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CONSULTATIONS MÉDICALES
■ * ■'
■"
.
1
f;
.
D a n s la cause d’entre C a t h e r i n e
intim ée, et G i l b e r t
L A F O N T ,
L A F O N T , appelant.
L E C O N S E IL SO U S SIG N É , consulté sur la question de savoir
si l’enfanl de Catherine L afon t étoit m ort ou en vie au moment
d e sa naissance;
Ne pouvant établir son opinion sur une question aussi délicate,
que sur les diverses déclarations qui se trouvent dans l’enquête,
pense, après avoir m ûrem ent réfléchi sur ce qui a été dit par les
différens témoins, que l'enfant susdit étoit vivant au moment qu’il
est venu au monde.
L es motifs sur lesquels le soussigné établit son jugement à cet
égard, so n t,
1°. Les mouvemens des bras, répétés trois ou quatre fo is;
2°. Les battemens du cœ ur, observés plusieurs fois ;
3°. Les mouvemens du visage, après l’application des spiritueux;
4°.
Plusieurs soupirs : d’abord un gros, soupir observé par la sage-
femme ; les autres remarqués postérieurement au prem ier, par
Claire Gilet.
O r , il paroit impossible de ne pas reconnoitre la vitalité dans
des phénomènes semblables. .
COUR
D ’A P P E L
DE R.IOM.
�C O
II s u f f i t , pour se convaincre xlé cette' vérité f dé jeter les yeux
' sur les ouvrages de médecine légale ël sur ceux de physiologie. Il
y a plus; l'enfant n ’e ù t-il donné aucun signe de vie, e u t-il pré
senté même tous les signes de m o rt, tels que la froideur, l’immo
b ilité, le défaut de respiration, la roideur des m em bres, etc. e tc .,
on ne pourroit pas pour cela affirmer qu’ il n ’étoit pas viable, puis
que les traités d’accouchemens nous disent, et l’expérience l’a appris
à ceux qui se livrent à cet a rt, qu’on en a rappelé plusieurs à la
v ie , quoiqu’ils fussent dans un état de mort apparente. E h! com
bien ont été précipités au tom beau, qui eussent vécu , si on eût
employé à leur égard les secours que prescrivent en pareil cas la
physiologie et la m édecine!
Mais si on n ’eût pas pu affirmer la m ort de l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, lors même qu’il en auroit présenté tous les indices,
hors la putréfaction caractérisée par le détachement de l’épiderme
( d’après les écrits de C else, Zachias, L an cisi, H eister, W in s lo w ,
Bruhier, surtout ceux de Louis et de Portai ), à plus forte raison
est-on admissible à regarder comme vivant un enfant chez lequel,
malgré la longueur de l’accouchem ent, peut-être même malgré
les mauvaises manœuvres de l’accoucheuse , on a observé après
sa naissance, qui a élé 1res-pénible; chez lequel, disons-nous, on
:a' observé les phénomènes de la circulation, de la respiration et de
la sensibilité, qui sont tous les attributs de la vie.
On auroil désiré sans doute entendre les cris de l’enfant : ce signe
de vie eût frappé tous les assistans, et eût porté la conviction dans
tous les esprits. M ais on ne fait pas attention qu’il n ’y a rien de si
commun que de voir des enlans, surtout s’ils se présentent par
les pieds, venir au monde sans crier : il n'est aucun accoucheur
un peu praticien qui n’ait été témoin de ce fait. M ais ne doit-on
pas regarder comme des cris imparfaits les divers soupirs de l’en
fa n t, surtout si on a égard à sa foiblesse ?
L a respiration se compose de deux ordres de fonctions; l’une
par laquelle l’air entre dans la poitrine, et d i s t e n d plus ou moins
Mes poumons; on l’appelle inspiration; l’autre, par laquelle i’uîr
�(s 3))
-test chassé de1 la p o it r in e e t js e ,n o m m e expiration. L e soupir
IIs’exerce au moyen de, cette, dernière. Mais comme la sortit^ de
l ’air suppose son introduction , il faut nécessairement en con
clure que l’enfant chez lequel on l’a observé a respiré, et par
conséquent qu’il a "vécu.
't; T o u s les gens de Part savent que l’enfant ne respire pas, tant
qu’il est dans le sein de sa m ère, et que la circulation est toute
différente alors de ce qu’elle sera quand une fois il est au monde.
Com m ejil n ’est pas possible d’attribuer les mouvemens de la
face au galvanism e, qui n’a point été employé à l’égard de l’en
fant L a fo n t, le soussigné ne s’attachera pas à réfuter une pareille
idée.
Il y a lieu d ’être surpris qu’on ait pu arguer de la mort de
l ’en fan t, sous prétexte qu’il n ’a présenté que les phénomènes de
la vie organique, et nullement ceux de la vie animale. L e savant
B ic h a t, qui a admis ces deux vies, dans son immortel ouvrage
sur la vie et la m o r t, n’a reconnu la plénitude de ces deux vies
que chez l’adulte. En effet, la vie animale étant destinée, d’après
l ’auteur, à établir des rapports entre l’individu et ses semblables,
« entre lui et les objets voisins, à marier son existence à celle de Bichat
» tous les autres êtres, à sentir et percevoir ce qui l’entoure, à
» réfléchir ses sensations, à se mouvoir volontairement d’après
« leur influence, e tc ., » ne peut être l’apanage de I’enfajit au
moment de sa naissance, quelque viable et bien portant qu’on
le suppose. Il e s t, dans les premiers temps de sa vie, totalement
réduit ù la vie organique. D ’ailleu rs, pour nous servir encore
des expressions de B ich at, « chacune des deux vies se compoPag
» sant de deux ordres de fonctions , le premier ordre, dans la
» vie animale , s’établit de l’extérieur du corps vers le cerveau ,
» et le second, de cet organe vers ceux de la locomotion et de
» la voix. L ’impression des objets affecte successivement les sens,
» les nerfs et le cerveau : les premiers reço iven t, les seconds
J» transm ettent, le dernier perçoit cette im pression, q u i, étant
» ainsi reçue, transmise et perçue, constitue nos sensations, a
�(4)
O r , qui ne voit que les attributs de cette vie ne peuvent point
convenir à un e n fa n t, surtout dans les premiers momens de sa
naissance?
Délibéré à
C lerm ont,
le 8
janvier 1806.
B A YAR D,
D o c t. M é d .
L e soussigné , d'après la très-grande majorité des dépositions,
pense aussi que l’enfant est né vivant. L e seul mouvement du
cœ u r, qu'on dit avoir o b servé, suffit pour être de l’avis de
M . Bayard.
, ’
R A Y M O N D ,
Le
so u ssig n é ,
chirurgien.
docteur en m édecine, après avoir lu les mé
m oires, et d ’après les dépositions y contenues, estime que l’en
f ant est né vivant. L a vie est la faculté qu’a un corps organique
vivant d’être affecté par les puissances du dehors, et de réagir.
Cette réaction a eu lieu, parce qu’il est prouvé par les déposi
tions, 1°. que des mouvemens ont été remarqués dans le visage;
2°. qu’il y a eu mouvement des bras ; °. cela est prouvé encore
par la respiration ; °- enfin, par les mouvemens du cœur. Les
stim ulus ont donc produit dans ce petit corps organique une
4
3
réaction sur les puissances du dehors, dont le résultat a été la
vie.
A C lerm ont-F erran d , ce 9 janvier 1806.
D O U L C E T ,
D o c t. M é d t
/
A R .IO M , de l’im prim erie de L a n d r i o t , seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — Janvier 1806.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayard
Raymond
Doulcet
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Consultations médicales dans la cause d'entre Catherine Lafont, intimée, et Gilbert Lafont, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1806
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0723
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_G1508
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
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626173f899a036f446f360ed9c93fc81
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M
E
M
O
I
R
E
COUR
D ’APPEL
EN
R É P O N S E ,
POUR
L A F O N T , et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesB ains, intimés ;
C a t h e r in e
t
-CONTRE
G ilbe r t L A F O N T , J ea
,
n-B a ptiste B O U R -
N E T y J e a n F O R I C H O N , M A r i e et autre
M a r i e L A F O N T \ leursfemmes ¡habitant aussi
à N é r is , appelans.
C e n’étoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
D E R I 0 M.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né m ort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa part, au contraire, l’intimée a établi clairement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et q u i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�( 3 )
faits insigniiians, à présumer que l’enfant pouvoit être
venu au monde sans vie.
* .
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa,le 1 4 brumaire an 10, GilbertM arie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi ; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�(4)
Ses couches furent extrêm em ent, laborieuses ; ’ mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la même fatigue qui accabloit la mère dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfaus sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode ordinaire. L e cordon ombilical coupé, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u -d e -v ie , et on ne l’employa
pas moins au même usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivât que long-tem ps
après l’accouchement, il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�( 5)
A p rès le b ap têm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, uvani de p a rtir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la m airie, et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’autre, 1g
21 frimaire an i i .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
m ari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-m êm e étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour pei’sonne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre i la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se lit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-frères Bournet et Forichon, dans la vue d’embar
�( 6 )
rasser Catherine L afon t, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert L afon t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
L e premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V oilà un erifant m ort;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 11 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e premier témoin est le cu ré-ad joint, qui a admi
�( 7)
nistré le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
I<e second témoin , François C o rre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
L e troisième, M arie L a fo n t, fem m e P ig n o t, la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fit signe qu’il étoit m ort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses g en o u x, et" ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. L e curé v in t , le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle - même à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la ti’anquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième tém oin, M arie JBournet, ne sait rien
par elle-même ; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém o in , Marguerite L a fo n t , veuve
�( 8)
Bonnefui^ '9. vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
r e m a r q u é qu’il a fait un léger so u p ir, ce qu'elle a re
gardé comme un signe de vie j elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
L e premier témoin est la sage-fem m e; elle sentit les
wiouvcmens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
■pulsations du cœ ur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u - d e - v ie , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il fit un soupir. A lors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
(quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
le curé est venu et l’a baptisé.
L e second témoin, François D u rin , a soupe avec le
curé le soir des couches. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�( 9 )
avoir touclié son estomac, senti de la chaleur, cru re
marquer de la viey et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est Marie Bournet , déjà entendue.
L e quatrième témoin, la femme Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du vin lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ ur , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l'enfant soupiroit ,• mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guiïlernin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches, Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiCil n'aurait pas
f a i t , s'il 11 eût cru s être assuré de son existence, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde vivant , et qu’elle l’avoit ainsi déclaré ù son
confesseur.
L e sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur h. l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fiit vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot ( celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il éloit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras ¿1 la tête , et avoit remarqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
à l’enquête directe, et même les enquêtes entr’elles. 11
B
�C 10 )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision ù deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
« foi jusqu’à inscription de fau x; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi« heure après sa naissance ; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour dé« truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie ; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme oflicier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lu i-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi
« aux excrémens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même* sage-
�( 11 )
« femme lui a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
« lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
« faire ; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
« de la mère, il ne lui a remarque aucun signe de vie,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lui ait mis les doigts dans la bouche, et y. ait soufflé;
« que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-meme si
« l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a enti tendu dire dans la maison qu’il étoit encoi'e vivant;
« que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de vie ;
« Que de ces cinq tém oins, le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o rt, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accou« cheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
« a proposé au témoin d’y porter la m ain, ce qu’il n’a
« voulu faire,>disarit qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
te chaleur à l’enfant-, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que Fenfant étoit né vivant; que cette même
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en témoignage pal* Catherine Lafont; que le quatrième
« témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
«' de l’enfant, qu’il avoit encore de la v ie ; que le cin« quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
«• signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
« résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
« qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
« Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�( 12 )
« de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé ; qu’on en est
« d’autant pins convaincu quand on considère que le
« quatrième témoin oui à la requête de Catherine Lafont,
« Ti qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
« soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage« femme, lui a Vu battre le cœ ur, lui a distingué des
« mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il sou
te piroit; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
« étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
« n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
« ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-5
« constances, jointes aux actes de l’état civ il, aux décla« rations des témoins, doivent suffire pour constater la
' v. vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
« de manière que Catherine L afon t, qui a été m ère,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à M ontluçon, le 14
« nivôse an 13 , etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert Lafont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an i i , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt; mais ils avoient gardé le silence en
�( i3 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
L afon t, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 13 ", les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13 , parce que ce
jugement et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Foriclion n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance ; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l'appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i°. que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�C *4 )
remarques par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce so n t ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais-
' sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les.
actes de l’état civil;, les ordonnances nous l’enseignent r
et la raison nous: dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
- C a r, comme le dit M . Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entièi-e, comme dépositaires.de l’état
des hommes.
- Il ne'faut pas etre plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou.
l’accoucheur, si le père est mort ou'absent;;car l’accou
cheur a lui-même- un caractère publie, e t seul il fait foi.
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3 , art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la' déclaration.
::-Enfin il faut que l’enfant soit porté à l’ofiicier public,
ou qu’il vienne.'s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sepr ;
�( 15>
tembre, tit. 3 , art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’au acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on peiïse l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de form e, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte publie ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,;
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen-des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luiinêtne.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personues s’écrièrent :
V oilà un enfant m ort;
�( i6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l ’e a u - d e - v i e , elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pale,
et avoit les yeux fermés ;
30. Que François Gorre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
40. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens :
mais Marie Bournet ne le pou firme pas,
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle se contredit elle-même
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit m ort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
viv a n t, parce quV/<? ne s’y comtois soit pus ; cependant
c]le avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitempilt ayec la dé
position
�(t7 )
position du témoin F oriclion, qui a ouï dire h. plusieurs
femmes que cette-même Pignot leur avait attesté quô
l’enfant étoit vivan t, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V oilà
un enfant m ort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
P ign o t, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait iso lé, faux et inutile. Mais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux fei'més.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
tém oin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit pas admis
à se rétracter.
L e quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par là
P ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même.quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i 8)
Corre dit que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquième fait est démontré faux par tous les té
m oins; car bien loin que le sieur R eynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir , il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’eniant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A insi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême ; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�( x9 )
L e curé auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que dim inuer,
cependant à son ai-rivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût m ort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivan t, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoît, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistce dicimt sufficere quod aliquod membrum baptizetur ut sit ijifans christianus.
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A in si,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guiltemin, à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
,
soit existence.
Si à cela on ajoute les dépositions de la sage-femme,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o rre , il n’y aura
plus à douter; car les mouvemens de l’enfant dans la main
C 2
�C(2o y
de la sage-fem m e, les battemejis du cœ u r, les soupirs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivapt. Les apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
Tjôs signes de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t-ils
sujjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et r é p u t é vivant toutes les lois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’interôt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v i e , licet i l l i c o decesserit. L . 2 , cod.
D e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoicnt pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit anuullé par la naissance d’un posthume. Les
�( 21 )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que Teniant, pour être réputéijvoir vécu, eût crié, cia*
morern emiserit. Mais les sabiniens n’étoient pns de cet
avis, et répondoient que la foible;sse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament était rompu si l’enfant étoil
né v iv a n t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existimabant si vivus iiatus esset
vocem n o n e m is it
e t
si
rumpi testamentum : eoruni etiain
nos laudamus sententiam , et s a n c i m u s s i perfectè liatus e st , licet
illic o
postquam, in terrain cecidit vel
decessit-, ruiiipi testamentum. L o i Quod dià , code D e posth. lib.
in
m in ib u s
o b ste tr ic is
Cette supposition d’une mort aussi.prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la,lpijjn’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque'le $pn
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
Si non integrum animal editurn sit, cum
s p ir itu .
tamen , adeo testamentum rumpit, L. 12 ; if. D e liber¿s
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant j
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L iv re i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D om at, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est q u e s tio n de sa v o ir s’il a succédé et transmis la succes
sion.' Dans la première espèce, c’ëst-à-dire, cum agitur
de statu et f i t quœstio statûs, M . Domat pense que l’en
fant^ avant sept mois, n’est pasJréputé avoir vécu : mais
quand il'ne s’dgit que de transmettre la succession à ses
héritiers, >Jcùm l agi fur'de transmissione hcercàitatis, les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suflit qu’il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des en fans de
quatre et cinq-mois,-nés même par l’opération césarienne,
( L i v . 1, sect. 1,11°. 5 , p. 2 .) '•
■Remarquons qu’ici il s’agit d’un enfant venu à tonne;
après neuf m ois, et dès-lors légalement viable,•
�( 23 )
Henrys, cite encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Dom at; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regardé connue mort
pour avoir rejeté des excrém cns, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V oici littéralement
le fait rapporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne raan« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par
te devant le juge la sage-femme et un médecin. L e pré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrem ent,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.. .. La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du m édecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en oi’donner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au par
oi lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m o t, que sur le doute, et dans les cir« constances duf a i t , il j'alloit plutôt juger que Venfant
« avoit eu v ie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1, li v. 6. )
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�Cm )
rapport de Bretonnier, dans son traité D e partie, ch. 16,
11°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu^
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières ^
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
' Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
L a chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué à
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
personnel. L e seul s o u p ir e n t e n d u éta n t un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans i n s p ir a t io n ,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de çontractililé et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme.
T o u t cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
L a base de ce système est une simple p o ssibilité : le fait
principal qui le motive rrest pas exact, et par conséquent
1A
C système s’évanouit tout entier,
Le
�(*5 )
L e tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition dévoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de v isu , ils ont dû remarquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e -v ie ,
entendit un gros soupir ,* puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l ’enfant soupiroit, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der
nier soupir.
A lo rs , et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère x*ende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après cette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse. Dans une tête
D
�'( **6 )
coupée, la vie surprise, pour ainsi dire, pendant Sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairement ;par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pds la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’ etéin t par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles-ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une Seule aspii’ation, toute co n tr a c tilité et
irritabilité semble une chose entièrement impossible.
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : m a i s , q u e lle q u ’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un coi’ps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
‘ Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
*
Voilà donc une'présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfànt vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant/ou est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
cjuaud‘ les as'àistans ne l’ont pu recorinoîlre ? Comment,
dans une matiè’re aussi conjecturale que les signes de la
�(
)
m ort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe-r^
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa,nais
sance, avant, ou pendant son baptêm e, ou in manibusx
obstetricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gai'dé ; puis le cu ré, mandé pour le
baptiser, est venu; ,et c’est après tojat cela qu’on a été
certain de sa mort.
: ?
>
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les s^nes de ia m ort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r,7 comme
le-» * dit M . W in slo w ,7 « si la chaleur du:)
'
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante >la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
« Il est-incontestable que le corps est quelquefois telle« meut privé de toute fonction vitale, et que le souille
cc de la vie y est tellement caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. » ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la m ort, page 84. )
.
E t c’est parce que les signes.de la mort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de l’enfant.
Si spiraverit, dit Zaclïias, si membra distenderit, si
se moverit, si sternutaverit, si urinam reddat. ( Quest.
njédico-lég. liv. I er. tit. 5 , n°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�( »8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l ’enfant seroit mort dans le ventre de sa m ère, et celui
; i
-»
7
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mèi’e ne laisse
pas de doute; aurdeuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. ( Médecine
civile, tom. i , n°. 288.)
M ahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilite. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
'« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2 ,
pag. 393- )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne l’étoit-il pas quand son coeur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les raisonnemens de l ’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
m ort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
.
..
Eh! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme Tins-
�( 29 )
tant fixe de la mort celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance. , ■
O n sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mêmes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent, étoit cependant m o rt,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
I<es couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
• ••.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme ; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l ’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc ne pas croire que ces opérations ont
�. . .
( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente, plutôt que '
d’assigner une époque antérieure, sans aucune cèrtitude,
mais par s im p le soupçon.
Ici au moins nous présentons un système qui a une
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
« de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne faut
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
( Hippocr, de superf, ch. 5. )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an
cienne théorie; Alphonse L ero i, qui les l’appelle, ajoute ;
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
« nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( A lp h, L e r o i,
pratique des accouchernens. )
lia section du cordon ombilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib lè; des frictions d’eau-d e-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que ses
soupirs ont annoncé le dernier effort de la nature ; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœ ur, il
a résulté de cette suspension même que c’est alors seu-r
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce‘ n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans lo
doute même,’ la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. Là
il s’agissoit de rompre un testament, et c’étoit en pure perte
�( 3* )
Jpotir le posthume , s’il m ouroit illic o , in m anibus obstetricis,* ic i, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a Suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un eufant
'q u i , venu à term e, étoit légalem ent viable. , , -
O n a articulé contre l’acte de naissance des vices de
form e, mais ils sont imaginaires, et n’emporteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent seroit de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
; la loi dit seulement qu’il sera présenté à l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
, >
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment a n té rieu r ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem, suivant le
langage de la loi. On a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la, nature et dans la m orale, comme il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
de D om at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f o r tunam , ut in dubio matri faveam us ,
quœ in luctu est magno , propter amissum f îlium et
maritum , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg. 2.6, D e pact.
dot. )
'• A quels titres en effet seroient plus recommandables
tdes collatéraux, qui ne voyant dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p ro ie , e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur fam ille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre p u b lic, par le motif
unique de leur intérêt. particulier.
Me D E L A P C H IE R ,
avocat.
Me . T A R D I F , licencié-avoué.
A RIOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel, — Nivôse an 14
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0722
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0723
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
-
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MEMOIRE
EN RÉPONSE
POUR
L A F O N T , *et L o u i s - A uguste
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C a th e rin e
CONTRE
L A F O N T J e a n -B a p t i s t e BOUR.
N E T J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
M a r i e L A F O N T , leursfemmes, habitant aussi
à N éris, appelans.
G ilb e r t
;
C e n’etoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
COUR
D ’A P P E L
DE R I OM.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour l’ien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux qui, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tache de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né mort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
De sa part, au contraire, l’intimée a établi claii’ement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et qu i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trou ver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits ¡\ ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur lu foi de quelques
�( 3 )
faits insignifians, à -présumer que l’enfant pouvoit être
venu au inonde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa, le 14 brumaire an 1 o , GilbertMarie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert Lafont, son frère
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de scs couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; mais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle ne s'entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’éloit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�( 4 )
Ses couches furent extrêmement laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la môme fatigue qui accabloit la mèi’e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode oi’dinaire. Le cordon ombilical coupé, on cher- ^
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’eau -d e-vie, et on ne l’employa
pas moins au môme usage. Le résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs , l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’é teindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la mort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivnt que long-temps
après l’accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�(S)
Après le baptême, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, avant de partir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la mairie , et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit mort,
les deux actes furent faits^ l’un à la suite de l’autre, le
21 frimaire an n .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même ; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
mari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-même étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se fit faire, une saisie-arrêt par scs
bcaux-irères Buuruet et Foriclion, dans lu vue u’embar-
�( 6 )
rasser Catlierine Lafont, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert Lafont, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
Le premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an i i .Alors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux fermés, et que
tous les assistans s’écrièrent : Voilà un crifant m o rt ;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui de voit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
Lo premier témoin est le curé-adjoint, qui a admi-
�. ( 7 )
nisti’c le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
Le second témoin , François C orre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
Le troisième, M arie L a fo n t,fe m m e P ig n o t , la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fît signe qu’il étoit mort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche*,
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses genoux, et ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. Le curé vin t, le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle-m êm e à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la tranquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième témoin, M arie B o u rn et, ne sait rien
par elle-même; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém oin, Marguerite L a fo n t , v e im
�m
JBojinefoi, a vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant ; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
remarqué qu’il a fait un léger sou p ir , ce qu’elle a re
gardé comme un signe de vie ,• elle n’en a pas remar
qué d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les advei’saires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
mort ; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
Le premier témoin est la sage-femme ; elle sentit les
mouvemens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du CŒur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u -d e -v ie ,' et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. Alors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
( quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
lo curé est venu et l’a baptisé.
Le second témoin, François JDurin , a soupé avec le
curé le soir des couches. Le curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�C9 \
avoir touché son estomac, senti de la chaleur , cru remarquer de la viey et baptisé l’enfant.
Le troisième témoin est Marie B ournet , déjà entendue.
Le quatrième témoin, la fem m e Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du v in , lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ u r , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l’enfant soupiroit j mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guillemin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qu’il n'auroit pas
*f a i t , s iln eût cru s'être assuré de son existejice, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde viva n t, et qu’elle l’avoit ainsi déclaré à son
confesseur.
Le sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fut vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il étoit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit remarqué plu*
sieui's autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
4 l’enquête directe, et même les enquêtes entr’clles. 11
B
�( 1° )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
cc foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures apj ès m id i , c’est-à-dire, demi« heure ajDrès sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour décr truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme officier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lui-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître ; qu’il l’a jugé ainsi
“ aux excréinens qu’il a vu tomber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
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«
«
«
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«
C ii )
femme lui a dit que le cœur de l’enfant battoit encore,
lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
faire; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
de la mère, il ne lui a remarqué aucun signe de vie,
quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
lui ait mis les doigts dans la bouche, et y ait soufflé;
que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-même si
l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a entendu dire dans la maison qu’il étoit encore vivant ;
que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
a regardé comme un signe de vie;
« Que de ces cinq témoins , le troisième est le seul
qui soutienne que cçt enfant étoit m ort, parce qu’il
le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accoucheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
a proposé au témoin d’y porter la main, ce qu’il n’a
voulu faire, disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
attesté que l’enfant étoit né vivant; que cette même
accoucheuse l’a ainsi déclai’é lorsqu’elle a été appelée
en témoignage par Catherine Laiont; que le quatrième
témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie; que le cinquième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�t
( 12 \
a de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé; qu’on en est
«
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«
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième témoin ouï à la requête de Catherine Lafont,
à qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
soins à la mère, a confirmé la déclaration de cette sagefemme, lui a vu battre le cœur, lui a distingué des
mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il soupiroit ; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières circonstances, jointes aux actes de l’état civil, aux déclarations des témoins, doivent suffire pour constater la
vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
de manière que Catherine Lafont, qui a été m ère,
qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« Le tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à Montluçon, le 14
« nivôse an 13, etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert L^afont à
payer ce qu’il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt ; mais ils avoieut gardé le silence en
�' ( 13 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
Lafont, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13, parce que ce
jugement et celui du ig ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel lës Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent h dire i c\ que les enquêtes p ro u v e n t
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�.( I 4 )
remarqués par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce sont ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais
sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l'enseignent,
et la raison nous dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
Car, comme le dit M. Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est mort ou absent; car l’accou
cheur a lui-même un caractère public, et seul il fait foi
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3, art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfant soit porté à Vofiicier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( Loi du 20 sep-
�( i5 )
tembre, tit. 3, art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’un acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de faux, par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de forme, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux-, et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen des enquêtes ; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personnes s’écrièrent :
Voilà un enfant mort;
�(i 6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l’eau-de-vie, elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
€t avoit les yeux fermés ;
3°. Que François Corre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
sc transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée,* et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
Le premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens ;
mais Marie Bournet ne le confirme pas.
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle sc contredit elle-meme
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit mort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
Lattre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
vivant, parce, qu "‘elle ne s y connaissait pas : cependant
elle avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitement ayep la dé
position
�( 17 )
position du témoin Forichon, qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette même Pignot leur avait attesté que
l’enfant étoit vivant, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : Voilà
un enfant mort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
Pignot, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait isolé, faux et inutile. Mais personne-n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux femiés.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. La loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
témoin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin ins
trumentale il feroit encore fo i, et ne seroit pas admis
à se rétracter.
lie quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par la
P ign ot, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couclics jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i8 )
Corre dit'que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
Le cinquième fait est démontré faux par tous les té
moins; car bien loin que le sieur Reynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir, il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
Ainsi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�C *9 )
L e cu ré auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez long, la vie de l’enfant n’ait pu que diminuer,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût mort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivant, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ dicunt sufficere quod aliquod mernbrum baptizetur, ut sit irifans christianus .
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la vie, d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A insi,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
public, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guillemin, à qui le curé a dit à diilerens inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
Si à cela 011 ajoute les dépositions de la sage-femme
de la veuve Bonnefoi et de la femme Gorre, il n’y aura
plus à douter; car les m oum ncns de l’enfant dans la main
C 3
�( *> )
de la sage-femmè, les battemens du cœur, les soupirs ,
les bras remués trois à quatre fois, la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
. Cent témoins, qui diroient avoir vu un individu mort,
ne détruiraient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivant. Les apparences de la vie et de la mort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S e c o n d e
q u e s t i o n
.
Les signes de vie remarqués par les témoins so n t-ils
suffisons ?
> Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois romaines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il mouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit nul, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
Mais dès l’instant qu’il étoit né, il devenoit capable de
succéder et de transmettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet i l l i c o decesserit. L. 2 , cod.
•ZJe post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand 1111 testa
ment étoit annullé par la naissance d’un posthume. Les
�( « )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir vécu, eut crié, c/«rnorern erniserit. Mais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rompu si l’enfant étoit
né vivan t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existim abant si vivus natus esset e t s i
v o c e m n o n e m i s i t rumpi testamentum : eorum etiam
nos laudamits sententiam , et sancim us , si perfectè natus e s t , lie et i l l i c o postquam in terrarn cecidit vel
i n m i n i b u s o b s t e t r i c i s decessit, run/pi testamentum. Loi Quod d iù , code D eposth. lib.
Cette supposition d’une mort aussi prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque le son
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu, quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
S i non integrum anim al editum s i t , curn s p i r i t u
tam en , adeo testamenium rumpit. L. 12 ; lf. D e liberis
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant ;
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L ivre i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . Domat, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succès*'
sion. Dans la première espèce, c’est-à-dire, cum agiturde statu e tjît qucestio statûs , M . Domat pense que l’en-r
fant, avant sept mois, n?est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s’agit que de transmettre la succession à ses
héritiers, ciim agitur de transmissione hœreditatis , les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suffit qu^il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans de
quatre et cinq mois, nés même par l’opération césarienne.
( Liv. 1, sect. 1, n°. 5 , p. 2. )
Remarquons qu*ici il s?agit d’un enfant venu à leruio
après neuf mois, et dès-lors légalement viable ,
�( 23 )
Henrys, cité encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Domat; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regai-dé comme mort
pour avoir rejeté des excrémens, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. Voici littéralement
le fait l'apporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne man« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par« devant le juge la sage-femme et un médecin. Le prê
te texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrement,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.... La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du médecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en ordonner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
« l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au para lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m ot, que sur le doute , et dans les cir« constances du f a i t , il fa llo it plutôt juger que Tenfant
« avoit eu vie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1} liv. 6.)
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, dit, au
�C 24
) *
rapport tle Bretonnier, dans son traité D e p a riu , ch. 16,
n°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu^
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières;
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
Le raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
La chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué k
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
.personnel. Le seul soupir entendu étant un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans inspix*ation,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme,
Tout cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
La base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le motive n’est pas exact, et par conséquent
le système s’évanouit tout^entier,
Lo
�( 25)
Le tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition de voit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
_ Le soupir appelé un dernier soupir est encore une
.erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de visu , ils ont dû remarquer que la sagefemme, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u -d e -v ie ,
entendit un gros soupir ; puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l’enfant soupirait, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der~
nier soupir.
A lo rs, et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère rende de l’air par expiration,
sans en ayoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
(deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après pette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la inspiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�( X
)
............................
coupée,la vie Surprise, pour ainsi dire, pendant sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairémerit par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pas la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une seule a s p ir a tio n , toute contractilité et
irritabilité semble une Chose entièrement impossible.
Le larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
Le galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : mais, quelle qu’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un corps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
'
Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
Voilà donc une présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfant vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant, où est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
quand les assistons ne l’ont pu reconnoître? Gomment,
dans une matière aussi conjecturale que les signes de la
�( *7 )
mort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa ,nais
sance, avant, ou pendant son baptême, ou in manibus
obstetricis , suivant le langage de la loi.
La sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gardé; puis le curé, mandé pour le
baptiser, est venu; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa mort.
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la mort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
Car, comme le dit M . W inslow , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi
te sage, le froid du corps, la roideur des extrémités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
s II est incontestable que le corps est quelquefois telle—
« ment privé de toute fonction vitale, et que le souille
« de la vie y est t e l l e m e n t caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. >3 ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la mort, page 84. )
Et c’est parce que les signes de la mort sont plus dou
teux que ceux de la vie, que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de reniant.
Si spirai’erit, dit Zacliias, si.membra distenderit , si
se r/éoverit, si sternutaverit., si urina/n reddat. (Quest.
m édico-lég. liv. i*?1*- tit. 5 ,11°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�.
C ¡8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit mort dans le ventre de sa mère, et celui
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier‘
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mère ne laisse
pas de doute ; au deuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins i f cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. (Médecine
civile, tom. i , n ° . 288.)
Mahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilité. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2,
pag- 393 - )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne Fétoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les r a i s o n n e m e n s de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
mort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
Eh ! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme l’ins-
�( ¿g ) ï
tant fixé de la mort'celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque joui*
sur la foi de cette croyance.
On sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude ; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mômes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du mouvement, étoit cependant m ort,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente ; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
Les couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc np pas croire que ces opérations ont
�( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente , plutôt q u e ’
d’assigner une époque antérieure, sans aucune certitude,
mais par simple soupçon.
'
Ici au moins nous présentons un système qui a une .
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
ce de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne fautj
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
(*Hîppocr. de superf. ch. 5 . )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an*
cienne théorie; Alphonse Leroi, qui les rappelle, ajoute :
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que.
cc nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( Alph. L eroi,
pratique des accouchemens. )
La section du cordon ombilical a donc pu nuire à un(
enfant déjà foible; des frictions d’eau-der-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que scs
soupirs ont annoncé le dernier effort do la nature; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœur, il
a résulté de cette suspension meme que c est alors seu-?
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans le
doute même, la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vie
pst ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. L à
il s’agissait de rompre 1111 testament, et c’étoit en pure porto
�f
►
*
*t
'Cr3*
)
I
1pour le'posthum e, ;s’il mouroit■'iffïcù) 'ïn manibus ofotetricis j ici, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
-faveur d’une mère, et de supposer que la nature a suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un enfant
q u i, venu à terme, étoit légalement viable.
1 On a articulé contre l’acte de naissance des vices de
forme, mais ils sont imaginaires, et Remporteraient au
cune peine de nullité. Le seul vice conséquent serait de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté h l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni mère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se'donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment antérieur ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem , suivant le
langage de la loi. On a,blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la nature et dans la morale, com m e il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
-de Domat, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas dit, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f ortunam , ut in dubio m atri f aveam us ,
quœ in luctu est m agno , propter amissum f ilium et
m a ritu m , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg.26
D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroient plus recommandables
des collatéraux, qui ne v o y a n t dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p roie, e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur famille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant ? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre public, par le motif
unique de leur intérêt particulier.
M e, D E L A P C H I E R , avocat,
M e T A R D I F , licencier avoué.
A. R IO M , de l’im prim erie de Landriot, seul im prim eur d e la.
C o u r d'appel
N ivose an 14.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 14
1801-Circa An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0323
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_G1508
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
-
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Text
COUR
MEMOIRE
IMPÉRIALE
DE RIOM.
l re. C H A M B R E .
EN RÉPONSE,
POUR
L es sieurs R A Y N A U D f r è r e s , p ro p rié ta ire s , habitant
aux A rn o lle ts , com m une de C h e ze lles; les sieur et
dame P I T A T ,
habitant à E b r e u il; et les sieur et
dame B R U N A T , habitant à N é r is , tous intimés î
C O N T R E
,
L e sieur SE C R E T A I N , chirurgien à Bellenave et
la dame R A Y N A U D son épouse appela n s
,
EN
,
PRÉSENCE
D es sieur et dame B E R N A R D , marchands , habi
tant aux A rnollets , intimés.
C'est
en dénaturant les faits qu’ils connoissent le mieux;
c est en substituant à des moyens qu’ils n’ont p a s , la plus
atroce et la plus astucieuse calomnie, que les sieur et dame
Secretain sont parvenus à se créer une cause, et cherchent
encore à la soutenir, contre leur intérêt, contre les conve
nances , et au mépris de tous les devoirs.
A.
�-
v .-
\
-* 'w
: c \
*
\
Il sera facile de s’en convaincre.
Toutes les parties sont enfans de François-Alexis Raynaud,
et Louise Bourgougnon.
Le père mourut avant son épouse. La liquidation et le par
tage de la communauté , celui des biens propres, les morcellemens qui devenoient la suite de ces partages partiels, les inconvéniens qui alloient en résulter, la confusion des biens de
la mère avec ceux de la succession, tout cela présenta aux
parties de grandes difficultés.
Pour les applanir, elles appelèrent auprès d’elles un oncle
com m un, jurisconsulte consom mé, dont le nom seul pourroit
servir de palladium aux actes dont il s’agit dans la cause.
Ils furent dictés par son affection, et dirigés par ses lumières:
Ils furent faits dans l’intérêt de tous, et dans les formes voulues
par la loi;
Ils furent exécutés par toutes les parties, par les sieur et dame
Secretain eux mêmes, qui se plurent à embellir et améliorer le
lot qui leur étoit éch u , et en disposèrent en maîtres jusqu’au
décès de la mère;
Ils le furent encore après son d é c è s , par un partage bien
volontaire des choses que la mère s’étoit réservées, par un sup
plém ent de partage qui fut le complément et l’approbation forcée
du premier.
Bientôt après ce dernier a cte , Secretain a formé une demande
en nullité.
Nanti de sa portion, il a prétendu que tous les actes qui la
lui avoient transmise, n’étoient pas exactement dans les formes
voulues par la loi.
Eût-il dit v r a i, il eût été honteux de se présenter sans autre
motif ; il a cherché un prétexte dans le moyen banal de lésion.
Cette demande étoit dirigée contre les frères Raynaud prin
cipalement ; les trois autres filles y auroient eu le même intérêt
que la dame Secretain , une^eeule a gardé le silence, les deux
autres se sont réunies aux frères pour soutenir un ouvrage qui
�( 3 )
ayoit conservé les droits , et assuré la tranquillité de tous.
Ils se sont présentés avec cette assurance qui -accompagne la
vérité. Quoiqu’il ne pût y avoir de motif de rescision que dans
le cas où la lésion excéderoit le quart, ils étoient tellement sûrs
de leur fait et tellement éloignés de rien vouloir à autrui, qu’ils
ont donné les mains à une estimation, et offert de pariournir la
lésion quelconque, ne fut-elle que d’un écu.
Cette proposition a été r e p o u s s é e avec injure.
Sourd à la voix même de l’intérét, Secretain n’a voulu voir
que des nullités. Porterie trouble dans la famille de son épouse,
renverser l’ouvrage d’une sage et prévoyante affection, outrager,
calomnier contre sa propre conscience ceux qu’il savoit être
sans reproche, voilà ce qui lui a paru préférable à tout.
Sa prétention n’est qu’odieuse.
Elle est repoussée par la morale et par la loi.
Son plan d’attaque n’est qu’un scandaleux oubli de toutes les
bienséances.
Ces vérités seront bientôt senties. Toujours fermes dans
leur contenance , les intimés répondront à des allégations par
des faits , à de calomnieuses imputations par des actes ; ils
mettront le langage de la vérité à côté d’une narration infi
dèle; c ’est ainsi, comme ils l’ont toujours fait, qu’ils préten
dent déconcerter la marche tortueuse et embarrassée de leurs
adversaires.
F A I T S .
François-Alexis R aynau d , père com m un, décéda le 1 9 bru
maire an 11 ; on sait qu’il laissa six enfans , dont un seul joue
le rôle de demandeur et d’appelant ; les cinq autres sont
intimés.
Tous étoient majeurs; les deux fils et Marie Ilaynaud, au
jourd'hui femme Bernard , habitoient la maison paternelle.
A ce premier m o t , les sieur et damo Secretain , o u , pour
A 2
�( 4 )
mieux d ir e , Secretain au nom des d e u x , crie à la plus scan
daleuse spoliation.
II a l’audace de citer des faits.
« A peine le père fut-il décédé, que les frères Raynaud et
u le sieur Pitat s’emparèrent des clefs du coffre-fort. »
Us firent brûler cinq quittances qu’ils lui avoient données.
Us enlevèrent audacieusement des papiers précieux, en pré
sence des sieur et damé Secretain, dont les efforts furent
impuissans pour les arrêter.
« Ce fut sous ces funestes auspices que les frères Raynaud,
« coalisés avec plusieurs héritiers, firent, sans forme légale,
« et après la retraite forcée des sieur et dame Secretain , une
« espèce d’état ou inventaire très-imparfait du mobilier, dont
cc ils écartèrent encore l’argenterie, etc. »
A côté de ce pompeux étalage , mettons une vérité sans art.
Cette espèce d 'cta t, fait par plusieurs héritiers, après la re
traite fo rcée ¿les sieur et dame Secretain , est un inventaire
exact et régulier.
U est fait'par tous les héritiers, sans exception.
’
U est dirigé par M. P e tit, juge de paix de Chantelle, jus
tement dépositaire de la confiance de tous, sur la réquisition
des sieur et dame Secretain eux-mémes , en leur présence et
avec leur concours.
Il est signé d’eux à toutes les séances , sans plaintes ni ré
clamations.
Qu’on juge par ce début de leur naïveté : tout cela étoit de
leur science , et ils avoient l’expédition de l’inventaire sous
les yeux en écrivant ces lignes.
La Cour voudra bien remarquer ici que cet inventaire si
i n e x a c t , cette succession si horriblement pillée , produisent
en m obilier, non compris les cheptels et les créances , un©
jomme de cr5,585 fr.
Si on en considère un peu le détail , on compte dans l'ha
bitation des Arnollets trente douzaines de serviettes , trente-
�( 5 )
six draps de l i t , cinquante-quatre nappes, la majeure partie
en toile commune.
On trouve dans les bâtimens quarante-deux poinçons de vin
rouge; quatre-vingt-treize setiers de from ent, quatre-vingt-deux
setiers d’org e, et quantité de menus grains de toute espèce.
Et si on considère surtout l’état , la fortune , et le ton de
la maison du sieur Raynaud père, tout cela ressemble-t-il à un
mobilier dévasté?
Il ne s’est pas trouvé d’argenterie.
Non certes : il est notoire que le sieur Raynaud n’en avoit
jamais eu. Les intimés ne rougiront pas d’avouer que la maison
de leur père étoit sur un tou modeste quoiqu’honorable ; ils
se feront honneur de le publier, puisque c ’est ainsi qu’il est
parvenu à se maintenir toujours dans l’aisance; qu’il a donné à .
ses enfans une éducation solide, et leur a laissé une fortune
honnête.
Jamais il n’est entré dans sa maison qu’un seul couvert d’ar
gent destiné à servir successivement à ses filles dans les maisons
d éducation où elles ont été placées; la dame Bernard en a usé
la dernière ; il a resté entre ses mains, et personne n’a songé à
lui en demander compte.
« Les frères Raynaud s’emparèrent des clefs du coffre-fort. »
Quelle artificieuse méditation dans cette demi-pensée! Les
appelans n’ont pas osé aller plus loin ; ils ont craint d’ajouter
que les frères Raynaud s’étoient approprié le numéraire, parce
qu’ils redoutoient la répartie; ont-ils donc voulu l’insinuer, et
cependant esquiver le reproche d’une imposture marquée?
Disons ce qu’ils dissimulent.
Quelque temps après le décès du sieur Raynaud, la mère
commune, nantie de la clef du coffre, l’ouvrit en présence de
tous ses enfans.
Ils y trouvèrent une somme de 16,728 francs;
La mère qui avoit droit :i la moitié, comme commune, ne
voulut prendre que 0,768 f r a n c s p o u r faire inco aux droits de
succession , et à quelques autres dettes ; le surplus iut partagé
�( 6 )
entre les six héritiers, qui retirèrent chacun une somme de
2,160 francs; tel est l’usage qu’on fit des clefs du coffre-fort.
Et c ’est ainsi que Secretain se pique d’exactitude.
N e parlons point ici de l’épouvantable calomnie qui suit
immédiatement dans le mémoire de Secretain. « Les frères
cc Raynaud et Pitat lui ont arraché son épouse et l’ont provoquée
« au divorce. » Ce n’est là qu’une perfide et hypocrite insi
nuation dont il seroit facile de prévenir l’e ffe t , si elle ne devoit
pas nécessairement se détruire elle-méme : continuons le récit
du fait.
La succession du sieur Raynaud présentoit à ses héritiers
une ample matière à réflexions.
Il falloit d’abord partager la communauté ;
E n su ite , joignant la portion du père à ses biens propres ,
en faire un second partage.
Et en le faisant ain si, avoir la perspective de faire dans la
suite un troisième partage des biens de la mère et de sa portion
dans la communauté.
Et de toutes ces divisions et subdivisions naissoient des inconvéniens graves et des morcellemens sans nombre.
Après bien des réflexions, toutes les parties sentirent la né
cessité de s’entourer de lumières; toutes, d’un commun a ccord ,
réclamèrent la bienveillance de M®. B o iro t, cousin germain de
leur père.
Qui mieux choisir? Comme jurisconsulte, il ne leur laissoit
rien à désirer; comme leur parent co m m u n , il leur offroit
toutes les ressources de l’affection. Il accourut dans le sein de
cette famille, examina tout; et, sentant l’impossibilité de ter
miner brusquement le partage de tous les biens, il conseilla
aux parties de faire d’abord estimer leurs propriétés par des
experts dignes de leur confiance, et leur dicta des arrangemens
préliminaires sur les objets les plus urgens.
C ’est ce que Secretain appelle la convention du 28 fructidor
an 1 1 , dont il rend un compte fort in ex a ct, avec l’air de la
donner littéralement.
�( 7 )
Fixons-nous bien sur l’esprit et la substance de ces arrangemens.
Les parties s’occupent d’abord, comme chose plus urgente,
du partage du mobilier. Il en appartenoit moitié à la m ère,
comme fond de communauté. L ’article premier porte qu’elle
conservera, en toute propriété, tous les meubles meublans qui
garnissent la maison des slm o llets , y compris le linge de h t
et de ta b le, e t ustensiles de cuisine , et les bestiaux de la
basse-cour.
Elle conservera en jouissance, seulem ent, la maison des
Arnollets , etc. , suit le détail.
E lle reprendra tous ses biens perso n n els................. y compris
les bestiaux, instrumens aratoires.....................et généralement
tous les effets mobiliers dont lesdits biens peuvent se trouver
garnis.
Elle conservera aussi en propriété toutes les créances dues
par les locataires , celui d ‘ Ussel excepté......................................
Au moyen de quoi, ladite veuve Rnynaud consent que ses six
enfans partagent entre eux le surplus des biens , tant de la
succession de leur père , que de la communauté.
On voit que ce premier article n’a rapport qu’au partage
de la communauté entre la mère et les enfans; que la mère,
toujours pleine de bonté , ne prend pour sa portion que ce qui
lui est absolument nécessaire pour tenir honorablement sa
tnaison , et qu’elle abandonne tout le surplus à ses enfans,
à titre de partage.
On voit aussi que la mère se réserve tous ses biens en pro
priété , et ne laisse h partager ù ses enfans que le surplus, tant
des biens propres du père, que de la communauté.
Cette remarque étoit nécessaire pour In parfaite intelligence
des articles a et 3.
L article ?. a pour objet le partage du mobilier seulement,
entre les enfans.
�( 8 )
Ce mobilier étoit un nouveau chapitre de difficultés. Dix mois
mois s’étoient écoulés ; il avoit fallu tenir la maison, payer toutes
les dépenses, etc. , etc. Une nouvelle récolte avoit été levée.
P o u r éviter les embarras de la reddition de compte de l ’em ploi
de la récolte existante au décès du p è r e , et de celle de la
présente année , cueillie où à cu eillir, les sieur et dame P ita t,
Erunat et Secretain, vendent aux trois autres , sans g a ra n tie,
leur portion de mobilier, moyennant la somme de 2,400 francs
pour chacun.
Ils en exceptent les bœufs de la basse-cour.
Les meubles meublans, linges de lit et de table, que la mère
conserve en .propriété.
Les cuves et autres vaisseaux vinaires.
Toutes les dettes des métayers où locataires.
Enfin le produit de la locaterie d’Ussel de la présente année.
Outre la somme de 2,400 f. que les trois cessionnaires s’obligent
de p a ye r, « ils demeurent chargés, i°. de fournir sur les denrées
< toutes les semences des gros blés et blés de mars , telles
« qu’elles ont coutume d’étre fournies, et c e , tant pour les
« biens de la succession du père, que pour ceux de la com
te m un auté, et ceu x personnels à la veuve Raynaud. »
20. D e fournir la maison de la veuve Raynaud des foins ,
pailles, bois, blés et vins qui lui seront nécessaires pour la
tenue de sa maison, jusqu’à la récolte de l année prochaine 1804»
soit des terres, soit des vignes.
Toutes ces conditions de la cession sont oubliées dans le
mémoire des appelans ; cependant Secretain, très-naïvement,
affirme qu’il en a fait une analise exacte : mais cette vérité
toute entière auroit par trop déconcerté son plan , et sa lésion
énormissime n’eut plus été qu’un fantôme ; il falloit bien lui
conserver une apparence de vérité.
Pour ne pas tenir le lecteur en suspens jusqu’au moment de
la discussion, présentons i c i , d après l'inventaire, le tableau
du mobilier cédé.
On
�C9 )
On a vu que l’actif de l’inventaire se portoit e ç mobilier ou
en denrées à .................................................................. S - 35,586 fr.
Sur cette somme, il y avoit pour plus de 10,000 fr.
de créances, dont une seule de 553 fr. étoit établie,
les autres n’avoient d'autre preuve que les notes du
sieur Raynaud ; aussi furent-elles spécialement cédées
sans garantie.
Toutes les parties savent que 5,000 francs de ces
créances , ont été absolument perdus.
Il faut donc distraire de la valeur réelle dumo-\
mobilier , i°. cette somme d e ..............
5,000 fr.
2°. Les meubles et linge réservés pa'r
la mére , les vaisseaux vinaires, les
profits des bestiaux, les créances des
métayers ou locataires, autant d’objets
réservés sur la cession, qui sont estimés
par l’inventaire à une somme de . . . .
8 ,43o
o°. La charge de fournir toutes les
semences , tant pour les biens de la
\
r
n
, ,
su c c e ssio n q u e p o u r c e u x d e la c o m m u -
\
2 5 ,2 2 a ir.
*
nauté et ceux de la mère , la dépense
de deux ans pour l’entretien de la mai
son , et les frais considérables de toute •
e sp è ce , demeurés à la charge des cédans, peuvent s’évaluer sans exagéra
tion à ........................................................
10,000
La différence du prix des denrées
du jour de l’inventaire au jour de la
j
cession est, d’après les pancartes, d e...
*»792
■
Reste n e t ......................................................... ..
Il convient d’ y ajouter le produit de la dernière
récolte; elle ne peut pas être évaluée plus de . . . •
La masse sera d e ......................................................
I-e sixième de chacun d e ....................................
D
10,564
7,000
1 7^364 fr.
2»^97
�( 10 )
Qu'a eu la dame Secretain , sous le nom de laquelle on crie
au pillage.
i°. . ................................................................................
2,400 fr.
20. La jouissance de la locaterie d’Ussel, faite
depuis le décès du père commun, et qui est réservée
par le traité.
Cette année-là Secretain avoit cueilli douze poin
çons de vin qui ne lui coutoient pas un sou.
Il les vendit 100 fran cs la p i è c e , ...........................
i , aoo
Il eut en outre des grains ou autres récoltes , pour .
plus de . . . .....................................................................
200
Il ne dit pas qu’il a été dispensé, comme les sieurs
Pitat et Brunat, de rapporter le trousseau de sa
femme, estimé 1,000 francs, leq uel, porte l’article 3 ,
sera, aussi confondu dans le p rix île la cession, . .
1,000
Il a donc eu . . . . .................................................
4 >8° °
fr.
Voilà deux faits bien éclaircis; ils fixent toutes les irrésolu
tions sur les deux premiers articles du traité; le premier,relatif
au partage de la communauté entre la mère et le§ enfans; l’autre,
à la cession de droit mobilier entre les enfans. Voyons le troi
sième. Secretain a-t-il été plus exact ? Non.
Cet article a pour objet de fixer quelques bases du partage
qu’on se propose de faire. Toutes les expressions du premier
membre sont précieuses.
« Au moyen desdits arrangemens préliminaires, il sera fait
« incessamment partage, entre les six cohéritiers, fie tous les
« biens du p ire commun , et de ceux de la communauté, autres
« que ceu x réservés en jouissance par la veuve Iiaynaud ou
« ses biens personnels , e t roun î.viteu , a ut a r. t qui: rAinr se
« rouimA, l e Moncr.Lr.EMENT des i.ots , ledit partage ne sera
« que provisionnel tem jant l a vin un i,a veuve Raynaud. »
Un sent encore aisément l objet de cet article ; ln mère n’avoit
pas encore résolu d’abandonner ses biens à ses enfans; bien au
�» .» •
C 11 )
contraire , elle se les réservoit, et les en fa n s, pour éviter les
morcellemens, ne faisoient du surplus qu’un partage provisionnel
pendant sa -vie.
Mais cette stipulation devint sans o b je t, lorsque la mère eut
abat» don né ses biens ; aussi les parties firent-elles un partage
définitif, le 4 floréal an 12.
Quoi qu’il en soit, voilà ces conventions dont les appelans ont
rendu compte et tiré des inductions avec une scandaleuse infi
délité , ces arrangemens préliminaires qu’ils qualifient de con
vention fondam entale, et qu’ils veulent faire considérer, par une
nouvelle réticence , comme imprimant à l’acte du 4 floréal an 12,
le caractère de partage provisionnel ; il a fallu en rendre compte
avec quelques détails, sans les donner en entier. Voyons les
actes qui ont suivi.
L estimation faite, et les bases du partage posées par les ex
perts, les parties eurent encore recours à Me. Boirot, qui rédigea
la c t é authentique du 4 floréal an 12.
A entendre les appelans, cet acte n’est ni une donation , ni
un partage, ni un abandon quelconque du la mère aux enfans;
il n’est entre les enfans qu’un simple partage provisionnel,
d’après les conventions particulières arrêtées le même jour.
Fixons-nous donc sur ses dispositions, et, su rtou t, tâchons
d’en bien saisir l’esprit et la substance.
La mère et les six enfans comparoissent devant le notaire.
La mère lui expose, comme son intention actuelle, « que
« désirant éviter toute espèce de discussion après son d éccs,
« elle se propose de faire entre ses enfans le partage de ses¡111.
« meubles et de ses bestiaux, comme elle y est autorisée par
« le C od e, sans toutefois préjudicier h la jouissance de sesdits
« biens, ni à ses droits et reprises contre la succession de son
mari, qui lui demeurent réservés dans toute leur plénitude.
« Que pour procéder ce partage elle a fait appeler les sieurs
cc Ileuaudet et P e tit, qu’elle a invités à faire 1 estimation de
B 2
,
44 f'
�( 12 )
cc ses biens, et d’en faire six lots pour être tirés au sort entre
« ses six enfans.
« Les enfans, en acceptant avec reconnaissance le partage
« que se proposoit de faire leur mère de tous ses biens, l’ont
« priée de permettre q u ’en fa isa n t ce partage, ils procédassent
également à celui des biens de leur père , p o u r q u e l e s b i e n s
« f u s s e n t m o i n s m o r c e l é s ; ce qui a cté accepté par la dame
« Bourgougnon'. »
Voilà l’intention , la détermination bien annoncées d’une part,
bien acceptées de l’autre.
Immédiatement on l’exécute.
Tous les biens, tant de la dame Bourgougnon, que ceu x
provenant de la succession du p è r e , sont visités , et estimé 3
en une seule masse.
Il en est fait six lots; un pour chaque héritier.
Les parties déclarent qu’ils vont tirer ces lots au sort ; mais
qu’ avant d’en venir là, ils ont arrêté les clauses et conditions
du présent partage.
i°. La garantie aura lieu entre les copartageans, ainsi qu’elle
est de droit en fait de partage ; mais les charges qui pourroient
peser sur aucun des lots, seront, sans aucun recours, sup
portées par celui sur lequel elles frapperont.
Suivent diverses clauses très-définitives sur la conservation
des jours et égoùts, le règlement des passages , la propriété
des fossés qui appartiendront à tel ou tel héritage : clauses à
peu près inutiles, et même déplacées , si le partage n’étoit que
provisionnel.
La septième est essentielle; elle a encore été omise moitié
dans le mémoire de Secretniu.
« L es copartageans n'entreront en jouissance de leurs lots,
a sur lesquels la réserve de la mère ne Jrappe p a s , qu’au 21
« brumaire p ro c h a in ............A cette époque les bestiaux gar« nissant ces lo t 9 ............seront estimés pour être partagés, etc.
/
�«
«
«
«
«
( i3 )
« I l en sera ainsi pour les lots composés de biens dont la
jouissance appartient à la mère. A s o n n ic è s, pareille estimation et division de perte ou de profit, seront fa ite s entre
les copartageans. »
On fait ensuite le tirage des lots , et on ajoute : « Cette attribution ainsi faite, chaque copartageant a accepté le lot qui
lui est échu, s ’en est déclaré content et s a tis fa it................
« Et ensuite les copartageans, p o u r n e r i e n l a i s s e r a. t e r e n t r e e u x , ont procédé au compte de rapports. >
1
On fait ce compte , et les rapports se trouvent en définitif
à la charge des sieurs et dames Pitat et Brunat ; il est dit :
Lesquels rapports les citoyens Pitat et Brunat se sont obligés
d’effectuer , dans les s ix mois qui suivront le décès de la mère;
et cependant l’intérét, etc. A quoi fa ir e ils o n t, chacun à leur
égard, et sous les renonciations ordinaires à tout bénéfice et
ordre de d r o it, affecté l e s b i e n s q u i c o m p o s e n t l e l o t q u i
«
m in e r
L E U R EST ¿C I1 U .
Ainsi convenu par toutes les parties, etc.
Remarquons ici que les deux questions élevées par les ap
pelons, sur l’exécution de cet acte, sont de savoir,
i°. Si les biens de la mère, partagés avec son concours, son
consentement formel, et l ’acceptation des enjans, sont irré
vocablement abandonnés par la mère à ses enfans.
a”. Si le partage est définitif ou provisionnel, pendant la v ie
de la mère.
E t, sans faire ici d’autre remarque, parce qu’il suffit de frapper
l’attention sur ce fait, demandons-nous si cet acte a besoin
du secours d’un autre pour être valable, et pour avoir un effet
a ctu el.1 si les clauses dont 011 vient de parler n’ôtent pas, nouseulement toute id é e , mais méine toute possibilité d’un partage
seulement provisionnel jusqu'au décès de la mère? Ce partage
de bestiaux , le payement des sommes dues pour rapports, ren-
�( i4 )
voj'és après le décès de la mère; l’hypothèque donnée sur le lot
des débiteurs pour le payement de ces rappoits , la renonciation
à tout recours pour les chprges qui pèsent sur chaque lot, tout
cela peut-il s’accorder avec un partage provisionnel, pendant
la •vie de la mère seulement ?
Il seroit presqu’inutile de parler du dernier a c t e , si les appelans ne l’avoient rendu nécessaire par l’abus qu’ils en ont l’a it;
il faut donc encore que cette convention soit connue telle
qu’elle est.
Elle a pour objet quelques règlemens particuliers de ln mère
aux enfans , et des enfans entr’eux.
On a vu qu’en partageant ses biens entre ses enfans, la mère
s’étoit réservé tant la jouissance de ces mêmes b ien s, que ses
droits et reprises sur la succesion de son mari.
M ais, dans le même instant q u e lle sembloit se les réserver
indéfiniment, elle les régloit par cet acte particulier.
Elle consent d’abord , comme par l’acte notarié , que ses
enfans ne fassent qu’une même masse et un seul partage da
ses biens propres et de ses conquéts avec les biens du père
commun.
'
Pour plus d’explication, elle ajoute qu’elle en fait toute dé
mission à leur profit, aux conditions suivantes.
Ces conditions, qui suivent immédiatement, ne sont autre
chose que la répétition des réserves qu’elle s’étoit faites, soit
en propriété, soit en jouissance, par les arrangemens prélimi
naires du 28 fructidor an 1 1 , et quelques autres réserves de
jouissance.
Les enfans conviennent que chacun pourra améliorer dans
son lot les objets dont la mère conservera la jouissance , et
que-les améliorations seront présumées faites par le propriétaire
de chaque lot.
Et tout de suite arrivent ces expressions:
« Les articles a et
3
du truité passé entre nous, le 28 fruc*
�( i5 )
« tidor an 1 1 , demeurent dans toute leur force et valeur entre
« nous, n’entendant les uns ni les autres aucunement y dé« roger. »
O r , s’ecrie Secretain , c’est précisément dans l’article 5 de
ce traité, qu’il est convenu que le partage ne sera que provi
sionnel pendant la vie de la mère , et qu il en sera fait un
définitif après son décès. Faut-il des commentaires?
On répondra dans la discussion à cette misérable équivoque;
il suffit, quant à présent, de bien établir le fait; on a pu re
marquer que , bien loin de déroger à l’acte authentique , cette
convention s’y réfère entièrement. Poursuivons.
Le lot de Secretain étoit de son choix ; car, immédiatement
après le tirage, il avoit paru mécontent de celui qui lui étoit
é ch u , et témoigné de la préférence pour celui d’un autre;
l’échange en avoit été fait dans l’instant même.
Aussi, quoique ce lot fût en grande partie composé de biens
réservés en jouissance à la m ère, il s’empressa de l’améliorer,
et en déposa comme de sa chose propre.
Les autres cohéritiers se sont conduit de m ê m e , se consi
dérant comme propriétaires incommutables ; plusieurs ont vendu,
fait des échanges, des constructions, auxquels assurément ils
n’eussent pas pensé, s’il n’eussent cru travailler pour eux-mémes.
Après tous ces actes , les frères Raynaud et Mdrie Raynaud,
depuis femme Bernard y ont continué d’habiter paisiblement
auprès de leur m ère , et de lui porter tous les soins qu’exigeoient
ses infirmités.
Marie Raynaud s’est mariée ; la mère allait les frais du ma
riage , et lui a fait, sur ses économies., un cadeau de noces
de 600 lianes.
Raynaud Larondière s’est établi quelque temps après ; la
more a lait encore les frais de noces , et un cadeau de 1,000 fr.
E l l e a tenu sa maison d’une manière h o n o r a b l e , toujours
prête a y recevoir chacun de ses enlans; t o u j o u r s les attirant
par ses prévenances.
�C 16 )
La darne Bernard a éprouvé une maladie considérable ; elle
.en a payé les frais.
Quelque temps avant son décès , elle a donné à chacun de
ses enfans dix setiers de froment.
Dans une autre occa sion , elle en a donné vingt deux au
sieur Bernard.
Si les intimés rappellent tous ces faits, ce n’est assurément
pas pour les critiquer ; ils les publient au contraire à la louange
de la mère co m m u n e, et pour prouver qu’elle fit toujours un
noble usage de ses revenus.
Elle est décédée le 5 septembre 1809, entre les bras de tous
ses enfans, et sous les yeux de la dame Secretain, qui ne la
quitta qu’après son dernier soupir.
Et Secretain lui-méme ne passif pas un seul jour sans venir
dans la maison.
Q uelques jours après son d écè s, le sieur Bernard se présenta
avec le juge de paix pour l’apposition des scellés ; les frères
Raynau d , et le sieur Pitat qui étoit présent, y donnèrent les
mains , sollicitèrent même le juge de paix de les apposer.
Bernard changea d’idée , ne voulut plus cette mesure, e t , toutes
les parties étant majeures et présentes , le juge de paix se
retira.
Il attesteroit au besoin tous ces faits.
j
L e lendemain , tous les héritiers se réunirent dans la maison ,
et partagèrent le mobilier de la m è r e , et tout celui qui n’avoit
pas été partagé en l’an 12.
Malgré les énormes dilapidations des frères Raynaud, et les
dépenses considérables cju’avoit faites la mère commune , on
trouva dans les greniers trois cent trente et un setiers du froment,
et une quantité proportionnelle de menus grains.
Dans les caves, quarante-six poinçons pleins de vin.
Les granges étoient pleines de la récolte de l’année.
Il fut trouvé une somme de 1,272 francs.
Il ne manquoit pas la moindre partie du mobilier de la mère.
Malgré
�( 17 )
Malgré l’âpreté des frères Raynaud à détourner tous les re
venus, il se trouva en mobilier neuf, fait depuis la mort du
p ère, une cuve à couler quatorze poinçons, cent aunes de
toile rousse, cent quatre-vingt-dix-huit livres de f i l , douze draps
de domestique , quarante-deux sacs de c o u til, tout cela absolu
ment neuf, du bois à brûler pour plus de 3 oo francs.
Et malgré la convention très-licite par laquelle toutes les
augmentations de mobilier devoient appartenir aux freres Raynaud, tout fut soumis au partage.
E t , bien on s’en d ou te, les Secretain retirèrent leur portion
sans mot dire , et surtout sans se plaindre.
C ’est immédiatement après ce complément de partage bien
volontaire , cette exécution des premiers actes, cette approba
tion évidente du partage principal, que Secretain a demandé
la nullité, pour vices de fo r m e , de l’acte du 4 floréal an 12, et de
tous autres qui l’avoient précédé ou suivi.
Subsidiairem ent, il a prétendu que le partage n’étoit que
provisionnel.
Subsidiairement encore, il a invoqué la lésion.
On a repoussé vigoureusement cette odieuse chicane ; on a
démontré qu’elle étoit dénuée d’intérôt et de moyens ; on a
offert de parfournir la lésion, quelque modique qu'elle put
être.
Secretain a voulu plaider; il a réclamé l’autorité de la justice.
Elle l’a repoussé avec indignation.
Par jugement du 8 décembre 1810, sa prétention de nullité
a été rejetée.
Les principaux motifs exprimés par le juge, sont que l’acte
du 4 floréal an 12 contient dessaisissement de la propriété des
biens , et acceptation d’iceux ;
Q u ’il ne comprend que les biens présens ;
Que l'acceptation et le partage sont volontaires, entre ma
jeurs , et que d’ailleurs, on n’articule ni dol ni violence;
Qu’il a été approuvé par les actes postérieurs;
�( i 8 )
Que s’il y a eu omission de certains objets, l’article 1077 du
Code permet d’en ouvrir le partage.
Et quant au moyen subsidiaire de lésion, le juge ordonne
une estimation.
Secretain s’est pourvu en la Cour : espère-t-il tenter la justice?
fa it-il à la Cour cette injure de croire, ou qu’elle sera moins
clairvoyante sur son véritable b u t , ou qu’elle méprisera le sens
et la volonté des lois, pour s’attacher à de misérables arguties?
Il est difficile de le penser.
Il n’en faut pas moins examiner le mérite de ses prétentions.
Après avoir bien éclairci le fait, la discussion ne sauroit être
longue.
S’occupera-t-on , avant tout , du chapitre des injures? il est
délayé avec complaisance dans tout le mémoire des appelans.
En première instance , il ne s’adressoit qu’aux frères Raynaud ;
aujourd’hui le sieur Pitat y est honorablement associé.
Si ces horreurs eussent été vomies dans l’obscurité , 011 les
eut couvertes du plus insigne mépris; mais elles sont publiées
loin du domicile des intimés, dans un lieu où ils ne sont pas
connus : ils ont dû en effacer l’impression.
En première instance, ils y ont répondu par la voix de leurs
cohéritiers qui , tout intéressés qu’ils étoieut à embrasser le
système des Secretain , se réunissoient à eux pour repousser
ces odieuses calomnies.
Us y ont répondu par la notoriété publique, par cette opinion
de probité et de délicatesse qui les environne, et qui ne permet
pas même au plus léger soupçon de planer sur leur tête.
C ’est avec ce témoignage d’une Ame essentiellement droite,
et avec la science de la vérité, que M*. Boirot, dans un mémoire
signifié et signé de l u i , repoussoit les calomnies do Secretain
contre ses beaux-irères.
En la Cour, les intimes ont dû y ajouter des faits irrécusables;
ils l’ont fuit : pourquoi s en occuperoient-ils plus long-temps?
�( i9 )
D ISCU SSIO N .
Les premiers efforts de Secretain. se dirigent contre les con
ventions du 28 fructidor an 11.
C ’est un traité sur la succession d’une personne vivante; une
vente anticipée de sa succession.
C ’est un acte nul.
Un seul mot suffit p o u r pulvériser cet argument.
»
Il n’y est question des biens personnels de la mere , que pouf
les lui réserver.
Le mobilier du père étoit échu A ses enfans.
Les biens de la communauté étoient sujets à partage. La
mère et les enfans traitent ensemble ; il est convenu que la
mère conservera enpropriétéles meubles meublans des Arnollets,
le linge, etc. ; certaines propriétés foncières, et tous ses biens
personnels.
Elle se départ de tous ses droits sur le surplus de la commu
nauté : voilà sa portion faite, et un premier partage consommé
bien librement.
Reste à faire le partage entre les enfans; ils veulent l’éviter
pour le mobilier: les trois qui sont mariés hors la maison, cèdent
leurs droits aux trois autres, moyennant une somme détermi
n é e; quoi de plus licite?
E t , quant aux immeubles , reconnoissant l’impossibilité de
les partager de suite, ils se bornent à des clauses de prévoyance,
et nomment des experts pour préparer cette opération.
Et , qui mieux e s t , ils déclarent formellement qu’ils n'en
tendent partager que les propres du père, et le surplus de la
communauté.
L ’esprit le plus mal fait pourroit-il trouver dans de semblables
conventions quelque pacte sur la succession d’une personne
vivante ?
est tout ce que les intimés ont à répondre. Le fait, toujours
C 2
�C 20 )
le f a i t , et la teneur des actes qu’ils opposent à de fausses
allégations.
N e nous occupons en ce moment que des nullités ; passons
au partage notarié du 4 floréal an 12.
Ecartons d’abord u n argument sur lequel les appelans fondent
principalement leur espérance.
Ils veulent faire considérer cet acte comme essentiellement
lié avec les conventions privées, comme ne pouvant se soutenir
sans elles.
Et, présentant ces conventions comme nulles en elles-mêmes,
ils soutiennent que cette circonstance suffit pour entraîner le
partage notarié.
Enfin, pour donner à croire que les intimés eux-m êmes
l’avoient envisagé ainsi, ils les accusent d’avoir nié devant les
premiers juges l’existence de ces conventions privées; ensorte,
disent-ils, que les premiers juges n’ont fait qu’entreyoir la cause,
et ne l’ont jugée qu’en partie.
Ce dernier trait est une imposture.
Et la prétendue liaison entre les différens actes , n’est qu’une
allégation de mauvaise foi.
Q u ’on lise tous les écrits de première instance; dans tous,
les intimés rappellent la teneur des conventions privées; par
tout ils en argumentent.
Il n’est donc pas vrai qu’ils en aient rue Texistence.
Et si le tribunal dont est appel n’a ordonné l’exécution que
du partage notarié, c ’est qu’011 ne lui a demandé ni l’exécution ,
ni la nullité d’aucun autre acte légalement existant.
C ’est qu’il a jugé que l’ncte du 4 floréal an 12 étoit tout en
lui-méme, et n’avoit besoin du secours d’aucun autre.
C'est qu il a décidé que cet acte, soit dans sa substance, soit
dans sa forme , contenoit tout ce qui est exigé pour le maintenir.
Nous allons justifier ces résolutions.
Suivant Secretain , lacté du 4 floréal an 1« ne contient pa*
de donation entre-vifs de la mère aux enfans.
�' '^4SS.
( 20
Et de là une nullité essentielle; car si le partage est fait par
les enfans, il porte sur des biens appartenans à leur mère en
core vivante. S’il est fait par la mère , il porte sur des biens
qui ne lui appartenoient p a s, et elle a excédé les facultés que
la loi lui accordoit.
Il faut convenir que la chicane a de grandes ressources, puis
que , quoi qu’on fasse, 011 ne peut échapper à ses subtilités.
Mais, de bonne foi, ce raisonnement est-il autre chose qu’une
méprisable argutie?
La loi permet aux ascendans de partager leurs biens entre leurs
enfans, par acte entre-vifs ou testamentaire.
Elle permet aux enfans de partager la succession de leurs
païens.
Elle 11e leur défend pas de se réunir pour faire ces partages
d’un commun accord ; et par cela même elle le permet : bien
plus, elle le désire, pour éviter des morcellemens qui lui répugnent, et qu’elle interdit, autant qu’il est en elle.
Sans chercher ici de futiles distinctions entre le préambule
et le corps de l’acte, examinons ce qu’il est dans son ensemble.
La mère y déclare qu’elle va faire, entre ses enfans, le partage
de ses biens.
Les enfans l ’acceptent avec reconnaissance.
Ils proposent à leur mère de permettre qu’ils fassent en même
temps le partage des biens de leur père.
La dame Bourgougnon y consent.
Immédiatement on compose la masse, on fait six lot??, on
les tire au sort, et chacun demeure propriétaire de celui qui
lui est échu.
Et 011 ne voudra pas voir dans cet acte un partage fait par
la mère do ses biens personnels, un abandon, u n dessaisisse
ment absolu de ces ménu'S biens au profit de s e s e n I ans.
Un acte de ce genre n’est pas , A proprement parler, dona
tion entre-vifs, mais une anticipation de succession ayec un
effet présent.
�.jjjé.
( 22 )
Nulle part la loi n’exige qu’on y emploie le terme de dona
tion ; et le m o t, dans l’espèce , est la seule chose qui manque.
Qu’e s t-c e , en effet , qu’une donation entre-vifs?
C ’est , dit l’article 894 du Code Napoléon, « un acte par
« lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocable« ment de la chose d on n ée, en faveur du donataire qui
« l’accepte. »
Et en ne considérant en ce moment que les formes substan
tielles , et non la solennité extérieure, c ’est un acte parfait,
par la manifestation de la volonté. Perficiuntur, cùm donator
suam v o lu n ta tcm ................. manlfestaverit.
' ' O r , quel doute que la dame Bourgougnon n’ait eu la volonté
de partager, conséquemment de donner ses biens à ses enfans,
par acte entre-vifs? Les appelans en conviennent eux-m êm es,
mais ils veulent que cette manifestation de volonté ne soit qu’un
préambule.
Préambule, soit; mais préambule qui contient une volonté
acceptée, conséquemment parfaite, et dont l’objet est immé
diatement effectué par un partage attributif de propriété, au
profit des enfans.
Q u ’importe d’ailleurs l’expression, si on trouve dans l’acte
toute la substance, tous les caractères d’ une donation? Faut-il
répéter cette antique maxime? Opportct poliàs 'voluntatem.
quàm verba spcctari.
Ce n’est pas tout ; à la substance du contrat il faut encore
joindre la forme.
Aux termes des articles g 3 i et 932 du Code, l’ncte portant
donation entre-vifs doit être passé par-devant notaire, dans la
forme ordinaire des contrats, et il doit en rester minute.
La donation ne produit d’effet que du jour quelle a été ac
ceptée en termes exprès.
L ’acte du 4 floréal an 12 est passé par-devant notaires;
Il est fait dans la forme ordinaire des connais;
Il en est resté minute.
�( 23 )
Le délaissement ou partage de biens a été accepté en termes
exprès.
On trouve donc dans cet acte, et la substance, et la forme
d’une donation entre-vifs.
Que faut-il de plus?
Il fait donc à lu i seul la loi des parties.
Les enfans ont donc pu partager à leur gré les biens dont leur
mère se dessaisissoit à leur profit; ils ont pu n en faire qu’une
seule masse avec leurs biens propres , pour éviter les morcellemens, sans qu’on puisse aujourd’hui critiquer isolément le par
tage de chaque nature de biens, sous prétexte que telle ou telle
portion n’a été composée que des biens d’un e sto c , au lieu de
l'être également de tous les deux.
V oilà , ce semble , des vérités palpables.
M ais, dit Secretain , c ’est une simple démission de biens,
semblable à celles qui se faisoient sous les anciennes lois , qui
étoient essentiellement révocables, et que le Code ne reconnoit
et n’autorise p l u s .
Remarquons bien que cette idée n’a été inspirée h Secretain
que par la convention privée du 4 floréal an 12, où 0x1 lit en
effet ce mot de démission.
Mais, pour vouloir se créer un moyen, Secretain fournit une
arme puissante contre lui-méme.
En effet, il reconnoit, ce qui assurément n’avoit pas besoin
de son aveu, que la mère a eu pour intentioi^’acte départagé,
pour objet une démission de biens.
La mère ne s’est pas réservé le droit de la révoquer.
Et comme le Code 11e reconnoit plus les démissions révoca
bles, ce s t-à -d ire , qu’il n’eu autorise plus la révocabilité, qi,u
d ailleurs il permet do disposer,, par quelqu’expressiori
ce
*oit, il s ensuit que la disposition de la mère tient de la loi et
de sa volonté un caractère d'irrévocabilité qui, bien loin de la
détruire , ne fait quY-n confirmer la stabilité.
Mais examinons ce moyen de plus prés.
�( 24)
Nous venons de le d ire , il n’est puisé que dans la conven
tion privée du 4 floréal an 12.
O r, l’acte notarié du même jour n’emprunte rien de ces con
ventions; il en est parfaitement indépendant; il existe et se sou
tient par lui-méme.
Ce n’est pas pour y rien ajouter, que la mère y a déclaré
qu’elle faisoit toute demission de ses biens au profit de ses
en/ans; c ’est uniquement pour exprimer une seconde fois sa
volonté bien positive de les leur abandonner.
C ’est pour y régler les conditions et les réserves qu’elle vouloit
y mettre ; par exemple, fixer les droits et reprises qu’elle s’étoit
réservés en entier dans l’acte de partage.
Ainsi cet acte n’est pas vicieux en lui-méme; car toutes ces
conditions, ou pour mieux dire, ces explications pouvoient
valoir sans être écrites dans un acte entre-vifs.
Il ne peut donc pas, à plus forte raison, vicier l’acte de
partage.
Et qui mieux l’a senti que Secretain. Immédiatement après
l’étalage de ses trois nullités, il ramasse toutes ses forces pour
établir que le partage n’est que provisionnel.
Si cela est ainsi, l’emploi des moyens de nullité étoit, de tous
les genres de défenses, le plus inutile et le plus inconvenant.
On remarquera facilement combien ces deux m oyens, em
ployés comme subsidiaires l’un de l’autre , se détruisent au
contraire réciproquement.
Et, en effet, le partage n’est pas nul s’il n’est que provisionnel
Et la seule proposition de la nullité dépose hautement contre
Secretain lui-mcine qu’il a entendu faire un partage définitif.
O r , comme 6011 intention n été et 11’a pu être que l’intention
de tous, le jugement qu’il a porté en est un témoignage irré
cusable.
A insi, quand bien menie on pourroit trouver dans les actes
quelques expressions ambiguës , elles céderoient à la force de
la vérité , et à l'intention bien connue des parties.
Mais
�( 25 )
Mais on a vu de quelle misérable équivoque est tiré ce moyen.
La convention du 4 floréal, dit Secretain, maintient l’exécu
tion entière et sans dérogation des articles 2 et 3 des arrangemens préliminaires.
Et l’article 3 portoit que le partage qu on se proposoit de
faire ne seroit que provisionnel.
Donc celui qu’on a fait n’a pas d autre caractere.
Le rapprochement de ces différens a c t e s , que nous avons
placés dans le récit des faits, imprime à cet argument le carac
tère d’une insigne mauvaise foi.
En l’an 1 1 , la mère se réservoit tous ses biens propres, et
ceux qu’elle prenoit à titre de partage dans la communauté.
Elle consentoit que ses enfans fissent le partage du surplus.
Et ses enfans pensant, comme il leur étoit bien permis, au
troisième partage qu’il faudroit faire après son décès , et voulant
éviter les rnorcellemens, convenoient que le partage seroit pro*
visionnel , seulement pendant sa vie.
Le 4 floréal an 12, elle leur abandonne ses biens;
Ils les confondent dans leur partage.
Ils le font ainsi , pour que les biens soient moins morcelés.
Et comme ce partage est tout autre que celui qu’ils avoient
d’abord projeté, et qu’ils ne craignent plus les rnorcellemens,
ils le font purement et simplement, sans dire un seul mot de
leur projet de le faire provisionnel.
En sorte que l’acte de partage ne présente aucune ambiguïté.
Et évidemment la convention privée n’y déroge pas, bien
au contraire : toutes ses clauses, tous ses termes tendent à une
opération définitive.
Ainsi d o n c , quand elle se réfère généralement aux art. 2
et 5 de la précédente, c ’est évidemment à tous les nrrangetnens particuliers qu’ils contiennent, et auxquels ils n est pas
dérogé; mais non h une stipulation d’autant mieux oubliée et
détruite que la dernière convention, en y dérogeant spéciale
ment, contient diverses clauses qui ne doivent prendre effet
L)
�í
26)
qu’après le dcccs de la m è r e , et qui seroient inconciliables
avec un partage provisionnel.
Enfin, comment concevoir un partage provisionnel pendant
la vie de la m ère, des propriétés dont la mère s’étoit réservé
la jouissance pendant sa vie.
Et que Secretain nous explique à quoi lui étoit bon ce par
ta g e , à lui surtout dont le lot étoit presqu’entièrement soumis
à la jouissance de la mère ; et à quelles fins il y a fait des amé
liorations considérables pendant cet usufruit, si ce n’est parce
qu’il comptoit en profiter après son décès ?
Après avoir ainsi rendu évidente la validité des actes dont
il s’agit, on fera ressortir avec bien plus d’avantage les fins de
non-recevoir opposées en première ligne par les intimés dès
J'origine du procès. On n’en verra que plus clairement que
tous les actes d’exécution qu’on a opposés aux Secretain étoient
de leur part une approbation réfléchie.
Il ne tenoit qu’à eux de rester dans un état de tranquillité
parfaite, et de ne faire aucun acte approbatif du partage.
C ’est donc parce qu’il avoitété fait volontairement, que, dans
le moment même du partage , Secretain , désirant un lot plutôt
qu’un autre , demanda et obtint de la complaisance d’un de
ses cohéritiers, l’échange de celui qui lui étoit échu.
C ’est parce que ce lot lui étoit avantageux, qu’il s’est plu à
l’améliorer, à y faire des plantations et des réparations.
Assurément ces actes, qui ne pouvoient être que ceux du
propriétaire, puisqu’il ne jouissoit pas , ne pouvoient concourir
avec la pensée de renverser le partage au moment où le décès
de la mère le mettroit pour la première fois ù même d’en pro
fiter.
D onc , dans son intention comme dans le fa i t , ils étoient
autant d’approbations volontaires et réfléchies du partage qu’il
attaque aujourd Inii.
Et enfin, c o m m e n t après le décès de la mère, les Secretain
ont-ils pu procéder volontairement et sans réclamations, au
�( 27 )
partage de ce qui n’y aroit pas encore été soumis, sans approuver
et ratifier le partage principal dont ce dernier n’étoit que la
suite et le complément nécessaire?
Il est vrai qu’immédiatement après cette dernière approba
tion , la demande à été formée ; mais elle n en est pas moins
postérieure à tous les actes a p p r o b a t i f s , et par cela seul non
recevable.
Et ici la fin de non-recevoir a cet avantage de se lier si intimément avec les moyens du fond, qu’en supposant mémequ on
pût en écarter l’e ffe t, comme fin de non-recevoir absolue,
elle n’en jetteroit pas moins sur les clauses des actes une lumière
que tous les artifices de Secretain ne sauroient obscurcir.
Elle est donc insurmontable.
La prétention des appelans n’est donc qu’une odieuse tra
casserie.
Nous arrivons au dernier retranchement des appelans, la
lésion.
Lésion énorme pour les immeubles ;
Knormissime pour le mobilier.
Il semble que sur ce chapitre le jugement dont est appel a
tout dit en un seul mot.
Il ordonne une estimation.
Cet interlocutoire ne suffit pas à Secretain. Sentant bien qu’il
n’en résultera pour lui qu’un moment de honte, qui, à la vérité,
sera bientôt passé , il se récrie contre cette disposition.
La lésion, suivant lu i, résulte des actes mêmes; c ’est une
criante injustice que de n’avoir pas de suite prononcé la res
cision.
Distinguons, avec l u i , les deux actes contre lesquels cette
rescision est demandée; car une vente de mobilier , faite le 28
fructidor an 11 , 11e peut rien avoir de commun a v e c un par
tage d’immeubles, fait le 4 floréal an 12.
O r, si on examine d’abord la cession mobilière, on est étonné
de son insistence.
D 2
�(
2
8
}
. .
.■
Il est de principe qu’en vente de mobilier, il n’ y a lieu ni
à repentir, ni à rescision.
En second lieu, il est de fait qu’il n’y a pas de lésion.
C ’est par une exagération de mauvaise foi que Secretain porte
la niasse mobilière à 38,574 francs.
Il sait que sur cette somme il falloit distraire 5 ,000 francs
de créances véreuses et absolument perdues , la valeur des
meubles réservés par la m ère, e t c . , etc.
Quoiqu’on n’ait pas l'inventaire sous les yeu x, on croit se
rappeler que la somme de 2,988 francs , due par les frères
Raynaud,est portée dans l’actif ; conséquemment Secretain en
fait un double emploi.
C ’est par une omission méditée, une infidélité réfléchie que
Secretain porte à 2,400 francs seulement le prix de la cession,
puisqu’on y n confondu 1,000 francs qu il devoit rapporter pour
le trousseau de son épouse; puisqu’on lui a abandonné en outre
la jouissance de la loeaterie d’U ssel, pour l’an 12 , quoiqu’il
partageât tout le produit de la récolte de cette année; que con
séquemment cette jouissance fut pour lui un bénéfice réel, et
un accroissement de prix.
En jetant les yeux sur le tableau de cette cession , pages 9
et 10 ci-dessus, on s’est déjà convaincu que bien loin d’étre
une preuve de la lésion, elle en atteste, au contraire, l’impos
sibilité.
Si de cet acte on passe au partage, la prétention de Secretain
paroltra plus inconcevable encore.
Il prétend quti la lésion est évidente, parce que par l’effet
de la confusion des biens, il a eu moins de biens de la mèro
qu’il n’est en droit d’en prétendre; ce qui, dit-il, ne se trouve
pas réparé par une attribution plus considérable de ceux du
pire.
On n’aura pns grand mérite à repousser cet argument.
S’il y n un délaissement, un partage valable des biens de la
m è r e , comme on croit 1 avoir démontré, les enfans ont pu et
�( 29 )
dû les partager confusément, non comme biens du père ou de
la mère , mais comme biens à eux , sans distinguer leur origine.
Et pourvu que dans ces biens ainsi confondus, chacun ait sa
portion en masse, il n’y a pas le plus petit prétexte de retour.
C ’est donc avec raison que les premiers juges ont ordonne
une estimation.
L ’appel de Secretain est donc d’une témérité inconcevable.
C ’en est assez; ce que les intimés avoienUplus à cœ ur, étoit
de mettre en évidence la loyauté de leur conduite et l’odieux
système de Secretain. Ils croient avoir trop bien justifié 1 un et
l ’autre.
Ils sont accusés de soustractions dans l’inventaire ; et Secretain
est convaincu de mensonge.
Ils sont accusés de spoliations dans les revenus de la mère ;
et il est démontré que par leurs soins actifs et leur bonne ad
ministration , la mère avoit au moment de son décès des écono
mies qui passent toutes les bornes de la vraisemblance. Il est
prouvé que Secretain en a profité , et s’en sert insolemment
aujourd’hui pour vexer la famille de son épouse.
Ils sont accusés d’avoir arraché le consentement des appelans aux actes passés entre les parties ; et il est établi qu’ils
furent sollicités par les appelans eux-m êm es, conseillés et di
rigés par la sagesse d’un parent commun qui leur prodigua le
zèle de son affection, qui y porta l’esprit d’une inflexible droi
ture, et qui s’indigne aujourd’hui de penser que dans le mo
ment où il livroit son âme au bonheur d’avoir porté la paix
dans sa propre fam ille, dans le moment où il remettoit à Se
cretain lui-m ém e^ com m e un fondement de tranquillité et lasource d’une éternelle harmonie, il lui donnoit une arme dont
il devoit bientôt se servir pour exciter le trouble et fomenter
des dissentions.
Il n’y est pas parvenu : malgré ses efforts et les perfides
conseils qu’il a recherchés, tous les membres de cette famille
�( 30 )
ont resté réunis ; ceux qu’il attaquoit comme ceux -qu'il provoquoit à l’imiter se sont présentés pour le repousser de co n ce rt,
lui prouvant que son aggression étoit injuste, et ses assertions
mensongères. Lui seul est resté honteusement à l’écart, séquestré
par son propre fait d’une famille honnête, dont il semble re
connoitre que ses odieuses calomnies le rendent indigne.
Faut-il donc s’étonner qu’il ait été repoussé ignominieusement
par la justice? Doit-il espérer d’ê tre plus favorablement traité
en la Cour? Un arrêt va bientôt nous l’apprendre : les intimés
ne le redoutent pas ; mais quel qu’il puisse ê t r e , il n’en con
serveront pas moins toute la tranquillité d’une conscience irré
prochable.
Signé P I T A T , pour les intimés.
Me. V I S S A C , avocat.
M e. D E V È Z E , licencié avoué.
A RIOM, de l’imp. de THIBAUD, Imprim. de la Cour Impériale, et libraire,
r u e des T a u le s , m aison L a n d r iot . — M a i 18 11.
�
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Factums Godemel
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Description
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Raynaud. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Devèze
Subject
The topic of the resource
partage
successions
destruction de quittances
fraudes
inventaires
abus de faiblesse
spoliation
experts
usufruit
rescision
dissimulation
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour les sieurs Raynaud frères, propriétaires, habitant aux Arnollets, commune de Chezelles ; les sieur et dame Pitat, habitant Ebreuil ; et les sieur et dame Brunat, habitant à Néris, tous intimés ; contre le sieur Secretain, chirurgien à Bellenave, et la dame Raynaud, son épouse, appelans ; en présence des sieur et dame Bernard, marchands, habitant aux Arnollets, intimés.
Table Godemel : Partage : 14. l’acte contenant, entre des enfants, le partage des biens de leur père décédé, et des biens présents de leur mère vivante, confondus pour former une seule masse, est-il valable s’il a été fait, respectivement à la mère, en conformité de l’article 1076 du code civil ? un pareil partage peut-il être attaqué sur le motif qu’il n’est pas entré dans chaque lot, une portion égale des biens de la mère, dans la circonstance, surtout, où il a reçu sa pleine exécution ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2014
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2013
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53384/BCU_Factums_G2014.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bellenave (03022)
Ebreuil (03107)
Néris-les-Bains (03195)
Chezelle (03075)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
destruction de quittances
dissimulation
experts
fraudes
inventaires
partage
rescision
spoliation
Successions
usufruit
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53383/BCU_Factums_G2013.pdf
a7ba9be16047d108263dc262de6c8ad8
PDF Text
Text
MÉMOIRE
IMPÉRIALE
D E RIOM.
POUR
L e sieur J e a n - B a p t i s t e S E C R E T A I N , maître en
c h ir u r g ie , et la dame A n t o i n e t t e R A Y N A U D ,
son ép o u se, de lui autorisée, dem eurant en la com m un e de B e lle n a v e , départem ent de l’A l l i e r , appelans
d’un jugem ent contradictoire du tribunal de prem ière
instance de G a n n a t, du 8 décem bre 1 8 1 0 , et autres
jugemens y relatifs;
CONTRE
Sieurs G
il b e r t
- A lexis
R A Y N A U D , et J
e a n
-
B a p t i s te R A Y N A U D -L A R O N D I E R E ,fr è r e s ,
propriétaircs, demeurant au lieu des Arnollets, com
mune de C h e z e l l e s sieur C l a u d e P I T A T , maître
en chirurgie et dame G a b r i e l l e R A Y N A U D ,
sa femme
de lui autorisée, demeurant en la ville
d’E b reu il et sieur G
et dame G
ilberte
lui autorisée
intimés ;
dame M a
autorisée.
ilbert
r ie
B R U N A T ferm ier,
RAYNAUD
son épouse, de
demeurant en la commune de N érist
ET
L e sieur G
ilbert
CONTRE
B E R N A R D , marchand, et la
R A Y N A U D , son épouse, de lui
'sS
lu
eompire du Code Napoléon, des enfans peuvent-ils vendre
leurs droits mobiliers éventuels , dans la succession de leur mère
vivante?
A
-------ire. CHAMBRE*
�Une simple démission de biens est-elle encore permise?
Le partage fait confusément par les enfans, de l'agrément de
la m ère, des biens paternels échus, et des biens de cette mère
vivante, est-il valable?
Est-il définitif et irrévocable, lorsque les parties elles-mêmes
ont déclaré qu’il ne seroit que provisionnel jusqu’au décès de
la mère?
Tels sont les principaux points de droit décidés affirmative
ment par le tribunal de Gannat.
Les appelans soutiennent que toutes ces questions doivent
être négativement résolues, d’après les dispositions du Code
Napoléon, articles 7 9 1 , n 3 o , 1600, 1075 et 1076, etc.
F A IT S
ET
PROCÉDURES.
D u mariage de François-Alexis Raynaud avec Louise Bourgougnon , sont issus six enfans :
Gilbert-Alexis Raynaud l'ainé ;
Jean-Baptiste Raynaud-Larondiére ;
Antoinette Raynaud, épouse du sieur Secretain ;
Gabriëlle Raynaud, épouse de Claude Pitat;
Gilberte Raynaud, épouse du sieur Brunat;
Et Marie Raynaud, mariée au sieur Bernard.
Les père et mère étoient com m uns en biens meubles et conquôts im m eu b les, suivant la coutum e de Bourbonnais, dans
le territoire de laquelle ils liabitoient. Leur communauté étoit
opulente : la dame Rourgougnon avoit en outre des biens propres
considérables.
Dans tous les contrats de mariage des enfans, et notamment
dans celui de la dame Secretain, du 5 complémentaire an 9 ,
les père et mère avoient consacré le principe d’une parfaite
égalité entre leurs six héritiers.
Le sieur Raynaud pere mourut au mois de brumaire an x i ,
laissant sa veuve infirme et valétudinaire.
�C3 )
A peine fut-il décédé, que les deux fils Raynaud et le sieur
Pitat s’emparèrent des clefs de son coffre-fort et de tous ses
papiers ; ils brûlèrent quatre quittances de 3 ,ooo fr. ch acu n e ,
données par Raynaud l’ainé pour acquittement de dot ou avan
cement d’hoirie , une quittance du sieur P ita t, de 5 ,ooo fr. , qui
formoit le complément de la dot de son épouse, et beaucoup
d’autres papiers également précieux qu’ils enlevèrent audacieu
sement en présence des sieur et dame Secretain , dont les efforts
furent impuissans pour arrêter cette scandaleuse spoliation.
C e fut sous ces funestes auspices que les frères R aynau d ,
coalisés avec plusieurs héritiers, firent, sans aucune forme lé
gale, et après la retraite forcée des sieur et dame Secretain,
une espèce d’état ou inventaire très-imparfait du mobilier, dont
ils écartèrent encore l’argenterie et tout ce qu’ils trouvèrent à
leur bienséance. Cet état estimatif, signé de la mère et de ses
héritiers, présente en mobilier une somme de 25,385 fr. 5o c . ,
en créances actives une somme de 10,464 fr- 55 c. , formant
un total de 55,853 ir. 85 c. ; le passif est évalué à 266 fr. 90 c. ;
de manière que la masse active mobilière s’élève à la somme
de 35,586 fr. 99 c . , non compris les récoltes pendantes et tous
les objets omis.
Non contens de la première spoliation, les frères Raynaud
cherchèrent encore de nouveaux moyens de frauder leurs co
héritiers, et de s’emparer de la fortune d’une mère trop foible,
dont 1état languissant l’asservissoit à leur domination. Irrités de
la résistance qu’ils éprouvèrent de la part du sieur Secretain r
ils s’eflorcèrent de semer la discorde entre sa femme et lui; et
unissant leurs efforts à ceux du sieur Pitat, ils arrachèrent la
dame Secretain des bras de son m a ri, et la provoquèrent au
divorce. Cette insinuation odieuse dessilla les yeux de la dame
Secretain , qui vit bien clairement le piège qu’on lui teudoit,
quand on lui déclara que cette mesure étoit n é c e s s a ir e pour ré
gulariser les arrangemens de famille que son mari refusoit de
signer : elle se hâta de revenir au domicile conjugal. Mais les
A
2
�(4)
sieurs Raynaud et Pitat ne perdirent pas courage; ils exercèrent
plus tyranniquement leur influence sur la mère , et menacèrent
de lui faire vendre frauduleusement tous ses biens, si les sieur
et dame Secretain n’adoptoient l’inventaire et les arrangemens
qu’il leur avoit plu de fabriquer. Ceux ci résistèrent encore; mais
ayant été avertis par quelques amis que les menaces étoient au
moment de se réaliser, ils sentirent la nécessité d’adhérer pour
le moment à toutes les conventions qu’il plut aux sieurs llaynaud
et Pitat présenter à leurs signatures.
Voici l’analise exacte de ces diverses conventions, dont les
appelans demandent aujourd’hui la nullité.
Ptemière convention du 28 fructidor an 1 1 , entre
Louise B o in g o u g n o n et ses en f a n s , c o n te n a n t les
b a ses fo n d a m e n t a le s des a rra n g em en s à faire.
A r t . I er.
La mère conservera en toute propriété tous les meubles meublans qui garnissent la maison des Arnollets , linge de tab le,
ustensiles de cuisine, douze poinçons vides, les bestiaux de la
( basse-cour autres que les bœufs, qui appartiendront à la succes
sion du père (aux enfans).
La mère conservera en jouissance seulement la maison des
Arnollets, le jardin, le verger, et le clos à la suite de la maison;
le pré au-devant la maison , l'ancien presbytère do Che/.elles,
avec la petite cave qui en dépend; la vigne appelée la Plantée,
le pâturai des C haum es, et neuf septerées de terre à prendre
dans les trois contrées les plus rapprochées de la maison ~ h
raison de trois septerées dans chacune.
Elle reprendra tous ses biens personnels, y compris la locatorie donnée en avancement d hoirie au sieur Secretain, y compris
les bestiaux, instrumens aratoires, cuves, vaisseaux vinaires, et
généralement tous les eficts mobiliers dontlesdits biens peuvent
su trouver garnis.
�( 5)
Elle aura les créances dues par ses métayers et locataires
( le locataire d’Ussel excepté).
Au moyen de quoi la veuve Raynaud consent que ses six
enfans partagent entr’eux le surplus des biens tant de la suc
cession de leur père que de la communauté qui a subsisté
entr’eux.
A r t . II.
Pour éviter les embarras de la reddition de compte de 1 em
ploi de la récolte existante au décès du père, et de la récolte
de la présente année, cueillie et à cueillir, et mettre fin à toute
discussion , les dames P ita t, Brunat et Secretain vendent aux
deux frères Raynaud , et à leur sœur Marie Raynaud , toutes
les denrées de la récolte dernière, ensemble toutes celles pro
venues et à provenir de la récolte actuelle, et généralement tous
les effets mobiliers portés en l’inventaire, toutes les créances
actives, sans garantie.
Compris dans la cession une somme de 2,988 f r . , due par les
frères Raynaud, qui en demeurent libérés envers les cédantes.
Le prix de la cession est de 2,400 fr. pour chacune des trois
cédantes.
On déclare que cette cession est faite du consentement de la
veuve Raynaud, qui pour faciliter le présent arrangement entre
ses enfans, se départ, en tant que de besoin, de tous les droits
qu’elle poimoit avoir sur les objets compris clans la cession.
An
t
.
III.
Au moyen de ces arrangemens, il sera fait incessamment par
tage par égalité, entre les six cohéritiers, de tous les biens du
père commun, et de ceux de la communauté, a u tres que ceux
reservés en jouissance par la mère, ou ses biens personnels.
J-e partage ne sera que p/oiïsionnci pendant la vie de la
mare.
�( 6)
Cependant chacun pourra aliéner dans son attribution; mais
lors du partage défin itif, les autres copartageans prendront des
biens de pareille valeur, à dire d’experts.
Lors du partage provisionnel, il sera fait compte des rapports
respectifs..................
Après la compensation des rapports les uns avec les autres f
l’excédant se fera en moins prenant ou en numéraire.
D ans le cas o ù , après le décès de la veuve R a y n a u d , il se
trouverait une augmentation de mobilier autre que celui porté
en l ’inventaire, il sera censé appartenir au x d eu x fils Raynaud,
et à leur sœur M arie Raynaud.
A u moyen de la somme de 5,768 francs argent, restée entre
les mains de la m è r e , les frères Raynaud ne pourront répéter
le droit de succession payé au receveur , ni les autres dettes
payées jusqu’à ce jour ; s’il s’en trouve d’autres , elles seront
payées par les six héritiers.
Fait septuple entre la mère et les six enfans.
L e ¿¡.floréal an i z , acte reçu Partun , notaire à Charroux, oùfigurent la veuve Raynaud et ses six enfans.
«
«
«
€t
«
et
«
«
« Louise Bourgougnon, veuve Raynaud, dit qu’étant avancée
en âge , et désirant éviter toute espèce de discussion après
son d é c è s , elle se proposoit de faire le partage de ses biens
immeubles, et des bestiaux annexés auxdits biens, entre ses
six enfans , ainsi qu’elle y est autorisée par les articles 5 G4 ,
565 et suivans, cliap. 6, liv. 3 , du nouveau Code civil, sans
entendre toutefois se n u ire, n i préjudicier 11 la jouissance
des susdits bien s, et à tous scs droits et reprises contre la
succession de son m ari, qui lu i demeurent réserves dans toute
et leur plénitude ;
« Que pour procéder A ce partage, elle a fait appeler les
a experts Rcnaudet et Petit, pour faire la visite et estimation
« de ses biens, et en faire six lots ( à tirer au sort ) ;
�( 7 )
« Que lesdits enfans, en acceptant de leur part, avec recon
« noissance, le partage que se proposoit de faire leur m è r e ,
cc de tous ses biens immeubles, l’ont priée de perm ettre, en
« faisant ce partage, q u ’ i l s procédassent également à celui des
« biens de François - Alexis Raynaud, leur p ère , pour qu’en réu« nissant lesdits biens , les lots fussent moins morcelés ; ce qui
« a été agréé par ladite Louise Bourgougnon. »
Ici les stipulations commencent : on fait le détail de la con
sistance des biens, tant paternels que maternels, visités article
par article par les sieurs Petit et Renaudet, experts.
Après ce détail, qui ne distingue pas les biens paternels des
biens maternels, qui sont tous portés dans la môme masse,
confusém ent, on ajoute :
«
«
«
«
«
«
«
« En conséquence, et d’après l’avis desdits experts, il a été
formé six lots de la totalité desdits biens, les plus égaux qu’il
a été possible.
« Le premier lot est composé de trente-quatre articles, etc.
« Le second lot est composé, etc.
« Telle est la composition des lots, qui a été faite parle conseil des'experts. Après que les copartageans l’ont eu examinée
attentivement, et que lesdits lots ont été reconnus égaux en
valeur , ils ont voulu les tirer au sort entre eux; mais avant
que d’en venir l à , ils ont arrété les clauses et conditions du
présent partage , ainsi qu’il suit :
« i°. Garantie entre les copartageans.
« 2°.- Règlement sur les jours, les égouts, les passages, etc.
« 7°. Les copartageans n’entreront en jouissance de leurs lots,
«•sur lesquels la réserve de Louise Bourgougnon ne frappe pas,
« qu’au 21 brumaire prochain. »
Diverses clauses sur l’estimation des bestiaux.
« Toutes les clauses et conditions ci-d«'ssus a y a n t été arrêtées
« entre les copartageans, ils ont procédé au tirage des lots, par
« la voie dti sort.
« Le premier lot est échu A Gilbert-Alexis Raynaud, fils aîné.
�( 8 )
«
«
cc
«
« Le second lot, etc.
« Chacun des copartageans a accepté le lot à lui échu, s’en
est déclaré satisfait, et a promis d’exécuter le partage.
« Les dettes actives et passives qui peuvent affecter la succession d’Alexis Raynaud p è r e , restent indivises, etc. »
On règle les rapports respectifs.
« C ’est ainsi ( termine l’acte ) que le tout a été fait, convenu
et arrêté entre les comparans, qui de nouveau s’obligent à
l’exécution pleine et entière des présentes. »
Convention complémentaire ( non notariée
), du même
jour 4 floréal an 12.
«
cc
«
cc
cc
cc
cc
cc
«
cc
cc
«
« i°. La dame Bourgougnon voulant faciliter ses enfans dans
le partage qu’ils se proposent de faire des biens de leur père,
consent qu’ils fassent en même temps celui de ses propres
anciens, et de ses conquéts de communauté; pourquoi elle
fait, à compter de ce jour, au profit de ses enfans, toute
démission desdits biens, pour ne faire qu’ une seule et même
masse avec ceux paternels , et être le tout partagé par égales
portions entre eux.
cc Cette démission est faite aux conditions suivantes :
« i°. Elle se réserve en toute propriété tous les meubles meublans qui garnissent la maison des Arnollets, y compris le linge de
litetdetable, et ustensiles de cuisine; douze poinçons vidanges,
tous les bestiaux de la basse-cour, excepté les deux bœufs.
cc 20. Elle se réserve seulement 011 jouissance la maison des
Arnollets, excepté la grange et la petite cour, aspfet de levant,
des écuries et de la grande cour, le jardin avec le verger
à la suite, le champ de Derrière, le verger, le champ de
la Qunrtelén, le pré d elà Jalonne, le pûturail du Ruisseau,
le pâturail en pacage et la petite terre de cinq boissclées; le
champ dü la Planche, de trente boisselées ; la terre du j*Aturail des Chaumes, la petite vigne de la Cùte, la partie du
cc bâtiment
«
cc
«
cc
«
�( 9 )
cc bâtiment occupée par le desservant de Chezelles, le domaine
« Pinel, le domaine de Forge ou du R iage, la locaterie du même
<c nom , la locaterie d’Ussel; pour tous lesdits biens être pris à
« son décès, dans l’état où ils se trouveront, par ceux dans les
« lots desquels ils entreront, avec les fruits pendans par racines.
« 5 °. Il n’y aura point de communauté entre elle et ceux
ce de ses enfans qui cohabiteront avec elle.
« Les six enfans acceptent la démission de biens faite à leur
cc profit par leur mère, et se soumettent aux conditions et récc serves par elle ci-dessus faites.
« Les améliorations faites dans les biens échus à chaque lot,
cc même dans ceux dont la mère a la jouissance, seront censées
cc faites par le propriétaire du lot.
et L es articles 2 et 5 , passés le 28 fru ctid or an 1 1 , dece meurent dans toute leur fo rce et v a le u r , jusqu’ à leur en« titre exécu tio n , n ’entendant les uns et les autres aucune« ment y déroger.
« Soumission d en passer acte par-devant notaire, à la precc mière réquisition de l’une des parties. »
Suivent encore plusieurs clauses supplémentaires, où les
parties règlent, x°. les sommes annuelles que les divers lots
payeront ou recevront durant la vie de la mère ; 20. le partage
des cuves et vaisseaux vinaires , et le mode de jouissance de
quelques bâtimens; 3°. déclarent que d'après les comptes rendus
tant de la gestion des biens que de la dépense de la maison
jusqu’à ce jo u r , les parties se tiennem quittes.
Telle est l’analise exacte des trois actes, traités ou conven
tions dont la nullité est provoquée par les appelans.
Les frères Raynaud, persistant toujours dans leur s y s t è m e
d’envahissement de la fortune de la m^re, se sont e m p a r é s do
tous scs revenus, de tout son argent ; ils ont a m é lio r é les biens
compris dans leur attribution , et laissé dépérir les au tre s ; ils ont
porté l’avidité jusqu’à enlever les fumiers, les engrais , les plants
d arbres, pour les placer dans leurs biens personnels; enfin,
1}
�( 1° )
pour n’étre point troublés dans leurs dilapidations , ils ont outragé
et chassé du domicile de la m ère, les sieurs et dames Secretain
èt Bernard, lorsqu’ils venoient rendre les derniers devoirs à
cette mère moribonde.
Après le décès de la mère, le sieur Bernard vint avec le juge
de paix du Chantelle pour faire apposer les scellés; mais les
frères Raynaud, et les sieurs Pitat et Brunat, eurent l’adresse
d’empécher l’exécution de cette mesure conservatoire, en lui
promettant une indemnité de 2,000 francs. Restés maîtres de
la succession de la m ère, ils s’en emparèrent arbitrairement,
et ce ne fut qu’avec peine que le sieur Secretain parvint à se
procurer une foible portion des denrées et de quelques effets
mobiliers, en protestant hautement de demander le partage dé
finitif, et la nullité de tous les arrangemens antérieurs.
Cette demande a été effectivement formée par explpit du 21
septembre 180g, quinze jours après le décès de la mère , morte
le 5 du même mois.
Par l’exploit introcluctif d’instance, les sieur et dame Secretain
ont soutenu que les trois conventions précédemment analiséea
étoient nulles, i°. parce qu’on ne peut traiter sur la succession
d’une personne vivante, ni aliéner ses droits éventuels dans
une hérédité non ouverte ; 20. parce que Louise Bourgougnon
11’avoit fait qu’une démission de biens imparfaite, et contraire
aux dispositions du Code Napoléon ; 3°. parce qu’elle n’uvoit
point fait un partage conforme à cette l o i , en se dépouillant
piéalablement de la propriété de ses biens par une donation
outre-vifs, et que l’on avoit confondu dans une même masse les
biens paternels échus avec la succession maternelle à échoir;
4°. que tous les actes ne seroicnt que provisionnels, en les sup
posant réguliers; S°. qu’ils étoient infectés de fraude, davan
tage indirect, et de lésion de plus du quart.
D ’après ces m o t ils , ils ont conclu à ce que, fans s’arrêter
ni avoir égard au partage notarié, du 4 floréal an 12, non plus
qu’à tous autres actt's préliminaiixa , subséquens, accessoires
�•v•
( 11 )
ou relatifs, qui seroient déclarés nuls et comme non avenus,
ou en tout cas rescindés, soit pour cause de nullité, de fraude
ou de lésion, il fût procédé dans les formes légales au partage
définitif des deux successions de François-Alexis Raynaud , et
de Louise Bourgougnon ; qu’ii la masse générale à d iviser,
chaque cohéritier fut tenu de rapporter tous les biens mobiliers
et immobiliers de toute nature, qu’il ayoit reçus ou dont il s’étoit
emparé directement ou indirectement, ensemble les jouissances,
intérêts, produits, dégradations, etc.
Les sieurs Raynaud frères, Pitat et Brunat, se sont réunis pour
défendre à la demande en partage qu’ils ont combattue, en disant
que les actes étoient réguliers , définitifs et irrévocables, surtout
l ’acte notarié, du 4 floréal an 12, qu’ils ont présenté comme
renfermant un partage d’ascendant, conforme aux articles 1075
et 1076 du Code Napoléon. En convenant dans leurs écrits de
l’existence des autres conventions, ils ont affecté de se taire
sur leur validité, et ils ont fini par former eux-mêm es une
demande provisoire en estimation des bestiaux qui existaient
dans leur lot. Ils se sont fait adjuger leurs conclusions, par
un jugement du 25 novembre 1809; mflis le 27 mars suivant,
ils ont présenté une requête, par laquelle ils ont déclaré que
le tribunal avoit commis une erreur, en ce qu’il auroit du or
donner l’estimation des bestiaux garnissant les lots des dames
P i t a t , Secretain et B e r n a r d , les seuls qui continssent des
biens m aternels, au lieu de faire frapper cette estimation sur
les lots des frères Raynaud et Brunat, qui ne contenoient pas
de biens de cette espèce.
Ils se sont encore fait adjuger ces conclusions, par un juge
ment du 3 i mars , supposé interprétatif, mais réellement éversif
du premier jugement, qui, n’étant point attaqué par les voies
légales, auroit au moins dû être respecté par ceux qui l'avoient
provoqué, jusqu'à ce que l’autorité supérieure l’eitt infirme.
Cependant les frères Raynaud et consorts, qui étoient si pressés
d obtenir des jugemens provisoires, et do faire des estimations
B 2
�ifii-
( 12 )
de bestiaux, non moins irrégulières que frustratoires, refusoient
de plaider sur le fond; et ce n’est qu’après l’émission d’un ju
gement par d éfaut, qu’ils ont enfin consenti à plaider sur le
fond. Ils ont poussé la mauvaise foi jusqu’à nier l’existence
des conventions qui avoient précédé et accompagné l’acte no
tarié , du 4 floréal an 12, quoiqu’ils en fussent porteurs, et
qu’ils en eussent consigné la mention dans leurs propres écrits.
Ce système astucieux a triomphé devant les premiers ju g es,
qui, par jugement du 8 décembre 1810, ont déclaré les sieur
et dame Secretain mal fondés et non recevables dans leurs
moyens de nullité, contre l’acte de partage, du 4 floréal an 12,
et ordonné que pour être fait droit sur la demande subsidiaire
en rescision pour cause de lésion, il seroit procédé, par experts,
à l’estimation de chacun des lots contenus au partage de floréal
an 12, à la charge par les sieur et dame Secretain d’avancer
les frais de cette estimation.
Les sieur et dame Secretain ont appelé tant de ce dernier
jugement que de tous ceux qui avoient précédé. C ’est sur cet
appel qu’il s’agit aujourd’hui de prononcer.
D ISC U SSIO N .
Les premiers juges n’ont pas abordé lès véritables questions
que cette cause offre à juger; ils ont isolé l’acte notarié, du
4 floréal an 12 , des conventions préliminaires et subséquentes
auxquelles il se rattachoit, et ils n’ont prononcé que sur une
partie des contestations. Il importe de discuter la cause sous
tous les rapports qu’elle présente, et de préciser les questions
qui divisent les parties.
Les appelans demandent le partage définitif de tous les biens
des deux successions de François-Alexis U aynaud,et de Louise
Bourgougnon, leurs père et mère. Cette demande est-elle fondée?
Telle est la question principale du procès.
Elle se subdivise en plusieurs autres questions qui naissent
�( r3 )
du système de défense des intimés. C eux-ci prétendent que par
l’acte notarié, du 4 floréal an 12, les deux successions ont été
régulièrement et définitivement partagées, et que les appelans
ne sont ni recevables ni fondés à attaquer ce partage.
Les appelans soutiennent au contraire que ce partage est nul
et illégal, ainsi que les conventions préliminaires et subsé
quentes faites entre les parties, pour régler la force et les effets
de cet acte notarié ; et qu’en supposant que les actes fussent
valables, le partage seroit seulement provisionnel et non définitif.
Ce système de défense présente les questions suivantes :
i°. Les actes et conventions des 28 fructidor an 1 1 , et 4
floréal an 12, sont-ils valables?
20. Le partage est-il définitif ou seulement provisionnel?
3 °. Y a-t-il fin de non-recevoir contre la demande des
appelans ?
4°- Les actes sont-ils rescindables pour cause de fraude et
lésion ?
§• I«r.
N u llité de la convention fondam entale du 28 fru ctid or an 11.
Par l’article premier de ce traité, la veuve Raynaud conserve
en propriété les meubles meublans, linge de table et ustensiles
de cuisine de la maison des Arnollets, et seulement en jouis
sance cette maison des Arnollets, avec quelques annexes; elle
reprend tous ses biens propres, même ceux donnés en avance
ment d’hoirie aux appelans.
Au moyen de quoi elle consent que ses six enfans partagent
entre eux le surplus des biens, tant de la succession de leur
père que de la communauté conjugale.
Il résulte de cette disposition que la inère abandonne sa part ^
dans les conquèts de communauté, sauf de légères exceptions.
Celte disposition 11e peut valoir comme donation entie-vifs,
puisqu’elle n'en a pas la form e, et qu’elle n est pas écrite dans
un acte notarié.
�( M )
Elle ne peut valoir comme testament, puisqu’elle a un effet
présent, et qu’élle n’est pas conçue dans les formes testa
mentaires.
On ne peut y voir qu’une1de ces démissions imparfaites et ré
vocables , tolérées par l’ancienne jurisprudence, et proscrites par
le Code Napoléon.
Par l’article 2, les dames Sécrétain, Pitat et Brunat vendent
aux deux frères Raynaud et à Marie Raynaud, les denrées récol
tées et à ré co lte r, les créances actives, et généralement tous
les effets mobiliers portés en l’inventaire, avec convention, porte
la clauâe finale insérée en l’article 3 , « que dans le cas où , après
« le décès de la veuve Raynaud, il se trouveroit une augmen« tation de mobilier autre que celui porté en l’inventaire, il
a appartiendra aux deux frères Raynaud et à leur sœur, ces« sionnaires. «
La mère donne son consentement h cette cession , et se départ
de tous les droits qu’elle pourroit avoir sur les objets compris
dans cette cession.
Ainsi trois des enfans vendent non-seulement le mobilier
actuel de leur mère vivante, mais encore le mobilier qui existera
à son décès.
Cette vente est essentiellement n u lle , comme contraire aux
bonnes mœurs et aux lois d’ordre p u blic, qui défendent d’aliéner,
en tout ou en partie, des droits éventuels dans la future suc
cession d’une personne vivante, notamment à l’article 56 de la
loi du aa venttise an 2 , et aux articles 79», 1 i 3 o et 1600 du
Code Napoléon.
Les enfans Raynaud n’auroient pu traiter sur le mobilier
qu’avoit alors leur mère, qu’autant qu’elle leur en auroit ellemême fait préalablement ou la vente ou la donation entre-vifs;
elle ne l'a point vendu, puisque, d un côté, l’acte n’énonce
aucun prix stipulé en sa faveur, et qu ¡1 ne peut y avoir de
vente sans prix, et que d ailleurs on ne voit aucune clause de
cession faite au profit de tous les enfans en général.
�( i 5 )
Elle n’a pu le donner valablement entre-vifs , puisque l’acte
n’est pas notarié , et ne contient même pas l’état détaillé et
estimatif de ce mobilier.
Une simple démission qui n’étoit accompagnée ni des formes
de la donation , ni des formes du testament, i)e pouvoit opérer
la transmission de propriété. La nullité de la démission entraine
la nullité de la vente , qui n’en est que la suite et le complément.
§.
11.
N u llité de l ’acte notarié, du 4 flo réa l an 12.
t
Il faut distinguer le préambule d’avec le corps de l’acte.
L e préambule ne présente que l’exposé des motifs qui oitt
déterminé les parties à souscrire le contrat.
C ’est dans le corps de l’acte qu’existe le lien obligatoire qui
forme les conventions des parties.
La veuve Haynaud parle seulement dans le préambule , mais
devient muette à 1 instant où ses enfans stipulent -les clauses
du partage qu’ils font entre eux , confusément, des biens pater
nels et maternels.
Ce préambule ne contient ni les clauses constitutives d’une
donation entre-vifs, ni un partage d’ascendans dans la forme
indiquée par l’article 1076.
La mère ne f a i t point de donation entre-vifs avec tradi
tion et dessaisissement irrévocable; elle se réserve au contraire
tous ses droits et reprises contre la succession de son mari,
ce qui seroit donner et reten ir, contrairement à l’article g/rfLe mot de donation n’y est même pas prononcé; la mère an
nonce seulement une intention do se démettre, qu’elle ne réalise
pas dans ce même acte, et qui n’a été effectuée que par la
troisième convention non notariée,du même jour 4 iloréalan 12,
dont on démontrera bientôt la nullité.
La mère nu lait point de partage; elle ne forme aucun lot;
�( i6 )
elle ne règle aucune condition, aucune clause; ejle ne remplit
aucune des formalités prescrites pour les donations ou partages
d’ascendans; formalités qui sont les mêmes dans les deux cas,
puisque l’article 1076 assujétit les partages d’ascendans , faits
pdr actes entre-vifs, à toutes les formalités, conditions et règles
prescrites pour les donations entre-vifs.
Ainsi le préambule, qui est la seule partie de l’acte où la mère
parle, n’a nullement les caractères d’une donation entre-vifs
ou d’un partage d’ascendans.
Tout le corps de l’a cte, toutes les conventions qui consti
tuent le contrat obligatoire, sont l’ouvrage des enfans. La mère
est spectatrice passive; elle ne dispose ni ne stipule : ce n’est
pas elle qui forme les lots ; ce n’est pas elle qui règle les
clauses et les conditions du partage; elle ne joue qu’un rôle
passif. Les enfans comprennent confusément dans une seule et
même masse leurs biens paternels échu s, avec ceux de la m ère ,
et ils font de cette masse totale des lots , dont les uns n’ont
point de biens maternels, tandis que les autres les absorbent
en totalité.
Si la mère avoit fait elle-même le partage, elle auroit été
obligée de former six lots égaux de ses seuls biens ; elle n’avoit
aucune autorité sur les biens paternels échus à ses enfans: la
loi ne Jui donnoit le droit de distribuer par anticipation que sa
propre succession, et de faire cette division particulière sans
blesser l’égalité promise par les contrats de mariage. C ’est pré
cisément parce que l’on comprenoit dans une seule et même
masse les biens paternels et maternels, que la mère a dû être
et a effectivement demeuré étrangère à toutes les stipulations
du partage.
D e deux choses l’ une : ou l’on veut que le corps de l’acte
où la mère n a pas figuré, que le partage soit son ouvrage ; ou
l’on veut que les stipulations soient émanées seulement des
enfans.
Si c ’est la mère qui a fait la distribution des biens et réglé
le*
�( 17 )
les conditions du partage, si en un mot ce partage est son ou
vrage, l’opération est nulle, i°. parce que la mère a excédé
1 autorité que la loi lui donnoit, en comprenant les biens des
enfans dans le partage de sa p r o p r e succession ; 20. parce qu’elle
n’a pas fait six lots égaux de ses biens, pour les attribuer à chacun
de ses six enfans, et qu’elle en a frustré totalement plusieurs,
tandis qu’elle en a donné la totalité à d’autres ; ce qui est un
vice radical, d’après l’article 1078 , qui exige que tous les enfans
et descendans reçoivent une part des biens de l’ascendant qui
fait le partage, cc Si le partage n’est pas fait entre tous les enfans
« qui existeront à l’époque du décès, et les descendans de ceux
« prédécédés, porte l’a rticle , le partage sera nul pour le tout.
« Il en pourra être provoqué un nouveau dans la forme légale,
« soit par les enfans ou descendans qui n’y auront reçu aucune
cc part, soit même par ceux entre qui le partage auroit été fait. »
En vain les intimés diroient-ils que le déficit est couvert par
1 attribution des biens paternels.
O n leur répond que les articles 1075 et 107611e permettent
à 1 ascendant de distribuer et partager par anticipation que les
biens de sa succession , et non ce u x qui lui sont étrangers,
cc C ’est une au torité , une magistrature qu ’i l exerce dans sa
cc propre succession ( pour nous servir des termes du discours
cc des orateurs du gouvernement , qui ont proposé cette loi au
cc corps législatif ) , non-seulem ent avec Vimpartialité de ju g e ,
et mais encore avec ce so in , cet in térêt, cette prévoyance que
« Vaffection paternelle peut seule inspirer. »
L ’ascendant ne peut étendre ce pouvoir extraordinaire au
delà des bornes tracées par la loi, et il ne peut l’exercer que
dans les cas et les formes par elle indiqués. Le pouvoir ne lui
est conféré que dans sa succession ; il ne peut exercer sa magis
trature sur une succession qui lui est étrangère, et n’est nulle
ment dans sa dépendance. Pour décider si l’ascendant s est con
formé à la loi et a fait une répartition équitable de sa succes
sion, s’il a observé dans la formation des lots et les attributions
G
�( i8 )
faites aux enfans, l’égalité prescrite, ou par la lo i, ou par les con
trats de mariage, on ne doit considérer et faire entrer en ligne
de compte quei les biens que la loi lui permettoit de partager.
Si dans son opération quelqu’un des enfans ne reçoit aucune
part dans les biens de l’ascendant qui partage, la division est
radicalement mille, d’après l’article 1078.
Si le partage où la mère n’a réellement pas parlé est l’ou
vrage des enfans, il est n u l, par la raison que la loi n’attribue
pas aux enfans le pouvoir d« partager eux-mémes les biens de
leur mère vivante. En effet, l’article 1 i 3 o, conforme en ce point
aux articles 791 et 1600, porte textuellement « qu’on ne peut
« faire aucune stipulation sur une succession non ouverte, même
« avec leconsentement de celui delà succession duquel il s’agit. »
Les enfans n’auroient pu régulièrement partager confusément
les biens paternels échus , avec c e u x de la mère- vivante, qu’au
tant qu’elle se seroit dépouillée irrévocablement de ses droits
de propriété, et leur en auroit fait la tradition par une donation
entre-vifs, revêtue de toutes les formalités prescrites par le
Code Napoléon. La nécessité de celte donation préalable n’a
pas échappé au rédacteur des actes; mais il ne l’a point’ écrite
dans l’acte notarié , parce que la mère ne voulant pas se dé
pouiller irrévocablement, avec les formes légales , se bornoit à
des arrangeinens provisoires , à une démission révocable qui est
expressément stipulée par la troisième convention du niém&
jour 4 iloréal an 12 , dont nous allons démontrer aussi la nullité.
§.
u t .
N u llité de la troisième convention non notariée, du 4 floréal
an 12.
C ’est par cette dernière convention que la dame Rourgougnon,
voulant faciliter ses enians dans le partage qu’ils se proposent
de faire des biens de leur père, consent qu’ils fassent en mémo
temps celui do ses propres anciens et do ses conquèts do coin-
�( *9 )
munauté; pourquoi elle a fait, à compter de ce jour, au profit
de ses enfans, toute démission desdits biens, pour ne faire qu’une
eeule et même masse avec ceux paternels, et être le tout par
tagé par égales portions entr’eux.
Cette démission est faite aux conditions suivantes : elle se
réserve , i ° . , etc.
Les six enfans acceptent la démission d8 biens faite à leur
profit par leur m è r e , et se soumettent aux conditions et réserves
par elle ci-dessus faites.
Voilà la véritable disposition faite par la mère, et dont l’an
nonce n’est indiquée que transitoirement dans le préambule de
l’acte notarié du môme jour. On voit pourquoi la mère a de
meuré étrangère aux opératiôns du partage, et n’a pas voulu
remplir dans I’actenotarié les formalités prescrites par l’art. 1076;
elle faisoitsa loi par la convention supplémentaire; elle ne vouloit
pas s’exproprier, mais seulement faire une simple démission
révocable, suivant le mode usité dans l’ancienne jurisprudence,
et exécuter en ce point la convention fondamentale du 28 fruc
tidor an 11 , qui déclaroit que le partage seroit seulement pro
visionnel.
j
O r , cette démission est radicalement nu lle, i°. parce que
les dispositions de ce genre sont incompatibles avec l’art. 8y 3
du Code Napoléon, portant « qu’on ne pourra disposer de ses
« biens à titre gratuit que par donation entre-vifs, etc. » ;a v e c
l’art. 894, qui exige que le donateur se dépouille actuellement
et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire
qui l’accepte ; avec l’art. 1076, qui exige que les partages des
ascendans , par acte entre-vifs, soient faits avec les mêmes
formalités , conditions et règles prescrites pour les donntions
entre-vifs ; et avec l’art. 7 de la loi du 3o ventôse an 12, portant
qu’à compter du jour de la publication du Gode Napoléon , les
lois romaines , les ordonnances , les coutumes générales ou
locales, les statuts, les règlemens, cessent d ’a v o ir force do loi
générale ou particulière dans les matières qui août 1 objet des
lois composant le Code Napoléon.
�O r , non-seulement ce Code n’admet pas les démissions de
biens , mais il les prohibe au contraire par la précision de ses
diverses dispositions, ainsi que l’ont formellement déclaré les
orateurs du gouvernement, dans l’exposé des motifs du titre des
donations, et que l’a solennellement jugé la Cour de cassation.
Cette prétendue démission ou donation est encore nu lle, faute
d’avoir été passée devant notaire en la forme ordinaire des con
trats, suivant l’art, cp i du Code Napoléon.
§•
i v.
f
L es actes et conventions précités ( en les supposant réguliers J
ne seroient que provisionnels.
L ’art. 3 de la première convention fondamentale du 28 fruc
tidor an 11 , dit que « le partage à faire ne sera que provi« sionnel pendant la vie de la mère ; que cependant chacun
« pourra aliéner dans son attribution, mais que lors du partage
« définitif, les autres copartageans prendront des biens de pa*.
« reille valeur, à dire d’experts. »
C ’est sur cette base fondamentale que les parties ont opéré.
Loin de déroger à cette convention primitive, par les actes
complémentaires du 4 iloréal an 12 , le dernier traité de ce jour
porte , sous le n°. 3 , que cc les art. 2 et 3 , passés le 28 fructidor
« an 1 1 , demeurent dans toute leur force et valeur, jusqu’à leur
« entière exécution , n’entendant les uns et les autres aucune« ment y déroger. »
Il est inutile de faire des commentaires sur l’énergie de ces
expressions ; elles sont claires et précises. Les parties n’ont en
tendu faire et n’ont fait que des arrangemens piovisoires, dont
la durée étoit bornée au décès de la inère, époque indiquée par
la loi et par la convention particulière, pour un partage défi
nitif et irrévocable.
Il
étoit même impossible que le partage et les arrangemens
fussent définitifs, lorsque la mère nabdiquent pas irrévocable-
�# Z Ï.
( 21
)
ment la propriété de ses biens par une donation entre-vifs, revêtue
des formes légales, et se bornoit à une démission de biens essen
tiellement révocable. C ’est précisément ce ijui a été jugé par
1 arrêt de la Cour dé cassation, du 26 frimaire an 14, qui main
tient un arrêt de la Cour d’appel de Metz, rendu pour la suc
cession de Nicolas Chalin, qui, en traitant avec »ses enfans des
droits maternels échus, s’étoit démis dés àc.préseot en leur fa<veur j par acte du 20 thermidor an 11 ,> de idws>;$esi.biens im
meubles propres, acquêts et conquêtsde communauté, pour leur
éviter les frais et les ,embarras d’un d^ublç,[partage.' ¡Quoique
l’acte eût été exécuté, quoiqu’il eût été revêtu deü formes au
thentiques , les deux Cours d’appel et de cassation ont jugé qu’il
étoit essentiellement, provisoire, révocable tjt nul,, d’après les
dispositions du Code Napoléon, qt4i prQSctflules,'démissions de
biens. Ces arrêts sont rapportés par M. Merlin, dpns son nouveau
Répertoire, au mot Démission de b ien s, .tçine 5 *;pagQ 5oy, où
il d o n n e comme une maxime indubitable! la nullité et révoca
bilité d’une dé m iss io n de. b i e n s , qui, depuis la publication du
Code Napoléon,'auroit été faite par tout autre acte qu’une do
nation entre-vifs.: j: • y . • .
-m.' ,
Ici la démission deila dame Bourgougnon n’est même pas con
signée dans l’acte notarié du 4 floréal, où elle n’est qu’imparfaite
ment indiquée; elle n’est écrite que dans une convention privée ;
et cette même convention se réfère à l’article 5 du traité pri
mitif, du 28 fructidor an 1 1 , où les parties avoient établi comme
base fondamentale de leurs arrangemens, que le partage à fa ire
ne seroit que provisionnel ju sq u ’au dàcçs de /a mcre.
,
Il
y a donc triple motif dé considérer comme révocables et
provisoires toutes les conventions laites dans la famille Raynaud.
La mère étant décédée, les enfans étant irrévocablement saisis
de la propriété de tous les biens paternels et maternels, ont aujouid'lnii le droit de provoquer le partage définitif, commandé,
et par la loi des successions, et par les conventions des28 fruc
tidor au u j et 4 iloital an ia.
�■• , ?’ «
iitl i
^
r-
( 22 )
i - i i s t . . . > ■ ■ ■;§•
V.
/ej y?«i* i/e non-recevoir.
Les 'intimés prétendent que les sieur et dame Secretain sont
non recevables dans leur dem ande, parce qu’ils ont signé les
actes en majorité, parce qu’ils ont joui des immeubles de leur lot
et l’ont amélioré V paroo qu’après le décès de la mère ils ont
partagé les'deni'éds Existantes dans; sa succession.. 'r .'.
IVlais^i legiappQldnsn’âvoient pas signé ces actes, ils n’auroient
pas besoin d’en démontrer la nullité pour les écarter de la cause.
L a signature, ni même la volonté libre et éclairée des parties
contractantes, ne^euvent reridre légitimes des conventions que
la loi frappe
nullité«1 S i ‘l'on érigeoit en principe qu’il suffit
d’avoir signé ufi acte en majorité pour n’ôtre plus recevable à
l’attaquer, il faudrait rayer du Code Napoléon toutes les nullités
qu’il prononce, les prohibitions qu’il re«ferme et les règles qu’il
t r a c e , et terminer par dire que tous actes sont nécessairement
bons, quand il*a plu aux parties de les faire: D ’ailleurs la signa
ture des appelans n’a été arrachée que par la force des circons
tances, et poupéviter la perte totale de la shccessiori maternelle,
que les intimés étoient au moment de consommer.
La jouissance provisoire des lots, les améliorations qu’ont pu
y foire les appelans, ne rendent pas réguliers des actes nuls. Cet
circonstances,' d’ailleurs contestées, ne convertissent pas une
démission provisoire proscrite par la loi, en une donation entre
vifs légitime et irrévocable; elles ne rendent pns définitifs un
partage et des arrangemens qui n’ont été souscrits que connue
révocables et provisionnels.
Tant que la mère a vécu , sa succession n’étoit pas légalement
ouverte , et les appelans ne pouvoient provoquer le partage dé
finitif de s^s biens.
S i , nu décès de la m ère, les appelans ont reru une portion
des denrées, ce n'est (pie pour en prévenir la dilapidation déjà
�c 23 y
commencée. Ce n’est ni en vertu de l’tfrf. 1077 dû Code Napo
léon , qui'd’ailleurs est insignifiant1 dans la1 càu^e , ni en vertu
des actes des 28 fructidoi* an 11 , et 4' floréal an 12 , qu’ils se sont
présentée pour recueillir la succession dé la mèrè; c ’est en vertu
de leur contrat de mariage, du 5e. jour complémentaire an 9,
portant institution contractuelle d’héritier par* égalité avec les
autres enfans ; c ’est en vertu dé l’art. 724 du Code Napoléon y
qui les saisissoit de plein droit des biens dë leur mère:1
En divisant provisoirem ent de's biend d autant plus sujets h
dépérissement, qu?il& se trouvoient sous la maiti des* frères’ Raynaud, qui habitoient avec la* mère, les appelans ont déclaré hau
tement qu’ils entendoient demander judiciairement lé partagé
définitif des deux successions. Leurs protestations ont été suivies
de la plus prompte exécution , puisque la mère est décédée le 5
septembre 1809, et que la demande en partagé définitif, et eiï
nullité des arrangemens provisoires, a été formée par exploit
du 21 du môme mois.
Ce partage partiel de quelques objets mobiliers, loin d!étrë
une approbation1de ces actes antérieurs, en est au-contraire
une violation manifesté, puisque l’article 3 de la convention
fondamentale du 28 fructidor an 1 1 , maintenue 'par le dernier
traité du 4 floréal an 12, attribuoit exclusivement aux deux
frères Raynaud, et à Marie Raynaud, femme Bernard, tout le
mobilier qui se trodveroit au décès de la mère.
Si les appelans administrent-'quelques biens paternels ou ma
ternels, depuis là1demhride judiciaire en partage, ce n'etet tou
jours que provisoirement, ¿n vertu dés droits attachés'A leur1
qualité d’héritiers; il faut bien qu'ils vivent, et que les arran
gemens provisoires , quoique nuls , s'exécutent jusqu'au'mo
ment où la justice les aura brisés, e t'q u e le partage définitif
sera consommé. On leur feroit de justes reproches s’il^ Mié«oient les biens A l’abandon : les actes conservatoires ne nuisent!
jamais. Sur le fond, ce sera à l'époque du partage définitif que
chaque héritier rapportera tout co qu’il aura' r e ç u dirccteimint
�4 3 V'
C m )
indirectement, et que lps intimés, surtout les frères Raynaud,
seront obligés de faire raison des soustractions et des dilapida
tions sans .nombre qu’ils ont audacieusement commises après
le décès du p ère,,d u vivant et après le décès d elà mère.
Les frères Raynaud et consorts cherchent à détourner ces
reproches trop mérités, en alléguant que «les greniers étoient
« pleins de blé , les caves de vin, les granges de récoltes, les
« bàtimens d’un riche mobilier : ils n’ont eu d’autre avantage,
« disent-ils , que de soulager les infirmités de leur mère, et de
« soigner , sous ses y e u x , les biens communs comme les leurs. »
Il
n’est que trop v r a i , en effet, que les frères Raynaud ont
régi les biens de la mère comme les leurs. Ils se sont appro
prié, tous les ans, le produit des ventes de bestiaux, denrées,
marchandises, et créances actives ; non contens d’avoir spolié
la succession paternelle, et enlevé leurs quittances de dot, ils
se sont encore emparés de tout ce qui étoit à leur bienséance,
soit pendant la maladie, soit après le décès de leur mère. Ils
ont enlevé pour plus de 2,000 francs de bois ouvragé, de la
grange du domaine Forge, attribuée au lot des appelons; ils
ont pris le numéraire et toute l’argenterie; ils, ont,enlevé, après
le décès de la mère, tous les vins vieux, sauf deux ou trois ton
neaux qui étoient en perce ; ils ont soustrait des toiles, du linge,
et les effets les plus précieux, qu'ils ont déposés dans divers
lie u x , notamment dans la maison appartenante à l’un d’eux
( le sieur Raynaud - Larondière ).
S’il s’est trouvé quelques denrées, notamment des grains,au
décès de la mère, il ne faut pas l’attribuer à leur délicatesse,
mais à l’excès de leur avidité ; ils trouvoient que les blés n'étoient
pas assez c h e r s ............Ils n’ont pas rougi d’en refuser aux sieur
et dame Secretain, qui en réclainoient pour leur subsistance,
et qui offroient de le recevoir en payement de leur ¡tension ar
réragée, au prix le plus élevé des marchés voisins; ils ont impi
toyablement répondu que le blé 11 étoit pas assez cher ¡tour le
v e n d r e ........... Ils ont ¡toussé 1 impudence jusqu’à chasser de la
maison
qu
�( 25)
maison maternelle les sieurs et dames Secretain et Bernard, qui
venoient rendre à leur mère les devoirs de la piété filiale, quoi
que ce fût la mère elle-méme qui eût fait appeler ses filles et
gendres pour conférer avec eux pendant sa maladie ; ils employè
rent les injures, les outrages, les menaces les plus violentes;
l’un d’eux alla jusqu’à s’armer d’un couteau pour réaliser ces me
naces ........... Les sieurs et dames Secretain et Bernard furent
obligés de se retirer et d’abandonner le domicile d'une mère
expirante, et de laisser ainsi aux frères Raynaud toute facilité
de consommer la spoliation déjà c o m m e n c é e ............Et voilà
comme les frères Raynaud ont réalisé ces beaux sentimens de
désintéressement, de piété fdiale et de fraternité dont ils se
pavanent dans leurs écrits ! Il restera au moins pour constant,
d’après leur propre a v e u , que ce sont eux qui ont administré
les biens de la mère, perçu ses revenus et capitaux, et qu’ils
doivent compte de leur gestion à leurs cohéritiers.
§• V I .
Su r la lésion.
Les appelam ont demandé très-subsidiairement la rescision
pour cause de lésion, de tous les actes précités.
Les premiers juges ont ordonné l’estimation préalable des
biens partagés par l’acte notarié, du 4 floréal an 12; mais ils
n’ont rien statué sur la rescision du partage ou vente de mo
bilier, résultant de la convention primitive, du 28 fructidor an 11;
ils ont cru plus simple de rejeter en général les conclusions des
appelans, sans motiver leur décision sur ce point particulier.
Cependant la lésion résultoit de la convention même , et cio
l’état estimatif du mobilier et des créances.
On a vu dans l’exposé des faits, que l’état estimatif portoit
1 actif mobilier à la somme de 55,586 francs, distraction laite
des dettes passives. Il faut y ajouter la somme de 2,988 francs,
dont les frères Raynaud étoient débiteurs , suivant la conven
tion du 28 fructidor an 11. Les sieur et darne Secretain cèdent
D
�}
leur sixième portion dans ces deux parties d’actif, formant une
somme totale de 38,574 francs. Le sixième cédé étoit de valeur
de la somme de 6,42g francs : le prix stipulé de la cession n’est
que de 2.400 francs.
Conséquemment, il y a lésion énormissime, surtout si l’on
ajoute que le mobilier qui devoit se trouver en augmentation au
décès de la mère étoit compris dans la cession.
L ’article 887 du Code Napoléon autorise la rescision, lorsqu’ un
des cohéritiers établit à son préjudice une lésion de plus du
quart.
L ’article 888 ajoute que « l’action en rescision est admise
« contre tout acte qui a pour objet de faire cesser l’indivision
« entre cohéritiers, encore qu’il fût qualifié de vente, d’échange
« et de transaction , ou de toute autre manière. »
La cession ou vente de mobilier étant le premier acte passé
dans la famille Raynaud pour faire cesser l’indivision, étoit sus
ceptible de l’application des articles précités ; et les premiers
juges ont évidemment mal jugé, en rejetant la demande des appelans, lorsque la preuve physique et littérale de la lésion se
présentoit si clairement à leurs yeux.
Quant aux immeubles, tant paternels que m a tern el, pris en
masse, suivant l’acte notarié, du 4 floréal an 12, le lot des appelans est infiniment plus foible que ceux des intimés. Des terres
à seigle , et de la dernière qualité, représentent, pour les sieur
et dame S cretain , des terres à from ent, et de première qualité,
attribuées aux frères Raynaud et consorts; des prés do même
nature et produit sont tarifés beaucoup plus chers dans le lot des
sieur etddine Secretain que dans les autres l o t s ............Une mul
titude d’inégalités, d’injustices et d’omissions vicie le prétendu
partage, qui présente une énorme lésion au préjudice des intimés,
dont le lot est tellement enchevêtré dans celui des sieur et dame
Bernard, qu’il est impossible aux uns et aux autres d’en jouir divisément, sans avoir A. chaque instant des querelles et des procès»
Si une estimation légale devenoit nécessaire, il faudrait bien re
courir à cette mesure dispendieuse, quoiqu’elle 11c présente pa&.
(
2
6
�( 27 )
moins de lenteurs que de frais. Mais les faits avoués danp la cause
dispenseront la Cour , même sur le subsidiaire, d’ordonner une
opération coûteuse et frustratoire.
Les intimés ont déclaré en première instance , dans leurs écri
tures, et dans les jugemens qu’ils ont obtenus pour faire estimer
les cheptels de bestiaux, et dans le procès verbal d estimation ,
que trois des lots, notamment ceux des dames Secretain et Ber
nard, étoient entièrement composés des biens de la mère, et ne
contenoient point de biens paternels. D ’après cette déclaration ,
les appelons sont évidemment lésés dans la distribution des biens
paternels, puisqu’ils n’ont aucune part quelconque, aucun lot
dans la succession paternelle. Si leurs lots étoient composés
de biens paternels, ils seroient alors lésés dans la division des
biens maternels. L’une des deux conséquences est irrésistible.
Ce n’est que par la confusion des deux masses des deux s u c
cessions paternelle et maternelle, que les intimés cherchent à
justifier les opérations : mais, comme on l’a observé, ces deux
successions ne devoient pas être cumulées et confondues, puis
que lu n e étoit échue et irrévocablement acquise aux enfans,
et que l’autre n’étant pas ouverte, n’étoit pas susceptible d’être
partagée par le même mode et avec les mêmes formalités. La
succession du père devoit être divisée conformément au titre
des successions ; la succession de la mère offroit un partage
d’ascendant, qui ne pouvoit être lait que par la m ère, confor
mément au titre des donations du Code Napoléon. Si le partage
étoit valable, comme fait par la mère, il seroit nul quant aux
biens paternels; s’il est valable comme partage de biens-éclms,
iait entre les enfans, il est nul relativement à la succession de
la mère , alors vivante, qui n’étoit pas à cette époque irrévo
cablement dépouillée de la propriété de ses biens , par une do
nation entre-vifs, légalement stipulée et expressément acceptée,
il y a donc nécessairement lésion dans la division de 1 une ou
dt: 1 autre succession, dès qu’il est constant que parmi les héri
tiers il y en a plusieurs qui n’ont point de lot, point de biens
dons 1 une ou l’autre succession; circonstance qui présente à la
�( 28 )
fois , et une nullité radicale, et un vice de lésion énormissime
bien caractérisé.
Les intimés objectent que les appelans sont les seuls qui se
plaignent des divers arrangemens litigieux.
Les appelans ont plus d'intérét à se plaindre, parce que leurs
droits ont été injustement sacrifiés, et que le poids des injustices
frappe presqu’entièrement sur eux.
Les sieur et dame Pitat ont un excellent lot; ils ont soustrait
une quittance de leur dot, de 5,ooo francs, et ils ont coopéré à
la spoliation des successions paternelle et maternelle.
Les sieur et dame Brunat ont aussi des motifs de complicité ;
ils ont reçu des indemnités particulières ; ils ont un traité secret
avec les frères Raynaud et les sieur et dame Pitat.
Les sieur et dame Bernard n’ont pas, comme les autres , un lot
de faveur; aussi ont-ils.adopté le parti moyen de s’en rapporter
à la prudence des juges, au lieu d’adhérer entièrement au sys
tème des spoliateurs. Ils seroient eux-m êm es demandeurs,
comme les appelans, si la dame Bernard n’avoit pas un intérêt
marqué à soutenir la validité de la vente du mobilier expliqué
en la convention du 28 fructidor an 11 , qui lui donne, comme
cessionnaire, le tiers du bénéfice de la cession. Ce n’est que
pour la faire taire sur les dilapidations commises sous ses yeux
à l’époque du décès du p è r e , que les frères Raynaud ont bien
voulu l’associer pour un tiers à cette cession, et qu’ils ont en
core cherché à acheter le silence du sieur Bernard par une offre
de 2,000 francs, au moment où il se disposoit à faire apposer
les scellés sur le mobilier maternel.
Me. G I V O I S , avocat.
M*. G O U R B E Y R E , avoué.
A R I O M , d e l ’ lmp. d e T H I B A U D , Imprim. de la C o u r Impériale, et libraire,
ru e d e s T a u l e s maison L a n d r i o t . — A v r il 1 8 1 1 .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Secretain, Jean-Baptiste. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Givois
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
partage
successions
destruction de quittances
fraudes
inventaires
abus de faiblesse
spoliation
experts
usufruit
rescision
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Jean-Baptiste Secretain, maître en chirurgie, et la dame Antoinette Raynaud, son épouse, de lui autorisée, demeurant en la commune de Bellenave, département de l'Allier, appelans d'un jugement contradictoire du tribunal de première instance de Gannat, du 8 décembre 1810, et autres jugemens y relatifs ; contre sieurs Gilbert-Alexis Raynaud, et Jean-Baptiste Raynaud-Larondière, frères, propriétaires, demeurant au lieu des Arnollets, commune de Chezelles, sieur Claude Pitat, maître en chirurgie, et dame Gabrielle Raynaud, sa femme, de lui autorisée, demeurant en la ville d'Ebreuil ; et sieur Gilbert Brunat, fermier, et dame Gilberte Raynaud, son épouse, de lui autorisée, demeurant en la commune de Néris, intimés ; et contre le sieur Gilbert Bernard, marchand, et la dame Marie Raynaud, son épouse, de lui autorisée.
note manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1811, p. 328. »
Table Godemel : Partage : 14. l’acte contenant, entre des enfants, le partage des biens de leur père décédé, et des biens présents de leur mère vivante, confondus pour former une seule masse, est-il valable s’il a été fait, respectivement à la mère, en conformité de l’article 1076 du code civil ? un pareil partage peut-il être attaqué sur le motif qu’il n’est pas entré dans chaque lot, une portion égale des biens de la mère, dans la circonstance, surtout, où il a reçu sa pleine exécution ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2013
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2014
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53383/BCU_Factums_G2013.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bellenave (03022)
Ebreuil (03107)
Néris-les-Bains (03195)
Chezelle (03075)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
destruction de quittances
experts
fraudes
inventaires
partage
rescision
spoliation
Successions
usufruit
-
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bbdb16b80d8877ae69743f114aa845cb
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
D ’A P P E L
EN
R É P O N S E ,
POUR
C a th erin e
LAFONT,
et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C O N TR E
LA FO N T, J e a n -B a p tis te B O U R N E T , J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
G ilb e r t
L A F O N T leursfemmes habitant aussi
à Néris, appelans.
M a r ie
Ce n' etoit pas une assez grande douleur pour une m ère
d avoir perd u, en quelques mois d’intervalle , son époux
et son enfant; il a fallu q u e pour satisfaire l’avidité de
A
deriom.
�• ■\
* >'
'
( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus m inutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pou r elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hom m es, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne com pte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être q u’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’ imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. P o u r arguer de faux un acte de naissance , les
appelans s’étoient soumis à p rou ver que l’enfant de Ca
therine L afon t étoit né m o rt; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa p art, au con traire, l’intimée/a établi clairem ent la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titr e , et q u i,
pour faire pleine C-i entière fo i, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanm oins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l ’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�¡¿y
(3)
faits insignifians, à 'présumer que l’enfant pouvoit elre
venu au m onde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrem ent réglée par les lois
civ ile s, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont ép o u sa,le 14 brum aire an 10, GilbertM arie L a fo n t, son cousin.
Seule h éritière de son p è re, qui lui abandonnoit dèslors tous ses b ie n s, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lu i, il avoit vendu
tous ses droits successifs à G ilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme m odique de 10000 fr.
Les ép oux stipulèrent un gain m utuel d’ usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et dem i; et le 27 fruc
tidor de la même an née, la f o n t est m ort à vingt-trois
a n s, laissant sa jeune veu ve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle app ela, outre une sagefem m e, des pareutes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la fam ille de son mari : c a r , depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A
2
�( 4 )
Ses couches furent extrêm em ent 'laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incom m odité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
m it au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
a voit cruellem ent souffert de ces efforts. Ses m ouvem ens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la m ême fatigue qui accabloit la mèi*e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand x*epos pour échapper à la mort.
M ais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. O n tourm ente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces ¡prétendus soulagemens.
O n suivit donc pour l’enfant de Catherine L afont la
•m éthode ordinaire. L e cordon om bilical co u p é, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u - d e - v ie , et on ne l’em ploya
pas moins au m êm e usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’a voit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les b ras; mais ce n’étoit
là qu’ un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut m andé; et quoiqu’ il n’arrivât que lon g-tem p s
après l'accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de v ie , car il lui administra le baptêm e,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà 011doyée par précaution.
«
�(
5 )
A p rès le baptêm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il ch o isit, avant de p a r tir , ses deux témoins.
Ces témoins, en effet allèrent à la m airie , et on les
renvoya au lendemain. Comm e alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’a u tre , le
>21 frim aire an n .
Catherine L afont étoit h éritière de son enfant par la
loi du 17 n iv ô se , ce qui avoit dû p eu t-être exciter la
jalousie des adversaires.
11 est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même;. et tout ce qui s’étoit passé devoit
leu r être con n u , puisque Catherine L afon t, comme elle
vient de le d ire, avoit été entourée de la fam ille de son
m a ri, c’est-à-dire, de la fam ille des adversaires : la sngefemme elle-m êm e étoit leur tante. N éanm oins, et dans
cet instant m alheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement in d iiféren t, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le m oindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite com m une, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
T ro is mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce tem ps, ils jugèrent con
venable de com m encer sourdement les hostilités.
Comm e G ilb ert L afon t avoit acheté les droits de son
déiunt frè re , dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits céd és, il se fit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-lrères Bournet et F o ric h o n , dans la vue d’embar-
�(6 )
rassct* Catherine L a fo n t, et n’osant pas lui-m êm e com
m encer le procès.
G ilbert L a fo n t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur S o u lie r, n o ta ire , débiteur
de la succession.
L e prem ier sentiment de la veuve L afon t fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
m én a ger, et poursuivit ses adversaires en payement et
m ain-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lo rs G ilb ert L afon t fut forcé de s’ex p liq u er, et il crut
l’intim ider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine L afont lui fit signifier sur le cham p la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et G ilb ert L afont fut obligé de donner suite à sa
procédure. G ilbert L afont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o r t- n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V o ilà un enfant m o rt;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’en fa n t, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
E n vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , G ilbert
L afon t fit entendre cinq témoins.
est essentiel de re
m arquer qu’il alfecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lum ières, la sage-femme. Quant à ceux
11
entendus à sa req u ête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e prem ier témoin est le c u ré -a d jo in t, qui a adinU
�tér
(?)
nistre le baptêm e et fait l’acte civil; A v an t le bapteme
il a touché l’enfant et lui a, senti de la chaleur.
L e second tém oin , F ra n ço is C o r r e , ne sait pas si
l’enfant étoit vivan t ou m ort.
L e troisièm e, M a rie L a fo n t , fe m m e P ig7tot, la plus
proche parente des adversaires, sait tou t, et a connu que
l ’enfant étoit m ort à l’éjection de ses excrém ens. L a sagefemme lui fit signe qu’il étoit m o rt; elle lui dit aussi de
toucher le coeur de l’enfant pour sentir qu’il b a ttoit, mais
le tém oin répondit qu’il ne s’y com ioissoit pas. L a sagefemme lava l ’enfant, et lui m it les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme C orre le
p rit sur ses genoux , et ses genoux trem blèrent par la
crainte qu’elle avoit de la m ort de l’en fan t, et ce trem
blem ent se com m uniquoit à l’enfant. L e curé v i n t , le
toucha h divers en d ro its, et le baptisa
puis la femme
Corre dit à son m ari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas m anquer de dire au curé ( q u i venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. A p rès cela elle avoue
qu’elle a dit e lle -m ê m e à la m ère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pou r la tranquilliser; et que lors
qu’elle a vo u lu dire autrem ent, L ou is L afont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrièm e tém o in , M a rie B o u r n e t, ne sait rien
par elle-m êm e ; elle confirm e la proposition faite par la
sage-femme à la P ign o t de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquièm e tém oin , M arguerite L a f o n t , veuve
�*iU
v " - 1
(8)
I
H o n n e fo i, a vu la sage-femme in q uiète, lorsqu’elle de
manda de l ’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
rem arqué qu’il a fait tin léger so u p ir , ce qu'elle a re
gardé comme un signe de v ie ,• elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement in u tile; et en effet il n’y avoit rien de
moins p rou vé que le faux m atériel de la naissance de
l ’enfant. Q uatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort ; un seul attestoit la m ort par ses p aroles, et ce
qu’il a indiqué pou r la prouver donne plutôt à présum er
!
pour la vie. Les faits du baptêm e et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
N éanm oins, et par surabondance, Catherine L afon t
vo u lu t aussi faire une enquête; et il ne faut que la parcourir pou r être convaincu de la vie de l’enfant,
j
L e prem ier témoin est la sage-fem m e ; elle sentit les
'
mouvem ens de l ’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du cœ u r, et proposa à la femme P ign o t d’y
toucher. Quand l ’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
m ouvem ent, c’est pourquoi elle demanda du vin. O n lui
porta de l’e a u - d e - v i e , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. A lo rs ayant à s’occu
per de la m è re , elle a remis l’enfant à la femme C orre
(quatrièm e témoin ci-après). E lle avoit ondoyé l’en faut;
Je curé est venu et l’a baptisé.
L e second tém oin, F ra n çois D u r i n , a soupe avec lo
!
curé le soir des couchas. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
f
i
�avoir touclié son estom ac, senti de la ch a leu r, cru re
marquer de la v ie, et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est M a rie B o u r n e t, déjà entendue.
L e quatrièm e tém oin, la fem m e C o rre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-m êm e lavé
l ’enfant avec du v in , lu i a v u rem uer les bras trois ou
quatre fo is, lu i a senti battre le cœ u r , a distingué des
rnouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
m arqué que l’enfant soupiroit ; mais il est m ort sur ses
g e n o u x , sans q u’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrem ent de vivre.
L e cinquièm e tém oin, Q u illem in , a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiüïl n 'a u roit pas
f a i t , s ilii eût cru s être assuré de son existence. La sagefemme a dit encore au tém oin que l’enfant étoit venu
au monde v iv a n t, et qu’elle l ’a voit ainsi déclaré à son
confesseur.
L e sixièm e té m o in , Georges F o riclio n , a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’en fan t, et admi
nistré le b ap têm e, sans p o u voir assurer qu’ il fût vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (c e lle
qui a dit l’enfant m ort ) avoit dit qu’ il étoit né vivant ;
et qu’elle-m êm e, femme P ig n o t, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit rem arqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 niyôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
u 1 enqucle d irecte, et m ême les enquêtes entr’elles. 11
B
�est vrai que le procureur im périal vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en ch iru rgie,
mais le tribunal de M ontluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas u n e; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l ’état civil font
« foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de N éris, que
« l’enfant de Catherine L afont est né à trois lieures et
« dem ie, le 21 frim aire de l’an 11 ; qu’ il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi«
«
a
«
«
heure après sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
authentiques que l’enfant est né vivan t; que pour détruire ces deux actes, G ilbert L afon t a pris la voie
de l’inscription en faux incident; que par conséquent
il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« m ort avant que de n aître; et il s’agit d’exam iner s’il
« l’a rem plie ; que le prem ier tém oin par lui produit
«
se
«
«
«
«
«
a senti un reste de chaleur à l’en fan t, et lui a admi
nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
in terro g é, comme oilicier p u b lic, l ’accoucheuse qui
lui a attesté que l’enfant étoit né v iv a n t; que le secon d , quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
ne s’être pas assuré par lu i-m ê m e de l'existence de
l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme m ort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi"
« aux exçréinens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�tu
( II )
« femme lu i a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
(< lui a proposé d’y porter la m ain , ce qu’il n’a voulu
« fa ire; qu’après qu’il fut entièrem ent sorti du ventre
« de la m ère, il ne lu i a rem arqué aucun signe de v ie ,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lu i ait mis les doigts dans la b ou clie, et y ait soufflé;
« que le quatrièm e ne s’est pas assuré par lui-m êm e si
« l ’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a en« tendu dire dans la maison qu’il étoit encore v iv a n t;
« que le cinquièm e lui a v u faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de v ie ;
« Q ue de ces cinq témoins , le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o r t, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette m ême acçou« clieuse a dit ensuite que le cœur de l ’enfant battoit,
« a proposé au tém oin d’y porter la m a in , ce qu’il n’a
« vo u lu fa ire , disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant. que le prem ier tém oin a senti de la
<c chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que l ’enfant étoit né viva n t; que cette m êm e
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en tém oignage par Catherine Lafont; que le quatrièm e
« témoin a ouï dire dans la m aison, après la naissance
v de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie ; que le cinct
“
«
«
«
quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de v ie ; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi G ilbert
L afon t n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�111.
,y
k
«
«
«
«
( 12 )
de d écès, ainsi qu’il se l ’étoit ptoposé ; qu’on en est
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième tém oin ouï à la requête de Catherine L a fé h t,
à qui l’accoucheuse rem it l’en fan t, pour donner des
soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage-
« fem m e, lui a v u battre le cœ u r, lui a distingué des
« mouvem ens dans le visage, et a rem arqué qu’il sou«
«
«
«
p iro it; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; q u ’il
n’a apporté au monde aucun vice de conform ation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-
« constances, jointes aux actes de l’état c iv il, aux décla« rations des tém oins, doivent suffire pou r constater là
« vie de l ’enfant, ou au moins le faire présum er vivan t;
« de m anière que Catherine L a fo n t, qui a été m è r e ,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute G ilbert L afont de sa demande
« en inscription de fa u x , le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conform ém ent à l’ordonnance de
« 173 ?) et aux dépens. Fait et jugé à M on tlu çon , le 14
« nivôse an 1 3 , etc. »
A p rès ce jugem ent, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse su ivan t, lequel prononce la m ain
levée des saisies-arrêts, et condamne G ilbert L afont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et B ournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la main - levée de
leur saisie-arrêt \ niais ils avoient gardé le silence en
�/■ *»
3
( i )
attendant l ’événement de l ’inscription de faux que G ilbert
L a fo n t, débiteur, avoit seul osé hasarder. G ilbert L afont
a interjeté appel du jugem ent du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse^
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en prem ière
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
L a jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leu r appel. O n con cevroit cette jonction, si G ilbert L afon t avoit interjete
appel du jugement du 23 ventôse an 1 3 , pai'ce que ce
jugem ent et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
m ent sur des saisies-arrêts. M ais le jugem ent du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Boufnet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comm ent se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugem ent qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en prem ière instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. L e u r appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance', et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à exam iner
les moyens proposés sur l’appel de G ilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i° . que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance ; 20.' que les signes de vio
�( H )
rem arqués par les'tém oins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
,
. -»-r'
'Ce sont ces deux prétentions qu’il faut exam iner, pour
en dém ontrer l ’erreur. ’
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e s enquêtes prouvent-elles le f a u x de Tacte de n ais
sance ?
- A u cu n acte ne m érite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l’enseignent,
et la raison nous dit qu’il im porte au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
m atériel.
- C a r , comme le dit M . C o ch in , les registres de nais
sance sont des monumens publics a u x q u els la lo i veut
q u ’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la lo i; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du tém oignage
du père s’il est viva n t, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est m ort ou absent ; car l’accou
cheur a lui-mêm e un caractère p u b lic, et seul il fait foi
de la naissance. ( L o i du 20 septembre 179 2 , tit. 3 , art 2.
Code c iv il, art.
.) Il faut en outre deux tém oins, mais
56
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfunt soit porté à l'officier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sep-
�fis
tem bre, tit. 3 , art.
( ' 15 )
) V o ilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’ un acte’ de l’état civ il feroit fo i, eL
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous,
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de fo rm e, si les trib u n au x, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si 011 présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne dcvroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux ; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de dém entir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tom ber l’acte ; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la co u r, n e'
tendent point à éluder l’examen des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’ un seul mot à d ire , c’est qu’au lieu
d'y vo ir la preuve de m ort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul tém oin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver G ilbert L afon t? et qu’a-t-il p ro u vé?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumetloit
à établir, io. q ue plusieurs personnes étoient présentes
lo is des couches, et que toutes ces personnes s'écrièrent :
V o ilà un enfant m ort j
�(i6)
2°. Q ue la sage-fem m e ayant frotté l’enfant avec de
Teau-de-vie, elle ou vrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
et avoit les yeux fermés ;
3°. Q ue François C orre n’arriva dans l’appartement
que dans l ’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Q ue la femme Corre dit à son époux d’aller avec
L ouis L afon t faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
°. Q u’il n’a été fait aucune réquisition à l ’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
5
par conséquent rem arqué aucuns signes de v i e , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que. sur la déclaration de deux
tém oins, dont l’un étoit l’aïeu l, partie ipféressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e prem ier fait n’est attesté en partie que par un tém oin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s’écrièrent : V o ilà un enfant
m ort; c’est la femme P ign ot qui prétend seule l’avoir dit à
M arie B ou rn et, parce qu’elle a vu tom ber des excrém ens;
mais M arie Bournet ne le confirme pas,
Cette P ign ot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des m enteurs; elle se contredit elle-m ême
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
etoit m o rt, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœ ur; elle refusa de s’assure?: si l’enfant étoit
v iv a n t, parce quV/fe ne s y con noissoit pas : cependant
d ie avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
1
Ces contradictions s’accordent parfaitement avec « dé
position
�( 17 )
position du tém oin F o riclio n , qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette m ême P ign o t leur avait attesté que
l’enfant étoit v iv a n t, et qu’elle lu i avoit rem arqué p lu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage -, et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V o ilà
un enfant m o rt; puisque tous les autres témoins présens
ont rem arqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxièm e fait n’est p rou vé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la m êm e
P ig n o t, que la sage-femme ou vrit la bouche de l’enfant :
fait is o lé , faux et inutile. M ais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l ’enfant eût, en nais
sant, ni de la p â le u r, ni les yeu x fermés.
L e troisièm e fait n’est encore déclaré par aucun té
m oin. C orre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir v u sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas m êm e de l u i , com m e
tém oin , qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-fem m e; et il étoit tém oin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, com m e tém oin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit $as admis
à se rétracter.
Jg
L e quatrièm e fait étoit aussi insignifiant que le précé
d en t, et n’est pas déclaré de la m ême m anière par ld
V ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidem m ent
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à rem arquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à riulium ation , et cependant
C
�(i8)
Corre dît que c’est elle qui vint le chercher à sa vign e;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquièm e fait est dém ontré faux par tous les té
m oin s; car bien loin que le sieur R e yn au d , adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o i r , il dit lui-m êm e y être venu et
•l’avoir vu. T o u s les témoins parlent de ce fait, et la P ignot
elle-m ême déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A in si rien de ce que G ilbert JLafont avoit offert de
p ro u ver ne l ’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Q uand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres tém oins, il ne resteroit que des
doutes sur la m ort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encoi’e ne sont com m uniqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant com m uniquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est m éfiée ellem êm e; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrém ens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait m êm e, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être 1111 semblable tém oignage? C ’est là cependant
la seule preuve de la m ort qu’elle d on n e, ou plutôt la
seule preuve qu e fournit l ’enquête.
�( 19 )
I-e curé auroit été un tém oin im portant s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et q u o iq u e , dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que d im in u er,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été m ort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l ’enfant fût m o rt, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
v iv a n t, et après un prem ier baptême. O r , suivant les
règles, ce prem ier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ d icun t sufficere quod aliquod mernbrum b a p tizetu r, ut sit infans christianus.
A in si ce second baptême fait par un prêtre est une
présom ption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à celte présom ption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le m êm e témoin. A in s i,
quand il m arquerait les conjectures de m ort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic , qui parleroit plus haut que sa déposition.
O n vo it d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner m algré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoinsD u rin et G u ille m in , à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’ avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
vSi à cela on ajoute les dépositions de la sage-fem m e,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o r r e , il n’y aura
plus à douter; çar les mouvernens de l’enfant dans la main
C 2
�Vt o
(( 20 y
de la sage-fem m e, les batteme?is du Cœur, leâ soup irs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction desmuscles du visa g e, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le tém oignage de ceux qui l’ont vu
vivant. L es apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
L e s sigjies de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t- ils
sitjjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, etla jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’ il étoit com pté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
'é to it n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’ il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet
illico
decesserit. L . 2 , cod..
l ) e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v i e , ’ lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit auuuüé par la naissance d’un posthume. Les
�»
( 2*. ) ^
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir v é c u , eût c r ié , ciamorem ew iserit. M ais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent em pêcher les cris de-l’enfant, quoique visi
blem ent il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Ç u o d diù certa tu m , et d it, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rom pu si l’enfant étoit
né v iv a n t , quand m êm e il seroit m ort im m édiatem ent
après sa naissance, et m êm e dans les m ains de la sagefemme.
S a b in ia n i existim a ba nt s i viçus natus esset e t s j
v o c e m n o n j e m i s i t rum pi testamentuin : eoruni etiam
nos laudarnus sen ten iia m , et sa n cim u s, si pei'fectè na
tus e s t , licet i l l i c o postquarn in terrain cecidit veî
s o b s t e t r i c i s d ecessit, rum pi testam entum. L o i Ç u o d d m , code D e posth. lib.
in
m a n ib u
Cette supposition d’une m ort aussi prom pte, pour ainsi
d ire , que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés , puisque le son
de la vo ix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11
y a p lu s, car la loi encore a p révu le cas où un
accouchement auroit été tellem ent forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la p or
tion qui a v u le m onde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la v ie ; et la
loi en ce cas se contente du m oindre souille.
S i non integrum a n im a l cditurn s i t , cum s p i r i t u
tarnen, adeo testam entuin rum pit. L . 1 2 , il’. D e lib e n s
et post/l.
�m
( 1 2 )f
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
L ebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la v o ix de l’enfant ;
« comme si, d it-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pou voit pas, dans un petit espace de temps, v iv re
« et m ourir sans se plaindre : au contraire l’on peut d ire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« m énage ses forces pour prolonger sa v i e , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » ( L iv r e i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D o m a t, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l ’usage on n’ait jamais regardé com m e viable un
enfant né avant le septième m ois, M . D om at distingue
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succes
sion. Dans la prem ière espèce, c’est-à-dire, curn agitur
de statu e t j i t quœ stio sta tû s, M . D om at pense que l’en
fan t, avant sept m ois, n’est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s?agit que de transmettre la succession à ses
h éritiers, cîtm agitur de transrnissione hœ redita tis, les
raisons 11c sont plus les m êm es, et il n’im porlc plus que
l’enfant ait pu v iv re , il suilit qu’il ait vécu; et M . Dom at
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans do
quatre et cinq m ois, nés même par l’opération césarienne.
( L i v . 1 , sect. 1 , n°. 5 , p. 2 .)
Rem arquons qu’ici il s’agit d ’un enfant venu à tonne
après neuf m o is, et dès-lors légalement viable,•
�- 23 ^
H enrys, cité encore par les adversaires, 11e leur est pas
plus favorable que D om nt; il parle d’une cause où il s’agissoit d’ un enfant q u i, loin d’êlre regardé comme mort
pour avoir i*ejeté des excrém en s, 11’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V o ic i littéralement
le fait rapporté par M . H enrys lui-m êm e, ce U ne m ère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit ren d u s, cela fit douter
« s’il avoit survécu la m ère ou non. C eux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivan t que m o rt, ne man« quèrènt pas d’user de précaution , et de faire ouir par
ce devant le juge la sage-femme et un médecin. I,e p ré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l ’en terrem en t,
« et sur le refus que le curé p ou voit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siè g e , nous
« fûmes ouïs pour le procureur du r o i.. . . La sage-femme
«
«
«
et
«
ne s’étant arrêtée qu’à l ’éjection des excrém ens, et en
cela n’ayant pu parler que par l’organe du m éd ecin ...
le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’ en ordonner
un second__ que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe se u l, les médecins en p o u « voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent su iv ies, et un
K nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au pai*“ ^emen t, la cour a cru que le prem ier rapport devoit
c< suffi1'e ; en un m o t, que su r le d o u te, et dans les cir« constances du f a i t , il,fa llo it plutôt ju g er que f enfant
« avoit eu vie , que d'être m ort-né. » ( Quest. 2 1 , liv. 6. )
Enfin A caranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�( H )
rapport de B reton n ier, dans son traité D e p à rtu , ch. 16 ,
n°. 3 2 , que le m oindre signe de vie suffit s’il est certain, *
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pii'blic et légalem ent attesté, que de simples indices ne peu
vent d étru ire, les réflexions des docteurs consultés p a i
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lum ières;
car ces docteurs n’ont pu se déterm iner que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système;
M ais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l ’incertitude n’amena la conviction.
'
.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à cecn
L a c h a le u r, les m ouvem ens de l ’en fan t, ses soupirs et le
battement de son cœ ur, peuvent avoir trom pé les tém oins,
parce que les genoux trem bloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses g e n o u x , et ce trem blem ent, com m uniqué A
l’enfant, a pu en im poser pou r un m ouvem ent qui lui fût
personnel. L e seu l soupir entendu étant un dernier sorjpir,
n’a été q u’un m ouvem ent exp iratoire, sans inspiration,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volum e d’air nécessaire à la respiration. Les sigues de
vitalité rem arqués ne sont qu’ un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lem ent coupées, sur le larynx des oies, et nu galvanisme;
T o u t cela n’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
>
L a base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le inotive n’est pas exact, cl par conséquent
lu système s’évanouit tout cutier.
Le
�I
25
(
)
L e tremblement des gen o u x, im puté à la.fem m e C orre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition devoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreu r; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
q u i parloient de v is u , ils ont dû rem arquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e - v ie ,
entendit un gros soupir j puis elle le rem it à la fem m e
C orre pour s’occuper de la m ère. O r , à son tou r, la fem me
C orre lava l’enfant avec du v i n , et alors remarqua que
l ’enfant so u p ir o it, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
Je coeur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-fem m e quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seu l et der
n ier soupir.
A lo r s , et sans exam iner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa m ère rende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais asp iré, il est au moins certain que le
prem ier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
•deux, n’est pas un dernier m ouvem ent expiratoire passif.
A p rès cette exanim ation, il seroit impossible de conce
vo ir qu’un second soupir eût pu succéder au prem ier. C ’est
bien assez d’admettre un prem ier soupir dans un nou
veau n,é, si scs poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volum e d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité rem arqués aux têtes fraîchement
poupées ne semblent devoir rien prouver h l’égard d’un
pjifunt qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�r.
" '
. . .
r
, •
coupée, la vie surprise, p o u r ainsi d ire, pendant sa fo rce ,
s’arrête encore dans une partie'restée saine. Les muscles,
irrités ordinairem ent par la m oindre blessure , le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion com m unique à tout ce qui en dépend un jeu m é
canique qui n’est pas la v i e , mais qui en est l ’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi^"lité ou dissolution ', ce m ouvem ent des muscles rie peut
ii
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la fo ire
de supporter une seule aspiration, toute contractilité et
irritabilité, semble une chose entièrem ent impossible.
*
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y com m unique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de m é
ta u x , produire sur des chairs inanimées une com m otion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir lu
cause : m ais, quelle qu’elle so it, elle est le produit d’un
appareil q u elco n q u e; et jamais un corps n’a répété les
inouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
Rem arquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité môme
qu’ ils présum oient dans l ’enfant, étoit l’indice de la ces
sation en cart récente de la vie animale.
V o ilà donc une présomption de m ort attachée A la con
viction que l’enfant vivo it encore un instant auparavant.
O r , cet instant, où est-il? qui peut le saisir aujourd’h u i,
quand les assistans ne Font pu recon n oître? Com m ent,
dans une m atière aussi conjecturale que les signes de la
�H1
( 2?' V
m o rt, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, venu à terme en l’an n , soit m ort avant,
ou pendant l’extractio n , ou une minute après sa nais
sance, avan t, ou pendant son b ap têm e, ou in rnanibus
o bslciricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l ’a gardé quelque tem ps; après elle, la
femme, C orre l’a gardé-; puis le c u r é , mandé pour le
baptiser, est v e n u ; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa m ort.
, ,■ r .
.
- ,
t
'
Quand il n’y auroit pas de signes de vie l’econnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la m o rt, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r , comme le dit M» W in s lo w , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des* parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des m ouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une m ort certaine....
c< 11 est incontestable que le corps est quelquefois telle« ment privé de toute fonction v ita le , et que le souille
« de la vie y est tellement cach é, qu’il ne paroît aucune
« différence, de la vie et de la mort. » ( Dissertation.sur
l’incertitude des. signes de la m o r t, page 84. )
E t c’est parce que les signes de la m ort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
h’ gale se contentent des moindres indices pour présum er
la vie de reniant.
S i sp ira v en t, dit Zuchias ,• s i mem hra d isten d en t, s i
se m o v en t, .si sternutaverit, s i urinant red^at. •( Quest,
xuédico-leg. liv .
tit. , n°, 123.) Cependant la plupart
5
D 2
�WV
\>\
• . ... (
3
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples m ouvem ens de vitalité musculaire.
Foderé m arque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit m ort dans le ventre de sa m è re , et celui'
où il ne m eurt que pendant sa naissance. A u prem ier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la m ère ne laisse
pas de doute; au deuxièm e cas, il indique comme signe
de m ort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ccs signes mêmes ont trom pé les praticiens. ( M édeciue
c iv ile , tom. i , n ° . 288.)
M ahon ne pense nullem ent que la pulsation des artères
soit un sim ple indice de vitalité et de contractilité. « L a
«
cc
«
«
«
continuation du battement du cœur et de la circulation
du sang en gén éral, dit-il, est un indice bien plus sûr dé
la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
de toutes celles qui tom bent sous les sens, la plus im portante de la vie animale. » ( M édecine lé g a le , tom. 2 ,
pag- 393- 3
Si donc nous ignorons quand est m ort l ’enfant de Ca
therine L afon t, au moins ne l’étoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la v ie , au
m oins tous les raisonnemens de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
C ar il faut pour les adversaires des signes évidens de
m o rt, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
E h ! où en serions-nous, si h chaque m ort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudcs?
Les hommes sont convenus de regarder comme i’ins-
�( 29 ) ^
#
tant fixe de la m ort celui de la cessation totale de la cir
culation du san g, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance.
On: sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette rè g le , et que des personnes ont v é c u , après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort,
c M ais on ne vo it pas pou r cela que ces phénom ènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homm e sans pouls et sans fle x ib ilité de
m em bres, parce qu’il en auroit v u v iv re d’autres ayant
les mêmes symptômes de m ort.
Com m ent donc est-il possible de décider qu’ un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent , etoit cependant m o r t,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise*
d’ une m ort reconnue récente ,* et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des h ypoth èses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus im m édiate et plus
naturelle?
'
.
• .,
L es couches de; Catherine L afon t ont été laborieuses;
I
7
voilà un fait connu.
, ‘
L ’enfant a dû être très-acçablé, et avoir besoin du plu9
grand calm e; si on l ’a tourm enté on n’a pu que lui nuire :
Voilà la prem ière présom ption certaine.
Mais au lieu de lu i laisser du x*epos on lui a coupé le
cordon om bilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
P ou rqu oi donc ne pas croire que ces opérations ont
�$ e *
('3 0 '
achevé d’éteindre une vie encore ré cen te, plutôt que
d é s ig n e r une époque antérieure, sans aucune certitude, ;
mais pnr sim ple soupçon.
^ ' *ni >{
Ici au moins nous présentons :un système qiii "anime *
hase, et cette base est assise^sur une grande autorité.)
« Lorsque l’enfant, dit H ipp ocrate, est »sorti du>!gein:'
« de sa m ère avec effort, com m e il est fo ib le , il ne fautj
« p a s lui c o u p e r 'l’om bilic q u’il n’ait crié et'uriné/*»
( 'H ippocr, de sùperf. ch,
)
yb
'i
' - I ■
r-i
E t qu’ori n’objecte pas que ce sont là des principes d’an-<
cîenne th éorie; A lphonse L e r o i, qui les rap pelle, ajoute ;
5.’
-*I
ru
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
cc nous tâchons chaque jour de rétabjir. » ( A lp h . L e r o i,
pratique des accouclicm ens. )
: 1
)
L a section du cordon om bilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib le ; des frictionâ d’e a u -d e -y ie sur’ son
visage ont dû m ême lui causer une l’évolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce m om ent q u eu es
soupirs ont annoncé le dernier effortfde la n ature; e t’
quand le spasme a arrêté le battemenÉidé son; cœ u r, il
a résulté de cette siïsperl^ion rtiêmé^que Jc’est alors seu
lement qu’il a cessé de vivre.
* f
Si ce n’est là qu’une présdm ption ,>-'cl1é> a p o u r elle les
dépositions des témoins qui ont vu des m ouvem eus ’jus-r
q u’aptès la friction d’eau-cte-vite : mnis,d,aÎllle ui‘s, daiisî lo
dctotb m êm e, la réligion , laph ysiq u e ét les lois-puésument
que l’enfant a vécu.
1 ' '•
„1
,
>
i ih) 'i i-. ii»!
1
r ‘ 'ReniarqiiorÀ’ co nVbîeri'eii^oVé^ ti
jiorï do dn. <vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois voiiiainrs. J ,;ï
il sVigissoit'(ilLM‘6tTrprLJ'ni1i
4
efrPj <
*.•¿tpuru; pei' Iu
�1p o u r,Ie :^ s th u m £ ,':sMr^^
, in m anïbus ohs~
tetricîs; ic i, au contraire, iï s’agit < e présum er la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a suivi
son cours oi’din aire, en faisant naître vivan t un enfant
q u i,'v e n u -à term e, étoit légalem ent viable.
’
^
'A Cj
\
3
O n a articulé contre l’acte de. naissance des vices de
form e, mais ils sont im aginaires, et n’em porteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent serait de
‘ n’avoir pas porté l’enfant à là maison com m une ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté à l ’officier p u b lic,
Jet l’officier public l’a vu.
u. ' ‘r
O n se fait un moyen de ce que Catherine L afon t a
contracté récem ment un second mariage. M ais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
' depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d ’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long term e-au désir qu’ il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. M ais au reste, quelle influence cet événem ent peut-il
avoir pour la cause, et surtout pôur infirm er un juge
ment antérieur ?
•
■
Ce n’est pas moins une m ère qui réclame la succès«
*
»
.
sion de son enfant, luctuosam hœ reditcitem , suivant le
langage de la lo i. O n a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit co u ru 'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce m otif, bien
loin d être aussi absurde qu’on le p réten d , est entière
ment puise dans la nature et dans la m orille, comme il
1 est dans l’opinion des plus sa vans auteur^, et notamment
�C 32 )
-de D o m at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la m ère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, com m e les prem iers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la m ère en sem
blable circonstance, B e nignius est credere ordinem nar
turœ servasse f o rtu n a m , ut in dubio m a tr i fa v e a m u s ,
-quœ in luctu est magno , propter am issum f ilium et
m a r itu m , q uam agnatis. ( C uja c, ad leg. 26, D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroîent plus recommandables
d es collatérau x, qui ne voyant dans les dangers d’une
m ère q u’une exp ectative, et dans ses m alheurs qu’ une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p r o ie , e t , irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent ro u vrir les tom beaux de leur fam ille,
p o u r chercher une heure in certain e, et recueillir pour
ainsi d ire la vérité dans le néant ? L a cour ne verra en
eux q ue des profanateurs av ides, qui d’ailleurs, dans leurs
m oyens im puissant, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
v enir à renverser un acte d’ordre p u b lic , par le m otif
u nique de leur intérêt particulier.
»
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M° . T A R D I F , licen cié a v o u é x
A RI
O M , de l'imprimerie de L a n d rio t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Nivôse an 1 4
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1508
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_G1506
BCU_Factums_G1507
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53248/BCU_Factums_G1508.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53247/BCU_Factums_G1507.pdf
41c22927303d1dd7adfe05ab3aa1ad73
PDF Text
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CONSULTATIONS
MÉDICALES
d
'appei
D E RIOM
POUR
G ilbert
L A FO NT,
appelant ;
CONTRE
Catherine
L A F O N T , et L
P E T A U T O N , son mari
L
e
ouis- A u guste
,
intimés.
CONS EI L S O U S S I G N É , consulté su r les
signes qui constatent évidemment qu’un enfant est né
vivant,
E
s t i me
COUR
qu’il ne faut s’arrêter qu’à ceux qu’on
aperçoit sur l’enfant entièrement sorti du ventre de la
A
�mère : tout ce qui se passe pendant ¡’accouchement
n’étant pas mouvement propre de l’enfant, il ne regarde
pas la clialeur du corps de l’enfant comme un signe
notoire qu’il est sorti vivant : le cadavre la conserve
long-temps. Il faut donc pour constater Lien sûrement,
bien légitimement la vie du nouveau n é , qu’on aperçoive
le jeu du poumon, le mouvement alternatif d’inspiration
et d’expii’ation ; que la circulation du sang soit soute
nue ; qu’il y ait dilatation et contraction alternative du
cœur et des artères : ce qui n’est pas assuré par unrseul
battement de cœur qui peut s’apercevoir, même dans
un cœur détaché de la poitrine.
L e conseil pense donc que quand la certitude que
l’enfant a respiré , que le sang a circulé, n’est pas consta
tée par un homme de l’art, le signe univoque et seul in
contestablement sûr de la vie du nouveau n é , est le cri,
le vagitits si désiré par les m ères, et si bien entendu
par elles, que par ce cri la plupart connoissent le sexe
du nouveau né.
DÉLIBÉRÉ
à,C lerm o n t-F erran d , ce 14 frimaire
an 14.
M O N E S T I E R , D . iV. M .
D U L A C , V . M. M.
�us
(3)
J
e
SO U SS IG N É , docteur en chirurgie, après avoir
lu attentivement le mémoire de Gilbert L afon t, tendant
à prouver que l’enfant en question n’est pas né vivant,
P
ense
q u ’il ne p e u t y a v o ir de doute à cet é g a r d ,
et q u ’il p a r o ît, d’après les faits m ê m e , que cet enfant
a p éri dans le travail de l ’accoucliement.
L ’absence des m ouvemens, celle des cris qu’il jette
ordinairement; l’absence de la ligature du cordon om
bilical , absence qui peut être présum ée, puisque la
sage-femme n’en parle pas : ligature qu’elle n’auroit
pas manqué de faire , si elle eût cru l’enfant vivant ,
sont une masse de présomptions en faveur de sa mort.
Quant à la chaleur de son corps , seul^ m otif qui a
déterminé le prêtre à lui administrer le baptême , il
n’est personne qui ne sache que la chaleur n’est pas
la vie , et qu’elle se conserve encoi’e plus ou moins
long-tem ps, suivant l’individu et le genre de mort.
Personne ne parle de l’avoir vu respirer , d’avoir
senti les battemens du cœur ou des artères •, et certes,
si ces signes avoient existé, il en auroit paru d’autres
plus décisifs en core, tels que les mouvemens des pau
pières , de la bouch e, des m em bres, l’éternument et
les cris. Que n’a - t-o n pas fait pour le rappeler à la
v i e ? Les frictions avec l’e a u -d e -v ie étoient un bon
A z
“t
�(4)
m oyen, mais on pouvoit en ajouter d’autres; et si on
les a négligés, c’est parce qu’on les a jugés inutiles.
Les battemens du cœur qu’on a sentis dans le mo
ment de Paccoucliement, ne peuvent prouver que l’en
fant a vécu après sa naissance , mais seulement qu’il
vivoit un moment aupai'avant, avant d’etre débarrassé
des liens qui l’unissoient à sa mère ; et que la demiheure qui s’est écoulée depuis l’instant où la sagefemme a senti les battemens du c œ u r , jusqu’à celui
de la naissance , a été plus que suffisante pour qu’il
pérît : et on en sera d’autant plus convaincu, si l’on
jette un coup d’œil sur la manière dont s’opère l’ac
couchement par les p ied s, qui est le cas de l’enfant
dont il s’agit.
Cet accouchement s’opcx-e par les seules forces de la
nature, 011 par l’art. Dans le premier cas, l’enfant est
chassé jusqu’au-dessous des bras; mais alors le volum e »
de la tete et des bras oppose une plus grande résis
tance , et le cordon ombilical qui se trouve placé sur
les parties latérales de la tete de l’enfant, souifre une
compression qui intercepte la circulation de la mère
à l’enfant, qui est le seul moyen d’existence de ce der
nier. O r , on conçoit que s’il tarde quelque temps à
sortir, cette compression le fait périr nécessairement.
Si l’art vient au secours de la mère et de l’enfant, i l
�/ ■
JP
( 5 )
clierclie à rendre sa sortie plus prom pte, en tacliant
d’abord de dégager' les bras l’un après l’autre : reste
ensuite la tête, qui remplit alors exactement la cavité
du petit bassin , et exerce toujours sur le cordon une
compression funeste, pour peu qu’elle dure. 11 faut
donc
que l’accoucheur emploie une force suffisante
pour la sortir le plutôt possible ; et il ne peut pai'venir à ce but, qu’en tirant sur le corps de l’enfant;
mais il faut que ces efforts se fassent en ligne directe,
et soient calculés sur le degré de force des ligamens et
des muscles qui unissent la tête de l’enfant à son tronc,
sans quoi on court le plus grand risque, ou de le dé
coller, ou de luxer la première vertèbre sur la seconde:
de là , rupture de la moelle de l’épine, et mort subite.
Si ces accidens arrivent quelquefois entre les mains
de gens habiles, à plus forte raison combien ne doiton pas les craindre, lorsque l’accouchement est livré
aux mains d’une femme dont l’ignorance ne peut être
révoquée en doute, puisqu’elle ne sait ni lire ni écrire.
E t qui peut répondre que la mort de l’enfant n’ait
été occasionnée ou par les mauvaises manœuvres de la
sage-femme, ou par la compression qu’a éprouvée le
cordon ombilical en restant comprimé pendant demiheure que la tête a resté engagée dans le bassin. L ’ac
couchement a dû encore être d’autant plus pénible, que
�(6)
c’étoit le prem ier, et que les parties ont dû offrir plus
de résistance.
J ’espère que
ces réflexions sont du plus grand
poids, et méritent d’etre prises en considération.
Peut-on regarder comme un signe de vie cet unique
et léger soupir que l’on croit avoir entendu faire à
l’enfant, dans le temps qu’on lui administroit des fric
tions sur la figure? N ’est-il pas plus naturel de penser
que ce n’étoit qu’un mouvement mécanique imprimé
par le frottement sur des parties jouissant encore de toute
leur élasticité, et par lu compression que l’on a pu
faire sur la poitrine de l’enfant, en lui administrant
ces secours. J ’en dis autant du mouvement du bras»
qu’on a cru apercevoir : une position sur un plan non
horizontal, comme les genoux, suffit pour en rendre
raison , sans avoir recours à line action vitale qui
n’existe pas. On ne peut donc de ces diiférens mouvemens en conclure que l’enfant étoit vivant.
Pour me résumer, je pense qu’un enfant ne peut être
censé vivant, tant qu’il est encore dans le ventre de sa
m ère; que les seuls signes positifs qui annoncent la vie ,
lorsqu’il est né, sont les mouveinens bien distincts et répé
tés des membres , des paupières, de la bouche, l’étcrnument, la respiration, les battemens du cœur et des
artères, et les cris. L ’enfant dont il s’agit n’a donné
�( 7 )
aucun de ces signes Lien évidens ; en conséquence il
me paroît prouvé qu’il a péri dans le travail de l’accou
chement ; et on ne peut pas dire qu’il est né vivant ,
puisqu’il est mort avant de naître : la naissance ne datant
que du moment où l’on respire, et où l’on commence
à sentir les influences de l’air atmosphérique.
D
é lib é r é
à Clerm ont-Ferrand, le 8 janvier 1806.
C I I O M E T , D . Ch. P .
D u même avis , par les mêmes motifs.
A Clermont-Ferrand , le 8 janvier 1806.
DULAC,
;D. M . M .
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r io t , seul imprimeur de la
Cour d ’a p p e l.— Janvier 1806.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafon, Gilbert. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Monestier
Dulac
Chomet
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations médicales pour Gilbert Lafont, appelant ; contre Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, intimés.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1801-1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
7 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1507
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1506
BCU_Factums_G1508
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53247/BCU_Factums_G1507.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
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Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53246/BCU_Factums_G1506.pdf
92d9ff98b9f508d7808a29e4c0bc217d
PDF Text
Text
_______________________________________________________________________
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MEMOIRE
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ET CONSULTATION
C0UR
P O U R
D ’A P P E t
G i l b e r t L A F O N T , propriétaire, aubergiste de
*****
___
la commune de N é ris-le s-B ain s, appelant de
jugement rendu au tribunal de Montluçon, le
14 nivôse an 1 ;
3
ET
ENCORE
POUR
J e a n B O U R N E T , M a r i e L A F O N T , son épouse;
J e a n F O R IC H O N , et M a r i e L A F O N T , sa
femme; appelans d’un jugement rendu au même
tribunal, le 19 ventôse an 1 1 ;
CONTRE
C a th e r in e
-
-
LAFONT,
veuve et commune de
Gilbert-Marie L a f o n t , habitante de la même
commune de N é r is -le s -B a in s , intimée..
Q U E S T IO N
M É D IC O -L É G A L E . '
A quels signes peut-on reconnoître qu’un enfant est né
vivant ?
L e 14 brumaire an 10, Catherine L afon t, intimée, a
épousé Gilbert Lafont. L e père de Catherine l’institua
A
�I#
( o
son héritière universelle, et lui abandonna, dès l’instant
m êm e, les biens qu’il possédoit dans la commune de
Néris.
Il fut stipulé entre les époux une communauté con
jugale. L e mari devoit habiter dans la maison de son
épouse, et confondre une somme de 300 fr. pour prendre
part à la communauté; le reste de ses biens devoit sortir
nature de propres.
Les époux se donnent réciproquement l’usufruit de
tous leurs biens, en cas de non enfans survivans, et
pendant la viduité.
Ce mariage n’a duré que jusqu’au 27 fructidor an 10,
époque du décès de Gilbert-M arie L a fo n t, âgé de vingttrois ans.
L e 21 frimaire an 1 1 , Catherine Lafont a accouché
d’un posthume-, ses couches furent laborieuses et pénibles.
L ’enfant est sorti mort du sein de la mère : c’étoit une
fille. L e même jour on a dressé deux actes civils, c’est< à-dire, l’acte de naissance et celui du décès. Ces actes
sont ainsi conçus :
« A cte de naissance d’un enfant né en ce b o u rg, à
« trois heures et demie après m id i, du légitime mariage
« du défunt G ilbert-M arie Lafont et de Catherine La« font : le sexe de l ’enfant a été déclaré être un enfant
« femme. Prem ier tém oin, François C orre, tisserand,
« voisin à l’enfant-, deuxième tém oin, Marguerite Roclie« fo rt, accoucheuse, domiciliée audit bourg. L e premier
« témoin a signé ; le second a déclaré ne le savoir. Fran« çois C o rre, âgé de quarante ans; le deuxièm e, de
« soixante-six ans.
�« Sur la réquisition à nous faite par Louis L afon t,
« propriétaire, aubergiste, grand-père de l’enfant, aussi
« domicilié audit b o u rg, qui a signé avec le premier
« témoin. Constaté par moi adjoint au maire de la com« mune de N éris, faisant les fonctions d’officier public,
« le maire absent. Signé R eynaud, adjoint. »
O n remarque deux choses importantes à la lecture de
cet acte; i ° . que l’enfant n’a pas été présenté à l’officier
public, conformément à la lo i; 2°. qu’on ne lui a donné
aucun prénom.
Suit l’acte du décès, ainsi conçu :
« A cte de décès d’un enfant fem m e, né du légitime
« mariage de défunt Gilbert-M arie Lafont et de Catlie« rine L afo n t, décédé ledit jour en ce bourg, à quatre
« heiu’es après m idi; né audit lieu le même jour, h trois
« heures et demie de l’api’ès-m idi. Sur la déclaration
« faite par le citoyer/Louis Lafont, propriétaire, auber« giste, grand-père de l’enfant, âgé de cinquante ans,
« et de François C orre, tisserand, âgé de quarante ans,
« tous les deux domiciliés audit b o u rg, qui ont signé.« Constaté par moi Pierre R eynaud, adjoint du maire
« de la commune de N éris, le maire absent, »
Ce sieur Reynaud étoit tout à la fois curé de Néris
et adjoint de la commune ; il avoit été mandé , en sa
première qualité, au moment des couches de Catherine
L afo n t; on lui avoit présenté l’enfant, auquel il avoit
trouvé un reste de chaleur , et il l’avoit baptisé sous
condition.
La sage-femme elle-m ôm e, qui avoit remarqué que
1 enfant étoit en danger lorsqu’il étoit dans le sein de sa
A 2
�4
. • .
C )
m ère, avoit pris la précaution de l’ondoyer avant que
l’enfant fût so rti, et lorsqu’il présentait les pieds.
L a notoriété publique avoit appris que cet enfant étoit
né mort : les parentes et voisines qui assistoient à l’accoucliement l’avoient ainsi déclaré ; elles n’avoient aperçu
aucun signe de vie à l’enfant. La mère elle-m êm e, au
milieu de ses douleurs, téraoignoit la plus grande inquié
tude ; elle croyoit avoir accouché d’un enfant mort : mais
l ’accoucheuse, pour rassurer son esprit dans ce moment
critique et douloureux, lui avoit dit que son enfant étoit
vivant. T e l est toujours l’usage dans ce ras. Catherine
Lafont a persisté à vouloir s’en rapporter à ces paroles
de consolation, et à en tirer parti : elle est accouchée
dans un temps où la loi du 17 nivôse étoit en vigueur,
et où dès-lors elle devoit succéder à son enfant, s’il étoit
né viable. E lle a annoncé sa prétention aux héritiers dé
son mari : mais ceux-ci, qui étoient parfaitement instruits
de la v érité , et qui savoient que l’enfant étoit né m ort,
ont cherché à faire valoir leurs droits \ ils ont d’abord
pris la précaution de faire saisir entre leurs mains et eü
celles des tiers tout ce qui pouvoit être dû à la succession
de G ilbert-M arie L a fo n t, leur frère et beau-frère.
Bientôt s’est engagée une lutte considérable entre les
parties. Catherine Lafont a fait citer au bureau de p aix,
le 12 ventôse an 1 1 , en m ain-levée de la saisie-arrêt,
avec dommages - intérêts ; elle a soutenu qu’elle étoit
seule héritière de son enfant, et que tout devoit lui ap
partenir.
Les voies conciliatoires ayant été sans succès, elle a
présenté requête au tribunal de M ontluçon, le 12 ven-
�5
(
)•
^
tôse an n , pour voir dire, par provision, qu’elle auroit
pleine et entière main-levée des saisies-arrêts, sous toute
réserve de ses autres actions. A l’appui de cette requête
elle a justifié de son contrat de mariage , de l’acte de
décès de son m ari, et des actes de naissance et de décès
de son enfant.
L e 19 ventôse an 11 elle a obtenu un jugement par
d éfaut, qui lui adjuge ses conclusions.
Mais ce premier jugement n’étoit qu’un prélim inaire;
et Catherine Lafont avoit sa principale confiance dans
les deux actes de naissance et de décès de son enfant, qui,
suivant e lle , établissoient que cet enfant avoit vécu une
demi-heure; elle les opposoit aux héritiers de son mari.,
comme un obstacle invincible à leurs prétentions, et
comme un moyen certain de s’approprier la succession
de son enfant.
Gilbert Lafont crut d evoir, dans cette circonstance,
s’inscrire en faux incident contre ces deux actes; il con
signa l’amende, conformément aux articles 8, 9 et 10 de
l’ordonnance de 1737; e t, muni de'Sa quittance, il pré
senta requête au tribunal de M on tluçon , tendante à ce,
qu’il lui fût permis de s’inscrire en faux incident contre
les deux actes dont il s’agit, avec sommation à Catherine
Lafont de déclarer si elle entendoit se servir de ces deux
pièces. La requête fut présentée et signifiée les 1 , 2 et
3 germinal an 11. L e 7 du même mois, Catherine Lafont
fit sa déclaration qu’elle entendoit se servir de ces mêmes
pièces, et le même jour elle en fit le dépôt au greiï'e; il
en fut dressé procès verbal le 10 ; et le sieur Lafont pré
senta ses faits et moyens de faux -ainsi qu’il suit.
�(6)
IL expose que plusieurs personnes étaient présentes à
l’accouchement de Catherine L a fo n t, veuve de G ilbert;
que l’une d’elles, en soutenant la mère , aperçut les
pieds de 1,’enfant sortir les premiers ; toutes les personnes,
s’écrièrent : V o ilà un enfant mort. L a sage-femme de
mande et prend de l’eau bénite, et s’empresse d’ondoyer
l’enfant dans le sein de la mère ; elle emploie cinq à six
minutes pour achever la délivrance; elle prend cet enfant,
qu’elle met dans les bras de M arie Gusse, épouse de Fran
çois Corre. Immédiatement après la sage-femme demande
de l’eau-de-vie, elle en frotte la tempe de l’enfant et autres
parties de son corps ; elle ouvre avec un de ses doigts la
bouche de l’enfant, la bouche se referme de suite : la
pâleur étoit sur son visage, ses yeux étoient fermés; en
uii m ot, l’enfant étoit vraiment mort né.
François C orre, l’un des témoins dénommés aux actes
de naissance et de m ort, sur la déclaration duquel les actes
ont été rédigés par l'adjoint, n’étoit pas présent à l’accou
chement de Catherine Lafont; il n’arriva dans l’apparte
ment de l’accouchée que dans l’instant où la sage-femme
ensevelissoitl’enfant pour le faire inhumer.
L a femme de Corre, en palpant l’enfant, dit à son époux :
V a s avec L o u is L a fo n t (aïeul maternel de l’en fan t),
Ju ire fa ir e ces actes de naissance et de décès. C’est dans
le môme instant que les actes de naissance et de décès ont
été rédigés sous la date du 21 frimaire an u ,
G ilbert Lafont expose encore que l’enfant n’a pas, aux
termes de l’article 6, titre 3 de la loi du ao septembre Ï792,
été porté à la maison commune de Néris : qu’il n’a pas
été présente a l’adjoint. Il n’a point ute fait rnême de ré-*
�>4
'( V O
tjuisition à l’adjoint de se transporter à la maison où étoit
l’enfant; il n’a par conséquent remarqué aucuns signes de
vie de sa part. Il n’a rédigé les deux actes que sur la décla
ration des deux témoins, du nombre desquels étoit l’aïeul
maternel, partie intéressée, et François Corre, qui avoit
seulement vu ensevelir l’enfant.
Il n’a été donné aucun prénom à l’enfant, ou du
moins l’acte de naissance n’én contient aucun ; ce qui
est contraire à l’art. 7 du même titre de la loi citée.
Les professions des père et mère de l’enfant ne sont
pas énoncées dans l’acte de naissance. L e mcme acte
de naissance est muet sur les professions et domiciles des
tém oins, contre le vœu du même article.
Par tous ces m otifs, Gilbert Lafont conclut ù ce que
les deux actes de naissance et de décès soient déclarés
faux, et rejetés de l’instance.
L e jugement intervenu sur cette requête, en date du
3 floréal an 1 1 , ayant égard au premier moyen de faux
énoncé par Gilbert Lafont contre les deux actes dont il
s’agit, déclare ce premier fait pertinent et admissible, en
ce qu’il tend à prouver que l’enfant femelle étoit mort
avant de naître; ordonne qu’il sera informé de ce fait,
tant par titres que par tém oins; et à l’égard des sept
autres moyens de faux présentés par le sieur L a fo n t, il
est ordonné qu’ils demeureront joints à l’incident de faux,
pour en jugement y avoir tel égard que de raison.
Il a été informé en exécution de ce jugement. L e
ptemier tém oin, qui est Pierre Reynaud, desservant de
la succursale de N éris, et adjoint de la com mune, dé
d a le que le a i frim aire, un peu açant quatre heures
¿¿4
�(8)
île t après-midi, il fut appelé par Marie Bournet, épouse
de Gilbert Lafont, dit Chamblant, pour aller administrer le baptême à un enfant né du légitime mariage de
déiunt G ilbert-M arie Lafont et Catherine Lafont. On
lui dit que cet enfant étoit en danger de mort ; il y
courut, et chercha à s’assurer de son existence : il le
toucha, et lui sentant u n 1reste de chaleur, il crut, dans
le doute, pouvoir risquer le sacrement de baptême, qu’il
lui administra à telle fin que de raison. Cette cérémonie
religieuse fin ie, il inteiTogea , comme officier public,
M arguerite R ocliefort, accoucheuse, qui lui attesta que
• l ’enfant étoit né vivant. Après être sorti de -la m aison,
François C o rre, tisserand, voisin de l’accoucliée, et Louis
L a fo n t, gran d -p ère maternel de l’enfant, vinrent lui
déclarer que Catherine L afont, veuve de G ilbert-M arie,
avoit mis au monde un enfant fem elle, à trois heures et
demie de 'l’après-midi; que l’enfant étoit mort à quatre
heures du même jour. Sur leur déclaration relative à
la vie de cet en fan t, il rédigea son acte de naissance;
et sur leur déclaration relative à son décès, ainsi que
sur ce qu’il avoit vu lui-m êm e, il rédigea son acte de
m ort,
«
L e second témoin est François C orre; il.déclare-que
le jour que Catherine Lafont est accouchée , la femme
'du nommé Pignot vint le chercher dans la vigne où il
étoit; elle lui annonça que le curé étoit venu à la maison
de Catherine Lafont pour baptiser son »enfant, et lui dit
que le curé, comme adjoint et officier public, le trou
verait bon pour signer Pacte, Sans expliquer s’il s’agissoit
' d’acte de naissance ou de décès. Il se rendit en elle t en
la
�u »
( 9 ) .
. '
la maison de Catherine Lafont. Il vit l’enfant sur les
genoux de sa fem m e, et ne se st nullement assuré par
lu i -m êm e s'il étoit mort ou vivant lorsqiüil est venu
au monde. L e même soir il alla avec Louis L a lo n t,
grand-père de l’enfant, pour faire faire les actes de
naissance et de décès, chez le sieur Reynaud, oilicier
public. Celui-ci leur dit que les actes n’étoient pas encore
rédigés, et les renvoya au lendemain pour les signer :
effectivement il s’est rendu le lendemain chez le sieur
R eynaud, et a signé les deux actes.
L e troisième témoin est Marie L a fo n t, femme à Jean
T rim ouille, dit Pignot. Elle a déclaré être cousine ger
maine de Gilbert L afon t, et par conséquent alliée au
même degré de Catherine I^afont. Quoique l’ordonnance
défende d’entendre des témoins à ce degré de parenté,
comme il y en a plusieurs autres dans le même cas, tant
dans l’information que dans l’enquête de l’intim ée, l’ap
pelant n’a pas cm devoir proposer aucuns reproches dans
les circonstances extraordinaires où se trouvent les parties.
Les parens sont des témoins nécessaires ; et si on peut
soupçonner de la prévention ou de la partialité dans la
déclaration de ces mêmes parens, la cour d’appel appré
ciera quel degré de conliance ils peuvent inspirer. L ’ap
pelant s’en rapporte à cet égard à la prudence de la cour.
Ce tém oin, au surplus, déclare que comme parente,
amie et voisine de Catherine L afon t, elle s’est rendue
chez cette dernière au moment où elle sentoit les douleurs
de l’enfantement; elle la trouva debout, et soutenue des
sous les bras par la femme de Gilbert Lafont et Marie
Bournct. A van t que l’enfant parût, elle, déclarante, a
E
�( 10 )
vu tomber de ses excrémens; aussitôt elle a dit à Marie
Bournet: V en fa n t est m ort, parce qu’elle l’avoit déjà vu
arriver ainsi. Elle a ouï dire que les enfans qui lâchoient
ainsi leurs excrémens étoient morts avant de naître.
L ’enfant a paru les pieds premiers : l’accoucheuse le lui
fit voir sorti jusqu’aux reins, et lui fit signe que l’enfant
étoit mort. Elle lui demanda de l’eau bénite, qui fut
apportée aussitôt : l’accoucheuse l’a ondoyé sur la partie
du corps qui étoit visible. L ’enfant a resté plus d’une
demi-heure ù venir entièrement au inonde. L ’accoucheuse,
lui dit : E n tre la main du côté du cœ ur, et tu le lui sen
tiras encore battre ; elle lui a répondu : Je ne m’y connois
pas. Mais dès l’instant qu’elle a vu la partie du corps qui
sortoit ainsi, l’enfant lui a paru m ort, ainsi qu’après qu’il
a été venu au monde. Lorsqu’il fut entièrement sorti du
sein de sa m ère, l’accoucheuse lui demanda de l’eau-devie pour le frotter; elle lui en mit au visage, lui a mis
les doigts dans la bouche et y a souillé : l’enfant n’a donné
aucuns signes de vie. La femme Corre le prit sur ses
genoux ; m ais, émue de l’idée que cet enfant pouvoit
être mort, les genoux lui tremblèrent, et ce tremblement
se communiquoit i\ l’enfant. La femme Corre disoit que
cet enfant portoit signe de v ie , et qu’il falloit le porter
à l’église pour le faire baptiser; elle, déclarante, répondit :
Nous serons mal reçues, si nous portons à. M . le curé un
enfant mort. La m ère, qui n’étoit pas encore entièrement
délivrée, dit alors : Mon enfant est peut-être m ort; pour
la tranquilliser, on lui répondit que non. M . le curé
arriva, toucha l’enfant à divers endroits, prit de l’eau
bénite, le baptisa et se retira. L e nommé Corre, qu’ou
�fa i
oil
( n )
avolt envoyé chercher,'arriva aussi, et sa femme lui dit :
T u iras faire faire l’acte de cet enfant; ne manque pas de
dire que tu Vas du vivant, parce q u il Vétoit. Cependant
dans ce temps-là 011 se mettoit en devoir d’ensevelir l’en
fant; et le nommé Corre et Louis Lafont se rendirent
chez M . le curé. D epuis, Catherine Lafont est venue
chez elle, déclarante, et lui a dit : Vous disiez autrefois
que mon enfant étoit venu au monde vivant, et actuel
lement vous dites qu’il étoit mort ; elle lui répondit :
Nous te disions cela dans les temps pour ne pas t’inquiéter
dans l’état où tu étois : je te conseille de t’accorder avec
tes beaux-frères, parce que si je suis appelée en justice
je ne pourrai m’cmpêclier de dire la vérité ; mais elle
répliqua : Ils auront tout, ou je l’aurai. L e témoin ajoute
de plus que Louis Lafont, père de Catherine, lui avoit
fait beaucoup de menaces sur ce qu’elle étoit disposée à
dire la vérilé.
L e quatrième témoin est M arie B ournet, femme de
Gilbert Lafont ; elle est également cousine germaine des
appelans et de l’intimée. Elle dépose que pendant que
Catherine Lafont étoit au mal d’en fan t, elle la tenoit
avec une autre femme nommée Catherine Lafont ; que
l’enfant parut long-temps avant que la mère fût délivrée.
La sage-fem m e demanda de l’eau bén ile, et, en l’on
doyant, dit : J e crois le baptiser en cas dé vie. Elle dit
aussi ù la femme Pignot : T ouch ez, commë son cœur bat.
Cette femme répondit : Vous connoissez votre m étier,
pour moi je ne m’y connois pas. Après tous ces propos,
1 enfant resta près d’ une demi-heure à venir au monde.
L o isq u ’H parut, elle, déclarante, détournant les yeu x,
B 2
J
�tx6
(et
( ** )
ne l’a nullement regardé ; elle ne s’est occupée qu’à mettre
la mère au lit. Pendant qu’elle y travailloit, elle a en
tendu dire dans la maison : L ’énfant a encore de la vie.
E lle, toujours sans le regarder, a dit de le porter à l’église :
l’accoucheuse s’y est opposée. L a déclarante alors a été
bien aise de trouver un prétexte pour sortir de la maison,
et est allé chercher M . le c u ré , qui y est venu. Ce n’est
que long-temps après que M . le curé est arrivé, qu’elle
est rentrée dans la maison, et alors l’enfant étoit sans vie.
M argueviteLafont, veuve Bonnefoi, cinquième témoin,
encore cousine germaine des parties, déclare s’être trouvée
dans la maison lorsque Catherine Lafont est accouchée.
Lorsque l’enfant a commencé à paroître, la sngc-femme
a témoigné de l’inquiétude sur son compte, et a demandé
de l’eau bénite pour l’ondoyer : cependant elle a dit plu
sieurs fois qu’il avoit de la vie. Catherine Lafont a été
à peu près une demi-heure sans se délivrer : lorsqu’elle
l’a é té , la sage-femme s’est emparée de l’enfant, et a de
mandé de l’eau-de-vie. E lle, déclarante, étoit auprès de
la sage-femm e et de l ’enfant; et lorsque la sage-femme
lui a frotté le visage avec de l’eau-de-vie, elle a remarqué
que l’enfant a fait un léger soupir, ce qu’elle a regardé
comme signe do vie : mais depuis elle ne lui en a vu
donner aucun autre.
Telle est l’analise exacte de l’information faite sur une
demande en faux incident, qui étoit aussi indifférente
.qu’inutile dans la cause. On ne voit pas, en effet, quelles
inductions Catherine Lafont pouvoit tirer d’un acte de
naissance qui ne donne aucunes lumières sur le fait im
portant qu’il s’agissoit de vérifier. Cependant Catherine
�*3
U *
(
)
Lafont, effrayée de cette démarche, crut devoir demander
permission de faire une preuve contraire •, et en vertu
d’un jugement du tribunal de M ontluçon, du 7 nivôse
an 12, qui l'y autorise, elle a fait procéder à une enquête
dont on va également dépouiller les déclarations.
L e premier témoin est Marguerite R ocliéfort, veuve
de Gilbert Lafont : c’est la sage-femme qui a accouché
Catherine Lafon t; elle est âgée aujourd’hui de soixantedouze ans; elle est tante par alliance de toutes les parties.
E lle déclare que lors des couches de Catherine Lafont,
elle fut appelée pour lui porter les secours de son art.
Lorsqu’elle fut auprès d’e lle , et qu’elle voulut toucher
la malade, elle trouva que les pieds de l’enfant se présen
taient les premiers; elle sentit que ces pieds remuoient
dans sa main : à mesure que le corps de l’enfant avançoit
de sortir, elle s’apercevoit toujours de son mouvement;
lorsqu’elle fut à même de porter la main sur le cœur
de l’enfant, elle en sentit les pulsations; elle proposa
à la femme P ign ot, qui étoit auprès d’elle, d’y toucher;
ce qu’elle ne voulut faire. I/enfant fut à peu près 1111
quart d’heure à sortir du sein de la mère ; dès l’ins
tant qu’il fut sorti, elle ne lu i sentit plus de mouve
ment : elle demanda sur le champ du vin pour l’en
frotter, ainsi qu’il est d’usage. A u lieu de v in , on lui
porta de l’eau-de-vie ; elle en prit dans la main et en
passa sur le visage de l’enfant : dans ce moment l’enfant
a fait un gros soupir, qu’elle a regardé comme un signe
de vie; mais elle ne lui en a pas distingué d’autre. Aussitôt
elle a remis l’enfant à la femme C o rre, pour s’occuper
de la mère. L e curé de la commune, qu’oji avoit envoyé
�U 1
( 14 )
chercher, est ven u, et a baptisé l’enfant. L a déclarante
le prévint qu’elle avoit pris la précaution de l’ondoyer
avant qu’il fût sorti entièrement du sein de la mère.
François D urin , second témoin, non parent des parties,
a dit avoir soupé chez le sieur Etienne Forichon , officier
de santé, le jour des couches de Catherine Lafont : le sieur
R eynaud, c u ré , étoit à ce souper. Pendant qu’on étoit
à table, le déclarant dit que la veuve Lafont étoit accou
chée : le curé répondit o u i, et dit qu’il avoit été appelé
chez elle, comme officier public. J ’ai touché, d i t - i l ,
l ’enfant sur l’estomac, je lui ai senti de la chaleur ; j’ai
cru lui remarquer de la vie, et j’ai rempli les fonctions
de curé en lui donnant le petit baptême,
L e troisième témoin est M arie B ourn et, femme de
Gilbert L afon t, cousine germaine des parties : c’est la
même qui a été entendue dans l’information faite à la
requête de l’appelant; et comme la déclaration qu’elle a
réitérée est absolument la même que celle précédemment
faite, il est inutile de s’en occuper,
Claire G ilet, femme de François Corre, quatrième té
m oin, non parente, dépose qu’elle étoit chez Catherine
Lafont lorsqu’elle est accouchée. A près que l’enfant a
été entièrement sorti du sein de sa m ère, la sage-femme
a demandé du vin; on lui a donné de l’eau-de-vie. Après
que la sage-femme a eu essuyé un peu cet enfant, elle l’a
porté sur-les genoux d’elle déclarante, et lui a dit de le
laver avec du v in , qu’elle alloit prendre soin de la mère.
E lle a pris l’en fant, l’a lavé avec du vin qu’on lui a
porté dans un plat, lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a^ vu égalemont battre le cçeur, et lui a
�( 15 )
distingué des mouvemens dans le visage lorsqu'on lui
passoit du vin sur cette partie : elle a remarqué qu’il soupiroit; mais l’enfant est resté mort sur ses genoux, et il
a été impossible de distinguer le moment où il a cessé
entièrement de vivre. ■
Gilbert-Jérôm e Guillem in, cinquième tém oin-, déclare
que quelque temps après les couches de Catherine Lafont,
et dons un temps où l’on disoit que les héritiers Lafont
vouloient s’inscrire en faux incident, il a.;soupe avec le
curé de N éris, qui lui dit qu’au moment où Catherine
Lafont avoit accouché il avoit été appelé chez elle comme
officier public; qu’il s’y étoit rendu, et avoit aussi exercé
les fonctions de curé en baptisant son enfant; ce qu’il
n’auroit fait s’il n’eût cru s’être assuré de son existence;
que quelque temps après la sage-femme qui avoit accou
ché Catherine Lafont lui avoit dit chez lui que l’enfant
étoit venu au monde vivant, et qu’elle l’avoit ainsi dé
claré à son confesseur.
L e sixième témoin , Georges Forichon , officier de
santé, déclare que quelque temps après l’accouchement
de Catherine L afon t, et au moment où l’on disoit que
les héritiers Lafont se pourvoyoient en faux incident, il
s’éloit trouvé chez Mari en Forichon avec le sieur R ey
naud , curé de la commune. L e sieur Reynaud dit en sa
présence que le nommé' Corre étoit venu-chez, lui lui
déclarer qu’il avoit vu l’enfant de Catherine Lafont en
V iei que s’il venoit à se rétracter il le dénonceroit au
commissaire du gouvernement. Il ajouta qu’au moment
des couches de Catherine Lafont, il avoit été appelé chez
elle; qu’il avoit senti de la chaleur à son enfant, et lui avoit
�tto
< SI
( 1« )
administré le baptême en cas de vie, sans pouvoir assurer
qu’il fût vivant. Il a aussi ouï dire à plusieurs femmes
que la nommée P ig n o t, femme Trim ouille, leur avoit
déclaré que l’enfant de Catherine Lafont étoit né vivant,
qu’elle lui avoit vu porter plusieurs fois son bras à la
tête, et lui avoit remarqué plusieurs autres signes de vie.
A la suite de ces enquêtes, Catherine Lafont, qui ne
comptoit pas infiniment sur la déclaration des témoins,
s’est bornée à soutenir qu’elle n’avoit besoin d’autres
preuves de viabilité que l’extrait de naissance qui constatoit que son enfant avoit eu vie ; et quoique cet acte
de naissance constatât que l’enfant n’avoit pas été présenté
' ù l’officier public, un moyen aussi futile a fait impression
sur les premiers juges. L e 14 nivôse an 13, la cause portée
à l’audience, après plusieurs séances, est intervenu juge-^
ment contradictoire qui déboute Grilbert Lafont de sa
demande en inscription de faux incident, le condamne
à l’amende de 60 fr. par lui consignée, conformément
cjux articles 4 et
du titre 2 de l’ordonnance de 17 3 7 ,
et en tous les dépens.
A van t de rendre compte des motifs qui ont déterminé
les premiers ju ges, il est à propos de rappeler que le
procureur im périal, dans ses conclusions, observa qu’il
né suffisoit pas pour qu’un enfant puisse succéder et trans
mettre , qu’il eût donné des signes de vie dans le sein
de sa mère; qu’il falloit qu’il fût né vivant; Il remarqua
que de l’ensemble des dépositions des témoins, présentées
respectivem ent, il résultoit seulement que l’enfant de
Catherine Lafont avoit fait un soupir après être sorti tout
4 fait du sein de sa mère; que quelques-uns de ses membres
a voient
_
5
�U1
*7
(
)
avoient palpité. M ais, ajouta-t-il, les auteurs ne sont pas
d’accord sur la question de savoir si ces signes sont carac
téristiques de vitalité. Plusieurs veulent que l’enfant ait
jeté des cris ; d’autres se contentent d’un souille, d’un
soupir; mais aucun n’a régardé la palpitation des membres
comme un signe évident et certain. Il observe avec jus
tesse que le Code civil ne s’explique pas sur les caractères
qui peuvent prouver que l’enfant a eu v ie , ni sur la ma
nière de le prouver. Il conclut en conséquence à ce que
avant de faire droit il soit ordonné qu’un docteur en rnéidecine et un docieur en chirurgie, nommés par le tribunal,
donneront leur avis sur la question de savoir si les sou
p irs, restes de chaleur et de palpitation, dont ¡Varient
quelques-uns des témoins, sont des signes certains de vita
lité; ou si, malgré ces signes, l’enfant doit être réputé
mort né.
Mais le tribunal, peu touché de cette opinion marquée
au coin de la sagesse et de la prudence, en a pensé autre
ment. Il donne pour motif d’une décision précipitée, pour
ne rien dire de plus, i° . que tous les acte^ de l’état civil
font foi jusqu’à inscription'de faux ; 2°. qu’il est établi
par l’acte de naissance que l’enfant de Catherine Lafont
est né à trois heures et demie le 21 frimaire au 11 ; 30. qu’il
est établi par l’acte de décès que, le merne jour, le même
enfant est décédé à quatre heures après m idi, c’est-à-dire,
demi-heure après sa naissance ; qu’ainsi il est prouvé par
acte authentique que l’enfant est né vivant.
Les premiers juges ajoutent que Gilbert Lafont a pris
la voie de l’inscription en faux incident contre ces deux
actes; que par là il s’est imposé la luehc de prouver que
C
,
�(
1 8
5
cet enfant étoit mort avant de naître : mais il n*a pas
rempli cette tâche. L e premier témoin a senti un reste
de chaleur à l’enfant, et lui a administré le baptême à
telle fin que de raison. 11 a ensuite interrogé, comme offi
cier public, l’accoucheuse, qui lui a attesté que l’enfant
étoit né vivant. L e second témoin ne s’est pas assuré par
lui-même de l’existence de l’enfant. L e troisième a tou
jours regardé l’enfant comme mort avant de naître; il l’a
jugé ainsi aux excréjpens qu’il a vu tom ber, aux signes
que la sage-femme a faits,: cependantila même sage-femme
lui a dit. que le cœur de l’enfant battoit encore, lui a
proposé d’y porter la m ain , ce qu’elle n’a voulu faire.
Lorsque l’enfant a été sorti du sein de la mère, le témoin
ne lui a remarqué aucun signe de v ie , quoique la sagefçimne.. l’ait frotté a v e c de l’e a u - d e -v ie , lui ait mis.les
doigts dans la bouche et y ait souillé. L e quatrième témoin
ne s’est pas assuré par lui-même si l’enfant avoit vécu après
sa naissance; mais il a entendu dire dans la maison que
renfant^existoit encore. L e cinquième lui a vu faire un
léger .soupir^qu’il. a,.:rçgai;dp çon^me un signe de vie.
Mais de ces cinq témoins , ¡Je troisième est le seul qui
soutient que cet enfant étoit mort; il pensoit ainsi, d’après
la chute des excrémens et les signes de l’accoucheuse.
Cependant cette même accoucheuse a dit que le, cœur de
l’enfant battoit, a proposé au térrçoin d’y porter la main,
ce qu’il n’a voulu faire , parce qu’il ne s’y connoissoit pas.
L e tribunal, considérant que le prçmicr témoin ,a senti
de la chaleur à l’enfant; qu’il a interrogé l’accoucheuse;
qu’elle lui a attesté que l’enfant etoit né vivant; qu’elle
l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée en témoignage ;
�!9
Ias
(
)
que le quatrième témoin avoit ouï dire dans la maison,
après la naissance de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie;
que le cinquième témoin lui a vu faire un soupir qu’il
a pris pour un signe de vie.
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces décla
rations que l’enfant a plutôt vécu après sa naissance qu’il
n’étoit mort avant de naître; que Gilbert Lafont n’a pas
détruit les deux actes de naissance et de décès, ainsi qu’il
se l’étoit proposé; qu’on en est d’autant plus convaincu,
quand on considère que le quatrième témoin ouï à la
requête de Catherine Lafont, à qui l’accoucheuse a remis
l’enfant pour donner des soins à la m ère, confirme la
déclax’ation de la sage-femme, lui a vu battre le cœ ur,
lui a distingué des njouvemens au visage, et a remarqué
qu’il soupiroit; que d’ailleurs il paroît constant que cet
enfant étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
n'avoit apporté au monde aucuns vices de conformation,
ni aucuns vices de putréfaction.
Les premiers juges concluent que ces dernières circons
tances , jointes aux actes civils et aux déclarations des
témoins, doivent suffire pour constater la vie de l’enfant,
ou au moins le faire présumer vivant.
Ils considèrent encore que Catherine L a fo n t, qui a
été m ère, qui en a couru les dangers, qui a perdu son
enfant, doit obtenir la consolation que la loi lui accorde;
et dans leur sagesse ils en-trouvent assez pour débouter
Gilbert Lafont de sa demande , pour attribuer à une
éti'angère tous les biens d’ une fam ille, et enrichir un
second m ari, qui la consolera mieux encore.
Quel état d’incertitude et d’anxiété pour les parens du
C a
�mari ! Il semble qu’une'* question de ce genre méritoit
peut-être plus d’examen et de maturité; elle tient à l’ordre
public, elle intéresse la société toute entière. L e procureur
impérial sembloit avoir tracé la seule marche que les pre
miers juges avoient à suivre; et les héritiers Lafont, usant
des moyens que la loi leur accorde, bien convaincus de
l’impartialité de la cour d’appel, dont les arrêts sont de
grands exem ples, se sont pourvus contre ce jugement.
Mais avant que la cour prononce, ils désireroient réunir
une plus grande masse de lum ières, en s’adressant aux
jurisconsultes et aux docteurs , pour leur demander une
splution sur le point de savoir si l’enfant femelle dont
Gilherine Lafont est accouchée, a été capable de recueillir
et transmettre la succession de son père.
JLiES a n c i e n s a v o c a t s e t l e s d o c t e u r s
E N M É D E C IN E R É U N IS , qui ont pris lecture des
pièces et mémoires de la cause d’entre Catherine Lafont
et Gilbert Lafont, et notamment de l’information du 13
prairial an 1 1 , de l ’enquête du 10 messidor an 12 , du
jugement définitif dont est appel, du 14 nivôse an 13 ;
ensemble des mémoires à consulter;
que l’enfant femelle dont est accouchée.
Catherine Lafont n’a pas donné des signes de vie assez
évidens pour qu’il ait été capable de recueillir et de
transmettre une succession.
E u examinant cette question en point de d ro it, on peut
E
stim ent
�K J
( 21 )
décider, d’après la loi et les jurisconsultes-, que les signes
de vie que semble donner l’enfant, lorsqu’il est encore dans
le sein de sa m ère, sont absolument indifférons. On ne
considère l’enfant que du moment qu’il a vu le jour, qu’il
est hors du sein de la m ère, ou entre les bi*as de la sagefemme. L a loi pénultième, au code D e posth. hœredib.
inst. en a une décision précise. S i vivus perfectè natu*
est, lit e t, illico postquàm in terram cecidit, vel in manibus obstetricis decesserit, nihilom inùs testamentum
rumpit. Ces expressions, perfectè natus e s t, annoncent
assez qu’on ne doit s’attacher à l’enfant, et remarquer les
signes de vie, qu’autant qu’il est entièrement sorti ex utero
matris. Toutes les expressions de la loi présupposent né
cessairement que l’enfant a entièrement vu le jou r, qu’il
est débarrassé de toutes les entraves : jusque-là il n’est
réputé qu’une portion des entrailles de la mbvc}pars viscerum matris.
11 est certain, nous dit Henrys, tom. 4, p. 202, 5e. plaid.
n °. 2, qu’un enfant ne peut être censé vivant, ni capable
de succession, s’il n’est hors le ventre de la m ère, et s’ il
ne touche la terre, ou du moins ne se trouve entre les
bras de la sage-femme. Quelques signes de vie qu’il ait
pu donner, ils ne sont pas plus considérables que les
actions vitales qu’il a pu faire dans le ventre de la mère.
Comme ce 11’est pas assez qu’il ait eu vie dans le sein ma
ternel, s’il ne vient à naître, il ne sufïit pas aussi que,
venant h sortir, il paroisse vivant, et en donne quelques
signes, s’il ne sort entièrement et ne quitte la matrice.
Il faut qu’il s’en détache, autrement- il est plutôt censé
une portion de la mère qu’une personne vivante : il ne
«ci
�( 22 )
vit que par elle, et n’a pas d’autre subsistance; et par
conséquent ne peut établir un degré dans les successions.
M . Domat, Lois c iv ile s, tit. 2 , n°. 6 , enseigne que
les enfans qui sont encore dans le sein de leur mère n’ont
pas leur état réglé, et qu’il ne doit l’être que par la nais
sance. Jusque-là, dit-il, ils ne peuvent être comptés pour
des enfans, non pas même pour acquérir à leur père les
droits que donne le nombre des enfans. P a rtu s antequàni
edaturym uîierisportio est, velviscerum , L . ï, §. 1, ff. D e
inspect. vent. P a rtu s nondiim ed itu s, homo non rectc
f u is s e dicitur. L . 9, in jin . ff. A d leg.Jalc. Henrys s’appuie
également sur l’avis de Bartliole, d’A lc ia t, de Tiraqueau,
dans son commentaire sur la loi S i unquiim , au code D e
revocand. donat., ouvrage très-estimé; et enfin de T e rtu llien , qui s’exprime ainsi : M entior s i non statïm injfan s utvitam vagitus satura v it, hoc ipsum se testatur
sensisse ? atque intellexisse quod natus est : omnes sirnul
dedicans sensus , et luce v isu m , et sono auditum , et
lannore gustum , et aere odoratum, et terra tactum.
Il résulte de ces autorités que, pour réputer un enfant
viable, il ne suffit pas qu’il ait paru vivant au passage,
il faut qu’il ait donné des signes de vie après être entiè
rement sorti du sein de la m ère, aux termes de la loi 3
ci-dessus citée : S i vivus perfectè natus est,
Ilen rys, t. 3 , liv. 6 , cliap. , question 21 , examine
encore à quels signes on peut reconnoître si l’enfant est
vivant après qu’il est sorti du sein de la m ère, et si l’éjec
tion des excrémens notamment est un signe suffisant de
vitalité. H paroît qu’Hemys a voit cherché la solution dans
¿os pères de la médecine, dans Ilippocrate, Galion et
5
�ia
6
C 2 3 )'
Avicène \ il décide, d’après l’autorité de ces grands
hommes, quel’éjectiondes excrémens n’est pas une preuve
de vie. D ’après Hippocrate, liv. 4 , aphorisme 23, et l’ex
plication que donne Galien de cet aphorisme , cette éjec
tion arrive souvent dans un cadavre, pai’ce que les excré
mens s’épanchent et tombent d’eux-mêmes. Si la chaleur
vitale en est la cause commune, il ne s’ensuit pas qu’elle
soit absolument nécessaire ; c’est aussi souvent une preuve
de dissolution qu’une preuve de vie : dès-lors on ne peut
en tirer aucune preuve de vitalité.
• Bretonnier appuie l’opinion d’Henrys; il se fonde sur
le sentiment de Ménocliius , de Paul Zachias, dans ses
Questions médico-légales, liv. 1 , tit. 2 . quest. 6 , n°. 8,
qui décide que l'enfant ne doit être réputé viable qu’au
tant qu’il rem ue, crie , éternue, et épanche son urine :
S i voce/n e miser i t , s i spiraperit, s i membra distenderitj'velse m overit, s i sternulaverit, et urinam reddat,
Bretonnier cite encore Acaranza , médecin espagnol,
en son traité D e partit, nos. 32 et 3 4 , qui exige des
signes évidens et certains, et qui apprend qu’en Espagne
il y a une loi qui définit qu’aucun enfant n’est censé
parfait et viable, s’il ne survit pendant vingt-quatre heures
après sa naissance, et s’il n’a reçu le baptême. Jure verb
nostro regio , lege taiiri nullus est partus m aturus, et
vitalis qui viginti quatuor horas ab editione non superv ix e r it, et sitnulJ'uerit baptizatus.
Bretonnier ne peut s’empêcher de remarquer que cette
lo i est Irès-judicieuse, et qu’elle devroit être adoptée parmi
nous pour éviter toute difficulté. En eil’e t , nous sommes
encore dans un état d’incertitude sur ce point : il eût été
�(H )
à désirer que le Code civil contînt un règlement à cet
égard; niais on n’y trouve qu’une seule disposition qui
puisse s’y appliquer ; c’est celle exprimée en l’art. 725
qui porte que l’enfant qui n’est pas né viable est incapable
de succéder.
Il faut donc en revenir aux anciens principes ; et on'
ne peut trouver de meilleur guide que R icard , dans son'
Traité des dispositions conditionnelles, chap. ,sect. ,
n°. 503 etsuivans, où il soutient qu’il faut dés signes de>
vie évidens et certains,parce que la mort étant certaine,
c’est à celui qui veut tirer avantage de la vie de véx*iGer
sa prétention par des témoignages convaincans.
O n pourroit encore invoquer l’opinion de L e B ru n ,
dans son Traité des successions , et une foule d’autres
auteurs qui n’ont fait que copier les précédens. En appli
quant ces autorités à l’espèce particulière, on remarque,'
i°. que l’enfant ne doit être considéré que lorsqu’il est*
sorti du sein de la mère. Tous les mouvemens qu’on a
pu apercevoir dans l’instant de la délivrance, avant que
l’enfant ait touché la terre, ou qu’il soit sur les genoux de *
la sage-femme , sont insignifians,
•
2°. Lorsqu’il est sorti du sein de la m ère, il faut des
signes de vie évidens et certains, des mouvemens n o n ’
équivoques, et qui ne soient pas un reste de palpitation
ou de chaleur. Il 11es’agit donc que d’analiser les enquêtes,'
et d’examiner si on y trouve des présomptions assez fortes,
ou des preuves que l’enfant de Catherine Lafont est né
vivant.
'
On commencera par celle faite à la requête de Cathe
rine L afd u tj.ct ce n?est pas intervertir l’ordre, quoique
celte
5
5
�*5
(
)
cette enquête soit postérieure à l'inform ation, parce‘que
la mère devoit prouver que l’enfant avoit eu vie , tandis
que l’objet de l’appelant étoit d’établir que l’enfant étoit
mort. né.
■
L a sage-femme, premier témoin , et cousine germaine
des parties , a remarqué d’abord que les pieds de l’enfant
se présentoient les premiers ; elle sentit les pieds de cet
enfant remuer dans sa main ; à mesure que le corps de
cet enfant avançoit de sortir , elle s’apercevoit toujours
de son mouvement: elle porta la main sur le cœ ur, elle
en sentit les pulsations; elle proposa à la femme Pignot
d’y tou ch er, ce qu’elle ne voulut faire.
<
Ces premiers signes aperçus par la sage-femme ne peu
vent donner aucunes lumières. L ’enfant n’étoit pas encore
né ; il étoit toujours dans le. sein de la m ère, et ces moiir
vemens appartenoient à la mère. U n corps inanimé , sus
pendu , se meut par son propre poids ; mais ce m ouve
ment ne peut être regardé comme un signe de vitalité,
»Les pulsations du cœur remarquées toujoursr dans le
sein de la m ère, ne seroient pas plus convaincantes; mais
dès qu’il ne faut considérer l’enfant que lorsqu’il a touché
la terre, on ne doit pas s’arrêter à des signes aussi équi
voques.
La sage-femme ajoute que l’enfant fut à peu près un
quart d’heure à sortir entièrement; e t , dès l’instant qu’ il
fut sorti, elle ne lu i a plus senti de mouvement : circons
tance remarquable, qui prouve que l’enfant n’a jamais
pu être compté au nombre des êtres vivans. Lorsqu’elle
u passé de l’eau-,de-vie sur le visage de l’en fan t, il a fait
uu gros soupir qu’elle a regardé coiu.me un signe (Je vie;
^
.D
�(26)
mais elle ne lui en pas distingué d'autres. E li quoi ! un
seul soupir, qui peut n’être qu’ un mouvement expiratoire,
remarqué dans un instant de trouble, seroit-il donc suffisant
pour faire présumer la vitalité ? L a sage-femme a remis
l’enfant à la voisine pour s’occuper de la mère : le curé
est v e n u , et a baptisé l’enfant -, mais elle a prévenu le
curé qu’elle avoit pris la précaution de l’ondoyer avant
qu’il fût sorti du sein de la mère.
Cette sage-femme , qui ne s’appesantit pas davantage
sur les détails de son opération, déclare ensuite ne savoir
n i lire n i écrire. Comment une femme illitérée pourroitelle inspirer quelque confiance dans une matière aussi
importante? Peut-elle avoir assez de connoissances dansson
art, pour raisonner et tirer des conséquences sur des signes
aussi incertains que ceux dont elle rend compte ? Sa décla
ration ne pourroit être de quelque poids, qu’autant qu’elle
seroit appuyée oii corroborée par l’opinion d’un homme
de l’art. Il est assez étrange q ue, dans un moment aussi
critique, on n’ait pas appelé un médecin ou un chirur
gien : l’état de la mère et de l’enfant sembloit exiger cette
précaution ; l’intérêt de toutes les parties le commandoit
impérieusement ; et c’est à la mère , ou au grand-père
présent, qu’on doit faire le reproche de n’avoir pas cons
taté les faits d’une manière certaine , puisque , pour se
servir des termes de R icard , elle devoit tirer parti de la
vie de son enfant; et c’étoit à elle à l’établir.
L e second témoin est un marchand cafetier qui soupoit
en villeavec lecuré,le jour des couchesde Catherine Lafont,
et qui ne répète que ce qu’il a oui dire au curé , qui
étoit un des convives. Sa déclaration est donc absolument
insignifiante.
�( 27 )
Vient ensuite la femme Bournet^ cousine germains
des parties , qui n’apprend autre chose, sinon que l’enfant
a été ondoyé avant qu’il fût sorti. Elle a entendu la sagefemme proposer à la femme Pignot de le loucher , pour
sentir comme son cœur battoit ; cette femme a refusé de
le faire : pour elle , elle n’a jamais porté les yeux sur l’en
fant. D e la manière dont elle s’exprim e, il paroît qu’elle
le croyoit m o r t, et qu’elle avoit quelque répugnance à
le considérer. Cependant elle a entendu dire qu’il avoit
de la vie ; elle a recommandé , dans ce cas, de le porter
à l’église : mais on a répondu qu’il ne falloit pas aller à
l’église , et seulement envoyer chercher le curé. Elle étoit
charmée de trouver un prétexte pour sortir de la maison ,
parce qu’elle étoit elle-même fatiguée ; elle s’est empressée
d’aller chez le curé; elle n’est rentrée que lorsque celui-ci
sortait, et pour lors elle a vu que l’enfant étoit décidé
ment mort.
On ne voit pas quelles inductions on pourroit tirer de
cette déclaration. Y a -t-il, dans tout ce qu’a dit le témoin,
quelques signes de vie évidens ? Cette femme n’a pas osé
jeter les yeux sur l’enfant dans les premiers momens ;
cependant elle soutenoit la mère ; elle a été témoin des
alarmes de la sage-femme : enfin elle 11’a vu l’enfant que
lorsqu’il étoit décidément mort.
Claire Gilet étoit chez Catherine Lafont lorsqu’elle est
accouchée. Après que l’enfant a été entièrement sorti du
sein de la m ère, la sage-femme l’a essuyé un peu avec de
1 eau-de-vie ; elle l’a ensuite porté sur les genoux d’elle
G ile t, lui a recommandé de le laver avec du vin , ce
qu elle a iait ; elle lui a vu remuer les bi'as trois ou quatre
D a
�y*
n*i
( 28
fois, lui a vu battre le cœ ur, lui a distingué des mouvemens dans le visage lorsqu’on lui passoit du- vin , a re
marqué qu’il soupiroit ; mais l’enfant est resté m ort sur.
ses genoux : il' lui a été impossible de distinguer le moment
où il a entièrement cessé de vivre.
•
Cette’ Claire Gilet est la femme de François Corre.
Peut-pn compter sur ce qu’elle dit avoir aperçu ? O11
verra bientôt- qu’elle trembloit elle-m êm e de tous sesi
membres;¿et ce qu’elle a cru sentir ou apercevoir peut
être l’effet de■
l'imagination effrayée: car, dans L’état où.
il paroît qu’étoient tous les assistans ; il ne seroit pas.
étonnant que le dépôt d’un cadavre sur ses genoux lui
eût inspiré de l’effroi. M^ais s’il est vrai qu’il n’y a qu’un»
point entre la vie et la m ort, et que ce point étoit im-r
perceptible pour le témoin lui-même , puisque Penfant»
est resté mort sur ses genoux sans qu’elle ait pu distinguer
le moment où il a cessé de v iv r e , de quel poids peut être
une déclaration aussi incertaine?
X^es cinquième et sixième témoins n’étoientpoint présens
à l’accouchement ; ils ne parlent que sur la relation qui
leur a été faite par le curé et quelques femmes, plusieurs
jours après les couches de Catherine Lafont. L eu r dépo
sition n’est donc d’aucune importance pour le fait dont
il s’agit ; et c’est à quoi se réduit l’enquête de Catherinel
Lafont.
L ’information faite à la requête- de l’appelant laisse
encore moins de doutes sur la mort de l’enfant. L e curé,
qui est le premier témoin , fut appelé un peu avant quatre
heures par M arie Bournet (. troisième témoin de l’en
quête ) , pour aller administrer le baptême à l’enfant,
�9
'
( * .)
q u i, lui dit-on, étoit cd danger de mort. Il‘ y. courut f
chercha.à s’assurer de son existence, le toucha; et,'.lui,
sentant un reste de chaleur, il crut dansjle doute, pouvoir
risquer lé sacrement de baptêm e, qu’il lui administra, à,
telle lin que de raison.
• .
.
.
Ce langage, annonce assez que le curé avait des doutes;
il s’exprime-.plutôt en homme religieux, qu’en, homme
instruit. Ce-reste de chaleur, avoit été contracté dans le;
sein de la m ère, et n’étoit point un signe de'.vie y il n e
couroit aucun.danger en administrant,le baptême, et remplissoit un devoir, en ne le donnant q u à tellefin que derai
son, Si la sage-femme lui a dit que l’enfant étoit né vivant;:s’il a rédigé ensuite les actes de .naissance et -do décès>
comme officier p u b lic, il ne l’a fait que sur la déclara
tion de François Corre et de l’aïeul maternel ; mais il n?en
étoit pas mieux, éclairé -, on.ne lui a pas même représenté»
ïenfantv - ;>•
-,
Il
résulte de la déposition de François C o rre , qu’it
n’étoit pas. présent à l’accouchement; qu’on l’est vemij
chercher dans sa vigne. On lui a annoncé que le curé,
étoit allé u la maison.de Catherine Lafont pour baptiser,
son enfant; ou lui a dit q,ue le cu ré , comme adjoint .et
officier public , le trouverait bon pour signer Pacte, sans,
expliquer s’il s’agissoit d’acte de naissance ou de décès.,
Il se rendit en effet en la maison de Catherine L afon t;
il vit l’enfant sur les genoux de sa femme. Il ne s’est nul
lement assuré par lui-même s’il étoit mort ou vivant; sa.
femme lui a dit qu’ il étoit vivant lorsqu’il est venu au.
m onde, et le même !soir il-est allé le déclarer ainsi à
1 officier public,. Quelle confiance doit-on avoir en. ces
�MX
M
3
•
( ° )
actes de naissance et de décès, dès que l’un des témoins
déclare qu’il ne savoit pas lui-même si l’enfant avoit eu
v i e , et lorsque celui qui l’accompagne est l’aïeul maternel
de l’enfant ? On ne conçoit pas même comment l’appelant
a pu avoir besoin de s’inscrire en faux contre ces deux
actes. Loin de chercher à les détruire il faut les conserver,
puisque ces deux actes ne sont faits que sur la relation
d’un témoin qui n’a rien v u , et d’un autre qui est inté
ressé k la chose. L ’enfant n’a pas été représenté ; l’oifiçicr
public ne sait rien et n’atteste rien par lui-même. Les
deux actes de naissance et de décès sont faits dans le même
instant ; et loin d’être avantageux à Catherine L afo n t, ils
tendent au contraire à prouver que l’enfant n’a pas eu un
moment d’existence.
L e troisième témoin de l’information est M arie Lafont y
femme Pignot; c’est elle qui a vu tomber les excrémens
avant que l’enfant parût : elle a regardé cette circonstance
comme un signe de dissolution. E lle a dit que l’enfant étoit
m o rt, parce qu’ellél’avoit déjà vu arriver ainsi, et qu’elle
avoit ouï dire que les enfans qui lâchoient ainsi leurs excrémens étoient morts avant de naître. L ’enfant a paru les
pieds premiers ; l’accoucheuse le lui a montré sorti jus
qu’aux reins ; elle lui fit signe qu’ il étoit mort ; elle lui
demanda de l’eau bén ite, et l’ondoya sur la partie du corps
qui étoit visible. L ’enfant a resté encore plus d’une demiheure à venir entièrement au monde. L ’accouchcuse lui
a dit : Entre la main du côté du cœur , et tu le lui sentiras
encore battre ; elle a répondu qu’elle ne s’y connoissoit
pas. Mais dès l’instant qu’elle a vu la partie du corps qui
jsortoit ainsi , lenfant lui a paru moi-t , ainsi qu’après
�11*•
( 31 )
qu’il a été venu au monde. Lorsqu’il a été entièrement
sorti, l’accoucheuse l’a frotté au visage avec de l’eau-devie , lui a mis les doigts dans la bouche, y a soufflé ; l’en
fant n’a donné aucuns signes de vie : la femme Corre l’a
pris sur ses genoux. Emue de l’idée que cet enfant pouVoit être m o rt, les genoux lui trembloient ; ce tremble
ment se communiquoit à l’enfant. La femme Corre disoit.
qu’il portoit signe de vie, et qu’il falloit l’envoyer à l’église
pour le faire baptisei\ Marie Lafont répondit qu’on seroit
mal re çu , si on portoit à M . le curé un enfant mort. La
mère n’étoit pas encore entièrement délivrée; elle s’écria :
M on enfant est peu t-rôtre .mort ! Pour la tranquilliser, on,
lui dit que non. L e cu ré, qu’on étoit allé chercher , est
ven u , a touché l’enfant à divers endroits, a pris de l’eau
bénite, l’a baptisé, et s’est retiré. L e nommé C orre,
qu’on a voit envoyé chercher, Ust aussi venu. Sa femme
lui a dit : Tu iras fa ir e fa ir e Pacte de cet enfant; ne man
que pas de dire que tu Tas vu vivant, parce qiCil üétoit.
Dans ce temps-là cependant on se mettoit en devoir de
l’ensevelir. D epuis, Catherine Lafont est venue la voir,,
et lui reprochoit qu’autrefois elle disoit que son enfant
étoit venu au monde vivant, et qu’actuellement elle disoit
qu’il étoit mort. Elle lui répondit : Nous te disions cela dans
le temps pour ne pas t’inquiéter dans l’état où tu étois.
On s’est appesanti sur cette déposition , parce qu’elle
est plus détaillée et plus circonstanciée que les autres. L e
témoin a mieux observé : plus rapproché de l’accou
cheuse , il a été à portée de tout v o ir , de tout remar
quer; et scs observations, ainsi que son récit, prouvent
a n en pas douter, qxie l’enfant n’a eu aucun instant de vie.^
�WK
^ * |4
3
( *)
'
L ’autre témoin est M arie Bournet, qui a été aussi enfendùe dans l’enquête, et qui ne fait que répéter sa décla
ration.
Il
n’en reste plus qu’un , qui est Marguerite L a fo n t,
veuve Bonncfoi; elle s’est trouvée dans la maison deCatlierine Lafont au moment de ses couches ; elle est cousine
germaine ; elle a rem arqué, lorsque l’enfant a commencé
a paroître, que la sage-femme témoignoit de l’inquiétude;
qu’elle a demandé de l’eau bénite pour l’ondoyer.Cependant
cette sage-femme a dit plusieurs fois qu’il avoit .de la vie.
Catherine Lafont a été à peu près une demi-heure sans
se délivrer. Lorsqu’elle l’a été , la sage-femme a frotté
. le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie ; e t, pendant
cette opération , la déclarante a remarqué que l’enfant a
fait un léger soupir. Elle l’a bien regardé comme signe
de v ie ; mais depuis elle ne lui en a vu donner aucun
autre,
.
Ce sont là les seuls éclaircissemens qu’on a obtenus sur
le fait important qui gissoit^en preuves. 11 faut en con
venir'; si de légers signes aussi équivoques pouvoient être
déterminans sur une question d’un si grand intérêt, la
fortune des citoyens seroit sans cesse flottante et incer
taine! encore les témoins ne sont-ils pas d’accord sur ces
signes si légers et si douteux. A la lecture des enquêtes,
on voit que le moment des couches de Catherine Lafont
fut un moment de terreur et d’effroi pour tous les assis
tons. Des femmes parentes et officieuses , ordinairement
si touchantes dans ces tendres soins , n’éprouvent que de
la répugnance et de la crainte; l’une refuse de toucher
l’enfant; l’autre éprouve un tremblement universel lors
qu’on
�14*
33
(
)
qu’on le dépose un instant sur ses genoux , et s’aperçoit
bientôt qu’elle ne tient qu’un cadavre. On ne s’occupe
que de la mère , on cherche à la rassurer par des paroles
de consolation : mais on a la conviction de la mort de
l’enfant. Dans les heureuses couches, l’instant de la déli
vrance est un moment de joie ; on n’éprouve que le plaisir
de voir naître son semblable ; et l’heureuse délivrance
d’une jeune mère de famille comble tous les vœux : on
l’environne, on la félicite ; elle est accablée de caresses.
La naissance de l’enfant est annoncée avec sensibilité :
c’est un jour de fête. I c i , au contraire , les assistans sont
consterne^ ;la mère est inquiète, un silence funeste l’épou
vante: elle s’écrie, M on enfant est m ort! On veut la ras
surer suivant l’usage ; on craint une révolution dans l’état
critique qui précède la délivrance : mais il est impossible
de feindre ; et les témoins, en rendant compte des détails,
ne présentent qu’un tableau de deuil et de douleur.
L ’enfant est né sans vie! voilà la seule induction qui
puisse résulter des enquêtes. Les circonlocutions, les hési
tations des témoins ne permettent pas de douter. On
plaint la m ère; mais on est convaincu que son enfant
est mort avant de naître.
- La succession de cet enfant pourroit-elle consoler une
m ère? A h ! que l’intérêt approche peu de ce sentiment
que la nature a gravé dans son cœ ur! et ce n’est qu’avec
l’œil du mépris qu’on doit envisager ce m otif du juge
ment dont est a p p el, portant « que Catliçrine L a fo n t,
* qui a été m ère, qui on a couru les dangers,doit être
« -consolée par la succession. » L e cœur n’a pas dicté ce
E
�’ ( 34 )
m otif absurde ; et dans les tribunaux , lorsque l’esprit
n’est pas convaincu, là finit le ministère du juge.
Loin de nous ces motifs de considéi-ation, qui nous
' jetteroient dans un arbitraire dangereux, et qui sont mar
ques au coin de la dépravation et de l’insensibilité.
Si on les envisage même sous le rapport politique, est-il
bien intéressant que les biens d’un individu passent dans
une famille étrangère, qu’ils aillent enrichir un second
époux aux dépens des héritiers légitimes (* ) : on ne voit
pas ce qu’y gagneroit la société ; on ne trouve pas de motifs
assez puissans pour faire fléchir la sévérité des lois , in
tervertir l’ordre des successions.
Les premiers juges se sont encore déterminés par la
circonstance que l’acte de naissance devoit faire foi. Mais
cct acte de naissance, que prouve-t-il ? L ’officier public, le
seul qui puisse donner par son caractère quelque authen
ticité à sa déclaration , n’atteste i’ien par lui-mêm e; il ne
'rédige que sur la relation d’autrui, sur le rapport d’un
aïeul intéressé qui n’a rien vu , rien entendu ; sur la dé
claration d’un homme qui a avoué n’avoir pas vu l’enfant
vivant.
Les information et enquête détruisent la déclaration
de François Corre , seul témoin à l’acte de naissance. L ’officier public, qui a encore la qualité de curé , n’est pas
même en état d’attester le fait ; il est dans l’incertitude ,
lorsqu’il remplit les devoirs de la religion dont il est le
ministre.
L o rsq u e le m ém oire étoit à l ’im pression, on a été instruit que
C ath erin e L a fo n t \enoit de contracter un second m ariage.
�35
(
)
II aperçoit, il sent un reste de chaleur ; il risque, dans,
le doute, le sacrement de baptême , à telle fin que de
raison. L ’acte de naissance rédigé par lui ne fait donc
aucune preuve, et ne devoit pas influer sur la décision
des premiers juges.
Jusqu’ici les jurisconsultes ont seuls raisonné d’après
les principes du droit et les assertions des auteurs les
plus accrédités \ ils croient avoir rempli leur tâche ; ils
se flattent d’avoir démontré que l’enfant de Catherine
Lafont n’étoit pas viab le, et n’a pu transmettre une suc
cession qu’il étoit incapable de recueillir. Les docteurs à
leur to u r , après avoir mûrement examiné l’information
et l’enquête, pensent que ces deux pièces ne donnent pas
Une solution satisfaisante.
Elles ont besoin d’une explication et d’un développe
ment puise dans les principes de la physique médicale,
afin d’atteindre ce degré de probabilités médico-légales
qui doit édifier les magistrats.
Pour répondre affirmativement ou négativement sur
la vie ou la mort de Venfant Lafon t au moment de sa
naissance, il est nécessaire d’exposer que la vie est un
mouvement continuel, successif et réciproque des solides
et des fluides de tout corps animé, formant l’ensemble des
fonctions qui résistent à la mort,
I^a vie se divise en animale et en organique.
La vie organique se compose d’une succession habi
tuelle de contractions, d’oscillations,’ d’assimilations, d’ex-
�( >u
C 3 6 )
crétions , qui fait rèjeter ou retenir les molécules des
corps qui peuvent servir ou nuire à son accroissement;
elle est indépendante de la perception ; elle est commune
aux animaux et aux végétaux (*).
La vie animale consiste dans la perception des sensa
tions nuisibles ou utiles, agréables ou douloureuses ; la
faculté d’exprim er par la vo ix articulée ou inarticulée,
ses désirs et ses craintes, ses peines et ses plaisirs.
Cette vie est le partage exclusif de tous les animaux ,
et constitue essentiellement leur existence.
P our déterminer si l’enfant Lafont a joui de l’une et
de l’autre v ie , les docteurs entreront dans l’analise de
l’information et de l’enquête, en s’attachant seulement
aux déclarations des témoins de visu.
L ’un a senti des restes de chaleur ; un autre a dit avoir
vu rendre des excre'mens avant la naissance complète ;
un autre propose de toucher le cœur , q u i l dit battre
encore ,* un autre dit avoir vu rendre un seul et dernier
soupir ; un autre dit avoir senti les pieds de l’enfant
remuer entre ses mains , ainsi que le mouvement du cœ ur,
lui avoir fait des frictions sur le visage avec de l’eau-dcv ie , lui avoir mis le doigt dans la bouche , y avoir soufflé,
et vu rendre un dernier soupir ; un autre dit avoir mis
l’enfant sur ses genoux , lui avoir lavé le visage avec de
l’e a u - d e - v ie , avoir vu remuer te bras et soupirer *
un autre enfin déclare- que les genoux de la femme sur
{*) Bichat, Rrcclicrches physiolog. sur la vie et la mort.
�MO)
37
(
)
lesquels étoit placé l’enfant lui trembloient de pour, et que
ce tremblement s’eloit communiqué à l’enfant.
Ge tremblement de genoux ainsi communiqué à l’ènfant, ne peut-il pas en avoir imposé pour un mouvement
qui lui fut personnel ?
Quelles inductions tirer de ces déclarations? Les signes
de vitalité qui en résultent n’indiquent autre chose qu’un
reste de contractilité et d’irritabilité, attributs, de .la vie
organique, mais indices de la cessation encore récente de
la vie animale.
Parmi les signes les plus saillans de cette contractilité
organique , il faut compter les déjections dés matières
fécales dont il est parlé, dans les dépositions , long-temps
avant la sortie de l’enfant du sein dç sa m ère, annoncées
par l’un des témoins comme symptôme de mort.
Les signes non équivoques de la vie animale consistent,
comme on l’a d it, dans la perception des sensations nui
sibles ou utiles, etc. Si l’enfant Lafont eût épx*ouvé le
contact de l’air atmosphérique sur la surface du corps ;
si ses poumons eussent eu la force de supporter le volume
d ’air nécessaire pour la respiration , première fonction de
la vie animale, il l’auroit exprimé par les cris toujours
naturels aux nouveaux nés ; aucunes déclarations ne font
«îention de ces cris; quelques-unes seulement parlent
d un dernier soupir, d'un léger soupir : mais ce dernier
mouvement expiratoirc, atonique et passif, n’est point la
respiration.
La respiration se compose du double mouvement actif
�133
(
)
de l’inspiration, et passif de l’expiration : un dernier
soupir , un léger soupir, doivent donc être considérés
comme le dernier mouvement expiratoire passif, propre
ment dit expiration dernière, ou la m ort, et peut-être
encore comme l’effet de l’insuflation..........
Tous les signes de vitalité qu’on peut recueillir de l’in
formation et de l’enquête , ne sont que des indices de
contractilité et d’irritabilité, attributs de la vie organique,
tels qu’on les observe sur les cœurs nouvellement arrachés
du sein des animaux , sur les têtes récemment séparées
de leurs troncs , sur les chairs encore palpitantes des ani
maux pendus à la boucherie, sur les trachées-artères ou
l’arynx des oies, que les enfans insufflent dans les rues
pour en tirer un bruit semblable aux cris de l’oie ; tels
enfin qu’on les excite, par les nouveaux procédés galva
niques , sur tout ou partie des animaux morts depuis
peu.
Si la distinction que les docteurs viennent d’établir
étoit arguée de subtilité métaphysique, ils répondront
qu’elle est reconnue par tous les physiologistes modernes;
q u e, puisée dans la nature, elle doit être consacrée par
la loi ; et qu’au commencement du siècle dernier cette
grande vérité fut pressentie par Paul Zacliins, dans son
fameux Traité sur les questions médico-légales. Cet auteur
s’exprime en ces termes: P r o mortuo habetur, qui vi-r
çere non potest.
Par tous ces motifs , le conseil estime que si l’enfant
Lafont a porté en naissant quelques restes de vie orga
nique, il n’a pas joui dçs conditions qui çonsituenl la vio
�IM
39
C )
toute entière ; e t , pour s’expliquer plus nettement, qu’il
est mort avant d’être né.
D
é l i b é r é
8 5
à R io m , le 24 novembre 1 o .
P A G E S (de R io m ), B A R T H E L E M I ,
ancien avocat.
doct. en méd.
ANDRAUD,
anc. av .
D E VAL,
anc. av.
GRANCHIER,
anc. av.
C H O S S IE R ,
doct. en méd.
G E R ZA T,
doct. en méd.
M e. V E R N I È R E , avoué licencié.
A R I O M , de l’im prim erie de L
andriot,
seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — F rim aire an 14.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Gilbert. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Bartelemi
Andraud
Granchier
Chossier
Deval
Gerzat
Vernière
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire et consultation pour Gilbert Lafont, propriétaire, aubergiste de la commune de Néris-les-Bains, appelant de jugement rendu au tribunal de Montluçon, le 14 nivôse an 13 ; Et encore pour Jean Bournet, Marie Lafont, sa femme ; appelans d'un jugement rendu au même tribunal, le 19 ventôse an II ; Contre Catherine Lafont, veuve et commune de Gilbert-Marie Lafont, habitante de la même commune de Néris-les-Bains, intimée.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1506
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_G1508
BCU_Factums_G1507
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53246/BCU_Factums_G1506.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme