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7®îü'j
MÉMOIRE
POUR
L e sieur B O U R N E T , p ro p ri ét a ire , h a b i t a n t de la
• DE RIOM.
v il le d' Iss oir e, A p p e l a n t ;
2e CHAMBRE.
CONTRE
Jean
B O N N A F O U X , p ro p rié ta ire, habitant au
lieu de L u za règ u es 3 com m une de M o lè d e , dépar
tement du C antal ; J e a n V I A L F O N T , secrétaire
i
de la s o u s - p réfectu re de S a in t- F l o u r , et dam e
F rançoise
D E L A R O C H E , son ép o u se;
V IA L F O N T , Jeanne V IA L F O N T ,
H e n r i
sa soeur,
propriétaires , habitans d u lieu de M o lèd e ; J e a n n e
V IA L F O N T
et A n t o i n e
F O U I L L O U X , son
m ari, q u i l ' autorise, propriétaires,
habitans d u
lieu de B o u f e le u f, com m une d ’A u r ia t 3 même d é
partem ent du C a n ta l, intim és ;
EN PRÉSEN CE
D e d ame
.
Amable-H e n r i e t t e D E C H A U V I G N Y D E
B L O T , veuve de M. C l a u d e - E t i e n n e - A n n e t D E S R O I S propriétaire, habitante de la ville de M ou
lins, et de M. A n n e t comte D E S R O I S , propriétaire,
habitant de la ville de P a ri s , rue Bl an c, n° 1 7 5 ,
défendeurs en assistance de cause.
L
orsqu’ en
COTJR ROYALE
1814 un gouvernement nouveau s’établit
en Fra nc e, le prince qui en était le c h e f , après avoir
publié uue charte q u ’ il destinait à rallier toutes les
�v° ήf
'
( - )
opinions, exprima bientôt le vœu d ’effacer ju sq u’aux
dernières traces des haines et des proscriptions qui
avaient affligé tant de Français.
C ’est dans cette sage pensée q u ’il abolit d ’abord
toutes les inscriptions encore existantes sur les listes
des émigrés, et q u ’il proposa ensuite aux chambres
un projet de loi sur la remise des biens non vendus.
Les chambres s’empressèrent de concourir à cet acte
de justice, et la loi du 5 décembre 1814 fut émise.
L e b ut de cette loi était clairement manifesté par ses
expressions ; elle voulait que les biens fussent rendus
en nature à ceux q ui en étaient propriétaires, ou à
leurs héritiers ou ayan t cause.
Ces termes : a u x propriétaires ou à leurs héritiers,
n ’étaieut pas é q u ivo q u es; ceux-là seuls, qui étaient
héritiers naturels des émigrés, avaient droit aux biens
rendus -, des étrangers légataires ou cédataires ne de
vaient pas etre admis à les réclamer, parce q u ’ils
n ’étaient rendus qu'à la famille de l ’émigré, h ses pa-
i
♦
rens les plus proches.
Aussi les tribunaux s’empressèrent-ils, dès l ’origine,
de repousser les demandes de ces étrangers ambitie ux ,
q u i , à l ’aide de titres vagues et généraux, cherchaient
à s’emparer de propriétés
auxquelles ne pouvaient
s’appliquer des actes très-antérieurs à la restitution.
IVlais dans les divers conflits auxquels cette loi bien
faisante autant que juste a donné l i e u ,
toujours il
avait été reconnu q u ’aux héritiers seuls de l ’émigré,
o u , si ses héritiers n ’existaient plus, à ses parens les
plus proches devaient appartenir les biens rendus.
i
�Ü iT v
*
( 3 )
é ilm
4
Jamais on n ’avait hasardé de prétendre que les pa
reils les plus éloignés de l ’émigré, et des païens qui
u ’étaient pas, qui n ’avaient jamais été ses héritiers,
dussent cependant profiter des bienfaits de la loi.
Il était réservé au sieur Desrois, q u i , encore aujour
d'hu i comme,dans une première cause, est l ’adversaire
réel du sieur B o u r n e t , il était réservé au sieur Desrois
de créer un sy stè me, dont le résultat serait de fausser
la loi sous prétexte de l ’interpréter, et d ’enrichir ceux
qui n ’ont rien perdu en privant ceux q u i ont été dé
pouillés.
Déjà ce système, présenté avec tout l ’art possible
par le sieur Desrois l u i - m ê m e devant la C o u r , a ce
pendant
etc proscrit.
Sera-t-il plus heureux aujourd’ h u i , en le reprodui
sant sous le nom des Bonnafoux?
11 nous est permis d ’en douter.
FAITS.
L a contestation a pour objet la succession de ClaudeG ilb ert de l ’Espinasse, émigré depuis 1792 , décédé
eu pays étranger le 6 frimaire an 8.
E n se fixant sur la généalogie, on voit que les aïeux
de C la u de-G il b ert de l ’Espinasse étaient C la u d e-G il bert de Sévérac et Marie-llose Bonnafoux.
Ceux-ci,
•
de leur un io n, avaient eu cinq enfans ,
savoir :
Claude de Sévérac, qui épousa Anne de Fondras, et
en eut un fils nommé Jean-Marie-Claire de Sévérac ,
décédé sans postérité le 2 germinal an 2 -,
.
�ut
( 4 )
François-Alclebert de Sévérac , qui avait épousé
Amable-Henriette C h au v ig n y de B l o t , et qui est aussi
mort sans enfans, le 4 germinal an 4 '•>
Marie et Marguerite de Sévérac, qui étaient entrées
en religion, et dont la survivante est décédée, à ce q u ’il
pa rait, le i i septembre
i
8 i 5;
E n f i n , Catherine-Marie-Louise de Sévérac, qui avait
épousé Guil lau m e de l ’Espinasse : c’est de ce mariage
q u ’était né le sieur C la u d e-G il b ert de l ’Espinasse de
l'hérédité duquel il s’agit.
A la mort de Jean-Marie-Claire de Sévérac, sa suc
cession, régie par la loi du 17 nivôse an 2 , fut divisible
par moitié entre les Fondras, pareils de la ligne mater
nelle, et les Sévérac, païens de la ligne paternelle ; et
comme le sieur de l ’Espinasse fils représentait sa mère
qui n ’existait plus, il devait concourir, avec FrançoisAldebert de
Sévérac,
son o nc le , et avec Marie et M a r
guerite de Sévérac, ses deux
t a n t e s , au
partage
de la
moitié affectée à leur l ig n e 5 en sorte q u ’il lui revenait
un huitième du patrimoine d u .d é iu n t .
C e patrimoine se composait, i° de la terre de Y e r tessère, située dans le département du C a n t a l ; 20 des
trois quarts de celle de Sévérac, située dans le même
dé p a r t e m e n t } 3 ° des trois quarts de celle de $l-Martin,
située dans le département du Pu y-de-D om e.
L e sieur de l ’Espinasse fils,
héritier pour un hui
tième, devait donc obtenir un huitième de la terre de
Vertessère, et trois trente-deuxièmes des deux autres
terres.
Lesmemesquotités appartenaient a Franeois-Aldebert
�de Sévérac, aussi héritier pour un huitième du défunt.
Au décès de François-Aldebert de Sévérac, qui eut
lieu le 9 germinal an 4 > ses seuls héritiers étaient
Marie et Marguerite de Sévérac, ses deux sœurs, et
Claude - G ilb ert de l ’Espinasse, son neveu. C h a c u n
d ’eux était appelé à recueillir le tiers de sa succession ;
et comme cette succession se composait de la terre
d ’A n z a t , d ’ un huitième de la terre de Vertessère, et
de trois trente-deuxièmes des terres de St-Martin et de
Sévérac, il en résultait que les droits du sieur de l ’Espinasse fils, dans les successions de ses deux oncles,
s’ é l e v a i e n t
à un tiers de la terre d ’A u z a t , à quatre
trente-deuxièmes ou à un huitième des terres de SaintMartin et de Sévérac, et à un huitième plus un tiers
de huitiè me, c’est-à-dire à quatre vingt-quatrièmes ou
un sixième de la terre de Vertessère.
Mais, émigré depuis 1 7 9 2 , frappé de mort civile
par la loi du 28 mars 1 7 9 3 , il n ’avait pu alors re
cueillir lui-mème ces deux successions. C ’était à l ’K ta t
d ’exercer scs droits en vertu de 1 article 3 de la loi du
28 mars, qui porte que les successions échues et à
éch o ir a u x ém igrés pendant 5 o a n s , seront recu eillis
p a r la république.
E n l ’an 2 , à la mort de Je an -M ari e - Claire de
Sévérac, ses biens furent mis sous le séquestre, à la
diligence des agens du gouvernement. Il parait q u e ,
postérieurement, un partage fixa les lots de chaque
héritier.
E n l ’an 4 > <1 l ’ouverture de la succession de François
Aldebert de Sévérac, des mesures conservatoires furent
�aussi prises clans l ’intérêt de l ’É t a t ; et le séquestre
fut mis notamment sur le mobilier qui se trouvait
dans les bàtiinens d ’ Au zat.
Mais la veuve de Sévérac (la dame de C h a u v ig n y de
B l o t ) ¿tait usufruitière des biens de son mari pour le
tems de sa viduité,.
Donataire de l ’ u s u f ru i t, elle réclama la main levée
du séquestre, et elle o b t i n t , le i 3 germinal an 4 > un
arrêté de l ’administration départementale du Pu y-d eD ô m e , q u i , en ordonnant cette main levée, l ’autorisa
à se mettre en possession de la terre d ’A u z a t , et la
soumit seulement à faire procéder à un inventaire du
m obilie r, et dresser un état des immeubles.
L ’inventaire des meubles et l ’état des immeubles
furent f a i t s , le 24 germinal an 4 ? et
dame de
C h a u v ig n y a constamment joui, dès cette époque, de
la terre d ’Auza t.
L ’annee s u i v a n t e , le 3 o floréal an 5 , elle a c q u i t ,
au plus vil prix , les droits héréditaires des deux
religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac, droits qui
comprenaient les deux tiers de la terre d ’Au zat.
L e 17 septembre 1 7 9 7 , la dame de C h a u v i g n y
épousa le sieur Desrois. Dès cet instant son usufruit
devait cesser, aux termes de son contrat de mariage;
elle conserva cependant une jouissance à laquelle elle
n’ avait plus droit.
Cependant
le sieur de l ’Espinasse fils mourut à
liurghen en B avi ère , le 16 frimaire au 85 le sieur
G u il la u m e de l’Espinasse son père, qui lui survécut,
était
son plus proche parent et son seul
héritier,
�( 7 )
d ’après la loi du 17 nivôse an 2. Les lois sur l ’éniigration
le p r i v èr e n t de cette succession.
Mais, en l ’an 10, parurent le sénatuscousulte du
16 floréal et l ’avis interprétatif du
9 thermidor.
On sait que le premier de ces deux actes législatifs
amnistia
les émigrés ,
en leur
imposant
quelques
c o n d i ti o n s, notamment celle d ’obtenir un certificat
d ’amnistie ; l ’avis du 9 thermidor étendit cette faveur
aux émigrés décédés, en autorisant leurs héritiers à les
faire amnistier.
L e sieur de l ’Espinasse père o b t i n t , le i 5 ventôse
an 1 1 , un certificat d ’amnistie pour son fils dont il
était l ’ unique héritier. Il est à remarquer q u ’à cette
d er n i è r e
époque, le chapitre du code civil sur les suc
cessions n ’avait pas encore paru. L a
an
2
était encore en vigueur.
J|l>i
du 17 nivôse
*
L ’amnistie prononcée, le sieur de l ’Espinasse père
obti nt divers arrêtés des préfets de la I l a u t e - L o i r e , du
Cail ta l et du Puy-de-Dôme , q u i l ’e n v o y è r e n t ,
en
qualité d ’ héritier de son fils, en possession des biens
de celui-ci.
Mais ces arrêtés diffèrent dans leurs dispositions ,
e t , par suite , dans leurs effets. 4
Les seuls biens à recouvrer dans le département de
la Ila ute-Loire étaient possédés par le fils, au moment
de son émigration. Ils furent restitués au père par un
ar r ê té que prit le préfet de ce département , le 11
germinal au 11.
M a i s , dans les déparlemens du Cantal et du Puyde Dôme se trouvaient les terres de Verlessère , de
�-\n
( « >
Sévérac et d ’A u z a t , dont une partie était échue au
fils l’E^pinasse, en l ’an 2 et en l ’an 4 ? pendant son
émigration.
L e préfet du C antal, par son arrêté du 25 thermidor
an 1 1 , délaissa au sieur de l ’Espinasse ce que l 'É ta t
avait recueilli pour son fils dans les terres de Vertessère
et de Sévérac.
Mais le préfet du département du P u y - d e - D ô m e ,
par arrêté du 7 frimaire an 12,
fit une distinction
entre les biens personnels du fils et ceux qui lui étaient
advenus pendant l ’émigration ; il ordonna , qua nt aux
premiers, la main-levée du séquestre, et le maintint
qua nt aux autres.
C e l t e dernière décision était autorisée par la loi du
8 messidor a n ^ , et par des actes du gouvernement,
des 5 brumaire et 24 frimaire an 9 et 3 floréal an 11.
L e si eur de l ’Espinasse fut donc obligé de s’y résigner;
et il ne put exercer, pour le m o m e n t au moins, les
droits q u ’avait son fils, soit au huitième de la lerre de
St- M ar ti n , soit au tiers de celle d'A nzat. Il parait que
le huitième de St-Martin ayant été déjà réuni à la sénatorerie attachées la cour royale de llioin, cela contribua
à la rigueur de l’ari f l é du préfet du Puy-de-Dôme.
Mais le sieur de l’Espinasse profita dès-lors des biens
qui lui étaient délaissés par l’arrêté du préfet du C a n t a l ,
dont la décision fut aussi définitive, les préfets de
chaque département étant chargés par la loi de pro
noncer sur ces sortes de difficultés.
Ces circonstances furent favorables ïi la dame de
C h a u v i g n y , (jui^ par S011 second mariage avec le sieur
�* \
de cu ju s.
�GÉNÉALOGIE.
»H*0 *3“
J ean
BOINNAFOUX DE BEYSSAT,
M a rg u e rite
) .
DE VERDONNAT.
____________ I____________
JEAM'E,
à
Jeas \ ialfost.
AG>ES,
MARIK-KOSE,
C l a o d e - G i l b e r t DE S É V ¿ R A C ,
JEAN-BAPTISTE,
à
ì
M
J t A K - J o s iP I l U O ISA FO D X .
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CLAUDE,
Roux.
A *ie
de
à
F
ondeas.
*í f r a m c o i s -a l d e b e r t , .
I
à ¡» .« ta » W |
HENRIETTE
DE CIIAUWGNY DE C L O T / *
rvuiariée i M. Dtsuois.
CATHERINE,
JE A N ,
Intimé.
1
JX A X -Jo jcru
de
L
a x o c b i.
JEAN-MARIE-CLAIRE, ,
•J- le 3 germin»! an a.
ANTOINETTE,
i
J
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V
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MARGUERITE.
MARIE.
CATHERINE-M ARIE-LOUISE
à
G
u il l a u m e de l ’E î p i s a s s e
H « li gi cU S «S <
CLAUDE-GII.BERT.
de ç u ju t.
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a R I E - F hA S C O H E ,
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II
•
K
I
v>
cchue
au
�Desrois,
a v ai t
m i e r mari.
perdu l ’ usufruit des biens de son pre
Elle se maintint dans la possession du
tiers
de la terre d ’A u z a t , qui était échu à l ’émigré l ’Espiuasse, et que l’E t a t négligea de réclamer contr’elle,
dans l’ignorance, sans d o u t e , de son convoi ou des
clauses de son premier contrat de mariage.
Cependant* le sieur l ’Espinasse père avait cédé au
sieur Gren ier, à la charge de le garantir des dettes, et ,
pour la somme de 3 ooo fr. , tous les droits qui lui
avaient été délaissés par l ’Etat.
U n e contestation s’étant élevée entre le cédataire et
la dame Desrois, pour le partage des biens de la suc
cession de François-Aldebert de Sévérac , son premier
mari, il fut question de la terre d ’A u z a t , de la posses
sion illégale de cette dame et de la négligence des em
p lo yés de la régie. Mais cela n ’eut pas de suites; le sieur
Grenier étant sans qualité pour réclamer, la dame
Desrois se maintint dans sa jouissance.
Les événemens mémorables de i 8 i 5 produisirent la
restauration. Alors les familles des emigres purent
espérer de recouvrer ceux de leurs biens dont l ’É t a t
était encore en possession.
Un premieractede justice fut fait par une ordonnance
royale du \ juin 18 14 s (1M>> cn réunissant au domaine
de la couronne les biens qui formaient la dotation des
sénatoreries, ordonna q u ’on eu distrairait les propriétés
particulières acquises
par voie de confiscation , et
q u ’elles seraient rendues aux anciens propriétaires.
Par l ’eifet de cette ordonnance, le sieur de l ’Espinasse
père devait recouvrer le huitième de la terre de Saint2
�Martin , qui faisait partie de la dotation de la sénatorerie de Riom.
Bientôt est publiée une loi plus générale, celle du
5 décembre 18 14 s Par laquelle le pouvoir législatif
ordonne que « tous les biens immeubles séquestrés ou
« confisqués pour cause d ’émigration, ainsi que ceux
« advenus à 1 É t a t par suite de partage de successions
« ou presuccessions, qui n ’ont pas été vendus et font
« actuellement
partie
du
domaine p u b l i c , seront
« rendus en nature à ceux q ui en étaient proprié« taires, ou à leurs héritiers ou aya^it cause. »
E n vertu de l ’ordonnance du 4 juin et de la loi du
5 décembre, le sieur de l’Espinasse père avait à récla
mer, soit le huitième de la terre de St-M a rtin , soit le
tiers de celle d ’Auza t.
Dans l ’ignorance de ses droits h ce dernier ob jet, il
n agit (1 abord, que pour le huitième de la terre de
St-Martin.
L e sieur Grenier prétendit alors que les droits du
sieur de l ’Espinasse à celte terre étaient compris dans
la cession q u ’ il lui avait faite, le 18 vendémiaire an
i /j .
C ette erreur fut repoussée d ’abord par le tribunal
d ’Is^oire, ensuite par la cour de lliom.
L e jugement du tribunal d ’issoire considère dans ses
motifs, « que les biens dont il s’agit étaient irrévoca» blement réunis à la dotation du sé nat, deux ans avant
» la cession faite par M. de l ’Espiuasse à M. Grenier;
» ‘ lue, dans la supposition où les biens eussent été
» nominativement compris daus ladite succession , la
�V* •
*
c „
)
m
>
» clause eut ¿té, par les lois existantes, déclarée comme
» non avenue. »
E t , dans son dispositif, le tribunal déclare que la
qualité de représentant d u .sieur C la u d e-G ilb ert de
l ’Espinasse } p o u r l ’objet en question, repose dans la
seule personne du sieur de l ’Espinasse père, et q u e ,
p a r conséquent, il est seu l habile à se pourvoir devant
la commission du gouvernem ent, p o u r être envoyé en
possession des biens restitués p a r ordonnance royale.
Tel est le jugement que la cour de R f o m , chambres
réunies, confirma, purement et simplement en ce point,
par-arrêt du 3 mars 1817.
Depuis, par acte authentique du 29 octobre 1817 ,
le
sieur
de l ’Espinasse, qui avait une affection particu
lière pour le sieur Bournet son parent et son successible, lui a fait donation entre vi fs , de tous les droits
qui résultaient, en sa fave ur , de l ’ordonnance royale
du 4 juin 1 8 1 4 5 île la loi du 5 décembre su ivant, et
de l ’arrêt de la C o u r , du 3 mars 1817.
Cependant cet arrêt avait ordonné que M. de l ’Espinassc con trib u e rait , dans la pioporlion de la valeur
du huitième de la terre de St-M arlin, aux dettes de la
succession du sieur de l ’Espinasse fils.
E n exécution de cetarrêl, il fut procédé à un compte,
lors duquel des débats s’élevèrent. On parla de la terre
d ’ A u z a t ; et le sieur Bournet découvrit alors les droits
de son donateur au tiers de cette terre, et la posses
sion illégitime dans laquelle s’élait maintenue la dame
Desrois.
Il forma aussitôt, devant le tribunal civil d ’ Issoire,
�la demande
en
paYtage des biens de la succession d’Al-
debert de Sévérac, qui étaient situés dans le départe
ment du Puy-de-Dôme, et il en réclama un tiers, comme
représentant le sieur de l ’Espinasse iils, héritier pour
un tiers de cette succession , les deux autres tiers ap
partenant à la dame Desrois, du chef de Marie et de
Marguerite
de Sévérac, dont elle avait acquis les droits.
C ett e action avait pour b u t , principalement, d ’ob
tenir le tiers de la terre d ’Au zat.
E lle fut accueillie par jugement du 19 décembre 1822,
qui condamna la dame Desrois et son mari à rapporter
ou à faire rapporter au partage, i° tous les immeubles
de la succession ; 20 la valeur des dégradations q u ’ils
avaient commises \ 3 ° les jouissances q u ’ils avaient per
çues depuis le 5 décembre 1 8 1 1\.
L a dame et le sieur Desrois interjetèrent appel de ce
jugement.
L e sieur B o u r n e t se p l a i g n i t aussi, par un appel
inc iden t, de ce que la dame et le si eur Desrois n ’ a v a i e n t
pas été condamnés au rapport des jouissances depuis la
date du second mariage.
Devant la C o u r, la daine Desrois n ’épargna rien pour
faire triompher des prétentions illégitimes.
E lle soutint q u ’elle était seule propriétaire du tiers
de la terre d ’A u z a t , réclamé par le sieur Bournet ,
comme du surplus de cette terre.
Il lui appartenait, disait-elle, «Vplusieurs titres :
Co mm e subrogée aux droits du sieur Grenier, à qui
la cession en avait été faite, et avec qui elle avait clleincine truité ;
�Comm e l ’ayant acquis des demoiselles de Sévérac, a
qui ce tiers appartenait ;
Comme exerçant, dans tous les cas, les actions des
demoiselles de Sévérac, qui lui avaient vendu toute la
succession d ’Àldebert de Sévérac, et q u ’elle prétendait
être héritières, pour m oit ié, de l ’émigré l ’Espinasse.
Sous ce dernier rapport, la dame Desrois demandait
à être admise, du chef des dames Marie et Marguerite
de Sévérac, à réclamer les biens rendus par l ’ordonnance
du 4 juin 18 14 ? et Par k' loi du 5 décembre i 8 i 4 ; elle
concluait aussi à ce que le sieur Bournet fut tenu de
rapporter le huitièmede la terre d e S t - M a r l i n , q u ’avait
obtenu le sieur de l’Espinasse père ; elle réclamait la
moitié, soit de ce huitième, soit du tiers de la terre
d ’A u z a t , échus à ' l ’émigré l ’Espinasse.
' Toutes ces questions furent débattues pendant p l u
sieurs audiences, devant la C o u r ; tou tes, elles furent
jugées en thèse, par arrêt du deux janvier 1827 , qui
confirma le ju gem ent , quant à l ’appel principal, et
qui, l ’infirmant sur l ’a p p e l incident, condamna lad amç
Desrois à restituer les jouissances q u ’elle avait perçues,
du jour de son convoi avec le sieur Desrois.
Les motifs de l ’arrêt déclarent que ce serait sans
qualité comme sans dr oit, que la dame Desrois vou
drait retenir le tiers de la terre d ’Auzat, et q u ’elle n’en
avait été ni pu être saisie par la cession que lui avaient
faites les deux dames de Sévérac, le 3 o floréal an 5 .
Cependant
comme l'on contestait au sieur de l ’Es-
pinasse père et au sieur Bournet son donataire la qualité
d ’ héritier unique de l ’émigré, et que l ’on soutenait que
�( r4 )
les clames de SévérajC étaient aussi les héritières de celuici pour la moitié des biens q u ’avait rendus la loi du
5 décembre 18 i 4 ? la C o u r eut à se prononcer sur cette
question, et elle la décida par des motifs aussi puissans
que précis.
E n voici le texte*:
« Considérant q u ’aux termes de celte loi (la loi du
« 5 décembre 18 i 4 ) > les biens dont elle a ordonné la
« remise ont du. être rendus en nature à ceux qui en
« étaient propriétairés, ou à leurs héritiers ou ayant
« cause.
_
J
« Que le sieur G uillaum e de l ’Espinasse, aux droits
« duquel est la partie d ’Allem and , ayant élé reconnu
« et déclaré être le seul représentant
de
Cla u de de
« l ’Espinasse son fils , par le jugement du tribunal
« d ’Issoire et par l ’arrêt de la C o u r , des iG juin 18 iG
« et 3 mars 1 8 1 7 , et ces jugement et arrêt n ’ayant
« pas été a t t a q u é s pa r les pa rt ie s de Bayle , il doit
« demeurer pour constant que le
si eu r G u i l l a u m e de
« l ’Espinasse a été seul appelé à recueillir, du chef de
« Claude-G ilb ert son fils, le bénéfice de la loi du
« 5 décembre 1 8 1 4 ? pour raison de tous les biens
« séquestrés ou confisqués sur ce dernier ;
« C o n s id é r a n t, d ’ailleurs., que le sieur Claude« G il b ert de l ’Espinasse, étant décédé le 1G frimaire
« an 8 , sous l ’empire do la loi du 17 nivôse de l ’an 2,
« et ayant élé amnistié le i 5 ventôse de l ’an 11 ,
« toujours sous l ’empire de la même loi, le sieur de
« l’Espinasse son père a été seul saisi de sa succession >
il suivant lo droit commun ; qu'à la vérité
l ’ e xerci ce
�( '5 )
« de ce droi t, acquis audit sieur de l ’Espinasse père,
»
avait
été suspendu par l'effet des lois sur l’émigia'-
(( t i o n , qui l ’avaient transmis au fisc, mais que les
« droits civils ayant été, depuis, restitués aux émigrés,
« et le sieur l ’Espinasse fils ayant été amnistie , la
« remise, ordonnée par la loi du 5 décembre i B 1 4? de
« ses biens dont l ’E t a t avait été saisi momentanément,
« n ’a pu et du etre faite qu au sieur G uillaum e de
« l ’Espinasse son père, comme seul héiùtier naturel
« au moment de son décès ;
« Considérant, au surplus, et en ce qui touche la
demande
subsidiaire que les parties de Bayle ont formée
seules sur 1 appel ,
« Que le tiers de la terre d ’ Auzat formait, ainsi que
« le huitième de la terre de Saint -Martin , la quotité
« de ces biens que le sieur de l ’Espinasse fils aurait
« recueillis dans les successions de Jean-Marie-Claire
« et de 1^rançois-Aldebert de Sévérac, s’il
« émigré, et que la nation avait
« Q u e , dès
q u ’ il
n ’e û t
r ec ue i ll i e p o u r
pas
lui;
a été reconnu et décidé par les
« jugement et arrêt des seize juin mil huit cent seize
« et trois mars mil huit cent dix -se pt, que le sieur de
« l ’Espinasse père avait e u , seul, le droit de réclamer
« la remise du huitième de la terre de Saint-Marlin ,
« en vertu de la loi du cinq décembre 18 1 4 ? les mêmes
« motifs qui ont fait admettre la réclamation du sieur
« de l ’ Espinassc père par rapport au huitième de la
« terre de Saint-Martin , comme étant l ’ unique héritier
« de son fils, doivent aussi faire accueillir celle que le
« sieur Bournet son donataire a formée,
quant au
�(
)
« tiers de la terre d ’A u z a t , sans être assujetti à aucun
« rapport, respectivement à la terre de S ain t -M arti n ,
« et sans q u ’il y ait d ’autre opération à faire que de
« procéder au partage de la terre d ’A u z a t , et du mobi« lier qui en dépendait, pour en être attribué un tiers
« au sieur Bournet, avec les jouissances, suivant q u ’elles
« seront ci après réglées. »
L a dame Desrois se pourvut en cassation contre
l'arrêt. L e pourvoi fut rejeté par la section des requêtes.
L e sieur Bournet devait donc croire q u ’il était désor
mais à l ’abri de toutes tracasseries.
M ais , sur la revendication de la moitié du bien de
l ’émigré l ’Espinasse, la C our de cassation, examinant
seulement la qualité de la dame Desrois, se borna à
déclarer « q u ’il était reconnu en fait que la cession
« consentie, en floréal an 5 , n ’avait point porté ni pu
« p o rt er sur la succession du fils l’Espinasse, décédé
« seulement en f r i m a i r e a n 8 ; q u ’ e ^ e portait seule« ment sur la succession de François-Ald eb er t de
« Sévérac, et q u e , même sur cette succession , elle ne
« conférait nullement à la cessionnaire le tiers en
« question (le tiers de la terre d ’A u z a t ) ;
« Q u ’ainsi , ne pouvant non plus représenter les
« deux religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac,
« la veuve de Sévérac, épouse Desrois, était également
« sans qualité pour eu exercer les droits. »
L e silence de la C o u r de cassation sur le fond du
droit, dont elle n’avait pas à s’occuper, à fait concevoir
a la dame et au sieur Desrois le projet de
renouveler
le
j) roc es sous le nom des héritiers maternels des religieuses,
�( *7 )
Ils ont
t ra i té
avec eux par un acte sous seing privé
q u ’ils ne présentent pa s, de crainte que l ’on n ’en
remarque
le faible prix; e t , agissant sous le nom de
cfcs prétendus héritiers, ils ont formé, soit contr’euxmêmes comme détenteurs de
la
terre d ’A u z a t , soit
contre le sieur Bournet , la demande en partage de la
succession de Claude-Gilbert de l ’Espinasse lils.
C ’est par exploit du 16 août 1828 , que l ’action à
été intentée.
n
Les prétentions que l ’on y élève ne sont pas modiques :
non seulement les demandeurs concluent au partage
de la succession de François-Aldebert de Sévérac; non
seulement ils réclament même le rapport de la portion
de la terre de Saint-Martin , restituée au sieur l ’Espin a s s e
par l ’ordonnance du 4 juin 1 8 1 4 , mais ils veulent
encore
faire confondre dans cette succession tous les
biens provenus au fils l ’Espinasse , de la famille de
Sévérac, qui était celle, disent-ils, de Catherine de
Sévérac sa mère.
T o u t e s ces p r é t e n t i o n s o n t été ac cu ei l li es p a r le t riI,
I llW ' l'Ttr ------ 1 I -
* • -»•
4
hunal d ’ Issoire, qui s’est mis en contradiction directe
avec les décisions q u ’il avait rendues l u i - m ê m e , soit
dans une cause semblable entre le sieur de l ’Espinasse
et le sieur Gren ier, soit, dans la même cause, en ire
le sieur Bournet et la daine Desrois, qui a aussi consi
déré comme inutile même, la lierce-opposilion que les
B o n n a f o u x devaient, il semble, former aux arrêts par
lesquels le sieur de TEspinasse père avait élé déclaré
,seul représentant et unique héritier de son iils.
J^es motifs du jugement examinent lu qualité des
«
�(.8 )
■
demandeurs, l ’exception résultant de la nécessité où
ils étaient de former tierce-opposition aux précédens
arrêts, les effets de la loi du 5 décembre 18 1 4 Ils décident que la qualité est suffisamment justifiée
par les actes produits.
Sur la fin de non recevoir, ils déclarent,
« Que les demandeurs n ’ayant pas'figuré dans les
jugemens et arrêts invoqués contr’eux, ont pu remettre
en question ce qui avait été jugé en leur absence; que
l ’article 474
Code de procédure, qui autorisait les
tierces-opposilions'aux jugemens auxquels on n ’avait
pas été pa rtie, accordait une f a cu lt é , mais n ’imposait
pas une obligation. »
Sur le fonds de la cause, ils jugent,
,
« Q u ’en l ’an 4 > au décès de François Aldeberl de
Sévérac, le tiers de sa succession, dévolu à C laude Gilbert L ’Espinasse, alors émigré, fut recueilli par
l ’E t a t qui le représentait ;
« Q u e , lors de l ’amnistie, le
g o u v e r n e m e n t ne réin-
. tégra le sieur L ’Espinasse père q u e dans les biens qui
avaient appartenu au fils décédé en état d ’émigration,
sans y comprendre le tiers allèrent à ce dernier dans
la succession de son oncle François-Aldebert de Sévérac;
« Q u e , dès-lors, ju sq u’au moment de la p r o m u l
gation de la loi du 5 décembre 18 1 4 > l ’ Etat s’est trouvé
propriétaire légal de ce bien; que cette loi n ’a fait
cesser, que pour l ’aven ir, l ’eiFel des lois sur l'éinigration , ce qui s’induit nécessairement de la substitution
faite dans la rédaction du mol rendu au mot restitué
qui se trouvait dans le projet;
�( i9 )
«
Q u ’en
se pénétrant bien de l ’esprit dans lequel
cette loi a été rendue et de la discussion qui a précédé
son
adoption , on voit que le législateur a voulu
accorder une laveur à l ’émigré, k sa famille ou à ceux
à qui il aurait cédé ses droits après la publication de
la loi, et q u ’en désignant les héritiers, il n ’a eu en vue
que ceux qui auraient recueilli la succession s’ il était
décédé postérieurement au 5 décembre i 8 i 4 ;
« Qu e c’est sans fondement q u ’on a prétendu q u ’en
décidant que les biens rendus doivent être attribués
aux héritiers que l ’émigré, décédé sous l ’empire de la
loi du 17 nivôse an 2 , aurait eus s’il eut survécu à la
publication de la loi de 18 r 4 ? ce serait admettre q u ’ un
individu pût laisser deux successions qui
devraient
être régies par des principes différens; q u ’il est évident,
en eff e t, q u ’on ne peut considérer comme ayant fait
partie de la succession de C l aude-Gilbert de L ’Es pi
nasse, décédé sous l ’empire de la loi du 17 nivôse an a ,
des biens q u i , à l'époque où cette succession s’est
ouverte , appartenaient à l ’E t a t ,
et qui n ’ont été
rendus à la famille de l ’émigré que par une loi de grâce
et de laveur, qui n ’a été promulguée que long-tems
après son décès, et qui, d ’après son texte et son esprit,
ne peut avoir aucun effet rétroactif:
« Q u e , d ’ après les lois alors en vigueur, les parens
du sieur de I/Espinasse fils, au degré successible le
plus rapproché, étaient, au 5 décembre 1 8 1 4 , pour
la ligne paternelle,
le sieur de L ’Espinasse père,
représenté par le sieur lîournet;
et , pour la ligne
maternelle, la dame Marguerite de Sévérac, décédée
�\
( 20 )
1e i i
septembre
i8 i
5,
*
Laissant pour héritiers les
demandeurs en partage.
Par ces m o t if s , le tribunal déclare mal fondées les
exceptions proposées par ledit sieur Bournet, les rejette,
et,
statuant au f ond, donne acte à la dame veuve
Desrois et au sieur JDesrois de la déclaration q u ’ils ont
faite par leurs conclusions signifiées 3 q u ’ ils sont prêts
à faire compte, à qui par justice sera ord onné, des,
jouissances dont ils peuvent être tenus ;
« Ordonne que les parties viendront à partage des
Liens meubles et immeubles dépendant de la succession
de François-Aldebert de Séverac; que la dame veuve
Desrois et le sieur Desrois, en leurs q ualité s, rappor
teront audit partage i° tous les immeubles de ladite
succession dont ils peuvent
être détenteurs;
i° la
valeur des dégradations qui auraient pu y être com
mises, avec les intérêts à partir du jour où elles a u
raient eu lieu ^ 3 les meubles , effets mobiliers et
créances actives qui font partie de la succession, avec
les intérêts à dater du jour du convoi de ladite dame
de C h a u v ig n y de Blot avec le sieur Desrois; 4 °
valeur
des jouissances des immeubles, à partir de la même
époqu e, avec les intérêts à dater de la première de
mande en partage, introduite par le sieur Bournet
contre les sieur et dame Desrois ;
« Ord on ne, en o u t r e , q u e , du tout ¡1 sera fait
masse pour en être attribués deux tiers à la dame
Desrois, en sa qualité de cessionnaire des dames
Marie
et Marguerite de Sévé rac, et l ’autre tiers a u sieur
B o u i n e t , aymvt cause du sieur Lespinasse père., d ’ une
�p a r t , et à Jean Bonnafcmx et consorts, d ’autre p a r t ,
comme représentant ensemble les parens successibles
dans les lignes paternelle et maternelle du sieur C la u de
Gilbert de l’Espinasse ; p o u r , ledit tiers être subdivisé
entr’eux tous, chacun suivant son amendement dans
la portion de ce dernier ; '
« Ordonne , encore , que les parties viendront à
division et partage des b iens possédés par ledit Bournet,
provenant de la succession de Jean-Marie-Cia ire de
Sévcrac n e v e u , situés dans la commune de S t - M a r i i n
desTTains^t
de
autres, ainsi que de ceux de la succession
Claude-G ilbert
de l ’Espinasse, décédé émigré, q ui
1uTprovénaient de l a famille de S év éra c, pour en être
attrïbueea
cha~cïïn sa portion afférente; auquel partage
chaque co-partageant rapportera les biens meubles et
immeubles
dépendant desdites successions, dont il se
trouve en possession , avec restitution de jouissances et
intérêts, depuis son entrée en jouissance, soit par luimême, soit par ceux dont il serait l ’ hé r i t i e r ou l ’ayant
• ■
cause. »
Tels sont littéralement les termes des motifs et du
dispositif du jugement dont on a retranché seulement
quelques membres de phrase, étrangers aux difficultés
à résoudre.
Il résulte de ce jugement que le tribunal a été
beaucoup plus lo in , peut-être, q u ’ il ne s’en doutait.
E n effet, non seulement il a attribué aux deman
deurs un droit sur le tiers de la terre d ’ Au za t et sur
le huitième de la terre de Saint-Martin , comme ayant
été restitués aux héritiers de l ’émigré l ’Espinasse par
�la loi du 5 décembre 18 1 4 1 mais encore il a condamné
le sieur Bournet à rapporter au partage tous les autres
biens meubles et immeubles provenant de la f a m ille de
Se’véra c; et par conséquent, soit les terres ou les por
tions des terres de Vertessère et de Sévérac, qui avaient
été restituées au sieur l ’Espinasse p è re , dès le 25 ther
midor an i i , par un arrêté du préfet du C a n t a l ; soit
encore les biens mêmes que pouvait avoir recueillis le
sieur de l ’Espinasse fils dans la succession de la dame
de Séverac sa m è r e , avant son émigration ; ces biens
qui furent également restitués au sieur de l ’EspinaSse
père, par les arrêtés des préfets du Puy-de-Dôme et de
la Ilaute-Loire", des 11 germinal an 11 et 7 frimaire
an 12.
.
C ette étrange largesse n ’est, sans doute, que l ’efTet
d ’une erreur q u ’ont pr od uite , on doit le croire, les
conclusions des demandeurs.
Mais elle prouve, a u m o i n s , q u e le tribunal a été
fort peu a tten ti f aux faits de la cause, comme nous
démontrerons q u ’il a commis les plus graves erreurs en
principes.
L e sieur Bournet a interjeté appel de ce jugement
contre les B o n n a f o u x , demandeurs apparenô.
Il a aussi appelé devant la C o u r la dame veuve
Desrois et le sieur Desrois son fils, demandeurs réels;
et toutes les questions soulevées devant les premiers
juges se reproduisent aujourd’hui.
C e t appel donne donc lieu à examiner les qualités
des demandeurs, la procédure q u ’ils ont tenue, le foiidement enfin des prétentions q u ’ils élèvent.
�C 23 )
Mais, sur le premier o b je t , on se bornera a faire
que les qualités ne paraissent pas suffisamment
justifiées, en ce sens, au moins, que les Bonnafoux ne
ob s erve r
représentent pas toutes les branches des parens m a
ternels de l ’émigré. On se réserve, d ’ailleurs, devérifier
les actes de famille q ui pourraient être rapportés.
Le second objet exigera quelque discussion.
L e troisième, comme le plus im po rta nt, recevra tout
le développement qui est, il semble, nécessaire pour
faire apprécier sainement les droits des parties.
S Ier. 1
*
i
P rocédure tenue p a r les dem andeurs.
~La procédure des demandeurs a été peu régulière.
Ils se présentaient comme héritiers, pour m oiti é, de
C l a u d e - G il b er t
de l ’Espinasse , d o n t , d ’après eux-
mêmes, ils n ’étaient parens q u ’à un degré très-éloigné.
Ils n ignoraient pas q u e , par plusieurs jugemens et
par plusieurs arrê ts, le sieur de l ’Espinasse père avait
été déclaré seul héritier, seul représentant du sieur
Cla ude -G ilb ert de l ’Espinasse, son fils.
C ’é t a i t , en effet, ce q u ’avait décidé un premier
jugement rendu par le tribunal d ’Issoire, le i3 juin
18 i <3 , entre le sieur de l ’Espinasse père et le sieur
Gren ier, relativement à la terre de St-Martin , objet
du procès alors comme aujourd ’ hui. Dans le dispositif
du ju g em e nt , le tribunal déclare que la q u a lité de
représentant du sieur C la u d e de /’E sp in a sse, p o u r
l ’objet dont est q u estio n ,
sonne du sie u r de l
repose
’ E s p i n a s s e pfcniî,
dans
la. s e u l e
per
et, par conséquent,
�* 1
( 24 )
q u ’ il est s e ul h a b i l e à se p o u r v o i r d e v a n t la commission
d u G ouvernem entj p o u r être envoyé en possession des
biens restitue's p a r ordonnance royale.
'»
O r , ce jugement fut confirmé par un arrêt solennel
des chambres réunies de la C o u r de Iliom , prononcé
le 3 mars 1817.
C ’est encore ce q u ’avaient jugé et le même tribunal
d ’ Issoire et la même C o u r de R i o m , entre le sieur
Bournet et les sieur et dame Desrois, qui élevaient
les mêmes questions, renouvelées aujourd'hui par euxmêmes sous le nom des Bonnafoux dont ils sont les
cédataires déguisés. Alors aussi la dame Desrois préten
dait que le sieur Bournet n’avait droit , du chef du
sieur de l ’Espinasse père , q u ’à la moitié des biens
restitués par les ordonnances royales et par la loi du
5 décembre 1814 j elle soutenait que la moitié de ces
biens a p p a r t e n a i t aux religieuses de Sévérac dont il
se disait le cédataire ou le c ré an ci er , e t dont il déclarait
exercer les droits; alors, en un m ot, elle agitait toutes
les difficultés qui se présentent aujourd’ hui; et, toutes,
elles furent repoussées par le tribunal et par la Cour,
dans un jugement du
19 décembre 1 8 2 2 , dans un
arrêt du 2 janvier 1 8 27 ; par la C o u r , notam ment,
qui , après les plaidoiries
les plus soignées, après
l ’examen le plus scrup uleux, déclare dans ses motifs ,
« que le sieur G uil la um e de l ’Espinasse a été seu l
« a p p elé à r e c u e illir , du chef de C la u d e - G il b e r t son
« fils, le bénéfice de la loi du 5 décembre 18 1 /|., p o u r
« raison de tous les biens séquestrés ou
« sur ce dernier. »
c o n fis q u é s
�( 25 )
Comment
/
concevoir q u e , sans q u ’il fut pris aucune
voie pour faire disparaître'ces respectables décisions,
un tribunal inférieur ait pu anéantir des droits aussi
solennellement consacrés ?
Mais, a-t-on d i t , ces décisions sont étrangères aux
Bonnafoux et consorts. Elles sont pour eux res inter
alios cictci.
Elles sont étrangères
aux
Bonnafoux ; mais les
Bonnafoux sont-ils les vraies parties de la cause? qui
oserait l ’affirmer? il est co n nu , il est notoire q•*u ’ils «ne
jo u e n t , dans cette nouvelle contestation, que le rôle
salarié de complaisans prête-noms, et que la dame et
le sieur Desrois ont acquis, au plus vil prix , leurs pré
tendus droits, afin de retarder l ’exécution des arrêts
de la justice, et la restitution d ’immeubles dont ils
s’étaient illégalement emparés. C e n’est q u ’en cachant
dans l ’ombre une cession prohibée par la l o i, q u ’ils
traînent encore le sieur Bournet devant les tribunaux.
A u reste, q uoiq u’étrangères aux demandeurs en ce
sens (jue ceujc-ci n ’y avaient pa s ete p a r tie s, les dé
cisions que nous venons de rappeler devaient être atta
quées, de leur part, par la voie de la tierce-opposition.
C ette voie extraordinaire, autorisée par l ’article 474
du Code de procédure comme elle l’était par les anciens
principes, a été introduite précisément pour les cas
où des tiers n’auraient pas été appelés à des jugemens,
à des arrêts qui pourraient leur nuire en att ribua n t à
un autre une qualité, un droit, un immeuble qui leur
appartiendrait.
Ces tiers sont autorisés à former tierce-opposition
4
�( 26 )
à ces décisions rendues hors leur présence, et à débattre
leurs propres moyens, à faire valoir leurs titres devant
le même tribunal qui a déjà eu à prononcer sur les
mêmes questions.
L a loi le vent ainsi dans le b ut de concilier ce qui est
du à la dignité de la justice et ce que réclame l ’intérêt
des parties;
, Ce qui est dû à la d ig n ité de la j u s t i c e , qui serait
compromise si non seulement les mêmes moyens, mais
encore les mêmes droits, la même cause étaient ac
cueillis par tel tribunal et repoussés par tel autre, sans
que celui qui d ’abord s’est prononcé ait été appelé, ou
à reconnaître sou erreur si une discussion plus appro
fondie la lui signalait, ou à consacrer son opinion par
un second jugement si un second examen lui en démon
trait la justice.
Ce que
réclame l ’intérêt des parties ; car il
convenable que ceux auxquels
sont
est
opposés (f^s juge-
mens, des arrêts oii ils n ’ont pas été appelés soient
admis à se défendre eux-mêmes, à présenter sous un
jour plus simp le, peut-être, la cause que ce jugement
a condamnée, à l ’appuyer d ’ une discussion plus forte,
plus entraînante, s’ils en ont le pouvoir; en un m o t ,
à soumettre les observations q u ’ ils croient propies à
ramener le magistrat à une opinion qui leur soit
favorable.
C ’est ce double b ut que la tierce-opposition est
destinée à remplir.
Soutenir q u ’elle n’est pas nécessaire parce que l ’ar
ticle 1 35 i du code civil n ’accorde la force do la chose
�(.,>
jugée
q u ’a u x
'
*Y-
jugemens rendus entre les mêmes parties
et pour le même o b j e t , c’est évidemment méconnaître
l'esprit de cette règle législative; c ’est aussi blesser la
lettre comme le sens de l’ article 474 du code de pro
cédure.
Sans doute l ’autorité de la chose jugée'n’a pas lieu
dans les cas prévus par l ’article
i
3 5 i
du code civ il;
car
si elle existait, il ne serait pas permis, même au tiers,
de la détruire. Mais c’est précisément d ’après le prin
cipe de l ’article 1 3 5 1 , que l ’article 474 du code de
procédure autorise la tierce-opposition. A l ’aide de
cette voie extraordinaire, les intérêts des tiers et le
respect
dù à la justice sont également ménagés, puisque
les tiers obtiennent le droit de sou tenir personnellement
leurs propres intérêts, et que la justice est elle-même
appelée à reviser, avec son impartialité ordinaire, ses“
propres décisions.
Pré tendre , d ’ailleurs, que la tierce-opposition est
in u til e , c est évidemment iaire une injure à la sagesse
du législateur que l ’on accuserait d avoir é t a b l i , dans
l ’article 474 d u c°de du procédure, une formalité abso
lument frustraloire ; c’est même vouloir rayer cet ar
ticle de la loi; car , s’il en était ainsi, quel serait le
plaideur qui ne se dispenserait pas de la règle, ne fùtce même que pour éviter l ’amende à laquelle doit être
condamné le tiers-opposant qui succombe?
La tierce-opposition est sur-tout indispensable lors
que celui qui réclame ne se borne pas à résister à une
action exercée contre lui en vertu d ’ un jugement qui
lui est étranger, mais q u ’ il prend lui-même l ’initiative;
�q u ’il veut obtenir de la justice ce que déjà elle a at
tribué à un autre; que ses efforts tendent à paralyser
les effets de jugemens ou arrêts antérieurs.
O r , C’est précisément ce q u i arrive dans l ’espèce.
L e sieur Bournet a déjà dans ses m ain s, et en vertu
de décisions judiciaires, aujourd’hui définitives, le hui
tième de la terre de Saint-Martin. Il a, de plus, obtenu,
contre le sieur et contre la dame Desrois, des décisions
semblables qui condamnent ce ux -c i à lui délaisser le
tiers de la terre d ’ A u z a t , et à lui restituer de nom
breuses jouissances. C e sont les effets de ces décisions
que tend à anéantir la demande des Bonnafoux. C o m
ment pourrait-elle être accueillie sans une tierce-oppositionPEt comment se f a i t - i l q u ’étant avertis du moyen,
puisque le sieur Desrois l ’in vo q u ait,
les Bonnafoux
n ’aient pas pris la sage précaution de former cette
tierce-opposition devant le tribunal , d ’ Issoire , qui
devait en c o n n a î t r e ? car les arrêts de la C o u r étaient
confirmatifs de jugemens rendus pa r ce t r i b u n a l .
C ette négligence aveugle ou plutôt cette étrange
obstination à ne tenir aucun compte des décisions de
la justice recevra sans doute son prix par l'annulation
de toute la procédure des Bonnafoux et consorts.
Mais, s’il fallait examiner le fonds de leurs pré
tentions, il serait facile d ’en démontrer l ’erreur.
S II.
E xa m en du f o n d des prétentions des intim és.
Les Bonnafoux et consorts, se prétendant héritiers
de l ’émigré C la u de de l ’Espinasse, ont réclamé, °n.
�vertu de la loi du 5 décembre i 8 i 4 j non-seulement
les immeubles rendus par cette lo i, mais encore ceux
qui avaient été restitués antérieurement.
Tou t ce q u ’ils demandaient leur a été accordé, par
une erreur de droit sur le sens de la loi quant aux
objets de la première classe, par une erreur de f a it ,
même dans leur propre sy s tè m e , relativement aux
biens précédemment recouvrés.
Examinons successivement les deux points :
L ’erreur de droit sera facile à démontrer en se fixant
sur les termes comme sur l’esprit de la loi, sur l ’opinion
des auteurs, sur la jurisprudence même des arrêts;
car tous les élémeus de doctrine se réunissent pour
repousser
les prétentions des Bonnafoux.
L a loi du 5 décembre 18 1 4 peut être considérée sous
deux rapports : ou comme un acte de justice, ou comme
un acte de libéralité. Or, sous l’un comme sous l ’autre
de ces rapports, elle ne peut être que favorable au
sieur Bournet.
Considérée comme acte de justice, cette loi a dù
nécessairement diriger ses dispositions en faveur de
ceux auxquels avait nui la confiscation, dont elle avait
pour b ut de réparer les effets, au moins en partie; e t ,
par conséquent, ses avantages ont dù être recueillis par
l ’émigré lui-mêm e, s'il était encore vivant; par l ’ héritier de cet émigré, si celui-ci n’existait plus au mo
ment de la loi. La justice v o u l a i t , en effet, que l ’ hé
ritier profitât de ce q u ’aurait dù recevoir l’émigré luimême, parce q ue, si la remise avait eu lieu avant le
décès de l ’émigré, l’ héritier aurait trouvé dans la suc-
�‘
( 3o )
*
cession, ou les objets remis, ou leur valeur; parce que,
en ce sens, c ’était réellement l ’ héritier qui avait perdu.
O r , c’est précisément ce que la justice prescrivait,
q u ’a entendu faire le législateur.
11 nous l ’apprend lui-même dans deux de ses actes :
dans l ’ordonnance du 21 août 1 8 1 4 , qui a précédé la
loi du 5 décembre, et dans les considérans où sont
indiqués les motifs qui ont dicté cette loi.
Dans l’ordonnance du 2 r a o û t , l ’auteur de la Charte
constitutionnelle, en la rap pelant, fait connaître sa
pensée toute entière, par ces expressions remarquables:
« L e vœu le plus cher à notre cœur est que tous les
» Français vivent en frères, et que jamais aucun sou» venir am er ne trouble la sécu rité qui doit suivre un
» acte aussi solennel. »
C ’est en exprimant ce v œ u , q u ’il annonce une loi
prochaine sur la restitution des biens non vendus des
émigres; et c est en exécution de ce vœu q u ’est pré
sentée et q u ’est adoptée la loi du 5 décembre.
O r , quel était le b ut de celte loi?
L e législateur nous l’apprend l u i- m ê m e dans son
préambule.
Il y déclare q u ’en rendant une prem ière ju s tic e par
l ’ordonnance du
21
a o û t , qui abolissait toutes les
inscriptions encore existantes sur les listes des émigrés,
il a annoncé l ’intention de présenter aux chambres
une loi sur la remise des biens non vendus.
Il
ajoute q u e , dans les dispositions de cette loi, il a
dù concilier un acte de ju s tic e avec le respret dû à des
droits acquis p a r des tiers en vertu des
lo is
existantes.
�r
( 3- )
>3
T e l s sont les m o t i f s s ur l esq ue ls est f on d é e u n e loi
o ù l ’on r e m a r q u e trois p r i n c i p a l e s d is p os i t io n s :
L ’une consignée dans l ’article i er, par laquelle «sont
» maintenus, soit envers l ’É t a t , soit envers les tiers,
» tous jugemens et décisions rendus, tous droits ac» quis avant la publication de la C h ar te constitution» nelle, et qui seraient fondés sur des lois ou actes
» du Gouvernement , relatifs à l ’émigration. » .
L ’autre, contenue dans l ’article 2 , et
qui
est ainsi
conçue :
« Tous les biens immeubles séquestrés ou confisqués
» pour cause d ’ém igrat ion, ainsi que ceux advenus à
» l ’État par suite de partage de successions ou de pré» successions, qui n'ont pas été vendus et font actuel»
lement
partie du domaine de l ’É t a t , seront rendus
» en nature à c e u x qui en étaient propriétaires, ou ci
» leurs héritiers ou ayant cause. »
L a t r o i s i è m e , e x p r i m é e pa r l ’a r t i c l e
\!\,
q u i réserve
a u x c réanci ers des é mi gr é s toutes a ctio ns su r les b i e ns
r e n d u s , en s u s p e n d a n t , s e u l e m e n t j u s q u ’ au i " j a n v i e r
1 8 1 6 , l ’e xerci ce de ces ac ti on s.
Que l ’on combine les motifs qui ont dicté l ’ordon
nance du 21 août avec ceux qui ont préparé la loi du
5 décembre, avec les dispositions littérales de cette loi.
Q u ’y reconnaitra-t-on ?
Que la loi s’est proposé de concilier tous les esprits,
d ’efiacer tous souvenirs a m e r s , de ramener tous les
Français îi une douce concorde, de les engager à vivre
tous en frères.
Que devait-elle faire pour remplir cet heureux b u t ?
y
�,*.V
i r* ‘
vi
l
( 3= )
Elle devai t, sur-tout, être jii9te!
E lle devait donc concilier tous les intérêts, tous les
droits.
,
D o n c , elle devait rendre les biens confisqués à ceux
qui en avaient été privés, c’est-à-dire aux émigrés euxmêmes s’ils étaient encore vivans; à leurs héritiers, si
ces émigrés étaient morts. C ar les héritiers avaient été
réellement privés, comme l ’émigré q u ’ils représentaient,
de tous les biens confisqués sur c e lu i - c i , puisque ces
biens leur seraient parvenus sans la confiscation.
Donc aussi elle devait respecter les droits acquis;
ca r , en les vio la n t, la justice aurait été blessée.
Donc,
enfin,
elle devait protéger les droits des
créanciers des émigrés.
O r c’est précisément tout cela q u ’elle a fait par les
articles cités; puisqu’à défaut de l ’cmigré, la remise a
été faite à son héritier; puisque les droits acquis ont
été maintenus; p u i s q u e les a c ti on s des créanciers ont
été ménagées.
Ainsi
l ’on doit
reconnaître que c ’est à titre de
justice que la remise a été faite.
E t comment pouvoir soutenir q u e , dans l ’intention
du législateur, cette remise a été une pure libéralité,
tandis que dans la loi il parle plusieurs fois d ’actes (le
justice à faire, sans employer une seule fois le nom do
lib é r a lité ?
Co mm en t ne pas réfléchir, aussi, q u e , s’ il s’était
agi d ’ un simple d o n , les actions de tous créanciers,
ou non, n’auraient pas été réservés sur les biens
rendus? c ar ces biens étant devenus, par lu d é c h é a n c e ,
déchus
�( 33 )
libres de dettes dans la main de l ’É t a t , auraient passé
libres aussi'dans celle d ’ un donataire qui n ’aurait pu
être tenu de payer les dettes d ’ un émigré dont il n ’au
rait
pas été le vrai héritier. E t cependant une jurispi u-
dence’ constante a chargé d ’ une contribution propor
tionnelle aux dettes ces héritiers eux-mêmes q u i , avant
la l o i , avaient cédé à un t i e r s , aux risques de celui-ci,
tous leurs droits héréditaires, et q u i , ayant recouvré
par Cette loi les biens non vendus,
refusaient de
contribuer avec leur propre cédataire au paiement des
dettes, sous prétexte que la remise n ’était q u ’une
libéralité. Cela a été ainsi jugé notamment entre le
sieur de l ’Espinasse lui-m«me et le sieur Grenier, par
arrêt de la cour de Riom , du 3 mars 1 8 1 7 ; et cet
arrêt fut confirmé par la cour de cassation, qui depuis
a rendu deux décisions semblables, les 26 juillet 1826
et 24 avril 1827 ( Y . Sirey, 27. 1. 100 et
Mais, d i t - o n , on a substitué dans la loi le mot
rendre au mot restituer, qui était dans le projet.
Q u ’importe? n ’est-ce pas une misérable subtilité que
de trouver dans cette substitution un acte de libéralité
dont la loi ne parle pas, au lieu d ’ un acte de ju s tic e
q u ’elle annonce positivement!
,
Telle ne fut pas, au reste, la pensée qui dicta au
législateur ce léger changement de mots; la cause en
est connue : le législateur craignit que l ’emploi du mot
restituer ne fit supposer q u ’il entendait signaler connue
une spoliation la main-mise nationale sur les biens des
émigrés.
Car 011 restitue ce q u ’on a v o lé ou,pris sans droit.
5
�Ut
k
(
3 4
)
On rend ou l ’on remet ce que l ’on a r e ç u , ce dont
on s’est chargé.
*- E n employant le mot vendre comme étant l ’expres
sion la plus juste et la plus douce, le législateur a voulu
prévenir toute fausse interprétation tendante à ‘flétrir
d ’anciennes lois, qui avaient été sévères sans dou te,
mais que les dangers de l ’E t a t avaient peut-être com
mandées.
C ’est dansce b ut unique, non dans celui d ’indiquer
un don , que l ’on a remplacé le mot restituer, non par
le mot donner, mais par le mot rendre, qui a un tout
autre sens.
L ’on donne à qui l ’on veut, par une pure générosité,
ou par des senlimens particuliers d ’affection.
Mais l ’on ne rend q u ’à celui qui a eu , et q u i , sinon
a la rigueur, au moins en éq uité , a le droit de re
couvrer.
Or, la loi de 1814 n ’ a été le fruit, ni d ’ une affection
spéciale, ni d ’ une générosité c a p r i c i e u s e , qui ait voulu
gratifier, par une étrange préférence, une classe de
citoyens plutôt q u ’une autre ; elle a été dictée par le
sage désir d ’éteindre toutes les haines, en réparant,
autant que possible, d ’anciens maux et de grandes
pertes. L ib éra le, si l ’on v e u t , en ce sens q u ’elle ac
cordait ce q u ’elle pouvait refuser, elle a cherché prin
cipalement à être juste, d ’ une justice politique et civile
tout à la fois; d ’ une ju s tic e ¡)oliti<jue, sa mesure bien
faisante tendant h détruire de funestes germes de dis
corde; d ’ une ju s tic e civile,-en ordonnant que les biens
fussent rendus à ceux-là mêmes qui en avaient été
�( 35 )
les propriétaires, ou à leurs héritiers ou ayant cause.
C ertes, ce ne serait ni faire l ’acte cle ju s tic e annoncé
par la l o i , ni remplir le b ut cle conciliation et (le
c o n c o rd e q u ’elle se proposait, que de rendre les biens
non vendus, non au parent le plus proche de l ’émigré
l ’Espinasse, mais h ses parens les plus éloignés; non
au seul héritier q u ’ il avait laissé, à cet héritier q ui
seul avait pleuré sa mort , q ui seul avait fait réhabi
liter sa mémoire,
qui seul avait accepté les charges
de sa succession, à son malheureux père enfin, encore
existant au jour ou a paru la loi du j decembie i 8 i ^ ;
mais à d ’indifierens collatéraux qui ne s’ étaient jamais
occup és du sort de l ’émigré, q u i ,
peut-être m ê m e ,
avaient toujours ignoré son existence.
On opposera peut-être q u ’au moment de son décès,
en frimaire an 8 ,
le sieur de l ’Espinasse fils était
émigré, q u e , comme tel, il était frappé de mort civile,
et q u ’ainsi il n ’a pu transmettre alors aucun droit à
aucun héritier.
C ette question, s'il était utile de l ’app ro fo ndir ,
présenterait des difficultés d ’autant plus sérieuses ,
q u ’elle a été diversement jugée par la C o u r de cassation
elle-même.
Dans l’ancienne jurisprudence, si l ’on rendait les
'biens confisqués sur un individu mort c i v il e m e n t, la
remise en était toujours faite à l ’ héritier du tems de
la mort naturelle. C ’est ce q u ’avait décidé la C o u r
de cassation par un premier arrêt du 21 fructidor
an 8; et c’est ce q u ’elle a jugé encore par un second
a n ê t , du 21 décembre 1807 , relativement à la suc
�cession d ’un
émigré,
dont la
mort
avait précédé
l ’amnistie. On lit dans l'arrêt ce motif remarquable :
« C ’est Vhéritier légitim e à l ’époque de la mort
« naturelle de l ’émigré, qui a dù recueillir sa succes« sion ( i ) . »
D e p u is, par un arrêt du j
août 1820, la même
C o u r suprême a pensé que la succession de l ’émigré
amnistié après sa mort n ’était censée ouverte q u 'a u
jour de l ’amnistie, et q u ’elle appartenait à l ’ héritier de
cette époque, non à celui qui le serait au moment du
décès de l ’émigré (2).
Mais la question est indifférente pour la cause; car
le sieur de l ’Espinasse serait l ’ héritier légitime et l ’ hé
ritier unique de son fils, le 16 frimaire an 8, date d e l à
mort naturelle; et il le serait aussi exclusivement, le
i 5 ventôse an 11
date de l ’amnistie q ui fit cesser la
mort civile du fils émigré. A cette dernière ép oque,
comme à la p r e m i è r e , la loi du 1 7 nivôse en 2 , seule
en vigueu r, attribuait au père toute la succession d ’ u n
fils qui ne laissait ni enfans, ni frères ou sœurs, ni
d ’autres ascendans.
A i n s i , que la succession du fils émigré amnistié
soit réputée ouverte au moment du décès, ou seule
ment au jo u r de l ’amnistie, dans l ’ un comme dans
l ’autre cas, le père a été le seul héritier de son fils. L u i
( i ) V o i r l e i er a r r û t , d a ns les Q u e s t i o n s d e D r o i t d e M e r l i n , nu m o t
confiscation, § 2. V o i r aussi le r é pe r t o i re d u m ê m e a u t e u r , au m o t
h é r itie r .
(^) Vuir l’ arrût dans le Journal de Sircy, a i . 1. 14.
�( 3 7 )
seul aussi, en cette q u a l ité , avait obtenu en l ’an i l
le certificat d ’amnistie du ills; lui seul, comme unique
représentant de l ’émigré, avait été, lors de l ’amnistie,
envoyé en possession, par les arrêtés des préfets du Cantal,
de la I la u te -L o ir e , du Puy-de-Dô m e, de tous les biens
de l ’émigré qui furent rendus à cette époque; lui seul
a agi, a tr ait é, a acquitté les dettes, comme héritier
de l ’émigré, depuis l ’an 11 ju sq u’au jour de la loi de
i 8 i 4;
lui seul, enfin, au moment où cette loi de
justice a été publiée, était investi et du titre d ’héritier
et des droits attachés à ce titre ;
Comment ne pas reconnaître que c’est aussi lui seul
qui a été appelé par cette loi a recueillir des biens
q u ’elle déclarait ne rendre q u ’à l ’ héritier de l ’émigré?
Que pourrait-on opposer de solide à des observations
fondées sur les faits, sur les termes de la l o i , sur
l ’équité même?
Co mm en t pourrait-on soutenir sérieusement que le
législateur, q ui a déclaré vouloir avant tout être juste,
n ’a cependant pas entendu rendre tous les biens du
fils au père , qui seul en avait été privé par la confisca
tion, et que ce législateur ait eu la bizarre pensée d ’en
rendre moitié à des parens éloignés qui n’avaient rien
perdu et à qui la confiscation u ’avait rien ô t é , puis
q u ’ ils n’auraient rien obtenu ni à la mort du fils, s’il
était décédé integri slatusj ni au momentde l ’amnistie;
la loi des deux époques ne leur accordant aucune part
dans l’ hérédité de l’émigré?
Mais la question peut être examinée avec le même
avantage sous son autre face.
�rY
( 38 )
Que l ’on suppose, si l ’on v e u t , que les biens aient
été rendus par pure lib é ra lité plutôt que par esprit de
justice.
Résulterait-il de là que ce soit à d ’autres q u ’au sieur
de L ’ Espinasse père que la remise en ait été faite?
Non sans doute.
. Les biens seront rendus, dit la l o i , à c e u x q u i en
étaient propriétaires ou à leurs héritiers ou ayant
cause.
A
leurs héritiers! Pour exécuter la loi,
rechercher si, au moment où elle a p a r u ,
il faut
l ’émigré
L ’Espinasse avait ou non un héritier.
S ’il en avait u n , c’est à lui que les biens doivent
être rendus.
S ’il n’en avait pas, c’est à ses parens les plus proches,
à ses successibles, c’est-à-dire à ceux que les lois exis
tantes appelleraient à être ses héritiers, que les biens
devront a p p a r t e n i r .
Mais nous avons vu que dans'
existait,
l ’ espèce u n
héritier
[je sieur de l ’Espinasse père avait ce ti tr e,
ou depuis le iG frimaire an 8 , date du décès du fils,
ou depuis le i 5 ventôse au n , date de son amnistie.
Il en avait été saisi par le bienfait du sénatus-çonsulte
du iG floréal an 10 et du décret du g thermidor suivant ;
il avait été reconnu comme tel par de nombreux actes
administratifs, et notamment par les arrêtés des préfets
de la Ilautc-Loire, du C a ntal, du Puy-de -D ôm e; c’est
eu cette c£11a 1ité q u ’ il avait été envoyé en possession des
biens de son fils, sur la tête duquel ne pesait plus dèslors la dangereuse qualification d ’émigré; il a
exercé
�( 39 ✓
)
seul pendant 10 ans et plus, avant le 5 décembre 18 r 4 ?
les droits d ’ héritier, et en a seul aussi supporté les
charges; il a seul disposé des biens; il a seul acquitté
les dettes de la succession.
Comm ent se ferait-il que ce ne fût pas à lui seul que
s’appliquât le texte comme l ’esprit de la loi du 5 dé
cembre 1814 > et f£ue cette loi, qui dit expressément
que les biens seront rendus a u x héritiers de l ’ancien
propriétaire, eût voulu tout lew.contraire de ce q u ’elle
disait, eût entendu que les biens seraient rendus, non
au sieur de l ’Espinasse père, encore vivant et seul in
vesti, en 1814 s fl u l itre d ’héritier de son fils, mais aux
B o u n a f o u x , qui n ’avaient jamais eu cette qualité, q ui
ne l ’avaient même jamais réclamée, et qui n’en étaient
pas plus saisis alors q u ’antérieurement?
Mais, dira-t-on, ce n ’est pas aux anciens héritiers
que la loi a entendu rendre, c’est 'a de nouveaux hé
ritiers, parens des deux lignes paternelle et maternelle,
qui auraient été successibles d ’après la l o i , si la suc
cession du fils l ’Espinasse s’était ouverte seulement le
5 décembre 18 il\.
Cett e assertion, comment la prouve-t-on?
Que l ’on cite un seul article, un seul mot dans la
loi du 5 décembre qui l’autorise?
Cette loi ne parle pas de su cce ssib le s, elle parle
d ’ héritiers déjà reconnus comme tels.
Elle ne crée pas un nouvel ordre de succession, un
nouveau mode d ’attribution ou de partage des biens ;
elle s’en réfère à l ’ordre déjà existant; elle attribue ce
�qui reste des biens de l ’émigré à l ’ héritier de celui-ci,
à celui qui déjà avait recueilli légalement le surplus de
l ’ hérédité, à celui à qui seul ce reste appartenait, puis
que seul il en avait été privé ju sq u’alors par une re
mise tardive.
Seulement la jurisprudence, plutôt même que la loi
dont le sens a été peut-être un peu forcé, la jurispru
dence a exigé que l ’ héritier légitime fut v i v a n t , pour
lui attribuer la remise, o u , si l ’on v e u t , le bienfait.
Mais aucun arrêt, aucune autorité
n ’est
allée ju sq u’à
décider, ju s q u ’à préjuger, même indirectement, que
l ’ héritier ancien, que l ’ héritier saisi légitimement et
reconnu comme tel en 18 14? s ^ existait encore lorsque
la loi a paru ,
ne fût pas aussi le Seul héritier que
cette loi appelât à profiter des biens dont elle faisait
la remise. Il était réservé aux sieur et dame Desrois
eux-mêmes e t d e faire élever par les Bonnaloux cet é t r a n g e s y s t è m e , que l'aveuglement de
l ’ intérêt ou les erreurs de l ' i m a g i n a t i o n o n t pu seuls
d ’ cl e ve r
enfanter ; qui tendrait à détruire cette maxime si con
nue : sem el hœres sem per lueres; qui établirait deux
successions différentes dans le même in div id u , et q u i ,
en laissant au sieur de l ’Espinasse p è r e , comme seu l
héritier de son fils avant
1 8 t 4 > to u t le patrimoine
recouvré antérieurement, le priverait de la moitié de
son titre pour le
tems
postérieur, et l ’obligerait à
partager les biens obtenus depuis, avec d ’autres héri
tiers, créés tout-à-coup non par la loi qui n ’en parle
pas, mais par les illusions ou les caprices de la
argumentation de quelques jurisconsultes.
vaine
�( 4. )
C ett e création fantastique est en opposition dircctG
avec les termes de la loi de 18 1 4 s qui n’appelle q u ’un
seul ordre d ’héritiers, c’est-à-dire les héritiers déjà dé
clarés
tels et eæislans encore au moment de sa p u b li
cation; qui ne reconnaît, d ’ailleurs, q u ’ une seule suc
cession de l ’émigré, puisqu’en rendant les biens non
vendus aux héritiers, elle a soumis ceux-ci à la charge
proportionnelle des dettes, même de celles dont l’É t a t
était affranchi par la decheance, et dont un simple
donataire de l ’É t a t aurait dû l ’être par le même
motif.
Ces observations, et sur-tout les termes de la l o i,
son b u t , son esprit, repoussent avec force les préten
tions tardives des B on nafoux, dont le silence prolongé
depuis 18 14 n a ^
évidemment rompu en 1829 q u ’à
la demande des sieur et dame Desrois, et moyennant
un modique salaire payé à leur complaisance plutôt
q u ’à la cession secrète de leurs droits illusoires.
L a loi de 1 8 1 4 fournirait au sieur Bournet un ar
gument de p l u s , s'il était nécessaire.
E n effet, dans le préambule, le législateur déclare
formellement q u ’il veut concilier un acte de justice avec
le respect d û 11 d e s d r o i t s a c q u i s p a r d es tiers en
vertu des lois existantes.
Dans l ’article premier, il déclare maintenir, tous
jugem en s et décisions rendus, tous actes passés, t o u s
d ro its
a cq u is
avant la p u b lica tion de la C h â tie
constitutionnelle t et <jui seraient fo n d é s sur des lois
ou des actes du Gouvernem ent rela tifs ii Vém igration.
O r , la qualité de seul héritier (le l ’Espiuasse fils
6
�p X\
'•
( 4 0
était pour le sieur l ’Espinasse père un droit acquis en
vertu des lois existantes.
C et te qualité de seul héritier lui avait été coniérée
ou reconnue par plusieurs actes du Gouvernement, re
latifs à l ’émigration, tels que le certificat d ’amnistie,
délivré à sa demande, et les arrêtés d ’envoi en possession
des biens du fils, rendus en sa faveur; ces arrêtés,
parmi lesquels celui du préfet du C a n t a l , qui reçut
sa pleine exécution, restituait au père, même les terres
de Vertessère et de Sévcrac échues au fils, par suc
cession, pendant son émigration et sa mort civile.
*
Cett e qualité indélébile d'héritier u n i q u e , ce droit
a cquis et consacré par plusieurs actes administratifs non
attaqués et inattaquables, serait un jeu si le système
des Bonnafoux était accueilli; une choquante rétroacti
vité serait admise , et tous les principes nouveaux
comme tous les principes anciens seraient également
méconnus et blessés p o u r favoriser des prétentions que
l ’équité repousse autant que la l e t t r e de la loi.
U n e autre circonstance vient encore à l’appui des
droits du sieur Guil laum e de l ’Espinasse. Il é t ait, en
18 14 > Ie parent le plus proche de l ’émigré son fils; et
sous ce dernier ra p port , n ’eiit-il pas même été alors le
seul héritier reconnu, le seul héritier saisi de ce titre
depuis le a 5 ventôse an i i , date de l ’amnistie de
l ’émigré, il eût d u , d ’après la jurisprudence, recueillir
seul tout le bénéfice de la remise accordée par la loi
du 5 décembre.
Nous verrons en effet, bientôt, que les arrêts
même
invoquas par les Bo nnafoux, ces arrêts rendus dans
�( 43 )
(les cas où l'héritier légitime de l ’émigré n ’existait plus
au moment de la publication de la l o i, ces arrêts ont
attribué tous les biens au parent le plus proche de
l ’émigré, sanstexaminer de quel côté il était parent, à
quelle ligne il appartenait.
Soit, donc, que l ’on considère que l ’émigré l ’Espinasse étant décédé en l ’an 8 ,e t ayant été amnistié en
ventôse an 11 , c’est-à-dire sous la loi du 17 nivôse an
2 , ri; a eu q u ’ un seu l héritier, un seu l représentant,
un seu l ayant-cause 3 savoir : le sieur G uillaum e de
l ’ Espinasse père;
Soit que l ’on fasse attention que le sieur de l ’Espinasse père était encore existant au 5 décembre 1 8 1 4 ,
et q u ’il avait alors un droit acquis à ce titre d ’héritier
u n i q u e , de représentant u n i q u e , d ’ayant-cause de son
fils dont la qualité d ’émigré avait été depuis long-tems
effacée par l ’amnistie;
Soit , enfin , que l ’on réfléchisse que le sieur de
l ’Espinasse père était seul aussi le parent le plus proche
de l ’ancien émigré ,
On sera dans la nécessité de reconnaître que c’est à
lui seul aussi que doivent appartenir les biens rendus
par la loi de iBi/jToutes ces idées sont en harmonie avec les opinions
des auteurs, avec la jurisprudence des arrêts.
M. Merli n, dans ses questions de d ro it, au m o t
con fiscation y § 2 , après avoir rapporté l ’arrèt de cas
sation prononcé le 25 janvier 1 8 1 9 , entre l ’abbé l)uclaux et le marquis D é p i n a y - S a i n t - L u c , fa it , sur cet
arrêt, plusieurs réflexions.
�Il remarque que l ’émigré Dép inay de L i g e r i , mort
long-tems avant la loi, avait laissé pour héritière légi
time sa fille, décédée elle-même cinq ans avant le 5
décembre i 8 i 4 > et dont l ’abbé Duclaux était le léga
taire universel \
Que cette héritière, n’existant pas en 18 t 4 ? n ’avait
pu, ni profiter du bénéfice de la loi, ni par conséquent
le transmettre à son légataire;
E t que les biens rendus avaient été attribué!' au
sieur Dépinay-Saint-Luc., comme étant le p l u s p ro c h e
p a ren t, exista n t en 1 8 1 4 ? de l ’émigré Dépinay de Ligeri.
Mais M. Merlin ajoute d ’ importantes observations :
C e n ’est,
dit-il,
que par une fin de non recevoir
contre l ’abbé D u c l a u x ,
que la question fut jugée en
faveur du sieur Dépinay-Saint-Luc. L ’abbé D u cl aux,
étranger h la famille D é p in a y , n ’avait ni titre ni qua
lité p o u r réclamer les biens rendus.
D ailleurs, p o u r a d m e t t r e la d e m a n d e du sieur de
S a in t-Lu c, il eut f a l l u supposer, s ’il exit eu en tête un
adversaire com pétent ( c ’est-à-dire un héritier vivant
de l ’é m ig r é ) , que le com te D ép in a y de Ligeri avait
laissé d e u x successions (pii s ’étaient ouvertes <i d e u x
époques différentes ; supposition q u i répugne a u x no
tions les p lu s triviales de la ju risp ru d en ce
L ’auteur fait ensuite observer que l ’arrêt cité regarde
la q u a lité d ’héritier com m e indispensable à
tout
membre de la f a m ille des anciens propriétaires 3 q u i
se présente p o u r profiter de la remise.
M. Merlin continue ainsi :
» Il dit bien ( l ’arrêt Du cl aux) que la loi du 5 dé-
�( 45 )
J f ô
« cembre i 8 i 4 est une ^oz p o litiq u e et spécia le ; mais
« il ne va pas jusqu’à dire q u ’elle donne à l ’expression
« héritier, une acception différente de celle que lui at« tribueut les lois ordinaires.
« Il dit bien que cette loi doit trouver son interpré« tation dans les motifs qui l ’ont fait rendre; mais il
« ne s’en suit nullement de là que l ’expression héritier
« soit, dans son texte, susceptible d ’un autre sens que
« celui q u ’il présente par lui-mème. »
M. Merlin termine par penser, en s’appuyant d ’ un
avis du conseil d É t a t , du q thermidor an io^ « que
«
par les mots,
le u r s
h é r it ie r s
,
l ’on doit entendre
« les personnes auxquelles les lois civiles accordent ce
« titre. »
T o u t , dans cette discussion, est précieux pour lu
cause actuelle.
S ’il est vrai que par les mots, leurs héritiers, e m
ployés dans l ’article i de la loi du 5 décembre 18 1 4 ?
on doit seulement entendre les personnes auxquelles les
lois civiles accordent ce titre, il est évident que c est
an sieur Guillaume de l ’ Espinasse seul que ces mots
s’appliquent; parce que c ’était à lui seul que les lois
civiles avaient attribué le titre d ’héritier, soit en l ’an
8 , époque du décès du fils émigré, soit en l ’an i r ,
époque de son amnistie; parce que c’est aussi le sieur
de l ’Espinasse, qui seul avait la qualité d ’hé»ilier de
vant les lois civiles, au moment où fut présentée et
décrétée la loi sur les biens remis.
S ’il est vrai aussi q u ’on ne puisse supposer que le
même individu ait laissé deux successions qui se soient
<
�U
( 46 )
ouvertes à d e u x époques différen tes, et si cette suppo
sition répugne a u x notions les p lu s triviales du droite
c’est encore le sieur de l ’Espinasse père qui doit seul
profiler des biens rendus, paice que ces biens n’ont
pas dû former une succession particulière du fils; parce
q u ’ ils ont dû se rattacher à la succession déjà ouverte
dont ils sont devenus en quelque sorte l ’accessoire, et
parce que le sieur de l ’Espinasse père, qui avait seul
recueilli et dû recueillir la succession à son ouve rt u re ,
était encore vivant en 18 14 » pour recueillir aussi l'ac
croissement que cette succession reçut alors.
E n décider autrement ce serait évidemment dire
que l ’émigré l ’Espinasse a laissé deux successions qui
se sont ouvertes à deux époques différentes; l ’une en
l ’an 8 ou en l ’an 11 , régie par la loi du 17 nivôse an
2 , et attribuée par cette loi au sieur de l ’Espinasse
père comme seul héritier; l ’autre au 5 décembre 1 8 1 4 ?
régie par le Cocl e c i v i l , e t d i v i s i b l e par moitié entre
les deux lignes paternelle et maternelle de l ’émigré.,
c ’est-à-dire entre le sieur de l ’Espinasse père d ’une
p a r t , et les Bonnafoux et consorts de l ’autre.
Indiquer une telle conséquence, c’est suffisamment
démontrer l’absurdité du système des demandeurs.
M. Dalloz dans sa Jurisprudence générale, au mot
ém ig ré, section 3 , art. 2 , § i , r , examine aussi à qui
profite la remise ordonnée par la loi du 5 décembre
1 8 1 4 ; et après avoir dit que la ju risp ru d en ce constante
de la C ou r de cassation a é té fa v o ra b le a u x parens
les />lus p roches, au jo u r de la lo i, ( ce qui cependant
n a été admis par la C o u r de cassation
elle-m êm e
que
�(47)
iff
lorsque ces parens étaient en concours avec des étrangers
cédataires ou légataires universels de l ’émigré ou de ses
héritiers) , l ’arrêtiste se livre lui-inéme à une disserta
tion sur le caractère de la remise faite par la l o i; il
prouve clairement que cette remise n’a p a s é té une
lib é r a litéj mais que l ’É ta l s ’est im posé ce sacrifice
p o u r fa ir e cesser l ’œuvre de la v io len ce , p o u r opérer
une réparation $ il le prouve avec le préambule de la
loi
où le législateur déclare s’être proposé un acte
de ju s tic e : il le prouve avec les termes de l ’article deux
par lequel les biens sont rendus non à la famille des •
émigrés, en général, mais à leurs héritiers ou ayant
cause • il Ie prouve aussi,
l ’ar ti cl e
I er
avec les expressions de
qui a maintenu les droits a c q u is, et par
conséquent les qualités et les titres existans au moment
de la remise; il argumente de la loi du 27 avril 182$
sur l ’in d e m n it é , qui est en opposition avec le système
de libéralité , puisqu’elle attribue l'indemnité
aux
héritiers du jour du décès de l’ émigré; il fait observer
d ’ailleurs , avec beaucoup de justesse, que si la loi
de 18 f 4 avait voulu faire une libéralité, il eut été
inutile de dir e, comme elle l ’a dit dans l’article 3 ,
q u ’îl n’y aurait lieu à aucune remise des fruits perçus;
enfin il ajoute , ce qui est aussi décisif, que la loi ne
contenant aucune disposition expresse qui intervertisse
l'ordre de su ccessib ilité toujours a d o p té , il ne v o it
pas ce q u i p eu t autoriser le ju risco n su lte ou le m a
gistrat à fa ir e de cette lo i une innovation exorbitante
et sans exem p le.
Ces observations sont péremploires, même celle tirée
�\v
Il *
delà
(
48
)
loi de 1825 sur l ’indemnité; car les deux lois
n ’ont de différence q u ’en ce que , d ’après la dernière,
ce sont les héritiers du jour du décès de l ’émigré,
qui profitent de l ’indem nit é, tandis q u e , d ’après la
j u risprudence actuelle delà C o u r de cassation, appliquée
à la loi de 18 r 4 5 c’est aux héritiers du jour de l ’am
nistie que les biens ont été rendus.
M. Sir ey , dans une dissertation par laquelle il a fait
précéder la relation de l ’arrêt Ma la fosse, du 18 février
i8a4? énonce une semblable opinion;
et
dans le rap-
* procheincnt des diverses parties de la loi du 5 décembre
18 14) dans le préambule notamment, où le législateur
d i t , à deux fois différentes, q u ’il se propose un grand
acte de ju s tic e et où l ’on ne voit pas q u ’il s’agisse de
lib éra lité ; dans cet article où il déclare rendre les biens
aux anciens propriétaires ou à leurs héritiers ou ayant
couse, comme dans celui qui conserve ou rétablit toutes
les actions des créanci ers des émigrés sur les biens remis;
dans la combinaison, enfin, des di ffé re nt es di sp osi t io ns
de la loi , M. Sirey trouve la preuve que le système
de la lo i n ’est pas un systèm e de lib é ra lité mais un
systèm e de ju s tic e p o litiq u e , si ce n ’est pas un système
de ju s tic e civ ile.
Ainsi ce sont des idées de justice qui ont princi
palement dominé dans la pensée du législateur. L ’on
ne peut donc pas dire q u ’il ait ordonné la remise à
titre de lib éra lité se u lem e n t, et par une libéralité
aveugle , par une libéralité indépendante de toute
autre impulsion. U n tel système serait en opposition
directe avec les termes positifs do la loi, qui
parlent
�"
( . » )
;(?
d’ actes de ju s tic e à faire, de biens à remettra a u x
héritiers de l ’ém igré. D ’ailleurs, que cette justice ait
été faite par politique ou par uu autre m o t i f ; qu elle
ait été aussi dictée, si l ’on v e u t , par des sentimens de
libéralité , il n’en est pas moins vrai que la remise n’a
pas été une libéralité pure; il n’en est pas moins vrai
q u ’elle a eu pour base principale des sentimens de jus
tice- il n ’en est pas moins vrai q u ’elle dev ait , par
c o n s é q u e n t , être dirigée en faveur de ceux-l'a mêmes
auxquels avait nui la peine de la confiscation-, e t , par
conséquent, en cas de prédécès des anciens propriétaires',
en faveur de leurs héritiers légitimes s’ils étaient encore
vivans, ou en faveur des parens les plus proches, si les
héritiers légitimes étaient aussi décédés au moment de
la loi. C a r , tout en se montrant libéral, il eut manqué
le but de justice q u ’il se proposait, le législateur q u i ,
méconnaissant les droits d ’ un héritier légitime encore
exista n t, aurait attribué tout ou partie des biens ren
dus, à des parens éloignés auxquels la confiscation n avait
pas fait éprouver la moindre perte ni le moindre tort.
L a C o u r de cassation a été bien éloignée elle-même
de commettre une pareille erreur. E n eff e t, si l ’on
parcourt les arrêts q u ’elle a rendus sur la matière, on
reconaitra q u ’ ils consacrent, au lieu de la d e t i u i i e ,
la doctrine que nous avons professee.
Les arrêts s’appliquent à trois cas différons :
i° Au cas où les parens de l ’émigré étaient en con
testation avec des légataires universels, soit de l ’émi
gré, soit (les héritiers de celui-ci;
2° A celui où l’émigré n’avait jamais été amnistié;
7
�’H
-(5°)
3 ° A celui enfin où l ’émigré, étant décédé en 18 14 ,
avant d ’avoir recueilli une hérédité ouverte pendant
sa m ort civile , avait pu cependant en transmettre les
droits à ses propres héritiers.
Dans le premier cas, c’est contre les légataires u n i
versels, dont le titre était antérieur à la l o i, que la
question a toujours été décidée. Elle devait l ’ètre ainsi,
soit parce que l ’on ne donne que ce dont on est pro
priétaire, soit parce que l ’étendue des legs repose toute
sur l ’intention présumée des testateurs. O r , il était
impossible q u ’ un testateur eût pu et eût entendu
léguer des biens qui non seulement ne lui apparte
naient pas lors du te stam en t, mais q ui même ne lui
avaient jamais appartenu , puisqu’ils n ’avaient été
rendus que long-tems après son décès. Tels sont aussi
les principaux motifs qui ont dicté l ’arrêt d ’E p in aySaint -Luc et Du cl aux , du. a 5 janvier 1 8 1 9 , l ’arrêt
R e culot, du 10 février 1 8 2 3 , l ’arrêt Ma la fosse, du
18 février 1 8 2 4 , l ’arrêt May n a r d e t L a Ferté , du 19
mai de la même année (1).
Il est même à remarquer que ces divers arrêts, en
préférant la famille de l ’émigré à des légataires un i
versels dont les titres étaient antérieurs à la l o i, n ’ont
p a s , d ’ailleurs ,
ordonné le partage
des biens
par
moitié entre les pareils des deux lignes paternelle et
maternelle de cet émigré, mais q u ’ils les ont adjugés
( 1 ) C e s arrêts sont da ns tou s les rec uei l s. O n p e u t les vo i r n o t a m m e n t
3,
a 4®} a 4 -
duns la J u r i s p r u d e n c e g é n é r a l e d e D ; t l l o z , au m o t emigre, secti on
article a , § i , et da ns le J o u r n a l d e S i r e y , 1 9 . 1. 7 6 j
1. aG 3 c l 'io'j.
23.
1.
�Jfl
en totalité aux parens les plus proches au moment de
la remise : circonstance qui rend ces arrêts favorables
au sieur (le l’Espina'sse père , parcé q u ’il était , au
moment de la loi de 18 14 ? Ie parent le plus proche de
son fils.
On doit aussi'faire observer que tous les arrêts ont
été rendus dans des espèces où les héritiers légitimes
de l'émigré étaient décédés eu x-m êm es , et n’ avaient
pu, par conséquent, recueillir, à ce titre d ’ héritiers, les
biens qui furent postérieurement remis , ni les trans
mettre à des tiers qui n ’étaient pas même parens de
t • r
1 *émigré.
Aj out ons
q u ’ une
jurisprudence semblable
établie pour l'application de la loi du
s’est
avril i B ?.5
sur l ’indemnité. Par arrêt du 8 février i 8 3 o , la C o u r
de cassation a décidé que la cession, même la plus
générale des droits héréditaires, ne comprenait pas
l ’indemnité accordée par cette loi à l ’ émigré ou à ses
héritiers.
L e second cas à examiner est celui ou 1 emigie
n’avait pas été amnistié et n’a été réintégré dans ses
droits civils q u ’en 18 14- C e cas est celui de l ’arrêt
Dcvenois.
C et a r r ê t , qui a été invoqué par les B o n n a f o u x , ne
décide absolument rien en leur faveur. Pour s’en con
vaincre il suffit de rappeler les faits, et de les comparer
aux motifs de la décision, mais en remarquant que
deux arrêts ont été rendus dans cette cause, le i er, par
déf aut , du 9 mai 1821 ( c ’est celui-là seul que rappor
tent la plupart des recueils)*, le second', contradictoire,
�sur opposition, du 28 janvier i 83 o. O11 le trouve à sa
d a te , au bulletin civil de cassation. Les motifs de ce
dernier arrêt sont sur-tout importans à combiner avec
les faits.
Pierre-René Devenois, décédé le iG octobre 1794?
avait laissé pour héritier Jacques son frère5 mais, celuici étant é m i g r é , l ’É t a t s’empara de la succession.
Jacques Devenois mourut en i 8 o 5 sans avoir été amnist ié ; il ne l ’a été q u ’en i8i/j-. Son héritière naturelle
était la demoiselle Laguerney, morte en 1808, et dont
l ’héritier était un sieur Porcher de Longchamp.
C e l u i-c i, en 1 8 1 4 ? se st présenté comme héritier de
la demoiselle Laguerne y, e t , comme se c r o y a n t , du
chef de celle-ci, héritier de Jacques Devenois auquel il
ne parait pas d ’ailleurs q u ’ il fut même parent; il s’est
présenté et a réclamé les biens rendus par la loi du 5
décembre. Mais un sieur B a zire, q ui é t a i t , en 1 8 1 4 >
le parent le p l u s proche de l ’émigré, a demandé luimême à profiter de la remise.
De là est née la question de savoir si les biens rendus
étaient censés appartenir à l ’ héritier du tems du décès,
ou à celui du tems de l ’amnistie.
C ett e question ,‘ sur laquelle la nouvelle jurispru
dence de la C o u r de cassation s’était fixée par 1111 arrêt
du 7 août 1820 , ne pouvait plus être sérieusement
élevée. Il était naturel que la C o u r , persistant dans sa
doctrine, décidât que l ’ém ig r é, mort civilement au
moment de sa mort natur elle, 11’avait pu rien transïneitre alors, ni par conséquent avoir un héritier;
*l«’ ainsi la succession devait appartenir seulement au
\
�( 53 )
;•
j6[
parent le plus proche au moment de l ’ainnistie, parce
que c’était à cette époque seulement que l ’émigré, re
c o u v r a n t son état ci vil , devait être réputé avoir laissé
une hérédité. Il était conséquent aussi avec ces idées
que la demoiselle Laguerne y, morte en 1808, ne fut
pas considérée comme ayant recueilli une succession
qui était censée ne s’ètre ouverte q u ’en 1 8 1 4 - C ’est
d ’après ces puissans motifs et notamment par le défaut
d ’amnistie avant 1 8 1 4 ? que la C o u r se détermina h
refuser l ’hérédité au représentant de la demoiselle L a
guerney, et à l ’accorder au sieur Bazire, parent le plus
proche de l ’émigré, et par conséquent son héritier en
1814, au momen t où avait cessé la mort civile de l ’émigré.
Que Ton vérifie scrupuleusement ce dernier ar rê t,
et l ’on reconnaîtra q u ’il n ’a aucune analogie avec la
cause actuelle, puisque l ’émigré l ’Espinasse fils avait
été amnistié le
ventôse an 1 1 ,
et que le sieur
l ’Espinasse père, son seul héritier alors, était encore
vivant en 1814 , n ’avait pas perdu sa qualité d ’ héritier
u n i q u e , et était par c o n s é q u e n t apt e, d ’après la loi
civile o r d i n a i r e , et appelé par la loi spéciale du 5 dé
cembre, à recueillir les biens alors rendus.
Le
seul arrêt dont l ’espèce présente une grande
analogie avec la cause actuelle est celui re ndu , le 21
janvier 1 8 2 1 , dans Tafiane de Béthune et Carnin.
Béthune-Sully fils, décéda en 1794 sous la loi du
17 nivôse an 2 , laissant pour unique héritier le comte
de Béthune son père, alors émigré. L ’É t a t qui repré
sentait le père s’empare de la succession. E11 l ’an 1 0 ,
le comte de Bélhune est amnistié; il se remarie , meurt
�%
( 54 )
avant iBi/fj mais laisse (les enfans qui lui survivent, ( i )
Plusieurs des immeubles dont s’était emparé le fisc
au décès de Béthune-Sully fils sont rendus par la loi
de 18 1 4 • Les comtes de C arn in les réclament comme
é t a n t , au décès du fils S u l l y , scs plus proches parens,
après son père, que sa mort civile comme émigré avait
rendu incapable de succéder.
Ces prétentions sont écartées par des motifs remar
quables :
Les biens étaient dévolus au père par la loi du 17
nivôse an 2 ;
L e père en était saisi par le droit com m un ;
C e droit avait é té seulem ent suspendu par l ’effet
des lois sur l ’ém ig rat io n, q ui l ’avaient transmis au
fisc ;
Mais les droits civils ayant été depuis restitués aux
émigrés, la remise, opérée par la loi du 5 décembre
18 14 > n a Pu ¿ire iaite q u ’à la famille du com te
B éthun e com m e ancien p ro p riéta ire , en t/utilité d ’hé
ritier de son f i l s .
C et arrêt présente un cas oii le succès devait paraître
plus douteux même que dans celui qui nous occupe.
E t cependant il déclare que le père émigré était saisi,
suivant le droit com m un , des biens de son fils, quoi
q u ’ il ne les eut pas recueillis, à cause de sa mort civile;
il dit que son droit n a é té que suspendu par la main-
(0
V o i r l 'arvét dans lo j ou r na l d e S i r c y ,
22,
1. 21 , et d a ns la j u
r i s pr ud e nc e g é n é r a l e d e D a l l o z , au mo t émigré, s c c t i o u
p. 8aO.
3;
art. 2. § 1»
�mise du fisc; il décide que cet émigré, en qualité d ’ hé
ritier de son fils , devait être réputé Vancien p r o
priétaire de ces biens qui cependant n’avaient été remis
q u ’après sa mort; il ajoute q u ’il a transmis son droit à
ses propres héritiers.
Tous ces principes s’appliquent littéralement à la
cause du sieur l'Espinasse père, représenté par le sieur
Bournet.
L ’Espinasse fils, émigré, avait été saisi aussi, suivant
le droit c o m m u n , en l ’an 2 et .en l ’an 4 > des biens
de Jean-Marie et de François-Aldebert de Sévérac.
Son droit avait été aussi seulement suspendu par
l ’effet des lois sur Immigration, qui l ’avaient transmis
au fisc.
Mais ses droits civils lui ayant depuis été restitués,
il a transmis, au moment de son amnistie, à son père,
à son seul héritier, tous ses droits aux biens dont son
émigration l ’avait p r i v é \ e t , par conséquent, c’est eu
faveur du père seul, q u ’a pu être faite la remise opérée
eu 1814*
On le voit; soumises au creuset d ’un examen sérieux,
les prétentions des Bonnafoux se dissipent, tandis que
les droits du sieur l ’Espinasse père en sortent intacts,
consacrés, comme nous l’avons d i t , par la loi, par la
doctrine des aut eu rs, par la jurisprudence des arrêts.
L a loi a votilu voulu faire un acte de j u s t i c e , e t ,
par conséquent, rendre à celui qui avait perdu. O r ,
le sieur de l ’Espinasse père avait seul perdu les biens
qui ont été remis; car seul il les aurait recueillis en
l ’an S , en l’an 11 , si la confiscation n’avait pas eu
�lie u , ou si les maux q u ’elle avait causés eussent été
plus tôt réparés.
Se fut-elle même proposé de faire un acte de pure
libéralité, la loi, au moins, a déclaré rendre à llié r itier, de l ’ancien propriétaire; elle n ’a d i t , ‘d ’aill eu rs,
ni explicitement ni implicitement , q u ’elle créait une
nouvelle classe d ’ héritiers; elle n ’a pas dit aussi q u ’elle
rendait les biens à l ’héri ti e r'futur ; e t , s’en référant
par son silence même au droit co m m u n , elle n ’a en
tendu , par le mot h éritier, elle n ’a pu e n t e n d r e que
celui qui déjà était saisi du titre et des droits d ’héritier ,
s’il était vivant lorsqu’elle a paru. O r , le sieur l ’Espinasse père existait alo rs , et seul il était investi de la
qualité d ’héritier de son fils; seul il avait été reconnu
comme te l, soit antérieurement, soit à cette époque,
par les autorités administratives ou judiciaires, par les
créanciers de la succession comme par toutes parties
intéressées. C ’ est d o n c lui seul aussi que désignait la
loi en appelant l ’héritier à profiler des biens r e n d u s .
L a loi de plu£ a déclaré q u ’elle entendait respecter
les droits acquis. O r , au moment où la loi a p a r u , le
sieur de l ’Espinasse père avait un droit a cquis au droit
indélébile au titre d ’ héritier unique de son fils, e t ,
par conséquent, aux avantages attachés à ce titre. Ce
droit acq ui s, la loi l ’a expressément consacré; donc
c’est à lui q u ’elle a remis les biens non vendus.
Enfin , lorsque les héritiers légitimes n’existaient
plus en 18 14 , la jurisprudence interprétant la l o i, a
attribué les biens rendus aux pareus les plus proches
de l ’cmigié.
�( 57 )
Or, le sieur de I’Espinasse père était, à cette époque,
tout à-la-fois et le seul héritier légitime exi stant, et
le parent le plus proche de son fils; c’est donc évi
demment lui seul qui doit recueillir les avantages de
la remise des biens non vendus.
Co mm en t exp liquer, d ’après ces observations, l ’as
sertion de l’avocat de la dame et du sieur Desrois,
qui , après avoir succombé sans adversaire sur un
simple pourvoi, s’est hasardé à dire dans un écrit,
que si le fond de l ’affaire avait été exam iné, l ’arrêt
aurait été cassé.
Assertion imprudente!
œuvre éphémère des désirs
pris pour la réalité ou des illusions de l ’amour-propre,
que l’on a considérées comme le succès.
Assertion irréfléchie! comme si de graves magistrats
livraient au public les secrets de leurs délibérations;
comme s i , lors même que le pourvoi aurait été admis,
une dissertation approfondie et le frottement de la
contradiction n’eùt pas fait jaillir une lumière propre
à éclairer et à guider les esprits même incertains.
C ’est cependant peut-être cette étrange assertion
q u i , imposant au tribunal de première instance, l ’a
déterminé à repousser la doctrine que lui offraient les
deux arrêts rendus par notre C o u r dans cette même
cause; c ’est par elle q u ’il a sans doute été entraîné
dans un tel oubli des principes, que non seulement il
a attribué aux Bonnafoux une partie de la terre d ’ Au zat
rendue par la loi du 5 décembre 18 1 4 , mais q u ’il a
aussi ordonné en leur faveur le rapport au partage,
soit du 8mc de la terre de S a iu t - M a r t in , restitué au
8
�( 58 )
sieur l ’Espinasse père avant cette l o i , soit même de
tous les autres biens meubles et immeubles provenus
de la famille Sévérac, et qui lui avaient été délaissés
irrévocablement depuis plus de dix années par plusieurs
actes administratifs.
L e 8me de la terre de Saint-Martin faisait partie de
la sénatorerie attachée à la C o u r de Riom. Il en fut
détaché, par une ordonnance royale du 4 juin i 8 i 4 >
comme les autres propriétés particulières acquises par
voie de confiscation , que cette ordonnance déclara
restituer aux anciens propriétaires dans l ’état où elles
se trouvaient.
Ainsi, le 4 juin , le sieur de l ’Espinasse père, comme
seul héritier et seul représentant de l ’ancien pro
priétaire, son fils, eut à cet objet un droit acquis,
indépendant de la remise faite par la loi du 5 décembre
suivant. C o m m e n t s’est-il donc fait que le tribunal
ait cru pou voir, en vertu de c e t te loi, faire participer
les Bonnafoux aux avantages d ’une restitution q ui
l ’avait précédée?
L ’erreur du tribunal est encore plus saillante rela
tivement aux autres biens meubles et immeubles pro
venant de la famille Sévérac.
L e sieur de l ’Espinasse père avait été envoyé en pos
session de ces biens, dès l’an i i et dès l ’an 1 2 , en
vertu du certificat d ’amnistie q u ’il avait obtenu , le 5
ventôse an 11 (24 février i 8 o 3 ) , pour son fils alors
décédé.
Des anétés pris, les 11 germinal an 1 1 , 25 thci-
�( 59 )
7^
midor an n , 7 frimaire an 1 2 , par les préfets de la
I l a u t e - L o i r e , du C a n t a l , du Puy-de -D ôm e, lui dé
l a i s s è r e n t , comme au seul héritier de son iils émigré
amnistié, tous les biens que celui-ci avait possédés dans
ces trois départemens. L ’arrêté du préfet du C antal
lui abandonna aussi, par une disposition expresse, les
portions des terres de Vertessère et de Sévérac, qui
étaient advenues au fils, par succession, pendant son
émigration.
Ces actes administratifs ont toujours été respectés-,
ils ont
r eç u
leur pleine exécution. L e sieur de l ’Espi-
nasse, usant des droits qui lui avaient été conférés, a
cédé, le 8 vendémiaire an i!\ (29 septembre i 8 o 5 ) ,
tout
ce qui lui avait été délaissé , au sieur Grenier qui
lui -même en a disposé à son gré depuis cette époque
reculée.
Par quel aveuglement le tribunal a-t-il cru pouvoir
condamner le sieur de l ’Espinasse à rapporter tous ces
objets au
partage q u ’il
a ordonné?
et co mment,
même dans son s y s t è m e sur le sens de la loi du
5 d é c e m b r e 181/^ ne s’est-il pas aperçu que cette loi
commandait impérieusement, par son article i cr, de ne
porter aucune atteinte a u x droits acquis avant la p u
blication de la Charte constitutionnelle} et qui sei'aicnt
fonde's sur des lois ou des actes du gouvernem ent} rela tifs à Vémigration.
Ne nous étonnons cependant pas trop de cette aber
ration. On sait q ue,
lorsqu’au point de dép art, 011
ne prend pas le droit ch em in, plus on avance, plus 011
s’écarte de la vraie route.
�JS Pt
( « . )
Riais c’est trop nous occuper de ces erreurs secon
daires, q u ’il suffit de signaler pour les faire reconnaître,
ei qui doivent, d ’ailleurs, subissant le sort de l’erreur
principale, être réformées comme elle.
C e l t e réformation est commandée par la l o i , par
l ’équité comme par la justice, par la jurisprudence de
la C our de cassation, comme par celle de la cour de
Rio m.
P a r la l o i , qui considère les biens rendus comme
une partie intégrante, comme
u n accessoire nécessaire
de la succession de l ’émigré, puisqu’elle les soumet à
contribuer aux dettes héréditaires; qui n ’a d ’ailleurs
ni déclaré ni entendu établir deux ordres de succession
dans la même personne, et q u i , rendant les biens à
l ’ héritier de l’ancien propriétaire, les a nécessairement
rendus à celui-là seul sur la tê teduqu el, au moment de
sa publication , reposait ce titre d'hé ritier, à celui-là
seul à qui les c h a r ge s c o m m e les bénéfices de l ’hérédité
avaient été depuis long-tems t r a n s m i s , l o r s q u e , s u r
t o u t , existant au moment de la l o i , il réclamait luii
%
^
4
mêmd'l’es avantages de la remise.
P a r V éq u ité com m e p a r la ju s tic e ; car c ’est l ’équité
du législateur qui a dicté l ’acle de justice q u ’il proclame
dans le préambule même de la loi. Or, l'équité voulait
que l’on effaçât les dernières traces d ’ une confiscation
odieuse, d ’ une confiscation rayée depuis long-tems de
notre législation criminelle, d ’une confiscation vio
l en te , reste affligeant d ’ un tems de discorde et d ’égaremens. L ’équité voulait aussi que l ’acte de justice lut
dirigé en faveur de celui-là seul à qui les biens confis-
�qués avaient été enlevés. Or, quel autre que le sieur
del'Espinasse père, seul héritier de son iils au moment
de son décès, au moment de son amnistie, aurait re
cueilli ces biens si les rigueurs de la confication ne l ’en
avaient
privé ? quel autre
donc doit recueillir les
faibles restes de cette succession?
E n fin p a r la ju risp ru d en ce de la C our de cassa
tion j com m e p a r ce lle de la C ou r de R iom .
Par la jurisprudence de la C our de R io m , qui s’est
manifestée deux fois sur les mêmes questions, dans
cette même cause, en faveur du sieur de l ’Espinasse
père,
q u ’elle
a déclaré seul héritier, seul représentant
de l ’émigré amnistié son fils. L ’un des arrêts fut même
l ’ouvrage solennel des chambres réunies.
Par celle de la Cour de cassation, qui n ’a eu que
dans \i ne «Soule %oacasionv* dans.ia cay&e.jle Béthuue*r\
AM.
S ullyfc.&e.5i P 1P#KWie cIuesUon a l)eu Pl'es id e n t iq u e ,
et qui l ’a résbliïô dans un seti£;*itttrorAble au sieur de
l ’Espinasse. D ’autres arrêts, quoique moins applicables,
csK c,es.
'plus au moment de la l o f * n'ont 'cepeyfnftt
appelé h recdj^lH W è^^iens,1^ (4 4 i9t»^u’un seul parent,
n ’ ex i s ta i t
c’est-à-dire le parent le plus proche de l ’émigré; e t ,
dans la cause, le parent le plus proche est encore le
sieur de l ’Espinasse père.
L e sieur de l’Espinasse, ou le sieur Bournet son
représentant,
peut aussi invoquer
la doctrine
des
auteurs modernes.
Ainsi il réunit en sa faveur les termes et l ’esprit de
la loi, le poids des opinions les plus puissantes, l ’au-
�torité des arrêts les plus respectables, tous les principes
comme toutes les considérations. Pourrait-il craindre,
avec de tels m oyens, de succomber dans sa nouvelle
lutte contre des cédataires de droits litigieux, q u i ,
se déguisant sous le masque de parens éloignés de l ’é
migré amnistié; qui, empruntant le nom de collatéraux
dont un modique salaire a acheté la complaisance,
viennent contester encore des droits évidens et consa
crés déjà deux fois par la justice éclairée de la C o u r ?
BOURNET.
M e A L L E M A N D , A v o ca t.
Me S A V A R I N , A v o u é-L icen cié.
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A RIOM, CHEZ SALLES f i l s , Seul imprimeur de la C our royale et de la Mairie.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bournet. 1831?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Savarin
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions collatérales
mort civile
séquestre
amnistie
sénatorerie de Riom
rétroactivité de la loi
doctrine
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Le sieur Bournet, propriétaire, habitant de la ville d'Issoire, Appelant ; contre Jean Bonnafoux, propriétaire, habitant au lieu de Luzarègues, commune de Molède, département de Cantal ; Jean Vialfont, secrétaire de la sous-préfecture de Saint-Flour, et dame Françoise De Laroche, son épouse ; Henri Vialfont, Jeanne Vialfont, sa sœur, propriétaires, habitans du lieu de Molède ; Jeanne Vialfont et AntoineFouilloux, son mari, qui l'autorise, propriétaires, habitans du lieu de Boufeleuf, commune d'Auriat, même département du Cantal, intimé ; En présence De dame Amable-Henriette De Chauvigny De Blot, veuve de M. Claude-Etienne-Annet Desrois, propriétaire, habitante de la ville de Moulins, et de M. Annet comte Desrois, propriétaire, habitant de la ville de Paris, rue Blanc, n° 175, défendeurs en assistance de cause.
Annotations manuscrites. « 10 juin 1831, arrêt infirmatif, 2éme chambre. Pourvoi. 22 juillet 1833, Cour de cassation, section civile, rejet. Voir Sirey, 1833-1-676. »
Table Godemel : émigré : 5. ceux qui, héritiers d’un émigré à l’époque de son décès, n’ont recueilli qu’une partie des biens restitués à sa succession en vertu du sénatus consulte 6 du floréal an X, l’autre partie ayant été affectée à un service public, doivent recueillir cette dernière partie des biens, remise en vertu de la loi du 5 xbre 1814 et ce, à l’exclusion de ceux qui, devenus héritiers plus tard, se sont trouvés habiles à succéder avec eux lors de la promulgation de cette loi. – ici ne s’applique pas la règle consacrée par la jurisprudence, que les héritiers de l’époque de la remise doivent être préférés aux héritiers de l’époque du décès.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1792-1833
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2620
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2621
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53535/BCU_Factums_G2620.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
Molède (15126)
Saint-Flour (15187)
Auriac-l'Eglise (150013)
La Chapelle-Laurent (15042)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Martin-des-Plains (63375)
Mozac (63245)
Vertessère (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
arbre généalogique
doctrine
émigrés
mort civile
rétroactivité de la loi
sénatorerie de Riom
séquestre
successions collatérales
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8f3257a26465dfda8660b7e405a60148
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Text
MEMOI RE
POUR
MM. TOURTON,R A V EL et C o m p a g n i e
;
' •,>. *- .■ ? » • .
C O N T R E
M . M O N T Z et ses P r ê t e - N o m s j
«
ou
H i s t o i r e g é n é r a l e des fraudes de M . M o n t z ;
servir a l'instruction des v i n g t - t r o i s Procès par
lui suscités à M M T our t o n R a v e l et Compagnie.
Pour
�MEMOIRE
?
Pour
MM. T O U RTON , R A V E L
et
C om pagnie;
C o n t r e M . M O N T Z et ses P
r ê t e - N oms
.
C h a q u e matière a son intérêt. L a procédure ellemême , qui le croiroit? peut offrir des détails piquans
et dignes d'attention. Il est quelquefois curieux de suivre,
dans tous ses détours , un plaideur astucieux qui veu t,
à toute force, échapper aux justes condamnations pro
noncées contre lui. En vain les tribunaux s’arment de
toute leur puissance pour le contraindre à payer. Il a
plus d’adresse que les tribunaux n’ont de force. Un moyen
lui est enlevé : mille autres jaillissent de sa féconde ima
gination. Les faux, les simulations, le s déguisemens, les
enlèvemens furtifs, et, quand la rage s’en m êle, les
destructions pleuvent de tous côtés. Les créanciers
A
�(
2
}
courent, cherchent; s’agitent. Le débiteur fuit, cache,
résiste. A qui des créanciers ou du débiteur rebelle res
tera la victoire ? Q u i, dans cette lutte scandaleuse , rem
portera, ou de la ruse, ou delà justice? 'Suffira-t-il, à
un banqueroutier, de le vouloir pour acquérir cette in
solente invulnérabilité, opprobre des lois dont elle
atteste l'impuissance, désespoir du commerce dont elle
anéantit la sécurité ?
Un tel problème, en effet, peut éveiller la curiosité
de l’observateur.
E t c’est ce problème que la conduite de M. Montz
produit aujourd’ hui aux dépens de MM. Tourton, Ravel
et compagnie.
Tout Paris sait quel est M. Montz, l’ opulence dont il
jouit, leclat qui l’environne , la dépense qu’il fait. V oi
ture brillante, mobilier somptueux, table délicate, su
perbe hôtel à la ville, maison de campagne jadis occupée
par un prince du sang royal , voluptés de toute espece,
M. Montz a tout quand il faut jouir : M. Montz n’arien
quand il faut payer.
Bien inutilement le poursuivent , depuis dix ans ,
MM. Tourton , llavel et compagnie , ses créanciers de
575,000 liv. en vertu d’arrêts souverains.
Depuis dix ans-, M. Montz se rit de leurs efforts ;
s’ amuse avec ses amis ; fait ses affaires } s’occupe de ses
plaisirs; et jette un procès à MM. Tourton, Ravel et
compagnie, à mesure que ceux-ci osent le troubler dans
sa douce vie et saisissent une de ses propriétés mobiliaires ou immobiliaires.
C ’est ainsi que sont écloses l ’ une après l’autre vingt-
�.( 3 )
trois instances de fraude, les unes déjà jugées, les autres
âguger.
> '■<
MM. Tourton, Ravel et compagnie fourniront-ils une
défense dans chaque instance? Que de redites ! E t d’ail
leurs que de frais d'impression?
Ils ont cru économique de temps pour les magistrats
et d’argent pour eux-mêmes de faire un mémoire circu
laire qui serve dé réponse à toutes.
Ge résumé des fraudes de M. Montz aura; d’ailleurs,
un double avantage1
i° . Il présentera la conduite entière de ce dernier
sous un seul aspect!
.¡xi
2°. E t peut-être en signalant un ensemble si révoltant
de machinations ourdies1 par un mauvais débiteur pour
insulter aux droits de ses créanciers, appellera-t-il l'at
tention du législateur sur les mesures qu*il conviendroit
d ’appliquer à de coupables manœuvres dont il n’y a taut
d. exemples que parce qu ’elles restent impunies.
ii 1
F A I T S .
Depuis long-temps M. Montz plaidoit avec MM. Tourton , Ravel et compagnie, sur la question de savoir s’il
devoitêtre condamné à leiir payer 675,000liv. pour le
montant de billets qu’il ûvoit souscrits solidairement
avec quelques autres'capitalistes.
iPlusieurs années furent consumées en procédures.
Production dos registres et de tous-les papiers de com
merce de la maison Tourton, comparution des parties
¿ri personne , interrogatoire^, audition de témoins, inÀ x
�( 4 )
tervention d’agens de change, il n’est pas une seule voie
d’instruction peut-être qui n’ait été requise et où n’ ait
été entraînée la maison Tourton. Elle est loin de s’en
plaindre. Elle s’en applaudit au contraire, puisque tant
d’éclaircissemens appelés et toujours obtenus d’elle n’ont
servi qu’à prouver la justice de ses demandes et la mau
vaise foi de ses débiteurs.
Mais tout a un terme, même les procès ; et malgré le
savoir faire deM .M ontz, celui-ci tiroit à sa fin dans le
mois de messidor an 7, qui ne s’écoula pas en effet tout
entier sans que la contestation ne fût jugée.
M. Montz étoit averti par sa conscience 5 il l’étoit aussi
par l’ opinion ; m ais, en habile général, et forcé de quit
ter le combat, il médita une retraite savante et songea
aux moyens de s’assurer ses dernières ressources.
La principale, celle qu’ offroit un portefeuille , riche
ment garni au su de tout Paris, ne lui donnoit aucune
inquiétude. Un portefeuille circule et s’évanouit. Il ne
faut que vouloir.
Il en étoit ainsi de l’ argent comptant.
Mais quelques parties de la fortune de M. Montz
éloient à découvert.
M. Montz avoit la nu-pi’opriété d’une maison magni
fique sise à Issy, et qui jadis avoit appartenu à M. le
prince de Conti, un très-bel hôtel à Paris, place V en
dôme, dans cet hôtel, un mobilier du plus grand prix,
une créance de a83 ,ooo liv. sur M. de Cazaux, avec qui
même il paroissoit être en procès , enfin de fort beaux
biens sis aux portes de Moulins.
Quant à cette dernière propriété y fort éloignée de
�( 5 )
Paris, et qu’on savoit moins généralement lui apparte
nir, il crut pouvoir ajourner les mesures de salut jus
qu’au moment ou il apprendroit que MM. T ou rlon ,
R.avel et compagnie l’auroient découverte.
Mais pour le reste il y avoit urgence.
Dans quelques jours, dont même M. Monlz n’avoit
obtenu le bienfaisant délai que par des promesses déceptrices d’accommodement, il alloitêtre condamné, et
sans doute saisi.
M. Montz se presse donc.
Il est intimement lié avec une espèce de complai
sant et de familier qui se fait appeler Gin d’üssery ,
et dont le surnom est peut-être la seule acquisition
qu’il ait faite de sa vie; homme à qui on ne connoissoit pour subsister ni terres, ni travail, ni place, ni
enfin nulle autre ressource que scs vénales complai
sances pour M. Montz, qui le nourrissoit à sa table et
le logeoit au quatrième dans une petite chambre de sa
maison.
L a mauvaise foi ne calcule pas toujours les vraisem
blances. M. Gin s’offrit à la pensée de M. Montz, parce
qu’il s’ofFroit sans cesse à ses yeux; parce que d’ailleurs
il falloit quelqu’un de bien dévoué; et parce qu’enfin la
tête se perd quelquefois quand il faut agir vile et sans
avoir le temps de délibérer.
Le quatorze messidor an sept , quatre jours avant le
jugement du procès , M. Montz et son ami Gin courent ire Fraude
tous deux chez un notaire, et là M . M ontz , demeurant B ail simulé
à P a ris } p l a c e V endôme , »°. 16 , loue à vil prix, pliccVcu-'
¡
�*
4
silôme. li en pour neuf a n s , h M . G in , rentier, demeurant a P a r is ,
derlSnuÎîîté. p l a c e V e n d ô m e ,
iG , la maison de la place F e n i " . Procès,
n», ï 6 , qui lui appartient.
*
Ce n’est pas tout.
C e même
jour M . Montz, en propriétaire intelli-
2 \iut7des g e n t , et en père de famille qui s’ entend bien à donner de
glaces de la .
v a l e u r A ses im m eubles, dépouille sa maison de la
iiuuson deU
.
• 1
* *
1
place Ven-^ piaCe Vend ôm e de toutes les glaces qui la garnissent de
jendemander |iaut en bas , en sorte qu après le bail fini, le locataire,
y. TroÎs.
Où 00™ M’
'***'
M . G i n , ne lui rendra que les quatre m urailles, et que la
maison sera, dans la v érité , hors de location, puisqu’ un
immeuble de cette importance ne peut être pris à loyer
par personne quand il est denue de glaces. E t ces glaces,
M>. Montz les vend à son commensal Gin , moyennant
1 5,000 fr. payés comptant,
Ce n’est pas tout.
3« F rau d e.
J S
t
Il falloit sauver le beau m obilier, c’ est encore Gin
qui l’aclietle ; car Gin a de l’argent pour tout. E l il est
Paris. Il faut to u ioul-s p r ê t à a c h e te r q u a n d son ami MontZ est prêt
p n dG iïisîid cr
«
w
à vendre. Ce mobilier lui est vendu moyennant i 5 ,ooo fr.
EnœTeîî. p a y é s com ptant. Pour sentir toute la dérision d’une pa-
la nullité,
Gin-
reille vente, à part la nullité de fortune de M .JG in , et sa
très-réelle impuissance de trouver toutes ces sommes, il
ne faut que jeter les yeux sur l’état du mobilier vendu.
11 contientQU a.ti\e r ô l e s entiers. U n e sculcligno de ces
quatre rôles vaut mieux que les quinze mille livres , prix
¡nominal de ce mobilier-, car ceLle ligne contient neuf
„ rands tableaux , dont quatre de V ern et, le peintre
de la n a tu re, et quatre, de cet excellent et ingénieux
Robert, éternellement regrettable pour les arts com m e
�( 7 )
pour Vamitié. L ’on peut, par cet échantillon , juger de
rimmense valeur de ce mobilier si ridiculement apprécié
à 1 5 ,ooo francs. Des lits d’acajou doré , des secrétaires
d’acajou , des commodes d’acajou , un billard d’acajon ,
des armoires d’acajou, des bibliothèques d’acajou, des
trictracs d’acajou, des tables de jeu d’acajou, un piano
d’ acajou fait à Londres , six tables à manger d’acajou,
des sièges d’acajou, des lustres, des candelabres, des
vases d’albâtre, de granit , de porcelaine, des statues
de bronze ou autres , tous les livres de la bibliothèque,
tous les couchers assortis au luxe général de la maison ;
voilà ce qui compose quelques-uns des gros articles.
Quant aux petits, il seroit fastidieux de les nombrer ;
on y trouve dans les plus minutieux détails tout ce ¿qui
compose un ménage bien monté ; trente douzaines de
serviettes, cinquante nappes , de la batterie de cuisine
en quantité, des porcelaines , même des cuillers de
vermeil pour se sei'vir des porcelaines, un coffrefort y etc. Enfin M. Montz pousse le philosophique
détachement de tout ce qu’ il possède au point de
céder à son ami Gin jusqu’aux torchons et aux ta
bliers de cuisine : ils sont aussi dans l’état. On sent
bien qu’un homme qui opéroit de si grandes »'éformes,
et qui, pour faire honneur à ses affaires sans doute,
vendoit jusqu’au nécessaire, n’uvoit garde de conser
ver le superflu. Aussi M. Montz vcud-il également
ses vins de toute espèce , et même jusqu’à sa bière, à
M. Gin*, l’état comprend deux mille bouteilles de vin de
Bourgogne, mille de vin de Bordeaux, deux cents de vin
de Sauterne , trois cents bouteilles de bière. On ne sait
�(8
)
qu’ admirer davantage ou de l’extraordinaire résignation
avec laquelle M. Montz renonce à tous les goûts qui
l’avoient dominé jusque-là , ou de la flexibilité parfaite
avec laquelle M. Gin se laisse saisir par tous ces goûtslà même à l’instant où son sage ami s’en guérit. M. Montz
ne veut plus pour lui d’un hôtel tout en entier : le simple
et modeste M. Gin qui, jusque-là, s’étoit trouvé suffi
samment logé dans une petite chambre au quatrième,
prend de plein saut l’hôtel pour son compte. M. Montz,
si somptueux par le passé-, conçoit tout à coup une
horreur invincible du luxe •, il ne veut plus ni glaces,
ni dorures, ni bois précieux, ni mobilier élégant, ni
porcelaines, ni vermeil : M. Gin éprouve une convul
sion pareille en sens contraire, et le jour même où son
ami; converti sur toutes ces mondanités, les apprécie ce
qu’ elles valent et y renonce, lu i, pour s’en engouer; il
abjure ses meeurs patriarchales , et troque son grabat
et ses chaises de paille contre le verm eil, les porce
laines; les bois précieux, les dorures et les glaces. Sobre
tant que M. Montz fut adonné aux voluptés de la table,
il veut à son tour connoitre ces voluptés quand M. Montz
devient sobre, et il succède aux vins de son a m i, aux
mêmes vins des difFérens crus de Bourgogne, de
JBordeaux et de Sauterne, et jusqu’à sa fantaisie pour
la bière. Quant aux fantaisies plus nobles que nourrissoit d’abord et..qu abdique entin celui-ci, il les recueille
aussi à son tour. Il prend ses tableaux , ses statues ,
même tous les livres de sa bibliothèque, et prouve
ainsi que, quoi qu’en aient pu dire quelques imbéciles
philosophes, q u i, de l’impossibilité de trouver deux
physionomies
�( 9 )
physionomies absolument pareilles , ont conclu l’impos
sibilité de trouver deux organisations morales absolu
ment semblables, il est des âmes tellement façonnées
dans le même moule et tellement identiques, qu’il n’y a
ni une pensée , ni une affection, ni une volonté , ni
une inclination dont l’une soit modifiée qui ne se i*éiléchisse dans l’autre , comme les objets dans un miroir
fidèle.
Ainsi du moins cet étonnant phénomène s'est produit
une fois ; et ce sont MM. Montz et Gin qui en ont donné
le touchant exemple.
Mais ce n’étoit pas assez de ce miracle de la nature,
il falloit encore un miracle du hasard ; il falloit que de
ces deux amis si bien faits l’un pour l’autre, les sentimens restassent les mêmes et les fortunes opposées.
L'un avoit été pauvre, tandis que l’autre étoit riche ;
il falloit que le pauvre devînt riche à son tour, quand
le riche dcvenoit pauvre : et c’est aussi ce qui arriva tout
à point par le plus grand bonheur du monde. En effet,
quelles que soient les voies secrètes dont s’est servi la
destinée pour opérer ce prodige , il est constant que
M. Gin , qui s'étoit couché le soir du i 3 messidor sans
avoir de créd it, ce dont il en auroit eu besoin pour
trouver un gros éeu à emprunter, s’est réveillé le i4
messidor tellement gorgé de trésors et de ressources,
que non-seulement il lui a fallu promptement; comme
on le voit dans l’état du mobilier actuel, un cojfre-fort ;
que non-seulement il a disposé à son gré de sommes
très-considérables ; que non-seulement il a payé 1 5 ,000 f.
comptant pour les glaces de M. Montz ; que nou^seuleli
�( 10 )
ment il a payé i 5 ,ooo fr. comptant pour le mobilier de
M. Montz; que non-seulement il a payé des sommes
bien plus énormes, comme on va le voir tout à l’heure,
pour d’autres objets : mais encore qu’il n’a pas pu se
passer plus long-temps ni de riches équipages, ni de
chevaux. M. Montz avoit deux voitures élégantes et du
meilleur ton deux jolis cabriolets plaqués d’argent,
de beaux harnois plaqués d’argent, des chevaux blancs,
des chevaux bais , une jument de selle. E t c’est tout
cela précisément qui devient nécessaire aussi à M . Gin.
Il lui faut , ni plus ni moins , les deux voitures , les
deux cabriolets j les beaux harnois, les beaux chevaux
blancs, les beaux chevaux b ais, la belle jument. Tout
cela lui est vendu, tout cela est dans l’état; tout cela est
donné comme par-dessus le marché , avec le superbe
mobilier dont il a payé en masse i 5,ooo fr.
Dieu soit loué ! la fortune ne reste pas toujours à la
même place. Dans son cours rapide, elle touche succes
sivement de sa verge d’ or loates les classes et tousles in
dividus. M. Gin a eu son lour ; il va donc aussi monter
en carrosse et jouir de l’opulence !
Erreur ! grossière pensée ! après tous les miracles
que nous venons de v o ir , un miracle plus grand va
s’ opérer. La tourbe vile et sensuelle, quand le sort la
favorise , ne sait rien autre chose que jouir brutalement
de ses dons. Mais il est des âmes stoïques qui , plus
grandes que la fortune , ne voient dans ses présens
qu’ une occasion de donner au monde d’ héroïques exem
ples du mépris qu’ ils en font.
Telle l’âme sublime de M. Gin.
�Tout a changé autour de lui : lui seul il ne changera
pas, et la tête, comme il arrive à tant d’autres parvenus,
ne lui tournera pas de sa subite métamorphose} il sera
dans l’opulence ce qu’il fut dans la misère.
M. Gin a des carrosses ; il n’y montera pas.
M. Gin a des chevaux$ il voyagera à pied , comme
par le passé.
M. Gin a le plus riche mobilier ; il continuera de se
contenter pour lui de la serge et de la bure.
M. Gin a un hôtel à sa disposition ; il restera conüné
dans cette petite chambre où il a savouré jusque-là les
charmes de l’obscurité.
M. Gin fera davantage.
Il poussera la délicatesse jusqu’à l’exaltation la plus
inouie.
S.on ami avoit été obligé de se dépouiller de tout.
M. Gin avoit tout acquis. Mais M. Gin n’a rien acquis
que pour en faire un pur hommage à l’amitié.
II est vrai qu’il est devenu le possesseur du bel hôtel,
l ’heureux propriétaire du beau m obilier, des carrosses,
des chevaux , de la cave. Il est vrai que c’est lui désor
mais qui fait la dépense dans la maison , qui paie les
gens , qui entretient la table. Peu importe. M. Montz
ne changera pas une seule de ses manières, et ne fera
pas le sacrilice d’une seule habitude. Toujours il occu
pera exclusivement l'hôtel qu’il a occupé , et M. Gin
ne se permettra pas d’occuper rien de plus que sa
chambre exiguë. Toujours M. Montz usera du mobilier
comme s’ il ne l’avoit pas vendu , et comme si M. Gin
,ne le lui avoit pas payé. C ’est M. Montz qui commauB 2
�( 12 )
liera clans la maison à tout le monde el à M. Gin luimême. C’est lui qui invitera à la table de M. Gin, qui y
fera servir et boire les lions vins de la cave de M. Gin ,
tandis que M. Gin se contentera humblement de la
petite place que jadis, et quand il n’ étoit que le parasite
de M. Montz, il occupoit au bout de la table , petite
place qu’il conserve pourtant avec une générosité sans
exemple , tandis qu’il laisse M. Montz , devenu son
hôte, continuer d’ occuper la place du maître. C’ est
M. Montz aussi quiemploiera les carrosses, les cabrio
lets , les chevaux , les cochers, les gens de l’écurie ,
sans que M. Gin se permette même d’en partager
l’usage.
Ainsi, dans le siècle passé on vit une grande prin
cesse acheter la bibliothèque d’un savant, uniquement
pour lui en assurer l’usage pendant tout le reste de sa
vie. Tel et plus noble encore M. Gin consumoit des
capitaux importans à conserver à son ami toutes les
jouissances dont d ’ impertinens créanciers menaçoient
de le priver. Plus noble , disons-nous 5 car , enfin , la
souveraine avoit bien d’autres livres à sa disposition
que ceux du savant ; et M. Gin n’avoit ni d’autre hôtel,
ni d’autre mobilier, ni d’autre carrosse.
Là ne finirent pas tous les actes de magnanimité de
M. Gin. Il rendit bien d’autres services à M. Montz.
C’ est le 14 messidor an 7 qu’avoient été passés et le
bail de l’hôtel el la vente de mobilier, de carrosses, de
chevaux, etc.
E t certes, il éloit temps, car, le 18 , le procès des
billets solidaires avoit été jugé, et une condamnation
�( >3 )
de 20,000 liv ., suivie bientôt dix jours après , c’est-àdire, le 28 messidor, d’une autre de 555 ,000 liv.,avoit
été prononcée contre M. Montz.
MM. Monlz et Gin n’étoient pas en si beau chemin
pour s’arrêter.
En conséquence , le lendemain même de ces grosses
condamnations , le généreux M. Gin qui n’avoit acheté ,
le 14 , un coffre-fort que parce qu’il avoit des trésors
qu’ il ne savoit pas où' renfermer , va chez un notaire
prêter à M. Montz 80,000liv. pour dix ans sans intérêts.
D ’autres auroient pu y regarder à deux fois avant de
prêter une pareille somme à un homme qui vcnoit de
subir de telles condamnations, et dont les affaires étoient
dans une si terrible confusion , qu’ il vendoit tout ce qu’il
avoit, jusqu’à son lit , ses carrosses et ses torchons de
cuisine. Mais le zèle de l’amitié ne se laisse pas aller à
de paniques terreurs. Quatre-vingt mille livres de plus
ou de moins dans la fortune miraculeuse que venoit de
faire M. Gin étoient une bagatelle. D’ailleurs M. Montz
qui veilloil aux intérêts de cet ami dévoué, eut grand soin
de stipuler à son proüt une spéciale hypothèque sur sa
nu-propriété d’Issy.
Ainsi et désormais MM. Tourton, Ravel et compa
gnie pouvoient venir quand ils voudroient. Le lit où
couchoit M. Montz, le mobilier dont il se servoit, les
carrosses et les chevaux qui le portoient, les tableaux
et objets d’arts qui le délecloient, les vins précieux qui
l’abreuvoient, tout étoitàM. Gin. C ’étoitparsa tolérance
que M. Montz en jouissoit. Les créanciers en auroient le
démenti.
4'. Fraude .
Obligation
simulée de
80,000 liv. Il
faut en de
mander la
nullité.
4 '. Procès .
Encore M ,
Gin.
�£,
FraU(ie.
A ff e c t a t i o n
FhôJuf« la
lônie iiHuit
¡endemander
Ja. îiullitc5«. V'orès.
^ncort •
i 'i 4 )
’ Voadroient-ils se venger sur la nu-proprlété d’ïssy ?
Une bonne hypothèque de 8o,ooo liv. la défendoit.
Mais il y avoit la propriété de l’hôtel de la place Yendôme. M. G in , supérieur à l’intérêt, ayoit négligé de
stipuler pour un prêt de 8o,ooo liv. une hypothèque sur
cet hôtel. Heureusement que M. Montz rivalisoit avec
noblesse d’âme. M. Montz avoit eu besoin de
_
_
^t
Bo;ooo liv. Gin les lui avoit pretees. L ’argent étoit re^
Montz l’avoit dans sa poche. L ’acte étoit signé.
Les stipulations éloient closes. M. Gin ne pouvoit plus
demander d’hypothèque nouvelle. Peu importe. Les
grandes âmes s’entendent et se répondent. S iM .G in n e
demandoitrien , ne pouvoit rien demander à M. M ontz,
M. Montz étoit libre d’ offrir et d’accorder à M. Gin.
E t en effet, il offre et accorde. Spontanément , donc
les parties paroissent revenir le 29 m essidor, c’est-àdire, le même jour que celui oiil’obligation de8o,ooo liv,
a été souscrite; chez le même notaire, et là, sans assigner
à leur convention nouvelle d’autre m otif, sinon qu’elles
le veulent ainsi, M. Montz , dans un second acte qu’on
assure même être inscrit au pied de l’acte de prêt de
80,000 1. , confère à M. Gin, pour le montant de ce p rêt,
hypothèque sur son hôtel de Paris, déjà couvert d’autres
hypothèques.
Nous disons que les parties paroissent. avoir sous
crit ce nouvel acte le 29 messidor. En effet , il est
difficile de croire que celte date soit véritable. L ’obli
gation du 29 messidor a été enregistrée le Ie*-. thermidor.
Cela étant, et si le i cr. thermidor, le second acte du
29 messidor existoii déjà, et surtout existoit au pied
�( ,S )
de l’autre et sur la même feuille de papier, on ne voit
pas du tout comment il se seroit fait que l’on n eut pas
présenté à la fois, le i er. thermidor, au meine enre
gistrement , ces deux actes frères , ces deux actes si
dependans l’un de l’autre. Toutefois le second acte n a
été enregistré que le 7 thermidor. L e 7 thermidor!
Or, il faut savoir que le 6 , MM. Tourton, Ravel et com
pagnie avoient, dans la simplicité de leur cœur, tente
une saisie sur ce riche mobilier qu’ils etoient loin de
penser avoir cessé d’appartenir à M. Montz. Le 6 ther
midor donc , cette sérieuse hostilité avoit mis 1 alarme
au camp. On s’étoit remué. On avoit bien visité toutes
les armes défensives pour Voir si elles étoient en état.
Alors , vraisemblablement, ou s’ apperçut de l’ omission
commise dans l’acte du 29 messidor; mais on craignit,
en la réparant par un acte du 6 thermidor , coïncidant
ainsi avec la fatale date de la saisie , de donner trop
de consistance aux soupçons de simulation. Il sembla au
conseil Montz bien préférable d avoir un acte qui con
tînt l ’addition d’hypothèque à une date antérieure. Mais
comment se la procurer ? le notaire fut-il trompé? un
subalterne acheté présenta-t-il dans la foule des actes
à signer celui-ci à la signature du notaire? Cela n est
pas prouvé. Mais cela est possible. E t quand .bientôt
on verra de qu oi, en pareille matière , s’avise M. Montz,
on verra aussi que nous ne violons pas les vraisem
blances , en craignant que le second acte n’ait été
enregistré le 7 thermidor que parce qu’en dépit de sa
date du 29 messidor il n’a existé que le 6 thermidor.
Quoi qu’il en soit, il restoit encore à sauver une
�( iG )
6'. Fraude. créance de 283,200 liv.'appartenant à M. Montz sur
Transport M. Cazaux. Si cette créance étoit éventée , elle pouvoit
simulé de la
créance C a- être perdue pour M. Montz. Heureusement pour lui,
zau\. Il faut
eiuleinander l’obligeant M. Gin étoit là avec sa corne d’abondance.
la nulliU;. La créance deM. Cazaux étoit échue dès long-temps. Elle
C)r. Procès.
Toujours M- n’étoit pas payée. Elle étoit même litigieuse. La solvabi
Cm .
lité du débiteur et les difficultés attachées au recouvre
ment de la créance pouvoient inspirer d’assez naturelles
inquiétudes à tous ceux à qui on auroit proposé de vendre
les billets. Une créance arrivée à terme sans être payée,
une créance pour laquelle on plaide n’allèche personne.
Nul homme de bon sens ne s’en charge volontiers, et
surtout u en traite à égalité absolue de valeur. Ainsi rai
sonne la prudence humaine ; mais l’héroïque amitié a
ses règles particulières. M. G in, le i er thermidor, va
f'
chez un notaire. Il est probable que les 3o,ooo 1. qu’il
avoit déjà données à M'. Montz seize jours auparavant
pour ses glaces et son mobilier , et les 80,000 liv. qu’il
venoit de lui remettre la surveille pour le montant de
l'obligation du 29 messidor , n’ avoient pas tout à fait
épuisé son coffre-fort ; car il trouve, deux jours après, les
283,200 liv. qu’il remet à M. Montz , et moyennant
lesquelles celui-ci lui transporte par acte notarié la
créance Cazaux, et les jugemens rendus contre ce dé
biteur. En sorte qu’en dix-sept jours M. Gin , à qui
encore une fois jusque-là 011 ne connoissoit ni propriété
ni ressource , donne pourtant à M. Montz tr o is cent
(¿UATRE-VINGB-TREï ZE MILLE DEUX CENTS LIVRES.
Deux observations sur tous ces actes.
i ° . Ni dans les Yeutes de glaces et de m obilier, ni dans
l ’ acte
�I *7 )
î ’actede prêt ¿Le 80,000 l i v ., ni dans le transport conte
nant quittance de 283,200 liv ., les notaires n’ont garde
d’attester une numération d ’espèces fa ite en leur pré
sence. On sent pourquoi.
2°. Bien que M. Montz eût loue, a partir du I e r . mes
sidor, son hôtel à M. Gin, bien que M. Gin eût acheté
tout ce qui y étoit, et que M. Montz n’y eût pas con
servé un chiffon, les actes de prêt et de cession at
testent que M. Montz demeuroittoujours dans ce même
hôtel : ce qui seroit très-bizarre , si on ne retrouvoit
dans cette occasion à M. Gin, logeant son ami chez lui
et dans ses meubles, la générosité habituelle de ses
procédésOn avoit; ainsi, paré au plus pressé. Les actes étoient
signés. M. G in, dès le 6 thermidor, avoil pris les ins
criptions. M. Gin avoit fait signifier son transport.
MM. Tourton et Ravel pouvoient venir.
Ils vinrent.
Leurs jugemens étoient enfin sortis du greffe ; et bien
sûrs que M. Montz, dont ils ne connoissoient pourtant
pas alors tous les talens , ne les paieroit pas sans y être
contraint, ils songèrent, à l’y contraindre.
Le premier aliment aux poursuites s’offroit de luimême ; c’étoit son brillant mobilier. Dans la pensée de
MM. Tourton, Ravel et compagnie , un mobilier si pré
cieux devoit inspirer à son propriétaire quelque désir de
le conserver ; et ils n’étoient pas sans espoir de voir
M. Montz s’exécuter pour n’en être pas dépouillé.
Ils ne rendoient pas au génie de M. Montz toute la
justice qu’il méritoit*
C
�7*. Frau d e.
Réclam a
tion de M .
Gin comme
locataire. Il
faut faire ju
ger qu’il n’a
pas droit de
réclamation.
7'. P rocès.
Toujours M .
Giu.
( >8 )
Le G thermidor, armés des jugemens du tribunal de
commerce , les huissiers se présentèrent dans l’hôtel
de la place Vendôme, qu’ ils croyoient être celui de
M. Montz , pour saisir le mobilier qui s’y trouvoit qu’ils
croyoient être le sien.
Le maître de l’hôtel et le propriétaire dumobilier parut.
Ce n’étoil pas M. Montz.
C’ étoit M. Gin.
]VI. Gin opposa ses actes.
Il requit un référé.
Il déclara que M. Montz ne demeuroit plus dans
cette maison j qu’il demeuroit à Meudon ; que lu i, G in ,
étoit le locataire de la maison de la place Vendôme *,
que lui, Gin, étoit le propriétaire du mobilier.
On examina ^ette réclamation.
Elle exlialoit la fraude.
Mais c’étoit la première qui étoit révélée à MM. Tourton , Ravel et compagnie.
Ils ne connoissoient pas encore toutes les autres. Ils
ne connoissoient ni le prêt G m , de 80,000 liv. , ni les
hypothèques Gin sur l’hôtel et sur la maison d’Is s y , ni
le transport Gin de la créance Cazaux, ni toutes les
mille et une fraudes pratiquées alors et depuis > qui se
prouvent et se trahissent les unes les autres.
Un procès de plus leur répugna pour le moment.
D ’ailleurs M. Montz avoit appelé des jugemens du
tribunal de com m erce. Il falloit instruire et faire juger
cet appel.
Pour le moment donc ils laissèrent là M. Gin et ses
menteuses réclamations , et donnèrent tout leur temps
et tous leurs soins à la suite du procès au fond.
�I I9 )
Lreur modération ne üt que donner plus d’audace à
M . Montz.
Pendant même que l’on plaidoit sur l’appel, de nou
velles fraudes furent ourdies. Sous peine de devenir ab
surde , M. Montz nepouvoit pas ne se servir jamais que
<le son ami Gin. Y a donc paroîlre sur la scène un autre
personnage, mais bien digne , comme le prem ier, par
son dévouement, par sa maladresse et par son mépris
de toutes les vraisemblances , de jouer un rôle aussi
-dans ce drame non moins révoltant que ridicule.
M. Montz a toujours ardemment désiré d’avoir à sa
pleine et entière disposition cette belle maison de plai
sance , dont nous avons déjà parlé , sise à Issy. Il la
convoitoit depuis long-temps. Depuis long-temps il en
avoit acquis la nu-propriété. Mais l'usufruit en appartenoit à M. de Besigny.
M. Montz avoit traité de cet usufruit et du mobilier
avec M. de Besigny. On ignore quels arrangemens furent
d’abord faits entre eux ; car il n'y eut aucun acte passé.
Tout ce qu’ on sait fort bien, c’est que M. Montz s’éta
b lit, en l’an 5 , à Issy, dans cette maison pour la
quelle il eut toujours une affection toute particulière, s’y
comporta en maître , y fit des dépenses et des embellissemens considérables.
Plus il y en faisoit, et plus il dut désirer de préserver
sa propriété des poursuites de MM. Tourton, Ravel et
compagnie.
Il est vrai qu’il avoit déjà donné à la nu-propriété
un abri dans l’hypothèque Gin.
Il est vrai que nul acte public ne le constituant enC 2
�( 20 )
core ni usufruitier de ¡’immeuble , ni possesseur du
m obilier, M. de Besigny , si on inquiétoit M. Montz,pourroit les reclamer,
r
Mais M. de Besigny le voudr oit-il ?
Il est très-probable qu’il ne le voulut pas , ou qu’ on
n’ osa pas même le lui proposer.
Il fallut chercher un autre prête-nom.
Il se trouva.
8«. Fraude.
Un M. la Jum elière, l’un des compagnons de plaisir de
Vente à un -jyj Montz , consentit à le devenir.
pTnfsuiVuit
En conséquence et par acte notarié en date du 18
Semandei p rairial, M. de Besigny vend son usufruit à M. la
la nullité.
-r
1•
8'. Procès. Jum elieie.
M. la Jume-
^
u n autre acte sous seing privé est souscrit le meme
‘ere'__
jour par les mêmes parties : et selon cet acte M. de
9Venîeïun Besigny vend moyennant a 5 ,ooo 1. qu’il reconnoît avoir
prête-nom du recu
lc mobilier étant dans la maison d lssy a M. la
mobilier
d’issy. IL faut
-
*
Jumelière.
"knulîiîé."
Mais quel étoit donc M. la Jumelière ?
Encore M^ia
M- la Jum elière s’est qualifié , dans ses différons
Jum elière.
actes , cultivateur.
Mais à quoi pensoit donc le cultivateur la Jumelière
en achetant une maison de plaisance occupée autrefois
par le prince de Conti ?
A la cultiver ? G’est une mauvaise plaisanterie.
A l’habiter ? Mais il en avoit une autre qui étoit son
séjour habituel dans le village de Yaudouleur , près
d’Elarnpes, comme le déclarent, les actes qu’il a signés.
Personne n’ a deux maisons de campagne. Un cultivateur
que son travail iixe davantage encore dans les lieux où il
�( 31 )
développe son industrie pour nourrir sa famille, conçoit
bien moins encore que tout autre celte absurde et dis
pendieuse fantaisie , et surtout n’acquiert pas comnie
double maison la maison d’un prince.
Aussi, M. la Jumelière , qui paroît être un homme
fort raisonnable, est-il resté dans sa maison d’exploita
tion du village de Vaudouleur, ou dans son pied à terre
à Paris de la rueBuffaut.
Rien n’a changé à Issy par son acquisition de l’usu
fruit et du mobilier.
M. Montz y demeuroit auparavant.
M. Montz y a toujours demeuré.
M. Montz jouissoit du mobilier auparavant.
M. Montz a joui du mobilier depuis.
E t M. PÆontz a si peu compris que cet événement
l’en chassât, et M. la Jumelière l’a si peu voulu , que
M. Montz à qui il convenoit en l’an 9 de ne plus avoir
1air de conserver à Paris ni domicile , ni mobilier,
puisque le domicile et le mobilier de P aris étoient sous le
nom de son bon ami Gin, a fait à la municipalité d’Issy
sa déclaration qu’il y fixoil son domicile.
Quel étoit donc le dessein de ce cultivateur de Vau
douleur, en achetant l’usufruit et le mobilier de M. de
Besigny ?
■
Dira-t-il qu’il faisoit une spéculation?
Elle étoit bizarre.
M. de Iîesigny avoit quatre-vingts et quelques an
nées. De la part de tout autre que M . Montz , nu-pro
p riétaire, n’eût-ce pas été une folie véritable d’acheter,
à quelque prix que ce fû t, cette possession fugitive que
�( 23 )
quelques mois pouvoîent dévorer, et qui, en expirant1,
laissoit son acquéreur insensé avec l’ embarras d ’un mo
bilier de ü 5 jOOO livres dont il ne sauroit que faire , et
qu’il ne sauroit où placer !
. Si pourtant la tête avoit tourné à M. la Junielière au point de conclure ce marché digne des PetitesMaisons , apparemment qu’il va se presser d’exprimer
de cette spéculation mourante tout le lucre dont elle
est susceptible , en louant à haut prix à M. Montz et
cette maison dont il ne veut pas sortir, et le mobilier
qui la garnit. Apparemment que M. la Jumelière
fera constater avec M. Montz cet important mobilier
dont il vient de traiter, et qu’il ne déplace pas !
En aucune manière.
Nul acte n’ est fait.
M. Montz reste dans la maison sans bail.
Il reste en possession du mobilier sans écrit.
M. la Jumelière abandonne tout à sa foi. Il livre
tout et la maison et les meubles avec une confiance en
tière àM . Montz , c’est-à-dire , à ce débiteur en faillite,
saisi à P aris, écrasé d’énormes condamnations, me
nacé d’une prochaine expropriation de ses biens , dé
pouillé par lui-même, si on l’en croit, de ce qu’ il y a
de plus liquide dans sa fortune, et dont tout Yactif
connu, en écartant même le passif frauduleux qu’il a
créé, est bien loin de suffire au paiement de ses légi
times créanciers.
Au reste , M. la Jumeliere fait très-bien d’écono-.
miser les frais des actes ; car , quand il en fa it, ce sont
(les absurdités de plus. Plus tard, enfin, un bail a été
�t »3 )
îait. E t , dans cet acte , comme dans tous les autres, les
vraisemblances sont si bien gardées, que ce mobilier de
25;ooo 1. M. la Jumeliere paroît le louer à M. Monlz
5 oo liv. par an. Cinq cents livres de revenu pour uue
mise dehors de 25,ooo liv ., pour une mise dehors en
mobilier qui dépérit tous les jours ! belle spéculation !
et bien vraisemblable !
.
Mais n’anticipons pas.
Pendant que tout ceci se passoit, M. Montz continuoit à plaider contre MM. Tour ton , Ravel et com
pagnie. Les années s’écoulèrent en chicanes et en pourparlexs. Enfin et en l’an i 3 , les droits de MM. Tourton,
Ravel et compagnie furent consacrés par des jugemens
souverains.
Ces jugemens étoient quelque chose. Ce n’étoit pas
tout : il falloit les exécuter.
Plusieurs débiteurs avoient été condamnés. 11 y en
avoit dans l’étranger. Il y en avoit en France. L ’exemple
de M. Montz avoit été contagieux. Plusieurs étoient
réellement insolvables. D ’autres avoient pris , comme
M. Montz, leurs précautions , et le paroissoient comme
lui.
Pendant que MM. Tourton , Ravel et compagnie délibéroient sur celui des débiteurs qu’ils poursuivroient
d’abord, et alloient aux informations pour découvrir
leurs divers biens , ou leurs fraudes variées, un créan
cier de M. Monlz perdoit patience et vint dispenser
MM. Tourton , Ravel et compagnie de commencer
contre lui des poursuites d’expropriation, en les corn-
�C 24 3
«nençant lul-même. C e créancier impatient êloit son.
propre beau-frère , M . S e l o n , qui lit saisir à la fin de
l’an i 3 , ou au commencement de l ’an i 4 , l ’hôtel de la
place Vendôm e.
D éjà , com m e on se le rappelle , M . Montz avoit dé
taché de cet immeuble toutes les glaces qu’il avoit ven
dues à Gin. Mais il craignit que ce n’ en fût pas assez pour
dégoûter ces enchérisseurs , et il imagina de recourir
encore à Gin pour lui faire un bail bien bizarre et qui
fût propre à effrayer quiconque seroit tenté de se rendre
adjudicataire , en lui laissant entrevoir pour premier
fruit de son adjudication, soit un procès , soit de grands
embarras dans sa jouissance. L e bail qu’ il avoit fait en
l ’an 7 à M . Gin n’ étoit pas e x p iré , mais peu importe.
Celui qu’ il va
faire ne
commencera
qu’à l ’expira
tion.
11 appelle
donc son fidèle Gin.
Gin court chez le notaire.
10 '. F rau d e.
B ail simulé
de l’hôtel de
la place V en
dôme. I l Cil
faut deman
der la nullité,
io '. P rocès.
Encore M*
•Gin.
li t le 29 frimaire de l’au i 4 , M . Moutz loue à G in ....
quoi ? T o u t l’hôtel com m e autrefois ? N o n , mais un
petit appartement de trois chambres dans les entresols,
outre t.a. chambre a u jo u r d 'h u i occupée par M . Gin.
C ’étoit bien déchoir du premier bail de la part de ce lo
cataire fastueux, qui alors, pour se loger, lui et son riche
mobilier , avoit eu besoin de l'hôtel tout entier.
Au
reste, s’ il se restreignoit pour sa personne , au point de
se contenter désormais de ce petit appartement, il clierclioit à s’en indemniser en espace sur les autres parties
¿de l’hôtel , car ce bail com prend t o u s les greniers ,
TOUTES
�( ’3 )
t o u t e s les écuries et t o u t e s les remises . Si l’ on songe
que l’Iiôtel cle la place Vendôme , à cause de la disposi
tion et de la magnificence de ses appartemens , ne peut
être occupé que par des propriétaires très-riches , on
sentira aisément comme , pour ces propriétaires , il y
auroit une grande tentation de l’acquérir , quand ils seroient bien assurés de n’y pouvoir loger de neuf ans , ni
une hotte de foin , ni un cheval, ni un cabriolet. L ’on
sentira encore combien il étoit vraisemblable queM. Gin,
avecsachambre, et même son appartement de trois pièces
dans l’ entresol, eût besoin de tous les greniers , de toutes
les remises et de toutes les écuries. Au reste, et pour
en ûnir sur ce point, il faut savoir que cette dernière si
mulation a manqué son but en partie. M. l’ambassa
deur de France près le roi de W irlem berg n’en a pas
moins acheté l’hôtel. Pais il a fait déclarer nul le bail de
l’ami Gin , qui non-seulement a eu la douleur de ne
pouvoir pas occuper à lui seul tous les greniers et toutes
les écuries de l’hôtel de Montz, mais qui va même cesser
d’habiter cette chambre unique si long-temps occupée
par lu i, et dans laquelle ont été méditées tant et de si
belles conceptions (i).
E t qu’au sujet de cette chambre unique il nous soit
(i) L a jugement qui auiuillo ce bail a été rendu le 2 janvier dernier
par le trlbuual de la Seine. Ce tribunal, au nombre de ses m otifs, a con
sidéré « que le bail étoit fait par Montz que poursuivoient scs créanv ciers, à un hom m e auquel, dans l’espace de sept an s,
a vendu l^j
* meubles , les gl:ices déooraut les appartemens de cette ma.sou au
>» profit duquel il a souscrit des obligations et îles cessions , de tous les*> quels laits résulte une fraude évidente, etc. ».
D
�(
)
permis de faire une observation qui prouve toute l'im
pudeur avec laquelle Montz et ses amis ne font pas difliculté «le se donner des démentis à eux-mêmes , pourvu
qu'ils parviennent à leurs fins.
M. G in, par le bail de l’an 7, étoit devenu le loca
taire de tout l’hôtel, le propriétaire de tout le mobilier,
c’est-à-dire, qu’ à partir de cette époque il a dû des
cendre de sa chambre ou de son grenier du quatrième ,
pour occuper, à lui tout seul, tous les riches apparte
nions qui composoient l’ hôtel. En effet, on a vu que
quand, quelques semaines après, on est venu pour saisir
sur M. Montz le mobilier qui garnissoit ces vastes ap
partenions, il s’est présenté pour déclarer que c’étoit
lui qui occupoit les appartenions , que c’étoit lui qui
étoit propriétaire du mobilier, et que , quant à M. Montz,
il demeuroit à Issy. Eh bien! malgré ces déclarations,
malgré cette conséquence très - naturelle du bail de
l’an 7 , s’il étoit vrai , veut-on savoir ce qui en étoit ?
Gela n’est pas diflicile-, car voilà M. Monlz et son com
père Gin , q u i, ne s’inquiétant guère de convenir qu’ils
ont m enti, quand leurs mensonges avoient réussi ( et
ceux-ci avoient très-bien réussi, puisque dès long-temps
les huissiers s’étoient retirés) , viennent naïvement se
proclamer eux-mêmes imposteurs en laissant écrire en
toutes lettres , dans le bail de l’an i/j., que le pauvre
M. Monlz est toujours demeurant dans son hôtel, place
Vendôme , et que le riche M. Gin occupe encore aujourd /tut une chatnl)ie , u^e seule chamime ! dans cc
grand hôtel qu’il avoit feint de louer. Il est diflicilc do
croire qu’ on puisse pousser l’effronterie aussi loin ! E t
�( 27 )
'pour en rester convaincu , il faut avoir les deux baux
sous les yeux.
Ainsi procédoit M. Montz pour ses biens de Paris. Sa
conduite est toute d’ une piece , et il procédoit delà même
manière pour tous ses autres biens.
On n’a pas oublié les biens de Moulins.
Ces biens valent certainement plus de 200,000 fr.
M. Montz, instruit que MM. Tourton, Ravel et com
pagnie se donnoient des mouvemens pour prendre sur
¿ces biens les renseignemens à l’aide desquels ils pourroient opérer une-saisie régulière , gagna de vitesse.
Tous ces biens étoient loués par baux particuliers. II*, i'rande’
Le 4 novembre 1806, il fit a un M. Tarteiron un bail Bail simulé
des biens do
général pour neuf ans , à commencer le u du même Moulins. 11
faut en de
mois , et moyennant 3 , 5 oo fr. , et le 22 de ce mois m ander la
même, il passa à un M. Sclierbe la vente de ces biens I I nullité.
e. P ro cès au prix de 70,000 fr.
12 '. F ra u d e.
Le seul rapprochement de ces deux ope'rations suffit V ente si
mulée et à vil
pour re'véler les intentions de M. Montz et de ses af- prix des mê
biens. I l
lidés. Un homme de bon sens ne fait p as, la veille mes
faut en de
m ander la
d ’une vente , un bail général.
nullité ou la
1.1 est très - évident que ce bail a eu deux buts dif rescision.
12«. Procès.
férons, mais tous deux pourtant imaginés pour léser
les droits des créanciers. L'un a été de tromper ,
par les apparences d’un produit médiocre , ceux qui
ne se seroient pas fait rendre compte de la valeur de
la propriété , et de les détourner par là de tout projet
de surenchère. L ’autre a été d'effrayer de surenchérir
ceux qui connoissoient la valeur de celte propriété en
plaçant à coté de leur surenchère l’alternative ou de
D 2
�(
}
subir le bail pendant neuf ans , ou de plaider pour le
faire annuler.
Surenchère
Cette alternative , au surplus , n’a pas effrayé
dont on a de
MM. Tourton, Ravel et compagnie, ni un autre créan
mandé la
nullité.
cier révolté comme eux de la vileté du prix de la vente.
13". Procès.
E t eux et ce créancier ont surenchéri. Le prête-nom
de M. Montz résiste de toutes ses forces à ces suren
chères. On plaide à ce sujet à Moulins.
Pour en iinir sur ces biens , il faut déranger ici, quel
que peu , l’ordre chronologique des manœuvres de
M. Montz, pour parler tout de suite d’une mesure qui
complète le système des vols qu’ il fait à ses créan
ciers.
Une portion cle fermages des biens de Moulins a été
l 3*. Franch.
Transport arrêtée dans les mains des fermiers par MM. Carrié
simulé des
fermages de et Bezard, créanciers de M. Montz. Tous les jours pouMoulins, il
faut en de voient arriver aussi sur ces fermages d’autres oppo
mander la
sitions : et M. Montz, qui semble avoir l’espoir d’ob
nullité.
i4”. Procès. tenir la mainlevée des oppositions Bezard , a voulll
Encore M.
Ciin.
avant tout s’assurer qu’il ne premlroit pas uue peine
inutile et qu’il recueilleroit ce fruit de son labeur , en
s’appliquant ces io,ooo fr. au préjudice de ses créan
ciers.
Il a fait un signe.
M. Gin est encore accouru chez un notaire.
11 y est accouru avec les poches pleines d’argent.
11 étoit dû 1 0,609 fr. par divers fermiers.
Ces fermiers étoient éloignés , et le recouvrement
par conséquent devoit donner beaucoup d’embarras.
Dailleurs étoient-ils solvables ?
�( 29 )
P u is, quand les oppositions Iiezard seroient-elles
levées ?
Si cette mainlevée éprouvoit des difficultés , ne perdroit-on pas bien long-temps les intérêts ?
Si elle n’arrivoit pas , le prix qu’il paieroit lui-même
pour la cession à M. Montz, criblé de dettes , ne seroit-il pas perdu ?
Qu’est-ce que tout cela fait à M . Gin?
Il a bien fait d’autres preuves de désintéressement.
Rien, en ce genre, ne doit surprendre de la part
de M. Gin. 11 est si riche! Qu’a besoin de ses revenus
ou même de ses fonds un homme si détaché de toutes
les vanités, qu’avec des carrosses il court à pied par les
boues et par les pluies , qu’avec un hôtel entier il occupe
un coin imperceptible au quatrième étage, qu’avec une
bonne table il laisse un autre en faire les honneurs et se
contente d’avoir l’air d’y être toléré? Un tel philosophe
que les richesses ne corrompent pas et auquel elles ne
donnent nul besoin , n’a rien de mieux à en faire que de
les répandre en largesses dans le sein de ses amis.
M. Gin répand donc les siennes dans le sein de
M . Montz , e t , par acte notarié du 9 juillet 18 0 7 ,
moyennant 10,509 francs ( ni plus, ni moins) qu’il paie
comptant (car remarquez bien qu'il est toujours pressé
de payer), il achète et se fait céder par M. Montz
celte véreuse, difficile et lointaine créance de 10,509 fr.
sur des fermiers saisis.
Mais pendant que tout ceci se passe à Moulins, voyons
ce qui se passe à Paris et à Issy. E t peut-être d’ailleurs
ne quitterons-nous pas M. Gin pour cela. 11 est pos-
�{ 3o )
sible que .nous ayions encore le plaisir <le l’y rea 4'- F ra u d e.
Billets
souscrits par
M . Montz à
sa mère pour
¿puiser sa
part hérédi
taire. Il fail
lir a faire an
nuler ces
billets.
,l 5'. P rocès.
v oir.
A Paris, Mme. Montz la mère venoit de mourir. Il
fuudroit n’avoir pas lu ce mémoire jusqu’ici pour ima
giner que, dans la succession de cette datne , les créan
ciers de son iils rétrouveroient sa portion héréditaire.
On trouva en eiîet après sa mort un paquet bien et
duement cacheté. On s’attendoit bien que ce ôeroit un
testament qui, sauf les arrangements secrets et de fa
mille , réduiroit M. Montz à sa légitime. Celle lé
gitime, du moins , pourroit payer quelques dettes, et
les créanciers auroieut pu prendre palience. Point du
tout. Le paquet cacheté éloit bien mieux qu’un testa
ment. C ’éloit une liasse de billets souscrits par
M. Montz au prolit de sa mère , qui, si l’on en croit les
billets, l’auroil fait hériter de son vivant de plus que
sa portion héréditaire. Ce point un jour sera examiné.
Pour le moment parlons d’aulre chose. Parions par
exemple de ce qui se passe à Issy.
A Issy , M. Moutz ne s’endormoit pas dans une
fausse sécurité. La crainte de Dieu et des huissiers lui
faisoit sûrement passer plus d’une mauvaise nuit.
Tout ce qu’il avoit fait pour sauver son avoir des pour
suites ne le rassuroit pas entièrement. Les glaces de
Paris étoient sauvées. Le mobilier de Paris étoit sauvé.
Les billets Cazaux étoient sauvés. Les fermages de
Moulins étoient sauvés. L ’ami Gin s’éloit chargé de
ces divers postes. La terre de Moulins éloit sauvée.
M. Sclierb et M. Tarteiron y veilleroient. La suc
cession maternelle étoit sauvée. De bons billets l’avoieut
�(3.
j
consommée d’avance. Sur la mars3n d’issy l’ami Gin
avoit une bonne hypothèque de 80,000 francs. Mais le
mobilier d’Issy n’avoil-il rien à redouter?
Il y avoit bien cette ancienne vente de l’usufruit faite
à M. Montz sous le nom de l’ami la Jum elière, vente
qui, tant que l’usufruit avoit duré, avoit pu servir de
prétexte pour faire réputerM. la Jumelière propriétaire
des meubles. On s’en étoit même servi avec assez
d’avantages contre les saisies du domaine. Mais cet acte
avoit vieilli. L ’usufruit avoit cessé avec la vie de M. de
Besigny. M. la Jum elière, qui 11’avoit d’autres droits
que ceux de M. de Besigny, n’avoit donc plus rien à pré
tendre ni dans le château d’Issy, ni par suite dans le
mobilier qui le garnissoit.
11 y avoit bien aussi cette vieille vente du mobilier
faite sous seing privé à M. Montz, sous le nom de l’ami
la Jum elière, par M. de Besigny. Mais si nul autre acte
n’intervenoit , quand celui-ci auroit été enregistré ( ca
qu’ il n’étoil pas), et auroit pu être produit, M. Montz
étoit resté si long-temps en possession de ce mobilisr ,
soit avant, soit depuis la cessation de l’usufruit, sans au
cune espèce de titre qui l’y autorisât, qu’on ne devineroit
même pas qu’il p6t en avoir d’autres que le meilleur de
tous , c’est-à-dire , la possession, et que les meubles
pussent appartenir à quelque autre que lui-même. Ajou
tez que , depuis ce temps , M. Montz avoit changé une
partie de ce mobilier contre des meubles plus frais et
plus riches, et y avoit beaucoup ajouté. Si donc quelque
jour M. la Jum elière venoit réclamer contre des saisies
avec son vieil acte , quand on voudroit faix’e le recolle-
�C3. )
i 5'. F ra u d e.
•du^uobiTieiT
d’Issy. Il
faut en demander la
Encore M. la
Jum elière.
?7*-> 18e. et
19 '. F r a u
des.
m ent, on ne.s’ y reconnoîtroit pins , Tien ne seroit ¿ a c
cord, et la saisie dévoreroit peu t-être la meilleure
partie des meubles.
J J n autre acte fut donc fait sous seing-privé , auquel
on donna pour date le I e r . avril 180 7 . Par cet acte , M. la
Jumelière donne à bail à M. Montz, pour trois années ,
. . . . . .
h commencer du i er. mai prochain , la jouissance de to us
les meubies qui sont dans le château d’Issy, détaillés
dans les procès-verbaux de saisie faits par le domaine
aux diverses époques qui y sont relatées, moyennant la
somme de cinq cents francs.
Ce bail a été enregistré le 29 du même mois d'avril/
11 a , depuis , et le 6 janvier 180 8, été déposé à un
notaire. Nous dirons plus bas pourquoi. C ’est un petit
tour de M. Montz qui mérite d’être noté , comme étant
vraiment un des plus curieux.
Les grands objets , au reste, ne faisoient pas négliger
à M. Montz les petits.
Par exemple , M. Montz , depuis le 1 er. avril, avoit
amené à Issy une jument
et
un tapecul.
Ils pou-»
Actes si- voient être saisis. Vile , M. la Jumelière et un acte.
cjûelques dé- M. la Jumelière vient, M. la Jumelière signe. V oici,
!n demander «n date du TO mai 1807 , un bail fait par M. Montz qui
lalIlSl
H«!11'«xV
II) •j demeure tout seul à Issy , qui
*" se sert tout seul de la bête
19'. et 20«. et de la voilure, à M. la Jumeliere qui demeure à
P rocès. Tou.
,
.
.
. 1
jours M. la Etam pes, qui ne s est jamais servi de 1 une ni de l’autre,
jumeliere.
et ^ peul-êlre ne les connoît pas même de vue, de ces
vTuilpti nmir
deux objets pour trois m ois, à raison d’un franc par
jour.
Et cet acte est enregistré. Un pareil acte ! E t en
cil e t ,
�seÎTet, on ne le faisoit que pour cela. Puis, viennent les
saisissans pendant ces trois mois ! On leur répondra.
Ils n’aui’ont pas même le tapecul ni la jument. Après
- ces trois mois, ou le tapecul et la jument n’y seront plus ,
ou Lien il y aura un autre bail»
Autre exemple. Quelques menus meubles ne sont pas
compris dans les procès-verbaux de saisie. On les éva
lue ; ils peuvent être du prix de 600 fr. V ite, M. la
Jumelière et un acte. M. la Jumelière vient*, on é c rit,
on signe. C’ est une quittance de 65 o fr. qu’a payés M, la
Jumelière pour des meubles, sans dire lesquels, qu’ôn
lui fournira. E t la quittance est enregistrée » Cet acte
en valoit en effet bien la peine comme l’autre ! Puis
tiennent les saisissans ! E t , si, outre les meubles com
pris dans les procès-verbaux, plus la jument, plus
ie tapecul, il se trouve quelques objets encore, eh
bien ! ce seront ces objets-là même qui auront été
vendus à. M. la Jum elière, et que celui-ci, la quittance
à la m ain, ne manquera pas de réclamer»
Autre exemple : et celui-ci est curieux. M. la Jum e
lière , dans tous, ses cbiil’ons d’actes, avoit bien pu
vendre ce qui existoit déjà. Mais ce qui n’existoit pas
encore, ce qui n’existe que de jour à autre , les récoltes
enün, M. la Jumelière à qui d’ailleurs elles n’appartcnoient pas, n’avoit pas pu les vendre. E t cela éloit
bien douloureux ; car en juin , et le foin qu’ on venoit
de couper, et le bois qui étoit dans le bûcher devieudroient nécessairement la proie des saisissans. Vite
M. la Jumelière et un acte. M. la Jumelière vient.
Ou écrit i et cette fois - ci ce n'est plus M. la .Tu-
�( 34 )
melière qui vend ou loue à M. Monlz; c’est M. Montz
qui vend à M. la Jumelière le bois qui est dans la
maison et le foin qu’ on vient de couper. Et l’acte est
enregistré. Puis viennent les saisissaus ! Ils n’auront ni
le foin ni le bois. C ’est dommage que MM. Tour ton ,
Ravel et compagnie n’aient pas continué à explorer ces
misérables et fastidieuses fraudes de détail. Il est pro
bable qu’ils auroient trouvé quelque acte enregistré pour
les allumettes et les tessons de bouteilles.
Cependant le moment arrivoit où allo.it éclater sur
M. Montz l’orage q u i, depuis si long- temps grondoit
dans le lointain. Mais c’est dans les grands dangers que
se développe un grand courage , et l’on jugera peutêtre que M. Montz ne fut pas abandonné par le sien.
MM. Tourton , Ravel et compagnie se résolurent
enfin, le 26 octobre 1807, a commencer les poursuites
d’expropriation de la maison dTssy , et ce jour fut fait
à M. Montz un commandement tendant à'ce but.
Les 29, 3 o et 3 i du même mois, ils firent procéder
dans la même maison à la saisie exécution du mobilier.
Il est fort inutile d’observer que M. Montz en avoit
soustrait tout ce qui avoit le plus de valeur. On sup
posera très - aisément que celui qui n’est occupé qu’à
combiner des actes pour voler à ses créanciers les
masses et les choses que leur volume ou leur nature ne
permet pas d’enlever ou de cacher, n’a garde de rester
en si beau chemin quand il s’agit d’objets faciles à dé
placer. Aussi remarque-t-011 avec beaucoup d’édifica- .
tion, soit dans les actes simulés souscritspar M. Monlz,
.soit dans les procès-verbaux de saisie qu'on n’y trouve
�( 33 )
ijamais, -malgré la somptuosité dont il fait profession
aucune des choses de prix dont il se sert habituellement
quand les huissiers n’y sont p as, comme de la vaisselle
ou des bijoux. Il n’a pas été saisi même une montre
d’argent.
M. Montz, au reste , n’entendoit pas borner ses pré
cautions à ces moyens bannaux d’enlèvemens clandes
tins , bons pour le vulgaire des banqueroutiers.
Ce que, dans le mobilier dTssy, il avoit laissé à dé
couvert, parce qu’il ne pouvoit se passer de meubles,
'venoit d!être saisi. M'. Montz étoit tranquille sur ce
¡point. Son ami la Jumelière réclameroit ce mobilier à
Taide du bail du i er. avril dernier.
Mais l’immeuble ! Déjà le commandement d’expro
priation-étoit fait. L ’hypothèque Gin existait bien.
Mais cette hypothèque bonne et suffisante pour le temps
¡où elle avoit été donnée , parce qu’alors M. Montz
n’avoit que la nu-proprieté, ne l'étoit plus aujourd’hui
que , l'usufruit s’y élant réuni , la maison dTssy av o it,
dans la fortune de M; Montz , sa valeur entière.
L ’ imagination de M. Montz ne reste jamais court.
•Une suite'de mesures fut inventée , toutes plus curieuses
l’une que l’autre. Le mois-dé novembre les vit'toutes
éclore;
Ce qui sembloit plus pressant , selon M. Montz,
cJétoit’ d’entraver la vente form ée, et de déshonorer la
propriété pour en dégoûter tout enchérisseur. O r, dans
ce dessein , il s’avisa d’un moyen qui ne pourroit être
sorti que de1 la- cervelle d’un fou-, s’il n’étoit évident
Çu il fut 'Suggéré3 et par* la rage et par la ; cupidité*,
E 2
�( 36 )
réunissant leurs efforts tant pour se venger d’-audacieuï '
créanciers pur la destruction de leur gage, que pour
mobiliser et convertir en argent, à son profit, jus
qu’aux élémens de l’immeuble lui-même, tout saisi
■qu’il éloit.
Un superbe parc faisoit le principal ornement et
une partie de la valeur de la maison d’Issy. On peut
même dire qu’il en faisoit partie en quelque sorte in
trinsèque et indispensable. Qui voudroit , en effet ,
acquérir à la campagne , et surtout sur une hauteur ,
une maison de quelque importance, dont le Yaste terrain
qui l’ environneroit seroit une lande absolument inculte ,
et privée de tout ombrage, au point de ne plus oiiYir
à l’ceil un seul arbre?
JEh bien! couper tous les arbres fut précisément ce
qu’imagina M. Montz.
Toutefois en même temps qu’il vouloit faire beau
coup de mal à MM. Tourlon , Ravel et compagnie , il
se vouloit à lui-même quelque bien. En abattant, il
assouvissoit sa colère. Mais les arbres abattus appartiendroient à ses créanciers, et c’est aussi ce qu’ il vou
loit empêcher : le pouvoit-il ? Pouvoil-il vendre une
haute futaie et tous les arbres d’un parc , au mépris
des poursuites d’expropriation commencées, et posté
rieurement au commandement, prédécesseur d’une saisie
immobiliaire ? Telles étoient les inquiétudes que rouloit, dans son esprit, M. Montz , sur l’eiïicacité de son
projet.
Plein de ces idées, il les épanche autour de lui. II
demande de tous côtés ce qu’il pourroit faire. 11 a
�(
3?
)
même l'indiscrétion de répandre des notes consultât h’es
d e c e p o in t , entièrement écrites de sa main : « On de» mande , disoil-il dans ses notes , si un propriétaire
» d’inimcubles peut vendre ( d i x jours (i) après un
» commandement en expropriation ) des superficies de
» bois : et en cas •qu’il fasse vente à term e, si l’acqué» reur peut jouir de son contrat, c’est-à-dire, ne couper
» qu’à fur et mesure des époques stipulées dans ce
» contrat, sans craindre de surenchère , ni d’opposi» lion de la part du créancier ou de tout autre». Tant
d’audace n’étoit propre qu’à soulever l’indignation doj
ceux même à qui M. Montz faisoit l’injure de les cou-i
sulter. Aussi produisit-elle cet cfTet. MM. Tourton,
llavel et compagnie furent avertis de tous côtés'des
iureurs déloyales de M. Montz. Une de ses notes mêmes
leur fut remise. Elle dut provoquer leur surveillance..
Ils se tinrent donc aux aguets.
E t ils eurent raison.
En effet, on vint les prévenir le i 3 novembre 1807,
de très-grand matin , qu’il y avoit dans le parc d’Issy
une armée de bûcherons qui, M. Montz à leur tète,
porloient la dévastation partout.
\
(1) Il est bien essentiel de remarquer celle date. L e commandement
fait par M M . T o u rton , R avel et compagnie dont il s’agit ici est du 26
octobre 1807. Et puisque dans la note M . Montz demande s i , après que
dix jours se sont écoulés depuis ce com m andem ent, il peut encore vendre
ses superficies do b o is, il suit de là que la note a été écrite au plutôt le 6
novembre 1807 ; c’est-à-dire que le six novem bre M . M ontz, qui éloit
inquiet de savoir s’il pouvoit alors vendre ses bois, ne les avoit p a s
encore vendus. Cette observation va trouver tout à l’heure son appli
cation.
i
�( 38 ).
.XJn huissier et ses témoins partirent en grande hâte
pour constater ces dégradations et pour en saisir les ré
sultats.
M. Monlz fut en effet trouvé sur le terrain.
Vingt - quatre ouvriers détruisoient tout sous ses
ordres.
Déjà une avenue entière de cent soixante - seize
beaux tilleuls, gissant encore sur la terre avec leurs
branches et leurs feuilles, n’existoit plus.
Ça et là étoient également étendus cinquante tilleuls
et maronniers que l ’onavoit coupés avec l ’aflectation ,
n o n - seulement d’avoir choisi les plus beaux, mais
<1’avoir choisi ceux dont l’abattis rompoit davantage
l ’ordre et l’harmonie des plantations.
A l’instant où l'huissier arrivoit, les vingl-quatre ou
vriers étoient tous rassemblés dans la grande allée fai
sant face au salon du château. Dix arbres étoient tombés
sous la coignce. L ’huissier s’efforça d’abord de leur
persuader’ de suspendre leurs travaux. Sous ses yeux
même ils continuèrent et déclarèrent qu’ils ne recevoient d’ordres que de M. Monlz.
L'huissier lit commandement à M. Montz d’arrêter
les travaux. M. Montz, loin de cela, commanda de re
doubler de célérité.
Après avoir constaté tous ces faits, l’huissier alla re
quérir le maire du lieu de venir interposer son au
torité.
Le maire crut qu’il ne pouvoit employer là force
sans y être préalablement autorisé par là justice. Mais
il ne refusa pas d’employer les représentations,.
�( 39)
Il vînt.
f
Il essaya de faire senlir à M. Montz tout ce que sa
conduite ofFroit de révoltant. Il multiplia ses efforts
pour le démouvoir de ses projets destructeurs.
’’ Tout fut vain.
Le maire se relira.
L ’huissierse retira aussi après avoir assigné M. Montz
pour le lendemain en référé.
M. Montz resta.
Les ouvriers restèrent.
La nuit même n’interrompit pas leurs travaux. Pour
la première fois , peut-être , des bûcherons abattirent
des arbres à la lueur des flambeaux , et M. Montz passa,
dit-on , la nuit près d’eux pour animer leur zèle et dé
signer les victimes.
!
Le lendemain s’ouvrit une scène nouvelle , et parut
un troisième acteur inconnu jusque-là.
En voyant M. Montz présider lui-même à la des
truction de son parc , et se souvenant que le 6 novem
bre , c’est-à-dire, six ou sept jours auparavant il avoit
consulté pour savoir s’il pouvoit, dix jours après un
commandement d’expropriation , vendre ses hautes fu
taies , il étoil fort permis de croire que , ni le G novem
bre , ni même depuis , il ne les avoit pas vendus ,
et que, puisqu’il les abaltoit en personne le i 4 , il les
exploitoit pour le compte de sa vengeance et de sa cu
pidité.
Néanmoins au référé intervint un M. Senet, qui n’est
ni marchand de bois , ni charpentier , ni charron , ni
tourneur, ni menuisier , ni ébéniste , ni d’aucune pro-
19 '. F ra u d e ,
V ente si
mulée des ar»
brea d’Issjr.
�[ho)
H Tauten de- fession ou l’ usage du Lois soit nécessaire. TT importe-, Oft
i'nufnu‘ la M- Se ne l n en montra pas moins un acte sous seing
20'. Procès. priVe 5 en dale du seize octobre 18 0 7 , mais enregistré
,Seuct. seu]ement ]e ç) novembre , par lequel M. Montz lui vendoit la totalité des arbres de son parc , abattus et non
abattus, moyennant d ix m ille francs p a y é s c o m p t a n t
( ce qui est très-vraisemblable , surtout dans les, cir
constances), en lui donnant trois ans pour achever de les
abattre et pour les enlever.
M. S e n e t , armé de ce bel acte, réclama les arbres ,
ainsi que la faculté de continuer d’abattre.
C’étoit devant M. le président du tribunal civil de la
Seine que se présentoit celte réclamation.
On pressent le succès que dut obtenir cette réclama
tion devant un tel magistrat , distingué par sa vertueuse
*
horreur pour la fraude, non moins que par le talent
qu’a su lui donner,, pour la reconnoitre et la dém as
q u er, une vie toute entière employée à protéger de son
expérience la bonne foi contre les ru S-CS de la procé-
•
dure.
Il sourit de mépris *, observa dans ses motifs que l’acte
n’étant enregistré que le 9 novembre, n’avoitpas de date
certaine avant ce jour , lequel étoit postérieur au com
mandement d’expropriation } ajouta qu’après ce com
mandement il n’étoit plus permis au saisi de dégrader
l’immeuble ; en conséquence , sans s’arrêter en aucune
à la réclamation du complaisant Senet, fit dé
fense à Montz de continuer la coupe*, perinitiM M .Tourton , Ravel et compagnie de faire vendre les arbres abat
tus j et leur permit aussi d’établir à Issy des gardiens
chargés
m
a
n
i è
r
e
�■chargés de veiller à la conservatiou de la propriété,
et de la défendre contre les entreprises de son propre
maître.
y
Avec cette ordonnance, on se pressa de retourner le 16
novembre à issy. Deuxjours seulement s etoient écoulés ;
maisdeux joursavoient suffi pour consommer desdévas
tations nouvelles. L ’intrépide M. Montz, sans s’ étonner
du danger, ni craindre l’ennemi, et sous le feu même
des poursuites, avoit bravement fait continuer l’ ahattis
jusqu’au moment où l’on vint chasser les ouvriers. Qua
tre-vingt-dix grosmaronniersde la plus grande beauté,
étoient, dans la grande allée , en face du salon, tombés
à côté des dix qu’avoit déjà frappés la hache lors du
premier procès-verbal. Quatre-vingts gros ormes dé
cimés dans toutes les places avoient subi le même
sort. De tous côtés avoient été également coupés beau
coup de petits arbres et des taillis. B r e f , quelques jours
de plus seulement, et le futur acquéreur d’Issy n’auroit
eu a la place d’un parc riche d’arbres, et planté dans le
meilleur go û t, qu’une cour nue et vide , où auroient
crû çà et lu quelques herbes sauvages, et o ù , pour
faire produire quoi que ce so it, il eût fallu commencer
pardefricher le terrain et par eu arracher les souches qui
l’eussent encombré.
* L ’ordonnance mit fin à ces ravages, niais non pas à
ï audace de Montz et Senet. Celui-ci osa bien appeler de
l'ordonnance, et continua de s’ opposer à la vente des
arbres. Cet appel a été rejeté. M. Senet ne se décourage
pas facilement. 11 a revendiqué de nouveau ses arbres.
E t ce qu’il y a de bizarre } c’est que , taudis qu’ il les réF
�( 4* )
clamoit comme lui appartenant, M. la Jumeliere s opposoit aussi, de son côté, à ce que MM. Tourton , Ravel
et compagnie les vendissent, parce que ces arbres , disoit-il, lui appartenoient aussi. M. la Jum elière, de plus,
réclamoit le mobilier qui avoit été saisi à Issy. E t il le
réclamoit en vertu de son bail du xer. avril (i).
r Cependant M. Montz avoit médité sur le texte offert
à ses réflexions par l’ ordonnance du référé qui refusoit
de tenir compte de la vente des bois faite à Senet, parce
quelle n’avoit pas de date certaine antérieurement au
commandement d expropriation.
Une très-heureuse idée lui vint pour donner à son
acte frauduleux cette précieuse antériorité.
E t cette idée fut tout bonnement de commettre un
faux.
11 faut beaucoup insister sur celte circonstance, parce
que toute seule elle est bien propre à donner la mesure
de la moralité de Montz et de celle des hommes qu’ il
s’est associés.
On se souvient de ce bail des meubles d’Issy fait le
i er. avril 1807 par M. la Jumelière àM . Montz.
Ce bail éloit une fraude sans doute. Personne ne peut
ne. pas l’appercevoir.
Mais c’éloit une fraude qui n’avoit alors d’autre objet
que celle de soustraire les meubles d’Issy aux créanciers.
I/ingénieuse idée de leur voler jusqu’ aux hautes futaies
u’étoit pas encore éclose dans la tête de Montz.
(1) Toutes ces réclamations ont été rejetées déjà par divers jugemens ,
jnotivés tous sur Vèvidenco de l a F r AVDe .
�( 43 )
! X e bail avoit donc ëtë fabrique et compose que dans
'Cet objet. E crit snr une demi-feuille de papier tim bre,
la demi-feuille elle-même avoit été plus que suffisante
pour l’acte assez simple qu’on y avoit couché, et qui coriisistoit uniquement dans la convention « queM . la Jume» lière louoit pour trois ans à M. Montz tous les meubles
» décrits dans les procès-verbauxde saisie faits àla requête
■» du domaine, moyennant 5oo fr. par an » . Dans l’état
matériel de la pièce, l'acte aclievé et signé, il restoit en
core assez de place pour que le receveur de l ’enregis
trement écrivît et signât la mention de l’enregistrement
•au bas du verso de la demi-feuille de papier. E t
en effet, il est hors de doute que ce receveur avoit
ainsi placé celte mention de l’enregistrement, par la
quelle les receveurs ont toujours soin de clore les actes
quand l’état matériel de la pièce s’y prêle, précisément
pour empêcher les additions frauduleuses dont il faut
convenir que M. Montz n’a pas l'invention, quoiqu’il en
ait l’habitude.
**
Cependant M. Montz , sûr q u il éloit de toutes les
bonnes dispositions de son ami la Jum elière, qu i, comme
on l’a bien assez vu , est toujours là prêt à signer tous les
actes qu’il veut, imagina de se servir habilement de cet
acte déjà enregistré, et enregistré plus de six mois avant
le commandement d’ expropriation, pour donner à la
vente d’arbres Senet, réalisée par le sons seing privé d’oc
tobre, enregistré seulement le 9 novembre, une espèce
d authenticité. « S i , se dit-il à lui-même , je pouvois re» présenter un acte enregistré en avril , où déjà je parle» rois , comme d’une affaire conclue, de la vente par moi
F 2
�( 44 )
» faite (le mes arbres à Senet, alors il n’y auroit plus
» moyen de dire que ma vente , bien qu’enregistrée
» seulement en novembre , n’a pas été faite avant le
» commandement d’expropriation » .
Le projet éloit bon. Mais l’acte d’une demi-feuille^
enregistré au - dessous des signatures des parties , ne
se prêtoit à aucune intercallation. Comment donc s’y
prendre ?
v
M. Montz n’est embarrassé de rien ; et il est toujours
admirable dans ses expédiens.
Pour le mieux admirer donc dans celui-ci, suivons-le
avec un peu d’ attention.
M. Montz commence par prendre une feuille entière
de papier timbré pour transcrire ce même acte déjà eiir
registre. Mais pourquoi une feuille entière pour cet
acle à qui une demi-feuille suiRsoit? Vous allez l’ap
prendre. Continuez de lire.
Sur cette feuille il écrit d’abord , avec une fidélité
vraiment religieuse, le bail ancien sans y changer une
seule virgule ; seulement il a soin de compasser tellement
la grosseur des caractères et les intervalles tant des mots
que des lignes , que tout le recto et tout le verso du pre
mier feuillet sont épuisés par la rédaction du bail ainsi
que par les signatures de cette partie, et que surtout il
ne reste pas assez d’espace au receveur pous mettre audessous des signatures sa mention de l’enregistrement.
M . M o u t z signe.
M. la Ju m elière signe.
Il n’y a plus de place au-dessous des signatures que
1
�( 45 )
pour une ligne. E t il faut au receveur plus (Tune ligne
pour enregistrer.
\
T o u t va Lien.
Les choses en cet é tat, on va porter cette copie au
receveur en le priant de l’enregistrer par duplicata , sous
le prétexte apparemment que l’ original s’est perdu.
Le receveur ne soupçonne pas la fraude. Il lit l'acte.
Il voit un bail de meubles à Issy fait par M. la Jumeüère
à M. Montz le i er. avril 1807, pour trois ans, moyen
nant cinq cents francs par an. On lui dit que ce bail a
été enregistré le 29 avril. Il cherche dans ses registres.
Il trouve en eilet à cette date 1111 bail de meubles à Issy
fait par M. la Junrelière à M. Montz pour trois ans et
moyennant 5oo francs. Le rapport est parfait. Pourquoi
donc le receveur n’ enregistreroit-il pas? Il enregistre.
E t il enregistre, ne pouvant pas faire autrement, en
marge. Seulement il annonce qu’il enregistre pav dupli
cata, et que, loi'S du premier enregistrement, il a été
perçu 9 francs 35 centimes pour les droits. Il faut 11e pas
oublier cette traître déclaration d e là quotité. Il y aura
peut-être quelque parti à en tirer.
L ’acte, ainsi enregistré , rentre dans les mains de
M. Montz. Voyons ce qu’il en va faire.
20*. Fraude.
Sur le verso , à la lira de la stipulation du prix du bail, Fausse
•1
, .
,
, .
vente de cin-
11 renvoie , par une astérisque, aune astérisque toute pa- chante arreille , placée au-dessous des signatures , dans l’espace d’ï/sy. î
où peut s’écrire une ligne encore. Cette ligne, il l’écrit. dra e,n ^
-,
11
*
.
y
.
ajoute aussi une feuille de papier sur l a q u e l l e il coutinue le sens de la ligne de la page précédente. Toute
cette addition énonce d’abord, etpour rattacher le reu-
m ander la
nullité.
2 1 e* I* rocès
Encore M . l'a
�{ 5C 3 '
<voï a l ’acle par aine espèce ¿’’ homogénéité de matière,,
que le hail comprend , oulre les meubles détaillés dans
les procès-verbaux de saisie , ceux énoncés dans un état
copié à la suite de l’acte. E t, après cette mention, arrive
la stipulation qui suit : «En considération de l’avantage
» résultant pour M. Montz du présent b a il, il promet à
m M. la Jumelière qu’il lui vendra cinquante des plus
beaux arbres de son p arcd ’Issy, desquels arbres M. la
» Jumelière fera choix àson gré , àlasaison convenable.
» M. Montz déclare eu oulre à M. la Jumelière que.,
» quoiqu’il eût d é j à arrêté avec M. Jean Senet la vente
» de la totalité des bois de sondit parc à Is s y , et qu’il
» ait reçu dudit Senet l e d e n i e r a D i e u , il s’engage
» à obtenir dudit M. Senet, pour M. la Jum elière, ce
» choix des cinquante plus beaux arbres, celte conven.» lion étant de rigueur, etc. ».
E t ce renvoi est très-convenablement signé de la Ju
melière et Montz.
Il est vrai qu’il n’ est pas signé du receveur de l’enre
gistrement.
11 est vrai que la fraude, le faux de l’addition , et
l’omission de la signature du receveur sauteront aux yeux,
si on produit celte pièce fabriquée.
Mais il y a remède à tout.
On ne la produira pas.
,
On ira la déposer chez un notaire. Un notaire qui n’a
ni le temps , ni l’intérêt de scruter et d’aualiser les actes
qu’on lui dépose, n’ira pas pâlir sur cet acte , pour voir
s’il y a des renvois, quel ordre ils occupent dans la pièce,
..s’ils sont en rapport avec l’acte, s’ils sont au-dessus ou
�( 47 )
Au-dessous de la signature du receveur. Ajoutez que le
notaire à qui on dépose une pièce ne s’avisera pas de soup
çonner que c’est un piège qu’on lui tend.
Ce dépôt fait, on demandera une expédition de la
pièce.
I^es notaires ne figurent pas les minutes dans les expé
ditions. Ainsirexpédition arrivera tout d’un contexte , et
avec le renvoi placé au lieu qu’ il doit occuper dans le
contexte même , et sans mention que c’est un renvoi.
E t quand on aura celte expédition; elle sera produite
dans le procès de réclamation des arbres de M. Senet ;
et on dira : « Vous voyez bien que le marché avec M. Se» net n’est pas une fraude ; que ce n’ est pas une mesure
» rêvée pour parer au commandement d’expropriation
» de novembre 1807} car voilà un acte authentique, un
» acte ayant date certaine et enregistré le 2/f avril, qui
» dit que M. Montz a vendu tous les arbres à M. Senet,
» et qu’il a reçu (voyez le scrupule de la mention ! ) le
» denier à Dieu. Or s’il est prouvé que, dès avril 1807 ,
» M. Montz s’étoit dévotement hé par la réception du
» denier a Dieu envers M. Senet, à lui vendre toutes
» les palissades , toutes les allées et toutes les prome» nades de son parc, il ne faut plus s’étonner du tout que,
» plutôt que de manquer de foi (lui qu’ on sait en avoir
« tant) et de violer ce traité si religieusement consacré
» dès avrilj8o7, il se soit mis en novembre 1807 à la tête
» des ouvriers de M. Senet dont il se faisoit le piqueur,
» pour abattre, jour et nuit, ces arbres sous l’ombrage
» desquels il n’auroit pas pu se promener plus long» temps sans offenser D ieu , la bonne foi et l’équité ».
�■I 4B :)
E t c’est tout ce qui a ¿té fait et tout ce qui a été
dit.
Le dépôt a eu lieu.
Il a été reçu sans que le notaire se doutât de
rien.
L'expédition a été demandée. Elle a été délivrée.
Elle la été comme elle devoit l’ être, sans renvoi.
Elle a été rapportée triomphalement dans le procès
S eue t.
On a dit : « Voyez , voyez ! En avril la vente étoit
*> constante. Voilà un acte enregistré alors qui le dit. La
vente n’a donc pas été rêvée en novembre. Qu’avez» vous à répondre » ?
Malheureusement il y a des esprits forts et des incré
dules, à qui la dévotion de M. Montz et sa fidélité aux
deniers a Dieu qu’il reçoit n'en imposent pas. Ces mécréans ont été assaillis, malgré eux, d une multitude de
soupçons.
E t d’abord pourquoi ce double du bail original, cette
mention de l'enregistrement par duplicata ? Pourquoi
surtout ce dépôt dans les minutes d’un notaire, lors
qu’ on représentoit tant d’autres bonnes ventes et tant
d’autres bons actes simplement enregistrés?
Que vouloit dire , d'ailleurs, la bizarre clause insérée
dans ce bail, et qui accordoit àM . la Jum elière les cin
quante plus beaux arbres du parc d’Issy ?
Quel besoin, M. la Jum elière, qui ne demeure pas
à I s s y , qui a même loué son prétendu mobilier à
M.
�( 49 )
M . Montz, avoît-il besoin de cinquante arbres dans ce
pays, et des cinquante plus beaux arbres du parc ?
M. la Jumelière n’est pas marchand de bois. Qu’en
feroit-il ?
Il demeure à Vaudouleur, près Etampes *, comment
les y feroit-il venir, et est-il bien commode d’acheter
-cinquante arbres à vingt ou trente lieues de son domi
cile ?
E t puis le bail dit que c’est à cause de l’avantage
que M. Montz tire du bail des meubles, qu’il donne à
M. la Jum elière les cinquante plus beaux arbres d’Issy ;
c’étoit donc un cadeau ? Nullement. La clause dit qu’il
les lui ven d , et comme elle ne dit pas à quel prix , il
faut en conclure que s’il y avoit e u , à cet égard } dif
ficulté entre de si bons amis et des hommes disposés
-à se traiter avec une si grande générosité , le prix
auroit été selon l'estimation et la valeur courante
<les bois. Or , quelle indemnité en faveur de M. la
Jumelière de Yavantage trouvé par M. Montz dans
le b a il, que cette convention en résultat de laquelle
M. la Jumelière paieroit les cinquante plus beaux arbres
d’Issy , tout ce qu’ils valoient? N ’étoit-il pas bien pres
sant de déranger le marché consacré en faveur de cet
autre am i, M. Sen et, par la délivrance du denier à
D ieu, pour le mécontenter seulement, pour le faire se
plaindre de ce qu’on écrémoit son propre traité en lui
prenant les cinquante plus beaux arbres , et tout cela
sans autre résultat en faveur de M. la Jum elière, que
l ’embarias pour lui de faire exploiter cinquante arbres
G
�( 5o )
loin (le sa maison et au milieu de l'exploitation d'un
autre , et de les faii'e voiturer à grands frais dans son
bûcher de Vaudouleur, après les avoir payés tout leur
prix à Issy ?
Ces mécréaus trouvèrent donc toute cette version
invraisemblable , ridicule , absurde. Ils y virent une
fable grossière , imaginée pour colorer l’acte de vente
de bois faite à Senet. Ils se doutèrent qu’il y avoit un
dessous de cartes quel qu’il fût. Et voulant vérifier
leurs soupçons, ils se transportèrent chez le notaire. Ils
demandèrent celte minute précieuse ensevelie dans les
cartons. E t ils virent tout ce qui a été dit plus haut.
Ils virent la petite manœuvre de renvoi.
Ils virent qu’il étoit dépouillé du paraphe du receveur
quoique cela eût été de rigueur s’ il eût existé lors de
l'enregistrement.
-
'
Ils virent plus. Ils virent que le droit qui avoit été
perçu éloit de 9 fr. 35 cent. Or , c’est bien là le droit
du pour l'acte prim itif, et calculé sans les conventions
du renvoi, d’après l’article 8 de la loi du 27 vendémaire an 9 , additionnelle à celle du 22 frimaire an 7.
Mais si ce même acte avoit exprimé alors les deux con
ventions contenues dans le renvoi ; s a v o ir , l'une qui
comprenoit de nouveaux meubles dans le bail, et l'autre
qui vendoit cinquante arbres ; le receveur eût dû per
cevoir 1111 droit de 1 fr. de plus par chaque convention ;
et le d ro it, au lieu de 9 fr. 35 cent, perçus selon la
déclaration, eût été de 1 1 fr. 35 cent.
�( 5 0
Les mécréans ne s’arrêtèrent donc plus au simple
doute. Ils furent convaincus qu’il y avoit faux et fraude.
Tous les magistrats, dans tous les tribunaux, en furent
convaincus aussi', car malgré toutes c e s . réclamations
croisées de plusieurs parties pour les memes objets ,
la vente, et des arbres coupés, et du mobilier d ïssy a
été ordonnée partout. Elle a été effectuée aussi. E t
pour en finir sur ces odieuses tracasseries , cette vente,
si on avoit besoin de preuves nouvelles de la criminelle
collusion qui règne entre tous ces hommes, de fraude ,
en auroit fourni une de plus. Ce marché <le M. Moutz
avec M. Sen et, malgré le denier à D ieu , étoit si peu
sérieux, le prix en étoit si peu ré e l, que bien que tout
le parc de M . Montz ait été par lu i, si on 1 en croit,
Tendu à Senet 10,000 f r . , les seuls arbres qui ont etc
abattus , et qui assurément sont fort loin de compléter
la coupe du p arc, grâces aux obstacles qu y ont ap
porté les créanciers, ont été vendus vingt - un mille
francs,
■ Puis croyez à la vente faite à M . Senet.
‘ Croyez surtout au paiement comptant qu’il a fait au
milieu de tant d’ em barras, d’ incertitudes sur l’exécution
de son marché, de craintes des créanciers, et encore
plus au milieu des embarras que doivent lui faire
éprouver ses propres finances j car qu’ est —ce donc
que ce M. Senet qui a ainsi des d ix m ille francs camptant à jeter par la fenêtre et à payer à des débiteurs
en faillite , pour des arbres qu’ il n’éloit assurément pas
sàr d’enlever , comme l’événement l’a fort bien prouvé ?
�'( 53 )
Qu est-ce que ce M. Senet, qui va acheler des coupes
de bois sur pied, lui qui n’est pas marchand de bois,
qui n’enleud rien à leur exploitation , qui ne sauroit
qu’en faire , et qui s’est ensuite si peu mêlé de les
abattre,-que quand on les coupe c’est M. Montz seul
qui préside à l’abattis , qui donne les ordres , qui
ameute les ouvriers, qui leur fait passer la nuit et les
fait tx’availler aux flambeaux : circonstance qui toute
seule suffiroit pour prouver qu’il s’ agissoit dans cette
coupe de l’ intérêt de M. Montz et non pas de celle de
M. Senet, toujours absent, si ce n’est dans les actes et
dans les réclamations? Ce M. Senet, quelle, que soit
d’ailleurs sa moralité , est un pauvre h ère, bien digne
compagnon de M. Montz sous certains rapports, puisqu’au mois de mars dernier, suivant extrait rapporte
en bonne forme , il a été constitué prisonnier pour deux
mille francs y et puisqu’encore présentement, suivant
certificat délivré par M. Hygnard, huissier, cet officier
est porteur contre lui de sentences pour mille francs ,
sur lesquels ce riche marchand de bois , qui trouve si
facilement dix mille francs dans sa bourse pour les payer
comptant dans des marchés aventureux, n’a pu encore, à
force d’à-coinpte, s’ acquitter que jusqu’ à concurrence
de 64 o fr. I Voilà les capitalistes qui secourent avec tant
de grandeur d’âme M. Montz, et qui ont toujours u
point de si grandes ressources pour acheter ses pro
priétés quand il veut les vendre ! Voilà celui qui vient
même de lui acheter tout à l’heure cette propriété même
d ’Issy 1 II est temps de parler de celte dernière fraude,
�( 53 )
par laquelle M. Montz a couronné toutes les autres.
Mais celle-ci elle-même a eu une pi'éface dans laquelle
nous allons encore voir agir M. la Jumelière.
Le commandement d’ expropriation étoit fait depuis
le mois d'octobre 1807.
Toutes ces petites fraudes pour les arbres, pour le
m obilier, pour les provisions, etc., avoient été com
mises.
Mais M. Montz voyoit bien qu'elles viendroient l’une
.après l'autre échouer contre la justice des tribunaux, et
qu’il ne sauveroit jamais sa propriété de la vente forcée.
C ’est alors qu'il tenta un dernier efl’ort pour amasser
d’avance, autour de la jouissance de l’adjudicataire, tant
d’embarras , que personne ne soit qui ne s’effraie de
le devenir.
~ Il loua à M. la Jum elière la maison d’Issy, moyen- 21e. et aa«.
nant 5 ,800 fr. par an , pour neuf an s, p ar acte du 1 9
novembre 1 8 0 7 , en le soumettant à souffrir la coupe vente simu-
de tout le parc : ce à quoi consent bénévolement ce lo- faudrÎ’Sdeî
cataire de nouvelle espèce , qui ne veut avoir de maison nulHuT/la
de campagne que pour n'avoir pas un arbre dans son
jardin.
Encore M . la
.
Au reste, et avant de parler de l'autre partie de la
manœuvre de M. Montz, qu’il soit permis de faire bien
remarquer la bizarrerie des traités passés à diverses
époques entre M. la Jum elière et M. Montz relative
ment à la maison d'Issy.
D ’abord M. Montz y demeure. Il en est même nu-
Jum elière.
Encore M .
�( 54 )
propriétaire. L ’usufruit et le mobilier sont à vendre. Ce
n’est pas M. Montz qui en a besoin qui les achète j c’est
M. la Jum elière. Ainsi la maison est à M. Montz, et
c’est M. la Jumelière qui a les meubles.
Ce contre-sens cesse enfin. On s’apperçoit qu’il n’est
pas naturel que la jouissance de la maison soit d’un côté
et les meubles de l’autre. M. la Jumelière alors fait enfin
un bail des meubles à M. Montz. Mais à peine ce bail
est-il fait, que voilà M. Montz qui garde les meubles ù
loyer et qui loue la maison à M. la Jum elière; en sorte
que les meubles et la maison ne sont jamais ensemble 5
et que, par un renversement de rôles qui seroit absurde,
si on ne voyoit très-distinctement que toutes ces va
riantes ne sont que des moyens diflerens d’une fraude
toujours la même , ayant pour but d’éluder les droits
des créanciers, M. Montz, propriétaire de la maison ,
ne garde pas la maison, mais prend les meubles à
loyer , sauf à opposer le bail à ses créanciers quand ils
viendront, et que M. la Jum elière, propriétaire dos
meubles , semble les louer tout exprès à M . Montz pour
n’en avoir plus et pour coucher entre les quatre mu
railles quand il aura loué la maison.
A présent, fera-t-on remarquer toutes les invrai
semblances qui se soulèvent contre celle supposition
que M. la Jumelière eût réellement loué Issy.
Il a une maison à Vaudouleur.
Il y est, d il-il, cultivateur.
Il y est fixé, du moins.
�( 55 )
On ne devine même pas quel rapport il pourvoit y
avoir entre sa fortune, dont il ne paroît rien , et une
seconde et inutile maison de campagne qu’il voudroit
acquérir, surtout quand elle est aussi magnifique que
celle d’Issy !
Tout le parc va être abattu-, et M. la Jumelière y
consenti et c’est dans cet état qu'il va louer la maison
d’Issy.
Comment croire de telles absurdités ?
On voit bien qu’ ici rien n’ est simple, ni naturel, ni
vrai.
Qu’a-t-on donc voulu faire par ce bail évidemment
fictif? Ce qu’on a voulu , c’est afî’oiblir le revenu appa
rent de rimmeuble ; c’ est éloigner les enchérisseurs;
puisqu’ on n’achète ordinairement une maison de cam
pagne que pour l’occuper ; et qu’un bail naissant de neuf
ans est sans contredit l’obstacle le plus insurmontable
pour la vente d’une maison de plaisance.
Voilà d’abord le moyen imaginé pour entraver la
vente.
Mais M. Montz a fait plus , et il a vendu lui-même
la maison.
E t à qui l’ a-t-il vendue ?
Il faudroit avoir bien peu profité de la lecture de tout
ce qui précède , si ou ne se tenoit pour assuré que ce
sera ou à M. G in, ou à M. la Jum elière, ou àM . Senet.
Aussi est-ce à M. Senet.
�( 50)
M. Senet, qui n’avoit pas en mars -2000 francs pour&e
sauver de l’emprisonnement 5 M. Senet, qui n’a pas au
jourd’hui encore 36 ofr. pour compléter des condamna
tions de 100Q.fr. qui peuvent Je remener demain en pri
son , a tout de suite tout l’argent q u il faut pour acheter
et habiter une maison de campagne occupée successi
vement par des princes ! Cela est en eflet fort croyable \
Il est vrai que M. Montz, qui ne veut pas qu’on tour
mente trop son cher ami Senet pour le paiement du
prix , a soin de le fixer avec assez de modération pour
que la condition ne devienne pas trop pénible : il l’a
porté à 77,000 francs. E t c’est ici que brille dans
tout son éclat la sagesse du vendeur. Il a donné sur ce
bien à son ami Gin une hypothèque de '80,000 francs;
il le vend 77,0,00 francs. Gin prendra les 77,000 francs,
ou s’en arrangera avec Montz et Senet , ce qui 11e sera
pas bien difficile ; et, de cette manière, voilà le pauvre
acquéreur préservé de la mauvaise humeur et des pour
suites de tous les créanciers. 11 est vrai que Gin ne trou
vera dans le prix de la vente que 77,000 fr. , au lieu de
80,000 fr. qui lui sont dus, et qu’ainsi il sera en dan
ger de perdre 3 ooo fr.j mais à cela ne tienne. Nous
savons tous que Gin est généreux , et il ne les regrettera
pas.
Toutefois , il ne faut pas se dissimuler que ce prix si
foible d’une si belle propriété pourra tenter les vrais
créanciers, et qu’ils ne manqueront pas de surenchérir.
Qu’ils viennent?
M. Montz y a mis ordre.
Le
�'( h 1
L e contrat de vente renferme des conditions si ex
traordinaires que peut-être , et la maison n’eut-elle été
vendue que 10,000 f r ., il ne se trouyeroit personne, qui
voulût surenchérir.
En e iïe t, M. Monts se réserve pour lui et pour toute
sa vie , des jouissances fort bizarres.
i° . lise , réserve d’abord labdlje. chanxbre à coucher
de la maison, en entrant par le grand, salon^ et les
pièces ensuite de cette belle chambre , et dans l'urne desquelles sont les lieux à l’anglaise qu’il se réserve poiiç
lui seul.
Ainsi le vendeur, dans l’appartement d’honneur, aura
la chambre à coucher et les pièces de service. Il n’aura
pas le salon ; mais il s’en servira comme d’un passage
pour sa chambre à coucher.
2°. Il se servira du vestibule en commun.
3°. Il se réserve un grand nombre de pièces çà et là
dans la maison , des remises, des écuries.
4°. H se réserve exclusivement la glacière,
5°. Il se réserve le droit de chasser dans le parc ,
quand il le voudra ,'avec trois ou quatre de ses amis.6°./ Il se réserve les passages à pied, en voiture , etc.
Bref, M. Senet ne sera pas chez l u i , ‘ n’aura rien ex
clusivement à lui, et vivra dans un indivis d’autant plus
fâcheux, qu’ il n’y aura nul remède pour s’en débar
rasser.
î
'
N ’est-il pas évident que toutes ces clauses hétéroclites
rçfi'Sont amassées dans le b^iil que pour empêcher per
sonne de se mettre à le place d’un esclave tel que le sera
II
�( 58 )
M. Senet dans sa propriété, c'est-à-dire, de suren
chérir ?
E t insulteroit-on à la raison humaine, au point de
croire avoir besoin de prouver à personne que tous ces
actes ne sont concertés entre M. Montz et ses affidés
que pour se jouer des droits de ses créanciers ?
E t comment ne croiroit-on pas à la fraude de cet
. homme qui emploie, même à découvert, la violence
pour résister aux dispositions de la justice, et q u i, si
on le laisse faire apparemment, finira par mettre le
feu à sa maison, plutôt que de souffrir que la puissance
publique l’emporte sur ses résistances ?
Sa maison a été saisie} il y a commis des dégradations
telles qu’au rapport des experts, dont l’un a été nommé
par lu i, il l’a diminuée de plus de 45 ,ooo fr. de valeur.
Ses meubles ont été saisis, ces meubles qu’ il prétend
appartenir à son ami la Jum elière. Donnant lui-même
par ses excès un démenti à ses fables , et oubliant qu’ il
dit que les meubles ne sont pas à lu i, il s’est occupé de
les dérober à ses créanciex-s , comme s’ils étoient bien à
lui. Chaque jour, depuis la saisie, a été marqué par
des enlèvemens furtifs ou par des destructions.
Il en a brisé.
Il en a vendu.
Il en a déplacé et caché de manière que les gardiens
qui pourtant veillent sans cesse, n’ont pas pu savoir ce
qu’ils étoient devenus.
Il y avoit des cygnes 5 il les a tués.
Des objets d’un très-haut prix ont disparu et n’ont
pas été retrouves.
�E 59 )
D’ordre de la justice , des cadeuats el des fermetures
ont été apposés à toutes les portes écartées pour mettre
un terme aux spoliations ; il a brisé fermetures et cadenats.
Il a arraché jusqu'aux plombs et les a soustraits.
Si les gardiens ont osé se plaindre, il les a me
n acé s, et ajoutant la dérision au v o l, il en est venu
jusqu'à avouer tous ces actes de rapine , en disant ironi
quement qu’il n’y avoit qu’à les estimer et qu’il les
paieroit.
B re f, il a tant fait que pour conserver la propriété,
il a fallu qu’un jugement ordonnât d’en expulser le pro
priétaire.
Encore, et ceci passe peut-être tout le reste soit par
la bizarrerie soit par l’audace de l’invention , les ma
gistrats ne l’ ont - ils pas emporté dans Cette occasion
sur le justiciable , et celui-ci a-t-il encore trouvé des
moyens de ravager sa propriété et de la frapper de
néant dans quelques parties, même sans qu’ il fût né
cessaire pour lui de l’habiter.
Il
existe des prés d’un très-grand produit, dépendant
de la maison. Personne en se mettant l’esprit à la tor
ture ne pourroit imaginer un moyen d’empêclier que
des prés n’ existent. E h bien ! M. Montz l'a trouvé. On
est venu avertir un matin les créanciers que sur ces
prés étoient répandus des ouvriers occupés à couper,
non pas la récolte, mais la superficie même du terrain.
On a couru avec mainforte ; el ce qu’on a trouvé,
c’est que M* Montz abusant de l’ignorance et de la sim
plicité -d’un jardinier voisin, lui avoit vendu, moyennant
H a
�( <3o )
200 fr. par arpent, la faculté de tourber ses pr:és.;à tin
pouce ou deux de profondeur pour en'faire des gazons
ailleurs , opération qui auroit détruit le prod.uM. d^s
prés pour plusieurs années , mais qui heureusement a.
été arrétée encore à temps y et ne s.’est effectuée que sur
un demi-arpent.
s- Tel est M. Montz. a-. ;
Tels sont MM: G ingia Jum elière, Senet, Schérbpet
Tarteiron.
. '
Tous ils se relaient pour fatiguer successivement les
créanciers de leur ami. *
M. Gin, tantôt réclame ou le mobilier de P a ris, où*
la jouissance de l'hôtel place Vendôme, ou les fermages
;des biens de Moulins.
*
l’hôtel de la place
Vendôme 1: il demande
■(.On vend
At
à être colloque sur le prix pour sa créance de 8o.,ooo fr.
, 0 u va vendre Issy. Il-a formé unq inscription, et de
mandera, aussi, à être coltaqué. r = ,r.
Dans ce moment on distribue devant le tribunal de
Versailles le prix de la verrorie de Sèvres qui jfulis
a appartenu à M. Montz , et dont le prix, lui est dû.
MM. Tourton , Uavel et compagnie y sont, inscrit^.
Armé de sa frauduleuse cession des bijlets'Gozaux, qu’il
prétend être une seule et même créance avec le prix de 1^
verrerie; M. Gin aie front de se présenter, de contesserà
MM. Tourton, Ravel et compagnie la validité de leu,r
inscription, et de domander qu’Qn luj abandonna lç
prix qu’il ne larderoit pas à remettre à M. Montz.
M. la Jumelière , quaut à lui ; réclame le . mobilier
■
�61
et les arbres d’Issy ; il réclame la jouissance des baux
que lui assure pour neuf ans un bail frauduleux.
M. Senet réclame aussi les arbres d’Issy, et de plus ,
il prétend être le propriétaire de le maison.
Quant à M. Tarteiron, il e s t, si on l’en croit, le fer
mier général des biens de Moulins ;
E t M. Scherbe en est le propriétaire.
Ainsi se sont successivement évanouies toutes les res
sources de M. Montz pour ses créanciers , mais non
pour lui.
La justice souffrira-t-elle cette révolte ouverte contre
ses arrêts ?
Tant de fraudes et d’excès en éluderont-ils la puis
sance ?
Non, sans doute.
Les magistrats sentiront q u 'il y va bien plus en
core de l’intérêt social que de celui de la maison Tourton, que cette véritable insulte aux lois soit réprimée ;
et chaque fois que quelqu’une de ces fraudes se produira
dans les nombreux procès dans lesquels M. Montz a eu
l’art d’entraîner MM. Tourton, Ravel et compagnie, ils
la couvriront du mépris et de la proscription qu’elles
méritent toutes.
S ig n é ,
T ourton, R avel
et
Compagnie.
M c. B E L L A R T , Avocat-Conseil.
De l'imprimerie de Xh r o u e t , rue des Moineaux, n°.
16.
�
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Tourton. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Subject
The topic of the resource
faux
simulations
fraudes
spéculation
inventaires
Description
An account of the resource
Mémoire pour MM. Tourton, Ravel et Compagnie ; contre M. Montz et ses prête-noms ; ou Histoire générale des fraudes de M. Montz ; pour servir à l'instruction des vingt-trois procès par lui suscités à MM. Tourton, Ravel et Compagnie.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Xhrouet (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 7-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0601
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issy-les-Moulineaux (92040)
Moulins (03190)
Paris (75056)
Rights
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Domaine public
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Faux
fraudes
inventaires
simulations
spéculation
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MÉMOIRE
Pour
R ené
E SM E L IN
G ilb e r t
A I G U E S , C la u d e- A m able
d e l e in e
E S M E L IN
E S M E L IN
L A P E L I N , et M a r i e - M a g -
, son épouse ,
G A R D E -D E L A V IL E N N E
son épouse ; M a r i e - A
-D E U X -
d é l a ïd e
J e a n - F r a n ç o is L A -
, et T h é r è s e
E S M E L IN ,
E S M E L IN
, veuve D e -
b ard , intimés
Contre G
e n e v iè v e
E S M E L I N , veuve r/Amable D
e c iia m p s ,
ex-religieuse, appelante $
E n présence de
P rocule
E S M E X il N , ejc-religieuse y
E l encore en présence de J a c q u e s - M
a r ie - P ie r r e
L O ISE L -
G U I L L O I S , tuteur de ses enf ans , héritiers d 'Agnès
E s m e l i n , leur aïeule m aternelle, aussi intimés.
L
A. dame Dechamps dénonce aux tribunaux un traité de fa
mille , rédigé sous ses yeux par d ’anciens jurisconsultes de son
c hoix ( * ) , qu ’elle a signé, exécuté, qu’elle approuve et exécute
journellement.
(*) MM. Bergier et Boirot.
A
�5«v
v ,> .
( O
C e traité de famille a été dicté par la nécessité.
Il a été dicté par la sagesse.
E n ce qui la concerne, il a été dicté,par la générosité.
Il lui assure un patrimoine d ’environ
Elle se dit lésée.
5oooo f r . , dettes payées.
.
E t il ne lui revenoit pas une obole.
Etienne Esmelin a contracté mariage avec M a rie -A n n e -B a rth é lem y G ib o n , le 29 février iy ô ô .
Ils se sont unis sous le régime de la co m m u n a u té, avec clause
expresse que « pour y acquérir d r o i t , chacune des parties y con» fondroit 600 f r .; et le surplus de leurs biens, avec ce qui leur
h
éclierroit par succession, donation , sortiroit nature de propre-
» fonds. »
Ils n ’avoient q u ’une fortune m édiocre; elle s'est grossie par de
nombreuses successions qui se sont accumulées sur leurs tê t e s ,
spécialement du c h e f de la dam e Esmelin.
L a première qui est échue de cet estoc , a été celle du sieur
Jean-Baptiste île Lachaussée, son o n cle , décédé à Moulins en 17 6 4 .
L a seconde, celle de G ilbert de L a c h a u ss é e , aussi son o n cle ,
négociant à M o u lin s , décédé en 1 7 66.
L a troisième, celle de Jacques de L achaussée, frère des précé
dons, administrateur de l’ H ôtel-D ieu de P a ris, décédé en 1787.
Il avoit fait un testament suivi de codicille , par lequel il avoit
no m m é pour ses légataires universels, M arie F a r jo n n e l, sa m è r e ;
An toin ette de Lachaussée , veuve Lafeuillant ; Elisabeth de
L a c h a u s s é e , fem m e Laplanche ; Catherine de L a c h a u ss é e , fille
majeure ;
E t les en fans et desccndans de M a rie de Lachaussée, décédée
fem m e Gibon.
L ’inventaire de cette succession enportoit l’a ctif à deux millions
soixante mille livres.
Il fut fait un premier partage provisionnel d ’une som m e de
�(
3 )
1179500 fr. d ’effels r o y a u x , devant L a ro clio , notaire au châtelet
de. P a ris , le 29 avril 17 8 8 , qui constate que le sieur Esmelin
toucha pour sa fem m e un premier à-compte sur cette succession ,
de i 685oo fr.
M a rie F a rjo n n e l, aïeule de la dame Esmelin , qui avoit touché
un pareil à-compte de i 685oo fr. par ce partage pro visionn el,
m ourut peu de temps après.
L a dame Esmelin mourut ensuite au mois de novembre 1789.
L e sieur G ibon , son frère , directeur des aides à ChâteauT h i e r r y , mourut au mois de juillet 1790.
11 laissa encore une succession très-opulente, qui étoit divisible
en trois portions égales, entre les en fans E sm e lin , le sieur G i b o n ,
de M o ulin s, leur o n c le , et le sieur G ib on -M ontgon , leur cousin
germain.
L e sieur G ilbert G ib o n , père de la dame E sm elin , mourut en 1792.
Enfin Elisabeth E sm e lin -D u c lu so r, l ’une des filles des sieur et
dam e Esmelin , m ourut aussi sans postérité dans le courant de la
m êm e année.
Etienne Esmelin père resta en possession de toutes ces successions.
Il avoit marié q u e lq u e s-u n s de ses enfans avant la mort de
M arie-A nne-Barthélem y Gibon , son épouse.
Il en a marié d'autres d epuis, et il avoit fait aux uns et aux
autres des avancemens d ’hoirie.
D e u x de scs filles , Procule et Geneviève E sm e lin , avoient pris
le parti du cloitre, et avoient fait profession avant la mort de leur
mère.
M ais les lois des
5 brumaire et 17 nivôse an 2 ayant aboli leurs
v œ u x , elles furent rappelées à toutes ces successions.
Bientôt le refus de Procule Esmelin de prêter s e r m e n t, attira
sur elle des persécutions que chaque jour pouvoit rendre plus graves.
L e sieur Esmelin crut devoir prendre la précaution de se faire
céder ses droits, dans toutes ces successions , pour se m e t t r e , à
toutes fins , ainsi que ses enfans, à l’abri des recherches nationales. ;
Geneviève Esmelin avoit pris un parti tout opposé ; non-sculeA 2
�ment elle avoit prêté se r m e n t, mais elle ne dissitnuloit pas l ’in
tention où elle étoit de se m arier; et le sieur Esmelin crut encore
prudent de se faire céder ses droits m atern els, pour garantir sa
fam ille des recherches futures de ce gendre inconnu dont il étoit
menacé.
L e rapport de l ’effet rétroactif des lois des
5 brumaire et 17
nivôse ne tarda pas à rendre ces précautions inutiles.
M ais , dans le même t e m p s , le sieur Esmelin père étoit forcé
d ’en prendre de semblables avec d ’autres de ses en fans.
L e sieur D ebard étoit inscrit sur la liste des ém igrés, et A d é
laïde E s m e lin , son épouse, étoit en réclusion ; elle étoit menacée
du séquestre sur tous ses biens. Il fallut encore avoir recours à la
cession de ses droits maternels. Elle consentit cette cession à son
p è r e , le 1 " germinal an 2. Mais com m e elle n ’étoit que simulée,
il lui en donna une contre-lettre.
L ’inscription du sieur E s m e lin -D e u x -A ig u ë s,su r la liste fatale,
força encore le sieur Esmelin père de faire avec lui des actes simulés,
pour se soustraire, com m e ascendant d ’é m ig ré , aux persécutions
des agens du fisc.
T o u s ces actes ont disparu avec les causes qui les avoient fait
naître; et la darne D echam ps, qui en abuse aujourd’h ui, sait m ieux
que personne q u ’ils n ’ont jamais eu de réalité.
Les orages révolutionnaires s’étant c a lm é s , plusieurs des enfans
E.smelin, la dame Lapelin , le sieur E sm e lin -D e u x -A ig u e s, et les
mineurs L o is e l, ont cru devoir rechercher leurs droits maternels.
L e sieur Esmelin a terminé avec la dame Lap elin, en lui donnant
un à-compte sur
11 succession de R e n é Gibon ;
Avec le sieur Esm elin-Deux-Aigues , en s’en référant à l'arbi
trage de M. L u c a s , président du tribunal de G a n n a t, leur parent,
q u ia dicté la transaction passée cntr\nix au moisdeger111in.il an i5 .
Q uan t aux mineurs L o ise l, la contestation est restée indécise.
Ces actions éloient justes en elles-mêmes; et le sieur Esmelin se
soroit sans doute empressé de les prévenir , s’il n ’avoil pas été
arrêté p,ir les difficultés insurmontables q u ’il IrouYoit u distinguer
aa fortune personnelle de celle de ses enfans.
�( 5 3
M ais la dame D ech a m p s, subjuguée par un conseil pervers, qui
avoit voué au sieur Esmelin une haine implacable en échange des
services signalés qu ’il en avoit reçus, a dirigé contre lui des actions
d ’un autre genre, qui tendoient à compromettre sa délicatesse et
qui l’ont abreuvé d ’amertume.
Bientôt la perspective effrayante du mauvais état de ses affaires
est venue m ettre le comble aux chagrins dont il étoit dévoré.
Il avoit fait imprudemment une affaire de finance avec la dame
L e b lo n d , A m é r ica in e , qui , privée de ses revenus des île s, dont
la rentrée étoit suspendue par la guerre maritime avec l’A n g le
terre, avoit obtenu de sa facilité des avances én o rm e s, au point
qu ’il se trouvoit son créancier de plus de 160000 fr. sans la plus
légère sûreté, et à peu près sans espoir de les recouvrer.
L e sieur Esmelin n ’avoit pu faire d ’aussi grosses avances qu ’en
puisant dans les caisses des banquiers de Moulins et de C lerm ont.
Chaque jour ses dettes alloient en cro issa n t, par le taux élevé
des intérêts qui s’accumuloient.
D éjà son crédit étoit épuisé chez les banquiers de C le rm o n t, qui
ne consentoient à renouveler ses effets qu ’avec l’endossement du
sieur R ené Esm elin, son fils aîné (*), et il ne pouvoit se dissimuler
qu'il couroit à grands pas à sa r u in e .
L ’âme flétrie par les outrages de la dame Dccliamps , et ne pou
vant supporter l’idée du renversement de sa fo rtu n e , il est tombé
malade dans les premiers jours de décembre i 8o 5 , et il e*st mort
le 19 du même mois.
L es scellés ont été apposés de suite par le juge de paix des lieux.
Quelque temps après, il a été procédé à un inventaire en form e,
en présence de tous lçs intéressés, et spécialement de la dame
D ech am p s, qui a assisté à toutes les séances.
Indépendamment de l’a ctif bon qui fut porté dans cet inven-
(*) Le sieur Esmelin aîné avoit <léj?i cautionné pour 60000 fr. d’eiïets do son
père à son décès; il est porteur de ses lettres , par lesquelles il le prioit do lui
donner sa signature.
�i <•/
. ( G )
tairo, il fut fait un état particulier des créances mauvaises ou dou
teuses , montant à 267600 f r . , qui fut signé par tous les héritiers,
et spécialement par la clame Dechamps.
L a dam e Decham ps dit dans son mém oire , page
4 , que pen
dant cet inventaire ses frères furent p o lis, caressons. Ces expres
sions sont trop foibles ; elle auroit dû dire qu ’ils la comblèrent de
témoignages de tendresse, q u ’ils ne négligèrent rien pour gagner
sa confiance, et pour la soustraire à la maligne influence du per
fide conseil qui l ’éloignoit de sa fa m ille , et la conduisoit à sa perte;
Que leur ayant paru avoir des besoins, ils lui remirent la somme
de 1000 fr. qui étoit provenue des premières ventes des denrées
de la succession ;
Q u ’elle prit différens effets mobiliers qui étoient à sa conve
n a n c e, sur la prisée de l’inventaire ;
Que dans le partage qui fut fait en nature d ’une partie du m o
b i li e r , ils l ’admirent pour un h u itiè m e , quoiqu’il ne lui en tevînt
q u ’un seizième ;
Qu'enfin ils ne cessèrent de lui prodiguer les égarTls et les bons
procédés.
Instruite par elle-même de l ’état des affaires de son père ; de
plus de iSo oo o fr. de dettes de banque sur lettres de change qui
venoient chaque jour à échéance, dont plusieurs étoient déjà pro
testées, et dont les porteurs pouvoient consom m er en frais tous les
biens de la succession ;
D é p l u s de Go,000 liv. d ’autres dettes par b ille ts, ob ligations,
rentes viagères 011 constituées ;
T é m o in de l ’état de dégradation et de désordre absolu, dans
lequel se trouvoient tous les biens co m m u n s, au point que sur 24
ou a 5 do m aines, il n ’y en avoit pas un seul dont les bûtimens ne
fussent en ru in e , les granges écroulées , et hors d ’état de contenir
la. récolte prochaine.
Plus pressée d ’ailleurs de jouir de son lot q u ’aucun de s?s co
h éritiers, ù raison de sa position, clic a été la première à désirer
le partage.
�*
i i
3
( '7 )
O n est convenu de faire estimer préalablement tous les Liens
qui devoient en être l’objet.
O n a nom m é pour experts les sieurs Pienaudet et F e rrier, connus
trop avantageusement dans l ’opinion publique pour ne pas réunir
les suffrages de tous les cohéritiers; et ils ont été si agréables à la
dame D echam ps , qu'ils ont vécu et logé chez elle pendant tout le
temps q u ’ils ont travaillé à l ’estimation de la terre du B ouis, qui
joint son habitation.
Cette opération term in ée, tous les copartageans sont unanim e
ment convenus de s’en référer, sur le règlement de leurs droits res
pectifs, à la décision de deux anciens jurisconsultes de C le r m o n t ,
dont l ’un éloit grand oncle maternel à la mode de Bretagne des
mineurs Loisel.
Ils se sont tous rendus à Clerm ont avec les deux e xperts, R e naudet et F e r rie r , dans les derniers jours de mars 1806, et tous
y ont séjourné sans interruption jusqu’au 21 avril suivant.
Chaque jour ils se sont réunis chez les arbitres.
L à , chacun des intéressés a fait valoir ses droits ou ses préten
tions.
T o u t a été v u , exam iné, discuté en leur présence par les arbii
très.
M ais com m e de tous les frères et sœurs Esrnclin, six seulement
avoient des droits dans les biens maternels , à raison de la m ort
civile de Procule et de G eneviève; que tous au contraire éloient
copartageans dans les biens paternels; le premier pas & faire élo it,
de distinguer les biens paternels et maternels, pour en form er deux
masses séparées.
L es arbitres ont tenté ce travail; mais ils n ’ont pu y réussir.
11 étoit impossible de retrouver les élémens de la plupart des
successions échues aux sieur et daine Esinelin, à défaut d ’inven
taires et de partages.
Il existoit à la vérité des inventaires des deux principales, celles
de Jacques de Lachaussée et de R e n é -B a rth é lém y G ib o n ; m a i s
les héritiers Esmelin ne les avoient pas en leur possession ;
n ’ùtoicnt pas en état de les représenter.
et ils
�( 8 )
Ils n’ avoient pas des notions exactes de la nature et de la consis
tance des effets dont ces successions étoient composées.
Us ignoroient ce qui en avoit été touché par leur père , en nu
méraire ou en papier-monnoie , et les différentes époques aux
quelles ces sommes avoient été versées dans ses mains.
L e s arbitres avoient d ’ailleurs sous les yeu x une expédition fa u
tive du contrat de mariage des sieur et dam e Esmelin , qui contenoit la stipulation pure et simple de la com m unauté , sans la
clause subséquente qui portoit que «pour y acquérir droit, chacune
» des parties y confondroit 600 fr. ; et le surplus de leurs b ie n s ,
» avec ce qui leur écherroit par succession , do nation, sortiroit
» nature de propre-fonds (*). »
D e sorte que les sieur et dame Esmelin paroissoient n’avoir con
tracté q u ’une com m unauté légale et conform e à l’article 276 de
la coutum e de B ourbonnais; d ’où il sembloit résulter que tout
ce qui étoit de nature mobilière dans les successions échues aux
deux époux , avoit été confondu dans la co m m u n a u té, et appartenoit par moitié à chacun d ’eux ; ce qui frappoit spécialement sur la
succession de Jacques de Lachaussée, presque toute composée d ’ac
tions de la compagnie des Indes, ou autres effets royaux payables
au porteur.
L e s arbitres, au milieu de cette o b scu rité, crurent apercevoir
une lueur de justice dans le plan simple de diviser la masse entière
des biens et des dettes en deux portions égales, dont l’une seroit
censée m a tern elle, et l’autre censée paternelle; ce qui donnoit aux
deux religieuses un seizième chacune de la masse réelle des biens,
et les chargeoit d ’un seizième des dettes (**).
(*) Cette expédition inexacte a été représentée par Proculc Esmelin , qui
l ’avoit trouvéo dans les papiers de la succession.
Elle paroissoit mériter d’autunt plus do confiance, quelle étoit écrite en entier
do la main de Barthélém y, notairo, dépositaire de la minute.
(**) La masse totalo do l’actif bon étoit de 5f)85<)5 fr.
Les créances actives mauvaises ou douteuses, do 2G7Ü30 fr.
Les dettes passives connues lors du partage, étoient du so 5y 5G fr.
Celles découvertes depuis s’élèvent à environ 20000 fr.
Les
�(o)
L es arbitres ne se dissimulèrent p as, et ne dissimulèrent pas à
tous les cohéritiers que ce plan éloit trop favorable à Procule et
Geneviève Esmelin , même sous le point de vue de la com m unauté
légale des père et mère communs , com m e elle paroissoit l’tHre
d ’après l’expédition fautive de leur contrat de mariage.
- M a i s , d ’une p a r t , il étoit urgent de prendre un parti pour satis
faire les créanciers , dont les poursuites pouvoient à chaque ins
tant porter partout l’incendie et la dévastation.
D ’autre p a r t , il falloit par-dessus tout éviter , pour l’intérêt de
tou s, d ’en venir à des discussions juridiques, qui présenloient un
abîme sans fond et sans rives, prêt a engloutir toute la fortune
des copartageans.
On ne considérait d ’ailleurs la portion que devoit recueillir P ro
cule E sm elin , que comme un dépôt confié à la vertu, qui devoit un
jour revenir à la famille.
E t à l’égard de la dame Decham ps , tous ses cohéritiers regardoient l’avantage q u ’elle pou voit retirer de ce mode de partage,
comme un sacrifice fait à sa position et à sa qualité de mère de
famille.
Q uant aux mineurs L o i s e l , indépendamment que l’acquiesce
m ent de leur père à cette mesure étoit suffisamment justifié par
l ’exemple de tous ses copartageans majeurs , grands oncles et
grand’ tantes de ses mineurs , qui avoient le même intérêt qu'eux ,
on eut soin de les dédommager amplement de la perte que ce plan
pouvoit leur occasionner, comme on le verra dans la suite.
C e mode de partage une fois adopté par tous les cohéritiers, on
vit bientôt disparoitre la majeure partie des difficultés qui divisoient
la famille Esmelin.
11 en restoit cependant encore, qui donnèrent lieu à quelques
débats entre les cohéritiers.
L a principale étoit relative au sieur Esm elin-Deux-Aigues.
A p rès sa radiation de la liste des émigrés , il avoit traduit son
père en justice, pour obtenir de lui le règlement de ses droits ma
ternels.
�<<<
( 10 )
L e sieur E sm clin , qui connoissoit m ieux que personne les inconvéniens et les dangers de soumettre celte discussion aux tribunaux,
consentit de s’en référer à l’arbitrage de M . L u c a s , président du
tribunal de G a n n a t , leur parent.
M . L u c a s , après avoir entendu les sieurs E s m c lin , père et fils,
pendant plusieurs séa n ces, et avoir examiné leurs mémoires res
pectifs, crut devoir fixer le débet du père envers son fils, pour tous
ses droits'maternels directs et collatéraux, à
5 y j 5 o f r a n c s , dont
42760 francs pour les cap itaux, et i 5 ooo francs pour les intérêts
ou jouissances; et ce fut d ’après cet aperçu que les parties traitè
r e n t , sous sa dictée, devant H u e , notaire à G a n n a t, le 17 ger
m inal an i 5 (*).
T o u s les cohéritiers du sieur Esm elin-Deux-Aigues connoissoient
parfaitement la sincérité de ce traité; et la médiation de M . L u c a s ,
prouvée par sa sig n a tu re , ne permettoit pas d ’élever le plus léger
doute à cet égard. M ais co m m e il sembloit en résulter quelque
avantage en sa fa v e u r , ils prétendoient q u ’il devoit s’en départir
pour se mettre à leur niveau.
L e sieur Esm elin-D eux-A igues insistoit sur l’exécution de cet
a c te , com m e étant un traité à f o r f a it , convenu de bonne f o i, sur
des droits successifs dont la quotité étoit absolum ent incertaine.
11 ajoutoit que l’avantage q u ’on prétendoit résulter de ce tra ité ,
n ’étoit rien moins que réel; q u ’il étoit plus que co m p en sé, par la
circonstance q u e , dans le plan du partage proposé, il n ’avoit à pré
tendre q u ’un seizième dans les créances actives paternelles, dont il
lui seroit revenu un huitièm e, si on n ’en avoit pas confondu la
moitié dans la masse maternelle, dont il étoit exclu au moyen de
l ’exécution de ce traité.
Il ajoutoit encore q u ’en supposant que ce traité produisit quelqn’avantage en sa faveur, cet avantage ne pouvoit être c r itiq u é ,
parce q u ’il étoit bien loin d ’absorber les réserves disponibles que
(*) I.a transaction fait mention expresso qu’ollo a clé pasjéo en prdscnco et
par la médiation de INI. L u ca s, <jui l’a signéo.
�/ / /
( "
)
s’étoit faites le père com m un par les différens contrats de ma
riage de ses en fans (*).
D ’après ces considérations , il fut arrêté que le sieur E sm clinD eux-A igu ës prélèveroit, avant tout partage, le montant de ce traité.
M ais le mode de ce prélèvement n ’étoit pas sans difficultés.
D ’une p a r t , le capital des droits successifs du sieur Esm elin.
Deux-tVigues devoit être prélevé sur la masse maternelle.
D ’autre p a r t, les jouissances, et le prétendu avantage qui pouvoit résulter de ce traité en sa f a v e u r , devoient être prélevés sur la
masse paternelle.
O n prit le parti d ’en faire le prélèvement sur la masse entière,
et ce parti étoit d ’autant plus raisonnable , que la masse paternelle
étant avantagée par le plan du partage, en faisant frapper ce pré
lèvement par égalité sur les deux masses , on se rapprochoit de
plus en plus du point de justice auquel les arbitres et les parties
se proposoient de parvenir.
C e t obstacle a p p la n i, il en restoit encore quelques autres, mais
qui éprouvèrent moins de difficultés.
L e sieur R e n é Esmelin aîné avoit des prétentions de plus d ’un
genre
La
de la
avant
contre la succession de son père.
principale résultoit de la donation que lui avoit faite son père
terre de B o u is, par acte du 2 mars 1 7 9 3 , immédiatement
les lois de l’égalité ; donation qui prenoit sa source dans la
réserve que s’éloit faite le sieur Esmelin , par les différens contrats
de mariage de ses enfans, de disposer de celte terre au profit de tel
d ’entr’eux qu’ il jugeroil à propos.
C ette circonstance formoit exception aux dispositions prohibi
tives de la Cou tu m e de Bourbonnais, qui interdisoit les avantages
entre enfans, autrement que par contrat de mariage.
(*) Les parties raisonnoient d’après l’expédition inexacte du contrat de ma
riage de 17 5 6 , qui rendoit communes aux doux époux toutes les successions
mobilières.
E11 raisonnant d’après la clause insérée dans ce contraído mariage, qui les ren
doit propres à chaque estoc, le sieur Esmelin-Deux-Aigues étoit évidemment lésé.
lia
�V I
( i*
)
L e sieur Esmelin père n ’étant d ’ailleurs décédé que sous l ’empire
du nouveau C o d e , tous les avantages antérieurs pouvoient être
considérés com m e légitimes , jusqu’à concurrence de la portion
disponible.
M ais le sieur René Esmelin n ’altendit pas q u ’on lui en dem andât
le sacrifice; il fut le premier à l’offrir à ses frères et sœurs; il n ’y
mit q u ’une seule condition, celle de l’union et de la c o n c o r d e , et
que tout se terminât à l ’amiable.
L a dame D e b a r d , de son c ô t é , élevoit des réclamations d'un
intérêt m a je u r , qui prenoient leur source dans une donation entre
vifs qui lui avoit été faite par les dames Delagoutte et G u d e ve rt,
le
5 mai 1 7 7 6 , de certains biens dont le sieur Esmelin étoit m ort
en possession , q u ’elle prétendoit avoir droit de prélever en nature
sur sa succession, indépendamment d ’un grand nombre d ’années
de jouissances de ces mêm es b i e n s , q u ’elle réclamoit à litre de
créancière.
L a dame D eb ard en fit généreusement le sacrifice, sans autre
indemnité q u ’une somme de 1200 francs à prendre sur les créances
douteuses , et sans y mettre d ’autres conditions que celles q u ’y
avoit mises son frè re , l ’union et la concorde, et que tout se ter
minât à l’amiable.
Enfin, le sieur D elav ilen n e , stipulant pour sa f e m m e , dont il
étoit fondé de p o u v o ir , fit aussi le sacrifice d ’une somme de 1000 fr.
qui formoit l’objet d ’une donation q u ’il prétendoit avoir été mal à
propos confondue dans la dot qui lui avoit été constituée par sou
conlr.it de mariage.
T o u s ces obstacles applanis ,
il fut question de procéder au
partage.
On fit un premier traité pour en fixer les bases.
C ’est dans ce premier traité que se trouvent tout le moral de l’opéra lio ti , les motifs qui l ’ont déterminée, les circonstances impérieuses
qui la rendoient nécessaire, les sacrifices généreux faits par plu
sieurs des cohéritiers pour assurer la paix et l’union dans la famille.
On en lit un second pour y traiter quelques objets particuliers,
�que tous les cohéritiers croyoient devoir être renfermés dans le sein
de la famille.
E t enfin un troisième, qui contenoit le partage.
Il étoit impossible d ’employer dans ce partage la voie du sort.
L e s rapports étoient tous in é g a u x , et varioient depuis
jusqu’à
5oo fr.
35ooo fr.
L e tirage au sort n ’eût pu sc faire sans être répété jusqu’à sept
à huit fois.
Les morcellemens qui en seroient résulté eussent été tels, que
chaque dom ain e, chaque arpent de terre eût été divisé en plus de
cent poriions , contre le texte de la loi et le Yceu de la raison.
On prit donc le seul parti proposable, celui de faire des lots do
convenance.
Mais les frères et sœurs de la dame Decham ps, toujours fidèles
à leur plan de la combler d ’égards et de bons procédés, eurent l’at
tention de lui laisser le choix de celui qui lui seroit le plus agréable.
Elle choisit des biens de la terre du B o u i s , qui étoient situés
dans la même commune que ceux de scs m ineurs, qui les joignoicnt
de toutes parts, et dont l’estimation lui étoit d ’autant moins sus
pecte, qu’elle avoit été faite-sous ses y e u x , et par des experts logés
et nourris chez elle pendant loul le temps de leur opération.
On usa avec elle des mêmes procédés pour le seizième des dettes
dont son lot d e v o it ‘être ch a rg é; on lui laissa le choix de celles
dont les intérêts étoient le moins o n é r e u x , et des créanciers sur la
complaisance desquels 011 pouvoit le plus compter.
Ces différentes opérations term inées, tous les héritiers Esmelin
retournèrent dans leurs fo y e r s , en bénissant leurs arbitres, et en
se félicitant de l’union et de la concorde qu'ils regardoient com m e
rétablies e n tre u x d ’une manière inaltérable.
M ais le bonheur de la famille Esmelin 11c fut pas de longue durée.
L a dame D e c h a m p s , rentrée dans ses foyers , y retrouva le
démon de la discorde, le misérable qui avoit conduit son père au
tom beau, et qui m é d i l o i t la ruine de sa famille.
D ès ce premier m o m e n t , il fut arrêté entr’eux de tenter, par
�t 'U .
( 4
)
toutes sortes de vo ies, l’anéantissement de tous les arrangemens
faits à C lerm o n t.
A v a n t de rien entreprendre, elle eut soin de s'installer dans
son l o t , de l’ai ferm er pour plusieurs a n n é e s, de se faire payer
d ’avance du prix du b a il, et surtout de laisser à ses frères et sœurs
toutes les charges de la succession dont jusqu’ici elle n ’a pas payé
une o b o le , et qu ’ils acquittent journellement pour elle.
A près avoir ainsi pris ses p récau tion s, et le 18 juin 1 8 0 6 , la
dam e Decham ps a fait citer tous ses cohéritiers en conciliation ,
pour venir à division et partage de tous les biens meubles et im
meubles délaissés par le père c o m m u n , sans avoir égard à tous
projets de partage , qui seroient regardés com m e non avenus.
C e tte citation a été suivie d ’un procès verbal de non concilia
tion , en date du g juillet.
Le
25 du m êm e m o is , la dame Decham ps a présenté requête au
tribunal d ’arrondissement de G a n n a t, tendante au fond à ce q u ’il
lui fu t permis d ’assigner ses cohéritiers , sur la dem ande en par
ta g e , dans les délais ordinaires , et à la première au d ien ce, sur sa
demande provisoire, tendante à ce qu ’ il fût sursis à la coupe et
exploitation des difierens bois de haute f u t a i e , et tous autres dépendans de la succession du père com m un.
E lle d e m a n d o it en m êm e temps q u ’il lui fu t permis de faire pro
céder à la visite et état de tous ces bois par e x p e r t s , à l’e ffe t de
constater tous ceux qui avoient été coupés et tous ceux qui étoient
sur pied, et d ’en fixer le nom bre et la v a le u r , p o u r , après ce rap
p o r t, être pris par elle telles conclusions qu'elle aviseroit.
C e lte demande provisoire cachoit une insigne perfidie. L a dam e
D echam ps savoil q u ’il existoit, au décès du père com m u n , plus de
i 5oooo fr. de lettres de ch a n g e, toutes éch u es, proteslées 011 re
nouvelées par ses frères et sœ u rs, non compris plus de 60000 fr.
de dettes ordinaires, dont les créanciers n ’éloient pas moins im
patiens.
Elle savoit que chacun de ses cohéritiers n ’avoit d ’autres res
sources, pour luire honneur aux cngagenicns les plus u rg en s, que
�3 ( j\
dans le prix de ces b o i s , qu’ils se hàtoient de vendre et d ’exploiter.
Son projet étoit de rendre leur libération impossible, de voir leur
liberté compromise, et tous les biens livrés à l’expropriation forcée.
C e p ro je t, d ir a -t-o n , étoit insensé; elle ne pouvoit elle-même
manquer d ’en devenir victime : cela est vrai ; mais fa u t-il nier
l’évidence, parce qu’elle passe les bornes ordinaires de la vraisem
blance et de la perversité humaine ? A - t- o n oublié le vœu de
Cornélie dans les Horaces i
Quoi q u ’il en so it, le tribunal de G annat a repoussé, avec indi
gnation, cette action provisoire, par son jugement du i 5 décembre
1806, rendu d'après les conclusions motivées de M . le commissaire
impérial.
Pendant que la dame Decham ps vexoit ainsi ses frères et soeurs,
et tentoit d ’arrêter par toutes sortes de moyens l’exécution des
arrangemens faits entr’eux, ses cohéritiers cherchoient à les conso
lider et à les régulariser à l’égard des mineurs Loisel.
L e sieur Loisel avoit été assigné depuis le
5 juin , en sa qualité
de père, tuteur et légitime administrateur de ses enfans, pour en
voir ordonner l’exécution ; mais il avoit cru devoir suspendre toutes
espèces de démarches jusqu’à la décision de l ’incident élevé par
la dame Dechamps.
C e t incident term iné, le sieur Loisel a convoqué un conseil de
famille le 24 décembre 1806.
C e conseil, composé du grand-père maternel des m in eurs, de
plusieurs de leurs oncles et de leurs plus proches p a re n s, après
avoir pris communication de la transaction du i 5 a v r i l, l’a ap
prouvée dans tout son contenu , et a autorisé le sieur Loisel à se
retirer auprès de M . le commissaire impérial, qui seroit invité à
désigner trois jurisconsultes pour examiner ce traité, et en dire
leur a v is, conformément à l’article 4G7 du C od e civil.
Le
5 i décem bre, sur la requête qui lui a été présentée par le
su u r L o is e l, M . le commissaire impérial a désigné trois anciens
jurisconsultes près la cour d ’appel, également recommandables par
leur expérience et leurs lumières, M M . A n d r a u d , B o ry e et PagesVerny.
:çà (
�K *.
( iG )
. Sur l’avis de ces trois jurisconsultes, les héritiers Esmelin , à l ’e:oception de la dam e D e c h a m p s , ont demandé l ’homologation de la
transaction du i 5 avril.
L a dame D e c h a m p s,fid è le à son plan de c o n t r a d ic t io n ,n ’a pas
m anqué de s ’y opposer.
M ais sans avoir égard à son opposition , dont elle a été déboutée
avec dépens, la transaction a été hom ologuée, sur les conclusions
de M . le commissaire im périal, par jugement du 21 février 1806.
L e 21 mars, nouvelle assemblée du conseil de fam ille des mineurs
Loisel ;
Approbation du partage fait sur les bases de la transaction ho
mologuée ;
Requête du sieur Loisel à M . le commissaire im p érial, pour l ’in
viter à désigner trois jurisconsultes auxquels seroit soumis l’examen
du partage ;
Désignation de M M . A n d r a u d , B o ry e et P a g è s - V e r n y ;
A v is de ces trois jurisconsultes pour l’approbation et la pleine
et entière exécution du partage.
L a dame D echam ps en a au contraire dem andé la n u llité, fo n
dée sur le ^défaut d ’observation des formes voulues par la l o i , et
subsidiairetnent la réformation pour cause de lésion;
E t par jugem ent contradictoire du 2 mai d ern ier, rendu sur les
conclusions de M . le commissaire im p érial, elle a été déboutée de
toutes ses d e m a n d e s, et le tribunal a ordonné que le partage seroit
exécuté selon sa ¿orm e et teneur.
Appel de la dame D echam ps des trois jugemons des i 3 décembre
18 0 6 , a i février et 2 mai 1807.
Scs moyens en cause d ’appel sont les mêmes qu'en cause prin
cip a le; nullité tic la transaction et du partage, lésion résultante do
l’une et de l ’autre.
L a réponse des intimés sc divise en trois paragraphes.
Ils établiront, dans le p rem ier, que la dame D echam ps n ’est ni
rccovable, ni fondée à opposer les prétendues nullités dont clic
cx.cipc.
D an s
�D an s le second, que loin d’être lésée par les bases adoptées dans
la transaction du i 5 avril, et par le partage fait d ’après ces bases,
elle y est avantagée du tout au tout.
D ans le troisièm e, que si les intérêts des mineurs Loisel paroissent avoir été lésés par le traité du i 5 avril , en ce qu’on y a gra
tifié la dame Dechamps et Procule Esmelin au préjudice de la suc
cession m atern elle, ils en ont été amplement dédommagés.
SI".
L a dame Dechamps n’ est ni recevable , ni fondée h opposer les
prétendues nullités dont elle excipe.
T o u te s les nullités qu’invoque la dame Decliamps , contre le
traité et le partage des i 5 et 20 a vril, ont leur source dans de pré
tendus vices de formes.
O r la loi ne connoit point de vices de forme pour les majeurs ,
ils peuvent traiter de leurs intérêts à leur g r é , et leur signature
suffit pour rendre leurs engagemens irréfragables.
Ici, la dame Dechamps a signé les actes des i 5 et 20 avril.
A la vérité elle dit les avoir signés aveuglément, page 4 de son
m ém oire, sans en avoir entendu la lecture , page 14.
Mais elle a signé si peu aveuglém en t, et elle en a si bien entendu
la lecture, qu’elle nous dit elle-m êm e, page i 5 , que de retour dans
ses foyers elle a voulu se mettre en possession des articles attri
bués à son lot.
E t de f a i t , elle s’en est de suite mise en possession, en les affer
m ant par un bail qui est enregistré.
Elle n'a cessé d ’en jouir depuis , sans avoir été troublée par per
sonne ; et dans ce moment elle vient de quitter son ancienne habi
tation , qui appartenoit à ses m ineurs, pour venir habiter dans sa
propre m a ison , qui fait partie de son lot.
A i n s i , non seulement la dame Dechamps a approuvé ce partage
dans les premiers instans; mais elle n ’a cessé de l’approuver de
puis, et de l’exécuter pendant le procès.
C
�E t le fait d ’approbation le plus caractérisé, c’est ce changement
d ’h ab itation , cette translation clans sa propre m a iso n , dans le
m om ent où elle remplit l ’air de ses cris contre ce partage , q u ’elle
dit avoir signé aveuglément, et sans en prendre lecture.
L a circonstance qu ’il y a des mineurs intéressés dans ce par
t a g e , ne change rien à celte première fin de non*recevoir.
L a loi a prescrit des formes pour garantir les mineurs de la
f r a u d e , d e l à facilité ou de l ’insouciance de leurs tuteurs, et de
leur propre inexpérience lorsqu’ils sont émancipés.
M ais ils ont seuls le droi* de se plaindre de la violation de tes
fo r m e s, et il n ’est pas permis aux majeurs d ’en exciper.
C ’est ainsi que le décide l ’article i i 25 du C od e c iv il, qui porte
que u les personnes capables de s’engager , ne peuvent opposer
Vincapacité du mineur , de l’interdit ou de la fem m e m ariée, avec
lesquelles elles ont contracté.
Cette loi doit s ’appliquer avec d ’autant plus de rigueur à l’espèce,
que les parties ont prévu le cas , et en ont fait une clause expresse
de leurs conventions, en stipulant críele partage sera irrévocable
en ce qui concerne chacun des majeurs.
L a loi seroit m uette, que la convention seroit une loi écrite dont
il ne seroit pas permis de s’écarter.
C ’est en .vain que la dame Decham ps prétend excepter de cette
règle générale les partages faits avec des mineurs.
Q uand il seroit dans le texte ou dans l’esprit de la loi d ’excepter
du principe général les partages faits avec des m ineurs, la conven
tion particulière, que le partage dont il s’agit seroit irrévocable,
rn ce'qu i concerne chacun des majeurs, feroit cesser cette excep
tion , parce que la disposition de l ’hom m e fait cesser celle de la
lo i, et que celte convention n ’a rien d ’illicite et de contraire a u x '
bonnes mœurs.
M a is, d ’une par’, ce texte est clair, précis, d ’un n égatif absolu, ne
peuvent, ce qui écarte toute espèce d ’interprétation et d ’exception.
D ’aulre p art, celte loi n ’a fait que consacrer les anciens princi
pes, qui nous sont attestés par L e b r u u , dans son T r a i t é des Suc-
�( '9 )
cessions, liv. 4 , chap. i " , n°2 4 , où, parlan t du partage p rovisionnel,
il dit que le m in e u r a le droit d e s ’y tenir s ’il lui est a v a n t a g e u x ,
ou d ’y reno ncer s ’il n ’y trouve pas son co m p te ; et q ue pour rendre
cette fa c u lté r é c ip r o q u e , il fa u t qualifier le partage de sim ple pro
v i s i o n n e l , et stipuler, p ar u n e clause précise , q u ’il sera p e r m is , tant
a u x m ajeurs q u ’aux m in e u r s , de d e m a n d e r un partage d éfin itif •
« a u tr e m e n t, le m in e u r pourra se tenir au partage , si le bien q ui
» lui a été don né est plus c o m m o d e , et la faculté ne sera pas re-
» ciproque pour les majeurs.
L e m ê m e principe est rappelé par R ousseau de L a c o m b e , au
m o t P a r t a g e , sect.
3 , n* g.
Q u ’auroient donc dit ces auteurs, s i,c o m m e dans l’espèce, ilavoit
été question d ’un partage, non pas simplement provisionnel, mais
définitif; et si , au lieu du silence sur la réciprocité de la faculté
de revenir contre ce partage, il y eût été form ellem ent expliqué
q u ’il seroit irrévocable en ce qui concerne chacun des majeurs ?
M a is dans tout ce q u ’on vien t de d i r e , on a sup p osé, avec la
d a m e D e c h a m p s , que les actes q u ’elle attaqu e sont infectés de tous
les vices q u ’elle le u r sup p ose, résultans d e la violation d e to u le s
les fo rm e s voulues par la l o i , p o u r les transactions et les partages
da n s lesquels des m in e u rs s o n t intéressés ; et 011 a vu que dans c< tte
h yp oth èse elle n ’a pas le droit de les c e n s u r e r , soit parce q u e la loi
lui en interdit la f a c u l t é , soit parce q u ’elle se l ’est interdite ellem ê m e , par une convention fo rm e lle fa ite e n t r ’elle et tous ses c o
héritiers m ajeurs.
M a is cette hyp oth èse est p u r e m e n t gratuite , et toutes les f o r
m es prescrites par les lois pour la garantie des m in e u r s , o n t été
s cru p u leu se m en t observées dans l ’espèce.
O11 ne peut nier que l ’acte d u i 5 avril ne f û t une transaction
telle que la définit l’article 2044 du C o d e civil , « un co n tra t par
» lequel les parties te rm in e n t u n e co n te sta tio n n é e , ou prévien»
nent une contestation à naître. «
11 s’ agissoit déré g le r les d roitsles plus c o m p liq u e s, entre une m u l
titu de d ’héritiers , su r quatorze successions , qui présentoient de&
C
2
�♦x'i<
( 20 )
questions sans n o m b re , qui pouvoient donner lieu à des discussions
interminables.
Q u ’cxigeoit la loi pour rendre valable un pareil acte ? L 'au tori
sation du conseil de fam ille, l ’avis de trois jurisconsultes désignés
par le commissaire du G ou v e rn e m e n t, et l’homologalion du tri
b u n a l, après avoir entendu le commissaire impérial.
O r , on a vu dans le récit des faits, que toutes ces formalités ont
été exactement observées.
A la vérité, la transaction étoit rédigée avant l ’autorisation du
conseil de fa m ille , et la dam e D ecbam ps croit pouvoir y trouver
un prétexte de chicane.
Mais- ce traité, qui pour les majeurs éteit irrévocable en ce
qui conCernoit chacun d ’e u x , n'étoit qu ’un projet pour les m i
neurs , jusqu'à ce qu ’il eût été autorisé par le conseil de fa m ille ,
et par l ’avis des trois jurisconsultes, désignés par le commissaire
du G ou v e rn e m e n t; ce qui étoit prévu par l’acte m ê m e , dans le
quel on lit q u ’il ne sera passe en form e authentique, que lorsque
le sieur Loisel aura rempli pour ses mineurs les formalités pres
crites par la loi , pour en assurer la validité.
N ’est-il pas évident, d ’ailleurs, que le meilleur m o yen d ’éclairer
le conseil de famille et les jurisconsultes qui devoient donner leur
avis, étoit de leur présenter le traité tel qu'il avoit été co n ve n u ,
et q u ’il devoit être exécuté entre toutes les parties, s’il leur paroissoit dans l ’intérêt des mineurs ?
V ainem en t le tuteur auroit rendu compte à la famille assemblée
des projets d ’arrangeinens qui étoient proposés entre tous les cohé
ritiers Esm elin; vainement on auroit fait part d e ce s mêmes projets
aux trois jurisconsultes désignés par le commissaire du G ouverne
m ent pour donner leur avis; rien n ’étoit plus propre à diriger
leur opinion que le traité m ê m e , qui n ’étoil pas encore obligatoire
pour 1rs m in e u r s, et (pii ne pouvoit le devenir que par l'assentiment
de la famille assemblée , et l’avis des jurisconsultes désignés.
C ette circonstance de la préexistence du traité du i 5 a v r il, à
l’assemblée du conseil de famille c l ù l ’avis des jurisconsultes.
�n ’est donc qu’ un m oyen de plus en faveur de ce traité, parce
q u ’il en résulte que, soit l’approbation de la fam ille, soit celle des
jurisconsultes, ont été données en bien plus grande connoissance
de cause que si elles avoient précédé la rédaction de ce traité.
C ’est encore une pointillerie bien m isérable, que la critique que
fait la dame Dechamps des qualités de ce traité, dans lesquelles on
suppose les formalités remplies par le tuteur avec les dates en blanc.
O n l’a déjà d i t , pour les mineurs ce traité n ’étoit qu ’un pro
je t, qui ne devoit être passé en forme authentique et avoir d ’exé
cution qu'autant que le tuteur auroit rempli les formalités néces
saires pour le rendre valable.
Il étoit donc tout simple que les dates des actes qui devoient
constater l’observation des formes prescrites par la loi fussent en
b la n c ; les qualités étoient telles qu’elles devoient être dans l ’acte
authentique; et en passant cet acte authentique, on devoit remplir
les dates du conseil de famille et de l’avis des jurisconsultes.
Q uant au traité secondaire du m êm e jour i 5 avril, il étoit en
tièrement dans l ’intérêt des mineurs L oisel, puisque c ’est ce traité
qui leur assure la succession de René G ib o n , dont ils étoient exclus
par la loi.
Il ne peut donc y avoir ni m o tifs, ni prétexte de le censurer.
. L e partage du 20 avril, qui n’étoit que la conséquence et l’exécu
tion de la transaction, n ’étoit encore qu ’un projet pour les m ineurs,
jusqu’à ce qu’ il devînt obligatoire à leur égard, comme à l'égard
des majeurs, par l’observation des formes.
Elles ont été observées com m e pour la transaction: le conseil de
fam ille, assemblé pour la seconde f o is , l’a autorisé ; les trois ju
risconsultes désignés par le commissaire impérial , consultés de
rechef, l’ont approuvé; le tribunal l’a homologué.
A in s i, indépendamment que la dame Dechamps n ’est pas recevable à critiquer sous le point de vue de l’inobservation des for
m e s, soit ce partage, soit le traité qui l’a précédé, on voit que
sa critique seroit sans fondement, et que le sieur Loisel n’a m an
qué pour ses mineurs à aucune des précautions qu’exigeoit la loi
�«'t • *
C 22 )
pour les garantir de toute surprise , et s’assurer que leurs intérêt«
étoient ménagés jusqu’au scrupule.
§ II.
L a dame D echam ps, loin d ’étre lésée par les bases adoptées
dans la transaction du 1 5 avril, et par le partage fa it d’ après
ces bases, y est avantagée du tout au tout.
Cette proposition pouvoit paroître incertaine à l’époque du traité
du i 5 avril; aujourd’h u i, elle est démontrée mathématiquement.
O n étoit alors dans la confiance que toutes les successions échues
de l ’estoc maternel avant le décès de la dame Esmelin étoient con
fondues dans la communauté.
C e tte confiance étoit fondée sur l’expédition du contrat de m a
riage de 1 7 ^ 6 , dans laquelle on avoit omis d ’ insérer la clause que
chacun des futurs confondroit la somme de 600 liv. pour avoir
droit dans la com m unauté , et que le surplus des biens des fu tu rs,
ainsi que ceux qui leur écherroient par succession ou d o n a tio n ,
leur sortiroienl nature de propre.
C e tte erreur se trouvant rectifiée par une expédition plus exacte,
il est évident que toutes ces successions doivent être prélevées au
profit des héritiers maternels.
Il faut cependant distinguer dans ces successions celles qui sont
échues avant le décès de la darne Esmelin , de celles qui sont échues
depuis.
T o u t ce qui a été touché sur les premières de ces successions par
le sieur Esmelin , doit être prélevé sur la co m m u n auté, qu ’ il faut
considérer com m e interrompue au décès de la dame E sm elin , ar
rivé au mois do novem bre 1 7 8 9 , d'après la faculté q u ’en ont les
intimés et les mineurs Loisel par l’article 370 de la C ou tu m e de
Bourbonnais.
L e s successions échues depuis le décès de la dame E s m e lin , et
tout cc qui a été touché pur le sieur Esmelin sur les .successions
�(
S fo
23 )
antérieures depuis la même époque, doivent être prélevés sur sa
succession et sur ses biens personnels.
A in s i, on doit prélever sur la co m m u n a u té, i° ce que le sieur
Esmelin a louché sur la succession de Jean-Baptistc de
décédé à M oulins en 1764;
Lachaussée,
20 C e qu’il a touché de la succession de Gilbert de L ach aussée,
aussi décédé à Moulins en 1766;
5° L a somme de i 68 , 5o o liv. qu ’il a touchée à compte sur la suc
cession de Jacques de Lachaussée, par le partage provisionnel passé
devant L aro ch e, notaire à P aris, le 29 avril 1788 ;
4° C e qu ’il a dû toucher de la succession de M arie Ç a r jo n n e l,
jjisaïeule des enfans Esmelin , décédée en 1 7 8 8 , l’une des léga
taires universelles de Jacques de Lachaussée, qui avoit aussi touché
1 6 8 ,5oo liv. par le partage provisionnel de 1788.
E t 011 doit prélever sur la masse de sa succession, composée
soit de sa portion de la co m m u n a u té , déduction faite des prélcvemens, soit de ses biens personnels,
i° L a somme de i 88 , 55o liv. 16 s. qu ’il a reçue de la succes
sion du sieur René-B arthélem y Gibon , soit en 1790, soit pendant
les premières années des assignats, ce qui est établi par un état
écrit de sa main , que les intimés rapportent.
2°. C e q u ’il a dû toucher, pour le compte do scs enfans, de la
somme d ’environ 900,000 livres, restée indivise, de la succession
de Jacques de Lachaussée, après ce partage provisionnel ;
5°. C e qu ’il a dû loucher de cette même s o m m e , soit com m e
représentant Elizabeth de Lachaussée , fem m e Laplanche , soit
c o m m e représentant Catherine de Lachaussée, dont il avoit acquis
somme
les droils, qui étoient d ’un cinquième chacune de cette
de 900,000 liv. ; ce q u ’il n ’avoit pu faire que pour le compte de
ses enfans , à raison de l’indivision de ces droits avec eux ;
4“. C e qu ’il a dû toucher de la succession de G ilberl-B arlhélem y
G ibon , aïeul de ses enfans, soit directement, soit par l ’effet dea
cessions de droils de leurs cohéritiers dans cette succession.
On trouvera déjà une masse énorme qui suffiroit pour
la succession du sieur Esmelin.
absorber
�Mais que sera-ce, si on y joint les jouissances ou les intérêts
des capitaux, à com pter du m om ent du décès de la dam e E sm elin,
attendu q u ’aux termes de l’article 174 de la C o u tu m e de Bour
b o n n a is , l’usufruit des pères cesse de plein d ro it, à 14 ans pour
les filles, et à 18 ans pour les m i le s ?
. Si on y joint pour
5o
mille francs de ventes de bois de la com
m u n a u té , faites par le sieur Esm elin, après le décès de sa fe m m e ,
toutes établies par preuves écrites?
Pou r pareille som m e, au m o in s, de dégradations commises dans
les biens d e là co m m u n auté, depuis la mêm e épo que?
Q ue sera-ce e n fin , si on y joint plus de 225,000 l i v . d e d e tte s ,
connues lors du p artage, ou découvertes depuis, que les intimés
ont payées , ou payent journellement pour leur compte et pour
celui de la dam e D e ch a m p s?
N on compris les prétentions de la dame de B a r d , qui ont été
éteintes par le traité du i 5 avril.
N on compris encore les réclamations qui s’élèvent de toutes
parts contre cette succession, qui sont connues de la dam e D e cliamps , et qu ’on se dispensera de relever, dans la crainte de les
accréditer.
Il résulte évidemm ent de ce tableau, q u e , la succession du sieur
Esmelin fût-elle d'un million ( et elle est à peine du tie rs) , elle
seroit insuffisante pour faire face au passif dont elle est grevée.
E t il ne faut pas perdre de vue, d ’une p a rt, que la presque uni
versalité des acquisitions est antérieure au décès de la dame
Esmelin ; ce qui donne aux héritiers maternels droit
h
la moitié
de tous ces biens acquis, sans autres charges que celle de la m oitié
des reprises qui existoient alors.
D ’autre p a r t , q u e sur les 225,000 livres de dettes passives, il
y
en a pour environ 200,000 livres , qui sont du fait seul du sieur
E sm elin , et n ’ont été contractées que depuis le décès de la daine
Esm elin; ce qui les f.iit uniquement frapper sur sa succession.
D ’autre part enfin, que les 267,550 livres de dettes actives dou
teuses, qui forment un des principaux objets de cettle succession,
no
�(
( ^
r
i
&
)
Ü -
ne doivent être comptées que pour le cinq uièm e, au plus, de leur
valeur numérique ; les intimés en offrant l ’abandon à 80 pour
100 de perte.
C ’est vainement que la dame Decham ps croit pouvoir affoiblir ce tableau, en cherchant à tirer avantage du testament de la
darne Esmelin , qui contient, d it-e lle , legs du quart de tous ses
biens, au profit de son mari.
C e testament n ’est pas rapporté, et il y a lieu de croire q u ’il ne
le sera jamais ;
Il est olograph e, et il n ’est pas écrit en entier de la main de la
dame Esmelin ;
C e n ’est pas sans de bonnes raisons qu ’on n’en a parlé que vague
m ent dans le traité du i 5 avril;
C e testament n’est pas d ’ailleurs tel que le suppose la dame
Decham ps ;
Il porte legs de l'u s u f r u i t , ou du quart en propriété, au choix
du sieur Esmelin;
E t le sieur Esmelin seroit censé, par le f a i t , avoir opté l’usu
fruit , puisqu’il n’ a cessé de jouir des biens de ses en fans, jusqu'à
sa m ort. Encore faudroit-il distraire de cette jouissance la succes
sion de René G i b o n , qui n ’est échue à ses enfans qu'après le décès
de leur m ère, et à la qu elle, par co nséqu en t, ce testament ne peut
avoir d ’application.
Il est évident, d ’après ce qu ’on vient de dire, que si par l’effet
de l’anéantissement de la transaction du i 5 a v r i l , que la dame
Dechamps a l’imprudence de solliciter, chacun des cohéritiers
rentre dans son premier état , l’a ctif de la succession du sieur
Esmelin étant plus q u ’absorbé par le p assif, la daine Dechamps
ne p eut, en sa qualité d ’héritière, espérer d ’en retirer une o b o le ?
Il importe peu, d ’après cela, d ’examiner s’il y a , ou non , lésion
dans l ’estimation proportionnelle des biens dont le partage est
composé, comme le prétend la dame Dechamps.
T o u t e f o i s , pour ne rien laisser à désirer sur cette prétendue
lésion secondaire, les intimés rappelleront à la daine D echam ps,
D
�( aG )
que les b ie n s -fo n d s qui composent son lot ont été choisis par
elle ;
Q u ’ils sont pour la plupart mêlés avec ceux de ses m in e u rs, et
par conséquent parfaitement h sa convenance;
Q u ’ils ont été estimés par des experts nommés par e lle , logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
Ils lui diront enfin q u e, malgré la baisse des biens-fonds, sur
venue depuis le partage, ils offrent de prendre pour leur compte
tous ceux qui se trouvent dans son lot, pour le sixième en sus de
l'estimation et du prix pour lequel ils sont entrés dans ce partage.
C ’en est assez, ou plutôt c ’en est trop, sur cette prétendue lésion;
car les intimés n ’ont que trop bien prouvé q u e , loin que la dam e
Decham ps soit lésée et dans les bases et dans les résultats du par
tage du 20 a v r i l , elle a été traitée par ses cohéritiers avec une gé
nérosité sans exemple ; que tout ce q u ’elle t i e n t , tout ce q u ’elle
possède de la succession de son p è r e , elle ne le tient que de leur
libéralité, elle ne le possède que p arle u rs bienfaits.
O n dit que ce fait est trop bien p ro u vé , parce que cette géné
rosité excessive semble nuire aux intérêts des mineurs Loisel.
Cependant on verra bientôt q u ’on leur a rendu toute la justice
q u ’ils pouvoient désirer.
§ III,
R ela tif aux mineurs L oisel.
O n ne peut se dissimuler que plus on a gratifié la dam e D echam ps
et Procule E s m c lin , plus les héritiers maternels ont dû faire de
sacrifices.
Ces sacrifices seroient faciles à justifier pour les mineurs Loisel.
O n pourroil dire que des mineurs ne sont jamais lésés quand ils
marchent sur les traces de leurs cohéritiers m a je u rs, qui ont le
m êm e intérêt q u ’e u x , surtout quand de six cohéritiers cinq sont
m ajeurs, et reconnus pour être parfaitement capables de stipuler
leurs droits et de veiller ù leurs intérêts.
O n pourroil dire enco re, com m e l ’ont fait les trois anciens ju ris
�( »7 )
consultes désignés par M . le commissaire im périal, pour donner
leur avis, que « tous les héritiers avoient le plus grand intérêt
» à ce que le partage n ’éprouvàt pas de retard. T o u s les bâtimens
>> des domaines étoient en ruine. 11 étoit dû des sommes considé» rables , qui exposoient les cohéritiers à des poursuites ruineuses,
» et qui pouvoient absorber une grande partie des biens.
« La minorité des enfans Loisel rendoit ces poursuites pres» qu'inévitables, et chacun des cohéritiers pouvoit se voir expro» prier de ses biens propres, par la circonstance q u ’il se trouvoit
» des mineurs parmi les cohéritiers.
» Il s’élevoit des contestations sur la composition des masses, et
m
la division entre les lignes paternelle et m aternelle........................
» sur les réclamations de plusieurs des héritiers , et il'cto it impos» sible de prévoir la fin de ces discussions, et les suites funestes
» qu ’elles pourroient avoir.
» L a transaction qui termine toutes ces contestations sans fr a is ,
» et dans l’espace de quelques jours qui avoient été employés à la
» préparer, o ffr o it à toutes les parties des avantages qu’on ne sau» roit trop apprécier. »
Mais ce qui tranche toute difficulté , c ’est l ’indemnité que tous
les cohéritiers majeurs ont assurée aux mineurs L o ise l, pour les
désintéresser et consolider leur ouvrage.
Il existoit dans la famille une succession dont les religieuses
étoient exclues par leurs v œ u x , et la mère des mineurs L o is e l,
parce q u ’elle étoit hors des termes de représentation.
C ’éloit celle de René G ib o n , décédé au mois de juillet 1790.
Il a été convenu par les art. 8 et 9 du traité particulier , du i 5
avril 1806, que les mineurs Loisel seroient associés pour un sixième
dans cette succession, et qu’ils commenceroiejit par prélever 5280 fr.
Us ont à partager, entr’autres objets, près de 3ooo francs de rentes
inscrites sur le grand livre, connues sous le nom de tiers consolidé ,
dont la liquidation est terminée depuis le mois de décembre der
nier, et dont la valeur, au cours, approche dans ce m om ent du ni
veau de leur capital.
D 2
�fc..\ <
(
*3 )
Ils onl, par suite de cette association, une portion dans le domaine
de L a r o c h e , provenu de cette m êm e succession.
11 a été en outre arrêté que le sieur Loisel préleveroit sur les pre
miers recouvremens 2000 f r . , pour les frais de l’instance intentée
au nom de ses mineurs au sieur Esmelin ; frais qui eussent été
compensés et perdus pour ses m in e u rs, sans cette convention par
ticulière.
D e sorte que l ’indemnité accordée aux mineurs Loisel, par leurs
cohéritiers m a je u r s , pour les dédommager des sacrifices q u ’ils pou
rvoient faire au bien de la p a ix , par leur acquiescement au traité
du
i 5 a v r il, peut être évaluée à environ
14 à i 5o o o f r . ; tandis
q u e , dans le calcul le plus rigoureux, et en regardant com m e un
bienfait absolu de la part des héritiers maternels les deux lots de
Procule et de G eneviève Esmelin , ce sacrifice ne pouvoit jamais
excéder 10000 f r . , form ant le sixième de Goooo fr.
Q u an t à la prétendue lésion résultante du défaut de proportion
dans l’estimation des biens qui composent leur l o t , comparée aux
lots de leurs cohéritiers, c ’est une inculpation gratuite faite aux
experts , dénuée de vérité com m e de vraisemblance , et qui ne
prouve a u tr e chose , si ce n ’est l’habitude où est la dam e Dechamps
de tout hasarder.
C e seroit une tâche trop pénible et trop dégoûtante, que celle de
relever tous les faits faux et calom nieux dont le mém oire île la dam e
D echam ps est rem p li; il faudroit écrire des volum es, et surcharger
une contestation qui l’est déjà trop par elle-même.
Il suffira de rappeler quelques-uns de ceux qui ont une liaison
immédiate avec les objets en litig e , pour se faire une idée de sa
vé ra cité , de sa bonne J’oi sur tous.
P a r e x em p le, 011 l i t, page i 5, que lorsqu’elle a voulu se mettre
011 possession des objets attribués à son lo t, « ù peine le foin du pré
>♦.lu domaine de Cliirat a-t-il été c o u p é , que René Esmelin l’aîné
* <l D e u x -A igu es sont venus avec une troupe de bouviers s’en einj> parer à force o u verte, en l ’accablant d ’injures et de menaces. »
�( 29 )
Oublions cette prétendue force ouverte employée contre une
femme , ces injures, ces menaces dont elle orne sa narration, pour
en venir au fait.
L e pré dont il s’agit faisoit partie de la réserve de B o u is , qui est
entrée dans le lot du sieur René Esmelin.
C e pré est nom m ém ent compris dans ce lo t, q u i , com m e tous
les autres, a été formé par les experts.
C ’est un fait prouvé par leur rapport, qui sera mis sous les y e u x
de la cour , et qui est de la parfaite connoissance de la dame
Dechamps :
A b uno disce omnes.
« Ses cohéritiers se sont emparés du bois C h a b r o l, q u ’ils font
M exploiter journellement par le sieur Gillot. »
C e bois Chabrol fait partie du lot de la dame Dechamps ; il y
est porté pour i 320 fr.
Mais c’est uniquement le fonds qui lui appartient.
L e s arbres en étoient vendus au sieur G illot, par le sieur E sm elin ,
depuis plus de trois ans avant sa m o r t , à raison de 7 fr. le pied;
ce qui portoit la vente de ce bois Chabrol à 16000 fr.
Pourra-t-on se persuader que ce soit sérieusement que la dame
D e ch a m p s, à qui 011 a donné le bois Chabrol pour i 520 fr. , en
réclame tout à la lois le fonds , qui vaut au moins 2 4 °°
et Ie
bra n lan t, qui avoit été vendu 1G000 i r . , et dont la majeure partie
étoit déjà exploitée lors du partage.
A b uno disce omnes.
« Ils ont poussé l’injustice jusqu’à usurper un autre bois contigu,
» qui appartient particulièrement à ses m ineurs, du chef de M . De» champs , leur père, et que le sieur Gillot exploite aussi. » M êm e
page i 3.
Mais la dame D echam ps nous apprend e l l e - m ê m e q u ’il y a
procès pour les limites de ce bois : il n ’y a donc , jusqu’à la dé
cision , ni injustice , ni usurpation. Sub jitdice lis est.
« (j. Il y a lésion , en ce que Renc E sm e lin , fils a în é , n ’a point
,
�t
(3 ° )
)> rapporté à la masse les terres du B e y r a t , de la Presle, la Sou-
» b r a u t, L a ro c h e , le L o g is , etc. valant plus de 200000 fra n cs, et
» qui ont été achetés et payés sous le nom de ce fils, indûm ent
» avantagé par le sieur Esmelin père. » Page 62.
L e sieur Esmelin a acheté par acte authentique, le 12 février
1792 , étant encore avec son père, un domaine appelé la Soub rau t,
une maison , des vignes, pour la s o m m e , réduite à l’éch elle, de
i 25oo fr.
L a vérité est qup celte som m e a été payée par le sieur Esm elin
père. L e sieur R ené Esmelin en a fait le rapport à la masse lors
tlu partage.
'• .
Si le père avo'it-voulu avantager son fils, d ’une manière indirecte,
de.cette acquisition, rien n ’eût été plus fa c ile ; il suffisoit de lui
donner quittance de ces i 25oo fr. qu ’il avoit payés pour^ui.
Ces fraudes ne sont pas r a r e s , et les tribunaux peuvent diffici
lement les atteindre.
L e sieur René Esmelin s ’est m a r ié , et a quitté la maison pater
nelle le 8 frim aire an
3.
Sa fem m e lui a porté le revenu d ’une dot de
a conservé l'usufruit après son décès.
45 ooo f r . , donl il
II a acquis en l’an g le bien de la P r e s le , par acte au th e n tiq u e ,
au prix de 2 {000 fr. dont 10000 fr. exigibles, et 14000 fr. en rente
viagère, à raison de 1400 fr. par a n ;
il 11’a déboursé pour cet
objet que 10000 f r . , c i .............................................................
10000 fr.
11 a a cq u is, le 2 germ inal an 1 1 , toujours par acte
authentique, le bien du Beyrat, 60000 f r . , dont Soooofr,
en délégations de co n tra ts, et
5oooo fr . en délégations
e x ig ib les, c i ..................................................................................
Soooo
L e 28 prairial an 1 2 , il a acquis e n c o r e , par acte
authentique , la locaterie du L u t ou des Chaises Gooo fr.
e i ........................................................................................................
T o t a l ......................................................
Gooo
/,G o o o fr.
�(
3i
f t ^
)
11 a revendu , par acle authentique, une portion de la locaterie
du L u t au sieur Louis Lurzat 2900 f r . , c i ........................
2900 fr.
Par acte du 21 messidor an i 3 , il a vendu au sieur
Claude Esmelin la maison et le logis situés à B ellen ave,
10000 f r . , c i ................... .......................................................... 10000
11 a revendu en détail le bien de la Presle, par différens actes authentiques, 24000 f r . , c i ............................... 24000
Il a vendu au sieur Gillot le bois delà Soubraut 3o o o f r .,
c i .....................................................................................................
Il a reçu de son père, à compte sur la succession du
3ooo
sieur René G i b o n , 2600 f r . , dont il lui a fourni quit
tance, c i ........................................................................................
T o t a l « . .................................................
A in si la différence est de
2600
42000 fr.
35oo fr.
C e n ’est pas qu’il ne reste au sieur Rend Esmelin quelque for
tune personnelle ; m ais, outre que cette fortune est grevée de
rentes viagères ou constituées, il la doit à l’heureuse circonstance
d ’avoir acheté bon m a r c h é , et d ’avoir revendu cher ;
A l’extinction de quelques viagers;
A une bonne administration ; à de grandes améliorations; à son
industrie.
L oin q u ’il ait puisé pour ces acquisitions dans la bourse de son
p ère, qui é to it, comme on l’a v u , dans un tel état de gêne que
sa liberté étoit compromise à chaque instant par l'échéance des
lettres de changes, le sieur Esmelin p ère , dans un pressant be
soin , avoit to u c h é , peu de temps avant sa m o r t,
6553 liv. prix
d ’une vente de bois qui appartenoit à son fils.
C o m m e ce fait étoit notoire dans la fam ille, il n ’est venu en
idée à aucun de ses cohéritiers de lui contester celle somme de
6553 liv. qui fait partie des dettes passives de la succession.
Il n ’y a pas un fait avancé par la dame D ech am ps, auquel il ne
fû t facile de faire une réponse aussi satisfaisante, si le temps et
la patience pcrmettoicnt de les relever tous.
�II rosie à dire un mot de deux objets dont se plaint la dame
D ech anips, et sur lesquels les intimés sont prêts à lui rendre justice.
L 'u n est rela tif à ses créances contre la succession du père co m
m un , qui dérivent de sa dot moniale et d ’arrérages de pension
q u ’elle prétend ne pas avoir été liquidées exactement.
L es intimés rapportent cette liquidation faite par M . Bergier,
et écrite de sa m a in ; ils sont convaincus que cette liquidation est
exacte. A u surplus , ils offrent de revenir à com pte avec elle sur
cet o b je t, ou devant tel commissaire q u ’il plaira à la C o u r de nom
m e r, ou devant les premiers juges.
L e second est relatif à la somme de
d d i s son lot.
4 i i 5 Iiv. de mobilier porté
E lle prétend que son lot est trop chargé de cette nature de
b ie n s , et en ce la , ses plaintes sont évidemm ent indiscrètes; car il
y a , y compris les rapports, au moins i 5 o,ooo liv. de mobilier
dans la succession , et sa quotité proportionnelle seroit d ’environ
ioo oo liv.
Elle se plaint aussi de n ’avoir pas reçu cette som m e ;
Elle n ’e u 'a reçu en effet q u ’une partie.
U n e autre partie a été payée en son acquit pour dépenses com
munes.
U n e autre partie est encore en n a tu re, n o ta m m e n t les bois de
sciage.
E nfin, il y a un déficit dans le m obilier, à raison des distrac
tions qui en ont été faites en nature ou en deniers, auquel il
doit être pourvu de la manière convenue par le traité particulier
du i 5 avril.
T o u t cela exigeoit des rapprocliemens entre la dam e Decliam ps
et le sieur Uené Esmelin a în é, que les contestations pendantes
entr’rux ont rendus impraticables.
Mais le sieur René Esmelin est toujours prêt à lui rendre justice
sur ce point , qui dépend d'un compte q u ’il offre encore de iaire
(levant tel commissaire qu'il plaira à la cour de n o m m e r , ou de
vant les premiers juges.
E n c o ïc
�S n
i
( 33 )
Encore un m ot :
L e sort de la dame Dechamps est dans l es mains des intimés.
S ’ils acquiescent à ses dem andes, elle est perdue.
S ’ils lui résistent, c ’est par pitié pour e lle , c ’est pour l’arrêter,
la malheureuse, au bord du précipice qu ’elle creuse sous ses pas.
Quant aux mineurs L o i s e l , leurs intérêts sont à couvert.
Ils sont amplement dédommagés dans la succession de René
G ib o n , des sacrifices qu’ ils font au bien de la paix.
D ’ailleurs, les traités et le partage des 1 5 et 20 avril ont eu
l ’assentiment de leur p ère, de leur aïeul m aternel, leur subrogé
tuteu r, de leur famille deux fois assemblée pour en prendre connoissance, des anciens jurisconsultes deux fois désignés par le com
missaire im périal, du commissaire impérial lui-m êm e, enfin des
juges du tribunal d e G a n n a t, q u i , parfaitement instruits des f a it s ,
des circonstances et des localités , se sont empressés de les h om o
loguer et d ’en ordonner l ’exécution.
T a n t d ’autorités réunies n e permettent pas de douter de l'uti
lité, de la sagesse, de la nécessité de ces traités pour les mineurs
com m e pour les m a jeu rs, et les intimés espèrent que la C o u r voudra
bien , en les consacrant par son a r r ê t , m ettre la dam e Decham ps
dans l’impuissance de se nuire à e lle-m ê m e , et de nuire désormais
à sa famille.
Signé
René Esmelin,
G ilbert
Esmelin - D e u x - A i g u es ,
C l a u d e - A m a b l e L a p e l i n , M a r i e - M a g d e l e i n e E s
m e l i n - L a pe l i n , J e a n - F r a n ç o i s L a g a r d e - D e l a v i Qn
L
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len n e , T h e r è s e Esmelin-Lavilenne , M a r ie-Ade-
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veuve D ebar,
B O I R O T , ancien jurisconsulte.
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E sm elin,
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H U G U E T , avoué.
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A C L E R M O N T , de l’imprimerie de L andriot, imprimeur de la Préfecture.
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N . . . Delachaussée.
I
Gabriel Delachaussée. *j*
Marie Farjonel,
morte en 1788.
Ont eu n eu f cnüms.
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I
JNT.
IS
M
N...
J. Bapt. Delachaussée,
drapier à M oulins,
mort en 1768.
N . ..
"t
Jacques Delachaussée,
administrateur de
l ’Hôtel-Dieu de Paris,
m ort en 1787.
Gilbert Delachaussée,
négociant à Moulins/
m ort en 1760.
«J*
Louis Esmelin. + +
Thérèse L u cat, *J*
morte après 1756.
Ont eu trois enfans.
Gilbert G ibon, -p
mort en 1792
M arie-Catherine Delachaussée.
§SiH
Réné G ib o n ,
directeur des aides
à ChAteau-Tlnerry,
mort en 1790.
f
a s
j® r
ISS'jï
Marie-Magdeleine Esmelin.
Gilbert Gibon.
M arie-Anne G ib o n ,
morte en 1789.
Etienne Esmelin, *J»
mort en i 8o 5.
Ont eu n e u f enfans.
.VF3
K_►
'X'Xî'«4‘. H
Françoise Esm elin ,
morte en 1
Còme G ibon, vivant.
\
Agnès Esmelin.
N . . . Barathon.
1
Elizabeth Esmelin-Ducluzort,*J*
m orte en 1792.
___________ /V____________
Réné Esmelin.
Gilbert Esmelin-Deux-Aigues.
Thérèse Esmelin.
J. F. Lagarde-Lavilenne,
Marie-Adelaïde Esmelin.
Hugues Debar.
v
—
—
Marie-Magdeleine Esmelin.
Claude-Antoine Lapelin.
>-------
Intimés réunis.
Agnès-Gilberte Barathon.
Jacques-Marie-Pierre LoiseL
j
Procule Esmelin,
religieuse.
Geneviève Esmelin.
Amable Dechamps.
Intimée.
Appelante.
P
'
'
g ra sg b
K o l a . i ° . L e s ig n e -f-{- in d iq u e le s s u c c e s s io n s o u v e rte s a v a n t le m a ria g e d ’E tie n n e E s m e l i n , p è re d e s p a r t ie s , e n 17 6 6 .
w
S ° . L e s ig n e •}• in d iq u e le s s u c c e s s io n s o u v e r t e s ap rè s c e m a ria g e .
w i] Etienne-Eugène,
Agnès-Gilberte,
------- —
------ ------------------------ h
mineurs représentés par leur père.
S
3 ° . P r o c u le e t G e n e v i è v e E s m e l i n , m o r te s c i v i l e m e n t , e t ra p p e lé e s p a r l a lo i d u
5
b r u m a ir e a n 2 , n ’o n t p art q u ’à l a s u cc e ssio n d ’E t ie n n e E s m e l i n , le u r p è r e ; m a is e lle s o n t p a r t , d e so n c h e f ,
s u r s u c c e s s io n s o u v e r t e s à so n p r o fit.
K
&
^
ÉffiRËI
Intimés.
r ra rp x x cræ rŒ a
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W Ê m I
A R I O M,
\ D e l'im p r im e r ie d e T i i i b
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-L
a n d r i o t
,
im p r im e u r d e la C o u r d ’a p p e l.
rn o cm o m ao y
ru su j j s
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[Factum. Esmelin, René. 1808]
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successions
traités de familles
coutume du Bourbonnais
vie monastique
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rétroactivité de la loi
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Titre complet : Mémoire pour René Esmelin, Gilbert Esmelin-Deux-Aigues, Claude-Amable Lapelin, et Marie-Magdeleine Esmelin, son épouse ; Jean-François Lagarde-Delavilenne, et Thérèse Esmelin, son épouse ; Marie-Adelaïde Esmelin, veuve Debard, intimé ; contre Geneviève Esmelin, veuve d'Amable Dechamps, ex-religieuse, appelante ; en présence de Procule Esmelin, ex-religieuse ; et encore en présence de Jacques-Marie-Pierre Loisel-Guillois, tuteur de ses enfants, héritiers d'Agnès Esmelin, leur aïeule maternelle aussi intimés.
Particularités : notation manuscrite : « 28 mars 1808, 1ére section, adopte les motifs du jugement du 13 octobre 1806, 21 février et 2 mai 1807, confirmé. »
Table Godemel : Transaction : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
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De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1764-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
33 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1723
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
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-
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Text
MÉ MO I R E
P our R e n é E S M E L I N ,
G ilb e rt E S M E L I N - D E U X -
A I G U E S , C l a u d e - A m a b l e L A P E L I N , et M a r i e - M a g d e le in e
E S M E L I N , son épouse , J e a n - F r a n ç o is L A -
G A R D E - D E L A V I L E N N E , et T h é r è s e E S M E L I N ,
son épouse ; M a r i e - A d é l a ï d e E S M E L I N , veuve D e b a rd , intimés
Contre G
e n e v iè v e
E S M E L I N , veuve d'A m a b l e D
e c ham ps,
ex-religieuse, appelante ;
E n présence de P rocu le E S M E L I N , ex-religieuse ;
E t encore en présence de J ac q u e s - M
ar ie - P ierre
L O IS E L -
G U I L L O I S , tuteur de ses enf ans , héritiers d ’Agnès
E
sm e lin ,
leur aïeule m aternelle, aussi intimés.
LA. dame D echamps dénonce aux tribunaux un traité de fa
mille , rédigé sous ses yeux par d’anciens jurisconsultes de son
choix ( * ) , qu’elle a signé, exécuté, qu’elle approuve et exécute
journellement.
(*) MM. Bergier et Boirot.
A
�( » )
Ce traité de famille a été dicté par la nécessité.
Il a été dicté par la sagesse.
En ce qui la concerne, il a été dicté par la générosité.
11 lui assure un patrimoine d’environ 3oooo f r . , dettes payées.
Elle se dit lésée.
E t il ne lui revenoit pas une obole.
Etienne Esmelin a contracté mariage avec Marie-Anne-Barthélemy G ibon , le 29 février 1756.
Ils se sont unis sous le régime de la communauté, avec clause
expresse que « pour y acquérir d ro it, chacune des parties y con» fondroit Coo fr.; et le surplus de leurs biens, avec ce qui leur
» écherroit par succession, donation , sortiroit nature de propre» fonds. »
Ils n ’avoient qu’une fortune médiocre; elle s'est grossie par de’
nombreuses successions qui se sont accumulées sur leurs têtes,
spécialement du chef de la dame Esmelin.
L a première qui est échue de cet estoc, a été celle du sieur
Jean-Baptiste de Lachaussée, son oncle, décédé à Moulins en 1764.
L a seconde, celle de Gilbert de Lachaussée, aussi son oncle,
négociant à M oulins, décédé en 1766.
L a troisième, celle de Jacques de Lacha*ussée, frère des précé
dons, administrateur de PHôtel-Dieu de Paris, décédé en 1787.
Il a voit fait un testament suivi de codicille , par lequel il avoit
nommé pour ses légataires universels, Marie Farjonnel, sa mère;
Antoinette de Lachaussée , veuve Lafeuillant ; Elisabeth de
Lachaussée , femme Laplanche; Catherine de Lachaussée, fille
majeure ;
Et les en fans et desccndans de Marie de Lachaussée, décédée
femme Gibon.
L ’inventaire de cette succession en portoit l’actif à deux millions
soixante mille livres.
Il fut fait un premier partage provisionnel d ’une somme de
�(3 )
1179^00 fr. d ’effels ro y a u x , devant L aroche, notaire au chàtelet
de Paris, le 29 avril 1788, qui constate que le sieur Esmelin
toucha pour sa femme un premier à-compte sur cette succession ,
de i 685oo fr.
Marie Farjonnel, aïeule de la dame Esmelin , qui avoit touché
un pareil à-compte de i 685oo fr. par ce partage provisionnel,
mourut peu de temps après.
L a dame Esmelin mourut ensuite aum oisde novembre 1789.
L e sieur Gibon , son frère , directeur des aides à ChàteauT hierry , mourut au mois de juillet 1790.
Il laissa encore une succession très-opulente, qui étoit divisible
en trois portions égales, entre les enians Esmelin, le sieur G ibon ,
de Moulins, leur oncle, et le sieur Gibon-Montgon , leur cousin
germain.
L e sieur Gilbert G ibon, père de la dame Esmelin, mourut en 1792.
Enfin Elisabeth Esmelin-Duclusor, l’une des filles des sieur et
dame Esm elin, mourut aussi sans postérité dans le courant de la
même année.
Etienne Esmelin père resta en possession de toutes ces successions.
II avoit marié quelques-uns de ses enfans avant la mort de
Marie-Anne-Barthélemy Gibon , son épouse.
Il en a marié d’autres depuis, et il avoit fait aux uns et aux
autres des avancemens d’hoirie.
Deux de ses filles , Procule et Geneviève Esmelin, avoient pris
le parti du cloître, et avoient fait profession avant la mort de leur
mère.
Mais les lois des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 ayant aboli leurs
vœ ux, elles furent rappelées à toutes ces successions.
Bientôt le refus de Procule Esmelin de prêter serm ent, attira
sur elle des persécutions que chaque jour pouvoit rendre plus graves.
L e sieur Esmelin crut devoir prendre la précaution de se faire
céder ses droits, dans toutes ces successions , pour se m e ttre , à
toutes fins, ainsi que ses enfans, à l’abri des recherches nationales.
Geneviève Esmelin avoit pris un parti tout opposé ; non-seule-
Aa
�( 4 )
ment elle avoit prêle serment, mais elle ne dissimulent pas l'in
tention où elle éloit de se marier; et le sieur Esmelin crut encore
prudent de se faire céder ses droits maternels, pour garantit sa
famille des recherches futures de ce gendre inconnu dont il étoit
menacé.
L e rapport de l’effet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17
nivôse ne tarda pas à rendre ces précautions inutiles.
Mais , dans le même tem ps, le sieur Esmelin père éloit forcé
d ’en prendre de semblables avec d’autres de ses ercfans.
L e sieur Debard éloit inscrit sur la liste des émigrés, et Adé
laïde Esmelin, son épouse, étoil en réclusion; elle étoit menacée
du séquestre sur tous ses biens. 11 fallut encore avoir recours à la
cession de ses droits maternels. Elle consentit cette cession à son
père, le 1" germinal an 2. Mais comme elle n’étoit que simulée,
il lui en donna une contre-lettre.
L ’inscriplion du sieur Esmelin-Deux-Aîgues, sur la liste fatale,
força encore le sieur Esmelin père de faire avec lui des actes simulés,
pour se soustraire, comme ascendant d ’émigré, aux persécutions
des agens du fisc.
T o u s ces actes ont disparu avec les causes qui les avoient fait
naître; et la dame Dechamps, qui en abuse aujourd’hui, sait mieux
que personne qu’ils n’ont jamais eu de réalité.
Les orages révolutionnaires s’élant calmés, plusieurs des enfans
Esmelin, la dame Lapelin , le sieur Esmelin-Deux-Aigues, et les
mineurs Loisel, ont cru devoir rechercher leurs droits maternels.
L e sieur Esmelin a terminé avec la dame Lapelin, en lui donnant
un à-compte sur la succession de René Gibon;
Avec le sieur Esmelin-Deux-Aigues , en s’en référant à l'arbi
trage de M. Lucas, président du tribunal de Gannat, leur parent,
qui a dicté la transaction passée enlr'eux au mois de germinal an i 3.
Quant aux mineurs Loisel, la contestation est restée indécise.
Ces actions éloienl justes en elles-mêmes; et le sieur Esmelin se
seroit sans doute empressé de les prévenir , s’il n’avoil pas été
arrêté par les difficultés insurmontables qu’il trouvoit à distinguer
sa fortune personnelle de celle de scs enfans.
�( 5 )
Mais la dame Dechamps , subjuguée par un conseil pervers, qui
avoit voué au sieur Esmelin une haine implacable en échange des
services signalés qu’il en avoit reçus, a dirigé contre lui des actions
d ’un autre genre, qui tendoient à compromettre sa délicatesse, et
qui l’ont abreuvé d’amerlume.
Bientôt la perspective effrayante du mauvais état de ses affaires
est venue mettre le comble aux chagrins dont il étoit dévoré.
11 avoit fait imprudemment une affaire de finance avec la dame
L eblon d, Américaine, qui , privée de ses revenus des îles, dont
la rentrée étoit suspendue par la guerre maritime avec l’Angle
terre, avoit obtenu de sa facilité des avances énormes , au point
qu’il se trouvoit son créancier de plus de 160000 fr. sans la plus
légère sûreté, et à peu près sans espoir de les recouvrer.
L e sieur Esmelin n’avoit pu faire d ’aussi grosses avances qu’en
puisant dans les caisses des banquiers de Moulins et de Clermont.
Chaque jour ses dettes alloient en croissant, par le taux élevé
des intérêts qui s’accumuloient.
Déjà son crédit étoit épuisé chez les banquiers de Clermont, qui
ne consentoient à renouveler ses effets qu’avec l’endossement du
sieur René Esmelin, son fils aîné (*), et il ne pouvoit se dissimuler
qu'il couroit à grands pas à sa ruine.
L ’âme flétrie par les outrages de la dame Dechamps , et ne pou
vant supporter l’idée du renversement de sa fortune, il est tombé
malade dans les premiers jours de décembre i8 o 5 , et il est mort
le ig du même mois.
Les scellés ont été apposés de suite par le juge de paix des lieux.
Quelque temps après, il a été procédé à un inventaire en forme,
en présence de tous les intéressés, et spécialement de la dame
Dechamps, qui a assisté à toutes les séances.
Indépendamment de l’actif bon qui fut porté dans cet invenf (*) Le sieur Esmelin aîné avoit déjà cautionné pour 60000 fr. d’eftets de son
père à son décès; il est porteur do scs lettres , pur lesquelles il le prioit do lui
donner sa signature.
�\
( 6 )
ta ire , il fut fait un état particulier des créances mauvaises ou dou
teuses , montant à 267330 f r . , qui fut signé par tous les héritiers,
et spécialement par la dame Dechamps.
L a dame Dechamps dit dans son mémoire , page 4 » que pen
dant cet inventaire ses frères furent p o lis , caressans. Ces expres
sions sont trop foibles ; elle auroit dû dire qu’ils la comblèrent de
témoignages de tendresse, qu’ils ne négligèrent rien pour gagner
sa confiance, et pour la soustraire à la maligne influence du per
fide conseil qui l’éloignoit de sa famille, et la conduisoit à sa perte;
Que leur ayant paru avoir des besoins, ils lui remirent la somme
de 1000 fr. qui étoit provenue des premières ventes des denrées
de la succession ;
Q u’elle prit différens effets mobiliers qui étoient à sa conve
n a n c e , sur la prisée de l’inventaire ;
Que dans le partage qui fut fait en nature d ’une partie du mo
bilier , ils l’admirent pour un huitième, quoiqu’il ne lui en revînt
qu’un seizième ;
Qu'enfin ils ne cessèrent de lui prodiguer les égards et les bons
procédés.
Instruite par elle-même de l ’état des affaires de son père ; de
plus de iSoooo fr. de dettes de banque sur lettres de change qui
venoient chaque jour à échéance, dont plusieurs étoient déjà pro
testées, et dont les porteurs pouvoient consommer en frais tous les
biens de la succession ;
D e plus de 60,000 liv. d’autres dettes par billets, obligations,
rentes viagères ou constituées ;
T ém oin de l ’état de dégradation et de désordre absolu, dans
lequel se trouvoient tous les biens communs, au point que sur 24
ou 25 domaines, il n’y en avoit pas un seul dont les bàtirnens ne
fussent en ruine, les granges écroulées , et hors d ’état de contenir
la récolte prochaine.
Plus pressée d’aillours de jouir de son lot qu’aucun de s?s co
héritiers, à raison de sa position, elle a été la première à désirer
le partage.
�(7 )
On est convenu de faire estimer préalablement tous les biens
qui devoient en être l’objet.
On a nommé pour exporta les sieurs Renaudet et Ferrier, connus
trop avantageusement dans l’opinion publique pour ne pas réunir
les suffrages de tous les cohéritiers; et ils ont été si agréables à la
dame Dechamps , qu'ils ont vécu et logé chez elle pendant tout le
temps qu'ils ont travaillé à l’estimation de la terre du Bouis, qui
joint son habitation.
Cette opération terminée , tous les copartageans sont unanime
ment convenus de s ’ e n référer, sur le règlement de leurs droits res
pectifs, à la décision de deux anciens jurisconsultes de C lerm ont,
dont l ’un éloit grand oncle maternel à la mode de Bretagne des
mineurs Loisel.
Ils se sont tous rendus à Clermont avec les deux experts, R e
naudet et Ferrier, dans les derniers jours de mars 1806, et tous
y ont séjourné sans interruption jusqu’au 21 avril suivant.
Chaque jour ils se sont réunis chez les arbitres.
L à , chacun des intéressés a fait valoir ses droits ou ses préten
tions.
T o u t a été v u , examiné, discuté en leur présence par les arbi-»
1res.
Mais comme de tous les frères et sœurs Esmclin , six seulement
avoient des droits dans les biens m aternels, à raison de la mort
civile de Procule et de Geneviève; que tous au contraire étoient
copartageans dans les biens paternels; le premier pas à faire éloit,
de distinguer les biens paternels et maternels, pour en former deux
masses séparées.
Les arbitres ont tenté ce travail; mais ils n ’ont pu y réussir.
11 éloit impossible de retrouver les élémens de la plupart des
successions échues aux sieur et darne Estnelin, à défaut d ’inven
taires et de partages.
11 existoit à la vérité des inventaires dos deux principales, celles
de Jacques de Lachaussée et de René-Barthélem y G ib o n ;m a is
les héritiers Esmclin ne les avoient pas en leur possession ; et ils
n ’eloieul pas en état de les représenter.
�( 8 )
Ils n’avoîent pas des notions exactes de la nature et de la consis
tance des effets dont ces successions étoient composées.
Ils ignoroient ce qui en avoit été touché par leur p è re , en nu
méraire ou en papier-monnoie , et les différentes époques aux
quelles ces sommes avoient été versées dans ses mains.
Les arbitres avoient d’ailleurs sous les yeux une expédition fa u
tive du contrat de mariage des sieur et dame Esmelin , qui contenoit la stipulation pure et simple de la communauté , sans la
clause subséquente qui portoit que «pour y acquérir droit, chacune
» des parties y confondrait 600 fr. ; et le surplus de leurs biens,
» avec ce qui leur écherroit par succession, donation, sortiroit
» nature de propre-fonds (*)• »
D e sorte que les sieur et dame Esmelin paroissoient n ’avoir con
tracté qu ’une communauté légale et conforme à l’article 276 de
la coutume de Bourbonnais; d ’où il sembloit résulter que tout
ce qui étoit de nature mobilière dans les successions échues aux
deux époux , avoit été confondu dans la communauté, et appartenoit par moitié à chacun d’eux; ce qui frappoit spécialement sur la
succession de Jacques de Lachaussée, presque toute composée d ’ac
tions de la compagnie des Indes, ou autres effets royaux payables
au porteur.
Les arbitres, au milieu de celle obscurité, crurent apercevoir
une lueur de justice dans le plan simple de diviser la masse entière
des biens et des dettes en deux portions égales, dont l’une seroit
censée maternelle, et l’autre censée paternelle; ce qui donnoit aux
deux religieuses un seizième chacune de la masse réelle des biens,
et les chargeoit d’un seizième des dettes (**).
(*) Cette expédition inexacte a été représentée par Procule Esmelin , qui
l ’avoit trouvée dans les papiers de la succession.
Elle paroissoit mériter d’autant plus de confiance, qu’elle étoit écrite en entier
do la main de Barthélémy , notaire , dépositaire do la minute.
(**) I«a masse totale de l’a ctif lion étoit de 5<j85 <j 5 fr.
Les créances actives mauvaises ou douteuses, de 267330 fr.
Los dettes passives connues lors du partage, étoient de 205yS6 fr.
Colles découvertes depuis s’élèvent à environ 20000 fr,
�(. 9 )
Les arbitres ne se dissimulèrent pas, et ne dissimulèrent pas à
tous les cohéritiers que ce plan étoit trop favorable à Procule et
Geneviève Esmelin , même sous le point de vue de la communauté
légale des père et mère communs, comme elle paroissoit l’être
d’après l’expédition fautive de leur contrat de mariage.
M a is, d’une p a rt, il étoit urgent de prendre un parti pour satis
faire les créanciers, dont les poursuites pouvoient à chaque ins
tant porter partout l’incendie et la dévastation.
D ’autre part, il falloit par-dessus tout éviter , pour l’intérêt de
tous, d’en venir à des discussions juridiques, qui présentoient un
abîme sans fond et sans rives, prêt à engloutir toute la fortune
des copartageans.
On ne considéroit d’ailleurs la portion que devoit recueillir Pro
cule Esmelin, que comme un dépôt confié à la vertu, qui devoit un
jour revenir à la famille.
Et à l’égard de la dame Dechamps , tous ses cohéritiers regardoient l’avantage qu’elle pouvoit retirer de ce mode de-partage,
comme un sacrifice fait à sa position et à sa qualité de mère de
famille.
Quant aux mineurs Loisel , indépendamment que l’acquiesce
ment de leur père à cette mesure étoit suffisamment justifié par
l ’exemple de tous ses copartageans majeurs , grands oncles et
grand’tantes de ses mineurs , qui avoient le même intérêt qu'eux ,
on eut soin de les dédommager amplement de la perte que ce plan
pouvoit leur occasionner, comme on le verra dans la suite.
C e mode de partage une fois adopté par tous les cohéritiers, on
vit bientôt disparoitre la majeure partie des difficultés qui divisoient
la famille Esmelin.
Il en restoit cependant encore, qui donnèrent lieu à quelques
débats entre les cohéritiers.
L a principale étoit relative au sieur Esmelin-Deux-Aigues.
Après sa radiation de la liste des émigrés , il avoit traduit son
père en justice, pour obtenir de lui le règlement de ses droits ma
ternels.
B
�( IO )
L e sieur Esmclin, qui connoissoit mieux que personne les inconvéniens et les dangers de soumettre celte discussion aux tribunaux,
consentit de s’en référer à l’arbitrage de M . Lucas, président du
tribunal de G a n n a t, leur parent.
M . Lucas, après avoir entendu les sieurs Esmelin, père et fils,
pendant plusieurs séances, et avoir examiné leurs mémoires res
pectifs, crut devoir fixer le débet du père envers son fils, pour tous
ses droits maternels directs et collatéraux, à 57760 francs, dont
42760 francs pour les capitaux, et i 5ooo francs pour les intérêts
ou jouissances; et ce fut d’après cet aperçu que les parties traitè
re n t, sous sa dictée, devant H u e , notaire ù Gannat, le 17 ger
minal an i 3 (*).
T o u s l e s cohéritiers du sieur Esmelin-Deux-Aigues connoissoient
parfaitem ent la sincérité de ce traité; et la médiation d e M . Lucas,
prouvée par sa signature, ne permettoit pas d ’élever le plus léger
doute à cet égard. Mais comme il sembloit en résulter quelque
avantage en sa faveur, ils prétendoient qu’il devoit s’en départir
pour se mettre à leur niveau.
L e sieur Esmelin-Deux-Aigues insisloit sur l’exécution de cet
acte, comme étant un traité à forfait, convenu de bonne foi, slfr
des droits successifs dont la quotité étoit absolument incertaine.
Il ajoutoit que l’avantage qu’on prétendoit résulter de ce traité ,
n ’étoit rien moins que réel; qu’il étoit plus que compensé, par la
circonstance que, dans le plan du partage proposé, il n’avoit à pré
tendre qu’un seizième dans les créances actives paternelles, dont il
lui seroit revenu un huitième, si on n ’en avoit pas confondu la
moitié dans la masse maternelle, dont il étoit exclu au moyen de
l’exécution de ce traité.
Il ajoutoit encore qu’en supposant que ce traité produisît quelqu’avantage en sa faveur, cet avantage ne pouvoit être critiqué,
parce qu’il étoit bien loin d’absorber les réserves disponibles que
(*) l a transaction fait mention expresso qu’elle a été passée en présence et
par la médiation do M. L u ca s, qui l ’a signée.
�( 11 )
s ’étoit faites le père commun par les différons Contrats de ma
riage de ses enfans (*).
D ’après ces considérations, il fut arrêté que le sieur EsmelinI)eux-Aiguësprélèveroit, avant tout partage,le montant dece traité.
Mais le mode de ce prélèvement n ’étoil pas sans difficultés.
D ’une part, le capital des droits successifs du sieur EsmelmDeux-Aigues devoit être prélevé sur la masse maternelle.
D ’autre p a r t, les jouissances , et le prétendu avantage qui pouvoit résulter de ce traité en sa faveur, devoient être prélevés sur la
masse paternelle.
On prit le parti d’en faire le prélèvement sur la masse entière,
et ce parti étoit d’autant plus raisonnable , que la masse paternelle
étant avantagée par le plan du partage, en faisant frapper ce pré
lèvement par égalité sur les deux masses , on se rapproclioit de
plus.en plus du point de justice auquel les arbitres et les parties
se proposoient de parvenir.
Cet obstacle applani, il en restoit encore quelques autres, mais
qui éprouvèrent moins de difficultés.
L e sieur René Esmelin aîné avoit des prétentions de plus d ’un
genre contre la succession de son père.
L a principale résultoit delà donation que lui avoit faite son père
de la terre de Bouis, par acte du 2 mars 1793, immédiatement
avant les lois de l’égalité; donation qui prenoit sa source dans la
réserve que s’éloit faite le sieur Esmelin, par les différens contrats
de mariage de ses enfans, de disposer de cette terre au profit de tel
d’entr’eux qu’il jugeroit à propos.
Cette circonstance formoit exception aux dispositions prohibi
tives de la Coutume de Bourbonnais, qui iaterdisoit les avantages
entre enfans, autrement que par contrat de mariage.
(*) Les parties raisonnoient d’après l ’expédition inexacte du contrat de ma
riage de 17 5 6 , qui rendoit communes aux deux époux toutes les successions
mobilières.
En raisonnant d’après la clause insérée dans ce contrat de mariage, qui les rendoit propres à chaque estoc, le sieur Esmelin-Deux-Aigues étoit évidemment lésé.
Ba
�( ^ )
"Le sieur Esmelin père n ’étant d’ailleurs décédé que sous l’empire
du nouveau C o d e , tous les avantages antérieurs pouvoient être
considérés comme légitimes , jusqu’à concurrence de la portion
disponible.
Mais le sieur René Esmelin n’attendit pas qu’on lui en demandât
le sacrifice; il fut le premier à l’offrir à ses frères et sœurs; il n’y
mit qu’une seule condition, celle de l’union et de la concorde, et
que tout se terminât à l’amiable.
L a dame Debard , de son côté, élevoit des réclamations d ’urr
intérêt m ajeur, qui prenoient leur source dans une donation entre
vifs qui lui avoit été faite par les dames Delagoutte et Gudevert,
le 3 mai 1 7 7 5 , de certains biens dont le sieur Esmelin étoit mort
en possession , qu’elle prétendoit avoir droit de prélever en nature
soir sa succession, indépendamment d ’un grand nombre d’années
de jouissances de ces mêmes biens, qu’elle réclamoit à titre de
créancière.
L a dame Debard en fit généreusement le sacrifice , sans autre
indemnité qu’une somme de 1200 francs à prendre sur les créance»
douteuses, et sans y mettre d’autres conditions que celles qu’y
avoit mises son frère, l’union et la concorde, et que tout se ter
minât à l’amiable.
Enfin, le sieur Delavilenne, stipulant pour sa fem m e, dont ¡F
étoit fondé de pouvoir, fît aussi le sacrifice d’une somme de 1000 fr.
qui formoit l’objet d ’une donation qu’il prétendoit avoir été mal à
propos confondue dans la dot qui lui avoit été constituée par son
contrat de mariage.
T o u s ces obstacles applanis , il fut question de procéder au
partage.
On fit un premier traité pour en fixer les bases.
C ’est dans ce premier traité que se trouvent tout le moral de l’opéralion,les motifs qui l’ont déterminée, les circonstances impérieuses
qui la rendoient nécessaire, les sacrifices généreux faits par plu
sieurs des cohéritiers pour assurer la paix et l’union dans la famille.
On en fit un second pour y traiter quelques objets particuliers,
�( >3 )
que tous les cohéritiers croyoient devoir être renfermés dans le sein
de la famille.
Et enfin un troisième, qui contenoit le partage.
Il étoit impossible d’employer dans ce partage la voie du sort.
Les rapports étoient tous inégaux, et varioient depuis 5oo fr.
jusqu’à 33ooo fr.
L e tirage au sort n’eût pu se faire sans être répété jusqu’à sept
à huit fois.
Les morcellemens qui en seroient résulté eussent été tels, que
chaque domaine, chaque arpent de terre eût été divisé en plus de
cent portions , contre le texte de la loi et le vœu de la raison.
On prit donc le seul parti proposable, celui de faire des lots de
convenance.
Mais les frères et sœurs de la dame Dechamps, toujours fidèles
à leur plan de la combler d ’égards et de bons procédés, eurent l’at
tention de lui laisser le choix de celui qui lui seroit le plus agréable.
Elle choisit des biens de la terre du Bouis , qui étoient situés
dans la même commune que ceux de ses mineurs, qui les joignoicnt
de toutes parts, et dont l’estimation lui étoit d’autant moins sus
pecte, qu’elle avoit été faite sous ses yeux, et pardesexperts logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
On usa avec elle des mêmes procédés pour le seizième des dettes
dont son lot devoit être chargé; 011 lui laissa le choix de celles
dont les intérêts étoient le moins onéreux, et des créanciers sur la
complaisance desquels on pou voit le plus compter.
Ces différentes opérations terminées, tous les héritiers Esmelin
retournèrent dans leurs foyers, en bénissant leurs arbitres, et en.
se félicitant de l’union et de la concorde qu'ils regardoient comme
rétablies entr’eux d’une manière inaltérable.
Mais le bonheur de la famille Esmelin ne fut pas de longue durée.
L a dame D echam ps, rentrée dans ses foyers , y retrouva le
«dém.on de la discorde, le misérable qui avoit conduit son père au
tombeau, et qui médiloit la ruine de sa famille.
Dès ce premier m om ent, il fut arrêté entr’eux de tenter, paç
�(
>4 )
toutes sortes de voies, l’anéantissement de tous les arrangemens
faits à Clermont.
Avant de rien entreprendre, elle eut soin de s'installer dans
son lo t, de l’affermer pour plusieurs années, de se faire payer
d ’avance du prix du bail, et surtout de laisser à ses frères et soeurs
toutes les charges de la succession dont jusqu’ici elle n’a pas payé
une obole, et qu’ils acquittent journellement pour elle.
Après avoir ainsi pris scs précautions, et le 18 juin 1806, là
dame Dechamps a fait citer tous ses cohéritiers en conciliation ,
pour venir à division et partage de tous les biens meubles et im
meubles délaissés par le père com m un, sans avoir égard à tous
projets de partage , qui seroient regaidés cômme non avenus.
Cette citation a été suivie d’un procès verbal de non concilia
tion , en date du g juillet.
L e 25 du même m ois, la dame Dechamps a présenté requête au
tribunal d arrondissement de G annat, tendante au fond à ce qu’il
lui fût permis d ’assigner ses cohéritiers , sur la demande en par
tage, dans les délais ordinaires, et à la première audience, sur sa
demande provisoire, tendante à ce qu’il fût sursis à la coupe et
exploitation des différais bois de haute futaie, et tous autres dépendans de la succession du père commun.
Elle demandoit en même temps qu’il lui fût permis de faire pro
céder à la visite et état de tous ces bois par experts , à l’effet de
constater tous ceux qui avoient été coupés et tous ceux qui étoient
sur pied, et d’en fixer le nombre et la valeur , pour, après ce rap
port, être pris par elle telles conclusions qu'elle aviscroit.
Cette demande provisoire cachoit une insigne perfidie. La dame
Dechamps savoit qu’il existoit, au décèsdu père commun , plus de
i 5oooo fr. de lettres de change, toutes échues, protestées ou re
nouvelées par ses frères et sœurs, non compris plus de 60000 fr.
de dettes ordinaires, dont les créanciers n’étoient pas moins im
patiens.
Elle savoit que chacun de ses cohéritiers n ’avoit d ’autres res•ources, pour faire honneur aux engagemena les plus urgens, que
�( i5 )
dans le prix de ces b o is, qu’ils se hâtaient de vendre et d’exploiter.
Son projet étoit de rendre leur libération impossible, de voir leur
liberté compromise, et tous les biens livrés à l’expropriation forcée.
C e projet, dira-t-on, étoit insensé ; elle ne pouvoit elle-même
manquer d’en devenir victime : cela est vrai ; mais faut-il nier
l ’évidence, parce qu’elle passe les bornes ordinaires de la vraisem
blance et de la perversité humaine ? A-t-on oublié le vœu de
Cornélie dans les Horaces ?
Quoi qu’il en soit, le tribunal de Gannat a repoussé, avec indi
gnation, cette action provisoire , par son jugement du i 5 décembre
1806, rendu d'après les conclusions motivées de M . le commissaire
impérial.
Pendant que la dame D e c h a m p s v e x o i t ainsi ses freres et sœurs,
et tentait d ’arrêter par toutes sortes de moyens l’exécution des
arrangemens faits entr’eux, ses cohéritiers cherchoient à les conso
lider et à les régulariser à l’égard des mineurs Loisel.
L e sieur Loisel avoit été assigné depuis le 5 juin , en sa qualité
de père, tuteur et légitime administrateur de ses enfans, pour en
voir ordonner l’exécution ; mais il avoit cru devoir suspendre toutes
espèces de démarches jusqu’à la décision de l’incident élevé par
la darrje Dechamps.
C et incident terminé, le sieur Loisel a convoqué un conseil de
famille le 24 décembre 1806.
Ce conseil, composé du grand-père maternel des mineurs, de
plusieurs de leurs oncles et de leurs plus proches parens, après
avoir pris communication de la transaction du i 5 a v ril, l’a ap
prouvée dans tout son contenu , et a autorisé le sieur Loisel à so
retirer auprès de M. le commissaire impérial, qui seroit invité a
désigner trois jurisconsultes pour examiner ce traité et en dire
leur avis, conformément à l’article 467 du Code civil.
L e 3 i décembre, sur la requête qui lui a été présentée par le
sieur Loisel, M . le commissaire impérial a désigné trois anciens
jurisconsultes près la cour d ’appel, également recommandables par
leur expérience et leurs lumières, M M . Andraud, Borye et PagèaYerny.
�( .6 )
Sur l’avis de ces trois jurisconsultes, les héritiers Esmelin , à l’ex
ception de la dame Dechamps, ont demandé l’homologation de la
transaction du i 5 avril.
La dame D echam ps, fidèle à son plan de contradiction, n ’a pas
manqué de s’y opposer.
Mais sans avoir égard à son opposition, dont elle a été déboutée
avec dépens, la transaction a été homologuée, sur les conclusions
de M . le commissaire impérial, par jugement du 21 février 1806.
L e 21 mars, nouvelle assemblée du conseil de famille des mineurs
Loisel ;
Approbation du partage fait sur les bases de la transaction ho
mologuée ;
Requête du sieur Loisel à M . le commissaire impérial, pour l’in
viter à désigner trois jurisconsultes auxquels seroit soumis l’examen,
du partage ;
Désignation de M M . Andraud , Borye et Pagès-Verny;
A vis de ces trois jurisconsultes pour l’approbation et la pleine
et entière exécution du partage.
*
L a dame Dechamps en a au contraire demandé la nullité, fon
dée sur le [défaut d’observation des formes voulues par la lo i , et
subsidiairement la réformation pour cause de lésion;
Et par jugement contradictoire du 2 mai dernier, rendu sur les
conclusions de M . le commissaire impérial, elle a été déboutée de
toutes ses demandes , et le tribunal a ordonné que le partage seroit
exécuté selon sa forme et teneur.
Appel de la dame Dechamps des trois jugemens des i3 décembre
1806, ai février et 2 mai 1807.
Ses moyens en cause d’appel sont les mêmes qu^en cause prin
cipale ; nullité de la transaction et du partage, lésion résultante de
l’une et de l ’autre.
L a réponse des intimés se divise en trois paragraphes.
Ils établiront, dans le premier, que la dame Dechamps n’est ni
recevable, ni fondée à opposer les prétendues nullités dont elle
excipe.
Dans
�Dans le second, que loin d’être lésée par les bases adoptées dans
la transaction du i 5 avril, et par le partage fait d’après ces bases,
elle y est avantagée du tout au tout.
Dans le troisième, que si les intérêts des mineurs Loisel paroissent avoir été lésés par le traité du i 5 avril, en ce qu’on y a gra
tifié la dame Dechamps et Procule Esmelin au préjudice de la suc
cession maternelle, ils en ont été amplement dédommagés.
§ I"
L a dame D echam ps n’ est ni recevable, ni fon d ée a opposer les
prétendues nullités dont elle excipe.
Toutes les nullités qu’invoque la dame Decliamps , contre le
traité et le partage des x5 et 20 avril, ont leur source dans de pré
tendus vices de formes.
O r la loi ne connoit point de vices de forme pour les majeurs ,
ils peuvent traiter de leurs intérêts à leur g ré, et leur signature
suffit pour rendre leurs engagemens irréfragables.
Ici, la dame Decliamps a signé les actes des i 5 et 20 avril.
A la vérité elle dit les avoir signés aveuglément, page 4 de son
mémoire, sans en avoir entendu la lecture, page 14.
Mais elle a signé si peu aveuglément, et elle en a si bien entendu
la lecture, qu’elle nous dit elle-même, page i 3 , que de retour dans
ses foyers elle a voulu se mettre en possession des articles attri
bués à son lot.
E t de f a it , elle s’en est de suite mise en possession, en les affer
mant par un bail qui est enregistré.
Elle n'a cessé d ’en jouir depuis, sans avoir été troublée par per
sonne ; et dans ce moment elle vient de quitter son ancienne habi
tation , qui appartenoit à ses mineurs, pour venir habiter dans sa
propre maison, qui fait partie de son lot.
A in si, non seulement la dame Dechamps a approuvé ce partage
dans les premiers instans; mais elle n’a cessé de l’approuver de
puis, et de l’exécuter pendant le procès.
C
�( *8 )
Et le fait d ’approbation le plus caractérisé, c’est ce changement
d ’habitation, cette translation dans sa propre maison, dans le
moment où elle remplit l’air de ses cris contre ce partage , qu’elle
dit avoir signé aveuglément, et sans en prendre lecture.
L a circonstance qu’il y a des mineurs intéressés dans ce par
tage, ne change rien à cette première fin de non-recevoir.
L a loi a prescrit des formes pour garantir les mineurs de la
fraude, d e là facilité ou de l’insouciance de leurs tuteurs, et de
leur propre inexpérience lorsqu’ils sont émancipés.
Mais ils ont seuls le droif de se plaindre de la violation de ces
formes, et il n’est pas permis aux majeurs d ’en excipcr.
C ’est ainsi que le décide l’article 1 125 du Code civil, qui porte
que « les personnes capables de s ’engager, ne peuvent opposer
Vi n c a p a c i t é du mineur , de l’interdit ou de la femme mariée, avec
lesquelles elles ont contracté.
Cette loi doit s’appliquer avec d’autant plus de rigueur à l’espèce,
que les parties ont prévu le cas , et en ont fait une clause expresse
de leurs conventions, en stipulant que le partage sera irrévocable
en ce qui concerne chacun des majeurs.
La loi seroit muette, que la convention seroit une loi écrite dont
il ne seroit pas permis de s’écarter.
C ’est en vain que la dame Dechamps prétend excepter de cette
règle générale les partages faits avec des mineurs.
Quand il seroit dans le texte ou dans l’esprit de la loi d’excepter
du principe général les partages faits avec des mineurs, la conven
tion particulière, que le partage dont il s’agit seroit irrévocable,
en ce qui concerne chacun des majeurs, feroit cesser cette excep
tion , parce que la disposition de Pliouime fait cesser celle de la
loi, et que celte convention n’a rien d ’illicite et de contraire aux
bonnes mœurs.
Mais, d’une psr', ce lexte est clair, précis, d ’un négatif absolu, ne
peuvent, ce qui écarte toute espèce d ’interprétation et d ’exception.
D ’autre part, cette loi n ’a fait que consacrer les anciens princi
pes, qui nous sont attestés par Lebrun, dans son T raité des Suc
�( *9 )
cessions, liv. 4, chap. i " , n ° 2 i où, parlant du partage provisionnel,
il dit que le mineur a le droit de s’y tenir s’il lui est avantageux,
ou d ’y renoncer s’il n’y trouve pas son compte; et que pour rendre
cette faculté réciproque, il faut qualifier le partage de simple pro
visionnel , et stipuler, par une clause précise , qu’il sera permis, tant
aux majeurs qu’aux mineurs, de demander un partage définitif ;
« autrement, le mineur pourra se tenir au partage , si le bien qui
» lui a été donné est plus commode , et la faculté ne sera pas re» ciproque pour les majeurs.
L e même principe est rappelé par Rousseau de Lacom be, au
mot P a r t a g e , sect. 5 , n 9.
Q u ’auroient donc dit ces auteurs, si,comme dans l’espèce, il a voit
été question d ’un partage, non pas simplement provisionnel, mais
définitif; et si , au lieu du silence sur la réciprocité de la facilité
de revenir contre ce partage, il y eût été formellement expliqué
qu’il seroit irrévocable en ce qu i concerne chacun des majeurs ?
Mais dans tout ce qu’on vient de dire, on a supposé, avec la
dame Dechamps, que les actes qu’elle attaque sont infectés de tous
les vices qu’elle leur suppose, résultans de la violation de toutes
les formes voulues par la l o i , pour les transactions et les partages
dans lesquels des mineurs sont intéressés ; et on a vu que dans c( tte
hypothèse elle 11’a pr.s le droit de les censurer, soit parce que la loi
lui en interdit la faculté, soit parce qu’elle se l’est interdite ellemême, par une convention formelle faite entr’elle et tous ses co
héritiers majeurs.
Mais celte hypothèse est purement gratuite, et toutes les for
mes prescriles par les lois pour la garantie des mineurs, ont été
scrupuleusement observées dans l’espèce.
On ne [»eut nier que l’acte du i 5 avril ne fut une transaction
telle que la définit l’article 2044 du Code civil , « un contrat par
» lequel les parties terminent une contestation née, ou prévien» nent une contestation à naître. »
Il s’agissoit dérégler les droits l e s plus compliqués, entre une mul
titude d'héritiers ; sur quatorze successions, qui présentoienl des
C 2
�( 2 0 }
questions sans nom bre, qui pouvoient donner lièu à des discussions
interminables.
Q u’exigeoit la loi pour rendre valable un pareil acte ? L'autori
sation du conseil de famille, l’avis de trois jurisconsultes désignés
par le commissaire du Gouvernement, et l’homologation du tri
bunal, après avoir entendu le commissaire impérial.
O r, on a vu dans le récit des faits, que toutes ces formalités ont
été exactement observées.
A la vérité, la transaction étoit rédigée avant l’autorisation du
conseil de famille, et la dame Dechamps croit pouvoir y trouver
un prétexte de chicane.
Mais ce traité, qui pour les majeurs étoit irrévocable en ce
qui concernoit chacun d’eux, n'étoit qu’un projet pour les mi
neurs , jusqu’à ce qu’il eût été autorisé par le conseil de famille,
et par l’avis des trois jurisconsultes, désignés par le commissaire
du Gouvernement; ce qui étoit prévu par l’acte même’, dans le
quel on lit qu’il ne sera passé en forme authentique, que lorsque
le sieur Loisel aura rempli pour ses mineurs les formalités pres
crites par la l o i , pour en assurer la validité.
IN’est-il pas évident, d ’ailleurs, que le meilleur moyen d’éclairer
le conseil de famille et les jurisconsultes qui dévoient donner leur
avis, étoit de leur présenter le traité tel qu*il avoit été convenu,
et qu’il devoit être exécuté entre toutes les parties, s’il leur paroissoit dans l’intérêt des mineurs ?
Vainement le tuteur auroit rendu compte à la famille assemblée
des projets d ’arrangemens qui étoient proposés entre tous les cohé
ritiers Esmelin; vainement on auroit fait part de ces mêmes projets
aux trois jurisconsultes désignés par le commissaire du Gouverne
ment pour donner leur avis; rien n’étoit plus propre à diriger
leur opinion que le traité même, qui n’étoit pas encore obligatoire
pour les mineurs, et qui nepouvoit le devenir que par l’assentiment
de la famille assemblée , et l’avis des jurisconsultes désignés.
Celte circonstance de la préexistence du traité du i 5 avril, à
l’assemblée du conseil de famille et à l’avis des jurisconsultes.
�( 21 )
n’est donc qu’un moyen de plus en faveur de ce traité, parce
qu’ il en résulte que, soit l’approbation de la famille, soit celle des
jurisconsultes, ont été données en bien plus grande connoissance
de cause que si elles avoient précédé la rédaction de ce traité.
C ’est encore une pointillerie bien misérable, que la critique que
fait la dame Dechamps des qualités de ce traité, dans lesquelles on
suppose les formalités remplies par le tuteur avec les dates en blanc.
On l’a déjà d i t , pour les mineurs ce traité n ’étoit qu’un pro
jet, qui ne devoit être passé en forme authentique et avoir d’exé
cution qu'autant que le tuteur auroit rempli les formalités néces
saires pour le rendre valable.
Il étoit donc tout simple que les dates des actes qui devoient
constater l’observation des formes prescrites par la loi fussent en
blanc ; les qualités étoient telles qu’elles devoient être dans l’acte
authentique; et en passant cet acte authentique, on devoit remplir
les dates du conseil de famille et de l’avis des jurisconsultes.
Quant au traité secondaire du même jour i 5 avril, il étoit en
tièrement dans l’intérêt des mineurs Loisel, puisque c’est ce traité
qui leur assure la succession de René Gibon, dont ils étoient exclus
par la loi.
11 ne peut donc y avoir ni motifs, ni prétexte de le censurer.
L e partage du 20 avril, qui n’étoit que la conséquence et l’exécu
tion de la transaction, n ’étoit encore qu’un projet pour les mineurs,
jusqu’à ce qu’il devînt obligatoire à leur égard, comme à l’égard
des majeurs, par l’observation des formes.
Elles ont été observées comme pour la transaction: le conseil de
famille, assemblé pour la seconde fois, l’a autorisé; les trois ju
risconsultes désignés par le commissaire impérial , consultés de
rechef, l’ont approuvé; le tribunal l’a homologué.
Ainsi, indépendamment que la dame Dechamps n ’est pas recevable à critiquer sous le point de vue de l’inobservation des for
mes, soit ce partage, soit le traité qui l’a précédé, on voit que
sa critique seroit sans fondement, et que le sieur Loisel n’a man
qué pour ses mineurs à aucune des précautions qu’exigeoit la loi
r
�( 23 )
pour les garantir de toute surprise , et s’assurer que leurs intérêts
étoient ménagés jusqu’au scrupule.
§ II.
L a dame D echam ps , loin d'être lése'e par les bases adoptées
dans la transaction du 1 5 a v ril, et par le partage fa it d’ aprèï
ces bases, y est avantagée du tout au tout.
Celte proposition pouvoit paroître incertaine à l’époque du traité
du i5 avril; aujourd’hui, elle est démontrée mathématiquement.
On éloit alors dans la confiance que toutes les successions échues
de l’estoc maternel avant le décès de la dame Esinelin étoient con
fondues dans la communauté.
Cette confiance étoit fondée sur l’expédition du contrat de ma
riage de 1756, dans laquelle on avoit omis d’insérer la clause que
chacun des futurs confondroit la somme de 600 liv. pour avoir
droit dans la communauté , et que le surplus des biens des futurs,
ainsi que ceux qui leur écherroient par succession ou donation,
leur sortiroient nature de propre.
Cette erreur se trouvant rectifiée par une expédition plus exacte,
il est évident que toutes ces successions doivent être prélevées au
profil des héritiers maternels.
Il faut cependant distinguer dans ces successions celles qui sont
échues avant le décès de la dame Esmelin , de celles qui sont échues
depuis.
T o u t ce qui a été touché sur les premières de ces successions par
le sieur Esmelin , doit elre prélevé sur la communauté, qu’il faut
considérer comme interrompue au décès de la dame Esmelin, ar
rivé au mois de novembre 178 9 , d'après la-faculté qu’en ont les
intimés et les mineurs Loisel par l’article 270 de la Coutume de
Bourbonnais.
Les successions échues depuis le décès de la dame Esmelin \ et
tout ce qui a été louché par le sieur Esmelin sur les successions
�( -3 )
antérieures depuis la même époque, doivent être prélevés sur sa
succession et sur ses biens personnels.
Ainsi, on doit prélever sur la communauté, i° ce que le sieur
Esmelin a touché sur la succession de Jean-Baptiste de Lachaussée,
décédé à Moulins en 1764;
20 Ce qu’il a louché de la succession de Gilbert de Lachaussce,
aussi décédé à Moulins en 1766;
5° La somme de i 68, 5ooliv. qu’il a touchée à compte sur la suc
cession de Jacques de Lachaussée, par le partage provisionnel passé
devant Laroche, notaire à Paris, le 29 avril 1788;
4° Ce qu’il a dû toucher de la succession de Marie Farjonnel,
bisaïeule des en fans Esmelin , décédée en 1788, l’une des léga
taires universelles de Jacques de Lachaussée, qui avoit aussi touché
16 8 , 5oo liv. par le parlage provisionnel de 1788.
Et on doit prélever sur la masse de sa succession , composée
soit de sa portion de la communauté, déduction fuite des prélèvemens, soit de ses biens personnels,
i° La somme de 188, 55o liv. 16 s. qu’il a reçue d e là succes
sion du sieur René-Barthélemy Gibon , soit en 1790, soit pendant
les premières années des assignats , ce qui est étubli par un état
écrit de sa main , que les intimés rapportent.
2°. Ce qu’il a dù loucher, pour le compte de scs enfans, de la
somme d’environ 900,000 livres, restée indivise , de la succession
de Jacques de Lachaussée, après ce partage provisionnel ;
.
5°. Ce qu’il a dû loucher de celle même somme, soit comme
représentant Elizabelh de Lachaussée , femme Laplanche , soit
comme représentant Catherine de Lachaussée, dont il avoit acquis
les droits, qui étoient d ’un cinquième chacune de cette somme
de 900,000 liv.; ce qu’il n’avoit pu faire que pour le compte de
ses enfans , à raison de l ’in d iv is io n de ces droits avec eux ;
4". Ce qu’il a dû toucher de la succession de Gilberl-Barlhéleniy
G ib o n , aïeul de ses enfans, soit directement, soit par l’effet des
cessions de droits de leurs cohéritiers dans celte succession.
On trouvera déjà une masse énorme qui suffiroit pour absorber
la succession du sieur Esmelin.
�(
4
)
. Mais que sera-ce, si on y joint les jouissances Ou les intérêts
des capitaux, à compter du moment du déccs de la dame Esmelin,
attendu qu’aux termes de l’article 174 de la Coutume de Bour
bonnais, l'usufruit des pères cesse de plein drojt, à 14 ans pour
les filles, et à 18 ans pour les mâles?
, Si on y joint pour 5o mille francs de ventes de bois de la com
munauté, faites par le sieur Esmelin, après le décès de sa fem m e,
toutes établies par preuves écrites ?
Pour pareille somme, au moins, de dégradations commises dans
les biens de la communauté, depuis la même époque?
Que sera-ce enfin, si on y joint plus de 225,000 liv.d e dettes,
connues lors du partage, ou découvertes depuis, que les intimés
ont payées , ou payent journellement pour leur compte et pour
celui de la dame Decliamps?
Non compris les prétentions de la dame de B a rd , qui-ont été
éteintes par le traité du i 5 avril.
Non compris encore les réclamations qui s’élèvent de toutes
paris contre cette succession, qui sont connues de la dame Dechamps , et qu’on se dispensera de relever, dans la crainte de les
accréditer.
Il résulte évidemment de ce tableau, q u e , la succession du sieur
Esmelin fût-elle d ’un million ( et elle est à peine du tiers) , elle
seroit insuffisante pour faire face au passif dont elle est grevée.
Et il ne faut pas perdre de vue, d ’une part, que la presque uni
versalité des acquisitions est antérieure au décos de la dame
Esmelin ; ce qui donne aux héritiers maternels droit h la moitié
de tous ces biens acquis, sans aulres charges que celle de la moitié
des reprises qui existoient alors.
D ’autre p^rt, que sur les 225,000 livres de dettes passives, il y
en a pour environ 200,000 livres , qui sont du fait seul du sieur
Esmelin, et n’ont été contraclées que depuis le décès de la dame
Esmelin; ce qui les fait uniquement frapper sur sa succession.
D ’autre part enfin, que les 2G7,55o livres de dettes actives dou
teuses, qui forment un des principaux objets de cetlte succession,
no
�(
*5)
ne doivent être comptées que pour le cinquième, au plus, de leur
valeur numérique ; les intimés en offrant l’abandon à 80 pour
100 de perte.
C ’est vainement que la dame Dechamps croit pouvoir affoiblir ce tableau, en cherchant à tirer avantage du testament de la
dame Esmelin , qui contient, dit-elle, legs du quart de tous ses
biens, au profit de son mari.
C e testament n’est pas rapporté, et il y a lieu de croire qu’il ne
le sera jamais ;
Il est olographe , et il n ’est pas écrit en entier de la main de la
dame Esmelin ;
C e n’est pas sans de bonnes raisons qu’on n’en a parlé que vague
ment dans le traité du i 5 avril;
Ce testament n’est pas d’ailleurs tel que le suppose la dame
Dechamps ;
Il porte legs de l'u su fru it, ou du quart en propriété, au choix
du sieur Esmelin;
E t le sieur Esmelin seroit censé, par le fa it, avoir opté l’usu
fruit , puisqu’il n’a cessé de jouir des biens de ses en fans, jusqu'à
sa mort. Encore faudroit-il distraire de cette jouissance la succes
sion de René Gibon , qui n’est échue à ses en fans qu'après le décès
de leur mère, et à laquelle , par conséquent, ce testament ne peut
avoir d’application.
Il est évident, d’après ce qu’on vient de dire, que si par l’effet
de l’anéantissement d e l à transaction du 1 5 avril, que la dame
Dechamps a l’imprudence de solliciter, chacun des cohéritiers
rentre dans son premier état , l’actif de la succession du sieur
Esmelin étant plus qu’absorbé par le passif, la dame Dechamps
ne peut, en sa qualité d’héritière, espérer d ’en retirer une obole?
Il importe peu, d ’après cela, d ’examiner s’il y a, ou non , lésion
dans l’estimation proportionnelle des biens dont le partage est
composé, comme le prétend la dame Dechamps.
T o u te fo is , pour ne rien laisser à désirer sur cette prétendue
lésion secondaire, les intimés rappelleront à la dame Dechamps,
D
�( 2 6 }
'
que les tien s-fo n d s qui composent son lot ont été choisis par
elle ;
Q u ’ils sont pour la plupart mêlés avec ceux de ses mineurs, et
par conséquent parfaitement à sa convenance;
Q u ’ils ont été estimés par des experts nommés par elle, logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
Ils lui diront enfin que, malgré la baisse des biens-fonds, sur
venue depuis le partage, ils offrent de prendre pour leur compte
tous ceux qui se trouvent dans son lot, pour le sixième en sus de
l'estimation et du prix pour lequel ils sont entrés dans ce partage.
C ’en est assez, ou plutôt c'en est trop, sur cette prétendue lésion;
car les intimés n ’ont que trop bien prouvé que, loin que la dame
Dechamps soit lésée et dans les bases et dans les résultats du par
tage du 20 a v ril, elle a été traitée par ses cohéritiers avec une gé
nérosité sans exemple ; que tout ce qu’elle tient , tout ce qu’elle
possède de la succession de son père, elle ne le tient que de leur
libéralité, elle ne le possède que par leurs bienfaits.
On dit que ce fait est trop bien prouvé, parce que celte géné
rosité excessive semble nuire aux intérêts des mineurs Loisel.
Cependant on verra bientôt qu’on leur a rendu toute la justice
qu’ils pouvoient désirer.
§ III,
R e la tif a u x mineurs L o isel.
On ne peut se dissimuler que plus on a gratifié la dame Dechamps
et Procule Esmelin, plus les héritiers maternels ont dû faire de
sacrifices.
Ces sacrifices scroient faciles à justifier pour les mineurs Loisel.
On pourroit dire que des mineurs ne sont jamais lésés quand ils
marchent sur les traces de leurs cohéritiers majeurs, qui ont le
même intérêt qu’e u x , surtout quand de six cohéritiers cinq sont
majeurs, et reconnus pour être parfaitement capables de stipuler
leurs droits et de veiller à leurs intérêts.
On pourroit dire encore, comme l’ont fait les trois anciens juris-
�( ‘
27 )
consultes désignés par M . le commissaire impérial, pour donner
leur avis, que « tous les héritiers avoient le plus grand intérêt
» à ce que le partage n’éprouvât pas de retard. T o u s les bâtimens
» des domaines étoient en ruine. 11 éloit dû des sommes considé» rables, qui exposoient les cohéritiers à des poursuites ruineuses,
« et qui pouvoient absorber une grande partie des biens.
» La minorité des enfans Loisel rendoit ces poursuites pres» qu'inévitables, et chacun des cohéritiers pouvoit se voir expro» prier de ses biens propres, par la circonstance qu’il se trouvoit
» des mineurs parmi les cohéritiers.
» 11 s’élevoit des contestations sur la composition des masses, et
» la division entre les lignes paternelle et maternelle.......................
» sur les réclamations de plusieurs des héritiers , et il étoit impos» sible de prévoir la fin de ces discussions, et les suites funestes
» qu’elles pourroient avoir.
» La transaction qui termine toutes ces contestations sans frais,
» et dans l’espace de quelques jours qui avoient été employés à la
» préparer, offroit à toutes les parties des avantages qu’on ne sau» roit trop apprécier. »
Mais ce qui tranche toute difficulté, c’est l’indemnité que tous
les cohéritiers majeurs ont assurée aux mineurs L o isel, pour les
désintéresser et consolider leur ouvrage.
Il existoit dans la famille une succession dont les religieuses
étoient exclues par leurs vœ ux, et la mère des mineurs Loisel,
parce qu’elle éloit hors des termes de représentation.
C ’étoit celle de René G ib o n , décédé au mois de juillet 179°*
Il a été convenu par les art. 8 et g du traité particulier , du i 5
avril 1806 , que les mineurs Loisel seroient associés pour un sixième
dans cette succession, et qu’ils coinmenceroient par prélever 5280 fr.
Ilsontà partager, entr’autres objets, près de 3ooo francs de rentes
inscrites sur legrand livre, connues sous le nom de tiers consolidé ,
dont la liquidation est terminée depuis le mois de décembre der
nier, et dont la valeur, au cours, approche dans ce moment du ni
veau de leur capital.
Da
�( =8 )
Ils ont, par suite de cette association, une portion dans le domaine
de L a ro c h e , provenu de cette même succession.
Il a été en outre arrêté que le sieur Loisel préleveroit sur les pre
miers recouvremens 2000 f’r . , pour les frais de l’instance intentée
au nom de ses mineurs au sieur Esmelin ; frais qui eussent été
compensés et perdus pour ses mineurs, sans cette convention par
ticulière.
D e sorte que l’indemnité accordée aux mineurs Loisel, par leurs
cohéritiers majeurs , pour les dédommager des sacrifices qu’ils pouvoient faire au bien de la paix, par leur acquiescement au traité
du i 5 avril, peut être évaluée à environ 14 à i 5o o o lr .; tandis
que, dans le calcul le plus rigoureux, et en regardant comme un
bienfait absolu de la part des héritiers maternels les deux lots de
Procule et de Geneviève Esmelin , ce sacrifice ne pouvoit jamais
excéder 10000 I r . , formant le sixième de 60000 fr.
Quant à la prétendue lésion résultante du défaut de proportion
dans l’estimation des biens qui composent leur lo t, comparée aux
lots de leurs cohéritiers, c’est une inculpation gratuite faite aux
experts, dénuée de vérité comme de vraisemblance , et qui ne
prouve autre chose, si ce n’est l’habitude où est la dame Dechamps
de Lotit hasarder.
Ce seroit une tâche trop pénible et trop dégoûtante, que celle de
relever tous les faits faux et cnlomnieuxdont le mémoire de la dame
Dechamps est rempli; il faudroit écrire dos volumes, et surcharger
une contestation qui l’est déjà trop par elle-même.
Il suffira de rappeler quelques-uns de ceux qui ont une liaison
immédiate avec les objets en litige, pour se faire une idée de sa
véracité , de sa bonne foi sur tous.
Par exemple, on lit, page i 3, que lorsqu’elle a voulu se mettre
en possession des objets attribués à son lot, « à peine le foin du pré
» du domaine de Chirat a-t-il été coupé , que René Esmelin l’aîné
» et Deux-Aiguës sont venus avec une troupe de bouviers s’en ein)i parer à force ouverte, en l’accablant d’injures et de menaces. «
�( ^9 )
Oublions cette prétendue force ouverte employée contre une
fem m e , ces injures, ces menaces dont elle orne sa narration, pour
en venir au fait.
L e pré dont il s’agit faisoit partie de la réserve de Bouis, qui est
entrée dans le lot du sieur René Esrnelin.
Ce pré est nommément compris dans ce lot, q u i, comme to u s les autres, a été formé par les experts.
C ’est un fait prouvé par leur rapport, qui sera mis sous les yeux
de la cour , et qui est de la parfaite connoissance de la dame
Dechamps :
A b uno disce omnes.
« Scs cohéritiers se sont emparés du bois C h a b ro l, qu’ils font
» exploiter journellement par le sieur Gillot. »
C e bois Chabrol fait partie du lot de la dame Dechamps ; il y
est porté pour i 320 fr.
Mais c’est uniquement le fonds qui lui appartient.
Les arbres en étoient vendus au sieur Gillot, par le sieur Esmelin,
depuis plus de trois ans avant sa m o r t , à raison de 7 fr. le pied;
ce qui portoit la vente de ce bois Chabrol à 16000 fr.
Pourra-t-on se persuader que ce soit sérieusement que la dame
Dechamps, à qui on a donné le bois Chabrol pour i 320 fr. , en
réclame tout à la fois le fo n d s, qui vaut au moins 2/|00 f r ., et le
branlant, qui avoit été vendu 16000 f r . , et dont la majeure partie
étoit déjà exploitée lors du partage.
A b uno disce omnes.
(c Ils ont poussé l’injustice jusqu’à usurper un autre bois contigu,
» qui appartient particulièrement à ses mineurs, du chef de M . De» cham ps, leur père, et que le sieur Gillot exploite aussi. » Même
pa^e i 3.
Mais la dame Dechamps nous apprend e lle -m ê m e qu’il y a
procès pour les limites de ce bois : il n ’y a d o n c , jusqu’à la dé
cision , ni injustice, ni usurpation. Sub ju d ice lis est.
u 9°. Il y a lésion , en ce que René Esmelin, fils aîn é, n ’a point
�(
3o )
» rapporté à la masse les terres du B eyrat, de la Presle, la Sou» braut, Laroclie, le L ogis, etc. valant plus de 200000 francs, et
» qui ont été achetés et payés sous le nom de ce fils, indûment
» avantagé par le sieur Esmelin père. » Page 62.
L e sieur Esmelin a acheté par acte authentique, le 12 février
1792 , étant encore avec son père, un domaine appelé la Soubraut,
une maison , des vignes, pour la som m e, réduite à l’échelle, de
i 25oo fr.
La vérité est que celte somme a été payée par le sieur Esmelin
père. L e sieur René Esmelin en a fait le rapport à la masse lors
du partage.
Si le père avoit voulu avantager son fils, d une maniéré indirecte,
de cette acquisition, rien n eut été plus facile; il suffisoit de lui
donner quittance de ces i 25oo ir. qu’il avoit payés pour lui.
Ces fraudes ne sont pas rares, et les tribunaux peuvent diffici
lement les atteindre.
L e sieur René Esmelin s’est marié, et a quitté la maison pater
nelle le 8 frimaire an 5.
Sa femme lui a porté le revenu d’une dot de 4^000 f r . , dont il
a conservé l’usufruit après son décès.
Il a acquis en l’an g le bien de la Presle, par acte authentique,
au prix de 2^000 fr. dont 10000 fr. exigibles, et 14000 fr. en rente
viagère, à raison de 1400 fr. par a n ; il n’a déboursé pour cet
objet que 10000 f r . , c i ......................................................... 10000 fr.
Il a acquis, le 2 germinal an 1 1 , toujours par acte
authentique, le bien du Beyrat, 60000 f r . , dont 3oooofr.
en délégations de contrats, et
5oooo fr. en délégations
exigibles, c i ..............................................................................
Le 28 prairial an 12, il a acquis encore, par acte
authentique , la locaterie du Lut ou des Chaises Gooo fr.
3oooo
c i ...................................................................................................
Gooo
T
otal
46000 fr*
�(
3i )
Il a revendu , par acte authentique, une portion de la locaterie
2900 fr.
du Lut au sieur Louis Lurzat 2900 f r . , c i .......................
Par acte du 21 messidor an i 3 , il a vendu au sieur
Claude Esmelin la maison et le logis situés à Bellenave,
10000 f r . , c i .................. ........................................................ 10000
11 a revendu en détail le Lien de la Presle, par diffé
rons actes authentiques, 24000 f r . , c i .............................. 24000
Il a vendu au sieur Gillot le bois delà Soubraut 3ooofr.,
c i .................................................................................................
5ooo
Il a reçu de son père, à compte sur la succession du
sieur René G ib o n , 2600 f r . , dont il lui a fourni quit
tance, c i ................................................................ ....................
T
o t a l
.....................................................
2600
4 25oo fr.
Ainsi la différence est de 55oo fr.
Ce n ’est pas qu’il ne reste au sieur René Esmelin quelque for
tune personnelle ; mais, outre que cette fortune est grevée de
rentes viagères ou constituées , il la doit à l’heureuse circonstance
d’avoir acheté bon marché, et d’avoir revendu cher;
A l’extinction de quelques viagers;
A une bonne administration ; à de grandes améliorations ; à son
industrie.
Loin qu’il ait puisé pour ces acquisitions dans la bourse de son
père, qui étoit, comme on l’a v u , dans un tel état de gêne que
sa liberté étoit compromise à chaque instant par l ’échéance des
lettres de changes, le sieur Esmelin père, dans un pressant be
so in , avoit touché, peu de temps avant sa m ort, 6553 liv. prix
d ’une vente de bois qui appartenoit à son fils.
Comme ce fait étoit notoire dans la famille, il n’est venu en
idée à aucun de ses cohéritiers de lui contester cette somme de
6555 liv. qui fait partie des dettes passives de la succession.
Il n’y a pas un fait avancé par la dame Dechamps, auquel il ne
fût facile de faire une réponse aussi satisfaisante, si le temps et
la patience permettoient de les relever tous.
�( 32 )
Il reste à dire un mot de deux objets dont se plaint la dame
Dechamps, et sur lesquels les intimés sont prêts à lui rendre justice.
L'un est relatif à ses créances contre la succession du père com
mun , qui dérivent de sa dot moniale et d ’arrérages de pension
qu’elle prétend ne pas avoir été liquidées exactement.
Les intimés rapportent cette liquidation faite par M . Bergier,
et écrite de sa main; ils sont convaincus que cette liquidation est
exacte. A u surplus, ils offrent de revenir à compte avec elle sur
cet objet, ou devant tel commissaire qu’il plaira à la Cour de nom
mer, ou devant les premiers juges.
L e second est relatif à la somme de 4 n 5 liv. de mobilier porté
dans son lot..
Elle prétend que son lot est trop chargé de cette nature de
biens, et en cela, ses plaintes sont évidemment indiscrètes; car il
y a , y compris les rapports, au moins i5o,ooo liv. de mobilier
dans la succession , et sa quotité proportionnelle seroit d ’environ
ioooo liv.
Elle se plaint aussi de n ’avoir pas reçu cette somme ;
Elle n’en”a reçu en effet qu’une partie.
Une autre partie a été payée en son acquit pour dépenses com
munes.
Une autre partie est encore en nature, notamment les bois de
sciage.
Enfin, il y a un déficit dans le mobilier, à raison des distrac
tions qui en ont été laites en nature ou en deniers, auquel il
doit être pourvu de la manière convenue pur le traité particulier
du i5 avril.
T o u t cela exigeoit des rapprocliemens entre la dame Dechamps
et le sieur René Esmelin aîné, que les contestations pendantes
ontr’eux ont rendus impraticables.
Mais le sieur René Esmelin est toujours prêt h lui rendre justice
sur ce p o in t, qui dépend d'un compte qu’il offre encore de faire
devant tel commissaire qu’il plaira à la cour de nom m er, ou de
vant les premiers juges.
Encore
�( 33 )
Encore un mot :
L e sort de la dame Dechamps est dans les mains des intimés.
S ’ils acquiescent à ses demandes, elle est perdue.
S’ils lui résistent, c ’est par pitié pour elle , c’est pour l’arrêter,
la malheureuse, au bord du précipice qu’elle creuse sous ses pas.
Quant aux mineurs L o is e l, leurs intérêts sont à couvert.
Ils sont amplement dédommagés dans la succession de René
G ib on , des sacrifices qu’ ils font au bien de la paix.
D ’ailleurs, les traités et le partage des 1 5 et 20 avril ont eu
l’assentiment de leur père, de leur aïeul maternel, leur subrogé
tuteur, de leur famille deux fois assemblée pour en prendre connoissance, des anciens jurisconsultes deux fois désignés par le com
missaire impérial, du commissaire impérial lui-même, enfin des
juges du tribunal de G a n n a t, q u i , parfaitement instruits des faits ,
des circonstances et des localités ,_se sont empressés de les homo
loguer et d’en ordonner l’exécution.
T a n t d ’autorités réunies ne permettent pas de douter de l’uti
lité, de la sagesse, de la nécessité de ces traités pour les mineurs
comme pour les majeurs , et les intimés espèrent que la Cour voudra
bien , en les consacrant par son a rrê t, mettra la dame Dechamps
dans l’impuissance de se nuire à elle-même , et de nuire désormais
à sa famille.
S ig n e ' R e n é E s m e l i n ,
G ilbert
Esmel i n - D e u x - A i g u es ,
C l a u d e - A m a b l e L a p e l in , M a r i e - M a g d e l e i n e Esme l i n - L a p e l i n , J e a n - F r a n ç o i s L a g a u d e - D e l a v i l en ne , T h é r è s e Esmel in -L a v ile n n e , M a r ie-A d elaïd e Esm elin,
/
ve u v e D ebart
B O I R O T , a n c ie n ju r is c o n s u lt e .
H U G U E T , avoué.
A C L E RM O N T , de l'imprimerie de L andriot, imprimeur de la Prélecture.
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Esmelin, René. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Huguet
Subject
The topic of the resource
traités de familles
successions
émigrés
inventaires
arbitrages
coutume du Bourbonnais
conseils de famille
partage
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour René Esmelin, Gilbert Esmelin-Deuxaigues, Claude-Amable Lapelin, et Marie-Magdeleine Esmelin, son épouse ; Jean-François Lagarde-Delavilenne, et Thérèse Esmelin, son épouse ; Marie-Adélaïde Esmelin, veuve Debard, intimés ; contre Geneviève Esmelin, veuve d'Amable Dechamps, ex-religieuse, appelante ; en présence de Procule Esmelin, ex-religieuse ; et encore en présence de Jacques-Marie-Pierre Loisel-Guillois, tuteur de ses enfans, héritiers d'Agnès Esmelin, leur aïeule maternelle, aussi intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1756-Circa 1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
33 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0544
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Paris (75056)
Château-Thierry (02168)
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Domaine public
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arbitrages
conseils de famille
coutume du Bourbonnais
émigrés
experts
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partage
Successions
traités de familles
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K
s
MEMOIRE
P O U R Me. C l a u d e D U B O U Y S , .
Avocat en Parlement , C o nfeiller du Roi. ,
Receveur Général des confignations du Bourbonnois, à M oulins, Appellent de Sentence de
la Sénéchauffée de Moulins.
*r '
C a u fe de
la
p rem iere C h a m
bre , la onziem e
du R ô le des M a r
dis & Sam edi*.
*k .
C O N T R E
dame G u i l l e l m i n e ,
P R E V E R A U D D E L A U B E P IE R R E -
-
épouf e & procédante fous l'autorité de Mef f ire
L o u is-François Puy de M ezieux, Ecuyer ,fo n
mari , & ledit fieu r\ Puy de M ézieu x audit
nom. Intimés.
,
¡jn o n o n c;;
++A•*••
+*•+
A4-+
f +.!.+
A 4.
P +i*r
♦
'iVi5
’*4.
■r++ A*+4»+•
K
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+ +++■►+t S
+ A +A + & +
+
'T
+
B 4.^^+4'<’.^.+++'V+++ 0
\3 >Z3 i)n(>TZL<£\
E
L retrait lignager ( nous dit un Jurifconfulte éclairé e f t un.droit fingulier
& extraordinaire, introduit contre le
droit commun des contrats- de rente
qui font du droit des gens ,& delà
viennent toutes les formalités, févéres que nos cou
tumes femblent n’avoir introduites, fous peine de.
0
�nullité, que pour rendre le plus iouvent cette a&ion
fans effet ; car tout ce qui eit preferitpar la coutu
me du lieu au fujet du retrait lign ager, doit être
obfervé par le retrayant, informa fpecifica , à peine
d ’être déchu du retrait, de maniéré que qui cadit à
fy lla b a , cadit à toto.
O r ii nous parvenons a établir que le retrait exer
cé par les Intimés contre VAppellant eft irrégulier,
non feulement en la form e, mais encore au fond , il
s’enfuivra qu’ils doivent en être déchus ; mais pour
parvenir à cette preuve il faut rendre compte des circonftances dansleiquelles fe préfente la conteftation.
F A I T S .
L a dame Claudine Jacquelot de Chantemerle
Veuve &c commune de M eifire Pierre Preveraud ,
E c u v e r, Seigneur de Laubepierre, tant en fon nom
quejefaifantfortpour Mejfire François Preveraud,
E cu v er, fo n fils ; Meffire Gilbert-Joieph Preverauci, E cu y e r, & Meifirc-Pierre-Louis Preveraud,
Ecuyer , Seigneur de Laubepierre, ont fait vente
par contrat du 2 A oût 1 7 7 3 au fieur d u B o u y s,
Appellant, du fief, terre & feigneurie du P laix,
fituéès ParoiiTes d’Igrande & l’Hcneuil* avec toutes
fes dépendances, tant en fief que roture, aux excep
tions & réferves exprimées audit contrat ; confiftant ladite terre &: dépendances en un château ou
maifon feigneuriale , entourée de foifés , écuries ,
granges , caves , jardins , vergers , chcnevicrcs ,
�3
,
prés , v ig n e s, pâturages, étangs, bois, c e n s, ren
tes 6c devoirs l'eigneuriaux, & en cinq domaines
en dépendants, avec droit de chapelle , bancs ,
fépulture & autres droits honorifique?, jl e p r i x
DE c e t t e v e n t e eft de 4.1 500 livres , a compte
de laquelle il en a été payé comptant par VA ppellant
celle de i ï 'j o o liv re s, & à l’égard des 30000
livres reftants, il eit dit que 16000 livres feront
payables en cinq termes égau x, de chacun 3200
livres, a commencer le premier terme au premier
Décem bre 1774., & à continuer a pareil jour d’an
née en année , & que les paiements fe feront entre
les mains du fieur Gilbert-Jofeph Prcveraud , un
des vendeurs , autorifé a lui donner valable déchar
g e ; & quant aux 4000 livres pour parfaire le
prix de ladite v en te, il eft dit que PAppellant ne
pourra les payer qu’après le décès de la dame de
Chantem erle, en quatre paiements égau x, drannée
en année, a commencer l’année après ion décès.
Cette vente a excité la cupidité des Intim és, qui
fe font difpofésa en faire le retrait contre /’Appellant.
Pour y parvenir, ils ont fait align er PÀppellant
par exploit du 1 1 Septembre 17 7 3 ^ comparoir
huitaine apres la iâint Martin en la Scncchauflee
de M oulins, pourfe voir condamner a Icurdelaiffer les objets compris dans la vente ci-dciliis en leur
qualité de parents des vendeurs, dans les degrés
preferits par la coutume pour pouvoir retraire , &
en conféquence a leur paffer contrat de revente aux
mêmes charges, elaufes &£ conditions exprimées
A z
�dans ledit con trat, 6c pour par les Intimés réaliier
leurs offres de bourfe , deniers , loyaux coutements ,
& à p aifaire ; voir dire que l’Appeliant feroit tenu
de dépofer au Greffe ion contrat d’acquifition, enfemble un état de íes frais 6c loyaux coûts.
A fin de profiter des mêmes délais que VAp~
pellant avoit par fon contrat pour le rembourièment des 30000 livres reliants du prix de la
vente, 6c de fe difpenfer de faire a XAppellantûzs
offres de la totalité du prix de cette ve n te , les I n
timés ont fait fignifier une requête le 13 D écem
bre 1 7 7 3 , fur le nom de Claudine Jacquelot de
‘Chanreme rie , veuve & commune de MeJJire Pierre
Preveraud, Ecuyer , Seigneur de Laubep ierre ,
TA NT EN SON NOM QUE SE FAISANT FORT POUR.
M essire F r a n ç o is P r e v e r a u d , écuyer , son
MeJJire Gilbert-Jofeph Preveraud , Seigneur
de V~aumas, & Mejfire Pierre-Louis Preveraud,
Ecuyer, Seigneur de Laubepierreypar laquelle ils dé*
clarent qu’ils interviennent en Pinftance fur ladite
demande en retrait ; 6c demandent a&e de la dé
claration qu’ils font que dans le cas où . ledit
retrait feroit adjugé aux Intimés , ils déchar-,
gcnt conjointement 6c folidairement /’A ppel-lant de toutes les obligations qu’il a ■
contractées
par le contrat d’acquifition du 2 Août 177 3 , 6z
en particulier du paiement de 30000 livres, 6c
des intérêts dans les termes, portés au même con
trat , 6c confentent que les Intimés demeurent fub.rogés k leurs droits , 6c chargés de rexécution de '
fils,
�$
toutes les charges, prix, claufes 6i conditions por
tées audit contrat de vente , de môme que fi la
vente avoit été conientie a leur profit ; enfin ils
terminent par déclarer furabondamment qu’ils n’en
tendent point rechercher ni inquiéter lA p p ella n t
pour raifon de ladite vente, toujours bien entendu,
li le retrait eft adjugé.
Cette intervention a été dénoncée de la part
des Intimés a YAppellant à la fuite d’une requête
qu’ils ont eux-mêmes préfèntée le même jour 1 3
D écem bre, par laquelle ils ont conclu à ce que
YAppellant fût tenu de leur indiquer précifément
le lieu & la maifon où il faifoit fa réfidence a M ou
lins.
Sentence par défaut du 1 dudit mois de D é
cembre, qui ordonne que YAppellant fera cette
déclaration, & acte fignifié de fa part le 20 dudit
mois , par lequel il y a fatisfait.
En cet état cft intervenue la Sentence définitive
dont eft appel, du 22 Décembre 17 7 3 > rendue
par défaut contre YA ppellant, par laquelle il eft
donné a£te aux Intimés de leurs offres, aux Inter
venants de leurs interventions & confentemcnts ;
en conféquence YAppellant eft condamné à délaiiïeraux Intimés les objets vendus-par le contrat
du 2 Août 1773 y Par f01'me de retrait lignager ,*
a en confentir contrat de revente , finon que la
Sentence vaudrait ledit contrat. Il eft ordonné que
YAppellant affirmera que ledit contrat cil iincere ‘
dans ion prix , qu’il a réellement payé la fomme
�de i l 500 livres, comme auííi que l”état des frais
& loyaux coûts qu’il fera tenu de coniigner au
Greffe eil fincere & véritable ; enfin , du confentement des Intervenants, cette Sentence a déchargé
V A p p citant de toutes les obligations qu il avoit con
trapees par le contrat dudit jour 1 A oût 1 7 7 3 ,
& a commis M e. Perrenin, N otaire, pour rece
voir la confignation des offres qui feroient faites
en cas de refus de recevoir de la part de W4ppellant.
Cette Sentence a été fignifiée au domicile élu
par lA pp ellan t, par exploit daté du Z4 dudit mois
de Décembre , heure aon^e trois-quarts avant
m id i, &c par procès verbal du même jour, heure
d ’onze cinquante minutes, il a été fait à l’AppelIant
au même domicile élu des offres réelles de 1400
¿cus de 6 livres piece , faifants 84.00 livres , de
12.8 louis d'or de Z 4 livres , faifants ( eft-il
dit dans l’a&e d’offres ) 3 0 $ G h\res , quoique
ce nombre de louis ne faiïè réellement que 3072
livres, un écu de 3 livres, une piece de 1 a iols
& 4. fols marqués de chacun 2 fols piece , pour
le prix principal du contrat de rente qui avoit été
payé com ptant, e t l a s o m m e d e 2 5 1 6 livres,
pour les frais & loyaux coûts, cnièmble une ex
pédition de la Sentence dont eít appel.
C es offres n’étant pas fufïifantcs, &c /’Appcllanc
n’étant pas entièrement déchargé de fes obligations,
ion Procureur crut devoir pour lui les reftiier; en
conféquence, par le même procès v erb al, il a été
�donne aifignation à l'A ppellant a comparoir fur
le champ devant le Notaire com m is, pour être préfent a la confignation des fommes offertes.
L ’appel de ladite Sentence du a i Décem bre
avoit été interjette de la part du fieur du Bouys le
même jour de ces offres 24 Décembre avant m idi,
depuis il Ta relevé en la C ou r , & c’eil en cet état
qu’il s’agit de décider fur la validité ou invalidité
de ce retrait.
m
o
y
e
n
s
.
O n a annoncé que le retrait dont il s’agit eft
vicieux en la forme &: au fond ; chacune de ces
deux proportions fera diicutée en particulier; & de
leurs établiffements il en réfultera néceffairement
Tinfirmation de la Sentence qui l’a adjugé aux
Intimés.
N ullité du retrait en la forme.
Toutes les formalités prefcrites par l’Ordonnance & par la coutume du lieu où l’héritage retrayé
ett fitué, doivent être obiervées dans la pouriuite
du retrait, fau te de déchéance, fi une feule de ces
formalités ctoit o m iiè, & quoique dans les autres
matières l’inobfervation de quelque formalité em
porte feulement la nullité de la demande 6c la dé
chéance de l’inftance & non la déchéance du droit
du demandeur, qu’il peut de nouveau pourfuiyrej
�.8
Ire. nullité.
au contraire en matiere de retrait lignager l’inobfervation de quelque formalité emporte non feule
ment la nullité de la dem ande, mais encore la dé
chéance du droit du Demandeur , qui n’eft plus
admis a pourfuivre par une nouvelle demande ,
il n’importe que la formalité omife foit de celles
qui (ont communes pour tous les exploits, & re
quîtes par les Ordonnances , ou qu’elle foit de
celles qui font particulières au retrait lignager &
requifes par les C outum es, foit à l’égard de l’ex
ploit de demande, foit* a l’égard de la fuite de la
procédure de la demande en retrait. ( C ’eft le
fentiment. de tous les Juriibonfultes , '6c l ’uiage
confiant de tous les Tribunaux. )
Si donc , en examinant la procédure tenue pour
parvenir au retrait dont eft queftion, on s’apperçoit de plufieurs omiiïions de formalités requifes
par les Ordonnances générales & particulières au
retrait lignager , il eft évident que les Intimés
doivent être déchus de cette faculté de retrait.
U ne feule irrégularité fuffiroit, & à plus forte
raiion fi l’Appellant établit que la procédure tenue
pour parvenir a ce retrait en contient plufieurs
toutes également de conféquence.
i°. La Sentence dont eft appel, qui adjuge aux
Intimés le retrait dont eft queftion , a été rendue
par défaut, faute de défendre &c de plaider, contre
YAppellant ; mais ce défaut ne pouvoit être jugé
fans que la demande du retrait eût été vérifiée ,
parce que l'article j du titre j de F Ordonnance de
i6 6 y
�9
l 6 6 j porte que les conclufions des Demandeurs
ne feront adjugées qu’ autant que la deniande Je,
trouvera, jitjîe à 'bieii vérijiie ; la dem'ande en re
trait lignager ne'peut être vérifiée qu en prouvant
par le Demandeur ion degré de parenté avec le'
Vendeur', & que les‘ héritages retrayes font pro
pres
viennent de'Teftôc du Retraÿant ; les In
timés"n’ayant ‘dont point iatjsfàit kLcettç prémierê''
& indiipenfable obligation , avânt de ‘fe faire ad
juger le retrait, ‘la Sentece qu’ils .ont.'obtenue , &c
dont eft appel1,/ e ft}nulle dé ple^i d r o it'.
; Les Huiiîiersc|ui ont fait \V A p p d la n t des offres *e. nullité,
par leur procès-’verbal' dü 24. Décembre ,Jn?onf pas
déclaré dans quel Bureau des Finances &: Maîtriie
des Eaux & Forêts ils étoiènt'immatriculés ,J& ce
pendant“ cette omiifion’ emporte ;'la‘ Nullité;, de cet;
à&ë aux tzrmëyde'*Pâracle ' \ t:diï titré % de F O r ? \
donnance ¿/¿W ^y/oiiM left dit \T\que les S u iJfieh
ou Sergents , par leurs exploits, déclareront les
Jurifdïctions 'ou ils font immatriculés, l e ; t o u t '
a p e i n é ‘d e t î u l l Ï t é 1î 'le' retrait fie pouvant ^voir,
lieii fârisoffres, dès que Tài&e cjyi contient celles
qui ont été faites ç& 'n u Y '/d e'n u llité exprejfément
prononcée par V Ordonnance , il s’enfuit ' que la de
mande en retrait dpnt eft cjiteftion doit!ètrc rejettée faiite d’offres valablement faites.
' .* “
Dans* ce même procès verbal, qui contient les je. nullité,
offres des Intim és, i f eft encore une omiflion qui
en aflùre d’autant plus l'irrégularité, c’eft de n’avoir
point déclaré à VAppdlant l’heure ou le moment
B
�auquel \<ts.,Jntiniés etitendoient tfaire la configna-»
tion des. fomm.es qu ’ils .offraient. afin que V A ppeU
7
-a * * ‘ ' J*l 1* A • “ > v ' ‘V
-a
//' '
Lant p u t, s.il JLeut juge.a propos, y etre preient^
cette précaution etoit abfolument. effentielle, elle,
eft exigée en pareil cas par toutes les Coutumes ,,
& .cette omiiïîoÀ^ ajoutée, à d’aptres i/régularités ,
emporte, de plein çdroit la, nullité du* Retrait , parce
qu’en, gareil.ÿas ropt r-eik ftriâ:
de -¡rigueur,
T
j C ette derniere nullité ,de forme cpAtre Je retrait
en queftion ,eft. encore .plus fériçuiè que toutes les
autres, ôc.elle feule Jeft plus,que Tujfiiante.,poûrj
affurer
Appellariv l’exécution de- ipnjjÇontrat ;
elle réfulte
dans y les^oifpesj qui luiont été faites.
r
'
. : -r
' *
En effet ?. dans la co;pie du procès verbal du 24.,
Décembre iiL eft !dit qu on offre à l’Appellant 1x8,
louis d \ o r que L’on fuppofe, monter: à; la.fopynel
de 3 0 9 6 ' livres,, tandis que dans le fait,v&. d’après^
un calcul e x a d , ils montent à 24. livres de moins,>
à ,3 0 7 2 livres feulement; cependant ilvfaUoit offrir
309 6 livres, &.cette infuififaijiçe emporte de droit
îa nullité abfoluç des-, affres qujL^jfuivant toutes ,les[
Coutum es, les 'JJoix particulières- dii R o yau m e,
la Juriiprudence conftante de tous les Tribunaux,
& l’avis-ünanin^e jie tq^is lesj^^teursj 4oiycnpt êtr^
intégrales, car pour peu qu’il ¿nanque dans lescfpeccs pffertes pour faire 1a fom m eiquijdoit être
rembouriée a l A cheteur, les offres font nulles ; &
quoique G rim a u d e tle . feul Jurifcqnfulte qui ait.
penfe qu’on ne devoir pas.déclarer lç$ offres nulles,
�-fi ce qùirmanquoit n’ étoit ,de nulle conildératron,
.comme s’il ne manquoit quluh fo l-, néanmoins Po• thier. nous. attefte que.cette -deciiîon.n’eit pas fure,
qu’iL n e.là regardé pasrlui-même .comme telle,
parce que ,• dit-ilr, \d.ma%imcparümprQ mhilo r€putatur n’a pas lieu en une matière de rigueur telle
qu’eft celle du retrait ;! ¿en tout cas y dans Teipece,
la iomme qui manque pour parfaire les offres n’eft
pas de nulle confidération puifqu’ellé monte à 14.
livres.
A la té r ite il paroîr qu’il -a .été configne 129
-lo u is .d’o r , i l eft vrai^que dans la féconde co
pie qui a 1été. fignifiée à l’Appellant'le x ^ D é c e m • bre, après la'confignation ,'on trouve 129 louis d?or
• au lieu de 1-2,8:> t
*
M ais la premiere copie,de ViAppellant y & qui
• eft celle' des offres réelles a lu'u faites 9 lui tient lieu
'd ’original ; ôc, c e ft cette premiere co^pie-'qui contient afïignation pour être préfent à'îaTconfignâtion;
ainfi dès que les offres énoncées dans cette copie
•étoient infufHfantês, l’Appellant ne pouyant les ac
cep ter à raifon de cette iniuffifance ,* n’étant pas
•obligé de fè trouver à la confignation',’ 'cela entporte de droit la nullité des offres & de la config
nation.
f
D es nullités aufii eiîèntielles , & auxquelles on
pourroit ajouter encore d’autres irrégularités , com
me le défaut:d’expreffion dWd/zr ou après -midi
- dans le procès verbal d’ofïres, la précipitation de
• la confignation, qui ne devoit être faite que 2 4
B 2
�heures après les offres, qui l’a cependant été 5 mi
nutes après : ces nullités , diions-nous , laiilènt fans
doute les Intimés fans efpérançes de’réufïir fur leur
demande en retrait mais ils vont être bien plus
étonnés loriqu’on'aura prouvé que. ce retrait 'eft en
core nul au fond , faute d’avoir procuré a VAp~
pellant une indemnité iuffifante.
) . ■ i. ’ ;
.
. . r . •*
_j
„N u llité du retrait au fo n d . J .
r
C ’eft'un principe confiant & généralement ob■fervé que le Retrayant doit indemnifer PAcquéreur aufïi parfaitement qu’il peut le faire, & q u e
. le retrait ne peut avoir lieu qu^autant que cet Àc*
quereur eft renvoyé indemne , c eft-a-dire , qu’il
eft pleinement déchagé de tous les engagements
i qu’il avoir contrariés envers le V en deur, de ma
niéré qu’il ne ioit expofé à aucune a&ion de fa
• part , quelque bon droit qu’il eut pour y dé
fendre.
Ç ’eft par une fuite de ce principe que la C o u
t u m e du ,J3ourbohnois ,q u i fait loi particulière dans
- nôtre’efpeçe , article 4.70 ; en même temps qu’elle
- permet au Retrayant de profiter des termes que le
Vendeur avoit accordé à l’A cquéreur, l’oblige de
donner bonne fureté au ¡Vendeur ? voici les termes
• de cet article: « En chofeacheptée pour certain
» prix payable à certains-termes , le Rctrayant a
» lefdits termes , en donnant bonne fureté au V en» deurde payer lefdits termes, ÔC il ledit Rctrayant
�» ne le fa it, i l rüejl reçu s’i l ne baille argent ou
» gage à ÜAchepteur ou au Vendeur. »
L ’interprétation que la Jurifprudence a donnée
à cette diîpoiition de la C ou tu m e, fùivant même
les Arrêts de la C o u r , & entr autres celui rendu
le j Janvier I J J 4 , dans la caufe de D u p u y s con~
tre M ou rlon , eit que le Retrayant eft obligé de
donner bonne & iiiiEfante caution, & de la faire
recevoir vis-à-vis du Vendeur.
A la vérité cette formalité pourroit peut-être
iè ilippléer par une décharge valable, que le V e n
deur par complaifance, ou tout autre m otif d’intérêt,
donnereoit à l’A cqu éreu r, en ne réfervant fon
a&ion que. contre le Retrayant Ôt fur la chofe
vendue, parce qu’on pourroit juger alors que cette
indemnité par équipollence décharge parfaitement
l’Acquéreur, i
'
Dans cette hypothefe, fi on pouvoit confidérer UAppellant comme' valablement déchargé par
la requête d’intervention que ies Vendeurs ont
donnée dans l’inftance du retrait , & où ils ont
déclaré qu’ils déchargeroient VAppellant de fes
obligations portées au contrat de ven te, il con
vient qu’il lui ieroit peut-être difficile d’obtenir
une indemnité différente.
Mais il s’en faut bien que les choies ioient dans
ces termes, &: que /’A p p e lla n t trouve une déchar
ge valable dans cette requête d’intervention , celle
qui y cil contenue eft infuffifante de deux maniérés
également convaincantes.
�H
La premiere <Sc la plus ienfible cohfifle en ce
que la décharge de /’Appellant auroit dû être
donnée par un a&e pardevant Noraires, & même
portant minute , dans la crainte qu’il ne vint a per
dre fon expédition ; outre que c’eft la feule façon
d aiïùrer à l’acquéreur une décharge iolide , c ’eft
que dans l’ufage cela fe ,pratique ainfi ;•au lieu de
cela cette décharge ne fe trouve que dans une
requête que le Procureur a donnée, '(ans qu’il paroifle qu’il-y ait été autorifé par une procuration
des vendeurs, ou au moins dont il n’a pas donné
r copie, ce qui eft abfolument égal.
>
'. Et ce qui >eft encore; plus fo r t, & fait pour être
‘bien remarqué , c’eft que cette copie de requête
n’eft non feulement fignée d’aucune des Parties
fur le nom deiquelles elle a été donnée, m ais elle
ne l ’ejl p a s m im e p a r le Procureur co n jlitu é ; c ’eft
- cependant une pareille copie non certifiée de qui
que ce foit qu’on a voulu donner à l A p pellant
comme une valable décharge de ies obligations
contenues dans un a£te authentique configné dans
un dépôt public : on laiife a penfer fi /’A p p ella n t
avoit raifon de refufer une femblable indemnité,
& le cas qu’il en a dû faire ; &c quand cette copie
de requête feroit même fignée des Parties qui y
font dénoncées, cela feroit bien toujours infuffifant,
parce qu’il ne feroit pas jufte qu’un acquéreur, évin
cé par un retrait, fe trouvât un jour expofé à la
nécefïité de faire procéder à une vérification de
fignature.
�I ij
’
•* ' 3^3
Q ue l’on convienne donc que VAppcllant xl’eit
pas vàlablement décharge , non feulement parce • •
ià copie de requête n’elt fignée ni parles Parties
qui.Pont donnee, ni parle Procureur , du miniftere duquel on s’eit fervi, mais encore par ce que
ces’f iignatures., quand elles exiiterôient , n’afliireroient pas valablement la décharge de l’A p pellant,, puiiqu’on pourroit les contetier 6c l’obli
ger a faire procéder a une vérification qui lui fe
rait très-difficile..
D s plus , par la p.erte de cette copie de requête
X A /pdknt c m n 4es plus grands rifques, il ne trou
verait] ià -décharge dans aucun dépôt public , tan
dis que ion obligation de payer le prix de la vente
fubfifteraiX j 6c ^qu’on pourroit l’obliger à l’exé
cuter.' L 2 j , ; .
"Enfin ü pourroit très-bien arriver que le Pro
cureur dç>nt.Qn s’eft fervi, pour dopner cette re
quête d’intervention, fût un- jour defavoué par
ceux au nom deiquels i l a donne cette requête ,
ou. un ’ d’entr’eux ; ejry forte que 1 Àppellant ieroit
aiiili expofé qu’ auparavant aux pourfuites de fes
Vendeurs pour l’exécution de fes engagements.
C e ieroit une mauvaife objection de dire que la
Sentence qui adjuge le retrait prononce la déchar
ge de l’Appellant en donnant a£te aux Vendeurs
de leur intervention , parce que cette difpofition
de la Sentence n’eft qu’une fuite 6c une confè'quence de la requête d’intervention, d’où il fuit que
le Procureur
venant a être defavoue , 1a Sentence
1
*
�à cet égard ne pourroit plus fubfifter, ce qui eft trèsienfible
•
' '
Pour fc réfumer fur le premier p o in t, il fviffit
d’obferver que l’a$e qui oblige lA p p e lla n t envers
fes Vendeurs étant un ade authentique , reçu par
des Officiers publics , & dépofé entre leurs mains
>our y avoir recours en tout tem ps, pour opérer
a décharge de cette obligation, il falloit offrir ar
V A p p d la n t un a£te, au moins revêtu des mêmes for
mes, dès que les I n tim é s , pour former leur deman
de en retrait, s’écartoient des diipofitions de la.
coutume qui les aftraignent a donner une caution.
M ais il eft une fécondé maniéré d’établir le vice
de la décharge qu’on a voulu donner à/5A p p ella n t,
elle confifte en ce que François Preveraud, l’un
des vendeurs n’eft pas en qualité dans la requête
d’intervention, & qù’il y eft feulement représenté
par fa m ere, q u i d'éclaref e porter f o r t p o u r lu i.
O r cela eft irrégulier a tous égards, 6c en effet
il eft une maxime certaine qu’en France il n’y
a que le R oi icul qui ait le privilège de plaider par
Procureur ; en fé c o n d lieu , la mere n’avoit ni pou
voir ni cara&cre pour donner la décharge en ques
tion au nom de fon fils.
A la vérité dans le contrat de vente la mci*e avoit
ftipul c en cette même qualité, 6c YA p p ella n t s’en'
¿toit contenté ; mais la plus le^erc réflexion fuffit
pour fe convaincre qu’il n’eft pas poflible d’argu
menter de l’un à l’autre ; d’ un coté, le fils pouvoit
avoir donné pouvoir à ht mCrc de vendre en fon
nom :
Î
�17
nom ; & de lmitre , ne pas lui en avoir donné un
pour conièntir à la décharge en queftion ; dès-lors
fa délicateife ou fes intérêts le diijpenferont de ré-?
clamer contre la'vente ; mais il n’aura pas la même
déférence pour la décharge ^ d’ailleurs dès que le
contrat de vente a été confcmmé le fils a eu un
droit acquis , parce qu’il dépend de chaque Par
ticulier d’approuver .les engagements qu’un autre
a contra&és pour lu i, & dès que ce droit a été
acquis au profit du fils,. la mere n’a' eu par elle-!
même ni pouvoir ni qualité pour l’en dépouiller:
il eft bien évident qu’un Particulier qui auroit vendu(le bien-d’un^àutre, r,en vertu de fa procura
tio n , ne pourroit pas}enfuite donner quittance du
prix--de la vente fans un pouvoir exprès, ni par
conféquent changer de débiteur en donnant une
décharge à l’acquéreur, ; il eft bien évident auiïi
que cet acquéreur avec une pareille décharge ne
ieroit "pas a l’abri de l’aâion que pourroit lui in
tenter ion vendeur , & qu’il ne lui refteroit pour
rçilourcej que fa garantie contre celui qui auroit
eu la témérité de lui confentir. cette décharge.
A plus forte raiion doit-on, porter le même
jugement à celui qui a vendu fans procuration ,
& comme f e portant f o r t , puiique ion miniftere eft
coniommé au moment de la vente , & que le
droit eft acquis à celui pour lequel i l s eft porté
fortm
\ C e feroit en vain que les Intimés obje&eroient
c
�q u e, füivant le contrat de vente dont eft quefc
tion , le reftant du prix de la vente doit être payé
entre les 'mains de Gilbert-JofepU Preveraud ,
un des Vendeurs ; cette clàufe ne le conilitué pas
propriétaire de; tout lè prix /mais ieulëméiit man
dataire des autres Vendeurs ; & comme le Pro
cureur conÎVitué ne peut jamais excéder les bor
nes de ibiï' p’tmvoir j il eft évident que quoique
•Gilbért- JofepJrPreVeraud' eut pu’Teul fournir une
quittante valable a Y Appellant il n’a pas^èule
pouvoir de fublfituer - un débiteur à un autre ,
parce que, ce pouvoir n’étoit ipas ' compris dans
ià ''procuration , : 6c quVn'cette''eipece il n’e ftp a s
permis d’argumenter d un- cas à; l ’autre. ,
A in fp, pour fe réfumer "en deux mots y Jil cil
prouvé, i*. qu’il y a plufieurs nullités d’O rdonnance dans l ’inilnidion de la demande en retrâié
dont il s’agit, qui confident principalement dans
le défaut de vérification dé là d e m a n d e a v a n t
de l’adjuger par une Sentenèe par défaut ; l’omif*
iion de la matricule, des Huiificrs dans leur pro
cès* verbal xfoffrfcs’ réelles'
&c le défaut dé
mention ! dè- ‘Fhéuré
dil jour auquel la con,-.
fignation dcs .lbmmés ''offertes r devoit être faite.
i° . Q u ’il'y a infufiifancc dans les offres faites
h l’Appellant h puifqu’au lieu de lui offrir 3096
livres., on ne lu iT.a offert que 3072 livres ; ce
qui emporte de plein droit la.nullité du. retrait.Et 30. enfin que PAppellant îfcft ni valablement
�19
ni régulièrement déchargé envers fes Vendeurs
des obligations par lui contrariées ; jamais par
confequent il n’y eut de moyens plus puiffants
pour faire profcrire une demande en retrait.
M e. B U S C H E ,
A
Procureur.
C L E R M O N T - F E R R A N D ,
D e l’im prim erie de P I E R R E V I A L L A N E S , Im prim eur des D om aines
du R o i , R ue S. G enêès près l’ancien M arché au B led. 1 7 7 4
�
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Factums Godemel
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bouys, Claude du. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Busche
Subject
The topic of the resource
retrait lignager
monnaies
coutume du Bourbonnais
cautions
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Claude du Bouys, Avocat en Parlement, Conseiller du Roi, Receveur Général des consignations du Bourbonnais, à Moulins, Appellants de Sentence de la Sénéchaussée de Moulins. Contre dame Guillelmine Préveraud de Laubépierre, épouse et procédante sous l'autorité de Messire Louis-François Puy de Mezieux, Ecuyer, son mari, et ledit sieur Puy de Mezieux, audit nom, Intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1773-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0314
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0315
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52922/BCU_Factums_G0314.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ygrande (03320)
Theneuille (03282)
Moulins (03190)
Plaix (Seigneurie du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cautions
coutume du Bourbonnais
monnaies
retrait lignager
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53887/BCU_Factums_M0627.pdf
2450719abb36e093b7e31dbe15e916e5
PDF Text
Text
D EU X I EME
CONSULTATION
COUR
D ’A P P E L
DE RIOM.
POUR
*
.
:
Le sieur B E L L A V O I N E , appelant ;
l re. CHAMBRK.
C O N T R E
Le sieur R O C H E F O R T - D ’ A I L L Y , intimé.
. !
L e
C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a lu et e xam in é,
1 °. L a requête par lui présentée au ci-devant conseil du r o i ,
en l’année 1780, au nom des hab itan s, corps et com m unauté
de la collecte de la Font-Saint-M agerand , dépendante de la
paroisse de Brou t , généralité de M oulins, poursuites et dili
gences du sieur Claude Bellavoine, alors syndic de ladite com
m unauté ; ladite requête tendante à ce qu’i l fû t permis auxdits
habitans de diviser et partager entre e u x , au prorata de leurs
propriétés particulières, deux cantons d e com m unaux dépendans
de leur territoire et c o ll e c t e l’un appelé le B o is -D ieu ou le s
B rosses, et l’autre le bois de Servo iron , à l’éffet par eux de
pouvoir défricher lesdits terrains chacun pour la portion qui
l e u r e n avoit été assignée
3o
2 . L e s d élib éra tio n s de l ad ite c o m m u n a u té ! en d a te des 20,'
mai e t 1 e r a o u t 1 7 7 9 j o i n t e s à l a d i t e r e q u ê t e
‘
5°. L e s p ro cè s v e r b a u x d u lie u te n a n t d e la m aîtrise d e M o n tm arault,endate l'undes 20septembre 1780et jours suivants
e t l 'a u t r e d e s 2 m ars 1 7 8 1 e t jo u rs su iv a n s , dressée e n v e r tu
A
�( O
du renvoi fait par. le conseil à M. le grand-maitre des eaux et
forêts du département du Bourbonnais , et de la commission
dudit grand-m aitre, à l’effet de constater l’état de ces b o is , et
les droits et prétentions tant desdits habitans que du seigneur
de la Font-Saint-M agerand , dans lesquels procès verbaux sont
insérés les dires respectifs des p a rties, et leurs réquisitions ;
4°. La consultation délibérée par le soussigné et par M e. Robin,
le 26 décem bre 1782, sur la prétention de propriété desdits
b o is , élevée par le sieur M a ré ch a l, alors seigneur de la F o n t,
dans le cours desdits procès verb au x;
5°. Les titres respectivem ent invoqués lors de ladite contes
tation , et mentionnés auxdites requête et con sultation , et no
tam m ent les copies ou extraits d’aveu x, terriers et autres titres
de la terre de la F ont-Saint-M agerand, des 2 novem bre 1 4 1 1 ,
2,4 juillet 1674» 8 juillet 1621 , et autres ;
6°. E t enfin le m ém oire imprimé pour M. de R ocliefortd ’A illy , héritier et représentant de l’ancien seigneur, sur la co n
testation actuellem en t pendante en la Cour d’appel de R io m ,
et ce lu i imprimé pour le sieur. Pellavoine :
Consulté sur la question de savoir si M. de Rocliefort-d’A illy
est,fondé à réclarçier., com m e il le fa it, contre les habitans de
B roût, la. propriété, exclusive des bois dont il s’agit , ou si la
com m unauté çst bien fondée à se défendi'e de cette a c tio n , et
à, soutenir au contraire la propriété à laquelle elle croit avoir
dxçif-.sur ces, jnémes, ,bois , com m e étant t^es' com m unaux qui
lui appartiennent, tant par leur*¡nature que d’après ses titres eç
frOfi ancienne possession f, u r f
r
E
s t im e
• ; :;f HU' ' [•'[');;•' :
; :
S- ;
que la prétention de M. de R o c h e fo rt, comme héri-»
tipr. .de, M-,
fondée ;
la com m une est
légalem ent e n ^ r o ^ i ^ d é f e n d r e , et,qu,e la propriété, çte
ladite c o m m u e , est é ta b lis sa n t su r les lois anciennes ,et nou
velle^ qui régissant,}çette m atière, que sur la jurisprudence bien
constante / et& ur l’application qui d o it se faire de« nues, et des
�C 3 )
autres aux titres que les habitans in vo q u en t, e t à ceu x m êm e
que l'ancien seigneur avoit produits.
Pour m ettre cette vérité dans le plus grand jo u r, on croit
devoir exposer d ’abord les principes qui résultent tant de l’an
cienne législation sur la propriété des biens com m unaux , que
\ des lois nouvellem ent portées sur cette m atière depuis la
ré vo lu tio n , et notam m ent de celles des 28 août 1792, et 10
juin 1795.'
Il sera facile ensuite d’en faire l'application à l’espèce a c
tu e lle , et de se convaincre qu’elles se réunissent toutes en fa
veur des habitans de B r o û t, contre la prétention de M. de
Rochefort.
§.
1« .
Principes de l’ancienne législation sur la p?'opriété des
biens coTtiTnimaux.
T ous les auteurs qui ont traité de cette espèce de biens ,
nous apprennent que leur origine remonte au partage des terres
après la conquête des Gaules par les Francs.
Q uand Clovis et ses successeurs s’en furent rendus m aîtres,
on fixa le domaine r o y a l, et on distribua les autres parties
aux p rin ces, aux hauts seigneurs et grands capitaines , pour
leur form er des établissem ens, et les récom penser des travaux
de la guerre.
Ces distributions se firent à la charge du service m ilitaire ;
ce qui forma dès-lors les grands fiefs, c ’est-à-d ire, les grandes
et les petites provinces : ces concessions, qui n ’étoient d’abord
qu'à v i e , devinrent héréditaires vers le neuvièm e siècle.
Les p rin ces, seigneurs et capitaines ne pouvant cultiver ces
grandes possessions, les redistribuèrent, à l’imitation de lenrà
souverains, à leurs capitaines, hommes d’armes et soldats, qui
form èrent de ces possessions particulières des habitations, en y
bâtissant des châteaux et des manoirs. Chacun d’eu x s’efforça dô
A 2
�(4 )
peupler son canton; et pour ce t e ffe t, à l’envi l’un de l’autre,
ils attirèrent autant qu’ils .piirent des h a b i t a n s , non-seulem ent
pour la culture des terres, mais encore p o u r l ’établissement des
arts et m étiers, et du com m erce.
Mais com m e il ne süffisoit pas de donner à ces habitans un
simple terrain à cu ltiver, et qu’il leur falloit des pâturages pour
la nourriture de leurs bestiaux , et outre cela des bois pour
bâtir et se c h a u ffe r , les nouveaux seigneurs donnèrent à ces
habitans des terrains incultes pour le pâturage de leurs bestiau x,
et des cantons de bois pour y prendre des matériaux de cons
tru ctio n , et y trouver leur chauffage et différentes autres choses
nécessaires à la vie. Ces terrains cédés par les seigneurs for
m èrent dès-lors les biens com m un aux, connus depuis leur ori
gine sous le nom de com m unes et com m unaux.
L a plupart des concessions furent faites sous des conditions
très-dures, très-onéreuses; les concessionnaires furent assujétis
à des c o rv é e s, à des tra va u x, à la banalité de four et de m ou
lin , etc.
L es titres de ces concessions originaires ne se trouvent plus
dans les archives d’aucune com m une ; mais il n’est pas moins
certain que la propriété des biens concédés appartient à la
com m unauté des habitans , et que le seigneur n’y pouvoit rien
prétendre de plus que les autres habitans.
F rém in ville, dans son T raité du gouvernem ent des biens et
affaires des com m unautés, page 2 8 , s’exprim e ainsi : « Dans
« le fait il n’y a aucuns auteurs, surtout les plus respectables,
te qui ne s accordent unanimement sur la propriété des com « inunes et com m unaux, en faveur des communautés et habi
te tans. Legrand, sur la coutum e de T r o y e s , art. 168, chap. 3 ,
« n°. 1 , dit que tous les usages et pâturages appartiennent
« régulièrem ent à la com m unauté des habitans du lieu et tercc ritoire où ils sont assis, lesquels sont estimés être entre leurs
«t domaines et propriétés, et que les seigneurs des lie u x, quoi« que fondés en justice et territoire, ne peuvent prétendre qu’ils
« leur appartiennent. »
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C 5 )
'
Basmaison , sur l’art. 5 du titre 28 de la coutum e d’A uvergn e,
d it: « Q u a n t aux hernies, com m unaux, terres vacantes, bruyères
« et buissons, les seigneurs justiciers prétendent leur appartenir,
« à cause de leur justice ; mais la co u tu m e, conforme au droit
« co m m u n , les attribue à l’universalité des habitans résidans en
« m êm e ju s tic e , sans que le seigneur ait aucun avantage ni
« préférence à ses sujets , que d’en prendre com m e l’un d’eux. »
B on iface, dans le tome 4 d’un R ecu eil d’arrêts du ci-devant
parlement de P ro ven ce, en rapporte un du 22 août 1672, rendu
par le parlement de D ijon , en une cause évoquée du parlem ent
de Provence , dans laquelle le seigneur ayant prétendu qu’il
a vo it, de d ro it, la propriété des terres gastes, il fut répondu
que cc bien loin que le seigneur fût fondé sur le droit de pro« priété des terres gastes, par l’opinion des docteurs qu’il allé« g u o it, au contraire, suivant le sentim ent des mêmes d o cteu rs,
« c ’étoit la communauté qui étoit fondée dans la présomption
cc du droit d’en avoir la propriété et le domaine utile ; car
cc D u m o u lin , sur la coutum e de P aris, titre des fiefs, §. 68 ,
cc n. 6 , page 12 9 3 , tient que les biens incultes et stériles n’apcc partiennent point aux seigneurs de fiefs et ju rid ictio n , mais
cc aux propriétaires des territoires : H ujusm odi sterilia et incidta
« non speelant a d dom inum ju r isd ictio n is, sed a d dom inum
cc terrîtorii; et ainsi aux habitans qui ont le domaine utile.
cc E t avant D u m o u lin , Antibolus , bien inform é des usages
cc de Provence , dit en son traité D e muneribus e t honoribus,
cc §. 4 , sur la f i n , n. 194, que suivant la coutum e générale de
cc la p ro vin ce, les habitans sont les maîtres et les propriétaires
« des pâturages du terroir, et non les seigneurs juridictionnels.
« Autant en dit le com m entateur de M a th e u s , de a ffectis,
cc sur la décision 289, n. 1 2 , qui se fonde sur le sentiment de
cc C ra v e tta , en son conseil 164, qui est exprès et formel ; car il
cc décide résolutivem ent que les biens incultes sont en propriété
cc aux habitans, non aux seigneurs des lieux : Terrœ herbidco
cc e t incuUœ queü à nem incre p eriuiilur occupai ce, picvsumuntur
�( 6 .) .
.
« esse universitatis in cujus territorio sitcc sunC; et il cite Paul
cc de C astres, en son conseil 376. »
L es conventions originaires entre les seigneurs et les habitans,
qui constatoient cette propriété en faveur de la c o m m u n e ,
furent long-tem ps e x écu té e s, parce que les titres existaient j
mais lorsque le temps les eut d étru its, les seigneurs , abusant
de leur autorité , p ro fitèren t, dans les quinzièm e et seizièm e
siècles , des troubles du royaum e pour s’emparer de la propriété
de tout ou de partie des biens com m unaux. Leurs usurpations
continuèrent à un tel point, que sous Henri III le tiers-état en
porta ses plaintes au m onarque, qui assembla les états généraux
à B lois, où il fut rendu une ordonnance c é lè b re , par l’art. 2.84
de laquelle il fut enjoint aux procureurs du roi de faire inform er
diligem m ent et secrètem ent contre tous ceu x q u i, de leur propre
au to rité , avoient ôté et soustrait les lettres , titres et autres ren"sêignemens de leurs su je ts, pour s’accom m oder des com m unes
"dont ils jouissoient auparavant, ou , sous prétexte d’a c c o rd , les
"avoient forcés de se soum ettre à l’avis de telle personne que
bon leur avoit se m b lé , et d’en faire poursuite d ilig en te, décla
rant dès à présent telles soum issions, com prom is, transactions
ou sentences arbitrales ainsi fa ite s , de nul effet.
Les dispositions de cette loi prouvent, i°. que plusieurs sei
gneurs , pour parvenir à usurper la propriété des co m m u n es,
avoient soustrait les titres et autres renseignem ens qui prouvoient que cette propriété appartenoit aux habitans ; 20. qu’ils
avoient ensuite fo rcé les m ôm es habitans de se soum ettre à
l’avis de personnes à eux d évo u ées, et de faire ainsi des tran
sactions , ou de laisser rendre des sentences arbitrales, au m oyen
desquelles les vassaux se trouvoient dépouillés de leurs biens
com m unaux.
M algré cette lo i, les usurpations continuèrent ; car Lou is X I I I ,
en son ordonnance de 1629, art. 206, fut obligé de les réprimer
e n c o re , en réitérant les défenses portées par celle de Blois. Cet
article ao6
est conçu en ces termes :
�(7 )
« Nous voulons que lesdites défenses aient lieu pour les sei« gneurs et gentilshommes qui usent de semblables exactions
« sur leurs hôtes et tenanciers , leur défendant pareillem ent
« d ’usurper les com munes des v illa g e s, et de les appliquer à
« leur profit, ni les ven d re, engager ou bailler à e u x , sous les
« peines portées par les ordonnances ; et si aucunes ont été
« usurpées , seront incontinent restituées : à quoi faire nous
« enjoignons à nos baillis , sénéchaux, subtituts des procureurs
« généraux des lie u x , de tenir la main et faire toutes diligences
« pour ce requises et nécessaires. :»
C ette ordonnance fu t fa ite, ainsi que celle de Blois, sur les
plaintes et doléances faites au roi par les députés des états du
ro y a u m e , convoqués et assemblés dans la ville de Paris , e»
Tannée 1614 > e t sur les avis donnés à sa majesté par les assem
blées des notables, tenues à Rouen en l’année 1 6 1 7 , et à Paris
eu 1626.
Elle fut publiée et enregistrée au parlement de P aris, le roi
y séant, le i 5 janvier 162g.
Il est vrai que plusieurs parlemens ne l’enregistrèrent point ;
mais ses dispositions étant conform es à celle de B lo is, relative
^
--------
ment à l’objet que nous exam inons, elle n’en a pas moins d’au
torité, et fournit une nouvelle preuve que les seigneurs avoient
continué leurs usurpations sur les biens com m unaux appartenans
aux habitans.
Outre les moyens d’usurpation que beaucoup de seigneurs
avoient em ployés pour s’emparer des biens com m unaux sans
rien p a yer, un grand nom bre, abusant de la détresse des com
m unautés, avoient acheté à vil prix des biens com m unaux.
P our anéantir ces aliénations, Louis X I V donna un é d it, au
mois d’avril 1667, dont voici le préambule :
« Entre les désordres causés par la licen ce de la gu erre, la
« dissipation des biens des communes a paru des plus grandes ;
« elle a été d’autant plus générale» que les seigneurs, les offi
ce ciers et les personnes puissantes, se sont aisément prévalus
jj
'
'—
—
/
^
�(8)
« de la foiblesse des plus nécessiteux. Les intérêts des com m u
te nautés sont ordinairem ent des plus mal sou ten u s, et rien n’est
« davantage exposé que ces biens dont chacun s’estime le maître.
« En e ffe t, quoique les usages et com m unes appartiennent au
« au public , à un titre qui n’est ni moins favo rab le, ni moins
cc privilégié que celles des autres com m unautés qui se main« tiennent dans leurs biens par l’incapacité de les a lié n e r, sinon
« en des cas singuliers et extraordinaires, néanmoins on a par
ce tagé ces com m unes ; chacun s’en est accom m odé suivant sa
« bienséance. »
O n voit que ce préambule p ro u ve, i°. que les usages et com
munes appartiennent au p u b lic, c ’est-à-dire, à la com m unauté
des habitans ; ce qui consacre la vérité des principes que nous
avons établis ci-devant sur la propriété des habitans ;
2°. Q ue les com m unautés étoient dans l’incapacité d ’aliéner
leurs biens co m m u n au x, sinon en des cas singuliers et extraor
dinaires ;
3°. Q ue néanmoins les seigneurs et les personnes puissantes
avoient abusé de la foiblesse ou de la détresse des com m unautés,
pour se faire vendre tout ou partie de ces biens.
Pour remédier à ces m a u x, par l’art. i er. de ce t é d it, il flit
ordonné que dans un mois à com pter du jour de sa publication,
les habitans des paroisses et com m unautés, dans toute l’étendue
du ro y a u m e , rentreroient, sans aucune form alité de justice ,
dans les fonds , p ré s, pâturages , bois , terres , usages , com
munes et com m unaux1, droits et autres biens communs , par
eux vendus ou baillés à baux à cens ou em phytéotiques, depuis
l’année 1620, pour quelque cau se'et occasion que ce pût ê tre,
m êm e à titre d’échange, en rendant tou tefois, en cas d’échange,
les objets échangés.
Par ce m êm e éd it, Louis X I V voulut rem édier encore à des
usurpations qui avoiént une1apparence de fondement.
Vers le m ilieu du seizièm é s iè c le , beaucoup de séigneurs de
fiefs avoient formé devant lés tribunaux des demandés pour se
faire
�C9 )
faire adjuger exclusivem ent la propriété d’une portion des biens
com m unaux ; les uns en avoient obtenu le tiers , d’autres la
m oitié, d’autres les deux tiers. Il avoit été rendu une grande
m ultitude d ’arrêts à ce t égard. O n trouve lestro is premiers dans
le R ecueil d’arréts de Papon; les autres sont cités dans la Con
férence de l’ordonnance des eaux et forêts. L ’édit d’avril 1G67
renferm e sur cet objet la disposition suivante, article 7 :
« E t seront tenus les seigneurs prétendant droit de tiers dans
« les usages, com m unes ou com m unaux des com m unautés , ou
« qui auront fait le triage
leur p ro fit, depuis l’année i 63o ,
ci d’en abandonner et délaisser la libre et entière possession au
« profit desdites com m unautés, nonobstant tous contrats, tran« saction s, a rrêts, jugem ens et autres choses au contraire. »
Art. 8. « Et au regard des seigneurs qui se trouveront en pos
te session desdits usages auparavant lesdites trente années, sous
« prétexte dudit tiers , ils seront tenus de représenter le titrr»
te de leur possession par-devant les commissaires à ce députés,
« p o u r , en connoissance de c a u s e , y être pourvu. »
On voit que par l’article 7 tous les triages faits au profit des
seigneurs, depuis l’année i 63o , furent anéantis, et que pour
les triages antérieurs , dont les seigneurs se prétendoient en
possession avant trente ans , ils furent assujétis à représenter
le titre de leur possession devant des com m issaires, pour y être
p o u rvu .
Pour assurer enfin aux com m unautés la pleine et entière pos
session des biens com m unaux, le m êm e édit prononça de la
manière su ivan te, par les articles 10 et 11.
«
rt
et
cc
«
Art. 10. « Et au m oyen de ce que dessus, faisons très-expresses
inhibitions et défenses à toutes personnes, de quelques qua
lités et conditions qu’elles soient, de troubler ni inquiéter les
habitans desdites communautés dans la pleine et entière possession des biens com m unaux. 5)
Art. i l . tc Et auxdits habitans, de ne plus aliéner les usages
de leurs com m unes, sous quelque cause et prétexte que ce
B
�cf puisse ê tre , nonobstant toutes permissions qu’ils pourraient
cc obtenir à cet e ffe t, à p ein e, contre les consuls , échevins et
cc procureurs syn d ics, et autres personnes chargées des affaires
« desdites c o m m u n a u t é s , qui auront passé les contrats ou assisté
« aux délibérations qui auront été tenues à ce t e ffe t, de trois
« mille livres d’am ende, de nullité des contrats, et de perte du
« prix contre les acquéreurs. »
T e l étoit l’état de la législation fra n ça ise, relativem ent à la
propriété des biens com m unaux, et aux droits de triage que les
seigneurs avoient p réten d us, lorsque l’ordonnance sur les eaux
et forets, du mois d ’août 1669, fut rendue.
L e titre 26 de cette ordonnance a pour titre : D es b o is, prés,
m arais, la ndes, p â tis, p êch eries, et autres biens appartetians
a u x com m unautés et habitait s des paroisses.
Les art. 4, 5 et 19 de ce titre concernent le tiers qui pourroit,
dans certains c a s , être distrait et séparé au profit des seigneurs.
V o ici les termes de ces articles :
Art. 4. « Si néanmoins les bois étoient de la concession gracc tuite des seigneurs, sans charge d’aucuns ce n s, redevances,
« prestations ou servitu d es, le tiers en pourra être distrait et
« séparé à leur p ro fit, en cas qu’ils le demandent , et que les
c< deux autres suffisent pour l’usage de la paroisse , sinon le
u partage n ’aura lieu ; mais les seigneurs et les habitans jouiront
cc en commun , com m e auparavant ; ce qui sera pareillem ent
cc observé pour les p ré s, m arais, lies, pâtis, land es, bruyères
cc et grasses pâtures, où les seigneurs 11’auront autre droit que
cc l’ usage, et d’envoyer leurs bestiaux en pâtu re, com m e prècc miers habitans, sans part ni tria g e , s’ils ne sont de leur concc cession, sans prestations, redevances ou servitudes. «
Art. 5. « La concession ne pourra être réputée gratuite de la
cc part des seigneurs, si les habitans justifient du contraire par
ce l ’a c q u i s i t i o n qu ils en ont faite, et s ils ne sont tenus d’aucune
cc charge ; mais s’ils en faisoient ou payoient quelque recon« noissance en a r g e n t, corvées ou autrem en t, la concession
�( n )
passera pour onéreuse , quoique les habitans n’en m ontrent
pas le titre, et em pêchera toute distraction au profit des seigneurs, qui jouiront seulement de leurs usages et chauffages,
ainsi qu’il est accoutum é. »
Art. 19. ce Tous partages entre les seigneurs et les com m u
te nautés seront faits par les grands-maîtres, en connoissance de
« cau se, sur les titres représentés par avis et rapport d’experts,
cc et se payeront les frais par les seigneurs et par les habitans,
« à proportion du droit qu’ils auront dans la chose partagée. »
O n voit qu’il résulte des dispositions des articles 4» 5 et 19,
que pour obtenir la distraction du tiers des biens com m unaux,
il fa llo it,
.
i°. Q ue le seigneur demandât cette distraction ;
20. Q u ’il fût prouvé que ces biens étoient de la concession
gratuite des seigneurs , sans aucune charge d’aucun cens , re
d evan ces, prestations ou servitud es;
5°. Q ue l;i concession devoir passer pour onéreuse , si les
habitans faisoient 011 payoient quelque reconnoissance en argent,
corvée ou autrem ent, quoiqu’ils ne représentassent pas le titre
«
«
«
ce
de cette concession ;
4°. Q u ’il falloit en outre qu’il fût constant que les deux
autres tiers desdits^ biens com m unaux fussent suffisans pour
l’usage de la paroisse ;
5°. E n fin , que le partage fû t fait par les grands-m altres, et
en connoissance de cause , sur les titres représentés par ayis
et rapport d’experts.
Ces partages 11e pouvoient jamais être faits à l’amiable. V o ici
à cet égard ce que dit D enisart, n er lo com m unauté d ’habitans,
n. 10 :
c< L ’usage ne perm et pas de faire partager les communes
te entre les habitans et le seig n eu r, par des actes volontaires,
ce On présume que l’autorité du seigneur serviroit à lui faire
cc donner plus qu il ne doit lui revenir. Il faut donc que ces
« partages soient faits judiciairem ent, qu’il y ait une demande,
B 2
✓
�( 12 )
«
«
«
«
«
«
«
«
te
«
«
que les habitans soient ouïs , que le m inistère public ait eu
com m unication de la procédure , et donné ses con clu sion s,
qu’il y ait un arpentage et un plan ordonné , préalablem ent
faits. C e n’est qu’après ces précautions, et les autres instructions ( que ^l’avantage public peut suggérer aux gens du roi
et aux ju g e s), qu’on peut ordonner de semblables partages;
et uft a r r ê t du conseil d’état, du 20 août 17371 rendu entre
les seigneurs et les habitans de V ernot , en B ourgogne, a
cassé et annullé le partage qu’ils avoient fait à l’am iable, par
le ministère de l’arpenteur de la maîtrise de D ijo n , sans avoir
observé ces fo rm alités..»
Un principe aussi certain que ceu x que nous venons d ’établir,
est que le seigneur ne pouvoit jamais prescrire aucune partie
des biens com m unaux.
Frém inville , dans le Traité précité du gouvernem ent des
biens des communautés d’habitans, traite la question de savoir
si le seigneur , ou quelqu’un des habitans , ou m êm e des
étrangers qui auroient usurpé et se seroient emparés de partie
des biens co m m u n au x, ont pu les prescrire ; et voici com m ent
il s’exprim e relativem ent aux seigneurs :
cc Q uant au seigneur h au t-ju sticier, qui jouit de partie des
« com m unes, il ne peut jamais les prescrire contre une coin«. munauté d’habitans dont il est le c h e f et le premier de tous,
« y ayant une association intim e entre eux. C ’est une des plus
« grandes raisons que l’on puisse o b je c te r, mais elle n’est pas
cc la seule ; une seconde est qu’il est le protecteur et le tuteur
« né de tous ses habitans et sujets , et en cette qualité il ne
cc peut jamais prescrire aucune possession ni chose qui apparcc tiennent à la communauté de ses habitans : c ’est ce qui est
« décidé par nombre d’arrêts qui ont jugé que le roi ne peut
« jamais prescrire contre les ecclésiastiques, pnree qu’il est
cc est leur protecteur né ; ce qui est égal en même q u a lité , au
« seigneur, vis-à-vis de ses habitans.
« La troisièm e se tiro de la bonne foi, qui seule em pêche la
�( i3 )
prescription des choses qui sont à notre corinoissance, qui ne
nous appartiennent p a s, en ce q\ie le seigneur ne peut s’em
pêcher de rapporter et de com m uniquer à ses habitans ses
terriers qui établissent sa directe noble ou rotu rière, c e .q u i
lui est dù en fiefs ou en cens sur les héritages qui environnent,
touchent et servent de lim ites et de confins à ces places, co m
munes et com m unaux; et au m oyen de cette com m unication,
qui ne peut être refusée par le seigneur, parce que les terriers
des seigneurs sont titres com m uns entre le seigneur et les
censitaires, il sera aisé de voir au clair s’il y a de l’usurpation,
et la quantité et contenue de ce qui a été distrait et séparé
de ces places com m unes.
« O r , si le seigneur ne peut pas p rescrire, parce qu’il est
réputé premier habitant, par conséquent associé, il le peut
encore moins avec ses titres et terriers, puisque personne ne
peut prescrire contre son propre titre , lequel confinant les
places communes , il ne peut pas ignorer qu’elles ne lui ap
partiennent p as, et qu’il n’en a que la jouissance pour ses bes
tiaux. , conjointem ent avec ceux de tous les autres habitans
de la com m unauté............ E n un mot , il faut regarder une
com m unauté d’habitans com m e mineure , en elle-même insé
parable de minoi'ité , parce qu’il n’y en a aucune dans laquelle
il n ’y ait toujours des enfans mineurs depuis le berceau jusqu’à
vingt-cinq ans; en sorte qu’il est du tout impossible de pres
crire contre une com m unauté d’habitans. Ainsi ces sortes
d’héritages sont, de m êm e que la nature des ch em in s, sen
tiers et voies publiques, pour les secours, besoins de la société,
et le bien du co m m erce, lesquels, grands ou p etits, sont et
appartiennent à l’état et au public , et ne peuvent recevoir
d’altération par la prescription.
cc L on ne prescrit point contre la pblice générale, l’utilité et
la sûre te publiques : c ’est le sentiment de Diinod , dans son
Traité des prescriptions, chap. 12 , e t celui de D om at, en ses
Lois c iv ile s , üv. 8 , de la possession et prescription, titre 7 ,
sect.
5,
n. ». 33
�C 14 )
C ’est conform ém ent à ces principes de notre ancienne légis
lation , que par l’article 8 de la loi du 28 août 1792 , il a été
dit que « les com m unes qui justifieroient avoir anciennem ent
« possédé des biens ou droits d’usage quelcon q u es, dont elles
« auroient été dépouillées en totalité ou en partie par des ci« devant seigneurs, pourroient se faire réintégrer dans la procc priété et possession desdils biens ou droits d ’usage, nonobs« tant tous les é d its, déclarations , arrêts du con seil, lettres
cc patentes, jugem ens, transactions et possessions contraires, à
cc moins que les ci-devant seigneurs ne représentent un acte
« authentique qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté lesdits
ce biens. »
Mais si les seigneurs ne pouvoient jamais prescrire, par la
possession, une partie des biens com m unaux, il étoit également
certain que ni les habitans, ni les seigneurs, u’en pouvoient
changer la nature en les d éfrichant, et que par conséquent les
défrichem ens ne pouvoient couvrir et valider les usurpations.
Les principes sont encore incontestables â cet égard.
Ilenaudon, dans son D ictionnaire des fiefs, -verbo terres gastes,
s’exprim e ainsi :
cc La jurisprudence du parlement de Provence est que les
te herbages des terres gastes appartiennent aux habitans, et qu’il
ce n’est point permis au seigneur de défricher ou de vendre la
ce terre gaste. ?■
>
, F rém in ville, dans le T raité précité , s’exprim e de la manière
suivante :
et Les communes et com m unaux sont et appartiennent de
ce droit au public , et les habitans propriétaires qui ont droit
cc d’en jo u ir, doivent les conserver dans leur intégrité; ils n’ont
te pas m êm e la liberté d’en changer la su rfa ce , et de les mettre
ce eu autre culture que celle où leur destination les a fixés. «
Ces principes sont consacrés par un arrêt du conseil , du
29 mars 173 5, par lequel il fut fait défenses à toutes sortes de
personnes , sans distinction de qualité , propriétaires de sei-
�( iS )
gneurie, de d éfrich er, ni de faire défricher, ni de souffrir qu’il
fût défriché aucuns bois ni pâtis com m unaux, appartenans aux
habitans desdites seigneuries, à peine de mille livres d ’amende.
D e la série des principes de l’ancienne législation, que nous
venons d’établir, il résulte donc qu’il étoit certain en droit,
i°. Q ue la propriété des biens originairement destinés au
pâturage , aux chauffage e t constructions des habitans , leur
appartenoit ;
r
2°. Que les habitans ne pouvoient les vendre ;
3 °. Q ue les seigneurs ne pouvoient en demander le partage
que dans les cas fixés par la l o i , à certaines conditions , en
remplissant les formalités prescrites, et que ce partage n’a jamais
pu être valablement fait par des transactions ;
4°. Q ue les seigneurs ne pouvoient prescrire par aucun temps
aucune partie de ces biens com m unaux;
5". E n iln , que ni les habitans ni les seigneurs n’en pouvoient
changer la nature, ni les défricher, ni par conséquent acquérir
des droits par les défricliemens.
T els sont , sur cette matière , les principes de l’ancienne
législation.
Voyons actuellem ent ce qui a été statué par les lois nouvelles.
§.
P n n c / p e s de la n o u v e lle
I I.
lé g is la tio n
su t '
la m ê m e
m atière.
Les vrais principes découlent aujourd’hui des lois des 28 août
1792, et 10 juin 1795.
L ’article 8 de la loi du 28 août 1792 porte :
« Les com m unes qui justifieront avoir anciennem ent pos« sédé des biens ou droits d’u sage. quelconques , dont elles
« auront été dépouillées en totalité ou en partie.par des cicc devant seigneurs, pourront se faire réintégrer dans la propriété
�(
t<
«
«
«
«
1
6
}.
et possession desdits biens et droits d’ usage, nonobstant tous
édits, déclarations, arrêts du co n seil, lettres patentes, jugem ens, transactions et possessions contraries, à moins que les
ci-devant seigneurs ne représentent un acte authentique qui
constate qu’ils ont légitim em ent acheté lesdits biens. »
L ’article 9 porte :
« Les terres vaines et v a g u e s, ou gastes , landes , bois ou
« va c a n s, dont les communautés ne pourroient pas justifier avoif
« été anciennem ent en possession, sont censée^ leur appartenir,
<c et leur seront adjugées par leç tribunaux, si elles form ent leur
« action dans le délai de cinq ans, à moins que lesdits seigneurs
cc ne p rou ven t, par titres ou par possession e x c lu siv e , continuée
cc paisiblement et sans trouble pendant quarante an s, qu’ils en
« ont la propriété. «
L ’on voit que ces deux articles s’ appliquent à deux cas différens.
L e prem ier cas , qui comprend toute espèce de biens et
droits d’usage , est celu i où les com m unes justifieront avoir
anciennem ent possédé des biens ou droits d’ usage quelconques,
dont elles auront été dépouillées en totalité ou en partie par
les ci-devant seigneurs.
Dans le cas d’ancienne possession justifiée par les com m unes,
elles doivent être réintégrées dans la propriété et possession
desdits biens ou droits d’usage, nonobstant tous édits, transac
tions , etc. , etc. ; et le seul moyen que les ci-devant seigneurs
aient de les en em p êch er, est de représenter un acte authen
tique qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté lesdits objets.
L e texte de la loi est à cet égard bien clair et bien formel ;
il ne soulfre ni incertitude ni équivoque. Une seule condition
y est imposée aux com m unes, c ’est de justifier de leur ancienne
possession. C e fait une fois constaté , rien ne peut plus faire
d'obstacle à leur réintégration , qu’un acte de vente légal et
authentique.
L a raison de cette disposition est sensible.
.f'
Dés
�C 17 )
D è s qu’il est une fois prouvé qu’une com m une a ancienne
m ent posséd é, elle n’a pu avoir été dépossédée que par une
vente légitime ou par un abus de pouvoir.
Si c ’est par un abus de po u vo ir, c e n’est plus qu’une usurp a tio u , qui doit écrouler avec tous les actes qui l’étayent.
D ans le second cas , qui est ce lu i de l’article 9 , il s’agit de
terres vaines, ou gastes, landes, b o is, lierm es ou vacans, dont
les communautés 11e pourront pas justifier avoir été ancienne
m ent en possession.
* f
D ans le cas de non justification de possession ancienne de
la com m unauté , la loi déclare que ces objets sont censés ap
partenir aux com m unes; elle ordonne au x tribunaux de les leur
ad juger, si elles form ent leur action dans le délai de cinq ans.
Néanmoins cet article donnoit aux ci-devant seigneurs deux
moyens d’em pêcher la réintégration des communes.
L e premier , de prouver par titres qu’ils en avoient la pro
priété.
Le se c o n d , de prouver qu’ils en avoient une possession ex
clusive , continuée paisiblement et sans trouble pendant qua
rante ans.
Mais de ces deux m o yen s, donnés d’abord aux c i-d e v a n t
seigneurs pour em pêcher l’effet de la réclam ation des co m
munes , celu i fondé sur la possession de quarante ans leur fut
ôté par la loi du 10 juin 1793.
L ’art. i er. de la section 4 de cette loi porte :
« T ous les biens com m unaux en général j connus dans toute
« la république sous les divers noms de terres vaines et gastes,
« garriques, pacages, pâtis, ajoncs, bruyèi-es, bois com m uns,
« herm es , vacans , p a lu s, marécages , montagnes , et sous
« toute autre dénom ination quelconque, sont et a p p a r t i e n n e n t
« de leur nature à la généralité des habitans et m e m b r e s des
cc communes et sections de co m m u n es, dans le territoire des« quelles les com m unes sont situées ; et com m e tels lesdites
cc com m unes ou sections de com m unes sont autorisées à les
G
�( 18 )
« revendiquer, sous les restrictions et modifications portées par
« les articles suivans. »
L ’art. 8 , qui renferm e une de ces m odifications, porte :
« La possession de quarante ans exigée par la loi du 28 août
« 1792, pour justifier la propriété d’un ci-devant seigneur sur
cc les terres vaines et vagues, gastes, garriques, landes, marais,
« b ien s, h ern ies, vacans, ne p o u rra, en aucun c a s, suppléer
« le titre légitime ; et cc _ titre légitim e ne pourra être celui
« qui émaneroit de la puissance féodale , mais seulement un
cc acte authentique qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté
cc lesdits b ie n s, conform ém ent à l’article 8 de la loi du 28 août
« 1792. M
O n voit que par cet article de la loi du 10 juin 1793, elle
a ùté aux ci-devant seigneurs le m oyen fondé sur la possession
exclusive et paisible de quarante ans , que l’article g de la loi
du 28 août 1792 leur avoit laissé, pour opposer à la demande
en réintégration form ée par une com m une qui ne pouvoit pas
justifier son ancienne possession.
Il résulte donc de l’état actuel de las législation sur cette
m a tière ,
i°. Q ue les com m unes qui justifient avoir possédé anciennem ent
des biens ou droits d’usage quelconques , dont elles avoient été
dépouillées en tout ou en partie par des ci-devant seigneurs ,
peuvent en réclam er la propriété et la possession , nonobstant
tous é d its, transactions et possessions contraires ;
a°. Q ue le ci-devant seigneur, en ce c a s , ne peut en em pê
ch er la réintégration qu’en représentant un acte authentique
qui constate qu’il a légitim em ent acheté lesdits biens ;
3°. Q u ’à l’égard de tous les biens com m unaux en g é n éra l,
connus dans toute la république sous les divers noms de terres
vaines et vagues , gastes , garriqu es, lan d es, pacages , pâtis ,
a jo n cs, b ru y è re s, bois com m uns, hermes , va ca n s, palus,
m aiais, m aiécages, m ontagnes, et sous toute autre denom ina
tion quelconque > ils appartiennent, de leur n atu re, aux co m -
�( i9 )
m îm es, et que les ci-devant seigneurs n’en peuvent retenir aucune
p a rtie , quand m êm e ils prouveroient qu’ils en ont joui par une
possession exclusive et paisible , continuée pendant quarante
ans , et qu’ils ne peuvent les conserver qu’en produisant un titre
authentique autre que celui qui ém aneroit de la puissance féo
dale , qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté cette espèce
de biens.
D 'après ce résultat incontestable des lois de 1792 et 1793, il
est donc certain que pour qu’une com m une puisse réclam er la
propriété des biens com m un aux, connus dans toute la république
sous les noms détaillés dans l’art. i Fr. de la section 4 de la loi
du 10 juin 179 J, il 11’est point nécessaire que la com m une pro
duise aucun titre de propriété, ni qu’elle prouve aucune pos
session , parce que la loi décide que la propriété de cette espèce
de biens lui appartient par sa nature; que les ci-devant seigneurs t
ne peuvent y rien prétendre sur le seul m otif de possession ,
quelque longue qu’elle s o i t, et que le seul moyen qu ils aient
de conserver la totalité ou une partie de ces biens com m unaux
de droit par leur dénomination et leur nature, est de produire
un titre authentique autre que celu i qui émaneroit de la puis
sance féodale, qui constate qu’ils ont légitimement acheté cette
espèce de biens.
La loi n’exige donc p a s, h l’égard de cette espèce de biens
com m unaux , que les communes articulent aucune possession,
ni qu’elles produisent aucune espèce de titres.
La loi les en déclare propriétaires de droit ; elles n’ont rien à
prouver, rien à justifier : la loi a tout fait pour elles ; elle les a
rétablies dans la propriété que leur donne la nature et que leur
donnoient les anciennes lois.
E t l’on ne peut pas dire que cette exacte justice que la nou
velle loi leur a rendue , s o it, com m e on a souvent affecté de
la représenter, une exagération révolutionnaire , p u i s q u ’i l est
bien prouvé par 1 analise ci-devant faite de notre ancienne légis
lation sur celte m atière, que l a loi d u 28 août 1792 n'a fait que
C 2
�( 20 )
renouveler en faveur des com m unes des mesures de protections
que l’on trouve répétées dans une foule d’édils et d’ordonnances
de nos rois , et que la réintégration des com m unes dans les
biens qu’elles avoient anciennem ent possédés , a fait de tous
temps l’objet de leur sollicitude.
C e n’est donc pas le principe en lu i-m ém e, mais seulem ent
l’abus qu’on en a fa it, qui a p u , dans certains c a s , être consi
déré com m e révolutionnaire.
D ’où il suit que non-seulem ent toutes les fois que les com
munes justifient réellem ent de leur ancienne possession sur des
biens ou droits d'usage quelconques, mais m êm e toutes les fois
qu’elles réclam ent la propriété de leurs biens com m unaux, de la
nature de ceux indiqués par l’article i eri de la section 4 de la
loi du 10 juin 179^ > leur réclam ation doit être accueillie avcc
tout l’intérêt que m érite cette classe d’hommes laborieux , et
le bien m êm e de l’agriculture à laquelle ils se consacrent.
§. I I T . '
A p p l i c a t i o n d e s lo is à V e s p tc c a c i u e llij.
Pour faire cette application, et pour prouver que la prétention
de M. de R oohefort, sur les terrains dont il s’a g it, est insou
tenable , nous n’avons que deux vérités à établir.
La prem ière , que les biens dont est question sont compris
dans ceu x détaillés en l’article i cr. de la section 4 de la loi
du xo juin 1795.
L a deuxièm e , que M. de R ochefort et ses auteurs n’ont
produit aucun titre authentique qui constate que lui ou ses
auteurs avoient acheté légitim em ent aucune partie des bois qui
font l’objet de la contestation.
E t c ’est surabondamment que la possession ancienne des ha
bitans sera p ro u v é e , puisqu ils n ont pas même besoin d ’aller
ju sq u e -là , d'après les lois qui viennent d’être rappelées.
�( 21 )
Plus surabondamment encore, qu’il sera établi par uno m ul
titude de titre s , par ceu x m êm e que le ci-«levant seigneur
invoque en sa faveur, que la propriété des bois dont il s’agit
appartient aux liabitans , et ne peut pas raisonnablement leur
être contestée.
O r , ces différentes v é rité s, déjà établies dans la discussion
qui a eu lie u , pourront être facilem ent portées jusqu’à l’évi
d en ce, par le rapprochem ent des principes et par l ’exam en des
titres.
i°. N u l doute que les bois qui font l’objet de la contestation
ne se trouvent compris dans la classe des bois auxquels s’applique
l’article i Pr. d e là section 4 de la loi du 10 juin 1793, et dont il
fait rém unération. Il indique nom inativem ent les bois communs,
pacages et palus , com m e étant du nombre de ceux q u i ap
partiennent , de leu r nature , à la généralité des habitans et
m em bres des communes.
U 11’est pas contesté que le terroir des B rosses, de la conte
nance d ’environ trois cents arpens , selon le procès verbal du
lieutenant de la maîtrise de M ontm arault, du 20 septembre 1780,
est et a toujours été en nature de bois. Ce 11’est point un terrain
inculte et va g u e , propre seulem ent au vain pâturage des bestiaux;
c ’est un terrain couvert de bois, et qui l’a été dans tous les
temps. La seule inspection de ce procès verbal suffit pour s’en
convaincre , puisque son existence et son état actuel y sont
décrits dans le plus grand détail, ainsi que les dégradations qui
y ont été successivem ent commises par les habitans.
20. Il n’est pas moins certain que M. de R ochefort et ses
prédécesseurs , seigneurs de la Font , n’ont jamais représenté
aucun titre d’acquisition qui leur ait transmis la propriété e x
clusive de ce bois. S ’ils en ont jo u i, ils ne l’ont fait qu’en qualité
d’habitans , dans la proportion de leurs propriétés territoriales,
et de m ême que le i’a isoient tous l'es autres habitans.
3°. Il est également prouvé que les habitans sont depuis un
temps immémorial en possession et jouissance , non pas d u it
�( 22 )
simple pacage ou pâturage sur le bois des Brosses, mais de la
c o u p e , de l’exploitation de ce b o is , et de sa libre disposition
pour tous les usages et leurs b( soins; jouissance, par conséquent,
anim o d o m in i, et de la nature de celle qui caractérise la pro
priété ; et que cette jouissance a en lieu tranquillem ent et pai
siblem ent, sans que le seigneur les en ait em pêchés. E t quoique
cette jouissance n’ait pas été bien ordonnée ni bien administrée,
com m e elle devoit l’être au désir de l’ordonnance de i6Gg , et
que ce soit le désordre de cette administration qui ait éveillé
le zèle des officiers de la maîtrise , et provoqué la demande
form ée par le procureur du ro i, il n’en est pas moins constant
q u ’eux seuls usoient et abusoient de ces bois, qu’eux seuls en
jouissoient et en étoient en possession. Cette possession seule
suffiroit donc pour assurer aux liabitans la propriété qui leur est
aujourd’hui contestée.
Si en effet le mot com m unal peut désigner un simple usage,
lorsque sa propriété est distincte et séparée , il est également
certain q u e, lorsqu’elle ne se trouve, pas dans une autre m ain,
la présomption naturelle est q u ’elle se trouve dans celle de
l ’usager.
La raison en est que l’ usage ou la possession est l’origine de
la propriété.
Dornnii/im cœpit ci posscssione. L. 1, fÎ.D e a ç q u ir . 'vclomiLt.
ver. hceretl.
C elte vérité est surtout incontestable h l’égard des pays tels
que l’A uvergne, dans lesquels n’étoit point admise la m axim e:
N ulle terre sans seigneur; maxime dont tous les effets ont d’ail
leurs été universellem ent abrogés par l’art. 11 du décret du a5
août 1792.
Aussi Boivin , auteur célèbre du pays de F ra n c h e -C o m té ,
n’ hésite-t-il pas à déclarer que dans ce pays les com m unaux
sont censés appartenir plutôt aux vassaux qu’aux seigneurs ,
qui n’ont qu’un droit d usage comme les liabitans, et l’orsqu’ils
?sont liabitans eux-m êm es, sans pouvoir prétendre en aucune
m anière à la propriété.
�( 23 )
T erriton a mugis censentur esse subditoriim qi/àm dominorum , n isi qitoad jurisdictionem .; et domimis n ih il p otest in
pascuis territo rii, n isi u t incola , ratione univevsitatis , cum
pascua sint unà'ersitatis hom inum , S ic enim suam partent
habet in u su , sicu t a lins incola; e t cum habitat sequitur quod
in proprietate n ih il //¿ris potest.
L e même auteur ajoute qu’il ne peut également demander
que sa part aux bois des habitans, quand ils se partagent : Quia
77i pascuis et a h is rebus non plus ju ris habet quam alius incola.
Et l’on voit que c'est là précisément la doctrine qui a été
consacrée par l’article i er. de la section 4 de la loi du 10 juin
1795.
Vainement donc allégueroit-on pour M. de Rochefort, comme
on l’a fait quelquefois pour les ci devant seigneurs, dans d’autres
affaires de m ême nature, que M. le procureur général Merlin
avoit enseigné que cette disposition n ’étoit point applicable
aux bois.
On n’a fait alors, ce qui 11’arrive que trop souvent lorsqu’il
s’agit d’autorités graves , que tronquer l’opinion de ce savant
.
magistrat, pour la dénaturer.
M. Merlin n’a jamais dit en effet que l’art. 1,r. de la section 4
de la loi du 10 juin 17q 5 n’éloit pas applicable aux bois com
munaux , qui y sont nominativement compris.
Ce qu’il a dit, c ’est qu’il étoit absurde d’étendre sa disposition
à tous les bois en général, situés sur le territoire d’ une com
mune. Mais biftn loin de contredire le principe posé dans cet
article, il lui rend formellement hom m age, en déclarant que
tout ce qui en résulte c est que les bois communs sont censés
appartenir à la commune qu i les possédé.
E t ce principe au surplus n’est point une innovation , puisque,
comme 011 l’a déjà établi, tous les anciens édils et ordonnances
que l’on a ci-dessus rapportés, s’accordent à regarder les com
munaux comme la propriété privative des communes.
4'\ La propriété des habitans sur les bois dont il s’a g i t , est
�( 24 )
dém ontrée non-seulem ent par les titres qu’ils produisent, mais
par ce u x m êm e que M. de R ochefort invoque contre eux ; et
la plupart de ces litres sont d’un poids d’autant plus grand en
faveur des habitans , qu’ils ém anent du seigneur m êm e de la
Font-Saint-M agerand.
L ’un des plus importans est l’aveu et dénom brem ent du 24
juillet 1674» fourni au roi par le seigneur de la F o n t, dans
lequel ce seigneur déclare et spécifie de la m anière la plus dé
ta illé e.e t la plus exacte , les limites et la circonscription de sa
t e r r e , ainsi que les différehs droits de dîmes et autres qui lui
ctoient dûs , et la circonstance exacte de chacun des bois et
autres domaines qui en dépendent ; et cependant il ne com prend
pas dans cette description les bois des B rosses, ce qu’il n’auroit
sûrem ent pas manqué de faire s’il en eût été propriétaire.
Il est sensible que cette omission équivaut à une reconnoissance négative , mais très-form elle , que ces bois ne lui appartenoient pas. C ’est ce qu’enseignent les axiomes de droit les
plus familiers : Q u i de uno d ic it, de aÏLero negat........Inclusio
unius est exclu sio alterius.
D ans cet a v e u , le seigneur indique exp ressém en t, comme
étant sa propriété , le bois de B o s t , celu i des T ii/cts, le bois
P oug etan , le bois des Sapins , le bois des P r e a u x , et le bois
des Corbs ; il énonce la quantité d’arpens que chacun d’eux
contient , et leurs confinations exactes. Pourquoi donc n ’en
auroit-il pas fait autant du bois des Brosses, s’il eût regardé ce
bois com m e lui appartenant?
E t l’on ne peut pas m ôm e supposer que ce soit par oubli
qu il ait lait cette omission ; car dans ce môme aveu il parle
plus d une lois du bois des Brosses; il le rappelle et le cite en
cinq ou six endroits , mais il 11’en parle et ne l’indique que
com m e étant un des confins de ses autres propriétés, et com m e
étant un bois commun. Cette dénomination de bois commun
appelé les Brosses , est répétée et multipliée avec affectation ,
tant pour ce bois que pour celui qui est nommé Servoiron.
„
On
�(25)
O n ne peut clone pas douter que le seigneur de la F o n t, lorsqu’il
faisoit ce dénom brem ent, ne connût très-parfaitem ent et ne
distinguât lu i: m ém e les bois qui lui appartenoient en propre,
et qui constituoient le domains de sa terre , de ceu x qui appar
tenoient à la com m unauté des habitans.
La même énonciation et dénomination de bois communs
appelés les Brosses , est répétée dans un terrier de la seigneurie,
en date du 16 mai i 653.
E lle est de m êm e appliquée au bois de Servoirou, dans l’acte
de bail à cens , du 8 ju illet 1626, relatif à un ténement de bois
appelé le bois de la Fouilhouse.
Il y a donc ici non-seulement preuves négatives, mais même
preuves expresses et positives, émanées des anciens seigneurs
de la F o n t, qui attestent la propriété des bois tant des Brosses
que de Servoiron , en faveur de la communauté des habitans ;
et ces preuves ne peuvent être ni détruites ni m ême balancées
par aucuns des différens titres analisés dans le procès verbal
du 2 mars 1781.
D éjà le soussigné s’est expliqué sur ces prétendus titres, dans
la consultation du 26 décem bre 1782, à laquelle il croit suffisant
de se référer à cet égard. On y a combattu les inductions pré
tendues résultantes , soit du droit de blairie énoncé dans le
terrier de i 5 i g , com m e appartenant au seigneur de la FontSaint-Magerand , et de l’ usurpation de deux septérées sur le bois
des Brosses, approuvée par le seigneur moyennant un cens d’une
coupe de se ig le, soit du terrier de i 53 i , opposé par le m êm e
droit de blairie, soit aussi du contrat d’échange du 11 avril 1672,
du terrier de 1678, de celui de i 653 , du dénombrement du
1er. décem bre 1673, et d’une multitude d ’autres pièces relatives
à ce procès verbal du 2 mars 1781.
- L ’acte dans lequel M. de R ochefort paroit mettre le plus de
con fian ce, est la transaction du 22 février
passée par le
père du sieur Bellavoine , tant en son nom que com m e se faisant
D
�( 26 )
fort de plusieurs autres particuliers habitans de la Font-SaintMngerand.
Les réponses 'victorieuses qui s’appliquent naturellem ent à
cette transaction, ont déjà été indiquées dans notre précédente
consultation ; nous devons donc encore nous y référer.
N ous ajouterons seulement que les inductions prétendues ré
sultantes des reconnoissances particulières que cette transaction
parolt présenter, ne pourroient, dans aucun c a s , nuire au gé
néral des habitans, parce qu il est de principe inconstestable en
cette m a tière, q u ’une simple reconnoissance surprise à quelques
m alheureux habitans , ne peut porter aucune atteinte à des titres
formels et nom breux qui établissent en faveur de la com m une
une possession immémoriale et une pleine propriété.
cc II est de p rin cip e, dit M. Merlin dans ses Questions de droit,
« tome 2 , page 33g , qu’une simple reconnoissance ne peut pas
cc priver un propriétaire de son domaine , ni convertir en propriété le droit d’usage auquel il étoit précédem m ent asservi.
« La simple reconnoissance , dit D um oulin , ne dispose pas,
« ne change en rien l’état des choses : S im pi e x recognitio non
cc d isp o n it, ncc im m utat statum rei. Quand une reconnoissance
cc est sim ple, ajo u te-t-il, c ’est-à-dire, non m otivée, la qualité
« de la chose n’en reçoit aucune a ttein te, et l’e rre u r, quand
cc on la découvre, doit faire place à la vérité : S i sit sim plex
c< recognitio, non im m utatur quaiitas rei quœ tanquam erronim
cc ceelit veritati. . . . . Il y a des siècles ( dit M. ITenryon dans
« le Répertoire de jurisprudence , article prescription ) , il y
cc a des siècles que cette maxime forme la règle des tribunaux :
« on v o i t , en paroourant les arrétistes, qu’elle a servi de base
CC à ùne m ultitude d’arréts. — D u n o d , T raité des prescriptions,
cc p. 5o , en rapporte trois des années 1698, 1700 et 1717. — L e
cc p rem ier, sur la représentation du titre p rim itif, déboute les'
cc jésu ites de D ole-d e leur prétention à la propriété d ’un bois
cc sur leq u el ils exerçoien t depuis cent ans, des açtes de procc
cc
priétairès.
�C 2i )
« Les deux autres réduisent pareillem ent aux term es des
cc titres an cien s, une possession de so ixa n te a n s , appuyée de
« reconnoissance. Un arrêt du parlem ent de P a ris , de l’année
« 1672, a jugé suivant les mêmes p rin cip es, contre les religieux
« de l’abbaye de Lompont et ceu x de Valseng. U n droit d’ usago
cc avoit été concédé originairem ent à cette abbaye , dans un
cc canton de la forêt de Villers-Cotterets. Ces religieux avoient
cc transmué la dénomination de l’ usage en celle de très-fonds ;
cc ils s étoient attribué la qualification de très-fonciers ; ils s’arcc rogèrent à ce titre le tiers du prix de la vente des bois , et
cc plusieurs siècles avoient confirm é cette usurpation. L e duc
cc d ’Orléans se détermina enfin à réclam er ses droits ; les titres
cc originaux furent produits, et prévalurent sur la longue pos
te session des religieux, m êm e sur les reconnaissances dont ils
cc tiroient avantage. — A ces quatre arrêts M. Henryon en
cc ajoute trois de 1729, 1733 et 1770, rendus au conseil après
« des instructions très-approfondies , et par lesquels le cantoncc nement lut ordonné entre des communes originairement usacc g è re s, qui prétendoient être devenues propriétaires , par le
cc seul effet d’une longue possession appuyée de reconnoissances
ce multipliées de la part des propriétaires véritables. »
Enfin cette doctrine a été confirmée par arrêt de la Cour de
cassation , du 18 brumaire an 1 1 , sur le plaidoyer de M. le
procureur général, duquel ce passage est extrait.
V o ici les termes de cet a r r ê t, sur le point de droit dont il
s’agit : ce Attendu que le sieur G roslier, en reconnoissant la
« commune propriétaire de cette fo rê t, par sa sommation du 4
« décem bre 1762, ne s’est pas dépouillé de la propriété de la
« forêt de C hesonge, et ne l’a pas transférée à la com m une;
•« que cette reconnoissance erronée et dénuée de cause n ’a v o i t
cc rien pu changer à l’état des choses , suivant la maxime de
cc Dum oulin : S im p lc x recognitio non d ispon it, nec im inutat
ce statum rei ; que dès-lors elle ne peut pas constituer en faveur
cc de la commune un titre attributif de propriété. >>
D 2
�( *8 }
Les mêmes principes s’appliquent ici en faveur de la com
m une, contre une reconnoissance surprise à quelques particuliers
q u i, dans aucun c a s , n’auroient pu sacrifier ni com prom ettre
les droits du général des h abitans, à l’égard desquels cet acte
étoit res intercilios a cta , et qui leur étoit d’autant plus étranger,
que leur syndic n’y avoit été ni partie ni appelé, et qu’il n’auroit
m êm e pas pu y stipuler pour eux sans y avoir été préalablement
autorisé dans la forme voulue par les lois.
Il n ’est donc pas à craindre que la transaction du 22 février
J755 puisse être avec fruit invoquée par M. de R o ch efo rt, au
soutien de sa prétention contre la com m une de Broût.
5°. A tout ce qui vient d’être dit, les habitans de Brovit sont
bien fondés à joindre les inductions résultantes en leur faveu r,
de différentes pièces ou titres déjà invoqués par le sieur Bellavoine, dans le mémoire qu’il a fait imprimer sur l;i contestation
particulièrem ent engagée contre lui ; telles entr’autres que la
transaction du 20 septembre i 683 , passée entre le seigneur de
la F on t, d’une part, et le sieur Viard de V iginaire, aujourd’hui
représenté par le sieur Bellavoiue , sur le procès qui existoit
alors entre e u x , dans laquelle on voit que le seigneur de la
Font reconnoît expressément l’existence des com m unaux, et la
propriété que les habitans y a v o ie n t, puisqu’il y permet aux
propriétaires des domaines de la Mothe et des Gravinges de
faire pacager leurs bestiaux dans les com m unaux de ladite
ju stice de la F o n t , en payant le droit de blairie comme les
justiciables ; ce qui prouve invinciblem ent qu’il y avoit des
biens com m unaux dans, la justice de la Font ; et.com m e il est
certain que l’on n’en a jamais connu d’autres que les bois des
B rosses, de Servoiron et B o is-B lan c, il n’est pas douteux que
c ’est à ceu x-là que s’applique la reconnoissance que le seigneur
donnoit à leur propriété en faveur des habitans.
Mais surtout ce qui est bien tranchant et bien décisif pour
l ’établissement de cette propriété communale, c ’est, d’un cùté,
la poursuite entamée en 1779 par M. le procureur du roi en
�( 29 )
la maîtrise de Montmarault , pour faire régler les bois des
Brosses, e tc ., etc. ; poursuite qui prouve bien que ce magistrat
et la notoriété publique les considéroient com m e com m unaux ;
et d’autre part , la demande en triage de ces com m unaux ,
formée en 1780 par le sieur M aréch al, alors seigneur de la
Font ; demande dont l’existence est établie par le mandement
de M. le grand-m aître des eaux et forêts , du 26 juillet de la
m êm e a n n é e , et par les autres pièces relatives à cette procé
dure en tria g e , qui sont sous les ye u x du soussigné.
Au nombre de ces pièces est une expédition signée de M°.
C h a s te l, alors procureur de M. M aréch al, de la requête par
lui présentée à M. le grand-maître des eaux et forêts, à l’effet
d’obtenir le triage, et dans laquelle il présente h chaque page
les trois cantons de bois dont il s’agit, c ’est-à-dire, les Brosses,
Servoiron et le Bois-Bianc , com m e étant des biens communs
a u x habitons de la collrcte de la Font- S a in t • A /ag erand,
paroisse de B roi/t; énonciation cjui y est répétée plusieurs fois
tant dans le corps de ladite requête que dans ses conclusions,
et qui en est m êm e la base et le fondement.
Car l’on sait qu'avant la révolution telle étoit la nature et
l ’essence du droit de triage, et que tous les auteurs s’accordoient
«à le définir « le droit qu'ont les seigneurs particuliers, autres
« que le roi et les engagistes de ses dom aines, et les gens de
a m ain-m orte, de demander le partage et de s’approprier une
« portion des biens com m unaux et usages. » ( V id e D en isart,
Répert. de ju risp ., verbo triag e .)
L a demande en triage formée par le seigneur de la Font à
l’époque à laquelle ce d ro it, aujourd’hui aboli, étoit encore en
vig u eu r, viendra donc encore à l’appui de la défense des habitans, et au soutien de leur propriété.
E nfin, l’exam en approfondi du procès verbal de 1781, et des
assertions que le seigneur de la Font y faisoit insérer, n’offre
encore rien qui justifie sa prétention, et ne peut au contraire
que conduire à la condam ner ; car tous ses dires , tous ses^
�( 3° )
raisonnemens, ne tendoient qu'à prouver seulem ent que les bois
qu ’il réclam oit lui appartenoient com m e seigneur ju stic ie r de la
F o n t; et en cela il parole qu’il vouloit u ser, et de son titre de
ju sticier, et de l’art. 33 1 de la coutum e de Bourbonnais , voisine
de celle d’A u v e rg n e , qui dans son article 33 1 , titre 26, portoit
que les terres herm es e t vacans sont au seigneur h a u tju sticier ;
et que pour pouvoir s’appliquer la disposition de ce t a r tic le ,
i l v o u l o i t faire considérer les bois des Brosses, de Servoiron et
Bois-Blanc , com m e des terres hermes et vacans : prétention
que dém entoit expressément l’art. i er. du titre 8 de l’ancienne
coutum e du m ême pays du Bourbonnais, qui porte expressément
que cc 11e sont pas réputées terres hermes et vacans les terres
« ou pâturaux dont aucunes v ille s , villages ou communautés
cc jouissen t, sans préjudice des droits seigneuriaux, blairies et
cc autres , tels que les seigneurs justiciers avoient accoutum é
cc prendre. »
Mais quand cette prétention du seigneur eût été admissible
en 178 1, elle ne pourroit plus l’étre aujourd’h u i, que les nou
velles lois font disparoitre, et sa qualité de haut-justicier , et
tous les droits qui ponvoient alors en dépendre.
En un m o t, plus on examinera les titres respectivem ent in
voqu és, les vrais principes de la m atière, et l’application qu’ils
reçoivent dans la cause a ctu elle, et plus l’on se convaincra que
la prétention de M. de R ochefort n ’est pas soutenable.
La com m une de Broût doit donc espérer que lorsque les différens moyens qui viennent d’étre in d iqués, et les principes qui
ont été rappelés , auront reçu , dans l’instruction de la cause ,
tout le développem ent dont ils sont susceptibles , la défense
sera favorablem ent accueillie par tous les tribunaux, et que la
prétention de M. de R o ch efo rt, sur la propriété des bois dont
il s’agit, n’obtiendra aucun succès.
T o u t ce qui vient d’étre dit s’applique au fond m êm e de la
question et de la contestation.
Q uant à la fo rm e , il n’y a qu’un mot à dire , et il seroit bien
�(3
1
)
superflu de s’y arrêter plus long-tem ps. L ’action de M. de
R ochefort concernant les droits de la com m une entière, et tous
les habitans qui la composent s’y trouvant intéressés u t universi,
il est de toute évidence qu’elle ne doit être dirigée et ne peut
l’étre régulièrem ent que contre le corps et l’universalité desdits
habitans, en la personne des magistrats m unicipaux qui la re
présentent, et qui seuls ont droit de stipuler pour elle et de
la défendre.
D éliberé à P a r is , par l’avocat au Conseil d ’état et en la Cour
de cassation, soussigné, ce 27 février 1809.
Sign é C O C H U.
A R IO M , de l’im prim erie de T HIBAUD - L a n d r i o t , im prim eur
de la Cour d’appel. — Mars 1809.
�
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Factums Marie
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[Factum. Bellavoine, Claude. 1809]
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Cochu
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The topic of the resource
communaux
pacage
droit de blairie
terriers
contentieux post-révolutionnaires
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An account of the resource
Deuxième consultation pour le sieur Bellavoine, appelant ; contre le sieur Rochefort-d'Ailly, intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1779-1809
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0627
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
Relation
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BCU_Factums_M0626
BCU_Factums_M0628
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Moulins (03190)
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pacage
terriers
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I
P R E C IS
P O U R
M effire P
i e r r e
-C h
a r l e s
D
e
M o n t b o i s s i e r -Beau fo r t-Ca n i l l i a c ,
Patrice Rom ain, Prince de l’E g life , Lieutenant
Général des Armées du Roi , au nom
comme
‘ tuteur créé par Juftice à M e ffire C h a r l e s I g n a c e D e M o n t b o i s s i e r -B e a u f o r t C a n i l l i a c , Chevalier de l’Ordre
R o y a l, Militaire de St. L o u is, ancien Capitaine
de Cavalerie au Régiment de Clermont-Prince
' & dame . A n n e - E l iz a b e t h D e T r o u s s e b o is ,
fon époufe, Intimés.
.
.
.
V
'
•
,
....................................................................................>
...............................................
C O N T R E H e l e n e D r o i t e a u ' , veuve de
Je a n Gueux ,, Marchand y au nom
comme
tutricelde fe s enfantsmineurs , C L AUDE ’G U E U X
B o u rg eo is & demoif e lle M a r i e F a v e r o t
veuve de Je a n G u eu x , prenant le fa it & cauf e du
f i eur C e c i l i o n , appellants de Sentence de la
Sénéchauffé e de M oulins du 2 1 A o u t 1 7 7 0 ,
"
Amais affaire ne fut plus fimple ,
peut-être’
jamais affaire ne fut plus chargée de procédure.1
L ’appel defdits fieur & dame Gueux a occafionné des irais immenfes & l ' on peut dire fans o b jet
J
À
�V*- \ •
-
2
intereiïànc ; car iont-ils créanciers , -ils exerceront
leurs créances fur le prix de la vente des biens déguerpis, & s’ils ne /font pas payés, la Sentence"leur
donne un recours fur un garantqui n’eft point ap-
Ileftq u eiK on de l’appel d’une Sentence qui or
donne un déguerpiffement d’un héritage fur une
demande en déclaration d’hypothequeform ée par
M . de Montboiiïier en vertu d’un titrejqui n’eft
>as contefté, & Sentence qui a été exécutée par
e déguerpiifèment réel de la part de l’acquéreur.
f
F A I T .
L e 24. A vril 1 7 2 0 Gilbert Y ig iç r de C haiteIut vendit à M . de Trouifebois la terre d e P rin g y ,
moyennant 4.0000 livres, 6c 2 <j00 .livres de pot
de vin.
Le fieur GrifFet de la Beaune, créancier defdits
V igicr pour foulte d’un partage du 1 2 Octobre
¿ 6 8 4 ,Tonna ' une
demande,
en1 • déclaration
d’hypo.L
.»
,
.t, ^
*.* *
; '
, '■ '
tneque contre M . de Trpuiiebois , ^ui. ,fut termi
née par iine,traniaciion du 25 Août 17 ^ 0 ,,par la
quelle il fut fait compte entre ledit fieur de Troufïe*
bois , la veuve V ig ie r, la demoifelle V ig ic r , veuve
de C loître, des lommes que chacun des vendeurs
âvoient reçues du prix de la: vente de la terré de
Pringy , duquel il réfùlte que ladite veuve-Vigier
s’eft reconnue débitrice dudit fieur de Trouiîèbois
de 474.31 livres 1 %
2" deniers.; & . le. fieur de
• * *
J*li
�•
3
Trouiîèbois s’eft reconnu débiteur de la veuve de
Cloître de 1362- livres 1 2 fols > pour raiion de la
quelle derniere iomme les Parties firent réferve de
de tous leurs droits.
Le iieur de TrouiTebois ayant appris que Gabriel
V ig ier de C h aftclut, la demoiielle D u v a l, {on
époufe, lademoifelle V icier, veuve Cloftre, avoient
vendu au fieur Jean Gueux & a la dame F a verot, ion époufe, différents héritages , forma une
demande en déclaration d’hypotheque pour raiion
des 4743 livres 12- fols & intérêts portés en la tranfa&ion ci-deiîuscontre ledit acquéreur, qu’ils dé
noncèrent a leurs vendeurs.
Cette demande en déclaration d’hypotheque p ro
duifit une tranfa&ion entre ledit fieur de Trouilèbois &c les fieur & dame G ueux, acquéreurs, par
laquelle M . de TrouiTebois fe départ de la demande
en déclaration d’hypotheque qu’il avoit fermée con
tre les fieur & dame Gueux, moyennant que ledit fieur
Gueux 6c ià femme lui payent comptant par ledit a&e
16 0 0 livres d’une part, enfemble 13 8 livres 1 fols
8 deniers pour quatre années d’intérêts des deux
tiers du prix de ladite acquifition, ce qui forme un
capital de 17 3 8 livres a fols 8 deniers, laquelle
fomme ledit fieur de Trouifebois ( dit-il, a été ) re
çue à compte furies créances à lui dues par la demoifelle D u v al audit nom &; atténuation d’iceux.
i°. Sur les intérêts échus , & fubfidiairement
fur le principal, au moyen de quoi ledit fieur de
Trouilèbois les fubroge en fes droits ; plus lefdits
A 2
*
�Gueux payent au fieurcle TroufTebois 1 37 livres 17
fols pour les frais qui lui étoient dus relativement
a ladite demande en déclaration d’hypotheque , &
lefdits fieur & dame Gueux fe réfervent de iè faire
faire raifon des fommes par eux furpayées au delà du
prix de leur acquifition.
Et au moyen du paiement ci-deflùs fait par lef
dits fieur & dame Gueux aufieurde TroufTebois,
dont il les tient quitte -, tous procès demeurent
éteints, &c fans qu’à l’avenir ledit fieur de Trouffebois ni les fiens puifîent former aucune a&ion pour
le reftant des créances a lui dû par la demoifelle Duval & Gueux qui ie réiervent les droits c
avions qu’ils peuvent avoir contre le fieur de Trouffe'oois qui ie réferve aufïi le furplus de iès
créances à lui dû par ladite demoifelle D u v a l, pour
s’en faire payer ainfi qu’il avifera bon être, fans au
cune innovation d’hypotheque, qui lui demeurent
cxpreiTément réfervées.
Leiclits Gabriel V igier de Chaitelus & fa fem
me vendirent. par contrat du z <5 Août 17 4 .6 à
Rem i Servantier le domaine des Bergeries moyen»
nant 1 1 0 0 livres, fur laquelle l’acquéreur paya
comptant 10 0 liv.
à l’égard des 10 0 0 liv. res
tant il en créa 50 livres de rente au profit des
vendeurs, cette rente pafïa enfuite par arrangement
d’affaire à la veuve Gueux, ôcdelà au iicyr Cecilio n , a qui elle a été vendue.
Le fieur de Montboiifier ayant eu connoiiïànce de cette vente le 2 6 Février 1 765 forma ià
6
�43
< ?
demande en déclaration d’hypothèque contre R e mi Servantier, acquëreur dudit domaine, pour
raiion de fes créances réfultantes ck la tranfaction du 2<5 Août 1 7 ^ 0 ; Duchefnet repréfentant
aujourd’hui ledit Servantier, a dénoncé la deman
de dudit iieur de TrouiTebois a fes vendeurs & a
Cecilion , a qui il avoit pailé titre nouvel de ladite
rente de 50 liv. comme acquéreur d’icelle; celuici l’a dénoncée à la veuve G u eu x, qui lui avoit
vendu ladite rente , & cette veuve Gueux l’a
dénoncée a la veuve V ig ie r, après beaucoup de
procédures faites entre tous ces garants, qui ne re
gardent en rien M . de Montboiffier , il cft. inter
venu Sentence fur production reipc£tive des Par
ties le 2 1 Août 1 7 7 0 , qu’il eft important de rap
porter , parce que non ieulement elle ne pronon
ce rien contre lefdits Gueux, mais encore elle leur
réferve généralement toutes leurs prétentions.
Cette Sentence porte : » faifant droit tant fur la
» demande principale que fur les demandes en re» co u rs, formées par les Parties, ayant égard à ce
» qui réfulte de la tranfa&ion du 2 >5 Août 1 7 5 0 ,
« que le fieur de Trouifebois étoit feulement créan» cier des enfants c héritiers V igier de Challclut
« delà fomme de 4 7 4 3 hvres 1 2 lois 2 deniers,
» que ledit fieur de Trouilebois étoit débiteur dé
» la V ig ie r, veuve de C lo ître, de 1 3 6 2 livres 1 3
» ibis 8 deniers que fur ladite iommc de 4 7 4 ^
livres 1 2 fols 2 deniers il en a été payé au fieur
de Trouflèbois, fuivant la tranfa&ion paiTce entre
6
olj.
�l ui, Jean Gueux & Marie Faverot, fa fem m e, le
i x A vril 17 $4, la fommede 1 7 3 8 livres 2 fols
8 deniers ; que par la même tranfa&ion ledit Jean
Gueux & ladite F averot, ià femme , ont été iubrogés aux droits &; hypothéqué du fieur de Trouilèbois ; que par le contrat de vente du domaine des
Bergeries du 28 Août 1 7 4 6 le fieur V igier de
C haitelu t, & M arie V igier , veuve Cloître , frere
6c fœ ur, ont feulement vendu les portions de
biens qui leur appartenoient ou a leurs enfants,
avec néanmoins la claufe. de iolidité, & en conféquence de ce que par la tranÎàâion du 2 <5 Août
1 7 50 il leur revenoit feulement les deux tiers
defdits biens, &: l’autre tiers a M arie V ig ie r, veu
ve C lo ftre, fa fœur ; & au moyen de ce qu’il refai
te du contrat de rente du domaine des Bergeries
du 28 Août 1 7 4 6 , que les bâtiments étoient en
mauvais état fuivant le procès verbal du 16 Dé
cembre de la même année, que lefdites réparations
ont été faites fuivant les quittances produites.
Ladite Sentence déclare les deux tiers feulement
du domaine des Bergeries, vendu a Rem i Servantier par le fieur V igier de Chaftelut le a 8 Août
1 7 4 6 , affe&és & hypothéqués au paiement de la
fomme de 4749 livres 1 2 fols 2 deniers, qui étoit
originairement due au fieur de TroufTebois en prin
cipal , intérêts &c frais, fous la dédu&ion néan
moins de la fomme de 1 7 3 8 livres 2 fols 8 den.
reçue par le fieur de Trouiîcbois dudit Gueux &
dedemoifeilc Faverot, fa femme, par la tranfa&ion
�7
du 1 1 A vril 1 7 ^4 ? & en confequence condamne
Pierre Duchefnet & Jeanne Servantier, (a fem m e,
en leurs qualités de propriétaires & poiïèileurs du do
maine des Bergeries, a payer au tuteur des mineurs
Canilliac ladite Tomme de 474.3 livres 1 2 fols 2
deniers en principal, intérêts échus & à échoir, fous
la dédu&ion de 1 7 3 8 livres 2 fols 8 deniers & des
impofitions extraordinaires fur lefdits intérêts, fi
mieux n’aiment lefdits Duchefnet &: fa femme dé«
laiiTer par droit d’hypotheque les deux tiers dudit
domaine des Bergeries pour être faifis & vendus, l’or
dre de droit gardé.
L ’on condamne ledit Duchefnet au rapport des
joüifïànces, à la dédu&ion des réparations, fauf
audit Duchefnet, en excipant des droits de M arie
V igier , veuve de Cloître , folidairement obligés à
la garantie de la vente dudit domaine, a réquérir
& demander qu’il leur foit fait raifon de1 la fomme
de 1 3 6 2 livres 1 3 fols 8 deniers, avec intérêrs de
puis la traniaûion de 1 7 50, reconnue par ledit fieur
de Trouiîèbois être par lui due a ladite Marie V i
gier , veuve de Cloître , condamne Duchefnet &
fa femme aux dépens.
Enfuite font les condamnations de garantie, &
notamment celles prononcées en faveur de ladite
Faverot, veuve Jean Gueux & Conforts, contre
ladite Duval , veuve V igier , dé C haitelut, «Si
contre Marie V igier , veuve C loître, qui font con
damnés a faire cefÎèr les condamnations prononcées
contre lefdits Gueux 6c C ecilion, & à les garantir
�8
& indemnifer avec dommages intérêts, qui feront
réglés iuivant l’Ordonnance , & a les garantir des
condamnations de dépens , iauf néanmoins à ladite
Faverot a faire valoir, également que ledit Duchefnet &c fa fem m e, les droits de M arie V ig ie r,
veuve de C lo ître, iceux réfultants de la tranfa&ion
du
Août 1 7 $o, pourla créance due à ladite M a;
rie V igier par la iucceillon dudit fieur de Trouifebois, ôc de faire valoir les droits dudit Gueux, portés
parla tranfa&ion du 1 2 A vril 1 7 <54., pour raifon de la
iùbrogation confentie par le fieur de TroulTebois
au profit de Jean Gueux & de ladite Faverot, iau f
à M arie V igier , veuve de Cloître., a fuivre ainfi
qu’elle àvilera Pa&ion en indemnité contre les en
fants & héritiers Duval &: du fieur Vigier de C h a f
telut par rapport aux condamnations prononcées
contr’e u x , toutes exceptions contraires réfervées.
Voila les difpofitions de la Sentence dont efb
appel en la Cour.
. Voyons a&uellcment les moyens d’appel defdits
Gueux dans leur Mémoire. L a première propor
tion , c’eit que la Sentence a mal jugé , en ce que
lefdits Cecilion &c la veuve Gueux n’ont pas été
renvoyés de la demande de Duchefnct & fa femme.
Cette premiere partie, toute contraire qu’elle ioit
aux principes, ne regarde point M . de Montboiifier, ainfi il n’en parlera pas.
La fécondé propoiition.
M . le Comte de MontboilTier doit être débou
té de fa demande hypothécaire, ou bien elle ne doit
�être accueillie qu’a la charge de payer au iicur Cecilionles deux tiers de la rente de 50 livres, & cela
fondé fur ce que par la tranfa&ion de 1754. leidits
Gueux payèrent audit fieur de Trouflèbois 1 7 3 8
livres a fols 8 deniers d’une part, 6c 1 3 7 livres
1 7 fols pour frais ; ledit fieur de TrouiTçbois les iu.brogea en fes privilèges 6c hypothéqués fur les
biens fur leiquels il avoit exercé fon a£Hon hypo
thécaire , 6c fur les autres de leur débiteur ; au
moyen de cette fubrogation lefdits Gueux auroient
pu former une demande en déclaration d’hypo
theque fur le domaine des Bergeries ^ 6c c’eil
pour prévenir cette a&ion que la veuve Vigier
ôc la veuve Cloître leur céderent la rente de <50
livres.
R é p o n s e s ,
i*. L e fieur de TroulTebois, par l’ade de 17 5 4 ,
non feulement n’a point coniènti de concurrence
avec lefdits G ueux, au contraire, il a déclaré qu’il
recevoit a compte du montant de fes créances, 6c
ious les réièrves exprelïès qu’il faifoit de toutes fes
hypothéqués 6c ians novation.
2°. Il eft certain que le fieur V igier de C h aftelûs ne pouvoit pas vendre Ion bien, ni difpoièr
du prix au-préjudice de l'hypotheque des mineurs
de Montboifïier, parce que ces biens ont toujours
été 6c font encore grevés de l’hypothcque dcfdits
mineurs de MomboiiTier.
B
�4 &i.
IO
3°. Quand on fuppoferoit ladite concurrence
de créance, il eft de toute faulTeté que cette con
currence ait pu faire perdre aux mineurs Montboiir
fier leurs créances fur les biens de leurs débiteurs,
6c foit un obftacle à la demande en déclaration
d’hypotheque formée par les mineurs de Montboiifier pour fe procurer le paiement de leurs
créances, fu r-tou t étant créanciers de 4 74 4 livl
vis-à-vis de 1 6 0 0 liv.
(
L ’efïèt de la demande en déclaration d’hyporheque n’eft autre choie que la voie de procurer
aux créanciers le paiement de leurs créances, fiiivant l’ordre d’hypotheque de chacun. C ’eft ainiï
que la Sentence dont eft appel l’a ju gé, 6c par
conféquent elle doit être confirmée.
Il n’eft pas.queftion.de iavoir il leidits Gueux
pouvoient former une demande en déclaration
d’hypotheque, il eft certain qu’ils ne l’ont pas
formée, que ce font les mineurs de Montboiiïier
en coniéquence d’un bon titre, 6c par conféquent
qu’elle eft bien formée.
- >
Les troiiieme & quatrième proportions font
bien fingulieres. M . de Trouifebois s’eft, dit-on,
reconnu débiteur de la veuve de Cloftre par la
tranfa&ion de 17 $4 de 1 3 6 2 liv. 13 f. 8aen. les
iieur 6c dame Gueux, comme exerçants les droits
de leur débiteur, peuvent demander aux mineurs
de Montboiifier compte de cette fomme ; les mi
neurs de Montboiifier ne pourront éviter l’effet
�11
de cette demande que par une juftification valable
par pieces non fufpe&es du paiement de cette Tom
me Ô£ intérêts, les fleurs Gueux ont même pour
raifon de cette fomme une hypothéqué ■& un pri-,
vilege fpecial fur la ieigneurie de Pringy.
M . de Trouflèbois a reçu defdits Gueux en 1 7 54,
le prix des biens qui leur avoit été vendu par
V ig ie r, il les a fubrogé a fon hypothéqué qui
remonte à 1684. ; aujourd’hui Gueux, comme exer
çants fes droits, forment une demande en déclaration
¿ ’hypothéqué contre les mineurs de Monthoiffier fur la terre de P rin gy, acquife en 1 7 2 0 , après
néanmoins eh avoir reçu le prix.
R
é
p
o
n
s
e
s
.
Il n’eft queftion en la C our que de l’appel de
la Sentence qui a jugé la demande en déclaration
d’hypotheque, formée par lefdits mineurs de Montboiflier, valable.
L ’on met fur la fcene une créance''que l’on pré
tend exercer contre lefdits mineurs de M o n tboiiTier, & qui plus eit une demande en décla
ration d’hypotheque ; l o n demande quel rapport peut
avoir une pareille demande avec la conteilation p en -t
danteen la C o u r, s’ils font créanciers des mineurs
de Montboiifier, ils n’ontqu’afe pourvoir contr’eux
pardevant les Juges qui en doivent connoître,
mais ce ne peut pas être en la C o u r; il y a plus,
�12
c’eft que par la Sentence dont eft appel les Juges
leurs ont expreflement réfervé tous leurs droits a
cet égard, fauf néanmoins ( porte ladite Sentence )
à ladite Faverot a faire valoir les droits de M a
rie V igier, veuve deCloftre, refultants delà tranfaction du 2 5 Août 1 7 5 0 pour la créance due à
ladite M arie V igier par la fucceifion dudit fieur
de Trouiîèbois, & de faire valoir les droits defdits
Gueux par la tranfa&ion du 1 2 A vril 1 7 5 4 , pour
raifon de la fubrogation confentie par le iieur de
Trouifebois au profit de Jean Gueux ÔC de
ladite Faverot.
Cette diipofition de la Sentence dont eft appel
donne auxdits Gueux tous les droits qu’ils peuvent
avoir, ainfi ils doivent être contents ; mais ce n’eft
pas en la Cour dans un appel d’une Sentence d’hypotheque que l’on peut faire valoir des créances;
il eft encore plus ridicule de former dans une pa
reille inftance une demande en déclaration d’hypotheque, q u i , bien examinée, n’a pas l’ombre du
bon fens. Le furplus du Mémoire ne mérite au
cune réponfe, cela ne ferviroit qu’a augmenter
inutilement le préfent Précis.
Jamais affaire ne fut plus fim ple, l’appel d’une
Sentence qui juge valable une demande en dé
claration* d’hypotheque, formée en vertu d’un titre >
certain &c non contefté, Sentence exécutée parle
dégucrpiilcment réel de l’héritage.
Un garant qui a une indemnité de prononcée
�r3 .
en fa faveur, & a qui la Sentence a réfèrvé
tous les droits, eft le feul qui attaque cette Sen
tence ; cet appel eft une chicane odieufe que la
Cour profcrira.
Mr. D E C H A T E A U N E U F
Jourdan
a
c
l e r
m
o
n
t
,
,
Rapporteur.
Procureur.
- f e r r a n d ,
De l’imprimerie de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur des Domaines
du R o i, Rue S. G enès, près l ’ancien Marché au Bled. 1774,
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Montboissier-Beaufort-Canilliac, Pierre Charles de. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
de Châteauneuf
Jourdan
Subject
The topic of the resource
créances
hypothèques
ventes
rentes
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse au mémoire pour Messire Pierre-Charles de Montboissier-Beaufort-Canilliac, Patrice Romain, Prince de l'Eglise, Lieutenant Général des Armée du Roi, au nom et comme tuteur créé par Justice à Messire Charles-Ignace de Montboissier-Beaufort-Canilliac, Chevalier de l'Ordre Royal, Militaire de St. Louis, ancien Capitaine de Cavalerie au Régiment de Clermont-Prince, et dame Anne-Elizabeth de Troussebois, son épouse, Intimés. Contre Hélène Droiteau, veuve de Jean Gueux, Marchand, au nom et comme tutrice de ses enfants mineurs, Claude Gueux, Bourgeois, et demoiselle Marie Faverot, veuve de Jean Gueux, prenant le fait et cause du sieur Cécilion, appellants de Sentence de la Sénéchaussée de Moulins du 21 Août 1770.
Table Godemel : Déguerpissement : 1. appel d’une sentence qui ordonne le déguerpissement d’un héritage sur une demande en déclaration d’hypothèque, ce qui a été exécuté par le déguerpissement réel.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1720-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
13 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0325
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Pringy (terre de)
Bergeries (domaine des)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Créances
hypothèques
rentes
ventes
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PDF Text
Text
A J3
P
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S
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P o u r fie u r Je a n P ito u t M a r c h a n d
d e m e u ra n t e n la v ille d e M o u lin s A p p e la n t
d e S e n t e n c e d e la s é n é c h a u ffé e d e la m e m e
v i l l e , d u 1 6
D é c em b re 1771
& Dem andeurs
en
affiftance de caufe
CO N TR E M a rie D E F E R R E
veuve &,
• commune de N i c o l a s - G I R I E R & Confortsy
Intimés.
E t contre le nommé * P A R A D I S l a nommée
G R A N D J U & autres Défendeur,e n a f f i f
tance de caufe.
E
n
préfence de°Ni c
o
l a
s
MPraticien-'
A de
R la 1C
Ville Ede M
L oulinsC
L
E urateur
aux f uccef f ions vacantes d'A n t o i n e D u r y e
& de M a r i e - T h e r e s e ' B o u r g e o i s fa
femme , auffi Appellants.
;
L
,
A Sentence de la Senéchauffée de M o u l i n s
dont eft appel’, a déclare cinq fixièmes d’u n
vignoble appelle de T h o u ry , poffédé par le fieur
Pitout, A p p ellan t, & différents autres héritages
A
�tenus par Paradis & autres, Défendeurs en aifi£ *
tance'de caufe, affeâés &c hypothéqués au " paierfïcnt de ¡çertain^s'créances adjugées a.~la veuve
Girier
Conforts,, Intimés , par autre Sentence
du 2.1 juin 17 5 9 , confirmée par Arrêt du 28
Mars 176 .7, fpus la dédu&ion de différentes iommes qu’ifs devoient^ux-mêmes aux deicendants de
lèaa-Frariçoi^ iBpurgeois, leurs débiteurs, ènfemble !des >réparations & améliorations que le fieur
Pitoüt auroit. faites dans le vignoble de Thoury.
LaomèmeASentence- déboute Marcellet, curateur
aux fuccefïions vacantes d’Antoine Durye & de
Marie-Therefe Bourgeois, fa femme, de la de
mande qu’i l : avoit fdrméè en dédu&ion de diffé
rentes ..autres iommes qu’il prétend être dues par
la veuve Girier 6c Conforts aux héritiers de JeanFrançois Bpurgçpi^., <k faifant droit fur la demanclc\çn Recours'" exércée par le fieur Pi tout 7 contre“
Paradis
autres acquéreurs poftérieurs des Bour
geois , elle déclare les fonds par eux "pofledes,
afiçâés'& hypothéqués h la garantie du fieur Pitout.
Marcejlct., curiiteur;, a,appellé\de Ja Sentence,
& il y a lieu de croire que les dédu&ions ou conpenfations qu’il demande feront adoptées par la
Cour ; au moyen de quoi le_s créances des Inti
més fe trouveront entièrement éteintes, ou confidprablement Véduites-, ce' qui!déchargera d’autant"
'les biens fur lcfquels les Intimés ont véritable
ment hypothéqué’, tels que ceux qui font poflédés
par le nommé .Paradis, .& nutres aflignés çn a£ .
�3? ;
.
. .U t
fiftancë dé càufe, & qiti féroiënt àflfé&és a la garantiedu fictfr-Pïtotit'yau ‘-cas t}ue l^forids-qd’il'poiïeâe^nt3
également greyérd’hyf^thfequevefi\^r;s l^îritiriiësV0'15
l 'L e *fieiïr1'pitout jne le" uvréraUipoïht-^ M ’établifTement des- compenfations oppoiees paEMârcëlle t, curateur ; il lui en laiilera lè foin, pour ne s’oc
cuper1 qüe d’un moyen qui (lui eit piôpre!^: ôc qui
eft que les Intimés n’ont point- d’hypôtheqûe1' fur
le vignoble de Thoury. Ce* môyèiv/dëmande- une
certaine difçufiïon; mais auffi il eft décifif pour
le Sieur Pitout. Il lui avoit échappé en caufe prin
cipale , & il n’y a pas lieu de s’en étonné!*,'
quand la Gour verra, fur le rapport qiii lui1 fera
fait du procès J que l’affaire eft extrêmement com
pliquée. Mais il n’eft pas moins eilèntiel de l’expolèr à fes yeux ;
le fieur Pitout y a même cet
•avantage, queee moyen;n’ayantpoint été bppoie
devant les premiers Juges leur Senteriee né peut
plus être regardée comme un préjugé contre lui1.
Les créances des Intimés font de deux eipeces.
L ’une dérive d’un inventaire deTannée 170 8
de certains meubles de la fucceffiori de Claude
Girier , - aïeul des Intimés , ’dont Jean-François
Bourgeois fut chargé, & dont la Sentence de
17 5 9 > confirmée par l’Arrêt de 17 6 7 , a porté la
valeur à 800 & - quelques1 livres ; l’autre' confifte
' dans les loyers de trois ' maiibns.' de là iuècciïïon
de Catherine Gerbicr , bifaïeule des. Intitnés ,
dont Jcan-François Bourgeois fut autôrifé par
une Sentence de la Chàtdlçnie de Moulins du 26
A 2
. -r \ •
.
..
-
1^
1 *
^
•*
. . 1 ...
,1 % / w
�luin .17 0 4 , a:'percevoir,-les;revenus , a la charge
d’en rendre copipte,:& .dans le prix d’une de ces
trois maifons tjuü a vendue en 17 13 ,. : ,
. C ’étoit donc , Je^rt- François Bourgeois qui
çtoit obligé, & dont les biens étoient hypothéque's
au paiement de la valeur des meubles portés par
Pinverçtaiçe dp 170 8 , au compte.des loyers des
trois njiaiions, & a la rellitution. du prix de celle
q u i.at été vendue; & cependant le vignoble de
Thoury, poiTédé par le iicur Pitout, & fur lequel
les Intimés ont exercé leur demande hypothéc^irerj, n’a jam/iis appartenu a Jeau-François
Î3ourgçois,. la preuve en çlt pr-oduiçc au procès
par .les Intimes çux-memes, &c- fc trquvc dans un
partage du 17 Juin 16 7 6 des bifcns des fucceflions d’Etiçnne Gerbier
de JVtarjç Grolicr, ia
femme } ^pçre
mere d’Antoinettç .Gerbier 9
femme de Jean-Frahçois Bourgeois. L ’on voix
dans ce partage que le vignoble en queftion cil
échu au lot d ’Antoinette Gerbier. Il cit donc
cpnll.}nt quq ce .vignoble n’appa/*tenoit point à
Jcan.-Kran)ç(1)j.s bourgeois, mai* à Antoinette .Gerr
bi,cr? ia lcjum cv a laquelle il étoit même un pro
pre , puifqu’ii lui ptoit échu p*r fucçeliion en
ligne ilircçkc. lit des.lors il cft certain que ni l'in.veautfc ^le
, ni l(i Sc^terçce de 17 0 4 n’ont
rpomt^ dçvi^c (i’iiyppthçque ayx auteurs dis J mimés
fur ce yignnblc'.
11 cil encore certain que ni les Intimes ni leurs
^auteurs n’ont pc/int acqiji? d’hypotheque Jur ce
�5
vignoble depuis la Sentence de 1704. & l’in
ventaire de 170 8 . Le.premier & le plus ancien
titre qui a iüivi l’inventaire de 170 8 eft la Sen
tence de 17-59 , qui a condamné les enfants ÔCt
petits enfants de Jean-François Bourgeois &c d’Antoinette Gerbier à payer aux Intimés la fomme
de 800 livres pour la valeur des meubles énon
cés dans l’inventaire de 1 7 0 8 , a rendre compte
des loyers des trois maiions mentionnées en la
Sentence de 1 7 0 4 , ÔC du prix de celle qui a été
vendue; mais il y avoit déjà 15 ans que le iicur
Pitout étoit propriétaire du vignoble de Thoury.
L ’acquiiition qu il a faite de la derniere partie cil
de l’année 1744.. La Sentence de 17 59 , qui a
prononcé des condamnations au profit des Intimés
contre les enfants &c petits enfants de Jean-Fran
çois Bourgeois <Sc d’Antoinette Gcrbicr^ n’a donc
pu imprimer une hypothèque fur un fonds qui étoit
iôrti de leurs mains depuis long-temps. Cette vé
rité paroît évidente ; il ne relie plus qu’a réfu
ter les objc&ions que font les Intimés pour prou
ver qu’ils ont hypothèque pour leurs créances fur
le vignoble dont il s’agit. ;
Ilsoppolen
t en premier lieu tqu
e Je
an-Fran-jtvhon.
. Prem
ièreOb* o \
•
i* C
• i)
cois ijo u r g c o i s c c A n to i n e tte v r c r b i c r , la t v m m e ,
croient domiciliés en coutume de Bourbonnois,
1 ù il v a communauté de biens entre mari
fem
me ; qu’ainfi Jcan-François Bourgeois ayant con
traté des engagements par la Sentence de l~ :u .
¿SI par Tinvcnraire de 1708 , a oblige les biens
�6
de la communauté qu’il y avoit entre lui & A n
toinette Gerbieryfa Femme : que cette obligation eft
'devenue perfônnelle a fa femme ou a fes enfants*
par leur acceptation de lâ. communauté : que fau
te d’inventaire ils ont été tenus des dettes de la
communauté , même au delà de les forces : que
d’ailleurs leurs enfants s’étant portés héritiers , tant
de leur pere que de leur mere , ils font devenus
par cette double adition d’hérédité, débiteurs de tou
tes les dettes que leur pere avoit contrariées, &
particulièrement de celles qui réfultcnt de la Sen
tence de 1704. & dé l’inventaire de 1708 : &
que par cette confufion des deux hérédités les biens
tant d’Antoinette Gerbier que ceux de JeanFrançois Bourgeois ont été indiftin&ement hypo
théqués aux dettes de Jean-Francois Bourgeois,
parce que leurs enfants n’ont pu les prendre qu’avec
leurs charges, &: que les dettes étant communes
au mari & a la femme, il n’étoit pas befoin de
faire déclarer les titres exécutoires contr’eux.
Il y a dans cette obje&ion du vrai & du faux ;
mais on ne fauroit tirer de ce qui en eft vrai la
coniequence que les Intimés aient jamais eu d’hypotheque fur le vignoble dont il s’agit.
. Il eft d’abord très-vrai que dans la coutu'me. de Bourbonnois il y a communauté de biens
entre' mari &c femme: il eft également vrai que
Jcan-François Bourgeois a obligé, par la charge
de rendre compte que la Sentence de 17 0 4 lui a
impofée ôc par l’inventaire de 170 8 , les biens
�de la communauté qu’il y avoit entre lui & Antoinet
te Gerbier, fa femme ; on ne difconviendra pas non
plus que l’obligation de Jean-François Bourgeois
eit devenue personnelle, non pas à fa femme j*
parce qu’elle eft morte la premiere, mais à fes
enfants, par leur acceptation de la communauté ;
& que même , fi l’on veut, faute d’inventaire ils
étoient tenus indéfiniment des dettes de la com
munauté, non pas pour le tout, mais feulement
pour la moitié, parce que c’étoit leur pere qui
devoit l’autre. Mais il ne s’enfuit pas que le vigno
ble dont il s’agit,. qui étoit un propre a Antoinette
Gerbier, leur mere, fut hypothéqué au paiement
des dettes'de la communauté, même pour la moi-}
tié dont ils étoient tenus par l’acceptation qu’ils en
avoient faite.
, Un premier principe des pays de communauté,'
tels que le Bourbonnois, c’elt que le mari ne peut
vendre ni aliéner les héritagas de fa femme fans
ion vouloir &c confentement, art. 23<$ delà cou
tume de Bourbonnois. L ’art. aa6 de la coutume
de Paris dit que >> le mari ne peut vendre, échan» g e r , faire partage ou licitation, charger, obli» ger ni hypothéquer le propre héritage de ia fern” me, fans le confentement de fadite fe m m e &
» icelle par lui autoriiee à cette fin. « Auroux
des Pommiers, en l'on Commentaire fiir l’article
2 35 de la coutume de Bourbonnois, n°. 1 9 , après
avoir rapporté les termes de l’article, qui portent
que le mari ne peut vendre ni aliéner les héri
�8:
tages de ia femme fans ion vouloir & confente
ment , ajoute » ni parconféquent les échanger, faire*
« partage ou licitation, les charger ,1 obliger , ou
» hypothéquer, comme il'eft dit dans l’article 226
«.d e la coutume de Paris-.«
Un fécond principe, ceft que le mari, en con->
tradant, oblige non feulement ies biens, mais en
core, commet chef de la communauté, tous ceux1
qui la compoient j de maniéré qu’après ia diilolution , fi la femme ou fes héritiers acceptent la com
munauté, ils font tenus perfonnellement de la moi
tié des dettes que •le mari feul a, contractées, & .
même de la-totalité hypothécairement, s’ils po/Iédent des immeubles de la communauté, <5c que
la dette ioit hypothécaire, fauf leur recours contre
le mari ou fes héritiers pour la moitié. Auroux,
fyr l’article 24.2 de la coutume' de Bourbonnois,
n°. 1 6 , 17 & 18 . Dupleilis, fur la coutume1
de Paris, traite de la communauté de biens, livre
I , chapitre <5, fe&. 3 9page 4 1 6 , édition de 17 2 6 .
Un troifieme principe, qui découle des deux r
autres, c’eft que lorique la femme ne s’elt point
obligée, &c qu’elle ou fes héritiers acceptent la
communauté après qu’elle eft diiïoute, les créan
ciers , envers leiquels le mari a contra&é, n’ont contr’eux qu’une a&ion perionnelle pour la moitié des
dettes, fins avoir hypothéqué fur les propres de
la femme que du jour que le titre a été déclaré
exécutoire contr’elle ou contre iès héritiers. Voici
comment s’en explique M . Auroux en fa 9 3e.
addition
�adition fur l’article 2,42 de la coutume de Bour
bonnais , n°. 1 9 ; ” & quoique l’hypotheque ait
v lieu du jour de l’obligation fur les biens parti-?
» culiers du m ari, &C fur les immeubles de la com« munauté, elle 11’a toutefois lieu fur les prôpres
» de la femme que du jour que l’obligation eft
» déclarée exécutoire contr’elle, parce que la comu munauté ne produit qu’une aâion perionnelle
» contre la femme, aux termes de l’art. 1 x 1 de
n la coutume de Paris ; & il en eft de l’accep» tation de la communauté par la femme, com» me de l’adition d’hérédité, laquelle ne iuffit
» ,pas pour donner l’hypotheque aux créanciers duj» défunt fur les biens particuliers de l’héritier, cette
» hypothéqué n’ayant lieu que du jour qu’ils ont
n fait déclarer leurs titres exécutoires contre lui :
& il finit, en difaht que c’eft le xaiionncmenc de*
M.' Denis le Brun, de' la communauté, C ’eft cm
effet le langage de le B ru n , au lieu cité * p ar
Auroux. Roufleau de la Combe en dit autant en 3
ion recueil de Juriiprudence, au mot dettes, fe&.
Qf, n°. 7 ; 6c on ne croit pas qu’il y ait un A u
teur qui ait penfé différemment.
Ces principes poies , il eft facile d’en faire
l’application : le vignoble de Thoury étoit un
propre a Antoinette Gerbier ; le parcage de 1676
le prouve. C ’eft à Jean-François Bourgeois i'èul,
Ion mari, qu’il a été permis par la Sentence de
1704. de jouir des trois maifons appartenant'aux-'
auteurs des Intimés ; c’eft lui feul qui a été charB
�IO
* gé de rendre compte des loyers, c’eil auili lui
lèul qui a pris les meubles énoncés en l’inventaire
de 170 8 . Les Intimés n’ont donc pas d’hypotheque fur ce vignoble en vertu de la Sentence de
17 0 4 ., ni de l’inventaire de 170 8 ,
ils n’avoient qu’une a&ion purement perionnelle contre
les enfants d’Antoinette Gerbier pour la moitié
des créances, réfultant de ces titres, par l’accep
tation qu’ils avoient faites de la communauté qu il
y avoit entre leur pere & leur mere ; l’obje&ion
des Intimés, tirée de la communauté de biens
d’entre Jean-François Bourgeois , leur débiteur
originaire-, & Antoinette Gerbier, ia cfemme, eit
donc fins le moindre fondement pour l’hypotheque qu’ils prétendent avoir fur le vignoble
de Thoury.
Sont-ils mieux fondés ‘a prétendre que cette
hypothéqué leur eit acquife, fous prétexté que les
enfants de Jean-François Bourgeois , après s’être
portés héritiers d’Antoinette Gerbier, leur mere,
ont également , leur pere étant décédé, accepté
fa fucceiTion ? & a dire que par cette 'confuiion
des deux hérédités, les biens des deux fucceiïions
font devenus réciproquement grevés d’hypotheque
pour toutes les dettes dont chacune étoit chargée ?
cette obje&ion cft encore contraire à tous les prin
cipes.
Les Intimés fc plaifent a confondre Pa&ion
perionnelle avec l’a&ion hypothécaire. L ’on a
vu que l’acceptation de la communauté par la
�femme , ou ies héritiers , ne produit contr’eux
qu’une a&ion perfonnelle , 6c qu’ils ne font fujets
a l’a£tion hypothécaire que lorfqu’ils poifédent
des conquêts de la communauté , encore faut-il que
le m ari, qui a contra&é l’engagement , fut obligé
par a£le authentique & emportant hypothéqué. Il
en eit de même de l’adition d’hérédité ; l’héritier
n’eft tenu que perfonnelle ment des dettes du dé
funt,
fes créanciers n’ont hypothéqué fur les
biens propres de l’héritier que du jour qu’ils ont
fait déclarer leurs titres exécutoires contre lui.
C ’eit ce que nous enfeignent le Brun 6c Auroux,
aux lieux cités, en comparant la veuve commune
à l’héritier. O eil auili la do&rine de tous les
Auteurs , fondée fur les loix &: la Jurifprudence
des Arrêts. * 11 y en a un entr’autres très-folemnel du 14 Août 1 6 1 5 , rapporté par Bardct , S E c ' fur cette
dans le difpofitif même duquel il eft dit que » la
« Cour a délibéré &; réiolu par ion A rrê t, q u i ubique
» fera gardé 6c obfervé en toutes les Chambres du
» Parlement, que pour avoir hypothéqué fur les
» biens propres de l’héritier, il faut avoir obtenu
» condamnation contre lui. »
Ainfi quoique les enfants de Jean-François
Bourgeois 6c d’Antoinette Gerbier ie ioient ren
dus héritiers de l’un &c de l’autre , il ne s’enfuit
autre chofe finon que par leur adition d’hérédité
ils fe font obligés perionnellcment a payer les
dettes de tous les deux ; mais il ne s’enfuit pas
que les créanciers du pcrc aient acquis hypotheB a
�que fur les biens propres de la mere. Chopin ,
fur la coutume de Paris , liv. z , tit. <>, n°. 27 ,
6c M . Leprêtre après lu i, art. 1 , chap. 4.0 , n°.
1 7 , rapportent un Arrêt du Parlement de Paris,
du 7 Octobre 1 59 , qui a juge intermini s une
queftion pareille. Voici les termes mêmes de M .
Leprêtre » par Arrêt du 7 Octobre 1 5 9 5 , entre
» Boucquet pourfuivant criées de la maifon du Lion
» N oir fur François Dufour, il a été jugé que l’hypo»> theque créée par le pere fur fes biens 11e paflè point
« fur les biens de la mere par la confufion faite des
» patrimoines en la perfonne du fils ; &C que ve» nant la fucceiïion du fils à fe diviièr par mort
» entre les héritiers paternels & maternels , les
» héritiers maternels prendront les héritages ma» tcrnels fans aucune charge de cette hypothe» que, » Il eft donc certain que la double adi
tion que les enfants de Jean - François Bour
geois & d’Antoinette Gerbier ont faite de leurs'
fucceiïions n’a point donné ¿ ’hypothéqué aux
créanciers de Bourgeois fur les propres de fa:
femme ; & que les Intimés en particulier ri’au-:
roient pu l’acquérir que par la Sentence de 17 5 9 ,
qui a condamné envers eux les enfants Bourgeois
fur le fondement de la Sentence de 17 0 4 , & de
l’inventaire de 17 0 8 , mais qui n eft intervenue que
long-temps après les açquifitions que le fieur
Pitout avoit faites du vignoble dont il s’agit. La
première obje&ion des Intimés tirée, foit de la
.communauté de bien- d'entre Jean-François Bour
�ZÛ
geois & Antoinette Gerbier, foit de la confulion de leurs fuccefïions dans les perfonnes de
leurs enfants , elt donc pleinement réfutée.
Les Intimés prétendent trouver quelque diffé- . Seconde obj«c»
rence entre la créance qui dérive de l’inventaire
de 1708 , & celle qui prend fa fource dans la
Sentence de 170 4. Ils conviennent que Jean-Fran
çois Bourgeois feul s’eft obligé dans l’inventaire ;
mais ils prétendent que l’obligation qui naît de la
Sentence étoit commune a Jean-François Bour
geois & à Antoinette Gerbier, fa femme ; & par
conféquent que les biens tant de l’un que de
l’autre font hypothéqués a la créance .qui en réfulte.
Antoinette Gerbier y difent-ils , eft dans les
qualités de la Sentence ; il y eit prononcé des con
damnations tant en fa faveur qu’en faveur de JeanFrançois Bourgeois , fon mari : Remi Bazin , qui
cil: le bifaïeul des Intimés, & qui étoit veuf de
Catherine Gerbier , paroit dans la Sentence avoir
pris des conclufions contre Bourgeois 6c contre
Antoinette Gerbier, fa femme. D ’ailleurs, ajou
tent-ils , les créances pour lefquelles Bourgeois a
obtenu la permiilion de diipoicr du revenu des
maiionfl énoncées dans la Sentence, étoient des det
tes de la fucceiTion d’Etienne G erbier, pere com
mun de Catherine Gerbier, femme de Remi Bazin,
& d’Antoinette Gerbier , femme de Jean-François
Bourgeois , en forte qu’elles regardoient principale
ment les femmes & non Bazin &■ Bourgeois, leurs
�^
14
maris ; d-’oïi les Intimés concluent que les hypo
théqués qui ne font que l’acceiioire des créances ,
frappoient principalement fur les biens des fem
mes.
Il eft vrai qu’il y avoit des dettes dans la iiicceÎîion d’Etienne Gerbier, pere de Catherine Gerbier , dont les Intimés font iiTus, &c d’Antoinette
Gerbier, dont les Bourgeois, qui ont vendu au
fieur Pitout cinq fixiemes du vignoble dont il s’a
git , font deicendus , ôc que ces dettes étoient
communes aux deux fœurs. Et il eft vrai encore
que c’eft à l’occafion de ces dettes communes que
Bourgeois étoit devenu créancier lui-même de
Remi Bazin ôc de Catherine Gerbier , fès beaufrere ÔC belle-fœur , comme ayant payé pour eux
leurs portions d’un principal ôc des arrérages de
plufieurs rentes. Mais ce n’eft pas fins doute
parce que Bourgeois avoit ainfi payé pour Remi
Bazin & Catherine Gerbier T fa femme, auteurs
des Intimés, une partie de leur portion des det
tes communes , que les Intimés prétendent avoir
hypothéqué fur les biens de Bourgeois ÔC d’A n
toinette Gerbier, fa femme; car alors ce feroit don
ner au débiteur hypothéqué fur les biens du créan
cier , ce qui eft abfurde. Il eft donc fort indif
férent que les créances que Bourgeois avoit acquifes fur Remi Bazin ÔC Catherine Gerbier,
provindènt de dettes communes a la femme de
Bourgeois &C a celle de Bazin , puiiqiul ne peut
en réililter d’hypotheque en faveur des Intimés
�iiir les biens d’Antoinette G erbier, ni même fur
ceux de Bourgeois , ion mari, qui figuroit comme
créancier. Il eit donc confiant que l’hypothéque
prétendue par les Intimés ne peut prendre la
iburce'que dans la Sentence de 170 4 ., qui a autorifé Bourgeois a diipofer du revenu de trois
maifons , appartenant aux auteurs des Intimés , à la
charge d’en rendre compte. Il ne refte plus qu à favoir fi cette hypothéqué a frappé tant lur les
biens d’Antoinette Gerbier que fur ceux de fon'
mari.
Pour fe décider fur cette quefHon*, il faut,
avoir recours à la Sentence , 6c voici comment
elle eil concue : Après avoir prononcé la condam
nation des différentes fommes que Bourgeois avoit
payées pour Bazin, Ion beau-frere , il eftditque
» Remi Bazin payeroit à Jean-François Bour» geois la fomme de 1 3 2 0 livres 6 fols ( c’étoif le
» total des fommes .) dans trois mois , faute de
» ce faire, Remi Bazin eft condatnn: à faire audit
» Bourgeois le délaiiTement du Logis de la Gerbe
» Ôc des deux autres Maiions énoncées & confinées
» en la Requête du 19 Mars 17 0 1 , en paie>* ment & jufqu’a concurrence deidites créances,’
» fuivanc l’eftimation qui en feroit faite par Ex» perts ; finon & faute par ledit Bazin de con» fentir audit délaiilèment & a ladite eftimation ,
» il eft permis audit Bourgeois de ‘difpofer du
» revenu deidites maifons & héritages , de les
» donner a loyer 6c en percevoir le prixjufqu’à
�ïô
>? Tentier paiement defdites créances , a la charge
» par ledit Bourgeois de compter du produit
», defdits loyers fur le pied de 80 livres, le tout
» a Tes périls, rifques &c fortunes , & de payer
» les cens & devoir^ dont lefdites Maifons fe trou» veront chargées.
f . L ’on voit que dans toutes ces difpofitions il
n’eft jparlé. que de Jean-rFritnçois Bourgeois, que
ç’eft a lui feul qu’il a été permis de difpofer des
revenus des Maiiôns y énoncées , & que lui feul
a été chargé de compter du produit des loyers.
Ç ’efl pourtant de^cette charge de compter des
loyers que naît l’hypo.theque prétendue par les In
timés ; 6c comme e(Ie n’étoit impofée qu’à Jeanfrançois Bourgeois Teul, comme c’étoit à lui
leul que la permiiïion de jouir avoit été donnée ,,
ôç non à Antoinette G erbier, 1a femme , il s’en
fuit nécefïàirement que l’hypotheque qui en réfui-,
toit ne pouyoit .être imprimée que fur les biens
de Bourgeois, & m ême, fi l’on veut, fur les
immeubles de la communauté, mais nullement
fur les propres d’Antoinette Gerbier , fà, femmerl
^ qui n’a eu ni la pcrmiiîio^ de jouir, ni la charge:
de compter.
11
efï vrai qu*Antoinette Gerbier fe trouve
dans les qualités de la Sentence , & que la con
damnation de la première iomme eft prononcée
en fa faveur 6c en faveur de Bourgeois, fon
mari ; mais la condamnation des autres fommes
n’cit prononcée qu’au profit de Bourgeois feul,
6c
/
�'i j
^
&: ce qu’il y a de décifif^ c’eft que c’eft a lui feul que
la peririiiîion de difpofer des revenus des maiions
a été accordée > &c que c’eit lui feul qui a été char
gé de rendre Compté des loyers ; car C’eil unique
ment de cette chargé que réfulte l’hypothèque que
les Intimés réclament, & ce ne peut être de la
condamnation prononcée contre Bazin de payer
ce qu’il devoir L ’obfervation des Intimés que Ba-,
zin avoit pris des cûnclufions contre Antoinette
Gerbiér & contré Bourgeois, eii du refte Fort
indifférente , parce que la Sentence ne contient
aucune condafrinàtion en faveur de Bazin contre
Antoinette Gerbier* Il eft donc confiant que la
Sentence de 1704. n’a donné aucune hypothé
qué aux autéurs des Intimés fur les propres d’A n
toinette Gerbier, & que quoiqu’en diient les In
timés , il n’y a aucune différence a faire entre
leur créance dérivant de cette Sentence & celle
qui prend fa iource dans l’inventaire de 1 7 0 8 ;
puifqu’Antoinette Gérbier n’eft obligée ni dans
l’un ni cians l’autre.
t
t • /
•
1*
v1 9
Troificinc ©*>;
Les Intimes, qui comprennent bien qu ils n ont jeai0n.
point d’hypotheque fur les propres d’Antoinette
Gerbier pour aucune de leurs créances, ont voulu
équivoquer fur la nature du vignoble de Thoury,
poiledé par le fieur Pi tout. Ils font pourtant obli
gés de convenir qu’il étôit échu a Antoinette Ger
bier par le partage des fucceffions de ies pere &c
mere de 16 7 6 , & qu’il étoit par conféquent dans
l’origine un propre à Antoinette Gerbier ; mais ils
c
�i8
prétendent qu’il étoit furvenu dans la fuite quelque
changement dans le propriétaire de ce vignoble,
ÔC que de propre qu’il étoit a Antoinette Ger
bier, la propriété en a paiTé a Jean-François Bour
geois , fon mari ; &c ce qui leur a fait tenir ce
langage, c’eft qu’ils ont vu dans un des contrats
d’acquiiition du fieur Pitout d’une portion de ce
vignoble, que les vendeurs s’y font dits héritiers
de Jean-François Bourgeois, leur pere.
Mais il ne tombe pas fous les fens que Bour
geois ait acquis le vignoble en queition de fa fem
me. Cela n’elt pas même poiîible dans un pays
de communauté, où la femme ne peut contra&er
lans l’autorité de. ion mari ; car il répugne qu’un
mari autorifat fa femme pour lui vendre fes pro
pres. A l’égard de l’énonciation qui fe trouve dans
un des contrats d’acquifition du fieur Pitout, que
fes vendeurs étoient héritiers de Jean-François Bour
geois , leur pere, les autres contrats ne s’expri
ment pas de même : les vendeurs , qui étoient des
petits enfants de Jean-François Bourgeois, s’y difent
héritiers de leurs percs , fans dire autre choie ; &
il eft évident que leurs peres ayant recueilli tant
la fiicceflion d’Antoinette Gerbier, leur aïeule,
que celle de Jean-François Bourgeois, leur aïeul,
cela ne dit point que le vignoble en queition fut
provenu de Jean-François Bourgeois. D ’ailleurs le
contrat unique où fe trouve l’énonciation que les
Intimés relèvent, outre qu’elle ne porte pas que le
vignoble provenoit de Jean-irançois Bourgeois,
�19
doit évidemment être regardé comme erroné, fi
on veut qiie rénonciation le fignifie, puiiqu’il eft
combattu par un'a& e authentique;’le partage de
1 6 7 6 , qui prouve que ce vignoble étoit un pro
pre a Antoinette G érbier, mere des vendeurs;
& il n’eft pas étonnant qu’ils aient erré en ce point,
puiiqu’il y avoit lors de la- vente près de' 70 ans"
du partage- de 1 6 7 6 ,' dont ils n’avoieht vraiiemblablement’ aucune-’ connoifiànce : qu’Antoinette
Gerbier', leifr mere-, étoit : morte*' depuis' plùs de
3 0 an s , & qu’ils avoient toujours vu leur pere
jouir du’ vignoble; Mais 'cette- erreur eft abondammènr réparée par le partage de* 16 7 6 , & que les
Intimés , ‘qui l’ont produit eux^mêmes, ont fourbi
par la au!,fieur'Pitout'un titre qui entre efficace
ment dans Ta défenfe, pbur* prouver qu?ils n’ont
point' d’hypothèque fur ce • vignoble, ’ parce qu’il
étoif un ' propre à Antoinette Gerbier, • & -que les
obligations de Jean-Francois Bourgeois, fon mari,
n’ont pu ‘greVer d’hypothéqué les propres de fà
femme.
Enfin les Intimés
Quatr‘e
.?eA.
f ont imaginé
b . un
. dernier moyen,
; > derm
ereobjeaion,
dans lequel ils prétendent avoir indirectement hy
pothéqué fur le vignoble dont il ’ s’agir, non pas
à concurrence des créances qu?ils prétendent avoir
en vertu1.de la Sentence de 17 0 4 , & -de l’inven
taire de 170 8 , mais à concurrence d’une foute-de'
partage, dont Antoinette Gerbier étoit tenue par .
le fartage de 1 676 , &: qui a 'été payé: par JeanFrançois Bourgeois , fon mari.’ Il eft vrai'en effet
C a
�<.w
20
que dans le partage de 16 7 6 le vignoble de
Thoury fut eltimé 2,200 liv. & que le. lqt d’A n
toinette Gerbier ne montoit qu’à i o n liv. en
forte qu’il y avoit une foute de près de 12 0 0
liv. qui a été payée par Jean-François Bourgeois
aux dépens de ta communauté, qu’il y avoit entre
lui & fa femme, ce qui’ fait dire, aux Inrimés
que Bourgeois étoit devenu par-là créancier de
fa femme de cette fomme , qu’en exerçant les
droits de Bourgeois, leur débiteur, ils font fondés
à la r é p é t e r & qu’ils ont pour cette répétition hy
pothéqué fur les biens d’Antoinette Gerbier. clu
jour'de fon contrat de mariage.’ Voilà en quoi
les Intimés mettent leur derniere reiloiirce - peur
avoir hypothéqué iùr le vignoble dont il s’agit ;
mais on va leur faire voir qu’elle' a été mal. imaginée.
Il
faut d’abord retrancher la moitié de la fou
te dont il s’agit, à caufe de la communauté qu’il
y avoit entre Bourgeois. & fa femme. IL eit bien
jufte qu’ une femme ait part dans les profits,
puiiqu’elle eil tenue de la moitié des dettes de la
communauté, comme nous l’avons obier’vé plus
haut.
Mais il ne faut pas en demeurer là ; les Inti
més eux-mêmes nous ont oppofe qu’il y avoir eu
une confuiion des Îùcce0ions de Jean-François
Bourgeois & d’Antoinette Gerbier , parce- que
leurs enfants s’étoient portés héritiers de l’un &
de l’autre. Ils l’ont fait à la vérité fans fruit,
mais .leur obfetvatioa ne. fera pas également in-
�ai
fruâueuic pour écarter leur obje&ion. Les princi
pes de la confuiion nous enfeignent que lorfque
le créancier fuccéde à fon débiteur, ou que le
débiteur fuccéde à fon créancier, 011 que la
même perfonne fuccéde à l’un &: a l’autre, il s’opere une extin&ion de la créance, parce qu’on
ne peut pas être ni créancier ni débiteur de foimême , 6c ces principes font puifés dans la droite
raifon. Cela p ofé, les Intimés conviennent que
les enfants de Jean-François Bourgeois, créan
cier d’.A ntoinette Gerbier , fa femme, pour la
moitié de la foute, ont fuccédé à leur pere , 6c
qu’ils ont également fuccédé a Antoinette Gerb ier, leur m ere, débitrice de la moitié de cette
lbute ; il s’eft donc opéré en eux par cette confufion une extin&ion de la dette , 6c ce qui eft
line fois éteint, ne revit plus. C ’eft donc trop
tard que les Intimés imaginent de vouloir exer
cer les droits de Bourgeois fur les biens de la
femme , puifque ces droits n’exiilent plus depuis
que leurs enfants , après avoir recueilli la
lucceifion de leur mere , morte la premiere, ont
également accepté celle de Bourgeois , leur pere;
6 c par coniéquent point d’hypotheque à préten
dre.
Les Intimés auroicnt beau' faire valoir la légi
timité de leurs créances , la Sentence de 1 7 5 9 , &
l’Arrêt confirmatif qui les leur ont adjugées. On
n’entend pas les conteiier ; cependant il y
a lieu de croire qu’elles doivent être coniidérablc-
�ment réduites par les compenfations que M arcellet, Curateur à la fucceffion de Marie-Therefe
Bourgeois, leur oppofe. Mais duffent-elles être
intactes , ils ne peuvent les exiger que de
ceux qui les doivent ; le fieur Pitout ne les doit
pas perfonnellement, puifqu’il eft un étranger à
la famille des Bourgeois. Les doit-il comme dé
tenteur du vignoble de Thoury ? on fe flatte d’a
voir établi que non , parce que les Intimés ni leurs
auteurs n’ont jamais eu d’hypotheque fur ce vig
noble. Si un créancier légitime eft favorable ,
un tiers détenteur qui a acquis
payé de bonne
foi le prix de fon acquifition ne l’eft pas moins ;
&. fi le créancier l’attaque pour un bien qui
n’eft pas grevé de fon hypothéqué, rien de plus
légitime que de s’en défendre. C ’eft là la pofition
des Intimés & du fieur Pitout. A u refte les In
timés ne font pas a plaindre , ils ont exercé diffé
rentes actions hypothécaires contre de vrais dé
tenteurs de biens provenus de Jean-François Bour
geois , qui ne conteftent pas leur demande. Mais
quant au fieur P itout, le fonds qu’il poffede n’é
tant point hypothéqué a leurs créances , il eft
jufte qu’il n éprouve aucune condamnation.
M onfieur l'A b b é D E
Clerc, Rapporteur.
P O N S , Confeiller-
M e. T I X I E R , Avocat.
G a u l t i e r , Procureur.
D e l'imprimerie de P. V I A L L A N E S , près l’ancien Marché au Bled. 17 7 4 .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Pitout, Jean. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
de Pons
Tixier
Gaultier
Subject
The topic of the resource
vin
hypothèques
successions
coutume du Bourbonnais
communautés de biens entre époux
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis signifié pour sieur Jean Pitout, Marchand, demeurant en la Ville de Moulins, Appellants de Sentence de la Sénéchaussée de la même Ville, du 16 Décembre 1771, et Demandeur en assistance de Cause. Contre Marie Deferre, veuve et commune de Nicolas Girier et Conforts, Intimés. Et contre le nommé Paradis, la nommée Grandju et autres, Défendeurs en assistance de cause. En présence de Nicolas Marcellet, Praticien de la Ville de Moulins, Curateur aux successions vacantes d'Antoine Durye et de Marie-Thérèse Bourgeois, fa femme, aussi Appellants.
Table Godemel : Déclaration d'hypothèques 1. validité ou nullité d’une sentence sur affectation et déclaration d’hypothèque.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1676-1774
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0311
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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A related resource
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communautés de biens entre époux
coutume du Bourbonnais
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hypothèques
Successions
vin
-
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84875f720efadb7daf87e08a6c3b8c51
PDF Text
Text
AVIS A U L E C T E U R .
L a date de l ’avis interprétatif du sénatus-consulte
du 16 floréal, est du 9 thermidor, et non du 19 ther
midor , comme cela a été im prim é, par erreur, à
quelques endroits, notamment à la page 7 de ce
mémoire.
�PRECIS
EN RÉPONSE,
PO U R
B O N N A F O U X , J e a n , V IA L F O N T e t
autres, habitant le département du Cantal,
intimés;
Jean
C O N TRE
Le sieur BO U RNET, propriétaire habitant
la ville d’Issoire, appelant
EN PRÉSENCE
De dame H e n r i e t t e DE CHAUVIGNY DE
B L O T veuve D E SR O Y S et de sieur A n n e t DESROYS.
E n publiant ses moyens contre le jugement du tribunal
d 'Issoire, qui admet les Bonnafoux au partage des biens
rendus par la loi du 5 décembre 1 8 1 4 au x héritiers ou
ayans cause des anciens propriétaires, le sieur Bournet s’est
mis fort à son aise. Il a représenté les intimés comme ayant
élevé une prétention absurde, que la décision des pre
miers juges n’aurait fait que consacrer avec la plus in
concevable légèreté. Suivant lui, c’est un système qui
aurait pour résultat immédiat d’appeler comme ayans
cause d’un émigré, ses parens les plus éloignés, au lieu de
ses héritiers ou de ses parens les plus proches, c’est-à-dire,
COUU ROYAL!-:
DE 111051.
a*
C H A M BRI'.
�K 'A l
( * )
''de fausser la loi sous prétexte de l’ interpréter; et cette
violation de la loi serait encore proposée à la cour contre
l’aütorité de ses arrêts déjà rendus dans la même cause.
Il nous sera facile de démontrer que ce prétendu sys
tème desBonnafoux, repose sur la disposition même de la
loi, sur la jurisprudence constante des Cours royales et de
la Cour de cassation; que leur demande est fondée sur la
doctrine copsacrée par les précédens arrêts de la Cour
qu’a obtenus le sieur Bournet. Nous aurons donc moins
à critiquer ces arrêts, qu’à en invoquer Jes principes;
car, écrits nettement dans ces arrêts, ils y demeurent
inébranlables. Nous démontrerons d’ailleurs que l’appli
cation que le sieur Bournet veut en faire ci lui seu ly
parce qu’il y était seul partie, en l’absence de ses cointéressés, est en contradiction avec le principe qui les
dicte; que c’est lui, et non les Bonnafoux, qui .repous
serait la chose jugée, si son système pouvait être admis;
c’est lui qui détruirait les principes proclamés par la loi
de iBi/f, et les règles ordinaires de l’hérédité. Les Bon
nafoux,au contraire, les invoquent^car eux ou ceux qu’ils
représentent étaient les plus proches parens et héritiers
du défunt au moment où le droit s’est ouvert; et c’est dans
les arrêts de la Cour elle-même qu’ils puisent leurs
moyens de défense. D ’ailleurs, ils sont dans la lettre et
l’esprit de la loi.
La question du procès est de savoir si un émigré étant
mort avant son amnistie, le bénéfice de la loi du 5 dé
cembre 18 14 ( {l uc tout le monde reconnaît n’avoir d’ef
fet que pour l’avenir) appartient à ceux qui auraient dû
succéder à l’émigré le jour de sa mort naturelle, q u o iq u ’à-
�■C3 )
lors il fût en état de mort civile, ou à ceux que la loi ap
pelait à lui succéder au jour de la restitution; c’est-à-dire,
a u x héritiers naturels qui auraient recueilli ses biens, lors
q u e la loi du 5 décembre a été publiée. L e sieur Bournet
soutient le premier système, et le jugement a admis le se
cond sur la demande des Bonnafoux. Tout consiste donc à
rechercher ce qu'a entendu la loi par ces mots '.leurs héri
tiers ou ayons cause. Cette question s’élève entre le dona
taire du sieur de Lespinasse, père de l’émigré, que la loi
du temps de son décès eût appelé à lui succéder pour le
tout, s’il n’eût pas été émigré, et les héritiers collatéraux
de l’émigré, qui étaient appelés à lui succéder pour moi
tié , au moment où les biens qui font le sujet de la contes
tation ont été rendus. C ’est donc sur cette question qu’il
faut fixer spécialement l’attention de la Cour.
Nous pouvons être assez sobres de détails dans le récit
des faits; quant à la discussion, elle sera toute entière pui
sée dans la jurisprudence, où l’on trouve la saine et véri
table entente de la loi. Nous plaçons à côté des faits un
tableau généalogique tel que l’a présenté le sieur Bournet,
enyajoutantquelques indications qui nousparaissent utiles.
F A IT S .
Il s’agit, dans la cause, du sort d’une partie de la suc
cession de François-Aldebert de Sévérac. On voit sur la gé
néalogie qu’il décéda en l’an 4» après avoir recueilli sa
part dans la succession de Jean-Marie-Clair de Sévérac,
son neveu, mort le i germinal an 2. Marguerite et M a
rie Sévérac, sœurs de François-Aldebert, de va ie nt re
cueillir sa succession conjointement avec Claude-Gilbert
1.
�de Cespinasse, qui représentait Catherine-Marie-Louise
deSévérac,sa mère, alors décédée; mais Glaude-Gilbert
était émigré, et en vertu des lois du moment,il était repré
senté par la nation t qui s’était réservé le droit de succéder
à la place des émigrés pendant une période de cinquante
années. Aussi ses biens furent-ils frappés du séquestre.
Toutefois, le séquestre annoncé sur les biens provenus de
François-AIdebert, fut suspendu par une circonstance
particulière. Il avait légué la jouissance de ses biens à la
dame Chauvigny, son épouse, aujourd’hui remariée au
sieur Desroys. O r , ce droit d’usufruit s’opposait à la
jouissance actuelle du gouvernement, qui leva le séques
tre et laissa la veuve en possession.
I l j i ’estpas inutile, pour la suite des faits, de connaître
la composition des deux successions successivement ou
vertes, de Jean-Marie-Clair, et François-AIdebert de Sévérac. Elle est fort bien indiquée au mémoire de J’appelant, page 4 et 5 ; il nous suiiit d’en tracer les résultats.
L e patrimoine de Jenu-Marie-Glair se composait de la
terre de Vertessère et d'une portion de celle de Sévérac,
situées dans le département du Gantai, et d’une portion
de celle de St-Martin, située dans le département du Puyde-Dôme. Il faut faire une différence entre les deux pre
miers objets qui ont été restitués par le préfet du Gantai,
en vertu du sénatus-consulte du 6 iloréal an io , et la terre
de St-Martin qui n’a été rendue que par la loi du 5 dé
cembre i 8 i/}.On voit que Glaude-Gilbert Lespinasse était
appelé h recueillir une partie des biens de Jean-MarieClair, d’abord de sou chef, et ensuite du chef de FrançoisAIdebert.
�ÏÏ'
(. S )
Quant à ce dernier, il laissait dans sa succession la terre
d’Auzat, outre sa part dans les biens de Jean-Marie-Clair;
et Claude Lespinasse était appelé à y prendre une portion
•égale avec Marguerite et Marie Sévérac, ses deux tantes.
C ’est principalement à raison de la terre d’Auzat que s’é
lève la difficulté. Cette terre est demeurée au pouvoir de
la veuve, même après son convoi, quoique, par ce seul
-fait, la jouissance dût cesser de droit, et elle a donné lieu
•à des difficultés judiciaires qu’il faudra connaître. Nous
n’avons pas besoin de nous fixer davantag^sur la quotité
des portions que pouvait amender Claude-Gilbert Les
pinasse, ou, pour lui, le gouvernement, dans ces diffé
rentes natures de biens.
Nous devons noter ici un fait important qui est devenu
le principe de toutes les difficultés auxquelles s’exposa la
dame de Chauvigny, veuve Sévérac. C ’est un point reconnu
en jurisprudence comme en législation, que là nation
,
n’était pas saisie de droit, des successions ouvertes à l’é
migré, pendant sa mort civile; qu’elle ne le devenait que par
l’appréhension réelle, la mainmise surles biens; que,faute
de cette précaution, les successions échues aux émigrés
étaient dévolues aux héritiers républicoles (pour employer
les termes de la législation d’alors). O r, il ne paraissait pas
qu’il y eût eu séquestre effectué sur les biens de FrançoisAldebert, à cause de l’usufruit de son épouse, et on se
persuada qu’aucun acte de l’administration publique ne
les avait mis sous sa main; que conséquemment Margue
rite et Marie de Sévérac, ses deux sœurs, seules héritières
républicoles, avaient été saisies de la totalité, et c’est dans
cet esprit qu’elles traitèrent avec la dame de Chauvigny,
*eur belle-sœur, par acte du 3o floréal an 5.
*Tf
�( 6 5
Par cet acte, elles prirent la qualité de seules et uniques
héritières de François-Aldebert de Sévérac, et, à ce titre,
cédèrent à la dame de Chauvigny tous leurs droits dans
cette succession, sur les biens situés dans la commune
d’Auzat et autres environnantes. Elles en exceptèrent les
droits que François-Aldebert tenait de la succession de
Jean-Marie-Clair de Sévérac; cette réserve frappait ce qui
était advenu à François-Aldebert, dans les terres de Vertessère, de Sévérac et de St-Martin. Marguerite et Marie
Sévérac se lefréservèrent pour les réunir à pareilles por
tions qu’avait chacune d’elles, de son chef, dans les mêmes
biens, et elles exigèrent que la dame de Chauvigny se dé
partît de son usufruit survies portions qui leur provenaient
du chef d’ Aldebert, leur frère, en sorte que la cession
faite, d’ailleurs, moyennant une rente viagère, fut un vé
ritable contrat aléatoire. A u reste, il paraît assez clair que
la dame’de Chauvigny ne visait qu’à réunir dans ses mains
la propriété de la terre d’Auzat, dont elle était déjà usu
fruitière. Munie de cette cession, elle se considéra comnie
‘'seule propriétaire de cette terre, resta long-temps en
possession sans être troublée par personne, et la vendit
par parcelles à un grand nombre d’individus.
Plus tard, comme nous le verrons, Marguerite et Marie
Sévérac vendirent au sieur Grenier les biens et droits
dont elles s’étaient fait la réserve par la cession du 3o flo
réal an 5 .
Claude-Gilbert Lespinasse décéda le 16 frimaire an 8 ,
tq^ijours ou état d’émigration. Il ne laissait ni frères ni
tœurs; mais son père lui survivait. O r, on était régi par la
loi du 17 nivôse an a ; le père eût donc été seul héritier
�( 7 )
s e ^t Pu laisser une succession susceptible d’èlre *
t r a n s m i s e j mais, d’après la disposition des lois sur les effets
de la mort civile, sa succession avait été ouverte au profit
des héritiers qu'il avait au jour de son émigration, et
q u a n t aux biens qu’il avait acquis depuis, à titre successif,
ils auraient également appartenu à ses héritiers, s’ils n’a
vait pas été réservés à la république. O r , Claude-Gilbert
Lespinasse n’avait d’autres biens que ceux qui lui étaient
advenus par les décès successifs de Jean-Marie-Clair et
.François-AldebertdeSévérac,si ce n’est quelques-uns situés
dans le département de la Haute-Loire ; mais ils étaient
tous sous la main de la nation qui les avait séquestrés h son
profit. Le sieur Lespinasse père n’avait donc, alors, de
droits d’aucune espèce, pas même la qualité d’héritier de
son fils, censé mort bien avant la loi du 17 nivôse an 2.
C ’est en cet état que fut rendu le sénatus-consulte du
G floréal an 10, qui, en autorisant l’amnistie des émigrés,
leur rendit tous leurs biens non vendus, réservés ou af
fectés à un service public.
La terre de St-Martin avait été attribuée à la sénatorerie de Riom ; elle était donc exceptée de la restitution.
I,a terre d’Auzat était dans la main delà damede Chauvigny, déjà remariée au sieur Desroys.
On sait que l’avis du 9 thermidor an 10, permit d’ap
pliquer l’amnistie aux émigrés décédés en état d’émigra
tion. L e i 5 ventôse an 11, le sieur Lespinasse père obtint
un certificat d’amnistie pour son fils; après cela, il sollicita
et obtint divers arrêtés d’envoi en possession des biens.
L e 11 germinal an n , les biens du département de la
Ilaute-Loire furent restitués au sieur Lespinasse père,
du
�* par un arrêté du préfet de ce département. Il faut recon
naître, en effet, que le sénatus-consulte, en ordonnant *
la restitution des biens, l’appliquait à ceux qui étaient hé
ritiers présomptifs du défunt au moment de sa publication.
D ’ailleurs ces biens étaient possédés par le fils au mo
ment de son émigration, et il y avait une différence essen
tielle à faire entre ceux-là et ceux échus à l’émigré pen
dant sa mort civile.
Toutefois, un arrêté du préfet du Gantai, du 25 ther
midor an i l , délaissa au sieur Lespinasse père les por
tions échues à son fils dans les terres de Vertessère et de
Sévérac, du chef d’Aldebert et Jean-Marie-Glair de Sévérac.
Quant aux biens situés dans le Puy-de-Dôme, le préfet
n’ordonna la remise que de ceux possédés par le fils, au
moment de son émigration; il réserva tous ceux échus
depuis, comme n’étant pas rendus par le sénatus-consulte:
cela résultait de diverses lois et règlemens, comme en
convient le sieur Bournet, pag. 8 , et c’est un point fort
essentiel à saisir.
Ainsi la question ne resta plus désormais que pour la
terre de Saint-Martin et celle d’Auzat ; tous les autres
biens avaient été restitués à Lespinasse père. Ces deux
propriétés ont donné lieuàdeux procès successifs; d’abord
entre le sieur Lespinasse et le sieur Grenier, son acqué
reur, pour la terre de Saint-Martin; et ensuite entre le
sieur Bournet, donataire de Lespinasse, et la dame Desroys, pour la terre d’Auzat.
L e 18 vendémiaire an 14 , le sieur Lespinasse céda au
sieur Grenier tous scs droits dans la succession de sou fils.
�(9 )
L e s i e u r Grenier, considérant la terre d’Auza t comme ayant
fait partie de la succession du fils, forma, en 1810, une de
mande en partage de cette terre, contre la dame Desroys,
et en réclama le tiers. Avant toute décision, et par acte
sous seing’ privé, du 16 novembre 1811, 1g sieur Grenier
se départit, au profit de la dame Desroys, soit de cette
demande, soit de tous droits sur les successions de JeanMarie-Clair et François-Aldebert de Sévérac. Ainsi, soit ^
du chef de Marguerite et Marie de Sévérac, soit du chef du
sieur Lespinasse, la dame Desroys crut être propriétaire
delà totalité de la terre d’A uzat. C ’est dans cette confiance,
qu’elle l’a vendue; mais elle était dans l’erreur, comme
le démontreront les faits qui vont suivre. Quelque pénible
qu’il puisse être pour elle de rester sujette à des garanties
contre les acquéreurs, c’est une conséquence qu'elle ne
peut éviter; mais il faudra aussi que le sieur Bournet se
résigne à subir celles qui sont attachées à sa propre posi
tion, quelque singulières qu’elles puissent lui paraître. Il
est d’ailleurs fort aisé de reconnaître qu’il ne s’agit pas,
pour lui, d’une perte quelconque, mais d’un bénéfice
plus ou moins grand.
C ’est en cet état que fut rendue la loi du 5 décembre
1814 t
ordonne que tous les biens séquestrés ou
confisqués pour cause d ’émigration, tous ceux advenus à
VÉtat par suite de partage de succession ou présucces
sion ......... seront rendus à ceu x qui en étaient proprié
, à leurs héritiers ou ayans cause. Une commission
taires■
fut nommée pour l’exécution de cette loi.
Bientôt après, le sieur Lespinasse père, comme héritier
de son fils, se pourvut pour obtenir le délaissement de la
terre de Saint-Martin.
2
9
�D e son côté, le sieur Grenier en demanda la délivrance r
prétendant qu’elle était comprise dans la cession de tous
les droits du père à la succession du fils. L e sieur Lespinasse père, disait le sieur Grenier, ne se présente que
comme héritier de son fils. Or, cette qualité-seule repousse
sa demande, car il m’a cédé tous ses droits d’hérédité.
Cette prétention eût été incontestable si Lespinasse
père n’eût pu demander la restitution de la terre, qu’au
titre rigoureux à!héritier de son fils, car il l ’avait cédé au
sieur Grenier. Il fallut donc examiner si cette qualité lui
était nécessaire, et si la remise était faite à celui qui était
l’héritier naturel ou testamentaire de l’émigré au moment
de son décès, ou bien à ceux qui le représentaient,, comme
ses parens les plus proches, et comme étant appelés à lui
succéder au moment de la restitution.
On sent que dans le premier cas, le droit, provenant
d’un fait antérieur à la cessioü, appartenait au sieur
Grenier, céda ta i r e , à ses risques, du titre et des droits de
l’héritier, et que, dans le cas c o n tr a ir e , il ne lui restait ni
titre ni droit. Un arrêté de la commission r e n v o y a les
parties devant les tribunaux, et la cause fut portée devant
le tribunal d’ Issoire.
L é sieur Grenier y soutenait que Lespinasse père avait
été saisi de droit, par le décès de son fils, non-seulcment
des biens qu’il possédait alors, mais de tous les droits et
notions qu’il pouvait exercer, ineme de ceux qui étaient
suspendus parla mort civiteetla confiscation *, que la main
l e v é e du séquestre, la restitution des biens, ordonnées à
posteriori, n’avaient fait que lever l’obstacle qui existait à
la libre exécution des lois générales en matière d’hérédité,.
�yH 'i
«tque les choses reprenaient leur cours, comme si le s é
questre et la confiscation n’eussent jamais existé. O r , didisait-il, Lespinasse père, seul héritier de son fils, avait
réuni dans sa main tous les droits de l’hérédité ; il me les a
cédés; ils m’appartiennent donc, et avec eux la terre de
Saint-Martin, pour la part qui en revenait à mon cédant.
L esie u r Lespinasse, en combattant ce système, pré
sentait une thèse tout opposée; il soutenait d’abord que,
p a r l’effet delà mort civile, Claude-Gilbert Lespinasse,
son fils, n’avait succédé ni à J ean-M arie-Clair, ni à FrançoisAldebert de Sévérac, desquels provenait le huitième de la
terre de Saint-Martin ; que conséquemment il ne les avait
pas recueillis dans la succession de son fils ; d’ailleurs, disaitil, passe pour les biens restitués par le sénatus-consulte
de l’an 10; seul héritier de mon fils, à cette époque, j’en
étais propriétaire, puisqu’ils m'avaient été rendus avant
la cession que je vous ai faite quatre ans plus tard, et ils
peuvent y avoir été compris; mais ceux-ci étaient réservés;
ils ne m’appartenaient pas ; je ne pouvais rien y préten
dre, ni même conserver à leur égard de l’espérance, par
cela seul que la loi les avait exceptés et affectés à un ser
vice public, nous n’avons donc pu avoir ni l’un ni l’autre
la pensée de les comprendre dans notre conyention ; et
quelle que soit la généralité des termes que-nous avons
employés , ils ne peuvent s’appliquer qu’aux droits que
j’avais, et non à ceux qui, ne m’ayant été restitués que
depuis, et encore à titre de faveur et non d’hérédité, sont
tout à fait étrangers à la cession et à la qualité en vertu
de laquelle je vous l’ai consentie.En un mot, disait-il, ce
n’est pas à la succession de mon fils que les biens ont été
�rendus*, c'est à moi, directement, comme à celui-là, qui
seul le représentait au moment de la cession.
Remarquons bien ici que Lespinasse se présentait
comme seul ayant cause de son fils *, que Grenier ne le
contestait pas; qu’au contraire il avait intérêt qu’il le fût,
puisqu’il se présentait comme cédataire ; que ni l’un ni
l ’autre n’avertissait la justice que si la restitution était
directe à l’héritier, il existait d’autres ayans droit de
Claude-Gilbert Lespinasse, au moment de la publication
de la loi du 5 décembre 18 14 j qu’ainsi toute la question
se trouyait dans le plus ou moins d’étendue de la cession,
et non dans le nombre ou la qualité des représentans ou
ayans droit de Claude-Gilbert Lespinasse. En un mot, il
s’agissait de savoir si Guillaume Lespinasse, censé par
toutes les parties le représentant <le la succession de son
fils et son unique ayant droit, avait ou non compris les
biens rendus, dans la cession faite à Grenier, ou si on de
vait les considérer comme rendus directement à celui qui
était ou qu’on considérait c o m m e seul a y a n t droit de l’é
migré, au moment de la restitution.
Ces moyens prévalurent, et un jugement du tribunal
d’Issoire, du iCjuin 1816, adjugea lesbiensà Lespinasse;
il déclara que, nonobstant la cession faite à Grenier, il
était demeuré l’ayant droit de son fils pour tout ce qui
n’avait pas été rendu auparavant, c’est-à-dire, qu’il l’était
resté, nonobstant la cession faite à.Grenier, mais seule
ment comme il l’était auparavant. Si le tribunal d’Issoire
ajouta qu’il était seul représentant de son fils, cette ex
pression posée par opposition à la demande du sieur Grcnicr, ne signifiait autre chose, si ce n’est qu’entre eux
�(13>
deux, seules parties litigantes, seuls dont les droits ou les
intérêts fussent mis en question , Lespinasse était le seul
représentant de son fils, lors de la loi du 5 décembre j 814.
L e jugement ne décidait pas, au surplus, que s’il y avait
d’autres représentans de Claude-Gilbert Lespinasse, ils '
n’auraient pas le droit de demander contre Guillaume ,
d’être admis à participer, pour leur .portion, à une décision
qui leur appartenait évidemment comme à lui; car la seule
chose jugée était que la restitution n’ayant été faite qu’en
1814, et ne se reportant à aucun principe d’hérédité an
térieur, on ne devait pas considérer Guillaume Lespinasse
comme saisi par sa qualité d’héritier de son fils, mais seu
lement comme appelé en qualité d’ayant droit, au moment
de la publication de la loi du 5 décembre 181 4- En un
mot, on adjugeait le profit de la restitution au x héritiers
ou ayans cause de Lespinasse fils, en 181 4 5 contre l’ayant
droit de celui ou ceux qui étaient ses héritiers au G lloréal
an 10. Voilà toute la question qui fut alors jugée.
L e sieur Grenier appela de ce jugement ; il demandait la
réformation de la décision p rin c ip a le q u a n t à l ’a ttrib u
tion de la p r o p r i é t é ; subsidiairemetit, il demandait, comme
en première instance, que le feieur Lespinasse fût assujetti
à contribuer aux dettes de la succession.
Par un arrêt du 3 mars 1817, la Cour confirma le juge
ment, quant à la disposition principale, mais le réforma,
quant au payement des dettes: la Cour ordonna un compte
entre les parties.
L ’une et l’autre se pourvurent en cassation; mais le
pourvoi fut rejeté par-un arrêt du 25 janvier 1819. Ne
nous occupons que de la décision principale, et n’oublions
pas d’observer que si la Cour de cassation se fonda seule-
�ment sur ce qu’il était reconnu par la Cour royale que
les biens en litige n’étaient pas compris dans la cession
faite au sieur Grenier, la Cour royale avait décidé que la
loi du 5 décembre 18 1 4 était une loi de grâce et de fa
veur; que les biens restitués avaient cessé d’appartenir à
l’ancien propriétaire-, qu’ils avaient été irrévocablement
réunis à la sénatorerie, plus de deux ans avant la cession;
que si Lespinasse père les y eût nominativement compris,
la clause eût été réputée non écrite, parce que la loi inter
disait à Lespinasse tout pacte, toute transaction sur des
biens qui appartenaient à autrui. Il est bon, en parcourant
les diverses phrases des instances qui ont été portées de
vant les tribunaux, de ne pas perdre de vue la direction
qui leur était donnée, et les principes qui ont été chaque
fois posés parles arrêts, pour arriver à la décision. Nous
aurons à remarquer plus tard, que celui qui décida la
Cour de cassation, comme les motifs écrits dans les arrêts
postérieurs, militent tous en faveur des Bonnafoux.
' Dans l’intervalle, e t le 27 o c to b r e 1817, le sieur Lesüinasse
avait fait donation au sieur B o u r n e t de tous les
A.
droits dans lesquels il avait été réintégré par la loi du 5
décembre 181 4 >et l’arrêt du 3 mars 1817; et désormais,
ce fut le sieur Bournet qui figura dans les nouvelles pro
cédures.
Les parties passèrent bientôt à l’exécution de l’arrêt;
elles vinrent à compte, et les difficultés qui s'élevèrent fi
rent apercevoir au sieur de Lespinasse que son fils avait
droit à uneportion de la terre d’Auzat, à laquelle il n’a
vait pas pensé jusque-là. Un incident s’éleva, et le notaire
renvoya les parties devant la Cour, où s’établit un nouveau
Jitige. I,e sieur Grenier reconnut., dans çles mémoires Un-
�w
( 15 )
primés, que Ie sieur Lespinasse père , au moment de
la c e s s i o n de l’an 14 ? était exclu de la succession de
Irançois-Aldebert de Sévérac^ comme de celle de JeanMarie-Clair; qu’en conséquence, il ne pouvait rien pré^tendreàla terre d’Auzat, comme cédataire de Lespinasse,
puisqu’elle provenait de François- Aldebert; et par arrêt
du 26 avril 1820, la Cour donna acte au sieur Bournet de
cette déclaration, à l’effet, par Bournet, d’exercer ses
d r o i t s sur cette propriété, à ses risques et périls. Il faut
convenir que le sieur Grenier n’avait pas grand mérite à
faire cette déclaration; d’une part, elle n’était que la consé
quence de l’arrêt déjà rendu contre lui, qui ne pouvait
toutefois préjudicier-aux droits des tiers 5mais quand il eût
e u d e s droits sur A u z a t, dans le principe, il ne lui eussent
plus appartenu, puisqu’il les avait cédés à la dame Desroys, par l’acte de 1810, dont nous avons parlé plus
haut.
C ’est à cette époque que le sieur Bournet fit assigner
les sieur et dame Desroys, et divers acquéreurs de par
tie delà terre d’Auzat; il d em a n d a co n tre les uns le par
tage de la t e r r e , et contre les autres le rapport des por
tions par eux acquises.
- Il n’y eutpointdedifficultéàl’égarddestiers-acquéreurs;
les sieur et dame^Desroys prirent leur fait et cause;
mais à l’égard de ceux-ci, il s’éleva des questions sérieuses.
Les sieur et dame Desroys succombèrent, non parce que
le sieur Lespinasse était le seul ayant droit, mais parcequ’ils étaient sans droit ni qualité pour garder la portion
de la terre d’Auzat échue à Claude-Gilbert, et appréhen
dée par la nation, comme succédant à sa place. Nous en.
serons convaincus par la seule inspection de l’arrêt de k
�( 16 )
Cour, et de celui de la Cour de cassation qui l’a suivi
Cela demande quelques explications.
'
i
Nous avons vu plus haut^ que la dame Desroys était cédataire de tousles droits de Marguerite et MariedeSévérac
sur la terre d’Auzat; qu’elle était encore céda taire de tous
les droits du sieur Grenier. Elle et son époux croyaient, à
ces deux titres, que la propriété du.tiers de celte terre,
provenue de François-Aldebert, ne pouvailleur échaper.
Ils présentaient leurs moyens sous unedouble face.
E t d’abord, disaient-ils, au moment de l’ouverture de
la succession de François-Aldebert de Sévérac, ClaudeGilbert Lespinasse, son héritier pour un tiers, était frappé
de mort civile; il ne pouvait donc- pas succéder à son
oncle. Sa part de cette succession eût pu, il est vrai, être
recueillie par la nation, qui se l’était réservée par les lois
sur l’émigration ; mais il fallait pour cela une appréhension
de fait, une mise en séquestre. Jusque-là, le droit de l’hé
ritier n a tu re l n’était pas paralysé; d’autant qu’en matière
de successions collatérales é c h u e s pendant l’émigration, la’
loi du 8 messidor an 7 et les règlemens p o sté rie u rs a v a ie n t
appelé les héritiers républicoles à succéder à la place de
l’émigré. O r, il n’y a eu ni séquestre ni mainmise de la
nation. Marguerite et Marie de Sévérac, sœurs de Fran
çois-Aldebert, et qui auraient concouru avec ClaudeGilbert Lespinasse, ont donc seules succédé pour le tout:
aussi, en nous cédant leurs droits, elles se sont dites seules
héritières, et nous ont vendu la totalité. La terre d’Auzat
n’a donc pas été rendue par la loi du 5 décembre i 8 i 4 j
elle nous appartient donc indépendamment de toutes dis
positions législatives qui n e sauraient s’appliquer à cette*
propriété; et aussi voit-on que toutes les d e m a n d e s en
�( *71)
partage, tousjles procès n’ont porté ique sur les autres
b i e n s , notamment sur la terre de St-Martin, et que ja
mais depuis i 8 i 4 j et malgré qu’on..ait .constamment
plaidé, on n’a réclamé la terre d’Auzat, parce qu’elle était
soumise à des règles particulières; -t .r . , •
'Mais si on n’adopte pas ce premier moyen, disaient-ils
encore, nous sommes cédataires du sieur Grenier, de tous
ses droits a la- succession d’Aldebert,
relativement à *la
A
terre d’Auzat. O r, si cette terre n’a pas appartenu, en en*
tier, à Marguerite et à Marie de Sévéracy si le , sieur
de Lespinasse a été appelé, comme héritier de son fils,
à en recueillir un tiers, ce tiers se trouve compris dans la
cession que Lespinasse a faite à Grenier, et par consé^
quent dans celle qu’il nous a consentie lui-même.
. En deux mots, disaient ils , le sieur Lespinasse ne peut
avoir droit que comme héritier de son fils, au tiers de la
terre d’Auzat; s’il a un droit, il l’a cédé, et il est,dans nos
mains; s’il n’en n’a pas,,Marguerite et Marie de Sévérac
ont pu nous céder la totalité de la succession d’ Aldebert,,
et elles l’ont fait. Dans l’un et l’autre cas, la te rre d’Auzat
nous appartient en totalité ; nousjen avons disposé de,
bonne foi, et nous ne saurions craindre les suites désas
treuses qui résulteraient contre nousd’un désistement pro
noncé contre nos acquéreurs.
Il est évident que le dernier moyen des sieuv et dame
Desroys, n’était que l’application à la terre d’Auzat,.de
celui déjà invoqué par le sieur Grenier pour la terre de
St-Martin, et qui avait été rejeté par l’arrêt de la ,Gour ;
il nejpouvait donc pas faire fortune. Quant au premier,
il disparaissait devant le fait constant que le séquestre avait
3
�:
( Ù 8 - ) ) .....................................
été' apposé''sui'là^terre d’Àuzat j 'et qu’il n’avait été.levé
que p'àr^l’exfceptibn résultante des droits'd’usufruit de la
veu ve'dé S évérac'A in si la iiiainmisedé la nation avait
restreint'Marguerite et^ftlarie de Sévérac, dans le cercle
de leurs droits personnels; et elles n’avaient recueilli et pu
cédél;';qüe les deux tiers. Restait la question de savoir
à qui la loi de 1814 avait fait’la restitution ; elle se ren
fermait dans ces termes précis : La restitution a-t-elle été
faite:â ceux qui auraient été les héritiers dé l’émigré, le’
6 flotéal an 8') jour dé soù décès, s’il n’eût pas été frappé
dèTimërt civile, é trqui le sont devenusau jour de l’amnistie,
ou à ceux’ qui'étaient'appelés à le représenté!* au moment
où la^'lôi a'ordonné qué lés biens seraient rendus ? C ’était
en effet là-véritable question qui pouvait'se présentery
cdmmëî c’est encore la difficulté à résoudre aujourd’hui;
niais1la Ôoür-n^ëut point à ‘ la décider ; car, réduite à ces
termes 1,'^e!llè ^n’appartenait point à la dame Destoys, q u i,;
éfràngère' à la‘famille dè Sévérac, ne pouvait se présenter
■.
_
:«;i .1 •' _•_. •
que COriime cessionnairc,'sans p o u v o i r user d’aucun droit
pér&mh’eT,1ni pouvoir diré que ni en l’an 10; n i en a8 14 5
elle 'feiït(été a^péléé/de son chef,1à rëprésenter Claude-GilberrLespinabe.1
• ‘-n
■
>
'’Aussi l’arrêt dé là Cour prit-il une toute autre direction
que celle qu’il faut recevoir aujourd’hui dé positions diffé
rentes. Nous allons nôus convaincre qu’en rejetant 1les
moyéns' de fya‘ dame De&oys, il ne préjugea rien contre
les droits des"Bohhafoux, ét'qü’àu contraire il'admit des*
p rin cip e qüi tiiüdctal: à lés apj^üyôr dé toute leur'autorité. '
' N e u f qifèstioris1sont posées dahs cfet arrêt sur l'intérêt'
pi-rnbipa!.J,,i' - ’
!:
s* '' ' - «
■
Z
�-c]cux premières ont'pour unique; objet de rechercher
-si-M arguerite et M arie dé Sévérac ont pu^-se^dire seules
héritières dfA ldebert, com m e profitant de.la,.mort civile
de Claude-G ilbert Lespinasse >’ et si elles ont pu céder en
totalité .»la terre d'Auzat.f;- ! jriui '
mi . :v/hnii-i.r.q
'i L es cinq questions suivantes tendent à savoir si la nation
•aoèté saisie de. plein droit, si ¡çlle a ¡conservé par ¿Je sé
q u e s tr e ;'s i le gouvern em ent est resté saisi jusqu’à la loi
de 18 14*
-"ii
L a huitième's’applique à l’étendue de la cession faite
au sieur Grenier. : ' v
;
La neuvièm e^ enfin, a pour .objet de savoir si Te sieur
B o u r n e t, comme représentant le sieur Lespinasse p è r e ,
«on d o n a te u r, peut profiter seul du bénéfice de cette loi.
O n voit que les huit premières questions n o n t aucun .
trait à la difficulté actuelle, et que la neuvième ne va être
e x a m in é e qu’en considérant Bournet comme représentant
Lespinasse, et en opposant sa qualité, d’ailleurs certaine,
aux prétentions des sieur et dameDesroys.
... . -,
Si nous parcourons les motifs de l ’a rrêt s u r les huit pre
mières q u e s tio n s , nous y voyons la Cour reconnaître
-qu’à la mort de François-Aldebert de Sévérac,- la nation
fut appelée à lui succéder pour .un tiers, par suite de la
- m o r t civile dé Claude-Gilbert Lespinasse j qu’elle opéra
sa mainmise sur les biens-,: que cette mainmise se conserva
sur la nue propriété, nonobstant la mainlevée du séquestrc q u 'e x ig e a l’usufruit de la veuve ; (jue VEtat{est demeuré
hanti jusqu'à la loi du 5 décembre i8 i4 ; que conséquem-inent la cession faite paç,Marguerite et Marie
Sévérac à
-la dame: de Cliauvigny, le 3o florçéajian^, n'q,pu lui çon-
1- . u / 7: -lin ob g'i- :! ,1 -i-j;.- t‘ i ’Ja
�,
,
.
.
.
( ao )
"férer queles deux tiers; que cette dame ne peut davantage
invoquer la' cession du sieur Grenier, qui a reconnu luimême n’avoir aucun droit à la terre d’Auzat’/'
'
Jusque-là’ tout est exclusivement applicable aux faits
particuliers qui intéressaient la dameDësroys, et demeure
tout à fait étranger à la qùestion qui nous occupe; mais il
fallait s’en rapprocher en abordantila dernière question.
Il faut donc appeler un peu plus ¡’’attention sur ces der
niers motifs du jugement.
Ils partent de ce point, que les droits dù gouverne
ment n’ont cessé d’exister que par la promulgation de la
loi du 5 décembre 18 f 4 ? et que
remise a ¿té ordonnée
au profit' des propriétàiresjdeurs héritiers ou ayans cause.
• O n n è voit là encorérien qui nedérivedelaloi elle-même.
TLà Cour dit que Lespinasse , aux droits duquel est le sieur
Bournet, a été reconnu el\déclarë être.le seul représentant
de Claude, son fils; par l’arretdu 3 mars 18 17 , et que
le ju g e m e n t et V arrêt n'ayant pas 1été attaqués p a r le s
sieur et dame Desroys, il >doit demeurer pour constant
que Guillaume Lespinasse a été seul appelé à recueillir le
bénéfice de la loi ;
■y
.. . •
j
Que d?ailleürs Claude1étant décédé le 16 frimaire an 8,
et ayant été amnistiénle i 5 ventôse an 11, sous l’empire
de la loi dû 17 nivôse , le père a été seul saisi de sa suc
cession ; qu’à la vérité son droit avait été suspendu; mais
que lorsque les biëns^dnt élé>rendus, ils n ’o n t pu l’être
qu’à Lespiüasse père',rommefson seul héritier au moment
de son dëiïes. ’ * ^
1 :,u‘
^
Q u’ènfîÜ ^ïts môVne^ hiotifs qüi Qnt fait adjuger à Lespirias^ j4ë£e le hüitiètfiié de îd terre de St-Mdrtin, mili
tent pour lui attribuer le tiers de celle d’Auzat.
�Nous sommes parfaitement d’accord sur ce dernier
motif. Il est incontestable, en effet, que la terre de SaintMartin et celle d’Auzat sont soumises à la môme règle,
comme rendues seulement, l’une et l’dutre, par la loi de
i 8 i 4 >et aussi, les Bonnafoux ont-ils cru devoir les com
prendre l’une et l'autre dans leurs demandes.
Quant aux autres motifs, ils s’appuient principalement
sur la chose jugée : s’ils semblent ensuite aborder la ques
tion , nous ne devons pas p e r d r e de vue que cette question
ne s’agitait qu’entre un héritier ou représentant de ClaudeGilbert Lespinasse, et une autre partie qui ne l’était ni,
ne pouvait l’être ; qu’ainsi la Cour n’avait qu'une chose à
e x a m in e r , celle de savoir si le tiers de la. terre d’Auzat,
échu à Claude-Gilbert Lespinasse, n’ayant été ni pu être
cédé à la dame de Cliauvigny, soit par Marguerite et
Marie de Sévérac, soit par le sieur Grenier, comme cédataire de Lespinasse père, celui-ci, par un droit nou
veau, résultant d’une loi postérieure à la cession, n’était
pas, des deux parties plaidantes, le seul appelé à recueillir
les biens rendus par cette loi. La justice n’examinait pas
si d ’autres héritiers ou ayans cause du propriétaire, pou
vaient y avoir des droits, alors qu’ils n’étaient pas présens
ni appelés pour les faire valoir. Nous nous bornons,
quant à présent, à cette remarqüe qui est nécessaire pour
bien saisir ce qui résulte des faits ultérieurs.
Les sieur et dame Desroys se pourvurent en cassalion ;
ils firent valoir d’abord les moyens qui leur étaient per
sonnels. Sur les premières questions, ils soutinrent que le
tiers de la terre d’Auzat avait été rendu, non par la loi du
.5 décembre 1814 > mais par le sénaîus-consulte du 6 flo-
�*(t
réalan 10; subsidiairement, ils prétendirent que la loi du
5 décembre 18 14 n’était applicable qu’à ceux qui duraient
été héritiers ou ayans cause du propriétaire, au moment
de sa promulgation ; que conéquemment Lespinasse pèrë^
ou Bournet, son donataire, n’était appelé'qu’à la moitié
des biens, comme héritier ou ayâtït cause "seulement du
chef paternel,' et que l’autre moitié était dévolue à M ar
guerite et à Marie de Sévérac; tantes maternelles 'de
Claude-Gilbert, et ses représentàns'fde ce chef. Oi', di
saient les sieur et dame Desroys, nous sommes cédataires
•de-Ma-pguwite et Marie de Sévérac; donc l’arrêt viole ou
applique faussement la loi de ;8i4jenattriljLuantàBQjLumet
la totalité de la portion de Claude-Gilbert Lespinasse,
dans la succession de François-Aldebert de Sévérac? tandis
qu’il nous en reviendrait la moitié.
Ce dernier moyen aurait pu être fort bon , si la cession
de Marguerite et Marie de Sévérac eût été postérieure à
la loi de 18 14 » mais, étant de beaucoup antérieure, elle
ne pouvait attribuer a la d am e D e s r o y s aucun titre, au
cune qualité pour réclamer des biens ou des droits qui
n’étaient advenus à ses cédantes que dix-sept ans après la
cession; elle n’était ni de son chef, ni du chef d’autrui,
ayant cause de Lespinasse fils, a u 5 décembre 18 14 - Cette
circonstance détermina l’arrêt de la Cour de cassation,
sur lequel il est absolument nécessaire de fixer un mo
ment son attention.
Nous ne devons pas douter que cette Cour régulatrice
n’eût abordé le moyen du fond, si elle eût pensé que
Ma rguente et Marie de Sévérac elles-mêmes n’étaient
pas appelées par la loi de 18 14 : c’eût été le seul moyen de
�( - }
.
proclamer la véritable pensée du législateur, et de ramener
à l’exécution de la loi. O r, c’est là’ le but de son institution.
S’arrêter en pareil cas à une simple exception,' c’eût été
employer un moyen évasif, d’autant moins digne d’elle,
que l'arrêt contre-lequel était dirigé le pourvoi semblait
aborder la question, quoique dans un sens tout différent,
comme nous l’avons fait entrevoir. Cependant o d lit dans
l’arrêt de la Cour de cassation, ce motif unique et fort re
marquable sur le second moyen :
•
« Attendu que pour revendiquer subsidiairemen t, non
» pas le tiers, mais bien la moitié du tiers contentieux
» sur la succession de Claude-Gilbert de Lespinasse, la
» veuve de Sévérac, épouse Desroys, étrangère à cette
» succession, se présentait comme subrogée aux droits
» des deux religieuses, Marie et Marguerite de Sévérac,
» ses belles-sœurs, en se fondant à cet effet sur une cession
» rque celles-ci lui avaient faite le 3o floréal an 5 •, mais at» tendu qu’ il est reconnu, en fait, que cette cession
» consentie en floréal an 5 , n’a point porté ni pu porter
» sur la succession de Claude-Gilbert, décédé en frimaire
» an 8 5 q u ’elle portait! seulement sur la succession de
» François-Aldebert de Sévérac, frère des cédantes, dé>> cédé en germinal an 4, et que, même sur cette succession,
» la cession dont il s’agit ne conférait nullement à la ces» sionnairele tiers en question; qu'ainsi, ne pouvant plus
» représenter les deux religieuses , Marie et Marguerite
» de Sévérac, la veuve de Sévérac, épouse Desroys, était
» "sans qualité pour en exercer les droits. » ,
Toutes ces décisions judiciaires consacraient en défini
tif, ce principe non contesté, que la loi de i8 i4 avait fuit
�(=>4 )
une grâce, une faveur, soit aux anciens propriétaires des
biens réservés par lesénatus-consulté, s’ils étaient encore
vivans, soit à leurs héritiers et ayans cause, au momentde,
la loi. Elle les appelait donc directement, non par une res
titution qui eût son principe dans*un droit antérieur, mais
par une sortede libéralité qui ne remontait pas plus loin
que la loi elle-même. C ’est pour cela que les tribunaux
avaient refusé à toutes dispositions antérieures du proprié
taire, à toutes cessions ou transactions, la force de frapper
ces biens qui avaient cessé d’appartenir à l’ancien proprié
taire, parce qu’il en avait été dépouillé irrévocablement.
Or, l’attribution a u x représentans, les saisissait tous, quand
bien même un seul d’entr’eux se fût présenté; car il est de
principe (tout le monde le sait), qu’un seuf des héritiers
qui exerce une action du défunt, conserve les droits de
tous. Ainsi, tout en agissant en son nom personnel, par
suite de la donation de Lespinasse père, et en se faisant
adjuger comme h é r it ie r o u ayant cause du fils, les biens
que venait de rendre la loi, Bournct n’empêchait pas
que les autres ayans droit ne vinssent ensuite réclamer
contre lui la participation à une chose qui leur était com
mune; car il ne pouvait avoir fait prononcer la remise à.
son profit, comme héritier ou ayant droit, sans que la
décision profitât à tous ses cointéressés.
Marguériteet Marie deSévérac étaient décédéespendant
ces discussions': les Bonnafoux qui les représentent, cru
rent que leur droit était suffisamment reconnu par ces ar
rêts, et qu’il leur suffisait, sans avoir besoin d’en demander
la réformation, en tant qu’ils avaient considéré Lespinasse
père comme' sèul héritier, de demander contre son dona-
�,* >
7«’
taire, leur portion d e l à chose commune. TJs assignèrent
soit le sieur Bournet, soit lès sieur et dame Desroys,,pour
v e n ir à partage des Liens délaissés par Jean-Marie-Clair
et F r a n ç o is -A ld e b e r t de Sévérac, et quifseraient advenus
à C la u d e - G ilb e r t Lespinasse, s’il n’eût pas été émigré.
- C ’est sur cette demande qu’est intervenu le jugement
du tribunal civil d’Jssoîre, du 25 août 1829. 11 est presque
littéralement transcrit au mémoire du sieur Baurnet*
page 18 et suivantes. Nous ne le reproduirons pas.
Trois sortes de moyens sont proposés contre ce ju
gement.
i°. Sur les qualités des demandeurs. On se borne à dire*
sur ce point, qu’elles ne paraissent pas suffisamment
justifiées, et qu’on se réserve d’examiner les actes de fa
mille. Nous n’avons donc pas autre chose à répondre à
cette assertion vague, si ce n’est que les qualités sont jus
tifiées par le rapport des actes de famille et des actes de
l’état civil, et qu’ils doivent produire leur effet tant qu’ils
n’auront pas été critiqués valablement.
20. Sur la procédure tenue par les Bonnafoux. On se
plaint de ce q u ’ ils ont été admis à participer à la resti
tution s a n s avoir même formé tierce opposition aux
arrêts de la Cour, qui avaient considéré Lespinasse père
comme seul ayant cause de son fils. Nous avons déjà fait
pressentir le motif pour lequel la tierce opposition nous
avait paru inutile. Nous appuierons davantage sur ce
p o i n t ’, mais il nous semble plus convenable de discuter
d’abord la question du fond, qui est la principale, parce
q u ’ il nous sera beaucoup plus facile ensuite de reconnaître
si lesarrets jugent quelque chose sur la question qui nous
�( 26 )
occupe; s’ils peuvent faire p ré ju d ice su x droits des Bonnafoux, et si au lieu d’avoir à y form er tierce opposition, il
ne leur suffit pas, au contraire, d’en invoquer le bénéfice.
3°. Sur le fond des prétentions des intimés. C ’est là le
seul point qui mérite une discussion sérieuse.
Commençons par bien définir avec la jurisprudence, le
véritable sens de la loi du 5 décembre 181 4 7 voyons
quelles conséquences elle doit naturellement produire, et
nous examinerons ensuite les principales objections qui
nous sont proposées.
Pour bien saisir les résultats delà jurisprudence, il faut
d’abord établir la position extraordinaire créée par la loi
de
Si elle avait voulu, comme la loi de l’indemnité, du 27
avril 1825, faire une restitution à l’émigré en la rattachant
aux droits antérieurs tels qu’ils existaient au 1“ janvier
1792; si elle avait fait cette restitution « à l'ancien pro•» priétaire ou aux Français qui étaient appelés par la
» loi, ou par sa -volonté , à le représen ter à Vépoque de son
» décès, sans quon puisse leur opposer a u cu n e in c a p a c ité
» résultante des lois révolutionnaires, » il n’y aurait eu
rien que de naturel dans son exécution; il aurait fallu re
chercher ceu*x qui étaient désignés par la l o i , ou par
l'émigré lui même, pour lui succéder, pour le représen
ter, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, soit à titre
universel, soit à titre particulier, au jour de sa mort,
parce que les biens restitués, n’auraient pas cessé de repo
ser sur la têle de l’ancien propriétaire; que dès lors ils
auraient pu être compris, et que, de droit, ils auraient été
censés compris dans toutes les attributions ou dispositions
�( 27 )
universelles des biens de l’émigré, dans tous les traités,
c e s s i o n s , transactions relatives à ses droits et conçues en
termes généraux, parce que ses droits n'auraient-été que
suspendus.
1‘ : r 1
O r, da^s ce cas supposé, la cession faite à Grenier, par
Lespinasse père, aurait frappé tous lés biens qui auraient
appartenu ou dû appartenir à son fils, au moins tous les
droits qu’il y amendait*, le sieur Grenier aurait :iobtemi
le huitième de la terre de Saint-Martin, et le tiers de la terre
d’ Auzat, puisque sa cession était générale; et ce tiers d’Au- ,
zat cédé par lui-même à la darne Desroys, qui l’avait no
minativement acquis, n’aurait pas pu lui être ravi par le
sieur Lespinasse p ère, qui n’aurait été ni pu être admis à
reprendre ce qu’il avait vendu.
Mais, par une exception tirée de quelques termes de
cette loi, on a jugé qu’elle avait créé une position toute
spéciale, qu’elle n’avait pas restitué, mais seulement rendu;
que les^biens n’avaient pas oontinué, après le séquestre ,
de reposer sur la tête de l’émigré; mais qu’il en avait été
irrévocablement dépouillé, et que l’État lui faisait une
sorte de grace, une concession bénévole , qui n’aVait
d’autre principe que le mouvement de sa volonté, et qui
n’ayant aucune relation avec un droit antérieurement
existant, ne prenait naissance que du jour même'de sa
promulgation, n'effaçait pas l'incapacité intermédiaire,
et ne pouvait être soumise à toutes les dispositions de
l'homme, ni aux attributions légales, antérieures au 5 dé
cembre 1814. Si donc, parce qu’on a créé une exception,
le sieur Bournet est parvenu à faire mettre en dehors des
actes consentis par Lespinasbe père, au sujet de la succès-
�(ÎSf
'
* *
( 28 )
sion desonfils, toutcequilui étaitrendu parla loi de 1814,
comme étant étranger à cette succession, il faut qu’il ad
mette toutes les conséquences de ce principe, et qu’il ne
rapporte point à la succession du fils, prétendu ouverte
en l’an 8, la remise prononcée par la loi de 1814- 11
n’y aurait pas de doute si Claude-Gilbert Lespinasse eût
vécu à celte époque; il eût recueilli directement, puisque
c’était à lui qu’on donnait: mais il était mort; la loi
l’a p ré v u , et elle devait le prévoir; elle a appelé les
héritiers ou ayans cause. Dès qu’elle ne voulait pas
reconnaître comme ayans cause les cédalaires univer
sels de droits par actes antérieurs, comment aurait-elle
appliqué la qualité ^ ’héritiers à ceux qui la cherchaient
dans une succession que la loi ne voulait pas reconnaître,
et avec laquelle, vraie ou supposée, elle ne voulait pas
entrer en relation?
Et encore, si on pouvait le supposer, à quel jour eûtelle reporté la fixation du 4foit ? Étail-ce au jour de la
mort naturelle de celui qui déjà était mort civilement ?
Comment, en Défaisant partir l’attribution de propriété,
que du 5 décembre 1814> en 11’efTaçant pas Yincapacité
antérieure) aurait-elle pu reconnaître pour héritiers ceux
qui l’auraient été au jour de la mort naturelle, plutôt
que celui qui était appelé par d’autres lois, nu jour de
la mort civile? Eu ce cas, l’attribution à tel ou à tel,
suivant qu’il plairait d’appliquer telle ou telle l o i , aurait
donc été l’effet d’un caprice* plutôt que la dépendance
nécessaire d’un principe ! On tombe en effet dans le
caprice, dans l’abstraction, dans des conséquences indéfi
nissables, quand, à propos d’une exception, on veut re
�pousser le principe môme sur lequel elle a été fondée, et
q u ’on veut revenir au principe général, pour l’appliquer
à celte exception créée précisément pour échapper au
principe.
A u reste,Voyons comment l’a entendu la jurisprudence
des arrêts.
L e premier arrêt es£ celui de Lépinay do St Luc et de
l’abbé Duclaux : il est rapporté dans Dalloz , ann. 1819 ,
pag. 11 3.
Comme dans l’espèce, le sieur de Saint-Luc, émigré,
était m ort avant toute amnistie (en 1799V
Il laissait une fille unique, madame de Sully.
Celle-ci obtint l’amnistie de son père, et se fit envoyer
en possession des biens rendus par le sénatus - consulte :
toutes circonstances absolument semblables î^i celles du
procès actuel. Elle mourut le 3o janvier 1809, après avoir
institué l’abbé Duclaux son héritier universel.
Convenons ici que le sieur abbé Duclaux, légataire
universel, la représentait pleinement, et que si les droits
que lui attribua plus tard la loi du 5 décembre 1814, s’é
taient référés h. la quqjité d’hcritier ou ayant cause, fondée
sur des faits ou sur un droit antérieur à la loi; qu’en un
mot elle se fût appliquée à celui qui était l’héritier au mo
ment du décès, l’abbé Duclaux, seul, en aurait été in
vesti, caria dame de Sully était la seule héritière de son
père, et il était le seul héritier de la dame de Sully. Il en
éleva la prétention. Pour échapper à cette conséquence,
il fallait donc décider qu’on ne devait considérer comme
héritiers on ayans ca u se, que ceux qui se trouvaient
l’être au 5 décembre 1,814, et non ceux qui pouvaient
�\o'à
’
(3o)
rattacher leur droit à une époque antérieure, comme
celle du décès ; il fallait reconnaître comme tels ceux
qu’appelaient les lois en vigueur au 5 décembre 18 14 ? et
non ceux que désignaient autrefois des lois maintenant
abrogées. L e sieur de Saint-Luc, héritier au moment
de la loi, comme plus proche parent existant du sieur de
Saint-Luc, émigré, réclama la préférence; il soutint que
madame de Sully n’avait pas trouvé, en 1799, dans la suc
cession de son p ère, les biens que venait de lui rendre la
loi de 1814 5 qu’elle n’avait pu les transmettre h l’abbé
Duclaux ; qu’il fallaitexaminer quel était, au jour de la
loi de i 8 i 4 j l’héritier appelé comme plus proche parent
existant.
Celle prétention avait été proscrite par un jugement du
tribunal de la Seine et un arrêt confirmatif de la Cour
royale de Paris. 11 avait été jugé que la remise des biens
était une véritable restitution en entier, qui effaçait toute
trace d ’émigration, de séquestre ou de confiscation ; que
les biens étaient dès lo rs censés n'être pas sortis des
mains des anciens propriétaires qui les avaient tran sm is
à leurs héritiers ou ayans cause. C ’était la doctrine de la
simple suspension que le sieur Bournet veut encore faire
prévaloir aujourd’hui. On appliquait ensuite cette doc
trine aux faits particuliers, et on disait que lu dame de
Sully ayant été Vunique héritière du marquis de SaintL u c , et l’abbé Duclaux étant son légataire universel,
il était le représentant universel et l’ayant cause, non-seu
lement de madame de Sully, mais encore du marquis de
Sjiint-Luc.
fin, l’arretajoutait l’argument d’aujourd’hui,
que sans cela il faudrait supposer qu’A deux époques éloi-
�Vi
( 31 )
g n(ie5 l'une de l'autre, il se serait ouvert, au profit de deux
personnes différentes, deux successions du même individu.
Cet arrêt fut cassé, malgré sa logique forte et persuasive.
La Cour de cassation déclara que la loi n'avait fait cesser
les effets de la confiscation que pour l’avenir, mais ne les
avait pas-abolis pour le passé; q u il ne peut être question
de restitution par suite de cette loi, qui n’a réellement
rendu les biens qu’à titre de libéralité; que dès lors ils
n’avaient fait partie ni de la succession du marquis
Lépinay, ni de celle de la dame de Sully ; qu’ainsi, il n’y
avait pas deux successions du même individu; qu’enfin,
ils n ’avaien t pu appartenir ni à madame de Sully nia l'abbé
D u c l a u x , puisque, jusqu’au 5 décembre i 8 i 4 ,ils étaient
irrévocablement réunis au domaine de VElat; l’arrêt ajoute
enfin que la remise était faite non par la voie civile des
successions, mais par la voie naturellé de justice et d'é~
quite.
Il semble que tous ces motifs sont faits pour la cause
actuelle; e t, en effet, les circonstances étaient à peu près
identiques.
Si on avait dû, dans notre espèce, considérer la voie
natu relle des successions, regarder les biens comme ayant
sans cesse appartenu à l’ém igré, et étant restitués aux
véritables héritiers qu’il avait laissés par son décès, les
biens auraient incontestablement appartenu au sieur Lespinasse père; mais alors, comme nous l’avons déjà observé,
ils auraient été compris dans la cession par lui faite au
sieur Grenier; et il aurait fallu les lui adjuger comme
l’arrêt*de Paris l’avait fait au profit du*sicur abbé Duclaux;
mais comme c’était seulement une attribution faite à titre
�( 3» )
de libéralité, le 5 décembre 18 14 >à Claude-Gilbert Lespinasse ou à ses ayans cause, que cette attribution n’était
pas faite par la voie ordinaire des successions, et que le
décès de l’émigré mettait ses ayans cause en ligne, il ne
faut plus aller chercher la voie ordinaire d’une succession
ouverte en l’an 8, alors que, par sa mort civile, l’émigré
n’avait pas de succession, ni invoquer une loi transitoire
qui attribuait au père le droit exorbitant d’une succession
exclusive; il fallait et il faut rechercher quels étaient au
5 décembre i 8 i 4 » d’après les lois existantes, les héritiers
ou ayans cause de Claude-Gilbert Lespinasse; reconnaître
les parens les plus proches en degré qui étaient appelés
par la loi à le représenter. Or, dans la ligne paternelle,
c’était son père; dans la ligne maternelle, ses deux tantes;
voilà les conséquences les plus naturelles, les plus directes,
les plus sûres, et elles ne produisaient pas d’injustice, elles
n’appelaient pas des étrangers pour exclure les parens
les plus proches; car il ne pouvait plus être question de la
succession exclusive du p è re , sous la loi du 17 nivôse an a:
c’était un fait, un droit auquel le p r in c ip e de rem ise des
biens demeurait tout à fait étranger par la disposition de
la loi.
Voyons l’arrêt Devenois, du 9 mai 1821 (Dalloz, 1821,
p. 397) ; il est encore dans les mêmes termes.
Une succession s’était ouverte au profit de Devenois,
émigré. 11 mourut, en i 8 o 5 , sans avoir été amnistié; sn
plus proche parente, habile à lui succéder, était la demoi*
selle Leguerney; elle mourut eu 1808.
Les biens furent,rendus par la loi de 181 4- CJombat
entre l’héritier naturel de~la demoiselle Leguerney, et
�(r 3 3 )
qui, en omettant tous lès faits antérieurs, se serait
trouvé héritier, représentant, oü ayant'cause, si l’on veut,
de Devenois, émigré, en supposant sa succession ouverte
seulement le 5 décembre 1814.
"T ...
<
■. r
'A rrêt de Caen, qui, suivant l’ordre ordinaire des suc
cessions , regarde comme héritier ou ayant cause du sieur
Devenois, la demoiselle Leguerney, qui, en effet, lui au
rait succédé à' l’époque de son décès; mais cet »arrêta est
encore cassé par des motifs qui ne sont *qu’un résumé'de
ceux de l’arrêt de Saint-Luc. La Gourde cassation déclare
enfcore qu’il ne s’agit point de restitution, mais d’une libé
ralité exercée le .5 décembre 181 4 5 qü’elle n’a pu être at-,
tribuée à la demoiselle Leguerney, quoiqu'ellefût au décès
de Jacques Depenois sa plus proche parente. .
. :/
Ainsi, ce n’est pas le plus proche parent, celui qui est
habile à succéder au moment du décès de rémigré, mais
celui ou ceux qui lui succéderaient comme plus proches,
au 5 décembre 1814, qui sont appelés comme ayans cause
de l’émigré, à recevoir une libéralité qu’il ne peut recueil
lir lui-même par suite de son déçès.
>
Si nous jetons un coup d’œil suril’arrêt de Béthune, du
3 janvier 1821, au même volume de 1821, p. 493, nous y
voyons quelques circonstances différentes, mais une dé
cision semblable Les biens sont attribués aux frères consanguinsdu défunt,au préjudice d’héritiers collatéraux éloi
gnés qui prétendaient les exclure, et n’avaient aucun titre
pour cela.Toutefois cet arrêt, de simple rejet parla section
des requêtes, semble fondé sur une interprétation diffé
rente de la loi ; il dit que le droit du père, héritier de son
fils, n’a été que suspendu par les lois sur l’émigrationj
ce lu i
5
�C34)
mais, d’une part, la succession ouverte était celle du fils,
non émigré ; c’était le père qui l’était, et sous ce rap
port j on pouvait dire que le droit de l’émigré n’était que
suspendu jusqu’à son amnistie. O r , il avait été amnistié
vivant, et avait par conséquent repris ses droits successifs.
Ici les circonstances sont diamétralement opposées; la
succession ouverte était celle de l’émigré; il n’a point été
amnistié vivant, il est mort émigré. On doit donc dire
qu’à son égard le droit des héritiers républicoles n’a pas
été seulement suspendu, mais qu’il n’a pas existé, ou qu’iï
n ’a existé que partiellement, pour profiter des remises suc
cessives de certains biens non réservés par le sénatus-consulte de l’an 10.
>■
'
A u reste,- les arrêts postérieurs ont de nouveau con
sacré le principe admis par les deux premiers que nous
avons cités, que le droit de l’émigré avait été irrévocable
ment détruit et non pas suspendu.
Témoin l’arrêt Barbançon, du 16 février 1824. L ’arrêt
de Paris, contre lequel on s'était pourvu, avait déclaré
que « les biens invendus de l’émigré appartiennent à ceux
» qui se sont trouvés les plus proches parens, lors de la
» publication de la loi du 5 décembre 1814, et non aux» héritiers qu'il a laissés en mourant. » Rejet du pourvoi
par la section civile. lia section des requêtes avait admis,
sans doute, par suite du système de simple suspension,
iju’elle semblait avoir embrassé par l’arrêt de Béthuue.
On sent bien que par ces mots : Les plus proches pa
rens, la loi entend toujours cette proximité qui appelle à
succéder, surtout alors qu’il s’agit de leur rendre des
biens; car ce sont ceux-là, chacun suivant leur droit, à
�£®7
■ .
( 35 )
qui doit profiter la remise, puisqu’elle est faite par la 'voie
naturelle de justice et d’équité.
1
Témoin encore l’arret Dupille, du 4 juillet 1825. (Dalloz,
i825, p. 283.) L ’émigré était rentré, avait été rayé, et
était mort en '1812, après avoir disposé, au profit de ses
neveux Dupille, d’une foret confisquée, mais qui ne lui
avait pas été l’endue. Elle le fut par la loi du 5 décembre
18145 e*- ^es Dupille furent mis en possession par la dame
Biencourt, leur tante, qui aurait été héritière par moitié
avec eux. Rien de plus juste si le droit de l’émigré n’avait
été que suspendu ; car, en l’y rétablissant, en effaçant
Vincapacité antérieure, la loi faisait disparaître tout obs
tacle au droit de propriété toujours subsistant de l’émigré,
et sa disposition demeurait valable; mais la dame Biencourt
se ravisa. Trois ans après, elle réclama la moitié; elle lui
fut adjugée, par le motif qu’au moment de la promulga
tion de la loi, elle était pour moitié l’ayant cause de l’é
migré. On voit que les circonstances, ici, sont tout à fait
les mêmes, et qu’en outre il y avait, dans l’affaire Dupille,
des fins de non-recevoir tirées du fait même de la dame
Biencourt, de son consentement à la mise en possession
des Dupille, de sa reconnaissanc^expresse ou tacite de
leur droit exclusif, qui eût existé, en effet, si les mots
ayant cause, dans la loi de 1814, se fussent appliqués à
ceux qui l’étaient au jour du décès de l’émigré ; car ils n’eus
sent pu l'être que parcequel'émigré n’aurait pas cessé d’être
saisi, et qu’alors il aurait pu céder. La Cour rejeta les fins de non-recevoir, et jugea nettement le principe.
Sur le pourvoi, on s’appuyait de la loi de l’indemnité,
L e pourvoi avait été admis; mais la section civile le re5.
�n
( 36)
jeta eücore, ,en maintenant sa jurisprudence sur le véri
table sens de la loi de 18 14 j elle ajouta que la loi de 1825,
en admettant un principe diamétralement opposé relati
vement aux biens vendus,, n’avait rien innové aux dispo
sitions de.celle de *18iA 5 relative aux biens rendus.
Quoi de plus positif?
< Nous pourrions pousser plus loin les exemples de ju
risprudence. Qujil nous suffise de dire qu’elle est uniforme
sür cette question. L ’application à la cause s’en fait d’ellemême. N ’employons donc pas de temps à le démontrer;
bornons-nous à parcourir les principales objections du
sieur Bournet,,et la conviction s’opérera d’elle-même, si
déjà elle n’est complète.,ij(
On dit que la jloi de 181 4 faisait une justice et non une
libéralité. '
A cela, deuxjréponses :
i°. Les arrêts ont répondu par une décision contraire;
■2°. La justice serait due aux ¡véritables héritiers, à ceux
que la loiappelle aumomentoù on veut l’exercer,lorsque
le propriétaire ne vit plus pour en profiter lu i-m ê m e .
On ajoute que,.le père était seul héritier, soit au m o
ment de la mort de.son fils, soit au moment de son am;
nistie... : ;
‘
•
'
* Nous répondons encore:;,
s
. i°. La. succession ,s’éfait ouverte par la mort- civile, et
alors, le pèvef.n’était point, héritier ; pourquoi irait-on
clioisif répqque(lde la mort naturelle, puisqu7alors il 11’y
avait pointj de f>ucqes,sion? N ’publions pas que lu loi de
i 8 z 5 } seule,y a fait cesser l’incapacité, résultante des lois
antérieure^;,que,le ^natuç-çonsuite de l’an 10 ne Tarait
�( 3y )
pas détruite pour les biens qu’elle exceptait de la restitua
tion, et qu’à l'égard de ceux-là, l’incapacité n’a cessé que
par la loi de 18 142°. Qu’importe donc l’amnistie? Elle aproduit ses effets
par la restitution des biens non réservés en l’an io : pour
c e u x -là , pas de difficulté. Le père était seul héritier, seul
ayant cause de son fils, lors de cette remise,par conséquent
il devait seul en profiter; mais dès que la voie civile des suc
cessions n’est pas le point de départ de la loi de 18 14 >
qu'elle n a point (Teffet rétroactif comme le disent encore
les arrêts, qu’elle ne se reporte à aucun principe, à
aucun droit, à aucun fait antérieur à sa promulgation;
d é f a u t de propriétaire, elle appelle ses ayans cause,
au moment où elle parle ; il est évident qu’il faut recher
cher quels sont ces héritiers ou ayans cause au jour de la
promulgation de la loi.
L e père, dit-on, était encore vivant à cette époque; il.
était le plus proche parent, le seul héritier, le seul ayant
cause de son fils.
O ui, sans doute, il serait seul héritier, si la loi se repor
tait à l ’é p o q u e du décès du fils; encore faudrait-il user
pour c e l a d’une loi exorbitante et seulement transitoire;
mais c ’est du droit commun qu’il s’agit, et le père n’est là
que comme plus proche parent de la ligne paternelle, hé
ritier pour moitié, par conséquent; mais les deux tantes
étaient vivantes aussi, et elles étaient héritières’pour l’au
tre moitié, comme plus proches parentes de la ligne ma
ternelle. Pas de doute ce semble sur ce point.
Si le père eût été décédé en
que serait-il arrivé?
On n’aurait pas dit qu’il était plus proçhç parent; car, en
q u
’à
> >2
�ce cas, il eût fallu appeler son propre héritier, puisque
son droit personnel fût remonté au 6 floréal an 8 , jour
qu’on qualifie comme celui de l’ouverture de la succes
sion naturelle; ou au moins au jour de l’amnistie , qu’on
considère comme celui où la succession a été ouverte
légalement. Si cela était impossible, comme l’ont décidé
tous les arrêts, s’il eût fallu, dans ce cas, appeler les plus
proches parens des deux lignes comme les ayans cause
reconnus par la loi, il est évident que la survie du père,
en 1814, ne lui donne d’autres droits que ceux que sa
proximité lui attribuait au moment de la promulgation
de la loi, c’est-à dire, la succession exclusive dans la ligne
paternelle seulement.
L e sieur Bournet croit faire une objection fort sérieuse,
en disant que pour exécuter la loi de 1814, il faut re
chercher si, au moment où la loi a paru, l’émigré avait
ou non un héritier.
S’il en avait u n , c’est à lui que les biens doivent être
•endus.
S’il n’en avait pas, c’est à ses parens les p lu s p r o c h e s ,
ï ses successibles, à ceux que les lois existantes appelle*
aient à être ses héritiers.
Nous aurions besoin de quelque explication sur cet argunent pour le bien saisir. L e sieur Bournet voudrait-il dire
jue pour que les parens les plus proches, au 5 décembre
1814» profitent de la loi, il faut que l’émigré n’ait pas
laissé de parens au douzième degré au jour de son décès?
Mais alors, comment aurait-il, au 5 décembre i8i/|, des
yarens proches que le sicUr Bournet lui-même appelle
les successibles? Il est difficile de concevoir de quelle
ouche ils seraient sortis.
�tu
( 39 )
D ’ailleurs, dans quels termes de la loi, dans quel exem
ple de jurisprudence, aurait-on trouvé le principe de cet te
distinction fort peu intelligible pour nous? L e sieur Lépinay deSamt L u c, lesieurDevenois et autres, n’avaientils pas laissé des héritiers naturels à leur décès ? N ’a-t-on
pas, précisément à cause de cela, agité la question entre
les ayans cause de l’une et l’autre époque? N ’est-ce pas
pour cela qu’il a fallu examiner si'l’émigré était demeuré
saisi ou dépouillé, capable ou frappé d’incapacité dans les
temps intermédiaires? si lui ou son héritier avait p u trans
mettre, céder, donner, avant la-loi de 1814, lesbiens ren
dus par elle seule ? N ’a-t-on pas enfin nettement décidé
qu’ils étaient rendus à ceux qui se sont trouvés les plus
proches parens de l’émigré, lors de la publication de la loi
du 5 décembre 1814, et non aux héritiers qu’ il a laissés
en mourant? (Arrêt Barbançon.)
A u reste, le sieur Bournet est si embarrassé lui-même
pour fixer le principe de cette hérédité de Lespinasse
père, qu’il hésite entre le 16frimaire an 8, date du décès
du f d s , et le 18 ventôse an 1 1 , date de son amnistie. Si
on s’appuie sur le droit commun, ce serait peut-être bien
plutôt l’époque de la mort civile qu’il faudrait consulter;
et si, comme il le faut sans doute, on s’appuie sur le droit
exceptionnel, on reconnaîtra, avec l’arrêt Saint-Luc, que
la remise n’est pas faite par la voie ordinaire des succes
sions , qu’elle est le résultat d’une volonté actuelle de la
loi, et qu’il faut la prendre telle qu’elle est; que la restitu
tion faite par le sénatus-consulte de l’an 10 doit profiter i\
ceux qu’il appelait; la remise de la loi de 1814 à ceux
qu’elle indique ; que les biens qu'elle rend n’ ont pas fa it
�'G 4° )
! partie de la succession de Lespinasse fils, puisqu’alors
ils étaient irrévocablement réunis au domaine de VÉtat ;
. q u’ainsi il n y a pas deux successions du même individu,
et qu’ils ne peuvent appartenir qu’à jceu x; qui se sont
trouvés ses ayans.cause, non-com m e ayant appréhendé
sa succession en l’an 8 ou en l’an 1 1 , mais com m e rétant
les plus proches pour recevoir des biens qui ne lui appar
ten aien t, ni à l’ une ni à l’autre ép o q u e, et qu'on rem et
aujourd'hui à ses .héritiei'SiOU ayans cause, à ceux qui je
représentent.
•
'
On invoque l’art. I er de la loi qui maintient les droits
acquis à des tiers, et on dit que la qualité d’héritier du
sieur Lespinasse était un droit acquis.
Mais, d’une p a rt, puisque la transmission de la loi ne
s’opérait pas p a rla voie ordinaire dûs 'successions, on ne
concevrait pas trop cet argument appliqué à une qualité
d’héritier.
D e l’autre, on voit, à ne pas en doiiter, que cet article
appartenait plus à u n but p o l i t i q u e , qu'aux droits de successibilité attribués par les lois civiles : c’est ce que prouve
le préambule de la loi et la loi elle-même. L e Monarque
a fait cesser la proscription d’une classe recommandable
de citoyens; il veut leur rendre les biens non vendus;
mais il veut concilier cet acte de justice avec les droits
acquis par des tiers en vertu des lois existantes, >avec
l'engagement contracté de maintenir les ventes de biens
nationaux, avec la situation des finances , etc......... E vi
demment cela n’a rien de commun avec la qualité de ceux
à qui la loi va faire la remisé , et que d’ailleurs elle désigne
clairement.
* ! -..p
�(4 0
Comment, au surplus, le sieur Bournet n’a-t-il pas
aperçu qu’il ne pouvait pas être à la fois Yhéritier ou
Yayant cause, et le tiers qui aurait des droits acquis?
C ’est aux héritiers ou ayans cause qu’oryen d ; mais la re
mise n’aura pas lieu à leur profit, quand il se rencontrera
des tiers qui seront préférables à l’héritier, et ils feront obs
tacle à la remise, toutes les fois qu’ils aui’ont des droits
acquis par les lois existantes. Les tiers sont donc ici une
exception posée contre l’héritier , et leurs droits acquis
une exception à la remise des biens.Qui ne voit cela? et
comment peut-on confondre le tiers et 1h é u t ic i, ,pour
n’en faire qu’une seule et même personne?
Nous ne suivrons pas le sieur Bournet dans ses discus
sions ; cela serait fort inutile. Après avoir posé le principe,
et fait connaître parfaitement le sens clair et formel que
présente la loi de 18 14» et qu’a consacré une jurispru
dence positive etnon interrompue , il nous suffit de dire
que si le sieur Lespinasse avait tiré de sa qualité d’héritier'
de son'fils, en l’an 8 ou en l’an 1 1, un droit à des biens
qui n’ont été rendus qu’en 1814 > ce droit successif aurait
passé dans les mains du sieur Grenier, puis de la dame
D e s r o y s , qui étaient des tiers, et qui avaient acquis de
bonne foi; que si, comme on l’a jugé, la cession ne com
prenait pas les terres de Saint-Martin et d’Auzat, parce
que Lespinasse fils en avait été irrévocablement dépouillé,
et qu’elles n’ont été i’endues qu'en 18 14 »ehes ne peuvent
a p p a r t e n i r qu’à ceux qui étaient ses héritiers ou ayanscause au 5 décembre 18 14* H faut nécessairement que ce
point de départ admis par toutes les parties, excepté la
dame Desroys qui l’a contesté, produise toutes ses conséG
�(
4
2
-
quences, au profit du Marguerite et Marie de Sévérac,
que représentent les Bonnafoux. .
Aussi, pour soutenir le système contraire, le sieur
Bournet se refggie-t-il dans ce mot de l’arrêt de Béthune,
que le droit de l’émigré n’avait été que suspendu. Nous
avons fait voir ci-dessus l’espèce de cet arrêt qui n’est
point applicable, et nous avons montré en même temps
que ce système de suspension, indiqué par la section des
requêtes, par arrêt de simple rejet, avait été constam
ment repoussé par la section civile, avant et après l’arrêt
de 1821.
C ’est cependant sur ce point que roule toute la défense
du sieur Bournet; c’est avec ce moyen qu’il croit pouvoir
affirmer que les droits de Lespinasse père sont consacrés
par la jurisprudence des arrêts. Nous ne croyons pas
avoir besoin de rien ajouter pour prouver le contraire.
Les intimés auraient-ils à redouter l’arrêt de la Cour
rendu sur la demande du sieu r Bournet contre la dame*
Desroys? serait-il nécessaire d’y former tierce opposition,
à peine de voir repousser leur demande en partage? enfin
le défenseur des Bounafoux sera-t-il convaincu qu’il ne
doit pas hasarder une plaidoirie qui ne serait quun bou
leversement des principes, comme n’a pas craint de le dire
dans un écrit particulier le sieur Bournet, ou celui qui est
avec lui ou sans lui la véritable partie de la cause? Le défen
seur avoue qu’il n’est pas encore arrivé à cette perfection.
Il ne dira pris que c’est de la part du sieur Bournet une
assertion imprudente, une œuvre éphémère des désirs.... ou
des illusions de Vamour-propre) mais il se croirait fort imprii'
�tf/f
( 43 )
.
>
dentlui-même, s’il se permettait de flétrir a vecce tou de mé
pris., la conviction de ses cliens, et la décision des premiers
juges, surtout dans les termes où se présente la question.
Il croit pouvoir et devoir la soutenir avec bonne fo i, et en
tout esprit de justice et d’équité.
Quant à la prétendue nécessité de la tierce opposition ,
nousavouonsquenousnesoinmespasnon plus convaincus.
L ’arrêt de la Cour décide, non pas que les droits de Lespinasse fils avaient été suspendus, mais que les biens étaient
rendus à ses ayans cause par la loi de j8 i4 , et ne pou
vaient pas être compris dans des cessions de droits antérieuresà 1814, quelquegénéralesqu’ellespussent être, parce
que ces biens n’appartenaient alors ni de droit ni de fait,
à Lespinasse père, comme héritier de sou fils. Il n’avait
pas à décider cette question entre divers héritiers ou ayans
cause de Lespinasse fils, et à faire choix entr’eux, mais
entre Lespinasse père, qui se présentait comme seul
héritier ou ayant cause, et ses propres cédataires qui n’a
vaient d’autre titre que leur cession, d’autre droit que ce
lui qu’elle pouvait produire. Ainsi, en attribuant les biens
aux ayaris cause, comme rendus et censés leur appartenir
seulement au 5 décembre 18x4 , elle a consacré le droit do
tous les ayans cause, qui peuvent successivement se pré
senter pour y prendre part, s’ils établissent leurs droits. II
en est de ce cas comme de celui où un héritier se présentant
comme unique, obtient contre un débiteur de la succes
sion, un jugement qui le condamne à payer une somme
ou à délivrer un immeuble au demandeur comme seul et
uMqiïe'ïïcnlier du déjunt. Est-ce que plus tard d’autres
héritiers ne peuvent pas se présenter? est-ce qu’ilsauraient
besoin, pour être admis, de former tierceopposition au ju-
�, .
( 44 )
gement? Il est bien évident que non. Où donc est la dif
férence ? A u reste, rien ne sera plus facile que de former,
en tant que de besoin, une tierce opposition qui lèvera
cette prétendue difficulté de procédure.
Mais, dit-on, en termes tranchans, nous n’avons encore
aujourd’hui d’autre adversaire que les sieur et dame Desroys; car ils ont traité avec les Bonnafoux dont un modique
salaire a acheté la complaisance.
Nous n’avons rien à répondre à cette assertion, que
nous ne qualifierons pas non plus im p ru d en te. Les B on
nafoux sont seuls en qualité; nous ne connaissons aucun
acte qui les dépouille de leur droit; et quand on suppose
rait qu’ils l’ont cédé, la question serait toujours de savoir
s’il existait réellement au jour de la cession. C ’est donc
toujours leur droit et leur qualité qu’il faut examiner; car
c'est ce droit et cette qualité dont les résultats sont soumis
à la justice. Nous ne nous ferons point ici les apologistes
des sieur et dame Desroys, de la situation fâcheuse où les
a mis une fausse confiance, tout est terminé la dessus. Ils
ont été condamnés, ils ont dû l’être; mais c’est de ce la
même que découle la nécessité de reconnaître que Lespinasse père n’y avait pas droit comme unique héritier
de son fils, et nous ne craindrons pas de dire qu’il faut
examiner telle qu’elle est la question élevée par les
Bonnafoux, et que rien ne peut ni la dénaturer, ni empê
cher l’action de la justice en ce qui les concerne.
M e D E V I S S A C , avocat.
M e Clle C H I R O L , avoué
Clermont imprimerie de THIBAULT LANDRIOT
�L e s A N C IE N S A V O C A T S S O U S S IG N É S , vu le Mémoire
produit, dans l’intérêt du sieur B o u rn e t, devant la Cour royale
de Riom ; le précis en réponse pour les sieurs Bonafoux ; Je
jugement rendu par le tribunal d ’Issoire , le 25 août 1829;
ensemble la consultation , par eux déjà délibérée , le 10 mars
précédent;
Ne peuvent que persister dans l’opinion q u ’ils ont émise
dans cette précédente consultation, et sont d’avis qu’aucun
des motifs allégués par le sieur Bxjurnet, à l’appui de son a p p e l,
ne saurait prévaloir sur ceux qui ont déterminé le jugement
attaqué.
,, /
La question se réduit à un point bien simple ; il s’agit de sa
voir à qui a profité la restitution opérée par la loi du 5 décembre 1814. Or, il est évident que cette restitution a été faite
à ceux qui étaient héritiers au moment où cette loi a été pro
mulguée. La jurisprudence de la Cour de cassation est formelle
à cet égard : nous ne rappellerons pas les nombreux arrêts que
nous avions cités dans notre première consultation , et dont le
Mémoire dcM *. De Vissac a présenté une analyse aussi exacte
que décisive.
Si la loi du 5 décembre a restitué à ceux qui étaient héritiers
au moment de la promulgation, il est évident qu'il importe peu
q u e , d ’après la loi du 17 nivôse, M. de Lespinassc fut le seul
héritier de son fils, soit au moment où ce dernier est mort,
soit lorsqu’il a été amnistié. Les biens restitués par la loi du
du 5 décembre n’étaient, en cflet, ni à l’une, ni à l’autre de
ces deux époques dans la succession de Claude Gilbert : ils n ’y
sont entrés que par la loi du 5 décembre , et alors existait un
ordre nouveau de succession , d’après lequel moitié seule
ment appartient à M. de Lespinassc, comme représentant de
la ligne paternelle , et l’autre moitié aux daines Marie et
�M a rg u erite, com m e représentant la ligne maternelle. Évidem
m en t, c’est donc dans cette proportion, de moitié seulement,
que la restitution a du profiter à M. de L ’espinasse, ou à son
cessionnaire. C ’est là une conséquence de l’interprétation que
la jurisprudence a donné à la loi du 5 décem bre; o r , recon
naître à M. B o u r n e t, cessionnaire à M. de Lespinasse, avant
1814, le droit à la totalité des biens que cette loi a restitués,
ce serait supposer que ces biens existaient dans la succession,
de Claude G ilb e r t, avant la l o i du 5 décembre ; ce serait opposer
un principe diamétralement contraire à cette lo i, qui, comme
tout le monde le s a it, n’a été q u ’une loi de grâce.
Nous ne croyons pas devoir insister plus long-temps sur une
démonstration que le M émoire de M. De Vissac a rendu évi
dente, et nous ajoutons que rien de contraire à ces principes,
ne résultant des prétendus arrêts rendus , soit avec M. G re
nier , soit avec M. D esrois, ce n’était pas le cas, pour les consultans, de se rendre tiers-opposans à ces arrêts.
Délibéré à Paris , ce 23 avril 1831.
D E L A C R O IX -FR A IN V IL L E .
SC R IB E ,
,
Avocat à la Cour de cassation.
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Factums Godemel
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[Factum. Bonnafoux, Jean. 1831]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Chirol
Delacroix-Frainville
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions collatérales
mort civile
séquestre
amnistie
sénatorerie de Riom
rétroactivité de la loi
doctrine
préfet
arbre généalogique
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse , pour Jean Bonnafoux, Jean Vialfont et autres, habitant le département du Cantal, intimés ; contre Le sieur Bournet, propriétaire, habitant la ville d'Issoire, appelant ; En présence De dame Henriette de Chauvigny De Blot, veuve Desroys, et de sieur Annet Desroys.
Table Godemel : émigré : 5. ceux qui, héritiers d’un émigré à l’époque de son décès, n’ont recueilli qu’une partie des biens restitués à sa succession en vertu du sénatus consulte 6 du floréal an X, l’autre partie ayant été affectée à un service public, doivent recueillir cette dernière partie des biens, remise en vertu de la loi du 5 xbre 1814 et ce, à l’exclusion de ceux qui, devenus héritiers plus tard, se sont trouvés habiles à succéder avec eux lors de la promulgation de cette loi. – ici ne s’applique pas la règle consacrée par la jurisprudence, que les héritiers de l’époque de la remise doivent être préférés aux héritiers de l’époque du décès.
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Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1831
1792-1833
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
44 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2621
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
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Vertessère (terre de)
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Text
^
iff:
—
COUR R O Y A L E
MÉMOIRE
DE
RIOM.
POUR
PR EM IÈRE c h a m b r e .
G ilb e rt et Louis-Etienne GUESTON, Pro
priétaires; Françoise GUESTON, et JeanPourçain CAUSSE, son mari,
Proprié
taire et Docteur en médecine, Appelans de
jugement rendu par le Tribunal civil de
Moulins, le 28 avril 1 8 3 6 ;
CONTRE
L éonard CANU, Intimé.
D e u x jugemens du tribunal civil de Moulins sont en présence d ans
cette cause ; l'un du 19 août 1816, qui, après l’emploi des fo rm a lités
prescrites par l’art. 467 du Code civil, homologue une t ra n sa ctio n
faite par un tuteur; l'autre t de 1 8 3 6 qui annule cet acte , parce
que , d it-il, c était un partage et non une transaction.
A insi, deux jugemens du m ême tribunal ont différemment qua
lifié l'acte qui fait le fondement du procès : le premier y a reconnu
une transaction et l’a hom ologuée, à une époque où le tribunal était
�*
V
— 2 —
chargé par la loi d ’en examiner les caractères, de le qualifier com m e
il devait l’ê t r e , et de n’y mettre le sceau de son autorité que lors
qu’il aurait reconnu que le mineur avait avantage à transiger ; le se
cond , mettant à l’écart le jugement d ’homologation , et ne voyant
qu’u a simple acte de la juridiction volontaire, en a prononcé la
nullité , à une époque où il semble que , d’après les lois , il n ’avait
aucune autorilé pour examiner les caractères déjà fixés et reconnus
de cet acte, et ne pouvait l’annuler q u ’aulant q u ’il n’aurait pas été
accompagné des formalités prescrites par la loi pour l’espèce d ’acte
qu ’on avait voulu faire, et que le tribunal de
i 8 jG
avait autorisé.
Ce n’est pas la seule erreur de ce jugement.
Léonard Canu réclame une part de succession y comme enfant na
turel du sieur Gueston. O r , en reconnaissant que les droits de l’in
tim é , comme enfant naturel, étaient contestés; que son id e n tité ,
sa qualité, elle-m êm e, était en litige; q u ’en la supposant ré e lle , on
lui contestait, encore, le droit de critiquer des actes passés antérieu
rement et de bonne foi entre le père et ses enfans légitimes , le tri
bunal de Moulins n ’a pas voulu voir une transaction dans le traité
par lequel on-lui accordait une somme de 3 ,ooo fr. pour éviter un
procès sur ces questions graves, q u i , en compromettant les intérêts
desparties, tendaient à accuser, d ’une part, et à justifier, d<^l’a u tre ,
la mémoire du sieur Gueston.
Allant plus loin enco#re , il a décidé que toute transaction, fût-elle
sincère et de bonne fo i, ne pouvait être considérée que comme un
partage, si elle faisait cesser l’indivision; que la cession de droits
successifs, elle-même, perdait son caractère, d ’après l’article 888 du
Code civ il, touLes les fois que le vendeur demeurait garant d ’autre
chose que de sa qualité d ’héritier.
Enfin., et quoique , dans l’espèce , Léonard Canu , pour lequel 011
a a ccep té, avçc autorisation régulière, 3^000 fr. par forme de tran
saction, n\iût garanti, ni la qualité du droit, ni le droit' lui-même ,
ni,la qualité qui lili était contestée, et quoique tout cela résultât du
niêwe î)cto i le tribunal a décidé q u ’on devait y supposer ou y voir
�— 3 —
la vente des droits* certains déterminés 3 et le résultat d’un .partage
préexistant.
S ’arrogeant ainsi nne autorité supérieure à la sienne p r o p r e , et le
droit de contredire ce que lui, ou ses devanciers, avaient fait en 18 16,
il a déclaré nulle la transaction faite avec un mineur ;
Q uoiqu’il y eût matière à transaction , et transaction réelle sur des
points en litige , lesquels portaient sur les fondemens même du
droit prétendu pour le mineur ;
Quoique le besoin et les avantages de cette transaction eussent été
reconnus par un conseil de fam ille, et par trois jurisconsultes nom
més par le procureur du roi ;
Q u o iq u e , enfin , le tribunal co m p étent, le même tribunal, il faut
le dire , alors chargé par la loi d ’apprécier le mérite de cet acte , de
l’autoriser ou de l’empècher , l’eût homologué purement et simple
ment comme transaction, après l’observation de toutes les forma
lités prescrites.
De si graves erreurs devaient être signalées à la haute sagesse de
la C o u r, et nous lui en soumettons l’examen avec confiance. Les
faits et les actes nombreux qui constituent cette cause , les questions
assez piquantes qu’elle fait naître ou apercevoir, nous entraîneront
dans quelques détails. ¡Nous tâcherons de les abréger et de les pré
senter clairement. Elle a d ’ailleurs pour les intimés une importance
morale qui réclame spécialement l’attention.
FAITS.
I'rançois Gueston , père et beau-père des appelans, avait contracté
mariage avec Françoise lîarathon-Desgranges le 14 juin 1790. Ils se
soumirent au régime de la communauté, q u i , d ’ailleurs, à cette
époque , était la loi établie par la Coutume du Bourbonnais. La femme
avait des biens assez considérable^
Françoise Barathon décéda en 1 7 9 6 , l a i s s a n t e s trois enfans en
bas âge. Le m a ri, survivant, ne fit ni inventaire ni acte equipollent,
�— 4 —
et la communauté continua avec ses enfans , conformément à la
Coutume.
François Gueston resta ve u f, dans la force de l ’âge. Ses enfans
n ’ont pas à rechercher si les passions de la jeunesse l ’entraînèrent à
quelques écarts; ils mettraient bien plutôt du prix à couvrir de leur
respect des faiblesses qui ne sont que trop dans la nature, si la nais
sance d'un enfant naturel reconnu par lui à une époque plus recu
lée , et dont l ’origine est encore un mystère, n ’était la cause unique
de ce procès.
Marie Brunet était entrée chez lui assez jeune. Deux fois elle avait
été renvoyée et reprise. Sans nous jeter dans des conjectures, sans
adopter comme vrais des bruits publics plus ou moins vraisem
blables , et dont le souvenir existe encore dans le p a y s , nous nous
arrêterons à des faits matériels résultant des actes qui constituent le
procès , et nous ne remonterons pas plus haut que le fait qui lui a
donné naissance. Nous nous bornerons à dire q u ’après avoir ren
voyé Marie Brunet, une première fois, de son service, en 1808, Fran
çois Gueston la reprit en 1 8 1 0 , et la garda très-peu de temps.
Jusque l à , il n’avait pas manqué de tendresse envers ses enfans;
ils s’empressent de reconnaître qu ’il leur avait donné tous les soins
q u ’exigeait leur âge, et n’avait rien négligé pour leur éducation.
Mais leur retour des pensions dans la maison paternelle , leur âge
plus avancé, leur intelligence plus développ ée, qui pouvaient deve
nir un peu gênans pour lui ; enfin , l’approche de leur majorité , au
moins celle du fils aîné, qui faisait apercevoir la possibilité qu ’il eût,
bientôt, à rendre un compte de tutelle et de communauté, ame
nèrent chez lui quelques inquiétudes qui changèrent sa manière
d ’être envers ses enfans. Les moindres ch ose s, leur seule présence
lui faisait ombrage ; et en certains momens, où son esprit ne pouvait
pas être c a lm e , il allait jusqu’à menacer de faire disparaître sa for
tune , q u i, d isa it-il, lui apparjenait d ’autant plus exclusivement
qu ’elle était le fr& t de son industrie.
I ù n 8 i a , le fils aîné, devenu majeur, fut effrayé de cet état de choses.
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Il pensa à réclamer ses droits ; mais les menaces q u ’il avait enten
dues , l’empire qu ’on exerçait sur son père , la facilité qu ’on avait
d’influencer, surtout dans certains niomens, un homme qui autre
fois était un exemple de re te n u e , lui firent craindre que s il formait
une demande sans autre précaution, sa fortune mobilière ne disparût
d ’un coup de main. Copropriétaire par suite de la continuation de
communauté , il requit une apposition de scellés. Cette démarche
un peu bru sq u e , peut-être, à raison de sa qualité de fils, dut empi
rer la situation respective.
Au commencement de i 8 i 4 > Marie Brunet demeurait au Montetaux-Moines; elle y avait fait connaissance avec Gilbert Fratissier,
qu’elle épousa plus tard. Dans le cours de la même année , elle ren
tra chez le sieur Gueston. Â.lors elle était en ce in te , c ’est un fait po
sitif, soit que l’enfant dont elle accoucha plus tard fû t , en réalité,
Léonard C anu, dont la naissance fut constatée le 23 octobre 1 8 1 4 *
ou que son enfant fût né mort à une date différente , comme on le
croyait dans le pays. Quoi q u ’il en soit, les î g et 23 octobre, deux
actes indiquèrent légalement la naissance d’un enfant dont l ’origine
fut laissée dans les ténèbres.
Sur le registre matricule des enfans trouvés de l’hôpital-général
de Moulins, ou trouve cette insertion :
« IS'° 797. Léonard C a n u , apporté au berceau le 19 octobre 1 8 1 4 ,
» âgé d ’ un jo u r , confié le 19 dit h Françoise L o m e t, femme de Jean
» ll é n a u d , commune de Trévol. »
Et sur le registre double des naissances de la ville de. Moulins ,
pour 1 8 1 4 * on tro u ve , à la date du 23 o c to b r e , un acte qui constate
q u e , ce jour-là m ê m e, 23 octobre, Catherine ll i b i e r , préposée de
l’hôpital-général, a présenté un enfant nommé Léonard C a n u , dgé
d un jo u r , trouve exposé dans le berceau dudit hospice ; en sorte
que ce serait le infime enfant qui était âgé d ’un jour le 19 , et envoyé
le i g à l r e v o l , qui est présenté à la mairie de Moulins le 2 0 , comme
âgé d ’ un jour.
Nous oc relevons cette circonstance que comme étant le commen-
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cernent des singularités qui ont accompagné tous les actes dont ce
Léonard Canu a été l’objet. Au reste, on y remarque que cet en
fant n ’est reconnu par personne ; q u ’il a été exposé sans aucune
marque distinctive , comme le dit le procès verbal. S ’il était l’enfant
de Marie Bru net ; s i , ce qui était bien plus douteux encore , il était
celui de François G ueston, il faut convenir que ce prétendu père
n’avait pas eu la pensée de le réclamer un jour. L e procès v e r b a l,
en indiquant minutieusement tout ce qui avait été trouvé sur l ’enjfant : un drapeau, une bourrasse, une chemise 3 une brassière et deux
bonnets t sans autres marques distinctives qui puissent donner des renseignemens sur sa naissance, démontre que le nom Léonard Canu
ne lui avait été donné q u ’à l’hospice ; en sorte q u ’il ne restait aux
véritables parens de cet enfant aucun moyen de le reconnaître parmi
ceux qui pouvaient avoir été déposés à la même époque.
Peu de temps après, et au mois de janvier 1 8 1 5 , nous trouvons
des actes qu ’il faut nécessairement connaître, et surtout bien ap
précier. Que Léonard Canu fût l’enfant de Marie B run et, ou qu ’elle
l ’eût supposé ; qu’il fût le produit des œuvres du sieur Gueston , ou
de tout a u tre , il est certain, il est notoire dans le p a y s , que le sieur
Gueston était vivement persécuté par Marie B r u n e t, pour en obtenir
quelque chose; q u ’il y avait eu entre eux des scènes violentes ( on le
prouverait au b e so in ); q u ’enfin le sieur Gueston avait fini par aper
cevoir qu'on l ’irritait mal à propos, q u ’on l’entretenait dans de
fausses et déplorables démarches contre ses enfans, et q u ’en deve
nant injuste à leur égard, il s’éloignait pour lui-mcrne de tout ce
qui fait le bonheur de la v i e , en se laissant captiver par Marie Bru
net. 11 sentit le besoin de sc défendre et des violences et des sé
ductions qui l ’entouraient.
Au mois de septembre 1 8 1 4 • H avait acheté du sieur Renaud de
B o i s r e n a u d la propriété de Sciauve. Il n ’en avait pas payé le prix
(4 8 ,oo o fr. ) , et le devait en totalité; il ne p o u v a it pas le payer avec
ses ressources personnelles, surtout à la compagnie de Marie Bru
net. Le i 4 janvier i 8 i 5 , il en lit la vente à ses enfans, en même
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temps que (le ses autres biens. Les deux frères majeurs y assistèrent
Françoise Gueston, leur sœur, mineure émancipée, e t , se P5Uj¿atlt
torts pour elle, promirent sa ratification à sa majorité. La vemfe fut
laite moyennant certaines réserves de jouissance, pour la vie du
vendeur, et à la charge de p ay e r, 1*48,000 francs au sieur de
Boisrenaud et les intérêts depuis l’acquisition; 2° 10,000 fr. au sieur
Alibert; 3° 3,ooo fr. de pension viagère au vendeur, et sa provision
de bois à brûler. E n fin , le sieur Gueston y impose à ses enfans une
condition que nous devons transcrire littéralement.
« A la condition très-expresse que lesdits biens cédés seront par» tagés avec ceux de la mère des acquéreurs , et ce par égalité entre
» ses trois enfans; qu ’à cet effet, il en sera fait trois lots les plus
» justes et les plus égaux possibles , de manière que les deux lots qui
» comprendront, l’ un, le château et la réserve de Sciauve; et l ’autre,
» la terre des S a lles, seront attribués aux deux garçons, vo ulan t,
» ledit sieur Gueston p è r e , que si l’un des enfans contrevient à cette
» clause, et q u e , dans l’année de la majorité de sa demoiselle, ses
» enfans ne lui rapportent pas l’acte de partage portant attribution
» des deux lots ci-dessus, le présent demeurera nul et non avenu ;
» e t , dans ce cas, ledit sieur François Gueston dispose au préjudice
» du contrevenant à cette clause, et au profit des non contrevenans,
» de la portion disponible de ses b ien s, en meilleure forme que
» donation puisse valoir, la présente clause étant acceptée par ses
» enfans. *
On voit parfaitement ici le but et 1esprit de cet acte. L e sieur
Gueston voulait transmettre à ses enfans une propriété dont il devait
le prix et qu’il ne pouvait pas payer; il voulait qu ’ils acquittassent,
pour lui, une somme de 10,000 francs ù un, tiers; enfin, il voulait
faire entre eux une sorte de partage et attribution de lo ts, autant,
cependant, que pouvaient le permettre les conditions onéreuses q u ’il
leur im posait, et qui ôtaient h sa disposition le caractère de pure
libéralité. Il faisait, d ailleurs, cette disposition entre scs■
enfans, ses
deux garçons, sa fiUc» comme u a homme qui n’avait pas d ’autre
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enfant ayant droit à une réserv e, ni qui pût porter la moindre at
teints à la distribution q u ’il faisait de sa fortune. Il ne connaissait
pas
en effet , il ne pouvait pas connaître Léonard Canu , cet
enfant exposé au bac de l’hospice de Moulins, à une grande dis
tance de son dom icile, sans aucune marque distinctive, et sans que
rien pût lui indiquer qu ’il était le sien ni même celui de Marie Bru
net. S ’il fallait d ’ailleurs s’en référer aux bruits qui coururent alors,
Marie Brunet se serait accouchée sur les lieux et non pas à Moulins ;
l’accouchement aurait eu lieu à une époque postérieure au 18 oc
tobre ; enfin, elle aurait mis au monde un enfant m o r t- n é , ou né
m o rt, et non Léonard C a n u , vivant depuis le 18 ou le 23 o c to b r e ,
comme on voudra. Il ne faut donc pas s’étonner que le sieur Gueslon ne pût ni ne voulût le reconnaître. D ’ailleurs, l ’ acte du i 4 jan
vier est reçu par le sieur Boucaumont-Marzat, notaire de la famille,
au château de Sciauve, avec tous les caractères de l’authenticité.
Toutefois, placé dans cette position difficile d ’un homme qui a ,
d ’un côté , ses onfans légitimes pour lesquels il éprouve le sentiment
du père de fam ille, e t , de l ’autre, une personne du sexe vers la
quelle il a été entraîné par son isolem ent, et qui exerce encore sur
lui une sorte d’e m p ire, il ne p ut, en rendant justice à ses enfans , et
en se mettant lui-même dans l’heureuse impossibilité de les priver
de sa fortune, se défendre de subir et de leur imposer quelqnes co n
ditions. Ici se présente un fait que nous ne devons pas laisser ignorer.
Trois jours avant cet a cte, et le 11 du même mois de ja n v ier,
Marie Brunet s’était présentée à l’hospice de Moulins; elle y avait
réclamé Léonard Canu comme étant son enfant, et il lui avait été
remis par une sœur de l’hospice. Rien n ’était plus facile : l'adminis
tration publique comme celle de l’hospice y trouvaient tout h la fois
l ’intérêt de l’enfant et le le u r ; celui de l ’enfant, puisque, obligé q u ’on
était de le livrer àdes mains mercenaires, une femme qui se présentait
comme sa mère était préférable; l’intérêt de l’administration, puis
q u ’elle était déchargée des frais de nourriture , d ’entretien et d ’édu
cation. On sait, d ’ailleürs) combien l’administratiou prcnd de soins
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pour connaître les parens qui font déposer des enfans 'au berceau
des hospices, et pour les forcer à les reprendre. A plus forte raison
autorise-t-elle à les leur remettre , lorsqu’ils se présentent d’euxmêmes, et que ce no sont pas des gens sans aveu. La commission
administrative de l’hospice n’avait donc pas dû hésiter, sans avoir b e
soin de demander à Marie Brunet des preuves de son assertion.
Celle-ci avait pu , au surplus, choisir cet enfant comme tout autre
parmi ceux déposés satis aucune marque distinctive ; et si, en géné
ral , il y a beaucoup plus de ceux qui cherchent à se débarrasser de
ces fruits du libertinage que de ceux qui cherchent à se les appro
p rier, il n’est pas sans exemple q u ’ils deviennent un objet de spécu
lation. Cela put arriver dans l ’espèce; et nous verrons, par la suite
des faits, qu ’on en eut la p en sée, et qu ’on en éleva la question lors
de la transaction qui a donné lieu au procès.
Si Léonard Canu était l’enfant de Marie B r u n e t , il y avait quel
que chose d’extraordinaire à le lui voir retirer de l’hospice moins
de trois mois après l’y avoir déposé; aussi pensait-on généralement,
alors , qu ’elle avait pris un enfant à l’hospice pour s’en faire un
moyen à l’égard du sieur Gueston. 11 y avait quelque chose d’ingé
nieux à cette manœuvre pendant qu’on préparait les élémens de
l’acte ; et c ’était une adroite diversion, au moment même où il allait
être consommé, que de jeter au milieu de ces négociations un enfant
que Marie Brunet s’appropriait. 11 servait merveilleusement scs vues
en embarrassant le sieur Gueston de sa présence en même temps
que de ses réclamations. Quoi qu ’il en soit, le même jo ur, i 4 jan
vier, les enfans donnaient la déclaration suivante :
« Nous soussignés, Gilbert etLouis-Llienne G ueston, demeurant
» dans la commune de Meillet, et demoiselle Françoise G ueston,
® dememant en la commune de Saint-IIj'laire , reconnaissons devoir
» à M arie Brunett hlle majeure , demeurant en la commune de
» M urât, la somme de deux mille lrancs pour elle et son enfant na» tu re l, seulem ent, aux conditions ci-après, et ce par pur don et
• » par forme de récompense de ses services, pour laquelle somme
2
�— 10 —
» nous sommes convenus de lui servir et faire une pension viagère
» de trois cents francs, tant à sou profit q u ’au profit de Léonard Canu,
» son fils n a tu re l, né le 18 octobre 1 8 14 > lequel elle a retiré de
» l'hospice, le i l janvier présent mots, avec convention que si ledit
» enfant parvient à la g e de d ix - h u it a n s , ladite pension cessera
» d’avoir lieu sur la tète de Marie B r u n e t, et appartiendra en totalité
* raudit Léonard C anu, auquel cas nous nous obligeons de la payer ;
» mais s’il décède sans s’établir, après les dix-huit a n s, et que Marie
» Brunet, sa m è r e , vive, nous nous obligeons de continuer ladite rente
» sur la tête de M arie Brunet ju sq u ’ à son décès............ « Cette décla
ration est ensuite approuvée par les trois enfans, quoique écrite d ’ au
tre main.
11 n ’est pas difficile de découvrir la pensée qui a présidé à cet
acte. Ou on n’ose pas demander au sieur Gueston qu ’il reconnaisse
cet enfant dont l’origine est couverte de ténèbres, ou si on le de
mande, il le refuse. II estentouré de sa famille, de ses enfans, moins
exposé à la séduction, à la contrainte. T ou tefo is, à la suite de quel
ques familiarités avec Marie Brunet, et sans examiner si' 1enfant q u ’elle
présente comme le sien, est ou non celui du sieur G ueston, ni lui
ni ses enfans ne reculent devant un sacrifice purement pécuniaire.
Cette déclaration peut d ’autant moins avoir un autre b u t, que per
sonne n y intervient, pas mèinc Marie Brunet, pour y donner un état
à cet enfant. Elle-même n’accepte pas la disposition, qui demeure
avec le simple caractère d ’acte unilatéraf, sous seing prive, quoique
contenant un don purement gratuit’, qui renferme , par co n séqu en t,
une simple obligation morale plutôt qu'un contrat réel et légalement
consenti. Reconnaissons ici que si François .Gueston eut cru que
cet enfant était le sien, et q u ’il eût voulu le reconnaître , il n ’a u ra it
pas manqué d’ajouter q iw l entendait le réduire à cette pen sion,
conformément à l'article
t
du Code
civil. On ne peut pas
en douter; et l’acte témoigne assez nettement de cette volonté. 11
prouve plus, encore , puisqu’il est exclusif d ’une reconnaissance
que François. Gueston îuÎ refuse. D eux jours après, un no uvel'acte *
�— il —
se passe; nous devons encore en faire apercevoir les singularités.
. Nous avons dit qu ’au commencement de 1814 » Marie Brunet de
meurait au M ontet, et y avait connu Gilbert Fratissier. L e 16 jan
vier i 8 i 5 , elle passe avec lui son contrat de mariage; il constate
que son père était encore vivant, et qu elle n ’avait pas recueilli sa
succession.
« Elle se constitue les biens et droits qui lui sont échus par le décès
» de Marie M ica u d , sa mère ;
v E t , de son ch ef, une somme de deux mille cinq cent cinquante
* francs; savoir : 2 ,3 5 o fr. numéraire, par elle à Cinstant comptés
» et réalisés en espèces d ’or et d'argent ; et 200 francs de meubles
» consistant en un lit de plume et couverture avec traversin, une
» armoire en cerisier, quatorze draps de lit, deux nappes, neuf ser» vieltes et treize aunes de toile b la n c h e , au petit étroit. Dans l’ar» moire ci-dessus sont les rob es, habillemens, linges et bardes de
» la future é p o u se , non compris dans les sommes ci-dessus ¿et qu elle
* n ’ a voulu détailler ni faire estimer par les présentes. ■
>
Elle déclare que le tout provient de ses épargnes , gages et écono
mies. Elle déclare , en o u tr e , avoir une petite pièce de terre en jar
din , située à Mural, en valeur de 200 fr.
On voit q u ’indépendamment des 5 oo fr. de rente viagère promis à
Marie Brunet et à l’enfant, le sieur Gueston ne faisait pas trop mal
les honneurs du contrat de mariage, qui, toutefois, se passait hors sa
présence, devant M‘ P la ce , notaire au Montet. 2 , 35 o francs et des
meubles, d’une part, 3 oofr. de rente viagère de l’autre, une quantité
de linge qui demeure inconnue, parce que Marie Brunet n'a voulu
ni le detailler ni le faire estimer. Dans toute supposition, il n’avait
pas été déraisonnable.
Après cette constitution, le contrat renferme la clause suivante :
« La future epouse nous a requis de déclarer en ces présentes
» qu’elle est m è r e , depuis environ trois m ois, d ’un enfant mâle
» nommé Léonard C anu, suivant l’acte de naissance dudit enfant,
» constaté par M. le juge de paix du canton de Moulins, partie de
�— 12 —
i l’ouest, le 19 octobre 1814 5 extrait duquel acte lui a été délivré le
» 10 janvier, présent m o is, par M. Ripoud l’aîné, adjoint à la mairie
» de Moulins; voulant ladite future que ledit enfant soit, par cespré» sentes, et ainsi qu’ elle se propose de le réitérer par l ’acte civil de
» son m ariage, légalement et authentiquement reconnu comme son
» enfant légitime, et qu'il lui succède conjointement et par égales
» portions j avec les autres enfans quelle pourra avoir du mariage q u ’elle
a se propose de contracter ; voulant q u e , dans le cas où elle 11’en
» aurait pas d'autres, ledit Léonard Canu lui succède en totalité, et
» soit reconnu pour son iicritier universel de tous les biens dont elle
s mourra vêtue et saisie. »
Il faut en convenir : le futur époux qui consentait à une pareille
insertion dans son contrat de m ariage, si cet enfant ne provenait pas
de ses œuvres , n'était pas dominé par le respect humain. Tout
homme du p eu ple, si bas placé qu’il fût par la fortune , et s’il avait
conservé quelque chose de l'hom m e, 'n’aurait pas voulu constater
ainsi, par l’acte môme de son mariage , le déshonneur de celle à la
quelle il allait s’un ir, et sa propre immoralité ; car il y avait immo
ralité notable, si cet enfant n’était pas le sien, à consigner ce té
moignage dans cet acte solennel, pour que ses enfans et sa famille
l ’y retrouvassent à jamais. Cela n ’est pas dans la nature de l’hom m e
honnête. Dans cette supposition, quel jugement faudrait-il donc por
ter et de l’homme qui accepte une pareille condition, et de la femme
q u i, avec 0,000 fr. au m oins, des im meubles, du m obilier, un via
ger de 5 oo fr. et des droits successifs, ne trouve q u ’un pareil époux?
Où trouvera-t-elle le droit de dire à un tiers q u ’un enfant q u ’elle
vient de retirer d ’un hospice lui appartient, s i , d ’ailleurs, il n ’existe
pas de signes certains auxquels on puisse le reconnaître?
Mais cet acte fait plutôt croire que le futur époux était le père de l’en
fant, à supposer, toutefois, q u ’il pût s’en assurer. C ’est à cette pen sée’
plus morale que tendent toutes les expressions de la clause que nous
venons de transcrire. Comment, en elfet, si elle n’avait pas dominé les
esprits, y aurait-oa écrit que Marie Brunct reconnaissait Léonard
«I
�Canu comme son enfant légitim e? Comment y aurait-on stipulé qu’il
lui succéderait conjointement et par égale portion, avec les autres
enfans q u ’elle pourrait avoir du m ariage, et q u ’au cas où elle n’en
aurait pas d'autres, il lui succéderait pour le tout, et serait son hé
ritier universel? Com m ent, sans ce la , le futur époux aurait-il con
senti à le mettre sur la môme ligne de légitimité et de droits successifs
que ses propres enfans? Y a-t-il rien de plus expressif que ces ter
mes : Son enfant légitime............ .. qui succédera par égalité avec les
autres en fa n s.............. du mariage? Il n’y avait que la paternité de
Fratissier qui pût produire de semblables résultats ; et aussi s’em
presse-t-on de dire que la reconnaissance sera réitérée par l ’acte civil
du mariage ; pensée monstrueuse, si ce n ’était pas pour l’attribuer
au futur époux.
Celte réitération, il est v r a i , n ’a pas eu lieu dans l’acte civil de
célébration, et Fratissier n’a jamais reconnu l’enfant. Un instant de
réiléxion avait suffi à Marie Brunet pour en écarter la pensée. Elle
songea que quelque moment se présenterait o ù , trouvant le sieur
Ciucston livré à lu i-m ê m e , elle pourrait reprendre/ses moyens de
séduction, et l’amener à une reconnaissance , moins sans doute dans
l’intérêt moral de Léonard Canu, que pour en tirer quelque chose de
p lu s , soit pour l u i , soit pour elle-même ; car elle savait très-bien
stipuler les conditions à son profit. Poursuivons.
Le 16 février, elle se présente devant Boucanm ont, notaire. Elle
lui dépose l’acte sous seing privé du i4 janvier, et en fait acte d’ac
ceptation authentique ; acceptation complètement inutile sous deux
rapports différons ;
Inutile dans toute supposition, si elle ne comptait pas sur la fidé
lité des enfans Gueston à tenir leur promesse, puisque l'acte n’était
pas valable légalement ;
Inutile e n c o r e , si on pouvait obtenir plus tard la reconnaissance
du sieur G ueston; car, en ce cas, on était bien obligé de recon
naître qu ¡1 faudrait abandonner la pension, ou l’imputer sur la por
tion réservée par la loi à l’enfant naturel reconnu.
�-
H -
Cet acte n ’était donc q u ’une précaution pour s’assurer la pension',
au cas où on ne pourrait pas obtenir la reconnaissance. Cette pré
voyance est demeurée sans effet. L e 5 o mars
i
8 i 5 , moins de six se
maines après, Marie Brunet parvint à obtenir la reconnaissance du
sieur Gueston.La forme de cet acte est encore bonne à considérer. Le
sieur Gueston n ’y figure pas seul : Marie Brunet y comparaît avec lui
pour y répéter une reconnaissance désormais inutile, après l’avoir
faite dans le plus solennel et le plus authentique de tous les actes ;
mais sa présence était nécessaire pour que François Gueston accom
plît ce qu ’on voulait de lui. Aussi n ’est-ce plus le notaire de la fa
m ille, à Montmaraut, qui la reçoit, mais bien celui qui avait reçu
Je contrat de mariage des époux Fratissier ; e t, pour cela, le sieur
Gueston se transporte au Montet. I c i , on ne peut s’empêcher de re
marquer q u ’après une reconnaissance formelle et très - suffisante,
faite dans cet acte même par Gueston et Marie B run et, « qu’ ils ont
» donné l ’ un et l ’autre le jou r à Léonard Canu , suivant l’acte de nais» sance dudit enfant, du 19 octobre 1 8 1 4 >dont copie a été délivrée
» par Ripoud, adjoint, » on met dans la bouche de chacun d ’eux une
déclaration particulière ;
D ’abord, par Marie B ru n et, une réitération expresse de la recon
naissance portée dans son contrat de mariage ; chose fort inutile as
surément , si ce n'est pour amener celle qui la suit.
■ Et, enfin, une réquisition spéciale, par le sieur Gueston au notaire,
de recevoir sa déclaration publique et authentique, et de la rédiger
par acte en forme , chose pour le moins superflue , à côté de cette
déclaration en forme déjà écrite par le notaire, et qui serait absurde,
si immédiatement on n ’avait ajouté, o u , pour mieux dire , échappé
Je véritable motif de cette répétition surabondante :
»
A fin que ce môme enfant put recueillir dans sa succession l’ intégra <■
litédes droits que les lois accordent aux enfans naturels reconnust
s a n s rn É J U D icE d e s a u t r e s d i s p o s i t i o n s
e t ce
qui peuvent avoir été faites en
sa faveur. »
A insi, toujours le même but de la part de Marie B run et, prendre,
�recevoir et tirer à soi. A rg e n t, m obilier, r e n t e , tout cela ne suffira
pas ; il faudra d’autres promesses. Elle a voulu, par son propre contrat
de mariage, que l ’enfant qu ’elle a v a i t auparavant fût considéré comme
légitime; qu ’il partageât par égalité avec tes autres enfans q u e lle
pourrait avoir de son mariage; aujourd'hui, elle n’ose pas le quali
fier légitime à l’égard du sieur Gueston , ce qui serait absurde ; mais
elle veut, et elle lui fait dire qu ’il aura l ’ intégralité des droits de
l’ enfant naturel} en outre, et sans préjudice des autres dispositions
déjà faites en sa faveur ; tout comme si un enfant naturel reconnu
pouvait, par des dispositions directes ou indirectes, obtenir des préciputs au delà de la part que lui réserve la loi ! Q u o n dise mainte
nant que Marie Brunet a négligé les droits et les intérêts de son fils,
et q u e , quelques mois aprèst elle les a sacrifiés par un traité dé
savantageux !
Évidemment, celte déclaration était écrite dans l’acte pour porter
atteinte, autant que possible, aux dispositions que le sieur Gueston
avait faites de sa fortune au profit de ses trois enfans. Mais ceux-ci
pouvaient attaquer la reconnaissance ; ils pouvaient la critiquer comme
frauduleuse, s’ils croyaient y reconnaître ce caractère; Personne ne
savait mieux que Marie Brunet si la vérité des faits devait lui inspirer
des craintes à ce sujet. La suite va nous prouver q u ’elle en concevait
de très-sérieuses.
Certes , après une reconnaissance aussi authentique , deux ou trois
fois constatée dans le même acte, en termes géminés, elle n’avait b e
soin d’aucune autre précaution, à moins qu’un sentiment intérieur,
dicté par une vérité q u elle seule, peut-être-,, pouvait connaître tout
entierc, ne lui inspirât des doutes sur son efficacité. Dans la perplexité
ou la mettait la crainte que cette vérité ne fut connue, elle dicta au
sieur Gueston une démarche qui décèle scs inquiétudes et son em
barras.
Le 4 juillet 18 1 5 , François Gueston se présente encore au Montet
devant le notaire Place , 1homme de confiance des époux Fratissier.
11 lui dépose un paquet de papiers cacheté t concernant Léonard, son
�— 16 —
*
fils naturel. Il le requiert d ’en recevoir Je d é p ô t, se réservant de le
retirer à sa volonté, en donnant décharge ; ajoutant que « dans le cas
» où il ne retirerait pas lui-même l’objet de ce d ép ô t, il voulait et
* entendaitqu’il fûtrem is soit audit Le'onard, son fds naturel, lors de
» sa majorité, soit au tuteur qui pourrait lui être nommé ; mais à
» condition q u ’en ce dernier cas, il en sera (ait ouverture par le no» taire dépositaire, lequel constatera, de suite, en .présence du tu» teu r, l’existence des pièces contenues audit paquet, par un inven» taire détaillé. »
Lorsqu’on connaît les pièces qui étaient contenues dans ce paquet,
on se demande pourquoi tout ce mystère , si ce n ’est pour p arven ir,
par un moyen indirect, à faire répéter e n c o r e , et consolider par le
sieur Gueston , une reconnaissance dont on se défiait? C ’était tout
bonnem ent, i° l’acte de naissance de Léonard Canu ; 2®.une note
du reirait de l’hospice, par Marie Brunet ; 3° une expédition du con
trat de mariage des époux Fratissier, qu’assurément le sieur Gueston
n’avait pas retirée de son propre mouvement ; 4®l’acte d ’acceptation
de la rente viagère, en date du 16 février; 5®enfin, une expédition
de l’acte de reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 . Assurément, tout
cela n’exigeait pas ce dépôt mysLériéux, et il avait nécessairement
une autre cause, que tout le monde peut apercevoir, la confirmation
d ’une reconnaissance qui n’avait pas été assez spontanée pour inspirerune entière confiance. Aussi, après la mort de François Gueston,
lorsque ces enfans connurent ce d é p ô t , leur inspira-t-il la crainte
que ce paquet ne renfermât quelque chose d ’injurieux, et exigèrentils que l’ouverture du paquet fût faite en leur présence.
T outefois, Marie Brunet n’était pas encore pleinement rassurée.
Toujours pleine de sollicitude pour les intérêts matériels de Léonard
C a n u , et les siens propres, elle chercha à se tranquilliser par d ’au
tres moyens; et, n’importe que ce soit avant ou après la mort de
F ra n ç o is Gueston, arrivée le 1er mai i 8 i G , elle communiqua scs
craintes à des jurisconsultes, en leur demandant un avis. Dans un
' mémoire qui indiquerait que le sieur Gueston vivait e n co re, et on
�— 17 —
on parle beaucoup de son attachement sans bornes pour son quatrième
enfant, on dit qu’ il voudrait lui assurer une existence honnête, mais
q u ’il craint de ne pouvoir seconder l’intention de la nature , i° parce
q u ’il a vendu tous scs biens à ses trois premiers enfans, le i/( janvier
1 8 1 5 ; 2° parce qu’t'/ craint qu'on ne conteste l’identité de l ’ enfant,
qui a resté, en quelque sorte, inconnu depuis sa naissance jusqu’à la re
mise qui en fut faite à sa mère par une sœur de l’hospice de Moulins;
3° parce qu’il craint que la reconnaissance ne soit tardive ou q u ’elle
soit contestée.
Puis,
on fait observer que l’acte de pension viagère, qui
désigne Léonard Canu , fils de la B ru n et, devrait valoir comme ap
probation de la part des enfans, et faire remonter la reconnaissance
au jour de la naissance. Enfin, on demande d ’indiquer, s’il peut en
core en être temps, lotit ce qu’il est possible de faire dans l'intérêt
de Léonard Cami. Là-dessus, les jurisconsultes s’e x p liq u e n t, et
après quelques hésitations sur une question q u ’ils reconnaissent dif
ficile par rapport aux droits de l’en fan t, ils se prononcent sur tous
les points en sa faveur. Nous n ’entrerons dans aucun détail sur celte
consultation; cela n’est pas nécessaire à la cause.
Aussitôt après le décès du sieur G ueston, ses enfans firent procéder
régulièrement à l’inventaire de son mobilier*, soit à la Sciauve, où il
était décédé , soit à Moulins, où il avait une chambre à loyer. De son
cô té , Marie Brunet provoqua la réunion d’un conseil de famille, qui
lui confirma la tutelle de Léonard C a n u , lui donna pour cotuteur
Fratissicr, son mari ; pour subrogé tu te u r, G ilb e rt'C o u rre t, c l l ’aulorisa à faire ouvrir le paquet déposé chez M* Place. L e i o ju ille l,
il fut procédé à cette ouverture, qui ne produisit autre chose que les*
cinq pièces que nous venons de désigner e t, immédiatem ent, Marie
Brunet se mit en mesure de connaître et de faire effectuer les droits
qui îesultaient, au profit de Léonard Canu , de la reconnaissance et
des autres pièces renfermecs dans ce paquet. Au moins , cela servit ’
*le pretexte avant tout, elle chercha à se procurer des consulta
tions.
I c i , nous parlerons avec une délibération de famille du 5 août
3
�•=.*8
1 8 1 6 , quî est, en quelque so rte, l’ouvrage des intimés, et qui ne
saurait être suspecte à leur égard.
Sur quoi les avocats furent-ils consultés ? Quelles questions eu
rent-ils à résoudre? C ’est là ce q u ’il faut bien expliquer; car c’est le
point d e départ de toutes les opérations ultérieures; c ’est ce qui'
peut seul nous montrer parfaitement quels é taien t, i° la position
«les parties; 2° leurs prétentions respectives,. et nous apprendre si
elles ont voulu faire,, si elles ont effectué , et si la- justice a homo
logué le partage, non contesté, d ’une succession, ou une transaction
sur des difficultés réelles, plus ou moins graves, opposées à celte pré
tention.
Après avoir fait procéder à la reconnaissance des pièces déposées
chez M' P la c e , les époux Fralissier, désirant s ’éclairer sur leurs ef
fets ( c ’est la délibération du conseil de famille qui parle ) , s ’adres
sèrent à des jurisconsultes , q u i, après un mûr examen des pièces , dé
cidèrent :
« i° Que la reconnaissance du 3 o mars i 8 i 5 était valable en la.
forme et au fond......
« a® Que si, dans les termes de l’article 33 (), l ’intérêt suffit pour
» q u ’on soit admis à contester la reconnaissance d ’un enfant naturel,
» on ne voit, dans l ’e sp èce, aucune raison de craindre que les hé» riliers légitimes pussent faire accueillir une action qui tendrait à
» faire révoquer en doute l'identité de l ’ enfant reconnu,
b
Après avoir fixé, d ’après la loi., les droits de l ’enfant naturel re
connu , les jurisconsultes ajoutent :
•
« 6® Que s’il ne trouve s i réserve dans les biens de la succession,
* il peut demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont ex~
» cédé la quotité disponible ; »
7° Q uc > dans l’espèce , et d ’après l’artide 9 1 8 , qui exige l'impu
tation cl rapport de la valeur des dons faits, à charge de rente via
g è re , à des succcssiblcs en ligne d irecte, L éonard Canu était fondi
à demander le bénéfice de cet article ;
8* Q u ’il importait peu que la reconnaissance fût postérieure à 1&
�vente , parce que le droit résultait de la qualité do l’enfant n a tu r e l,
que le père pouvait toujours reconnaître.
Ils déterminent ensuite c e qui. doit lui revenir dans leur opi
nion.
¡'
Faisons ici une remarque essentielle. Nous n’avons pas à rechercher
si ces jurisconsultes étaient dans l’erreur pour le tout ou pour partie,
ou s’ils avaient complètement raison en décidant toutes ces ques
tions en faveur de Léonard Canu ; une seule chose nous occupe et
doit nous occuper : celle de savoir s’il s’élevait ou non des question:1
qui missent en litige le droit de Léonard Canu ; si les enfans Gueston
approuvaient toutes ces décisions, ou se mettaient en mesure de les contester. O r , deux choses demeurent constantes :
L ’une , qu ’il s’élevait des questions plus ou moins graves ;
L ’autre, que ces questions ne naissaient pas sur les détails d’un
partage dont le droit serait re co n n u , mais bien sur ce droit en luimême ; tellement que, les jurisconsultes examinent le droit au par
tage bien plus que les questions secondaires qui pouvaient naître de
l ’exercice de ce droit.
O r , à supposer même que ces questions eussent peu de gravité ,
cela demeurait sans importance; car il suffisait qu’elles existassent ,
qu’elles fussent ou qu’elles pussent être élevées, pour qu ’elles de
vinssent matière à transaction.
C ’est là, nous devons le dire, toute la question du procès.
S i , d’ailleurs , on considère ces difficultés soit isolém ent, soit dans
leur ensemble, on sera forcé de reconnaître q u ’elles étaient graves
et sérieuses.
Fasse qu ’une reconnaissance d’enfant naturel soit valable à quelq u ’époque qu’elle soit faite ; qu ’en général, il soit difficile à des enfans légitimes de contester utilement l’identité d ’un enfant naturel
que leur pere a reconnu librement ; passe encore que l’enfant ait
droit à une reserve et à la réduction de toutes d isp o sitio n s gratuites
antérieures; mais, quelle que fût là-dessus la force de l’opinion des
jurisconsultes, leur consultation ne témoigne pas moins que ces
�questions étaient élevées, et q u ’il fallait les franchir avant d ’arriver
au partage. E t , en outre, deux questions fort graves ne s’étaient pas
présentées aux conseils avec toutes leurs circon*tqjnces.
Et d ’abord, s’ils avaient examiné, dans les termes ordinaires, la pos
sibilité de contester l’identité, ils ne l’avaient pas fait par application
aux faits particuliers. Remarquons bien q u ’ils n’étaient consultés que
pat Léonard Canu ou ses tuteurs, q u i, en témoignant la crainte
qu ’on ne contestât l ’identité, ne leur avaient pas fait connaître les
motifs spéciaux de celte crainte, tous les actes, toutes les circons
tances que nous avons rappelées ci-dessus, et qui laissent apercevoir
non une volonté froide et peu croyable, de la part d ’un p è r e , de
supposer 1’cxisterhce d ’un enfant naturel, mais un système fallacieux
dont il était plutôt, lui-môme , la victime que l’artisan. A lors, il était
‘ n otoire, on étail en état de prouver, et on le serait encore anjour“d ’h u i, que l’enfant de Marie Bninet était m o rt; que la reconnais
sance du 3 o mars i 8 i 5 avait élé arrachée au sieur Gueslon par des
manœuvres honteuses; qu’il avait été dépouillé de toute liberté d ’es
prit, et subjugué par tous les moyens de séduction et de contrainte.
Les faits que nous venons d ’exposer ne le faisaient que trop pres
sentir. Les actes antérieurs h la reconnaissance prouvent que Marie
Brunet n'espérait pas faire accepter par le sieur Gueston l ’enfant
q u ’elle avait choisi à l'hospice. Il suiïit, pour cela, de lire et l'acte
constitutif de la pension du i/j janvier, et le contrat de mariage
de Marie B n in e t, du surlendemain 16. Ceux postérieurs démon
tren t, à n'en pas do uter, combien peu elle se fiait à cette reconnais
sance, qu’elle tachait de faire confirmer par des actes indirects q u ’elle
faisait faire successivement, et qui, sans cela, eussent été sans objet.
Tout cela même écarté, il fallait encore examiner une question grave
et important*:. L ’atl. ()iS, quiserait tout le litre de l'enfant naturel,
oblige seulement le successible qui a accepté une vente à fonds
perdu , à imputer ou rapporter la rnlriir de l'immeuble ainsi aliéné.
O r , ici deu* choses se rencontraient :
i* Les biens avaient été vendus non-seulement pour une rente
�viagère, mais encore pour un capital de 58 ,ooo fr., délégué aux ven
deurs de ces mêmes b ie n s, pour le prix des acquisitions, d’où on
pouvait conclure qii’il n’y avait rien à réclamer à ce sujet , spéciale
ment pour le bien d e là Sciauve, sur lequel il n’avait pas été payé une
obole par François Gueston ;
2° Et dans le cas même où il y aurait eu lieu à rapport pour le sur
plus, il était question de savoir si ce rapport pouvait s’appliquer aux
immeubles m ôm es, ou seulement à leur valeur ; o r , c ’était une ques
tion élevée.
Enfin, si on abandonnait la position présente, si on élevait en
justice de semblables prétentions contre les enfans légitimes, on
pouvait courir le grave danger de les voir retirer le pur don de 3oo f.
de rente viagère q u ’ils avaient promis par l’acte sous seing privé du
*4 février i 8 i 5 , puisque tout le monde reconnaissait qu’il était ra
dicalement* nul.
*
D où il était évident qu ’avant de former en justice une demande
c n partage, et d’en courir la responsabilité, les tuteurs de Léonard
Canu avaient de graves réflexions à faire. O r , c ’est ce qui les porta à
demander des conseils avant d ’ouvrir un litige, pour le moins incer
tain, sur les droits de l’enfant naturel à un partage de succession.
Jusque l à , il n ’y avait de débats avec personne
les tuteurs seuls
examinaient et faisaient examiner les droits de leur pupille liors la
presence des intéressés. Ils exposaient la question à leur guise; mais
quelle que fùl la décision ou l’opinion de leurs conseils, les enfans
légitimes restaient les maîtres de leurs droits et de leurs m oyens,
qu ils n ont abandonnes dans aucun temps. Pendant q u ’on se mettait en
garde contre leurs contestations, cn les prévoyant, avant môme q u ’ils
les eussent élevées, ils conservaient leur propre position. Voyons la
suite des laits, toujours dans la délibération du conseil de f a m i l l e ,
provoquée par les époux Fratissier.
Ceux-ci ajoutent « qu après avoir pris ces éclaircissemcns............ ..
* Us se proposaient de former en justice une demande en réduction de
» la donation faite cn forme de vente le i/f janvier i 8 i 5 , et en par-
�✓/
•t
*
— 22 —
» tage des cinq sixièmes d ’une locaterie qu i formait, avec la terre
» de la Sciauve j la totalité des immeubles de la succession.... , lorsque
» les enfans légitimes du sieur Gueston ont proposé de transiger sur
» lotis les droits dudit enfant naturel, moyennant une somme de
» trois mille fr a n c s, q u ’ils disaient supérieure à celle qui pouvait lui
» revenir, en admettant, ce qui t o l t a i t êtiie c o n t e s t é , selon e u x ,
» que les diverses questions précédemment agitées fussent résolues en sa
» faveur. »
Nous devons insister là-dessus, parce que ces détails fixent nette
ment la position des parties.
Au milieu de toutes les prévisions des tuteurs et de leurs conseils,
de tout ce q u ’ils disaient de favorable pour Léonard Canu , les enfans
du sieur Gueston, menacés d'un procès, se présentent. Ils leur di
sent : a Tous élevez des prétentions que nous pouvons combattre ; vos
conseils vous donnent raison sur toutes les questions agitées; nous
sommes fondés à le contester. Ils prétendent que votre identité ne
peut être révoquée en doute, que vous avez droit de critiquer la
vente de 1 8 1 5 , d ’exiger le rapport des biens ,*etc., etc. Nous pou
vons contester tout cela, repousser votre action, e t , qui plus e st,
vous refuser jusqu’aux 5 oo fr. de rente viagère promis par un acte
n u l, en 18 1 5 . Çi vous voulez ouvrir cette lu tte, nous nous défen
drons. T outefois, même e n .su cco m b a n t, vous nous aurez fait sou
tenir un procès fâcheux, peu honorable pour la mémoire de notre
auteur ; et nous préférons faire un sacrifice pour laisser ces questions
enfouies. Youlcz-vous renoncer à entrer sur ce terrain? nous renon
cerons h nous y défendre; et pour éviter toute discussion sur ces dé-'
tails fâcheu x, nous vous offrons 3 ,000 fr. Si vous examinez bien ,
vous verrez que nous vous offrons, en numéraire, plus qu’il ne vous
reviendrait en supposant tout, et que nous faisons un sacrifice réel
pour éviter un procès. Les acceptez-vous? Tout est fini. An cas con
traire, nous restons avec nosdroits, et nous les ferons valoir, assurés de
ne jamais vous devoir davantage, quand vous réussiriez , mais avec la
çhance de ne pas vous devoir une o b o le, pas inème la pension que
�nous avions promise, si vous succombez. a Voilà le véritable sujet dit
litige, le droit et la qualité môme de l’enfant naturel mis en ques
tion , et non pas seulement les détails d’un partage auquel on lui
contestait toute espèce de droit. Cette situation est dessinée autant
que possible dans cette délibération , puisqu’il n’y avait aucun procès
commencé , et que la question était de savoir si on devait s’exposer
a l introduire.
La délibération ajoute que, sur celte proposition* les tuteurs avaient
eu de nouveau recours à leurs conseils, et que ceux-ci, après avoir
pris connaissance de la valeur des biens, et en persistant à décider
en faveur de l’enfant naturel toutes les questions déjà résolues par
e» x , reconnaissent encore qu’il est avantageux à l ’ enfant naturel que
les tuteurs transigent moyennant te p rix propotc. Q u ’eussent-ils donc
d it, s’ils avaient entrevu des doutes sur les questions qu ’ils avaient
soulevées?
Pour s’en convaincre, les conseils avaient fait ou fait faire l’esti
mation des biens. Déduction faite dés dettes, ils n ’étaient en valeur
^ e de 4 6 , 196 fr. G5 cent. *, et comme , dans toutes les suppositions,
Ie mineur n ’amendait q u ’un seizième, il ne pouvait obtenir que
2*887 fr* En recevant 3 ,000 fr., il avait donc plus que ce à quoi
*1 pouvait prétendre.
D où il résultait que les enfans Gueston faisaient, en réalité, uir
sacrifice à la mémoire de leur p ère , et qu ’ils étaient à l’abri de tout
soupçon d ’injustice envers Garni, supposé môme son enfant naturel.
Voulant se conformer à l ’art. 4G7 du Code C iv il, les tuteurs de
mandent ensuite l’avis du conseil de famille. Le juge de paix com
pose ce conseil d ’amis et de voisins, attendu que l ’enfant naturel n ’ a
d autres parens que ses pire et m ère, et que , d ’ailleurs , les pareils du
pire naturel seraient trop souvent portes à sacrifier les intérêt» de l ’en
fant ne hors mariage. L e conseil de fam ille, ainsi com posé, co n si
dère que toutes les questions sont résolues en faveur du mineur. Il
deelare qtt il est à lu connaissance particulière de chacun de ses mem
bres que Us immeubles de la succession sont estimés au-dessus de tetir
�- 2 1 raleur; e t , e n fin , reconnaissant que l'arrangement proposé ne peut
qu’être avantageux au m ineur, il autorise à transiger comme il est
proposé.
L e 10 a o û t, les tuteurs présentent une requête au procureur du
roi; e t , poursuivant l’exécution de l’article 46 7, ils réclament la no
mination de trois jurisconsultes.
L e procureur du roi ne
sq
'
v
méprend pas ; il ne voit là que ce qui
y était, c ’est-à-dire un projet de transaction sur des prétentions op
posées, et non un projet de partage, qui aurait exigé d ’autres forma
lités et des mesures différentes, et il rend l’ordonnance suivante :
« Yu la présente r e q u ê te , et l ’article 467 du Code de procédure
» civile, nous commettons MM. Jutier o n cle , Ossavy et Boÿron
» fils, jurisconsultes , à l ’effet de donner leur avis su r'le projet de
b transaction dont il s’agit. Fait à Moulins , le
10 août 1816.
» Meilheurat. »
I c i , remarquons encore que les enfans Gueston , après leur pro
position faite, demeuraient étrangers à toutes ces investigations; que
les jurisconsultes rccommandables, commis par le procureur du roi,
n ’avaient, comme les conseils des tuteurs, d ’autres lumières, sur
les faits, que celles que les époux Fratissier jugeaient convenable
de leur donner. L eur consultation démontre toute l’attention
qu’ils mirent à cet examen. Faute d ’une discussion contradictoire,
ils pensent que les décisions prises par les conseils du mineur « sont
» en harmonie avec les lois nouvelles et la jurisprudence de la Cour
» de cassation ;
» Que s’il y avait des doutes............ le mineur ne pourrait s’en
* plaindre, puisque toutes les questions ont été résolues en sa fa* veür;
*
Q u ’il est reconnu, en fa it , par le conseil de famille, que les
» biens de la succession se trouvent portes à une estimation supérieure
* à leur valeur réelle. »
Q u ’e n fin , « il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès qui no
» tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines, et à rc-
�— 23 —
» m ettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en 1 exposant a des
* frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
Ainsi, les jurisconsultes ne s’occupent pas d un partage, mais bien
d ’une transaction, pour prévenir un procès qui présenterait <les chances
incertaines ; et aussi, après un mûr exam en, ils estiment qu il y a
Heu d ’ autoriser l ’enfant naturel A t r a n s i g e r pour tous les droits à lui
afférens dans la succession , moyennant la somme de 0,000 fr.
Après cette consultation, les tuteurs firent dresser la transaction
par M" G ueulettc, notaire à Moulins. Elle ne fu t, pour ainsi dire ,
qu une copie de la délibération du conseil de famille. Elle énonce ,
comme la délibération , les questions qui pouvaient s’élever sur
l’ identité de l ’ enfant, sur la validité de la vente du pere , sur la ré
duction de cet acte considérée comme donation , etc. ; e t , enfin ,
on déclare qu’on a résolu de transiger, par forme de transaction sur
procès, pour tous les droits que prétend Léonard Canu. Les enfans le
gitimes ne mettent aucune importance à ce qu on qualifie I'rançois
Cueston père naturel de Léonard Canu , puisque celui-ci ne pouvait
rien prétendre q u ’à ce titre ; cela entrait dans la transaction comme
le reste. Les enfans renonçaient à le contester, en môme temps que
les tuteurs de Canu renonçaient à demander quoi que ce soit au
delà de5 3 ,ooo fr. olferls par forme de transaction. Après cela, les tu
teurs soumettent le tout à l'homologation du tribunal. La-dessus ,
après les formalités voulues en matière de transaction , le tribun a l , sur le rapport de son p résident, et sur ics conclusions conformes
de
l\r., le procureur
du roi, prononce ainsi q u ’il suit»:
« Attendu que toutes les formalités prescrites pour la validité des
» transactions laites au nom des mineurs ont été scrupuleusement ol>» servées ;
» Attendu que le conseil de famille du mineur Canu , ainsi que
» les trois jurisconsultes désignés par M. le procureur du r o i , ont
» reconnu qu’ il était très-avantageux pour le mineur de traiter et tran-
* siger aux conditions fixées par l’acte du 12 août ;
* Le tribunal homologue la transaction passée entre les cotuteurs
4
�\ S V
.
— 20 —'
» du mineur Leonard Canu et les enfans légitimes de François Cues» to n , le 12 août présent m ois, pour ladite transaction Être exé» entée selon sa forme et teneur. »
Croira-t-on que le magistrat éclairé qui tenait le p arqu et, et le
tribunal lui-m êm e, se soient mépris sur ce q u ’ils faisaient et sur ce
qu ’il y avait à faire ? Q u ’ils aient cru apercevoir un procès avec des
chances incertaines, là
oh
il y aurait eu un droit certain et reconnu'
( car il aurait fallu qu’il fût reconnu ), et seulement un partage à ef
fectuer? Comment prêter une erreur si grossière aux magistrats de
cette époque, au jurisconsulte qui préside aujourd’hui le tribunal d e
Moulins, et q u i, avec ses' deux collègues, commis par le procureur
du roi, avait préparé et la transaction et la décision du tribunal?.
Toutefois, et en le supposant, en tenant pour certain ce qui n’ost
ni vrai m possible , la question serait encore de savoir'si on ne doit
pas prendre les choses telles q u elle s sont; si ce n’est pas une véri
table transaction qu’on a faite , une transaction que le tribunal a ho
mologuée , alors même qu’il aurait pu ou dû ne pas le fa ire , et si cen ’est pas seulement une transaction dont il faut examiner la validité.
Vingt ans se sont écoulés pendant lesquels cette transaction a été
exécutée par le payement annuel des intérêts. Nous ne disons pas
cela pour en tirer un moyen de fin de non-recevoir contre’ Canu ,
qui était mineur, niais pour montrer comment l’acte a été apprécié
par.les tuteurs, qui, mieux que personne, pouvaient en connaître la
p o r té e , par la nature des faits qui l’avaient amené. La majorité de
Léonard Garni ¿tant arrivée, les enfans Gueston lui ont offert le
payement du capital. Il l’a refusé, prétendant avoir de plus amples
droits. Le iG janvier i 8 3 6 , il lui a été fait, en personne, un acte
d ’offres; et sur son refus constaté, il a été .assigné devant le tribunalîle Moulins , pour en voir prononeçr la validité.
Le iG février, pour faire diversion, Léonard Canu a assigné les
enfans Gueston devant le tribunal de Montluçon ; il a demandé le
partage de la succession du sieur Gueston, ouverte dans l ’étendue d e
sa juridiction.
�— 27 —
L e 24 mars, il a signifié des défenses sur la demande en validité
, «l'offres, et a conclu , i° à ce que le tribunal de Moulins se déclarât
incompétent, et renvoyât les parties devant le tribunal de Montluçon ; 20 subsidiairement, à ce qi/il sursît jusqu’après le jugement de
la demande en partage. Il s’est fondé sur ce que l’acte de 1816 était
Un véritable partage sous la forme de transaction ; q u ’il était qualifié
tel par l’art. 888 du Code civil ; que les formalités du partage n ’ayant
pas été observées.à l’égard du mineur., il n ’était que provisionnel ;
<îue , dans tous les cas, il serait nul ou sujet à rescision. Il a ajouté
qu’en excipant de ce m o ye n , même devant le tribunal de M oulins,
il devenait; par exception, demandeur en partage; et que , dès lors,
le tribu n al de M o n tlu ç o n , q u ’il avait saisi par a ctio n principale , pou
vait seul prononcer §ur le litige ; que , dans tous les cas, l’action en
validité des offres était subordonnée à ce qui serait jugé sur l’action
en partage.
En venant plaider la cause , Léonard Canu a étendu ses conclu
sions : il a demandé principalement le sursis, et subsidiairement,
sans s’arrêter à l’acte du 12 août 1 8 1 6 , qui serait declatc nul
t l subsidiairement rescindable , les demandeurs fussent déclarés non
recevables, ou mal fondés dans leur demande.
Sur cette exception, le tribunal de Moulins a prononcé comme il
suit, par jugement du 8 avril i 836 :
« En fait, attendu que la qualité d’enfant naturel de Canu a été
reconnue par François Gueston et Marie lî r u n e t , suivant l’acte au
thentique du 3 o mars 181 G; que celle reconnaissance a été confirmée
dans l’acte du 12 août suivant, par l'admission, de la part des cnlans légitimes de Gueston , à l’exercice de ses droits, en cette qualité,
dans la succession île leur père ; d ’où il suit qu'aucun doute ne sau
rait s elevcr sur cette qualité de Canu comme enfant naturel de
Gueston;
*
» Attendu que la demande des héritiers Gueston contre Canu est
uniquement fondée sur 1 acte du 12 août 1 8 1 6 , d'où résulte la nécescilui d’apprécier la nature et les effets de cet acte au respect dudit
Canu ;
�» Attendu que cet a c t e , bien qu'il soit qualifié transaction, équi
vaut à un partage à l’égard de C a n u , puisqu’il en produit tous l e s .
effets pour lui ;
*
•
» Q u’il contient, en effet,«rémunération de tous les biens formant
la totalité de la succession de François Gueston, leur estimation, la
composition de la masse, la liquidation de la succession , enfin , la
détermination de la quotit^* revenant à Canu en sa qualité d ’enfant
naturel, laquelle y est fixée à un seizième par suite de la réduction
op érée, par l’exercice de ses droits, de la donation déguisée du
14 janvier l 8 j 5 ; q u ’il contient évaluation de cette quotité à une
somme un peu inférieure à 3 ,ooo f r . , et portée ensuite .à la somme
de 3 ,ooo fr. , pour désintéresser plus complètement Canu , et pour
(est-il dit à la fin dudit acte) tous les droits que peut prétendre Léo
nard Canu dans la succession de François Gueston; d ’où il suit que
cet acte renferme tous le’s élémens d ’nn p artag e, q u ’il en a , en
«jutre, le caractère essentiel et distinctif, celui dé faire cesser l’indi
vision ;
» Attendu que si l'acte du 12 août 1 8 1 6 n’est pas un partage pro
prement dit, en ce sens q u ’il n’est pas susceptible des conséquences
légales des partages ordinaires , énoncés notamment dans les art. 883
et 884 du Code c iv il, c ’est uniquement parce qu’il n’y a pas eu at
tribution , délivrance et mise en possession réelle de la portion en
nature de la succession revenant à Canu ; niais que cette partie de
l’acte de partage en est plutôt la conséquence et le résultat qu’elle
n’en est l’eQet principal et le caractère essentiel, lesquels résident
seuls dans ce double point de faire cesser l’indivision et de déter
miner la quotité ;
» Attendu que cet acte du 12 août 1 8 1 G ne peut être considéré
comme renfermant jtnc vente de droits successifs, lorsqu’on considère
également le caracterc propre et distinctif de ce genre d'aliénation ;
» En effet, le vendeur de droits successifs ne vend et ne garantit
que sa qualité d'héritier ou d’ayant-droit ; du reste, il n ’est pas ga
rant de la moindre ouîdc la plus grande étendue de ses droits; il ne
�vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession ; o r ,
dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu non-seulement des droits cer
tains , mais des droits liquidés, déterminés, une quote p art, enfin ,
attributive d ’une valeur fixée; en un m o t , le résultat d u n partage
Préexistant;
» D ’où il suit que l ’acte du 12 août 18 16 tient lieu de partage,
puisqu’il a fait cesser, à son respect, l’indivision de la succession à
laquelle il avait des droits et une quotité d ’ailleurs non conlestée ;
» Q u’enfin , s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de droit, il serait levé textuellement par l’art. 888 du Code
civil, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse remar
quable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage, et
dit : « Tout acte ayant pour objet de faire cesser l'indivision, encore
* qu’il fût qualifié de v e n t e y d ’échange et de transaction, ou de toute
* autre manière. »
* En d ro it, attendu qu'en matière de partage intéressant des mi
neurs , la loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales,
dont elle prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser
a ‘l’acte dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement obser
vées, que le simple caractère et la seule force d ’un partage purement
provisionnel (articles 466 et 8/|0 du Gode civil) ;
* Attendu que l ’acte dont il s’agit, contenant transaction sur d ’au- •
très points litigieux, 'les héritiers Gueston pourraient alléguer, peutêtre , que l’admission de Canu à prendre part H a succession de leur
pure dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’a été que la
condition, par forme de transaction, de la renonciation de leur part
à dillérens droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
naturel;
» Mais attendu que cotte considération, toutefois, noterait rien
au résiliât de lacté du 12 août 18 16 pour C a n u , et 11c s a u r a i t en
changer la nature et îles effots ;
* Attendu que si quelques inonnmens de jurisprudencecons.lcront
la validitu d\un partage par voie de ¡transaction cuire majeucs;cfjm -
�— 30 —
neurs, même avec attribution cle parts (arrêt do rejet de la Cour de
cassation, du 3 o août i 8 t 5 ) , ou doit y signaler que le partage était
alors attaqué par les majeurs, tandis que l ’inobservation des art, [\QQ
et 84 o du Code civil ne peut être invoquée que par les mineurs ;
» Deuxièmement, que les biens avaient été estimés en ju stice , et
que cette seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque
dans l’espèce dont il s’agit ;
■
« D ’où il suit que cet acte du 12 août 1 8 1 6 , qui sert de base à la
demande, est nul en tant q u ’il détermine d ’une manière définitive la
part afférente à C a n u , comme enfant naturel, et q u ’il fait cesser
pour lui l’indivision dans la succession de François Gueston.
» En ce qui touche la surséance dem andée,
» Attendu q u ’il n ’y a lieu de surseoir à statuer sur la demande des
héritiers Gueston jusqu’après la décision de la demande en partage
formée par Canu au tribunal de Montluçon ;
» Q u’il y a nécessité, au contraire, de prononcer préalablement
sur celle dont il s’agit, parce q u ’avant de procéder sur un nouveau
partage, il est de raison, autant que de justice , de décider d ’abord
sur l’effet ou l ’invalidité d ’un partage antérieur, objet de l’acte du
1 2 août 1816 ;
» Statuant et faisant d r o i t ,
» Déclare les héritiers Gueston mal fondés en leur dem ande, les
déboute d ’ic e lle , en renvoie Léonard Canu ; fait réserve à toutes les
parties de leurs droits respectifs, à l'effet soit de procéder à un nou
veau partage , soit d ’exercer lesdits droits ainsi q u ’elles aviseront ; or*donne qu ’il sera fait masse des dépens, qui seront supportés par
quart ^ar chacune des parties. »
DISCUSSION.
En déférant aux lumières supérieures de la Cour l’examen de cfcttc
décision, les appelans n’ont pas à craindre l'influence d ’un préjugé.
S ’ils ont à critiquer au jugement de première instance , ils invoquent
�— 51 —
une autre décision du même tribunal, et en demandent la mainte
nue ; et il leur serait permis de dire q u e , pendant que la dernière
de ces décisions est sujette à l’a p p e l, la première en était affranchie
par ses caractères propres, et que le tribunal de Moulins était incom
pétent pour se réformer lui-mètne. Aussi le ministère public avait-il
Pris des conclusions diamétralement opposées.
Le tribunal était saisi d ’une demande en validité d ’offres , et il était
essentiellement compétent pour y statuer, puisque c ’était une de
mande personnelle, et que le défendeur était domicilié dans l’étendne de sa juridiction. Tout le monde, au reste, l’a reconnu ; mais
avait-i[ la capacité pour annuler, sur.une question incidente, la dé
cision judiciaire du 19 août 1816,? Nous n ’hésitons pas à dire que
n°n ; mais nous devons, tout à la fois, expliquer notre pensée et la
prouver.
Si la décision du tribunal de Moulins, du 19 août 1 8 1 6 , était un
v^ritable jugement rendu en matière conten lieuse, entre deux partlcs soutenant des propositions contraires et des intérêts opposés,
lo»t le inonde avancerait que le tribunal de Moulins, ayant epuise
*a juridiction , n ’avait plus aucune capacité pour réviser son propre
)ugeinent. L e tribunal n’a pas abordé cette question; il a cru n’avoir
P0"^ à s’occuper de la décision rendue le 19 août ib iG . l i a proC(!(lé comme si elle n ’existait pas ; il n’a vu qu’ un aclc passé devant
Gueulclic , notaire, le 12 août 1,816, et a déclaré cet acte nul.
^ ’«st donc un simple acte que le tribunal a voulu annuler; mais ,
s°us ce rapport, il est tombé dahs une erreur tout aussi grave.
■Pour que la réfutation soit plus claire, représentons-nous le sysletnc du jugement. 11 se résume en ce peu de mots :
l * Le sieur Cuestou avait reconnu Léonard Canu par IVcte du
12 août 1 8 1 6 ; cette reconnaissance a été confirmée par l’acte du
*9 août. Sa qualité était donc certaine.
Cet aclc du 19 août est le fondement de la. dem ande, et il faut
* apprécier.
Or» bien que qualifie transaction, il équivaut à un partage , et en
�— 52 —
produit toüsdcs effets; il en a d’ailleurs le caractère essentiel et dis
tinctif, celui de faire cesser l ’indivision.
Ce n’est pas, à la vérité , un partagé proprement d it, puisqu’il n’y
a point attribution de part à Léonard Canu ; mais ce n ’est pas non
pins une cession de.droits successifs : car le caractère de cette es
pèce d ’acte est que le vendeur ne demeure garant de rien. O r , ici,
Cànu à vendu non-seulement des droits certains, mais des droits liqui
dés, déterminés, une quote part attributive d ’ une valeur fix é e , en un
VlOt,
LE RÉSULTAT » ’ UN r A R Î A G E PRÉEXISTANT.
A cela vient se joindre l’art. 888 , qui veut qu ’un a c t e , qui fait
cesser l’indivision, ne puisse jamais être considéré que comme un
véritable* partage.
3° Les formalités prescrites pour les partages avec les m ineurs,
n’ayant pas été observées, l ’acte est demeuré purement provisionnel,
Nous omettons le dernier motif, qiii nous suffira plus lard pour
démontrct combien le tribunal s’est Vu embarrassé dans ce système ;
nous le prenons tel q u ’il e s t , et ne croyons pas difficile de le réfu
ter. Tout consiste, sous ce rapport, à apprécier les caractères de
l’acte du i g août 18 16.
Oublions pour un instant, quoique ce soit un moyen tranchant
dans la cause, que cet acte était passé pour un m ineur, et que la
justice y avait présidé avec sa gravité»et ses formes régulières ;
qu’elle l’avait couvert de son autorité, reconnu et déclaré valable,
en la forme qui lui était donnée ; qu ’enfin , elle en avait fixé défini
tivement les caractères, alors q u ’elld en avait le droit et le pouvoir;
supposons que Léonard Canu était majeur; que c ’est lui seul, en
personne, qui a’ Cônsenti l’acte tel qu’il est présenté, et q u ’aujour
d ’hui, il en demande pnrement et simplement la nullité, il no fau
drait qu’ouvrir la loi pour lui répondre :
« Les transactions ont, entre les parties, l’autorité do la chose jugée
» en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées ni pour cause
» d ’erreur de droit, ni pour cause de lésion ( art. 2032 ). » Elles
ne peuvent l’ôtre que par suite d'crreür dans la personne ou sur l ’ objet
de la contestation , pour cause de dol et de violence ( art. 2o53 )•
�O r , lui dirait-on, vous étiez majeur, libre (le vos droits , vous les
avez réglés volontairement, et en connaissancedecauso; vous n’argu
mentez ni d ’erreur dans la personne ou sur l ’objet de la contestation ,
n<-de dol ou de violence. L ’acte demeure donc inattaquable.
Vous dites que ce n ’est pas une transaction ! Mais celui qui a
passe un acte, dans une qualification et avec des caractères qui lui
sont propres, n’est jamais recevable à le dénaturer, à lui supposer
Une autre volonté, une autre intention que celle q u ’il y a formelle
ment écrite; e t, d ’ailleurs, qu ’importerait? N’est-il pas vrai q u e ,
quels que soient ses caractères, pourvu qu’il n’y ait rien d ’illicite ,
les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
°nt faites ? Q u ’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement
Mutuel, ou pour des causes que la loi autorise? ( Art. 1 1 3 'j. ) L ’acte
6eriut donc valable sous une forme comme sous une autre, soit comme
transaction, soit comme vente ou cession ou autrement, puisqu’il
a °té volontairement consenti.
t ^ *a vérité, la loi ne tient pas compte de la qualification , lorsqu’il
San>t de tout acte qui a pour objet de faire cesser Vindivision e n t r e
^H éritiers ; et le tribunal a dit que le titre de l’enfant naturel étant
reconiui, il avait un droit incontestable au partage ; que l’acte ne
P°uvait pas même être considéré comme cession de droits succèsc|r,
bî mais c’est ici q u ’il est à peine besoin de signaler les erreurs de
C° sysletne, tant elles sont nombreuses et évidentes.
du
^ > d a b o r d , il n’v avait ici ni indivision ni cohéritiers. Dans l’acte
»
*
< r
*2 août 1 8 1 6 , comme dans la délibération du conseil deiam ille
(ÎU| lavait p récédé, il a été reconnu q u ’il y avait seulem ent, à cet
c‘nai d , prétention des tuteurs, appuyée par l’avis de leurs conseils,
j?a,s c°ntestée par les enfans Gueston , soit quant à la qualité de
anu, soit quant à sa prétention de contester la vente de 1 8 1 5 , d ’en
mander la réduction comme don à rente viager«;, d ’exiger le
Apport dos immeubles, etc. Avant d’arriver au partage, il fallait
^ r c d accord de tout cela , il fallait avoir franchi toutes ces difficultés,
a*t résoudre toutes ces questions; et c ’est sur tout cela qu’on a
�transigé, pour etouffer un procès dans sa naissance. Ni l’une ni
les autres parties ne sont donc admissibles à soulever aujourd’hui
toutes cesquestions. Inutilement on argumente de ce qu’il y avait eu
reconnaissance par le p è r e , le 3 o mars 1816. D ’une part, la recon
naissance d’un enfant n’empêchait pas de contester l’identité de celui
qui voulait se l’approprier. O r , une contestation grave s’élevait sur
ce point, et les circonstances que nous avons signalées y répandaient
des difficultés sérieuses; de l ’autre, les enfans légitimes
pouvaient
être admis à critiquer cette reconnaissance, comme frauduleuse ellem ê m e, autant q u ’on voudrait s’en servir pour porter atteinte aux
droits qui leur étaient acquis par des actes antérieurs.
„
Supposé même que les droits de l’enfant fussent reconnus,
et
qu ’il ne restât qu’à les régler, il y aurait eu encore, sur ce règlement,
matière à contestation sur laquelle on pouvait traiter. E11 ce ca s,
l ’acte de 1816 serait une véritable cession de ses droits aux héritiers
légitimes. O r , si l’article 888 veut q u ’on n’ait pas ég ard , dans le cas
q u ’il suppose., à la qualification de transaction, ce n’est pas pour
annuler l’acte ainsi qualifié, mais uniquement pour le soumettre à
à la rescision, comme acte qui a pour objet de faire cesser l ’ indivision
entre cohéritiers; -mais, e n co re, celte disposition n’est ni générale
ni absolue; la loi 11e veut pas soumettre à la rescision tous les actes
qui font cesser l’indivision entre cohéritiers ; elle reconnaît q u ’il est
de ces actes qui doivent en être affranchis par leur caractère propre ;
c l , aussi, elle s’empresse d ’a jo u te r, art. 88g :
« L ’action ( en rescision ) n ’cst*pas admise contre une vente de
» droits successifs faite sans fraude à l’un des héritiers par les autres
» cohéritiers ou par l’un d ’eux. »
E l , ainsi, lesdroiis de Canu supposés certains, sa qualité recon
nue, le traité sur ces droits, par 1111 majeur, moyennant une somme
fixe, serait une véritable cession de celle e s p e c ¿ , inattaquable de
sa nature, parce que c’est encore , sur la quotité et la valeur des
droits, une sorte de transaction où tous les hasards restent d ’un
�s
35 —
L e tribunal a abordé cette objection ; et si nous l’examinons* à
notre tour, quoique fort inutile à la c a u se , c ’est uniquement parce
qu’il nous a mis sur cette voie. Voyons donc comment il la re
pousse.
« Dans la vente de droits successif» ( dit-il ) , le vendeur ne ga* ranlit que sa qualité d ’héritier ou ayant-droit ; il n’est pas garant
* de la moindre ou de la plus grande étendue de ses droils; il ne
* vend que ce qui se trouve ou peut se trouver dans la succession.
* O r , dans la vente du 12 août, Canu a vendu non-seulement des
* droits certains, mais des droits liquides et détermines, une quote
* part attributive d ’une valeur fixée, en un m o t, le résultat d ’ un
* partage préexistant. »
On ne peut pas errer plus complètement et en droit et en fait.
En droit, et q u clq u’indifférent que cela soit à la question qui nous
°ccupe, il est certain qu’une cession de droils successifs peut avoir
des bases diverses sans perdre ses caractères, ni le bénéfice de l’ar
m e 889. •
Ou peut céder une quote part déterminée dans une succession ;
quoique le cédant demeure garant q u ’il y avait droit pour la qu oqu’il a v e n d u e , il sufiit que cette part soit cédée pour un prix
certain et à la charge par le cédataire de payer les dctles , pour quo
lacté soit une véritable cession de droits successifs qui résiste à l’arlicle 888.
On peut, encore, céder simplement son droit à la succession, lorsqu ¡1 y a 1itige sur la quotité, lîn ce cas, la quotité elle-même reste
aux périls du cessionnaire ; mais le cédant demeure garant q u ’il était
héritier; car la ce*ssion suppose qu ’il avait un litre; et cependant,
n)nlgré celte garantie, l’acte échappe encore à l'application de l’ar
ticle 888.
E nfin, on peut céder son droit alors même qu ’il y a litige sur sou
existence, cas auquel le cédant ne vend q u ’une chance, et 11e demeure
garant de rien. C ’est à celle dernière espèce seule que le tribunal
dont est appel a voulu réduire l’application de l’art. 889 ; erreur ma»
�— oG —
nifeste, que condamnent les principes, les lois positives et la juris
prudence de tous les temps. IN’est-il pas certain, en effet, et l’ex
périence
des affaires, comme la simple intelligence des actes,
n’apprend-elle pas à tout le monde que toutes ces espèces de con
ventions renferment ce que ^
lois qualifient jaclus relis, c ’est-à-
dire, que le cédant transforme en une somme fixe, ou une chose
certaine , des droits plus ou moins contestés, pour rejeter sur le cédataire toutes les incertitudes de son droit, de la quotité ou de
l’étendue de ce d ro it, en un m o t , tous les hasards de la succession?
Que , par cela s e u l, et n’y eut-il que la condition imposée de payer
la généralité des dettes connues ou inconnues, il n’y a jamais lieu à
rescision, parce que les parties ne pourraient reconnaître soit une
matière certaine et déterminée, soit un prix fixe et invariable , aux
quels elles pussent s’arrêter, et qu'alors il n’y a jamais possibilité de
prouver la lésion?
Au reste , remarquons bien l’antithèse qui existe entre les deux
articles 888 et 889. L e premier refuse toute conséquence à la quali
fication de transaction, lorsqu’elle est donnée à un véritable partage;
à tout acte qui fait cesser l’indivision entre cohéritiers, lorsqu’il pro
duit lotis les résultats du partage, garantie réciproque , etc. Il n’a
q u ’un b u t , celui de m a i n t e n i r l’action e n rescision qu’il introduit,
et à laquelle, sans celte disposition, 011 aurait.toujours pu échapper
par la forme et la qualification des actes. Mais la loi ne veut, et n’a
besoin de cette exception, que lorsqu’il s’agit d ’un véritable partage,
et que la qualification est donnée dans une intention frauduleuse. Il
11’esl p as, en cilet, défendu de transiger sur la matière des partages
Tpas plus que sur toute autre , lorsqu’il existe line malière quelconque
à transaction; l’art. 888 n ’a pas ce sens absolu. On peut indépen
damment de la raison , qui semblerait suffire
consulter tous les doc
teurs qui ont écrit sur cette m alière, notamment M. Chabot de l’Allie r , sur l’arlicle 888. llien de plus formel que leur doctrine. Au
surplus, tout cela n ’est autre chose que l’application spéciale de ce
grand principe de l’art. 1 l 5 G , que la nature des actes se détermine
�— 57 —
plus par l’intenlion que par le sens littéral des termes. Aussi le lé
gislateur s’empresse-t-il d ’ajouter que cette exception cessera, et q u ’il
11 y aura pas lieu à rescision contre la vente de droits successifs. Pour
quoi cela? parce q u ’une cession de celle nature (q uoiqu e premier
acte entre cohéritiers) , faite par celui qui prétend un droit à celui
qui le co n teste , soit dans sa réalité, soit dans son étendue , et alors
même qu’il ne contesterait que sur la valeur, est une véritable tran
saction entre deux parties qui ont des intérêts opposés; e t , alors,
n’importe que la transaction porte sur des difficultés fondamentales
ou sur des questions de quotité ou de détail, il y a toujours une vé
ritable transaction. En d r o it , le tribunal a donc évidemment erré.
En fait, nous ne concevons pas qu’il ait pu dire sérieusement q u e ,
« dans la vente du 12 a o û t , Canu a vendu non-seulement des droits
certains, mais encore des droits liquidés et déterminés. »
*
Quoi ! ses droits étaient certains , lorsqu’il s’était empressé de
constater lui-même qu ’il craignait contestation sur son identité? lors
que ses conseils ayant décidé que cette identité était'suiïisamment
établie , ses adversaires lui répondaient que cela pouvait être contesté,
et q u ’on l’insérait dans l ’acte même? lorsqu’enfin 011 soutenait que
la reconnaissance étant postérieure à l ’acte du 14 janvier i 8 i 5 , elle
ne pouvait y porter atteinte?
Q u o i! scs droits étaient liquides cl déterminés, lorsqu’on lui con
testait celui d ’exiger le rapport des biens attribués aux enfans, par
l ’acte du i4 janvier, et l’application 'de l’art. 9 1 8 , à raison du prix
considérable et des conditions onéreuses attachées à cet acte !
E t , enfin, où était donc ce partage préexistant, que le tribunal
voit partout, q u ’il ne peut cependant pas signaler, et q u ’on n’aper
çoit nulle part? Q u ’importe q u e , pour savoir si 011 avait intérêt *i
transiger et pour quel prix, la partie eut examiné, par l ’estimation
des b ien s, si elle aurait des chances plus ou moins avantageuses à
courir en cas de succès dans une lutte judiciaire, et voulu connaître
ce qui lui reviendrait, toutes suppositions fuites en sa faveur? Cela
cm pêchc-t-il q u ’elle ait réellement transigé sur des difficultés eiijr-
�lantes, et qui pouvaient être décidées contre elle, si elle soutenait le
procès? Q u’importe, enfin , qu’il y ait une valeur fixée, dés qu’il n’y
en a pas d ’aufre que celle de la transaction? Sans doute si, avant de
transiger, et en dehors de la transaction, on eût reconnu les droits
de Léonard Canu ; si on en eût fixé la nature, la quotité, l’étendue
et la valeur, et q u ’ensuite on lui eût attribué une somme moindre,
sous prétexte de transiger, l’argumentation du tribunal pourrait être
vraie. Mais ici, en estimant les biens et la part qui en serait revenue
à Canu en supposant son droit, on lui contestait ce droit, et on n’a
vait d ’autre but que de mettre cette valeur en regard de la somme
offerte , pour prouver q u ’on faisait une proposition avantageuse. Au
r e s te , sans raisonner nous-mêmes, nous n ’avons qu’à laisser argu
menter le tribunal dont est appel : il a senti le besoin d ’un partage
préexistant à la transaction, d ’une valeur fixée en dehors de cette
transaction ; et il nous suffit de nous reposer là-dessus, en démon
trant q u ’il ne se rencontre aucune de ces conditions que lui-même a
jugées nécessaires, et qui le seraient en effet.
A la v érité, on a dit dans la transaction que Léonard Canu était
le fils naturel de François Gueston ; mais qu’importe ? Cela résultait,
bien ou m a l, de l’acte de reconnaissance du père ; et en le répétant
dans la transaction , les enfans disaient qu'ils pouvaient contester cette
reconnaissance, postérieure à l’acte du i/j janvier
i
8 i5,
comme
faite ou surprise à leur père en fraude de leurs droits. L e tribunal
ajoute encore que cela résulte même de ce que les enfans Gueston
Vont admis à l’ exercice de ses droits en cette qualité. Mais on ne veut
pas voir que c ’est seulement par la transaction, c l en transigeant,
q u ’il a élé admis, non à exercer scs droits comme héritier, mais à
recevoir 3 ,o o o fr. par transaction. O r , dès que les enfans Gueston
sc résignaient à donner 3 ,ooo fr. , il était impossible de ne pas sup
poser à Canu un titre pour les recevoir; e t , dès lors , il fallait néces
sairement transiger sur le titre comme sur la somme ; e t , clans leur
ensemble, toutes ces conventions ne faisaient toujours q u ’une tran«action unique, où chacun renonçait à de plus grandes prétentions1,
�et "où l’admission de Canu à prendre 3 ,ooo fr. , comme enfant na
t u r e l, n ’était écrite qu’à côté de sa promesse de ne pas faire valoir
sa reconnaissance pour réclamer quoi que ce soit au delà de ces
3 ,ooo fr. , et pour accuser devant les tribunaux la mémoire du sieur
Gueston.
M ais, là-dessus, nous serons bien plus forts en laissant raisonner
le tribunal lui-même. 11 en dit plus q u ’il n’en faut, dans un motif
subséquent, pour détruire tout l’effet des p récéd en s, quand son ar
gumentation serait vraie, jutant q u ’elle manque de justesse.
« Attendu que l’acte dont il s’a g it , contenant transaction sur d ’au» très points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être, que /’admission de Canu à prendre part à [a succession de leur
» père, dans la proportion qui s’y trouve déterm inée, n ’ a été que la
« condition, par forme de transaction, delà renonciation de leur part à
* différons droits, et notamment à celui de contester la qualité d ’enfant
» naturel.
» Mais, attendu que cette considération, toutefois, n ’ôterait rien
» au résultat de l’acte du 12 août, pour en changer la nature et les
» effets. »
Très-bien : le tribunal reconnaît rtettement que l ’acte du 12 août
contenait transaction sur des points litigieux. Ce n’était donc pas une
qualification fausse réclamant l’application de l’art. 888. Seulement,
le tribunal dit que celte transaction portait sur d ’autres points : il
aurait été fort embarrassé, sans doute , d ’en désigner d ’autres , c ’està-dire des points de litige étrangers à la question et aux droits de
Léonard Canu ; mais il s’empresse de nous rassurer à cet égard ; luimême il efface immédiatement celte qualification :
A
utres
, qu'il
vient d ’écrire, et il reconnaît qu’ un de ccs points litigieux était le
droit de contester à Canu la qualité d ’enfant naturel. D o n c , d ’après
le jugement lui-m êm e, il y avait contestation, et il y a eu transac
tion sur ce point important, fondamental , en même temps que sur
d ’autres; et l ’admission de Canu à prendre part à la succession a été
le résultat, l'effet et uue des conditions de cette transaction. Q u ’avions-
�-
4
0
-
nous donc besoin d ’examiner nous-mêmes les caractères de cet acte',
de rechercher s’il contenait ou non transaction ; et com m ent, à côté
de ce m otif, tous ceux qui précèdent peuvent-ils se soutenir ? N'estil pas désormais incontestable qu’ un de ces d roits, auxquels les héri
tiers Gueston ont renoncé, était celui de contester la qualité de Canu
comme enfant naturel de leur père , et q u ’ils l’ont fait en regard des
conditions qui ont accompagné cette renonciation? Q u ’enfin, la pro
messe de payer 3 ,ooo fr. n ’a été que la conséquence de cette re
nonciation, qui n’était faite elle-même que parce que Canu ou ses
tuteurs, pour l u i , renonçaient à toute prétention autre que celle de
ces 3 ,ooo fr. ? L e jugement le reconnaît.
Au r e s te , convenons que les enfans Gueston auraient joué une
partie de dupes, s’ils avaient consenti à reconnaître sans retour une
qualité q u ’ils contestaient, une identité q u ’ils contestaient e n co re,
des droits de réduction qu’ils ne voulaient pas souffrir, et tout cela
sans prendre aucune précaution pour lie r , à leur égard, Léonard
Canu. Evidemment, ils n’ont pas abandonné leurs m oyens; et au
jourd’h u i, si on pouvait annuler le traité, et aborder la demande en
partage, il y aurait toutes ces questions à juger. O r , ces questions,
avec un majeur surtout, seraient matière à transaction, llien n ’est
plus évident. Pourquoi donc ne l’auraient-elles pas été en 1 8 1 6 ?
Iist-ce qu’elles n’étaient pas les mêmes ?
II est donc bien évident que l ’acte de 1 8 1 6 , supposé fait entre
majeurs, ne serait pas susceptible d ’ôtre anéanti; qu ’aucun moyen
de nullité écrit dans les lois pourrait l’atteindre , et qu’en le consi
dérant même comme ayant, au fond, les caraclères d ’un acte qui fait
cesser l ’indivision, il serait inattaquable , parce q u ’il ne serait pas
moins une véritable transaction ; e t , d é jà , il demeurerait démontré
que ni le procureur du roi de 181 G, ni les jurisconsultes qu ’il avait
n o m m é s, ni le conseil de famille qui avait autorisé la transaction , ni
le tribunal qui l’a homologuée, n ’ont été si mal avisés q u ’on le sup
pose.
L a minorité de Léonard Canu, en 181G, forcerait-elle d ’adopter une
�décision, contraire ? Non-seulement nous repoussons cette proposi
tion , mais nous allons prouver que la position des enfans Gueston
devient plus favorable, et encore plus ¡également fixée par cette seule
circonstance ; et on va reconnaître q u ’alors même qu ’un majeur
pourrait encore, quoique sans avantage, agiter la question de res
cision , et un tribunal la. ju g e r , cas auquel il serait obligé de la re
je te r, comme nous venons de l’établir , tous les tribunaux sont
incompétens pour examiner le mérite et les caractères de la transac
tion judiciaire de 1 8 1 6 , et que le mineur, lui-m êm e, demeure dé
pourvu, e t , pour mieux dire, dépouillé par Ja loi même de toute
capacité pour la critiquer, parce qu ’elle a pris du jugement d ho
mologation un caractère irrévocable et une validité qui ne peut plus
être mise en question. Ici se présente une question grav e, qui tient
à l’honneur même de la justice.
Avant le Code civil, la législation n’offrait aucun moyen de faire
une transaction solide avec les mineurs; et comme on le voit dans
l’exposé des motifs de la l o i , par M. B e rlie r, sur l’article 4^7 » Ie
Code a voulu créer cette faculté dans un intérêt général.
<t Les principes admis jusqu’alors, dit M. Berlier , sans repousser
ces transactions, en rendaient l’usage impraticable; car elles ne pou
vaient valoir qu ’autant q u ’elles profitaient au pupille , et que celui-ci
s’en contentait ; si hoc pupillo expédiât ; et ce point de fait, toujours
subordonné à la volonté future du mineur, écartait nécessairement
un contrat aussi peu solide.
» De cette manière, toutes les difficultés dans lesquelles un mi
neur était engagé devenaient un dédale d ’où l’on ne pouvait sortir
q u ’à grands frais, parce que les issues conciliatoircs étaient fermées,
et que si le tuteur n’osait rien faire qui eût l’air d ’altérer un droit
équivoque, de son c ô t é , l ’adversaire du pupille ne voulait point
traiter avec un homme dont le caractère ne lui offrait aucune ga
rantie.
» De là, ruine de plus d’un m ineur; de là , aussi, de nombreuses
entraves pour beaucoup de majeurs.
v
6
�-
ni -
_ ti II convenait de mettre un terme à de si grands inconvénient,
et le projet y a pourvu en imprimant un caractère durable aux tran
sactions pour lesquelles le tuteur aura été autorisé par le conseil de
l'amille, de l'avis de trois jurisconsultes désignés par le commissaire
du gouvernement, et après que le tribunal civil aura homologué la
transaction sur les conclusions du môme commissaire.
i Tant de précautions écartent toute espèce de danger ; elles sub
viennent aussi aux besoins de la société, q u i , en accordant une juste
sollicitude aux mineurs, doit aussi considérer les majeurs ; elles don
nent enfin à l’administration du tuteur son vrai complément. Que serait-ce , en effet, q u ’un administrateur qui ne trouverait pas dans la
législation un moyen d ’éviter un mauvais procès, ni de faire un ar
rangement utile. ?»
Ces considérations, qui ont une haute portée , et qu'on trouve
reproduites dans les discours prononcés sur les art. 20S2 et 2o53
du Code civil, ont amené la disposition de l’art. 4 ^7 - Avec ce la , i)
est facile d en saisir les caractères et d ’en déterminer les effets. La loi,
toujours prévoyante, a voulu imprimer aux transactions qui seraient
faites en la forme q u e lle prescrit, le caractère de l’irrévocabilité , no
nobstant la minorité d'une 011 de plusieurs parties; et elle en a con
fié le pouvoir aux ministres de la justice. Sous leurs ailes , et avec
leur protection , les mineurs peuvent tfaire les actes qui les intéressent aussi valablement que les majeurs.
E t , aussi, dans cette nouvelle création , ne retrouve-t-on plus,
comme principô applicable à tous les cas, la hiérarchie des divers
degrés de juridiction. 11 ne s’agît plus, en effet, do ces discussions
qui naissent de la diversité des intérêts entre des parties opposées,
lesquelles peuvent élever des questions subtiles , faire naître des
doutes, embarrasser les esprits. L;\ les magistrats sont appelés à pro
noncer sur des questions souvent difficiles ; ils peuvent se méprendre
sur le sens des actes, sur la véritable volonté des parties, sur l’appli»
cation des lois; et il faut au législateur des garanties contre l’erreur
des juges oux-môincs. C ’est pour cela q u ’il établit divers degrés de
�— 43 —
juridiction comme une sauvegarde pour les intérêts privés qui sont
en présence.
- Mais lorsqu’il s’agit seulement de suppléer à l’incapacité des per
sonnes, et d ’environner les incapables d ’une autorité tutélaire qui
veille à la conservation de leurs droits, le législateur ne pense plus, il
ne peut plus admettre la nécessité des divers degrés de juridiction. L e
ministère du juge n’est plu^le même ; il n’est'plus q u ’un surveillant*
que la loi charge de protéger le mineur, et à qui elle donne toute
autorité pour mettre la sanction à ses actes, lorsqu’ils sont faits avec
les formes régulières , et qn’il y a reconnu.de l’avantage ; mais, aussi,
après qu’il les a homologués, la loi leur donne-t-elle .tout lu carac
tère d ’irrévocabilité q u ’ils auraient, si toiiLes les parties eussent été
majeures et libres de leurs droits; c ’est ce que le Code civil nous
enseigne
O dans une foule d ’arlicles.
~ i
m
Nous avons rapporté plus haut les articles 2o 5 a et 2o 5 3 * sur l’eEfet
des transactions entre personnes capables de contracter ; à cela il
faut ajouter diverses dispositions, soit générales, soit particulières,
sur les personnes incapables;
L ’art. 1123 : « Toute personne peut contracter si elle n’est pas
déclarée incapable par la loi. j
’
,
L ’art. 1 1 2 4 : « Les incapables de contracter sont les mineurs , —
» les interdits , — les femmes mariées, dans les cas exprimés. »
L ’art. 1 1 25 : « Le mineur , l’in terd it, la femme mariée, ne peu> vent attaquer leurs engagemens que dans les cas prévus parla loi. »
D ’où il résulte que leurs engagemens sont valables toutes les fois
que la loi ne les autorise pas expressément à les attaquer.
O r , tous ces articles sont coordonnés avec l’art. 467 , qui autorise
le tuteur * à transiger après autorisation du conseil de famille, et
» l’avis de trois jurisconsultes commis par le procureur du roi. »
Il ajoute que « la transaction ne sqra valable q u ’autant q u ’elle aura
» été homologuée par le tribunal de première instance. »
Quoique cette disposition ne soit exprimée q u ’en termes négatifs,
«lie ne renferme pas moins la règle que l’homologaliou du tribunal
�-
«
-
¿tiiTîra pour valider la transaction faite par le mineur} ou , pour l u i ,
par son tuteur, Elle est1-, d ’ailleurs, confirmée par l’art. 2o/f5.
Enfin , on peut y ajoutèr l’art. 1 3 1 4 :
t Lorsque les formalités requises à l’égard des mineurs, soit pour
» aliénation d ’immeubles, soit dans un partage de succession> ont
» été remplies , ils so n t, relativement à ces a ctes, considérés comme
4» s ’ ils les avaient faits en majorité. »
*
Cet article semble* ne parler que de deux cas spéciaux, la vente
des immeubles et le partage ; mais il est évident que sa disposition
est générale, o u , tout au m oins, qu’elle le devient par une inévi
table analogie.
D ’une p art, il est placé sous la rubrique générale de l ’action en
■nullité des conventions.
•i
O r , en ^ ra p p ro ch a n t des art. 1 1 23 , 1 124 et 1 1 2 5 , sur les nul
lités résultant de la minorité, et de l'art. 467 > qui autorise la tran
saction entre m ineurs, avec les formes prescrites, on demeure con
vaincu que l’ art. i 3 i 4 s’applique à toutes les conventions permises
au m ineur, lorsque les formalités requises ont ctè remplies, et que ne
lut-il pas écrit dans le Code, il faudrait l’y suppléer.
E t , aussi, dans le rapport de M. Jaubert au T ribu nal, trouve-ton ce passage décisif :
a Hors les cas spécialement exprim és, les mineurs ne peuvent être
admis à la restitution. La restitution est un bénéfice extraordinaire
et une exception. Toute exception doit &tre fondée sur une loi pré
cise.
» Cependant, il était convenable de rassurer pleinement ceux qui
traiteraient avec des mineurs, en suivant les formalités prescrites.
Cette précaution , si elle n’était pas nécessaire, est du moins u tile , à
cause de cette idée si invétérée, et qui s’est si souvent réalisée , q u ’il
n’y avait pas de sûreté à traiter avec les mineurs.
» Pour les partages, l ’opinion générale était q u ’ils ne pouvaient
être que provisdires ; quant aux ventes, toutes les formalités possi
bles n’empêchaient pas que l’acquéreur ne fût inquiété sous prétexte
de la moindre lésion.
•
�* » Il fallait souvent des demi-siècles pour savoiï si une affaire traité^
avec un minenr pouvait être regardée comme absolument con
sommée.
*
5 L ’intérêt des mineurs, celui des familles, le respect dû à là mo
rale publique, exigeaient que la personne et les biens des mineurs
Fussent environnés de toute la protection de la loi.
r » Mais enfin , an est souvent forcé de traiter avec les mineurs, et
des mineurs ont souvent besoin qu’on traite avec eux. Il faut donc
que l ’ intérêt des tiers soit garanti, lorsque les tiers ont suivi les for
mes prescrites par la loi. »
'• Evidemment celte doctrine, qui est le fondement de la lo i, s’ap' plique aux transactions comme à toute autre espèce d’acle qu’elle a
autorisés avec des formalités diverses. D ’ailleurs, cela est d ’autant
plus
évident
j que la transaction ne peut jamais avoir trait q u ’à des
meubles ou ii des immeubles. Dans le premier cas, elle est presque
toujours dans le domaine du tuteur 011 du mineur émancipé ; dans le
l’art. i 3 i/j y est expressément applicable; il l’est surtout
dans le cas particulier : car de quoi se plaint-on? de ce q u ’au lieu
d ’ouvrir un partage au mineur, et d ’o r d o n n e r une estimation judi
Second,
ciaire d'immeubles, le tribunal a autorisé le mineur à recevoir une
simple indemnité de 3 ,ooo fr. IVest-il pas évident que plus cela se
rait
Il
vrai,
plus l’art. 13 14- serait applicable?
est donc démontré qu ’une fois l’avis dit conseil de famille et des
troiâ jurisconsultes obtenu, et l’homologation du tribunal prononcée,
l’acte est irrévocable comme s’il avait été fait entre majeurs; nous
osons ajouter qu’il est cent fois plus respectable , parce q u ’il est cou
vert de la protection de la justice.
Un majeur, en effet, peut se tromper, agir avec légèreté, se lais
ser préoccuper par des apparences, par quelques entrainemens ; et
il tie faut pas moins sanctionner ce qu ’il a fait librement, alors môme
qu’il ne le voudrait plus. La justice, au contraire, ne se préoccupe
t>as; olle n'agit ptiS légèrement; elle ne dément jarrriis la gravité de
fion ministère ; et lorsqu'elle a observé les formes exigées pour tel ou
G.
�-
46 -
tel acte, toute garantie est acquise aux intérêts de l’incapable, parce
que son incapacité, suffisamment suppléée, a totalement disparu. . ,
Ici une réflexion se présente, que nous ne devons pas laisser ina
perçue.
Saisi du pouvoir d’accorder ou de refuser l’homologation , le tri
bunal de première instance est nécessairement investi du droit de
déterminer la nature de l’acte qu ’on lui p résente, et les formalités
qui lui conviennent. O r , il est et il doit être de l’essence de sa dé
cision d ’être aussi-bien irrévocable dans cette partie que sur le fond
même de l’intérêt du mineur.
î
Eh quoi ! il aurait le pouvoir d ’homologuer une transaction , et
l’obligation de l’examiner avec scrupule avant de statuer, et ¡1 n’au
rait pas le droit et le pouvoir de décider si l’acte q u ’on lui présente
est une véritable transaction !
. Qui d o n c, lorsqu’il l’a reconnu, serait compétent pour décider le
, .
«
contraire?
Serait-ce lui-m êm e, comme le juge'naturel des parties? Mais estce qu ’il pourrait proroger sa juridiction pour détruire ce q u ’il a fait?
- On comprend*bien que si l’acte a été fait sans les formalités pres
crites, il puisse en prononcer la nullité; mais pourquoi cela? C ’est
que , dans cette hypothèse, l’acte a été fait sans pouvoir, hors des
termes de la loi, et il reste sans valeur; e t, en ce ca s, le tribunal
ne fait qu’appliquer la loi dans les bornes de son autorité, en décla
rant nul un acte fait en contravention aux lo is, et qui ne se trouve
plus souscrit que par un mineur dont l’incapacité n ’a pas été légale
ment suppléée. Mais dans le cas, au contraire , où les formalités re
quises ont été observées, et l’homologation prononcée , le juge a agi
légalement; il a consommé un acte de son ministère. O r , il n’a pu
Je, faire ainsi sans fixer définitivement les caractères du contrat, et
déterminer le genre de formalités qui lui était propre. Si donc elles
o n t
été remplies, l’homologation de l’acte a épuisé sa juridiction : il
ne serait plus admissible ensuite h décider, et aucfiiî autre tribunal
ilu serait compétent pour dire qu ’il s’est trompé , q u ’il a mal apprécié
�-
47 -
'
l’acte qui lui était soumis. Il était juge , clans le cercle de ses fonc
tio n s, la première fois, comme il l’est la seconde, et il n’est pas au
torisé à se réformer.
Toute cette doctrine se résume en deux mots.
•
L é jugement qui intervient sur la demande de l’incapable, et qui
homologue l’acte qualifié transaction, n’est autre chose que la con
sommation du contrat, l’acte nécessaire pour q u ’il soit valable et
parfait, en donnant au mineur pleine et entière capacité pour le
consommer ; et si celui au nom duquel Pacte a été fait et le jugement
rendu veut se plaindre, i^faut qu ’il attaque l’acte lui-même par les
moyens ordinaires de nullité. O r , il ne lui su (Tira pas de dire que la
justice a prononcé légèrement, qu ’elle n’a pas assez examiné , il fau
dra qu’il prouve qu’èlle a été surprise , q u ’on a amené la consomma
tion de l’acte par des moyens frauduleux, exercés au préjudice de
lui mineur ou interdit, et que le tuteur qui a provoqué l’acte a par
ticipé à la fraude, ou a été lui-même trompé et surpris par le dol
d ’un tiers qui a profilé de l’acte. C ’est donc , dans cette supposition ,
une action en nullité qu’il faut exercer contre les autours de la
fraude, et q u i, en certains cas, peut amener la révocation de l’au
torisation judiciaire ; mais lorsque le mineur ne pourra citer aucun
fait de dol exercé par des tiers, et q u ’il se bornera à dire qu ’il a mal
à propos demandé l’autorisation de faire un a c t e , et q u ’on ne devait
pas riiomologuer, son action s’anéantira devant l’autorité des lois,
qui protègent les contrats régulièrement consommés, et les actes des
corps judiciaires qui les ont autorisés ou confirmés. Toute autre
doctrine serait dérisoire pour la justice. A in si, le tribunal de 18 1G a
pu decider que c ’était une transaction, il l’a fait valablement, ir
révocablement, et il n’y a plus à y revenir. Iîl comment, dans l’es
p è c e , hésiter à le reconnaître? On veut qu’en 18 1G le tribunal de
Moulins eut du employer les formalités du partage; mais c ’eût été
refuser au mineur la faculté de transigea, le forcer à p l a i d e r ' malgré
lui, l’obliger à soulever des questions, et à provoquer une décision
qui pouvait détruire jscs_espéranccs ; tourner enfin contre lui ce qui
�4 + 1
♦*
*
*
*
'* •
î
était établi en si» faveur. Mais quoi! on voudrait donc ^refuser au tri—
bùnal compétent eh 1 8 1 6 , le droit de juger ce qui était plus avan
tageux au mineur! On 11e fait pas attention qu’avant d'ordonnôr
l’emploi des formalités du partage, le tribunal de. Moulins Voyait des
questions à juger, et qu ’il a reconnu préférable au mineur qu ’elles
ne fussent pas agitées. C ’est donc avec une intention bien méditée
q u ’il a eu recours aux formes de la transaction. Est-ce q u ’il n’en avait
pas le pouvoir? E t , d ’ailleurs, quel est donc ce grief si fâcheux qui
doit soulever aujourd’hui le zèle de la justice? Il se borne à dire quô
l’estimation des biens n’a pas été faite par trois experts commis. Ou
nVa pas fait attention, e n co re , que le tribunal n’a ordonné d ’estima
tion d ’aucune espace ; q u ’il était le juge du besoin de cette estima*
t i o n , et q u ’évidemment elle n’était pas nécessaire!, puisqu’il ne fai
sait pas un partage.
Mais pourquoi tant raisonner sur des hypothèses, en droit, aloM
que le fait est positif, certain , et d’une telle évidence , quJil apparaît
de lui-mème à tous ies yeux? Est-ce q u ’il peut s’élever le moindre
doute sur la question de savoir si l’acte était une véritable transac
tion? Nous en avons assez dit ci-desSus, pages 18 et suivant., et 3 g ,
pour qu’il ne puisse pus subsister (le doutes, et iious il’y reviendrons
pas. L e tribunal dont est appel lui-mème s’est vu obligé de le recon
naître et de le consigner dans son jugement; eu sorte que ce n’est
plus seulement avec des autorités étrangères, mai .4 avec le jugement
dont est appel lu i-m è m e , que nous détruisons le système des pre
miers juges, et le fait sur lequel il est établi.
Mais ce n’est pas là seulement que nous pouvons mettre ce juge
ment en contradiction avec lui-mème ; ne dit-il pas encore que
l’acte de i 8 1 5 , portant cession de ses biens , par le sieur Gueston
père à ses enfans , était tine donation déguisée ?
Quoi ! c ’est le tribunal doi^t est appel qui juge celte question , et
qui décide en même tem fs
q u ’il
n’y avait en 1816 ni litige ni ma
tière à transaction ! Est-ce qu’il a vu quelque part que les enfans
Gueston eussent renoncé à se sfcrvir de cet acte authentique, et doftt
�— 49 —
l’exécution était depuis long-temps consommée? Est-ce q u ’il’ n’a pas
lu dans la délibération du conseil de famille , et dans la consultation
judiciaire , que les enfans Gueston entendaient en soutenir la vali
dité et se refuser à la réduction? Est-ce que cela n’y est pas exprimé
assez clairement lorsqu’on y lit ce motif des trois jurisconsultes :
« Considérant q u ’il importe d ’éviter à l ’enfant naturel un procès
» qui ne tendrait q u ’à faire naître pour lui des chances incertaines,
» et à remettre en question ce qui est résolu en sa faveur, en l’expo» sant à des frais considérables qui pourraient consommer sa ruine. »
E t , enfin, e s t - c e q u e , aujourd’hui m ô m e , cette question se
trouve jugée quelque part ?
Ce n’est pas tout encore ; lisons la disposition finale du jugement,
et nous verrons q u e , là comme dans ses motifs, le tribunal détruit,
de ses propres mains, tout le système q u ’il avait édifié.
C ’est après avoir reconnu q u ’il y avait transaction sur des points
liti gieu x, fondamentaux, q u ’il prononce sur la demande en validité
d ’offres. Considérant l’acte de 1816 comine n u l, parce q u ’il n’était
q u ’un partage, y appliquant l’art. 888 du Code civil, qui est évidem
ment étranger à cette question de nullité, il rejette la dem ande,
puis il ajoute :
« Fait réserve à toutes les parties de leurs droits respectifs, à l’effet
» soit de procéder à un nouveau partage, soit d ’ exercer lesdits droits ,
» ainsi q u ’elles aviseront. Ordonne qu ’il sera fait masse des d é p e n s,
» qui seront supportés par quart par chacune des parties.
L e tribunal savait très-bien que Léonard Canu, avait formé une
demande en partage devant le tribunal de Montluçon, dans le ressort
duquel la succession s’est ouverte , et que cette demande faisait re
vivre toutes les questions soulevées et éteintes en 1816. O r , n ’osant
pas les juger directement, il réserve aux parties tous leurs droits,
soit pour faire un nouveau partage, soit pour exercer lesdits droitsPuisque de ces deux hypothèses il fait une alternative, il a donc la
pensée, il reconnaît donc que l ’exercicc desdits droits p o u rrait écarter
la demande en partage; e t, en effet, c ’est une position inévitable,
�qui résulte de ce q u e , en annulant la transaction , il ne pouvait pas
s’empêcher de remettre chacune des parties dans la position où elle
était auparavant. Ainsi, il délaisse toutes les parties à se présenter
devant le tribunal de Montluçon , l’une pour suivre sa demande en
partage, les autres pour s’en défendre, y faire valoir leurs droits, et
faire rejeter, si elles peuvent, cette dem ande, par leurs moyens
préjudiciels. On en reviendra donc devant le tribunal de Montluçon,
pour agiter toutes les questions qui sVilevaient en 1 8 1 6 , sauf, toute
fois, la difficulté que trouveraient, peut-être, les enfans Gueston à
établir, après un intervalle de vingt années, certains points de fait
qui étaient notoires à cette époque. L à , nous aurions à examiner,
avant tout, la question d ’identité du dem andeur, celle de savoir si
la reconnaissance du 3o mars 1816 a été faite librement et avec con
naissance de cause ; ;si elle n ’était pas, au contraire, le produit du dol
exercé sur le sieur Gueston, comme on offrait de le prouver; si elle
pouvait, dans tous les cas, porter atteinte à la vente de i 8 i 5 , faite
par le père à scs trois enfans, etc., etc.
.
Sans d o u te , e n co re , le tribunal a eu la conviction que les enfans
Gueston avaient pu soutenir, sans injustice, que l’acte de 1816 était
une transaction ; c ’est le seul motif qui ait pu autoriser la compensa
tion des dépens'. O r , celte conviction a dû résulter nécessairement
de ce que le tribunal reconnaissait q u ’il y avait eu transaction sur
des points litigieux q u e , d ’abord, il qualifiait autres; qu ’ensuite, il
reconnaissait s’appliquer aux prétentions de Canu. Mais c ’est évi
demment avouer q u ’en 181.6, il y avait, comme aujourd’hui, matière
à transaction ; et comment le tribunal n’a-t-il pas aperçu q u ’en se
refusant, à lui-même (tribunal de *81G) , le. droit de reconnaître,
dans l’acte , une véritable transaction , et de l’homologuer comme
te lle , alors que la loi lui en donnait le pouvoir, il faisait lui-m êm e,
sans le d ire, en i 836 , et 6ans en avoir le droit, une véritable tran
saction, pleine, toutefois, d’inconséquences ?
Mous ne pousserons pas plus loin cette discussion. C ’est déjà trop,
sans doute. Si quelque chose est respectable au monde, ce sont les
�— 51 —
actes des corps judiciaires lorsqu’ils sont faits dans les limites de leur
autorité, et environnés de toutes les solennités prescrites par la loi.
I c i , en 1 8 1 6 , des prétentions opposées faisaient pressentir une
lutte vive, animée, chanceuse; un mineur y était intéressé. Pour en
prévenir les dangers, il a réclamé l’autorisation de transiger; un
conseil de famille y a reconnu d ’incontestables avantages; trois ju
risconsultes , régulièrement com m is, en ont démontré l’utilité pour
le m ineur, et ont signalé le danger q u ’il y aurait pour lui à ne pas
le faire. Légalement éclairé, le tribunal a couvert de sa protection
tutélaire les intérêts du mineur, et l’a relevé de son incapacité. Ainsi
couvert de son autorité souveraine, ce contrat a reçu toute sa perfection ; il demeure donc inébranlable; et c ’est honorer à la fois la
justice et son ministère, que de prononcer la maintenue d ’une con
vention fait loyalement, en connaissance de cause et avec pleine li
berté , sous la foi de la législation qui nous régit.
**
»
Me DE VISSAC avocat.
Me V EYSSET, avoué-licencié.
RIOM, IMPRIMERIE DE E. T HIBAUD
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueston, Gilbert. 1836]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Veysset
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston, et Jean-Pourçain Causse, son mari, propriétaire et Docteur en médecine, appelans de jugement rendu par le tribunal civil de Moulins, le 28 avril 1836 ; contre Léonard Canu, Intimé.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
51 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2805
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2806
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53561/BCU_Factums_G2805.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Trévol (03290)
Sciauve (château de)
Salles (terre de)
Saint-Hilaire (03238)
Saint-Silvain-Bas-le-Roc (23240)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions
-
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3f1665a761f135c06f078a6da23adb33
PDF Text
Text
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M
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A
ËT
M
O
I
R
aa-n T M
E
C O N S U L T E R ,
C O N S U L T A T I ON,
POUR
Dame M arie -A nne FILION-BANTIN, veuve
de N icolas BONCH RETIEN h a bitante de
la ville de Moulins, intimée ;
CONTRE
P
ie r r e
- Clau
de
p r o s t
, o fficier d e
habitant du bourg de Souvigny
d’Allier appelant.
sa n té
, département
J ’ A v o i s contracté un premier mariage avec Nicolas
Bonchrétien ; e n mourant il m ’a comblé de bienfaits:
devenue veuve et sans enfans, ma position piqua l’am
bition du citoyen Prost; il vit ma fortune, et en devint
amoureux. J ’eus la facilité de croire qu’ il l’étoit de moi ;
•
J eus
aussi celle de lui donner ma main . Cet homm e est
A
�,
( 2 )
]c plus inconstant que l’on connoissc; sous des manières
douces il cache presque tous les vices. P o u r preuve de
son inconstance} je n’ai besoin que dé citer son change
ment de résidence de C hâlon s-sur-S aôn e à Bourbonl’A rch am b au d , de Bourbon - l’Archambaud à M oulins,
de Moulins aux armées dé la république, et enfin, des
armées & B e n a y , près Souvigny. Quant à ses vices, ils
sont n o m b r e u x , et je m ’abstiendrai de tout détail sur
ce point. Je dirai seulement que sa conduite envers moi
fut te lle , qu’après dix mois de mariage je fus forcée de
demander contre lui la séparation de,corps et de biens,
p o u r cause de sévices et mauvais traitemens de tout genre,
pour cause tîb la dissipation de mes biens. lIssu de parens
sans éducation, sans autre patrimoine que sa lancette ,
le citoyen Prost étoit incapable de procédés honnêtes
et d’une bonne administration. ( Il ne peut pas nier le fait de
jna demande en séparation, puisque, dans une assigna
t i o n du 2 brumaire an 7 , >1
demander le r e m b o u r
s e m e n t d e t à u s le s d é p e n s q u e j e l u i a i o c c a s i o n n é s p a r
ma
d e m a n d e e n s é p a r a t io n , d u 10 m a i
1788 ).
M a première démarche fut de faire des saisies-arrêts
entre les mains de mes débiteurs, et de les dénoncer au
citoyen P ro s t, en conformité de l’article G V III de la cou
tume de Bourbonnais. Ceci étoit une entrave aux jouis
sances du citoyen Prost; il vit que celle de mes biens
alloit lui échapper, il employa mes parens et nos amis
.communs. J e pardonnai ; j’y fus engagée par quelques
témoignages de vepenlir. L a procédure lut anéantie,
et le citoyen Prost garda la possession de tous mes biens.
Il est des caractères que l ’on ne peut pas plus retenir
�( 3 )
que la p ie rre , lorsqu’elle est lancée. Celui du cit. Prost est
de cette sorte.Il recommence comme de plusbelle: nouveaux
excès de tout genre : sa façon d’agir envers m oi lui attire
l’indignation publique en la ville de Moulins. En 1 7 9 1 ,
ainsi pourchassé par l’opin io n , il se jette dans un bataillon
de volontaires ; il y sert comme officier de santé : mais
avant son d é p a rt, il enlève tous les papiers, actes, tout ce
qu’il y a de plus précieux dans la maison. Ce qu’il ne peut
pas em porter , il le dépose entre les mains-d’un sien ami
(„le cit. M auguin, marchand à Benay, auquel il donne sa pro
curation générale. ) Il me délaisse absolument : je lui écris
plusieurs fois; point de réponse. J e suis réduite à demander
en justice une pension : je l’obtiens d’un tribunal de famille.
A la compagnie du citoyen Prost ma vie avoit été en
danger: ma dot l’étoit aussi; il m ’avoit laissée sans pain.
T a n t de maux accumulés sur ma tête m’avoient fait former
la resolution d e p a sse r e n c o r e à la séparation de corps et
de biens, pour n’avoir plus à craindre la d is s ip a tio n et la
tyrannie de cet homm e : mais j’étois retenue par l’espoir
mensonger de le ramener : mais j’étois rebutée par l’éclat
inséparable d’une instruction en séparation de corps. Enfin
parut la loi du 20 septembre 1 7 9 2 , sur le divorce: je l’ai
provoqué , et il a été prononcé p o u r cause d’'incompa
tib ilité d'hum eurs et de ca r a ctè res, le 11 nivôse an 2. J ’ai
pris ce mode , i ° . pour donner au citoyen Prost le temps
de faire des réflexions u tiles, et de r e n t r e r dans la voie de
l’honneur ; 20. pour n’avoir pas à publier davantage ses
torts graves envers moi. Je n’ai pas réussi : le cit. Prost
a dédaigné tous les moyens de rapprochement.
«Te sens tout l’odieux attaché au divorce ; mon adverA 2
�(4)
'saire le met toujours en avant pour me rendre défa
vorable: mais que ceux qui auroientle moindre penchant
à recevoir cette impression, prennent pour un instant ma
place ; qu’ils se représentent tous les maux que j’ai
essuyés de sa part. J e l’avois tiré de la misère ; je l’avois
co m b lé; par mes bienfaits il jouissoit de la plus gcande
aisanco, etc. P o u r récompense de tout le bien que je lui
ai f a it , il m ’a accablé de m épris, de mauvais traitemens,
de cou ps, etc. J e le dirai cent fo is , mes jours étoient
exp osés, ma dot fétoit aussi : alors la voie de la sépa
ration de corps et de biens n’avoit plus lieu ; je fus donc
forcée de prendre celle du divorce. L e ciel est témoin
que je ne conçus jamais l’idée d’un remariage , et que
si jamais les lois permettent de faire convertir les divorces
en séparations de co rp s, je serai la première à recourir
à ce remède. P o u r bien juger de la moralité d ’une action,
il faut descendre à la position de celui qui l’a faite : il
faut ne pas se décider par les apparences} elles sont pres
q u e toujours si trompeuses! Quiconque connoîtra les cir
constances de ma manière d’être avec le citoyen P r o s t,
se gardera bien de me jeter la pierre.
J ’ai poursuivi la liquidation de mes reprises;cette liqui
dation n’étoit que provisoire, parce que le citoyen Prost,
comme oilicier de santé près les armées de la république
jouissoit des privilèges accordés aux défenseurs de la patrie.
' L e citoyen P rost, revenu
M oulin s, recueilli parson
bon ami Mauguin , en a suivi les avis pernicieux. L e
citoyen Prost a demandé une liquidation définitive. J ’ai
fait tous les sacrifices possibles pour en finir plutôt : mais
l’affaire a été conduite de telle m anière, que quoique
�. ( 5 )
infiniment simple en s o i , elle est devenue ^ès-compliquée par tout ce que la mauvaise f o i , la ruse , etc. ont
p u imaginer de plus abominable. Six jugemens ont t j
rendus entre le citoyen Prost et moi ; il en a interjeté
appel; il a publié ses moyens dans un précis de 56 pages.
J e prie m on conseil de me dire ce que j’ai à espérer ou
à craindre dans cette affaire ; pour le mettre à même d’en,
bien j u g e r , je me sens obligée à mettre en évidence les
faits principaux de la cause.
M on contrat de mariage avec le citoyen P ro s t, est du
2. juillet 178 7; il contient, i Q. stipulation de communauté
de tous les biens meubles et conquêts
faire pendant le
m ariage; 20. mise de* 100 francs dans la com m unauté,
par chacun de nous , le surplus de nos biens devant nous
demeurer propres.
I'« citoyen Prost se constitua en dot le s b i e n s à l u i
a p p a r t e n a n t , qu’il déclara n e p o u v o i r e x c é d e r e n v a l e u r
l a s o m m e d e 10,000 f r a n c s . ( A v a n t la révo lu tio n , l’on
estimoit plus ou moins les hommes par leur avoir : celui
qui avoit cent mille francs valoit plus que celui qui n’en
avoit que dix. A la fin, l’estime eût dépendu des experts.
L e citoyen Prost avoit pour tout patrim oine, pour tout
pécule, sa personne. J ’en fais ici l’aveu : tenant un peu
au p réju g é , j’étois en quelque sorte humiliée d’épouser
un homme sans fortune; il partagea ce sentiment. P a r
cette considération puérile, le c o n t r a t f u t h o n o r é d e ■
10,000 f r a n c s , que le citoyen Prost n’eut jamais, et qu’il
n’aura jamais comme lui a p p a r t e n a n t ). T o u t son avoir sc
réduisoit i\ une petite maison qu’il avoit à Bourbonl ’Archam baud > et dout il n’avoit pas encore payé le prix.
�( 6 )
.
D e mon c ô t é , je me constituai en dot tous mes biens ;
je déclarai q u 'i l s n e c o n s i s t a i e n t q i i e n e f f e t s m o b i l i e r s ,
argent
c o m p ta n t , p ro m esses ,
a c te s,
m o n t a n t ¿1 la
som m e
o b lig a tio n s
et
a u tr es
d e 2 .7,0 0 0 f r a n c s ,
que
le d it s i e u r f u t u r é p o u x a r e c o n n u a v o ir e n s a p u is s a n c e :
ce sont les propres expressions du contrat.
J ’eus la faculté d’accepter la com m unauté, ou d’y re
noncer. Il fut exprimé que, dans les deux cas r j e l 'e t i r e r o i s
m e s h a b i t s , lin g e , J ia r d e s , t o i le t t e , d o r u r e s , d e n t e lle s ,
b a g u e s e t j o y a u x , o u , p o u r m e s b a g u e s e t j o y a u x , la
so m m e de
5oo f r a n c s ,
sans aucune imputation sur les'
choses sujettes à restitution. Dans le cas de renonciation
de ma p a r t, le citoydn Prost s’obligea à r e n d r e t o u t c e
q u ' i l a u i 'o i t r e ç u d e m o i o u ci c a u s e d e m o i , f r a n c e t
q u i t t e d e s d e t t e s d e la c o m m u n a u t é .
Enfin est la dernière clause, qu’il importe de transcrire
m ot pour mot : S i a u d é c è s d u p r é d é c é d é i l n 'e x i s t e
p o i n t ( T e n f a n s , t o u s le s p r o f i t s
te c o m m u n a u té a p
p a r tie n d r o n t a u s ie u r f u t u r .
En juillet 179 2 , je demandai, en tribunal de famille,
une pension alimentaire de la somme de 1,800 francs
par a n , payable de six mois en six mois et par avance,
pendant toute l’absence du citoyen Prost ; je demandai
en outre la somme de 5oo francs, pour acquitter les em
prunts que j’avois été obligée de faire pour subsister
depuis le départ du citoyen Prost ; j’accusai avoir reçu ,
i ° . une somme de 200 francs du citoyen P ro st, lors de
son départ; 20. celle de 120 francs pour location d’une
maison à Bourbon-rArchnt'nbaud.
Par jugement par défaut du 9 août 1 7 9 2 , le citoyen
�(7 )
Prost fut condamné à me payer une pension alimentaire
de 1,200rfrancs par a n , à compter du mois de novem bre
1791 , époque du départ du citoyen Prost. Ce jugement
m ’autorisa à toucher du citoyen F ilio n , et autres y dénom
més , différentes sommes qui formoient un total de
1,229 francs.j ü y ”avoit dès lors la somme de 29 francs en
sus du montant de la pension. J ’avois accusé les deux
sommes de 200 francs d’une part, et de 120 francs d’autre,
dont je viens de parler: total, 349 francs. L e tribunal cfe
famille m’adjugea ,,en ou tre, cette somme pour payer mon
loyer , les gages de ma domestique et les frais du jugement
arbitral. Ces frais s’élevoient à entour i5 o francs; en sorte
qu’il me demeuroit à peu près la somme de 200. francs. *
L e 29 thermidor an 2 , j’obtins un second jugement
contre le citoyen P r o s t , portant liquidation provisoire de
mes reprises contre lui. Je crois devoir rapporter ici le
dispositif de ce j u g e m e n t ( 1 ) .
(1) Avons dit et statué que provisoirement la veuve Bonclirétien
est autorisée à réclamer contre Claude P ro st, avec lequel elle a
d iv o rcé , la somme de 27,000 f r a n c s , que par son contrat de
m ariage, du 2 juillet 1 7 8 7 , elle s’est constituée en d o t , tant en
effets mobiliers qu’argent c o m p ta n t, promesses, obligations, et
autres actes que le citoyen Claude Prost a reconnu avoir en sa
puissance, et dont il a donné quittance par le contrat même; pour
le 1’ecouvrem ent de laquelle somme elle pourra suivre l’effet des
saisies-arrêts par elle faites les 28 février et 13 août 1 7 9 3 , et
exercer telles autres poursuites qu’elle avisera bon être. L a eitoy.
Veuve Bonclirétien se m ettra pareillement eu possession des im
meubles procédant de son c h e f , et d o n t , pour en exercer la
jouissance, elle tse fera rem ettre, par son mari ou par tous autres
�C8 î
E n vertu de ce jugement je fis quelques poursuites
contre des tiers; j’en exerçai contre le citoyen Prost luimême. J e fis saisir et vendre quelques effets mobiliers
qu’il avoit dans sa maison à Bourbon-FArcham baud ; les
deniers de la vente, qui est du 11 nivôse ail 3 , sont encore
entre les mains de l’huissier, parce que d’autres créanciers
du citoyen Prost firent des saisies-arrêts entre les mains
de cet huissier.
E n germinal an 4 ,1 e citoyen Prost revint à M oulins,
en vertu d’un congé absolu. L e 9 pluviôse an 5 , près
d’un an après son reto u r, il me cita en conciliation sur les
demandes qu’il annonçoif vouloir form er contre m o i , en
restitution, i° . des sommes et papiers qu’il suppose que
je lui aifu rtiv em en t et clandestinem ent { cesontses propres
termes) enlevés dans le courant de 1788 ; 20. de tous les
meubles et effets, marchandises , titres, papiers existans
dans son domicile A M oulins, et dans sa maison ù J3ourbonle s -B a in s j 30 .de pnpici-s re tira s par moi des mains du citoyen
M auguin ; pour être ensuite procédé A la liquidation des
droits respectifs des parties.
L e i 5 ventôse an 5 , procès verbal de non-conciliation ;
point d’assignation de la part du citoyen Prost.
L e 9 floréal an
5 , vente par le citoyen Prost de sa maison
à Bourbon-rArcham baud, au citoyen Jardiller, officier de
santé. Opposition de ma part au bureau des hypothèques,
lettres de ratification obtenues par l’acquéreur. L e 3 fruc
dépositaires, les litres des propriétés et jouissances, sauf à la c ito y .
veuve lionchrétien à fiiiro valoir, au retour de sou m a ri, tous
autres d ro its, etc.
tidor
�( 9 )
tidor suivant, demande de ma part en rapport et déli
vrance du p rix de cette vente.
L e 3 brumaire an 7 , assignation à la requête du citoyen
P ro st, contre m o i’, assignation en vingt-quatre rôles de
minute. Il demande que, sans s’arrêter au jugement du 29
thermidor an 2 , portant liquidation provisoire de mes
reprises , je sois condamnée à lui rapporter dans quinzaine
to u t ce q u i l a laissé com posant la com m unauté ) q u i
ex ista it entre lu i et m o i, notam m ent en la m aison de
M o u lin s ' savoir : les meubles m eublans, les actes de cession et subrogation de meubles et im m eu bles, (q u ’il p ré
tend que je lui ai consentis sous seing privé , au mois de
juin 1 7 8 7 , c’est-à-dire, avant notre mariage ) , avec les
autres actes et papiers q u i concernaient tous et un
chacun les biens q u i m appartenaient, et d o n t, d it-il,
j e me suis positivem ent constitué en dot p o u r la som m e
de 27,000 j Fi'ancs ; p hes, Vargent c o m p ta n t , les effets ,
cré a n ces, m archandises , papiers , titres , prom esses,
obligations , m ém oires et quittances , ensemble ce u x
q u i l avoit en dépôt¿iBurges-les-Bains et autres endroits,
tels qu'entre les m ains du citoyen M auguin q u i en avoit
été chargé p a r le citoyen P r o s t , p o u r su iv r e , en son
a bsence, su r différens procès q u i ex isto ien t au temps de
son départ p our Tarmée ; et enfin le rapport de tous les
objets désignés ait susdit exposé et m ém oire ; ( ces e x
posé et mémoire sont dans le libelle de l’assignation ; ils
contiennent le d é ta il, i°. de quantité d’effels mobiliers;
2°. d’une bibliothèque ; 30. d’instrumens de chirurgie;
4°- d’une pharmacie; 5°. de nombre de papiers, actes, ctc.)
pour y api'ès les rapport et restitution des objets, étreproB
�( 10 )
cédé à la liquidation des droits respectifs des p a rties,
sinon et à défaut par m o i de fa ir e lesdits rapport et
restitution , que je sois condam vée au payem ent d elà
som m e de 32,000 J 'r a n c s, p o u r lu i tenir lieu de la portion ¿1 lu i revenant dans la com m unauté. Telles sont les
expressions des conclusions de mon adversaire.
M o n adversaire se permit de faire quelques saisiesarrêts comme de mes biens.
A u tribunal civil de l’A llie r , le citoyen Prost prit à
l’audience les mêmes conclusions. Il demanda main-levée
de mes saisies-arrêts, et opposition aux hypothèques, avec
600 francs de dommages-intérêts.
D e mon côté , je soutins , i Q. qu’avant son d é p a rt, le
citoyen Prost a voit enlevé tous les titres, papiers et obli
gations; 20. que les meubles que j’avois fait saisir et vendre
à B ourbon-rArcham baud , l’avoient été régulièrem ent,
en vertu dé la sentence du 29 thermidor an 2 ; et que
les deniers en étoientencore èsm.-»J»o dci'huïssier, ministre
de la vente , à cause des saisies-arrêts survenues d ep uis,
3 0. que la pharmacie et la bibliothèque existoient telles
quelles, el que le citoyen Prost n’avoit qu’à les retirer;
4 0. que lors de notre mariage, le citoyen Prost n’avoit
apporté presque aucun cfTet ; mais que j’oiïrois de lui
en fournir état, et de lui en compter le montant. Je
demandai qu’ il fût déclaré non-recevable en ses demandes,
et que la liquidation provisoire de mes droits lût défi
nitive ; je demandai main-levée des saisies-arrêts faites
comme de mes biens; ju demandai enfin acte de ce que
je renonçois à la communauté.
Sur c e , jugement contradictoire du i^r. pluviôse an 7,
�( 11 )
portant « acte t\ la défenderesse de ce qu’elle déclare qu'elle
« r e n o n c e à la c o m m u n a u té q u i
« le d e m a n d e u r , e t q u e
a e x is té
c e tte r e n o n c ia tio n
e n tr e lle et
n est pas
; lui donne pareille« ment acte des offres qu’elle fait de rapporter la biblio« théque et la pharmacie du demandeur, sans néanmoins
« qu’elle puisse être garante du dépérissement ou dété« rioration qu’ont pu éprouver aucunes des drogues com
te posant ladite pharmacie; condamne la défenderesse, de
« son consentem ent, à fournir , dans le délai de deux
« décades, à compter de ce j o u r , un état détaillé et cir« constancié des meubles et effets qui existoient avant le
« départ de son mari, et de ceux qui sont en sa puissance,
« ainsi que des sommes qu’elle a reçues, p o u r , ledit état
« fourni et contredit, être procédé à la liquidation déli
ce mtive des droits des parties , à l’audience du i ventôse
cc prochain, toutes ch o ses ju s q iit i ce d em eu ra n t e n é t a t . »
L e 13 du môme m ois, mon adversaire inc fît signifier
« f a it e en fr a u d e
d e s c r é a n c ie r s
ce jugement, avec les expressions, « e t a i t à s a t i s f a i r e a u x
« d i s p o s i t i o n s d '¿ c e l u i , d a n s le s t e m p s
y p o r t é s ; le t o u t
c< a u x p e i n e s d e d r o i t e t s o u s t o u t e s r é s e r v e s . »
L e 3 0 , je donnai l’état commandé par cette sentence.
L e 22 prairial suivant, jugement contradictoire , q u i ,
i ° . me donne acte du rapport que j’ai fait au g re ffe , de
mon état, en exécution du jugement du ici’ pluviôse;
2°. ordonne que le citoyen Prost l'avouera ou contestera;
3°. me fait main-levée de toutes saisies-arrêts comme de
mes biens, faites à la requête du citoyen Prost (1).
(1) Considérant que la citoyenne Bantin a suffisamment rempli
B 2
�C 12 )
L e citoyen Prost contredit mon état , et le 28 mes
sidor il en revient à l’audience : là s’engage une trèslongue et très-scandaleuse plaidoirie. Un délibéré est or
donné; il en résulte un jugem ent, du 28 thermidor (1),
le vœu du
fourni et
jugem ent
d épo sé
du 1 pluviôse dernier, par l’état qu’elle a
au greffe, en exécution d’icelui, sauf au citoyen
Prost à le contredire, ainsi qu’il y est autorisé par le jugement
susdaté.
Considérant qu’il ne peut pas être statué, quant à présent, sur
les demandes et prétentions dudit P r o s t , sans qu’au préalable
il n’ait fourni tout contredit contre l’état produit parla citoyenne
Bantin.
Considérant pareillement qu’ avant de statuer définitivement sur
la liquidation des droits de ladite B a n tin , il est nécessaire que les
parties se soient expliquées sur l’état et contredit de celui produit
par la citoyenne Bantin.
Considérant enfin que la citoyenne Bantin a des droits constans
à répéter contre Je cito yen P ro st, fondés sur des titrée, et que le
citoyen Prost n’a aucune créance liquide.
L e tribunal, par ces considérations, jugeant en premier ressort,
donne acte à la citoyenne Bantin du rapport par elle fait de l’état
par elle fourni et déposé au greffe, en exécution du jugement du
i ir pluviôse dernier: ordonne en conséquence que le citoyen Prost
sera tenu de fournir aveux ou contredits sur les articles dudit
état, pour par la citoyenne Bantin en prendre communication par
la voie du grelle, et en venir plaider sur le t o u t , à l'audience du 12
messidor prochain : fait m'anmoius, dès à présent, pleine et entière
inain-levée à la citoyenne Bantin, de toutes les saisies-arrêts ou
oppositions faites sur elles, à la requête du citoyen P r o s t , entre
les mains des débiteurs de ladite B a n tin , toutes questions de fait
c l de d ro it, et dépens, réservés en définitif.
(1) Le rapport a étéfa it ccjQurdhui publiquement à Vaudience;
�( 13 )
par lequel je suis renvoyée des demandes du cit. P ro st,
relatives, i<>. aux papiers, e n , par m o i , en rapportant cer, quant à trois espèces de payemens
réclamés p a r l e citoyen P r o s t, qu'en partant le citoyen P ro st
duquel
il est
résulté
avoit déposé des papiers entre les mains du citoyen M a u g u in , de
B ên a y i qu’ il n’a pas été inconnu au citoyen P ro st, que la citoyenne
Bantin avoit eu recours au citoy. Mauguin , pour lui en demander
quelques-uns dont elle avoit besoin, et qu’il ne lui a remis qu’avec
son re ç u , et la citoyenne Bantin a offert de rapporter les papiers
dont elle aussi donné sa d é c h a rg e , soutenant n’ en avoir aucun
autre, ni par conséquent ce u x desquels il voudroit faire résulter
des objets de créances.
I l e n e s t r é s u l t é encore que les meubles et effets qui étoient
dans une maison que les parties occupoient à B u r g e s-le s -B a in s,
°n t été vendus judiciairem ent par l ’ huissier D u c h o lle t, lequel est
dépositaire du prix, à cause des oppositions faites en ses m a in s,
sur le citoyen P r o s t , et que la vente a été faite en exécution des
jugemens qu’avoit obtenus la cit. 33«min en 1792 et en l’an 2 ,
contre le cit. P r o s t , ainsi qu’ il a été déclaré par la cit. Bantin.
Q ue l a c i t o y e n n e B a n t i n a s o u t e n u n ’ a v o irfa it aucune
disposition de la pharmacie du citoy en P r o s t , et de tout ce qui
en dépendoit, et que le tout éloil au même état rjue lors du départ
du citoyen P ro st, et que ce dernier a au contraire prétendu, et
s ’ est soumis à prouver que la citoyenne B a n tin avoit disposé d’ une
partie de cette même pharmacie:
a r t i c u l a t i o n qui n ’a p a s eu
DE SA PART D’AUTRE DEVELOPPEMENT NI AUCUNE SPECIFI
CATION ET INDICATION DES OBJETS QUANT A CE.
Enfin, quant au mobilier qui avoit été p lacé dans une maison que
les parties occupoient dans la commune de M o u lin s, la citoyenne
Bam in n indiqué tout le mobilier que le citoyen Prost y avoit
laissé. Le citoyen Prostasoutenu qu’ily avoit danschaquechainbre,
c t autres dépendances de cette m aiso n , d’autres effets que ceux
�^ 14 \
tains que le citoyen M auguin m ’avoit délivrés sous mon
reçu , et en affirmant n’en avoir pas d’autres directement
ni indirectement comme appartenant au citoyen Prost.
déclarés par la citoyenne B a n tin , et dont il fait le d é tail, avec
soumission de sa part de p r o u v e r , sa u f la preuve contraire.
C o n s i d é r a n t , t ° . par rapport a u x papiers, qui sont l’un des
objets de réclamation du citoyen Prost, qu’ étant constant que
ce dernier a déposé des papiers entre les mains du cit. M a u g u in ,
de B é n a y , qu’ il avoit même placés dans un porte-manteau, il est
de toute certitude que ce dépôt avoit pour objet tout ce que le
citoyen Prostpouvoit avoir d e ce g e n r e d e p l u s i n t é r e s s a n t ;
qu’ ainsi la cit. Bantin n’ ayant p u avoir d’ autre papier, et n’ ayant
pu recevoir du cit. M auguin [que ceu x que ce dernier a bien voulu
lu i remettre, et lu i en ayant donné un reçu , elle ne peut être
comptable à cet égard, que de ce dont elle s’est chargée par le
même reçu.
C o n sid éran t
e n s e c o n d l i e u , que la citoyenne Bantin
ayant o btenu, en 179 2 , un jugement contre le c i t o y e n Prost,
a d j u d i c a t i f d ’ u n e pension d e 1,3 0 0 f r a n c s , et un second en l’an 2 ,
liq u id a tif provisoirement de sa d o t , elle a pu faire vendre judi
ciairement , en vertu de ces jugemens, les efTets du, même cito y .
Prost ; qu’ainsi elle est d ’abord quitte de ceu x qui étoient dans
une maison de Burges -le s -B a in s , en justifiant de l ’ acte qui
prouve celte vente, saufles droits des parties et de tous intéressés
sur le prix, que la citoyenne Bantin déclare être entre les mains
de l’huissier D u c lio lle t, qui a v e n d u , et entre les mains de qui
des oppositions ont été formées.
C o n s i d é r a n t e n t r o i s i è m e l i e u , que le citoyen Prost n’ a
dit que vaguement, et sans aucune indication d ’objets et articles;
que la citoyenne B a n tin , qui n ’en a autrement été chargée, ainsi
que de tous effets ; que par conséquent ayant une habitation com
mune avec le citoyen P r o s t , son mari, à cette époque, lors du
�C l5 )
2q. A u x effets mobiliers de la maison de BourbonF Archam baud, en, par m o i, rapportant le procès verbal
de vente fait par l’huissier.
départ dudit P r o s t , elle est restée dans la même habitation ;
qu'ainsi elle n ’ est tenue de remettre les choses qu’ en leur état
a ctu el, en affirmant q u ’elle n’ a disposé de rien à cet égard.
C onsidérant
en fin
, par rapport a u x effets mobiliers q u i
étoient dans la maison qu’ occupaient les parties en la commune
de M o u lin s, que la cito y . Bantin en a fait une énumération qui
reçoit une grande augmentation , par l ’ indication de quantité
d ’ effets de la part du citoyen P r o s t, qui se soum et à une preuve
à cet égardî que la m atière, de3 que les parties sont contraires
en faits, est dans la circonstance disposée à une preuve lo cale;
puisque s’ agissant de divertissement, d éplacem en t, ou au moins
déficit de mobilier d’ une com m unauté co n jugale, une preuve
testimoniale n’est du to u t point prohibée par les lo is , et doit
avoir lien avant qu’il soit ultérieurement statué entre les parties
sur to u t ce qui est enir’elles en contestation.
L e t r i b u n a l , p a r j u g e m e n t e n p r e m i e r r e s s o r t , sta
tuant p r e m i è r e m e n t sur la réclamation du citoy. P r o s t, rela
tive a u x papiers par lu i laissés lors de son départ de la commune
de M o u lin s , et selon la citoyenne B a n t in , par lui déposés chez
le citoyen M a u g u in , de B é n a y , renvoie la citoyenne B a n tin de
la demande form ée à cet égard par le citoyen P r o s t , sous le
bénéfice des offres par elle de rapporter les pièces dont elle a
donné son reçu audit citoyen M auguin , et à la charge p a r e l l e
d ’ a f f i r m e r , partie présente ou appelée, qu’ elle n ’ en a eu et
n ’ en a actuellem ent aucuns autres à sa disposition, et n ’ en retient
aucun directement n i indirectement appartenans au cit. Prost.
E n s e c o n d l i e u , relativement a u x effets que réclame pareille
ment ledit P r o s t, com m e lui appartenant, et ayant existé à
tiurgcs-lcs-Bains, renvoie pareillement ladite Bantin de toutes
�(
1
6
3
3°. A la bibliothèque , à la pharmacie et aux instrumens de chirurgie, à la charge par moi d’affirmer que je n’ai
disposé d’aucun des objets en dépendant. A vant de statuer
sur les effets mobiliers de la maison à M oulins, les juges
du tribunal civil d’Allier ont chargé le citoyen Prost de
prouver par tém oins, dans les délais de la lo i , qu’outre
les objets accusés par m o i , il y en avoit tels et tels autres
dans tels et tels appartemens.
demandes quant à c e , à la charge par elle de rapporter le procès
verbal de vente judiciaire qu’elle a soutenu en avoir été fa it e , et
sa u f les droits, sur le prix de ladite v e n t e , des parties et de tous
autres intéressés.
E n c e q u i t o u c h e , e n t r o i s i è m e l i e u , la bibliothèque ou
pharmacie, et les instrumens de chirurgie pareillement demandés
par le citoyen P r o s t , renvoie pareillement ladite 13an tin de toutes
demandes à cet égard, sous le bénéfice des ofFres qu’elle fait de
rendre ces difFérens objets dans l’ état qu’ils existent, a l a c h a r g e
p a r e l l e d ’ a f f i r m e r , partie présente ou nP P c i c e , qu’ elle n’ a
disposé d'aucun des ohjcts dépendans desdites pharmacie et biblio
thèque , ni d ’aucuns instrumens.
E t a v a n t de s t a t u e r sur l e surp lu s de l a c o n te s ta tio n
d e s p a r t i e s , fins, conclusions et demandes, sur le f a i t posé
par le citoyen P ro st, qu’ en outre des differens meubles et effets
compris en l'état qui a été fourn i par la citoyenne B a n tin , le
30 pluviôse dernier, en exécution du jugement du trib u n a l , du
premier du même m o is , il en existait beaucoup d ’autres dans les
différentes chambres et dépendances d’ une maison que les parties
occupoient eu la commune de Moulins ; s a v o ir , dans la pre
mière chambre , etc.
Sur la contrariété desdits faits , nous avons les parties admises
et réglées à faire respectivement preuve d a n s l e s
la
d élais de
l o i , dépens quant à présent réservés.
J ’ai
�( 17)
J ’ai cru nécessaire de rapporter littéralem ent, et en
note, tout le contenu de ce jugem en t, afin que, l'on soit
à même de saisir plus sûrement le système suiyi par le
citoyen Prost devant les premiers juges , ei de le comparer
avec ce que ce dernier dit en cause d’appel.
L e citoyen Prost a gardé le silence pendant plus de
trois m ois; il s’est tourmenté beaucoup , et n’a pu se pro
curer des témoins qui voulussent déposer à son gré : aussi
point d’enquête de sa part.
, L e premier frimaire an 8 , c’est-à-dire, trois mois et
quelques jours après le jugement du 2 7 ‘thermidor an 7 ,
la cause appelée à tour de r ô l e , j’ai pris contre le citoyen
Prost]un jugement par défaut ( 1 ) , q u i , i°. déclare le
(1) C o n s i d é r a n t qu’aux ternies de l’ordonnance de 1667, le
citoyen Prost n’avoit que huit jours pour commencer son en
quête, et trois jours pour la parachever, le tout, à d a t e r de la
Signification du ju g e m e n t p r é p a r a t o i r e ; q u e la loi du 3 bru m a ire
an 2, dispensant de lever et signifier les jugeinens pré p a r a to ire s,
lorsqu’ils sont contradictoires, le délai pour commencer et para
chever l'enquête «doit courir du jour du jugement de règlement,
d’où il résulte que le citoyen Prost ne seroit plus à temps de
procéder à une enquête.
• C o n s i d é r a n t q u e les parties a y a n t é té réglées à f ai r e p r e u v e
de s fai ts
s ur l esquels
elles é t o i e n t c o n t r a i r e s , r e l a t i v e m e n t à
l’ é t a t des m e u b l e s et effets, f o u r n i p a r la c i t o y . B a n t i n , e t c e t t e
p r e u v e 11’a y a n t pas é t é , e t n e p o u v a n t
plus être faite , l edi t
é t a t d o i t êt re t e n u p o u r f i d è l e , s i n c èr e e t véri table.
C o n s i d é r a n t q u e les dr oi ts de la c i t o y e n n e B a n tin n ’ a y a n t
été réglés q u e p r o v i s o i r e m e n t p a r l e , j u g e m e n t d u 2 9 t h e r m i d o r
a*1 2-,
il d o i t ê t r e p r o c é d é à u ne l iqui dati on définitive.
_C o n s i d é r a n t
q u e les m a i s o n s c l j ar di n , situés en la c o n w
�c 18 ?
citoyen Prost déchu delà faculté de faite enquête; 2°. tient
pour sincère et véritable l’état que j’ai fourni ; 30. déboute
mime de Moulins et en celle de C o sn e , déclarés p a rla B a n tin j
n 'o nt pas pu faire partie de la dot de 2.7,000 fr. puisque par la
clause du c o n t r a t de mariage du 2 juillet 17 8 7 , il est dit que
les 27,000 fr. ne sont composés qu’en effets mobiliers, argent
co m p ta n t, promesses, obligations, et autres a c te s , que le cit.
Prost a reronnus avoir en sa puissance; et que par conséquent*
elle ne doit com pter ni du revenu, ni du prix.desdites maisons;
C o n s i d é r a n t que le citoyen Prost, ayant lo u ch é 011 gardé
et dissipé pendant la com m unauté la somme de 14,800 fr. pour
le restant de la dot de la citoyenne B a n lin , il est juste qu’il
en fasse la restitution à cette dernière, et doit êtle contraint
à lui en faire le payement.
que la citoyenne B antin, restant créancière de
sommes assez considérables du citoyen P r o s t , et é ta n t1nantie
des meubles et effets qu’ elle a déclarés , il est juste qu’elle re
C
o n s id é r a n t
tienne les meubles et efFcts par ses mains, pour la somme de
2,000 fr. ou le m ontant de l’ estimarion qui en sera faite en
payem ent en atténuation de sa ciéance.
C
onsidérant
d’ailleurs, que le citoyen Prôst ne se présen
tant pas, ni son fondé de pouvoir , pour plaider, son silence fait
présumer son acquiescement à la demande.
L e T R I B U N A L donne défaut, faute de plaider, contre le cit.
P r o s t, pour le - profit d u q u e l , sans s'arrêter ni avoir égard à
scs demandes et prétentions, dans lesquelles le déclare non recei’ahle et ma! f o n d é , ou dont
en tout cas débouté, le déclare
déchu de fa ir e enquête, et tient pour sincère et véritable l'état
et réponse à contredit à icelu i, fournis par la citoyenne Banlin •
ayant au contraire égard aux demandes et prétentions de ladite
Bantin , donne acte à la citoyenne Jiantin du rapport de l ’ex
trait du procès verbal de vente fa it par Duchollct> huissier, le
n
n h ’ôse an 3 , et jours suivans.
�( i9 )
le citoyen Prost de scs demandes; 4 0. me donne acte du
rapport du procès verbal de vente des eiFets mobiliers
ayant existé à Bourbon-l’Archambaud ; 5°. déclare défi
nitive la liquidation de ma d o t , jusqu’ iî concurrence de
la somme de 14,800 francs, avec intérêts à compter du
I er. pluviôse an 7 , jour de ma r e n o n c ia tio n à la com
munauté ; 6°. 'm’autorise à retenir les meubles et effets
de M o u l i n s , pour la somme de 2,000 francs, ou suivant
Ordonne que la liquidation provisoire de sa d o t, faite par le
jugement arbitral dudit jour 29 thermidor an 2 , sera et demeu
rera définitive , et que le même jugement sera suivi et exécuté
selon sa forme et teneur, jusqu’à concurrence .seulement de ladite
somme de 14,800 fr. ensemble les intérêts d’ice lle , auxquels il est
cond am né, à com pter du i er. pluviôse an 7 , jour de la demande
quelle eu a fa ite , et de sa renonciation à la com m unauté.
, Autorise la c i t o y e n n e B a n t i n à retenir par ses m ain s les m e u b le s
et effets qu’elle a déclarés par son état et réponse au c o n t r e d i t à
icelui; dans lesquels meubles et effets sont compris ceux énoncés
au procès verbal de vente, du 29 prairial an
6,
fait par C a v y ,
huissier, qu’ elle a déclarés com m e s’ils n’avoient pas été vendus;
le tout pour ladite somme de 2,000 francs, en diminution de sa
créance eij principal, intérêts et frais, à elle due par le cit. P ro st,
si mieux n’aime ce dernier suivant l’estimation qui en sera faite
par e xp e rts, et tie r s , si besoin e s t , dont les parties convien
d ro n t, etc. lequel choix il sera tenu de faire dans trois jours, à
com pter de la signification du présent
jugement:
a personne ou
dom icile, sinon d é ch u , et le choix réservé à la citoyenne I3antiu.
Ordonne au surplus que les poursuites enconunencées seront
continuées.
E t condamne le citoyen Prost aux dépens.
'
G 2
�20 )
l’estimation par experts , à valoir sur le principal, les
intérêts et frais de ma créance.
L e 4 pluviôse an 8 , c’est-A-dire, plus de deux mois
après ce jugem ent, je l’ai fait signifier, ainsi que ceux
des 22 prairial et 28 thermidor an 7 , au citoyen P ro st,
avec assignation au 1 6 , devant le tribunal civil d’A llier,
pour être présent aux affirmations que je me proposons
de faire, en exécution de celui du 28 thermidor an 7.
L e 16 pluviôse, j’ai fait ces affirmations. L e tribunal
d’Allier a , par défaut, reçu mon serment, par lequel
f a i ju r é et a ffir m é , i ° . que je ri a i eu et il a i actuel
lem ent en m a disposition , aucun autre papier que ceu x
que j ’a i ojfert de. l'apporter p a r le jugem en t susdaté
( celui du 28 thermidor an 7 ) ; et que je rien retiens
aucun autre directem ent n i indirectem ent, appartenant
au citoyen P r o s t ’ 20. que je ri a i disposé d'aucun des
objets dépendans de la pharm acie et de la bibliothèque y
énoncés au ju g em en t, n i d'aucun in stru m en t apparte- ‘
n a n t a u cito y en P r o s t. Ce tribunal m ’a donné acte de
cette affirmation.
f
L e citoyen Prost est, malheureusement pour m o i ,
d’une insolvabilité notoire. Quelle que soit l’issue de notre
procès, j’ai la perspective de perdre : j’ai donc, intérêt à
11e pas faire de frais. J ’en demeurois l à , parce que je
n’avois rien il recouvrer. A v ec Lafontaine, je pourrois
lui dire :
Quant aux ingrats il n’en est point
Qui ne meure enfin misérable.
1
L e i cr. germinal an 8 , plus d’un mois après mon
affirmation, le citoyen Prost a appelé des jugeincns des
�9 août 1 7 9 2 , 29 thermidor an 2 , 22 prairial et 28 ther' midor an 7 , et i er. frimaire an 8. Il a jeté dans le
public son précis iriiprimé; il n’oublie rien pour tacher
de me rendre1 défavorable, c o m m e s’il étoit permis de
parler faveur devant tin tribunal qui ne donne rien à
personne, qui ne fait que déclarer à qui les choses appar
tiennent. L e citoyen Prost sait parfaitement bien, et toute
la ville de Moulins sait aussi qu’il m ’a forcée à provoquer
le d ivo rce, et que si- le moyen terme de la séparation
de corps eût été encore possible, je l ’aurois préféré.
D I S C U S S I O N .
Dans son précis im p r im é , le citoyen Prost critique
amèrement chacun des jugemens que j’ai obtenus contre
lui. J e
répondrai dans le m êm e ordre.
SJugem ent du 9 août 1792.
J ’avois demandé contre le citoyen P r o s t,
i ° . une
pension alimentaire de 1,800 fr. par an , pendant toute
1absence du citoyen P rô stj 2°. une somme de 5oo fr.
pour taire face à des emprunts que j’avois été obligée de
faii*!*, afin de subsister depuis son départ.
Ce jugement m’a adjugé 1,200 fr. de pension alimen
taire et annuelle ; il m’a autorisée à toucher de tels et
tels débiteurs telles et telles sommes : total, 1,229 francs.
J a vo is eu outre reçu 320 francs 3 il y avoit donc un
�C 52 )
excédant de 349 francs ; ce jugement m ’a attribué cet
excéd an t, au lieu des 5oo francs que je demandois.
Cela posé, je n’ai obtenu, i°. qu’une pension de 1,200 f.
au lieu de 1,800 fr. que je réçlamois; 20. une indemnité
particulière de 329 fr. au lieu de 5oo fr. Il n y a donc
pas dans le jugement du 9 août 1792 ultrcipetita , comme
le prétend le çitoyen P r o s t, page 17 de son précis.
, E11 vain le 'citoyen Prost,dit-il que j’étois nantie de
t o u t , et qu’il étoit injuste de m ’açcorder une provision.
E u partant, le citoyen‘P rost avoit confié sa procura
tion générale à son bon ami M auguin ; le citoyen Prost
in’avoit fait l’injure de préférer un étranger. Sans pro
curation , je ne pouvois pas toucher un centime ; les débi
teurs m’auroient-ils p a y é ? Falloit-ib vendre des meubles
meublons?'etc. aujourd’hui le citoyen Prost m’en demande
raison. L ’événement prouve que j’ai sagement agi en
n’usant pas de cette ressource: je n’avois rien p o u r exis
ter ; il falloit donc que la-justice y p o u r v û t .
Il est éti-ange que le citoyen Prost ose dire que ma
demande en alimens étoit :prématurée.
Que le citoyen Prost cesse de parler de ses procédés
obligeans envers m oi; il est démenti par tous ceux qui
le cojmoissent bien; il es.t démenti ppr toute la ville de
Moulins. Je lui ai écrit plusieurs fois, pas de réponse. Son
silence, scs mépris envers moi ne sont pqs substantiels,
Mais au reste, ù. quoi bon s’occuper davantage du bien
ou mal jugé de ce jugem ent? Ce point de la cause ne
présente plus aujourd’hui pucun intérêt; ce jugement ne
porte rien d'irrévoc<jbJciîiput déterminé; il m ’a accordé
seulement des aljjnens, L e cit. P rç st, jouissant de mes
�C -?3 )
biens dotaux, étoidobligé de me lo g e r, nourrir-et entre
tenir. La pension de 1,200 fr. n’est que le remplacement
de celte^ obligation. .Ce, jugem ent,.n’a fait que le* con
damner à faire "ce dont il étoit tenu par la loi.
> '
. Que la pension de' 1,206 franco fut, ou n o n , exorbi^
tante, cela est indifférent» D ’abord elle ne l’ étoit pas.5
le citoyen P ro st jouissoit.de plus de 2,000 francs de rej
venu ; revenu tiré de mes biens dotaux. E n 1792 *
1,200 francs assignats valoient à peine 600 francs écus :
il n y a là que le rigoureusement nécessaire pour mon
existence.
Y auroit-il exorbitance dûns la somme de 1,200 francs?
J ’étois alors en puissance de mari ; je ne pouvois pas
aliéner mes biens dotaux au profit de mon mari. Dans
le cas où 1,200 francs, outre-passei’oient la juste; mesure,
de c e que je devois avoir alors, ce seroit chose perdue
pour le citoyen P ro s t, et cela sans espoir de répétition.
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J
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’ ~'
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Ce jugement liquide provisoirement à 27,000 francs)
la dot que le citoyen,Proat est obligé de mé, restituer;
20. m ’autorise à me mettre en possession des immeubles
m’appartenant.
i ImJj _; 1■
Com m e dans ce jugement il n’y a rien de définitive
ment r é g lé , et qu’aujourd'hui mous en sommes sur le
définitif ■
,<’je crois devoir m’abstenir de toutes réflexions
à ce sujet.III m e suffira de rc/üarquer q u e , quoique le
�(H )
citoyen Prost fût, officier de santé près les armées de la
rép u b liq u e, e t, à ce titre, classé parmi les privilégiés,
par la loi du 4 floréal an 2 , il a été très-bien jugé par
les arbitres, parce que j’avois le titre ( j’avois mon con
trat de mariage ) ; et la provision est due au (¡tre. M on
contrat de mariage m’établit créancière de 27,000 francs :
les arbitres ont donc tr è s -b ie n fait, en jugeant p rovi
soirement que je l'étois. 1- ;
1
? ■
: :
>•
'
* §.
iii
.
Jugem ent du prem ier pluviôse a n 7.
1: 1
: .¿hfi
' Par ce jugement!, i ° . il m'est donné acte de ma renon
ciation à la communauté, et de ma d é c la r a tio n qu’elle
n ’est pas faite en fraude des créanciers; 20. il m’est donné
acte de mes offres de rendre la bibliothèque e t la p h a r
macie telles quelles; 3 0. il est dit que je d o n n e r a i , dans
d e u x d é c a d e s , é ta t d é t a i llé des meubles et effets existons
lo r s du départ du citoyen P ro s t, ainsi que des sommes
que j’ai touchées sauf le contredit du citoyen Prost.
J e dis , i ° . que le citoyen Prost est non recevablc
en son a p p d de ce jugem ent, quant à la partie dans
laquelle il l’attaque; c’e s t-à -d ir e , quant à ma renoncia
tion à la com m un auté, pour n’avoir pas été faite avec
le commissaire du gouvernement. Il me l’a fait signifier
avec sommation d’y satisfaire; par là , il y a acquiescé.
Je dis, 2°. qu’il y est mal fon dé; en effet, d’une part
ma renonciation est sincère, je n’ai rien soustrait; d’ un
autre côté, il, n’appartient pus au uiari de connaître une
pareille
�( 25 )
pareille renoneiation. Ce droit n’est donné qu’aux créan
ciers de la communauté. E n f in , dans mon contrat de
m ariage, il est exprim é qu’en cas de décès sans cnfans ,
tous les profits de la com m unauté seroient dévolus au
citoyen P r o s t exclusivem ent. L e divorce opère le m ême
effet que la mort. L a loi du 20 septembre 1792 le dit
textuellement.
§ IV .
Jugem ent du 22 -prairial an 7.
Ce jugem ent, i ° . me donne acte du dépôt au greffe
de l’état que j’ai fourni ; 20. ordonne que le citoyen
Prost fournira ses contredits; 30. me fait main-levée des
saisies-arrêts comme de mes biens.
L e citoyen Prost se récrie contre la troisième dispo• •
Sition , contre c e lle x-elative à la m a i n - l e v é e des saisiesarrêts.
J e le soutiens non recevable en son a p p e l, i° . parce
qu’en exécution de ce jugement il a fourni ses contredits i\
l ’état donné par m o i; 2°. parce q u e, lors du jugement
contradictoire du 28 thermidor an 7 , il n’a pas réclamé
contre la main-levée des saisies-arrêts.
§ y .Jugem ent du 28 therm idor an 7.
• Ce jugement contient quatre dispositions:
i ° . Il déboute le citoyen Prost de sa demande relative
aux pap iers, à la charge par m oi de rendre ceux dont
D
�( 26 )
j’ai fourni un reçu au citoyen M a u g u in , et à la charge
par moi d’affirmer que je n’en ai pas et que je n’en
retiens pas d’autres.
2°. Il déboute le citoyen Prost de sa demande relative
aux effets mobiliers à Bourbon-l’Archam baud, à la charge
par moi de rapporter le procès verbal de vente.
3°. Il déboute le citoyen Prost de sa demande touchant
la bibliothèque et la pharmacie, à la charge par moi de
les rendre telles quelles, et à la charge par m oi d’affirmer
que je n’ai disposé d’aucun des objets en dépendant.
4°. II permet au citoyen Prost de prouver par témoins ,
qu’ outre les objets par moi déclarés, il en existoit beau
coup d’autres que le citoyen Prost a désignés, et qui le
sont aussi dans le jugement.
J e soutiens le citoyen Prost non recevable en son appel
de ce jugem ent, quant aux papiers, et quant aux biblio
thèque et pharmacie, parce que j’ai fait les a ffir m a tio n s
ordonnées. Je les ai faites le 16 pluviôse a n 8; c’est-àdire , plus d ’ u n m o is a v a n t l’appel du citoyen Prost.
J e soutiens que le citoyen Prost est de mauvaise foi
sur l’article des papiers, et sur l’article des bibliothèque
et pharmacie.
i° . L e citoyen Prost est de mauvaise foi s u r j ’nrticle
des papiers, parce qu’avant son départ il les avoit sortis
de la maison , et les avoit confiés à son ami Mauguin. Pre
nant cette m esure, préférant un étranger à sou épouse,
toutes les apparences disent hautement que là où il avoit
placé toutes ses affections , là il a déposé tous scs papiers
importans.
a 0. L e citoyen Prost est de mauvaise foi sur cet article,
�S 21 )
parce qu’en cause principale il n’a offert aucune preuve
testimoniale; il n’a pas offert de prouver que j’avois sous
trait tel ou tel autre papier. Dans son précis il dit, page 3 5 ,
qu’il en a fait l’énumération ; mais dans le jugement de
therm idor, les premiers juges ont analise très-soigneuse
ment tous ses d ires, et pas un mot de preuve offerte
sur ce point. Les premiers juges ne pouvoient donc pas
l’ordonner.
3°. L e citoyen Prost est de mauvaise f o i , parce qu’en
cause d’appel il réclame, page 31 , r°. i n j i n e , e t 3a v ° .
les papiers de la créance M o re a u , puisque, dit-il, j’avois
fait citer ce dernier au bureau de paix. L e citoyen Prost
m ’accuse d’avoir touché plus de 600 francs de la part du
cit. Moreau. O h , l’infamie ! P r o s t, vous me forcez à vous
démasquer ; vous le serez paîam om nibus. V o tre conduite
envers moi a excité l’indignation de toutes les personnes
lionnetes. Toutes s’e m p r e s s e n t A m ’a id e r d e to u t leur pou
voir à vous confondre. L e citoyen Moreau m’a prêté son
double, et l’on y voit que vous-même avez réglé compte
avec lui, le i9 a o û t 1788; l’on y voit queM oreau s’est trouvé
reliquataire de la somme de 6,110 francs 12 sous, qu’il a
promis vous payer lorsque vous lui rapporteriez main
levée de la saisie-arrêt que j’avois faite en ses mains, en
mai 178 8 , par suite de ma demande en séparation de
corps et de biens ; l’on y voit que le citoyen Moreau
s’oblige
vous faire raison de m o i t ié de soixante sacs
qui appartenoient ¿\ la société d’entre lui et moi ; l’on y
voit enfin 7 que vous et moi avons donné au citoyen
M o re a u , ( l e 27 mars 1 7 8 9 ), quittance des 6,110 francs
sous, et de trente sacs. C ’est vous qui avez touché,
D a
�(28
)
et vous avez l’audace de m ’accuser de retenir les papiers
de la créance!Est-ce encore lu un de ces procédés obligeans et nombreux que vous avez eus pour m o i?
L e citoyen Prost se tro m p e, en disant que j’ai fait citer
le citoyen Moreau. S’il eût pris la peine de lire plus attenti
vement les pièces qu’il rapporte à l’appui de son asser
tio n , il n’y auroit trouvé qu’une saisie-arrêt, du 13 mai
17 8 8 , faite à ma requête ès mains du citoyen M o r e a u ,
dans le temps où je poursuivois la séparation de corps et
de biens.
4°. L e citoyen Prost ne donne pas une preuve de pro
bité, en réclamant un arrêté de compte fait avec le citoyen
L a m o u r e u x ,e t montant à plus de i , 5oo francs. J ’ai déjà
répondu par é c r it, et je répète que c’est le citoyen Prost
qui a touché la créance. J ’en rapporte aujourd’hui une
déclaration des citoyens L a m o u re u x , en date du 25 ther
m idor dernier : ceux-ci y attestent avoir payé a u citoyen
Prost lui-m êinc en 1788,
5°. L e citoyen Prost n’est pas plus honnête, en deman
dant les papiers de la créance de 7,000 fr. contre JeanJ o s e p h Bantin , mon frère. i ° . L e citoyen Prost avoit
toutes ces pièces dans son dossier ; mon défenseur les y a
vues. Dans mon écriture du 26 ventôse dernier, il a arti
culé le fait, fol. 57 et 58. Dans le précis im p r im é , le
citoyen Prost n’a pas osé répondre non ; mais les sous
seings privés ne sont plus dans son sac , il les en a ôtés :
l’on donnera à ce lait toute la valeur qu’il mérite. 20. J ’ai
accusé avoir reçu le montant de la créance , à compte de
la restitution de ma dot.
6°. L e citoyen Prost agit contre sa conscience, en reven*
�( 29 )
cliquant des papiers concernant une créance contre JeanBaptiste Bantin , aussi m on frère. Par écrit , je lui ai
répondu , et je lui répète i c i , que lorsque mon défenseur
prit communication de ses pièces , il y trouva un acte sous
seing privé , du 5 février 1786. Dans son précis im prim é,
le citoyen Prost n’a pas osé répliquer non. Cet acte n’est
plus dans son dossier. Par écrit je lui ai rép o n du, et je
lui répète i c i , que parmi ses pièces étoient quatre lettres
missives. L e citoyen Prost ayant mis tant de soin u con
server ces lettres, ne fera jamais croire à personne qu’il
n’eût pas porté le même soin à mettre en lieu de sûreté
les actes essentiels ; au reste, je l’ai consigné dans mon écri
ture du 26 ventôse dernier. A v an t son départ pour l’ar
m é e , le citoyen Prost a arrêté compte avec mon frère;
il e n a reçu le reliquat moins la somme de 9 4 5 francs,
portés par un billet que j’ai touché et déduit sur la res
titution de ma dot.
Q u ’im porte, comme le dit le citoyen P ro s t, page 3 3 ,
qu’en 1788 j’aie fait une saisie-arrêt ès mains de mon frère ;
je l’ai faite par suite de ma demande en séparation de
corps et de biens, pour empêcher que le citoyen Prost
achevât de dissiper mes biens: j’aurois dû couler à fond
cette procédure; aujourd’hui je n’aurois pas à combattre
contre l’injustice du citoyen Prost ; je n’aurois pas été
rediute à la fâcheuse extrémité du divorce : mais, au reste,
ce qui a été lait en 1788, n’a rien de déterminant pour ce
qui a eu lieu depuis.
avoue que dans le jugement du 9 août 1792 , JeanBaptiste Bantin mon frère est indiqué comme devant
JO francs; ce jugement dit seulement 5o francs, sans ex-
�C 3o )
pliquer si c’étoit en capital ou en revenu ; en sorte que
je pourrois tirer parti de l’équivoque : mais je conviens
que je croyois alors que mon frère devoit 5o francs de
rente j mais quand il s’est agi de to u c h e r, il s’est
trouvé s e u le m e n t un principal de 945 francs dûs en vertu
de billet. J ’ai pris ce capital.
Que le citoyen Prost ne fasse pas sonner si haut les
quatre lettres q u’il rapporte; elles prouvent seulement
qu’il en usoit fort mal envers moi. Celle écrite à moi par
m on frère, et ma réponse, prouvent, i°. qu’il y a eu arran
gement entre le citoyen Prost et mon frère, parce que
sans cela mon frère ne lui auroit pas remis ma réponse
du 24 janvier 1790 ; 20. que le citoyen Prost étant nanti
de celle de mon frère du 23 août 178 9 , il doit avoir tous
les autres papiers.
70. Je n’ai jamais rien touché de la créance Bourdoiseau ;
je l’ignorois du temps de mon mariage a v e c vous; elle
n’est e n t r é e p o u r r i e n dnns la somme do 27,000 francs,
m o n t a n t de ma dot. A u reste, c’est mon frère Bantin qui
a tout touché, et, lors de vos comptes avec lu i, il vous
a fait raison de la part qui m’en revenoit ; d’ailleurs,
faurois-je touchée, c’eût été pendant la com m unauté, et
vous n’auriez rien à me demander pour raison de ce,
parce qu’ une femme en puissance de mari ne peut rien
faire tendant
l’aliénation de sa dot envers son mari.
8°. V ou s me demandez l’expédition de l’acquisition
T o n n e lie r , veuve llo n d el; elle est dans vos pièces, mon
défenseur l’y a vue ; d’ailleurs il s’y agit d’un terrain de
seize toises, que vous ayez acheté moyennant i 5o francs
assignats,
�(3 0
90> *^e n a i jamais cru avoir aucune créance contre
Pruniol cle Clavelle.
io°. A van t son départ, le citoyen Prost a vendu tous
les bois des Rouchers, et en a touché le prix. Il est indé
cent qu’il me demande des p a p i e r s pour raison de ce.
i l 0. J e ' n ’ai jamais eu la donation Collin. L ors de
votre d ép a rt, vous étiez en procès à ce sujet. C ’est votre
ami M auguin qui a fait juger; il avoit donc les papiers.
12°. V ou s m ’opposez une lettre de moi au citoyen
M auguin ; vous la datez du 3 nivôse an 6 ; vous en in
duisez que j’y ai reconnu avoir reçu de lui une somme
de 5oo francs ; vous me demandez un compte établissant
l’emploi de cette somme.
La date de cette lettre est surchargée; le chiffre 6 couvre
ton chiffre 3 qui y étoit auparavant. L e faux matériel est
évident : sous le 6 on aperçoit encore le 3. Cette altéra
tion a été faite p o u r me d é s o r i e n t e r ; m a is il faut tou
jours considérer la lettre comme étant du 3 nivôse an 3.
«Pavois fait une saisie-arrêt ès mains du cit. M a u g u in ,
comme des biens du citoyen Prost. Par exploit du 12 bru
maire an 3 , j’avois cité le citoyen Mauguin en déclararation affirmative. L e citoyen Mauguiii fit un bordereau
de l’emploi des assignats qu’il avoit, comme appartenant
au citoyen Prost : ce compte me parut étrange. Ce fut
a ce sujet que j’écrivis la lettre du 3 nivôse an 3 , au
citoyen Mauguin (1).
Moulins , le
(0
3 nivôse an 3 .
« J e ne sais ou vous avez pris que vous m ’ aviez donne
« des assignats • je ne nie cependant pas d'en avoir reçu de
�(3 0
D e cette lettre il résulte que le citoyen Mauguin m ’a
remis des assignats; qu’il m’a indiqué à qui il falloit en
faire payement; que j’ai suivi son indication, et que je
lui ai remis les reçus ou quittances : mais, tout cela ne
concernoit pas ce qui m’étoit du par le citoyen Prost.
D e cette lettre il résulte encore que le cit. M auguin
m ’avoit fait un compte par lequel il m ’établissoit l’emploi
de 5?ooo francs assignats; mais cela ne prouve pas que j’ai
reçu ces 5,ooo francs assignats. L e citoyen M auguin avoit
employé cette somme à tous autres objets que ma créance.
130. L e citoyen Prost me demande un acte sous seing
p r iv é , par lequel il prétend qu’avant notre m ariage, je
lui ai cédé mes im m eubles, et dont le prix est, d it-il,
entré dans la composition des 27,000 francs, montant de
ma dot. Mais je ne lui ai jamais consenti un acte sem
blable.
Ainsi donc, sur l'article des papiers, i°. toutes les ap
parences disent que le citoyen P r o s t les a tous confiés à
vous'; mais lorsque vous m ’ en avez donné, vous m 'avez chargé
d'en fa ir e l ’ em ploi par differens payemens que vous m 'avez
in diques, et que j ai fa its dans les temps, dont j e vous a i remis
les reçus ou quittances. D e plus , vous m ’ avez J a it un compte
par lequ el vous m ’ avez trouvé l'em p loi de 5 ,000 f r . qui etoient
entre vos mains. D ’après c e la , je suis étonnée que vous m ’en
fassiez m e n tio n , et que vous m’indiquiez mon livre journal. I l
me seroit di(Jicile d 'y trouver, ceci ne me concernant pas per
sonnellem ent. Saus doute que vous voulez amalgamer mes 11 £
17 s. avec les bouteilles de vin de Cham pagne, et autres choses,
en la c ro ya n c e que j’ai d’après votre lettre.
Signé, B A NT IN - 13 O NCII R ÛTIE S.
son
�( 33 )
son ami M au g u in ; 20. en cause principale, il n’a offert
aucune preuve à cet égard ; 30. il me demande des papiers
qu’il a ; il me demande des papiers dont il a touché le
m ontant; 40. j’ai affirmé que je n’en avois aucun. Il a
laissé faire cette affirmation ; il est donc tout à la fois
non recevable et mal fondé en son a p p el, quant à ce.
P o u r ce qui est de la bibliothèque et de la pharmacie,
le citoyen Prost est encore de mauvaise foi.
i°. L e citoyen Prost sait parfaitement bien que je n’en
tends rien en pharmacie. A peine m ’eut - il épousée,
qu’il me couvrit de tout son mépris ; il m’éloigna ab
solument de toutes affaires : je n’ai jamais pu prendre
aucune notion sur son art.
2°. E n cause p rin cip ale, il n’a jamais offert aucune
preuve relativement à la bibliothèque : ce qui conduit
a la pensée que devant les premiers juges il n’avoit pas
encore imaginé aucune soustraction à cet <5gard.
30. Quant à la pharm acie, en cause principale il offroit
de prouver seulem ent que f avois disposé de partie : mais
il n’assignoit aucun article; il s’expliquoit très-vaguement;
il n’y avoit rien de précisé.
40. En cause d’a p p el, le citoyen Prost d i t , par son
écriture du 2 thermidor an 9 , et il offre de p r o u v e r ,
que j a i J a it d ép la cer, et trajisporter hors M o u lin s ,
une partie de la pharm acie et de la b ib lio th èq u e, et
que j ai voulu vendre le tout à des ojjiciers de sa n té
de M o u lin s.
Il n’est pas vrai que j’aie fait sortir de M oulins aucun
des objets de la pharmacie et de la bibliothèque.
E
�.,( . 3 4 )
Il n’est pas vrai que j’aie voulu les vendre; d’ailleurs
il y a encox’e bien loin de la volonté à l’acte.
5°. Quand il seroit vrai que les articles 1 2 , 1 4 , 1 6 ,
17 et 18 compris au procès verbal de la vente faite par
l’huissier C a v y , le 29 prairial an 6 , auroient dépendu
de la pharmacie ( ce qui n’est pas ) , cela ne prouveroit
rien contre moi. Dans mon état fourni devant les pre
miers juges, j’ai porté ces objets comme s’ils n’avoient
pas été vendus, comme s’ils existoient encore en nature.
L ’on ne peut donc pas m ’accuser de soustraction , dès
que j’accuse ces choses.
6°. L e citoyen Prost en impose, en assurant que parm i
la fe r r a ille vendue, étoit une pierre (Taim a n t précieuse.
Celte pierre existe encore ; il la retrouvera en retirant sa
pharmacie.
Que le citoyen Prost cesse de crier que je lui ai fait un
tort irréparable, en faisant vendre partie de sa pharmacie,
le 29 pr a ir ia l an 6. D ’ une p a r t , il ne vouloit pas en
retirer un grand profit, puisqu’abandonnant son état, il
s’étoit jeté dans les armées, à la g e de près de quarante
ans; d’un autre cô té, je n’ai rien détourné.
70. E n fin , j’ai fait l’alfirmation ordonnée, et par là
le jugement du 28 thermidor an 7 a acquis autorité de
la chose jugée.
Dans son écriture du 2 thermidor an 9 ? le citoyen
Prost avoit avancé, et offert de prouver, que l’ huissier
D uchollct n’avoit vendu qu'une portion des meubles
étant à Bourbon - l’Archam baud, et que je m ’étois em
parée du surplus.
�( 35 )
J ’ai nié le fait ; j’ai répondu que devant les premiers
ju g es, le citoyen Prost n’avoit offert aucune preuve sur
ce point. Dans son précis imprimé , il ne dit plus mot
sur ce p o in t , et tout le monde doit en conclure qu’il
a menti dans cette partie de la cause, .le n’ai donc pas
besoin d’insister sur un sujet qu’il â abandonné lui-même.
*
Jugem ent du
§. V I .
I er.
fr im a ir e an 8.
Je laisse au conseil le soin d’examiner et de discuter
tout ce que le citoyen Prost dit dans son précis im prim é,
pages 40 , 41 et 4 a , contre la déchéance d’e n q u ê te r,
prononcée par ce jugement. J ’en viens de suite à ce qu’ il
oppose à la liquidation de ma d o t, dont les premiers
juges O n t fixé le r e l i q u a t ù la s o m m e d e 14,800 fra n cs.
Point de doute sur le montant de ma constitution
dotale ; il est réglé par m on contrat de mariage ; il est
de 27,000 francs.
En cause principale, j’ai avoué avoir r e ç u ,
i°. Des Daubertet, héritiers de Jean-Joseph
Bantin, mon f r è r e ..............................................
2°. D e Jean-Baptiste B a n tin , mon autre
frère, 1,000 f. (D an s le fait, je n’ai touché que
945 f. montant d’un billet. L a différence seroit
de 75 fr. à mon préjudice : mais je ne re
10,000 fr.
viens pas contre l’e rr e u r, parce que le citoyen
Prost ne présente aucune ressource de recouE 2
�(
36
)
D 'a u tr e y c ir t... . < , . . . . . . .
io,o o ofr,
1,000
vi'cment. Il est et mourra insolvable. ) .........
30. D u citoyen P ro s t, lors de son départ
pour les armées, 200 francs. ( J ’aurois pu
contester cet article, parce que le citoyen
P ro s t, jouissant de mes biens dotaux, étoit obligé de me nourrir et entretenir : mais
transeat. ) ..............................................................
40. Pareille somme de 200 fr. du citoyen
Godeau , de Varennes, pour cinq années
d’intérêts d’un capital..........................................
200
200
5o. D e la n atio n , y 5 o francs pour loge
ment de la gendarmerie dans la maison à
Bourbon-l’A r e h a m b a u d .....................................
60. E n fin , 5o francs pour deux cochons
que m’a livrés l’ami M au g u in .........................
T O T A L ................................................
75o
5o
12,200 fr.
M a dot ¿toit de................................................ .... 27,000 fr.
Déduisant celle de................................................ I2 200
•
y
Il m ’est encore dû........................................... .....14,800 fr.
et non pas seulement 14,200 francs, comme l’a imprimé
le citoyen Prost j page 43 de son précis.
Je n’ai jamais rien reçu de l’abbé Merle. J ’ai touché
seulement un revenu annuel de 40 francs par a n , de la
part du citoyen G odeau, curé de Varennes-sur-Teschc
( et non sur A llier
ces intérêts.
qui devoit le principal produisant
�(37)
.
Sur l’article M o r e a u , je renvoie le citoyen Prost à ce
que j’ai dit plus h aut, §. V , n. 3.
Sur l’artifcle V illard : le sieur Bon ch rétien , mon pre
mier m ari, avoit été le tuteur dé ces mineurs, et avoit fait
quelques avances pour la tutelle. Après sa m o r t , le citoyen
Desmaisons fut nommé tuteur. Les pièces de cette tutelle
sont du nombre de celles- que j’ai retirées des mains du
citoyen Mauguin : j’ai offert de les rendre. En cette partie,
j’exécuterai le jugement du 28 thermidor an 7.
Sur l’article L a m o u r e u x , je renvoie à ce que j’ai dit,
§. V , n. 4.
Sur l’article Sallard , je réponds d’abord qu’il n’est
entré pour rien dans la composition de ma dot de
27,000 francs; je rép o n d s, en second lie u , que parmi
les pièces du citoyen Prost, est un m émoire à consulter,
du c it o y e n Pi'ost, duquel il résulte que le citoyen Sallard
devoit au s i e u r B o n c l i r é t i e n , mon p r e m i e r m a r i, ou
pour argent reçu des sieurs D u v i v i e r e t V e r n a y , de
M o n tb eu gn y, ou pour délivrance de b o is, 1,678 livres
12 sous 8 deniers. Comment se seroit-il donc fait que le
sieur Sallard se seroit trouvé créancier? A u reste, le
citoyen Prost ne rapporte aucune quittance de la part
du sieur Sallard.
Sur l'article des religieux augüstins de M oulins, i». je
ne connois aucune quittance sur ce point ;2°. je crois bien
que le citoyen Prost a plaidé avec e u x , pour une rente
qu il soutenoit ne leur être pas due. Mais s’il a eu l’im
prudence de s’engager dans un mauvais procès, tant pis
pour lui : /es frais ont dit en être payés aux dépens de
com m unauté, qui lui, demeure en entier, au moyen
�38 3
de ma renonciation et de la clause exprimée en m on
contrat de m ariage, dès qu’il n’y a pas eu d’enfans.
Point de quittances sur les articles B o u la r d , B ou rg o i n g , Desrues, et sur les frais du récollement de la
forêt de Dreuille et Soulongie. J ’ignore absolument tout
cela.
Quant à la créance B o u rn ig a t, par mon écriture du
26 ventôse dern ier, j’ai rép o n d u , i ° . que bien avant
m on remariage avec le citoyen P r o s t , j’avois déposé ès
mains du citoyen Moreau la somme de 1,800 francs pour
acquitter le billet B o u r n ig a t, payable en mai 1 7 8 7 ;
20. que le citoyen Prost a pris les 1,800 fr. des mains
du citoyen M o re a u , et s’en est servi pour payer la veuve
Bournigat. Dans son précis, le citoyen Prost n’a pas
contesté ce fait.
P o u r ce qui est des jouissances que j’ai faites du
terrain de seize toises, acquis par le citoyen Prost pen
dant la com m unauté, celles a n t é r ie u r e s a u divorce doi
v e n t sc c o m p e n s e r t o u t naturellement avec les intérêts
de ma dot. L e citoyen Prost n’y perdra sûrement pas.
Quant aux jouissances postérieures, la compensation doit
avoir lieu aussi, mais jusqu’à due concurrence.
Sur les 5,ooo francs assignats de M a u g u in , je renvoie
le citoyen Prost au §. V , n. 12.
P o u r ce qui est du mobilier vendu par l’huissier C a v y ,
le 29 prairial an 6 , je l a i compris dans mon état, comme
s’il existoit encore. Il est confondu dans l’état général.
J ’ai pris le tout en payement, ou à raison de 2,000 francs,
ou suivant l’estimation par experts.
A u moyen de ma renonciation
la com m un auté,
(
�( 39)
j’ai le droit de reprendre la somme de 100 francs, que
j y avois mise.
J ’en ai dit assez, je crois, sur ces détails fastidieux,
dégoutans. J ’en viens au dernier o b je t, à celui concer
nant ma maison à Moulins , et ma maison à Cosne. Les
premiers juges ont décidé qu’elles n’ont pas fait partie
de ma constitution dotale. L e citoyen Prost soutient le
contraire. Il soutient qu’avant notre m aria ge , par acte
sous seing p rivé du mois de juin 1 7 8 7 , je lui ai fait
cession et subrogation de tous mes biens , meubles et
im m eubles, moyennant la somme de 2 7 ,0 0 0 francs, que
je me suis ensuite constituée en dot. Il soutient obstiné
ment que j’ai abusé de son absence pour lui enlever ces
actes. Il rapporte, i ° . un mémoire à consulter écrit de
ma main ; 20. une copie de ce m êm e m ém oire écrite
par lui , où il est parlé de cession et subrogation du
mois de juin 1 7 8 7 7 3°* quelques actes du c o m m e n c e
ment d’une procédure en tribunal de fam ille, entre le
citoyen Prost et Jean -Joseph Bantin , m on frère. Par
ces actes, il paroît que ce dernier prétendoit que l’acte
sous seing privé que le sieur Bonchrétien et moi lui
avions consenti, le 29 avril 1 7 7 3 , comprenoit plus d’ob
jets que mon premier mari et m oi n’avions entendu en
vendre.
, L e citoyen Prost se replie ensuite sur la clause de
notre contrat de m ariage, contenant évaluation de mes
biens dotaux la somme de 27,000 francs.
i ° . Je l’ai déjà dit, et je répète ici qu’avant mon mariag c , je 11’ai jamais consenti ni cession ni subrogation,
ni sous seing privé ni pardevant n o ta ire, nu profit du
�C 4° )
citoyen Prost. T o u t ce qu’il dit à cet ég ard , est men
songe.
2°. L e mémoire à consulter et la copie de ce m é m o ire ,
dans l’aiFaire contre Jean-Josepli Bantin, sont l’effet d’une
ruse abominable de la part du citoyen Prost, envers moi.
Il étoit en contestation avec Jean-Joseph Bantin sur l’é
tendue de la vente que le sieur Bonchrétien et moi avions
consentie à ce dernier, en 1773- L e citoyen Prost m ’en
gagea à faire le mémoire à consulter, parce q u e, disoiti l , je savois mieux que lui tout ce qui s’étoit passé. Je
rédigeai le mémoire tant bien que mal ; il est écrit de
ma main en son entier; c’est celui qui commence par
ces mots : M ém oire sur différentes p ro p riétés, etex- L e
citoj'en Prost le mit ensuite au n et, et le signa.
A u jou rd ’hui il produit , et le projet du m ém oire, et
une copie de ce mémoire écrite en son entier par lui.
Mais ils ne commencent pas de même.
L e projet c o m m e n c e a in si : « M é m o ir e S U R D I F F É « r e n t e s T R o r R i É T É s e n b i e n s f o n d s , provenantes
« d’ un partage des successions de défunts Pierre Filion«
« Bantin, et de dame L o u ise-P ierre, son épouse; L E S « Q U E L L E S P R O P R I É T É S O N T É T É P O S I T I V E M E N T trans« m ises en m ariage p o u r constitution de d o t, pa r m o i
« M a rie - A n n e F ilio n - B a n tin , veuve en premières
« noces de défunt Nicolas Bonchrétien, résidente à Cosnc,
« en Bourbonnais, actuellement épouse du sieu r P r o s t ,
« chirurgien , q u i L E S A R E Ç U S e t a c c e p t é s a i n s i ,
« l'AR L A REMISE ET TRANSM ISSION
« ACTES
QU I
DES T I T R E S E T
L U I S O N T N É C E S S A I R E S l ’O U R C H A C U N E
« i / E L L E S j».
La
�( 41 )
La copie du mémoire mis au n e t, commence ainsi :
« Copie cCun m ém oire à consulter , f a i t par m adame
« M a r ie - A n n e F ilio /i- B a n tin , veuve B o n ch rélien ,
« CONCERNANT
PLUSIEURS PROPRIÉTÉS IM M O B IL T A l-
« RE S , et l’ usufruit
« SUBROGATION
«
«
«
«
d'icelles, D O N T L A
A ÉTÉ
FAITE
SOUS
cession
et
SEING P R I V É ,
1787 , par la
susdite Bantin , résidante à Gosne en Bourbonnais ,
I
^
au profit de P ierre-C la u d e P r o s t , ch iru rg ien , résidant à B ou rb on -T A rcha m b au d , p o u r Q U E T OU S E T
D A N S L E C O U R A N T D U MOIS D E J U I N
« U N C H A C U N DES B I E N S Q U I A P P A R T E N O I E N T
«
su sdite
«
so ien t
B
a n t in
,
t a n t
com pris d a n s l a
m eubles
masse
et
A LA
q u ’i m m e u b l e s
,
somme t o t a l e
« D E S A D O T , P O R T É E A L A V A L E U R DE 27,000 fr. *.
Dans le surplus, les deux pièces sont parfaitement con
formes ; mais il est très-important de bien saisir les nuan
ces qu’il y a entre les deux titres.
Dans le p ro jet, il est dit : M ém oire su r différentes
propriétés. Dans la copie , il est dit : C oncernant plusieurs
propriétés im m obiliaires.
• Dans le p r o je t, il est dit : L
esquelles
p r o p r ié t é s
ont été p o s i t i v e m e n t transm ises en mariage pour
constitution de d o t, p a r m oi M a rie-A n n e F ilion -B a n tin .
Dans la c o p ie , il est dit : D o n t la cession et subrogation
a été f a i t e sous seing p r iv é , dans le courant du 7?iois
de ju in 1787.
Dans le projet, il est d it , que le citoyen Prost l e s a
r e ç u e s e t a c c e p t é e s a i n s i , ( les différentes propriétés ),
p a r
sont
la r e m is e e t t r a n s m i s s i o n d es titrp s e t a c t e s q u i
u t il e s
et
n é c e ssa ir e s
lu
1
p o u r c h a c u n e d ’e l l e s ,
F
�( 42 }
:
Dans la c o p ie , il est dit plus : il est dit : P o u r que tous
et un chacun des biens q u i appartenaient ¿1 la susdite
B a n tin , tant m eubles qu im m eubles, soient com pris
dans la masse et som m e totale de sa doit} portée à la
valeur de 27,000 fra n cs.
^
'
J ’avoue que d’abord je ne concevois pas d’où prove-'
noit cette différence; mais j’ai enfin découvert le tour
d’adresse du citoyen Prost'; j’ai enfin découvert que le
citoyen P ro s t, qui me demande avec acharnement des
papiers qu’il a , des papiers que mon avoué a vus dans
le dossier du citoyen P ro st; j’ai enfin découvert, dis-je,
qu’il y a faux matériel , faux tant dans le projet fdu
m émoire , que dans la copie du mémoire mis au net. ’
Quant au projet du mémoire , ‘l'adverbe positivem ent
présente une altération qui saute aux yeux ; les deux
syllabes p o si ne sont pas de moi. Au-dessous ét à l’entour on aperçoit encore les traces du grattoir. A upara
vant il y «1voit l’actvcrbc taxcitiÇCTTlCnt OU Celui lim ita —
tivement. L ’on a enlevé les syllabes ta xa ou lim ita , pour
y substituer celles posi.
^
•
A la fin de la huitième ligne, il ÿ a deux mots ajoutés;
ces deux mots sont reçu et'': auparavant la ligne finissoit
par les mots q u i les a.
1
v u '
A u commencement de la neuvième lig n e, il y 1a un
mot effacé; on découvre encore les traces du grattoir qui
a vo ylu enlever les lettres e n , avant un t qui finissoit
le’ mot effacé ; l’on à laissé subsister le /, et au ieèond jam
bage de Mn effacée, l’on á posé un e dont la liaison va
aboutir dans le l ] 'h les ’yeu x disent encore qu’i l y a v o i t
auparavant l’advtabc subsidiaii'cm ent.
�( 43 )
Dans la même ligne on remarque que le mot par est
surchargé, et à travers on démêle encore le mot que.
* A .la troisième ligne ,1e sixièmè mot ( lu i ) est altéré;
il y a voit auparavant celui ic i, les points des deux ¿'exis
tent encore ; celui du premier n’a pas été effacé, le c for
mant la seconde lettre est dans sa forme primitive ; pour
transfigurer ic i en lu i y l’on a tout simplement posé une
1 avant le premier i.
üi-:,.
A la suite du neuvième est un espace couvert d’encre;
adjectif u t ile , venant après , a été form é aux dépens
de la défiguration d’un autre mot que l’on voit h peine,
mais on diroit qu’il y avoit l’adverbe actuellem ent.
P o u r ce qui est de la copie du mémoire , c’est là que
l’on a exercé tout son talent; mais on a fait de telle ma
n iè r e , que la pièce porte avec elle-même des signes cer
tains de sa réprobation.
Cette ipiece >est en trois feuilles, papier libre, dont
quatre rôles sont couverts d’écriture toute de la main du
citoyen Prost; au quatrième rôle sont la signature du
citoyen P r o s t , ainsi qu’une approbation et une signature
qu’il m’attribue : viennent ensuite deux rôles en blanc.
L e premier rôle est sans signature aucune, en sorte qu’il
étoit infiniment facile de changer la première feuille. O r ,
c’est ce qu’a fait le citoyen P ro s t; tout dit qu’elle l’a été.
En effet, i°. l’encre des deux premières pages de cette
copie n’est pas aussi noire que l’encre des autres pages.
2°. L e citoyen Prost avoit c h a n g é le titre : dans celui
de la copie ce ne sont pas les mêmes termes que ceux
de la première copie du projet. LecitôyenProst, en copiant
de nouveau, avoit d’abord écrit sans aucune précaution;
F 2
�'
( 4 4
)'
arrivant ù la fin de la p a g e , et voyant qu’il auroit trop
d’espace, il grossoya un peu pour remplir cette page,-et
atteindre le' même point que la page de la feuille suppri
mée. Parvenu là , le citoyen Prost n’eut pas besoin de la
m ême précaution pour le verso ; aussi remarque-t-on qu’il
est allé bien couram m ent, parce qu’il àvoit la même
quantité de mots pour couvrir* le même espace, i
3 0. U n fait plus déterminant que tout cela,..est dans
les filigranes des trois feuilles du papier. ,
* n 1.
L e filigrane des deux secondes feuilles représente,
au premier rôle, une fleur de lis entre les lettres A . G. F .
et au second r ô le , un cartel ayant au milieu un cornet de
chasseur. D e là vient que ce papier est appelé papier au
cornet.
L e filigrane de la première feuille, c’est - à - d ire, de
celle qui a remplacé celle en levée, est, au prem ier rô le ,
une coquille de mer. L e rayon du milieu du demi-cercle
q u elle fo rm e, est s u r m o n t é . d ’ u n e p i q u e ; et au haut de
cette p iq u e , est un bonnet de la -liberté. A u second rôle,
sont la lettre I , un cœur, le mot B o u g r e t, la lettre F , et
le mot Nevers.
D e toute cette description il suit que la première feuille
de la copie du mémoire a été supprimée; que le citoyen
Prost y en a substitué une autre sur du papier tout autre
que l’ancien, et que par cette opération le citoyen Prost
s’est donné la plus grande aisance pour ajouter au litre de
sa copie tout ce qu’il lui a plu. L e faux est évident ; il est
certain. Il ne faut pas dès-lors s’arrêter à cette copie. Il faut
s’en tenir uniquement au projet écrit de ma main. Il faut
surtout être en garde contre les altérations que j’ai signalées
plus haut.
�C 45 )
_■J ’observerai que le citoyen Prost a si peu cru lui-même
que la co m p o sitio n de ma dot de 27,000 fr. absorboit
tous mes im m eubles, que dans ses causes d’appel du 2
thermidor an 9, en critiquant le jugement du ie r. frimaire
an 8 , et en étalant tous les objets par lesquels il veut
éteindre ma d o t, a dit (folio 3 9 , recto in fin e') : I I f a ll o i t
bien déduire les réparations et am éliorations f a it e s p a r
Texposant a u x biens im m eubles de ladite Ba?itin ; par
mes réponses à ces causes d’àppèl , j’ai pris acte de cet
aveu. J ’avois donc encore des immeubles : tous mes im'
4
*
.
meubles n’étoient donc pas fondus dans l’appréciation de
ma dot à la somme de, 27,000 fr. V o y . page 41 recto,
in fin e , et verso.
,
T-»
' •' •
'
‘' '
Enfin , perdrois-je mon procès sur la maison à Cosne ,
et sur la maison de jardinier, à M ou lin s, le cit. Prost
Dy gag neroit absolument rien ;b ien incontestablement il
me d o it , et me devra sans doute toute sa vie la somme
de 14,800 fr. Dans son précis ypage 5 4 , il dit : L a petite
m aison située dans le village de Cosne est tout au
plus en valeur de 1,000 f r . L a petite m aison située
au dehors de M o u lin s , q u i n e s t q 11 une petite m aison
de ja r d in ie r , ensemble le ja rd in , sont tout au plus
en valeur de 3,000.
l i é bien , en jugeant le citoyen Prost par ses propres
paroles , de son calcul il résulteroit un total de 4,000 fr.
Il m’en doit 14^800 fr. il seroit donc mon reliquataire
de 10,800 fr. que dès ce moment je regarde comme
perdus. Il suit delà q u’il 11’aaucun intérêt à faire juger que
ces deux immeubles lui appartiennent, parce que s’ils m ’échappoient par désistement, je les retrouverois bien par le
�( 4* )
moyen de l’expropriation forcée. J e n’y verrois que l’in
convénient des frais q u i, tout le monde le sait, sont
énormes.
'
) is!
<*'M ff*’ t-
•
• •.
‘ 11• ' i '
■o;
•;i )
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , sur le m ém oire cidessus et les pièces de l’affaire,
,
’
E s t i m e que la dame Bantin. ne doit pas avo ir d’in
quiétude sur l’événement.
T o u t odieux qu’est aujourd’hui le d iv o r c e , il ne doit
pas influersur le jugement à intervenir. i° . L a demande en
séparation de corps et de biens, formée par la dame Bantin,
peu après son mariage avec le citoyen Prost (en mai 1788
annonce une conduite peu convenable de la part de ce
dernier. Ordinairement une femme ne prend cc moyen
extrême j que paix:e qu’elle y est forcée par les excès de
son mari. L e départ du citoyen P ro st, en 1 7 9 1 , pour les
armées: un homme marié âgé de près de quarante ans,
qui abandonne ainsi son épouse, son état et scs affaires;
q u i place le soin d e ses intérêts en des mains é tra n g è re s ;
qui réduit sa bienfaitrice à la très-dure nécessité de de
mander des aliinens en justice. T o u t cela excüseroit la voie
du divorce dans le temps ou celle de la séparation de corps
étoit ôtée : d’ailleurs il faut bien croire que la dame Bantin
dit en bonne f o i qu’elle fera convertir soh divorce cri
séparation de corps, si jamais une loi tant désirée, tant
sollicitée, en donne la faculté. Elle n’a pas d<S raison pour
ne pas le faire ; plusieurs, vivement senties, 1 engagent au
�( 47 )
contraire à user de ce rem ède. 2°. Quoique le divorce
semble enfin réprouvé comme étant une erreur politique,
les tribunaux doivent o u b lier, doivent n’avoir pas su que
la datne Bantin*est divorcée , parce que les magistrats ne
partagent pas lès affections plus ou moins désordonnées
des plaideurs : ainsi donc cette dame ne doit pas être
effrayée par tous les reproches'de son mari." Des repro
ches ne sont pas des moyens.
'•«
§• I erI
, *■
Sur Vappcf
• ■
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4 yi jugem ent
.
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.
du 9 août 170)2 ^ la dame
Bantin a c}épipi?,tré(qu’a.Vijourd’huij cette partie de la cause
n’a plus_d’objet
iÇ^l^'.iîn,partant des principes trèsvrais en point de drpit , quelle mari^doit lo ger, n o u rrir,
et entretenues;? femn¡ie (1) ^ e tq u ’une femme en puissance
dpi mari nç peut ,1’icn faire qui puisse conduire à l'alié
nation de ses biens dotaux envers son-m^ri (2)., La dame
Bantin devant .être*nourrie, et entretenue par son mari»
ç
»■
r j
• »<
r
*î
, ( 1 ) Tous nos livres, et la jurisprucienc^ constante des tribubaux, ont’depuis long-temps proclamé-cÊttc ié r iié .
1
0 ' 'V . -;»•
■•[/’ *•[
(2)
L article C C X X V l de la-icdutiunë du Bourbonnais^régis
sant les parties, porte : « L e m ari , durant le mariage, ne 1peut
«fa ir e aucune association, donation ou autre contrat avec sa
« femme. » C e tte disposition’s’applique tant aux contrats directs
qu’aux contrats indirects; Cüm¡ dit la ri-g^e de d ro it, 8 4 , in^G,
quod,iuiâ viàprohibetur alicui ?âd hoc al/d vid non \lcbct admitti.
t n coutum e dè 'BourbáHíiaisy une fcinni'e petit'bien aliéner
scs bicins dotaux-; niais-,1dit* M. le président'Dùrei, il faut qu’elle
n J soit pás forcé«} : Miïlicr'phtnè'tnajor} non ri aut minis maritalibus coacta.
' î*
�(
.4
8
)
celui-ci né le faisant pas, il en résultèrent une sorte de
violence. Si elle étoit obligéefde faire raison de ce qu’elle
a: reçu à. titre de pension ^alimentaire, et de l’irnputer
sur la restitution de sa . d o t i l s’ensuivroit une aliéna
tion de ses biens dotaux ; il s’ensuivroit que la darae
Bantin auroit été v i et m inis rnaritalibus coacta. A u
reste il est tout naturel que la femme vive aux dépens des
revenus de ses biens dotaux. L e mari n’a ces revenus qu’à
la condition de fournir à sa femme les moyens d’exister ;
s’il ne le fait p as, la femme est en droit de l’y contraindre ,
d’abord jusqu’à l’épuisement absolu de ses revenus; elle
peut même toucher aux revenus d u ’mari. Dans l’espèce,
de l’aveu du citoyén P ro sty il avoit reçu un capital de
27,000 francs, donnant un intérêtannuel de i , 35o francs:
il n’est donc pas inconvenant que l’on ait adjugé à la
dame Bantin une pension alimentaire de 1,200 francs.
P o u r ce qui est du taïoyen ùltrà pet ¿ta, em ployé p arle
citoyen P ro st,1 il n’existe pas; i l 1 est dém en ti, et par la
demande de la dame B a n tin , qui s’élevoit à 1,800 fr.
et par le jugement qui n’a accordé que 1,200 fr. L a dame
Bantin réclainoit 5oo f. pour frayera ses emprunts, depuis
le départ de son mari ; le jugement n’a adjugé que 349 f.
pour cela et les irais.
S- I I .
L ’appel du jugement du 29 thermidor an 2 , n’est pas
considérable, ce jugement n’étant que provisoire. Toute
la difficulté roule aujourd’hui sur le définitif. Ilseroit puéril
de discuter sur le provisoire, quand on a à juger ledéiiuitif.
Il est pourtant vrai que ce jugem ent a autorisé la
darne
�C 49 )
dame Bantin à jouir provisoirement des immeubles à elle
appartenans ; et que s’il venoit à être jugé que ces im
meubles sont au citoyen P r o s t, c e lu i- c i se croiroit en
droit d’en demander les jouissances à la dame Bantin.
M ais, i° . ces immeubles se réduisent à une maison à
Cosne, et à une maifo:i à M oulins: le citoyen Prost les
- apprécie ensemble à la somme de 4,000 fr. Plus bas, il
sera prouvé que ces deux maisons n’ont jamais cessé
d’appartenir à la dame Bantin.
2°. Ces jouissances, s i elles étaient dues au cit. P r o st,
ne pourroient remonter qu’au jugement du 29 thermidor
an 2. L e jugement du I er. frimaire an 8 n’adjuge à la
dame Bantin les intérêts de sa d o t, q u’à compter du I er.
pluviôse an 7 , date de la renonciation de la darne Bantin
à la communauté. Il suit de là qu’il y a eu compensation
pour tout 1antérieur au ie>‘. pluviôse an 7. Jusqu e-là,
tout avoit été confondu.
E n v a in , le citoyen Prost o p p o s e - t - il que la dame
Bantin n’a pas appelé du jugement du
I er.
frimaire an 8
,
en ce qu’il n’adjuge les intérêts et la dot qu’à compter du
I er
pluviôse an 7. D ’une p a r t , la daine Bantin n’a pas
réclamé contre cette disposition, parce qu’elle a pensé et
dû penser que tout l'antérieur au I er! pluviôse an 7 ,
étôit fondu respectivement. S i a u j o u r d 'h u i le citoyen
Prost vouloit et pouvoit revenir contre, il faudroit au
moins que la chance fût égale. D ’un autre c ô t é , si la
dame Bantin étoit obligée de r e n d r e compte des jouis
sances , il seroit bien juste que, jusqu’à concurrence, elle
compensât les intérêts de sa dot , parce qu’il n’y auroit
G
�0 50 )
aucune sorte de m o tif, pour que le citoyen Prost retînt
en pur gain ces intérêts.
§.
III.
L e citoyen Prost est indubitablement non recevable et
mal fondé en son appel du jugement du ier. pluviôse
an 7-., donnant à la dame Bantin acte de sa déclaration
q u’elle renonce à la com m unauté, et que cette renonciation
n’est pas faite en fraude des créanciers.
i°. L e citoyen Prost est non recevable, parce qu’il a
fait signifier ce jugem ent, et a sommé la dame Bantin d’y
satisfaire. O r , en droit et en jurisprudence, l’on tient pour
certain qu’une partie qui a fait la signification d’un juge
m ent, en approuve par cela même les dispositions.
Il est pourtant vrai qu’après la sommation de satisfaire
aux dispositions de ce jugem ent, le citoyen Prost a ajouté,
s o u s t o u t e s r é s e r v e s . Mais d es r é s e r v e s banales ne suffisent
pas pour dire utilement que l’on n’approuve pas un juge
ment que l’on signifie avec sommation d’y satisfaire. Mais
les mots, sous toutes réserves, ne se rapportent pas à la
renonciation de la dame Bantin. Ces mots ont un tout autre
sens. L e jugement ordonnoit que la dame Bantin donneroi t, dans deux décades, état des meubles et effets existans
lors du départ du citoyen P ro s t, ainsi que des sommes
touchées par la dame Bantin, s a u f le contredit du citoyen
P r o s t. L e citoyen Prost somme la dame Bantin de satis
f a i r e a u x dispositions iC icelu i, dans les temps y portés,
a u x peines de d r o it, et sous toutes réserves : cela veut
�( 5i )
dire que s i , dans les deux décades, la dame Bantin ne
fournissoit pas l’é t a t , le citoyen Prost se réservoit de
demander contr’elle l’application des peines de droit; cela
veut dire que si la dame Bantin fournissoit cet é ta t, le
citoyen Prost se réservoit de contredire cet état. Après
les m ots, a u x'p ein es de d r o it, vient la conjonction e t ,
qui les lie ù c e u x , sous toutes réserves : en sorte que
le tout ne forme qu’un m ême membre de phra&è. C e
m em bre se rapporte à ce qui précède; il se rapporte à
l ’exécution ou non exécution de la disposition qui oblige
la dame Bantin à fournir l’état.
2°. L e citoyen Prost est non recevable en son appel,
pour ne l’avoir pas interjeté dans les trois mois de la
signification de ce jugement (i). La signification est du
13 pluviôse an 7 , e tNfappel n’est que du I er. germinal
an 8 : d’une époque à l’autre, il y a plus d'un an.
Nous-pensons que le citoyen Prost e rr e , en soütenant
que ce jugement n’est que préparatoire pour la partie qui
donne acte de la renonciation ; il al beau dire qu’il ne juge
pas la validité de la r e n o n c ia t i o n q u ’il ne juge pas que
la dame Bantin n’est pas com m un e, et qu’il en est ici
comme d’un jugement qui auroit donné acte d'offres
réelles, et permis de lesl)consighèi\1
U ne renonciation faite à la, com m unauté, se réduit
I j* '
un seul acte; il n’y a rien,de préliminaire. Quand la renon
ciation est faite contradictoirement, avec la partie inté—
*
— ----------- :-----Tr---------ï
‘
( 1 ) L ’article X I V du .titre V do Ia'Ioi du 24 a o û t 1 7 9 0 , no
dourïe que c e délai p o u r les jugemefls co n tra d icto ire s: celui en
question est dans c e tte classe.
■
v :;.A .
G 2
�(5 0
ressée, qui ne réclame pas contre, tout est consommé ; il
n’y a pas à revenir. L a renonçante déclare publiquement,
et à l’audience , qu’elle ne le fait pas en fraude ,des créan
ciers : cette déclaration est une espèce de serment. Quand
la partie contraire laisse venir les choses jusque-là, ce
doit être le'terme de toute discussion sur ce point.
Entre ce cas et celui des offres, il n y a pas d’analogie
exacte-,Après la réalisation et la.consignation des offres,
reste à en jugçr lar Validité, parce qu’une règle expresse
le i commande’ ainsi. ÎVlads■
l’article C C X L V de la coutume
de Bourbonnais, qui prescritiles conditions nécessaires à
line renonciation, ne dit pas cfu’après qu’elle aura-été
fait q ju d icia irem en t avecjles-héritiers du défunt,iceux-ci
auront le pouvoir de h* çbmbattre (ï).
'
-. ^y.
P o u r q u o i cette loi e x i g e '- t - e lle que les héritiers du
défunt soieat présens ou appelés ? C ’est afin que ceux-ci
contredisent à l’instant la renonciation, ou tout au moins
se réservent la fqcylté:.de la contredire d a n s la suite. S’ils
.ne le fqiit pas d e suite, ou s’ ils, ne se réservent pas le
droit d,e le faire ultérieurement; s’ils laissent dire que la
______
) 1 * y *:f ‘
»
.
(i) Art. CCXLV de la ççiutumCjde Bourbonnais: Et doit f a i r e
la renonciation judiciellem en t dedans quarante^ jours, (,depuis,
l'ordonnance’ de, 1667. a étendu ce délai à( trois niois pour faire
'invcntJiirè, et quarante jours pour délibérer ), après qu’elle aura
su le trépas dé son mari ; appeler pour ce fa ir e les héritiers apparens du trépassé , s’ils sont demeurans en la justice en laquelle le
défunt étoit domicilié eni Bourbonnais au temps dudit1trépas ,*
et 11 f a u t e desdiis.- héritiers , 1appeler le prvciirèur de la ju stice
dudit lieu où le trépassé ètoit domicitiéi
.
.
•
�( 53 )
renonciation n*est pas faite en fraude; par leur silence,
ces hértiiers en avouent la sincérité. Q u i tacet consentire
videtur.
Les dispositions pénales ne se suppléent pas. Quand il
n’en est pas dans le tçxte d’une lo i, il n’est pas permis
d ’y en insérer ou d’en induire. Jean Decullant, sur 1 ar
ticle Ç C X L V de la coutume de B o u r b o n n a i s , dit : Statu ta
sunt stricti j u r i s , quibus non licet quidquam addere vcl
detrahere. L a coutume ne disant pas que la r e n o n c i a t i o n
faite pourra être ensuite :contredite, on ne le peut pas
après c o u p , parce ,que ce seroit addere.
i
Ici le citoyen Prost a<-.vu faire la renqnciatiopr.de la
dame Bantin ; il n’a pas réclamé : par son silence il y a
consenti. Il a ensuite fait signifier le jugement qui l a
recueillie ; il n’a pas protesté contre la renonciation : il
l a d o n c approuvée. L a fin de non recevoir nous paroit
invincible.
,v
'
3°. lies moyens qu’oppose le c i t o y e n P r a s t contre
la régularité de là renonciation de la dame Ban tin, ne
sont pas justes. Elle a été faite judiciairement et'contra*
dictoirement avec lui-mcme ; i l etoit la seule partie inté
ressée : par là tout ce que prescritM ’art. C C L V de
la coutume de Bourbonnais a été exactement observé.
Il'hte fnlloit pas que le commissaire d-u gouvernement ?
(représentant aujourd’hui l’ancien p r o c u r e u r de la justice);
ne falloit pas, disons-nous, que le commissaire du gou
vernement fut ouï dans l e j u g e m e n t du i e i . pluviôse
il
an 7. Sa présence et s e s Nç o n c l u s i o n s n auroient <5té rjg011”
reusement n é c e s s a i r e s , q u e dans le, cas où le cit. PipsÇ
auroit fait défaut; et .à f a u t e desdits h é ritie rs, dit far-
�( 54 )
tîcle C G X L V de la coutume de Bourbonnais , appeler le procureur de la ju s tic e ; et si les héritiers sont
présens ou appelés , point de commissaire , parce que
cette loi ne l’exige c\\xàjhuta desdits héritiers.
Peu importe qu’A u ro u x dise, n. 17 : « Mais l’usage est
•• v que la veuve fasse cette renonciation judiciairement ;
« et q u e , su r la réquisition du procureur du r o i , elle
« prête serm ent q u elle ne la f a i t pas en f r a u d e des
a créanciers, a
I c i , A u ro u x ne parle que d’usage ; et un usage ne sauroit l’emporter sur la loi ( I ). Q u ’avant la révolution ,
certains-procureurs du r o i , voulant étendre leurs attri
butions , aient exigé que cela fût ainsi ; cela est indifférent
aujourd'hui. Qu^avant la révolution, les veuves embar
rassées d’assigner des héritiers souvent éloignés; que pour
a b ré g e r, l 'o n se soit contenté di faire la renonciation avec
le procureur du ro i; cela pouvoit avoir quelqu'avantage:
mais cela ne dit pas q u e , même avant la r é v o l u t i o n , une
renonciation ne s c r o it p a s r é g u l i è r e , par cela seul qu elle"
n ’ a u r o it été faite qu’avec les héritiers appelés, et sans la
présence dp procureur du roi. Quand une loi laisse l’alter-
(1) A van t lu i, M . François M enudcl avoit dit qu'on n’appeîoit plus les héritiers, mais seulem ent le procureur du roi: Q uod
non obscn>amiis \ dit-il >sed p cssim è, hœc enim statuti solem nitas
est loco fidclis inventivii desiderati à consuctudiiie parisiensi.
Prcvses noster, dit M . Sem in, en parlant du président D u re t,
liane solem nitatcm , ut hœredcs roccntur, rcso hit esse neccssarià
requisitam, quant tamen non 'o}>sëri>\imus, et sufficit lume reniaitiationem fieri in ju d ic io , procuratore regio aut jis c a li prccscntc.
�,
Ç 55 )
native de deux formalités ; q u a n d , pendant deux
siècles on ne se seroit servi que d’u n e, cela n’empêcheroit pas qu’au bout de ces deux siècles, l’on ne pût
très-bien user de l’autre qui auroit été oubliée.
A u reste , voudroit - on que l’usage eut prévalu ; ce
seroit un abus qu’il faudroit c o r r ig e r , parce qu’on ne
prescrit pas contre la disposition des lois. Depuis l ’or
donnance de 1 6 6 7 , les cours souveraines avoient bien
reçu pendant trente ans les oppositions aux arrêts par
d éfa u t, faute de comparoir. Les nouveaux,tribunaux ont
ravivé la force de cette ordonnance, et après la huitaine,
fin de n o n . recevoir. P a r parité de raison , il faudroit
revenir à l’art. C C X L V de la coutume de Bourbon
nais : les premiers juges s’y sont conform és; la renoncia
tion est donc régulière.
Il est bien vrai que la dame Bantin n’a pas renoncé
dans les trois mois et quarante jours accordés par l’ordonnance de 1667. Il est encore vrai qu’elle est nantie des
meubles meublans étant dans le domicile des parties à.
Moulins. Dans ce se n s, on pourroit d i r e , que s’étant
écoulé cinq a n s , entre son divorce de l’an 2 , et sa re
nonciation de l’an 7 , les choses n’étoient plus entières.
M ais, d’une p a rt, les parties se trouvoient dans une
position singulière. L e citoyen Prost étoit aux arm ées,
et la dame Bantin à Moulins. L e citoyen Prost n’étoit
pas i\ M oulins, pour prendre les meubles meublans do
la maison de Moulins.
D ’un autre cAté , ces meubles étoient une partie de
ceux que la daine Bantin n v o i t apportés en mariage au
citoyen Prost j ils lui étoieut dotaux ; ils lui appartenoient;
�C
)
clic avoit droit de les reprendre; elle en étoit saisie dë
plein droit (i).
1
_
L e citoyen Prost compare une femme commune pré
som ptive, à un héritier présom ptif: mais l’argument sè
rétorque contre lui-même. En effet, si en droit on d it ,
Sem el hceres, semper h œ r e s, l’on dit aussi que l’addition
d’hérédité plus est a n im i q u à m fa c ti. Si une femme n’agit
pas expressément comme com m une; si elle a tout autre
titre, on ne peut pas en induire une addition de com
munauté.'
'
O r , la dame Bantin n’a jamais agi comme com m une;
elle a agi seulement comme créancière; puisqu’en l’an 3
elle a fait saisir et vendre les meubles que le cit. Prost
avoit à Bourbon-l’Archam baud ; puisqu’en l’an 6 elle a
fait vendre d’autres effets mobiliers dans la maison de
Moulins. Elle n’avoit donc pas' intention d’être commune.
Mais quand la dame Bantin seroit commune , quel
profit en tireroit l e c i t o y e n P ro s t? En cette qualité, elle
ne seroit pas tenue des dettes de la communauté au delà
de la valeur de ce qu’elle y auroit pris. T e l î j est la dis
position de l’article C C X L I I de la coutume de B o u r
bonnais, de l’article C C X X V I I I de celle de P a ris, et de
l’article C L X X X V I I de celle d’ Orléans.
E n fin , un moyen péremptoire résulte du contrat de
mariage d’entre les parties; elles y ont stipulé qu’en cas
(1) A rt. C C X L V 1 I de la co u tu m e de B ourbon nais: « L a prov prié té des biens dotaux retourne à la fem m e ou à ses héritiers,
a le mariage d isso lu , et en est ladite fem m e saisie et en posu session, o u scs héritiers, $ans autre appréhcnsioij de fait. »
de
�( 57 )
tle non enfans, au décès de l’une d’elles, tous les profits
appartiendroient au citoyen Prost.
Ici même position , même raison que s’il y avoit décès,
puisque l’art. I V du §. III de la loi du 20 septembre 1792
veut que les parties soient réglées de même (1).
Ici la convention e st, qu’en cas de non enfans, toute
la communauté appartiendra au citoyen Prost. Il n’y a
point d’enfans ; tout est donc à l u i , et alors il ne falloit
pas de renonciation de la part de la dame Bantin : elle est
surabondante.
L e citoyen Prost ne peut pas dire qu’il veut admettre
la dame Bantin à la communauté : la clause du contrat de
mariage doit être exécutée, par cela seul qu’elle est écrite. Il
doit ici y avoir égalité de conditions. Si la dame Bantin
v o u lo it, contre le gré du citoyen P ro s t, participer à la
com m unauté, il la repousseroit par la clause du contrat
de mariage, s i p a r i, la dame Bantin peut s’abstenir
d’entrer dans la communauté , et cela en vertu de la m êm e
clause. En dernière analise , sa renonciation est redon
dante : il n’y a donc pas d’utilité de s’occuper davantage
des moyens de régularité ou d’irrégularité de cette renon
ciation.
(1) A rt. IV du §. III : « De quelque manière que le divorce
« ait lieu , les époux divorcés seront réglés, par rapport à la com« m unautéde biens, ou à la société d’acquêts qu» a existé en lr’eux,
« soit par la lo i , soit par la convention, comme si l'u n d ’ e u x
* était décédé. »
II
�' L e jugement du 22 prairial an 7 n’a jamais p résen té,
et ne présente pas surtout aujourd’hui un grand intérêt.
L a dame Bantin y a obten u, il est v ra i, main-levée défi
nitive des saisies-arrêts faites comme de ses b ien s, à la
requête du citoyen P rost; mais ce jugement a encore été
exécuté, et c’étoit vraiment le cas d’une main-levée défi
nitive et non d’une main-levée provisoire. L e cit. Prost
n’avoit aucun titre pour saisir et arrêter. Il est bien v r a i,
comme il le dit, qu’il avoit le contrat de mariage de 1787 :
mais ce contrat étoit contre l u i , puisqu’il le constituoit
débiteur de 27,000 fr. envers la dame Bantin : il étoit déjà
établi qu’il ne pouvoit qu’être redevable en définitif.
L e citoyen Prost ne pouvoit pas se dire commun avec
la dam eBantin, puisqu’il y avoit, de la part de cette der
n ière, renonciation à la c o m m u n a u t é ; puisqu il y avoit
toute cessation de com m un auté, au moyen du cas de la
dissolution du mariage sans enfans.
Il faut pourtant convenir q u e , pour raison des meables de la maison de M o u lin s, pour raison de tous les
effets dont la dame Bantin a fourni état devant les pre
miers juges, le citoyen Prost avoit une action contr’elle:
mais c’éloit une simple action 5 mais cette simple action
ne lui donnoit pas le droit de saisir et arrêter des biens
de la dame Bantin. P ou r pouvoir faire une saisie-arrêt,
il faut ou un titre exécutoire, ou tout au moins une ordon
nance de ju g e, et le citoyen Prost u’avoit ni l’un ni l’autre.
En eet état des choses, les premiers juges ont v u , d’ un
�( 59 )
cô té , la dame Bantin créancière de 27,000'fr. en vertu
de son contrat de mariage ; e t , d’un autre c ô lé , le citoyen
P ro s t, sans autre qualité que celle d’ un demandeur tracassier et de mauvaise foi. Ils ont dès-lors dû donner, et
ils ont donné main-levée définitive des saisies-arrêts: en
cela ils ont parfaitement bien fait.
A u reste, le citoyen Prost a acquiescé à ce jugement, en
fournissant ses contredits à l’état de la dame Bantin; il ne
sert à rien qu’il dise qu’il étoit obligé à donner ces contre
dits : mais au moins il devoit protester contre la main
levée définitive des saisies-arrêts. A u lieu de protester, il
a acquiescé purement et simplement, en obéissant au juge
m ent; il a persisté dans son acquiescement, puisque lorsqu’après coup les parties en revinrent à l’audience , il ne
dit mot contre cette main-levée.
§ V.
L e citoyen Prost est incontestablement non recevable
en son appel du jugement du 28 thermidor an 7 , et quant
aux papiers, et quant à la bibliothèque et à la pharmacie,
- ( dans la pharmacie sont compris tous les instrumens comme
en dépendans ) : il est non recevable, parce que ce juge'm ent l’a débouté de ces deux chefs de conclusions, à la
charge par la dame Bantin d’affirmer ; parce qu’il a laissé
faire l’affirmation, le 16 pluviôse an 8 , et que son appel
n a été interjeté que le premier germinal suivant, c’est-àd ir e , quarante-cinq jours après l’affirmation (1).
(1)
M . D o m a t, en scs lois civiles, üv. III, lit. VI", scct. VI, d it:
« Lorsqu’ une partie, ne pouvant prouver uij fait qu’elle avance, s’en
II 2
�( ¿0 )
L e serment a été ordonné le 28 thermidor an 7 ; le
jugement est contradictoire : il a été signifié au citoyen
« rapporte au serment de la p a r tie , ou que le ju g e défère le
« serm ent, celu i à qui il est déféré, ou par le ju g e ou par sa
« partie, est tenu de jurer. »
A l’art. V I', le m êm e auteur dit : « Lorsque le serment a été
« déféré à une partie et qu’ elle a ju r é , il sera d é c isif ; car c ’ éto it
« pour décider que le serment a été déféré. A in s i il aura autant
« et p lu s de fo r c e qu'une chose ju g é e , et fera le même effet
« qu'un p ayem en t, si celui à qui on demandoit une somme jure
« ne rien d evo ir, ou qu’ une transaction, si c’ étoit un différent
« d une autre nature. » Sur ce p o in t, M", R om at nous renvoie
à la loi 2 , ïï. de jurejurando. Jusjurandum speciem transactionis
co n tin et, majoremque hahet auctoritatem quàm res judicata.
P ige a u , en sa procédure, c iv ile , liv. I I , part. I I , lit. I I , ch. I ,
en parlant des effets du serment ju d iciel, dit : « On ne peut ad« ministrer contre ce serment aucune des preuves que l ’ on a lors
«
«
«
«
«
«
de sa prestation, parce qu’en laissant affirmer sans en u s e r ,
c’est y re n o n cer, à moins qu’on ne veui l l e dire qu’ on a caché
les preuves p o u r déni grer so n adversaire. Lorsqu’ on a à se
plaindre de la sentence qui défère le serm ent, et qu’ on a eu
le temps de prendre un, parti entre cette sentence et l'affirmation ; si on ne l ’ a pas f a i t , on ne peut p lu s appeler. En l a i s î
« S A N T A F F I R M E R , ON A A C Q U I E S C É AU J U G E M E N T QUI
«
d o n n o i t
.
L’oR-
» E t Part. V du tit. X X V I I de l'ordonnance de 1667,
m et au nombre des sentences qui doivent passer en force de
chose jugée , celles auxquelles les parties ont acquiescé.
R e n iza rt, verho S E R M E N T , d it, a. i 5 : « (^uand le serment
« déféré par le juge est f a i t , il a la force de la chose jugée. »
E t n. 18 : « S ’ il y a un intervalle entre le serment ordonné et
« la réception, il y a f i n de non recevoir contre l ’ appel interjeté
« après le serm ent, parce que l’appelant pouvoit suspendre le
« serm en t, en signifiant son appel avant l’affirm ation faite. »
�( 6 i )
Prost le 4 pluviôse an 8 ,- avec assignation au 1 6 , pour
voir faire l'affirmation. L a citoyen Prost connoissoit ce
ju g e m e n t, puisqu’il y a été ouï. D u ¿8 thermidor an 7
au 4 pluviôse an 8 , date de la signification , le cit. Prost
a eu un intervalle de plus de cinq mois. D u 4 pluviôse
an 8 au 16 du même m o is , le citoyen Prost a eu un délai
de douze jours. Il a donc eu un temps suffisant pour
prendre un p a rti, pour interjeter appel. L e jugement de
thermidor an 7 a donc passé en force de chose jugée.
Dans tous les temps les tribunaux ont toujours eu le
plus grand respect pour le serment même judiciel; l’idée
du parjure est révoltante. Tou s nos livres sont pleins
de préjugés où il a été prononcé par fin de non rece
voir contre l’appel en pareil cas. Il n’y a eu que quelques
exceptions infiniment rares; ces exceptions ont eu lieu
lorsque l’on a acquis, depuis le serment, des preuves de
sa fausseté j des preuves retenues p a r le J a i t de la p a rtie
q u i a affirm é, et cela, par argument tiré] de l’art. X X X I V
du titre X X X V de l’ordonnance de 1 6 6 7 , permettant
le pourvoi en requête civile pour cause de pièces recou
vrées depuis le serm ent, et retenues p a r la partie.
Mais il n’est jamais arrivé que l’appel ait été r e ç u ,
lorsque l’appelant s’est présenté seulement avec les pi-euves
qu’il avoit déjà au temps du serment reçu.
I c i, le citoyen Prost ne se présente pas avec plus de
preuves qu’il n’en avoit en cause p r in c ip a le , avant l’af
firmation ; il ne se présente pas avec des preuves rete
nues par la dame B a n tin .
Par rapport aux papiers, devant les premiers ju ges,
le citoyen Prost n’a offert aucune preuve écrite de faits
�(60
de soustraction de la part de la dame Bantin. D e 1 analise du jugement du 28 thermidor an 7 , il resuite merae
que le citoyen Prost ne s’cst soumis a aucune preuve
testimoniale.
Aujourd’hui le citoyen Prost demande d’éfre admis
à prouver q u i l avoit laissé dans sa m aison des p ap iers,
et que la dame B a n tin s'en est emparée.
i ° . C e tte p r e u v e n ’ est p as c e lle d ’un fa it n o u v e a u ; il
la
dam e
B a n t i n ; ce n ’est p a s u n e p r e u v e re te n u e p a r la
dam e
devoit
s’y
s o u m e ttre
avant
l ’a ffirm a tio n
de
B a n t in : p a r c e tte r a is o n , il est n o n r e c e v a b le à la p r o
p o s e r e n ce m o m e n t ; il y v ie n t b e a u c o u p tr o p ta rd .
2°. F ru strà probatur quod probatum non relevât.
L ’article I er. du titre X X de l’ordonnance de 16 6 7 , dit:
« V o u lo n s que les f a i t s q u i gissent en preuves, soient
succinctem ent articulés. »
L ’article X L I I de celle de 1 6 3 9 , veut %ue lesf aits
soient positifs et probatifs.
L ’on ne doit p a s s’ a rrê te r à des allégations vagues.
P a r faits p r o b a t if s , l ’ o n e n te n d it to u jo u r s d es faits b ie n
c i r c o n s t a n c i é s , des faits c o n c lu a n s.
I c i , rien de plus vain que la preuve que demande à
faire le citoyen Prost ; elle faite, il seroit impossible
de juger.
E n effet, supposons que le citoyen Prost eût prouvé
qu’ il a laissé des papiers : quid indè ? La dame Bantin
a déclaré dans son état du 30 pluviôse an 7 ; cette d am e,
disons-nous , a déclaré que dans la chambre de la cour
il y avoit un sac contenant des papiers : en sorte que 1 en
quête du citoyen P rost, conduiroit seulement a la preuve
�(¿3
)
d’un fait avoué ; et f r u s t r a probatur quod probat uni
non relevât.
Considérons ensuite la conduite du citoyen Prost, lors
de son départ. Il enferme des papiers dans un porte-man
teau, et le confie à son ami M auguin.C e trait prouve sa
grande méfiance pour sa femme. U n homme qui en
agit de la sorte , fait cr o ire , et tout le monde doit cr o ire ,
que le citoyen Prost a renfermé dans son porte-manteau
tous les papiers en valeur, et que dans le sac étant dans la
chambre de la co u r, étoient tous les insignifians.
Comment ensuite le citoyen Prost ose-t-il demander,
i°. les papiers de la créance M o re a u ? lui qui a touché
toute cette créance, suivant son reçu du 27 mars 178 9 ;
20. les papiers de la créance Lamoureux ? liii qui l’a
reçue, suivant une déclaration de L a m o u re u x , ep date
du 25 t h e r m i d o r dernier; 3 0. les papiers de Jean-Baptiste
Bantin ? lui qui les a en sa puissance. L e co n seil, sous
signé les a vus dans le dossier' du citoy en P r o s t , lorsqu il en prit com m unication pour répondre a u x causes
d'appel de ce dernier. D ep uis, ces papiers ont disparu;
nous ne les avons plus retrouvés, lorsque nous avons
pris une seconde communication de ce dossier. On con
çoit bien comment la chose s’est passée. Dans l’écriture
du 26 ventôse dernier, nous avons r e p r o c h é au citoyen
Prost qu’il demandoit ces papiers, et qu’ il les avoit dans
son dossier ; nous les avons signalés, de manière qu’il
sentit bien toute la force de l’a r g u m e n t . L ’on a envoyé
ou remis au citoyen Prost la c o p ie de cette écriture; il l’a
lue. Il a fouillé dans son d o s s i e r , et en a retiré les pa
piers de Jean-Baptiste Bantin, sans en faire la confidence
�( 6 4 ) ;
h personne. L ’auteur du précis imprimé n’a pu dès-lors
les voir, aussi n’en a-t-il pas dit un mot.
Ces traits de mauvaise foi de la part du citoyen Prost,
produisent le plus mauvais effet contre lui ; joints à
d’autres circonstances relevées par la dame Bantin, et
superflues à rappeler ic i, il s’ensuit que le cit. Prost
mérite toute ¡’animadversion de la justice. Il est pourtant
bon de faire ressortir encore le fait de la lettre de la
dame Bantin au cit. Mauguiu.
L e citoyen Prost la présente avec la date du 3 nivôse
an 6 , tandis qu’il est apparent qu’elle étoit du 3 nivôse
an 3. L e chiffre 6 , couvrant celui 3 que l’on entrevoit
encore, est un faux matériel.
Quelle raison a - t - o n cru avoir pour commettre ce
faux ?
L a dame Bantin avoit fait, le 12 brumaire an 3 , une
saisie-arrêt ès mains du cit. Mauguin comme des b ie n s
du citoyen Prost ; elle demandoit au cito ye n Mauguin
une d é c la r a tio n a ffirm a tiv e . C e lut dans cette position ,
que le cit. Mauguin donna des explications par lesquelles
il indiquoit l’emploi de 5,000 francs assignats. Ce fut
dans cette position, que la dame Bantin écrivit la lettre
du 3 nivôse an 3.
L ’on a mis la date de l’an 6 , pour l’éloigner de l’époque
de la saisie-arrêt et de la demande en déclaration allirm a t iv e , pour donner une apparence de justesse aux
inductions que le citoyen Prost tire de ces mots : V o u s
w ’avez f a it un compte p a r lequel vous m 'avez trouvé
ïem p lo i de 5,000 f r . q u i étoient entre mes m ains.
M ais, en rétablissant les choses dans leur état v ra i,
en
�( 65 )
en restituant à la lettre sa date du 3 'nivôse an 3 , en
la rapprochant du fait de la saisie-arrêt de la dame
Bantin, le manège du faussaire est en défaut.
En analisant cette lettre, on y trouve deux choses bien
certaines : l’on y tro u ve, en premier lieu, que la dame
Bantin y avoue avoir reçu du citoyen Mauguin desassinats ; mais elle ajoute en même temps : L orsqu e vous
n i en avez d o n n é , vous n i avez chargé d'en fa ii'e X em
ploi p ai' différens payem ens que vous n i avez in d iqu és;
c e q u e f a i f a i t dans les temps , dont je vous a i remis
l e s r e ç u s o u q u i t t a n c e s . Ceci signifie que les assi
gnats donnés par le citoyen Mauguin à la dame Bantin ,
n ’étoient pas pour cette dernière ; ils étoient pour toutes
autres personnes indiquées par le citoyen Mauguin. L a
daine Bantin a suivi ces indications ; elle a p a y é , elle
en a remis les quittances ou reçus au citoyen Mauguin.
.Cette partie de la le ttré n e p r é s e n te a u tr e c h o s e q u ’ u n e
déclaration de la part de la dame Bantin; déclaration qui
suivant les principes ne sauroit etre divisée.
• E n second lieu , on voit dans cette lettre que la dame
Bantin dit au citoyen M a u g u in , que celui-ci lui a fait un
compte par lequel le citoyen Mauguin lu i a trouvé Rem
p lo i de 5,ooo f r a n c s qui étoient entre les mains du
citoyen Mauguin. En cet endroit de la lettre il paroît que
le citoyen M auguin indiquoit le livre journal de la dame
Bantin; mais celle-ci rép o n d , I l me seroit im possible d'y
trouver, ceci ne me concernant pas personnellement.
Ces mots intéressans dans la cause, ceci ne me concernant
pas personnellem ent, signifient que tout cela étoit étran
ger à Ici dame Bantin ; mais cela ne dit pas qu’elle a
I
�C 66 )
touché les 5,ooo francs, et cela suffît dans les circonstances.
Quant aux actes sous seing p riv é , constatant qu’avant
le mariage , la dame Bantin a fait cession et subrogation
de ses biens meubles et immeubles au citoyen P ro s t,
la dame Bantin doit en être crue en sa dénégation;elle
a affirmé devant les premiers juges qu’elle n’avoit pas
d’autres papiers que ceux par elle déclarés. Ces sous seings
privés ne sont pas au nombre de ceux déclarés : c’est
donc chose jugée irrévocablement.
P o u r ce qui est de la bibliothèque et de la pharmacie,
le citoyen Prost n’offre pas en cause d’appel des preuves
retenues p a r la dame B a n tin .
E n cause principale, le citoyen Prost se soumettoit
seulement à prouver que la dame B a n tin avoit disposé
de partie de ta pharm acie , ( pas un mot sur la biblio
thèque). Les premiers juges ont rapporté dans l’exposé
de leur ju g e m e n t, dans leur troisième c o n s i d é r a n t , que
le citoyen Prost 7i*a dit que v a g u e m e n t e t sans aucune
indication iVobjets et articles. Ce n’est pas ce que l’on peut
appeler f a i t a rticu lé,,f a i t p o s itif, fa it, p ro b a tif Pour
qu’il y eût f a i t a r ticu lé, il eût fallu que le citoyen Prost
eût offert de prouver que la dame Bantin avoit disposé
de tels et tels objets. Les premiers juges ont donc sage
ment fait, en naccueillant pas le préparatoire demandé
par lui.
E n cause d’a p p e l, le citoyen Prost offre de prouver
que la dame Bantin a f a i t déplacer et transporter hors
M ou lin s une partie de la pharm acie et de la biblio
thèque , et quelle a voulu vendre la tout à des officiers
de santé de M oulins.
�( 67 )
M a is , i ° . ce n’e s t,e n d’autres term es, qu'offrir h peu
près la même preuve que celle que n’ont pas admise les
premiers juges. Il n’y a en plus que la circonstance que
la dame Bantin a voulu vendre le tout ; et quand cette
dernière auroitfait déplacer et auroit voulu ven dre, cela
ne diroit pas qu’elle a v e n d u , parce que le signe de la
chose n’est pas la chose, parce que la volonté de vendre
n’est pas la vente. Cela ne diroit pas que la bibliothèque
et la pharmacie ne sont plus dans le même.état que lors
du départ du citoyen Prost. Cette preuve faite ne seroit
pas concluante.
2.°. Ceci ne seroit pas une preuve n ouvelle, une preuve
retenue p a r la dame B a n tin .
Dans ces circonstances , il nous paroît que tout est fini
à cet é g a r d , au moyen de l’affirmation de la dame Bantin:
c’est chose ju g é e .
P o u r ce qui est des m e u b le s d e la m a iso n à Bourbonl’A rch am b au d , dès que dans le précis imprimé le citoyen
Prost n insiste pas, dès qu’il ne dit plus un mot sur la
preuve qu’il avoit offerte dans son écriture du 2 ther
m idor an 9 , il y a lieu de croire qu’il »econnoît son
erreur.
D ’ailleurs, le genre de preuve qu’il offroit par ses causes
d’appel est infiniment vague. Dans ses causes d’appel, il
demandoit à prouver que l’huissier n’a vendu qu’une
portion de ces meubles, et que la dame Bantin s’est em
parée du surplus. Mais au moins le citoyen Prost auroit-il
dû offrir de prouver, i°. que dans sa maison à B o u rb o n ,
il y avoit tels et tels effets; ( la preuve une fois faite on
auroit confronté l’enquête avec le procès verbal de vente
I â
�'
( 68}
de l’huissier Duchoîlet ; par là on eût été à même de
juger si cette vente comprend ou non la totalité ) ; 20. que
la danje Bantin a pris tels et tels objets non vendus par
Duchoîlet. Sans cela rien de positif, rien de probatif, rien
de concluant.
Enfin, d e v a it les premiers juges le citoyen Prost n’a
présenté auçühe donnée , aucune preuve ; ce qui conduit
a penser qu’ijrrient'aujpurd’hui sur ce point. Enfin encore,
l'on nesauroit être trop en garde contre les rubriques du
citoyen Prost ; il y auroit imprudence à l’autoriser â pro
duire des témoins. Dans cette affaire, il y a plusieurs faux
matériels : il y auroit tout à craindre de la part de cet
homme.
’
.
V I.
Il nous pproît. certain que, Jes premiers juges ont trèsbien jug4 par leur jugement du premier fr im a ir e an 8 >
et en déclarant le c ito y e n P r o s t déchu du droit d’enquêter,
et dans les autres dispositions de ce jugement.
D ’abord il faut ne pas perdre de vue que l’appel du
citoyen Prost n’est pas indéfini , quant au jugement du
28 thermidor an 7. Dans son écriture du 2 thermidor
an 9 , il a désigné les chefs dont il demande la réforma
tion : celui concernant la preuve est excepté par lui ; il
soutient qu’il est encore en droit de faire sa preu ve; en
sorte que cette disposition est approuvée par lui : c’est
donc chose jugée.
O r , il est intéressant de rappeler les'tçrmcs dans lesquels
ce jugement a permis la preuve testimoniale. « Sur la con
te trariété des faits, y est-il d it, nous avons les parties
�( 69 )
« admises et réglées A f a i r e r e s p e c t i v e m e n t p r e u v e
« D A N S L E S D É L A I S D E L A LOI. » Ainsi donc voilà les
parties obligées à faire entendre leurs témoins dans le
délai de la loi.
Ici quelle étoit en thermidor an 7 la loi qui fixoit les
délais d’enquêter? là est toute la difficulté.
Il est bien certain q u e c e n ’étôitpascelledu 7 fructidor
an 3 : elle ne parle pas de délais ; elle dit seulement que les
témoins seront entendus publiquement, que notes seront
prises de leurs dépositions, et que l'affaire sera jugée de
suite , ou au moins à l’audience suivante.
Il est bien certain aussi que ce n’étoit pas plus celle du
3 brumaire an 2 : elle est absolument muette sur les délais
d’enquêter. En so n article I V , elle dit bien que les témoins
à e n te n d r e se ro n t assignés, ainsi que la partie , en vertu
d une cédille a c c o r d é e p a r le p r é s id e n t (x). C e n ’est pas
ici chose nouvelle. L ’ordonnance d e 1 6 6 7 , titr e X X I I ,
art. V , a même disposition (2). Mais la loi du 3 b r u
maire ne dit pas ici de quel instant courra le délai d’en
quêter.
L ’art. V de la loi du 3 brumaire dit bien que dans
la cédule sera la m ention des j o u r s , lieu et heure a u x
quels il sera procédé à Vexécution du ju g em en t prépaA rt. I V (le la loi du 3 brumaire : « L o r s q u ’il s’agira de faire
« entendre des tém oins, ou de faire o p é r e r cîes experts , les uns
(1)
« ou les autres seront assignés en vertu d’ une cédule qui sera
« accordée par le président. »
(2) A rt. V du tit. X X I I de l’ ordonnance de 1667: « Les témoins
« seront assignés pour déposer, et la parlie pour les voir ju re r,
« par ordonnance du j u g e , sans commission du greffe, »
�( 7° )
ratoire (i). Mais elle ne dit pas quand cette cédule sera
prise et signifiée: elle ne dit pas que cela ne sera pas fait
dans le temps prescrit par l’ordonnance de 1667. E n sorte
qu’il y a un silence absolu sur ce point dans la loi nou
velle : elle est incomplète.
En cet état des choses, fâut-il se jeter dans l'arbitraire?
non sans doute. E n cette partie, il y auroit seulement in
su ffisan ce. Quand une loi nouvelle n’a pas d e disposit on
précise pour un ca s, il faut recourir à l’ancienne, s’ il en
existe une : N on estnovum ut priores leges adposteriores
trahantur. L . 26, au tit. de legibus. Sed etposteriores leges
a d priores p ertinen t, n isi contrariœ sin tj idque m ultis
argumentis probatur. L . 28, cod. Les lois anciennes ser
vent à expliquer les nouvelles , à moins que ces dernières
n ’abrogent formellement et intégralement les anciennes.
D e tout ceci il suit que la loi du 3 brumaire ne dé
terminant rien , il faut remonter à l’ordonnance de 1667,
à laquelle il n’y a point de d é r o g a t i o n n i expresse ni impli
cite dans la lo i d e brumaire ; parce que l’ordonnance de
1667 assigne précisément le délai d’enquêter; parce que
Ja loi de brumaire n’en disant rie n , c’est la loi de 1667
que les premiers juges ont appliquée,
O r , le dernier clerc du palais sait que l’article II du
titre X X I I de l’ordonnance de 16 6 7 , veut que l’enquête
soit com mencée dans Ja huitaine de Ja signification du
jugem ent in terlocutoire, et parachevée dans la huitaine
suivante.
Mais l’article III de la loi de brumaire autorise seu(3) L’ordonnance de 1667, art. V I , dit la même chose.
�( 71 )
lement la signification des jugemens définitifs; elle auto
rise seulement la signification des jugem ens prépara
toires , s’ils sont p a r défaut. Elle repousse toutes autres
significations ( i ). h iclu sio unius est exclusio alterius.
L a loi de brumaire n’ordonnant de signifier que les ju
gemens préparatoires par défaut, il en résulte que les
jugemens contradictoires ne peuvent pas l’être; il en
résulte encore qu’il ne faut pas de signification pour
faire courir le délai de huitaine. Cette huitaine date du
jour du jugement qui permet l’enquête.
E n vain le cit. Prost dit-il que le jugement du 28 ther
midor an 7 , devoit être signifié, parce qu’il est défi
n itif, en ce qu’il rejetait la preuve par lui offerte.
i ° . U n ju g e m e n t q u i est to u t à la fo is d é fin itif d an s
u n e partie, et p r é p a r a to ir e d an s le s u r p lu s , n’a b e so in
d ’ê tr e signifié, p o u r la p a rtie d é f in i t i v e , q u e lo rs q u e l’ o n
V e u t fa ire c o u r ir le délai des trois mois pour l’appel j
m a is ce n 'est pas u n e ra iso n a b so lu e pour qu’il faille u n e
s ig n ific a tio n p o u r la p a r tie p ré p a r a to ir e . L a d a m e Bantin
n’ayant pas fa it signifier, il e n s u iv o it q u e les tro is m o is
p o u r l’a p p e l n e c o u r r o ie n t pas.
20. L e jugement de thermidor n’a pas admis la preuve
du cit. P ro st, relativement à la bibliothèque; mais il est
prouvé que cette branche de la contestation est finie in
variablement , par l’affirmation de la dame Bantin.
(1) A rt. III : « S i les parties comparoissent, H ne sera notifié
« au procès que l’exploit de demande et le jugem ent définitif.
« S i l ’ une d’ elles ne eomparoît p o in t, il lu i sera notifié d ép lu s
« les jugem ens préparatoires. L a notification de tout autre acte de
« procédure ou jug em en t n’ entrera point dans la taxe desfrais. »
�Il
C 73 )
y a une erreur impardonnable, à comparer une en
quête;! une expertise. Il y a une erreur impardonnable,
à dire qu’une partie ne seroit pas déchue de faire opérer
des experts , parce qu’ils ne l’auroient pas fait dans la
huitaine. Il y a u n e erreur impardonnable, à en conclure
que la huitaine pour faire enquête , ne court pas à
c o m p t e r du jugement. D u n cas à l’a u tre , il y a une
différence immense. Des experts sont du choix respectif
des parties; ce sont des juges du fait de la contestation ;
l à , il n’y a pas à craindre la subornation. Dans une enquête,
au contraire , l’expérience a prouvé combien l’intrigue est
malheureusement puissante ; c’est pour empêcher ce mal
affreux, que l’ordonnance de 1667 a grandement resserré
le cercle des délais.
E11 vain encore le cit. Prost oppose-t-il que les enquêtes
étoient à la commodité des juges, et non à celle des
parties ; en vain oppose-t-il que les tribunaux éloient
en usage d’indiquer les jours où les té m o in s seroient
e n te n d u s , et q u ’ils n e se so n t jamais astreints au délai
de huitaine.
i<\ Il n’est pas certain que les enquêtes fussent à la
commodité des juges. Tous les fonctionnaires publics
s o n t, comme les simples citoyens, obligés de se con
form er aux lois.
2°. Il est très-vrai qu’au tribunal civil du Puy-deD ô m e , lorsque ce tribunal ordonnoit une enquête, par
son jugement il indiquoit le jour où elle seroit faite;
m ais, d’une part, ce n’étoit que chose d’usage, et l’u
sage ne pouvoit pas l'emporter sur la l o i , sur l’ordon
nance de 1667. Si l’on avoit réclamé con tre, le tribunal
de
�( 73 )
de cassation auroit cassé. D ’un autre côté , l’usage
d’un tribunal n’étoit pas une règle pour un autre tri
bunal. I lp a ro ît, par le jugement du 28 thermidor an 7 ,
qu’au tribunal de l’Allier on ne procédoit pas de cotte
m anière, puisque ce tribunal a dit que Ion enquêteroit
dans le délai de la loi. Point d’indication de jour pour
l’audition des témoins. Par là les parties étoient obligées
de se conformer à l’ordonnance de 16 6 7 , et de com
mencer leurs enquêtes dans la huitaine.
A u reste, la faculté de faire p reu ve, accordée au cit.
P rost, n’étoit pas indéfinie. Il falloit bien qu’elle eût un
terme. O r , comment en auroit-elle eu u n , si ce terme
n’étoit pas, et dans le jugement du 28 thermidor an 7 ,
et dans l’ordonnance de 1667 ? Ce terme ne pouvoit
pas être dans la signification du jugement pi’éparatoire,
puisque la loi du 3 brumaire an 2., ne passoit pas en
taxe cette signification. La dame B a n tin n ’é to it pas
obligée de prendre céd u le, et de la signifier au citoyen
P r o s t , pour faire courir le délai d’enquêter. L a cédule
n’étoit nécessaire que pour assigner les témoins :(art. I V
de la loi de brumaire ). Quand on n’a pas de témoins
à assigner, il ne faut pas de cédule. L e citoyen Prost
étoit chargé de la preuve directe. Il ne la faisoit pas.
L a dame Bantin étoit dès-lors dispensée de faire une
contre-enquête. Donc point de cédule à prendre et à
faire signifier par elle au citoyen Prost. E n sorte que
n’y ayant pas, suivant lu i, de moyen de faire courir
son délai, il auroit été perpétuel. Pensée ridicule!
Enfin , le jugement du 28 thermidor an 7 , a été signifié
4« citoyen P rost, le 4 pluviôse an 8 ; tout au moins
K
�C 74 )
fauclroit-il compter le délai d’enquêter', à partir de ce
jour là. L e citoyen Prost a laissé écouler beaucoup plus
que la huitaine.
Dira-t-il qu’il en a interjeté appel ? Mais son appel
n’est que du premier germinal an 8 ; il est postérieur
de cinquante-six jours à la signification du jugement in
terlocutoire. A u temps de son appel, la fin de non en
quêter étoit o p é r é e , et il n’y avoit plus moyen d’y
revenir.
.
. Si le citoyen Prost avoit eu vraiment l’intention et la
puissance de faire sa p reu ve, aussitôt la signification da
•4 pluviôse an 8 , il auroit formé opposition au jugement
du premier frimaire, qui n’étoitque par défaut; il auroit
ensuite demandé de faire entendre ses témoins. Ce n’est
pas que l’on croye qu’il eût réussi, parce que déjà la fin
de non recevoir étoit parfaite r mais il auroit eu aum oins
une apparence de raison, tandis qu’en ce moment il ne hii
reste aucune ressource.
-
Sur les objets de compensation du citoyen Prost, la
discussion de la dame Bantin nous paroît exacte, quant
à ceux Godeau, M o re a u , V illa rd , L am ou reux,Sallard,
les augustins de M oulins, B oulard, etc.
Quant à celui des 5,000 francs assignats Mauguin, il y
a faux e t mauvaise foi de la part du citoyen Prost.
Pour les objets vendus par l’huissier C avy, le 29 prairial
an 6 , la dame Bantin a prononcé contre elle-même comme
l’auroit fait le tribunal le plus sévère; elle a portédans
son état ces objets c o m m e s’ils existoient encore; elle a
offert de déduire sur sa créance le montant et de ces effets,
�( 75)
et des autres, ou sur le taux de 2,000 francs, ou à dirè
d’experts. Cela est juste et raisonnable. Si ces effets avoient
disparu en totalité, qu’auroit pu demander le citoyen
Prost ? leur valeur. O n lui offre 2,000 francs pour cette
valeur : s’il ne veut pas cette somme, il faut en passer par
une estimation; c’est la règle qu'on suit tous les>jours.
A u moyen de la renonciation à la communauté, au
moyen de la clause exprimée au contrat de mariage du
2 juillet 178 7, par laquelle, en cas de non enfans, toute
la communauté est au citoyen Prost, la dame Bantin ne
doit point perdre la somme de 100 francs par elle con
fondue dans la masse de la communauté. Eu effet, ce
contrat porte que, dans le sens de la renonciation à la
com m unauté, tout ce que ledit sieur f u t u r époux aura
reçu d’e lle , ou à cause d’elle,, lu i sera rendu et res
titué. fr a n c et quitte des dettes de la com m unauté.
M . A u r o u x , s u r l'a r tic le
C C X J L V I I d e la
c o u tu m e
de Bourbonnais, dit: « En renonçant à la communauté,
« elle ( la femme ) n’a droit de reprendre que la partie
*
«
«
«
«
de sa dot quelle a stipulée propre, et non l’autre partie
qui est entréo dans la communauté, à m oins q u elle
lia it stipulé dans son contrat de m a riag e, q u elle
reprendra , en renonçant à la com m unauté, tout ce
q u e lle y aura apporté. »
D e ceci il suit que la dame Bantin , ne devant pas
perdre cette somme de 100 francs, elle n’est pas obligée
de la déduire sur sa créance,
A l’égard de la cession et subrogation que le citoyen
Prost prétend lui avoir été consenties avant son mariage,
par la dame Bantin, de tous les meubles et immeubles
K 2
�(
7e
)
de cette dernière, non-seulement il y a faux matériels,
mais encore le citoyen Prost est contredit par lui-même.
D ’abord, le citoyen Prost ne rapporte pas les cessio?i
et subrogation ; cela suffiroit pour écarter sa prétention.
Il est vrai qu’il dit qu’elles étoient sous seing p r i v é ,
et que p e n d a n t son absence la dame Bantin les lui a
volées ; mais il est difficile de croire q u e , lors de son
départ, le citoyen Prost les eut laissées dans son domicile
à M oulins, et sous la main de la dame Bantin en la
quelle il n’avoit aucune confiance. Il met des papiers
dans un porle-manteau ; il remet le porte-manteau au
citoyen Mauguin. T o u t le monde doit induire de ce fait,
que là sont ses papiers les plus précieux. Aujourd’hui il
produit des mémoires et des lettres peu conséquens : et
il auroit négligé de mettre aussi en lieu de siireté des
actes sous seing privé infiniment importans ! cela est in
vraisemblable.
E n second l i e u , il faut mettre à l’ é c a rt la copie de
mémoire à c o n s u lt e r , é c r ite delà main du citoyen Prost:
il faut la r e je t e r , parce que la première feuille n’est pas
la vraie ; elle a été changée. Il y a un faux matériel qui
saute aux yeux ; il est exactement décrit par la dame
Bantin. Entre cette copie et le projet du m ém oire, il y
a , dans les deux litres de ces pièces, une différence trèsconsidérable, une différence toute à l’avantage du citoyen
Prost; cela n’est pas étonnant, puisqu’il tenoit la plume,
puisqu’en changeant la première feuille , il a é té le maître
d’écrire tout ce qu’il a voulu dans la nouvelle feuille.
Dans le titre de sa copie de mémoire , le cit. Prost
a mis des choses qui n’étoient pas dans le mémoire lui-
�. #C 77 )
même. Dans la co p ie , il fait reconnoitre formellement
par la dame Banlin, qu’en juin 1787 la dame Bantin
lui avoit fait, sous seing p r iv é , cession et subrogation
de tous ses biens meubles et immeubles, et qu’ils étoient
tous compris dans sa dot de 27,000 francs, clioses qui
ne sont pas dans le titre du mémoire lui-même.
E n repoussant, comme on doit le fa ire , cette copie,
il ne demeure plus que le mémoire ; mais il faut faire
bien attention aux altérations qui y sont, et il semble
que le titre de ce mémoire doit être rétabli ainsi qu’il
suit :
« M ém oire su r différentes-propriétés en biens fo n d s ,
« provenantes d’un partage des successions de défunts
« Pierre Filion-Bantin et de dame Louise Pierre son
« é p o u s e , lesquelles propriétés ont été taxativem ent ou
« nom inativem ent transmises en m ariage, pour consti« tution de d o t , par moi M a r i e - A n n e Filion-Bantin,
« veuve en premières noces de feu Nicolas Bonchrétien,
« résidante à Gosne en Bourbonnais, actuellement épouse
«
«
«
«
du sieur P rost, chirurgien, qui les a subsidiairem ent
acceptées, ainsi que la remise et transmission des titres
et actes qui ic i sont actuellem ent nécessaires pour
chacune d'elles. »
Remarquons ici ces termes, différentes propriétés. Celui
différentes désigne certaines propriétés, mais non la gé
néralité des propriétés de celui qui parle ; ainsi, dans
l’espèce, les mots différetites propriétés indiquent les pro
priétés qui formoient le sujet du litige entre le citoyen
Prost et le citoyen Jean-Baptiste Bantin. Si dans le fait
tous les biens meubles et immeubles de la dame Bantin,
�( 78 )
nvoient été fondus dans la constitution de dot de 27,000 f.
on se seroit servi d’expressions indéfinies.
L ’adverbe taxatiçem ent ou lim itativem ent signifie
que la. transmission n’étoit pas générale, qu’elle embrassoit seulement tels et tels objets.
Les mots rem ise et transm ission des titres et actes q u i
ic i sont actu ellem en t nécessaires , prouvent que tout se
r a p p o r t o i t uniquement à l’objet de la contestation d’entre
le citoyen Prost et le citoyen Jean-Baptiste Bantin.
Dans celte position, on peut faire au citoyen Prost
ce dilemme : O u il n’existe pas de cession et subrogation,
ou il en existe une. Dans le premier cas, point de diffi
culté; dans le second cas, vous l’avez sûrement. Vous ne
la produisez pas, parce quelle est limitative; elle n’em
brasse que tels et tels objets : cela résulte du préambule
du projet de m ém oire; cela résulte bien plus fort des
faux matériels. C a r , pourquoi ces faux ? si ce n'est pour
déguiser la v é r it é , et vous faire des titres qu’on n’a jamais
eus. Mais v o u s ne p o u v e z p as rétendre au delà de ses
limites.
N ’importe que par le contrat de mariage du 2 juillet
17 8 7 , la dame Bantin ait déclaré que sa dot consistait
seulement en effets mobiliers. Cette déclaration ne dé
truit pas le fait positif 5 qu’outre les 27,000 francs, elle
avoit en propre une maison à Cosne, et une maison
à Moulins. Il en résulterait seulement qu’elle n’avoit mis
en dot que les effets mobiliers, (parm i lesquels étoit la
dette de Jean-Baptiste Bantin, dérivée de la vente immobiliaire de 1 7 7 3 ) , qu’elle n’avoit mis en dot que 27,000 fr.
et que le surplus étoit parapliernal, à l’abri de l’usufruit
marital du citoyen Prost.
�(7 9 )
Enfin dans le sens de la mobilisation des biens im
meubles de la dame Bantin , dans le sens de leur fusion
absolue dans la somme de 27,000 francs , la dame Bantin
n’en auroit plus eu aucun. T o u t auroit appartenu au
citoyen Prost. Cependant celu i-ci , dans son écriture
du 2 thermidor an 9 , lui demande raison, 1 °. des
jouissances qu’elle a faites dans ses propres immeubles ;
20. des réparations et améliorations qu’il prétend avoir
faites dans les immeubles de la dame Bantin. D e là suit
l’aveu bien exprès que cette dernière a toujours des
immeubles. Ces immeubles sont la maison à Cosne et
celle à Moulins. L a dame Bantin a pris acte de cet
aveu. Il est irrévocable, et d e là la conséquence de plus
fort que le citoyen Prost ment à sa conscience, en pré
tendant que ces deux maisons appartiennent à lui.
DÉLIBÉRÉ à R i o m , le 24 brumaire an 11.
G O U R B E Y R E .
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel. — An 11.
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[Factum. Filion-Bantin, Marie-Anne. An 11]
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Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
divorces
séparation de biens
séparation de corps
coutume du Bourbonnais
communautés de biens entre époux
renonciation à succession
violences sur autrui
pension alimentaire
officier de santé
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation, pour Dame Marie-Anne Filion-Bantin, veuve de Nicolas Bonchrétien, habitante de la ville de Moulins, intimée ; Contre Pierre-Claude Prost, officier de santé, habitant du bourg de Souvigny, département d'Allier, appelant.
Annotation manuscrite : arrêt du 4 germinal an 11, 1ére section.
Table Godemel : Appel : 4. l’appel d’un jugement donnant acte à la femme divorcée de sa déclaration qu’elle renonce à la communauté, et que cette renonciation n’est pas faite en fraude des créanciers, est-il recevable de la part du mari qui a fait signifier le jugement avec sommation de l’exécuter, sous toutes réserves ? peut-il encore, étant interjeté plus de trois mois après la signification ? 5. l’appel d’un jugement contradictoire qui a ordonné une affirmation est-il recevable, lorsqu’il a été interjeté postérieurement à la signification du jugement portant assignation pour voir faire l’affirmation, et 45 jours après que l’affirmation ait été prêtée ? Renonciation : 6. l’appel d’un jugement donnant acte à la femme divorcée de sa déclaration qu’elle renonce à la communauté, et que cette renonciation n’est pas faite en fraude des créanciers, est-il recevable de la part du mari qui a fait signifier le jugement avec sommation de l’exécuter, sous toutes réserves ?
la renonciation ayant été faite judiciairement et contradictoirement avec le mari, est-elle régulière si le procureur du Roi n’a pas été entendu lors du jugement ?
Publisher
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De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1788-An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
79 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1401
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Souvigny (03275)
Moulins (03190)
Bourbon-l'Archambault (03036)
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Domaine public
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communautés de biens entre époux
coutume du Bourbonnais
divorces
officier de santé
pension alimentaire
renonciation à succession
séparation de biens
séparation de corps
violences sur autrui
-
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532f453b7ac5cb0bc73cc67bf5664344
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Text
MÉMOIRE
TRIBUNAL
D 'A P P E L
séant à R iom.
P O U R
G a s p a r d - A m a b l e D E L A P O R T E , propriétaire,
habitant de la ville de G a n n a t , appelant
C O N T R E
L o u i s - F r a n ç o i s C A V Y , propriétaire, habitant
du chef-lieu du canton d’Ecurolles ; A n t o i n e
A L L E I G R E , maître maçon ,
et
,
L o u ise
B L O N D E L , sa femme, autorisée en justice
habitans de la ville de Gannat ; P i e r r e
SARRON ,
cultivateur, et M A GDELAINE
B L O N D E L , sa femme, autorisée en ju stice,
habitans de la commune de Sauzet ; G i l b e r t
S A R R O N , cultivateur, M a r i e B L O N D E L ,
sa f emme autorisée en justice; A n t o i n e
,
A
�,
( 2)
C O U T I N , cultivateur autre AIGRIE B L O N
D E L , safemme, autorisée enjustice; A n t o i n e
V A R A Y R E , cultivateur, L o u i s e B L O N
D EL,
sa femme, autorisée en justice;
et
A n t o i n e S A U L Z E T , tous habitant aussi en
la commune de Sau%et ; J o s e p h
cultivateur,
et
Jeanne
GERVY,
BLONDEL,
sa
femme, autorisée en justice, habitans de la com
mune de M ontig net; et F r a n ç o i s e M O U
,
L I N S , veuve et commune de G i l b e r t B L O N
DEL
habitante de la commune de Sauver,
département de VAllier ,
arrondissement
de
Gannat, intimés.
M A cause présente d’abord, en point de d ro it, une
question assez controversée, mais enfin bien fixe en ju
risprudence. La loi quoties duobus fait-elle loi en France?
J ’ai acquis un bien ; mon vendeur s’en est réservé
l’usufruit pendant sa vie : j’ai pris possession civile. M on
vendeur en a revendu ensuite partie. Ce second acqué
reur doit-il l’emporter sur m oi, parce que avant et après
le décès du vendeur, il s’en est trouvé en possession
corporelle ?
J ’avois laissé à mon vendeur la faculté d’échanger
partie de ce bien ; il en a vendu : sa vente est de tous
�( 3 ) .
.
,
autres objets que ceux qu’il avoit pouvoir d’échanger ;
il en a acheté d’autres. Ceux qu’il a acquis peuvent-ils
être considérés comme remplaçant ceux par lui aliénés?
Peut-on en induire un échange par équipollence?
J ’étois convenu avec mon vendeur que s’il faisoit des
acquisitions pendant son usufruit, je pourrois les retenir,
en en remboursant le prix à ses héritiers. Il a fait des
acquisitions ; après son décès, j’y ai fait un acte de pos
session purement civile ; ses héritiers n’y ont point paru ;
il ne m’a pas été passé de revente ; je n’ai jamais possédé
les fonds venus de ces acquisitions ; ils sont au pouvoir
des héritiers : suis-je propriétaire? P eu t-on m’opposer
une exception de garantie hypothécaire ? Un premier
acquéreur confond-il comme l’héritier d’un défunt ?
T elles sont les questions que je soumets au tribunal.
Pou r qu’elles soient bien saisies et bien jugées, je com
mence par les faits qui donnent lieu à la contestation.
F A I T S .
‘
Par contrat du 27 mai 178 4, passé devant notaire ,
dame
Anne-Françoise
de Barthon du T liiro u d et,• mou
r
%
épouse, et m oi, comme communs en biens, acquîmes
de défunt Anne-Hypolite Debonnaire, vérificateur des
domaines, habitant de la ville de M oulins, un petit bien,
situé dans les communes de M azerier, Sauzet et Gannat:
ce bien consiste en une maison, en jardins, en présvergers, en quelques terres et en quelques vignes. Notre
contrat d’acquisition contient plusieurs charges inutiles
a rappeler ici \ je parlerai pourtant d’une bien essentielle
A z
�,
( 4 )
. .
à ma cause : notre vendeur s’est réservé la jouissance dé'
ce bien pendant sa vie ; nous n’avions dès-lors rien à y
prendre jusqu’à sa mort.
Cette vente nous fut faite moyennant la somme de
6 5oo liv. nous payâmes comptant celle de 3 , 5oo liv.
¿elle de- 3,000 liV. restante fut stipulée payable seulement
mi décès dû citoyen Débonnaire , et sans intérêt. Il nous
fut pôürtâ'rit dotmé la faculté de nous en libérer plutôt,
¿’il nous plaisoit i la remise de l’expédition originale du
contrat de vente devoii; nous tenir lieu de quittance.
Il fut exprimé d!ans l ’acte , que s i le citoyen D ébon
naire J a is oit de nouvelles acquisitions d héritages en la
■paroisse de M azerier , soit qu’ ils joignissent ou non
ceux vendus, il seroit libre à mon épouse et à moi de
nous conserver ces héritages , ou de les laisser à ses
héritiers. Il fut dit q u e , dans le cas o ù j i o u s les retien
drions, nous serions tenus de payer à ses héritiers les
p rix portés par les actes d’ acquisition , sans q u on pût
répéter contre nous aucunes- réparations ou amélio
rations.
■L e citoyen Débonnaire eut le pouvoir de faire , dans
les objets aliénés, tels changement , additions et cons
tructions nouvelles qu’il jugeroit à propos -, mais il fut
interdit à ses héritiers de nous rien demander pour raison
de ce.
L e contrat contient une clause importante que je rends
ici mot pour mot. « I l serti également libre au vendeur
« et échanger ceux des héritages vendus sis à M azerier,
« ou partie d'iceux , pourvu que les héritages qu il
« prendra en contre-échange soient (iu moins cCégalé
�( 5 > >
« valeur ; dans le cas contraire ¡ i l sera tenu de prendra
« le consentement desdits acquéreurs} ci de leur compter
« les sommes q u il recevra à titre de retour.
M on épouse et moi avons été expressement saisis de
la propriété incommutable des objets vendus. L e citoyen
Debonnaire s’est dessaisi de cette meipe propriété j il Y
a dit très-formellement qu’il ne jouiroit désormais qu’à
titre de précaire : il nous a autorisés à prendre possession
civ ile , même en son absence.
L e i 5 juin 1789, mon épouse et moi avons pris cette
possession civile : il y en a acte bien en règle, acte passé
devant notaire.
* Par contrat du 25 juillet 1792, le citoyen Debonnaire
revendit au citoyen Cavy une vigne de quatre œ uvres,
et une terre de trois quartelées. Ces deux objets faisoient
par Lie de mon acquisition du 27 mai 1784 : j’ignore les
clauses et le prix de la l'evente \ je ne la connois pas.
Le citoyen Debonnaire décéda en l’an 2 , hors de son
domicile. Dénoncé par certain com ité, il partit pour la
capitale, afin de se justifier : la mort le saisit en ro u te, '
et l’enleva.
L e 13 pluviôse an 3 , je fis acte de possession civile
dans certains immeubles, que l’on me dit avoir été acquis
par le citoyen Debonnaire, dans l’intervalle du contrat
du 37 mai 1784, au décès de ce dernier: mais plus exac
tement in form é, je ne suis pas allé plus avant ; je n’ai
fait aucun acte de jouissance ccvrporelle.
lia succession du citoyen Debonnaire a été répudiée
par ses héritiers de droit. Un curateur y a été nommé :
sa veuve a renoncé à la communauté j en sorte que le
�(6 )
malheureux Débonnaire a laissé se,s affaires dans un état
affreux. L e curateur a jo u i, et jouit, encore des immeubles
acquis entre 1784 et l’an 2 • j eu a* ^a preuve.
L a veu ve a fait poser les scellés sur le mobilier : elle
l’a ensuite fait vendre.
D e mon côte , j ai pris des lettres de ratification sur
mon acquisition de 1784 : elles ont été scellées à la charge
de plusieurs oppositions.
L a veuve a introduit un ordre pour la distribution,
et du prix de la vente du m obilier, et encore du prix
de mon acquisition. Cette distribution a été faite par
sentence rendue au tribunal de Gannat le i5 germinal
an 3 : cette sentence m’a ordonné de consigner au bureau
de la recette tout le prix de la vente de 1784. J ’ai obéi.
J ’ai consigné la somme de 7,239 liv. 3 s. 6 d. En sorte ■
que l’on conçoit très-bien que je suis à découvert envers
la succession üebonnaire.
L e 28 messidor an 3, j’ai cité en conciliation le citoyen
C avy, pour avoir le désistement des deux objets par
lui achetés indûment le z 5 juillet 1792.
L e 28 germinal précédent, ( id est, le 28 germinal
an 3 ) , le citoyen Cavy avoit revendu ces objets ù
Gilbert B lon d el, père et beau-père des intimés. L e
citoyen Cavy a dénoncé ma citation à Gilbert Blondel.
Nous avons tous paru au bureau de paix ; nous
n’avons pas été assez heureux pour nous concilier.
L e 13 vendémiaire an 4 , j’ai fait assigner le citoyen
Cavy au tribunal de district à G annat, pour être con
damné au désistement de mes deux immeubles. Je n’ai
pas eu le temps suffisant pour, y obtenir sentence. L e 5
�? 7 ^ .
•
.
vendémiaire an 6 , je l’ai traduit au tribunal d’Allier.
H paroît que le citoyen Cavy y avoit aussi appelé
Gilbert Blondel , son acquéreur.
Là est intervenu sentence contradictoire le n mes
sidor an 6 , dont voici la question, le motif .unique,
et le dispositif qui est aussi unique.
« Il s’est présenté à juger la question de savoir si
« le citoyen de Laporte, qui a acquis par acte notarié,
« reçu Palliard, notaire à G annat, et son confrère, et
« passé aux droits du 24 mai 1784, d’Anne-H ypolite
« Débonnaire, habitant de la commune de Moulins ,
« les objets en question , avec rétention d’usufruit de
« la part du vendeur ; qui par acte également notarié,
« du 25 juillet 1793 (vie u x style), reçu R o lla t, notaire
« a Ecurolles, dûment enregistré, a vendu les mômes
« objets au citoyen C avy, qui de son côté les a revendus
« au citoyen B londel, par acte aussi notarié, du u8 ger
« minai de l’an 3 , reçu H u e , notaire à G annat, et
« son confrère , dûment enregistré , est, ou non , fondé
« en sa demande en désistement,
«
K
«
«
«
«
«
«
K
« L e tribunal jugeant en premier ressort, considérant
sur cette question, qu’en cas de concurrence de deux
acquéreurs du même objet, celui-là doit être préféré,
qui le premier en a pris la possession réelle ; que
Blondel a cet avantage sur de Iiaporte , puisque ce
dernier a actionné le premier en désistement ; ren
voie ledit Blondel de la demande en désistement,
iormée par ledit de Laporte, contre C avy, représenté
par ledit Blondel , et condamne ledit Laporte aux
dépens envers toutes les parties, liquidés à quinze
�-(8)
^
^
■
« francs soixante centimes, ensemble au coût, levee et
« signification du présent jugement. Fait et jugé, etc. ».
Cette sentence m’a été signifiée le 13 frimaire an 7;
j ’en ai appelé le 26 nivôse suivant. Les exclusions m’av o i e n t donné le tribunal civil du Puy-de-D ôm e ; j’y ai
traduit, et le citoyen Cavy, et Gilbert Blondel ; je les ai
ensuite assignés au tribunal d’appel.
Gilbert Blondel est décédé ; j’ai assigné ses héritiers
çn reprise d’instance. Cette reprise a été ordonnée : aujourd’ui je contracte l’engagement de démontrer tout le
rmal-jugé de la sentence dont est appel.
.
M O Y E N S .
: Je demande aujourd’hui que le citoyen Cavy soit
condamné à se désister des deux-immeubles que je ré
clame, ou qu’il soit condamné à en faire désister les
¡héritiers Blondel.
M on titre pour faire cette demande, mon titre, dis-je,
est mon contrat d’acquisition du 27 mai 1784. Par cet
acte, le citoyen Debonnaire a vendu à mon épouse et
à m o i, tout ce qu’il avoit alors en immeubles dans les
^communes de Sauzet, Mazerier et Gannat. Quoiqu’il y
' soit parlé de biens situés dans ces trois communes diffé
rentes, il ne faut pas pour cela concevoir l’idée d’un
domaine considérable : ces trois communes sont contiguës.
Les immeubles formant le prix de la ven te, sont çà et
là ; mais ils sont peu conséquens, et au résumé , ils
.’ présentent une valeur bien modique. Lors de la vente
■{le 1784, le citoyçn Debonnan-’C etoit propriétaire des
�(9 )
deux objets que je revendique. Ils font donc partie de
mon acquisition *, c’est un fait constant. L e citoyen
Cavy et les héritiers Blondel ne l’ont jamais révoqué
en doute : ainsi j’ai titre , j’ai qualité pour avoir agi contre
le citoyen Cavy. L e citoyen Débonnaire m’ayant vendu
en 1784 ces deux fonds, ne pouvoit les revendre vala
blement en 1792, au citoyen Cavy. Cette revente de
1792, est un stellionat bien formel j elle en a tous les
caractères.
Mais q u i, du citoyen Cavy ou de m o i, doit être dupe
de ce manque de délicatesse? c’est sans contredit le
citoyen C a v y , puisqu’il a acheté des objets qu’il savoit
parfaitement m’appartenir en vertu du contrat du 27
mai 1784. M on contrat étoit notoire dans tout l’arron
dissement de Gannat; il étoit public que j’avois tout
acquis : le citoyen Cavy a donc commis une faute ;
mais il l’a commise en connoissance de cause.
Devant les premiers juges une seule question a été
présentée et jugée contre moi : celle de savoir, si l’acqui
sition du citoyen Cavy doit l’emporter sur la m ienne,
parce qu’il a la possession corporelle. Ici deux autres
seront élevées. Les adversaires prétendent, i°. que le
citoyen Débonnaire avoit le pouvoir de vendre. 2°. Que
je suis garant de ma propre dem ande, pour avoir pris
ire j
postérieurement au 24 mai 1784. Je vais donc traiter
séparément ces trois difficultés.
B
�C 10 )
§.
Iet-
D a n s le concours de deux ventes, quelle est celle
qu i doit remporter ?
Cette partie de la discussion nous présente deux ques
tions : l’une de droit; celle de savoir si la loi quoties
düohus y fait loi dans les coutumes qui ne sont pas de
<pest et de devest : l ’autre toute de fait; de savoir, si je
n ai pas tout a la fois et la propriété et la possession
'légitime de tous les objets compris au contrat du 27
mai 1784.
Sur le I er. point, nous n’observons aucune des formules
introduites dans le droit rom ain, pour transférer la pro
priété d’un héritage r notre droit plus simple ne demande
pour accomplir la vente , que le consentement des parties :
il n’exige d’autre preuve de ce consentement, que le
contrat qui en contient rénonciation. On doit enchaîner
la mauvaise foi : ce seroit la favoriser d’une manière bien
dangereuse, qu’admettre qu’un vendeur n’est pas lié irré
vocablement, Ce seroit encourager le stellionat, (crim e
que toutes les lois anciennes et modernes ont toujours
puni rigoureusement ). Ces principes prévalurent lors
d’un arrêt du 16 juin 17 26 rendu au parlement de Paris,
entre un sieur Barreau et un' sieur Bizeau. Barreau avoit
acquis par un contrat sous seing privé qu’il fit ensuite
contrôler ; il avoit même fait en conséquence quelques
procédures, mais point d’acte de possession. Bizeau acheta
ensuite pardevant notaire et se fit ensaisiner aussitôt. Bizeau
�( 11 )
invoqua la loi quoties ; il lit valoir son ensaisincment ;
il soutint que Barreau n’ayant ni possession corporelle, ni
possession civile, il (B izeau) devoit être préféré, parce
qu’il avoit acquis d’un homme qu’il avoit vu encore
détenteur du bien; néanmoins il succomba. Barreau
demeura seul acquéreur légitime.
Ici mon contrat est de 1784; i l est antérieur de plus
de huit ans à celui du c it o y e n Cavy. Les biens en question
sont en Bourbonnais ; la coutume de ce pays n’est pas
de vcst et de devest : d’ailleurs la saisine n’étoitque contre
les lignagers. 11 me. suffit donc de la priorité de contrat,
pour prouver que les premiers juges ont très-mal jugé
en accordant la préférence à celui du citoyen Cavy ,
puisque la loi quoties ne fait pas loi en B o u r b o n n a is .
Mais j’ai tout à la fois et la propriété et la possession
des deux immeubles eu question •, jai cette propriété,
j ai cette possession à partir de mon contrat du ay mai
1784 : la loi qu o ties, si elle nous étoit applicable ,
seroit toute pour moi.
En effet que dit cette loi ? elle dit : quoties du obus
in soJidum prœdium jure distrahitur , manifeste ju ris
e s t , cùm cui priori traditum est , in detinendo dominio esse potiorem. S i igitur antecedente tempore
te possessiofiem om isse, ac pretium exsolvisse, apud
prœsideni provinciœ probaçeris , obtentû non datorum
instrumentorum expelh te à possessione non patietur.
Ici j’ai vraiment le distrahitur, puisque par le contrat
du 27 mai 1784 , le citoyen Debonnaire m’a vendu
les deux objets en question ; j’ai le priori traditum ,
puisque par le même acte , il s’est dessaisi de la pro
B a
�( 12 )
.
$ rié té , puisqu’il me l’avoit transmise nommément ; il
me l’a livrée formellement; j’ai le detinendo dominio ,
puisqu’il s’est seulement réservé la jouissance viagère
des objets aliénés. Depuis la vente il n’a plus été qu’an
simple usufruitier ; un usufruitier ne possède pas pour
lu i; il possède seulement pour le propriétaire. Le citoyen
Debonnaire n’a possédé que pour moi.; j’avois donc dans
sa personne la possession réelle.
Mais je n’en suis pas réduit à cela; j’ai aussi la pos
session civile: je le prouve par l’acte du 15 juin 1789;
cet acte est encore antérieur de plus de trois ans à
la revente faite au citoyen Cavy, le 25 juillet 1792.
Dans cette position, soit que l’on juge d’après la loi
quoi le s , soit qu’on la mette à l’écart, je suis parfaite
ment en règle ; j’ai une vente parfaite ; j’ai la tradition
bien formelle; j’ai la possession de mon vendeur qui
ne l’a faite que pour moi; j’ai prise de possession civile :
cet ensëmble suffit pour me faire considérer, pour me
faire juger seul acquéreur légitim e, et pour démonti’er
toute l’injustice de la sentence du tribunal d’Allier.
§■ I I P a r le contrat du 27 m ai 1784, le citoyen Débonnaire
a-t-il conservé le -pouvoir de vendre partie des im
meubles compris en ce contrat ?
J ’ai lu et relu ce contrat; mais je n’y ai pas vu et
personne 11e peut y voir que j’ai laissé au citoyen
Débonnaire, la puissance de rendre portion des im-
�( i3 )
meubles que j’ai achetés de lui. Une clause de cette na
ture est de rigueur •, elle n’est pas dans ce contrat, et on
ne sauroit la suppléer.
Mais, dira-t-on, le citoyen Débonnaire avoit la liberté
d’échanger; ce qu’il a fait équivaut à,un écliange; s’il
a vendu portion des immeubles, il en a acheté d’autres :
vous avez pris ceux acquis par lui : ceux-là tiennent
lieu de ceux aliénés ; il en résulte une sorte d’échange.
Cette objection n’est qu’un sophisme. En effet, i°. Il
y a bien loin d’un échange à une vente : dans un
échange il n’y a rien à risquer. Si l’une des parties est
évincée, elle a le droit certain de reprendre l’immeuble
qu’elle a donné en contre - échange. Une acquisition
n’est pas aussi avantageuse; le vendeur peut n’être pas
propriétaire de l’objet vendu; l’acquéreur peut en être
désiste ; il peut êLre actionné hypothécairement : dans
l’espèce le revirement en question ne me convient
point sous aucun rapport; je n’y trouve pas même assuT
rance.
2°. Suivant le contrat du 27 mai 1784, le cit. Débon
naire pouvoit acquérir ; mais il n’avoit pas le droit de
vendre : j’avois des raisons pour limiter ses pouvoirs. Les
ayant bornés à l’échange, il n’y a pas eu moyen de les
étendre d’un cas à un autre , parce que toutes les clauses
d’un contrat de vente sont de droit étroit : l’on ne sauroit
s’écarter de la lettre de l’acte.
3°. L e citoyen Debonnaire avoit bien la liberté de
faire des échanges; mais cette liberté n’étoit stipulée que
pour les héritages situés dans la commune de Mazerier.
Hors Mazerier , il n’y avoit pas d’échange ù faire : la
�( i4 )
faculté accordée au vendeur étoit clans Mazerier. Les deux
héritages revendus au citoyen Cavy sont dans la com
mune de Sauzet ; ils sont hors des attributions du citoyen
Debonnaire : en conséquence , on ne peut m’opposer le
moyen de parité.
4 0.
citoyen Debonnaire ne pouvoit échanger que
contre des immeubles d’égale valeur •, dans le cas con
traire , il étoit obligé de prendre notre consentement :
ici point de valeur égale , et point de consentement de
notre part.
D e tout ce que je viens de dire , il suit bien clairement
que depuis la vente de 1784, le citoyen Debonnaire n’a
pas eu le pouvoir d’aliéner directement ou indirectement
les immeubles faisant partie de ce contrat,
§.
I I I.
■Suis-'je garant de ma propre demande, pour avoir pris
possession , seulement civile , des immeubles acquis
p a r le citoyen Debonnaire après le 27 m ai 1784?
E n d ro it, l’action du premier acquéreur a pour objet
vin droit de p ro p riété, et non des dommages - intérêts.
Par cette raison, il doit l’emporter sur le second acqué
reur. A contrario , ce dernier ne pouvant avoir la chose,
il n’a contre son vendeur qu’une action en dommages et
intérêts : dans ce sens, il en est seulement créancier.
I-e citoyen Cavy est obligé de se désister de la vigne
et cle la terre en question ; il ne peut les conserver, et
alors il devient créancier de la succession Débonnaire
�( ï 5 )
pour la restitution du prix de son acquisition, pour le
remboursement des loyaux coûts du con trat, et meme
pour ses dommages-intérêts , résultans de l’inexécution
de ce contrat. Mais tout cela le constitue seulement créan
cier de son vendeur \ il ne sauroit prétendre à plus : cela
est bien sensible.
Que suit-il de cette position? Il s’ensuit que.le, citoyen
Citvy auroit une action hypothécaire sur, les immeubles
acquis par son vendeur postérieurement à 1784. Si le
citoyen Cavy avoit une hypothèque, s’il avoit fait une
inscription au bureau de Gnnnat, il n’auroit que cette
action à exercer contre le détenteur de ces fonds. Si
j’etois le détenteur, il pourroit agir contre moi ; mais
ce seroit une action nouvelle , une action principale, qui
devroit être précédée d’ une citation au bureau de p a ix , et
qui devroit être portée ensuite devant le tribunal civil
de la situation des biens. Ici rien de tout cela ; et en
tribunal d’appel, le citoyen Cavy ne peut pas prendre
des conclusions contre m o i, parce que la loi nouvelle,
celle du 24 août 1790, veut qu’il y ait absolument deux
degrés de juridiction.
A
_
Mais je ne suis*pas le détenteur des immeubles acquis
par le citoyen D ébonnaire, après mon contrat du 27
mai 1784. Je ne les ai jamais possédés-, je ne les pos
sède pas plus en ce moment. Aussitôt le décès du citoyen '
Débonnaire , sa succession a été répudiée. Sa veuve a
aussi renoncé à sa commuùçtnté. Un curateur a été
nommé. Le curateur a joui et jouit encore. Je le prouve,
i°. par La matrice du rôle foncier (an 5 ) , où l’iinposition est assise sur les héritiers Debonnaire; 2°. par
�( i6 )
un bail à f e r m e 'pour trois ans, que ce curateur a con
senti le 4 nivôse an 6, au profit d’Henri M aillard,
propriétaire, demeurant à Mazerier; 3°. par une quit
tance des contributions (ans 5 et 6 ) , qui établit que
le citoyen Maillard les a acquittés en qualité de fer
mier,
.
^
‘ Il est pourtant vrai que le 13 pluviôse an 3 , j’ai
voulu prendre possession civile des fonds achetés par
le citoyen Debonnaire depuis mon contrat de 1784.
Il est encore v r a i, que suivant ce contrat, j’avois le
droit de les conserver en remboursant aux héritiers
Debonnaire le prix des acquisitions.
Mais il ne suiliroit pas d’une simple possession civile.
M on contrat de 1784 n’exprimoit qu’un droit de pure
faculté , une faveur. Ce n’étoit pas assez que j’exer
çasse ce d ro it, il falloit que je remboursasse les prix
des acquisitions ; il falloit qu’il y eût un contrat entre
les héritiers Debonnaire et m oi; contrat qui m’en transmît
Jq propriété, (C e contrat auroit même donne lieu à la
perception du droit de mutation). Il falloit qu’il y eût
çotre ces héritiers et moi un engagement réciproque,
un engagement irrévocable. Par -mro possession civile
du 13 pluviôse an 3 , je n’étois pas lié envers eux ,
puisqu’ils n’y sont pas intervenus pour y donner leur ac
ceptation, pour former dès-lors le contrat. S’il y avoit
eu un commencement do^onj^at, (ce que je ne croirai
jamais), je l’ai révoqu é*« * le^faig^ubséquens. Sura
bondamment je déclare que je i^+tôwiTout consentement
qu’on voudvoit en induire; je le puis encore, puisqu’ il,
n’v a encore aucune acceptation, Il n y a donc plus l’ion
- entre
�7}
. Debonnaire
(
• -pour raison
. •
i ce.
fcntre la succession
et m oi,
de
Quand aujourd’hui je voudrois me dire propriétaiie
des héritages acquis par le citoyen Debonnaire; quand
je voudrois en disposer, je ne le pourroispas in statu quo
il me faudroit auparavant, forcer le curateur a m’en passer
la revente en vertu de la clause portée en mon contrat
d’acquisition, parce qu’il n’est donné à personne de se
rendre justice lui-même.
•
En ce moment il n’y a point encore de contrat de revente
entre la succession Debonnaire et m oi’, je ne suis donc
pas propriétaire; je ne possède pas réellement; je n’ai
jamais possédé réellement; je n’ai pas dans mes m ains,
je n’ai jamais rien eu qui soit sujet à la garantie hypothé
caire du citoyen Gavy : celui-ci n’a donc pas contre moi
l ’exception de garantie ; d’ailleurs il n’en e s t pas du premier
acquéreur comme d’un héritier : l’héritier confond, mais
l’acquéreur n’a pas le même sort : il doit obtenir le désis
tement du fonds qu ’il a acheté le premier. Si le second
acquéreur réagit hypothécairement contre lui à raison
d’un objet vendu, après la seconde vente, l’acquéreur
en est quitte pour abandonner cet autre objet. A in s i, si
dans la réalité j’étois vraiment détenteur des immeubles
expliqués en la prise de possession du 13 pluviôse an 3 ,
l’on ne pourroit que me forcer à déguerpir hypothécai
rement ; mais je ne suis pas dans ce cas, dès que je ne
possède pas.
'
Que le citoyen Cavy agisse contre le curateur à la
succession vacante Debonnaire; qu’il poursuive l’expro
priation forcée des immeubles acquis depuis 1784 ;
lorsqu’il sera question cle la distributio n des deniers, je
G
�( i8 )
m’y présenterai. J ’ai fait une inscription aux hypothèques ;
j’ai des
qui le priment en date authentique-, j’en
ai pour plus de 12,000 liv. je passerai avant lu i; m ais,
en attendant, il faut qu’il me rende ou qu’il me fasse
r e n d r e par les héritiers Blondel, ma vigne et ma terre.
P o u r l’y contraindre, je demande la réformation de la
sentence dont est appel; je dois l’obtenir.
Je me résume et je dis : Par mon contrat du 27 mai
1784 , j’ai acquis tout ce qu’avoit alors le citoyen Débon
naire en immeubles, dans les communes de M azerier,
Sauzet et Gannat. Par cet acte, mon vendeur m’a fait
tradition de la propriété. La loi quoties n’est pas appli
cable, parce que nous ne sommes pas en coutume de
vest et de dtvest: d’ailleurs, le défaut de saisine ne
profiterait qu’aux lignagers. La loi quoties serait-elle
loi en Bourbonnais, j’ai pour moi dessaisissement de
propriété, tradition et possession civile, et même posses
sion réélle ' dans la personne de l ’usuiruitier.
M onjvendeur avoit bien le pouvoir d’échanger; mais
ce pouvoir étoit borné aux héritages de Mazerier ; et
ici je réclame des fonds situés dans Sauzet. Mais une
vente n’est pas ün échange; mais l’on ne peut pas trans
figurer en échange une vente d’un objet et l’acquisition
c r é a n
c e s
d’un autre en remplacement.
L e citoyen Cavy ne pouvant conserver mes héritages,
devient seulement créancier de son vendeur; s’il a fait
inscrire, il a -seulement hypothèque sur les biens acquis
p a rle citoyen Débonnaire depuis 1784. L e citoyen Cavy
ne peut
hypothécairement contre m oi, parce
p a s
r é a g i r
que quoique j’aie pris possession civile de ces immeubles,
�( 19 )
je n’en suis point propriétaire, il n’y en a pas de contrat
de revente à mon profit, ni devant notaire, ni en jus
tice ; je n’ai jamais possédé ces fonds \ c’est le curateur
à la succession vacante Debonnaire qui en jouit, je le
prouve par des pièces authentiques \ je ne suis donc pas
garant hypothécairement de ma demande en désistement.
A u résidu, je ne confonds pas mes actions : l’on doit
se désister. S’il prend envie au citoyen Cavy de m ac
tionner. hypothécairement, il faudra passer préalablement
au bureau de p a ix , et m’assigner au tribunal de pre
mière instance, parce que ce sera alors une action prin
cipale qui ne sauroit être portée d’emblée au tribunal
d’appel : mais en l’état actuel des choses, commençons
par faire réformer la sentence de Moulins.
,
G OURBEYRE.
À Riom , de l'imprimerie de L a n d r i o t , imprimeur du tribunal
d’appel. — - A n 9.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delaporte, Gaspard-Amable. An 9?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
usufruit
Description
An account of the resource
Mémoire pour Gaspard-Amable Delaporte, propriétaire, habitant de la ville de Gannat, appelant ; contre Louis-François Cavy, propriétaire, habitant du chef-lieu du canton d'Ecurolles ; Antoine Alleigre, maître maçon, et Louise Blondel, sa femme autorisée en justice, habitans de la ville de Gannat ; Pierre Sarron, cultivateur, et Magdelaine Blondel, sa femme, autorisée en justice, habitans de la commune de Sauzet ; Gilbert Sarron, cultivateur, Marie Blondel, sa femme, autorisée en justice ; Antoine Coutin, cultivateur, autre Marie Blondel, sa femme, autorisée en justice ; Antoine Varayre, cultivateur, Louise Blondel, sa femme, autorisée en justice ; et Antoine Saulzet, tous habitans aussi en la commune de Sauzet ; Joseph Gervy, cultivateur, et Jeanne Blondel, sa femme, autorisée en justice, habitans de la commune de Montignet ; et Françoise Moulins, veuve et commune de Gilbert Blondel, habitante de la commune de Sauzet, département de l'Allier, arrondissement de Gannat, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 9
1784-Circa An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0205
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Sauzet (26338)
Monteignet-sur-l’Andelot (03182)
Moulins (03190)
Mazerier (03166)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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usufruit
-
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522e11319cc40555202f3b52d3bec0ce
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Text
- a
M
É
M
O
I
R
E
!
POUR
Dame T h é r è s e DE L A N G L A R D , épouse
divorcée de sieur Antoine-François-M arieJoseph d e V i c h y , propriétaire, habitante
de la ville de Moulins, appelante de jugement
rendu au tribunal civil de l’arrondissement de
Clennont, le 9 fructidor an 1 3 ;
CONTRE
Ledit sieur D E V I C H Y , pensionnaire de H ol
lande, habitant de Bois-le-Duc ;
J e a n J A V A N E L , tailleur d’habits a Clennont ;
Dame J e a n n e - M a r i e - G a b r i e l l e G O N Z A C V I C H Y , demeurant à Crévan;
J e sieur B L A T I N , négociant a Cler nont ;
J e a n - B a r t i s t e R IC A R D , G a b r ie l l e R I
CARD, B
M O L L E son mari;
G i l b e r t e R IC A R D , J e a n B E R O H A R D ,
son mari; V i c t o r L A C R O S T A S , G i l b e r t e
R I C A R D , A n t o i n e Q U E S N E , son mari ;
L ig ie r R IC A R D
, J e a n n e ♦R
I C A R Dt ', et
—
»■ .
J o s e p h F U Z O N , son mari, demeurant à
<Clermont ;
■
" i
arthélemi
�C l a u d e F A Y O N , cultivateur a Chanonat ;
Charles - J
ean
J A L A D O N , propriétaire a
Clermont ;
A l A r i e R E Y N A U D , fille majeure, demeurant
à Aie rdog ne ;
C l a u d i n e Q U E R I A U X , veuve J u g e , demeu
rant à Cl ermont ;
J o s e p h - R i c h a r d C O U R B E R Y , demeurant a
P a r is ;
C é c i l e F O N T A N I E R , veuve D e c h u i x - D a r m in ière
F
, demeurant a Riom ;
ier r e-Ch ar les
P E T E Z ON, tailleur d'habits
à Paris ;
A î a r g u e r i t e L A S T E Y R A S , le sieur GRTA I A R D I A S , son mari; A î a r i e L A S T E Y R A S , le sieur B A R D O N N A U D , son mari,
demeurant à Clermont ;
G a s p a r d L A C O U R , ci-devant chapelier à
Clermont ;
Ni
c o l A s - AI É d o c
D U F R E S N E , propriétaire à
Clermont ;
Les administrateurs de l'hospice de Clermont ;
Le sieur R I X A I N , propriétaire a Chanonat ;
Sieur G i l b e r t R O U X , capitaine d'infanterie,
habitant a Clermont ;
Sieur J a c q u e s C H O U S S Y , géomètre a Cusset;
�'An n e - M j r i e B O U V a N T , à i Saint-A'LLllf
\ (> •
i/< •
Gestel;
P i e r r e T H O M E U F , propriétaire a Clermont;
A n t o i n e C O U R N O L L E T - B A R R E T , culti
vateur à Chanonat ;
G i l b e r t e C H A R L E S , veuve de sieur Jean
N i c o l a s , en son nom et comme tutrice de leurs
enfans, à Clermont ;
C l a u d e F A Y O N , propriétaire a Chanonat;
Sieur F r a n ç o i s B R O C H E T , cultivateur à
Chanonat;
J e a n S A B A T I E R , cultivateur a Chanonat ;
P i e r r e P L A N E I X , cultivateur h Chanonat ;
Sieur B e r n a r d - A n t o i n e M A G A U D , proprié
taire à Chanonat :
Tous intimés.
A destinée de la dame de Langlard ne fut jamais
heureuse. V ictim e des dissipations de son m ari, pour
en arrêter les progrès elle fut obligée de recourir A la
séparation de biens : totalement délaissée par lu i, et dans
des temps difficiles, elle a employé le remède extrêm e,
mais devenu nécessaire, du divorce, en demeurant tou-*
jours fidèle à la religion de ses pères. Créancière de
sommes considérables, elle en poursuit le re co u v re m e n t
sur les débris de la fortune du sieur de V ic h y ; elle trouve
�sur sés'.pas.une nuée de créanciers q u i, se repentant
d’avoir é t é , dans les tem ps, trop faciles envers lu i, en
sont d’autant plus indisposés, et vomissent l’injure contre
elle, fest-ce donc un crime que de demander ce qui est
légitimement d û , ce qui est très-légitim em ent établi?
Il se peut q ue, dans le nombre de ces créanciers , certains
11’aient à se reprocher que de l’imprudence : la dame de
Langlard ne .scrutera ni les causes ni les effets ; elle se
renfermera dans ce qui la regarde , parce que sa créance
primant toutes les autres, et excédant les deniers qu’on
lui dispute, elle ne voit pas, quant à présent, d’ utilité
à examiner les titres de ses adversaires.
C ’est pour la seconde fois que la dame de Langlard est
appelante du tribunal civil de Clermont : la cour l’a déjà
réformé par un premier arrêt; le second que la dame
de Langlard sollicite ne sauroit être différent.
I A I T
S.
E n 1 7 7 2 , la dame de Langlard, domiciliée à M oulins,
épousa le sieur de V ic liy , domicilié en la commune de
C han on at, régie par la coutume d’A uvergne.
L e contrat, qui est du 1 3 mars 1 7 7 2 , , fut passé en la
ville de Gannat; il contient les clauses suivantes : E n
f av e u r duquel mariage ladite demoiselle future épouse
se constitue en dot tous les bieiis meubles et immeubles
¿1 elle échus par la succession dudit sieur de Langlard7
son père.
I l est convenu que si ledit fu t u r vend iï Tavenir tout
ou partie des bois de haute fu ta ie dépendans des terres
�de ladite demoisellef u t u r e , il sera tenu d'enfaire emploi
au profit de la demoiselle fu tu re.
j L la restitution de la dot de ladite demoiselle fu tu re
épouse , et au payement, de ses gains et avantages ma
trim oniaux , le s dits sieurs de V ic h y , père ci f il s , obli
gent solidairement tous et un chacun leurs biens présens
et ci v en ir , desquels ladite demoiselle fu tu r e épouse
demeurera saisie et nantie jusqitct son entière satis
fa ctio n .
Point de communauté stipulée entre les époux.
L e sieur de V ich y dérange ses affaires. Son épouse fait
plusieurs épreuves infructueuses ;
la fin elle en vient
à une séparation de biens qui est prononcée par sentence
de la sénéchaussée de M oulin s, du 8 juin 1781. Cette
sentence est très en règle (1).
(1) Elle porte : « Ayant égard aux preuves résultantes de re n
te q u ê t e f a i t e à l a r e q u ê t e de l a dame de Langlard, et a u x actes
« qui ont été produits en l’instance, nous avons , ladite dame de
« Langlard, séparée, quant aux biens, d’avec ledit sieur marquis
« de V ic h y , son mari; lu i permettons de jo u ir par elle-même
te des biens q u i lu i appartiennent de son ch ef, d ’en percevoir
cc les revenus et profits, et d ’en donner quittances, ensemble
« des biens et fonds qui pourront lui échoir à l’avenir, même
« des meubles, à compter du scellé de la présente sentence,
« et de la signification d’icelle au procureur constitué par ledit
« sieur de V ic h y , cl la charge par elle de ne pouvoir aliéner,
cc vendre et hypothéquer ses immeubles , sans y être expres
se sèment autorisée par avis de pàrens, dûment homologue ; de
« porter honneur et respect à son mari. Condamnons ledit sieur
« de V ichy à rendre et restituer à la dame de Langlard, son
ce épouse , les sommes qu’ il aura reçues d'elle ou à cause d 'e lle ,
3
�Nonobstant cette sentence, le sieur de V ic h y , usant du
pouvoir exprimé en son contrat de mariage, continue
de vendre des bois de haute futaie appartenans à son
épouse, et ne fait pas emploi des deniers.
L e sieur de V ic h y abandonne son épouse. Celle-ci, dé
terminée par une circonstance m ajeure, provoque le
divorce; Il est prononcé le 22 germinal an 6.
P u r jugement rendu au tribunal civil d’A l l i e r , le 16
brumaire an 7 , la dame de Langtard fait condamner le
sieur de V ic h y à lui restituer la somme de 40000 francs,
pour vente de bois de haute futaie, du i 5 novembre 1784,
avec intérêts depuis la vente.
L e 26 nivôse an 7 , la dame de Langlard fait au bureau
des hypothèques de C lerm ont, en vertu de son contrat
de mariage de 1 7 7 2 , de la sentence de séparation de
1 7 8 1 , et du jugement de brumaire an 7 , inscription
pour la somme de 134677 francs 96 centimes.
L e 12 pluviôse an 7 , la dame de Langlard obtient au
tribunal civil d’ A l l i e r , contre le sieur de V i c h y , jugement
qui ordonne, i° . l’exécution de la sentence de 1781 , selon
« et notamment le prix des ventes des bois de haute fu ta ie , dont
cc l ’emploi n auroit pas été fa it suivant les stipulations de leur'
te contrat de m ariage, si m ieux n ’aim ent les p a rties, l'esiicc malion desdits bois par experts qui les auront vus lors des
« ventes ; a u x intérêts desdites sommes principales à compter
« de la demande. Avons donné acte à ladite dame de Langlard
« du rapport des procès verbaux de saisies faites à sa requête;
cc ordonnons que pour y être statué elle se pourvoira conlre les
« autres saisissans, pour être ordonné ce qu’il appartiendra sur
te l’effet des mêmes saisies. »
�sa form e et teneur ,* 2°. la liquidation devant le sieur
B o u gn rel, notaire ¿1 M oulins, des sommes touchées et
non employées par le sieur de V i c h y , pour ventes de
bois de haute futaie, avec intérêts à compter de la de
mande eu séparation.
L e sieur de V ich y fait défaut ; et par autre jugement
du 21 germinal an 7 , le tribunal civil d’A llie r commet
un de ses membres pour faire la liquidation.
Cette liquidation est faite le 5 thermidor an 7 * en voici
le tableau.
i ° . Vente du 22 avril 1 7 7 4 .................. .. 7000 f. » C.
2°. Vente du 12 mars 1 7 7 5 .................. .. 3200
»
»
30. Vente du 30 décembre 1 7 7 6 .............. 10240
4°. Vente du i 5 décembre 1 7 8 1 ......... ..16124
»
5 °. A rgen t payé au sieur L argillère. . . 1897 7 5
6°. Vente du 20 avril 1 7 9 3 .......................4096
»
T o t a l ..............................................42557 f. 75 c.
( Sans y comprendre les 40000 francs
sur la vente du i 5 novembre 1784. )
7 0. Intérêts jusqu’au 20 germinal an 6. 30084 f. i 5 c.
T
o t a l
........................................... ..72641 f. 90c.
Nota. P ar jugement du tribunal civil de M ou lin s,
du 25 thermidor an 1 2 , cette liquidation a été homo
lo g u é e , et le sieur de V ic h y condamné au payement de
cette somme (1).
-----------
—----------------------------------
(1) ce Homologue le procès verbal dudit jour 5 thermidor an 7 ,
« contenant liquidation des sommes qu’il a touchées et r e ç u e s ,
« provenantes des ventes par lui faites de paities de bois de
4
�(S)
Les 26 et 28 germ inal, et I er. floréal an 9 , le sieur de
V ic h y vend aux sieurs Jean Nicolas, Claude F a y o n , Fran
çois B rochet, Jean Sabatier, Pierre Planeix et BernardA n lo in eM agaud , les restes de ses biens dans la commune
de Chanonat, moyennant la somme de 8 i i i 5 francs.
Les acquéreurs font transcrire leurs contrats; ils font
ensuite aux créanciers inscrits la notification voulue par
la loi du 11 brumaire an 7.
L a dame de Langlard ouvre l’ordre au greffe du tribunal
civil de C le rm o n t. L e sieur R ic a r d et autres créanciers
imaginent de prétendre qu’y ayant une réquisition d’en
chère de la part de la dame de Lan glard, elle doit être
mise à fin.
L ’existence de cette réquisition est niée : malgré çela ,
par jugement du 2 messidor an 1 1 , le tribunal civil de
Clermont ordonne que la dame de Langlard donnera dans
le mois suite à ses sou m ission s, sinon autorise le sieur
Ricard et autres créanciers à en poursuivre l’effet, et con
damne la dame de Langlard aux dépens envers toutes les
parties.
Par arrêt du 4 prairial an 12 , la cour infirme ce juge
ment ; et par arrêt du 19 floréal an 1 3 , celle de cassation
rejette le pourvoi du sieur Ricard et consorts.
La dame de Langlard reprend la continuation de l’ordre :
des difficultés lui sont élevées sur le quantum de ses
«
«
«
«
u
haute futaie de la terre de la Varenne, appartenante à la demanderesse, et dont il n ’a point fa it l'em ploi ainsi q u'il y
ctoit oblige par son contrat de mariage avec cette dernière,
passé devant Tavernier et son collègue, notaires ¿1 G armât,
le i 3 mars 1772. »
�créances, et sur l’hypothèque qu’elle doit avoir. Les parties
sont renvoyées à l’audience.
A l’audience, le sieur Richard Courbery s e u l, i° .c o n
teste la quotité des créances de la dame de Langlard ;
20. soutient qu’elle ne peut elre colloquée à l’hypothèque
de son contrat de mariage que pour les ventes faites avant
la séparation de 1 7 8 1 , et à la date du jugement obtenu
contre le sieur de V ic h y pour les ventes postérieures.
Les sieurs Jaladon , Juge ; R o u x et F a y o n , s’en remet
tent à droit.
Les sieurs R o u x , R icard , Javanel, Fayon , et la veuve
Farm ond, déclarent qu’ils ne veulent prendre aucune part
dans ces contestations.
Sur c e , par jugement du 9 fructidor an 1 3 , i ° . le sieur
Richard Courbery est, quant à présent, déclaré non recevable en sa demande en réduction des créances de la dame
de Langlard ;
2 ° . I l est o r d o n n é q u ’ à l’ordre la dame de Langlard
sera colloquée à la date de son contrat de mariage, du 13
mars 1772, seulement pour les ventes antérieures à la sépa
ration de 1781 ,
E t à la date des jugemens pour les postérieures ;
30. Les dépens sont com pensés, pour être em ployés,
savoir, ceux de la dame de Langlard en frais d’ordre,
et ceux des autres parties en mises d’exécution (1).
(1) « En ce qui concerne les créances de la dame de Yiclxy,
« résultantes des ventes de ses biens laites par son mari avant
« la prononciation de leur séparation de biens ;
5e Attendu que la dame de Y i c h y , par son contrat de mariage ,
�C ’est de ce jugement que la dame deLanglnrd demande
lu réformation , en ce qu’ il ne l ’a pas eolloquée à l’hypo« a donné pouvoir à son futur de vendre les bois de haute futaie
« à elle appartenons, à la charge d’en faire le remploi ;
cc Attendu qu’il est constant qu’avant la séparation de biens
« prononcée entre les deux conjoints , le mari a vendu des bois
ce de haute futaie sans on avoir fait le remploi ;
ce Attendu q u e le défaut de remploi donne à la femme hypocc thèque contre son mari, à la date de son contrat de mariage,
ce et que, dans l’espèce, le rang de cette action a été conservé
<e par son inscription.
ce Quant aux ventes postérieures à la séparation de biens;
ce Attendu que dès l’instant de cette séparation la dame de
cc "Vichy a eu la libre administration de ses biens ; que son mari
te en a été absolument privé ; et dés lors , s’il s’est ingéré dans
cc l’administration d ’iceu x, il n’a pu le faire que de l’agrément
ce de son épouse ; d’où il suit que pour raison desdites ventes
ce elle n’a d’hypothèque , relativement aux créanciers , qu’à
cc compter des jugemens qui ont liquidé les créances résultantes
ce d icelle,
ji j
■
■i
ce En ce qui t o u c h e la demande en réduction desdites créances;
cc Attendu qu’elles ont été liquidées par différons jugemens,
ce et que, tant que ces jugemens ne seront pas attaqués par les
ce voies légales >'cette "liquidation doit avoir son effet;
ce Le tribunal donne qcte aux sieurs Jaladon, etc.; sans s’arcc réter ni avoir égard à lu demande des parties de J'eudy, tence dante à,la réduction des créances de la dame de V ic h y , dans
cc laquelle elles sont, quant à présent, déclarées non recevables,
cc ordonne qu’à l’ordre ladite dame de Vichy sera eolloquée pour
cc les ventes de bois antérieures au jugement de séparation,; au
cc rang et à la date de son contrat de mariage ; et quant aux
« ventes postérieures, au rang et à la date des jugemens qui
u les ont adjugées; dépens compensés, etc. »
�( II )
tlièqne du 13 mars 1 7 7 2 , pour les ventes faites par son
m a r i, après la sentence de'séparation de 1781 ; pour cela
elle a intim é, et le sieur de V icliy , et tous les créanciers
inscrits.
M O Y E N S .
Dans la cause il est un point de départ sur lequel on
ne. snuroit se tromper.
En fait, la dame de Langlard n’étoit séparée que de
biens d’avec son mari.
O r , la m esu re de puissance qui en résultoit en faveur
de la dame de Langlard est très-connue. Suivant les prin
cipes du droit, cette puissance se bornoit à jouir de ses
revenus : aussi la sentence de 1781 ne lui a-t-elle permis
que cela , et lui a-t-elle défendu d'aliéner, rc?idre et hypo
thèque}' scs im m eubles , sans y être expressément auto
risée par avis de p aï ens, dûment homologué .
Il y a plus , eu point de d r o it, pour pouvoir aliéner ses
immeubles, la dame de Langlard avoit b esoin d e l’auto
risation du sieur d e - V i c h y , parce que la séparation de
biens n’a voit pas fait cesser la puissance maritale. Celte
puissance avoil su rv é c u à la séparation de biens (1); elle
(1) M. Auroux, sur l’art. 63 , n. 27, d e là coutume de Bour
bonnais ( le contrat de mariage a été passé h Gannat, et lors de
la séparation le mari et la femme étoient domiciliés à Moulins ),
dit : te Le premier effet de la séparation de biens d’entre mari
« et fem m e, est de rendre la femme séparée maîtresse de dis« poser de ses meubles, et revenus de ses immeubles, mais
« non pas d’aliéner, engager et hypothéquer ses immeubles ,
« sans l’autorité de son mari ; de manière q u e , comme nous
\
�( 12 )
n’avoit la disposition que de ses meubles, et des revenus
de ses immeubles : hors de là, la séparation ne signiiioit
rien; hors de là , la puissance maritale avoit encore tout
son eifet. A cet égard les choses restoient dans les termes
du droit commun , respectivement à tout ce qui étoit
immeuble.
O r , dans le droit, avant le Code Napoléon, les bois
de haute futaie n’étoient point meubles, ni considérés
comme fruits d’immeubles.
Sur cela , M . A u r o u x é c r it , en l’article 235 de la cou
tume de Bourbonnais, n. 31 : « Ne peut non plus le mari,
« sans le consentement de sa fem m e, couper les futaies
« qui lui appartiennent, parce qu’ils ne sont pas in jru ctu .
le dirons sur l’art. 232 , in frà , la séparation de biens ne fait
pas que la femme soit sui ju r îs , et entièrement hors la puissance de son mari, et qu’elle ait la libre disposition de son
bien , parce que c ’est le mariage qui donne cette puissance
au m a ri, qu i dure autant que le mariage.
M. Auroux dit les mêmes choses , et avec un peu plus
d’étendue, sur l’art. 232 ; il cite même , à l’appui de son opi
nion , celle de plusieurs auteurs célèb res, tels que Genin fils,
Brodeau sur Louet, Lebrun et Duplessis. François de Cullant a
donné l’explication qui suit, d’ une note de Dumoulin: 11D u p li ceni
« m ariti potestaténi agnosci/nus : prima qua fructus honorum
te uxoj'is suos f a c i t , et quam separatone honorum fa ctà inter
« conjuges v ir a m ittit, de qua velini notulam Molincùi intér« pretari. S ecu n d a, quee datur viro in caput m uli eris ,■quee
cc dici tur m aritalis, prò ejus gubernatione, quee separatione
cc fa c tà inter conjuges non tollitur, adeò ut remaneat sernper
cc in sacris m a r iti, nec alienare possit m ulier , et de qua
<t M olinosi notula non est accipienda. »
«
«
cc
«
«
�( i3 )
Sed nec superficiem cedijicii , nec arbores , imo nec
lapides in lapidici/iis , si non renascàntur , et in fructu
non sint ....... dit M. le président D u re t, sur ce mot
de notre article, les héritages. »
Ceci est d’iiutant plus applicable à la cause, que dans le
fait les bois en question étoient situés en coutume de
Bourbonnais, et q u e , dans le droit, lesd¡spositions des cou
tumes sont tërritorialés. ( Nous avons en cela le sentiment
de M . A u ro u x , sur l’article 238 de la coutume de Bour
bonnais; celui de M. C habrol, sur l’article 3 du titre 14
de la coutume d’A u v e rg n e , question 1 6 , et la jurispru
dence de tous les tribunaux. )
O r , si le sieur de V ich y ne pouvoit faire couper les
bois futaies de son épouse, sans le consentement de cette
dernière, parce qu’ils n’étoient pas in f r u c t u , parcequ’ils
étoient im m eubles, de même la dame de Langlard ne
pouvoit les aliéner sans l’autorisation du sieur de V ich y,
parce qu’à l’égard de la d am e de L a n g la r d ils n ’étoien t
pas in fr u c tu ; parce qu’ils étoient immeubles, et que la
séparation ne lu ia v o it conféré le droit que de percevoir
les fruits.
Par la séparation de biens, le sieur de V ic h y n’avoit
pas été privé du pouvoir qui lui avoit été conféré par
le contrat de mariage de 1 7 7 2 , du pouvoir de vendre les
arbres futaies de son épouse, à la charge par lui de faire
emploi des deniers au profit de son épouse. Ce pouvoir
étoit inhérent au mari ; il ne pouvoit repasser à la femme
en vertu de la séparation de biens , parce que ces arbres
étoient dotaux à la dame de Langlard , tout comme le
fonds, le très-fonds dans lequel ils étoient, et que seule
«
«
«
«
�CH )
n’avoit pns le droit de vendre ses biens dotaux.
Par le contrat de mariage de 1772, la dame de Lnnglard
s’est constitué en dot tous ses biens meubles et immeu
bles; point de réserve : d’où il suit que tout étoit dotal.
A la restitution de cette dot les sieurs de V ic h y , père
et fils, ont obligé solidairement tous leurs biens présens et
à venir : d’où il suit qu’ils ont obligé tous leurs biens à la
restitution, et des meubles, et des immeubles, dans leur
intégralité, sans a u cu n e altération; d’où il suit enfin que
si des dégradations étoient commises dans les immeubles,
elle
les biens des sieurs de V ic h y étoient là pour en répondre.
En séparation de biens, la femme n’ayant que le droit
de jouir des fruits, les fonds, ce qui est im m euble, demeu
rent en la garde du m ari, qui ne doit les rendre que disso-
ïuto matrimonio : jusque là il demeure responsable de
toutes les détériorations de son fait.
Que l’on considère ensuite la position de la femme
seulement séparée de biens. Restant toujours sous la puis
sance maritale, quels m o y en s employer contre son ép o u x,
s’il veut encore jouir des biens dotaux? Faudra-t-il qu’elle
soit sans cesse en dissension avec lui ? Faudra-t-il qu’elle
le poursuive comme rébellionnairc à justice? Ces idées
seroient trop inhumaines p o u r tr o u v e r des partisans.
Dans cet état des choses faudra-t-il que la femme perde
partie de son bien dotal? Reipub/icœ interest dotes muUerum salvas esse. Quand il s’agit de balancer les inconvéniens pour et contre, il faut se décider de préférence
en faveur du parti tenant à l’intérêt pu b lic, et contre ce
qui ne touche que le particulier, exemple des créanciers
ordinaires.
»
�( i5 )
C'est sous la foi de l ’hypothèque du 13 mars 1772 qu’a
été donnée la permission de vendre des bois de haute
futaie, à la charge de faire emploi des deniers. Celte
hypothèque est la garantie contre le non emploi; il ne
faut donc pas que cette confiance soit trompée.
Dans cette cause, la dame de Langlard est d’autant plus
favorab le , que rigoureusement elle pourroit demander
et obtenir plus que le prix des ventes laites par le sieur
de "Vicliy. La sentence de séparation de 1 7 8 1 , d it, la res
titution de ces pri x, ou Vestimation par experts. Dans le
fait, le sieur de V ic h y a étrangement abusé de la per
mission de vendre ; il l’a fait à très-vil p r ix , et de la
manière la plus inconsidérée. Par exem ple, il vend ? le
22 avril 1 7 7 4 , deux mille huit cents pieds d’arbres, ci
prendre et choisir dans toute retendue et dépendances
de la terre de la V a renne , môme dans les p rés , terres
et patu ra u x , moyennant 7000 francs; ce qui donneroit
la somme de cin q u a n te sous pour chaque pied. Les arbres
entre lesquels un homme à cheval ne peut passer, ne comp
tent que pour un; les acquéreurs ne doivent aucune in
demnité pour dommage causé par la chute des arbres
coupés ; ils ont toute li b e r t é , même de faire du c h a r b o n :
pour l’exploitation et la sortie, il leur est accordé neuf ans.
11 en est à peu près de même pour la vente du 12 mars
1776: le sieur de V ich y donne dix ans pour l’exploitation
et la sortie. L e 30 décembre 177 6 , le sieur de V ic h y vend
douze millearbres chênes à ch oisir , moyennant 10240 f. ;
ce qui ne fait pas vingt sous pour chaque pied : il donne
douze ans pour l ’exploitation. Par l’acte du 13 octobre
.1784, il vend tous les bois qui sont debout, à l’exeep-
�( Ifi )
tion des trembles, arbres fruitiers, chataigners, et du bois
du domaine Tarriers ; il accorde sept ans pour l’exploita
tion et la sortie. Sur cette esquisse on voit bien que la
dame de Langlard auroit intérêt à préférer la voie de
l’estimation; les prix des ventes en seroie n t plus que doublés : mais elle veut en finir le plutôt possible, et par cette
raison elle fait des sacrifices.
. Une seule question naît de l’appel du jugement de
Clerm ont, celle de savoir si pour les ventes postérieures
à la s ép aration de 17 8 1, la dam e de L a n g la r d a hypothè
que de 1772,: les autres deux difficultés jugées par le tri
bunal civil de Clerm ont, et relatives à la réduction des
créances delà dame de Langlard , et aux ventes antérieures
à la séparation, ne peuvent être reproduites. A cet égard
le jugement de Clermont a acquis l’autorité de la chose
jugée, puisqu’il a été signifié à dom icile le 30 octobre 1806,
et que les adversaires n’en ont pas appelé.
Quant aux ventes postérieures à la séparation, la dame
de Langlard a tout à la fois hypothèque légale (t) et
h y p o t h è q u e c o n v e n tio n n e lle de 1 7 7 2 . Ainsi il est indubi
table que le jugement de Clermont sera infirmé à cet égard.
(1) M. A u ro u x, sur l’article 248 cle la coutume de Bourbonnais,
il. 17 , et nombre d’autres auteurs, donnent ce principe pour très-
certain,
G O U R B E Y R E père.
A RIOM , de l’imprimerie de T i i i b a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Novembre 1807,
�
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Factums fonds privés
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Title
A name given to the resource
[Factum. Langlard, Thérèse de. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gourbeyre père.
Subject
The topic of the resource
divorces
contrats de mariage
mari prodigue
créances
coutume d'Auvergne
coupe de bois
séparation de biens
coutume du Bourbonnais
futaies
doctrine
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour dame Thérèse de Langlard épouse divorcée de sieur Antoine-François-Marie-Joseph de Vichy, propriétaire, habitante de la ville de Moulins, appelante de jugement rendu au tribunal civil de l'arrondissement de Clermont, le 9 fructidor an 13; contre ledit sieur de Vichy, pensionnaire de Hollande, habitant de Bois-le-Duc; Jean Javanel, tailleur d'habits à Clermont; Dame Jeanne-Marie-Gabrielle Gonzac-Vichy, demeurant à Crévan; le sieur Blatin, négociant à Clermont; Jean-Baptiste Ricard, Barthélemi Molle, son mari; Gilberte Ricard, Jean Berohard son mari; Victor Lacrostas, Gilberte Ricard, Antoine Quesne, son mari; Ligier Ricard; Jeanne Ricard, et Joseph Fuzon, son mari, demeurant à Clermont; Claude Fayon, cultivateur à Chanonat; Charles-Jean Jaladon, propriétaire à Clermont; Marie Raynaud fille majeure, demeurant à Merdogne; Claudine Quériaux, veuve Juge, demeurant à Clermont; Joseph-Richard Courbery, demeurant à Paris; Cécile Fontanier, veuve Dechuix-Darminière, demeurant à Riom; Pierre-Charles Pétezon, tailleur d'habits à Paris; Marguerite Lasteyras, le sieur Grimardias, son mari; Marie Lasteyras, le sieur Bardinnaud, son mari, demeurant à Clermont; Gilbert Lacour, ci-devant chapelier à Clermont; Nicolas-Médoc Dufresne, propriétaire à Clermont; les administrateurs de l'Hospice de Clermont; le sieur Rixain, propriétaire à Chanonat; le sieur Gilbert Roux, capitaine d'infanterie, habitant à Clermont; sieur Jacques Choussy, géomètre à Cusset; Anne-Marie Bouvant, à Saint-Michelly-Gestel; Pierre Thomeuf, propriétaire à Clermont; Antoine Cournollet-Barret, cultivateur à Chanonat; Gilberte Charles, veuve de sieur Jean Nicolas, en son nom et comme tutrice de leurs enfants à Clermont, Claude Fayon, propriétaire à Chanonat; sieur François Brochet, cultivateur à Chanonat; Jean Sabatier, cultivateur à Chanonat; Pierre Planeix, cultivateur à Chanonat; sieur Bernard-Antoine Magaud, cultivateur à Chanonat; tous intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1772-1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV13
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chanonat (63084)
Moulins (03190)
Gannat (03118)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/28/54009/BCU_Factums_DVV13.jpg
contrats de mariage
Coupe de bois
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Créances
divorces
doctrine
experts
futaies
mari prodigue
séparation de biens
-
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e4cdd80d363c4ff37dc85660f8163ce1
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Text
t>
MÉMOIRE
•
Dam e G
P, 0 U R
a b r ie l l e - L o u ise
G U I L L E B O N , veuve
de P i e r r e C H A U V I G N Y , habitante de la ville
de M oulins, appelante d’un jugement rendu au
tribunal de commerce de la même ville, le 2 7
vendémiaire an 10
C O N T R E
,
C l a u d e B A U D I N O T - L A S A L L E proprié
taire habitant de la commune de la Pacaudière,
département de la Loire, intime.
,
L A dame Chauvigny a été traduite au tribunal de com
merce de Moulins par le citoyen Lasalle , son gendre;
elle est condamnée au payement de la somme de 5,000 fr,
A
�( 2 )
montant'de trois lettres de change par elle souscrites à.
son profit ; letfres de change qu’elle avoit données par
simple précaution, dont il n’a été fait aucun emploi ;
qu’elle a retirées sans avoir l’attention de les bâtonner,
et qui lui ont été soustraites par son gendre, lorsqu’elle
éloit éloignée de son domicile.
II est difficile de se défendre d’un sentiment d’indigna
tion, lorsqu’on connoît l e s circonstances et les faits de
cette cause. La dame de Chauvigny n’oubliera cependant
pas qu’elle plaide contre le mari de sa fille : c’est avec
douleur qu’elle se voit obligée' de publier ce mystère
d’iniquité. Elle ne se permettra donc aucunes réflexions
amères; elle ne-dira que«^cè qui est nécessaire pour*sa
défense, et le citoyen Lasalle doit lui savoir gré de cette
modération,... .
•
,,
.
*- f
... "
F A I T S.
r ~
^
• j
j
:
Pierre Chauvigny de B lot, mari de l’appelante, a été
porté sur la liste fatale des émigrés ; fuyant loin de sa
patrie, son épouse a éprouvé les plus cruelles persécu
tions dans ces temps de troubles et d’orages qu’on voudrcrit effacer de sa mémoire.
< En l’an 5 , la dame de Chauvigny succéda en partie à.
un sieur Aurillon de Berville, décédé à Soleureÿ elle
reçut pour sa p a rt, tant en contrats de rente qu’en
billets et obligations, une valeur de 88,23.5 fr. elle
donna procuration, le 26 septembre 1795, i\ un sieur
Frédéric-A rnold Obreist, bourgeois de Soleurc, de
recevoir et poursuivre les rentrées de rentes, billets,
obligations, et tous remboursi'incus que feroient les
�{ 3
)
débiteurs. Elle en fournit un état à son mandataire qui
lui en donna reconnoissance.
A mesure de chaque perception, le fondé de pouvoir
adressoit les différentes sommes par lui reçues au cit.
Lièvre, négociant à Lyon, qui étoit en correspondance
avec la dame de Chauvigny. Le citoyen Lièvre recevoit les
fonds , les gardoit aux conditions convenues, ou les faisoit
passer, suivant les besoins de la dame de Chauvigny.
Cette succession répandit l’aisance dans la maison de
la dame de Chauvigny. Ce soulagement qu’elle recevoit
si à propos, et dans un temps ou elle ne jouissoit point
encore de sa fortune, lui fit tourner ses regards sur son
ép ou x, 'l’objet continuel de ses regrets, et dont elle gé-.
missoit d’ctre séparée j elle espëroit pouvoir pbtenil' sa
radiation.
Pour son malheur, le citoyen Baudinot-Lasalle étoit
alors à Moulins; il s’annonçoit comme un personnage
important, vantoit son crédit et ses relations avec les
personnes en place ^et faisoit entendre qu’il pourroit plus
qu’un autre contribuer à une radiation qui faisoit l’objet
de tous les vœ ux, de tous les désirs d’une épouse affligée.
Baudinot-Lasalle, intx-oduit chez la dame de Chauvigny,
employa toutes les ressources de l’art,; tous les manèges
de la séduction, et parvint à obtenir en mariage la fille
aînée de la dame de Chauvigny.
C’est le 7 messidor an 6 que fut rédigé le contrat de
mariage de Baudinot-Lasalle avec la demoiselle de Chau
vigny. La dame sa mère lui constitua une dot de 40,000 f.
remboursable après deux années expirées, à compter du
jour de la célébration du mariage.
A a
�(4 )
' L e citoyen Baudinot-Lasalle, qui affichoit le ton et le
luxe de l’opulence, avoit souscrit une lettre de change
de 3,000 francs, qui fut acquittée par le citoyen Lièvre,
correspondant de la dame de Chauvigny, le 9 thermidor,
trois jours après son mariage. Ce payement est établi par
le compte fait double entre feu Lièvre et la dame de
Chauvigny, ainsi que par la correspondance des citoyens
Baudin frères, qui étoient porteurs de cette lettre de
change.
Ce n’est pas le seul payement qui ait été fait pour son
compte ; mais on aura occasion de revenir ,sur ce point.
Enfin Baudinot ayant persuadé à sa belle-m ère qu’il
lui é toit facile d’obtenir la radiation de son m ari, la dame
de Chauvigny le presse d’aller faire des démarchesàBarisjelle lui compte 3,000 francs pour son voyage, et elle y
ajoute cinq lettres de change montant à 9,700 francs,
qu’elle tira au profit de son gendre sur L ièvre, négo
ciant à L yon , son débiteur. '
Ces lettres de change sont en date des 1 2 ,1 3 et 14 bru
maire an 7; savoir, deux du 12, dont l’une de 1,200 fr.
et l’autre de 2,350 fr. la première payable le 12 nivôse
suivant, et la seconde le 12 pluviôse aussi suivant; deux
autres en date du 13, montoient l’une à 1,400 fr. payable
le 13 nivôse lors prochain, et l’autre de 2,350 fr. payable
le 12 pluviôse aussi suivant; enfin celle -du 14 brumaire
étoit de 2,400 fr. payable le 14 nivôse de la même année.
Ces lettres de change avoient une destination sacrée :
c’étoit une précaution que prend t ladame.de Chauvigny,
en prévoyant le cas où son gendre seroit dans la nécessité
de faire des dépenses .'extraordinaires pour son mari.
�.( 5 )
Elle vouloit obvier à tous les obstacles, à tous les retards*
Bodinot-Lasalle l’a ainsi reconnu dans plusieurs lettres
qu’on aura bientôt occasion d’analyser , et qui prouvent
qu’il n’a jamais fourni la valeur de ces lettres de cliange.
La dame de Chauvigny elle-m êm e donna avis au
citoyen Lièvre des lettres de change qu’elle avoit tirées
sur lu i, et le citoyen Lièvre répondit qu’il n’avoit pas
sur le moment les fonds pour les acquitter ; qu’il falloit
les retirer jusqu’à nouvel ordre : mais ces letti’es ne
parvenoient pas à la dame de Chauvigny : sa corres
pondance étoit interceptée; et ce ne fut,qu’après le
départ de son gendre, qu’elle put recevoir des nouvelles
duicitoyen Lièvre. Ce sopt les lettres reçues postérieurement à ce départ , -qui c^pprqriïjent ¡que le citoyen Lièvre
en avoit écrit antérieurement plusieurs autres qui ayoient
été interceptées.
Enfin, le citoyen Lasalle part potfr Paris avec l’argent
et les lettres de change de sa [bolle-mère : son premier
soin, en arrivant,-est de chercher, à négocier les cinq
lettres de change : on ne veut les escompter qu’autant
qu’elles seront acceptées par le citoyen Lièvre qui refuse
son acceptation. Une lettre qp ,date du 30 brumaire .an,
sept, écrite par le citoyen Lasalle au citoyen làèvTC 3
apprend toutes ces circonstances : « Je n’ai pu me
» dispenser, d it-il, de vous faire présenter pour a c c e p t e r
» trois traites montant ensemble à 5,900 fr. dont la
» destination est Jaite et relative à Vajfaire de mon
» beau-père. Comme je suis peu connu ici où je n’ai
» ipas oie ii’ésidençe habituelle , V o u s sentez cju’i'l m’eût
» é t é impossible de négocier saus votre a c c e p t a t i o n , a
�( 6 )
Plus bas il ajoute : « Madame de Chauvigny m’informe
» que la démai’che qu’elle a faite de tirer sur voufe, vous
» a fait de la peine ; je crois devoir i c i , pour justifier
» cette action, vous rappeler, et la promesse que vous
» lui aviez faite d’une rentrée de fonds beaucoup plus
» conséquente que celle''dont elle dispose , et en même
» temps vous remettre sous les y eu x Vemploi sacré
» de cet argent. »
'
Il est bien évident , d’après les expressions-de cette
lettre, que Lasalle n’avoit point fourni la valeur des cinq
lettres de change; qu’elles étoient destinées aux dépenses
qu’il pouvoit faire pour obtenir la radiation de monsieur
dé' Chauvigny.'M ais le citoyen Lièvre refusai toujours
d’accepter, malgré que Lasalle eut'expédié de-Paris à
Lyon un certainBastine, son ami, qui présenta de nouveau
les effets chez le citoyen Lièvre.
'
:j
■ Lés échéances arrivent; lés lettres sdilt'protestées, faute
de payement Lasalle se plaint de cet événement à la ddme
de Chauvigny, sabellé-mèi'e,et lui écrit’que le défaut de
fonds lui fera manquer la réussite de ses afiaires.
La dame de Chauvigny s’empresse de lui adresser une
somme de 800 francs, en une lettre de ehange tirée par
Cordez, banquier ci Mouliné , sur Duc lied 6 et Petit à Paris.
Dans le même temps Lièvre lui fait passer 4,o44<irancs
de fonds. Lièvre en donne1avis ;V la dame de Chauvigny
par une lettre de L yo n , en'date du 6 pluviôse an sept;
et Lasalle en accuse la réception ait citoyen Lièvre par
line lettre du 26 du môme mois de pluviôse. •*; >
Baudinot-Lasalle revient à Moulins y après un séjour
de trois mois à Paris, sans -avoir fait aucune'démarche
�U
i
( 7 )
pour obtenir la radiation de son beau-père. Il se repose
quelques jours à M oulins, et se rend bientôt à Annecy,
lieu de son origine, avec son épouse. La dame de Chauvigny accompagne sa fille dans ce voyage ; elle s’arrête à
L yo n , où elle voit le citoyen L ièvre, reçoit de lui des
fonds, et donne à son gendre 2,400 francs.
Arrivée à Annecy, la dame de Cliauvigny fait im
compte général avec son gendre , d.es sommes qu’il a
reçues jusqu’alors. Il est à observer qu’à cette époque,
Je payement de la constitution de dot promise à la
demoiselle de Cliauvigny, n’etoit pas^ échue. La dame
de Cliauvigny produit le bordereau des sommes qu’elle
a payées, et Lasalle produit les bordei’eaux de ses dé
penses.
, La dame de Cliauvigny est assez heureuse pour con
server deux- états écrits en entier de la main du citoyen
Lasalle : l’un contient la recette, et prouve que Lasalle
a reçu pendant son séjour à Paris la somme de 4,840 fr.
le second, qui est l’état de dépense, porte une somme
de 5,620 francs.
Le citoyen Lasalle étoit à Paris avec son épouse et
sa belle-sœ ur; il porte pour le traiteur pendant trois
mois 2,620 fr. pour le vin et le logement 860 fr. ports
de lettres 70 fr. il dit avoir donné pour madame de
Cliauvigny 936 fr. frais de route 85 o fr. bois de chauffage
284 fr. ce qui établit bien évidemment qu’au moins
pendant son séjour il n’a souifert ni la faim, ni la soif,
ni le froid.
La dame de Cliauvigny est assez généreuse pour ne
faire aucune difficulté; elle alloue ce mémoire; et comme
J ti I
�t
"*
( 8 )
le citoyen Lasalle, d’après ce compte, avoit reçu jusque®
alors une somme de 17,740 fr. il fut déduit celle de
5,620 fr. pour dépenses, 1,020 fr. pour six mois d’intérêts
de la constitution de dot ; il en résulte que le citoyen
Lasalle étoit débiteur d’une somme dë 11,000 fr. dont
il donna quittance à sa belïe-mère sans aucune réserve,
et ci imputer sur la dot à écheoir de son épouse.
Cette quittance est en date du 12 germinal an 7 : il
est dit qu’elle est faite à Jlnnecy, et de suite Lasalle
remit à la dame de Chauvigny les cinq lettres de change
qu’elle lui avoit données avec les protêts, 16s bordereaux
de recette et de dépense dont 011 vient de parler.
L e 16 du même W ois dé germinal, après ce compte
fait et la quittance donnée, le citoyen Lièvre fit passer
au citoyen Lnsalle à A n n ecy trois effets de 1,000 fr.
chacun, dont il accusa la réception ; depuis le citoyen
Lièvre a payé pour lui une lettre de change de 3,000
fr. et lui a envoyé 600 fr. qu’il avoit demandés par une
lettre du 17 floréal an 7; enfin le citoyen Lièvre a payé
encore une somme de 3,000 fr. à un homme de Chamberi pour le compte du citoyen Lasalle , ainsi que le port
de ses effets.
Bientôt après la dame de Chauvigny quitte A n n ecy,
revient à Lyon, et le 19 germinal an 7 fait son compte
définitif avec le citoyen Lièvre.
Dans ce compte le citoyen Lièvre comprend toutes les
sommes qu’il a payées à Lasalle, ou pour lu i; elles se
portent à i 5, 8 o 8 lr. 19 s. 6 d.
Lasalle reste à peine six mois dans le lieu de sa nais
sance, manquant d’argent et de crédit et se voyant sans
ressource
�( 9 ).
ressource; il demande à revenir chez sa belle-mère qui
l’accueille avec obligeance.
La dame de Chauvigny ne perdoit pas de vue la ra
diation de son mari. Jusqu’alors ses démarches avoient
été infructueuses; pour le coup elle ne voulut s’en rap
porter qu’à ses propres soins et h sa tendresse; elle se
rendit à Paris pour solliciter elle-même. Elle se vit obli
gée de livrer sa maison de Moulins à son gendre. Elle
obtient à Paris une surveillance pour son époux ; et à
peine le reçoit-elle dans ses bras, qu’elle a le malheur
de le perdre. Elle quitte sur le champ un séjour qui lui
devenoit odieux, et ne trouve dans sa maison que trouble
et désordre : Lasalle agissoit en maître, malti'aitoit sa
belle-mère qu’il clcvoit respecter ; elle se vit forcée de 1q
chasser de chez elle.
- L e gendre, humilié ou irrité de cette expulsion, forma
trois demandes contre sa belle-mère. La première dont
il faut d’abord s’occuper , fut celle en payement d’une
somme de 9,700 fr. montant de cinq lettres de change
que sa belle-mère lui avoit confiées lors de son départ
pour Paris. Comment le citoyen Lasalle avoit-il dans ses
mains ces cinq lettres de change après les avoir remises il
sa belle-m ere le 12 germinal an 7 , jour du compte
an etc et de la quittance donnée ? La dame de Chauvigny
fut bientôt instruite que, pendant son absence, Lasalle
avoit fouillé dans tous les endroits où étoient les papiers
de la dame de Chauvigny; qu’il avoit trouvé dans le
tiroir d’une commode les cinq lettres de change non
batonnées , c l qu’il ne s’étoit fuit aucun s c r u p u l e de se
les approprier, ainsi que toute la c o r r e s p o n d a n c e qu il
B
�( ÏO )
avoit tenue avec sa belle-mère'pendant son séjour à Paris,
Mais il arriva, par un de ces hasards heureux qu’il est
impossible d’expliquer, que la dame de Chauvigny, qui
avoit eu la négligence de ne pointbâtonner ces lettres de
changé, et de les placer dans- une commode’, avoit mis
dans le double fond d’une écritoire plusieurs quittances
données par Lasalle, ainsi que les actes- de ?protêts de
des mêmes lettres de change. Gomme elle avoit emporté
avec elle son écritoire lors de son départ, elle conserva
les protêts et lès quittances, et;lës a toujours en son pouvoir.
Indignée de l’audace de sort’gendre', mais n’osant cepen
dant pas apprendre ait public cette escroquerie coupable,
elle consulte sur'les;moyens de défense qu’elle doit em
ployer. On lui dit que- dès;qu?elle vouloit pallier- lestorts et les infidélités du citoyen Lasalle, elle avoit uiï
m oyen simple d’écarter cette demande par une fin de n o n -
invincible. Elle n’avoit qu’à garder les protêtspardevers e lle , et-- alors le tireur des lettres de change
étoit déchargé dô plein-droit, faute-de protêts, d’après
la dispositioil de l’article IV du titre Y de l’ordonnance
de 1673.
La dame de Ghauvigny s’en tintà cet avis; elle demanda
a être déchargée du payement faute de protêts. Lasalle
eut beau soutenir que le citoyen Lièvre avoit refusé
d’acquitter ces lettres de change ; comme iln ’en rnpportoit
aucune preuve, le tribunal de commerce le déclara nonrecevable dans sa demande , et le-condamna aux dépens
par jugement en date du 21 floréal an 9.
Lasalle ne se tient pas pour battu par ce premier
jugement : il prend des informations i\ Lyon , et apprend
recevoir
�127
C 111
que dans cette, ville les notaires chargés de faire les
protêts sont en usage d’en garder minute ; il obtient
de Fromental, notaire, ministre de ces protêts, de secondes
expéditions, et fait assigner de nouveau sa belle - mère
en payement de ces lettres çle change,, en lui donnant
copie des actes de »protêts. j>
■ L a dame de Chauvigny est encore rassurée sur cette nou
velle tentative : on lui dit que d’après les articles X U I ,
X I V e tX V du même titre, son gendre est non-recevable
dans son action , faute par lui d’avoir poursuivi le
payement des lettres de change dans la quinzaine du
protêt. ‘E lle préfère encore ce moyen plutôt que de
dévoiler la turpitude de son gendre ; mais c e lu i-c i
argumente de la disposition de l ’article X V I du titre V.
de la même ordonnance , et prétend que la dame de
Chauvigny ne pouvoit opposer la fin de non - recevoir,
qu’en établissant qu’elle avoit fait des fonds suffisans et
en temps utile entre les mains de L ièvre, sur qui elle avoit
tire pour acquitter le montant de ces lettres de change.
La dame de Chauvigny soutint avoir fait les fonds,
et le tribunal de commerce en ordonna la preuve. Mais,
comme la dame de Chauvigny se disposoit ¿\faire procéder
à l’enquête, elle fut assaillie par une seconde demande
d’un genre encore plus extraordinaire.
Une dame Bourgeois, aubergiste h Moulins, fit assigner
la dame de Chauvigny au tribunal de commerce, en
payement d’une somme de 5,ooo francs, montant de trois
lettres de change souscrites au profit de Lasnlle, et signées
Chauvigny, que I/iisalle avoit passées à l’ordre de celle
dame Bourgeois, sa créancière.
B a
�La dame de Cliaiwigny étoit certaine de n’avoir pas
souscrit ces trois lettres de change ; elle nia les signatures
qui y étoient apposées; elle demanda que l’écriture fût
vérifiée par des experts sur pièces de comparaison.
Sur cette dénégation , jugement contradictoire qui or
donne la vérification. Des experts sont respectivement
nommés : vingt pièces de comparaison sont remises entre
les mains des experts, parmi lesquelles se trouvent les
cinq premières lettres de change, et les quinze autres sont
des pièces authentiques. Ces experts, après le plus mûr
examen, ont unanimement décidé que les signatures Gitillebon-Chauvigny apposées sur les trois lettres de change,
dont la dame Bourgeois réclamoit le payement, ri ont
jam ais dérivé de la même main qui a sigri« Chamngny
sur les cinq lettres de change qui ont été présentées comme
pièces de comparaison , et Guillebon-Chainngny apposé
sur les quinze autres pièces remises aussi aux experts
comme pièces de comparaison.
Cette seconde tentative de I.asalle effraya la dame de
Chauvigny. Elle fut même instruite qu’il existoit encore
plusieurs autres lettres de change sorties de la même fa
brique , et que Lasalle se proposoit de négocier. Sa pa
tience fut lassée; elle se détermina à rendre plainte contre
son gendre en soustraction des cinq lettres de change
m on tan t <
\ la somme de 9,700 francs , dont il demandoit
le payement d e v a n t le tribunal de commerce de l’arron
dissement de Moulins. Elle exposa dans sa requête dé
plainte que, le 12 germinal an sept, ces lettres de change
lui a v o i e n t été rendues par Lasalle ;
Que, le 19 du même mois, le citoyen Lièvre les avoit
�( i3 )
vues en sa possession; qu’elle les avoit présentées le même
jour qu’elle arrêta son compte avec le citoyen Lièvre père ;
Que, pendant son séjour à Paris, Lasalle s’étant pro
curé la clef de la commode dans laquelle elle avoit mis
ses papiers , avoit soustrait ces lettres de change, et qu’il
avoit été vu cherchant et feuilletant dans les papiers de
sa belle-mère.
Les déclarations des témoins furent conformes aux
. faits exposés en la plainte lors des premières informations
rédigées par écrit. Lasalle subit interrogatoire ; et cette
pièce est très-importante à connoître.
• Dans sa première réponse, il prétend qu’il a envoyé
à la dame de Chauvigny les protêts des cinq lettres de
change, pour l ’instruire q u ’elles n’avoient‘point été ac
quittées.
Bans sa seconde réponse, il désavoue avoir tiré aucun
effet sur le citoyen Lièvre pendant son séjour à Paris,
à raison des cinq lettres de change protestées. A la vérité
il convient avoir reçu de Lièvre des effets du montant
desquels il ne se rappelle pas; mais qui lui ont été acquittés
à Paris , et qu’il en a donné une quittance particulière à
la dame de Chauvigny.
Interrogé si les eifets qui lui ont été envoyés par le
citoyen L ièvre, n’étoient pas pour payer le montant des
lettres de change protestées,
Il répond qu’il peut être que le citoyen Lièvre ait
pensé acquitter les effets protestés , ruais que lui répon
dant a donné quittance à la dame de Chauvigny, à
imputai' sur la constitution dotale de la dame son
épouse.
�I ..I
t
;( u )
On lui demande si, le 12 germinal an 7 , la dame de
Chauvigny ne s’est pas pendue à A n n ecy, département
du M ont-Blanc, avec lui Lasalle et son épouse, s’ils n’ont
pas fait un compte avec ¡laidame deGliauvigny des diffé
rentes sommes qu’il avoit reçues du citoyen Lièvre; si,
parle résultat de ce compte, Lasalle ne reconnut-pas avoir
reçu de la dame de Chauvigny la somme de .17,691 francs,
et si, déduction desidépenses faites par lui Lasalle , il ne
donna pas quittance à la dame de;Chauvigny,de-la somme
de ij,o o o francs, à imputer sur la constitution dotale de
son épouse ;
Il répond que la dame de Chauvigny s’est effective
ment rendue à Annecy , mais qu’il ne se rappelle pas
l ’époque ; qu’il ne fut fait aucun compte entr’eux audit
lie u , mais bien en la ville de M ou lin s, par le résultat
d u q u el il se trouva effectivement qu’il avoit reçu 11 ,ooo f.
dont il donna quittance à compte sur la constitution dotale
de son épouse. Il observe que dans le même compte ne
sont point entrées les cinq lettres de change protestées,
m a i s seulement les effets par ;lui tirés sur le citoyen Lièvre,
ou à lui envoyés par ce dernier.
Il ajoute qu’il vouloit bien faire entrer les mômes
cinq lettres de change dans le com pte, mais que la dame
de Chauvigny ne voulut pas, en disant qu elle préféroit
se libérer de partie de la dot de sa f i l l e , et qu’il 11’avoit
aucun risque à co u rir, puisque les lettres de change avoient
été prolestées.
Interrogé , si pendant le séjour que la dame de Chau
vigny a fait h Paris , lui répondant n’a pas fait de recher
ches dans le tiroir d’une commode qui est placée dans la
�ù C t
C i5 )
chambre à coucher de la dame de Chauvigny, dans sa
maison sise rue des Carmelites ; s’il n’â pas trouve tous ses
papiers, parmi lesquels étoient les cinq lettres de change
tirées sur le citoyen Lièvre les 12 et 13 brumaire an 7 ,
et qui avoient1 été protestées ; s’il n’y a pas également
trouvé la correspondance que lui répondant avoit eue
avec la dame de Chauvigny, et s’il ne s’est pas emparé
desdites cinq lettres de change protestées, ainsi que de
sa correspondance;
A répondu, q u à la vérité', il a fa it quelques recher
ches dans le tiroir de la• commôde de la dame de Chauvigny; mais que s’il1 lés a faites, c’est que la dame' de
Chauvigny avoit écrit à soncépouse de lui envoyer quel
ques papiers dont elle avoit besoin î\ Paris ; qu’en faisant
cette recherche, i l n ’a vu aucune lettre de change, ni»
correspondance danslefmême tiroir; que conséquemment
il ne" s’en est point emparé.
On lui demande pourquoi lors de la demande par lui
formée au tribunal de commerce , en payement des cinq
lettres de change protestées sur le citoyen L iè v re , il ne
rapporta pas en même temps les protêts; et si dans le
temps les mêmes protêts étoient à sa possession.
Il répond que s’il n’a pas rapporté les protêts lors do'
cette première demande, c’est parce qu’il les avoit envoyés
de Paris à la dame de Chauvigny pour l’instruire que ces
lettres de change avoient été pro testées, et que dans ce
temps il regardoit ces lettres de change comme sa pro
priété , ayant'fait pour la dame de Chauvigny des dé
penses qui en excédoient le montant.
Il convient ensuite s’être fait délivrer des secondes
�(i6)
expéditions des protêts, parce que d’après le jugement qui
avoit été rendu par le tribunal de commerce, ils lui étoient
nécessaires pour former une nouvelle demande contre la
dame de Cliauvigny.
Sur la question qui lui est faite, si la dame de Cliauvigny a fait un compte avec le citoyen L ièvre, et si dans
ce même compte ne sont pas entrées les cinq lettres de
change protestées ,
>
Il répond que la damé de Chauvigny étant venue
accompagner sa fille dans le voyage qu’elle fit à A nnecy,
elle lui dit effectivement qu’elle alloit faire son compte
avec le citoyen Lièvre, mais il n’en a pas été témoin. 11
observe quY/ ne paroît pas probable que les cinq lettres
de change soient entrées dans le compte, en supposant
qu’il ait été fait, d’autant que ces cinq lettres de change
n’ayant point été acquittées par le citoyen Lièvre , en
tout ou en partie, la dame de Chauvigny ne pouvoit
lui en faire raison; qu’elle pouvoit d’autant moins les
faire entrer dans le compte, qu’elle n’avoit pas en sa
possession les cinq mêmes lettres de change, puisqu’elles
ont toujours resté dans ses mains.
On lui demande comment il a fourni le montant de
ces cinq lettres de change à la dame de Chauvigny, et
en quelle monnoie ;
11 répond qu’il a fourni le montant des mêmes lettres
de change à la dame de Chauvigny, par les différentes
avànces qu’il a jh ites pour elle dans la ville de P a ris,
pour remplir la mission dont elle tavoit chargé.
11 est nécessaire de s’arrêter sur cet interrogatoire pour
démontrer que le citoyen Lusalle en a imposé sur tous
les
�' ( 17 ï
les points, et pour prouver en même temps qu’il n’a
point fourni la valeur des* cinq lettres de change ; qu’ainsi
il ne peut en obtenir la condamnation.
Lasalle prétend dans sa première et sixième réponse,
qu’il a envoyé de Paris à la dame de Chauvigny,, sa bellem ère, les protêts des cinq lettres de change qu’elle lut
avoit consenties, pour l’instruire: que ces,lettres-de change
avoient été protestées, et que par,cette raison il ne pouvoit les présenter lors' de la première- demande-qu’ilforma contre là dame de Chauvigny.
Il paroissoit en effet assez singulier que-la dame de
Chauvigny eût les protêts en son pouvoir,.et qu’elle n’eût
pas les lettres de change.
On a vu plus haut pourquoi la dame de Chauvigny
avoit conservé lès protêts *, c’est qu’heureusement pour
elle , ils ne se trouvoient pas déposés au même lieu que
les lettres de change.
Mais s’il est vrai que le citoyen, Lasalle a envoyé de
Paris ces protêts à la dame de Chauvigny;,, pourquoi ne
l ’a-t-il pas ainsi déclaré lors du jugement qui a été rendu
sur cette première demande, le 21 floréal an 9 ? Il étoit
tout simple, lorsque la dame de Chauvigny lui opposoit
une fin de non-recevoir, faute par lui de rapporter les
protêts, qu’il déclarât qu’il les avoit envoyés à s a bellemère , de Paris, et qu’elle les avoit entre les mains.
Cependant on lit dans ce jugement que le citoyen La
salle explique en quoi consistent ces lettres de change;
qu’il déclare en avoir passé son ordre au profit d’un citoyen
Pax-aire, et celui-ci au citoyen Louis Flori; qu’elles avoient
été présentées au citoyen L ièvre, qui n’avoit voulu ni les
�(
1
8
5
accepter ni en payer le montant. Il n’est point question clé
protêt dans les dires de Lasalle ; la dame de Cliauvigny
excipe des termes de l’ordonnance de 1673, pour soutenir
que les porteurs de lettres de change qui n’ont pas été
acceptées, sont tenus de les faire protester dans les dix
jours, et que faute de protêt , ils sont non-recevables à
poursuivre les tireurs. Lasalle se contente de répondre que
les protêts étoient entre les mains de la dame sa bellemère ; qu’il les lui avoit communiqués, et que la preuve
de leur existence résultoit d’une lettre écrite par le citoyen
Lièvre à la dame de Chauvigny, le 18 nivôse an 7, dont
il fait lecture au tribunal.
Comment Lasalle avoit-il entre ses mains la lettre écrite
à sa belle-m ère, s’il n’avoit pas soustrait sa correspon
dance ? Pourquoi ne dit-il pas alors qu’il avoit envoyé de
Paris ces protêts k sa belle - mère ?
Aussi le tribunal, considérant qu’aux termes de l’or
donnance, tout porteur de lettres de change doit en faire
faire le protêt dans les dix jours de Téchéance ; que dans
la quinzaine suivante il doit en faire la dénonciation au
tireur ou endosseur ; passé lequel délai, il est non-recevable à exercer une action en garantie ;«
Considérant que le demandeur n’a justifié que ni lu i, ni
ceux entre les mains desquels ont passé les lettres de
changé, aient fait faire aucun protêt desdites lettres, ni
dénonciation d’iceux, déclare Lasalle non-recevable dans
sa demande.
Il est bien évident que si l’envoi des protêts eût été
vra i, le citoyen Lasalle n’auroit pas manqué de s’en faire
un moyen, de demander uu sursis pour obtenir une seconde
�•C r 9 .5
expédition des protêts ; ou, s’ilignoroit que les notaires en
gardassent minute, pour faire faire des recherches au
bureau de l’enregistrement.
Mais le silence du citoyen Lasalle, dans un moment
aussi intéressant pour lu i, est une preuve de son infidélité.
Et comment ose-t-il dire , dans son interrogatoire du 12
frimaire -an 10, qu’il avoit envoyé les protêts à sa bellemère? Cette idée lui est venue bien tard; et c’est au moins
une grande maladresse.
A u surplus, en considérant la date de ces protêts, il
y a impossibilité qu’il les ait envoyés de Paris à sa bellemère. En effet, les lettres de change sont tirées les 12, 13
et 14 brumaire an 7 ; leur échéance étoit pour les 12 , 13 ,
1 6 nivôse et 1 2, pluviôse fixe.
L e citoyen Lasalle est parti le 14 ou le i 5 brumaire an
6ept pour Paris. Il n’y a resté que trois mois, qui ont fini
le 1 5 pluviôse ; et le dernier de ces protêts n’a été fait à
Lyon que le i 5 pluviôse an 7. Ils n’ont dû être envoyés
au citoyen Lasalle que tous ensemble -, or, le 1 5 pluviôse
il y avoit trois mois que le citoyen Lasalle étoit à Paris ;
il n’a donc pas eu le temps de recevoir les protêts à Paris;
et de les faire passer de Paris à sa belle-mère : ainsi il en a
imposé évidemment dans son interrogatoire.
Cela est d’autant plus certain, qu’indépendamment de
ce que 1 envoi de Lyon a Paris a du tenir plusieurs jours,
c’est que les protêts n’ont pu parvenir dans ses mains que
long-temps après. En effet, il a fallu qu’ils passassent entre
les mains de Flori, pour le compte de change et rechange,
timbre de retour et frais de protêt ; de Flori ils ont dû
aller ù Paraire, pour le même compte, et ensuite au citoyen
G 2
�Lasalle. Tout'cela-a été fait; et même le citoyen Lasalle
a remis à sa belle-mère, en même temps qu’il lui rendoit
les lettres de change et les protêts, le compte de retour
revenant au citoyen Flori : la dame de Cliauvigny l’a en
son pouvoir.
Ce n’est donc qu’à A n n e cy , et lors du compte qui fut
fait entre Lasalle et la dame de Cliauvigny, que les lettres
de change, les protêts, le compte de retour, ont été remis
à la dame de Chauvigny, pour faire le compte avec son
gendre ; et l’infidélité du citoyen Lasalle est à découvert.
Dans sa quatrième réponse à l’interrogatoire, Lasalle,
tout en convenant quehrdame de Chauvigny s’est rendue
à Annecy, désavoue qu’il ait été fait un compte en ce lieu;
il soutient qu£ ce compte n?a été fait qu’en la ville de
~Moulins, que par -le résultat il se trouva avoir reçu une
somme de r i ,000 ïr. 'dont il donna quittance à compte
sur la constitution dotale de son épouse.
Mais un menteur ne devrùit pas manquer de mémoire.
Comment veut-il'que le compte ait été fait à M oulins?
Comment veut-il que ce soit à Moulins qu’il ait donné
quittance'de 11,000 francs ? lorsque cette quittance qui
est entre les mains de la'dam c'de Ghauvigny, écrite en
entier de la main du 'citoyen Lasalle, se trouve par lui
datée d’Annecy, du 12 germinal an 7 ; ’lorsque le 8 du
même mois de germinal, Lasalle écrit d’Annecy au citoyen
L ièvre, qu’il est sur'le point de faire un compte définitif
avec madame de Chauvigny. L e citoyen Lasalle en im
pose donesur tous les points; et quelle confiance peuvent
mériter ses assertions, lox-squ’elles sont démenties par des
actes q u i émanent de lui seul?
�d
( 21 3
On va voir actuellement qu’il prouve lui-même qu’il
n’a point fourni la valeur des cinq lettres de change dont
il réclame le payement.
Dans sa sixième réponse, il dit qu’il regardoit ces lettres
de change comme sa propriété, a y a n t f a i t pour la dame
de Chauvigny des dépenses qui en excédoient le montant.
Dans la dixième réponse, il répète q u il a fo u r n i le
montant de ces mêmes lettres de change à la dame de
Chauvigny par les différentes avances q u il afa ite s pour
elle en la ville de P a r is , pour remplir la mission dont
elle Taçoit chargé.
D ’après ces déclai’ations réitérées, le citoyen Lasalle
n’a donc fourni le montant de ces lettres de change, que
par les dépenses qu’il a faites pour la dame de Chauvigny,
et pour la mission dont elle l’avoit chargé. Il faut,donc
qu’il justifie de ces dépenses,.en quoi elles rconsistent ; il
iaut donc avant tout régler son compte, et établir que les
dépenses articulées forment la valeur deces cinq lettres de
change.
Eh bien, le citoyen Lasalle est encore confondu par
ses propres écrits ! Il a fourni lui-m êm e'à la dame de
Chauvigny ses états de recette et de dépense écrits en entier
de sa main. Par l’état de recette, il Teconnoît avoir reçu
de M . Lièvre pendant son séjour à Paris, la somme de
4,040 fr. et de la dame de Chauvigny, celle de 800 fr.
en tout 4,840 fr.
L ’état de sa dépense, toujours'écrit de sa main pendant
son séjour à Paris, se porte.à:1a somme de 5,620 f r a n c s ,
et dans cet état il n’a porté qu’une somme de 936 francs,
employée pour M . dç Chauvigny.
�(22)
i-' Il lui a-été fait compte1de cet excédant de dépense,
lorsqu’il s’est reconnu débiteur de la somme de i i,ooo fr.
c’est le seul état de dépense qu’il ait fourni, et encore on
voit que .c’est un mémoire-d’apothicaire : il n’a donc pas
fourni la'valeur des cinq lettres-de change ; il est donc
sans action contre sa belle-mère.'., v, ", j.
. iv.v.v .
a Mais ce ;n’est ^pas Ala Iseule i inconséquence qui ; soit
échappée au citoyen. Lasalle. '■
.
.
v.’Dans sa troisième réponse,'le citoyen Lasalle convient
qu’il peut etre que le citoyen Lièvre,, en lui faisant passer
des fonds, ait pensé à acquitter ces effets ■
protestés ; mais
que lui en a donné .quittance à la dame de Chauvigny,
à imputer sur la constitution dotale de son épouse.
Dans la quatrième réponse, il déclare qu’il vouloit bien
faire entrer les cinq lettres de change dans le compte qu’il
a fait avec sa belle-mère; mais que la dame de Chauvigny
s’y refusa, en disant qu’elle préféroit se libérer ¡de partie de
la dot de sa fille, et qu’il n’avoit aucun risque à courir,
puisque les lettres de change avoient été protestées.
Cette déclaration est aussi invraisemblable que ridicule.
L e protêt des lettres de change é t o i t une raison pour que
la dame de Chauvigny se pressâtd’en acquitter le montant,
dans la crainte d’être poursuivie par ceux au profit de qui
l’ordre en avoit été passé : et si elle en avoit été débitrice,
elle auroit sans contredit , imputé les payemens par elle
faits, sur le titre le plus onéreux , plutôt que sur une
c o n s t i t u t i o n dotale qui n’étoit exigible que 18 mois après.
On se rappelle,, en,effet, que Lasalle n’éloit marié que
depuis le mois de thermidor an six, et que la constitution
dotale u’étoit payable qu’après deux années expirées. O r,
�( 23 )
comment concevoir que le 12 germinal an 7 , la dame de
•Chauvigny eut voulu se libérer par préférence d’une dot
qui n’étoit payable qu’en thermidor an huit, plutôt que
d’acquitter des lettres de change par elle tirées, échues et
protestées.
• On n’oubliera pas d’ailleurs, que dans la cinquième
réponse de l’interrogatoire, le citoyen Lasalle convient
avoir fait des recherches dans le tiroir de la commode de
sa belle-mère ; et de là la preuve qu’il s’est rendu coupable
de soustraction.
Cependant l’instruction qui se faisoit à la police correc
tionnelle , n’empechoit pas le citoyen Lasalle de pour
suivie la seconde demande qu’il avoit formée contre sa
belle-m ère, depuis qu’il étoit muni d’une seconde expé
dition des protêts. La cause portée à l’audience du tribunal
de commerce de M oulins, le 21 vendémiaire an 10 , le
citoyen Lasalle conclut à ce que la dame de Chauvigny fût
condamnée consulaii-ement et par corps, à reprendre les
cinq lettres de change, et à lui payer la somme de 9,700 fr.
pour le montant d’icelles, avec intérêts à compter de la
date de chaque protêt.
La dame de Chauvigny se contenta de rapporter un
certificat du greffier du tribunal de police correctionnelle,
pour établir qu’il existoit en ce tribunal une plainte rendue
contre son gendre, en enlèvement et soustraction de ces
cinq lettres de change. Elle demanda qu’il fût sursis à pro
noncer sur la demande en payement, jusqu’à ce qu’il fût
statué définitivement sur sa plainte; et se réserva de faire
valoir parla suite tous moyens d’incompétence, de nullité,
et tous autres qu’elle aviseroit.
�tf\0
»1 »
(24)
Mais le tribunal considérant « qu’il ne pouvoit et ne
» devoit s’occuper que de la contestation pendante devant
» lu i, et non de la plainte portée au tribunal de police
■
fc correctionnelle,1 f
5) Considérant qu’il seroit abusif et préjudiciable, au
» commerce de suspendre, sous'un pareil prétexte, qui
» souvent pourrait 11’étre pas fondé, le payement des effets
» destinés par leur nature à le faciliter et iVl’étendre ;
» Considérant qu’irest de principe que | lorsqu’un titre
» sous signature privée a été reconnu en justice , il mé» rite la même confiance que celui qui est authentique,
i> et que de plusieurs précédens jugemens il'résulte que
» la dame de Chauvigny a reconnu que les cinq lettres
» de change dont il s’agit, ont été par elle souscrites ;
» que dès-lors elles forment titre contr’elle, et que l’exé» cution provisoii’c est duc au titre jtisqu’i cc qu’il ait
» été déclaré faux ou annullé ;
» Considérant enfin, qu’aux termes des articles X III,
» X I V , X V et X V I de l’ordonnance de 1673, les tireurs
» de lettres de change sont affranchis de toutes actions,
» faute de poursuites dans le délai prescrit par les articles
» cités, et lorsqu’ils prouvent qu’à l’époque à laquelle la
» lettre de change étoit payable, celui sur lequel elle a
» été tirée, avoit provision de la part du tireur pour
» l’acquitter ;
» Le tribunal , sans s’arrêter ni avoir égard à la
» demande en surséance, condamne la dame de Chau» vigny consulairemerit seulement, à reprendre celles des
» cinq lettres de change par elle souscrites au profit du
» demandeur, payables en nivôse an sept, au nombre de
trois
�»41
'( â 5 )
» trois ; ce faisant, la condamne à' payer au demandeur
» la somme de 5,ooo livres, montant de celle des trois
» dites lettres de change, aux intérêts d’icelles, à compter
» de la date des protêts, pour le montant de chacune des
» trois dites lettres de change; et néanmoins lui accorde,
» pour le payement de la somme de 5,ooo francs, le délai
» de quatre mois , à compter du jour du jugement;
» décharge la dame de Chauvigny du surplus des deîî mandes contr’elle formées, sauf à Lasalle à se pourvoir
» ainsi qu’il avisera. »
Après ce jugement, que le citoyen Lasalle n’a fait signi
fier à la dame de Chauvigny que le 18 germinal an 10,
les poursuites se continuèrent sur la plainte rendue en la
police correctionnelle. Les déclarations écrites dans la
première information, devoient pleinement rassurer la
dame de Chauvigny sur l’événement. Mais lorsque la cause
fut portée à l’audience, les héritiers Lièvre dont les dépo
sitions étoient surtout importantes , ne purent comparoître
dans une saison aussi rigoureuse ( nivôse an 10 ) : ils en
voyèrent leur exoine. La dame de Chauvigny demanda la
remise de l’audience, ou au moins la lecture des dépositions
des témoins absens; Lasalle s’y opposa, et les juges refusè
rent d’accorder la i*emise et de laisser lire les dépositions
des citoyens Lièvre.
Le citoyen Lasalle s’est vanté d’avoir obtenu le renvoi
de l’accusation : on va lui démontrer qu’il ne l’a pas obtenu
honorablement. Il suffit à cet égard de^eter les yeux sur
les conclusions du citoyen Pinot, commissaire du gouver
nement. 11 dit que dans le cas où le tribunal croiroit ne
pouvoir s’attacher aux dépositions écrites des citoyens
D
�^
i.i
( ^
' /. :
Lièvre, fils et oncte, à,raison de ce que ces* témoins n’ont
point paru sur la dernière assignation' qui leur a été
donnée, et n’ont point été entendus oralement à l’au
dience, il ne peut requérir l’application de la peine dont
la loi punit le délit de soustraction dont le cit. BaudinotLasalle est prévenu; 1 ' •
;
; *Attendu que le délit ne lui paroît pas alors suffisant'»
ïnent prouvé. ' r •
•- « Mais , si vu l’impossibilité où sont les témoins de
» comparaître à raison d’absence, éloignement ou autre
»' empêchement, le ti4bunal croit pouvoir faire usage
» de leurs dépositions écrites; comme ces dépositions
»1 réunies aux autres1faits acquis au procès , fournissent
»' une preuve complète de la soustraction dont le
» citoyen Baudinot est prévenu, il a conclu à ce que
» le citoyen Baudinot.en soit déclaré atteint et convaincu,
» et qu’en rconséquence, ' conformément à l’article II de
» la loi du 25 brumaire an 8 , il soit condamné en un
» an d’emprisonnement ; et aux frais de la procédure,
» conformément à la loi du 18 germinal. »
■
r Et ce n’étoit pas sans raison que le commissaire concliioit ainsi. iVoici'les déclai’atioiis dès citoyens L ièvre: ’
cc Jean-^Baptiste Lièvre fils, commisrvoyageur , dépose
» que , le 19 germinal an 7 , la dame veuve de Chau» vigny régla uu compte avec Philibert L ièvre, père
» do lui déclarant; que ce fut lui déclarant qui écrivit le
» même compte ; que lors d’icelui, la dame deChauvigny
» r a p p o r t a et fit voir, tant à’ son père qu’à lui , des
n lettres de change tirées par elle sur Philibert L ièvre,
a'à l’ordre du citoyen Lasallc; que lui déclarant 11c se
/
�( *7 )
» rappelle pas de quelle somme étoient les rlettres de
» change, ni en quel nombre elles étoient; que la dame
» Chauvigny lui fit v o ir, ainsi qu’à son père, les protêts
» qui a voient' été faits des lettres de change;à la re» quête de tellii qui en étoit porteur, et qu’il est à
» sa connoissance, qu’à l’époque du compte qui fut fait
» entre les dame de Chauvigny et Philibert Lièvre, ce
» dernier paya quatre mille' francs à la dame de Chau» vigny, et acquitta des traites tirées par le citoyen Lasa lie,
» qui montoient à environ 3,000 francs *, que la dame de
» Chauvigny, en recevant de l’argent du père de lui dé"
■
» clarant, en donna sur le -champ au citoyen Lasalle,
» son gendre, en lui disant: Voilà nos affaires réglées;
ajoute le d éclaran t, que dans le temj^s où la dame de
» C h au vign y régla son compte avec son père, le citoyen
» Lasalle étoit présent, fit des reproches au citoyen Lièvre
» père de ce qu’il n’avoit pas acquitté les lettres de
» change tirées sur lui ; que le citoyen Lièvre lui dit
» que ces lettres de change étoient trop conséquentes,
» et qu’il n’avoit pas voulu les acquitter; que le citoyen
» Lasalle qui avoit écrit au citoyen L ièvre, de Paris, dans
» des termes peu ménagés pour le presser d’acquitter ces
» lettres de change , lui en fit alors des excuses, et a
» ajouté que les faits dont il a rendu compte sont à la
» connoissance du citoyen L iè v re , notaire à Lyon. »
Claude Lièvre , notaire public à Lyon , a déclaré
« que, dans le mois de germinal an y , n’étant pas préci» sèment mémoratif du jo u r, il alla voir feu Philibert
» L iè v re , son frère, négociant, en son d o m i c i l e , rue de
*» l’Arbre-Soc, il le trouva dans une pièce sin- le devant,
D a
�( 28 )
» qui j ¿toit avec la dame veuve ' Chauvigny, occupé à
» régler leurs comptes respectifs ; qu’il s’arrêta quelques
jj : instans avec eux , et qu’à sa sortie, son frère l’accom» pagna; qu’il lui demanda si la dame de Chauvigny,
» pour régler leur compte, avoit retiré du citoyen
» Lasalle les lettres de change qu’elle lui avoit remises
» ; sur lui ; à quoi son frère lui répondit qu’elle les avoit
toutes ,• qu’elles étoient sur sa table', ce dont il étoit
» bien satisfait, parce qu’il n’auroit plus rien à faire avec
» le citoyen Lasalle, qui lui avoit écrit des grossièretés
» de ce qu’il avoit laissé protester ces effets. »
, L e citoyen Lasalle doit-il s’estimer heureux d’avoir
échappé à une condamnation humiliante par l’absence
des citoyens Lièvre? Certes, des déclarations aussi précises,
accompagnées de celles des autres témoins qui avoient vu
le citoyen Lasalle fouiller dans les papiers de sa.bellem ère , établissoient sans dotite le fait de soustraction ;
mais le tribunal ne crut pas devoir faire lire les dépo
sitions écrites ; en conséquence, par jugement des 9 et
12 nivôse an 10, lé citoyen Lasalle fut renvoyé de l’accu
sation.
T el est le titre honorable dont il ose argumenter. Fier
de ce succès, il fait signifier le jugement du tribunal de
commerce à la dame de Chauvigny, sa belle-mère, qui
en a interjeté appel en ce tribunal.
Il n’est pas inutile d’observer que les héritiers Lièvre
ont fait saisir entre les mains de la dame de Chauvigny
tout ce qu’elle pouvoit devoir à son gendre ; que
Lasalle a fait assigner les héritiers Lièvre en main-levée
de leur opposition, et en payement des deux lettres de
�C 29 )
change qui ne lui ont pas été allouées par le tribunal
dont est appel ; qu’il a ensuite dénoncé toutes ces pour
suites à la dame de Chauvigny.
C’est en cet état que se présente la cause.
La discussion est toute entière dans les faits, sans qu’il
soit besoin de recourir aux moyens de droit.
L e citoyen Lasalle n’a pas fourni la valeur des lettres
de change dont il réclame le payement ; ces lettres de
change ne lui avoient été données que comme supplément
et pour s’en servir en cas de besoin.
L ’emploi ne s’en faisant pas , les lettres de change
étoient la propriété de la dame de Chauvigny ; elle?
devoient rentrer en son pouvoir, puisqu’elles n’avoient
pas été acquittées.
Il y a impossibilité physique que Lasalle ait été en état
de fournir le montant de ces lettres de change; il étoit
obéré lors de son mariage; trois jours après, c’est-à-dire,
le 9 thermidor , Lièvre a acquitté pour Lasalle une
somme de 3,000 francs aux frères Baudin ; Lièvre a encore
payé pour le compte de Lasalle 5,400 francs, suivant sa
lettre du 20 fructidor an six.
Le 12 germinal an 7 , le citoyen Lasalle a donné une
quittance de 11,000 francs à sa belle-mère, à imputer sur
la constitution de dot promise par son contrat, et dixliuit mois avant que la dot fut exigible.
Cette quittance est donnée sans aucune réserve. Est-il
vraisemblable que le citoyen Lasalle eût fait cette impu
tation, s’il avoit été créancier de sa belle-mère d’une
somme de 9,700 francs, montant de ces cinq lettres de
change?
�( 3° ) '
J Le 8 nivôse an 8,"L asalle a encore fourni quittance
de là-somme de 7,000 francs, toujours imputable sur la
dot de sa fem m e , et sans- aucune réserve de sa part.
Ce n’est* que plus de deux ans api'ès que ces lettres de
change ont été tirées, que Lasalle a os'é en former la
demande; et il est notoire, dans la ville de M oulins, que
depuis son retour de Paris Lasalle fut toujours aux cxpédiens, dans un commerce continuel avec les faiseurs
d’affaires et les prêteurs à usure.
Comment auroit-il gardé le silence aussi long-temps
s’il avoit été créancier de ces lettres de change , surtout
lorsque sa belle-mèi’e pouvoit aisément y faire face pat
ses recouvremens sur la succession de Soleurc, qui nonseulement la mettoient à l’abri des besoins, mais encore
répandoient l’aisance dans sa maison.
L e citoyen Lasalle n’a point fourni la valeur des lettres
de ch an ge; il le reconnoît lu i-m êm e, d’abord par scs
lettres écrites au citoyen L ièvre, en date des 30 brumaire,
20 frimaire et 11 nivôse an sept.
Dans la première il écrit : « Je n’ai pu me dispenser
» de vous faire présenter pour accepter trois traites, mon» tant ensemble 5,900 francs, dont la destination est
» faite ; elle est relative à Vaffaire de mon beau-père. »
Il ajoute : « Madame de Chauvigny m’informe que la
» démarche qu’elle a faite de tirer sur vous, vous a fait
» de la peine; je crois devoir ici, pour justifier cette action,
» vous rappeler 'et la promesse que vous lui avez faite
» d’une rentrée de fonds beaucoup plus conséquente que
» celle dont elle dispose, et en même temps vous re» mettre sous les yeux Vemploi sacré de cct argent. »
�r
' ( 31 )
Dans la seconde lettre : « J’ai rèmis les lettres de change
» de madame de Chauvigny sur vous, pour qu’elles votis
» soient présentées de nouveau ; il est urgent d’avoir des
» fonds ic i, surtout dans cette occasion ; votre refus serait
» la cause de la non-réussite da?is Vaffaire qui semble
» vous intéresser. »
Dans la lettre du 11 nivôse, toujours adressée à Lièvre,
il écrit : « Je viens de négocier l’effet sur vous de
2,400 francs , payable le 12 du courant; je ne doute pas
33 que le tout ne soit exactement acquitté : vous en con33 noissez Vemploi. »
Il résulte bien clairement ; dè ces expressions réitérées,
que ces lettres de change n’étoient pas pour le citoyen
L asalle, mais qu’elles de voient ê tr e pour son beau-père
en cas de besoin ; qu’elles n’étoient point sa propriété,
-mais bien celle de sa belle-mère, puisqu’il nous apprend
que c’est elle qui en dispose.
Il est prouvé que le citoyen Lasalle n’a point fourni la
valeur de ces lettres de change par sa réponse h l’inter
rogatoire qu’il a subi. L à, il dit qu’il regardoit ces lettres
de change comme sa propriété , ayant fait pour la dame
de Chauvigny des dépenses qui en excédoient le montant;
ailleurs il répond qu’il a fourni lo montant de ces lettres
de change à la dame de Chauvigny, par les différentes
avances qu’il a faites pour elle dans la ville de Paris, pour
remplir la mission dont elle l’avoit chargé.
Il doit donc établir en quoi consistent ces dépensés.
O r , il n fourni l’état do sa recette et de én dépense,
écrit en entier de sa main : ces dépenses ne sé p01^011^
qu’ù la somme de 5,020 fr. encore s o n t - elles exagérées.
�C 32 )
: ,,Sa fecette se porte à 4,840 francs; il n’y a donc ’que
780 fr. d’excédant. Et comment seroit-il possible qu’il
ait ¡dissipé une somme aussi considérable pendant un
séjour de trois mois? Il convient lu i-m êm e n’avoir
. donné qu’une somme de 936 francs pour le compte
de son beau-père; il n’a donc p o in t. fourni la valeur
çdes cinq lettrés de change.
r Qu’on suive d’ailleurs le citoyen Lasalle dans toutes
les discussions qui ont eu lieu. Dans son interrogatoii’e ,
.il prétend avoir envoyé de Paris à sa belle-m ère les
actes de protêts, et il ne dit pas un mot de cette cir
constance lors du,premier, jugement du 21 floréal an
9 , lorsqu’on lui opposa la fin de non - recevoir à
défaut de protêt. N’étoit-ce pas le moment de s’expliquer
pour écarter sans retour cette fin de non - recevoir ?
Est - il probable qxi’ulors ' i l . eût dissimulé une circons
tance qu’il avoit tant d’intérêt à faire connoître.
Il y a impossibilité que le citoyen Lasalle ait remis
les protêts sans remettre les lettres de change ; il n’a
. pu envoyer les protêts de Paris, puisqu’il n’a pu les
recevoir qu’après son départ. Il est prouvé que tout a
été remis à la dame de Chauvigny, tant les lettres de
change que les protêts; qu’il a été fait un compte entre
les parties sur le tout; que le citoyen Lasalle en a imposé,
lorsqu’il a prétendu que ce compte avoit été fait à
.Moulins : sa lettre écrite au citoyen L iè v re , datée
d’Annecy du 8 germinal an 7 , la quittance fournie à
Annecy le 12 du même mois, donnent le démenti le
plus formel son assertion. ,
Comment le citoyen Lasalle au ro it-il donné une
quittance
�14
( 33 )
quittance de 11,000 fr. à compte de la dot de sa femme,
et sans aucune réserve, s’il avoit été créancier du mon
tant de ces cinq lettres de change*, il devenoit respon
sable de la somme qu’il reconnoissoit avoir reçue sur
la d o t, tandis qu’il eût été créancier personnel du
montant des lettres de change.
Est-il vraisemblable que la dame de Chauvigny eût
voulu se libérer d’une créance non exigible dix-huit
mois avant l’échéance, plutôt que d’acquitter des lettres
de change échues, c’e st-à -d ire , le genre de dettes le
plus onéreux?
L e citoyen Lasalle auroit - il donné postérieurement
et en ventôse an 8 , une quittance de 7,000 fr. toujours
à compte sur la dot de sa femme, s’il avoit été créancier
de ces lettres de change ? L a dame de Chauvigny auroitelle eu toujours la même fantaisie de se libérer d’une
créance non exigible? et le citoyen Lasalle l’auroit-il
toujours souffert?
Quel degré de confiance accorder à Lasalle, lorsqu’il
a eu la bassesse de négocier des lettres de change par
lui fabriquées, reconnues fausses par le rapport unanime
de deux experts ? n’est-ce pas le cas d’invoquer la
maxime : Sernel m alus, semper malus ?
La prétention du citoyen Lasalle est donc un tissu
d’horreurs , d’invraisemblances et de mensonges. Le ju
gement du tribunal de commerce dont est appel, est
donc injuste dans ses dispositions. Vouloir faire payer
îl 1« dame de Chauvigny le montant des sommes qui
ont été adjugées au citoyen Lasalle, ce seroit r é c o m p e n s e r
�( 34*)
le crime; et il ne doit rester au citoyen Lasalle que la
lionte d’avoir conçu l’idée d’une pareille tentative.
S ig n é, G U I L L E B O N , veuve C H A U V I G N Y .
Par conseil, P A G E S (d e R io m ) , ancien jurisconsulte.
D E V E Z E , avoué.
A R I O M ; de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel. — An 10.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gullebon, Gabrielle-Louise. 1802]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Guillebon, veuve Chauvigny
Pagès
Devèze, avoué
Subject
The topic of the resource
lettres de change
dot
Chauvigny de Blot (famille)
émigrés
faux
protêts
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Gabrielle-Louise Gullebon, veuve de Pierre Chauvigny, habitante de la ville de Moulins, appelante d'un jugement rendu au tribunal de commerce de la même ville, le 27 vendémiaire an 10 ; Contre Claude Baudinot-Lasalle, propriétaire, habitant de la commune de la Pacaudière, département de la Loire, intimé.
Annotations manuscrites: comportant le jugement du 9 fructidor an 10.
Table Godemel : Lettres de change, font foi contre le souscripteur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1802
1795-1802
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0906
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0907
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53067/BCU_Factums_G0906.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
La Pacaudière (42163)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Chauvigny de Blot (famille)
dot
émigrés
Faux
lettres de change
protêts
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53124/BCU_Factums_G1026.pdf
23c8e4cfa05147d19757f9c7a436c448
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR C l a u d e HUGON DE GIVRY ,
pour un e sixième
portion de
défunt
GUILLOUET D’ORVILLIERS,
tenant-général des armées
°
héritier
* ..........
Louis
ancien lieu
n a v a le s , intimé et
'
appelant;
C O N T R E S i m o n B É L A N G E R , ancien
cuisinier de feu L o u i s G U I L L O U E T
D ’ O R V I L L I E R S , habitant de la ville de
Paris 7 appelant d'un jugement rendu. au cidevant tribunal civil de l'Allier.* le 6 O
germinal
an 8; et intimé.
^
kxr»<_>
^
c lu
~ it-K
QUESTI ON.
Peut-on exiger le payement d'un legs conditionnel, lors
que la condition imposée au légataire n’a pas été
remplie p ar le fa it du légataire ?
I l e s t difficile d’expliquer comment la question la plus
simple a pu faire naître une contestation sérieuse; par
quels motifs on a donné à cette cause une aussi grande
publicité pourquoi Simon. Bélanger s’est permis de disA
trib u n a l
? î!
DAPPEL
ITj:
,;,»tàiuo».
|S
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jl
/o ^
�( o
tribucr des libelles diffamatoires, s’est répandu en injures
grossières contre le citoyen de G iv ry , ses défenseurs et
ses conseils ? Étoit-ce pour donner plus de poids aux
présomptions,' aux allégations, aux chimères, qui for
ment la base de sa défense ?
Un légataire conditionnel peut-il espérer la délivrance
de son legs, quand il n'a pas rempli la condition? On
sait que la condition affecte tellement la substance du legs,
qu’il ne peut pas avoir son effet sans elle ;
Qu’il suffit que la condition ne soit pas impossible, pour ‘
qu’elle doive être exigée;
Qu’il faut se soumettre, avec une obéissance aveugle ,
à la vo lo n té du testateur, et satisfaire ponctuellement à
la condition.
Simon Bélanger pouvoit discuter ces principes, sans
se permettre aucune diffamation.
Mais ses injures et ses menaces ne sauroient atteindre
le citoyen Ilugon de Givry. Il ne les rappelle , qu’à raison
de ce que le jugement dont est appel, a ordonné la sup
pression d’un alinéa du mémoire de Bélanger, et que
ce dernier est appelant en ce chef; il ne s’en occupera
qu’autant que cela est nécessaire pour sa défense, et il
ne se permettra aucune représaille.
F A I T S .
Simon Bélanger est entré au service de M. d’ Orvilliers,
en 1779. M* d’ürvilliers habitoit alors la ville de Rochefort, après avoir quitté Brest, où il avoit commandé la
marine et les armées combinées de France et d’Iispagne.
�JtA
(3)
M. tl’ Oryilliers eut le malheur de perdre son épow e, en
17 8 0 ; il avoit quitté le service. Isolé, livré à lui-même,
il prit la résolution de passer le reste de sa vie dans
retraite. Il choisit la maison de St. M agloire, h Pari^,
et s y fixa dans le cours de l'année. 1 7 8 1 , aupi’ès de
S.\
M . Laube, ancien officier de marine, son ami, son ancien
compagnon d’armes; il habita avec lui jusqu’à la fin de
*; i9' 3*"
1790. C’est là qu’il comptoit terminer sa carrière glo-5»«*v:'l‘v^ *"
rieuse ( 1) ; mais une attaque d’apoplexie qu’il éprouva,
dans la même année 17 9 0 , afïbiblit ses facultés intellec
tuelles, et le mit dans la dépendance de Bélanger, son
domestique. Ce dernier loua, sous le nom de son m aître,
une maison écartée de celle de St. M agloire, et le fit trans
férer dans cette nouvelle habitation, malgré les repré
sentations de M. Laube, et de tous ceux qui prenoient
intérêt à ce brave et ancien général, dont la mémoire
inspire la vénération.
Les amis de M. d’Orvilliers instruisirent sa famille de
ce changement.Tous les païens de M. d’Orvilliers, vive
ment affectés de son état, donnèrent au citoyen Hugon
de G ivry, les pouvoirs les plus étendus, pour se rendre
auprès de leur on cle,y prendre tous les arrangemens et
mesures convenables, donner les ordres que sa prudence
lui suggérerait, pour que M. d’Orvilliers fût servi et
soigné ainsi que l’exigeoit son âge et son état ; l’autori
sèrent même à transférer leur oncle ;\ portée de quel
qu’un de sa famille, pour qu’il puisse veiller à ce qu’aucun
(1). P ar son testam ent, il avoit manifesté l’intention d’étre enterré
dans la maison de St. M agloire,
A a
�( 4 )
soin ne lai manque, si son médecin juge que cela
puisse se faire sans risque pour sa santé et sa conser
v a tio n .
L e citoyen Iiugon de Givry est ('•gaiement autorisé à
envoyer ou à changer les domestiques, et à prendre toutes
les mesures que sa sagesse lui dictera, pour que les af
faires d’intérêts soient administrées de manière que les
revenus de son oncle suffisent à ses besoins et à ses dépenses.
Ces différentes procurations qu’il est inutile de trans
crire littéralement, sont des 12 avril et 9 août 17 9 1 , et
enregistrées le même jour 9 août.
L e citoyen Hugon de G ivry se rendit auprès de son
oncle, en vertu des pouvoirs qui lui avoient été donnés.
M. d’ Orvilliers étoit peu favorisé de la fortune ; sa plus
grande ressource étoit une pension de 18,000 f r ., payée
par l’état, et qui fut supprimée dans la suite. L e citoyen de
G ivry ne pouvoit confier son oncle h des mains merce
naires ; il prit la résolution de l’amener chez lui au mi
lieu de sa famille; il consulta le médecin Phlips sur cette
détermination ■, il fut décidé que le voyage ne pouvoit
entraîner aucun inconvénient. lie citoyen de Givry fit
vendre, en présence de M. Laube et de Bélanger, le
mobilier qui restoit h son oncle; le produit de la vente
fut de 403 fr. en assignats.
Bélanger accompagna son maître dans ce voyage ; il
demeura huit jours à M oulins, auprès de lui, et l'aban
donna ensuite, pour retourner h Paris.
j\l. d’ Orvilliers a vécu dans la maison de son neveu,
juiqu’au 13 avril 1792. Ses neveux et nièces après sa mort
partagèrent sa succession ; il revint il chacun la somme de
�to )
(5)
1,8 3 1 f. 85 cent., ainsi qu’il résulte des quittances produites.
M. Laube, ami de M. d’ Orvilliers, étoit dépositaire
du testament de ce dernier, qui l’avoit nommé son exé
cuteur testamentaire. Comme M. Laube n’étoit pas Fran
çais, et qu’il étoit sur le point de retourner dans son
pays, il envoya ce testament au citoyen de Givry. Ce
testament olographe est sous la date du 4 mai 17875 il
contient difïerens legs ; il suffit de transcrire celui qui
concerne Bélanger.
« J e donne 6,000 fr. à Bélanger, en reconnoissance
« des services qu’il m’a rendus, par estime de ses vertus
et par amitié pour lui j je lui donne aussi le lit d’in« dienne, et tout le petit ameublement de la chambre
« située au prem ier, où je m a n g e ; tous mes habits et les
,«• deux tiers du linge servant à ma personne; enfin je lui
<r donne tous mes livres qui se trouveront , après que
« M. Laube aura fait le choix de ceux qui lui conviennent.
» J e donne à Calliste, mon laquais, un tiers du linge sér
ie vant à ma personne, et une somme de 1,200 fr.
« L es articles concernant les deux domestiques n a u « ront effet, quautant qu’ ils seront à mon service à
« Vheure de ma mort. »
Bélanger, informé du décès de son ancien maître, écrivit
au citoyen de G i v r y , lui parla du testament dont il connoissoit l’existence, du legs qui lui avoit été fa it, et de
manda copie du testament.
Le citoyen de G ivry copia littéralement l’article qui concernoit Bélanger, et s’empressa de le lui envoyer.
Sans doute que Bélanger ne crut pas alors qu’il pou voit
exiger le payement du legs, lorsqu’il en connut la condi
�t
(6)
tion ; du moins il a gardé le silence jusqu’au 2 vendé
miaire an 7 , qu’il fit signifier un acte extrajudiciaire au
domicile du citoyen Hugon de Givry. Il se permet, dans
le préambule de cet acte , des inculpations malhonnêtes
contre le citoyen de G ivry, et le somme de déclarer, i°. si
M. d’Orvilliers est décédé dans sa maison de Moulins;
2°. s’il a fait son testament olographe , le 14 mai 1787 ;
3 0. si par ce testament il a fait un legs quelconque en fa
veur de Bélanger, qui étoit sou premier salarié; 40. si
M . d’ Orvilliers lui a confié, à titre de dépôt, son testa
ment, pour le déposer chez un notaire après sa m ort;
5 °. s’il est encore dépositaire aujourd'hui du même testa
ment. Dans ce dernier cas , il somme le citoyen liugon
d’en faire le dépôt chez un notaire, ou en justice , dans
vingt-quatre heures , et de lui indiquer ensuite le lieu 011
il aura fait le dépôt. Dans le cas où le citoyen Hugon
auroit, à l’instant du décès de M. d’ Orvilliers, fait le dépôt
de ce testament au greffe, ou en l’étude d’un notaire, il le
somme de lui indiquer à l’instant le notaire qui a reçu ce
dépôt; sinon et faute par le citoyen Hugon de donner à
Bélanger les renseignem ens nécessaires pour avoir une
copie légale de ce testament, et de s’expliquer sur les faits
ci-dessus, celui-ci se pourvoira contre lui pour l’y con
traindre, faisant à cet effet toutes réserves de fait et de
droit.
L e citoyen Hugon de G ivry répondit, i ° . que M. d’Or
villiers étoit mort chez lui en 17 9 2 ; 2^. qu'il a fait un
testament olographe, mais qu’ il en ignore positivement la
d ate, qu’il croit cependant que c’est en 1787 ; 3 0 qu’il croit
qu'il a fait un don conditionnel en faveur dudit Bélanger ;
�C7 )
40. que M. d’ Orvilliers a confié son testament entre les
mains de M. Laube, ancien officier de marine, son a m i,
qui le lui a montré , et qui en est nommé exécuteur testa
mentaire ; 5°. que lui H ugon-Givry n’est point dépositaire
de ce testament, et qu’il ignore ou il e st, et s’il existe;
6°. enfin qu’après la mort dudit d’O rvilliers,lui G iv ry ,
a partagé avec ses autres cohéritiers les meubles et effets
du défunt, dont partie a été distribuée aux pauvres, particulièremet ses habits et linges de corps ; qu’au surplus,
s’il étoit prouvé qu’il fût dû légitimement à Bélanger, la
succession d’ Orvilliers le payerait.
Cet acte extra judiciaire fut suivi d’une cédule, en date
du 5 nivôse an 7 , par laquelle Bélanger demanda que le
citoyen Hugon fût tenu de déposer le testament chez un
n o ta ir e , ou au greffe du tribunal civil, dans vingt-quatre
heures, si mieux le citoyen G ivry n’aimoit payer , à lui
Bélanger, la somme de 1 5,000 f r ., valeur du legs à lui fait
par le testament du 14 mai 1787. Il y eut un procès verbal
de non conciliation , suivi d’une citation du 6 pluviôse, et
le 28 floréal an 7 , il intervint un premier jugement con
tradictoire, qui ordonna que le citoyen Hugon de Givry
seroit tenu de déposer au greffe du tribunal civil d’Allier
le testament olographe de défunt d’ Orvilliers, dans la hui
taine , à c o m p te r de la signification du jugement.
L e 3 frimaire an 8 , nouvelle citation de la part de Bé
langer, contre le citoyen Hugon de G ivry, tendante ¿\ faire
déclarer exécutoire contre lui le testament olographe de
feu d’Orvilliers, du 14 mai 17 8 7 ,et le faire condamner,
en qualité de seul et unique héritier de son oncle, à lui
faire la délivrante des legs exprimés à son profit, et à lui
�( 8 )
payer pour iceux, i ° . la somme de 6,000 fr. fixée par le
testateur ; 2°. celle de 8,ooo fr. pour les deux tiers des habits
et la valeur du linge servant alors au défunt ; 3 0. celle de
3,000 fr. pour la valeur des livres que le citoyen Hugon a
trouvés à la mort de son oncle ; 40. celle de 10,000 fr. pour
d o m m age s-in té rêts, dûs à raison de ce que le citoyen de
G iv r y , comme dépositaire infidèle du testament, l’a tenu
secret jusqu’au 28 floréal an 7 , qu’il a été condamné à en
faire le dépôt, et que par là il a mis Bélanger dans l'impossibilité de former plutôt son action.
L e 8 frimaire il y a eu un procès verbal de non concilia
tion , et le 26 du même mois Bélanger a fait assigner le
citoyen de Givry au ci-devant tribunal civil d’Allier , où il
a repris les mêmes conclusions qu’au bureau de paix.
Il est bon d’observer, que lors du procès verbal fait au
bureau de paix, le citoyen G ivry avoit exposé que Bélanger
réclamoit mal à propos l’exécution d’un testament dont il
n’avoit pas rempli la condition ; que le legs 11’avoit été fait
au profit de Bélanger, qu’à condition qu’il se trouveroit
au service du testateur au moment de son décès, et que
Bélanger avoit quitté le service de M. d'Orvilliers long
temps avant sa mort. Au surplus, le citoyen de G ivry
remarqua qu’il n’étoit héritier de son oncle que pour un
sixième; qu’il ne savoit à quel titre et pour quel motif
Bélanger lui accordoit une préférence exclusive; il crut
devoir lui indiquer le nom, la qualité et la demeure de ses
autres cohéritiers.
Bientôt il s’est élevé entre les parties, une discussion plus
sérieuse. Bélanger opposoit comme fin de non recevoir un
écrit de M. d’Orvilliers du i6_av ril 1788 , qui, suivanL lu i,
le
�( 9 ).
le dispensent d’exécuter la condition apposée au testament.
Ilargumentoit contre le citoyen de G iviy de quelques lettres
particulières de l’envoi que lui avoit fait ce dernier, de
l’extrait du testament en ce qui concernoit Bélanger. II
voulut faire résulter de là, une approbation du testament.
Des mémoires imprimés ontété répandus de partet d’autre.
Bélanger s’est livré aux plus atroces déclamations ; des per
sonnalités ont été substituées aux moyens, et chaque écrit
qui émanoit de lui, étoit une nouvelle diatribe. Dans un de
ses mémoires , pag. 4 , verso, après avoir dit que le citoyen
Ilugon de G ivry étoit venu à Paris, le i 5 mai 17 9 1 ,
auprès de son oncle , il s’exprime ainsi :
« Quel étoit le but de ce voyage ? Etoit-ce pour veiller
a plus particulièrement sur la santé de son oncle , et pro
ie longer ses jours en lui prodiguant tous les secours de
« l’art des médecins ? Non. Il ne s’est rendu en si grande
«■ hâte dans la capitale, que pour s’em parer, ainsi que
«■ toutes les circonstances le prouvent, de la succession de
« son vieil oncle, avant sa m ort, et pour en accélérer le
« terme autant qu'il dépendoit de lu i , sans se coin pro
ie mettre aux yeux de la justice. »
On doit sans doute mépriser les injures, mais une accu
sation aussi grave ne pouvoit être tolérée. Le citoyen de
G ivry en demanda justice; il conclut i\ la suppression de
ce libelle, et à l’affiche du jugement à intervenir.
Il s’appliqua ensuite à démontrer, en point de droit, que
Bélanger étoit non recevable à demander la délivrance de
sou legs conditionnel, et qu’enfm il auroit dû former sa
demande contre tous les héritiers du testateur.
L a cause portée à l’audience du tribunal civil d’A llier,
B
�V
'Cío)
du 6 germinal an 8 , il est intervenu» un jugement contra
dictoire , dont on va transcrire les motifs et les dispositions.
« Considérant, i ° . qu’aucune des trois fins de non rece
te voir proposées par Bélanger n’est fondé , attendu d’une
« part, que l’écrit en date du 16 avril 1788, dont argü
ir mentoit Bélanger, non seulement ne relève pas formel« lement le légataire de la condition portée au testament,
« mais encore qu’il en résulte au contraire que le légateur
« ne supposoit sa séparation du légataire, que dans le seul
« cas du prédécès de ce dernier; de l’autre, qu’il ne résulte
« aucun acquiescement formel à l’exécution du legs, ni de
« l’extrait du testament délivré au légataire, sans réserve
« de la part de l’héritier, cette réserve étant de droit, et la
te correspondance de l’héritier établissant qu’il regardoit le
* legs comme n u l, ni de la délivrance qui a pu être faite au
* légataire de quelque partie du legs, puisque non seule« ment il n’est pas justifié que cette délivrance soit du fait
« de l’héritier, mais encore qu’elle a été faite avant la mort
« du testateur, de l’aveu même du demandeur.
« Considérant secondement, que d’une part le citoyen
« Hugou de G ivry, par les inculpations graves qu’il a
« faites à Bélanger, tant dans son mémoire imprimé, que
« lors des plaidoiries de la cause, et sur-tout par le rapport
« de la procuration des autres cohéritiers, dans laquelle il
« s’est fait particulièrement autoriser à renvoyer les domes« tiques, a fourni lui-même au moins de violentes yré« sotuptîoiis , que c'étoit lui qui avoit renvoyé Bélanger
* du service de défunt Guillouct d’ Orvilliers ; que d’une
a autre part, soit que l’on considère l’intention manifestée
« par le testateur, dans sou testament, do finir scs jours
�ce à Paris, puisqu’il vouloit y être enterre, soit que l’on
« considère qu’il étoit de sa connoissance que Bélanger
« étoit établi à Paris, et y avoit sa famille; soit que l’on
« considère enfin que ce n’est pas le,testatcur qui a quitté
a Paris volontairement, pour venir à Moulins, mais que
« c’est plulôt la volonté du citoyen de Givry , qui a opéré
cc seule cette translation, qui a eu lieu dans la maison dudit
« G iv ry ; que dès-lors le défaut d’accomplissement de la
« condition imposée à Bélanger , ne peut pas lui être rc« proche, parce que non seulement la condition n’est pas
« restée la même par le fa it, non du testateur, mais bien
ce de l’héritier, mais encore qu’il n’a plus été au pouvoir
« du légataire de l’accomplir, puisque le testateur, transce féré dans une maison au tre que la sienne propre,
« n’a plus eu dès-lors de domestiques particuliers pour
« le servir, mais bien ceux seulement du maître de cette
« maison; que les domestiques du testateur y eussent-ils
cc même resté avec lu i , ils y seroient alors devenus ceux
« de la maison, et non du testateur ; ce qui n’étoit ni dans
cc l’esprit, ni dans la lettre du testament.
« Considérant en troisième lieu, que les faits d’indignité
a proposés par le citoyen de G iv ry , sont non seulement
c< vagues et nullement précisés, mais encore que Bélanger
cc les a suffisamment-écartés, tant par le rapport de ses
« états journaliers de recette et dépense, arrêtés scrupucc leusemcnt et dans le plus grand ordre par le testateur,
« depuis 178 1 , jusqu’à sa translation à Moulins, que par
ce la correspondance amicale, tenue par le citoyen llugon
ce lui-même, avec le citoyen Bélanger, depuis la sortie de
« cc dernier du service du testateur à Moulins, chez le
B 2
�f
i
-m
( 12 )
« citoyen Hugon de G iv ry , ladite correspondance due« ment timbrée et enregistrée.
«r Considérant en quatrième lieu, que soit le dépôt fait
« entre les mains du cit. Hugon de G ivry, du testament
« de feu d’O rvilliers, soit la qualité de seul et unique
« héritier de ce dernier, à lui donnée, dans les premiers
« jugemens rendus dans la contestation, ceux postérieurs '
« portant cette réserve form elle, sans que les qualités
* puissent nuire ni préjudicier aux parties, ne peuvent
« changer sa qualité ni lui attribuer celle d’exécuteur
« testamentaire, ni lui donner de plus grands droits
« dans la succession, que ceux qu’il y a réellement ; qu’en
« principe le cohéritier n’est tenu, vis-à-vis le légataire,
« quel que soit le legs qui lui a été fait, qu’en propor« tion de la portion qu’il amende dans la succession ,
« en qualité de cohéritier ».
« Considérant cinquièmement, que pour déterminer
« la partie du legs relative aux livres, liardes et linges
« du testateur, Bélanger ayant reconnu avoir retiré avant
« la mort du testateur, le lit et l’am eublem ent faisant aussi
« partie dudit legs, il est indispensable que 1 état des« dites hardcs, linges et livres soit donné, et que cette
« obligation est de droit imposée à l’héritier, tenu de
« la délivrance du legs et nanti de la succession , sauf
« tous contredits de la part du légataire.
« Considérant s ix iè m e m e n t , que quoique en principe
« général les intérêts d’un legs portés dans un testament
« olographe, ainsi que dans l’espèce, courent du jour
« du décès du testateur, lorsque l’ héritier nanti du testa
it m ent, néglige d’en faire le dépôt aussitôt après la
�Jü ) 5
( n )
te mort du testateur ; néanmoins la circonstance résul
te tante de ce que Bélanger, légataire, connoissoit non
« seulement le testament, mais encore celui qui en étoit
« dépositaire, par l’extrait qui lui avoit été adressé par
« le citoyen H ugon-Givry, doit faire éprouver des mo« difications à ce principe ; mais que s’il est juste dans
cc cette hypothèse, que les intérêts du legs ne soient point
k alloués du jour du décès du testateur, il ne l’est pas
« moins, d’après la conduite tenue par le cit. Hugon.
« de G iv ry , dans l’instance en rapport et dépôt du tes« tament, d’allouer les intérêts à compter du jour de
« la première sommation faite aux fins du rapport et
« dépôt dudit testament, du 2 vendémiaire an 7 , la de« mande en d élivran ce du legs, n’ayant été retardée que
« par le refus obstiné du citoyen Hugon de G iv ry , de
« représenter le testament, et son seul fait 33.
« Considérant septièmement, que dans l’espèce, les
« intérêts qui seront alloués, tiennent lieu de tous domr inages-intérêts , qui ne sont jamais dûs qu'à raison
« du tort qu’on éprouve; le préjudice souffert par Bé~
« langer n’étant autre dans l’hypothèse , que le retard
« apporté à l’acquittement ou à la délivrance de son legs,
« et les intérêts alloués étant la compensation naturelle
« et de droit de ce retard.
a Considérant huitièmement, que la défense légitime
«■ se borne aux seuls moyens de la cause, et non à des faits
«■ étrangers, et encore moins lorsque ces faits contiennent
« des inculpations graves, et tels que la réputation et l’hon« neur peuvent en être altérés ; qu’au nombre de ces genres
« d’inculpations et faits, le citoyen G ivry est fondé à
�*«
C *4 )
« mettre le second alinéa du v°. de la quatrième page du
« mémoire imprimé du citoyen Bélanger, commençant
« par ces mots : quel étoit le but de ce voyage ? et finis« sant par ceux-ci: sans se compromettre aux y e u x de
« la ju stice, et qu’il y a lieu dès lors d’ordonner la radia« tion dudit alinéa', et que procès verbal en soit dressé
« par le greffier aux frais de Bélanger.
« L e tribunal jugeant en premier ressort, déclare so-»
« lennel et exécutoire contre le citoyen Hugon de G ivry
« le testament olographe de défunt Louis Guillouet d’Or« villiers, du 4 mai 17 8 7 , dûment enregistré ; donne acte
« aux parties de la déclaration faite par Bélaliger, qu’il a
« en son pouvoir le lit et l’ameublement faisant partie'du
« legs à lui fait dans ledit testament ; condamne ledit
« Hugon de G iv ry , en sa qualité d’héritier de défunt
« Louis Guillouet d’ ü rvilliers, à payer et délivrer, ou
« autrement acquitter, en pareille proportion seulement
« que celle qu’il amende dans ladite succession, audit Bé« langer, avec intérêts, à compter de la sommation signi« fiée le 2. vendémiaire an 7 , tant la somme de 6,000 fr.
« portée au même legs , que les bardes et deux tiers de
« linge à l'usage du défunt, et sa bibliothèque , faisant
« partie dudit legs; et pour être statué sur la consistance
« ou valeur desdites hardes, linges et bibliothèque; or« donne que dans la quinzaine, à compter de ce jou r, le
a citoyen llugon de G ivry sera tenu de signifier à Bélanger
« un état certifié desdites liliales , linges et livres , saul con« {redits de la part dudit Bélanger, pour lesdits états et
a contredits rapportés au tribunal, ou à délaut d’iceux ,
« être par lui statué ce qu’il appartiendra, en l’audience
�( i5 )
« du 6 floréal prochain , en laquelle la cause- demeure
« continuée; condamne néanmoins ledit Hugon de Givry
«• aux dépens faits jusqu’à ce jour par le citoyen Bélanger,
« ensemble au coût, levée et signification dudit jugem ent,
« qui sera exécuté par provision, nonobstant l’appel, aux
« charges de droit, comme s’agissant d’exécution d’acte
« de dernière volonté reconnue en justice. E t faisant droit
« sur les conclusions en radiation et suppression d’injures,
* prises par le citoyen Hugon de G iv r y , le tribunal or<r donne que Yalinéa du v.° de la quatrième page du mé« moire imprimé de Bélanger, commençant par ces mots:
« quelétoit le but de ce voyage ? et finissant par ceux-ci:
« sajis se compromettre aux y e u x de la justice , sera
« rayé dudit mémoire comme injurieux et diffamant, et
«• que procès verbal de ladite radiation sera dressé par le
« greffier du tribunal aux frais dudit Bélanger. »
Bélanger a fait signifier ce jugement par exploit du 28
thermidor an 8 , avec déclaration que ce jugement le g re
voit dans quatre de ses dispositions; qu’en conséquence il
s’en rendoit appelant, i ° . en ce qu’il prononçoit la sup
pression d’une partie de son mémoire de défenses; 20. en
ce qu’il 11e prononce point en faveur de Bélanger une con
damnation en dommages-intérêts ; 30. en ce que, sans
aucune distinction , il ne condamne le citoyen Hugon de
G ivry qu’au payement de sa portion du legs; 40. en ce que
le payement 11e prononce pas quelle est la quotité des con
damnations que doit supporter le citoyen de G iv ry , ce
qui, suivant lu i, est un déni de justice.
De son côté, le citoyen Hugon de G ivry a interjeté pu
rement et simplement appel du même jugement par acte
�C 16 )
du 23 brumaire an 9 ; et c’est sur ces appels respectifs que
le ¡ribunal a à prononcer.
L ’ordre de la discussion exige qu’on commence par
examiner la question de droit relative à la condition im
posée au testament.
On analisera ensuite les moyens particuliers et subsidiai res du citoyen Ilugon de Givry.
Et on terminera par la discussion des griefs que Bélanger
a proposés contre le jugement dont est appel.
• L a première règle que l’on doit observer touchant l’ac
complissement des conditions e st, que l’on doit se con
former exactement à la disposition conditionnelle. Telle
est la doctrine de Furgolesur les testamens, tom. 2 , ch. 7 ,
sect. 5 , nomb. 3 : « C’est la lo i, dit-il, que les parties con« tractantes se sont prescrite ; c’est la loi qu’un testateur
« qui dispose a imposée : il faut donc consulter le contrat
« ou la volonté du testateur, et suivre exactement et litté« ralement cc qui est prescrit : in conditionibusprimurn
« ïoeum voluntas defuncti obtinet ca quœ régit condi« tioncs , loi 1 9 , ff. de condit. et demonstrat. L e temps,
« la forme , la manière , les circonstances, tout cela dépend
« de la disposition conditionnelle, de laquelle on ne doit
« s’écarter en aucune façon ; c’cst elle qui doit régler l’évé« nementet la conduite de celui qui doit accomplir la con« dition , pour profiter de la libéralité conditionnelle; et
« comme on ne doit rien ajouter ¿1 la disposition pour
« rendre la condition plus difficile, ni pour l’étendre d’un
« cas ù l’autre, ni d'une personne à une autre, on ne doit
« 11011 plus rien omettre ni retrancher de ce qui se trouve
v. exprimé dans la disposition; cl par conséquent l’accom
plissement
�^ ( 17 )
« plissement ou l’infraction de la condition, doivent arriver
« précisément de la manière et en la forme prescrite par
« le testateur. »
R icard, dans son traité des dispositions conditionnelles,
cliap. 5 , sect. 3 , nornb. 3 14 , enseigne <r que les conditions
« doivent être pleinementet exactement accomplies, aupa« ravant que la disposition qui en dépend pu:sse avoir
« son effet. Lorsque le testateur a attaché sa libéralité à
« une condition, la condition en est la base et le foude<$ ment; de sorte, que l’une ne peut subsister qu’avec
« l’autre. Il est absolument nécessaire, pour faire sub« sister la disposition , que la condition, qui seule est ca« pable de lui donner l’être, précède dans les mêmes
« termes que le défunt a prévus , tellement que s’il y
« manque quelques circonstances , la volonté du testateur,
« qui s’est liée à la condition , demeure imparfaite ; elle
ce ne peut produire pareillement qu’une disposition impar« « faite, laquelle conséquemment demeure sans effet et
« sans exécution. »
Plus bas, Ricard ajoute, « que ces maximes ont lieu à
« l’égard des conditions en général, mais qu’elles doivent
« plus particulièrement recevoir leur application, lorsqu’il
« s agit de conditions potestatives, qu’il est au p o u v o ir du
« légataire d ’a c c o m p l ir , précisém ent dans les termes que
a lui a prescrits le testateur. Il doit, avec une obéissance
a aveugle, se soumettre absolument à la volonté du dé« lunt, et satisfaire ponctuellement à la condition, sans
« qu’il lui soit permis d'examiner s’il seroit plus expédient
« de l'exécuter d’utie autre façon que celle que le testateur
a a prévue. »
G
�* (r\
( 18 )
Les considérations les plus puissantes ne peuvent empê
cher que les conditions ne soient accomplies, si on veut
profiter des libéralités : il n y a point de condition qui ne
gêne en quelque manière la volonté, la liberté, puisque
la plupart roulent sur des choses que l’on ne feroit pas
volontiers , si elles n’étoient ordonnées. A ussi, ce n’est pas
ce qu’il faut examiner ; le légataire est obligé de captiver sa
volonté ou ses goûts, pour suivre exactement les termes de
la condition qui lui est imposée, et qu’il peut exécuter. La
loi n’excepte que tout ce qui seroit déshonorant par rap
port à l’état et à la condition de la personne à laquelle la
condition a été imposée; mais toutes celles qui n’ont rien
de contraire aux lois ni aux bonnes mœurs , ni m ê m e à
la liberté, dans le sens des lois, doivent être strictement
exécutées.
Et pourquoi s’appesantir sur une chose aussi simple ? Ne
dépend-il pas de celui qui donne, d’imposer à ses libéra
lités les conditions qu’il lui plaît ?
O r, le généra] d’ Orvilliersavoit subordonné le legs qu’il
faisoit, tant à Bélanger qu’à Calliste , à la condition qu’ils
seroicnt à son service à 'Cheure de sa niort.
Bélanger convient qu’il n’étoit pas au service du général
d’ Orvillicrs à l’heure de son décès; il est même reconnu
qu’il avoit cessé d’être auprès de son m aître, plus d’un
an avant sa mort. Il n’a donc pas rempli la condition sous
laquelle le legs lui avoit été fait ; il est donc non recevablc
dans sa demande en délivrance de ce legs.
Tout ce qui a été dit, écrit et imprimé de la part de
Bélanger, dans le cours de l'instruction, se réduit à pré-
�( 19 )
tendre que le citoyen de G ivry l’avoit renvoyé, lorsqu’il
conduisit son oncle à Moulins.
Une preuve que le citoyen de G ivry ne l’a pas renvoyé,
c’est qu’il a accompagné lui-même son maître à Moulins,
qu’il a resté huit jours auprès de lu i, et a voulu ensuite
s’en séparer pour aller rejoindre ses enfans qui étoient à
Paris.
Si son départ n’avoit pas été volontaire, si le citoyen
de G ivry lui avoit fait violence ou l'eût renvoyé de sa
maison } comment n’auroit-il pas réclamé? Comment ex
cuser son abandon d'un ancien m aître, d’un homme si
respectable, lorsqu’il n’existe de sa part ni plainte, ni ré
clamation, non seulement à lépoque où il a quitté le service
du général, mais encore lorsqu'on voit qu’il a gardé le
silence pendant sept années entières, après la mort de
M. d’Orvilliers?
De quel droit, d’ailleurs, le citoyen de G ivry auroit-il
renvoyé un ancien domestique qui ne dépendoit pas de
lu i, et qui étoit attaché au service de son oncle ?
Lors du départ du citoyen de Givry pour Paris, les
lettres que la famille avoîent reçues, faisoient supposer que
M. d’Orvilliers étoit dans un état d'affaiblissement absolu;
il n’avoit que des infirmités qui sont la suite d’ un grand
âge, et qui s’ étoient accrues par une attaque récente : mais
il avoit encore ses facultés intellectuelles, et il se trouvoit
dans un état tel qu’il put supporter sans danger le voyage
de Moulins; qu’ il a survécu plus d’un an; qu’il a toujours
joui du libre exercice de ses droits, et que sa famille n’a
fait aucune démarche pour provoquer son interdiction.
Il est mort en possession de sou état, au milieu de sa
c; 2
�famille; et en supposant que Bélanger eût été renvoyé,
il ne pourroit pas l’imputer au citoyen de G ivry , mais à
M. d’Orvilliers lui-même., qui n’auroit plus voulu de ses
services.
Ainsi, ou le citoyen Bélanger s’est retiré volontairement
d’auprès du général cVOrvilliers, et, dans ce cas, il n’a
rien à prétendre; ou il a été renvoyé, et alors il l’a été par
son maître : il n’a donc point rempli la condition sous la
quelle le legs lui avoit été fait.
L e seul motif du jugement que le citoyen de G ivry ait
intérêt de discuter, est celui qui paroît avoir déterminé
les premiers juges à ordonner l’exécution du legs. On y
d it, « que le citoyen Hugon de G ivry a fait des incul« pations graves à Bélanger; que p arla procuration des
« autres cohéritiers, il s’est fait autoriser particulièrement
« à renvoyer les domestiques; on en conclut qu’il a fourni
« au moins de violentes -présomptions que c’étoit lui qui
u avoit renvoyé Bélanger du service de M. d’Orvilliers.
On ajoute, « que si l’on considère l’intention manifestée
« par M. d’Orvilliers, de finir ses jours à St. M agloire, où
« il vouloit être enterré,* qu’il étoit de la connoissance de
« M. d’ Orvilliers que Bélanger étoit établi à Paris, et y
« avoit sa famille; que ce n’est pas M. d’Orvilliers qu ia
« quitté volontairement Paris pour venir à Moulins, mais
« que c’est plutôt la volonté seule du citoyen de G ivry qui
« a opéré cette translation dans sa maison; que dès-lors le
« défaut d’accomplissement de la condition imposée ¿\
« Bélanger, ne peut lui être reproché. Non seulement,
« disent les premiers juges, la condition n’est pas restée la
« même par le fait, non du testateur , mais de l’héritier,
�- O 'J
( 21 )
« mais encore il n5a pas été au pouvoir du légataire de
« l’accomplir, puisque le testateur , transféré dans une
« maison autre que la sienne, n’a plus eu dès-lors de domes« tiques particuliers pour le servir, mais bien ceux seule^
« ment du maître de cette maison. Les domestiques du
« testateur y eussent-ils môme resté, ils y seroient alors
« devenus ceux de la maison et non du testateur, ce qui
« n’étoit ni dans l’esprit ni dans la lettre du testament. »
E t sur ce fondement, la délivrance du legs est faite à
Bélanger !
Est-il donc au pouvoir des juges de changer ou modifier
les conditions apposées par un testateur au legs qu’il lui
' plaît de faire ? lestamentum estjusla voluntatis sententia
de eo quodpost mortem sucim jieri velit. Les juges ne
peuvent y porter la plus légère atteinte, par des inter
prétations capables d'altérer la volonté, l’expression lit
térale du vœu du testateur; point de considération qui
puisse dispenser le légataire de s’y soumettre.
S’il étoit permis de s’arrêter à des considérations, elles
seroient toutes, dans la thèse, agitées contre le domes
tique. Il est clair que le testateur ne l’a gratifié que dans
la vue des services qui lui seroient rendus dans les derniers temps; c’est-à-d ire, dans les plus pénibles de sa
vie : la volonté du testateur est d’autant plus formélle
ic i, qu’il a employé cette expression, à Theure de ma
mort.
Ces principes, qui puisent leur source dans la saine
raison , comme dans les lois, ne sauraient présenter aucun
doute, ni être atténués par les efforts d'aucun interprète;
autrement les conditions seroient toujours éludées, et
�It.iJ
( 22 )
jamais domestique n'auroit encouru la perte de son legs ;
il ne inanqueroit jamais de subterfuge et de faux-fuyant
pour s’afiranchir de toutes celles attachées aux libéralités
qui lui étoient destinées. Il y a plus, le maître dont le
but auroit été de s’attacher un domestique jusqu’à la
fin de ses jours, seroit abusé dans le motif de sa sensi
bilité.
Aucuns exemples dans la jurisprudence, n’autorisent
l’infraction aux lois dont se plaint le citoyen Hugon de
G ivry ; et le danger de cette espèce d’arbitraire ne peut
manquer d’être proscrit.
L e résultat de tout ce que les juges ont v u , est une
violente présomption.
E t quoi! les présomptions des juges; c’e s t-à -d ire ,
l’ouvrage de leur imagination, l’opinion imparfaite ( car
des présomptions ne sont rien autre chose ), qu’ils auront
pris sur un point de fait, seront substitués à la volonté
écrite d’un testateur, convertiront un legs conditionnel
en un legs pur et simple? N on, ce seroit la première
fois qu’un tel système seroit consacré.
Mais y a-t-il même quelques raisons de présumer dans
les motifs que contient le jugement ?
Des inculpations dans un mémoire et dans des plaidoi
ries! En bonne logique, on ne voit point le rapport qu’il
peut y avoir entre l’aigreur plus ou moins fondée, qui a
pu s’introduire dans un procès en l’an 8 , et la sortie d’un
domestique en 179 1 , d’auprès de son maître mort en 1792.
M aison ne dit pas en quoi consistent ces inculpations!
Mais le jugement lui-même a prononcé la suppression
d’un alinéa tout entier d’un mémoire de Bélanger, comme
�( 23 )
injurieux et diffamant; et le citoyen Hugon de G iv ry ,
traité ainsi par l’ancien domestique de son oncle, n'aura
pu repousser les injures, sans qu’on trouve dans sa juste
défense, un titre contre lui !
Quant à la procuration , elle ne prouve rien , et les
juges en font complètement l’aveu, puisqu’ils n’y trouvent
encore que des présomptions y mais elle doit démontrer
à la justice la circonspection et la prudence du citoyen
plugon de G iv ry , qu i, en se rendant auprès de son oncle,
âgé et malade , craignoit de le trouver dans un état qui ne
lui permettroit plus de s’occuper de sa maison, de ses
affaires, et l’obligeroit, lui parent, à faire usage de cette
autorité qui naturellement devoit appartenir à lui comme
à ses cohéritiers.
Il n’en fut point ainsi: le général d’ Orvilliers n'étoit pas
aussi malade qu’on l’avoit craint, puisqu’il entreprit et
soutint parfaitement le voyage de Paris î\ Moulins; il se
détermina librement et volontairement à se rendre dans
sa famille; et n’étoit-ce pas là qu’il étoit sûr de trouver
ces soins attentifs qui sont une nécessité dans la vieillesse,
ces prévenances qui soulagent les m aux, ce concours d’amis
tendres qui préservent des dangers de la solitude?
A rrivé à Moulins, il a continué à jouir de la
de sa raison et de son état.
Le citoyen llugon de Givry n’eut donc à se permettre
aucun usage de la procuration ; et en parlant le langage
du d ro it, quelle pouvoit être la valeur d’une telle procu
ration pendant la vie du général d’Orvilliers ? Ses parens
qui n’avoientaucun pouvoir, en pouvoient-ils conférer?
Celui qui avoit reçu ces pouvoirs, avoit-il un moyeu légal
�( 24 )
d’en faire usage ? Cette procuration n’étoit qu’un acte de
prévoyance , destiné à rester sans exécution, si l’événe
ment ne le l’endoit nécessaire, et un scrupule du citoyen
de G ivry sur sa mission.
Les présomptions du tribunal dont est appel, sont une
injure à la m é m o ir e du général d’Orvilliers, et au respect
que ses parens ne cessèrent de lui porter. Elles supposent,
ou que ses facultés intellectuelles l’avoient abandonné, ou
que ses parens usoient de contrainte envers lu i, et contrarioieut ses volontés.
E t quand ce seroit le citoyen Hugon de Givry qui auroit
renvoyé Bélanger, seroit-ce sans l’aveu, ou contre la vo
lonté de son oncle ? voilà encore ce qu’il au ro it fallu
établir. Bélanger en a bien senti la nécessité, puisqu’il a
prétendu qu’il s’étoit transporté chez le juge de p aix, lors
de son départ de Moulins, mais que ce juge étoit absent,
et que tous ceux qui auroient pu le remplacer, lui avoient
refusé leur ministère.
A p rès huit années de silence, une allégation de cette
espèce n’est que ridicule.
Et ce juge de paix absent! Bélanger étoit donc bien
pressé de quitter M oulins, s’il n’a pii attendre son retour.
Sa démarche au rcsle prouveroit-elle ce que le juge de
paix n’a pas constaté ?
Croira-t-on que c’est au moment où la famille du gé
néral d’Orvilliers remplit vis-à-vis de ce respectable parent
ce quelle regarde comme son premier devoir, Je recueillir
dans son sein, quelle va répandre l’allliction dans son
ûme , par l'expulsion d’un domestique auquel il étoit
attaché ?
Le
�¿o /
( 25 y
Les faits, au reste, démentent toutes les assertions qui
servent de base au jugement.
Bélanger est p rti volontairement ; il n’a plus voulu
rester auprès de son m aître, quand il a v,u qu'il falloit'le
servir et vivre loin de Paris; il a préféré retourner dans
la capitale, où sa famille et scs habitudes Tattachoient. Si
on ne lui en fait pas un reproche, au moins ne doit-il
pas soutenir que la condition du legs se soit trouvée
accomplie ?
Les premiers juges sont tombés dans une contradiction
assez remarquable.
L a présomption que Bélanger a été renvoyé par le cit.
Hugon de G iv ry , les conduit à la conséquence, que Bé
langer n’est sorti que malgré lut et malgré son m aître, et
qu’alors c’est comme s’il n’avoit jamais quitté le sei'vice du
testateur. Puis oubliant cette conséquence, ils disent qu’ il
étoit à la connoissance du testateur, que Bélanger étoit
établi à Paris , et y avoit sa famille ; ce qui signifie appa
remment que l’intention étoit dele gratifier, quand même
il auroit cessé de demeurer avec le testateur.
A insi, nécessité avouée de l’accomplissement de la con
dition , puisqu’ils admettent pour équivalent la prétendue
expulsion de Bélanger , qui lui a ôté le pouvoir de s’y con
form er, et dispense absolue de la condition, par la vo
lonté présumée du testaleur, de ne lui avoir pas imposé
cette obligation : c’est ainsi qu’on raisonne , quand on
présume.
XiCS premiers juges disent encore, «soit que l’on consi« dère l’intention manifestée par le testateur , dans son
« testament, de finir scs jours à Paris , puisqu'il vouloit
D
�>
•\I
‘
( 2 6 }
« y être enterré, soit que l’on considère qu’il étoit à sa
« connoissance que Bélanger y étoit établi 3 et y avoit sa
« famille. »
Rien de plus curieux que ces considérations; elles veu
lent d ire, sans doute, qüe pour l’accomplissement de la
condition , le général d’ Orvilliers s étoit obligé de mourir
à P aris, et de rester attaché aux volontés de son domes
tique sur son domicile.
On doit abandonner à sa propre valeur un système qui
tendroit à faire d’un testament un titre contre le testateur.
Un testament ne date que de la mort ; ce n’est qu’à ce
moment qu’il prend son existence. Il n’est pas permis aux
juges d’examiner ce qu’il a plu au testateur de faire pen
dant sa vie : sa liberté étoit entière; et si son intention eût
été de dispenser son domestique de la condition, à raison
de son changement de domicile, il n’auroit pas manqué
de s’exprimer sur ce point.
Une erreur monstrueuse forme la base de toute cette
discussion , en ce que Bélanger et les juges considèrent les
dispositions qu’il s’agit d’exécuter, comme étant de 1787 ,
tandis qu’elles n’ont d’existence que du jour du décès.
L ’instrument seul est de cette époque; et sa date, qui n’a
de propriété que pour valider l’acte en sa forme , est abso
lument nulle et sans cflct au fond.
Et si M. d'Orvilliers eût vécu quinze ans encore, Bé
langer seroit donc venu, s'appuyant sur la date de 17 8 7 ,
prétendre également au legs, après cette longue cessation
de serv ices ?
il étoit, d it-o n , à la connoissance du testateur, que
Bélanger étoit établi à Paris, et y ayoitsa famille,
�( *7 )■
Mais connoît-on, ou conçoit-on, pour un domestique,
une autre existence que son service auprès de son maître?
et ce service n’est-il pas négatif de tous établissemens ?
Ensuite, la connoissance du testateur que Bélanger avoit
sa famille à P aris, n’oifre-t-elle pas une conséquence toute
contraire à celle que le tribunal en a tirée? C’est préci
sément parce qu’une famille est un juste titre d'attachement
et de prédilection, parce que M. d’Ürvilliers a pu craindre
qiie Bélanger préférât ses parens à son m aître, qu’il lui
a imposé la condition d’être à son service à L'heure de sa
mort j et quand M . d’ Orvilliers vouloit se rendre auprès
de ses parens, c’étoit sans contredit à Bélanger à faire le
sacrifice de ses affections : et parce que le testateur avoit
connoissance de cette particularité, la condition n’en est
que plus forte.
Les premiers juges disent encore que ce n’est pas M. d’Or
villiers, testateur, qui a quitté Paris volontairement, mais
que c’est plutôt la volonté du citoyen de Givry qui a opéré
seule cette translation.
Les premiers juges ajoutent ici présomption sur pré
somption , et ne se sont pas aperçus qu’ils lançoient des
traits injurieux à la famille et à la mémoire du général
;d’ Orvilliers : ce dernier est mort jouissant de la plénitude
de son état civil; tout ce qu’il a fait, il a voulu le faire;
et le livre de sa conduite personnelle et privée n’est ouvert
pour personne. Quant à ses parens, loin de contrarier les
volontés d’un onde qu’ils n’ont cessé de respecter, loin de
le contraindre dans aucune démarche, loin de l’outrager
par des privations, le moindre de ses désirs fut toujours
une loi pour eux.
D 2
�*
(28)
E n fin , porte encore le jugement, « par son séjour dans
« la maison d’autrui, le général d’Orvilliers est présumé
a n’avoir plus eu de domestiques à son service. »
* Es t-il présumable que dans cet état de vieillesse et de
maladie, qui rend encore les soins particuliers plus né
cessaires, et lorsque la fortune lui en laissoit le pouvoir,
le général d’ Orvilliers ait été privé de domestiques? Mais
ce qui dissipe encore les présomptions du tribunal de l’Allier, c’est la vérité constante et à la connoissance de tout
le m onde, à Moulins, qu’indépendamment de six domes
tiques qui avoient toujours composé la maison du citoyen
Hugon de G ivry, le général d’ Orvilliers a été se rv i, jus
qu’à sa m ort, par deux domestiques à ses gages et de son
choix, qui ne le quittoient ni le jour ni la nuit, dans le
même appartement qu’occupe aujourd’ hui et depuis plus
de six ans, la belle-mère du citoyen de G ivry, et que rien
n’a été négligé pour rendre digne de lui la retraite où il
a terminé sa vie gloi’ieuse.
Le citoyen Hugon de G ivry se bornera à ces réflexions
sur la disposition du jugement qui le concerne. On ne v o it,
dans scs motifs, que des efforts maladroits pour justifier
line disposition que la loi réprouve; et ce n’est point avec
des précomptions, des allégations ou des chimères, qu’on
peut effacer , combattre ou altérer un titre authentique.
il reste à examiner les grieis proposés par Bélanger,
contre ce même jugement.
On se rappelle que Bélanger s’en est rendu appelant,
premièrement eu ce qu’ il prononçoit la suppression d’ un
alinéa de son mémoire, comme injurieux et diffamant.
Le citoyen llugon de Givry a transcrit plus haut cet
�C 29 )
alinéa ; Bélanger a eu l’audace d’accuser le neveu, le
disciple du général d’Orvilliers, d’avoir cherché à abréger
les jours de ce vieillard vénérable, sa 7?s se compromettre aux y eu x de la justice.
Cette horrible diffamation , qui méritoit une peine
plus sévère, et qu’il est cruel de relever, est d’autant
plus maladroite qu’on ne commet pas de crime sans
intérêt. E t quel intérêt avoit donc le citoyen Hugon
de G iv iy , de chercher à abréger les jours d’un oncle
dont toute la fortune consistoit en une rente viagère
de 18,000 francs?
Mais ce seroit s’avilir que de descendre à une justifi
cation ; le citoyen de G ivry doit se contenter de livrer
l'auteur de cette monstrueuse accusation, à la justice et
à la sévérité du tribunal.
Bélanger se plaint encore de ce que le jugement dont
est appel, ne lui a point adjugé de dornmages-intérêts.
Quel tort a-t-il donc souffert ? n’éloit-il pas assez heu
reux d’avoir obtenu la délivrance d’un legs conditionnel,
sans avoir rempli la condition? N ’étoit-il pas suffisam
ment dédommagé parles intérêts de ce même legs, qui
lui sont alloués depuis la sommation par lui faite de re
présenter le testament ?
Bélanger se récrie encore de ce que le citoyen Hugon
de G iviy n’a été condamné qu’au payement de sa por
tion du legs; mais ignore-l-il qu’un héritier n’est jamais
tenu au payement des legs, que dans la proportion de
son amendement? Le citoyen de Givry lui avoit désigné
la portion qu’ il nmendoit dans la succession de son oncle;
il lui avoit indiqué Je nombre, la qualité et demeure de
�( 30 )
ses autres cohéritiers. Bélanger n’avoit point d’action hy
pothécaire sur la succession de M. d’ Orvilliers; chacun des
héritiers ne pouvoit donc être tenu que personnellement
pour sa portion, en supposant que la demande fût fondée.
E n fin , Bélanger regarde comme déni de justice, le
défaut d’indication précise de la quotité des condam
nations que devoit supporter le citoyen de Givry.
Ce dernier grief est inexplicable. On n’indique ordi
nairement cette quotité qu’en termes généraux, et pour
la part et portion qu’amende le cohéritier contre lequel
on dirige les poursuites. Bélanger connoissoit en quoi
consistoit l'amendement du citoyen de G ivry, qui étoit
un sixième; il n’étoit donc nullement besoin d’une plus
ample explication.
Par conseil, P A G E S , jurisconsulte .
B R U N , avoué.
A Riom , de l’imprimerie de L a n d r i o t , imprimeur du
Tribunal d’appel. An 9.
�
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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[Factum. Hugon de Givry, Claude. An 9]
Creator
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Pagès
Brun
Subject
The topic of the resource
legs
legs conditionnels
domestiques
diffamation
diffusion du factum
censure
volonté du testateur
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Claude Hugon de Givry, héritier pour une sixieme portion de défunt Louis Guillouet d'Orvilliers, ancien lieutenant-général des armées navales, intimé et appelant ; Contre Simon Bélanger, ancien cuisinier de feu Louis Guillouet d'Orvilliers, habitant de la ville de Paris, appelant d'un jugement rendu au ci-devant tribunal civil de l'Allier, le 6 germinal an 8 ; et intimé.
Table Godemel : Legs : 2. le légataire peut-il exiger le paiement d’un legs conditionnel, lorsque la condition imposée n’a pas été remplie par lui ? en d’autres termes, un ancien domestique du testateur peut-il réclamer le legs que lui a fait son maître, autant qu’il sera à son service à l’heure de sa mort, s’il avait quitté ce service avant cette époque ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1790-An 9
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1026
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Rights
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Censure
diffamation
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domestiques
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legs conditionnels
volonté du testateur
-
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b32f1be835663f4581a6365f5390f62e
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Text
M
E
M
O
I
R
E
POUR C l a u d e HUGON D E G IV R Y , héritier
pour une sixième portion de défunt L o u i s
G U 1LL0U ET D ’ORV 1LLIERS, ancien lieu
t r ib u n a l
tenant-général des armées navales, intime et D'appel
appelant ;
•
séant à Riora
C O N T R E S i m o n B E L A N G E R , ancien
cuisinier de feu L o u i s G U I L L O U E T
D ' O R V I L L I E R S , habitant de la ville de
Paris , appelant d'un jugement rendu au cidevant tribunal civil de VAllier 3 le 6 germinal
an 8 , et intimé.
Q U E S T I O N .
Peut-on exiger le payement d'un legs conditionnel, lorsque la condition imposée au légataire n’ a pas été
remplie par le f a i t du légataire ?
,
.
I L est difficile d’expliquer comment la question la plus
simple a pu faire naître une contestation sérieuse ; par
quels motifs on a donné à cette cause une aussi grande
publicité ; pourquoi Simon, Bélanger s’est permis de dis
A
,
�C a )
_
tribucr des libelles diffamatoires, s’est répandu en injures
grossières contre le citoyen de G iv r y , ses défenseurs et
ses conseils? Etoit-ce pour donner plus de poids aux
présomptions, aux allégations, aux chimères, qui for
ment la base de sa défense ?
Un légataire conditionnel peut-il espérer la délivrance
de son legs, quand il n’a pas rempli la condition? On
sait que la condition affecte tellement la substance du legs,
qu’il ne peut pas avoir son effet sans elle;
Q u il suffit que la condition ne soit pas impossible, pour
quelle doive etre exigée;
Q u il faut se soumettre, avec une obéissance aveugle ,
à la volonté du testateur, et satisfaire ponctuellement à
la condition.
Simon Bélanger pouvoit discuter ces principes, sans
se permettre aucune diffamation.
Mais ses injures et ses menaces ne sauroient atteindre
le citoyen Hugon de Givry. Il ne les rappelle , qu’à raison
de ce que le jugement dont est appel, a ordonné la sup
pression d’un alinéa du mémoire de Bélanger, et que
ce dernier est appelant en ce chef; il ne s’en occupera
qu’autant que cela est nécessaire pour sa défense, et il
ne se permettra aucune représaille.
F A I T S .
Simon Bélanger est entré au service de M. d’OrviïliprsT
en 1779- M* d’ Orvill'crs habitoit alors la ville de Rochcf j r t , après avoir quitté Brest, où il «voit commandé la
marine et les armées combinées de France et d’Espagne.
�M. d’Orvilliers eut le malheur de perdre son époure , en
1780; il avo':t quitté le service. Isolé, livré à lui-même,
il prit la résolution de passer le î-este de sa vie dans la
retraite. Il choisit la maison de St. Magloire , à lJaris,
et s y fixa dans le cours de l’année 17 8 c, auprès de
M. Laube, ancien officier de m a r i n e , son ami, son ancien
compagnon d’armes; il habita avec lui jusquà la fin de
179°. C’est la-qu’il comptoit terminer sa carrière glo
rieuse (1); mais une attaque d’apoplexie qu’il éprouva,
dans la même année 1790, affoiblit ses facultés intellec
tuelles, et le mit dans la dépendance de Bélanger, son
domestique. Ce dernier loua , sous le nom de son maître,
une maison écartée de celle de St. M agloire, et le fit trans
férer dans cette nouvelle habitation , malgré les repré
sentations de M. Laube, et de tous ceux qui prenoient
intérêt à ce brave et ancien gén éral, dont la mémoire
inspire la vénération.
Les amis de M. d’Orvilliers instruisirent sa famille de
ce changement.Tous les parens de M. d’Orvilliers, vive
ment affectés de son état, donnèrent au citoyen Hugon
de G ivry, les pouvoirs les plus étendus, pour se rendre
auprès de leur o n c le ,y prendre tous les arrangemens et
mesures convenables, donner les ordres que sa prudence
lui suggéreroit, pour que M. d’Orvilliers fût servi et
soigné ainsi que l’exigeoit son âge et son état \ l’autoriserent même à transférer leur oncle à portée de quel
qu’un de sa famille, pour qu’il puisse veiller à ce qu’aucun
(1). P a r son testa m e n t, il a v o it m an ife sté l’ in ten tio n d 'être en terré
d ans la m aiso n de St. M a g lo ire .
A 2
�( 4 )
r
soin ne lui manque, si son médecin juge que cela
puisse se faire sans risque pour sa santé et sa conser
vation.
‘
L e citoyen ïïugon de Givry est également autorisé à
envoyer ou à changer les domestiques, et à prendre toutes
les mesures que sa sagesse lui dictera , pour que les af
faires d’intérêts soient administrées de manière que les
r e v e n u s de son oncle suffisent à ses besoins et à ses dépenses.
Ces différentes procurations qu’il est inutile de trans
crire littéralement, sont des 12 avril et 9 août 1791 , et
enregistrées le même jour 9 août.
Le citoyen Hugon de Givry se rendit auprès de son
oncle, en vertu des pouvoirs qui lui avoient été donnés.
M. d’ Orvilliers étoit peu favorisé de la fortune; sa plus
grande ressource étoit une pension de 18,000 f r . , payée
par l'état, et qui fut supprimée dansla suite. L e citoyen de
Givry ne pouvoit confier son oncle à des mains merce
naires; il prit la résolution de l’amener chez lui au mi
lieu de sa famille; il consulta le médecin Phlips sur cette
détermination; il fut décidé que le voyage ne pouvoit
entraîner aucun inconvénient. L e citoyen de Givry fit
vendre, en présence de M. Laube et de Bélanger, le
mobilier qui restoit à son oncle; le produit de la vente
fut de 403 ir. eu assignats. '
Bélanger accompagna son maître dans ce voyage; il
demeura huit jours à Moulins, auprès de lui, et l’aban
donna ensuite, pour retourner à Paris.
M. d’Orvilliers a vécu dans la maison de son neveu ,
jusqu’au 13 avril 1792. Ses neveux et nièces après sa mort
parla gèrent sa succession ; il revint à chacuu lu somme de
�( 5 )
.
.
1,831 f. 85 cent., ainsi qu’il résulte des quittances produites. M. Laube, ami de M. d’Orvilliers, étoit dépositaire
du testament de ce dernier, qui l’avoit nommé son exé
cuteur testamentaire. Comme M. Laube n etoit pas Fran
çais, et qu’il étoit sur le point de retourner dans son
pays, il envoya ce testament au citoyen de Givry. Ce
testament olographe est sous la date du 4
i 7 ^7 j ^
contient différens legs j il suffit de transcrire celui qui
concerne Bélanger.
« Je donne 6,000 fr. à Bélanger, en reconnoissance
* des services qu’il m’a rendus, par estime de ses vertus
« et par amitié pour lui ; je lui donne aussi le lit d in
« dienne, et tout le petit ameublement de la chambre
« située au premier, où je mange ; tous mes habits et les
«r deux tiers du linge servant à ma personne j enfin je lui
« donne tous mes livres qui se trouveront , après que
« M. Laube aura fait le choix de ceux qui lui conviennent.
« Je donne à C a lliste , mon laquais, un tiers du linge sér
ie vant ù ma personne, et une somme de 1,200 fr.
« L e s articles concernant les deux domestiques n au
« ront e ffe t, qu autant qu'ils seront à mon service à
« Pheure de ma mort. »
Bélanger , informé du décès de son ancien maître, écrivit
au citoyen de G iv r y , lui parla du testament dont il connoissoit l’existence, du legs qui lui avoit été fa it, et de
manda copie du testament.
Le citoyen de Givry copia littéralement l’article qui concernoit Belanger, et s’empressa de le lui envoyer.
Sans doute que Bélanger ne crut pas alors qu’il pou v o it
exiger le payement du legs, lorsqu’il en connut la condi-
�.
.
6 ) .
.
,
tion ", du moins il a gardé le silence jusqu’au 2 vendé
miaire an 7 , qu’il fit signifier un acte extrajudiciaire au
donjicile du citoyen Hugon de Givry. Il se permet, dans
le préambule de cet acte , des inculpations malhonnêtes
contre le citoyen de G ivry, et le somme de déclarer, i°. si
M. d’Orvilliers est décédé dans sa maison de Moulins;
2°. s’il a fait son testament olographe , le 14 mai 1787 ;
30. si par ce testament il a fait un legs quelconque en fa
veur de Bélanger, qui étoit son premier salarié5 40. si
M . d'Orvilliers lui a confié, à titre de dépôt ; son testa
ment, pour le déposer cliez un notaire après sa mort;
5°. s’il est encore dépositaire aujourd’hui du même testa
ment. Dans ce dernier cas , il somme le citoyen Hugon
d’en faire le dépôt chez un notaire, ou en justice, dans
vingt-quatre heures, et de lui indiquer ensuite le lieu ou
il aura fait le dépôt. Dans le cas où le citoyen Hugon
auroit, à l’instant du décès de M. d’ Orvilliers, fait le dépôt
de ce testament au greffe, ou en l’étude d’un notaire, il le
somme de lui indiquer à l’instant le notaire qui a reçu ce
dépôt; sinon et faute par le citoyen Hugon de donner à
Bélanger les renseignemens nécessaires pour avoir une
copie légale de ce testament, et de s’expliquer sur les faits
ci-dessus, celui-ci se pourvoira contre lui pour l’y con
traindre, faisant à cet effet toutes réserves do fait et de
droit.
L e citoyen Hugon de Givry répondit, i° . que M. d’O r
villiers étoit mort chez lui eu 1792; 2°. qu’il a fait 1111
testament olographe, mais qu il en ignore positivement la
date, qu’il croit cependant que c’est eu 1787 ; 30 qu’il croit
cju’il a fait un don conditionnel en faveur dudit Bélanger 3
�. .
( 7 )
4°. que M. d’Orvilliers a confié son testament entre les
-mains de M. Laube , ancien officier de marine, son a m i,
qui le lui a montré , et qui en est nommé exécuteur testa
mentaire ; 5°. q u e lui H ugon -G iviy n’est point dépositaire
de ce testament, et qu’il ignore où il e s t , et s’il existe;
6°. enfin qu’après la mort dudit d’ Orvilliers, lui G iv r y ,
a partagé avec ses autres cohéritiers les meubles et effets
du défunt, dont partie a été distribuée aux pauvres, particulièremet ses habits et linges de corps; qu’au surplus,
s’il étoit prouvé qu’il fût dû légitimement à Bélanger, la
succession d’ Orvilliers le payeroit.
.
Cet acte extrajudiciaire fut suivi d’une céclule, en date
du 5 nivôse an 7 , par laquelle Bélanger demanda que le
citoyen Hugon fût tenu de déposer le testament chez un
notaire, ou au greffe du tribunal civil, dans vingt-quatre
heures, si mieux le citoyen Givry n’aimoit payer , à lui
Béla nger , la somme de i 5 ,ooo f r . , valeur du legs à lui fait
par le testament du 14 mai 1787. Il y eut un procès verbal
de non conciliation , suivi d’une citation du 6 pluviôse, et
le 28 floréal an 7 , il intervint un premier jugement con
tradictoire, qui ordonna que le citoyen Hugon de Givry
seroit tenu de déposer au greffe du tribunal civil d’Allier
le testament olographe de défunt d’Orvilliers, dans la hui
taine , à compter de la signification du jugement.
L e 3 trimaire an 8 , nouvelle citation de la part de Bé
langer, contre le citoyen Hugon de G ivry, tendante à faire
déclarer exécutoire contre lui le testament olographe de
ieu d Orvilliers, du 14 mai 1787,6! à le faire condamner,
en qualité de seul et unique héritier de son oncle, à lui
faire la délivrance des legs exprimés ù son profit, et à lui
�C 8)
payer pnur ¡ceux, i° . la somme de 6,000 fr. fixée par le
testateur; 20. celle de 8,000 fr. pour les deux tiers des habits
et la valeur du linge servant alors au défunt ; 30. celle de
3,000 fr. pour la valeur des livres que le citoyen Hugon a
trouvés à la mort de son oncle ; 40. celle de 10,000 fr. pour
dommages-intérêts, dûs à raison de ce que le citoyen de
Givry . comme dépositaire infidèle du testament, l’a tenu
secret jusqu’au 28 floréal an 7 , qu’il a été condamné à en
faire le dépôt, et que par là il a mis Bélanger dans Fimpossibilité de former plutôt son action.
Le 8 frimaire il y a eu un procès verbal de non concilia
tion , et le 26 du même mois Bélanger a fait assigner le
citoyen de Givry au ci-devant tribunal civil d’Allier , où il
a repris les mêmes conclusions qu’au bureau de paix.
Ii est bon d’observer, que lors du procès verbal fait au
bureau de paix, le citoyen G ivry avoit exposé que Bélanger
réclamoit mal à propos l’exécution d’un testament dont il
n’avoit pas rempli la condition ; que le legs n’avoit été fait
au profit de Bélanger, qu’à condition qu’il se trouveroit
au service du testateur au moment de son décès, et que
Bélanger avoit quitté le service de M. d'Orvilliers long
temps avant sa mort. A u surplus, le citoyen de G iv iy
remarqua qu’il n’étoit héritier de son oncle que pour un
sixième; qu’il ne savoit à quel titre et pour quel motif
Bélanger lui accordoit une préférence exclusive ; il crut
devoir lui indiquer le nom, la qualité et la demeure de ses
autres cohéritiers.
Bientôt il s’est élevé entre les parties, une discussion plus
sérieuse. Bélanger opposoit comme fin de non recevoir un
écrit de M. d’Orvilliers du iô^avril 1788, qui, suivant lu i,
le
�.
.
( 9)
le dispensent d’exécuter la condition apposée au testament.
Il argumentait contre le citoyen de Givry de quelques lettres
particulières de l’envoi que lui avoit fait ce dernier, de
l’extrait du testament en ce qui concernoit Bélanger. Il
voulut faire résulter de là, une approbation du testament.
Des mémoires imprimés ont été répandus de partet d’autre.
.Bélanger s’est livré aux plus atroces déclamations ; des per
sonnalités ont été substituées aux moyens , et chaque écrit
qui émanoit de lui, étoit une nouvelle diatribe. Dans un de
¡ses mémoires , pag. 4 , verso, après avoir dit que le citoyen
•Hugon de G ivry étoit venu à Paris, le i 5 mai 1791 ,
auprès de son oncle, il s’exprime ainsi :
; « .Quel étoit le but de ce voyage ? Etoit-ce pour veiller
« plus particulièrement sur la'santé de son oncle, et pro
'« longer ses joùrs en lui prodiguant tous les secours de
« l’art des médecins ? Non. Il ne s’est rendu en si grande
« hâte dans la capitale, que pour s’emparer, ainsi que
• toutes les circonstances le prouvent, de la succession de
« son vieil oncle, avant Sa m o rt, et pour en accélérer le
« terme'autant qu’il dépendoit de lu i, sans se compro« mettre aux yeux de la justice. »
• • On doit sans doute mépriser les injures, mais une accu
sation aussi grave ne pouvoit être tolérée. L e citoyen de
Givry en demanda justice; il conclut à la suppression de
-ce libelle, et à l’affiche du jugement à intervenir.
• Il s appliqua ensuite à démontrer, en point de droit, que
Bélanger étoit non recevable à demander la délivrance de
son legs conditionnel, et qu’enfin il auroit dû former sa
demande contre tous les héritiers du testateur.
- La cause portée a l’audience du tribunal civil d’A llier,
£
�( 10 )
du 6 germinal an 8 , il est intervenu un jugement contra
dictoire , dont on va transcrire les motifs et les dispositions.
« Considérant, i °. qu’aucune des trois fins de non rece« voir proposées par Bélanger n’est fondé , attendu d’une
« part, que l’écrit en date du 16 avril 1788, dont argu<r mentoit Bélanger, non seulement ne relève pas formel
« lement le légataire de la condition portée au testament,
« mais encore qu’il en l’ésulte au contraire que le légateur
« ne supposoit sa séparation du légataire, que dans le seul
« cas du prédécès de ce dernier; de l’autre, qu’il ne résulte
« aucun acquiescement formel h l’exécution du legs, ni de
« l’extrait du testament délivré au légataire, sans réserve
« de la part de l’héritier, cette réserve étant de d roit, et la
« correspondance de l’héritier établissant qu’il regardoit le
« legs comme n u l, ni de la délivrance qui a pu être faite au
«• légataire de quelque partie du legs, puisque non seule« ment il n’est pas justifié que cette délivrance soit du fait
« de l’héritier, mais encore qu’eile a été faite avant la mort
« du testateur, de l’aveu même du demandeur.
« Considérant secondcrhent, que d'une part le citoyen
tt Hugon de Givry, par les inculpations graves qu’il a
« faites à Bélanger, tant dans son mémoire imprimé, que
« lors des plaidoiries de la cause, et sur-tout par le rapport
« de la procuration des autres cohéritiers, dans laquelle il
« s’est fait particulièrement autoriser à renvoyer les domes
a tiques, a fourni lui-même au moins de violentes prê
te sorn\itioiis , que c’étoit lui qui avoit renvoyé Bélanger
« du service de défunt Guillouet d’ Orvilliers ; que d’une
a autre part, soit que l’on considère l’intention manifestée
« par le testateur, dans sou testament, de Unir scs jours
�.
.
^.rI )
« à Paris, puisqu’il vouloit y être enterré, soit que l’on.
« considère qu’il étoit de sa eonnoissance que Bélanger
« etoit établi à Paris, et y avoit sa famille} soit que l’on
« considère enfin que ce n’est pas le testateur qui a quitté
« Paris volontairement, pour venir à Moulins, mais que
« c’est plutôt la volonté du citoyen de Givry , qui a opéré
« seule cette translation , qui a eu lieu dans la maison dudit
«’ G ivry; que dès-lors le défaut d’accomplissement de la
« condition imposée à B élanger, ne peut pas lui être re
« proche/ parce que non seulement la condition n’est pas
« restée la même par le fa it, non du testateur, mais bien
« de l’héritier, mais encore qu'il n’a plus été au pouvoir
« du légataire de l’aeçomplir, puisque le testateur, trans0
dans une maison autre que la sienne propre,
° lia plus eu dès-lors de domestiques particuliers pour
« le servir, mais bien ceux seulement du maître de cette
« maison ; que les domestiques du testateur v eussent-ils
« même resté avec lu i, ils y seroient alors devenus ceux
« de la maison, et non du testateur; ce qui n’étoît ni dans
« l’esprit, ni dans la lettre du testament.
« Considérant en troisième lieu , que les faits d’indignité
« proposes par le citoyen de G iv r y , sont non seulement
« vagues et nullement précisés, mais encore que Bélanger
« les a suffisamment écartés, tant par le rapport de ses
« états journaliers de recette et dépense, arrêtés scrupu« leusement et dans le plus grand ordre par le testateur,
R depuis 1781 , jusqu’à sa translation à Moulins, que par
(< Kl correspondance amicale, tenue par le citoyen Ilugoa
tt lui-même, avec le citoyen Bélanger, depuis la sortie de
ce dernier du service du testateur à M oulins, chez le
B 2
�( 12 )
« citoyen Hugon de G iv ry, ladite correspondance due« ment timbrée et enregistrée.
<r Considérant en quatrième lieu, que soit le dépôt fait
« entre les mains du cit. Hugon de G ivry, du testament
« de feu d’Orvilliers, soit la qualité de seul et unique
« héritier de ce dernier, à lui donnée, dans les premiers
« jugemens rendus dans la contestation, ceux postérieurs
« portant cette réserve formelle , sans que les qualités
«r puissent nuire ni préjudicier aux parties, ne peuvent
« changer sa qualité ni lui attribuer celle d’exécuteur
« testamentaire, ni lui donner de plus grands droits
« dans la succession, que ceux qu’il y a réellement ; qu’en
« principe le cohéritier n’est tenu, vis-à-vis le légataire,
« quel que soit le legs qui lui a été fait, qu’en propor« tion de la portion qu’il amende dans la succession ,
« en qualité de cohéritier ».
«
«
k
«
«
«
«
ce
«
«
«
te Considérant cinquièmement, que pour déterminer
la partie du legs relative aux livres , hardes et linges
du testateur, Bélanger ayant reconnu avoir retiré avant
la mort du testateur, le lit et l'ameublement faisant aussi
partie dudit legs, il est indispensable que l’état des
dites hardes, linges et livres soit donné, et que cette
obligation est de droit imposée à l’ héritier, tenu de
la délivrance du legs et nanti de la succession , sauf
tons contredits de la part du légataire.
« Considérant sixièmement, que quoique en principe
général l e s intérêts d’un legs portés dans un testament
olographe, ainsi que dans l’espèce, courent du jour
du décès du testateur, lorsque l’héritier nanti du testa
it m eut, néglige d’en faire le dépôt aussitôt après la
�C 13 )
« mort du testateur ; néanmoins la circonstance résul« tante de ce que Bélanger, légataire, connoissoit noti
« seulement le testament, mais encore celui qui en étoit
« dépositaire, par l’extrait qui lui avoit été adressé par
« le citoyen Hugon-Givry, doit faire éprouver des mo
« difications à ce principe ; mais que s’il est juste dans
« cette hypothèse, que les intérêts du legs ne soient point
« alloués du jour du décès du testateur, il ne l’est pas
fc moins, d’après la conduite tenue par le cit. Hugon
« de G ivry, dans l’instance en rapport et dépôt du tes
te tament, d’allouer les intérêts à compter du jour de
« la première sommation faite aux fins du rapport et
« dépôt dudit testament, du 2 vendémiaire an y , la de
« mande en délivrance du legs, n’ayant été retardée que
« par le refus obstiné du citoyen Hugon de G iv ry , de
« représenter le testament, et son seul fait ».
« Considérant septièmement, que dans l’espèce, les
« intérêts qui seront alloués, tiennent lieu de tous doin,* mages-intérêts , qui ne sont jamais dûs q u à raison
« du tort qu’on éprouve; le préjudice souffert par Bé« langer n’étant autre dans l’hypothèse, que le retard
« apporté à l’acquittement ou à la délivrance de son legs,
« et les intérêts alloués étant la compensation naturelle
« et de droit de ce retard.
« Considérant huitièmement, que la défense légitime
«■se borne aux seuls moyens de la cause, et non à des faits
« étrangers, et encore moins lorsque ces faits contiennent
« des inculpations graves, et tels que la réputation et l’iion« neur peuvent en être altérés ; qu’au nombre de ces genres
* d inculpations et faits} le citoyen Givry est fondé u
�( 14 )
m
mettre le second alinéa du v°. de la quatrième page du
mémoire imprimé du citoyen Bélanger, commençant
par ces mots : quel étoit le but de ce voyage ? et finis
sant par ceux-ci: sans se comyramettre aux y e u x de
la justice , et qu’il y a lieu des lors d ordonner la radia
tion dudit a lin éa, et que procès verbal en soit dressé
par le greffier aux frais de Bélanger.
« Le tribunal jugeant en premier ressort, déclare so
lennel et exécutoire contre le citoyen Hugon de Givry
le testament olographe de défunt Louis Guillouet d’O r
villiers , du 4 mai 1 7 8 7 ,dûment enregistré ; donne acte
aux parties de la déclaration faite par Bélanger, qu’il a
en son pouvoir le lit et 1 ameublement faisant partie du
legs à lui fait dans ledit testament ; condamne ledit
Hugon de G iv ry , en sa qualité d’héritier de défunt
Louis Guillouet d’Orvilliers, à payer et délivrer, ou
autrement acquitter, en pareille proportion seulement
que celle qu’il amende dans ladite succession, audit Bé
langer , avec intérêts, à compter de la sommation signi
fiée le 2 vendémiaire an 7 , tant la somme de 6,000 fr.
portée au même legs , que les hardes et deux tiers de
linge à l'usage du défunt, et sa bibliothèque , faisant
partie dudit legs; et pour être statué sur la consistance
« ou valeur desdites hardes, linges et bibliothèque; or« donne que dans la quinzaine, à compter de ce jour, le
« citoyen Hugon de Givry sera tenu de signifier à Bélanger
« un état certifié desdites hardes, linges et livres , sauf con« tiedils delà part dudit Bélanger, pour lesdits états et
« contredits rapportés au tribunal, ou à défaut d’iceux ,
« cire par lui statué ce qu’il appartiendra, en l’audience
�( r 5 -)
« du 6 floréal prochain , en laquelle la cause demeure
« continuée; condamne néanmoins ledit Hugon de Givry
« aux dépens laits jusqu’il ce jour par le citoyen Bélaugei ,
« ensemble au c o û t , levée et signification dudit jugem ent,
« qui sei’a exécuté par provision, nonobstant 1 appel, aux
« charges de droit, comme s agissant d execution d acte
« de dernière volonté reconnue en justice. Et faisant droit
« sur les conclusions en radiation et suppression dinjures,
«• prises par le citoyen Hugon de Givry , le tribunal 01 ■«■donne que Yalinéa du v.° de la quatrième page du me
« moire imprimé de Bélanger, commençant par ces mots.
« quel étoit le but de ce voyage ? et finissant par ceux-ci.
« sans se compromettre au x y e u x de la justice , sera
« rayé dudit mémoire comme injurieux et diiïainant, et
* que procès verbal de ladite radiation sera dresse par le
« grellier du tribunal aux frais dudit Bélanger. »
Bélanger a fait signifier ce jugement par exploit du 28
thermidor an 8 , a v e c déclaration que ce jugement le gre-voit dans quatre de ses dispositions ; qu’on conséquence il
s’en rendoit appelant, i° . en ce qu’il prononçoit la sup
pression d’une partie de son mémoire de défenses; 20. en
ce qu’il ne prononce point en faveur de Bélanger une con
damnation en dommages-intérêts ; 30. en ce que, sans
aucune distinction , il ne condamne le citoyen llu gon de
Givry qu’au payement de sa portion du legs; 40. en ce que
le payement ne prononce pas quelle est la quotité des con
damnations que doit supporter le citoyen de G iv r y , ce
qui, suivant lu i, est un déni de justice.
De son cô té, le citoyen Hugon de Givry a interjeté pu
rement et simplement appçl du même jugement par acte
�( i6 )
^
du 23 brumaire an 9 ; et c’est sur ces appels respectifs que
le tribunal a à prononcer.
L ’ordre de la discussion exige qu’on commence par
examiner la question de droit relative à la condition im
posée au testament.
On analisera ensuite les moyens particuliers et subsi
diaires du citoyen Hugon de Givry.
Et on terminera par la discussion des griefs que Bélanger
a proposés contre le jugement dont est appel.
La première règle que l’on doit observer touchant l’ac
complissement des conditions e s t, que l’on doit se con
former exactement à la disposition conditionnelle. Telle
est la doctrine de Furgole sur les testamens, tom. 2, ch. 7 ,
sect. 5 , nomb. 3 : « C’est la lo i, dit-il} que les parties con« tractantes se sont prescrite ; c’est la loi qu’un testateur
« qui dispose a imposée : il faut donc consulter le contrat
a ou la volonté du testateur, et suivre exactement et litté« ralement ce qui est prescrit : in conditionibus primum
« locum voluntas defuncti obtinet ca quœ régit condi« tiones , loi 19 , ff. de condit. et demonstral. L e temps,
« la form e, la manière, les circonstances, tout cela dépend
« d elà disposition conditionnelle.de laquelle on ne doit
« s’écarter en aucune façon ; c’est elle qui doit régler l’évé« nement et la conduite de celui qui doit accomplir la con« dition, pour profiter de la libéralité conditionnelle; et
« comme on ne doit rien ajouter à la disposition pour
« rendre la condition plus diflicile, ni pour l’éteudre d’un
« cas à l’autre , ni d’uue personne à une autre , on ne doit
« non plus rien omettre ni retrancher de ce qui se trouve
v exprime dans la disposition, et par conséquent l’accom
plissement
�.
.
. ( x7 )
.
« plissement ou l’infraction de la condition , doivent arriver
« précisément de la manière et en la forme prescrite par
<* le testateur. »
'
Ricard, dans son traité des1dispositions conditionnelles,
cliap. 5 , sect. 3 , nomb. 314 , enseigne <r que les conditions
« doivent être pleinement et exactement accomplies, aupa« ravant que la disposition qui en dépend puisse avoir
« son effet. Lorsque le testateur a attaché sa libéralité à
« une condition, la condition en est la base et le fondc« ment ; 'de sorte , que lu n e ne peut subsister qu’avec
« l’autre. Il est absolument nécessaire , pour faire sub« sister la disposition , que la condition , qui seule est ca
« pable de lui donner l’être, précède dans les mêmes
« termes que le défunt a prévus , tellement que s’il y
« manque quelques circonstances, la volonté du testateur,
« qui s’est liée h la condition ,• demeure imparfaite ; elle
« ne peut produire pareillement qu’une disposition impar
te faite, laquelle conséquemmenf demeure sans effet et
« sans exécution. »
Plus bas, Ricard ajoute, « que ces maximes ont lieu à
« l’égard des conditions en général, mais qu’elles doivent
« plus particulièrement recevoir leur application, lorsqu’il
« s agit de conditions potestatives, qu’il est au pouvoir du
« légataire d’accomplir, précisément dans les termes que
« lui a prescrits le testateur. 11 doit, avec une obéissance
« aveugle, se soumettre absolument à la volonté du dé« funt, et satisfaire ponctuellement à la condition, sans
« qu il lui soit permis d’examitier s’il seroit plus expédient
« de 1 exécuter d’ une autre façon que celle que le testateur
'« a prévue. » .
G
�( i8 )
Les considérations les plus puissantes ne peuvent empê
cher que les conditions ne soient accomplies, si on veut
profiter des libéralités : il n y a point de condition qui ne
gêne en quelque manière la volonté, la liberté , puisque
la plupart roulent sur des choses que l’on ne feroit pas
volontiers, si elles n’étoient ordonnées. Aussi, ce n’est pas
ce qu’il faut examiner ; le légataire est obligé de captiver sa
volonté ou ses goûts, pour suivre exactement les termes de
la condition qui lui est imposée , et qu’il peut exécuter. lia
loi n’excepte que tout ce qui seroit déshonorant par rap
port à l’état et à la condition de la personne à laquelle la
condition a été imposée; mais toutes celles qui n’ont rien
* de contraire aux lois ni aux bonnes mœurs , ni même à
la liberté, dans le sens des lois, doivent être strictement
exécutées.
Et pourquoi s’appesantir sur une chose aussi simple ? Ne
dépend-il pas de celui qui donne, d’imposer à ses libéra
lités les conditions qu’il lui plaît ?
O r, le général d Orvilliers avoit subordonné le legs qu’il
faisoit, tant a Belanger qu’à Calliste, à la condition qu’ils
scroient à son service à l'heure de sa mort.
Bélanger convient qu’il n’étoit pas au service du général
d’Orvilliers à l’heure de son décès; il est même reconnu
qu’il avoit cessé d’être auprès de son maître, plus d’un
an avant sa mort. Il n’a donc pas rempli la condition sous
laquelle le legs lui avoit été fait ; il est donc non recevuble
dans sa demande en délivrance de ce legs.
T out ce qui a été dit, écrit et imprimé de la part de
Bélanger, dans le cours de l’instruction, se réduit à pré-
�.
^ 19 )
.
,
..
tendre que le citoyen de Givry l’avoit renvoyé, lorsqu'il
conduisit son oncle à Moulins.
Une preuve que le citoyen de Givry ne l’a pas renvoyé,
c’est qu’il a accompagné lui-même son maître à Moulins,
qu’il a resté huit jours auprès de lui, et a voulu ensuile
s’en séparer pour aller rejoindre ses enfans qui étoient à
Paris.
Si son départ n’avoit pas été volontaire, si le citoyen
de Givry lui avoit fait violence ou l’eût renvoyé de sa
maison, comment n’auroit-il pas réclamé? Comment ex
cuser son abandon d’un ancien m aître, d’un homme si
respectable, lorsqu’il n’existe de sa part ni plainte, ni ré
clamation, non seulement à lépoque où il a quitté le service
du général, mais encore lorsqu’on voit qu’il a gardé le
silence pendant sept années entières, après la mort de
M. d’Orvilliers ?
D e quel droit, d’ailleurs, le citoyen de Givry auroit-il
renvoyé un ancien domestique qui ne dépendoit pas de
l u i , et qui étoit attaché au service de son oncle ?
Lors du départ du citoyen de Givry pour Paris, les
lettres que la famille avoient reçues, faisoient supposer que
M. d’Orvilliers étoit dans un état d’affoiblissement absolu;
il n avoit que des infirmités qui sont la suite d’un grand
ag e , et qui s etoient accrues par une attaque récente : mais
il avoit encore ses facultés intellectuelles, et il se trouvoit
dans un état tel qu’il put supporter sans danger le voyage
de Moulins; qu’il a survécu plus d’un an; qu’il a toujours
joui du libre exercice de ses droits, et que sa famille n’a
tait aucune démarche pour provoquer son interdiction.
Il est mort en possession de son état, au milieu de sa
c; 2
�( 2° )
^
^
famille; et en supposant que Bélanger eiA
U été renvoyé,
il ne pourroit pas l’imputer au citoyen de G i v r y , mais à
M. d’Orvilliers lui-même, qui u’auroit plus voulu de ses
services.
Ainsi, ou le citoyen Bélanger s’est retiré volontairement '
d’auprès du général d’Orvilliers, et, dans ce cas, il n’a
rien à prétendre; ou il a été renvoyé, et alors il l’a été par
son maître : il n’a donc point rempli la condition sous la
quelle le legs lui avoit été fait.
Le seul motif du jugement que le citoyen de Givry ait
i n t é r ê t de discuter, est celui qui paroît avoir déterminé
les premiers juges à ordonner l’exécution du legs. On y
d it, « que le citoyen Hugon de Givry a fait des incul« pations graves à Bélanger ; que par la procuration des
« autres cohéritiers, il s’est fait autoriser particulièrement
« à renvoyer les domestiques; on en conclut qu’il a fourni
a au moins de viohntes.’çrésorirptions que c’ étoit lui qui
« avoit renvoyé Bélanger du service de M. d’ Orvilliers.
On ajoute, « que si l’on considère l’intention manifestée
« par M. d’ Orvilliers, de finir ses jours à St. M ag lo ire, où
« il vouloit être enterré,* qu’il étoit de la connoissance de
« M. d’ Orvilliers que Bélanger étoit établi à. Paris, et y
« avoit sa famille; que ce n’est pas M. d’Orvilliers quia
« quitté volontairement Paris pour venir à Moulins, mais
« que c’est plutôt la volonté seule du citoyen de Givry q u i
« a opéré cette translation dans sa maison; que dès-lors le
« défaut d’accomplissement de la condition imposée à
« Bélanger, ne peut lui être reproché. Non seulement,
« disent les premiers juges, la condition n’est pas restée la
« même par le fait, non du testateur , mais de l’héritier,
�C « O
^
« maïs encore il n’a pas été au pouvoir du légataire de
« l’accomplir, puisque le testateur, transféré dans une
« maison autre que la sienne, n’a plus eu dès-lors de domes
« tiques particuliers pour le servir, mais bien ceux seule« ment du maître de cette maison. Les domestiques du
« testateur y eussent-ils même resté, ils y seroient alors
« devenus ceux de la maison et non du testateur, ce qui
« n’étoit ni dans l’esprit ni dans la lettre clu testament. »
Et sur ce fondement, la délivrance du legs est faite à
Bélanger !
Est-il donc au pouvoir des juges de changer ou modifier
les conditions apposées par un testateur au legs qu’il lui
plaît de faire? testcimentum estjusta voluntatis sententia
de eo quodpost mortem su a m jie r i velit. Les juges ne
peuvent y porter la plus légère atteinte, par des inter
prétations capables d’altérer la volonté, l’expression lit
térale du vœu du testateur; point de considération qui
puisse dispenser le légataire de s’y soumettre.
S’il étoit permis de s’arrêter à des considérations, elles
seroient toutes, dans la thèse, agitées contre le domes
tique. Il est clair que le testateur ne l’a gratifié que dans
la vue des services qui lui seroient rendus dans les der
niers temps; c’est-à-d ire , dans les plus pénibles de sa
vie : la volonté clu testateur est d’autant plus formelle
ic i, qu il a employé cette expression, à ïheure de ma
mort.
Ces principes, qui puisent leur source dans la saine
raison , comme dans les lois, ne sauroient présenter aucun
doute, ni être atténués par les efforts d'aucun interprète;
autrement les conditions seroient toujours éludées, et
�1
( 22 )
jamais domestique n’auroit encouru la perte de son legs;
il ne manqueroit jamais de subterfuge et de faux-fuyant
pour s’affranchir de toutes celles attachées aux libéralités
qui lui étoicnt destinées. Il y a plus, le maître dont le
but auroit été de s’attacher un domestique jusqu’à la
fin de ses jours, seroit abusé dans le motif de sa sensi
bilité.
Aucuns exemples dans la jurisprudence, n’autorisent
l’infraction aux lois dont se plaint le citoyen Hugon de
G iv ry ; et le danger de cette espèce d’arbitraire ne peut
manquer d’être proscrit.
L e résultat de tout ce que les juges ont v u , est une
violente présomption.
Et quoi! les -présomptions des juges; c’e s t - à - d ir e ,
l ’ouvrage de leur imagination, l’opinion imparfaite ( car
des présomptions ne sont rien autre chose ), qu’ils auront
pris sur un point de fait, seront substitués à la volonté
écrite d’un testateur, convertiront un legs conditionnel
en un legs pur et simple? N on , ce seroit la première
fois qu’un tel système seroit consacré.
Màis y a-t-il même quelques raisons de ’p résumer dans
les motifs que contient le jugement ?
Des inculpations dans un mémoire et dans des plaidoi
ries! En bonne logique, on ne voit point le rapport qu’il
peut y avoir entre l’aigreur plus ou moins fondée, qui a
pu s’introduire dans un procès en l’an 8 , et la sortie d’un
domestique en 17 9 1, d’auprès de sou maître mort en 1792.
Mais on ne dit pas en quoi consistent ces inculpations !
Mais le jugement lui-même a prononcé la suppression
d’un alinéa tout entier d’un mémoire de Bélanger, connue
�,( 23 )
.
injurieux et diffamant; et le citoyen H u g o n de G iv r y ,
traité ainsi par l’ancien domestique de son oncle, n’auva
pu repousser les injures, sans qu on trouve dans sa juste
défense, un titre contre lui!
Quant à la procuration , elle ne prouve rie n , et les
juges en font complètementTaveu , puisqu’ils n y trouvent
encore que des présomptions i mais elle doit démontrer
à la justice la circonspection et la prudence du citoyen
Hugon de G iv r y , q u i, en se rendant auprès de son oncle,
âgé et malade, craignoit de le trouver dans un état qui ne
lui permettroit plus de s’occuper de sa maison, de ses
affaires, et l’obligeroit, lui paren t, à faire usage de cette
autorité qui naturellement devoit appartenir à lui comme
à ses cohéritiers.
Il n’en fut point ainsi: le général d’Orvilliers n’étoit pas
aussi malade qu’on l’avoit craint, puisqu’il entreprit et
soutint parfaitement le voyage de Paris à Moulins ; il se
détermina librement et volontairement à se rendre dans
sa famille; et n’étoit-ce pas là qu’il étoit sûr de trouver
ces soins attentifs qui sont une nécessité dans la vieillesse,
ces prévenances qui soulagent les m a u x , ce concours d’amis
tendres qui préservent des dangers de la solitude?
A r rivé à Moulins, il a continué à jouir de la plénitude
de sa raison et de son état.
Le citoyen Hugon de Givry n’eut donc à se permettre
aucun usage de la procuration; et en parlant le langage
d u 'd r o it , quelle pouvoit être la valeur d’une telle procu
ration pendant la vie du général d’Orvilliers ? Ses parens
qui n’avoient aucun pouvoir, en pouvoient-ils conférer?
Celui qui. ay oit reçu ces pouvoirs, avoit-il un moyen légal
�( H )
d’en faire usage ? Cette procuration n’étoit qu’un acte de
prévoyance , destiné à rester sans exécution, si l’événe
ment ne le rendoit nécessaire, et un scrupule du citoyen
de Givry sur sa mission.
Les présomptions du tribunal dont est appel, sont une
injure à la mémoire du général d’Orvilliers, et au respect
que ses parèns ne cessèrent de lui porter. Elles supposent,
ou que ses facultés intellectuelles l’avoient abandonné , ou
que ses parens usoient de contrainte envers l u i , et contrarioient ses volontés.
Et quand ce seroit le citoyen Hugon de Givry qui auroit
renvoyé Bélanger, seroit-ce sans l’aveu, ou contre la vo
lonté de son oncle? voilà encore ce qu’il auroit fallu
établir. Bélanger en a bien senti la nécessité, puisqu’il a
prétendu qu’il s’étoit transporté chez le juge de paix, lors
de son départ de Moulins, mais que ce juge étoit absent,
et que tous ceux qui auroient pu le remplacer, luiavoient
refusé leur ministère.
Après huit années de silence, une allégation de cette
espèce n’est que ridicule.
Et ce juge de paix absent! Bélanger étoit donc bien
pressé de quitter M oulins, s’il n’a pu attendre son retour.
Sa démarche au reste prouveroit-elle ce que le juge de
paix n’a pas constaté ?
Croira-t-on que c’est au moment où la famille du gé
néral d’ Orvilliers remplit vis-à-vis de ce respectable parent
ce qu’elle regarde comme son premier devoir, le recueillir
dans son sein, qu'elle va répandre l’aiïliction dans son
âme , par l’expulsion d’un domestique auquel il étoit
attache •
Le
�( 25 )
#
Les faits, au reste, démentent toutes les assertions qui
servent de base au jugement.
Bélanger est p.«rti volontairement ; il n’a plus voulu
rester auprès de son maître , quand il a vu qu il falloit le
servir et vivre loin de Paris; il a préféré retourner dans
la capitale,où sa famille et ses habitudes 1 attachoient. Si
on ne lui en fait pas un reproche, au moins ne doit-il
pas soutenir que la condition du legs se soit trouvée
accomplie ?
Les premiers juges sont tombés dans une contradiction
assez remarquable.
La présomption que Bélanger a été renvoyé par le cit.
Hugon de G iv ry, les conduit à la conséquence, que Bé
langer n’est sorti que malgré lui et malgré son maître , et
qu’alors c’est comme s’il n’avoit jamais quitté le service du
testateur. Puis oubliant cette conséquence, ils disent qu’il
étoit à la connoissance du testateur, que Bélanger étoit
établi à Paris , et y avoit sa famille ; ce qui signifie appa
remment que l’intention étoit de le gratifier, quand même
il auroit cessé de demeurer avec le testateur.
Ainsi, nécessité avouée de l’accomplissement de la con
dition , puisqu’ils admettent pour équivalent la prétendue
expulsion de Bélanger , qui lui a ôté le pouvoir de s y con
former , et dispense absolue de la condition, par la v o
lonté présumée du testateur, de ne lui avoir pas imposé
cette obligation : c’est ainsi qu'on raisonne , quand on
présume.
Les premiers ju^es disent encore, «soit que l’on consi« dère l'intention manifestée par le testateur , dans son
« testament, de .lion* ses jours à Paris , puisqu’ il vouloit
•
D
�« y être enterré, soit que l’on considère qu’il étoit à sa
« connoissance que Bélanger y étoit établi, et y avoit sa
« famille. ■
»
Rien de plus curieux que ces considérations; elles veu
lent dire, sans doute, que pour l’accomplissement de la
condition, le général d’Orvillierss’étoit obligé de mourir
à Paris, et de rester attaché aux volontés de son domes
tique sur son domicile.
On doit abandonner à sa propre valeur un système qui
tendroit à faire d’un testament un titre contre le testateur.
U n testament ne date que de la mort ; ce n’est qu’à ce
moment qu’il prend son existence. Il n’est pas permis aux
juges d’examiner ce qu’il a plu au testateur de faire pen
dant sa vie : sa liberté étoit entière ; et si son intention eut
été de dispenser son domestique de la condition , à raison
de son changement de domicile, il n’auroit pas manqué
de s’exprimer sur ce point.
Une erreur monstrueuse forme la base de toute cette
discussion, en ce que Bélanger et les juges considèrent les
dispositions qu’il s’agit d’exécuter, comme étant de 1787,
tandis qu’elles n’ont d’existence que du jour du décès.
L ’instrument seul est de cette époque; et sa date, qui n’a
de propriété que pour valider l’acte en sa form e, est abso
lument nulle et sans effet au fond.
Et si M. d'Orvilliers eût vécu quinze ans encore, Bé
langer seroit donc venu, s’appuyant sur la date de 1787,
prétendre également au legs, après cette longue cessation
de services ?
Il étoit, d i t - o n , à la connoissance du testateur, que
Bélanger étoit établi à Paris, et y ayoîtsa famille.
�'
( 27 )
.
Mais connoît-on, ou conçoit-on, pour un domestique,
une autre existence que son service auprès de son maître?
et ce service n’est-il pas négatif de tous établissemens ?
Ensuite, la connoissance du testateur que Bélanger avoit
sa famille à Paris, n’offre-t-elle pas une conséquence toute
contraire à celle que le tribunal en a tiree? C est préci
sément parce qu’une famille est un juste titre d attachement
et de prédilection, parce que M. d’Orvilliers a pu craindre
que Bélanger préférât ses parens à son m aître, qu il lui
a imposé la condition d’être à son service à ¿'heure de sa
mort - et quand M . d’ Orvilliers vouloit se rendre auprès
de ses parens, c’étoit sans contredit à Bélanger à faire le
sacrifice de ses affections : et parce que le testateur avoit
connoissance de cette particularité, la condition n’en est
que plus forte.
Les premiers juges disent encore que ce n’est pasM. d’O r
villiers, testateur, qui a quitté Paris volontairement, mais
que c’est plutôt la volonté du citoyen de Givry qui a opéré
seule cette translation.
Les premiers juges ajoutent ici présomption sur pré
somption, et ne se sont pas aperçus qu’ils lançoient des
traits injurieux à la famille et à la mémoire du général
d’ Orvilliers : ce dernier est mort jouissant de la plénitude
de son état civil; tout ce qu’il a fait, il a voulu le faire;
et le livre de sa conduite personnelle et privée n’est ouvert
pour personne. Quant à ses parens , loin de contrarier les
volontés d’un oncle qu’ils n’ont cessé de respecter , loin de
le contraindre dans aucune démarche, loin de l’outrager
par des privations, le moindre de ses désirs fut toujours
une loi pour eux,
D 2
�( *8 )
#
• E n fin , porte encore le jugement, « par son séjour dans
« la maison d’autrui, le général d’ Orvilliers est présumé
a n’avoir plus eu de domestiques à son service. »
Est-il présumable que dans cet état de vieillesse et de
maladie, qui rend encore les soins particuliers plus né
cessaires, et lorsque la fortune lui en laissoit le pouvoir,
le général d’Orvilliers ait été privé de domestiques? Mais
ce qui dissipe encore les présomptions du tribunal de l’A l
l i e r , c’est la vérité constante et à la connoissance de tout
le monde, à Moulins, qu’indépendamment de six domes
tiques qui avoient toujours composé la maison du citoyen
Hugon de Givry, le général d’ Orvilliers a été servi, jus
qu’à sa m ort, par deux domestiques à ses gages et de son
choix, qui ne le quittoient ni le jour ni la nuit, dans le
même appartement qu’occupe aujourd’hui et depuis plus
de six ans, la belle-mère du citoyen de G ivry, et que rien
n’a été négligé pour rendre digne de lui la retraite où il
a terminé sa vie glorieuse.
Le citoyen Hugon de Givry se bornera à ces réflexions
sur la disposition du jugement qui le concerne. On ne v o it,
dans ses motifs, que des efforts maladroits pour justifier
une disposition que la loi réprouve; et ce n’est point avec
des présomptions , des allégations ou des chimères, qu'on
peut effacer, combattre ou altérer un titre authentique.
Il reste à examiner les grieis proposés par Bélanger,
contre ce même jugement.
' On se rappelle que Bélanger s’en est rendu appelant,
p rem ièrem en t en ce qu’il prononçoit la suppression d’ un
alinéa de son mémoire, comme injurieux et diffamant.
L e citoyen Hugon de Givry a transcrit plus haut cet
�C 29 )
-
alinéa ,* Bélanger a eu l’audace d’accuser le neveu, le
disciple du général d’Orvilliers, d’avoir cherché à abréger
les jours de ce vieillard vénérable, sans se compro
mettre aux y e u x de la justice.
.
Cette horrible diffamation , qui méritoit une peine
plus sévère, et qu’il est cruel de relever, est d’autant
plus maladroite qu’on ne commet pas de crime sans
intérêt. Et quel intérêt avoit donc le citoyen Hugon.
de Givry , de chercher à abréger les jours d’un oncle
dont toute la fortune consistoit en une rente viagère
de 18^000 francs?
'
1 Mais ce seroit s’avilir que de descendre à une justifi
cation ; -le citoyen de G ivry doit se contenter de livrer
l'auteur de cette monstrueuse accusation, à la justice et
à la sévérité du tribunal.
•
Bélanger se plaint encore de ce que-le jugement dont
est appel, ne lui a point adjugé de dommages-intérêts.
Quel tort a-t-il donc souffert? n’éloit-il pas assez heu
reux d’avoir obtenu la délivrance d’un legs conditionnel,
sans avoir rempli la condition? N ’étoit-il pas suffisam
ment dédommagé par les intérêts de ce même legs, qui
lui sont alloués depuis la sommation par lui faite de re
présenter le testament ?
Bélanger se récrie encore de ce que le citoyen Hugon
de Givry n’a été condamné qu’au payement de sa por
tion du legs; mais ignore-t-il qu’un héritier n’est jamais
tenu au payement des legs, que dans la proportion de
son amendement? X^c citoyen de Givry lui avoit désigné
la portion qu’il amendoit dans la succession de son oncle;
il lui avoit indiqué le nom bre, la qualité et demeure de
�( 30 )
scs autres cohéritiers. Bélanger n’avoit point d’action hy
pothécaire sur la succession de M. d’ Orvilliers; chacun des
héritiers ne pouvoit. donc être tenu que personnellement
pour sa portion, en supposant que la demande fut fondee.
Enfin , Bélanger regarde comme deni de justice , le
défaut d’indication précise de la quotité des condam
nations que devoit supporter le citoyen de Givry.
• Ce dernier grief est inexplicable. On n’indique ordi
nairement cette quotité qu’en termes généraux, et pour
la part et portion qu’amende le cohéritier contre lequel
on dirige les poursuites. Bélanger connoissoit en quoi
consistoit l’amendement du citoyen de Givry, qui étoit
un sixième ; i l n’étoit donc nullement besoin d’une plus
ample explication.
Par conseil, P A G E S , jurisconsulte.
B R U N , avoué.
ma
A RlOM, de l'imprimerie de L a n d r i o t , imprimeur du
Tribunal d’appel. A n 9.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Hugon de Givry, Claude. An 9]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Brun
Subject
The topic of the resource
successions
legs
domestiques
Description
An account of the resource
Mémoire pour Claude Hugon de Givry, héritier pour une sixième portion de défunt Louis Guillouet d'Orvilliers, ancien lieutenant-général des armées navales, intimé et appelant; contre Simon Bélanger, ancien cuisinier de feu Louis Guillouet d'Orvilliers, habitant de la ville de Paris, appelant d'un jugement rendu au ci-devant tribunal civil de l'Allier, le 6 germinal an 8, et intimé. Question. Peut-on exiger le payement d'un legs conditionnel, lorsque la condition imposée au légataire n'a pas été remplie par le fait du légataire ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1779-An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0104
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0103
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochefort-Montagne (63305)
Paris (75056)
Moulins (03190)
Rights
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Domaine public
domestiques
legs
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5c63c8e5a4a2ca5442d34cf4a7ead064
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R
C
laude
B A U D IN O T - L A S A L L E ,
proprié-
taire,habitant de la commune de la Pacaudière,
départem ent de la L o ir e , in tim é;
> *
V ’
C O N T R E
Dame G a b r i e l l e - L o u i s e G U I L L E B O N ,
veuve de P i e r r e C H A U V I G N Y , habitante de
la ville de M oulins , appelante d'un jugement
rendu au tribunal de commerce de la même ville ,
le 2 7 vendémiaire an 10.
la dame de C hauvigny a-t-elle cherche à
donner à cette. cause un éclat qu’elle devoit éviter pour
e lle m ê m e s i les faits q u’elle m ’impute sont calom nieux,
A
, ,.
-P O U R Q U O I
�» •
c o
et qu’elle devoit éviter pour l’honneur de sa famille r
si je suis coupable?
E lle commence son mémoire par me rappeler que
je suis son gendre ; qu’elle est ma belle-mère : a-t-elle
craint que je l’aie oublié ?
E lle dit ensuite que c’est avec douleur qu’elle se voit
obligée de publier un mystère d’iniquité.
E t moi aussi, je le dévoilerai à regret, ce mystère d’ini
quité ! Mais puis-je garder le silence ?
F A I T S .
E n messidor an 6 , j’ai contracté mariage avec la de
moiselle de Chauvigny. L e contrat de mariage porte une
constitution de dot de 40,000 francs, qui devoit être
payée dans un a n , et au plus dans d eu x, à dater du
mariage.
L e père de mon épouse, Chauvigny de B lo t, avoit
été inscrit sur la liste des émigrés. La famille désiroit
obtenir sa radiation ; je ne la désirois pas moins. J ’offris
d’aller à Paris la solliciter.
O n sait combien de démarches et de sacrifices il falloit
faire. L a dame de Chauvigny me remit cinq lettres de
change tirées sur le citoyen L iè v r e , négociant à L y o n ,
montant ensemble à 9,700 francs. Ces lettres de change
ont été protestées.
J ’en fis part à la dame de Chauvigny; et pour qu’elle
ne pût révoquer en doute le refus de payement, je lui
envoyai les protêts. C ’est ainsi que ces protêts sont entre
les mains de la dame de Chauvigny. O u va voir le cruel
usage qu’elle cherche à. en faire.
�(3 )
En même temps je représentai à ma belle-mère l’em
barras de ma position ; elle me fit passer une somme de
800 francs.
Depuis j’ai reçu du citoyen Lièvre une somme de
4,044 francs.
J e suis parti de Paris vers l a j î n de ventôse', je suis
arrivé à Moulins ; et peu après ma b elle-m ère, ma
femme et m oi, sommes partis pour Annecy.
C ’est à Annecy qu’il a été procédé à un com pte, à
la suite duquel j’ai donné une quittance de 11,000 fr.
à imputer sur le capital de la constitution de dot ; p lu s,
de 1,020 francs pour six mois d’intérêts lors échus.
Je devois naturellement imputer cette somme d’abord
sur les lettres de change, et le surplus seulement sui* les
intérêts ou le capital de la dot ; mais la dame de Chauvigny désira que l’imputation fut faite préférablement
sur la dot. Elle m’observa que cela devoit m’être indif
férent, les cinq lettres de change qui restoient en mes
mains produisant également intérêt : je n’apercus pas le
piège ; je consentis la quittance comme la dame de Chauvigny voulut.
Celle quittance est du 12 germinal an 7 , datée d’Annecy.
Je ne dois pas dissimuler que le 4 nivôse an 8 , j’ai
fait encore une quittance de 8,000 francs , à imputer sur
les intérêts et le capital de la dot. J ’avois toujours entre
mes mains les lettres de change ; je regardois comme
indifférent d’imputer les sommes que je recevois, sur l’un
ou sur l’autre ; je préférois même de garder les lettres de
change, comme plus facilement négociables, en cas d’eveuemcnt.
A 2
�(4)
J ’ai voulu enfin en demander le payement. Quelle a été
ma surprise lorsque la dame de Chauvigny s’y est refusée !
A près avoir épuisé tous les procédés, j’ai été obligé de
la citer au tribunal de commerce de Moulins.' Sa défense
est consignée dans le jugement. Elle a conclu à ce q u e,
n’établissant paß que les cinq lettrés de change eussent été
protestées dans les délais^fixçs par l ’article I V dm titre Y
de l’ordonnance de *673 , je fusse déclaré purement et.
simplement non. - j’ecevable quant à présent daiis ma
demande. E lle s’est ;retranchée sur le défaut de repré
sentation des-protete;;-et elle les !avoit en ses mains!'
M a réponse, consignée aussi dans le jugement, a été:que les protêts étoient entrelies m ains de la dam® de
Cliauvigny à q u i je lesavois com m uniqués, et q u i, par
Tabus de confiance Je plus révoltant y refùsoit de me les
rem ettre, et de les représenter pour s"1en f a ir e une j i n
de non-payer j que la preuve de leur existence résultoit
d'une lettre écrite par le citoyen L ièvre à la dame de
Chauvigny te 18 nivôse an 7 , dont il a étéf a i t lecture.
Cette lettre n’étoit pas la seule.
A utre lettre du même du 26 nivôse an 7 , attestant
également l’existence des protêts.
Lettre de la dame de Chauvigny elle-même du 4 plu
viôse , à moi adressée, où elle s’exprime ainsi :
« Je viens d’en recevoir encore une de jérémiade do
» M . L ièvre à huit jours de date ; je vous prie d’envoyer
» encore à Lyon mes traites de 5,000 francs déjà, pro» testées; d’y ajouter une procuration, afin que l’on traite
» avec M . L ièvre pour ces mêmes traites ; qu’il en paye*
» mille écus d’ici au i 5 pluviôse, et 2,000 francs vers
�u /
(5 >
» le trente : cela vous donnera un peu de facilité; Je
» mande u M . L ièvre5de faire cetr arrangement âVec’
»nvous. Il dit qu’il èst malade',' que le protêt ’de mes'
» effets lui a ôlé son crédit. J e vous envoie sa 'lettre, 'et
» vous prie de ne pas'la perdre.
‘
’
Néanmoins le tribunal considérant, entr’autres motifs,
qué d’après l’article 'X du !mêirie titré de rordônnànctî y
le protêt ne peut être suppléé par riiicün autre- 'afctë'/
m’a déclaré purement et' simplement n o n - ’fécév,!iible
quant à présent.
" <
' ,,r
Heureusement les protêts avoient été faits par le mi-*,
nistère d’un notaire; et'l^usage est à Lyon que les1Notaires
gardent minute dé ces actes impôrtans dans 1C rornmerde.
Instruit de cet u sagé , j ’ai pris une seconde Expédition ,
et j’ai traduit de nouvea'u la dame de Chauvigiiy au même
tribunal de commerce.
" " 1
:'
A yan t d’aller plus loin , je'd ois rendrercbmpte d’uïie
autre procédure dont on se fait une arme c’o ntre mbi.;
Indépendamment des cinq lettres de change dont il
s’agit, la dame de Chauvigny m’avoit consenti, le n ven
démiaire an 9, trois lettres de change ; savoir :rdcüx de
2,000 francs chacune, et la troisième de i,oôo. L e 16 du
m em emois, j’en ai passé l’ordre «\la citoyenne Bourgeois;’
celle-ci a cité la dame de Chauvigny au tribunal de com-'
merce de Moulins. La dame de Chauvigny a désavoué
la signature. J ’ai été mis en cause; un jugement contra
dictoire a ordonné la vérification; des experts ont été
nommés de part et d’autre; les experts ont déchiré (llie
la signature mise au bas des trois lettres de change n’étoit
pas la signature de la dame de CI iau vigny.
Mais que ne disoit-on qu’il a été ordonné un amendement
�( 6)
de rapport ? E t jusqu’à ce que les nouveaux experts aient
donrjéj leur décision , jusqu’à ce que la justice elle-même
ait prononcé, peut-on faire pencher la balance qu’elle tient
encore en scs mains ?
Ce n’est pas cette cause .qui servira à la décision de celle
qui est aujourd’hui pendante devant les juges supérieurs;
c’est au contraire celle-ci qui :contribuera à jeter de la
lum
ière
sur l’autre.
.
,
i
Ç
•
• •
.. Je reviens à la nouvelle demande par moi formée au
tribunal de commerce de M oulins, d’après les secondes ex
péditions de protêts, en payement des cinq lettres de change.
L a dame de C h a u v ig n y s’est défendue encore par une
fin de non-recevoir, non plus à raison du défaut de re
présentation des protêts, mais à défaut de poursuites dans
la quinzaine du protêt, conformément aux articles X III,
X I V et X V du m ê m e titi-e ; mais cette fin de non-recevoir,
ainsi que la précédente, ne pouvoit avoix* lieu q u ’autant
qu’elle ¿tabliroit qu’il y avoit des fonds entre les mains du
citoyen Lièvre.
E lle soutint avoir fait les fonds; et le tribunal de com
merce en ordonna la preuve.
Mais bientôt elle prend une autre marche. Son génie se
développe à.mesure des circonstances, et lui inspire un
autre plan.
E lle imagine de rendre plainte en enlèvement et sous
traction des lettres de change dont je lui demande le
payement. Et comment expose-t-elle que je lui ai enlevé
ces lettres c}e change ?
Elle expose qu’après le compte fait enlr’elle et moi à
A nnecy le 12 germinal an 7 , je lui avois remis ces cinq
lettres de change, dont il m’avoit été fait raison dans le
�(7)
compte ; ensemble les deux bordereaux de recette et de
dépense qu’elle produit aujourd’h u i, montant l’un à 5,620
francs , et l’autre à 4,840 francs ; que de retour à M oulins,
elle a mis ces cinq lettres de change dans un tiroir de sa
commode avec la coiTespondance ; qu’elle est partie le
8 floréal an 8 pour Paris , où elle a demeuré jusqu’au 22
nivôse an 9 ; que j’ai profité de son absence pour ouvrir le
tiroir de l’armoire, et enlever les lettres de change et la
correspondance.
^ r «
Mais on pouvoit lui dire : Si j’ai ouvert le tiroir pour
enlever les lettres de change, comment n’ai-je pas enlevé
- en même temps ces actes de protêts? comment ces actes de
protêts sont-ils encore entre vos mains?
E lle p révoit l ’objection , et y x'épond d ’avance. E lle
les protêts ne'isont pas tombés entre mes
m ains, en ce q u e , sans intention , ils avoient été placés
"par elle dans lefon d d'une écritoire quelle avoit emportée
avec elle à P a r is : ce sont les termes de la plainte.
Dans le mémoire im prim é, le défenseur de la dame de
Chauvigny a relevé encore cette circonstance, en l’embel
lissant des grâces du style.
Il arriva , d it- il, par un de ces hasards heureux, qu’il
est impossible d’expliquer, que ladite de C h a u v ig n y qui
avoit eu la négligence de ne point bâtonner ces lettres de
change, et de les placer dans une commode, avoit mis dans
le double fond d’une écritoire plusieurs quittances don
nées par son gendre , ainsi que les actes de protêts de ces
mêmes lettres de change ; comme elle avoit emporté avec
elle son écritoire lors de son d épart, elle c o n s e r v a ^es
protêts et les quittances ; et les a toujours en son pouvoir.
observe que
�U*
-
Ui
C8 )
' « Elle demanda et se soumit à p ro u ver, i° . qu’à l’épos> que. du 19 germinal an 7 , jour auquel elle fit compte
fi avec le citoyen L ièvre des sommes qu’elle ou le citoyen
» Lasalle. avoient, reçues, les cinq lettres de change dont
». il s’agit étaient: en sa puissance; 2n. que pendant son
» séjour à P aris, à plusieurs reprises et notamment dans
!» les mois de prairial et de messidor de l’an 8 , ledit La» salle a fait des recherchesdans scs papiers, et que ce
» n’est que par l’effet de ces recherches qu’il en a sous!a trait lesdités cinq lettres de change, montant ensemble
» à 9,700 fr. dont il demande aujourd’hui le paiem ent,
Si quoiqu’il soit constant que la plaignante lui en a tenu
» com pte, lorsqu’il lui fit la remise des mêmes .lettres de
i» change. »
r A u bas de cette plainte.enr date du 7 thermidor an 9,
la dam e de C lia u v ig u y a aiïirmé la sincérité des faits
portés en icelle.
Sur G e t t e plainte j’ai subi interrogatoire. Les témoins
indiqués par la dame de CRauvigny ont été assignés; le
directeur du jury de l’arrondissement de M oulins a pris
leurs déclarations ecriles.
D u nombre de ces témoins éloient les citoyens JeanBaptiste et Claude L iè v r e , l’un fils , et l’autre frère de
fcelui sur qui les lettres de change avoient été tirées.
Pendant que la dame de Chauvigny poursuivoit cette
instruction criminelle, je poursiiivois de mon côté au tri
bunal de commerce la condamnation des lettres de change.
• .1,(1 dame de Ghauvigny a crû éluder la condamnation
ërt rapportant un certificat du greffier de la police cor
rectionnelle , attestant qu’il existait une instance au tri
bunal
�, ( 9 )
fcunal sur la plainte rendue par elle en enlèvement des
dites lettres de change qu’elle avoit, d it - e lle , retirées
i comme les ayant acquittées, ainsi q u il résultait du
compte J'ait entr’elle et-le citoyen Lièvre , et etautres
comptes J a its eut?elle et m oi j elle a demandé qu’il
fût sursis à faire droit sur la demande civile jusqu’à ce
qu’il auroit été statué sur l’instance criminelle.
L e tribunal de commerce n’a pas cru devoir s’arrêter
•à la demande en sursis.
•
‘ -r
Par jugement d u 21 vendémiaire an io-? « Considérant
• » que le tribunal ne peut et ne doit s’occuper que de la
» contestation qui est pendante pardèvant lu i, et non
J» de la plainte portée par’là défenderesse au tribunal de
» police correctionnelle de l ’arrondissement de jVIoulins. j
; i ». Considérant-qu’il’ seroit abusif et préjudiciable au
.» commerce de suspendre sous un pareil prétexte, qui
» souvent pourroit n’être ’ pas fo n d é, le payement des
^3 effets destinés 'par leur nature à le faciliter et à l’étendre ;
» Considérant enfin qu’il est de principe que lorsqu’un
» titre sous signature privée à été reconnu en justice, il
» mérite la même confiance que celui qui est authentique,
» et que de plusieurs de noè précédens jugemens il résulte
» que la défenderesse a reconnu que les cinq lettres de
.3) change dont il s’agit ont été par elle souscrites ; que
» dès-lors elles forment titre contr’elle , et <que l’exécu» tion provisoire est due au titre jusqu’a ce qu’il ait été
« déclaré faux ou annulé ;
»• Considérant enfin qu’aux termes des articles X lJ t,
» Xl
et ju£VI aleTordonnance de 1673 , les tireurs
» de lettres de change sont^aiTraucliis de toufes lacfcions,
B
�IGO
y
( 10 3
' » faute de poursuites dans le délai prescrit par les articles
» cités, lorsqu’ils prouvent qu’ù. l’époque à laquelle la
» lettre de change étoit payable, celui sur lequel elle a
» été tirée avoit provision de la part du tireur pour
53 l’acquitter; a '
‘
- •. a > '
’
*
» L e trib u n al, sans s’arrêter ni avoir égard à la de» mande en surséance, condamne la dame de Chauvigny,
5) consulairemeût seulement, à reprendre celles des cinq
» lettres de change par elle souscrites aui.profit du dé» mandeur,> payables* en nivôse an 7 , f'au nombre de
» trois; ce fa is a n t , la condamne à p a y e r 'a u demandeur
» la somme de 5 ,000 fr. montant des trois’ dites lettres
■
'» de change; et néanmoins lui accorde, pour le payement
» de la somme de 5,000. francs, le délai de quatre mois
» à compter du jour du jugement ; décharge la dame de
» C h a u v i g n y du: surplus des demandes f o r m é e s , sauf k
» Lasalle ù se pourvoir ainsi qu’il avisera.......»
‘ Cependant la dame d e’ Chauvigny n’abandonnoit pas
1
la plainte par elle rendue.
La cause, sur cette plain te, a été portée à l’audience
du tribunal de première instance de M oulin s, jugeant
correctionnellem ent, des 9 et 12 nivôse an 10.
11 n’est pas indifférent de rappeler les conclusions qui
ont été prises par la dame de Chauvigny.
Elle a conclu à ce que je fusse déclaré convaincu
d’avoir soustrait les cinq lettres de change ; je fusse con
damné A les remettre comme sohtes et acquittées.
Les mêmes témoins qui avoient été cités devant le
directeur du jury ont com paru, h l’exception des citoyens
Jean-Baptiste et Claude Lièvre,
�( ™
, L ’absence de ces derniers a donné lieu k deux ques
tions incidentes.
;
L a prem ière, si le tribunal devoit ordonner qu’ils
seroient réassignés, et différer la décision; la seconde,
si le tribunal s'arrêtèrent aux déclarations écrites de ces
deux témoins.
,
.
L e defenseur de la dame .de Chauvigny a affecté de
transcrire dans son mémoire les conclusions du citoyen
commissaire du gouvernement,:
mais
O
'*■
r ‘ il auroit dû transcrire aussi les motifs du jugem ent'
« Considérant, est-il d it, que l’article C L X X X I V d e
» la loi du 3 brumaire an 4 porte que le jugement sera
» prononcé de suite o u , au plus, tard, à l’audience sui» vante ; que l ’audience de ce jourd’liui est la seconde
» à laquelle l’affaire dont il s’agit a été portée \ que con» séquemment elle doit recevoir sa. décision ;
» Considérant, au fo n d , que quoique le cit. Baudinot
» soit convenu avoir
fait des
recherches
dans »le tiroir
de
*
t
•.
1
>
» la commode de la dame veuve Chauvigny, et quoique
» ce fait soit prouvé par les déclarations des témoins ,
» on 11’en peut néanmoins tirer aucune induction défa
it vorable audit citoyen Baudinot, attendu qu’il y a été
3) autorisé par une lettre écrite le 3 nivôse an 7 , aussi
» duement enregistrée ; qu’il avoit été autorisé par ladite
» dame veuve Chauvigny à traiter à raison de la mission
» qu’elle lui avoit donnée en la ville de Paris, jusqu’à
» concurrence de 10,000 fr. ce qui présente une uppa~
» ronce de légitimité de sa créance contre la d a m e veuve
» Chauvigny ;
» Considérant que des déclarations des témoins il ne
B a
�isp J;
» résulte pas la preuve quer les cinq lettres de change
»
»
»
»
»
»
»
ri
»
»
»
»
53
»
»
»
que la veuve Chauvigny a articulé lui avoir été soustraites, fussent dans le tiroir de sa commode lorsque
Baudinot-Lasalle y a cherché, et que même il en eût
retiré aucun papier ; considérant enfin qu’en supposant que les déclarations écrites du citoyen L ièvre
pussent être prises pour base du jugement à prononcer,
on n’y trouveroît -pàs même la preuve de cette pré
tfendue soustraction , pùisqu’il ne déclare que ce que
lui a dit feu son frè re , et que ni l’un ni l’atitre n’a
pu déclarer que les lettres de change qui étoiënt
sur la table du feu citoyen L ièvre lors du compte fait
avec la dame veuve Chauvigny p étoient'lès mêmes qué
celles que réclamoit rlà': veuve' 'Chauvigny , d’autant
qu e'L ièvre n eveu ,3qui étoit présent, n a p u dire nt les
d ates 7il le n om bre de celles q u il a, vu es s u r la table
de son père, n i de quelle somme elles étoient.
» P a r ces motifs le tribunal déclare la vèuve Chauvigny
» non-recevable dans-le'chef de conclusions , tendant à
» ce que les citoyens L ièvre fussent réassignés-, statuant au
» principal, décharge Baudinot-Lasalle de l’accusation. »
C ’est ainsi que j’ai été congédié de l’accusation.
A l’égard du commissaire, il a reconnu lu i-m ê m e
*
qu’abstraction faite desdépositions écritesdes L ièvre, frère
et fils , il n’existoit aucune preuve du prétendu délit ;
mais il paroît qu’il a pensé que ces deux déclarations
form oient une preuve complète.
La dame de Chauvigny a transcrit dans son mémoire
ces deux déclarations, je dois aussi les rappeler.
« Jean-Baptiste Lièvre fils, com mis -voyageur, dépose
�ifs
( 13 )
» que, le 19 germinal an 7 , la dame veuve de Chau» vigny régla un compte avec Philibert L iè v re , père
» de lui déclai-ant ; que ce fut lui déclarant qui écrivit
» le même compte; que lors d’icelu i,la dame de Chauvi» gny rapporta et fit voir , tant à son père qu’à lu i, des
» lettres de change tirées par elle sur Philibert L ièvre
» à l’ordre du citoyen Lasalle; que lui déclarant ne se
» rappelle pas de quelle somme étoient les lettres de
3> change, ni en quel nombre elles étoient; que la dame
» Ch au vigny lui fit v o ir , ainsi qu’à son p è re , les protêts
» qui avoient été faits des lettres de change à la re» quête de celui qui en étoit porteur , et qu’il est à
» sa connoissance qu’à l’époque du compte qui fut fait
» entre les dam e de C h a u v i g n y et P h ilib e r t L i è v r e , ce
» dernier paya quatre mille francs à la dame de Chau» v ig n y , et acquitta des traites tirées par le citoyen Lasalle f
» qui montaient à environ 3,000 francs; que la dame de
» Chauvigny , en l'ecevant de l’argent du père de lui dé» clarant, en donna sur le champ au citoyen L asalle,
» son gendx-e, en lui disant : V oilà nos affaires réglées;
s ajoute le déclarant, que dans le temps où la dame de
xi Chauvigny régla son compte avec son p ère, le citoyen
» Lasalle étoit présent, fit des reproches au citoyen L ièvre
» p è r e de ce qu’il n’avoit pas acquitté les lettres de
» change tirées sur lui ; que le citoyen L ièvre lui dit
» que ces lettres de change étoient trop conséquentes,.
» et qu’il n’avoit pas voulu les acquitter ; que le citoyen
» Lasalle qui avoit écrit au citoyeu L iè v r e , de Paris, dans
M des termes peu ménagés pour le presser d’arqiii|tcrces
» lettres de change, lui en fit alors des excuses.,, et a
�( *4 )
» ajouté que les faits dont il a rendu compte sont à. la
» connoissancc du citoyen L iè v r e , notaire à I/yon. »
Claude L iè v r e , notaire public à L y o n , a déclaré
« que dans le mois de germinal an 7 , n’étant pas préci» sèment mémoratif du jou r, il alla voir feu Philibert
33 L iè v r e , son frère, négociant, en son domicile rue de
» l’Arbre-Sec , il le trouva dans une pièce sur le devant,
» qui étoit avec la dame veuve C hauvigny, occupé à
» régler leurs comptes respectifs ; qu’il s’arrêta quelques
33 instans avec eux , et qu’à sa sortie son frère l’accom3) pagna ; qu’il lui demanda si la dame de C h auvign y,
3) pour régler leurs com ptes, avoit retiré du citoyen
33 Lasalle les lettres de change qu’elle lui avoit remises
33 sur lui ; à quoi son frère lui répondit qu’elle les avoit
» toutes, quelles êtoient sur sa table : ce dont il étoit
33 bien satisfait, parce qu’il n’auroit plus rien à faire avec
3) le citoyen L asalle, qui lui avoit écrit des grossièretés
» de ce qu’il avoit laissé protester ces effets. 33
Q u’on compare ces deux dépositions , et l’on verra
qu’elles se contredisent inanisfestement.
Suivant la déposition du premier , j’aurois été présent
au com pte, puisque d’après lui la dame de Chauvigny,
en recevant de l’argent du citoyen L iè v r e , m’en donna
sur le cham p, en me disant : V o ilà nos affaires réglées.
L e second témoin 11011 seulement ne dit pas que j’étois
présent au compte, mais il résulte encore de sa déposi
tion que j’étois absent.
L a dame de Chauvigny qui a relevé avec tant d’cxnc-»
titude dans son mémoire les diverses sommes qu’elle in’a
données, dit bleu qu’en allant à Annecy clic s’arrêta à
�»6/
( i5 )
L yon , prit de l’argent du citoyèn L iè v re , et me donna
2,400 francs ; mais elle ne dit pas qu’au retour d’Annecy,
et lorsqu’elle a réglé ses comptes avec le citoyen L ièvre
le 19 germ inal, elle m’ait donné de l’argent.
' Jean-Biptiste L ièvre dépose donc d’un fait que la dame
de Chauvigny elle-m êm e n’a pas osé mettre en avant.
Mais il suilit de la contradiction manifeste qui existe
entre la déposition de Jean-Baptiste et celle de Claude,
pour que la justice ne puisse s’arrêter ni à l’une ni-à
l ’autre.
A jou ton s, comme l’observe le jugem ent, que L ièvre
fils n’a pu dire ni les dates, ni le nombre de celles qu’il
a vues sur la table , ni de quelle somme elles étoient.
Par quels motifs le citoyen .Lièvi’e fils s’est-il prêté
à tout ce que la dame de Chauvigny a voulu ? Il faut
observer que le citoyen L ièvre fils d o it.30,000 francs à
la dame de Chauvigny, et c’est la crainte qu’elle ne retirât
ces fonds , qui a commandé sa dépositionMais s’il y avoit du doute, voici qui aclièveroit de por
ter la lumière. Depuis le jugement, L ièvre fils, et L ièvre
frère, nront pas craint, pour servir la dame de Chauvigny,.
de se rendre eux-mêmes parties, défaire une saisie-arrêt
en ses mains de tout ce qu’elle pouvoit me devoir ; ce
qui m’a obligé de les assigner en main-levée de leur oppo
sition , et en même temps en payement des deux lettres de
change, pour lesquelles le tribunal de commerce m ’ a réservé
à me pourvoir.
.T’ai dû entrer dans ces détails pour me justifier dans
l ’ opinion comme je l’ai été au tribu nal;
démontrer
que le jugement n’a pas été, comme on a voulu l’insinuer,
un jugement de-circonstance.
,
p
o
u
r
�i6k
(i6)
L a dame de Chauvigny ne l ’a point attaqué.
Elle s’est p o u r v u e uniquement contre le jugement du
tribunal de commerce qui l’a condamnée au payement des
trois lettres de change.
r
Les meilleures idées ne sont pas toujours celles qui se
. présentent les premières. Sur l’appel, la dame de Chauvigny
a revu et corrigé son plan.
c Jusqu’ici, j’avois suivant elle remis les lettres de change
comme acquittées, comme ni en ayant été f a i t raison.
C ’est le langage qu’elle a tenu dans tous les jugemens du
tribunal de com merce, dans la plainte, et lors du juge
ment du tribunal de police correctionnelle.
• A u jou rd ’h u i, elle s’attache uniquement h. prouver que
j e lie n a i point fo u r n i la valeur.
J ’ai à répondre au mémoire qu’elle a fait imprimer.
J ’ai à me justifier, et à justifier le jugement.
>
- Si j’établis que tout estfa u sse té >invraisemblance, con
tradiction dans ses d ires, l’opinion du public se fixerat-elle enfin entr’elle et moi ?
<
,
M O Y E N S .
L a dame de Chauvigny dans le mémoire qu’elle a fait
distribuer, dit que tout menteur doit avoir de la mémoire;
elle auroit dû ajouter que celui qui est reconnu menteur
sur un fait est présumé menteur sur les autres.
E lle dit page 4 de son m ém oire, qu’à mon départ pour
Paris, indépendamment des cinq lettres de change, elle
me remit la somme de 3,000 francs en numéraire; elle
«joute page 7 , qu’en allant à Annecy elle s’est arrêtée à
Lyon ;
�Ift
(»7 )
L yon ; qu’elle vit le citoyen Lièvre ; que celui-ci lui remit
des fonds, et, que sur ces fonds, elle m’a donné 2,400 fr.
Ces deux faits sont fa u x , et démentis par les pièces même
qu’elle a produites. Elle a produit un bordereau de recette,
et un bordereau de dépense, écrits de ma m ain, qu’elle
s’applaudit d’avoir conservés , le bordereau de dépense
montant à 5,620 francs , et celui de la recette à 4,840 fr.
Cette somme de 4,840 francs provient, i° . de 40,40 francs
qui m’ont été envoyés à Paris par le citoyen L iè v r e ,
quelque temps après les protêts ; 20. de la somme de 800
francs que la dame de Chauvigny m’a envoyée à Paris,
postérieurement aussi aux protêts. Si elle m’avoit remis ,
comme elle le prétend, à mon départ p o u r Paris, la somme
de 3,000 francs en n u m éraire , et à L y o n Celle de 2,400 f.
ne les aurois-je pas portées en recette, comme j’ai porté la
somme de 800 fr. ou si j’avois omis de les porter en recette,
la dame de Chauvigny ne se seroit-elle pas récriée ? n’auroit-elle pas rejeté bien loin le bordereau que je lui pré
sentais ? auroit-elle réglé définitivement le compte sans
que cette omission eût été réparée ?
Qu’elle prenne garde : il faut qu’elle convienne que ce
bordereau de recette n’a pas servi seul de base au compte;
ou qu’elle convienne qu’elle en impose sur la délivrance
de ces deux sommes.
A u premier cas, elle détruit elle-même toutes les induc
tions, et toutes les fins de non-recevoir, qu’elle a cherché
à tirer en sa'faveur du bordereau de dépense. Car si le
bordereau de recette ne consent pas toute,la recette, ai-je
moins de droit qu’elle de dire que le bordereau de dé
pense ne contient»pas,toute la clépqiisc?. 1 ' ’ ’ u:
�C*B)
A ti second cas, quelle foi la justice peut-elle ajouter à
scs autres assertions ?
(
.T’ai expliqué comment les protêts étoient en ses mains.
J ’ai dit que je les lui ai envoyés de Paris, bien éloigné de
p révoir les conséquences de cet envoi. E lle désavoue ce
fait; elle soutient que je les lui ai x-emis avec les lettres
de change, lors du compte général fait -le 12 germinal
an 7 : elle va plus loin ; elle soutient qu’il y a impossi
bilité que je les lui ai envoyés de Paris.
• En effet, dit-elle,.le citoyen Lasalle est parti le 14 ou
le i 5 brumaire an 7 pour Paris. Il n’y a resté que trois
mois qui ont fini le i 5 pluviôse; et le dernier de ces pro
têts n’a été fait à Lyon que le même jour i 5 pluviôse an 7.
. E t cependant elle produit elle-même une lettre écrite
par moi de Paris au citoyen L iè v re , à la date du 26 plu
viôse ; et audessous de cette d a t e , est écrit par le citoyen
L ièvre : Répondu le 4 ventôse. J ’étois donc encore à Paris
le 4 ventôse, et effectivement je n’en suis parti que vers
les derniers jours de ce même mois.
E lle dit que je lui ai remis les lettres de change lors
du compte général fait le 12 germinal an 7 ; que je les
lui ai ensuite enlevées avec la correspondance.
E t c’est vo u s, dame de Chauvigny, qui ne craignez
pas d’avancer une pareille imputation !
Avez-vous réfléchi?
J ’ai, dites-vous, profité de votre absence pour fouiller
dans votre commode. Oui ; j’y ai fouillé; mais comment?
?t votre invitation et par votre ordre.
D ésa vo u e rez-vo u s le' fait? 'vos lettres existent.
Première lettre dü „3 nivôse an 7 , rappelée dans
�( 19 )
le jugement du tribunal de police correctionnelle.
A ntre lettre du 28 floréal an 8, adressée à la dame
Lasalle.
« J ’ai reçu, ma clière am ie, la lettre de ton m ari, elle
» m’a fait grand plaisir, car j’étois fort inquiète; M . L ièvre
» m’ayant écrit le 19 , et m’ayant mandé qu’il n’avoit pas
» encore vu mes papiers; et depuis il ne m’a pas écrit.
» Mais la lettre de M . de Lasalle me prouve que mes pa» piers lui sont parvenus. J ’attends avec la plus grande
» impatience mes certificats pour agir; en m’envoyant
» par votre m ari les papiers de C liarm ier, envoyez-moi
» aussi l’échelle de dépréciation du département de l’A l» lie r , que vous trouverez aussi da?is mes tiroirs. »
J e sais ce que v o us allez m e répondre. V o u s m ’allez:
dire que ces lettres prouvent un délit de plus, un abus
de confiance.
:
A u tribunal de commerce de M oulins, pour suppléer
au défaut de représentation des protêts, j’ai produit une
lettre du cit. L iè vre , à vous adressée, du 18 nivôse an 7.'
Vous argumentez de la production de cette lettre, pour
prouver l’enlèvement de la correspondance.
Vous vous écriez page 18 du mémoire : Comment
cette lettre seroit-elle entre les mains du citoyen L a sa lle}
s 'i l tiavoit soustrait la correspondance ?
Mais rappelez-vous encore ce que vous m’avez écrit.
Lettre du 17 nivôse an 7. « Je vous envoie encore une
» lettre L ièvre; je vous prie d’y répondre vous - môme
» d’après les arrangemens que vous serez dans le cas de
» prendre. 33
G 2
�170
(2 0 )
Lettre du 4 pluviôse. « Je viens de recevoir une lettre
» de jérémiade du citoyen Lièvre. Il dit qu’il est malade ;
» que le protêt de mes effets lui a ôté son crédit : je vous
i> envoie sa lettre. »
Si vous m’avez envoyé les lettres du citoyen L ièvre , je
ne les ai donc pas enlevées ?
Si vous me les avez envoyées, elles n’étoient donc pas
dans votre tiroir ?
Il est donc bien prouvé par vos propres écrits que
je n’ai point enlevé la correspondance.
A i-je enlevé les lettres de change ?
A va n t d’examiner si je les ai enlevées, il faudroit qu’il
fût établi que je les avois remises. L a dame de Chauvigny
n’en sera sans doute pas crue sur sa déclaration ; ce n’est
pas par sa déclaration qu’elle détruira des titres.
L e fait est-il m êm e vraisemblable ?
Si je les avois remises , comment la dame de Chauvigny
ne les auroit-elle pas déchirées ? comment ne les auroitelle pas du moins bâtonnées ?
A quel titre les aurois-je remises ? comme acquittées.
Mais dans le mémoire im prim é, tous ses efforts tendent à
prouver que je n’en ai point fourni la valeur; que la va
leur ne m’en a jamais été due : si la valeur ne m’en a point
été due, je n’en ai point été p ayé; cela est évident. L a
dame de Chauvigny ne persuadera à personne qu’elle m’ait
payé 9,700 fr. sans les devoir ; je n’ai donc pas remis les
lettres de change comme acquittées, comme m en ayant
été f a it raison lors du compte.
J1 ne reste donc à la darne de Chauvigny que la ressource
de dire que je les ai remises comme ayant reconnu que
la valeur ne ni en ctoit point duc.
�m
( « )
Mais par là elle fournit contre elle-même l’argument
le plus terrible.
Si j’ai été assez probe pour les rem ettre, je ne l’ai pas
été assez peu pour les enlever.
A insi que la vertu le crim e a ses degrés.
L a fable de l’enlèvement des lettres de cliange n’est pas
mieux conçue que celle de la remise.
Déjà il est bien établi qu’elle en a imposé sur deux
points importans.
E lle a imprimé que j’avois enlevé avec les lettres de
change la coi'respondance, notamment la lettre de L iè vre
du 18 nivôse an 7 , par m oi produite au tx'ii)unal de police
correctionnelle ; et il est prouvé par ses écrits qu’ellemême me l ’a envoyée.
E lle a imprimé que j’avois profité de son absence pour
fouiller ci’iminellement dans son tiroir ; et il est prouvé
encore par des éci'its que c’est à son invitation et par sou
ordre.
Il n’en faudroit, sans doute, pas davantage.
Je 11e demanderai point comment les protêts n’étoient
point avec les lettres de change;, comment lui ayant remis,
suivant elle , le tout ensemble à Annecy , elle a fait un
triage des lettres de change et des protêts ; quels motifs
elle a pu avoir de mettre les protêts dans le double fond de
son écritoire.
Je n’examinerai pas même s’il est constant quelle«voit une écritoire à double fond.
Mais je lui demanderai ceci :
E lle est revenue de Paris en nivôse an 9 ; de retour a
�M oulins, elle a Lien ouvert son tiro ir, elle a bien dû s’ajîercevoir que les lettres de change et la correspondance
n’y étoient plus ; elle a dû être d’autant plus alarmée qu’elle
n’avoit pas eu la précaution de les batonner, ni de faire
mettre au dos l’acquit ; et elle garde le silence !
Je l’attaque au tribunal de commerce on payement de
ces mêmes lettres de change ; cette lois elle n’a pu ignorer
qu’elles n’étoient plus dans son tiro ir, et son premier mou
vement n’est pas de rendre la plainte qu’elle a rendue
depuis.
E lle se défend uniquement sur le défaut de représen
tation des protêts; autre preuve de sa bonne foi : ces pro
têts , elle les avoit en ses mains.
E lle dit que c’est par l’ellet du conseil qu’on lui donna;
que n’osant apprendre au public cette escroquerie coupable , elle consulta; qu’on lui dit que dès quelle voulait
-pallier mes torts et mes infidélités, elle avoit un moyen
simple d’écarter ma demande ; qu’elle n’avoit qu’à garder
les protêts pardevers e lle , et qu’alors le tireur étoit dé
chargé de plein droit faute de protêts.
>
E t elle croit par cette réponse éblouir les juges.
Non. Il n’est point de jurisconsulte qui ait donné ce
conseil. Il n’est point de jurisconsulte, il n’est point de
praticien|, qui ne sache que le défaut de protêt ne libère le
tireur, qu’autant qu’il peut prouver que celui sur qui la
letlre de change étoit tirée avoit fonds sufiisans : l’arti
cle X V I de l’ordonnance de 1673 en a une disposition
expresse.
E lle en impose donc sur ce fait comme sur les autres.
Mais je la cite de nouveau au tribunal de commerce
�\r&
( 23 )
après m’être procuré une seconde expédition des protêts ;
elle m’oppose le défaut de poursuites dans quinzaine.
Elle n’ignoroit pas, du moins cette fois, que le défaut de
poursuites ne pouvoit opérer de fin de non-recevoir,
qu’autant qu’elle prouveroit que le cit. Lièvre avoit des
fonds ; et elle se soumet à la preuve.
V oici ce qu’elle dit dans son m ém oire:
« L a dame de Chauvigny soutint avoir J'ait des
» j fonds , et le tribunal de commerce en ordonna la
» preuve. »
* - Mais en se soumettant à la preuve qu’elle avoit fait
des fonds, elle a donc reconnu que les lettres de change
ctoicnt dues , puisqu’elle en rcuvoyoit le payement au
citoyen Lièvre. Si elles étoient dues , je ne les ai donc
pas enlevées.
Dira-t-elle qu’elle n’a offert la preuve que pour les
deux lettres de change pour lesquelles le jugement dont
est appel m’a reserve a 111e pourvoir ? ]VIais ces deux
font bien partie des cinq prétendues enlevées ; et alors, ou
la dame de Chauvigny les doit toutes les cin q, ou elle
11’en doit aucune.
C ’est après ce jugem ent, c’est après avoir reconnu
1 existence de la dette, après avoir cherché uniquement
à en renvoyer le payement au citoyen L iè v r e , qu’elle
a imaginé le système qu’elle soutient aujourd’hui.
Je ne parle point du jugement du tribunal de police
correctionnelle qui m’a acquitté ; je m ets, pour un i»s_
ta n t, il l’écart ce jugement. Je eornparois au tribu»«! de
1 opinion. A i - j e assez démontré [’invraisemblance meme
des inculpations de lu dame,de Chauvigny?
�(24).
J ’ai d it , dans mon interrogatoire, que le compte avoit
été fait à M oulins ; que par le résultat je me trouvois
avoir reçu une somme de 11,000 francs, dont j’avois
donné quittance h compte sur la dot ; et la quittance est
datée d’Annecy.
A vec quelle complaisance la dame de^Chauvigny rap
pelle cette partie de mon interrogatoire! Com m ent, ditelle , le citoyen Lasalle veut-il que le compte et la quit
tance aient été faits à M ou lin s, tandis que la quittance
écrite de sa main est datée d’Annecy ?
E s t- il étonnant que je ne me sois pas rappelé si le
compte a été fait à M oulins ou à Annecy ? Q u’importe
après tout le lieu où le compte a été fait ? c’est le résultat
du compte , et non le lieu où il a été fait, qui importe.
A u surplus, qu’on compare cette erreur avec les con
tradictions et les impostures de la dame de Chauvign y.
Je crois m’être justifié ; j’ai maintenant à justifier le
jugement dont est appel, et à prouver que la dame de
Chauvigny ne peut se soustraire au payement des trois
lettres de change dont la condamnation a été prononcée.
Il
faut mettre de côté la fable de l’enlèvement de ces
lettres. La dame de Chauvigny en auroit aujourd’hui la
p reu v e, elle seroit non-recevable ù l’offrir. J ’ai été ac
quitté par un jugement non attaqué; elle ne peut revenir
sur la chose jugée. Quel espoir p e u t- il lui rester?
A M ou lin s, devant les juges de commerce ; dans la
plainte, au tribunal de policecorrectionnelle, elle n dit m’en
avoir fait raison lors du compte du 12 germinal an 7 ; elle
a reconnu elle-même la foiblesse de ce moyen; elle« prévu
qu’on ne inanqueroit pas de lui dire : Si vous prétendez
�( 2 5 )
en avoir fait raison, produisez donc ce compte. Ce n’est
pas par une vaine allégation qu’on détruit des actes.
Sur l’appel elle a changé de langage. Elle se réduit à
dire que la valeur n’en a pas été fournie ; elle excipe de
mes lettres au citoyen L iè v r e , des 30 brum aire, 20 fri
maire et 11 nivôse an 7 , de mon inteiTogatoire , du
bordereau de dépense écrit de ma main.
Que résulte-t-il de mes lettres ? que la valeur des let
tres de change étoit consacrée à la négociation dont je
m ’étois chargé. Cet aveu, je l’ai répété dans mon inter
rogatoire , et j’en conviens encore ; mais faute par le
citoyen L ièvre d’avoir voulu acquitter, même accepter,
j’ai fait des emprunts considéi’ables qui ont eu la même
destination que dévoient avoir les lettres de change ; et
dès ce moment les lettres de change qui jusque-là étoient
la propriété de la dame de Cliauvigny , sont devenues la
mienne. ..
Quant au bordereau, que c o n tie n t-il? ma dépense
personnelle, pour le voyage ou pour le séjour, et l ’argent
envoyé à ,M . de Cliauvigny personnellement ; mais
il ne contient aucun article relatif à la négociation dont
j’etois chargé. O r , dira-t-on que j’ai pu solliciter pendant
trois mois une radiation si difficile à obtenir, sansvfaire
aucuns sacrifices et sans bourse déliée.
' Vous argumentez d’une de mes lettres au cit. L iè v re ,
du 30 brumaire an 7. E t que d is -je au citoyen Lièvre
dans celle lettre? « Je n’ai pu me dispenser de vous faire
» présenter pour accepter Irois Irai tes moulant cnsexuMe
» à 5,c)oq fr. dont la destination est l'aile ; elfe est relative
D
�( *6 )
» à l’aiTaire' de mon beau-père. » Et plus bas : « Je crois
devoir vous remettre sous les yeux l’emploi sacré de cet
» argent. »
• Il y avoit donc, dès le 30 brumaire, 5,960.fr. employés
uniquement à l’affaire du beau-père.
Dans celle du 30 frim aire, je lui dis : V ôtre refus seroit
la cause de la non-réussite dans l’affaire qu i semble
vous-intéresser.
Dans ces 5,900 fr. rien, pour m oi, rien pour le traiteur,
rien pour ma dépense personnelle.
Vous-m êm e, dame de C h auvign y, le 3 nivôse an 7 ,
m’écrivez : « L ’arrêté du département est p ris, mais défa53 vorable......... Ils ne trouvent pas les certificats assez en
» règle*, il y en a un auquel ils Cherchent dispute , parce
3) qu’il y manque deux signatures, et qu’on omit de mettra
33 que ces deux témoins ont déclaré n e savo ir signer.
33 Comme cela partira dans cette semaine pour P aris, il
33 est important de parler à la personne qui vous a pro3) mis de faire le m ém oire, car leur arrêté n’est pas une
décision. II s'agit de savoir ce q u ilfa u d r a déposer,
et entre les mains de q u i, et arrêter p rix jiis q u ù la con
currence de 10,000 fr .
C ’est cette lettre qui a déterminé le jugement du tri
bunal de police correctionnelle.
Qui êtes-vous donc? Dans trois jngemens du tribunal
de commerce; dans la plainte, à raudicnce du tribunal de
police correctionnelle, vous soutenez que vous m’en avez
fait raison lors du compte du 12 germinal an 7; et parce
que vous 11c pouvez justifier celte assertion, parce que le
33
33
�IYŸ •
( 27 )
com pte, s’il étoit représenté, établiroit le contraire, vous
revenez sur vos pas , et vous dites que la valeur n’en
est point due.
Ce -n’est pas tout. Lors du second jugement du tribu
nal de commerce, vous vous défendez en soutenant avoir
fait des fonds entre les mains de L ièvre ; et par une con
séquence nécessaire, vous rejetez le payement sur L ièvre;
vous reconnoissezi par là la dette ; et aujourd’hui, en déses
poir de cause, vous la contestez.
Vous demandez que je donne un état particulier de
l’emploi du montant de ces lettres de change ; je ne puis
ni ne dois donner d’état, puisque, de votre propre aveu,
la destination de ces lettres de change étoit secrète. Vous
avez suivi ma fo i, et vous ne pouvez au plus exiger que
mon affirmation.
' Si je n’avois pas fourni la valeur des lettres de change,
auriez-vous tant tardé à me les demander? les auriezvous laissées entre mes mains ? Je dis laissées entre mes
mains, car il faut abandonner l’histoire, et de la pré
tendue remise et du prétendu enlèvement.
L a dame de Chnuvigny oppose un dernier moyen ;
le défaut de réserve dans la quittance de 11,000 fr. du
12 germinal an 7 , et dans celle du 4 nivôse an 8 , toutes
les deux à imputer sur la dot. M ais, i°. le défaut de
réserve n’opère point de quittance, toutes les f o i s que la
créance est fondée sur un titre : je me réserve assez la
créance, par cela même que je retiens le litre.
En second lieu , 'ce moyen est contradictoire avec le
précédent. L e défaut de réserve ne peut opc-rcr de ilu
r4\
�de non-recevoir que par la présomption de payement.
Mais comment concilier cette présomption de payement
avec le désaveu d’avoir été débiteur? la dame de Chauvigny auroit dû au moins dans sa dernière défense
se concilier avec elle-même.
P A G È S - M E I M A C , anc. jurisc.
''
MALLET,
*
!•
avoué.
•
•
A R io m d e l 'im p r im e r i e d e L A N D R I O T seul imprimeur du
T rib u n a l d ’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Baudinot-Lasalle, Claude. 1802]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac, ancien jurisconsulte
Mallet
Subject
The topic of the resource
lettres de change
dot
Chauvigny de Blot (famille)
émigrés
faux
protêts
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Claude Baudinot-Lasalle, propriétaire, habitant de la commune de la Pacaudière, département de la Loire, intimé ; contre dame Gabrielle-Louise Guillebon, veuve de Pierre Chauvigny, habitante de la ville de Moulins, appelante d'un jugement rendu au tribunal de commerce de la même ville, le 27 vendémiaire an 10.
Table Godemel : Lettres de change, font foi contre le souscripteur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1802
1798-1802
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0907
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0906
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53068/BCU_Factums_G0907.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
La Pacaudière (42163)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Chauvigny de Blot (famille)
dot
émigrés
Faux
lettres de change
protêts
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52923/BCU_Factums_G0315.pdf
ad57ce279f66c5d4b7df04f562731e0b
PDF Text
Text
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•'
. i .
1'
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M EM OI R E
S I GNI FI É
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'
P 0 U R dame G u i l l e l m i n e P R EV E R A U D
DE L A U B E P I E R R E , & Meff ire L o u i s
' P U Y D E M U S S I E U X , Ecuyer, fon
mari , Intimés. .
^
C O N T R E Me. C l a u d e D U B O U Y S ,
Avocat en Parlement Receveur des conffignations
du Bourbonnois Appellant.
,
,
•;r .. •
• ¡>
L
E s fieur & dame P u y de Muff i eux foutiennent ici le bien-jugé d’une Sentence par défaut de la Sénéchauff é e de Moulins qui a
canonifé une demande en retrait lignager par
eux formée contre le fieur du B o u y s , lequel
oppoie aujourd’hui en la C o u r c o ntre.ce re
trait quatorze nullités ou o bjecti o n s qu’il regarde comme
v i cto rie uf es.
’
Il n’en faudroit pas tant fans doute pour opérer le triom A
�phe du fieur du B o u y s & la profcription du retrait qu’il
attaque. U n e feule nullité feroit bien capable de produi
re ce dôuble effet ; mais on peut avancer hardiment que
là procédure d e s f i e u r & dame P u y de Muffieux ne con-"
tient pas même cette nullité unique,
F A I T S .
Pa r contrat pafle devant Notaire le 2 A o û t 1 7 7 3 , la
dame -de Ghantemerle , v e u v e de Meffire Pierre Pr e ve raud , E c u y e r , tant en fon nom que fe fa ifa n t f o r t pour
un de Tes fils , Officier au Régiment de Poitou , v e n d i t ,
conjointement & folidairement ave c les iieurs Preveraud.
de V o m a s & Preveraud de Laubepierre , Tes deux autres
fils, au iîeur du B o u y s t aujourd’hui Appellant en la C o u r ,
la terre & feigneuriè du P l a i x & Tes dépendances , ave c
cinq domaines énoncés au contrat.
Cette vente fut faite moye nna nt la fomme de 4 1 5 0 0
livres., dont 11500 livres furent payées comptant : 16000
livres furent ftipulées payables à des termes c o n v e n u s ,
.entre les mains du fiçur Preveraud de 'V om as, l’un des
vendeurs pour tous les autres ; & il fut dit que les 140 00 I,
reliantes ne feroient payées qu’après le décès de la dame
v e u v e P r e v e r a u d , covendereffe ; & cependant l’intérêt.
Par exploit du 21 Septembre de la même année , les '
fieur & dame P u y de M u f f i e u x , aujourd’hui Intimés en
la C o u r , s’ annonçants comrçie gendre & fille, beau-frere
& iœur des vendeurs , f i r e n t ‘aifigner devant le Sénéchal
de Moulins, le fieur du B o u y s , en retrait lignager des o b
jets de ion acquifition , qui étoient des propres à fes ve n
deurs du côté & ligne de la dame P u y de Muffieux. C e t
exploit contient I’expreffion ordinaire des offres de bo ur fe,
deniers ,r|l o y à ü x coûts , coûteménts & à parfaire, & fe
trouve d ’àilleurs r e v ê t u ‘des .formalités prefcrites par les
O rd o n n a n ;c iés"&.par la coutume de B û u r b o n n o i s , qui fait
•ici la loi dès Parties.
L a circonftance que l c i i c u r du B o u y s redevoit encore
:
, 'ù
'1.. <• •* H ••
i
.
�33.»
3
fur le. prix de ion contrat une Tomme de 30000 liv. pour
laquelle il avoit ienne, exigeoit. des.Intimés, pour le Suc
cès de leur retrait ^ & pounrendre. l’acquéreur indemne *
ou qu’ils^lui fiflenr. donner une.déchargeât la part des v e n
deurs., ou qu;’ilsf6urjuflenr caution d’exécuter en f o n j i e u
& place les obligations, d bn t il i é t o i t. te n ù ! ;On prit le.premier.de ces deux partis.
T
Les Vendeurs dans les mêmes qualités qu’ils avojent v e n
du , c’eft-à-dire, l a d a m e . v i u v e Preveraud fd portant fort;
pou r Ton fils l ’O f f i c i e r , & Tes deux autresifils en leur nom>
donnèrent le. t 31 D é c e m b r e u n c requête-d'intervention,
laquelle, pour faciliter le retrait, en q u e i t i o n , & en c a s q u ’il
eut l i e u , ils demandèrent a 3e » de ce qu’ils:déchargeoient
» conjointement & folidairement le .fieur, d u ^ o u y s dp
» toutes fes obligations portées, au: contrat, ;deVyem,e;, &
n notamment de la Comme de 30000 livres & (d,es'ipté* rêts
de<-c& qu’ils confedtoient que les fieur.iijç dame
» P u y de Muflieux , retrayants^fuffent fubrogés aux droits
» & obligations dudit fieur du. Rouys ; & enfin de.,ce. qu’ils
» •promettoient de ne jamais le xechercbieri pii inq^ieitter
h p o u r raifon de ladite v
e
n
t
e
[
- Conime-le-¿fieur d u . B o u y s av-oiç conftitué Prioçyfe^y'
fur la demande en retrait, les vendeurs firent
cette requête d’intervention^tant'à ce Procureur du £eur
du B o u y s , qu’à celui des Intimés; & ceux-ci dénonceren,t
ce tt e m ê m ç . ¡intervention aur fieur du B o u y s ; par upe re,cjtiête: qu’ils donnerent-kd<Koc \, Si 1pair laquelle a-;f aifant; tou
jours les' offres! r e q u j f a s chaque.-■
journée. de la^caufe, ilp
demandèrent entrautres choies', qu^atteiidu quelle fieur du
JBouys n’a v o i t - p o i n t de domicile connu dans la V il le
de Moulins , il hit tenu d’y e ri élire un où les Intimés
puflent réalifer leurs: offres:. ;
. L a caufe en cet1état portée ;à l ’Audiertce, il y intervint
le 16 du même mois-de D é ce m br e Sentence :contradictoire entre les Intimés ( retrayants) & les vendeurs ( in
tervenants) & par défaut contré le fieur du.Bouys , acq ué
reur , qui donne a û e aux retray.ants des offres à l ’ordi
�4
naire : donne pareillement a ô e auxintervenants & a u x re
trayants des intervention., déclarations & confentements
portésen leurs requêtes; & avant faire dj-oît au fon d, ordon«
ne que dahs le jour de. la>figni£.catiün. de Sentence le fieur
du>Bouys feroit^enu'-dei.déciarer & indiquer précifément
fa maifon,'de-'Véfidetiûèùà--Moulins.
•■■■!.
En exécution de cette Sentence Le fieur du B o u y s , par
aflediMO-du mêjme mois d e D é c e m b re , déclara qu’il élifoit
domlcilé' én là Maifon & Etude de M e . P i r o n , f o n P r o c u ’i
réut'", '-pour- y ¡‘recevoir toutes offres , exploits , .fignif i c t i o n s & autres a£es: relatifs^au préfent retrait. ,
!ir,,Iie même-jour les Intimés donnèrent une nouvelle re
quête, contenant toujours les offres preferites, & par laquel
le' ils conclurent au principal à l’adjudication du retrait ,
& à c e q u ’il fut nommé, un.dépo/vaire. pour .recevoir, la
confignation de leurs.deniers , en cas de refus-,d’accepter
■attendu'la quali.té du fieur du Bbü.ys deIRçcev.eur des c o n T
fignatiôns en titre & én exercice.
■
• ■_
: Sur cela les Parties• étant retournées à l’A u d i e n c e ,
Sentence définitive y f u t rendue Jç z a du même mois de
D é c e m b r e , é g a l e m e n t c o n t r a d i â o i r e entre les retrayants.
1ës^ritervenant& , & par défaut contre le fieur du
'B ou ÿs i
,v . - A
-??■..
.•
. . ;i 4
' - C e t t e :Sentence donne a&e aux retrayants de leurs
offreS , ainfi que des déclarations , foümiffion, décharge
& cônféntement des intervenants ; & . en adjugeant le,pro>
•fit du défaut contré le fieur du B o u y s , ac q ué re ur ., le
c o n d a m n e ' à délaifïer par. ¡retrait iïguager . les objets dç
fo n acquifition', & 4 en.paiTer contrat:dë.reventeaux Intitnés dans huitaine , f m o n que la Séntonce en tiendroit lieu.
O r d o n n e que le fieur du B o u y s affirmeroit à la premiere
Audien ce la fincérité de ion contrat; q u a n t . au i prix c o m m e 1aûfîî celle-de l’état-de fes:fràis & loyaux -c où ts,
•qu’il iïéroit tenu de tlépofer. au Grefle. Et en conféquenctf“'
du confen te men r prêté par-les vendeurs par leur-requête
d’intervention , & accepté par les retrayants la derniere
Audience , la Sentence, décharge le:.fieur. du B o u y s de
�5
toutes les obligations qu’il po u vo it avoir contra&ées en
vers les vendeurs par ion contrat d ’acquifitiori ; donne
a&e de l’él eûi on de domicile faite par le fieur du Bouys
chez M e . P i r o n , ion Procureur ; & commet M e. Perrotin,
N o t a i r e , pour recevoir îa confignation des deniers des
retrayants , en cas de refus par l’acquéreur de les a c c e p t e r,
fur les offres qui lui en feront faites au domicile par lui
é l u , ainfi que d’une expédition en papier de la préfente
Sentence : tous dépens c o m p en fé s , que le fieur du B o u y s
pourroit empl oye r en l o y a u x - c o u t s , & c .
Cette Sentence fut figtiifiée au Procureur du fieur du
B o u y s le vingt-.quatre du même mois de Dé cembre à onze
heures & demie du matin , & elle le fut au domicile par
lui élu à i i heures trois quarts. D a n s le même inftant le
fieur du B o uy s en interjetta appel par a 8 e daté & c o n
trôlé avant midi du même jour 24 D éc em br e.
C e t appel étant de nature à fufpendre toute exécution
de la S ent enc e, on auroit pu fe difpenfer de paiTer outre.
Et il eft bien confiant qu’aujourd’hui en la C o u r on ne
peut s ’occuper que du bien ou mal jugé de la Sentence
elle-rpême , & de la validité ou invalidité de l’exploit
de fignification qui précéda l’appel du fieur du B o u y s :
mais que pour toute la procédure poftérieure , faite à
M o u li n s , laquelle étoit inutile & furabondante au m o y e n
de l’a p p e l , & qui n’a jamais été foumife à l’examen des
premiers J u g e s , cette procédure , difons-nous , ne peut
être attaquée aujourd’hui en la C o u r , quand même elle
renfermeroit quelques v i c e s , parce que les Retrayants fe.roient toujours en état de réparer ces vices prétendus ,
-en recommençant la procédure dont il s’agit , après que
par l’Arrêt à intervenir la Sentence aura été confir
mée.
.
Q u o i qu’il en f o i t , cette procédure poftérieure à l’ap
pel du fieur du B o u y s coniifta 10. dans un procès ve r
bal d ’offres réelles faites par les Retrayants au fieur du
B o u y s , par exploit du 14 D é c e m b r e , heure d’onze cin
quante minutes avant m i d i , de la fomme de 115 00 ü v . que
�6
le fieur du B o u y s avoit payée comptant lors de Ton con*
trat ; de celle de 1 5 1 6 liv. pour fes frais & loy aux c o û t s ,
& d’une expédition de la Sentence définitive pour fa dé
charge envers les vendeurs. 20. Cette procédure confifta
enfuire dans une affignation donnée par le même exploit
d ’offres au fieur du B o u y s , pour voir cç>nfigner furie champ
les chofes offertes fur le refus 'd'accepter qu’il avoit
fait par la bouche de M e . Piron , fon Procureur ; refus
mot ivé fur V a p p el, & fur ce que lui M e . Piron n’avoit point ordre de recevoir. 3°. Cette même procédure
confifta encore dans la confignation qui fut effeftivement
faite le même jour entre les mains de M e . Perrotin , des
efpeces offertes & de l’expédition de Sentence. 40. Et
enfin elle coniifta dans la fignificatiôn avec bail de c o p ie ,
faite le lendemain jour de N o ë l , en vertu d’une O r d o n
nance ad hoc , de la quittance ou procès verbal de coni i g n a t i o n , en têtede laquelle on fit donner une fécondé c o
pie de l ’afte d'offres de la veille.
Maintenant c ’eft tant contre cette procédure exécutoire
d e l à Sentence définitive , que contre cette Sentence même
& contre la procédure antérieure que le fieur du B o u y s
accumule en la C o u r les nullités imaginaires & les ob*
jeftions que nous avons ici à réfuter pour les Intimés. '
N o u s diviferons cette réfutation en deux parties ; la
première fera relative aux objeÉUons & nullités préten
dues , reprochées à la procédure faite juiqu’au procès
verbal d’offres réelles exchiiîvem ent , ce qui comprend
la procédure antérieure à la Sentence , ù. ainfi que cette
Sentence même , & l’exploit de fignificatiôn à domicile.
J?ans ¿a fécondé partie nous traiterons des nullités re*
proc hée s à la procédure faite pour l’exécution de la Sen
t e n c e , à commencer au procès verbal d’offres ; & nous f e
rons voir en même temps qu’il ne peut pas en êt rcqueilion
en la C o u r , & que les Intimés feroient toujours à temps
après l’Arrêt de réparer les çléfe£hioiités de cette p ro cé
dure , en fuppofant que véritablement elle fût défectueufo.
�<I&5
*
7
P R E M I E R E
•
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•
P A R T I E.
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Procédure antérieure aux offres réelles.
i ° . O n atta-que l’exploit de demande de nu ll i té , & la
Sentence de m a l- j u gé , fur ce que par l’e x p l o i t , ni d e p u i s ,
les Retrayants n’ont pas établi leur qualité de parents lign a g e r s , ni que les biens fuiTent propres de leur ligne ; &
fur ce q u e , d’après l’O rd onn an ce dé' 1 6 6 7 , titre 5 , article
3 , les premiers Juges ne pouvoient p a s , dit* on , a d j u g e r,
même par défaut, la demande en retrait j qu d ie ne f u t ju jle
& bien vérifiée. .
Réponfe. Cette premiere nullité eft précifément l ’efpece d’un Arrêt du Parlement du 16 Juillet 1 6 7 4 , rapporté
au Journal du Palais. O n y foutenoit un exploit en retrait
n u l, fous le-prétexte qu’on n’y avoir pas même exprimé
que le demandeur fut p a ren t, & que l’héritage fut propre.
Mais on répondoit que par l’exploit le défendeur étant
afligné pour fe v o i r condamner à délaijjer r héritage par
droit de retrait lig n a ger, tout cela vouj oit dire que c ’étoit
un héritage propre qui avoit été ven d u , & que celui qui
vouloit le retirer étoit parent du vendeur du côté & ligne de
l'héritage. O n djoutoit que la preuve»de ces faits n’auroit
été néceilaire que fi le défendeur l ’avoit ïfequife , mais que
ne l’ayant pas f a i t , il nefalloit rien ajoujef aux folemnités du retra it, comme il n’y faut rien diminuer ; fur quoi
l’A r r ê t , conformément à une Sentence de$ Requêtes de
l’Hôtel , déclara le retrait bon & valable. ’
O r ici les Retrayants fe font annoncés •pbyY parents
très-proches des Vendeurs , & pour vouloir re tireras biens
par retrait lign ager: & d’un autre côté l’acq uéjeyr n’a ja
mais e x c ip é d u défaut- de preuve de la’ parenté des perfonnes & de la propriété des biuns ; la demande étoit donc
fuififammeju v é r if ié e ; les premiers Juges* ont donc pu
l’accueillir.
z°. U n e autre ob je&ion de l’Appellant eft de dire que
‘ •
�8•
fuivant l’art. 470 de ne tre coutume de Bourbonnois ,
„ en chofe achetée pour certain prix payable à termes
„ (c e qui e(l l'efpece aUuelle pour Us 3 0 0 0 0 livres non
„ payées comptant ) le retrayant n’a lefdits termes qu’en
» donnant bonne fureté au vendeur de payer èfdits ter» mes ; & s’il ne le f a i t , il n’eft reçu , s’il 11e baille argent
u ou srave à l’acheteur ou au vendeur. „ O r ici les Intim e s , dit-on , n ont donne tu argent ni gage pour les
30000 livres pour lefquels le contrat accordoit des termes :
donc ils n’ont pas dû être reçus au retrait.
Réponfes. L ’article de la co utum e.dont il s’agit ne ftatue évidemment que dans le cas où l’acquéreur aftionné
en retrait ne feroit point déchargé par le vendeur des
obligations portées au contrat. C a r fi on donne à cet ac
quéreur une décharge de fes obliga tions , il eft bien cer
tain qu’alors il n’a ni argent ni gage à demander, puifque
la décharge le libère entièrement & efface toutes les obli
gations qu’il avoit contra&ées. O r ici on a offert au fieur
d u B o u y s , a cq u é re u r, tout l’argent qu’il avoit payé c o m
ptant ; & d’un autre côté les vendeurs eux-mêmes font
intervenus dans la caufe pour le décharger de fes obli
gations quant aux 30000 livres non payées , & la Sen
tence rendue contradi&oirement avec eux ( vendeurs )
contient cette décharge : il ne falloit donc rien de plus à
cet acquéreur pour rendre le retrait admifïîble; ce n’eft
donc pas ici le cas de l’article 470 de la coutume.
3 0. O n objecte enfuite que la copie de la requête d’in
tervention des vendeurs n’étant point fignée de leur P r o
c u r e u r , & celle de la requête en dénonciation de cette
intervention , donnée par les retrayants, n’étant pas {ignée
non plus par le l e u r , il en réfulte la nullité de ces reqiutes , & par conféquent un défaut de décharge.
RéponJ'es. L ’ufagc confiant en la Sénéchauffée de M o u li is eft que les Procureurs ne fignent point la copie des
requêtes qu’il font fignifier à leurs Confrères. Ils en fignent
feulement l’original, & ils font mention dans la c o p i e ,
tant de cette fignatureà l’original que de {’Ord on na nc e du
Juge
I
�^3 7
9 ,
Juge & de fa fignature; & c ’eft la fignature de l’Huiffier au bas du fig v ifié qui fait la f o i & l’authenticité de
la copie. O r ici il eft fait mention dans les copies des
requêtes dont il s’a g it , & de la fignature du Procureur
aux o r i g in a u x , & de l’O r d o n n a n c e ainfi que de la fignature du Juge à ces mêmes ori gin au x; les formalités requifes par l’ufage du Siege ont donc été obferviéés dans
les copies1 dont il s’agit ; ik le fieur du B o u y s ne citant
aucun article*de l’O rd on na nc e ou de la coutume , en un
m ot , aucune loi qui condamne cet ufage & prefcrive la
fignature du Procureur au bas de ces copies 3 l ’omiffion
de cette fignature n’eft pas une nullité.
4°. Suivant une autre objetttonde l’A p p e l l a n t , il falloit,
a ve c la requête d’in te rv en ti on , faire donner copie de la
procuration en vertu de laquelle le Procureur des inter
venants donnoit en leur nom cette requête. O r ce Pro cureur n’avoit pas de procuration , ou du moins il n’en a
pas fait donner copie , donc , & c .
Réponfes. Le Proc ureu r des intervenants a vo it en fes
mains une procuration pour intervenir & pour faire toutes
les déclarations, donner toutes les décharges & confentèrnents , portés par la requête d’intervention. Cette pro
curation eft dans le fac des Intimés en la C o u r , pour
juftifier de fon exiftence. Q u e fi le Procureur des inter
venants n’en fit p oi nt d on ne rc op ie avec celle de la re q u ê t e ,
c ’eft que rien ne l’y obligeoit , & que p er fo nn en el u i dtmanda cette copie. Il eft des cas fans doute où un Procureur eft:
tenu de juftifier de fa procuration & de la joindre aux piè
ces : par e x e m p l e , quand il s’agit de former une infcription
de faux incident ; mais cette obligation en ce cas eft
fondée fur une loi précife , qui eft l’article 3 du titre 2
de r O r d o n n a n c e de 1 7 3 7 . O r ici point de loi qui obli
geât le Procureur des intervenants de produire fon man
d a t , & d’en donner c o p i e ; on ne peut donc inférer une
n u lli té , ni fe faire un m oy en quelconque de ce qu’il
n’auroit pas notifié ce mandat.
5 0. O n infifte & on dit que la copie de la procuration
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�étoit au moins néceflaire pour aflurer les confentements,1
décharges & promefîes portées par la requête d’interven
tion ; que ces promefles , confentements & décharges auroient même dû être donnés par un a£te authentique,
portant minute ; & que fans cela le fieur du B o u y s n’eft
point valablement libéré envers fes vendeurs , & p a r c o n féquent rt’eft: pas renvoyé indem ne, qui eft la première
obligation de tout retrayant.
R éponfes. Les retrayants avoient deux voies pour faire
donner à l’acquéreur fa décharge de la part des vendeurs.
D ’abord celle d’une décharge devant N o t a ir e , & alors
peut-être il auroit fallu que l’a & e , contenant cette déchar
g e , eut été paiTé en minute. Sec ond eme nt, la voie d e l à
décharge ju diciaire, auili bonne pour le moins que celle
devant Notaire , parce que l’on contra&e encore plus folemnellement & plus irrévocablement en Juftice que
pardevant un Notaire. O r de ces deux v o i e s , c’eft la
derniere qu’on a p r if e ; mais pour qu’elle eût fon efficacité,
il fuffifoit que les vendeurs intervinffent dans la caufe , &
déclaraflent qu’ils déchargeoient l’acquéreur de toutes fes
obligations : or voilà ce qu’ils ont f a i t , & la Sentence
en donne a£te ; quelle autre décharge l’acquéreur pouvoitil donc demander? &: en quoi une copie qu’on lui auroit
d on né de la procuration des intervenants auroit-elle plus
pfluré fon indemnité ?
6 °. Cette c o p i e , obje£e-t-il , m’auroit mis en état de
me défendre contre le défaveu que les vendeurs pou voient
f a i r e , com me ils le peu vent encore , de leur P r o c u r e u r , qui
fegl a paru dans la caufe. C e défaveu , en effet ( pourfuit l’Appcllant ) feroit dans le cas de faire tomber toute
la procédure de l’intervention & de la décharge , ce qui
me laifTeroit toujours fujet à l ’a&ion des vendeurs ; & par
tant je ne fuis pas r e n v o y é indemne.
R éponfes. La crainte d’un défaveu de P r o c u r e u r , qui
feroit tomber l ’intervention & la décharge des v e n d e u r s ,
& qui par- là expoferoit l’acquéreur à leurs pourfuites, eil
aiïurément une crainte trop fubtile , & qui ne fauroit em
�11
pêcher l’effet d’un retrait, fous prétexte qu’on ne renvoie
pas l’acquéreur i nd e m ne , en ce qu’on ne le guérit pas d’une
crainte pareille. S’il falloit guérir même de la peur un ac
quéreur pour pour le renvoyer indemne , jamais il n’y auroit de retrait dans les efpeces femblables à la n ô t r e , de
quelque maniere qu’on s’y prit. C a r enfin, fi en faifant in
tervenir les vendeurs dans l’inftance en retrait pour y dé
charger l’a c q u é re u r, c e lu ic i a encore peur d’un défaveu
du Procureur ; n’auroit-il pas pu avoir peur d ’une infcription de faux ou de tel autre m o y e n d’attaquer une déchar
ge pardevant N otaire , fi Ton s’étoit déterminé à lui d o n
ner fa décharge en cette forme ? N ’auroit-il pas pu égale
ment avoir peur qu’on ne vint à fe pourvoir ou par la
même voie de l’infcription de faux , ou par celle de la
prife à partie, ou de l’incom pé te nce , ou autre femblable
contre une Sentence de décharge, dans laquelle les vendeurs
auroient été préfents, même en perfonne? Il y a plus,qu’on
eut donné ici au fieur du B o u y s la copie de procuration
dont il parle , qu’on eut même joint l’original de cette
procuration à la minute de la Senten ce , & qu’on lui eut
offert une expédition du t o u t , n’auroit-il pas encore pu
avoir peur que les vendeurs ne priffent des lettres de
refcifion contre leur procuration & ne vinflent enfuite à
le pourfuivre malgré cette procuration & la décharge qu’ils
y auroient donnée?Enfin il eft encore des peurs que pourront
avoir un a cq ué re ur , dans le cas où au lieu d’untdccharae de
la part de íes v e n d e u r s , on lui fourniroit une caution pour
parvenir à un retrait; faudroit-il dont en co nclure que cet
acquéreur ne feroit pas rendu indemne par cette ca u ti on ,
laquelle feroit d’ailleurs reçue d’une maniere juridique ?
R i e n n ’eft donc moins capable de faire impreifion iur des
efprits judicieux que les teireurs paniques que l’Appellant
vo udroit ici nous donner pour des obftacles au retrait
dont il s’agit. Si la procuration dont il parle étoit néceflair e , c’étoit au Procureur des Vendeurs & non à lui. O r
ce Procureur en étoit muni pour fa propre fureté ; & PAppellant ayant pour la fienne l’expédition de la Sentence qui
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fait fo n titre de libération t il n’eft pas en droit de fe plaindre
de ce q u ’on ne lui en a pas fourni d’autre.
7°. Cette Sentence , obje&e-t-il encore , n ’ayant d’ap
pui que la requête d’intervention , fi on défavoue le
Pro cur eu r qui a donné cette requête , la Sentence tombe
quant à la décharge qu’elle contient en ma f a v e u r , &
« pour lors je redeviendrai fujet à l’a&ion des vendeurs ;
je ne fuis do nc pas indemne , puifqu’il refte une a&ion
ouverte contre moi.
R éponfes. Cette obje&ion rentrant dans la précédente,
on peut dire qu’elle a déjà reçu fa réfutation. Ajoutons
ici , en nous , prêtant pour un moment à la .chimere du
fieur du B o u y s , que l’attipn qu’il fuppofe refter ouverte
contre lui , dans le cas d’un défaveu du Procureur des
vendeurs , eft une a£tion tout au plus pojjible dans l’or
dre phyfique des choies , mais impojjible dans l’ordre
juridique. C ’eft-à-dire , que les vendeurs ont bien , fi l’on
. v e u t , la faculté phyfique d’a£tionner le fieur du B o u y s ,
..malgré la décharge qu’ils lui ont donnée , co mm e j’ai
moi la faculté phyfique de faire donner un exploit à un
hom me qui ne me doit rien , ou qui m’a payé ce q u ’il
me devoit & qui eft porteur de ma quittance ; ou c o m
me j ’ai la faculté phyfique de faire. aüigner«mon voifin.à
ce q u ’il ait à me livrer fa maifon , ou un Seigneur quel
conqu e à ce q u ’il ait à me céder la terre ,; mais ces de
mandes & autres femblables étant manifeftement injufteç,
font impoifibles dans l ’ordre ju ri d i q u e , parce qu’elles ne
peuvent jamais être fuivies de fuccès. O r il feroit abfurde de prétendre q u e , pour r e n vo ye r un acquéreur in
demne , en matiere de retrait, il faut faire en iorte qu’il
ne puiiïe pas même être expofé à la moindre des a v i o n s
poifibles dans l ’ordts phyfique ; & il fuffit bien fans
doute de le mettre à l ’abri de toute aftion légitime &
juridique. Mais pour cela il ne faut que de deux chofes
l ’une , ou lui fournir une* exception triomphante contre
. l ’a ô i o n , ou lui d p n n c r u n recours afiuré qui le garantifle
des fuites de cette même a£tion, La fuffifance de i’indem-
�nité de l ’a cq u é re u r, au premier c a s , eft écrite dans ces
termes de la loi 1 1 2 , ff. de R e g . ju r . n ïh il interejl ipfo
ju re quis aclionem non habeat 3 an per exceptionem in jitmetur ; & elle eft fondée au fécond cas fur l ’u fa g e , l ’é
quité naturelle & le bon fe ns , qui ne permettent pas de
regarder comme fujetà l ’a&ion celui qui a un bon garant
des fuites de cette a&ion même.
O r tout cela fe trouve dans notre efpece ; car que les
vendeurs du fieur du B o uy s foient afîezinjuftes ( n o u s de
vrions dire aflez infenfés) pour lui demander l ’exécution
des obligations dont ils l ’ont déchargé par la Sentence
le fieur du B o u y s aura une exception vi&orieufe contr ’eux dans cette même Sentence. Q u e ces vendeurs pouffaflent enfuite le délire juf q u ’à défavouer le Proc ureu r
qui oc cupa pour eux , le fieur du B o u y s touveroit en
core fa fureté dans le recours de garantie q u ’il auroit
contre ce Procureur ; & ce dernier feroit en état de repoufler ces mêmes vendeurs & de les écrafer du poids
de leur propre procuration. Le iieur du B o u y s ne court
donc ici aucun danger , & l ’expédition de la Sentence
eft pour lui un bouclier impénétrable , à l ’abri duquel
il eft parfaitement indemne.
8°. Le fieur du Bo uys fe fait encore un m o y e n de ce
que la décharge portée en fa faveur , par la requête d’inter
vention & par la Sentence , eft donnée par les deux freres
Preveraud 8c par la Mere commune , en fo n nom & comme
f e portant fo r t pour l'autre frere. O n ne plaide p o i n t , ditil , par Procureur ; il falloit donc que le troisième frere
fut dans les qualités de la requête &: de la S e m e n c e , &
que la décharge émanât de l u i , fans quoi je fuis toujours
•expofé à fon aftion.
Réponfes. C ’eft la Mere qui enfo n nom , & fe portant fo r t
pour fon troifîeme fils , avoit vendu conjointement & ¡o lidairement avec les deux autres. O n l’a' vu dans le récit des
faits. O r les qualités de la requête d’intervention, ainlî que
celles de la Sentence du côté des ve ndeurs, font exacte
ment les mêmes. Mais cela devoit être de la forte. O n ne
�14
p ou vo it décharger l’acquéreur de Tes obligations que dans
les qualités qu’on les avoit ftipulées de lui. L ’acquéreur
ne peut donc pas critiquer ces qualités dans la d é c h a r g e ,
après les avoir adoptées dans le contrat. La Mere ayant
pu faire le c o n t r a t , a pu le défaire. D ’ailleurs ce n’étoit
pas plaider que d’intervenir dans l ’inftance en retrait, pour
y confentir la décharge ; c'étoit feulement fe préfenter
pour comra£ler e n ju jlic e , comm e on auroit pu faire pardevant Notaire. Il n’y avoit abfolument rien de co nten
tieux dans l’intervention & dans la déch arg e, nul ne s’y
oppofant & ne pouvant s’y oppofer. LaiMere ne ie préfentoit pas en jufkice pour y tenir la place de fon fils ; elle s’y
préientoit pour elle-même, & elle n’y tenoit que fa p ro
pre place. Elle y portoit à la vérité deux titres, deux
qualités ; f a v o i r , fa qualité perfonnelle& individuelle &
celle de garante volontaire de fon fils ( c a r fe faire fo r t pour
q u e l q u ’u n , n’efi: autre chofe que fe rendre volontairement
fon garant.) Mais on n’a jamais dit ni pu d i r e , que le garant
fut le Procureur du g a r a n t i , ni qu’il agît & qu’il plaidât
pour le g a ra n ti , quand il agit & plaide même dans cette
qualité de garant. C e n’eil donc pas ici le cas d’appliquer
la maxime qu’on ne plaide point par Procureur.
9 0. La Mere ( c o n t i n u e le fieur du B o u y s ) pou voit
avoir un pou voir fuffifant pour vendre au nom de fon
fils, mais non pas pour libéreren juftice l ’acquéreur une fois
engagé envers ce fils. O n vend tous les jours par P r o c u
reur ; mais encore un co up , on n’y plaide pas.
Réponfes. O n .vient de dire que la Mere ne comparoiffoit pas en ju ft ic cpo ur p la id e r , mais pour confentir une
déch arg e; & qu’elle n’y comparoiiToit pas pour fon fils,
mais pour e l l e , dans les qualités qu’on a expliquées. Le
refte de l’obje&ion eft une erreur; la Mere n’avoit pas plus
lin po u vo ir de fon fils, à l’effet de v e n d r e , qu’elle n’en
avoit à l’effet de libérer l’acquéreur : ou plutôt , elle n’avoit
pas un moindre po u vo ir pour confentir la décharge que
pour confentir la vente. En l'un &: en l’autre elle n ’agifîoit p?s comme fondée des pouvoirs de fon fils; elleagif-
�, 5
^43
foi t d’elle-même, de Ton propre m o u v e m e n t , en fon nom '
& comme garante de fon fils. Dan s ces qualités elle avoit
lié l ’acquéreur par le contrat de v e n t e , dans ces mêmes
qualités elle le délioit par la décharge ; niais fon droit
pour lier avoit formé fon droit pou r délier-, d o n c , & c .
i o \ Par le contrat de vente ( infifte-t-on ) le droit étoit ac
quis au fils contre l’acquéreur, & la Mere n ’a pas pu le lui
faire perdre par la décharge poftérieure ; la confommation de la vente co nfommoit la miifion de la Mere , &
obligeoit l’a cq uér eur , non plus envers la M e r e , mais e n
vers le fils , pour lequel elle avoit vendu* La M e r e , par
la décharge , n’a d on c pas pu donner au f i l s , fans fa par
ticipation, un autre débiteur que celui qu’elle lui avoit
d’abord donné par la v e n te : ou en tout cas elle n’a pas
p u , fans la participation de ce fils, libérer envers lui le
premier d éb ite u r, f a v o i r , l ’Appellant en fa qualité d’acqué
reur ; ce dernier demeure donc toujours obligé envers le r
fils ; il n’eft donc pas indemne.
Réponfes. T o u t ceci ne roule que fur des équivoques
& de fauifes fuppofitions. L ’Appellant fe figure toujours
que la mere a vendu pour & au nom de fon troifieme fils
en vertu de fes pouvoirs ; & en coniéquence il raifonne
ici comme en matiere de mandat ; mais il fe trompe. L a
mere n ’étoit pas mandataire de fon fils , puisqu’elle n ’av o i t pas de procuration de lui ; elle ét oit, à Ion é g a r d ,
ou comme une perfonne qui de fon c h e f vendroit la ch ofc d ’autrui , ou tout au plus comme celle qui feroit les
affaires d ’un autre à fon infu , & que les loix appellent
ncgotiorum gcjlor.
Mais le mandataire proprement dit & le fimple gé
rant ( negotiorum geflor) ne fe reifemblent point du tout.
L e premier ( le mandataire ) agit en vertu d ’un vérita
ble contrat déjà formé entre lui & le mandant : & ce
c o n t r a t , c ’eft la procuration que le mandant a donnée
au mandataire ; en conféquence la tierce perfonne ave c
laquelle le mandataire , d ’après la procuration , agit &
tr ai te , eft cenfée traiter & traite en effet avec le man-
�16
dant lui-même, qui , par fa procuration , a , pour ainfi
dire , foufcrit & confommé d’avance le traité. A u m o y e n
de quoi ce n ’eft pas le mandataire, mais le mandant q u i ,
par le traité , s ’engage envers la. tierce perfonne., & qui
reçoit fon engagement.
Mais dans le cas du negotiorum g e flo r , il en eft tout
autrement; il n ’y a point^en ce cas de contrat préexiftant
entre le gérant & ce lui.p ou r qui ;il g è r e , & en core moins
entre ce dernier & la tierce perfonne a v e c qui fe fait
la geftion. Il ne réfulte do nc de l a . g e f t i o n qu'un quaii
contrat renfermé entre le gérant & celui pour qui il gère,
& il n ’y a ni contrat ni quaii contrat entre celui-ci &
la tierce perfonne av e c qui l ’affaire fe fait ; cette tierce
perfonne n ’eft d onc point du tout engagée envers celui
p ou r qui fe fait l ’affaire ; elle n ’eft engagée q u ’envers
\e,gérant, com m e c ’eft le gérant feul qui eft engagé enve rs el le . C e font là des points de droit que fans doute on
ne nous conteftera pas.
O r il en réfulte dans notre efpece que le fils n ’avo it
point de droit acquis contre lefieur du B o u y s , en vertu
de la confommation de la vente faite par la . mere. Les
droits qui naiifoient de cette vente n ’étoient acquis q u ’à
la mere feule ; c ’étoit elle ieule qui p o u v o i t agir e x vendito contre le fieur du B o u y s , a c q u é r e u r , en exécution
des obligations q u ’il avoit contra&ées envers elle par le
contrat de vente ; comme c ’étoit c o n t r ’elle feule que
cet acquéreur auroit pu a g i r , e x cmpto , dans le cas où
l ’exécution de la vente auroit fouffert des difficultés par
line év i& ion ou autrement.
Il
auroit donc fallu de toute néceffité , une chofe qui
n’eft pas , pour acquérir au fils les droits qui réfultoient
du contrat de v e n t e , avant la décharge donnée à l’ac
quéreur par la mere : ç’auroit été un atle paiTé entre la
mere & le fils, portant remife de la mere au fils de tout
le profit du contrat , & contenant d’ailleurs ratification
du contrat de la part du fils. U n tel a£te furvenu de
puis la vente ,, & notifié à l’acquéreur , ou pafîe en fa
�;} 7
f >réfence & a v e c l u i , auroit fans doute acquis au fils tous
es droits réfultants de la vente contre l’accjüéreur; &
c ’eft alors feulement qu’il n’aüroit plus été poflïble que |k
mere , par une décharge poftérieure à la ratification ,
fit perdre ces droits au fils fans,fon confentement & fans
une procuration-de fa part. Mais t a n t ‘q u ’il n’y avoit
point de ratification de la part du fils , la vente n ’étoit
point fon affaire , mais feulement celle de la mere. C ’eft
ce qui s’induit de plufieurs loix du digefte & du code ,
au titre de negotiis geflis. N u llu m negotium .tuum geflum
ejl t ciim debitor tuus non fu e r it : s e ï ) r ' a t î ü a b i t i o
F E C I T T U U M . L e g . 6 , §. 9 , ff. S i pecuniam tüam à deiïitore tuo Ju lia n u s exeg it , eafn'que folutionem RATAM.
H A BU I S T I , habes adverfus eum negotiorum geflorum ac~
tionem. Leg. 9 , cod. Sur quoi M e . P o t h i e r , en fes paride£ïes,enfeigne qu’il en faut dire de même én cas de vente
faite au nom d’àutrui',' & qu’alors la vente n’eft l’affaire
de celui-à qui appartenoit la chofe vendue , qu’autant
que cette vente eft par lui ratifiée ; & la raifon en eft
qu’il n’y a point proprement d’aliénation 3 à fon égard',
fans fa ratification. Idem dicenduni f i rem meam quis meo
' nomine vendiderit ; ciim enim i non alienetur nifi ratum
habeam ,-non aliter quàm f i ratum habeam , negotium ad
me pertinebit : nec aliter negodoriim géfiorum obligatio
nafcitur.■
O r dans notre efpece le contrat de vente ( qui éft ici
le 'negotium gefium) n’étoit point approuvé & ratifié'phr
le fiis lorfque la mere a d éc h a rg é 'l’acquéreur des ob liga
tions qu’il y avait foufcrites. L e fils en c e ’moment iravoit
d onc pas encore dé droit acquis en vertu du contrat, à ren
contre de l’acquéreur. N o n aliter quàm f i ratum habeam ,
_ negotium ad me pertinebit. C ’étoit do nc la merefeule en
ni ré fid oi en t faute de la ratification du fils ; totiS' les
roits’ a&ifs & paififs du contrat ;,puifque rnê mé, félon
. P o t h i e r , ce*défaui de ratification dü fils faifoit que pour
fon regard il n’y avoit'point1 d'aliénation , point de vettte.
Cùm non a lien etu r, n ifi ratum habeam. En cet état l’ac
3’
,
�i8
quéreur ayant été libéré par la mere qui avoit vendu, 8c
libéré par elle dans les mêmes qualités qu’elle avoit v e n
d u , ne peut donc jamais avoir rien à craindre de la part
d u fils pour lequel la mere s’étoit porté f o r t , & qui n ’a
jamais ratifié. Il n ’étoit donc pas befoin ici de la p roc u
ration du fils, ni qu’il fut dans les qualités de la requête
d'intervention & de la Sentence , pour la validité , l’effi
cacité & l ’irrévocabilité de la décharge donnée à l’acqué¿■eur.
i i ° . L e fieur du B o u y s après avo ir épuifé fes efforts
-contre la Sentence que nous défendons , croit trouver
auffi une nullité dans la fignification qui lui en a été faite
.au domicile par lui élu chez M e . P i r o n , fon Procureur.
L ’Huiifier, félon l ui , dit avoir parlé à f a perfonne. O r ,
a j o u t e - t - i l , je fuis en état de prouver mon a lib i, donc
,l’exploit de fignification contient un f a u x , & partant il
£Ît nul.
Réponfes. P o u r écarter ce m o y e n il fuffit des termesi
de L’exploit & les voici : # Je. . . . . Huiflier................
» ai fignifié & notifié à M e . C la u d e du B o u y s ................
» au domicile par lui élu en la maifon & étude de Me..
M P i r o n , Procur eu r ès C ou rs de Mo ulins y demeurant
M rue du F ou r Banal Paroiffe de faint Pierre d’Izeure où
» je me fuis exprès tranfporté en parlant à fa perfonne. »
Q u i ne voit que c’e i t à la perfonne de M e . Piron que
l’Huifliera p a rlé , après setre tranfporté en fa m a if o n , rue
. du Éour Banal ; & non pas à la perfonne du fieur du
B o u y s l u i- m ê m e , q u i ne demeuroit point dans cotte mai, rfon , & qui feulement y a v o k élu fon domicile pour l ’inftruftion de la caufe ? Falloit-il donc que le fieur du B o u y s ,
pou,r trouver une ijullité , oubliât ce qu’on lui a dit autre;••foisau C o l l è g e , que les pofféflifs Jon ,f a > J t s fe rappor
t e n t au plus prochain fubftantif qui les précédé , & qui
-.«toit i c i , M e . Piron]? Mais quand .ou n’a pas de nullités
véritables à oppofer à un retrait, il tautl)ien en chercher
^ ’imaginaires. O r c ’efl: ce qu’a fait le fieur du B o u y s , non
Seulement par rapport à celle dont il s’jg i t en ce moment
�34r
T9
.
& qui regarde l'exploit de fignification de la Sentence ,
mais encore relativement à toutes les autres objeftions
qui attaquent ou l’exploit de demande ou le fond même
de la S e n t e n c e , & que nous nous flattons d’àvoir ci-devânç"
détruites.
S E C O N D E
P A R T I E .
Procédure relative à i l'exécution de la Sentence.
C ette procédure confifte datii le procès verbal d ’offres
réelles, contenant refus & aflignation p o u r v o i r coniîgner-f1
dans l’afte ou quittance de confignation ; & dans l’afte de
fignification de cette quittance , ( l a copie duquel dernier
aile contient auifi une fécondé copie du procès verbal d’of
f re s , & une premiere de la quittance de confignation.)"
L e fieur du B o u y s rend hommage par fon filence à
régularité , en la forme., de l’afte ou quittance de c o n
fignation & de la copie qui lui en a été fignifiée, ainfi qu&
de la fécondé copie qui lui a été en même-temps donnée du*
procès verbal d’offres. Mais à l’entendre il y auroit dan*
la premiere copie de ce dernier procès verbal qui . e f t , d it il , pour lui la véritable , trois nullités bien caraftérifees ;
fa v o i r , i ®. le défaut de d it e d’avant ou d’après midi. 2» L e
défaut d’expreifion de la Jurifdiftion où les Huiiïiers inf-trumentants font immatriculés. 30. L ’infuffifancedes offres,
en ce que la copie dont il s’agit ne porteroit que 1x8 louis
d’o r , au lieu qu’il en auroit fallu 1 29. Et à ces trois nul
lités pr ét en due s, le fieur du B o u y s en ajoute une quatriè
me ; ( a v o i r , que la c o n fig na t io n, au fond , feroit précipitée’
pou r avoir été faite cina minutes après les offres, tandis
que , fuivant le fieur du Bo uys , elle ne devoit être
faite que vingt-quatre heures après.
Réponfes. S’il pouvoit être queftion d’examiner ici en‘
la C o u r le mérite de ces quatre prétendues nullités , il fe
roit bien aifé d’en faire v o i r le néant &r l’illufion.
C a r on répondroit fur la premiere que la date de l’a f t e
d’offres cil fufRfammenc f i x é e , (même dans la copie dont i l
C 2
1
�- • •
ÆO
«s’agit') à onze lieures cinquante minutes avant m idi s quoi
que ces mots avant m idi ne s’y .trouvent pas. Et on puiierpit c.ette fixation dans la remarque faite par M e Pi ron ,
Pr oc ure ur dé TAp pel la nt lui-même , & écrite à la réqui
sition de ce Procureur par les Huiifiers inftrumentants
-dans l’original & la copie du procès verbal ; ' f a v o i r , que
la rcponfe de l u i , A fe. P iro n , à la faction des offres & à la
fom m àtion a lu i fa it e de recevoir, étoit fin ie A t.’ H EU R E D E
m p i ' SON.NANT* O r i î c’étoit à midi fonnant que M e .
P ir on avoit fini de fair.e fa jépo nfe a u x offres 3 il s’enfuit
forcément que c*étoit à o n ze heures cinquante minutes
avant midi. .& non pas avant m inuit que le procès verbal
de fa&ion des offres étoit co mmen cé. A u t n o y e n de quoi
l ’afte porte lui-même la fixation de fa date au jour , à
l ’heure & à la minutei
. S u r la. fécondé nullité on dîrolt' que les deux Huiifiers
( qui inftrumentoient dans Moulins même ) f e donnant
pour être reçus .& immatriculés l'u n au Bureau des F in a n
ces & l'autr£ en la M aîtrife des E a u x & F o rêts, & ie difant
tput de fuite demeurants e u x & leurs deux Recors en cette.
V ille de M o u lin s ; ces derniers mots en cette V ille de M o u
lin s peuvent fort bien fe rapporter tout à la f o i s , & aux
lurifdi&ions des matricules , qui étoient le Bureau des
Finances & la Maîtrife de la V il le de Moulins , & au lieu
de la demeure des Huiifiers, qui étoit cette même V il le
de Moulins. O n a jo u t e ro i t, par fimilitude, qu’un Huiflier
de la C o u r , çjui en èxplpitant dans Clerm on t même , fe
qualifieroit ainfi , xin t e l , H uiffier reçu & immatricule au
Ç onfeil Supérieur, demeurant en cette V ille de Clermont t
indiqueroit fuffifamment la C o u r pour être la Jurifdi&ion
de fa matricule. Et ' d é t o u r cela on tireroit la conféquençe que l a copie d’a^e d’offres dont il s’agit eft d’autant
moins nulle fous le point de vue en qjieftion , que l’O r d on na nce ( de 1667 ) fuivant M e . Jouffe fur 1article 2 du
titre des ajournements %qui eft le fiege de la matiere , n exi
ge des Huiifiers la déclaration du Siege où ils font imma(.rïçulés, qu’afinque la partie afligncc fâche s’ils n’ont pas
�34^
2[
exploité au-delà de leur reffort : ch of e qui ne pou voit
être ici ignorée du fieur du B o u y s, & encore moins de M e .
P i r o n , Ton P r o c u r e u r , à qui on faifoit les offres pour le
fieur du B o u y s , & qui tous les jours peut-être charge les
mêmes Huiffiers ( qu’il connoiffoit parfaitement ) d’inftrumenter pour lui dans Moulins & au déhors.
Contre la troifîeme n u llité on répondroit cjue l ’origi
nal de l ’afte d’offres, ainfi que la fécondé copie qui en fut
donnée à l’A p p el la nt , enfemble l’original & la copie du
procès verbal de confignation , tout cela portant cent vingt,
n e u f louis d’or ( ce qui rend les offres intégrales & fuffîfantes ) fait croire avec affez de fondement que l’exprefiion de cent vingt-huit louis d 'o r , qu’on veut que porte
feulement la premiere copie de cet a£te d’offres , feroit le
fruit de l’erreur ou de quelque hazard qui feroit que le
mot huit , formant ici toute la difficulté , fe trouveroit
dans la copie en queffion à l’endroit où dans tous les au
tres exemplaires du même a£te fe lit le mot neuf. O n fortifieroit cette idée par la circonftance que le mot h u it dans
cette même copie en queftion ne paroit pas auffi net en
lui-même ni dans fes entours que tous les autres mots ;
que la lettre h , qui commence ce mot huit peut aifément
rem ))acer la lettre n , qui eft la premiere du mot n e u f; que
la diphtongue «¿, qui fuit dans le mot huit reffemble affez
dans toute écriture à la main à la diphtongue eu, qui fuit
auffi dans le mot n e u f -, & qu’enfin grattez un peu fur un
papier quelconque le jambage inférieur de la lettre / \ q u i
termine le mot n eu f, & vous trouvez à peu près la lettre
r , par laquelle finit le mot huit. Et de ces différentes obfervations on inféreroit avec raifon que la diffemblance d’entre
l’original & la copie des o ff re s , relativement au mot conten
tieux, n’opére pas une nullité dans les offres. Enfin on infifteroit d’autant plus à foutenirque, malgré l’accident arrivéà la
copie dont il s’a g i t , les offres dans le principe étoient fufïifantes fur la copie comme fur l’o r i g i n a l , & contenoienr i 29
lo u isd ’or & n o n p a s f e u l e m e n t 1 28; q u e d ’uncôté le réfulrat
ou produit du nombre des louis d’or of fe rt s, tel que ce réfui-
�21
7
fat eft écrit clans la copie même dont il s’agit, eft de la fomme
de 3 0 9 6 livres , ce qui n’atiroit pu être , s’il n’a voit été
offert & compté que 1 28 louis lefquels produifent feule
ment 3072 liv. & que d’un autre côté s’il y a v o i t e u u n déficit
d ’un louis d’or dans les offres, M e . Piron, Procureur de l’Ap»
p e l la n t, e n préfence duquel ( & de fon C l e r c ) les eipeces
furent c o m p t é e s , M e . Piron q u i , tant dans l’original que
dans la copie de l ’ ad e d’o ff re s , figna & fon refus de les
accepter & les motifs de ce refus ; M e . Piron , difonsn o u s , auroit alors donné pour un de ces motifs de refus
l’infuffifance des offres , ce q u ’il ne fit cependant pas : fe
contentant de dire à cet égard que l’appel qu’avoit interjetté le fieur du B o u y s avant l’heure & la minute des
offres, auroit dû empêcher les Huiffiers de paffer outre ,
& que le fieur du B o u y s , qui étoit abf ent , n’ avoit donné
aucun ordre à l u i , M e . Piron , de recevoir.
Enfin f u r la derniere n u llité on oppoferoit que ce n’en
feroit pas une de faire une confignation avant l’expira
tion du délai accordé pour la faire ; que tous les inftants
de la durée d’un délai font utiles ; qu’il n’y a point de
manquement à prévenir l’inftant fatal de l’expiration du
délai ; qu’il n’y en auroit qu’à laiffer paffer cet inftant ; que
d’ailleurs la coutume de Bourbonnois ne dit nulle part que
la confignation ne fera faite que vingt-quatre heures après
lesoffresi que les Commentateurs de cette coutume lur l art.
428 enfeignent au contraire qu’il faut configner immédia
tement après que les offres font faite s, & du moins dans
les vingt-quatre heures du retrait adj ugé , conformément
à l’article 1 36 de la coutume de Paris ; & qu’enfin dans 24
heures, n’eftpas \z m êm ezho fe qu'après
heures \
z\i
contraire fi ce qui doit être fait dans les 24 heures n’étoit
fait qu'après, c’eft alors qu’il y auroit nullité.
Mais tout ceci n’eft que de f u r c r o i t , par forme d’obfervation , & pour défendre à toutes fins. C a r dans le fond ,
la C o u r n’a ici à prononcer que fur le bien ou le mal-ju
gé Je la Sentence ; & les offres ni la confignation ne font
point de la Sentence. D ’un autre côté l’appel du fieur du
�3J1
B o u y s étant antérieur à l’a£le d’offres', comme cela eft:
confiant par les réponfes de M e . Piron dans ce dernier
afte même & comme d’ailleurs la date & le contrôle de
l’afte d’appel en font f o i , les retrayants pou voi en t fe difpenfer de faire ni offres ni coniîgnation ; conféquemment
ce f o n t , d a n s l’e fp ec e, des a&es fuperilus, de furérogation
& q u i , par la raifon qu’ils n’étoient pas néceffaires, auroient
pu être impunément nuls , & peuvent être recommencés
après l’Arrêt,
N o u s difons d’abord que la C o u r n’a ici à prononcer
[ue fur la S e n t e n c e , & non fur les procédures qui ont
uivi pour parvenir à fon exécution ; & c’eil un principe.
T o u t jugement déféré au Tribunal Supérieur y doit être
examiné , difcuté & jugé in fia tu quo , au moment où il
a été rendu. Les procédures qu’on pourroit avoir faites
p ou r l’exécuter forment une Claffe à part. C e font des
procédures hors le ju g e m e n t, lefquelles n’ayant jamais
paffé fous les y e u x du premier J u g e , ne peuvent pas être
portées re3à au Tri bu na l du Juge S u p ér ie u r; ce dernier
n’ayant à décider que s’il a été bien ju g é , & non s’il a été
bien exécuté. C e qui eft d’autant plus vrai i c i , que l’appel
du fieur du B o u y s , q ui a faifi la C o u r , ne frappe point
fur les procédures dont il s’agit en cet endroit.
N o u s difons en fécond lieu que l’appel d’une Sentence
adjudicative de retrait étant fu fp e n fîf, les procédures que
l ’on fait enfuite ne font pas néceffaires , parce que le d é
lai pour les faire ne court pas pendant que fubfifte l’inftance d ’appel. Et nous en avons pour garants,entr’autres A u
teurs , A u ro u x des Pommiers fur le même article 428
de notre C o u tu m e de Bourbonnois , n°. 3 a , & DupJcflis,
fur la C o u tu m e de Paris , traité du retrait lignager ,
chap. 2 , §. 2.
N o u s difons en ;troifieme l i eu, que des nullités qui ne
fe trouveroient que dans des afles non néceffaires, ne font
pas à confidérer , ne vicient point le reite de la procédure ,
& peuvent en conféquence être réparées. Et c’tft encore la
do&rine d’A u r o u x , loco citato\ n°. z i . C ’eft celle de
Î
�24
B r o d e a u , fur M . L o u e t , lettre R , n*. 5 2 , & du même
Brodeau ainfi que de F er ri er e , en leurs Commentaires
fur l’article 140 de la C o u tu m e de Paris. „ Q u a n d le re* trayant (d if ent ces Auteurs ) fait des offres défectueufes
» en un acte où elles ne font pas néceff aires, cela n’em
>, porte pas nullité ni d é c h é a n c e , quoiqu i l femble q u 'a yant
» cru être obligé de fa ir e ces offres , i l les a it dû fa ir e
» régulières. D e forte que les offres imparfaites , en un
» acte où elles font inutiles & non néceff aires, font re„ jettées comme fuperflues , fans qu’elles puiffent nuire ni
>, préjudicier à celui qui les a faites. »
E n f i n , on peut dire q u e toutes ces maximes o n t é t é confacrées par la C o u r elle-même, dans l’affaire du retrait des fieur
& d a m e Baudot contre le fieur Mei lhe urat, jugée par Arrêt
du 17 Mars dernier. L e fieur Meilheurat étoit dans cette
affaire ce qu’eft ici le fieur du B o u y s . Il attaquoit de mal
jug é une Sentencé' émanée auffi de la Sénéchauffee de
M o u l i n s , dont il étoit appellant; & il arguoit de nullité
des offres que les fieur & dame Baudot avoient faites
en exécution de cette Sentence. Les fieur & dame Bau
dot o p p o f o ie n t , comme font ici les Inti m és, que leurs of
fres étant furabondantes, à c a u f e de leur p o ftériorité à l’ap
pel de leur A d v e rf a i re , les irrégularités qui pouvoient fe ren
contrer dans ces offres étoient indifférentes; & qu’ils
étoient à même de les refaire après l’Arrêt. O r la C o u r
l’a jugé a in f i , puifque par l’ Arrêt fufdaté , elle a mis
l’appellation du fieur Meilheurat au n é a n t , & l’a condamné
notamment aux! dépens de fes demandes. Pour roi t- elle donc
aujourd’hui changer fa Jurifprudence ? c’eft ce que l’on ne
croit pas devo ir redouter. S ig n é , P U Y D E M U S S I E U .
Me. R E C O L E N E , Avocat,
D
A
a r
t
i s , Proc.
C L E R M O N T - F E R R A N D ,
D e l’ imprimerie de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur des Domaines
du R o i , R ue S. G en ès , près l ’ancien M arché au B led. 1774.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Préveraud de Laubépierre, Guillelmine. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Récolène
Dartis
Subject
The topic of the resource
retrait lignager
monnaies
coutume du Bourbonnais
cautions
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié pour dame Guillelmine Préveraud de Laubépierre, et Messire Louis Puy de Mussieux, Ecuyer, son mari, Intimés. Contre Maître Claude du Bouys, Avocat en Parlement, Receveur des consignations du Bourbonnais, Appellants.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1773-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0315
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0314
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52923/BCU_Factums_G0315.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ygrande (03320)
Theneuille (03282)
Moulins (03190)
Plaix (Seigneurie du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cautions
coutume du Bourbonnais
monnaies
retrait lignager
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53886/BCU_Factums_M0626.pdf
323a09604271e8b9759fedacd825d3d2
PDF Text
Text
C
O
P
I
E
D’U N E P R E M I È R E
CONSULTATION
POUR
Le sieur B E L L A V O I N E , appelant;
C O N T R E
L e sieur R O C H E F O R T - D ’ A I L L Y intimé.
L e
C O N SE IL S O U S SIG N É qui a pris lecture d’une requête
présentée au conseil du roi par les habitans et com m unauté du
territoire de la Font-Saint-M agera n d , dépendant de la paroisse
de B ro u t, généralité de M oulins, à ce qu’il le ur soit permis de
diviser et partager entr’e u x , au prorata de leurs propriétés par
ticu lières, deux cantons de com m unaux dépendans de leur ter
ritoire et c o lle c te , l’un appelé le Bois-D ieu ou les Brosses, et
l ’autre le bois S ervo iro n , à l’effet par eu x de défricher lesdits
terrain s, chacun pour la portion qui leur en aura été assignée ;
de trois délibérations de la com m unauté , des 23 , 3o mai et
1er. août 1 7 7 9 , jointes à ladite requête ; de deux procès v e r b a u x
du lieutenant de la maîtrise de M ontm arault, en vertu de la
commission du grand-m aitre au département du Bourbonnais ,
en d a te, l’un du 20 septem bre 1780, et jours suivans, et l’autre
du 2 mars 1781, et jours su ivan s, à l’effet de constater l’état de
A
COUR
D ’A P P E L
DE RIOM.
ir e . CH A M B R S-
�ces b o is , et les droits et prétentions tant desdits liabitans que
du seigneur de la Fônt-Saint'M ageiaud ainsi que le nombre
desdits liabitans, d e 'le u rs feu x et b e stia u x; lesquels procès
verbaux ont dû être remis audit sieur grand-maître des eaux et
forêts au départem ent de B o u rb o n n a is .e t par lui envoyés au
c o n se il avec son a vis, pour être ensuite ordonné par sa m ajesté,
sur la susdite re q u ête , ce qu’il appartiendroit ; de différentes
pièces qui viennent à l’appui de la prétention de propriété desdits
liabitans , et notamment d’une copie informe et par e x tra it,
d’a v e u x , terriers et autres titres de la terre de la Font SaintM agerand, à com m encer par un aveu de ladite terre, du 2 no
vem bre 1411 ; d’une copie collationnée d’un autre aveu de la
m êm e te rre, du 24 juillet 1G74; d’une expédition d’ un bail à
cens d’un bois appelé de la F ouilh ouse, fait par le seigneur de
la Font-Saint-M agerand, le 8 juillet 1C21 ; et enfin de différens
renseignemens Consulté sur la prétention de propriété desdits bois appelés
le Bois-Dieu ou les B rosses, et le bois Servoiron, élevée par le
sieur Gilbert-ÏIenri M aréchal, ch eva lier, seigneur, baron de la
F on t-Sain t-M ageran d , au procès verbal tenu par le lieutenant
de la maîtrise de M ontm arault, le 2 mars. 1781 , et jours suivans,
que cette prétention du seigneur de la Font-Saint-,^
Magerand n’est point fo n d é e , et que les liabitans sont incon
testablem ent propriétaires des bois et com m unaux dont il s’agit.
A ne considérer que la possession des liabitans, il serait trèsdifficile au seigneur de leur contester leur p ro p riété, parce
qu’elle a les caractères de la propriété , et qu’elle parolt assez:
ancienne pour leur avoir acquis prescription.
\l;
E stim e
L e bois des B ro sses, de la contenance d ’environ trois cents
a rp e n s, selon le procès verbal du lieutenant de la maîtrise dé
M o n t m a r a u l t , du 20 septem bre 1780, n’est point un terrain;
inculte et vague , propre seulem ent au yain pâturage des bes
tiaux ; il est couvert de b o is , et par l’énoncé des titre s , i t
�C 3 )
Fa été dans tous les temps. L e lieutenant de la m aîtrise dit
dans son procès verbal qu’après avoir contourné ledit bois ,
l’avoir routé , traversé et exam iné dans le plus grand d é ta il,
il a remarqué que toute la superficie se trouve bien couverte
en recrues essence de chêne , à l’exception de quelques trèspetites.parties mouillées qui sont m êlées de bois blanc.
S i les liabilans n avoient fait qu’envoyer leurs bestiaux au
pâturage , dans un terrain ainsi couvert de bois , e t que le
seigneur de Saint-M agerand eût joui des b o is, q u ’il les eut
exploités, coupés et vendus, ou autrem ent administrés comme
sa chose propre et son dom aine, il n ’y auroit pas de d iffic u lté
que cette simple jouissance du pâturage n ’eût pu acquérir par
quelque temps que ce f û t , la propriété d u terrain et du bois
aux habitans.
»
.
Mais dans le fait , la jouissance des habitans n ’a point été
bornée au pâturage ; elle s’est étendue constamment aux bois
mêmes qui couvroient le terrain : il ne paroît point que le
seigneur ait jamais exploité et administré ces bois com m e lui
appartenans, et qu’il ait em péché la jouissance des habitans.
Il est vrai que cette jouissance n ’a pas été bien ordonnée et
administrée ; que les bois n’ont point été aménagés comme
ils devoient l’ê tre , au désir de l’ordonnance de 1669 pour les
bois des com m unautés; qu’enfin cette jouissance a co n sisté,
de la part des habitans , à faire une m ultitude de coupes sans
m esure, par triage et par jardinage, ainsi qu’il est énoncé au
procès verbal du 20 septem bre 1780.
Mais il ne reste pas moins pour constant qu’ eux seuls ont
usé et abusé de ces b o is, qu’eux seuls en ont joui , que le
seigneur ne les en a point em pêchés , et qu’il n ’y a rien pré
tendu.
O r , "une jouissance ipareille<est évidem m ent la jo uissan ce de
la propriété m êm e ; et lorsqu’elle est im m ém oriale, elle devient
un titre de propriété très-respectable.
- 1 >
H ÿ .a plus de difficultés p o u r le terrain appelé S e rv o iro n ,
A
2
�4
C
) #
parce q u e , malgré cette dénom ination, il ne se trouve point
de bois sur ce terrain absolum ent inculte et propre seulement
au vain pâturage : il est bien certain que quoique le vain pâ
turage emporte avec lui toute l’utilité d’un terrain pareil , et
que le seigneur ou propriétaire ne paroisse pas en jo u ir, parce
qu’il n’en retire aucune utilité particulière-et privée, cependant
c e vain pâturage n’est et ne peut être par lui-m êm e a ttrib u tif,
par quelque temps que ce soit , de la propriété du terrain ,
parce qu’il n’annonce point la propriété , parce qu’il est ou
peut être l’effet de la culture et de l’inculture du terrain, parce
qu'enfin il ne contrarie point les droits du propriétaire, com m e
la coupe d’un b o is, la récolte d’un cham p, etc. Ainsi le pâtux’age des bestiaux des liabitans sur le terrain de Servoiron , ne
leur donneroit aucun d ro it, quoi.que ce terrain ne soit plus en
bois ; et s’ils avoient à invoquer leur possession de ce terrain
pour en réclam er la prop riété, ce ne pourroit être qu’en arti
culant et prouvant qu’il étoit autrefois en bois ; qu'alors eus
seuls jouissoient de ces bois , et qu’ils en ont joui tellem ent
qu’ils l’ont enfin épuisé ; que le seigneur ne les en a point em
pêchés ; que loin de là , il leur en a laissé arracher jusques à
la dernière souche , ce qui dans le vrai paroit être arrivé.
Mais les liabitans ne sont point réduits à invoquer la sim ple
possession, tant pour ce bois ou terrain de Servoiron que pour
le bois des Brosses ; ils ont en leur faveur des titres qui éta
blissent ou constatent leur propriété , et qui sont d’autant plus
décisifs vis-à-vis des seignenrs de la Font-Saint-Magerand, qu’ils
sont émanés de ces seigneurs même.
L e soussigné a sous les ye u x une copie collationnée authen
tique d’un aveu et dénombrement reçu en la chambre du do
maine de Bourbonnais, le 24 juillet 16 7 4 , et fourni au roi par
G i l b e r t de Capony, chevalier, seigneur, baron de là Font-Saint; dans lequel aveu ce seig n eu r, après avoir donné
la circonscription générale de sa te rre , et déclaré différens droits
M agerand
de dime et a u tre s, et quelques domaines,, d é clare , spécifie et
�( 5 )
confronte avec détail tous les bois qui lui appartiennent dans
l’étendue de sa te r r e , sans y com prendre les bois D ieu ou des
Brosses et de Servoiron ; ce qui est une reconnoissance négative
mais très-formelle que ces bois ne lu i appartenoient pas, selon
la maxime : Inclusio unius cxclu sio a lién a s. Les bois énoncés
par le seigneur , com m e son d o m a in e, dans le dénombrement
dont il s’agit, sont celui de B ost, de huit septerées; le bois des
T ille ts , de cinquante septerées ; le bois Pougetan , de quatrevingts septerées; le bois de G ra ve ray , de trente septerées ; le
bois des Sapins , de sept septerées ; le bois des P r é a u x , d’une
septerée ; et le bois des C o rb s , de sept septerées. Ce sont les
seuls bois qui aux termes du dénombrement appartiennent au
seigneur : et l’on ne peut pas dire que c ’est par oubli ou par
confusion de nom que le seigneur n ’a pas compris le bois D ieu
ou des Brosses, et le bois de Servoiron, car ces bois sont énoncés
sous cette d é n o m i n a t i o n d a n s u n e q u a n t i t é d ’e n d r o i t s d u m ême
d é n o m b r e m e n t ; m a i s il n’en e s t parlé q u e c o m m e des confins,
et ils sont expressément désignés com m e bois communs. « Plus,
cc lit-on dans un en d ro it, un autre petit étang appelé les R is s ,
« a tenir un cent de nourrains', joignant les bois communs de
« ladite F o n t, appelés B o is - D ie u , d’orient, etc. Pluü , li t - 011
« ailleurs , une autre terre appelée le cham p de Tirelouse ,
« contenant trois septerées ou environ, joignant le bois commun
cc appelé le B o is-D ie u . Ailleurs : plu s, une terre au terroir des
cc B rosses, contenant deux septerées ou environ , d’orient, etc. ;
cc dé nuit et de bise , le bois commun appelé les Brosses. Ailleurs
encore : plus , est du au seigneur trois quarterons seigle ,
cc mesure de S ain t-P ourçain , par la dame de B aym ont, suivant
tc sa reconnoissance , à cause d’une pièce de terre tenant le
cc bois D ie u appelé les Brosses. D ans un autre endroit : plus,
« est dû a u d i t S e i g n e u r de la F o n t, quatre q u a r t e r o n s seigle
cc et (leux g e lin es, par dame G ilbert de Baymont et M e. Pierre
cc Goltfiiard
curé de B r o iit, suivant leur reconn oissance, à
cc cause de la m oitié du bois revenant appelé la -Fouillouse',
cc
A
3
�( 6 )
« contenant, e tc ., jo ig n a n t le bois com m un appela S cryotron,
« de b is e , etc........ »
L e seigneur de la Font-Saint-M agerand , auteur du dénom
brem ent qui contient ces énonciations, connoissoit et distinguoit
donc lui-m êm e des bois par lui déclarés com m e son dom aine,
c e u x appelés le Bois-ÏDieu ou des B ro d e s, et le bois Servoiron?
il r e c on n o issoit donc lui-m êm e que ces derniers ne lui appartenoient p a s, que c étoient des bois com m uns, c ’e st-à -d ire ,
appartenans à la com m unauté des Kabitans ?
Un terrier de la seigneurie, à la date du 16 mai i
, énonce
de m êm e le bois des Brosses , com m e bois com m un : « P lu s ,
v y est-il d it, une terre-au terroir des Brosses, contenant deux
« septerées ou environ, joignant d’orient le chem in de la Font
(c à Saint-Pont ; de midi , le bois du seig neur, à cause des
« Brosses ; de nuit et bise , les bois communs appelés les
655
k Brosses. )>
L e bail à cens d’ un ténem ent de bois appelé le bois de la
Fouilhouse , fait par un seigneur de la Font-Saint-M agerand ,
le 8 ju illet 1626, et dont il a été remis une expédition sous le&
yeux du soussigné, énonce aussi le bois Servoiron com m e bois
com m un : « C ’est à savoir, y est-il d it, un ténem ent de bois
« appelé , etc. , tenant le bois com m un appelé Servoiron ,
« d’orient. »
Ces titres émanés des seigneurs de Saint-M agerand , joints à
la possession effective et im m ém oriale des liabitans sur le BoisD ieu ou des B rosses, et sur le bois ou terrain de S e rvo iro n ,
rendent sans contredit la propriété des h a b itan s, de ces- bois'
et terrains, constante et inattaquable.
L e sieur M a ré c h a l, seigneur actuel de la Font-Saint-M age
rand , a cependant réclam é et réclam e encore cette propriété,
et il a excipé pour cela de differens titres analisés dans le procès
verbal du 2 mars 1781 ; mais aucun de ces titres ne peut détruire
ceu x qui viennent d’être expliqués, ni la possession des habitans
qui s’y joint.
�7
C
)
i°. L e droit de blairie, énoncé dans le terrier de 1019 com m e
appartenant au seigneur de Saint-Magerand, et dû par les liabitans, loin de prouver que les bois en question appartiennent au
seig n eu r, prouveroit au contraire qu’il les a aliénés m oyennant
cette red evan ce, et qu’ils appartiennent aux habitans ; m a is,
dans le vrai , ce droit paroît plutôt relatif au vain pâturage
général sur le territo ire, et il 11e fait rien à la question de pro
priété des bois dont il s’agit.
L ’usurpation de deux septérées sur le bois des Brosses, énoncée
au m êm e terrier com m e approuvée par le seigneur moyennant
un cens d’une coupe de se ig le , ne fait que constater cette usur
pation, mémo sans tirer à conséquence pour le surplus du bois,
qui est toujours resté com m un. L ’ancienneté de cette entreprise
sur les bois communs , rendroit'difficile l’action en délaissement
que la com m unauté pourroit'exercer ; mais la com m unauté est
toujours dans le cas de dire q u e si o n lui a p r i s u n e partie de
ses bois, le s u r p l u s lui est resté, et d’opposer la maxime : Tantum
prœscriptum quantum possessum.
.)
!
53
20. L e terrier de i i , opposé pour le même droit de blairie
et les d eux septerées prises sur le bois des Brosses , reçoit les
m êm es réponses.
;
°. D e m êm e du contrat d’éch an ge, du u avril 1672, en c e
qu’il énonce le droit de blairie.
4°. D e m êm e du terrier de 1578.
°. D e même du contrat d’acquisition, du 21 juillet 1682.
6°. Le dénombrement de-160g, en ce q u ’il énonce des droits
de blairie, charrois>, manœuvres, guets et autres droits seigneu
riau x, n’est pas plus favorable au seigneur; et s’il étoit rapporté
en e n tie r, il ne lui seroit vraisemblablement pas moins contraire
que celui de 1674;» ci-dessus analisé. On d o it y trouver, comme
dans c e lu i- c i, le bois D ieu ou des ¡Bro'sses , et de Servoiron,
com m e bots communs.
fr-- . -¡l4> .
*
7°;i L a sentence de i
i , et les au très, ¡rendues à la suite en,
1608, 16 4 1, 1672 et 1678, ne font qu’établir le droit de b la irler
et non la propriété réclam ée par le seigneur.
3
5
65
�8°. L e terrier de i
( 8 )
les mêmes réponses que ceu x
655 reçoit
ci-dessus.
n 90. L e bail à cens , du 8 mai 1715 , n’annonceroit qu’upc
nouvelle usurpation, susceptible des m êm es réponses que celle
de -deux septerées ci dessus ; mais on ne voit pas m êm e dans ce
bail que les six quartelées accusées soient prises sur le bois des
•Brosses.
•
*
io°. L e dénombrement du i er. .décem bre 1675 , fourni par
G ilb e rt,d e Capony., n ’est opposé que pour le droit de blalrie,
e t le droit de blairie n’em porte point au profit du seigneur la
propriété des bois en question.
, 1 1 0. , 120. , i °. Les écritures et les sentences extraites sous
ces numéros ne sont d’aucune con séqu en ce, par la m é m e raison
qu’elles ne sont relatives qu’au droit de blairie.
14°. O n doit écarter de m êm e la transaction du 22 février 1765,
dont le fond n’est encore relatif qu’au droit de blairie. Q uant
aux énonciations accessoirem ent faites dans cette transaction,
de la propriété des bois dont il s’a g it, prétendue appartenante
, au seigneur de la Font-Saint-Magerand , et aux dispositions pour
l'aménagem ent de ces bois , relatif au pacage et p atu rag e, ces
énonciations et dispositions peuvent d’autant moins être opposées
aujourd’hui à la com m unauté , q u e , d’un c ô té , il n étoit point
question , dans les contestations terminées par cet a c t e , qup
cette prétendue propriété appartenoit réellem ent au rseig n eu r,
dès qu’iils étoient conservés dans le droit de pâturage de leurs
bestiaux, moyennant la redevance de blairie:qui avoitrfait l’objet
des contestations, e t , d’un autre côté , que cette transaction n’a
point été passée avec la communauté , mais seulement avec
quelques particuliers qui étoient à la dévotion ou à la discrétion
du.seigneur. Il n ’étoit point au pouvoir de ces particuliers de
iraiter ou transiger.sur les biens com m unaux du corps des habita n s, ou de souifrir aucunes énonciations \ou dispositions con
3
traires aux droits de la communauté. Pour que la transaction
dont il s’agit pût être opposée à cette .com m unauté , il faudroit
�qu’elle eût été passée avec elle ou avec ses légitimes représentan s, après une délibération égalem ent arrêtée par la com m u
nauté , et que le tout eût été suivi d’ une homologation en ju stice ;
à défaut de c e , ni la transaction passée avec un petit nom bre
de particuliers seu lem en t, ni les actes d’adhésion souscrits par
quelques autres particuliers, et extraits au procès verbal à la
suite des autres pièces auxquelles on vient de répondre, ne
peuvent servir de titre contre la com m unauté; elle en peut de
mander la n u llité , au moins à l’égard des énonciations de pro
priété et des dispositions des bois dont il s’agit, et à être main
tenue dans sa propriété de ces b o is , ou des terrains qui les
représenten t, conform ém ent à sa possession im m ém oriale, et
aux propres titres du seigneur, ci-dessus analisés.
D é lib é r é à P a ris, le 26 décem bre 1782, par les soussignés,
avocats au parlement et au conseil du roi. Signe Robin et Cochu
Pour copie : signé C O C H U .
A R I O M , de l’im prim erie de
T h ib a u d - L a n d r io t ,
de la Cour d’ appel. — Mars 1809.
imprimeur
�
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Factums Marie
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Bellavoine, Claude. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Robin
Cochu
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
droit de blairie
terriers
contentieux post-révolutionnaires
Description
An account of the resource
Copie d'une première consultation pour le sieur Bellavoine, appelant ; contre le sieur Rochefort-d'Ailly, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1779-1809
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
9 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0626
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0627
BCU_Factums_M0628
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Broût-Vernet (03043)
Moulins (03190)
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droit de blairie
pacage
terriers
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MEMOIRE
C O U R iA R O Y A L E
DE
R IOM.
EN RÉPONSE
1er C H A M B R E .
POUR
P R É C E P T E U R , INTIMÉ ;
CONTRE
et L o u i s - E t i e n n e G U E S T O N , Pro
priétaires; F r a n ç o i s e G U E S T O N et J e a n
C A U S S E , son mari, Docteur en médecine;
Appelants d’un jugement rendu par le Tri
bunal de Moulins, le 28 avril 1836.
G ilb ert
t ¡ t tfi
L
es héritiers légitimes du sieur Gueston , en s’adressant à la publi
cité, ont plutôt consulté leurs intérêts matériels, dont la conserva
tion les a toujours vivement préoccupés, que les devoirs de la piété
filiale , dont l'accomplissement était pour eux sans bénéfice. Dans le
but d ’expliquer en leur faveur les actes et les faits de la contestation
qu’ ils ont so u le vé e , ils n’ont pas craint d ’outrager la mémoire de
leur p è r e , en imprimant que la seule présence de ses enfants lui
�faisait ombrage, et q u ’il allait jusqu’à les menacer de faire disparaître
sa fortune, en le représentant comme un liomme faib le, livré à la
domination d ’une femme entièrement illétrée, et dupe des plus gros
sières mystifications. Son fds naturel accepte comme une portion
précieuse de son héritage le soin de venger sa mémoire. Il lui suffira
d ’exposer fidèlement la conduite que son père a tenue, pour le jus
tifier des reproches immérités qui lui ont été adressés, et faire res
sortir l’ingratitude de ceux q u i, après avoir partagé pendant sa vie
son riche patrim oine, ne craignent pas de Taccuser après sa mort.
Dans ces débats, qu ’il est obligé de soutenir seul contre des adver
saires opulents, sans autre appui que la bonté de sa cause, sans autre
ressource que le produit de son travail de tous les jours, il aura du
moins la consolation, en défendant ses d ro its, de remplir un pieux
devoir, et de seconder les bienveillantes intentions de son père.
Déjà le tribunal de Moulins, dont la Cour a souvent eu l’occasion
d ’apprécier les décisions empreintes de sagesse , lui a rendu justice.
Il a répudié la responsabilité q u ’on voulait lui faire encourir, en l’as
sociant à des actes dont il n’avait pu juger la portée sans débats con
tradictoires ; il n’a pas voulu q u ’arrachés à la faiblesse d ’une tutrice,
ces actes devinssent pour un mineur une'cause de dommage et de
ruine, et il l’a réintégré dans la plénitude de ses droits. Bientôt, il
l’espère , la Cour partagera les mêmes convictions , et ratifiera, après
un examen consciencieux , cette œuvre d e sagesse et de réparation.
FAITS.
Le sieur François Gucston a contracté mariage avec mademoiselle
' >
•
lîarathon-Desgranges le i juin 1790. Cette union fut de courte du
4
rée. : madame Gucston mourut en 1 7 9 7 , laissant trois enfants en
bas âge. Par son testament, en date du 21 mars 1797 , elle avait lé
gué à son mari l’usufruit de tous ses biens. Devenu veuf dans la force
de lago ,llíe sieur Gucston q u i , dans l’intérêt de scs enfants, n’avait
pas voulu contracter un second mariage, ne put cependant vivre
�dons l’isolement où l ’avait placé la perte prématurée de'sonl épouse.
H jeta les yeux suri une jeune fille de dix-neuf ans, qui était, à son
service, é t q u i ,. simple et naïve,-ne sut'résister. à lia «séduction d ’un
homme qui'avait sur-elle l’avantage de l’éducation et l’ajitorité d ’un
maître-, Marie Brun et, dans sa nouvelle position
se dévoua entière-
mentià la personne ;du sietlr Gueston ; l'attachement q u ’elle lui por
tait ;rejaillit‘sur. saijeune fam ille, dont elle soigna l’enfance avec une
tendrosse;touf;e maternelle;;D’un désintéressement à toute épreuve\
jamais, elleune, songea à tireraprofit de l'affection et de la confiance
que luv témoignait sopi maître. Pari son active surveillance’ , par soii
économie soutenue, elle contribua puissamment à l ’amélioration no
table que le sieur Gueston apporta à: sa fortune. Depuis la mort de
sa fe m m e , il avait *(! en ‘ éfiet'J »acqu is, des .propriétés considérable«;,
dont il avait ientièremerii payé1Le prixv> malgré les dépenses occa
sionnées par l ’éducation de sesjeiifantsyjeti les sacrifices qu.’iî était
obligé de faire pour les exempter.du service militaire. L e remplace
ment de' l’un d ’eux ,i notamment, s’était élevé à la somme de dix
mille franc?,! poiir laquelle il avait souscrit uneiobligatio.O:en faveur
de .lean Alibert.ùCett«: sage administration^ loin d'imposer à ses «fin
fants la recodnaissanccjqu’elle devait leur inspirer^ jne fit :qu’exciter
leur cupidités L e sieur ¡G ueston, domicilié en jB ourboun ais, avait
adopté le régime et les usages consacrés dans cette!province. A d é i
faut d’inventaire, la communauté avait continué de Subsister après
le décès dolson épouse ; ! et toutes les; acquisitions' qü’il avait faites,?
appartonaientipour moitié à ses enfants.) Impatient d !çn;profiterV.>le
sieur Gilbert Gueston , son fibtaîné, à peine parvenu,àisa majorité ,
lit brusquement apposer les scellés dans le domicile.de sOn.pèreJ et
un inventaire fut dressé’, les 28 et 29 avril
i
8i 3 ,
par le notaire Bou-
caumont. Cet inventaire constate que les seules valeurs mobilières
dépendant de la commnnaulé s'élèvent a lla som m e;de 60,000 fr.
Malgré le chagrin qu un procédé aussi violentjdùtucauser a)i sieur
Gueston, il ne contesta.pas lés droits rigoureux de son fils; i^fit
plus , il se montra à son égard généreux et bienveillant : un partage
�\.
-
X-
de tous les biens composant la communauté fut p assé , le
5
3o
avril
18 1 , entre le sieur Gueston p ère , son fils aîné m ajeur, et le cura
teur à l’émancipation du sieur Louis-Etienne Gueston.et de la demoi
selle Française Gueston, encore dans les Hens.de la minorité. On
procéda d ’abord au partage du mobilier, estimé 60,000 francs.'Il fut
convenu q u e , sur cette valeur, le sieur*Gueston père se retiendrait
dix mille francs pour solder le prix du remplacement: encore dû à
Jean Alibert. Les reprises du.'sieur Gueston p ère, soit pour les som
mes q u ’il avait recueillies dans plusieurs s u c c e s s io n s s o it pour les
dettes q u ’il avait payées dans l’intérêt de son épouse , furent réglées
à 55,891 fr. , qu ’il fut également autorisé à prélever sur les valeurs
mobilières. La portion revenant aux enfants’, soit pour les prélève
ments q u ’ils avaient à exercer, soit à titré de communistes, fut fixée
à 1
1,644 fr- 5°
cent. M. Gueston leur délivra immédiatement pour
2,265 fr. de mobilier, et paya comptant à son fils aîné la somme de
3 ,1 2 6 fr.
5o c c n t ., complétant son amendement, et s’engagea à payer
une pareille somme à chacun de ses deux autres enfants, lorsqu’ils
seraient arrivés à leur majorité. On procéda ensuite au partage des
immeubles acquis pendant la communauté. Deux lots égaux furent
form és, et attribués, par la voie du sort, l’un aux enfants, l’autre
au sieur Gueston père. Celui échu aux enfants se composait de la
5
propriété des Salles, garnie de son cheptel estimé 6,002 fr.T o c. ;
celui échu au sieur Gueston père comprenait : i* le domaine des
Veaux ; 2* celui de Loulaigue ;
mêm e-nom ;
46 ta locatcrie de
3®celui
de la Faye et la locatcrie du
Loulaigue;
5° les bestiaux
attachés ;»
l’exploitation de ces diverses propriétés.
Enfin, M. Gueston ren on ça , en faveur de ses enfants, à la jouis
sance des biens de son é p o u se , qui lui avait été assurée par le tes
tament de cette dernière.
>
:i;
■
Gct acte nous donne des renseignements précieux sur la cousislance do la fortune personnelle du sieur Gueston. Nous y trouvons
la preuve que les seules valeurs mobilières dépendant de la commu
nauté s’élevaient à 60,000 l r . , et qn’ù l'exception de 1 i,6/j4 francs
�5o cent,
—5—
reconnus appartenir à ses enfants, tout le surplus avait'été
retenu par le père comme étant sa propriété exclusive. Nous'y trou
vons aussi un indice qui peutrservir à apprécier la valeur corrélative
des immeublesisoùmis au partage ; et dont l’exploitation rd !un seul
domaine nécessitait pour plus de 6,060 fr. de bestiaux. Nous'terrons
plusitard l'estimation q u ’en ont faite les héritiers Güeston .’’ Idrsqn’ils
ont voulu liquider les droits de leur frère naturel.
1,1
Cette, conduite loyale et généreuse du sieur Gueston était de na
ture à satisfaire lesiexigences de ses enfants; e lle >ne fit que donner
plus d ’aclivité à leur ambition, ils exploitèrent habilement'une oc
casion favorable qui se.présenta dans la famille. Marie B ru n et, qui
s’était retirée à Tagnères pendant les opérations que: nécessitèrent
l’apposition des scellés et le partage de la communauté, fut bientôt
rappelée par le sieur G u e sto n , qui l’envoya chercher par la femme
Chavillat, sa locataire. Elle rentra au domicile de son m aître, dont
elle ne s’était pas séparée depuis 1808, au commencement de juin
8 3 , et non dans les
premiers mois de 1 S 1 4 , comme l’ont avancé
les héritiers Gueston dans une intention q u ’il est facile d e compren
dre. Par suite de ses relations avec le sieur Gueston; elle devint en
i
i
4
ceinte. Au mois de juillet 18 1 » celui-ci la fit conduire à M oulins,
chez les dames B o r d e t , accoucheuses, o ù , le 18 octobre 1814 , elle
donna le jour à un Gis qui fu t, le lendemain 1 9 , dépoSé à l’hospice
5
de Moulins. L e môme jour 19 octo bre, et non le a , l’enfant fut
présenté à l’officier de l’état civil, et reçut les noms d ’Éléonard Canu.
Il fut baptisé le 20 , dans l’église de Notre-Dame. Une nourrice du
lieu de T ré v o l, indiquée par la m ère, reçut de l'administration cet
enfant q u i , pendant son séjour chez sa nourrice , fut souvent visité
soit par Marie B ru n et, soit par le sieur Gueston lui-même , dont la
paternité n était un mystère pour personne. L e 11 janvier i
8i5 ,
Marie B ru n et, qui était sur le point de contracter mariage avec un
nomme Gilbert l'ratissier, récemment revenu du service, déclara à
1administration^qu elle
entendait rester chargée de son enfant. Un
acte constatant la r e m is e d ’Éléonard lui fut délivré par la sœur Bartit.
�L attachement.que lersieur Gueston portait à son enfant naturel, et
qui .cependant oe j e t a i t manifesté que par des caresses ou deilégers
présepjt£,faits à*-£a;:npumce> dor(na de,;ripquiétude.à ¡son fils aîné ,
dont prt(a déjà pu apprécier ln cpnduite.iütéressécdà l’égard.de son
pèrp.-II.ejsagéra sesci<aintçs:, et manifesta une défiance que.'lê sieur
Çiiestonlcrut devoir dissiper en faisant-encore de< nouveaux sacrifices
personnels. L e ]
4 ¡janvier 18 i 5
par afcle reçu Boncaiitpont
il icôn-
sgplijí, en*'iayeur-de ses'deux fils majeurs'et de îsatfilleiencôre xninpureij une donation , sous la forme de- vente',: de’ la majeure partie
de, ses biens.rneubleSiiet immeubles. Cette':ventc comprend : i® le
château et la,réserve[de :Sciàuve; 2,".Je domaineidei Sciauve et ses
3
dépendances ; ° le moulin des Y e a u x e t j e s dépendances » consistant
pu jardin, chenevjpres* prés et Ierres;
5° le domaine dçs.y.çaux ; 6° le domaine
4? la locatcrie
d e Bôuchon ;
de la Faye- e t la locaterie y
attenant ;'7°ile domaine d e i o u l a i g u e ; 8®-.tojJs les bestiaux garnissant
lesdils domaines ; ç)° tous, lep .meubles m eublants, à l'exception de
ceux,garnissant;]^chambre habitée par le sieur Gueston j et de quel
ques objets réservés, tçls q u ’ils:ont été.estimés datas l’inventaire des
83
28 et 2 9 ,avril j i ;i io° toutes les récoltes engrangée'siet tous les
grains écossés qui sont daris les .greniers. Vu'.'. ¡
uÀ
. Cettç vente fut consentie à la charge par les acquéreurs de payer :
1» n n f somme de 48,000 fr. au sienr de Boisrcnaud, sur le prix de
la vente qti’ile v a it consentie au sieur Gueston ; 2».collé de lo ,o o o f:
onçoni di\e ail Remplaçant A libert, e t ,’ en outre., ¡Via'charge de serjvir une rente, viagère de
5,-000 fr.
annuellement au sieur Gueston l
<•1 de quelques.prestations en nature;
¡;*ui «
1•
i-
1
8 5 , les (rois enfantsGueston souscri*-
■
Le même joui% il\ janvier i i
virpnt un acte soüs seing .’privé par lequel ils reconnurent devoir à
Marie Brunei une somme de 2 ,o o q frnnfcs pour^el)e;et>son eilfant
naturel , et 'ce par don et par forme de récompense «le ses services*.
Ils s’engagèrent solidairement à la paver au moyen d ’une rente an
5
nuelle et viagère de ôo francs, dorft Mario Brtinct profiterait jusqu’il
('A* rjUc Jiléonard \Cariu, 1son fils naturel", ne le 18 âclnbrc 1 8 1 4 > cl
�qu elle'avait retiréi le 1 1,janvier, auraitiatteinV l ’âge d eh S 'û n s], atrü
quel cas ils s’obligeaient à la payer en totalité audit Éléonard
jusqu’après son décès.- , ?o}os ai h
‘)iliir.ri( î:;jrnr>ri toinqr.i r>-f
En présence d ’un pareil a c t e y l e s héritiers Gueston peuvent-ils
encore balbutier quelques articulations, contre! l ’identité d’Éléônard ')
^Dansce moment où ils triomphaient de leur pfere ¿'où ils obtenaient
l’abandon gratuit de la presque totalité de saifortune, ils n'hésitaient
pas à reconnaître que l’enfant auquel ils promettaient une rente
3
viagère de, oOt iVàiics était l)ien réellement le fils de Marie Brunet ;
e t.c ’est parce q u ’ils.redoutaient lei concours de c e f enfant dans les-aflections et'dans le ¡partage des biens duipère co m m u n , qu ’ils con
voitaient et s’assuraient à l’avance son riche patrimoine.
Peuvent-ils également s’en prévaloir pour insinuer que Marie
Brunet exerçait un empire absolu sur l ’esprit du ^sieiir Gueston ?
Cette femme crédule et confiante allait bientôt qiiitter pour toujours
le domicile de son ancien m aître, et devenir l ’épouse^ d'un autre ;
elle n’avait même plus à cette époque les avantages de la jeunesse.
D ’ailleurs ; elle ne demandait et n’obtenait rien pour elle.1 La faible
pension constituée au profit de son fils, n ’était, de la part des en
fants G u eston , que l’acquittement d ’une dette légitime et sacrée ; et
cependant cetteprom esse si sainte, que l’h onueur, à défaut de lien ,
aurait;du laire respecter, n’a été de leur part q u ’une promesse trom
peuse, et décevante! Ils n’ont pas rougj de la.briser,' en prétendant
qu’elle était.une donation sans valeur, pour n ’avoir pas été passée
devant notaire avec.les solennités requises pour ces sortes de contrats.
Si quelqu’un exerçait une influence intéressée sur l’esprit du sieur
Gueston, que l’on prononce entre lesisieursGueston fils, q u i , après
avoir.obtenu la jouissance immédiate des biens de leur m è r e ,- Ici
partage des acquêts de la communauté, se font encore délaisser gra
tuitement pour trois cent mille francs d ’immeubles ou de valeurs
mobilières, et la femme objet de leur rivalité, q u i, après avoir sa
crifie son honneur c l vingt années de sa v ie , s’éloigne, en emportant
pour subvenir aux premiers besoins de son enfant, une promesse
�—8—
illusoire que le caprice ou’la mauvaise foi pouvaient à chaque instant
anéantir !
Ce rapprochemeut justifié par des a c te s , suffit pour faire justice
des allégations imaginées par les héritiers Gueston.
5
iij
Deux jours après, et le 16 janvier x8 1 , Marie B ru n et, contracta
mariage avec Gilbert Fratissier. Dans cet acte solennel elle reconnut
Éléonard Canu pour son fils, et l’institua son unique héritier, dans
le cas où il ne naîtrait pas d ’enfant de son mariage. Cette reconnais
sance isolée est restée complètement étrangère à Fratissier, absent à
l’époque de la conception et de l’accouchement. Les héritiers Gues
ton ont cru devoir signaler la constitution faite par Marie Brunet
comme un indice des bénéfices q u ’elle avait pu faire pendant sa lon
gue cohabitation avec le sieur Gueston. Cette observation de leur
pari ne prouve q u ’une ch o se , c ’est que le temps n’a pas amorti chez
eux cette ardeur d ’ambition intéressée qui caractérise toute leur
conduite. Eux seuls peuvent s’exclamer en effet devant un pécule de
a,
35o francs et de 200 francs de mobilier.
Après vingt années de ser
vices, certes Marie B run et, qui avait recueilli la succession de sa
mère , a bien pu réaliser ces faibles économies sans recevoir du sieur
Gueston autre chose que les gages annuels qui lui étaient légitime
ment dus. Bien loin de trouver dans cette constitution un prétexte
de blâme contre e l l e , on y puise la conviction de son désintéresse
ment et de sa loyauté. Il est. vrai que' dans son mobilier , elle n’y
comprend passes hardes et ses habillements personnels, q u ’elle n ’a
point voulu faire détailler ni estimer, et l’on s’empare de cette cir
constance pour y voir une réticence , une dissimulation coupable.
Nous y trouvons au contraire la preuve que ces objets exclusivement
destinés à son usage, ne valaient pas la peine d ’une estimation. ¡Ne
sait-on pas, du reste, que pour ne pas en transférer la propriété au
m a ri, il arrive souvent que l’on omet un détail estimatif pour se
ré-server la faculté de les conserver en nature? D ’ailleurs, ces robes et
bardes d ’une paysanne ne pouvaient pas appartenir à la famille Gues
ton. La précaution q u ’ils avaient prise depuis 1 8 1
3 de
faire tout in-
�veulorier ; cl la vente faite deux jours avant de tous les meubles
oompris dans l’inventaire, sont des actes qui doivent dissiper toutes
l<2urs inquiétudes.
Le sieur Gueston père , après s’être dépouillé d ’une fortune con
sidérable en faveur de ses enfants légitimes, se croyait quitte envers
eux. La locaterie de Loulaigue, la pension de
3 ,ooo francs,
le loge
ment et les prestations en nature q u ’il s’était réservés, les 3oofrancs
de rente créés en faveur de Marie Brunet et de son fils, lui parais
saient des éléments suffisants pour assurer l’avenir du jeune Éléonard ,
auquel il portait toute l’affection d ’un père. Accoutumé à des habi
tudes d ’ordre, de travail et d ’économ ie, il espérait, avec ces res
sources, lui créer un patrimoine convenable, et s'acquitter à cet
égard de la dette qu ’il avait contractée. Mais ce n’était pas la seule
obligation q u ’il eût à remplir. Il devait à son fils naturel un nom et
une position sociale que l ’on n’obtient pas avec de l’argent seulement.
Marie B run et, depuis son mariage, ne résidait plus avec lu i; il était
à l’abri de toute influence, si elle avait été capable d ’en exercer.
Mais le cri de l’honneur et de la conscience , plus fort que toutes les
sollicitations, s’était fait entendre, et devait trouver de l’écho auprès
du sieur Gueston. Il n ’y fut pas insensible. Le
3o mars i 8 i 5 , il
se
transporta devant M" Place , notaire , e t , en présence de tém oins,
il reconnut liléonard Canu , né à Moulins, suivant son acte de nais
sance en date du 19 octobre 1814 > pour être son fds naturel et celui
de Marie B r u n e t , et déclara que cédant à l ’ impulsion de la nature,
el voulant rendre sa reconnaissance publique et authentique, il requé
rait le notaire de la recevoir, afin que ce mime enfant pût recueillir,
dans sa succession, l'intégralité des droits que les lois accordent aux
enfants naturels reconnus t it ce sans préjudice des autres dispositions
qui peuvent avoir été faites en sa faveur.
Marie Brunet comparut également dans le même a c t e , et'renouvela la reconnaissance et la donation déjà insérées dans son contrat
de mariage.
L e sieur Gueston ne se borna pas à l’accomplissement de ce de
2
�—
10
—
voir; il prit aussi des précautions pour donner à-son fils naturel ¡es
4
85
moyens de faire respecter ses droits. Le
juillet t i !, il déposa.en
l’étude du notaire P la ce , qui en constata la rem ise, un paquet ca
cheté portant cette suscription, entièrement écrite de) sa main.et
signée par lui : « Sous cette enveloppe, sont les papiers rjai conccrncnt
Eléonard, mon fils naturel* » Sous cette enveloppe étaient : i° J’acte
1 4
de naissance d ’El^onard, du
octobre 8 i 'î 2° l’acte deJreinise
faite à sa mère le 1i janvier s8 l ; ° la promesse relative it la cons
5 3
3oo fr. ; 4° ie contrat de mariage d e
Marie Brunet ; 5 ° la reconnaissance du 5o mars 18 1.5. Pensant que
titution d ’une rente viagère de
ces actes pouvaient être utiles à son üls, craignant q u ’ils ne lui fus
sent pas fidèlement remis s’ils restaient parmiises papiers domesti
q u e s , connaissant le caractère faible et l ’inexpérience de sa mère
il avait chargé le.notaire de ne les remettre q u ’à Eléonard , lorsqu’il
serait m ajeur, ou au tuteur qui lui serait nommé.
L ’espoir que le sieur Gueston avait conçu de créer à son fils na
turel un patrimoine par son travail intelligent et scs économ ies, ne
put se réaliser. Encore jeu n e, le sieur Gueston succomba le 1er mai
1 8 1G. Sa mort tragique priva Eléonard du seul protecteur qui pût le
défendre des embûches qui furent tendues à la faiblesse imprévoyante
de sa mère.
Les scellés ne furent pas apposés après le décès du sieur Gueston.
Ses héritiers se bornèrent à faire procéder sans contradiction à la
prisée et ù l ’inventaire des objets mobiliers q u ’ils indiquèrent comme
appartenant à leur père. Ceux représentés à son domicile lurent es
65 cent. ; ceux
i’ureut évalués 58 y fr.
timés 4*209 fr.
trouvés dans sa résidence de Moulins
L e 12 juin ¡ 8 1 6 , un conseil de famille fut convoqué pour nom
mer un tuteur au mineur Eléonard. Les sieurs Gueston furent con
voqués» ils comparurent; et sans contester ni l’identité ni la recon
naissance d ’Eléonard, en l'acceptant au contraire implicitement-, ils
soutinrent que la loi n’accordait à l’enfant naturel que des droits
réels sur les biens du père qui l’avait reconnu ; mais qu’il n’existait
�—
11 —
entre lui et la famille de son père aucune parente légale. En consé
quence , ils s’abstinrent de prendre part à la délibération. L e conseil
nomma Marie Brunet tutrice, et Fratissier, son m ari, co-tnteur.
En sa qualité de tutrice, Marie Brunet retira le dépôt confié à
M® P la c e , et se disposait à faire valoir les droits de son fils, ou plu
tôt les héritiers Gueston, alarmés d ’une action judiciaire, cherchè
rent à la prévenir. A l’aide de l'influence q u ’ils avaient conservée sur
l’esprit de cette femme incapable de leur résister, et des moyens
qu ’ils employèrent auprès de Fratissier, ils les déterminèrent à sa
crifier tous les droits d ’Eléonard moyennant une somme de
3 ,ooo f.
Un partage en justice aurait révélé, par ses formes protectrices, le
préjudice qu ’uni pareil abandon causait au m ineur; une cession de
droits ex ig e a it, pour être valable , des précautions également dan
gereuses: pour ceux q u i, à vil p rix , voulaient dépouiller Eléonard ;
on eut recours à la voie détournée et plus facile d ’une transaction.
Le
5 août 1 8 1 6 , un
conseil de famille fut formé devant M. le juge
de paix du Montet-aux-Moines, arrondissement de Moulins; Il fut
composé d’étrangers, sous prétexte que l’enfant naturel n’avait aucun
parent. On leur exposanlongnement une savante dissertation , dans
laquelle les époux Fratissier d ém ontren t, comme des jurisconsultes,
que les droits d ’Eléonard sont incontestables, q u ’ils s’élèvent à un
seizième des biens composant la succession du sieur Gueston père ,
q u e , d ’après la liquidation q u ’ils ont fait faire des forces actives et
passives de la succession, la part héréditaire du mineur s’élève ¡à
3
2,887 fr- 29 «eut» q u i, étant inférieure à celle de ,ooo fr. , il est
avantageux de transiger pour le prix proposé. Comme on s’en doute
b ie n , le conseil répondit : Benè. Il déclara même qu’il était à sa con
naissance personnelle que les biens avaient été estimés au-dessus do #
leur valeur, quoique aucun des membres ne connût ni la consistance,
ni même la situation des propriétés du sieur Gueston , et qu ’aucun
nioyen de s’en assurer n ’ait été fourni. Munis de cette autorisation ,
les tuteurs présentèrent à M. le procureur du roi de Moulins une
requête à l’effet d’obtenir la nomination de trois jurisconsultes. L ’or-
�^
K 'l
— 1 2 ---donnanee portant nomination de MM. Jutier, Ossavv et Iîoyron , fut
rendue le 10 août, e t , le même jo u r , ces honorables jurisconsultesdonnèrent line consultation dans laquelle ils établirent que , sous
aucun rapport, l’on ne pouvait critiquer la qualité du mineur Klénuard; que son amendement dans la succession de son père devait ,
à raison de la quotité disponible absorbée par la donation du 14- jan
8 5 , être du tiers dans les trois quarts, ou d ’un seizième dans
vier i i
la totalité. Ils visèrent ensuite le projet de liquidation qui fait suite
au: règlement des droits de l’enfant naturel, duquel il résulte que la
succession de François Gueston tant en meubles q u ’immeubles , dé
duction faite des dettes, ne s’élève q u ’à 4^,196 fr.
65 cent. , dont
le
seizième , revenant à Eléonard C a n u , est de 2,887 fr, 29 cent. , et
pensèrent que la transaction projetée était avantageuse au mineur
puisqu’elle avait lieu moyennant un prix supérieur à son amen
dement.
;
Le 12 août 1 8 1 6 , ce projet de transaction fut réalisé : il importe
de faire connaître par une analise co m p lè te , les principales dispo
sitions de cet acte, dont le mérite fait l’objet du procès.
-, Dans un exposé préliminaire , on fait connaître l’état de la famille
du sieur Gueston p è r e , 011 rappelle l ’acte de vente du i!\ janvier
i8 i.‘j ; mais on garde le silence sur l’inventaire et le partage de
communauté du mois d ’avril i
8i3,
dont la communication aurait
servi à faire connaître la fortune du sieur Gueston. On unalisc en
suite la,promesse d’une rente viagère de
3oo francs,
la reconnaissance
4 juillet 1 8 1 5 r
faite par le sieur Gueston d ’KIéonard, le dépôt fait le
les pièces comprises sous l’enveloppe ca ch etée, et l’on d i t : Les
choses étaient dans cet é t a t , lorsque les sieur et, dame Fratissier,
^voulant s’éclairer sur les effets de la reconnaissance du 3o mars 181J»
et sur la nature «t l’étendue des droits q u ’Éléonard pouvait exercer
sur la succession de son- p è r e s ’adressèrent à des jurisconsultes qui
déclarèrent ;
i* Que b reconnaissance du 3o mars 1 8 1 S était valable en la.
forme et au fond.
.
.
�a» One l’on ne pouvail révoquer en doule l’identité de l'enfant ,
parce qu’en pareille matière, des'üllégalions ne peuvent tenir lieu de
preuve.
3°
*
Q u e , suivant l’article 757 . le droit de l’enfant naturel, lorsque
le père a laissé des descendants légitimes, est d’un tiers d e là por
tion q u ’il aurait eue s’il eût été légitime.
4° Que l’enfant naturel adroit à une réserve légale,
de môme que
l’enfant légitime, sauf la différence de quotité.
5°
Que pour fixer cette quotité , il faut l’admettre momentané
ment au nombre des enfants légitimes., et le faire concourir figura
tivement avec eux.
J
6° Q u e, par une conséquence de ces principes, l’enfant naturel
qui ne trouve pas sa réserve dans les biens de la succession , peut
demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont excédé la
quotité disponible.
7° Que la valeur en pleine propriété des objets aliénés par l'acte
5
du 14 janvier 1 8 1 , doit être imputée sur la quotité disponible , et
l’excédant rapporté ii la masse.
8° Q u ’il importe peu que la reconnaissance ait eu lieu après la
vente, par la raison que le droit de l’enfant est acquis par sa nais
sance et non par la reconnaissance qui ne fait que le déclarer.
9° Q u e , d ’après ces principes, le sieur Gueston ayant laissé trois
enlants légitimes et un enfant naturel, il ne pouvait disposer que du
quart de ses biens; en sorte que si Éléonard était légitime , sa pari
serait du quart des trois quarts ; que la loi lui attribuant le tiers de
cette portion héréditaire, il a droit de réclamer un seizième de la
succession.
io° Que la cté sous seing privé du 14 janvier 181 J> est nul.
On ajoute que les sieur et dame Fratissier se disposaient à former ,
au nom de leur pupille, une demande en justice contre les enfants
8 5,
Gueston, en réduction de la donation de i i
et en partage des
cinq sixièmes de la locaterie de Loulaigue , et de tout le mobilier
dépendant de la succession, pour en ôtre attribué un seizième du
�- 1-i tout à Eléonard, ’orsque les sieurs et demoiselle Gueston ont pro
posé de transiger sur tous les droits dudit enfant naturel moyennant
3 ,ooo
la somme de
francs, q u ’ils disaient supérieure à celle qui
pourrait lui revenir, en admettant ( c e qui selon eux pouvait être
contesté) que les diverses questions précédemment agitées fussent
résolues en sa faveur.
On expose que sur cette proposition, les sieur et dame Fratissier,
s’étant fait remettre les litres et papiers concernant la succession, les
ont communiqués à leurs conseils, qui ont procédé à la liquidation des
droits d ’Éléonard de la manière suivante :
i° La terre de Sciauve, telle qu ’elle a été vendue par l ’acte du 14
8 5 , a été portée pour une valeur estimative de cent mille
janvier i i
francs, c i *
• • • «
. *, 1« * > « •
20 Les cin q sixièmes de la locaterie de L o u Jaigue............................................................................
5° L e
x.00,000 fr. ®# c*
;l;
5
Z|, 5c)6
. a , o o *ij r» :
65
T o t a l ........................107,096 fr. 65 c.
mobilier constaté par les inventaires .
Arrêtons-nous un moment sur cette évaluation. La terre de
Sciauve, si vaguement désignée, ne comprend pas seulement les
objets vendus par M. de Boisrenaud , au moins 48,000 francs, puis
que cette somme était encore duc an vendeur lors de l’ouverlure
de la succession ; elle comprend encore tous les domaines attribués
au sieur Gueston par le partage du
3o avril
181
3 , dont nous avons
déjà fait connaître la consistance et la désigation.
Tous ces immeubles réunis donnaient et donnent encore un re
venu annuel de 10,700 francs, savoir : le clifiteau et la réserve de
Sciau ve, 2,000 francs; le domaine de Sciauve, a,5oo francs; le
domaine des Y c a u x , 2,3oo francs; celui de la P a ye , 1,800 francs;
celui de Loulaiguc , 1,600 francs ; le moulin des Veaux , üoo francs ;
et toutes ces propriétés sont estimées en bloc cent mille francs! Ce
n ’est pas tout, on y comprend encore tous les objets vendus le 14
janvier i
3
8i5,
c ’est-h-dire, les meubles énumérés dans l’inventaire
«le 18 1 , d ’une valeur de 60,000 fr ^ c s . Il est vrai cju*îl faut retran-
�—
lâ
cher de celle estimation la portion qu e les enfants Crueston iimendaicnt dans le partage.de La comnuinaulé, et la valè-ur des^objcts
réservés au père. La portion*des héritiérS (iiueslon datïs l'c'tfiobilier
dépendant de~la communauté, javait été réglée à 1 1 ,
6/(4 francs 5o
centimes, sur laquelle le père avait p a jé co m p ta it à son fils aîné
3,12(5 francs, ce qui fa réduisait h
8 , 5 i'8 francs r5ô 'centimes.
Les
meubles réservés, d’après"Testlination de l'inventaire* f'ait9laprès le
décès du sieur Gueston, s’élevaient à
3 , ' j e f î francs ¿5 centimes.
En
reLranchant'ces deux sdmmes de l'eValualiüti porlée dans l'inventaire
de i 8 i 3 , i l en résulte q u ’indépendamment1dés ¡¡niheuliles, les seuls’
8 5 , -et'par consé
objets mobiliers compris dans la donation de i i
quent dans l’article i cr de la liquidation, étaient d ’une valeur de
47,688 francs.
1
i,
!Tii■r
■
■r
t
Q u’on ajoute maintenant la valeur des bestiaux attachés à ex
ploitation de ces diverses propriétés , celle des récoltes engrangées,
celle du blé renfermé dans les greniers, et q u i, à cette é p o q u e ,
était d ’un prix très-élevé, et l’on aura une idée de l’exactitude de
cette estimation véritablement dérisoire.
•i
Les mêmes observations s’appliquent à la locatcrie de Loulaigue ,
d’un produit annuel de
3oo francs, et que l’on a estimée 2 , 5oo francs.
Dans le cas où les héritiers Gueston soutiendraient que les va
8 3,
leurs mobilières constatées par l’inventaire de ,i i
ne sont pas
comprises dans la vente faite à leur profit', il faudrait tirer de cette
allégation , fondée ou n o n , une conclusion encore plus directe contre
la sincérité des éléments qui ont servi à la composition de l’actif. En
e llet, ces valeurs qui formaient une partie essentielle du patrimoine
du sieur Gueston, et qui existaient à son décès, auraient été sciem
ment dissimulées par les héritiers légitimes ; et cette omission de
leur part suffirait pour caractériser la moralité de celle prétendue
transaction.
Après avoir composé l’actif de la succession , on établit son passif
ainsi q u ’il suit :
�— 16 —
i° Il était dû à SI. de Boisrenaud . ........................
2° Au nommé Alibert . j ........................................ .
3° Les frais de l’acte du
‘
:i
:l:
1
i/j janvier
T o t a l ’.
i
48 >ooo
.
fr.
jo ,o o o
8 i 5 i .................. 2,900
. . . . . .
Go.qoo
fr.
Les héritiers Gueston, qui dissimulent avec tant de soin les forces
actives de, la succession , sont plus ingénieux lorsqu’il s’agit de com
poser la masse des dettes. Les dix mille francs dus à Jean Alibert
avaient pour cause le remplacement de l’un d ’eux : cet engagement
contracté dans son intérêt personnel l’obligeait à le supporter entièrem ent,
et pouvait d ’autant moins grever la succession, que la
quotité disponible avait été épuisée. Les frais d e là donation du i
janvier 18 1
4
5 étaient une charge exclusive des donataires , avec d ’au
tant plus de raison q u ’ils conservaient les propriétés dont la mutation
Jes avait occasionnés.
Après avoir ainsi apprécié , au détriment dn m ineur, l ’actif et le
passif de la succession, on arrive à cette conclusion q u e , balance
faite, elle se compose de biens meubles et immeubles d ’une valeur
de 4 6 ,196 francs
65
centimes. On en retranche 11,5 4 9 francs 16
centimes pour le quart formant la quotité disponible , et l’excédant
montant à
partage.
Si
36,647
francs /j9 centimes devient
la
matière
du
Éléonard C a n u , est-il d it, avait été légitim e, il aurait eu le
quart de cette somme , qui est de 8,661 francs 87 centimes ; comme
enfant naturel, il ne doit avoir que le tiers, qui est de 2,887 francs
29 centimes.
'
On rappelle ensuite les diverses formalités remplies pour parvenir
à une transaction, et on termine en stipulant que pour satisfaire
au vœu de la famille, cl d ’après l ’avis des jurisconsultes commis à
cet effet, les parties ont résolu de transiger, comme de fait, elles
tra n sig en t
par forme de transaction sur procès pour tous les droits
que peut prétendre Élconard Canu dans la succession du sieur F ra n
çois Gueston , son père naturel, pour une somme de
3.,00c» fra n cs, que
�les sieurs et demoiselle GueUon s ’engagent' solidairement à payer à son\
émancipation ou à sà majorité. >»*:/.. ¡».‘nflrt'If îjH -N • n:.¡o. -...i
11
4
est surabondamment reconnu que la: prétendue- donation-faite
le ' i janvier i'SïS à Marie Brunetlet à son fils,'Jsera.nulle iet ré
putée comme 'non avenue. " :hoN
‘ïi-au ni) h i..:„u ¿i;ui
T el est en substance l ’acte idu 1 1 août 1 8 1 6 , dont il s’agit d ’ap
précier le caractère et les'effets.>On'y trotove réunis tous les «ÿémentSi
1
qui constituent un partage : il est intervenu entre'les divers ayants
droit à la succession du sieur Gueston ; il a pour objet de faire cesser
entre eux l’indivision, et de déterm iner, par voie d ’attribution ,i
l'amendement du mineur. On procède comme dans toutes les opéra
tions q u ’une liquidation exige : ’après avoir fixé , d ’aP ^ s ^avis ^es
1
jurisconsultes , les droits d ’Eléonard, on eompose la masse active des
biens meubles et immeubles ;>on en retranche-les dettes, qui sont
rappelées en détail ; on prélève sur cette masse, ainsi réduite , le
quart formant la quotité disponible ; e t , par ce travail préparatoire ,
on parvient à une liquidation rigoureuse, et en apparence exacte ,
de la portion héréditaire d ’Eléohard. Malgré le noni* donné à ce
Iruilé , il est bien constant qu ’étant entre les' parties le premier aètë
qui ait lait cesser l’indivision, il réunit tous les caractères d ’un par
tage véritable.
11 est bien
certain que les formes''employées n'ont eu
d ’autre but que d’éluder celles plus efficaces que le législateur a
tracées dans l’intérêt d u ’miri'our.
‘
I'
>r:
Cette transaction fut homologuée le 19 août. Les héritiers Guèston étaient tellement impatients d ’arriver au but qu'ils s’ôtaient pro
pose, que , dans moins de quinze jours, touteé'les formalités exîgéés
p a r la loi avaient été remplie^. A peine Eléonard était-il parvenu h
sa majorité, q u e , dand'rtspoir!U!obtienîr un,acqüiesccment'à ieéfc acte
luineux poiir l u i , ils ‘lui firerit offrir, par expldrt du 16 janvier 1636,
la somme de
3 ,000 fr. en capital, et
IcsMnlérÔt^ échus. Eléonard re-
fusa , e t, par le même acte,! il fût assigné en validité devant le1 tri
bunal dé Moulins. De son côté , il forma contre les héritiers GùeSton
une demande! en partage qtii fut portée devant le tribundl db Mont-
�— 18 —
luçon , dans l’arrondissement duquel la succession s’était ouverte.
La demande en validité d ’ofl'res avait pour, but de foire décider que
la transaction) du ,12 août était) irrévocable , letndevait,.interdire à
Kléonard toute actiontrelative àjl’exercifce de ses droits comme en
fant naturel du sieur Gueston. Pour la com battre, il a d ’abord ré
clame un sursis jusqu’à Ja décision à intervenir sur la demande en
partage pendante, devant lei tribunal de M onllüçon; e t , au fon d , il
a soutenu-que la transaction-n’étant autre chose q u ’un partage n u l,
ou du moins provisionnel^ et- dans tous les cas susceptible d ’ôtie
rescindai pour cause de lésion , ne pouvait avoir la force de paralyser
son action, et de.produire à son égard des effets déGnitifs. Sa défense
a été accueillie par un jugementrcontradictoife du 28 avril i
836 ,
textuellement rapporté dans le mémoirefde nos adversaires, et dont
nous reproduirons lesjprincipa,ux motifs en discutant son mérite.
’’T i ;
DISCUSSION. 5
.1
Avant d ’aborder la discussion du fo n d , il est nécessaire d ’écarter
immédiatement une objection présentée au nom des héritiers Gues
ton , qui aurait les effets d ’yne fin de non-recevoir, quoiqu’ils ne
1
l’aient,pas.ainsi formulée. P ’aprèseux , le jugement du i g aûut 1 8 1 >
qui a homologué la prétendue transaction du 12 aôut, est une déci
sion irrévocable qui a épuisé la juridiction du tribunal, et q u ’aucune
autre jnç peut Réformer. L e caractère de transaction q u ’il a reconnu
dans çet acte lui a été définitivement imprimé ; il n’est plus permis,
1
de , e contester. Etrange doctrine que celle qui attribuerait à un
jugement rendu sans débats j. sans conste^tation, des eil’e ts aussi
désastrçux^AinÊi l’erçeur,, d ’un tribunal ;trompé p a r le s apparences
dont op aurait revêtu un contrat ser£tl,f irréparable ; la justice res
terait,, impuissante, et désarmée pour, venir au sçcours d ’un mineur
dont,les,jintérêts ¡auraient été nûïçonnus. et sacrifiés! Sous le nom
de.transaction, un tuteur iqûdèlc|aurai^ aliéné ses biens, aurait pro
cédé à un partage /Çnns .rcjuplir aucune ,dcs formalités prescrites par
�— 19 —
la lo i, et cette œuvre de'spoliation serait à tout jamais consacrée
par le jugement d'homologation’ que le tuteur aurait’obtenu ! Ras-1
surons-nous , la loi n’a pas voulu Être complice*d’une injustice aussi
révoltante.
r'
.......’’
Pour qu’une'décision judiciaire produise' des effets irrévocables,
il faut qu’elle ait obtenu l’autorité de la chose ju^ée. Parmi les carac
tères de la chose jugée ,* définis par l’article 1
35 1 ,
lés principaux
sont que la demande soit, entre les mêmes 'parties, formée par
elles et contre elles en la même qualité. II faut donc que le jugement
ait prononcé sur des prétentions contradictoires, sur des intérêts
opposés et débattus devant la justice par diverses parties , xpour q u ’il
puisse attribuer à l’une d ’elles un bénéfice quelconque 'qui devient
définitif s’il n’ est pas attaque dans les formes et dans les délais fixés
par là loi. Un jugëm ent'd’homologation n’a aucun de ces caractères ;
rendu sur requête sur la demande isolée d ’une partie, il ne peut
conférer aucun droit à celui qui n’y figure pas ; fil manque d’un des
éléments essentiels qui constituent la chose jugée. C ’est' ce qui a
été positivement décidé par un arrêt de la Cour royale de Bordeaux,
( D a llo z , i
a , p. i
, deuxième p a rtie).
du 22 novembre i
832
83
58
T out jugement qui statue sur des intérêts d ’une nature déterminée
est susceptible d ’être réformé par l’autorité
supérieure, sur la
plainte de la partie lésée. Celui du 19 août, s’il avait les caractères
d ’un jugement contradictoire, serait encore susceptible d ’être frappé
d ’a p p e l, puisqu’il n’a jamais été signifié ni h la tutrice ni au subrogé
tuteur; et cependant com m ent, dans ce c a s , devrait procéder le
mineur Éléonard? Intimerait-il devant la Cour les héritiers Gueston?
Mais c e u x -c i répondraient : Nous n’avons pas été parties dans le
jugement de première instance ; vous ne p o u v e z, par ce m o y e n .
nous enlever le bénéfice du premier degré de juridiction. Inter
jetterait-il appel contre la tutrice? Mais e n c o r e , l’arrêt infirmatif
serait sans influence contre les héritiers Gueston. Etrangers à ces‘
nouveaux débats, par quels moyens donc obtenir la nullité de la
prétendue transaction homologuée? Par voie d ’action en nullité,
�ou par voie d ’e xception, comme l!a fait Eléonnrd, sans s’inquiéter
du jugement d ’homologation. Cette approbation donnée par la jus
tice à la tutrice qui le réclamait, est l’accomplissement d ’une for
malité exigée par la loi ; sans elle , l’acte du 12 aôut serait resté dans
le néant : soif intervention a eu poui^ effet de lui donner une valeur
comme transaction , e t d e relever la tutrice de son incapacité à con
sommer un acte dev cette nature. Mais si le mineur démontre que
cet acte n ’est pas \ine transaction , que la tutrice a excédé les,
limites de ses pouvoirs, q u e lle a stipulé une cession de droits suc
cessifs pu opéré, un véritable partage définitif,(il lui suffira d ’attaquer
le traité sîins faire réforme^séparément le jugement d ’homologation
qui-en est. J’acces^oire , et qui n’a pu ni éfpndre les pouvoirs de la
tutrice au delà des bornes fixées par la lo i, ni dépouiller le mineur
«les garanties qui le protègent,,, En faisantj.prononcer la nullité de
L’acte du 12 aôut 1 8 1 6 , ou en restreignant ^es effets à ceu xjd ’un
partage provisionnel, il fera tomber eu môme t e m p s ,o u il restrein
dra aux mêmes proportions le jugemqnt, d'homologation qui. lait
corps avec lui. De nombreuses décisions judiciaires rendues dans
des espèces analogues ♦ont ju gé que c ’était la seule marche à suivre.
Ainsi la.Gour,dc cassation , par un arrêt du i g floréal an x u ( Dencçcrsf an .x i iy p. 447 ) » a décidé en matière de v^nte de biens de
mineurs, qufil n ’était pas nécessaire d ’attaquer les jugements qui
l ’ayaient. ordonnée. En cas de vente de biens dotaux, la Cour de
Caeiv, p a r flrrÇ't (^u
4
G renoble, par arrêt du
Juillet 1826 ( D . 1827 , p. 47 ) •; la Cour de
4 aôut
1802 ( J). i
833 , p.
102 ) ont jugé
que la fonirae dç^ait ¡directement agir par voie de nullité contre les
acquéreurs,, njalg^ les jugements rendus sur requête qui avaient
autorisé v,c,s aliénations. La Cour.de Turin a consacré le même prin
cipe en nmtièrç de transaction passée par un tuteur en vertu d ’un
jugement
. p.y66.).
1
», ,’homologation.
[ T u r in , 29 ju illet
1 8 0 9 , lome 10,
pouvons donc sans crainte aborder la discussion du
et lech^rchqf dç quel c ô té s e trouve le bon droit.
,Le,traité dn ti 2 a ô u t ^ S i ô est-il une transaction ou uu partage,?
i
�Telle est la question dominante.
Les héritiers Gucston se sont
efforcés d ’établir que cet acte méritait la qualification qui lui avait été
d o n n ée, e t, q u ’à ce titre, il était irrévocable comme ayant reçu la
sanction spéciale que la loi exige pour les contrats de cette nature.
Nous allons, au contraire, cherchera d ém ontrer, i° que ce traité,
malgré sa dénomination vicieuse, est un véritable partage, dont la
nullité doit être prononcée pour n ’avoir pas été revêtu de toutes les
formalités prescrites par la l o i , ou dont les effets provisoires doivent
cesser sur la demande d ’un partage définitif; 2° que lors même q u ’il
participerait en même temps et de la transaction et du partage, il
faudrait e n co re, s’il était possible , distinguer ce qui tiendrait à l’un
ou à l’autre de ces deux contrats, et rejeter la partie du traité qui
serait relative aux stipulations d ’un partage définitif et aux opérations
qui en seraient le complément.
La dénomination que les parties donnent à un contrat est abso
lument insignifiante pour.en assigner le véritable caractère. Il se ré
vèle exclusivement par les conventions qu’il renferme , par l’objet
qui en fait la matière , par les effets q u ’il doit produire. A cet égard,
le fond l’emporte sur la form e, la chose est plus significative que le
n o m , la réalité est plus forte que l’apparence. Peu importe donc que
le traité de 1816 ait été qualifié transaction; cette appellation est
sans influence pour en juger la nature. 11 faut, pour l’apprécier, pé
nétrer plus intimçment dans les entrailles de cet acte. Les héritiers
Gueston en ont reconnu la nécessité ; aussi ont-ils cherché à faire
ressortir tout ce qui pouvait servir à lui conserver non-seulement la
form e, mais encore la réalité d ’une transaction pure et simple. Pour
y parvenir avec plus de facilité, ils ont supposé que cet acte
avait etc passé avec un majeur, et ils ont demandé si, dans cette
hypothèse, le traité intervenu ne serait pas à l'abri de toute critique,
et ne participerait pas de. l’irrévocabilité des transactions, dont il
présentait tous l»[s caractères. Nous accepterons volontiers le terrain
sur lequel la discussion a été portée ; mais il faudra bien alors con
venir qu’en admettant ce raisonnement, la conclusion sera toute con
�— 22 —
traire , si nous parvenons à démontrer que lorsque ce traité aurait
été passé avec un majeur, il ne serait pas réellement une transaction,
mais un véritable partage.
L e caractère spécial, distinctif de la transaction, est de ne pou
voir être attaqué pour cause de lésion. A r t.
2o 52.
L ’acte de partage, au contraire, destiné à consacrer l’égalité
entre chaque héritier, est toujours rescindable pour cause de lésion.
Prouver que l’acte du 12 août 1816 aurait pu être rescindé pour
cause de lésion, sur la demande d ’Eléonard Gueston , qui l’aurait
consenti en m ajorité, sera donc prouver que cet acte, aux yeux de
la lo i, était réellement un acte de partage.
O r , d ’après l’art. 888 du Code civil, est réputé partage tout acte
qui a pour objet de faire cesser l’indivision entre cohéritiers, encore
q u ’il soit qualifié de v e n te , d ’éch an ge, de transaction, ou de toute
autre manière.
Cette disposition du Code civil ne fait que confirmer les principes
anciens.
M o rn ac, sur le titre du digeste : Familiœ erciscundœ, s’exprime
ainsi : E o ju re utimur ut quocumque nomine denominetur contractus ,
scu transactio vocetur , seu non, tamen pro divisione hœrcditatis rcrumque communium accipi debeat.
Nous tenons pour maxime au palais, dit également L e p restre, que
le premier acte qui se fait entre les h éritiers, quoiqu’il soit déguisé
sous le nom de contrat d ’éch an ge, môme de transaction , est néan
moins tenu pour partage.
Bretonnier sur Ilenrys, t. 2 , p. 944» confirme cette doctrine gé
néralement admise. C ’est une maxime constante dans tous les tribu
naux, d it-il, que l’on peut revenir contre le partage quoique fait par
transaction, et quoique la transaction soit intervenue sur un procès
intenté pour parvenir au partage. Car l’acte qui finit cette discus
sion, quelque nom q u ’on lui d o n n e , est toujours un partage.
Tous nos auteurs m o dernes, sans exception, proclament les m ê
mes principes. Seulement M. Chabot, dans son Commentaire sur les
�Successions, t.
3 , p.
7 0 g , a pensé que si des contestations réelles
et sérieuses s’étaient éleyées relativement aux droits respectifs des
prétendants à la succession , sur la quotité de la portion qui doit ap
partenir à chacun, sur la validité des dons et legs, sur l’obligation
ou la dispense du rapp ort, l’acte par lequel on aurait traité sur tou
tes ces questions, et réglé les droits de tous par une attribution spé
ciale de biens déterminés, devrait être considéré comme une tran
saction , et produire tous les effets attachés à la nature de ce contrat.
Mais cette opinion contraire à la définition du partage, qui est
l ’acte qui fait cesser l’indivision, quel que soit le nom q u ’on lui
donne, et la forme adoptée pour y parvenir, est repoussée par B e leurie, t.
3 , p. 455. Tout premier acte entre
cohéritiers, dit-il, est
considéré comme un partage , et résoluble dans les mêmes cas , de
quelque nature et gravité q u ’aient été les difficultés qui s’élevaient
entre les coparlageants. M. Yazeille combat victorieusement l’opi
nion de Chabot. À ses y e u x , la transaction ne peut rester ferme que
lorsqu’elle est isolée et distincte du partage , soit en nature , soit par
attribution. S ’il y a confusion, la rescision du partage doit emporter
la nullité de la transaction. {Com . sur les Succrss. t p.
o.)
54
C ’est dans ce dernier sens que s’est prononcée la Cour de cassa
tion. Après plusieurs difficultés et môme plusieurs jugements sur le
partage de la communauté dissoute par la séparation de c o r p s , les
époux Ramonet firent, le 6 juin 1 8 2 5 , une transaction par laquelle
le mari s’engage, pour terminer toute contestation, à payer à sa
femme une somme de 80,000 francs. Au moyen du payement de
cette somme, ¡1 devait rester seul propriétaire de tout l’actif de la
communauté. Sur la demande en rescision de cet acte , formée par
la dame Ramonet, la Cour d ’Aix jugea q u ’à raison des questions
épineuses, des difficultés réelles qui s’étaient éleyées entre les par
ties, le traite du 6 juin 1825 avait tous les caractères d ’une vérir
*able transaction. Mais sur le pourvoi dirigé contre cet arrêt , la
Cour suprême en prononça la cassation par les motifs suivants :
• Considérant, en droit, que la loi déclare tout premier acte passé
�-
2i -
enlre cohéritiers on communistes, rescindable dans les cas p révus,
lorsque cet acte fait cesser l’indivision, quand même cet acle serait
qualifié transaction ;
''
’'
’
*
s Considérant que la loi ne distingue pas des autres cas ceux
où il existerait des difficultés graves et réelles, môme des procédures
et jugements antérieurs ;
» Considérant, en fait, que l’acte du 6 juin 1825 est un premier
acte entre les deux communistes; que cet acte a eu pour objet de
faire cesser l’indivision enlre eux, et qu’il avait en effet opéré le par
tage par attribution à forfait d ’une partie de l ’actif de la commu
nauté. » ( Cour de cassation, 12 août 18 2 9 ; D . 1829 , p.
332. )
On
peut encore citer, dans le môme Sens, un arrêt de la Cour de Pau ,
du 12 janvier 1826. (D . 1 8 2 6 , p. 114 .)
Toutefois, une sage distinction a été faite : il peut arriver q u ’avant
de déterminer la part afférente à un cohéritier ou à tout autre co
propriétaire, il soit nécessaire de régler des difficultés préalables ,
dont la gravité ou les chances incertaines sont de nature à engager
les parties à une transaction. Dans ce cas, l’acte peut alors réunir le
double caractère de transaction et de partage. Toutes les questions
qui se rattachent à la qualité des parties, à l ’étendue de leurs droits,
à l’appréciation des actes qu ’elles s’opposent mutuellement, sont ir
révocablement jugées par le traité qui intervient ; mais ensuite le rè
glement qui est fait en conséquence du droit reconnu de la quotité
déterminée, est un partage véritable, susceptible de rescision, si
l’un des copartageants n’a pas obtenu tout ce q u ’il devait avoir d ’a
près les bases adoptées.
Cette distinction est enseignée par M. Chabot lui-même comme
modification à l’opinion q u ’il vient d’ém ettre; il ajoute : « Mais il
s est bien important de remarquer que l’acte ne peut être considéré
; comme transaction, et non comme un simple partage, que dans
» le cas seulement où les contestations et les difficultés sur lesquel> les il'à été transigé étaient rée lle s, étaient sérieuses, et présen» taient des questions dont la solution pouvait être incertaine.........
�—
25
—
» 11 faut ajouter que même dans le cas d ’une transaction réelle.,.si,
» on avait fixé d ’abord la quotité de la portion que devait avoir cha» cun des héritiers, et q u e , d’après cette fixation, il eût été procédé
» au partage de la masse, celui des héritiers qui n’aurait pas eU|Ia
» totalité de la portion déterminée, et qui éprouverait à cet égard
» une lésion , serait encore fondé à se pourvoir en rescision. L ’acte
» vaudrait bien comme transaction quant à la fixation de la quotité
» des parts pour chacun des héritiers; sons ce rapport il ne pourrait
» être attaqué : chacun des héritiers ne pourrait réclamer que la
» quotité qui a été réglée ; mais s i , dans la distribution des parts ,
» un des héritiers avait eu moins des trois quarts de la quotité qui
» devait lui revenir d ’après les bases adoptées, il aurait le droit de
» se pourvoir contre l’opération du partage, sans toucher aux autres
» conventions ; l’acte, dans ce cas, ayant deux parties très-distinctes ,
» la transaction sur la fixation de la quotité, et le partage qui aurait
» déterminé chaque part séparément. » ( Chabot, Comment, sur les
Success. , p. 7 11 et suiv.)
Cette distinction est approuvée par MM. Duranton (Coursde droit
français, t. y , n°
o) ; et Yazeille ( Comm. sur les Succ. , p.
o).
£11 e est consacrée par un arrêt de la Cour de Nîmes, du o juin 1819
58
( D . 1 8 2 1 , p.
54
3
35 ) ; et par un arrêt de la Cour d ’Amiens,
du 10 mars*
1 8 2 1 { D . 18 23 , p. 1 1/| ).
Ces principes posés, faisons-en l'application à la cause. Comme
nous l’avons fait remarquer dans l ’exposé des faits, les prétendues
questions graves, rée lle s, que les héritiers Gueston mettent en avant
pour donner à l’acte du 12 août 1816 les apparences d ’une transac
tion , n’avaient ni gravité ni réalité.
Ils auraient pu contester l’identité d ’Eléonard comme le fils de
Marie Iîriinét! Pure allégation, ridicule et grossier m ensonge, qui
ne pouvaient faire illusion à personne. L ’acte de dépôt h l’h osp ice ,
1 acte de naissance, 1 acte de remise , la reconnaissance insérée dans
1<‘ contrat de
mariage de Marie B r u n e i, témoignage de son affection
maternelle, protestent contre une si étrange prétention. Qui aurait
4
�cru , sur le dire des héritiers Gueston , q u ’une mère affiche, son
déshonneur, s’impose des sacrifices de tous genres, pour se prêter
à une spéculation aussi immorale? La reconnaissance du sieur Gueslo n , les soins minutieux q u ’il prend pour assurer ît son>fils naturel
les actes et les moyens nécessaires de
conserver son é ta t , ne
viennent-ils pas donner encore un démenti énergique à dés alléga
tions dictées par la cupidité? Enfin, l’acte volontaire contracté par
4
les héritiers Gueston , le 1 janvier
i
8 i 5 , en faveur de Marie Brunct
et de son fils, n ’est-il pas de leur part une reconnaissance positive et
formelle?
Le droit de réserve, disent-ils e n c o r e , était contestable à l’égard
de l’enfant naturel. Sans d o u te , on peut tout contester, même l’é
vidence ; mais celte contestation ne pouvait créer une difficulté sé
rieuse et réelle. Que l’on consulte sur cette question MM. Merlin,
G ren ier, Touliier, Duranton, Loisoau, F avard, Malpel, Dalloz,
Yazeille , Delvineourt, Levasseur ; ils enseignent tous quo l’art. 761
du Code civil attribue à l’enfant naturel un droit de réserve sur les
biens du père ou de la mère qui l ’a reconnu. La jurisprudence des
Cours royales et de la Cour de cassation est également uniforme sur
la solution de cette question.
Mais, ajoutent-ils, ils auraient pu oontester le droit de réduction
pour composer cette réserve sur les biens compris dans la donation
déguisée du \l\ janvier
i
8 i 5 ; mais si l’enfant naturel a une réserve,
s’il doit com p ter, suivant les termes de l’arrêt de la Cour de cassa
tion du 26 juin ¡80 9, comme une fraction d ’enfant légitime, il doit
bien avoir les moyens de l’obtenir; et ces moyens ne doivent pas
être différents de ceux qui ont été organisés par la loi pour complé-.
1er la léserve des enfants légitimes.
Rem arquons, d’ailleurs, que cette question de réduction était
*ans inlluenco sur la détermination de la tutrice, et q u e , sous ce
rapp ort, elle n’a pu rien sacrifier pour éviter les chances d ’uno
discussion judiciaire qui aurait pu tourner contre son pupille. Eu
effet, la question do réduction des immeubles précédemment dun,-»
�nés, n’aurait pu s’agiter que dans le cas où les Liens libres provenant
de la succession du sieur Gueston n’auraient pu faire face aux droits
que la loi attribue à l’enfant naturel. Il est bien sensible que si les
héritiers Gueston avaient voulu y prendre part, ils auraient été
obligés de rapporter ceux q u ’ils avaient antérieurement reçus. Or ,
les biens libres et dont le sieur Gueston n’avait pas disposé, consis
taient: i° dans les cinq sixièmes de lalocaterie de Loulaigue, estimés
dans l’acte du 12 août i 8 i 6 à ........................................... 2,5oo fr.
2° Dans le mobilier du sieur G ueston, porté dans les
inventaires et le traité à........................................................ 4 ^ 9 6
T o t a l ...................................... 75096 fr.
Ces valeurs, malgré la dissimulation qui a été faite de celles énu
8 3 , étaient supérieures à la somme de
mérées dans l’inventaire de p i
3 ,ooo
francs attribuée à Éléonard. La question de réduction était
donc sans intérêt pour l u i , et ne pouvait porter la tutrice h accep
ter une pareille transaction.
M ais, d’ailleurs, est-ce qu ’on peut dire sérieusement que ces pré
tendues difficultés sont entrées pour quelque chose dans le règle
ment des droits d ’Éléonard? Les jurisconsultes consultés avaient ils
sur leur solution laissé à la famille, aux tuteurs, la plus légère incer
titude? IVavaient-ils pas, à l’unanimité, déclaré q u e , sous tous les
rapports, les droits du mineur Gueston étaient à l’abri d ’une contro
verse dangereuse ? Les héritiers Gueston eux-mêmes demandaientils un sacrifice-pour prix de leur renonciation à soulever ces contes
tations , dont ils connaissaient bien
le peu de fondement et de
consistance? Non. Dans l’acte du 12 août 1 8 1 6 , ils proposent3 à
lilrc de transaction, une somme de 3,000 francs supérieure à celle
qui pourrait revenir à l'enfant naturel, en admettant (ce q u i, selon
e u x , pouvait être contesté ) <juc. 1rs diverses questions agitées fussent
résolues en leur faveur, lo u te leur contestations se réduit h une
possibilité indiquée entre deux parenthèses. Loin de se prévaloir de
la ressource d ’un procès injuste pour obtenir une réduction sur
�l'étendue des droits du mineur G ueston, ils offrent, pour le désin
téresser, line somme supérieure à la valeur de son amendement. Ils
reconnaissent d o n c , par cette offre ainsi formulée, q u ’Eléonard est
bien fondé à obtenir au moins sa portion héréditaire dans la suc
cession de son père. Autrement celte supposition de leur part n’au
rait été q u ’un mensonge d ’autant plus coupable, qu’il aurait eu pour
but de tromper un frère mineur
en se donnant les avantages d ’une
apparente générosité.
A u ssi, sans s’inquiéter des prétendues questions graves et sérieuses
que l’on voudrait faire revivre, procède-t-on immédiatement à la
liquidation des droits d'Eléonard. Pour y parvenir, on compose la
succession du sieur Gueston. On récapitule les dettes qui la grèvent,
dans lesquelles on fait figurer 2,900 francs, montant des droits
85
d ’enregistrement de la vente du il\ janvier i o ; il en résulte que
l’actif est réduit à 4 6 ,1 9 6 francs. Sur celte somme , on détermine le
seizième revenant à l ’enfant naturel.
2,887
Ce
seizième est
porté à
fr” 29 c * C ’ est pour remplir Élconard de tous scs droits dans.
la succession du sieur François Gueston, son père naturel, que les
héritiers légitimes s’engagent à lui payer à>sa majorité la somme de
1
3 ,ooo francs.
f t ’est-j’ l pas évident que cet acte a eu pour effet de faire cesser
l ’indivision? ÎN’est-il pas évident que la somme de
3 ,000
francs était
l ’amendement d ’Éléonard dans la succession de son père naturel ? A
l’exceplioi) do la qualification donnée à cette prétendue transaction,
11e remontre-t-on pas dans cet acte tous les éléments, tous les caractères
qui sont propres au partage? Sa forme , son b u t, ses résultats permcttent-ilsde se méprendre sur la nature véritable de celte conven
tion? Si donc Éléonard Gueston avait passé cet acte en majorité,
il pourrait sans contredit en demander la rescision pour cause du
lésion. En démontrant que les 0,000 francs qu ’on lui offre ne sont
pas la sixième partie de ce qui lui revient dans la succession de son
p è r e , nul doute que ses adversaires seraient réduits à l’impuissanco
de combattre cette action. En vain parleraient-ils des difficultés
�i
—
29
—
sérieuses qui s’élevaient au moment où le traité'à élé passé; ii leur
répondrait victorieusement qu ’elles n’étaient pas s é r i e u s e s ‘qui;
d ’ailleurs elles ont été sans influence sur la fixation de son amende
ment.
11 leur
répondrait, avec la Cour de cassation, queT existency
de contestations réelles justifiées au besoin par des débats judiciaires,
est insignifiante pour déterminer le véritable caractère d ’une tran
saction ou d ’un partage ; q u ’il suffit que ce soit un premier acte
intervenu entre des communistes sur des biens indivis, pour qu’il
soit considéré par la justice comme un véritable partage, malgré la
dénomination que lui ont donnée les parties.
Il
leur dirait, au besoin , que si la renonciation des héritiers
Gueston à contester son droit, et la renonciation de la part de la
tutrice à se prévaloir de la promesse du 14 février, peuvent consti
tuer une transaction définitive, il n’en est pas de môme du règle
m ent, qui avait pour objet de lui attribuer auimoins le seizième de
la succession de son père. A l’aide de la distinction émise par MM.
Chabot, Duranton et Vazeillé, il leur répliquerait : Cet acte alors
renferme deux parties distinctes : d ’une part, la (reconnaissance de
mes droits, la fixation de mon amendement , l’abandon par ma
mère de ses prétentions à la somme de 2,000 francs que vous lui
aviez volontairement promise , forment, si vous le v o u le z , un traité
irrévocable; j’admets avec vous que l’on ne puisse pas faire revivre»
ces prétendues question^ préliminaires dont la solution est restée
complètement indépendante de mes droits; mais il:n’en est pas de
même de la seconde partie de cet acte , dans laquelle une somme de
3 ,ooo francs est promise pour tenir lieu de
tons mes droits dans la
succession de mon père naturel. Cette attribution, qui est calculée
sur mon amendement, est le lot que vous m’avez fait; elle n’a eu
d autre but que de faire cesser l’indivision. Dans l’intention com
mune des parties contractantes, il est bien certain q u e lle devait re
présenter le Seizième qui me revenait. Son règlement a été déter
miné d ’après les forces actives et passives de la succession et d ’après
1étendue
et la quolilé de mes droits comme enfant naturel. C e lle
�seconde partie de l’a c te , entièrement indépendante des autres dis
positions, est donc un partage soumis àitoutes les règles, à tontes
les conditions résolutoires des conventions de cetteinature. Eh bien !
je demande à prouver que',cette fixation à
3 ,ooo
francs que vous
disiez dépasser m o n 'a m e n d e m e n t, est une fixation mensongère et
décevante : je demande à prouver que je n’ai pas été lésé d ’un quart,
mais de plus des cinq sixièmes. La loi, l’é q u i t é , la nature des con
ventions se réunissent pour justifier ma réclamation.
Les conséquences légales qui dérivent des principes que nous ve
nons d ’établir sont faciles à tirer. L ’action en rescision que le sieur
Gueston serait fondé à introduire , dans le cas où il aurait passé en
majorité le traité du 12 août, ne pourrait être accueillie que parce
q u ’aux yeux de la justice cet iacte serait un véritable partage. C a r ,
aux termes de l’art. 2 o 5 2 , il serait, . comme transaction, à l’abri de
tout grief de lésion. L e caractère de cet acte une<fois légalement
fixé, ne peut pas changer; il'doit rester le même dans toutes les h y
pothèses; et la minorité d ’EIéonard, loin d ’être une raison de le dé
naturer, est au contraire une considération puissante, qui doit en
gager les magistrats à lui conserver sa véritable physionomie.
Comme partage, le traité du 12 août, malgré l’intervention de la
justice , et les formalités qui ont été remplies, est sans valeur, ou du
moins ne peut produire que des elTets.’ provisoires. Aux termes de
l’art. 466 duiCode c iv il, pour obtenir, à l’égard du mineur, tous les
effets q u ’il aurait entre majeurs, le partage doit être fait en justice ,
et précédé d ’une estimation faite par experts nommés par le tribunal
du lieu de l’ouverture de la succession. Les experts do iv en t, après
avoir prêté serment, pro cédera la division des héritages et à la for
mation des lots, qui sont tirés au sort. Tout autre partage est consi
déré seulement comme provisionnel. Les mêmes dispositions! sont
reproduites dans l’nrt. 8/|0. Dans sa sollicitude pour le mineur,'dont
les intérêts peuvent être si facilement compromis par des cohéritiers
cupides, des tuteurs inhabiles ou infidèles, le législateur a multiplié
les précautions qui doivent lui servir de garantie. l\on-seulemcnt la
�—
jl
—
justice est chargée de.veiller, mais encore elle doit êtreiéclairée par
des hommes dont les études spéciales lui font connaître d ’une ma
nière certaine la valeur et la consistance des immeubles.:¡Trois ex
perts choisis par le tribunal du lieu doTottvérture de lafsuccession ,'
après un serment quilenehaînHéuricdnsciencey sont tenus d ’estimer
les biens , et de faire connaître les bases de léiir estimation ; et y dans
la crainte encore que celte estimation soit vicieuse ou erro n é e , la
loi pousse plus loin sa sage prévoyance1: elle rejette toute combinai'
sou par voie d'attribution qui pourrait être iunq'occasion de dom
mage pour le m ineur; elle veut que devantttti’ mènibrc du tribunal:,f
ou devant un fonctionnaire public désigné iti'cét 'effetvles lois soient
tirés au s o r t , afin que l’incertitude d e 'ce litage sbit"utle"te'conimandation efficace auprès des experts et môme dos parties majeures, de
se conformer à la plus scrupuleuse égalité. :l
•
Toutes ces garanties ont manqué au mineur Gueston. Peuventelles être remplacées par l’avis d ’un conseil de famille composé d eirangers q u ’aucun lien d ’affection ne rattachait à un enfant de dixhuit mois, et qui déclarent que des biens situés dans un autre
arrondissement, et qu ’ils n’avaient même jamais vus, sont estimés
au-dessus de leur valeur, sur une indication sommaire et incomplète !
C ’est cependant le seul document qui’ ait été fourni à la justice. Les
honorables jurisconsultes qui ont été appelés à rédiger la consulta
tion , n’ont pas dû s’occuper de la valeur réelle des biens : leur mis*
sion se bornait à: examiner quelle était, en d roit, la quotité de
I amendement du m ineur, et si les actes qui servaient de fondement
à la demande en partage projetée par la tutrice, étaient réguliers. Sur
toutes ces questions, ils ont été unanimes pourldécider que les in
térêts du mineur étaient à l'abri de toute contestation. Mais, quant
a la valeur des, biens, qui leur élail entièrement inconnue, ils ont
déclaré s’en remettro a l’opinion exprimée- par le conseil de famille,
be tribunal lui-même, toul en homologuant la prétendue transaction,
II a pris aucune mesure préalable pour s’assurer légalement de la
consistance et de la valeur de la fortune immobilière du sieur G ués-
�ton.-L’omission de ces formalités importantes , et dont l’accomplis
sement est indispensable pour donner une valeur définitive au par
tage qui, in t é r e s s e r a m in e u r, né permet pas de regarder comme
irrévocable leiréglement arrOlé par le traité d u -¡12[août ¿816.1 Tout
au plus p e u t - a n lui faire produire les effets d ’un partage provisoire,
qui
mettrait ¡ le s h é r i t ie r s Gueston à l’abri d ’une restitution de!
jouissances perçues pendant plus dé vingt ans au détriment du mi-i
neur. Mais consacrer la spoliation dont se plaint Eléonard, décider,'
au t mépris des dispositions les-.plus formelles de la lo i, que ce
traité qui lui' est étranger, consommé par uneLtutrice ignorante,
illétrée ; par ùu co-tuteur soumis à l'influence des héritiers Gueston ,
a pu le lier pour toujours et lui interdire une nouvelle action en
partage, serait une monstruosité que la justice ne sanctionnera
jamais. E h ! comment pourrait-elle s y résigner, lorsqu’elle est spé
cialement chargée du soin de protéger les intérêts sacrés du mineur ;
lorsque toutes les dispositions de notre Code» témoignent de la
sollicitude éclairée du législateur, qui'; par toutes les voies possibles ;
a voulu lui fournir les moyens d ’obtenir la réparation des illégalités
ou des injustices dont il aurait été la victime? En e f fe t , pour le
inineur, il n ’y aipas de contrat qui puisse lui causer préjudice. La
simple lésion suffit pour q u ’il soit fondé à obtenir la rescision des
conventions qui auraient été passées en son nom , malgré toutes les
précautions et toutes les formalités dont on aurait pris soin de les
35
environner. L ’article i o
du Code civil porte : La simple lésion
donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé.contre}
toutes sortes de conventions. Cette disposition ne s’applique pas aux
contrats passés par le.mineur seul ; car ils seraient frappés de nullité
à raison de son incapacité personnelle; elle est spéciale aux conven
tions qui auraient obligé le mineur malgré son incapacité, c ’est-àdire , à celles passées par,le tuteur dans les limites de ses pouvoirs,
avec le concours du co n se il, lorsque son intervention est nécessaire ,
et l’autorisât ion de la justice, lorsqu’élle.'fst exigée p a rla loi. Quant
53
à c<ilie,v- ci » 'J’article 1 o
2
ne distingue p a s , i l s’applique i toutes
�sortes de conventions d ’une'manière générale, absolue. C’est dans ce
sens que cette disposition a été interprétée par M. Merlin : <? Il
» importe peu , dit-il, que les transactions avec un mineur aient été
» homologuées par la justice après toutes les formalités prescrites
» par l’article 467 , ce n ’est qu’à l’égard des aliénations d’immeubles,
» ou des partagés de successions, que l’article 1
314 ferme aux mi-
» neurs la voie de la rescision , lorsque les formalités requises à rai» son de la faiblesse de leur âge ont été remplies ; les transactions
35
» restent sous l’empire de la règle générale qu ’établit l’art. i o . »
( M erlin3 Rrp., v. Transaction, § Y , n°
8 . ) Cette opinion est égale
ment professée par M. Toullier.
Il
resterait donc à Eléonard la ressource de faire rescinder pour
simple lésion l'acte du 12 août, s’il était possible de le considérer
comme une transaction dans toutes ses parties; mais celte ressource
subsidiaire et incomplète serait loin de réparer le préjudice qu’il a
souffert: fort de son bon droit, convaincu que malgré lafausse qualifi
cation donnée au traité du i 2 a ô u t , la justice ne peut en mécon
naître le caractère, le but et la p o rté e , il persiste à réclamer
l'intégralité de ses droits, et à demander q u ’on lui attribue la part qui
lui revient dans l'héritage paternel.
Le tribunal de première instance, dont la décision est empreinte
d un caractère remarquable de sagesse et de circonspection, a consacré
ces principes par le jugement q u ’il a rendu. Il n ’est p e u t-ê tr e pas
inutile de remettre sous les yeux de la Cour les motifs principaux de
cette décision, sauf à examiner ensuite le mérite de deux considé
rants dont on a fait une critique particulière:
« Attendu que l’acte du 12 août i 8 i 6 ,b i e n q u ’il soitqualifié tran
saction , équivaut à un partage à l’égard de Canu , puisqu’il en pro
duit tous les effets pour lui ;
» Q11 il conlient, en effet, l’énumération des biens formant la tota
lité de la succession de l'rançois G ueston, leur
estimation,
la
composition de la niasse, la liquidation de la succession, enfin la
determination de la quotité revenant à Cauu , en sa qualité d ’enfant
�34
-
naturel, laquelle y est fixée à un seizièm e, par suite de la réduction
opérée par l’exercice de scs droits -, de la donation déguisée du 14
8 i 5 ; qu ’il contient évaluation de celte qu o tité àu n e somme
peu inférieure à 3 , 00a f r . , et portée ensuite à la somme de
janvier î
un
3,ooo fr. pour désintéresser complètement C a n u , et pour ( est-il dit
dans l’acte) tous les droits que peut prétendre Eléonard Canu dans
la succession de François Gueston ; d ’où il suit qüe cet acte ren
ferme tous les éléments d ’un partage , qu ’il en a , en outre , le carac
tère essentiel et distinctif , celui de faire cesser l’indivision ;
» Q u ’enfin, s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de d roit, il serait levé textuellement par l ’article 888 du
Code c i v i l, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse
remarquable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage,
et dit : Tout acte ayant pour objet de faire cesser l’indivision , encore
q u ’il fût qualiûé de v e n te , d ’échange et de transaction, ou de toute
autre manière;
?
» Attendu qu ’en matière de partage intéressant dès m ineurs, la
loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales dont elle
prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser à l’acte
dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement observées, que
le simple caractère et la seule force d ’un partage purement provi
sionnel ;
» Attendu que si quelques monuments de jurisprudence
con
sacrent la validité d ’un partage par voie de transaction entre ma
jeurs et mineuis, môme avec attribution de part ( arrêt de rejet,
(Jour de cassation j du
3o
aôut 18 1
5 ),
on doit y signaler que le
partage élail alors attaqué par les majeurs, tandis que l’inobserva
tion des articles/jGo 840 du Code civil ne peut être invoquée que
pur les mineurs;
>
2” Que les biens avaient été estimés en justice , et que celte
seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque dans les*
pècc dont il s’agit ;
�» D ’où il suit que cet acte du 12 août 1816 V' q u i ’ sert dé base à
la demande, est nul en tant qu ’il détermine d ’une manière définitive
la part afférente à» Canu comme enfant naturel’, et qu’il fait cesser
pour lu i, l’indivision dans la succession de François Gueston. » '
Des raisons aussi logiques n’ont pas besoin de justification.’ Les
héritiers Gueston n’ont pas cherché à les combattre autrement
q u ’en déplaçant la question, et en dénaturant le véritable caractère
du traité de 1816. Ont-ils été plus heureux dans les critiques de
détail qu’ils ont faites de deux considérants, dans lesquels ils ont cru
voir des erreurs de droit et des contradictions manifestes. Il nous
sera facile de montrer que dans le jugement du tribunal de Mou
lins , il n’y a ni erreur de droit, ni contradictions, et que toutes ses
dispositions s’enchaînent, se coordonnent, et répondent victorieu
sement aux objections des héritiers Gueston.
Nos adversaires, dans leur m ém oire, ont cherché à éluder l’ap-'
plication de l'article 888 du Code civil : ils ont voulu se placer sous
la protection de l’article 88g qui porte : * L ’action en rescision n’est
» pas admise contre une vente de droits successifs faite sans fraude
» à l’un des cohéritiers à ses risques et périls, par ses autres co » héritiers ou par l’un d ’eux. Ainsi, disent-ils, les droits de Canu
» supposés certains, sa qualité reconnue , le traité sur ces droits par
» un majeur, moyennant une somme G xe, serait^une véritable
» cession de cette espèce, inattaquable de sa nature, parce que
» c ’est encore sur la quotité et la valeur des droits une sorte d e '
» transaction. »
L emploi de ce moyen était dangereux dans la bouche des héri
tiers Gueston. D ’une p a r t, c ’était considérablement affaiblir le ca
ractère exclusif de transaction que l’on voulait conserver au traité
«le 181G. D un autre côté , présenter cet acte comme une cession de
droits successifs, c était reconnaître qu ’il rentrait'nécessairement
dans la catégorie des actes qui font cesser l’indivision , et dont s'oc
cupe l’art. 888, si l’on n’établissait pas q u ’il fût compris dans l’excep
tion prévue par l’article 88g. Aussi l’habile interprète des intérêts
�—
5G-—
des héritiers Gueston., tont en développant ce moyen avec étendue ,
prend-il la précaution d ’indiquer quç s ’ il aborde,,cette question fort<
inutile, à sa cause, c ’ est uniqiwment parce que Je tribunal l'a mis sur
cette voie. .
h, ,
tL ’objection avait été en effet présentée devant le tribunal de Mou
lins^,et le jugement y répond par les motifs suivants
« Attendu
» que l ’acte du 12 août i 8 i Ü 'n e peut être considéré comme reu» fermant une vente de., droits successifs, lorsque l’on considère
» également le caraclèfe propre ;et distinctif de ce genre d ’aliéna» tion.
*
ft.
v,, . ,
,t, 4.
En effet, le vendeur de droits,successifs ne vend et ne garantit
» que . sa [qualité d ’héritier ou d ’ayant droit ; du ¡reste , il n’eit pas
1» garant de la moindre pu de la plus grande étendue de ses droits ;
p il ne vend que ce qui se .trouve ou peut se trouver dans la suc3 cession : dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu nonrseulement des
» droits certains, mais des droits liquidés, déterminés , une quolc
» part enGn, attributive d ’une valeur fixée; en un m o t, le résultat
» d ’un partage préexistant. »
Ces motifs répondent parfaitement à l’argumentation des héritiers
Gueston. Par une exception au principe proclamé par l ’article 888 ,
le législateur déclare qije la vente des droit successifs laite aux ris
ques et périls de l ’acheteur , était à l’abri de l’action, en rescision.
Pourquoi? parce que, dans ce cas, les forces de la succession n’étant
pas connues, les dettes qui la grèvent étant ignorées, il y a pour
les deux parties chances aléatoires dans le contrat qui intervient.«
C ’est, disent Lebrun et P o th ie r , parce que l ’ incertitude sur la quotité
de Ca ctif de la succession et sur la quotité ¡des dettes et des charges,
rend également incertaine la valeur des droits successifs. L e caractère
distinctif de cette convention est d'ailleurs, assigné par l’article 889 ,
qui exige que .la vente soit faite,«!/# risques et périls de l ’acheteur,
c ’e$t-à-dire, suivant l’opinion générale des auteurs, q u ’il reste seul
expressément chargé d ’acquitter toutes les dettes.
D a n i-le traité de 181Ü, trouve-t-pu les éléments d ’un contrat
�aléatoire'.résultant dé l ’incertitude^dans laquelle toutes les" parties!
auraient été sur la quotité des biens et sur la*quotit<*i des dettes et
descharges? Mon : l ’actif est rappelé toutes lesdettessonténumorées ;
nulle part il est indiqué qu ’elles resteront à la charge des.cessionnai*
res; loin dé là , on fait.paÿer au mineur sa part contributive , en re
tranchant ide l’actif de la succession les dettes, qui. la grevaient. C e
n ’est pas une part incertaine., ignorée des parties, et dont-: la con
sistance pCit dépendre d ’un passif inconnu:,» que se fonticéder les
héritiers Gueston , mais un seizième déterminée d ’après les droits
reconnus d’Éléonard, et les forces d e <la succession soigneusement
énumérées.
Le tribunal a donc eu parfaitement raison lorsqu’il a décidé que
le traité du 12 août ne pouvait, sous aucun rapport, être assimilé à
la cession aléatoire dont s’occupe l’article 88g , et que la vente con
sentie au nom d ’Éléonard portait sur des droits certains, liquidés,
déterminés, enfin sur le résultat d ’un partage auquel toutes les par
ties avaient réellement procédé.
Où conduisait d ’ailleurs l’objection? Quand il serait vrai que la
cession consentie au nom d ’Éléonard fût un contrat aléatoire q u i,
par sa nature m ê m e, ne peut jamais être ni autorisé ni consommé
lorsqu’un mineur y est intéressé, elle n’en resterait pas moins une
cession de droits successifs dont la nullité serait évidente. En ellet’,
I aliénation des immeubles appartenant à un .mineur ne peut avoir
lieu qu’après l’accomplissement de nombreuses formalités qui témoi
gnent de la vigilance du législateur. Ces formalités sont indiquées
par les articles
4 ^7 » 4 ^®» ^ 9
Gode civil , g
56 et
suivants du
Code de procédure. Il faut q u ’il y ait nécessité absolue , ou avantage
«•vident reconnu par le conseil de famille et par le tribunal. Il faut,
encore que le subrogé tuteur soit appelé à la vente, q u ’elle soit
précédée d ’aiTichcs , d une estimation préalable par experts , et con
sommée publiquement sur des enchères reçues par un magistrat ou
un notaire. Ces dispositions sont communes à une cession de droits*
successifs, qui comprend nécessairement aliénation d ’immeubles,
�lorsque la succession est principalement immobilière. Sous la forme
d ’une transaction, et en se conformant aux prescriptions de l’article
¿¡G"1 , il n ’est pas plus permis au tuteur de faire un partage.;qu’une
cession de droits successifs qui puisse lier son pupille; autrement
toutes les garanties dont la loi a voulu l’environner lui seraient ravies.
En matière de .transaction, elle a seulement exigé le concours de
trois jurisconsultes, parce que la nature du débat sur lequel une
convention de cette nature est provoquée, exige plutôt l’appréciation
d ’une question de droit que l’appréciation de la consistance et de
la valeur des biens immeubles ; mais toutes les fois que les droits
immobiliers d ’un mineur sont en litige, elle a pris des mesures spé
ciales et plus appropriées à la nature même des droits q u ’il s’agit de
protéger.
11
ne nous reste plus q u ’à justifier le jugement attaqué du reproche
de contradiction que lui adressent les héritiers Gueston. Après avoir
fortement démontré que l’acte de 1816 était un partage réel qui ne
devait produire que des effets provisoires, le tribunal ajoute : « At» tendu que l ’acte dont il s’a g it, contenant transaction sur d ’autres
» points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être , que l’admission de Canu à prendre part à la succession de
» leur père dans la proportion qui s’y trouve déterminée . n’a été que
» la condition par forme de transaction , de la renonciation de leur
» part à différents droits, et notamment h celui de contester la qua>
» lité d ’enfant naturel. »
• Très-bien ! s’écrient les héritiers Gueston , le tribunal en dit plus
» q u ’il n’en faut pour détruire tout l’effet des précédents motifs; il
» reconnaît que l’acte du )2 août contient transaction sur des points
» litigieux...... ; il reconnaît qu ’un de ces points litigieux était le droit
» de contester à Canu sa qualité d ’onfimt naturel ; d o n c, d ’après le
» jugement lui-même . il y avait contestation , et il v a eu transaction
* sur ce point important, fondamental, en même temps que sur
» d ’autre.'. »
Le tribunal de Moulins avait été saisi par la demande en validité
�—
39
—
<les offres faites par les héritiers Gueston d ’une somme de
3 ,ooo l i . ,
qui devait, selon e u x , désintéresser complètement leur frère natu
rel. Pour déterminer si ces offres étaient suffisantes , il était néces
sairement amené à examiner le caractère définitif que l’on voulait
imprimer au traité de 1 8 1 6 ; mais il n’avait pas à s’occuper du par
tage, qui était pendant devant le tribunal de M ontluçon, dans le
ressort duquel la succession s’était ouverte. Il aurait pu cep en d a n t,
en appréciant toute la portée de l’acte du 12 août, décider que les
héritiers Gueston, en reconnaissant la qualité de leur frère naturel,
en ne conlestant ni'sesdroits à une réserve, ni l’action en réduction
qu’il pouvait form er, et dont le mérite avait été sanctionné par l’avis
des trois jurisconsultes, ne pourraient plus, dans l’avenir, présenter
de pareilles objections; qu e, sous ce rapport, il y avait eu de leur
part renonciation formelle ; que celte renonciation , accompagnée
de la paît de la tutrice de l’abandon des droits que lui conférait l’acte
5
sous seing privé du 14 janvier 18 1 , constituait une transaction qui
devait être respectée par toutes les parties. En le jugeant ainsi , le
tribunal n’aurait pas été en contradiction avec les précédents motifs
q u ’il avait donnés. Suivant la distinction établie par MM. C h a b o t,
Duranton et Y azeille, et d ’après la doctrine des Cours d ’Amiens et
de ¡Nîmes, il aurait pu reconnaître q u e , dans celte partie de l’acte ,
>1 y avait transaction, et dans l’autre partage q u i, à raison de la mi
norité et de l’inaccomplissement des formalités prescrites, devait se
borner à des effets provisoires; et cette décision aurait été logique ,
conséquente; et le tribunal n’aurait pas, en l’adoptant, donné 1111
démenti à 1 interprétation qu ’il avait dé,à faite du règlement de 181 (5.
Mais il 11 est pas allé jusque l à , il a été plus circonspect : après avoir
constate le fait, ¡1 s’est b o rn é , en rejetant la demande eu validité
d o llre s, à faire réserve à toutes les parties de leurs droits respec
tifs, à 1 ellet soit de procéder à un nouveau partage, soit d'exercer
lesdils droits ainsi qu elles aviseront. Les héritiers Gueston peuventils s en plaindre? S ils attachent quelque importance à ces misérables
contestations, libre à eux de les reproduire à leurs risques et périls|;
leur frère naturel 11c les redoute pas.
�-40
-
!
Q u ’on ne dise pas surtout que le tribunal a reconuu q u ’un des
points litigieux était la qualité d ’enfant naturel, et qu ’il y avait con
testation sur ce point important, fondamental. Pour motiver la ré
serve générale faite aux parties, réserve que nos adversaires récla
maient positivement dans leurs conclusions, il dit seulement que les
héritiers Gueston pourraient alléguer peut-être. Certes, traduireainsi
leur prétention, était suffisamment en apprécier la valeur. Jamais,
en e ffe t, les héritiers Gueston n’ont contesté la qualité d ’Eléonard.
Indépendamment des actes nombreux qui l’établissent, eux-mêmes
l’avaient reconnue, soit dans l’acte du 14 janvier i
8 i 5 , soit dans la
délibération du conseil de famille du 12 juin 1 8 1 6 , soit enfin dans
le traité de 1 8 1 6 , où toujours Eléonard est indiqué comme fils na
turel du sieur Gueston. Aussi le tribunal dit-il qu’aucun doute ne
saurait s’élever sur cette qualité d ’enfant naturel du sieur Gueston.
Sous tous ces rapports, les premiers juges ont fait une apprécia
tion exacte et judicieuse des questions qui étaient soumises à leur
examen. L ’erreur involontaire commise parleurs devanciers ne les a
point égarés; ils ont su la réparer au moins pour l’avenir, en lais
sant le passé sous la protection du traité de 1816 et du jugement
qui l’avait homologué. Malgré la fausse qualification donnée à cet
acte , ils lui ont restitué son véritable caractère, révélé par les prin
cipes les plus certains de notre législation , par la nature des conven
tions qu'il renferm e, et les résultats qu ’il était destiné à produire.
La C o u r, dans sa haute sagesse, n ’hésitera pas à donner une nou
velle consécration aux droits imprescriptibles d ’un enfant mineur,
que des cohéritiers malveillants et cupides ont voulu compromettre,
et qu ’une faible fem m e, dominée par leur ascendant, n’a pas su
défendre. Dans cette lutte décisive , elle prêtera son appui tutélaire
à celui que la loi a placé sous sa protection spéciale, et dont les in
térêts ont été l’objet de sa constante sollicitude. L ’arrêt que pom Miit Eléonard, et q u ’il attend avec confiance, doit fixer son avenir.
Jusq.i’à présent, malgré tous les obstacles suscités par le besoin et
la détresse , il est parvenu , secondé par un travail opiniâtre , soutenu
�4
1
par l'intérêt qu’il a su inspirer, à terminer ses études. l ' instruction
qu ’il a r e çu e , et qu ’il donne en échange pour acquitter sa d e tte, lui
permet de suivre une carrière h on o rab le, s' il parvient à recueillir
l’héritage paternel. Toutes ses espérances, tous ses eff orts viendrontils se briser dans le sanctuaire de la ju stice, où il a cherché un
refuge ?
Me L. R O U H E T , Avocat.
Me T A IL H A N D , Avoué-Licencié.
RIOM.— IMPRIMERIE DE E. THIBAUD.
�
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[Factum. Gueston, Eléonard. 1836?]
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Rouher
Tailhand
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
conscription
jurisprudence
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Titre complet : Mémoire en réponse pour Eléonard Gueston, précepteur, intimé ; contre Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston et Jean Causse, son mari, Docteur en médecine ; appelants d'un jugement rendu par le tribunal de Moulins, le 28 avril 1836.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
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An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
41 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2806
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2805
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53562/BCU_Factums_G2806.jpg
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Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Veaux (domaine des)
Loulaigue (domaine de)
La Faye (domaine de)
Châtillon (03069)
Tronget (03292)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
conscription
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
jurisprudence
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53644/BCU_Factums_M0103.pdf
0aefee4f12fcbac6d452ef8745c5a9eb
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Text
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M
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O
I
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épartem
entdel'aliertribunalcivil
P O U R le citoyen S i m o n B e l a n g e r , ci-devant cu isin ier , et
premier domestique de défunt L o u i s G a i l l o n e t d ’ O r v i l l i e r s , amiral de France , D em andeur ;
le citoyen H u g o n d e G i v r y ,
héritier dudit défunt son oncle , Défendeur.
CO N TRE
seul et unique
Q u e l l e idée d o it-o n se f o r m e r d ’un n e v e u , q u i n on con ten t de
s'e tre e m p a r é de la fo rtu n e de son v i e il o n c l e , m ê m e a v a n t sa m o r t ,
em p loie t o u r - à - t o u r l’a rtifice et le m en son g e p o u r d ép o u iller un p a u v r e
d om estique d’un legs m o d i q u e , q u e le d éfu n t lui a f a i t , en récom p en se
de ses longs et pénibles s e r v ic e s ?
N ’est-ce pas à l’ingratitude la m i e u x caractérisée joindre la plus sor
dide a va ri ce? N ’est-ce pas s’exposer d’ un côlé à la raillerie et au mé
pris du p u b l i c , et de l’autre à toute l’ani madver ti on de la justice?
T e l s sont cependant les tristes désagrémens , ou plutôt telles sont les
chances également honteuses que le citoyen H u g o n G i v r y ne craint
pas de courir. Héritier du ci-devant comte d’ Orvllliers q u ’ il a dépouillé
,de son v iva nt de sa riche s uc c es si on , il croit n’en a v o ir pas assez s’ il
ne parvient à frustrer le citoyen Bellanger du legs que le vieillard lui
a laissé p ar son testament.
Et sur quel m o y e n se fonde cet avide collatéral } pour b r a v e r a vec
tant de courage les loix de la reconnoissance , et affronter a ve c tant
d intrépidité la r ume ur publ ique ? « M o n o n cl e , dit-il , n’a entendu
« donner à Bellanger q u ’autant q u ’ il seroit à son service à l'heure
de sa m ort o r , long-tems avant cet événement Bellanger l’ avoit
» quitté ; donc son legs ne lui est pas du ».
Quel h o m m e seroit assez maître de soi pour r etenir son indig n a ti o n , lorsqu’ il saura que c ’est le citoyen H u g o n G i v r y lu i- mê me ,
qui a congédié Be ll anger , qui l’a e m p ê c h é par force et par artifice
de recueillir les derniers soupirs de son b i e n f a i t e u r , de son m a î t r
tombé en enfance ?
Entrons dans le détail de c ette singulière a f fa i re , plus digne de fig u rer dans un r o m a n , ou dans une intrigue de théâtre, que d'occuper
uneplace
dans les fastes de la justice.
A.
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2
)
F A I T .
V e r s la fin de 1 7 7 9 , Bellanger entra en qualité de c h e f de cuisine
au service du comte d’Orvilliers : il étoit alors à R o e h e f o r t , où sa place
de vi ce-ami ral de F r a n c e , le retenoit.
A y a n t perdu sa f e m m e a u co mme nce me nt de l’année 1 781 , il
quitta cette ville, envi ron une quinzaine de jours après. Il vint à P a r i s ,
et se retira dans le séminaire S ai nt -Magloi re , pour y v iv re dans toutes
les pratiques de la religion.
^
A v a n t s o n départ de R o e h e f o r t , il congédia ses domestiques qu i
étoient en grand nombre. Il ne garda que le seul B e l l a n g e r , q u ’il
me na a ve c lui à Paris , dans sa voiture. 11 fut redevable de celte p r é
f é re n ce , sur tousses camarades, a ux marques les plus expressives de
fidélité, d’attachement et d’exaclilude q u ’ il n’a cessé de lui donner en
remplissant ses devoirs auprès de sa personne.
__
Cet éloge n ’a rien d’exagéré , il n’est que la répétition des discours du
citoyen d ’O r v i l li e r s , et des tém oignages q u ’il a toujours r e n i u s de la
conduite de ce lidèle s e rv ite u r , p endant tout le tems q u ’il a été à son
service.
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Si l’on interroge le supérieur du séminaire de S a i n t -M a gl oi r e, il r é
pondra , ainsi q u ’il l’atteste dans son certificat du 4 frimaire de r ni e r,
a. que le citoyen L oui s Gaillonnet d’Orvilliers , ancien lieutenant-gé» néral des armées navales de F r a n c e , ayant résidé pendant l’espace
» de dix ans environ dans ledit sé mi na ire , j’ai souvent eu occasion de
» le voir et de m ’entretenir a v e c l u i , q u ’ il m ’a très-souvent parlé du
n citoyen Simon B e l l a n g er , son cuisi ni er, qui a été à son service pen
» dant ledit tems, et qui l’étoit déjà bien a u p a r a v a n t , q u ’il ma c o n s
» tamment témoigné être très-satisfait de son s er vi ce , persuadé que
■
» ledit Bellanger le s e r v o i t , no:i-seulement a ve c respect et lidélité ,
» mais a vec le plus grand a tt a ch em ent , et qu’ en conséquence il étoit
» disposé à lui faire beaucoup de bien pendant sa vie et après sa
» mort ».
Interrogez le directeur des études de. philosophie de cette ma ison ;
interrogez le citoyen Sai nt -Simon , aussi l’ un des chefs de cette m ê m e
mai son, tous les deux attesteront les mômes faits, les m ê m es t ém oi
gnages de satisfaction des services du iidèle Be ll ang er , le mê me désir
ciu comte d Or vdli ers de lui faire ou bien de son vivant el après sa mort.
Ces titres, que la voix publ ique consacre d u n e m i ni è re si h o n o
rable pour Bellanger , sont confirmés par les écrits el libéralités du ci-,
toyen d’Orvilliers.
_
‘D ’après ses ordres, Bellanger avoit apporté an séminaire de SaintMagloire une poilion de sou ménagé j c o m m e chaque jour la santé
du comte s’aiï'oiblissoit, il étoit possible que son héritier après sa mort.
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.
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(3 )
.
.
lui contestât ce mobilier. P< ur délivrer ï iellanger de celte inquiétude ,
_ il lui d o n n a , le 16 avril 178O, l’ écrit suivant:
' « Je certifie et (onfesse que c’est par m o n avis et conseil que B e l
» langer a mis ses effets chez tnoi , el q u ’ils lui appartiennent en e n t i e r ,
» ainsi que tout ce qui est dans la c h amb re q u ’il oc cupe ».
Ce n’est pas t o u t , à cette déclaration de propriété, il ajoute en ces.
‘termes, dans l e m ê m e écrit : « Et j’y compi’ends le petit lit; et si connue
51 je l’e i p è r e , il me survit ; car s i f a v o is le malheur de le perdre ,
» il me seroit nécessaire pour coucher le domestique qui le re mp la » ceroit ».
' « D e fout c e c i , continue-t-il, il suit que le sage Bellanger-ne. i\oh
» point être inquiété après ma m o r t , sur ces meubles et l’article de
» mon testament ».
^ D ’après cet écrit , le don du petit lit que le citoyen Dorvilliers fait
a Be ll ang er , le chagrin q u ’ il éprouveroit s’ il avoit le malheur de le
perdre, l’espoir q u ’il le survivra , l’espèce d’ordre q u ’ il intime à son
héritier de 11e point inquiéter le sage ïiella n g er sur ses-meubles et
1 article de son testament ; enfin ce s u r n o m , cette épithète de sage q u ’il
lui d o n ne , toutes ces particularités prouvent que Bellanger avoit su
j u s q u a u dernier point mériter l'attachement de son m a î t r e , et q u ’ il
lui étoit devenu si nécessaire q u ’ il ne pouvoit plus s’en passer.
E n f i n , pour peu q u ’on réfléchisse sur sa situation, et q u ’on se r e
présente un vieillard de plus de 80 a n s , qui cha que j our voyoit e n
lever une de ses facultés, qu i senloit son corsps se détruire e n . d é t a i l ,
et s’ciFaisser sous le poids des infirmités ; n’est-il pas naturel de penser
que cet h o m m e se lut cru perdu l u i- m êm e, s’il avoit eu le malheur
de perdre le serviteur fidèle qui connoissoit depuis long tems ses goûts ,
ses habitudes, et qui possédoit si bien l’art de les flatter, de les e n
tretenir, cl adoucir res maux , el à foi ce de soins et de prévenances de
le faire s ur vi vr e, en quel que sorte, à lui-même.
U ne étude si continuelle de ‘services ne pouvoit être oubli ée; aussi
. ce vieux guerrier se fit il un devoir et un h onneur de les reconnoî ire;
il fit son testament olographe le 14 ma i 1787 , ainsi conçu à l’égarcl
ae Be ll ang er : o J e donne 6000 francs à S imon Bel l ang er , mon c u i
» smier el premier domesti que, en reconnoissance des services q u ’ il
a m a rendus , par estime de ses vertus et par amitié pour lui. Je
» lui donne aussi Is lit d’ indienne et tout le petit ameublement de ¡a
» cnombre située au premier où je mange , tous mes habits, et les
» deux tiers du linge servant
m a personne ; enfin je lui donne tous
» les livres qui se trouveront après qu e M . / aub (son exécuteur tesJ) lameiitaire_) aura fait le choix de ceux qui lui conviennent. -Je donne
n >-i C a li x le , mon Inquais...... l e s articles concernant les deux d o » nies tiques n'auront effet qu'autant qu'ils seront à mon servies;
M « l ’heuie de ma mort ».
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_
_
Quelques années après ce testament, le citoyen d’ Orvilliers cessa
peu à peu de v i v i e , sa raison c é d i n a ; enün au mois de mars 1791 ,
Il tomba tout-à-fait dans l’enfance ; instruit de son état, le citoyen I I u gon de G l v r y , son neveu et son héritier, accourut à P a r i s , et y arriva
le i 5 mai de !a m êm e année.
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_
_
Ouel étoit le but de ce v o y a g e? étoit-ce pour veiller plus p a r t i c u
lièrement sur la sa nié de son oncle , et p r o l o n g e r ses jours en lui pro
diguant tous les secours de l’art des médecins? N o n , il ne s’esl rendu
e n°si grande hâte dans la capitale , que pour s’emparer , ainsi que
toutes les circonstances le prouvent , de la succession de son vieil
oncle avant sa m o r t , et pour en accélérer le terme, autant q u ’il d é
pendent de l u i , sans se compromettre aux y e u x de la justice.
* Il est triste pour Bellanger de se voir réduit à révéler de pareils
faits • il est triste pour lui d’être forcé d’accuser le neveu , l'héritier de
son maître et de son bienfaiteur: que disons-nous accuser ? C ’est ce
n e v e u , c’est cet héritier qui s’accuse lui-même ; c’est sa propre c o n
duite qui le traduit devant le tribunal de l’opinion p u b l i q u e , et qui le
d é n o n c e , ainsi q u ’on va le voir dans un instant.
Un e f f e t , à peine est-il arrivé chez son o n c l e , q u ’ il s’empare do
t out , fait vendre son m o b i li e r, sa batterie de cuisine; sans aucune
f or ma lit é, se fait rendre compte de l’état de sa fortune et de ses r e
venus par le citoyen E t i e n n e , n o ta i r e, l’ homme d’affaires du citoyen
d’ Or vil li er s; il ordonne à Bellanger de mettre dans des mall es, l’a r
g e n te r i e , la garde-robe et tout le linge. P o u r se dispenser d ’acquitter
'le legs fait à Calixte ( l’un des domestiques du vieillard ) il le congédie,
' et lui donne pour i n d e mn i t é , un billet de 5 o francs en sus de ses
gages.
_
Il auroit bien v oulu renvoyer de m êm e Bellanger , et s’ acquitter p a
reillement de son legs; mais celui-ci lit p!u; de résistance, assuré pnr
l’écrit de son maître , du 16 avril 1788 , q u ’ il exigeoit q u ’ il ne 'c quittât
q u ’ à ia mort; soupçonnant que cette condition pouvoit être répétée
dans son testament, il persista à tester auprès de la personne du vi ei l
l a rd , et a lui continuer ses secours. Le vo ya nt si ferme dans cette
résol uti on, le citoyen de G i v r y n’insista pas (.'avantage pour le m o
ment.
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Quand tous c e s arrangemens lurent termines , ce neveu fit transporter
dans sa v oi tur e, son vieil o n c l e , qui avoit alors perdu l’ usage de la
parole; il le conduisit à M o u l i n s , a peu-près c o m m e un cadavre que,
l’on conduit à sa sépulture. Bellanger étoit à ses côtés pour lui fournir ,
pendant le v o va ^ e, tous les secours dont il avoil besoin. Enfin l’equi'«
L e e arriva à Mmilins le 2,3 u n i 1 79 1.
_
_
_
O n se demande pourquoi cette trans.alion si subite? L e citoyen
H i l t o n G i v r y e.royoit-il que le ci toyen Dorvilliers auroit plus de secours
à Mouli ns qu’ à Paris? Ma is ne sait-on pas que dans les plus graves,
�maladies, on v i e n t , d’une extrémité de la F r a n c e à l’a ut re , chercher
guérison dans cette grande capitale? Eloit-ce le m an q ue de fortune
ou d’aisance? Mais le citoyen d’ Orvilliers jouissoit à-peu-près de 30,000
irancs de r ent e; s a v o i r , de 18,000 francs de pension du g o u v er ne
ment , dont il lui éloit toujours dû une année en a r ri è re , du château
Cihenel, bien provenant de sa f e m m e , dont l’usufruit lui rendoit
annuellement environ 12,000 f r a n cs ; enfin il lui étoit d û , par une
citoyenne D u f r e s n e , b an q u i è re , un capital de 14,000 francs.
C.e n’étoit donc ni la pénurie des m o y e n s , ni le m a n q u e des
r emèdes, ni des secours de l’a r t , qui forçoient cet avide collatéral à
faire transporter, a ve c tant de précipitation, le.citoyen d’ Orvilliers de
-taris à M o u l i n s , dans l’état oii il étoit de souffrance et d’anéantis
sement. Pourquoi donc un v o y a g e si l ong , si p é n i b l e , pour u n
vieillard qui n’a voit plus q u ’un souille de vie ?
.................. Qulcl
non m o r ta l ia p e c to r a c o g i s ,
A u r i sacra f a m é s !
Jri r g tLn,
A u r este, quelques jours après l’ arrivée à Mo ul ins du citoyen
j-’orvilliers et de sa suite, le citoyen Hugon de G i v r y , m it auprès
de lui une garde et un domesti que, qui apprirent de Bellanger la
manière de gouverner le malade. Qu an d au bout de dix à douze jours
us furent au l a i t , le citoyen G i v r y déclara à Bellanger q u ’il n’avoit
plus besoin de l u i; q u ’il avoit payé sa place à la diligence de Paris,
pour partir 1s lendemain à quatre heures du matin ; q u ’ il eût à se
tenir p r ê t , et que son domestique le conduirai t à la voiture.
Il étoit six heures du soir, q uan d ce départ inattendu fut intimé à
Bellanger. Qu e d i r e , que faire dans la position où il étoit? Il eut beau
protester qu il ne quitterait son m a î t r e , conf or mément à ses i ntentions,
q u ’après avoir reçu son dernier soupir. Vainesproteslations;le malheureux
d ür vi lli er s 11’étoit plus q u ’ une masse i n a n i m é e ; Bellanger n’étoii plus
dans sa m a i s o n ; il éloit dans celle du citoyen G i v r y ; pouvoit-il y
l e s t t r , malgr é son congé et ses défenses d ’y rester?
Il fallut donc se disposer à partir; mais avant de céder à cette
atale nécessité, il crut devoir prendre ses précautions. Il alla chez le
ci-devant curé de Mouli ns , pour le prier de veni r a ve c lui chez le
juge de paix, afin de laire constater son départ forcé. Malheureusement
ce juge etoit a b se nt , el il étoit trop lard pour y retourner : il n’ eut
que le tenis de faire ses p a q u e t s , de co mp te r a v e c le citoyen G i v r y ,
clu i lui p ay a ses g a g e s , moitié en assignats, et moilié en a r g e n t , et
? « • VOUl' se (^!>'HTasser de lui plus f a c i l e m e n t , lui promit q u ’ après
e tet.es de son o n c l e , son testament seroit, à son é g a r d , ponctuelle
ment exécuté.
Bellanger p artit p o u r P a r i s , re mp li de ces brillantes promesses;
A 3
�.
.
( 6 }
■
.
mais bientôt il eut occasion d ’apprendre que promettre et tenir de la
part du citoyen Hugon G i v r y , sont deux choses toutes différentes.
I,e citoyen d’Orvilliers est décédé à M o u l i n s , le 14. avril 1792- lk;Llanger a réclamé ¡’exécution du testament du défunt.
.
I.Vabord il en a demandé la représentation au citoyen G i v r y ; celui-ci
lui en a donné une copie, écrite de sa 111 lin. C o m m e cet adversaire se
proposoit d’exciper de ¡’obligation imposée par le testateur, d’être a
son servi ce, à Plieure de sa m o r t , pour obtenir le legs, il a lallu
plaider pour s’assurer de l’existence de cette condition , si d i e étoit
bien l’ouvrage du testateur, ou plutôt celui de son héritier.
P o u r éloigner autant q u ’ il a été en son pouvoir le jugement de cet
incident , ie citoyen Hu g on de G i v r y a n i é , devant le juge de paix
et à l’audi ence, q u ’ il étoit dépositaire du testament, quoiqu' il eu eût
donné dr; sa m-iin une copie à Bellanger ; triais convai ncu par celle
copi e que toutes c;s dénégations étoient autant de mensonges , le
t r i b u n a l , par son jugement du 28 floréal, l’a condamné ¿1 le déposer
à son g iv l le dans la huitaine; sinon fait droit sur la demande en
délivrance de, legs , et en dommages et intérêts de Bellanger.
C e dépôt a été l'ait en exécution de ce j u g em e n t , et il n’est plus
question que de décider si le citoyen H ug on G i v r y ayant forcé 13ellanger de quitter son maître avant sa mo rt , celui-ci peut exciper de
celte retraite, dictée par la nécessité , pour se dispenser d’arquitter
le legs, et les' dommages et intérêts d û s , en raison du tort qu’ il a fait
éprouver à ce malheureux domestique. Entrons en matière.
M O Y E N S .
P a r son testament olographe du 14 mai 1 7 8 7 , le citoyen Dorvilliers
a lègue à Echanger, en récompense de scs longs services, une s omme
de 6,000 f r an cs, et d’autres objuls plus au long mentionnés dans ce
testament , et i! les lui a l ég ué s, à condition q u ’il sera à son service
ù )’ h m e de sa mort.
Quelle est la nature de ce legs? Quelle est celle de la condition
qui y est apposée?
S i , d’après les principes de la ma ti èr e, et d’après les faits de la
cause, 011 démontre:
E n premier lieu , que le legs est d u , indépendamment de la condition
qui lui est apposée ;
E n second lieu, q u ’il est du encore, parce que l’ inexécution de celte
m ê m e condition n’est point le lait de j 3ellanger, mais bien celui du
citoyen G i v r y .
Il résultera de la démonstration de ces deux propositions, quo dans
tous les cas possibles, il est tenu d acquitter le legs, et les d omma ge s
et intérêts d e ma n dé s , et que j'ien ne sauroil l’en dispenser.
�(
P R E M I E R E
7
)
P R O P O S I T I O N .
L e legs est dû , indépendamment de la condition qui lui est apposée.
Quelle est la nature de ce legs? C ’e s t , sans contredit, lin legs rémunératoire , une récompense donnée p o u r des services déjà reçus et à
recevoir par la suite.
'
,
O r , quelles que soient les conditions opposées à lin l e g s , à une
donation r énni né ra to it e, elles ne peuvent jamais eire d ’un a ccompli s
sement aussi strictement rigoureux , que les conditions apposées aux
donations purement gratuites.
L a raison de cette différence vient de ce que la donation r é m u n é
ra toire est plutôt une dette que le testateur acquitte, q u ’ une véritable
donati on; car si quelquefois il donne plus q u ’ il ne d o it , il n’est pas
en son p ouvoi r d’attacher à sa donation des conditions telles, qu’ il
puisse se dispenser d'acquitter ce qu’il doit réellement : la justice ne
permet pas pius q u ’on s'enrichisse des services d’aut ru i, que de sa
fortune.
Ces principes s’appliquent singulièrement a ux legs faits à des domesticjuRs par des vieillards infirmes. O n sait que les g^ges ordinaires
cju on leur d o n n e , ne suilisent pas , g beaucoup près, pour les r é c o m
penser des peines et des soins q u ’ ils prennent de ces êtres que la mort
Ivappe en détail , et q u ’elle accabl e, avant de terminer leur cari ¡ère,
de mille et milie inf irmités, aussi pénibles à soigner q u ’à supporter.
Al ors il n’est que l’espoir d’être indemnisés du surcroît de leurs
soins et de leurs veilles, qui soutient l’attachement des domestiques
auprès de leurs vieux maîtres , et les legs q u ’ils leur font après leur
m o r t , mê me a ve c la condition de recevoir leurs derniers soupirs, ne
sont jamais regardés que c o m m e un supplément de leurs gages.
I o u t e peine mérite salaire, et tout salaire doit être proportionné à
la peine.
C ’est ce qui a été décidé par plusieurs arrêts. D e n i s a r t , verbo legs ,
en rapporte un trèi-remarquable, N°. i 4 i dont voici les circonstances.
Nous les copions.
»
»
»
»
»
w
« L e n août 1 7 5 5 , M . le mar échal de T h o m o n d fit son testament
devant notaires, par lequel, entr’autres dispositions, il iit un legs
de 400 livies de pension viagère à Sevestre, son cuisinier, laquelle
pension devoit c o mme nc er du jour de son décès; plus, il lui léguoit
Mx :nois de ses ^ages, i ndépendamment de ce qui lui en seroit dû.
T n n s mois après ce testament , le mar échal de T h o m o n d ht ui»
co*-licilc en l av eu r de tiO;s domesti ques, ù qui il légua à chacun
�»
»
»
»
.
.
,
. (
8
)
.
une pension viagère de 150 l iv r e s ; bien entendu, portoit le codi
c i l e , que ces pensions et ces dispositions 11’ auront lieu qu’autant
que ces trois domestiques seront ¿1 mon service a l'heure de
ma mort.
» T ro is ans après la date de ces testomens et c o d i c i l e , et en 1 7 6 8 ,
» Sevestre sortit de chez M. Je maréc hal de T h o m o n d , o ù il étoit
» tombé malade. L e mar échal de T h o m o n d décéda le 9 sep
» tembre 1761.
» Quatre années après sa m o r t , Sevestre demanda en justice le
» paiement de sa rente v ia gèr e; il soutint, au Ch ât elet , q u ’ il n’étoit
» sorti de chez le maréchal de T h o m o n d q u ’à cause d’une ma la di e :
» il ajouta q u ’il n’ a voit pas perdu la protection de ce seigneur, qu i
» m êm e l’avoit placé chez le marquis de Sassenage; e n f in , que s’élant
écoulé trois ans depuis sa sortie chez M. le maréchal de T h o m o n d ,
» sans que le testateur eût r évoqué le legs à lui fait, c ’éloit une preuve
» q u e M . le maréchal de T h o m o n d avoit persisté dans sa volonté. ,
» L e tuteur des mineurs enfans de M . le maréchal de T h o m o n d ,
opposoit pour défenses, que Sevestre ne s’étant pas trouvé au service
de son maître lors de son d é c è s , il étoit non recevable dans sa
demande : il argiimentoit du codicile et des termes qui s’y trou
voient , relativement aux nouveaux legs faits aux trois autres
domestiques , bien entendu qu’ils seront à mon service à Vheure
>5 de ma mort ; enfin il excipoit de celle autre circonstance, que le
» testateur, outre les 400 l i v r e s , lui avoit en outre laissé six mois
55 de ses g a g e s , ainsi q u ’aux trois autres domesliques , pour leur
» donner moyen de se mettre en condition', ce qui s u p p o s o i t , par
5) c o n s é q u e n t , que Sevestre, ainsi que les autres domestiques, seraient
» encore à son service a son d é c è s , sans quoi les legs seraient
» caducs.
» P a r sentence conlradictoire du Châtelet, du 2.8 novembre 1 7f)6 ,
» Sevestre fut débouté de sa d e ma n de , a ve c dépens. Sevestre en
» appeila en la grand’ eha mbr e ; et par arrêt du lundi i 3 juillet 1 76 7,
.0 audience de sept heures , après une plaidoierie très-contradicloire
« la sentence fut i n f ir mé e, la délivrance du legs ordonnée à Seveslre
» seulement du jour de la de ma nde , a vec dépens.»
«
«
»
»
Si l’u s a g e , dans ce t ems, eût été de motiver les jusçemens c o m m e aujourd h u i , 011 verrait sans doute que 1g motif 1g plus dirimaut de cet
arrêt éloit la nalure rénumératoire du legs, et que la condition de se
trouver auprès du testateur, au mo me nt de sa m o r t , n’étoit point à la
ri gueur une condition sine qud non ; car dans cetle espèce, si le léga
taire n’a pas acquitté la lolalité du legs par ses services, il en a acquitté
nu moins une partie, et il seroit souverainement injuste de pri ver un
domestique de ce qui lui est légitimement d û , lorsque ce 11’ est pas sa
�faule s'il n’a pas tout Fait ce q u ’ il ch voit faire pour obtenir la totalité du
legs, et que d’ailleurs il n’existe contre lui a u cu n sujet de mécontente
ment qui puisse le lui faire perdre.
_ O r , telle seroit l’ injustice dont Bellanger r>eroit aujourd’ hui la vi ct ime ,
si supposé q u ’il eut quitté volontairement le cit. Dorvi lli ers, avant sa
“ oi’t, il étoit privé de son legs. Be ll ang er , après avoir passé les plus
belles années de sa vie au service du cit. D o r vi ll er s , a v e c les plus m o
diques g a g e s , perdroil le fruit de lant d’assiduités et de soins, de tant
de nuits q u ’il a passé auprès de l u i , à le p anser, à lenét oyer et à r e m
pli r, c o m m e une garde m a l a d e , toujours au chevet de son l i t , les plus
pénibles et les plus dégoûtantes {onctions!
Il
n’est point de tribunal q u i , dans ce c as, lui refusât un supplément
de gages pour l’ indemniser de ce supplément cle fatigues et de veilles,
et on voudroit le priver d’ un legs dont il a acquitté la plus grande
partie par ses services, parce q u ’il ne lui a pas été possible de l’acquitter
en totalité!
*
Non , un tel système de défense est trop injuste , trop déshonorant
de la part de celui qui le propose, trop opposé aux intentions si claire
ment énoncées du cit. Doryilliej s ; il dégèle de la part de son héritier
un si grand fond d’ingratitude et d’a var ice , q u ’on craint de se dé s ho
norer soi-tnéme et de s?, rendre son c o mp li ce , en écoutant a v e c quel que
attention une pareille défense.
_Détournons nos regards d’ un tableau si h i d e u x , et hâtons-nous cl’arriver à notre seconde proposition,
i
S E C O N D E
P R O P O S I T I O N .
L e legS' estdâ , parce que Vin exécu tion de la condition n ’ est pas le
f a i t de B ella n g er, n u is bien celu i du cit. IJugon Givry.
r^t-ce Bellanger qui a quitté volontairement le cit. Dorvilliers ? Est
e citoyen de G i v r y qui l’a cong édi é?
*
? C o m m e 1 intérêt est la mesure de toutes les actions humaines, v o yo ns
« a .ueur de ce flambeau si c’est Bellanger q u i , de sa propre volonté,
es l et ne , ou si c ’est le citoyen de G i v r y qui l’ a forcé à cette retraite.
.a ^,0 u l ’ e!1 supposant ciue tous ces sentimens de zèle et d’ attacl«?^ an^ei' ^uso' f Parnde auprès du comte Do rvi ll ie rs, nVusl'n,,
G- -n6 Sa 'lain 1 cIi" ei * fei' •n,t! ^ .dissimulation,
Bellanger
savoit
que
le
IjOII
»
*
.. O
.
.
1
écriif» | ,C
• CUll)'le,'0,, p ^d a i r ? son testament ; il eu avoit la preuve
avnW t G Sn l,n,11' n cl;,ns l’acte du ifj avr il 1788, relatif aux effets q u ’ il
a pporles eu séminaire de Saint-Magloire.
nsuite Bell anger, c o ir aincu que le cit. Dorvilliers ne pouvant so.
�( io 5
passer de l u ! , avoit des raisons de soupçonner q u ’ il mettoit quelque
condition dans ce testament pour le lier auprès de sa personne ju squ’à
sa m o r t , et ses soupçons ne se sont que trop bien réalisés.
O r , est-il probable que Bellanger ait été assez ennemi de son propre
intérêt et de lui-même pour quitter le citoyen Dorvilliers au mo me nt
où il entrevoj'oit à chaque minute que ses espérances alloient se
réaliser par la mort de ce vieillard agonisant? Q u o i ! il a passé q u a
torze années, sans relâche, auprès de lui, dans le plus pénible s e r v i c e ,
et c’est lorsqu’il est sur le point de recevoir les récompenses q u ’ il lui
a tant de fois promises, q u i l le quitte!
N o n , ce fait n’est pas c r o ya bl e ; Bellanger n’est point un f o u , u n
i mbécilie ;les témoignages que le comte Dorvilliers, lorsqu’il jouissoit
de sa pleine raison , n’a cessé de rendre de sa sagesse et de ses vertus, ré
sistent absolument à cette idée; et si la sortie de Bellanger de chez le
•citoyen Hugon de G i v r y pou voit être volontaire de sa part, elle ne
pourrait lui être i mp u t a b l e , parce q u ’on ne pourrait la regarder que
•comme un acte de dé me nc e ; on le plaindrait, mais on ne seroit pas
fondé à le priver de son legs, parce que tout ce qui se fait dans la
f o l ie , n ’est point du domaine des loix.
Ma i s v o y e z encore c o m m e tout choque le bon sens dans l’ h y p o
thèse que nous traitons. Si Bellanger avoit eu.dessein de renoncer aux;
avantages portés en sa faveur dans le testament de son m a î t r e , par sa
retraite d’auprès de sa personne, pourquoi a-t-il attendu, pour l’effec
tuer, q u ’il fût à Mo ul ins ? N ’étoit-il pas plus s i m p le ,p l us naturel d’exé
cuter cette résolution à Paris, il s’ épargnoit la fatigue d’un voyage pour
aller et revenir?
C ’étoit , d i r a - t - o n , pour ne pas laisser le comte Dorvilliers
sans secours dans sa route; il l’ai moi t donc, il lui étoit donc att aché;
mai s s’il n’a pu se résoudre à l’abandonner pendant sa route, quelle
raison avoit il de l’abandonner après sa route terminée? L ’a imoi t- il
moins alors? lui étoit-il moins attaché?
O u i n’est co nv ai nc u maintenant que son départ de Mouli ns a été
f o rc é ,e t que l’ intérêt, l’a v j r i c e , la cupidité ont aveuglé le citoyen H u g o n
de G i v r y , au point de le congédier de chez lui, c o m m e il a congédié
Calixte à Paris, pour profiter des legs (ails à ces deux do me sti que s, et
pour se faire un moyen qui le dispensât de les acquitter.
Est-il possible d’en douter, lorsque sans é g i rd à la foiblesse, à l’ état
d’anéantissement d u c o m l e Dorvilliers, et au\ risques de le faire périr en
c h e m i n , il le fait enlever de Pans uo i m nj U i i cadavre q u ’on porte au
lieu de sa sépulture? Et pourquoi celte translation si s ui n t e , si p ré ci
pitée? afin q u ’étant maître absolu de sa personne, rien de sa succession
ne pût lui échapper.
'
S oi Cdoi ’or! voilà donc où l u p o u ^ s c eux que tu tourmentes!et l’on.
�.
C «« )
_
douieroit encore que celte mô me soif n’a pas excité le citoyen H u g o n
cie G iv ry à congédier Bellanger de ch ez lui pour s’ emparer de son legs,
comme elle l’a porté à s’e mparer, sans aucune f or mal it é, de toute la
fortune de son oncle avant q u ’ il fût inort.
A u surplus, s’il pouvoit rester encore quelques nuages sur la véritable
cause de la retraite de Bell anger, le tribunal, pour les dissiper, pourrait
sans doute ordonner la p r e u v e , tant par titres que par témoins des faits
énoncés au présent mé moi re .
•
' Ma is quoi! cette preuve n’est-elle pas toute acquise? N ’est-il pas d’une
évidence irrésistible que Bellanger ayant tout à perdre en quitant le
comte d ’Orvilliers avant sa mort', il ne l’a pas quitté de son propre
mo uve men t ? N’est-il pas d’une évidence non moins irrésistible que le
citoyen H u g o n de G i v r y ayant r envoyé C a l i x t e , l’ un des domestiques
du c o m t e , pour gagner le legs que ce vieillard avoit f a i t , il a de même
1 envoyé Bellanger dans la v u e aussi de profiter du legs fa it à Bellanger ?
O r , le citoyen H u g o n de G i v r y peut-i l argumenter de sa propre
turpitude? peut-il se faire u n moye n de sa convoitise pour se dispenser
*d acquitter un legs qu e l’ honneur et le respect, pour la m é m o i r e d’ un
oncle qui lui a laissé tant de f ortune, lui c omma nd ent si impérieuse
ment d’acquitter?
C)ue deviendraient donc les dernières volontés des mourans , si leurs
héritiers, à l’exemple du citoyen Plugon de G i v r y , pouvoient se per
mettre de les anéantir? Quels domestiques, sur la foi instable de leurs
maîtres caducs et i n f i r m e s , sacrifieroient leurs veilles pour les soulager ,
et exposeraient m ê m e leur santé, si les promesses de ces homme s lutlant sur la couche mortuaire entre le trépas et la vie , pouvoient être
iaussées et rendues illusoires par d avides et ingrats collatéraux ?
Magistrats, 1 epoque est enfin arrivée où après, tant de secousses v i o
lentes, il vous est permis d ’avoir tout le courage de la j usti ce, et de
raflermir , par l’autorité de vos jugemens-, les bases tant de fois ébranlees de la sociabilité. V o u s en ave z dans cette ca us e, l’occasion la plus
éclatante.
'
S il est de l’intérêt de la société d’assurer le service des domestiques
«iiveis leurs maî tres, il n’est pas moins intéressant pour elle d’assurer
es îéeompenses des maîtres envers leurs domestiques.
•Ainsi vous avez à puni r l’avidité d’ un collatéral qui croit n’ en a vo ir
point assez, si a l’opulente succession q u ’ il a recuei lli e, il ne joint
Un mo di que legs fai 1 a un pauvr e domesti que, après i/| années du ser
vice le plus assidu et le pins pénible. V o u s a ve z à venger ce malheui eux auquel un héritier barbare veut arracher It pain q u ’ il a gagné au
les** Ce *anl f'6 v e '^*!s et c^e sueurs. V o u s ave z à l’indemniser dp toutes
les chicanes multipliées de son r e d o u t a b l e adversaire lui
11 luit é pr o uv er , et qui l’ont réduit à la déplorable nécessité de
�. .
( .
12
)
vendre son mobilier pour f ou rnir a u x frais de c ette injuste contesta
tion.
Justice et h u m a n i t é telles s ont les deux vertus que vous ave z à sa
tisfaire. Dél ivrance du legs , dommages et intérêts proportionnés a u x
pertes de Bell anger ; tel est le jugement q u ’elles vous c o mma nd e nt , et
q u e le publ ic attend de vous.
SIMON
J.
Les
TH.
B E L A N G E R .
L A N G L O Y S , ancien avocat au parlement de Paris.
Jurisconsultes
soussignés
qu i ont lu le mémoi re
ci-dessus, et toutes les pièces sur lesquelles il est basé, après a voir
mûre me nt réfléchi sur les questions qui y sont traitées :
Sont d’avis que
S imon Belanger doit obtenir du
tribunal ci vi l
de l’Al l i e r l’admission des conclusions q u ’ il a prises , et qui tendent
à ce que le
citoyen
H u g o n G i v r y , héritier du
ci -devant comte
d ’O r v i l l i e r s , soit condamné d’exécuter à son égard le testament du
d e r n i e r , du 14 mai 1787.
L a demande de Belanger est fondée sur la morale et sur les loix;
et ses deux titres doivent par-tout être consacrés.
D élib éré à P a r is , le 1 3 p lu v iose an 8.
C 0 S T E.
.m a u s s a l l é ,
D e l’i m p r i m e r i e de L E N O R M A N T , rue des Prêtres SaintGe rm ai n l’A u x erro i s , No. 42.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Belanger, Simon. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Simon Belanger
Langloys
Coste
Maussallé
Subject
The topic of the resource
successions
legs
domestiques
Description
An account of the resource
Mémoire pour le citoyen Simon Belanger, ci-devant cuisinier, et premier domestique de défunt Louis Gaillonet d'Orvilliers, amiral de France, Demandeur; contre le citoyen Hugon de Givry, seul et unique héritier dudit défunt son oncle, Défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Lenormant (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1779-An 8
1751-1789
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0103
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
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Rochefort-Montagne (63305)
Paris (75056)
Moulins (03190)
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domestiques
legs
Successions