste le caractère? Il oppose l’ incompétence. Toute autre défense
lui est impossible. Plaidera-t-il sa cause ? mais ce serait accepter la juridiction !
Se laisserait-il juger par défaut? mais ce serait donner raison à son adversaire !
Il n’a donc que le déclinatoire à opposer. Mais comme sa position lui interdit
toute autre défense, elle interdit aussi tout autre jugement. Le juge dont la com
pétence est attaquée ne peut pas juger le fonds. Comment le connaîtrait-il? par
les déclarations seules du demandeur, car le défendeur est réduit au silence. La
fortune d’une partie serait donc à la merci de l’autre, et la justice , frappant en
aveugle, ne serait plus qu’un instrument d’intrigue et de spoliation. Il faut donc
qu’elle s’arrête, quand son pouvoir est contesté. Il faut que la juridiction soit cer
taine pour que le débat puisse être contradictoire.
Il n’est pas nécessaire d’être jurisconsulte pour comprendre ces vérités. On voit
tous les jours des arbitres étrangers à la science du droit, porter à cet égard la
susceptibilité beaucoup plus loin. Par cela seul qu’ils ne sont pas acceptés par
toutes les parties, ils refusent de siéger. Un homme délicat n’ambitionne pas la
redoutable fonction de juger ses semblables ; mais quand elle lui est déférée, il ne
se contente pas d’examiner si son mandat est conforme aux lois de la procédure ;
il veut quelque chose de plus, il a besoin pour sa propre dignité de la confiance
de tous ceux qu’il doit ju g er, et si l’un d’eux la lui refuse, il se retire. Mais on
voit rarement des arbitres qui s’imposent, qui citent les parties devant leur propre
tribunal, et qui les jugent, malgré les protestations qui leur sont signifiées.
MM. Dorival, Couguet et Sabattier-Gasquet étaient décidés à juger M. Giroud. A
la bonne heure ! mais au moins devaient-ils attendre que leur compétence fût re
connue. Ce n’était pas seulement la delicatesse qui le voulait ainsi, c’était la loi.
ils n’étaient pas juges de la clause compromissoire, car ayant besoin d’un com
promis pour ju ger, ils ne pouvaient pas créer eux-mêmes la source de leur pou
voir. C’est pourtant ce qu’ils ont fait. Ils n’ont pas voulu attendre ; ils étaient
pressés. Ils ont donc rendu, le 29 août 18/i5, une sentence qui a déclaré que la
clause compromissoire était valable ; et quinze jours après, sans débat, sans con
tradiction , M. Giroud protestant qu’il ne pouvait se défendre, ils l’ont condamné
à 506,000 fr. de dommages-intérêts.
Pour excuser leur précipitation, on dit que leurs pouvoirs étaient près d’expi
rer , parce qu’il y avait bientôt trois mois qu’ils étaient nommés. Singulière excuse
pour des arbitres consciencieux l N’était-il pas mieux de ne pas ju g er, que de ju
ger sans entendre ? Mais s’ils tenaient à juger, ils pouvaient être tranquilles. Leur
caractère étant contesté, leurs pouvoirs étaient suspendus ; le délai de l’arbi
trage ne courait pas, quand les fonctions de l’arbitrage étaient paralysées. Dans
tous les cas, leur nomination eût été renouvelée. Mais quels juges que ceux qui
renversent l’ordre des juridictions, qui décident les questions qui ne leur sont pas
�— 39 —
soumises, qui condamnent les .absents à des dommages énormes, sur la foi d’ un
adversaire, le tout parce qu’ils veulent ju ger, et que leurs pouvoirs sont prè*
d’expirer !
Ils devaient donc surseoir. Ils le devaient en droit et en conscience.
P r o p o s itio n .
Dans tous les cas le tribunal <le Brioude devait surseoir à statuer sur l'opposition
à l'ordonnance iCexquatur.
Il est de principe que la même contestation entre les mêmes parties ne peut pas
être portée devant deux tribunaux différents. Ce principe est établi dans l ’intérêt
des parties qui ont assez d’un seul procès, et dans l’intérêt de la justice elle-même
qui pourrait se trouver compromise par deux décisions opposées. Si donc il arrive
que deux tribunaux soient saisis du même procès, la loi donne la préférence à ce
lui qui a été saisi le premier, le second est obligé de renvoyer la cause; et s’il
voulait la retenir, il y aurait conflit et nécessité d’un règlement de juges.
Il y a procès entre MM. Giroud et Jozian sur la validité de la clause compromis
soire. Ce procès a été porté devant le tribunal de la Seine, le 29 mai 1845. Ce tri
bunal s’est déclaré compétent par jugement du 2 décembre suivant; et malgré
l’appel interjeté pour gagner du tem ps, la compétence est évidente. Or la même
question se présente devant le tribunal de Brioude, sur l’opposition à l’ordonnance
d’exequatur. Il s’agit encore de la validité de la clause compromissoire. C’est
le même procès, entre les mêmes parties : une seule différence existe. A Paris, la
nullité de la clause est demandée par action principale. A Brioude, elle est de
mandée par voie incidente et avec d’autres moyens, pour arriver à l’annulation
de la sentence arbitrale.
Cette différence doit-elle faire fléchir le principe? Le procès sur la clause
compromissoire n’est-il pas exactement le même? Qu’importe que l’action soit
principale ou incidente? Le point litigieux n'est-il pas identique? Peut-il être
discuté autrement à liriotide qu’à Paris ? Qu’importe que la cause de Brioude pré
sente d’autres objets à juger? Cet entourage de questions différentes empêche-t-il
que la question particulière de la clause compromissoire ne soit la même à Paris
et à Brioude? Et si cette question était jugée parles deux tribunaux, n’y auraitil pas lieu de craindre l’inconvénient que la loi a voulu éviter? Il suffit d’indiquer
ces considérations : elles démontrent assez que les deux tribunaux ne peuvent
pas rester concurremment saisis du différend relatif à la validité de la clause
compromissoire.
Le tribunal de la Seine ayant été saisi le premier, il est évident que la compé-
�' *
— 40 —
f]0
^ i
tence lui appartient Mais elle ne lui appartient que sur cette question, la seule
qui soit portée devant lui. Le tribunal de Brioude était juge de l’opposition à
l'ordonnance d’exequatur, c ’était une contestation spéciale qui ne devait pas lui
être enlevée. Que devait-il donc faire? Renvoyer le jugement de la clause com promissoire, mais garder le jugement de la sentence arbitrale, etcomme|le sort de
la première pouvait influer sur le sort de la seconde, il devait surseoir à statuer.
Le tribunal de Brioude a rejeté le sursis. On cherche dans son jugement le motif
de ce rejet et on n’en trouve d’autre que cette, phrase étrange : « Attendu que tes
» parties de Vemieres (M. Giroud) ne produisent aucun acte, aucun exploit, ni
» procédure qui justifient celte articulation (l’existence du procès devant le tri» bunal de la Seine). » Ainsi le principe n’est pas méconnu, mais le fait a été nié;
M. Jozian a nié l’existence du procès pendant à Paris, et cette dénégation a déter
m i n é le tribunal de Brioude ii rejeter le sursis, et à passer outre.
M. Giroud devait sans doute justifier l’existence de la demande formée par lui
à Paris. Mais cette demande n’avait-elle pas été d’abord signifiée à M. Jozian ?
M. Jozian n’avait-il pas constitué avoué et plaidé sur cette demande? N’avait-il
pas même perdu son procès sur la compétence et interjeté appel devant la Cour
royale de Paris? De plus, cette demande avait été dénoncée aux arbitres. Elle
était rappelée dans le dire fait devant eux le 29 août 1845. On indiquait même
dans ce dire le jour et la chambre où cette demande devait être ju g é e , et
M. Jozian, dans sa réponse, n’avait pas contesté le fait. Comment donc a-t-il pu
le nier devant le tribunal de Brioude ? Et quelle est la moralité d’un homme qui se
permet de pareilles dénégations?
Dans tous les ca s, le fait de la litispendance est aujourd’hui constant, et l'excep
tion que le tribunal de Brioude a rejetée se reproduit devant la Cour royale deKiom. Il s’agit toujours de savoir si la demande en nullité de la clause compromissoire peut être jugée à la fois par deux tribunaux différents. La loi s’y oppose ;
elle veut que le premier tribunal reste saisi, et que le second se déssaisisse; en
cas de conflit, elle ordonne qu’ une juridiction supérieure interpose son autorité
pour statuer sur la compétence et pour prévenir la contrariété d’arrêts. Mais ce
cas ne se présentera pas. La Cour de Itiom reconnaîtra qu’elle doit surseoir à statuer
sur la sentence arbitrale, jusqu’à ce que la Cour de Paris ait statué sur la clause
compromissoire.
9* H ropoM ition.
En supposant que ta clause compromissoire fût valable, les arbitres ont excédé
leur pouvoir en prononçant sur des questions qui ne pouvaient pas leur être
ioumises.
Cette clause porte : « Qu’en cas de difficultés ou contestations au sujet des pré-
�» sentes conventions (le marché du 30 novembre 1838), elles seront jugées à Pa»ris et non ailleurs, à l’exception cependant de celles qui, par leur nature, ne
» pourraient se décider que dans la localité, par un tribunal arbitral, etc. »
Ainsi, c’est à Paris et non ailleurs, que toutes les contestations doivent être
jugées. Sont exceptées seulement les contestations qui ne pourraient se décider que
sur les lieux. Telle est la loi que les contractants se sont imposée.
Si cette clause ôtait obligatoire, si elle établissait un arbitrage forcé, cet arbi
trage ne pourrait avoir lieu que dans les termes où il est stipulé. C’est donc à Pa
ris et non ailleurs que devrait être établi le tribunal arbitral pour toutes les con
testations en général, et ce ne serait que par exception, et pour des questions
de localité que des arbitres pourraient être nommés à Brioude.
M. .Tozian demeure aux environs de Brioude; il aime les procès, et trouve fort
commode de plaider chez lui ; mais ses convenances ne peuvent nuire aux droits
de ses adversaires. Il voudrait faire croire que toutes les contestations quelcon
ques entre M. Giroud et lui sont des questions de localité. Il s’efforce de substituer
l ’exception à la règle et de transporter toute la juridiction à Brioude. Mais cette
tentative ne peut pas réussir. La convention est précise. On sait bien ce qu’il faut
entendre par des questions de localité. Ce sont les questions qui ne peuvent être
jugées que par l’inspection des lieux. Que M. Jozian fasse nommer des arbitres
à Brioude pour cette nature de questions, c ’est son droit ; mais toutes les ques
tions qui peuvent être jugées sans voir les lieux, et notamment toutes celles quj
tiennent à l’interprétation du contrat, à son étendue, à ses limites, à sa
résiliation, doivent être jugées à Paris et non ailleurs. Les arbitres de Brioude
n'ont aucun caractère, aucune qualité, aucun mandat pour s’en mêler.
Par exemple, si M. Giroud avait promis à M. Jozian de lui procurer un port con
venable pour déposer ses charbons, la question de savoir si le port est convenable
serait une de ces questions réservées à l’arbitrage exceptionnel de Brioude; car,
pour la décider, il faudrait voir les lieux. Mais si M. Giroud n’a promis qu’ un ter
rain tel quel, dans le port des Barthes, la question de savoir s’il doit un terrain
hors de ce port est une question d’interprétation qui ne peut être jugée qu’àParis.
Il en est de même de la question de savoir si M. Giroud doit livrer sur le carreau
de la mine ou sur le port. C’est encore l’interprétation du contrat II en est de
même, à plus forte raison, de la question de savoir si le refus de livrer sur le port
peut être assimilé à un refus absolu de livrer, et s’ il peut en résulter, soit la rési
liation du contrat, soit les monstrueuses condamnations prononcées par MM. Dorival et consorts.
Ceci entendu, quelles sont donc les questions que M. Jozian a soumises à ses arbi
tres de Brioude? on va les examiner suivant l’ordre et dans les termes où elles sont
posées par le point de droit de la sentence arbitrale.
�I ” Q u e stio n .
« üoit-on allouer des dommages-intérêts à Jozian et Sauret pour réparation du
> » préjudice à eux causé par le refus d’exécuter ta convention du 30 novembre
» 1838, depuis le jou r fixé par la sentence arbitrale du 6 juin 1843, pour la
» première livraison de charb on jusqu'au jou r que fixera ta présente sentence? »
Est-ce là une question locale? o u i, dira-t-on, car le refus d’exécuter la con
vention consiste à n’avoir pas fourni un port convenable. Or, la convenance du
port est une question qui ne peut se décider que par la vue des lieux. Mais avant
cette question, il y en aune autre, qui est celle de savoir si la convention oblige
M. Giroud à fournir un port convenable. M. Giroud soutient qu’il n’a pas fait cette
promesse vague et générale d’un port convenable, mais qu’il a promis un empla
cement dans le port qui lui appartient. Or, ayant mis la totalité de ce port à la
disposition de M. Jozian, il prétend qu’il a exécuté la convention. M. Jozian pré
tend le contraire; à la bonne heure; mais quel sera leur j'uge? c ’est une question
d’interprétation du contrat : c’est donc à Paris seulement qu’elle peut être j'ugée;
M. Jozian devait donc provoquer l’arbitrage à Paris, sauf à renvoyer devant le
tribunal exceptionnel de Brioude s’il s’élevait une question locale, comme celle de
la convenance du port, en supposant que les arbitres de Paris, interprètes de la
convention, lui eussent donné gain de cause.
V Q u e s tio n .
» Doit-on ordonner ijue dans te délai de quinzaine tes défendeurs seront tenus de
• commencer les livraisons ordonnées par la sentence du 6 juin 1843? »
C’est là, sans contredit, une question générale et non une question locale.
:t' Q u e s t i o n .
« Doit-on accorder des dommages-intéréts pour chaque jou r de retard? »
Même observation.
4 * Q u e stio n .
« Doit-on ordonner que le temps fixé pour ta durée du marché ne commencera
» à courir que du jou r de la première livraison ? »
Cette question est une des plus graves quiaiont pu être soulevées touchant l’in
terprétation de la convention. La durée du marché est fixée à 15 années à partir
�— 43 —
du 1" mars 1839. M. Jozian a demandé que le point de départ des 16 années fut
reporté à la première livraison qui suivrait la sentence. Ainsi au lieu d’expirer
en 1854, le marché devrait subsister jusqu’en 1860 environ. Que cette prétention
fut ou non fondée, il n’importe ; mais était-ce là une question'locale? Fallait-il
examiner les lieux pour la résoudre? Au contraire, n’était-ce pas essentiellement
une de ces contestations générales qui, d’après la convention, devraient-être jugées
à Paris et non ailleurs?
»* Q u e stio n .
a Doit-on, à défaut par les défendeurs, d'avoir commencé les livraisons dans un délai
n de quinzaine, comme aussi, dans te cas où, après avoir été commencées, elles
»
»
«
»
»
n
»
seraient interrompues pendant cinq jours consécutifs, après quinze jours d'interruption arrivée, soit par suite du refus des défendeurs, soit à cause de
difficultés provenant de leur fa it, ordonner la résolution de la convention du
30 novembre 1838, sans qu'il soit besoin d'autre jugement, et condamner tes défendeurs à des dommages-intéréts égaux en somme au chiffre d'iceux, calculés
à raison de 30 centimes par hectolitre pendant le temps restant à courir du
traité, à partir du refus de livraison ou de Cinterruption. »
Cette longue question n’est assurément pas de celles qui ne peuvent se décider
que dans la localité. Il s’agit d’ajouter à la convention une clause pénale en vertu
de laquelle M. Jozian, sous prétexte qu’on ne lui livre pas ce qu’ il refuse de rece
voir, pourra un jour exiger, au lieu de charbon, 540,000 francs de dommagesintérêts. Il s’agit de rendre M. Jozian maître de prononcer lui-même la résolution
du marché, quand il voudra, sans jugement, et sur la simple allégation d’une de
ces difficultés qu’il est si habile à faire naître. Il s’agit enfin de créer une disposi
tion réglementaire qui mette M. Giroud à la discrétion de M. Jozian. Mais quelques
iniquités que cette question renferme, pouvait-elle être soumise aux arbitres de
Hrioude? S’il y avait lieu d’introduire dans la convention une clause exhorbitante
qui n’y était pas, pouvait-on dire que c’était là une question de localité? NOn cer
tes. C’était donc à Paris qu’il fallait chercher les juges de cette question.
D’autres questions du môme genre avaient été soulevées par les conclusions de
M. Jozian. Il demandait par exemple une indemnité pour le cautionnement de
54,000 francs que M. Pezerat avait été obligé de fournir. Cette prétention dérai
sonnable n’a été ni admise ni rejetée par les arbitres de Brioude, mais elle n’en
était pas moins soumise à leur examen , quoiqu’elle fut évidemment du nombre
de celles qui d’après la convention devaient être jugées à Paris et non ailleurs.
Une sentence arbitrale est nulle quand les arbitres ont jugé sans compromis ou
hors des termes du compromis. Us n’apparait ici d’autro compromis que la clause
�— 44
—
compromissoire stipulée dans la convention du 20 novembre 1838. Ou cette clause
est nulle, et alors il n’y a pas de compromis, ou elle est valable, et alors il y a un
compromis qui établit deux arbitrages, l’ un à Paris pour toutes les questions gé
nérales, l’autre à Brioude pour les questions de localité. Le premier sera le tribunal
ordinaire et commun des parties, le second sera le tribunal d’exception. L’un de ces
tribunaux ne peut pas juger las questions attribuées à l’autre ; le juge d’exception
surtout doit s’abstenir des cas réservés aux juges ordinaires. Qu’ont fait les arbi
tres de Brioude? Ils ont jugé des questions générales. Y étaient-ils autorisés par
le compromis ? Non. Ils ont donc jugé hors des termes du compromis.
On prétend qu’ils y étaient autorisés par la sentence arbitrale du 6 juin 1843.
Il est vrai que les arbitres qui ont rendu cette sentence y ont inséré une dispo
sition ainsi conçue : Disons qu'à défaut, par Giroud et Cie, de livrer dans le délai
ci-dessus ("de quinzaine), les charbotis dont il s'agit dans les term es, facultatifs de
la présente sentence (relativement aux grosseurs), ils seront tenus, envers le sieur
Jozian, à des dommages-intéréts sur la quotité desquels nous renvoyons tes parties
à se faire juger dans la localité ; les renvoyons également à se faire juger dans la
localité sur les autres chefs de conclusions dépendant de ces dommages-intéréts. »
Cette disposition assez étrange a-t-elle pour effet de détruire l’économie de la
clause compromissoire, et de conférer aux arbitres de Brioude des pouvoirs que les
parties ne leur avaient pas donnés ? Ce serait un compromis d’un nouveau genre;
Mais il faut réduire cette disposition à sa juste valeur, c’est-à-dire à une déclara
tion d’incompétence. Un juge peut se déclarer incompétent, mais il ne peut pas
déclarer la compétence d’un autre ju g e , il renvoie la cause devant qui de droit
devant les juges qui doivent en connaître ; mais il ne l’attribue pas à tel ou tel
tribunal. La cour de cassation est la seule qui délégué la juridiction, mais c ’est
une prérogative qui n'appartient qu’à elle. Un juge ordinaire prononce sur les
demandes qui lui sont soumises, mais il ne donne pas de consultations, et il ne fait
pas de règlements. Lorsque la sentence du 6 juin 1845 a été rendue, ni M. Jozian,
ni M. Giroud n’avaient demandé le renvoi devant les juges de la localité. M. Giroud
offrait de livrer le charbon que la mine produirait, M. Jozian demandait des gros
seurs impossibles,sinon des dommages-interêts. Les arbitres ont fixé les grosseurs;
ils ont dit que M. Giroud serait tenu de livrer à peine de dommages-intérôts; et
s’ils ont ajouté que la quotité de ces dommages, et les questions qui s’y ratta
chaient, devaient être Jugées dans la localité, c ’est une opinion qu’ ils ont expri
mée, mais ce n’est pas un jugement qu’ ils ont rendu, car ils ne pouvaient pas,
d’oflice, transporter ainsi la juridiction.
Au surplus, de quelles questions leur sentence parle-t-elle? Des questions rela
tives à la quotité des dommages-intéréts et des questions qui s'y rattachent. Mais
les arbitres do Brioude ont statué sur des questions beaucoup plus graves. La
question de prolongation du marché jusqu’en 1800, ne touche ni de près, ni do loin,
�h la quotité des dommagcs-intéréts. La question de résiliation faute d’interruption
des livraisons pendant cinq ou quinze jours, est une question fondamentale, qui
n’a pas p u , sous prétexte de son peu d’importance, être enlevée aux arbitres de
Paris pour être attribuée aux juges exceptionnels de la localité. U est évident que
M. Jozian veut attirer toutes les questions dans son pays pour les faire juger par
ces arbitres qui lui montrent tant de dévouement. Mais il ne peut pas diviser la
clause compromissoire : l’invoquer pour établir un arbitrage , et la méconnaître
quand il s’agit du lieu de l’arbitrage et de la compétence des arbitres.
S' P r o p o s it io n .
Les arbitres ont prononcé après que les délais de l'arbitrage étaient expirés.
L’art. 1007 du code de procédure porte que si le compromis ne fixe pas de délai,
ia mission des arbitres ne dure que trois mois du jour du compromis.
11 s’agit de savoir ce qu’on doit entendre par ces mots : du jou r du compromis.
Quand 11 existe un compromis régulier, désignant les arbitres et le litige, la date
est fixée par l’acte ; mais quand il n’existe qu’un compromis irrégulier, en vertu
duquel des arbitres sont nommés plus tard, cette nomination formant le complé
ment du compromis, c’est du jour de cette nomination que le compromis existe,
si toutefois sa nullité n’est pas prononcée.
C’est le 29 mai 1845 qu’a été nommé M. Sabattier-Gasquet. MM. Dorival et Couguet avaient été nommés beaucoup plutôt. C’est le 13 juin suivant qu’il a déclaré
accepter sa nomination. Ainsi le compromis, en le supposant valable, a existé dès
le 29 mai 1845, ou au plus tard le 13 juin. La mission des arbitres ne durant que
trois mois du jour du compromis, elle devait expirer soit le 29 août, soit le 13 sep
tembre au plus tard.
La sentence arbitrale porte la date du 15 septembre 1845, et encore les arbitres
l’ont-ils antidatée, car ils ne l’ont déposée que le 8 octobre ; mais en admettant
cette date du 15 septembre, elle serait tardive, les pouvoirs étaient expirés depuis
deux jours, la qualité des arbitres s’était évanouie, ils n’étaient plus que de sim
ples particuliers, avocats, épiciers ou charpentiers. La sentence serait donc ren
due sans compromis, elle serait radicalement nulle.
Mais à plus forte raison faut-il la déclarer nulle, si elle n’a été rendue qu’au
mois d’octobre. Or, c ’est ce qui résulte d’abord de la date de l’enregistrement et
du dépôt C’est le 8 octobre qu’elle a été déposée ; mais si elle était rendue depuis
•e 15 septembre, pourquoi donc les arbitres auraient-ils tardé pendant vingt-trois
jours à )a déposer? Le délai pour l’enregistrement n’était que do vingt jours, com
�ment croire que les arbitres aient ainsi voulu exposer les parties à payer un double
droit, s’ils avaientpu déposer plus tôt? Ce n’est pas tout, tandis que M. Jozian pres
sait la décision des arbitres, M. Giroud suivait à Paris, sur la demande en nullité
delà clause compromissoire, et le 17 septembre, ce tribunalayant remis la cause,
M. Giroud demanda et obtint qu’il fut dit par le jugement de remise que toutes
choses demeureraient en état, c’est-à-dire, que l’instance arbitrale serait suspen
due. Huit jours plus tard une nouvelle remise fut prononcée avec la même injonc
tion. M. Giroud s’empressa de notifier aux arbitres ces deux décisions qui arrê
taient l’ardeur de leur zèle. Quelle fut leur réponse ? aucune. Mais si la sentence
avait été rendue le 15 septembre, il était tout simple de répondre à M. Giroud que
la sentence étant rendue, il n’y avait plus rien à suspendre. Il était naturel au moins
de déposer immédiatement cette sentence qui, après avoir été sjgnée, ne devait
pas rester plus de trois jours entre les mains des arbitres; mais elle n’était pas
rendue le 15 septembre, elle ne pouvait donc pas être déposée.
On dira peut-être que, si les arbitres avaient antidaté leur sentence, ils lui
auraient donné la date du 13 septembre, qui rentrait dans le délai du compromis,
et non celle du 15 septembre, qui excédait ce délai. Mais la fraude est presque
toujours accompagnée de désordre et de précipitation ; elle ne pense pas à. tout.
Il est probable qu’en datant leur sentence du 15 septembre, les arbitres n’ont
songé qu’aux sommations de suspendre qui leur avaient été signifiées les 19 et 2G
septembre; Us ont voulu seulement que leur sentence parut antérieure ù. ces som
mations. Ils n’auront pas pensé au délai de trois mois qui mettait fin à leurs pou
voirs. Ils ont commis un autre oubli fort grave. La loi veut qu’en matière d’arbi
trage, la partie défaillante ait un délai de dix jou rs, pour remettre ses mémoires
et pièces; ce délai doit être augmenté d’ un jour par trois myriamètres, quand le
défaillant ne demeure pas sur les lieux, il était donc de vingt-sopt jours pour
M. Giroud, domicilié à Paris. Une sommation lui avait été faite le 1 " septembre
18i5 pour faire courir ce délai; c’était donc le 28 septembre seulement que les ar
bitres pouvaient juger ; mais d’un autre côté, leurs pouvoirs expiraient le 13. Us
étaient donc dans une impasse, obligés de juger avant le 13, et ne pouvant juger
avant le 28. La difficulté était sérieuse; mais qu’importait à M. Dorival et à ses
collègues? les impossibilités légales ne les arrêtent pas; ils ne s’occupent ni do
leurs pouvoirs, ni de leurs devoirs; ilsjugent quand ils veulent, ils donnent à leur
sentence la date qu’il leur platt, et Ils la déposent quand il leur convient. Il
était juste quedans une œuvre aussi monstrueuse, le vice de la forme égalât l’ ini
quité du fonds.
Objectera-t-on que les pouvoirs des arbitres étaient suspendus par la demande*
en nullité de la clause compromissoire, et que le délai de l’arbitrage avait cessé
de courir? Mais alors les arbitres ne devaient pas ju ger; leur sentence est donc
nulle ou comme prématurée, si les délais étaient suspendus, ou comme tardive
si les délais avaient continué à courir.
�«• P r o p o s itio n .
i:
II n’y avait pas lieu à exécution provisoire du jugement.
Si l’on est étonné que le tribunal de Brioude ait consacré une pareille sentence
on est stupéfait qu’il ait ordonné l’exécution provisoire nonobstant appel. En
principe général, l’appel est suspensif ; l’exécution nonobstant appel est donc
une exception qui n’existe que dans certains cas dont l’art. 135 du Code de pro
cédure contient l'énumération. On cherche parmi les dispositions de cet article
quelle est celle que le tribunal de Brioude a voulu appliquer ; mais il est impos
sible de la découvrir; le jugement ne l’indique pas; il donne seulement pour
motif les nombreux procès qui ont existé entre les parties, ce qui démontre, sui
vant le tribunal, la mauvaise volonté de Giroud, son désir de dénier toute juridic
tion, et d'éloigner l'exécution du marché du 30 novembre 1838. Ces,motifs sont
aussi dénués de vérité que de légalité. Ce n’est pas M. Giroud qui a cherché cons
tamment à éluder l’exécution du marché. Au contraire il a intérêt a ce que ce mar
ché s’exécute, il y trouve un bénéfice important, et il a fait des dépenses considé
rables pour réaliser ce bénéfice. On ne veut pas apparemment lui reprocher d’avoir
exigé une caution quand l’acheteur était tombé en déconfiture; c’était son droit, et
ce droit a été reconnu d’abord par les juges que les parties ont choisi, et ensuite
par les adversaires eux-mêmes. Mais aussitôt que cette caution lui a été fournie, il
a offert de livrer, et il a réclamé constamment et avec instance l’éxécution du mar
ché. Pourquoi donc le marché n’a-t-il pas’été exécuté? Parce que M. Jozian ne vou
lait pas de charbon ; parce qu’il avait voulu faire une spéculation aux dépens de
M. Giroud parce qu’en achetant les droits de M. Pezerat; il s’était flatté que
M. Giroud, pris au dépourvu, serait embarrassé pour livrer l’énorme quantité
de houille qu’il avait vendue; mais quand il a vu que la livraison était offerte, il
s’est jeté dans des chicanes sans fin , et c’est alors qu’il a voulu exiger d’abord que
l’Allier fut navigable, ensuite que le charbon eut une certaine grosseur, puis qu’il
fut livré au port, puis que le port atteignit une certaine élévation, et enfin que
10,000 hectolitres lui fussent mesurés en un jo u r; et mille autres prétextes à
l’aide desquels il s’est toujours dispensé de recevoir la marchandise et de la
payer. Et c’est M. Jozian qui accuse M. Giroud de ne pas vouloir exécuter le mar
ché du 30 novembre 1838 ! Un seul article de ce marché a été contesté par
M. Giroud : c’est la clause compromissoire. Mais quoique cette clause fut illégale
et nulle, M. Giroud l’a respectée tant qu’il a cru qu’elle serait observée loyale
ment Mais quand il a vu qu’on voulait abuser de cette clause, et (pie sous pré
texte d’instituer un arbitrage local, on entreprenait de le livrer au jugement de
trois hommes empreints do toutes les passions de ses adversaires, il s’y est
refusé, il a invoqué la loi, il a demandé des juges naturels, il s’est réfugié aux
�pieds de la magistrature. C’est là cette mauvaise volonté qu’on lui reproche et ce
désir de dénier toute juridiction. Mais pouvait-il accepter la juridiction de
M. Gourcy qui avant d’être nommé arbitre avait émis son opinion comme expert
choisi par M. Jozian? Pouvait-il accepter la juridiction de MM. Dorival et Couguet
qui s’étaient séparés de leur coarbitre M. Lamothe, parce que celui-ci n’avait
voulu siéger ni dans une taverne, ni dans le cabinet de l’agréé de M. Jozian?
Pouvait-il accepter la juridiction de M. Sabattier-Gasquet que M. Jozian avait fait
nommer arbitre, le jour même où il avait reçu la demande en nullité de la
clause compromissoire? M. Giroud pouvait-il avoir confiance dans ces trois
hommes qui avant de le juger le faisaient sommer par huissier! qui ne com
prenaient pas qu’un arbitre dont on conteste la qualité, doit avoir la pudeur de
s’abstenir provisoirement! qui décidés à tout, obéissant à toutes les injonctions
d’ uno partie, et bravant toutes les protestations de l’autre, ne se sont inquiétés ni
de la validité du compromis, ni de sa durée, ni de la lo i, ni des form es, ni de
la ju stice, ni de l’équité, pour passer outre au jugement d’un absent qu’ils
ont condamné sans qu’il pût se défendre, à un chiffre fabuleux de dommagesintérêts! Non, M. Giroud n’a pas voulu accepter leur juridiction. Et ce n’est n
par caprice, ni parlégéreté qu’à l’aspect de cette commission menaçante, il a
demandé à être conduit devant ses juges naturels.
Il y est aujourd’hui, et ses regards s’élèvent avec confiance et bonheur vers
cette magistrature noble et calme, instituée par la loi et environnée de la vénéra
tion du pays. Là se trouvent des hommes dignes en effet de juger les autres hom
mes. Là régnent l’impartialité, la prudence, l’amour de la justice, le respect de la
lo i, la conscience du devoir. Là sont réunis l'élévation du cœur, la supériorité des
études et la hauteur de la position sociale. Là se rencontre enfin la sauvegarde de
tous les droits, la publicité. Quel est le tribunal arbitral qui puisse se comparer,
pour les garanties, au moindre des tribunaux civils? quel est l’arbitre qui oublie
en jugeant, le nom de la partie qui l’a nommé? quel est le plaideur qui ne tremble
pas quand il songe que sa fortune dépend d’ un débat obscur entre trois hommes,
dont l’un est presque toujours son adversaire secret? Cependant la juridiction ar
bitrale fait illusion. On l’aime de loin, on la stipule d’avance, et on exclut
la magistrature quand on n’en a pas besoin. Mais qu’un procès éclate, et on ne
tarde pas à se repentir. Alors apparaissent les inconvénients de cette justice privée
qu’on a préférée sans la connaître. Cependant tous les arbitrages n’offrent pas les
mêmes abus, toutes les sentences ne ressemblent pas à celles qui a condamné
M. Giroijd.
M. Giroud supplie les magfstrats, dont il veut restef le justiciable, d’annuler et
cette clause compromissoire, dont en a fait un si déplorable usage, et cette sen
tence, dont sa ruine serait la conséquence. Il les supplie de remettre les parties
dans le même état qu’avant ce funeste arbitrage, et do ramener le débat à sa sim
�— 49 —
plicité originaire. Alors il s’agira seulement de juger si quelques mètres de terrain
que M. Giroud doit fournir à M. Jozian, pour déposer ses charbons, doivent être
pris dans le port des Barthes ou dans un autre port. Voilà, en effet, tout le pro
cès; voilà la source du demi-million octroyé à M. Jozian !
PIJON,
AVOCAT.
P A RI S IM P D E E M A RC A UG ET R UE B IC H ER 1 2
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Giroud. 1846?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pijon
Subject
The topic of the resource
transport fluvial
charbon
arbitrages
mines
asphalte
banqueroute
tribunal de commerce
ports
banquiers
génie civil
experts
jugement arbitral
marchandises
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour monsieur Giroud, propriétaire, tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant de la société Giroud et Compagnie ; contre messieurs Jozian et Sauret, associés en participation, pour l'exploitation des droits cédés au sieur Jozian par le sieur Pezerat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Marc-Aurel (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1846
1838-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
49 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3005
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3006
BCU_Factums_G3007
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53622/BCU_Factums_G3005.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainte-Florine (43185)
Pont-du-Château (63284)
Jumeaux (63182)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
asphalte
banqueroute
banquiers
charbon
experts
génie civil
jugement arbitral
marchandises
Mines
ports
transport fluvial
tribunal de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53558/BCU_Factums_G2802.pdf
4876cc8d03c43700516d988063c21699
PDF Text
Text
ff
O?
(
COUR ROYALE
MÉMOIRE
EN RÉPONSE,
de
RIOM.
a ' C h sambre C ivile.
POUR
J e a n -B a p tis te
DESMANÈCHES,
Notaire à la residence de Lempdes, intimé,
CONTRE
C la u d e
AN GLADE ,
Notaire à la résidence de Cournon, appelant.
S i c’est un besoin pour l ’h omme honnête de défendre ses
biens et son honneur s’il lu i est permis , pour y parvenir,
d ’invoquer le secours de la justice , et d’user de tous les
moyens qu’autorisent les lois , il ne l ’est pas, il ne peut pas
l ’être, d’appeler à son aide d’autres armes que celles de la
vérité ; il l ’est moins encore de s’en servir pour arracher
violem m ent à son semblable la considération pu b liqu e,
cette portion précieuse du patrimoine de tout homme qui.
a fait ce qui était en lu i pour la mériter.
Plus que personne, M e Anglade devait observer cette
loi commune à tous, exerçant une profession honorable. I l
se plaignait d’un de ses confrères; il prétendait en avoir
�¿prouvé du préjudice et il l ’avait traduit devant les tribu j
naux. Certain d’y trouver justice et impartialité, il lui suf
fisait d ’exposer ses griefs et de les appuyer sur la loi. Hien
ne lui interdisait de le faire avec énergie ; accompagnée de
sagesse et de celte mesure que déserte rarement un liomme
qui a raison , elle eut pu témoigner, si non de son d ro it,
au moins de sa conviction personnelle.
Pourquoi donc cette publication en style acrimonieux ,
qui n’épargne pas plus les outrages, qu’elle ne respecte la
vérité? ce débordement d’injures qui se déverse de toutes
parts , pendant qu’on se donne des éloges à soi-même?
Pourquoi? si ce n ’est parce que, manquant de confiance
dans sa cause, on se laisse entraîner par une aveugle passion?
Notaire depuis dix-lmit ans, sans avoir donné lieu à au
cun reproche , investi de la confiance de ses concitoyens ,
père de famille paisible et laborieuç, M Desmanèclies ne
pouvait pas s’attendre à cette agresssion haineuse , qui le
traduit violemment à la barre de l’opinion publique, et qui
croit la conquérir en jettant le mensonge à pleines mains.
Il ne la récuse pas; il ne pense pas que personne l ’ait re
connu aux peintures odieuses de M e Anglade, et il espère
que ceux qui 11e le connaissent pas , ne l’auront pas jugé
d’avance. Il se rassure, d’ailleurs, en voyant qu’il partage
les accusations de son confrère avec des hommes plus
graves que lui. Si l ’on en croit M c A n g la d e , la Chambre
des Notaires a forfait î\ ses devoirs, en laissant subsister et
s’étendre un abus intolérable ; les agens supérieurs de la
Régie ont attesté des faits faux dans leurs vérifications officiellos; le Ministère public lui a failli; le Ministre de la
Justice lui a fait préjudice en renvoyant à statuer sur sa
�(/
— 3—
plainte jusqu’après le jugement du procès; le Tribunal de
Clerm ont, malgré l ’évidence de son droit, l ’a repoussé par
une fin de non-recevoir ; et ainsi la ju stice est restée désar
mée devant des faits accusateurs; et la l o i , e lle - m êm e,
est demeurée un principe stérile pour lui. Que fe ra -t-il?
llepoussé, suivant ljui, par tout le monde , il accusera tout
le monde ; les uns d’indiscrétion ,'les autres de partialité ou
d’aveuglement, d’autres de choses plus graves encore ; et
son adversaire , surtout, d’un odieux système de rapacité
et de malice. L e ravaler aux yeux de ses concitoyens, le
montrer à ses juges comme un de ces êtres vicieux, qui ne
méritent que le mépris et l ’animadversion publique , le
charger, contre toute vérité et sans le moindre prétexte, des
plus noires accusations, voilà le rôle que s’est chargé de
rem plir, envers un de ses confrères , cet homme sim ple ,
laborieux et m odeste , q u i, s’iri’itant de ne pas inspirer une
confiance universelle et exclusive, a entrepris de l’obtenir
par la violence.
M bDesmanèches ne se rend pas le juge du choix de ces
moyens. Il appartenait tout à fait à Me Anglade de savoir ce
dont sa cause pouvait avoir besoin, et de choisir entre le vrai
et le taux, entre les moyens honnêtes et ceux qui ne le sont
pas. Il a fait sa p a rt, que nous ne saurions lui envier. C’est
dans les faits, dans les acles, dans la lo i, que nous cher
cherons la cause; c’est là , sans doute , que la Cour veut
aussi la trouver, Nous tacherons de ne pas sortir de ce
cercle de la vérité ; et sans nous départir de cette fermeté ,
qui est toujours permise à l’homme honnête injustement
outragé, nousespérons rester au-dessusde ces hideuses pas
sions , sous l’inlluence desquelles Me Anglade est maljieu1
.
�s-i
*
4
reusement’placé, et qu’il dissimule si bien quand il lui
plaît.
L a question est fort simple : M'DesmanèchesestNotaire
à Lempdes, et on prétend qu’il a abandonné sa résidence
et usurpé celle de Courjion 5 on dit qu’il l ’a fait mécham
ment et à dessein de nuire 3 il faut donc bien connaître les
faits, et examiner quels sont, dans l ’ordre de ces faits et
d ’après la disposition des lois, les droits respectifs des par
ties. Nous aurions pu être fort courts, réduire la cause à
des termes fort simples 5 mais la position de M° Desmanèclies exige qu’il ne recule pas devant quelques explica
tions. Nous tâcherons seulement d’abréger les détails que
nous devons au besoin de sa position personnelle et que la
cause n ’aurait pas exigés.
*
FAITS.
M e Desmanèches est natif de Cournonj son père y était
Notaire royal depuis 1776 , comme successeur de Me P i
nard. Alors il y avait dans cette commune trois autres
Notaires royaux , les sieurs ]îo yer, Maistre et D o ly , et un
Notaire seigneurial, M* Ainblard. Plus tard, Me Desma
nèches acheta l ’office du sieur Maistre, et réunit deux titres
sur sa tête.
y était investi de la confiance publique. Ses
répertoires prouvent qu’à lui seul il recevait autant d’actes
que les deux autres ensemble. En 1790, il fut nommé
Jugc-de-paix du canton de Cournon, qui se composait seu
lement des communes de Cournon et Lempdes. C ’est en
ce sens , qu’on a dit que ces deux bourgs ou villages n ’a
vaient fait autrefois qu’une seule commune.
11
�Son fils aîné s’était élevé dans son étude : naturellement
laborieux, il y avait appris les élémens et la pratique d’un
état qui devait être le sien. Il y travailla constamment
sous les yeux de son père, qui ne lui donna jamais d’au
tres exemples que ceux d’une honnêteté sévère. Il pense
ne s’en être jamais écarté j et telle a été, du moins, dans
tous les temps, sa volonté constante.
E n 1802} M« Desmanèclies père fut frappé d’une mort
prématurée. Son fils avait à peine vingt ans, et ne pouvait
pas le remplacer. D ’ailleurs, il y avait encore neuf Notaires
dans le canton : cinq au Pont-du-Château, deux à Cournon et deux à Lempdes. N e voulant pas abandonner la
perspective d’une profession à laquelle il s’était voué dès
son jeune âge, et vers laquelle il avait dirigé toutes ses
études, il entra comme clerc cliez M* D ucrohet, Notaire
à Lempdes. Une partie de la clientelle de son père l ’y sui
vit. Cela n’étonne pas, lorsqu’on sait qu’il avaitl’habitude
de traiter les affaires avec les cliens, et que des relations
continuelles, existent entre ces deux communes, par suite
de leur rapprochement.
E n i ô , il devint le gendre de M c Ducrohet, et il a
travaille pendant dix ans dans son étude, en qualité de
clerc.
83
• U n nouveau malheur vint le frapper en 1812 : M* D u
crohet mourut au mois de juillet. Le nombre des Notaires
du canton était encore trop considérable pour que son
gendre pût immédiatement le remplacer; alors JVl«’ I oyer et Doly vivaient encore, et occupaient la résidence de
Cournon. Le sieur Desmanèclies, pour s’occuper et conser
ver , par son travail, l ’espérance qu’il n’avait pas perdue
3
�— 6—
d ’entrer dans le N otariat, entra comme clerc cliez Me Boyer, et lui lit le dépôt des minutes de M* Ducroliet q u i,
toutefois, ne furent pas déplacées. M* Sauzet, Notaire à
Leinpdes ne les réclama pas 5 le répertoire de M‘ Boyer
augmenta comme avait fait celui de M° D ucroliet, par
suite de la confiance que les habitans avaient au sieur Desmanèches.
M° Sauzet mourut en 1814. L e nombre des Notaires
excédait encore celui fixé par la loi; toutefois, le sieur
Desmanèclies, qui avait vu disparaître successivement deux
titres réunis par son père, et celui de son beau-père , fit
A'aloir, et sa position personnelle, et le besoin de la com
mune de Lempdes. L a Chambre des Notaires donna, le
24 mars 1814 , un avis favorable. Elle pensa que la com
mune de Lem pdes , avec une population de près de deu x
m ille â m es , ne pouvait pas demeurer sans N o ta ir e , et que
le sieur Desmanèclies ,J ils et gendre de N otaires décédés,
réunissait la capacité et la moralité requises pour remplir
dignement les fo n ctio n s du N otariat. Elle fit plus, elle ajouta
qu’elle réitérait
Son Excellence le G ra n d -J u g e , M i
nistre de la Justice, l'instante prière que le sieur Jean B a p
tiste D esm anèclies, de Cournon , soit nom m é N otaire à la
résidence précitée.
L a Chambre n ’oubliait, donc pas que le sieur Desmanèches était de Cournon , fils d’1111 Notaire de Cournon, pro
priétaire à Cournon ; elle 110 voyait donc pas, malgré cela,
d’inconvéniens le nommer Notaire i\ Lem pdes, quoique
le voisinage démontrât d’avance que tout en résidant à
Lempdes, il ne s’interdirait pas d’entrer j\ Cournon pour ses '
Affaires, et qu’il serait appelé à y recevoir des actes.
I
�Il faut porter son attention sur les faits qui vont suivre:
ils prouveront indubitablement que le sieur Desmanèclies
n ’est jamais sorti des limites qui lui étaient tracées, et que
s’il y avait eu quelque cliose à réformer dans l ’exercice des
droits que lui donnaient son titre et sa résidence , il avait
au moins agi de bonne foi, et sans porter atteinte aux droits
de personne, par des manœuvres indignes de lui et de son
état.
Une Ordonnance du 9 août 181^ , fit droit à l ’instante
prière de la Cliambre de discipline de Clermont ; elle
nomma le sieur Jean-Baptiste Desmanèclies, Notaire royal
à la résidence de Lem pdes, avec droit d ’exercice dans le
ressort de la ju stice de p a ix de P o n t- s u r - A llier. Assuré
ment , ces dernières expressions étaient inutiles, puisque
ce droit ressortait des termes même de la loi j mais elles n’y
sont pas sans quelque signification, alors que la délibéra
tion même de la Chambre de discipline apprenait que le
pétitionnaire était de Cournon, et fils d’un Notaire de Cournon , ce qui, sans lui donner le droit de déserter sa rési
dence pour s’emparer de celle de Cournon , 11e supposait
pas, comme nous l’avons d it, qu’il serait obligé d’aban
donner ses propriétés et de vendre sa maison de Cournon,
parce qu’011 l’aurait nommé Notaire à Lempdes. A u s s i,
posons-nous dès à présent, et verra-t-on, plus tard, que
loin d’abandonner sa résidence de Lem pdes, il y a cons
tamment rempli son ministère avec exactitude et probité.
Nous pouvons dire, et c’est un témoignage que lui ren
draient, au besoin, ses confrères , la Chambre de discipline
et le .Tribunal civil de Clermont, que, sans faire abnégation
de ses intérêts, il l’a exercé avec désintéressement envers
�les cultivateurs qui l ’entourent. Il se plaît à en trouver le
témoignage dans la confiance exclusive et sans bornes que
lui ont montré les habitans deLempdes. Sans cesse appelés
par leurs affaires et les marchés publics au chef-lieu du
canton, le Pont-du-Château, où se trouvent trois Notaires,
ou au chef-lieu d ’arrondissement, la ville de Clermont, ils
reviennent toujours dans son étude pour y passer leurs actes
nombreux, que M* Desinanèches a constamment écrits et
rédigés de sa m ain, depuis 1814 jusqu’à ce jour.
Des faits non moins remarquables se placent à la suite
de ceux-là; le sieur Anglade les a relevés avec une inexacti
tude qui tient de la perfidie.
L a commune de Cournon est fort populeuse : assez sou
vent des ventes poursuivies avec les formalités judiciaires,
pour cause de minorité ou autrem ent, ont exigé la commis
sion d’un Notaire sur les lieux. Le Tribunal de Clermont
n ’ignorait pas que deux N otaires, M" Boyer et D oly père ,
occupaient la résidence de Cournon. Ilconnaissaitvraisemblablem entlesloiset ordonnances sur la matière. Or, quiat-il èommis habituellement? Le sieur Desinanèches , qui
n’a iait qu’obéir à ses ordres et suivre l ’indication de son
titre, en faisant des actes qu’on critique aujourd’hui avec
aigreur, et en les entourant d ’allégations matériellement
' fausses.
Obligé de reconnaître le fait des commissions données à
M* Desinanèches, par leT ribun al de Clermont, M’ Anglade
essaye d’eii tirer avantage. M* Desmanèclies, d it-il, occu
pait, de fait , a résidence de Cournon de manière à persua
der que c’était la sienne; c’est pour cela qu’011 le commet
tait , et aussi les jugeinens le qualifient N otaire ¿1 Cournon.
1
�9
—
—
On ne pourrait pas s’expliquer, si on le voyait, comment
le Tribunal de Clermont a commis, pendant seize ans, une
pareille bévue, comment personne ne l’a relevée, comment
les Notaires de Cournon et le Ministère public n’ont pas ré
clamé; mais que la Cour soit tranquille, cela n’est pas vrai.
Tous les jugeinens ou ordonnances commettent sciem
ment Desmanèches, Notaire ci Lem pdes, pour aller faire
des ventes ou autres opérations à Cournon.
L e premier de ces jugemens, du 22 février x81 , rendu
par MM. Domas , Murol et Cliassaing , a même cette par
ticularité, que pour l’estimation des immeubles, il nomme
le sieur D o ly , fils d’un des deux Notaires de Cournon,
•et commet, pour la vente, M« Desmanèclies, N otaire à
5
■Lempdes.
< Une ordonnance , portant commission pour dresser pro
cès verbal à Cournon , fournit encore cette observation que
tout est écrit d’une main étrangère , et que le nom du N o
taire et la résidence ayant été laissés en blanc, on y lit de
-la main de M. Cliassaing, juge, qui rendait l'ordonnance,
le nom de M 4 Desmancches , et sa résidence à Lempdes.
Sans doute, il n’était pas dans les intentions du T ri■
bunal de Clermont, que la vente des biens situés à Cour
non fût laite dans l’étude du Notaire de Lem pdes, où il y
eût eu moins de concurrence , et beaucoup de désavantage
.pour les mineurs. Il était évidemment nécessaire de la
faire Cournon. Le Notaire commis y possédant une mai•son , il n’y avait pas le moindre motif pour qu’il choisît un
autre lieu; et aussi, dans les alliches, il y a toujours an
noncé que la vente serait faite par M* Desmanèclies , N o
taire à Lem pdes ; dans la maison dudit ücsm anèches , à
�Cournon ; etcependant la confiance du Tribunal a tellement
résidé en lui , qu’on a continué à le commettre , même
après la réorganisation et le changement des magistrats.
M e Desmanèches a été habituellem ent, jusqu’en 1 o ,
le Notaire de la Mairie de Cournon j il n ’a pas , non plus ,
repoussé cette confiance , et certes, s’il n ’a pas écrit dans
ses actes qu’il en était requis , cela ne serait pas moins une
vérité constante , surtout lorsqu’il les a passés à la Mairie.
y>’ Enfin , il en a été de même des transactions particu
lières ; beaucoup d’individus de la clientelle de son père ,
habitués à ses relations, l ’appelaient pour passer leurs
actes ou concilier leurs différens; il avoue qu’il ne les a ja
mais repoussés. Toutes les fois qu’on a requis son minis
tère pour constater les conventions des parties , il n ’a re
gardé qu’une chose, les limites de sa juridiction ; et il a
toujours indiqué, sans la moindre dissimulation, le lieu où
il les avait passés ; le domicile des parties, son élude à
Lejnpdes, sa maison à Cournon, ou tout autre endroit. Il
ne lui entrait pas dans l ’esprit que lorsqu’on lui deman
dait son ministère dans un lieu où la loi, comme son titre,
lui donne capacité pour recevoir un acte; il ne piit pas le
recevoir dans une maison qui lui appartient, aussi bien que
dans une autre, et qu’il d û t, pour cela se u l, faire l ’option
de la vendre ou de renoncer au droit de passer des actes
dans le bourg de Cournon ; il ne le comprend pas encore.
On n ’avait pas écrit cela dans l ’acte de sa nomination, î\
coté de ces mots : A vec droit d ’exercer dans le ressort de la
83
ju stice de p a ix de Pont-sur-A llier.
Me Desmanèches n’a jamais dissimulé , non plus ,
qu’ayant à Cournon des propriétés, et surtout un vignoble,
�qu’on ne peut pas affermer, et qui exigent une surveillance
continuelle, il y avait conservé son établissement. La mai
son est occupée en partie par sa m ère, à titre d’usufruit;
le surplus , par son épouse, qui y surveille les domestiques
et l ’administration des biens. Desmanèclies , en ce qui le
concerne, tenant son étude à Lem pdes, de manière qu’au- .
cun droit n’y a jamais été compromis, aucun acte différé ,
y conservant assez bien ses propres intérêts , et le bienêtre ; comme les facilités des liabitans, pour que ses con
frères, n’ayant e u , dans aucun cas, à le suppléer pour les
actes de cette commune, ayant, d’ailleurs, là et là des
propriétés rurales et un ménage, avait cru pquvoir se par
tager entre Lempdes et Cournon.
S ’il a reçu des actes assez nombreux dans cette dernière
com mune, il n ’a jamais fait un pas pour enlever la con
fiance à ses confrères , pour obtenir des actes qu’on ne lui
aurait pas spontanément proposes. Il n’a pas. cherché à se
rendre compte des motifs qui avaient inspiré au T rib u n al,
à l’Administration locale, et à un certain nombre d’habitans, de la diriger vers lui. Tout ce qu’il peut dire, c’est
qu’il a fait, par une conduite probe et loyale, ce qui était
en lu i, non pour la provoquer, mais pour y répondre et
prouver qu’il n’en était pas indigne.
Si quelque chose était à reprendre en tout cela , il n’y a
pas apparence que ce dût être au bénéfice des dommagesintérêts de M* Anglade. M“ lîoyer etD oly , qui occupaient
la résidence de Cournon , ne se sont jamais p la in t, et per
sonne n’a vendu à M* Anglade le droit de s’en plaindre
pour eux. L ’un et l’autre reconnaissaient que tout en rece
vant des actes à Cournon, JM° Desmancches n’em ployait,
�'01
t '
■r»
—
12
—
pour les obtenir, aucune manœuvre frauduleuse. Il y a
plus : pendant le temps de la vie de M** Boyer et D o ly, ils
ont constamment contresigné les actes de M“ Desmanèches;
ils voyaient bien, cependant, qu’il en faisait beaucoup à
Cournon , et qu’ils étaient plus nombreux que les leurs ,
et ils les scellaient de leurs contre-seings ! Comment donc
Desmanèches , dans les limites de son territoire , eût-il pu
croire qu’il anticipait sur leurs droits, et qu’il était cou
pable à leur égard ?
l\r D oly père mourut à la fin de 1816. Son fils fut admis
à le remplacer en 18 17 , quoique la résidence fut encore
occupée par M> Jîoyer. M* D oly fils , plus jeune, plus ac
tif, augmenta sa clientelle ; mais il est assez remarquable
que ce fut principalement avec celle du sieur Eoyer , qui
était vieux et infirme , et qui mourut en 1823, ne passant
plus qu’une quarantaine d’actes. D oly 11’ignorait pas la
situation de M* Desmanèches, et cependant il 11e sè plai
gnit pas davantage, et contresigna ses actes comme l ’avait
fait son père. Seulement, en 1818, il crut pouvoir rivali
ser pour la résidence de Lempdes; il y acheta une maison,
par acte du 18 m ai, reçu Boyer et Desmanèches , et il y
ouvrit une sorte de cabinet, oiril venait s’installer à jours
fixes, et fit même apposer des affiches, qui indiquaient
qu’ayant le pouvoir de passer des actes à Lempdes , il s’y
rendrait à des jours marqués et toutes les fois qu’on l ’y ap
pellerait. M' Desmanèches ne se plaignit pas. Toutefois, il
est bien évident que s’il n ’eût pas tenu sa résidence et ré
pondu à la confiance publique, un autre Notaire du can
ton , qui eût offert aux habitans des facilités qui leur
manquaient, eut attiré beaucoup de gens à lui. Pourquoi
�— i3 —'
n ’en fut-il rien? Pourquoi Desmanèclies continua-t-il de
passer tous les actes des liabitans de Lempdes? Parce que,
sans doute, il résidait dans son étude, et se trouvait à la dis
position des liabitans, chaque fois qu’ils avaient besoin de
son ministère, soit pour passer des actes, soit pour les con
cilier dans leurs différens. Il n’était pas seulement Notaire
à Lempdes, il a été Maire à deux reprises différentes:
d’abord, en 1818 jusqu’en i a . Trop occupé de son étude
et de ses bien s, il crut raisonnable d’y renoncer. Il pour
rait produire les témoignages flatteurs qu’il reçut alors du
Préfet, sur l ’exactitude de son administration et son dévoue
85
ment au bien public ; tant il est vrai qu’il abandonnait sa
résidence de Lempdes !
M. Sers le renomma, en i o , membre du Conseil mu
nicipal de Lempdes. Après la révolution, il a été d ’abord
nommé Commandant de la garde nationale, puis renommé
Maire de Liempdes parM . llo g n ia t, sur le vœu des liabitans. Il a , plus tard, donné sa démission; d’ailleurs, il a
presque toujours été nommé répartiteur forain à Cournon,
où tout le monde sait qu’il est domicilié à Lempdes. V oilà
les faits qui le concernent personnellement.
M' D oly fils, de son côté, devint Adjoint au Maire de
Cournon, en i822,etM aire en 1824.8aclientelleaugmenta
à cette époque; m ais, malgré ce titre , qui lui donnait un
moyen de plus de surveiller la situation de M'Desmanèclies
à Cournon , il ne songea pas à se plaindre. Depuis.18 17 , il
avait reçu annuellement, de 204 à 291 actes. En 1824,
devenu Maire , il en reçut 3175 il mourut en juillet 1825.
M* Tibord lui succéda en mai 1826 , après une vacance
de dix mois. Pendant cet intervalle, le bourg de Cournon,
83
�-
14 -
dépourvu de Notaire, fut obligé de se pourvoir ailleurs.
M e Desmanèches, le plus voisin et le plus en relation avec
les habitans de Cournon, vit augmenter son répertoire : au
lieu de 4 1 1 actes qu’il avait reçus en 1824, il en eut
o
en 1825, et
en 1826. Convenons qu’il eût été difficile
de trouver à redire à l ’usage de sa maison de Cournon, pour
passer des actes nombreux auxquels son ministère était
indispensable. E n 1827, Tibord étant en activité, le ré
pertoire de M* Desmanèches retomba à 3^2. Il augmenta
beaucoup en 1828 ,' il se porta à 60/f, mais ce fut par une
circonstance particulière. Le sieur Rouganne avait acheté la
propriété deM. de Chalier, à Lempdes^ etil vendit en détail
des biens considérables qu’il possédait à Cournon. Établi
à Lempdes, il devait naturellement en confier la vente au
Notaire de Lem pdes, précisément à cause de sa résidence.
Indépendamment de ses relations avec le sieur Desmanè
ches, son intérêt même le lui commandait. D ’une partie No
taire était plus à sa portée ; de l ’autre, il connaissait et les
propriétés et les personnes, et pouvait beaucoup mieux
amener les négociations à b ien , que M* Tibord, étranger,
à peine arrivé dans la commune de Cournon, et qui n ’était
encore au fait, ni des personnes, ni des biens, ni de
leur valeur. O11 ne peut dont pas davantage blâmer le
sieurllougannc de ce choix, que M*Desmanèches de l ’avoir
accepté. M* Desmanèches eut encore, pendant cette an
n ée, un grand nombre d ’actes pour M. Joseph Molin ,
parsuite de l’ouverture de la succession de son épouse. Cer
tes, il pouvait se rendre dans sa propre maison ; pour répon
dre celte confiance} d’ailleurs, tous les (ictesdu sieur Houjianne ont été passés ù Lempdes.
554
55
�— i5 —
- En cette année 1828, M" Tibord permuta avec M« A n
glade, récemment nommé notaire à tiennent ; et peu de
temps après a commencé,pourM'Desmanèches, un système
de persécution qu’il était loin de prévoir.
Dans cette première année de son exercice, Me Anglade
reçut
^ actes ; et en 1829 , 276. En soignant son
étude , en répondant à la confiance qu’on lui montrait
déjà , en traitant les paysans avec bonté , et les gens
peu aisés avec modération , il eut promptement vu
accroître sa clientelle. Il 11e voulut pas de ces moyens,
qui ne répondaient pas à son impatience.
Jusqu’ici nous n’avons examiné que la position per
sonnelle de M* Desmanèclies, et nous 11’avons rien dis
simulé , pas plus que lui-inême n’a dissimulé ses actions,
dans aucun moment. En expliquant sa conduite , il s’est
tenu jusqu’à ce jour dans la plus étroite réserve , sur ce
qui concerne Me Anglade. Nous ne voulons pas, aujour
d’h u i, prendre une marche différente 5 mais la Cour nous
pardonnera, sans doute , de répondre par quelques faits, à
l’agression violente qu’il a dirigé contre M* Desmanèclies,
et de démontijer qu’il en a construit l’édilice sur des asser
tions mensongères.
Mc Anglade , qui se plaint, en termes si aigres, de ce
que Desmanèclies a usurpé sa résidence , en abandonnant
la sienne propre , résidait partout ailleurs qu’à Cournou,
et n’y venait guère que les dimanches. Le souvenir de ses
anciennes relations, pendant qu’il était clerc de M° Astaix,
le retenait à Clermont, où 011 dit qu’il avait une chambre
dans une auberge située près la lla llc aux toiles. Or ,
quand il lui plaisait de venir dans sa résidence , il
23
�—
16
—
fallait que tout le monde courût à lu i; et pour n’y être
pas parvenu de cette m anière, il s’en prit à M* Desma
nèches, de ce qu’on requérait le Notaire de Lem pdes,
lorsqu’on ne trouvait pas le notaire de Cournon , ou qu’on
avait quelque m otif de préférence.
Encore si, croyant avoir a se plaindre, il l ’avait‘fait
par les voies ordinaires ! S’il eût employé l ’autorité de la
Chambre ; ou même , en dédaignant ses confrères , celle
de M. le Procureur du llo i ! Mais il voulait faire de son
titre un moyen de monopole contre la population ; et,pour
c e la , faire révoquer le titre du Notaire de Lempdes. Il
pensa l’obtenir, en trompant l ’autorité supérieure.
Le i cr février i o, il présenta une pétition au Ministre;
et après avoir fait un exposé fallacieux, il demanda que
Desmanèches fût contraint «de fixer sa résidence notariale
v à Lempdes ; qu’il fût ordonné que ce Notaire y ferait
» sonséjour actuel et perpétuel ;.........que, 1h exclusivem ent,
» il y fera les actes de sa profession ; ...... et qu’à défaut
» de ce faire , immédiatement , il sera déclaré démissio» naire. » Pour un premier pas, ce n’était pas mal. En
voulant qu’il fût interdit à Me Desmanèches de faire des
actes ailleurs qu’à Lempdes , il exigeait l’abrogation de la
loi et de l’ordonnance de nomination du sieur Desmanèches.
L e i*r M ars, il forma une demande en dommagesintérêts.
Pendant que le sieur Desmanèches se présentait sur
cette demande, il apprit, par une communication du M i
nistère p u b lic, la plainte du i r* février. Le M inistre,
en effet , l’avait addressée à M. le Procureur-Général ;
83
�— i7 en l ’invitant, si l ’imputation était fondée à faire en
joindre au sieur Desmanèclies , de reprendre, sousun mois,
sa résidence, à peine d’être poursuivi conformément à l’ar
ticle 4 de la loi.
R ien n’étonne de celte détermination, quand on lit
le Mémoire présenté par Anglade ; il devait alarmer le
Ministre : l ’étude de Desmanèclies établie à Cournon ;
point d’étude à Lempdes ; résidence abandonnée ; les
liabitans de Lempdes obligés de se rendre à Cournon •
pour contracter ; seulement Desmanèclies s’y rend les
dimanches et quelquefois les jeudis, pour recevoir des
actes ou prendre des consentemens ; il a conservé, pour
cela, une chambre chez sa belle-mère ; m ais les minutes
de ces actes, comme toutes ses m in utes, restent à Cournon ;
et Lempdes, sa résidence, n’est pour lui qu’une succursale’
de son étude, établie de fait à Cournon. Le sieur Anglade
ajoutait d’ailleurs toutes les autres allégations qu’il a ré
sumées dans son Mémoire, pages 6, 7 et 8, et que nous
relèverons plus tard.
M. le Procureur du Iloi avait pris des renseignemens
auprès du Juge-de-Paix. On en rend compte au Mémoire,
page 10. M* Desmanèclies n’en connait que cela. Peu
après, le Juge-de-Paix expliquait, par un certificat : « que
Desmanèclies ne passait pas moins, dans son étude, pres
que toutes les affaires des liabitans de Lempdes; que
les Inspecteurs de l ’Enregistrement lui avaient'toujours
dit qu’ils trouvaient ses minutes chez lui ; que les habitans de Lempdes ne s’étaient jamais plaint de sa nonrésidence ; et qu’il jouissait dans tout le canton d ’une
confiance justement méritée. « Cela n’avait rien de contra-
3
�— iS —
dictoire avec le renseignement qu’on indique comme
fourni par ce Magistrat.
Le 19 m a i, nouvelle plainte d’Anglade au Ministre.
Il répète ses accusations; e t , ajoutant que M" Desmanèclies n ’avait pas obéi, demande qu’il soit déclaré dé
missionnaire. C’est là , en effet, le plus v if de ses désirs ,
la plus chère de ses pensées, celle qu’il caresse jour et
nuit.
A cette époque, M* Desmanèclies présenta un Mémoire
justificatif dont on croit aujourd’hui pouvoir tirer avan
tage , en le dénaturant, et en copiant ce qui n ’y est pas.
Il y exposa franchement sa situation, sa conduite ; re
connut qu’en effet il était assez souvent à Cournon ; où
il.a v a it, comme à Lempdes , une m aison, un ménage
et des propriétés ; qu’il y recevait des actes, ne pouvant
repousser la confiance lorsqu’on s'adresse à lui. 11 ajouta
que jamais il n ’avait rien fait pour attirer à soi celle
qui se serait dirigée vers un autre ; que toutes ses ac
tions étaient conformes à l ’honnêteté publique; et qu’ayant
le d ro it, comme Notaire à Lempdes , de recevoir des
actes à Cournon > il ne comprenait pas qu’on voulût l’en
empêcher ; que cela ne pourait être que lorsque la con
fiance qu’on lui donne et qu’il ne recherche p a s, se di
rigera tout naturellement vers un confrère qui la méritera
mieux. Q u’enfin, il s’étonnait que M e Anglade , nouvel
lement arrivé à Cournon, se plaignît de n ’y avoir pas ob
tenu, tout d’un coup, un patronage assez exclusif, pour que
tous les habitans, sans exception, renonçassent subite
ment à appeler un Notaire qui était à leur porte, et qui
avait eu jusque-là leur confiance , etc.
�—
i9
—
Mais, que le sieur Desmanèches ait pi'étendu , dans ce
Mémoire , qu’il avait le droit de tenir à Cournon une étude
de Notaire ouverte , d’y avoir ses m inutes, et que la rési
dence de Cournon était, pour lu i, une propriété particu
lière 5 (page 12 ) ceci est une fausseté manifeste, devant la
quelle M" Anglade n ’a pas reculé, parce que , sans doute ,
il a cru en avoir besoin.
A u contraire, M“Desmanèches dit nettement que, s’il
fait des actes à Cournon; que m êm e, s’il s’y rend jusqu’à
trois fois la semaine pour soigner ses propriétés, son étude
est à Lem pdes, dans la maison de son épouse ; ses minutes
et ses répertoires sont dans cette étude, où ils ont été cons
tamment visés par les agens supérieurs de la Régie. S i je
ne tenais pas constamment mon étude à Lem pdes, d it - il,
il est pour le moins vraisemblable queleshabitans auraient
réclamé ; mais ni les individus , ni l'administration, nont
fa it entendre la plus légère plainte, ce qui démontre qu’ils
me trouvent constamment au milieu d’eux et dans mon
étude, lorsqu’ils ont besoin de moi.
Enfin , après avoir exposé avec franchise toute sa situa
tion personnelle, M* Desmanèches dit en finissant : «Yoilà,
« M. le Procureur du l l o i , la vérité toute entière...... J ’ai
» rempli mon ministère avec exactitude et loyauté; je con» tinucrai de même, et si ma conduite.pouvait encourir le
» moindre blâme, que mes supérieurs prescrivent et je m’y
» conformerai. »
Repoussons donc loin de nous cette citation que M* A n
glade écrit en lettres italiques, comme s’il l’avait extraite
du Mémoire de M* Desmanèches, que la résidence de Cour.
5
�—
20
■—
non était pour lui une propriété particulière. V oilà-en
core comment M* Anglacle se pique de vérité.
Au reste, en écrivant ce M ém oire, M* Desmanèches ,
qui croyait n’avoir pas excédé les limites de son droit, ex
posait simplement les faits. Il avait raison ou il se trom
pait ; mais il prouvait sa bonne foi passée et présente, sa
naïveté , peut-être, et non son orgueil, lorsque, n ’ayant fait
que continuer ce qu’il faisait sous la surveillance du T r i
bunal et avec le consentement de ses confrères de Cournon,
confirmé de leur seing, il faisait tout connaître à M. le
Procureur du l l o i , en ajoutant : S i j e me trom p e , que mes
supérieurs prescrivent et j e m ’y conformerai.
M'Desinanèches ne sa it, au surplus, ce que veut dire
M* Anglade, à propos des Mémoires exj)licatifs ou ap olo
gétiques , qu’il présentait ou retirait; il n ’a jamais fait
que celu i-là , et n ’a pas pensé à le retirer.
Nouvelle dénonciation, le 19 mai, dans des termes non
moinsfacheux. Anglade y demande purementet simplement
la révocation de Desinanèches, Notaire àLempdes ; c’était là
et c’est encore toute son ambition. N ’a-t-il pas osé, derniè
rement , à l’audience de la C ou r, invoquer, comme motif
d ’urgence, la pensée de Desinanèches, de se faire rempla
cer par son fils? Est-ce que , par liazard , M' Anglade au
rait le droit et la puissance d ’empêcher cette mutation 3si
le fils est reconnu digne? Est-ce que, pour le satisfaire , il
faudrait l’expatrier ou en faire un ilote? Est-ce qu’il ne
faudrait plus de Notaire à Lempdes, parce que M* Anglade
est à Cournon? M* Desinanèches avait annoncé ce dessein
de remplacement, dans son M émoire, et il croyait en cela
aller au-devant des objections, puisque, établissant son
�--- 21 ----fils à Lempdes , et demeurant lui-même à Cournon , dé
pouillé de tout caractère et de tout intérêt personnel, il
n ’y aurait plus cet inconvénient que M* Anglade attribue
à sa position actuelle. Il ne croyait pas, en cela, fournir à
son adversaire un sujet légitime d’opposition.
C ’est en cet état que fut provoquée la délibération du
T rib u n al, du i mai i o. MeAnglade se plaint de ne pas
y avoir été appelé. Pourquoi donc? et de quel droit? Il
avait fait sa part en demandant des dommages-intérêts } et
après avoir dénoncé un fait qui provoquait une mesure de
discipline, la loi et l ’honnêteté lui commandaient de la
laisser aux soins du Ministre , seul compétent pour la
poursuivre. Ne montra-t-il pas, en cela, le désir, disons
mieux, la volonté que tout fût employé dans son intérêt
exclusivement, même les moyens de pure discipline? Nous
verrons, plus tard, si l’intérêt public est autre chose, pour
lu i, qu’un moyen plus ou moins légitime d’accroître ses
intérêts personnels.
3
83
5
M e Desinanèclies comparut, le i m ai, devant l ’Assemblée des deux Chambres et du Parquet ; il exposa nette
ment sa conduite, comme il l’avait fait dans son Mémoire.
Nous n ’avons aucun compte à rendre de cette séance, l ’ap
pelant en a dit assez, quoiqu’en sa manière ; mais il faut
faire connaître ce qui s’est passé depuis la décision : la
préoccupation du sieur Anglade, pour ne rien dire de plus,
lui en a lait rendre un compte trop infidèle, pour que nous
puissions nous en dispenser.
M* Desmaneclies , ju sq u e -là , n’avait pas transporté à
Lem pdes, l ’intégralité des minutes de son père j pas plus
que Boy er, devenu dépositaire des minutes de M 'Ducroliet,
�ne les avait transportées à Cournon ; pas plus que luimême , dépositaire apparent des minutes de B o y e r, ne les
a déplacées dans aucun temps. Pour remplir ses promesses
et se conformer aux vœux de ses supérieurs, il crut devoir
réunir à Lempdes celles de son père avec celles de M* D ucrolietetles siennes propres, qui y étaient déjà, et résider
désormais à côté de ses m inutes, dans la maison de son
épouse, où il est avec la dame Ducrohet, sa belle-mère*.
Nous allons en trouver la preuve dans des élémens judi
ciaires ou authentiques, qui démentiront les assertions que
le sieur Anglade liazarde avec une hardiesse qui ressemble
à la vérité pour ceux qui n ’en savent pas davantage.
83
Le
septembre i o , nouvelle dénonciation au M i
nistre. L ’état étant toujours le m êm e, suivant l u i , il de
mande encore que le Ministre , sans autre information ,
déclare Desmanèches démissionnaire ; mais craignant que,
d’après les renseignemens fournis, le Ministre ne pro
nonce contre l u i , il demande, subsidiairem ent, qu’il soit
sursis à statuer, jusqu’après le jugement en dommages-intérêts; dernière ressource, qui devait avoir une double
face; car, pour le soutien de cette demande, 011 comptait
se servir fortement de la question de discipline.
L e Ministre n ’ayant pas répondu, après deux mois écou-r
lés , Anglade partit pour Paris vers la mi-novembre ; et le
26 , obtint j j)ourM. le Procureur-Général, une lettre qui
fut loin de satisfaire ses vues. Elle se bornait, malgré ses
démarches intéressées , à donner à M» Desmanèches un
nouveau délai d ’un mois pour rentrer dans sa résidence ,
s’il n’y était déjà.
�y?
— 23 —
Il en fut donné.avis
à M. le Procureur du R o i,• avec ini
vitation de prendre des renseignemens.
Alors le Parquet avait été renouvelé ; comment d’autres
hommes eussent-ils pris les mêmes errem ens, s’ils n’eus
sent été ceux de la justice et de la vérité?
M* Anglade affirme ici, (page 19) qne la décision du
a novembre fu t notifiée à M ’ Desmaneches le 3o du même
mois ; et il se plaint de ce qu’il n’a pas obéi. Q ui donc a si
bien instruit M' Anglade? Et qui ne croirait qu’il dit vrai^
car, là comme ailleurs, il affirme et indique une date
précise?
5
M* Desmanèclies n’a qu’un mot à répondre : cela, non
plus , n’est pas vrai. Cette lettre ne lui a jamais été noti
fiée, et il invoquerait, au besoin , le témoignage de M. le
Procureur du R o i, pour attester le fait et le m otif du si
lence qu’il a gardé à son égard. Veut-on le savoir?
M. le Procureur du R o i prit des renseignemens :
1« Auprès de l ’ancien Juge-de-Paix, M. Rochette , qui
avait donné ceux de i o à son prédécesseur, et qui ha
bite Lempdes ;
a0 Auprès du Maire de Lempdes ;
° Auprès de M. Perrin, client de M* A nglade, devenu
Maire de Cournon, et qui l’est encore aujourd’hui.
83
5
Tous les trois lui attestèrent que M* Desmanèclies avait
définitivement établi sa résidence à Lempdes j personne
nepouvaitmieux le savoir que ces trois fonctionnaires, deux
habitant à Lem pdes, et le sieur Perrin à Cournon. L e
sieur Perrin, client de M* Desmanèclies , avant i o , et
qui lui déclara, à cette époque, qu’il lui était plus com
83
�— ¿4 —
I
mode de contracter cliez M* A n glade, parce que lu i, Des
manèches, n’était pas à Cournon.
M. le Procureur du R oi, qui se convainquit que M* Desmanèclies avait tenu ses promesses, ne crut pas devoir lui
faire d’injonction ; il en rendit compte à M. le ProcureurGénéral, par lettre du 5 février 1 1; et lui déclara que les
minutes et le siège des affaires notariales étaient transpor
tés à Lem pdes, et que Desmanèches ne passait à Cournon
que le temps nécessaire pour l ’administration et la surveil
lance de ses propriétés. M° Anglade savait tout cela quand
il a écrit que la décision avait été notifiée le 3o.
Faut-il quelque chose de plus pour établir la certitude
des preuves acquises à M . le Procureur du R o i? le sieur
Anglade lui-même va nous les fournir.
En février, il avait encore obsédé le Parquet par des
instances plus pressantes, comme il le dit lui-même. Il de
mandait à M. le Procureur-Général, de faire vérifier subi
tement, et avec m ystère, l ’étude de M* Desmanèches; et
pour n ’être pas trompé dans ses espérances, il réclamait
l ’autorisatipn d’accompagner le Commissaire, et d ’assister
à la vérification. M. le Procureur-Général voulut bien s’y
prêter; c’était un moyeu de contrôle qui devait devenir
décisif sur le fait capital du procès, le lieu de l ’établisse
ment notarial. Le sieur Desmanèches devait s’en applau
dir s’il était en règle; car, devant la démonstration acquise
par une vérification contradictoire avec son adversaire, de
vait disparaître le besoin de toute autre preuve.
M. le Procureur-Général crut devoir confier cette com
mission à M. le Procureur du R o i; et certes, personne
n’avait à s’en plaindre, pas plus qu’à soupçonner l ’iiripar-*
83
�— 25 —
tialité ou même la discrétion de ce Magistrat, si juste et si
amoureux de ses devoirs; tout lui commandait le mystère:
toutefois, comme cette vérification faite avec M.‘ Anglade ,
a tourné complètement contre lu i, il ne craint p as, au
jourd’hui, d ’accuser le chef du Parquet de Clermont, en
écrivant cette phrase audacieuse:
« M* Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
» Procureur dti R o i à Leinpdes ; M* Anglade offrira la
y> preuve que le transport était connu deux jours avant
» qu’il ait eu lieu. »
Ici nous ne craignons pas d’être désavoués par M. le
Procureur du R o i, en donnant à M* Anglade un démenti
formel. En ce qui le concerne, M* Desmanèches déclare
ne l’avoir su, ni directement ni indirectement.
D ’ailleurs , on le demande ? Où eut été pris le m otif
d’une semblable indiscrétion ? M. le Procureur du
R oi avait la certitude que toutes les minutes étaient à
Lempdes. Il n ’avait donc personne à avertir ; et il
est évident que dans ces circonstances, il n’aurait pu
laisser échapper son secret, que dans l ’intérêt de Mc Des
manèches, et par un véritable manquement à ses devoirs.
Nous n’avons point à l ’en défendre.
M® Anglade offre la preuve ! Eh ! quelles preuves n’of-»
fre-t-il pas? Nous verrons plus tard , quels moyens immo
raux il a employé pour se créer î\ l ’avance des déposi
tions, pourle cas où il obtiendrait des enquêtes,
D ’ailleurs , il est évident ici , qu’une indiscrétion ne
pouvait venir que du Ministère public. Nous ne croyons
pas nous tromper, en disant que sur sa demande, et pouy
n ’associer personne au secret de cette com mission ,M. le Pro-
4
�—
26
—
¿ilreür-Général avait cru devoir confier sa lettre à Me An»
gldde, pour que M. le Procureur du Roilareçûtdirectem ent
de ses mains. L e procès verbal le fait présumer. Il porte
qu’il est rédigé sur l ’invitation de M • A n g la d e.
Le procès verbal dressé par ce Magistrat, le 8 mars 1 1,
constate que M* Desmanèches n ’était pas chez lu i, et qu’il
â fallu aller le chercher dans les vignes. Il contient la vé
rification successive des minutes et des répertoires de tous
les exercices qui sont aujourd’hui réunis dans le* mains de
Mc Desmanèches, et constate leur état parfait de régularités
M* Anglade mécontent de ce procès v e rb a l, qui fut
rédigé sur place , et qu’il était obligé de signer, Voulut
y faire insérer une sorte de protestation contre le dépôt des
minutes qui, d isait-il, avaient été transportées à Lem pdes
83
les jou rs derniers, ce qui n’empêchait pas que Desm anèches
ne tint toujours étude ouverte à Cournon, etc?, etc. M. le
Procureur du Roi trouva sans doute que c’était assez de
l’assistance du sieur Anglade , sans que son procès verbal
fût encore soumis à son contrôle. Il refusa l’insertion ,
mais il joignit le brouillon de M* Anglade à son procès
verbal.
D ’ailleurs , cherchant toujours la vérité et la justice , il
s’en servit pour prendre de nouveaux renseignemens sur
ce fait même ; et quoique les fonctionnaires qu’il avait
consultés, lui inspirassent d’autant plus de confiance
qu’ils s’étaient exprim és avec beaucoup de fra n ch ise la
première fois , il s’adressa
d’autres personnes ; voulut
éclaircir le fond de ces allégations ; et après s’être bien
convaincu qu’il n’y avait ni fraude ni erreur, il donna
un nouvel avis à M. le Procureur-Général, le 18 mars j
�—
27
—
et l ’instruisit que de nouveaux renseignemens n’avaient
fait que confirmer ce f a i t : que le principal établissem ent,
létablissem ent notarial de M’ Desmanèches , était à
Lempdes.
Devant ce document irrécusable, et pour en éviter les
résultats après l ’avoir provoqué, le sieur Anglade a in
venté la plus pitoyable jonglerie: les étiquettes neuves, le
beau papier b la n c , la petite table, le tapis verd tout n e u f,
le petit encrier , etc. ; vrai compte d’en fan t, où le Procu
reur du R o i n ’aurait pas apperçu un bout d’oreille si long
et si visible, et aurait été dupe d’un nouveau Croque-Mi
taine, transportant à chaque instant, sous le plus petit obs
tacle, de Cournon à Lempdes , et de Lempdes à Cournon,
sans que personne le vo ye, trente mille minutes qui com
posent son étude, et les répertoires de cent huit ans ; et
trouvant le moyen de les ranger avec un ordre parfait
comme un habile prestidigitateur , dans un petit local hu
mide et obscur, de cinq pieds sur huit ou neuf, croyant
que personne ne l ’a vu. Nous ne répondons pas à de pa
reilles niaiseries ; si ce n’est en disant que nous avons pour
témoins: i°M . le Procureurdu llo i, son procès verbal et les
renseignemens sûrs qu’il a pris et fourni avant et après ;
2° le fait constant, que ce ch en il, qui a quinze pieds sur
n e u f, et une fenêtre de grandeur ordinaire, est l’étude où
le sieur Ducrohet a exercé pendant
ans le Notariat
avec honneur; et où, lui d’abord, et son successeur e n s u i t e ,
ont reçu chaque année un très-grand nombre d ’actes importans; que cette maison est celle où le sieur Ducrohet
■
■
et son épouse ont constamment tenu leur ménage et
(Hevé leur famille. E t certes , à côté de ces faits patens
33
4-
�—
28
—
et constatés, tout le inonde pensera que M e ‘ Desmanèclies n ’aurait pas à redouter l ’épreuve d ’une enquête.
A u reste, n’oublions pas de remarquer qu’en présence
de ces faits notoires et établis, le sieur Anglade x’edoutait
la décision ministérielle. Il redoubla d ’instances , poiir
que le Ministre ne prononçât pas sur sa propre demande,
et qu’il attendît le jugement des dommages-intérêts. C’est
ce qu’on voit dans les conclusions de ses Mémoires. Le Mi
nistre voulut bien encore obtempérer à cette demande,
par lettre du 6 octobre i
i. Ce n ’est donc pas le sieur
Desmanèclies qui eut un moment à se fé lic ite r de son
adresse ; car s’il se fût défendu contradictoirement, il eut
demandé que le Ministre vouhlt bien prononcer et lui ren
dre justice. O r, le résultat ne pouvait pas être douteux, sur
la question de savoir s’il avait ou non abandonné sa rési
83
dence.
Ici nous arrivons à un fait d’autant plus affligeant, qu’in
dépendamment des fâcheux débats auxquels il a donné
lie u , il sert de moyen à Me A n glade, pour organiser le plus
odieux système de calomnie.
Il avait sen ti, depuis long-temps , qu’il ne pouvait
pas lui suffire d’en imposer sur des faits matériels dont
la vérité se découvre toujours : que ces faits fussent-ils
vrais en partie , pour les temps antérieurs , ils se présen
teraient avec des caractères de bonne fo i, et se trouve
raient protégés par la loi et par la justice. ]1 lui fallut
donc inventer quelque moyen de noircir son adversaire ,
d ’imprimer il sa personne et à ses actions un caractère
odieux, qui répugnât à la justice, en même-temps qu’il
se présentait lui-même comme une victime innocente,
�29
—
—
immolée à la rapacité d’un ennemi puissant et audacieux.
Il crut en trouver l’occasion dans l ’affaire de LareineBoussel, et il n ’a pas craint de s’en emparer.
< M" Desmanèclies doit s’expliquer sur cette affaire , alors
qu’on s’en sert pour l ’attaquer avec tant de fiel et de per
fidie. Il commence par dire qu’il y a toujours été com
plètement étranger ; et il défie qui que ce soit au monde ,
de rapporter la plus petite preuve qu’il y ait pris la
moindre p a rt, et qu’il ait donné à Lareine ‘ou à qui
que ce so it, une lettre ou même un conseil à ce sujet.
On le connait assez, dans son canton et au Tribunal de
Clerm ont, pour savoir qu’il n ’est pas propre à devenir
un odieux m oteur, pas plus qu’un vil instrument de dé
nonciation. Obligé qu’il est de s’en défendre, il ne veut
accuser personne , ni rechercher des faits qui pourraient
accuser qui que ce soit. Il ne cherche pas à sonder ce
qu’il peut y avoir de vrai ou de faux , dans les démêlés
de M* Anglade et de Lareine-Boussel ; dans leurs rela
tions tantôt hostiles, tantôt amicales. Jean Lareine n ’a
jamais été son client ; il a toujours été celui de Me D oly
puis de Me A n glade, son successeur, et 011 croit qu’il l ’est
encore.
Lareine-Boussel se plaignait d’une obligation qu’on lu i
avait fait consentir devant M« Anglade , au profit du sieur
Chambon, son clerc, pour des frais d’actes de l ’étude de
M eD oly. Uprétendait: 1° Q u’il 11e devait rien; 20Q u’il n’a
vait jamais comparu devant M* Anglade pour consentir
cette obligation; o» Q ue le jour de sa date , il était resté
toute la journée ailleurs qu’à Cournon ; il était allé se
plaindre au Maire de Cournon.
�— 3o —
Ce Maire était le sieur Moulin , beau-frère de Desmanèches ; c’est une circonstance dont on tire parti. C’est à
regret que M* Desmanèches se voit obligé de dire que si le
sieur Moulin n’était pas bien avec M* Anglade , ce qui
peut être , il n ’était pas plus en harmonie avec son beaufrère.Ce n’est pas à M* Anglade, mais bien à Desmanèches,
que le sieur Moulin a enlevé la clientelle de la Mairie de
Cournon, qu’il avait eue sous tous les Maires précédens ,
pour la donner , non pas au Notaire de Cournon, mais à
M* D edreuil-Paulet , Notaire au Pont-du-Château. On
n ’exigera sans doute pas, que M* Desmanèches en dise da
vantage sur sa position personnelle envers un homme qui
luiappartientj d’aussi près.
Lorsque le Tribunal de Clermonteut prononcé le renvoi
devant la Chambre d’accusation, M" Anglade y fut soutenu
par le défenseur habile qu’il s’est ingénieusement attaché.
Il avait su persuader son avocat, e t , peut-être, soulever
son indignation contre les prétendus auteurs de la dénon
ciation j aussi, fit-il, dans l ’isolement de cette défense, qui
n’avait d’autre contradicteur que le Ministère p u b lic, un
ample usage des moyens que lui fournissait son clieut.
Dans une affaire de cette nature, où les nombreuses
obligations faites par M* A nglade, au nom du sieur Cham*b o n , son clerc, pour des frais dont il était personnelle
ment créancier, pouvaient, quoique simulées, être faites
de bonne foi, où une seule était attaquée, et où il s’agissait
tle faire figurer un officier ministériel sur les bancs de« A s
sises , le Ministère public pouvait et d e v a it, peut-être,
aller au-devant des moyens de la défense ; ce n ’est paslapre-
�— 3i —
mière fois qu’on l*a vu admettre parmi les témoins à charge,
des personnes indiquées par les prévenus.
Si M* Anglade ne s’en fût servi que pour se défendre,
personne ne saurait le blâmer ; mais l’indigne usage qu’il
en fait aujourd’h u i, va nous prouver que ce ne fut pas son
seul b u t, et qu’en homme habile et délié , il organisa un
plan qui devait accuser un homme honnête, sourde
ment et sans qu’il pût se défendre, et devenir, dans son
intention , une arme terrible dans les poursuites person
nelles qu’il avait dirigées contre lui.
Douze tém oins, fournis par M* A n glad e, furent enten
dus en la Cour. Les uns déposèrent de son honnêteté et de
l ’immoralité de Lareine-Boussel ; les autres, de quelques
faits particuliers. Quelques-uns dirent que Lareine s’était
vanté d’avoir une bonne lettre de Me Desmanèclies , ou
qu’il était conseillé par lui et le sieur Moulin j les autres ,
qu’on disait que Lareine n ’était pas seul am ener cette af
faire. Aucun d’eux ne déposa de faits qui lui fussent per
sonnels. L a Cour prononça le renvoi. Ici, nous devons nous
taire : il ne nous appartient de critiquer, ni la poursuite ,
ni la décision des premiers Juges, ni celle de la Chambre
d’accusation.
Nous ne nous permettrons pas davantage de censurer les
témoignages en ce qui concerne le personnel de M. Anglade
etdeLareine-Boussel,Nousn’avonsà nous occuper, quant
à M‘ Anglade, que de la cause actuelle ; e t , sous ce rapport
seul, nous nous permettrons de contester que ses actions
soient loyales etlionnêtes. Quant à Lareine-Boussel, lesiqur
Desmancclies ne veut pas plus l ’attaquer ,qu’il n’est /heu
reusement, chargé de le défendre.
�— 3a ~
Que lui im porterait, d ’ailleurs, que Lareine -Boussel,
pour se couvrir, se fût j acte d’avoir l ’appui de M* Desmanèches? ou, s’il ne-l’avaitpas dit, que des témoins, produits par
M* A n glade, eussent déposé le lui avoir ouï dire? Nous ne
voulons pas fouiller au fond de ces mystères ; mais nous
avons aujourd’hui le droit de dire , et nous le prouverons ,
que depuis long-temps , et malgré leurs scandaleuses dis
sentions , Anglade et Lareine-Boussel sont en parfaite in
telligence.
Toujours est-il, qu’après l ’arrêt de la Chambre d’accu
sation , M» Anglade et le sieur Chambon formèrent, contre
Lareine, une demande en doinmages-intérêts, pour cause
de dénonciation calomnieuse.
Sur cette demande, le Tribunal a prononcé contradic
toirement le o juin 1
; nous transcrivons le jugem ent,
et demeurons simples narrateurs :
« Attendu qu’il ne peut y avoir dénonciation calom
nieuse , qu’autant qu’elle aurait été dictée par le désir
de n u ire, et que les faits qui ont donné lieu à la pour
suite ne seraient nullement établis , ou ne le seraient
pas par la seule déclaration du dénonciateur ;
» Attendu que les plaignans ont reconnu en partie
l ’exactitude des faits avancés par le prévenu, et qu’ils lu i
3
332
ont même donn é toute satisfaction à cet é g a rd , en lui f a i
sant remise de la grosse de l'obligation , q u il disait n'a
voir poin t con sen tie, en lui donnant même m ain levée, de
l ’inscription prise sur lui ;
» Attendu que, si pour ces faits, Anglade et Chambon
ont été exposés à des poursuites criminelles, ils ne doi
vent point les imputer à la partie de Biauzat, dont le
�— 33 —
témoignage n ’a dicté en rien la décision des premiers
Juges, mais bien à ce que» des témoins entendus dans
une instruction uniquement dirigée par le ministère pu
blic, sont venus donner de la vraisemblance à ces faits;
- » Attendu que , si après un plus ample informé, A n
glade a été renvoyé des poursuites par la Chambre d’accu
sation ; c’est m oins, ainsi que le constate l’arrêt, parce
que les faits dénoncés par le prévenu, se sont trouvés
faux, que parce que les Juges d’appel ne leur ont , point
trouvé le caractère de gravité qu’y avaient vu les J uges
de première instance , et que des témoignages ont été
opposés à d’autres
» Attendu d’ailleurs, que la dénonciation était com
mandée par l’intérêt du prévenu, qui a obtenu ce qu’il dési
rait , d’où suit qu’elle n ’a point été faite dans le b u t , seul
coupable, de nuire aux plaignans ;
» Attendu dans tous les cas , que le prévenu est tou
jours demeuré étranger à la direction de l'instruction,
et n’a pu, par conséquent, exercer aucune influence sur la
décision prise, et qui ne l’aurait pas été sur sa seule dé
nonciation :
»Par ces motifs, le Tribunal renvoie le prévenu de la
plainte contre lui portée, et condamne les plaignans aux
dépens. »
On ne s’est pas plaint de ce jugement.
(j est après tout cela, que M* Anglade a cru devoir se ser
vir de cet homme , que des témoins, produits par lu i, ont
dépose être un mauvais sujet, un gueux^ ne payant jamais
et menaçant ses créanciers lorsqu’ils le pressent; un homme
�54
dangereux et capable de tout. Il a hésité,' dit-on, surle point
de savoir s’il le réserverait comme un des témoins de son
enquête à v e n ir, ou s’il s’en ferait un moyen préparatoire j
il a choisi ce dernier p arti, et sans doute , si l ’indignation
de quelques hommes honnêtes n’en avait porté la connais;sance à Mc Desmanèclies, on fût venu à l ’audience avec un
document d’un nouveau genre, dans l ’espoir de l ’étonner,
en le produisant subitement.
I c i, nous anticipons un peu sur la date des faits 5 mais
nous voulons en finir sur ce qui concerne l ’affaire Boussel.
Le 12 décembre dernier, Anglade se présente avec L areine-Boussel,chez unNotaire de Clerinont, et 011 y dresse
-un acte sous le prétexte d ’un' compte, nous ne savons
lequel. On raconte , à la manière de M* Anglade , tout ce
qui s’est passé dans son affaire avec Lareine ; puis on
ajoute que deux personnes, proches parentes, exerçant des
charges publiques, ont conseillé à Boussel de dénoncer
M° Anglade ; et Boussel déclare qu’il s’est empressé de le
faire, parce qu’on lui a fait espérer d’obtenir d’Anglade une
bonne somme d ’argent, etc. Nous 11e savons cela que par
relation ; cet acte 11’est pas au dossier de M* Anglade.
Assurément , le compte n ’était pas le véritable but.
Assurément encore, l ’indication de deux personnes , pro
ches parentes, exerçant des fonctions publiques , n ’était
pas de la façon de Jean Lareine. On hésita si on mettrait
les noms des sieurs Moulin et JJesmanèches; cette petite
linesse parut préférable j elle ressemblait à de la discrétion.
Toutefois, tout est remarquable dans cet acte:
i° Le Notaire: C’est M*Astaix, le patron de M* Anglade,
�celui de tous les Notaires qui devrait être le plus réserv é
quand il s’agit de dommages-intérêts j
a0 Les formes : M* Astaix , qui a fait le cadastre à Cournon, comme géomètre, et qui connaissait parfaitement
Lareine , croit devoir se le faire attester par trois témoins ,
deux de Cournon, et le sieur Perrier , huissier à Clermont;
° Les témoins : Qui sont ces deux liabitans de Cournon,
que Lareine piend pour l’attester? Précisément deux de
ceux qui , sur l ’indication de M* Anglade , ont déposé à la
Chambre d’accusation, que Lareine était unmauvais sujet,
et autres politesses de ce genre. Ce sont Pierre Coste et
Jacques Prononce, dont le dernier, surtout, est un des
membres les plus actifs de la police secrète, salariée ou
non , de M* Anglade , et d’un système d’espionnage dont
nous n’oublierons pas de parler ;
° Le mode! Après s’être fait certifier un lioinme qu’il
connaissait, par deux témoinsqu’ilconnaissait tout au plus
autant que lu i, M* Astaix croit nécessaire, au moins pru
dent, de se transporter avec tout ce cortège chez M* Eabre,
Son confrère , pour lui faire contresigner son acte. Cet acte
avait donc quelque chose de bien extraordinaire ? Il n’est
pas permis d ’en douter. Est-ce qu’on aurait fait tout ce
manège, s’il se fût tout bonnement agi d ’un compte entre
M Anglade et Lareine-Boussel?
Nous ne dirons rien de tous les incidens élevés en pre
mière instance pour obtenir la déclaration d’urgence.
Tout cela est étranger au sieur Desmanèches , qui n’avait
pas à se mêler de la police de l’audience, et q u i, pour son
compte, ne.refusait pas le combat. Remarquons, toutefois,
3
4
�— 36 —
que dans un-de ces jugemens, le Tribunal déclare qiû-ib
riy a pas de plainte nouvelle contre M° Desmanèches ; et
que la demande en dommages-intérêts demeure isolée de
tout intérêt public.
Nous arrivons directement au Jugement dont est appel.
Ici M* Anglade se jette encore dans les descriptions : les
images lui plaisent beaucoup plus que la réalité ; et aussi,
lui faut-il une peinture de l ’audience , de l ’effet que pro
duisirent sur le public les singulières conclusions de M 'D esmanèches, et sa plaidoirie, bien autrement remarquable. ...
Il osa bien aborder lesfa its et soutenir que sa résidence no
tariale était il Lempdes, devant un auditoire qui repoussait
toutes ses paroles comme mensongères, et manifestait la
plus profonde indignation. Nous ne répéterons pas ici ce
que dit M° A n glad e, aux pages o , i et
de son Mé
m oire ; mais ne voulant laisser aucun fait obscur avant de
discuter, nous allohs expliquer ceux-ci, en terminant cette
partie essentielle de la défense.
3 3
32
M* Conclion plaidait la cause de M* Desmanèches; il le
faisait avec des faits et non avec des phrases; avec des réa
lités et non des tableaux plus ou moins exacts. Il savait
qu’on peut étourdir le public avec des déclamations em
portées, mais que la vérité a son tour; il plaidait une cause
civile et parlait à des Magistrats, et il ne s’appcrçut pas de
cette indignation, de cette disposition des assistans , àaccabler son client du poids de leurs dépositions.
O u i, sans doute, M* Desmanèches osa aborder les faits!'
lût pourquoi pas? On se récrierait bien autrement, s’il s’é
tait retranché derrière des lins de non-recevoir.
�_ 37 'Voyons, au reste, de quel côté est l ’audace, en abordant
les faits.
Parmi ceux que Me Anglade affirme et offre de prou
ver , et sur lesquels nous nous sommes déjà expliqués
ci-dessus, nous lisons page, 6 :
« M* Desmanèclies se donne et reçoit constamment le
» titre de Notaire à Cournon , les lettres qui lui sont
» adressées, les extraits de ses impositions, les commis» sions qui lui sont données par le Préfet ou par le Tri» bunal de Clermont, les annonces publiques, s’accordent à
» le désigner comme Notaire à Cournon, à la résidence
» de Cournon, dans son étude à Cournon. »
E t d’abord, M° Anglade ne fournit aucun indice de
ces assertions , qui ne peuvent être prouvées que par écrit.
En second lieu, voyons les actes.
Toutes/es commissions du Tribunal, sans exception,
indiquent M* Desmanèclies, Notaire à Lempdes.
Les commissions pour les actes de la Mairie de Cour
non , sauf une seule, l ’indiquent comme Notaire à
Lempdes.
Les annonces publiques , affiches , journaux, etc. , sans
exception, le qualifient très-ostensiblement Notaire, à
Lem pdes, et elles n’indiquent jamais que son étude à
Lempdes, ou, s’il fallait faire l ’acte à Cournon, la mai
son de Desmanèclies , la M airie, etc. Nulle part , 011 11e
trouvera son étude ci Cournon, à la résidence de Cournon.
Les extraits de ses impositions, il les paye dans 4 commu
nes. D ’abord, Lem pdes, le Pont-du-Chàteau et Orcet.
Sur ces trois rôles , il est qualifié Notaire à Lempdes.
A Cournon seulement, on a conservé l ’ancienne indica-
�— 38 —
tion mise à la cote de son père, qui était en effet Notaire
à Cournon.
M* Anglade ajoute :
« Les employés de la Régie ont vu et vérifié les minu» tes à Cournon; c’est de ce lieu , qu’il adresse ses ac» tes au receveur du Pont-du-Cliâteau, qui lui renvoie ses
» minutes à Cournon. »
Voyons encore : Toutes les vérifications des agens de la Régie de l’En*
registrement, sont faites à Lempdes, e t , pour la plupart,
en portent la mention expresse. Elles y sont fréquentes
et répétées, surtout dans les derniers temps; quelques*unes remarquent l ’extrême régularité des répertoires, ce
qui prouve qu’on les examinait. Nulle part on ne trouvera
de réserve pour des surcharges, intercalations, etc.
L a déclaration du Juge-de-Paix, constate que les ins
pecteurs lui ont toujours dit avoir trouvé les minutes
et répertoires de Desmanêclies , à Lempdes.
Enfin , un certificat du receveur du Pont-du-Cliâteau,
constate qu’il ignore d’où lui viennent les minutes ; mais
quV/ les renvoie toujours à Lempdes, et que toute sa cor
respondance est à Lempdes.
Voilà comment M® Anglade a fait son pacte avec la
vérité! et il affirme! et il offre de prouver ! \~ t-il des
témoins tout prêts, qui soient plus dignes de foi que
ceux-là?
Il ajoute que: Desmanèches a reçu le dépôt des mi
nutes B oyer, ce q u il ne pouvait faire que comme N o
taire ¿1 Cournon.
C ’est de la mauvaise foi.
�-
39
~
Qtiand cela serait vrai, nous lui dirions
M* Y igeral, Notaire à 'Vertaison, a reçu les minutes de
M* Besse père, de Beauregard , qui devaient être dépo
sées à M* Moussât, seul Notaire à Beauregard.
M' Devoucoux, Notaire à Clermont, a reçu celles de
M* G irard, Notaire à A u bière, tandis que M* Taché
était Notaire à cette résidence.
M' Elaget, Notaire à B illom , a reçu les minutes de
M* Chalus, Notaire àM auzun , qui revenaient àM 'T éalier
son
successeur.
v•
E n fin , et négligeant une multitude d’exemples sem
blables, les minutes de M* Sauzet, Notaire à Lem pdes;
qui revenaient à M° Desmanèclies, ont été déposées chez
M* Beaufrère, au Pont-du-Château.
M a is, M° Anglade sait bien que Desmanèclies n’a
jamais eu ces minutes en son pouvoir. Ea famille Boyer,
indisposée contre D o ly , pria Desmanèclies d ’en accepter
le dépôt, ce à quoi il consentit, sans déplacement et sans
aucun intérêt personnel. Il 11e s’en est jamais chargé par
inventaire, et a seulement signé les expéditions pour le
compte des héritiers Boyer.
M* Anglade a réclamé ces minutes. Desmanèclies y
a consenti. Deux N otaires, M“ Beaufrère et Montéléon,
ont été commis pour faire l’inventaire et l ’estimation ,
M* Anglade les a refusées, parce qu’il ne voulait pas que
les héritiers Boyer fussent partie dans l ’inventaire et l ’acte
de dépôt. U11 procès verbal le constate. Cette exigence fort
déplacée, ne prouve qu’une chose ; c’est qu’il ne voulait
pas de ces minutes , et que son but unique, était de com
promettre son confrère , s’il avait pu y parvenir.
�—
4ô
—
M* Anglade poursuit les allégations.
M* Desmanèches, pour faciliter l’exploitation des deux
résidences, faisait recevoir les consentemens , pendant'son
absence, à Lempdes , par sa belle-mère ou le secrétaire de
la Mairie ; à Cournon, par la dame son épouse.
Ce serait ici un fait de fau x, puisque Desmanèclies
aurait fait des actes sans avoir vu les parties. O r , c’est
une indigne calomnie. Sa belle-mère est depuis plus de
vingt ans incapable d ’écrire ; et, ni Clavel, secrétaire à
Lempdes , ni son épouse , à Cournon , n’ont jamais pris
de consentemens pour lui. M* Desmanèches , qui rédige
toujours ses actes sur le champ et les écrit de sa m ain ,
n ’a jamais eu ni Clerc ni registre pour inscrire les consen
temens , comme on en voit dans plus d’une étude.
A in s i, sauf ce dernier fait , qui n ’est pas susceptible
d’une preuve écrite de la part de Desmanèches , puis
qu’elle serait négative, tous ceux allégués par Anglade ,
comme en ayant acquis la conviction et pouvant les
prouver, sont réduits , par des documens authentiques ,
à des allégations mensongères.
*
Et encore , pour ce dernier fa it, Anglade en fournitil le moindre indice? Non. Il n’en a pas besoin pour
accuser son confrère de faux matériels qu’il n ’a jamais
çoinmis. Il faut qu’on l’en croie sur parole.
Iléfuterons-nous ce que M' Anglade ajoute, pour cou
ronner scs véridiques assertions ? Desmanèches ne fait
que redoubler d’audace, et donner à ses manœuvres plus
d’activité) il s’est adjoint son fils ; aujourd'hui ils tien
nent ensemble étude ouverte à Cournon. Le fils écrit sous
�41 la dictée du père, et en l’absence de ce dernier, reçoit
les consentemens des parties.
Le sieur Desmanèches fils e s t, depuis trois ans , dans
la capitale , où il achève son droit ; il fait en inêmetemps son stage de Notariat, chez M* N o ë l, Notaire à
.Paris, où il tâche de mériter autre chose que les accu
sations de M* Anglade. Il y est troisième^ clerc, et fait
des actes autrement que sous la dictée de son père. Seule
ment , il a passé quelque temps dans sa fam ille, à l’époqueoù la capitale fut envahie par le Choléra. Y oilà com
ment ils se sont adjoints, pour tenir ensemble étude à
C-ournon. Nous serait-il permis de demander à qui il faut
imputer de l’audace et des paroles mensongères, propres
à exciter Vindignation?
Achevons. Pour montrer le dommage qu’il a éprouvé
de ces faits d’usurpation, que nous voyons n’être pas vrais,
M* Anglade dit avoir établi , par le rapport des réper
toires de Desmanèches :
« i° Que les actes de Cournon étaient deux fois, et
*
• n
souvent trois fois plus nombreux que ceux de Lempdes j
» que de 1814 à 1829 inclusivement, il a reçu 3,348
» actes pour Lempdes , et. 4i° 4% P ° u r Cournon. »
Quand ce calcul serait exact, ce 11e serait ni deux fois ,
ni trois fois plus , mais seulement le cinquième en sus 5
mais encore sur ce p oin t, M* Anglade a été infidèle.
Il
a lait un relevé des répertoires de Desmanèches,
article par article , et en a remis une copie à M. le Procureur-Général. l i a noté par numéros, à l’encre rouge,
les actes reçus pour Cournon, Ici 011 peut signaler plus
d’une erreur.
—
�—
42
—
> En i8i-4 , sur 91 actes qu’il indique pour Couruori,
12 ont été faits à Lem pdes, pour des liabitans de Lemp-*
des ; reste à 79 , sur lesquels il^y en a seulement 60 faits
pour des liabitans de Cournon : les autres appartiennent
à des communes étrangères.
5
5
Pour 181 , il indique 274 actes, sur lesquels 1 ap
partiennent à Lempdes : resterait à 279 , sur lesquels
encore, 168 , seulem ent, appartiennent aux habitans de
Cournon ; e t , encore, faut-il remarquer que quarante ont
été passés au domicile des parties ; et que 8 actes, pour
des liabitans de Cournon, ont été passés dans l’étude , à
Lempdes y ce qui prouve q u e , même alors, les gens de
Cournon allaient requérir le Notaire Desmanèches à
Lempdes.
Nous 11’avons pas vérifié les erreurs , en encre rouge,
commises par A n glad e, sur chacune des autres années.
Ces indications nous suffisent, surtout pour les temps an
térieurs à l’exercice d’Auglade et à la délibération judi
ciaire du i mai i o ;m a is nous pouvons ajouter que,
dans l’ensemble des années 1814 à 1829 , il n’a été reçu ,
pour deshabitansde Cournon, que ,049 actes et non 4,084 J
encore y faut-il comprendre tous ceux passés au domicile
des parties, en l’étude à Lempdes , et ceux faits par suite
de commission du Tribunal et de l’Adm inistration, tout
q u o i, certainem ent, est à l’abri de tout reproche.
3
83
5
C ’est pourtant avec ces élémens irréguliers et ces chiffres
inexacts, que M« Anglade prétend obtenir l ’assentiment
de la Justice et de l’Administration.*
» a0 D it - il, le nombre d’actes reçus par Desmanèches,
�» pour la résidence de Cournon, augmentait chaque année
» dans une proportion telle qu’on s’assurait, par l ’examen
»» des Hépertoires, que ces actes qui, en 18145 étaient au
» nombre de 91 , s’élevaient, en 1828, à
-»
Il faut donc croire cette augmentation annuelle, cette
proportion successive, qui a commencée par presque rien ,
puisque le sieur Anglade l ’affirme et qu’il peut la prouver
par les répertoires.
- Eli bien! ouvrons-les, et nous verrons encore que cela
n ’est pas vrai ; prenons même le chiffre tel qu’il est posé
par A n glade, quoiqu’il soit inexact.
E n 1814 5 91 j en 1828 , 364.
Mais , d’abord, en 1814 7 le répertoire commence au
¿21 août. Il n’a duré que quatre mois dix jours. Voilà pour
quoi le chiffre s’arrête à 91 , ce qui eut fait dès le d ébu t,
l 5y pour l’année entière.
Eu i j , toujours d’après M* Anglade, le répertoire
monte à 274 j en 1816, 289 ; puis il retombe jusqu’à 210 ;
remonte, en 1826 , à 347 ; retombe à 244 ct vient à
*
l l n ’y a d’autre variation que celles des années plus ou moins
bonnes, du plus haut prix du vin , et des baux de fermes
partiels des grandes propriétés; encore, nous le répétons ,
ces données sont celles du sieur Anglade ; nous prenons
son tableau et ses chiffres rouges.
M* Anglade fait ensuite un tableau particulier pour les
deux années i o et 1 1 ; nous devons l ’imiter: lisons-le
à la page o. Il dit en résumé : qu’en 1 o Desmanèchesa
reçu
actes pour Cournon, et 271 pour Lempdes , en
tout
j et en 1 1,4 5 4 , dont z o 5 pour Lempdes, et 249
pour Cournon. Voyons si cela est vrai.
364
85
364
253
524
3
83
83
83
83
6.
�Ici, un fait est fort remarquable. Tout ce qu’on a dit cidessus s’applique aux temps antérieurs à la décision du
Tribunal ; et la question de fa it , que M* Anglade cherche
A fixer ici 5 est q u e, depuis cette décision , M* Desmanèclies
n ’a fait qu’accroître d ’audace à raison de sa résidence à
Cournon.
.
,■
■
■
O r, il va prouver que depuis la décision de i o, lors
qu’il a transporté à Lempdes,non ses minutes personnelles
qui y étaient toujours déposées, ni celles de M* D ucrohet et de ses prédécesseurs, mais seulement celles de son
père ; c’est à Lem pdes, où était fixée tout à fait sa résidence
notariale , que cette confiance l ’a suivi.
-,
Sur les
actes notés pour Cournon, en 1800, 220 seu
lement concernent les habitans de cette commune. Ontils été reçus dans la prétendue résidence de Cournon?
Yoyons :
,, , , • j
-. .
^
y 5 Ont été reçus au domicile des parties.
1
Dans l’étude du N otaire, à Lempdes.
87 Dans la maison de Desmanèclies, î\ Cournon.
Yoyons 1 1. L à , dit encore A n glad e, l ’audace a aug
menté : 454 actes, dont
pour Cournon. On n ’avait pas
les mêmes craintes qu’en i o , et on revenait davantage
la résidence de Cournon. Yoyons si ce 11e sera pas tout le
contraire.
, •. •
u .
Sur ces 249 actes ,
seulement appartiennent aux
habitans de Cournon. Où sont-ils passés? : :
. ! ,
87 Au domicile, des parties.
111 En l'étude, 11 Lempdes.
37 Maison Desmanèclies , à Cournon.
¡<
A in si, au lieu d ’accroître, l’audace diminuait : 37 actes
I
^
255
58
83
^49
235
83
83
♦
�— 45 —
seulement dans la maison de Desmanèches; mais i 11 pour
Cournon, passés dans son étude, à Lempdes— 8y au do
micile des parties! Assurément, il y avait réquisition de se
transporter pour ces derniers. Ne fa u t-il pas encore que ,
dans la plupart de ces actes, on ait omis de le dire? E t
n’e s t - t - i l pas démontré que, lorsque Desmanèches ne
peut ou ne veut pas aller à Cournon, on vient contracter
à Lempdes?
E t remarquons que ceux passés dans sa maison, sont
toujours des actes minimes; et que tous ceux qui exigent
des discussions ou des travaux préparatoires, sont passés
dans l’étude ou au domicile des parties.
Il est donc bien avéré , que M* Desmanèches s’était
renfermé dans sa résidence ; qu’on venait également l ’y
chercher de Cournon , qu’il n ’avait pas besoin de ma
nœuvres et d’une résidence frauduleuso, pour attirer Ja
confiance , et qu’il lui suffisait de ne pas la repous
ser , comme il l’a déclaré dès le principe. Il est avéré ,
que les Vérificateurs et l’inspecteur de la llé g ie , avaient
vu c la ir, que le Procureur du llo i n ’avait pas vu trou
ble , et que M* Anglade en impose sur les choses les
mieux démontrées, avec ces offres de preuve , que tout
déconsidère et déconcerte dès à présent.
Après avoir ainsi complété les faits , il ne nous reste
qu’à discuter les moyens de la cause. L a Cour c o n n a î t
le jugement dont est appel ; nous n’avons pas besoin d’y
revenir.
�DISCUSSION.
Après avoir tiré de son exposé trois propositions qu’il
dit évidentes, M 'Anglade a senti que, même en les sup
posant, son système allait s’écrouler, s’il le réduisait à ce
qui constitue isolément sa demande en dommages - inté
rêts. Il avait trop de perspicacité , pour ne pas apercevoir
qu’il lui était impossible d’agir contxe un de ses confrères,
parce qu’il recevrait des actes dans sa résidence, en quel
que nombre que ce fût. H a donc fallu faire un amal
game, de la question de résidence, et de celle en dommages-intérêts; et alors qu’il voyait la première dispa
raître devant les faits matériels , et la conviction des
fonctionnaires publics, et qu’il ne pouvait rien espérer
de la seconde, en la laissant isolée; il fallait tâcher de
les soutenir l ’une par l ’autre, et de leur donner par l’en
semble, une consistance apparente , que chacune d’elles ,
ne peut avoir séparément.
Encore , pour tirer parti de ce système , a-t-il senti le
besoin de poser comme une base nécessaire, que le titre
de Notaire et sa résidence , sont pour lui une propriété
privée-
Et , enfin , rencontrant toujours un obstacle dans la
lo i, qui autorise Desmanèclies à exercer dans tout le can
ton , et ne permet pas de considérer comme susceptibles
de blâme , des actes couverts de son autorisation^ il lui
a fallu supposer une intention malveillante , et affirmer
que ces actes constituent des méfaits, ayant le caractère
de quasi-délit.
�47
—
—
- Voilà ce système qu’il a péniblement édifié. II ne nous
faudra pas d’efforts pour le détruire. Nous n’avons pas
reculé devant les explications de fait; mais les moyens
de droit sont aüssi de notre domaine.
Posons d’abord quelques principes :
A vant la loi du 6 octobre 1791 , un Notaire pouvait
instrumenter partout, et aucune question d’intérêt privé
ne pouvait s’élever à raison de l’exercice , malgré que
chacun fût propriétaire de son titre’, par suite de la vé
nalité.
L a loi de 1791 apporta des cliangemens notables à cette
institution.
Par les art. 8 et 10, elle décida le placement des N o
taires dans des lieux déterminés, et déclara qu’ils seraient
tenus d’y résider.
Quel fut le but de cette législation nouvelle? Put-il de
ménager l’intérêt respectif de chaque N otaire, et de dé
fendre à chacun d’eux d ’exercer dans la résidence de son
voisin? Non , évidemment. L ’intérêt public était le seid
mobile du législateur; il voyait que les populations avaient
besoin de trouver, au milieu d’elles, le ministre de leurs
transactions, et il exigea des résidences; m ais, en mêmetemps , il sentait qu’il 11e fallait pas en faire, pour chacun
d’eux, un sujet de monopole et d’exaction; e t, e n consé
quence , il écrivit dans l ’art. 11 :
«Ils 11e pourront exercor leurs fonctions hors des limites
» des départemens dans lesquels ils se trouveront placés;
» mais tous ceux du même département exerceront, con» curemment entre eux dans toute son étendue. »
A in si, la résidence était tout à fait, dans l’intérêt pu
¡cl
�=r 48 blic ; elle ne portait aucun obstacle à Vexercice avec concurrence dans tout le département. Ce principe devait',
d’ailleurs, se combiner avec la possibilité que le Notaire
fût appelé assez habituellement dans d’autres lieux, pour
faire des absences fréquentes.
L a loi du
ventôse an n a adopté ce système, tout en
y portant quelques modifications de détail.
L ’art. a conservé le principe des résidences , et a ré
servé au gouvernement, le droit de les fixer.
L ’art. , en divisant les Notaires par classes , a limité
Je territoire dans lequel ils exercent leurs fonctions.
A in si, comme la loi de 1791 , elle a admis cette grande
distinction entre l’obligation de résider et le droit d’exercer.
Tout cela prouve que l ’obligation de'résider est tout à
fait indépendante des droits et des intérêt? particuliers tle
çliaque Notaire, quant à la réception des actes.
Ce n ’est pas que la loi ait voulu abandonner le fait de ré
sidence à la volonté illimitée de chacun ; elle 11e voulait ni
ne pouvait autoriser les abus de Notaire à Notaire, mais
elle ne devait pas, non plus, ouvrir, pour cela, des actions
individuelles, toujours fâcheuses. L a surveillance de ces
sortes d’abus était toute d’administration ; et aussi, ne
voulant pas s’en dessaisir, ni même la confier aux T ribu
naux , quoique le Ministère public veillât à côté d’eux;
l’art. 4 , qui autorise à considérer les contrevenanscomme
démissionnaires, ajoute : « E n conséquence, le Ministre de
v la Justice, après avoir pris Favis du Tribunal, pourra
» proposer au Gouvernement le remplacement. »
A in s i, la loi a pourvu «\ tout ; niais elle n’a rien aban
donné aux individus, ni même aux tribunaux ordinaires ,
25
4
5
�de cette police administrative, qui demeure comxntrje
dans la main du Gouvernement, pour en user comme il le
trouvera convenable. C’est lui, et lui seul, qui fixe les rési
dences , qui les augmente ou les diminue dans le cercle
tracé par la lo i, suivant qu’il le juge nécessaire à l ’intérêt
public, qui demeure aussi seul juge des infractions et de
l ’application de l’art. 4? sans que cela ait rien de commun
ni avec les actions de l ’intérêt p rivé, ni même avec les
mesures de discipline, que l ’art.
confie aux Tribunaux
pour tous les autres cas.
E t aussi, toutes les décisions judiciaires ou adminis
tratives ont consacré ce principe de la loi. Nous nous bor
nerons à en indiquer quelques - unes : 1° U n arrêt de la
Cour de N îm es, du 20 décembre 1825 , qui refuse au M i
nistère public, lui-même , le droit de requérir du Tribunal
la suspension d’un Notaire traduit pour avoir usurpé la ré
sidence de son voisin. L a Cour décide que ce fait 11e peut
même pas donner lieu à une mesure de discipline ; que le
Notaire ne peut être atteint que par Vart.
qui n’appartient
qu’au Gouvernement. Le pourvoi, contre cet arrêt, a été
rejeté le 21 février 1827.
U11 arrêt de T u rin , du 9 janvier 1810 , a jugé de
même.
20U n arrêt de la Cour de Poitiers, du 29 mars 1828,
confirm ali (‘d’un jugement du tribunal de Saintes, qui re
jette un réquisitoire du Procureur du l l o i , présenté pour
un lait semblable , sur une lettre du Garde-des-Sceaux.
Le Iribuual ne repousse pas, pour cela, l’autorité de l’ar
ticle 4; il reiuse seulement, au Procureur du R o i, le droit
de s’en servir pour requérir une peine de discipline, parce
53
7
�— 5o —
53
qu’il n’a rien de commun avec l ’article
; mais reconnais
sant , dans le Garde-des-Sceaux , le droit de poursuivre le
Notaire, en prenant l’avis du Tribunal, par l ’intermédiaire
du Procureur du llo i, il donne acte de la remise de Jalettre,
et déclare qu’il donnera son avis , après avoir formé sa
conviction sur le fait.
L ’arrêt de la Cour de cassation , du 2 février 1829, qui
rejette le pourvoi, est plus formel encore. La Cour de Poi
tiers , d it-il, s’est conformée à la lo i, parce que c’est au
Ministre de la Justice seul, qu’il appartient de veiller à ce
que chaque Notaire habite sa résidence ; que cette surveil
lance est un acte d’administration , d’autant plus que le
Ministre p eu t, dans l’intérêt public, autoriser ou tolérer un
changement momentané de résidence ; qu’enfin , l’art. 4
exclut nécesss aireme nt l'emploi desformes relatives à l’exer
cice de lajuridictioncontentieuse, et n admet que la voix con
4
sultative , etc.
° Une Ordonnance rendue au Conseil d’Etat , le
28 août 1832, qui rejette le pourvoi d’un Notaire, contre
une décision du Ministre, qui avait appliqué l’art 4, parce
que c’est au Gouvernement seul, qu’il appartient de statuer
sur ce qui est relatifaux résidences.
C’est un point de départ fort remarquable, que celui-là :
L ’emploi de l’art. 4 n’appartient point à la juridiction contentieuse. Si donc, ce moyen ne peut être saisi directement
par le Ministère public, pour requérir les Tribunaux, il
peut encore moins être livré aux individus, dans leur inté
rêt privé.
résulte de là ; que le cas prévu et le moyen admis par
l ’article j iic sont pas dans le domaine des Tribunaux.
3
11
4
�— 5i —
Nous ajoutons qu’il ne peut jamais devenir Te principe
d’une action particulière en dommages-intérêts. Comment
ne pas le reconnaître? Il ne s’occupe que de la résidence.
L e droit de passer des actes là où est le droit d’exercer,
est renfermé dans l’art. 5. O r, il est bien évident que le
fa it de la résidence, détaclié du droit d’exercer, ne peut
être productif d’aucun dommage. Loin d’en éprouver de
ce que Desmanèclies laisserait à Cournon sa femme et
son ménage , et de ce qu’il viendrait y résider lui-même,
en abandonnant son étude à Lempdes , Anglade y trou
verait, au contraire, l ’avantage de faire les actes de sa
propre résidence , et d’aller faire ceux des liabitans de
Lempdes ; et ce serait pour lui un droit et une obligation.
Si nous avions, d’ailleurs, à examiner à quelle sorte de
position s’applique l ’art. ? un mot nous suffirait. M* A n
glade a , dans ses pièces, une ordonnance qui caractérise
très-bien la volonté du Législateur: U n sieur lîoucliet avait
été nommé Notaire à la résidence de St Maurice , canton
de Pionsat; il ne fit aucun usage de son titre, et quatre
ans s’étaient écoulés sans qu’il se fût mis en mesure d’oc
cuper sa résidence , malgré plusieurs injonctions. L a po
pulation se plaignait ; un autre Notaire de l’arrondissement
se présenta pour occuper la résidence, et elle lui fut ac
cordée par une ordonnance du llo i, qui déclara Mc lîoucliet
démissionnaire. On conçoit parfaitement cette décision ;
mais aurait on pu la rendre, si lîoucliet eût prêté serinent
et passés tous les actes de sa résidence? Quelle application
peut donc avoir un semblable fa it, à la cause?
Les poursuites de Me Anglade ont c o m m e n c é en i o.
Seize ans s’étaient écoulés pendant lesquels Desmanèclies
4
83
1'
�— 52
avait reçu tous les actes des habitans de sa résidence; il avait
été leur Al aire, leur patron, le conciliateur de leurs diffé
rons, et on auraitpule déclarer démissionnaire, pour l’avoir
abandonnée !
E t quand bien même sa résidence n ’aurait pas été ab
solue jusque-là, que les minutes de son père n’auraient pas
toutes été dans son étude , on pourrait le remplacer comme
démissionnaire , alors que toute l ’instruction, les vérifica
tions successives de la llé g ie , les procès verbaux d eM . le
Procureur du R o i, les informations qu’il a prises et qu’il
a transmises à l ’autorité supérieure, constatent que sa rési
dence notariale est complètement à Lempdes! E t tandis
que ses minutes font foi qu’il passe , dans son étude, tous
les actes de sa résidence , et un grand nombre d ’actes pour
les habitans de Cournon ; et que , d’ailleurs , le redresse
ment des infractions à l ’obligation de résidence, est ré
servé au gouvernement se u l, 011 voudrait que la Cour or
donnât des enquêtes, contre cet te masse de vérités patentes,
établies par des données authentiques et des actes qui font
foi! Quelle rêverie !
A in s i, n’en déplaise à M* Anglade, il faut qu’il cherche
ailleurs le soutien de sa demande, et qu’il se réfugie dans
l ’art i 382 du Code civil.
Mais comment y trouverai t-il un moyen pour lui?
Pour qu’un fait puisse devenir un principe de doinmages-intérêts, il faut une double condition:
i° Que ce soit un fait non autorisé par la loi;
20 Q u’il ait produit un préjudice appréciable.
O r, ici, où le préjudice 110 peut naître que des actes
passés par Desmanèches, pour les habitans de Cournon,
�53 —
comment lé reconnaître, alors même que le fait ne serait
pas permis? Il faudrait qu’on pût décider qu’au défaut de
Desmanèclies, les parties se fussent adressées à M° A n
glade. Or, dirait-il, lui-même, que ces actes fussent allés
grossir son répertoire? Les minutes de Desmanèclies, qui
constatent que les parties sont allées les passer à Lempdes ,
ne prouvent-elles pas le contraire?
Ic i, nous pouvons prendre un exemple :
I ln ’y a pas de règlemens plus sévères,que ceux de la phar
macie. L ’intérêt public exigeait, et la loi a voulu que les
préparations pharmaceutiques, et la vente des remèdes ,
fût interdite à tout autre qu’aux pharmaciens brévetés,
sous despeines correctionnelles. E n divers lie u x , des phar
maciens ont dénoncé des ventes illicites , nombreuses ,
habituelles, dans des officines ouvertes, et saisi directement
les Tribunaux de police correctionnelle. Ils ont été décla
rés non recevables, parce que , d’une p a rt, la prohibition
avait été portée uniquement dans l’intérêt public, et que
de l’autre, rien ne pouvant permettre de juger que les
acheteurs fussent allés prendre leurs remèdes dans la phar
macie du plaignant, il n’y avait pas de dommage appré
ciable. L a Cour, elle-même, a admis cette doctrine par un
arrêt de 1 1.
83
Et cependant, il s’agissait d’un fait punissable, d’un
délit qui ne pouvait exister sans donner ouverture à un
moyen de repression.
Et on voudrait} qu’un fait autorisé par la lo i, donnât
ouverture à des actions individuelles ! A-t-on réfléchi
aux conséquences graves qui en résulteraient, dans l’or
dre moral de la société?
�-
54
- -
E videm m ent, l ’action ne serait pas ouverte pour la
passation d’un acte, ou de plusieurs ; ce serait donc pour
un grand nombre , et pour quelques circonstances ; mais
comment les fixer?
E t si le titulaire jugeait convenable de s’absenter
souvent , et que des actes nombreux se présentassent ;
s’il mettait à un haut prix, son talent et son patronage ;
s’il lui plaisait de rançonner les liabitans ; s’il était mal
habile ou peu scrupuleux , ( nous n’appliquons pas ces
suppositions , nous raisonnons ) il serait interdit aux
babitans, d’appeler un Notaire de confiance, et il pour
rait devenir dangereux à ce Notaire d’y répondre, parce
que cela se répéterait beaucoup , parce qu’il pourrait,
être, plus ou moins souvent, obligé à quelque séjour, parce
qu’on.profiterait de sa présence, pour lui en faire passer
un plus grand nombre! Il suffirait donc à un Notaire,
d ’abuser de sa position, pour exposer ses confrères à des
poursuites et à des investigations de toute espèce ; et ce
lui qui ne voudrait rien faire, pour attirer les cliens ,
par la confiance, tirerait de la loi des moyens détour
nés, pour chasser ses confrères de sa résidence , en
créant des difficultés, des obstacles, en les abreuvant de
dégoûts , et en les menaçant de demandes, en dommages»
intérêts ! Espérons que l’intérêt public ne deviendra
pas, a in si, l’esclave de l ’intérêt privé; que le Notariat 110
sera pas, jusque-là , ravalé par une fausse entente des
lois; ou bien, cette profession si noble et si importante,
11e conviendrait plus aux hommes honnêtes.
Nous n’avons pas besoin de sortir de la cause, pour
chercher un exemple: U y a long-tçmps que M* Anghulo
�— 55 —
a organisé autour de la maison D e sm a n è ch e sle plus
vil espionnage. Quelques hommes , parmi lesquels se
trouve toujours u n , au moins, des témoins qu’il a pro
duits à la Chambre d’accusation, et qui l ’ont certifié au
prétendu compte de Lareine-Jioussel , chez Me A staix,
exercent l ’inquisition la plus odieuse , sur tout ce qui
entre ou sort ; souvent on pénètre dans la m aison, sous
quelque prétexte. Encore , si c’était pour voir et dire la vé
rité ! Il n’est pas jusqu’à Lareine-Boussel, qui n’ait été en
voyé chez Mc Desmanèches, un jour qu’il était à Coufnon; pour lui proposer de passer un acte. L a maison et
l ’étude de Lempdes ne sont pas non plus exempts de ces
investigations odieuses. Voilà pourquoi on veut des en
quêtes, et comment on se fait des témoins. Serait-ce là ,
le but moral de la loi , quand elle parle de résidence et
d’exercice de la profession?
Et aussi, tous les exemples de jurisprudence, ont rejetté l’action en dommages-intérêts. Ceux que nous avons
cités, ne s’appuyent pas seulement sur l ’incompétence
des Tribunaux , mais encore sur le droit donné par la
lo i, à chaque N otaire, d’instrumenter hors de sa résidence.
L ’arrêt de Nîm es, en rejettant la demande, recon
naît la fréquence des voyages, et le grand nombre d’actes
que faisait le Notaire Guérin a Chômérac, résidence voi
sine, et que M. le Procureur du llo i l’accusait de faire,
sans y être appelé.
L a Cour de Cassation , en rejettant le pourvoi, va plus
loin. Elle se fonde sur ce (pie : « L ’on n’iinjmie au No» taire Guérin aucune malversation , et que la fréquence
» de ses voyages à Chomérac, peut être expliquée par la
�— 56 —
»
»
»
»
»
grande confiance dont il paraît jouir dans le canton
dont cette commune est le chef-lieu , et que l’on ne
pourrait en faire la base d’une peine disciplinaire, sans
craindre de porter atteinte au droit qu'il a d'instrumenter dans cette commune. »
Y a-t-il au monde quelque chose de plus clair , de
plus logique ? et surtout, de plus directement applicable
à Desmanèches?
Dira-t-on qu’il était reconnu que Guérin avait à Privas
sa résidence , son dom icile, et le dépôt de ses minutes?
Mais cela est vrai pour Desmanèches , depuis 18 14 , et
plus spécialement depuis 1 o ; et si on pouvait le con
tester , encore une fois , le Ministre seul aurait droit
d ’investisation
,f et de le faire rentrer dans sa résidence.
O
Dans une autre espèce, où un Notaire se rendait ha
bituellement les jeudis et les dimanches, de sa résidence
au chef-lieu du canton, pour y recevoir des actes} le
Ministère public l’avait poursuivi. Le Tribunal Civil
de Dreux rejetta l’açtion , en copiant le motif de la Cour
de Cassation, que nous venons de transcrire j et le 14
mai i
, arrêt de Paris, qui confirme.
Le Tribunal de Clermont n’a donc fait que se con
former aux principes , en déclarant l ’action 11011-recevable.
C ’est ici que M e Anglade réunit tous ses efforts, et
s’écrie : Comment serait-il possible que je fusse réduit
à. perdre ma profession, par une fin de non-recevoir?
X^ut-on séparer mes moyens, et les annihiler en les met
tant à nud , par cette barbare dislocation? Réunissons
çes trois propositions ;
83
832
�— 5; —
I® Mon office de Notaire est ma propriété.
2° Ma résidence fait partie de mon office ; elle est
donc ma propriété, et j’ai une action contre M* Desmanèches-, qui usurpe ma résidence ;
° Les faits que je lui impute présentent les caractères
de quasi-délit, de fraude, de méfaits.
Donc, j ’ai une action civile en réparation , qu’on ne
peut me refuser.
Ges propositions seraient vraies, que nous n’admet
trions pas la conséquence ;
Mais- elles ne sont pas vraies.
A vant de livrer à la Cour quelques réflexions là-desSus , n’omettons pas d’observer que M’ Anglade luimême a senti le besoin de ces deux moyens extrêmes :
Propriété privée de son titre, et usurpation frauduleuse
par des méfaits. Il s’est donc engagé à prouver tout cela.
O r , à cAté de ses assertions inexactes , seule ressource
dans laquelle il se réfugie , nous allons prouver le con
traire , avec les simples armes de la vérité.
On nous ferait rétrogader d’un demi-siècle , que nous
n ’arriverions qu’au temps où , trouvant établi ce système
de propriété des offices , le législateur s’occupa de le
détruire. Alors qu’on jugeait convenable d’abolir tous
les privilèges, le gouvernement ne pouvait pas admett re
qu’une portion quelconque de la puissance publique pût
appartenir, de droit, à de simples individus.
Jusque-là, on transmettait, comme une propriété ordi
naire , les charges de judicature, les offices des greffiers ,
notaires et autres; le Gouvernement n’avait qu’à donner
son adhésion, pour attacher àla transmission individuelle
3
8
�un caractère public; el aussi, la nécessité de définir cette
sorte de propriété, avait fait considérer les offices comme
des immeubles fictifs , susceptibles d’hypothèque. Aujourd’hui même, considéré comme propriété, le titre ne
pourrait échapper à l ’action du créancier, et à une saisie,
soit m obilière, soit immobilière; il se transmettrait avec
l ’hérédité! Oserait-on le prétendre?
L e Gouvernement ne donne plus une simple adhésion à
la transmission individuelle d’un titre ; il nomme qui il
v e u t, et comme il veut; il donne le titre, et il le révoque
quand il le juge convenable; lui seul en est le juge.
L ’art.
de Ia
est seul qui parle des résidences; si
on pouvait en induire que lobligation de résider est un
droit de propriété, comment y trouverait-on cette idée dis
parate, que celui-là sera considéré comme démissionnaire,
qui n ’aura pas ju¿é convenable d’user de sa propriété? Et
comment M e Anglade aurait-il osé , sous ce singulier pré
texte, dem ander, avec instance , la révocation de M1' Desmanèches.
A u reste, jusqu’à la loi de 18 16 , personne n’a douté de
cette vérité, que le titre conféré par le Gouvernement n ’est
pas une propriété. Cette loi a-t-elle changé le principe?
L’art, pi donne seulement aux titulaires, 011 à leurs
héritiers, la faculté de présenter un successeur, mais non
de le nommer ni de vendre le titre. Il en est résulté, il est
vrai, des transactions, moyennant un prix; mais cette cir
constance, purement accidentelle , 11e change rien à la
question , car il faut toujours la nomination du Souverain,
qui peut, 11011 seulement la refuser, mais encore, nommer
toute autre personne que celle qu’on lui présente, eût-elle
4
�//•X ;
b9
—
—
traité, moyennant un prix. En ce cas, et à moins que le
Gouvernement n’en ait imposé la condition, le nouveau
titulaire ne doit aucune indemnité, fut-il un des héritiers
du défunt.
• A u reste, la loi de x8 16 , porte avec avec elle-même ,
son antidote.
L a faculté de présenter un successeur, n’aura pas lieu
pour les Notaires destitués— Elle ne déroge point au droit
de S. M. de réduire les fonctionnaires.
Me Anglade veut que cela ne s’applique qu’aux cas d’une
réduction non encore opérée. C’est une erreur j car , si
après avoir fixé le nombre et les résidences des Notaires ,
le Gouvernement pensait devoir l ’étendre ou le réduire
davantage encore , il en aurait la faculté.
L a loi du 2.5 ventôse an n , ne lui laisse-t-elle pas, en
l’art. i , le droit de placer deux Notaires dans une rési
dence où il n’y en avait qu’un? D ’en établir jusquàcinq
dans un canton où le nombre aurait été d’abord réduit à
deux ou à trois? N ’est-il pas arbitre souverain du besoin
des populations? A -t-il, en cela, d’autre règle que l ’inté
rêt public? Comment donc les résidences seraient-elles
une propriété privée?
3
Nous n’aurions pas besoin de relever cette singulière as
sertion du Mémoire, (p.
, 37) que la vénalité ne s’ap
pliquait qu’aux offices de judicature , et que lorsque des
( réclamations s’élevaient contre la vénalité...... Aucun bon
esprit n’essaya d’étendre la prohibition aux éludes de N o
taires , etc. Pour se laire tine juste idée de la faciliié de
JMr Anglade à afiirmçr tout ce qu’il désire, même contre
36
8,
l
�—
60
—
l’évidence, il noussuffit de'transcrire l ’art. 1" délla lo i du
ay septembre 1791.
La vénalité et l’hérédité>des Offices-royaux de Notaires,
« Tabellions, etc. , sont abolies. »
Apparemment que cette loi n ’avait pas un\bon esprit,
qu’elle n ’avait pas été provoquée et adoptée 'par ¿e bons
.esprits, et que ceux-ci avaient gardé le silence/O r, la -vé
nalité et l’hérédité du Notariat n ’ont pas été rétablies, et
nous pensons bien que les bons esprits de i
ne les récla
meront pas.
Ainsi disparaît 'cette base fantastique de l’édifice <le
M* Anglade.
Mais quand on siipposerait son principe v r a i, les con
séquences n’en seraient pas plus admissibles.
i° Parce que les infractions à la résidence , seraient
du seul ressort du Gouvernement; que M* Anglade a ,
'sous ce rapport, épuisé son droit, par sa dénonciation,
et qu’il 11e pouvait y trouver le principe d’une action
833
privée.
20 Parce que tous les faits antérieurs à 1828 , sont étran
gers à l’intérêt personnel d’Anglade.
° Parce que, pour le temps antérieur à 1 o, la situa
tion de M,f Desmanèches a été fixée par la délibération
du i mai.
° Pa rce qu’il est constaté par les documens les plus
■authentiques, que depuis cette délibération, au moins ,
Pesmanèches a sa résidence Notariale à Lempdes.
M ais, dit-011, il a encore sa femme et un ménage à
Cournon.
Cela est vrai ; mais d’abord , il a aussi son ménage et sa
5
4
83
3
�belle-mère àXem pdes; le ménagé de Lempiles est le sien;
sa femme est fille unique, et sa belle-mère est octogénaire
et dans un état complet d’infirmité; sa mère réclame d’ail
leurs, àCournoti, les soins de son épouse ; et enfin , ni l ’un
ni l’autre des deux ménages, ne sont le Notariat.
E st-il, d’ailleurs, le seul officier public, le seul fonetionnaire, qui laisse son épouse à la tête d’une exploita
tion considérable, pour se réserver ailleurs , aux devoirs
et aux affaires de son état ?
A u reste , une raison fort sensible ; que M* Desmanèclies a toujours déclarée comme un fait qui devait tout
finir et lever tous les obstacles entre M c Anglade et lu i,
s’opposait à ce qu’il supprimât son ménage de Couruon.
Son fils est en âge et en état de le rem placer, il espère qu’il
en sera trouvé digne. Le projet d’abandonner tout-à-fait
le Notariat et le soin des propriétés de Lem pdcs, et de
se retirer à Cournon avec son épouse, pour se réduire à la
régie de ses biens , ne le permettaient pas ; et comme 011
n’exigeait à Lempdes que sa résidence personnelle , et
l’assiette de son établissement Notarial , il y a satisfait.
E n fin , pendant que INI* Anglade pose comme néces
saire sa proposition de méfaits, d’intention malicieuse , ce
qui est fort ridicule, car après tout, il n’y aurait dans
toute supposition , qu’ une rivalité d’intérêts, et il n’a
même allégué rien autre chose, toutes les circonstances
démontrent que M* Desmauèches aurait agi de bonne
foi, sous l’égide de la loi, de son titre qui en a la dispo
sition expresse; des commissions duTribunal et d el’Adm inistration , qui l ’ont appelé; du consentement dcsesconfrères et de leur contre-seing volontaire et habituel ; il aurait
�— 62 —
été provoqué par la confiance d’un certain nombre de fa
m illes, qu’il ne tient pas de son Notariat ni de ses ma
nœuvres , maisde ce que de tous les temps, et bien avant
qu’il fût Notaire , ils étaient en relation avec lu i, de ce
qu’aujourd’h u i, ils ont leurs affaires dans son étude.
S’il fallait aller plus loin , et prouver que la fréquence
des actes de Desmanèclies a été rendue nécessaire par
le fait même de M* Anglade; nous le ferions sans peine,
et nous n’aurions pas besoin d’enquête.
Quant à présent, nous n’irons pas plus loin dans les
explications. Il doit nous comprendre.
Mais si nous pouvions supposer qu’il fallut des en
quêtes, nous aussi, nous prouverions par cent témoins,
par les hommes les plus honorables des deux communes,
soit la vérité des faits que constatent les documens offi
ciels, soit et aussi, les faits personnels à M* Anglade , et
;Vsa résidence. Il nous serait permis, non pour accuser, mais
pour nous défendre, de scruter la vie Notariale de M* A n
glade jusque dans ses replis , de montrer l’emploi de
son temps, partout ailleurs que dans sa résidence, et l ’o
bligation où ont été les habitans de Cournon, de s’adres
ser à tout autre qu’à lui.
A u reste, quel fait allègue-t-on, qui prouve la malice
de Desmanèclies, si ce n’est cette indigne calomnie, tirée
du fait de La reine-Boussel ? Si nous voulions chercher des
laits qui établissent le contraire, il nous serait facile.
Nous n’en citerons qu’un seul, il montrera jusqu’à quel
point il est permis à M° A nglade, d ’accuser son confrère
de mauvais procédés.
De tout tem ps, Desmanèclies père et iils avaient eu lfk
�— 63 —
confiance d e là famille Quaynoux. E n 1828, Marguerite
Dardaine, veuve de François Quaynoux, fut atteinte d ’une
maladie grave. Elle avait quatre' enfans, tous mariés sous
promesse d’égalité. Jean , et Gabriel le , femme Landau ,
habitaient aveq elle , et s’étaient emparés de son esprit.
Le 4 août 1828, Desmanèches fut appelé. L a mère lui
déclara qu’elle-.,voulait leur donner le <[uart en préciput.
Il s’y refusa, en remarquant à la mère , qu’elle avait
promis l’égalité. Elle dit alors, qu’ils avaient travaillé ses
biens, et qu’elle voulait les leur donnera m oitié, pour
qu’ils ne fussent pas en perte. Desmanèches fit le bail pour
neuf ans, mais avec clause expresse de résiliation en cas de
décès, sauf la récolte de l’année.
Mécontens de ce résultat mesquin , les deux enfans al
lèrent consulter M” Anglade ; il pensa qu’il y aurait moyen
de les satisfaire ; et le 6 août, lit chez la veuve Quaynoux,
les actes ci-après :
i° L a vente précipitée à Michel C liaput, m aréchal,
d’une terre qui le joignait. Elle est faite*moyennant le
prix fictif de 200 f r . , payés comptant. O11 stipule une
garantie, attendu que le prix a été payé de confiance, sans
savoir si la terre vendue, est libre d'hypothèques et d’ins
criptions.
E n même tem ps, Cliaput fait au profit de Jean Q uay
noux et de Landan, conjointement, deux effets montant
à 3o2 francs, faits le 6 août; ils portent la date du 3o mars j
ils sont, entièrement écrits de la main de M. Anglade.
20 Une obligation par la veuve Quaynoux , de 400 f r .,
au prolit d’un individu de Clermont, qu’on ne connaît pas.
U n partage testamentaire qui faisait ¿\ Jean et à la
�-
64
-
femme Landau', des* avantages indirects considérables.
Marguerite Dardaine décéda le 10 ao û t, quatre jours
après. On ne trouva pas une obole dans sa maison.
A u ssitôt, les enfans lésés jetèrent les hauts cris; ils ap
pelèrent M* Desmanèclies, qui les appaisa; il pensa qu’il
aurait assez d’ascendant sur les deux autres, pour les rame
ner à la justice. Il les fit appeler, ainsi q u eC h ap u t, et ne
fut pas trompé dans son attente. Le 19 août, tout cet’ édi
fice de fraude-'fut renversé par le commun consentement
des parties;
Sans être animé par l’audace, la ruse , la méchanceté la
plus froide comme la plus cruelle, M* Desmanèclies eût
pu , s’il 11e se fût pas observé, annuler ces actes comme
autant de transactions frauduleuses, et il 11’eût pas commis
un méfait. Il eut la prudence de 11e pas le faire , et il rem
plit son devoir avec autant de circonspection et d’égards
qu’il pouvait en offrir à un confrère à qui il pouvait 11e
supposer qu’un manque d’expérience.
Il 11e fit qu’un seul acte authentique, 1111 nouveau par
tage , dans lequel, sans aucune expression critique, ni
contre les personnes , ni sur le fa it, 011 se borne à dire que
les parties n’entendent pas exécuter le partage testamen
taire lait par leur mère.
Il se réduisit ensuite à deux déclarations sous seing-privé,
qui 11’ont jamais vu le jour.
L ’une de Jean Quaynoux, seul, qui reconnaît avoir pris
les /¡oo fr. empruntés par l ’obligation du 6 août, et promet
en garantir ses frères et sœurs.
L ’autre de Quaynoux et L an dau, qui reconnaissent que
�— 6£ —
les deux billets de 3o2 fir. ne sont que le prix de la vente.
Etrainsi fut enseveli, dans le secret, tout cet édifice d'e‘
fraude'y qui aurait pu compromettre, à son début, un
officier ministériel. M‘ Desmanèclies le laisserait dans
l ’o u b li, si on ne le forçait à en parler pour sa défense,
en l’accusant d’une noire malice.
V oilà toute cette cause , si singulièrement travestie par
Mc Anglade. Encore aujourd’h u i, M* Desmanèclies dira à
la Justice : J ’ai agi de lionne foi ; je n’ai jamais outre-passé
mes droits ni les limites que m’imposait la loi. Aucun de
mes actes nv’à étd'le sujet de la'moindre plainte, et l’intérêt
public a été satisfait ; j ’ai cru avoir exécuté tout ce que me
prescrivait la délibération de i o; si je me trompais en
core, que mes supérieurs prescrivent, et je 111’y confor
merai.
83
Mais, que demande-t-on contre lui avec tant d’instance?
M« Anglade se plaint que l ’exercice de son état est ré
tréci par l’usurpation prétendue de »Desmanèclies, car le
chiffre de son répertoire prouve qu’il ne lui est pas enlevé;
et il demande, contre lui , qu’on le condamne à des dommages-intérêts , et qu’on lui enlève son titre ; qu’on-le lui
arrache tout à fait; qu’on le déshonore, et qu'on prive,
dès à présent} lui et sa famille, d’un état honorable , et
qu’il rem plit, autant qu’il le peut, à la satisfaction pu
blique. On veut que son fils 11e soit pas Notaire; que l ’ave
nir de ce jeune homme soit coupé dans sa racine ; 011 s’en
arroge pour ainsi dire le droit , e t, pour y parvenir, on
dénaturé tout, ou empoisonne tout, on affirme les faits les
plus faux. Outre qu’on ne doit pas le craindre de la justice,
9
�—
66
—
la raison reviendra, sans doute, et alors on aura quelques
regrets d ’avoir calomnié un homme honnête, et d’avoir
cherché, par des moyens illicites, à lui ravir son état et la
considération publique.
D E S M A N È C H E S , Notaire.
Me de V IS S A C , Avocat.
MED R I V O N , Avoué-Licencié.
RIOM E THIBAUD IMPRIMEUR DE LA COUR ROYALE
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Desmanèches, Jean-Baptiste. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmanèches
De Vissac
Drivon
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
chambre des notaires
minutes de notaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Jean-Baptiste Desmanèches, notaire à la résidence de Lampdes, intimé, contre Claude Anglade, notaire à la résidence de Cournon, appelant.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf66 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2801
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53558/BCU_Factums_G2802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
chambre des notaires
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53557/BCU_Factums_G2801.pdf
1b1bd0387ae94908efbbc2f1306a934d
PDF Text
Text
« ' X
MEMOIRE
POUR
Me
C laude
A N G L A D E
,
N o taire
Royal
A la Résidence de Cournon , Canton du Pont-du-Château,
Appelant d’ un Jugem ent rendu au T ribu n al C ivil
do C le rm o n t.lc 7 Juin 1832;
CONTRE
M-
J e a n -B a p tis te
DESM ANÈCH ES,
Ayant Résidence fixée par sa Com mission, dans la Commune de Lempdes ,
Canton du P ont-du-Chateau ; mais de fait ayant établi son Domicile et sa
Résidence Notariale à C o u b n o n , intimé.
LE Notariat est une des institutions qui honorent le plus
les sociétés modernes elle maintient la paix au sein des
familles et entre les particuliers, aussi, le législateur s’estil efforcé d’établir cette profession sur des bases, et de l’as
sujettir à des règles qui fussent la garantie des citoyens ,
et assurassent aux Notaires la considération et la juste ré
compense dues à leurs honorables travaux.
Les Notaires ne devaient point être en trop petit nom
b re, il était effectivement à craindre qu’ils abusassent de
la nécessité de recourir à e u x il y avait également danger
1
�Vi créer des offices en nombre supérieur au service des po
pulations 5 devant nécessairement arriver qu’une profes
sion dans laquelle l ’intelligence, l’instruction, l’exactitude
et la probité ne sont plus des moyens suffisans de prospé
rité, fût bientôt abandonnée des, hommes hounêtes , et
livrée à ceux qui n’attendent leurs succès que de l'activité
de leurs intrigues, et de la multiplicité de leurs exactions.
A u s si, la loi du 25 ventôse an xi fixe-t-elle le nombre ,
le placement et la résidence des Notaires, et imposet-elle à chacun d’eux le devoir impérieux de résider
dans le lieu qui lui a été fixé par le gouvernement.
M e Desmanèches a cru pouvoir s’affranchir de cette
règle , bien certainement établie tant pour l’avantage de
la société , que dans l'intérêt des Notaires en particulier.
Seul Notaire à la résidence de Lem pdes, il est venu fixer
son domicile ré e l, et sa résidence notariale à Cournon,
résidence pour laquelle M e Anglade est seul commis
sionné ; et non content de cette infraction, le sieur Des
manèches a encore signalé sa présence ù Cournon par une
série défaits manifestant le dessein de nuire, et ayant porté
préjudice à M* Anglade.
Ce dernier devait se plaindre , non seulement de cette
infraction à la loi, mais encore de cette série de faits con
stituant plus qu’une fraude ordinaire, improprement
qualifiée quasi-délit, par le Code civ il, et que notre an
cien Droit renfermait dans l’expression aussi vraie qu’é
nergique maleficia\ faits h l’aide desquels M® Desmanè
ches a enlevé à M ' Anglade son existence notariale, h la
quelle cependant la loi du 28 avril 1816 a justement attri
bué les caractères de la propriété.
M* Anglade a usé de son double droit: il s’est plaint à
�M . le.Garde des Sceaux, de ce que M e Desmanèches ne
tenait point sa résidence; il a en outre formé contre ce
dernier une demande en dommages-intérêts, et a offert
la preuve des faits propres à la justifier.
M* Anglade n’a encore obtenu aucune satisfaction; la
loi est demeurée, pour lui, un principe stérile, une des
cription insignifiante et sans action: M . le Ministre a ren
voyé à statuer sur la plainte en contravention, jusqu’au
moment où les faits allégués à l’appui de la demande' en
dommages-intérêts auraient été éclaircis par l’instruction
judiciaire; et le tribunal civil de Clermont, après vingtsept mois d’attente, a donné acte au sieur Anglade de ses
réserves, c’est-à-dire, de sa plainte à M . le Garde des
Sceaux, et l’a déclaré non recevable dans sa demande.
Ce jugement nécessitera l’examen de trois questions
principales :
i° La loi du 28 avril 1816 a-t-elle donné aux offices de
Notaire les caractères de la propriété ?
a8 La résidence faisant essentiellement partie du titre ,
le seul Notaire d’une résidence a-t-il action pour empêcher
le Notaire d’une autre résidence, de venir établir son m é
nage et son étude dans la sienne; cette infraction donnet-elle ouverture à une demande en dommages-intérêts
contre le contrevenant ?
3*Les faits imputés à M* Desmanèches présentent-ils des
caractères de quasi-délits, de fraude et de méfaits donnant
lieu à réparation civile; et sous ce rapport, la preuve de*
vait-elle être ordonnée ?
�'J
-
4 -
FAITS.
Cinq offices de Notaire ont été conservés pour les b e
soins de la population du canton du Pont-du-Ghâteau :
trois de ces Notaires résident au Pont-du-Ghâteau; la com
mission de M® Desmanècliesfixe sa résidence à Lempdes,
et M* Anglade est le seul Notaire à la résidence de Cournon.
La population de Cournon est plus considérable que
celle de Lempdes j et comme l’art. 34 de la loi du 25 ven
tôse an xi pose en principe que lè cautionnement doit
être fixé en raison combinée de la population du ressort
et de la résidence de chaque Notaire, le cautionnement
du Notaire de Cournon a été porté à 2,000 fr., et celui du
Notaire de Lempdes à i,8oo francs.
Avant la réduction opérée en vertu de l’ordonnance du
i er septembre 1824, il existait à Cournon trois notaires,
du nombre desquels était M* Desmanèclies, père de l’in
timé. Ce Notaire vint à décéder; et son fils étant trop
jeune pour lui succéder, le principe de la réduction dût
atteindre cet office; ce fut alors que le sieur Desmanèclies
épousa la fille du Notaire de Lempdes, et devint, par suc
cession, Notaire à celte résidence.
La mort de M e Boyer, autre Notaire , opéra une nou
velle réduction ; et dès-lors, M* D oly fut le seul qui eut sa
résidence notariale dans la commune de Cournon.
M* D oly est décédé en 1825 : M ' Tibord acquit son
étudele 1 rjuillet 1827; alors M* Anglade étaitpourvu d’une
étude de Notaire h Plerment ; mais une ordonnance du
roi, du 2G décembre 1827, ayant autorisé la permutation
de ces deux offices , M* Anglade devint Notaire à la rési
�— 5 —
dence de Cournon, moyennant la somme de 23,ooo ir.
Ce capital était toute la fortune de M* Anglade, qui
l ’avait acquise par des travaux aussi honorables qu’assidus,
et conservée par la plus stricte économie. En en faisant le
sacrifice pour l’acquisition d’une étude, il devait croire
qu’il assurait à sa famille et à lui-même des moyens d’exis.
tence sufiîsans,et que ses travaux lui permettraient encore
de donner à ses enfans une éducation convenable. Gom
ment n’aurait-il point eu cette certitude, lorsque sa com
mission le nommait seul Notaire à la résidence de Cournon \ et que d’ailleurs les statuts et règlemens de la com
pagnie des Notaires de Clermont, dont il avait l’hon
neur de devenir membre, défendaient expressément ,
(conformémentà la loi du a5 ventôse an xi), àtoutNotaire
du ressort, d’avoir sa résidence dans un lieu autre que celui
fixé par l’acte de sa nomination-, comme aussi, d’avoir
habituellement, et d’indiquer à des époques périodiques
un cabinet d’affaires dans une commune autre que sa ré
sidence ? Etait-il permis de penser qu’un Notaire se per
mettrait d’enireindre tout-à-la-fois et une disposition lé
gale et un engagement d’honneur envers ses confrères j
qui aurait pu croire surtout, que la Cham bre, gardienne
et conservatrice naturelle des intérêts du Notariat, pût
laisser sans repression des faits aussi nuisibles aux intérêts
moraux et matériels de cette honorable profession ?
M e Anglade, dès son entrée en exercice, a acquis la
cruelle certitude qu’il s’était complètement abusé. Il a
trouvé M e Desmanèclies, Notaire à la résidence deLem pdes, en pleine possession de celle de Cournon ; domicile
r é e l, étude ouverte dans sa propre maison, dépôt des mi
nutes , exercice complet et public de la profession de
�— 6 —
Notaire, tels sont les faits que M e Desrnanèclïes a cru pou
voir se permettre, et à l’aide desquels, de 1814 à 1829, il
a reçu, dans la résidence de Cournon, /¡,o84 actes, tandis ,
que pour Lempdes, sa véritable résidence, il n’en a reçu,
pour le même espace de temps, que 3, 348.
L e préjudice éprouvé par M e A n glade, et celui qu’il
devait craindre dans l’avenir, étaient également évidens ;
il dut donc recueillir les renseignemens propres à éclairer
les diverses autorités qui pouvaient, ou réprimer cette
infraction, ou lui accorder la juste réparation de la perte
qu’il avait souffert.
Une recherche attentive mit bientôt M e Anglade en
'état d’articuler les faits suivans :
i° M eDesmanèches est propriétaire d’une maison à Cournon, où il habite habituellement avec sa famille, et tient
son seul ménage : dans cette maison, est un appartement
destiné à l’étude de Notaire; là, M e Desmanèchesa placé
un bureau et établi des rayons et des placards où sont placées'bes minutes; là, encore, ce Notaire donne audience à
ses cliens, rédige ses actes et en délivre expédition
20 Jusqu’au mois de février i 83o, époque à laquelle
M e Anglade a porté plainte à M. le Garde des Sceaux, et
a formé sa demande en dommages-intérêts devant le
tribunal civil de Clermont, M e Desrnanèclïes a clos ses
actes en ces termes : « Fait et passé à Cournon , maison
Desrnanèclïes » ; et dans "aucun il n’est fait mention qu’il
se soit transporté sur la réquisition des parties.
3» jy[e Desmanèches se donne et reçoit constamment le
titre de Notaireà Cournon; les lettres qui lui sont adressées,
les extrait de ses impositions, les commissions qui lui sont
données parM . le Préfet ou par IcT ribun ald eClermont,
�íes annonces publiques, s’accordent à désigner M'Desrnanèches comme Notaire à Cournon, à. la résidence de
Cournon, dans son étude, à Cournon.
4 ° Les rapports de M e Desmanèches avec l’administra
tion de l’enregistrement, ont lieu de manière que les em
ployés ont vu et vérifié les minutes de ce Notaire à Cour
non ; c’est de ce lieu que M* Desmanèclies adresse ses
actes au receveur de l’enregistrement au Pont-du-Château,
et correspond avec ce fonctionnaire , qui lui renvoie les
minutes à Cournon, après que la formalité de l’enregis
trement a été remplie.
5° Les répertoires de M* Desmanèclies, pendant seize
années (de 18 14 à 1829 inclusivement), prouven t, par
l’ordre des inscriptions, que le même jour ce notaire au
rait reçu, pour Lempdes et Cournon, trois, quatre, cinq,
six, jusqu’à neuf actes, et aurait fait autant de voyages
d’une^ïésidence à l’autre, quoique distantes de 3,45o m è
tres } que les actes reçus à Cournon sont constamment plus
nombreux que ceux reçus à Lempdes; qu’à diverses épo
ques, il s’est écoulé de cinq à quatorze jours, pendant les
quels Desmanèches n’a reçü des actes que pour Cournon,
et que tous ces actes sont clos par le «fait et passé à Cour
non, maison Desmanèches», sans que les parties aient
requis son transport •, qu’enfin, M* Desmanèches ne ré
serve que quelques jours de dimanche, à la réception
des actes de sa résidence de Lempdes.
6° Que M* Boyer étant décédé Notaire à Cournon , et
cette étude ayant été supprimée par ordonnance du 1 ’"sep
tembre 1824, desmanèches a reçu le dépôt des minutes, ce
qu’il ne pouvait faire qu’en qualité de Notaire à la ré
sidence de Cournon.
�— 8 —
7° E n fin , que pour se faciliter l’exploitation des deux
résidences, M* Desmanèches faisait, pendant son absence,
recevoir les consentemens, à Lempdes, par la dame sa
belle-mère, ou le secrétaire de la M airie; et à Cournon,
par la dame son épouse.
On ne pouvait se dissimuler que ces faits ne renfermas
sent la preuve la plus complète d’une infraction au devoir
de la résidence, et de manœuvres manifestant une inten
tion bien formelle de nuire au seul Notaire ayant droit de
résider à Cournon; mais M* Anglade voulut encore éta
blir que ces manœuvres lui avaient occasionné un dom
mage réel, circonstance qui seule pouvait faire admettre
l’action en indemnité qu’il voulait diriger contre M* Des
manèches : aussi établit-il, par le rapport des répertoires
de ce Notaire”:
i #Que les actes reçus par M* Desmanèches, dans la ré
sidence de Cournon, étaient aujourd’hui deux fo is ^ sou
vent trois fois plus nombreux que ceux reçus, par le
même Notaire, pour la résidence de Lempdes.
a* Que le nombre d’actcs reçus par ce Notaire, dans la
résidence de Cournon, augmentait chaque année dans
une proportion telle, quel’on s’assurait, par l’examen des
répertoires, que ces actes, qui, en 18 14 » étaient au nom
bre de 9 1, s’élevaient, en 1828, à 364*
3° Qu’en calculant, sur les répertoires, le nombre des
actes reçus par M* Desmanèches, pendant les années qui
se sont écoulées, de 1814 Ù 1829 inclusivement, on s’as
sure qu’ils les portent à 7,482 : savoir, 3,348 pour la rési
dence de Lempdes, et pour Cournon
chiffre qui
doit servir à déterminer l’étendue et la valeur du préju
dice que les manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches
�ont fait éprouver au Notaire de cette dernière résidence.
L ’infraction de M* Desmanèches, à l’àrt. 4 de
loi
a5 ventôse an x i, relatif à la résidence , le mettait dans la
position d’un Notaire démissionnaire dont le remplace
ment peut être proposé au gouverneiiientpar M .le Garde
des Sceaux, a p r è s avoir pris l’avis du Tribunal. A u s si, le
Ie* février i 83o , M* Anglade présenta-t-il à M . le Garde
desSceaux,requêteparlaquelleilconclutà ce que M® Desmanèches fût tenu de rentrer immédiatement à Lempdes,
lieu fixé par sa commission pour sa résidence notariale,
et à ce que , à défaut de ce faire, il fût pourvu au rempla
cement de M**Desmanèches censé démissionnaire.
L e but de M v Anglade était de mettre un terme aux
manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de faire
cesser un état de choses aussi nuisible à sa propriété nota
riale*, mais comme'M* Anglade avait déjà éprouvé un pré
judice considérable, et qu’il était h craindre que ce préju
dice n’augmentât pendant le temps qui serait, nécessaire
pour contraindre le sieur Desmanèches à rentrer datlâ sa
résidence-, il y eut, sous la date du 1" mars i 8 3o, demande
de 10,000 fr. de dommages-intérêts, formée au Tribunal
civil de Clermont, par Anglade, contré Desmanèches.
Il faut fixer son attention sur la suite qui a été donnée
aux deux demandes formées par M* Anglade.
Les faits exposés en la requête présentée à M . le Garde
des Sceaux étaient trop gtaves et trop pertinens pour ne
pas éveiller la vigilance et exciter toute la sollicitude du chef
de la magistrature. Aussi, sOus la date du 11 mars i 8 3 o ,
^se trouve ude première lettre, de M . le Garde des Sceaux
à M . le Procureur général, qui exige qu’il soit fait injonc
tion à M* Desmanèclies, de reprendre sa résidence sous
�un mois pour tout délai; et qui, en cas de refus, prescrit
de le poursuivre à l’effet de pourvoir à son remplace
ment.
'
• I
Cette lettre, transmise par M. le Procureur général à
M . le Procureur du roi, ce dernier voulut véi*ifier les
faits articulés par M* Anglade, et recueillir des renseignemens. Une lettre de M. le Juge de paix du Pont-du-Château, du i 3 mars, lui apprit que « M* Desmanèches, qui
» a sa résidence de droit à Lempdes, réside defait à Cour» non, ou il habite avec sa fam ille » ; — « Que ce Notaire
» ne se rend à Lempdes que deux jours par semaine, et
» un jour de plus à certaines époques de* l’année » ; —
« Que les habitans de Lempdes sont obligés, les autres
» jours, d ’ a l l e r l e c h e r c h e r a. c o u r n o n . »
;
M . le Juge de paix ne pouvait résumer, d’une ma
nière plus expressive, la plainte de M* Anglade; Desma
nèches réside de fa it à Cournon ; les habitans de sa rési
dence de droit, sont obligés d'aller le chercher, cinq
jours delà semaine,« Cournon, sa résidence de fait,.Voilà,
sans doute, plus qu’il n’en faut pour établir une infraction
à la loi qui prescrit aux Notaires de tenir leur résidence;
aussi,M. le Procureur du roi, complètement convaincu,
enjoint-il à M* Desmanèches, par lettre du i*’ avril i 83o:
« de cesser de tenir étude dans sa maison de Cournon ».
Iyui prescrit-il « de rentrer sérieusement dans sa résidence
» de Lempdes, dans le mois pour tout délai, sous peiné
» d’être considéré comme démissionnaire?.... »
Cette lettre dut alarmer M* Desmanèches. Il était bien
décidé à ne point abandonner Cournon, cette résidence
de fait si précieusepourlui; mais comment éluder les dis
positions si précises delà loi, et l’injonction si formelle de
�l’autorité? M* Desmanèches, après une délibération de
dix jours, répondit à M . le Procureur du ro i, par un sim
ple accusé de réception.
Cependant, M* Desmanèches voulut essayer de quel
ques moyens ; tantôt il présentait un M émoire explicatif
ou apologétique de sa conduite, que bientôt après il reti
rait } tantôt il cherchait à s’entourer de moyens de consi
dération : c’était son fils qui serait bientôt en élat et à l’âge
de lui succéder, et qui résiderait réellement à Lempdes
tandisque lui-même habiterait Cournon, pour y surveiller
ses propriétés, ayant bien soin, toutefois, de ne pas laisser
pressentir que, dans son intérêt, comme dans celui de son
fils, il continuerait de faire à Cournon ce qu’il y a tou
jours fait; ce que la dame son épouse a fait pendant son
absence •, c’est-à-dire, qu'il y recevrait les consentemens
et y rédigerait même les actes auxquels le fils, Notaire à
Lempdes, n’aurait qu’à apposer sa signature. A u reste,
tous les efforts du sieur Desmanèches avaient spécialement
pour cibjet de gagner du temps. L ’état de fortune de
M* Anglade lui faisait espérer qu’il abandonnerait des
poursuites onéreuses pour lui; caressant, d’ailleurs, l’idée
qu’il pourrait parvenir à se soustraire à la vigilence de l’au
torité.
•
»
Effectivement, le mois accordé à M* Desmanèches par
la lettre du 1" avril, (de M . le Procureur du roi), était dès
long-temps expiré, lorsque, le 19 mai i 8 3o , M* Anglade
s’adressa de nouveau à M . le Procureur général. Les faits
furent encore cotés avec le plus grand soin : M* Anglade
soutint, dans cette supplique, que rien n’était changé dans
la position de M* Desmanèches. Pour l’établir, il deman
dait à être admis à prouver contradictoirement les faits
�par lui articulés, et h faire cette preuve, soit devant U
Chambre civile qui devait connaître de son action en domr
mages-intérêts, soit devant les Chambres réunies appe
lées à donner leur avis sur le remplacement du sieur Desmanèclies sensé démissionnaire p a rle fait de son infract
tion à la loi de la résidence; et pour qu’il ne restât aucune
espèce de doute sur la franchise et la loyauté que M* A nglade entendait mettre dans ses poursuites , ce Notaire
suppliait M . le Procureur général de vouloir bien com
muniquer à M e Desmanèches, les requêtes, mémoires,
pièces justificatives et documens qui avaient été présen-.
tés et produits contre lui, demandant, en retour, com
munication des moyens que M* Desmanèches employait
pour se justifier.
M . le Procureur général dut accéder à cette demande
avouée parla justice, et conforme d’ailleurs à 110s tradi
tions-judiciaires ; ce magistrat permit à M* Anglade de
prendre copie d’un mémoire déposé par M* Desmanè
ches; cette pièce, qui ne saurait être trop méditée, serait
suffisante pour juger la cause : et ce n ’est pas sans regret ^
que l’on se réduit à n’en présenter qu’une sèche et trèscourte analyse.
A cette époque , M* Desmanèches faisait dépendre sa
justification du développement de quatre idées ou propo
sitions principales :
î * La résidence de Cournon était pour lui une propriété
particulière.... on ne pouvait l’en priver sans injustice.
a* Il a à Cou rn on , unp maison, un ménage et des pro
priétés qu’il est obligé de faire valoir.
3* Il a encore une nombreuse clientelle à Cournon, ou
�deux Notaires peuvent trouver à s'occuper.... I l ne peut
repousser la confiance, lorsqu'elle s'adresse à lui.
4° Il déclare que cette confiance ne l’abandonnera que
lorsque l'un de ses confrères la méritera mieux que lui....
Il ajoute, qu’on ne regardera pas alors quelle est la rési
dence du Notaire.... Il finit par manifester son étonne
ment de ce que M* Anglade, étranger à Cournon , ne
sache pas se résigner à attendre.
Quoi de plus orgueilleux et de plus naïf!
C ’est Desmanèches qui vient apprendre que la rési
dence de Cournon est sa propriété particulière et qu’il
veut en jouir à titre de droit ; c’est lui qui déclare qu’il a
volonté de ne point abandonner cette l’ésidence, et qui
prouve qu’il est d’ailleurs dansl’impossibilité de le faire!....
Voilà la naïveté.
L ’orgueil est-il moins remarquable ?.... Quelle est cette
nombreuse clientelle dont M* Desmanèches ne peut re
pousser la confiance ? Les cliens viennent-ils dans sa ré
sidence légale? N o n , c’est le sieur Desmanèches q u i , en
fraude de la loi, vient établir une résidence à Cournon.
Les habitans de Cournon vont-ils à Lempdes requérir le
transport de M* Desmanèches pour recevoir leurs actes ?
N on encore: c’est le sieur Desmanèches qui vient provo
quer, arracher là confiance par sa résidence à Cournonj
q u i , bien loin d’attendre la clientelle , Tattire et la con
serve par des moyens illégaux et frauduleux *, et c’est ce
fonctionnaire, que la loi repousse de Cournon, qui ose
dire au seul Notaire ayant titre de résidence dans ce
chef-lieu, q u il y est étranger, et qu’il doit savoir at
tendre !....
Cette étrange justification ne pouvait permettre d’hé
�_
i4 -
siter ; aussi M . le Procureur-général adressa-t-il à M . son
Substitut près le Tribunal civil de Clermont, la lettre au
tographe de M. le Garde des Sceaux , avec ordre dé re
quérir , contre M* Desmanèches, l’application de la loi.
- M° Desmanèches comprit bientôt qu’il ne devait rien
espérer des moyens qu’il avait employé pour se maintenir
dans l’usurpation qu’il s’était pei-mise de la résidence de
M e Anglade; il changea d on c, tout-à-coup, de système :
dès-lors il n’eut plus qu'une pensée, dissimuler les faits ou
les altérer: son esprit souple et fécond en ruses, lui four
nit bientôt assez de ressources pour tromper la justice.
M . le Procureur du roi crut devoir prendre de nou
veaux renseignemens auprès de M . le Juge de paix du
Pont du-Château : l’état des choses était absolument le
môme qu’au 19 mars précédent; cependant M . le Juge
de paix, à défaut de renseignemens précis , peut-être
même mettant trop de confiance dans les promesses de
M* Desmanèches , attesta que le 27 mars ce Notaire n’oc
cupait pas encore sa résidence d’une manière tout-à fa it
complète ; que seulement il y venait plus souvent ; qu’il
y avait même couché quelquefois ; d’où il résultait que
la résidence de Cournon n'était pas encore, par lui, entiè
rement abandonnée.
t M e Anglade avait demandé à fiùre preuve, devant les
Chambres assemblées, des faits par lui articulés; il voulait
notamment établir que l’injonction faite par M . le Procu
reur du roi à M* Desmanèches n’avait produit aucun ef
fet, et que ce dernier avait continué son domicile réel et
sa résidence notariale à Cournon. Le Tribunal n’accueillit
point cette demande; M* Anglade ne fut pas même appelé
pour donner des renseignemens ; mai^.M' Desmanèches,
�— i5 —
admis à se justifier, vint dire : « Que le berceau de sa fa» mille et toute sa fortune patrimnokle étaient à Cournon,
» et qu’il avait cru jusqu’ici ménager tous ses intérêts et
» concilier tous ses devoirs, en se partageant entre Lemp» des et Cournon, qui ne sont qu’à une demi-lieue de dis» tance l’un.de l’autre. Qu’au reste, le temps qu’il passait .
»>dans cette dernière commune, était moins employé à
» recevoir des actes, qu’à 1’administration de sesproprié>►tés •, mais que puisque le Tribunal pensait que pour oc» cuper sa résidence à Lempdes, il fallait qu’il y fît son
» habitation exclusive, il en prenait dès ce moment l’en» gagement, et qu’il allait de suite, faire à cet effet toutes
» les dispositions nécessaires. »
T out cela est très-remarquable:
M* Desmanèches reconnaît qu’il se partageait entre
Lempdes et Cournon ; par cette déclaration, ilavoue donc,
bien explicitement, avoir usuFpé la résidence de Cour
non ; il dit encore qu’il a agi ainsi, dans la vue de ména
ger tous ses intérêts ; et comme les bénéfices de sa pro
fession devaient entrer pour beaucoup dans ses calculs , il
reconnaît donc encore que la résidence de Cournon était
pour lui un moyen de prospérité, à laquelle il ne pouvait
atteindre qu’au préjudice de M* Anglade. Il est vrai que
M» Desmanèches ajoute que dans la résidence de Cour
non, il était moins employé à recevoir des actes, qu’à
l’administration de ses propriétés;mais cette assertion était
détruite par le rapport des répertoires de ce Notaire ; répertoires que le Tribunal avait sous les y e u x , et qui éta
blissaient que les actes reçus par le sieur Desmanèches ,
dans sa résidence de fait à Cournon , étaient bien plus nom
breux que ceux reçus par lui pour sa résidence de droit à
�— f6 —
Lempdes. Enfin, le sieur Desmanèches en déclarant qu’il
allaitfaire'toutes ses dispositions pour transporter à Lem p
des son habitation exclu sive, parce que le Tribunal pen
sait qu’il n’y avait que ce moyen de satisfaire aux exi1geances de la loi, reconnaissait donc encore qu’il avait dé
daigné de se soumettre à l’injonction qui lui avait été faite
par M . le Procureur du roi, agissant en vertu des ordres
exprès de M. le Garde des Sceaux.
<
Dans cette position, il semblait q u e , sans trop de sévé-^
r ité ,le Tribunal pouvait déclarer qu’il y avait lieu de
pourvoir au remplacement de M* Desmanèches ; mais il
voulut user d’indulgence; et, « Attendu que le sieur Des» manèches, m ieux éclairé sur Vétendue de ses devoirs ,
» a pris l’engagement de renoncer à l'habitation de Cour• » non, pour se renfermer e x c l u s i v e m e n t dans celle de
» Lempdes ; et que jusqu’à preuve contraire1, fo i doit être
» accordée à cette p r o m e s s e p o s i t i v e ; le Tribunal, tout
» en reconnaissant que le sieur Desmanèches n’a pasir/*
» goureusement occupé la résidence que lui assigne son,
n titre ; ayant égard néanmoins a u x circonstances et
» considérations.... Est d’avis qu’il n’y a pas lieu, quant à
» présent t de le considérer comme démissionnaire, et de
» pourvoir à son remplacement; sauf à recourir à ce
» moyen extrême, dans le cas où, au mépris de sespro» m esses, qu’il vient de faire au T rib u n a l, il persisterait
» dans les mêmes erremens ; » Cet avis est du 3 i mari
i 8 3 o.
L a suite des faits apprendra comment M* Desmanèches
a tenu à ses promesses; et comment il a répondu à k
confiance toute bienveillante que le Tribunal avait cru
pouvoir lui accorder.
i . .
;
�— 17 —
M* Anglade, quelque excusable qu’il pût être, ne v o u
lait cependant pas que l’on pût lui reprocher d’agir avec
trop de précipitation; il attendit que M* Desmanèches
transportât son'licibitation exclusive à Lempdes; et quoi
qu’il eut solennellement promis d’agir de suite , près de
'quatre mois s’écoulèrent sans que l’état des choses fût
changé: M* Desmanèches continuait d’habiter Cournon,
d’y tenir son ménage, et d’y faire sa résidence notariale ,
avec la plus grande publicité.
Alors, et le 23 septembre i 8 3o, M* Anglade présenta
à M . le Garde des Sceaux une nouvelle requête ; il y sou
tint que le fait de non résidence à L em pdes, et de rési
dence de fait à Cournon, était établi contre le sieur Dæsmanèches, par l’avis même du Tribunal; qu’il résultait
'des déclarations même de ce Notaire, qu’il n’avait ni la
volonté ni la possibilité d’abandonner sa résidence de fait
à Cournon , pour aller franchement s’établir dans sa rési
dence légale de Lempdes ; qu’ainsi, la décision du Tribu
nal ne pouvait avoir d’autre elfetque d’encourager les ma
nœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de perpé
tuer le préjudice, tous les jours plus considérable, que
M* Anglade en éprouvait. Enfin , M* Anglade faisait ob
server que la religion du Tribunal avait été trompée; que
M* Desmanèches n’avait tenu à aucune de ses promesses ;
'et que le fait du domicile réel et de résidence notariale de
ce Notaire à Cournon , était aussi public qu’au i er février
i 8 3o , époque’ de la première requête h M . le Garde des
Sceaux; que ce fait avait les mêmes caractères, et pouvait se
prouver parlesmêmes circonstances. M aAnglade concluait
de tout cela, que toute la faveur quipouvait être accordée à
M Desmanèches, était de surseoir à la décision définitive
�— i8 —
â rendre sur l’avis du T rib u n al, jusqu’au jugement de la
demande en dommages intérêts, qui devait être déclarée
urgente : dans tous les cas, M* Angladedemandait à faire
preuve devant les Chambres réunies et en présence de
M* Desmanèches, des faits par lui articulés.
M . Anglade avait, une première fois, demandé une
déclaration d’urgence qui lui avait été refusée : ce refus
équivalait à une remise de deux ans. L e sieur Desmanèches
voulut utiliser ce triomphe : il pouvait désormais paisi
blement attendre la majorité si désirée de son fils; il con
tinua d’exploiter la résidence de Cournon avec plus d'ac~
tivité et d’audace que par le passé; pensant, peut-être avec
raison, que le jour de la justice arriverait trop tard pour
M ' Anglade.
Les choses étaiënt en c e t'é ta t, lorsqu’une lettre de
M .le Garde des Sceaux, à M. le Procureur général, sem
bla devoir hâter la conclusion de cette affaire. Cette lettre
apprenait en effet que la preuve delà contravention résul
tait des documens et de l’instruction ; mais que M* Desma
nèches ayant pris l’engagement de résider à L em pdes, et
y ayant même transporté ses minutes, le Ministre pen
sait qu’on pouvait accorder un mois à M* Desmanèches ,
pour faire à Lempdes son établissement définitif*, « Passé
» le quel, s’il ne s’est pas mis en règle, il devra être pour» suivi, conformément à l’art. 4 de la loi du a5 ventôse
» an xi. » En conséquence , M . le Garde des Sceaux or
donne que si, à l’expiration de ce délai, M* Desmanèches
n’a pas repris sa résidence, M. le Procureur général lui
adressera ses observations, celles du Procureur du roi et l’a
vis du Tribunal, sur les mesures à prendre contre le N o
taire, contrevenant.
�— 19 —
M . le Garde des Sceaux avait été trompé : à cetfe épo
que , les minutes de M* Desmanèches étaient encore à
Cournon ; toutes fois, comme M. le Garde des Sceaux ne
regardait pas cette circonstance comme propre à établir
la résidence notariale, et qu’il exigeait encore de M* Des
manèches un domicile réel et un établissement définitif
dans le lieu de Lempdes, M* Anglade dut attendre l'effet
que pouvait produire cette nouvelle décision, qui fut no
tifiée à M* Desmanèches , le 3o du môme mois de no
vembre.
A u 8 janvier 18 3 1 , IV)* Desmanèches était encore domi
cilié à Cournon , et en plein exercice de la résidence no
tariale qu’il y avait établi; ce Notaire n’avait pas môme
de maison à Lempdes; de manière que tout prouvait
qu’il n’avait rien fait pour se conformer à l’injonction du
3 o novembre précédent. M« Anglade exposa ces faits dans
une requête adressée au Tribunal civil de Clerm ont, et
demanda que le Tribunal sursît à donner son avis, jus
qu’au jugement de la demande en dommages-intérêts,
qui à cet effet serait déclarée urgente; concluant toujours
à être appelé à l’enquête, dans le cas où le Tribunal,
chambres assemblées, voudrait donner son avis sur les in
fractions reprochées à M* Desmanèches.
M. le Procureur du roi se réunit à M* Anglade, à l’effet
d’obtenir que la demande-en dommages-intérêtsfût décla
rée urgente; mais le Tribunal prit une délibération par
laquelle il décida, que n étant point saisi contre M* Des
manèches, il n’avait rien à statuer sur la requête présentée
par M* Anglade ; q u i, sur sa demande en déclaration
d’urgence , fut renvoyé devant la chambre civile, devant
connaître de la cause.
3.
�O u ne peut s’empêcher de faire quelques remarques
sur cette décision du Tribunal: on se rappèle que la lettre
de M. le Garde des Sceaux avait accordé à M ' Desmanè
ches un dernier délai de rigueur, pour fixer son établis
sement définitif à Lempdes; que ce délai passé , ce N o
taire devait être poursuivi, et le Tribunal donner son
avis. Dès-lors, comment est-il arrivé que le Tribunal ne
se soit point trouvé saisi par la requête de M* Anglade ?
Son devoir ne lui était-il point clairement tracé par la
lettre de M. le Garde des Sceaux , exerçant un acte de
juridiction de haute discipline ? Les Chambres réunies n’a
vaient-elles pas d’ailleurs auprès d’elles M. le Procureur du
r o i, q u i , immédiatement, a dû les saisir de la connais
sance des faits qui leur étaient dénoncés, et requérir leur
avis ? Comment donc expliquer le refus formel du Tribu*
nal, de prononder sur la requête de M* Anglade ?.... D ’un
autre côté , ce Notaire est renvoyé devant la chambre ci
vile pour faire statuer sur sa demande en déclaration
d’urgence; mais le Tribunal savait bien que cette décla
ration avait déjà été refusée ; dès-lors, que devait penser
M* Anglade? L e préjudice qu’il éprouvait par le fait des
manœuvres frauduleuses du sieur Desmanèches; les ob
stacles qu’il rencontrait pour en obtenir la réparation; tout
cela n’était-il pas propre à faire naître dans son esprit les
réflexions les plus amères !....
A u s si, M* Anglade présenta-t-il de nouveau ses récla
mations à M. le Procureur général. Par une lettre du 3
février 18 3 1, il apprend à ce magistrat qu’il a présenté une
nouvelle requête en déclaration d’urgence, et qu’il a
éprouvé un troisième refus ; mais comme il suppose que
le Tribunal de Clermont doit enfin être saisi de la con-
�naissance de la contravention de M* Desmàneclies, et
qu'une nouvelle instruction aura lieu a l’efiet de recon
naître si ce Notaire est définitivement établi à Lempdes,
M e Anglade indique les pièces et les témoins qui doivent
prouver , au contraire, que M Desmanèclies a toujours
son domicile à Cournon, et qu’il n’a cessé d’y tenir sa ré
sidence notariale.
L e 25 du môme mois, nouvelle lettre de M e Anglade
à M. le Procureur général: les plaintes de ce Notaire de’ viennent plus vives, et ses instances plus pressantes. 11
s’étonne de ce que la justice ne peut acquérir la preuve de
faits qui sont de notoriété publique dans tout l’arrondis
sement de Clermont •, il demande qu’une enquête soit faite
sur les lie u x , et qu’il y ait transport à Lempdes à l’effet
de s’assurer si les minutes de M e Desmanèches y ont été
transférées ; ajoutant que cette dernière mesure fera dé
couvrir la vérité, si toutefois l’on agit avec prudence et
discrétion.
M e Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
Procureur du roi à Lempdes ; M e Anglade offrira la
preuve que le transport était connu deux jours avant qu’il
ait eu lieu;aussi les minutes deM* Desmanèches ont-elles
été trouvées à Lempdes ; mais, dans quelle habitation ,
dans quel lo c a l, dans quel état !....
M e Desmanèches n a pas de maison à Lempdes; celle
de sa belle-mère est composée d’une chambre et d’une
cuisine qu elle habite ; ainsi il est impossible au sieur D emanèches de faire là un établissement définit#; surtout
dans les termes de l’engagement qu’il a contracté devant
le Tribunal de Clermont, lors de l’avis du 3 i mars i 8 3 o.
A u rez-de-chaussée de cette très-petite m a is o n e s t un
�petit local h um ide, éclairé par une petite croisée carrée ,
n’ayant point de chem inée, ni de place à monter un
poêle, et présentant une surface de cinq à six pieds de
largeur , sur huit à neuf de longueur*, c’est ce lo cal, que
M* Desmanèches a présenté à M. le Procureur du r o i ,
comme étant son étude de Notaire.
L à, effectivement, étaient les minutes parées d’éti
quettes neuves, enveloppées d’un beau papier blanc, sans
poussière et sans tache, sortant tout nouvellement de la
boîte dans laquelle elles venaient d’être transportées; et
pour qu’il ne manquât rien à cette scène, l’habile presti
digitateur avait eu le soin de transformer une petite table
en bureau notarial, en la couvrant d’un tapis vert tout
neuf. Cependant, une circonstance bien légère pouvait
détruire l’illusion, M* Desmanèches avait oublié de faire
porter une écritoire de Cournon ; il y suppléa par un petit
encrier portatif qu’il plaça sur le bureau ; mais le bout de
l’oreille ne fut point apperçu, et il fallut regarder comme
certain que les minutes de M* Desmanèches avaient été
sérieusement transférées de Cournon à Lempdes. Malheu
reusement pour l’inventeur d’une illusion aussi ingé
nieuse M* Anglade se trouve aujourd’hui en état de prou
ver que les minutes de M* Desmanèches ont été de nou
veau transportées h Cournon; que des expéditions ont été
délivrées dans cette résidence par ce Notaire, qui y tient
son étude ouverte comme il le faisait avant le mois de fé
vrier i 8 3o.
Toutefois, M* Desmanèches p u t , pendant un instant,
se féliciter de son adresse; une lettre de M. le Procureur
général à M* Anglade, sous la da.te du 6 octobre 18 3 1 ,
lui apprend que la dernière information étant favorable à
�— >3 —
M* Desmanèches, M . le Garde des Sceaux a pensé qu’il
ne pouvait y avoir aucun inconvénient à attendre ; et l’a
vait informé, par sa lettre du 4 du même mois, qu’il ne se
rait statué sur la plainte en contravention à la loi, sur la
résidence dont M* Desmanèches est l’objet, que lorsque
les ja its allégués par M • Anglade, à Vappui de sa de
mande en dommages-intérêts auraient été éclairés par
Vinstruction <
judiciaire.
D eux ans s’étaient écoulés depuis la demande formée
par M* Anglade, cette cause avait été appelée à son tour de
rôle, les qualités étaient posées. Enfin, le jour del’audience
était fixé, lorsque l’événement le plus extraordinaire et le
plus imprévu vint jeter la désolation dans la famille Anglade;
menacer tout à la fois l’honneur, la fortune, et la liberté
du chef, et servir le sieur Desmanèches, en retardant le
jugement de son procès, et en jetant sur M ' Anglade une
défaveur qu’aucun antécédant ne pouvait justifier.
D ’abord, un bruit, sourdement répandu, désigne à l’o
pinion publique M* Anglade comme faussaire. Un sieur
Moulins-Desmanèches, alors Maire de Cournon et beaufrère de M Desmanèches, (dont un des actes administra
tifs les plus notables, avait été d’enlever à M* Anglade la
clientelle de la M airie, en faisant annoncer dans les Jour
naux que, devant M e Desmanèches * notaire à Lempdes ,
il serait procédé à la Mairie de Cournon, au bail à ferme
d une septerée de terre,') accueille ces bruits, reçoit les dé
clarations d’un nommé Lareine-Boussel, homme d’une ré
putation plus qu’équivoque; dresse procès-verbal, et transmetou fait apporter,par Lareine-Boussellui-même, à M .le
Procureur du roi, cette étrange pièce, qui devint bientôt
�— 24 —
le fondement d’une plainte et d’une instruction crimi
nelle. :
Quel est le fait qui servit de prétexte à cette poursuite?
et par qui Lareine-Boussel était-il dirigé?
M ’ Anglade avait acquis les recouvremens de M*' D oly
et Tibord, ses prédécesseurs. Dans le courant des années
1828 et 1829*, il voulut en opérerlà rentrée; il fut aidé dans
cette opération par le sieur Chambon, qui avait été suc
cessivement clerc de.M M . D o ly et Tibord, et q u i , ayant
exercé depuis 1824? les fonctions de secrétaire à la M ai
rie , était plus que personne en état de donner des renseignemens sur la solvabilité des habitans de Cournon. L e
sieur Chambon avait classé Lareine-Boussel parmi les insol
vables, mais M* Anglade lui fit donner un avertissement
comme aux autres débiteurs de l’étude.
Les avertissemens étaient conçus de manière à éclairer
chaque débiteur sur sa situation ; M e Anglade avait eu le
soin de consigner, au dos de chaque avertissement, l’état
détaillé de ses créances, de manière que tout doublé em
ploi était impossible , et la moindre erreur facile à vérifier.
L e 13 septembre 1829,Lareine-Boussel, porteur de son
avertissement, se présenta à l’étude de M* Anglade; le
sieur Chambon était présent, le compte fut réglé sur le vu
des minutes et pièces; M* Anglade demanda une obliga
tion, Lareine-Boussel y consentit, et les termes furent ré
glés à la convenance de ce dernier.
Lareine-Boussel prétendait avoir fait quelques à-comp
tes à M* Doly, M aAnglade promit de les imputer sur l’obligation, et écrivit sur-le-champ, sur la note qui contenait
le détail de leurs conventions,ces mots: « Si Lareine-Bous-
�— 25 —
» sel présente des reçus ou tous autres documens , ils lui
» seront tenus à compte. »
Une dernière difficulté se présentait : Lareine-Boussel ne
voulait point aller chez un autre Notaire, il fut en con
séquence convenu que l’obligation serait faite au nom
du sieur Ghambon; mais q u e , pour éviter tout équivoque,
elle serait causée pour payemens de coût d’actes fa its à
M, Anglade. La note contenant toutes ces conventions fut
remise au sieur Leclerc, alors clerc de M" A nglade, qui
écrivit l’obligation*, et immédiatement toutes les pièces
furent réunies en une seule liasse dans laquelle fut insérée
la note qui devait servir de titre à Boussel, pour le cas où
il deviendrait vraisemblable qu’il avait fait quelques à
comptes à M ’ Doly.
M* Anglade fit inscrire son obligation *, c’était bien la
précaution inutile*, la mince valeur des propriétés de
Boussel étant plus qu’absorbée par des inscriptions anté
rieures.
Lareine-Bousselnepayaitpoint exactement,mais il avait
donné,à M* Anglade, un léger à compte*, lui avait fait une
délégation verbale d’une somme de 38 fr. 60 cent, qui lui
était duc par Gaspard Devèze, et demandé des délais pour
le reste.
Tout-à-coup Lareine-Boussel imagine de se plaindre de
M* Anglade : il dit qu’il ne devait rien au sieur Ghambon,
ce qui était vrai; mais il ajoute qu’il n’avait jamais donné
son consentement à l'obligation, et qu’il ne s’était me me
jamais présenté dans l’étude de M e Anglade; ce qui était
une froide et bien cruelle fausseté.
Bientôt on voit cet homme assiéger la maison de M eAn*
glade, profiter des absences fréquentes que ce dernier était
.
4
�— 26 —
obligé de faire à raison de son procès contre M e Desmanèclies, pour intimider, parsesmenaces.la femm eetle serifans de M eAnglade. Celui-ci arrive enfin et croit faire ces
ser les injurieuses réclamations de Lareine-Boussel en lui
remettant la grosse de l’obligation en présence du sieur
Cliambon qui consentit même à la main-levée de l’inscrip
tion qui avait été prise sous son nom. En agissant ainsi,
M e Anglade ne nuisait point à sesintérôts, son inscription
était au moins inutile, et les minutes des actes qui restaient
dans son étude étaient suffisans pour établir sa créance
contre Lareine-Boussel.
Cette grosse d’obligation et cette m ain-levée d’in
scription , passent immédiatement entre les mains du
sieur Moulin-Desmanèches, beau -frère de M e Desma
nèches N otaire, et alors maire de Cournon. Ces pièces
étaient-elles attendues? T out prouve qu’au moins elles
étaient forcément désirées. M le Maire fait appeler à la
mairie M e A n glad e, qui se rend sur le champ à cet aver
tissement et explique tous les faits. Ce fonctionnaire dit à
JMe Anglade que, le 3 septembre 1820, il avait payé une
somme de 60 fr. à M e D oly pour le compte de Boussel, et
qu’il savait qu’uneautre personne avait compté, plus tard,
à D oly une somme de 77 fr. à la décharge de Boussel,
M e Anglade, tenant ces deux faits pour vrais, fait obser
ver à M . le Maire que ce cas avait été prévu par la note
jointe aux minutes intéressant Boussel; qu’il regardait
d’ailleurs cette déclax-ation comme un document suffisant,
et qu’il consentait à déduire ces deux sommes du montant
de sa créance.
M . le Maire devait être satisfait si, toutefois, il ne s’é
tait proposé qu’un acte de justice et de juridiction pater-
�— 27 —
nelle ; mais malheureusement, il était dominé par d’autres
idées* M e Anglade s’était retiré; le sieur Chambon estbientôt appelé: ce jeune hom m e, maître clerc d’un Notaire
de Clermont justement estimé, trouva quelque inconve
nance dans la démarche du Maire et dans les questions
qui lui furent adressées : il s’abstint d’y répondre et quitta,
peut-être un peu brusquement, un homme qui lui parais
sait dirigé par la curiosité ou par un intérêt autre que ce• lui de la justice.
Que lit alors le sieur Moulins-Desmanèches ? il eut bien
le courage de dresser procès-vei'bal hors la présence de
M e Anglade et du sieur Cliambon, qu’il avait cependant
appelés et entendus, et de confier cette pièce à LareineBoussel pour la transmettre à M . le Procureur du roi de
Clermont.
M c Anglade et le sieur Chambon ne pouvaient croire
que les poursuites dirigées contre eux fussent sérieuses :
en effet, quel préjudice avait éprouvé Lareine-Boussel ?
n’était-il pas débiteur de la somme pour laquelle il s’était
obligé envers le sieur Chambon; ne l’avait-il pas accepté
librement pour créancier; et qu’importait que l’obligation
fut faite en faveur de M* Anglade ou du sieur Chambon,
puisqu’elle était causée pour payement d'actes ; et que
d’ailleurs toutes les précautions avaient été prises pour
qu’il n’y eût pas de double emploi nuisible à Lareine-Bous*
sel? Ausssi, M* Anglade et le sieur Chambon crurentils qu’il leur suffisait de rétablir les faits et d’indiquer les
personnes qui pouvaient en déposer; c’est ce que
fit M . Anglade par une lettre, du 22 février i 832 ,
adressée à M . le Juge d’instruction près le tribunal de
Clermont.
4-
�— 28 —•
On ne peut que déplorer la funeste préoccupation qui
vint saisir l’esprit des magistrats. Les moyens justificatifs
de M* Anglade parurent des charges accablantes*, on g é
missait de ce qu’il avait été assez léger pour fournir des
armes aussi puissantes contre lui, un reste d’intérêt porta
peut-être à ne point assigner les témoins qu’il avait indi
qués: on se borna à entendreLareine-Boussel père et son
fils, et sur ces deux dépositions, un père de famille hono
rable, un jeune homme plein d’avenir, eurent à gémir •
sous la prévention d’un crime de faux commis par
supposition de personnes et de conventions , dans un
acte où, d’ailleurs, on avait constaté comme vrais des faits
faux.
L ’erreur de la Chambre du conseil de Clermont ne pou
vait échapper à la h a u te sagesse de la Chambre d’accusa
tion, qui sentit la nécessité de compléter l’instruction :
onze témoins furent entendus, les faits furent expliqués ;
et plusieurs témoins vinrent apprendre : « Que ce procès
» était le résultat d’une manœuvre odieuse ; » — « Que le
» bruit public étaitque Lareine-Boussel nemenait pas seul
» cette affaire; — Q u’il avait agi par l’instigation de
» M e Desmanèches et du sieur Moulin ; » — Qu’enfin,
Boussel avait dit : « Anglade m’a remis mon obligation
» sans me demander d’argent; f a i une bonne lettre de
» M. Desm anèches, et je vais le dénoncer de suite. » Ces
dépositions n’ont pas besoin de commentaire, mais elles
expliquent trop bien l’esprit qui a constamment animé
M e Desmanèclies pour qu’on pût les dissimuler dans une
affaire où il faudra spécialement apprécier la moralité de
chacun des faits imputés à ce Notaire.
Comme on le pense bien, la Cour déclara qu’il n’y avait
�\
— 29 : —
lieu à accusation, l'arrêt est du i4 août i 83îî, et est ainsi
conçu :
« Considérant que de l ’instruction il résulte en fa it, que L areine-B ousscl
a réellem ent com paru en l’étude d Anglade N o taire, c l
a donne soit
consentement à l’ obligation du treize septem bre m il huit cent vingt - n e u l',
dont il s’ agit; qu’elle a été rédigée par suite de ce consentem ent, et en sa
p résen ce, après com pte fait des débets d’étude dont il était tenu;
» Q ue s’ il est avéré qu’ il y eut déguisement de la vraie cause de ce lle obli
gation et du nom du véritable créa n cier, il résulte aussi en fa it, que l’ obli
gation eut une cause réelle et légitim e, reconnue telle par le débiteur L a rcin e-B oussel, qui agréa en m êm e tem p s, c l par des raisons qu’ il approuva,
que Cham bon fût indiqué comme créancier
» Q ue s i, plus ta rd , L arein e-B o u ssel a porté plainte en faux en mil h u it
cent treille d e u x , et a réclam é contre l’obligation dont le quantum concor
dait avec l’état des débets d’étude , état rédigé par A n g la d e , sur le vu des
acles , parce qu’il prétendit plus ta rd , lui L areine-B ou sscl, avoir donné
o it
fait donner pi\r des tierces personn es, certaines sommes au sieur I)o ly , h'
valoir et im puter sur lesdits a cles, cela f ù t - il fondé et éta b li, ne pouvait
donner lieu qu’à un débat civil entre les héritiers D oly ou A n g lad e, p ourvu
de l’élude D oly et ledit Lareine-B ousscl; que si provisoirem en t, le Notaire
Anglade co n sen tit, lors des réclam ations de L a re in e -B o u ss c l, en m il huit
cent tre n le -d c u x , de rem ettre les choses an m êm e élat qu’elles étaient avant
l’ obligation , c ’est-à -d irc, de n’être créancier qu’en ve rlu des actes existans
dans ladite élude , il y a eu en cela , d’ après les circonstances particulièresde la c a u se , simple bonne foi de la part d’ A nglade , intention de se p rè lcr à
allouer ou h faire allo u er, par les représen tais D o ly , les à-com ptes reçus
par D o ly , s il en existait ré ellem en t, et nullem ent m atière h faire suspecter
de fraude l’ obligation dont il s’agit.
» P ar ces m otifs,
L a C o u r , réformant l’ ordonnance de la Cham bre du conseil du seize mars
m il huit cent trente-deux, d éclare, en fa it , qu’il n’ y a au p ro cè s, ni indices
d un fait qualifié crim e , ni des charges conlre le Notaire Anglade c l c o n t r e
Jean C h am bon , de nature h im prim er h leur conduite l’intention et la vo
lonté de faire tort h Lareine-Bousscl et de com m ettre un crim e ou délit;O rd o n n e, en conséquence, que l ’ordonnance des prem iers juges demeurera.
^
�—
3o
—
sans effet, et que lesdits Anglade et Cham bon soient mis en liberté s’ils ont
été arrêtés en vertu des mandats ou ordonnance de prise de co rp s, et s’ils
ne sont point d’ ailleurs rclenu s.p ou r autre cause »
M e Angladeput enfin s’occuper delà suitede son affaire
coutreM* Desmanèclies. Il s’était procuré les répertoires
de ce Notaire pour les années i 83o et i 83 i ; ces pièces
sont la meilleure preuve quel’on puisse produire de la con
tinuation de la résidence notarial de M e Desmanèches à
Cournon. En effet, le répertoire de i 8 3o constate que ce
Notaire a reçu 524 actes pour les deux résidences, savoir,
253 dans Cournon, et 271 pour Lempdes. On voit que le
chiffre des actes de Lempdes est ici un peu plus élevé que
celui de Cournon; mais en i 8 3 o, M e Desmanèches avait
quelques craintes et ses manœuvres pouvaient être moins
actives; toutefois, il se rassura bientôt, et le répertoire de
i 8 3 i apprend que sur 4^4 actes qui ont été reçus par
M* Desmanèches pour ses deux résidences , 2o5 seule
ment appartiennent à Lempdes et 249 à la résidence de
Cournon. A in si, on ne peut s’y méprendre: En 18 3 1, on
trouve M e Desmanèchesà Cournon comme on l’y a trouvé
en i 83o, comme il y a toujours été, c’est-à-dire, exerçant
sa profession de Notaire, ayant sa résidence notariale , et
portant, par ses manœuvres, le plus grand préjudice à
M e Anglade seul Notaire titulaire de ce chef-lieu de com
mune.
E n fin , la cause est portée à l’audience:
M e Anglade concluait à 20,000 fr. de dommages-intércts, et subsidiairement, à etre admis à faire preuve des
faits par lui articulés.
M e Desmanèches, de sa p a rt, concluait à ce que sans
�avoir égard à la preuve offerte par M* Anglade, et en
reconnaissant que Ai* Desmanèches résidait réellement à Lempdes , le Tribunal déclarât M* Anglade
non-recevable dans sa demande , et subsidiairement
l’en déboutât.
Ces conclusions durent exciter quelque surprise : On
voit bien que M* Desmanèches voulait obtenir un juge
ment qui paràlisât la plainte que M* Anglade avait porté
à M . le Garde des Sceaux -, mais comment avait-il pu pen
ser que le Tribunal déclarerait qu’il tenait sa résidence à
Lempdes , lorsqu’il s’opposait lui-inôme à l’admission de
la preuve des faits ayant pour objet d’établir que son do
micile réel et sa résidence notariale défait étaient à Cour
non? Comment, surtout, avait-il pu concevoir une pa
reille idée, sachant bien que M . le Garde des Sceaux avait
sursis à stîtuer sur la plainte en contravention à la loi sur
la résidence, jusqu’au moment où les faits allégués par
M* Anglade, auraient été éclaircis par l’instruction judi
ciaire ?
Mais la plaidoirie de M* Desmanèches fut bien autre
ment remarquable : La cause se plaidait au Tribunal de
Clermont*, M* Desmanèches pouvait apercevoir dans le
prétoire plusieurs de ses confrères , grand nombre de per
sonnes de Cournon, de Lempdes , de Pont-du-Château,
meme de Clermont \ personnes desquelles les faits étaient
parfaitement connus et qui, comme témoins, l’auraient
accablé du poids de leurs dépositions. On pouvait penser
que M* Desmaneclics se serait borné au développement
d’un simple point de droit qu’il s’agira d’apprécier ; mais
il osa bien aborder les faits, et soutenir que sa résidence
notariale avait été constamment h Lempdes -, et cela devant
�— 32 —
un auditoire qui repoussait toutes ses paroles comme men
songères , et manifestait la plus profonde indignation.
Q u ’imagina le sieur Desmanèclies pour prouver son as
sertion ? Il prétendit que M* Anglade avait reconnu luimème sa résidence à Lempdes; et pour preuve, il produi
sit six actes reçus pour lui par ce Notaire. Pour toute ré
ponse , M e Anglade rapporta à l’audience du lendemain
les minutes de ces actes*, elles sont toutes et en entier
écrites de la main de M e Desmanèclies.... Ce dernier
produisit ; encore deux certificats, l’un de l’e x - J u g e
de paix , et l’autre de l’ex-Maire de Pont-du-Château ,
certificats qui-attestent que M e Desmanèclies a tenu reli
gieusement sa résidence de Lempdes. Les dates furent
confrontées, et il se trouva que le certificat du Juge
de paix aurait été délivré dans le temps où ce magistrat
écrivait à M . le Procureur du roi que Desmanèclies
« résidait de fa it à Cournon, où il habitait avec sa
» famille. » — « Que les liabitans de Lempdes sont obligés
» d’aller le chercher à. Cournon.... » Peut-on trouver
quelque chose de plus propre à caractériser M e Desma
nèches? Un pareil homme peut-il avoir porté préjudice à
autrui sans malignité et sans dessein de nuire*, et de pareils
méfaits ne donnent-ils pas essentiellement lieu à une ac
tion civil ?
Les premiers juges se sont décidés en faveur de M* D es
manèches. Leur jugement, qui est sous la date du 7 juin
, et contraire aux conclusions de M . le Substitut du
Procureur du r o i , est ainsi conçu :
i Attendu que pour form er une demande en dom m ngos-m lérêlsil ne suffit
pas. d’éprouver un préjudice (juclconfjuc par le fait^ de cclui dc fjui on les
�réclam e; il faut encore que ce fail soit une atteinte à un droit acq u is, et non
la simple violation d’ une obligation im posée par la lo i , dans un intérêt gé
néral ;
» Attendu qu ’ un Notaire qui n îi se plaindre de ce qu’un de scs confrères
abandonne sa résidence pour venir partager la sienne , ne sa u rait, par ce
seul m o tif, avoir action pour réclam er de lui des d o m m a g e s-in té rê ts la
non résidence constituant un m anquem ent grave de la part du N o taire,
com m e fonctionnaire p u b lic , mais non , com m e le prétend le d em andeur,
une atteinte réelle aux droits dé propriété du N otaire réclam ant;
» A tten d u , en e ffe t, que la loi du 28 avril 1816 , en accordant au Notaire '
en exercice la faculté do présenter 1111 su ccesseu r, n’ a point entendu ériger
ces charges d ’ une m anière absolue en propriété privée;
» Attendu que cela résulte évidem m ent des nom breuses conditions res
trictives auxquelles est subordonné l’ exercice de ce d ro it, qui peut être considéré’et presque anéanti p arla création, dans la liflHtc de la loi, de résidences
nouvelles, le changem ent ou la suppression de résidences déjh existantes ;
» Attendu , dans tous les c a s , que le Notaire qui abandonne sa résidence
pour en venir occuper une a u tre , no porte point atteinte ïi ce d ro it, quoi
qu'on soit la nature. Les résidences n’étant point , com me on l’ a so u ten u ,
fixées autant dans l’intérêt des Notaires que dans celui des justiciables;
v'
» A tte n d u , en e ffe t, que les offices de N otaire devant être considérés
com me de véritables charges publiques , uniquem ent créés dans l’intérêt
com m un de la société ; la fixation et lo m aintien des résidences fondées sur
le même principe , n’ ont jam ais pu être déterm inées qu’en vue de ce même
in té r ê t, et ne co n stitu en t, par co nséqu ent, qu’ une question d'adm inistra
tion p u b liq u e, dont la décision est hors du domaine contentieux.
» Attendu que tel est le but évident que s’est proposé le législateur par
cette fixation de résidence;
» A tte n d u , en effet, que n’ y ayant jamais autant de Notaires que do com
m unes dans chaque canton , la loi a voulu , mais a voulu seulem ent pour
voir , par la fixation des résid en ces, aux besoins d’ un plus grand nombre
d’habitans, en leur ren d an t, par là , la com m unication avec un Notaire plus
facile qu avec tous les a u tres, en m êm e temps que leur laissant lo choix do
» adresser à to u s, elle no posait aucune lim ite h leur confiance;
» Attendu que si les résidences avaient été établies dans l’ intérêt des No
ta ire s, la loi les auraient classés par com m une com m e elle les a classés par
�— 04 —
ca illo n s, puisque ce n’est point à ce que son confrère n’ occupe pns sa ré
sidence qu’ un Notaire est surtout intéressé, mais bien à ce qu’il ne vienne
point y partager sa clientellc ;
<> A tte n d u , dès lo r s , que la faculté laissée au Notaire d’instrum enter dans
toute l ’étendue du ca n to n , vient ô ler à l ’action du dem andeur le seul m otif
qui pourrait le rendre re ce v a b le , puisqu’il lui serait impossible d’établir que
ln confiance des justiciables ne serait pas venue ch erch er h Leinpdcs celui
pour lequel elle tém oignait, h C o u rn o n , une préférence m arquée;
» Attendu que si les faits articulés par Anglade sont', en les supposant prou
v é s, d én aturé h m otiver ses plaintes auprès de M. le Garde des Sceaux, h qui
seul la loi confère le droit de les apprécier et de les ju g er; ils ne pourraient
jam ais, quelque puisse être leu r g ra v ité, donner ouverture à une action en
dommages-intérêts;
’>
■
» Attendu qu’ainsi le dem andeur ne pourrait être admis h la preuve qu’il
a offerte dans un but < 1 # ne peut atteindre , étant non recevable dans sa
demande.
« P ar ces m o tifs,
.
» L e T rib u n a l, donnant acte à la partie d c B a y lc de toutes ses réserves,
le déclare non recevable dans sa demande en dom m ages-intérêts, et le con
damne aux dépens. »
Comme on le pense bien, ce succès, peut-être inespéré,
a donné à M eDesmanèches un nouveau degré d’assurance;
ses manœuvres frauduleuses ont continué avec plus d’ac
tivité; et dès cet instant, on peut ajouter aux faits qui se
ront articulés, que depuis le jugement, M c Desmanèches
continue sa résidense , et tient à Cournon étude ouverte ,
où son fils écrit les actes sous sa dictée, et reçoit les consentemens en l’absence de son père.
�DISCUSSION.
L ’exposé du fait a exige des développemcns qui ont pu
paraître fastidieux ; mais le premier bes oi n, comme le premier
devoir de M* Anglade étaient de prouver en fait :
i° Que M* Désmanèches , Notaire à la résidence de Lempdes,
avait établi de f a i t sa résidence notariale à Cournon , où il exer
çait et exerce encore publiquement le Notariat.
2° Que cette infraction à la loi est accompagnée de circon
stances telles , que l’on ne saurait l’attribuer à l’imprudence et
à la négligence du sieur Désmanèches, ou à l’ignorance et à
l’omission de quelques uns de ses devoirs ; mais bien à un
dessein de nuire à M° Anglade , seul Notaire à la résidence de
Cournon , depuis d’ailleurs froidement médité et exécuté avec
persévérance et en connaissance de cause.
3° Que ces manœuvres ont occasionné un préjuflice consi
dérable à M e Anglade, et que ce préjudice augmente progres
sivement chaque année , et de manière à lui faire craindre la
perte de sa clienlelle, et l’anéantissement de son office de
Notaire.
Ces trois propositions de fait n ’ont plus besoin de démons
tration; elles sont d’une telle évidence, que les motifs du ju
gement dont est a p p e l , d’ailleurs si favorables à M" Desmaneches , loin de les contredire, les reconnaissent au contraire
d ’une manière tout-à-fait explicite, en déclarant que le preju
dice cause n est pas suffisant pour légitimer une demande en
doinmages-intérèls ; aussi, le Tribunal dont est a p p e l , recon
naissant la réalité des faits, a-t-il repoussé la demande de
M' Anglade par une fin de non-recevoir, qu’il a cru faire
ressortir de l’application des principes , ne faisant point at
tention que lors même que toutes les idées qu’il a proclamé
comme principes seraient vraies , les faits conslans de la cause
formeraient contre M* Desmanèches une exception qui le ren
drait inhabile h s’en prévaloir.
�Mais quelles sont les idées légales qui ont détermine les pre
miers juges ?
Pou r q u ’il y ait lieu à réparation d ’un préjudice , il faut que
le fait qui l’a occasionné, ne soit pas une simple violation d’oLligalion imposée par la loi dans un intérêt général, mais bien
une atteinte à un droit acquis.
O r , i° la loi du 28 avril 1816 n’a pas entendu ériger les
charges de Notaire en propriété privée ; ces offices sont des
charges publiques qui sont créés dans un intérêt commun.
2° La prescription légale sur le maintien des résidences , est
fondée sur le même principe d’intérêt général ; dès-lors , le
Notaire qui enfreint la loi, peut commettre un manquement
grave ; mais ce manquement n’étant point une atteinte au droit
de propriété, est évidemment hors du domaine du contentieux.
3° Le droit accordé à Desmanèches d’instrumenter dans tout
le canton , dépouille l’action de M° Anglade de tout motif et de
tout intérêt, p uis qu ’il lui serait impossible de prouver que les
gens de Cournon ne seraient pas venus contracter dans la rési
dence de Lempdes.
11 faut d ’abord examiner chacune des parties de ce système:
on établira ensuite qu ’en lui supposant quelque réalité, le Tri
bunal aurait encore méconnu les vrais et seuls principes qui
doivent régir la cause.
Et d’abo rd, q u ’est un office de Notaire? Est-il bien vrai
que ces charges qui sont créées dans un intérêt commun n’ont
aucun des caractères de propriété privée?
Avant la révolution, les offices de Notaire étaient considères
comme une propriété; les titulaires et leurs héritiers pouvaient
en disposer , sans autre charge que celle de présenter un suc
cesseur qui réunît les conditions requises. C ’était impropre
ment que l’on avait confondu ce droit dans les expressions gé
nérales de vénalité d'offices , cette vénalité n’ayant réellement
jamais existé , puisque le titre de l’office émanait toujours du
chef de l ’autorité publique.
Aussi , lorsque des réclamations s’élevaient contre la vénalité
�dos offices , elles durent paraître fondées qur.nl aux offices de
judicature ; mais aucun bon esprit n’ essaya d ’élendre la pro
hibition aux é l u d e s des Notaires , Greffiers et autres fonction
naires pareils ; effectivement, quant à ces offices , ne doit-on
pas dire avec Montesquieu : « Que la vénalité est bonne , en ce
» qu’elle fait faire comme un métier de famille, ce qu’on ne
» voudrait pas entreprendre dans la seule vue du bien public.»
Lors de la discussion de la loi du 25 ventôse an x i , qui est
le Code du notariat, la question de savoir s’il convenait de r é
tablir la vénalité des offices de Notaire, fut examinée : à cette
époque , le notariat était régi par la loi du 6 octobre 1791, qui
avait admis un système de concours ayant pour objet d’écarter
les candidats présentés par les titulaires eux-mêmes ; l’orateur
du gouvernement, dans son exposé des motifs, que l’on 11c
saurait trop méditer, s’élève contre ce système , et démontre
que celui qui lui est oppose et qui est virtuellement adopté
par la loi du 25 ventôse an x i , se concilie tout à la fois avec
les aperçus moraux que le législateur doit spécialement avoir
en vue , et les idées bien appréciées de la propriété ; de ma
nière que depuis cette époque, comme avant la révolution,
on a le droit de dire qu’une élude de Notaire est. une p ro
priété dont le titulaire ou ses héritiers peuvent disposer, à
la charge de présenter un successeur réunissant les conditions
requises, conditions sans lesquelles l’autorité publique, con
servatrice et surveillante obligée des intérêts généraux, ne
pourrait conférer le litre de Notaire.
La loi du 28 avril 181G porte celte vérjté au plus grand dégré d évidence; il est important de pénétrer son esprit et
de bien en apprécier les termes.
Ava nt la loi du 25 ventôse an x i , les Notaires étaient as
sujettis a la patente; l ’art. 33 de celte loi les en affranchit,,
mais les soumet a un cautionnement q u i , aux termes de
l ’art. 1" de la loi du 25 ventôse an x m , doit être fixé en rai
son combinée du ressort cl de la résidence de chaque Notaire.
C ’est dans cette position q u ’intervinl la loi d u 28 avril 1816^
�— 58 —
qui en portant les cautionnemens des études de Notaire à un
taux plus élevé que celui fixé par les lois antérieures, dispose
par son art. 88, que les cautionnemens sont fixés en raison de
la population et du ressort des tribunaux et de la re'sidence de
ces fonctionnaires. On doit ici faire la remarque essentielle ,
que la population de Cournon, résidence de M* Anglade, étant
plus considérable que celle de Lempdes ; conformément aux
tableaux annexés à la loi de 1816, le cautionnement de M* DesTnanèches , Notaire à Lempdes a été fixé à 1800 f r . , tandis que
celui de M* Anglade s’est élevé à 2,000 fr.
11 était de justice que le législateur, en imposant aux Notaires
une nouvelle ch arg e, les en indemnisât, en déterminant leurs
droits sur l’office dont ils étaient pourvus.
L ’article 91 est ainsi conçu : « Les Notaires...;, pourront p ré» senter à l’agrément de sa Majesté des su ccesseu rs , pourvu
» q u ’ils réunissent les qualités exigées par les lois. Cette faculté
» n’aura pas lieu pour les titulaires destitués. » — n. I l sera sta» tu é , p a r une lo i particulière, sur l’exccution de celle disposi» t i o n , et sur les m oyens d'en faire jo u ir les héritiers ou ay an t
» cam e clesdits o/Jîces. » — « Celte faculté de présenter des suc» cesscurs, 11e déroge p o i n t , au surplus, au droit de S. M., de
» réduire le nombre desdits fonclionnaires, notamment celui
» des Notaires, dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse
» an x i , sur le notariat. »
Si l’on médite ce tcxle avec attention, pourra-t-on mécon
naître le caractère non équivoque de propriété qu’il attache
aux offices de Notaire ?
La loi, en accordant aux Notaires le droit de présenter un
successeur, a bien évidemment voulu faire quelque chose qui
fut utile aux tilulaircs auxquels il l’a concédé ; et quel serait
donc ce droit, s’il ne renfermait p o i n t , pour le Notaire , celui
de vendre ou de traiter de son office avec le successeur q u ’il
s’est choisi et qu’il a*le droit de présentera l’agrément du roi?
Où peut-on trouver un caractère plus significatif de propriété
que le droit de vendre et de transmettre? Le principe de la
s
�transmission aux héritiers cl ayans cause du Notaire titulaire
n ’est pas douteux ? il est même consacré, de la manière la plus
absolue , par la loi mê m e , puisqu’elle ne fait que renvoyer à
une loi particulière sur les moyens de les en faire jouir. Il faut
donc reconnaître qu’ une étude de Notaire est une véritable
propriété, puisque le titulaire peut l’aliéner^ et que la valeur
fait partie de sa succession.
O b j e c t e r a - l - o n que la faculté accordée par la loi de 1816, est
subordonnée à des conditions et à d e s restrictions qui ne per' mettent pas de classer les études de Notaire parmi les pro
priétés?
Il faut examiner :
i° La loi veut que le successeur présenté au roi réunisse les
qualités exigées par la loi : — Cette charge est la même que
celle qui était imposée aux titulaires des offices de N o t a ir e ,
avant la révolution, époque à laquelle le titre , comme aujour
d’hui, émanait du chef de l’autorité publique, ce qui n’empê
chait pas que les études de Notaire ne fussent considérées
comme une propriété. On comprend d ’ailleurs, très-facile
me n t, comment l’intérêt public et l’intérêt privé peuvent ici
se concilier: le gouvernement a le droit d’exiger que le succes
seur qui lui est présenté ait les qualités requises; mais il ne
peut refuser celui qui offre les garanties déterminées par la
loi. Cette condition astreint, si l’on v e u t , le Notaire titulaire
à ne vendre qu’à certaines personnes, mais elle n’anéantit pas
son droit ; les litres de Notaire ne sont plus donnés au concours
comme ils l’étaienl sous la loi de 1791. A ujourd’h u i , il n’est
permis à personne d’entrer en concurrence avec le successeur
présente, qui est admis ou rejeté sur le simple examen des
pièces propres à attester sa capacité.
a0 La loi dit que la faculté de présenter n’aura pas lieu par
les titulaires destitués. — l\ien de plus sage ; mais comment
cette pénalité, sagement prononcée contre le Notaire qui a en
freint ses devoirs d’une manière assez grave pour encourir la
destitution, pourrait-elle être regardée comme anéantissant ou
�— /¡o —
modifiant le caractère de propriété attaché aux études de N o
taire en général? C ’e s t , si l’on veut, un frein salutaire imposé
à l’immoralité, une exception introduite dans l’intérêt géné
ral, mais qui confirme la règle bien loin de la détruire.
3° Le I\oi se réserve le droit de réduire le nombre des N o
taires dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse an xi. —
Q u ’induire de là? Lors de la loi de 1816, la réduction ordon
née par l’article'3 i de la loi du 25 ventôse an x i n’était point
encore opérée ; cette mesure avait été entièrement conçue dans
les intérêts des notaires, auxquels il importait d ’assurer une exis
tence honorable en les établissant dans des résidences qui, par
leur population, pussent présenter une indemnité proportion
née à des travaux qui, outre la probité , exigent autant d ’intelli
gence que d ’assiduité. Il convenait, dès lors, de ne point pou r
voir aux études qui étaient atteintes par la réduction ; mais
cette mesure o p é r é e , les éludes conservées par la loi de ven
tôse an xi , n’ont plus eu à redouter une chance qui n ’était que
transitoire. A ujourd’hui, la loi protège leur résidence et le
gouvernement ne peut la supprimer.
Il est donc prouvé , contrairement aux motifs consignés
d a n s le jugement dont est appel, que si, sous un rap por t, les
ofïiccs de Notaire sont des charges publiques établies dans
un intérêt com mu n ; d ’un autre côté, ils sont la propriété
du titulaire; que les conditions imposées par la loi à la trans
mission de cette propriété n’en changent pas le caractère ;
et que la réduction étant opérée, il ne peut appartenir au gou
vernement d ’anéantir celte propriété en supprimant une rési
dence établie ou conservée par la loi.
A mesure que l ’on pénèlre plus avant dans celte question,
on trouve des motifs tout aussi déterminans pour reconnaître
qu’une ctude de Notaire doit être classée au nombre des p r o
priétés du titulaire.
Ef fe ct iv em en t, si l ’on consulte la jurisprudence, on s’as
sure que les Notaires peuvent traiter <le leur office avec le suc
cesseur qu’ils se choisissent, et qu’ils ont le droit de presen- -
�— /il —
ter à l ’agrément du roi ; que ces traite's ou ventes doivent êlre
'exécutés dans les termes où ils ont été conçus ; qu’aucune
action ne peut être admise contre eux , pas même celle en re
gret et celle en lésion. ( Arrêt : P a r i s , 28 janvier 181 g ; Cassa
tion , 20 juin 1820 , 23 novembre 1823.)
Enfin , veut-on supposer qu’ un notaire a reçu un office, soit
de son père , soit de son p a r e n t, dont il est héritier par suile
de la démission de ce titulaire? Dans ce cas , que l’on se de
mande si cet héritier devrait rapporter la valeur de l’office à la
masse de la succession?
Où serait le doute ? N ’ est-il pas suffisant que la cession d ’un
office, à titre gratuit, présente un avantage au profit de cet hé
ri tier, pour qu’il soit tenu au n p p o r t ? Cette solution est le
texte même de l’article 8/|3 du Code civil : « Tout héritier ve» nani à une succession , doit rapporter à scs cohéritiers tout ce
» qu’il a reçu du défunt, directement ou indirectement. »
Et s’il arrivait que la transmission d’une élude de Notaire
renfermât une fraude ; que , par exemple , le prix de la vente
eût été fixé à une somme inférieure à sa valeur réelle , pour
avantager l’héritier acquéreur au delà de la quotité disponible;
pourrait-on douter que les autres héritiers n’eussent le droit
de demander l’eslimalion de l’office, et , d’obliger le nouveau
titulaire à rapporter le prix de cette estimation? ( V . Jo u r n a l
du n o ta r ia t , art. 4 I4 1-)
Une élude de Notaire est donc bien une propriété ; c’ cst une
vérité désormais hors de doute, une vérité fondamentale dont
les conséquences sont aussi pressantes qu’inévitables.
En ellet, le droit de propriété suppose celui de jouir et de
conserver la chose qui nous appartient ; et comme il n’est point
de droit sans obligation corrélative, il faut reconnaître que la
propriété notariale, comme toutes les autres, impose le devoir
de la respecter el de ne rien faire qui la détruise ou en diminue
la valeur.
O r , M" Dcsmanechcs a-t-il usurpé tout ou partie de la p r o
priété notariale de M" Anglade?
6
�Celle question est résolue en fait, il ne s ’agit plus que de
l ’examiner en droit.
L ’office d ’un Notaire se compose de trois choses : le titre ,
les minutes et la résidence. Voilà , bien certainement, l'ensem
ble d ’une propriété notariale. INI* Anglade se plaint de ce que
M. Desmanèches lui a enlevé la partie la plus importante de sa
propriété, c’est-à-dire sa résidence, ou qu’au moins, il lui a causé
le plus grand préjudice en venant s’y établir: est-il recevable à
demander des dommages-intérêts pour réparation de ce fait?
Le Tribunal dont est appel a reconnu que le maintien des
résidences notariales était fondé sur le même principe que l’é
tablissement des offices de Notaire; et comme il avait refusé à
ces offices tout caractère de pro p ri ét é , il était logique q u ’il ne
vît dans l’usurpation de la résidence qu’une violation d’un rè
glement d ’administration publique ; ainsi, avoir détruit sa pre
mière erreur, c’est déjà avoir fait sentir la nécessité de réfor
mer la seconde.
Mais on ne peut se dissimuler que les premiers juges, en se
créant un système qui leur était personnel, n ’aient encore cédé
à l’influence de deux arrêts , l’un de la Cour royale de Metz ,
du 21 juillet 18 18, cl l’autre de la Cour royale de Nîme ; arrêts
remarquables par la faiblesse de leurs motifs, que le Tribunal
de Clermont a essayé de fortifier, et qui d ’ailleurs sont in
tervenus sur des faits bien différons de ceux de la cause ac
tuelle. Ces arrêts auraient jugé que l’infraction à la loi de la ré
sidence notariale, est une matière de haute police et d ’admi
nistration publique, dont la connaissance appartient à M. le
Ministre de la justice , et dont les Tribunaux ne peuvent con
naître ; qu’ainsi le Notaire dont la résidence a été u s u r p é e ,
n e peut demander contre son confrère des doinmagcs-intérêts,
sous prétexte qu’il lui enlève une partie de sa clicntcllc et lui
cause ainsi une perte réelle.
On comprend que les moyens déjà développés suffiraient
pour détruire ce système, étant évident que l’erreur provient
de ce que ces deux Cours n’ont point voulu examiner la ques-
�— /,3 tion de propriété , et ont pris à lâche de se renfermer dans
le sens le plus étroit de l’art. 4 de la loi du 24 ventôse an xi ;
sans vouloir le rapprocher des monuraens législatifs et judi
ciaires les plus propres à l’expliquer.
En termes généraux , la résidence est la demeureordinaire
et habituelle d ’une personne en certain lieu ; sous ce rapport »
la résidence est une chose de fait indépendante de toute espèce
dedroit, et qui se distingue du domicile auquel seul des droits
sont attachés.
Examinés en termes plus restreints , la résidence est le lieu
où un officier publia est tenu de séjourner et de demeurer
pour exercer sa charge.
Quant à la résidence notariale, il faut d’abord s’assurer du
texte des articles 4 et 5 de la loi du 25 ventôse an xi.
Art. L\|. « Chaque Notaire devra résider dans le lieu qu i h d sern
■»fixé p a r le gouvernement. En cas de contravention, le Notaire
» sera considéré comme démissionnaire; en conséquence , le
» Ministre de la justice, après avoir pris l ’avis du Tribunal ,
» pourra proposer au gouvernement le remplacement. »
L’art. 5 , après avoir dit que les Notaires exercent leurs
fonctions , savoir : ceux des villes où est établie une Cour
royale, dans l’étendue du ressort de cette Cour. — Ceux des
villes où il n’y a qu’ un Tribunal de première instance, dans
l’étendue du ressort du Tribunal ; ajoute , § 3 : « Ceux des
» autres communes , dans l'étendue du ressort du T ribu n al de
» p a ix . »
I c i , il iaut d ’abord s’assurer si la résidence a été établie dans
1 intérêt des Notaires ; rechercher en suite à quelles conditions
le Notaire ayant résidence dans une co m m un e , peut exercer
scs fonctions dans l’étendue du ressort du Tribunal de paix ;
et enfin fixer son attention sur quelques cas de fraude cl de
violation à la loi de la résidence.
Et d ’abord , l’orateur du Tribunal s’ expliquant sur l’art. 4
de la loi du ^5 ventôse an x i , disait : « S'il pouvait ( le No» taire ), transférer à sou gré sa résidence , la loi aurait man-
G.
�-
41
-
« qué son but , tarit pour l'avantage (le la société, que p ou r
» celui des N otaires en particulier', on verrait la majeure partie
» d ’entre eux , abandonner les cam pagnes cl venir habiter les
» villes pou r la résidence desquelles <
1 antres N otaires auraient
» p a y é un cautionnement plus considérable. »
Que l’on s’arrête ici : N ’est-il pas évident que le législateur
s’est proposé un double but ; d’abord l’avantage de la société,
qui est spécialement confiée à la surveillance de M. le Garde
des Sceaux ; en suite l’avantage des Notaires en particulier,
qui dès-lors ont nécessairement droit de se plaindre lorsque
leurs intérêts sont blessés? Et si l’on remarque que la loi a
voulu spécialement éviter que les Notaires abandonnassent leur
résidence pour venir occuper celles d’antres Notaires qui au
raient payé un cautionnement, plus considérable qu’e u x , c o m
ment contesterait-on q u ’une action est ouverte à celui qui au
rait éprouvé un préjudice par suite de cette fraude ? La posilion prévue par l’orateur du Tribunal esl identiquement celle
de M " Desmanèclies et Anglade : le cautionnement de l’un
n ’est que de 1,800 francs, tandis que celui de l’autre est de
2.000 francs. D o n c , la propriété de Desmanèclies est moins
précieuse que celle d ’Anglade ; d on c, celui-ci a le droit de la
défendre contre les usurpations de son confrère : mais si l’u
surpation est ancienne , si elle lui a déjà causé un préjudice
considérable, comment n’aurail-il point d ’action pour en ob
tenir la réparation? E l si celte action lui est ouverte, comme
on n’en saurait douter , devant qui l’exercera-t-il ? Sera-ce de
vant M. le Garde des Sceaux ! Mais le Ministre ne peut connaître
de l’infraction à la résidence , que dans un intérêt général ; son
droit se borne à contraindre le Notaire contrevenant à garder
sa résidence ou à pourvoir à son remplacement comme démis
sionnaire , mais il ne peut accorder des dommages - intérêts.
Dès lors , que faire? II y a nécessité de rentrer dans le droit
commun, et le Notaire qui a éprouvé le préjudice doit s’adres
ser aux Tribunaux , qui seuls ont le droit de l’apprécier cl d’en
déterminer la réparation.
�-
/, 5 -
A i n s i , une aclion n ’exclue pas l’au tre , et M* Anglade a p u ,
tout à la fois , demander à M. le Garde des Sceaux que M* Des*
manèches fut tenu de garder sa ré si de nc e , et saisir la justice
de son aclion en dommages-inlérêts.
Objectera-t-on , en s’appuyant sur un des motifs du ju g e
ment dont est appel, q u e si les résidences eussent été établies
dans l’intérct des N o t a i r e s , leur classement aurait eu lieu par
c o m m u n e cl non par canton.
Cette objection, si elle était re no u ve lé e, ne pourrait con
vaincre que d ’une chose, c’est que la loi n ’a point clé assez at
tentivement consultée. Effectivement , elle ne classe pas les
résidences par cantons mais bien par commu ne s ; elle les classe
si peu par cantons, que po ur le cautionnement, il est fixé en
raison combinée du ressort et de la ré sidence; et po ur ne pas
s’ éloigner de l’exemple que présente la cause , on s’assure qu e
si le cautionnement de M' Anglade a été fixé à 2,000 francs, et
celui de M E Desmanèclies à 1800 f r . , c’est parce que la rési
dence de Courn on est plus considérable par sa population que
celle de L e m p d e s , quo ique toutes les deux soient du m ê m e
canton ; c’ est donc bien par co m m un e s que les résidences ont
été classées.
11 est vrai que les Notaires des commu ne s ont le droit d ’exer
cer leurs fonctions dans toute l’étendue du ressort de leur jus
tice de paix: mais c o m m e n t , dans quel cas, et à quelles condi
tions ?
U n avis du Conseil d ’etat du 7 fructidor an x n , r e c o n n a î t ,
il est vrai, que les Notaires de simple justice de paix ont le
droit d exercer leurs fonctions dans tout le canton ; meine que
les Notaires résidens dans une co m m u n e rurale peuvent veni r
dans le chef-lieu , lorsque celte ville serait c h e f - li e u de Co ur
royale et de tribunal de pr em ièr e instance, po u r instrumenter
dans la partie de ces villes dépendantes de leur justice : mais
q u a n d ? « l o k s q u ’ ii ^s en s o n t k e q u i s .» — Q u ’est.-ce qui leur
est dé fendu? — L ’avis répo nd : «Mais ils ne pe u ve nt ouvrir
» étude, ni conserver le dépôt de leurs m in ut e s, ailleurs qu e
�-
46 -
» dans le bourg ou village qui leur est assigné pour leur rési» dence. »
Ce texte n’a pas besoin de commentaire , il concilie parfai
tement ce qui doit être concédé aux parties, qui peuvent n’ac
corder leur confiance q u ’à un Notaire de leur choix, avec la
protection qui doit être accordée aux intérêts du Notaire de
la résidence. Le Notaire peut quitter sa résidence pour faire un
acte de sa profession dans le canton lorsqu’il en est requis, au
trement, il ne peut envahir la résidence de son confrère; et,
dans aucun cas, il ne peut ouvrir étude , ni conserver le dépôt
de ses m in u t es , ailleurs que dans sa résidence.
M. Massé, t. i , p. 3 3 , développe très-bien ces principes:
« Il faut bien distinguer , d it - i l , l’étendue du ressort d’un
» Notaire de celle de sa résidence : un notaire à le droit de se
» transporter momentanément hors du lieu de sa résidence,
» dans toute l’étendue de son ressort, pour y faire un acte , et
» il peut y rester aussi long-temps q u ’il est nécessaire- pour pré» parer l’acte , le rédiger et le faire signer ; mais il ne lui est
» pas permis de fix e r son d o m icile, ni d ’établir son étude hors
» du lieu de sa résidence. »
Si l’on rapproche ces principes des actes du sieur Desinanèchcs.qui pourra, de bon ne foi, reconnaître que ce Notaire, en éta
blissant sa résidence notariale à Cou mon, n’a fait q u ’user de son
droit et fait ce qui lui était permis.— D ’abo rd , aucuns des actes
passés par un Notaire, dans celle résidence de fait, ne l’ont
été sur la réquisition des parties; ensuite , que remarque-t-on?
Uri domicile fixe, une élude ouverte, et le dépôt des minutes
établi à Cournon ; et, ce qu’il y a peut-être de plus f o r t , c’est
l’abandon total fait par le sieur Desmanèchcs de sa résidence
notariale à Lempdes ; de telle manière , que celte résidence
légale, la seule que le litre du sieur Dcsmanèches lui assigne,
n ’est plus qu’une simple succursale de la résidence de fait que
ce Notaire s’esl créée de sa pleine autorité ; succursale dans la
quelle, au reste, il ne paraît une ou deux fois par semaine, que
�pour y formuler les acles dont les consentemens ont été reçus
par ses préposés pendant son absence.
Quelques exemples peuvent faire apprécier l'importance que
le législateur a mis à obliger les Notaires à tenir la résidence
qui leur est fixée par leur commission , et le soin rigoureux
qui doit être apporte à éviter ou à réprimer toute espèce de
fraude à cet égard.
L e 21 mars 1817, M e Coron fut nommé Notaire à la résidence
de Caluirc (Rhône) ; ce Notaire crut pouvoir s’établir au h a
meau de St-Clair, bourg dépendant de sa résidence, mais lieu
bien préférable à Caluire par sa population , l’activité de son
commerce , la multiplicité des transactions, et surtout son rap
prochement de Lyon, qui donnait à ce Notaire les moyens d’étendre sa clicnlelle et d’agrandir ses relations.
M* Coron avait quatre années d’exercice et de résidence à
Caluire, lorsque les Notaires de Lyon se plaignirent de cette
infraction à loi ; et une décision de M. le Garde des Sceaux,
sous la date du 18 mai 1821, ordonna que Coron serait tenu de
s’établir à Caluire, résidence déterminée par sa commission,
et d’abandonner le hameau de St-Clair.
D ’un autre cô té, on a examiné la question de savoir si un
Notaire contrevient à l’art. 4 de la loi de ventôse an x i , lorsqu’habilucllement, à des époques périodiques , et san s être re
q u is , il se transporte au chef-lieu de son canton , dans l’inten
tion de recevoir des actes de leur ministère ; il est vrai que le
plus grand nombre a décidé négativement la question , mais en
déclarant qu’il devrait en être autrement s’il résultait des cir
constances que le Notaire tînt son étude au chef-lieu du canton,
fait qui constituerait une véritable fraude à la loi.
Enfin , il n’y a pas de doute à décider que le Notaire qui au
rait un clerc résidant habituellement dans une autre commune
et y recevant des actes , commettrait une fraude que les cham
bres de discipline et le ministère public devraient s’empresser
de réprimer ( Jo u r n . des N ot., art. 44G1.)
�-
48 -
Tous ces exemples font plus fortement ressortirlagravité de
l’infraction de Me Desmanèclies :
II n’aurait pas pu transporter sa résidence dans un lieu dé
pendant de celui qui lui a élé assigné par sa commission, et il
l ’établit, où?Dans le chef-lieu de Cournon , résidence de M. Anglade.
Il lui était interdit de se transporter hors de sa résidence
sans en être requis. Non-seulement M* Desmanèclies contrevient
à celte règle , mais encore , de sa seule autorité , il établit son
domicile et son étude à Cou rnon, et agit ainsi en fraude de
la loi.
E n f i n , il fait plus que d’avoir un clerc résidant habituelle
ment à Cournon, il y habite et réside lui-mêine , il y reçoit les
actes ; et s’il s’absente, il laisse une personne qui puisse pren
dre le consentement des parties.
On ne peut donc se le dissimuler, il n’est point d ’infraction
plus grave que celle reprochée à M ' Desmanèclies ; il n ’est
point de manœuvres qui aient pu porter un plus grave préju
dice à la propriété de M* Anglade.
O r , quels sont les principes en matière de réparation civile
ou de dommages-intérêts ?
L ’article i382 du Code civil est ainsi conçu: « Tout f a i t
» quelconque de l’h o m m e , qui cause à autrui un dommage,
» oblige celui par la fa u te duquel il est arrivé à le réparer. »
A i n s i , l’ordre delà société exigeant, non seulement, que nous
ne fassions de mal à personne, mais encore que nous prenions
des précautions pour n’en pas causer volontairement, il est
certain que la réparation doit avoir lieu , lors même que le fait
qui aurait causé préjudice ne serait point accompagné du des
sein de nuire.
L ’article i 383 porte: «Chacun est responsable d u do mma ge
» q u ’il a causé non seulement par sou f a i t , mais encore p a r i a
” négligence ou p a r son imprudence. » Qu elle co nséque nce à
déduire de ces principes? si ce n’est que tout f a i t , toute omis
sion par lequel sans malignité et sans dessein de n u i r e , on a
�— 49 —
causé préjudice à autr ui, est un quasi-délit qui soumet l’auteur
de ce fait à une réparation, lors même qu’on n’aurait ît lui
reprocher que de la négligence ou de l’imprudence.
Dans ce cas , quelle serait la position de M e Desmanèches ?
Il ne s’agirait que de constater que M* Anglade a éprouvé un
préjudice dans sa propriété, et qu’il est du fait de son adver
saire , pour que ce dernier fût obligé a ie réparer. Il importe
rait peu qneM* Desmanèches voulût se faire un moyen de son
ignorance, de la croyance où il était que la loi n’exigeait pas
de lui une observation aussi rigoureuse des règles de la rési
dence ; les faits sont là, pour démontrer que M' Desmanèches
a méconnu un engagement qui lui était imposé par l’autorité
seule de la loi (art. ii'jo )', qu’en outre il a usurpé la propriété
de M e Anglade, en s’établissant et ouvrant étude de Notaire
dans la résidence de ce dernier. Voilà, dès-lors, tout ce qu’il
faut pour que M” Desmanèches soit convaincu de quasi-délit,
et condamné à des dommages-intérêts.
I c i , il faut examiner une dernière objection du jugement
dont est appel , qui consiste à dire que la faculté d’ instrumen
ter dans tout le canton , accordée à Me Desmanèches , ote à
l’action de M« Anglade tout son mot if, puisqu’il est impossi
ble à ce dernier de prouver que les gens de Cournon ne se
raient pas venus à Lempdes.
Un pareil argument n’a rien de sérieux: il ne s’agit pas , en
e ff e t, de rechercher si les gens de Cournon seraient allés con
tracter à L em p d es, dans le cas où M* Desmanèches y aurait
tenu sa résidence ; mais bien de s’assurer si M« Desmanèches
à établi son étude à C ou rn on , résidence de M* Anglade , à
1 elfet d y attirer les cliens ; o r , comme les actes reçus par
M Desmaneclies ont etc passés a Co urnon, dans sa maison,
et que nulle part il n’est fait mention qu’il se soit transporté
de Lempdes a Cournon sur la réquisition des parties , voilà la
preuve écrite que les liabitans de Cournon ont cédés ’, non
pas à la confiance exclusive que leur inspire M* Desmanèches
mais bien à l’influence de sa position , à ce domicile établi à
7
�cc'Le résidence publique, enfin, à celle étude ouverte à Cournon, , contrairement à la prohibition la plus précise de la loi.
Bans celte position , la présomption est que la clicntelle serait
demeurée attachée à la résidence; ce serait à M eDesmanèches
à détruire cette présomption ; mais comment ferait - il cette
p r e u v e , lorsqu’il est certain que les actcs, intéressant les
hahitans de Cournon, n’ont point été reçus à Lempdes* et
que M* Desmanèches , loin d’attendre les cliens à Lempdes ,
est venu , au contraire, s’établir auprès d ’eux à Cournon, obli
geant ains i, le plus souvent, les habitans de sa résidence lé
gale à se transporter dans sa résidence de fait.
Mais cette cause se présente sous un dernier poiut de vue
lout à fait deisif : d ’a b o r d , M* Desmanèches n’a établi sa ré
sidence notariale à Cournon , que dans l’intention de causer
préjudice à M* Anglade ; et ce préjudice a réellement été souf
fert , de manière que l’on réunit ici les deux caractères consti
tutifs de la fraude consiliurn et eventus dam ni. Or l’on sait que
la fraude fait exception à toutes les règles ; que la preuve en
est toujours admissible, et qu’elle doit être réprimée et punie
aussi tôt qu’elle est découverte.
Ce n’est pas tout: 11 appartenait à M* Desmanèches de fairè
regretter l’énergie et la précision d ’un mot qui n ’a point été
conservé dans notre nouvelle législation criminelle, omission
qui n’a pas peu contribué à jeter quelque vague sur la défini
tion du mot délit.
Autrefois, toute action commise avec malignité et dessein
de nuire, s’appelait méfait, de l’expression énergique m alcjicia;
sous ce mot venaient se ranger toutes les actions mauvaises
et nuisibles, tant celles que la loi considérait comme crimes,
que celles qui n’en réunissaient pas tous les caractères; de ma
nières qu’alors , le méfait était le genre, et le crime l’espèce.
( V . V ùrniu s , in inst. de oblig . , qnœ ex delielo nascuniur , iri
princ. lib. 4 » tit. i. — Cout. de Beauvoisis, rédigée en 1280,
chap. 3o . )
A u j o u r d ’h u i , le mot délit est e m p lo y é en deux acceptions
�différentes ; une première, qui est générale et comprend Ions
les méfaits; une seconde, plus resserrée et sous laquelle cer
taines espèces viennent se ranger; c’était là un défaut qui d e
vait bientôt se faire sentir; aussi, voit-on q u e , dès le premier
article du Code, le législateur est contraint d’employer au lieu
du mot méfait celui d’infraction, qui est bien plus vague et
moins énergique.
Toutefois, si le mot méfait n’existe plus dans le langage de
la loi pour exprimer les faits qui troublent la paix et l’ordre
public, et qui sont des crimes ou des délits ; si même celle
expression ne s’applique pas au simple q u a s i - d é l i t , qui n’est
qu’une action préjudiciable à autrui, mais commise par négli
gence ôu imprudence , elle n’en sert pas moins à désigner cette
foule d’actions mauvaises et nuisibles , commises avec mali
gnité et dessein de nuire , que le législateur n’a pas dû quali
fier cri m e, mais qui étant contraires à la bonne foi et flétries
par les principes de morale les moin^Tjsévères , n’en donnent
pas moins ouverture à une action civile, pour obtenir la répa
ration du dommage q u ’elles ont causé.
Le préjudice éprouvé par M* Anglade étant certain, l’ensem
ble des faits reprochés à M'Desmanèclies, auteur de ce pré
judice, présente-t-il les caractères du méfait?
Qui pourrait en douter?
M* Desmanèclies :
N ’a-t-il pas usurpé, en connaissance de cause, la résidence
de son confrère, en violant la l o i , en dédaignant de se confor
mer aux statuts de la corporation à laquelle il appartient, règles
que cependant il ne pouvait ignorer ni méconnaître?
Pour se faciliter l’exploitation des deux résidences et nerien
laisser échapper à son insatiable avidité, n’a-t-il pas encore exigé
des personnes qui lui étaient dévouées à Cournon et à L e m p des qu’elles reçussent, en son absence,les consentcmensdes
parties ?
A-t-il obéi à l ’injonction de M . le Pr o c u r eu r d u r o i , d u
1" avril i 8 3 o?
�— 52 --Après avoir réclamé la résidence de Cournon comme sa pro
priété particulière , et avoir ensuite p r i s , envers le T r i
bunal , l’engagement formel de faire son habitation exclusive
à Lempdes , M" Desmanèches a-t-il tenu à cette promes
se ?.... A-t-il même satisfait à la nouvelle injonction de s’é
tablir définitivement à Lempdes, dans un mois; injonction qui
lui a cependant été faite le 3o novembre , par M. le Procureur
du roi , conformément à l’ordre exprès de M. le Garde des
Sceaux?
Lors du transport de M. le Procureur du roi à Lempdes ,
M* Desmanèches n ’a-t-il pas trompé la loyauté de ce magistrat
en faisant, temporairement, transférer ses minutes de Cournon à Lemp de s, minutes qui ont été immédiatement réinté
grées dans cette première résidence?
N ’est-ce pas lui qui a incité Lareine-Boussel à porter plainte
contre M* Anglade? Qui a clé l’inventeur et le metteur en
œuvre de l’intrigue odieuse sous laquelle il espérait le voir suc
comber ?
A l’audience, que fait ce Notaire?
Il
vient dénier les faits les plus certains , il se permet les as
sortions les plus mensongères, il oppose un certificat émané
d’un magistrat , et le met ainsi en contradiction avec deux
lettres olficiclles, écrites par ce même fonctionnaire.
Et c’est devant de pareils faits que la justice est resté désar
mée , et qu’elle a repoussé , par une fin de n o n - r e c e v o i r , la
juste demande de M e Anglade!....
A u s s i , M* Desmanèches s’est-il halé de triompher : immédia
tement, il a donné à ses manœuvres plus d’activilé; il s ’est ad
joint son fils; aujourd'hui ils tiennent ensemble étude ouverte
à Cournon ; le fils écrit sous la dictée du père , e t , en l ’absence
de ce dernier, reçoit les consenlemens des parties.
Telle est cette cause, dans laquelle un homme simple, labo
rieux cl modeste, s’ est imposé le devoir de défendre sa pro
fession, son existence et son honneur, contre la richesse,
l’audace , la ruse cl la méchanceté la plus froide comme la plus
�— 53 —
.
\■)
cruelle. Me Anglade a succombé en première instance ; mais
fort de son droit, il n’a pas hésité à venir demander à la
haute sagesse de la Cour un d e ces arrêts réparateurs, q u i ,
en flétrissant les actions mauvaises et nuisibles, servent d’exem
ple , et donnent aux hommes de tous les rangs une grande et
salutaire leçon.
M' A N G L A D E , N otaire à Cournon.
i'
M° J.-Ch . B A Y L E , ancien A vocat .
M- J O H A N N E L , Avoué.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Anglade, Claude. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Anglade
Bayle
Johannel
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Claude Anglade, notaire royal à la résidence de Cournon, Canton du Pont-Du-Château, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil de Clermont, le 7 juin 1832 ; contre Maître Jean-Baptiste Desmanèches, ayant résidence fixée par sa commission, dans la commune de Lempdes, canton du Pont-Du-Château ; mais de fait ayant établi son domicile et sa résidence notariale à Cournon, intimé.
Annotations manuscrites.
18 mai 1833, arrêt 2éme chambre = mal jugé en déclarant Anglade non recevable = preuve admise. Sirey, 37-2-582. 20 février 1834, 2nd arrêt qui après enquête condamne le défendeur en 3000 de dommages et intérêt... »
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
53 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2801
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2802
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53557/BCU_Factums_G2801.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes