1
100
19
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53487/BCU_Factums_G2501.pdf
8b0228c4e6f65d3a16ed1f5b7956e267
PDF Text
Text
*
«
■
4'
MÉMOIRE
' <r>
�MÉMOIRE
POUR
Sieur A n d r é L O N G U E V IL L E et A n t o i n e t t e V IO L L E ,
son épouse , Propriétaires, habitant au lieu de V a l,
commune de Lanobre, et autres Cohéritiers du Sieur
V I O L L E - D E L T E I L , N ég ocian t, In tim és;
CONTRE
\
G A L V A IN G , ex-Receçeur de l'arrondissement
de Mauriac, demeurant à Mauriac, A ppelant.
S t P ie rre
L e
sieur Galvaing père, propriétaire, ex-receveur d ’arron
dissement, banquier, etc., avait beaucoup d’affaires et peu de
mémoire. Il paraissait y avoir un peu de desordre dans ses
papiers, mais ce desordre n’était qu’apparent : tout finissait
par se retrouver. Un débiteur allait-il payer sa dette, le sieur
Galvaing prenait l’argent, cherchait le billet ou le titre de
créance, remuait tout, se tourmentait et ne trouvait rien.
Patience, disait-il, ce maudit billet s’est égaré, je l’avais là ,
je le retrouverai; revenez demain. Le lendemain, le billet
n’était pas trouvé, le surlendemain non plus; les jours, les
semaines, les mois et les années passaient sans qu’il repa
rut. Les uns avaient la prudence d’exiger une quittance,
/
\
�( -2 )
d’autres auraient cru montrer un soupçon offensant pour le
sieur Galvaing. Le temps s’écoulait ainsi, et le titre restait
clans les mains de ce dernier ; et comme il à beaucoup
d ’affaires et p eu de mémoire, il arrivait par fois que le
titrej était retrouvé et le paiement oublié. Le souvenir des
quittances qu’il avait données, ne restait pas même dans son
ingrate mémoire. Comment se rappeler une quittance'souvent
mise sur un chiffon de papier, quand on possède un bon
billet, ou la grosse d’une obligation !
C ’est ainsi que le sieur Galvaing, par exemple, après avoir
donné, le 26 brumaire an i 4 (17 novembre i 8o 5 ) quittance
d’une somme de 900 fr ., montant d’une obligation consentie
en sa laveur par les sieurs Antoine et Guillaume Bayle, père
et fils, demeurant à Salcrs, a eu.le bonheur , dix ans après,
de retrouver la grosse de cette obligation, qu’il a fait signifier
à ses débiteurs, le 4 juillet i 81 5, avec commandement d’en payer
le montant en principal et intérêts. Comment le sieur Galvaing
aurait-il pu se rappeler une quittance portant 10 ans de date!
>C’est ainsi pareillement que le sieur Galvaing père ayant
retrouvé une demi-feuille de papier, au bas de laquelle le
sieur Violle-Delteil avait signé avcc ces mots : bon p o u r la
somme de quatre m ille livres, a oublié le paiement de cette
somme pendant toute la vie du signataire , et n’a songé,
qu’après sa mort, à ranimer cette signature, et donner un corps
a ce bon , en faisant écrire au-dessus un acte ainsi conçu:
« A près un an île date et à -vue,'je paierai à l'ordre île M. G alvaing la somme de
« quatre mille livres, valeur de lui reçue comptante« numéraire métallique, pour l’cntrc« tien de mon com m erce, avcc l’intérêt d’icelle à cinq pour cent sans reten u e, à compter
« de ce jo u r jusqu’au final paiement. M auriac, le vingt germ inal
an 8
( 10 avril 1800 )•
�( 3 )
Nous disons que le sieur Galvaing a fui/, écrire ce billet ,
parce que ni lui ni le sieur Violle ne l?ont écrit.
. INous ajoutons que le corps du billet n’a pas etc écrit avant,,
mais après la siguature , et l’inspection du billet le démontre;
i.° l’encre du corps du billet n’est pas la même que celle de
la siguature ; la première est parfaitement noire, la seconde
est jaune et semblable à l’encre de ces vieilles écritures que
le temps a jaunies; 2.0 il existe entre la dernière ligne du corps
de l’acte et la signature un intervalle si considérable, qu’il
est évident, au premier coup d?œ il, que l’écrivain a manqué
d’adresse pour rajuster son ouvrage avec la signature ; 5.° il y
a une dfïerence essentielle entre le corps du billet et le bon.
Gelui-ci ne parle que de la somme de quatre mille livres, sans
parler de Vintérêt, et le corps du billet stipule l’intérêt. O r,
si le billet eut été écrit avant la signature, et le b o n , il est
indubitable que le sieur Galvaing aurait eu. la précaution de
faire ajouter à ces mois : bon p ou r quatre mille, livres,
ceux-ci : avec intérêt à cinq p ou r cent.
C ’est donc un blanc-seing, avec les mots bon p o u r quatre,
m ille livres, que le sieur Violle avait livré au sieur Galvaing,
et au-dessus duquel a été confectionné un billet à ordre,
avec stipulation d’intérét.
A quelle époque ce blanc-seing a-t-il été livré? On sent
qu il est aujourd’hui difficile de répondre à cette question, le
sieur Violle étant décédé depuis l’année i 8 i 5 , et scs héritiers
n ayant jamais entendu parler d’un billet que le sieur Galvaipg
avait lui-même oublié. On sent aussi qu’on ne peut pas s’en
tenir à la date qu’il, a plu à l’écrivain de lui, donner, s’il est
�(4 )
démontre que l’acte et sa signature n’ont pas été faits en
même temps. C e 1 n’est que par des conjectures qu’on peut
arriver, noua une époque précisé, mais à une époque probable.
Le sieur Violle a eu des relations d’affaires avec le sieur
Galvaing, notamment pendant le cours du papier-monnoie.
Ces relations avaient cesse depuis longues années avant le
décès du sieur Violle. Il est possible que le blanc-seing
retrouve si fort à propos après ce décès, ne soit qüe l’une de
ces signatures que donnait le sieur V iolle, quand il allait
prendre à la.caisse du receveur du district des fonds rembour
sables du jour au lendemain. On sait qu’il est ainsi d’usage de
ne donner, avec la signature, qu’un simple bon énonçant la
somme empruntée, lorsque le remboursement doit être' fait
sans retard, et qu’on prête pour obliger momentanément un
voisin ou un ami.
Les héritiers Violle présument que le sieur Galvaing a
conserve', dans son désordre, l’une de ces signatures, et
que cette signatuic a enfante le billet. Ils ne donnent cette
idée que pour une présomption ; niais elle a quelque force,
si l’on fait attention que le sieur Violle n’emploie dans le
bon que l’expression livres, au lieu de celle francs , à une
époque, où il aurait dû savoir, et le sieur Galvaing en
core m ieux, puisqu’il était comptable public, que la loi du
-17 floréal an 7 avait ordonné d ’exprimer les sommes en
f r a n c s , même dans les actes entre particuliers. Cette cir
constance n’autorise-t-clle pasià croire que la date du 20
germ inal an S , n’est pas la véritable date du blanc-seing,
et que le sieur Violle avait signé auparavant ?
�(5 )
À quelle époque maintenant ce blanc-seing a-t-il été
surmonté de cette écriture constitutive d’un billet a ordre?I c i, les héritiers Yiolle n’ont aucun renseignement, et ne
peuvent hasarder aucune conjecture. Ils seront apparemment
les derniers à apprendre les circonstances de cette œuvre
mystérieuse, mais ils les connaîtront peut-être : attendons.
Le sieur Violle-Delteil est décédé à Clerinont, dans le
mois de mai i8 i3 ; et les 19 septembre et 8 octobre 181 4
seulement, le sieur Galvaing a parlé de son billet, et tra
duit les héritiers devant le tribunal de commerce de Mauriac,
pour être condamnés a lui en payer le montant en capital
et intérêts. Le premier acte de poursuite, ou la première
demande du sieur G alvaing, est donc du 19 septembre
181 4 , c’est-à-dire , postérieure de quatorze ans cinq mois
neui jours à la date du billet à ordre, ou de treize ans
cinq mois neuf joins à son échéance.
Oliucun »0 iLminiiilo comment le siem- Galvning il pu
garder aussi secrètement, pendant quatorze années, un billet
à ordre, échu et portant intérêt, sans exiger le paiement
de ce b illet, sans demander même les intérêts ; chacun
s’étonne d’un silence si prolongé, si constant de la part
de celui qu i, certes, n’est pas reconnu pour négliger ainsi
ses affaires et ses débiteurs ; ceux surtout qui ont connu le
sieur Violle , sa solvabilité, son exactitude 'a tenir ses engagemens, s’étonnent plus particulièrement encore de l’aparition posthume d’un billet de 4,000 livres, ayant quatorze
années de date ; et quand ils se rapellent que , long-temps
avant son décès, il avait eu des démêlés assez vifs avec
�( 6 )
le sieur Galvaing qu’il traita sans ménagement, ils ne peu
vent concevoir cette sévérité de la part de celui qui aurait
été débiteur , ni cette indulgence ou cet oubli de la' part
de celui qui aurait été créancier de 4 ,ooo livres.
On trouve de plus grands sujets d’étonnement encore
dans quelques e'pisodes de la vie financière du* sieur Gal
vaing. Tout le monde sait que des embarras de caisse se
manifestèrent tout-à-coup, et le sieur Galvaing eut beau faire
un appel pressant à tous ses débiteurs, le vidé ne se rem
plissait pas. La trésorerie, comme là nature, a horreur du vide;
il fallut donner une démission et des sûretés. A cette épo
que le sieur Galvaing fit-il quelque demande au sieur Violle
qui vivait encore , qui pouvait payer beaucoup plu S facile
ment que bien d’autres débiteurs ? N on , il ne demanda
rien, il ne parla de rien dans la circonstance“ la plus cri
tique , la plus impérieuse pour lui ; il lui fut demandé un
élat de son actif et de son passif, et il fournit cet état.
Fit-il figurer dans son actif cctlc prétendue créance de
4,000 livres? N o n , sans doute. C’était quelque chose pour
tant qu’une somme de 4,ooo livres- et/ les intérêts courus.
Comment'se fait-il que le sieur Galvaing ait toujours oublié
son voisin , celui qui habitait presque en face de sa maison-,
qu’il voyait tous les jours, et dont la présence, dans ces
momens de g£ne, devait lui rappeler qu’il avait la , à sa
jiorte, Une ressource toute prête ?
Ce n’est pas à Mauriac qu’on est embarrassé pour expliquer
ces énigmes; aussi le sieur Galvaing a-t-il voulu échapper
à l’explication donnée par ses propres concitoyens ; il a
�( 7 )
provoque, à la cour royale de Piiom, un arrêt qui renvoie
cause et parties devant le tribunal de commerce d’Aurillac (•*).
Il lui semble que, les faits étant moins connus , sa réus
site est plus sûre. Tandis que les héritiers Yiolle voudraient
porter la lumière dans ce ténébreux mystère, il voudrait,
lu i, épaissir les ténèbres encore ; mais le tribunal d’Aurillac
les a dissipées ces ténèbres, comme l’aurait fait celui de Mau
riac; la cour royale en fera de même. Les héritiers Yiolle
ont cette confiance, et elle ne sera pas trompée.
Dans une affaire de cette nature, toutes les circonstances
peuvent faire luire la vérité. A son lit de m ort, à cette
heure dernière où l’homme abandonne un séjour d’astuce,
de tromperie , de mauvaise fo i, pour se jeter dans les bras
de son D ieu , le sieur Yiolle , mourant loin de sa famille,
voulut que toutes ses dettes fussent payées, et emporter
Avec lui la promesse de les solder toutes. Il en avait peu:
il lui fut aisti- de les rappeler à sa mémoire , et il le fit.
Il dit à son gendre, en présence de plusieurs personnes, tout
ce qu’il devait ; il nomma des négocians d’Aurillac qui de
puis ont été payés. L e nom du sieur G alvaiiig ne sortit
pas de sa bouche. Aurait-il oublié une dette de 4,ooo liv.
de principal__ ?
Vous n’entendez pas ce silence, vous sieur Galvaing, vous
ne le comprenez pas ; et vous voudriez que nous comprissions
celui que vous avez gardé du vivant du sieur Y iolle....... !
Mais enfin, vous avez un titre. Bon ou mauvais, juste ou
( ) Cet arrêt a été rendu sur le m otif que le tribunal de com m erce de M auriac ne
pouvait se com poser, pour cause de parenté.
�( 8 )
injuste, il existe. Vous en faites le bon de votre action, et les.
héritiers Violle sont condamnés à repousser cette action.
Trouverez-vous mauvais que, dans la position où vous les
mettez, ils invoquent la présomption de paiement que les lois
établissent en leur faveur---- . ? Ils n’ont pas, comme les
sieurs Bayle, des quittances qui prouvent l’étonnante infirmité
de votre mémoire, pour les paiemens que vous avez reçus."
A défaut de titre positif de la libération du sieur Violle et de
la leur, ils vous opposeront la présomption de paiement qui
résulte de votre long silence. C’est la prescription, direz-vous?
Eh bien , oui, c’est la prescription qu’on va vous opposer ;
et il serait heureux qu’on ne l’opposât jamais que dans des
circonstances semblables. Celte patronne du genre hum ain,
comme l’appellent plusieurs jurisconsultes, couvrira de son
égide ceux que vous poursuivez injustement.
. L e sieur Galvaing ne doit cependant pas jouer l’étonnemcnt,
car il s’est muni de consultations et de copies d’arrêts pour
repousser cette prescription : preuve évidente qu’il avait d’a
vance jugé sa cause.
Nous soutenons en effet que l’action du sieur Galvaing est
.prescrite ; et que le billet a ordre dont il demande le paiement,
quoique d’une date antérieure au Code de commerce, doit
êlie réputé prescrit, du moment que, depuis la publication
de ce Code, il s’est écoulé plus de cinq ans sans demande
de la part du sieur Galvaing. Nous soutenons en un mot que
l’art. 189 du Code de commerce doit être appliqué au billet
à ordre prétendu souscrit par le sieur V iolle, sous la date du
2 germinal an 8. E t en thèse générale, nous énonçons la
question de la manière suivante.
�(9 )
Q U E S T IO N .
U n billet à ordre souscrit p ar un négociant, d ’ une
date antérieure au Code de commerce, doit-il être
réputé prescrit y s i , depuis le Code de com m erce,
il s’est écoulé cinq années, sans aucune demande
de la part du porteur?'
Cette question importante mérite une discussion appro
fondie. Elle est déjà l’objet d’une controverse qui cesserait
bientôt, si l’on se pénétrait des principes qui doivent don
ner une solution satisfaisante.
Il semble d’abord que c’est donner un eifet rétroactif au
Code de commerce , que de vouloir appliquer l’une de ses
dispositions à un acte existant avant la mise à exécution
de c c C o J c ; c ’ e s t ; n o u s e n c o n v e n o n s 3 la première idée qui
frappe l’esprit, quand on entre dans l’examen de la ques
tion ; et nous ne sommes pas surpris de voir que plusieurs
cours et tribunaux , effrayés par cette idée de rétroactivité
de la lo i, aient commencé par juger la question dans le
sens négatif. On saisit en premier lieu l’idée la plus simple ,
et il faut du temps et de la réflexion pour être convaincu
que l’idée la plus simple n’est pas toujours la meilleure;
mais la vérité se fait jour tôt ou tard; aussi les cours et
tribunaux ont-ils changé leur jurisprudence sur la difficulté
qui nous occupe.
Il est nécessaire de bien comprendre la question, pour
a
�( 10 )
ne pas se jeter mal -¡à - propos à travers les difficultés
métaphysiques de la rétroactivité des lois. Nous en trouve
rons sans doute de ces difficultés ; niais en traitant seule
ment celles que nous devons rencontrer, parce qu’elles ap
partiennent a notre discussion , nous abrégerons la route,
puisque nous la débarrasserons de tout cc qui serait un
obstacle étranger.
•
Remarquez bien qu’en demandant l’application de l’arlicLe
i 8t) du Code de commerce aux billets à ordre souscrits an
térieurement, nous ne voulons pas dire que ces billets, anté
rieurs de plus de. cinq ans, sont frappés de prescription par
cela meme qu’ils avaient cinq années de date avant cc Code ;
ce serait une absurdité, et nous le reconnaissons, que de faire
ainsi subitement anéantir un acte par une loi qui survient, et
qui ne peut avoir de prise sur le passé. Si nous invoquons
l’effet de l’art. 18c) sur les billets à ordre antérieurs au Code,
nous n’invoquons cet effet que pour Vavenir ; et nous
disons que si l’article qui établit la prescription de cinq ans
ne peut avoir d’effet sur les billets, pour tout le temps qui
s’est écoulé avant la publication du Code, son cjfet a com
mencé et du commencer aussi-tôt après cette publication;
nous disons, qu’à dater de cette publication, c’est-à-dire, à
compter du i . cl janvier 1808, la demande en paiement des*
billets à ordre dont il s’agit, a dû être formée danu les cinq
années; et que, faute de demande dans ce délai, ces billets
à ordre sont prescrits. Voilà comme nous entendons donner
effet à la lo i, non pour le passé, mais p o u r le temps qui a
couru depuis sa publication.
<
;
�( 11 ).
Ce n’est pas , dans l’espèce, lui donner un effet réiroactif,
puisque nous ne lui faisons gouverner que les temps postérieurs
à sa mise à exécution, et que son influence est toute entière
dans son avenir. Voudrait-on contester à la loi nouvelle le
droit de s’emparer, dans certains cas, et de modifier, pour
l’avenir, un acte, un fait quelconque qui subsistait avant elle?
Ce serait enchaîner le législateur, et se priver du bienfait des
améliorations dont les lois sont susceptibles, cc Le but d’ùne
<c loi est de produire un bien , autrement e|le serait inutile
<( ou injuste; et comme l’intention du législateur est toujours
« de faire profiter de ce bien le plus grand nombre de citoyens
<( possible, il faut appliquer la loi aux actes passes , toutes
« les fois que le mal de l’application est inférieur au bien
« qui doit en résulter. » (M .e Mauguin, avocat, dissertation
sur la rétroactivité des lois).
« Comme les lois nouvelles règlent l’avenir, dit Dom at,
« liv. prel., tit. 1."‘, sucu i .ro, 11." 1 5 , elles peuvent, selon
(( les besoins, changer les suites que devaient avoir les lois
« précédentes. Mais c’est toujours sans donner atteinte au
« droit qui était acquis à quelques personnes. »
Les lois, en effet, contemplent plus spécialement l’avenir,
mais sans perdre de vue le passé, toutes les fois que cc qui
a été fait subsiste encore, et doit avoir ou continuer son effet
dans l’avenir. C’est ainsi, par exemple, que le dernier article
du Code civ il, en ordonnant que les prescriptions commencées
à l’epoque de la publication du titre des prescriplions, seraient
réglées conformément aux lois anciennes, a néanmoins réduit
a trente années celles alors commencées, et pour lesquelles il
�( 12.)
aurait fallu, suivant les anciennes lois, plus de trente années
encore, à compter de la même dpoque. Par cette disposition ,
les actes, les faits antérieurs ont été'saisis par la loi nouvelle,
ét modifiés de telle sorte, quant à leur suite ou à leur ej/èb
à venir, que la où ces actes, ces faits avaient 4o ans ou 100
ans encore pour prescrire, ils n’auront plus que trente années.
Les prescriptions commencées sont ainsi mises en harmonie
avec la législation nouvelle, qui ne reconnaît pas de prescrip
tion plus longue que celle de trente ans, sans qu’on puisse
crier à la rétroactivité, à la violation des droits acquis ; car,
il n’y a de véritables droits acquis, que ce qui est complète
ment acquis, et l’expeelative de jouir toujours du même délai,
n’est pas un droit acquis. C’est une espérance, soit; mais les
lois nouvelles s’emparent des espérances, sans qu’on puisse
leur reprocher la rétroactivité. La nouvelle législation n’a-t-elle
pas déclaré rachetables les rentes foncières qui ne l’ciaicnt pas
anciennement; et n’a-t-elle pas détruit des espérances fondées
sur un acte?
L ’art. 1912 du Code civil offre un autre exemple des mo
difications que les lois nouvelles font éprouver aux conventions
antérieures. Cet article contraint au rachat le débiteur de la
rente constituée en perpétuel, s’il cesse de remplir ses obliga
tions pendant deux années. Il semble qu’appliquer les dispo
sitions de cet arlicle aux contrats de rente antérieurs au Code,
c’est donner à la loi un eflét rétroactif. Le débiteur de la rente
n’était pas auparavant passible d’une telle peine; pourquoi
la loi nouvelle vient-elle l’y soumettre? parce que, dit l’arrêt
de la Cour de cassation du 6 juillet 1812 ( Sirey, t. 12, p. 281 ),
�( i3 )
« il n’y a aucun effet rétroactif, quand la demeure du débi
te teur de remplir scs obligations, est postérieure à la pu~
« blication du Code ; qu’il est toujours dans la puissance
« du législateur de régler, pour Vavenir, le mode d’exécu-.
<( tion des contrats, et de substituer le mode qui convient
au système général qu’il établit , à des modes particuliers
<( qui ne seraient pas eu harmonie avec le système général.
Parce que, dit un autre arrêt de la même cour, du 4
novembre 1812 ( Sirey, t. i 5 , p. 599) , (( il appartient a la
« loi de régir les faits qui se passent sous son empire, et
« d’y attacher les peines qu’elle trouve convenables pour
« le maintien du nouvel ordre qu’elle établit ».
La loi du 24 août 1790 donnait à la citation au bureau
de paix l’eflet d’interrompre la prescription quand elle était
suivie d’ajournement ; mais cette loi ne disait pas dans quel
délai l’ajournement serait donné. L ’art. 57 du Code de pro
cédure civile a depuis fixé ce délai à un mois , h dater du
jour de la non-comparution ou de la non-conciliation. Il a
été question dé juger quel devait être l’effet d’une citation
donnee sous l’empire de la loi du 24 août 1790, et qui n’a été sui
vie d’ajournement que long-temps après la publication du Code
de procédure. Obliger le demandeur a signifier l’ajournement
dans le mois' de la publibation du Code, n’était-ce pas don
ner au Code un effet rétroactif, et soumettre un acte anté
rieur a une loi nouvelle ? Cependant la cour d’appel de
Lyon a jugé que, si la loi du 24 août 1790 ne détermine
aucun délai, le Code de procédure. doit seivir de règle
depuis sa prom ulgation 3 et la cour de cassation a confirmé
�(
1
4
}
cette jurisprudence/par son arrêt du 27 avril i 8 i 4 (S ire y ,
t. 1 7 , p. 2G9 ). Nouvel exemple encore d a la manière dont
les lois s’emparent des actes et des faits antérieurs, puisqu’il
est maintenant établi, dans ce cas, que la prescription est
irrévocablement acquise , si l’ajournement, pour lequel il y
avait d’avance un délai indéfini, 11’a pas été donné dans le
mois de la publication du Code de procédure civile : le tribu
nal civil d’Aurillac a jugé cette question dans le même sens.
Cqtte jurisprudence a été mise en doctrine par un proies^
scur de la faculté de droit de Paris. Voici comme s’expri
me,. à ce sujet, M. Blondeau, dans la Bibliothèque du;
barreau, i . re p art., torn. 2, p. 121 :
« Presque tous le droits scmctioimateurs , et même p rl—
« m aires, sont susceptibles de s’évanouir, lorsqu’on laisse.
« écouler certains délais sans les exercer : si une loi nou« velle vient changer ces délais, elle ne peut empêcher
« reffet de ceux qui sont déjà accomplis ; mais tous les déa lais qui sont seulement commencés, d o iv e n t, pour ce qui
« reste h courir, être régis p arla loi nouvelle,, avec celta
« restriction , que si elle en diminue la durée , les individus
« qui avaient encore, au moment de la loi nouvelle, un
« délai plus long que la totalité du délai déterminé par cette
« loi , devront conserver au moins tout le délai qu’elle ac„
« corde, de manière que ce délai commence à courir à l’ins« tant même de la publication de la loi. En effet 011 ne peut
« pas leur reprocher de n’avoir point agi sous la loi ancienne,
« puisqu’ils avaient un délai indéfini ou très-long ; mais ces
« individus n’auraient aucune excuse s’ils restaient inactifs
4
\
x
p-
�( i5 )
« pendant tout le délai que la loi nouvelle a jugé suiïi« sant, etc. ».
Il serait extrêmement facile de citer d’autres autorités ,
d’autres exemples, même dans là jurisprudence, pour dé
montrer la nécessité de l’application des lois nouvelles aux
actes ou bien aux faits antérieurs : m ais, c’en est assez , en
thèse générale, et nous nous hâtons de rentrer plus parti
culièrement dans la cause.
Pour prouver qu’un billet à ordre , souscrit avant le Code
de commerce , doit être soumis à la prescription de cinq
ans, établi par l’art. 189 de ce Code, nous invoquerons
encore d’autres principes et d’autres circonstances. Nous
fixerons l’attention des Magistrats sur la nature et la des
tination du billet à ordre, son emploi dans le commerce,
son mouvement, son identité avec la lettre de change; nous
rappelerons ensuite les motifs qui firent abréger le délai de
la
p v c s e r ip iio n
p o u r le s le tt r e s
tle
e l ia n g c ,
m o t if s e n
to u t
applicables aux billets à ordre ; et nous ferons connaître
enfin ce que les cours supérieures et les tribunaux décidè
rent après la publication de l’ordonnance de 1673 , relati
vement aux lettres de change, antérieures à cette ordon
nance , dont le paiement n’était demandé que p lu s de
cinq ans après sa publication.
Le billet à ordre rend au commerce les mêmes services
que la lettre de change ; il circule, comme elle*, au moyen de
l’endossement; et tous les signataires du billet sont solidaires les
uns des autres, comme les signataires de la lettre de change.
Le porteur d’un billet de cette nature, est, tenu des mêmes
�( iG )
devoirs et obligations que le porteur d’une lettre de change;
l’un et l’autre de ces effets donnent la vie, le mouvement à
l’industrie ; et la seule différence cntr’eu x , est que la lettre
de change ne peut être tirée que d’un lieu sur un autre,
tandis que le billet à ordre peut être stipule payable dans
le lieu même où il est souscrit : circonstance q u i, en dispa
raissant , laisse au billet à ordre une destination semblable,
lin but commun avec la destination et le but de la lettre
de change.
O r, c’est la rapidité de ce mouvement de circulation; c’est
la destination particulière de la lettre de change aux besoins
du commerce et de l’industrie, qui commanda l’introduction
de la prescription de cinq ans pour les lettres de change.
<( En matière de lettres de change, dit Savary, dans son
« Parfait Négociant, liv. 3 , chap. G, tout doit être bref et
<( consommé en peu de temps. iC’est une chose qui a été
« trouvée si considérable pour la manutention des familles
« qui sont dans le commerce, que Sa M ajesté, qui a des
« égards particuliers pour le commerce, a bien voulu dis—
<c tinguer et séparer le temps de la prescription des lettres
« et billets de change, d’avec toutes autres sortes d’actes,
« afin d’assurer la fortune de ceux qui font la profession
« mercantille, etc. )) E t Jacques Savary écrivait cela immé
diatement après l’ordonnance de 1676, à la rédaction de
laquelle il eut tant de part, que M. de Pussort appelait cette
ordonnance le coile Savary.
. Jousse, dans son Commentaire, dit aussi que cette pres
cription de cinq ans est fondée « sur ce que les paicmens
�( 1? ) _
« des lettres de change doivent être somrtiaircs; et qu’en
« cette m a tiè re to u t doit clic bref et terminé en peu de
« temps. )>
;
En effet, comment concevoir la possibilité de perpétuer
pendant trente années la durée de ces millions de signatures
que donne une maison de commerce accréditée, en sous
crivant ou endossant des lettres de change qui parcourent
rapidement les places de commerce les plus reculées, si
tout ne devait pas être anéanti après une courte période
de temps, l’embarras d’une surveillance trop étendue ralen
tirait le mouvement du commerce ; les fonds resteraient
oisifs, les spéculations seraient moins actives, et le négoce
qui vit de la rapidité du change, éprouverait une langueur
funeste. Le génie de Colbert qui donna a la France l’Or
donnance de 1673 , prévit ces inconvéniens et y porta un
remède sûr, en substituant à la prescription trentenaire, une
prescription plus courte et plus analogue à la destination de
la lettre de change.
L ’Ordonnance ne soumit pas, cl’une manière expresse, les
billets 'a ordre 'a la même prescription ; peut-être, parce que
1 usage de ces sortes d’effets n’était pas 'alors aussi étendu
qu’il l’est aujourd’hui. Cest ce qui fait dire à plusieurs com
mentateurs de cette Ordonnance , qu’elle a laissé les billets u
ordre dans la catégorie _des prescriptions ordinaires.
Si l’on considère pourtant l’objet, la destination du billet
a ordre, son usage généralement répandu dans le commerce,
sa circulation à côlé de la leltre de change et avec les mêmes
avantages, on avouera que cc qui convenait à celle-ci, conyeo
�( i8 )'‘
naît également a celui-là. Aussi, le pailement de Paris
frappé sans doute de l’identité de ces deux sortes ' d’effets
de commerce, a-t-il jugé , le i.er septembre 1760, que la>
disposition de l’art. 2 1 , lit. 5 , de l’Ordonnance de 167.5,
s’appliquait aux billets à ordre. Denisart rapporte l’espèce
de cet arrêt, en ces termes : « On pense unanimement,
« d it-il, que cette disposition de l’Ordonnance du com« merce s’étend à tous billets à ordre, etc., et même aux
« endossemens desdites lettres, billets de change, billets
« de commerce, etc. La cour l’a même jugé ainsi par un
« arrêt rendu au rapport de M. C harlet, en la première
« des enquêtes, le lundi i .er septembre 176 0 , dont voici
« l’espèce : Le 2 septembre 1735 M.e Fauvelai , procureur
« au cliâtelet, porteur d’un billet, daté du 5 juin 1750,
« contenant promesse par Akakia , de rendre à lu i, ou à
« son ordre, deux actions de la compagnie ¿les Indes y
« et trois dividendes, passa son ordre de ce billet au sieur
« Coquelin , de qui il reconnut en avoir - reçu la valeur,
« La veuve Coquelin, qui trouva ce billet parmi les pa« piers de son m ari, fit assigner en 1769, les héritiers de
ccM .e Fauvelai, qui lui opposèrent le défaut de poursuites
« contre Akakia , et la prescription de cinq ans prononcée
a p a r VOrdonnance. La veuve Coquelin répliquait que ce
(( n’était pas la le cas d’appliquer l’Ordonnance du com« merce, parce que, i.°........ 2.0......, 3 .° l’Ordonnance ne
« parlait que des lettres et billets de change, et non des
« billets à ordre et des endossemens. Ces moyens furent
a rejetés, et la veuve Coquelin déclarée non-7'ecevable
�( *9 )
« par sentence du Cluitelet, confirmée par le susdit arrêt ».
(Denisart, v.° prescription, n° 78 ).
Il faut l’avouer, Denisart, après avoir rapporté cet arrêt,
ajoute, au n.° suivant, qu’il lui semble que l’opinion adop
tée par l’arrêt, n’est pas conforme aux règles ; et ici il
énonce son opinion personnelle, qu’il est permis de ne pas
adopter ; surtout quand on fait attention qu’il a commencé
par dire : qu’ on pense unanimement que Là dispositioji
de l ’ Ordonnance du commerce s’ étend ¿1 tous billets à
ordre, etc. Certes, l’opinion de Vunanimité doit préva
loir sur l’opinion individuelle dtî Denisart, dont le plus
grand mérite est d’être un annotateur fidèle et méthodique.
On peut opposer à cet arrêt du parlement de Paris, un
arrêt de la cour de cassation, du 2 novembre 1807, avant
la mise à exécution du Code de commerce , qui juge que
l’art. 21 du lit. 5 de l’Ordonnance de 1G73 11c concerne que
les lettres et billets de change , et non pas les billets à do
micile. Mais que résultera-t-il de ce conilit d’autorités ? Il
en résultera qu’avant le nouveau Code de commerce, c’était
une question controversée, jugée tantôt dans un sens , tantôt
dans un autre, que celle de savoir si les billets à ordre étaient,
sous l’empire de l’Ordonuancc de 16 7 a , soumis a la prescriptiSn de cinq ans ; et puisqu’il existe un véritable conilit
dans la jurisprudence, nous devons rechercher quelle est
celle que nous devons suivre.
Deja les tribunaux ont à cet égard adopté une règle qui
ne peut être trompeuse , s’il est vrai que le but de toute
loi est de produire un bien. Cette règle consiste à cher-
�( 20 )
cher dans la loi nouvelle le manière dont le législateur 3
decídele point controversé. A lors, la décision du législateur
sert, non comme disposition nouvelle, mais comme, décla
ration de la meilleure jurisprudence. Entre deux manières
de décider une contestation quelconque, on doit en effet
considérer comme la meilleure, celle que le législateur a
adoptée.
O r , le législateur a adopté la prescription de cinq ans ,
et en a fait la disposition d’ un article du Code de commerce.
Il a donc implicitement déclaré que la meilleure jurispru
dence , la meilleure doctrine était celle qui se prononçait en
faveur de la prescription de cinq ans pour les billets à ordre ;
et si les cours et tribunaux ont a faire un choix entre des
arrêts qui se contredisent, qu’ont-ils de mieux à faire que;
de suivre l’exemple de la loi.
• « Lorqu’on ne vous présente, disait M. Jaubcrt, procu-*
«
«
te
«
«
«
a
«
«
«
«
«
reur du R oi, aux juges du tribunal de la Seine, lorsqu’on
ne vous présente pour motifs de de’cision que des lois obs
cures où chaque partie trouve ce qu’elle veut, que des
arrêts qui s’anéantissent, que des auteurs qui ne sont pas
d’accord ; s’il se présente alors un Code' destiné à fixer k
jamais nos relations civiles et sociales ( le Code civil ).....
ce Code ne devra-t-il pas être le guide le plus sûr, l’autorité la plus respectable que nous puissions vous offrir?
et lui préférer une jurisprudence versatile , ou des auteurs
qui se contredisent, ne serait-ce pas imiter la folie de
ces navigateurs q u i, après l’invention de la boussole,
s’obstinaient à suivre les étoiles qui les avaient si souvent
(( égarés ? ))
�( 21 )
Le Code de commerce sera donc celte boussole qui diri
gera les magistrats dans la décision d’une question conlro-:
versée.
: E t pourquoi les tribunaux n’adopteraient-ils pas la dis
position de l’article 189 du Code de commerce, pour l’ap
pliquer aux billets îi ordre antérieurs à ce C ode, lorsqu’ils
peuvent trouver , dans la jurisprudence des parlemens,
après l’Ordonnance de 1G73 , un exemple parfaitement iden
tique, et que nulle bonne raison n’empêche de suivre.
Avant cette Ordonnance, les lettres et billets de cliangc
ne prescrivaient que par le laps de trente ans ; après l’enre
gistrement de l’Ordonnance, la question qui s’agite aujour
d’hui pour les billets a ordre, se présenta pour les lettres
et billets de change souscrits avant l’Ordonnance ; on deman
dait alors si ces lettres et billets avaient trente ans pour
prescrire, ou seulement cinq ans, d’après l’art. 21 , tit. 5
de l’ Ordonnance j et -voici ce que rapporte; S ayary , dans SCS
parères :
(( Il est certain, dit-il ( parère 78) que les lettres et billets
<( de change, avant l’Ordonnance du mois de mars 1675 ,
« n’étaient prescrits que par trente ans ; mais y ayant eu
(( plusieurs plaintes des abus qui se commettaient journel(( lement au sujet des lettres et billets de change, dont les
« porteurs demandaient le paiement aux veuves, enfans et
(( héritiers de ceux qui les avaient faits, sept ou huit ans
« après, Sa Majesté y a remédié par l’article ai du tit. 5
« de l’Ordonnance. A in si, aux termes de l’Ordonnance,
« il est certain que le billet tle change en question est
�( 22 )
« prescrit, ne servant clc rien au négociant en gros de
à dire que le billet étant f a it et conçu avant l ’ Ordon« n a n ce, i l n ’est p oin t sujet à la disposition de l ’ Or~
« dom um ee, parce que la prescription a couru depuis
« l ’année. 16y 3 que l ’ Ordonnance a été lue et registrée
a au p arlem ent, d ’autant que Vintention de VQrdon« nance est d ’assurer la fortune des fa m ille s , et d >em« pêcher ces abus qui ne se commettaient que trop souif. vent par des m archands, négocians et banquiers de
«\ mauvaise fo i. L ’on doit entendre que la prescription est
« acquise aux faiseurs de billets et à leurs héritiers et
« ayans-cause, aussi bien qu’aux endosseurs, tout elant
« égal. E t en effet, l’on ne présumera jamais qu’un nego« ciant, porteur d’une lettre ou billet de change, soit
« cinq ans sans en demander le paiement; il n’y a rien
« qui s’acquitte plus ponctuellement, et dont les diligences,
« pour en avoir le paiement, soient plus promptes )).
C ’est le 26 juin 1O88, que Jacques Savary écrivait ainsi j
dans le 8o.e parère, portant la date du 5 août suivant,
il revient sur la question, confirme son avis, et l’appuie de
l’autorite des arrêts. « Il faut observer, d it-il, que la pres« cription de cinq ans dudit billet ne court que depuis
« l’enregistrement de ladilo Ordonnance au parlement de
« Paris qui est du 25 mars 1675. De sorte que si ylntoino
« avait intente' son action contre Jea n , dans les cinq ans,
« à compter du lendemain dudit enregistrement, il n’y u
« pas de doute qu’il n’eût cté bien fonde en son acLion,
« parce qu’avant l’Ordonnance jusqu’au jou;v de l’enregis^*
�( *3 )
íc. trement d’icelle, la prescription des lettres et billets de
« change n’était point acquise qu’après trente ans, comme
« il a été dit ci-dessus ; mais depuis ledit jour de 1 enre« gistrement, quoique lesdites lettres et billets soient fa its
« et conçus avant Venregistrement de ladite Ordonnance,
<( néanmoins la prescription de cinq ans court depuis ledit
et enregistrement de V Ordonnance / cela ne reçoit aucune
<c difficulté1, e t cette question a été ju g ée plusieurs fo is en
« la juridiction consulaire et au parlem ent de Paris. Ainsi,
« l’allégation faite par A ntoine qu’il n’y a que pour les billets
(( qui sont faits depuis l’Ordonnance , dont la prescription est
(< de cinq ans, et non pas ceux qui sont faits avant 1 Or(( donnance ; cette allégation, dis-je, ne sert a rien, parce
« que Vintention de V Ordonnance est autant pour les
« billets fa its avant, que pour ceux fa its depuis icelle,
« afin de faire cesser tous les diff'èrens et contestations
« qui pourraient arriver} tant p our le passé que pour
«
Vavenir, etc.
Bien de plus clair, rien de plus positif, rien qui tranche
mieux la question et la difficulté. Les deux cas du billet à
ordre et de la lettre de change sont parfaitement analogues ;
il y a même cette différence favorable a la question pour le
billet a ordre, c’est qu’il n’était pas généralement reconnu,
avant le Code de commerce, que ces sortes de billets ne
devinssent prescriptibles que par trente ans ; au lieu qu’avant
l’ordonnance de 1673, cette prescription de trente ans était
la seule applicable aux lettres de change. Mais enün, supposez
line identité parfaite; admettez que, dans l’un et l’autre cas,
�( 24 )
il fallait trente ans pour prescrire, existó-t-il' aujourd'hui des
circonstances différentes de celles qui existaient après l’cnre-i
gistrement de l’Ordonnance. E t pouvez-vous dire qu’il faille
prononcer, après le Code de commerce qui assimile en tout
le billet à ordre à la lettre de change et les fait marcher,
parallèlement, d’une autre manière que les parlemens pro
nonçaient sur la lettre de change, après l’enregistrement de
l’Ordonnance? N on, certes. Aussi les cours supérieures ontelles généralement adopté la même jurisprudence ; et c’est ce
qui nous reste à démontrer, pour terminer notre discussion.,
Les Arrêtistes n’ont publié, jusqu’à ce jour, que qua
tre arrêts rendus depuis la publication du Code de
commerce , qui jugent la question de la prescription quin
quennale des billets à ordre antérieurs à ce Code ; et sur.
ces quatre arrêts, trois ont adopté la prescription de cinq,
ans ; il y a même cette remarque à faire sur le quatrième,
c’est qu’il est de la cour royale de P aris, q u i, postérieure
ment s’est réformée elle-même , a rendu deux autreç jugemens contraires au premier-, et fixé par-là sa jurisprudence
actuelle en faveur de la prescription de cinq ans. 11 existe
pourtant un autre arrêt de la cour royale de llio m ,
confirmatif d’un jugement du tribunal dé commerce d’A urillac, qui n’admet pas cette prescription de cinq ans; cet
arrêt, qui vient d’être publié par S irey, tom. î y , 2.e part.,
p. 2î)5 , sera l’objet d’un examen particulier.
La cour royale de Rouen, l’une des villes les plus com
merçantes du royaume , est la première qui ait résolu la
question, et qui se soit prononcée pour la prescription de
�( 25 )
cinq ans. Elle a réfuté, clans les motifs de son arrêt, du ô i
décembre i8 i 3 , toutes les objections banales, puisées dans>
la prétendue rétroactivité de la loi ; elle a même fait valoir
un motif de la plus haute importance, digne de toute l’at
tention des jurisconsultes : la Cour décide en point de droit,
que l’article 2281 du Code civil, sur les prescriptions com
mencées , ne régit que les matières contenues en ce même
C od e, et ne s’applique point aux matières de commerce.
Si les lois relatives au commerce sont des exceptions aux ,
lois générales, le principe proclamé par la cour royale de
Rouen, ne peut être l’objet d’aucune contestation. E t certes,
il 11’est pas difficile de prouver que le droit commercial a
ses règles particulères indépendantes des règles du droit civil*
Le titre du Code civil intitulé : des contrats ou des obliga
tions conventionnelles en général, porte, art. 1107 : « L es
« contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit
« qu’ ils n’en aient p a s , sont soumis à des règles générales,
« qui sont Vobjet du. présent titre y) ; et ces règles géné
rales sont celles relatives a la form ation , à Vexécution et
à Vextinction des contrats. Ainsi, tous les contrais, qu’ils
aient ou qu’ils 11’aient pas une dénomination propre, sont
soumis, pour leur formation, leur exécution et leur extinc
tion , aux règles établies par le tit. 5 , liv. 5 du Code civil.
Mais prenez garde que ces règles ne concernent que les contiats civ ils, et non pas les actes de commerce. L ’ai t. 1107
que nous venons de citer, a soin de nous en avertir. <( Les
<( règles particulères a certains contrats , d it-il, sont éta—
« blies sous les titres relatifs a chacun d’eux ; et les règles;
4
�( 26 )
«
«
particulières
aux
transactions
établies p a r les lois relatives
c o m m e r c ia l e s
au
commerce
».
sont
Voilà donc les actes de commerce soustraits, en quelque
sorte aux règles générales du Code civil, c’est-à-dire aux règles
concernant la formation, l’exécution et l’extinction des contrats
civils; de là est venue la nécessité du Code 'de commerce.
Puisque le'titre du Code c iv il, au moins quant aux règles
particulières sur la formation , l’execution et l’extinction des
contrats, ne s’applique point aux actes de commerce , il est
évident que le titre du même C od e, relatif à la prescrip
tion , c’est-à-dire, à Vextinction des contrats et obliga
tions , ne doit point régir les #actes de commerce. Ce titre
du Code c iv il, sur les obligations en général, traite , au
chap. 5 , de Vextinction des obligations ; et en éniiméra n t, dans l’art. 1234 , les diverses causes d’extinction des
obligations, il énonce que les obligations s’éteignent par
la prescription, qui f e r a , dit l’article, l ’objet d ’un titre
particulier. D onc , le titre du Code civil , sur la prescrip
tion, n’est que le corollaire du tit. 5 , sur les contrats ou
obligations conventionnelles en général, et ne peut régir
les transactions commerciales, que l’art. 1107 déclare sou
mises à des règles particulières; et c’est avec raison que la
cour royale de Ilouen a décidé que l’art. 2281 du Code civil
ne régit que les matières contenues en ce même Code ; luilons-nous donc maintenant de mettre sous les yeux du
lecteur les dispositions de cct «arrêt, rapporté par Sircy ,
loin. i 4 , 2.e p a ri, p. io 4 et io 5.
Attendu ; en fait, que le Code de commerce a ¿té mis en activité à l’époque du
�( 27 )
f . er janvier 1808, et que l’action en paiement des billets à ordre pour cause com
m erciale sur laquelle il s’agit de statuer, n’ a etc intentée que le 9 juillet i 8 i 3 ;
A tten d u , en d ro it, que l’art. 2281 du Code civil ne régit que les matières conte
nues en ce même Code , et ne s’ applique point aux matières de commerce ;
Attendu que le Code de com m erce, dans son article 1 8 g , sur l’ objet des prescrip
tions ,’ ne constitue point absolument un droit n o u veau , et ne fait que consacrer un
principe établi par l’art. 2.1, tit. 5 de l’ordonnance de 16 7 3 , qui s applique à tous
les effets de commerce ;
^
Attendu que la prescription invoquée en vertu de l’art. 189 a commencé et s eit
opérée depuis la prom ulgation du C o d e , en sorte qu il n y a véritablem ent point do
rétroactivité à en faire l’application à l’espèce d e.la cause.;
■Attendu que le vœu du législateur n’est point éq u ivoq u e, puisqu’ on voit dans
l’art. (1 1 du même C o d e , qu’il n’ oblige les commerçans sans distinction à gard er
leurs livres que pendant l’espace de dix ans;
Attendu que la m êm e’ question que celle qui se présente aujourd’h ui s’est élevée
lors de la prom ulgation de l’ordonnance de 1673 , à l’occasion des lettres de change
qui ne se prescrivaient auparavant que par trente années, et qu e, par les arrêts du
parlcraens de Paris cités par S avary, elle a été constamment résolue en faveur de la
prescription de cinq ans courus depuis la prom ulgation; — D éclare l’art. 189 du
Code de commerce applicable à l’action ; en conséquence la déclare non-recevable.
L a cour royale de Paris a fini par adopter la mémo
jurisprudence.
Par un premier arrêt, du 6 mai i 8 i 5 ( Sirey , tom. 16,
2.®part., pag. 67 et suiv. ) elle avait jugé que , (( s’agissant
te d’un billet a ordre fait antérieurement au nouveau Code
te de commerce, on ne peut opposer au créancier une pres
te criplion qui n’est établie que par ce Code ; et que, con
te formément à l’art. 2281 du Code c iv il, la prescription
te dont on excipe doit être réglée conformément aux lois
<e anciennes ». Kl le est revenue sur cette décision , par deux
arrêts , dont l’un indiqué par M. S irey, dans son Code
de commerce annoté, sous la date du 21 février.... .. nQ
�t 28 )
se trouve pas dans son recueil ; l’autre , sous la daté du 2
mai' 1816, a été rendu dans l’espèce suivante : Le 8 dé
cembre 1801 , le sieur Mathis souscrit à l’ordre du sieur
Delpech, banquier, un billet à ordre de 1,200 f ., payable
à trois mois de date. Le billet n’ayant point e'te acquitté à
son échéance ; le porteur en fit faire le protêt ; mais Delpech ne fit aucune autre poursuite. Ce n’est que le i 4 no
vembre 181 5 , après le décès du sieur Matliis , qu’il forma
contre la veuve et les héritiers de ce dernier, sa demande
en paiement de l’eiFet. Ceux-ci opposent la prescription de
cinq an s, portée par l’art. 18g du Code de commerce. Le
2 janvier 18 16, jugement qui rejette cette exception, at
tendit que Vexistence du billet précède d ’environ sept
ans la mise en activité du Code de commerce, et qiCainsi
l ’art. 18g n ’est point applicable. Appel; et le 2 mai 18 16 ,
arrêt iniirmatif de la cour royale de Paris, « attendu que
« la prescription invoquée a commence et s’est accomplie
« sous l’empire du Code de commerce, ce qui exclut tout
« reproche de rétroactivité )).
•
Tel est, dans la plus grande exactitude , l’état de la ju
risprudence des cours sur la question qui nous occupe. Nous
ne connaissons pas, dans les recueils, d’autres arrêts q u i,
depuis la publication du Code de commerce, aient décidé
la question; si .le nombre des arrêts devait avoir quelque
influence, le nombre serait en faveur de la prescription de
cinq ans ; mais les vrais principes sont aussi consacrés par
les arrêts qui prononcent en faveur de la prescription , et
c’est là un mérite qui ajoute à l’influcncc du nombre, ou
plutôt qui surpasse celle influence.
�(
29 )
Cependant la Cour royale de Riorn a jugé le contraire ;
en confirmant, le i5 juin 1818 nn jugement du tribunal
de commerce d’Aurillac, dans la cause des sieurs Gamet
et Desprals, contre le sieur Lassale ; le Rédacteur de ce Mé
moire ne craindra pas de dire que le tribunal et puis la
cour royale se sont trompés , puisqu’ il avouera ainsi s’être
trompé-lui-même. Le jugement que la cour a confirmé pu
rement et simplement, avec ces mots : par les motifs ex
primés au ju g e m e n t, avait été rendu sur sa plaidoirie , il
avait donc soutenu le système de la non-prescription de
cinq ans, et l’avait soutenu avec la pleine conviction de
son mérite et de sa justice ; pourquoi rougirait-il d’avouer
son erreur? oserait-il se dire plus sage, plus éclairé que la
cour royale de Paris qui est revenue sur sa propre jurispru
dence ? et la cour de cassation elle-même, n’a-t-elle pas
donné plusieurs fois l’exemple du retour aux vrais princi
pes dont elle s’était écartée par erreur ? Oui , le Rédacteur
de ce Mémoire avait pensé que c’était donner à l’art. 189
du Code de commerce un effet rétroactif, en l’apliquant aux
billets à ordre , antérieurs a ce Code ; il avait pensé que
l’art, 2281-du Code civil régissait aussi les matières com
merciales ; et ce n’est que des réflexions plus mûres, des
éludes plus approfondies, qui lui ont révélé son erreur. Ces
études, ces réflexions dont il vient d’cx])0scr les résultats,
serviront à le combattre lui-même , en mettant à jour l’er
reur du jugement du tribunal d’Aurillac, et de l’arrêt de la
cour de Riom.
Le fait de la cause est simple. Il s’agissait d’ un billet a
�( 3o )
ordre souscrit le i .er mars 17 9 2 , protesté seulement le 28
février 18 17 , et dont la demande en paiement ¿tait du i3
mars de la même année. Question de savoir si ce billet à
ordre était atteint par la prescription de cinq ans. Le tribu
nal d’Aurillac a décidé que non , par son jugement du 24
novembre 1817 , conçu en ces termes:
- « Attendu que le billet à ordre qui fait l’objet de la
« contestation, a cte sousciùt en 17 9 2 , antérieurement au
« Code de commerce et sous l’empire de l’Ordonnance de
« 16 75, qui ne frappait de la prescription de cinq ans que
« les lettres de change, et non les billets à ordre, ainsi
<( que le constate la jurisprudence et la doctrine des auteurs ;
« Attendu que si l’art. 189 du Code de commerce assi« mile les billets à ordre, pour fait de commerce, aux
« lettres de change, relativement à la prescription, cet
« article établit un droit nouveau qui ne peut s’appliquer
«
((
«
«
«
«
«
«
à un acte antérieur ; que vouloir appliquer la législation
nouvelle à un acte antérieur , ce serait, d’une part, contraire à l’art. 2 du Code c iv il, portant que la loi ne
dispose que pour l’avenir et n’a point d’eflet rétroactif;
de plus , ce serait contrevenir aux dispositions de l’art.
2281 du même Code , qui veut que les prescriptions
commencées avant une loi nouvelle , soient réglées conformoment aux anciennes lois;
•« Attendu que, ces principes une fois établis, c’est vai« ncment qu’on prétend que la prescription est acquise
« faute de demande en paiement du billet h ordre , dans
« les cinq ans qui ont suivi la promulgation du Code de
�( 5i )
« commerce; parce 'que , si cela pouvait être ainsi, les
« principes seraient détruits et l’on ferait rétroagir la loi
« en lui donnant effet sur un acte antérieur , et en réglant
« la prescription par une loi autre que celle sous l’empire
<( de laquelle le billet a été souscrit ; que la cour de cassa
it tion a bien reconnu que les lois ne devaient pas avoir
« une telle influence sur les actes qui les ont précédées ,
« puisque, par arrêt du 5o janvier 1816, elle a décidé que
« les intérêts d’une somme prêtée, courus avant le Code
« c iv il, ne prescrivent que par trente ans, quoiqu’ils n’aieut
« été reclamés que plus de cinq ans après le Code. »
Nous le répétons : la cour de Iliom n’a rien ajouté à ces
motifs qu’elle a adoptés ; ils sont la base de son arrêt
comme ils sont la base du jugement du tribunal de com
merce d’Aurillac ; et ces motifs, il est facile de le voir,
reposent entièrement sur cette idée, 'que déclarer la pres
cription établie par Vart. 18cj du ,Code de commerce ,
applicable aux billets à ordre antérieurs, c’est contra
rier les dispositiojis du Code civil. Il n’y a pas un autre
motil de décision ; c’est le seul, absolument le seul.
E t deja nous avons démontré que les transactions com
merciales étaient exceptées, par l’art. 1107 du Code civil,
des règles prescrites par ce même Code civil ; nous avons
démontré que les matières de commerce avaient leurs règles
particulières ; que l’intérêt du négoce avait créé ces règles ;
que relativement aux billets a ordre souscrits par des négocians, ils marchaient à côté des lettres de change et paralèlement à ces effets de commerce ; que la rapidité du mou-
/
�( 52 )
renient des uns et des autres nécessitait une prescription plus
courte pour débarrasser les canaux du commerce, vivifiéspar la circulation de la lettre de change et du billet à ordre;
nous avons eniin prouvé, par la manière dont l’Ordonnancej
de 1G75 était appliquée aux: lettres de change antérieures
à celte Ordonnance, que les tribunaux consulaires et les
parlemens se gardaient bien de faire régir les matières com
merciales par le droit purement civil ; alors , comme au
jourd’hui , le principe de la non-rétroactivité des lois était
(’•gaiement reconnu ; il était textuellement écrit dans la loi
7 , au Code de L eg ibu s , et cependant les lettres de change
dont le paiement n’avait pas été demandé dans les cinq
années'de l’enregistrement de l’Ordonnance, étaient décla.-'
rées présentés.
L ’arrêt de la*cour de Piiom, ou plutôt, le jugement du
tribunal de commerce d’Àurillac, cite l’autorité d’un arrêt
de la cour de cassation, du 5o janvier 18 16 , qui décide que
les intérêts d’une somme prêtée, courus avant le Code civil,
11c prescrivent que par trente ans, quoiqu’ils n’aient étéréclamés que plus de cinq ans après ce Code. 11 aurait pu
rappeler encore de nombreux arrêts de la même co^ir, qui
décident dans le même sens, pour les arrérages dq. baux à
ferme. Mais la cour de cassation n’avait à prononcer, dans ces
espèces, que sur des matières du àxo\\.purement civ il, que
Part. 2281 du Code civil réglait et devait régler; elle ne
pouvait prononcer différemment sans se jeler dans une erreur
grossière, et par conséquent impossible pour elle.
K11 effet, pour prononcer sur la question de celte naturel,
�(33)
la cour cle cassation n’avait qu’une seule loi à consulter,
celle du Code civil. Pour décider, au contraire, la question
de prescription des billets à ordre , il faut chercher une autre
lo i, celle du Code de commerce; il faut se placer ^sur un
terrain nouveau, et consulter des règles différentes , dont le
principe et le motif ne sont plus le motif et le principe de
la règle purement civile. Il est tout naturel alors que des lois
différentes produisent une décision différente.
■Un rapprochement de l’art. 2277 du Code c iv il, sur la
prescription des arrérages de rentes, de loyers, prix de ferme
çt des intérêts des sommes prêtées, avec l’art. 189 du Code
de commerce, sur la prescription des actions relatives aux
lettres de change et billets à ordre , démontrera la diftérence
qui existe dans les deux cas.
Dans le premier, celui de la prescription établie par l’article
du Code civil, les arrérages dont il s’agit1 sont prescrits»
au point qu’il n’est pas permis d’obliger le débiteur d’affirmer
par serment qu’il n’est plus redevable. Dans le second cas,
il n’en est pas de même. Le prétendu débiteur de la lettre de
çhange ou du billet u ordre est tenu, s’il en est requis,
d’afîirmer, sous serment, qu’il n’est plus redevable. Pourquoi
çette différence dans deux lois qui paraissent au premier coup
d’œil identiques ? Pourquoi l’obligation du serment dans un
cas, et sa dispense dans l’autre? C’est que lorsqu’il s’agit
d’arrérages de rente, prix, de ferme ou intérêts de sommes
prêtées, la prescription n’est pas seulement fondée sur une.
considération d’ordre public, mais elle a pour objet encore,
dit M. Bigot de Préamcneu , dans son Exposé des motifs de
la lo i, d’empêcher que les débiteurs ne soient réduits à la
�( 34 )
pauvreté par des arrérages accumulés. En conséquence il
ajoute : l’action p our demander ces arrérages au-delà de
cinq années a été interdite.
' Quant a la prescription établie par l’art. 189 du Code de
commerce , elle repose toute entière sur la pi'ésomplion du
paiement. "Les lettres et billets de change seront réputés
acquittés après cinq ans, disait l’article 21 du titre 5 de
l’Ordonnance de i$ y 5 ; et si l’art. 189 du Code de commerce
ne s’exprime pas dans les mêmes termes , il n’a pas moins
le même sens que l’article corelatif de l’Ordonnance. O r, une
présomption n’est pas un fait; aussi, lorsque le créancier a
des preuves de non paiement de la lettre de change ou du ^
billet à ordre; ou si, à défaut de preuve, le débiteur refuse
le serment, les tribunaux doivent condamner le débiteur. C’est’
ce que la cour de cassation a décidé par plusieurs arrêts,
notamment par celui du 25 août i 8 i 3 , dans la cause du
sieur P in o t contre K ou xel.
de voir la cour
de cassation refuser d’appliquer la prescription de cinq ans
aux intérêts des sommes prêtées, courus avant la publication
du Code civil. Le droit purement civil devait décider la
question qui lui était soumise ; et ce droit, dans scs motifs,
dans son b u t, dans son application, n’a pas les mêmes règles
que le droit commercial. Il commandait à la cour la décision
qu’elle a rendue. La loi du commerce, toute différente, lui
eut prescrit une autre décision , et nous avons à regretter
qu’elle 11’ait pas encore été appelée à la donner.
L ’arrêt de la cour royale de Iliom , du i 5 juin 1818,
disons m ieux, le jugement du Tribunal de commerce d’AuO n ne sera donc pas maintenant surpiis
�( 35 )
rillac,a commis une erreur qu’il est actuellement facile de
remarquer, en décidant, par les principes du droit civil ,
une question où ceux, du droit commercial , c’csi-a-dire,
d’un droit exceptionnel, étaient seuls applicables. E t quelque
respectable que soit la sanction donnée à ce jugement par la
cour r o y a le i l est évident qu’elle n’est que la continuation
d’une erreur.
La jurisprudence nouvelle, si elle est bien entendue, ne
contrarie donc pas le système de la prescription de cinq ans
appliquée aux billets à ordre antérieurs au Code de commerce,
quand les cinq années ont couru sous l’empire de ce Code.
La cour royale de Paris, celle de Rouen ont formellement
adopté ce système ; et nous avons prouvé que les tribunaux
et les parleîncns, après l’Ordonnance de 1675 , avaient applique l’art. 21 du titre 5 de cette Ordonnance aux lettres de
change anlérieures, comme les cours royales appliquent l’ar
ticle 189 du Code de commerce aux billets à ordre antérieurs
à ce Code. La doctrine la plus accréditée, la plus puissante
dans cette matière, celle de Savary, confirme la justice et la
nécessité de ce système. E t si cette jurisprudence, cette doc
trine avaient besoin d’être justifiées par le raisonnement, nous
avons démontré qu’il suffisait de faire une distinction entre
le droit civil et le droit commercial.
Pressé par ces raisons, dans l’impossibilité d’ailleurs de
justifier un silence prolongé pendant quatorze années, malgré
les circonstances difficiles où il s’est trouvé, et ne pouvant
éviter l’art. 189 du Code de commerce, en alléguant l’an te-'
norite du billet à ordre, le sieur Galvaing a eu recours a
uue circonstance particulière de la rédaction de ce billet j
~
�(56'y
rédaction qui lui appartient évidemment loùte entière.,'Ce
billet est payable à vue, dit-il, par conséquent on ne peut
opposer aucune prescription pendant trente ans. Ce moyen,
il est vrai, n V produit aucun effet sur le tribunal;-mais iL
sera reproduit sans doute devant la cour royale, et il est bon
d’en discuter le mérite.
S’il est démontré que le Code de commerce doit régir le
billet dont le sieur Galvaing'est' porteur, c’est par le Code
de commerce qu’il faut apprécier ce nouveau moyen ; et nous
ne pensons pas que, sous ce rapport, on veuille décliner
encore l’application du Code. L ’Ordonnance de 3G70 ne
serait pas, au reste, plus favorable au sieur Galvaing, et
c’est ce qu’il convient d’établir avant tout.
• L ’Ordonnance de 1675 nef réglait pas le temps dans lequel
le porteur d’une lettre de change payable à vue devait la
présenter, et faire protester faute de paiemeut. Savary-, parère
17 , pensait que le délai devait être réglé eu égard à la dis
tance du Heu d’où la lettre de change était tirce, à celui*' où
elle était payable, à raison de i 5 jours pour les 10 premières
lieues, et d’un jour pour ’5 lieues au-delà. Pothicr, dans son
Traité du contrat de change, n.° 1 43 , atteste que, suivant
le sentiment commun, le protêt était valable, pourvu qu’il
fût fait dans les cinq ans, après lequel tem ps, dit-il, la
lettre est présumée acquittée. Jousse, sur l’art. 4 , titre 5 ,
de l’Ordonnance de 1G7.), s’exprime ainsi: <1 Les lettres
a payables a vue sans terme, peuvènt être prolestécs quand
« il plait au porteur, et il n’a aucun terme lixe pour le
« faire; mais il faut qu’il fasse ce protêt dans les cinq
a tins do la date de la lettre, à cause de l'art. 2t ci-après ;
�(3 7 )
cést-a-dire, a cause de la prescription. <( Quelques 'uns>
« meme prétendent, ajoute-t-il, que le protêt de ces lettres
« peut etre fait dans les trente ans ». E t, comme on voit, il>
ne donne cette opinion, non comme fix e, comme reçue, mais
seulement comme le système de quelques personnes.
Ainsi, d’après la doctrine des auteurs les plus recommandables, d’après l’usage même, les porteurs de lettres de cliange •
payables à vue, n’avaient qu’un délai, qui n’excédait jamais
cinq ans, pour faire protester ces lettres, après quoi elles
étaient prescrites.
Le nouveau Code de commerce n’a pas laissé la même
incertitude que l’Ordonnance de 1675. L ’article 160 ne donne
au porteur d’une pareille lettre, que six mois, a partir de sa
date, pour en exiger le paiement; et l’art. 189 vient ensuite
pour réputer toutes actions prescrites après cinq ans. Tout
est donc positif sous la nouvelle lo i, qui s’applique aux
billets a ordre comme aux lettres de change. O r, par cela
nieme que la prescription établie par le Code frappe les billets
a ordre antérieurs, l’art. 1G0 doit aussi leur être applicable.
E t nous pouvons invoquer ici particulièrement l’arrêt de la
cour de cassation du 27 avril i8 i4 , qui fait régir par l’article
57 du Code de procédure, le délai dans lequel une citation
antérieure aurait du être suivie d’ajournement, pour avoir
1effet d’interrompre la prescription. Nous disons en consé
quence au sieur Galvaing : « Placez-vous dans la. position
« la plus favorable; supposez qu’avant le Code de commerce
« aucun délai fatal n’avait couru contre vous, j Depuis ce
« Code, le délai pour le protêt et pour la prescription a du
<< nécessairement commencer. Ce délai , p our le prolûL, était
�( 58 )
« de six mois, à compter du i.cr janvier 1808, date de la
« publication du Code ; par conséquent il était e'cliu le i.et
« juillet suivant. Supposez actuellement que le délai, p ou r
« la prescription, n’ait pris cours que le i.er -juillet 1808 ,•
(( les cinq ans ont expiré le i.er juillet 181 5 ; et ce n’est que
« plus d’un an après, en i 8 i 4 , que vous avez commencé
<( vos poursuites. Tout est donc iin i, tous les délais sont
<( passés, et nulle action ne vous reste. )>
• Considérée sous ce rapport, la cause n’a pas besoin d’au
tres développemens.
' Le tribunal de commerce d’Aurillac ne s’est pourtant pas
borné aux fins de non-recevoir. Il a , dans son jugement,
dont les motifs-seront imprimés à la suite de ces observa
tions , examiné le fonds de la cause , et déclaré le sieur
Galvaing mal fondé dans ses demandes. Les héritiers Violle
ne peuvent que se léférer à ce que dit le tribunal dans le
dernier motif de son jugement. Ils ne parleront que de l’une
des circonstances énoncées, daus ce înolii.
A la première audience où la cause fut plaidée, le dé
fenseur des héritiers Violle avait argumenté de l’état de
Factif et du passif du sieur Galvaing ; huit jours après ,
à la seconde audienco, le sieur Galvaing arme son défen
seur d’une copie de cet état j a si le billet à ordre sous« crit par le sieur Violle , d it-il, ne iigurc pas dans l’état
« de mon actif, la raison en est simple, c’est que je 11’ai
parlé que de mes créances portées par actes authentiques..
E t en effet l’état portait eu tête : E ta l de mes créances
portées par actes authentiques. La raison paraissait plau
sible jusqu’à mi certain point; mais le défenseur des héii-
�< 3b )
tiers Violle , ayant jeté un coup d’œil sur cet état, et
remarqué que le nom du notaire n’était indiqué par au
cun article ; qu’il y avait de ces articles de valeur de 5o f.,
de 48 f . , même de 18 f . , les héritiers Violle défièrent le
sieur Galvaing de prouver que ces articles et les trois
quarts de ceux portés sur l’état, fussent établis par titres
authentiques. Le tribunal prit connaissance de cet é ta t,
et demeura convaincu que si le sieur Galvaing oubliait
dons son a ctif, une créance de 4,000 francs, quand il y
faisait figurer un article de 18 francs, c’est que la créance
de 4,ooo francs n’avait aucune existence réelle , et le tri
bunal ne se trompait point.
La Cour royale aura-t-elle une autre opinion que les
premiers juges ? Les héritiers Violle ne le pensent point.
Elle pèsera dans sa haute sagesse, les circonstances et les
moyens qui font jaillir la vérité sans aucun nuage ; elle con
sidérera que les lilles , les gendres d’ un négociant, tous
étrangers à son commerce, presque tous éloignés de lu i,
.ne sachant autre chose de ses
à remplir ses engagemens , sa
tation sans tache, 11c peuvent
positives de sa libération. Mais
tent; elles o n t, dans la cause,
difficile de résister.
affaires , que son exactitude
probité reconnue, sa répu
avoir en main des preuves
les preuves morales subsis
une force a laquelle il est
L O N G U E V I L L E , pour lui et les
autres héritiers V io
ltæ .
✓
V IO L L E / A v o c a t.
�( 4 o ')
«"■
■ " " "
"
'
.
"Tff
M O T IF S E T D IS P O S IT IF
—
^ ' " 3
. .
D u Jugement du Tribunal de commerce d ’JLurillac>
du ig Ju illet 18/ÿ.
■■ —
'—
i —»
i
*
■ ^
'
D a n s le droit, la cause a présenté les questions ci-après t
Y a-t-il une fin de non-recevoir résultant de la prescription
contre la demande formée par ledit sieur Galvaing en paie
ment du billet dont il s’agit ? Subsidiairement, ledit sieul'
Galvaing est-il fondé dans sa demande ?
Considérant, en fait, que le billet dont le sieur Galvaing,
demande le paiement , est un billet à ordre -portantda date
d u -20 germinal an 8 ( ou 10 avril 1800 ) , et qu’il a' été
souscrit par défunt sieur Violle , négociant ; que le billet
était payable à un an de date, c’est-à-dire, !le 10 avril
1801 ; que cependant ledit sieur Galvaing-n’en a demândé
le paiement qu’au mois de septembre i 8 i 4 , après” le décès
dudit sieur Violle , souscripteur;
^
Considérant que quoique ce billet à ordre -soit antérieur
au i.cr janvier 1808, date de*la mise à exécution du Code
commerce, il s’est écoulé depuis cette mise à exécution jusques
aux premières poursuites du sieur Galvaing, un'délai de
six ans n e u f m o is, temps pendant lequel il aurait dû
faire ses diligences, puisque l’art. 189 du Code de com
merce l’avertissait qu’il n’avait que cinq années pour pou
v o i r demander aveç succès le paiement de ce billet;
Considérant que le défaut de poursuites pendant plus de
0
�'( 4 i )
six années, après la publication du Code de commerce,
élève contre le demandeur une fin de- non-recevoir qui ne
peut être écartée par la supposition d’un prétendu effet ré
troactif contraire aux art. 2 et 2281 du Code civil, parce
qu’il résulte des dispositions même de ce Code , dans son
art. 1107 » i 110 lcs transactions commerciales ont des règles
particulières et ne sont point gouvernées par le Code civil ;
que l’intérêt du commerce a dicté ces règles particulières,
et que cet intérêt demande que tout soit prompt et som
maire dans l’extinction comme dans la confection des trans
actions commerciales ;
»
Considérant qu’appliquer les dispositions du Code de com
merce à un billet à ordre antérieur, c’e st, lorsque l’appli
cation laisse au créancier tout le délai que le Code a donné,
le mettre en harmonie avec la législation nouvelle et servir
les intérêts du commerce selon les intentions du législateur;
•que les lois et la jurisprudence donnent de nombreux exem
ples de cette sage application des lois nouvelles aux actes
antérieurs dont l’eifet s’est continué sous les nouvelles lois;
■que cette application a toujours eu lieu en matière de com
merce , puisque Savary apprend dans les parères 78 et 80,
qu’après l’enregistrement de l’Ordonnance de 1675 , dont l’art,
• a i, tit. 5 , établit la prescription de cinq ans pour les lettres et
billets de change, il lut question de savoir si cet article et la
prescription de cinq ans pouvaient frapper une lettre de change
antérieure, et q u i, avant l’Ordonnance, ne prescrivait que
pai le laps de trente ans ; que l’opinion de Savary, ré
dacteur de l’Ordonnance , est en faveur de la prescription
de cinq aus , lorsqu’on avait laissé passer ce délai depuis.
�( 42 )
FOrdonnance, sans aucune demande , et il ajoute que cela
se jugeait ainsi en la juridiction consulaire et au parlement
de Paris ; .
Considérant que la majeure partie des cours et tribunaux
a adopté cette jurisprudence depuis le Code de commerce;
qu’il existe en faveur de cette prescription de cinq ans un
arrêt de la cour royale de Rouen, du 5 i décembre i 8 i 5 ,e t
deux de la cour royale de Paris, des 21 février..... et 2 mai
1816; que même la cour de Paris paraît s’ètre déterminée
après un mur çxamen, puisqu’elle avait rendu précédemment,
et le G mai i 8 i 5 , un arrêt contraire,-que celte cour n’a pas
cru faire règle ; que vainement le Demandeur cite un arrêt
de la cour de cassation du 5o janvier 1816, cet arrêt étant
rendu en matière purement civile et relativement à des in
térêts d’une somme prêtée, courus avant le Code civ il, ne
reçoit aucune application aux matières de commerce;
• Considérant que si l’on examine le billet dont il s’agit,
et les circonstances de la cause , 011 ne peut résister aux
fortes présomptions de paiement qui en résultent ; que ce
billet est évidemment un blanc-seing rempli postérieurement,
et qu’il suffît de voir la différence des écritures, pour se
convaincre qu’en écrivant le corps du billet, l’on a stipulé
l’inlérêt, bien que le bon ou approuvé écril en toutes lettres
par le sieur Y iolle, 11’en dise rien; que malgré celle stipula
tion d’intérêt, ledit sieur Galvaing a gardé le silence pen
dant plus de quatorze années, et n’a demandé le paiement
qu’après le. décès du sieur V io lle, arrivé en l’année 18105
que ce silence est d’autant plus extraordinaire, que le sieur
Galyaing, lorsqu'il était receveur d'arrondissement, a eu
�( 43 )
des embarras de caisse dont il a convenu à l ’audience ;
et qu’à l ’époque de ces embarras, il f i t l ’état de son
actif et de son p a s sif; état qu’il a aussi représenté à
l ’audience, et dans lequel on ne trouve nullem ent le
billet de quatre m ille livres en principal dont il s'a g it,
lorsqu’ on y voit figurer des créances de 5 o f r . , de 48 fr .
et de 18 f r . ; qu’enfin il a été plaide, sans que ledit sieur
Galvaing l’ait désavoué; qu’il avait demandé a un particulier
le paiement d’une dette, bien qu’elle eût déjà été payée ,
circonstances q u i, réunies , laissent supposer que le billet
signé Violle a été payé, mais que le souscripteur avait
oublié de retirer le simple bon qu’il avait donné.
Par tous ces motifs, le tribunal de commerce, ouï pendant
deux audiences M.e Grognier, avocat du demandeur, et
M.e V io lle, avocat, pour le défendeur, jugeant en premier
ressort, déclare le demandeur purement et simplement nonrecevablc dans sa demande ; en tout cas l’en, déboute , et
condamne ledit sieur Galvaing aux dépens.
^ 6 ; v=5wr-
ixvûx *
*
*
|
^
A a-i-
A
AURILLAC,
D
eL ’IM PRIM . D E A .-J.-J. V IA L L A N E S , IM P R IM E U R D U R O I E T L I BR A IR E .
( J anvier1 8 2 0 . )
f
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Longueville, André. 1820]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Violle
Subject
The topic of the resource
prescription
billets à ordre
créances
faux
blanc-seing
assignats
tribunal de commerce
code de commerce
jurisprudence
rétroactivité de la loi
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur André Longueville et Antoinette Viollet, son épouse, propriétaires, habitant au lieu de Val, commune de Lanobre, et autres cohéritiers du sieur Violle-Delteil, négociant, intimés ; contre sieur Pierre Calvaing, ex-receveur de l'arrondissement de Mauriac, demeurant à Mauriac, appelant.
note manuscrite : 22 octobre 1820. arrêt confirmatif de la chambre souveraine = voir journal p. 484, pourvoi rejeté le 125 juin 1822, voir Sirey, 22-1-319.
Table Godemel : Billet à ordre : 2. la prescription de cinq ans établie par le code de commerce n’est pas applicable au billet à ordre souscrit antérieurement à sa publication, encore que, sous son empire, il se soit écoulé plus de cinq ans sans poursuite. Les dispositions de ce code n’ont pas eu d’effet rétroactif.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De A.-J.-J. Viallanes (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1820
1805-1820
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2501
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2502
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53487/BCU_Factums_G2501.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Lanobre (15092)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
billets à ordre
blanc-seing
code de commerce
Créances
Faux
jurisprudence
prescription
rétroactivité de la loi
tribunal de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53728/BCU_Factums_M0229.pdf
5c8189c34b35b48998af38d186589819
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
_
_i
__
J e a n - B a p t i s t e D E V E Z E , appelant ;
CONTRE
A
n t o in e
L A M O U R O U X , intimé ;
EN RÉPONSE
L
’a
p p el
A CELUI DE L' I N TI MÉ.
est d’une sentence de la Sénéchaussée
d'Auvergne, du 29 mars 1790. U ne simple réflexion
suffirait pour en établir le mal-jugé. Elle a refusé l'ho
mologation d’un jugement arbitral qui devait être ac
cordée , sans se permettre le moindre examen du bien
ou mal-jugé. Elle a fait, plus, elle a jugé le contraire
de ce qui l’avait été par le jugement arbitral : en un
mot , la Sénéchaussée s’était érigée en tribunal d appel
d’un jugement arbitral. Tout cela ne peut être consi
déré que comme une monstruosité dans l'ordre judi
ciaire.
A
�( s )
#
Il ne doit donc pas paraître difficile de justifier l’appel
de la sentence de la Sénéchaussée d’A uvergn e; on fera
plus., et on espère de prouver surabondamment qu ’abstraciion du jugement arbitral, si la contestation eût été
portée directement en la Sénéchaussée , la sentence
eût été aussi injuste qu’elle a été irrégulière après le
jugement arbitral.
Commençons par rappeler les faits etlescirconstances
singulières de cet te affaire.
Par un acte sous seing pri vé, du 2 avril 17 8 6 ,
Lamouroux vendit à Devèze l’élat et office de greffier
en ch ef de la maîtrise des eaux el forêts de Si.-Flour.
L e vendeur promit de remettre à l’acquéreur, quand
l<on semblerait à celuî-ci,la procuration a d resignandum. L e prix de la vente fut de 18,000 fr., pa}rab!es
aux.termes convenus, avec intérêts. Il est convenu , par
la vente, que Lamouroux partagera avec Devèze tous
les arrérages qui pouvaient lui être dus dans le greffe,
même les gages et chauffages jusqu’au jour de la vente;
de loul quoi, est-il dit, D evèze se chargera de faire le
recouvrement , et d’en faire compte à Lamouroux à
fur et mesure qu’ils rentreront. Lamouroux se réserva
seulement les revenus el profits casuels du greffe, de
l ’année i y B ô , tant dans l’élection de S l.- F lo u r, que
dans celles d ’Aurillac et de Mauriac. Lamouroux avait
affermé à Daude le greffe de la maîtrise de St.-Flour,
et il avait aussi affermé a Seriez les droits de ce greffe,
qui se percevaient dans les élections d’Aurillac el de
Mauriac.
11 fut stipulé dans la vente , que D e vè z e serait
�.
c.
3
}
.
.
obligé d’entretenir le bail de Daude jusqu’à son ins
tallation , et qu’alors, s’il voulait l’interrompre, il ga
rantirait Lamouroux des dommages-intérêts que Daude
pourrait exiger pour l’interruption ; et à l’égard du bail
de Seriez, Devèze lut obligé de l ’entretenir dans toute
sa durée.
,
Lamouroux se repentit sans doute d’avoir vendu à
D evèze l ’office de greffier ; en vain celui-ci le pressait
chaque jour de lui remettre sa procuration a d resignandu/n, ses provisions, quittances de marc d’or et de
centième denier, et autres pièces nécessaires pour se
faire pou rvoir; en vain lui demandait-il toutes les
pièces, sans lesquelles il ne pouvait se faire payer des
gages et chauffages qu’il devait partager avec L a m o u
roux, et dont il était chargé de faire le recouvrement,
et les baux des fermiers Daude et Seriez , pour se faire
payer du prix de leurs fermes, qui ne devait point en
tier en partage avec Lamouroux; celui-ci trouvait tou
jours des prétextes pour ne pas remettre tous les actes
nécessaires, et cependant l’intérêt du prix de la vente
courait toujours.
Déjà huit mois s’étaient passés , lorsque Devèze se
vil obligé de faire , par un acte du 2 décembre 1786 ,
une sommation à Lamouro ux, de lui donner et déli
v r e r , dans les 24 heures, sa procuration a d resignand u n i, ses provisions , quillanc es de marc d or et de
centième denier, et autres pièces nécessaires. Celle
sommation ne put pas être ignorée par L a m o u ro u x ,
puisqu’elle lui fut faite, parlant à s.a personne, par
A 2
�(4
)
Biron , huissier audiencier au bailliage
_
de Saint-
Flou r.
Il n ’est pas inutile de remarquer que danscettesommation, D evèze ne fit pas mention de l ’acte de vente
•du 2 avril 1786, pour ne pas se mettre dans la nécessité
de le faire contrôler et d’en payer les droits; ce qu’il
voulait éviter avec raison , puisque l’acte devait ensuite
être passé par-devant notaire: il se contenta d’énoncer
dans la sommation , que Lamouroux lui avait vendu
l ’office de greffier des eaux et forêts, et qu’en cas de
déni, il offrait de le pi’ouver tant par titres q u e par
témoins. Cette remarque répond d’avance à une ob
jection faite à cet égard par Lamouroux.
Après cette sommation , Lamouroux ne put pas re
culer plus lon g-tem s, et se trouva enfin obligé de
manifester son repentir. La sommation était du 2 dé
cembre; et le 7 du même mois, il fit signifier à Devèze ,
par Pertuis, premier huissier audiencier de l’élection
d’Aurillac, un acte , par lequel, «en répondant à la
« sommation qui lui avait été faite par D e v è z e , le 2
« du même mois , il lui déclara qu’il n’enlendait point
« donner la procuration acl res/^nandunide son office
* de greffier en c h e f de la maîtrise des e a u x et forêts
k
d e S t . - F l o u r ; q u ’à la v é r it é , par des c o nv en t io ns faites
* entre parties, au mois d avril dernier, il avait vendu
« son office à Devèze , mais que dès le lendemain même,
« et depuis, il s’en était repenti; qu’élan! encore jeune,
<r et ayant plusieurs enfans maies pour le remplacer,
« il ne pouvait pas raisonnablement se défaire d’un
�5
C
)
office qui lui donnait un état, et auquel il était atta
ché par le long exercice qu’il en avait f a i t , et,qu’en
outre cet office lui avait ete transmis par son p e r e ,
qui le tenait aussi de ses auteurs, et attendu encore
les privilèges et prérogatives qui y étaient attachés :
c’est p o u rqu o i, bien loin de donner la procuration
a d resignandum , il se propose de, se servir de l a
faculté que la jurisprudence accorde à tous les offi
ciers ; et en exerçant le regrès de son office, il se
croyait fondé à demander que les conventions faites
entre les pariies, fussent déclarées nulles et comme
non avenues ».
>’
Par ce même acte, où il est dit q u e . ¡D e vè z e ;;a
fait refus d’acquiescer au repjrès., quoique l’a c t e .n e
soit fait qu’e/i parlant à sa servante, il est donné
assignation à De.vèze, au bailliage de Saint-Flour,
pour voir prononcer la nullité, et déclarer, en con
séquence, queLamouro ux demeurera libre et déchargé
des conventions faites avec Devèze.
,
Celui-ci était absent au moment de ce^ acte fait
en parlant à sa .servante, et à son retour* l/^ç/e lui
ayant été remis, s’étant c o n s u l t é e ! ayantappris qu’il
ne pouvait pas résister à Taction en regrès ; voulant
d ’ailleurSj se débarrasser de toutes tracasseries avec
L a m o u r o u x , le 12 du, même mois, lui ,fit signifier
un açle par Ceuille, h u i s s i e r audiencier en l’ élection
de Saint-Hour , par lequel il déclara, en réponse à
la déclaration et à l ’assignation de L a m o u r o u x , q u ’il
consentait et acquiesçait aux conclusions prises par
�,
.
(
6
}
.
.
.
.
Lam o u roux , par l'assignation qu’il luiavaitfait donner,
et à ce que les conventions faites h raison de l ’oflice
de grdfïier, demeurassent nulleset comme non avenues,
el que Lamouroux pûl disposer de son office comme
bon lui semblerait.
T o u t alors-paraissait consommé entre les parties:
L a m o u ro u x avait fait le regîès,- et D evèze l’ avait
accepté. Devèze eut toute raison de se croire dans
la plus grande sécurité. Déjà huit mois s’étaient passés
dans un profond silence de part et d’autre. Devèze dut
e lle donc bien surpris lorsque , le i août 1787, Lamou roux lui fit faire, à son domicile et en son absence,
3
im acte insfmmenlaire, contenant sommation de se
trouver le lendemain, luiil heures du matin, en l’étude
d’uri notaire de Sainl-Flour, pour passer la vente de
l'office, ou voir déposer l’acte sous seing p rivé, du
2 avril i786,etacce[)tersii procuration a d résignandum.
L e lendemain 14 août, procès - verbal de défaut
chez le notaire, où D evèze n’avait garde de se 1rouVer, étant encore absent, et 11e pouvant avoir con
naissant^ de lh' sommation qui lui avait été faite la
veille; el ■ée'même j
14 août, assignation à D evèze
par Lain0tirori;x >en veVlu de com m illim us en la sénéchausséé d'/Urvergne, pour reconnaître les écritures el
signMlurefc"dè l’acle dé’ vente Sons seing privé, du 2
avril 1 786 ,; el ;n't principal, pour ratifier la vente, sous
olfre de délivrer la procuration ad resignanduni.
Lors de celle assignation, le grand-m'ai Ire des eaux
C-t forêts ¿e trouvail dans la ville de Sainl-Llour. Lii
�7
(
)
contesta lion élevée par Lamouroux fut connue , .et
plusieurs personnes s’entremirent pour
engager les
parties à la faire terminer par la médiation du grand
maître. Lamouroux et D e v è z e passèrent un compromis
sous seing privé, le premier septembre 1 7 8 7 , par lequel
ils convinrent de s'en rapporter, pour le procès pen
dant entr’e u x , à L'avis et médiation du grand-m aître,
promirent de lu i envoyer, incessamment, dans l’espace
de trois m ois, tous leurs titres, papiers nécessaires,
et pièces y afférentes, même chacun , le double sous seing
privé de la vente, se soumettant de s’en rapporter à
son a v is , à peine-de 4000 liv. qui demeureront encou
rues , de pLein droit, contre le contrevenant.
Les parlics envoyèrent leurs pièces et mémoires au
grand-mai:re, alors de retour à Paris; ¡1 ne les reçut
qu’au mois do décembre 17 8 7; mais il ne pouvait
prononcer son jugement qu’après avoir fait-contrôler
le compromis, ce qui fut fait à Paris le 9 décembre
1 7 8 7 , et le dépôt en fut fait cjiez un notaire de Paris,
le même jour. L e 9 février suivant, 1788, le grand
maître rendit son jugement arbitral.
.
'
I»
Dans ce jugement il est énoncé que toutes les pièces
et mémoires despariiesont été vus par le grand-maître,
et notamment la sommation faite par D e vè ze à L a
mouroux , le 2 décembre , 1786 , l’acte signifié par
L amouro ux, le 7 du même mois, contenant son regrès
et la vente de l’office ; enfin , l’acte d’acceptation
du regrès.,signifié par D evèze à La mouroux , le 12 du
même mois. On doit croire que ce furent les origi-
�C8 )
naux de tontes les pièces qui furent vus par le grand
maître, sans quoi il aurait énoncé qu’il n ’avait pro
noncé que sur les copies.
Après le vu de tou les les pièces, voici comment s’ex
prime le
« Sans
« ployés
« nullité
«
«
«
«•
grand-maître dans son jugement arbitral:
enlrer dans la discussion des moyens e m
par les parties pour soutenir la validité ou la
de l’acte du 2 avril 1 7 8 6 , j ’ai considéré
l'affaire sous son véritable point de vue; et la queslion qu’elle présente, n’est pas de savoir si l’acte
de 1786 est valable j mais s’il est détruit par la réponse
du sieur 'Lamouroux , à la sommation qui lui fut faite
« de délivrer la procuration ad resignandum , et par
« l ’acquiescement du sieur D e vè z e aux conclusions
« portées en ladite réponse.
« L e sieur Lamouroux a bien senti le faible de sa
k
demande; aussi n’est-il nullement question de ces
« actes dans son mémoire à consulter, et c ’est son
«
«•
«
«
silence’ sur l’existence'de ces pièces qui lui a procuré des avis favorables. Si l’acte du 2 avril 17867
est valable, comme contracté entre majeurs , pourquoi les actes subséqiiens ne le seraient-ils point ?
« L e sieur Lamouroux avait vendu : malgré Tacquies-
« cernent à son regrès, il entreprend de suivre Follet
« du premier a c te ; sa marche est contradictoire, et
« sa procédure est dérisoire.
"
« Eu conséquence, nous disons que le traité dudit
« jour 2 avril
1786 , sera cl demeurera comme 11011
« avenu, et que ledit Lamouroux pourra disposer,
« ainsi
�9
C
)
« ainsi que bon lui semblera, de son office de greffier
« de la maîtrise de Saint-Flour, le condamnons eu
« tous les dépens.; sur les demandes en dommages
* intérêts, mettons les parties hors de cour ■
».
C e jugement était du 9 février, et le 12 du même
mois, il fut envoyé par le grand-inaîlre (Boisneuf de
Chenevière ), au sieur M u ret, garde-marteau des eaux
et. forêts de Saint-Flour, pour en faire lecture aux
parties, et le déposer chez le notaire qu'elles v o u
draient choisir. La. lecture et prononciation du juge
ment arbitral furent faites aux parties par le sieur
Muretjet par acteinstrumentaire du premier avril 1788,
D e vè ze fit sommer Lamo uroux de déclarer entre les
mains dequel notaire il voulait que le jugement fût dé
posé, lui protestant, qu’à défaut de s’expliquer, le dépôt
serait fait entre les mains du notaire, sur ce requis.
Lamouroux feignant d’être absent de chez l u i , ne fit
que présenter sa servante, en parlant à laquelle, il
fut déclaré que le dépôt du jugement arbitral aurait
lieu entre les mains du syndic des notaires de SaintFlour, le lendemain huit heures du matin, dans le
cabinet du sieur M u ret, o ù , en conséquence, L a m o u
roux fut sommé de se trouver pour y voir faire nou
velle lecture et prononciation, et le dépôt entre les mains
du notaire.
On conçoit bien dans la conduite qu avait déjà
tenue L a m o u rou x , et par celle qu’il a tenue dans la
suite, qu’il n’avait garde de se rendre à la sommation;
en conséquence, procès-verbal par défaut contre lui,
B
�( 10 )
de la lecture, prononciation et dépôt du jugement, 1©
2 avril 1788.
L ’inaction où demeura L a m o u ro u x , après avoir eu
connaissance du jugement arbitral, dut persuader à
D e v è z e , que toute contestation entr’eu x, sur la vente
de l ’office de greffier, était terminée; il fut d’ailleurs
confirmé dans cette idée, par les renseignemens qui
lui parvinrent, que L a m o u r o u x , depuis la vente de
1786 , n’avait jamais cessé de prendre la qualité de
greffier, et d’en faire les fonctions; mais que de plus,
il avait perçu les gages, chauffages et émolumens du
greffe, qui devaient appartenir h D e v è z e , du jour de la
vente. D e v è z e s’était aussi rendu certain, que même
après l’acte de dépôt, du 2 avril 1788, du jugement
arbitral, Lamo uroux avait obtenu , contre Sériez, une
sentence de la Sénéchaussée d’A u v e r g n e , l e 6 m a i 1788,
qui condamne Sériez à lui payer les fermages du bail
de l’année 1787561 dans laquelle sentence, Lamouroux
se qualifie, comme dans tous les actes précéderas, de
greffier en c h e f de la maîtrise de Saint-Flour. Et ce
pendant, si la vente du 2 avril 1786 , avait dû avoir eilet,
si Lamouroux n ’avait pas cru qu'elle était anéantie par
son actede regrès, et par l’acceptation de D e v è z e , quel
droit aurail-il eu au mois d’octobre 1 7 8 7 , après tous
ces actes, de demander et de percevoir le prix des
baux, pour les années postérieures à la vente, puis
que aux termes de celte ve n te , tous les droits et prix
de baux de fe rm e, devaient appartenir à D evè z e ?
T o u t concourait donc à affermir D e vè ze dans sa sé-
�( 11 )
eu ri té, et a lui faire croire que Lamouroux avait
persisté dans son regrès, puisque après le regrès, il
avait tout perçu , ce que sans cela il n’aurait pu
faire ; tout lui prouvait que Lamouroux approuvait
le jugement arbitral, puisque après ce jugem en t, il
avait exercé des actions, et obtenu des sentences pour
se faire payer des prix de baux, que ce jugement
seul pouvait l’autoriser à recevoir.
- A u reste, tous les faits dont on vient de rendre
comple, ne sont pas même contredits, et ils sont
établis par les pièces authentiques qui seront jointes
a la production de D e v è z e , et notamment la sen
tence de la Sénéchaussée d’Auvergne , rendue en
faveur de Lamouroux, contre Sériez, le 6 mai 1788.
La confiance de D e vè z e fut bientôt troublée par
des menaces qui lui parvinrent de Lamouro ux, de
sorte que pour plus grande précaution, il crut devoir
présenter le jugement arbitral, à l’homologation de
la Sénéchaussée d’Auvergne. La mouroux s’opposa à
,cetle homologation, et prétendit faire revivre l’action
q u ’il avait originairement formée contre D e v è z e , pour
l ’exécution de la vente du 2 avril 17 8 6 , et il s’y crut
fondé par un acte de désaveu qu ’il fit du regrès qu’il
avilit notifié à D e v è z e , le 7 décembre 1786, pré
tendant même que l’acte précédent, du 2 du merae
mo is, et celui d’acceptation du 12 , étaient des actes
faux.
Ces nouvelles prétentions de Lamouroux donnèrent
lieu à une assez longue discussion, sur laquelle interB 2
�( 12 )
vint la sentence de la Sénéchaussée d’A u v e r g n e , du
24 mars 1790, dont est appel, et par laquelle ayant
égard au désaveu formé contre les héritiers de l’huissier'
P e r f u i s , d e l’acte du 7 décembre 1788, cet acle fut
déclaré nul et de nul effet ; D evèze débouté de
la demande en homologation d e i a sentence arbitrale,
la vente du 2 avril 17 86 , fut confirmée, et D evèze
condamné à payer le prix d e l à vente, el les intérêts.
E n exécution de celle sentence , et même aupa
ravant Lamo uroux avait fait faire des saisies-arrêts
entre les mains des débiteurs de D e vè ze ; et pour se
procurer une plus prompte exécution de la sentence
qui était ordonnée, nonobslant l’appel, il s’était hâté de
donner caution, mais D evèze interjela appel au Par
lement, où il obtint un arrêt de défense, et demanda, en
même-tems,la main-levée des saisies-arrêts: Lamouroux
de son côté,demanda,par une requête du i
5 mai 1790,
l ’exécution provisoire de la sentence de la Sénéchaussée.
Ces demandes firent la matièred’ unapoinlé à mettre, sur
lequel inlervinl un arrêt du i juin 1790 , qui accorda
5
à D evèze la main-levée des saisies, en ordonnant, que
sur le fond et le surplus des conclusions des parties,
elles feraient diligence pour faire juger, el en viendraient
à l’audience; les dépens furent reservés, hors le coût
de l’arrêt qu ’il fut ordonné que Lamouroux serait lenu
d’avancer, sauf à répéler s’il y avait lieu.
L ’arrêt fut signifié à Lam ouroux, le 9 juillet 1790.
I^amouroux 11c paraissant pas encore rebuté de ses
poursuites , avait fait faire à Devèze deux actes instru-
�13
(
)
mentaires; le premier ,le 7 janvier 1791 ; el le second ,
le
3o juillet suivant.
Alors la suppression des offices des
eaux et forêts, depuis long-tems annoncée, avait été
effectuée.
Par le premier de ces actes il fît
D eveze des oiires
de quelques pièces nécessaires à la liquidation de l’office
de greffier en chef, notamment de trois quittances du
centième denier, depuis et compris 1 7 7 9 , jusques et
compris 1789 ; ces quittances étaient sous les dates,
l ’une du
3o décembre
1 7 7 9 , la seconde du ‘do septem
bre 1 7 8 0 , et la troisième seulement du 11 décembre
1788.
3
P a r l e second acte, du o juillet 1 7 9 1 , Lam ouroux
somme Devèze de déclarer s’il entendait que la liqui
dation de l’oflice de greffier , que Lamouroux avait an
noncé vouloir poursuivre comme créancier du prix de
la vente , fût faite eu égard au prix de la ve n te , ou
autrement d’après les bases déterminées par les décrets.
D e vè ze répondit ¿1 ce dernier acte, qu ’il était bien
étonnant que Lamouroux demandât l’exécution de la
vente dont il s’agit , pour faire la liquidation de l ’office,
tandis que cette vente avait été déclarée non avenue
par le jugement arbitral du 9 février 17 88, depuis
confirmée par Lamouro ux, et par lui exécutée par la
continuation de l’exercice de cet office; que sa préten
tion pour faire revivre une vente anéantie , était le
comble de la mauvaise foi; qu ’il était constant q u e c e
n ’était que l o r s q u e Lamouroux avait appris, aux mois
de juillet et d’août 1 7 8 7 , qu’il était question de la sup-
�.
A .
(
14
\
.
pression des maîtrises , qui avait depuis été effectuée
par Tédit du mois de mai 1788 , qu ’il n ’avait plus voulu
garder son office au préjudice de la résolution de la
vente qui en avait élé faite : c’est pourquoi D e vè ze
déclara qu’il n’empêchait Lamouroux de faire pour la
liquidation de son office , tout ce que bon lui sem
blerait.
A partir de ce dernier acte de la part de Lamouroux,
3
du o février 1791 , on ne voit de sa part qu’un pro
fond silence pendant près de six ans, c’e s t - à - d i r e ,
jusqu’en l’an 6 de la république.
Néanmoins il méditait dans le silence les moyens de
se procurer par la violence ce qu’il ne pouvait pas espé
rer d’oblenir par la justice, et l’occasion s’en présenta
bientôt, lorsque survinrent les tems désastreux des pre
mières années de notre révolution.
Alors Lamouroux fut trouvé digne d’être procureur
de la commune de St.-Flour; il se persuada aisément
pouvoir effrayer D evèze , et sous le faux prétexte d’é
migration, par l'autorité de sa place, il le fit incarcé
rer. Sans doute si Devèze eût voulu céder à la crainte
des maux dont il était menacé, en consentant une vente
déjà annullée par un jugement arbitral, il eût bientôt
obtenu sa libel l e } mais les efforts de Lamouroux furent
vains, et D evèze trouva d’autres moyens plus légitimes
d’échapper aux malheurs que lui préparaient les effré
nés suppôts de la tyrannie décernviiale. D evèze invite
Lamouroux à se rappeler les horreurs de ces tems-là,
et l’assassinat d’un magistrat respectable, le lieutenant.
�( i5 )
-
Criminel d’Àurillac, commis sous les ye u x de tous les
membres du département, qui siégeait alors dans celle
ville, sans'qu’aucun d’e u x , loin d’arrêter les fureurs
des brigands, y donnât le moindre signe d’improbalion.
Grâces à la journée du 9 thermidor, il y eut un mo
ment de calme, qu’une autre journée de fructidor fit
bientôt disparaître , jusqu'à ce qu’enfin la Providence
suscitât le héros qui devait réparer les maux de la France
opprimée.
Ce ne fut donc qu’en l’an 8, que Lamouroux imagina
de reprendre les poursuites de l ’appel qui avait été
pendant auparlement, de la sentence de la Sénéchaussée
d’Au ve rgn e , de 1790; et on n’a pas oublié qu’au parle
ment il avait déjà échoué dans la demande qu ’il y avait
formée , tendant à l ’exécution provisoire delà sentence
de la Sénéchaussée. Ce fut par deux exploits, l’un du
8 thermidor an 8 , et l’autre du 26 brumaire an 9, que
X.amouroux assigna D evèze au tribunal d’a p p e l , pour
procéder sur l’appel qui avait été pendant au parle
ment , de la sentence de la Sénéchaussée, de 1790, et
pour voir confirmer cette sentence.
Comme la sentence avait été rendue sur apointement en droit, elle fait la matière d’un procès par écrit
au tribunal d’appel , sur lequel D evèze a déjà fourni
des griefs, qu’on a cherché à combaltre dans un m é
moire im prim é, que Lamouroux a fail signifier ; et
c ’est à ce mémoire qu ’on se propose de ré p o n d r e ,
après avoir rétabli, comme on vient de le faire, les
faits, les actes et autres circonstances de cette affaire.
�]
L
a
sentence dont est a ppel, a été irrégulièrement
et mal rendue. D ’un côté elle ne pouvait pas refuser
Tliomologalion qui était demandée, par D e v è z e , du
jugement arbitral qui avait été rendu entre lui et Lamouroux; elle devait prononcer cette homologation,
sans même prendre connaissance de ce qui avait été
décidé par le jugement arbitral. D ’un autre côté,
elle 11e pouvait prononcer sur des demandes de Lam ouro ux, qui ne tendaient qu’à détruire la décision
du jugement arbitral. On se propose, enfin, de prou
v er surabondamment,que lesdemandescîeLarnouroux,
n ’eussent elles pas déjà été jugées par une sentence ar
bitrale , et eussent-elles été portées directement en la
Sénéchaussée, loin de pouvoir être accueillies, elles au
raient dû être rejetées. Ce n'est point là l’ordre qui a
été observé dans le mémoire de La mouroux; il aurait
rendu sa défense plus difficile ; mais c ’est celui qui a
paru le plus naturel à celle de D e v è z e , et qui paraît le
mieux convenir aux véritables questions que le tribu
nal doit juger dans cette aflaire. A u reste, ce nouvel
ordre ne laissera rien échapper des réponses qui peuvent:
se faire aux objections du mémoire de Lamouroux.
P
r e m i e r
M
o y e n
.
»
L ’homologation demandée ne pouvait être refusée.
L ’article i . er de la loi du mois d’août 1790, concer
nant l'organisation judiciaire, dit : que l’arbitrage est le
mo yen
�17
(
)
m o y e n le plus raisonnable de terminer les conlestations entre les citoyens. C ’est une vérité reconnue dans
tous les tems , que cet article de la loi ne fait que pro'clamer et confirmer.
" l/article 5 veut que les sentences arbitrales dont il
n ’y aura pas d ’a p p e l , soient rendues exécutoires par
une simple ordonnance du président du tribunal, qui
sera tenu de la donner au bas, ou en marge de l’expé
dition qui lui sera présentée.
Ces termes de l’article, qui sera te n u , annoncent
assez que le juge auquel le jugement arbitral est pré
senté , pour le rendre e x é c u to ire , ne peut pas entrer
en connaissance du bien ou mal-jugé ; et ce n ’est point
encore là une loi nouvelle.
Que nous disent tous les auteurs qui ont parlé des
sentences arbitrales? voici comment ils s’en expliquent,
et particulièrement ceux du Recueil de jurisprudence,
1om. i.er pag. 549. «La partie qui poursuit llio m o lo g a * tion d’une sentence arbitrale, doit faire assigner l’au« ire partie devant le juge c o m p é t e n t, lequel doit en
« conséquence procéder sommairement, à celleliomo « logation, sans prendre aucune connaissance du fo n d
« du procès, sauf aux pallies à se pourvoir par appel,
l< contre la senlence arbitrale, si elles le jugent à proc< pos : ainsi aucune des parties ne peut empêcher l’ho
" mologation , sous prétexte que La sentence arbitrale
« est irrégutiere, ou autrement vicieuse ».
D ’après ces principes, il doit paraître évident que,
quelque moye n qu’on pût opposer contre la senlence
C
�.
( 18 }
.
arbitrale, la Sénéchaussée ne pouvait pas refuser l’ho
mologation , elle devait la prononcer sommairement,
et sans entrer en aucune manière en connaissance de
cause, ni du fond de ses dispositions, ni des irrégula
rités ou des vices qu ’on pouvait opposer à cette sen
tence. Les moyen du fond, les vic es, les nullités, les
irrégularités de la sentence arbitrale, étaient autant
de griefs contre cette sentence, qui ne pouvaient être
proposés et jugés qu’au tribunal d’ap p e l, si en effet
1 appel en était interjeté.
Un de ces moyens par lesquels on voulait empêcher
l ’homologation, était une nullité prétendue du com
promis, tirée de ce que ce compromis ne déterminait
pas à l’arbitre un délai pour juger: mais cette nullité
n ’eût mêm e été proposable que devant le tribunal
d ’appel, s’il y eût eu un appel d’inlerjeté; et même
en ce cas , elle n’aurait pu être accueillie par le tribu
nal d’appe l, q u ’autant qu ’une révocation du compro
mis aurait eu précédé la sentence arbitrale.
3
Que nous dit encore sur cela l’article
du lit. des
arbitres , dans la loi du 16 août 1790? « Les compromis
« qui 11e fixeront aucun délai dans lequel les arbitres
« devront prononcer; et ceux dont le délai sera expiré,
seront néanmoins valables , et auront leur exécution,
«■jusqu’à ce qu ’ une des parties ail fait signifier aux ar
« bilres, qu ’elle ne veul plus tenir à l’arbitrage».
Ce n’est pas là encore un règlement nouveau. Que
nous disent tous nos auteurs qui ont écrit avant la ré
volution ? l is o n s ce
qui
est écrit par llousseaud- *
�9
( i )
Lacombe au mot Compromis , n. 2. «■Après que les par
ti lies ont subi volontairement la jurisdiction des ar
« bitres , asqae ad fm em negotiù,e\. que les arbitres ont
« rendu leur sentence arbitrale, les parties ne sont plus
« recevables à dire qu’il y avait nullité au compromis,
« de ce qu’il ne contenait aucun tems limité. Ainsi
« jugé par arrêté du 27 janvier 16 26 , sur les conclu« sions de M. Bignon , avocat général, rapporté au
« Journal des audiences ». L'auteur aurait encore pu
citer un arrêt semblable, du 16 janvier 1628. rapporté
5
par Mornac, sur la loi ¿ . ff. D e recept. qui arbitr.
Il était étonnant qu ’en la Sénéchaussée d’A u ve r gn e ,
on eût osé combattre ce principe, et plus'étrange en
core qu’aujourd’hui au tribunal d ’a p p e l , dans le m é
moire de Lamouroux , un jurisconsulte ait prétendu
le réfuter par l ’autorité de M orn ac , à l’endroit m êm e
où l’on vient de le citer. 11 faut être exact dans ses cita
tions, et on ne l’est pas dans cette occasion.
1 5
M orn ac , sur la . 2
ff. de recept. qui a rb ilr., cite
deux arrêts, l’un du 16 janvier 1628 3 l’autre du 27
mars 1618. L e premier adjugea la peine d’un comproniis, quoique ce compromis ne contînt pas de délai pour
juger; le second au contraire réfusa la peine du c om
promis qui n’exprimait pas non plus de délai. Mais il
11e faut pas croire que ces deux arrêts furent contradic
toires. Dans l’espèce de l’arrêt de 1628 , M. l’avocat
général Servin observa, que la partie qui avait appelé
do la sentence arbitrale, s’était soumise à la jurisdiclion
des arbitres, en écrivant et produisant ses litres et méC 2
�( 20 >
moires; devant les arbitres. JEutn qui appellaüerat et
scripsisse et instruxisse penitus instrumentes 3%tabules-*
que obsignatis arbitraient litem. M. Servin citait à cette
occasion les termes des lois. Quis est ferendus a d appellationis veniens a u xiliu m in iis quœ ipse fa cien d a
procuraçit. En conséquence l ’arrêt de 1628, adjugea
la peine du compromis , quoiqu’on y eût omis le délai.
Senatus ergo ex kis pœtiam deberi p ron u n cia çit, tametsi tempus omissum esset compromisso.
Mais l ’arrêt de 16 28 , que cite aussi Mornac, n’élait
pas dans la meme espèce. Celui qui se refusait i'i la peine
du compromis, n ’avait rien écrit ni produit devanl les
arbitres; ainsi Mornac, après avoir rapporté l’arrêt de
16 2 8 , qui avait adjugé la peine du compromis dans le
quel il n’y avait pas de d é l a i , parce que l’appellant
avait produit aux arbitres ses titres et mémoires, Mornac
dit qu’il en serait autrement, si, lorsque le compromis
ne contenait pas de délai, celui qui appelle de la sen
tence arbitrale, n’a rien dit ni produit devant les arbi
tres , et que c’est ce qui a été jugé par l ’arrêt de t 6 i 8 .
Secus enim s i, prœler omissum in compromisso d iem ,
nihU ab eo qui postcà appellavit, prolatum , productum que fu erit ; eo enim casu judicaturn pœnam non
deberi ab appellatore ; et c ’est en ellet ce que Mornac
dit avoir été jugé par l’arrêt de 1618.
.
O r , nous ne sommes pas ici dans l’espèce de ce der
nier arrêt, mais bien dans celle de l ’arrêt de 1628. L a
mouroux avait produit devant le juge arbitre ses titres
el mémoires.
�C 2ï )
_
• L ’auteur du mémoire de Lamouroux n ’est pas plus*
exact dans la citation de l’arrêt du 22 décembre 1627 ,
rapporté‘au journal des audiences, et il faut qu’il ne
se soit pas donné la peine de lire tout le chapitre,
quoique très-court, où cet arrêt est rapporté.
D e quoi était-il question dans l ’espèce de cet arr êt?
il y avait un compromis sans fixation de délai; mais il
n ’y avait pas eu de sentence arbitrale,rendue sur le
compromis.Une des parties, qui avait produit ses titres
devant les arbitres, avait traduit l’autre partie'devant,
le juge du M a n s , pour l’obliger à produire de sa part
devant les arbitres. C elle partie s’y était refusée, 'et la
sentence du juge dù Mans l’y avait condamnée. C ’était
de cette sentence qu ’il y avait appel ; mais comme il
n ’y avait pas de délai: dans le compromis, l’arrêt in
firma la sentence du juge du Mans; et dans le fait,le
refus de produire devant les arbitres, emportait avec
lui la révocation d’ un compromis qui ne fixait pas de
délai : mais pourquoi ne s’est on pas donné la peine
de lire ce que dit encore le journaliste? «Toutefois si
K les arbitres avaient rendu la sentence arbitrale, ce
« ne serait pas nullité en icelle, de ce qu’en compro
" mis il n’y aurait point eu de jour, d’autant que lorsK qu’ils l’auraient rendue , les parties pouvaient encore
K se soumettre devant e u x , et les prendre pour arbitres1;
K et de fait, la cour l’a jugé ainsi par ses arrêts».
L e journaliste a eu raison de dire que les arrêts l ’a
vaient ainsi ju g é : outre celui de 1628, que rapporte
M o r n a c , le journaliste lui-m êm e rapporte celui du
5
�( 22 )
janvier 16 2 6 , dont a parlé Rousseaud-Lacombe,- par
lequel il fut jugé que toute audience devait être d é
nuée à un appelant., jusqu’à ce qu’il eût payé la peine,
encore que l’on remontrât qu ’il y avait nullité au com
promis, en ce que par icelui on n'était convenu d ’au
cun tems, ni jour, dans lequel les arbitres pourraient
rendre la sentence-, et le m otif f u t , dit le journaliste,
que ce n ’est point une nullité en une sentence arbitrale ,
de ce que au compromis i i n i j avait eu aucun tems n i
jo u r lim ités, parce les parties l ’ai/ant ainsi convenu,
et ensuite subi volontairement la jurisdictiori des ar
bitres, usque ad finem negotii, ils l’avaient pu fa ir e ,
et ne sont plus recevables à s'en plaindre.
'
« M ais, ajoute le journaliste,'quand il n’y a point de
« jour ni de tems limité au compromis, c ’est une nul« lité qui donne matière à s’en retirer; en sorte que
« la partie qui ne veut plus l’entretenir, n ’y peut être
« contrainte, parce que autrement la jurisdiclion des
« arbitres serait prorogée , in infinitum ».
C ’est donc un principe inébranlable que le jugement
arbitral est valable, quoiqu’il n’y ait point de délai
dans le compromis, lorsqu’il n’y a point eu de révoca
tion qui ail précédé le jugement, et que les parties se
sont soumises à la jurisdiclion par la production de leurs
litres el mémoires.
'
‘
On ne se serait pas livré à une si longue discussion à
cel égard , si l’on n’eûl pas cru nécessaire de rappeler
à plus d’exactitudo dans les citations.
’
Il doit donc paraître démonlré que le défaut d ’ex-
�(
*3
)
.................................................................
pression de délai dans le compromis, lie pouvait pas
.empccher l’homologation de la sentence arbitrale.
M a i s , a-t-on dit e n core , le compromis n’a pas été
représenté en la Sénéchaussée, quoiqu’ on n’ait cessé
d’en demander la représentation. Il est bon de rappeler
ce qui est dit à ce sujet à la page 22 du mémoire de
Lamouroux ; on va le transcrire mot pour mot.
•
« L e citoyen Lamouroux allait même ju s q u à con« venir, que si Le citoyen Deve&e rapportait un compro«■mis régulier, il n'aurait d ’autre moyen que de se
« pourvoir au parlement , pour fa ire réformer une sen
»«
«
«
«
te
tence qui sera le fr u it de la surprise et de la fraude;
il somma en conséquence le citoyen D e v è z e d’exhiber du'compromis , qui n ’est cité ni dans la sentencearbitrale , ni dans aucun acte. L ’appelant s’est tou
jours refusé à représenter ce compromis ; dès-lors la
« sentence arbitrale n ’était plus qu’un simple a v i s ,
« émané d’ un particulier sans caractère. Sous ce rapport
« la Sénéchaussée a donc pu connaître d e l à demande
« en nullité et défaut de l’exhibition du compromis:
« et quand le citoyen D evèze rapporterait aujourd’hui
« un compromis régulier, cette discussion serait sans
“■intérêt , parce que le tribunal d’appel représente le
cc ci-devanl (1) parlement, et qu’il suffirait alors d ’interjeler incidemment appel de cette prétendue senff tence arbitrale ».
C1) Que v e u l e n t d i r e c e s mo t s cL -d c v a n t? q u a n d on
PaRO d A t h è n e s , ou d u Sénat d e U o u i e , il f a u d r a d o u e
A r é o p a g e , l e c i - d e v a n t Sénat.
p a r l e r a tie
dire,
le
l’Aréo-
ci-devaut
�( H )
^
Il y avait inexactitude dans les cilations d’arrêt faites
dans le mémoire ; et dans le passage qu’on vient de
transcrire, il y a mensonge et erreur.
Mensonge , en ce qu ’on dit à la page 22 du mé
moire, qu’en la Sénéchaussée le compromis n ’avait pas
été représenté; mensonge à la page
, en ce qu’on y
36
suppose qu’il n’exisle pas de compromis, et qu ’on est
hors d’élal de représenter; et le mensonge est prouvé
par une requête donnée par D evèze en la Sénéchaus
sée, le 14 janvier 17 89, par laquelle il fit production
du compromis
et la signification de cette requête ,
faite au procureur de I^amouroux, fait aussi mention
du bail de copie du compromis.
D on c alors, et dès que le compromis avait été re
présenté en la Sénéchaussée, il riy avait d'autre moyeu,
suivant Lamouroux lui-même, que de se pourvoir au
parlement; par conséquent la Sénéchaussée ne pouvait
pas juger; par conséquent l’appel de son jugement est
bien fondé.
Inutilement ajoute-t-on qu ’il fallait un compromis
régulier ,• on vient d ’établir invinciblement que le com
promis était régulier, et <|iie, quoiqu’il n’y eût pas
de délai fixé , dès qu ’il n’y avait pas eu de révocation ,
dès que les parties avaient produit à l’arbitre titres et
mémoires, on 11e pouvait plus arguer de nullité ni le
compromis, ni la sentence arbitrale.
Mais, dil-on encore, dans le passage que l’on vient
de transcrire, la discussion est sans intérêt, parce que
le tribunal d ’appel représente le parlement , et qu’il
suffirait
�.
..
(
)
suffirait alors d ’interjeter appel incident de la sen
tence arbitrale.
Il y avait mensonge dans la première partie du pas
sage ; il y a erreur dans celle-ci. L ’appel'incident du
jugement arbitral serait aujourd’hui non recevable ,
parce que'ce jugement a passé en force de chose jugée.
L e jugement fut signifié à La m o u roüx , le 2 avril 1788 ;
et mêm e encore aujourd’hui il n’en a pas été interjeté
5
d ’appel. Voilà plus de 1 ans de la signification ; mais
suivant la disposition de l’article 17 du titre 27 de l’or
donnance de 17 67 , les sentences acquièrent force de
chose ju gée, après dix ans du jour de leur signification,
et on ne p eu t plus alors en in te rj et e r appel.
Jousse, sur ccs mots de l’article après d ix ans , dit
qu’ils sont trop précis pour vouloir en changer la dis
position , en étendant jusqu’à o ans la faculté d’ap-
3
On ne doit cependant pas dissimuler qu’au parlement
de Paris on s’était écarté de celte disposition de l’or
donnance , et que les appels y étaient reçus pendant
3o ;
niais que pouvail la jurisprudence contre la dispo-
silion de la loi? une jurisprudence, et sur-tout celle
d un seul parlement ne peut pas c h a n g e r la loi ; el l’on
«si toujours fondé à réclamer contre la transgression
de la loi. Aussi aujourd’hui Ions les tribunaux d’appel
se conforment-ils à la disposilion de l’ordonnance de
*667 , même pour les senlences pendues avant la sup
pression du parlement, et s’il y a eu quelques jugemens
contraires, ceux du tribunal de cassation les ont anéauD
�.
( 26 }
■
.
tis. On pourrait même soulenir qu’à compter de la loi
de 1 7 9 0 , il n ’y a eu qu ’un délai de
3
mois pour se
pourvoir par appel contre les jugemens antérieurs; mais
cela devient inutile^ parce que même les dix ans de
l ’ordonnance de 1667 , ont constamment donné à la
sentence arbitrale la force de la chose jugée.
C ’est donc aujourd’hui par une erreur bien reconnue
qu’on voudrait
prétendre qu ’on pourrait interjeter
appel incident d ’une sentence signiiiée il-y a plus de
10 ans, et qui a constamment acquis la force de chose
jugée.
Enfin un dernier moyen ^ par lequel on prétend jus
tifier la sentence de la Sénéchaussée d’Auvergne.dont
est appel, est le désaveu qu’avait fait Lamouroux de
l ’acte de regrès, signifié à Devèze par l'huissier Pertuis.
On examinera dans la suite le mérite de ce désaveu;
mais pour ce moment-ci il suffit de remarquer que le
désaveu eût été bien ou mal fait , ce ne pouvait pas
être en la Sénéchaussée qu ’il devait l’être, et que ce
désaveu lel quel ne l’aulorisait pas à refuser 1 homo
logation de la sentence arbitrale ; et pour s’en con
vaincre, il n’est besoin que de rappeler et de répéter
ce que l'on a dit ci-devant des principes enseignés par
les auteurs, que «le juge auquel l'homologation d ’une
« sentence arbitrale est demandée, doit procéder som« mairement à cette homologation, sa/is prendre aa« cune connaissance du fo n d du procès' sauf aux par
te tiesà se pourvoir par appel, si elles le jugent à propos.
« Ainsi aucune des parties 11e peut empêcher l'hom o-
�27
(
)
« logation, sous prétexte que la sentence arbitrale est
« irrégulière, ou autrement vicieuse ».
D ’où il doit se conclure nécessairement que le désaveu
sur lequel on voulait élablir le vice de la sentence ar
bitrale , bien ou mal fo n d é , n ’aurait pu être jugé qu’en
tribunal d’a p p e l , et que le vice du désaveu, quel q u ’il
pût être, ne pouvait pas empêcher l’homologation de
la sentence arbitrale.
Mais on aura d’ailleurs occasion de prouver dans la
suite de ce mémoire, que le désaveu n’était pas receYable, dans le ’cas même où l ’affaire n’eût pas été jugée
par une sentence arbitrale, et qu’elle eût été portée
directement en la Sénéchaussée. Ce sera la dernière
proposition de ce m é m oire , d’ailleurs par elle-même
très-surabondante, comme on l’a déjà dit, et parce que
le désaveu n’aurait pu être jugé que par un tribunal
d’appel, qu’il n ’y a jamais eu d’appel de la sentence
arbitrale , et que celui qu’on en interjetterait aujour
d ’hui , serait non recevable.
Ainsi donc mal-jugé évident de la sentence dont est
appel, en ce qu’elle a refusé l’homologation de la sen
tence arbitrale.
'
-
�(
D
*8
e u x i è m e
)
M
oyen
.
L a sentence de La Sénéchaussée ne pouvait prononcer sur
des demandes déjà ju g ées par une sentence arbitra Le,
et détruire par des dispositions contraires celles de la
sentence arbitrale.
I>a proposition du mo yen semblerait seule devoir
l ’établir, parce que la proposition elle-même n’énonce
qu’ un principe., et ce principe a déjà été suffisamment
développé dans la discussion du premier moyen.
Une sentence arbitrale ne peut être réformée, quel
que vice qu’elle renferme , que par un tribunal d’appel;
elle n ’est sujette qu’à l ’homologalion du juge inférieur,
et cette homologation ne peut être refusée p a rc e juge
inférieur. D onc il ne peut connaître, lorsqu’on lui de
mande l ’homologation, ni du fond du procès déjà jugé ,
ni des vices du jugement déjà rendu par les arbitres.
N e serait-il pas ridicule, quand une sentence arbi
trale a été rendue sur les demandes d’une partie , de
prétendre q u e l ’aclion peut être renouvelée devant des
juges autres que ceux devant lesquels doit être porté
l ’appel de la sentence arbitrale , el que les juges infé
rieurs jugeassent tout le contraire de ce qui l’aurait été
par les arbitres ? et c ’est ce ridicule, on pourrai! même
dire celle absurdité, qui se rcnconlre dans la sentence
dont est appel.
L a sentence arbitrale avait déclaré comme non avenue
�C 29 )
la vente de l’office de greffier, et celle de la Sénéchaus
sée déclare celte vente valable, et en ordonne l’exécu
tion. Voilà donc une contrariété évidente de jugement ;
niais le premier ne pouvait être réformé , ne pouvait
être détruit que par des juges d’appel, el la Sénéchaus
sée n ’avait pas ce caractère. Donc son jugement est
nul , et le mal-jugé est par cela seul démontré.
Si par la sentence de la Sénéchaussée il eût été dit
en termes formels , qu’il avait été mal jugé par l e juge
ment arbitral, oserait-on proposer qu ’une pareille sen
tence pût être confirmée? mais n’esl-ce pas la même
chose, quand la sentence de la Sénéchaussée a jugé
absolument le contraire de ce qui l ’avait été par la
sentence arbitrale? En un m o t , la Sénéchaussée s’est
elle-même érigée en tribunal d’appel. C ’est ce qu’on a
eu raison d’appeler une monstruosité dans l’ordre judi
ciaire. En voilà assez, sans doute , pour justifier l’appel
de la sentence , sans qu’il soit nécessaire de le qualifier
comme de juge incompétent.
T
r o i s i è m e
M
o y e n
.
S i ta contestation rieût pas été déjà ju g é e par une seti
. lence arbitrale, et quelle eût été portée directement
en la Sénéchaussée, la sentence de ce tribunal eût été
aussi injuste dans te jo n d , quelle a etc irrégulière,
après une sentence arbitrale.
•Ai' ivüs l’élablissemenl des deux premiers moyens, on
comprend aisément que celui-ci ne peut être que subsi-
�. .
( 30 3
diaire et surabondant; aussi ne veüt-on le présenter,
qu’afin d ’avoir occasion de justifier la conduite de'
De vè ze dans toute celte affaire , et de rendre sensibles ^
les variations et la mauvaise foi qui ont régné dans toute
celle de Lamouro ux, et qui l’ont amené à un désaveu
q u ’il a regardé com meun edernièreplanched e naufrage,
enfin pour démontrer l’infidélité de ce désaveu. Ici il
est nécessaire de rappeler quelques-uns des faits dont
•on a déjà rendu compte.
Lamouroux était propriétaire de l’office de greffier
en ch e f de la maîtrise de St.-Flour. A u mois d ’avril
1 7 8 6 , il vend cet office à D evèze , par un acte sous
seing privé, moyennant 18,eoo francs, et il l’oblige
de remettre à Devèze sa procuration a d resigna ada/n,
et tous les titres nécessaires, p o u r, par D e vè ze s’en
faire pourvoir, lels que ses provisions, quittances de
finance et de centième denier.
Lamouroux nous apprend lui-même dans son m é
moire , que la vente laite à D e vè z e , qui n’était que
sous seing privé, étant encore inconnue , il se pré
senta d’autres acheteurs, et entrJautrcs un citoyen
M alb e t, cjni lui offrit 24,000 francs au lieu de 18,000,
prix de la vente qu’il avait faite à Devèze. Un béné
fice de 6000 francs était bien fait pour le tenter. Mais
comment taire une nouvelle venie à Malbel ? il y avait
la voie du regrès. Mais un regrès si prochain de la pre
mière v e n t e , et une seconde vente faite incontinent,
lout cola aurait paru bien frauduleux. Hésitant alors
sur le parti qu'il avait ;à prendre, il prit du tems pour
�C 3i )
y réfléchir, en différant de remettre à D evèze sa proJ
curation ad resignandum , ses provisions. quitlànceS
de finance et d e . centième
denier. Mais toutes ces
pièces étaient nécessaires, et Devèze ne pouvait, sans
les avoir toutes, se faire pourvoir de l'office.
Cependant Devèze impatient de tous ces délais,
prit enfin le parti de faire faire à Lamouroux une
sommation de lui délivrer la procuration a d resignand u m , et toutes autres pièces nécessaires pour parvenir
à obtenir des provisions. Cette sommation est du 2
décembre 1786.
-
Lamouroux ne pouvait plus reculer. Il se repen
tait do la vente par l’espérance d’ un plus grand prix
que Malbet lui avait offert. Il sentait bien qu’il ne
pourrait p as , sans se perdre de réputation * profiter
de ce bénéfice par un regrès qui. serait aussitôt suivi
d ’une nouvelle v e n t e ; mais il se flattait qu’en exer
çant ce regrès et conservant l ’oiïice de greffier, il
pourrait s’en défaire plus avantageusement dans un
tems plus éloigné. Il se vit donc forcé, par la som
mation de D evèze d’exercer ce regrès contre la vente
qn’il lui avait faite, ce qu’il fit en effet par l’acte qu’il
iitsignilier à D evèze, le 7 du mêm e mois en répon
dant à lu sommation du 2; ce D evèze à son tour ins
truit qu’il ne pouvait pas résister au regrès que le ven
deur d’ un office est toujours fondé à exercer, tant
qu’il
st pas dépoudlé par les provisions de l’acheteur,
pour se débarrasser d’ailleurs de toute inquiétude
sur une affaire de cette nature, et employer à son
�,
. c 32 }
.
.
ulilité les fonds qu’il avait destinés au prix d’une
acquisition qui ne pouvait plus avoir lieu, se déter
mina à faire signifier à Lamôuroux un nouvel acte,
par lequel il accepta le regrès. Cet aclè fut signifié
le 12 décembre, cinq jours après le regrès. Après ce
dernier acte, huit mois se passèrent dans le plus
profond silence de la part de Lamouroux envers
Devèze qui crut d ’autant mieux que tout était con■sommé à l’égard de la vente, que depuis le regrès
I,amoureux n’avait cessé d’agir comme lilulaire et
propriétaire de l’office de greffier, percevant les émolumens courans qui auraient appartenu h D e v è z e ,
si’ la vente avait ,dii subsister^ se faisant payer des
arrérages des gages et chaüflàges antérieurs ¿1 la vente,
q u e , s u i y a n l les clauses de l’acle, il devait partager
avec Devèze,, et don t celui-ci devait seul faire le re
couvrement.
'
Mais les événemens survenus dans l'intervalle , firent
craindre à Lamouroux une suppression prochaine des
maîtrises,, ef par conséquent', de son office de Greffier.
O n conçoit qu’ il dnl alors se repentir de sou regrès.
Les discours prononcés; à rassemblé des-notables*, le
25
mai 1 7 8 7 , et devenus publics, lui annoncèrent
le projet de s occuper de la suppression des
maîtrises,
el le risque q u ’il courait de perdre- un office dont î;i
liquidation ne pouvait jamais se porter au prix qu’ il
l ’avait vendu. Mais comment put - il se flatter de faire
cesser l’eilèl du regn>s qu’il avait e x e r c é , surtout après
l ’acceplation de Devèze ?
Cependant
�'
(
3 3
5
.
,
Cependant dans cette confiance illusoire, il voulut
revenir sur ses pas. Il imagina de faire signifier à
D e v è z e , le i 3 août 1 7 8 7 , un acte par lequel il lui
fil sommation de se trouver chez un notaire, pour
y voir déposer la vente du 2 avril 1786. D e vè z e ne
’pouvait se rendre h l’heure de la sommation remise
chez lui en son absence ; en conséquence * le 14
a o û t , procès-verbal de défaut chez le notaire, et le
même jour assignation à la senéchaussée d’A u v e r g n e ,
pour reconnaître la signature, et pour être condamné
a l ’exécution de la vente, sous offre de délivrer la
procuration a d resignandum.
.
Il 11’est pas inutile de remarquer que dans la som
mation faite pour se trouver chez le notaire, et dans
l’assignation donnée le lendemain, on fait bien offre
de délivrer une procuration a d resignandum , maiso n
ne fait point d’offres réelles de la procuration ellemême , et on ne pouvait pas le faire, parce que cette
procuration n’existait pas encore, et 11’a même jamais
existé : cependant un tel acte pouvait se faire sans
la présence de D e v è z e ; il n ’était pas même d ’usage
<I'ie ces sortes de procuration fussent acceptées dans
le même acte par l’acheteur de l ’office. Mais il n’au
rait pas même suffi d’offrir réellement la procura l io n ,
il aurait encore fallu offrir les provisions du vendeur,
les quittances de finance et celles du centième denier,
pièces qui devaient nécessairement accompagner la
procuration, et sans lesquelle s l’acheteur n’aurait pas
pu obtenir les provisions de l’office.
E
•
�.
( 34 }
.
.
* ,
On a v u ci-devant les causes qui avaient empêché
qu ’il ne fût donné suile à la demande portée par
L am ouroux en la Sénéchaussée d’Au vergne, c’est-àdire, le compromis par lequel les parties so u m ir e n t
l a contestation à l’arbitrage du grand-maître, et le
jugement arbitral qui déclara Lamouroux non receVable dans sa demande, en déclarant la vente comme
non avenue. On a vu que la conduite que tint L a
mo u ro u x, après le jugement arbitral, après qu’il lui
en eût été fuit lecture et qu’il lui eût été signifié avec
bail de copie : on a vu que de tous les actes qu ’il
avait exercés en prenant la qualité de greffier, en se
faisant payer du prix des bau x, et percevant les émolumens, on a vu, dit-on, que de cette conduite résul
tait nécessairement de sa part l ’ap pr o ba tio n et l'exé
cution du jugement arbitral. Mais nous avons promis
que dans ce mo yen subsidiaire et surabondant que
nous examinons, nous mettrions à l’écart le compro
mis, le jugement arbitral et toute leur suile, pour
attaquer la sentence de la Sénéchaussée d’Au vergne,
dans la supposition même que les demandes de L a
mouroux n’eussent jamais été soustraites à la juris
diction da ce tribunal par un compromis, et jugées
par une sentence arbitrale.
Remarquons cependant que ces demandes, portées
en la Sénéchaussée d’Auvergne, par une assignation
du
14 août 1 7 8 7 , lie lurent reprises dans celle Sé
néchaussée, que long-tems après, et lorsque Devèze
y eût fait assigner Lamouroux pour voir ordonner
�3 5
.
.
l'homologation de la sentence arbitrale, la résistance
(
}
à l’homologation, qui ne devait pourtant pas l’ar
rêter comme on l ’a prouvé c i- d e v a n t , et sa persévé
rance à demander qu’il fût fait droit sur des deman
des éteintes par un compromis et par une sentence
arbitrale, étaient d’ailleurs repoussées par le regrès qu’il
avait e x e r c é ,e t l ’acceptation de D e v è z e ; e t ce fut alors
qu’il eut l ’audace de faire un acte de désaveu du re
grès, et d’assigner les héritiers de l’huissier, pour faire
juger avec eux le désaveu, car prudemment il avait
attendu la mort de cet huissier pour former ce dé
saveu. ,
On a vu , dansla discussion des deux premiers moyens,
que le désaveu n’aurait pu se proposer en la Séné
chaussée d’Auvergn e, et qu’après la sentence arbitrale,
ce n’eût pu être que sur un appel de cette sentence
qu’on eût pu se faire un moyen d’appel qui, par con
séquent alors, n’aurait pu être jugé qu’au parlement.
Mais nous supposons ici qu’il n’y aurait eu ni com
promis, ni sentence arbitrale; qu’en un m ot, la Séné
chaussée aurait seule été saisie de la contestation, et
alors même on va prouver que la Sénéchaussée ne
pouvait avoic égard au désaveu dans les circonstances
où on venait de le produire.
Il ne faut pas se persuader qu’on puisse désavouer
les actes d’un officier public, par la seule raison qu’ils
110 sont pas signés de la partie, ou qu’elle n’a pas
donné par écrit un pouvoir de faire ces actes, lorsque,
d ailleurs, il se rencontre des circonstances et des préE 2
�.
.
(
36 }
somptions puissantes que l’officier n ’a pas agi sans pou
voir, et que les actes ou des faits postérieurs sont
des suites naturelles de l’acte qui est désavoué, sur
tout encore lors qu ’il y a preuve que l’acte a été
connu de la partie qui le désavoue, mais qui reste
long-tems dans le silence, après qu ’on lui en a donné
connaissance, et attend, pour en iaire le désaveu,
la mort du ministre de l’acte.
Quelques praliciens, et même Denisart , avaient
voulu donner en m a x i m e , que le procureur ou l’huissier
lie pouvaient être désavoués après leur mort 5 mais
cette maxime générale eût été trop dangereuse ;aussi
les arrêts l’avaient-ils fait dépendre des circonstances,
Observez néanmoins, disent les auteurs du réper
toire de jurisprudence, que quoique le désaveu puisse
avoir lieu après le décès du procureur , on ne doit
l ’admetlre que quand les circonstances font présumer
qu’il y a eu dol et malversation de la part de cet
officier. L a raison en est qu’on doit supposer, en
g é n é ra l, qu’ un procureur n ’agit pas sans pouvoir, et
que les héritiers ne sont pas instruits suffisamment
de ce qui pouvait l'autoriser.
O r , quelle circonstance plus propre à prouver que
ce désaveu est fait de mauvaise foi, lorsqu’on établit
que l’acte a été connu par la partie qui le désavoue,
long-tems avant le désaveu, cl qu’on a attendu, pour
faire ce désaveu, la mort du minislie d e l ’acle qui est
désavoué.
Ici on ne peut pas mettre en doute la connaissance
�37
(
)
qu’a eue Lamouroux de V^cte de regrès. D e v è z e lui
fait, le 2 décembre 1786, une sommation de lui déli
vrer une procuration ûd résignaridu/n, et les autres
pièces nécessaires pour se faire pourvoir de l’office de
greffier. Lamouroux ne peut pas dire qu’il n’a pas connu
cette sommation, qui a été faite en parlant à sa per
sonne ; il ne pourrait le dire qu’aulant qu’il formerait,
contre cet acte, l’ inscriplion de faux.
•Après cetle sommation, que devait-il faire, s'il vou
lait accomplir la vente? C ’était de délivrer la procu
ration a d resignandum , et les autres pièces qui lui
étaient demandées par la sommation.
Que pouvait-il faire., s'il ne voulait pas accomplir la
vente? Il u’avait pas d’autre mo yen que d’exercer le
régi ès.
Il a exercé ce regrès cinq jours après la sommation,
le 7 décembre;" et le 12 du même mois le resrès
a été
O
accepté par D e v è z e , par un acte signifié à Lamouroux.
11 ne peut donc pas dire non plus qu ’ii n’a pas connu
l ’acte par lequel le regrès a été accepté, puisque cet
acte lui a été signifié, et il ne pourrait le prétendre
encore qu’en s’inscrivant en faux contre la signification
qui lui a été faite de l’acceptation du regrès.
D e là donc qu e , d’ un côté, il n’a point satisfait n i a
sommation du 2, en délivrant à D e vè ze la procuration
et autres titres nécessaires, on doit conclure qu ’il n ’a
plus voulu que la vente s’accom plît, puisqu’elle ne pouvau l’être qu’après la remise de tous les litres.
D e là q u e , par l ’acte du 1 2 , D evèze lui a fait si-
�#
^
( 38 )
............................
gnifier l’acceptation d’un regrès qu’il disait lui avoir été
signifié à la requêle de Lamouroux , si le regrès n’avait
pas été de son fait, s’il n ’en avait pas donné pouvoir
à l’huissier, il devait s’empresser de désavouer l’huissier.
Mais dès qu’alors il n’a rien fait pour contredire le
regrès, que le désaveu n’est venu que plus de deux ans
après, et que,, pour le faire, il a attendu la mort de
l ’huissier, tout cela ne manifeste-t-il pas la mauvaise
foi de ce désaveu tardif?
N en sera-l-on pas même encore plus convaincu , si
toutes les actions de L am ou rou x, postérieures à l’acle
de regrès, se concilient parfaitement avec la vérité de
ce regrès, si ces actions emportent avec elles la consé
quence que Lamouroux avait l ’intention de se main
tenir dans le titre et la propriété de l'office qu’il avait
vendu à D e v è z e ?
A u t re m e n t , de quel droit aurait-il perçu lui-même
les émolumens du greffe, qui devaient appartenir à
D e v è z e ? de quel droit aurait-il perc;u les arrérages an
térieurs à la vente des gages et des chauffages qu ’il
devait partager avec D e v è z e , mais dont, aux termes
de la vente, D e vè ze devait seul faire le recouvrement ?
de quel droit a-t-il poursuivi Seriez, l’a f;)ii condamner
au paiement du prix de la ferme, et s’en est (ait payer?
11 n a pu faire tout cela qu’en manifestant son inten
tion do conserver le titre et la propriété du greffe, et
par conséquent sans approuver le regrès et reconnaître
le pouvoir qu ’il avait donné à l’huissier; et ce ne pou
vait être que par l’effet du regrès qu ’il pouvait con
server le titre et la propriété de l’oflicc.
�3
( 9 )
C ’est d’ailleurs en vain que pour rendre suspeci l’acte
de regrès du 7 décembre 1 7 8 6 , et pour fortifier le
désaveu, on prétend qu’il se trouve un acte du même
jour, fait par le même huissier à plus de dix lieues de
distance de Saint-Flour; d’où l’on conclut que l’huis
sier ne pouvait pas être à Saint-Flour ce même jour.
i°. Il ne serait pas physiquement impossible qu’un
huissier fit le même jour deux actes en deux lieux différens, à la distance de dix et douze lieues l’un de
l'autre.
2.0. Devèze produit un acte signifié à Saint-Flour le
6 d é c e m b re , la veille de celui qui a été signifié le 7 à
D ev èze ; et ce même huissier pouvoit être encore à
Saint-Flour le lendemain 7, signifier le regrès de Lamouroux le même jour au matin, et parlir de suite pour
al!er plus loin faire d’autres exploits. On ne pourrait
pré'endre qu’il n’était pas à S a in t -F lo u r le 7 , qu’en
formant l'inscription de faux contre l ’acte par lui si
gnifié ce même jour à la requête de Lamouroux.
3 .°
Mai* Lamouroux a eu connaissance du regrès,
par l ’acceptation que D evèze lui en a fait signifier le
12. S’il n ’avait pas donné de pouvoir à l'huissier, il ne
pouvaû pas trop se presser de le désavouer, et ilallend
plus de deux an s, et la mort de l’huissier, pour faire
ce désaveu.
4 *°
Pour admettre le désaveu de Lam ouroux , il fau
drait qu’il y eût trois actes faux, ceux du 2, du 7 et
du ï2 du même mois, et trois actes faits par trois différens huissiers. Comment supposer qu ’011 eût pu cor
rompre trois huissiers ?
�40
(
)
A lors , de foule manière le mal-jugé de la sentence
de la Sénéchaussée d’Auvergne, en ce qu’elle avait jugé
le désaveu valable, ne doit-il pas paraître évident,
même en faisant abstraclion de la sentence arbitrale,
et en supposant toujours que le compromis et la sentence
arbitrale n’auraient jamais existé?
Mais on peut encore aller plus loin, et soutenir avec
fondement q u e , n ’y eût-il jamais eu d ’acte de regrès,
ou que jamais Lamouroux n ’eût montré l’intention de
se conserver le titre et la propriété de l’office , malgré
la vente qu il en avait faite, la sentence de la Séné
chaussée aurait encore mal jugé en ordonnant l’exéculion de la vente.
Pour cela il suffit d’observer que D e vè z e ne pouvait
devenir titulaire et propriétaire de l’office, que par reflet
des provisionsqui lui en auraient été accordées, et qu'il
ne pouvait obtenir ces provisions qu ’autant qu ’il aurait
eu en son pouvoir les provisions de Lamouroux, sesquittances de finance et de centième denier, qui ne lui
avaient jamais été délivrés par L am o u rou x , et que
jusques-la , Lamouroux restait absolument le maître et
le propriétaire de l'office, d ’où doit résulter la consé
quence que cet office ayant été supprimé , il l'a été sur
la tôle de [/¡imouroux , et que la perle n'en a pu re
tomber que sur lui , par la règle de droit , res petit
Domino.
' 11 est bon de rappeler les principes de la matière,
nous en ferons ensuite l’application.
L a vente ne peut recevoir sa perihelion que p;ir la
tradition ÿ
�41
(
)
tradition ; elle ne peut transférer la propriété qu’autant
qu’elle est suivie de la tradition ; traditionibus dominia
rerum transferuntur, non m idis pactis. 1. 20, cod. de
pactis 1 ainsi jusqu’à la tradition, la propriété de la chose
réside toujours dans la personne du vendeur; ce qui est si
vrai que dans le droit , le propriétaire qui a fait une
première v e n t e , venant à en faire une seconde d e l à
même chose à un autre ach e te u r, s’il lui en fait la tra
dition, ce dernier acquéreur est préféré.
L a tradition et la délivrance des choses qui sont
fermées sous clef, ne s’opère que par la remise des
clefs que fait le vendeur à l’acheteur : sed qui nier~
ces in horreo depositas vendiderit, simuL atque ciaves
tradident em pton, transfert proprietatem merciutn a d
cmpiorern. In st. §. 4b de ter. divis.
L a délivrance des immeubles, dit D o m a t , d’après
la dispostion des lois, se fait par le v e n d e u r, lors
qu’il en laisse la possession libre à l ’acheteur, s’en
dépouillant lui-meme, soit par la délivrance des ti
tres , s’il y en a , ou des clefs, si c ’est un lieu clos,
comme une maison.
En ne parlant que de ces principes généraux, car
on verra bientôt qu’il y en a de particuliers pour la vente des offices, la tradition de l’oflice vendu ne pour
rait se faire que par la remise des titres nécessaires
pour en faire pourvoir l'acheteur; c ’e s t - à - d i r e , de
la procuration ad resignanduni, des provisions de
Latnouronx, de ses quillances de finance el centième
denier. L a remise de loutos ces pièces était nécessaire
Y
�4
.
( 2 )
pour opérer la tradition de la chose vendue , de mémo
que la remise des clefs du grenier dont on a vendu
les grains qui y étaient renfermés, de même aussi
que la tradition d’une maison qu’on a vendue, et qui
n ’a pu aussi s’opérer que par la remise des clefs.
Ainsi, n’y ayant pas eu de délivrance des litres né
cessaires pour faire pourvoir D e v ò t e , et le faire jouir de
la chose vendue , il n’a pu y avoir de tradition, sans la
quelle la propriété de l'office ne pouvait lui être transfé
rée, tradi-twmbus dominici rem ni Irans/cmntur, non m i
dis p aclisj mais comme Liinioiu oux ne pouvait perdre la
propriété qu’au moment qu’elle passerait à D e v è x e ,
ce qui était impossible par le défaut de la remise dos
titres qui n ’a jamais été faite, dès que l’ofiicd a été sup
primé, la perte n’en
pu retomber que sui' Lamon-
roux , q u i , au moment de la suppression , en était seul
propriétaire.
Lamo uroux voudrait-il dire qu ’il Avait fait desoflies
de délivrer la procuration ad rcsignandutn , et autres
titres nécessaires? mais dans quel teins a-t-il lait ces
ollres? il devait les faire au moins aussitôt après la som
11
mation que lui en lit D c v è / e , le 2 décembre 1786.
avait annoncé qu ’il ne voulait j oint les faiie dans l’acte
du regrès du 7 du même mois, cl qui fut accepté par
Dovèze dans l'acte signifié le 11 à Lamouroux.
Et ces offres tle délivu r, il ne le-, a laites que deux
ans après , et long-tems même apn s lu sentence arbi
trale qui avait déclaré la vente comme non avenue.
.Mais supposons mémo q u ’il n ’y eût eu ni rciirès, ni
�43
(
)
_
acceptation, ni compromis, ni jugement arbitral, qu’eniin Lamouroux ne se fût pas toujours porté et .qualifié
propriétaire en recevant les éinolumens du greffe, les
gages, les droit de chauffage, qui auraient dû appar
tenir à D evèze , en percevant les droits du greiïe, en
poursuivant le paiemen t, obtenant des jugemens où
il se qualifiait toujours de greffier en chef, et touchant
le prix des fermes ; niellant tous ces faits à l’écart,
quelle est doue cette espèce d’offres tardives faites
par L am ouroux?
J1 olliait , disait-iUde délivrer une procuration ad
rcsignandum ; mais ce n’était pas là une offre réelle
qui seule pouvait le libérer de l'obligation qu ’il avait
coul raclée ; il aurait fallu qu’il eût réellement une pro
curation loule faile, et non pas une procuration à faire,
et qui 11e l’a jamais été.
jKien d'ailleurs n'aurait pu l'empêcher de faire celle
procuration el de l'offrir réellement; il n’avait besoin
pour cela ni de la présence de D e v è z e , ni de son conseulement; et jamais dans ces sortes de procurations
il n’y eut d’autre partie que le constituant.
Lors même q u ’il lit ces oflres, et quand elles auraient
été réelles, D e vè z e aurait élé fondé à les refuser, parce
qu elles auraient élé tardives et i’a i k s à couli*'-tem.s. (.ts
offres miraient dû être laites inum'diaUnm ni a^r>s H
scinmalion que Dev -zelui avait fail faiiv k* z d *cembro
; mai;; on nr- 1: > aviit laites que pu : Ij d:*ux ans
*4 * *• , et
1«:; -que lu mm i u
i-ti cî .v nuàlnses ét'ût d j;’i
�44
C
)
On croit donc avoir démontré par les principes gé
néraux de la vente et de la tradition, que Lamouroux
élait seul propriétaire de l’office lorsqu’il a péri par la
suppression des maîtrises ; et alors quelle est la règle?
res périt Domino. Mais il y a de plus des principes par
ticuliers pour les ventes d ’offices : nous ne pouvons pas
les puiser dans une source plus pure que le traité des
offices de Loyseau ; c ’est là vraiment le siège de la
matière.
« C e l u i , dit Loyseau, liv. i , ch. 2, n. 2 1 , qui après
« avoir composé de l’office, e.l payé le prix d’i c e l u i,
« a relire de son vendeur une procuration irrévocable
« pour le résigner en sa fa veur, même un acle exprès
« de résignation, n ’a point encore de droil en l’ofiiGe
« jusqu’à ce que la résignation soit admise par le col« Ialeur et la provision expédiée à son profil; de sorte
« que jusqu’alors l’office est encore in bonis du rési« gnant
et par conséquent peut être saisi pour ses
« dettes , comme a décidé la Coutume de Paris, art.
® 97, et peut par lui-même êlre résigné à un au tre,
« s’il prévient par eflet son premier résignalaire ».
(( Dont la raison est, conlinue Loyseau , que la ré
* signalion n'est pas une tradilion de l’office, attendu
« que les offices ne sont pas en la libre disposition des
«• pourvus, pour les pouvoir directement et imnié« dialement transporter à autrui ; mais il iaut qu’ils
« passent auparavant par les mains du collaleur, duquel
« leur disposition dépend principalement ».
Ainsi, d’après la doctrine de L o y s e a u , celui qui a
�(
)
vendu l’office en reste toujours propriétaire, lorsmême
qu’il a délivré sa procuration ad resignandum ,• 1ant
qu’il n’y a pas eu de provision, l’office est toujours l u
bonis du vendeur; mais si l’office vient à être supprimé
dans l'intervalle, il ne peut périr qu ’entre les mains du
vendemvpuisque celui-ci en reste toujours propriétaire.
Si cela est vrai, même à l’égard du vendeur qui
a déjà délivré la procuration a d resignandum, à com
bien plus forte raison do'.i-il en être de m ê m e , lorsque
non seulement la piocuration a d resignandum
n’a
pas été délivrée , mais lorsque encore il n’y en a ja
mais eu de faite , surfont encore lorsqu’il y a eu som
mation de la 06'iv.ei , comme on voit qu ’il en fut
Dait une le duux. décembre 1786 ; et qu ’ensuite ,
prés de deux ans après, Lamonroux a offert de déli
vrer la procuration ad. resignandum , alors les choses
n ’étaient plus entières, et d’ailleurs ce ne sont pas
des offres réélles de la procuration elle-même, mais
de simples offres de délivrer une procuration qui n’exislait pas encore, et qui n’a jamais existé , procuration
qu’on pouvait faire sans la présence de D e v è z e , où
il n’était pas besoin qu ’il concourut.
1
Il
doit donc paraître démontré que quand même
a flaire eût été portée directement en la Sénéchaus
sée d’Auvergne , la sentence qui y fut rendue était
de toute injustice.
Comment cette sentence avait - elle d ’ailleurs pu
]"ger valable le désaveu d’ un regrès qui devait paraître
constant par toute la conduite de L a m o u ro u x , surtout
�46
(
)
par une suile des actes des 2, 7 et 12 décembre 1786,
_
trois actes faits par trois huissiers différens qu’il aurait
fallu corrompre tous les trois pour leur faire faire ail
lant de faux , le premier et le dernier, en ne donnant
pas copie de ces actes à Lam o u rou x, quoique leurs
exploits énoncent le bail de copie, et l’huissier qui
avait fait le regrès de L am ou rou x, pour l’engager à
faire cet acte sans l’aveu de Lamouroux. L ’acte du
12 décembre 17 86, donna connaissance à Lamouroux
d’un regiès signifié à D e vè ze le 7 , par l’acceptation
du regrès faite par cet acte qui ne pouvait être atta
qué que par l’inscription de faux. Pourquoi donc le
désaveu n ’a - t - i l pas suivi de près, et attendre à le
faire, deux ans après la mort de l’huissier. Nulle autre
cause vraisemblable du désaveu, que la connaissance
qu’a eue Lamouroux de la suppression prochaine de
l ’office qu ’il avait , vendu à Devèze.
Et quant à ce qu’on dit que la relation du con
trôle dans le registre de l’acte de regrès, parle d ’un
acte signifié à D e v è z e , qualifié habitant du Pont du Vern e t , au lieu qu'il, est habitant de Saint-Flour, de quelle
conséquence peut être celle énonciation, contraire à
celle de la copie du regrès signifié à D e v è z e , où il est
qualifie habitant de Saint-Flour? I,e contrôleur ou le
commis qui a fait 1 enregistrement, pouvait avoir dans
l'idée quelque acte précédent, où il était question d’un
habitant du V e r n e l , et il a pu confondre. D ’ailleurs il
n ’existe pas d'individu du nom de D e v è z e , qui soit ha
bitant du Pont du Vernel. Mais ce qu ’011 veut ensuite
�47
(
)
•supposer, que c’était Devèze lui-m êm e qui avait écrit
sur ie registre la mention du controle ^ est lout-a-lait
niai adroit. Si le fait était vrai, comment D evèze luim ê m e , habitant de Saint-ïlour, se serait-il donné un
domicile au Pont du V e r n e t ?
Dans de telles circonsîances, il est impossible de con
cevoir comment la sentence dont est appel, a pu dé
clarer valable le désaveu de L am o u roux, et ordonner
l ’exécution de la vente. Cette sentence est donc évi
demment injuste, en écartant même le compromis et
le jugemen arbitral qui l’avait précédé.
Mais la sentence est encore plus insoutenable : elle
est nulle et irrégulière, en ce qu’elle a jugé le con
traire de ce qui l’avait été par un jugement arbitral
qui ne pouvait être détruit que par un appel, dont la
Sénéchaussée n’aurait pas pu connaître. C ’est ce que
l ’on se persuade avoir démontré dans les deux premiers
moyens.
On finira par observer que L am ouro ux n’avait cessé
de se répandre en injures contre D e v è z e , dans tout le
cours du procès. 11 semblait s’en être repenti, lorsqu'il
avait dit à la page1 i x de son mémoire, q u il éviterait
avec soin tes personnalités, pour ne s'occuper que de La
cause, et que sans doute Devele lu i saurait gré de sa
Modération ,• mais on a bien mal tenu parole en ter
minant le mémoire par celte phrase, que Le citojen
Devèze est parvenu ci ce p oin t, qu il. est difficile de le
calomnier. Quand on est méchant, on ne devrait pas
�promettre, par réflexion, ce qu’on ne peut pas tenir
par caractère. Mais qu ’est-ce que cela fait à la cause?
L e citoyen T
L e citoyen A
io lier ,
ndraud,
rapporteur.
avocat.
L e citoyen C r o i s i e r avoué.
A R I O M , DE L 'IM P R IM E R IE DU P A L A I S , C1IEZ J.-C. SALLES.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Devèze, Jean-Baptiste. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Andraud
Croisier
Subject
The topic of the resource
ventes d'office
arbitrages
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jean-Baptiste Devèze, appelant ; contre Antoine Lamouroux, intimé ; en réponse à celui de l'intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1786-Circa An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0229
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1411
BCU_Factums_G1412
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53728/BCU_Factums_M0229.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
ventes d'office
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53225/BCU_Factums_G1411.pdf
1f641333b5eaeba98ffd3b55d2965bca
PDF Text
Text
ME MO I R E
POUR
J
e a n
- B
a p t i s t e
D E V E Z E , appelant ;
C O N T R E
A
e n
L
’a
n
t
o
i
n
e
RÉPONSE
p p el
L A M O U R O U X , intimé
A
CEL U I
DE
L ’I N T I M É .
est d’une sentence de la Sénéchaussée
d ’Au vergn e, du 29 mars 1790U n e simple réflexion
suffirait pour en établir le mal-jugé. Elle a refusé l’homologation d’un jugement arbitral qui devait être ac
cordée , sans se perm ettre le moindre examen du bien
ou, m a l - j u g é . E l l e a fait plus, elle a jugé le contraire
de ce qui l’avait été par le jugement arbitral: en un
mot , la Sénéchaussée s'était érigée en tribunal d’appel
d’un jugement arbitral. Tout cela ne peut être consi
déré que comme une monstruosité dans l' ordre judi
ciaire.
�I V^
( 2 )
Il ne doit donc pas paraître difficile de justifier l’appel
de la sentence d e ja Sénéchaussée d’Auvergn e; on fera
plus, et on espéré de «prouver surabondamment qu ’abs
traction du jugement arbitral, si la contestation eût été
portée directement en la Sénéchaussée , la sentence
eût été aussi injuste qu’elle a été irrégulière après le
jugement arbitral.
Commençons par rappeler les faits et les circonstances
singulières de celte affaire.
Par un acte sous seing p rivé, du 2 avril 17 8 6 ,
Lamouroux ^vendit h D evèze l’état et office de greffier
en ch e f de la maîtrise des eaux et forêts de St.-Flour.
L e vendeur promit de remettre h l’acquéreur, quand
bon semblerait à celui-ci, la procuration a d resignandum. L e prix de la vente fut de 18,000 fr., payables
aux termes convenus, avec intérêts. 11 esl convenu , par
la vente, que Lamo uroux partagera avec D evèze tous
les arrérages qui pouvaient lui être dus dans le grefle,
même les gages et chauffages jusqu’au jour de la ve n te }
de tout quoi, est-il dit, D e vè z e se chargera de faire le
re couvre m ent, et d’en taire comptera Lamouroux à
fur et mesure qu ’ils rentreront. Lamouroux se réserva
seulement les revenus et profits casuels du gre ffe , de
l’année 1 7 8 6 , tant dans l’élection de St.-Flour, que
dans colles d’Aurillac et de Mauriac. Lamouroux avait
affermé à Daude le greffe de la maîtrise de St.-Flour,
et il avait aussi affermé à Seriez les droits de ce greffe,
qui se percevaient dans les élections d Aurilluc et do
Mauriac. Il fut stipulé dans la vente , que Devèze.serail
�&il
( 3 ).
obligé d’entrelenir le bail de Daude jusqu’à son ins
tallation , ét qu ’alors, s’il voulait l ’interrompre, il ga
rantirait Laraouroux des dommages-intérêts que Daude
pourrait exiger pour l’inlerruption ; et à l’égard du bail
de Seriez, D e vè ze fut obligé de l ’entretenir dans toute
sa durée.
X/araouroux se repenlit sans doute d’avoir vendu à
D evèz e l’office de greffier ; en vain celui-ci le pressait
chaque jour de lui remettre sa procuration a d reslgn anduni, ses provisions, quittances de marc d’or et de
centième denier, et autres pièces nécessaires pour se
faire p o u rv o ir; en vain lui demandait-il toutes les
pièces, sans lesquelles il ne pouvait se faire p aye r des
gages et chauffages qu’il devait partager avec Lamouroux, et dont il était chargé de faire le recouvrement,
et les baux des fermiers Daude et Seriez , pour se faire
payer du prix de leurs fermes, qui ne devait point en
trer en partage a ve cL am o u roux ; celui-ci trouvait tou
jours des prétextes pour ne pas remettre tous les actes
nécessaires, et cependant l'intérêt du prix de là vente
courait toujours.
D éjà huit mois s’étaient passés, lorsque D evèze se
vit obligé de faire , par un acte du 2 décembre 1786 ,
une sommation à Lamouroux, de lui donner et déli
vrer , dans les 24 heures, sa procuration a d resigna/id u n i, ses provisions , quittances de marc d’or et de
centième denier, cl autres pièces nécessaires. Cette
sommation no put pas être ignorée par L a m o u r o n x ,
puisqu’elle lui lut laite, parlant a< sa personne, par
A 2
Ut*
�(4 )
33iron , huissier audiencier au
bailliage
de Saint-
Flour. '•
1
Il n’est pas inutile de remarquer que danscettesommation, D evèze ne fit pas menlion de l’acte de vente
du 2 avril 1786, pour ne pas se mettre dans la nécessité
de le faire contrôler et d’en payer les droits; ce qu ’il
voulait éviter avec raison, puisque l’acte devait ensuite
être passé par-devant notaire: il se contenta d’énoncer
dans la sommation , que Lamouro ux lui avait vendu
l office de greffier'des eaux et forêts, et qu’en cas de
déni, il offrait de le prouver tant par litres que par
témoins. Cette remarque répond d ’avance à une ob
jection faite à cet égard par Lamouroux.
Après cette sommation , Lamouroux ne put pas re
culer plus long-tems, et se trouva enfin obligé de
manifester son repentir. La sommation était du 2 dé
cembre; et le 7 du même mois, il fit signifiera Devèze ,
par Perluis, premier huissier audiencier de 1 élection
d’Aurillac, un acte , par lequel, «en répondant à la
« sommation qui lui avait été faite par D e vè z e , le 2
« du même m o is , il lui déclara qu’il n ’entendait point
« donner la procuration ad resignandnm de son office
* de greffier en chef de la maîtrise des eaux et forêts
« deSt.-Flour; qu’à la vérité, par des conventions faites
« entre parties, au mois d’avril dernier, il avait vendu
« son office à D e vè ze , mais que dès le lendemain même,
« et depuis, il s’en était repenti; qu étant encore jeune,
’« et ayant plusieurs enfans maies pour le remplacer,
« il 11e pouvait pas raisonnablement se défaire d’un
�M i,
( 5 )
« office qui lui donnait un état, et auquel il était atta« clié par le long exercice qu’il en avait fait , et qu’en
« outre cet office lui avait été transmis par son père,,
« qui le tenait aussi de ses auteurs, et attendu encore
•• les privilèges et prérogatives qui y étaient attachés:
« c ’est p o u rqu o i, bien loin de donner la procuration
« a d resignandutn, il se propose de se servir de la
« faculté que la jurisprudence accorde à tous les oüi« ciers ; et en exerçant le regrès de son office, il se
« croyait fondé à demander que les conventions faites
«• entre les parties, fussent déclarées nulles et comme
« non avenues ».
Par ce même acte, où il est dit que D e vè ze a
fait refus d’acquiescer au regrès, quoique l’acte ne
soit fait qu’en parlant à sa servante, il est donné
¿assignation à D e v è z e , au bailliage de Saint-Flour,
pour voir prononcer la nullité, et déclarer, en con
séquence, queLam ouro ux demeurera libre et déchargé
des conventions faites avec Devèze.
Celui-ci était absent au moment de cet acte fait
en parlant à sa servante, et à son retour, l’acte lui
ayant été remis, s’étant consulté, et ayant appris qu’il
ne pouvait pas résister à l ’action en regrès ; voulant
d’ailleurs, se débarrasser de toutes tracasseries avec
Lamouroux , le 12 du même mois, lui lil signifier'
un acte par Ceuille, huissier audiencier en l ’élection
de Saint-Flour, par lequel il déclara, en réponse à
la déclaration et à l’assignation de L a m o u r o u x , qu ’iL
consentait et acquiesçait aux conclusions prises par
�( 6 )
L a m o u r o u x , par l’assignation qu’il lui avait fait donner,
et à ce que les conventions faites à raison de l'office
de greffier, demeurassent nulles et comme non avenues,
et que Lamouroux pût disposer de son office comme
bon lui semblerait.
T o u t alors paraissait consommé entre les parties:
L am o u rou x avait fait le regrès, et D e vè ze l ’ avait
accepté. D e vè ze eut toute raison de se croire dans
la plus grande sécurité. Déjà huit mois s’étaient passés
dans un profond silence de part et d’au Ire. D e vè ze dut
être donc bien surpris lorsque , le i 3 août 1 7 8 7 , L a
mouroux lui fit faire, à son domicile et en son absence,
1111 acte in s t ru m e n t a le , contenant sommation de se
trouver le lendemain , huit heures du matin, en l’étude
d’un notaire de Saint-Flour, pour passer la vente de
l ’office, 011 voir déposer l ’acte sous seing p rivé , du
2 avril 1786,6! accepter sa procuration a d reslgnandum.
L e lendemain 14 août', procès-verbal de défaut
chez le notaire, où D e vè ze n ’avait garde de se trou
v e r , étant encore ;ibsent, et ne pouvant avoir con
naissance de la sommation qui lui avait été faite la
veille; et ce même jour 14 août, assignation à D e vè z e
par L a m o u r o u x , en vertu de coninuttunus en la séné
chaussée d’Auvdrgne, pour reconnaître les écritures et
sigmilurcs de l’acte de vente sous seing privé, du 2
avril 1786, et ail principal, pour ralilierla venir, sous
offre de délivrer la procuration ad rcsignanduni.
Lors de celle assignation, le grand-maître dos eaux
et forets se trouvait dans- lu ville d e Saint-Flour. La
�( 7 )
contestation élevée par Lamouroux fut c o n n u e , et
plusieurs personnes s’entremirent pour engager les
parlies ¿1 la faire lerminer par la médiation du grandmaître. Lamouroux e t D e v è z e passèrent un compromis
sous seing privé, le premier septembre 1 7 8 7 , par lequel
ils convinrent de s’en rapporter, pour le procès pen
dant e n tr e u x , à Cavis et médiation du grand-m aître,
promirent de lu i envoyer, incessamment, dans l'espace
de trois m ois, tous leurs titres, papiers nécessaires}
et piecesi) afférentes, même chacun, le double sous seing
privé de la vente, se soumettant de s’en rapporter à
son a v is, à peine de 4000 Uv. qui demeureront encou
ru es, de plein droit, contre le contrevenant.
Les parties envoyèrent leurs pièces el mémoires ail
grand-maître, alors de retour à Paris; il ne les reçut
qu ’au mois de décembre 17 8 7; mais il ne pouvait
prononcer son jugement qu’après avoir fait contrôler
le compromis, ce qui fut fait à Paris le 9 décembre
1 7 8 7 , el le dépôt en fut fait chez un notaire de Paris,
le même jour. L e 9 février suivant, 1 7 8 8 , 1 e grandmaître rendit son jugement arbitral.
Dans ce jugement il est énoncé que toutes les pièces
el mémoires des parties ont été vus par le grand-maître,
el notamment la sommation faite par D e vè z e à L a
mouroux , le 2 décembre 1 7 8 6 , l’acte signifié par
L a m o u roux , le 7 du même mois, contenant son regrès
el la vente de l’oilice •, enfin , l’acte d’acceptation
du regrès,signifié par D evèze n Lam ouroux, le 12.du
môme mois. Ou doit croire que ce furent les otigi-
�*s.C
' ( 8 )
naux de toutes les pièces qui furent vus par le grand' maître, sans quoi il aurait énoncé qu’il n ’avait pro
noncé que sur les copies.
Après le vu de toutes les pièces, voici comment s’ex
prime le grand-maître dans son jugement arbitral:
« Sans entrer dans la discussion des moyens e m « ployés par les parties pour soutenir la validité ou la
« nullité de l’acte du 2. avril 1 7 8 6 , j ’ai considéré
«
»
«
<r
l ’affaire sous son véritable point 'de vu e; et la question qu’elle présente, n’est pas de savoir si l ’acte
de 1786 est valable, mais s’il est détruit par la réponse
du sieur Lamouroux , à la sommation qui lui fut faite
« de délivrer la procuration a d resigriandurn, et par
« l ’acquiescement
du sieur D e vè ze aux conclusions
« portées en ladite réponse.
’
« L e sieur Lamouroux a bien senti le faible de- sa
« demande; aussi 11’est-il nullement question de ces
« actes dans son mémoire à consulter, et c est son
« silence sur l'existence de ces pièces qui lui a'pro«• curé des avis favorables. Si l’acte du 2 avril 1786,
« est valable, comme contracté entre majeurs , pour« quoi les actes subséquens ne le seraient-ils point ?
« L e sieur Lamouroux avait vendu : malgré l’ncquies« cernent à son regrès, il entreprend de suivre reflet"
« du premier acte ; sa marche est contradictoire, cl
<r sa procédure est dérisoire.
c En conséquence, nous disons que le traité dudit
r jour 2 avril 1786, sera cl demeurera comme non
« avenu, et que ledit Lamouroux pourra disposer,
« ainsi
�»
C9)
■.
« ainsi que bon lui semblera, de son office de greffier
« de la maîtrise de Saint-Flour, le condamnons en
« tous les dépens; sur les demandes en dommages«■intérêts, mettons les parties hors de cour ».
Ce jugement était du 9 février, et le 12 du même
mois, il fut envoyé par le grand-maître (Boisneuf de
Chenevière ) , au sieur M u r e t , garde-marteau des eau^
et forêts de Saint-Flour, pour en faire lecture aux
parties, et le déposer chez le notaire q u ’elles v o u
draient choisir. L a lecture et prononciation du juge
ment arbitral furent faites aux parties par le sieui
Muretjet par acte instrumentaire du premier avril 1788,
P e v è z e fit sommer Lamouro ux de déclarer entre les
mains de quel notaire il voulait que le jugement fût dé
posé, lui protestant, qu’à défaut de s’expliquer, le dépôt:
Serait fait entre les mains du notaire, sur ce requis.
L am o u roux feignant d ’être absent de chez l u i , ne fit
que présenter sa servante, en parlant k laquelle, iï
fut déclaré que le dépôt du jugement arbitral aurait
lieu entre les mains du syndic des notaires1 de SaintFlour, le lendemain huit heures du matin1, dans lo
cabinet du sieur M u ret, o ù , en conséquence, L a m o u
roux fut sommé de se trouver pour y voir faire nou
velle lecture et prononciation, et le dépôt entre les mains
du notaire.
O11 conçoit bien dans la conduite qu ’avait
déjà
tenue L a m o u ro u x , et par celle qu ’il a tenue dans la
suite, qu ’il n ’avait garde de se rendre h la sommation;
en conséquence, procès-verbal par défaut contre lui,
B
'
�%
‘ n
( i.o )
de la lecture, prononciation et dépôt du jugement, le
2 avril 1788.
•
j
L ’inaction où demeura L a m o u r o u x , après avoir,eu
connaissance du jugement arbitral, dut persuader à
D e v è z e , que toute contestalion entr’e u x , sur la vente
de l’office de grefïier, était terminée; il fut d’ailleurs
confirmé dans cette idée, par les renseignemens qui
lui parvinrent, quq L a m o u r o u x , depuis la vente de
1 7 8 6 , n ’avait jamais cessé de prendre la qualité de
grefïier, et d’en faire les fondions; mais que de plus,
il avait perçu les gages, chauffages et émolumens du
greffe, qui devaien^appartenir.à D e v è z e , du jour de la
vente. D e v è z e s’était aussi rendu certain, que même
après l’acte de dépôt, du 2 avril 1788, du jugement
arbitral, La mouro ux avait obtenu , contre Sériez, une
’
;>
!
•
sentence de la Sénéchaussée d ’A u v e r g n e , l e 6 mai 1788,
qui condamne Sériez à lui payer les fermages du bail
de l ’année 1787 ;et dans laquelle sentence, Lamo uroux
se qualifie, comme dans tous les actes pré céd en s,d e
greffier en c h e f de la maîtrise^le Saint-Flour. Et ce
pendant, si la vente du 2 avril 17 8 6 , avait dû avoir effet,
si L am ouro ux n ’avait pas cru qu ’elle était anéantie par
son acle d e regrès, et par l’acceptation de D e v è z e , quel
droit aurait-il eu au mois d’octobre 1 7 8 7 , après tous
ces acles, de demander et de percevoir le prix des
b a u x , pour les
années
postérieures n la v c n l e , puis
que aux termes de cette v e n t e , tous les droits et prix
de baux de ferme, devaient appartenir à D e v è z e ?
T o u t concourait donc à affermir D e v è z e dans sa sé-
�(
)
11
curité, et à lui faire croire que Lamonroux avait
persisté dans son !régrès y puisque après lè regrès, il
avait
tout*'perçu , ce que sans cela il n ’aurait pu
fa ir e; tout lui prouvait qtie- Lartiouroux approuvait
le jugement arbitral, puisque après ce j u g e m e n t , il
avait exercé des actions, et obtenu des sentences pour
se faire payer dès prix de baux, que ce jugement
seul pouvait l’autoriser à recevoir.
i
1:
A u reste, tous les faits d o n t ; on vient de rendre
compte, ne sont pas mêmé contredits, et ils sont
établis par les pièces authentiques 'qui seront jointe^
à la production de D e v è z e , ‘e t ‘notamment laî:sen-i
tence de la Sénéchaussée* d’A ù v e r g n e r, rendde ëri
faveur de Lanïouroux, contre'Sériez-, le 6 mai 1788.
La confiance de 'Dev èze f u t ‘ bientôt troublée par
des menaces qui lui parvinrent de La mouroü‘x:,1 de
r
• |A»
«
sorte que pour plus grande’ précàiïtiÔny i f 6rut devoiir
présenter le jugement arbitral, à’!l’homologation de
la Sénéchaussée d’Auvergne. Lamoitfoux' s’opposa à
j
•
celte homologation, etprétendil faire1f b v i v r e l ’actiôn
qti’il avait originairement fortnéè contre D e v è z e , pour
1 exéculion de la vente du 2 ‘avril 17 8 6 , et il s’y crut
fondé par un acte de désaveu q u ’il fit du regrès qu’ il
avait notifié à D ë v è z e , le 7 ‘ décembre 17 8 6 , pré
tendant mémo que l’aéte précédent, du 2 du mémo
m o is , et celui d’iicceptation du 12 , étaient dos actes
faux.
Ces nouvelles prétentions de Lamouro ux donnèrent
lieu à une aiàez longue discussion, sur laquelle interB 2
�( i* )
vint la sentence de la Sénéchaussée d’A u v e r g n e , du
24 mars 1 7 9 0 , .¡dont.est app el, et .par laquelle ayant
égard au désaveu formé contre les héritiers de Thuissier
P.ertuis,de l’acte du 7 décembre 1788, cet acte fut
déclaré nul ' e t de nul effet ; D e v è z e débouté
de
la demande en homologation de la sentence arbitrale^
la vente-du z avril 17^6, fut.confirmée, et D e v è z e
condamné à paye r.le prix d e l à Vente).et les intérêts.
exécution de cette sentence , et mêm e aupa
ravant,,, Lam ouro ux avait fait faire des saisies-arrêts
entre les mains des débiteurs.,de D e v è z e ; et' pour se
pj’ocuppr- une. tplu5rprompte exécution de la sentence
qui était ordonnée, nonobstant l ’appel, il s’était hâté dé
donner caution
mais*Devèze interjeta appel au P ar
lement, pu ilobtintunarrêt dedéfense, et d e m a n d a , en
mêmertems,
la main-levée,des
saisies-arrêts,:
Lamouroux
•
*
'i
de son çôtç, demanda,^par une requête du x 5 mai 1790,
l ’exécution provisoire de la sentence de la Sénéchaussée.
Ces demandes liront lu mutière d ’ un apointé à mettre, sur
l e q u e l , intervint un arrêt du. 1 5 »juin 1790 ,,qui accorda
à D e v è z e la main-levée des saisies, en ordonnant, que
sur le fond et le surplus des conclusion.«? des parties,
elles feraient diligence pour faire juger, et en viendraient
h l’audience; les. déppns furent réservés, hors le coût
de l’arrêt qu’il fut ordonné que Lam ouro ux serait tenu
.d ’avancer, sauf à répéter s’il y avait lieu.
..
L ’arrêt fut signifié à L a m o u rou x , le 9 juillet 1790.
L am ouroux ne paraissant pas encore rebuté de ses
poursuites, avait faù faire à D evèze deux, actes instru-
�( 13 )
mcntaîres', le premier ,1e 7 janvier 1791 ; et le second ,
le 3 o juillet suivant. Alors la suppression des offices des
eaux et forêts, depuis long-tems annoncée, avait été
effectuée.
■Par le premier de ces actes il fit à D e vè ze des offres
de quelques pièces nécessaires à la liquidation de l’office
de greffier en chef, notamment de trois quittances du
centième denier, depuis et compris 1 7 7 9 , jusques et
compris 1789 ; ces quittances étaient sous les dates,
l ’ une du 3 o décembre 1779? la seconde du 3 o septem
bre 1780 , et la troisième seulement du 11 décembre
1788.
Par le second acte, du 3 o juillet 1 7 9 1 , Lamouroux
somme D e v è z e de déclarer s’il entendait que la liqui
dation de l’office de greffier, que Lamouroux avait an
noncé vouloir poursuivre comme créancier du prix de
la v e n t e , fût faite eu égard au prix de la ve n t e , 011
autrement d’après les bases déterminées par les décrets.
D e v è z e répondit à ce dernier acte, qu’il était bien
étonnant que Lamouroux demandait l’exécution de la
vente dont il s’agit, pour faire la liquidation de l’office,
tandis que cette vente avait été déclarée non avenue
par lfj jugement arbitral du 9 février 17 88, depuis
confirmée par L am ou rou x, et par lui exécutée par la
continuation de l ’exercice de cet office; que sa préten
tion pour faire revivre une vente anéantie , était le
comble de la mauvaise foi; qu ’il était constant que ce
n ’était que lorsque Lamouroux avait appris, aux mois
de juillet et d ’août 1 7 8 7 , qu ’il était question de la sup-
�6
M
( H )
pression des maîtrises , qui avait depuis été effectuée
par l'édit du mois de mai 1788, q u ’il n’avait plus voulu
garder son office au préjudice de la résolution de la
vente qui en a'vait été faile: c ’est pourquoi D e vè ze
déclara qu ’il «’empêchait Lamouroux de faire pour la
liquidation de son office , tout ce que bon lui sem
blerait.
A partir de ce dernier acte de la part de Lamouroux,
du 3 o février 1791 , on ne voit de sa part qu’un pro
fond silence pendant près de six ans., c ’e s t - à - d i r e ,
jusqu’en l’an 6 de la république.
Néanmoins il méditait dans le silence les moyens de
se procurer par la violence ce qu ’il ne pouvait pas espé
rer d ’obtenir par la justice , et l’occasion s’en présenta
bienlôl, lorsque survinrent les tems désastreux des pre
mières années de notre révolution.
Alors La mouroux fut trouvé digne d’être procureur
de la commune de St.-Flour; il se persuada aisément
pouvoir eflrayer Devèze , et sous le faux prétexte d’é
migration , par l’autorité de sa place, il le fit incarcé
rer. Sans doute si D evèze eut voulu céder à la crainte
des maux dont il était menacé, en consentant une vente
déjà an nu liée par un jugement arbitral, il eût bientôt
obtenu sa liberté 5 mais les efforts de Lamouroux turent
vains, et D e v è z e trouva d’autres moyens plus légitimes
d’échapper aux malheurs que lui préparaient les effré
nés suppôts de la tyrannie décemvirale. D e vè ze invite
.Lamouroux h se rappeler les horreurs de ces tems-là-,
et 1.’assassinai d’un magistral respectable, le lieutenant
�^ 9 3
( i5 )
criminel d’AurilIac, commis sous les y e u x de ions les
membres du département, qui siégeait alors dans cette
ville, sans qu’aucun d ’e u x , loin d’arrêter les fureurs
des brigands, y donnât le moindre signe d’improbation.
Grâces à la journée du 9 thermidor, il y eut un mo
ment de calme, qu ’une autre journée de fructidor fit
bientôt disparaître , jusqu*à ce qu’enfin la Providence
suscitât le héros qui devait réparer les maux de la France
opprimée.
Ce ne fut donc qu’en l’an 8 , que L a m ou ro u x imagina
de reprendre les poursuites de l’appel qui avait été
pendant auparlement, de la sentence de la Sénéchaussée
d’A u v e r g n e , de 1790; et on n’a pas oublié qu’au parle
ment il avait déjà échoué dans la demande qu’il y avait
formée , tendant à l’exécution provisoire delà sentence
de la Sénéchaussée. Ce lut par deux exploits, l ’un du
8 thermidor an 8 , et l’autre du 26 brumaire an 9, que
Lamouroux assigna D e vè ze au tribunal d 'a p p e l , pour
procéder sur l’appel qui avait été pendant au parle
ment , de la sentence de la Sénéchaussée, de 1790, et
pour voir confirmer cette sentence.
C om m e la senlence avait été rendue sur apoinfement en droit, elle fait la matière d ’un procès par écrit
au tribunal d’appel , sur lequel D e vè ze a déjà fourni
des griefs, qu ’on a cherché à combattre dans un m é
moire im p rim é, que Lam ouroux a fait signifier; et
c ’est à ce mémoire qu’on se propose de répondre,
après avoir rétabli , comme 011 vient de le faire, les
fa it s, les actes et autres circonstances de celte affaire.
�(i6)
<
M O Y E N S .
L
a
sentence dont est a p p e l , a été irrégulièrement
et mal rendue. D ’un côté elle ne pouvait pas refuser
l'homologation qui élait demandée, p a r D e v è z e , d u
jugement arbitral qui avait été rendu entre lui et Laraouroux; elle devait prononcer cette homologation,
sans même prendre connaissance de ce qui avait été
décidé par le jugement arbitral. D ’un autre côté,
elle ne pouvait prononcer sur des demandes de L a
m o u ro u x, qui ne tendaient qu’à détruire la décision
du jugement arbitral. On se propose, enfin, de prou
ver surabondamment, que les demandes de La rnouroux,
n ’eussent elles pas déjà été jugées par une sentence ar
bitrale , et eussent-elles été portées directement en la
Sénéchaussée, loin de pouvoir être accueillies, elles au
raient dû être rejetées. Ce n'est point là l ’ordre qui a
été observé dans le mémoire de L a m o u rou x ; il aurait
rendu sa défense plus diificile ; mais c ’est celui qui a
paru le plus naturel à celle de D e v è z e , et qui paraît le
mieux convenir aux véritables questions que le tribu
nal doit juger dans celte affaire. A u reste, ce nouvel
ordre ne laissera rien échapper des réponses qui peuvent
se faire aux objections du mémoire de Lamouroux.
P r e m i e r
M o y e n .
L'hom ologation demandée ne pouvait être rejliscc.
I/article i . rr de la loi du mois d ’août 1790, concer
nant l ’organisation judiciaire, dit: que l’arbitrage est le
*
moyen
�( i7 )
m oyen le plus raisonnable de terminer les conteslations enlre les citoyens. C ’est une vérité reconnue dans
tous les t e m s , que cet article de la loi ne fait que pro
clamer et confirmer.
I/article 5 veut que les sentences arbitrales dont il
n ’y aura pas d’appel,, soient rendues exécutoires par
une simple ordonnance du président du tribunal, qui
sera tenu de la donner au bas, ou en marge de l’expé
dition qui lui sera présentée.
Ces termes de l’article, qu i sera te n u , annoncent
assez que le juge auquel le jugement arbitral est pré
senté , pour le rendre exécutoire, ne peut pas entrer
en connaissance du bien ou mal-jugé ; et ce n ’est point
encore là une loi nouvelle.
Que nous disent tous les auteurs qui ont parlé des
sentences arbitrales? voici comment ils s’en expliquent,
et particulièrement ceux du Recueil de jurisprudence,
loin. i , cr- pag. 549. teLa .partie qui poursuit l’homologa« tion d’une sentence arbitrale, doit faire assigner l’au« lie partie devant le juge c o m p é t e n t, lequel doit en
« conséquence procéder sommairement, à cetteliomo« logation, sans prendre aucune connaissance du fo n d
« du procès, sauf aux parties à se pourvoir par appel,
a contre la sentence arbitrale, si elles le jugent à pro
ie pos : ainsi aucune des parties ne peut empêcher l’h o
« mologation , sous prétexte que la sentence arbitrale
« est irrégulière, ou autrement vicieuse ».
D ’après ces principes, il doit paraître évident que,
quelque moyen qu ’on pût opposer contre la sentence
C
�U w
( i 8 )
arbitrale, la Sénéchaussée ne pouvait pas refuser^Phomologation , elle devait la prononcer sommairement,
et sans entrer en aucune manière en connaissance de
cause, ni du fond de ses dispositions, ni des irrégula
rités ou des vices qu’on pouvait opposera celle sen
tence. Les moyen du fond, les vic es, les nullités, les
irrégularités de la sentence arbitrale, étaient autant
de griefs contre cette sentence, qui ne pouvaient être
proposés et jugés qu’au tribunal d ’a p p e l , si en effet
l ’appel en était interjeté.
Un de ces moyens p a r lesquels on voulait empêcher
l ’homologation, était une nullité prétendue du com
promis, tirée de ce que ce compromis ne déterminait
pas à l’arbilre un délai pour juger: mais cette nullité
n ’eût même été proposable que devant le tribunal
d ’appel, s’il y eût eu un appel d’interjeté; et même
en ce cas , elle n ’aurait pu être accueillie par le tribu
nal d ’app el, qu ’aulant qu’une révocation du compro
mis aurait eu précédé la sentence arbitrale.
Que nous dit encore sur cela l’article 3 du lit. des
arbitres , dans la loi du i 6 a o û l 1790? « Les compromis
ce qui ne fixeront aucun délai dans lequel les arbitres
« devront prononcer; et ceux dont le délai sera expiré,
» seront néanmoins valables , el auront leur exécution,
« jusqu’il ce qu ’une des parliesail fait signifier aux ar« bilres, q u ’elle ne veut plus tenir à l’arbitrage».
Ce n’est pas là encore un règlement nouveau. Que
nous disent tous nos auteurs qui
la ré•* ont écrit avant U
volution ? Lisons ce qui est écrit par llousscaud-
�( i9 )
Lac om be au mot Compromis , n. 2. «• Après que les par« ties ont subi volontairement la jurisdiction des ar
ee bitres , usque a d finem n egotii,et que les arbitres ont
« rendu leur sentence arbitrale, les parties 11e sont plus
« recevables à dire qu’il y avait nullité au compromis,
« de ce qu’il ne contenait aucun tems limité. Ains^
« jugé par arrêté du 27 janvier 1626, sur les conclu« sions de M. Bignon , avocat général, rapporté au
« Journal des audiences ». L'auteur aurait encore pu
citer un arrêt semblable, du 16 janvier 1628, rapporté
par Mornac, sur la loi 2-5. ff. D e recept. qui arbitr.
Il était étonnant qu’en la Sénéchaussée d’Au ve rgn e ,
on eût osé combattre ce principe, et plus étrange en
core qu’aujourd’hui au tribunal d ’a p p e l , dans le m é
moire de Lamouroux , un jurisconsulte ait prétendu
le réfuter par l’a 11lori lé de M orn ac, à l’endroit même
où ron vient de le citer. Il faut être exact dans ses cita
tions, et on ne l’est pas dans cette occasion.
Mornac , sur la 1. 25 fT. de recept. qui'arbitr. , cite
deux arrêts, l’un du 16 janvier 1628 ^ l’autre du 27
mais 1618. L e premier adjugea la peine d’un compro
mis, quoique ce compromis ne contînt pas de délai pour
juger; le second au contraire réfusa la peine du com
promis qui n’exprimait pas non plus de délai. Mais il
11e faul pas croire que ces deux arrêts furent contradic
toires. Dans l’espèce de l ’arrêl de 1628 , M. l’avocat
général Servili observa, que la partie qui avait appelé
de la sentence arbitrale, s’élait soumise à lu jtirisdiclion
des arbitres, en écrivant et produisant ses tilres et méC 2
�(
2 0
)
moires devant les arbitres. JEutn qui appellaverctt et
scripsisse et instruxisse penitus instrumentis , tabulesque obsignatis arbitraient liteni. M. Servin citait à cette
occasion les termes des lois. Ç u is est ferendus a d appellationis venions a u xiliu m in iis quœ ipse ja cictid a
procuravit. En conséquence l’arrêt de 1628, adjugea
la peine du compromis , quoiqu’on y eût omis le délai.
Senatus ergo ex his pœtiam deberi p ron u n ciaçit, tametsi tenipus omissuni esset compromisse?..
Mais l ’arrêt de 1628, que cite aussi Mornac, n’élait
pas dans la même espèce. Celui qui se refusait à la peine
du compromis, n’avait rien écrit ni produit devant les
arbitres j ainsi Mornac, après avoir rapporté l’arrêt de
16 2 8 , qui avait adjugé la peine du compromis dans le
quel il n’y avait pas de d é l a i , parce que l ’appellant
avait produit aux arbitres ses titres et mémoires, Mornac
dit qu ’il en serait autrement, si, lorsque le compromis
ne contenait pas de délai, celui qui appelle de la sen
tence arbitrale, 11’a rien dit ni produit devant les arbi
tres, et que c ’est ce qui a été jugé par l’arrêt de 1618.
Secus enim,
sl,
præter omissuni in comproniisso dieni,
n ih il ab eo qui postcà appellavit, prolatuni, productuni que fu e n t ÿ eo enim casu ju d ica tu m pœnam non
deberi ab appellatore - et c ’est en ell'et ce quo Mornac
dit avoir été jugé par l’arrêt de 16 i 8.
O r , nous ne sommes pas ici dans l’espèce de ce der
nier arrêt, mais bien dans celle de l’arrêt de 1628. Lamouroux avait produit devant le juge arbitre ses titres
et mémoires.
�( 21 )
L ’auteur du mémoire de Lamouroux n*est pas plus
exact dans la citation de l’arrêt du 22 décembre 1627 ,
rapporté au journal des audiences, et il faut qu’il ne
se soit pas donné la peine de lire tout le chapitre,
quoique très-court, où cet arrêt est rapporté.
D e quoi était-il question dans l’espèce de cet arrêt ?
il y avait un compromis sans fixation de délai; mais il
n ’y avait pas eu de sentence arbitrale, rendue sur le
compromis. Une des parties, qui avait produit ses titres
devant les arbitres, avait traduit l’autre partie devant
le juge du M ans, pour l’obliger à produire de sa part
devant les arbitres. C elle partie s’y était refusée, et la
sentence du juge du Mans l’y avait condamnée. C ’était
de cette sentence qu ’il y avait appel ; mais comme il
n ’y avait pas de délai dans le compromis, l'arrêt in
firma la sentence du juge du Mans; et dans le lait ,le
refus de produire devant les arbitres, emportait avec
lui la révocation d ’un compromis qui ne fixait pas de
délai : mais pourquoi ne s’es! on pas donné la peine
de lire ce que dit encore le journaliste? «Toutefois si
« les arbitres avitient rendu la sentence arbitrale, ce
« ne serait pas nullité en icelle, de ce qu ’en compro« mis il n’y aurait point eu de jour, d’autant que lors« qu ’ils l’auraient rendue , les parties pouvaient encore
« se soumettre devant e u x , et les prendre pour arbitres;
« et de fait , la cour l’a jugé ainsi par ses arrêts».
L e journaliste a eu raison de dire que les arrêts l’a
vaient ainsi j u g é : outre celui de 1628, que rappoile
M o r n a c , le journaliste lui-niCme rapporte celui du 5
�( 22 )
janvier 16 26 , dont a parlé Rousseaud-Lacombe, par
lequel il fut jugé que tou le audience devait être dé
nuée à un appelant, jusqu’à ce qu’il eût piiyé la peine,
encore que l ’on remontrât qu’il y avait nullité au com
promis, en ce que par icelui on n'était convenu d’au
cun tems, ni jour, dans lequel les arbitres pourraient
rendre la sentence; et le m otif f u t , dit le journaliste,
que ce n’est point une nullité en une sentence arbitrale ,
de ce que au compromis i l n i j avait eu aucun tems n i
j o u r lim ités, parce les parties l'ayant ainsi convenu,
et ensuite subi volontairement la ju risd ictio n des ar
bitres , usque ad finem negolii, ils l'avaient pu fa ir e ,
et ne sont plus recevables à s'en plaindre.
« Mais, ajoute le journalisle, quand il n’y a point de
« jour ni de tems limité au compromis, c ’est une nul« lité qui donne matière à s’en retirer; en sorte que
« la partie qui ne veut plus l’enlrelenir, n ’y peut être
« contrainte, parce que autrement la juridiction des
« arbitres serait p r o r o g é e , i/i infï/utum ».
C ’est: donc un principe inébranlable que le jugement
arbitral est valable, quoiqu’il n’y ait poinl de délai
dans le compromis, lorsqu’il n’y a point eu de révoca
tion qui ail précédé le jugement, el que les parties se
sont soumises à la jurisdiclion par la production de leurs
titres el mémoires.
On ne se serait pas livré à une si longue discussion à
cet égard , si l’on n’eûl pas cru nécessaire de rappeler
à plus d’exactilude dans les citations.
Il doit donc paraître démontre que lé défaut d'ex-
�ïo t
(
2
3
)
pression de délai dans le compromis, ne pouvait'pas
empêcher l ’homologation de la sentence arbitrale.
M ais, a-t-on dit encore, le compromis n ’a pas été
représenté en la Sénéchaussée, quoiqu’ on n ’ait cessé
d ’en demander la représentation. Il est bon de rappeler
ce qui est dit à ce sujet à la page 22 du mémoire de
L a m o u ro u x ; on va le transcrire mot pour mot.
« L e citoyen Lamouroux allait même ju s q u ’ à cou
rt venir, que si Le citoyen D ei e&e rapportait un compro« mis régulier, ii n'aurait d ’autre moyen que de se
« pourvoir au parlem ent, pour fa ire réformer une sen
ti tence qui sera le fr u it de la surprise et de la fraude j
« il somma en conséquence le citoyen D e v è z e d’exlii« ber du compromis , qui n’est cité ni dans la sentence
« aib itrale, ni dans aucun acte. L ’appelant s’est tou
te jours refusé à représenter ce compromis; dès-lors la
« sentence arbitrale n ’était plus qu’un simple avis ,
« émané d’un particulier sans caractère. Sous ce rapport
« la Sénéchaussée a donc pu connaître d e l à demande
« en nullité et défaut de l ’exhibition du compromis:
« et quand le citoyen D e vè ze rapporterait aujourd’hui
« un compromis régulier, cette discussion serait sans
« intérêt , parce que le tribunal d’appel représente le
« ci-devant (1) p a rlem en t, et qu ’il suffirait alors d ’ina terjeler incidemment appel de celle prétendue sen«• tence arbitrale ».
(1) Que veulent dire ces mois ci-d ev a n t? quand on parlera de l\Aréo*
page d ’Athènes, ou du Sénut du llou ie, il faudra donc d ir e , le ci-devant
A réopage, lo ci-devant Sénat.
* *
�\*b
(H )
Il y avait inexactitude dans les citations d’arrêt faites
dans le mémoire ; et dans le passage qu’on vient de
transcrire, il y a mensonge et erreur.
Mensonge , en ce qu’on dit à la page 22 du m é
moire, qu ’en la Sénéchaussée le compromis n’avait pas
été représenté; mensonge à la page 3 6 , en ce qu’on y
suppose qu’il n’exisle pas de compromis, et qu ’on eàt
hors d’état de représenter; et le mensonge est prouvé
par une requête donnée par De vè ze en la Séuéchaussée, le 14 janvier 17 89 , par laquelle il fit production
du compromis ; et la signifîcalion de cette req uête,
faite au procureur de L a m o u ro u x , fait aussi mention
du bail de copie du compromis.
D o n c alors, et dès que le compromis avait été re
présenté en la Sénéchaussée, il n y avait d'autre moyen,
suivant Lamouroux lui-même, que de se pourvoir au
parlem ent; par conséquent la Sénéchaussée 11e pouvait
pas ju ger; par conséquent l’appel de son jugement est
bien fondé.
Inutilement iijoule-t-on qu ’il fallait un compromis
régulier; on vient d’élablir invinciblement que le com
promis était régulier, et q u e , quoiqu’il n’y eut pas
de délai fixé , dès qu ’il n’y avait pas eu de révocation,
dès que les parties avaient produit à l’arbitre titres et
mémoires, on 11e pouvait plus arguer de nullité ni le
compromis, ni la sentence arbitrale.
Mais, dit-on encore, dans le passage que l’on vient
de transcrire, la discussion est sans intérêt, parce que
le tribunal d ’appel représente le parlement , et qu’il
sujjirait
�. (
25
)
suffirait alors d'interjeter appel incident de la sen
tence arbitrale.
Il y avait mensonge dans la première partie du pas
sage ; il y a erreur dans celle-ci. L ’appel incident du
jugement arbitral serait aujourd’hui non recevable ,
parce que ce jugement a passé en force de chose jugée.
L e jugement fut signifié à La m o u ro u x , le 2 avril 1788;
et mêm e encore aujourd’hui il n’en a pas été interjeté
d ’appel. Voilà plus de i 5 ans de la signification ; mais
suivant la disposition de l’article 17 du titre 27 de l ’or
donnance de 17 67 , les sentences acquièrent force dô
chose jugé e , après dix ans du jour de leur signification,
et 011 ne peut plus alors en interjeter appel.
Jousse , sur ccs mots de l ’article après d ix ans , dit
qu ’ils sont trop précis pour vouloir en changer la dis
position , en étendant jusqu’à 3 o ans la faculté d ’ap
peler.
O11 ne doit Cependant pas dissimuler qu’au parlement
de Paris 011 s’était écarté de cette disposition de l’or
don nan ce, et que les appels y étaient reçus pendant
3 o ; mais que pouvait la jurisprudence contre la dispo-
silion de la loi? une jurisprudence, et sur-tout celle
d ’un seul parlement ne peut pas changer la loi ; et l’on
est toujours fondé à réclamer contre la transgression
de la loi. Aussi aujourd’hui tous les tribunaux d ’appel
se conforment-ils à la disposition de l ’ordonnance de
1667 , même pour les sentences rendues avant la sup
pression du parlement, et s’il y a eu quelques jugemens
contraires, ceux du tribunal de cassation leso ntanéa nU
�( ?
26
lis. On pourrait même soulenir qu’à compter de la loi
de 1790", il n ’y a eu qu ’un délai de 3 mois pourrse
pourvoir par appel contre les jugemens antérieurs; mais
cela devient inutile, parce que même les dix ans de
l ’ordonnance de 1667 , ont constamment donné à la
»
sentence arbiti-ale la force de la chose jugée.
C ’est donc aujourd’hui par une erreur bien reconnue
q u ’on voudrait
prétendre qu’on pourrait interjeter
appel incident d’une sentence signifiée il y a plus de
10 ans, et qui a constamment acquis la force de chose
jugée.
Enfin un dernier m o y e n , par lequel on prétend jus
tifier la sentence de la Sénéchaussée d’A uvergne dont
est appel, esl le désaveu qu ’avait fait Lamouroux de
l ’acte de regrès, signifié à Devèze par l'huissier Perluis.
On examinera dans la suite le mérite de ce désaveu;
mais pour ce moment-ci il suffit de remarquer que le
désaveu eût été bien.ou mal fait , ce 11e pouvait pas
cire en la Sénéchaussée qu ’il devait l’être, et que ce
désaveu 1el quel ne Fautorisail pas à reiuser l'homo
logation de la sentence arbitrale; et pour s’en con
vaincre, il n’est besoin que de rappeler et de répéter
ce que l’on a dit ci-devant des principes enseignés par
les auteurs, que «le juge auquel l'homologation d'une
« sentence arbitrale est demandée, doit procéder som« mairement à c e t t e homologation, sans prendre a u
ne curie connaissance du fo n d du procès ,• sauf ;iux par
ie tiesà se pourvoir par a p p e l, si elles le jugent à propos.
« Ainsi aucune des parties ne peut empêcher l’h o m o -
�( 27 )
« Iogntion, sous prétexte que la sentence arbitrale est
« irrégulière, ou autrement vicieuse ».
D ’où il doit se conclure nécessairement queledésaveu
Sur lequel on voulait établir lë vice de là sentence ar
bitrale , bien ou mal f o n d é , n’aurait pu être jugé qu’en
tribunal d ’ap p e l, et que le vice du désaveu^quel q u ’il
pût être, ne pouvait pas empêchër l'homologation de
la sentence arbitrale.
Mais on aura d’ailleurs'occasion de prouver dans la
suite de ce mémoire, que le désaveu n’était pas recevable, dans le cas même où l’afïàire n’eût pas été jugée
par une sentence arbitrale, et qu’elle eût été portée
directement en Ici Sénéchaussée. Ce sera la dernière
proposition de ce m é m o ire , d ’ailleurs par elle-même
très-surabondante, comme 011 l’a déjà dit, et parce que
le désaveu n’aurait pu être jugé que par un tribunal
d’a p p e l , qu’il n’y a jamais çu d ’appel de la sentence
arbitrale , et que celui qu ’on en interjetterait aujour
d ’hui , serait non recevable.
• •
t*'
•
^i li*
.Ainsi donc mal-jugé évident de la sentence dont est
appel, en ce q u ’elle a refusé l’homologalion de la sen
tence arbitrale.
1
i
1
; L
D a
�(
D
e
u
x
i è
* 8
m
e
)
M
o y e n
.
L a sentence de La Sénéchaussée ne pouvait prononcer sur
des demandes d éjà ju g é e s par une sentence arbitrale,
et détruire par des dispositions contraires celles de la
sentence arbitrale.
L a proposition du moyen semblerait seule devoir
l ’établir, parce que la proposition elle-même n’énonce
qu’ un principe, et ce principe a déjà été suffisamment
développé dans la discussion du premier moyen.
U n e sentence arbitrale ne peut être réfo rm ée, quel
que vice qu’elle renferme , que par un tribunal d’appel;
elle n ’est sujette qu’à l ’homologation du juge inférieur,
et cette homologation ne peut être refusée p a r c e juge
inférieur. D on c il ne peut connaître, lorsqu’on lui de
mande l ’homologation, ni du fond du procès déjà jugé ,
ni des vices du jugement déjà rendu par les arbitres.
N e serait-il pas ridicule, quand une sentence arbi
trale a été rendue sur les demandes d ’une partie, de
prétendre que Faction peut être renouvelée devant des
juges autres que ceux devant lesquels doit être porté
l ’appel de la sentence arbitrale , et que les juges infé
rieurs jugeassent tout le contraire de ce qui l’aurait été
par les arbitres? et c ’est ce ridicule, on pourrait mémo
dire cette absurdité, qui se rencontie dans laseitfenco
dont est appel.
L a sentence arbitrale avait déclaré commernon avenue
�C 29 )
la vente de l’office de greffier, et celle de la Sénéchaus
sée déclare cette vente valable, et en ordonne l’exécu
tion. Voilà donc une contrariété évidente de jugement ;
niais le premier ne pouvait être réformé , ne pouvait
être détruit que par des juges d’appel, et la Sénéchaus
sée n ’avait pas ce caractère. Donc son jugement est
n u l , et le mal-jugé est par cela seul démontré.
Si par la sentence de la Sénéchaussée il eût été dit
en termes formels , qu’il avait été mal jugé par le juge
ment arbitral, oserait-on proposer qu’une pareille sen
tence pût être confirmée? mais n’esl-ce pas la même
chose, quand la sentence de la Sénéchaussée a jugé
absolument le contraire de ce qui l ’avait été par la
sentence arbitrale? E n un m o t , la Sénéchaussée s’est
elle-même érigée en tribunal d'appel. C ’est ce qu’on a
eu raison d’appeler une monstruosité dans l ’ordre judi
ciaire. En voilà assez, sans doute , pour justifier l’appel
de la sentence , sans qu’il soit nécessaire de le qualifier
comme de juge incompétent.
T
r
o
i s
i è
m
e
M
o
y
e
n
.
S i la contestation tieu t pas été d éjà ju g é e par une sen
tence arbitrale, et quelle eut. été portée directement
en la Sénéchaussée, la sentence de ce tribunal eût été
au ssi injuste dans te fo n d , quelle a été irrégulière
après une sentence arbitrale.
A
pr è s
rétablissem ent des deux prem iers m oyens, on
com prend aisém ent que celui-ci ne peut être que subsi
�(
3
0
)
diaire et surabondant; aussi ne veut-on le présenter,
q u ’afïn d ’avoir occasion de justifier la conduite de
D e v è z e danis toute cette affaire, et dë rendre sensibles
les variations et la mauvaise foi qui ont régné dans toute
celle de L a m o u ro u x , et qui l’ont amené à un désaveu
qu’il a regardé comme une dernière planche de naufrage,
enfin pour démontrer l'infidélité de ce désaveu. Ici il
est nécessaire de rappeler quelques-uns des faits dont
011 a déjà rendu compte.
L am o u roux était propriétaire de l ’office de greffier
en ch e f de la maîtrise de St.-Flour. A u mois d’avril
1 7 8 6 , il vend cet office à D e vè ze , par un acte sous
seing privé, moyennant
i
3 ,q o o
francs, et i l j ’ôblige
de remettre à D evèze sa procuration a d resig n a n d u tn ,
et tous les litres nécessaires, p o u r , par D e v è z e s’en
faire pourvoir , tels que ses provisions, quittances de
finance et de centième denier.
Lam ouro ux nous apprend lui-même dans son m é
moire , que la vente kiite à D e v è z e , qui’ n’était que
sous seing p rivé , étant encore inconnue , il se pré
senta
d’autres acheteurs, et entr'autifes un citoyen
jVJalbet, qui lui offrit, 24,000 francs au lieu de 18,000',
prix de la vente qu il avait faite à Devèze. U11 béné
fice de 6000 francs était bien fait pour le tenter. "Mais
comment faire une nouvelle vente à Malbet ? il y avait
la voie du regrès. Mais un regrès si prochain de la,promièie v e n t e , et une seconde vente faite incontinent,
fout cela amait paru bien frauduleux. Hésitant alors
sur le parti qu il avait à prendre; il prit du teins pour
�*
C
3f
)
y réfléchir, en différant de remettre
D evèze sà pro
cura t.i.on ad £esi'gnandum,\ses provisions, quittances
de finance^ e t , de. c.enlièmeJdénier. Mais toutes ces
pièces étaient; nécessaires, et D evèze ne pouvait, sans
lps avoir toutes, se faire pourvoir de l’office.
I
; Cependant D e vè ze impatient de tous: ces délais,
prit enfin le p{irti de fai^e »faire à Lamourôux une
sonnnation de,lui délivrer.la procuration a d resignand u m , et toutes'autres pièces'nécessaires pour parvenir
à obtenir des provisions. Cette sommation est du 2
décembre 1786.
¡,
.
Lam ouroux ne pouvait plus reculer. Il se repen
tait de la vente par. l’espérance d ’un plus grand prix
que Malbel lui avait offert. 11 senUiit bien qu ’il ne
pourrait p a s , sans se perdre de réputation, profiter
de ce bénéfice par un.regrès qui serait aussitôt suivi
d ’une nouvelle v e n t e ; mais il se flattait qu ’en exer
çant ce regrès et conservant l'oifice' de greffier, il
pourrait s’eu défaire plus avantageusement dans un
teins plus éloigné. 1.1 se vit donc forcé, par la som
mation de Devèzo d ’exercer ce regrès contre la vente
qu ’il lui avait faite, ce qu ’il fil en effet par l’acte qu ’il
fit signifier à D e vè z e , le 7 du même mois en répon
dant à la sommation du 2; ce D e vè ze à son tour ins
truit qu ’il ne pouvait pas résister au regrès que le ven
deur d’ un office est toujours fondé à exercer, tant
qu’il n’est pas dépouillé pur les provisions de l’acheteur,
pour se débarrasser d ’ailleurs de toute in juiétude
sur une affaire do cette nature, et employer à son
�(
3
2
}
utilité les fonds qu’il avait destinés au prix d ’une
acquisition qui ne pouvait plus avoir lieu, se déter
mina à faire signifier à Lamouroux un nouvel acte,
par lequel il accepta le regrès. Cet acte fut signifié
le 12 décembre, cinq jours après le regrès. Après ce
dernier acte, huit mois se passèrent dans le plus
profond silence de la part de Lam ouroux envers
D e v è z e qui crut d’aulant mieux que tout était con
sommé à l’égard de la v e n l e , que depuis le regrès
Lam o urou x n'avait cessé d ’agir comme titulaire et
propriétaire de l’office de greffier, percevant les émolumens courans qui auraient appartenu à D e v è z e ,
si la vente avait dû subsister, se faisant payer des
arrérages des gages et chauffages antérieurs à la vente,
q u e , suivant les clauses de l’acte, il devait partager
avec D e v è z e , et dont celui-ci devait seul faire le re
couvrement.
Mais les événemens survenus dans l’intervalle, firent
craindre à La mouro ux une suppression prochaine des
maîtrises , et par conséquent, de son office de Greffier.
On conçoit qu ’il dut alors se repentir de son regrès.
L es discours prononcés à l’assemblé des notables, le
2 5 mai 1 7 8 7 , et devenus publics, lui annoncèrent
le projet de s’occuper de la suppression des maîtrises,
et le risque q u ’il courait de perdre un office dont la
liquidation ne pouvait jamais se porter au prix qu ’il
l’avail vendu. Mais comment put - il se flatter de faire
cesser l’effet du njgrès qu ’il avait exercé, surtout après
l’acceptation de Devèze ?
Cependant
�$
(
3 3
1
1
)
Cependant dans cette confiance illusoire, il voulut
revenir sur ses pas. Il imagina de faire signifier â
D e v è z e , le i 3 août 1 7 8 7 , un acte par lequel il lui
fit sommation de se trouver cliez un notaire, pour
y voir déposer la vente du 2 avril 1786. D e vè ze ne
pouvait se rendre à l’heure de la sommation remise
chez lui en son absence ; en conséquence s le 14
a o û t , procès-verbal de défaut chez le notaire, et le
même jour assignation à la senécliaussée d’A u v e r g n e ,
pour reconnaîire la signature, et pour être condamné
à l ’exécution de la vente, sous offre de délivrer la
procuration a d resignandum.
Il n’est pas inutile de remarquer que dans la som
mation faite pour se trouver chez le notaire, et dans
l'assignation donnée le lendemain, on fait bien offre
de délivrer une procuration a d resignandum , maiso n
ne fait point d’offres réelles de la procuration ellemêm e , et on ne pouvait pas le faire, parce que cette
procuration n’existait pas encore, et n’a même jamais
existé : cependant un tel acte pouvait se faire sans
la présence de D e vè z e ; il n ’était pas même d ’usage
que ces sortes de procuration fussent acceptées dans
le même acte par l’acheteur de l ’office. Mais il n ’au
rait pas même suffi d ’offrir réellement la procuration,
il aurait encore fallu offrir les provisions du vendeur,
les quittances de finance et celles du centième denier,
pièces qui devaient nécessairement accompagner la
procuration, et sans lesquelles l’acheteur n ’aurait pas
pu obtenir les provisions de l’office.
E
Art
�ifil
( 34 )
O n a v u ci-devant les causes qui avaient empêché
q u ’il ne fût donné suite à la demande portée par
Lam ouroux en la Sénéchaussée d’Au vergn e, c’est-àd iie , le compromis par lequel les parties soumirent
la contestation à l’arbitrage du gran d -m a ître , et le
jugement arbitral qui déclara Lam ouro ux non recevable dans sa demande, en déclarant la vente comme
non avenue. On a vu que la conduite que tint Lam o u r o u x , après le jugement arbitral, après qu’il lui
en eût été fait lecture et qu’il lui eût été signilié avec
bail de copie : on a vu que de tous les actes qu’il
avait exercés en prenant la qualité de greffier, en sc
faisant paj^er du prix des bau x, et percevant les émolumens, on a vu, dit-on, que de cette conduite résul
tait nécessairement de sa part l’approbation et l ’e xé
cution du jugement arbitral. Mais nous avons promis
que dans ce mo yen subsidiaire et surabondant que
nous examinons, nous mellrions à l’écart le compro
mis, le jugement arbitral et toute leur suite, pour
attaquer la sentence de la Sénéchaussée d’Auvergn e,
dans la supposition même que les demandes de L a
mouroux n ’eussent jamais été soustraites ¿1 la juris
diction da ce tribunal par un compromis, et jugées
par une sentence arbitrale.
Remarquons cependant que ces demandes, portées
en la Sénéchaussée d’Auvergn e, par une assignation
du 14 août 1 7 8 7 , ne furent reprises dans cette Sé
néchaussée, que long-lems après, et lorsque D evèze
y eût fait assigner L am ouro ux pour voir ordonner
�¿ a
mi
( 35)
l ’homologation de la sentence arbitrale, la résistance
à l’homologation, qui ne devait pourtant pas l ’ar
rêter comme on l’a prouvé ci-devant, et sa persévé
rance à demander qu’il fût fait droit sur des deman
des éteintes par un compromis et par une sentence
arbitrale, étaient d’ailleurs repoussées par le regrès qu’il
avait e x e r c é ,e t l ’acceptation de D e vè z e ;et ce fut alors
qu’il eut l’audace de faire un acte de désaveu du re
grès, et d’assigner les héritiers de l’huissier, pour faire
juger avec eux le désaveu, car prudemment il avait
attendu la mort de cet huissier pour former ce d é saveu.
On a v u , dans la discussion des deux premiers moyens,
que le désaveu n’aurait pu se proposer en la Séné
chaussée d’Au vergn e, et qu’après la sentence arbitrale,
ce n’eût pu être que sur un appel de cette sentence
qu ’on eût pu se faire un moyen d’appel qui, par con
séquent alors, n ’aurait pu être jugé qu ’au parlement.
INlais nous supposons ici qu’il n’y aurait eu ni com
promis, ni sentence arbitrale; qu’en un m o t, la Séné
chaussée aurait seule été saisie de la contestation, et
alors même on va prouver que la Sénéchaussée ne
pouvait avoir égard au désaveu dans les circonstances
où on venait de le produire.
Il ne faut pas se persuader q u ’on puisse désavouer
les actes d’un officier public, par la seule raison qu’ils
ne sont pas signés de la partie, ou qu’elle n’a pas
donné par écrit un pouvoir de faire ces actes, lorsque,
d’ailleurs, il se rencontre des circonstances et des préE 3
'
�( 36 )
somptions puissantes que l’officier n’a pas agi sans pou
voir , et que les actes ou des faits postérieurs sont
des suites naturelles de l’acte qui est désavoué, sur
tout encore lors qu’il y a preuve que l’acte a été
connu de la partie qui le désavoue, mais qui reste
long-tems dans le silence, après qu’on lui en a donné
connaissance, et attend, pour en faire le désaveu,
la mort du ministre de l’acte.
Quelques praticiens, et même D e n is art, avaient
Voulu donner en m a x i m e , que le procureur ou l ’huissier
ne pouvaient être désavoués après leur mort ; mais
cette maxime générale eût été trop-dangereuse ; aussi
les arrêts l’avaient-ils fait dépendre des circonstances,
Observez néanmoins, disent les auteurs du réper
toire de jurisprudence, que quoique le désaveu puisse
avoir lieu après le décès du procureur , on ne doit
l ’admettre que quand les circonstances font présumer
q u ’il y a eu dol et malversation de la part de cet
officier. L a raison en est qu’on doit supposer, en
g é n é r a l , qu’un procureur n ’agit pas sans pouvoir, et
que les héiiliers ne sont pas instruits suffisamment
de ce qui pouvait l’autoriser.
O r , quelle circonstance plus propre ¿1 prouver que
ce désaveu est fait de mauvaise foi, lorsqu’on établit
que l’acte a été connu par la partie qui le désavoue,
long-tems avant le desaveu, et qu ’on a attendu, pour
faire ce désaveu, la mort du ministre de 1 acte qui est
désavoué.
Ici on ne peut pas mettre en doute la connaissance
�( 37 )
qu’a eue Lamouroux de l’acte de regrès. D e v è z e lui
fait, le 2. décembre 17 86, une sommation de lui déli
vrer une procuration a d resignandum , et les au 1res
pièces nécessaires pour se faire pourvoir de l’office de
greffier. Lamouroux ne peut pas dire qu ’il n’a pas connu
cette sommation, qui a été faite en parlant à sa per
sonne ; il në pourrait le dire qu ’autant qu ’il formerait,
contre cet acte, l’inscripiion de faux.
Après cette sommation, que devait-il faire, s'il vou
lait accomplir la vente? C ’était de délivrer la procu
ration a d resignandum , et les autres pièces qui lui
étaient demandées par la sommation.
Que pouvait-il faire, s'il ne voulait pas accomplir la
vente? Il n’avait pus d’autre moyen que d ’exercer le
regrès.
Il a exercé ce regrès cinq jours après la sommation,
le 7 décembre; et le 12 du même mois le regrès a été
accepté par D e v è z e , par un acte signifié à Lamouroux.
Il ne peut donc pas dire non plus qu’il n’a pas connu
l ’acte par lequel le regrès a été accepté, puisque cet
acte lui a été signifié, et il ne pourrait le prétendre
encore qu ’en s’inscrivant en faux contre la signification
qui lui a été faite de l ’acceptation du regrès.
D e là donc q u e , d’un côté, il n’a point satisfait à la
soinmalion du 2 , en délivrant à D e vè ze la procuration
et autres titres nécessaires, on doit conclure qu’il n’a
plus voulu que la vente s’a c c o m p l î t , puisqu’elle ne pou
vait l ’être qu ’après la remise de tous les titres.
D e là q u e , par l’acle du 1 2 , D e v è z e lui a fait si-
�Gk.
( 38 )
gnifier l’acceptation d’un regrès qu’il disait lui avoir élé
signifié à la requête de L a m o u r o u x , si le regrès n’avait
pas été de son fait, s’il n ’en avait pas donné pouvoir
¿r l ’huissier, il devait s’empresser de désavouer l’huissier.
Mais dès qu’alors il n’a rien fait pour contredire le
regrès, que le désaveu n’est venu que plus de deux ans
après, et q u e , pour le faire, il a attendu la mort de
l ’huissier, tout cela ne manifeste-t-il pas la mauvaise
foi de ce désaveu tardif?
- N ’en sera-t-on pas mêm e encore plus convaincu , si
toutes les actions de L a m o u rou x , postérieures à l’acte
de regrès, se concilient parfaitement avec la vérité de
ce regrès, si ces actions emportent avec elles la consé
quence que Lamouroux avait l ’intention de se main
tenir dans le titre et la propriété de Tofiice qu’il avait
vendu à D e v è z e ?
A u t r e m e n t , de quel droit aurait-il perçu lui-même
les émolument du greffe, qui devaient appartenir à
D e v è z e ? de quel droit aurait-il perçu les arrérages an
térieurs à la vente des gages et des chauffages qu’il
devait partager avec D e v è z e , mais dont, aux termes
de la v e n t e , Devèze devait seul faire le recouvrement ?
de quel droit a - l- il poursuivi Seriez, l’a fait condamner
nu paiement du prix de la ferme, et s’en est fait payer? (
11 n’a pu faire tout cela qu’en manifestant son inten
tion de conserver le titre et la propriété du greffe, et
par conséquent sans approuver le regrès et reconnaître
le pouvoir qu’il avait donné à l’huissier; et ce ne pou
vait être que par l’eilet du regrès qu’il pouvait con
server le titre et la propriété do l ’oflice.
�¿
4
*
( 3? )
C ’est d’ailleurs en vain que pour rendre suspect l’acte
de regrès du .7 décembre 1 7 8 6 , et pour fortifier le
désaveu, on prétend qu’il se trouve un acte du même
jour, fait par le même huissier à plus de dix lieues de
distance de Saint-Flour; d’où l’on conclut que l ’huis
sier ne pouvait pas être à Saint-Flour ce même joui\
i°. Il ne serait pas physiquement impossible qu’un
huissier fît le même jour deux actes en deux lieux dif_
ié r e n s , à la distance de dix et douze lieues l’un de
l ’autre.
20. D e vè ze produit un acte signifié à Saint-Flour le
6 décembre, la veille de celui qui a été signifié le 7 à
D e v è z e ; et ce même huissier pouvoit être encore à
Saiut-Flour le lendemain 7, signifier le regrès de L a m o u
roux le même jour au matin, et partir de suite pour
aller plus loin faire d’autres exploits. On ne pourrait
prétendre qu’il n’était pas à S a in t-F lo u r le 7 , qu ’en
formant l’inscription de faux contre l’acte par lui si
gnifié ce même jour à la requête de Lamouroux.
3 .° Mais Lam ouroux a eu connaissance du regrès,
par l'acceptation que D e vè ze lui en a fait signifier le
12. S’il n ’avait pas donné de pouvoir à l’huissier, il ne
pouvait pas trop se presser de le désavouer, et il attend
plus de deux a n s , et la mort de l’huissier, pour faire
ce désaveu.
4.0 Pour admettre le désaveu de Lamouroux , il fau
drait qu ’il y eût trois actes faux, ceux du 2, du 7 et
du 12 du même mois, et trois actes faits par trois dif
férons huissiers. Comment supposer qu ’on eût pu cor
rompre trois huissiers ?
�( 40 )
A lors , cîe toute manière le mal-jugé de la sentence
de la Sénéchaussée d’Auvergne, en ce qu’elle avait jugé
le désaveu valable, ne doit-il pas paraître évident,
même en faisant abstraction de la sentence arbitrale,
et en supposant toujours que le compromis el la sentence
arbitrale n’auraient jamais existé?
Mais on peut encore aller plus loin, et soutenir avec
fondement q u e , n ’y eût-il jamais eu d’acte deregrès,
ou que jamais Lamouroux n ’eût montré l’intention de
se conserver le titre et la propriété de l’ofTice , malgré
la vente qu’il en avait faite, la sentence de la Séné
chaussée aurait encore mal jugé en ordonnant l’exécu
tion de la vente.
Pour cela il suffit d ’observer que D e v è z e ne pouvait
devenir titulaire et propriétaire de l’office, que par l’effet
des provisions qui lui en auraient élé accordées, et qu’il
ne pouvait obtenir ces provisions qu ’autant qu’il aurait
eu en son pouvoir les provisions de Lamouroux, ses quit
tances de finance et de centième denier, qui ne lui
avaient jamais élé délivrés par L a m o u ro u x , et que
jusques-là, Lamouroux restait absolument le maître et
le propriétaire de l’office, d ’où doit résulter la consé
quence que cet office ayant été supprimé , il l’a élé sur
la tête de L a m o u ro u x , el que la perte n’en a pu re
tomber que sur lui , par la règle de d r o it , res périt
Domino.
Il est bon de rappeler les principes de la matière,
nous eu ferons ensuite l’applicalion.
I,a vente ne peut recevoir sa perfection que par la
tradition;
�tâte}
( 4 0
tradition ; elle ne peut transférer la propriété qu ’autant
q u ’elle est suivie de la tradition ; tracLitionibus dom inia
rerurn trans/eruntur, non nudis pactis. 1. 20, cod. de
pactis ’ ainsi jusqu'il la tradition, la propriété de la chose
réside toujours dans la personne du vendeur; ce qui est si
vrai que dans le droit , le propriétaire qui a fait une
première v e n t e , venant à en faire une seconde d e l à
m êm e chose à un autre a c h e te u r, s’il lui en fait la tra
dition, ce dernier acquéreur est préféré.
L a tradition et la délivrance des choses qui sont
fermées sous clef, ne s’opère que par la remise des
clefs que fait le vendeur à l’acheteur : sed qui merces in horreo depositas vendiderit, sitnuL atque claves
tradideiLt emptori, transfert proprietatem rnercium a d
empioreni. 1 nst. §. 45 de rer. divis.
L a délivrance des immeubles, dit D o m a t , d ’après
la dispostion des lois, se fait par le v e n d e u r, lors
qu’il en laisse la possession libre à l’acheteur, s’en
dépouillant lu i-mêm e, soit par la délivrance des ti
tres , s’il y en a , ou des clefs, si c ’est un lieu clos,
comme une maison.
En ne parlant que de ces principes généraux, car
on verra bientôt qu’il y en a de particuliers pour la
vente des offices, la tradition de l’office vendu ne pour
rait se faire que par la remise des titres nécessaires
pour en faire pourvoir l’acheteur ; c ’e s t - à - d i r e , de
l'a procuration a d resignandurn , des provisions- de
La m o u roux , de ses quittances de finance et centième
denier. L a remise- de toutes ces piétés était nécessaire
E
�C 42 )
pour opérer la tradition de la chose vendue , d e mémo
que la remise des clefs du grenier dont on a vendu
les grains qui y étaient renfermés, de mêm e aussi
que la tradition d’une maison qu ’on a vendue ^ et qui
n ’a pu aussi s’opérer que par la remise des clefs.
Ainsi, n’y ayant pas eu de délivrance des titres né
cessaires pour faire pourvoir D é v è z e , et le faire jouir de
la chose vendue , il n’a pu y avoir de tradition, sans la
quelle la propriété de l’office ne pouvait lui être transféTée,t/'aditionLbus dominia rerum Irans/eruntur, non nud ispactis; mais comme Lamouroux ne pouvait perdie la
propriété qu’au moment qu’elle passerait à D e v è z e ,
ce qui était impossible par le défaut de la remise des
titres qui n’a jamais élé faite, dès que l’office a été sup
pri m é, la perte n’en a pu retomber que sur Lamouroux , qui, au moment de la suppression, en était seul
propriétaire.
Lamouroux voudrait-il dire qu’il avait fait des offres
de délivrer la procuration a d resigriandurn, et autres
titres nécessaires? mais dans quel teins a-t-il fait ces
offres? il devait les faire au moins aussitôt après la som
mation que lui en Ht D e v è z e , le 2 décembre 1786. II
avait annoncé qu ’il ne voulait point les faire dans facto
du regrès du 7 du même mois, et qui fut accepté paç
D e v è z e dans l ’acte signifié le 12 à Lamouroux.
Et ces offres de délivrer, il 11e les a faites que deux
ans après, e llo n g-te m s mêm e après lu sentence arbi
trale qui avait déclaré la vente comme non avenue.
Mais supposons même qu ’il 11’y eût eu ni regrès , ni
�(43)
acceptation, ni compromis, ni jugement arbitral, qu’en
fin La mouro ux ne se fût pas toujours porté et qualifié
propriétaire en recevant les émolumens du grefïe, les
gag’e s , les droit de chauffage , qui auraient dû appar
tenir à D e v è z e , en percevant les droits du greffe, en
poursuivant le paiement, obtenant des jugemens où
il se qualifiait toujours de greffier en c h e f , et touchant
le prix des fermes ; mettant tous ces faits à l’écart,
guelle est donc cette espèce d’offres tardives faites
par Lamouroux ?
Il offrait ¿«disait-il, de délivrer une procuration ad
resignandum ) mais ce n ’était pas là une offre réelle
qui seule pouvait le libérer de l’obligation qu’il avait
contractée; il aurait fallu qu’il eût réellement une pro
curation toute faite, et non pas une procuration à faire,
et qui ne l’a jamais été.
Bien d’ailleurs n’aurait pu l’empêcher de faire cette
procuration et de l ’offrir réellement; il n’avait besoin
pour cela ni de la présence de D e v è z e , ni de son con
sentement; et jamais dans ces sortes de procurations
il n’y eut d’autre partie que le constituant.
Lors même qu ’il fit ces offres, et quand elles auraient
été réelles, D e v è z e aurait été fondé à les refuser, parce
qu ’elles auraient été tardives et faites à contre-tems. Ces
offres auraient dû être faites immédiatement après la
sommation que D evèze lui avait fait faire le 2 décembre
1786 ; mais on ne les avait faites que près de deux ans
après , et lorsque la suppression des maîtrises était déjà
annoncée par des actes publics,
F a
�Ì7X k
*
( 44 )'
On croit donc avoir démontré par les principes gé
néraux de la vente et de la tradition, que Lamouroux
était seul propriétaire de l’office lorsqu’il a péri par la
suppression des maîtrises ; et alors quelle est la règle?
res périt Domino. Mais il y a de plus des principes par
ticuliers pour les ventes d ’offices : nous ne pouvons pas
les puiser dans une source plus pure que le traité des
offices de Loyseau ; c ’est là vraiment le siège de la
matière.
« C e l u i , dit L oyseau , liv. i , ch. 2, n. 2 1 , qui après
« avoir composé de l’office, et payé le prix d’i c e l u i,
« a retiré de son vendeur une procuration irrévocable
« pour le résigner en sa fa veu r, même un acle exprès
« de résignation, 11’a point encore de droit en l ’office
« jusqu’à ce que la résignation soit admise par le coir
« lateur et la provision expédiée à son profil; de sorte
« que jusqu’alors l’office est encore in bonis du rési« gnant , et par conséquent peut être saisi pour ses
« dettes , comme a décidé la Cou!unie de Paris, art.
« 9 7 , et peut par lui-même être résigné à un autre,
a s’il prévient par eilet son premier résignataire ».
« Don t la raison est, conîinue L oyseau, que la ré«• signation n’est pas une tradition de l ’office, atlendu
« que les offices ne sont pas en la libre disposi lion des
« pourvus, pour les pouvoir directement et iinmé« dinlement transporter à autrui; mais il iaul qu’ils
« passent auparavant parles mains du collateur, duquel
« leur disposition dépend principalement ».
Ainsi, d’après la doctrine de L o y s e a u , celui qui a
�( 45 )
vendu l’ofTice en reste toujours propriétaire, lors même
q u ’il a délivré sa procuration ad resignanduni • tant
qu’il n’y a pas eu de provision, l’office est toujours in
bonis du vendeur; mais si l’office vient à être supprimé
dans l'intervalle, il ne peut périr q u ’entre les mains du
vendeur,puisque celui-ci en reste toujours propriétaire.
Si cela est vrai, même à l’égard du vendeur qui
a déjà délivré la procuration a d resignandum, à com
bien plus forte raison doit-il en être de m ê m e ,lo rsque
non seulement la procuration a d resignanduni n’a
pas été délivrée., mais lorsque encore il n’y en a ja
mais eu de f a i l e , surtout encore lorsqu’il y a eu som
mation de la déliv rer, com me on voit qu ’il en fut
fait une le deux «décembre 1786 ; et q u ’ensuite }
près de deux ans après, Lam ouroux a offert de déli
vrer la procuration a d resignandum , alors les choses
n ’étaient plus entières, et d’ailleurs ce ne sont pas
des offres réélles de la procuration elle-même, mais
dé simples offres de délivrer une procuration qui n’exis
tait pas encore, et qui n’a jamais existé, procuration
qu ’011 pouvait faire sans la présence de D e v è z e , où
il n’était pas besoin qu’il concourût.
Il
doit donc paraître démontré que quand même
l’a (la ire eût été portée directement en la Sénéchaus
sée d’A u v e r g n e , la sentence qui y fut rendue était
de toute injustice.
Comment cette sentence avait - elle d ’ailleurs pu
juger valable le désaveu d’un regrès qui devait paraître
constant par toute la conduite de L a m o u rou x , surtout
�( 48 )
promettre, par réflexion, ce qu ’on ne peut pas tenir
par caractère. Mais qu ’est-ce que cela fait à la cause?
1
j ». •
L e citoyen T ro l i e r , rapporteur.
L e citoyen A n d r a u d , avocat.
L e citoyen C r o i s i e r ., avoué.
fÿ
(If
lAJk. M
/'^y*~/ ¿A ^ ^ Iw iô û u ^ a <ly
id t.y v + l* «¿£r
a , ; «* /A
i /*A* 4»WW«^
A * « ^ K W ft — «¿>^,«"^
tu<Jhu~~x;
—»7- «*- £
**?*">
f r* T p ' m*~
(im4K A» A*»Aœi. (¿1 A
•*tûX~ ------ *
a it .
/)ÿO.
^
m'A m i
(y*+fp*+*\
/U -rfd, • r î - i < r '
^.7,1-nV» «MA
&•
4u ^ a l ?*>
/ •— / £ * * > € Vy —
aJtk , ^
U l^ ü
**
A.yAÿ—-to*
------r ^
p *
0 \<jï£u^
^ *-*
4.
A R I O M , DE L ’ IM P R I M E R I E DU P A L A I S , C H EZ J - C . S A L L E S .
• I»;
�'Kp » u*J***~ y u . ^ . vs*(cfcv^ i_
» ,
M
A
i,^
c — ïi*
^ tV lf?
A.
> /w&i
^
r w oO ucA ^
o, ^
///03
t ^ /«> ^
/ x j'^- i,/U - n ^ ^
j
^
^
^
/a
r
^
V«~3>vyo~ c^^W
-
^
0/U ^A
^ />*«
/ ?& »
û
/ ^ »
* .
à. i'J ^ J i^ ^
-
/
^
¡^XaaaJ4 uAjüu^
. v A
.
' y4**, ^OUA U^I/Uoi— i l VU4 /<XyCAiíwúi tuiififtJo û»Jy^yK
^OÛJIry«^^^*aA t ^mIuï twJCuu«Jt OJu^»uiu*Ai-'^ y*ua**AÀ±
a»K^ütü»«M«> cru £u^(ui/ax
í/í^c^f«*^1*^4"
____ ^ x< -- ***** » « - —
^ ^UtUA
■
txi^e/^ ^ /abitui »/jfyl ^^ #•
/ViT û^M*
^Ou4¿ *ÎW/a VíaÍJT
/^^fy (ai/ c/*M AVllUMlâX V ÂAJU1</ *^*//****'
•
Uxnl^ ojjuptf /*
o cifUÎru—
¿fc'j/i>tw-«
¿y*
O, u 'tiédie <*Ltìo
y -' “* ^
^
^
^
î><
/<- V c ^ C ,
^ui aia t¿\ujlír c*juU > \ » J otOín»Ai*J ^ u Íc\*mu V«
OjJiJtkJla
Éy-Uyc> "t>i*r
U « Ww itAl ('^ ¿^ * y<uj^ Vvut ~*A^K¿¿u
g^U¿^-\x -u«v«~> c+ fy**>- /<A (y**ü\TÍ>*A. iVcAAr^A«Q ^«^/omu'ut^- />oSt»T
/ > * £ *A *~ V aJlJù('^
<AAftU f < ’¿
« M
- liif c ¿ jr ^
f u l j r ÎKjLjJ^^lr* .........-fr--lO U ^ t^ K U
A »y / o Jf
(K
«A1«À&ÀjT
A & l^ iw u
</û^voui-^
*'¿tú¿(
u
¿
/ V ow Ü
\J'*A*yo*VS ¿<^Ma9
t^ » *
¿ » ^ I t o ^ i i * ^ , ° * * «nj
^o^»m a*; /«*— ﻫv ^
/^o«Il// * /ft. M«Jt/ 'à. />fc¿" /AûW
*1)V
k
»/ / ( \ ^ * ( i l <
a-
fl/ ft* » « i) U A U v ^ »
y t1
A
OV^
^
•
C^u'il tM- Om't^A. ^i«A»M)Wj6ui (P*^
I ^ C U M b W U lw ^ «
iV
Cw JkÁ^
il
(A A
U j ia M c u ^ l ÎU u O J J
<^À
t k u
^a* <** o\+x£ftUx /«* Âu-1«-
7 **-fA ÍX^t
U |J U *^ >
«kX«n-*
/ « M A J U U A D t^ fl
^ 't í u
U y i/vV '•’’
<AA U l u u C l M i u A u t «
C M *U ’
< aM a* ^ |
IAAAJL^WiuÎwMTfelAinoiÀukj «** MjJKl^iUAAfe«Jl
t/ti U
fc lîï) ^ ^ !
(
V 4A>X* ■
tw
||\«
/1 C U I ^ u  t l U A A M A j r '
& ^C*V\
^Ul^/'il ft tfWtÀw ^CA «UJVI^tUJUlcjUuj^ CfO\A- ^u'i
" ^ O aaA
UA tM M ltA A JU
^ u ! b jU U A
wvjcJjr
A*
llift /
tl
A iia
tA A A lA * n ij
^ * j C c >
CAJVAJVI kAAJutM
CuJbùr
'.
/ * ^ ‘^~
y iA ^ D
(A
fe m i
Ce ^ u >
/
^ « A JL / /fts / ( A j k J o
C J Ü « ^ V ^ tA A A A I « J u î^
lu X c \
C u iA ^ iÜ V > M M
o m m u
IX Î^ M X )
W
w v
^«
|^UJL ^ W
m
JL>WU>^ o
<UWA|11o lvaÂ^>
^uM*^j.'il 6j» i<j*AM\é¿Jr;
*1/^ ^ ° u”
ÎAA^o^./vv
«UO*jj» tA.WTHAli/, t'«A*
<A^ '
ot*lL* ^ Cw, ^ jr y» ^ ^ yvít¿tr' ^ r f y t V«¿/«y ^
A
(
O A Í lJ tk '
Ia a Âa .
^
A
J
>
*
*
O
A
I 1 «A *4
*"
*\
*~|A^
( i f ^ ^ Î A i </| « J
�^ u 'c w u v
Cj ü u * a ) v u
,
il
¿ fio r
w > r \ i'f c *
«jy>* ^
;
i* y o * * * .OU '
i**/l».y<A<v*OU>~X~. A*JJX¿Jr~b • luiu|jttll«»» ^ WV' <
(/*~>0
cAjUÍO a /'Clmj&JÍ U
«/W
J Cu^
tk^JUX-f
MAM. (Avtu
ÙA>
XüXjf AU,V^ ' <1*^*
, ,• , r
/
V . */—•
u*«—
CV ¿ Í .
/ «y «.
o ^ K * e i\ u »«
u
V
Ij.;
^
XAJXwUULâ»
.
a# .
cW
T W ".« ' «* /~*r/o~ ^
A VtÆ ^'aJU
^ / « ^ * y « * fc = ^ , «*- ^
°"
^/itiAjà« <Ât-jf*i\* uÍ¿aÍ> </«jl.~Ì>o»/>j«a~*_^ *,w ‘*— £m» 0/%/tuy
. cvJhi/UtJ
/uu^ii /fû^»n»-»-i <a*jXx>
^ » -y *t
Cu CH«
ci*— -*“
cdt~: tÿjLA Cl.
**•y *
, ,t^
W u a íu u ^
^llÙiJâ^6(» ^ » liytlAAU CUu^Ul
Í Al
<jÆ£3r«*ui<JL "bOt Cvlo. /«^yx Ax***r &
& Í W * ^ ^ iu .- t Æ v
<y ^
•
fcij *MWV* ***!>*'
a * ¿ y< Æ , - - - - - -
j
\V
*
#
A
l
\
\
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Devèze, Jean-Baptiste. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Andraud
Croisier
Subject
The topic of the resource
ventes
offices
arbitrages
office de greffier
maîtrise des eaux et forêts
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Jean-Baptiste Devèze, appelant ; contre Antoine Lamouroux, intimé ; en réponse à celui de l'intimé.
Annotations manuscrites : intégralité du jugement.
Table Godemel : Homologation : 1. le tribunal saisi de la demande en homologation d’une sentence arbitrale, sous l’empire de la loi d’août 1790, a-t-il pu refuser cette homologation pour le motif que le compromis ne comportait pas de délai, et a-t-il pu prononcer sur le fond même soumis à l’arbitre, en décidant, contrairement, sans qu’aucun appel de la sentence eut été interjeté ? Sentence arbitrale : - infirmée. v. homologation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1786-Circa An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1411
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0229
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53225/BCU_Factums_G1411.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
maîtrise des eaux et forêts
office de greffier
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53870/BCU_Factums_M0610.pdf
31894240645d041af2ef8195d72e0c13
PDF Text
Text
COUR
IMPERIALE
MÉ M O I R E
DE RIOM.
EN R ÉPO NS E,
cha m b r e s
RÉ U N I E S .
POUR.
Les frères D E S T A I N G , appelans ;
CONTRE
A n n e soi-d isant
D e s ta in g
NAZO,
et tutrice de
se disant V E U V E du général
M a rie ,
s a f i l l e , intimée.
V o u le z - v o u s a v o ir id é e des m œ u rs des G r e c s ? Ils fo r m e n t
u n e u n io n q u ’ils n o m m e n t m a r i a g e d e c a p i n . Ils c o n v ie n
n e n t a v e c u n e fe m m e de v iv r e a v e c elle tan t q u ’il le u r p la ira ;
ils se p ré se n te n t au ju g e et à l ’é v ê q u e , p o u r o b te n ir la p e r
m issio n de l ’ u n , et la b é n é d ic tio n de l ’a u tre . L e s
lois et la
r e lig io n s’ a c c o rd e n t à a u to rise r ce d é rè g le m e n t.
Voyage en Grèce , 1794 1795, lett. 35. Scrofani,
Sicilien , traduit de l ’italien par B lanvillain ,
Paris, 1801.
Q
u e l l e est donc cette fem m e qui s’obstine
du général D estaing, prétend avoir
reçu
à
se dire veuve
c e nom avec solennité
sur les rives du N i l, soutient être née dans une condition d is
et veut soulager ce u x qu’elle appelle ses beaux-fréres ,
du p oid s d'u n e m ésalliance ?
Jusqu’ici elle s’étoit annoncée com m e fille de J o a n n y N a z o ,
commandant d’un bataillon grec. A u jo u rd ’h u i elle est obligée
de convenir qu’elle n’e st point fille de N azo ; elle avoue qu elle
tin g u ée,
A
X
�(
2
)
a usurpé c e n o m , qu’ elle est née d ’un premier mariage de S ophie
M jscii , d ’une m ère qui a encore d e u x m aris vivans et un de
mort. Et c e n ’est point à sa bonne foi qu’on doit c e t aveu ; les
fem m es grecques ont l’habitude de feindre et de dissimuler.
Mais elle a eu la maladresse d’assigner pour témoin un certain
B a r t h é le m i S e r a . Cet individu est un des maris de Sophie Misch.
Il raconte avec ingénuité qu’il a épousé cette Sophie, alors veuve
de J oseph T rtsoglow , Arménien de nation, bijoutier de son
m étier, et catholique rom ain de religion. Anne étoit née lors
du mariage de S è ra. Il y a vingt-quatre ans que S e r a a quitté
sa Sophie; i l la q u itta , e t Joanny N a zo Vépousa. C ’est avec
cette légèreté que S e r a parle de la dissolution de son mariage.
C ’est une union de capin : en voici un exemple dans la famille
à' A n n e ; et c ’est cette a llia n ce distin g u ée, c e m ariage p o litiq u e ,
cet honneur insigne dont on veut accabler les héritiers Destaing.
Q uoi ! lorsque les héritiers Destaing font leurs efforts pour
repousser de leur famille une étrangère audacieuse, méconnue
de celui qu’elle appelle son é p o u x , qui l’avilit aux ye u x de son
p è re , traite sa liaison d 'arrangem ent o r ie n ta l , A n n e ose crier
à la ca lo m n ie! une Egyptienne parle le langage des m œ urs,
vante les vertus d o m estiqu es, ces vertus paisibles et pures ,
bannies de ces parages lointains , où régnent impunément la
dépravation et la lic e n c e , où la dissolution est à son comble !
Anne s’agite en tout sens pour parvenir à son b u t, et faire
croire qu’elle a été élevée au rang d’épouse légitime d’un général
français.
Elle a su profiter avec art de tous les m ouvem ens, de toutes
les circonstances. L ’armée d’ Orient a été divisée dans ses projets,
dans ses moyens d’exécution : ces discussions ont été portées à
un tel degré d’exaspération , que le général Destaing en a été
l’une des victimes.
C ’est aux ennemis connus et déclares du général qu’elle a eu
l’adresse de r e c o u r ir , pour obtenir des déclarations conformes
à ses projets; mais le mensonge, les contradictions, les incon-
/
�)
( 3
séquences de ses témoins sont à un tel degré d’é v id e n c e , que
les enquêtes deviennent l’arme la plus puissante dans les mains
des héritiers Destaing , pour repousser les prétentions d une
femme obscure, am bitieuse, à qui il ne restera bientôt que le
repentir et les regrets. Et qu’Anne ne ch erch e pas à faire valoir
le sentim ent, en invoquant les noms sacrés d’épouse et de mère!
Si le général Destaing l’avoit élevée jusqu’à l u i , pourquoi
auroit-il pris une marche opposée à celle usitée par les Français
qui ont contracté des mariages en Egypte? comment l’acte de
mariage n’auroit-il pas été transcrit sur les registres des com
missaires des guerres ? C ’est ainsi qu’en ont usé les généraux
L a n t i n , D elzons et B onne -C ar iiè r e , conformément aux ordres
du général français.
L e général Menou lui-méme, dont le mariage avoit été célébré
antérieurement à ces ordres qui ne remontent qu’à l’an 8, s’ est
empressé de faire transcrire l’acte de son mariage sur les registres
de l’état civil du C aire. Enfin , il n’y a pas eu un seul mariage
légitime qui n’ait été suivi de cette formalité ; et par quelle
fatalité celui du général Destaing seroit-il le seul e x c e p t é ? _____
A n n e voudra-t-elle prétendre que les troubles de l’Egypte
n’ont pas permis de suivre toutes les formalités prescrites pour
assurer l’état des personnes ; mais pendant la cohabitation d’ANNE
avec le général Destaing, l’Egypte étoit dans un état de tran
quillité parfaite , et les troubles n’ont com m encé que lors du
débarquement des Anglais, bien postérieur à son prétendu m a
riage.
T o u t est invraisemblable dans le récit d’ANNE ; c e sont les
aventures d’une héroïne de ro m a n , où on fait figurer les tem
pêtes , les naufrages , les corsaires , et tout ce qui tient du
merveilleux.
Mais un arrêt de la C o u r , du 11 juin 1808, l’a admise à
prouver la légitimité de son mariage. La C o u r , en confirmant
le jugement de Mauriac, du i août 1807, e t réduisant l inter
locutoire , ordonne qu’ ANxn fera preuve devant les premiers
3
A
2
�( 4 )
juges, que depuis que le général Destair.g fut appelé au Caire,
et pendaht q u ’il y étoit en activité de service, elle a été mariée
avec lui publiquem ent e t so len n ellem en t, par le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rite g r e c , e t les fo rm es e t usages
observés dans le pays.
Elle est autorisée à faire entendre les parens tant d’elle que
du général Destaing , ainsi que toutes les personnes qui ont
déjà donné des attestations par forme d’acte de notoriété , à
Marseille et à Paris, ou des certificats sur les faits dont il s’agit
dans la c a u s e , s a u f tous autres reproches de droite et sa u f aux
héritiers Destaing la preuve contraire.
En exécution de cet arrêt, et par suite de commissions rogatoires du tribunal de M auriac, il a été procédé à des enquêtes,
à Paris, à Marseille, et les héritiers Destaing ont fait une en
quête contraire, à Mauriac et Aurillac. Il faut nécessairement
se livrer à l’examen de ces enquêtes , entrer dans une discus
sion qui va devenir fastidieuse. Les héritiers Destaing feront
en sorte d’ëtre rapides dans ces d étails, pour ne pas lasser
l’attention.
O n commence~par l’enquête de Paris.
L e premier témoin est le général Lagrange. Il fut reproché
par les héritiers Destaing , sur le fondement qu’il étoit d’un
parti opposé au général leur frère. Le général Lagrange étoit un
des signataires de la capitulation d ’Alexandrie , que le général
Destaing avoit refusé de signer ; il avoit même fait consigner
son refus dans le procès verbal du conseil de guerre ; et cette
divergence d’opinion avoit excité des haines et des inimitiés
particulières entre les opposans. Le juge-commissaire ne crut
pas devoir consigner ce reproche, qui n’étoit pas prévu par le
Code. La Cour l’appréciera dans sa sagesse.
C e témoin déclare qu’il étoit lié d ’amitié avec le général
Destaing ; qu’il vint lui dire qu il avoit le projet de se marier
en Egypte. L ’amitié lui suggéra des observations pour s’opposer
à ce dessein. Il c r o it , sans pouvoir l ’affirm er, que le général
�(
5
)
s'autorisent de l’exemple du général en c h e f, et de leur séjour
futur en Egypte. Quelcjue temps après , le général Destaing
l’invita à assister à la cérémonie de son m a ria g e , cjui eut lieu
dans une église grecque. L e témoin avoit promis d’y assister ;
i l en f u t em pêché par les occupations qui lui survinrent, et à
cause de l’heure , qui n’étoit pas com m ode pour lui ; parce
qu’il croit que le mariage fut célébré le soir.
La première conversation au sujet du mariage eut lieu dans
ses bureaux, en présence de ses aides de camp et de son secré
taire. Les représentations qu’il fit pour le détourner de ce
projet, donnèrent lieu à une discussion animée. L e lendem ain
du jour indiqué pour le mariage , il fut invité au repas de
noces. L à , il vit le commandant d’un bataillon grec , N a z o ,
qu’il crut être le père d’ANNE, laquelle lui fut présentée com m e
l’épouse du général Destaing. A nn e étoit présente lors de sa
déposition ; i l croit la reconnoitre. Il a vu depuis le général
D e s ta in g , tant en Egypte qu’en France ; il l’a toujours consi
déré comme marié. P e n d a n t leur séjour au C a ire , il a vu fré
quemment le général Destaing ; mais ce temps n’ a pas été bien
long.
On observe au commissaire Cju’on avoit consigné dans la d é
position du té m o in , que la cérémonie avoit eu lieu dans une
église g r e c q u e , et qu’il ne l’avoit pas ainsi déclaré ; il répond
que le général Destaing lu i avoit d it que la cérémonie devoit
avoir lieu en effet dans une église grecque ; qu’il le crut ainsi
lorsqu’il alla au repas.
On lui demande s’il ne s’étoit pas écoulé un intervalle de
quinze jours entre l’époque de la prétendue cérémonie et
le dîner. Il ne se rappelle pas précisément les d a te s , mais il
croit bien qu’il a été chez le général Destaing le soir m<3ino
de la cérémonie.
O n lui demande encore si le repas en question ne fut pas
donné a occasion du baptême du fils du général Delzons , qui
avoit pour parrain le général Destaing. S a inemoire ne lu i
1
�(
6
)
rappelle p as ces circonstances ; il a mangé à cétte époque plu
sieurs fois ave c le général D e s ta in g , et ce dernier lui dit qu’il
avoît une double féte à cé léb re r, celle de son mariage, et celle
du baptêm e.
Il paroît, sur c e point, que le général Lagrange a manqué
de mémoire : car il sera bientôt établi que la dame Delzons
n’est arrivée au Caire que les derniers jours de nivôse an g.
Elle apprit qu’AwNE avoit été conduite chez le général, à l’entrée
de la nuit, la veille de son a rriv ée; et l’acte de naissance du
fils du général D elzons n’est que du 10 pluviôse an 9. Il n’est
donc pas possible que le général Destaing ait donné une double
féte le jour de son prétendu mariage ; aussi le témoin déclaret-il bientôt a p r è s , q u ’il ne croit pas avoir vu le patriarche
d ’Alexandrie, ni le soir de la cérém onie, ni le jour du repas.
Sur une dernière interpellation qui lui est faite, de déclarer
si le mariage n’étoit point de notoriété publique, il déclare qu’il
ne peut pas répondre de la conviction des autres chefs de l’armée;
mais il en avoit lui la conviction intim e, et il mentiroit à sa
conscience s’il disoit le contraire.
C e premier témoin qu’on a interrogé dans tous les sens, ne
parle que p a r ou ï-d ire, et 11’à pas été présent à la célébration
du mariage : sa déclaration est donc peu im portante, puisque
A n n e doit prouver qu’elle a été mariée publiquement et solen
nellement par le patriarche d’Alexandrie.
L e second tém o in , Henri-Gatin B ertrand , général de division,
n ’a pas de m ém oire; i l ignore si A n n e a été mariée civilement
ou religieusement. Ilpassoit pour constant, à ce q u ’i l croit, que
le général Destaing étoit marié : le général a donné à ce sujet
un repas auquel i l croit avoir assisté; mais il ne peut rien af
firmer , ni sur le fait du re p a s, ni sur le fait de sa présence à
c e repas. Il Iie reconnolt pas A n n e ; il a bien vu au Caire une
dame q u ’on appeloit madame D estaing, mais ¡j ne pouvoit reconnoltre la dame ici présente pour la même femme. Il est
probable que le général lui a dit qu’il étoit marié , mais i l ne
�( 7
)
se le rappelle p a s. Sa mémoire ne lui fournit rien sur la nais
sance du fils du général Delzons ; et lorsqu’on lui demande si
le général Destaing passoit pour être m a r ié , il croit se rap
peler (jue oui. O n sent qu’il n’ y a pas d’observations à faire sur
une semblable déclaration.
Un artiste m usicien, appelé R ig e l, est le troisième témoin.
Il passoit pour constant, suivant lu i , au C a ir e , que le général
D estaing ¿toit m arié; mais il ne sait pas com m ent le mariage
a eu lieu. Il en fit compliment au général Destaing , qui ne lui dit
n i ou i n i n o n , mais seulement le remercia. Il fut invité quinze
jours après à un repas qu’il présumoit être un repas de noces.
Il n’a pas entendu dire que le mariage ait été célébré dans une
église grecque ; il n Ta jamais vu A n n e . Il rapporte la date du
mariage à deux ans environ après l’arrivée de l’armée française.
Ü iL«L.P.?\nt entendu parler du fils Delzons. L e patriarche
d’Alexandrie n’étoit point $u repas en q u e s t i o n , ___
L a seule réflexion q u ’on se p e rm e ttra sur cette d é c la ra tio n ,
c ’est q u ’elle est c o n tra d ic to ire avec celle d u général L agrange. Ce
d e rn ier plaçoit l’ép o q u e d u repas le soir mame d e la c é ré m o n ie ,
et celui-ci dit q u e le repas n’a eu lieu que quinze jo u rs après.
Il n’a point vu au repas la mariée ; le général Lagrange dit c e
pendant qu’elle lui fut présentée : mais jusqu’ici personne n ’a
assisté à la cérémonie.
Le
quatrième témoin, le sieur Jacotin, colonel des ingénieurs-
géographes, ne sait encore rien que par ouï-dire. Il étoit blessé
alors et ne sortoit pas. Il ne connoissoit pas particulièrement
le général D esta in g ; mais son mariage passoit pour avoir eu
lieu devant le patriarche d’Alexandrie. Il n ’avoit su c e fait que
com m e nouvelle. On lui avoit dit que le .général Menou et
plusieurs autres avoient assisté à la fé te , sans qu’il puisse spé
cifier si c ’est au mariage ou à la cérémonie. 11 croit pouvoir
placer l’époque du mariage à deux mois environ avant la
bataille d A le x a n d rie , c e q u i répondroit à nivAse an g , sans
pouvoir en d é term in e r p ré c isé m e n t l’époque. Il a vu là dame
�C 8 )
W
Nazo à Paris une fois ou d e u x , mais il ne l’a pas vue au Caire.
L e sieur B ea u d e u f, cinquième té m o in , lié particulièrement
avec A n n e , a cependant déclaré qu’il n ’avoit été témoin d’au
cuns faits. Mais le mariage étoit public ; tous les chefs com m e
tous les prêtres grecs avoient assisté au repas. A l’entendre,
tout le monde y é t o it , excepté lui ; car il n’y a pas assisté.
L e général Destaing ne lui a pas même parlé de son m ariage;
mais il a vu sa femme dans la citadelle du Caire , et il la reconnoît très-bien à Paris. O n lui demande si on auroit admis
toute sorte de femmes dans la citadelle ; il répond que celles qui
y étoient, étoient reconnues pour femmes légitimes. A la vérité
il y avoit quelques viva n d ières, mais très-peu , à raison du petit
détachement qui y étoit. Il porte la date du mariage au c o m
m encem ent de l’an 9. Il a toujours regardé A n n e comme fdle
d’un sieur N a z o , G re c d’origine, fermier général des liqueurs
for t e s , commandant d ’u n bataillon (*rec ; mais il ne sait pas si
A n n e est sa fille adoptive, ou si elle est née de son mariage.
Jl n’a aucune connoissance de l’époque de la cohabitation de
Nazo avec Sophie Misch , mère d’Anne. Les mœurs de l’Egypte
ne permettent pas de connoitre ces d étails, attendu le peu de
com m unication des femmes avec la société.
On ne voit rien de remarquable dans cette déposition , si
on excepte la circonstance qu’on ne recevoit à la citadelle que
des femmes légitimement mariées. Mais ce témoin a menti à
sa conscience , parce qu’en e ffet dans la citadelle il falloit
principalement y recevoir toutes les femmes qui avoient eu
quelques liaisons avec des Français; et il le falloit bien ainsi, car
autrem ent toutes c e lles qui avoient connu des Français auroient
été exposées à j i n e m ort certaine de la part des i W c s .
L e sixième tém oin, liartnelemi V id a i, a déposé qu’il n’étoit
pas au Caire à l’époque du m a ria g e , mais que tout le monde
lui a dit que le général Destaing étoit marié. Il a su de ses
y
deux aides de camp que le général Destaing avoit fait un ma
riage légitime ; à H i a JtTïïlais ouï dire, ni aux. aides de c a m p ,
ni
�(
9
)
ni à personne , rien qui piit faire élever le moindre doute sur
la légitimité du mariage. Il prétend m ême que ce dernier avoit
invité à diner, pour faire connoissance avec sa fem m e; mais il
ignore par qui le mariage a été célébré. Il ne peut même se
rappeler positivement l ’époque ; il faudroit pour cela qu’il fit
1
quelques rech erch es; il croit cependant que c ’étoit au com
m encement de l’an g.
T o ute indifférente qu’est cette déposition , on doit remarquer
cependant que le témoin en impose évidemment lorsqu’il pré
tend que le général vouloit lui faire faire connoissance avec sa
femme. On voit par la déclaration précédente, et on verra bientôt
par des dépositions subséquentes , que cette assertion est ab
solument contraire aux mœurs d’E g y p te , et que les femmes
n ’ont jamais aucune communication avec les hommes.
D o m Raphaël de Monachis est le septième témoin ; il a été
reproché com m e signataire d’un certificat donné à Paris , devant
le juge de paix, le 29 mars 1806. Et ce reproche est fondé sur
la disposition de l’art.
du Code de procédure, §. 2. C e témoin
est professeur de langues orientales ; il déclare qu'il étoit au
Caire à l’époque du mariage i il n’en a pas été témoin oculaire,
83
mais il a ouï dire à Antoine D o u b a n é , actuellement négociant
à T rie ste , qu’il avoit été témoin de ce m ariage, qui avoit été
célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans l'ég lise de sa in t
G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Il a ouï dire la m ême chose à trois,
quatre , dix , trente personnes ; il a ouï dire également que
ce n’a été qu’a v e c _peine que le sieur Nazo avoit déterminé le
patriarche à c onsentir au mariage ; que cette répugnance étoit
fondée sur la différence de religion , et sur ce que le général
Destaing étoit Franc , c ’est-à-dire, Européen et militaire, parce
que c ’étoit un grand déshonneur de donner sa fille à un militaire,
et plus particulièrement à un Européen. luette répugnâlîcen’existoit cependant pas chez les catholiques romains; plusieurs m i
litaires a y o ie n t, quoique mariés en F ra n c e , pris des iemmes
B
�( IO )
en Egypte , et les avoient quittées après q u in z e , v i n g t , ou trente
jours.
On lui demande si ces mariages étoient faits à l’église ; il répond
que o u i, mais qu’ils ne ressembloient pas au mariage de la dame
Interrogé pourquoi cette différence entre les mariages,
dit que premièrement le général Destaing n ’étoit pas marié
en France , com m e certains autres militaires ; 2°. que le général
Destaing n’étoit pas un homme in con n u , comme un petit sergent,
ou un petit capitaine ; que le général M enou s’ëtoit rendu garant
du général Destaing auprès du père de la dame N a z o , et qu’il
TET avoit dit : JN’ayez p eu r, le g én éra l n'abandonnera pas votre
f ille . L e témoin soutient qu’on ne connoissoit pas, en E gypte,
Destaing.
il
les mariages à temps ; il a tte s te , comme naturel d’E g y p t e , et
comme curé catholique romain , que jamais ces mariages n’avoient e x is té ; qu’il en faisoit le serinent par-devant D i e u , et
qu'il le prouveroit par sa téte. N on d a tur divortium in ecclesiâ!
s’écrie-t-il ; la dame Nazo a été mariée ju x ta usum ecclesiœ; et
si le père N azo avoit cru donner sa fille à temps , il ne l’eût pas
donnée. Les femmes qui s’étoient mariées à plusieurs militaires
n’avoient point obtenu la permission d ’aucuns prêtres. I l fait
concorder le mariage avec le commandement du général Menou.
On voudroit obtenir quelques renseignemens de lui sur l’origine
de la dame Nazo : H oc non p ertin et a d nostram causam , r é
pond-il. On insiste pour avoir des détails ; alors il déclare que le
père de la dame Nazo étoit A rm é n ien , catholique rom ain, bijou
tier, et que Nazo n’étoit pas son père, mais son beau-père. On
lui demande s’ir n’y avoir •paîT ïi ri "autre beau-père, qui étoit Barthélem i, Génois de nation, et si
n’étoit pas là le véritable
beau-père d’A n n e ; il difqiT après la mort du père d'A n n e , sa
ce
v e u v e a épousé ce B arthélem i, qu’ils se sont quittés quelque
temps après, et qu’eHe s’eS lrem ariée avec Nazo.
Sur l’interpellation qui lui est faite s’il est sûr que Barthélemi
a épousé la mère d ’ANNE, s il est vrai qu ensuite elle s’est mariée
�a vec N a z o , il répond qu’il ne connolt ces faits que par ouï dire.
Il dit encore que les simples prêtres célèbrent les mariages de
condition ordinaire, et le patriarche celui des personnes distin
guées ; mais qu’à raison de l’esclavage causé par l’empire des
T u r c s , il n’y a que trois églises grecques, et que le patriarche
p e u t , en p la ça n t son a u tel clans une m aison , la rendre son
église. Il prétend que les prêtres grecs ne tiennent pas de registres,
parce qu’ils ont peu d’instruction et peu de liberté.
On observe au témoin que cette assertion est contraire à c e
qu’il avoit déjà dit. Il avoit déclaré en commençant qu’il existoit
des registres pour les naissances et les m ariages, et maintenant
il semble être en contradiction ; il répond giors que les prêtres ne
rédigeoientpoint de contrats, mais tênoient de simples mjémoires.
Cette déposition’’mérite cTëtre attentivement exam inée ; elle
ne s’accorde pas avec l’acte de notoriété que Te térnoîn à signé,
et où il disoit q u ’il avoit assisté au mariage. Maintenant il l’a
seulement entendu dire , à la vérité , par beaucoup de monde ;
m ais les tren te personnes au m oins q u i lui en ont p a rlé , lui ont
attesté q u e c e m ariage avoit été céléb ré par le p atria rc h e , dans
l’église de sa in t G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Voilà une particu
larité remarquable. L e local est spécialement d ésign é, et on ne
se trompe pas ordinairement sur cette désignation : le V ie u x Caire est séparé du Grand-Caire par une branche du N il; et on
verra bientôt que les témoins de Marseille ont prétendu que ce
mariage avoit été célébré dans l’église d e sa in t N ico la s du
Grand-Caire.
D ’ un autre c ô t é , c e témoin apprend qu'A n n e N azo est née
d’un père catholique romain. Elle a dit elle-méme qu’elle professoit cette religion ; c ’étoit aussi celle du général Destaing : il
est dès-lors impossible que le patriarche grec ait marié des cath o
liques romains; c e seroit contraire à tous les principes des scmsmatiques grecs , dont l’aversion est connue pour tout c e qui tient
au rite romain. Cependant le témoin, qui est lui-même prêtre
catholique, ne dit pas un mot sur cette différence de religion;
B 2
�( 12 )
et s’il déclare que le patriarche grec s’étoit déterminé avec peine
à faire ce m aria g e , ce n ’est pas à raison de la différence de la
religion , mais seulement parce que le général étoit Européen et
m ilita ire , et que les filles ne p o u v o ie n t, sans une espèce de
déshonneur , épouser des Européens et des militaires. Cette
espèce de honte ou de préjugé qui rejaillissoit sur les filles ,
n ’avoit d ’autre origine que l’inconstance ou l’abandon des per
sonnes de cette profession; et le bon Monachis, sans s’en aper
c e v o ir, nous atteste qu’il se faisoit des mariages à temps, qu’ils
étoient m ême fort communs. Il n’avoit pas besoin de nous dire ,
car nous savons t o u s , que l’église romaine n’admet point de
d iv o rce ; et n e ^ s g m j^ c e pas une raison pour que le général
D estaing eût v oulu s’adresser «à un prêtre grec? Il trouvoit dans”
la famille d’Anne des exemples qui pouvoient l’autoriser : aussi
est-ce avec bien de la 'p e in e que le témoin s’explique sur les
hauts faits de Sophie Misch ; il faut qu’il y soit contraint par
l’autorité; jusque-là il s’étoit renfermé à dire : H oc non pertinct
a d nostram causant.
On aura occasion de revenir sur cette déclaration très-impor
tante et très-remarquable.
L e huitième tém oin, Joannes C h e p te c h i, prêtre cophte, c a
tholique romain , dépose avoir ou ï dira par le public que le
général Destaing avoit été marié par le patriarche g r e c , solen
nellem ent, avec la fdle de la femme de Jean Nazo. Il dit qu’elle
s’appelle Marie : mais sur l’observation que lui fait A nnk ellem êm e , que Marie n’étoit pas son nom , il ne s’ en est pas rap
p e l é , quoiqu’il la connoisse depuis l’âge de trois ans; d’ailleurs
il n’étoit appelé que pour déposer de son mariage. Il atteste que
les père et mère d’Anne étoien t catholiques romains. Il sait
q u ’après la mort de £on_preimer j n a r i S o p h i e Misch épousa
Barthélem i, L a tin ; mais pour épouser Nazo elle se fit schismatique g rec q u e , et le patriarche déclara son second mariage in
valide. Nazo fut si content, qu il dépensa cinquante mille écus
pour son mariage. D ’ailleurs, ajoute-t-il, la liberté des mariages
�J3
(
)
existe en Egypte : les prêtres catholiques n’ont pas la liberté de
p a r le r , mais ils n’approuvent pas pour cela les mariages c o n
tractés par ceux qui quittent leur religion. Il n’a pas entendu
dire que l’on pouvoit divorcer et contracter de nouveaux mariages
dans la m ême religion, mais seulement qu’on pouvoit, à cause
de la liberté civile des cultes , quitter la religion latine pour
embrasser la religion schismatique grecque ; et que le mariage
contracté par une femme latine avec un homme de sa religion,
étant déclaré nul par les G r e c s , cette dernière pouvoit, en em
brassant la religion g recq u e , faire déclarer nul son mariage avec
un la tin , et en contracter un second. Il atteste cependant que
les prêtres grecs com m e les prêtres cophtes étoient dans l’ usage
de ten ir des registres des m ariages.
Cette dernière déclaration ne convient pas à A n n e ; son avoué
prétend qu’il n’est pas bien informé des usages, q u ’il est étranger
au rite grec , et que dès-lors il ne peut savoir si en effet ces
prêtres tenoient des registres. L e témoin répond qu’il parle avec
peine la langue française ; q u ’on ne d onnoit pas en E gypte le
nom de registre a u x notes que ten o ient les prêtres ; mais que
ces notes contenoient la date des mariages et les noms des
parties, et que dans aucune religion ces notes n’étoient signées
des parties.
O n lui demande s’il n’étoit pas d’usage, dans les mariages
r é e l s , de promener solennellement la dot et les époux sous un
dais. Il prétend que cela n’est usité que pour les T u rc s ; que
les autres religions n’ont la liberté de le faire que par la per
mission du souverain.
Cette déposition est essentielle sur un p o in t, malgré les in
terrogations captieuses J ’Anke ou de ses conseils. Il est cons
tant , d’après ce té m o in , que les prêtres de toutes les religions
tiennent en Egypte des registres ou des notes sur les mariages.
Comment se l'ait-il qu’on se soit écarté de cet usage pour le
général Destaing seulement ; et par quelle fatalité ce mariage
est-il le seul qui 11’ait point été inscrit, ni sur les
des
notes
�4
( i
)
p rêtres, ni su r les registres des actes civils? D ’ailleurs, sur le
fait p rincip al, ce témoin ne parle encore que par ouï-dire.
L e n e u v iè m e témoin est L u c D u ra n te a u , général de brigade.
Il a été reproché com m e étant l’un des signataires de l’acte de
n o to riété dont A nne a fait usage. A u surplus , il s’est trouvé
dans une réunion à l’occasion du mariage du général Destaing
avec la fille de Joanni Nazo ; mais il n’a point connoissance
de la célébration du mariage par le patriarche d ’Alexandrie ,
seulement il étoit de notoriété qu’Anne étoit mariée. Autant
qu’il se ra p p e lle , le mariage a dû avoir lieu sous le com m an
dement du général Menou. Mais il ne sait préciser, ni l’époque
de la réunion dont il a parlé, ni combien a duré la cohabita
tion ; il ne sait pas m ême si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur des registres tenus a d hoc par les commissaires
des guerres.
L a seule remarque qu’on se permettra sur cette déposition,
c ’est qu’elle est en contradiction avec l’acte de notoriété qu’il
a signé. Suivant ce c e r tific a t, le mariage avoit été célébré en
présence du déclarant, en l’an 8.
Dans sa déposition , il n'a pas connoissance de la célébra
tion du mariage ; il n’a été fait que sous le commandem ent du
général M enou, c ’est-à-dire, en l’an 9. Ainsi la déclaration est
tout autre chose que l’attestation. C e témoin , qui veut tout
ignorer, ne sait pas m êm e si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur les registres des commissaires des guerres.
L e dixième témoin est Joseph Saba , réfugié de Jérusalem ;
il é t o i t , en qualité d’interprète , chez le général Dupas. Ce
dernier fut invité par le général Destaing à assister au m a ria g e ,
et y alla. L e mariage d’un Français avec une femme grecque
parut une chose remarquable. Il entendit répéter qu’il avoit été
célébré par le patriarche g re c , dans l’église de sa int N ic o la s,
au G r a n d - Caire. Mais il n a pas été témoin personnellement
de la cérém onie; et voilà une nouvelle version. Suivant le sep*
tième té m o in , qui a dit tant de c h o s e s , le mariage avoit été
�5
( ï
)
célébré dans l’église de saint G eo rg e s, au V ie u x -C a ire . Celui*
c i veut que ce soit dans l’église de saint N ic o la s , au Grand*
Caire. Au surplus, il a procuré à madame Destaing une maison
propre dans la citad elle, lorsque le général partit pour Alexan
drie. Il sait encore que le père d’Anne Nazo est mort. Mais
quand une veu ve ayant des petits enfans se remarie, les enfans
donnent le nom de pére au nouveau mari. Il connoit Barthélem i ; mais il ignore si ce Barthélemi est le mari de la mère d’Anne
Nazo. Il n’est pas Egyptien, il est de Jérusalem, et n’a pu savoir
ces détails. L e mariage d’Anne Nazo avec le général Destaing doit
remonter à huit ans , tout au plus , sans qu’il puisse dire pré
cisément l’ année.
C e témoin , q u i n e parle encore q u e par ouï-dire, prétend
que le général D upas a assisté au mariage ; et le général a luiinéme a tte s té , dans un certificat de notoriété qu’il a délivré à
A n n e , qu’il n’a eu connoissance de ce mariage que par c e que
en o n t d it plusieurs p erso nn es distinguées d ’E gypte. 11 est
d ’ailleurs co n stan t îju’A nn e n ’est pas fille de N azo , q u o iq u ’elle
ait toujours p ré te n d u l’é tre ; et il n e faut pas aller en E g yp te
lui
pour savoir que les enfans d’un premier lit donnent quelquefois
le nom de père â un second ou troisième mari de leur mère ;
c ’est aussi l’usage en France. Mais c e qui n’est pas vra i, c ’est
que le second, mari donne son nom aux enfans d’un premier lit ;
et A n n e seroit bien embarrassée s’il falloit appuyer cette asser
tion de quelque autorité.
,
L e onzième témoin est un sieur D a u r e , commissaire-ordon
nateur. C e témoin a été reproché , comme signataire de l’acte
de notoriété, fait à Paris devant le juge de paix, le 29 mars
1806; il étoit d’ailleurs l’ennemi personnel du sieur D e s ta in g ,
et il en convient dans la suite de sa déclaration. I l ne sa it
p oint si le général Destaing s’ est marié à l’église ou devant le
cgmmissaire des guerres, mais il fut invité au repas et au bal
donnes à cette occasion. Il n’assista pas au repas ; il se rendit
au bal avec d autres généraux q u ’il nomme. Il étoit alors très-i
�C ^ )
lié avec le général; il s’est ensuite un peu brouillé avec l u i ,
par suite des discussions qui ont eu lieu à l’armée. Il ignore le
nom de la femme que le général Destaing épousoit ; mais ses
fonctions le mettoient dans le cas d ’avoir quelques rapports avec
les parens. L e général Destaing l’a présenté à son épouse- Il
le considéroit comme marié légitimement. Il ne se rappelle pas
la date du mariage, mais il se trouvoit ch ez le général Destaing
deux mois environ avant la descente des Anglais. Il convient
que les commissaires des guerres tenoient des registres pour
inscrire les mariages ; mais il renvoie à l’ordonnateur Sartelon
pour donner sur c e point d’autres renseignemens. Il ajoute que
la cohabitation entre le général D estaing et A n n e avoit pu durer
environ trois mois.
Cette déclaration, qui est en contradiction avec l’acte de no
toriété , ne présente rien de saillant sur le fait. L e témoin ne
raisonne que par ouï-dire ; et jusqu’ici on n’a aucune donnée
pour prouver que ce mariage a été célébré par le patriarche
d ’Alexandrie.
L e douzième témoin est encore un réfugié d’E gypte, Gabriël
T a c k , natif du Caire. Il n’a point assisté personnellement au
mariage du général Destaing ; mais étant interprète du général
Lamusse , ce dernier lui avoit dit : G abriël, vous n’étes donc
pas venu à la noce avec nous? et lui avoit ajouté que le général
D estaing avoit épousé la fille de N a z o ; que le mariage avoit été
célébré par le patriarche g r e c , qui avoit donné la bénédiction.
L ’interprète du général Destaing lui a dit que ce m ariage avoit
été célébré par le patriarche. Cet interprète du général D e s
taing étoit lu i-m ê m e présent à la cérémonie. C e mariage a fait
beaucoup de bruit dans le quartier des chrétiens ; il a eu lieu
dans l’église de saint N ic o la s , au C a ir e , et dans un temps
voisin de arrivée des Anglais. Il a ouï parler de Barthélemi,
1
second mari de Sophie M isch , mais il n a jamais vu cette der
n ière; il avoit m êm e un domicile séparé. Il a vu Nazo dem eu
rant avec la mère U’A n n e , ici présente.
Il
�( 17 )
Il ne sait pas si la mère est d’origine grecque c n p h te , il sait
seulement que le patriarche ne maricroiù pas une fe m m e q u i
ne seroit pas G recque. O n lui observe que le général Destaing
n’étoit pas lui-méme Grec ; il répond que cela n’empècholt pas
le patriarche de donner la bénédiction , parce que la femme
étoit G recque , et que le mari étant Latin et la fennne G recque,
celui-ci avoit le droit d’emmener la fem m e à son église , ce
qui n’avoit cependant lieu qu’autant qu’il le vouloit. On lui
demande quelque explication sur les cérémonies des Grecs pour
les mariages. T o u t cela , suivant l u i , consistoit à aller à l’é g lis e ,
et chez les Latins on écrivoit les mariages sur des registres ;
il le sait parce que lui étant L a t i n , il a été marié dans une
église catholique ; mais il ignore si cela avoit lieu ch ez les
Grecs. Il ignore encore s’il étoit d’ usage de promener la dot et
les époux sous un dais. Et enfin il dit que l’interprète du général
Destaing s’appeloit Massara. Ce témoin, com m e on voit, ne parle
encore que par ouï-dire, et n’a fait qu’une déclaration remar
quable , c ’est que le patriarche grec n ’auroit pas donné sa bé
nédiction à une fem rjie q u i n ’etoit pas Grecque. On a vu plus
haut qu’ANNE et son père étoient catholiques romains. L e géné
ral Destaing étoit de la m êm e religion, par conséquent le pa
triarche grec n ’a pu être le ministre du mariage.
L e treizième, le sieur E stève, trésorier général de la couron ne,
est un des signataires de l’acte de notoriété dont A nnb a fait
usage ; il a été reproché à raison de ce. D ’ailleurs il n’a point
été témoin de la cérémonie du mariage; il l’a appris com m e
une nouvelle de l’armée et du Caire. L e général le lui a éga
lement annoncé. Il a ouï dire que le mariage avoit été célébré
selon le rite grec , q u ’il y avoit eu un repas de noces au qu el
il n’avoit pas assisté. Mais quelques jo u rs après il fut invité chez
le général Destaing avec sept ou huit autres Français. L e général
en dînant annonça son mariage. L e témoin l’en félicita et em
brassa. Il n’a cependant pas vu la fem m e du général : en Egypte
les fem m es ne m angent p o in t avec les hommes. Le mariage a eu
1
c
�( x8 )
lieu peu de temps avant l ’arrivée des Anglais , vers le commen
cem en t de l’ an 9 , autant qu’il peut se le rappeler. Il croit que
la cohabitation n’a pas cessé pendant tout le temps du séjour
du g énéral en Egypte ; il ignore s’ils sont venus en France en
semble. Un ordre du jour avoit ordonné que les commissaires
des guerres tiendroient un registre pour inscrire les mariages
et les naissances; mais il ne sait pas si ces commissaires les
tenoient; il croit qu’en général ils ne sc sont pas conformés à
l’ordre. Le général Menou avoit donné un ordre pareil ; mais
c e t ordre ne regardoit que les musulmans. Il n’est pas à sa
connoissance que le général Menou ait fait inscrire son mariage;
il sait seulement qu’il a fait inscrire la naissance de son fils ,
et que les généraux ne l’ont point imité en cela. Enfin il ignore
si le général Destaing s’est fait des ennemis par ses opinions.
Cette déclaration est en contradiction avec l’acte de notoriété.
D ans cet acte le témoin connolt parfaitement nne
, épouse
du général Destaing ; il a assisté à la cérémonie du m ariage,
A
Nazo
qui a eu lieu en présence d ’un grand nombre de Français ; il
atteste également que ce mariage a eu lieu en l ’an 8. Dans sa
déposition il n ’a appris le mariage que com m e n ouvelle; il n ’a
assisté ni à la cérémonie ni au repas : ce 11’cst que huit à dix
jours après qu’il a diné chez le g én éra l, et il
point vu sa
femme. Le général Menou n ’a donné ordre de tenir un registre
qu’au divan et pour les musulmans. N ’est-ce pas une raison de
penser que toutes les autres sectes tenoient des registres. Il est
d’ailleurs reconnu que le général Menou avoit fait transcrire
l’acte de son mariage contracté en l’an 7 , à R o sette, sur les
registres du commissaire des guerres du Caire.
n’a
L e quatorzième témoin , le sieur Sartelon, commissaire-ordon
n ateur, a été reproché de deux manières, et comme signataire
d ’un acte de notoriété au profit d’A^NE, et comme ayant été
l ’ennemi personnel du général D e s ta in g , par suite de division
à l’occasion de la capitulation du Caire. Il dépose d’ailleurs
qu’entre le i cr. brumaire et le i cr. ventùse an 9 , le général
�D estaing lux
nommé Nazo
Destaing lui
moine invité.
( 19 )
fît part de,«on mariage avec la fille d nn G rec
, commandant en second d’ un bataillon. Le général
parla de ce mariage tant avant qu’après*, il la v o it
Nazo lui fit également part du mariage de sa fille;
il la nomma ainsi, quoique depuis il ait ouï dire qu’ANNE n étoit
pas la fille de N a z o , mais sa belle-fille ; il a assisté au repas de
noces, mais non à l'église. Q uoiqu’il eût été invité à la cérémonie
avec le général Lagrange, à ce q u 'il croit; il pense m êm e , sans
pouvoir l ’a ffirm er, qu’il y a eu des billets de communication
de ce mariage ; que la nouvelle en a été insérée dans la gazette
du Grand-Caire, rédigée par le sieur D esg en ette , médecin de
l’arm ée; q u i l n ’affirm e pas non plus c e dernier fait, mais dans
la société il le diroit sans hésiter; qu’il a vu au repas de noces
la femme du g é n éra l, et il la reconnolt pour la dame présente
aux débats. Lorsque le général Destaing fut blessé dans l’affaire
contre les Anglais , il lui parla de sa fem m e com m e d’une femme
légitime. Il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres de m ariage ; mais cet visage a lieu chez les prêtres
catholiques latins, qui sont beaucoup plus instruits. Il a signé
l’acte de mariage du général B a u d o t, célébré dans une église
latine, à peu près à la même époque. Il croit toutefois im pos
sible que les prêtres grecs ne tiennent pas des notes ; mais ces
notes ne seroient pas des registres civils. Il est à sa connoissance qu’ il n’y a pas en E gypte d’officiers de l’état civil. Il
a vu le général Destaing à P aris, qui lui a dit qu’il attendoit
sa femme. E n fin , d’après la notoriété, le mariage en question
avoit été célébré par le patriarche grec , et suivant le rite grec.
Le
commissaire lui demande d’office s’il n'a pas eu quelques ini
mitiés avec le général Destaing ; il répond négativement. In
terrogé s’il n’a pas tenu quelques propos injurieux h la m ém oire
du général; il ne le croit pas. D ’ailleurs quand son opinion ne
seroit pas lavorable au général, cela ne l’e m p éch ero it pas de
deposer la vérité, et il croyoit honorer la mémoire du général,
en déposant en faveur du sa femme et de sa fille.
r *>
�( 20 )
On lui rappelle qu’il a refusé de communiquer des registres,
et d’y faire des recherches; qu’il s’est même répandu en propos
très-injurieux contre le général. Il prétend n ’avoir rien dit d’in
jurieux, mais il a soutenu qu’aucun ordre du jour n’avoit prescrit
la te n u e des registres; que cet usage s’étoit établi, de faire écrire
les a c te s , soit par les commissaires des guerres, soit par les chefs
des corps; que d’autres s’étoient contentés de se présenter aux
prêtres du pays; qu’enfin les commissaires ne tenoient point de
registres , mais de simples procès verbaux : d’ailleurs les trois
quarts de ses papiers ont été perdus.
On lui demande à quelle église il fut invité pour assister à la
cérém onie; il répond que c ’est probablem ent à l’église grecque;
que d ’ailleurs sa mémoire ne lui rappelle rien autre chose , que
seulement le général D estaing lui a dit que c ’étoit le patriarche
grec qui avoit fait le mariage.
On l’interpelle encore de déclarer si après le mariage de m a
dame B a u d o t, fem m e du général de c e nom , ce dernier ne
présenta pas l’acte latin qui avoit été rédigé et signé des parties
contractantes, à lui Sartelon , pour qu’il en dressât l’acte c iv il,
et assurer l’état des parties.
Il convient, en.effet avoir rédigé cet a c te , non sur un registre,
mais sur une simple feuille, et en forme de procès v e rb a l, après
la célébration religieuse q u ’en avoit faite un prêtre catholique
romain. C e fut le déposant lui-m ém e qui engagea le général
Baudot à faire faire cet acte pour plus grande sûreté : le général
croyoit que la cérémonie religieuse suffisoit. Mais c ’est le seul
acte de mariage que le témoin ait jamais rédigé. C ’est encore
lui déposant qui fit enregistrer la m inute, pour se conformer à
l’ordre du jour de l’arm ée, qui ordonnoit l’enregistrement de
les actes
tous
qui y seroient passés, non-seulement pour les
mariages, mais pour toutes les transactions sociales, cet enre
gistrement étant une imposition indirecte créée tant pour le
pays que pour les Français.
On ne peut pas se méprendre a cette déclaration ; elle porte
�(
21
)
le caractère de la haine contre le général D estaing; elle prouve
un entier dévouement à la cause d’AuNE, que le témoin a mal
adroitement servie, en tombant à chaque pas dans des contra
dictions choquantes. Il avoit été plus positif dans son acte de
notoriété. Dans sa déposition il n’a pas assisté à la cérém onie;
il n’a été qu’au repas de n o c e s , où il a vu Anne ; et le précé
dent témoin nous a dit qu’en E gypte les femmes ne paroissoient
jamais à table avec les hommes. Les prêtres grecs com m e les
latins tenoient des notes des mariages , mais les commissaires
des guerres n ’avoient point de registres civils pour les inscrire;
et cependant il a rédigé celui du général Baudot : c ’est lui qui
l’a provoqué à cette mesure pour plus grande sû re té , qui a fait
enregistrer la m inute, parce qu’ un ordre du jour ordonnoit l’en
registrement de tous les a c t e s , pour les mariages comme pour
toutes les transactions. D ans quelle incertitude ne laisse-t-on pas
les esprits, avec des déclarations aussi incohérentes; et par quelle
fatalité Anne n e tro u v e -t-e lle pas parmi tous c e u x que leurs
fonctions ra p p ro ch o ien t le plus du général D estain g , u n seul
tém oin q ui ait assisté h la p ré te n d u e cérémonie du mariage?
L e quinzième témoin , le sieur M a r c e l, directeur général de
l’imprimerie, encore signataire de l’acte de notoriété, et reproché
en conséquence , dit que dans le com m encem ent de l’an g ,
quelque temps avant la mort du généial K léb er , le général
Destaing épousa la dame Anne Nazo : le témoin la reconnolt
en la voyant assister à l’enquéte. Il y eut à cette époque un
repas auquel furent invités les officiers généraux et les princi
paux chefs de l’administration; que ce repas,’ le plus solennel
qui ait eu lieu alo rs, fut donné comme festin de noces ; que
dans ce repas on disoit que le mariage avoit été célébré par
le patriarche grec d’Alexandrie , résidant au Caire ; et le témoin
a^ entendu dire que la célébration avoit eu lieu à l’églîsë~ttea
Grecs; qu ils ne désignent pas leurs églises sous la dénoihi»àl.iOn
d un s a u tt, mais seulement sous le nom de l’église ; c o m m e ,
par exemple , Yéglise des cophtes. Il connoissoit cette église
�(
22
)
grecque nmir v avoir été rendre visite au patriarche. Il peut se
Fau-ëluï
que les Grecs entr eux d é s ig n e n tc e tte église
sous le nom d’un saint. Il croit se rappeler qu’il y e ut des billets
de ™ rnmurçication imprimés; mais sa mémoire ne lui présente
pas c e fait avec assez de certitude pour pouvoir l’affirmer.
Peu après l’arrivée des F ia n ç a is , un ordre du jour avoit
ordonné qu’il seroit tenu des registres pour constater les
mariages et les naissances; mais cet ordre ne fut exécuté que
dans les derniers te m p s, que le général Menou le renouvela.
Le témoin a perdu trois enfans en Egypte. L ’acte de naissance
et de décès du dernier seulement a été dressé ; pour les autres
enfans, il n’a eu d’autre note de leur naissance que le certificat
surplus
de leur baptême donné par le supérieur des c a p u c in s , prêtre
catholique, qui en tenoit note; mais note incomplète et inexacte.
A la vérité le témoin convient que c e t ordre avoit été donné
par le général Menou. L ’ordre donné pour la tenue des registres
n ’a point été e x é c u té ,
s’imprimoient
à
à
ce qu’il croit, parce que tous les registres
l’imprimerie nationale , qu’il dirigeoit alors, et il
ne se rappelle pas avoir vu le registre en question. Si les G recs
et les cophtes eussent tenu do ces registres, on n’ auroit point
demandé leur déclaration. Lors du diner ce u x qui avoient parlé
de cette cérémonie en av oient é té , à ce q u ’il c ro it, témoins
oculaires ; il ne peut cependant se rappeler c e u x des convives
qui y parloient, quoiqu’aucun d’eux ne lui fût , à ce qu’il
pense, inconnu; il n’a d ’ailleurs jamais entendu élever des doutes
sur l’existence du mariage, que la notoriété publique présentoit
com m e mariage légitime. Il ne se rappelle pas d’ avoir vu le
patriarche d’Alexandrie au diner de noces ; il ne croit pas m ême
q u ’il y fut. Il ignore combien a duré la cohabitation ; il n’a
point connu de mariage h temps en E g y p te , ou du moins le
cas est rare,
et n a
lieu qu entre musulmans, mais point entre
chrétiens.
Encore Incertitude sur cette déposition; il ne sait le .mariage
que par ouï-dire.
�23
(
)
Le seizième témoin, Jacques C lé m e n t, déclare, sur le l'ait
dont il s’agit, qu’en 1801 , six à sept mois avant le départ des
Français , sans pouvoir autrement préciser l’époque , la voix
publique lui apprit le mariage du général Destaing. I l n ’est pas
sûr que ce mariage ait été célébré p a r le patriarche c l'A le x a n
drie; il l’a seulement ouï dire par tout le monde. L e jour même
ou le lendemain du mariage, voyant un grand nombre de per
sonnes réunies, parmi lesquelles se trou voient des officiers gé
néraux , des officiers de tous grades, des T u r c s , des G r e c s , il
apprit que cette réunion avoit pour cause le mariage du géné
ral. Comme il l’avoit beaucoup connu à Rozette et au C a i r e ,
il crut de son devoir d’entrer chez lui et de le féliciter. L e
général l’invita à rester, pour lui servir d’ interprète auprès des
personnes du pays qui pourroient se présenter chez lui pour
le visiter. Il y eut le soir un très-grand repas; mais le patriarche
n’étoit pas au diner : il y avoit cependant un ou deux prêtres
grecs. L ’ usage de dresser les actes de mariage, chez les G re cs,
n ’est pas général. Il n ’existe pas chez les T u r c s ; et les p rêtres
grecs ne font des actes de m ariage que lorsqu’on leur en de
mande. A l’égard des mariages à temps , ils sont extrêm em ent
rares; on en^trouve à peine un exem ple en dix ans. Ils ne
sont "pratiqués que~par Tes T u rc s ou des libertins. Il n’en a, vu
que deux ou trois exemples parmi lès catholiques et les cophtes,
qui ont été excommuniés. Ces mariages avoient été célébrés par
des cheiks turcs. Il croit avoir connu le père d’Anne ; il étoit
Arménien de n a tio n , et bijoutier. Mais il appelle A n n e fille
adoptive de N azo , parce que Nazo avoit épousé sa mère.
Relativement à la pompe extérieure des m a ria g es, on étoit
obligé d’aller à l’église. Chez les T u r c s , et non chez les chrétiens,
on promenoit le trousseau et la fem m e sous un dais ou dans
une voiture.
C e témoin se présente officieusement com m e l’interprète
du général D es ta in g , ce qui est contraire à la déposition de
Gabriel T a c k , douzième témoin, qui a déclaré que interprète
1
�( *4 )
du général Destaing s’appeloit Massara. L ’im deux n ’a donc pas
dit la vérité. Au surplus , cet interprète ne sait encore rien que
par ouï-dire.
L e dix-septième et dernier témoin de l’enquéte de Paris, est
un sieur Dominique-Jean L a r r e y , reproché com m e un des certificateurs de l’acte de notoriété, et com m e ayant manifesté
de grands mécontentemens de c e qu’il prétendoit que ses soins
et ses services , dans la maladie du g én éra l, n’avoient pas été
payés. Il déclare que dans le com m encem ent de l’an 9 , il avoit
reçu un billet d’invitation du général D estaing, son a m i, pour
assister à ses noces ; il s’y r e n d it, et y trouva plusieurs amis
du g é n é ra l, entr’autres les sieurs E stève, Lagrange, et le général
M e n o u , avec lequel il s’entretint de son service. Anne Nazo
y étoit en costume t u r c , et parée de tous ses ornemens. ( Il
est bien extraordinaire que ce soit le premier témoin qui ait
parlé de cette circonstance. ) T o u t le monde y étoit en grande
tenue; il adressa ses félicitations au général, et lui fit ses excuses
de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de l’église, d ’où l’on
sortoit en ce moment. Comm ent savoit-il qu’on en sortoit en ce
moment? Il répond que c ’étoit le bruit général de l’assemblée.
C e mariage avoit été célébré dans l’église du patriarche des Grecs*
mais il ne se rappelle pas du nom de l’église. Il a vu le général
après la descente des Anglais ; il s’est trouvé avec lui au siège
d’Alexandrie, et depuis à Paris. Le général lui a parlé plusieurs'
fois de sa fe m m e , et s’occupoit de la faire revenir en France
( elle y étoit avant lui ). Il 11e se rappelle pas de la teneur du
billet d invitation ; il c r o i t , sans pouvoir le dire au ju s t e , que
les mots noces et cérémonies s’y trouvoient. Il a assisté aux fé
licitations des personnes qui se trouvoient à l’assemblée; il étoit
au re p a s, et A n n e s’y trouvoit également. Il se retira avant le
b a l , à cause de ses occupations qui l’avoient également em péché
d’assister à la cérémonie nuptiale. Ce mariage étoit de notoriété ,
et 011 disoit qu’il n’y avoit que le général Menou et le général
Destaing qui voulussent conserver la c o lo n ie , parce qu’ils avoient
épou sé
�(
25
)
épousé des femmes égyptiennes. Il a pansé Joannÿ Nazo d’une
plaie q u ’il avoit à la jambe , et l’a vu plusieurs fois chez le général
D esta in g , où il étoit reçu avec les égards dûs à sa profession.
Il dit que l’église des Grecs étoit située dans la ville du Caire.
Il n’a point connoissance des mariages à temps ; mais lorsqu’on
vouloit acheter une esclave ou une autre femme , cela ce pratiquoit secrètement : les fem m es entroient dans les m aisons
où on les fa is o it ven ir v o ilé e s , ou bien on les achetoit chez
des marchands d ’esclaves.
1
T e lle est l’enquête faite à P a r is , où sans contredit on avoit
de grands moyens pour se procurer des témoins. A n n e en avoit
fait assigner un grand nombre , que dans la suite elle n’a pas
jugé à propos de faire entendre : on le lui a reproché lors de
la clôture du procès verbal d’enquéte; mais elle a cru devoir se
borner à ceux qui avoient signé les actes de notoriété , et ne
s’attendoit pas à les voir tomber en contradiction avec leurs pre
miers certificats. A-t-elle prouvé qu’elle avoit été mariée avec le
général D e sta in g , publiquem ent et so len n ellem en t , p a r le p a
triarche d ’sîleæ andrie , suivant le rite g r e c , et les form es et
usages observés dans le pays ? ( C e sont les expressions littérales
de l’arrét de la Cour. ) A n n e ne peut pas s’en flatter ; aucun de
ses témoins n’a été présent à la cérémonie. Les ouï dire ont des
différences notables ; tantôt c ’est au V ieux-C aire, et tantôt c ’est
dans la ville du Caire que le mariage a été célébré ; les uns
veulent que ce soit à l’église de saint G e o rg e s, d’autres à l’église
de saint Nicolas : pas la moindre instruction sur les mœurs et
les usages des G r e c s , incertitude sur le sort, la naissance et la
religion d’Anne ; ce u x qui la connoissent le mieux disent qu’elle
est catholique romaine ; ceux qui la disent catholique romaine
soutiennent que le patriarche des Grecs ne marieroit pas une
Latine. Sophie M isc h , sa m è re , qui n’éloit pas v e u v e , a quitté
la religion romaine pour prendre un troisième mari. Voilà donc
cette famille qui offroit tant d’agrémens et d'avantages au général
Destaing, qui lui faisoit oublier les égards et le respect qu’il deD
�( 26 ')
volt à son père, méconnoitre les convenances sociales, mépriser
les appas de la fortune , oublier son r a n g , son p a y s , sa nais
sance , pour lier son sort à la fille d’un Arménien. Et c ’est cette
femme qu’on veut légèrement introduire dans une famille , qui
viendroit usurper non-seulement la fortune du général, mais
encore partager les dépouilles du sieur Destaing pè re , de ma
dame Destaing et de Pascal Destaing, morts pendant l’instance.
Lorsque l’immortel d’ Aguesseau s’écrioit que ce n ’étoit qu’en
tremblant, et avec toute la démonstration de l’é viden ce, qu’on
pouvoit se permettre d’introduire dans une famille un individu
dont l’état est contesté, ce magistrat avoit cependant des don
nées certaines : c ’étoit en F r a r c e , à Paris, sous Iss yeux des
magistrats, que se trouvoient les registres et les preuves.
Ici une étrangère arrive de parages lointains, dont elle a fui
dans un moment de troubles; elle n’ est point accompagnée de
celui qu’elle appelle son é p n u x ; elle n’en a point reçu le titre
de femme légitime. Les écrits qui émanent de lui l’avilissent
aux yeux de sa famille et de son père ; il désavoue l’existence
d ’an lien lé g a l; il traite cette union d 'arrangem ent oriental.
Et A n n e voudroit être élevée au rang d’épouse ! et Anne a osé
penser que quelques témoins officieux ou indifférens pourxoient, avec de simples ouï-dire, la faire reconnoltre pour épouse
légitime d’un général français !
Non ; elle a senti toute l’insuffisance de son enquête de P a r is ,
où cependant on trouve plusieurs noms recommandables ; elle
est allée chercher à Marseille, dans quelques réduits obscurs, des
Grecs réfugiés ou ignorans , qui ne peuvent parler que par in
terprètes , à qui il est facile de faire dire tout ce qu’on v e u t ,
q u a n d il faut s’en rapporter à la foi d’un seul homm e, d’un
mercenaire à g a g e s, qui traduit com m e bon lui semble. Il faut
donc encore parcourir cette enquête de Marseille, avant d’en
venir à l’enquête co n tra ire , faite à Aurillac et Mauriac , à la
requête des héritiers Destaing.
Le premier témoin est un nommé Michel C h a m , natif de
�27
(
)
D amas en S y r ie , se disant ancien négociant, et ancien inter
prète de Son Altesse le Prince de N e u fc h â t e l, aujourd’hui sans
profession. Il a déposé que se trouvant au Grand-Caire, dans le
courant de l’an 9 , n’étant pas m ém oratif des jours ni du mois,
et à l’époque à laquelle le général Menou commandoit l’a rm é e ,
il^entendit dire que le général Destaing devoit épouser la demoi
selle N azo , fîlle du commandant de c e n o m ; que passant quel
ques jours après devant le domicile du général D estaing, il vit
des préparatifs de f ê t e , plusieurs c h e va u x , des généraux et of
ficiers en grand c o s t u m e , et s’étant informé quels étoient les,
motifs de ces préparatifs, on lui dit que c ’étoit pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle N azo ; que s’étant ensuite
de nouveau informé comment le mariage avoit été f a i t , on lui
dit q u Jil étoit venu un patriarche g r e c , et que ce mariage avoit
été célébré selon le rite et les usages grecs ; mais il n’y a point
assisté. Le domicile du général Destaing étoit sur la place A t a b e l Ezaixgua, à côté de la mosquée d u Ghahaybe. Il est à sa connoissance que les p rêtres chrétiens, de quelque secte q u ’ils
s o ie n t, ne tiennent point de registres pour la célébration des
mariages ; que les mariages se célèbrent par quelque prêtre que
ce s o i t , et sans distinction du culte que professent les époux ;
que cette célébration se fait par l’un d ’e u x , au choix des parties
contractantes, pourvu néanmoins que le prêtre soit chrétien.
Il est douteux que ce témoin soit bien instruit des usages
d’E gypte , ou du moins il est en contradiction avec tous les
voyageurs qui ont observé les mœurs de c e pays. L a différence
des cultes, loin d ’être un moyen de rapprochement, n’est qu’ un
sujet continuel de scandale et de persécution. Il est inoui qu’un
G rec ait marié un Latin ; et il seroit peut-être plus extraordi
naire encore qu’ un G rec schismatique eût été marié par un
prêtre c o p h t e , tant il y a de division et d’acharnement entre
ces différentes sectes. Est-il croyable d’ailleurs q u ’un général
catholique ro m ain , qui devoit se marier avec une femme de la
m ême religion ( car Aime professe ouvertement le culte cathoD 2
�C ^8 )
ïique ) , ait été choisir un prêtre g re c , lorsqu’il étoit environné
de prêtres latins? Mais ce témoin va plus loin que les autres.
L es uns ont entendu dire que le mariage avoit été célébré dans
l’église de saint Georges, au Vieux-C aire; les autres d ans. l’église
de saint N icolas, au Grand-Caire; et c e lu i-c i prétend que le
patriarche grec est venu chez le général Destaing. Mais en même
temps il voit dans la rue des c h e v a u x , des officiers généraux
en grand costume : il ne falloit pas tant de préparatifs, si le
mariage s'est fait à huis clos , et dans la maison du général.
L e deuxième témoin est B a rth élem i S e r a , natif de l’île de
Siam. Il déclare qu’il avoit épouse Sophie Misch , qui étoit alors
veuve de Joseph Trisoglow ; qu’il la quitta il y a environ vingtquatre ans , et que celle-ci épousa ensuite le sieur Nazo. Il
prétend. que sur la fin d e j ’an 8 , ou au com m encem ent de l’an
9 , étant nu graud-Caire, le général Destaing lui dit qu’il vouloit
épouser la iille du commandant Nazo ; qu’alors il lui observa
q u e lle n’étoit point fille de N a zo ; que lui déposant avoit épousé
la mère de cette dem oiselle, qui étoit veuve de Joseph Trisoglow,
et qu’Anne étoit née A l’époque de son mariage. L e général
Destaing lui répondit que cela étoit indifférent; mais il lui
demanda si cette fille étoit sage, si elle avoit de bonnes mœurs,
à quoi B arthélem i répondit affirmativement. Il demuuda au
général comment il se proposoit de faire célébrer son mariage ;
le général lui lépondit qu’ il avoit déterminé de le faire célébrer
selon le rite f'rec. Barthélemi lui observa qu’il y avoit au GrarulCaire des prêtres latins, et qu’il devroit se marier selon c e rite;
mais le général Destaing persista dans son intention. Il invita
Bnrlbélemi A assister au m ariage; Barthélemi le rem ercia, et
ne voulut point y assister , parce qu’ il ne vivoit pas bien avec
la famille Nazo; il prétexta dt:s nffaires; et quelques jours après,
..yant passé devant la maison du général D esta in g , il aperçut
beaucoup de chevaux au-devant de la porte, des généraux’ et
officiers qui en tro ien t et sortoient : on lui apprit que clétoit A
l'occasion du mariage du général avec la demoiselle Na*o. Il
�( 29 )
rencontra bientôt après le g é n é r a l, qui lui dit que son mariage
avoit été célébré par un patriarche g r e c , et selon le rite grec.
Barthèlemi cru t devoir lui réitérer l'observation qu’il lui avoit
déjà f a it e , qu’il auroit dû faire célébrer son mariage par l’église
latine ; le général lui répondit qu’il avoit voulu se conformer à
l’usage du pays. Suivant l u i , il n’y a que des prêtres latins qui
tiennent des registres, les prêtres des autres sectes chrétiennes
n’en tiennent pas ; mais il atteste qu’il est d’usage dans le Levant
que le mari fait célébrer son mariage par un prêtre de sa religion.
II ajoute cependant que cela n’est pas toujours rigoureusement
o b se rv é , et que les mariages se célèbrent indistinctement par
quelque prêtre chrétien que ce s o i t , au gré et au désir des
parties contractantes.
On voit avec quelle légèreté ce témoin parle de Ta dissolution
de son m a ria g e , et ’que Sophie Misch n’a pas été long-temps ù
le remplacer. Il ne reste plus de doute sur l’origine d ’ANNE,
ni sur sa religion , puisqu’elle étoit née de deux catholiques
romains ; et il paroltra nu moins bien ¡nvinisemblnhlc qu'on ait
choisi un patriarche grec , lorsqu’il y avoit autour du général
tant de prêtres latins. N ’est-ce pas vouloir se jouer d’un enga
gement de ce genre, et aller contre l’ usage du pays, loin de s’y
c o n fo r m e r , puisque le mari a le droit et l’ usage de choisir un
prêtre de sa religion.
.
L e troisième témoin, le sieur Antoine Ila m a o n y , négociant,
natif de D amas en S y r ie , déposant, com m e le p récéd en t, sur
l’interprétation du sieur N e y g d o rff, déclare qu’ il se trouvoit au
Caire à l’époque à laquelle le général Destaing y étoit en a c
tivité de service. Il apprit par la notoriété publique que ce
général avoit épousé la fille de la dame N a zo , que ce m ariage
avoit été célébré selon le rite prec et par le patriarche; qu'il
lit à cette époque beaucoup de bruit. Suivant lu i, il n’y a quo
les prêtres latins qui tiennent dus registres et qui en délivrent
des extraits : c est ordinairement et le plus souvent un prétro
do la religion du uiuri qui célébré le mariage t
que uéaix-
�( 3° )
moins cela soit obligatoire. C e témoin ne fait que répéter c e
qu’a dit le précédent : c ’est le m êm e interprète ; par conséquent,
la m ême déclaration.
L e quatrième témoin est un sieur Hanna À d a b a c h i , natif
d’Alep en S y rie , qui va encore déposer à l’aide du m êm e in
terprète. Il étoit établi au Grand-Caire trois ans avant l’entrée
de l’armée française ; il y a resté jusqu’à l’époque de l’éva-f
cuatiou de l’armée. Pendant que^ le général Destaing y étoit
en activité de serviceu i l rem plissoit les fonctions go c ommissaire
de police : ayant des liaisons d amitié" avec Te' commandant
Jean N a z o , celui-ci l’invita au mariage de sa fille avec le géné
ral Destaing. C e mariage fut célébré dans l’égl'se saint N icolas,
„„par le patriarche d’A le x a n d rie , e t selon le rite grec : le témoin
y assisfa’sur l’invitation qui lui avoit été faite par Nazo. L e
général Destaing fit et donna ensuite un repas de n o c e s , auquel
il assista é g alem e n t, y ayant été conduit par le commandant
auprès duquel il tenoit en sa qualité de commissaire de police:
Ce témoin répond, comme les précédens, sur la tenue des
registres , et sur l’ usage où sont les maris de faire célébrer les
mariages par un prêtre de leur religion.
V o ilà le premier témoin qui ait parlé de sa présence à la
cérémonie ; les vingt précédens n’avoient déposé que par ouï*dire. Celui-ci est un des signataires de l’acte de notoriété donné
à Marseille, et cette circonstance rend déjà sa déclaration sus
pecte ; d'ailleurs elle est vague et inexacte. Il est singulier que
c e témoin ne précise ni l’année ni l’époque ; qu’il garde le si
lence sur les personnes qui devoient être à cette cérém onie;
qu’il n’y ait pas un seul officier général qui y ait assisté, et
qu ’on ait donné la préférence à un homme sans profession,
pour l’inviter à j i n acte si solennel, tandis qu’il n’y auroit eu
aucun officier français.
Les prêtres grecs entendus à P a r is , ont dit que le mariage
avoit été célébré à l’église de saint G eorges, au Vieux-C aire, et
celui-là prétend que c'est à l’église de saint N ic o la s , au Grand-
�( 3* )
Caire. Q uelle confiance peut mériter une pareille déclaration ?
L e cin q u ièm e témoin , Michel Rozette , âgé de vingt-sept ans ,
natif d u Grand-Caire, bijoutier et ex-ca p o ra l, déposant encore
à l’aide de l’interprète N e y g d o rff, prétend que sa famille étoit
intimément liée avec celle de Nazo ; que la fille de celui-ci
ayant épousé le général Destaing pendant qu’il étoit en activité
de service au Grand-Caire, le témoin et sa famille furent invités
à assister à ce mariage ; déférant à cette invitation , ils assistèrent
à la célébration, qui fut faite dans l’église saint Nicolas du rite
j*rec , et par un^patriarche grec ; que~selon l’usage pratiqué
par les chrétiens de cette s e c t e , Nicolas Papas O uglou fut le
parrain de la fille Nazo.
;
Il y a une certaine fatalité attachée à l’enquête de la fille
N a z o ; c ’est que pas un seul des témoins, qui par la nature de
leurs fonctiens étoient plus rapprochés du général, n’ait honoré
c e mariage de sa présence, et qu’on voit au contraire un caparol invité à cette solennité. Il prétend que Papas Ouglou a
été le parrain de la fille N a z o ; et ce Papas O u g lo u , qui a signé
l’acte de notoriété de Marseille , ne dit pas un mot de cette
circonstan ce, qui étoit assez importante. Il est plus aisé de
gagner un caporal qu’un général; et il ne faut pas s’étonner
que ce témoin avance un fait avec tant d’assurance, mais sans
aucuns détails qui puissent donner quelque croyance à sa dé
claration.
Le sixième témoin est Sophie M is c h , mère d ’A n n e ; elle a
été reprochée en cette qualité. Mais elle raconte que le géné»
ral Destaing, pendant qu’il étoit en activité de service au C a ire r
lui demanda sa fille en mariage ; qu’elle et son mari y don
nèrent volontiers les mains; mais en même temps ils exigèrent
que ce mariage fût célébré par un patriarche du rite grec
qu’ils professent. Le général Destaing y consentit; et après les
préparatifs en pareil cas nécessaires, le mariage fut célébré en
sa présence, celle de son é p o u x , de sa fa m ille , de diverses
personnes du pays , de divers généraux et autres militaire»
�C 32 )
français, notamment du général D e lz o n s , dans l’église de saint
N ic o la s, par un patriaiche g r e c , et selon le rite de l’église
grecque.
Il n’est pas étonnant que Sophie M is c h , mère d’ÂNNE , vienne
soutenir que le mariage a été célébré ; mais ce qu’il y a de
rem arquable, c ’est que l’arrét de la Cour ordonnoit qu’ANNE
feroit preuve qu’elle avoit été mariée par le patriarche d ’A lex a n d rie; et ces trois témoins qui se suivent, qui tous trois
prétendent avoir assisté au m a ria g e , affectent de dire que
c ’est un patriarche qui les a m ariés, sans jamais désigner 1§
patriarche d’Alexandrie. Cependant le patriarche d’Alexandrie
réside au Grand-Caire; il s’ arroge la suprématie de l’église grecque :
c ’ est lui qui a le titre le plus éminent. Aussi avoit-il toujours
été désigné exclusivement par Anne , comme ayant été le m i
nistre du mariage ; et ce n’est pas sans raison que l’arrét de
la Cour l’avoit ainsi particularisé, et avoit spécialement ordonné
la preuve qu’Anne avoit été mariée par ce patriarche d 'A le x a n
drie. Comment Sophie Misch n ’a-t-elle pas fait attention à cette
circonstance ? il lui en coûtoit si peu de désigner c e ministre.
Cependant elle ne parle que d’ un patriarche grec ; et sa décla
ration ne remplit pas le but de l’arrét.
L e septième témoin est le beau-frère de Sophie Misch , par
conséquent oncle d’Anne. Il est reproché en cette qualité , et
il convient du degré de parenté.
Il rapporte que le général Destaing avoit demandé la fdle
Nazo en mariage ; que les parens y co n se n tire n t, et y mirent
seulement pour condition que le mariage seroit célébré par
un prêtre grec , selon le rite et usages de cette religion. L e
général Destaing parut d’abord désirer que son mariage fut
célébré par un prêtre latin ; mais enfin il se rendit aux vœux
de la famille; il consentit que le mariage fût célébré comme on
le désiroit, et il le fut en effet le lendemain du jour des Rois,
correspondant, dans église g r e c q u e ,
]anvier. L e Témoin
1
ai^ 7
fut invité com m e p a r e n t, et assista à Ja cérémonie , qui eut
lieu
�( 33 )
lieu dans l’éfllise d e^ aint ‘N ico las, au'lGrand-Caire , put üii pa*\
triarche grec. Après )a'célé;bïationq les épdux furent ncconvj
pagnésdans la’maison do gétfêlral-,; o ù Til y eut un grand repas au
quel assista également le'-'dépbsantP II y ' ’avoit à ce.repas divers«
g é n é r a u x , e n tr’a u tre s'|le s,généi'aux!i&lënou,jrlDelzonsi,'Lagvange;
et Régnier. C e témoin ajoute' qu'il >'partit à l’époque de l’éva
cuation des Français du C aire, kvec la famille N a z o , sur un
bâtim ent-grec qui.relâcha à Céphalonie ; que la dame Nazo y
accoucha d ’une fille qui fut baptisée en ladite île de (Jélaplio^
n i e , dans l’église grecque , et par un prêtre grec ; et que le
'
parrain de l’enfant fut un officier des chasseurs d’O r ie n t , nom
mé Joseph Syffi.
Cette déclaration ne s’accorde pas avec c e lle 'd e Barthélemi
Séra. Suivant c e dernier , ' c est le'g én éra l Destaing qui voulut
un prêtre grec , malgré les ré’m ôntrahcës de Barthélemi ; et suivant l’oncle d’Anne , le général liestain g vouloit un prêtre latin,
et la famille N azo exigeoit un prêtre grec. O n ne sait plus à qui
entendre ; et il est malheureux pour A nne d ’étre réduite à sa
propre famille , pour prouver1 le seul fait intéressant dans sa
cause—Suc.ls~ baptême de la fille , il y a encore quelque chose
qui cloche. Suivant c e té m o in 1, Anne â acco u ch é dans l’jje de
Céphalonie. D ’après A n n e elle-même , elle ne put re lâ c h e r, et
accoucha à bord du navire.
L e baptême eut lieu dans une
chapelle isolée sur le bord de la mer ; ici c ’est dans une église
grecque de l’île de Céphalonie.
Le huitième témoin est Ibrahim T u tu n g i ; c’est le fr è r e utérin
de Sophie M i s c h , épouse Nazo. Il a été reproché à raison de
cette parenté ; mais il a assisté au mariage de sa nièce avec le
général Destaing , et ce mariage a été célébré dans l’é l i s e de
saint Nicolas , p ar un patriarche grec. Il alla de là au repas de
noces ; mais il étoit trop jeune , pour se rappeler quelles étoient
les personnes qui y étoient. Il se rappelle cependant qu il y avoit
divers généraux. Il raconte , com m e le précédent témoin , que
sa nièce relâcha à Céphalonie , où elle accoucha d’une fille,
E
-x
�( 34 )
qnî fu t baptisée ; ¿n sa présence , dans u n e 'égliae grecque ¡et
par un prêtre grec ; mais il ne s é~rap pe ï ï ê p a s q i\e 1 iut le parrain.
V ie n t ensuite un autre Joseph Tutungi. ,r;marÀide la,mère de
Sophie Misch ( i l p a r o itq u e les femmes de cette famille se
m a rie n t souvent ). S uivant'lui , il y eut quelque difficulté pour
le mariage. Le g é n é ra l voulait un prêtre latin , et la famille
Nazo vouloit un prêtre,grec. L e général se rendit enfin , et ce
fut un patriarche grec qui le maria dans l’église saint Nicolas.
T h t u n g r y 'ëTmK'J'G’e fut Papas .Ouglou , colonel de la légion
grecque i qui fut parrain. V in t ensuite le repas , où il assista avec
quantité de généraux et d’Egyptiens notables.
Après l’évacuation du Caire , T u tu n g i s’embarqua avec la
famille Nazo sur un bâtiment grec , qui relâcha à Céphalonie.
Là , Anne Nazo y accoucha d’une fille , qui fut baptisée dans
une église grecque et par un prétrë'grëc : le parrain est Joseph
S y f ï ï T é >l¡TTrïnrr îfr?‘ta_; feffTÏÏfG' Nazo , aïeule de l’enfant,
i L e d ixièm e-tém oin est Joseph Misch , fr è r e de Sophie et
7
3
oncle d ’Jdrme.\ Sa déclaration est littéralement copiée sur la
précédente ; seulement il a vu au repas les généraux Lagrange
et Delzons ; et c e dernier * parent du général D e s ta in g , assistoit à la cérémonie. M êm e déclaration sur l’accouchem ent
d’Anne dans l’île de Céphalonie.
T e ls sont les témoins de Marseille. Sur dix té m o in s, cinq
sont les plus près parens d’Anne ; deux autres sont signataires
de l’acte de notoriété. Trois , parmi lesquels est un des m aris
de Sophie Misch , ne déposent que par o u ï-d ire ; et sur les
cinq qui prétendent avoir assisté au mariage , pas un n ’a
désigné le patriarche d ’ A le x a n d r ie , quoiqn’Anne ait toujours
cmirenu nue c ’étoit ce patriarche qui avoit célébré son mariage,
et quoique l’arrêt lui ordonnât expressément de prouver qu’elle
avoit été mariée par le patriarche d’Alexandrie.
A n n e a voulu se faire un moyen dans son dernier mémoire ,
de ce <]ua la Cour , par son a rrê t, avoit réduit l’interlocutoire
prononcé par le tribunal d e Mauriac ; mais il semble que cet
�35
(
)
argum ent doit se rétorquer contre elle a vec beaucoup d avan
tage ; car si la Cour a voulu abréger les détails et prononcer
dans l’intérêt d'ANNE , il faut convertir aussi qui; plus elle a
voulu faciliter les preuves et les m o ye n s., plus elle doit s en
tenir à l’exécution littérale et rigoureuse der son arrêt. Il est
évident que la Cour a fait dépendre sa conviction de ce fait
unique et e x c l u s i f , q u ’ANim avoit' été mariée avec le général
Destaing , publiquem ent e t so le n n e lle m e n t, p ar le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rit grec , et lesnformes et usages
observés dans le pays..
;p ; ;
.ii
•'
L e patria rche d ’A le x a n d r ie étoit exclusivement en vue ,
désigné par la partie intéressée / co m m e iayantiété le ministre
du mariage , parce qu’il étoit plus élevé en dignité , et q u i !
-vouloit ou devoit honorer un gén éral’ français, a.
O r , sur sept témoins de'Marseilletqui'prétendent avoir assisté
à la cérémonie , pas un n’a nommé ce patriarche d A le x a n
drie ; c ’étoit cependant une anecdote remarquable , qui ajou
tait à la solennité , et qu’on n’auroit pas manqué de relever si
en,- effet cela avoit eu lieu.
'
Mais comment se fait-il surtout , .qu’il ne se soit trouvé à
une cérémonie a u ss i’auguste et aussi imposante, qui faisoit ,
suivant quelques!témoins , tant de bruit au Caire , dont tout
le monde s’o c c u p o it, qu ’un c a p o r a l, un b ijo u tie r , un aven
turier sans p r o f e s s i o n et les-plus près parens d ’A n n e ; q u ’auc n n homme de marque ,
c h e f de l’état major ou de
l’administration n y ait assisté? c ’est là c e qui est absolument
invraisemblable, et prouve l’imposture de quelques misérables
réfugiés dans un réduit obscur à Marseille , tous déposant sous
le m ême interprète et> d ’ une manière uniforme , tous , même
Sophie Misch , requérant taxe. Ajsjse ne devroit-elle pas rougir
d en être réduite à ce s petits moyens , pour s’in tro du ire dans
une famille,qui la repousse justement de son sein?
lit qu Anne ne dise pas qu’elle a ù combattre des colla téra u x
avides / ces déclamatious .bannalcs ne peuvent faire impression.
E 2
�30
((¡
»
Ces i colla téra u x ¡ne cherchent! pointpà envahir la fortune de
leur frère ; mais ils défendent le patrimoine de leur père ,et de
leur mère , l’honneur ide leur famille , et ne veulent pas ad
mettre légèrement.des êtres obscurs et inconnus qui* n’ayant
rien à perdre , chèrclient à dépouiller des héritiers légitimes.
Il reste à parcourir les enquétesiqui ontieu lieu à Aurillac et
à Mauriac / discussion aride dans une cause d’-uri grand intérêt.
La premièré-est celle»faite à A u r illa c ..
• Antoine Delzons j président du tribunal , déclare qu’il a
été assigné fort inutilement ; qu’il n’a aucune iconnoissance
personnelle des faits interloqués; mais qu’étant à Paris lors de
l ’arrivée du général Destaing ,,il ignora pendant long-temps les
bruits >de son. prétendu i mariage. Ces . bruits se répandirent
environ six semaines après, à l’occasion de quelque lettre écrite
de T arente par un habitant d’Aurillac , qui avoit vu arriver à
T arente la famille N a z o , dont tune fdle se disoit épouse du
général Destaing. La dame Delzons , belle - fille du témoin ,
demanda au général s’il étoit effectivem ent marié ; celui - ci
répondit en plaisantant , que sa femme pouvoit l’être , mais
q u e lui ne l’étoit pas..'M. Delzons n’étoit pas présent à cette
réponse ; mais quelques jours après le général étant venu chez
l u i 1, la dame Delzons lui dit , en présence du général : « Vous
« ne savez pas , Papa , c e que dit M. Destaing ; il prétend
« n’être pas marié , et que sa /emme l’est. A quoi le général
« répondit : Cela vous é to n n e . ; i l y en <a bien d'a utres. .»
M. Delzons prenant alors la parole , dit à son neveu que
c ’étoient là de mauvaises plaisanteries. Si c ’est votre femme ,
lui dit-il , vous devez la garder ; si elle ne l’est pas , vous ne
deviez pas la prendre. Le général savoit bien que son oncle
n ’approuvoit pas ces sortes de plaisanteries ; en conséquence il
ne. lui en parla'plus , et M. Delzons évita aussi de lui en parler.
Mais quelque temps après r le général Destaing ayant appris
que la famille Nazo étoit arrivée a L yo n , vint trouver son oncle ,
pour le prier de demander à un sieur Fulsillon qui avoit une
�(
37
)
i maison de banque à L y o n , s’il pouvoit lui procurer une lettre
de change de 1,000 fr a n c s , payable à vue. Il vouloit envoyer
■'Cet argent ¿1 cette fe m m e pour se rendre à M a rseille . Ils sont
là une troupe , dit-il ; quand j’aurois pris la füle , je n’ai pas
épousé tout cela ; i l y a un enfant , j ’a urai soin de la mère
et de Venfant ; c ’est tout ce que j e dois. Depuis il ne fut plus
;question de ce mariage , ni de la dame Nazo ; d’autant mieux
que le déposant avoit demandé au g é n é ra l, lors de la dernière
'con ye£ ja tion , si son mariage avoit été fait'devant un Commis
saire des guerres ou ordonnateur , _comme l’ciyp.it.été celui du
général Delzons son fils , et Je général Destaing répondit que
non.
M. Delzons est interpelé sur un point très-im portant. A n n e
vouloit tirer de grandes inductions de ce que M. Destaing père
s’éioit fait nommer tuteur de l’enfant. Elle insinuoit que M. D e s
taing père ne s’étoit porté à cette démarche que par le conseil
de M. Delzons, son beau-frère, et parce que sans doute le g é
néral Destaing, avant sa mort, avoit fait à son oncle des révé
lations sur ce prétendu mariage; révélations qui étoient de
nature à faire solliciter M. Destaing de recevoir et de reconnoitre A n n e pour sa belle-fille.
M. D e lz o n s , requis de s’expliquer à ce s u je t, répond que la
conversation dont il vient de rendre compte , est la dernière
dans laquelle le général Destaing lui ait parlé de la famille
Nazo ; au point que quoique Joanny Nazo fût arrivé à Paris
plusieurs jours avant la mort du g é n é r a l, qu’il logeât dans le
même h ù t e l, et quoique M. Delzons eût passé une partie de
la soirée avec le g én éra l, la veille de sa m ort, il ignoroit l’arrivée
de N azo, et n’en fut instruit que le lendemain pendant l’appo
sition des scellés. Nazo entra chez le général pendant l’opération ;
il ignoroit sa m o r t , et il fit insérer au procès verbal du juge
de paix que le général avoit épousé une de ses filles , âgée de
seize ans , devant le p a triarc h e d ’A lexandrie ; circonstance que
Delzons avoit ignorée jusqu’alors. Mais allant iaire
le
M.
avec
�C 38 )
sieur M eot, maître de l’h ô tel, la déclaration du décès à la m u
nicipalité, il fut jnterpelé de déclarer si le général étoit marié;
la déclaration de Nazo l’engagea à répondre qu’o n .le croyoit
marié avec A nne N a zo ; ce qui fut inséré dans l’acte de mort';
q u ’au surplus le général Destaing ne lui a fait aucune autre
déclaration.
M. Delzons ajoute que le général son fils avoit quitté Paris
lorsque le bruit de ce mariage se répandit; il ne put dès-lors
lui demander ce qui en étoit. D e retour à A u rilla c . celui-ci lui
dit qu’il y .avoit eu une cérémonie religieuse dans la maison
Nazo, à laquelle il avoit assisté , mais q u’il étoit seul de Français ;
que queîqïïë- temps après le général jjesta in g étant le parrain
de son fils , il donna à cette occasion un grand souper aux prin
cipaux officiers qui étoient au Caire , disant que c ’étoit pour
le baptême d’Alexandre D e lz o n s , petit-fils du témoin.
M. D elzo n s, dans cette déclaration , s’est exprimé avec autant
de franchise que de loyauté. On voit qu’il n’a eu de son neveu
aucune confidence; que le général se permettoit des plaisan
teries sur ce prétendu mariage ; il est bien éloigné de faire venir
A nne à Paris, il veut au contraire qu’elle se rende à Marseille-:
on sait même qu’il en avoit donné l’ordre à A n n e , qui s’est bien
gardée de montrer cette lettre. On y auroit vu qu’il ne la traitoit
pas en épouse ; et le secours qu’il lui fait p a rve n ir, annonce
plutôt un sentiment de compassion que de tendresse. M. Delzons
n a parlé de mariage que sur la déclaration de N a z o , qui alors
ne pouvoit être contredit; il ne l’a donné que com m e un doute;
et c e qu’il a appris de son fils sur une cérémonie qui avoit eu
lieu à huis clos, donneroit le démenti le plus formel à toutes
les déclarations.faites à Marseille par toute la famille d ’ANNB.
A u surplus, cette famille ne néglige pas les petits détails, car
to u s , jusqu’à Sophie M isch , se sont fait taxer à 6 francs pour
leur déposition.
Anne Julie V a r s i, épouse du général Delzons, second témoin,
déclare que le 29 nivôse an 9 , elle n’étoit pas dansjla ville du
�( 39 )
3
Caire ; elle y arriva le lendemain o , pour y joindre le général
D e lz o n s , son mari. A son arrivée au C a i r e , elle avoit appris
qu’Ai<NE Nazo avoit été conduite à l’entrée de la n u i t , la v e ille ,
dans la maison du général Destaing-, mais qu’il n ’y avoit eu
aucune pompe ni cérémonie d’usage pour les mariages qui se
font dans le pays, suivant le rite g r e c ; il n ’y eut m êm e le soir
de l’introduction d’Anne Nazo dans la maison du général D e s
taing , aucune espèce de fêtes qui sont en usage dans le pays.
U ne douzaine de jours a p r è s , la dame Delzons ayant un enfant
de d eu x m ois, voulut le faire baptiser suivant les usages observés
dans la religion catholique; le général Destaing fut choisi pour
parrain, et donna à cette occasion un grand souper et un bal
chez lui. Les officiers de l’état major, et notamment le général
M e n o u , y assistèrent. A n n e Nazo , sa fa m ille , et plusieurs autres
liabitans du Caire, y étoient aussi. A n n e Nazo occupa la place
de la maitressede la maison. L e patriache d ’Alexandrie n’assista
pas à cette fête. 11 n’y eut ce soir là aucune cérémonie reli
gieuse ; mais elle a ouï dire que le jour qu’ANNs N azo avoit
été conduite chez le général, il y avoit eu une cérémonie faite
par le patriarche d’Alexandrie , à laquelle peu de personnes
avoient assisté. Cependant elle observe que ces sortes dé cé rém o
nies religieuses se faisoienten présence de toutes lespersonnesjde
la n o ce, et très-publiquement. Elle a resté au Caire jusqu’à son
départ pour la F ra n ce, et pendant ce temps le général Destaing
ne donna pas d’autre fête que celle du baptêm e; il n’avoit
même donné jusque-là aucune fête ni repas p o m p eu x , et la
dame Delzons n’avoit pas vu A n n e avant cet époque.
La dame Delzons ajoute qu’il y a des églises au Caire pour
le culte grec ; mais que pour l’ordinaire les cérémonies du ma
riage se font dans la maison.
1
Elle sait aussi qu’ Anne et sa sœur Marie ne sont pas filles
de N a z o ; qu’elles sont filles de Sophie Misch et d’un bijoutier
Arménien dont elle ignore le nom. Elle déclare encore q u ê ta n t
à Marseille, Joauny Nazo lui avoit dit qu’il avoit écrit au Caire
�( 1 ° }
pour avoir une expédition de l ’acte de célébration du mariage
de sa fille, mais q u ’on lui avoit fait réponse que le patriarche
étoit mort et l ’église brûlée.
Sur l’interpellation que lui fait l’avoué d’ANNE, si elle étoit
regardée com m e la femme du général D estaing, et si on lui
rendoit les honneurs dûs à ce titre, elle croit qu’on la regardoit
comme telle, et qu’on lui rendoit à cet égard les honneurs qui
lui étoient dûs: elle-méme la croyoit femme du général ; mais il y
avoit plusieurs officiers français qui vivoient avec des femmes
qui portoient leurs n o m s , quoiqu’elles ne fussent pas mariées.
Elle les a vues dans les sociétés, com m e femmes de ces officiers,
et traitées com m e telles.
T e lle est la déclaration de la dame D elzons , qui ne laisse pas
que d’avoir quelqu’importance dans la cause. E t d’abord , elle
prouve qu’il n’y a pas eu de féte le jour des prétendues n o ces,
quoi qu’en aient dit quelques officieux. C e n’est que quelques
jours après qu’il y eut un grand r e p a s , et à l’occasion du bap
tême de son fils. La dame Delzons assure bien positivement
q u ’il n’y a pas eu d’autre féte chez le général Destaing. Elle a
dû croire sans doute qu’ANNE étoit m a rié e , parce que l’épouse
légitime d’un général ne devoit pas se trouver avec une co n
cubine ; qu’on a dû le lui faire entendre ainsi. Mais on savoit
déjà par la lettre du général Destaing que la jeune G recque
fa is o it les honneurs de sa m aison; et la dame Delzons nous
apprend bientôt après qu’il y avoit au Caire beaucoup de femmes
de c e genre.
L e troisième témoin est Françoise Grognier ; elle s’est trouvée
à Lyon lors de l’arrivée du général Destaing dans cette ville ,
à son retour d’Egypte ; elle fut invitée par lui à dîner dans son
hôtel ; e t , pendant le d in e r , elle demanda au général quand
il mèneroit sa femme ; qu’on disoit à Aurillac qu’il avoit épousé
une belle G recque. L e général lui demanda qui lui avoit dit
cela ; elle lui répondit que c étoit un bruit public. L e général
lui dit : Elle est passée d un coté et moi de l’autre, en'montrant
les
�(4 0
les deux points opposés ; c e n’est pas le moyen de se rencon
trer. La conversation changea , et il në fut plus question de
cela.
Etant un jour dans la chambre de la dame N azo , à Àurillac,
M. Destaing le père étoit présent, et lui dit tout bas de deman
der à A n n e de quelle manière elle avoit été mariée. L ’ayant
fait , la dame Nazo lui répondit qu’étant devant le prêtre ou
patriarche, il lui avoit mis au doigt un anneau jusqu’à la pre
mière phalange, et que le général avoit fini de l’enfoncer jus
qu ’à la fin du doigt. M. Destaing ayant prié de lui demander
si le prêtre avoit écrit sur le registre, la dame Nazo lui répondit:
O u i , p rêtre, grand livre, écrire. La déclarante a entendu dire
par la dame D elzo n s, qu’AîiNF. avoit été mariée, que son mari
y étoit présent. E t lui ayant demandé si on avoit fait quelque
ié te , elle lui répondit qu’il n’y en avoit eu aucune ; que quelque
temps après, le général Destaing donna une grande fê te; mais
c ’étoit pour le baptême du fils D e lz o n s; et le général Destaing
avoit dit à la fam ille Nazo que c ’étoit sa noce q u ’il célébroit.
O n l ’interpelle de déclarer si madame Delzons avoit entendu
elle - m êm e ce propos du g é n é r a l, elle répond que la dame
Delzons ne s’étoit pas autrement expliquée ; que d’ailleurs elle
ne lui avoit fait aucune question à c e sujet.
Cette déposition est à peu près indifférente pour les faits in
terloqués. C ’est une femme d’Aurillac , qui n’a aucune connoissance de ce qui s’étoit passé en E g y p te ; et la seule induc
A nn e
tion qu’on puisse en tirer, c ’est q u e , d ’après
elle-même,
les prêtres grecs avoient des registres pour inscrire les mariages.
E
nquête
de
M
auriac
.
Joseph Fel , demeurant à Maurs , a fait partie du premier
bataillon du Cantal. Le général Destaing le prit a son service,
pour avoir soin de ses c h e v a u x ; il l’a accompagné en Egypte ,
et demeuré à son service continuellem ent, jusqu’au départ du
F
�42
(
)
général pour la France. D ans le temps qu’il étoit au C a ire , le
cuisinier du général lui apprit qu’on avoit amené une fem m e
au général Destaing; que quelques jours après le général donna
un grand repas où assista tout l’état major de la division du
C a ir e , notamment le général Menou. Cette fem m e, dont il ne
se rappelle pas le n o m , y étoit; il l’a entendu appeler madame
Destaing. A la suite du repas il y eut un bal. Il partit ensuite
a v e c le général pour Alexandrie ; mais cette fem m e resta au
Caire ; et deux mois après le repas et le bal dont il vient de
parler, le général Destaing partit avec lui d’Alexandrie.
On demande au témoin s’il sait ou s’il a ouï dire qu’Anne
N azo ait été introduite chez le général Destaing avec pompe
et magnificence ; il n’en sait rien : le cuisinier lui a appris que
cette femme avoit été amenée dans la maison du général; il ne
lui a donné aucuns détails; il croit au contraire que ce cuisinier
lui a dit qu’il n’avoit pas vu entrer cette fem m e chez le général.
L e jour de son en trée, il n ’y a eu aucune fé t e , et il ne s’est
rien passé d ’extraordinaire dans la maison. L e jour du repas , il
n’a aperçu aucune cérém onie religieuse; il n’a vu que boire,
manger et danser. Il n ’a pas vu donner d’autre repas ou d’autre
bal que celui dont il vient de parler. On disoit publiquement
que Joanny Nazo n’étoit que le parâtre d’AnNE ; pour elle il ne
l’a jamais vue ; elle ne s’est jamais promenée sur les chevaux
du général; et com m e le général n ’a pas habité sous la tente au
C a ire , Anne Nazo n’a pu se trouver avec lui. On demande au
témoin s’il a vu faire des mariages suivant le rite grec ; il répond
qu’étant à la croisée de la maison du général D estaing, il a vu
passer deux personnes bien p a r é e s , sous un dais et à pied ;
elles étoient accompagnées aussi de plusieurs personnes aussi
bien p a ré e s, et précédées par des musiciens montés sur des
cham eaux : ce cortège se promenoit dans les rues ; et on dit au
déclarant que c ’étoit un mariage.
Il est assez singulier qu on veuille que le général Destaing
se soit marié sans que ses domestiques s’en soient aperçus ; et
�( 43 )
il est maintenant bien prouvé qu’il n 'y a eu aucune féte le jour
du prétendu mariage d’ANNE.
1
Jean Biron , autre témoin , menuisier de profession, a fait
partie du premier bataillon du G antai, et de l’armée d’Egypte, ou
il est arrivé en l’an y. Il étoit sergent ; il fut blessé ; on lui permit
de travailler de son état de menuisier. Il fut souvent employé
par plusieurs officiers de l’état major , et notamment par le gé
néral Destaing. Un soir qu’il alloit souper avec les domestiques
du général, se trouvant avec le valet de chambre et le cu isin ie r,
l’un d ’eux lui dit que l’on amenoit une femme au général ; il
se plaça à l’endroit où elle devoit passer ; il ne put voir sa figu re,
parce qu’elle étoit voilée : elle étoit avec une autre également
voilée. Il y avoit des esclaves dans la cour ; il n a pas vu le
général l’aller p re n d re , ni monter dans le degré : il ne sait pas
m êm e si le général étoit dans son appartement. Il se retira de
suite dans la c u is in e , pour n’avoir pas l’air de s’occuper de ce
qui se passoit. Il ne crut pas devoir témoigner de curiosité ,
parce que cette introduction fut faite à l’entrée de la nuit. Il ne
sait pas s’il y a eu un m ariage entre A n n e et le général ; il n’a
pas connoissance qu’il ait été donné une féte ou un repas à cette
occasion. D ouze ou quinze jours après , il fut employé pour
dresser des tables pour un grand repas qu’il y eut ch ez le général;
il apprit des domestiques de la dame D elzo ns, que c e repas étoit
donné pour le baptême du fils de cette d a m e, dont le général
Destaing étoit le parrain. L e général Menou , le général D elzons,
et plusieurs autres qu’il n o m m e , assistoient à cette féte ; il y
avoit aussi des femmes ; et lorsqu’ils se levèrent de ta b le , le
témoin aperçut A nne N azo auprès du général Menou. L e bal
com m ença de suite, et il ne s’est aperçu d’aucune cérém o n ie
religieuse. Lorsque le général Destaing partit pour A lex an drie,
Anne Nazo n’étoit plus dans sa maison. Le général chargea le
témoin et le valet de chambre de veiller à sa maison. Quinze
jours après, l’aide de camp du général Destaing, nommé M a u r y ,
vint chercher du vin et autres provisions pour transporter à
F
2
�( 44 )
A.lexatidrie ; en m ême temps cet aide de cam p fît emballer les
objets les plus précieux , les fit porter chez le général Dupas ,
commandant'la citadelle du Caire : le témoin les a vu déposer.
L ’aide de cam p lui dit que le,général lui recommandoit sa maison
et ses chevaux., et ¡que s’il avoit besoin de quelque c h o s e , il
pouvoit s a d r.esse r ;a capitaine
son corps.
Q uatre on cinq jours après, le déposant s’apercevant qu’il n’y
avoit pas dft $ùrqté au C a ire, conduisit les c h e v a u x , l’orge et la
paille à. la- c ita d e lle , et s’aperçut-qu’ANNn Nazo , sa mère et sa
s'œtfr,.¿toient dans un appartement à côté de celui de la dame
Pelzon s. Il n,e sait pas si la personne voilée, qui s’étoit introduite
u
d’habillement de
ch ez le général Destaing, étoit A isn e , mais il l’a ouï d ire; il a
aussi ouï dire que Nazo n’étoit que son paratre ; néanmoins il
l’ a vu dans le même appartement de la citadelle, où étoit A n n e .
Il n a pas connoissance qu’il ait été donné d’ autre fête dans la
maison du général Destaing , que celle dont il a parlé , quoiqu’il
fut très-habituellement dans cette maison, et qu’il fût particu
lièrement appelé toutes les fois qu’il y avoit quelque chose d’ex
traordinaire.
Il ¡y a eu environ deux mois d ’intervalle entre l ’introduction
d’ANNK et le départ du général Destaing.
Il a vu une fois trois ou quatre personnes sous un dais, suivies
d ’un grand nombre d’autres à pied, précédées par une trentaine
de musiciens montés sur des chameaux. Il vit passer ce cortège
dans la r n e , des fenêtres de la maison du général D estaing; il
se rendoit vers le quartier de l’état major. Une autre fois il a
entendu beaucoup de cris et de grosse joie dans des maisons :
on lui a dit dans l’une et l’autre circonstance que c ’étoit des
mariages.
Il a assisté à la messe du patriarche d’Alexandrie, dans une
chapelle à côté du cam p; mais il n’a point aperçu ce patriarche
au repas dont il s agit.
Il étoit présent a 1 acte civil du mariage du sieur Miquel avec
une Italienne. C et acte fut reçu par le commissaire des guerres
�45
(
)
Deliard , et signé en sa présence par Remondon,- commandant,
Grand, quartier-maître, et par C o u d ert, capitaine, tous de la
quatrième demi-brigade d’infanterie légère. L ’usage des oificiers
étoit de vivre avec des femmes, sans qu’il y eût d’ union légitime;
et cet usage s’étendoit même jusqu’aux bas oificiers. Enfin il
atteste que le jour de l’introduction des femmes voilées il n y
eut aucune féte chez le général.
Cette déposition a un ton de vérité qui s’accorde parfaitement
avec les relations des Français qui ont fait le voyage d’Egypte.
Ils en ont rapporté une bien mauvaise idée des mœurs et des h a
bitudes des G recs , qui en général ont emprunté des T u rc s tout
ce qu’ils ont de licencieux , et surtout leur mépris pour les
femmes. Il n’en est pas un qui n’ait parlé de ces liaisons tem
poraires et déréglées, dont on pouvoit calculer le prix sur la
durée du marché et sur les charmes de celle qui se prostituoit.
Il manquoit à cette enquête la déclaration du général Delzons,
cousin germain du général Destaing , et qui ne l’avoit pas quitté
pendant son séjour en Egypte. L ’arrét de la Cour sembloit exiger
qu’il lût entendu , soit à la requête d’ANNE , qui avoit invoqué
son témoignage, soit à la requête des héritiers Destaing.
Mais ce fut impossible : le général Delzons est retenu par soi
service à C a t t a r o , ville de la Dalmatie , dépendante autrefois
des Vénitiens. Il n’ y avoit alors rien d’organisé ; on ne savoit à
qui adresser une commission rogatoire , à plus de trois cents
lieues de distance. Une lettre lui parvient. Informé par sa famille
qu’il doit être assigné pour déposer juridiquem ent, et déclarer
tout ce qu’il sait sur le prétendu mariage du général Destaing
avec A nne , mère de M arie , il donne toutes les explications
qu’on pouvoit désirer.
Sa lettre, en date du 17 janvier 1809, a été signifiée à A n n e ,
comme pièce du procès. Il répond qu’il auroit bien désiré ne
pas. être cité dans cette affaire ; il avoit eu le m alh eu r d agir
pour engager M. Destaing père à recevoir chez lui A n n e et s a
iille, et à leur donner les secours hospitaliers dûs au malheur.
�( 4 6 }
Il s’attendoit alors qu’ÂNNE, mieux conseillée, et connaissant
l ’avantage insigne qu’on lui avoit fait, se conduiroit de manière
à le m ériter, à ne pas obliger les frères Destaing de rechercher
son état et celui de sa fille. Il espéroit aussi que par attachement
pour e l l e , par respect pour la mémoire du g é n é ra l, les frères
Destaing auroierit consenti à faire le sacrifice du peu qui leur
revenoit dans cette succession, pour la laisser en partage à cette
M a r ie , et au premier fils naturel du général , qui étoit à
Carcassonne.
Le général Delzons apprend qu’il s’aperçut bientôt de son
erreur. « A n n e ( écrit-il aux frères Destaing ) oublia le service
qu’on venoit de lui rendre ; et par sa m auvaise h u m e u r , le
d éfa u t de son é d u c a tio n , les conseils d’un misérable D upin ,
qui gouvernoit à Paris N a z o , mari de la mère d ’ANNE , elle
apporta le trouble , le désordre et la division dans une famille
p a is ib le , fit le tourment de tous , et principalement de votre
respectable m è re , encore si affligée de la perte de son fils.
« D ès-lors, ajoute le général , je pris le parti de ne plus me
mêler de ses affaires. Mes représentations souvent réitérées ,
celles de mon épouse qui la fré q u e n to it, ne purent prévenir
les scènes scandaleuses qui se renouveloient à chaque instant et >
sous les prétextes les plus frivoles. Nous dûmes nous reprocher
nos démarches pour Anne , un sort malheureux qui lui étoit ré
servé , et qu’il n’avoit pas dépendu de nous d’éviter.
« Le général entre ensuite dans les détails ; il raconte que
N a zo et D u p in se rendirent à Aurillac. Q uelque temps après
ils annoncèrent leur départ pour Marseille. A n n e voulut les
s u iv r e , sous prétexte d’aller voir sa mère. Au lieu de prendre
]a route de Marseille , ils prennent celle de Bordeaux. Annk
laissa à Aurillac M a rie , sa fille , en promettant de revenir
bientôt. Elle "étoit arrivée à Aurillac sans être attendue d’au
cun des parens Destaing ; ils ne furent prévenus de son arri
vée que lorsqu elle étoit A peu de distance de la ville.
- « Bourdin avoit mal interprété une lettre de M. Delzons
�/
( 47 )
père. Il prit sur lui de faire partir de L yon A u n e sans en avoir
reçu aucun ordre. C e fut alors que le général Delzons crut
devoir faire des démarches pressantes auprès de M. Destaing
père ; il n’y avoit pas de temps à perdre , et M. Destaing ne
consentit à recevoir A n n e et sa fdle , qu’ au moment où on fut
averti que la voiture qui les portoit étoit déjà à la porte de la
ville.
« Relativement à c e qui s’est passé au Caire , le général
atteste q u ’i l est f a u x qu’il y ait jamais eu île m ariage lég i
tim e entre le général Destaing et A n n e ; aucun acte civil ni
religieux n’a été rédigé ; et il sa it très-positivem ent que le
général Destaing s’est constamment refusé à ce qu’il en fut
rédigé d’aucune espèce , disant à qui vouloit l’entendre , qu il
n 'è to it p as m arié. C ’est ainsi qu’il s’est expliqué souvent en
présence de son c o u s in , en s’entretenant avec différentes per
sonnes qui lui demandoient s’il étoit marié avec A n n e ; il
répondoit ainsi au Caire , à .A lex a n d rie et à P a n s , à toutes
les questions semblables q ui lui étoient faites ; c ’est ainsi et
dans les mêmes termes qu’il répondit à son père , qui lui avoit
écrit pour s’assurer de la vérité de ce mariage.
« L e général Destaing n ’avoit voulu contracter avec A n n e
qu’un de ces arrangemens fort en usage en E gypte ; une sorte
de concubinage toléré dans ces contrées. Cependant , voulant
q u ’ANNE fut respectée dans sa maison , il consentoit qu’elle se
qualifiât du titre d ’épouse ; aussi n ’étoit-elle connue que sous
le nom de m adam e D estaing.
«
A nne
n’est entrée dans la maison du général au Caire que
le 29 nivôse an 9 , à huit heures du soir. P eu de temps aupara
vant le général Delzons étoit au théâtre avec son cousin ; ils
sortirent ensemble ; ils ne s’étoient pas quittés de toute la
journée. Personne ne sait m ieux que lui (D elzo n s ) tout c e
qui eut lieu ; il n’y eut aucune cérémonie à l’église des Grecs ,
com m e on le prétend. A n ke se rendit sans p o m p e et sans bruit
chez le général , accom pagnée d ’une partie de ses pareils. L e
�général étoit seul avec son cousin ; aucun de ses aides de camp
ne s’ y trouvoit dans ce moment.
<c A l’armée d’Orient il n’y a pas eu un mariage légitime
ontre un Français et une Française , ou habitante du pays ,
l’importe de quelle religion qu’elle fût , qui n’ait été reçu par
>n commissaire des guerres, faisant fonction d’officier civil. Le
¡énéral Delzons dit q u ’il peut citer un grand nombre d’exemples
Je ce qu’il avance : chaque commissaire des guerres chargé du
service d’une place im portante, tenoit un registre a d h o c , sur
lequel tous les actes civils étoient inscrits. Son mariage, reçu
par le commissaire des guerres A g a r d , étoit sur le registre de
la place de Rozette ; l’acte de naissance de son fils, reçu par le
commissaire des guerres P i n e t , étoit sur le registre de la place
du Caire. T o u s les actes reçus par les commissaires faisant
fonctions d officiers civils, étoient soumis à l’enregistrem ent,
conform ém ent à l’ordre de l’armée , des o fructidor an 6 , et 21
vendémiaire an 7 , sous peine de nullité. Les ordonnateurs Remon-
3
don et Sartelon ont reçu des actes de mariage. Les commissaires
des guerres D e lia r d , à Alexandrie ; A g a r d , à Rozette ; P in e t, au
C a ire, en ont reçu plusieurs. L e commissaire des guerres T a r
d ieu , qui s’est marié à D a m ie tte , avec une G r e c q u e , a fait
recevoir son acte de mariage par un de ses collègues. C ’est
ainsi que se sont célébrés tous les mariages légitim es, et aucun
différemment.
cc Mais on trouvera dans cette armée un grand nombre de pré
tendus mariages, qui n’ont eu de durée que le séjour de l ’armée
en Egypte ; celui du général devoit être de c e nombre : on en
pourroit citer beaucoup d’autres. Un accord entre les p a re n s,
une somme d’argent comptée d’ava n ce , une pension promise en
cas de séparation, ont fait plusieurs de ces unions, communes
en E gypte et dans tout Orient. C est par suite d un pareil arran
1
gement que N azo décida sa fem m e a donner sa fille au général
D estaing; et il n’en a pas existé d autre qui ait pu lier le général
a vec
A nne.
Dans
�(49 )
D ans le courant de pluviôse an g , le général en c h e f Menou
dut o rd o n n er que dans les principales villes de l’Egypte il seroit
tenu registre de l’état c i v i l , tant pour les nationaux que pour
les individus attachés à l’armée. L e registre du Caire a dû être
com m encé par la transcription de l’acte de mariage .du général
en c h e f , et l’acte de naissance de son fils.
« Il est de la connoissance du général Delzons , que le général
en c h e f pressa souvent le général Destaing de faire dresser son
acte de mariage, et de le faire transcrire sur son registre, ce
que celui-ci refusa constamment.
« Madame D elzo n s, remise de ses co u ch e s, vint au Caire au
commencement de pluviôse. L e général Destaing fut parrain
de son fds : l’acte de naissance fut rédigé dans la maison du
père , par le commissaire P i n e t , chargé du service de la place
du Caire. L e général Delzons réunit ses amis à cette occasion :
A s n e n’y vint pas , quoiqu’elle fût chez le général depuis une
quinzaine de jours.
« Après cette cérémonie , le général Destaing donna une
féte à laquelle le général en c h e f , plusieurs généraux et offi
ciers supérieurs furent invités : il a pu dire à A nne que cette
féte étoit pour elle; il disoit le contraire à son cousin, et assuroit à la dame Delzons qu’elle étoit pour elle et pour la nais
sance de son fils. En e f f e t , ce ne pouvoit être pour célébrer
le prétendu mariage, puisque la féte a eu lieu plus de quinze
jours après qu’ANNE étoit entrée chez le général. Il y eut à la
même époque plusieurs fêtes au C a ire , chez les généraux Lanusse, Belliard, l’ordonnateur en c h e f D aure : A nne n’a paru
dans aucune.
« Anne n’est point fille de N a z o , com m e elle le préten d ,
mais bien du premier mari de sa mère : celle-ci épousa Barth é le m i, aujourd’hui retiré à. Marseille. N a zo l’enleva de chez
Barthélemi, et a depuis vécu maritalement avec elle. Anne a
une sœur du premier mariage de sa mère.
G
�C 5° )
« L e général Destaing avoit rendu des services à N azo ; il
l’avoit fait nommer c h e f de bataillon d'une légion g rec q u e , en
récompense de son zèle et de son dévouement aux Français.
N azo en a conservé une grande reconnoissance.
« Il est^faux que Nazo passât pour un homme riche ; tout le
monde savoit qu il étoit prodigue à l’e x c è s , donnant au premier
venu tout ce qu’il avoit quand il étoit ivre; et cela lui arrivoit
presque tous les jours. Il dissipoit ainsi en peu de temps le
profit des fermes qu’il avoit prises. Sa famille a souvent éprouvé
des besoins par son inconduite. Il ne jouissoit d’aucune consi
dération , parce qu’il n’en méritoit aucune. Sa bravoure et ses
services étoient ses seuls titres à la protection de l’a r m é e , et
lui avoient valu son grade dans la légion grecque que le général
Destaing avoit organisée.
« L e général Destaing a quitté le Caire le 20 ventôse an g ,
pour se rendie à Alexandrie ave c une partie de l'an n ée; depuis,
il n’a pas vu A n n e ; il n’a donc vécu avec elle que du 29 ni
vôse au 20 ventôse an 9. Toutes les attestations délivrées à
A n n e, portant son mariage en l’an 8, sont erronnées. Le général
Delzons se borne à une seule observation que lui fournit le
certificat du général Menou. Ce général atteste qu’étant général
en c h e f de l’armée d’Orient , le général Destaing s’est marié
en l’an 8. Le général en c h e f K leber ne fut assassiné qu’en
prairial an 8. Le général Menou prit alors le commandement
de l'armée. L e général Destaing commandoit la province de
Rozette ; il n’ a été rappelé de cette province qu’en brumaire an
g , lorsque la division L anusse se rendit d ’A lexandrie au Caire,
et qu’elle lut remplacée par celle du général Friant. Le général
'¿ayouchck releva à Rozette le général Destaing. Ce m ouve
ment est assez connu de l’armée d’Orient, pour n’étre contesté
par personne. Le général en c h e f Menou est encore dans l’er
reur
q u an d
il dit : D opres cette déclaration solennelle (~ du
général D e s t a i n g J » Jti m engageai à y a ssister , a in si q u ’ au.
�(5r)
repas, q u i eu t lieu après le m ariage; je remplis ma promesse :
to u t s ’y passa avec la plus grande rég u la rité, et te l q u ’i l d e
voir. ê tr e , sous les rapports civils e t relig ieu x.
« L e général Delzons répète qu’il n’y a eu aucune cérémo^
nie de mariage; que le général en c h e f Menou n’a pu assister
à aucune ; que le repas dont il parle n’a eu lieu que plus de
quinze jours après l’entrée d’ANNE chez le général Destaing.
L e général en c h e f ne peut pas dire que tout s’y passa avec la
plus grande régularité, sous les rapports civils et re lig ie u x , puis
qu’il ne fut dressé aucun acte civil de mariage, qu’on n’eût pas
manqué de faire rédiger par l’ordonnateur Sartelon , signer du
général en c h e f et des généraux invités, comme cela s’est pra
tiqué pour les mariages légitimes auxquels le général Menou
avoit assisté auparavant. »
T elle est la déclaration du général D elzons; il annonce que
c ’est là la déposition qu’il fera en justice ; et il atteste qu’elle
ne contient que la plus exacte vérité.
Il est donc certain qu’AuNJB ne fut jamais unie en légitime
mariage avec le général D estaing; qu’elle n’a été considérée
comme son épouse , ou qualifiée telle que par complaisance
( ou par foiblesse ), et pour qu’elle ne fût pas avilie pendant
sa cohabitation; que la qualification, o u , si on v e u t, l’usurpa*
tion du nom de celui avec lequel on cohabite, ne peuvent tirer
à conséquence, e t, malheureusement pour les m œ urs, ne sont
que trop communes , même en F r a n c e , à plus forte raison
dans un pays où la licence des camps ajoutoit encore à la dé
pravation qui règne dans ces contrées.
T ous les doutes doivent s’évanouir aujourd’ h u i, qu’il est re
connu qu’Anne étoit fille de père et mère catholiques romains,
qu’elle a été élevée dans cette religion. B a rth élem i y son p rem ier
parAtre, s’explique assez disertement ; et ce n’est que par ce
qu’il insistoit auprès du général pour q u ’il épousât A nne
devant un prêtre latin.
Il savoit que les prêtres grecs ne pouvoient ni ne vouloient
m o tif
G 2
�52
C
)
marier des personnes d’un culte différent. Les héritiers Destaing
n ’en sont pas réduits à de simples assertions , sur c e point de
discipline parmi les Grecs ; ils se sont procuré une expédition
délivrée sur l’expédition originale, du certificat du patriarche
d’ A lexand rie, donné par lui le 10 février 180g, dans la cause
du général Faultrier. C e certificat s’exprime en ces termes ( on
ne rappelle que ce qui est relatif à la cause ) :
« Théophile, par la grâce de D ieujj ape et patriarche d’Alexnn« d r ie , par la "présente, notre é c riture, certifions, qu’aucun prêtre
« quelconque de nôtre dépendance ne peut célébrer dé mariage
« entre personnes de religion d ifférente ;
« Q u e la célébration de mariage entre personnes de même
« culte ne peut être faite sans la permission patriarchale, et que
te l ’acte desdits m ariages est écrit sur un registre tenu à cet
« effet, -ii
Ce certificat, signé du patriarche, et scellé du sceau de ses
armes, est légalisé par le consul de France; il est écrit en grec
moderne, et traduit par le sieur Bourlet, interprète assermenté
près le conseil spécial des prises : son authenticité ne peut être,
contestée.
La preuve que les prêtres grecs tiennent des registres , est
encore ndmini&tiée par A kne elle-même , qui a rapporté en cause
principale un acte de naissance de M arie, sa fille. Cet a c t e ,
qu’elle a l'ait sTgiilfier le~ ï juillet i»oq , ne contient autre chose
que la déclaration de deux prêtres grecs qui disent avoir baptisé
en janvier 1803, une fille qu’on leur a dit être issue du mariage
du général Destaing avec A n im e N azo. Ils ajoutent que l’acte
de naissance ne fut pas ré d ig é , parce que c ’étoit une chapelle
isolée : donc les prêtres grecs tenoient des registres dans l’église
5
principale»
Les incertitudes , les contradictions qui
régnent dans la
défense d’Anne , fatiguent également et l’esprit et le cœur.
Quel est celui qui oseioit prononcer q u A n n e est la femme
légitime du général Destaing ?
�(
53
)
T o u s les Français qui se sont mariés en E g y p te , rapportent
des actes qui constatent la célébration du m a ria g e , assurent
leur état et celui de leurs enfans.
A nne ne rapporte aucun écrit, aucunes traces de ce prétendu
mariage ; oubliant elle-même l’époque où elle a eu l’honneur
de s’unir à un général français , elle a osé dire qu’elle s’étoit
mariée en l’an 8 , que sa cohabitation avoit duré un an.
Il est prouvé qu’il y a impossibilité que le mariage ait été
fait en l’an 8, et que la cohabitation n’a pu durer que deux mois.
Elle se dit fille de Joanny N a zo , vante le rang et la fortune
de son père , la considération dont jouissoit sa famille.
Il est prouvé q u ’elle n’est pas fille de N a zo , qu’elle doit le
jour à un Arm énien, qu’elle est fille d’une mère qui a encore
deux maris vivans.
Il est établi que N a zo étoit un fabricant détaillant d’eau-devie ; et à son arrivée à Marseille , il a sollicité et obtenu un brevet
de fabricant d’eau-de-vie de raisins secs : son brevet est dans
le bulletin des lois de l’an n .
Elle prétend ê tre G re c q u e d’origine et de religion.
Il est prouvé qu’elle est née de père et m ère catholiques ro
m a in s, et q u ’elle a eu le bonheur d’étre élevée , et de professer
la m êm e religion.
Elle veut avoir été mariée par le patriarche d’A le xa n d rie ,
quoique le général Destaing fut catholique romain.
Il est établi que le mari a le droit et l’usage de choisir pour
cette cérémonie un prêtre de sa religion.
Il est prouvé par le certificat du patriarche, qu ’aucun prêtre
de sa dépendance ne peut célébrer de mariage entre personnes
de religion différente.
Elle entreprend de prouver qu’elle a été mariée
publiquem ent
et solennellement par le patriarche d’A lexan d rie, suivant le rite
grec , et les usages accoutumés.
Un cap otai ¡1 été présent au mariage d ’un gênerai de divi
sion i et il ne s’est trouvé à cette cérémonie auguste, qui faisoit
�une si grande sensation, que la m è r e , le frère et le beau père
de sa mère.
Elle devoit établir qu’elle avoit été mariée par le patriarche
d ’.A lexa n d rie : ses témoins de visu ne parlent que d ’un p atria r
che grec. O r , on sait qu’il y a plusieurs patriarches grecs en
E g y p t e , et que le patriarche schism atique est celui qui s’a r
roge exclusivement ce titre pom peux, cette espèce de supré
matie que les autres G recs traitent de jonglerie. N ’est-ce pas
encore une affectation de n ’avoir pas fait expliquer les témoins
d’une manière précise?
Elle avoit fait assigner Joanny N a z o , elle s’en est départie;
elle a craint que dans un moment d’iv r e s s e , Nazo ne fit une
déclaration contraire à ses intérêts.
Elle n ’a point appelé en témoignage son aïeule m a te rn elle ,
femme de Joseph T u tu n g i, désignée par le général sous le nom
de la bonne v ie ille , parce que cette fem m e, catholique rom aine,
fidèle à sa religion, connoît toute la force d’ un serment devant
D ie u et les h o m m e s , et n’auroit rien déclaré de contraire à
la vérité.
Elle soutient, qu’elle a été mariée en présence du général
Delzons ; elle invoque son témoignage.
Le général désavoue q u ’il ait existé un lien lé g a l, et qu’il
y ait eu aucune cérémonie religieuse.
Elle veut être l’épouse du général D estaing; et celui-ci dé
pose dans le sein paternel la déclaration qu’il n’est pas m a r ié ,
qu il n y a entre A n k e et lui qu’un arrangem ent oriental. Il
la repousse de son s e in , et désavoue son mariage jusqu’au dernier
ni ornent.
Ses parens les plus pro ches, et dans l’intimité des confidences,
n’ont entendu de lui que des plaisanteries sur le genre de liai
son qu’il avoit avec Anne.
Q ue reste-t-il donc à Axwe? un procès verbal où M. Destaing
père a accepté la tutelle de sa petite-fille.
Elle abuse de la foiblesse d un vieillard qui lui a accordé
�55
(
)
l’hospitalité, qu’elle a trompé ou intéressé dans lé t a t d aban
don où elle se trouvoit alors.
Mais cet acte de tutelle est fait hors la présence des frères ,
qui ne furent point appelés , quoique plusieurs d’entre eux ,
majeurs , se trouvassent à Aurillac.
Mais les reconnoissances du père ne peuvent nuire aux frères,
qui étoient exclusivement appelés à la succession du général.
Elle fait parade d ’une lettre du maréchal Soult, qui l’a traitée
avec civilité , parce qu’elle lui a été présentée com m e femme
d’un général ; et le maréchal Soult ne devoit pas , sans doute ,
exiger qu’elle justifiât de son acte de mariage.
Elle n’a été admise à la preuve testimoniale qu’à raison de
ce qu’elle soutenoit qu’il n’y avoit aucun registre , et qu’il n’étoit
pas d’ usage d’inscrire les mariages.
Il est prouvé que les prêtres de toutes les religions, et notam
ment les g r e c s , tiennent exactement des registres.
Q ue demande donc cette femme ambitieuse? Les frères Destaing pourroient-ils redouter ses démarches? Viendra-t-elle leur
enlever les biens de leur père , de leur m è r e , de leur f r è r e ,
et d’une tante morte pendant le procès?
Non : les héritiers Destaing ont cette conviction , que dans
une cause de ce genre tous les esprits s’élèvent à ces vues supé
rieures du bien p u b lic , qui forment le premier objet de la justice.
C ’est ici la cause de toutes les familles. Les citoyens de toutes
les cla sses, de tous les é ta ts , sont intéressés à l’arrêt que la
Cour va prononcer.
Monsieur R O C H O N D E V A L E T T E , avocat général.
M*. P A G E S , ancien avocat.
M*. G A R R O N , avoué.
A R I O M , de l 'i m p . de T H IB A U D , im p rim . d e la C o u r im p é ria le , e t lib r a ir e ,
r u e des T a u le s , m aison
L
a n d r io t
.
— J u in
1811.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, frères. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rochon de Valette
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour les frères Destaing, appelans ; contre Anne soi-disant Nazo, se disant veuve du général Destaing, et tutrice de Marie, sa fille, intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud, maison Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
55 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0610
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0609
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53870/BCU_Factums_M0610.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53373/BCU_Factums_G2003.pdf
9e52e058efff874eb7e1c1ed73980ed2
PDF Text
Text
ME MO I R E
COUR
IMPERIALE
DE RIOM.
CHAMBRES
RÉUNIES.
EN R É P O N S E ,
P O U R .
Les frères D E S T A I N G , appelans ;
CONTRE
A n n e soi-d isan t NAZO, se d isan t v e u v e du gén éral
D e s t a i n g - , et tutrice de M a r i e , s a fill e , intimée.
Voulez-vous avoir idée des moeurs des Grecs? Ils forment
une union qu’ils nomment mariage de capin. Ils convien
nent avec une femme de vivre avec elle tant qu’il leur plaira;
ils se présentent a u juge et à l’évêque , pour obtenir la per
mission de l ’ u n , e t la b é n é d i c t io n d e l ’ a u t r e . L e s lo is e t la
religion s'accordent à autoriser ce dérèglement.
Voyage en Grèce , 1794,179 5 lett. 35. S cro fani,
S ic ilie n , traduit de l ’italien par B la n v illa in ,
P a r is , 1801 .
Q u e l l e est donc cette fem me qui s’obstine à se dire veuve
du général D estaing, prétend avoir reçu ce nom avec solennité
sur les rives du N i l , soutient être née dans une condition dis
tinguée, et veut soulager ceux, qu’elle appelle ses beaux-fréres,
du poids d 'u n e m ésa llia n ce?
Jusqu’ici elle s’étoit annoncée comme fille de Joanny N azo ,
commandant d’ un bataillon grec. Aujourd’hui elle est obligée
de convenir qu’elle n’est point fille de Nazo ; elle avoue qu’elle
A
�■40
( 2 )
a usurpé c e n o m , q u ’elle est née d’un prem ier m ariage de S ofiiib
M isch , d ’une m ère q u i a encore d e u x m aris v iva n t et un de
mort. Et c e n’est point à sa bonne foi qu’on doit ce t aveu ; les
fem m es grecques ont l’habitude de feindre et de dissimuler.
Mais elle a eu la maladresse d’assigner pour témoin un certain
B arth éle m i S e ra . Cet individu est nn des maris de Sophie Misch.
Il raconte avec ingénuité qu’il a épousé cette Sophie, alors veuve
de JosnrH T iiiso g lo w , Arménien de nation, bijou tier de son
m étier, et catholique rom ain de religion. Anne étoit née lors
du mariage de Séiya. Il y a vingt-quatre ans que S e ra a quitté
sa Sophie; i l la q u itta , et Jo a n n y N azo l ’èpousa. C ’est avec
cette légèreté que S e ra parle de la dissolution de son mariage.
C ’est une union de capin : en voici un exemple dans la famille
à 'A n n e ; et c ’est cette a llia n c e d istin gu ée , ce m ariage p o litiq u e ,
cet honneur insigne dont on veut accabler les héritiers Destaing.
Quoi ! lorsque les héritiers Destaing font leurs efforts pour
repousser de leur fam ille une étrangère audacieuse, méconnue
de celui qu’elle appelle son é p o u x , qui l’avilit aux yeu x de son
p è re , traite sa liaison d’a rra n gem en t o rien ta l, A nne ose crier
à la calom nie ! une Egyptienne parle le langage des mœurs ,
vante les vertus dom estiques, ces vertus paisibles et pures ,
bannies de ces parages lointains , où régnent impunément la
dépravation et la lic e n c e , où la dissolution est à son comble !
A nne s’agite en tout sens pour parvenir à son b u t , et faire
croire qu’elle a été élevée au rang d’épouse légitime d’un général
français.
E lle a su profiter avec art de tous les m ouvem ens, de toutes
les circonstances. L ’armée d’ Orient a été divisée dans ses projets,
dans ses moyens d’exécution : ces discussions ont été portées à
un tel degré d’exaspération , que le général Destaing en a été
l’une des victimes.
C’est aux ennemis connus et déclarés du général qu’elle a eu
l’adresse de re c o u rir, pour obtenir des déclarations conformes
à ses projets; mais le mensonge, les contradictions, les incon
�( 3
)
séquences de ses témoins sont à un tel degré d’évid en ce , que
les enquêtes deviennent l’arme la plus puissante dans les mains
des héritiers Destaing , pour repousser les prétentions d’une
femme obscure, am bitieuse, à qui il ne restera bientôt que le
repentir et les regrets. Et qu’Anne ne cherche pas à faire valoir
le sentim ent, en invoquant les noms sacrés d’épouse et de mère !
Si le général Destaing l’avoit élevée jusqu’à l u i , pourquoi
auroit-il pris une marche opposée à celle usitée par les Français
qui ont contracté des mariages en Egypte? comment l’acte de
mariage n’auroit-il pas été transcrit sur les registres des com
missaires des guerres ? C ’est ainsi qu’en ont usé les généraux
L antin , D elzons et B onne-C arrère , conformément aux ordres
du général français.
L e général Menou lui-m ém e, dont le mariage avoit été célébré
antérieurement à ces ordres qui ne remontent qu’à l’an 8 , s est
empressé de faire transcrire l’acte de son mariage sur les registres
de l’état civil du Caire. Enfin , il n’y a pas eu un seul mariage
légitime qui n’ait été suivi de cette formalité ; et par quelle
fatalité celui du général Destaing seroit-il le seul excepté?
A nne v o u d r a - t - e lle préten dre que les troubles de l ’Egypte
n’ont pas permis de suivre toutes les formalités prescrites pour
assurer l’état des personnes ; mais pendant la cohabitation d A nne
avec le général D estaing, l’Egypte étoit dans un état de tran
quillité parfaite , et les troubles n’ont com m encé que lors du
débarquement des Anglais, bien postérieur à son prétendu m a
riage.
T ou t est invraisemblable dans le récit d’ANNE ; ce sont les
aventures d’une héroïne de rom an, où on fait figurer les tem
pêtes , les naufrages , les corsaires , et tout ce qui tient du
m erveilleux.
Mais un arrêt de la Cou r , du 1 1 juin 1 8 0 8 , l’a admise à
prouver la légitimité de son mariage. L a C o u r , en confirmant
le jugement de M auriac, du i3 août 18 0 7, et réduisant l ’inter
locutoire , ordonne <ju’Anne fera preuve devant les premiers
A 2
�( 4 )
ju ges, que depuis que le général Destaing fut appelé au C aire,
et pendant qu’il y étoit en activité de service, elle a été mariée
avt c lui publiquem ent e t so len n ellem en t, p a r le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rite g r e c , et les fo rm es et usages
observés dans le p ays.
Elle est autorisée à faire entendre les parens tant d’elle que
du général Destaing , ainsi que toutes les personnes qui ont
déjà donné des attestations par forme d’acte de notoriété , à
Marseille et à Paris, ou des certificats sur les faits dont il s’agit
dans la ca u se , s a u f tous autres reproches de d r o it , et sau f aux
héritiers Destaing la preuve contraire.
En exécution de cet arrêt, et par suite de commissions rogatoires du tribunal de M auriac, il a été procédé à des enquêtes,
à P aris, à M arseille, et les héritiers Destaing ont fait une en
quête contraire, à Mauriac et Àurillac. Il faut nécessairement
se livrerfà l’examen de ces enquêtes , entrer dans une discus
sion qui va devenir fastidieuse. Les héritiers Destaing feront
en sorte d’étre rapides dans ces détails, pour ne pas lasser
l’attention.
On commence par l’enquéte de Paris.
L e premier témoin est le général Lagrange. Il fut reproché
par les héritiers Destaing , sur le fondement qu’il étoit d’un
parti opposé au général leur frère. L e général Lagrange étoit un
des signataires de la capitulation d’Alexandrie , que le général
Destaing avoit refusé de signer ; il avoit même fait consigner
son refus dans le procès verbal du conseil de guerre ; et cette
divergence d’opinion avoit excité des haines et des inimitiés
particulières entre les opposans. L e juge-commissaire ne crut
pas devoir consigner ce reproche, qui n’étoit pas prévu par le
Code. La Cour l’appréciera dans sa sagesse.
Ce témoin déclare qu’il étoit lié d’amitié avec le général
Destaing ; qu’il vint lui dire qu’il avoit le projet de se marier
en Egypte. L ’amitié lui suggéra des observations pour s’opposer
à ce dessein. Il c r o it , sans pouvoir V affirm er, que le général
�(5)
s’autorisoit de l’exem ple du général en ch ef, et de leur séjour
futur en Egypte. Quelque temps après , le général Destaing
l’invita à assister à la cérémonie de son mariage ,1 qui eut lieu
dans une église grecque. Le témoin avoit promis d’y assister ;
i l en f u t em pêche par les occupations qui lui survinrent, et à
cause de l’heure , qui n’étoit pas commode pour lui ; parce
qu’il croit que le mariage fut célébré le soir.
La première conversation au sujet <lu mariage eut lieu dans
ses bureaux, en présence de ses aides de camp et de son secré
taire. Les représentations qu’il fit pour le détourner de ce
projet, donnèrent lieu à une discussion animée. L e lendem ain
du jour indiqué pour le mariage , il fut invité au repas de
noces. L à , il vit le commandant d’un bataillon grec , N a z o ,
qu’il crut être le père d’ANNE, laquelle lui fut présentée comme
l’épouse du général Destaing. A nne étoit présente lors de sa
déposition ; i l croit la reconnoitre. Il a vu depuis le général
D estain g, tant en Egypte qu’en F ran ce; il l’a toujours consi
déré comme marié. Pendant leur séjour au C aire, il a vu fré
quemment le général Destaing ; mais ce temps n’ a pas été bien
long.
On observe au commissaire qu’on ayoit consigné dans la d é
position du tém oin, que la cérémonie avoit eu lieu dans une
église g recq u e, et qu’il ne l’avoit pas ainsi déclaré ; il répond
que le général Destaing lu i avoit d it que la cérémonie devoit
avoir lieu en effet dans une église grecque ; qu’il le crut ainsi
lorsqu’il alla au repas.
On lui demande s’il ne s’étoit pas écoulé un intervalle de
quinze jours entre l’époque de la prétendue cérémonie et
le dîner. Il ne se rappelle p as précisément les d ates, mais il
croit bien qu’il a été chez le général Destaing le soir même
de la cérémonie.
On lui demande encore si le repas en question ne fut pas
donné à l’occasion du baptême du fils du général D elzo n s, qui
avoit pouf parrain le général Destaing. S a m ém oire ne lu i
�( 6 )
rappelle p a s ces circonstances ; il a mangé à cette époque plu
sieurs fois avec le général D estain g , et ce dernier lui dit qu’il
avoit une double féte à c élé b rer, celle de son m ariage, et celle
du baptême.
Il paroit, sur ce point, que le général Lagrange a manqué
de mémoire : car il sera bientôt établi que la dame Delzons
n’est arrivée au Caire que les derniers jours de nivôse an g.
E lle apprit q u ’ANNE avoit été conduite chez le général, à l’entrée
de la nuit, la veille de son arrivée ; et l’acte de naissance du
fils du général Delzons n’est que du 1 0 pluviôse an 9. Il n’est
donc pas possible que le général Destaing ait donné une double
féte le Jour de son prétendu mariage ; aussi le témoin déclaret-il bientôt après , q u ’il ne croit pas avoir vu le patriarche
d’A lexandrie, ni le soir de la cérém onie, ni le jour du repas.
Sur une dernière interpellation qui lui est faite, de déclarer
si le mariage n’étoit point de notoriété publique, il déclare qu’il
ne peut pas répondre de la conviction des autres chefs de l’armée;
mais il en avoit lui la conviction intim e, et il mentiroit à sa
conscience s’il disoit le contraire.
C e prem ier témoin q u ’on a interrogé dans tous les sens, ne
parle que p a r o u ï-d ire , et n ’a pas été présent à la célébration
du mariage : sa déclaration est donc peu importante , puisque
A n n e doit pro u ver q u ’elle a été m ariée pu bliq u em ent et solen
nellem ent p ar le patriarche d ’Alexandrie.
L e second tém oin, Henri-Gatin B ertran d , général de division,
n’a pas de mémoire ; i l ignore si A n n e a été mariée civilem ent
ou religieusement. Il passoit pour constant, ¿1 ce q u 'il croit, que
le général Destaing étoit marié : le général a donné à ce sujet
un repas auquel i l croit avoir assisté; mais il ne peut rien af
firm er, ni sur le fait du repas, ni sur le fait de sa présence à
ce repas. H ne reconnoit pas A n n e ; il a bien vu au Caire une
dame q u o n appeloit madame D estaing, mais il ne pouvoit reconnoltre la dame ici présente pour la même femme. Il est
probable que le général lui a dit qu il étoit marié , mais i l ne
�( 7 )
se le rappelle p a s . Sa mémoire ne lui fournit rien sur la nais
sance du fils du général Delzons ; et lorsqu’on lui demande si
le général Destaing passoit pour être m a rié , i l croit se rap
peler que oui. On sent qu’il n’y a pas d’observations à faire sur
une semblable déclaration.
Un artiste m usicien, appelé R ig e l, est le troisième témoin.
Il passoit pour constant, suivant lu i, au C a ire , que le général
D estaing étoit marié ; mais il ne sait pas comment le mariage
a eu lieu. Il en fit compliment au général Destaing , qui ne lui dit
n i ou i n i n o n , mais seulem ent le remercia. Il fut invité quinze
jo u rs après à un repas qu’il présumoit être un repas de noces.
Il n’a pas entendu dire que le mariage ait été célébré dans une
église grecque ; il n ’a jamais vu A nne. Il rapporte la date du
mariage à deux ans environ après l’arrivée de l’arm ée française.
Il n’a point entendu parler du fils Delzons. L e patriarche
d’Alexandrie n’étoit point au repas en question.
10 ’
L a seule réflexion qu’on se permettra sur cette déclaration,
c ’est qu’elle est contradictoire avec celle du général Lagrange. Ce
dernier plaçoit l’époque du repas le so ir même de la cérém onie,
et celui-ci dit que le repas n’a eu lieu que (jiiihze jo u rs après.
Il n’a point vu au repas la mariée ; le g é n é ra l L a g ra n g e dit c e
pendant qu’elle lui fut présentée : mais jusqu’ici personne n’a
assisté à la cérémonie.
L e quatrième tém oin, le sieur Ja c o tin , colonel des ingénieursgéographes, ne sait encore rien que par ouï-dire. Il étoit blessé
alors et ne sortoit pas. Il ne connoissoit pas particulièrem ent
le général D estaing ; mais son mariage passoit poufr avoir eu
lieu devant le patriarche d’Alexandrie. Il n’avoit su 'ce fait que
comme nouvelle. On lui avoit d it' que le général Menou et
plusieurs autres avoient assisté à la fé t e , sans q u ’il puisse spé
cifier si c ’est au mariage ou à la cérémonie. Il croit pouvoir
placer l’époque du mariage à deux m o is't environ avant U
bataille d’A lexand rie, ce qui répondrait à '!nivôse an g , sanà
Pouvoir en déterminer précisément l’époque. Il-a Yii 1H1 dame
�( 8
)
Nazo à Paris une fois ou d e u x , mais il ne l’a pas vue au Caire.
L e sieur B eaud eu f, cinquièm e tém oin, lié particulièrement
avec A nne , a cependant déclaré qu’il n’avoit été témoin d’au
cuns faits. Mais le mariage étoit public ; tous les chefs comme
tous les prêtres grecs avoient assisté au repas. A l’entendre,
tout le monde y étoit, excepté lu i; car il n’y a pas assisté.
L e général Destaing ne lui a pas même parlé de son mariage ;
mais il a vu sa femme dans la citadelle du Caire , et il la reconnoit très-bien à Paris. On lui demande si on auroit admis
toute sorte de femmes dans la citadelle ; il répond que celles qui
y étoient, étoient reconnues pour femmes légitimes. A la vérité
il y avoit quelques vivand ières, mais très-peu , à raison du petit
détachement qui y étoit. Il porte la date du mariage au com
m encem ent de l’an 9. Il a toujours regardé A nne comme fille
d’un sieur N azo, G rec d’origine, ferm ier général des liqueurs
fo rtes, commandant d’un bataillon g re c ; mais il ne sait pas si
A nne est sa fille . adoptive, ou si elle est née de son mariage.
Il n’a aucune, çonnoissance de l’époque de I9. cohabitation de
Na^p avec Sophie Misch , mère d’Anne. Les mœurs de l’Egypte
ne permettent pas de connoitre ces détails, attendu le peu de
communication , des femmes avec la société.
On ne voit rien de rem a rq u a b le dans cette déposition, si
on excepte la circon stan ce qu on ne recevoit à la citadelle que
des fem m es légitimement mariées. Mais ce témoin a menti à
sa conscience , parce qu’en effet dans la citadelle il falloit
principalement y re ce vo ir. toutes les femmes qui avoient eu
quelques liaisons avec des Français; et il le falloit bien ainsi, car
autrement toutes celles qui avoient connu des Français auroient
été exposées à une mort certaine de la part des T urcs.
. L e sixièm e tém oin, Barthélem i V id a l, a déposé qu’il n’étoit
pas au Ct\ïre à l’époque du m ariage, mais que tout le monde
lui ,a dit que,.le général Destaing étoit marié. Il a su de ses
d,çux ajd.es de camp que le général Destaing avoit fait un m a
riage, légitime ; il .n ’a jam ais ouï d ire, ni aux aides de cam p ,
ni
�(9)
ni à personne , rien qui pût faire élever le moindre doute sur
la légitimité du mariage. Il prétend même que ce dernier l’avoit
invité à diner, pour faire connoissance avec sa fem m e; mais il
ignore par qui le mariage a été célébré. Il ne peut même se
rappeler positivement l’époque ; il faudroit pour cela qu’il fit
quelques recherches ; il croit cependant que c ’étoit au com
mencement de l’an g.
Toute indifférente qu’est cette déposition , on doit remarquer
cependant que le témoin en impose évidemment lorsqu’il pré
tend que le général vouloit lui faire faire connoissance avec sa
fem me. On voit par la déclaration précédente, et on verra bientôt
par des dépositions subséquentes , que cette assertion est ab
solument contraire aux mœurs d’E gyp te, et que les femmes
n’ont jamais aucune communication avec les hommes.
Dom Raphaël de Monachis est le septième témoin ; il a été
reproché comme signataire d’un certificat donné à P a ris , devant
le juge de paix, le 29 mars 1806. E t ce reproche est fondé sur
la disposition de l’art. 83 du Code de procédu re, §. 2. Ce témoin
est professeur de langues orientales ; il déclare qu’il étoit au
Caire a 1 époque du m ariage : il n ’en a pas été tém oin o c u la ire ,
mais il a ouï dire à Antoine D oubané, actuellem ent négociant
à T rieste , qu’il avoit été témoin de ce m ariage, qui avoit été
célébré par le patriarche d’A lexandrie , dans l'ég lise de saint
G eo rg es, au Vieuoc-Caire. Il a ouï dire la même chose à trois,
quatre , dix , trente personnes ; il a ouï dire également que
ce n’a été qu’avec peine que le sieur Nazo avoit déterminé le
patriarche à consentir au mariage ; que cette répugnance étoit
fondée sur la différence de religion , et sur ce que le général
Destaing étoit Franc , c ’est-à-dire, Européen et m ilitaire, parce
que c ’étoit un grand déshonneur de donner sa fille à un m ilitaire,
et plus particulièrem ent à un Européen. Celte répugnance 11’existoit cependant pas chez les catholiques romains; plusieurs m i
litaires avoient, quoique mariés en F ran ce, pris des femmes
B
�( 10 )
en Egypte , et les avoierit quittées après quinze, v in g t, ou trente
jours.
On lui demande si ces mariages étoient faits à l’église ; il répond
que oui, mais qu’ils ne ressembloient pas au m ariage de la dame
Destaing. Interrogé pourquoi cette différence entre les mariages,
il dit que prem ièrem ent le général Destaing n’étoit pas marié
en France , comme certains autres militaires ; a0, que le général
Destaing n’ètoit pas un homme inconnu, comme un petit sergent,
ou un petit capitaine ; que le général Menou s’étoit rendu garant
du général D estain g auprès du père de la dame N azo, et qu’il
lui avoit dit : N ’ayez p e u r , le g é n é ra l 11 abandonnera p a s votre
f ille . L e témoin soutient qu’on ne connoissoit p as, en E gypte,
les mariages à temps ; il a tte ste , comme naturel d’E g y p te , et
comme curé catholique romain , que jamais ces mariages n’avoient e x isté ; qu’il en faisoit le serment par-devant D ie u , et
qu'il le prouveroit par sa tête. N o n d a tu r divortium in ecclesiâ!
s’écrie-t-il; la dame Nazo a été mariée ju x ta usum ecclesiœ ; et
si le père Nazo avoit cru donner sa fille à temps , il ne l’eût pas
donnée. Les fem m es qui s’étoient mariées à plusieurs militaires
n’avoient point obtenu la permission d’aucuns prêtres. Il fait
concorder le mariage avec le commandement du général Menou.
On voudroit obtenir quelques renseignemens de lui sur l’origine
de la dame N"azo i tlo c non pertm et a d nostiam ca n sa m , répond-il. On insiste pour avoir des détails; alors il déclare que le
père de la dame Nazo étoit Arm énien, catholique ro m a in , bijou
tier, et que Nazo n’étoit pas son père, mais son beau-père. On
lu i demande s’il n’y avoit pas un autre beau-père, qui étoit Barth élem i, Génois de nation, et si ce n’étoit pas là le véritable
beau-pére d’A n n e; il dit qu’après la mort du père d'A n n e , sa
veuve a épousé ce Barthélem i, qu’ils se sont quittés quelque
temps a p rès, et qu’elle s’est remariée avec Nazo.
Sur l’interpellation qui lui est faite s’il est sûr que Barthélemi
a épousé la m ère d’ANNE, s’il est vrai qu’ensuite elle s’est mariée
�avec N azo, il répond qu’il ne conuolt ces faits que par ouï-dire.
Il dit encore que les simples prêtres célèbrent les mariages de
condition ordinaire, et le patriarche celui des personnes distin
guées ; mais qu’à raison de l’esclavage causé par l’empire des
T u rc s, il n’y a que trois églises grecques, et que le patriarche
p e u t , en p la ç a n t son a u te l dans une m aison , la rendre son
église. Il prétend que les prêtres grecs ne tiennent pas de registres,
parce qu’ils ont peu d’instruction et peu de liberté.
On observe au témoin que cette assertion est contraire à ce
qu’il avoit déjà dit. Il avoit déclaré en commençant qu’il existoit
des registres pour les naissances et les m ariages, et maintenant
il semble être en contradiction ; il répond alors que les prêtres ne
rédigeoientpoint de contrats, mais tenoient de simples mémoires.
Cette déposition mérite d’être attentivement exam inée ; elle
ne s’accorde pas avec l’acte de notoriété que le témoin a signé,
et où il disoit qu’il avoit assisté au mariage. Maintenant il l’a
seulement entendu d ire , à la vérité , par beaucoup de monde ;
mais les trente personnes au moins qui lui en ont p a rlé , lui ont
attesté que ce mariage avoit été célébré par le patriarche, dans
l’église de s a in t G e o r g e s , au J^ieuoc-Caire. V oilà une particu
larité remarquable. Le local est spécialem ent désigné, et on ne
se trompe pas ordinairement sur cette désignation : le V ieu xCaire est séparé du Grand-Caire par une branche du Nil ; et on
verra bientôt que les témoins de Marseille ont prétendu que ce
mariage avoit été célébré dans l’église d e sa in t N icolas du
G rand-C aire.
D ’ un autre c ô té, ce témoin apprend q x iA n n e Nazo est née
d’un père catholique romain. Elle a dit elle-même qu’elle professoit cette religion ; c ’étoit aussi celle du général Destaing : il
est dès-lors impossible que le patriarche grec ait marié des catho
liques rom ains; ce seroit contraire à tous les principes des schismatiques grecs , dont l’aversion est connue pour tout ce qui tient
îiu rite romain. Cependant le tém oin, qui est lui-m êm e prêtre
catholique, ne dit pas un mot sur cette différence de religion;
B 2
�( 12 )
et s’il déclare que le patriarche grec s’étoit déterminé avec peine
à faire ce m ariage, ce n’est pas à raison de la différence de la
religion , mais seulement parce que le général étoit Européen et
m ilitaire, et que les filles ne pouvoient, sans une espèce de
déshonneur, épouser des Européens et des militaires. Cette
espèce de honte ou de préjugé qui rejaillissoit sur les filles ,
n’avoit d’autre origine que l’inconstance ou l’abandon des per
sonnes de cette profession; et le bon M onacliis, sans s’en aper
cevo ir, nous atteste qu’il se faisoit des mariages à tem ps, qu’ils
étoient même fort communs. Il n’avoit pas besoin dé nous d ire,
car nous savons tous, que l’église romaine n’admet point de
d ivo rce ; et ne sero it-ce pas une raison pour que le général
Destaing eût voulu s’adresser à un prêtre grec? Il trouvoit dans
la famille d’Anne des exemples qui pouvoient l’autoriser : aussi
ést-ce avec bien de la peine que le témoin s’explique sur les
hauts faits de Sophie Misch ; il faut qu’il y soit contraint par
l’autorité; jusque-là il s’étoit renfermé à dire : H oc non pertincb
a d no stram causant.
On aura occasion de revenir sur cette déclaration très-impor
tante et très-remarquable.
L e huitièm e tém oin, Joannes C h ep tech i, prêtre cophte, c a
tholique romain , dépose avoir ouï d ire par le public que le
général Destaing avoit été m arié par le patriarche grec , solen
nellem ent, a v e c la fille de la femme de Jean Nazo. Il dit qu’elle
s’appelle M arie : mais sur l’observation'que lui fait A n n e elleniém e , que Marie n’étoit pas son nom , il ne s’en est pas rap
pelé , quoiqu’il la connoisse depuis l’âge de trois ans ; d’ailleurs
il n’étoit appelé que pour déposer de son mariage. Il atteste que
les père et mère d ’Anne étoient catholiques romains. Il sait
qu’après la mort de son premier m ari, Sophie M isch épousa
Burthélem i, L a t in ; mais pour épouser Nazo elle se fit scliismatique grecque, et le patriarche déclara son second mariage in
valide. Nazo fut si content, qu’il dépensa cinquante mille écu&
pour son mariage. D ’ailleurs, ajoute-t-il, la liberté des mariages.
�is > ( 13 )
existe en Egypte : les prêtres catholiques n’ont pas la liberté de
p a rle r, mais ils n’approuvent pas pour cela les mariages con
tractés par ceux qui quittent leur religion. Il n’a pas entendu
dire que l’on pouvoit divorcer et contracter de nouveaux mariages
dans la même religion, mais seulement qu’on pouvoit, à cause
de la liberté civile des c u ltes, quitter la religion latine pour
embrasser la religion schismatique g recq u e; et que le mariage
contracté par une fem me latine avec un homme de sa religion,
étant déclaré nul par les G re c s, cette dernière pouvoit, en em
brassant la religion grecque, faire déclarer nul son mariage avec
un la tin , et en contracter un second. Il atteste cependant que
les prêtres grecs comme les prêtres cophtes étoient dans l’ usage
de ten ir des registres des m a ria g es.a
' a; 1. ■ t
t
Cette dernière déclaration ne convient pas à A nne ; son avoué
prétend qu’il n’est pas bien informé des usages, qu’il est étranger
au rite grec , et que dès-lors il 11e peut savoir si en effet ces
prêtres tenoient des registres. L e témoin répond qu’il parle avec
peine la langue française ; qu’on ne donnoit pas en Egypte le
nom de registre aux notes que tenoient les prêtres ; mais que
ces notes contenoien t la date des mariages et les noms des
parties, et que dans aucune religion ces notes n ’étoient signées
des parties.
j
1
On lui demande s’il n’étoit pas d’u sage, dans les mariages
r é e ls , de promener solennellement la dot et les époux sous un
dais. Il prétend que cela n’est usité que pour les T u rcs ; que
les autres religions n’ont la liberté de le faire que par la per
mission du souverain.
Cette déposition est essentielle sur un p o in t, malgré les interiogations captieuses d’ ANNE ou de ses conseils. Il est cons
tant , d’après ce tém oin, que les prêtres de toutes les religions
tiennent en Egypte des registres ou des notes sur les mariages.
Comment se fait-il qu’on se soit écarté de cet usage pour le
général Destaing seulem ent; et par quelle fatalité ce mariage
est-il le seul qui n’ait point été inscrit, ni sur les notes des
/
�'( M )
p rêtres, ni sur les registres des actes civils? D ’ailleurs, sur le
fait p rin cip al, ce témoin ne parle encore que par ouï-dire.
L e neuvième témoin est L u c D uranteau, général de brigade.
Il a été reproché com m e étant l’un des signataires de l’acte de
notoriété dont A nne a fait usage. Au su rp lus, il s’est trouvé
dans une réunion à l’occasion du mariage du général Destaing
avec la fille de Joanni Nazo ; mais il n’a point connoissance
de la célébration du mariage par le patriarche d’Alexandrie ,
seulement il étoit de notoriété qu’Anne étoit mariée. Autant
qu’il se rap p elle, le mariage a dû avoir lieu sous le comman
dement du général Menou. Mais il ne sait préciser, ni l’époque
de la réunion dont il a p arlé, ni combien a duré la cohabita
tion ; il ne sait pas même si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur des registres tenus a d hoc par les commissaires
des guerres.
!
»,■ L a seule remarque qu’on se permettra sur cette déposition,
c ’est qu’elle est en contradiction avec l’acte de notoriété qu’il
a signé. Suivant ce certificat , le mariage avoit été célébré en
présence du déclarant, en l’an 8.
Dans sa déposition , il n ’a pas connoissance de la célébra
tion du mariage ; il n’a été fait que sous le commandement du
général M enou, c ’est-à-dire, en l’an 9. Ainsi la déclaration est
tout autre chose q u e '1 attestation. Ce tém oin, qui veut tout
ignorer, ne sait pas mémo si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur les registres des commissaires des guerres.
L e dixième témoin est Joseph Saba , réfugié de Jérusalem ;
il éto it, en qualité d’interprèle , chez le général Dupas. Ce
dernier fut invité par le général Destaing à assister au m ariage,
et y alla. L e mariage d’ un Français avec une femme grecque
parut une chose remarquable. Il entendit répéter qu’il avoit été
célébré par le patriarche g rec, dans l’église de saint Nicolas
au G r a n d - Caire. Mais il n'a pas été témoin personnellement
de la cérém onie; et voilà une nouvelle version. Suivant le sep
tième tém oin, qui a dit tant de ch oses, le mariage avoit été
,
�( i5 )
célébré dans l’église de saint G eorges, au V ieu x-C aire. Celui-i
ci veut que ce soit dans l’église de saint N ic o la s, au GrandCaire. Au surplus, il a procuré à madame Destaing une maison
propre dans la citad elle, lorsque le général partit pour Alexan
drie. Il sait encore que le père d’Anne Nazo est mort. Mais
quand une veuve ayant des petits enfans se rem arie, les enfans
donnent le nom de père au nouveau mari. Il connoit Barthélem i; niais il ignore si ce Barthélemi est le m ari de la m ère d’Anne
Nazo. Il n’est pas Egyptien, il est de Jérusalem , et n’a pu savoir
ces détails. Le mariage d’Anne Nazo avec le général Destaing doit
remonter à huit ans , tout au plus , sans qu’il puisse dire pré
cisém ent l’année.
Ce témoin , qui ne parle encore que par ouï-dire, prétend
que le général D upas a assisté au mariage ; et le général a luiniéme a tte sté , dans un certificat de notoriété qu’il a délivré à
A nne , qu’il n’a eu connoissance de ce mariage que par ce que
lu i en ont dit plusieurs personnes distinguées d’Egypte. 11 est
d’ailleurs constant q u ’ANNE n’est pas fille de N a z o , quoiqu’elle
ait toujours prétendu l’étre ; et il ne faut pas aller en Egypte
po ur savoir q u e les enfans d’un prem ier lit donnent quelquefois
le nom de père à un second ou troisièm e m ari de le u r m è r e :
c’est aussi l’usage en France. Mais ce qui n’est pas. vrai, c ’est
que le second m ari donne son nom aux enfans d’un premier lit ;
et A nne seroit bien embarrassée s’il falloit appuyer cette asser
tion de quelque autorité.
L e onzième témoin est un sieur D a u re , commissaire-ordon
nateur. Ce témoin a été reproché , comme signataire de l’acte
de notoriété, fait à Paris devant le juge de p aix , le 29 mars
18 0 6 ; il étoit d’ailleurs l’ennemi personnel du sieur D estaing,
et il en convient dans la suite de sa déclaration. I l ne sait
p oint si le général Destaing s’est marié à l’église ou devant le
commissaire des g u erres, mais il fut invité au repas et au bal
donnés cette occasion. Il n’assista pas au repas; il se rendit
au bal avec d’autres généraux qu’il nomme. Il étoit alors très-
�(
3
lié avec le général; il s’est ensuite un peu brouillé avec lu i,
par suite des discussions qui ont eu lieu à l’armée. Il ignore le
nom de la femme que le général Destaing épousoit; mais ses
fonctions lé mettaient dans le cas d’avoir quelques rapports avec
les parens. L e général Destaing l’a présenté à son épouse. Il
le considéroit comme marié légitimement. Il ne se rappelle pas
la date du mariage , mais il se trouvoit chez le général Destaing
deux mois environ avant la descente des Anglais. Il convient
que les commissaires des guerres tenoient des registres pour
inscrire les mariages ; mais il renvoie à l’ordonnateur Sartelon
pour donner sur ce point d’autres lenseignemens. Il ajoute que
la cohabitation entre le général D estaing et A nne avoit pu durer
environ trois mois.
Cette déclaration, qui est en contradiction avec l’acte de no
toriété , ne présente rien de saillant sur le fait. L e témoin ne
raisonne que par ouï-dire; et jusqu’ici on n’a aucune donnée
pour prouver que ce mariage a été célébré par le patriarche
d’Alexandrie.
L e douzième témoin est encore un réfugié d’Egypte, Gabriël
T a c k , n atif du Caire. Il n’a point assisté personnellement au
mariage du général Destaing ; mais étant interprète du général
Lam usse , ce dernier lui avoit dit : G a b riel, vous 11’étes donc
pas venu à la noce a v ec nous ? et lui avoit ajoute que le général
Destaing a v o i t épousé la fille de N azo; que le mariage avoit été
célébré par le patriarche g re c , qui avoit donné la bénédiction.
L ’interprète du général Destaing lui a dit que ce mariage avoit
été célébré par le patriarche. Cet interprète du général D es
taing étoit lui-m êm e présent h la cérémonie. Ce mariage a fait
beaucoup de bruit dans le quartier des chrétiens ; il a eu lieu
dans l’église de saint Nicolas , au Caire , et dans un temps
voisin de l’arrivée des Anglais. Il a ouï parler de Barthélem i,
second mari de Sophie Mise h , mais il n’a jamais vu cette der
n ière; il avoit m êm e un domicile séparé. Il a vu Nazo dem eu
rant avec la mère d’AiWE , ici présente.
Il
1
6
�( *7 )
Il ne sait pas si la mère est d’origine grecque co p h te, il sait
seulement que le patria rch e ne m arieroit p a s une fe m m e q u i
ne seroit p as Grecque. On lui observe que le général Destaing
n étoit pas lui-méme G rec ; il répond que cela n’empéchoit pas
le patriarche de donner la bénédiction , parce que la femme
étoit Grecque , et que le mari étant Latin et la femme G recqu e,
celui-ci avoit le droit d’emmener la femme à son église , ce
qui n’avoit cependant lieu qu’autant qu’il le vouloit. On lui
demande quelque explication sur les cérémonies des Grecs pour
les mariages. T out cela , suivant l u i , consistoit à aller à l’église,
et chez les Latins on écrivoit les mariages sur des registres ;
il le sait parce que lui étant L a t in , il a été marié dans une
église catholique ; mais il ignore si cela avoit lieu chez les
Grecs. Il ignore encore s’il étoit d’usage de promener la dot et
les époux sous un dais. E t enfin il dit que l’interprète du général
Destaing s’appeloit Massara. Ce témoin, comme on voit, ne parle
encore que par ouï-dire, et n’a fait qu’une déclaration rem ar
quable , c ’est que le patriarche grec n’auroit pas donné sa bé
nédiction à une fe m m e q u i ri étoit p as Grecque. On a vu plus
haut qu’ANNE et son père étoient catholiques romains. L e géné
ral Destaing étoit de la meme religion , par conséquent le pa
triarche grec n’a pu être le ministre du mariage.
L e treizièm e, le sieur Estève, trésorier général de la couronne,
est un des signataires de l’acte de notoriété dont A n n e a fait
usage ; il a été reproché à raison de ce. D ’ailleurs il n’a point
été témoin de la cérémonie du mariage ; il l’a appris comme
une nouvelle de l’armée et du Caire. L e général le lui a éga
lement annoncé. Il a ouï dire que le mariage avoit été célébré
selon le rite grec , qu’il y avoit eu un repas de noces auquel
il n’avoit pas assisté. Mais quelques jo u rs après il fut invité chez
le général Destaing avec sept ou huit autres Français. L e général
en dînant annonça son mariage. L e témoin l’en félicita et 1 em
brassa. Il n’a cependant pas vu la femme du général : en Egypte
tes fem m es ne m angent p o in t avec les hommes. Le mariage a eu
c
�c <8 )
lieu peu de temps avant l’arrivée des Anglais , vers le commen«ement de l’an 9 , autant qu’il peut se le rappeler. Il croit que
la cohabitation n’a pas cessé pendant tout le temps du séjour
du général en Egypte ; il ignore s’ils sont venus en France en
semble. Un ordre du jour avoit ordonné que les commissaires
des guerres tiendroient un registre pour inscrire les mariages
et les naissances; mais il ne sait pas si ces commissaires les
tenoient; il croit qu’en général ils ne se sont pas conformés à
l’ordre. Le général Menou avoit donné un ordre pareil ; mais
cet ordre ne regardoit que les musulmans. Il n’est pas à sa
connoissance que le général Menou ait fait inscrire son mariage ;
il sait seulement qu’il a fait inscrire la naissance de son fils ,
et que les généraux ne l’ont point imité en cela. Enfin il ignore
si le général Destaing s est fait des ennemis par ses opinions.
Cette déclaration est en contradiction avec l’acte de notoriété.
Dans cet acte le témoin connoit parfaitement A nne Nazo, épouse
du général D estaing; il a assisté à la cérémonie du m ariage,
qui a eu lieu en présence d’un grand nombre de Français ; il
atteste également que ce mariage a eu lieu en l’a n 8. Dans sa
déposition il n’a appris le mariage que comme nou velle; il n’a
assisté ni à la cérémonie ni au repas : ce n’est que huit à dix
jours après qu’il a dîné chez le général, et il n’a point vu sa
femme. Le général M enou n ’a donné ordre de tenir un registre
qu’au divan et pour les musulmans. N est-ce pas une raison de
penser que toutes les autres sectes tenoient des registres. Il est
d’ailleurs reconnu que le général Menou avoit fait transcrire
l’acte de son mariage contracté en l’an 7 , à R o sette, sur les
registres du commissaire des guerres du Caire.
L e quatorzième tém oin, le sieur Sartelon, commissaire-ordon
nateur, a été reproché de deux manières , et comme signataire
d’ un acte de notoriété au profit d’ANNE, et comme ayant été
l ’ennemi personnel du général D estain g, par suite de division
à l’occasion de la capitulation du Caire. Il dépose d’ailleurs
qu’entre le i er. brumaire et le i cr. ventôse an 9 , le général
�( r9 )
Destaing lui fit part de son mariage avec la fille d’ un G rec
nommé Nazo , commandant en second d’un bataillon. Le général
Destaing lui parla de ce mariage tant avant qu’après ; il l’nvoit
même invité. Nazo lui fit également part du mariage de sa fille ;
il la nomma ainsi, quoique depuis il ait ouï dire qu’AuNE n’étoit
pas la fille de N azo, mais sa belle-fille; il a assisté au repas de
noces, mais non à l'église. Quoiqu’il eut été invité à la cérémonie
avec le général Lagrange, à ce q u 'il cro it; il pense même , sans
pouvoir l ’a ffir m e r , qu’il y a eu des billets de communication
de ce mariage ; que la nouvelle en a été insérée dans la gazette
du G rand-Caire, rédigée par le sieur D esgenette, médecin de
l’arm ée; q u i l n ’affirm e pas non plus ce dernier fait, mais dans
la société il le diroit sans hésiter; qu’il a vu au repas de noces
la femme du général, et il la reconnolt pour la dame présente
aux débats. Lorsque le général Destaing fut blessé dans l’affaire
contre les Anglais , il lui parla de sa fem me com m e d’une femme
légitime. Il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres de m ariage; mais cet usage a lieu chez les prêtres
catholiques latins, qui sont beaucoup plus instruits. Il a signé
l’acte de mariage du général B a u d o t , célébré dans une église
la tin e , à peu près à la même époque. II croit toutefois im pos
sible que les prêtres grecs ne tiennent pas des notes ; mais ces
notes ne seroient pas des registres civils. Il est à sa connois
sance qu’il n’y a pas en Egypte d’officiers de l'état civil. Il
a vu le général Destaing à P aris, qui lui a dit qu’il attendoit
sa femme. Enfin , d’après la notoriété, le mariage en question
avoit été célébré par le patriarche grec , et suivant le rite grec.
L e commissaire lui demande d’office s’il n ’a pas eu quelques ini*
initiés avec le général Destaing ; il répond négativement. In
terrogé s’il n’a pas tenu quelques propos injurieux î\ la mémoire
du général; il ne le croit pas. D ’ailleurs quand son opinion ne
seroit pas favorable au général, cela ne l’empécheroit pas de
déposer la vérité, et il croyoit honorer la m ém oire du général,
en déposant en faveur de sa femme et de sa fille.
C 2
�C) (s-
( 20 )
On lui rappelle qu’il a refusé de communiquer des registres,
et d’y faire des recherches; qu’il s’est même répandu en propos
très-injurieux contre le général. Il prétend n’avoir rien dit d’in
jurieux, mais il a soutenu qu’aucun ordre du jour n’avoit prescrit
la tenue des registres ; que cet usage s’étoit établi, de faire écrire
les actes, soit par les commissaires des guerres, soit par les chefs
des corps; que d’autres s’étoient contentés de se présenter aux
prêtres du p ays; qu’enfin les commissaires ne tenoient point de
registres , mais de simples procès verbaux : d’ailleurs les trois
quarts de ses papiers ont été perdus.
On lui demande à quelle église il fut invité pour assister à la
cérém onie; il répond que c ’est probablem ent à l’église grecque;
que d ailleurs sa mémoire ne lui rappelle rien autre chose , que
seulement le général D estaing lui a dit que c’étoit le patriarche
grec qui avoit fait le mariage.
On l’interpelle encore de déclarer si après le mariage de ma
dame Baudot, femme du général de ce nom , ce dernier ne
présenta pas l’acte latin qui avoit été rédigé et signé des parties
contractantes, à lui S artelo n , pour qu’ il en dressât l’acte civ il,
et assurer l’état des parties.
Il convient en effet avoir rédigé cet acte, non sur un registre,
mais sur une simple feu ille, et en form e de procès verb al, après
la célébration religieuse qu’en avoit faite un prêtre catholique
romain. Ce fut le déposant lui-m êm e qui engagea le général
Baudot à faire faire cet acte pour plus grande sûreté : le général
croyoit que la cérémonie religieuse suffisoit. Mais c ’est le seul
acte de mariage que le témoin ait jamais rédigé. C’est encore
lui déposant qui fit enregistrer la m in ute, pour se conformer à
l ’ordre du jour de l’arm ée, qui ordonnoit l’enregistrement de
tous les actes qui y seroient passés, non-seulem ent pour les
m ariages, mais pour toutes les transactions sociales, cet enre
gistrement étant une imposition indirecte créée tant pour Je
pays que pour les Français.
On ne peut pas se méprendre à cette déclaration ; elle porte
�'J F ( 21 )
le caractère de la haine contre le général Destaing ; elle prouve
un entier dévouement à la cause d’ÂNKE, que le témoin a mal
adroitement serv ie, en tombant à chaque pas dans des contra
dictions choquantes. Il avoit été plus positif dans son acte de
notoriété. Dans sa déposition il n’a pas assisté à la cérémonie ;
il n’a été qu’au repas de n o c e s, où il a vu Anne ; et le précé
dent témoin nous a dit qu’en Egypte les femmes ne paroissoient
jamais à table avec les hommes. Les prêtres grecs comme les
latins tenoient des notes des mariages , mais les commissaires
des guerres n’avoient point de registres civils pour les inscrire;
et cependant il a rédigé celui du général Baudot : c ’est lui qui
l’a provoqué à cette mesure pour plus grande sû re té , qui a fait
enregistrer la m inute, parce qu’ un ordre du jour ordonnoit l’en
registrement de tous les a ctes, pour les mariages comme pour
toutes les transactions. D ans quelle incertitude ne laisse-t-on pas
les esprits, avec des déclarations aussi incohérentes ; et par quelle
fatalité Anne ne tro u ve-t-elle pas parmi tous ceu x que leurs
fonctions rapprochoient le plus du général D estain g , un seul
témoin qui ait assisté à la prétendue cérémonie du mariage?
Le quinzièm e t é m o in , le sieur M arcel , d ire c te u r gén éral de
l’im prim erie, encore signataire de l’acte de notoriété, et reproché
en conséquence , dit que dans le commencement de l’an g ,
quelque temps avant la mort du général Kléber , le général
Destaing épousa la dame Anne Nazo : le témoin la reconnoit
en la voyant assister à l’enquéte. Il y eut à cette époque un
repas auquel furent invités les officiers généraux et les princi
paux chefs de l’adm inistration; que ce rep as, le plus solennel
qui ait eu lieu alors, fut donné comme festin de noces ; que
dans ce repas on disoit que le mariage avoit été célébré par
le patriarche grec d’Alexandrie , résidant au Caire ; et le témoin
a entendu dire que la célébration avoit eu lieu à l’église des
G recs; qu’ils ne désignent pas leurs églises sous la dénomination
d*w s a in t , mais seulement sous le nom de l'église ; com m e,
par exemple , l'église des cophtes. Il connoissoit cette églisa
�( 22 )
grecque pour y avoir été rendre visite au patriarche. II peut se
faire au surplus que les G recs entr’eux désignent cette église
sous le nom d’un saint. Il croit se rappeler qu’il y eut des billets
de communication imprimés ; mais sa mémoire ne lui présente
pas ce fait avec assez de certitude pour pouvoir l’affirmer.
Peu après l’arrivée des F ran çais, un ordre du jour avoit
ordonné qu’il seroit tenu des registres pour constater les
mariages et les naissances; mais cet ordre ne fut exécuté que
dans les derniers tem ps, que le général Menou le renouvela.
L e témoin a perdu trois enfans en Egypte. L ’acte de naissance
et de décés du dernier seulement a été dressé ; pour les autres
en fan s, il n’a eu d'autre note de leur naissance que le certificat
de leur baptême donné par le supérieur des ca p u c in s, prêtre
catholique, qui en tenoit note; mais note incomplète et inexacte.
A la vérité le témoin convient que cet ordre avoit été donné
par le général Menou. L ’ordre donné pour la tenue des registres
n’a point été exécuté, à ce qu’il croit, parce que tous les registres
s’iinprimoient à l’im prim erie nationale , qu’il dirigeolt alors, et il
ne-se rappelle pas avoir vu le registre en question. Si les Grecs
et les cophtes eussent tenu de ces registres, on n’ auroit point
demandé leur déclaration. Lors du diner ceux qui avoient parlé
de cette cérémonie en avoient é té , à ce qu il c r o it, témoins
oculaires ; il ne peut c e pend an t se rappeler ceux des convives
qui y p a r l o i e n t , quoiqu’aucun d’eux ne lui fût , à ce qu’il
pe n se , inconnu; il n’a d’ailleurs jamais entendu élever des doutes
su r l’existence du m ariage, que la notoriété publique présentoit
comme mariage légitime. Il ne se rappelle pas d’avoir -vu le
patriarche d’Alexandrie au diner de noces ; il ne croit pas même
qu’il y fût* Il ignore combien a duré la cohabitation; il n’a
point connu de mariage à temps en E g y p te , ou du moins le
cas est ra re, et n’a lieu qu’entre m usulm ans, mais point entre
chrétiens.
Encore incertitude sur cette -déposition ; il ne sait le mariage
que par ouï-dire.
�C^3 )
L e seizième tém oin, Jacques C lém en t, d éclare, sur le fait
dont il s’a git, qu’en 1 8 0 1 , six à sept mois avant le départ des
Français , sans pouvoir autrement préciser l’époque , la voix
publique lui apprit le mariage du général Destaing. I l r i est pas
sûr que ce mariage ait été célébré p a r le patria rch e d 'A le x a n
d rie ; il l’a seulement ouï dire par tout le monde. L e jour même
ou le lendemain du m ariage, voyant un grand nombre de per
sonnes réunies, parmi lesquelles se trouvoient des officiers gé
n érau x, des officiers de tous grades, des T u rc s, des G re c s, il
apprit que cette réunion avoit pour cause le mariage du géné
ral. Comme il I’avoit beaucoup connu à Rozette et au C a ire ,
il crut de son devoir d’entrer chez lui et de le féliciter. L e
général l’invita à rester, pour lui servir d’interprète auprès des
personnes du pays qui pourroient se présenter chez lui pour
le visiter. Il y eut le soir un très-grand repas; mais le patriarche
n’étoit pas au diner : il y avoit cependant un ou deux prêtres
grecs. L ’usage de dresser les actes de m ariage, chez les G recs,
n’est pas général. Il n’existe pas chez les T u rcs ; et les prêtres
grecs ne font des actes de mariage que lorsqu’on leur en de
mande. A l’égard des mariages à temps , ils sont extrêm em ent
rares ; on en trouve à peine un e x e m p le en dix ans. Ils ne
sont pratiqués que par les T urcs ou des libertins. Il n’en a vu
que deux ou trois exemples parmi les catholiques et les cophtes,
qui ont été excommuniés. Ces mariages avoient été célébrés par
des cheiks turcs. Il croit avoir connu le père d’Anne ; il étoit
Arménien de n atio n , et bijoutier. Mais il appelle A nne fille
adoptive de N azo, parce que Nazo avoit épousé sa mère.
Relativement à la pompe extérieure des m ariages, on étoit
obligé d’aller à l’église. Chez les T u rcs , et non chez les chrétiens,
on promenoit le trousseau et la femme sous un dais ou dans
une voiture.
Ce témoin se présente officieusement comme l’interprète
du général D estain g, ce qui est contraire à la déposition de
Gabriel T a c k , douzième témoin, qui a déclaré que l’interprète
�( ^4
du général Destaing s’appeloit Massara. L ’un deux n’a donc pas
dit la vérité. Au surplus , cet interprète ne sait encore rien que
par ouï-dire.
L e dix-septième et dernier témoin de l’enquéte de P a ris, est
un sieur Do^ninique-Jean L a r r e y , reproché comme un des certificateurs de l’acte de notoriété, et com m e ayant manifesté
de grands mécontentemens de ce qu’il prétendoit que ses soins
et ses services , dans la maladie du g én éral, n’avoient pas été
payés. Il déclare que dans le com m encement de l’an g , il avoit
reçu un billet d’invitation du général D estaing, son am i, pour
assister à ses n oces; il s’y rendit, et y trouva plusieurs amis
du g én é ral, entr’autres les sieurs E stève, Lagrange, et le général
Menou , avec lequel il s entretint de son service. Anne Nazo
y étoit en costume tu rc , et parée de tous ses ornemens. ( Il
est bien extraordinaire que ce soit le premier témoin qui ait
parlé de cette circonstance. ) T ou t le monde y étoit en grande
tenue; il adressa ses félicitations au général, et lui fit ses excuses
de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de l’église', d’où l’on
sortoit en ce moment. Comment savoit-il qu’on en sortoit en ce
moment? Il répond que c ’éloit le bruit général de l’assemblée.
Ce mariage avoit été célébré dans l’église du patriarche des G recs;
mais il ne se rappelle pas du nom de l’église. Il a vu le général
après la descente des Anglais ; il s’est trouvé avec lui au siège
d’A lexan d rie, et depuis à Paris. Le général lui a parlé plusieurs *
fois de sa f e m m e , et s’occupoit de la faire revenir en France
( elle y étoit avant lu i). Il ne se rappelle pas de la teneur du
billet d’invitation ; il c r o it , sans pouvoir le dire au ju s te , que
les mots noces et cérémonies s’y trouvoient. Il a assisté aux fé
licitations des personnes qui se trouvoient à l’assem blée; il étoit
au re p a s, et A nne s’y trouvoit également. Il se retira avant le
b a l, à cause de ses occupations qui l’avoient également empéché
d’assister à la cérémonie nuptiale. Ce mariage étoit de notoriété ,
et on disoit qu’il n’y avoit que le général Menou et le général
Destaing qui voulussent conserver la colonie , parce qu’ils a voient
#
épou sé
�( 25 )
épousé des femmes égyptiennes. Il a pansé Joanny Nazo d’une
plaie qu’il avoit à la jambe , et l’a vu plusieurs fois chez le général
D estain g , où il étoit reçu avec les égards dûs à sa profession.
Il dit que l’église des Grecs étoit située dans la ville du Caire.
Il n’a point connoissance des mariages à temps ; mais lorsqu’on
vouloit acheter une esclave ou une autre femme , cela ce pratiquoit secrètem ent : les fem m es entroient dans les maisons
où on les fa is o it v e n ir v o ilé e s , ou bien on les achetoit chez
des marchands d'esclaves.
T elle est l’enquête faite à P a r is , où sans contredit on avoit
de grands moyens pour se procurer des témoins. A n n e en avoit
fait assigner un grand nombre , que dans la suite elle n’a pas
jugé à propos de faire entendre : on le lui a reproché lors de
la clôture du procès verbal d’enquête; mais elle a cru devoir se
borner à ceux qui avoient signé les actes de notoriété , et ne
s’attendoit pas à les voir tomber en contradiction avec leurs pre
miers certificats. A-t-elle prouvé qu’elle avoit été mariée avec le
général D estaing, publiquem ent et solen n ellem en t, p a r le p a
triarche d ’A le x a n d r ie , suivant le rite grec , et les form es et
u sages observés dans le p a y s ? ( Ce sont les expressions littérales
de l’arrêt de la Cour. ) A n n e ne peut pas s’en flatter ; a u c u n de
ses témoins n’a été présent à la cérémonie. Les ouï dire ont des
différences notables; tantôt c’est au Vieux-Caire, et tantôt c ’est
dans la ville du Caire que le mariage a été célébré ; les uns
veulent que ce soit à l’église de saint G eorges, d’autres à l’église
de saint Nicolas : pas la moindre instruction sur les mœurs et
les usages des G re c s, incertitude sur le sort, la naissance et la
religion d’Anne ; ceux qui la connoissent le m ieux disent qu’elle
est catholique rom aine; ceux qui la disent catholique romaine
soutiennent que le patriarche des Grecs ne marieroit pas une
Latine. Sophie M isch , sa m ère, qui n’étoit pas veu ve, a quitté
la religion romaine pour prendre un troisième mari. Voilà donc
cette famille qui offroit tant d’agréinens et d’avantages au général
Destaing, qui lui faisoit oublier les égards et le respect qu’il deD
�( 26 )
volt à son père, méconnoitre les convenances sociales, mépriser
les appas de la fortune , oublier son ra n g , son p a y s, sa nais
sance , pour lier son sort à la fille d’un Arménien. Et c’est cette
femme qu’on veut légèrement introduire dans une famille , qui
viendroit usurper non-seulem ent la fortune du général, mais
encore partager les dépouilles du sieur Destaing p è re , de ma
dame Destaing et de Pascal D estaing, morts pendant l’instance.
Lorsque l’immortel d’ Aguesseau s’écrioit que ce n’étoit qu’en
trem blant, et avec toute la démonstration de l’évid ence, qu’on
pouvoit se permettre d’introduire dans une fam ille un individu
dont l’état est contesté, ce magistrat avoit cependant des don
nées certaines : c étoit en F ran c e, à P aris, sous les yeux des
m agistrats, que se trouvoient les registres et les preuves.
Ic i une étrangère arrive de parages lointnins, dont elle a fui
dans un moment de troubles; elle n’est point accompagnée de
celui qu’elle appelle son époux ; elle n’en a point reçu Je titre
de femme légitime. Les écrits qui émanent de lui l’avilissent
aux yeux de sa famille et de son père ; il désavoue l’existence
d ’un Jien lé g a l; il traite cette union d’arrangem ent oriental.
E t A n n e voudroit être élevée au rang d’épouse ! et Anne a osé
penser que quelques témoins officieux ou indifférens pourroient, avec de simples ouï-dire, la faire reconnoitre pour épouse
légitime d’ un général français !
Non ; elle a senti toute l’insuffisance de son enquête de P aris,
où cepend an t on trouve plusieurs noms recommandables ; elle
est allée chercher à M arseille, dans quelques réduits obscurs, des
G recs réfugiés ou ignorans , qui ne peuvent parler que par in
terprètes , à qui il est facile de faire dire tout ce qu’on v e u t ,
quand il faut s’en rapporter à la foi d’ un seul homme, d’un
m ercenaire à gages , qui traduit comme bon lui semble. Il faut
donc encore parcourir cette enquête de M arseille, avant d’en
•venir à l’enquête con traire, faite à A urillac et Mauriac , à la
requête des héritiers Destaing.
L e premier témoin est un nommé M ichel C h am , n atif de
�( 2-7 )
Dam as en S y r ie , se disant ancien négociant, et ancien inter
prète de Son Altesse le Prince de N e u fcliâ tel, aujourd’hui sans
profession. Il a déposé que se trouvant au G rand-Caire, dans le
courant de l’an 9 , n’étant pas m ém oratif des jours ni du mois ,
et à l’époque à laquelle le général Menou commandoit l’arm é e ,
i l entendit dire que le général Destaing devoit épouser la demoi
selle N azo, fille du commandant de ce nom ; que passant quel
ques jours après devant le domicile du général D estaing, il vit
des préparatifs de fê te , plusieurs ch evau x, des généraux et of
ficiers en grand costu m e, et s’étant informé quels étoient les
motifs de ces préparatifs, on lui dit que c ’étoit pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle N azo; que s’étant ensuite
de nouveau informé comment le mariage avoit été fa it, on lui
dit qu'il étoit venu un patriarche g r e c , et que ce mariage avoit
été céiébré selon le rite et les usages grecs ; mais il n’y a point
assisté. Le domicile du général Destaing étoit sur la place A ta b e lE zaugua , à côté de la mosquée du C haraybe. Il est à sa connoissance que les prêtres chrétiens, de quelque secte qu’ils
soien t , ne tiennent point de registres pour la célébration des
m ariages ; que les mariages se célèbrent par quelque prêtre que
ce s o it, et sans distinction du c u lte qu e professent les ép o u x ;
que cette célébration se fait par l’ un d’eu x, au choix des parties
contractantes , pourvu néanmoins que le prêtre soit chrétien.
Il est douteux que ce témoin soit bien instruit des usages
d’Egypte , ou du moins il est en contradiction avec tous les
voyageurs qui ont observé les mœurs de ce pays. L a différence
des cultes, loin d’être un moyen de rapprochem ent, n’est qu’ un
sujet continuel de scandale et de persécution. Il est inoui qu’ un
Grec ait marié un Latin ; et il seroit peut-être plus extraordi
naire encore qu’un G rec scliismatique eût été marié par un
prêtre co p h te, tant il y a de division et d’acharnem ent entre
ces différentes sectes. E st-il croyable d’ailleurs qu’un général
catholique rom ain, qui devoit se marier avec une femme de la
même religion ( car Anne professe ouvertem ent le culte catho-
D 2
�( *8 )
lique ) , ait été choisir un prêtre g r e c , lorsqu’il étoit environné
de prêtres latins? Mais ce témoin .ya plus loin que les autres.;
Les uns ont entendu dire que le mariage avoit été célébré dans
l’église de saint G eorges, au Vieux-Caire ; les autres dans l’église
de saint N icolas, au G ran d-C aire; et celu i-ci prétend que le
patriarche grec est venu chez le général Destaing. Mais en même
temps il voit dans la rue des c h e v a u x , des officiers généraux
en grand costume : i f ne falloit pas tant de préparatifs, si le
mariage s’est fait à huis clos , et dans la maison du général.
r L e deuxièm e témoin est B arbh èlem i S e r a , natif de l'île de
Siam . Il déclare qu’il avoib épousé Sophie M isch , qui étoit alors
v e u v e de Joseph Trisoglow ; qu’il la quitta il y a environ vingtquatre ans , et que celle-ci épousa ensuite le sieur Nazo. Il
prétend que sur la fin de l’an 8 , ou au commencement de l’an
9 , étant au grand-Caire, le général Destaing lui dit qu’il vouloit
épouser;la fille du commandant N azo ; qu’alors il lui observa
qu’elle n’étoit point fille de Nazo ; que lui déposant avoit épousé
la mère de cette dem oiselle, qui étoit veuve de Joseph Trisoglow,
et qu’Anne étoit née à l’époque de son mariage. Le général
Destaing lui répondit que cela étoit indifférent ; mais il lui
demanda si cette fille étoit sage, si elle avoit de bonnes mœurs,
à quoi Barthélemi répondit a ffirm ativem ent. Il dem anda au
général c o m m e n t il se proposoit de faire celébrcr son mariage ;
le général lui r é p o n d i t qu’il avoit déterminé de le faire célébrer '
selon le rite grec. Barthélemi lui observa qu’il y avoit au GrandCaire des prêtres latins, et qu’il devroit se marier selon ce rite;
mais le général Destaing persista dans son intention. Il invita
Barthélem i à assister au mariage ; Barthélemi le rem ercia, et
ne voulut point y assister , parce qu’il ne vivoit pas bien avec
la fam ille N azo; il prétexta des affaires; et quelques jours aprèsj
ayant passé devant la maison du général D estain g, il aperçut
beaucoup de chevaux au-devant de la p o rte , des généraux et
officiers qui entroient et sortoient : on lui apprit que c ’étoit à
l’occasion du mariage du général avec la demoiselle Nazo. Il
�( 29 . )
rencontra bientôt après le g én é ral, qui lui dit que son mariage
avoit été célébré par un patriarche grec , et selon le rite grec.
Barthélemi crut devoir lui réitérer 1 observation qu’il lui avoit
déjà fa ite , qu’il auroit du faire célébrer son mariage par l’église
latine ; le général lui répondit qu’il avoit voulu se conform er à
l ’usage du pays. Suivant l u i , il n’y a que des prêtres latins qui
tiennent des registres, les prêtres des autres sectes chrétiennes
n’en tiennent pas ; mais il atteste qu il est d usage dans le Levant
que le mari fait célébrer son mariage par un prêtre de sa religion.
Il ajoute cependant que cela n’est pas toujours rigoureusement
o b servé, et que les mariages se célèbrent indistinctement par
quelque prêtre chrétien que ce so it, au gré et au désir des
parties contractantes.
On voit avec quelle légèreté ce témoin parle de la dissolution
de son m ariage, et ¡que Sophie Misch n’a pas été long-temps à
le remplacer. Il ne reste plus de doute sur l’origine d’ANNE,
ni sur sa religion , puisqu’elle étoit née de deux catholiques
romains ; et il paroltra au moins bien invraisemblable qu’on ait
choisi un patriarche g r e c , lorsqu’il y avoit autour du général
tant de p rê tre s latins. N ’e s t -ce pas vouloir se jouer d’ un enga
gement de ce genre, et aller contre l’usage du p a y s, loin de s’y
conformer , puisque le mari a le droit et l’usage de choisir un
prêtre de sa religion.
L e troisième tém oin, le sieur Antoine H am aony, négociant,
natif de Dam as en S y r ie , déposant, comme le précédent, sur
l’interprétation du sieur N eygd orff, déclare qu’il se trouvoit au
Caire à l’époque à laquelle le général Destaing y étoit en ac
tivité de service. Il apprit par la notoriété publique que c e
général avoit épousé la fille de la dame N azo, que ce mariage
avoit été célébré selon le rite grec et par le patriarche ; qu’il
fit à cette époque beaucoup de bruit. Suivant lu i, il n’y a que
les prêtres latins qui tiennent des registres et qui en délivrent
des extraits : c’est ordinairement et le plus souvent un prêtre
de la religion du m ari qui célèbre le m ariage, sans que néan-
�( 3° )
moins cela soit obligatoire. Ce témoin ne fait que répéter ce
qu’a dit le précédent : c’est le m êm e interprète ; par conséquent,
la même déclaration.
L e quatrième témoin est un sieur Hanna A d a b a c h i, natif
d’Alep en S y rie , qui va encore déposer à l’aide du même in
terprète. Il étoit établi au Grand-Caire trois ans avant l’entrée
de l’armée française ; il y a resté jusqu’à l'époque de l’éva
cuation de l’armée. Pendant que le général Destaing y étoit
en activité de se rv ic e , il remplissoit les fonctions de commissaire
de police : ayant des liaisons d’amitié avec le commandant
Jean N azo, celui-ci l’invita au mariage de sa fille avec le géné
ral Destaing. Ce mariage fut célébré dans l’église saint N icolas,
par le patriarche d A lexan d rie, et selon le rite grec : le témoin
y assista sur l’invitation qui lui avoit été faite par Nazo. L e
général Destaing fit et donna ensuite un repas de noces, auquel
il assista égalem ent, y ayant été conduit par le commandant
auprès duquel il tenoit en sa qualité de commissaire de police.
Ce témoin répond, comme les précédens, sur la tenue des
registres , et sur l’usage où sont les maris de faire célébrer les
mariages par un, prêtre de leur religion.
Voilà le prem ier témoin qui ait parlé de sa présence à la
cérémonie ; les vingt précédens n’avoient déposé que par ouïdire. Celui-ci est un des signataires de 1acte de notoriété donné
à M arseille, et ce tte circonstance rend déjà sa déclaration sus
pecte ; d’ailleurs elle est vague et inexacte. Il est singulier que
ce témoin ne précise ni l’année ni l’époque ; qu’il garde le si
lence sur les personnes qui devoient être à cette ¿érém onie;
qu’il n’y ait pas un seul officier général qui y ait assisté, et
qu’on ait donné la préférence à un homme sans profession,
pour l’inviter à un acte si solennel, tandis qu’il n’y auroit eu
aucun officier français.
Les prêtres grecs entendus à P a ris , ont dit que le mariage
avoit été célébré à l’église de saint G eorges, au V ieux-Caire, et
celui-là prétend que c ’est à l’église de saint N ic o la s, au Grand-
�(30
Caire. Quelle confiance peut m ériter une pareille déclaration P
L e cinquième témoin , Michel R ozette, âgé de vingt-sept ans ,
n atif du Grand-Caire, bijoutier et ex-ca p o ra l, déposant encore
à l’aide de l’interprète N eyg d o rff, prétend que sa famille étoit
iniimément liée avec celle de Nazo ; que la fille de celui-ci
ayant épousé le général Destaing pendant qu il étoit en activité
de service au Grand-Caire, le témoin et sa famille furent invités
à assister à ce mariage ; déférant à cette invitation, ils assistèrent
à la célébration , qui fut faite dans 1église saint Nicolas du rite
grec , et par un patriarche grec ; que selon l’usage pratiqué
par les chrétiens de cette se c te , Nicolas Papas Ouglou fut le
parrain de la fille Nazo.
Il y a une certaine fatalité attachée à l’enquête de la fille
N azo; c ’cst que pas un seul des témoins, qui par la nature de
leurs fonctions étoient plus rapprochés du général, n’ait honoré
ce mariage de sa présence, et qu’on voit au contraire un cap a ro l invité à cette solennité. Il prétend que Papas Ouglou a
été le parrain de la fille N azo; et ce Papas O uglou, qui a signé
l’acte de notoriété de Marseille , ne dit pas un mot de cette
c ir c o n s ta n c e , qui étoit assez importante. Il est plus aisé de
gagner un caporal qu’ un général ; et il ne faut pas s’éton n er
que ce témoin avance un fait avec tant d’assurance, mais sans
aucuns détails qui puissent donner quelque croyance à sa dé
claration.
L e sixième témoin est Soph ie M is c h , m ère d ‘A n n e ; elle a
été reprochée en cette qualité. Mais elle raconte que le géné
ral Destaing, pendant •qu’il étoit en activité de service au C aire,
lui demanda sa fille en mariage ; qu’elle et son mari y don
nèrent volontiers les m ains; mais en même temps ils exigèrent
que ce mariage fût célébré par un patriarche du rite grec ,
qu’ils professent. L e général Destaing y consentit ; et après les
préparatifs en pareil cas nécessaires, le mariage fut célébré en
sa présence, celle de son époux, de sa fa m ille , de diverses
personnes du pays , de divers généraux et autres militaires
�( 32 )
fran çais, notamment du général D elzo n s, dans l’église de saint
N ico las, par un patriarche g r e c , et selon le rite de l’église
grecque.
Il n’est pas étonnant que Sophie M isch , mère d’AxNE , vienne
soutenir que le mariage a été célébré ; mais ce qu’il y a de
rem arquable, c ’est que l’arrét de la Cour ordonnoit qu’ANNE
feroit preuve qu’elle avoit été mariée par le p atriarche d ’A
le x a n d rie ; et ces trois témoins qui se suivent, qui tous trois
prétendent avoir assisté au m ariag e, affectent de dire que
c ’est un p a t r i a r c h e qui les a m ariés, sans jamais désigner le
patriarche d’Alexandrie. Cependant le patriarche d’Alexandrie
réside au Grand-Caire; il s’arroge la suprématie de l’église grecque :
c ’est lui qui a le titre le plus éminent. Aussi avoit-il toujours
été désigné exclusivem ent par A n n e , comme .ayant été le m i
nistre du mariage ; et ce n’est pas sans raison que l’arrèt de
la Cour l’avoit ainsi particularisé, et avoit spécialement ordonné
la preuve qu’Anne avoit été mariée par ce patria rch e d ’A le x a n
drie. Comment Sophie Misch n’a-t-elle pas fait attention à cette
circonstance ? il lui en coûtoit si peu de désigner ce ministre.
Cependant elle ne parle que d’ un patriarche grec ; et sa décla
ration ne remplit pas le but de l’arrét.
L e septième témoin est le beau-frère de Sophie Misch , par
conséquent oncle d’Anne. Il est reproché en cette qualité , et
il convient du degré de parenté.
Il rapporte que le général Destaing avoit demandé la fille
Nazo en mariage ; que les parens y consentirent , et y mirent
seulement pour condition que le mariage seroit célébré par
un prêtre grec , selon le rite et usages de cette religion. L e
général Destaing parut d’abord désirer que son mariage fût
célébré par un prêtre latin ; mais enfin il se rendit aux vœux
de la fam ille ; il consentit que le mariage fût célébré comme on
le désiroit, et il le fut en effet le lendemain du jour des R ois,
correspondant, dans l ’église grecque, au 17 janvier. Le témoin
fut invité comme p are n t, et assista à la cérém onie, qui eut
lieu
�( 33 )
lieu clans l’église de saint N ico la s, au Grand-Caire , p a r un p a
triarche grec. Après la célébration, les époux furent accom
pagnés dans la maison du gén éral, où il y eut un grand repas au
quel assista également le déposant. Il y avoit à ce repas divers
généraux, entr’autres les généraux Menou , Delzons , Lagrange
et Régnier. Ce témoin ajoute qu’il partit à l’époque de l’éva
cuation des Français du C aire, avec la famille Nazo , sur un
bâtiment grec qui relâcha à Céphalonie ; que la dame Nazo y
accoucha d’une fille qui fut baptisee en ladite ile de Célaphonie , dans l’église grecque , et par un piètre grec ; et que le
parrain de l’enfant fut un officier des chasseurs d’O rien t, nom
mé Joseph Syffi.
Cette déclaration ne s’accorde pas avec celle de Barthélem i
Séra. Suivant ce d e rn ie r, c ’est le général Destaing qui voulut
un prêtre grec , malgré les remontrances de Barthélem i ; et sui
vant l’oncle d’Anne , le général Destaing vouloit un prêtre latin,
et la famille Nazo exigeoit un prêtre grec. On ne sait plus a qui
entendre ; et il est m alheureux pour A nne d’être réduite à sa
propre famille , pour prouver le seul fait intéressant dans sa
cause. S u r le baptêm e de la fille , il y a encore qu elqu e chose
qui cloche. Suivant ce témoin , Anne a accouché dans l’ile de
Céphalonie. D ’après A nne elle-m êm e, elle ne put relâcher, et
accoucha à bord du navire. L e baptême eut lieu dans une
chapelle isolée sur le bord de la m er ; ici c ’est dans une église
grecque de l’île de Céphalonie.
L e huitièm e témoin est Ibrahim Tutungi ; c’est le fr è r e utérin
de Soph ie M isch , épouse Nazo. Il a été reproché à raison de
cette parenté ; mais il a assisté au mariage de sa nièce avec le
général Destaing , et ce mariage a été célébré dans l’église de
saint Nicolas , p a r un p atriarche grec. Il alla de là au repas de
noces ; mais il étoit trop jeune , pour se rappeler quelles étoient
les personnes qui y étoient. Il se rappelle cependant qu il y avoit
divers généraux. Il raconte , comme le précédent témoin , que
sa nièce relâcha à Céphalonie , où elle accoucha d u n e fille,
E
�( 34 )
qui fut baptisée , en fa présence , dans une église grecque et
par un prêtre grec ; mais il ne se rappelle pas quel fut le parrain.
V ien t ensuite un autre Joseph T u tu n g i, m ari de la mère de
Sophie Misch ( il paroit que les femmes de cette fam ille se
marient souvent ). Suivant lui , il y eut quelque difficulté pour
le mariage. Le général vouloit un prêtre latin , et la famille
Nazo vouloit un prêtre grec. L e général se rendit cniin , et ce
fut un patriarche grec qui le maria dans l’église saint Nicolas.
Tutungi y étoit. Ce fut Papas Ouglou , colonel de la légion
grecque, qui fut parrain. Vint ensuite le repas , où il assista avec
quantité de généraux et d’Egyptiens notables.
Après^ l’évacuation du Caire , T u tu n g i s’embarqua avec la
fam ille Nazo sur un bâtiment grec , qui relâcha à Céphalonie.
Là , Anne Nazo y accoucha d’une fille , qui fut baptisée clans
une église grecque et par un prêtre grec : le parrain est Joseph
Syffi , et la marraine la femme Nazo , aïeule de l’enfant.
L e dixièm e témoin est Joseph Misch , fr è r e de Soph ie et
oncle d ’A n n e. Sa déclaration est littéralement copiée sur la
précédente ; seulement il a vu au repas les généraux Lagrange
et Delzons ; et ce d e rn ie r, parent du général D estain g , assistoit à la cérémonie. Même déclaration sur l’accouchem ent
d’Anne dans l’île de Céphalonie.
T els sont les tém oins de M arseille. Sur dix témoins , cinq
sont les plus près parens d Anne ] deux autres sont signataires
de l’acte de notoriété. T rois , parmi lesquels est un des m aris
de Sophie Misch , ne déposent que par o uï-d ire ; et sur les
cinq qui prétendent avoir assisté au mariage , pas un n ’a
désigne le p atriarche d ’A le x a n d rie , quoiqu’ Anne ait toujours
soutenu que c’étoit ce patriarche qui avoit célébré son m ariage,
et quoique l’arrêt lui ordonnât expressément de prouver qu’elle
avoit été mariée par le patriarche d’Alexandrie.
A nne a voulu se faire un m oyen dans son dernier mémoire ,
de ce que la Cour , par son a r r ê t, avoit réd u it l’interlocutoire
prononcé par le tribunal de Mauriac ; mais il semble que cet
�( 35)
argument doit se rétorquer contre elle avec beaucoup d’avan
tage; car si la Cour a voulu abréger les détails et prononcer
dans l'intérêt d'ANNE , il faut convenir aussi que plus elle a
voulu faciliter les preuves et les moyens , plus elle doit s’en
tenir à l’exécution littérale et rigoureuse de son arrêt. Il est
évident que la Cour a fait dépendre sa conviction de ce fait
unique et exclu sif , q u ’AwNE avoit été mariée avec le général
Destaing , publiquement et solennellem ent , p a r le patriarche
d ’A lex a n d rie , suivant le rit grec , et les formes et usages
observés dans le pays.
L e patriarche d ’A lex a n d rie étoit exclusivem ent en vue ,
désigné par la partie intéressée , com m e ayant été le ministre
du mariage , parce qu’il étoit plus élevé en dignité , et qu’il
vouloit ou devoit honorer un général français.
O r , sur sept témoins de Marseille qui prétendent avoir assisté
à la cérémonie , pas un n’a nommé ce patriarche d 1A le x a n
drie ; c’étoit cependant une anecdote remarquable , qui ajoutoit à la solennité , et qu’on n’auroit pas manqué de relever si
en effet cela avoit eu lieu.
Mais co m m e n t se fait-il surtout , qu’il ne se soit trouvé à
une cérémonie aussi auguste et aussi im p o s a n te , qui iaisoit ,
suivant quelques témoins , tant de bruit au Caire , dont tout
le monde s’occupoit, qu’un c a p o ra l , un b ijo u tier , un aven
turier sans profession , et les plus près parens d’Anne ; qu’au*
cnn homme de marque , aucun c h ef de l’état major ou de
1 administration n’y ait assisté ? c ’est là ce qui est absolument
invraisem blable, et prouve l’imposture de quelques misérables
réfugiés dans un réduit obscur à M arseille , tous déposant sous
le même interprète et d’une manière uniforme , tous , même
«Sophie Misch , requérant taxe. A nnc ne devroit-elle pas rougir
d’en être réduite à ces petits moyens , pour s’introduire dans
une fam ille qui la repousse justement de son sein ?
Et qu’ANNE ne dise pas qu’elle a à combattre des collatéraux
avides ; ces déclamatious bannalesne peuvent iaire impression.
E 2
�( 36 )
Ces co lla téra u x ne cherchent point à envahir la fortune de
leur frère ; mais ils défendent le patrimoine de leur père et de
leur m ère , l’honneur de leur fam ille , et ne veulent pas ad
m ettre légèrement des êtres obscurs et inconnus q u i, n’ayant
rien à perdre , cherchent à dépouiller des héritiers légitifnes.
Il reste à parcourir les enquêtes qui ont eu lieu à Aurillac et
à Mauriac , discussion aride dans une cause d’ un grand intérêt.
L a première est celle faite à Aurillac.
Antoine Delzons , président du tribunal , déclare qu’il a
été assigné fort inutilem ent ; qu’il n’a aucune connoissance
personnelle des faits interloqués ; mais qu’étant à Paris lors de
l’arrivée du général Destaing , il ignora pendant long temps les
bruits .• de ■ son prétendu mariage. Ces bruits se répandirent
environ six semaines après, à l’occasion de quelque lettre écrite
de T arente par un habitant d’Aurillac , qui avoit vu arriver à
Tarente la famille Nazo , dont une fdle se disoit épouse du
général Destaing. L a dame Delzons , belle - fille du témoin ,
demanda au général s’il étoit effectivem ent marié : celui - ci
répondit en plaisantant , que sa femme pouvoit l’être , mais
que lui ne l’étoit pas. M. Delzons n’étoit pas présent à cette
réponse ; mais quelques jours après le général étant venu chez
lui , la dame Delzons lui dit , en présence du général : « Vous
« ne savez pas , Papa , ce que dit M. Destaing ; il prétend
<c n’être pas m arié , et que sa femme 1est. A quoi le général
« répondit
C ela vous ctonne ; i l y en a bien d ’autres.
M. Delzons prenant alors la parole , dit à son neveu que
c ’étoient là de mauvaises plaisanteries. Si c ’est votre femme
lui dit-il , vous devez la garder ; si elle ne l’est pas , vous ne
deviez pas la prendre. L e général savoit bien que son oncle
n’approuvoit pas ces sortes de plaisanteries ; en conséquence il
ne lui en parla plus , et M. Delzons évita aussi de lui en parler.
Mais quelque temps après , le général Destaing ayant appris
que la famille Nazo étoit arrivée à Lyon , vint trouver son oncle ,
pour le prier de demander à un sieur Fulsillon qui avoit une
�( 37 )
maison de banque à L y o n , s’il pouvoit lui procurer une lettre
de change de 1,000 francs , payable à vue. Il vouloit envoyer
cet argent à cette fe m m e pour se rendre à M a rseille. Ils sont
là une troupe , dit-il ; quand j’aurois pris la fille , je n’ai pas
épousé tout cela \ i l y a un enfant , j ’au ra i soin de la m ère
et de l'e n fa n t ; c ’est tout ce que j e dois. Depuis il ne fut plus
question de ce mariage , ni de la dame Nazo ; d’autant mieux
que le déposant avoit demandé au gén éral, lors de la dernière
conversation, si son mariage avoit été fait devant un com m is
saire des guerres ou ordonnateur , comme l’avoit été celui du
général Delzons son fils , et le général Destaing répondit que
non.
M. Delzons est interpelé sur un point très - important. A n n e
vouloit tirer de grandes inductions de ce que M. Destaing père
s’étoit fait nommer tuteur de l’enfant. E lle insinuoit que M. D es
taing père ne s’étoit porté à cette démarche que par le conseil
de M. Delzons, son beau-frère, et parce que sans doute le gé
néral D estaing, avant sa m ort, avoit fait à son oncle des révé
lations sur ce prétendu mariage ; révélations qui étoient de
nature à faire solliciter M . D e staing de recevoir et de reconnoître A n n e pour sa belle-fille.
M. D elzons, requis de s’expliquer à ce su jet, répond que la
conversation dont il vient de rendre compte , est la dernière
dans laquelle le général Destaing lui ait parlé de la famille
Nazo ; au point que quoique Joanny Nazo fût arrivé à Paris
plusieurs jours avant la mort du g én éral, qu’il logeiit dans le
même h ô te l, et quoique M. Delzons eût passé une partie de
la soirée avec le général, la veille de sa m ort, il ignoroit l’arrivée
de Nazo, et n’en fut instruit que le lendemain pendant l’appo
sition des scellés. Nazo entra chez le général pendant l’opération ;
il ignoroit sa m o rt, et il fit insérer au procès verbal du juge
de paix que le général avoit épousé une de ses filles , âgée de
seize ans , devant le patriarche d’Alexandrie ; circonstance que
M. Delzons ayoit ignorée jusqu’alors. Mais allant faire ayec le
�//A-
( 38 )
sieur M eot, maître de l’h ôtel, la déclaration du décès à. la mu
nicipalité, il fut interpelé de déclarer si le général étoit m arié;
la déclaration de Nazo l’engagea à répondre qu’on le croyoit
marié avec A nne Nazo ; ce qui fut inséré dans l’acte de mort :
qu’au surplus le général Destaing ne lui a fait aucune autre
déclaration.
M. Delzons ajoute que le général son fils avoit quitté Paris
lorsque le bruit de ce m ariage se répandit ; il ne put dès-lors
•lui demander ce qui en étoit. D e retour à A urillac, celui-ci lui
dit qu’il y avoit eu une cérémonie religieuse dans la maison
Nazo, à laquelle il avoit assisté, mais qu’il étoit seul de Français ;
que quelque temps après le général Destaing étant le parrain
de son fils , il donna à cette occasion un grand souper aux prin
cipaux officiers qui étoient au Caire , disant que c ’étoit pour
le baptême d’Alexandre D elzons, petit-fils du témoin.
M. D elzons, dans cette déclaration , s’est exprim é avec autaijt
de franchise que de loyauté. On voit qu’il n’a eu de son neveu
aucune confidence; que le général se permettoit des plaisan
teries sur ce prétendu mariage ; il est bien éloigné de faire venir
A nne à P aris, il veut au contraire qu’elle se rende à M arseille':
on sait même qu’il en avoit donné l’ordre à A nne , qui s’est bien
gardée de montrer cette lettre. On y auroit v u qu’il ne la traitoit
pas en épouse; et le secours qu’il lui fait parvenir, annonce
plutôt un sentim ent de compassion que de tendresse. M. Delzons
n’a parlé de mariage que sur la déclaration de N azo, qui alors
ne pouvoit être contredit ; il ne l’a donné que comme un doute;
et ce qu’il a appris de son fils sur une cérémonie qui avoit eu
lieu à huis clos, donneroit le démenti le plus formel à toutes
les déclarations faites à M arseille par toute la famille d’ANNE.
A u surplus, cette famille ne néglige pas les petits détails, car
to u s, jusqu à Sophie M isch , se sont fait taxer à 6 francs pour
leur déposition.
Anne Ju lie V a rs i, épouse du général Delzons, second tém oin,
déclare que le 29 niyôse an g , elle 11’étoit pas dans la ville du
�( 39 )
C a ire ; elle y arriva le lendemain 3 o , pour y joindre le général
D elzo n s, son mari. A son arrivée au C a ire , elle avoit appris
qu’ANNE Nazo avoit été conduite à l’entrée de la n u it, la veiile,
dans la maison du général D estain g , mais qu il n’y avoit eu
aucune pompe ni cérémonie d’usage pour les mariages qui se
font dans le p ays, suivant le rite g re c ; il n’y eut même le soir
de l’introduction d’Anne Nazo dans la maison du général D es
taing , aucune espèce de fêtes qui sont en usage dans le pays.
Une douzaine de jours a p rè s, la dame Delzons ayant un enfant
de deux m ois, voulut le faire baptiser suivant les usages observés
dans la religion catholique; le général Destaing fut choisi pour
parrain, et donna à cette occasion un grand souper et un bal
chez lui. Les officiers de l’état m ajor, et notamment le général
M enou, y assistèrent. A n n e Nazo , sa fam ille, et plusieurs autres
liabitans du Caire, y étoient aussi. A n n e Nazo occupa la place
de la maîtresse de la maison. L e patriache d’Alexandrie n’assista
pas à cette fête. Il n’y eut ce soir là aucune cérémonie reli
gieuse ; mais elle a ouï dire que le jour q u ’ANNE Nazo avoit
été conduite chez le général, il y avoit eu une cérémonie faite
par le patriarche d'Alexandrie , à laquelle peu de personnes
avoient assisté. Cependant elle observe que ces sortes de cérém o
nies religieuses se faisoient en présence de toutes les personnesjde
la noce, et très-publiquement. Elle a resté au Caire jusqu’à son
départ pour la F ra n c e , et pendant ce temps le général Destaing
ne donna pas d’autre fête que celle du baptêm e; il n’avoit
même donné jusque-là aucune fête ni repas pom peux, et la
(iauie Delzons n’avoit pas vu A n n e avant cet époque.
La dame Delzons ajoute qu’il y a des églises au Caire pour
le culte grec ; mais que pour l’ordinaire les cérémonies du ma
riage se font dans la maison.
Elle sait aussi qu’Anne et sa sœur Marie ne sont pas filles
de Nazo ; qu’elles sont filles de Sophie Misch et d’un bijoutier
Arménien dont elle ignore le nom. Elle déclare encore qu’étant
à Marseille , Joanny Nazo lui avoit dit qu’il avoit écrit au Caire
�1<L>.
C 40 )
pour avoir une expédition de l ’acte de célébration du mariage
de sa fille, mais eju’on lui avoit fait réponse que le patriarche
étoit mort et l’église brûlée.
Sur l’interpellation que lui fait l’avoué d’ANNE, si elle étoit
regardée comme la fem me du général D estaing, et si on lui
rendoit les honneurs dûs à ce titre, elle croit qu’on la regardoit
comme telle, et qu’on lui rendoit à cet égard les honneurs qui
luiétoient dûs: elle-méme la croyoit femme du général ; mais il y
avoit plusieurs officiers français qui vivoient avec des femmes
qui portoient leurs nom s, quoiqu’elles ne fussent pas mariées.
Elle les a vues dans les sociétés, comme femmes de ces officiers,
et traitées comme telles.
T elle est la déclaration de la dame Delzons , qui ne laisse pas
que d’avoir quelqu’importance dans la cause. Et d’abord , elle
prouve qu’il n’y a pas eu de féte le jour des prétendues noces,
quoi qu’en aient dit quelques officieux. Ce n’est que quelques
jours après qu’il y eut un grand re p a s, et à l’occasion du bap
tême de son fils. La dame Delzons assure bien positivement
qu’il n’y a pas eu d’autre féte chez le général Destaing. Elle a
dû croire sans doute qu’ANNE étoit m ariée, parce que l’épouse
légitime d’un général ne devoit pas se trouver avec une con
cu b in e; qu’on a dû le lui faire entendre ainsi. M ais on savoit
déjà par la lettre du général D estain g que la jeune Grecque
fa is o it les h o n n e u r s d e sa m aison ; et la dame Delzons nous
a p p r e n d bientôt après qu’il y avoit au Caire beaucoup de femmes
de ce genre.
L e troisième témoin est Françoise G rognier; elle s’est trouvée
à Lyon lors de l’arrivée du général Destaing dans cette ville
à son retour d’Egypte ; elle fut invitée par lui à dîner dans son
h ô tel; e t , pendant le d în e r, elle demanda au général quand
il mèneroit sa femme ; qu’on disoit à Aurillac qu’il avoit épousé
une belle Grecque. L e général lui demanda qui lui avoit dit
cela ; elle lui répondit que c ’étoit un bruit public. Le général
fui dit : Elle est passée d’un côté et moi de l’autre, en montrant
les
�( 4i )
les deux points opposés ; ce n’est pas le moyen de se rencon
trer. La conversation changea , et il ne fut plus question de
cela.
Etant un jour dans la chambre de la dame Nazo, à A urillac,
M. Destaing le père étoit présent, et lui dit tout bas de deman
der à A nne de quelle manière elle avoit été mariée. L ’ayant
f a i t , la dame Nazo lui répondit qu’étant devant le prêtre ou
patriarche, il lui avoit mis au doigt un anneau jusqu’à la pre
m ière phalange, et que le général avoit fini de l’enfoncer jus
qu’à la fin du doigt. M. Destaing ayant prié de lui demander
si le prêtre avoit écrit sur le registre, la dame Nazo lui répondit:
O u i, p rêtre, g ra n d liv re , écrire. L a déclarante a entendu dire
par la dame D elzons, qu’ANNE avoit été m ariée, que son mari
y étoit présent. E t lui ayant demandé si on avoit fait quelque
ié te , elle lui répondit qu’il n’y en avoit eu aucune ; que quelque
temps après, le général Destaing donna une grande fê te; mais
c ’étoit pour le baptême du fils D elzons; et le général Destaing
avoit dit à la fam ille Nazo que c’étoit sa noce qu’il célébroit.
O n l ’interpelle de décla rer si madame Delzons avoit entendu
e lle -m ê m e ce propos du g én éral, elle répond que la dam e
Delzons ne s’étoit pas autrement expliquée ; que d’ailleurs elle
ne lui avoit fait aucune question à ce sujet.
Cette déposition est à peu prés indifférente pour les faits in
terloqués. C’est une femme d’Aurillac , qui n’a aucune connoissance de ce qui s'étoit passé en E g y p te ; et la seule induc
tion qu’on puisse en tirer, c ’est que, d’après A nne elle-même,
les prêtres grecs avoient des registres pour inscrire les mariages.
E nquête
de
M auriac.
Joseph F e l , demeurant à Maurs , a fait partie du premier
bataillon du Cantal. L e général Destaing le prit à son service,
pour avoir soin de ses ch evau x; il l’a accompagné en E g y p te ,
et demeuré à son service continuellem ent, jusqu’au départ du
F
�( 42 )
général pour la France. D ans le temps qu’il étoit au C a ire , le
cuisinier du général lui apprit qu’on avoit amené une fem me
au général D estaing; que quelques jours après le général donna
un grand repas où assista tout l’état major de la division du
C aire, notamment le général Menou. Cette fem m e, dont il ne
se rappelle pas le nom , y étoit; il l’a entendu appeler madame
Destaing. A la suite du repas il y eut un bal. Il partit ensuite
avec le général pour Alexandrie ; mais cette femme resta au
Caire ; et deux mois après le repas et le bal dont il vient de
parler, le général Destaing partit avec lui d’Alexandrie.
On demande au témoin s’il sait ou s’il a ouï dire qu’Anne
Nazo ait été introduite chez le général Destaing avec pompe
et magnificence ; il n en sait rien : le çuisinier lui a appris que
cette femme avoit été amenée dans la maison du général; il ne
lui a donné aucuns détails; il croit au contraire que ce cuisinier
lui a dit qu'il n’avoit pas vu entrer cette femme chez le général.
L e jour de son entrée, il n’y a eu aucune fê te , et il ne s’est
rien passé d’extraordinaire dans la maison. L e jour du repas , il
n ’a aperçu aucune cérémonie religieu se; il n’a vu que boire,
manger et danser. Il n’a pas vu donner d’autre repas ou d’autre
bal que celui dont il vient de parler. On disoit publiquement
que Joanny Nazo n’étoit que le parâtre d A n n e ; pour elle il ne
l’a jamais vue ; elle ne s est jamais promenée sur les chevaux
du g é n éra l; et comme le général n’a pas habité sous la tente au
C aire, Am îc Nazo n’a pu se trouver avec lui. On demande au
témoin s’il a vu faire des mariages suivant le rite grec ; il répond
qu’étant à la croisée de la maison du général D estaing, il a vu
passer deux personnes bien p a ré e s, sous un dais et à pied ;
elles étoient accompagnées aussi de plusieurs personnes aussi
bien p arées, et précédées par des musiciens montés sur des
chameaux : ce cortège se promenoit dans les ru es; et on dit au
déclarant que c ’étoit un mariage.
Il est assez singulier qu’on veuille que le général Destaing
se soit marié sans que ses domestiques s’en soient aperçus ; et
�( 43 )
il est maintenant bien prouvé qu'il n’y a eu aucune féte le jour
du prétendu mariage d’ÀNNE.
Jean Biron , autre tém oin, menuisier de profession, a fait
partie du premier bataillon du C an tal, et de l’arm ée d’Egypte, où
il est arrivé en l’an 7. Il étoit sergent ; il fut blessé ; on lui permit
de travailler de son état de menuisier. Il fut souvent employé
par plusieurs officiers de l’état major , et notamment par le g é
néral Destaing. Un soir qu’il alloit souper avec les domestiques
du général, se trouvant avec le valet de chambre et le cuisinier,
l’ un d’eux lui dit que l’on amenoit une femme au général ; il
se plaça à l’endroit où elle devoit passer ; il ne put voir sa fig u re,
parce qu’elle étoit voilée : elle étoit avec une autre également
voilée. Il y avoit des esclaves dans la cou r; il n’a pas vu le
général l’aller p ren d re, ni monter dans le degré : il ne sait pas
même si le général étoit dans son appartement. Il se retira de
suite dans la cu isin e , pour n’avoir pas l’air de s’occuper de ce
qui se passoit. Il ne crut pas devoir témoigner de curiosité ,
paroe que cette introduction fut faite à l’entrée de la nuit. I! ne
sait pas s’il y a eu un mariage entre A n n e et le général ; il n’a
pas connoissance qu’il ait été donné une féte ou un repas à cette
occasion. Douze ou quinze jours après , il fut em ployé pour
dresser des tables pour un.grand repas qu’il y eut chez le général;
il apprit des domestiques de la dame D elzons, que ce repas étoit
donné pour le baptême du fils de cette dam e, dont le général
Destaing étoit le parrain. L e général Menou , le général Delzons,
et plusieurs autres qu’il nom m e, assistaient à cette féte ; il y
avoit aussi des femmes ; et lorsqu’ils se levèrent de ta b le , le
témoin aperçut A n n e N azo auprès du général Menou. L e bal
com m ença de suite, et il ne s’est aperçu d’aucune cérémonie
religieuse. Lorsque le général Destaing partit pour A le x a n d rie ,
Anne Nazo n’étoit plus dans sa maison. L e général chargta le
témoin et le valet de chambre de veiller à sa maison. Quinze
jours après, l’aide de camp du général Destaing, nommé M aury,
vint chercher du vin et autres provisions pour transporter à
F 2
�-( 44 )
Alexandrie ; en même temps cet aide de camp fit emballer les
objets les plus précieux , les fit porter chez le général Dupas ,
commandant la citadelle du Caire : le témoin les a vu déposer.
L ’aide de camp lui dit que le général lui recommandoit sa maison
et ses ch ev au x , et que s’il avoit besoin de quelque chose , il
pouvoit s’adresser au capitaine d’habillement de son corps.
Quatre ou cinq jours après, le déposant s’apercevant qu’il n’y
avoit pas de sûreté au Caire, conduisit les chevaux, l’orge et la
paille à la citadelle, et s’aperçut qu’ANNE N a z o , sa mère et sa
sœur étoient dans un appartement à côté de celui de la dame
Delzons. Il ne sait pas si la personne voilée, qui s’étoit introduite
chez le général Destaing, étoit A n n e , mais il l’a ouï dire ; il a
aussi ouï dire que Nazo n’étoit que son parâtre ; néanmoins il
l ’a vu dans le même appartement de la citadelle, où étoit A n n e .
Il n’a pas connoissance qu’il ait été donné d’ autre fête dans la
maison du général Destaing , que celle dont il a parlé , quoiqu’il
fût très-habituellement dans cette m aison, et qu’il fût particu
lièrement appelé toutes les fois qu’il y avoit quelque chose d’ex
traordinaire.
Il y a eu environ deux mois d’intervalle entre l ’introduction
d’ANNE et le départ du général Destaing.
Il a vu une fois trois ou quatre personnes sous un d a is, suivies
d’un grand nombre d’autres à p ied, précédées par une trentaine
de musiciens m ontés sur des chameaux. Il vit passer ce cortège
dans la ru e , des fenêtres de la maison du général D estaing; il
se rendoit vers le quartier de l ’état major. Une autre fois il a
entendu beaucoup de cris et de grosse joie dans des maisons :
on lui a dit dans l’ une et l’autre circonstance que c ’étoit des
mariages.
Il a assisté à la messe du patriarche d ’A le x a n d rie , dans une
chapelle à côté du c a mp ; mais il n ’a point aperçu ce patriarche
au repas dont il s agit.
Il étoit présent à l’acte civil du mariage du sieur Miquel avec
une Italienne. Cet acte fut reçu par le commissaire des guerres
�/X/
( 45 )
D eliartl, et signé en sa présence par Rem ondon, commandant,
Grand, quartier-m aitre, et par C o u d e r t, capitaine, tous de la
quatrième demi-brigade d’infanterie légère. L ’usage des officiers
étoit de vivre avec des femmes, sans qu’il y eût d’ union légitime ;
et cet usage s’étendoit même jusqu’aux bas officiers. Enfin il
atteste que le jour de l’introduction des femmes voilées il n’ y
eut aucune fête chez le général.
Cette déposition a un ton de vérité qui s’accorde parfaitement
avec les relations des Français qui ont fait le voyage d’Egypte.
Ils en ont rapporté une bien mauvaise idée des mœurs et des h a
bitudes des G recs , qui en général ont emprunté des T u rcs tout
ce qu’ils ont de licencieux , et surtout leur mépris pour les
fem mes. Il n’en est pas un qui n’ait parlé de ces liaisons tem
poraires et déréglées, dont on pouvoit calculer le prix sur la
durée du marché et sur les charmes de celle qui se prostituoit.
Il manquoit h cette enquête la déclaration du général Delzons,
cousin germain du général Destaing , et qui ne l’avoit pas quitté
pendant son séjour en Egypte. L 'arrêt de la Cour sembloit exiger
qu’il lût entendu, soit à la requête d’ANNE, qui avoit invoqué
son témoignage, soit à la requête des héritiers Destaing.
Mais ce fut impossible : le général Delzons est retenu par soi
service à C a t t a r o , ville de la D alm atie , dépendante autrefoii
des Vénitiens. Il n’y avoit alors rien d’organisé ; on ne savoit à
qui adresser une commission rogatoire , à plus de trois cents
lieues de distance. Une lettre lui parvient. Informé par sa famille
qu’il doit être assigné pour déposer juridiquem ent, et déclarer
tout ce qu’il sait sur le prétendu mariage du général Destaing
avec A n n e , mère de M a r i e , il donne toutes les explications
qu’on pouvoit désirer.
Sa lettre, en date du 17 janvier 180 9 , a été signifiée à A n n e ,
comme pièce du procès. Il répond qu’il auroit bien désiré ne
pas être cité dans cette affaire ; il avoit eu le m alheur d’agir
pour engager M . Destaing père à recevoir chez lui A n n e et sa
fille, et à leur donner les secours hospitaliers dûs au malheur.
�¡VL-
\
( 46 )
Il
s’attendoit alors cju’A n n e, m ieux conseillée, et connaissant
l ’ a v a n ta g e insigne qu’on lui avoit fait, se conduiroit de manière
à le m ériter, à ne pas obliger les frères Destaing de rechercher
son état et celui de sa fille. Il espéroit aussi que par attachement
pour e lle , par respect pour la mémoire du général, les frcres
Destaing auraient consenti à faire le sacrifice du peu qui leur
revenoit dans cette succession, pour la laisser en partage à cette
M a r i e , et au premier fils naturel du général , qui étoit à
Carcassonne.
L e général Delzons apprend q u ’il s’aperçut bientôt de son
e rre u r. « A nne ( écrit-il aux frères Destaing ) oublia le service
qu’on venoit de lui rendre ; et par sa m auvaise h u m e u r, le
d éfa u t de son é d u c a tio n , les conseils d’un misérable D upin ,
qui gouvernoit à Paris N a z o , mari de la m ère d’ANNE , elle
apporta le trouble, le désordre et la division dans une famille
p aisib le , fit le tourment de t o u s , et principalement de votre
respectable m ère, encore si affligée de la perte de son fils.
« D ès-lors, ajoute le général , je pris le parti de ne plus me
m êler de ses affaires. Mes représentations souvent réitérées ,
celles de mon épouse qui la fréqu en toit, ne purent prévenir
les scènes scandaleuses qui se renouveloient à chaque instant et
sous les prétextes les plus frivoles. Nous dûmes nous reprocher
nos démarches pour A n n e , un sort malheureux qui lui étoit ré
servé , et qu’il n’avoit pas dépendu de nous d’éviter.
« L e général entre ensuite dans les détails ; il raconte que
N azo et D u p in se rendirent à Aurillac. Quelque temps après
ils annoncèrent leur départ pour Marseille. A nne v o u lu t les
s u i v r e , sous prétexte d’aller voir sa mère. Au lieu de prendre
la route de M arseille , ils prennent celle de Bordeaux. A nne
laissa à Aurillac M a rie , sa fille , en promettant de revenir
bientôt. E lle étoit arrivée à Aurillac sans être attendue d’aucnn des parens Destaing ; ils ne furent prévenus de son arri^
vée que lo rsq u ’elle étoit k peu de distance de la ville.
« Bourdin avoit mal interprété une lettre de M. Delzons
�( 47 )
père. Il prit sur lui de faire partir de Lyon A nne sans en avoir
reçu aucun ordre. Ce fut alors que le général Delzons crut
devoir faire des démarches pressantes auprès de M. Destaing
père ; il n’y avoit pas de temps à perdre , et M. Destaing rie
consentit à recevoir A nne et sa fille , qu’au moment où on fut
averti que la voiture qui les portoit étoit déjà à la porte de la
ville.
« Relativem ent à ce qui s’est passé au Caire , le général
atteste q u ’i l est fa u x qu’il y ait jamais eu de m ariage légi
time entre le général Destaing et A n n e ; aucun acte civil ni
religieux n’a été rédigé ; et il sait trcs-posïtivement que le
général Destaing s’est constamment refusé à ce qu’il en fût
rédigé d’aucune espèce , disant à qui vouloit l’entendre , q u ’il
n étoit pas m arié . C ’est ainsi qu’il s’est expliqué souvent en
présence de son co u sin , en s’entretenant avec différentes per
sonnes qui lui demandoient s’il étoit marié avec A n n e ; il
répondoit ainsi au Caire , à A lex a n d rie et à P a ris , à toutes
les questions semblables qui lui étoient faites ; c ’est ainsi et
dans les m êm es term es q u ’ il répondit à son père , qui lui avoit
écrit pour s’assurer de la vérité de ce mariage.
« L e général Destaing n ’avoit voulu contracter avec A nne
qu’un de ces arrangemens fort en usage en Egypte ; une sorte
d & concubinage toléré dans ces contrées. C ependant, vo u lan tiju’A nne fût respectée dans sa maison , il consentoit qu’elle se
qualifiât du titre d’épouse ; aussi n'étoit-elle connue que sous
le nom de m adame Destaing.
« A nne n’est entrée dans la maison du général au Caire que
le 29 nivôse an 9 , à huit heures du soir. Peu de temj^ aupara
vant le général Delzons étoit au théâtre avec son cousin ; ils
sortirent ensemble ; ils ne s’étoient pas quittés de toute la
journée. Personne ne sait m ieux que lui ( Delzons ) tout c e
4 ui eut lieu ; il n’y eut aucune cérémonie à l’église des Grecs ,
comme on le prétend. A nne se rendit sans pompe et sans bruit
chez le général , accom pagnée d’une partie de ses parens. L e
�■ '■ rl'ü.
( 48 )
général étoit seul avec son cousin ; aucun de ses aides de camp
11e s’ y trouvoit dans ce moment.
« A l’armée d’Orient il n’y a pas eu un mariage légitime
entre un Français et une Française , ou habitante du pays ,
l’importe de quelle religion qu’elle fût , qui n’ait été reçu par
111 commissaire des guerres, faisant fonction d’officier civil. Le
général Delzons dit qu’il peut citer un grand nombre d’exemples
Je ce qu’il avance : chaque commissaire des guerres chargé du
service d’une place im portante, tenoit un registre a d h o c , sur
lequel tous les actes civils étoient inscrits. Son m ariage, reçu
par le commissaire des guerres s Jg a r d , étoit sur le registre de
la place de Rozette ; l’acte de naissance de son fils , reçu par le
commissaire des guerres P in et, étoit sur le registre de la place
du Caire. Tous les actes reçus par les commissaires faisant
fonctions d’officiers civ ils, étoient soumis à l’enregistrem ent,
conform ém ent à l’ordre de l’armée , des 5 o fructidor an 6 , et 2 1
vendémiaire a n 7 , sous peine denullité. Les ordonnateurs Remondon et Sartelon ont reçu des actes de mariage. Les commissaires
des guerres D e lia rd , à Alexandrie ; A g a r d , à Rozette ; P in e t ,au
C aire, en ont reçu plusieurs. Le commissaire des guerres T a r
d ieu , qui s’est marié à D a m ie t t c , avec une G re c q u e , a fait
recevoir son acte de m ariage par un de ses collègues. C ’est
ainsi que se sont célébrés tous les mariages légitim es, et aucun
différem m ent.
« Mais on trouvera dans cette arm ée un grand nombre de pré
tendus m ariages, qui n’ont eu de durée que le séjour de l’armée
en Egypte ; celui du général devoit être de ce nombre : on en
pourroit citer beaucoup d’autres. Un accord entre les parens,
une somme d’argent comptée d’avan ce, une pension promise en
cas de séparation, ont fait plusieurs de ces unions, communes
en Egypte et dans tout l’Orient. C ’est par suite d’un pareil arran
gement que Nazo décida sa femme à donner sa fille au général
Destaing ; et il n’en a pas existé d’autre qui ait pu lier le général
avec A n n e .
Dans
�( 49 )
D ans le courant de pluviôse an g , le général en c h ef Menou
dut ordonner que dans les principales villes de l’Egypte il seroit
tenu registre de l’état c iv il, tant pour les nationaux que pour
les individus attachés à l’armée. Le registre du Caire a dû être
commencé par la transcription de l’acte de mariage du général
en c h e f, et l’acte de naissance de son fils.
« Il est de la connoissance du général D elzons, que le général
en c h ef pressa souvent le général Destaing de faire dresser son
acte de m ariage, et de le faire transcrire sur son registre, ce
que celui-ci refusa constamment.
cc Madame D elzons, remise de ses couch es, vint au Caire au
commencement de pluviôse. L e général Destaing fut parrain
de son fils : l’acte de naissance fut rédigé dans la maison du
p è r e , par le commissaire P in e t, chargé du service de la place
du Caire. Le général Delzons réunit ses amis à cette occasion :
A nne n’y vint p a s , quoiqu’elle fût chez le général depuis une
quinzaine de jours.
« Après cette cérémonie , le général Destaing donna une
féte à laquelle le général en c h e f, plusieurs généraux et offi
ciers supérieurs furent invités : il a pu dire à A n n e que cette
féte étoit pour e lle; il disoit le contraire à son cousin, et assu
rait à la dame Delzons qu’elle étoit pour elle et pour la nais
sance de son fils. En e f f e t , ce ne pouvoit être pour célébrer
le prétendu m ariage, puisque la féte a eu lieu plus de quinze
jours après qu’ANNE étoit entrée chez le général. Il y eut à la
même époque plusieurs fêtes au C aire, chez les généraux Lanusse, Belliard, l’ordonnateur en c h e f D aure : A n n e n’a paru
dans aucune.
« Anne n’est point fille de N a z o , comme elle le prétend,
mais bien du premier mari de sa mère : celle-ci épousa Barth élem i, aujourd’hui retiré à Marseille. N azo l’enleva de chez
Barthélem i, et a depuis vécu maritalement avec elle. A nne a
une sœur du premier mariage de sa mère.
G
�-
c 5o )
« L e général Destaing avoit rendu des services à N azo ; il
l’avoit fait nommer c h ef de bataillon d'une légion grecque, en
récompense de son zèle et de son dévouement aux Français.
Nnzo en a conservé une grande reconnoissance.
« Il est faux que Nazo passât pour un homme riche ; tout le
monde savoit qu’il étoit prodigue à l’e x c è s, donnant au premier
venu tout ce qu’il avoit quand il étoit ivre; et cela lui arrivoit
presijue tous les jours. Il dissipoit ainsi en peu do temps le
profit des fermes qu’il avoit prises. Sa famille a souvent éprouvé
des besoins par son inconduite. Il ne jouissoit d’aucune consi
dération , parce qu’il n’en méritoit aucune. Sa bravoure et ses
services étoient ses seuls titres à la protection de l’armée , et
lui avoient valu son grade dans la légion grecque que le général
Destaing avoit organisée.
« Le général Destaing a quitté le Caire le 20 ventûse an 9 ,
pour se rendre à Alexandrie avec une partie de l’arm ée; depuis,
il n’a pas vu A n n e ; il n’a donc vécu avec elle que du 29 ni
vôse au 20 ventûse an 9. Toutes les attestations délivrées à
Anne, portant son mariage en l’an 8, sont erronnées. Le général
Delzons se borne à une seule observation que lui fournit le
certificat du général Menou. Ce général atteste qu’étant général
en ch ef de l’arm ée d’Orient , le général Destaing s’est marié
en l’an 8 . L e g é n é ra l en ch ef K leber ne fut assassiné qu’en
prairial an 8. L e général Menou prit alors le commandement
de l’aim ée. Le général Destaing commandoit la province de
Rozette; il n’a été rappelé de cette province qu’en brumaire an
9 , lorsque la division Lanusse se rendit d’Alexandrie au Caire,
et qu’elle fut remplacée par celle du général Friant. L e général
Zayouchck releva h Rozette le général Destaing. Ce mouve
ment est assez connu de l’armée d Orient, pour n’étre contesté
par personne. Le général en ch ef Menou est encore dans l’er
reur quand il dit : D ’après cette déclaration solennelle f du
général Destaing J , j e m ’engageai à y assister , ainsi qu’au,
�( 5r. }
re p a s,,q u i eut lieu après Je m ariage', je rem plis m a promesse :
tout s ’y passa avec la plus g ra n d e ré g u la rité , et Lel qu ’i l devoit ê t r e , sous les rapports civils et relig ieu x .
« L e général Delzons répète qu’il n’y a eu aucune cérém o
nie de mariage ; que le général en ch ef Menou n’a pu assister
à aucune ; que le repas dont il parle n’a eu lieu que plus de
quinze jours après l’entrée d’ÂNNE chez le général Destaing.
L e général en c h e f ne peut pas dire que tout s’y passa avec la
plus grande régularité, sous les rapports civils et religieux , puis
qu’il ne fut dressé aucun acte civil de m ariage, qu’on n’eût pas
manqué de faire rédiger par l’ordonnateur Sartelon , signer du
général en c h ef et des généraux invités, comme cela s’est pra
tiqué pour les mariages légitimes auxquels le général Menou
avoit assisté auparavant. »
T elle est la déclaration du général D elzons; il annonce que
c ’est là la déposition qu’il fera en ju stic e ; et il atteste qu’elle
ne contient que la plus exacte vérité.
Il est donc certain qu’ANNE ne fut jamais unie en légitime
mariage avec le général D estaing; qu’elle n’a été considérée
comme son 'épouse , ou qualifiée telle que par complaisance
( ou par foiblesse ), et pour qu’elle ne fût pas avilie pendant
sa cohabitation; que la qualification, ou, si on veu t, l’usurpa
tion du nom de celui avec lequel on cohabite, ne peuvent tirer
à conséquence, e t, malheureusement pour les m œurs, ne sont
que trop communes , même en F ra n c e , à plus forte raison
dans un pays où la licence des camps ajoutoit encore à la dé
pravation qui règne dans ces contrées.
Tous les doutes doivent s’évanouir aujourd’h u i, qu’il est re
connu qu’Anne étoit fille de père et mère catholiques romains,
qu’elle a été élevée dans cette religion. B a rth è le m i, son premier
parâtre, s’explique assez disertement ; et ce n’est que par ce
m otif qu’il insistoit auprès du général pour qu’il épousât A n n e
devant un prêtre latin.
Il savoit que les prêtres grecs ne pouvoient ni ne vouloient
G 2
�( 52 )
marier des personnes d’un culte différent. Les héritiers Destaing
n’en sont pas réduits h de simples assertions , sur ce point de
discipline parmi les G recs ; ils se sont procuré une expédition
délivrée sur l’expédition originale , du certificat du patriarche
d’ Alexandrie, donné par lui le 10 février 180 9 , dans la cause
du généra] Faultrier. Ce certificat s’exprime en ces termes ( on
ne rappelle que ce qui est relatif à la cause ) :
« Théophile, parla grâce de D ieu , pape et patriarche d’Alexan« drie, p arla présente, notre écriture, certifions qu’aucun prêtre
« quelconque de notre dépendance 11e peut célébrer de mariage
cc entre personnes de religion différente ;
« Que la" célébration de mariage entre personnes de même
« culte ne peut être faite sans la permission patriarchale, et que^
cc l'acte desdits m ariages est écrit sur un registre tenu ¿1 cet
cc effet. »
Ce certificat, signé du patriarche, et scellé du sceau de ses
arm es, est légalisé par le consul de France; il est écrit en grec
m oderne, et traduit par le sieur Bourlet, interprète assermenté
près le conseil spécial des prises : son authenticité ne peut être
contestée.
L a preuve que les prêtres grecs tiennent des registres , est
encore adm inistréepar A n n e elle-méme , qui a rapporté en cause
principale un acte de naissance de JVIaric, sa fille. Cet acte ,
qu’elle a fait signifier l e 3 i juillet 18 0 9 , ne contient autre chose
que la déclaration de deux prêtres grecs qui disent avoir baptisé
en janvier 180 2, une fille qu’on leur a dit être issue du mariage
du général Destaing avec Am tne Nazo. Ils ajoutent que l’acte
de naissance ne fut pas ré d igé, parce que c ’étoit une chapelle
isolée : donc les prêtres grecs tenoient des registres dans l’église
principale.
Les incertitudes , les contradictions qui régnent dans la
défense d’Anne , fatiguent également et l’esprit et le cœur..
Quel est celui qui oseroit prononcer qu’Anne esc la femme
légitime du général Destaing ?
�( 53 )
Tous les Français qui se sont mariés en E g yp te, rapportent
des actes qui constatent la célébration du m ariag e, assurent
leur état et celui de leurs en Pans.
A nne ne rapporte aucun é c r it, aucunes traces de ce prétendu
mariage ; oubliant elle-méme l’époque où elle a eu l’honneur
de s’unir à un général français , elle a osé dire qu’elle s’étoit
mariée en l’an 8 , que sa cohabitation avoit duré un an.
Il est prouvé qu’il y a impossibilité que le mariage ait été
fait en l’an 8, et que la cohabitation n’a pu durer que deux mois.
Elle se dit fille de Jo a n n y N azo , vante le rang et la fortune
de son père , la considération dont jouissoit sa famille.
Il est prouvé qu’elle n’est pas fille de N azo , qu’elle doit le
jour à un A rm énien, qu’elle est fille d’une mère qui a encore
deux maris vivans.
Il est établi que N azo étoit un fabricant détaillant d’eau-devie ; et à son arrivée à Marseille , il a sollicité et obtenu un brevet
de fabricant d’eau-de-vie de raisins secs : son brevet est dans
le bulletin des lois de l’an n .
Elle prétend être Grecque d’origine et de religion.
Il est prouvé qu’elle est née de père et mère catholiques ro
m a in s , et qu’elle a eu le bonheur d’être élevée, et de professer
la même religion.
Elle veut avoir été mariée par le patriarche d’A lexan d rie,
quoique le général Destaing fût catholique romain.
Il est établi que le mari a le droit et l’usage de choisir pour
cette cérémonie un prêtre de sa religion.
Il est prouvé par le certificat du patriarche, qu’aucun prêtre
de sa dépendance ne peut célébrer de mariage entre personnes
de religion différente.
Elle entreprend de prouver qu’elle a été mariée publiquement
et solennellement par le patriarche d’A lexandrie, suivant le rite
grec , et les usages accoutumés.
Un caporal a été présent au mariage d ’un g e n e ra l de d iv i
sion ; et il ne s’est trouvé à cette cérémonie auguste, qui faisoit
�ISO
( 54 )
one si grande sensation, que la m ère , le frère et le beau-père
de sa m ère.
E lle devoit établir qu’elle avoit été mariée par le patriarche .
$ A lexan drie : ses témoins de visu ne parlent que d ’un p atriar
che grec. O r, on sait qu’il y a plusieurs patriarches grecs en
E gyp te, et que le patriarche schismatique est celui qui s’ar
roge exclusivem ent ce titre pom peux, cette espèce de supré
matie que les autres G recs traitent de jonglerie. JS’est-ce pas
encore une affectation de n’avoir pas fait expliquer les témoins
d’une manière précise?
E lle avoit fait assigner Joanny N a z o , elle s’en est départie;
elle a craint que dans un moment d’iv re sse , Nazo ne fit une
déclaration contraire à ses intérêts.
E lle n’a point appelé en témoignage son aïeule m aternelle,
fem m e de Joseph 'T ütu ngi , désignée par le général sous le nom
de la bonne v ie ille , parce que cette fem me, catholique rom aine,
fidèle à sa religion, connoît toute la force d’un serment devant
D ieu et les hom m es, et 11’auroit rien déclaré de contraire à
la vérité.
Elle soutient qu’elle a été mariée en présence du général
Delzons ; elle invoque son témoignage.
L e général désavoue qu’il ait existé un lien lé g a l , et qu’il
y ait eu aucune c érém on ie religieuse.
Elle veut être l’épouse du général Destaing ; et celui-ci dé
pose dans le sein paternel la déclaration qu’il n’est pas m arié,
qu’il n’y a entre A n n e et lui qu’un arrangement oriental. Il
la repousse de son sein , et désa/oue son mariage jusqu’au dernier
moment.
Ses parens les plus proches, et dans l’intimité des confidences,
n’ont entendu de lui que des plaisanteries sur le genre de liai
son qu’il avoit avec A n n e .
Que reste-t-il donc à A nnc ? un procès verbal où M. Destaing
père a accepté la tutelle de sa petite-fille.
Elle abuse de la foiblesse d'un vieillard qui lui a accordé
»
�( 55 )
l’hospitalité , qu’elle a trompé ou intéressé dans l’état d’aban
don où elle se trouvoit alors.
Mais cet acte de tutelle est fait hors la présence des frères ,
qui ne furent point appelés , quoique plusieurs d’entre eux ,
m ajeurs , se trouvassent à Aurillac.
Mais les reconnoissances du père ne peuvent nuire aux frères,
qui étoient exclusivem ent appelés à la succession du général.
E lle fait parade d’une lettre du maréchal Soult, qui l’a traitée
avec civilité , parce qu’elle lui a été présentée comme fem me
d’ un général ; et le maréchal Soult ne devoit pas , sans doute ,
exiger qu’elle justifiât de son acte de mariage.
Elle n’a été admise à la preuve testimoniale qu’à raison de
ce qu’elle soutenoit qu’il n’y avoit aucun registre , et qu’il n’étoit
pas d’usage d’inscrire les mariages.
Il
est prouvé que les prêtres de toutes les religions, et notam
ment les g re c s, tiennent exactement des registres.
Que demande donc cette fem me ambitieuse? Les frères Destaing pourroient-ils redouter ses démarches? Viendra-t-elle leur
enlever les biens de leur p è re , de leur m ère , de leur frè re ,
et d’une tante morte pendant le p rocès?
Non : les héritiers Destaing ont cette conviction , que dans
une cause de ce genre tous les esprits s’élèvent à ces vues supé
rieures du bien p u b lic, qui forment le premier objet de la justice.
C ’est ici la cause de toutes les familles. Les citoyens de toutes
les classes, de tous les états, sont intéressés à l’arrêt que la
Cour va prononcer.
Monsieur R O C H ON D E V A L E T T E , avocat général.
M e. P A G E S , ancien avocat.
M e. G A R R O N , avoué.
A RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison L a n d r j o t . — Juin 1811 .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, frères. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rochon de Valette
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour les frères Destaing, appelans ; contre Anne soi-disant Nazo, se disant veuve du général Destaing, et tutrice de Marie, sa fille, intimée.
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
55 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2003
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0609
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53373/BCU_Factums_G2003.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53932/BCU_Factums_M0737.pdf
74b81c522d5208bd3c0bfd55cc12ffc5
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
.
�r%
r*tija
M
E
M
O
■
.r
I
y
R
£na.W£*ejæ*- a#.**
I
POUR
L é o n a r d R I X A I N , propriétaire, habitant de la
ville de Clermont-Ferrand, appelant;
C O N T R E
A n to in e
R I X A I N , propriétaire, habitant de la
ville de M a u r ia c , intim é;
E T
C O N T R E
D E L M A S , propriétaire, habitant de
la ville de M a u r ia c , aussi intimé.
A n to in e
L es juges, dont est appel, paroissent avoir méconnu,
dans cette cause, les principes de droit les plus familiers,
les plus incontestables.
•
A
�c 2 )
F A I T S .
D u mariage de Jacques Rixain et Thérèse-André de
L o u vert, père et mère communs , sont issus cinq enfans,
Antoine, Germain-Gaspard, Thérèse, Marie, et Léonard.
A n to in ei l’aîné, a été marié à la maison.
Par son contrat de mariage, du 6 juin 1764, les père
et mère l’instituèrent leur héritier général et universel,
sous la réserve d’une somme de 28000 francs pour former
la légitime des autres quatre enfans ; savoir, 24000 fr.
de la part du père, et 4000 francs de la part de la mère.,
Thérèse entra en religion : les père et mère lui consti
tuèrent, pour sa dot religieuse, une somme de 25 oo fr .,
dont 2400 francs du chef du père, et 100 francs du chef
de la mère. Elle est décédée du vivant des père et mère.
M arie a contracté mariage le 10 janvier 1774 , avec
le sieur Delmas : de ce mariage est issu Antoine Delmas
qui figure dans la contestation comme représentant sa
mère décédée en 1780.
Germ ain-Gaspard se dévoua à l’état ecclésiastique.
L e i 5 février 1775, le père voulant, est-il dit, régler et
fixer la légitime paternelle dudit Germain son fils, lui
donna par donation entre-vifs et irrévocable,
Un four bannal ( 1 ) avec une chambre, boutique et
( 1) Il ne faut pas induire de ce mot bannal, qu’il y eût un droit
de bannalité attaché. On l’appeloit bannal, parce qu’il ne servoit
pas uniquement pour l’usage de la m aison; qu’il servoit pour le
public, pour tous ceux qui volontairement y venoient faire cuire,
moyennant une petite rétribution.
�( 3)
grenier y attenant, situés dans la ville de Mauriac ;
Une terre et petit pré attenant, situés au terroir de
la Bizette ;
A utre terre située au terroir Delfraissi.
Il se réserva, durant sa vie et celle de son épouse, l’usu
fruit des objets donnés.
Cette donation n’a point été insinuée.
lie i 5 juillet 17 7 7 , le père a fixé également la légitime
de Léonard R ixain; il lui a cédé et délaissé, du consen
tement de l’aîné présent à l’acte, pour tout droit de légi
time paternelle, une somme de 9000 francs à prendre
sur un contrat de 12000 francs , dû par le sieur Dorcet,«
et les intérêts qui pourroient être dûs dudit contrat,
lesquels intérêts formoient un objet d’environ 1000 francs.
A u moyen de ce transport, Léonard Rixain a été satis
fait de ses droits paternels.
L e II janvier I 779 >Léonai-d Rixain a contracté mariage
avec la demoiselle Raimond. Il est inutile de rappeler'
les différentes clauses du contrat de mariage ; on ne rappel
lera que celle relative à la contestation.
cc En même faveur du mariage, est-il d it, R ixain,
« prêtre , donne de son chef au futur époux son frè re ,
« à titre de donation entre-vifs et irrévocable, la moitié
« des biens fonds qui ont été donnés audit donateur, au
« même litre de donation entre-vifs, par le sieur Rixain
a père.
Suit le détail des héritages.
« Sans néanmoins, est-il ajouté , aucune garantie que
« des faits et promesses dudit Rixain, prêtre, donateur,
« et avec subrogation au profit du fu t u r époux, à la
A 2
y
�( 4 }
<* moitié de tous les droits de légitime et autres dudit.
« R ix a in , prêtre , du c h e f paternel.
« L u i donne en outre la moitié des biens qui lui échoi« ront à titre de légitime ou institution , dans la suc« cession de la mère.
« Lesdites donations ainsi faites à la charge de l’usu« fruit et de la jouissance, envers lesdits père et m ère,
« et au dernier vivant. »
Cette donation a été insinuée au registre de form e,
le 27 avril suivant.
La mère est décédée en 1788 , et le père en 1789, sans
avoir fait d’autres dispositions que celles ci-dessus.
L e père a laissé des propriétés d’une valeur considé
rable. La fortune de la mère étoit mobilière : elle consistoit uniquement dans «la somme de 4656 francs qui lui
avoit été constituée par son contrat de mariage.
Ptixain, prêtre , est décédé en 17 9 1, sans avoir pareil
lement fait de dispositions. Sa succession a été à partager
par tiers entre ses deux frères, et Delmas, son neveu, fils
de Marie , sa sœur , prédécédée.
Nous disons par tiers. La donation faite par R ixain,
prêtre, a L éo n ard , quoiqu’il n’ait pas été dit qu’elle
étoit faite par précipu t, n’étoit pas un obstacle h ce que
celui-ci vînt à la succession. On sait qu’en pays de droit
écrit, et sous l’empire des anciennes lois, les donations
n’étoient sujettes à rapport qu’en ligne directe ; qu’on
pouvoit en collatéi’ale cumuler la qualité d’héritier et de
donataire.
E11 cet état, quels étoient les droits du sieur Rixain ,
autres que ses droits directs paternels ?
�((5)j
* Il aVoit a prétendre,
i-,
•: D a n s la succession de la mère , consistant en la somme
de 4656 fr. par elle-"apportée en dot ,>
'*
i°. Un douzième de ¡son ch ef,. mon tant de sa légitime
de rigueur;
T
2°. Comme donataire de la moitié des droits maternels
de R ixain , prêtre, la moitié d’un pareil douzième;
3°, Comme héritier du même R ixain , p rêtre, pour
un tiers, le tiers dans l’autre moitié d’un pareil douzième :
D an s les biens 'du père, du chef dudit R ix a in , p rêtre,
aux mêmes qualités,
La moitié des fonds donnés par le père audit R ixain,
prêtre, et dont celui-ci avoit disposé en faveur de son
frère par son contrat de m ariage, et un tiers dans l’autre
moitié.
E t en cas de difficulté, la moitié de la légitim e de
rigueur dudit Rixain , prêtre , à laquelle il avoit été
subrogé, et un tiers dans l’autre moitié.
Par exploit du 23. ventôse an 1 2 , il a formé demande
de ces divers droits.
. >
Il a fait citer au tribunal d’arrondissement de M auriac,
après avoir épuisé la voie [de la conciliation^ ; Rixain
aîné, détenteur de tous les biens , et Antoiüc.iD clm as,
son neveu', r " i-' • ■'! ri
•
" jvV; ui' j- î r ■
Il a conclu 'contre Rixain a în é , à ce qu7il fût con
damné à lu r payer le douzième qu’il amendoit de sou
chef dans la-somme de 4666 fr. montant dé la dot de
la mère , et du chef de R ixain, prêtre y.la moitié , et un
tiers dans l’autrp'moitié de pareil■
d o u ziëm b avec intérêts,
depuis le décès dû père ;
i- ’ •'* J
»
�(6)
A ce qu’il fût condamné à venir à division et par
tage des biens donnés .par. le père à R ixain , prêtre-, par
l’acte de donation du i6< février 1775 /pour lui en être
délaissé»la m oitié, et un tiers dans l’autre moitié: .
Et où les juges y feroient quelque difficulté, il fût con
damné à venir ù division et partage de tous les »biens
meubles et immeubles dépendans dé la succession du père
commun , pour en être distrait un douzième formant la
légitime, de.droit de R ixain , prêtre, et ledit douzième
distrait, ,être divisé pour lui en être délaissé la moitié et
le tiers dans la moitié ;
t A vec restitution des jouissances et des dégradations des
objets qui lui Iseroient attribués depuis le décès du père.
' E t contre Antoine D elm as, cohéritier par représen
tation de sa mère dudit Rixain , p rêtre, à ce que le
jugement à intervenir fût déclaré commun avec lui.
ù Sur cette demande, jugement contradictoire est inter
venu, le 23 messidor an 12 ,'dont.les motifs sont la trans
cription dès délensès des parties adverses.
Ce jugement est ainsi conçu:
‘
« Attendu que par le contrat de mariage d’Antoine
k R ixain , défendeur, du 6 juin 176 4, ses père et mère
« l’ont'institué lèui ^héritier général et universel, sous
« la seule réserve de disposer de la part du père, d’une
cc somme dé 24000 francs, et de la part de la m ère, d’une
« somme de 4000 francs ;
• k Attendu» que, par ces mêmes réserves , les père et
« m'ère'.düdit Antoine iRixain sé sont imposés des bornes
et àr'liiurLlibéralitéjiqu’Jis u’ont -pu. oulre-passer , et que
a conséquemment ledit Rixain père n’a p u , au préju-
1
�C7 )
clice de ladite institution, donner à Germain-Gaspard
Rixain des immeubles faisant partie de ladite insti
tution; .
,
« Attendu d’ailleurs que la donation qu’il a faite de
ces immeubles, par acte du i5 février 177$ , est nulle
faute d’avoir été insinuée, aux termes de l’ordonnance
de 1731 ;
)\
^
|
« Attendu q u e , d’après cela, ledit Germain Bixain ,
p rêtre, n’a pu donner valablement à Léonard R ixain ,
son frère, dans son contrat de mariage du 26 janvier
1779, les immeubles à lui donnés par son p ère, puisque
la donation faite par celui-ci étoit nulle ;
,
«l Attendu que ledit Rixain.,
prêtre,
n’a
pu donner
• • 1
• .I
«
non plus dans le même contrat de mariage, du 26 janvier 17 7 9 , et du vivant de ses père et'm ère, qui ne
sont décédés qu’en 1788 et 1789 , les droits légitimaires
qu il pouvoit alors espérer dans les successions à échoir
de ses père et m ère, parce que tçut pacte sur la suc
cession d’une personne vivante est n u l, et contre les
bonnes mœurs ;
» Attendu que ledit R ix a in , défendeur , a» toujours
offert de payer audit R ixain, demandeur , son douzième
dans la succession maternelle, et sou tiers dans le
douzième des légitimes paternelles et maternelles, de
R ixain , p rêtre, leur frère commun , après un compte
à faire entr’eu x, et de plusieurs sommes réclamées par
ledit Rixain u défendeur , et que ledit Rixain , deman
d e u r , ne^s’cs.tpas expliqué sur les prétentions du déVfcndçur,;'
; ;.o!!
,
_
, « L e tribunal, sans avoir égard à la donation faite par feu
�«
«'
«
t
«
«
( 8)
r*^ /•'
r^
.
Rixain père , ù Germain-Gaspard R ixain , p lâ tre , au
profit de'Lébrinrd Rixain , des objets compris*en ladite
donation de 1770, qu’il déclare de nul effet, cette pre#
^
*
»{ •r
mière donation , étant nulle , saris s’arrêter non plus
à la donation également faite par le riiemé contrat de
« mariage de 177 9 , par ledit R ix a in , prêtre , au profit
« çludit L éo n a rd R i x a i n , de la m oitié de sêd légitimes
^‘ 'patbrnélle et maternelle- qui nb lui étaient pas alors
W’acqûlses, puisque :ses père et mèi’e étoient encore
« ’ viÿans , e t’qu’il ne pouvoit faire aucune convention
« Jsi1l; leur future succession qu’il ne pouvait pas re« cueillir ; déclare aussi lesdiies donations nulles ; donne
« ^icüe aiitllt Aütüïriô^Rixraîn'j'défendeur, des offres qu’il
CC a filït^ de payer ntidit Léonard Rixain son douzième
c/ dè ‘ia‘ siicccslton m obilière de T h é r è s e - A n d r é , m ère
cc coriimmifej de liii piiVer aussi son tiers du douzième
« forma ril jÎîVlêgitiïne maternelle d üdi t G ermui n-Gaspa rd
c7 Rixàinr^ et'^’aulre'tiôts’ audits .Delmas , et de venir à
r olfi
j
, é •.
t ?
«■'partagé avcêiiti et ledit' Delmas dù douzième dans les
« Liens du père commun , revenant audit Germain-G as• , * • ’ t/. v c 1 . r
, .*V
’ . ’
1
« para RixJiiti pôiii" sa légitime paternëlle, pour en ôlre
« 'clefaîsse uu tife^a’hüdit Luonard Rixain , mi autre tiers
k * nuefit
Inclinas, et îe •dernier tiers au d éfen deu r, auquel
<i * 11• *’ '
!
*
« \leineurent1réservé^ toûs 'sieis moyens de compensation,
«" exceptions ; finâ cîB non-i-éceVoir, et défenses demeu« Aant^'éserveës' auclif LéoiiVircl-Riicafn à l’eiîct de quoi
«1 iis:conlesfcro^t’ pliisü«Viin^VenVMït', dépèns'réservéà!^
* L é o n a r d Rïi'a'iii a1, interjeté'*app6V do c e ^ j u g e m e h t ^ et
c’est sur çe.t a p p e l q u e les parties a tt end en t fci* decfisi'oir
s6uvcrtiirio'clerla Coitr.
u ’
.
iJ
~>
M O Y E N S.
�(9)^
M O Y E N .S. . .
La contestation présente les questions suivantes:
L e père commun a-t-ril p u , s’étant réservé ,seulement
une somme de 24000 fr. à disposerren.,argent,, .fixer la
légitime de Rixain;, .pretre, (en fonds ? L a donation du
i 5 février 1776 est-elle nulle sous ce-rapport?
Cette donation e s t-e lle n ulle, comme (n’ayant point
été insinuée? (
^ t ^
^
Les intim és, héritiers chacun pour une portion de
) Jlü- 7
.
1
! ‘r
Rixain , p r ê t r e é t a n t en cette qualité tenus, pour la
part qu’ils amendent dans la succession, des engagemens
dudit Rixain qui a transmis à l’appelant partie de cette
donation, peuvent-ils exciper du défaut d’insinuation? (
Dans tous les cas, la donatiop faite par Rixain, prêtre ,
à l’appelant, dé la moitié de ses droits paternels, est-elle
valable ? doit-elle avoir son effet ?
L ’appelant, indépendamment de là donation à lui faite
par R ixain, prêtre, soit de la moitié des objets particuliers
compris dans la donation du 1 5 février 177 5, soit de la moi
tié de ses droits légitim ants, a - t - i l droit comme cohé
ritier à une portion dans le surplus des biens dudit
R ixain , prêtre, décédé sans avoir fait d’autres disposi
tions? En d’autres termes, p e u t-il cumuler la qualité
de donataire et d’héritier?
Telles sont les questions sur lesquelles la cour a à
prononcer.
B
�( 10 )
P R E M I-ÈRE!
Q U E S T I O N .
Les-juges dont est appel ont jugé que le père s’étant
réservé uniquement- uné; somme en : argent à disposer,
n’avôit1 pu donner des fonds’en payement de la légitime.
G’est une erreur , et une erreur que le pltts simple rai
sonnement va rendre sensible.
1
Celui qui fait une institution , avec réserve d’une
somm e, n’a pas ordinairement cette somme en. ses mains.
Il ne peut se la réserver à prendre sur les deniers qu’il n’a
pas ; il ne peut se la réserver à prentlré que'sur ce qui
compose la succession. Il a donc le droit de disposer des
fonds de la succession, des immeubles comme des.meu
bles, jusqu’à concurrence de la'somme réservée : tout ce
que l’héritier institué peut e x ig e r, c’ies^ qu’il né dispose
point au delà!
••>
- f
' )■ . I
’il. . •
,
■
* '
Celui qui fait une .institution , avec-réserve d’une
somme, ne promet pas,que sa succession-sera composée
de tels ou.-de tels fonds ; il promet seulement sa succes
sion ^ moins la .sonnrjej ,ou la valeur représentative de la
somme■
s’est
ilqu’il
1 HÎ f"
) réservée.,
•) . •
•;*
I c i, la disposition du père est d’autant plus à l’abri de
toute ¡cri,tique., que les.-fonds donnés à R ixain, prêtre,
ont été donnés en payement de sa-légitime; en payement
d’une dette sacrée, d’mie^dette que la loi lui imposoit,
d’une dette qui étoit en môme temps celle de .l’héritier ,
d’une dette que l’héritier n’auroit pu se dispenser d’ac-
�quitter lui-même en .fonds ; l e légitim aire ayant le droit
<l’exiger)sa portion en „corps héréditaires, sv) t
L ’instituant, n’a point îles ¡mains rtÜllementliëes.par'l-ins!titution , iqu’il ne tpuisse disposer ides -fonds [de^la 'succes
sion , vendre et •aliéner., ^pourviu^querce nè-soit point en
fraude de l’institution ; et ce n’est point ien !fraude de
•l’institution:, lorsqu’il m’excède ipoint;,le montant dé k
réserve -, lorsqu’il dispose pour acquitter.autaiit ria'detto
d el’héritïerque là sienne-•loi’sqa’i.l'di&pose paur aéqiuifter
en fonds, une dette due en>fafrds!’,'unextefèe:c|ue h é r itie r
n’auroit pu>se dispenser,.comme', an vient de l ’observer,
d’acquitter -lui-même ten .fonds.- j . ;n', :
* ‘ L ’héritier ne .-pourroiti se .'plaindre jqu’mitant que les
•fonds donnés seroient,de phis ^grande valeur. Mais c’est
.un 'cas particulier ; ’ on présumeroit.alôrs quTii1 .y a fraude-:,
-et le cas'de fraiidé)est toujours excepté. ..
o Gem’est point pin* .cermbtif que les juges dont .est appel
se sont décidés. Ils ont jugéienidroit què;le père s’étant
•réservé i.une isorhme .en »argent rà disposer., n’a voit pu
attribuer des fonds ren jpDyèmentjde. la.légitime. On e^t
loin d’adopter leur système.
Rixain aîrié dira-t-il que les fonds donnés excèdent
la légitime ?)qu’ils excèdent la Iréserve?
<
Peu importeroit d’abord qu’ils excédassent la légitime ,
.pourvu q u ’ i l s n’excédassent point la réserve; et on va dé- '
montrer, par le calcul le plus sim ple, qu’il s’en faut qu’ils
excèdent ¡la réserve, i . jr
L e p è r e commun s’est réservéïune somme .de 24000 fu.
Sur cette somme, il a disposé cü faveur de Thérèse-,
B 2
�X^ )
lors de son entrée en religion, d’une somme de 2400 f.;
ensuite, en faveur de M a rie, dans son contrat de ma
riage avec Delm as, d’unei sommé de 379^ francs;\il a
disposé, en ^dernier lieu, en faveuride l’appelant, d’une
somme d’environ 10000 francs, ; £es sommes réunies s’élè
vent à celle de 16195 francs; il restoit donc'libre, en ses
mains , avant d’avoir épuisé la réserve, f une somme
de 7805 francs. '
-, /- > j .
.1 ■• .
Quels sont les objets compris dans la donation ? Un
four. Ce four s’affermoit 130 ou i 5o francs: Que Rixain
aîné produise les baux à ferme. Les autres héritages sont
une terre et petit pré, consistant, est-il d it, en dix septe.rées de terre, et une autre terre de la contenue de dix
quartelées ; en tout onze septerées et demie. Il estr à ob
server que la septëréé à M auriac, comme à Aurilla’c ,
n’est que de 400 toises. La septerée de la meilleure qua
lité ne se .vendoit pas, ayant la révolution, au delà de
i 5 oirancs. Qu’on jugéjmaintenant.i
.
ii<j Peu im porteroit, avons-nous d it, que le père eût excédé
la légitime , pourvu qu’il n’ait point excédé la- réserve ;
et réciproquement nous dirons : Peu importeroit qu’il ait
excédé la réserve, pourvu qu’il n’ait point excédé la
légitime de droit. La légitime 'est une portion que la
loi réservé aux çnfans, qu’elle retranche des biens du
-père*' même malgré Ife^père : c’est une réserve légale,
qui est indépendante de la réserve conventionnelle.
Rixain aîné auroit donc à prouver que les fonds donnés
.cxcédoicnt., et la légitime , et la réserve. Il n’aura garde
<de 's’engager dans cette vériiication. , •
^ a
,
�( 13 )
Enfin, excéder oient-ils, la donation n’auroit point été
nulle pour cela ; elle sëroit seulement sujette à retran
chement : ce qui prouve de plus en plus le mal jugé du
jugement.
S E C O NDE
Q U E S T I O N . '
On ne peut dissimuler que la donation du 1 5 février
1775 n’a point été insinuée du.vivant du p è re , et que
dès-lors elle est n u lle , aux termes de l’ordonnance de
1731. Mais les intimés peuvent-ils se prévaloir de cette
nullité dérivant du fait du défunt, dont ils sont héritiers
pour une portion ? C’est ce qu’il s’agit d’examiner.
:
i . ’‘
i .
)
T R O I S I È M E
QUESTION.
.. Les adversaires ne manqueront point d’objecter que le
donateur n’est point garant de la chose donnée; que son
obligation, à cet égard, est différente de celle du vendeur ;
qu’il est censé ne donner la chose que telle, et autant
qu’il l’a ; qu’il seroit injuste qu’on pût s’armer contre le
bienfaiteur , de son bienfait.
Cette proposition est vraie en général, mais elle de
mande d’être expliquée. L e donateur n’est point garant
de la chose donnée, c’est-à-dire, qu’il n’est point garant
que la chose donnée lui appartient ; mais il est garant
de ses faits et promesses. Il n’est point garant que la chose
donnée lui appartient ; mais il ne faut pas que ce soit
par son fait que la chose ne lui a point appartenu, ou
�\
.
. ( 14 3
a cessé de lui appartenir; autrement il faudrait dire qu’il
dépend du donateur-de révoquer la donation-, contre la
maxime, donner et retenir ne vaut.
A -t-il été au pouvoir de R ixain , prêtre, en ne satis
faisant point au vœu de l’ordonnance, d’annuller la
donation qu’il avoit faite lui-même à son frè re , et en
vue de laquelle le mariage a été contracté?
L e père vivôit à l’épôqüe du‘mariage-; 'ila vécur encore
plusieurs années depuis. L ’afrticle 26‘de ^ordonnance de
*731 porte, que ‘les donations'-pourront être insinuées,
après le délai de quatre mois, même après le décès du
donataire, pOitrvu que le donateur soit encore vivant;
elle apporte seulemënt cette modification , que la donation
n’aura alors effet que du jour de l’insinuation. Pendant
que le père a existé , et ipendalnt plusieurs années après
le mariage, il a tenu à R ixain , prêtre, de valider son titre,
'de s’assüret’iincomitiütablèirieiitjla^pi-rtpviétéid'ê's objets par
lui donnés.^A-t-il ptiyen n e 1sôftîsfiiïâafüt point à' ia for
malité prescrite par ;Î’o'rdbtiriariCe , ^nnuller ses’propres
engagemens ?
Il aürôit donc -fait à l’appelant un avantage illusoire!
Celui qui donne , est maître de do'ntier, oüide ne pas
donner. Mais , lorsqu’il a donné, ’il rie peut rien faire
directement, ni^iïdiréc'tertiënt qui puisée porter atteinte
à la donation, qui püisâe enfreindre le principe de l’irré'vocabilitë /caractère essentiel de'-toute donation entre vifs.
’L e'd ü tlateü r/co rrittie Celui qu i v e n d , est toujours ga1rant dé ses'faits!iét promesses.
Si l’dbbé ‘Rixain vivoit ; si rappûla'rit'réelamoit'cOlltrè
lui l’exécution de la donation, l’abbé Rixain pourroit-il
�( i5 )
ge défendre de l’exécuter, eu disant que la donation à
lui faite, par le père commun , n’a point été insinuée,
et qu’il n’a pu donner ce qui ne lui appartenoit pas. On
lui répôndroit, avec avantage , que c’est par son fait
qu’elle n’a point été insinuée.
Mais le doute, s’il pouvoiten exister,est levé parla clause
même du contrat de mariage. L e contrat de mariage porte:
Sans a^itre garantie que de ses f a it s et promesses. 11 a
donc garanti ses faits et promesses: cette obligation de
garantie a passé à ses héritiers. Les adversaires sont donc
garans eux-m êm es, au moins pour la part et portion
pour laquelle ils sont héritiers-, de la nullité qu’ils
opposent.
Q U A T R I È ME
QUESTION.
Par le contrat de mariage de l’appelant, R ixain, prêtre,
commence par lui donner la moitié des objets compris
dans la donation du i 5 février 1775. Subsidiairement,
il lui a transmis la moitié de ses droits légitimaires pa
ternels. Les juges, dont est appel, ont déclaré cette dona
tion subsidiaii'C également nulle, comme contenant un
pacte sur une succession future. C’est le motif qu’ils ont
donné de leur décision.
Si ce motif n’étoit point consigné dans un jugement,
on auroit peine à penser qu’il fût sérieux.
Est-ce ici un marché-odieux sur la succession du père?
Est-ce ici un pacte moyennant un p rix ? Peut-on assi
miler la donation dont il s’agit à un pacte par lequel
l’un vend et l’autre achète, à vil prix, des droits sur
�( i6 )
une succession future qu’on est impatient de dévorer? La
loi a proscrit ces conventions, comme renfermant le vœu
inhumain de la mort d’autrui. Ce vœu respire dans le
vendeur et dans l’acheteur ; dans le vendeur q u i, trou
vant la mort de celui dont il attend la succession trop
lente , cède à fo rfa it, ét cède à un prix d’autant plus
modique , qu’il vend un droit incertain, un droit qui
peut même devenir caduc, par son prédécès ;_dans l’ache
teur qui a à désirer, non-seulement de bénéficier, mais
de n’être pas en perte. La clause dont il s’agit renfermet-elle rien de semblable ? Que reçoit Rixain donateur ?
Que donne Rixain donataire ? Absolument, rien. On
ne voit qu’un bienfait d’une p a rt, et l’acceptation de ce
bienfait de l’autre. Est-il défendu d’exercer et d’accepter
une libéralité ?
Si R ixain, prêtre, avoit donné tous ses biens à venir,
la donation auroit bien sans doute été valable; elle auroit
cependant bien compris les droits légitimaires à recueillir
dans la succession du père.
La donation n’est pas principalement, principaliter,
des droits légitimaires à échoir. L a donation commence
par des objets fixes et certains ; le donateur commence
par donner les héritages particuliers compris dans la
donation à lui faite par le p è re , et dont celui-ci étoit
saisi; donation, à la vérité,’ non - insinuée , mais qui
pouvoit l’être, tant que le père vivoit. La donation des
droits légitimaires n’est que sécondaire , et à défaut
d’exécution de la première ; c’est une sûreté, une garantie
que le frère a voulu donner sur les biens A venir. Et
quelle loi alors défendoit d’engager les biens à venir ?
Mais
�C 17 )
r Mais tout pacte sur la succession future: étoit-il in
terdit ? La lo i, au code Quamvis de pactis, permettait
les conventions sur successions futures, entre majeurs,
pourvu que ce fût du consentement de celui de eufus.
Cette lo i a été suivie en France; on peut voir ce que
dît à cet égard Lebrun.. Ici la-donation, a été. faite en
présence du, père, ou de son fondé de ¡pouvoir; elle a été
faite par contrat de mariage, en 'vu e de;Rétablissement
de l’appelant ; et l’on sait que les contrats de mariage
so n t susceptibles de toutes sortes de clauses.
. '.b .r
••
.
;;c • :
.. ' ?:] * )
i
C I N Q U I È M E Ï Q Ü E S' Î I O liif
‘
-[O' ! -,
Cette question est subordonnée à la décision des pré-r
cédentes. Il n’y auroit pas lieu , si la cour se déterminoit
à. déclarer les deux donations htilltis il ne-¿’agirait point
Alors d’examiner si rappelant'peut réunir la double qua^
lité de donataire et d’héritier; mais si f comme on le
présume, la cour se détermine à infirmer le jugement
qui a;déclaré lés deux donations nulles, l’appelant, pour
venir à la succession, poui* avoir droit' au partage des
biens dont R ix a in , prêtre , n’a point disposé, sera-t-il
obligé de-'rapporter ia donation? On soutient avec con
fiance la négative.
.
.
. ■
Les parties sont régies par le droit écrit , et aucun
jurisconsulte n’ignore qu’en pays de droit écrit le rapport
n’avoit lieu qu’en directe, et non en ligne collatérale.
L ’appelant réclame l’exécution; de son contrat de:m ariage ; il réclame les avantages qui lui ont été assurés
C
�( 18 )
par son frèret Devoit - il s’attendre à éprouver de la
contradiction?
t -Nous terminerons par une dernière observation.
L e jugement dont est appel réserve à Rixain tous
m oyen s de compensation. Il est ajouté, à la v é rité ,
exceptions f in de non-recevoir et défenses réservées
au contraire à l’effet d e q u o i, est-il. d it les parties
contesteront plus amplement;
E t à raison de cette plus ample contestation, réserve
les dépens.
Quels sont ces moyens de compensation ? L e sieur
Rixain auroit dû les expliquer, les établir ; il auroit dû
au moins en former demande : il ne l’a point fait. Dans
aucune de ses reqüêtes il n’a pris aucunes conclusions à
cet égard ; il s’est contenté de dire vaguement que l’ap
pelant lui doit que l’abbé Rixain devoit à la succession
du père commun ; mais il n’a point formé de demande.
Les juges dont est appel ont ordonné une plus ample
contestation su r, des demandes non formées.
S’il lui est dû par l’appelant, qu’il l’établisse : l’applant offre de le payer sur le champ.
I.
M e. P A G È S - M E Y M A C , jurisconsulte.
M e, M A L L E T ,
avoué.
H
A R IO M , de l’imprimerie de
L
, seul imprimeur dela
Cour d’appel.
a n d rio t
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rixain, Léonard. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Mallet
Subject
The topic of the resource
successions
héritier universel
four banal
pays de droit écrit
contrats de mariage
donations
Description
An account of the resource
Mémoire pour Léonard Rixain, propriétaire, habitant de la ville de Clermont-Ferrand, appelant ; contre Antoine Rixain, propriétaire, habitant de la ville de Mauriac, intimé ; et contre Antoine Delmas, propriétaire, habitant de la ville de Mauriac, aussi intimé
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1764-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0737
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1025
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53932/BCU_Factums_M0737.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mauriac (15120)
La Bizette (terroir de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contrats de mariage
donations
four banal
héritier universel
pays de droit écrit
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53123/BCU_Factums_G1025.pdf
ce779e6b2d97f0e33a0eceed0048e187
PDF Text
Text
MEMOIRE
POUR
Léonard
R I X A l N , propriétaire, habitant de la
ville de Clermont-Ferrand, appelant;
CONTRE
A n t o i n e R I X A I N , propriétaire,
habitant de La
ville de Mauriac 9 intimé;
E T
C O N T R E
D E L M A S propriétaire, habitant de
la ville de Mauriac, aussi intimé.
A n to in e
L es juges, dont est appel, paroissent avoir méconnu,
dans cette cause, les principes de droit les plus familiers,
les plus incontestables.
A
�F A I T S .
>
D u mariage de Jacques Rixain et T h érèse-A n d ré de
L o u v e r t, père et mère com m uns, sont issus cinq enfans,
A n to in e , Germain-Gaspard, Thérèse, M arie, et Léonard.
A n t o in e , l’aîné, a été marié à la maison.
P a r son contrat de mariage, du 6 juin 1764, les père
et mère l ’instituèrent leur héritier général et universel,
sous la réserve d’une somme de 28000 francs pour former
la légitime des autres quatre enfans; savoir, 24000 fr.
de la part du père, et 4000 francs de la part de la mère.
Thérèse entra en religion : les père et mère lui consti
tuèrent, pour sa dot l'eligieuse, une somme de 2Ôoo f r . ,
dont 2400 francs du chef du p è re , et 100 francs du chef
de la mère. Elle est décédée du vivant des père et mère.
M a rie a contracté mariage le 10. janvier 1 7 7 4 , avec
le sieur Delmas : de ce mariage est issu A n to in e Delmas
qui figure dans la contestation comme représentant sa
mère décédée en 1780/'
,
r
G erm ain -G a sp a rd se dévoua à l’état ecclésiastique.
L e 1 5 février 1776, le père voulant, est-il dit, régler et
fixer la légitime paternelle dudit Germain son fils, lui
donna par donation entre-vifs et irrévocable,
U n four bannal ( 1 ) avec une cham bre, boutique et
( 1 ) 11 ne faut pas induire de ce mot bannal, qu’il y eût un droit
de bannalité attaché. On l ’appeloit ban n al, parce q u ’il ne sorvoit
pas uniquement pour l ’usage de la m aison ; qu’il servoit pour le
p ublic, pour tous ceux qui volontairement y venoient faire cuire,
m oyen nan t une petite rétribution.
�s û
m
grenier y attenant, situés dans la ville de M auriac ;
Une terre et petit pré attenant, situés au terroir de
la Bizette ;
A u tr e terre située au terroir Delfraissi.
Il se réserva, durant sa vie et celle de son épouse, l’ usu
fruit des objets donnés.
Cette donation n’a point été insinuée»!
L e i 5 juillet 1 7 7 7 , le père a fixé également la légitime
de Léonard R ix a in ; il lui a cédé et délaissé, du consen
tement de l’aîné présent à l’acte, pour tout droit de légi
time paternelle, une somme de 9000 francs,à prendre
sur un contrat de i s q o o francs, dû-par le sieur Dorcet,
et les intérêts qui pourroient être dûs dudit contrat ,
lesquels intérêts formoieut un objet d’environ 1000 francs.
A u moyen de ce transport, Léonard Rixain a été satis
fait de ses droits paternels.
*
• L e 11 janvier 177g, L éon ard R ixain a contracté mariage
avec la demoiselle Raimond. 11 est inutile de rappeler
les différentes clauses du contrat de mariage ; on ne rappel
lera que celle relative à la contestation.
« E n même faveur du m ariage, e s t-il d it , R ix a in ,
« p r ê t r e , donne de son chef au futur époux son f r è r e ,
« à titre de donation entre-vifs et irrévocable, la moitié
« des biens fonds qui ont été donnés audit donateur, au
« même titre de donation entre-vifs, par le sieur Rixain
« père.
Suit le détail des héritages.
« Sans néanmoins, est-il ajouté , aucune garantie que
« des faits et promesses dudit R ixain , p r ê tr e , donateur,
« et avec subrogation au profit du f u t u r ép o u x , à la
A 2
�< h
(4 )
« m oitié de tous les droits de légitime et autres dudit
« R i x a i n , prêtre , du c h e f paternel.
« L u i donne en outre la moitié des biens qui lui échoi« ront à titre de légitime ou institution , dans la suc« cession de la mère.
« Lesdites donations ainsi faites à la charge de l’usu« fruit et de la jouissance, envers lesdits père et m ère,
« et au dernier vivant. »
Cette donation a été insinuée au registre de fo r m e ,
le 27 avril suivant.
L a mère est décédée en 1 7 8 8 , et le père en 1 7 8 9 , sans
avoir fait d’autres dispositions que celles ci-dessus.
L e père a laissé des propriétés d’une valeur considé
rable. L a fortune de la mère étoit mobilière : elle consistoit uniquement dans la somme de 4656 francs qui lui
avoit été constituée par son contrat de mariage.
R ix a in , prêtre , est décédé en 1 7 9 1 , sans avoir pareil
lement fait de dispositions. Sa succession a été à partager
par tiers entre ses deux frères, et D clm as, son neveu, fils
de M arie , sa sœ u r, prédécédée.
Noua disons par tiers. L a donation faite par R ix a in ,
p rê tre , à L é o n a rd , quoiqu’ il n’ait pas été dit qu’elle
étoit faite par p r é c ip u t, n’étoit pas un obstacle ce que
celui-ci vînt à la succession. O n sait qu’en pays de droit
é c rit, et sous l’empire des anciennes lois, les donations
n’étoient sujettes à rapport qu’en ligne directe ; qu’on
pouvoit en collatérale cumuler la qualité d’héritier et de
donataire.
* '
' En cet état, quels étoient les droits du sieur R ix a in ,
autres que ses droits directs paternels ?
�( 5 )
"Il avoit à prétendre,
D a n s la succession deda m è re, consistant en la somme
de
4656
fr. par elle apportée en d o t ,
i°. U n douzième de son ch ef, montant'de sa légitime
dé rigueur;
20. Gomme donataire.de la moitié des droits maternels
de : R i x a in , p rê tre , la moitié d’un p a r e il. douzième ;
3°. Gomme héritier du ; même R i x a in , prêtre , pour
un tiers, le tiers dans l’autre moitié d’un pareil douzième :
D a n s les biens du p è r e , du chef dudit R i x a in , p r ê tr e ,
aux mêmes q ualités,
L a moitié des fonds donnés".partie père audit R ix a in ,
prêtre , et dont celu i-ci'a v o it disposé<en faveur ;de son
frère par son contrat de m ariage, et lin tiers dans l’autre
moitié.
E t en cas de difficulté, la moitié de la légitime de
rigueur dudit R i x a i n , p r ê t r e , à. laquelle il avoit été
subrogé , et un tiers dans l ’autre moitié.
; . v,
P a r exploit d u 23 ventôse an 12 , il a formé demande
de ces divers droits.
Il a-fait citer au tribunal d’arrondissement de M a u r ia c ,
après avoir épuisé la voie de la conciliation
a în é , -détenteur de tous les biens
R ixaiu
et An toin e D elm as,
so n n e v e u .
Il a conclu contre R ixain aîné , à ce qu’il fût con
damné à lui payer le douzième qu’il ainendoit de son
chef dans la som m e'd e 4 656 fr. montant de la dot de
la mère , et du chef de R ix a in , prêtre , la m o itié , et un
tiers dans l’autre moitié de-pareil douzième , avec intérêts
depuis le décès du père \
�( 6 )
A cc qu’il fût condamné à venir à division et par
tage des biens donnés par le père à Rixain , p r ê tre , par
l’acte de donation du 16 février 1 7 7 5 , pour lui en être
délaissé la m oitié, et un tiers dans l’autre moitié:
E t où les juges y feroient quelque difficulté y il fût con
damné à venir à division et partage de tous les biens
meubles et immeubles dépendans de la succession du père
commun , pour en être distrait un douzième formant la
légitime de droit de R i x a in , prêtre , et ledit douzième
distrait, être divisé pour lui en être délaissé la moitié et
le tiers dans la moitié ;
• A v e c restitution des jouissances et des dégradations des
objets' qui lui. seroient attribués depuis le décès du père.
• K t contre A ntoine D clm as, cohéritier par représen
tation de sa mère dudit R ixain , p r ê tr e , à ce que le
jugement à intervenir fût déclaré commun avec lui.
; S u r cette demandé, jugement contradictoire est inter
ven u , le 23 messidor an 12 , dont les motifs sont la trans
cription'des défenses des parties adverses.
Ce jugement est ainsi conçu:
« Attendu que par le contrat de mariage d’A ntoine
« R ix a in , défendeur , du 6 juin 17^4 > ses père et mère
k l’ont institué leur héritier général et universel, sous
« la seule réserve de disposer de la part du p è re, d’une
« somme de 24000 Irancs, et de la part de la m è r e , d’une
«
*•'
k
a
«
somme de 4000 l l’yiics ?
« Attendu q ue, par ces mêmes réserves , les père et
mère dudit Antoine Rixain se sont imposés des bornes
à leur libéralité qu’ ils n’ont pu outre-passcr , et que
conséquCmmeiit ledit Rixaiu père 11’a pu , au préju-
�(7 )
« dice de ladite institution, donner à Germain-Gaspard
« R ixain des immeubles faisant partie de ladite insti« tution;
,
,
« Attendu d’ailleurs que la donation qu’il a faite de
« ces im meubles, par acte du 1 5 février 1 7 7 5 , est nulle
« faute d’avoir été insinuée, aux termes de l’ordonnance
« de 1731 ;
«
«
«
«
« Attendu q u e , d’après cela , ledit Germain R i x a in ,
prêtre , n’a pu donner valablement à Léonard R ix a in ,
son frère, dans son contrat de mariage du 26 janvier
1 7 7 9 , les immeubles à lui donnés par son p è r e , puisque
la donation faite par celui-ci étoit nulle;
« Attendu que ledit R ix a in , p rê tre , n’a pu donner
« non plus dans le même contrat dema^ipgp, du 26 jan«
«
«
«
vier 1 7 7 9 , et du vivant de ses père et m è re , qui ne
sont décédés q u’en 1788 et 1789 , les droits légitimaires
qu’il pouvoit alors espéi’er dans les successions à échoir
de ses père et m è re , parce que- tout pacle sur-la suc-
c< cession d'une personne vivante est n u l , et contre les
« bonnes mœurs ;
35 A ttendu que ledit R i x a i n , défendeur , a toujours
« offert de payer audit R ix a in , dem andeur, son douzième
« dans la succession m aternelle, et son tiers dans le
«.douzième des légitimes paternelles.et maternelles de
« R ix a in , p rêtre , leur frère commun , après 1111 compte
« à faire entr’e u x , et de plusieurs sommes réclamées par
« ledit Rixain , défendeur , et que ledit Rixain , deman« d eu r, ne s’est pas expliqué sur les prétentions du d é« fendeur ;
« L e tribunal, sans avoir égard à la donation faite par feu
»
�( 8 )
«
«
«
«
«
«
«
«
R ix a in 'p è re , à Germ ain-Gaspard Rixairi-, p r ê t r e , au
profit de Leonai-d R ixain , des objets cdmpris-en ladite
donation de 1 7 7 5 , qu’il déclare de nul effet, cette’première 'donation ] étant nulle ,- sans s’arrêter: non plus
à la1 donation également'faite par le même contrat de
mariage de 1779 , par ledit Rixain , prêtre , au profit
dudit Léonard R ix a in , de la moitié de ses légitimes
paternelle et maternelle, qui 11e lui étoient pas alors
«'acquises, puisque ses père et mère étoient encore
« vivans , et qu’il ne pouvoit faire aucune convention
« sur leur future succession qu’il ne pouvoit pas re«
«
«
«
cueillir ; déclare aussi Iesdites donations nulles ; donne
acte audit A n t o in e 'R ix a in , d éfen d eu r, des offres qu’il
a faites d e'p fy er audit Léonard RiXain son douzième
de la siicccssion mobilière de T h é r è s e - A n d r é , mère
com m u n e, de lui payer aussi son tiers du douzième
« formant la légitime maternelle dudit Gennain-G aspard
« ’R ix a in , et l’autre tiers audit B e lm a s , et de venir à
« partage avec lui ôt ledit Delmas du douzième dans les
« biens du père commun , revenant audit Germain-;Gas« pard Rixain pour sa légitime paternelle, pour en être
« délaissé un tiers audit Léonard Rixain , un autre tiers
« audit Delmas , et le dernier tiers au défendeur, auquel
« demeurent réservés tous scs moyens de compensation,
« exceptions ; fins de n o n -recevo ir, et défenses demeu« rant réservées audit Léonard Rixain ; à l’elfet de quoi
« ils contesteront plus amplement, dépens réservés. »
Jiconnrd Rixain-a interjeté appel de ce jugement; et
c’est sur cet appel que les parties attendent la décision
souveraine de la cour.
M OYENS.
�Jz/
(9 )
.
t
M hO Y E N S ,
L a contestation présente les questions suivantes:
L e père commun a-t-il p u , s’étant réservé seulement
une somme de 24000 fr. à disposer en a rg e n t, fixer la
légitime de R ix a in , prêtre, en,fonds ? L a donation du
i 5 février 1775 est-elle nulle: sous ce rapport?
Cette donation est - elle n u lle , comme n’ayant point
été insinuée ?
Les intim és, héritiers chacun pour une portion de
R ixain , p r ê tr e , ,étant en cette qualité tenus, pour la
part qu’ils amendent dans la succession, des engagemens
dudit R ixain qui a transmis à l’appelant partie de cette
donation, peuvent-ils exciper du défaut d’insinuation?
Dans tous les cas, la donation faite par R ixain , p r ê tr e ,
à l’appelant, de la moitié de ses droits paternels, est-elle
valable? doit-elle avoir son effet?
L ’appelaut, indépendamment de la donation à lui faite
par R ix a in , p rê tre , soitdela moitié des objets particuliers
c o m p r i s dans la donation du 1 5 févi'ier 1775, soit de la m oi
tié de ses droits légitimaires, a - t - i l droit comme cohé
ritier à. une portion dans le surplus des biens dudit
R ix a in , p rêtre, décédé sans avoir fait d’autres disposi
tions? E u d’autres termes, p e u t- il cumuler la qualité
de donataire et d’héritier?
Telles sont les questions sur lesquelles la cour a à
prononcer.
B
�in
\vt
( IO )
P R E M Ì È R E
Q U E S T I O N.
L es juges dont est appel ont jugé que le père s’étant
réservé uniquement une somme en argent à disposer,
n’avoit pu donner des fonds en payement de la légitime.
C ’est une erreur , et une erreur que le plus simple rai
sonnement va rendre sensible.
Celui qui fait une institution , avec réserve d’une
som m e, n’a pas ordinairement cette somme en ses mains.
Il ne peut se la réserver à prendre sur les deniers qu’il n’a
pas -, il ne peut se la réserver à prendre que sui- ce qui
compose la succession. Il a donc le droit de disposer des
fonds de la succession, des immeubles comme des meu
bles , jusqu’A concurrence de la somme résçrvée : tout ce
que l’héritier institué peut exiger , c’est qu’il ne dispose
point au delà!
Celui qui fait une institution, avec réserve d’une
somme, ne promet pas que sa succession sera composée
de tels ou de tels fonds ; il promet seulement sa succes
sion , moins la somme, ou la valeur i*eprésentative d e là
somme qu’il s’est rései'vée.
I c i , la disposition du père est d’autant plus à l’abri de
toute critique, que les fonds donnés à R ixain, prêtre,
ont été donnés en payement de sa légitime; en payement
d ’une dette sacrée, d’une dette que la loi lui imposoit,
d’une dette qui étoit en même temps celle de l’héritier,
d’une dette que l’héritier n’auroit pu se dispenser d’ac-
�( ” )
quitter iluinmeme en fonds; le légitimaire ayant le droit
d’exiger sa portion en corps héréditaires.
. .
L ’instituant :n’a point les mains tellement liées par l’ins
titution , qu’il ne puisse disposer dés fonds de la succes
sion , vendre et aliéner, pourvu que ce ne soit point en
fraude de l’institution ; et ce n’est point en fraude de
l’institution , lorsqu’il n’excède point le montant de la
réserve ; lorsqu’il dispose pour acquitter autant la dette
de l’héritier que la sienne '/lorsqu’il dispose pour acquitter
en fonds, une dette due en fonds ,une dette que l’héritier
n’auroit pu se dispenser, comme on vient de l’observer,
d’acquitter luirmeme en fonds.
L ’héritier ne pourroit se plaindre qu’autant que les
fonds donnés seroient de plus grande valeur. Mais c'est
un cas particulier; on présumeroit alors qu’il y a fraude,
et le cas de fraude est toujours excepté.
Ce n’est point par ce m otif que les juges dont est appel
se sont décidés. Ils ont jugé en droit que le père s'étant
réservé une somme en argent à disposer, n’avoit pu
attribuer des fonds en payement do la légitime. On est
loin d’adopter leur système.
Rixain aîné dira-t-il que les fonds donnés excèdent
la légitime ? qu’ils excèdent la réserve?
Feu importeroit d’abord qu’ils excédassent la légitim e,
pourvu qu’ils n’excédassent point la réserve; et on va dé
montrer , par le calcul le plus sim ple, qu’il s’en faut qu’ils
excèdent la réserve.
L e père commun s’est réservé une somme de 24000 fr.
Sur cette som m e, il a disposé en faveur de Thérèse ,
B 2
�V
(12 )
lors'de ’son- entrée en" religio n , d’une somme de I2400' f. ;
ensuite, en faveur de>M arie > dans son1 contrat "de ma
riage avec D e lm a s, 'd’une sommé de 3795 francs; il a
disposé, en dernier lieu , en faveur de l’appêlant d’uné
somme d’environ 10000 francs ; ces sommes réunies s’élè
vent à celle de 16195 francs ;) il restoit donc libre ,*én:ses
mains , avant d’avoir épuisé la r é s e r v e fune sommé
de 7805 francs. î - '
•
J> ^
'vw ’
Quels sont les objets compris dans la donation ? U n
four. Ce four s’affermoit 130 ou i 5o francs. Que Rixain
aîné produise les baux à ferme. Les autres héritagesisont
une terre et petit p ré , consistant, est-il dit , én dix septerees de te rre, et une autre terre de la contenue dé dix
quartelées ; en tout onze septerées et demie. Il est à ob
server que la septerée à M a u r ia c , comme à A u r illa c ,
n’est que de 400 toises. >L a septerée de la meilleure qua-*lité ne se vendoit pas, avant la r é v o l u t i o n a u delà)de
i 5o francs. Q u ’on juge maintenant.
' .
u •
Peu im porterait, avons-nous d it , que le père eût excédé
la légitim e, pourvu qu’il n’ait point excédé la réserve;
et réciproquement nous dirons : Peu importeroit qu’il ait
excédé la réserve , pou rvu qu’ il n’ait point excédé la
légitime de droit. L a légitime est une portion que la
loi réserve aux enfans, qu’elle retranche des biens du
p è r e , même malgré le père : c’est une réserve lé g a le ,
qui est indépendante de la réserve conventionnelle.
Rixain aîné auroit donc à prouver que les fonds donnés
cxcéd oien t, et la légitime , et la réserve. Il n’uura garde
de s’engnger dans cette vérification.
/
-
�s/y ,
c * 3- v
ii'Enfiri 'y excederoîent-ils ,•.la :dn zia tÎQn n'jau rb i t!point été
nulle? pour icela ; elle! seroit, seulement jsujettq¡à» tetraji-,
chement : ce qui prouve detplùs'en-plusleim aljugé/.du
jugement.
I»!
.
«ut■ V / iH *.*' *»iovnoq n ■*>I;j J i-j-/ .
! U î : . : . J)
„
1IV
JO
. 0*1- / i l
'
r '!0*[
SE C 0 N DE
il
l;
/;
„
i'.. -
:
)
UH
H 1)7
j i l l ’;
QU ESTIO N ..,
' JII.1
n
o
3
f
JlO V li
i
i; l i p
l
'■;!
.
r
•.
X iC ijD f(î:i
:i; . f , , r -
c/i Onvne peut dissimuler qüe la donation du x 5 février
1775 n’a point été insinuée du .vivant du père -y et que
dès-lors elle ¡est n u lle, aux termes de l’ordonnance de
i7 3 iv ) ‘Mais les* intimés peùvent-ilsise prévaloir de cette
nullité .-dérivant du fait du:défutit^;donti|s sonjt héritiers,
pour une portion ? 'C ’est cei qu’il s’agit.¡d’examiner, ¡n
jrinbn/i. .noiJ.-utir«îai‘i oh 71101 ?•!> *. p !<>:Jo
■
; -,
TROISIÈME
I I ' ' ' n b l l . r . ' ‘J .
t ‘ ’i l ' V i q
QUESTION.
ç f
. . •»i
:
i .i ¡/un;':;
t
. O j j f t i ’i
'¡-Les adversaires ne manqueront ipoint d’objecter que le
donateur n ’est; point garant d e là chose! donnée v.que son
obligation, àjcèt égard , est différente de celle du vendeur ;
qu’il est censé ne donner la chose que telle, et autant
qu’il l’a .; qu’il seroit injuste ¡qu’on pût s’armer contre le
bienfaiteur , de son bienfait.
, r' ;
: rf j
)
.Cette proposition est vraie qnj.général, mais .elle de
mande d’être expliquée. L e donateur 11’esl,point garant
de la chose donnée, c’est-à-dire, qu’il n’est point garant
que la chose donnée lui appartient; mais il. est garant
de ses faits et promesses. Il n’est point garant que la chose
donnée lui appartient; mais-il ne tfaut pas que ce soit
par son fait que la chose ne lui a point appartenu, ou
�A Ù .
(' h y
a cessé ’¡de; ldi appartenir ; autremèrit il faticFroit cjrrôiqù’il
dépend (JiiJid‘Oïiatduridefrévoquer la. donation j cantre la
m à x im a ,idonnbntfyretenir ne- vaut: ; ’
oo : in' ; . ' ■
A - t - il été au pouvoir de Rixain , prêtre, en" ne satis
faisant point au vœu de l’ordonnance, d’annuller la
donation qu’il ’ a v o it faite lui-même à "sdn3 f r è r e , et en
vu e de laquelle le mariage a été contracté?
' L e pc'ré vivo itâ I’époque>du mariage ;'il ïnv^curenéôre
pluâièüF^ 'ûrlnéi's depuis. L ’article^aÔ ide- Tordonnance de
Î731 pòrte, que les donations pourront être insinuées,
âprès le délai de quatre m ois, même après le dccès du
d^nàfàirb^fprtulivüi que' le^donatelir- soit encore vivan t;
elle «apporte seulement cette modification ,-que la donation,
n’aura alors effet que du jour de l’insinuation. Pendant
que le père a Existé , et pendant plusieurs aimées après
le mariage, ila tenu à R ixain, prêtre, de valider son titre,
de s’a^swrer incommiitablement impropriété dos>objets par
llii dônn'és. A -t-il pu} eh no ¡satisfaisant point à ld foriiiàlitó prescrite par'lïordonnaiico, annullor ses propres
engagement ?
Il auroit donc fait à l'appelant un avantage illusoire!
Celui qui donne , est maître de donnery ou de ne pas
donner. M a is, lorsqu’il a d on n é, il 11e peut rien faire
directem ent, ni indirectement qui puisse porter atteinte
ù la donation, qui puisse enfreindre le principe de l’ irréVt>cabilité, caractère essentiel do toute donation entré vifs.
Ltì dònateuì*, comme, celui cjui v e n d , est1 toujours ga
rant de
faits et pi’orriesses. •
S i'l’abbé tlixàin v.ivoit;; si l'appelant réclainoit contre
lui l’exécution de la donation, l’abbé Rixain pourroil-il
�jn
c; «5 ï _
sé[ défendre dè l ’exécuter, en disantricjuc la donation à
■
*
«
lui faite , par le père commun , n’a. point été insinuée,
et qu’il nia pu donner ce qui ne lui appahenoit pas* O n
lui ré p b n d ro it, avec avantage, que'ic’est par son fait
q u’elle n’a point été insinuée.
Mais le doute, s’il pou voiten existei',est levé par la clause
mpme du contrat’de mariage. L e contrat de mqriage prirte:
Sans autre garantie que de ses f a i t s et promesses. Il a
donc* garanti ses faits et promesses : cette obligation de
garantie a passé à ses héritiers. Les adversaires sont donc
garans e u x - m ê m e s , au moins pour la part et portion
pour, laquelle ils sont .héritiers 3 de la nullité qu’ils
opposent.
• ••
vj
: A-.
■ ' - Jo •
j
<;!>':
Q U A T R I È M E
! '
Q U E S T I O N .
f
Par le contrat de mariage de l’appelant, R ix a in , prêtre,
commence par lui donner la moitié des objets compris
dans la donation du i 5 février 1775. Siibsidiairement,
il lui a transmis la moitié de ses droits légitimâmes pa
ternels. Les juges, dont est appel, ont déclaré cette dona
tion subsidiaire également aiulie, comm’e cqntenant un
pacte sur une succession future. C ’est le m otif qu’ils ont
donné de leur décision.
1
1
Si ce m otif n’étoit point consigné dans lin jugem ent,
on auroit peine à penser qu’il fût sérioux.
Est-ce ici un marché odieux sur la succession du père?
Est-ce ici un pacte moyennant un prix ? P e u t-o n assi
miler la donation dont il s’agit à1un pacte par lequel
l ’nn vend et l’autre achète, à vil p rix , des droits sur
�^
, \VL
f
i6 )
une succession future qu’on est impatient dè d évorer? L a
loi.a proscrit ces conventions, comme renfermantr>lè Vœu
inhumain de la m o rt d’autrui. Ce vœu respire dans le
vendeur et dans l ’aclieteur ; dans le vendeur [qui, trou
vant la mort de celui dont il attend la :succession trop
lente , cède à fo rfa it, et cède à un prix d’autant plus
modique , qu’il vend un droit incertain , un droit qui
peut.même devenir caduc , par son prédécès-, dans l’adietéur qui a à désirer, non-seulement de'bénéficier, mais
de n’être pas en perte. La clause dont il s’agit renfermet-elle rien de semblable ? Que reçoit R ixain donateur ?
Qiie donne Rixain donataire1? : Absolument rien; O n
ne voit qu’ un bienfait d’une p a r t , et l’acceptation de ce
bienfait de l’autre. Est-il défendu d’exercer et d’accepter
une libéralité ?
Si R ix a in , prêtre, avoit donné tous ses biens à ven ir,
la donation auroit;bien sans doute .été, valable;, .elle auroit
cependant bien compris les droits légitimaires à recueillir
dans la succession .du père. • 1
j
L a donation n’est pas principalem ent, prin cip a liter,
des droits légitimaires k échoir. L a donation commence
par des. objets fixes et. certains ; le donateur commence
par donner les héritages particuliers compris dans la
donation à lui faite par le père , et dont celui-ci étoit
saisi; donation-, à la v e n t e , non - insinuée , mais qui
pouvoit l’être, tant que le père vivoit. L a donation des
droits légitimaires n’est que sécondairo , et à défaut
d ’exécution de la première ; c’est.une sûreté, une garantie
que le-fr^re a voulu donner sur les [biens A venir. Et
quelle loi alors défeûdoit d’engnger les biens à venir?
Mais
�( *7 )
' r Mais tout pacte sur la succession future étoit-il in
terdit ? L a l o i , au code Q uam vis de p a c t ù , permettoit
les conventions sur successions futures, entre m ajeurs,
po u rvu que ce fût du consentement de celui de cujus.
Cette lo i a été suivie en France ; on peut voir ce que
dit à cet égard Lebrun. Ici la donation a été faite en
présence du père, ou de son fondé de pouvoir ; elle a été
faite par contrat de mariage, en vue de l’établissement
de l’appelant ; et l’on sait que les contrats de mariage
sont susceptibles de toutes sortes de clauses.
CINQUIÈME
QUESTION.
Cette question est suboi’donnée à la décision des pré
cédentes. Il n’y auroit pas lieu , si la cour se déterminoit
à déclarer les deux donations nulles ; il ne s’agiroit point
alors d’exdminer si l’appelant peut réunir la double qua
lité de donataire et d’héritier; mais si , comme on le
présum e, la cour se détermine à infirmer le jugement
qui a déclaré les deux donations nulles, l’appelant, pour
venir à la succession, pour avoir droit au partage des
biens dont R i x a in , prêtre , n’a point disposé, sera-t-il
obligé de rapporter la donation? O n soutient avec con
fiance la négative.
Les parties sont régies par le droit écrit , et aucun
jurisconsulte n’ignore qu’en pays de droit écrit le rapport
n’avoit lieu qu’en d ire cte, et non en ligne collatérale.
L ’appelant réclame l'exécution de son contrat de ma
riage ; il réclame les •avantages qui lui ont été assurés
C
�( 18 )
D e v o i t - i l s’attendre à éprouver de la
par son frère.
contradiction ?
Nous terminerons par une dernière observation.
L e jugement dont est appel réserve à Rixain tous
m oyens de com pensation. Il est ajouté , à la vérité ,
excep tio n s, f in de n on -recevoir, et défenses réservées
au co n tra ire: à l ’effet de q u o i, est-il d it, les parties
contesteront plus amplement;
E t , à raison de cette plus ample contestation, réserve
les dépens.
Quels sont ces moyens de compensation ? L e sieur
Rixain auroit dû les exp liquer, les établir; il auroit dû
au moins en former demande : il ne l’a point fait. Dans
aucune de ses requêtes il n’a pris aucunes conclusions à
cet égard; il s’est contenté de dire vaguement que l’ap
pelant lui doit, que l’abbé R ixain devoit à la succession
du père commun ; mais il n’a point formé de demande.
Les juges dont est appel ont ordonné une plus ample
contestation sur des demandes non formées.
S’il lui est dû par l’appelant, qu’il l’établisse : l’applant offre de le payer sur le ch amp.
M e. P A G È S - M E Y M A C , juriscon sulte.
M e. M A L L E T , avoué.
A R I O M , de l ’imprim erie de LANDRIOT, seul im prim eur de la
C our d ’appel.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Rixain, Léonard. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Mallet
Subject
The topic of the resource
successions
héritier universel
légitime
four banal
pays de droit écrit
contrats de mariage
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Léonard Rixain, propriétaire, habitant de la ville de Clermont-Ferrand, appelant ; Contre Antoine Rixain, propriétaire, habitant de la ville de Mauriac, intimé ; Et contre Antoine Delmas, propriétaire, habitant de la ville de Mauriac, aussi intimé.
Table Godemel : Cumul : le cohéritier peut-il, après l’ouverture de la succession du légitimaire donateur, cumuler la qualité de donataire et d’héritier, c’est-à-dire prendre ce qui lui a été donné par son frère, et, de plus, sa part dans les objets dont il n’a pas été disposé ? Institution d'héritier : 3. le père commun qui, en faisant une institution d’héritier contractuelle en faveur de son fils ainé, se fait réserve d’une somme déterminée pour former la légitime des quatre autres enfans, a-t-il pu composer la légitime de l’un d’eux en bien fonds et lui en faire donation ?
a-t-il en cela préjudicié à l’institution ? le légitimaire donataire a-t-il pu donner valablemt, à un autre de ses frères, légitimaire comme lui, dans son contrat de mariage, une partie des immeubles donnés ; et, en cas de difficulté, lui donner la moitié des droits légitimaires qu’il pouvait espérer dans les successions échues de ses père et mère ? le cohéritier peut-il, après l’ouverture de la succession du légitimaire- donateur, cumuler la qualité de donataire et d’héritier, c'est-à-dire prendre ce qui lui a été donné par son père, et, de plus, sa part dans les objets dont il n’a pas été disposé ? Donation : 6. le légitimaire-donataire a-t-il pû donner valablement, à un autre de ses frères, légitimaire comme lui, dans son contrat de mariage, une partie des immeubles donnés, et, en cas de difficulté, lui donner la moitié des droits légitimaires qu’il pouvait espérer dans les successions à échoir de ses père et mère ? 10 – 563.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
1764-Circa An 12
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1025
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0737
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53123/BCU_Factums_G1025.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Mauriac (15120)
La Bizette (terroir de)
Delfraissi (terroir de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contrats de mariage
donations
four banal
héritier universel
légitime
pays de droit écrit
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53865/BCU_Factums_M0605.pdf
81a7d143de77912de3ece33dc2640ca5
PDF Text
Text
MÉMOIRE
EN
RÉPONSE,
t
POUR
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’E S T A IN G , ancien
commandant d’armes à Cham béry , J a c q u e s T h é o d o r e , P ie r r e - G a b r i e l , C a t h e r in e e t
D ’E S T A IN G , frères
et sœurs,
t
intimés et appelans ;
E l iz a beth
c
A
n n e -,
o
n
t
r
s o i- d is a n t N A Z O
e
s o i - d is a n t Grecque
d'origine, se disan t veuve du général d ’E s t a i n g ,
, safille,
appelante d'un jugement rendu au tribunal de
M auriac, le 1 3 août 1807, et intimée.
se disant pareillement tutrice de M
Q U E S T IO N
a r ie
D ’É T A T .
C e t t e cause est de la plus haute im portance, et
doit exciter vivem ent la curiosité p u b l iq u e .
U ne Égyptienne, musulmane de religion, échappée à.
A
/
�(2 )
la servitude d’an harem , a goûté quelques instans les
chax*mes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce g én éral, après la capitulation d’A lex a n d rie, a
repassé en France. U n événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa fam ille, à ses amis.
L ’ A fricaine réfugiée a cru trouver les circonstances
favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veu ve, et donner son
nom à une fille dontelle estaccouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
E lle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
vieillard respectable e't crédule, q u i, dans sa douleur,
trouvoil quelque consolation à accueillir ceux qui avoient
eu des relations avec son fils chéri.
Cet acte de bienfaisance lui a été reproché : on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G recque, qui réclame'2toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p è re , décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles.dont
il n’est pas permis de s’écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des êtres obscurs et dépravés.
F A I T
J a c q u e s -Z a c lia rie
S.
d’Estaing, général de division , eut
l’honneur d’être Domine de 1 expédition d E gyp te, sous
�( 3 )
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Français.
A p rès quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de là place du (jaire ; il s’y lit distinguer
par sa bravoure et ses manières généreuses. Les Grecs
qui habitoient le Caire voulu ren t, suivant l’ usageT'ofiVfr
une somme d’argent au com mandant. JLl la retu sa avec
noblesse.
L e nommé J o a n ny N a z o , q ui va figurer dons cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivi’antes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Cophtes et les Grecs qui se trou voient au Caire,
étoient tous dans le partT des français. JLe commandant
fut chargé d’organiser des bataillons_parmi eux. Jo a n n y
JSazo étoit un de ;eux qui m ontroient le p lus de chaleur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
"
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’inform ent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de cam p, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnée.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. O n ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(4 )
empressement : N a z o envoie au général , A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a z o avoit épousé la veuve d’un
m usulman; A nne étoit provenue de ce premier mariage,
et a voit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-m êm e convenue, et l ’a. ainsi déclaré en p résence
de plusieurs personnes.
G o m m e n t pourroit-elle le désavouer? S i, comme elle
le d it, elle étoit G recque d’origine et de relig io n , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Parabe, langue féconde et har
monieuse, que parlent en général les T urcs qui habitent
cette contrée de l’A friq u e, et dout les prêtres grecs n’en
tendent pas vin mot.
~;;U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne Egypte * jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres -par l’aiitiq uitéde leur origine',
la sagesse de leurs règlem ens, l’étendue de leurs connoissances , n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples d ivers; les C op lites,les M aures,
les A rab es, les G recs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
‘
• r,:' '
Ce mélange de tant de nations, la diversité des cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les vices les plus honteux y règuçnt avec impunité.
�(5 )
u in n e , soi-disant N a z o , fut donc livrée au général
, d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-mêm e à son père d’un événem ent qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
C aire, le z 5 pluviôse an 9 , il ne craint pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon k une jeune
« G recq u e, q u i, d’après un arrangement orien ta l, fa it
« les honneurs de chez l u i , depuis près d'un m ois. »
C ertes, si le général d’Estaing avoit eu des vues h o
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
y eu x de son p è re; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté , surtout dans une lettre où il fait mention du
mariage de son paren t, le général D elzo n s, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencemens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qxi’A.nne étoit venue'
habiter chez le général d’Estaing.
O r , depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’E gyp te, un
bureau d’enregistrem ent, où tous les titres de propriété,
et les actes Susceptibles d’etre produits en justice, devoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 30
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un o r d r e du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
. Ge chef illustre > dout la sage prévoyance embrassoit
�.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez; il falloit donner
aux actes civils la plus, grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’arméé
a fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des gu erres, ceux qui seroient
a passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
a par-devant les notaires du pays, étoient nuls en F rance
« comme en E g y p te, s’ils n’étoient enregistrés confor« mément à l’ordre du général en ch ef, en date du 30
cc fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzon s, parent
du général d’E stain g, a contracté mariage avec dem oi
selle A n n e V a j'sy , née à A lexan d rie, il a été dressé un
acte civil.
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brum aire an 8 : il est reçu par Joseph A g a r d , com
missaire des g u e rres, faisant fonctions d’olïicier c i v i l ,
avec mention « que Vacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conform ém ent a u x ordres du
« général en c h e f : » et cette form alité d é l’enregistrement
a été rem plie à R o zette, le 22 brum aire, six jotrrs après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine; natif
de B ite t, département de la M o selle, avec Catherine-
�(7 )
Sophie V a r s y , fille d’un négociant de R ozette : l ’acte
également reçu par Joseph A g a r d , le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain.
L e général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’ un fils; l’acte de naissance
de l’enfant a été x*eçu par le sieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
En un m o t, tous ceux qui se sont mariés en E gypte
ont pris la même précaution; et ils y étoient tenus d’après
les ordres du g é n é ra l, à peine de nullité.
Ces obsérvations préliminaires trouveront leur place
dans la suite. L e général d’Estaing ne cohabita pas long
temps avec A n n e. Les Anglais débarquent à A b o u t ir :
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendre à A lexandrie
en ventôse an 9. A n n e reste au C a ire , et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
*
A insi Varrangement oriental n’a pas eu deux mois
de durée;
A près la capitulation d’A lex a n d rie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Par un des articles de la capitulation les Anglais
s’obligèrent dé faciliter ce passage.
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
Nazo~, A n n e , sont du nom bre des réfugiés. D ’après le
récit dA n n e , « elle fut embarquée à A b o u k ir, sur un
K petit navire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
« elle est saisie des douleurs de l’enfantement dans le
« navire: le patron prend terre, et jette l’ancre sur la.
k côte de Céplialonie,
x î Tv''k
�(8 )
« A im e accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fat
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
IL faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A n n e est obligée
d’en convenir.
' Cependant « le consul français l’honora de sa visite. »
E h quoi ! le consul ^français fait visite à une femme
qui se dit l ’épouse d’un g é n é ra l,'q u i n’est pas remisé
des’ douleurs de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas représenter l’enfant ! il ne dresse p oint d’acte de
naissance, tandis que son devoir l’y obligeoit! Il est sans
contredit difficile de faire croire à une pareille omission :
le prêtre au Vnoins auroit dû constater par écrit le bap
tême de reniant*
Enfin voilà A n n e remise de ses douleurs, et débarquée
à T a ra n te , dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout, se trouve un A u vergn at, de la ville m êm ed’A u rillac,
dppôlé L a ta p ie , qui ,^Omme cu rieu x, voit ces nouveaux
débarqués. Latapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille viennent de débarquer, d’après
la capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mari.
Cette lettre se répand dans la ville d’A u rillac; le sieur
d’Estaing père en est in form é, et en écrit bien vite à
son fils.*Celui-ci rép on d, le 13 ventôse an 10 : « Quant
« à mon m ariage, vous ne devez pas plutôt croire la
« lettre
�( 9 )
lettre de Latapie que la mienne ; il rfy a aucun lien
légal; je ne l’aurois pas contracté sans vous en prê
venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient peutêtre bien amener celui-là. A u reste f ai é c rit à cette
famille de se rendre à M arseille, et d’y attendre do
mes nouvelles. »
U ne lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas ime possession d’état. Il semble assez naturel qu’ une
femme ne puisse prétendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancedecelüi qu’elle dit être son mari.
L e général d’E staing, arrivé à Pai*is, y a trouvé là
m ort, le i 5 floréal an 10. O n a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l ’ex tra it, prouve
«
«
te
«
«
«
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire, que toujours en activité do service, il attéil-
doit du gouvernem ent une destination ultérieure.
.Le sort en a décidé autrement ; il a v écu. M . D elzons,
législateur, oncle d u général d’Estaing. étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il tait prendre routes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du défunt.
M . Delzons savoitqu’^ ; ? e devoit se rendre h Mnrspillff,
ville assignée aux Egyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à L yon pour raison de santé, et y avoit pris un
logem ent commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur B onrdin . marchand cliapelier, originaire d’A u rilla c , et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer à A n n e
�( IO )
JajnQrt_dtvg£péval d’Estaing, et de lui procurer un loge
m e n tplus économ ique que celui qu’elle occupoit. Boui'din
excéda ses instructions ; il crut qu’il valoit m ieux encore
faire partir cette femme pour A u rillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A u rilla c, A n n e , sa fille, et une nourrice.
M . d’Estaing père n’a aucune coniioissance de cette
dém arche; il n’en est inform é que par Bourdin lui-m êm e,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
üt~précède de deux jours la prétendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
recevoir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
que sous des rapports peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. L a charité ou la compassion
l’obligeoient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
O n chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A n n e. L a
résistance du p è r e , pour recevoir cette femme dans sa
m aison, est connue de toute la ville.
M ais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiïerens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différons des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés ; et soit curiosité,
pitiç ou faiblesse, le sieur d’Estaing, dans ce moment
de d o u l e u r , atterré p a rla nouvelle fatale de la mort de
son fils,-accable sous le poids des ans, se laisse,subjuguer;
il admet, cette fcimnc dans sa maison.
�Son arrivée à A u rillac date du I er. prairial an 10 ,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a d it, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps inform é, et de la m ort de son fils, et de l’arrivée
de l ’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
A p rès une quinzaine accordée à A n n e , pour la reposer
des fatigues de son v o y a g e , il lui fait part de la lettre
du g é n é ra l, son fils , et lui communique ses doutes :
A rm e soutient qu’elle est l’épouse légitim e du général;
qu’elle a été mariée au Caire , au com m encem ent de
Tait 8 ; que sa famille, qui est à Marseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille.
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse d'A n n e , de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin cPun secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire , ni ecrire cn"llililiWi;^
Dans l’in tervalle, M . Delzons arrive de Paris ; il est
inform é de ces détails. Il connoissoit!l’état des affaires
du gén éral; il observe à son beau-frère qu’il est Tinrent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du m obilier : mais comment faire? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit Agée
de dix-sept ans seulement; elle n’a aucun titre pour deB 2
�( * o
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineui’e : le sieur d’Estaing père ne
c o u r t aucun risque à accepter la tutelle de M a r ie , qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillai’d respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres en fans ne sont pas de cet
avis ; ils représentent à leur père l’inconséquence de cette
dém arche : ils ne sont pas écoutés on les é v ite , on les
fu it; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
• L e 5 messidor an 10, le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’ Aurillac ; on lui fait ex
poser « que Jacques-Zacliarie d’Estaing, son fils, général
« de division,, est décédé à Paris le i 5 floréal an 10,.
« laissant une fille u n iq u e , alors âgée de cinq m o is,
a nommée M a rie, p ro ven u ed e son mariage avec A n n e
« JS a zo, Grecque d'origine ; que la loi défère à lui ,
« a ïe u l, la tutelle de sa petite-fille, attendu surtout la
« m inorité d'A n n e JSazo , sa mère ; et désirant cire’
« confirmé en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
« pour délibérer tant sur la confirmation de la tutelle,
a que sur la fixation de la pension de la p u p ille , sur
« les Iiabits de deuil , et pension viduelle de la dame
« veuve d’Estaing ; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure, d e
« la m è re , depuis L yo n jusqu’à A u rilla c , ainsi que des
« frais dûs pour salaires à une nourrice provisoire, depuis
�( 13 )
« Tarente 7 ville du royaume de Naples, y compris urr
c mois de séjour à L y o n , jusqu’en là ville d’A urillac ;
« lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
« de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
« comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
cc qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
<x tant par lui-mêm e que par ses fondés de pouvoirs. »
U présente ensuite pour composer le conseil de fam ille,
des parens éloignés, si on en excepte les sieurs Delzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans,-frères du d éfu n t,
dont quatre majeurs ; il étoit tout n atu rel, et la loi le
commandoit im périeusem ent, de con voqu er.à cette as
semblée les frères du défunt : ils étoient essentiellement
membres du conseil de fam ille; on les écarte avec le plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’E stain g, aïeul de la m ineure, daus
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bon
et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la suc
cession du défunt général d’E staing, faire procéder à la
vente du m obilier, et de faire l’em ploi utile du prix en
provenant, conformément à la lo i, après avoir prélevé
tous frais, dettes et charges de la succession.
2°. Ces parens estiment que la pension de la m ineure,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellem ent, que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette des revenus..
30. Ils portent les habits de deuil de la dame veuve
�( J4 )
d’Estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n ,
et qui ne sont point encore acquittés, à une somme de
io o o francs : le tuteur est autorisé à fournir ces habits,
en retirant quittance des marchands et fournisseurs.
4 0. Quant à la pension viduelle de la v e u v e , et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tu te u r, leur fournit en n atu re, nourritu re, logem en t,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de io o o francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. p ra iria l an 10, époque de son arrivée ci A u rilla c.
Ils allouent au tuteur la somme de 604 francs, avancée
par lui pour frais de voyage de la v e u v e , et salaire de
la nouri’ice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.
5°. Ils autorisent le tuteur à traiter, tant par lui-mêm e
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fait des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le m ontant, soit
que ces fournitures aient été faites à P aris, à M arseille,
au défunt g én éral, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
Ce procès verb al, si indiscrètement l'édigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyplienne.
Il en résulte, suivant elle, une l’econnoissance formelle
de sa qualité de veuve d"E sta in g , une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è r e , étranger à la suc
cession de son fils, puisque le général est m ort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession
une inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. T o u t
�( i5 )
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu im porte que le général
ait désavoué son m ariage, qu’il ait attesté qu’il n'y açoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue G recque; le
,père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civ il, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V o ilà l’étrange l’aisonnement dûA n n e et de ses conseils.
M ais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbal.
Gomme Egyptienne réfugiée, elle a voit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’A lexan d rie; seulement
la pension à?Aizjic étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées.
Mais A n n e , munie de cette délibération de fam ille,
qui la traite comme veuve d’un général français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de l’étal ; e t , en
cette qualité de veu ve, elle obtient de notre magnanime
Em pereur que sa pension sera portée à la somme de
2000 francs.
Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing père que pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore profiter de la bienfaisance
du souverain, pour en induire une reconnoissance solen
nelle de son état par l’Em pereur lui-m eine; ce qui doit
imposer silence à des collatéraux importuns.
11 faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque plus ruséo
�( 16 )
tiî plus adroite. O n examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d 'A n n e contre les frères d’E stain g, et si ce brevet est
(encore une possession d’état.
D e u x jours après l’acte de tu telle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne une procuration au sieur
D elzo n s, résidant à P aris, pour faire procéder à la ré
motion des scellés apposés sur les meubles et effets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-^
ventaire du m obilier, le 24 messidor et jours suivans. 11
est dit dans le procès verbal que c’est à la requête de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de M arie
d’Estaing , sa petite - fille , enfant mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’A nn e N azo,
sa v e u v e , Grecque d’origine.
O n y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et porter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
ta in g , son père.
O n remarque que le général d’Estaing ayant été marié
au C aire, en E g y p te , il n’a point été fait entre lui et sa
veuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing; que ce domicile étoit à A u rillac, pays soumis
à la coutume d’A u v e rg n e , qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
L e sieur D elzon s, fondé de p o u vo ir, devoit au moins
savoir qu’Aunllac est en droit ecnt.
Parm i les papiers du défunt on ne trouve aucun acte,
aucunes
�, ( h )
aucunes pièces relatives à son prétendu m ariage; i l 'n y
a pas le plus léger renseignement, si ce n’est' deux lettres
récentes, écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : Yune e s t , dit-on , écrite par
le père de la darne d 'E sta in g , q u i apprend au défunt
Y accouchem ent de son épouse, et Y autre d'un sieur Latapie, q u i annonce ait général d'E staing Varrivée de sa
Jem m c ¿1 Tarente.
■
■
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire
du m obilier; on a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignoré
ces démarches,' et n’ont été appelés à aucune opération1.’
- En attendant, et pendant que tout ceci se passoit à
P a ris, A n n e ne recevoit rien de Marseille ; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduite dans la
famille les augmente : on avoit a|Dpris qu’elle n’étoit pas
même fille de Joanny N azo; elle n’avoit pas reçu l ’acte
de naissance de M a r ie , qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
n a v ire, le con sul, ou le p rê tre, il étoit naturel de le faire
au moins à T aren te, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
L a famille du général m urm ure: A n n e s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer; elle écrit à Jo a n n y N a zo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
svir la demande d’A n n e , relative aux actes qui dévoient
constater son é ta t, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�( i8 )
arrive à A u rillac, et emmène à M arseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant ; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
, E lle im agin e, le 5 fructidor an n , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà muros: E lle lui expose « qu’il lui im« porte de foire connoître son origin e, qu’elle ne peut
« le faire par pièces probantes, attendu que dans sa patrie
t«ril n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ellç .requjert le juge paix de recevoir les déa clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se ren d re, relatives à son o rigin e,
q ret q u i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
et est impassible de produire, »
0.A l’instent se présentent N ico la s Pappas O n glou, se
disapt chef de brigade, commandant les chasseurs d’Orient,.
âgé do 45 ans, né k Scheraet, en A sie ; G a briel S a n d ro u x,
aussi chef de brigade du même corp s, âgé de 36 an s,
i>é au G rand-Caire ; A b d a lla M a n ou r, chef de bataillon,
âgé. de 34 ans, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5o ans; A lla Odab a c h i, né à A le p , réfugié d’E gyp te; Joseph D ir fa m ,
#é à Con&tantiuople > réfugié d’Egypte ; et Constanti
K ir ia k a , pé à Schemet* en Asie.,
Il c¡st djt que toute cette;w m pagm e a g it nycc la pré
sence. et sous. VautQi'isatÂQu d,e Jaquís d?A c o m ia s , irtfgr,-»
U
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarant * par l’or
gane de l’in terprète, « qu’ils ont résidé habituellement
ce en E gypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfaîte« ment connu J ea n JSàzo et Sophie M is c h e , son épouse,
« père et mère d'A n n e - qu’ils sont bien mémoratifs de la
« naissance d ’ A n n e ISaZo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es* taing. w
Josep h Tutcmgi\ C o n sta n tiK iria k o et J o s e p h D u ja in *
déclarent de plus. « qu’étant passés en France avec A n n e ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céphalonie dans le
« mois de nivôse an 10 , ladite dame y accoucha d’unê
« fille, qui fut tenue sut les fonts baptismaux par ld sietff
« N assif, officier de chasseurs, et par-la dame M arie
« M ische, son aïeule, a
*
A n n e se faisoit ainsi rédotmoîtx'e par ces réfugiés sans
avertir personne, et ne donna plug d<? scs nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille y qu’elle avoit laissée à
A u rilla c; encore eut-elle recours au min'istrd dé la justice
pour faire cette demande. E lle a fait im prim er qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordrefs supérieurs pou r avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclam ation, le m inistre'écrivit pour
avoir des renseigneimens ; et le sieur d’Èstaing père!, fort
étonné d’apprendre qu’on se fût adressé au m inière, répond
sur le champ qu’il est prêt ù remet trie un dnfant qu’on lui
«voit laissé, et qu’il n’avoit gardé que par humanité.
Les frères dt soeurs du général d’Ëstairig, à qui 011 ¿voit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
de le u r côté des informations ; l’un d'eux, commandant
G 2
�( 20 )
d’armes à Cham béry, avoit vu le gén éral, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit rien dit sur son
prétendu m ariage; il étoit plus à portée qu’ un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. 11 est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les,
autres pour la conservation de leurs droits.,
. Tous^se déterminent à faire faire entre les mains de
leur p è re , par acte du 20 thermidor an n ( une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est provenu de la succession du généi’al.
L e 7 ventôse an 1 2 , cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing p ère, pour se concilier sur la demande
tendante à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la totalité de la succession de leur frère , sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’E stain g, leur frère, encore mineur.
< L e 11 ventôse même m ois, procès verbal du bureau de
paix-: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
« enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de. ses liaisons
« avec Catherine P on talier, originaire de Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce m o« ment entre les mains de P ierre M a rcero n , jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier..
« L e sieur d’Estaing père observe que la loi donne des
« droits à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecque, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
« L e sieur d’Estaing ajoute qu’il, voulut bien accepter la
�( 21 ]
«tutelle de cet en fan t, attendu que sa reconnoissance ne1
« pouvoit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« ta in g , soit comme se disant créancièi'e, soit comme
« com m une, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordon n er, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant n a tu re l, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendem ain, 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(m ajeurs) présentèrent l’equête au tribunal d’A u rilla c,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
b ref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
.délaissé à chacun un sixième de la succession, suivant
l’inventaire qui sera représenté ; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de i2000fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
M êm e jour , assignation aux fins de cette'requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’A u rillac un juge
ment contradictoire qui ordonne q u 1A/m e N azo , Em ile
d’Estaing, enfant naturel du d é fu n t, Jean-Baptiste et
A n to in e Pascal’ d’Estaing, ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u rilla c, Anne n e1
perdoit pas son temps : elle s’étoit imaginée que le tri—
.bunal de la Seine devoit seul connoîtrc de toutes les con—
�( 2 2
)
(estations qui pouvaient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
,
Q uoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12 : elle ne savoit pas trop encore ce qu’elle
devoit dem ander; mais par Une requête du i 5 messidor
an 1 2 , elle règle définitivement ses conclusions.
E lle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidorî elle expose « q u ’après la m ort du gé~
« néral d’E stain g, décédé à Paris le iô floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
«-d’E stain g, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« l'ejoindre son m a ri, pour se ¿faire nom m er tuteur de
« Tenfant m ineur du général,, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
.;
•.
E lle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ;: qu’il ne doit plus retenir l’administration
«des b ien s, dont m oitié lui appartient'à elle comme
« commune.
« Q u’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre resî«• soui'ce qu’une pension sur l’é ta t, de 5 2 0 fr. ^qui a été
« portée ù 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le prem ier terme de quelque temps,
« E lle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N ap o léo n , lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
• « Il s’est trouvé,dans l’actif du défunt général,.trois ins«* criptions du tiers-consolide sut l’état y faisant'ensemble
�C 23 )
« 2000 fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« h être autorisée à les p ercevo ir, à faire faire toutes mu
et tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de io o o o fr. »
A u p rin cip a l, elle conclut à ce que M . d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
m uniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débta9, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
U n jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M . Uestaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à P aris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte à A u rilla c .il n’a voit en effet d’autre domicile qite
celui de son origine.
M . d’Estaing décline la ju rid iction , et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlem ent de jtig£&
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13 , décide que la 9utí-*
cession du général est ouverte à Aurillocij et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et *8 mes
sidor an 12 , qui sont déclarés mils et comme non
avenus , ainsi que' tout de qui a précédé et suivi f f&n-*
voie la couse et les parties à procéder devant le tribunal
¿ ’arrondissement d’A u rïïla c , pou# leu r être fait droit Sur
leurs ctemande* rcspectivca.
; ¿
a
t çilO la:
�( 24 )
A n n e , à son to u r, suspecte le tribunal d’A u rilla c;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la co u r, pour être renvoyée devant tout autre
tribunal.
M . d’Estaing se prête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrê t du 2.6 thermidor
a n ' 1 3, qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
11 n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, qu'A n n e , soi-disant N a z o , et le sieur d’Es
taing père : la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à A urillac. Ce tribunal, investi
de la cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
A n n e ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M a u ria c, contre le sieur d’Estaing p è re, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle,, ne se prétend plus
commune avec le gén éral, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u v o ir ,
déclare « qu’A n n e le fait citer sans fondement et sans
«c raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
« se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
« prétentions j
�( 20 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’ un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayaus droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritier« du général;
et d’abord c’est Em ile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m in eu r, puis les frères et sœurs du général; il expose
q u ’A n n e n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les m ains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un m otif de plus
pour qu’elle s’adresse à e u x , afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de M arie, et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit a par fraude, çuppQ« sîtion de personne, et par des insinuations per/Ides. »
A n n e seule l’excita à toutes ces démarches, q u 'il
rétracte et désavoue fo rm elle m en t, ne v o u la p t'p a s
qu’ une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour f ille de
Jo a n n y N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M a riey
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu piariage,
et l’état de M a rie , sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A n n e pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing p è re; elle roçoonpît la néces-
D
�C rf)
. •
sité de rapporter des actes'authentiques qui établissent
son origine et son m ariage: elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’ irnngine-t-elle pou r y suppléer ?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge de
paix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitim e mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10 ; que
« son mariage a été célébré religieusem ent, et d’après
« les rites du pays, devant le patriarche d’A lex a n d rie,
« habitant au G rand-Caire ,- mais que n’étant point en
« usage en E gypte de tenir des registres des actes de
« l’état civ il, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
•f
« la déclaration des personnes qu’elle présenloit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
I.arrey de B ea u d ea u , ex-chirurgien en chef-de l’armée
d’Egypte; dom R ap haël de M o n a ch is, membre de l’ins
titut d’E gypte; un sieur A ntoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur H ector
JJaure, ex-inspecteur général aux revues de la même
armée.; un sieur L u c D uranteau, général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
im périale; un sieur M artin-R och-X avier Estave, ex-di
recteur général des- revenus publics de l’Egypte. •
' Tous ces témoins réu n is, et par une déclaration eol* lë ctiv e , attestent, « pour notoriété publique, connoître
�(
*7
)
« parfaitement A n n e N a z o , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au G rand-Caire, clief
« de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e , pendant le cours de fa n 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusem ent, et d’après les
« rites du pays, en légitim e mariage avec Jacques-Zac? cliarie d’Estaing, par le patriarche d’A lexa n d rie, ha« bitant du Grand-Caire ; que l’acte de célébration n’en
« a pas été ré d ig é , n’étant point d’usage en E gypte de
« tenir un registre de l'état civil ; mais que le mariage
« n’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’ un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’.Esiaùig, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a z o , veuve d'Estaing,
* Ji’a pas cessé d'habiter avec son m a r i, q u i Va tou« jo u r s traitée com m e son épouse légitime. »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal d elà Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
O n ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour hom ologuer une
enquête à fu tu r, faite sans ordonnance de justice, sans
jugement préalab le, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout.curieux d’entendre ces t é m o i n s officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an
sans déD a
�( 28 )
signer aucune époque p récise, lorsque la lettre du gé
néral, du 2.5 pluviôse an 9 , annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un m ois; de les vo ir déclarer
que le mariage a été célébré parle patriarche d’A lexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester opüAnne n’a cessé
d’habiter avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à A lexan drie, lors du débarquement des Anglais
à À b o u k ir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M . d’Estaing père au tribunal
de M a u ria c, par exploit du 30 mai 18 0 7 . M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de ses protestations contre tous aveu x, toutes
dém arches; que ce n’est que par erreur et par fraude
qu’ il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont A n n e pourroit inférer une reconnoissance de
son état ; il conclut enfin à ce qu'‘A n n e , comme étran
gère, soit tenue,,aux termes du Code, de donner caution
judicatum suivi.
L a cause portée à l'audience au provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le 12 août 1806, par lequel
le tribunal de M a u ria c, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ordon n e, avant Faire d ro it, que les parties feront dili
gences pour mettre en cause les prétendons droit à la
�( *9 )
succession du général d’E stain g, en se conformant à l'a;
loi ; et néanm oins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à A n n e Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugem ent, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
O n ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance ; les plus petits détails peuvent être précieux :
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterm iné ce jugement, auquel les héritiers d’Estaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les éti’angers à donner caution du
judicatum solvi. ^inne se disant ëpouse d’un général
français , i l est incertain si elle sera regardée comme
étrangère', ou si elle se trouvera dans l’exception de
l’article 12 du même C o d e; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage
on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n?a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement l’aisonner; car s’il faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une cau tion , la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès q u'A n n e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son é ta t, elle d e v o i t être*
assujétie
cette formalité..
Les premiers juges ajoutent qui!A n n e ? 601^ comme;
�C 3° )
com m une, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père , lui sont
étrangères, et ne peuvent m ériter aucune litispendance
q u i la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « niais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p è re , qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N a zo
« et le sieur d’Estaing père seulement-, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u rillac, entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Q ui croiroit qu’avec ce m otif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des prétendans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’eiTet sur une pension alimentaire , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
T els sont les motifs de ce prem ier jugem ent; ils pouvoient être plus conséquens, et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges hésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils u’etoieut, dans l’espèce parti-
�( 3l ) ^
cu lière, que des juges d’exception ; ils n’avoient récit
d’attribution qu’entre A n n e et le sieur d’Estaing pèrer
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’Aurillac ,
juge naturel des frères d’E stain g, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure, .
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le p a rti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’A urillac , d’intervenir en l’instance , et de
form er tierce opposition au jugement précédent : leu rrequête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qu'A n n e soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur p è r e , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au partage de la succession du général
d’Eslaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé k
Aurillac..
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A u rilla c, le 13 août 18 0 7,il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoit
« été mariée avec le général d’E stain g, au C aire, en!
« E g y p te , par le patriarche d’A lex a n d rie, en présence
« des principaux oiïiciers de l’armée française en Egypte,,
« en l’an 8, sans désigner le mois n i le jo u r de cette année ;
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées •, et que d’après ces usages,,
il ne se faisoit jamais d’acte écrit du mariage ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quii
« attestent le mariage et l’ usage du pays;
�.-
( 32 >
« Attendu que les tiers opposons ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver , par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à A lexan d rie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
c< Attendu que la dame Nazo prétend que la reconnoissance de son mariage, et même la reconnoissance de la
'« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« résultent de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
'« i 5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
c< de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénom m e, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’E staing, de l’aveu de
« toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , h la
v citoyenne d’E s ta in g , à.la citadelle du C aire, et datée
« d’Alexandrie ;
' v« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
« son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
« plaindre de ce que son père ajoutoit plus de foi à une
a lettre d’un sieur L a tap ie, qui lui avoit mandé que le
« général d’Estaing étoit marié en E g y p te , qu'à lu i çt même ; il continue par dire à son père qu’il rfy a
a aucun lien légal entre la dame Nazo et lui ; qu’il ne
« l’eût
�( 33 )
« l’eût pas contracté sans le prévenir -, et il finit cepen« dant.par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famille de se rendre à
« M arseille, et d’y attendre de ses nouvelles';
« Attendu qu’après le décès du général d’ E stain g,
« arrivé le i 5 floréal an 1 0 , le sieur d’ E sta in g ’père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du g é n éra l, et présentées dans'toute la
« ville'en ,cette qualité pendant'huit mois ;
-r
« Attendu que le sieurtd’Estaing père a requis, dans
« un procès verbal tenu devant le juge de paix d’A u « r illa c , et composé de ce qu’il a de plus «clairé et de
« plus recommandable dans sa fam ille, le 5 messidor an
_« 10, .et»a obtenu la qualité de tuteur-deM arie d’Estaing,
« sa ¡petite-fille,1 p ravçn u e, y est-il dît , *du mariage du
« général d’Estaing avecila dame Na»o;¡dans lequel procès
« verbal il ;a fait fixer >les frais par Hui -avancés pour leur
« yoyage de L yo n à A u rillac , les ha’biis <îe deuil de la
* idame ,N a zo , et une pensiari>pbur elle ét sa fille ;
« Attendu qu’en)vertu'de ce¡procès veri5aî,!,'le sieur
« d ’Estaing père a fait procéder à la rém otiôn des scellés
« apposés à Paris sur les effets du géûéral’d’ Estaing, son
* fils ., À laquelle le père de la dame Nazo', *et le sieur
D elzo n s, législateur^ ^ont assisté, et’le^ieur d’Estaing
« a r£ait ensuite procéder à '^inventaire dé 'Süri' m obilier
k par le sieur D e lzo n sfils, son iondé^de p o u v o ir, ler24
* messidor an æo ;
r
1 '■
« A ttendu que (lorsque la >dame Nazo , après un
« séjour de h u it mois chez le 'sieur id’Estaing p ère, l’a
•k quitté ce 4 ejcnier a gardé M arie d’Eataing, sa fille0,
E
�f 34 )
« et.ne ¡Ta remise à sa mère*qu’en vertu d’ordres supé« rieurs;
.
* .
t « Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
cc d’Estaing, et l’état de M arie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne luifétoit plus permis de varier; '
« ; Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance form elle que par sa réponse au bureau
*: rde paix du pauton de M auriac; ' ■
,ct Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des au très ¡pièces produites par la dame N azo;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenü de registres,
« l’arlicle 7 du titre: 2.0 ide l’ordonnance .de 1667 , dont
« a été ¡pris l’article 46 du C ode, perm et ddiprouver par
■
a\ témoins la célébration du m ariage, et.la'naissance des
«r enfansjqui en sorit'.provemis^iet que,’ dans l’espèce,
cette preuve^téstimoniale est. d’autant plusiadmissible,
« que; le. procèsaYerbal;jdejlai.tutelle :déférée au sieur
« d’Estaing pève peut être considéré comme un cominen.« cernent de preuve par écrit de la possession d’état'de la
« dame N azojet fie.sa^ fille; .
« L e trib u n a l,.sa n s préjudice, etc., et sans rien pré«. ju g e r, ordonne, ayant fairejd ro it,'q u e la dame Nazo
.« ferafpreuve;parrdevant le président du tribunal, dans
« les six mois à' com pten de .la^signification du présent
k jugement à personne ou dom icile, etceitant par'titres
,« que par témoins, 1°. qu’il n’étoit pas .d’usage au Caire,
« e n l’an 8 , soit, .pour; les' militaires îfrdnçais , ou [tous
« autres, de tenir des registres d e l’é ta t ici viL, ni de rédiger
�c 3 0 }
« par écrit les actes de m ariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céphalonie de rédiger par écrit des actes
t< de naissance; 2°. que la dame Nazo a été mariée en
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’A lexan d rie, avec les cérémonies usitées
« dans Ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps 'elle a été publiquement
« reconnue, pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céphalonie , d’une fille
« provenue de ce mariage , dans le mois de nivôse an i o ,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing ; sauf au
« sieur d’Estaing p ère, et aux tiers opposans , la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
L a dame A n n e a fait signifier les qualités de ce juge
ment , sans aucune protestation ni réserve , le 22 août
18 0 7 .
L e 5 décembre suivant , A n n e interjette appel’ de ce
jugement interlocutoire : ellela renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; e t, pour la prem ière fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
m ariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800; fête qui arrive douze jours plus ¡tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répon d, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on Passujétit ù une
p reuve; elle n’en avoit pas besoin. :•
Les frères d’E stain g, à leur to u r , jtant en leur nom
personnel que. comme héritiers de leur père , décédé
pendant l ’instance , se rendent m cidcm i»^11 appçlans du
E 2
�( S<5 )
même jugem ent, notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667 , de l’article 46 du C ode, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 1 7 0 , 1 7 1 , 194
et 195 du même Code»
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en form e de m ém oire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tom bée, et d’ap
précier le m érite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
r U ne étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère , noms chers et sacrés, d*où naissent
les plu^doux charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer ! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui les.
a produits.
'
'
1
^
Point de précision sur les faits, contradiction sur les
dotes, exagération dans les circonstances, erreur sur led
uages ou les mœurs du pays*
Com m ent p o u rro it-o n accorder quelque confiance à
des actes extrajudiciaires, sollicités, m endies, obtenus,
contre tous les principes et touies les formes ?
‘L a faveur disparoît, l’illusioiï cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte de terreur,
d’admettre, au détriment d’une fam ille, une usurpatrice,
une c o n c u b i n e , qui mettant peu de prix à ses charmes „
a Cédé facilement aux appas de la v o lu p té s
r
A n n e pourroit-elle se faire un titre d’un procès verbal
�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foiblesse ou de Terreur
d’un vieilla rd , dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils; qu’elle n’a obtenu que par un men
songe , et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny Nazo
avoit dans les mains tous les actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e ?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son m ariage; elle se renferme
dans une assertion m ensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’usage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
E lle en impose évidemment et sciemment. Q u’on ouvre
l’histoire de tous les peuples policés, des T u rc s , par
exem ple, qui régnent dans le pays qui l’a vu naître.
O n sait que les Turcs admettent la pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves : cependant il se con
tracte des mariages parmi eux ; et celles qu’ils ont légi, timement épousées jouissent de tous les droits d’épouses;
il leur est- dû un douaire et une pension.
T o u rn e fo rt, si bien instruit des usages de ce peu ple,
d i t , lettre 1 4 , que « les T urcs ne considèrent le mariage
«
«t
a
ée
*
«
«
ce
a
que comme un contrat civ il; cependant qu’ils le regardent comme un engagement indispensable, ordonné
par le créateur à tous les hom m es, pour la m ultipli
cation de leur espèce. Quand on veut épouser une filler
on s’adresse aux pareils pour obtenir leur consentem ent; et lorsque la recherche est agréée , il en est dressé
un contrat en présence du ca d i et de deux témoins,
Zj(i ca d i délivre- a use parties la, copte de teur con trat
do mariage» L a fem m e n’apporte point de d o t, mais
�C 38 )
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12 , page 112 et suivantes.
L e môme auteur parle du mariage des G recs, dont le
patriarche reçoit les conventions, dont il est à la fois
le ministre et le juge. « L es G recs, dit-il même tom e,
« page 297, regardent le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne croient pas que ses nœuds soient indissolu.« bles. Un mari mécontent de sa femme obtient, sur une
« simple requête , une sentence de séparation, que .le
« patriarche lui fait payer dix écus : alors les deux parties
« peuvent form er un autre engagement, sans que per« sonne s’en formalise. »
T o u rn e fo rt, lettre 3 , dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des E gy p tien s, et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en E gyp te, pag. 12 8 , art. 6 , en parlant
de d iv o rce, répudiation, atteste que lorsque le mari
veut se séparer, il le déclare devant le ju g e, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M a rc y , qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commeuce
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les conc< duisant à l’a u tel, il leur met sur la tçte une couronne
�«
«
«
«
«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
( 39 )
de feuilles de v ig n e , garnie de rubans et de dentelles;
il passe, un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui d elà fille; puis il change
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari* et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
et font le même changement d’anneaux. Celte cérémonie finie, les parrains ôtent aux mariés leur couron n e............L e papas coupe ensuite des mouillettes
de p ain , et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
il en mange u n e, en présente une autre à la m ariée,
puis au m ari, et enfin à tous les assistans. Les parens
et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande p u b licité,, de promener les époux
pendant trois jo u rs, sous un dais.
L e prétendu m ariage-à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. T o u t est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’A lexan d rie, demeurant au Caire. Cela e s t impossible;.
L ’auteur déjà cité sur les mœurs et les usages des
É gyptiens, apprend qu’il y a en E gypte des ministres.
�( 4° )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
n’est pas celui des G re c s, il est le prêtre des
Uophtes. « C e u x -c i, dit cet auteur, sont chrétiens, de la
« secte des Jacobites ou E utychéetis. Leurs opinions
« religieuses les rendent irréconciliables avec les autres
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement. .L e s
« Cophtes ont un patriarche qui réside au C aire, et
« qui prend le titre de patriarche iVAlexandrie. » 3
Par quelle singularité A n n e , qui se dit Grecque d’ori-?
gine et de relig io n , au roit-elle choisi un prêtre persé-?
cuteur de sa secte ? Comment le patriarche des Cophtes
auroit-il consenti à bénir un prétendu mariage -entre
deux époux d ’une religion différen te,dont aucun d’eux
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale,
>
L e mariage d’un général français étoit un événement
rem arquable; on devoit y .mettre la plus grande pom pe,
y donner la plus grande-publicité. Q u o iq u ?en dise A n n e 9
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a z o , q u i, si on l ’en cro it, ¿ e st f a i t . valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour -assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisoit partie de l’armée ; il connoissoit les ordres du général en chef,, traduits dons
toutes les langues usitées : la prem ière chose à lu quelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte c iv il
devant le commissaire des guerres., officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il n’y a eu aucun acte
dressé J
:: ; •
_
Les
�(40
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquetes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. O n ne
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n n e elle-m ême a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage.
Elle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu'elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugem ent, et dans la consultation, qu’on a pensé q u ’il
falloit préciser le jo u r, et on a imaginé le jour des rois,
q u i, d’après le calendrier g re c , se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que îo » arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
A n n e veut être mariée en l’an 8 , le 17 jan vier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette é p o q u e , le général d’Estaing n’étoit pas au
C aire; il commandoit l’avant-garde de l’armée en statiott
à C ath ié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la S yrie, près de Suez, à plusieurs journées du Caire.
L e service ou le commandement du gén éral, au fort
de C a th ié, a commencé le 17 brum aire an 8, et n’a fini
que le 16 pluviôse an 8 , époque de l’évacuation de ce
fort.
L a preuve de cette continuité de service, résulte de
son registre de correspondance officielle; registre écrit
F
�(40
en grande partie de la main du gén éral, qui p ro u v e ,
jour par jo u r, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an i<3, du même lieu de Cathié , démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son pré fendu mariage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
C ath ié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général'de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. L e gé
néral d’Estaing se rendit de là à R ozette, où il a resté
jusqu’en vendém iaire an q
. . ____________ *
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
C a ire , où il a résidé jusqu’en ventôse an g , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Àboukir:
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général'.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n n e nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces contradictions ? l’assertion
drune inconnue d o it-elle l’emporter sur les écrits du
d éfu n t, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qurA n n e veut en imposer à la
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’ un
roman mal conçu , qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Mais A n n e a , dit-on, une possession (l'état invariable.
Q u’èst-ce qu’une possession d’état ? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
1
�( 43 )
L ’état des liommes se forme sous l ’autorité des lois;
il s’établit de deux m anières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C ’est ainsi que s’exprirrioit M . l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougeinont. « La
« possession, disoit ce grand m agistrat, l i e, unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« dém arches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant p rim itif, jusqu’au moment actuel de notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêm es, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose , soit par Vhabitude de
« nous connoître , soit par l'habitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » E t M . Séguier
invoque la doctrine du magistrat im m ortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n n e peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle, in variable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? U ne liaison crim inelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son ép o u x, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
F 2
�( 44 )
bruit se répand qu’il est m arié; le général le désavoue,
et soutient qu’il r t j a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son é ta t,
de celui qui y avoit le plus grand in té rê t, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession d'un état que son pré
tendu mari d ésavoue, et ne veut pas lui accorder ?
Une possession d’état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n n e et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se confirment de jour en jour entre les
parens r p a r la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
beaux-frères, cette habitude journalière de se traiter ré
ciproquement comme frères et soeurs ? c’est cependant
ce que désire C ochin, à l’endroit cité dans la consultation;
et il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ru ix , baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la
possession d?état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit êti’e un obstacle insurmontable
h. la prétention que la dame de Bruix osoit élever, de se
dire fille du sieur marquis de Boudeville de la Ferté. Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme lo n g u e, constante et invariable.
E t d’après Cochin lu i- m ê m e , une possession d’état
pourroit-elle être l’eifet de l’erreur d’un m om ent, d’uu
acte isolé et fu g itif, obtenu dans un moment dîurgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui aasuroient à
A n n e un titre légitim é ;
�( 45)
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tu telle, qui émane du sieur
d’Estaing p è re , étranger à la succession de son fils; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus p ro ch es, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal on
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénom m és, le sieur d’Estaing p ère, et le sieur D elzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient présens sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a été
appelé.
L es sieurs T e r n a t, petits-fils de la dame d’Estaing ,
Veuve T ernat, en ont été écartés»
Les sieux-s ¿4.ngelergues, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d 'E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de cette assemblée.
O n convoque dans la ligne paternelle, des sieurs LaOroi;
parens au sixième degré du d éfu n t; un sieur F o rte l 7
allié encore plus éloigné que les sieurs L a b ro . . .
Dans la ligue m aternelle, on néglige les sieurs T A p p a r a oncles bretons du défunt : on affecte d’appeler les
sieurs M a ilhes, père et fils, alliés très-éloignçs, Et-vpi^A
les individus qu’^/*«e traite ou Meut faire reg-ardçrjco^^e
les plus proches parens de ¡son prétendu mari ; il ne faut
pas s?en étonnerç; elle nfapas eu Ie; temps dp, fai^C-pon*
noissauce avec la fam ille de son prétendu m ari.
�'( 46 )
Elle a été reconnue dans la fa m ille , dans la v ille ,
dans h s so ciétés! E lle n’a été présentée nulle p art; ne
pou voit’ l’ê tre , à moins de* l’a v ilir , puisqu’elle n’a voit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
connoissoit aucun des agrémens d’une vie policée.
E levée dans la classe du p eu p le, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
là fem m e'de son ch o ix , et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
; ‘
Peut-on pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l’aveu même dûA n n e ,* et huit
in oiŸ n ’ont jamais donné une possession d’état constante
et invariable.
;
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves'-de son m ariage; et à défaut
de titres , elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rriv é e à M a rseille, - elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
?
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à P aris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
; E lle les conduit devant le juge de p a ix , qui les admet
sans autre form e; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’E staing, qui n’en avoit
aucune connoissance, s’inquiétoit peu de ses démarches,
�( 47 )
et n’avoit garde de s’y opposer* puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à ¿futur, qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abus? Q u’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 ; 01a y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes,. dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13 , qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, à peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles
et même dangereux dans la cause1, ils ne seroient d’au
cune im portance, quand ils pourroient être de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les ^4.11a ou ^ibdaïïa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu J ea n N a z o et Sophie M isch e , son épouse, père
« et mère d 'A n n e , et qu'A n n e fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C ’est bientôt dit : mais où est la preuve de la filiation,
du m ariage? U ne simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des>
dates, peut-elle faire quelqu’impression ? A n n e a-t-elle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vagu e, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état dTépouse et veuve
du général d’Estaing, et l’admettre dans cette famille?.»Et.
si quatre d’entre eux ont ¡déclaré qu 'A n n e accoucha: à:
C eph alouie, ils disent le contraire de ce que racoutei
�( 48 )
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendre
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coûtoit si
peu de s’accorder avec les déclarans, qu’elle auroit dû
au moins dire la même chose.
Son. acte de notoriété fait à Paris est encoi'e plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
A la fo is , que « dans le cours de fa n 8 , A n n e a été
a unie religieusem ent, et d’après les rites du pays, en
« légitim e mariage , avec le général d’E stain g, par le
« patriarche d’A lexa n d rie, habitant du Grand-Caire.
« L ’acte de célébration n’en a pas été ré d ig é , n’étant
« point d’usage en Egypte de tenir un registre de l’état
« civil ; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
a militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se so n t-ils pas
nom m és? quels sont ceux qui sont compris dans ce la
plupart? D ès que ces témoins poussoient si loin la com plai
sance pour la jeune E gyptienne, ils auroient pu circ.onstancier davantage leur déclaration; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne'craignent pas
d’ajouterque «pendantsonséjouren Egypte, la dame Nazo,
« veuve d’E stain g, n’a pas cessé d’habiter avec son m ari,
a qui l’a toujours traitée comme son épouse légitim e. »
C e séjour a-t-il été plus ou moins lo n g ? pas un mot
sur sa durée. O n a vu ou pu voir , chez le général
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épousef dans un pays aussi corrom pu, où presque tous
�( 49 )
_
les militaires avoient trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens o rien ta u x , des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une fam ille, d’y introduire une
étrangère! O n doit gém ir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernem ent : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute , que le ch ef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernem ent ne peut nuire aux droits des
familles. 11 est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit été p o rté e , en prem ier lie u , qu’à une somme
de Ô20 francs; l’Em pereur rem plit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d’Eslaing ; les
joui’naux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit ; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on vo it qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général M enou vient ensuite ; il an
nonce, de la part de ce brave g é n é ra l, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M en ou , lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. P o u r les rapports civils, il auroit.fallu
un acte authentique qui constatât le m ariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit c o n f o r m é m e n t aux
lois, règlemens et usages de l’année. L e gênerai Menou
devoit principalement les faix-e exécuter; et'il est constant
G
�, c 5 0 }
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en existoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général M enou a épousé une m usulm ane,
il a embrassé le mahométisme. On est autorisé à le dire
a in si, d’après des instructions précises. Son mariage a
été célébré par le M o u p h ti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. L e général a donné à son union un
caractère lé g a l, et n ’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c i v i l , conformément aux ordres qu’il avoit lu imême fait publier de nouveau. V o ilà le rapport civil.
O n ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre c ô té , le général M enou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit même général
en ch ej au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t A n n e , à son to u r, a été mariée le jo u r des rois de
la même ann ée, qui répond au 17 janvier 1800.
P ou r le coup veritatem qucerendam.
L e général M enou ne commandoit pas l’armée en nivôse
ap 8 ; c’étoit le général K léber. C e lu i-c i a commandé
jusqu’au 25 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général M enou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général K léb er avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M e n o u , en germinal et floréal an 8 , prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de R ozette : le
général M enou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D u p a s ne parle de ce mariage prétendu
que par ouï-d ire; on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s , qui étoit alors
au C aire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
m andem ent, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ou ï-dire de
ce -prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avo'ir assisté à ce m ariage,
on attendroit long-tem ps. A n n e a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Q u’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au c o m m a n d a n t du Caire ;
il etoit honorable dans ses goûts; il teuoit au Caire table
�( 52 J
o uverte, donnoit souvent des bals, des. fêtes ; et si on
veut que des bals des dîn ers, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
E gyp te, cp ïA n n e faisoit société avec les dames M enou r
D e lz o n s , L a n tin , connoissent bien peu les usages orien
taux. L à les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et alors sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
Ce n’est pas en O rient où on peut jouir des agrémensde la société, et surtout de la compagnie des dames; on
sait môme que madame M enou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et A n n e elle-m ême,
pendant le court séjour qu’elle a fait à A u rillac, n’a pas’
quitté son voile , et n’a été vue de personneLa dernière pièce imprimée en la consultation , est
une lettre du général d’Estaing à A n n e. O n observe
que l’adresse est de la main du g é n é ra l, et porte pour
suscription : A la citoyenne iVKstaing, à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qurA n n e , dans son m ém oire, ait
tant parlé de la correspondance de son époux ■¡familière
avec décence,. tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C ’est le ton d’un homme poli
et fam ilier, à qui on n’a rien refu sé, qui ne parle pas
même des ascendans d 'A n n e avec le ton de considéra-
�( 53 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qyüAnne appelle son père,
il se contente de dii’e Jo a n n y ,* lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il cfit, la bonne vieille. E st-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p r e n d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charm e, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e ? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à toutes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Venveloppe de la letti’e : mais n’est-ce pas
l ’usage? ne vo it-o n pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les noms de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donne ce nom. Lorsqu’il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le gén éral, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette fem m e, après le départ du gén éral, n’a jamais
tiré avantage d’une suscription sem blable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
O n trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres a ra bes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
dŒ sta in g , mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire , puisqu’on ne connoît pas l’arabe;,
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�( 54 )
idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit har
monieuse , poétique , tout en figu res, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’ un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A n n e : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
n éral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e ? T o u t est extraordinaire et inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore , dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur G iane , clief de bataillon de la légion
gre cq u e, à bord du bâtiment le Jea n , en rade à T á
rente : cette lettre est en rép onse, et annonce que G iane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pou voir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, à madame
d’Estaing. Il n’y a rien d’étonnant dans ces offres géné
reuses ; on doit des égards et des services à une femme,
A n n e se disoit madame d’Estaing *, on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si A nne
avoit son contrat de mariage ou non, Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar^
�( 55 )
quan t, aujourd’hui m aréchal de l’em pire, une reconoissance et une possession d'état en faveur dCA m ie , relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un -gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprim er , du certificat d’un sieur Sartelon , ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d ’A n n e. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, ce que quoiqu’il n’existât à l’armée
« aucun ordre du général en chef pour régler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y être
« reçus , Yusage paroissoit s’être établi de lui-mêm e pour
« les officiers, ou individus attachés à l’arm ée, ne faisant
« point partie des c o rp s, de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, m êm e quelquefois
« de leurs divorces • ce qui n’a jamais été g é n é r a l,
« surtout pour des mariages contractés avec les fe m m e s
« du pa ys ( i l n’y en a voit pas d’autres), qui se sont
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient purement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé aucun procès verbal relatif à l’état civ il; il ne s’en est pas
même tro u vé, notamment du commissaire d e s guerres
A g a r d , qui est m ort dans la traversée. En foi de q u oi,
sur la demande de la dame veuve d’Estaing, il a déliv r é , etc. »
�( 5 6 }
O n ne voit pas trop quelles inductions l’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourroit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent m ontré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le f a it , puisqu’on rapporte les ordres
du général en ch ef, et les actes civils des sieurs D elzo n s
et L a n t in , reçus par le commissaire Agard.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes d'‘ A n n e.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p e u t-o n pas
dire avec vérité qu’elle n’a n i titres n i possession ?
Comment a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveur insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins , qu’elle a été mariée en
l’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de m ariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugem ent, au contraire, n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou m endiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si intéressans, dit le célèbre C o ch in ,
« doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
« du bien p u b lic , qui forment toujours le premier objet
a de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les fam illes,
« compromis dans une seule cause. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’ un juge
ment
�( S? )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement ne peut subsister, et
qu’A nnè doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
O n trouve dans les recueils, tant anciens que nouveaux ,
une multitude d'arrêts su r les questions d’état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes : le 2e. , le 6e. , le 12e. le 17°. plai
doyer de ce grand m agistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son m inistère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se déterm ine; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude de faits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre ; en un mot ,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volum e de ce m émoire par
des citations d’arrets ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nom breux exem ples, une conséquence claire qui
pût servir de m otif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui n e sera
pas contesté, c’est que pour un m ariage fait en France,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été ten u , 011 qu’ils sont
II
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 16 6 7 ,
n’a entendu parler que dès mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code Napoléon ; et la preuve que le législateur a seu' lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et 48 du môme Code.
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étran ger, fera f o i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
parlesagen s diplom atiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lo is, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testim oniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d 'éta t’, on croit l’avoir p ro u vé, puisque
le général lui'a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne,
poin t da commencement de preuve par écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls q u i’existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( 59}
de possibilité d’admettre une preuve par tém oins; il faul
représenter l’acte civil. O n a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n n e n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appela donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce.jugement est évidem ment en opposition avec
les articles 17 0 , 17 1, 194 et 195 du même Code.
En effet, par l ’article 170, cele mariage contracté en pays
« étranger entre Français, et entre Français et étranger,
« est valable, s’il a été célébré dans les formes usitées
« dans le pays,.pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
ce chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette form alité la plus grande
importance. O n n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parm i les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 1 7 0 , on y trouve principalement la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ême majeur, de contracter
mariage sans le consentement de ses père et mère.
H a
�(6o)
Bien vite A n n e s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le C o d e, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut prom ulgée dans un
instant de d élire , qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
L o i immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tons les jours gém ir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
M ais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. N e mar
que-t-il pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le p réven ir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n n e en seroit-elle réduite à
ce p o in t, qu’elle fût o b lig ée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernem ent, dans ses
premiers p a s, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
P o u r cette fois, A n n e ne peut se tirer de cette dis-
�( 60
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de mal’iage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
E t lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
19 5 , qui veulent que nul ne puisse réclam er le titre
d’ép o u x, et les effets civils du m ariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l ’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c i v i l , elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
ne pouvoit établir son titre d’épouse ¿légitime, qu’en jus
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré? D iront-ils que
le Code Napoléon n’a été promulgué q u e postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient cl’autre boussole que ln
loi du 20 septembre 179 2; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette l o i , A n n e ne pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvaient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale.
Un mot sur l’enfant naturel ,con n u sou sle nom & E m ile
�(6 2 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant d o n t on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
U n enfant a été présenté à l’officier c iv il, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-m ême. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire v a lo ir , il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant,
Anne
n’est pas réduite à un sort funeste; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre,
M e. P A G E S ( d e R io m ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeu n e, avoué licencié,
A RIOM , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste D'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53865/BCU_Factums_M0605.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53226/BCU_Factums_G1412.pdf
73a712b989ad7b2ae45a4b0009c868ac
PDF Text
Text
OBSERVATIONS
- SOMMAIRES
pour le
cit.
LAM OUROUX,
in tim é;
En Réponse au M ém oire du cit. J. B. D E V È Z E ,
appelant, signifié le 18 prairial an I I .
TRIBUNAL'
D ’APPEL
SEANT A R I O M .
o
N ne doit pas s’étonner que le cit. Devèze réponde
à des moyens de droit par des injures et des personnalités.
L e venin surabonde dans les vésicules de la vipère; il faut
qu’elle s’en débarrasse à tout prix.
Heureusement on en connoît le remède. Mais pour
quoi l’auteur du mémoire du cit. Lam ouroux est-il mis
en jeu d’une manière aussi indécente et aussi injurieuse?
A
�C O
L ’outrage le plus sanglant qu’on puisse faire ¿1 un juris
consulte qui croit avoir quelque droit à l’estime publique,
c’est de l’accuser d?inexactitude, de mensonge ou d!infi
délité dans les citations.
L a critique du défenseur de Devèze est tout à la fois
inconvenante et m al-adroite. Il connoît mieux qu’un
autre les faits de cette cause; il sait ce qui s’est passé dans
l’origine de la vente consentie par Lam ouroux à Devèze.
Ce dernier prétendoit malhonnêtement que Lam ouroux
n’avoit pu vendre au delà de révaluation faite en vertu
d e l’édit de 1 7 7 1 .Lam ouroux, effrayé d’un pareil moyen,
s’adresse au cit. A ndraud, et le prie de l’éclairer sur sa
défense.
L e cit. Andraud, par une consultation du 10 décembre
1786, le rassure infiniment sur l’odieuse prétention de
Devèze. Il appuyé son opinion d’un préjugé récen t, et
a la complaisance de lui tracer la mai’clie qu’il doit suivre.
Il lui conseille « de faire contrôler sa vente, de la faire
» signifier à D e v èze, avec sommation de se trouver en
» l’étude de tel notaire, jour et heure fixes, pour passer
» cette vente en acte authentique, ou en consentir le
5) dépôt, aux offres que fera Lamouroux de consentir à
» l ’instant, par-devant le môme notaire, en faveur de
» D evèze, sa procuration ad rcsignandum, aux charges
» et conditions de la vente.
» Si Devèze ne se rend pas à la sommation, on en fera
» dresser acte par le notaire; Lamouroux fera de nouveau
» signifier, etc. »
Cette consultation est une pièce du procès; elle est pro
duite cote quinze ; elle est citée dans le mémoire de
�(
)
3
Lam ouroux ; et la production a eu pour objet de prouver
que Lam ouroux ne peut avoir fait signifier, le 7 du même
mois, l’acte qu’on lui impute, puisque le 10 il étoit dans
l’intention de poursuivre l’exccution de sa vente.
A ujourd’hui le cit. Andraud a changé de rôle ; il est
le conseil de Devèze. Mais dès qu’il croyoit pouvoir se
charger de cette défense, au moins n’a u ro it-il pas du
tomber dans le môme inconvénient qu’il reproche au con
seil du cit. Lamouroux.
Il devoit remarquer que la citation qu’il critique n’est
pas du fait du défenseur actuel. L e cit. Lam ouroux avoit
suivi de point en point la marche indiquée par la con
sultation du 10 décembre 1786. L a sentence arbitrale du
grand-maître fait naître de longues discussions; le citoyen
Toultée est chargé de la défense de Lam ouroux : la cause
est appointée. L e cit. Touttée continue d’écrire; il discute
avec le discernement et la sagesse qu’on lui connoît ; il
rappelle plusieurs autorités, cite la loi 25 ,ff. de receptis,
l’opinion de M o ru ac, et l’arrêt du 10 décembre 1627,
rapporté au Journal des audiences.
L ’auteur du m ém oire, page 2 1 , rend compte de cette
discussion ; il ne cite p a s , il dit que Lam ouroux s’ap
puyait de ces autorités. Il étoit bien éloigné de penser
que celte narration lui attirerait l’attention particulière
du conseil de D evèze, et lui vaudroit un outrage per
sonnel.
Mais la diatribe rerpplit deux rôles du mém oire, c’est
toujours quelque chose. On ne se dissimule pas même que
cette discussion ne fait rien à l’allaire; mais le censeur « a
» cru nécessaire de rappeler à plus d'exactitude dans
A a
�(4)
» les citations : » en conséquence il fait réimprimer
l’arrêt qui porte textuellement ce qu’on avoit dit; il n’y
a d’addition que les réflexions du jou rn a liste, qui sans
doute ne font point autorité, et qu’on a pu se dispenser
de transcrire, sans être accusé d’inexactitude.
A la page 22 du m ém oire, on ne fait encore que ré
péter ce qu’avoit dit le cit. Touttée dans les avertissemens
signifiés le 6 mai 1789, bien postérieurs à la prétendue
requête du 14 janvier précédent. V o ici en effet comment
il s’exprim oit, rôle 31 v°. « La cause portée à l’audience,
» le défenseur du sieur Devèze prit ses conclusions. Celui
» du sieur Lam ouroux l’interrompit pour lui demander
» s’il avoit dans ses pièces le compromis en vertu duquel
» monsieur le grand-m aître avoit rendu la sentence ar» bitrale; et lui en demanda dans ce cas-là la commu» nication. M e. M ioche, en répondant à cette interpcl» lation , ayant été obligé d’avouer qu’il n’avoit pas
» alors à son pouvoir le com prom is, la cour prit le parti
» de prononcer un appointement à m ettre, pour lui
» donner le temps de rapporter cet acte. »
Plus Las, rôle 40, on se plaint encore de ce qu'il n’en
ïi pas justifié; on dit même que son avertissement, quoi
que postérieur, n’annonce pas qu’il en ait fait le rapport;
enfin, on demande qu’il soit tenu d’en faire donner copie :
jusque-là on soutient qu’il n’existe pds de sentence arbitrale.
On doit même convenir qu’il n’est pas étonnant que
la copie de cette pièce ait échappé à toutes les recherches.
La copie comme la requête se trouvent sur un petit carré
de papier; l’inventaire ne l’énonce que comme une re- ’
quête contenant rapport de l’nctc y énoncé, sans expliquer
ce que c’cst que cet acte.
�£3/
( 5 ) .
Cette petite inadvertance, qui n’est pas du fait du con
seil actuel de Lam ouroux, méritoit bien sans doute la
qualification gracieuse de mensonge que le moderne Zoilc
a prodiguée dans ses loisirs.
Quoi qu’il en soit, le compromis dont on vient de
prendre connoissance ne porte autre cliose, sinon qu’on
promet de s’en rapporter à l’avis et modération du grandmaître; il ne fixe aucun délai, et par cela seul il est nul.
M algré tout ce qu’a dit le journaliste, l’arrêt de 1627 a
jugé la question en thèse; et quand on s’appuie sur le
répertoire de jurisprudence , qui fait des savans à si bon
m arché, on peut répondre avec une autorité au moins
de la même force. Les auteurs de la nouvelle collection
de jurisprudence, au mot compromis, n. 3 , disent ex
pressément qu’un compromis ne peut être valable qu’au
tant que le délai dans lequel les arbitres doivent prononcer
est lim ité; autrem ent, ajoute-t-on, Tune ou Tautre des
parties pourroit refuser à?acquiescer au jugement q u i
ne seroit pas seulement sujet à Fappel, mais nul. Ils
citent encore cet arrêt de 1627.
N. 4 , ils ajoutent, « qu’on peut convenir par le com» promis, en fixant le délai, que les arbitres auront la
» liberté de le proroger. Cette condition ne regarde pas
» les parties qui l’ont souscrit, mais le juge : si cette
» clause n’y est point insérée, il est de rigueur que le
» jugement soit prononcé dans le délai fixé; faute de
» quoi, les parties 11’étant plus liées par le compromis,
» le jugement 11e sauroit les obliger.
» S i , en donnant pouvoir h l’arbitre de proroger le
» temps de l’arbitrage, on a stipulé qu’il statueroit, par
�»
»
»
»
»
»
( 6 )
un même jugem ent, sur tous les points contestés, et
que l’arbitre, n’en décidant qu’un seul, ait l’emis à un
autre jour à décider les autres ; on demande si le jugement doit etre exécuté. Il faut répondre que l’arbitre
n’ayant pas rempli son obligation, les parties ne sont
pas tenues d’acquiescer à son jugement. »
Ces auteurs, parmi lesquels on voit figurer les juris
consultes les plus célèbres du temps, connoissoient assez
bien le droit ; ce qu’ils viennent de dire est une tra
duction littérale et fidèle de la loi 25 , ff. de receptis,
que le citoyen Toultée n’avoit pas citée si mal à propos.
V o ic i le texte de la loi :
L abeo a i t , s i arbiter, çùm in compromisse) tantum
esset, lit eâdem die de omnibus sententiam diceret, et
ntposset dieni proferre, de quibusdam rebus dictâ sen
tent i â , de quibusdam non.dictâ, die/n p rotulit, Valero
prolationem, sententiceque ejusposse impunè non pareri.
E t Pom ponius probat Tuabeonis sententiam : Quod et
m ih i videtur, quia ojjicio in sententiâ fu n ctu s non est.
§ i. Tlœc autern cla usula, diern com prom issiproferre,
nullarn aliam dal arbitro JacuU ateni, quàm itiern prorogandi ; et uleo conditionem prim i compromissi neque
minuere neque immutare potest.
L e juge 11e peut donc rien changer au compromis; il
faut donc que ce compromis fixe un délai ou autorise le
juge à le proroger : sans cela le compromis est nul ; la
sentence n’oblige pas les parties.
L e citoyen Toultée n eu raison de soutenir que la sen
tence du grarul-rnaUrc n’étoit pas obligatoire, que la sénéçliatissée pouvoit en refuser l'homologation \ et c'eût
�&2>3
(7 )
encore à. juste titre que le conseil actuel a ajouté que
quand bien môme le citoyen Devèze rapporteroit un com
promis régulier, cette discussion seroit sans intérêt, parce
que le tribunal d’appel représente le ci-devant (i) par
lem ent, et qu’il suffiroit alors d’interjeter incidemment
appel de cette prétendue sentence arbitrale.
Grande discussion sur cette seconde partie : il y avoit
trois fois mensonge sur la prem ière, il n’y a qu’erreur
dans celle-ci. Toute sentence passe en force de chose jugée
après la signification. ( A rt. X V I I du tit. X X V I I de l’or
donnance de 1667. ) Il y a plus de dix ans que la sentence
arbitrale est signifiée j donc fin de non recevoir contre
l’appel incident.
Quelle doctrine! L ’ordonnance de 1667 ne parle que
des jugemens qui émanent des tribunaux ordinaires; et,
dans une matièi'e de rigueur, on ne peut pas raisonner
(1) Les nerfs du censeur s’irritent de cet adverbe ci-devant.
Pourquoi ces mots? s’écrie-t-il : doit-on dire le ci-devant aréopage
d’Athènes, le ci-devant sénat de R o m e? M ais ces mots sont em
ployés au palais tous les jours; les tribuns, les législateurs s’en
servent habituellement : c’est un style réglem entaire, qui n ’est ni
un style académ ique, ni celui de l’histoire. Quand on écrira sur les
parlemens, qu’on rappellera les grands services que ces compagnies
célèbres ont rendus à l’ é ta t, l'historien dira les parlemens , sans
se servir des mots ci-devant. On pourroit cependant apprendre à
l’auteur de l’ingénieuse critique, d ’après le dictionnaire de l’aca
dém ie, qu’on dit adverbialement ci-devant, pour dire précédem
ment. En société on dit encore ci - devant seigneur, ci - devant
comédien ; ce qui veut dire qu’on ctoit autrefois seigneur, comé
dien ; etc.
�W
‘ ( 8 )
d’un cas à un autre : une sentence arbitrale est dans une
exception particulière dont l’ordonnance ne s’est pas,
occupée.
2.°. O n ne contestera pas au moins qu’une sentence,
arbitrale n’acquiert la forme de jugem ent, n’existe, ne
peut obliger et n’est exécutoire qu’autant qu’elle est re-.
vêtue du sceau de la justice ; qu’elle n’a d’authenticité
que par l’homologation du magistrat public. O r , la sen
tence du grand-maître n’est pas même encore homologuée
donc, en supposant qu’on pût l’assimiler à un jugement
ox’dinaire, les dix ans ne pourroient courir que du jour,
de l’homologation.
L e cit. Devèze voudra donc bien permettre qu’à toutes
fins, et sans se départir des premiers moyens, le citoyen
L am ouroux, pour éviter toutes difficultés, se rende in
cidemment appelant d’une décision qui n’est que l’eilet
de la surprise et de la fraude.
L n prenant ce parti on évite la discussion du second
moyen'annoncé en titre avec emphase, et où on n’a pas
su ce qu’on vouloit dii’C.
Quant au troisième m oyen, on cherche à tirer parti
de tout lorsqu’on est embarrassé de répondre.
L e cit. Lam ouroux avoit exposé dans son m ém oire,
page 28, que postérieurement à l’année 1786 un sieur
M albct avoit offert 24,000 francs de cette charge : Lnm ouroux avoit répondu qu’il n’en étoit plus propriétaire;
mais avoit pensé qu’il devoit en avertir D ev è ze, q u i,
n’étant pas encore reçu , scroit peut-être bien aise de faire
un bénéfice de 6,000 francs.
1»adroit Devèze s’empare de cette circonstance pour,
prétendre
�<*î£
( 9 ) .
,
prétendre que ce bénéfice avoit tenté Lam ouroux, et
étoit la première cause du regrès qu’il avoit fait signifiér.
P e u t-o n l'aisonner avec autant d’iricoüséquence ? En
effet, si Lam ouroux avoit été mu par Tîrïîérêt, qui l’auroit empêché de conclure, puisque Devèze iàvoit accepté
le regrès? Sans douté qu’il n’aüroit pâseu'ài sé plaindre?
dès qu’il donnoit les mains à là résiliation’ de la venttf :
Lam ouroux auroit pu sans crainte a'cceptér les propo
sitions de M albet, et le bénéfice de 6,ooo francs.
M ais, dit encore D evèze, toujours avec le même dis
cernement , Lam ouroux dut avoir un grand} repentir
lorsqu’il apprit, par lës'discoïirs prononcés à l’assemblé’é
des notables, le 25 mai 178 7, qu’on avoit l e ' projet de
supprimer les maîtrises ; il sentit qu’il alloit courir le
risque de perdre un office dont la liquidation ne pôuvoit
jamais se porter au prix qu’il l’avoit vendu.
L e cit. Lam ouroux répond d’une manière bien simple
ù cette nouvelle allégation ; il craignoit si peu la suppres
sion de son office, que postérieurement à ces discours des
notables, et n’ayant d’autre inquiétude que sur la question
élevée par Devèze relativement à l’évaluation de 177.1, il
consulta encore à Paris pour savoir si Devèze étoit fondé
à faire réduire le prix.
L e cit. Garan de C o u lo n , aujourd’hui sénateur, donne
sa consultation le 12 juillet 17 8 7, et prouve, d’après les
edits et déclarations , que la prétention de Devèze est
une chimère.
Cette consultation est encore produite cote 16 : elle
démontre sans doute que le’ cit.'Lam ouroux insistoit sur
l’exécution de sa vente; qu’il avoit seulement besoin d’être
B
�( ÏO )
rassuré sur la mauvaise foi de Devèze ; mais qu’il n’avoit
pas l’intention d’exercer un acte de regrès, encore moins
qu’il l’eût fait. Car^s’il étoit vrai qu’il eût fait signifier cet
acte, dès le 7 sSptomlwe 1786, et qu’il eût été accepté par
D e v è ze , à quoi bon les consultations qu’il sollicitoit ?
comment n’en auroit-il pas parlé au grand-maître, dont
la sentence n’est que du 9 février 1788?
Il y a donc, on ne dit pas seulement invraisemblance,
mais impossibilité que le cit. Lam ouroux soit l’auteur de
l ’acte du 7 décembre 1786.
M a is, dit-on, dans la sommation qu’a faite Lamouroux
à D evèze, pour se trouver chez le notaire, on fait bien
offre de délivrer une procuration ad resignandum, mais
on n e,fait point d’offres réelles de la procuration ellemême.
Si le cit. Lam ouroux a manqué en quelques points, la
faute en est à son conseil, dont il auroit trop fidèlement
suivi les avis. D ’après la consultation du 10 septembre 1786,
signée A n d ra u d , « on disoit qu’il paroîtroit convenable,
» de la part du sieur L a m o u r o u x , (Voffrir de passer par» devant notaire la pi’ocuration ad resignandum, et d’en
» faire les offres au sieur D evèze, dans l’assignation; de
ï> conclure au surplus ccmtre lui à l’exécution de la vente. »
Certes le cit. Lamouroux ne pouvoit s’écarter de la
marche qui lui avoit été tracée par son conseil ; et il est
bien mal-adroit aujourd’hui de lui en faire un reproche,
avec d’autant plus de raison qu’on lui disoit « que le cit.
» Devèze sentiroit le danger qu’il y auroit pour lui de
» se refuser A scs offres, et qu’il se haleroit d’einpêcher
» une procédure dont tous les frais retomberoient sur
�S it
(II
)
» lui. » Il seroit donc heureux d’avoir tin peu plus de
mém oire, lorsqu’on veut mettre en avant dès moyens qui
se rétorquent avec tant d’avantage.
O n ne voit pas d’ailleurs comment il auroit été néces-.
saire d’offrir la procuration elle-même, plutôt que d’offrir
de la délivrer.
* ;
Seroit-ce une raison pour conclure que Lamouroux a
toujours resté propriétaire de l’office, et qu’il a péri
pour lui? Il est vrai que Loiseau enseigne, à l’endroit cité
par D evèze, que l’acquéreur n’est réputé propriétaire de
l’office, que lorsqu’il a obtenu des provisions du collateur.
Mais on doit entendre sainement la doctrine de Loiseau,
qui est vraie en thèse générale; c’est-à-dire, que celui qui
vend un office en demeure titulaire jusqu’à ce qu’il soit
rem placé, parce qu’un office ne peut rester vacant. E t
sans doute si le vendeur se refusoit à donner sa procu
ration, que dans l’intervalle de ce refus la charge vînt
à être supprimée, la perte retomberait sur lui ; il auroit
à se reprocher sa négligence ou sa mauvaise foi : mais
lorsque l’acquéreur se refuse lui-même aux offres de son
vendeur, lorsqu’il emploie le dol et la fraude pour éluder
ces offres, il seroit vraiment monstrueux que le vendeur
pût être victime de la surprise ou de la fraude. ( Les cas
de dol ou de fraude sont toujours exceptés, et font fléchir
la règle générale. )
O r , s’il est démontré que les actes dont Devèze ose
argumenter ne sont pas du fait de Lamou^ropx, que ce
dernier n’a jamais fait signifier l’acte du y septembre 1786,
qu’il a toujours sollicité et poursuivi l’exécution de sa
vente, qu’il a manifesté cette intention avant comme aprè»
2
B
�( ,12 )
cette prétendue notiCcation.de l’acte de regrès, il seroit
aussi injuste qu’absurde de faire retomber la perte sur le
cit. Lam ouroux; ce seroit proposer à la justice de récom
penser le crim e; ce seroit vouloir faire sanctionner la
fraude la mieux caractérisée.
Il est encoi’e extraordinaire que le cit. Devèze fasse un
reproche à Lam ouroux de s’être qualifié de greffier,
postérieurement à la vente ; mais tant que Devèze n’étoit pas
reçu, le cit. Lam ouroux devoit bien en faire les fonctions,
comme en prendre les qualités.'
En vain diroit-il que Lam ouroux a touché ou perçu les
gages; qu’il a même obtenu eu 1788 une sentence contre
Sérieys : le cit. Lam ouroux devoit-jl laisser arrérager les
gages, qui déjà l’étoient considérablement? Ce n’est que
le 3 juillet 178 8 , bien postérieurement à la demande,
.qu’il a obtenu la liquidation des gages, pour les années
1781 et suivantes , jusques et compris 1787. Çes gages lui
appartenoient exclusivement, d’après la réserve portée
en la vente , jusques et compris l’année i j 85. Comment
a u r o it-il pu en distraire les deux années revenantes à
D evèze qui plaidoit alors pour faire annuller la vente ?
et p ou rrait-il en résulter autre chose, sinon que Lamou
roux est comptable envers Devèze de ces deux années ?
Il a toujours offert de lui en faire raison.
Relativement à la sentence de 1788, le cit. Lam ouroux
a cru qu’il se devoit à lui-même de poursuivre Sérieys ;
qu’il ne pouvoit pas même négliger les précautions con
servatoires , pfiur n’être pas responsable envers son acqué
reur. Il a obtenu un jugement contre un commis négli
gent; il a même fait une inscription en vertu de cett
�_ ( *3 )
sentence : maïs ces diligences ont été infructueuses, il
n’a rien perçu de Sérieys.
Lam ouroux ne croit pas qu’il soit nécessaire de reve
nir sur l’invraisemblance et la fausseté des actes qui lui
sont opposés par D evèze, ce seroit grossir inutilement
cet écrit, avec d’autant plus de raison que Devèze n’a
fait que répéter littéralement ce qu’il avoit dit dans ses
précédentes écritures.
Mais il ne peut retenir son indignation, en lisant les
inculpations de Devèze. Lam ouroux ne craint pas d’ou
vrir le livre de sa vie politique : long-tem ps fonction
naire p u b lic, et dans les momens les plus orageu x, il
n’eut jamais aucun reproche à se faire. Il étoit membre
du directoire du département du C a n ta l , lors de l’assas
sinat commis par des séditieux sur la personne de l’in
fortuné Colinet.
Il établit, avec toutes les délibérations du temps ¿\ la
main, que les membres du directoire, dont il faisoit partie,
prirent toutes les précautions qui sont au pouvoir des
hommes, pour arrêter les mouvemens révolutionnaires;
que leurs efforts furent impuissans. Lam ouroux, comme
ses collègues eurent le chagrin de voir leur autorité mé
connue , et leur vie en danger. Ils rendirent compte de
leur conduite à l’assemblée législative; et, le 2 avril 1792,
il fut rendu un décret qui ordonnoit de poursuivre les
coupables. Cette loi approuve la conduite du directoire
du département, et improuve la municipalité d^A u r illa c , « pour avoir négligé d’user des moyens que la
» loi rnettoit à sa disposition, lors des attroupemens et
» excès commis sur son territoire, »
�.
( 1 4 }
L e cit. Lam ouroux joindra à sa production-la loi du 2
avril 1792, le procès verbal, le délibéra toi re du direc-to ire , l’adresse du conseil général du département, en
date des 31 mars, 5 et 7 avril 1752. Ces pièces tendent
à détruire les insinuations perfides de Devèze : et si le
cit: Lamouroux doit se rappeler le malheureux moment
qui coûta la vie à un magistrat estimable, c’est au moins
avec la satisfaction d’avoir fait son devoir pour arrêter
ces excès, et en prévenir les suites, qui auroient pu être
-funestes à beaucoup d’autres citoyens.
D evèze a été arrêté pour des causes qu’il voudroit
sans doute oublier à son tour. On l’invitera aussi à se
rappeler qu’il étoit accusé de faux dans ses fonctions
publiques, et comme appréciateur des bois et montagnes
- de Marquemont , ayant appartenu à M. Montagut de
Beaune. L ’acte d’accusation est du 2 germinal an 2.
M is en accusation, et traduit en la maison de justice,
il fut acquitté, par jugement du 26 floréal suivant, sur
la déclaration du ju ry , portant, i° . qu’ il est constant
que l’accusé avoit été préposé par le district de SaintF lo u r, i)our l’estimation do ces montagnes et bois ; 20. qu’il
--• n’est pas constant qu’il ait remis un procès verbal d’es
timation, mais seulement un projet; et ce projet le sauva.
D evèze auroit-il encore oublié qu’il a été acquitté une
seconde fois d’une autre accusation de faux, dans l’aflaire
de la nommée Cliandezon, pour dos lettres de change
-par lui souscrites?
Il est bien g lo rieu x , pour un fonctionnaire p u b lic,
d’être accusé deux fois de (aux! M ais, au moins , s'il a
été acquitté, qu’il ne fasse plus parade ue son arrestation;
�)(15
ce n'étoit pas une victime et qu’il convienne qu’il ne fut
point arrêté sur la dénonciation du cit. L amouroux , qui
a eu assez de délicatesse pour ne pas le poursuivre, pen
dant tout le temps qu’il a été privé de sa liberté.
‘ Ce qui paroîtra plus plaisant, c’est qu’on termine le
mémoire en traitant, ou Lam ouroux, ou son conseil, de
méchant : R isum teneatis ; le mot est certes bien placé.
Rappelons, pour toute réponse, l’ingénieuse allégorie du
serpent qui mord la lim e, et n’imprime pas ses outrages.
S ig n é, L A M O U R O U X .
P A G E S (d e R io m ) , anc. ju risc,
B R U N , avoué.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Lamouroux. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lamouroux
Pagès
Brun
Subject
The topic of the resource
ventes
offices
arbitrages
office de greffier
maîtrise des eaux et forêts
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations sommaires pour le Cit. Lamouroux, intimé ; en réponse au mémoire du cit. J. B. Devèze, appelant, signifié le 18 prairial an 11.
Table Godemel : Homologation : 1. le tribunal saisi de la demande en homologation d’une sentence arbitrale, sous l’empire de la loi d’août 1790, a-t-il pu refuser cette homologation pour le motif que le compromis ne comportait pas de délai, et a-t-il pu prononcer sur le fond même soumis à l’arbitre, en décidant, contrairement, sans qu’aucun appel de la sentence eut été interjeté ? Sentence arbitrale : - infirmée. v. homologation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1786-Circa An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1412
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1411
BCU_Factums_M0229
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53226/BCU_Factums_G1412.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Saint-Flour (15187)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
maîtrise des eaux et forêts
office de greffier
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53868/BCU_Factums_M0608.pdf
3f4e41fb404d84cb8c3c258047da210a
PDF Text
Text
EXTRAIT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
A P aris
dans
M arseille , A u rilla c et M auriac ,
l'affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
�EXTRA. IT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
A Paris , Marseille
,
Aurillac et Mauriac ;
dans l affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
E n qu ête f a i t e à P a r is p a r M adam e Destaing.
P rem ier Tém oin.
-
'
M . D e l a g r a n g e , général de d ivision, âgé de quarantecin q a n s ,
A déposé qu’il était lié d’amitié avec le général D estaing;
que ce dernier lui fit part du projet qu’il avait de se marier
en Egypte; que, quelques jours aprés, il l’invita à assister à la
�(a)
cérémonie de son mariage qui eut lieu dans une église grecque,
à laquelle le déposant promit d’assister; ce qu’il ne put faire,
à cause de ses occupations et à cauèe de l ’heure qui n’était
pas commode pour lu i, le mariage ayant lieu le .so ir;
Que le soir meme ou le .lendemain du m ariage, il fut
invité par le général D estaing, à manger au repas de noce ;
Q u ’on lui présenta la demoiselle Nazo , comme l’épouse du
général Destaing ; qu’il croit la reconnaîtra^
,, ■■
Q u 'il a vu fréquemment le général D e sta in g , tant au C aire,
qu’à P aris, et l ’a toujours, considéré comme marié 'légitim e
ment ;
Q u’au repas de n o c e , on lui dit que le mariage avait eu
lieu dans une église grecqu e, et qu’il fit' scs excuses au gé
néral Destaing de n’avoir pu y assister;
Q u ’au surplus, tout lè monde au Caire en parlait; qu’il
avait personnellement la conviction intime qué le mariage
était légitim e j e t qu’il mentirait à sa conscience s'il disait
le contraire.r» vr v' *■
’ ’ "r
.
*
' •
' D eu xièm e ^témoin.
M. Bertrand , général de d ivision , âgé de trente-cinq ans,
D éclare qu’il croit se rappeler que le général Destaing
s’est marié en Egypte , et qu’il a assisté au repas de noce.
D u reste, que sa mémoire ne lui fournit rien de positif
sur tous ces faitsv
Troisièm e Tém oin
'
ai
••
!:
’
»1
M . Rigel.,/membre de ¡’Institut d’E gypte, artiste m usicien,
âgé de trçnte-huit ans ,
�( 3)
A déposé qu’il passait pour constant au C a ire , que le gé
néral Destaing était marié j qu’il en à''fait compliment aü
général Destaing qui l ’en a remercié ;
Que dix à quinze jours après le mariage il a assisté à uti
repas chez le général D e sta in g , qu’il a cru être un repas de
noce ;
Q u il n avait pas ouï dire que le repas fut donné à l ’occa
sion de la naissance du fils du général D elson;
il
Que le mariage a eu lieu deux ans environ après l’arfivée
de l ’armée française en Egypte.
Quatrième Tém oin.
M. Jacquotin, membre de l’institut d’E g y p te, et colonel
au corps impérial des ingénieurs géographes , âgé de quarante-truis ans,
A déposé qu’il passait pour constant au Caire que le gé
néral Destaing avait épousé une personne du p ays, et que le
mariage avait eu lieu devant le Patriarche d’Alexandrie ;
Q u il a ouï dire q u il y avait eu un repas de noce auquel*
le général M enou et autres officiers avaient assisté;
Q u’il reporte le mariage à nivôse an 9 , sans pouvoir dé
terminer précisément lepoque.
Cinquième Tém oin.
M. B eaudeuf, payeur de la garde impériale , âgé de qua
rante-quatre a n s ,
A déposé qu’il n’a été témoin d’aucun fait ; mais que le
mariage du général Destaing était public ; que le général
�( 4 )
avait à celte occasion donné un repas auquel avait assiste
tous les officiers généraux et chefs d’administration ;
Q ue le mariage avait été célébré par le Patriarche d’A lexan
drie, dans le commencement de l’an g ;
Que les prêtres grecs étaient présens au repas; qu’il a vu
madame Destaing à la citadelle du C a ire, lorsqu’il allait
rendre visite.à madame Delson et à madame Lantin ;
Qu’il reconnaissait parfaitement madame Destaing pour
être la même qu’il avait vu au Caire ;
Que toutes les femmes qui étaient à la citadelle étaient re
connues pour être femmes légitimes d’officiers généraux.
Sixièm e Tém oin.
M. V id a l, ch ef de b ataillon , âgé de quarante-neuf a n s,
A déposé qu’il n’était pas au Caire à l’époque du mariage du
» général Destaing; mais que tout le monde lui a dit qu’il était
marié ; qu’il a su particulièrement des deux aides de camp
du général Destaing, que ce dernier était marié légitim em ent,
et que ce mariage était vu par tout le monde avec beaucoup
de respect ;
Que le général Destaing lui avait dit lui-m êm e qu’il était
m arié, et l’avait invité à dîner pour faire connaissance avec
6a femme ;
Q u’il croit se rappeler que le mariage a eu lieu au com
mencement de l’an g.
Septième Témoin.
M. R aphaël Dempu.içhis,, prêtre catholique, professeur de
langues orientales a'gé^dç quarante-trois an s;
�( 5 }
A déposé qu’il n’a pas été témoin oculaire du mariage; mais
qu’il a entendu'dire à un nommé D o u b a n n é , actuellement
négociant à Rosette, qu’il avait été témoin de ce mariage ,
qui avait été célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans
l ’église de Saint-Georges au vieux Caire; qu’il a ouï dire la
même chose à trente personnes ;
Qu’il n’existait point de mariage à tem s, que madame Destaing avait été mariée ja xta usum eccîesice ;
Q u’il n’était pas tenu de registres de l ’état c i v i l , h cause
du peu d’instruction des prêtres grecs , que cependant ils
tenaient des notes.
Huitième Témoin.
,
M. Chephetecliy, prêtre cophte , catholique romain âgé
de cinquante-neuf ans ,
A déposé qu’il avait ouï dire par le public , que le général
Destaiug avait été marié par le Patriarche grec solennelle
ment avec la fille de la femme de Jean Naso ;
Que madame Nazo , en épousant M. N aso, s’était fait
grecque schismatiquc ;
Q u ’à l ’occasion de son mariage, M. Naso a dépensé 5 o,ooo
écus ;
Q u’il n’existait point de mariage à tems; que les prêtres
grecs tenaient des registres dont ils ne connaissaient pas la
forme; que les Coplites en tenaient aussi; mais qu’aucun n’en
donnait d'extraits ;
Q u’au surplus, ils parlent peu français, et qu’en Egypte on
ne donnait pas le nom de registres aux notes qui etaient
tenues,
m
.
�/
( G)
h - »
r ■ :
'
JSeut'ième Tém oin, i
'
'
. f»
' i‘\
-,
■
•
3VI- Duranteau, général de brigade, membre du Corps Législaiif j âgé de soixante-im ans ,
A déposé qu’il a assisté à un repas donné par le général
D e sta in g , à l’occasion de son mariage ayec mademoiselle
Nazo ;
•
Que oc mariage était de notoriété publique.
t■
'
9
D ixièm e Témoin.
|* f
M. Saba Joseph, négociant, réfugié de Jérusalem, âgé de
trenle-huit ans,
A déposé qu’il était interprête chez le général Dupas; que
ce général fut invité, par le général Destaing, h son mariage,
et y assista ;
Que le mariage d’un français avec une grecque parut une
chose si remarquable en Egypte, que tout le monde s’en en
tretenait;
Que le mariage a été célébré par le Patriarche g re c , dans
l ’église Saint-Nicolas, au grand Caire;
Que lors du départ du général Destaing pour Alexandrie ,
le général Dupas l’invita à chercher un appartement à la cita
d elle, pour madame Destaing, présente à l ’enquête.'
Onzième T ém oin .
M . D a u r e , commissaire ordonnateur, âgé de trente-trois
an s,
A déposé qu’il ne sait pas si le général Destaing s’est marié
à l’église ou devant le commissaire des guerres; m ais, qu’à l’é-
�(
7
)
poque de son m ariage, il écrivit au déposant pour l ’inviter au
repas et au bal qu’il donnait à l’occasion de son mariage ; qu'il
assista au bal avec les généraux Lannus et Boyer.}Q u’il était alors trés-lié avec le général Destaing ; que ce
dernier le présenta à son épouse, ainsi que les généraux
Lannus et Boyer;' •
Que le bruit public annonçait le général Destaing comme
marié légitimement , et que lui personnellement l’a toujours
considéré comme tel ; que le mariage eut lieu environ deux
mois avant la descente des Anglais.
D ouzièm e Tém oin.
•j •
■ • ). >-
>i
- .
«
. , • •
1.
M. '] a c li, ancien négocian t interprète du général Lannus,
âgé de trente-liuit ans,
A déclaré qu’il n’avait pas assisté au mariage ; mais qu’étant interprète du général Lannus, ce dernier lui avait
dit : V ous n cle s donc pas venu à la noce avec nous?
,
que le général Destaing avait épousé la fille de Nazo ; que
le mariage avait été célébré par le Patriarche grec ; qu’il a
su de la bouche de l ’interprète du général Destaing que le
mariage avait été béni par le Patriarche m êm e, et que ledit
interprète avait été présent à la cérémonie ;
Que ce mariage avait fait beaucoup de bruit dans le quar
tier des chrétiens ;
Q u ’il avait été célébré dans l’église de Saint - N icolas ,
au grand Caire , dans un tems voisin de l ’arrivée des A n glais;
Q u’il sait que les latins tenaient des registres, parce qu’il
est latin et a été marié dans une église catholique ; mai»
qu’il ignore si les grecs en tenaient.
�(
8
)
Treizièm e Témoin.
M. Esteve , trésorier-général de la couronne , âgé de trentesix ans ,
A déposé qu’il a appris le mariage du général Destaing,
comme une nouvelle de l’armée ; que le général lui a ap
pris lui-méme ; que personne ne pouvait douter que le ma
riage ne fût légitime ; qu’il avait ouï dire que le mariage
avait été célébré suivant le rit grec ;
Q u ’il y a eu un repas de noces auquel il n’a pas assisté; que
huit k dix jours après il a été invité chez le général Destaing,
avec sept à huit autres français, et, qu’en dînant, le général
Destaing avait annoncé son m ariage, et qu’alors le déposant
l ’avait félicité et l ’avait embrassé;
Q ue le mariage a eu lieu au commencement de l ’an g , peu
de tems avant l’arrivée des A nglais;
1 Q u ’il croit que les commissaires des guerres ne se sont pas
conformés à l’ordre du jour qui prescrit la tenue des re
gistres.
Quatorzième témoin.
M. Sartelong, commissaire ordonnateur, secrétaire général
du ministère de l’administration de la guerre, âgé de trente!
sept ans,
A déposé qu’entre le i er brumaire et le i or ventôse de l’an g,
le général Destaing lui fit part de son mariage avec la fille
du commandant Nazo ; que ce commandant lui en fit égale
ment part ;
Q u’il a assisté au repas de noce, mais non à la cérém onie,
�( 9)
quoiqu'il y eut été invitéavec le général Delagrange; qu’il croit
même qu’il y a eu des billets de part de ce mariage, et que la
nouvelle en a été insérée dans la gazette du grand C aire, sans ^
cependant qu’il puisse affirmer ce fait qu’il dirait sans hésiter
en société;
Q u’il a vu au repas de noce l’épouse du général D estain g,
qn’il reconnaît pour être présente à l’enquête ;
Que le général Destaing , blessé dans une affaire contre les
A nglais, lui parla de sa femme comme d’une femme légi
tim e;
Q u’il ne peut assurer si les prêtres grecs .tiennent des
registres , que cet usage a lieu chez les prêtres catholiques
latins , qui sont beaucoup plus instruits ;
Que depuis son retour à P aris, il a vu le général Des-,
taing, qui lui a dit qu’il attendait sa femme;
Que d’après ce que lu i avait dit le général Destaing et
ce que lui avait appris la notoriété publique , le mariage
avait été célébré par le Patriarche grec et suivant le rit grec;
Q u ’il n’avait pas eu d’inim itié avec le général Destaing ;
Q u ’au surplus, quand son opinion ne lui serait pas favo
rable, cela ne l’empêcherait pas de dire la vérité ; qu’il
croyait même honorer sa mémoire en témoignant en faveur
de sa veuve et de sa fille ;
Que les commissaires des guerres ne tenaient que des pro
cès-verbaux et non des registres, que quelques personnes
faisaient inscrire leurs mariages et d’autres se contentaient de
se présenter aux prêtres du pays ;
Qu’au surplus les trois quarts de ses papiers a v a ie n t été
perdus;
Qu il ayait rédigé l’acte de mariage du général Beaudeau,
2
l
�( IO )
non sur un registre . qui n’existait pas, mais sur feuilles
volantes ; que c’est lui-mêine qui engagea le général Beaudeau à remplir cette formalité pour plus de sûreté , que
c’est le seul acte qu’il a rédigé ;
Q u ’il l’avait fait enregistrer conformément à l ’ordre du jour
de l’armée , que cet enregistrement avait lieu pour toutes
les transactions sociales et était une imposition indirecte
créée par les français.
Quinzième Témoins.
M. M arcel, directeur général de l’imprimerie im périale,
âgé de 52 ans;
A déposé, que dans le commencement de l’an n e u f, le
général Destaing épousa la dame Anne N azo, qu’il reconnaît
pour «ire présente à l’enquête;
Q u’il y eut à cette époque un repas auquel furent invités
tous les officiers généraux et les principaux chefs d’adminis
tration ; que ce repas le plus solennel qui ait eu lieu h cette
époque, fut donné comme festin de noce;
Que le mariage a été célébré à l ’église des G recs; qu’il croit
qu’il y eût des billets de .faire p a rt, imprimés ;
Q u ’un ordre du jour avait ordonné la tenue des registres
de l’état civil ; mais que cet ordre ne fut pas exécuté ; que le
déposant a perdu trois enfans en E gypte; que l’acte de nais
sance et celui de décès du dernier seulement ont été dressés.
Q u ’il n’a jamais entendu élever des doutes sur l ’existence
du mariage ; que la notoriété publique présentait comme ma
riage légitim e, et que l ’on ne parlait pas avec le même res
pect des unions illégitimes ;
�( » )
Q u ’il n’a connu aucun mariage à tems en Egypte ; cjue ce
cas est rare, et qu’il n’a lieu qu’entre musulmans, mais jamai3
entre chrétiens.
Seizièm e Tém oin.
M. Clément M archand, âgé de soixante an*,
A déposé qu’en janvier ou février 1801 la voix publique
lu i apprit le mariage du général D estaing; qu’il apprit
par tout le monde que ce mariage fut oélébré par le P a
triarche d’Alexandrie ;
Que le jour même ou le lendemain il vit un grand nombre
de personnes réunies devant la porte du général Destaing ;
qu’il apprit que cette réunion avait pour cause le mariage du
général Destaing , qu’ayant beaucoup connu ce général h
Rusette et au Caire , il crût devoir enirer chez lui et le féliciter;
que le général l'invita à rester chez lui pour lui servir d’inter
prète , parce que lu i, déposant, était traducteur d(e l ’arabe et
du grec da,ns l’administration des finances ;
^ Q u’il y eut un très-grand repas; que le Patriarche n’était
pas au dîner; mais q u il y a vu un ou deux prêtres grecs;
Que l’usage de dresser chez les Grecs des actes de mariage
n’est pas g én éra l, et que les prêtres ne font des actes que
lorsqu’on leur demande ;
Q ue les mariages à tems sont extrêmement rares et ne se
font que parmi les Turcs.
1
D ix-septicm e Témoin,
>
M . Larrey , inspecteur général du service de sau té, âgé
«le quarante-un an s,
>
�( 12 )
À déclaré q u e , dans le commencement de Fan neuf f
reçut un billet d’invitation pour assister aux noces du gé
néral D estaing, son am i; qu’il s’y rendit et y trouva plu
sieurs am is, entr’autres M. Esteves, le général Delagrange,
le général M enou;
Q u e , dans cétte réunion , M. Destaing était en grande
tenue, ainsi que tous les généraux;
Q u ’il adressa des félicitations au général D estain g, et lui
fit ses excusés de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de
l ’église d’où l’on sortait en ce moment;
Que le mariage avait été célébré dans l’église du patriar-‘
clie des grecs , et que le repas avait eu lieu le même jo u rp
vers six à sept heures;
1
Q u e , depuis, il. a vu le général Destaing au siège d’A lexan
drie et à Paris ; que ce général lui a parlé plusieurs fois de
sa femme ;
Que ce mariage était de notoriété publique ; qu’il n’ayait
aucune connaissance
des mariaces
I
O à tems.
Enquête J'aUe h M arseille , par Madame Des iaiiig.
Premier Témoin.
M. Cliam , âgé de quarante-deux ans, négociant, et an
cien interprète du prince de N eufchâtel,
A déposé que, dans le courant de l’an n e u f, il entendit
dire que le général Destaing devait épouser la demoiselle
N azo; q u e , passant devant le domicile du général D estaing,
il vit des préparatifs de fê te s, des officiers et généraux en.
à
�( i 3)
grand costume ; qu’on lu i dit que c’était pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle Nazo ;
Que ce mariage avait été célébré par un P a t r i a r c h e grec ;
Que les Grecs ne tiennent pas de registres d’état civilD eu xièm e Tém oin.
M. Barthélémy S era , âgé de 5 o a n s , colonel des maraelu ck s;
A déposé que sur la fin de l’an huit ou au commencement
de 1’an neuf, le général Destaing lui d il qu’il voulait épou
ser la fille dit commandant Nazo , que le déposant lui ob
servât qu’elle n'était pas fille du commandant N azo, qu’il
avait épousé la mère , qui était veuve de Joseph Trisoglou ;
Que le général Destaing répondit que cela lui était in
différent, et demanda si cette dame était sage et avait de
bonnes mœurs, à quoi le déposant répondit affirmativement;
Que le général Destaing lui dit que son mariage serait
célébré selon le rit grec ;
Que le général Destaing l’invita à assister à son m ariage,
qu’il le remercia et ni voulut pas aller, parce qu’il ne vivait
pas bien avec la famille N azo;
Que quelques jours après, il vit beaucoup de monde à
la porte du général D esta in g , et qu’on lui dit que c'était à
l ’occasion de son mariage avec la demoiselle Nazo -,
Q u’ayant ensuite rencontré le général D estaing, c e lu i- c i
lui dit que son mariage avait été célébré suivant le rit grec,
J>ar un Patriarche grec ;
Qu’il n’y a que les prêtres latins qui tiennent des registres
de mariages et que les autres n’en tiennent point»
�C *4)
Troisièm e Tém oin.
M. Antoine Ham oui, négociant, âge de cinquante a m ,
A déposé qu’il était au Caire à l ’époque où le général
Destaing y était en activité de service, et qu’il apprit, par
la notoriété p u b liq u e, que le général Destaing avait épousé
la fille de la veuve N azo;
Que son mariage avait élé célébré par un Patriarche
grec ;
Que ce mariage fît beaucoup de b ru it; tout le monde ne
cessa d’en parler et de s’en occuper ;
Q u’il n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des registres,
et que les autres n’en tiennent point.
Quatrième Témoin.
M. Hannaa O dabaki, âgé de cinquante-six ans, ancien mar-,
chand au Caire,
A déposé qu’il était établi au grand Caire depuis trois ans,
avant l’arrivée de l’armée française ;
Que pendant que le général Destaing y était en activité do
scivice, le déposant y exerçait les fonctions de com m issaire
particulier de police;
Q u’étant lié d’amitié avec le commandant Jean Nazo, celuici l’invita au mariage de sa fille avec le général Destaing;
Q u’il y assista dans l ’église Saint-N icolas; qu’il assista égale
ment au repas de noce;
Que le mariage fut célébré par le Patriarche d’A lexandrie;
Q u ’il n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des re
gistres.
�C x5 )
Cinquième Tém oin.
M. Mische R o séti, bijoutier, âgé de vingt-sept ans,
A déposé que sa famille était intimement liée avec celle du
commandant Jean Nazo ; que la fille de celui-ci ayant épouse
le général D estain g, pendant qu’il était en activité de service
au grand Caire, la famille du déposant et le déposant lui-même
furent invités à assister à ce mariage*,
Q u’ils assistèrent à la célébration qui eut lieu dans 1 église
Saint-Nicolas, du rit grec, et par le Patriarche grec; et q u e ,
suivant l ’usage pratiqué par les chrétiens de cette secte, le
colonel Papas-Oglou fut le parain de la demoiselle N azo;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres de l’état
civil.
S ixièm e Tém oin.
Sophie Mesk , épouse de Jean N azo, âgée de quarante-cinq
an s,
,
A déclaré être la mère de la veuve Destaing; que le mariage
a été célébré en présence de la fam ille, de diverses personnes
du pays, généraux et autres m ilitaires, notamment le général
Delzons , dans l’église Sain t-N icolas, par le Patriarche grec ;
Q u’elle ignore si les prêtres tenaient des registres.
Septième Témoin.
M. Joseph D u fe u , âgé de quarante-neuf ans, bijoutier,
A déposé que, dans le courant de l’année 178 1, le général
Destaing demanda aux sieur et dame Nazo leur fille en ma
riage , qu’ils y consentirent, et que le mariage fut célébré le
�( 16 )
lendemain du jour des Rois de l’église grecque, correspondant
au 17 juin 1801*;
Que l u i , déposant, fut invité comme parent de la fa m ille ,
et qu’il assista à la célébration dudit m ariage, qui eut lieu
dans l’église Saint-Nicolas au grand C a ire , et par un Patriar
che grec ;
Q u ’après la célébration du mariage il y eut un grand repas
de noce chez le général Destaing, auquel lui, déposant, assista;
qu’à ce repas étaient les généraux M enou,D elzons,D elagrange
et P.egnier ;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres.
Huitième Tém oin.
Hébrahim Tutunzi , âgé de vingt-trois a n s,
A déposé qu’il a assisté au mariage de la demoiselle N azo,
sa n iè c e , avec le général Destaing ;
Que ce mariage a été célébré dans l’église Saint-Nicolas,
par le Patriarche grec ;
Q u’après la cérémonie, il assista au repas de n o c e , chez
le général Destaing ; niais qu’étant fort jeune alors, il n e se souvient pas des personnes qui y assistèrent, autres que
celles de sa famille ;
Se rappelle cependant qu’il y avait des généraux.
Neuvièm e Tém oin.
Joseph T u tu n z i, âgé de cinquante ans , ancien premier
commis du commandant Jean Nazo ,
A déposé que le mariage a été célébré dans l’église SaintNicolas au C aire, par le Patriarche grec, et que le parain
�C T7 )
de la demoiselle N azo, fut P apas-O glou , colonel de la légion
grecque;
Que lui , déposant, assista à la célébration , et se rendit
ensuite au repas de noce qui fut donné par le général
Destaing, auquel assistèrent divers généraux français et égyp
tiens notables ;
Que les prêtres latins de sa religion tiennent des registres ;
mais qu’il ignore si les prêtres grecs en tiennent ou non.
D ixièm e Tém oin.
Joseph M esk, âgé de quarante ans, ancien commis au
Caire,
A déposé que le mariage a été célébré dans l ’église SaintNicolas du rit grec ; que le parain de la dame Destaing
fut Nicolas Papas-Oglou ;
Q u ’il assista à la cérém onie, après laquelle il se rendit
au repas de noce cliez le général D estaing, où étaient pré
sens divers généraux, notamment le général Delagrange et
le général D e lso n , et que ce dernier était présent à la célé
bration , comme parent du général Destaing ;
Que les prêtres chrétiens, de toutes les sectes tiennent des
notes de mariage et naissance, et qu’il pense qu’ils en dé*
livrent des extraits quand on leur demande.
■
. •>
Contre E n q u ête f a i t e à A u r illa c p a r les ^frères et
sœurs D estaing. • • • • ’"
P rem ier Tém oin.
M. D e lso n , président du tribunal c iv il d’A u r illa c , âgé
3
r
�(i8)
de soixante-six ans, oncle maternel des frères et sœurs
D e s ta in g ,
A déposé qu’étant à P aris, lors de l’arrivée du général
Destaing, il ignora longtems les bruits de son mariage ; que
ce bruit se répandit à l’occasion d’une lettre écrite de Tarente
par un habitant d’Aurillac qui y avait vu arriver la famille
N azo , dont une fille se disait épouse du général D estaing;
Que la belle-fille du déposant ayant demandé au général
D estaing s’il était effectivement m arié, celui-ci répondit, en
plaisantant, que sa femme pouvait l’ê tr e , mais que lui ne
l ’était pas ;
Que le général D estaing, instruit que la fam ille Nazo
était arrivée à L yon , il le pria de demander à M. Fulssirou
une lettre de change de mille francs, payable à L y o n , qu’il
'vou lait envoyer et cette fem m e. — Ils sont là une troup e,
d it-il ; quand fo u rn is pris la f d l e , je n’a i pas épousé tout
cela. I l y a un en fa n t, f aurai soin de la mère et de
T enfant;
Q ue le général Destaing lui avait dit que son mariage
n’avait pas été fait devant un commissaire des guerres,
comme celui du général Delson ;
Que M. Nazo se trouvant aux scellés apposés chez le
général D e sta in g , il déclara que le général Destaing avait
épousé une de ses fille s, âgée de seize a n s , devant le Pa• triarche d’Alexandrie ;
Que le général D e ls o n , 111s du déposant, lui a dit qu’il
y avait eu une cérémonie religieuse dans la m aison-du
sieur N a zo , à laquelle il avait assisté ;
Que quelque tems après, le général Destaing étant pa• xain du fds <lti général D elson , le général D estaing donna
�( *9 )
à cette occasion, un grand souper, disant que c tlait pour
le baptême de son filleul.
D euxièm e Tém oin.
Madame Warsy', épouse du général Delson, âgée de vingtcinq a n s, cousine germaine par alliance des frères et sœurs
D estaing,
A déposé que le 29 nivose an g , elle n’était pas dans la ville
du Caire, qu’elle y arriva le lendem ain;
Q u’à son arrivée, elle apprit qu’Anne Nazo avait été con
duite la veille, à la n u it, chez le général Destaing; mais qu’il
n’y avait eu aucune pompe ni cérémonie d’usuge pour les ma
riages qui se font dans le pays, suivant le rit grec ;
Q u ’une douzaine de jours après, le général D estaing, à l ’oc
casion du baptême du fils du général D elson, donna un grand
souper et un bal auquel assistèrent les officiers de l’Etat Major,
et notamment le général M en o u , Anne Nazo, sa famille, et
plusieurs habitans du Caire;
Que dans cette fête, ladite A nne Nazo occupait la place de
la maîtresse de la maison ;
Q u ’il n’y eut ce jour là aucune cérémonie religieuse; mais
qu elle a ouï dire fjue le jour ou ladite N azo f a t conduite chez
le général D estaing, il y avait eu une cérém onie religieuse,
qui avait été fa ite par le P atriarche d’ A lexa n d rie, ti laquelle
peu de personnes avaient assisté ;
Q u’il y avait des églises pour le culte grec au Caire; niais
q u e , pour l’ordinaire, les cérémonies de mariage se font dans
les maisons ;
Q ue M. Nazo lui a dit, à elle déclarante, q u ’il ayait écrit au
�(
20
)
Caire pour avoir une expédition de son acte de mariage, mais
qu’on lui avait répondu que le Patriarche était m ort, et que
l’église était brûlée;
Q u au surplus, madame Destaing était considérée comme
épouse légitim é, et jouissait des honneurs dus à ce titre.
Que pour e lle, elle la croyait femme du général Destaing
et qu’elle lui rendait les honneurs attachés au titre.
Troisièm e Tém oins.
Françoise G ro n ier, fille , âgée de 3 o ans,
A déposé quêtant à Lyon , à l ’époque de l ’arrivée du
général Destaing , elle fut invitée à diner chez lui ;
Q u e lle lui demanda quand il amènerait sa femme, et qu’il
lu i répondit: elle est passée d’un côté et moi de l’autre
ce n’est pas le moyen de se rencontrer;
Q u ’étant à A u rillac, dans la chambre de madame Nazo
veuve D estaing, elle lui demanda comment elle avait été
mariée et si le prêtre avait écrit sur le registre ; à quoi la
veuve Destaing répondit que le Patriarche lui avait mis un
anneau au d o ig t, jusqu’il la première phalange, et que le
général l’avait enfoncé jusqu’à la fin du d oigt, et qu’à l’égard
du registre elle répondit : O u i , prêtre , grand livre, écrire.
Contre Enquête, J a ilc à M a u r ia c , p a r les fr è r e s
et sœurs Destaing.
Vrem ier Tém oin.
Joseph F e l , palfrenier du général D estaing,
A déclaré que pendant que le général Destaing était au
�( 21 )
Caire, son cuisinier d it, en déclarant qu’on avait amené
une femme au général D estaing, que quelques jours après,
celui-ci donna un grand repas où assista tout l’état m ajor,
et notamment le général M en o u , et que cette femme dont
il ne se rappelle pas le nom y était ; qu’il l’a entendu nom
mer madame Destaing ;
Q u ’à la suite du repas il y eut un bal ; qu’il ne sait pas
si Anne Nazo a été introduite dans la maison du général
Destaing avec pompe et m agnificence; que le cuisinier ne
lu i a donné aucuns détails là dessus -,
Q u’il croit même que le cuisinier lui dit qu’il n’avait pas
vu lui-même entrer cette femme chez le général Destaing,
et que ce jour là, il n’y eut aucune fête ;
Que le général n’a point donné d’autres fêtes, et qu’il
-n’avait jamais que dix à douze personnes à sa table.
D eu x ièm e et dernier Tém oin.
Jean Biron fait la même déclaration.
M e J U G E , Avoué.
H ACQU ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue G it le-C œ u r,n ° 8.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Juge
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
témoins
Description
An account of the resource
Extrait des enquêtes et contre enquêtes faites à Paris, Marseille, Aurillac et Mauriac, dans l'affaire de la veuve du général Destaing, contre les héritiers Destaing.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa An 9-Circa 1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0608
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53868/BCU_Factums_M0608.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marseille (13055)
Mauriac (15120)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53372/BCU_Factums_G2002.pdf
39b51658e2be24e5a9140bf18dce52da
PDF Text
Text
EXTRAIT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
,
A Paris Marseille
d
a
n
sl'affaire de
,
Aurillac et Mauriac
,
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
�"I
■■ r
ni .a*
■■B B B B B B B B S S S S S
.^ S
EXTRAIT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
,
«
,
Paris Marseille Aurillac et Mauriac ;
A
dans l'affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
Enquête f aite à Paris par Madame Destaing.
P rem ier Tém oin.
M. D e l a g r a n g e ,
g é n é r a l de d iv isio n , âgé de quarante-
cin q a n s,
A déposé qu’il était lié d’am itié avec le général D estaing;
que ce dernier lu i fit part du projet qu’il avait de se marier
en E gypte; que, quelques jours a p rès, il l’invita à assister à la
A
'
�/
(
2
)
cérémonie de son mariage qui eut lieu dans une église grecque,
à laquelle le déposant prom it d’assister; ce qu’il ne put faire
à cause de ses occupations et à cause de l ’heure qui n’était
pas commode pour lu i, le mariage ayant lieu le soir;
Que le soir même ou le lendemain du m ariage, il fut
invité par le général D estain g, à manger au repas de noce ;
Q u ’on lui présenta la demoiselle Nazo , comme l’épouse du
général Destaing ; qu’il croit la reconnaître ;
Q u ' i l a vu fréquemment le général Destaing ,tant au Caire,
qu’à P aris, et l’a toujours considéré comme marié légitim e
ment ;
'
Q u’au repas de n o c e , on lui dit que le mariage avait eu
lieu dans une église grecqu e, et qu’il fit ses excuses au gé
néral Destaing de n’avoir pu y assister;
Q u ’au surplus, tout le monde au Caire en parlait; qu’il
avait personnellement la conviction intime que le mariage
était légitim e ; et qu’il mentirait à sa conscience s'il disait
le contraire.
t
D e u x iè m e
T é m o in .
M . B ertra n d , général de d iv is io n , âgé de trente-cinq ans,
D éclare qu’il croit se rappeler que le général Destaing
s’est marié en Egypte , et qu’il a assisté au repas de noce.
D u reste, que sa mémoire ne lui fournit rien de positif
sur tous ces faits.
Troisièm e Témoin.
( M . R ig e l, membre de l’Inslitut d’E gypte, artiste m usicien,
âgé de trente-huit ans ,
�C 3 )
A déposé qu’il passait pour constant'au C aire, que le gé
néral Destaing était m arié;, qu’il en a fait com plim eîit au 1
général Destaing qui l’en a rem ercié; .
Que dix à quinze jours après’ le mariage il a assisté à uni *
repas cliez le général D estaing, qu’il a cru être un repas de
noce ;
Q u ’il n’avait pas ouï dire que le repas fût donné à l ’occa
sion de la naissance du fils du général D elsonj
1
Que le mariage a eu lieu deux ans environ après l'arrivée
de 1’armée française en Egypte.
/
Quatrième Témoin.
1w
M. Jacquotin, membre de l’institut d’E g y p te , et colonel
au corps im périal des ingénieurs géographes., âgé de qua
rante-trois an s,
A d é p o sé qu’il passait pour constant au Caire que le gé
néral Destaing avait épousé une p e rso n n e du pays , e t q u e le
mariage avait eu lieu devant le Patriarche d’Alexandrie ;
Q u’il a ouï dire qu’il y avait eu un repas de noce auquel
le général M enou et autres officiers avaient assisté ;
Q u’il reporte le mariage à nivôse an g , sans pouvoir dé
terminer précisément l’époque.
Cinquième Tém oin.
M. B eaudeuf, payeur de la garde im périale , âgé de qua
rante-quatre a n s ,
A déposé qu’il n’a été témoin d’aucun fait ; mais que le
mariage du général Destaing était pu blic; que le général
�C 4 )
avait à cette occasion donné un repas auquel avait assisté
tous les officiers généraux et chefs d’administration ;
Que le mariage avait été célébré par le Patriarche d’A lexan
drie, dans le commencement de l’an 9 ;
.Q u e les prêtres grecs étaient présens au repas; qu’il a vu
madame Destaing à la citadelle du C aire, lorsqu’il allait
rendre visite à madame Delson et à madame Lantin ;
Qu’il reconnaissais parfaitement madame Destaing pour
être la même qu’il avait vu au Caire ;
Que toutes les femmes qui étaient à la citadelle étaient re
connues pour être femmes légitimes d’officiers généraux.
Sixièm e Tém oin.
M. V id a l, ch ef de b ata illo n , âgé de quarante-neuf a n s,
A déposé qu’il n’était pas au Caire à l’époque du mariage du
général Destaing; mais que tout le monde lui a dit qu’il était
marié ; qu’il a su particulièrement des -deux aides de camp
du général Destaing, que ce dernier était marié l é g i t i m e m e n t ,
et que cé'm ariage était vu par t o u t le monde avec beaucoup
de re sp ect ; .
Que le général Destaing lui avait dit lui-même qu’il était
m arié, et l’avait invité à dîner pour faire connaissance avec
sa femme ;
*
Q u’il croit se rappeler que le mariage a eu lieu au com
mencement de l’an g.
, ■" -
<
Septième Témoin.
M. Raphaël Demonalîhis, prêtre catholique, professeur de
langues orientales, âgé de quarante-trois ans;
,, • .Jfr
�■
( 5 )
A déposé qu’il n’a pas été témoin oculaire du mariage; mais
qu’il a entendu dire à un nommé Doubanné , actuellement
négociant à Rosette, qu’il avait été témoin de ce mariage ,
qui avait été célébré par le patriarche d’A lex an d rie, dans
l ’église de Saint-Georges au vieux Caire; qu’il a ouï dire la
même cTiose à trente personnes ;
Qu’il n’existait point de mariage à tem s, que madame D e s
tain g avait été mariée ju xta usum ccclesice ;
Q u’i l ’ n’était pas tenu de registres de l ’état c i v i l , à cause
du peu d’instruction des prêtres g recs, que cependant ils
tenaient des notes.
Huitième Témoin.
;
rf
M. C hephetechy, prêtre cophte , catholique rom ain, âgé.
de cinquante-neuf ans ,
;
A déposé qu’il avait ouï dire par le public , que le général
Destaing avait été m a rié par le Patriarche grec solennelle
ment avec la fille de la femme de Jean Naso;
. ,
Que
madame Nazo , en épousant M. N aso, s’était fait
grecque scliismatique ;
»
(
Tn
Q u ’à l’occasion de son mariage, M. Naso a dépensé 5 o,ooo
écus ;
Q u’il n’existait point de mariage à tems; que les (prêtres,
grecs tenaient des registres dont ils ne connaissaient pas la
forme; que les Cophtes en tenaient aussi; mais qu’aucun n’en
donnait d'extraits ;
Q u’au surplus, ils parlent peu français, et qu’en Egypte on
ne donnait pas le nom de registres aux notes qui étaient
tenues.
r
•
. ,
�¿ X .
\
(G)
Neuvième Tém oin.
M. Duranteau, général de brigade,, membre du Corps L é
gislatif, âgé de soixante un ans ,
A déposé qu’il a assisté à un repas donné par le général
D estain g, à l’occasion de son mariage avec mademoiselle
Nazo ;
Que ce mariage était de notoriété publique.
D ixièm e Témoin.
M. Saba Joseph, négociant, réfugié de Jérusalem, âgé de
trente-huit ans,
A déposé qu’il était interprète chez le général Dupas; que
ce gérïeral fut invité, par le général D esta in g ,à son m ariage,
et y assista ;
Que le mariage d’un français avec une grecque parut une
chose si remarquable en Egypte, que tout ie monde s’en en
tretenait;
Que le mariage a été célébré par le Patriarche grec, dans
l ’église Saint-Nicolas, au grand Caire;
Que lors du départ du général Destaing pour Alexandrie ,
le général Dupas l’invita à chercher un appartement à la cita
d e lle , pour madame Destaing, présente h l ’enquête.
Onzièm e Témoin.
M. D a u re , commissaire ordonnateur, âgé de trente-trois
ans,
A déposé qu’il ne sait pas si le général Destaing s’est marié
à l’église ou devant le commissaire des guerres; mais, qu’à l’é-
�( 7 >
poque de son m ariage, il écrivit au déposant pour l ’inviter au
repas et au bal qu’il donnait à l’occasion de son mariage ; qu’il
assista au bal avec les généraux Lannus et Boyer.]
,
Q u’il était alors trés-lié avec le général Destaing ; que ce
dernier le présenta à son épouse, ainsi que les généraux
Lannus et Boyer;
Que le bruit public annonçait le général Destaing comme
marié légitimement , et que lui personnellement l’a toujours ,
considéré comme tel ; que le mariage eut lieu environ deux
mois avant la descente des Anglais.
t
D ouzièm e Tém oin.
M. Tach , ancien n égocian t, interprête du général Lannus ,
âgé de trente-liuit ans,
A déclaré qu’il n’avait pas assisté au m ariage; mais qu’étant interprète du général Lannus, ce dernier lui avait
dit : F o u s ri êtes donc pas venu à. lu nocc avec n ous?
que le général Destaing avait épousé la fille de Nazo ; que
le mariage avait été célébré par le Patriarche grec ; qu’il a
su de la bouche de l’interprète du général Destaing que le
mariage avait été béni par le Patriarche m êm e, et que ledit
mterprête avait été présent à la cérémonie ;
Que ce mariage avait fait beaucoup de bruit dans le quar
tier des chrétiens ;
Q u ’il avait été célébré dans l’église de/ Saint - Nicolas ,
au grand Caire , dans un tems voisin de l ’arrivée des Anglais;
Q u’il sait que les latins tenaient des registres, parce qu’il
est latin et a été marié dans une église catholique; mais
qu’il ignore si les grecs en tenaient.
�( 8 )
Treizièm e Témoin,
M. E steve, trésorier-général de la couronne, âgé de trentesix ans ,
A déposé qu’il a appris le mariage du général Destaing,
comme une nouvelle de l’armée; que le général lui a ap
pris lui-même ; que personne ne pouvait douter que le ma
riage ne fût légitime ; qu’il avait ouï dire que le mariage
avait été célébré suivant le rit grec ;
Q u ’il y a eu un repas de noces auquel il n’a pas assisté; que
huit à dix jours après il a été invité chez le général D estaing,
avec sept à huit autres français, et, qu’en dînant, le général
Destaing avait annoncé son çiariage, et qu’alors le déposant
l ’avait félicité et l'avait embrassé;
Q ue le mariage a eu lieu au commencement de l ’an 9, peu
de tems avant l’arrivée des A nglais;
Q u ’il croit que les commissaires des guerres ne se sont pas
conformés à l’ordre du jour qui prescrit la tenue des re
gistres.
Quatorzième témoin.
M. Sartelong, commissaire ordonnateur, secrétaire général
du ministère de l’administration de la guerre, âgé de trentesept ans,
A déposé qu’entre le xer brumaire et le i cr ventôse de l ’an 9,
le général Destaing lui fit part de son mariage avec la fille
du commandant N azo; que ce commandant lui en fit-égale
ment part ;
Q u’il a assisté au repas de noce, mais non à la cérémonie,
�'
( 9 )
quoiqu’il y eut été invité avec le général Delagrange ; qu’il croit
même qu’il y a eu des billets de part de ce mariage, et que la
nouvelle en a été insérée dans la gazette du grand C a ire, sans
cependant qu’il puisse affirmer ce fait qu’il dirait sans hésiter
en société;
Q u’il a vu au repas de noce l’épouse du général D estaing,
qn’il reconnaît pour être présente à l’enquête ;
Que le g é n é r a l D estain g, blessé dans une affaire contre les
A nglais, lui parla de sa femme comme d’une femme légi
tim e;
Q u ’il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres , que cet usage a lieu chez les prêtres catholiques
latins , qui sont beaucoup plus instruits ;
Que depuis son retour à P aris, il a vu le général Des-;
tain g, qui lui a dit qu’il attendait sa femme;
Q ue d’après ce que lui avait dit le général Destaing et
ce que lui avait appris la notoriété publique , le mariage
a v a i t été c é l é b r é p a r le P a t r i a r c h e grec et suivant le rit grec;
Q u ’i l n’avait pas eu d’inim itié avec le général Destaing ;
Q u ’au surplus , quand son opinion ne lui serait pas favo
rable, cela ne l ’empêcherait pas de dire la vérité ; qu’il
croyait même honorer sa mémoire en témoignant en faveur
de sa veuve et de sa fille ;
Que les commissaires des guerres ne tenaient que des pro
cès-verbaux et non des registres, que quelques personnes
faisaient inscrire leurs mariages et d’autres se contentaient de
se présenter aux prêtres du pays ;
Q u ’au surplus les trois quarts de ses papiers avaient été
perdus;
Q u’il avait rédigé l ’acte de mariage du général Beaudeau,
�( xo )
non sur un registre qui n’existait pas, mais sur feuille»
volantes ; que c’est lui-même qui engagea le général Beaudeau à remplir cette formalité pour plus de sû reté , que
c’est le seul acte qu’il a rédigé ;
Q u’il l’avait fait enregistrer conformément à Tordre du jonr
de l’arm ée, que cet enregistrement avait lieu pour toutes
les transactions sociales et était yne impositipp ifidirpcte
créée par les français.
4
Quinzième Témoins.
•'
M. M arcel, directeur général de l’imprimerie im périale,
âgé de 52 ans;
A déposé, que dans le commencement de l’an n e u f, le
général Destaing éppusr* la dame Anne ^ïazQ, qu’il reconnaît
pour être présente à l’enquête;
Q u ’il y eut à pette époque ijn repas auquel furent invités
tous les officiers généraux et les principaux chefs d’adminisr
tration ; que pe repas le plus solennel qui ait eu lieu à cette
époqu e, fut donné pomme festin de noce ;
Que le mariage a été célébré l’église des Grepsj qu’il croi*
qu’il y eût des billets de faire p a rt, imprimés ;
Q u’un ordre du jour avait ordonné la tenue des registres
de l’état civil ; mais que cet ordre ne fut pas exéputé ; que le
déppsarçt a perdu trois enfans en Egypte ; que l’acte de nais
sance et celui de décès du dernier seulement ont été dressés.
Q u’il n’a jamais entendu élever des doutes sur l ’existence
du mariage ; que la nptoriéjé publique présentait comme ma
riage légitim e, et que l’on ne parlait pas avec le même res
pect des unions iUÿfiÛiin*?? >
< *
.*
«
k
'■
�C 11 )
Q u ’il n’a connu aucun mariage à tems en Égypte'; que ce
cas est rare, et qu’il n’a lieu qu’entre musulmans, mais jamai*
entre chrétiens.
Seizièm e Tém oin.
M. Clément Marchand , âgé de soixanteans,
A déposé qu’en janvier ou février 1801 la voix publique
lu i apprit le mariage du général D estaing; qu’il apprit
par tout le monde que ce mariage fut célébré1 pat le P a
triarche d’A lexandrie ;
Que le jour même ou le lendemain il rit un grand- norribref
de personnes réunies devant la porte du général D estaing ;
qu’il apprit que cette réunion avait pour cause le mariage du
général D e sta in g , qu’ayant beaucoup connu ce général &
Rosette et au C aire, il crût devoir entrer chez lui et le féliciter;
que le général l'invita à rester chez lu i pour lui1servir d’inietpréte , parce que lu i, déposant, était traducteur de l ’arabe1 et"
du grec dans l’administration des finances -,
Q u ’il y eut un très-grand repas; que le Patriarche n’était
pas au dîner; mais qu’il y a vu un ou deux prêtres grecs;
Que l’usage de dresser chez les Grecs des actes de mariage
n’est pas gén éral, et que les prêtres ne font des actes que
lorsqu’on leur demande ;
Que les mariages à tcms sônt extrêmement rares et lie se
font que parmi les Turcs.
.1
D ix-septièm e Témoin
M. Larrey , inspecteur général d u >service; de; santé , âgé1
de quarante-un an s,
�é*.
( 12 )
À déclaré q u e , dans le ‘commencement de l ’an n e u f,
reçut un billet d’invitation pour assister aux noces du gé
néral D estaing, son ami ; qu’il s’y rendit et y trouva plu
sieurs am is, enir’autres M. Esteves, le général Delagrange,
le général M enou;
Q u e , dans cette réunion , M. Destaing était en grande
tenue, ainsi que tous les généraux;
Q u ’il adressa des félicitations au général Destaing , et lu i t
fit ses excuses de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de
l ’église d’où l’on sortait en ce moment;
Q ue le mariage avait été célébré dans l’église du patriar
che des grecs , et que le repas avait eu lieu le même jo u r ,
vers six à sept heures ;
Q ue, depuis, il a vu le général Destaing au siège d’Alexand rie 'e tà Paris; que ce général lui a parlé plusieurs fois de
sa femme ;
Que ce mariage était de notoriété publique ; qu’il n’ayait
aucune connaissance des mariages à tems.
Enquête J'aite à M arseille
taing.
«
,
par Madame Des
P rem ier Tém oin.
M. Cliam , âgé de quarante-deux ans, négociant, et an
cien interprète du prince de/N eufchâtel,
A déposé que,, dans le courant de l’an n e u f, il entendit
dire que le général Destaing devait épouser la demoiselle
N azo; que , passant devant le domicile du général Destaing ,
il vit des préparatifs de fêtes, des officiers et généraux en
�( i3 )
grand costume ; qu’on lui dit que c’était pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle Nazo ; '
Que ce mariage avait été célébré par un Patriarche grec;
Que les Grecs ne tiennent pas de registres d’état civil.
D eu xièm e Témoin.
• M. Barthélémy Sera, âgé de 5 o an s, colonel des mamelu c k s ;
- A déposé que sur la fin de l’an huit ou au commencement
de l’an neuf, le général Destaing lui dit qu’il voulait épou
ser la fille du commandant N a z o , que le déposant lui ob
servât qu’elle n'était pas fille du commandant N azo, qu’il
avait épousé la mère , qui était veuv.e de Joseph Trisoglou ;
Que le gérferal Destaing répondit que cela lui était in
différent, et demanda si cette dame était sage et avait de
bonnes mœurs, à quoi le déposant répondit affirmativement;
Q ue le général Destaing lui dit que son mariage serait
célébré selon le rit grec ;
Q ue le général Destaing l’invita à assister à son m ariage,
qu’il le remercia et ni voulut pas aller, parce qu’il ne vivait
pas bien avec la famille N azo;
Q ue quelques jours après, il vit beaucoup de monde à
la porte du général D estaing, et qu’on lui dit que c’était à
l ’occasion de son mariage avec la demoiselle Nazo ;
Q u’ayant ensuite rencontré le général D estaing, celui-ci
lu i dit que son mariage avait été célébré suivant le rit grec,
par un Patriarche grec';
Qu’il n’y a que les prêtres latins qui tiennent des registres
de mariages et que les autres n’en tiennent point.
�7ô .
C i4 )
Troisièm e Tém oin.
M. Antoine H am oui, négociant, âgé de cinquante a m ,
A déposé qu’il était au Caire à l’époque où le général
Destaing y étâîF en activité de service, et qu’il ap p rit, par
la notoriété publique-, quelle général Destaing avait épouse
la fille de la veuve N azo;
Q u e son mariage avait été célébré par un Patriarche
grec ;
Q ue ce mariage fit beaucoup de bruit ; tout le monde ne
cessa d’en parler et de s’en occuper ;
Q u’i l n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des registres,
et que les autres n’en tiennent point.
Quatrième Témoin.
M. Hannaa O dabaki, âgé de cinquante-six ans, ancien m ar
chand au Caire,
A déposé qu’il était établi au grand Caire depuis trois ans,
avant l’arrivée de l’armée française ;
Q ue p e n d a n t que le général D estaing y était en activité d«
service, le déposant y exerçait les fonctiohs.de commissaire
particulier de police;
-,
Q u’étant lié d’amitié avec le commandant Jean N azo, celuici l’invita au mariage de sa fille avec le général Destaing;
Q u ’il y assista dans l’église Saint-N icolas; qu’il assista«égale
ment au repas de noce;
1 Q ue le mariage fut célébré par le Patriarche d’A lexandrie;
Q u’il n'y a que les'prêtres Latins qui tiennent des' re
gistres.
�C *5 )
Cinquième Témoin.
M .M isçh eR o séti, bijoutier, âgé de vingt-sept ans,
A déposé que sa famille était intimement liée avec celle du
commandant Jean N azo; que la fille de celui-ci ayant épousé
le général D estaing, pendant qu’il était en activité de service
au grand Caire, la famille du déposant et le déposant lui-même
furent invités à assister à ce mariage;
Q u’ils assistèrent à la célébration qui eut lieu dans l’église
Saint-Nicolas, du rit grec, et par le Patriarche grec; et q q e ,
suivant l ’usage pratiqué par les chrétiens de cette secte, le
colonel Papas-Oglou.fut le parain de la demoiselle N azo;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres de l’état
^
Sixièm e Tém oin.
Sophie Mesk , épouse de Jean N azo, âgée de quarante-cinq
ans ,
A déclaré être la mère de la veuve Destaing; que le mariage
a été célébré en présence d e là fam ille, de diverses personnes
du pays , généraux et autres militaires, notamment le général
D elzon s, dans l’église Saint-N icolas, par le Patriarche grec
Q u e lle ignore si les prêtres tenaient des registres.
Septième Témoin.
M. Joseph D u feu , âgé de quarante-neuf ans , bijoutier,
A déposé que, dans le courant de l’année 178 1. le général
Destaing demanda aux sieur et dame Nazo leur fille en man a 6e >qu’ils y consentirent, et que le mariage fut célébré le
�C ‘6 )
lendemain du jour des Rois de le g lise grecque, correspondant
au 17 juin 1801 ;
Que l u i , déposant, fut invité comme parent de la fam ille,1
et qu’il assista à la célébration dudit m ariage, qui eut lieu
dans l’église Saint-Nicolas au grand C a ire , et par un Patriar
che- grec ;
Q u ’après la célébration du mariage il y eut un grand repas
de noce chez le général Destaing, auquel lui, déposant, assista;
qu’à ce repas étaient les généraux Menou, D elzons,D elagrange
et P.egnier ;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres.
Huitième Témoin.
Hébrahim T u tu n z i, âgé de vingt-trkois a n s,
A déposé qu’il a assisté au mariage de la demoiselle N azo,
sa n iè c e , avec le général Destaing ;
Que ce mariage a ..été célébré dans l ’église Saint-N icolas,
par le Patriarche grec ;
Qu’après la cérém onie, il assista au repas de n o ce, chez
le général Destaing ; mais quêtant fort jeune alors, il ne
se souvient pas des personnes qui y assistèrent, autres que
celles de sa famille ;
Se rappelle cependant qu’il y avait des généraux.
Neuvièm e Tém oin.
Joseph T u tu n z i, âgé de cinquante a n s, ancien premier
c o m m is du commandant Jean Nazo ,
x
A déposé que le mariage a été célébré dans l’église SaintNicolas au C aire, par le Patriarche grec, et que le paraiii
�C *7 )
de la dem oiselle N a z o , fut P a p a s-O g lo u , co lo n el de la légion
grecque ;
Que lui , déposant, assista à la célébration , et se rendit
ensuite au repas de noce qui fut donné par le général
D estaing, auquel assistèrent divers généraux français et égyp
tiens notables ;
Que les prêtres latins de sa religion tiennent des registres
mais qu’il ignore si les prêtres grecs en tiennent ou non.
D ixièm e Tém oin.
Joseph M esk, âgé de quarante ans, ancien commis au
Caire,
v
A déposé que le mariage a été célébré dans l ’église SaintNicolas du rit grec ; que le parain de la dame Destaing
fut Nicolas Papas-Oglou ;
Q u ’il assista à la cérém onie, après laquelle il se rendit
au repas de noce chez le général D estaing, où étaient présens divers généraux, notamment le général Delagrange et
le général D e lso n , et que ce dernier était présent à la célé
bration, comme parent du général Destaing ;
Que les prêtres chrétiens, de toutes les sectes tiennent des
notes de mariage et naissance, et qu’il pense qu’ils en dé*
livrent des extraits quand on leur demande.
,
Contre Enquête Jaite à Aurillac par les J'reres et
sœurs Destaing.
P rem ier Tém oin.
M. D e ls o n , président du tribunal civil d’A u r illa c , âgé
S.
�C 18 )
de soixante-six ans, oncle maternel, des frères et sœure
Destaing,
A déposé qu’étant à P aris, lors de l ’arrivée du général
Destaing, il ignora longtems les bruits de son mariage ; que
ce bruit se répandit à l’occasion d’une lettre écrite de T.arente
par un habitant d’Aurillâc qui y avait vu arriver la famille
Nazo , dont u n e fille se disait épouse du général Destaing ;
Q ue la belle-fille du déposant ayant demandé au général
D estaing s’il était effectivement marié, celui-ci répondit, en
plaisantant, que sa femme pouvait l’ê tre , mais que lui ne
l ’était pas ;
Q ue le général D estain g, instruit que la famille Nazo
était arrivée à L yon , il le pria de demander à M. Fulssiroû
une lettre de change de mille francs, payable à L yo n , qu’il
'voulait envoyer à cette fem m e. — Ils sont là une troupe,
d it-il ; quand f aurais pris la fille , je n’a i pas épousé tout
cela. I l y a un en fa n tf j'a u ra i soin de la mère et de
Ven fan t;
Q ue le général Destaing lu i avait dit que son mariage
n’avait pas été fait devant un commissaire des guerres,
comme c e l u i du général Delson ;
Q ue M . Nazo se trouvant aux scellés apposés chez le
général D esta in g , il déclara que le général Destaing avait
épousé une de ses filles, âgée de seize ans, devant le P a
triarche d’Alexandrie ;
Que le général D e lso n , fils du déposant, lui a dit qu’il
y avait eu une cérémonie religieuse dans la maison du
sieur N a zo , à laquelle iL*avait assisté ;
Que quelque tems après, le général Destaing étant pa• rain du fils du général D e l s o n l e général Destaing donna
�( i .9 )
à cette occasion, un grand souper, disant que c’était pour
le baptême de son filleul.
D euxièm e Témoin.
Madame W arsy, épouse du général Delson, âgée de vingtcinq a n s , cousine germaine par alliance des frères et soeurs
D estaing,
A déposé que le 29 nivose an g , ellè n’était pas dans la ville
du Caire, qu’elle y arriva le lendemain;
Qu’à son arrivée, elle apprit qu’Anne Nazo avait été con
duite la veille, à la n u it, chez le général Destaing; mais qu’il
n’y avait eu aucune pompe ni céiémonie d’usage pour les ma
riages qui se font dans le pays, suivant le rit grec;
Q u ’une douzaine de jours après, le général D e sta in g ,à l’oc
casion du baptême du fils du général D elson , donna un grand
so u pe r et un bal auquel assistèrent les officiers de l ’Etat Major,
et notamment le général M en o u , Anne N a z o , sa fam ille, et
plusieurs habitans du Caire;
Que dans cette fête, ladite A nne Nazo occupait la place de
la maîtresse de la maison ;
Q u ’il n’y eut ce jour là aucune cérémonie religieuse; mais
qu elle a ouï clire que le jour où ladite JSazo f u t conduite chez
le général D esta in g , il y avait eu une cérémonie religieuse,
qui avait été fa ite p a r le Patriarche d 'A lexa n d rie, à laquelle
peu de personnes avaient assisté ;
Q u’il y avait des églises pour le culte grec au Caire; mais
que, pour l’ordinaire, les cérémonies de mariage se font dans
les maisons ;
• Q ue M. Nazo lui a dit, à elle déclarante, qu’il avait écrit au
�Caire pour avoir une expédition de son acte de mariage, mais
qu’on lui avait répondu que le Patriarche était m ort, et que
Téglise était brûlée;
Q u’au surplus, madame Destaing était considérée comme
•
*
i
•
épouse légitim e, et jouissait des honneurs dus à ce titre.
Que pour e lle, elle la croyait femme du général Destaing
et qu’elle lu i r e n d a i t les honneurs attachés au titre.
Troisièm e Témoins.
Françoise G ro n ier, fille , âgée de 3 o ans,
A déposé qu’étant à Lyon , à l’époque de l'arrivée du
général D estaing, e lle ,fu t invitée à dîner chez lui '
Q u’elle lui demanda quand il amènerait sa femme, et qu’il
lu i répondit: elle est passée d’un côté et moi de l’au tre,
ce n’est pas le moyen de se rencontrer ;
Q u ’étant à A u rillac, dans la chambre de madame Nazo
veuve Destaing, elle lui demanda comment elle avait été
mariée et si le prêtre avait écrit sur le registre ; à quoi la
veuve Destaing répondit que le Patriarche lui avait mis un
anneau au d o ig t, jusquà la piem iere phalange, et que le
général l’avait enfoncé jusqu’à la fin du doigt, et qu’à l’égard
du registre elle répondit : O u i, prêtre , grand livre, écrire.
Contre Enquête Jaite à Mauriac , par les j'reres
et sœurs Destaing.
Prem ier Tém oin.
Joseph F e l , palfrenier du général D estaing,
A déclaré que pendant que le général Destaing était au
�'?r.
( 21)
Caire, son cuisinier d it, en déclarant qu’on avait amené
une femme au général Destaing, que quelques jours après,
celui-ci donna un grand repas où assista tout l’état m ajor,
et notamment le général Menou , et que cette femme dont
il ne se rappelle pas le nom y était ; qu’il l’a entendu nom
mer madame Destaing;
Q u'à la suite du repas il y eut un b a l; qu’il ne sait pas
si A nne Nazo a été introduite dans la maison du général
Destaing avec pompe et magnificence; que le cuisinier ne
lu i a donné aucuns détails là dessus ;
Q u’il croit même que le cuisinier lui dit qu’il n’avait pas
vu lui-même entrer cette femme chez le général Destaing,
et que ce jour là , il n’y eut aucune fête ;
Que le général n’a point donné d’autres fêtes, et qu’il
n’avait jamais que dix à douze personnes à sa table.
,
D eu xièm e et dernier Témoin.
Jean Biron fait la même déclaration.
M* J U G E , Avoué.
H ACQ U ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue G it-le -C œ u r, n° 8 -
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Juge
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Extrait des enquêtes et contre enquêtes faites à Paris, Marseille, Aurillac et Mauriac, dans l'affaire de la veuve du général Destaing, contre les héritiers Destaing.
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2002
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53372/BCU_Factums_G2002.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53867/BCU_Factums_M0607.pdf
412aa9e07083899491de16e297d7b0e0
PDF Text
Text
OBSERVATIONS
SU R LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffam atoire
imprimé et
publié à R iom pour ses adversaires , et
produit par eu x devant la Cour d 'a p p e l
séant en cette ville.
frères et sœurs, à. la veille
d’un jugem ent qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fut imprimé et publié, sous leur nom , et
avec le titre de Mémoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur, tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des années françaises,
et dont l’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses , et cela sans raison , sans motif légitime, sans néces
sité , sans utilité pour sa cause.
L e s sieurs et demoiselles D estain g
�(o
En effet, il ne s’agit point, entre madame Destaing et ses
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête an
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur gré ou sans leur consentement ; de les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n’aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
Des collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général Destaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits qu’elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
Voilà la question.
Cette possession est-elle publique, certaine et constante?
Voilà les seules circonstances soumises à l’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
Voilà le point de droit à juger , et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame Des
taing, dont il fait une musulmane échappée à la servitude
dun harem, un être obscur et dépravé, une africaine ré
fugiée , la grecque la plus rusée et la plus adroite, que
contre son père, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant d eau-de-vie, révolutionnaire î\u
�( 5 )
Caire , et obtenant, à ce titre, celui d e . commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer , et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
Dqs jurisconsultes de divers dépaitemens de la France, réu
nis à Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l’examen des faits qui constatent la possession
détat pour détruire , s’il était possible, la conséquence qui en
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce parti, le seul convenable il la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session détat était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne cioira que le libelle ait été fait pour
le& juges qui doivent prononcer. On ne peut pas s’être flatté
de leur déguiser ,• aussi maladroitement, l’état de la question
qui leui est soumise. C est pour le public de Riom, ou peutêtre pour celui d’Aurillac, que l’ouvrage imprimé a été faitOn a essayé de laire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique, parce qu’il présente une question d’état que Ja Cour
<le Riom jugera solemnellement.
�4
( )
Mais cette question, on ne saurait'trop le répéter, peur
être réduite aux ternies les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante ?
Los beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing ne
peuvent nier la possession d'état de leur belle-sœur et nièce,
reconnues comme telles par toute la.famille, dés leur arrivée
en France, où elles ont été-appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C’est ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Desiaing ; c’est ce que ses beaux-fréres et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire.
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Gode Napoléon en a fait une loi
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître. ‘
L ’article 520 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffit.
Et l’article 33 r indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance“
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa fille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solemnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seul, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète.
L ’auteur, du mémoire avance hardim ent que cette recon
naissance a été surp rise, qu’elle n’est pas aussi com plète que
�( 5 )
madame Destaing le croit, et que la possession d’état ncst
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature faire impression sut*
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer q u il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing que
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
On suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fdle , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par cîo!, fraudes, suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son fils et sa
petite-fille, dont l’assemblée des parens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jamais
n’est-il pas convenu que madame Destaing, arrivée en France
dans un état de souffrance et de maladie , bien jeune encore,
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
Elle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à Aurillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu'elle n’avait jamais vu , et entre le»
mains de qui elle ne croyait pas devoir tomber , puisqu'elle;
comptait sur l’existence de soin mari.
�6
( )
Le libelliste suppose (page 10) que le sieur Destaing père
ne voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa maison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues h Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon,
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaircissemens satisfaisans.
On peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux ma
gistrat, 011 ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
aussi délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissimulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-même, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en remarquant, comme on ne pouvait s’en dispenser,
qu’à l’époque où le général Destaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et on
l ’a lait, que dans le système de toute autre législation, l'appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevables à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure malice, qu’à la page Go du libelle on
accuse madame Destaing d'argumenter avec un empresse
ment pou louable d ’une^ loi révolutionnaire promulguée
�C7 )
clans un instant de délire : loi immorale et. funeste qui n
fa it tant de malheureux qu'on entend tous les j o u r s gémir de
leurs ëgarernens , et qui passent leur vie dans la douleur et
le désespoir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolu
tionnaires , qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
Elle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens, et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Code
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français, et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire oublier, et à chercher , en souflant sur des
cendres , à ranimer quoiqu'étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtems , et c’est
sous ce rapport qu e l<i en use de m adam e D e sta in g mérite
toute l'attention du magistrat. Com bien d ’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père, ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du'patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant, combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans fam ille, sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
Le Code Napoléon, en exigeant pour certains cas la pre-
�C 8)
sentation des sctes de l’état c iv il, a prévu l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son état, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et y 1 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective, et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d’état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix , avaient été témoins du mariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lui-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été témoins, et l ’avait écrit
ainsi ; mais à la lecture, un seul ( don Raphaël ) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
lu plupart au lieu de tous, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général Destaing.
Ces témoins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam, avaient un
rang distingué dans l ’armée d’Egypte. 11 est,vrai que tous,
excepté le général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
ils sont tous membres de ,1a Légion-d’Honneur. S’ils n’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l'époque
où se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités suiii-
�m
salent]'"au moins, pour faire considérer leurf déclaration
comme étant d’un grand poids; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanach impérial, il aurait vu
qu e1des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. Il aurait vu qu’un général, officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs ? madame Destaing a dît assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’offi
ciers de l’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son père et sa mère. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frire ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
. Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
Delzon, cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis k ses cousins, a ses cousines, 1 acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Destaing, régla l’acte viduel et la pension veuvagère.
Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N’aurait-elle pas été dém entie
par ce braye militaire, si le fait ¿tait faux ; mais un homme
2
�<*o
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses prochesj
est incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est mieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été Igamie,
la compagne, la première interprète de sa cousine. Sous les
yeux du général D elzon , madame Delzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude dun
harem. Les MM. Destaing, en outrageant la veuve d’un irère
qui leur fait honneur, manquent également à leur cousin ^
qui fut constamment son ami ; à l’épouse de ce général qui ,
quoique fille d’un français , est également née en Egypte :
mais à qui ne manquent-ils pas ? Nous nous abstenons de
relever tout ce qu’il y a de méchant dans cette diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi le conseil de leur oncle
maternel, le père du général Delzon, la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , n’aurait jamais eu lieu.
M. Delzon était membre du Corps législatif, et se7trouvait
à Paris à l’époque du décès du général Destaing :'c'est lui
qu i, le premier, a reconnu l’état de sa nièce ;'c’est sur sa
demande qu'il obtint pour la veuve du général Destaing la
première pension qui lui fut accordée. Cette pensiqn ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut point
alors assimiler le général Destaing ¿1 un officier mort sur le
champ do bataille.
'
t
Ce n’est point sur la présentation de l'acte de tutelle que
la pension a été. augmentée ; c’est uniquement par l'intérêt
q u ’i n s p i r e la veuve du général Destaing à tous ceux qui furent
�C »* )
les amis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué le libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa fille , son unique consola
tion ; elle veut aller <se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice : mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing ne peut ni se séparer de sa
fille, ni .exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mère de famille n’a pas été un être respectable aux yeux de
ses ennemis , que n’aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , si elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
On lui a dit que les lois françaises lui en a s s u r e n t un
dans le ministère public, protecteur naturel delà veuve, de
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C’est dans ' ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l’abreuver,
, Elle est chrétienne •, elle en fait gloire : madame Delzon
et le général Delzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n était point indigne d’être l’épouse du gé*
neral D estaing, et elle a toujours porté cette qualité avec
honneur.
Le rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l’Eglise romaine ; le siège de l’Eglise
grecque, dans le sein de laquelle elle est née, est toujours
Alexandrie ; l’évêque est qualifié de patriarche, et réside au
Caire.
I l n’a rien de commun, avec lei Arméniens, "dont les uns
�C *2 )
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens >
les Cafres et les Maronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
Ces formes sont solemnelles et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages,
contractés en Turquie par des chrétiens.
On doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chrétiens qui vivent sous son empire.se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain point, le ministère civil au
ministère ecclésiastique.
. .
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fui
intéressé, et la puissance ottomane prête m ain-forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
/;.
C’est ainsi qu’après la conquête des Francs, les'différens
peuples qui furent subjugués sc réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis à chacun de vivre ou S0;US la loi romaine , oui
sous la loi falique, ou soys tout autre régime, et la puis
sance publique maintenait les jugemens rendus suivant ces
diverses lois*^: ■
m -.n
-
•
�( i5 )
L a cour de Riom sait tout cela mieux que nous, et san9
cloute l’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrement, aurait-il ;
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
Avant que , par des rapprocbemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’ elle a appris la langue française, on ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l’année commençait au mois de septembre et non
au mois de janvier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions d e l ’année de l’ancien calen drier ne se rapportaient
pas à la m êm e année du nouveau ; de m anière q n ’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien dés équivoques.
t
>
Mais clleé disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécé„lentës', suivantes et' concurrentes, et dès lors l’expression -de-’ l<’année dfcvient indifférente.
Quand on a dit, par exemple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l’année qu’il comman
dait au Caire sous le général Béliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général Kléber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine répbqlie de ce mariage : madame D e s taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu ’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu a v e c son m a i i . , ;
Mais tout cela n’est qwe pour les oisifs. L’appeï süt'-ïéquêl
la Cour de Riom* doit prononcer n^’ lui présente que ïai
�(14 )
question( de la possession d’état ; e t , sur ce point, la défense
de la dame Destaing n’a.pas été entamée, et elle ne peut
p as l'être par les digressions dans lesquelles ses adversaires
sont- entrés, et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
d étruire les impressions; qu’elles auraient pu faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
Riom , sur lequel elles ont été faites;
Le CO N SEIL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
qu’il est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
reprehensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’Appel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d'en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère public, attendu la nature des injures
et les fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d’Egypte.
Délibéré à Paris, par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAUBERT.
CH ABO T
de
l 'A l l i e r .
HACQUART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 6-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0608
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53867/BCU_Factums_M0607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53863/BCU_Factums_M0603.pdf
350b85f7c9d5805919846c0a8233ded7
PDF Text
Text
CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
Destaing,
tutrice de sa Fille
m ineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
�CONSULTATION
Poun Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n G; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING.
■ nmmni
V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, intrà m uros, dit du S u d , de la ville
de M arseille, le 5 fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixièm e arrondissement de P a ris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P a ris, q u i, sur le rapport fait à l ’audience, le
ministère public entendu, hom ologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre D estaing à
la tutelle de demoiselle M arie Destaing sa petite-fille, por
tant reconnaissance expresse du mariage du feu général D es
taing son fils , avec la dame A n ne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la fam ille D estaing, jusqu'a u
tems où la dame veuve D estain g, investie par la loi de la
�(2)
tutelle de la mineure , a réclamé, à ce titre, l’administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
i 3 août 1807, par le tribunal de M auriac, département du
Cantal, qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E C O N S E IL soussigné estime que la dame veuve D es
taing a eu raison d’appeler de ce jugement , et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R io m , à qui elle l ’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
p u b lic, ont cru avoir besoin de récoler, pour ainsi dire ,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lem ent constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu de la
famille D estaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré eu assimilant des actes de notoriété vérifiés ,
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciaires. En reconnaissant, comme ils l’ont f a it , que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
te lle s, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l ’acte '
de célébration de mariage du général Destaing , ni l ’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pièces étaient suffisamment suppléées par des actes de
n otoriété , la possession d é ta t, et surtout la reconnaissance de
la fam ille D estain g, qui aurait suffi pour éleve r, contre les
collatérau x, une fin de non recevoir insurmontable.
�(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenance»
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’am itié; il a été b én i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m a ri,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. E lle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle n a v ire , o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tem s,
le mari est revenu dans sa p atrie, où il croyait trouver une
épouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la fam ille du mari les a réclamés ,
comme leur bien. Un b ea u -p ère, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder;
e t, depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblem ent a rriv é , sans la bienfaisance de
Empereur.
T elle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
O n y voit qu’elle est née au Grand Caire , en E gypte, efl
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chrétiens l’un et l’autre du rit grec.
O n y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
île de l'Archipel ; q u e , jeune encore, ¡1 entra au service de la
�( O
R ussie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M isclie, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
•Il l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon greG fut formé -, le sieur Nazo en fut nommé
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : père de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per-^
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vu es, il se refusa longtems à la de
mande du général. Destaing.
�( 5 )
D éjà lë général D elzo n s, cousin-germain de ce dernier , et
le sieur L a n tin , autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays , et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exem ples, les instances du général D estai n g , et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard, ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des Rois , qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivoae
an S ) . La dame Destaing ignore quel acte>il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’A lex an d rie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l ’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant lareligion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux, t
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fêtes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnités du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
Tut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
�(6 )
du chef du bataillon grec , le sieur N azo, à qui nul officier de
l’arm ée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au C a ire, où la cohabitation maritale a duré
plu9 d’un an.
Mais , dans le mois de ventôse an g , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i 5
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
de la flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le l e n d e m a i n i l vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en ch ef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général D upas, lors
simples commandans de la place , restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de M adame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que l’arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
�C7 )
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du 5 p rai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance , et des moyens de la rendre plus fré
quente.
*
Cette correspondance est telle qu'elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame D es
taing , si les nombreux témoins de l ’union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre, qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on p o u v a it, en outre, anéantir les reconnaissances m ulti
pliées de la famille D estaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivem ent, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épouses par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris A boukir
�C 8)
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie', et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général B éliard , qui y commandait, invita alors les
dames M e n o u , Destaing , Delzons et Lantin , leurs parens
et leur su ite, il se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant D upas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
j
Ce dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, lt: général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29 de ce mois.
Il fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L a n tin ,
seraient rendues à leurs maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu’aux portes de cette v ille , avec M. Estève, payeur général
de l ’armée , qui eut la permission de se rendre auprès du
général en chef.
Mais celu i-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir., dans A lexan drie,
qui que ce fût venant du Caire ; et pour q uon doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent ch acun e, de leurs m aris, une lettre
portant invitation de se rendre en France , sur les bâtimens
destinés aux troupes du général Béliard.
Les dames Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
m ère, à Rosette, avec madame M en ou; depuis elles s’em
barquèrent pour la F ra n ce , et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame D estaing, son père , sa mère , ses frères,
�\
(9 )
>
»es soeurs et leur aïeule, que le malheur avait rendu# insé
parables , furent embarqués à A b ou k ir, avec une ceiitâinë
de militaires français, sur un petit navire grec," qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé fut baldtté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé de' re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de mâdhme Deâtaing approchait; ses souffrances, que les toürmënteS rendaient
plus terribles, firent solliciter le patron du naviie à prendre
terre où il pourrait : il jeta l ’ancre sur la côte de Céphalonïé”
Madame Destaing était en travail depuis huit jours'. I l ne'
fut pas possible de la transporter : elle afccoücha d&iïs lë
navire.
. Marie D estaing, qu’elle mit au mondü, fut baptisée jiar
un prêtre que sa fam ille envoya chercher, dans une chapelle'
située sur les bords de la mer. E lle eut , pour parain"," liff
officier français , et , pour m araine, la dame Mische , ¿on'
aïeule.
*
* L ’équipage , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île : le consul
français visita cependant madame Destaing.
O n ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la C hancellerie, ou dans les màîrià1
du pasteur catholique qui administra' le sacrement : lés
_difficultés des communications pendant' la guerre , le peü
’ de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,'
et tout ce qui s’est passé depuis cette éjiôque , oïit privé
madame Destaing des moyens de fournil*,* sur cé‘ poittt','
a
�( IO )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n ’eurent rien de plus pressé que de quitter, dés qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général S o u lt, aujourd’hui maréchal de i’E m pire,
les a c c u e illit , leur donna sa maison de cam pagne, pour y
faire quarantaine, et les reçut ensuite chez lu i, à T aren te, où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
C epen d an t , durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa fam ille , d’Egypte en E u rop e, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennem is, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après, trois mois de navigation , de manière que le
général' Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
11 se hâta de remercier le général Soult de ses soins bionfaisans, et le pria de faciliter à madame Destaing et a
�( 11 )
sa famille le moyen d’arriver à P a ris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
'
^
Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
m ille jusqu’à Barlette, et chargea M. D esbrosse, officier fran
çais , né à P aris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa fam ille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à A n cô n e, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son pére et M. D es
brosse les précédèrent et se rendirent de suite à P aris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à P aris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans 5>et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire; elle y attendait des nouvelles du général D estain g,
lorsqu’elle reçut la visite du sieur B ordin , chapelier, dont
l'épouse était d’A u rilla c, lieu de la naissance du général Des
taing.’
s
• L e sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
tain g, pére du général, pour engager la dame Destaing sa
belle-fille, à se rendre à A urillac avec son en fan t, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veu ve, et que sa fille avait perdu son
p ére, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
�( ta )
E lle se séparé du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissait les réfugiés égyptiens ,
et elle prit la route d’A urillac avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tárente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce vo y a g e, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille D estain g, au milieu de laquelle la
Yeuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte ,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à A urillac huit m ois, présen
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
et celui de sa fille.
L e sieur Destaing père assembla un conseil de famille pour '
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
O n prouve parmi les. parens M. Alexis.-Joseph D elzons,
général de brig:*d,e , commandant le département du C antal,
cousin-germain du feu,général Destaing , et le même qui avait
été, témoin d}f, marijage qui avait, réuni laúdame. Nazo à *la
famille Destaing -, M. Delzons son p ère , membre du Coçpj
Législatif , oncle paternel de M. D estain g, biqn instruit par
son filstde§ circonstances de ce,m ariage, et lç.m êm e qui se
troura à^Paris, à la leyép des scellés, mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déféi'èrentj la^tuttje ^usj.ç^r Destaing père, en sa qualité
d’aïeul tle la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
m ère, autorisèrent j les dépenses par lui faites, îéglércnt le
�( i3 )
montant des habits de deuil de la veuve, et fi<èrent provisoi
rement la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dans cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à A urillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c était
pour elle un devoir de la réclam er, et que son beau-pere et
J a famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut i n s t r u i t e l e s procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son em pire, e t, pour la reten ir, il la
sépara de sa fille , qu’il envoya à la campagne sous un vain
prétexte.
Cet acte de barbarie dut ré vo lter la dame Destaing ; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lu i faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u r illa c , et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
\t)n remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle D es
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère ,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qvû était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père refusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique , auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés E gyptien s, réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la daine Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l ’état de la
dame Destaing et de sa fdle serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété , à
défaut de registres. Leur élat était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à M arseille, ce qui lui eut été fa cile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
q u e , comme nous le verrons bien tôt, la possession d’état
et la reconnaissance de la fam ille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres sufiisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
'
^
L e Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à À u r illa c , furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du tribunal civil de son ar
rondissement , ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille ; il répondit à S. Exc. le
�C ‘5 )
grand-juge que puisque le Gode civil déférait la tutelle à la
m ère , elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paris
que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’A urillac , prétendit que c’était à A urillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
de juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de M auriac, département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président D estain g,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce trib u n al, à quelques lieues de distance
d’A u rillac et dans le même départem ent, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille , ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon*
�C 16 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» Vengagea jx se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
n par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
« p rop os, elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée „
» dans sa fam ille, ne l ’ ayant f a i t qu'à titre ¿[hospitalité,
» comme compatissant à ses m alheurs, et sous réserves de ses
» autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litig e , le point de la difficulté élevée par l’aïeul.*Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fa m ille , le protecteur
n aturel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialem en t de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir en gagé, par dol et fraude, k
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu , à titre
lég itim e, au général Destaing -, mais on sait qu’elles étaient
à L y o n , lorsque madame Destaing a 'perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
? R i e n au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Q uélle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
p
l o y e r
'
*
�( *7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
justice la qualité d’aïeul légitime de cet en fan t, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à ex ercer, pendant huit m o is, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y ayait nulle
puissance, nuls moyens suffisans pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
Tout cela ne peut se rétracter : on ne rétracte pas des faits ;
o r , les actes émanés du sieur Destaing père, sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Q u’il les
explique comme il p ou rra, il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa fam ille, sa
petite-fille et la dame sa mère , qu'à titre cï hospitalité, et
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
reLirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estain g, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l ’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même ; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée , authentique
et homologuée par l ’autorité c iv ile , que le sieur Destaing a
demandé à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom 'de sa petite - fille , et comme son tuteur, le rem
boursement des frais qu’il avait faits pour leur séjour à
L y o n , et voyage à A u rilla c , et pour les alimens qu’il leur
�C 18 )
dans celte ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
quelles y aient été reçues à titre dhospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles,' elles y
continuaient leur possession d état : on ne peut la leur ra v ir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces fa its, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l ’état de la veuve et de l ’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux mêmes qui l’attaquent aujourd’hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté, sur
l'admission ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perle ; mais toujours on a admis les con>équences qui ré
s u l t a i e n t d’une possession d’état invariable. La loi romaine,
fournissait
d’Aguesseau , Gochin , si souvent cités dans les questions
�( *9 )
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de leta t des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître , et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
'
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
dame de B ru i*; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
fam ille Laferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. D e manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’avoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette m atière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
,V o ic i comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau*
» tion pour fixer l’état des hommes . les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. T elle
» était la règle qui les distinguait seu le, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des m ères,
>* comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
» en jour par la notoriété ; ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et sœ urs, comme oncles ,
» n e v e u x , comme cousins, par cette habitude journalière
>* de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
. » C ’était donc la possession seule qui fixait l’état des hommes;
�»
»
»
»
»
( 20 ) ,
c’était l ’unique espèce de preuve qui fût connue - et qui
aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filiation contraire à celle qui était annoncée par cette longue
suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
>•> que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque cito yen , son état était con>* signé dans des registres p u blics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l ’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou q u e , si la posses» s io n , par quelques circonstances impossibles à p révoir,
» pouvait devenir équivoque, le titre primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l ’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
»
Ti
»
»
»
»
»
» C’est sur ces deux genres de preuve que porte l ’état des
hommes ; celle de la possession publique est la plus ancienne et la /noms sujette a Verreur/ celle des registres
publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
elles se prêtent un mutuel secours , tous les doutes disparaissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
peuvent dépendre de la variété des espèces et des circonstances.
»' Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
» prem ier c a s , l a . p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t r> t a que ; il ri!Cl pas besoin de recourir aux monumens pu-
»
�(21 )
» b lic s , ni à aucun autre genre de preuve ; il possède, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais joui , trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession p u b liq u e, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres p u blics, conserve aujourd'hui
» son prem ier empire y c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus d écisive, et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires, ce n’est qu’autant que
» ces preuves posent d’abord sur un fondement solide , adopté
» par la l o i , c’est-à-dire, sur les titres les plus authentiques
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par Cochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule , et qu’elle grave, pour
» ainsi dire, dans le cœur de tous les hommes ; » ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision des lois , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence»,
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l ’attaque
dirigée contr’elles. E lles n ’ont pas besoin de recourir a u x
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
E lles possèdent ; e t, à ce seul titre, on ne p eu t pas hésiter
à les maintenir.
�( 22 )
O n le doit arec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plu 3 grand intérêt à con
tester l ’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l ’a
cependant le plus authentiquement et le plus solemnellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con
voqué par l u i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison , et les reconnaissant en leur qualité , et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Q uelle décou-,
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’alfection
paternelle à l ’indifférence, et même à l’animosité? Aucune.
Q u ’a-t-il appris de nouveau? Rien. 11 était président du tri
b u n al, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclusion de leur mère ; q u e , par le Code c iv il, la veuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement m anifesté, dans la maison de son beaupère , l ’intention de les réclam er, ce u’etait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur Destaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
U commença par faire faire saisie-arrêt entre se3 mains, à la
requête de ses autres enfans se disan: héritiers naturels du
�( ^3 )
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
Destaing , comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit -devant le tribunal de
M auriac par cette exception prélim inaire, en demandant que
«es enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
D estain g, d o n t, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de M auriac, par jugement du 12 août 1806,
débouta le sieur Desiaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
D estain g, et les saisissans, seraient mis en cause , et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 f r ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’A u rillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. D tstaing fut condamné à payer le
coût du jugement.
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu’il fu t,
n’a pu être exécuté.
Les beaux-tréres et belles-sœurs de la dame Destaing s’y;
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général D estaing, contre tous les prétendans droits
à h) succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille ; elle a demandé que le sieur Destaing père
fû t tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé , comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petite fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�(24)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que, dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille , elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts , 3636 fr ., montant des dépenses faites pour e lle , tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i 3 août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
P a rce jugem ent, le tribunal de M auriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par tém oins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soum ise, et cependant ils ne pro
noncent rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing ,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de M auriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
q u’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e , dés
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
�( a5)
q u i venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s
par clol, fr a u d e , suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Juscju’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une fam ille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole; le m éconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur é ta t, d’autre titre que leur possession publique au
m ilieu de leur famille et dans la société? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
O Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitim e? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
à eux l’obligation de prouver qu’elle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils , neveux , cousins, etc. ?
N o n , certainem ent, ils n’ont rien â prouver. L a possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
a u x monumens p u blics, n i à aucun autre genre de preuves : il
possède ; e t y à ce seul titr e , on ne peut hésiter à le m ain
tenir.
Vainem ent vou d rait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des-»
taing son p ère , mais encore de la succession de ce dernier,
4
l
�( 26 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son a ïe u l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
en tière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
L a veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la fam ille, qui
avait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Gode
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son élat,
saisie et investie d e 'la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce n’est point cette succession q u elle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
investie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dont elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bon gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�( 27 )
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d ’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général D estain g, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de là
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général D es
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Ils se présentent comme’
tiersopposansà un premier jugement qui ordonnait le paiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition ?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demándent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son p ère? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le p rouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’e3t encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux que , sous tous les rapports, devait être
imposée l’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res
pectés; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�(aB)
de fait par les mains de son aïeu l, par le consentement de
toute la famille , et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession , et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans doute qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice ; mais avec quelles armes ? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
« La possession publique conserve aujourd’hui son premier
• empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle p eu t être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est quautant que ces preuves
» posent d abord sur un fondem ent so lid e , adopté par la lo it
» c'est-à-dire ,
*
p a r
les
t itr e s
les
plu s
a u t h e n t iq u e s
e t les
PLUS R E SP E C T A B L E S. »
vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il se rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait d ’é le v e r d u doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu’on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le i 5 pluviôse an 9 , et l’autre le i 3 ventôse an 10.
Par la première , il dit: « Delzons se porte bien; il a un
» petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune gréque q u i, d’après uu arrangement oriental , fait les
N o u s avons
�( 29 )
*> honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dnns l’autre : « Quant à mon mariage , vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» m ienne; il n'y a aucun lien légal; je ne l’aurais pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , j’ai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d'y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver qué l’union a été formée sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son père la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’exislent pas , et qu’ils ne soient p a ï indissolubles.
Dans la seconde , le général Destaing é crit, dit-on , à son
père : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de La
tapie. II d é s a v o u e d o n c implicitement ce qu'il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. T1 ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien lég a l, parce que , dit-il, je ne l’ aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
(c'est-à-dire, les liens naturels et relig ieu x), qui pourraient
bien a m e n e r celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
L e mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du père: cette correspondance semble l ’indiquer. Il
croyait sans doute que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�( 3° )
s’exprime d’une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
'ilvoit approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez p a s, dit-il; c’est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa fam ille, en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. N e la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à notre union pour sa légalité, puisque j’aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’ autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la 'demande pas encore explicitement, celle ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l i é , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r , dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était m ajeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la loi , sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fût requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect -, c’était une faute qu’il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans doute, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une manière plus franche et plus loyale. On
peut l ’affirm er, lorsqu’on voit le sieur Destaing père recher
�( 3 0
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité, les reconnaître en face
de la justiçe, au milieu de sa famille et de ses am is, et les
maintenir dans cette possession , que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo r s , bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur l’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été informé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l ’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delzons , surtout, qui en avait été
témoin. L a manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever
des doutes qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». O n voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la dame Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Q u’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a so len
nellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à L yo n ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�( 3a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris par quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dés que ce doute a cessé d’exister à la mort du général D es
taing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent m êm e, comme nous l ’avons d it, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondem ent so lid e,
adopté par la lo i ; c’ est-à-dire, sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
O n a voulu abuser envers la dame D estain g, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trou ve, ne lui per
mettent pas de représenter l ’acte de célébration de son ma- ;
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais si elle n'en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fa m ille ,
on peut bien moins les lui demander aujourd’hui , pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
O n suppose qn’elle devrait avoir son acte de mariage ,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, à Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe , ils ont déposé , savoir , l’un
( l e général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A u rillac,
le 11 nivose an 11 , plus d’un an après son arrivée en France,
�( 33 )
et postérieurement au décès du général D estain g, son cousin,
à la nomination de tu telle, à l’acceptation de l ’hérédité par
l’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état; et l’autre (ce lu i du capi
taine L a n tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i 3 ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
*
Jusqu’alors les maris des demoiselles Varsy avaient gardé,
dans leur p orte-feuille, les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au Caire , devant témoins et le pa
triarche d’A lexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable“, n'existe' paT dans les papiers clii
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers quelles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fut donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son p ère, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu , et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. O n sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
5
/
�(34)
le9 livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat -, le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant e u x , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés, qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagem ent comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le llilie re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lo is , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l ’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47 e) il est dit : « T out acte de l’état civil des
» Français et des Étrangers, fait en pays étranger, fera foi
*> s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. >»
Et l’article 48 dit : « Tout acte de l’état civil des Français
r> en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, par les agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles V a rsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine L a n tin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier m unicipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemnellement unis par lu pa
�( 35 )
triarche d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français, étant devenue colonie française, le
texte des lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer ? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquérans, les peuples délivrés ou conquis, des indigènes, des
étrangers , des hommes lib re s, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différens rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des g u erres, «xordonnateur en chef de l ’arm ée d’Égypte.
« I l atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellem ent,
« que quoiqu’il n ’existât à cette armée aucun ordre du général
» en ch ef rem plaçant le G ouvernem ent fran çais, depuis que
» les com m unications avec la France avaient été interrompues,
v pour régler la fo rm e avec laquelle les actes de l'étal civil
» devaient y être r eçu s , l’usage paraissait s’être établi de
» lui-m êm e pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
»> ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la m anière qui leur paraissait conve» n a b le , de leurs m ariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins ri a jam ais été(gén éral, surtout
�( 36 )
*
P O U R D ES M ART A G E S C O N T R A C T E S A V E C DES F E M M E S DU P A Y S ,
» qui
»
SE SO N T F A IT S SOU VEN T E N T R E C A T H O L IQ U E S
DANS
LES
É G L IS E S DU L I E U E T S U IV A N T LE S F O R M A L IT E S U SIT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement n e n a f ix é la form e ni ordonné le dépôt ; et,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en ch ef,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» P iq u e t, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément q u il ne s'en est point trouvé, no» tammenl du commissaire A g a rd qui est mort dans la tra
it versée. Signé S a r t e lo n . »Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
A ucun ordre du général en ch ef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n'en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’armée , et notamment dans les papiers
du commissaire Agard : l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�C 3y )
contractés avec des femmes-du pays , et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lie u , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son m a
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s'il a été dressé procès-verbal dtî*cette décla
ration , et si le général Destaing l'avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l ’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d’état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre , et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres pu blics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’é ta t, que lorsque le
fait même de la possession est contesté , et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�( 38 )
venu la troubler ; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne fait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
- sieur Destaing p è r e , et par la tierce opposition des collaté
raux? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa m ère, dans cette pos
session? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
adm is, l ’on ne peut plus la contester ; la preuve de la pos
session d’état est toute faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
Voyons comment s’exprime le Code Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes , liv. Ier, chap. II :
Art. 019. « La fdiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
»> civil. »
320. « A défaut ih\ titr e , la possession constante de Tétat
,> de Cenfanc legitime suffit. »
33 1. «
possession d’état s’établit par une réunion suf-
» fisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�( 3.9 )
» parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
>’ apparlenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
» il prétend apparlenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
» en cette q u alité, à son éducation, à son entretien et à son
» établissement ;
» Q u’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
« Qu'il a été reconnu pour tel par la fa m ille. »
O n v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il ri importe que
la preuve résulte des fa its p lu s ou moins nombreux , il suffit
qu'elle so it certaine.
Celle de la reconnaissance de la fam ille Destaing ne l ’estelle pas? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la fam ille m êm e, et donné par elle
en présence du magistrat et devant la justice?
Pourquoi faudrait-il p rou ver, par tém oins, d’autres faits
d elà possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa fdle.
« C’est pour l’enfant un malheur detre privé d’un titre aussi
» commode », comme il est diï dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuve.
�( 4o )
» L ’usage tîes registres publics pour l ’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est clans des tems plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de letat d’enfant légitime.
» Différente des conventions q u i, la plupart, ne laissent
« d’autres traces que l’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de fa its extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C ’est ce qu’indique encore le Code Napoléon.
AnT. 525 . « A défaut de titre et de possession constante,
» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription qui a eu lieu dans
le registre public, que la loi admet 'le recours à la preuve
�(4 0
testimoniale pour faire disparaître l’incertitude et la contra
riété, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que Iarticle ajoute: « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit , on lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» lans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-fille, la manière dont il l'a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa m ère, que comme
un commencement de preuve par é c r it, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suPiisans pour prouver la possession d’état ? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
L a délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d A u r illa c , la nomination de l'aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son p ère, des avances faites pour le vo ya g e, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habits de deuil à la veuve, le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complette et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celte possession d’é ta t,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du
6
�( 4a )
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulanl d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble foime donc une
preuve sufii.-ante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
place, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing, et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille D estaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame D es
laing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que Sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avait été saisie, de droit et de fait , de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces actes
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle., et
lui enlever son é ta t, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Us ont pré
tendu qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Us ont , il est v r a i, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais , comment ? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille«
�( 43 )
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle adm issible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent Inexistence , po,ur
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l ’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D esta in g , il faudrait qu’ils y trouvasseht des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l ’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’Etat exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an 11 ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu ,
» qu’il ait été b rû lé , que les feuilles en aient été déchirées
» ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
» des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu il n'y a it pas eu d a cte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. »
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l ’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C o ch in , c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lu i faire obtenir
ja réformation du jugement rendu à M au riac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeij
�(44)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant ; elle n’avait rien à prouver
ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable , que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les y e u x , et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l ’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du m ariage, être re
présenté à l’ofiicier de l ’état civ il, qui a le droit de l’exiger.
»< L ’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
» par celui de son domicile. »
A k t . 71. *< L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
» faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
>1 ou non parens, des prénoms, nom , profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses pére et mère, s’ils sont
» connus; le lieu e t, autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l ’acte.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent signer,
» il en sera fait mention. »
�( 45 )
A r t . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au. tribunal
» de première in sta n ce................................ Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son hom ologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des témoins , et les causes qui
» empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est fa ite , il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état eivil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins q u e,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l ’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
La loi prescrit la forme de cet acte supplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui le fasse admettre.
Madame D estaing, il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l ’absence des registres renferm ant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gyp te, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. L arrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde im périale, inspecteur général du ser
vice de santé des armées, officier de la Légion d’Honneur etc. ;
D on Raphaël deM onacliis, membre de l’institut d'Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef do l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur;
'
M. Daure , ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire- ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau , membre du Corps Lé
g islatif, commandant de la Légion d’H onneur, et qui avait '
commandé au Caire ;
M . M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en '
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’E gyp te, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage D es'a in g , tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugemtnt qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilem ent, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver 1 âge de madame D estain g,
à d e s i m p l e s certificats ; mais il aurait dû s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété lé g a l, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesquelles, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l ’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général M eno u , général en ch ef de l’armée d’Egypte à
l'époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général dea départemens au delà des A lp e s, et du
général de division D upas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d’Honneui, che
valier de l’ordre du L ion , le même qui, étant chef de biigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mnis ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l ’ab
sence des registres de l’état civ il, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont point la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il faut bien qu’el!e soit reco n n u e, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i 5 pluviôse an 12 , le Gouvernem ent a accordé et
augmenté la pension de madame D estaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’e lle'n ’usur-
�(43)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing', qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux , de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’«ût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fdle et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le 2.5 janvier 1808.
J
a u b e u t
,
C
h a b o t
de l ’A llie r, T a r r i b l E j
G r e n ie ii du Puy-de-Dôme.
1
<
�P IE C E S '
j u s t if ic a t iv e s
:
N° 1«.
Délibération du Conseil de Famille à A u rillac, du 5 mes
sidor an xo.
.1 . . .CH‘
E X T R A I T des minutes du greffe du juge de p a ix de
la ville et canton ilA u r illa c , section du nord.
V .11■
1
C e j o iu d ’uui cinq messidor an d ix républicain , devant nous , Jean-Baptiste
Gencste, j u g é . d e p a ix du canton d’A u r/ lla c, section du nord, à comparu,^
le c i t o y e n Pierre Jlestairig, ju g e - p r é s id e n t du t r ib u n a l «le p r e m iè r e instance
de l'arrondissement d ’A u r i l l a c , y d e m e u r a n t , lequel nous a d it que le
citoyen J a cq u es- ZacTiarie JJe.staing son f i l s , général de division, e s t décède à P aris , le quinze, flo réa l dernier, la i sant une f ille unique âgée ^
alors de cinq mois , nommée M a r ie , provenue de son mariage avec A n n e
N a z o , Grecque d'origine ; que la loi déférant à lui comparant la tutelle .
de sa p etite-fille, attendu surtout la m inorité d 'A n n e N a zo sa m ère, et
désirant être confirmé dans ladite qualité, pour pouvoir agir légalem ent,
il ^ amené devant nous plusieurs des plus proches parens du défunt, à l’effet
dejdélibérer tant sur ladite confirmation de tutelle, que sur la fixation de
la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension viduelle de'lè.
dame veuve Destaing ; comme aussi pour donner leur avis sur l’allocttion
des frais de voyage d e là mineure et de sa m ère, depuis Lyon jusqu’à Au
rillac , ainsi que des frais dus pour salaires à une nourrice provisoire depuis
Tarente , ville du royaume de Naples , y com pris un mois de séjour à Lyon 1
jusqu’en cette v ille , lesquels frais le comparant a avancés et se montent i ^
la somme de six cent qualrc-vingt-quatre francs ; et enfin pour être autorisé ^
;i régler tous comples et mémoires de fournitures et autres objets qui pour
raient être à la charge de la succession, et ce laut par lui-m èm e que par ses
fondes de pouvoirs.
■
^
Et de suite pardevant nous, juge su sdit, sont comparus les citoyens L uis-'
Géraud-Cabrie) Fortet , conseiller de préfecture de ce département; Fran-
7
�(5o)
çois-Joseph L abro, avoué, et autre François-Josepli Labro son frère, gref
fier en la justice île paix d ’A u rillac, cousins paternels du défunt ; Antoine
Delzons , membre du Corps L égislatif, oncle m aternel; A lexis-Joseph
D elzons, fils dudit.Antoine, général de brigade, commandant le départe
ment du Cantal ; Pierre et Antoine M ailliy , père et fd s, négocians, cou
sins du côté m aternel, tous habitaos de cotte ville et les-plus proches parens du défuat, auxquels nous ayons fait part de ladite convention, pour
qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis, en leur amc et conscience.
6
ci
nimement cl a vis; i ”. de confirmer îe en ojen uesiaing , ay
neure , dans la qualité de son tuieur, à la charge par lui de faire bon et
fidèle inventaire de tous les effets dépendant de la succession du défunt gé
néral Destaing; faire procéder à la vente dudit m obilier, cl de faire eni)loi utile du prix en provenant, conformément à la loi , après avoir préevé tous frais , dettes et charges de la succession; 20. qu’ils estiment, que
la pension de la mineure , jusqu a ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans ,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à la somme
de s ix cents fr a n c s , que le tuteur- retiendra par ses mains sur la recette de
ses revenus; 5°. qu’ils sont d’avis que les habits de deuil de la dame veuve
D estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n , et qui ne sont
joint encore acquittés, doivent être portés à une somme de m ille francs,
aquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant quittance des
marchands et fournisseurs, laquelle somme lui sera allouée en compte ;
4°. quant à la pension vuluelle de la veuve et de la négresse qu’elle a à son
service, attendu que le. citoyen D e sta in g , tu teu r, leur fou rn it en nature
nourriture, logem ent, fe u , lumière et blanchissage, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de mille fra n cs pour l'année de v id u ité, à compter du
premier p r a iria l, dernière époque de son arrivée en cette ville; 5 °. que la
somme de six cent quatre francs avancée par le tuieur pour frais de voyage
de la veuve et salaire de ladite nourrice , depuis la ville de Tárente jusqu’en
celle ville d ’Aurillac , lui doit cira allouée et passée en ,co m p te; G°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-même que par
ses mandataires , avec tous marchands, fournisseurs, aubergistes et autres
personnes qui pourraient avoir fait des fournitures tant en marchandise*
que denrées, régler leurs m ém oires, en payer le m ontant, soit que ces
fournitures aient été faites à P a ris, h Marseille , au défunt général Des
tain g, o u , à Lyon , à sa veu ve, pendant le séjour qu’elle y a fait ; le
m o n t a n t de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’ il en retirera.
E l ledit citoyen D estaing père ayant accepté la tutelle à lu i déférée,
il a fa it le serment en nos m a in s, de bien et fidellem ent en remplir les
Î
{
"^ D e tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal, pour servir et
Taloir h foutes fins que de raison , lesdits jour et an que dessus, et ont les
comnarans sigri<‘ avec nous; h la minute sont lesdites signatures. Pour expé
dition conforme à la minute étant entre nos m ains, signé Lahp.o , greffier..
�Acte de Notoriété devant le Juge de P aix de M arseille, du
5 fructidor an 11.
E X T 11 A 1 T des minutes du greffe du Tribunal de p a ix ,
second arrondissement i n t r a fn u r o s , dit du sud de la ville
de M arseille.
. Cejourd’hui cinquième fructidor an onze de la république, pardevant
nous , François M a ille t, ju g e de -paix du second arrondissement intra
muros , dit du su d de la ville de M a rse ille , assisté du citoyen Charle*Joseph M ich el, greffier près noire T rib u n al, dans la salle ordinaire de
nos séances , en notre maison d’habitation , est comparue dame A n n e
N a zo , née au Caire en Egypte , veuve du général J a cq u es-Z a ch a rie
D e s ta in g , laquelle nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire con
naître son o rig in e, ce qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu
q u e, dans sa patrie, il n’est point tenu de registres constatant l ’état civ il
des citoyens. En conse'quence, elle nous prie de recevoir les déclarations qui
vont être fahes par des compatriotes qu’elle, a invités à se rendre céant,
relatives à son o rigin e, et qui pourront suppléer au défaut des titres qu’il
lu i est impossible de produire, et de lui en concéder acte , pour lui servir
et valoir ce que de raison.
A l ’instant se sont présentés les citoyens N icolas P a p a s O u glou , c h e f
de brigade, , commandant les chasseurs d’O rien t, âgé de quarante-cinq
ans, né à Chesmet en Asie ; G abriel S a n d ro u x , a u ssi ch e f de brigade du
même co rp s, âgé de trente-six ans, né au grand Caire en Egypte ; A b d a lla
M a n so u r, c h e f du bataillon du même corps, âgé de trente-quatre ans, né
au grand Caire en E gypte; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s , réfugié
E gy p tien , né h A le p ; H an n a A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s , aussi né
à Àlep , réfugié d’Egypte; Joseph D u fe n , né à C onstantinople, âgé de
trente-six. ans, réfugié d’E gypte; et Constatai K ir ia k o , né à Chesmet en
A s ie , âgé de quarante-huit ans, capitaine réformé du régiment des chasseurs
d 'O rien t, lesquels agissant avec la présence et sous l ’autorisation du citoyen
Louis D cconias, interprète juré des langues orientales, moyennant serment
par eux à l’instant prêté , ont individuellem ent dit et déclaré , en faveu r de
la vérité , qu ayant résidé habituellement en E gypte, avant la révolution,
ils y ont parfaitement connu le citoyen Jean N a zo et dame Sophie M ische son épou se, père et mère de ladite A n n e N a z o , née à l'époque de
l'année 1780 , et que ladite dame f u t unie en mariage avec le général
Destaing.
�Les citoyens Joseph Tultingi, Constanti Kirialto et Joseph Duftn ont de
p lu s déclaré individuellement /-¡n'étantpassas en France avec ladite veuve
JJgstaing , ayant relâche à Cèphatonii , dans le mois de, nivôse de l ’an
d i x , ladite dame y accoucha d'une fille q u i f u t tenue dans les fonts bap
tism a u x p a r ie çit¥ A assi/, officier des chasseurs, et p a r la dame Marie.
M ische son ayeult^ ; i>.'
1 ,;ij>ut ‘>1
Desquelles déclarations avons-coiicétlé acte à ladite dame veuve Destaing;
lecture faite du présent, il a clé signé par les citoyens Nicolas Papas Oaglou’
Gabriel Saiulrouç , Abdalla Mansour et Joseph Dufeu, nousdit juge d?;
pair',*'le citoyeiV Deconias, intérpVète , et le citoyen M ichel , greilier ; l'a
¿lame veuve DejUaing et antres idéclarans requis de sign er, ont dit ne
savoir.
Signé Ahdalla , le chef de brigade G abrieU oseph D ufen, L nis Deconias, François M a ille t, juge de paix , et M ich e l, greffier, à la minute. En
registre à M arseille,' etc1. Pour expédition conforme à l ’origfnal1' M iC k Îl,
greftief.
•'
,'u
ii i . i ..
° l>. . ..
.
1 Nous, François-Balthasard de Jullien de M adou, juge de paix du second
arrondissement iutra.m uros, dit du sud de la ville de M arseille , certifions
et attestons à tous qu’il appartiendra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui
a signé, ci-dessus * est greffier près notre T ribu n al, et qu'en cette qualité foi
doit être ajoutée à son seing , tant en jugement que hor». Marseille, le vingt
messidor an treize , J u llie n de Madou. . h j . . .
,• ■
; .1 »■
' " Nous , Ventre Latouloubre, président du Tribunal de première instance
séant à M arseille, certifions véritable là signature ci-des us de M. Jullien
deMadoü.JA M arseille,le vinet-un messidor an treize. Signé "Ventue I.a tg lv
loubre , G uyot;
*
f»
.
•
>
. ■'
■'
Ì.
■
N° 1 1 L
A cte de Notoriété hom ologué par jugement du T ribunal civil
■
x wi> ■ m: d o la Seine^ du i 5 a v r i l' i 8 o6 . '‘ ' NAPO LEO N , par la grâce de Dieu et les constitutions de la république,
Em pereur des Françaisi et Roi d’ Ita lje, à. tous présrtns et à venir, salut ; fai
sons savoir que le Tribunal de première instance d,u département de la Seine,
e n la première section * a rendu le jugement dont la teneur suit :
' ' ;
;Sur l e ’rapport’ fait à l ’audience publique du T rib u n al, par M. JeanLouis Isu ara, juge en ic e lu i, de la requite présentée par Anne Nazo, '-née
aü crahd Caire en Egypte, veuve ilu général Jacques-Zacharie D estaing,
demeurant a P a r is , rue de Sein e, faubourg S a in t-G e rm a in , expositive
qà’ellè a été unie eu légitim e mariage avec le général Destaing, d’après
l e s r i t e s e t usages du p a y s,1 devant le patriarche de la ville ii'A lex a iid ric;
�(SS)
m.'is f*nr. n'étant point en usage rn Egypte de teilir r?gistrr desactcs de I état
c iv il, e(le s(î trouve par là dans l ’impossibilité de faire, au besoin, la preuve
.‘lo ,s.°ï>_ m ariage; qu-ainsi, voulant y suppléer, elle a lait dresser.un acte de
notoriété pardevant le juge; de paix.'de ¿on arrondissement, signé de sept
pfrsojin.es <ji»i ont été témoins de son mariage , pour l’ homologation duquel
cljet a cf j fcnypyée pardevant le Tribunal ; pour quoi elle requérait qu’il
plut an Tribunal homologuer ledit acte de notoriété du 29 mars 1806 , dû
ment enregistré , pour être exécuté suivant sa forme et teneur, ladite
.rçquèje signe/;.'Juge, avoué.
Y 11 par le Tribunal lrsdites requête et demande, ci-devant énoncées, l'or
donnance de Monsieur le président du T ribu n al, du huit présent m o is ,
portant qu’il en sera communiqué à Monsieur le procureur im p érial, et les
conclusions par écrit de Monsieur le procureur im p érial, du dix dudit mois,
portant qu£ vu l ’a v is, il r^empêche l ’ homologation demandée ;
V u aussi l ’expédition dudit qcte de notoriété doqt la teneur suit :
L ’an m il huit cent s i x , le vingt-neuf mars , en notre liôtal, et pardevant
n;:us, Jean G od ard , ancien avocat, juge de paix du dixièm e arrondisse
ment de Paris, assisté d’Alexandre Chcquet notre greffier»
Ést comparue dame ¿in n é ISazo , née au grand Cuire en E g y p te,
veuve du général Jacques-Zacharie D estain g, demeurant à Paris, rue de»
Seine Saint Germain ;
• .Laquelle nous a dit q u e, pendant le cours de l ’an h u it , elle a été unie
eç légitim e mariage ayçq Jaçques-Zaçh,arie Destaing , général division»
^airc i décédé à Pari* dans le cyurs de l’ap di*,; qu e. son mariage a.élé cé
lébré^ re,ligieys?mpnt et suivant les. rites du
, devante le patriarche
d’v^le^axidrie h a b ita n t lç g r a n d Ca iro en E g y p t e ; n ia is q u e n’élanl point
en usage en Egypte dç tenir tics registres des actes de l’état, civ il , elle
so i,rouvç dans 1 impossibilité de représenter , au besoin , l ’acte de célébra
tion de son mariage ; et que , délirant y suppléer par un acte de notoriété
«igné de différentes personnes qui ont été témoins de son m ariage, elle nous
requérait de recevoir la déçlaration des personues cju’elle nous présente, et
a déclaré ne savoir écrire ni sign er, de çe interpelléeSont à l ’instant comparus :
Prem ièrem ent, M. Dom inii/ne- Jean Larrey de Dodeau , ex chirurgien
en chef de l ’armée d’E gypte, premier chirurgien de la çarde impériale ,
inspecteur général du service'd e santé des arm ées, officier de la Légion
d’honneur, demeurant à Paris, cul-de-sac Conty , 11*. 4>
Secondement, D o n E a p h a ët de M onacl/is, membre de l’institut d’Egypte
et professeur des langues orientales à la bibliothèque, demeurant à P a ris,
rue Pavée, au M arais, n". 5.
Troisièmement, M. A ntoine-L cger Sartelon , cx-ordonnatrur en chef de
l ’armée d’Egypte , commissaire-ordonnateur et secrétaire général du mi
nistère de l'administration de la guerre , membre de la Légion d’bonucur ,
demeurant à Paris, ru# Caumartin , n". 3o ;
�( 54 )
Quatrièmement, M. H ector D a u r e , ex-inspecteur général aux revues de
l ’armée d'Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres, demeurant à Paris,
rue du faubourg Poissonnière , n°. 5o;
Cinquièmement, M. L u c D u ra n ta u , général de brigade, membre du'Corps
L égislatif, commandant de la Légion d’honneur, demeurant à P a ris, rue
Saint-ILnoré , 11. 538 ;
Sixièmement, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l ’imprimerie natio
nale en Egypte , et membre de la commission des sciences et arts , aujour
d'hui directeur général de l’imprimerie impériale et membre «le la Légion
d’honneur , rue de la Y rillière ;
Septièmement, M. M artin-Roch-Xavier Esteve , ex-directeur général et
comptable des revenus publics de l'E g y p te , aujourd’hui trésorier général
de la couronne, officier de la Léÿion d’honneur, trésorier de la première
cohorte , demeurant au palais des Tuileries;
L esqu els , après avoir prêté en nos mains le serment individuel de dire
vérité, nous ont dit et d éclaré, et attesté, pour notoriété p u b liq u e, et à
tous q u i l appartiendra, connaître parfaitement la dame A n n e N azo ,
veuve du général Jacques-Zacliarie D e sta in g , fille de Joanny N a z o ,
négociant au grand Caire en Egypte , c h e f de bataillon des chasseurs
d ’ O rien t, et nous ont attesté q u e, pendant le cours de Van h u it, ladite
dame N azo a été unie religieusem ent, et d ’ après les rites du p a y s , eri
légitime mariage avec ledit Jacques-Zacliarie D estain g, par le patriarche
d ‘ A lex a n d r ie , habitant du grand Caire ; que l ’acte de célébration rien a
p a s été rédigé, riétant p oin t d ’ usage en Egypte de tenir un registre de
l ’état civ il; m ais que ce mariage rien est p a s moins con stan t, ayant été
célébré en présence d ’un grand nombre de militaires français et de la p lu
part des déclarons ; que depuis la célébration de son mariag« avec le
général D esta in g , et pendant son séjour en E gypte, ladite dame N a z o ,
veuve D estain g,n a p a s cessé d ’habiter avec son m a ri, q u i l ’ a toujours
traitée comme son épouse légitime.
Desquelles comparutions, dires, réquisitions et attestations, nous avons
donné acte aux comparans et à la dame veuve Destaing; e l, pour l’homolo
gation des présentes, les avons renvoyés p ard eT an t les juges du Tribunal
civ il de première instance du département de la Seine , et ont , tous les
susnommés, signé avec nous et le greffier, après lesture. Ainsi signé,
D. J. L arrey, don R aphaël, Sarielo n , Daure , Durantau, M arcel, E steve,
Godard et Choquet.
Enrrgisiré à Paris , au bureau du dixième arrondissement, le quatre
avril m il huit cent s ix , reçu un franc un d écim e, subvention comprise.
Signé Cahow.
Pour expédition conforme délivrée par nous, greffier de la justice de paix
du dixième arrondissement de Paris. Signé C h o q u e t .
Oui M. Isnard, juge , en son rapport, et M. le procureur impérial en se*
Conclusions, tout considéré;
�( 55)
Apres qu’il en a été délibéré conformément, à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété ci-devant énonce
et daté ;
LE ïiÜ U Ü N A L , jugeant en premier ressort, homologue ledit acte de
notoriété, pour être exécuté suivant sa forme et teneu r, et avoir son effet en
faveur de la requérante , a u i termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit Tribunal civil de première insinstance du département de la Seine , séant au palais de justice, à P aris, où
tenaient le siège M. Berthereau , président dudit Tribunal, l ’un des officiers
de la Légion d ’honneur; MM. Isnard , lJe rro t, Legras el D cberulle, juges en /
la première section, le mardi quinzième jour du mois d’avril de l ’an m il
huit cent six , et deuxième année du rè^ne de Napoléon I er, Empereur des
Français et Roi d’Italie ;
Mandons et ordonnons , etc. En foi de quoi le présent jugement a été signé
par le président et par le rapporteur. Pour expédition , signé M argueré.
Enregistré, etc.
'
Nous président, juge de la seconde section du Tribunal de première ins
tance du département de la S e in e , certifions que la signature apposée au
lias du jugement de l’autre p a rt, est celle du sieur Margueré , greffier dudit
T ribu n al, et que foi doit y être ajoutée. En foi de q u o i, nous avons fait ap
poser le sceau dudit Tribunal. Fait à P aris, au palais de justice, le deux
mai m il huit cent six. Signé Bexon.
~
t
N°
IV .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12.
y
M IN IS T È R E DU T R É S O R P U B L IC .
E X T R A I T des registres des délibérations du Gouvernement
de la République.
Paris, le i 5 pluviôse an 12 de la république, une et indivisible.
t
L e Gouvernement de la République , sur le rapport du m inistre, arrête :
A r t. Ier. La pension de cinq cent vingt francs accordée , par arrêté du
29 floréal an 10, à Anne Nazo, née en E g yp te, veuve du sieur JacquesZacharie D cstain g, général de d ivisio n , mort le i 5 floréal an 10, est portée
K deux m ille francs.
. .
�( 56 )
A r t. II. 1 . « ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, chacun
eu ce qui le concerne, de l ’exécution du présent arrêté.
L e prem ier Consul, signé BO N APARTE. Par le prem ier Consul, le secré
taire d'Ëtat, signe U lt. ues-B. M aret.
Pour copie conforme à l ’expédition officielle, déposée au secrétariat du
trésor p u b lic, le secrétaire général, L e f e v r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L efe v re, secrétaire général,
le ministre du trésor p u b lic, M oluens .
,
•
N°
-.r'
V.
.
Certificat d u 1général M enou, du 18 juillet 1806.
,
,
L e Commissaire général des départemens au delà des Alpes
fa is a n t fonctions de Gouverneur général grand officier
de la Légion d’Honneur.
Je déclare, au nom de la vérité et de l ’h onneur,que, lorsque je comman
dais l’armée française, dite d’O rient, en Egypte, M .le général Destaing, qui
était alors employé à cette arm ée, et qui, depuis, est mort en F ra n ce, s’est
marié en l ’an 8 , avec mademoiselle Nazo (sinne), fille de M. Joanny Nazo,
commandant alors en Egypte le bataillon des G recs; que j’ai su positivement
que le mariage s’est célébré dans le pays (au Caire) avec toutes les forme*
usitées dans le rit g rec; que M. le général Destaing était venu m ’en faire
part d’avance; que m êm e, à cette épotjue, comme dans toutes les autres de
ma v i e , soutenant avèc; énergie la cause 'des nioïurs publiques, je demandai
positivem ent, et sur l ’honneur, a i général D estaing,si son mariage était en
tièrement légitim e, ou si c’était, ce qu’on appelle dans les mœurs corrom
pues de l’O rient, un engagement àtem s; que le général Destaing me répond^
au nom de l'honneur, que c’était le mariage le plus légitim e, et tel qu’il
l ’aurait contracté en France; tpie, d’après cette déclaration solemnellt», je
m ’engageai^ y assisté^, ainsi qu'au repas qui eut lieu après le mariage.*Je
remplis nia promesse; tout s’y passa avec la plus grande régularité, et tel
qu’ il devait ê tre, soui les rapports'civils et religieux.
En foi de qu oi, j’ai délivré lé présent certificat pour'servir et valoir ce qu^
de raison. A T u riu , le 18 jiïillét 1806.L e général M enou.
-C
t »
Par le commissaire général, pour le second secrétaire général du Gouverne
ment , absent par congé et par ordre, signé G éamt
^
�5 7
N° V I .
Certificat du général Dupas , du 3o juillet 1806.
Moi soussigné, général de division, sous-gouverneur du château impérial
de S tupinis, commandant de la Légion d’Honneur, chevalier de l ’ordre du
L io n , certifie q u 'étant chef de brigade commandant la citadelle du Caire eu
E gyp te, sous les ordres du général Destaing, j ’ai eu parfaite et sûre con
naissance de son légitim e mariage avec mademoiselle Anne Nazo, fille de
M. Joanny N azo, commandant un bataillon g rec; j’atteste de plus avoir eu
des liaisons particulières avec beaucoup de personnes très-distinguées dans
l ’arm ée, tant dans le civil que dans le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir
été présentes à ce m ariage, qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute
l'authenticité qu’un pareil cas exige. Eu foi de q uoi j’ai délivré le présent,
pour servir à ce que de droit. A P aris, le 30 juillet 18 0 6 , P. L . D u p a s .
N° V I I .
Lettre du général Destaing à son épouse, du 1 5 prairial an 9.
( l ' adresse est de la main du général Destaing.)
■.,
A lexan drie, le 15 prairial an 9.
I l y a longtem s, ma chère a m ie , que je n’ai pas de tes nouvelles; je desire
que tu te portes aussi bien que moi. Joanny, qui est chez le général Beliard,
devrait savoir quand il part des. détachemens pour A lexandrie, et en pro
fiter pour m’envoyer des lettres. Cependant, il ne l ’a pas fait la dernière
fois : il faut le gronder de ma part, pour qu’il soit plus exact à l’avenir.
On m’a dit que tu étais grosse; je suis étonné que tu ne m’en ayes rien
écrit ; éclaircis mon doute à cet égard. Sois assurée que je t’aime toujours,
qu’il me tarde beaucoup de te revoir. En attendant, je t’embrasse,ainsi que
ta mêre et ta sœ u r, sans oublier la bonne vieille. Le g énéral D estaing.
Enregistrée, etc. A la citoyenne D estaing, à la citadelle du Caire.
HACQUAR.T, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux,
r u e Git-le Coeur, n° 8
^
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Tarrible
Grenier
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing. [suivi de] Pièces justificatives.
pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1802-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
57 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53863/BCU_Factums_M0603.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53488/BCU_Factums_G2502.pdf
f2296be5b8b56001c417a0feab77514f
PDF Text
Text
a a -a ^
jr \ f sr\Æ- s - s r - j r jr ^ r
/ v/ \
/ ^ ' / \ ^ / ^ / x / 'y x / N - ^ /
MÉMOIRE
EN R É P O N S E ,
POUR
LE SIEUR G A L V A I N G ,
PROPRIÉTAIRE •
CONTRE
L
e s
s i e u r s
L O N G U E V IL L E
et
c o n s o r t s
.
L E sieur Galvaing est porteur d ’un billet de 4 ooo livres, souscrit
par le sieur Viole-Delteil, qui est décédé sans s’être libéré. Le
sieur Galvaing a demandé le paiement de sa créance aux enfans
de son débiteur; et ceux-ci, après s’être emparés de la succession,
et en avoir vendu une partie, ont soutenu q u ’ils n ’étaient pas les
héritiers de leur père.
La première discussion que le sieur Galvaing a été obligé de
soutenir, avait donc pour objet de prouver que les sieurs Longueville et consorts, q u i, dans plusieurs actes authentiques, s’étaient
déclarés les héritiers du sieur V iole-D elteil, et q u i , en cette
qualité , avaient vendu tout le mobilier dépendant de sa succession,
étaient bien réellement les héritiers du sieur Viole-Delteil.
Le sieur Galvaing n’a pu les convaincre de ce premier fa it,
qu 'en obtenant du tribunal de première instance cinq jugemens
Préparatoires ou définitifs, et deux arrêts en Cour royale. Il
croyait n avoir plus aucune difficulté à éprouver pour obtenir le
paiement de ce qui lui était d ù; il s’est trompé : on lui conteste
aujourd’hui la légitimité de sa créance. L e billet existe, la signa
ture n' est pas contestée, on ne rapporte pas de quittance, rien
de tout cela n’embarrasse les héritiers Viole.
lIs sont même parvenus a faire juger par le tribunal de com
merce d A
' urillac, malgré le texte de plusieurs lo is , et par déro
gation a sa propre jurisprudence et à celle de la C o u r , que ce
�billet est frappé de la prescription cle cinq ans, prononcée par
¡’article 189 du Code de Commerce.
Le sieur Galvaing a fait appel de ce jugement; et aussitôt les
héritiers Viole ont fait publier un mémoire dans lequel ils ont
débuté par des injures, continué par des mensonges, et fini par
des sophismes ; c’était tout naturel : on ne défend jamais autre
ment une mauvaise cause.
Quant à nous, mépriser les injures, rétablir les faits, et com
battre les sophismes, voilà la tâche que nous nous sommes proposée.
PREMIERE PARTIE.
F A IT S.
L e 20 germinal an 8, le sieur Galvaing prêta une somme de
4ooo livres au sieur V iole-D elteil, qui lui souscrivit un billet
à ordre payable dans un a n , et à vue : on y stipula l ’intérêt à
cinq pour cent, et sans retenue.
L e sieur Galvaing était dans l ’usage d ’obliger ses compatriotes,
et notamment ses voisins; il en avait la facilité, puisqu’il jouissait
d ’une des fortunes les plus considérables de l ’arrondissement : ses
revenus en biens-fonds s’élevaient à plus de vingt-cinq mille fr. r
à quoi il fallait ajouter sou traitement de receveur particulier,
q u i, avec les intérêts de son cautionnement, se portait annuelle
ment à 7100 francs. Son père lui avait en outre laissé beaucoup
de capitaux, q u ’il avait lui-même augmentés, au point q u ’en
1814 ü lui était d û , par actes authentiques, 260,000 francs, sans
y comprendre les créances portées par actes sous seing privé, dont
celui souscrit par le sieur Viole-Delteil était du nombre.
Domicilié dans une petite ville , et ayant par conséquent trèspeu d ’occasions de faire des dépenses considérables, le sieur Galvaiug ne tracassait aucun de ses créanciers, dont tous les jours le
nombre s’augmentait par les nouveaux services q u ’il rendait à
tous ceux qui venaient puiser dans sa bourse.
Le sieur Viole-Delteil, qui était un de ses débiteurs, faisait,
à M auriac, un petit commerce en tannerie; il avait commencé
avec très-peu de ressources, et il avait eu un grand nombre
d ’enfans, q u ’il avait fallu élever et établir; e n fin , quelques
perles, dont aucun commerce n ’est exempt, ne lui avaient jamais
permis de se libérer des difl’érens emprunts q u ’il avait été obligé
�( 3 )
)<r
de faire*, et nous pouvons presqu’affirmer qu ’en aucun tems que
ce soit, le sieur Galvaing n ’aurait pu exiger de suite le rembour
sement des 4°°° libres qui lui étaient dues, sans jeter le sieur
Yiole-Delteil dans un embarras dont son commerce se serait longtems ressenti.
C ’est à cela, mais à cela seulement, que l ’on doit imputer
l ’inaction dans laquelle le sieur Galvaing est resté en gardant
dans son porte-feuille, pendant treize ou quatorze ans, le billet
dont il réclame aujourd’hui le paiement.
Pour prouver que ce billet n ’a jamais été d û , ou a été payé
depuis long-tems, les héritiers Y iole ont dit dans leur m ém oire,
que leur père, qui avait souscrit ce b i ll e t , jouissait d ’une grande
aisance dans son commerce^ qu’ il lu i était très-fa cile3 et p lu s
f a c ile qu’ à bien d ’a u tres, de se libérer d ’une somme de
4ooo livres } s 'il l ’avait d u e; q u i l était peu d ’hommes aussi
exacts que lu i à fa ire honneur à ses affaires¿ etc. etc. (i) .
Nous ne pensons pas q u ’il soit très-utile, dans l ’intérêt de
notre cause, de répondre à de pareilles assertions, i° parce que
ce ne sont que des assertions, et que les héritiers Viole auraient
du commencer . par donner quelques preuves , ou du moins
quelques adminicules de cette prétendue solvabilité du sieur
Yiole-Delteil, et de sa grande exactitude à tenir ses engagemens,
ce q u ’on aurait pu savoir par ses livres-journaux, s’il en a t e n u ,
ou par sa correspondance, si nos adversaires avaient bien voulu
nous la communiquer \ 2° parce que ces faits, lussent-ils vrais ,
ce ne serait pas une raison pour annuller le billet que nous rap
portons, et dispenser les héritiers de celui qui l ’a souscrit d ’en
payer le montant-, car si un pareil système était admis , et s’il
su! lisait de quelques adminicules vagues ou de quelques circons
tances plus ou moins difficiles à expliquer , pour déclarer un
titre obligatoire comme non avenu, (pie de billels il faudrait
jeter au ie u , quoique le montant en fût bien légitimement dùl
^ Mais comme nous tenons beaucoup à faire voir q u ’on cherche «H
induire en erreur la Cour et le p u b lic , nous allons., au déiaut
des registres et de la correspondance q u ’on nous cache si soigneu
sement, prouver, par des actes authentiques et par des monumens
judiciaires, que rien n’est plus faux que tout ce qui a été dit
relativement a cette grande facilité q u ’avait le sieur Yiole-Delteil
^r°'ir ^cs pages 5 et 6 du mémoire d u sieur L on g ucville.
�( 4 )
(le payer de suite une somme de 4000 livres, et sur-tout à cette
extrême exactitude avec laquelle il tenait tous ses engagemens.
Le sieur Viole-Delteil est décédé à C le n n o n t, en mai i 8 i 3 ; et
le 29 juin de l ’année suivante, les héritiers, poursuivis par de
nombreux créanciers de la succession, n’ont d ’autres ressources,
pour en appaiser quelques-uns, que de vendre tous les meubles
meublans , linge, cuivre, et jusqu’aux provisions de bouche, qui
se trouvaient dans la maison du défunt. Cette vente, qui fut
reçue par Delmas, notaire à Mauriac, ne produisit que 1800 fr .,
dont le montant fut délégué aux créanciers.
E n mars i 8 i 5 , le sieur Bonnefons, de*Mauriac, porteur de trois
lettres de change souscrites par le sieur Viole-Delteil, et dont
l ’une était datée du 14 novembre 1810, en demande le paiement ;
ces trois lettres de change représentaient un capital de 2780 f r . ,
et la condamnation en est prononcée contre les héritiers, par juge
ment du tribunal de commerce de Mauriac, en date du 18 mars 1 8 1 5 .
Ce n’est pas tou t; en juin de la même année, le sieur Joseph
Bonnefons, soit de son chef, soit comme héritier du sieur R on nat,
docteur en médecine, se trouve porteur de deux autres effets de
commerce, souscrits par le sieur V io le-D elteil, le 17 brumaire
an 14, l ’un de 2640 francs^ et l ’autre de 3oC>9 francs. Ces deux
effets, quoique souscrits neuf à dix ans avant le décès du sieur
V iole-D elteil, n’étaient pas encore payés; et par lin second jugQment du tribunal de commerce de Mauriac, en date du 3 juin
1 8 1 5 , les héritiers Viole sont condamnés à payer le montant de
ces deux billets.
Ce n’est pas tout encore; le sieur Bonnefons voulant .être payé
du montant des condamnations q u ’il avait obtenues, et ne trou
vant ni meubles, ni marchandises, ni créances actives à saisir,
est obligé de provoquer , par expropriation forcée , la vente de
quelques immeubles dépendant de la succession.
Enfin le sieur Galvaing se met à son tour en mesure d'assurer
sa créance et d'en obtenir le remboursement. Il assigne tous les
héritiers devant le tribunal de commerce de Mauriac, et il demande
contr’eux le paiement de la somme de 400ü livras, montant du
billet à ordre souscrit, en l’an 8 , par leur père et beau-père. Les
assignés comparaissent, ayant à leur tète le sieur Longueville, et
ils ont l ’impudence de répondre q u ’ils 11e sont point les héritiers
du sieur Viole-D elteil; q u ’ils ont renoncé ou entendent renoncer
à sa succession.
�(5 )
Le tribunal de commerce de^ M auriac, par. son jugement du
19 .novembre 1814,- renvoie les'parties devai.it le tribunal c iv il,
pour faire statuer sur la qualité d’h éritier, qui était désavouee.
Devant le tribunal civil, le sieur Longueville
et consorts
persis•
», \ *
. ‘ T> 1 .1
tent à soutenir q u ’ils ne sont pas héritiers de leur père ; mais 11s
n ’élèvent aucune difficulté sur.la validité du billet, et recon
naissent qu’il n’a pas été payé.
Le sieur Galvaing leur oppose q u ’il est très-étrange qu ’ils dé
clarent en ce moment n ’être pas les héritiers du sieur V iole-D elteil,
après avoir en cette qualité vendu tous les meubles qui garnissaient
la maison du défunt, et sur-tout après avoir été irrévocablement
condamnés, en cette même qualité, à payer au sieur Bonnefons
cinq différentes lettres de change ou effets de commerce, se portant,
en capital, intérêts ou frais, à environ 10,000 francs; et sur-tout
encore, après qu e, par suite de cette condamnation, il avait été
procédé, contradictoirement avec e u x, à la vente, par expropria
tion forcée , de quelques immeubles dépendant de la même
succession.
•
■
> .
Eh bien! le croira-t-on? Les héritiers Yiole répopçtent a tout
cela, q u ’il n’existait ni ve n te, ni procédure , ni jugemens, dans
lesquels ils eussent figuré com m e hériliers de leur père; -et en.
conséquence, le tribunal civil de Mauriac prononce un avant faire
droit, qui autorise le sieur Galvaing à faire procéder à un cçuripulsoire, et k faire-expédier tous actes civils ou judiciaires, qui p o u r
raient établir que Longiicville et conforts avaient ;fait actes
d ’héritiers.
'
.
. .
Ce jugement est du 29 avril 1 8 1 7 ; et voici comment le point
de fait y,est énoncé :
« E n l’an 8 et le 20 germinal, le sieur Jean Viote-ï)e,lteil con<( se n tit, en faveur du sieur Galvaing^ un billet de^lii ' somme
« de 4 oofj1 1ivres. .. . .. L e sieur G alyain g, jouissant d ’une fortune
" i opulente, et ne craignant rien,de la part de son <iébil’<çur, n’a
" pus exigé le paiement du montant de cet effet à l’ér.héance........
“ Le iSjicur. yiqle-|)ell(jil est^venu a décéder' sans avoir satisfait à
« son e n g a g e m e n t , çt c. , e tc . >>^
’
•'
^ Nous ne ferons ici, pour le m oment, aucune réflexion sur cet
énonce , et nous nous contenterons de faire remarquer que ce
jugement était c o n t r a d ic t o ir e q u e les qualités furent signifiées
^ux tiois avoués des héritiers Y i o l e , et q u ’il n’y eut pas d’oppo-
�(G )
E n exécution de ce jugendent, le sieur Galvaing fait procéder
à un compulsoire 5 et après s’être procuré une expédition de
chacun des actes que nous avons rappelés, il poursuit l ’audience.
La cause est réappelée le 5 août su iva n t, et les héritiers Viole
comparaissent également par le ministère de trois avoués. Ceux-ci,
presque honteux d ’avoir , sur la foi de leurs cliens , désavoué
l ’évidence même, déclarent s’en rapporter à la prudence du tri
bunal; et aussitôt il est rendu un second jugement contradictoire,
par lequel les défendeurs sont déclarés héritiers purs et simples
du sieur Viole-D elteil, leur père, et condamnés aux dépens. Enfin,
pour être statué sur le fond, les parties sont renvoyées devant le
tribunal de commerce.
Il fut également énoncé dans ce jugement que le sieur G a l
vaing , jouissant ¿1 Vépoque de Véchéance du b illet3 comme au
jo u r d 'h u i ^ d ’ une fortune considérable 3 n ’avait point exigé le
paiement de cet effet aussitôt q u ’il lui avait été permis de le
faire^ et que le sieur V^iole-Delteil était venu à décéder sans
s ’étre libéré envers le sieur Galvaing. Il est encore nécessaire
d ’observer que les qualités de ce second jugement contradictoire
furent signifiées aux trois avoués, et q u ’aucun d ’eux n ’y fit
opposition.
Les sieurs Longueville et consorts font appel de ce jugement;
ils donnent pour griefs, q u ’ils ont été mal-h-propos condamnés
a u x dépens, et il fallut que le sieur Galvaing obtint deux arrêts,
l ’un par d é fa u t, et l ’autre sur l ’opposition formée à la requête
d ’un des appelans. Par ces deux arrêts, le jugement du tribunal
de première instance fut confirmé, et les sieurs Longueville et
consorts lurent condamnés aux dépens, tant de cause principale
que d ’appel.
Après avoir ainsi, pendant quatre années, traîné le sieur G al
vaing du tribunal de commerce au tribunal civil,' du tribunal
civil à la C our royale, et après avoir élevé incident sur incident,
au point que cinq jugemens furent rendus en première instance,
et deux en Cour d'appel, les héritiers Viole sont traduits devant
le tribunal de commerce d ’Aurillac , par suite d ’un arrêt do
renvoi, fondé sur ce que le tribunal de commerce de Mauriac
n’avait pu se composer pour cause de parenté.
Devant le tribunal de commerce d ’A n rillac, les héritiers Viole
changent de système, sans rien diminuer de leur mauvaise foi ;
et après avoir reconnu, dans deux jugemens contradictoires, que
�~
"
f
le billet dont il s’agissait au procès n ’avait pas été p ayé, et que
la fortune opulente dont jouissait le sieur Galvaing était le seul
motif qui avait pu l ’engager a rester si long-tems dans l ’inaction,
ils n’en pensent pas moins q u ’il leur est permis de tout remettre
en question*, ils s’imaginent q u e , malgré le peu de succès qu ’a
vaient eu leurs premiers mensonges, ils peuvent encore en essayer
de nouveaux, et ils font plaider, i° que le billet dont on demandait
le paiement n’était q u ’un blanc-seing dont on avait sans doute
abusé *, 2P que ce billet avait été p a y é , et que ce qui le prouvait
était la grande facilité qu’avait eue le sieur Viole-Delteil de se libérer,
son exactitude à acquitter tous ses engagemens, et l ’état de gène
dans lequel s’était trouvé le sieur Galvaing k une certaine époque
de sa vie 3° et enfin que la prescription de cinq a n s, prononcée
par l ’article 189 du Code de commerce, élevait une fin de nonrecevoir invincible.
Le sieur Galvaing fut très-surpris d ’entendre parler de la grande
solvabilité du sieur Viole-Delteil, de la facilité q u ’il avait eue, à
toute espèce d’époque, de payer une somme de 400° livres , et
plus particulièrement encore de son exactitude remarquable à
payer les dettes q u ’il avait contractées 5 tandis q u ’il était prouvé,
par des actes authentiques et judiciaires, que l ’on avait voulu
renoncer a la succession dudit Viole-D elteil, ou ne l ’accepter que
sous bénéfice d ’inventaire, que tout son m o bilier, en y compre
nant meubles meublant, linge, cuivre, provisions de bouche, e tc.,
avait été vendu peu de teins après sa m o rt, et n ’avait produit
que la modique somme de 1800 francs, laquelle somme on s’était
empressé de déléguer aux créanciers les plus disposés à poursuivre;
et enfin qu'il existait plusieurs lettres de change ou billets sous
crits par le d éfu n t, se portant à des sommes considérables, qui
n ’étaient pas payées à l ’époque de son décès, et dont la plupart
avaient une date antérieure de neuf K dix ans à l ’ouverture de sa
succession : circonstances qui ne permettaient point de croire à la
réalité de cette prétendue solvabilité, et de celte prétendue exac
titude a acquitter les engagemens souscrits.
Mais ce qui surprit davantage le sieur G alvain g, ce fut d ’en
tendre plaider q u ’il avait été dans une position très-critique vis-a
vis de la trésorerie; q u ’il f u t obligé de faire un état de son p a ssif
de son a c tif j et q u ’à celle époque il 11’aurait pas manqué de
reclamer les /jooo livres q u ’il demande aujourd’h u i, si réellement
elles lui avaient été dues3 etc. , elc.
�(S )
' Est-ce de bonne f o i ? ’est-cë bien sérieusement, que de pareilles
assertions ont ‘été plaidées devant le tribunal ? Il faut bien le
croire, puisqu’bn n’a pas'craint de les reproduire dans le mémoire
q u ’on a fait imprimer, et qui avait pour double objet de justifier
le jugement rendu en première instance, et de diffamer le sieur
Galvaing.
';
Nous ne pouvons donc nous dispenser de donner une explication
à cet égard; e t'si l ’on trouve que nous entrons dans des détails
bien longs et bien fastidieux, nous prierons nos lecteurs de faire
attention que le sieur Galvaing se doit à lui-même de dissiper
jusqu’au plus petit des nuages que l ’on a amoncelés sur cette
cause, pour la rendre inexplicable aux juges et au public, et pour
q u e , dans tous les cas, sa délicatesse restât exposée à d ’injurieux
soupçons.
L e sieur Galvaing n’ayant aucun intérêt à rien taire ni à rien
dissimuler , conviendra q u ’en 18 1/§. il devait à la trésorerie
90.000 francs; mais en q u o i, nous le demandons, était-il néces
saire de rappeler cette cil-constance? Etait-ce pour nous donner
une nouvelle occasion de confondre des adversaires q u i, ne sachant
comment justifier un jugement contraire à tous les principes, se
sont jetés dans line foule d ’assertions, q u i, toutes étrangères à la
question soumise à la C o u r, joignaient à ce premier inconvénient
celui de 11e présenter que des faits dénaturés ou entièrement faux?
L a trésorerie voulant éviter les irais de transport du numéraire,
sur-tout à l ’égard des provinces éloignées de Paris , avait nonseulement autorisé, mais encore invité les receveurs généraux et
particuliers à faire des versemens en effets de commerce, tirés sur
des banquiers ou des négocians de la capitale. Cela se pratiquait
ainsi depuis plusieurs années, lorsqu’au commencement de i 8 i /| ,
des entrepreneurs de fournitures pour le compte du Gouvernement,
souscrivirent ou négocièrent, en faveur du sieur Galvaing, receveur
particulier dans l ’arrondissement de Mauriac , pour environ
90.000 francs de traites sur Paris.
(Jes effets furent envoyés à la trésorerie; mais à celte époque,
par suite des événemens politiques qui se succédèrent avec une
étonnante rapidité, les fournisseurs, qui avaient fait des avances
considérables pour le gouvernemenl dont la Fiance venait d ’être
délivrée, n’ayant pu faire liquider leurs créances, ou en obtenir
le paiement , se trouvèrent eux-mêmes forcés de manquer aux
engagemens q u ’ils avaient contractés; ils refusèrent d ’acquitter
�,
&
les effets négociés au sieur Galvaing, et la trésorerie
ne s en crut
pas moins en droit de les laisser pour le compte de son receveur;
et en conséquence ils lui furent renvoyés, avec ordre d’en remplacer
lç montant en deniers effectifs.
Quoique le sieur Galvaing possédât a lo rs, comme il possède
aujourd’hui une fortune des plus considérables, et, q u i , en
fonds de terre, offrait un capital de 5oo,ooo francs, il n ’en était
pas moins très-difficile de réaliser de suite, en numéraire , une
somme de 90,000 francs.
L e sieur Galvaing en fit l ’observation au receveur général qui
était venu vérifier sa caisse. C elu i-ci, reconnaissant qu e, malgré
le déficit qu’il venait de constater, et qui provenait d ’une cir
constance de force majeure, la comptabilité du sieur Galvaing
n’en était pas moins à l ’abri de tout reproche, n ’ôta point à ce
receveur la manutention des deniers publics ; il lui demanda
encore moins sa démission : bien loin delà, il promit de s’in
terposer auprès de la trésorerie pour faire accorder au sieur G al
vaing un délai suffisant; et il lui demanda, pour cet effet, un
état de sa fortune mobilière et im m obilière, q u ’il promit de pré
senter lui-même, aux administrateurs de la trésorerie.
Le sieur Galvaing, soit pour prendre des renseignemens sur le
compte de ceux qu i lui avaient souscrit des effets , soit pour ré
clamer lui-même, auprès de la trésorerie, le délai q u i 'l u i était
nécessaire, partit pour Paris. L ’inquiétude que lui avait donné
cette malheureuse affaire, q u ’il n ’avait pu ni prévoir ni empêcher,
et le besoin de donner un soin particulier à l ’administration de
ses biens personnels, firent naître au sieur Galvaing l ’idée de
faire passer sa place sur la tête de son fils. 11 profila de son voyage
a Paris pour demander à la trésorerie cette marque de bienveil
lance : il 1 obtint; et aussitôt il pourvut au cautionnement de son
fils, ce qui prouve encore que toutes les ressources du sieur Galvamg père n’étaient pas aussi épuisées que le sieur Longueville a
voulu le faire croire.
Voila l exacte vérité, telle q u ’elle est constatée par le procèsverbal du 14 juin 181 /| ; voilà l’origine de cet embarras décaissé,
que le sieur Longueville, croyant sans doute faire une plaisanterie
bien amère et bien spirituelle, appelle une (les épisodes de la vie
financière du sieur Galvaing.
Qu 011 nous pennctie de faire une réflexion qui trouve naluement ici sa place. N ’esi-il pas bien singulier q u ’ un particulier
�ri*
( i° )
qui introduit une action en justice pour obtenir le paiement d ’un
billet q u ’il produit, et dont la signature n ’est pas contestée, soit
obligé de rendre compte au public et aux tribunaux de toutes les
actions de sa vie , de sa conduite comme particulier, et de sa
gestion comme préposé ou administrateur ?
Telle est cependant la position ou se trouve le sieur Galvaing.
U n chicaneur déhonté répond à sa demande judiciaire par un
libelle imprimé, dans lequel il l ’attaque sous le rapport de sa vie
publique et privée. Si le sieur Galvaing ne répond point, son
silence passe pour un aveu déshonorant ; et s’il répond, le voilà
réduit à rendre publiquement un compte q u e , sous le rapport
de sa vie privée, il ne devait q u ’à sa conscience, et qu e, sous le
rapport de sa vie administrative, il ne devait q u ’à ses supérieurs.
Les explications que nous venons de donner ont été nécessitées
par plusieurs passages du mémoire signé L on gueville, et notam
ment par celui qui est à la page 6 , et qui est ainsi conçu :
« On trouve de plus grands sujets d ’étonnement encore dans
« quelques épisodes de la vie financière du sieur Galvaing. Tout
« le monde sait que des embarras de caisse se manifestèrent tout« à-coup; et le sieur Galvaing eut beau faire un appel pressant
« à tous ses débiteurs, le vide ne se remplissait pas. La trésorerie,
« comme la nature, a horreur du vide : il fallut donner une
« démission et des sûretés, etc. etc. »
■Rien n ’est plus perliile que de s ’emparer d ’un fait v r a i, pour,
au moyen de quelques accessoires d ’invention, le dénaturer ou
l'envenimer : le passage que nous venons de rapporter en est un
exemple.
A u reste, nous dirons au sieur Longueville que la vie finan
cière du sieur G alvaing, comme sa vie administrative, comme sa
vie domestique, fut toujours pure et sans tache. Quand on a ,
pendant vingt ans, conservé la confiance du trésor public $ quand
on a été tour-à-tour président d ’ un bureau de bienfaisance ,
membre du conseil général du département, et rnaire de sa ville
natale, on doit avoir donné des garanties suffisantes de délicatesse,
d ’exactitude et de probité; et il serait à souhaiter que tous ceux
qui o n t, pendant un intervalle plus ou moins long, rempli des
fonctionsimportantes ou exercé une profession honorable, n'eussent
jamais fourni à la critique d ’autre aliment que ce que les héritiers
Viole veulent bien appeler uu des épisodes de la vie financière
du sieur Galvaing.
�( . . )
.
ff
Mais, nous a-t-on d it , l 'encre du corps du billet n est pas Ta
même que celle de la signature...... y il e x iste , entre la dernière
ligne du corps de Vacte et la signature} un intervalle considé
rable........y enfin le corps du. billet énonce une stipulation d’in
térêts , et l ’approbation, qui est en toutes lettres, et qui accom
pagne la signature, n ’en parle pas; il porte seulement ces mots î
Bon pour quatre m ille livres. On aurait dû y ajouter ceux-ci :
■Avec Vintérêt (i cinq pour cent.
C ’est donc un blanc-seing ? s’est-on écrié, page 3 du mémoire-,
et maintenant à quelle époque ce blanc-seing a-t-il été délivré?
On sent qu’i l est aujourd’hui difficile de répondre à cette ques
tion , etc.
L a réponse n’était pas cependant bien difficile à tro u ver, et il
ne fallait pas une grande sagacité pour deviner que cette époque
devait être celle où.les /jooo livres furent comptées, en bons écus,
au sieur Viole-Delteil.
A la page 5 , le sieur Longueville se demande encore à quelle
époque ce blanc-seing a-t-il été surmonté de cette écriture cons
titutive d un billet à ordre? ce qui lui donne occasion de s’écrier
encore : Les héritiers f^iole seront apparemment les derniers à,
apprendre les circonstances D E C E T T E O E U V R E M Y S T E
R IE U S E !
E t comme cette dernière expression a paru au sieur Longue
ville une expression du meilleur g o û t , et propre à produire un
giand effet, on a eu soin de la répéter dans plusieurs passages
u memoire, et notamment à la page 7 , où on lit une phrase
assez remarquable, qui est celle-ci :
Ia n d is que les héritiers J^iole voudraient porter la lumière
D A N S C E T E N E B R E U X M Y S T E R E , il v o u d r a it, l u i ,
épaissir L E S 'T E N E B R E S encore ; mais le tribunal d 'A u r illa c
les a dissipées, C E S T E N E B R E S , etc.
Ne dirait-on pas q u ’il s a g it , dans la cause, de quoiqu'épou
vantable histoire, ou de quelqu’abominable piège dans lequel le
sieur Galvaing aurait fait tomber le sieur V iole-D elieil? E t ce
pendant ne perdez pas de vue qu ’il s’agit tout bonnement, tout
simp ement d un billet h ordre signé par le sieur Viole-D elteil,
q u i , de sa propre m a in , a ajouté à sa signature ces mots : Bon
pour quatre m ille livres.
A la Vérité, le corps du billçt n’est pas écrit de la main du
�# (
12 )
sieur Viole-D elteîl, mais voilà aussi pourquoi il ajouta à sa signa
ture une approbation en toutes lettres.
Il est possible encore que l’encre de la signature et l ’encre du
corps du billet n’aient pas tout-à-fait la même nuance; mais cette
différence ne peut-elle pas provenir de la différence des plumes
dont on s'est servi,, et de la différence des encriers qui pouvaient
se trouver sur la même table? et enfin quand il serait vrai que
l ’écriture fût postérieure à la signature, quelle conclusion pour
rait-on en tirer? Dirait-on que c’est l ’abus d ’un blanc seing? mais
un blanc seing n ’est q u ’une signature isolée, que par abus de
onfiance 011 peut faire servir à une autre destination que celle
jour laquelle elle avait été donnée.
Il n ’en est pas de même d ’une signature accompagnée de ces
mots : Bon pour la somme de quatre m ille livres. E lle exclut
toute idée de blanc seing et tout soupçon d ’abus de confiance,
puisqu’elle annonce, dans tous les cas possibles, une obligation
réelle, positive et déterminée.
Ce serait tout au plus un bon en blanc; or, il y a une grande
différence entre un blanc seing et un bon en blanc; et il parait
que le sieur L on gu eville, non content de dénaturer les faits, a
voulu se donner l ’avantage de supposer aux mots une acception
tout autre que celle q u ’ils ont : avec cette tactique, on peut aller
loin , même avec une cause très-déplorable.
La plus terrible accusation portée contre ce b illet, consiste à
dire que l ’approbation en toutes lettres, qui accompagne la signa
tu re, ne fait pas mention des intérêts. Il faut bien se justifier sur
ce chef infiniment g rav e , et voici ce que nous répondrons :
Presque tous les billets portent une stipulation d ’intérêts; un
grand nombre de ces mêmes billets sont écrits d ’une autre main
que celle du souscripteur; et cependant, dans ce dernier cas, on
s’est toujours contenté d ’une approbation en toutes lettres, dési
gnant la somme empruntée , parce que la loi n’en a pas exigé
davantage; au lieu q u e , d ’après le sieur Longueville, si vous
voulez avoir une action en justice, il faudra dorénavant que l'ap
probation en toutes lettres fasse aussi mention, dans le billet que
vous produirez, de la stipulation des intérêts, du taux de ces
intérêts, e t , par la même raison, de l ’échéance de chacun des
termes, c’est-à-dire, que l ’approbation devra être le billet en
entier, sans quoi, d ’après encore le sieur Longueville, on vous
accusera d ’avoir abuse d ’ uu blauc seing, et de suite 011 vous par
�( >3 )
lera d’œuvre mystérieuse, de ténébreux mystères, et vous serez fort
heureux, si l ’on vous fait grâce d ’une tour du nord, et de tous les
ténébreux et effroyables mystères de quelque antique château
d’Ecosse.
Nous n’avons pas encore répondu à toutes les allégations , et
sur-tout a u x pourquoi qui nous sont adresssés, et au moyen
desquels on nous demande une explication sur les circonstances les
plus indifférentes et les plus étrangères à la cause : par exemple,
on nous demande pourquoi, lorsque nous avions un paiement
considérable à faire a la trésorerie, ne nous sommes-nous pas de
suite occupé du recouvrement de toutes nos créances? pourquoi,
dès que nous étions possesseur d’un billet de 4 °°o livres, souscrit
par le sieur V io le -ü e lte il, qui 'vivait à celte époque , et qui p ou
vait si fa cile m e n t, et p lu s fa cilem en t que tant d ’autres débiteurs,
Je libérer de su ite, n’en avoir pas demandé le paiement? pourquoi
civons-nous négligé une ressource toute p rê te , et que nous trou
vions à notre porte ?
Sieur Longueville, lorsque vous parlez ainsi,, vous oubliez bien
des choses ; vous oubliez que votre beau-père était si peu en fonds
d argent, q u ’il fallu t, à sa m o rt, vendre tous ses meubles, pour
acquitter ses dettes les plus pressantes \ vous oubliez q u ’ il s’élait
trouvé dans l ’ impossibilité de payer plusieurs lellres de change
souscrites par lu i, et dont quelques-unes avaient dix ans de datevous oubliez qu e, pour obtenir le paiement de ces lettres de
change, il a fallu obtenir des jugemens, et procéder ensuite à la
vente, par expropriation forcée, de plusieurs immeubles dépendant
de la succession \ en fin , et cec i est bien plus tra n c h a n t, vous
oubliez, sieur Longueville, q u ’à l’époque de ce prétendu embarras
de caisse, le sieur V iole-D eiteil, que vous supposez vivant tout
exprès pour venir au secours du sieur G a lv a in g , s’il lui avait du
quelque chose, était décédé depuis un an : entendez-vous, sieur
Longueville, votre beau-père était décédé? et alors dit^s nous quel
cas devons-nous faire de toutes ces allégations, et de toutes ces
P n-ases si bien arrangées, si bien disposées dans votre mémoire,
ou vous avez dit d’un ton si décidé et si affirmatif :
" A cette epoque ( c ’est-à-dire en juin iBi/j.)? 1° sieur Galvaing
« fit-il quelque demande au sieur V io le , qui vivait en core, qui
“ pouvait payer beaucoup p lu s fa cilem en t que tant d'autres dé•' b i leurs ? Non*, il ne demanda rien, il ne parla de rien dans la
circonstance la plus critique, la plus impérieuse pour l u i .........
�( » o
« C ’était quelque chose pourtant q u ’ une somme de 4000 livres,
« et les intérêts courus. Comment se fait-il que le sieur Galvaing
a ait toujours oublié son voisin, celui qui habitait presqu’en face
« de sa maison, q u ’il voyait tous les jours, et dont la p résen ce,
« dans ces momens de gêne , devait lu i rappeler q u ’il avait là , à
« sa p orte, une ressource toute prête? » (Page 6.)
Il fa u t, ou que le rédacteur du mémoire auquel nous répon
dons ait pris, ses renseiguemens avec très-peu de soin,, ou q u ’il ait
été bien indignement trompé par son cousin André Longueville,
puisqu’il a inséré dans un écrit imprimé des faits aussi matérielle
ment faux.
C ’est avec aussi peu d ’exactitude q u ’il est énoncé dans le même
écrit et à la même page, que le sieur Galvaing fut obligé de
fournir à la trésorerie un état de son a c t if et de son passif. Ces
derniers mots sont de trop , et le rédacteur du mémoire les trouva
sans doute dans le protocole du greffe du tribunal de commerce,
où est déposée cette énorme quantité de bilans qui effraient le
négoce, et dont le sieur André Longueville ne tardera pas à
augmenter le nombre, puisqu’au moment où nous parlons, trente
contraintes par corps le retiennent dans son domicile, et que ses
biens immeubles, qui valent tout au plus 3 o,ooo f r . , sont grevés
de id 9 j 549 francs d ’inscriptions hypothécaires.
Q uant au sieur G alvain g, l ’état q u ’il fournit était une pièce
purement administrative et de confiance, contenant l ’état de ses
revenus et de ses créances actives, portées par actes authentiques.
Cela est prouvé par le procès-verbal de M. Croizet, receveur
général; cela est prouvé p a rce même état dont nous rapportons
une copie, qui est celle que le défenseur des héritiers Viole trouva
dans le dossier du sieur G alvaing, lors de la plaidoirie qui eut lieu
devant le t ribunal de commerce d ’Aurilhtc; et s’il avait alors bien
l u , il se serait épargné cette erreur, q u i, nous ne savons com
m ent, se trouve renouvelée dans le jugement dont est appel. Le
défenseur des héritiers Viole nous doit, à ce sujet, une explication.
Il connaît trop ee que lui impose la délicatesse de son ministère,
pour n’être pas le premier à reconnaître une erreur de fait , à
laquelle son inattention a donné lieu, et q u i, par une autre
inadvertance, se trouve consignée dans un jugement, dont le
projet, avant d ’être signé par M. le président, n’a été commu
niqué ni au sieur G alvain g, ni îi son défenseur, et q u i, dans sa
�.
'( >5 ) .
.
rédaction , présente. comme constant en fait des assertions si
étranges et si évidemment fausses.
Mais, nous dit-on encore, pourquoi la créance de 4000 livres ne
Se trouve-t-elle pas portée dans cet état? L a réponse n ’est pas bien
difficile : c’est parce que l ’on ne devait présenter a la trésorerie
qu ’une situation positive et certaine de la fortune mobilière et
immobilière du sieur Galvaing ; et ce fut la raison pour laquelle
on n’y porta que les créances actives constatées par actes authen
tiques. E n faisant autrement, il aurait été trop lacile à un comp
table de présenter une garantie imaginaire, en se créant à volonté
des ressources qui n’auraient eu rien de réel.
La créance contre les héritiers Viole résultait d ’un sous seingprivé non enregistré, et il ne fut point énoncé dans l ’état fourni
a la trésorerie, parce que cela ne devait pas être. A la même
époque, le sieur Galvaing avait dans son porte-feuille plusieurs
autres billets du même genre, formant un capital de plus de
5 o,ooo francs, et dont, par le même m o tif, il ne fut pas ques
tion. E n fin , si dans cet é ta t, qui n’est q u ’un tableau purement
administratif, on remarque quelques petits articles de 5o fran cs,
de 3 o francs , c’est parce que ces sommes provenaient de reliquat
cle ferm e, ou de quelques créances portées sur le iournal du sieur
Galvaing pète.
- 1
■(
;
T-ous vos P O U R Q U O I , sieur L ongueville, lie'sont donc que
des locutions, dont la chicane aux abois se Sert comme 'd’ une
dernière ressource; et ils nous font assez voir P O U R Q U O I vous ne
voulez pas nous payer, quoique intérieurement convaincu de la
légitimité de notre .créance.
\
1 ‘
Si nous"voulions a notre tou r, e&igév des explications, nous
demanderions'pôjin/uoi, si le ’billet aVait été pavé' depuis lorigPnrV SC 1t'r o n o n c o l ’c enlre les mains du sieur Galvaing ?
IJR Q U O l, dans'le ca^ où on etVt prétexté*qu’ il était égaré, un
omnie au^i soigneux'dans ses affairés que le sieur Viole-D elteil,
aulait-il négligé'de retirer de suite 11^eJquittance , bu ne l’aurait
pas icclamée postérieurement, ayant occasion de le'faire à chaque
m tant de la journ ée, puisqu’il était un des plus''proches voisins
<-u sieur Galvaing? P O U R Q U O I l^i mention de ce paiement ne
H
dans a u cu n ’ de$ livres-yonrnanx du sieur VioleU eltcü , i[n\ était marchand? P O U R Q U O I se serait-il montré
aussi cxaçt a payer cette créance, au sieur G alvain g, (jui, étant
ic et opulent, pouvait attendre plutôt q u ’un -autre, tandis
�( .6 )
q u ’il aurait laissé en circulation deux effets de commerce se por
tant à cinq ou six mille francs, et q u i, quoique souscrits, depuis
n eu f à dix ans, n’étaient pas encore payés? P O U R Q U O I , si le
sieur Longueville et ses cohéritiers sont aujourd’hui si convaincus
que ce billet est payé-, ont-ils laissé insérer, dans deux jugemens
contradictoires, (¡ne le sieur J^iole-Delteil était d écéd é sans avoir
p a y é cette créance ?
Tous ces P O U R Q U O I se présentent naturellement à l ’esprit,
et le sieur Longupville, qui nous a dit tant de choses dans son
mémoire, aurait du nous donner sur tous ces points une expli
cation bonne ou mauvaise; il a mieux aimé nous faire une his
toire , que le rédacteur s'est plu ensuite à revêtir de tous les
charmes du style. Cette histoire se trouve à la page 7. L a voici :
« A son lit de m ort, à cette heure dernière, où l'homme aban-?
« donne un séjour d ’astuce, de tromperie, de mauvaise foi, pour
« se jeter dans, les bras de son D ie u , le sieur V io le , mourant loin
« de sa famille, vo u lu t que toutes ses dettes fu ssen t p a y ées, et
« emporter avec lu i la promesse de les solder toutes:; i l en avait
« peu : il lui fut aisé de les rappeler à Syi mémoire, et il le lit,
« Il dit à son gendre, en présence de plusieurs personnes, tout
« ce q u ’il devait. I l nomma, des négocions d 'A u r illfic , c/ui
« depuis o n t été payés. Le nom du sieur Galvaing ne sortit pas
« de sa bouche.. Aurait-il oublié une dette de 4 °oo livres de
« principal ?.........
« Vous 11’entendez pas ce silence, sieur Galvaing? Vous ne le
«( comprenez pas?......... etc. etc. .,
Un grave, un très-grave personnage, que nous avons toujours
considéré comme un homme du plus grand mérite, trouvait trèsmauvais que, dans une cause solennelle qui avait.attiré un nom
breux auditoire, un des avocats plaidans eût hasardé quelques
figures de rhétorique ; il.s’indignait.(leJ'inc.pnpmpice qij’on s’était
permise en faisant parler l’ombre d ’uu respectable magistrat, à
propos des souffrances q u ’avait éprouvées, une malheureuse épouse,
dont ce magistrat avait été long-tems le consolateur et l’appui.
A quoi lion , disait-il, faire des phrases, lorsqu’on ne doit donner
que d e s raisons? Si je voulais, ajoutait-il, (aire aussi une prosopopée, rien ne me serait plus facile; mais je dédaigne d'employer
des ressources oratoires qui ne sont bonnes q u ’à exercer des étudians
de collège.
Nous ne rappelions celte anecdote que pour opposer ici au sieur
�s T )
”
,
, <1
Longueville une autorité que bien certainement il n osera pas
récuser, et cela nous donnera occasion de lui demander à quoi
bon cette figure de rhétorique, au moyen de laquelle on nous
représente au lit de m ort, à cette heure dernicre où l homme
abandonne un séjour d ’astuce, de tromperie et de mauvaise f o i ,
pour se je te r dans les bras de son JDieiij etc.; Viole-Delteil
n ’éprouvant d ’autre inquiétude que celle que lui inspirait le sort
de ses créanciers; n ’ay a n t, à la vue de la mort qui s approchait ,
rien de mieux à faire que de se rappeler toutes ses dettes civiles
et commerciales, écrites ou verbales.
A la vérité, 011 ne peut pas dire que c’est une prosopopce,
puisque ce n’est pas l ’ombre d’un mort qu on fait parler , mais
bien un mourant; ce n’en est pas moins une fiction. O r, lorsqu il
s’agit d’une demande en paiement d ’un b ille t , une fiction , si
ingénieuse qu’elle soit, n’équivaut jamais à une quittance à l ’égard
du débiteur, et à un paiement réel à l ’égard du créancier.
Prouvons maintenant que c’est une fiction, et que cette fiction
n’a pas même le mérite de la vraisemblance ; et d ’abord nous
conviendrons qu’en général un mourant ne s’amuse guère à dé
biter des mensonges, et que particulièrement le sieur Viole-Delteil
nous a toujours paru trop honnête homme pour déshonorer à ce
point les derniers instans que la Providence lui laissait pour se
réconcilier avec sa conscience; mais, ajouterons-nous, en nous
adressant au sieur Longuevillé, si votre beau-père était, dans un
pareil moment, incapable de m entir, qui nous garantira, sieur
Longueville, que vous ne meniez pas un peu, lorsque, sans au
cune preuve écrite ni testimoniale, vous venez nous rendre compte
des dernières paroles de votre beau-père? Les magistrats qui doi
vent nous juger, et le public qui voudra bien avoir la bonté de
nous lire, ¿ont-ils obligés de s’en rapporter à voire déclaration?
Ce n’est pas tou t; et quand il serait vrai que le sieur \ io le D e ltc il, sur le point de m ourir, eut retenu un dernier souille
de vie pour vous parler de ses dettes, serait-il bien extraordinaire
(Iue dans un moment oii tous les organes sont affaiblis, il eut
oublié quelqu’un de ses créanciers ? et serait-il bien déraisonnable
diie (pie votre histoire, fùt-elle vraie, 011 ne pourrait rien en
conclure dans la cause?
Mais encore une fois, sieur L o n g u e ville , est-ce bien une histoire
que vous nous avez racontée? Nous ne le pensons pas, et voici ce
qui nous fait naitie des doutes :
3
�r ro ; ^-------------- ; ------ '■•; t----- “
Q u ’un m ourant, soigneux de liquider sa conscience, désigne ai
ses héritiei’s des dettes q u ’il a contractées, et pour raison des
quelles il n’a fourni aucun titre, cela se conçoit*, le plus souvent
il les énonce dans un testament, parce q u e , par ce moyen , il
procure à ses créanciers un titre qu ’ils n ’avaient pas; quelquefois
m êm e, s’en rapportant à la délicatesse et k la probité de ses hé
ritiers, ce qui n’est pas sans danger, il leur recommande verbale
ment certaines dettes q u ’il avait contractées, et dont il n’existait
aucune preuve écrite.
Mais ce q u ’il sera très-difficile de concevoir, c’est q u ’un m ou
ran t, si délicat, si consciencieux q u ’il soit) prenne la peine , à
son lit de m o r t, de rappeler à ses héritiers les différentes dettes
q u ’il a contractées par écrit.
.’ .
Ce qui augmente notre incrédulité, c’est d ’entendre raccuiter
au sieur Longueville que son beau-père avait très-peu de dettes ;
qu i l ne lu i f u t pas difficile de se les rappeler, et qu il nomma'
des créanciers d ’A u r illa c } qui depuis ont été payés.
Lorsque vous avez donné à votre défenseur l’idée de cette belle
fiction, vous aviez donc o u b lié , sieur L ongueville, que votre
beau-père a laissé des dettes considérables et nombreuses dans la
ville de Mauriac et partout ailleurs; q u e , par exprès, il devait
au sieur Bonnefons, de M auriac, cinq lettres de change; que les
sieurs Fialex, Domergue, Gourdon , étaient aussi ses créanciers?
Ces p a rticu lie rs , n’étant pas d’ A u r ill a c , ne furent donc pas
nommés par votre beau-père, e t, d’après votre excellente logique,
il faudra en conclure q u ’il ne leur était rieu dû.
E n fin , comment pourrez-vous parvenir à nous faire croire à
cette promesse solennelle, que le sieur Viole-Delteil exigea de
vo u s, que vous lui. fîtes à son lit de m o rt, et par laquelle vous
vous chargeâtes de payer toutes ses dettes, lorsqu’aussitôt après
son décès, nous vous avons vu renoncer à sa succession ? Ne voilàt-il pas une promesse bien tenue !
E n nous résumant, ce passage du mémoire des héritiers Viole
serait plus que ridicule, si l ’on ne voyait pas q u ’on y a voulu
faire l’essai du genre pathétique, et que ce n ’est pas la faute du
rédacteur, si, dans cette touchante histoire, il n’a pu rencontrer
ni la vérité ni la vraisemblance.
L a nécessité où nous avons été de donner une foule d ’explica
tions, pour démontrer la fausseté d ’une foule d ’assertions, nous
�a fuit perdre de vue l ’audience qui eut lieu devant le tribunal de
commerce d’Aurillac, et nous nous hâtons d ’y revenir.
* Nous avons dit que la défense des héritiers Viole consistait
principalement dans une fin de non-recevoir, fondée sur la pres
cription de cinq ans. L e sieur Galvaing ne croyait pas avoir de
grands efforts à faire pour xepousser cette fin de non-recevoir*, il
se contenta d ’invoquer les articles 2 et 2281 du Code civil, et de
rappeler au tribunal sa propre jurisprudence, jurisprudence de
laquelle il devait d’autant moins se départir, q u ’elle avait été
consacrée par un arrêt de la C ou r royale de Riom.
Je sais bien , ajouta-t-il, q u ’on vous dii’a que les Cours chan
gent par fois de jurisprudence, et que vous devez en faire autant,-,
mais ne perdez pas de vue que, s’agissant ici d ’appliquer une règle
de droit, et de rapprocher plusieurs dispositions législatives, afin
d ’en bien saisir le sens et l ’esp rit, vous devez craindre de vous
égarer au milieu de cette discussion abstraite, que l ’on a élevée sur
la rétroactivité des lois, et sur les différentes natures de prescrip
tion. Le plus sûr est de vous en rapporter à une jurisprudence
que vous avez déjà adoptée, et que vous avez eu l ’avantage de voir
consacrer par la Cour de Riom ; et comment oseriez-vous vous
écarter d ’ une route qu e vous avez suivie jusqu’à présent, et alors
sur-tout que des magistrats, qui vous sont supérieurs en autorité et
en lumières, vous ont averti que vous étiez sur la bonne voie ? Si
cette jurisprudence est fa u tiv e , comme cela est dans l ’ordre des
choses possibles, c’est à la Cour que vous devez laisser le soin de
reconnaître son erreur; vous lui devez cette marque de respect et
de déférence par bien des raisons; et il y aurait peut-être une
espèce d ’inconvenance, q u e , sur cette matière q u i , quoique aban
donnée en ce moment à votre décision par les lois de la hiérarchie
judiciaire, n’en est pas moins étrangère à vos études de chaque
jo u r, vous aillez prendre l ’initiative sur le changement à opérer
dans une jurisprudence que vous avez établie, et que la Cour de
10m a consacrée, après un mûr examen et après une plaidoirie
contradictoire.
L e tribunal de commerce d ’A u rillac, convaincu de son indépen
dance, et se croyant assez éclairé pur la dissertation dont le dé
fenseur des héritiers Viole lui fit lecture, rendit un jugement
qui changea sa jurisprudence antérieure, et dérogea à celle de la
Cour.
L e sieur Galvaing fit appel de ce jugem ent, aussitôt q u ’ il lui
�( 20 )
eut été signifié-, cl ati moment où il allait poursuivre une audience
auprès de la C o u r , les héritiers Viole ont publié et fait répandre
un mémoire im prim é, q u i , en renouvelant les assertions inju
rieuses et mensongères q u ’on s’était permises à l ’audience, nous a
donné, pour notre instruction et pour celle du p u b lic , un traité
eæ professo , sur tous les cas où la loi peut rélroagir, et sur la
manière dont il faut dnteudre la législation en droit civil et en
droit commercial.
Nous venons de voir q u ’aucuns des faits énoncés dans ce mémoire
n’étaient conformes à la vérité; et il ne nous reste plus q u ’à
examiner si, du moins en point de droit, les objections qui nous
ont été faites ont quelque fondement : c’est ce qui fera l ’objet de
la seconde partie de cette défense.
SECONDE PARTIE.
D ISC U SSIO N .
Nous voici donc arrivé à la discussion du point de d r o it, et
nous nous mettons sous les yeux la page du mémoire, oii l ’on a
commencé la dissertation à laquelle on s’est livré, pour justifier la
décision des premiers juges.
Voulant procéder méthodiquement, le rédacteur du mémoire
pose d ’abord la question q u ’il se propose de t r a ite r , et il se
dem ande,
S i un billet à ordre, souscrit par un marchand , antérieure
ment à la publication du nouveau Code de com m erce, doit être
réputé prescrit ; si, depuis ce nouveau Code , il s ’est éco u lé cim/,
années sans aucune demande de la part du porteur.
« Cette question importante (nous dit-il) mérite une discussion'
« A P P R O F O N D IE . Elle est déjà l ’objet d’une controverse qui
« cesserait bientôt, si l ’on se pénétrait des principes qui doivent
« donner une solution suffisante. »
Ce d é b u t, qui annonce une grande tache à remplir, avait pour,
principal objet rie répondre d’avance à une objection à laquelle on
devait s’attendre, et qui consistait à dire que la C o u r royale de
Riom avait, depuis très-peu de teins, adopté une jurisprudence
contraire à celle q u ’on voudrait aujourd’hui lui faire consacrer; et
voilà pourquoi 011 se lia le de nous faire entendre que si la Cour
royale de lliom a admis un système différent, c’est parce q u ’elle
�6f
( 21 )
ne s'étcdt pas pénétrée des. principes qui doivent donnei' une
solution suffisante, et’ q u ’on ne doute pais que la discussion
A P P R O N F O N D I E à laquelle on va se livrer, convaincra cette
Cour de son erreur.
. i
Voici comment on continue :
« Il semble d’abord que c’est donner un effet rétroactif au Gode
« de commerce , que de vouloir appliquer l ’une de ses dispositions
« à un acte existant avant la mise a exécution de ce Code.' C ’est,
« nous en convenons, la première idée qui frappe l ’esp rit, quand
« on entre dans l ’examen de la question^ et nousj ne sommes pas
« surpris de voir que plusieurs Cours et trib un au x, effrayes par cette
« idée de la rétroactivité de la loi., .aiient commencé jpar juger la
« question dans» le sens négatif. On saisit 3 en premier lie u s Vidée« la p lus sim p le, et il fa u t du tems et de la réflexion pour être
« convaincu (pie l ’idée la p lus simple n’est pas la m eilleure. .»
C ’est dire, en termes bien clairs, .« que la C our,royale de
« Riom i en adoptant! une jurisprudence que le rédacteur se pro« pose de combattre , / é ta it abandonnée à V.idé& la p lu s, simple ,
« et. q u ’avec un-peu p lu s dç tems et de réjlexion y elle se serait
« aperçue que V idée la p in s simple n’ est pas toujours la incilleure. »,
U ne particularité de cette cause q u ’ il ne .frtut pas perdre.de vue,
c’est que le rédacteur de ce mémoire p.vait, depuis très-peu de
tems, soutenu un sysf.çme absolument çoutivnre à celui q u ’il
professe aujourd’hui, D é f i e r . l a C ou r àqhanger de jurisprudence
n ’est pas ce qui embarrasse ,1e défenseur des héritiers Viol.ç : cela
lui paraît assez facile, et très-naturel. Les C ou rs, nous dit-il ,
changent par fois de jurisprudence ; mais convenir lui-même q u ’ il
s était trompé, voilà ce qui lui parait bien plus embarrassant.
Voyons, au reste, comment il s’ y prend pour persuader à la
Cour qu’elle ne doit pas avoir de honte de convenir de son erreur.
« Le R E D A C T E U R de ce mémoiro ne craindra pas de dire que
” le tribunal, et puis la Cour royale se sont trompés, p u isq u 'il
« «voliera ainsi s ótre trompé lui-même ». (Page 9.9).
Voila qui est très-positif; la Cour ne doit pas craindre de dire
q u elle s est trompée, puisque le défenseur des héritiers Viole 11e
ciaint pas lui-mcme de convenir de son erreur.
A la iiicme ]);ige 011 remarque le passage suivant :
“, ° U I > 1(; R k l ) A C l L U 11 de ce mémoire avait pensé <|ue
« c était donner a l’article 189 du Code de commerce un ellet
H Jétioaciii, en 1 appliquant aux billets à ordre antérieurs à ce
v
�( 22 )
« code-, I L A V A I T P E N S É que l’article 2281 du Code civil
« régissait aussi les matières commerciales; et ce ri est que des
« réflexions p lu s mures} des études p lu s approfondies3 qui lui
« ont révélé son erreur. Ces études3 ces réflexions } dont il vient
« d ’exposer les résultats, serviront à le combattre lui-même } en
« mettant à jo u r Verreur du jugem ent du tribunal d 'A u r illa c ,
« et de Varrêt de la Cour de Riom . »
■ Ainsi donc des réflexions p lu s mûres, des études p lu s appro
fo n d ies ont révélé au défenseur des héritiers Viole l ’erreur dans
laquelle il était tombé;' et ces études et ces réflexion s, dont il
nous a exposé les résultats, serviront non-seulement à mettre à
jo u r l ’erreur du jugement du tribunal d ’Aurillac et de l ’arrêt de
la Cour de Riom, m ais, ce qui est bien plus fort et bien plus
heureux pour nous, elles serviront à le C O M B A T T R E L U I M EM E.
E n v é rité , ceux q u i , relativement à la même question, per
dirent, l ’année dernière, leur procès devant le tribunal d ’A urillac,
et puis devant la Cour ro yale, doivent déplorer cette fatalité ,
qui a voulu que le défenseur des héritiers Viole se soit livré si
tard à des études p lu s approfondies et à des réflexions plus
mûres, dont les résultats, exposés et publiés dix-huit mois plus
t ô t , auraient mis à jo u r l ’erreur dans laquelle la Cour allait
t o m b e r , et empêché une injuste condam nation.
Cependant le-sieur Durat-Lassalle, qui perdit alors son procès,
aurait grandement tort d eprouver quelques regrets : la Cour ju
gerait aujourd’hui comme elle jugea alors; et quoiqu’en dise le
sieur L on gu eville, et quelqu imposante que soit l’autorité d ’une
décision émanée du tribunal de commerce d ’Aurillac, il nous
semble que nous avons quelqu’avantage dans cette cause, et que
nous pourrons, avec confiance, hasarder d’entrer dans une dis
cussion où nous aurons pour objet d ’établir qu ’une jurisprudence
adoptée par une des Cours les plus éclairées du royaume, doit
être considérée comme n ’étant pas contraire aux principes, d ’une
manière aussi claire et aussi évidente que le sieur Longueville a
essayé de nous le persuader (1).
( i ) Les avocats étaient M* A l l e m a n d el M® B a t l e . T o u s les moyens que l ’ on a fuit
valoir dans le mémoire auquel nous répondons furent alors produits et combattus j
l’ intérêt du c o m m e r c e , l'opinion individuelle de Savary , le dernier arrôt de la C our
royale de Paris, tout fut in v o q u é ; et quelqu e b o n n e opinion que nous ayons des
reflexions plus mûtes et des éludes plus approfondies d ont les précieux résultats on t été
�Nous ne pousserons pas plus loin les observations que nous a
fournies une première lecture de la longue dissertation a laquelle
on s’est livré •, et avec un sentiment moins pénible, nous allons
maintenant essayer de réfuter les objections q u ’on nous a faites,
et tâcher de prouver que le tribunal de commerce d ’Aurillac aurait
bien mieux jugé en maintenant sa propre jurisprudence, et en se
conformant à celle de la Cour.
Nous voudrions aussi essayer de procéder méthodiquement dans
cette discussion -, et pour cela nous commencerons d ’examiner s i ,
sous l ’empire de l ’ordonnance de 16 7 3 , les billets à ordre étaient
assujettis à la prescription de cinq ans.
. L ’article a i , titre 5 , de cette ordonnance, déclare que les
lettres ou billets de change seront réputés acquittés après cinq
ans de leur échéance , s’il n ’y a eu ni poursuites ni condamnations.
La première idée qui vient à l’esprit, c’est que cet article 11e
parlant point des billets à ordre, ceux-ci sont restés soumis à la
prescription ordinaire, qui était alors, comme aujourd’hui , de
trente ans.
Dans le mémoire du sieur Longueville, pages 18 et 19 , on a
cherché à nous prouver que cette première idée n’était pas raison
nable, et que l ’article 2 1 , titre 5 , de l ’ordonnance de 16 7 3 , s’ap
pliquait aux billets à ordre. Pour le démontrer, on a invoqué un
arrêt rapporté par Denisart.
L a citation ne pouvait être plus heureuse, sur-tout ayant eu
soin de faire apercevoir que cet auteur, avant de rapporter cet
arrêt, avait commencé par dire q u o n pensait unanimement que
la disposition précitée de l ’ordonnance de 1673 s’étendait à tous
billets à ordre.
Cependant il n’était guère possible d’accorder ce premier pas
sage de Denisart avec cet autre passage du même auteur, où il
nous d it, après avoir rendu compte de l ’arrêt du i er septembre
« Il me semble que l ’opinion adoptée par cet arrêt n ’est pas
'< conforrne aux règles. E n effet, toute espèce de prescription doit
être établie par une loi. Il y en,a üne pour les lettres de change;
<( 1 n y en a point pour les billets à ordre. Ce genre de prescrip
tion est extraordinaire ; et il est d ’autant moins permis de
a
m ^mo*rc dû sieur L o n g u e v ille , on nous permettra de croire qu’ on n ’ÿ
d« sieur Durà” l L CaUlie l
° ^
^
développé par l ’avocat qui plaidait alors la cause
�V • J
'
« l ’étendre d ’ un cas h un autre, q u ’en général toute espèce de
« prescription est odieuse. »
Ce n’est-là, nous a-t-on d it, que l ’opinion individuelle de D e
nisart, dont le plus grand mérite est d'être un annotateur fidèle
et méthodique; et une opinion aussi isoléo et d ’aussi peu d ’im
portance n e peut, ajoute-t-on prévaloir sur Yopinion unanime
des auteurs, qui tous ont décidé que les billets à ordre étaient
soumis à la prescription de cinq ans.
Le défenseur des héritiers V io le , qui nous a annoncé avoir fait
de si grandes recherches pour éclaircir la matière que nous trai
tons, aurait bien d ù , pour notre propre satisfaction, nous citer
le nom dei quelques-uns des auteurs qui avaient donné une telle
extension à l ’article 21 du titre 5 de l ’ordonnance de 1673 ; et
puisqu’il y avait, en faveur de ce système, opinion unanime des
jurisconsultes, il ne pouvait être embarrassé que sur le choix des
autorités à invoquer.
■ Tandis que s’emparer, pour toute démonstration, d ’une phrase
qui pouvait avoir été écrite sans beaucoup de réflexion, et qui
d ’ailleurs se trouvait en opposition évidente avec ce que-le même
auteur disait plus ‘bas, et en termes bien i'ormqlà$: ne pouvait
donner une grande idée ni de l’excellence du système q u ’on sou
ten ait, ni de la profondeur des éludes auxquelles on s’était livré;
e t , par exemple, 11’élait-il pas naturel de se demander comment
Denisart, qui'devait au moins avoir le sens 'commun,»¡se serait-il
permis de ¡dire que ¡l'arrêt du i cr septembre 17G0 était contraire à
tous les principes-, si réellement il avait pensé lie cet arrêt était
conforme a l ’ojnnion unanime de tous lfes jurisconsultes (1).
Ce n ’est pas tou t; Jousse, qui écrivait avant Denisart, et qui
nous a ¡laissé un commentaire très-estimé sur l ’ordonnance du
1G73, avait d it, en parlant de l ’a rlk le -xi du titre 5 :
« La disposition decetl article étant limitée aux lettres et billets
« de change, il s’ensuit q u ’elle ne doit point être étendue aux
«• autres billets, de1quelqù’espèce qirils(soient, soit au porteur ou
«¡ à ’ordre.! Ainsi l ’action pour-le! paiement de ces dernières lettres
«; dure trente ans , comme celle de toutes les autres ¡promesses, et
«- ne co u rt-pas contre les m in eu rs/»
!
t
>r
( 1) Nous savons bien que quelques personnes ont la modestie de croire q ue leur
opinion, doit prévaloir sur, la jurisprudence! udoplée par, les Cours souveraines', et suri
1‘V lQ cJniie «.’iijseigujju p*r,tou$ les auleiirs ) ûwisiÆCs pcrsônnes-là u’ ccrivaicut point du
lerns de Denisart.
■ ,f.
�( 25 )
^
Voilà déjà une preuve qu’à l ’époque où Denisart écrivait, on ne
pensait pas unanimement que la prescription de cinq ans, prononcee
par l ’ordonnance de 16 7 3 , s’étendait jusqu’aux billets à ordre.
Mais il y a plus : c’est q u ’aucun ou presqu’aucun des auteurs qui
ont rappelé les dispositions de cette ordonnance, n ’avaient, alors ni
depuis, soutenu un pareil système, q u i , d’ailleurs, se trouvait
évidemment contraire à la lettre et à l ’esprit de l ’ordonnance.
Mais à quoi bon remonter si haut ? Ce point de doctrine n’a-t-il
pas été fixé, non-seulement par des auteurs bien plus recommandables et plus récens, mais encore par plusieurs arrêts de la Cour
suprême ?
L e i 5 frimaire an 11 , cette question se présenta devant la Cour
de C olm ar, qui décida que la prescription de cinq ans, prononcée
par l ’ordonnance de 1678 , ne s’appliquait q u ’aux lettres ou billets
de change, et non à un billet q u i, quoiqu’à ordre, ne pouvait
être considéré, ni comme lettre de change, ni comme billet de
change. On se pourvut contre cet arrêt, et le pourvoi fut rejeté.
(V oir Denevers, tome 1 " , page n3 i . )
M. Merlin, dans son Répertoire de Jurisprudence, verbo Billet
a ordre, observe que l ’une des différences mises par l ’ordonnance
entre la lettre de change et le billet k o rd r e , c’est que la lettre de
change était réputée acquittée après cinq a n s, à compter du jour
de la dernière poursuite, tandis que le billet à ordre ne se pres
crivait que par trente ans. M. Merlin rapporte un arrêt de la Cour
de cassation, du 2 novembre 1807 , par lequel il a été jugé que la
prescription de cinq ans ne pouvait même s’étendre aux billets à
domicile, quoiqu’ils aient avec les lettres de change beaucoup
plus d ’analogie que les simples billets à ordre.
Le Kj août 1 81 1 , cette Cour a cassé un arrêt de la Cour
d appel d ’Amiens, qui avait jugé que l ’article 21 du litre 5 de
ordonnance de 1G73 s’appliquait à des billets qui n’étaient ni
cttres de change, ni billets de change. Voici un extrait du disposun de 1 arrêt rendu par la Cour de cassation : « A tten d u ,
1, ,l*^eu,'s > que la prescription établie par l ’article 21 , titre 5 de
<( 01 donnance de 1 6 7 3 , étant lim itée a u x lettres et billets de
« c lange ne peut être étendue à des billets d ’une autre 11a« Mue, e tc ., casse. »
Enfin 1 orateur du Gouvernement (M . Bégouen), en présentant
au coips législatif le titre i er du Code de commerce, a lui-même
îemaïqué que la disposition de l’article 189 é la il, en ce qui (.ou-
�( 26 )
cerne les billets à ordre, introductive d’un droit nouveau. « L ’or« donnance, a-t-il d it , par son arricle a i du titre des lettres et
« billets, avait fixé à cinq ans la prescription, en fait de lettres
<« ou billets de change, et n’avait rien dit sur les simples billets à
« ordre; ce qui laissait la prescription, à leur égard, dans les
« ternies du droit commun , fixée à trente ans. »
Les rédacteurs du Journal du Palais, tome 4 ^, Page ^67, en
rendant compte d ’un arrêt de la Cour d’appel de P a r is , et dont
nous aurons occasion de parler dans la suite, commencent par
reconnaître que « dans l ’ancienne jurisprudence, on tenait pour
« constant que les billets à ordre n ’étaient sujets q u ’à la prescrip« tion trentenaire, à la différence des lettres et billets de change,
« que l ’article 21 du titre 5 de l’ordonnance de 1673 soumettait
« à la prescription de cinq ans. »
■Malgré tout cela, c’est-à-dire, malgré les trois arrêts rendus par
la Cour de cassation ; malgré l ’opinion de M. M erlin , celle de
Jousse, et l ’observation faite par Denisart, en rendant compte cle
l ’arrêt rendu par le parlement de Paris, le i er septembre 176 0 ;
malgré le discours prononcé par l ’orateur du Gouvernement, lors
q u ’il présenta au corps législatif le titre i er du nouveau Code de
commerce; et enfin malgré l ’avis presqu’unanime de tous les com
mentateurs et arrêtistes, le défenseur des héritiers Viole n’en a
pas moins soutenu , d ’après une phrase de Denisart,, q u ’avant la
publication du nouveau Code , on pensait unanimement que la
disposition précitée de l ’ordonnance de 167.'} s’appliquait aux
billets à ordre; et à l ’égard de la jurisprudence des arrêts, il nous
a dit q u ’elle était contradictoire, et que si la C o u r de cassation
avait rendu l ’arrêt du 2 novembre 1807, le parlement de Paris
en avait rendu un autre et dans un sens opposé. L e défenseur
des héritiers Viole ne parle, ni des deux arrêts rendus par la Cour
de cassation, ni de l ’opinion de M. M erlin, ni de celle de
Jousse, etc. , etc. ; il se garde bien sur-tout de nous apprendre que
la Cour suprême n’a rendu aucun arrêt contraire aux trois que
nous avons rapportés, et il trouve bien plus simple et bien plus
commode, tout en disant q u ’il s’est livré h des études très-appro
fondies, ce qui suppose des recherches très-nombreuses et trèspénibles, de ne citer que l ’arrêt rapporté par D enisart, et celui
rendu le 2 novembre 1807 : aussi se donne-t-il, par ce m oyen,
l’occasion de terminer de la manière suivante la page 19 de son
mémoire :
�(
a7 )
t
yf
« r
« Que résultera-t-il de ce conflit d ’autorités? Il en résultera
« qu’avant le nouveau Code de commerce , c’était une question
« controversée, jugée tantôt dans un sens et tantôt dans un autre,
« que celle de savoir si les billets à ordre étaient, sous l ’empire de
« l ’ordonnance de 1 6 7 3 , soumis à la prescription de cinq ans; et
« p u i s q u ’il existe un véritable conflit dans la jurisprudence, nous
« devons chercher celle que nous devons suivre. »
L e défenseur des héritiers Viole a voulu nous amener ainsi trèsadroitement a l’application du nouveau Code de' com merce, et il
n ’a pas manqué de transcrire dans son mémoire une partie d ’un
plaidoyer prononcé par M. Jau b ert, procureur du Roi près le tri
bunal de première instance de P a r is , et dans lequel ce magistrat
disait, que lorsqu'on ne présentait pour m otifs de décision , que
des lois obscures, que des arrêts qui s ’anéantissaient 3 que des .
auteurs qui n’étaient pas d ’a c c o r d , il fallait prendre pour guide
les nouvelles lois, q u i, dans ces cas-là , devaient être considérées
comme déclaration de la meilleure jurisp ruden ce.
Nous le demandons de bonne foi : était-ce dans cette cause, q u ’il
fallait faire usage de ce raisonnement, dont nous n’entendons pas
contester la justesse, mais q u i, en vérité, ne pouvait avoir ici la
moindre application? E t , en eft’et, comment oser dire que l ’art. 21
du titre 5 de l ’ ordonnance de 1G73 est line disposition obscure ou
équivoque? comment oser dire que, sur l ’application de cet article,
les arrêts s’anéantissent, et les auteurs se contredisent ? lorsqu’ainsi
q u ’on vient de le voir, la jurisprudence constante et uniforme de
la Cour suprême, la doctrine professée par M. Merlin , par «Tousse,
et par les meilleurs commentateurs; lorsque tout enfin, jusqu’au
discours prononce par l ’orateur du G ouvernem ent, se réunit pour
démontrer que dans l ’ancienne jurisprudence, et sous l ’empire de
1 ordonnance de 16 7 3 , les billets à ordre n ’étaient assujétis q u ’à
la prescription trentenaire, et que l ’article 189 du Code de com
merce a introduit à cet égard un droit nouveau.
E t cependant le défenseur des héritiers Viole voudrait nous
aue croire que ce point de droit était anciennement très-contro"veise, et que la Cour royale de Riom a donné dans une grande
e ireu i, lorsque, par son arrêt du i3 juin 18 1 8 , elle a dit « que
« oulonnance de 1673 ne frappait de la prescription de cinq
ans que les lettres de change, et non les billets à ordre, ainsi
(¡ue le constataient la ju risp ru d en ce, et la doctrine des
« auteurs. »
�( 28 )
Si la C our royale de Riom s’est trompée, comme le prétend le
rédacteur du mémoire signé L ongueville, elle s’est trompée avec
des autorités bien respectables; et il faudrait avoir une grande
tendance à croire aveuglément que les mûres réflexions et les
éludes approfondies auxquelles s’est livré le défenseur des héri
tiers V io le , l ’ont nécessairement conduit à la vérité, pour préférer
la jurisprudence, que le tribunal de commerce d’Aurillac vient
tout nouvellement d ’adopter, sans d’autres déterminans q u ’une
plaidoirie très-savante, à la vérité, mais du moins un peu fugi
tiv e , à la jurisprudence que la C o u r de Riom avait peu aupara
vant consacrée, et qui se trouve conforme à la doctrine des plus
profonds jurisconsultes, et à la décision portée par trois arrêts de
la Cour suprême.
E n terminant cette première partie de la discussion, nous
croyons avoir démontré que le sieur Longueville, o u , si l ’on v e u t,
le rédacteur de son mémoire, 11e nous a pas donné une solution
suffisante sur la première des questions qu ’il avait à tra ite r, et
que sur-tout il n’a pas encore tout-à-fait mis à jo u r l ’erreur dans
laquelle il prétend que la Cour de Riom est tombée.
Voyons s’il sera plus heureux sur la seconde question q u ’il a
traitée, et qui consiste à savoir si l ’article 189 du Code de com
merce doit s’appliquer aux billets à ordre souscrits antérieurement
à la publication de la nouvelle loi.
L e défenseur des héritiers V iole, en examinant la cause SOUS ce
second rapport, commence par nous avertir q u ’/Z est nécessaire
de bien comprendre la question, pour ne pas se je te r m al-àpropos à travers les difficultés métaphysiques de la rétroactivité
des lo is; et aussitôt il commence une très-longue dissertation sur
ce q u ’on doit entendre par effet rétroactif. La première autorité
q u ’il invoque est celle de M* Mauguin, avocat, q u i, nous croyons,
faisait encore son stage à Paris, lorsqu’il fit insérer dans un journal
quelques réflexions q u ’il avait hasardées sur la rétroactivité des
lois; et ce sont ces réflexions que le rédacteur du mémoire signé
Longueville nous donne comme un corps de doctrine, destiné à
servir de guide aux Cours souveraines et aux jurisconsultes.
Quant à nous, si nous avions cru nécessaire à la cause de rap
peler tous les cas où une loi est censée rétroagir, nous aurions puisé
dans des sources qui auraient eu pour le moins un égal mérite à
celles où le défenseur des héritiers Viole a été chercher tous les
argumens q u ’il nous a opposés.
�Nous aurions consulté le Répertoire de M. M e rlin , au mot L o i; l '
nous aurions, dans les Questions transitoires , médité quelques
observations très-judicieuses, que M. Chabot de l ’Allier a faites
sur la rétroactivité des lois; nous nous serions mis sous les yeux la
loi 7, au code de legibusy et peut-être que, pour donner une plus
grande idée de nos recherches et de nos études, nous nous serions
avisé de chercher dans Tobias-Jacob R ein h a rtk et dans G lu c k ,
ce q u ’on entend par droits acquis, et dans quel cas on peut dire
q u ’une loi rétroagit.
Cela aurait bien valu autant que d’extraire d ’un journal un
article rédigé par M* M auguin, q u ’au reste nous aimons à recon
naître comme un avocat très-distingué; mais lorsqu’on veut dé
terminer une Cour supérieure à changer sa jurisprudence, et la
convaincre q u ’elle a donné dans une erreur; lorsque sur-tout on a
annoncé au public et aux magistrats une discussion très-approfo n d ie , on ne saurait trop multiplier les bons argumens et invoquer
de graves autorités.
Comme un traité e x professo sur cette matière, ainsi que sur
bien d’autres, nous parait au-dessus de nos forces, nous nous
contenterons de rappeler quelques principes qui nous paraissent
incontestables, et dont l ’application à la cause sera très-facile.
Nous commencerons par dire que l'office des lois est de régler
l ’avenir, et qu’elles ne doivent jamais avoir d ’effet rétroactif.
Nous ajouterons que la loi rétroagit, toutes les fois q u ’elle porte
atteinte à des droits acquis, et q u ’elle porte atteinte à des droits
acquis, toutes les fois q u ’elle restreint, étend ou modifie une
obligation ou un engagement quelconque, qui avait été contracté
avant sa promulgation (i).
Cela pose, nous demanderons quels étaient les droits que les
lois existantes, en l ’an 8 , donnaient au sieur G a lv a in g , relative
ment au billet à ordre dont il s’agit.
L oulonnance de iGr'i a y a n t, ainsi que nous l ’avons prouvé,
lais."-'
- — sortes de
1 1billets
■"
isse ces
sous l’empire des règles générales, voici
- qui en résultait : D ’un côté, le sieur G alvain g, en prêtant son
rgent ail sieur Y io le -D e lte il, savait que le titre q u ’on lui four
nissait lui donnerait pendant trente ans une action en rembourse* nilcJ
« un r,*'
*1° n o u s .^ *^co (^e ces lois à deux faces, q u i , ayant sans cesse un œil sur le
lU ^ SUr a^?.ni.r ’ (\ess<-‘c^ieraicu l la source de la con fia n ce, c l deviendraient
U7nVerit>yi,Cd c ° M ' m ' 0! - ) ln^U5^ cu ’
kouleycrseincnt et de d é s o r d r e » . ( Répertoire
�c * n
;
7
ment* et de son côté, le sieur Yiole-Delteil savait q u ’en souscrivant
ce b ille t, il con tractait, envers celui qui en serait le porteur, une
garantie ou une obligation qui devait durer trente ans.
Supposons que le b ille t, au lieu d ’être pur et simple , eût
porté une stipulation expresse, par laquelle le sieur Yiole-Delteil
a u r a i t déclaré q u ’il se soum ettait, pendant trente a n s , à l’action
du porteur ; pense-t-on q u ’une loi postérieure aurait pu , sans
rétroagir et sans porter atteinte à des droits acquis, affranchir le
souscripteur de cette obligation, la restreindre ou la modifier, et
ordonner que le porteur serait tenu d ’exiger son remboursement
dans un plus b r e f délai, à peine de déchéance? N on , sans doute;
or, quelle différence faites-vous entre une stipulation expresse'que
les parties auraient pu faire, et une stipulation tacite que la loi
faisait pour les parties? Les principes qui s’appliquent à l ’une
s’appliquent également à l ’autre; et il faut dire q u ’une loi posté
rieure ne peut pas déroger aux stipulations tacites, ou de plein
d ro it, que la loi faisait pour les parties, pas plus q u ’elle ne
pourrait restreindre ou modifier des stipulations expresses.
Les héritiers V io le, pour nous prouver que l ’article 189 du
n o u v e a u Code de commerce doit s’appliquer à un billet fait en
l ’an 8 , s’est livré à des raisonnemens vagues qui n ’avaient aucune
application directe à la cause; il nous a parlé, d ’après M. Blojideau,
de droits sanctionateurs et de droits prim aires, etc.
Nous ne sommes pas assez savant pour bien définir ce que c’est
que des droits sanctionateurs, et ce que c’est que des droits
primaires y et en attendant que le rédacteur du mémoire signé
Longueville veuille b ien , par des développemens qui seront un
peu plus à notre portée, nous initier dans la doctrine de M. IU011deau il nous permettra de 11e pas faire une grande attention à ce
passage du mémoire, et de nous occuper plus particulièrement de
quelques autres objections qui nous ont été faites.
I l n ’y a , nous a-t-on d it , page 12 , de véritables droits acquis,
que ce qui est complètement acquis ; et l'expectative de jo u ir
toujours du même d éla i n ’est pas un droit acquis, c ’ est une
espérance, s o it, mais les lois nouvelles s'emparent des espé
rances , etc.
Les h é r i t i e r s Viole ont-ils voulu dire par ce passage, que l ’action
q u ’a le porteur d ’ un b ille t, pour en obtenir le remboursement,
11’est q u ’une espérance, q u ’ une simple expectative? Si telle est
�( 3i )
^
leur idée, il leur sera bien difficile de nous faire adopter leur
système.
Nous savons bien que celui qui prête son argent, et q u i, en
échange, reçoit un billet,'conçoit à l ’intant même l’espérance d êtie
urï jour remboursé •, mais indépendamment de cette espérance ou
de cette expectative } le billet qui lu i a été remis lui a donné un
droit, lui a assuré une action*, et la loi existante à 1 époque de
l ’engagement , donnant à ce droit et à cette action une duree de
trente ans, une loi postérieure ne p ou rrait, sans retroagir, res
treindre ou modifier cette action, dont la nature ou la duree avait
peut-être déterminé une des parties à contracter.
Les héritiers Viole se sont ensuite attaches a rappeler divers
exemples de l ’empire que plusieurs dispositions des nouveaux
Codes exercent sur des actes antérieurs, sans que pour cela il y ait
rétroactivité. Ils nous ont parlé du remboursement des rentes, de
la citation au bureau de p a ix , etc.
Il
faudrait avoir trop de tems à perdre, pour s’amuser à prouver
que chacun de ces exemples tient a des principes d ’une autre nature
que ceux qui s’appliquent à la question que nous traitons.
Les rentes étaient autrefois non rachetables; m ais, de son côté,
le débiteur de la rente était tenu de s’ acquitter fidèlemeut de la
redevance annuelle : tel était le contrat qui liait les parties. Si
maintenant le débiteur ne remplit pas son obligation exp resse, il
ne peut invoquer contre son créancier une condition tacite qui était
en sa faveur, et qui supposait toujours l ’exécution fidèle de la
stipulation écrite qui était à sa charge ; par conséquent une loi
postérieure à ce contrat a pu ordonner le remboursement d ’une
rente, dans le cas où le débiteur laisserait cumuler plusieurs an
nées d’arrérages; c’est une peine q u ’elle a pu attachera l ’inexécu
tion d’un engagement; e t, bien loin de restreindre, étendre ou
modifier un c o n trat, la loi ne fait par-là q u ’en assurer et com
mander la stricte exécution.
•iF0!11 ce
est
second exemple tiré de la citation en conci îation, il ne faut pas perdre de vue que la loi du o.t\ août
1790 n avait fixé aucun délai dans lequel une citation au bureau
( c paix devrait, pour interrompre la prescription , être suivie
d ajournement; et voilà pourquoi la loi nouvelle, en fixant ce délai
‘i un mois, 11a fait q u ’interpréter ou coinpletter les dispositions
d une loi antérieure.
Lnfin un seul article du Code civil parait contenir un efl’et
�( 3 0
rétroactif; c’est celui où il est clit que les actions q u i, d ’après les
anciennes lois, duraient plus de trente ans, devront être exer
cées avant l’expiration de ce dernier term e , quoique ces actions
eussent pris naissance avant la publication du nouveau code.
Des motifs d ’un grand intérêt ont déterminé le législateur à
déroger, sur ce point seulement, au principe de la rétroactivité
des lois; m a is, par cela seul que c’est une exception, on doit
en conclure que, dans tous les autres cas, il ne serait pas permis
de restreindre la durée d ’une action qui résulterait d ’un acte an
térieur à la publication de la nouvelle loi.
Ce même article 2281 a soin de nous avertir que cette dispo
sition législative n ’est q u ’une exception, puisqu’il commence par
donner pour règle générale, que « les prescriptions commencées
« avant la publication du nouveau code seront réglées conformé« ment aux anciennes lois ». Rien n ’est plus précis, rien n ’est
plus tranchant en faveur de notre cause, que cette disposition
législative; elle nous dispensait de toute discussion sur la rétroac
tivité des lois; et en effet, le législateur a lui-même jugé la
question que les héritiers Viole ont élevée à ce sujet, puisque ,
pour 11e pas porter atteinte à des droits acquis, et par respect
pour le principe de la non-rétroactivité des lois, il a dit que les
prescriptions commencées à Vépoque de la publication du nou
veau code seraient réglées conformément auæ anciennes lois.
On nous a d i t , dans le mémoire de Longueville, que l ’art. 2281
du Code C ivil ne s’appliquait point aux transactions ou obliga
tions commerciales; que si le défenseur des héritiers Viole l ’avait
cru et plaidé à une certaine époque, c’est parce q u ’il s’était
trompé; que si le tribunal de commerce d’Aurillac l ’avait cru
également lors du jugement q u ’il rendit à cette époque, c’est parce
que ce tribunal s’était trompé ; et que si enfin la Cour de Riom
a v a itj par son arrêt du i 3 juin 18 18 , consacré, dans le même
sens, l ’application de cet article 2281 du Code civil, c’est parce
que cette Cour s’était trom pée, en s abandonnant à Vidée la p lu s
sim p le, fa u te d ’avoir eu assez de tems et de réflexion pour
s ’apercevoir que l ’idée la p lu s simple n’était pas la meilleure.
Prouvons que ce n’est point la Cour qui s’est trompée en 18 18 ,
et que c’est bien plutôt le défenseur du sieur Longueville qui se
trompe aujourd’hui.
U n principe que l’on ne peut méconnaître, c’est que le Code de
de commerce est un code particulier, réglant des droits exception-
�■ l ■ ■ I, J t f
( 33 )
7)
nels, tandis que le Code civil est une loi principale qui exerce son
empire sur tous les cas qui ne sont pas expressément compris dans
une loi d’exception.
C ’est ce que nous enseigne M. L o cré, dans son ouvrage sur
l ’esprit du Code de commerce.
« Il n ’en est pas (d it cet auteur) du Code de commerce comme
« du Code civil. Ce dernier , contenant l'universalité des règles
« du droit civil q u ’ il constitue, se suffit à lui-même, et devient
« ainsi loi unique et principale.
« Le Code de commerce, au contraire, n’étant q u ’ une loi
« d’exception, destinée à régler des affaires d’une nature particu« lière, ne peut se suffire a lui-mêm e, vient s’enter sur le droit
« commun, laisse sous l ’empire de ce droit tout ce q u ’il n’excepte
« pas, et s’y réfère même pour ce q u ’il excepte. On trouvera de
« fréquens exemples de ce que j ’avance dans la suite de cet
« ouvrage, etc. »
L e même auteur, dans un autre endroit du même ouvrage, et
.en parlant des sociétés commerciales, se fait la question suivante :
« Mais pourquoi n’a-t-on pas répété ici les articles du Code c iv il,
» qui se rapportent aux sociétés de commerce?
« C est, répond-il, parce q u ’on n’a pas cru nécessaire de rap« peler, clans un Code fait pour servir de règle aux seuls commer« çans, des dispositions q u i, en matière de société, sont communes
« a tous les citoyens, quelle que soit leur profession.
« I) ailleurs cette précaution était inutile. L es L ois de coin« merce étant une dérogation au droit com m un, il est hors de
« doute cju en tout ce qui n ’est pas e x c e p té , les commerçons
« comifie les autres citoyens sont soumis au droit civil- »
Comment dès-lors le défenseur des héritiers Viole a-t-il pu nous
dire, page 26 de son mémoire, « que les actes de commerce étaient
« soustraits, en quelque sorte, aux règles générales du Code civil,
c est-a-dire, aux règles concernant la formation, l ’exéculion et
u 1 extinction des contrats?
^ « Comment a-t-il pu dire qu ’il était parvenu a défnontrer que
« es transactions commerciales étaient exceptées, par l’art. 1107
(iu jode c iv i l, des règles prescrites par ce même Code civil? »
ous ne finirions pas, si nous voulions rappeler ici toutes les
t ispositions du Code c iv i l, qui s’appliquent aux transactions
commerciales.
1
Mais il nous suffira de faire observer, en invoquant l ’autorité
5
�Je M. Locré, que toutes les fois que le Code de commerce ne con
tient pas une dérogation expresse à une règle générale posée par le
Code c iv i l , cette règle générale s’applique aux transactions com
merciales comme aux transactions civiles.
E t de là nous conclurons que l ’article 189 du Code de com
merce, en déterminant une prescription particulière pour les
billets à ordre, a bien dérogé expressément à la règle générale,
qui n’admettait que la prescription trentenaire; mais que, n ’ayant
rien statué sur le sort des prescriptions commencées antérieure
ment , cet article a laissé ce point de droit sous l ’empire de la règle
générale posée par l ’art. 2281 du Code civil, où il est dit « que les
« prescriptions commencées antérieuremen t à la publication dunou« veau Code, se régleront d’après les dispositions des anciennes lois. ■
»
Que l’on se livre tant q u ’on voudra à des arguties plus ou moins
subtiles; que l ’on transcrive quelques fragmens d ’une dissertation
plus ou moins profonde, plus ou moins métaphysique sur la ré
troactivité des lois, on aura beaucoup de peine à nous prouver que
l ’article 2281 du Code civil ne reçoit dans la cause aucune appli
cation , et que la Cour royale de lliom s’est trompée, en en faisant
le principal m otif de .son arrêt du i 3 juin 1818.
Les héritiers Viole, ne comptant pas beaucoup sur la force de leurs
raisonnemens, ont voulu chercher un appui dans la jurisprudence,
et ils nous ont parlé d ’ un arrêt rendu par la Cour de Rouen, et
d ’un autre rendu par la Cour de Paris. C ’est sur-tout ce der
nier arrêt qui parait au sieur Longueville devoir lui assurer un
triomphe complet.
Nous avons sans doute un grand respect pour la jurisprudence de
la Cour d’appel de Paris, mais nous en avons aussi beaucoup pour
celle de la Cour royale de Riom ; et si, comme nous le croyons,
nous sommes parvenu à démontrer que cette dernière jurispru
dence est conforme aux vrais principes ainsi q u ’à la doctrine des
meilleurs auteurs, il nous importera fort peu que le sieur Longueville 11’ait trouvé dans nos moriumens judiciaires, rien de plus sage
et de mieux raisonné que l ’arrêt rendu par la Cour de Paris, le
2 mai 181G.
L e défenseur des héritiers V io le , en rendant compte de cet
arrêt, aurait bien dû aussi nous faire part des réflexions faites à
ce sujet par les rédacteurs du Journal du Palais; nous y aurions
trouvé la réfutation des principes consacrés par celte C ou r, tout
comme nous y aurions trouvé la justification de l ’arrêt rendu,
eu 18 18 , par la Cour de lliom.
�( 35)
(
«f
On nous permettra de rappeler ici ces réflexions ; et c’est ainsi
que nous terminerons une discussion qui n ’est déjà que trop
longue.
« Mais il faut remarquer q u ’ici la Cour de Paris est en opposi
tion directe avec sa propre jurisprudence; car nous en avons sous
les yeux un arrêt tout récent (du G mai i 8 i 5 ) , rendu par la
troisième cham bre, sous la présidence de M. Faget de Baure, qui
a décidé q u ’aux termes de l ’article 2281 du Code civ il, la pres
cription , dans l ’espèce, devait être réglée par les anciennes lois ,
et q u i, conséquemment à ce principe, a admis une action en
paiement de billet à ordre, formée plus de vingt-cinq ans après
l'échéance, et pour lequel il 11’avait été fait aucune poursuite dans
l ’intervalle.
« Il s’agissait d’un billet à ordre souscrit par une demoiselle
O r y , marchande de modes, en 1784, et payable à la fin de
décembre de cette même année. L e souscripteur ayant disparu,
une demoiselle Massot, porteur de ce b illet, ne put en poursuivre
le paiement. Ce n ’est que le 24 septembre 181/j, q u ’ayant dé
couvert la retraite de sa débitrice, le porteur du billet à ordre
souscrit en 1784 fit ses diligences pour s’en faire payer.
« On ne manqua point d ’opposer la prescription, qui fut en
effet admise par le tribunal de commerce ; mais, sur l ’appel, arrêt
du G mai 18 1 5 , qui infirme le jugement, et ordonne le paiement
du billet.
« Si, dans cet état de controverse, il nous est permis de hasarei notre opinion, nous n’hésitons pas à déclarer que cet arrêt
t u 6 mai 1 8 1 5 nous parait avoir fait une juste application à
1 hypothèse des articles 2 et 2281 du Code c iv il, q u i , proscri
vant tout effet rétroactif, veulent que les prescriptions commen
c e s u 1 époque de sa publication soient réglées conformément
a u x anciennes lo is , et qui se contentent de restreindre à trente
ans les prescriptions qui auraient pu autrefois s’étendre au-delà de
ce terme.
L n \ain dit-on que le Code civil 11e régit p o in t les matières
mineicia es^ car 1 article 2281 pose, ainsi que l’article 2 , un
pnncipe g c n u a l, une règle immuable de justice, qui s’applique
ou es es (gislations transitoires, sauf les exceptions. Il fauU 1, i *
(l u,e, 1° Gode de commerce, pour devenir applicable
ix oi ets créés et échus avant sa promulgation, les embrassât
ommement dans ses termes et dans la disposition de l’article 189;
1 ‘iis, au contraire, cet article n’en dit rien-, et comme il est de
�( 30 )
principe que le» lois ne peuvent régir que les contrats passés sous
leur empire, il est clair que les billets à ordre créés avant que le
nouveau code existât, échappent à la disposition irritante de l ’ar
ticle 189.
« M ais, dit-on encore, on ne donne point d ’effet rétroactif à
« la loi nouvelle, puisqu’on ne vous compte nullement le tems
« qui s’est écoulé avant sa publication, et q u ’on vous en fait
« grâce; on ne compte que celui qui a couru depuis; en sorte que
« la prescription ayant commencé et s’étant accomplie sous le
« nouveau code, il est impossible de voir la moindre rétroac« tivité. »
« Cette argumentation, il faut le dire_, n ’a pas même le mérite
d ’être spécieuse; car, en principe, il y a toujours rétroactivité,
alors q u ’on applique à un contrat une législation autre que celle
à laquelle les contractans ont entendu se soumettre; e t , dans
l ’hypothèse, une simple observation suffit pour prouver que l ’effet
rétroactif existe bien réellement. A quelle loi le souscripteur d ’un
billet créé en 17 8 4 , ou postérieurement, mais avant le Code de
commerce, a-t-il entendu se soumettre? Il a entendu contracter
suivant les dispositions de l’ordonnance de 1G73, qui le laissait
exposé à l ’action du porteur pendant trente ans. S i, en vertu
d ’une loi subséquente, vous abrégez le terme de sa garantie, vous
donnez par-là même un effet rétroactif à cette loi : cela est évident,
incontestable.
1
« Mais ce raisonnement acquiert encore bien plus de force, si
on veut considérer le porteur; car, lorsqu’il a traité sous l ’in
fluence d ’une législation q u i, pour le paiement de son billet ,
lui accordait une action utile pendant trente ans, il est hors
de doute que si vous le privez du bénéfice de cette législation ,
pour réduire l ’exercice de son droit à un délai plus court que celui
de trente ans., vous trompez son attente, et vous donnez par-là
inème à votre nouveau code un effet rétroactif intolérable et vrai
ment désastreux.
« U11 arrêt de la Cour de cassation vient encore à l’appui de
notre sentiment. Il s’agissait de fermages réclamés par la régie
de l ’enregistrement contre une dame Cuvelier, qui avait élé au
trefois fermière de prairies ayant appartenu à des communautés
monastiques supprimées.
« La demande de la régie n ’avait été formée que le i 3 août
1812 (six années et plus après la publication (lu Code civ il). L n
conséquence, lu dame Cuvelier se croit fondée à invoquer en sa
�( 37 )
faveur l ’article 2277 île ce code, qui porte f|ue le pnx île ferme
des biens ruraux se prescrit par cinq ans.
^
« L a régie a beau observer que cet article n ’est point applicable
'a un bail passé sous le régime ancien , et q u ’aux termes de l’ar
ticle 2281 du même code, la .prescription , dans l ’espèce , doit être
réglée par les anciennes lois, elle n ’est point écoutée en première
instance; et le tribunal civil de T o u r n a y , par jugement du 4 août
18 13 , déclare la prescription acquise, sur le fondement que la
régie n’avait point fo r m é son action dans les cinq a n s, depuis la
publication du Code.
« Mais^ sur le pourvoi en cassation , le jugement du tribunal
civil de Tournay a été annuité, pour violation de 1 article 2281
du Code civil, et de l ’article
du statut local, qui fixait a"\ingtun ans le terme de la prescription ; — « Attendu q u ’en droit ,
« cette prescription de vingt-un ans était la seule que le fermier
« pût invoquer. »
« E n dernière analise, il nous semble résulter, et des principes
ci-devant invoqués, et de l ’arrêt de la Cour de cassation, que nous
venons de citer, q u ’il y a rétroactivité toutes les fois q u ’on ap
plique .à un contrat ancien une loi plus nouvelle, et autre que
celle sous l ’empire de laquelle les parties se sont obligées; q u ’ainsi,
et conséquemirient a l ’article 2 du Code c iv il, qui prohibe tout
effet rétroactif, on n ’a p u , sans violer sa disposition, appliquer,
dans l ’espèce, l ’article 189 du Code de commerce à des billets
créés et échus sept années avant sa promulgation. »
Le sieur Galvaing a un autre avantage dans cette cause; c’est
celui résultant des énonciations qui se trouvent dans deux jugemens contradictoires rendus par le tribunal civil de M auriac; le
sieur Longueville et consorts y ont reconnu que Viole-Delteil était
décédé sans avoir payé le billet de [\ooo livres dont il s’agit ; et
quand nous disons q u ’ils l ’ont reconnu , c’est parce que ce lait
fut consigné dans les qualités de deux jugemens contradictoires
rendus à Mauriac, les 29 avril et 5 août 1 81 7; et ces qualités
n ayant été frappées d ’aucune opposition, il eu résulte que ,
(l après la loi, les points de fait qui y sont énoncés sont demeurés
pour constans entre parties.
D un autre côté, l’article 189 du Code de commerce n’a fondé
la prescription de cinq ans que sur une présomption de paiement ,
puisque les débiteurs sont tenus d’affirmer, par serment, q u ’ils
ne sont plus redevables, et les héritiers des débiteurs, q u ’ils es
timent de bonne foi q u ’il 11’est plus rien du ; or, comment le sieur
�Longueville et consorts pourraient-ils venir affirmer en justice
q u ’ils estiment de bonne f o i q u ’il n ’est plus rien d û , après avoir
reconnu, dans deux jugemens contradictoires, que leu rp cre était
d écéd é sans avoir acquitté le billet dont il s’agit?
Ici notre tache est remplie; et l ’on pourra m aintenant, sous un
double rapport, sous celui des moyens de fait et sous celui des
moyens de droit, apprécier le mérite de la contestation que les
héritiers Viole font au sieur Galvaing.
Ainsi que nous l ’avons dit en commençant, ils ont traîné de
tribunaux en tribunaux le sieur Galvaing , contre lequel ils
élèvent, depuis quatre ans, incident sur incident; et pour con
sommer l’œuvre, ils ont fini par publier un mémoire im prim é,
dans lequel, se faisant un jeu d ’outrager leur adversaire, ils ont
ajouté des sophismes à des mensonges, et des mensonges à des
injures.
A en croire le sieur Longueville, qui a signé ce mémoire, tant
pour lui que pour les autres cohéritiers de Viole-D elteil, un p eu
de désordre régnait dans les papiers du sieur G alvaing, que l ’on
qualifie de propriétaire, d ’ex-receveur d’arrondissement, de ban^
q u ie r, e tc .; et comme ce désordre aurait pu mettre sa probité à
couvert, alors même q u ’il aurait demandé ce qui lui avait été
payé une première fois, on a soin d ’ajouter malicieusement, que
ce désordre j dans ses papiers, n ’était q u ’apparent , pour faire
entendre que lorsqu ’on venait lui rembourser le montant d ’un
b ille t, il feignait de ne pas le trouver, quoiqu’il sut où il était.
E h ! de quel droit le sieur Longueville se permet-il une assertion
si outrageante et si calomnieuse? de quel d ro it, d ’un trait do
p lu m e , livre-t-il ainsi un citoyen au mépris et à la dérision du
p u b lic, en le dépeignant comme un homme sans délicatesse ^ q u i ,
feignant q u ’un titre est égaré, quoiqu’il sut où le trouver, abuse
de la confiance et de la crédulité du débiteur qui s’acquitte, prend
son argent, ne lui rend pas son obligation, quoiqu’il l ’ait en son
pouvoir, et ne se sert de cette supercherie, que pour avoir la
facilité de redemander, quelques années après, un second rem
boursement ?
Un citoyen q u i, pendant trente ans, a exercé les fonctions les
plus honorables; un homme q u i, depuis la création des receveurs
généraux et particuliers, jusqu’en i B i /j , a eu la manutention des
deniers publics; un homme que le Gouvernement, par suite de
l’estime et de la confiance dont ses concitoyens l’ honorent, a été
nommé maire de la ville de M auriac, et eu a rempli les fonctions
�( 39 )
>
^
pendant plusieurs années, méritait-il une pareille insulte: E t de
la part de q u i , encore? De la part du sieur Longueville, individu
assez obscur, cabaretier de profession , qui n ’ose plus sortir de son
domicile, k cause des nombreuses contraintes par corps qui m e
nacent sa personne, et contre lequel trente jugemens du tribunal
de commerce ont été rendus dans l'espace de trois ou quatre a n s ,
sans q u ’il ait encore satisfait a aucune de ces condamnations.
Voilà cependant par quelle sorte d’individus 1 honneur du ci
toyen le plus recommandable peut être attaque et compromis ! et
voilà comment on abuse de la facilité de tout ecrire et de tout
imprimer! car, enfin, s’il entrait dans le plan de defcnse du sieui
Longueville de soutenir que le billet dont il s agit au procès avait
été acquitté par le sieur Viole-D elteil, son beau-père, qui l ’empêcliait de le dire et de le soutenir? qui l’empêchait de faire
valoir toutes les circonstances q u i, d’après l u i , auraient pu venir
à l ’appui de cette assertion? Par exemple, le long intervalle qui
s’était écoulé sans poursuites, la prétendue facilité q u ’avait le sieur
Delteil de se libérer, le prétendu besoin q u ’avait le sieur Galvaing
de faire rentrer ses fonds, etc. , etc.
Ce système de défense n’aurait rien perdu de sa force, en se
bornant k des assertions q u i, ayant pour objet d ’établir que le
billet avait été payé sans avoir été retiré, aurait laissé subsister la
supposition q u ’un peu de négligence d’ une p a rt, et un défaut de
mémoire de l ’au tre, avaient donné lieu a la demande formée par
le sieur Galvaing.
Mais en se bornant ainsi à ce que la justice, et sur-tout, la dé
cence pouvaient permettre, on n’aurait pas été satisfait. Fournir
un aliment à la malignité, nuire, calomnier, déchirer, et com
promettre l'honneur d’un citoyen, pour avoir le plaisir de faire
une plaisanterie bien mordante et bien sanglante, voilà ce qui a
séduit le sieur Longueville; et le sieur Galvaing ne peut se dis
penser de supplier la Cour de lui faire justice d ’ une pareille
diffamation, (i)
( î )INous n avons pas répondu à ce q u ’ on a dit relativement à un com mandement d on n é
aux héritiers Baylo. T.c «,ieUr L o n g u e v il le , qui s’ était mis en tôle de laire au sieur Gal
vaing tout le mal possible, s’ est permis de porter un mil inquisitorial sur toute sa c o n t ui te passée, soit com m e administrateur, soit com m e particulier ; et avec cette bienveillance
qu ou devait lui supposer, il a fait une enquête dans tous les lieux où le sieur Galvaing
f ai.lj,C,01,j, .u e *. avai* eu des relations; enfin, à force de reclierclics, et après avoir bien
oui e, bien interroge, il est parvenu à découvrir que le sieur Galvaing avait, il y a
que ques années, e n v o ie un com mandement à un particulier qui avait p a v e , et qui pro
duisit sa quittance.
L e rédacteur du mémoire s’est emparé de ce fait infiniment grave , cju'il a encadré avec
�( 40 )
Nous terminerons cette défense par observer que l ’avocat, appelé
par son ministère à épouser tous les intérêts qui lui sont confiés,
se rend, sans le vo uloir, l ’organe du mensonge et de la calomnie.
Il est ensuite tout surpris d ’apprendre combien on l ’a trom pé, et
comment un client, plein de malice et d ’impudence, s’est joué de
son ministère, et a abusé de la confiance avec laquelle il avait
accueilli ses assertions : c’est ce qui est arrivé au rédacteur du
mémoire des héritiers-Viole. Il a c ru , il a peut-être dù croire que
le sieur L on gu eville, qui était son clien t, e t, qui plus est, son
cousin , ne lui disait que la vérité ; et nous sommes très-éloigné
de lui adresser à ce sujet le moindre reproche; mais une seconde
observation q u ’il nous est impossible de taire, c’est que dans de
pareilles occasions, le style épigrammatique et plaisamment sati
rique est toujours inconvenant. Q u ’ un avocat, devant signaler des
vexations, des concussions, des prévarications, s’arme d ’un géné
reux courage; c’est son devoir : malheur à celui qui le méconnaît!
mais alors l ’indignation dont il est lui-même pénétré, et qui est
pour lui une excuse suffisante, quand bien même on l ’aurait
trompé, rend son style franc, v if et animé; il ne prend pas de
détours pour exprimer les sentimens qui remplissent son ame; il
attaque en face; il combat son adversaire corps à corps, et sans
employer aucune de ces ruses qui décèlent la faiblesse ou la lâcheté.
Voila le véritable signe ou l’on reconnaît un généreux dévoue
ment ! au lieu que se livrer à des sarcasmes, manier l’arme du ri
dicu le, cacher une injure sanglante sous le voile d ’une perfide
ironie, et déchirer, comme en se jou an t, la réputation d ’un ci
toyen , fut toujours ce qui a caractérisé les libellistes et les rédac
teurs d ’un feuilleton. Tous les hommes sensés qui lisent un écrit
judiciaire, dans lequel l ’honneur et la probité d ’un individu sont
attaqués par d ’amères plaisanteries et de piquantes allusions, sont
tentés de croire que l ’auteur a plutôt cherché à faire briller son
esprit q u ’à faire triompher la justice et la vérité; e t un avocat doit
soigneusement éviter de donner un pareille idée.
art et finesse au milieu des injures et des calomnies q u’ on a prodiguées au sieur Galvaing;
et c ’ est ainsi q u ’ une simple inadvertance, q u i peut arriver à qui que c e s o it , et qui arrive
très-souvent à ceux qui ont beaucoup d e recouvremens à faire , est devenue pour le sieur
Longueville une preuve com pléte , que la créance dont nous demandons le paiement ne
nous est pas d u e , q u oiqu e nous rapportions un billet, et q u o i q u 'o n ne produise pas d e
quittance. Grâce à cette belle l o g i q u e , tous les débiteurs d u sieur Galvaing se seront
bientôt libérés.
G A L V A IN G .
A
RIOM .
D E L'IM PR IM E R IE
DE
J.-C .
SALLES,
G R O G N IER .
IM P RIMEUR
DU
PALAIS
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Calvaing. 1820?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Grognier
Subject
The topic of the resource
prescription
billets à ordre
créances
faux
blanc-seing
assignats
tribunal de commerce
code de commerce
jurisprudence
rétroactivité de la loi
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Calvaing, propriétaire ; contre les sieurs Longueville et consorts.
Table Godemel : Billet à ordre : 2. la prescription de cinq ans établie par le code de commerce n’est pas applicable au billet à ordre souscrit antérieurement à sa publication, encore que, sous son empire, il se soit écoulé plus de cinq ans sans poursuite. Les dispositions de ce code n’ont pas eu d’effet rétroactif.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1820
1805-1820
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2501
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53488/BCU_Factums_G2502.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Lanobre (15092)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
billets à ordre
blanc-seing
code de commerce
Créances
Faux
jurisprudence
prescription
rétroactivité de la loi
tribunal de commerce
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52936/BCU_Factums_G0328.pdf
5a9760e5a2bdebc88a85fe84f1752916
PDF Text
Text
P R E CI S
P O U R les Sieurs F O N T F R E Y D E , les fieur &
dame C O U S S A Y R E , Bourgeois, habitants
de la V ille de Clermont-Ferrand >Appellants,
& demoifelle
P
errette
FONTFREYDE ,
- habitante de la Ville de Billo m , Intervenante.
C O N T R E Me. P i e r r e C H A P O U I L L E ,
Avocat en la Ville, de Mauriac, Intimé.
C O N T R E les fieur & dame R O N N A T , les
- f ieur & dame V I O L L E , habitants de la même
V ille , Intimés.
E T encore contre demoif elle M a r i e S I M O N ,
veuve de Jofeph Goutanegre, habitante de la
V ille d’A u rilla c, Intimée.
D
E ux époux , qui avoient vécu enfemble
pendant quarante années, fe donnent en
1763 des preuves de leur attachement
par des inft i tutions reciproques , le fieur
Fontfreyde a furvécu a la dame Antignac , fon
époufe, il étoit age de 86 ans, & dans un état de
A
�démence depuis près de deux années, a peine a-t-il
recueilli le bénéfice de l’inftitution faite h. ion profit
par la dame A ntignac, Ton époufe , que des gens
avides cherchent a l’en dépouiller par deux différen
tes donations, qui , jointes avec les a&es fubféquents qu’on rapporte , prouvent, a n’en pouvoir
douter., la démence du Donateur. La réclamation des fleurs & dame Fontfreyde
donne lieu à deux queftions intéreflantes.
La premiere, entre les fleurs 6c demoifelle Font
freyde & la dame Goutanegre, pour favoir fi le
teilament de la dame Antignac eft compris dans
la prohibition de l’Ordonnance de 1735.
La fécondé , entre les fleurs &: demoifelle Font
freyde , Me.-Chapouille, les fieur & dame R onnat, & les fieur & dame Violle , relativement à
la nullité des différentes donations & autres a&es
iiibfequents , ioufcrits par le fieur Fontfreyde dans
untemps oii .il étoit hors d’ctat de contra&er vala
blement.
Comme les fleurs &: demoifelle Fontfreyde iè
propofent de faire un fimple précis des moyens dont
ils font ufage pour établir leur demande , & .des réponfes qu’iïs'emploicnt pour écarter les obje&ionsde
leurs Ad.veriaires,iils ne rendront aucun compte des
faits, ils divifèront'leurs moyens en deux propofitions;
Dans la premiqre , ils démontreront que le
teilament fait au fieur Fontfreyde , leur oncle ,
jpar la dame Antignac , ion époufe, ne peut être
£onfidéré comme un teilament mutuel.
�Dans la ieconde, ils établiront la nullité des
a&es Ibufcrits par le fieur Fontfreyde, ils rappor
teront à-cet effet la preuve la plus' complette de
l’état de démence auquel.il étoit réduit lors de là
pafTation de ces différents aftes
même près de
deux années avant-leur époque.
«
PR E M IE R E
PROPORTION.
Le tejlament fa it par la dame Antignac en fa»
veur du Jieiir Fontfrcyde, le z z Oclobre
ne peut être confidérê comme un tejlament mu
tuel.
Deux teftaments fontmutuels, lorfqu’ils fe lient
mutuellement par des diipofitions faites en confé
dération 1 une' de l’autre ; par exemple , le don
mutuel ne peut acquérir ce dégré de mutualité
qu’autant que le mari donne a la femme, en confidération de ce- que la: femme donne au m ari, &
réciproquement, fans quoi il n’y auroit point de
mutualité ; c’eft un'principe qui ne peut être ré
voqué en doute.
Ainfi , pour qu’il y eût mutualité dans le teilament fait par la dame Antignac, il faudroit qu’on
y eût inféré cette claufe : finjlitue le Jîeur Fontfreyde mon héritier , en conjidération de ce qu'il
m a inftituce fo n héritiere ; ces mots conRituerocnt
ciTcriticllemcnt la mutualité, dès-lors le teftament
A z
�4
de la dame Antignac trouveroit ia profcription
dans les termes de la loi.
Les teftaments faits conjointement font ceux quifont faits fu b uno & eodcm contextu ; le mot
conjointement annonce cette définition , ‘ & en la
prenant littéralement, il eft certain que deux tefta?
ments faits dans deux a&es féparés ne peuvent
être réputés faits conjointement ; delà il fuit que
la loi , en défendant les teftaments faits conjoin
tement , n’a pas entendu comprendre ceux qui
feraient faits par deux a&es féparés , lorfqu’ils ne
>orteroient point avec eux le cara&ere de mutuaité.
,
L ’article 77 de l’Ordonnance de 173 <5 abroge
non feulement les teftaments mutuels , mais encore
ceux faits conjointement. Le teftament de la dame,
Antignac fèmbleroit donc devoir être compris dans
la prohibition de la loi ; c’eft du moins ce que
la dame Goutanegre voudrait perfuader.
Mais fi l’Ordonnance de 173 «5 a abrogé les
teftaments mutuels 6c ceux faits conjointement,
peut-on en conclure qu’elle ait entendu abroger
toute efpece de teftaments entre mari ôc femme ;
& que celui de la dame Antignac. fe trouve com
pris dans cette prohibition générale, ce ferait une
f au fie conicqucncç.
En effet, il exifte une loi qui permet, en pays
de droit écrit, a deux Conjoints de s’inftituer hé
ritiers l’un de l’autre , c’eft la loi 70 , fï\ de hæred.
injlit. Elle ne peut ctre abrogée par l’Ordonnànce
Î
�,
de 173 ■), & elle autorife les difpofitions , quas
mutuis ajfeclionibus judiciaprovocaverunt, c’eftrà*-.
dire, les.inftitutions di&ées, par l’amitié., pourvu
qu’il n’y ait point'de mutualité, ou que-les¿teftaments ne foient point faits conjointement ; ces for
tes de difpofitions f c nomment tejlaments récipro
ques.
■
ri '
Il faut néceifairement qu’ilÎexiftedes teilaments:
permis e n , pays de droit -écrit, & non abrogés^
par l’Ordonnance de 17 3 ■), parce que la loi qu’on
a déjà citée , permettant en général à deux Con-;
joints ;de s’inilituer réciproquement , 1 il ' y ; auroit
contradiçbion dans-la loi qui permettroit d’un^ôté
ce qu’elle défendrait de l’autre.
Cette contradiction fero.it cependant une fuite
du fyilême '.d'çjja çdame .Goutanegre
puifqu’elle
confond toutes, efpece's der teflaments’iaits entre
mari &rfem me , foiisija dénomination: de ces
mots, mutuels & conjointement ; ;<Sc comme ces
deux eipeces de teilaments, font interdits par TO rdonnance de 1 7 3 , il. s.enfitivroit ,, iüiV.anü là
dame Goutanegre', qu’un mali] &i.iine femme ne
pourroient jamais s’inilituer héritiers- l’un de l’aur
tre , ce qui feroit contraire à la loi poiitive qui
cil en vigueur en pays de droit ictrit^. > f
.»
1 Cette dénomination de '|ellamefrtSj l'éfciproqiies.
diilinds
lépadé.^ des ;tçflaments -.mutuels ,
de ceux faits conjointement ^ èil.àttcdéb par Rouffeau de la Com be, qui a commenté l’Or^oonance
dej ji 7 3 $ ; ^voici comment j l '/j’ç^pliquç :inr l’acrl
77 de cette Ordonnance :
///
H
j
■
�6
» M ais, dit cet A u teu r, les difpofitions réci* proques par des-teftaments ou codicilesi;féparés,
» ne lbn t point abrogés
ont leur effet entre*
»v' perionnes qui peuvent difpoférde$< unes en fa» veur des autres , fuivant les loix , ftatuts <Sc
» coutumes. » >
■
'
Mais ii les teftaments réciproques ne font point'
abrogés, celui-de"la dame Antignac ne peut
être confédéré que comme un teftament récipro
que, puifqu’il ne porte avec lui aucun caraâere
de m u ltu a lité c ’eft-à-dire, qu’il n’efl point fait en
confidération de l’inftitution précédemment faite a
ion.profit parle fïeur Fontfreyde, ion mari, puifque ce telïamcnt. n’eft point fait conjointement
avec celui du fïeur Fontfreyde, puifque le fécond
ne rappeller point le premier , puifqu’enfin on
peut lire celui de la dame Antignac fans y trou~
ver les traces de celui du fïeur, Fontfreyde , ni
même aucune préiomption de fon exiftence.
• Sans vouloir parcourir le Sentiment de R icard,
dans ion traité du don mutuel, qui s’applique
pareillement aux teftaments , fans chercher à répouffer le fentiment de Furgole , celui d’H enris,
& dés autres Auteurs cités par la dame Goutanegre , dont l’un a mal interprété le fentiment
de Ricard qu’il invoquoit, &C les autres n’ont
aucune application à l’eipece , il fuffit d’en venir
aux véritables principes de la matiere pour dé
montrer , jufqu’au dernier degré d’évidence, que
le tcltament.de la dame Antignac ne peut être
�7
confidéré comme un teilament mutuel , ou fait
conjointement.
Les teilaments mutuels ,'o u ceux faits con
jointement , ne peuvent fè révoquer par un des
conjoints, ians’le confentement de l’autre, c’eil
un principe long-temps controverfc, mais aduellement décidé, fuivant le fentiment de Ricard ,
de RouiTeaude la C o m b e, &c la Jurifprudence
des Arrêts ; or le teilament de la dame Antignac
pouvoit être révoqué fans le confentement du
fieur Fontfreyde ; la dame Fontfreyde pouvoit
changer fa volonté, fans que le .teilament de fon
mari en iouffrit la moindre atteinte ; ce teilament
pris féparément navoit aucune relation avec celui
du fieur Fontfreyde, il n’en rappelloït point l’exiitence ; mais ii la dame Antignac avoit ièule la
liberté de révoquer fon teilament , i f n’étoit pas
mutuel.; étant fait :par un a&e féparé de celui clu
fieur Fontfreyde, il n’étoit pas fait conjoin&èmént,
il n’étoit donc ;pas dans le cas de la prohibition de
l’Ordonnance de 1
7
3
.
M ais, dit la dame j G oiitançgre, fut-ïl jamais^
de preuves plus convaincantes de mutualité';, les
fieur
dame Fontfreyde partent enfemble de la
Ville de Mauriac , fe rendent( en celle de Piaux ,
vont chez le même .Notaire, leurs difpoiitions font
rédigées devant les mêmes témoins , Ton y apperçoit les mêmes =expreifions , Jes »mêmes legs ? en
un mot , tout cil conforme ; comment; donc peut011 caradm fcr plus formeflement. la mutuajitc ?
04
�,8 ,
Cette obje&ion paroît d’abord fpécieufe, mais
elle n’eft point folide ; il faut la détruire par l’argu
ment contraire a celui'tdoht"fe fért la dame'Gou-,
tanegrepour autoriier ion iyilème. 1 f
f
Quel a été le but de l’Ordonnance de 173 ^ ?
c’e i t , comme nous l’apprend la dameGoutanegre,
d’empêcher les ^effets" que ‘ pourrait produire fur
refprit de la femme l’autorité du m ari, pour ré
primer les fraudes ^dont un mari pourrôit faire
uiàge , pour furprendre de la foibÎeifè de fa femme
une difpofition que fon cœur déiapprouveroit.
Mais en mettant un frein à la cupidité de l’hom
m e, & en mettant la foibleile de la femme à l’abri
de la violence & de la furprife , le Légiilatem* n’a
pas entendu contraindre la volonté, dont le prin
cipe riaîtroit dans le coçur, & feroit fondé fur l’a
mitié; il n’a point détruit la Loi y o , ff. de hœred.
injîit. qui autorife les difpofitions ; quas mu
tins affeclionibus judicia prœvocavemnt.
Si telle eut été l’intention du Légiflateur, il
l’eût diiertement exprimé;dans fon Ordonnance
de 173>5 , non feulement il eut abrogé les reilaments mutuels ÔC ceux faits conjointement, mais
encore toute efpece de teftament entre mari 6c
femme; il n’auroit fait aucune diilinâion de ceux
di&és par la contrainte d’avec ceux qui auraient:
ctélf l’effet d’une tendre amitié.
Cependant le Légillateur a laiiTc la liberté à deux
conjoints de fe témoigner leur affe&ion par des diipofitions réciproques , il a feulement abrogé tout
�9
J zt
ce qui pourroit annoncer la contrainte ou l’abus
de l’autorité du m ari, pour extorquer de la foibleüè
de fa femme des difpoiitions quelle n’auroit pas
fait librement.
•
_:*
Mais fi les teftàments diQes- par la véritable
amitié ne font point compris dans la prohibition
de la loi, qu’ils aient été concertés entre.le mari 6c
la femme , qu’ils aient été paiies devant le même
Notaire 6c les mêmes témoins-, qu’ils aient été
copiés l’un fur l’autre ; ces'cirçonftançes^ devien
nent fort indifférentes, des qu’ils ne font pas faits
en contemplation l’un de l’autre , ou conjointement
dans le même â&e, ils ne font point -abiogçs par la:
lo i. .
y-
l
’ .'îijfy-' a
r.\i
f ^
v .j
0Î:S*i!-
Ainfi dès que la dame Goutanegre cil hors d’é
tat de prouver, qu’elle n’articule même pas q u ’ i l
y ait eu de la fuggeftion 6c de la captatiori; de la
part du fieur Fonttreyde pour forcer -fa feniime
a faire une inftitution en ià faveur ,'il faut préfu
mer quelaffe&ion a été le mobile du teftament de
la dame Antignac, que fon Teilament eft récipro-.
que , que conféquemment il n’ei]t pgint compris;
dans la prohibition de l’Ordonnance.de, 1735..-.
Que le teilament de la dam e'A ntignac ait été
diûé par l’amitié, il n’eft paspoifible d’en douter •
les deux Epoux avoient vécu dans la plus parfaite
union pendant 40 années, le iieurFontfreyde avoic
confondu fa légitime avec les biens de fa femme
pour les rédimer des hypothéqués dont ils étoienc
grévés, il les avoit amélioré par ion induilrie; la
t»P.
�reconnoifîaneè a excité la-dame Antignac à faire
paiïèr à fon mari un bien qui lui avoit coûté tant
de peines & de »travaux pour le conferver.
La dame Antignac a iurvécu dix années à ion
teftament, en 1764 le fieur Fontfreyde fe ren
dit a Paris pour iolliciter une place aux Invali
des, en 1770 il eft tombé dans un état de dé
mence qui lui ôtoit la liberté de vaquer a fes a f
faires: fi le teftament de la dame Antignac n’eut
point été di&é par l’amitié, combien doccafïons
n’a t-elle pas eu pour le révoquer librement ; dès
qu’elle ne l’a point fait, c’eft une preuve que ce
leftament étoit une. difpofition di&ée par la tendrefîè conjugale, un teftament réciproque qüe
l’Ordonnance de 1735 n’a pas entendu abroger.
Il refte donc pour confiant que le teftament
de la dame Antignac n’a aucun cara&ere de mu-'
îualité, ôc qu’il n’èft pas fait conjointement, ioit
parce : qu’il n’efb point fait en contemplation de
celui du fieur Fontfreyde, foit parce qu’il pouvoit
être révoqué fans le confentemcnt du premier tes
tateur , foit enfin parce qu’il eft fait par un a&e
ieparc qui ne rappelle en aucune maniéré l’exiftence du premier ; la premicre propofition'avan
cée par les iieurs &c demoifelle Fontfreyde eft donc
démontrée juiqu Y la dernière évidence.:
�II
S E C O N D E
p r o p o s i t i o n
:
ont été ja its dans un,état de démence }^ilsj'ont
radicalement nuls.
'
' Pour démontrer que le fieur Fontfreyde ecoitrréellement dans la démence, les fleurs ôt démoifelle Fontfreyde rapportent différents genres de
preuves qui ré.abliiïènt invinciblement. •• J ''
La premiere fe tiré de lavis des parentsVdu
de leurs fondés de procuration, pour faire procé
der à l’interdi&ion du fieur Fontfreyde.
La fécondé fe trouve dans les a&cs cbnfentis
par le iieur Fontfreyde depuis le 2 6 O&obre
I 772
d écès;'io it par leur multitud e , ioit par leur contradi&ion.
La troificme enfin réfulte des interrogatoires
que le fieur Fontfreyde a fubi devant les Juges
de Mauriac & d’Aurillac ; quelques obje&ions
dont Me. Chapouille failè ufage'pour détruire tou
tes ces preuves, elles relieront dans toute leur
vigueur.
La premiere preuve, réfultante de Tavis des
parents ou de leurs fondés de procuration équi
vaut à une preuve teftimoniale, qui eft a l’abri
de toute critique ; quatre Cavaliers de Maréchauilee,
qui réfidoient depuis long-temps dans la Ville de
B i
»
�M auriac, qui connoiÎloient parfaitement l’état du
fieur Fontfreyde, qu i, chargés de veiller au repos
public , prêtent ferment, & méritent , en cette
qualité, quelque considération, ont atteilé, ious la
roi du ferment que le fieur Fontfreyde étoit de
puis deux années hors d’état de vaquer à fes affai
res ; peut-on trouver une preuve teilimoniale plus
complette de Fetac de démence du, iieur Font
freyde.
. ',
■'
. *CW’eil;
que
M e. Chapouille^ voudroit
^
*** en vain
î
A
s*
. cri-'i
tiquer cet avis, de parents , en çe que ; fuivantlui,
ils, devoient y aiïifter eux-mêijies , & non ,par des
fondes de procuration.
'
;
Mais cette objeâion s’évanouit parle fentiment
de D (énifard, Verbo,, ajfembléede.parentsil nous
apprend que les .parents peuvent aiHiter à; ces;
a(lcmb,lées en perionne , ou'par quelques fondés
de procuration, pourvu que , dans ce 1dernier cas,
la procuration contienne l’avis détaillé &; précis du
Conilituant.
* _v
'• è i . ! )
4
? Dans l’efpepe p r é f e n t e , quatre parents pater
nels &: maternels cpnÎèntent dans leurs procura
tions que, s’il appert aux Procureurs conilitués que
le fieur Fontfreyde ait fait différentes donations,
qu’il les ait/évoquéiçf ,r que. par, dçs ;aâes fubféquents il :les ait. ratifiées , ,,qu çn -iu}, mot il foit
hors d’étaf de vaquer à les affaires, en ce cas ils
copfcntent a fonc interdi&ion j peut-on. trouver
des pyqcumtious plijs^pj^qifes. ^Cjïplus .pofitives
Que Tailcmblée "des parents ioit du fait des pa-
�rents eux-mêmes, Me. Chapouille ne peut en dou
ter , il connoît la généalogie de la famille du iieur
Fontfreyde ; mais l’on ne peut ôter a cette aiïèmblée de parents toute la faveur qu’elle mérite, furtout lorfque quatre de ces parents font remplacés
par quatre Habitants de Mauriac , qui étoientfenfés
çonnoître l’état du fieur Fontfreyde.
Il refte donc pour confiant que les dépofitions
faites dans l’aiTemblée des parents , & fur la foi du
ferment par les quatre fondés de procuration qui
ont remplacé les parents abfents, forment une
preuve teftimoniale de l’etat de démence du iieur
Fontfreyde, qui avoit commencé deux ans avant
ion décès.
Si l’on ajoute à cette preuve teiUmoniale une
lettre écrite par le fieur de Tournem ire, Juge de
M auriac, qui annonce que le bruit public de la
V ille de Mauriac atteftoit l’état de démence du fieur
Fontfreyde , pour*a-t-on s’empêcher de conclure
que la démence du fieur Fontfreyde eit prouvée
par témoins? ce premier genre de preuve exifte
donc dans toute la vigueur. r
Les a&es que le fieur Fontfreyde a paifé depuis;
le 26 O&obre 1772 jufqn’à fon décès font le fé
cond genre de preuves rapporté par les ficurs
demoifellc Fontfreyde; il cit intéreilant d’en faire,
fiiccin&ement le détail, afin d’en appercevoir plus
facilement la contradi&ion.
.* 4 peine le fieur Fontfreydp. a-t-il recueilli les:
biens de la dame Ântignac, fon épouiè', décédée ’
�*4
le 21 O Sobre 1 7 7 2 , qu’on cherche k l’en dépouil
ler ; on vit éclore le 26 du même mois d’Q£lobrc une première donation au profit de Me. C h a
pouille, que le Sr. Fontfreyde ne put figner'a caufe
d’un prétendu tremblement de main, mais dans le
v r a i, parce qu’il fe trouvoit dans un état d’ivrefîè
où l’avoit plongé Me. Chapouille, 6c qui fit crain
dre pendant quelques inftants pour la vie du fieur
Fontfreyde.
Me. Chapouille étant parti pour faire infinuer
fa prétendue donation à A urillac, on en vit éclorc
une fécondé le lendemain 27 en faveur des fieurs
& dames Ronnat, V iolle ôc Sim on; celle-ci fut
fignée par le fieur Fontfreyde , mais elle n’en eft
pas plus iolide : le fieur Fontfreyde confent le mê
me jour une obligtion de la fomme de 93 livres
1 6 fols au profit du fieur V io lle , pour le paiement
de laquelle il hypothéqué tous les biens dont il
avoit déjà difpoÎé par deux différentes donations.
Le lendemain 28 il retraite ces deux prétendues
donations, & le même jour il donne une procu
ration à un de fes neveux pour régir des biens fitués à Pérignac & \ Tallande, qui nclui ont jamais
appartenus, & furlefquels il n’eut jamais aucun droit.
Le 23 Novem bre 1772. le fieur Fontfréyde ra
tifie la donation du 1 6 Octobre précédent , &
comme fi Me. Chapouille eût encore douté de ia
donation , il fait faire un teftament en fa faveur
le 23 Janvier 1 7 7 3 , ^ans ^cclue^ ^
encore
ratifier de nouveau cette même donation.
�15
Sur la iimple expofition de tous ces aSes qui
pourroit douter un inftant de la foibleiTe d’efprit
& dé la de'mence du iïeur Fontfreyde ? la contradi&ion qui s’y rencontre eft feule fuffifante pour
nous en convaincre.
En effet le 26 O&obre l ’on fait déclarer au
fieur Fontfreyde que fès baux font partiaires &
verbaux , le lendemain on les qualifie de baux
a ferme ; dans la premiere donation on lui fait
déclarer qu’il ne peut figner , à caufè d’un trem
blement de main , on lui fait cependant figner
la féconde, dans laquelle il afîocie Me. Chapouille
pour un quart, fans fe rappeller que la veille il
avoit fait une donation en fa faveur , le même
jour il confent une obligation au profit du fieur
Violle , de la fomme de 93 liv. 16 fols, qui ne
devoit avoir aucun effet, puifqu’il n*avoit aucun
bien, en ayant déjà difpofé par deux différentes'
donations.
La retra&ation du fieur Frontfreyde du 28 O c
tobre annonce d’un côté combien peu le fieur
Frontfreyde étoit dans l’intention de le dépouiller
de fès biens , ôc de l’autre la foibleiTe de fon
cfprit, ôc de fa mémoire ; la ratification du
2-3 Novembre , le teftament du 23 Janvier fuivant ne font que confirmer la démence du fieur
Frontfreyde, qui, d’ailleurs étoit âgé de 86 ans.
La vielleffe n’efl: point a la vérité un empê
chement pour difpofer ; cependant lorfqu’un vieil
lard eft parvenu à cet état de décrépitude , qui
° AV.
�16
réduit fes organes a un genre de foibleiTe , que nous
appelions communément enfance , la vieilleilè
fait alors préfumer que les aâes ioufcrits par le
vieillard ne peuvent être réfléchis , ôc qu’ils
font le fruit d’une impreiîion étrangère , c’elt ce
que les Auteurs enfeignent , ce que la Juriiprudence a confirmé.
» Encore , dit Ricard , que nous ayç>ns trop
» de. reiped pour la vieilleile, fi avancée qu’elle
» puilFe être , pour la noter de la moindre in» terdiâion , néanmoins , comme les fondions
» de l’efprit dépendent des organes du corps ,
» qui s’altèrent par la longeur du temps , il ar» rive fouvent que l’eiprit diminue de telle forte
» fur le déclin de la vie , que , quoiqu’il ne
« tombe pas dans un délire, il ne conferve pas
» toutefois ailèz de vigeur pour faire un ouvra» ge important, tellement que ce concours d’in« commodité ie rencontrant en la perionne d’un
» vieillard , peut fervir de fondement a la nullité
» de la difpofition qu’il a fait dans le temps
» qu’il étoit réduit à cet état, & fur-tout lorfcjue
» la diminution de fo n efpritparoitpar les acles
» même ejuil a pajfé . »
Ricard appuie fon fentiment fur celui de M eyn ard, liv. 3 , chap. 7 , de fes notables queftions
de droit, qui rapporte un Arrêt du Parlement de
Touloufe au 2 A vril 1*583, qui déclara nul le
teilament d’une femme âgée, parce que , dit cet
A u teu r, il fe reconnoiifoit par cet a&c, & par
quelques
�*7
quelques autres de pareille -qualité qu’elle avoit
paifé, qu’elle e'toit tQmbe'e dans une inconfiance
d’efprit y f&Vqûe ion 'jugement ^toit notablement,
diminué.
*■
. $ -yyj ; r-p
.... '
J l ne'fut peut-etre jamais cl’Arrêt plus appli
cable à l’eipece. préfente que celui que T on ’ vient'
de citer-; le fieur Fojritfreÿde7 etqit âgé de 86 ans,
lo rs.d e'ion décès, -‘ipli efpr it\étoit] dans la Lplus
grande-, incon (lance;deuX/différentes donationsr
qui fe_contrarient entr’elles , un a&e de retra&ation , - deux diffërentesf ratifications., une x)bîigation &c ' un teflamenr ; ' cettç, multitude' d’ac
tes fbics pendant les/trois,derniers mpis:ide la;
vie du fieur Fontfreyde annoncent Finconilance
de ià volon té ; le contraile & la Miverfité qui fe
trouvent-dans tous ces^afles ne :peuyentr ayoir
leur principe que dans la ;foibleile ^d’eiprit,; le dé-..;
faut de jugement ôt de mémoire,"en un-mot^dans^'
la démence de celui qui paroîtJeS avoir fouferits.
Que tous ces différents a£tes paroiiTent iàges
en eux-mêmes, peu importe, leur,enfemble n’e n attelle pas moiiis la démence de leur auteur,-.les
perfonnes qui ont di£lé les donations & ratifi- '
cations avoient le plus grand intérêt que chacun
de ces a£les ,cn particulier parut ctre iàge ; mais
ils ne peuvent empêcher que de raiîèmblage de
tous ces différents aclcs on ne tire la preuve fia
plus convaincante de la démence , du fieur Font
freyde.
C ’eit en vain que Me. Chapouille, prétend tirer
c
w
7
-•
i .
•- j
.
* *
-
» .
J .
. y
-.
•
v
.
v
�avantage de ce que le fieur CouiTàyre a pris en
177-0' une'ceiïion du fieur Frontfreyde, ion on
cle 5i:elle -né peut ’ établit: la fàgeiïè du fieur
Fontfreydé, parce que cet aéte, en lui-m êm e,'
n’eft point une a&ion intimement unie a la perionne du cédant ; il eft pofïible de fuppofer que
le fieur Frontfreyde n?y a contribué que par fa feule
fignkture, le'refte a été iuppléë par les conieils de
la dame Antignac ôc de Me. Chapouille lui-rriêmè ; cette ceiïion avoit été d’ailleurs projettée dès
l’année 1768*;^ n’y a rien en un mot dans cet
acïe', a le confidérer’ efi lui-même , qui Tioit néceifaï&ment ['6c certainement ‘l’ouvrage- 'dc'i la feule
volonté de çelin qui1l’a ’fïgnéi - :
Il eii eft de'même de l'a quittance que Me.
Chapouille oppofe aux- 'fleurs &:• elemoifelle Fontfreÿde- j elle'a-été paiTée dévaiit- Notaire -l'a préicnce du fieur-’ Fontfreydé & fa fignaturé étoient
abfôlqment inutiles, *lc Notaire pduvoit- recevoir
pôur lui • il avoit! même nombré les efpeces en
préfencc du fieur-Fbntfreyde', il ai dit en donner’'
décharge- a celui qui iè libéroit-, lb fieur Fontfrêyde ^n’a donc- contribué a- cet- aile çjue -par fa
feule fignaturé, les fleurs & demoifelle tronfreyde
11’ont donc point reconnu, comme on lé- fuppoie
fi gratuitement' ,* que le; fieur Foritfreydc ,1 leur
oncle-, étoit éti état de- régir fes affaires/
~Mais lè fieur-Chapouille'a reconnu'lui-mcrhe
l’incapacité de fon Donateur , il éroitdû par le-fieur
Fontfreydé plufieur3 années-d’air'érages- dèèens aux
�JSf
19 .
. , .
Bénédi&iris de M auiiat ; ces Religieux etoient fut
le point dê'pjfrtiMièr-des p o n riu fe tjtiVls iivbj'éht
commencé j la 'dame Antignac .vôt^llit l'es éviter
elle fciîàya de p e n d r e . des
’’mais
comme elle ne pou voit s’obliger, & ^ue fon marj
Vie pou voit contra&er valablement ,r;M e, Chap'obiile s’obligea ertVers lesBénédiHin'sde leur^dye? an
nuellement une fomme de 100 liv, jirfqiiVu rertibourfement delà iomme de io o o liv.^'laquelle 1a
dame Antignac avoit elle-même fixé les arrérages.
" Si le fieur Fontfreyde n’eut pas ëtéf en étât
de démence, n ’auroit-il pas trâité lui-mêrrie avet
les Bénédi&ins? M e .:Chapouille ‘n ’àuroit-ïl. pas
exigé à cette époque une indemnité du vérita
ble débiteur ? Me. Chapouille cofihoifïoit par
faitement l’état du Tieur Fontfrfcydé/ il ri’a pas
cru devoir uler de '/ces .fJi'écautiôn'é ; il cipéroit
d ’ailleurs que la dame Antignac furvïvrbit à fon
ma r i , il y avoit tout lieu de le préiumer. '
L ’on trouve encore une preuve de la.difmerioc
du fieur Fontfreyde ddris la conduite de Me! Cha
pon ille &: des féconds Donataires; on les a V u J,
lors du décès du fieur Fonfreyde, & ' à Pépoqüe
de l’appofition du fcellé , fe réferver réciproque
ment la voie de l’infcription de faux contre leurs
a&es , configner leur haine mutuelle dans le pro
cès verbal de l’appofition des fcellés, faire retentir
dans le fan£tuaire de la Juftice d’Aurillac les pro
pos les plus injurieux les uns contre les autres;
ne fuipcndre leur haine que parce qu’elle nuifoit à
�X
10
leurs intérêts, ôc qu’elle ëtabliiloit inconteilablernent,le droit des fieurs & demoifelle Fontfreyde.
O n a entendu M e. Chapouille s’élever en la
Cour contre la fécondé'donation , la rejetter fur
l’infidélité de L aco ile, Notaire , &c fur l’avidité
des fieurs. R o n n at, Yiolle ôc Simon : fi toutes ces
çlanjfcurs ne prouvent point la démence du fieur
Fpntfrgyde, elles laiiTent au moins,appercevoir
de la lenfibilité dans le cœur de Me. Chapouilïe,
de voir qu’il ne peut feul recueillir le fruit de fon
adreffe , que d’autres , en un mot , ont fu ex
torquer., ainii 1que ,lui , de la foibleiîè du fieur
Fontfreyde des a$es qui ne font point émanés
de fa volonté.
¡.,
...
Il relie donc encore pour confiant que les actes
iouicriçs (par je fieur Fontfreyde^ étant contradic
tores ^îîjtr.’eux', n’ont d’autre principe que. la
foibleíTe cPefprit, le défaut de jugement 6c de mé
moire de celui qui paroît les avoir foufcrits ;
qu’en un mot Je fieur Fontfreyde étoit réellement
dans la démence iorsjôc au tempsâde la pailàtion.
de,ces ¡a&es. Le fécond genre de preuve rapporté
par les fieur &.demoifclle Fontfreyde', réliiltant
dqs aûesfoufcrits par leur oncle , ell donc encore
dans .toute fa vigueur.
; f .
,
Pour atténuer ? s’il; étoit poifible , le troifieme
genre île,preuve qui réfulte des interrogatoires fubis par le iicur Fontireyde , Me. Chapouille in
voque d’abord celui fait par le Juge de Mauriac ,
il.prétend y trouver les plus grandes. preuves de
• *
�J?3
II
fageiTe ; mais quoiqu’endife Me. Chapouille, Ion
y trouve au contraire des preuves non équivoques
de la démence du fieur Fontfreyde.
• Il iùffit , pour fe convaincre de cette vérité,
de retracer trois réponfes de cet interrogatoire :
on demande au fieur Fontfreyde s’il a fait des
donations a d’autres qu’à Me. Chapouille ; il ré
pond q u il r ie n fa it rien , q u il ne croit pas en
avoir fait ni avoir rien Jigné. O n lui demande
depuis quel temps eit décédée la dame A ntignac,
ion épouie : il répond, depuis cinq à J ix ans t
quoiqu’il n’y eût réellement que trois mois. O n
lui demande s’il a vu Rigal ôc Lacoiîe , N o
taires, 6c autres perfonnes ; il répond qu'il ne
s'en rappelle pas : à la majeure partie des interrogats il répond,
quoi vous mêlc^-vous., quejlce
quecela\ous fa it? .D ’après ces réponfes il faut donc
conclure, ou que le iieur Fontfreyde étoit réeller
ment dans la démence, ou que Me. Chapouille eit
un infenfé d’olèr foutenir le contraire.
,
Quoique cet interrogatoire foie infede de deux
nullités radicales. ï°. Parce que le Juge de Mauriac
n’avoit pas fait prêter ferment au fieur Fontfreyde.
2.V Parce que le Greffier étoit 1cm parent par allian
ce , ce qui détermina les fleurs 6c dcmoilclle Font
freyde d ’en interjettçr appel à Aurillac , ils font
cependant bien fondés à excipcr des preuves de
démence'qui en réiultent.
>
Mais l’interrogatoire du Jugi d’Aurillac cil une
preuve vraiment démonflrative de la demençe du
�V 'A
fieur Fontfreyde : rien de plus fimple que les interrogacs, ils étoient prefque tous les mêmes que
ceux qui avoient été faits par le Juge de Mauriac ,
cependant ce ne font plus les mêmes réponfes ;
dans celui de Mauriac on avoit fait faire 1 eloge
de Me. Chapouille ; dans celui d’Aurillac il n’en
eft point queftion : le fieur Fontfreyde ne fe rap
pelle même pas de lui avoir fait une donation ; il
ne fe reifouvient n’y defon âgé, ni s’il a des parents;
il ignore l’époque du décès de fes pere
mere ÔC
celui de fa femme.
Le fieur Fontfreyde veut envoyer chercher les
violons pour faire danfer les Juges ; il recomman
de à fa fervante des pompes ou gâteaux, 6c lui crie
de ne point les laifier manger aux Juges d’A uril
lac : il veut marier M e. Chapouille, qui l’étoit
cependant depuis long-temps ; il commande l’exer
cice, il jure, il fe répand en inve&ivesôt engroffieretés contre les Juges. Si à ces traits l’on ne reconnoît point un infenfé, que M e. Chapouille
nous dife donc comment l’on pourra délormais
le connoître.
Que le fieur Fontfreyde ait manqué cilèntiellement aux Juges d’Aurillac , ià démence lui ferv o itd ’excufe; mais que de ce manquement efïcnticl
a la Jnftice Me. Chapouille , A v o c a t, veuille fc
faire un moyen pour établir la fagefTe du fieur
Fontfreyde, & lui fuppofer une fermeté d’am e,
c’ e ft, on oie le dire , le comble de l’abfurdite.
En effet le fieur Fontfreyde, s’il n’eût point été
�a3
JSJ
'
réellement dans la clémence, favoit le refpe& qui
étoit dû a la Juftice ; il avoit contribué a mainte
nir l’ordre public pendant qu’il étoit Exempt de
Marécllauflee , il n’ignoroit point alors que Tes
fonctions l’obligeoient non feulement h veiller au
repos public , mais encore à faire refpe&er les or
dres du R o i, émanés du fanchiaire de la Juftice;
l’idée' feule qu’il auroit eu de manquer aux Juges
eut été le comble de l’égarement & de la folie.
Un des devoirs les plus généraux de la iociété,
ôc que perfonne ne peut méconnoître , eft le re£
pe& dû à la Juftice , parce que tous les fujets reconnoiiïènt dans le Magiftrat qui l’exerce ‘l’homme '
chargé par le Souverain de maintenir les Loix &
de faire reipe&er ion autorité; fi le fieur Fontfreyde
ne pouvoit remplir un de ces devoirs généraux de
la- ibciét'é, mediocritatem ofjïciorum tueri & vitœ
cultum commiinem& ufiiatum, il étoit donc réelle
ment dans la démence.
r Mais ce qui' détruit toutes les obfervations que
pourrait faire Me. Chapouille contre rinterrogatoire du Juge d’Aurilliic, c’eft un Arrêt du 10 Juin
1704 , rendu contre le nommé Doublet, dont les '
réponfes aux interrogats qui lui avoient été faits ;
n’annonçoient pas à beaucoup près autant de démen- '
ce dans c e Particulier'que ceux du fieur Fontfreyde.
C e Particulier fe côntcntoit de répondre quil.
nefavoii ce que- c étoit, q u û n a\6it fa it tort à fe r fonne ; tantôt il demandoit l’heure qu’il étoit, tantôt il *
ne vo'uloit point répondre, a la vuede ces- réponfds,
�N"
24 :
M . l’Avocat Général Joly deFléury dit qu’il regar
dait ces réponiès comme des preuves d’imbécillité,
il n’héfita point à ioutenir que Doublet étoit irnbécille le Parlement le prononça de même : com
bien a plus forte raifon la Cour s’empreiîerajt-elle a
prononcer l’imbécillité du fieur Fontfreyde : qui
oferoit en douter ?
' •
Le iieur Fontfreyde étoit donc réellement dans
la démence ; la fimplicité des interrogats, le peu
de fens, ou ii l’on veut , la groiliereté des réponiès
l’annoncent évidemment, ces mouvements de colere, de gaieté , d’ennui, toutes ces variations, qui
fe terminoient ordinairement par un profond filence, ne font-elles pas des preuves plus que démonftratives de la foiblcife d’eiprit, du défaut de jugement
& de la démence?
. CuL ratiocinatio non conjlat, dit d’Argentré
fur la coutume de Bretagne , article 490 , & mémori ci labitur, nec colhgit, necjenja animi potefl exprimcre , vel quicrebro tranjitin alia prœter propojita,
nec orationem ÿcrficit, & fubinde digredirur.
Tel étoit l’etat du iieur Fontfreyde lors de l’in
terrogatoire du Juge d’Aurillac ; cet interrogatoire
annonce donc la démence du fieur Fontfreyde , &c
non la fermeté de fon ame.
Un inienfé n’eil fenfible à rien , dit Me. Chapouillc, cependant le fieur Fontfreyde témoigna
de la rcconnoiiTance au Juge de Mauriac, il n’étoit
donc point dans la démence.
Un inlenié cil icniiblc à la peine <
5c au plaiiir,
�/ 3/
H
■ ■"
fir,-autant que les facultés de fon ame ôc de fon
corps peuvent le lui permettre ; ces deux fentiments font une impreflion fur les organes, a quelqu état de foibleffe qu’ils foient réduits, parce que,
tant que l’ame n’eft point feparée du corps, il
eft fuiceptible de ièniations, mais il ne faut pas
les confondre avec le jugement ; les iènfations affe&ent les organes du corps, parce que c’eft lam e
qui le fait agir; le jugement eft un com poféd’i
dées, auxquelles l’efprit donne un certain ordre par
le moyen de la réflexion.
^
r Par exemple , que l’on préfente à un enfant
quelques objets qui flattent fa vue , les organes
font à l’inftant laifis d’admiration, ddà naiifent
différentes fenfations de plaiiir ; quon lui dife
quelques phrafes obligeantes, l’efprit nétant pas
aifezfolide pour faifir les idées qu’on veut lui com
muniquer , fon jugement ne reçoit aucune impreifion , il demeure interdit, parce qu’il ne peut
réfléchir ; tel eft l’état d’un homme dans l’enfan
ce ou dans la démence ; tel étoit celui du fieur
Fontfreyde , accoutumé a voir des honnêtes gens ;
il eft fenfible au plaiflr & à la reconnoiflance ,
parce qu’il voit des êtres qui ont le même rapport
que lui a l’humanité.
Il
n’en n’eft pas de même lorfque le fieur Font
freyde voit les Juges d’Aurillac ; le Procureur
du Roi veut lui rappeller qu’ils s’étoient vus plu- '
fleurs fois, quils s’étoient connus , cette idée ne
peut frapper l’idée du fieur Fontfreyde , parce
�que le jugem ent, la réflexion &c la mémoire lui
manquent tout a la fois , il répond q u il ne s'en
fouvient pas ; (i le fleur Fontfreyde n’eut pas
été réellement dans la démence , il n’auroit pu
méconnoître les Juges d’A urillac, il avoit eu des
relations très-fréquentes avec eux étant Exempt de
Maréchauilee, il avoit même mérité leur eltime.
Mais toute la Ville de Mauriac rendoit vi~
lîte ail • iieur Fontfreyde , dit encore Me. Chapouille, m-t-on voir un infenfé ? quel feroit le
but d’une pareille vifite?.
Si les donataires compofent toute la Ville de
M auriac, il n’eft pas douteux que l’objection de
M e. Chapouille paroîtroit avoir quelque fonde
ment , leurs fréquentes viiites ne font que trop
malheureuiement connues des fleurs & demoifclle
Fontfreyde»
Mais en fuppoiant que toute la Ville de Mau
riac eut été rendre viiite au fieur Fontfreyde,
s’en fuivroit-il pour cela qu’il ne fut point infenie ?
la conféquencp ne feroit pas jufte. | le fieur Fontfrçyde fut l’ami de tout le monde , ce qui eft aid
iez rare dans un pays où les diilcntions ne. font
que trop communes, iuivant les propres expreifions de Me. Chapouille ; le fieur Fontfreyde
s’¿toit attiré à jufte ritjre la coniidération des ; gens
honnêtes, il eft- des cas qii une civilité., quoi-'
qu’inutile a celui a qui 011 la rend , elt unç,iàtisfac-‘
tion pour celui qui la fait ; le fieur Fontfreyde
avoit perdu là femme , les Habitants de Mau- .
�• .
. a7,
riac lui devcient, ainfi qu’aux parents de la dame
Antignac , fe devoient à eux-mêmes de rendre vifite au fieur Fontfreyde'; cet acte de 'bieniearxe
ne peut être une preuve de fa fagefTe.
Mais, dit encore M e- Chapouille, le iieur Font
freyde a participé aux Sacrements de l’Eglife
avant fon décès , c’eft une preuve qu*on le regardoit encore comme membre de la fociété civile,
il n’étoit donc point dans la démence.
La participation aux Sacrements eft, fuivantquel;
ques Auteurs , & nottamment Ricard ,, une pré
em ption contre l’état de démence ; ' ce n efl ce
p e n d a n t pas toujours une preuve 'dé fage/lè , nous
avons une preuve bien certaine de cette, vérité
dans la caufe du Prince de Conty ;contre Madame
la Ducheflè de Nem ours, jugée en 1698 l’on
oppoioit ôc l’on prouvoit que M r. l’Abbé d’O r
léans difoit publiquement la Méfie , qu’il approc h o i t duSacremeentde Pénitence, cependant tous
les a&es qu’ils avoir ioucrits à cette époque furent
déclares nuls.
\
f D ’ailleurs qui nous dira que le certificat rappor
té par Me. Chapouille eft bien finccre ? qui nous
afTurera que M e. Chapouille n’a pas ufé de quel
ques précautions inconnues pour ié faire un moyen
contre les fieurs &.dèmoifellé Fontfreyde ? tout fait
p r é f u m e r que c e certificat eft une fable, & qu’il
n’eft pointa l’abri de fufpicion.';
f
1°. Parce qu’on eut foin de faire appeller le beau*
frere* d’un des donataires ' pour" exhorter le^iieùr
D 2,
�Mû /
*
x
28
Fontfreyde a la mort ; ion fentiment devoit pa
raître fu fp eft, mais le Vicaire de Mauriac crut
devoir s’en rapporter a la fimple déclaration de
ce Miniftre, iàns approfondir plus avant les mo
tifs de ion indulgence.
20. Parce qu’il étoit de la connoiflance du Curé
:de Mauriac que le fieur Fontfreyde étoit dans la
démence : témoin le jour auquel le C u ré vint exhor
ter la dame Antignac a la m ort, le fieur Font
freyde l’accabla d’invectives, &: fi l’on n’eut trou
vé une excufe dans l’état de démence d^ fieur Font
freyde , le Cure fe ièroit pourvu contre lui pour
demander réparation ; c’eft un fait fur lequel on in*
voquéroit avec confiance le témoignage des honnê
tes gens qui en furent inftruits : le certificat qu’on
rapporte aujourd’hui, en le fuppofant vrai,eft donq
une politique de Me. Chapouille, & ne peut prou
ver la fagefïe du fieur Fontfreyde.
Le fieur Fontfreyde 7 dit encore Me. Chapouilïe , cil: décédé en poflèfïïon de fon éta t, fes pa7
rents l’avoient abandonné ; ce n’eit |qu’après les
donations confondes par le fieur Fontfreyde qu’ils
ont formé la demande en interdi&ion : cette de
mande étoit donc tardive ? ôt la poflèifion d’état eft
une fin de non-recevoir.
.
1 ^Il cil avoué par Mç< Chapouille que la Scnçencç
^’interdiction eit inutile pour privjçr un hom*ne qui
cil dans l'adémence delà faculté de tjifpofer de fbs
biens; par-une coniequence naturelle çle ce princi
pe les fieurs1& ‘j.çmy.ifellei Fop.j^eyde pouvoiertt
*............. ¿ c i
�omettre cette formalité ; m ais ils vouloicnt mettre
leur oncle à l’abri de l’avidité des donataires, ils
ne pouvoient former cette demande en interdiction
qu’après le. décès de la dame Antignac.
En effet la dame Antignac étoit héritiere teflamentaire de fon m ari, elle avoit dix années de
moins que lui, fuivant les loixde la nature elle devoit lui furvivre ,• elle étoit en état de régir fes af
faires ; les fieurs & demoifèlle Fontfreyde ne pou
voient & ne devoient donc point folliciter l’interdicHon du fieur Fontfreyde gavant ,le décçs, de la
.dame Antignac, elle les auroit,éqarté; par..ia.ieule_
o ppof i t i on& fa qualité eut arr.êté.la'demaridç en
interdiction qu’auroient formé ‘les fieurs
demoifelle Fontfreyde.
f. .
j.j- La> demande en interdiction a\été formée a\^ant
Je .décès du fieur Fontfreyde ^..ilmjelt.don^ poinp
décédé en poifefÎîoii paifible de fon état ; d’ailleurs
il 'n’exiitc.aucune Loi-, aucun Arrêt qui, aient; pro
noncé ,Ja ,fin dç non-recevoir dansv l’efpeçe dont
il s agir.' , -,
( :■'']') jf ;i<r>*«■■
■
ï j '* \ ‘jJm- )Oi;ii \
Toutes les obje&ions; de, Mft:Ohap,opille()ajnfi
réfutées ^il reiie pour confiant que( lç,^ernier gen-re de preuve rapporté par les fieurs& ; clpmoiicl(ç
Fontfreyde , réiultant des intc^oga^pjrcs^de^
ges de .Mauriac r& d ’AuriUac , ^
$e fa vigueur, tout çonçourt douc'.a.pr^otiv^r |u(y
qu’à la dernière évidence 1 état de denience cju
fieur Fontfreyde , & p^r une confcquenqe natu
relle la nullité de 594s.^ s 'j^ c3
B "?aÎièflfJi;qi
>
�Dès que le teilament de la dameAntignac n’eft
point mut uel , qu’il n’eft pas fait conjointement,
qu’il eft feulement le fruit d’une amitié réciproque,
c’eft en vain que la dame Goutanegre prétend
trouver fa profcription dansl’Ordonnance de 173 5,
elle doit s’attendre a'voir rejetter fon fyftême.
Dès que nous rapportons les preuves les plus
convaincantes de la démence du iieur Fontfreyde,
foit par la preuve teftimoniale, foit par la mul
titude &. la contradiction des a&es qu’il a iouicrit,
foit enfin par l’abiurdité des réponies confignées
dans le$ différents interrogatoires qu’il a iu b i, quel
lort doivent efperer les donatairesquelle fera la
recompeniè de1 leur avidité ? qu’ils iè jugent euxmêmes ?
1
En vaininvoqueroient-ils en leur faveur la loi
paterna paternis, materna maternis, en vain M e.
.Chapopjlle foutiendroit-il que U dame Antigrtac
h’avoit iriïVitt^é fon mari Ion héritier q u i la charge
de lur rendre les:biens ; ces différentes allégations
ne pourraient détruire le droit des fieurs & dembiiclle.::F9ntfrcydc.,'(/ '
L :i
10.'M6. Ch^ipouillc nous donne-t-il une preuVe
qpc la datrjé ‘^ntignac n’ait inîVitiié fon mari que
conditionnellement ? trouvera-t-bn dans le teftament
de la dame Antignac quelques expreflions qui
reiIèrriblcÀt à uni fidei-commis' ? non: les alléga
�31
tions dè Me. Chapouille pourroient-elles donc pré
valoir à un a&e qui eft pur &; fimple , à une
inftitution purement gratuite, &; qui n’eft grévée
d’aucune condition ? D ’ailleurs M e. Chapouille
n’étoit pas dans l’ordre dired de fuccéder à la
dame Antignac ; en un mot, fi le fieur Font
freyde fut décédé avant la dame Antignac, l’on
demande à Me. Chapouille.s’il eut rendu les .biens
du fieur Fontfreyde, dans le cas où il eût ;été inftitué héritier par la dame Antignac ; ion avidité
a extorquer une donation du fieur Fontfreyde, trois
jours'après le décès de.la dam e.Antignad, nous
attefte le contraire.
;
' '•?
- i*. La loi paterna paternis. n’eft relative qii’à
l ’ordre ordinaire des iucceiii0nsr c’eft-à-dire, que
Ipçs du partage d’une fuccefïion dans laquelle üi
y 'a eu, confufion des -biens. paternels : &i- mater^
nels i,-on. rend a chacun ;des côhérièr& les biens*
qui viennent de leur eftoc;mais loriqu’unetfemme^
par pure amitié, a inftitué fon mari ion héritier, ce
n’eft plils le cas -.de l’application de-cette maxime.
D ’ailleurs, lorfque le mari recueille la iàcceilion
de fa femme, les biens qui font partie de l’inftitution fe confondent avec ceux! du mar i , &c font
cftoc fur fa tete ; & comme le fieur Fontfreyde
a. recueilli l e s . biens xle la dame'Anrignac, ils font
devenus relativement a fes héritiers biens paternels;
nous pouvons donc invoquer en notre faveur les
mômes maximes employées par nos Advciiaiies.
r N o u s, voila donc enfin ;par venus a u , moment :
�.qui va décider du fort; des Parties ; il s’agit de
conferver a une famille honnête une partie de biens
dont la tendreffe conjugale avoit difpofe en faveur
d 'un Vieillard qui: fut le jouet de la féductio n &
de l’avidité , auff i-tôt qu’il commençoit à jouir des
bienfaits de fon époufe ; a lui 'conferver encore
une autre partie de biens qui faifoit le patrimoine
du fieur Fontfreyde, & qu’il'confondit dans ceux
de fon époufe, pour, les rédimer & les améliorer.
Les fleurs & demoifelle Fontfreyde, incertains
pendant long-temps s’ils recueilleroient la fuccef
fion de leur oncle, puifqu’il en avoit difpoféen faveur
de la dame Antignac, fon époufe, fe font encore vusà la veille 'de la perdre par des manœuvres odieufes & inouies : ils viennent dans le Sanctuaire de
la Juftice demander vengeance contre l’avidité de
leurs Adverfaires, & réclamer des biens que la
loi du fang leur déféré ; leur confiance ne le cède
en , rien a leur efpérance.
Monfieur D U F R A I S S E D E V E R N I N E S ,
Avocat Général.
Me. P R E V O S T , Avocat.
J ULH I A R D , Procureur.
D« l'imprimerie d e P. V IA L L A N E s , près l’ancien Marché au Bled. 1774.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Fontfreyde. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Duffraisse de Vernines
Prevost
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
successions
testament mutuel
conflit de lois
droit écrit
testament distinct
donations entre époux
ordonnance de 1735
intention du testateur
témoins
incapacité
abus de faiblesse
doctrine
paterna paternis
materna maternis
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour les Sieurs Fontfreyde, les sieur et dame Coussayre, Bourgeois, habitants de la Ville de Clermont-Ferrand, Appellants, et demoiselle Pérrette Fontfreyde, habitante de la Ville de Billom, Intervenante. Contre Maître Pierre Chapouille, Avocat en la Ville de Mauriac, Intimé. Contre les sieur et dame Ronnat, les sieur et dame Violle, habitants la même Ville, Intimés. Et encore contre demoiselle Marie Simon, veuve de Joseph Goutanègre, habitante de la Ville d'Aurillac, Intimés.
Table Godemel : Testament : 2. des dispositions testamentaires ayant été faites réciproquement mais séparément par deux époux, le testament invoqué par le survivant peut-il être annulé, aux termes de l’ordonnance de 1735, comme étant mutuel. ce testament a-t-il pu être anéanti indirectement par des donations obtenues de l’époux survivant, octogénaire, et en état de démence ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1763-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0328
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52936/BCU_Factums_G0328.jpg
abus de faiblesse
conflit de lois
démence
doctrine
donations
donations entre époux
droit écrit
incapacité
intention du testateur
materna maternis
Ordonnance de 1735
paterna paternis
Successions
témoins
testament distinct
testament mutuel
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53869/BCU_Factums_M0609.pdf
a15bc1458146469c72fbf7d9d1e5656b
PDF Text
Text
m
é
m
o
i
r
e
POUR.
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
C O N T R E
LES H É R I T I E R S DESTAING.
A RIOM,
D e i ’I m p r i m e r i e d u
P a la is , chez
A v r i l
1 8 1 1
.
J.-C. SALLES.
�M
E
M
O
I
R
E
POUR
N A Z O , veuve de
A nne
J a cq u es-Z a ch a rie
D E S T A I N G , g én éra l de d iv is io n , en son n o m ,
et c o m m e tutr ice de M a r i a D E S T A I N G , sa
f i l l e , in ti m é e
;
,
’
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
,
L o cu li sunt adversum me lingua dolosa et sermonibus
odil circumdederunt me , et expugnaverunt me gratis
..
E t posuerent aduersum me mala pro bonis } et odium pro
dilectione me d
Ps. 108.
U
NE Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d évenemens que toute la prévoyance humaine n ’a u r a i t pu mai
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
îe'moin de son mariage. Les fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées dans 1« mémoire de1tous les he'ros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : [’Empereur lui-m êm e, convaincu'de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. L a famille Destaing , ‘ plus convaincue’ que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A in s i, du moins, cette étrangère qui n’aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille, née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. Telle fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
' par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste ; et déjà à A u rilla c , comme au
Caire , une notoriété honorable assignait dans la société, à M a
dame Destaing et a sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a trouble cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é ta t, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance
tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’ov! cette divinité des nations, a brille aux yeux des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie qu’il
�( 3)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo r s , par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placédans tous les registres d’A u rilla c, comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiies par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter'de ce cjue toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
T‘
r Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, tet cle dédaigner l’opinion,
qu’ôti peut avoir d’elle L
, ,!i l M 'im p o rte , plus qu’à personne, de
donner de la publicité a'sa'cimduite ,r et de prodam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dansées actions, ne lui a ôté le droit
d’en'Obtenir. '
'
] <
r
•i
. FAITS.
..............i
Tous les faits1de cette cause sont liés aux grands événement
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de savans allèrent en 1 an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�( 4 )
fut prise d'assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks f u r e n t vaincus dès leur première apparition, et la
capitale o u v r i t ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette a r m é e n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du N il, l’agriculture et le commerce. .
Cependant les héritiers D estaing,(ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérons licencieux, q u i, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse, et pour prix de
la victoire.
Laissons celte atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, çt .poursuivons un récit plus véri
dique. .
3 v> •\ ” i
• Quoique le but de.l’expédition d’Egypte fût caché dans: ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme; était la
fondation d’une C o l o i ^ française; A u r e s t e , 1 ’établissepient de
l ’armée en Egypte devint bientôt une nécessité. L e malheureux;
combat d’Aboukir, et la perte^de la flotte achevèrent d’ôteitiuix
Français débarqués tout .espoir prochain de retour.
;
. •:>
Il fallut donc tourner toutes.ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’aifection, s’y faire une,patrie.
r
E t , certes, voilà quelle a dû être, quelle a été erj effet la dis
p o s i t i o n des esprits, ubi b e n è, ibi^pfUria ; rien n’est plus fran
çais q u e cette maxime; et bientôtles'vainqueurs de l’E g yp te Se
* ardèrent comme naturalisés sur les bords du.Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple ;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�( 5 )
d’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
i L e général en cheFMenou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lan- .
tin, Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et m i l i t a i r e s français
suivirent cet exemple.
v L es pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas diiTéi’ens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
i Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, qui, de la province de Cathié, où il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t ans.
L e g é n é r a l Deslning demanda la m a i n d’Anne Nazo ( néë
T r is o g lo w * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune, o
Il n’etait pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’e a u - d e - v ie ; Nazo était fermier - général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre partie de la popu
lation. Tous les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout céla aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
E n E g y p t e , le second mari donne son nom a u x en fans de £a f e m m e }
en signe de la puissance patern elle q u ’il a sur eux.
�( 6 )
A n n e N a z o , promise au général Destaing, fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de Saint - Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-m êm e se charger de la
célébration.
On demande , depuis huit a n s , à une jeune épouse , dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage ? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête ,' la bénédiction et l ’échange
D
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à .D ieu, pour les époux, une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé'dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres fortnalités. !
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du géne'ral, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués , appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
moeurs françaises, tout rentra dans l’ordre accoutumé, et sauf
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l ’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
A insi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M amelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C'est alors que leûr tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’nne armée ottomane s’avançait vers la Syrie, tandis qu’une llotie anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L es Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�( 7 )
dans leurs retranchemens J" mais que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
L a dame Destaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domestique, pour la rassurer sur l ’état de sa blessure.
L a dame Destaing
D était alors à la citadelle du C aire,7 où le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , q ui, certes, n’est pas académique : mais
aurait-on cru que les formules épistolaires de Fiance fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
a son epouse, dans une langue que son oreille entendait mojnç
aisément, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e ., le i 5 prairial an 9.
k II y a long-tem s , ma chère a m ie , que j e n ’ai pas de tes
« nouvelles ,* j e désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
C e s lettres ont pour adresse :
à M a d a m e A n n e , f e m m e D e sta in g .
E lle s sont d a té e s , l’ une du mois d o u l k a d e h , l ’ autre du mois d o n t h c d jc h ,
d e l ’année. 1 2 1 5 de l ' h é g i r e , rép o n d a n t aux m ois de
germ inal
et floréal
an 9. Il «’y esj question q u e de la blessure du général D e sta in g , cl assu
rance de r eve n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s pour Joa n n i N a z o .
3‘
jIIes
sont
jointes aux pièces a v e c la traduction do M . S jl v e s t r e de S n c y , professeur
d e langues arabe et p e r s a u e , et m e m b re de l ’ institut.
�( 8 )
J o a m it , qui est chez le général B é lia r d , devrait savoir
quand il part des détachemens pour A le x a n d r ie , et en profiter pour nCenvoyer -des lettres. C ependant , il ne Va pas
fa it l a d e r n i è r e f o i s : il fa u t le gronder de ma p a rt, pour
qu’il soit plus exact à l'avenir. On m ’a dit que tu étais
grosse ; j e suis étonné que tu ne m ’en aies rien écrit : éclaircis
mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t ’aime to u jo u rs ,
et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant , je
a t'em brasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. L e g é n é r a l D e s t a i n g ».
1
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
«
«
«
«
«
«
«
«
dame D estain g, semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru avoir
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois moisj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en
messidor an 9. Un article portait, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour conduire à Marseille les
Français et ceux deja attachés a leur fortune. Les dames reti
rées a la citadelle avaient la facullc de rentrer dans la ville du
Caire.
• Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulati°n ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation , la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing , craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa iamille. L e général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A r c h ip e l, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l ’époqye de ses couches.
M a i s , to u t à c o u p , o n f u t a v e r ti du d a n g e r q u e c o u r a ie n t
des F r a n ç a i s et des G r e c s d ’ê tre la p r o ie des T u r c s en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avait deja dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un pretre grec, desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d ’E sla in g , tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie M isck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassiffi, officier de l’escorte.
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine ; rejeté en arrière de 5o lieues dans la mer
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
l’Empirc et duc de Dalm atie).
3
�( IO )
C'est ainsi qu’une Famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la terre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet i n s t a n t il y eut une trêve à ses malheurs.
M . Ie général S o u lt, informé de l’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
]Vladame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V e u ille z , je vous p rie, renouveler
à madame D estaing les offres de services que mon épouse et
m oi lu i faison s de tous les secours qui pourraient lu i être né
cessaires; elle nous obligera infiniment d'en disposer. S o u l t » . ’
Qui donc avait pu informer M. le général Soult du nom de
la dame Destaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse’traversée du vaisseau leSt.-Jean, l'armée fran^
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs ép o u s e s arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il paraît même quWs écrivirent à M. le
général Soult, et voilà ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de T a ren te, mais en marquant une
répugnance pour continuer son voyage parla Médiléranée.
M. le général Soult poita la bonté jusqua lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu au premier port de son
g r a n
d
e
gouvernement, de la traverser 1Adriatique, et continuer par
terre d’Ancope à Lyon.
�( 11 )
Tout cela s’exécuta de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le gc'oéral Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Destaing jusqu’au port de Barletta. Il fît chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M . Desbrosses, officier
français, de l’accompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Destaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ajiii.
L ’accueil affectueux du général n’avait pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la première fois ; leurs projets
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans qu’ils passèrent
ensemble....... L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur B o rdin, chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing père, qui invitait
çe sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre, celle qui, tombant tout"
à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreu x, allait se trouver sans époux et sans patrie
parmi des êtres dont la dem eure, les habitudes, la langue
même lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�( 12 )
mne , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E gyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’afFabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, i l faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’â m e , et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait a l o r s à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour lu succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i 5 floréal an 10 ).
Il s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui en prit l ’initiative; un conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
5 messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance , exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing, son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant une f i l l e u n iq u e, âgée de cinq mois, nommée M aria,
« provenant de son mariage avec A n n e JSazo , grecque d ’oria g in e , laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o n s , p è r e , le m ê m e qui avait toute la confiance du g é n é ra l '
D e s t ii n g à ses derniers m o m e n s , et M . D e l z o n s , général de b r i g a d e } m arié
pussi en E g y p t e , sont m e o ib ip s de ce conseil de fam ille,
�( i 3 .}
tuteur de Maria Destaing, M .D estaing, sonaïeul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D estain g ; lui alloua des
habils de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit'le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
V oilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i, sans aucun doute', le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing père, tuteur de
Maria Destaing, J ilte et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir q u e ce q u ’o n laisse dans un
a p p a r t e m e n t d ’ hôtel g a r n i ; des v ô te m e n s , des a r m e s , q u e l q u e s
p a p ie r s d e p o r t e f e u i ll e *, et d e u x r o u l e a u x de 5o louis. O n y
consigne ce fait, que le général avait remis, peu dé jours avant
sa mort, à M. Del'zons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, pour qu’il les fît passer à Aurillac.'
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
A u rilla c, quelquefois dans les sociétés où on la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle, occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i 3 en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
Il y avait une lettre du lieutenant L a t a p i e , et une lettre d e J o a n n i
N a z o , toutes deu x écrites de T a re n te . C es lettres avaient été supprim ées
d e p u i s , et « ’ out pu être c o m m u n iq u é e s qu’en vertu d’ uu arrêt de la C yu r.
«
�}
des pensions, comme veuve du gén éral D e s ia in g , i 5 jours
(
1
4
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une anne'e. Mais les frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de leras , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
a v a i e n t fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L a mélancolie de la dame Destaing lui faisant préférer la so
litu de, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l’intrigue et des
conseils. L a dame Destaing, sa belle-mère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence .- enfin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur Desiaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette de'iiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils ; et la seule punition qui lui vint en idée contre la mère,
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la cam pagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pas sa retraite.
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. L a dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame D estaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui se passait. Nazo partit su r-le-ch a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re vet de celte pension est du 29 floréal an 10.^
�( i5 )
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céplialonie, sous le nom de Maria; et muni de cette pièce, il fit
adresser un mémoire à l ’Empereur pour réclamer Maria Destaing.
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait relenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profilèrent de cette circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère qu’il
avait jusqu’alors chérie comme sa fille. Telle a été la source du
procès.
L a première hostilité vint des frères et sœur Destain^, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre li>s mains de leur
père, le mobilier et revenus de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celle lenteur
eut été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibéra lion du con seil
.de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les voies
judiciaires; elle assigna , le 27 nivôse an 12 , le sie u r Destaing
père ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander
remise de la succession , et une provision pour scs alimens, dont
on avait affocté de la priver.
�C 16 )
Cotte privation était inhumaine; mais la dame Destaing a été
heureuse de la s o u f f r i r . Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *•
que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
e r r e u r , à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D esta in g „
plus d'un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
C ro ira it-o n
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur Destaing père, le moins intéressé à le connaître ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lux laissait, pendant ce tems-la, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dameDestning recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
* « M in is tè r e d u trésor p u b lic . — P a r i s , i 3 pluviôse an 12».
« A r t. i . er L a pension de
520 fr.
accord ée par arrêté du 29 floréal an 10 ^ à ’
« A n n e Nax>o , n ée en K g y p l e , veu v e d u s .r J a c q u e s - Z a c h a r ie D e s ta in g ,
* général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t. 2. L e s M in istres de la gu erre et du trésor public sont c h a r g é s , etc. ».
« Sign é N A P O L E O N ».
Là
�( . T7 )
L à on fît dire au sieur Destaing père , qu’il révoquait l ’aveu ,
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant ; que lescertificats.de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne cont
naissait d’autre enfant >de son fils , ;qu’un' enfant naturel, né
avant son déport pour l’Egypte ( tqu;e/l’çrn.disait;tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de P a r i s ^ Puisjilidemanda.à la
dame Destaing.une caution pour être ajlrçiisejà. plaider, comme
étrangère.
.'.icnri iioa sb lue: /r>
i
rl V oilà ce que les héritiersrDestaing osèrent suggérer ¡à ,leur
p è r e s a n s . égard" pourelaon\émoirei[du gérjéraJ;f et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, saris* n o ta , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.'! o u;b :,[ . 'l.iui un n ■'<:i ... -•
Cependant la> dame Destaing. voulant .ne la'isSerj aucune sus
picion sur son certificat d ’é g y p t i e n s , et pouvant f o r t a is é m e n t
le s u p p lé e r p a r d es t é m o ig n a g e s f r a n ç a i s , r é u n it devant le juge
de p a i x de P a r i s , en la f o r m e le'gale d es a c t e s de n o t o r i é t é ,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caireien l ’an: 8 et
en l’an 9; 1.° l’ordonnateur -eh ch ef dé l’armée ; 2.« l’inspectéurgénéral aux revues; 3.° le chirurgien eri‘ chef de l ’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général, de la dburonne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie .impériale; ,7.° un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caird, Suivant les rites(du pays;, et en légitim e mariage
« avec le général Destaing, dans le courant de l’an, 8 , par le
« patriarche d 'A lexa n d rie. Que l’acte de célébration n’en a v a i t
«
«
«
<i
pas été rédigé, parce que ce ri’étâit pas l ’usage : 'mais qi>e ce
mariage n’en'était pas moins constant, ayant été célébré en
présence d’ un grand nombre de militaires 'français, e t 'de la
plupart des déclarans. Que depuis cette célébration Anne
�( 1 8- 5
« 'Nnzo n’avait pas cessé d’ habiter eh Egypte avec son m a ri,
« qui l’a t o u j o u r s traitée comme son épouse légitim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général D upas,
alors absens ; le premier, comme gouverneur des départemens
a u - d e l à ' des Âlpes; le'sèiiond, comme gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fît écrire pour leur demander Uvdéclarâtion.
de la vérité sur1son taaxiage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la’ connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
.
L ’a<*.tërdenotoriëté fut hoimologfuép’a r l é tribunal civilide la
Seine/'sur •'le «¿apport d^uil jjngé/net stn>desi)conclusions‘:du
ministère public. •» :1‘ ' . t ■ •' ' 0"'n'
! |
yf
jde-cette pièce' importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Déstaing crutison1 procès fini,
et se présenta à l’audiehcé de- Mauriac! Mais combien- ellej se
-, <K)t
. 1 'it' ^ rh b
r.M u n ie
—
‘
*
•
t' *~
V
”
"
■
1
« J e d é c l a r e , au nom d e la v é r i t é et de l’ h o n n e u r, q u e , lorsque j e com
m and ais l ’ a rm é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é ü é r a l .D e s t a i n g s’ e^t m a r i é
4ta it venu>
m ’en f a i r e p a r t.. . . . . . . i J e m ’ engageai à y - a s s is t e r , ainsi q u ’ au repas
en l’an 8 a v e c rnademoiselléj A n n e N a z o . . . . . . ! » , . . L e gé n é ra l
qui eut lieu après le mariage. J e r e m p lis npa prom esse.. T o u t s ’ ij p a s s a
a v ec La p lu s grande rég u la rité sous les rapports c iv ils et r e lig ie u x ».
« À T u r i n , le' 18 juillet 1806 ».
1
« L e gé n é ra l M eno u ».
« J e cettifie q u ’ étant « l i e f dë b r i g a d e , com m an d an t la citad elle du C aire
sous les ordres'du général D e s ta in g , J ’a i eu> p a r fa ite e ts u r e c o n n a is s a n c e
d e s o n lé g itim e m a riag e a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . . . . . J ’atteste
a v o i r eu des liaisons particulières a v e c b eaucoup de personnes très-dislinguées qui m ’ out dit a y o ir été p résen tes à ce m a r ia g e , qui fut cé lé b ré
p u b l i q u e m e n t . . . • •,............■ 1 c ,i ! i
« P a r i s , le 3o juillet 1806».
■*'L e g é n i a l D u p a s ».
�C *9 )
trompait ! L a cause' e û t été trôp simple avec le siéür Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre davis leur in terv èh tion , leur tierce oppo
s itio n , leur s a isie, le u rsincidens dé boute espèce : il suffit de
parler du jugement de MauriàC,'ydùl^ 3 raô'ûV 1807-, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions p o ty r 5 l e s comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appekrii :
■s'[ •'' '
L e tribunal de Mauriac ne crut paà;dfevoir s*arrêter aux preuves
existantes ; il-lès jugea insuffisantes / ¿t‘ brtàoiiha que la dame
Destaing prouverait ,- i;©.«-Qu’íl'rñéát paá!d‘íiS¿ge?'á t r Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire deS âcres de mariage
« et de naissance; i2.°. qu’elle a été mariée au Caire, en l’an 8 ,
« avec le général Destámg J p a r le patriarche d'Alexandrie, avec
«r.le^ qérémQnieà.usitées-.dàiisile lie u $ 3î° qU’eïIé'a cohabité de« puiçiavio/îlejgénéraLi'Destaing jusqu’àvsoiv'iëtoùr''en-France;
tq u é .)d a n s n t9 u t ;lc e . t d m s e }lë a é t é / p u b li q u e m e n t r e c o h n u e
« p o p r fépbuàe. d u ¿éncfrdl DestaiingÇ’ 4 .0 q ù ’ ë llè est a c c o u c h é e h
c? C é p h a l o n i e ,, en n i v ô s e - a n 10 , M ’ u né fille p r o v e n u e d e c e m a cc.]riagQV J a q iie lle ia étf 3 n o m m é e ^Maria D e s t a i n g ».
^ ; ■-!
‘ - ïl'ÿ ’ eüt^'tië part-'et d’a^ti’ë^à^pél' dê^oe jugement ; V d a m e
Dëstaiftg>à’*n pl-aï^ nartf^ arè^ cj^ t'H ^ ujktíssáií»à ‘ une'*preuve
non-sedement? déjS'fàit’ë , M is « q u feïlé' I r u ï inutile/ j&isqu'éllè
avait une possession d’état émanée de°la famille Destaing elieTneme¿ Les hei'iliers Destàîng syen píaignirent aussi, en ce que,'
diâàieut-ils j l£ Gpdb'èiVilrié permet de prouver lës'mariages que
par écHt et par les iëg;istres deirétàt ci^il. 1
'
l<: ‘ >
Ge n’était point assez1 d’avoir accablé de'calomnies la dame
Destaing à A u r illa c , Mauriac et P aris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A ile s croire, elle n’ était qu’une prostituée dé la plus
vile cldsse, offerte au général par sa propre famille avant même
qu il eut sur ce point montré aucun désir j une grecque arliii-
6
�C 20. )
cieuse et rusée, qui avait su en impose* quelque tems à une fa
mille crédule ; ensuite, et'pour avoir le droit d’insister sur la re
présentation d’un acte civi], ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger. , . , j;i ,
• ;)|. ■
L a Cour,d’ap p el,.p ar arrêt du n juin 1808 , a cru-devoir/
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée,. mais avec ¡des ¡motifs bien précieux pour la dame
Destaing, etflui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont.seulement voulu, ne négliger aucun moyen légal de
découvrir 1^ vérité. ^
g
j « ¡b
ob 'rm! <!.=)[) »
# ¡Cependant là preuvejôrdorinée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue-.: «; La-Cour dft qu’il a été bien1
« jugé en ce que la/preuve testimonialë a été ordonnée, et néan^KJO^ips, réduisant l interlocutoire ^or'dcJnne!que-clans S i x môlS1
« A fiae Nazo fera pfguve;, tant’par titres, que par. témoins, deor vant lç$ premiei'sjjiges,. queipendàrit qué le général Destaing
« était en activité de service au Çaire, elle a .é té mariée avec lui
« publiquement et solennellement par, le patriarche d’Alexan« d rie, suivant le rit grec et s,u;,yant le^fp^mes-et usages.obîer« vés d an sle pays \ Vautorise a Jaire çn tendre les parens , tant
« d’elle.cjue du général Destaing»¡^insi (ÿiejçtuies]/es personnes
«
«
«
«
«
qui ont déjà donne des attestations par forme d’acte de no-:
toriéte, a-Marseille et à^Paris, ou des çertificats dans la
cause, sauf tous
¡reproches de droif;qui pourront être
proposés, et sur lesquels, les premiers juges'statueront, .sauf
preuve contraire; ordonne que les frères et sœur ^estaing
a rapporteront les deux lettres mentionnées en l’inventaire
« du 24 messidor an 10».
Les héritiers Destaing mçnaçnient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis D avid, Géorgienne,
�( 21 )
mariée en E gypte avéc M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par m ille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquement l ’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas juger ce grave procès,
le renvoie à M a u ria c, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
•vaincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes ; mais la Cour
en fait justice, et, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de Mauriac à donner les commissions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation des dépens faits à Riora , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
Enfin les enquêtes se font, l ’une à M arseille, une autre à
autre à A u r i l l a c , et u n e dernière à M auriac ; mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est.rem arquable, sur-tout par la verbalisation continuelle
de l’un des héritiers Destaing, q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des obser
vations faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
P a r is , une
*
L a C o u r de M e t z a va it or d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
un acte de n o t o r i é t é , constatant q ue les chrétiens grecs ou rom ains q u i se
m arient à G i z é , piès le C a i r e , ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m o tif q u e des ordres cUi jour
p u b liés en E g y p t e , en l'a n 6 , exigeaient q ue tous les a c t e s ,
e n t r e
F ra n ça is
et E g y p t i e n s , fussent reçus par les com m issaires des guerres.
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte de notoriété était su ffisa n t, et avait été lég alem e n t
o r d o n n é 5 e n c o n s é q u e n c e , le po urv oi a été rejeté le 8 ju in 1809.
�( 22 )
témoins; et quelles questions encore!.....(S i en Egypte il n’est
pas reçu qu’on se marie pour un lems.....S’il n’est pas vrai que
les Turcs c o u p e n t la t ê t e aux femmes qui ont commerce avec
le s E u r o p é e n s ,.... e t c . , e t c . )
bien, toutes ces billevesées •sont fidèlement écrites dans l’en
quête de Paris , renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
Eh
A Marseille, il n’y avait pour les héritiers Destaing qu’un
fondé de pouvoir ; et soit qu’il n’osât pas se permettre toute cette
verbalisation, soit que les juges méridionaux soient moins'patiens que ceux de la capitale, l’enquête s’est faite en la forme ordi
naire, et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à Marseille, comme à Paris, on ne manque pas
de faire insérer des reproches contre chaque parent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (m algré
l ’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
Malgré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent;
des témoins distingués rendent compte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte de leurs dépositions une preuve aussi complète
qu’il était p o s s ib le de l’attendre après ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
' i
L es deux enquêtes de la dame Destaing sont composées de
dix-sept témoins entendus a Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d’un aussi grand,
nombre de dépositions, il faut les rapporter à trois faits prin-,
ripaux : i.° la fête nuptiale ; 2.0 la cérémonie de l ’église:; 3.° la
notoriété du mariage.
M M i les généraux L a grange, Duranteau et B ertran d ;
M M . S a rielo n , secrétaire - général du ministère de la guerre;
1.0
M arcel, directeur-général de l’imprimerie impériale; C lém ent,
négociant; L a rrcy , médecin ; A n n a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ir e , ont déposé avoir assisté au repas de
�( *3 )
: noces : les sieurs D u f é s , T u îim g i et M is c k , parens d’Anne
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef M enou ( décédé pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u re, commissaire des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê t e la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général Destaing avait com m uniqué son mariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des billets d 'in c i
ta tio n ; et M. Sartelon dit même qu’il croit avoir vu l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire.-MM. Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M. Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l ’église, et qu’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. D o n M o n a ch is, les s.rs Tak et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires , qu’ils nomment, leur
ont dit avoir assisté à celte célébration dans l'église Sain lJSicolas. L e sie u r C ha m , a n c i e n interprète de M . le prince de
Keufchûlel, déclare avoir vu les préparatifs de la fête sur la
place A tabel-el-Zargua. Les sieurs O bad an i, commissaire de
police; R o s e tte , bijoutier, étaient présens à la célébration du
m ariage, f a i t e par le patriarche d ’ A le x a n d r ie , dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph T u tu n g i , Ibrahim
T u lu n g i, Sophie M isck et Joseph M isck déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église grecque,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N icolas P ap as Oglou
était le parrain.de la mariée, suivant l’usage. L e sieur Barthélem i Serra dit avoir été in v ité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais n’avoir pas accepté, parce qu’il ¿lait broutll^
avec la famille Nazo; il ajoute que le général Destaing lui d i t ,
avant son mariage, qu’il serait célébré suivant le rit grec , et
qu ensuite il lui dit que son mariage avait etc ccléoré par le
�( 24 ) '
patriarche g r e c , selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l?usage du pays.
3 .° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au Caire ; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oin s, sans exception, attestent que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ; et pre'cisdment tous ces
militaires français , qu’on a peints comme ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui altestent le plus
fortement que personne ne d o u ta it , au Caire et à Varmée , de
la légitim ité de ce mariage.
\
L es héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u rillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
A A u rilla c , ce sont le sieur Delzons père et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rap
porte seulement deux conversations : un jour, à Paris , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que lui ne l’était pas; le sieur D e l
zons ajoute qu’il fit cesser ce lle plaisanterie. Un autre jour, a
Paris, le général D e lz o n s , son J ils , lu i dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse à laquelle il
avait assisté.
L a dame Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an g , et on lui dit que la veille on avait conduit
A nne Nazo chez le général, à l ’enlrée de la nuit, sans cérémonie
ni fêle; qu’il y eut une fête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anne Nazo y occupait la place de maîtresse de la
maison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’ Anne Nazo avait été conduite chez le général Destaing, il y
avait eu une cérémonie religieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
Jusque
�( 25 )
J u sq u e-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par clive qu’elle croit
qu’on regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitim e
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait jem m e du
général D e s ta in g , et lu i rendait les honneurs attachés à ce
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rie n , dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
Destaingarriva d’Egypte : elledînaavec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu’il avait épou sée , que
tout le monde le d isa it, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait pei'du en Orient l’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E lle est passée d’un côté et
tnoi de l ’autre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la d e m o i s e l le
G r o n i e r t i r a , à c e q u ’e lle d i t , p lu s ie u r s c o n j e c l u r e s du mouve
m e n t de ses d o ig ts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
ne pouvant plus rien dire sur ce chapitre, elle parla sur d’autres
qu elle juge inutile d’être racontés. Lorsqu’ensuite la dame
Destaing lut \enue a Aurillnc , la demoiselle Gronier (p a r une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
a la dame Destaing s 'il y avait des registres de mariage au Caire,
et la dame Destaing lui répondit encore qu’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n fin , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu déclarer , par madame D e lz o n s ,
fem m e du gén éral, qu’Anne Nazo avait été mariée , ET que son
mari ( le général D e lz o n s ) y é t a i t p r é s e n t . ( V o i l à l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing prétendent leur être fort avantageuse ).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’uu était son palfreuier au Caire ; le cuisinier lui dit qu’oa
7
�( 46 )
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
davantage pour ce jour-là. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M enou et tout Üétat-major. Cette femme y
était a u s s i , il l’a entendu appeler Madame D estaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
g é n é r a l . On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa figu re, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme ; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là. qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des mariages en Egypte. Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un dais, précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o ilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
d irecte, loin de la détruire.
Aussi les héritiers D estaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de v u e , leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille ,
on n’a Pas dit qu’a chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l ’explication très-lum i
neuse de la différence des eglises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres res-
�( *7 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d ’Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificals émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs ca th o liq u es, et du supérieur de la
m ission.
L a dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R aphaël
Monachis , l’ un des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique rom ain, appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses éludes. Revenu au couvent des Druses, sur le M o n t-L ib a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rom e),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’ équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o in t, et encore cet usage est-il récent;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V oilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme garantie d’un simple fait historique, qui eut pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�( 28 )
C ’est ainsi qu’ il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
.Mauri ac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810, parfaitement
motivé , le tribunal de M au ria c, convaincu de l’ extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers D estaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ÿ
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. Aujourd’hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les nom s, les
qualités , les usages, sont constans ; la dame Destaing aurait
d me rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
e^act de ce qui résulte d’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�( ¿9 )
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à laire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
inonde s’empare des événemens extraordinaires pour les juger
avec la promptitude q u i convient à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuage de la calomnie est quelquefois tellement épais que
l ’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les m a g i s
trats ne se décident point comme le vulgaire.; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent 1 opi
nion a proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�(
3o
)-
C ’est line grande consolation sans doute pour la dame Des
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’ e s p é r e r à un aussi grand éloignement de sa pairie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiélé où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an 11 ? L e vaincu , n’en doutons p as, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal r é e l qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c i v i l , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes doivent être rejetées! Voilà bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la Cour les a jugées
nécessaires?
L a loi, disent les héritiers D eslain g, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - il s d e la fausseté du
mariage que tant de témoins attestent? A u c u n e ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
la Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d ’ un interlocutoire
o r d o n n é par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté: la preuve est
co m p lète. U n e
foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : l e s uns étaient témoins oculaires des f ê t e s , les
autres témoins oculdircs de la célébration, d autres étaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
oui'attester la célébration j mais cette attestation leur avait été
�( 3 1 }
'donnée par des personnes présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Comment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a rfa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmêmes que le général D elzo n s * était présent à la célébration
du. m ariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce m a ria g e, était certaine pour ceux-là même qui,
dans l’arrangement de leurs dépositions, marquaient la volonté
d’être favorables aux h é r itie r s Destaing.
I l s l e c o m p r e n n e n t p a r fa ite m e n t ; m a is ils ose n t a t t a q u e r lin e
e n q u ê t e e n t i è r e , p o u r la fa ir e t o m b e r en m a s s e p a r la p lu s au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d ’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in ca
pables de témoignage.
Celte injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité celte dure qualificaiion des hommes qui
A u j o u r d ’h u i in d iq u é par les héritiers D estain g c o m m e a yan t d ém e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père et à sa fem m e .
�( 32 )
I
n’ont été coupables que d’attachement à la France? V ivant
sous un joug de fer en E g y p t e , à cause de la difference de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs-, et s’e'taient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se liv re ra la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1- elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l’amour de la
patrie * , pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i 3 du
Code Nap. dit : quê « l’étranger qui aura été admis par le gou« vernement à établir son domicile eu F iance, y jouira des
« droits civ ils , tant qu’il continuera d’y résider ». O r , suivant
l ’art. 25, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers .D estaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
* « L o r s q u e M . M a ille t était consul au C a i r e , les J é s u ite s persuadèrent
a à la cour d e F ra n c e de faire ve n ir à Paris des ctifaus de Coph tes pour
c les é l e v e r a u x collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d ev ait les instruire dans
k la foi ^ et les r e n v o y e r convertir leur nation s c h é m a ti q u e . A force d ’a r« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêm em ent pauvres :
« mais lorsqu’ il fallut se s e p a r e r ,
la tendresse se réveilla dans toute sa
« f o r c e , et ils aim è re n t m ie u x retom b er dans la misère que d ’ acheter un
« état d ’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœ u r». ( S a v a r i ,
sur l’E g y p t e , lettre 1 4 } '
uno
�( 33 )
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui ,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Destaing dans leurs apostrophes.
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Ne trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu’il n’y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et àb
o v o , tout ce qui s’était passé au Caire , à Tarente, à L y o n , à
Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Delzons, leur cousin,
ancien ami du général D esta in g , qui certainement a tout v u ,
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d accord avec la loyauté de ce militaire, qu’il est difficile de croire
a sa réalite. Plus on la lit,' et plus on est c o n v a i n c u que c’est une
véritable in j u r e fa ite à c e g é n é r a l , de lu i imputer un écrit p a r e i l .
O n lit d a n s c e tte l e t t r e , d a té e d u 1 7 j a n v i e r 18 09 ( et q u ’on a
signifiée comme pièce du procès ) , que M . Delzons s’accuse
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, pour recevoir les secours hospi
taliers dus au m alheur; mais qu’il est faux qu’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’«« arrangement
oriental ou un mariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
L e s enquêtes p r o u v e D t q ue les m ariages à tem s n ’ o n t lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e p e n d a n t 11» tems d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a choisie ; la p o lice e x ig e cette fo rm alité : et les
e ngagem ens de c e ge n re sont en parfaite c on cord an ce a v e c la religion do
M a h o m e t , qui ad m e t la pluralité des fe m m e s. « E m p l o y e z vos richesses a
* vous procurer des épouses chastes et vertueuses. D o n n e z la dot prom ise
« suivant la loi. C e t en gagem en t a c c o m p l i , tous les accords q u e vous ferez
* e n s e m b l e , seront licites ». ( K o r a n , ch . 4 , v . 29)*
9
�( 34 )
ment du jo u r et de Vheure où Anne Nazo est entrée chez le g é
néral Destaing, et du jo u r de sa sortie ( au bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jour de l ’a r m é e , relativement à la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
e x e m p l e s . L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, pour avoir dit que lui Menoii
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité , sous les rapports civils et religieux .
Non , un général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'honneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo,
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D el
zons, son p è r e, a déposé que
le gén éral D elzon s
,
son f i l s
,
q u 'il y avait eu une cérém onie relig ieu se ,
A l a q u e l l e i l a v a i t a s s i s t é ; lorsque Françoise Gronier a
déposé que madame D e lzo n s, fem m e du gén éral, lu i avait dit
q u’ jdnne Nazo avait été mariée avec le général D e sta in g , et
LUI
AVAIT
DI T
Q U E SON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; car le gé
néral Delzons est membre du con seil de fa m ille , du 5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
f ille légitim e de son fils.
C ’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l cl écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e légitim e provenant de son mariage avec A n n e N azo.
Voilà
seulement ce quç le général Delzons a
di t
en présence
�( 35 )
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d’un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure faite à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; comme s’ils s’attendaient
que la C our, après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom dHin parent qui lui-même avait attesté
légalem ent le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante , que les commenter serait les
affaiblir.
C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l ’interlocutoire ordonné par les premiers juges , qui
avaient exigé de plus la preuve de l’existence ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers Destaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’eHe a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r, d isent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur début
( l ’armée est prévenue, etc. ) prouve seul qu’il ne s’agissait pas
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule
10
�( 36 )
Supposer que la légitimité des mariages et le sort d’une province
auront été r é g lé s au son du tambour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre lçs journaux du tems, et ils apprendront que
l ’E m p e r e u r allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lo is , ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , e t
du Dieu de Jacob aux M usulmans, tout, excepté son épée, a
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « N ous
a avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les* quitter, vos mœurs, vos l o i s } vos u s a g e s . . . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l, en
l’an 9, de ce respect pour les mœurs de l’Egypte , en lui expri
mant , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’e st, au reste, ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Que sont encore ces certificats égyptiens présentés par les hé
ritiers Faulli’ier, et que les héritiers Destaing s’approprient? II
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
O u ’a de commun le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse , mais méconnue aussitôt qu’il fut
m ort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçu e, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand- Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constan
tinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des Grecs , et tou te to lé r a n c e cessa q u a n d ce tte secte
se sentit assez fo rte p o u r d i s p u t e r d e d o m i n a t i o n ; l ’é g lis e la tin e
f u t lo n g - te m s p r o s c r ite p a r les Grecs , mais sans perdre jamais
l ’espoir de ramener ses enfans égarés à l ’unité religieuse. D e
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de la
Thebaide, si grands eu souvenirs, des prêtres catholiques q ui,
semblables aux persecutes de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
l’église rom aine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l ’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés, ou tout autre caractère qui leur est donne
par leur chef.
Ce chef est c o n n u p a r m i e u x sous le nom de Patriarche
d A l e x a n d r i e , non pas celui q u i , prêtant s e r i n e n t de fidélité au
G r a n d - S e i g n e u r , se r e g a r d e c o m m e i ndé pe ndan t xle R o m e , et
�(38 )
ch ef suprême de l ’Eglise d’O r ie n t, mais un patriarche dépen
dant du P a p e, et vivant dans l’unité de l ’église catholique.
M aintenant, il faut rappeler que la dame Destaing n’est pas
liée dans la religion grecque la tin e , mais dans celle connue en
France s o u s le nom de schism atiquegrecque. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux p rê tre s latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l’arrêt de Metz , du z 5 fé
vrier 1808, confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on 11e voit pas
si Néphis David a prétendu avoir été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique grecque,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. L e premier est ainsi conçu :
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
a Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H a d a d , vicaire de Son Em inence le
« Patriarche grec en E gypte. A u Caire, le 7 du mois echbat
0 ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste qu il n a pas trouve dans les archives de
son église le mariage du general Faultrier. Il est signé : Benedictus de M edici n a , m issionnaire apostolique , curé et vicaire
supérieur de la m ission d'E gypte. A u Caire, le 20 février 1809.
�( 39 ^
Ces deux certificats sont de la main même de ces eccle'siasliques. L e premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certificateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
(le la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l ’inscrit sur un registre.
L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une lig n e de caractères m ajuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat, on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il f a lla i t m e ttr e p l u s d ’i m p o r t a n c e à ce d e r n ie r c e r t i f i c a t , o n
Se d e m a n d e r a i t p o u r q u o i les p r e m i e r s 6ont d o n n é s au. C a ir e ,
l e . . . . . . et c e lu i- c i en E g y p t e , l e ...........? P o u r q u o i c e lu i - c i est
fait e n ita lie n , dans une langue que les signataires n’enten
daient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de l ’arabe le certificat du pèrp
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers?
Il fallait qu’on demandât aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état c i v i l , dans une
contrée régie par les lois turques; ils a u r a ie n t répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zèle, au miliçu de la bar-
i
�C
4
0
)
<
Jxirïe et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la fo i,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise'de Rome a conservés dans celle terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qli’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; le patriarche, les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
L e s missionaires de R o m e n’ ont jam ais cessé clans ces parties du m onde
d e s’ e m p lo y e r à faire des p r o s é ly te s ; en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , parm i ces s e c te s , des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sail q ue p arm i les G r e c s
qui v iv en t sous l ’ e m p ire T u r c , plusieurs ont em b ra ssé la foi et la discipline
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u ve rn és par des prêtres et é v ê q u e s de leur
n a t i o n , mais confirm és par le pape. Il y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la v u e de faire des conversions parm i les G r e c s , et d ’ajo uter de n o u
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O n y é lè v e u n certain n om bre d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e de l ’E g l i s e , par M o s l i e i m , to m e
5 , page
27 2 .)
R i e n ne caractérise plus la religion des G recs q u e leur aversion in v in c ib le
pour l’ église de R o m e , qui a fait éc h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
ta tives d u s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m issio n n a ire s, pour les r é u n ir
a u x L atin s. Il est vrai q ue les docteurs rom ains ont fon d é quelquas églises
dans l’ A r c h i p e l : mais ces églises sont p au vres et peu c o n s id é ra b le s; et les
G r e c s ou les T u r c s , leurs m aîtrès', ne v e u len t pas permettre aux m ission
naires de R o m e do s ’ étend re davantage, { l b i d . page 260.)
E t a t d e L 'E g lise G r e c q u e , p a r C ow cL , tom e 1 . '* , p a g e 112 5 .
L ettres E d ifia n te s , Lo m e 1 0 , p a g e 328.
uns
�s
( 4i )
uns savent écrire, suivant le te'moignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres latins, qui n’ont
qu’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G re c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peine connus pour
prêtres par les E gyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la-seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
.« a Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
. « ancien premier curé grec catholique romain au grand C aire,
« en Egypte, o u p rem ier v ica ire de so n é m in e n ce le p a tr ia r ch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant aucouventr de St.-Sauveur
* « Q u e v o y a it-o n dans cette terre natale des sciences et des arts? T o u t
c e qu’ on voit c h e z presque tous les peuples esclaves : un c le rg é superstitieux
et ig n o r a n t, etc. ( C o r a y . M é n j . sur L’ éta t d e la c iv ilis a tio n d es G recs). ,
,« Par-tout d o m in e en core un c lergé ignorant,
. L e cou ve n t de N e a m o n i
n ourrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou 5 disent la messe ; pas un seul ne sait
l ’ ancien g r e c , et une dou zaine au plus savent lire et écrire le grec moderne..»
A u c o u ve n t de M egaspision , leur ignorance surpasse e n c o r e , s’il est p o s s i b l e ,
c e lle des m oin es de N e a m o n i . J e doute q u ’il s’ en trouvât 4 ou
5
( s u r 3o o ) ,
sachant lire et écrire ». ( B a r t h o l d i , V o y a g e e n G r è c e , en i 8o 3 , t. 2 ) .
"** « L e c le rg é grec 11e cesse d’ exciter le p e u p le 1 à l à ' h a î n e des autres reli
g i o n s , et sur-tout de la catholique r o m a i n e . . i . . L a liaîne des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s leur sont bons pour
se nuire. M . de P a w est très-fondé à a v a n c e r q ue le pie in ier usage , q u e
le s G recs ne m anqueraient pas de faire de leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u e r r e d e r e l i g i o n ..........I l est in te rd it a u x IV o m a in s d e f aire d e s p r o s é l y t e s ”
parm i les G r e c s , au lieu q u e c e u x - c i pe u ve n t en faire p arm i les Llomaius»
( Ib id . tom. a. )
(>'
i
II
�( 4 0
a sur la montagne des D ruses, dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du Divan et de l ’institut d’Egypte , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im périale,
« à P a r i s , y demeurant, rue du Chantre, n.° 24 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cei*« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , io et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne,
« et pour faire .cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l ’exposé des faits suivans :
r
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
« réunies par la foi, et soumises à l’église de Rom e, dite église
« occidentale. Mais après le concile, les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
« Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d An« tioche, d’Alexandrie et de J é r u s a l e m se séparèrent du saint«c siège de Rome qui les considéra et les considère encore
« comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
«''d’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schismatiques.
« Depuis environ 120 ans, lin archevêque de D am as, grec
« schismatique, ramené à la foi par un Jésuite, renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
a mais ne pouvant pas rester a Damas, a cause des persécutions
« des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M o n t- L ib a n , avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Ils s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
& dans les villes d e T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�a
«
rc
et
( 43 )
nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
quatre sièges d ’ Orient, ou l ’un d’eu x, fussent revenus à la
fo i) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
et schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« ligues romains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v eu r, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de R o m e , ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y etre
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du g r a n d Caire,
« par son éminence le patriarche ¿ûgapius M atac, qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier c u r é , ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« A v a n t so n d é p a r t ,
¡1 r e ç u t
l ’o r d r e d u p a t r i a r c h e d e se c o n -
«t f o r m e r à l ’ u s a g e d es E u r o p é e n s , en ten a n t des re g is tr e s pour
te constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
« registres en E g y p te , pour constater l ’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de sim ples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fondions d e premier vicaire j u s q u ’à
« son départ de l ’Egypte pour là France, où il fut a p p e l é par
« le premier C onsu l, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission d e son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean N asseré;
a et celui-ci , depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Ila d a d , qui exerce encore aujourd'hui les fônôtions de pre« mier curé de l’E g y p te , ou premier vicaire de son éminence
12,
�( 44 )
a le patriarche grec catholique , re'sidant à la montagne des
« Druses; lequel Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus m e n t i o n n é s .
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état c iv il, au Caire, parles
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien distinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schématiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
«
«
«
«
«
« Qu’à l’égard des Grecs schématiques et de toutes les autres
sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont ja m a is tenu de registres de naissances , mariages et décès , en E gypte ; et que
la raison s’en tire naturellement de leur défaut d’instruction ,
qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
o Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison
.
• * ,C.I:
« Fait et passé à Paris, etc., etc.».
' 1-. |
r.
0
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en E gypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
f o r m a l i t é y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
V o ln e y , dans rouvrage^qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les étals de leur obéissance .
■.
. \W
T i ' - ' f SI
-iUV). J ’ . : ■
■«
* On jTuit .souvent des, questions sur la population du Caire» S i l ’ on v e u t
en croire lo douanier A n t o i n e
.ri
:,i
F a r a o u n , cité par le b aron d e T o t t , elle
.
7
�( 45 5
. A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, sielle se fut présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
X o y e z , eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de l’Archipel !
E h bien! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son ép o u x, changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’esf de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
ts3lfiUe,j étaient,,pouç çlle se^ p éiift^ et N
son avenir. ; ayait-ellp
donc des preuyps à chercher .pour.des êtres qu’elle ne connais
sait pas ?, :-.t! ?ij;, ;; |y
onû
. ■
>■
■■
!La dame Destaing a toujours été si rassurée sur,son état et
c e lu i.d e sa f i l i a l qu’elle n’avait pas même fait des démarches
le:i>9ptêmeJdqilsa!fille avait été
j^onstafe^, et i l y ayçit .d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
^!llî?P^Fnne devait avoir un clergé grec plus éqlairé que
'celui de l’Egyptç,
'
Mais ,les recherches de.ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
I■
,
/
■
*
'
”
a pproche d e 700,000 â m e s , y com pris B o u l â q , faubourg et port détaché
de la v ille : m ais tous les calculs de p o p u la tio n , en T u r q u i e , s ° nt arb i traites', p a rce q u ’ o n n ’ y tie n t p o in t d e registres d e n a is s a n c e s , d e
m orts o u d e m a riag es. L e s M u s u lm a n s ont m ô m e des préjugés supersti
tieux co n tre
les d é n o m b re m e n s. L e s seuls chrétiens pourraient ê l r e r e c e n s é s
au m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en EgyptQ et e n S y rie f
par
M . de V o l n e y , 4.» é d i t i o n , 1 8 0 7 , to m e i . ,r p>
2 o 3 »)
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t q u e les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
m a d a m e Destaing reçut l’acte qui suit : °
«
«
«
«
« Du douze novembre dix-huit cent s e p t, à A r g o s to li, île
de Céphalonie, sont comparus, par-devant nous notaire soussigné, le révérendissime papas, M. A n d réM azarachi d ’An~
zolo , desservant de l ’église solitaire de Saint-Constantin , qui
est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d'A d ilin a ta et à'A rg a ta , situés dans l ’île de Céphalonie, et
« M . Jea n L a vran ga, lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux , au mois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel p u r du mois, un enfant du sexe féminin,
« f il l e de madame A n n e N a z o et du gêrt érdl D estaing , laquelle’ ,
"« suivant la déclamation faite j1à lüi prêtre comprirent, par les bifs« nommés, étaitnéede légitime m ariage,eta été nommée M arié,
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
« Lavranga et le capitaine Sifli, Fanchiote/lequel ne se trouve
« pas présentement dans cetté île ; Te 'présent' sera
« ' serinent par les susdits prêtre et sienr L a vfa n gd ; ilsTdéciâl*èiît
« ien outre que, dans cette église, située dans ce liéu solitàîrfe’ ,
« on ne tient point de registres baptistaires ni rnorthairès^ÎJa
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; fer les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le.sacrement .s u s d itc e .q u ,j ls.ailirment .cotnme..téraoius.
« Signé A n d ré M azarachi, prêtre, j ’aflirme avec serment;
« Jean Lavranga, jaiïinne avec serment; Jean Chusi, témoin;
« Spire Cacuralo , témoin ; Jüimitri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri Caruso, notairé; et une légalisation en même langue,
. m-dont la traduction suit :
«
E
m p ir e
F
r a n ç a i s
.
— Son Excellence Sàvib A n n in o ,
�( 47 )
«
«
«
«
«
administrateur du gouvernement de Céphalonie, certifie que
le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
Donné en l’administration de Géplialonie, le dix-neuf novembre
mil huit cent sept. Signé Savio A n n in o , administrateur ; et
« Jean-Baptiste Tipaldo P retlen d a v i, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à ’ M. Marino M atu ra, principal député
des îles ioniennes, q u i , au grand étonnement de Madame
D e sta in g , lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rédiger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M . le maréchal M a rm o n t, qui le réclamait de la part de
M . /e général D elzo n s (em ployé en Dalmatie). •
L à famille D estaing, qui faisait rechercher ce fait aussi lo in ,
n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
ses prétentions.
.
E t p e u t - ê t r e l ’h o n n Ê le e c c lé s ia s tiq u e , i n f o r m é p a r ces re
c h e r c h e s des v ’e x a tio n s s u sc ité e s à u n e m a l h e u r e u s e é t r a n g è r e , se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de^son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la S;eine a ordonné, par jugement du 5 juillet
1809, que cet actejserait. transcrit dans les registres de l ’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même m a n i è r e que ceux
de ses frères d’armes. O r , les mariages des g é n é r a u x D e lzo n s,
L a n tin , Menou et Bonne-Carrère ont été r e ç u s par des com
missaires des guerres. Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a -t-e lle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accompagné des !fêtes d’usage», dans les rues du
C aire?
'
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles V a rs y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o se tte , ville presque européenne à cause de son com
merce. L a , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille'Varsy*
L e général Menou épousais urie musulmane : son mariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. Car tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seuls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité. 3 J-jriii' ,['! s
- i:jtî
Mais Anne N a zo , de religion grecque, mariée à 'un Européen,
de religion latine ou romaine, n’avait pas le droit d’emrendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses’', ni par
aucune inscription dans des registres, ni par urie promenade
dans les rues, sous un dais, comme les1Musulmahs. .
, poiir
C ’etait bien assez que sa famille eût vaincu à cef ^égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, a un càtho• -l
*
-
• .(.
'
« C ’est ordinairem ent le soir que la m a rch e c o m m e n c e : des baladins
la p r é c è d e n t; d e n o m b r e u x esclaves étalent a u x y e u x du peuple les e f fe ts ,
les b ijo u x destinés à l’ usage de la m ariée ; des troupes de danseurs s’ a vancen t
en c ad e n c e au son des instrum ens ; la jeu n e épouse paraît sous un dais
porté par quatre e s c l a v e s ; un v o ile la c o u v r e entièrem ent ; une lon gue
suite d e
flam b ea u x éclaire le cortège ; de tems en tems des chœ urs de
T u r c s chantent des couplets à la lou ange des n ou veaux ép ou x ». ( S a v a r i ,
tom e
3,
lettre 3 ) .
lique
�( 49 )
lique romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contrat. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de mentir, maintenant que le plus liquide de la
fortune Nazo est dans leurs mains. Mais les témoins ne donnent
pas d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que Joanni N azo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa 5 o,ooo écus.
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barthélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles m œ urs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation, et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus s a c r é qu’en
« L e s p a r e n s ( G r e c s ) n e fo n t a u c u n e d if f ic u lt é d ’a c c o r d e r l e u r fille a
« un T u r c , p o u r v u q« ’ il soit r i c h e et p u i s s a n t , ta n d is q u ’ ils r e f u s e n t o p i« n i a t r é m e i i t d e l ’ a c c o r d e r à u n c a t h o l i q u e . ( U a r t h o l d i j t o in e 2 . )
i3
�( 5o )
F ra n ce , tant qu’il dure; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
B a r t h é l é m y était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
'
C ’était pour eux un'acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le ve u t, et le gouvernement le tolère.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’ épouse de Barthé
lém y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l’épouse du général Destaing.
,
r
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de liii ôter le nom d’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’teñ'acer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux.) Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de m ariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’une est écrite du Caire; et le général parle d’un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qiCà la sienne **;
*
« L e clerg é ( g r e c ) ne cesse d’ exciter le peuple à la haîne des autres r e li
g i o n s , et sur-tout de la cath oliqu e r o m a i n e , en accordant très-libéralem ent
des absolutions à c e u x qui ont trom pé les m em b re s de celle r e l i g i o n , ou qui
proposent de le fa ire» ( B a r t h o l d y , t. a ) .
s e
** L e s héritiers D estain g avaient im p r im é p lu tô t au lieu de p l u s , parce
que cela c h a n g e a i t le sens. I l en résultait que le généra l avait v o u lu que
son père crût à' sci le ttr e , tandis qu’il a v o u e l u i- m ê m e q u ’ il n’a pas dit
Vrai.
s
�( 5i )
qu’il ne se serait pas marié sans l’en prévenir; mais qu’à la
vérité il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire*, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
-eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’arm ée, sur le mariage de son fils; lorsqu’encore le général
D e lzo n s, qu i y
a v a it a s s i s t é , v i n t l u i e n a p p r e n d r e les d é t a il s .
C ’ est d o n c p a r p u r e m é c h a n c e t é , et sans besoin , que les
héritiers D e s t a i n g , ont publié ces lettres. L ’honneur le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur defendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* « A tten d u que le titre d’ épouse et c elu i de m ère ont été reconnus par
la famille du généra l D e sta in g .................... Q u ’ un mois a p iès son a rr iv é e à
A u r i l l a c , D estain g p è r e , ne doutant pas du m a ria ge et de l’a vis et con
sentement de ses proches p a r e n s , s’est vendu tuteur.......................Q u e cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d ’autant plus c o n "
s id é r a b le s , qu’ on pourrait les regarder c o m m e l a suite d’ un e x a m e n appro
f o n d i , et de certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres de son
fils, t’ uue datée d’ E g y p t e , l’ autre écrite de Paris , lui d o n n a n t tout le sujet
d e douter île ce m a r ia g e , ou m ê m e de ne pas
y c r o i r e , il n’en avait pas
m oins consenti l’acte en question , et que ses proches parens y avaient aussi
concouru ». ( 2 . 0 m otif de l ’ arrét du 11 juin 1808).
�( 5a )
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’affectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame Delzons, à qui le général disait
ty&Anne Nazo était m ariée , mais q u 'il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
h a r m o n i e avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Que les E uropéens, dans l ’immoralité de leurs th éâ tre s,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage r é e l , et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la pro b ité, on ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissements. Mais qui oserait produire dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victim e d ’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’jnteiilion des héritiers D estaing, en laissant
croire que le général a voulu tromper la Famille Nazo par le si
mulacre d’un mariage nul à scs y e u x , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. En effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hûle de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au C aire, les
lettres desou ép o u x, sa conduite soutenue envers ello, le justifient
pleinement de l’inculpation dont 011 a voulu le flétrir. La légèreté
de sa nation, peut-être la craiulc d’être blûtué par son p ère, ont
pu lui dicter quelques mots équivoques; niais son cœ ur fut
* Code N ipoléjn, «tticlf* 201 cl 102.
�X ;53 ))
Innocent d’tmeitelle lâcheté; elle était indigne de luir,jet toutés
ses actions la démentent.^ ?.• uq ni • •):
:jr»
'•
Ceux-là seuls sont coupables , qui n ’ont pas rougi d ’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’ e n imprimant une tache sur sa mémoire.! ’
<7
Mais c’est i trop s’arrêtèrin des rëfu tâtions pénibles et inutiles.
Ce ne sont'point des cendres éteintes qu’il fautlinterroger pour
la reoherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus,être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
. Il est tems q u ’on'çesse de. disputer a 1111 e,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd'hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l ’a reçu en A friq u e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa p atrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
même la pensée de lui en donner un a u tre ; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignornient ; et c’est nprès une possession d\5tnf, ninsi
émanée d ’eux , qu'ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée. L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu ’à une autre
fa m ille ; mais le litre sacré d ’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice do sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans m u r m u r e aux lenteurs
de la ju stic e , sachant bien que l'intérêt privé pouvait ele\cr des
H
�( 5 4 )
doutes sur les formes de son mariage, mais que. la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’etre justes, la dame Destaing n’en-doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-licencié.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille, intimée ; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0609
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53869/BCU_Factums_M0609.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53371/BCU_Factums_G2001.pdf
f1dbb08439bd911f9d449b80d82c9d53
PDF Text
Text
M
E
M
O
I R
E
P O U R
A N
N
E
N A Z O ,
V E U V E DU G ÉN ÉRAL D ESTAING,
CONTRE
LES H É R I T I E R S D E S T A I N G .
A RIOM,
D
e
l ’I m p r i m e r i e
du
A
P
a l a is
v r i l
i
,
chez
8 11.
J .-C . S A L L E S .
�MEMOIRE
P O U R
A n n e N A Z O , veuve de , J a c q u e s - Z a c h a r i e
D E S T A I N G , général de division, en son nom,
et comme tutrice de M a r i a D E S T A I N G , sa
fille, intimée ;
'
i
t
C O N T R E
. ■ " il
'■iti
r-
'»,V -Î:
’ !•
üf!
f ■
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
I 1
l o c u ti s u n t a d v e r su m m e i n g u a d o l o s â , e t s er m o n ib u s
o d ii c ir c u m d e d erum t m e . e t e x p u g n a v e r u n t m e g r a tis ......
p o s u e r u n t a dvers u m m e m a la p r o b o n is e t
d i l e c t i o n e
U
ne
m e d
p s
o d iu m p r o
1 0 8
Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d ’événemens que toute la prévoyance humaine n’aurait pu maî
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l , et q u ’elle
a toujours porté avec honneur.
�( 2 )
'
T o u t ce que la capitale de l’E g y p te avait d ’illu s lre , fut le
témoin de son mariage. L e s fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées_dans la mémoire de tous les héros de l’armée d ’O r ie n t,
qui l’attestent : ^Empereur lui * même», convaincu de la réalité
de ce m ariage, fit donner .une pension à la veuve d ’un général
q u ’ il avait estimé. L a fam ille D e s ta in g , plus convaincue que
personne, et plus intéressée à l’ê tre , s’était fait un devoir d’qpt
h
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, c o m m e flattée de lui appartenir.
A i n s i , du m o i n s , cette étrangère qui n ’aborda les rivages de
F rance que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parm i ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille , née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. T e lle fut la situation de la dame
D esta in g , pendant une année, après la,mort de son mari. T o u t
ce que les lois'de F ra n ce prescrivent Jiour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est pla cée, fut exécuté
par la famille D estain g, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d ’être injuste; et déjà à A u r i lla c , com m e au
Caire , une notoriété h o n o r a b l e a s s i g n a i t d a n s l a société, a M a
dame D estaing et à àa n t l e ,J.levrîing auquel elles avaient droit de
p rétendre.
,Quel démon jaloux a troublé cette h arm onie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é t a t , après en
avoir eu la possession légilim e aussi publiquement et sans effort?
Q u e l événement inopiné a transformé tout d ’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d ’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d ’une correspon
dance tronquée,.outrageant la mémoire do celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
i,
L ’or! cette divinité des nations, a brillé aux ye u x des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie q u ’il
�(3
)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et clés cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont «semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
'
A l o r s , par une brusque inconséquence ,* la dame Destaing
présentée à unè ville entière com m e une sœur; son enfant placé
dans tous les registres d’Aurillac , comme héritière légitim e du
g é n é ra l, n’ont plus été que des aventurières inconnues, intro
duites par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
C e n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d ’avoir pour élle l ’opinion publique et la'conscience de la vérité.
Q ue peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vu lga ire, qui aime le m e rve ille u x, commence
à douter, aussitôt que des.fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
- M ais ce n’ est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame D estaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gém ir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter de ce que toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
in créd u les.
I
Cependant la dame D estaing n’a nullement le projet de se
renferm er dans des moyens judiciaires, et de dédaigner l’opinion
q u ’on peut avoir d ’elle; il lui im po rte, plus q u ’à personne, de
donner de la publicité à sa conduite, et de proclam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. E lle
veut de l’estime; et r i e n d a n s ses actions, ne lui a ôté le droit
d’en obtenir.
.
'
r'
'
F'AITS.
T o u s les faits de cette cfiuse s o n t lié s aux grands événemens
de l’histoire.
U ne armée de héros, une colonie de savans allèrent en l’an G
porter en E g y p te la gloire du nom Français.
O n so souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
2
�( 4
)
fut prise d’assaut le lendemain même du débarquement. Les
M am elouks furent vaincus dès leur première apparition, et la
capitale ouvrit ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette armée n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
a rls, chargé de donner des plans d ’amélioration pour les canaux
du N i l , l’agriculture et le com m erce.
Cependant les héritiers D e s ta in g , ramenant tout à leur idée
d o m in a n te , ne veulent voir dans les chefs de cette a rm ée, que
des conquérans licen cieu x, q u i , comme dans un vaste sérail,
a p p e l a i e n t à eux toutes les victim es q u ’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n ’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêm es venaient leur présenter, par politesse et pour prix de
la victoire.
Laissons cette atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’O rient, et poursuivons un récit plus véri
dique. •
Q uoique le but de l’expédition d ’E gypte fût caché dans ces
vastes conceptions q u ’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le prem ier projet du grand hom m e était la
fondation cTune Colonie française. A u re ste , l’établissement de
l ’armée en E g y p te devint bientôt une nécessité. L e m alheureux
combat d ’A b o u k ir , et la perte de la flotte achevèrent d ’ôter aux
Français débarqués tout espoir prochain de retour.
Il fallut donc tourner toutes ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d'affection, s’y faire une patrie.
E t , certes, voilà quelle a dû ê t r e , quelle a été en effet la dis
position des esprits, ubi b e n è , ijbi patria : rien n ’est plus fran
çais q u e cette m axim e; et bientôt les vainqueurs de l ’E g y p te se
r e g a r d è r e n t comme naturalisés sur les bords du Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre le s^ e u x na
tions. Les généraux français en donnèrent le prornier exem ple;
ils devaient ce gage à la confiance qu ils voulaient inspirer. C e
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�(5).
d ’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
L e général en chef Menou épousa une jeune et riche m usul
m a n e , fille du maître des bains d ’Alexandrie. L es généraux L a n t i n , Delzons et Bonhecarrère épousèrent des filles de négociaris
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et militaires français
suivirent cet exemple.
L e s pères de famille d’E g y p te n’étaient donc pas diflerens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
m ariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
Joanni N a z o , ancien officier au service de R u ssie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l ’arm ée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
a v e c le général Destaing, q u i, de la province de C a th ié , où il
fut envoyé d ’abord, vint commander la ville du Caire.
Sophie M is c k , épouse de J oanni N azo , a v a it, d ’ un prem ier .
m a ria g e , deux fille s, dont l’aînée ( A n n e ) avait dix-sept ans.
L e général Destaing demanda la main d’A n n e N a zo ( née'
* ) ; il l’obiînt , et regarda cette alliance com m e un
grand avantage. Joanni N a zo avait a l o r s beaucoup de fortune.
T n s o g lo w
Il n’était pas, com m e les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d ’e a u - d e - v i e ; N a zo était ferm ier-gén éral
des droits imposés par le G rand -Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les M u su lm an s, à qui lekoran
les d éfen d , ne font en E g yp te que la moindre parlie de la po p u
lation. T o u s les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’ y m e
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout cela aux héritiers
D estaing, pour q u ’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en E g y p t e on accordait quelque distinction, et
q u ’ils soient soulagés du moins du poids d ’ une mésalliance.
*
E n E g y p l e , le secon d mari d on ne son nom a u x eid a ns de sa f e m m e ,
en signe de la puissance pa te ru e lle q u ’il a sur eu x .
\
i
�( <3 )
A n n e N a z o , promise au général D esta in g , fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de S a in t-N ic o la s , où elle fut
reçue par le patriarche, cjui daigna lu i- m ê m e se charger de la
célébration.
O n d em an d e , depuis huit a n s , à une jeune épouse, dans
quelle forme lég ale fut co n sta tée cette cérém onie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i , ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d ’autres mœurs ont p r i v é les femmes de l’ O rie n t, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont a c c o m p a g n é son m ariage? Sans doute la dame D estaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l ’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête , la bénédiction et l ’échange
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à D ie u , pour les époux , une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres formalités.
A c c o m p a g n é e par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du gén éra l, elle fut présentée par lui au général en c h e f et à un
grand nombre de convives distingués, appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce p r e m i e r h o m m a g e a u x
mœurs françaises, tout r e n t r a dans 1 ordre acco u tu m é, et sauf
quelques e x c e p t i o n s , le général Destaing se conforma dans l’in
térieur de son m énage aux habitudes égyptiennes.
A in s i se passèrent plusieurs mois dans le calm e et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M a m e lo u k s ,
d onnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
a la r m e s . C ’est alors que leur tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’ une armée ottomane s’avançnit vers la S yrie, tandis q u ’ une llotte anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L e s Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�(
7
)
dans leurs relranchem ens; mais que peut la valeur contre le
nom bre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier q u ’en leur c o u ra g e , et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
. L a dam e D estaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’A le x a n d rie , le général ne put écrire lu i-m ê m e; mais il
fît donner de ses nouvelles à la dame D e s ta in g , par un arab e,,
son dom estique, pour la rassurer sur l ’ état de sa blessure.
L a dame D estaing était alors à la citadelle du C a ir e , où le
général B é lia rd , qui y com m and ait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux fr a n ç a is , et celles de
quelques officiers de m a rq u e , parce que les arm ées ennemies
étaient aux portes du Caire.
T rois lettres arabes furent adressées à la dame D esta in g , à la
citadelle du Caire*. L e s héritiers D estaing n’ont pu les attaquer
que du côté du st^le , q u i, certes, n ’est pas académ ique : mais
a u r a it- o n cru que les formules épistolaires de F rance fussent
d ’obligation p o u r les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt c|uo le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
à-son épouse, dans une langue que son oreille entendait moins
aisém ent, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e , le i
«
,
5
prairial an g.
,
« I l y a long-lems ma chère am ie que je n'ai pas de tes
nouvelles je désire que tu te portes aussi bien que moi.
,*
*
C e s lettres onl pour adresse : à M a d a m e A n n e , fe m m e D estaing.
E ll e s sont d a té e s , l’ uno du mois douL k a d e h , l ’ autre du mois douL h i d j e h ,
d e l’a n n é e I 2 i 5 de l’ h é g i r e , rép o n d a n t a u x m ois d e g e rm in al et floréal
an 9. I l n’y est question q u e de la blessure du général D e s t a in g , d ’assu
r an ce de r e v e n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s p o u r J o a n m N a z o . E lles sont
jointes aux pièces a v e c la traduction de M . S y lv e s tr e de S.'icy, professeur
d e langues ara be et p e r s a n e , ol m e m b r e do l ’institu t.
�( 8 )
« J o a n n i , qu i est chez le g é n é ra l B é lia r d , devrait savoir
« quand i l part des détachem ens p o u r A le x a n d r ie , et en proa file r p ou r m 'envoyer des lettres. C e p e n d a n t, i l ne l ’a p a s
« f a i t la de rn iè re fois : i l f a u t le gronder de ma p a r t, pour
« q u ’i l s o it p lu s e x a c t à l'avenir. On m ’a d it que tu éta is
« g ro sse; j e suis é to n n é que lu n e m ’en aies rien écrit ; écla ircis
« m on d ou te à cet égard. S o is assurée que j e t ’ aim e to u jo u r s ,
« et q u ’ i l me tarde beaucoup de te revoir. E n à lte n d a n t, j e
« t ’em b ra sse, a in si que ta m ère et ta sceur, sans ou b lier la
« bonne v ie ille . L e g é n é ral D e s t a i n g ».
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
dame D estaing , semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son ¿poux ; elle est restée comme un m onu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
D e s ta in g , et leur prouver q u ’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n ’avait jamais cru avoir
ave c une jeune grecque que ce q u ’il leur plaît de nom m er,
dans leurs idées licencieuses, un arrangem ent oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois m o isj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en.
messidor an 9. Un article p o rta it, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de t r a n s p o r t pour conduire a ]\Iarseille les
Français et ceux déjà attachés à leur fortune. L es dames reti
rées à la citadelle avaient la faculté de rentrer dans la ville du
Caire.
M ais le général en c h e f Menou ne voulut point ratifier cette
capitulation ; les portes de la ville restèrent ferm ées, les per
sonnes comprises dans la capitulation, la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou e lle -m êm e, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général D es
ta in g , craignant encore pour son épouse les dangers d ’une ville
assiégée , lui donna ordre de se rendre en F r a n c e , où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni N azo , compris com m e commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
g recq u e, dans la capitulation du C a ir e , devait partir avec la
d am e D estaing et le reste de sa famille. L e général leur écrivit
de l’attendre à M arseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
D estaing.
U n vaisseau grec ( le S a in t-J e a n ), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’A b o u k ir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
T o u t ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l ’A r c h i p e l , hors
d’état de tenir la m er sans des réparations urgentes et considé
ra b les, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
U n long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
r a d o u b e r le v a is s e a u . L a
d a m e D e s ta in g , e x trê m e m e n t souf
f r a n te , croyait s’y reposer et attendre l'époque de ses couches.
M a i s , tout à coup , on fut averti du danger que couraient
des Français et des Grecs d ’être la proie des T urcs en croisière
dans cmie mm-. O n leva l’ancre à l’instant : mais après un lo n g
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu'à rxic de cdp/ inlonie, q u ’il
avait déjà dépassée. C ’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. U n prêtre g r e c , desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l'enfant sous le nom de M aria d 'E s la in g , tenue, sur les
fonds baptism aux, par Sophie M i s c k , sa g ra n d ’m ère, et par le
sieur N assilli, oilicier de l’escorte.
D e u x jours après, le teins propice perm it de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de M essine; rejeté en arrière de
5o
lieues dans*la mer
Ionienn e, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le d é ta il,
et forcé de changer de route, il aborda à T a r c n t e , dans le gou
vernement de M . le général Soult (aujourd’hui maréchal dfi
1Enipirc et duc de D a lm a tie ).
3
�(
10
)
• C ’est ainsi qu’ une famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la ferre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet instant il y eut une trêve à ses malheurs.
M . le général S o u l t , informé de l ’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
M adam e D estaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
L e s lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M . le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples
offres
de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10........... « V e u ille z , j e vous p r ie , renouveler
à m adam e D e sta in g les offres de services que m on épouse et
m o i lu i fa iso n s de tou s Iss secours qu i pourraient lu i être n é
cessa ires/ e lle nous obligera infinim ent d'en disposer. S o u l t » . ’
Q ui donc avait pu informer M . le général Soult du nom de
la dame D estaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse traversée du vaisseau le St.-Jean, l’armée fran
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour M arseille, où depuis long-temsils croyaient
leurs épouses arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il p a r a ît m ême qu’ils écrivirent à M . le
général Soult, et
voilà
ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que M adam e Destaing allât se rétablir dans sa maison de
c a m p a g n e , et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
A p rè s un mois de séjour, M adam e D esta in g , remise de ses
souffrances, voulut partir de T a re n te , mais en marquant une
g r a n d e
répugnance pour continuer son vo yage par la Méditéranée.
M . le général Soult porta la bonté jusqu’à lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu’au premier port de son
go uvern em en t, de là traverser l’A d r ia tiq u e , et continuer par
terre d’A n co n e à L y o n .
�( I l )
T o u t cela s’exécuta de point en p o in t, et sans le plus léger
accident. M . le général Soult voulut encore donner sa voitureà M adam e Destaing jusqu’au port de B arlelta. Il fit chercher
une nourrice pour sa f i l l e , et chargea M . D e sb ro sses, officier
français, de l’accom pagner jusqu’à L yo n .
V o ilà com m ent et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers D estaing accablent de dédains et d ’o p
probres.
M a d a m e Destaing s’arrêta quelques jours à L y o n pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni N azo partit
sur-le-champ p o u r aller le joindre à Paris.
O n peut se représenter l’impatience d ’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’ était exposée à tant de périls.
H élas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. J oanni
n ’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son m eilleur ami.
L ’accueil afFectueux du général n’avaij pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d embrasser son eufum p o u r la p r e m i è r e fois ; le u r s p r o je t s
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans q u ’ils passèrent
ensemble........ L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à L y o n q u ’ un coup mortel venait,
de la frapper elle-même. E lle comptait les inslans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur Bordin , chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing p ère, qui invitait
ce sieur Bordin à accom pagner sa f ille à A u rilla c, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Com bien elle allait être à plaindre , celle q u i, tombant toutà-coup des illusions riantes de sa pensée dans la ceriitude d’un
isolement affreux , allait se trouver sans époux et sans patrio
parm i des êtres dont la demeure , les ha b itu d es, la langue
môme lui étaient inconnues. Q ue celui qui a pu se faire une
idce des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�(
12 )
â m e , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E g yp tien n e, au m ilieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’affabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, il faut le d ire , lui donna les mêmes
marques d’amitié et d ’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l ’â m e , et la dame D estaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. U n odieux intérêt n ’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait alors à pleurer un fils, un é p o u x , un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin m utuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour la succession du général. L es scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel M éot qu’ il habitait le jour
m êm e de sa mort ( i 5 floréal an 1 0 ) .
Il
s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui e n prit l ’i n i t i a t iv e ; un conseil
de famille fut c o n v o q u é d e v a n t le ju g e de paix d ’ A u r i l l a c , l e
5
m e s s id o r a n 10. L à le s.r D e s ta in g , père du général, juge au
tribunal de première instance, exposa : «que Jacques-Zacharie
« D estaing , son (ils , général de division, était décédé à Paris ,
a la issan t une f i l l e u n iq u e , âgée de cinq m ois, nommée M a r i a ,
« p rovena nt de son m ariage a vec A n n e JS’azo , g recque d ’o n a g in e , laquelle avait besoin d ’ un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o u s , p è r e , le m é m o qui avait toute la conG ancc du généra l
D esta iu g à ses derniers i n o m e n s , et M . D e l z o n s , gé n é ra l de b r i g a d e ,
aussi eu E g y p t e , sout m e m b r e s d e c e couseil de fa m ille.
I
marié
�•
( *3 )
tuteur de Maria Destaing, M . D estaing, son aïéul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D e sta in g ; lui alloua des
habits de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à'
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice q u ’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit le serment ordinaire d ’en remplir fidèlement les
fonctions.
V o ilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
p lacé sous la protection de la lo i, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i , sans aucun d o u t e , le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à P a ris, et suivis d ’ un inventaire. D ans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing p è r e , tuteur de
M aria Destaing ,J i lle et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir que ce q u ’on laisse dans un
appartement d’ hôtel g a rn i; des v ê te m e n s, des a rm e s, quelques
papiers de portefeuille *, et deux rouleaux de
5o
louis. On y
Consigne ce fait, que 1« gf$udi-al nvnit remis, peu de jours avant
sa m ort, à M . Delzons père, législateur, 18,000 fr. q u ’il avait
touchés à la trésorerie , pour q u ’il les fit passer à A u rilla c .
Pendant ces tristes opérations , la dame Destaing vivait à
A u r i l l a c , quelquefois dans les sociétés o ù 'o n la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle , occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i , en lui apprenant leur la n g u e , lui parlaient
de son e'poux.
U ne grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
*
Il y
a va it une lettre du lieutenant L a t a p i o , et un9 lettre de J o a n n i
N o z o , toutes d eu x écrites de T a re n te . C e s lettres a v a ie n t été supprim ées
d e p u i s , et n’ ont pu être c o m m u n iq u é e s qu’ en vertu d ’un arrêt de la Cour.
�C H )
des pensions, com m e veuve du g én éra l D e s la i n g , i 5 jours
après sa mort *.
* Cet état de quiétude dura environ une année. M ais les frères
et sœur D estaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de tems , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ ils
avaient fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L à mélancolie de la dame D estaing lui faisant préférer la so
litu d e , on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. S i, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l ’intrigue et des
conseils. L a dame D e s ta in g , sa belle-m ère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence : e n fin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur D estaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette défiance prit d ’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils; et la seule punition q u i lu i v i n t en idée contre la mère,
fut de faire e n l e v e r l’e n fa n t pour le cacher à la c a m p a g n e , en
p r e n a n t des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pns sa retraite.
M ais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
A lo rs on parut compatir à la douleur d ’ une mère justement
alarmée. L a dame D elzons ( é g y p tie n n e , et jusqu’alors très-liée
avec la dame D e s t a in g ) , écrivit d ’A u rilla c à Joanni N azo ce
qui se passait. N a zo partit s u r - l e - c h a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d ’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re v e t d e celle p e tn io u est tlu 29 floréal an 10.
�( i5 )
Destaing quitta A u rilla c avec N azo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur D estaing, son b e a u -p è r e , ne voulut
jamais que M aria D eslaing partît avec eux.
Joanni N azo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rappo rt,
suivit p e u t-ê tre un peu trop son premier m ouvem ent. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
r ié té , par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
m er a v e c la dame D estain g, certifièrent qu’elle était mariée au
C aire, et qu’ elle avait donné le jour à une fille baptisée à C ép h alo n ie , sous le nom de M a ria ; et muni de cette p iè ce , il fit
adresser un m ém oireà l’E m p ereu r p o u rré clam erM a ria D esta in g .
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main ; et Son
E x c . le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait retenu.
M ais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profitèrent de celte circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère q u ’il
avait jusqu’alors chérie com m e sa fille. T e lle a été la source du
P l ’OCL’S.
L a première hostilité vint des frères et sœur D estaing, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre les mains de leur
père , le mobilier et revenus de la succession du g é n é r a l, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d ’assigner la v e u v e , dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession q u ’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celte lenteur
eût été trop douce; il fallait tout d ’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibération du conseil
de famille. L a dame Destaing fut donc forcée de p r e n d r e les voies
judiciaires; elle a ssig n a , le 27 nivôse an 1 2 , le sieur D eslaing
père ( nu tribunal de la S e in e, lieu du d é c è s ) , pour demander
remise de la succession , et une provision pour ses nlimens, dont
on avait affecté de la priver.
�1
6
}
Celte privation était inhum aine; mais la dame Destaing a été
(
heureuse de la soulïrir. Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d ’une pension de 2,000 fr. au lieu de S20 fr. tju’elle était
jusqu’alors *.
Croirait-on que les héritiers D estaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de fa m ille , q u i, disent-ils, avait donné par
erreur, à A n n e N a z o , une qualité dont elle fit usage pour o b
tenir une pension ! Rem arquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 1 0 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à A n n e N a z o , com m e veuve D e s ta in g ,
plus d’ un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame D estaing ,
ses adversaires introduisirent à A u rilla c une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
L e s frères et sœur D estaing assignèrent leur père à A u r i lla c ,
en remise de la succession du g énéral, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit q u ’A nn e
N azo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant Je j u g e m e n t n e fut s i g n if i é q u ’a u
sieur Destaing p ère, le m o in s in té r e s s é à le connaître ; et la dame
D e s t a i n g n ’e n a appris l’existence qu e long-teins après.
O n lui laissait, pendant ce tem s-là, obtenir un jugem ent à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlem ent de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à A u rilla c : il le fut au tribunal do
M auriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dame D es
taing recommença son procès à M a u r ia c , où elle était renvoyée.
* « M in istère d u trésor p u b lic. — P a r i s , i 3 pluviôso an 1 2».
« A rt. i.«r L a pension de S20 fr. a cc o rd ée par arrété du 29 floréal an 1 0 , à
« A n n e N ax,o , n é e en E g y p t e , veuve d u 5.TJ a cq u e s-Z a ch a rie D esta in g ,
« général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t . 2. Le» M iuistrc* de la gu erre et du trésor pu b lic sont c h a r g é s , etc. ».
«
Sifflé
N A P O L E O N
».
Là
�(
1 7
)
t
L à on fit dire au sieur Destaing pè re , qu’il révoquait l'a v e u
qu ’il avait fait de L'état et p o ssession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant; que les certificats de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu ’il ne con
naissait d ’autre enfant de son f i ls , q u ’ un enfant na tu rel, né
avant son départ pour l’E g y p te ( que l ’on disait tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d ’une femme de P a r is ) . Puis il demanda à la
dam e Destaing une caution pour être admise à plaider, com m e
étrangère.
Y o i l à ce que les héritiers D estaing osèrent suggérer à leur
p è re , sans égard pour la..mémoire du g én éral; et ain>i leur
animosité était telle contre sa v e u v e , qu’ils aimaient m ieux a p
peler à la succession u n 'in c o n n u , sans n o m , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.
Cependant la dame Destaing voulant ne laisser aucune sus
picion sur son certificat d’égyptiens, et pouvant fort aisément
le suppléer par des témoignages français, réunit devant le juge
de paix de P a ris , en la forme légale des actes de notoriété,
s e p t cito y e n « (Hetingués qui s’étaient trouvés au Caire en l'an
0 et
en l’an 9; i.° l’ordonnateur en c h e f de rarmdc ; 2..° rinspectnirgénéral aux revues; 3.° le chirurgien en chfef de l’armée;
4.0 lin
général de brigade; 5.° le trésorier-général d e l à couronne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie im périale; 7 .0 un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’A n n e N azo a va it é té u n ie religieusem ent
« au C a ir e , suivant les rites du p a ys, et en lég itim e mariage
a avec le général Destaing , dans le courant de l ’an
0,
par le
« patriarche d 'A le x a n d r ie . Que l’acte de célébration n ’en avait
« pas été r é d i g é , parce que ce n’était pas l’usage : mais que ce
« mariage n’en était pas moins constant, ayant die célébré en
« présence d’ un grand nombre de militaires français, tt de la
plupart des déclarons. Q ue depuis cette célébration A n n e
�( i8 ) ,
U N azo n ’ a v a i t pas cessé d ’habiter en E g y p te avec son m a r i ,
« qui l’a toujours traitée com m e son ép ou se lé g itim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . l e (
général en c h e f de l’armée d’E g y p te , et M . le général D u p a s ,
alors absens; le prem ier, comme gouverneur des départem ent
au-delà des A lp e s ; le second, com m e gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fit écrire pour l e u r ’d emander la déclaration
de la vérité sur son m a r ia g e , et reçut deux certificats attestant
avec la même force la connaissance personnelle que ces deux
généraux a v a i e n t de son mariage *.
L ’a c t e de notoriété fut hom ologué par le. tribunal c i v i l d ç la
S e in e , sur le rapport d’ un j u g e , e t 'sur les c o n clu sio n s<
■
du
ministère public, i
i
'
v
' -,
M u n ie de cette pièce im p o rtan te, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame D estaing crut son procès fi n i,
et se présenta à l’audience de Mauriac.' M ais combien elle se
*
« J e d é c l a r e , au n om d e la v é r i t é et d e l’ h o n n e u r, q u e , lorsque je c o m
m a nd a is l’a r m é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é n é r a l D e sta in g s’ est m a r i é
en l ’an 8 a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . ........... L e g é n é ra l éta it venu,
m'en, fa ir e part .................. J e m’engageai ô y a ssiste r , ainsi q u ’ au repas
qui eut lieu après le
avec ta p lu s
mariage. J e rem plis m a prom esse. T o u t s 'y p a ssa
grande
régularité sous les rapports c iv ils et relig ieu x ».
« A T u r in , le 18 ju illet 1806 ».
« L e g é n é ra l M e n o u ».
« J e certifie q u ’ étant c h e f d a b r i g a d e , c o m m a n d a n t la c itad e lle du C a ir e
sous les ordres du gé n é ra l D e s t a i n g , j ' a i en p ar/aile et sure con naissance
d e so n légitim e mariage a v e o m a d e m o ise lle A u n e N a z o ..............J ’atteste
a vo ir eu des liaisons particulières a v e c beau cou p d e personnes très-distin
guées qui m ’ ont dit avoir été présentes à ce m a ria g e, qui fut céléb ré
p u b liq u e m e n t ........................
« P a r i s , le 3o ju ille t 1806 »•
ii
;
f
•
« L e g é n é ra l D d f a s ».
�( ï .9 )
trompait ! L a cause eût été trop simple avec le sieur D estaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre dans leur in te r v e n tio n , leur tierce op p o
s it io n , leur s a is ie , leurs in cid en s de toute espèce : il suffit de
parler du jugem ent de M a u ria c, du i 3 août 18 0 7 , dont il est
nécessaire de préciser les dispositions pour les comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d ’appel.
L e tribunal de M auriac ne crut pas devoir s’arrêter aux preuves
existantes; il les jugea insuffisantes, et ordonna que la dame
D e s ta in g p ro u v e ra it, i .° « Q u ’il n’est pas d’usage au Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire des actes de mariage
« et de naissance; 2.0 q u ’elle a été mariée au C a ire, en l ’an 8 ,
« avec le général D esta in g , pa r le patriarche d’A le x a n d rie , avec
« les cérémonies usitées dans le lieu ;
3 .°
q u ’elle a cohabité de-
« puis avec le général Destaing jusqu’à son retour en F rance ÿ
« et que dans tout ce tems elle a été publiquement reconnue
« pour épouse du général De6taing; 4 .0 qu ’elle est accouchée à
« C é p h a lo n ie , en nivôse an 10 , d ’ une fille provenue de ce ma« r i a g e , laquelle a été nommée M aria D estaing ».
Il y eut-, de part et d’autre, a p p e l d e c e j u g e m e n t j la clame
D eslaîng s’en p la ig n a it, pârce qu’il l’assujétissait à une preuve
non-scUlement déjà fa ite , mais qu’elle crut Inutile, puisqu’elle
avait une possession d’état émanée de la famille Destaing ellemêm e. L e s héritiers'Destaing s’en plaignirent aussi, en ce q u e ,
disaient-ils, le Code civil ne pèrmet de prouver les mariages qué
pa r écrit et par les registres de l ’état civil.
• J1 •
C e n’était point assez d ’avoir accablé de calomnies la dame
D estaing à A u r i l l a c , M a u ria c et P a ris, les héritiers D estaing
lui réservaient pour la C o u r d’appel des imputations plus dures
encore. A les cro ire , elle n ’était qu’une prostituée de la plus
vile classe , offerte au général par sa propre famille ayant même
q u ’il eût sur ce point montré aucun ddsir; une grecque artifi-
6
�( 2° )
cieuse et r u s é e , qui avait su en imposer quelque tems à une fa
mille c r é d u l e ; ensuite, et pour avoir le droit d’ insister sur la re
présentation d’ un acte c iv il, ils la transformaient en musulmane
échappée d’un h arem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger.
L a Cour d ’a p p e l, par arrêt du n juin 1808 , a cru devo ir,
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
o rd o n n ée , mais avec des motifs bien précieux pour la dame
D e s ta in g , et qui p r o u v e n t q u e les magistrats, convaincus com m e
homm es, ont s e u le m e n t voulu ne négliger aucun moyen légal de
découvrir la vérité.
1.
Cependant la preuve ordonnée à M auriac n ’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue. « L a Cour dit qu’il a été bien
« jugé en ce que la preuve testimoniale a été ordonnée, et néan« m oins, réduisant ¡ ’in te rlo c u to ire , ordonne que dans six mois
« A n n e Nazo fera p r e u v e , tant par titres que par tém oins, d e« vaut les premiers j u g e s , que pendant que le général Destaing
« étjit en activité de service au C aire, elle a é té m ariée avec lui
« publiquement et solennellement par Je patriarche d’A le x a n « drie, suivant le rii grec et suivant les formes et usages obser« vés dans le pays ; V autorise à ju ir e entendre les p a r e n s, tant
« d ’elle que du général .Deslaing, ainsi que to u tes les personnes
« q u i ont d éjà d o n n é des a ttesta tion s par forme d ’acte de no« toriété, à Marsei.le et à P a r is , ou des certifica ts dans la
« c a u se , sa u f tous autres reproches de droit qui pourront êlro
« proposés, et sur lesquels les premiers juges statueront, sauf
« preuve contraire ; ordonne que les frères et sœur Destaing
« rapporleiont les deux lettres mentionnées en l ’inventaire
« du 24 messidor an 10».
L es héritiers Destaing menaçaient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d ’une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre N éphis D a v id , G éorgienne,
�( 21 )
mariée en E g y p te avec M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par mille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquem ent l ’enquête, en disant que le
président de M auriac n ’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas ju g er ce grave p ro c è s,
le renvoie à M a u r i a c , et M au ria c le renvoie en la Cour. L à ,
vaincus dans leur m is é r a b l e incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation .du
délai q u ’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes; mais la Cour
en fait justice, e t, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de M auriac à donner les commissions nécessaires,
re n o u ve lle le délai d’e n q u ête, et punit les héritiers D estaing
p a r une condamnation des dépens faits à R io m , à M auriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoius appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
E nfin les enquêtes se font, l ’ une à M arseille, une autre à
P a r is , une autre à A u r i l l a c , et une dernière à M a u ria c; mais
l ’obstination tdes héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
PaVlS est rem arqu able, "m -io u i par la verbalisation .continuelle
de l’un desjhériliers D esta in g , q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le ju g e ; à chaque mot il avait des obser
vations à faire écrire, ou;des questions nouvelles à adresser aux
'■ * L a C o u r 'd o M e t z a va it o r d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
u n 'a c t e d e n o t o r i é t é , constatant q u e les chrétien s grecs ou rom ain s q ui se
m arien t à O i z é , piès le C a i r e , 11e sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m otif q u e des ordres du jo u r
p u b lié s en E g y p t e , en l ’ an 6 , ex igeaient q u e tous les a c t e s , e n t r e F r a n ç a is
ê t E g y p tie n s , fussent reçus p;ir les com m issaires des g u e r r e s .
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte d e notoriété était su ffisa n t, et avait été lé g a le m e n t
o r d o n n é j en c o n s é q u e n c e , le po u rv oi a été r e je té le S juin 1809.
�(
22
)
témoins; et quelles questions encore!..... ( S i en E g yp te il n’est
pas reçu q u ’on se marie pour un teins..... S ’il n ’est pas vrai que
les T u rc s coupent la tête aux femmes qui ont commerce avec
les Européens,.... e t c ., e t c .)
ic i
E h bien, toutes ces billevesées sont fidèlement écrites dans l’en
quête de P a r is , renouvelées ad liùilttm , *et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
A M arseille, il n’y avait pour les héritiers*Destaing qu’ unfondé de p o u v o i r ; et soit q u ’ il n'osât pas se permettre toute cette:
verbalisatio n , soit qae les jo g â s mérîdiortaüx- soient'momsnpaJ
liens que ceux de la capitale, l ’enquête s’est faite en la forme-ordi
n a ire , et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant àfM arseille, com m e à P a r is , on ne m anqué pas
de faire insérer des reproches contre cliaqué pàrent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné ü e s !atteslations ( m a lg r é
l’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
M algré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent}
des témoins distingués Tendent'compte de ce q u ’ils ont vu e t
entendu. Ilrésulte'de leurs dépo$iiiôtis une preuve aüssvcomplôtë
q u ’il était possible de l’attendre a p r è s *ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
!
ru )l L e s deux enquêtes de lü dam e Destaing sont' cûtnposées do
dix-sept témoins entendus à P a ris , et dix enteudus à Marseille.
P o u r ne pas être diffus, en suivant le détail d’ un,aussi gvand
nombre de dépositions, il faut.îles rapporter a trois .faits prin
cipaux : i.° la fête nuptiale; z.° la cérémonie de l’église;
notoriété du mariage.
!’
,
3.o
la
■
i .° M M . les généraux L a g r a n g c , D u ra n t eau et B ertra nd ;
M M . S a r le lo n , secrétaire-général du ministère de la "guerre;
M a r c e l, directeur-général de l’imprimerie impériale ; C lé m en t,
négociant; L a rrcy , m é d e c in ; A n n a ü b a d a n i, ancien commis
saire de police au C a i r e , ont déposé avoir assisté au repas de
�(
*3
)
nôces : les sieurs D u f é s , T u tu n g i et M i s c k , parens d ’A n n e
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont v u encore M . .le
général en ch e f M en ou (d écéd é pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u r e , commissaire des g u erres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. O n ajoute que ce fut la f ê t e la p lu s so le n n e lle qu’on eût
v u e dans le pays.
2 .0 L a célébration ecclésiastique est l ’objet de treize déposi
tions. L e général Destaing avait co m m u n iq u é son m ariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des b ille ts d 'in v i
ta tio n ; et M . Sa rtelon dit m ême q u ’il croit avoir vu l’annonce de
çe mariage dans la gazette du .Caire. M M . L a g ra n g e et L arrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. L e u r
service les empêcha d’arriver assez tôt. M . L arrey dit q u ’il arriva
lo r sq u ’on so rta it de V ég lise, et q u ’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d ’exactitude. D o n M o n a ch is ,le s s.rs T a k et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires,, q u ’ils n om m ent, leur
ont dit a vo ir a ssis té à c ette célébra tion dans l ’église S a in tN ic o la s. L e sieur C h a m , ancien interprète de M . le prince de
NeufeWâipI. déclara a voir vu les préparatifs de la fêle sur la
place A ta b e l-e l-¿ a r g u a . L e 1» s i e u r s O ù a t l a n i , c o m m i s s a i r e de
po lice; R o s e t t e , bijoutier, étaient présens à la céléb ra tion du
m a r ia g e, f a i t e par le patriarche d ’A le x a n d r ie , dans la m êm e
église. L es sieurs J o se p h D u f é s , J o se p h
T u tu n g i, Ibrahim
T u tu n g i, S o p h ie M isck et J o se p h M isck déposent également
a v o ir a ssisté à c ette céléb ra tio n f a it e p ar le p a tria rc h e , avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église g rec q u e ,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N ic o la s P a p a s O g lou
était le parrain de la m a rié e , suivant l’ usage. L e sieur B a rth éle m i Serra dit avoir élé in v ité à c ette cérém onie par le général
D esta in g , mais n’avoir pas a c ce p té , parce qu’il était brouillé
avec la famille N a zo ; il ajoute que le g é n é r a l Destaing lui d it ,
avant son,jnariage, q u ’il serait célébré su iva n t le rit g r e c , et
Qu’ensuite il lui dit que son mariage avait é té céléb ré p a r le
�( H )
patriarche g r e c , scion le rit g rec; q u ’il avait voulu se conformer
à 'l’usage du pays.
1
3.° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au C a ire; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se trom per, que tou s les té
m o in s, sans exceptio n , attestent que to u te la v ille du Caire
regardait ce m ariage com m e lég itim e ; et précisément tous ces
militaires français , qu’on a peints com m e ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui attestent le plus
fortement que p erson n e ne dou tait y au Caire et à l a rm ée, de
la lé g itim ité de c e m a r ia g e ."
'• •
L e s héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u r illa c , composée de trois témoins, et l’autre à M a u
ria c , de deux témoins.
A A u r i l l a c , ce sont le sieur D elzons père et la dame D elzons
sa b e lle -fille, cousins des héritiers D estain g, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur D elzons père, qui n’a rien vu , ra p
porte seulement deux conversations : un jo u r , à P a r i s , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
po uvait être m a rié e , mais que lui ne l’était p a s; le sieur D e l
zons ajoute q u ’il fit cesser c e lle p la isa n terie. U n autre jo u r, h
P a r is , le général D e l z o n s , s o n f i l s , lu i d it q u ’ il y avait eu
dans la maison N azo une cérém onie relig ieu se à la q u elle i l
a va it a ssisté.
L a dame D elzo n s, née V a r s y , déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an 9 , et on lui dit que la veille 011 avait conduit
A n n e N azo chez le g é n é r a l, à l’entrée de la n u it, sans cérémonie
ni fête; q u ’il y eut une fête ensuite, mais pour lebdptême de son
e n fa n t, et qu’A n n e N a z o 'y occupait la place de m aîtresse de la
m aison. E lle ajoute que cependant elle a oui-dire (¡ne le jour
q u ’A n n e Nazo avait été conduite chez le général D estain g, i l y
a va it eu une cérém onie religieuse q u i a va it é té f a i t e par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu: de personnes avaient
assisté.
‘
Jusquo
�( 25 )
• J u s q u e - l à on voit que la dame D elzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le ju g e l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par dire q u ’elle croit
qu 'o n regardait au Caire A n n e Nazo comme épouse lé g itim e
du sieur D estaing, et que p ou r e l l e , e lle la croya it fe m m e du
généra l D e s t a in g , et lu i rendait le s honneurs atta chés à c e
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie r i e n , dépose s’être trouvée à L y o n lorsque le général
D estaing arriva d ’E g y p te : elle dîna a vec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellem ent, qu ’elle ne la laissa pas
échapper. E lle ouvrit donc la conversation, com m e c’était tout
sim p le, et parla de cette belle G recque q u ’i l avait é p o u s é e , que
to u t le m onde le d is a it, que sa famille en était instruite, etc. L e
g é n éra l, qui avait perdu en Orient l ’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E l l e est p a ssée d'un c ô té et
m o i de Vautre. Puis il se tut sans miséricorde. Mais la demoiselle
Gronier tira , à ce qu’elle d it, plusieurs conjectures du m o u ve
ment de ses doigts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
TIC pO U V Û Tlt p l l l S T ie n d i r e s u r c c c h a p i t r a , c l i c p a r l a s u r cl*autr6S
q u ’elle Ijuge inutile d’être racontés. L o rs q u ’ensuite la dam e
D estaing fut’ venue à A u r i l l a c , la demoiselle Gronier ( p a r une
prescience du procès actuel)', poussa le scrupule jusqu’à demander
à la dame D eslaing s ’i l y avait des registres de m ariage au C a ir e ,
et la dame Destaing lui répondit encore q u ’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n f i n , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu d é c la r e r , par m adam e D e lz o n s ,
fem m e du g é n é r a l, qu’A n n e N azo avait été mariée ,
mari
{ le g én éra l D e lz o n s )
et que
Y était pr é se n t. (V o ilà
son
l ’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers D e s
taing prétendent leur être fort a van tageu se).
L e s deux témoins de M auriac disent fort peu de choses, quoi-,
qu’ils fussent dans la maison du g é n é r a l, lors de son mariage.
L ’un était son palfrenier au C aire; le cuisinier lui dit qu’oü
7
�( 26)'
avait mené une fem m e chez le général : et il n ’en sait pas
davantage pour ce jour-Ià. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M en o u et to u t C état-m a jor. Cette femme y
était aussi, il l’a entendu appeler M adam e D esta in g .
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
général. O n lui dit aussi q u ’on menait une fe m m e , et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa f i g u r e , parce qu’e lle
éta it voilée; elle était accom pagnée par une autre fem m e; et il
vit p lu sieu rs escla ves de son escorte, restés dans la cour; a lo rs;
craignant d ’ê tre a p e r ç u , il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là q u ’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait in utile, les héritiers Destaing leur font demander s’ ils
ont vu des mariages en Egypte. T o u s deux déposent en avoir
v u un : la mariée était sous un d a is , précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o i là en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
directe , loin de la détruire.
A u ssi les héritiers D e s ta in g , comprenant fort bien q u e , sous
ce point de v u e , leur cause d e v e n a i t i n s o u t e n a b l e , ont-ils Voulu
tourner tous leurs e ffo r ts du côté de 1 acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de M a r s e ille ,
on n’a pas dit qu’à chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en E g y p te , quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
M ais plus cette partie était obscure,
et plus les héritiers
D estaing y ont fondé d ’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
q u ’il existait des registres, c ’est avec l ’explication tr è s-lu m i
neuse de la différence des églises. A in si les héritiers Destaing
n ’avaient encore rien éclairci qui ne leur fût contraire.
L e procès des héritiers Eaultrier leur a fourni d ’aulres res-
�( 27 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consuL
d'E gypte des certificats sur la tenue des registres c iv ils , et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à M etz.
C es certificats é m anen t, à ce q u ’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs c a th o liq u e s , et du supérieur de la
m issio n .
L a dame D estaing, qui n’avait jamais o u ï parler au Caire*
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d ’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R a p h a ë l
M onachis , l’ un
des témoins de son
enquête , prêtre grec
catholique r o m a in , appelé de l’E g y p te par Sa Majesté Impériale
p o u r être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
D o n M onachis avait été envoyé d’E g y p te à R o m e pour faire
ses études. R e v e n u au couvent des D ruses, sur le M o n t - L i b a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de R o m e ),
il reçut la mission d’âller au Caire, rem plir les fonctions de curé
cath o liqu e, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
juscju’ù tic cjtt’li or»
obtenu la permission de venir en France.
C e lettré a parfaitement expliqué aux c o n s e i l s de la dam e
D estaing l’équivoque que ces certificats pouvaient produire a u x
y e u x de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en E g y p te des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o i n t , et encore cet usage est-il récent ;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d ’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V o i là ce qu’a dit don M onachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame D estaing ont d é siré o b t e n i r de lui
com m e garantie d ’un simple fait h i s t o r i q u e , qui eût pu paraître
apocryphe dans la bouche d’ une partie intéressée,
3
�. .
( 2 S )
C ’est ainsi qu’ il.fallait être en garde contre les embûches sans
eesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
M a u r i a c à ce qu’il se désistâ t de V in terlocu toire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de M arseille
comme transfuges et in ca pa bles de tém oigna ge , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu ’ il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. E t enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses a elle et a sa fille de porter le nom D estaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort q u ’ils
méritaient ; e t, par un jugem ent du 14 août 1 8 1 0 , parfaitement
m o t i v é , le tribunal de M a u r ia c , conv,ainc.u.:de l’ extrême évi
dence des p re u ve s, a reconnu A nn e Nazo pour épouse légitim e
du général D e s ta in g , et M arie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était e n c o r e ouverte aux héritiers Destaing f
et ils ne l’o n t p a s n é g l i g é e . Veulent-ils encore se venger de la
v é r i t é par des outrages? Mais il n ’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires, dont l ’imagination fait tous les frais ;
q u ’elle arrange a v e c art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d ’hésiter entre le mensonge et la réalité. A u jo u r d ’ hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les noms , les
qualités , les u s a g e s , sont constiins ; la dame Destaing aurait
d>nc rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
exact de ce qui résulte d ’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers D estaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�(
29
)
M O Y E N S.
L o rs q u ’ un étranger se dit m alheureux dans une pairie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d ’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
m ent du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’ une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’é v id e n c e 'd e ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à faire apercevoir la
vérité.
M ais si cette vérité est si lente, le v u lg a ire , dans sa curiosilé
d ’ un m o m en t, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? A v id e de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
m onde s’empare des événemens extraordinaires pour les ju g er
a v e c la promptitude qui convient à la mobilité de ses sensations.
Si r'art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élduicn» merveilleux e t tant soj t peu vraisemblables , malheur à ‘
la victim e , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. E nlin le
tems ramène toul à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. L e nuagede la calomnie est quelquefois tellement épais que
l’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusem ent les m agis
trats ne se d é c i d e n t point comme le vu lga ire; fermant les y e u x
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , d é
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séd uire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent l’opi
nion à proclamer q u ’elle n ’avait été c r é d u le que par lassitude o u
indifférence.
*
�Ç 3o )
C ’est une grande consolation sans doute pour la dame D es
ta in g, d ’avoir pu prouver son état avec plus d e clarté qu’elle
n e pouvait l’espérer à un aussi grand éloignement de sa patrie ;
m ais q u ’elles ont été longues ces années de procès! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiété où une ligue obstinée s’est
plu à la tenirdepuis'l’an n ? L e v a in c u , n ’en doutons pas, s’ap
plaudira encore intérieurem ent du mal réel q u ’il aura fait, alors
m ême qu ’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
-,
Cependant les hostilités n ’ont point cessé encore; l’évidence ne.
peut arracher a u x héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s ’ é c r ie n t encore qu ’il n’y a point eu de m a ria g e; que les en-,
quêtes doivent être rejetées, et qu’ il faut des registres de l’état
civil , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
L e s enquêtes doivent être rejetées! V o i là bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la C o u r les a jugées,
nécessaires?
*
L a loi, disent les héritiers D esta in g , ne s’oppose pas à ce que*
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est v r a i, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.»
M ais quelle lumière, nouvelle ont donc apportée les héritiers D e s
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - i l s de la fau sseté du
m ariage que tant de t é m o in s attestent ? A u c u n e ; absolument
aucune : la c a u s e est donc dans le même état qu elle était lorsque*
la C o u r a ordonné une preuve. A in si on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d’un interlocutoire
ordonné par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté : la preuve est
complète. U n e foule de témoins du premier rang parlent de la
c é lé b r a t io n du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : les uns étaient tém oins ocula ires des f ê t e s , les
autres tém oins o cu la ires de la c é lé b r a tio n , d’autres étaient in
vités et n’ont pu être présens h tout; d ’autres enfin ont seulement
ouï attester la célébration ; mais celle attestation leur avait été
�( 3.
)
donnée par des personnes présentes qui n ’onf pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces o u ï-d ires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux M en o u et D u p a s,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame D estaing
a été privée. Com m ent la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu ’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a r fa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute q u ’elle n ’a pas?
O n ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesm êm es que le généra l D e lz o n s * éta it p résen t à la céléb ra tion
d:i m a ria g e, et achèvent de démontrer combien l’opin io n , sur la
légitim ité de ce m a r ia g e , était certaine pour ceux-là m ême q u i,
dans l’arrangement de leurs dépositions, m arquaient la volonté
d’être favorables aux héritiers Destaing.
Ils le comprennent parfaitement ; mais ils osent attaquer une
enquête entière, pour la faire tom ber en masse pa r la plus au
dacieuse des icmmivo«. i - ’onquête de M arseille est composée
d ’E g yp tie n s qui y habitent depuis le retour de l’armde ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in c a
p a b les de tém oig n a g e.
Cette injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis d ix ans sur le sol F ra n ç a is, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’E m p ereu r a-t-il mis sur le u r front
un sceau de réprobation qui les avilisse , lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection a u g u s t e
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
C o m m ent ont mérité cette dure qualification des hommes qui
*
A u j o u r d ’ h u i in d iq u é par les héritiers D esln in g c o m m e 8yanl d é m e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père cl à sa f e m m e .
1
�(
32
)
n’ ont été coupables que d ’attachement à la F ra n ce? V i v a n t
sous un jo u g de fer en E g y p t e , à cause de la différence de
leur religio n , ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs, et s’étaient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’a rm ée, se l i v r e r a la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1 - elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? E lle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en E gypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i , séparés de leurs
familles, et a c c o u t u m é s par des mœurs simples à l ’amour de la
patrie * , p le u r e n t encore l’E gypte où ils n’ont plus l’espoir d ’aller
m o u rir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. iB du
C ode N ap. dit : que « l’étranger qu i aura é té adm is par le g ou« vernem ent a établir son domicile en F ra n c e , y jouira des
« droits c iv ils , tant qu’il continuera d ’y résider ». O r , suivant
l ’art.
25 ,
on n ’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été p r iv é de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers D e s t a in g , et épargner
aux E g yp tie n s, devenus Français, un reproche brutal, et d ’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de té m o ig n a g e .
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers D estaing de récuser
p a r un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
*
a L o rs q u e M . M a ille t était consul nu C a i r e , les J é su ite s persuadèrent
« à la cou r de F ra n c o dii faire v e n ir à P aris clos enfans de C oplite s pour
« les é l e v e r a ux collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d e v a it les instruire dans
« la f o i , et les r e n v o y e r co n v er tir leur nation scliisinatique. A force d ’a r « gent on obtint le consentem en t de qu elqu es pères ex trêm e m e n t p a u v r e s :
« mais lorsqu’ il fullut so s é p a r e r ,
la tendresse se r é v e i ll a dans toute sa
« f o r c e , f t ils a i mè r e nt m ie u x r e to m b e r dans la m isère q u e d ’a ch e ter un
* étal d ’.iisance par un sacrifice q u i coûtait trop à leur cœ u r» . ( S a v a r i ,
sur l’ E g y p t e , lettre 1 4 ) .
uno
�(
33
)
une aulre composée de généraux et d ’hommes respectables, q u i,
syant la confiance du g o u ve rn em en t, ont contenu les héritiers
■Destaing dans leurs apostrophes.
•
M ais ieurs ressources ne sont pas épuisées.
N e trouvant pas de témoins qui voulussent dire q u ’il n’y avait
pas eu de m ariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en p o in t, et ab
o v o , tout ce qui s’était passé au C a i r e , à T a re n te , à L y o n , à
A u r illa c et à Paris.
1
M ais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
de plus convenable que celui du général D elzons, leur cousin,
VU
ancien ami du général D e s ta in g , qui certainement a tout v u , ‘
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui q u ’on produit une lettre de six grandes p a g e s , si peu
d ’accord a v e c la loyauté de ce m ilitaire, q u ’il est difficile de croire
a sa réalité. Plus on la lit, et plus on est convaincu que c’est une
véritable injure faite à ce g é n éra l, de lui imputer un écrit pareil.
O n lit dans cette le ttr e , datée du 17 janvier 1809 ( et qu ’on a
s i g n if i é e c o m m e p i t c u
p r o c è s ) . n u e M . D e l z o n s s’a c c u s e
d’avoir introduit A n n e Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, p o u r recevo ir les secours h o sp i
ta lie rs dus au m a lh eu r; mais qu ’il est faux qu’il y ait eu aucun
m ariage entr’elle et le général.Destaing.
Cette lettre atteste q u ’il n’y a eu entr’eux q u ’i/w arrangement
o r ie n ta l ou un m ariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
*
L e s enquêles prouv en t q u e les m ariages à tem s n’ ont lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e pendant un te n u d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a c h o i s i e ; la po lice e x ig e c e lle f o r m a l i t é s et les
en g a g e m en s de c e ge u re sont en parfaite^ co n c o rd an c e aveo la religion do
M a h o m e t , qui a d m e t la pluralité des f e m m e s. « Etnpl°.y cz vos richesses à
* vous procurer des épouses chastes et vertueuse*. D o n n e z la dot prom isa
« suivant la loi. C e t e n ga ge m en t a c c o m p l i , tous les accord s rjuc vous feriiis
« e n s e m b l o , seront licites ». ( K o r a n , c h. 4 , v. 2 9 ) .
�ment du jo u r et de 1"'heure où A n n e N azo est entrée chez le g é
néral D estain g, et du jo u r de sa so rtie ( a u bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jo u r de l ’arm ée, relativement à la tenue des registres prescrits
a ux commissaires des guerres. T o u t y est avec ses dales et des
exemples. L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en c h e f M e n o u , pour avoir dit que lui Menou
avait a ssisté au m a ria g e, et que to u t s 'é ta it p a ssé avec la p lu s
grande rég u la rité, so u s les rapports c iv ils et relig ieu x.
N on , lin général français n ’a point écrit cette lettre ;*on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
U n général français n ’a point démenti son c h e f, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'h on n eu r. Il n ’eût point
attendu la mort de ce c h e f, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
N o n , le général D elzons n’a point écrit q u ’il n’y avait eu
q u ’ un arrangement o rien ta l fait avec l ’accord des parens N azo /
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D e l
zo n s, son p è r e , a déposé que
lu i
AVAIT
DIT
le g én ér a l
D elzons
,
son
fils
,
qu*il y avait eu un e cérém onie r e lig ie u s e ,
; lorsque F r a n ç o i s e G renier a
déposé que m adam e D e lz o n s , J em m e du g é n é r a l, lu i avait d it
A L A Q U E LL E IL A V A I T
ASSISTÉ
q u 'A n n c N a z o a va it é t é m ariée a vec le g én éra l D e s t a in g , et
Q U E S ON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général D elzons a encore moins écrit q u ’il s’accusait
d ’avoir introduit A n n e N azo dans la maison de son beau-père,
à A u r i l l a c , pour recevoir des secours h osp italiers ; car le gé
néral D elzons est m embre du c o n s e il de f a m i l l e , du
5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de M aria D estaing, comme
.fille lég itim e de son fils.
C ’est dans ce p ro c è s-v e rb a l que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l a écrit et sig n é que le général Destaing a laisse
u n e J ille légitim e p rov en a n t de son m ariage avec A n n e N a zo .
V o ilà seulement ce que le général D elzons a dit en présence
�(35)
de la justice et d’une fam ille entière; et cela est incom patible
avec ce q u ’on suppose émané de lu i, après dix ans de neutralité
et d’ un oubli inévitable des fa it s , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’ une injure faite à la loyauté
de ce g é n é ra l, qui la désavouerait, n’en doutons p a s , s’il était
instruit qu ’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; com m e s’ils s’attendaient
que la C o u r , après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom d’un parent qui lui-même avait attesté
lég a lem en t le contraire de ce q u ’on lui fait dire.
L e s enquêtes restent donc dans toute leur fo rc e , et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante ,
affaiblir.
que les commenter serait les
- C ’est à ces enquêtes seules que la C o u r a réduit toute la c a u s e ,
én'modifiant l’interlocutoire ordonné par les premiers ju g e s, qui
ûVaient e xig é de plus ln prouva cio l’exiülenco ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers D estaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la C o u r ce q u ’elle a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame De&taing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r , d is e n t- ils , il existe des registres en E g y p te : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l ’arm ée exigeaient que tous les
a ctes fussent reçus par les commissaires des g u e r r e s , pour être
valables; vous avez dil vous y conformer.
Q ue sont les ordres du jour de l'an 6 et de l ’an 7 ? L e u r début
( l'arm ée est p rév en u e, etc. ) p r o u v e s e u l q u ’il ne s’agissait pas
d ’une loi générale pour l’E g y p te . E t com m ent oser sans ridicule
10
�(
36
)
supposer que la légitimité des mariages et le sort d ’une province
auront été réglés au son du tam bour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Q u ’on ouvre les journaux du tem s, et ils apprendront que
l ’E m pereur allant vaincre com m e C é s a r , laissait au vaincu ses
lo is, ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , et
du D ieu de Jacob aux M u s u lm a n s , to u t, excepté son é p é e , a
été concorde et tolérance.
Ses s u c c e s s e u r s ont suivi son exemple et ses ordres. « N o u s
a a v o n s r e s p e c t é , dirent-ils a u x E g y p tie n s,
en se préparant à
« les quitter, vos m œ urs, vos l o i s , v os lis a g e s .. . . » E t le
D iv a n du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l , en
l ’an 9 , de ce respect pour les mœurs de l’E g y p t e , en lui e xp ri
m a n t , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
D e s ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes, de l’E g yp te sur la form e des m a
riages. C ’e s t , au reste , ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce q u ’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant d e la dame D esta in g que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Q ue sont encore ces c e r t i f i c a t s égyptiens présentés par les hé
ritiers F a u ltrier, ct,que les héritiers Destaing s’approprient ? Il
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce é tran g è re , et que n ’étant pas prises sur l’o rig in a l, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en ju stice ,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
Q u ’a de com m un le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général F a u ltr ie r , présentée, à la v é rité ,
à Metz , com m e son épouse , mais méconnue aussitôt q u ’il fut
m o r t ) , avec le procès d’A n n e N a z o , appelée en France par son
époux , reçue, accueillie par sa fam ille, après sa m o r t , et ayant
eu une possession d ’état légale et p u bliqu e, consignée dans les
¡registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�t
37
)
■
■M ais admettons ces certificats com m e sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
Voulu que surprendre la justice par une équivoque.
‘
O n sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
G ra n d -S e ig n e u r, quoique l’islamisme y soit la religion d om i
nante. O n sait encore que M ahom et I I , vainqueur de Constan
tin o p le , jura de respecter le christianisme ; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la v é rité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien n e
s’oppose à c e que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
le u r culte publiquem ent dans les états du G rand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’E g y p te , l’un des berceaux du christianisme , l’un des p re
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des G recs , et toute tolérance cessa quand cette secte
se sentit assez forte pour disputer de domination; l ’église latine
fut long-tems proscrite par les Grecs , mais sans perdre jam ais
1 espoir de ramener ses curUns égares h l ’nm'tcS religieuse. D e
tout tems la cour de R o m e a entretenu dans ces déserts de la
T h é b a ïd e , si grands en souvenirs, des prêtres catholiques q u i,
semblables aux persécutés de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des D ru se s, dans la'chaîne du
M o n t-L ib a n , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
de l’E glise r o m a in e , et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l’E g y p t e , soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de cu rés, ou tout autre caractère qui leur est donné
par leur chef.
C e c h e f est connu parmi eux sous le n o m de Patriarche
d ’ A le x a n d r ie , non pas celui q u i , prêtant serment de fidélité au
G ra n d -S eig n e u r, se regarde comme indépendant de R o m e , et
�(
38
)
c h e f suprême de 1’E güse d’Orient , mais un patriarche dépen
dant du P a p e , et vivant dans l’ unité de l’église catholique.
M a in te n a n t, il faut rappeler que la daine D estaing n ’est pas
ne'e dans la religion grecque la t in e , niais dans celle connue en
F ia n c e sous le nom de sch ism a tiq u eg recq u e. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au C a ir e ,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
M ais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les h é r i t i e r s F a u l t r i e r en ont demandé aux prêtres latins. Gela
était
vrier
indifférent
dans leur cause ; car l ’arrêt de M e t z , du
25
fé
18 0 8 , confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
m ent un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
g recq u e ou rom aine , établis à Gizé. Et en e ffe t, on ne voit pas
si Néphis D a v id a prétendu avoir été mariée à G izé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique g r e c q u e ,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. M ais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Q uoi q u ’il en soit, les héritiers D estaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers F aultrier. V o y o n s maintenant
ce q u ’ils disent. L e p r e m i e r est ainsi conçu :
« J e s o u s s i g n é , Préfet des prêtres grecs c a th o liq u e s , en
« E g y p te , déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i , so it par les prêtres grecs ca th o liq u es q u i sont sou s
« ma d ép en d a n ce, sont inscrits sur un registre, e tc ., écrit par
« le p ère C on sta n tin I i a d a d , v ica ire de Son E m in e n c e le
u P a tria rch e g rec en E g y p te . A u C a ire , le 7 du mois echbat
« ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste q u ’il n’u pas trouvé dans les archives de
son église le mariage. du général Faultrier.
11 est
signé : lîe n e -
dictus de M cd icin a , m issio n n a ire a p o s to liq u e , cu ré et vicaire
supérieur de la m ission d ’M gyplC' -Au C a ire, le 20 lévrier 1809.
�C 3 9 ') _
Ces deux certificats sont de la main m ême de ces ecclésias
tiques. L e premier est en arabe, et le second en la tin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n ’a aucune sig n a tu re , ni m ême le nom du cei4tifîcateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
relig io n s. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
de la m êm e religion, il faut la permission du p a tria rc h e , et on
l ’inscrit sur un registre.
1
* L ’original de cette pièce est en ita lien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers D estaing commence
ainsi : « I l y a en tê te un e lig n e de caractères m a ju scu les en
« arabe QiPbophte ». A la fin du c e rtific a t, on dit : « Su iven t
1 . \ran« des sign a tures en caractères étrangers ». Puis le Consul fra n
çais ajoute que ces signatures sont celles du p atriarche grec et
du p rêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il fallait mettre plus d ’importance à ce dernier certificat, on
se demanderait po u rq u o i les premiers sont donnés au C a ir e ,
l e ......... , et celui-ci en E g y p te , l e ........... ? Pourquoi celui-ci est
Tait e n
ita lie n ,
a«i.,
langue
q u e les signataires
n ’e n l e n -
daient pas ? E t pourquoi enfin le secrétaire interprète du C o n
sulat , qui a fort bien traduit de l'arabe le certificat du père
Constantin H a d a d , n ’a pas su dire la valeur des-tnots composant
les signatures et l ’intitulé du troisième acte, et n ’a pas même
compris si lout cela était arabe ou cophte?
Q uelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d ’ ùn autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en c a
ractères étra n g ers?
Il fallait q u ’on demandât aussi à ces prêtres laiins si les re
gistres q u ’ils tiennent sont des actes de P e in t- c iv il, dans une
contrée régie par les lois turques; ils auraient répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur z è le , au milieu de la bar-
�u
° } ,
La lie et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la f a i ,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise de R o m e a conservés dans cette terre de
persécution *.
M ais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qu’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame D e s ta in g , et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
L e s prêtres de sa r e l i g i o n n’ont donné aucun certificat. C o m
ment le p o u r r a i e n t - i l s ? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
r e g i s t r e ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
d es
dogm es de leur foi ; le patriarche les ordonrj^prêtres ou
papas, sans exiger d ’eux d’autre instruction; à peinç-quelques-
*
L e s m issionaires d e R o m e n’ ont jam ais cessé dans ces parlies du m on d e
d e s’ e m p lo y e r à faire des prosélytes $ en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , p arm i ces s e c t e s , dos sociétés q u i ont
reconn u la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sait q u e p a rm i les G r e c s
q u i viven t sous l'e m p i r e T u r c , plusieurs ont e m b ra s s é la foi et la d isciplin e
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u v e rn é s p a r d e s p r ê t r e s et évCques de leur
n a tio n , niais confirm és par le pape. I l y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la vu o do faire d e s con v ersion s parm i les G r e c s , et d ’a jo u ler d e nou
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O u y é lè v e un certain n o m b re d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e d e l ’E g l i s e , par M o s h e i t n , tonie
5 , page
2 7 2 .)
R i e n n e caractérise plus la religion des G r e c s q ue leur a versiou in v in c ib le
po ur l’ église de R o m e , qui a fait é c h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
tatives du s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m is s io n n a ire s , pour les r éu n ir
aux L atin s. Il est vr a i que les docteurs rom ains ont fondé q u elqu e s églises
dnns P A r c h i p c l : mais ces églises sont p auvres et pou c o n s id é ra b le s ; et les
G rec* ou les T u r c s , leurs maîtres , ne ve u len t pas perm ettre aux m ission
naires do R o m e do s ’ é ten d re d a va n ta ge . ( Ib id . page 26 0.)
E ta t de L'Eglise G r ec q u e , p a r C o w e l , tom e i . , r , page n 25.
L ettres E d ifia n tes , tom e 10 > F ao c
uns
�( 4 1 )
uns savent écrire , suivant le témoignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres la t i n s , qui n’ont
qu ’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G r e c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des F r a n c s , mais sont à peine connus pour
prêtres par les E g y p tie n s , parm i lesquels ils vivent.
M ais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d ’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus7grand jour sur la seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-d evant M . e Massé et son confrère, notaires im périaux
« à P a ris , soussignés, est comparu D o n R a p h a ë l de M o n a ch is,
« ancien prem ier curé grec catholique romain au grand Caire ,
(t en E g y p te , ou prem ier vicaire de son ém in en ce le patria rche
« g r e c c a th o liq u e
r o m a in
,
résidant au couvent de St.-Sauveur,
*
« Q u o voy«;«-or» <]ann c«tie terre natale d es sciences et des a rts ? T o u t
c e q u ’ on voit c lie z presque tous les peuples e sc la v e s : un c le r g é superstitieux
et i g n o r a n t , etc. ( . C o r a y . M é m . sur l ’ état de la, c iv ilisa tio n des Grecs").
« P ar-to u t d o m i n e e n c o re un c le r g é ig n o r a n t .. . . . L e c o u ve n t de N e a m o n i
nou rrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou
5 disent
la m esse ; pas un seul ne sait
l ’a n cien g r e c , et une d o u za in e au plus savent lire et écrire le grec m o d e r n e ...
A u c o u v e n t d e M ega spisio n , leu r ign oran ce surpasse e n c o r e , s’ il est p o s s i b l e ,
c e l l e des m o in es d e N e a m o n i . J e doute q u ’ il s’ en trouvât 4 ou
5 ( sur 3oo
),
sach an t lire et éc r ir e ». ( B a r l h o l d i , V o y a g e en G rèce , en i 8o 3 , t. 2 ).
** « L o c le r g é grec ne cesse d ’ex citer le p eu ple à la h a în e des autres r e li
g i o n s , et sur-tout d e la cath o liq u e r o m a in e ......... L a liaîu e des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s le u r so n t bons pour
so n u ire. RI. d e P a w est très-fondé à a v a n c e r q u e le p r e m i e r usage , q u e
l e s G r e c s 11e m a n q u eraien t pas d e faire do leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u err e de r e lig io n ......... I l est interdit a u x R o m a i n * de faire des prosélytes*
p a rm i les G r e c * , a u lieu q u e c e u x - c i p e u v e n t e u faire p arm i les Romains«
(
Jbid.
tom. 2. )
I I
�( 42 )
« sur la montagne des Druses , dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du D ivan et de l ’institut d’E g y p t e , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im p é ria le ,
« à P a r is , y d em eurant, rue du C h a n tre , n.° 2 4 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de m adam e N a z o , veu ve du général
« D estain g, et après avoir pris lecture de la copie de trois cer« tificatsqui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
u grecs catholiques rom ains, les 7 , 10 et 20 lévrier 1809, conu cernant le mariage du général Fauitrier avec une Géorgienne ,
a et pour l’a ire cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
résulter desdits certificats ,
« A fait l’exposé des faits suivans :
« A v a n t le concile de F lo ren ce , les églises orientales étaient
u réunies par la foi, et soumises à l’église de R o m e , dite église
u occidentale. Mais après le co n cile , les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d ’accord
a sur cinq dogmes de la fo i, dont l’ un était de reconnaître le
« P ape com m e chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d’A n u tioch e, d ’A lexand rie et de Jérusalem se séparèrent du saint« siège de H o m e , qui les considéra et les considère encore
« com m e schisinatiques. D e c e tte n o u v e l l e secte s en sont formées
« d ’autres, telles que les h é ré tiq u e s, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schisinatiques.
u D epuis environ 120 a n s , 1111 arch evêqu e de D a m a s , grec
« sch ism atiqu e, ramené à la foi par un J é s u ite , renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
u mais ue pouvant pas rester à D a m a s, à cause des persécutions
« des grecs schisinatiques , il se retira sur la montagne des
« D r u s e s , dans le M o n t - L i b a n , avec une suite de quelques
« piGtrcs de la m êm e opinion que lui. lis s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
u dans les villes d c T y r et de Sidon. A lo rs le P ape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la lo i, le
�(
43
)
« nom m a patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’ à ce que
« quatre siëges d ’ O r ie n t, ou l’ un d’e u x , fussent revenus à la
« f o i ) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
« répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
« schém atiques.
« D epuis cette é p o q u e, le patriarche de tous les Grecs ca th o « lig u es rom ains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v e u r , sur la montagne des Druses.
« L e déclaran t, au sortir des collèges de R o m e , où il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de S a i n t - S a u v e u r , pour y
« être o r d o n n é prêtre par le patriarche de son rit. Après y être
« resté quelque tems, il fut e n vo yé dans la ville du grand Caire,
« par son éminence le p a tria rche A g a p iu s M a la c , qui existait
« a lo rs , et qui vraisem blablem ent existe encore aujourd’h u i,
« pour y rem p lir les fonctions de prem ier c u r é , ou prem ier
« vicaire du patriarche, en E g y p te .
« A v a n t son départ, il reçut l’ordre du patriarche de se con« former à l ’usage des E u rop éen s, en tenant des registres pour
« constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
CC d e C e s O l d r e s , l e d é c l a r a n t f m ¿ c p r e m i e r c j u l c o m m e n ç a CCS
« registres en E g y p t e , pour constater l ’étal des Grecs catholiques,
« et les fit tenir par les cin q prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« L e s actes étaient de sim p les n otes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fonctions de premier vicaire jusqu’à
« son départ de l ’E g yp te pour la F r a n c e , où il fut appelé j>ar
« le premier C o n s u l, par l’intermédiaire du général Sébastian!,
« et d ’où il n’est parti q u ’avec permission de son patriarche.
« Après son d é p a rt, il fut remplacé par le p i r c J e a n N a sserd ;
« et c e lu i- c i, depuis d é cé d é , a été r e m p l a c é par C on sta n tin
h H a d a d , qui exerce cncore a u j o u r d 'h u i les fonctions de pre« m ier curé de l’E g y p t e , ou prem ier vicaire de son éminence
12
�C 44 5
<* le patriarche grec catholique , résidant à la montagne des
« D ruses; lequel Constantin H adad a délivré les certificats ci« dessus mentionnés.
« E n conséquence , D o n R a p h a ë l déclare que Constantin
« H a d ad , son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« q u ’il est tenu des registres de l’état c i v i l , au C a i r e , par les
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais q u ’il faut
« bien distinguer de ce u x-ci, qui sont en petit nom bre, les grecs
« schismatiques, qui sont bien plus n o m b re u x, et dans la re« ligion d e s q u e l s la dame D estaing a été mariée par le patriarche
« qui
réside
à Alexandrie.
»
« Q u ’à l ’égard des Grecs schismatiques et de toutes les autres
« sectes qui sont sorties de celle-là, iis n ’o n t ja m a is tenu de re« g is très de n a issa n c e s, m ariages et d é c è s , en E g y p te ; et que
k la raison s’en tire naturellem ent de leur défaut d ’instruction ;
« qui ne se trouve pas chez les Grecs c a th o liq u e s, dont les
a prêtres, en p artie, font leurs études à R om e.
. « L a q u e lle déclaration mondit D o n R a p h a ël de M o n a c h is a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison ».
« Fait et passé à P a r is , e tc ., etc. ».
Il
est donc p r o u v é , jusq u’à l’évid en ce, que l a validité des
m a r i a g e s des G r e c s , en E g y p t e , ne dépend pas de leur inscrip.
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en E g y p te com m e en E urop e : aucun-voyageur ne dit que cette
formalité y ait lieu ; au contraire , M . le sénateur comte de
V o l n e y , dans l’ouvrage qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des v o y a g e s , atteste
la répugnance des T u rc s pour les dénombremens de population
dans les états de leur obéissance *.
*
(
O n b i t souvent des questions sur la population du C a ir e . Si l’on v e u t
en croire le douanier A u t o i u c
F a r a o u n , c ité par lo b a r o u do T o i t , e lle
�( 45 }
A quoi tient Jonc celte obstination des héritiers D e s ta in g , à
ne vouloir reconnaître la dame D estaing com m e mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, si elle se fût présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
1V0yez, eût-on d it, cette G recque artificieuse, q u i, pour s’intro
duire dans une famille étrangère',1a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et q u ’elle a évidem m ent
fabriquées en A fr iq u e ou au milieu de l’A rch ip e l !
E h bien ! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses, desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son é p o u x , changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c ’est pour lui seul q u ’elle avait
so u ffe rt, c’est de lui q u ’elle attendait des consolations. Son é p o u x ,
sa fille , étaient pour elle ses pénates et son aven ir : avait-elle
donc des preuves à chercher pour des êtres q u ’elle ne connais
sait pas ?
L a dam e Destaing a toujours été si rassurée sur son état et
celu i de sa fille , q u ’elle n ’avait pas m ême fait des démarches
pour rechercher u Uéphaïonic sî le I»fipi£mo de sa fille avnit
constaté ; et il y avait d ’autant plus lieu de le croire a in s i, que
cette île européenne devait avoir un clergé g rec plus éclairé que
celui de l’E g y p te .
»" *’ ' •
M a is les recherches de ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniform e était toujours de lui opposer une
a p p r o c h e d e 700,000 â m e s , y c o m p r is B o u l 3q , fa u bo urg et port d éta c h é
d e la v ille : m ais tous les calcu ls d e p o p u l a t i o n ,
en
T u r q u i e , sont a r b i
traires , parce q u ’o n n ’y tient p o in t de registres d e n a issa n c e s, d e
morts o u d e m ariages. L e s M u s u lm a n s ont m ê m e de» préjugés supersti
tieux contre les d é u o m b r e m e n s . L e s seuls ch ré tien s pourraient Ctre
recensés
ou m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en E g yp te et en Syrie ,
par M . do V o l a e y , 4.« é d itio n , 1807» tom e i . , r p . 2 0 3 .)
/
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confond re, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t que les députés des îles ioniennes étaient à P a ris,
m ad am e Destaing reçut l’acte qui suit :
« D u douze novem bre d ix -h u it cen t s e p t, à A r g o s lo li , île
« de C ép h a lo n ie, sont com parus, par-devant n ou s n otaire sous« signé, le révérendissime papas, M . A n d r é M a z a r a c h i d 'A n a z o lo , desservant de l’église solitaire de Saint-Constantin , qui
« est dans le
voisinage
et sur la rive dépendante des villages
« ü A d i lin a t a et d'A r g a ta , situés dans l ’île de C ép h alo n ie, et
« M . J e a n L a v r a n g a , lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
«i V a nnée d ix -h u it çen t d eu x , au m ois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel jour du m o is, un enfant du sexe fé m in in ,
« f i l l e de m adam e A n n e N a zo et du g én éra l D e s ta in g , la q u e lle ,
« suivant la déclaration fa ite , à lui prêtre co m p a ra n t, par les sus« nom m és, était née de légitime m a ria g e , et a été nommée M a r ie ,
a et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
a L a v r a n g a et le capitaine Siffi, F a n c h io te , lequel ne se trouve
« pas présentement dans cette île ; le présent sera affirmé avec
« serment par les susdits prêtre et sieur L a v r n n g a ; ils déclarent
a en outre q u e , d a n s cette é g lis e , s i t u é e dans ce lieu solitaire,
« on ne tien t p o i n t de registres baptistaires n i m ortuaires, L a
« présente est donnée pour T en dr e témoignage à la vérité ; et les
« coinparans se ressouviennent parfaitement d ’avoir administré
« le sacrement susdit, ce q u ’ ils affirment comme témoins.
« Signé A n d r é M a z a r a c h i, prêtre , j ’affiVme avec serment";
« J e a n L a v ra n g a , ja ffin n e avec serment; •Jean C h n s i, témoin;
« S p ire C acurato , témoin ; D im itr i Caruso ,
notaire.' A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri C a r u s o , notaire; et une légalisation en même la n g u e ,
« dont la traduction suit :
« E m im r k F r a n ç a i s . — Son Excellçncç S a vio A n n i n o ,
�(
47
)
« administrateur du gouvernement de C é p h a lo n ie , certifie que
« le susdit M . G aru so , notaire p u b lic , est tel q u ’il se qu a lifie,
« et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
« D o n n é eu l’administration deC éph alo n ie, le dix-neufnovem bre
« m il huit cent sept. Signé S a vio ¿ t n n in o , adm inistrateur; et
« Jean-B aptiste T ip a ld o P r e tte n d a v i, c h e f de bureau ».
Cet acte fut présenté à M . M arino M a tu r a , principal député
des îles io n ie n n e s, q u i , au grand1' élbnnement de Madame1
D e s t a i n g , lui apprit que c’ était lui-même^qui avait fait rédiger
. cet acte de baptêm e, à la demande de l’un des a id e s - d e - c a m p
de M . le maréchal M a r m o n t , qui le réclam ait de la paît de
M . le g én éra l D e lz o n s ( e m p lo y é en D a lm a tie ).
L a fam ille D e s ta in g , qui faisait rechercher c e 1fait aussi lo in ,
n ’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire a
ses prétentions.
*
E t p e u t-ê tre l ’honnêle ecclésiastique , informé par ces re
cherches des vexations suscitées à une malheureuse étrangère, se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de son propre m o u ve .n e .it, pour rendre hom m age à la vérité.
L e tribunal dé la Seine a o rd on n é, p a r jugement dti 5 juillet
1809, que cet acte serait transcrit dans les registres'de l ’état c i v i l
de P a ris , pour servir d ’acte de naissance à M aria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
D estaing n’a été utile q u ’à elle.
M ais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il
est impossible, disent-ils, de croire au m ariage d ’un général
français qui n ’a pas été célébré de la m ême manière que ceux
de ses frères d ’armes. O r , les mariages des généraux D e lz o n s ,
L a n t i n , M enou et lio n n e -C a rrè re ont été r e ç u s par des c o m
missaires des guerres. T e lle était donc la fo rm e, et pourquoi
A n n e N azo ne l’a - t - e l l e pas suivie? p o u rq u o i, au m o ins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accom pagné des fêtes d ’usage, dans les rues du
Caire ?
L e s généraux D elzons, L an tin et B onne-C arrère épousaient
l i s demoiselles V a r s y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o s e t t e , ville presque européenne à cause de son com
merce, L à , certainem ent, un c a th o liq u e, mariant ses trois filles
a v e c des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’ une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la ceremonie religieuse
de ces trois m a r i a g e s q u i a dû être faite par un prêtre c a th o liq u e,
ou r é g u la r i s é en France au retour de l a famille V a r s y .
L e général Menou épousait une musulmane : son m ariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. C ar tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, q u i, dans la religion dominante, ont se u ls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité.
M ais A n n e N a z o , de religion g r e c q u e , mariée à un E u r o p é e n ,
de religion latine ou ro m a in e , n’avait pas le droit d ’en rendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses , ni par
aucune inscription dans des registres, ni par une prom enade
dans les ru e s, sous un dais, c o n n u e les M usulm ans.
C ’était bien a s s e z q u e sa fam ille eût vaincu à cet égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, à un catho-
*
« C ’est ord ina irem ent le soir q u e la m a rc h e c o m m e n c e : d e s baladins
la p r é c è d e n t ; de n o m b r e u x e sc la ves étalent a u x y e u x du peuple les efTets,
les b ijo u x destin és à l’ usage de la m a rié e ; d es troupes de danseurs s’ a va n c en t
en c a d e n c e an son des in s tr u m e n s ; la jeu n e ép ou se paraît sous un dais
porté par q uatre e s c l a v e s ; un v o i le la c o u v r e e n t i è r e m e n t ; u n e longue
suite Ue lla m b c a u x é c la ir e le cortège ; de tems en teins des c h œ u rs de
T u r c s chantent des c o u p lc ls h la lo u a n g e des n o u v e a u x é p o u x » . ( S a v a r i ,
to m e
3,
lettre
3 ).
liquo
�( 49 )
Iique r o m a in , à un m ilitaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point prin cip al, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies clu rit grec.
O n demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son m ariage
a été fait sans con tra t. M ais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
E g y p te où le K o ran est le Code universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Q u ’avait-il
en échange à oifrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. D ans un pays où l ’industrie
et le com m erce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
a la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
O n se plaît »à représenter les N azo com m e une famille sans
fortune et sans considération, et J oanni N azo com m e un a ven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de m entir, maintenant que le plus liquide de la
fortune N azo est dans leurs mains. M ais les témoins ne donnent
pas d’eux l’ idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que J oanni N a z o , à l’occasion de son m ariage avec Sophie M isck ,
dépensa 5o,ooo écu s.
O n se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d ’A n n e
N a zo répudia Barthélem i pour épouser Joanni Nazo ; et là-clessus
on se récrie sur de telles m œ u rs , com m e si une famille africaine
avait dû prévoir q u ’ il faudrait ro u gir de ce qui est toléré dans sa
nation , et s’en justifier un jour aux y e u x des sieurs et demoiselle
D e s ta in g , d’A urillac.
Si la prétention des Européens est de blâm er ce q u ’ils blâm ent,
et île louer ce q u ’ils louent, il faut q u ’ils donnent le droit de re
présailles aux nations é tran g è re s, et ils auraient beaucoup à y
perdre. E n E g y p te , le lien du mariage est plus sacré q u ’en
* « L e s parens ( G r e c s ) ne font a u cu n e difficulté d’a ccordpr le u r fille à
* un T u r c , pourvu qu’ il toit riche et p u is s a u t, tandis q u ’ ils n.fusent o yi« u iû trém cn t do l’ a cc ord er à un c atholiqu e, ( b a r t h o l d i , tom e 2 .)
i
3
�(
5°
)
F ra n c e , iant qu’ il dure; mais il n’ est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
Barthélémy était catholique; Sophie M isck e'tait g r e c q u e , et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu ’ils n ’approuvaient pas.
C ’était pour eux un acte religieux que la rupture de ce m ariage,
pour en contracter un s e c o n d plus orthodoxe : la religion grecque
le v e u t , et le
Au
reste,
gouvernem ent
le tolère.
que Sophie IUisckait été ou non l’épouse de Barthé
lé m y , on ne voit pas comment A n n e Nazo en serait plus ou moins
l ’épouse du général Destaing.
E nfin on porte le dernier coup à la dame D estaing; et déses
pérant de lui ôter le nom d ’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d ’eflacer dans son cœur le
respect q u ’elle doit aux mânes de son époux. Ce n’est plus une
letire étrangère q u ’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lu i-m ê m e, écrites à son père, q u i , d it-o n , fournissant la
preuve q u ’il n ’y a pas eu de m a ria g e, et q u ’il l ’a désavoué.
L ’ une est écrite du Caire ; et le général parle d ’ un arran
gement oriental avec une j e u n e grecq u e qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général m arque à son père q u ’il
n’a pas dû p lu s croire à la lettre de Latapie qu'à la sien n e
*
« L e c le rg é ( g r e c ) ne cesse d ’e x c ile r le pe u p le à la liaîne des autres r e li
g i o n s , et sur-lont d e l à c a th o liq u e r o m a i n e , en accordant liè s-lib é ra le m e n t
de* absolutions à c r u x qui ont tro m p é les m e m b re s de celte religion , ou qui
sc proposent «le le f j i r e » ( B a r t h o l d y , t. a ).
** L e * ht-rihYrs D estain g a va ien t i m p r im é p lu tôt au lieu d c p l u s , parce
q u e cela changeai! le sens. Il en résultait q u e le g é n é ra l avait vo u lu que
son père crût à sa le ttre , tandis q u ’il a v o u e lu i- in â m o q u ’ il n ’a pas d it
vrai.
�(
5i
)
q u ’il ne se serait pas marié sans l’en p ré v e n ir; mais qu’à la
vérité il a d'autres lien s qui pourraient bien amener celui-là.
R e m a rq u o n s , et déjà la C o u r l’a rem arqué elle-m êm e dans
son arrêt interlocutoire * , que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’ il a reçu A n n e N azo ,
et q u ’après un mois de méditations il lui a donné un ra n g dans
sa fa m ille , en se rendant le tuteur de son enfant.
Il
a donc ju g é ces lettres en pere clairvoyant ; et ce n’est pas
là qu'il a cherché la vérité. L ’ une s’ excusait a ses y e u x par la
licence des c a m p s; les jeunes F ra n ç a is, fussent-ils aux confins
de la terre , ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quo,i s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une jusiification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lu i fut plus ca ch é e , lorsque la dame D e lz o n s , égyptienne, lui
eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’armée , sur le mariage de son fils ; lorsqu’encore le général
D e lz o n s , q u i y a va it a ssisté , vint lui en apprendre les détails.
C ’est donc par pure méchanceté , et sans besoin , que les
héritiers D e s ta in g , o n t p u b l i é c e s l e t t r e s . L ’ i i o n n e u r l e l p u r d é
fendait, puisqu’elles n’ étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur défendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, aie devait pas être reproduite.
* « A t t e n d u q u e le titre d ’ épouse et c elu i d e m è r e ont été recon n us par
la fam ille du g é n é ra l Destainj’ y ................ Q u ’ un m ois après son a r r iv é e à
A u r i l l a c , D e sta in g p è r e , ne doutant pas du m a ria g e et d e l’a v is et c o n
sen te m en t do scs proches p a r o n s , s’ est rend u tuteur....................... Q u e celte
reconn aissan ce et c e lle acceptation d e tutelle paraissent d ’autant plus c o n
s i d é r a b l e s , q u ’on pourrait les regarder c o m m e la suite d ’ un c x a in e n a ppro
f o n d i , et do certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres d e son
fils, l’ uue datée d ’ E g y p t e , l’autre écrite de P . i r i j , lui donnant tout le sujet
d e douter do ce m a r i a g e , ou m ô m e de ne pas y c r o i r e , il n’ en ava it pas
m oin s ronsenti l’acte eu question , t l q ue ses proches parens y a vaient aussi
concouru », ( a .* m o tif do l ’urrét du n
ju iu 1 808 ).
�(
)
Mais celle méchanceté n ’était pas sans b u t , et 011 le voit
dans Palïectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame D elzo n s, à qui le général disait
qu'A n n e N azo éta it m a r ié e, m ais q u 'il ne V êta it p a s. O n
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
harmonie avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était v r a i e , il est cruel pour la dame
Destaing d’en com prendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Oue les E u r o p é e n s , dans l’immoralité de leurs th é â tre s,
mettent en
rences
scène
des malheureuses abusées par toutes les a p p a
d’ un mariage ré el,
et
cependant dupes des artifices d ’un
hom m e qui s’est joué de la religion et de la p ro b ité, on ne
s’étonnera p is que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissemens. Mais qui oserait -produire dans le monde une
s e m b l a b l e atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui m ême oserait repousser de soi la
victim e d ’ un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Q uelle que soit l ’inlention des héritiers D e s ta in g , en laissant
croire que le général a voulu tromper la famille N azo par le si
m ulacre d’ un mariage nul à s e s y e u x , la perfidie de cette su p
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. E n effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. M ais la dame Destaing se liûte de
dire que les cérémonies publiques qtii eurent lieu au C a ir e , les
lettres de son é p o u x , sa conduite soutenue envers elle, le justifient
pleinement de l’inculpation dont on a voulu le flétrir. L a légéieté
de sa nation , peut-être la crainte d’être blâmé par son père , ont
pu lui dicler quelques mots é q u iv o q u e s; mais son cœur fut
* C o d e N a p o l é o n , articles 201 et 202.
�( 53
innocent d’une telle lâcheté; elle était indigne de l u i , et toutes
ses actions la.démentent.
Ceux-là seuls sont coupables , qui n’ont pas rougi d ’exhum er
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’en imprimant une tache sur sa mémoire. .
j
M ais c’est trop s’arrêter à des réfutations pénibles et inutiles.
C e ne sont point des cendres éteintes qu’il faut interroger pour
la recherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
.
I l est tems q u ’on cesse de disputer à une épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd’hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. E lle l ’a reçu en A friqu e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa patrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d ’E urope que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
m êm e la pensée de lui en donner un a u tre; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignoraient ; et c’est après une possession d ’é t a t , ainsi
émanée d ’eux , q u ’ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu ils avaient accueillie et protégée. X.n ( l a m e Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers D estaing, plutôt q u ’à une autre
fa m ille ; mais le titre sacré d’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses ye u x.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
co u rag e ; la dame D estaing n’avait pas d ’héritage plus précieux
à lui laisser q u ’ un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice de sa
naissance.
P o uvan t attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans murmure aux lenteurs
de la justice, sachant bien que l’intérêt privé pouvait élever des
14
�( 54)
doutes sur les Formes de son m a r i a g e , mais que la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
U n jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
p r o c è s , et s’enorgueilliront de celle q u ’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’ hui
•d’être justes, la dame D estaing n’en doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
q u ’il lui désigna com m e des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-Licencié.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille , intimés; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelants.
note manuscrite : Voir l'arrêt au journal des audiences de 1811, à la page 353. »
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2001
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53371/BCU_Factums_G2001.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53866/BCU_Factums_M0606.pdf
3f754df0f7f4c808af0183a4971445f5
PDF Text
Text
PIECES JUSTIFICATIVES.
N°. Ier.
Extrait du Moniteur, N°. 93, du 3 nivôse an 7.
A r m é e d’ O r i e n t . Suite des extraits des ordres du jour de
l ’arm ée , datés du quartier général du Caire, du
fructidor
an 6, au 28 vendémiaire an 7,
L
i b e r t e
.
É
RÉPUBLIQUE
g a l i t é
.
FRANÇAISE.
Au quartier général du Caire, le 21 vendémiaire
an 7 de la république française.
O r d r e d u j o u r d u 2 1 v e n d é m ia ir e a n 7 .
est prévenue que tous les actes civils qui seront
passés par les commissaires des guerres, ceux qui seront passés
sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui pourront l'étre
entre les Français et les nationaux par-devant les notaires du
p ays, seront nuls en F ra n ce, comme i c i , s’ils ne sont enre
gistrés conformément à l’ordre du général en ch ef, en date du
3 o fructidor dernier.
L
'
a r m é e
E x tra it de l'ordre du général en chef du 3o fructidor an 6.
B
o n a p a r t e
,
général en c h e f, ordonne :
A r t . I er. Il sera établi dans chaque c h e f - l i e u de province de
^
un bureau d’enregistrement, où tous les titres de pro-
v.
�( â )
priétés, et les actes susceptibles d’étre produits en justice, re
cevront date authentique. Signé Alexandre JBerthier , général
de division , c h ef de Vétat m ajor général.
N°. II.
E x tra it du registre des actes de mariages , déposé au secrétariat
de la mairie d s lu n lla c , chef-lieu de préfecture du départe
m ent du Cantal.
C r j o u r d ’h u i vin gt-u n nivôse
onze de la'république
française , onze heures du matin , est com paru, dans une des
salles de la mairie d’ Aurillac , et par-devant nous J e a n Abadie ,
maire de la commune dudit Aurillac , faisant les fonctions
d’officier public de l’état c iv il, le citoyen Alexis Deteons, gé
n é ra l de brigade, commandant le département, demeurant audit
Aurillac , lequel n o u s a requis d in sé re r dans les registres de
m ariages, l’acte de son mariage avec dame Anne-Julie Varsy >
dressé par le citoyen Joseph A gard, commissaire des guerres
employé à Rozette , faisant les fonctions d’officier civil, le seize
brumaire an h u it, ainsi qu’il conste de l’expédition qu’il nous «a
représentée, et déposée à notre secrétariat.
S u it ledit acte mariage.
L an huit d e là république française, et le seize brumaire,.
sont comparus devant nous Joseph Agard, commissaire des guerres
employé à Rozette , faisant les fonctions d’officier c iv il, confor
mément à la l o i , le citoyen Alexis Delzons , c h e f de brigade
de la quatrième demi-brigade d’infanterie lé g è re , né le vingtsix mars mil sept cent soixante-quinze, à Aurillac, département
du Cantal , fils d’Antoine Delzons et de Marie-Anne-Crispine
Hébrard , personne libre de tous lien s, conformément au cer
tificat du conseil d’administration de son co rp s, qu’il nous a
rem is, d ’ u n e part; et la citoyenne Julie-A n ne V a rsy , née k
�( 3 )
Alexandrie le seize janvier mil sept cent quatre vingt quatre ,
fille de feu Joseph Varsy et d'Elizabeth Donner , ici présente,
et de son consentement, accompagnée de ses frères et sœurs,
d’autre part; lesquels ont déclaré, de leur libre, pleine et en
tière volonté, s’ unir cri légitime m ariage, conformément aux lois
de la république française ; de laquelle déclaration nous leur
avons donné acte en présence des citoyens Julien, capitaine
adjoint, Lanten , quartier - maître , et Labadie, capitaine, qui
ont signé avec m oi, la veuve V arsy, ses frères et sœurs, et les
parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré ,
conformément aux ordres du général en chef. Signé à l’original,
Julie V a rsy , Delzons , Labadie, Elizabeth D o rm er-V a rsy ,
Sophie Lanten, née Varsy, Lanten, Varsy a in é, Julien, le com
missaire des guerres, Agard. Enregistré à Rozette le vingt-deux
brumaire an h u it, n°. 104, reçu quarante médias. Signé à l’ori
ginal, R oy a n e s , d irecteu r d e l ’enregistrem ent.
Pour c o p ie c o n fo r m e à l ’o r ig in a l, le com m issa ire des guerres ,
sign é A g a h d .
D e tout quoi nous , maire susdit, avons donné acte audit
citoyen Delzons , de la remise de l’expédition de son acte de
mariage ; l’avons fait déposer aux archives de la mairie , et
avons dressé le présent procès verbal en présence des citoyens
Antoine Delzons , législateur, et de François Miquel, capitaine,
aide de camp , majeurs , domiciliés dudit Aurillac ; et o n t,
lesdits Delzons et M iq u el, signé avec nous maire , lesdits jour
et an que dessus.
Pour copie conforme , H é r a u l t , secrétaire.
•
V u pour la légalisation de la signature Hérault, secrétaire de
la mairie d 'A urillac, par nous Guillaume L aval, juge du tri
bunal civil d’Aurillac.
A A u rillac, le v in g t-six août m il huit cent six. L a v a l .
B h u h o n , greffier,
�( 4 )
N°. III.
D es actes de l’état civil du département de la S ein e,
dixièm e arrondissement de la com m une de Paris, p ou r
l ’an treize, déposés au greffe du tribunal de prem ière
instance du mêm e départem ent, a été extrait ce qui
suit :
'Acte civil de mariage .
L ’ a n huit de la république française, et le vingt-neuf vendé
miaire, sont comparus devant nous Joseph A g a rd , commissaire
des guerres employé à. Rozette, faisant fonction d’officier civil,
conformément à la loi, le citoyen Georges - A uguste L a n te n ,
capitaine, quartier-maître de la quatrième demi-brigade d’infan
terie légère, natif de B ite t, département de la Mozelle, âgé de
vin g t-n eu f ans, fils de Jean L anten et de Christine D u p o n t ,
personne libre de tous les liens, conformément au certificat du
conseil d’administration dudit corps , qu’il nous a remis , dûment
enregistré , d’une part ;
Et la citoyenne Catherine Sophie V a r s y , Agée de vingt ans,
fille de feu Joseph V a rsy , négociant de Rozette, et d 'Elizabeth
D o r m e r, veuve V a r s y , ici présente, et de son consentement,
accompagnée de ses frères et sœurs, d’autre part;
Lesquels ont déclaré, de leur pleine, libre et entière volonté,
s’unir en légitime mariage, conformément aux lois de la répu
blique française : de laquelle déclaration nous leur avons donné
acte, en présence de l’adjudant général Valentin ; Delzons, ch ef
de brigade de la quatrième dem i-brigade d’infanterie légère;
Rainiondon, commissaire ordonnateur; et de ses frères et sœurs,
qui ont signé avec nous et les parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré
conformément aux ordres du général en ch ef, des trente fruc
�( 5)
tidor an six , et vingt-un vendém iaire an sept. Fait a R o zette, les
jour et an que dessus. Signé à l’origin al, Auguste L an tén , Sophie
Y a rs y , Elizabeth D o rm e r-V a rs y , l’adjudant général Y a le n tin ,
Delzons , Raimondon , Agard , Julie Y a r s y , Joseph V a r s y , et
V arsy aîné. Enregistré à R ozette, le vingt-neuf vendémiaire an
¡huit, sous le n°. 100 : reçu 40 m * Pour copie conform e à 1 ori
gin al, le commissaire des guerres , signé A gaiid.
Au bas est écrit : Je certifie que le citoyen A g ard , qui a signe
le présent acte de m ariage, est tel qu’il se qualifie , qu’il rem plit
ic i les fonctions d’officier civil pour constater l’état des citoyen s,
et que foi doit être ajoutée à sa signature. A R o zette, le vingtn e u f vendémiaire an huit. L ’adjudant comm andant la province
de R o zette , signé V alentín .
Collationné sur pareil extrait déposé au dixième arrondisse
ment de la commune de Paris, lors du divorce de la demoiselle
V a rsy avec le sieur L antén , qui a été prononcé le d ix-h u it
prairial an tre ize , inscrit sous le n°. 6 du registre dixième de
l ’état civil dudit arrondissement.
D é liv r é p a r n o u s , g r e ffie r d u tr ib u n a l d e p r e m iè r e in s ta n c e
d u d é p a r te m e n t d e la S e i n e , c o m m e d é p o s ita ire d u r e g is t r e ,
s e c o n d e m in u te , e x tr a it d e l’ a u tre p a r t , e t e n exécution d e l’ar
ticle 45 du Code civil des Français.
Au greffe, séant au palais de justice, à Paris, le douze dé
cembre mil huit cent six. E. A. M ahgueh¿.
Nous président de la troisième section du tribunal de pre
mière instance du département de la Seine, certifions que la
signature ci-dessus est celle de M. Margueré, greffier en ch e f
dudit tribunal ; en foi de quoi nous avons fait apposer le sceau
du tribunal.
A P aris, au palais de justice, le douze décembre mil huit cent
six.. L e B e a u .
�(6)
N°. IV .
E x tra it du registre des actes civils de la place du Caire.
neuf de la république française, et le dix pluviôse, pardevant moi M. Pinet, commissaire des guerres, chargé du ser
vice de la place du Caire, sont comparus les citoyens AlexisJoseph D elzons, ch ef de la quatrième demi-brigade d’infanterie
légère, Jacques-Zacharie d’Estaing, général de brigade, François
M iquel, adjudant major dans ladite quatrième demi-brigade, et
Joseph Labadie, capitaine au même corps, la citoyenne VarsyLanten ; lesquels m’ont présenté uii enfant qu’ils m’ont déclaré
être né à Rozette, le vingt-sept brumaire dernier, du citoyen
Alexis - Joseph Delzons , et de la citoyenne Julie Y a r s y , son
épouse, et être du sexe masculin, auquel enfant on a donné le
nom d ’A le x is -A le x a n d r e : le p a rra in a été le général de brigade
d’Estaing , et la marraine, la citoyenne Varsy-Lanten , au nom
de la citoyenne Y a rsy, aïeule de l’enfant; desquelles présen
tation et déclaration j’ai donné acte , que j ’ai signé avec les
citoyens Delzons, le parrain, la marraine, la citoyenne VarsyDelzons , Baudinot, Labadie, Miiquel. Signé au registre, D e l
zons , ch ef de brigade, d’Estaing, général de brigade, VarsyL a n t e n , Varsy - Delzons , Baudinot, capitaine, Labadie et
Miquel ; P in et, commissaire des guerres.
L ’a n
Pour copie conform e *le commissaire des guerres, signé P ihet ,
�C7 )
N°. V.
L
i b e h t î
.
É
RÉPUBLIQUE
'
g a l i t é
.
FRANÇAISE.
Au Caire, le z 5 pluviôse an 9 de la république française.
D ’ E s t a i n G j g én éra l de b r ig a d e ,
A u citoyen d ’ E s t a i n g père.
V o u s devez avoir reçu de mes nouvelles , mon cher p ère,
par l’arrivée d u L o d i, et autres bâtimens , dont la traversée
d’ici en France a été fort heureuse. Depuis ces époques, notre
situation n’a point changé. L ’armée est toujours en très-bon
é ta t, tant au physique qu’au moral ; et le grand Visir paroit
moins disposé que jamais à venir nous visiter ; la peste, la fa
mine et la désertion le dispensent d’avoir recours à la guerre
pour d é tru ire e n c o r e u n e armée. Il est arrivé successivement
plusieurs bâtimens de guerre ou de commerce français, notanv
ment les deux frégates l’Egyptienne et la Justice, chargées de
différens objets qui nous étoient le plus nécessaires ; nos ports
sont également fréquentés par un grand nombre de bâtimens
grecs et méirie turcs sur la Méditerranée , arabes et indiens sur
la mer Rouge ; de manière que la colonie, qui est d’ailleurs par
faitement tranquille, acquiert journellement de nouveaux degrés
de prospérité : il faut espérer que cette conquête intéressante
sous tant de rapports, ne nous échappera point à la paix ; tout
au moins elle sera d’un grand poids dans la balance, et je pense
plus que jamais ce que je vous ai déjà écrit à ce sujet ; je suip
J>lus que jamais éloigné d’avoir regret aux efforts et aux dangers
particuliers qui étoient indispensables pour c o n tr a rie r ouverte
ment les vues d’une factioiî ennemie de la p ro sp érité de la répu-
�. ( 8
}
blique, ainsi que de la gloire de l’armée d’Orient. Il faut donc
voir avec patience s’éloigner le moment de nous réunir ; nous
avons fait tant d’autres sacrifices ; nous serons également dédom
magés de celui-ci par la plus pure des jouissances, celle de se
voir plutôt en avant qu’en arrière de ses devoirs. La paix avec
l’Empereur est sans doute actuellement conclue ; les circons
tances sont de nature à presser vivement les Anglais d’en finir;
et Bonaparte saura si bien en tirer parti, que le temps est peutêtre moins éloigné que nous ne le croyons, où nous reverrons
notre p airie, nos familles , aussi dignes de leur reconnoissance
que de leur tendresse.
Delzons se porte fort bien. Il a un petit garçon très-éveillé ;
et j ’essaie lïe n Jaire un à une jeune Grecque , q u i , d ’après un
arrangement o rien ta l , f a i t les honneurs de chez m oi depuis
près d ’un mois. Adieu , mon cher père , j’embrasse ma mère
et toute la famille , et vous prie de m’écrire : tout le monde ,
excepté m o i, reçoit ici des lettres. Signé d ’E s t a i n g .
Rappelez-moi au souvenir de nos anciens amis,
N °.
V I.
Paris, le i 3 ventôse an 10.
J e profite du départ du préfet, le c. Riou, pour vous écrire
deux mots. J’ai reçu une délibération de la commune d’Aurillac,
je verrai de la servir ; mais je ne sais si je pourrai rester assez
long-temps ; dites au c. Abadie que je lui écrirai bientôt.
Je n’ai pas encore pu joindre le conseiller d état Duchatel ;
ce sera je crois pour après-demain.
Q uant à mon m ariage , vous ne devez pas plutôt croire la
lettre de Latapie que la mienne ; il n ’y a aucun lien légal ;
■¡e ne ïaurois pas contracté sans vous en prévenir: mais il y
~a~à’autres liens qui pourraient peut-être bien amener celui-làf
�(9 )
Au reste, j’ai écrit à cette famille de se rendre à M arseille, et
d’y attendre de mes nouvelles.
(
Quant à ma destination , elle n’est pas encore réglée , parce
qu’on exige que je désigne ce qui me convient. Je ne la i pas
fait encore , mais après-dem ain à la parade je remettrai ma
demande.
Delzons avoit remis la sienne il y a quelque temps ; et s u iv a n t
sa demande, il ira à Clermont ou à Aurillac.
A dieu, je tous embrasse tous. Signé d’Estaing.
N°. V IL
MAISON
DE
.
L’ E M P E R E U R .
Paris, le
5 mai
1808.
J e soussigné, trésorier général d e l à couron ne, ancien d irec
teur général des revenus d’Egypte , certifie que d’après les
vérifications qui ont été faites sur les registres de l’adminis
tration de l’enregistrement d’Egypte, il n’y a été présenté, dans
aucun temps , aucun acte de mariage relatif à M. le général
d’Estaing.
E n foi de quoi j’ai délivré le présent pour servir et valoir ce
que de raison. E s t e v e .
N°. V I I I .
r
♦
E x tra it du registre de service du général d ’E sta in g , ayant
pour titre : Correspondance relative au com m andem ent de
Cathié.
Commençant le 17 brumaire an 8 , par une n o te , en ces
termes . « Ecrit au général Régnier, pour lui annoncer mon
�ce arrivée, e t lui demander des in s tr u c tio n s » e t finissant le 16
pluviôse an 8 , par une lettre au général Verdier, pour lui
annoncer que le lendemain , 17 pluviôse, il évacue le poste de
Cathié.
Registre écrit tantôt de là main du général, et ensuite de son
aide de camp, contenant copie de toutes les lettres qu’il écrivoit,
et des ordres donnés ou reçus ;
Registre qui prouve que depuis le 17 brumaire an 8, jusqu’au
16 pluviôse, il n'a quitté ni pu quitter son poste.
Delà le général se rend à R ozette, à plus de six journées de
marche , puisqu’il faut traverser le D elta , et une partie du
désert.
Il reçoit des ordres adressés à Rozette, par le général en ch ef
K léber, de veiller sur le bas Delta.
La correspondance du général Kléber, datée du Grand-Caire,
commence le 20 ventôse an 8, et finit le 11 prairial an 8. Toutes
les lettres existent en original.
N°. I X.
Correspondance du général de division M enou, toutes signées
A bd a lla M en o u , commençant le 15 germinal an 8, jusqu’au 21
floréal même année ; écrites de Rozette au général d’Estaing ,
aussi à Rozette.
N°. X.
Lettre du général Rampon , écrite du quartier général de
Dam iette , au général d’Estaing, le 3 messidor an 8, pour lui
annoncer l’assassinat du général K lé b e r, et que le général de
division M enou a pris le commandement en chef.
_______ - i .
'i
'.,n fi
: :
~
A R I OM', de l'im p rim e rie de T H IB A U D-LANDRIOT , i m p rim e u r de la C o u r d ’appel,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa An 6-Circa 1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0606
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53866/BCU_Factums_M0606.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53864/BCU_Factums_M0604.pdf
90c5790e52a1a2ebb5782c0bd4a8d351
PDF Text
Text
ecsaarz
rnBaB rarasrsTsrggte^w iLjvrir-Æ r-^ ^xïtjlt*?,- s .
- !t j ? î a « a i
PIECES JUSTIFICATIVES
P O U R
Madame N A Z O , veuve du général D
tutrice de sa fille mineure;
e s ta in g ,
c o n t r e
L e s h é r it ie r s D E S T A I N G .
N°. Ier.
D é l i b é r a t i o n d u c o n s e il de f a m i l l e à A u r i l l a c ,
du
E
5
messidor an 10.
des minutes du greffe du juge de p aix de la
ville et canton d’A u r i l l a c section du Nord.
xtrait
C e j o u r d ’ h u i cinq messidor an dix républicain, deva n t nous,
Jean-Baptiste G e n e ste , juge de paix du canton d’A u rilla c , section
du Nord , a com paru le citoyen P ierre D esta in g , juge-président
du tribunal de prem ière instance de l’arrondissement d’A u rilla c,
y dem euran t, leq u el nous a d it que le citoyen Jacques-Z acharie
D e s ta in g , son f i l s , g énéral de d iv isio n , est décédé à P a r is , le
quinze floréal dernier , laissant une f ille u n iq u e , âgée alors
d e cinq m ois , nommée M a rie , p rovenue de son m ariage avec
A
�( 2 )
A n n e N a zo , Grecque d ’origine ; que la loi déférant à lui com pavant la t u te lle de sa p e tite -fille , attendu surtout la m inorité
(VA n n e N a zo sa mère , et désirant être confirmé dans ladite
fu a liié , pour pouvoir agir légalem ent, il a amené devant nous
plusieurs des plus proches parens du d éfu n t, à l’effet de déli
bérer tant sur ladite confirmation de tu telle, que sur la fixation
de la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension
viduelle d e là dame veuve D estaing; com m e aussi pour donner
leur avis sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure et
de sa m ère , depuis L yon jusqu’à A u rillac, ainsi que des frais
dûs pour salaire à une nourrice provisoire depuis T a re n te , ville
du royaum e de Naples , y compris un mois de séjour à L y o n ,
jusqu’en cette ville , lesquels frais le com parant a avancés et se
m ontent à la somme de six cent quatre-vingt-quatre francs; et
enfin pour être autorisé à régler tous com ptes et mémoires de
fournitures et autres objets qui pourroïent être à la charge de
la succession , et ce tant par lüi-méme que par ses fondés de
pouvoirs.
E t de suite par-devant n o u s, juge su sd it, sont comparus les
citoyens Louis-Gérand-Gabriël Fortet, conseiller de préfecture de
ce départem ent ; François-Joseph Labro, a v o u é , et autre FrançoisJoseph L a b r o , son frère’, greffier en la justice de paix d’A urillac,
c o u s i n s paternels du défunt; Antoine D elzons, membre du corps
lé g isla tif, oncle m aternel; Alexis - Joseph D elzons, fils'dudit
A n toin e, général de brigade, commandant le département du
Cantal ; Pierre et Antoine M ailhy, père et fils, n égocians, cousins
du côté m aternel, tous habitans de cette ville, et les plus proches
parens du d é fu n t, auxquels nous avons fait part de ladite con
vention , pom- qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis ,
en leur âme et conscience. Sur quoi lesdits parens ayant conféré
entr’eux , et revenus devers nous , le citoyen Delzons père ,
portant la parole , nous ont dit qu’ils sont tous unanimement
d’a y is , i°. de confirm er le citoyen D estaing , aïeul de la mi
n eure, dans la qualité de son tu teu r, à la charge par lui de faire
�(3
y
bon et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la snccession du défunt général D estaing ; faire procéder à la vente
dudit m obilier, et de faire emploi utile du prix en provenant,
conform ém ent à la l o i , après avoir prélevé tous frais , dettes
et charges de la succession; z°. qu’ils estim ent que la pension
de la m ineure , jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à
la somme de s ix cents fra n cs, que le tuteur retiendra par ses
mains sur la recette de ses revenus ; °. qu’ils sont d’avis que
les habits de deuil de la dame veuve D estain g, y compris ceux
qui lu i ont été fournis à L yon , et qui ne sont point encore
a cq u ittés, doivent être portés à une somme de m ille fra n c s, .
laquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant
quittance des marchands et fournisseurs , laquelle somme lui
sera allouée en com pte ; 4 °. quant à la pension viduelle de la
veuve et d e là négresse qu’elle a à son s e rv ic e , attendu que le
citoyen D e sta in g , tu te u r , leur fo u r n it en n a tu re , nourriture,
lo g em e n t, f e u , lum ière et b lan ch issa g e, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de m ille fr a n c s pour l ’année de 'viduité, à
com pter du prem ier p r a ir ia l, dernière époque de son arrivée
en cette ville-, °. que la somme de six cent quatre francs avancée
par le tuteur pour frais de voyage de la veuve et salaire de
5
5
ladite n o u rric e , depuis la yille de T aren te jusqu’en cette ville
d ’A urillac , lu i doit être allouée et passée en com pte ; 6°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-méme
que par ses m andataires, avec tous m archands, fournisseurs,
aubergistes et autres personnes qui pourroient avoir fait des
fournitures tant en marchandises que d e n rée s, régler leurs m é
moires , en payer le rrçontant, soit que ces fournitures aient été
faites à Paris , à M arseille, au défunt général D esta in g , o u , à
L yon , à sa veuve , pendant le séjour qu’elle y a fait ; le m o n ta n t
de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’il en retirera.
E t led it citoyen D esta in g père ayant accepté la tutelle à
A 2
�C 4 )
lu i d éférée, i l a f a i t le serm ent en nos m ains , de bien et
fid è le m e n t en remplir les fonctions.
D e - tout quoi nous ayons rédigé le présent procès verbal, pour
s e r v ir - et valo ir à toutes fins que de raison, lesdits jour et an
que dessus, et ont les comparans signé avec nous; à la m inute
sont lesdites signatures. Pour expédition conform e à la minute
étant entre nos mains , signé L a b r o , greffier.
N °.
II.
Acte de notoriété devant le juge de paix de
Marseille, du 5 fructidor an n .
E x t r a i t des minutes du greffe du tribunal de p a ix,
second arrondissement in tr à in u r o s , dit du Sud, de la
ville de Marseille
.
O ejo u rd ’iiui cinquièm e fructidor an onze de la république r
par-devant nous François M a ille t , ju g e de p a ix du second ar
rondissem ent intrà m uros, d it du S u d , de la v ille de M a r s e ille ,
assisté du citoyen Charles-Joseph M ichel , greffier près notre
tribunal, dans la salle ordinaire de nos séances , en notre maison
d’habitation, est com parue dam e A n n e N azo , née au Caire en
E g y p te , veuve du générât Jacques-ZacTiarie D e sta in g , laquelle
nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire connoltre son originer
de qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu que dans
sa patrie il n’est point tenu de registres constatant l’état civil
des citoyens. En conséquence , elle nous prie de recevoir les
déclarations qui vont être faites par des compatriotes qu’elle a
invités à se rendre c é a n s , relatives à son origine f et qui pour
ront suppléer au défaut des titres qu'il lui est impossible de pro
d u ire, et de lu i en concéder a c te , pour lui servir et valoir ce
que de raison.
�A l'instant se sont présentés les citoyens N icolas Papas Ouglou, ^
c h e f de brigade, com m andant les chasseurs d’O rient, âgé de
quarante-cinq ans, né à Chesm et en A s ie ; G abriel S a n d ro u x ,
a u ssi c h e f de brigade du même corps, âgé de trente-six ans, né
au Grand-Caire en E gypte ; A b d a lla M a n so u r, c h e f de bataillon )L
du môme corp s, âgé de trente-quatre ans , né au Grand-Caire
en E g y p te ; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s, réfugié /— égyptien, né à Alep ; H anna A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s ,
aussi né à A le p , réfugié d ’E g y p te ; Joseph D u fe n , né à Cons
ta n tin op le, âgé de trente-six ans, réfugié d’E gyp te; et Consta n tiK ir ia h o , né k Chesm et en A sie, âgé de quarante-huit ans,
capitaine réform é du régim ent des chasseurs d’O rien t, lesquels
agissant avec la présence et sous l’autorisation du citoyen Louis
D econias , interprète juré des langues orientales , m oyennant
serment par eux à l’instant p r ê té , ont individuellem ent d it et,
d éc la ré, en fa v eu r de la v é r ité , q u a y a n t résidé habituellem ent
en E gyp te , avant la révolution , ils y ont p arfaitem ent connu
le citoyen Jean N a z o , et dam e Soph ie M is c h e , son épouse, père
e t m è r e de la dite A n n e N a z o , nce ¿1 Vépoque ¿le Vannce 1780,
et que la d ite dam e f u t unie en m a r ia g e avec le g é n é r a l D estaing.
Les citoyens Joseph 'lutungi-, Constanti ivinak< ~ët Joseph
D ufen , ont de plus déclaré individuellem ent qu étant passés
57
en France avec la d ite veuve D e s ta in g , ayant relâché à C éphaIonie, dans le m ois de nivôse de l ’an d i x , la d ite clame y a c
coucha d ’une f ille qu i f u t tenue dans les f o n ts bap tism a u x p a r
le citoyen N a s s if, officier des chasseurs, e t p a r la dam e M a rie
M isc h e , son aïeule.
D esquelles déclarations avons concédé acte à ladite dame
veuve D estaing. L ecture faite du p résen t, il a été signé par les
citoyens Nicolas Papas O uglou , Gabriel Sandroux , Abdalla
Mansour et Joseph D ufen , nous dit juge de p a ix , le citoyen
D econias , in terp rète , et le citoyen M ich e l, greffier; la dame
veuve D estaing et autres déclarans requis de signer, ont dit
ne savoir..
�(6)
Sign é Abdalla , le c h e f de brigade G abriel-Josep h D ufen ,
L ouis D e c o n i a s , François M a ille t, juge de p a ix , et M ic h e l,
greffier, à la minute. Enregistré à M arseille, etc. Pour expédi
tion conform e à l’o rig in al, M ichel , greffier.
N o u s , François - Balthazard de Jullien de M adou, juge de
paix du second arrondissement intrà muros , dit du Sud , de la
ville de M arseille , certifions et attestons à tous qu’il appar
tien d ra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui a signé ci-dessus,
est greffier près notre trib u n a l, et qu’en cette qualité foi doit
être ajoutée à son sein g, tant en jugem ent que hors. M arseille,
le vingt messidor an treize, J u llie n d e Madou.
N o u s, V entre Latouloubre, président du tribunal de prem ière
instance séant à M arseille, certifions véritable la signature cidessus de M. Jullien de Madou. A M arseille, le vingt-un messidor
an treize. S ig n é V e k t r e L a to u lo u b re , G uyot.
N°. I I I .
Acie de notoriété homologué par jugement du
tribunal civil de la Seine, du i 5 avril 1806.
N A P O L É O N , par la grâce de D ieu et les constitutions de
la république , Em pereur des F ran çais, et Roi d’Ita lie , à tous
présens et à v e n ir, salut ; faisons savoir que le tribunal de pre
m ière instancè du départem ent de la Seine , en la première
section , a rendu le jugem ent dont la teneur suit :
Sur le rapport fait à l’audience publique du trib u n a l, par
]\1. Jean-Louis Isn a rd , juge en ice lu i, de la requête présentée
par Anne N a z o , née au Grand-Caire en E gyp te, veuve du gé
néral J acq u e s-Zacharie D estain g, dem eurant à P aris, rue de
S e in e , faubourg S a in t-G erm a in , expositive q u e lle a été unie
ep légitim e m ariage avec Je général D e sta in g , d’après les rites
et usages du p a ys, devant le patriarche de la ville d’Alexandrie;
�( 7 ^
mais que n’étant point en usage en Egypte de tenir registre des
actes de l’état c iv il, elle se trouve par là dans l’impossibilité de
faire , au- besoin , la preuve de son mariage ; qu’ain si, voulant
y suppléer, elle a fait dresser un acte de notoriété par-devant
le ¡uge de paix de son arrondissem ent, signé de sept personnes
qui ont été tém oins de son m ariage, pour l’homologation duquel
elle a été renvoyée par-devant le tribunal ; pour quoi elle requéroit qu’il plût au tribunal hom ologuer ledit acte de notoriété
du 29 mars 1806, dûm ent enregistré, pour être exécuté suivant
sa forme et teneur , ladite requête signée J u g e , avoué.
V u par le tribunal lesdites requête et dem ande, ci-d e va n t
énoncées, l’ordonnance de M. le président du tribunal, du huit
présent m o is, portant qu’il en sera com m uniqué à M. le procureur
im p érial, et les conclusions par écrit de M. le procureur im
périal, du dix dudit m o is, portant que vu l’avis , il n’em péche
l ’homologation demandée ;
V u aussi l’expédition dudit acte de notoriété dont la teneur
suit :
L ’an m i l h u it c e n t s i x , le v i n g t - n e u f m a r s , en n o tre h ô t e l ,
et par-devant nous, Jean G odard, ancien avocat, juge de paix
du dixièm e arrondissement de Paris, assisté d’ Alexandre Choquet,
notre g reffier,
Est com parue dam e A n n e N a z o , née au G ra n d -C a ire en
E g y p te , veuve du généra l J a cq u es-Z a ch a rie D estain g , de
m eurant à Paris , rue de Seine-Saint-G erm ain ;
Laquelle nous a dit q u e , pendant le cours de l’an h u it, elle
a été unie en légitim e mariage avec Jacques-Zacharie Destaing,
général divisionnaire, décédé à Paris dans le cours de l’an d ix;
que son mariage a été célébré religieusem ent et suivant les rites
du p ays, devant le patriarche d’A lexandrie, habitant le GrandCaire en E g yp te ; mais que n’étant point en usage en EgyptfÊ de
tenir des registres des actes de l’état c iv il, elle se trouve dans
l’impossibilité de représenter,
besoin, l’acte de célébration
�,c .
8
}
d e son m ariage; et q u e , désirant y suppléer par un acte de
notoriété signé de différentes personnes qui ont été témoins de
son m a r i a g e , elle nous requéroit de recevoir la déclaration des
personnes qu’elle nous présente, et a déclaré ne savoir écrire
ni signer, de ce interpellée.
Sont à l’instant com parus :
Prem ièrem ent, M. D om inique-Jean L arrey de B o d e a u , exclürurgi'en en c h e f de l’armée d’Egypte , prem ier chirurgien
de la garde im p ériale, . inspecteur général du service de santé
des arm ées, officier de la légion d’honneur, dem eurant à P aris,
cu l-d e-sac C o n ty , n°. 4 î
Secondem ent , D on R a p ha ël de M on ach is , m em bre de
l ’institut d’E gypte , et professeur des langues orientales à la
bibliothèque, dem eurant à P aris, rue P a v é e , au'M arais, n°. ;
T roisièm em en t, M. A n toin e-L eger S a rtelo n , ex-ordonnateur
en c h e f de l’arm ée d’E g yp te, com m issaire-ordonnateur et se
crétaire général du ministère de l’administration de la guerre,
3
m embre de la légion d’honneur, dem eurant à P a ris, rue Cau-
3
martin , n°. o ;
Quatrièm em ent , M. H ector D a tire-, ex-in sp ecteu r général
aux revues de l’armée d’Egypte , com m issaire-ordonnateur des
guerres , demeurant à Paris , rue du faubourg Poissonnière ,
50
n°.
;
Cinquièm em ent , M. L u c D urantau , général de brigade ,
m em bre du corps législatif, commandant de la légion d’honneur,
dem eurant à P a ris , rue St.-tlonoré , n°.
;
538
Sixièm em en t, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l’im
prim erie nationale en E gyp te, et membre de la commission des
’ sciences et a rts, aujourd’hui directeur général de l’imprimerie
■impériale, et membre de la légion d’honneur, rue de la V rilliè re ;
Septièm em ent, M. Martin^ R och-X avier E steve, ex-directeur
¡•'général ètcom ptable d esrèten u s publics de l’E gypte, aujourd'hui
"'trèibrièr'gérféral de la c'otironne, officier de la légion d’iionnéur,
trésorier
�( 9 )
trésorier rie la prem ière coh orte, dem eurant au palais des T u i
leries ;
L esqu els , après avoir prêté en nos m ains le serment indi
viduel de dire 'vérité, nous on t d it e t d écla ré, e t a tte sté, pour
notoriété p u b liq u e , e t à tous q u ’ il appartiendra , connoître
p arfaitem ent la dam e A n n e N a zo , veuve du g én éra l JacquesZ a ch a rie D esta in g , J ille de Joanny N a zo , négociant au.
G ra n d - Caire en E gyp te , c h e f de bataillon des chasseurs
c îO r ie n t, et nous on t attesté q u e , p en d a n t le cours de ta n
h u i t , la dite dam e N a zo a été unie religieusem ent, e t d ’après
les rites du pays , en légitim e m ariage avec le d it JacquesZ a ch a rie D e sta in g , p ar le patriarche d 'A le x a n d r ie , habitant
du G rand - Caire ; que l ’acte de célébration n ’en a pas été
rédigé, n ’ étant p o in t d ’usage en E gyp te de tenir un registre
de l ’éta t civil; m ais que ce m ariage n ’en est p as m oins cons
t a n t , a ya n t été célébré en présence d ’un grand nombre de
m ilitaires fr a n ç a is et de_ la p lupart des déclarans ; que depuis
la célébration de son m ariage avec le g én éra l D estain g , et
p endant son séjour en E gyp te , la d ite dam e N a zo , veuve.
D estain g , n a pas cessé et’habiter avec son m a r i, tjtiî l ’a
toujours traitée comme son épouse légitim e.
D esquelles com parutions, d ires, réquisitions et attestations,
nous avons donné acte aux comparans et à la dame veuve D es
taing ; e t , pour l’hom ologation des présentes , les avons ren
voyés par-devant les juges du tribunal c iv il de prem ière instance
du départem ent de la S e in e ; et o n t, tou? les su s-n o m m és',
signé avec nous et le greffier, après lecture. Ainsi sig n é, D.
J. L a rre y , don R aph aël, Sartelon, D a u re , D u ra n ta u , M arcel,
E s te v e , Godard et Choquet.
Enregistré à P aris, au bureau du dixièm e arrondissem ent,.le
quatre avril mil huit cent six , reçu un franc un d écim e, sub*
vention comprise. Signé C a h o n .
Pour expédition conform e délivrée par nous greffier de la ju s
tice de paix du dixièm e arrondissement de Paris. S ig n é C hoquet.
ii
�( 1° )
O uï M. Isnarcl, juge , en son ra p p o rt, et M. le procureur
im périal en ses conclusions, tout considéré;
Après qu’il en a été délibéré conform ém ent à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété c idevant énoncé et daté ;
L E T R I B U N A L , jugeant en prem ier ressort, homologue
ledit acte de n o toriété, pour être exécuté suivant sa forme et
teneur , et avoir son effet en faveur de la requérante , aux
termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit tribunal c iv il de
prem ière instance du départem ent de la S e in e , séant au palai*
de ju s tic e , à P a r is , où tenoient le siège M. B erth ereau , pré
sident dudit tribunal, l’un des officiers de la Légion d’honneur ;
MM . Isnard, P erro t, Legras et D eb eru lle, juges en la prem ière
section , le mardi quinzièm e jo ur du mois d’avril de l’an m il
hu it cen t s i x , et deuxièm e année du règne d e Napoléon Ier.
Em pereur des Français et R oi d’Italie ;
Mandons et ordonnons, etc. En foi de quoi le présent jugem ent
a été signé par le président et par le rapporteur. Pour expédition
signé M auguei^ . Enregistré, etc.
N ous président, juge de la seconde section du tribunal de
prem ière instance du départem ent de la Seine , certifions que
la signature apposée au bas du jugem ent de l’autre p a rt, e s t celle du sieur M argueré , greffier dudit trib u n al, et que foi doit
y être ajoutée. En foi de qu o i, nous avons fait apposer le sceau
dudit tribunal. Fait à P aris, au palais de ju stice, le deux
m il huit cen t six. Sign é B e x o n .
mai
�N°. I V .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12,
M IN ISTÈR E
DU
T R É SO R
P U B L IC .
E x t r a i t des registres des délibérations du Gouver
nement de la république.
Paris, le i 3 pluviôse an 1 a de la république une et indivisible.
L e gouvernem ent de la rép u b liq u e, sur le rapport du m i
nistre , arrête :
A r t . Ier. L a pension de cinq cent vingt francs a cco rd ée, par
arrêté du 29 floréal an 10 , à Anne Nazo, née en E gyp te, veuve
du sieur Jacques-Zacliarie D estaing, général de d ivision , m ort
le 1 floréal an 10, est portée à deux m ille francs.
5
A rt.
II. Les
chargés,
m inistres de la guerre e t d u trésor p u b lic so nt
chacun
en c e
qui
le
concerne,
d e l ’e x é c u t i o n d u
présent arrêté.
L e prem ier C o n su l, signé B O N A P A R T E . Par le premier
C o n s u l, le secrétaire d’é t a t , signé Hugues-B. M a e e t .
P o u r cop ie con form e à l’expédition o ffic ie lle , déposée au secré
tariat d u trésor p u b lic , le secrétaire gén éral, L e f e y r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L e fe v r e , secrér
taire g é n é ra l, le ministre du trésor p u b lic , M olliens .
�( ia )
n°.
y.
Certificat cia général M en ou, du 18 juillet 1806.
/
Le
C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s nu d e là des
A lp e s , faisan t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g r a n d
o flic ie r d e la L é g io n d ’ h o n n e u r .
;
r*
Je déclare, au nom de la vérité et de l’h o n n eu r, q u e, lorsque
je commandois l’arm ée française , dite d’O r ie n t, en E gypte r
M. le général D e s ta in g , qui étoit alors employé à cette arm ée,
et q u i, d ep u is, est mort en France , s’est marié en l’an 8 , avec
madem oiselle N a zo ( A n n e ) , fille de M. Joanny N a z o , com
mandant alors en Egypte le bataillon des G recs ; que j ’ai su posi
tivem ent que le mariage s’est célébré dans le pays ( au Caire )
avec toutes les formes usitées dans le rit grec ; que M. le général
D estaing étoit venu m ’en, faire part d’a va n ce ; que m ê m e , à
cette é p o q u e , comme dans toutes les autres de ma yie^ sou
tenant avec énergie la cause des mœurs publiques , je demandai
positivem en t, e t sur l’h o n n eu r, au général Destaing , si so a
mariage étoit entièrem ent légitim e , ou si c ’étoit , ce qu’on
a p p e l l e clans les mœurs corrompues de l’O rien t, un engagem ent
à temps ; que le général D estaing me rép o n d it, au nom de
Vhonneur, que c ’étoit le mariage le plus légitim e , et tel qu’il
l’auroît contracté en France ; que , d’après cette déclaration
solennelle, je m ’engageai à y assister, ainsi qu’au repas qui eut
lieu après le mariage. Je remplis ma promesse ; tout s’y passa
avec la plus grande régularité , et tel q u il devoit ê tre, sous les
rapports civils et religieux.
En foi de q u o i, j’ai délivré le présent certificat pour servir
et valoir c e que de raison. A T u rin , le 18 juillet 1806. L e général
M knou.
Par le commandant général, pour le second secrétaire général
du gouvernement, absent par congé et par o rd re , signé G éan t.
�( i3 )
\ .
A T u rin , le 18 juillet 1806.-
«
L e C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s au d elà des
A l p e s , fa isa n t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g ra n d
o ffic ie r d e la L é g i o n d ’h o n n e u r ,
A m adam e veu ve D
e
S T A I N G, n ée A u n e N azo.
J ’ ai re ç u , M adam e, la lettre que vous m ’avez fait l’honneur
de m’é c r ir e , pour me demander mon certificat sur la réalité de
votre mariage avec M. le général Destaing. Je m’empresse de
déclarer ce que je sais à cet égard : je rendrai toujours hommage
à la vérité.
J’ai l’honneur d’é tre , M adam e,
V o tre très-humble et très-obéissant
serviteur.
L e général M
enou.
Je v o u s prie d e m ’a c c u s e r ré c e p tio n .
Enregistré à P a r is , etc.
N°. V I . '
Ccrfiiicat du général Dupas, du
3o juillet
1806.
Moi soussigné , général de division , sous - gouverneur du
château impérial de Stu p in is, commandant de la Légion d’hon
neur , chevalier de l’ordre du L io n , certifie qu’étant c h e f de
brigade com m andant la citadelle du Caire en E g y p te , sous les
ordres du général D esta in g , j’ai eu parfaite et sûre connoissance
de son légitim e mariage avec madem oiselle Anne N azo, fille de
M. Joanny N a zo , com m andant un bataillon g re c ; j’atteste de
plus avoir eu des liaisons particulières avec beaucoup de per-
�C 14 )
sonnes très-distinguées dans l ’a rm é e , lant dans le civil que dans
le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir été présentes à ce m ariage,
qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un
pareil cas exige. E n foi de quoi j’ai délivré le présent, pour servir
à ce que de droit. A P aris, le o juillet 1806. P. JL. D upas.
3
N°. V I L
Lettre du général Destaing à son épouse, du
i5 prairial an g.
Ç L ’adresse est de la m ain du général D estaing. J
5
Alexandrie, le i prairial an g.
Il y a long - temps , ma chère a m ie , que je n’ai pas de te i
nouvelles; je désire que tu te portes aussi bien que moi. Joanny,
qui est chez le général B éliard , devrait savoir quand il part des
détachemens pour Alexandrie , et en profiter pour m ’envoyer
des lettres. C ep en d an t, il ne l’a pas fait la dernière fois : il faut
le gronder de ma p a r t, pour qu’il soit plus exact à l’avenir. O n
m ’a dit que tu étois grosse ; je suis étonné que tu ne m ’en aies rien
é c rit; éclaircis mon doute à ce t égard. Sois assurée que je t’aime
to u jo u rs, qu’il m e tarde beaucoup de te revoir. En atten d an t,
je t’em brasse, ainsi que ta m ère e t ta sœ u r, sans oublier la
bonne vieille. L e général D estaing .
E n registrée, etc. A la citoyenne D estain g , à la citadelle du
Caire.
�'( i5 )
n °.
y n i'
Certificat de M. Sartelon,' e x - ordonna leur en
chef de l’armée d’Egypte, du i 5 mai 1807.
Au quartier général, à Paris, le i 5 mai 1807.
L e C ommissaire ordonnateur de la prem ière division militaire,
ex-ordonnateur en c h e f de l’armée d’E g y p te ,
C e rtifie , en ladite q u a lité , que quoiqu’il n existât à cette
armée aucun ordre du général en c h e f , rem plaçant le gouver
nem ent fra n ça is, depuis que les com m unications avec la France
avoient été interrom p ues, pour régler la form e avec laquelle
les actes de l’état civ il devoient y être r e ç u s , l’usage paroissoit
s’étre établi de lui-même pour les officiers ou individus attachés
à l’a rm é e , ne faisant point partie des corps , de faire des dé
clarations devant des commissaires des guerres, qui les recevoient
par p r o c è s - v e r b a u x , o u de la m a n iè re qui le u r paroissoit co n
venable , de leur m ariage, m êm e quelquefois de leur divorce ;
ce qui néanmoins n’a jamais été général, surtout pour des ma
riages contractés avec des fem m es du pays, qui se sont faits
souvent entre catholiques , dans les églises du lie u , et suivant
les form alités usitées entre les chrétiens de toutes les sectes,
dont le culte étoit public en E gypte ; ces procès verbaux étant
hors des limites de l’administration militaire , et purem ent fa
cultatifs de la part de ceu x qui les recevoient ou les requéroient,
aucun règlem ent n’en a fixé la form e, ni ordonné le dépôt; et
recherches faites dans les papiers de l’Ordonnateur en c h e f,
soussigné, qui en remplissoit les fonctions lors de l ’arrivée de
l’armée en F ra n c e , et dans ceu x du bureau central qui lui ont
été égalem ent adressés par le com m issaire des guerres P iq u e t,
qui étoit chargé de les conduire en France , il ne s’est trouvé
�( i6 )
aucuns procès verbaux relatifs à l’état c iv il, observant expres
sém ent qu’il ne s’en est point trouvé notamment du com m issaire
des gu erre s Agard , qui est mort clans la traversée.
E n foi de q u o i, et sur la demande de madame veuve D estaing,
j’ ai délivré le présent c e rtific a t, les mois et an que dessus.
S ig n é S a r te lo n .
N °. 499. V u par moi expert juré vérificateur des écritures
et signatures. Sig n é Saintom er.
Vu
par le c h e f de division. Sign é Beccoy.
P ar ordre du ministre de la guerre , le secrétaire général
certifie à tous qu’il appartiendra , que la signature Sartelon ,
a p p o s é e en qualité de commissaire ordonnateur de la prem ière
division m ilitaire, ex-ordonnateur en c h e f de l'arm ée d’E gypte,
au bas du certificat ci-co n tre et de l’autre p art, est celle du
com m issaire ordonnateur qu’elle indique. A P aris, le vingt-deux
m ai de l’an rail huit cent sept. S ig n é D e n n iîe .
N°. I X .
Traduction de Ici 1res arabes.
y l m a d a m e A n n e , f e m m e ID esla in g .
ArRÈs vous avoir témoigné le désir que j’ai de vous voir, je
vous donne avis qu’au moment m êm e où j’attendois de vos nou
velles , j’ai reçu votre lettre qui m ’a été fort agréable, en date
du 22 du couran t; j’en ai reçu beaucoup de plaisir et de con
solation dans ma b lessu re, et j’ai été tranquillisé à votre égard.
Si vous désirez savoir de mes nouvelles, je s u is , grâce à D ie u ,
en m eilleur état que par le passé : cependant la plaie n’est pas
encore ferm ée, m ais, s’il plaît à D ie u , dans peu elle ira b ie n ,
et j’irai vous trouver. J’ai envoyé M aury au C a ir e , pour qu’il
m’apporte ce dont j ’ai besoin ; m aintenant il est de retour chez
moi,
�7
( ï
)
moi. Soyez parfaitem ent tranquille à mon sujet. Saluez de m a
part monsieur Joanny, votre p è re , et recommandez-lui d’avoir
bien soin des ch evau x qui sont ch ez moi. Q u e D ieu vous garde,
et me procure le plaisir de vous voir bientôt en bonne santé.
Joseph qui a écrit cette lettre vous salue.
E c r it de Îordre du généra l D es ta in g , le 28 d o u l kadeh i2 i5 .
Autre lettre, N°. 2.
A madame A n n e , fem m e D estain g} très-chère et trèshonorée dame, que Dieu la conserve. Am en.
A près vous avoir offert m ille salutations, et vous avoir tém oi
gné le plus grand désir de vous v o ir, je vous donne avis que ,
grâce à D ie u , je m e trouve bien à présent, et beaucoup m ieux
que je n’étois précédem m ent : dans p eu , s’il plait à D ie u , je me
rendrai auprès de v o u s , et je vous verrai en bonne santé. L ’objet
pour lequel je vous écris est pour que vous soyez dans une par
faite tranquillité , et que vous 11’écoutiez pas les propos que
pourroient v ou s tenir à m o n sujet des m e n te u r s qu i v o u d ro ie n t
vous donner des alarmes. Soyez tranquille sur mon état ; dans
p e u , s’il plaît à D ie u , tout se term inera heureusement. Q u e
D ieu vous conserve : adieu.
E c r it de Vordre du g én éra l D esta in g , le
m inal an ).
5 d ou l h id jeh ( 28 ger
Autre lettre, N°. 3.
A la très-chère et très-honorée dam e, madame A n n e ,
¿femme D estaing, que Dieu la conserve.
A près vous avoir fait beaucoup de salu tatio n , et vous avoir
tém oigné le désir de vous v o ir, je vous donne avis q u e , grdce
à D ieu , je m e trouve très-bien à présent : la plaie cependant
n ’est point encore fe r m é e , mais elle approche beaucoup de la
guérison. D ans peu je pourrai savoir si je reste à Alexandrie
C
�( i8 )
pour quelques jo u rs, ou si je me rendrai auprès de vous : lorsque
je le s a u r a i , je vous écrirai pour vous en avertir. S i j’ai besoin
de q u e l q u e chose de chez m o i, après la d a te de la présente , je
vous ferai savoir ce dont j’aurai besoin. M o n o b je t, en vqus
é c r i v a n t , est que vous vous conform iez à ce que je vous m arque.
Présentez mes salutaticns à M . J o a n n y , votre p ère,, et. recom
mandez-lui mes chevaux, et tout ce qui m ’appartient. N o u s ne
cessons pas de nous inform er de vos n o u ve lle s, et nous avons,
appris q u e, grâce à D i e u , vous êtes en très-bonne santé, ce qui
nous a beaucoup satisfait, et nous a tranquillisé à votre sujet.
J o s e p h qui a écrit cette lettre vous présente ses salutations.
E cr it de l ’ordre du g én éra l D esta in g , à A le x a n d r ie , /e. 10 de
dou l h id jeh 1 1
( 4 floréal a n jj ).
15
P . S . J’espère que vous serez parfaitem ent tranquille à mon
su jet; je me porte on ne peut pas m ieux : dans p e u , s’il plait
à D ie u , je me rendrai près de vo u s, et je vous.verrai en bonne
santé. Q ue D ieu vous conserve : adieu.
Je soussigné, m em bre de l’institut et de la Légion d’honneur,,
professeur des langues arabe et persan e, et secrétaire interprète
du ministère des relations extérieures, certifie avoir traduit lestrois lettres ci-dessus et des autres p a rts, sur les originaux arabes
à moi représentés , et qui ont été de moi signés et paraphés nev a rietu r, et que foi doit être ajoutée auxdites traductions com m e
aux originaux ; lequel certificat j’ai délivré à madame veuve
D estaing, pour servir et valoir ce que de raison.
A Paris , ce i cr. septembre 1806. Signé S ilvestuf .
de
S acy .
N ous ju g e , pour l’em pêchem ent du président de la première
section du tribunal de prem ière instance du département-de la
Seine , certifions que la signature étant au bas.de l’acte ci-contre
est celle de M. Silvestre de S a c y , interprète du m inistère des.
extérieures ; en foi de quoi nous avons fait apposer le
r e l a t i o n s
sceau. A P a ris , ce 1» décem bre 1807. Signé G ilb e r t d e Vauvjïii..
Enregistré à P a ris, etc..
�( T9)
N°: X .
Lettre dû lieutenant général Soult,. du 22 ftir>
maire an 10.
«
R É PU B LIQ U E
L
ib e r t é .
' ° ’
\ ‘ ■
>*
FRANÇAISE.
'
•
É g-a l i t é ,
>
Au .quartiçrt g^aétfl, de .Tarf^te,, le, a a,
la république française, une çt ijidiyijible,
an; io,de
r
L e Lieutenant général Soult, commandant les troupes
françaises dans le royaume de Naples,
A u citoyen G ian e, chef de bataillon dans la légion
grecque, à bord du bâtiment le S t.-J e a n , en rade
de Tarente.
D ’après les justes réclam ations que vous m ’avez présentées,
c ito y e n , j’ai donné des ordres pour que le com ité de santé de
cette ville procédât de suite à une nouvelle visite du bâtim ent
sur lequel vous êtes, afin que si aucun signe de maladie ne s’y
est manifesté depuis votrè départ de C o tro n e, la liberté de dé
barquer vous soit donnée.
Mais si le com ité juge qu’ il est nécessaire que votre bâtim ent
reste encore pendant quelques jours en contum acé, alors ma
dame D esta in g , vo u s, et les principaux officiers ou adminis
trateurs qui sont à bord du St.-Jean, auront la faculté de mettre
à terre de suite, et de term iner leur, quarantaine.d an s.u n loç&l
jt’ai ordonné qn’on, fit préparer, à c e t,e ffc tP|;■
.
Je regrette beaucoup; de ne pqwy,oip, ff^ejilpS) 30US ce rapport
�( 20 )
v
pour vous o b liger; je vous eusse déjà abrégé les tourmens de
votre pénible et longue quarantaine, si dans ce pays la direction
du com ité sanitaire nous eût concerné.
V e u i l l e z , j e vous p r ie , renouveler à madame D estaing les
offres que mon épouse et moi lu i faisons de tous les secours
qui pourroient lui être nécessaires : elle nous obligera infiniment
d’en disposer.
Je vous fais la m ême offre pour c e qui vous concerne , et
vous prie m êm e d 'y faire participer les citoyens P iqu et, Royanne
et C l o s e t, auxquels je vous serai obligé de com m uniquer ma
le ttr e , qui répond à celle qu’ils m’ont écrite.
J’ai l’honneur de vous saluer. Sign é S oult .
Enregistré à P a ris, etc.
r
A R IO M , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Pièces justificatives pour Madame Nazo, veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0604
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53864/BCU_Factums_M0604.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie