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P R É C I S
PO UR
F r a n ç o is B l a n c , Notaire R o yal à C luny ,
& M a r g u e r i t e M a r t i n , fa Fem m e, Intimés;
C O N T R E P h i l i b e r t M u n i e r , Notaire R oyal à
Lugny , & C o n s t a n c e J a r D , fa Femme , Appellans.
L
ES Intimés, trompés par les Appellans fur la valeur d’un
'domaine qu’ils neconnoiffoient pas encore, parce que la femme
du S r Blanc, à laquelle il appartenoit, étoit alors mineure, ont
échangé ce domaine en 17 7 4 avec un autre de peu de valeur,
moyennant une foulte de 5000 livres en argent. Le befoin
extrême d’argent qu’ils avoient alors leur a fait faire ce mau
vais marché , dans lequel ils ont été léfés fort au-delà de la
moitié de la valeur de leur domaine. Cette léfion réfulte du
peu de valeur que les Appellans ont donnée au domaine qu’ils
vouloient acquérir, & de l’excès auquel ils ont porté la valeur du
domaine par eux donné en contr’échange. Auffi fur les Lettres
d e refcifion obtenues contre ce marché par les Intimés dès 1 7 7 6
a-t-il été ordonné par les premiers Juges que les d e u x domaines
feroient eftimés,
A
*
�1
Si les chofes étoient entieres, l’appel de cette Sentence préienteroit à juger les queftions fuivantes :
i° . Si en matiere d’échange , quand il y a foulte, celui qui
a reçu la foulte peut fe plaindre de la léfion d’outre-moitié
comme dans le cas de la vente ; 20. fi pour conftater la léfion,
les deux héritages doivent être eftimés, ou s’il n'y a que l’héri
tage de la Partie qui fe plaint qui foit fujet à l’eftimation ;
30. fi le défendeur à la léfion peut offrir de l’argent à la place
de fon héritage, par forme de fupplément de jufte prix. Telles
font les queftions que les Appellans agitent dans leur M é
moire.
Mais une Sentence contradi&oire a ordonné l’eftimation
des deux héritages échangés ; les Parties ont acquiefcé à ce
Jugement, en nommant chacun un Expert ; les deux héritages
ont été eftimés contradi&oirement ; & fur la difcordance des
deux Experts, il en a été nommé un tiers, qui a fait fon eftimation. Il ne s’agit donc plus que de ftatuer dans le premier
Tribunal d’après le rapport de ces trois Experts. L ’appel des
Jugemens qui ont ordonné ce rapport, n’eft pas recevable.
Cependant les Appellans demandent que la Sentence du 10
Juin 17 7 8 foit infirmée, en ce qu’elle a ordonné l’eftimation
du domaine d’Igé, ci-devant appartenant aux Appellans, avec
celle du domaine de M achuron, que les Intimés ont donné en
contr’échange. Ils fe plaignent auffi de ce que cette Sentence
. n’a pas ordonné qu’il fût fait dédu&ion , dans l’eftimation du
domaine de Machuron , de toutes les réparations que les A p
pellans y ont faites. Ils demandent en conféquenceune nouvelle
eftimation , qui foit bornée au domaine de Machuron , & qui
foit relative à l’état de ce domaine au moment de l’échange.
Ils demandent fubfidiairement l’évocation du principal, & le
�î
débouté des Lettres de refcifion , parce qu’il n’y a pas IJfion
d’outre-moitié; enfin ils offrent de reprendre le domaine d’Igé y
qu'ils ont donné en échange aux Intimés, & d ’y fubftituer une
fomme de 5000 livres , parce que c’eil le prix auquel cet héri
tage a été évalué par l’échange.
Toutes ces concluions font détruites par l’exécution volon
taire que les Appellans ont faite de la Sentence du 20 Juin
17 7 8 . Cette Sentence ordonne, i° . l’eftimation des deux do
maines ; 2°. la dédu&ion fur le domaine de Machuron , qüe
les Appellans ont acquis, des réparations urgentes qu’ils y ont
faites depuis l’échange; 30. l’eilimation eu égard à l’état dans
lequel les deux domaines étoient lors de l’échange. Il n’y a eu
aucune réclamation contre les difpoiitions de cette Sentence.
Les Parties y ont acquiefcé fans fe plaindre ; les Experts par
elle nommés, & le tiers-Expert nommé d’office par les premiers
Juges , ont opéré en conféquence de ce Jugement. Il ne s’agit
plus que d’enthériner le rapport, & de prononcer fur le fond.
C ’eft aux premiers Juges que cela appartient. La Cour ne peut
pas connoître du fond-qui n’eft pas pendant devant elle.
Il eft évident qu’on ne peut admettre aucun des chefs des
concluions des Appellans. Les deux premiers font contraires
à la Sentence qu’ils ont exécutée , & dont ils ne font plus recevables à fe plaindre. 1 9. Le domaine d’Igé a été eitimé comme
celui de M achuron, par l’Expert même des Appellans ; 20. les
réparations urgentes du domaine de Machuron ont été les feules
qui aient été diftraites fur la valeur de ce domaine , & l’Expert
des Appellans a opéré fur cela comme celui des Intimes. Quant
à l’eftimation demandée par les Appellans fur le pied c!e la
valeur au tems de lech arg e, la Sentence l’a ordonnée expreffément dans les mêmes termes 3 & les Appellans n’ont point à
A ij
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s’en plaindre. Enfin le débouté des Lettres de refcifion ne peut
être demanda en la C ou r, ni purement & Amplement, ni même
avec le correâif des 5000 livres fubftituées au domaine d’Igé,
parce que c’eft le fond qui eiï reilé indécis devant le premier /
Juge , & que la Cour ne peut l’évoquer en procès par écrit.
Les Appellans font de vains efforts pour attaquer la Sentence
qui a ordonné l’eftimation des deux domaines. Il n’eil plus teins
d’appeller d’un Jugement pafle en force de chofe jugée par
l’exécution la plus complette.
C ’étoit au moment où la Sentence a été rendue, que les Ap
pellans auroient dû l’attaquer, s’ils avoientété bleffés par quel
ques-unes de fes difpofitions. Mais leur confiance dans les
Experts a été telle, qu’ils n'ont jamais douté du fuccès delà
furprife qu’ils avoient faite aux Intimés. C ’efl: ce qui les a dé
termines a excciuer la Sentence , Ôc à faire procéder aux viiîtes
qu’elle a ordonnées. Et même après la divifion qui s’eft ¿levée
entre les deux E xp erts, les Appellans ont encore efpéré que
le tiers-Expert leur feroit favorable; ils lui ont fait iignifier,
par le miniftere de leur Expert, des obfervations & des inftructions tendantes à capter fon fuffrage. Ce n’a été qu’après aVoir
éprouvé de la part de ce tiers - Expert une déciixon plus
rigoureufe encore que celle de l’Expert des Intim és, que les
Appellans ont pris le parti d’attaquer la Sentence qu’ils avoient
exécutée. Leur appel eft du 12 Décembre 1778 , & le rapport
du tiers-Expert eft du 10 du même mois.
Il n’eft pas poiïîble d’oppofer à un appel une fin de nonrecevoirplus triomphante ; & l’on peut dire, fans trop de con
fiance , qu’il ne feroit pas au pouvoir de la Cour d’en faire
grâce aux Appellans. C ’eft de leur part un aveuglement incon
cevable, que d avoir rifqué un appel dans des circonftances
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auiïï clécifives contr’eux ; ce il braver la Loi ; ceft méprifer
l ’Ordonnance ; c’eft fe jouer de fes engagemens. Les Intimés
devroient fe borner à cette obfervation , & leur affaire feroit
fuffifainment défendue. Cependant , fans fe départir de cette
fin de non-recevoir, ils entreront furabondarnment dans la
difcuifion fommaire des points jugés par la Sentence, & des
demandes hafardées par les Appellans.
Nous diviferons la défenfe des Intimés en quatre propor
tions ; favoir , i°. qu’en matiere d’échange la léfion d’outremoitié eft une caufe de refeifion ;
que dans ce cas les deux
¡mmeubles contr échangés doivent être eftimés pour fixer la lé
sion dont on fe plaint; 3 ° . que le Défendeur à la léfion n’eft pas
recevable à fubftituer de l’argent à l’héritage qu’il a donné
en contr’échange ; 40. que les réglés des eftimations ont été
fuivies exa&ement dans l'affaire aâuelle.
P R E M I E R E
P R O P O S I T I O N .
L a refcijion pour léfion cToutre-moitié ejl admijjîble en matiere
d'échange.
L ’ é c h a n g e eft un contrat très-voifin de la vente, & qui
y reflemble à beaucoup d’égards : Permutatio vicina . . . emptioni ; L. 2 ff. D e rerum permutaüone. La vente a pris fa fource
dans l’échange, qui eft le premier des contrats de la Société:
Or ¿go emendi, vendendiquç à permutationibus cœpit ; L . / pp.
ff. D e contrahendâ emptione. C eft 1invention de la monnoie
qui a féparé le contrat de vente d’avec l’échange ; mais il
eft toujours refté beaucoup d’affinité entre ces deux contrats,
& il eft reconnu par lesLoix que l’échange participe à la vente:
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vicetn emptionis obtinet, dit la Loi 2 Cod. D e rerum permutatione.
Un des cara&eres particuliers de l’échange, lorfqu’il eft pur
& fimple, & fait but à b u t, eft qu’on ne peut reconnoître
lequel des deux contraâans eft le vendeur, & lequel eft l’a
cheteur : In permutatione difcerni non potejl uter emptor ,
uter vendiiorfit ; L . I. ff. D e contrahendâ empilone. La conféquence de cette obfervation n’eft pas qu’aucune des Parties
ne doive être reçue à fe pourvoir par voie de léfion contre
lechange, mais au contraire que les deux Parties ont égale
ment ce droit.
Cujas , en fes obfervations, liv. 16 , chap. 18 , le dit précifément. ln permutatione igitur quatenùs uterque venditori f i milis e fl , utrique idem beneficium dabitur.
Godefroy adopte la même opinion dans fa note fur la Loj
1 , §. 13 ff. S i quid in fraude.ni Patroni.
Dumoulin , fur l’art. 22 , hodiè 33 de la Coutume de Paris,
n, 41 , décide de même que l’échange donne lieu à la refcifion
pour léfion d’outre-moitié , qui eft admife par la Loi 2 Cod,
D e refcindendâ venditione , pour la vente. Quantum ad reme-
dium diña legis 2 , permutado venditioni œquiparatur, fecundiim fpeculator.... & omnes fcribunt in diclâ lege 2.
P oth ier, en fon Traité du contrat de vente , n. 6 1 6 , dé
cide la même chofe. « Celui qui a donné un immeuble en
» échange contre des chofes dont la valeur eft au-deffous de
» moitié du jufte prix de cet immeuble , doit , de même
» qu’un vendeur,être admis ¿demander la refcifion du contrat».
Denizart, vo. Echange , n. 3 : « S’il y a léfion d’outre-moi» tié dans la valeur des immeubles échangés, celui qui fouf» fre la léfion peut fe faire reftituer contre le contrat d’échange?
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*>parce que tous deux tiennent lieu cle vendeur ».
On a voulu chercher à affoiblir ces autorités en alléguant
que les Auteurs qui font de ce fentiment fe fondent fur l’o
pinion où ils font que l’acheteur peut fe pourvoir pour léfion
d’outre-moitié comme le vendeur ; mais fi l’on peut faire ce
reproche à Dumoulin & à Pothier , on n’en peut pas dire au
tant de C u jas, zclé partifan de l’opinion contraire. Il dit même
formellement que la reftitution eft ouverte à l’échangifte
Quatenùs ntcrque venditori fim ilis e jl, non quatenàs uterque
cmptorem imïtatur. Ainfi ce n’eft point du toutenconféquence
d’une erreur profcrite, comme le veulent les Adverfaires ; c’eit
fur le fondement des principes de la matiere, que les meilleurs
Auteurs ont admis la refcifion pour léiïon d’outre-moitié en
matiere d’échange.
Vainement obje&e-t-on que le principe de la Loi z Cod. de
refcindendâ venditione ne s applique pas a 1 échangé. Ce prin
cipe , qu’on prétend ne pouvoir être autre que la néceiîité & le
befoin d’argent , eft auffi fouvent l’ignorance de la vraie va
leur de la chofe qu’on aliéné. C ’eft ce qu’obferve Pothier ,
Traité du contrat de vente , n. 3 5 2 & 3 y 3 , où il décide que
pour que la refcifion n’ait pas lieu au profit du vendeur, il
faut que deux chofes concourent, l’une que le befoin d’argent
ne l’ait pas déterminé à vendre, l’autre qu’il foit prouvé qu’il
connoiffoit la vraie valeur de fa chofe. La Loi 15 Cod. de
refcindendâ venditiom , qui femble rejetter l’ignorance du ven
deur , n’eft pas fondée fur ce feul m otif ; elle fuppofe que la
refcifion eft demandée fous prétexte de la vilité du prix , mais
d’une vilité qui ne va pas à la moitié delà valeu r, paulo vilioris
pretii nomine ; & c’eft dans cette efpece qu’elle prononce qu’un
propriétaire doit connoître la valeur de fon bien. Mais il n’en
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eft pas moins vrai que l’ignorance de la valeur peut influer au
tant que le befoin d’argent fur la refcifion en cas de vente.
C ’eftceq u e prouve l’Arrêt du z Mars 1 646, oppofé par
nos Adverfaires eux-mêmes. Il a admis la léfion d’outre-moitié
pour caufe de reftitution contre un contrat d’échange entre
un fonds & une rente conftituée. Ce n’étoit fûrement pas le
befoin d’argent qui avoit fait faire cette aliénation du fonds,
puifque le capital de la rente n’eft pas exigible, & qu’il eft
auffi difficile de vendre une rente qu’un héritage. Ce n’eft donc
que 1 ignorance de la vraie.valeur de l’héritage qui fervit de
motif à l’Arrêt. Il eft rapporté au Journal des Audiences, où
il eft dit que la fixation certaine du capital d’une rente conf
tituée ne permet pas de fuppofer que le propriétaire du fonds
ait eftimé la rente au-delà de fa vraie valeur; de forte qu’il fuffifoit de la réduire en argent, & de la comparer avec la valeur
réelle de l’héritage, pour reconnoître la léfion d’outre-moitié.
Au refte , fi l’on pouvoit regarder le befoin d’argent com
me l’unique principe de la refeifion pour léfion en matiere
de vente , cette confidération ne pourroit empêcher d’ad
mettre la léfion d’outre-moitié dans le contrat d’échange , que
quand l’échange eft but à but, & qu’il n’y a aucuns deniers.
Mais quand il y a foulte , & fur-tout foulte confidérable , il
n’y a plus de difficulté d’appliquer à l’échange le principe de
la vente. Comment en effet fe refufer à la fuppofition du befoin
d’argent dans un échange avec foulte, quand ce befoin eft fuppofé dans une vente pure & fimple ? L ’échange eft alors une
efpece de vente en partie ; & plus la foulte eft confidérable ,
plus c’eft la vente qui prédomine. Ainfi dans le cas d’un échange où la foulte eft de la moitié de la valeur totale qu’on a don
née à l’héritage le plus fort , il eft clair que les Parties ont fait
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la même chofe que quand il y a vente, quoique ce ne ibit
pas réellement une vente ; le fort héritage a é té, pour ainfî
cire, vendu pour moitié , & échangé pour l’autre moitié ; de
forte que-l’on y trouve , comme dans la vente , une fomme
d’argent qui laiiTe prife au foupçon de la contrainte que le
beioin d’argent produit. Cette efpece eft encore plus favorable
que celle de l’échange d’un fonds contre une rente conftituée,
où il faut convenir le fonds de la rente en argent pour connoître la léfion.
Dans le fait, la foulte donnée aux Intimés en retour du D o
maine d’Igé eft de 5000 liv. , & le Domaine de Machuron n’a
été évalué dans le traité que i 0000 liv. ; de forte que la fomme
d’argent fe trouve être de la moitié de l’héritage. C ’en eft allez
pour que l’on doive appliquer ici les principes du contrat de
vente quant à la léiion d’outre moitié.
Les exceptions que la nature particulière de l’échange peu
vent produire ne font pas placées ici.
S E C O N D E
P R O P O S I T I O N .
Les deux héritages contre-échangés doivent être ejlimès pour
connoître la léjion.
L e principe général étan t, comme on l’a vu , que la léiion
d’outre-moitié eft admife en échange comme en vente ; il s’en
fuit néceffairement que les deux héritages doivent être eftimés,
pour favoir fi l’un vaut plus du double de l’autre ; fans cela la
preuve de la léfion d’outre-moitié feroit impoffible.
Il en eft de même quand l'échange eft avec foulte. Quoi
qu’on ait de p lu s, dans ce cas, la circonftance d’une efpece de
prix qui rapproche le contrat d’échange de celui de vente,il n’en
B
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eft pas moins vrai que c’eft un échange, & qu’on doit procéder
à la vérification de la léiion comme en échange pur & fimple.
Si l’on n’eftimoit que l’héritage le plus fo r t , la léiion ne feroit
jamais connue; car elle réfulte de la comparaifon de la valeur
de cet héritage, non-feulement avec le prix convenu, mais en
core avec la valeur de l’héritage donné en échange.
En vain diroit-on que l’Echangifte, qui a reçu une foulre,doit
être traité comme le Vendeur, qui ne peut demander l’eftimation que de l’héritage vendu. Il eft tout {impie que dans la
vente on n’eftime que l’héritage vendu, parce que le prix étant
en argent, a une valeur fixe qui ne tombe pas en eftimation.
Mais dans l’échange les deux immeubles font également eftim ables, parce que la valeur de l’un & de l’autre eft inconnue.
Pour favoir fi celui qui fe plaint a été léfé d’outre - moitié , il
faut eftimer d’une part fon héritage , d’autre part celui qu’il a
reçu en contre-échange. Q u’il y ait ioulte ou n on , le contrat
eft toujours un échange , & l’eftimation eft toujours néceifaire,
parce qu’il faut toujours en revenir à favoir combien le Pro
priétaire léfé a reçu pour valeur de fa chofe ; ce qui ne peut
être fixé que par l’évaluation des deux objets mis dans la ba
lance par les contra&ans.
Les Appellans s’alambiquent l’efprit pour prouver que le
contrat dont il s’agit eft une véritable vente du Domaine de
M achuron, afin d’en conclure que les Intimés font des Ven
deurs , & que leur Domaine eft le feul objet qui tombe en eftimation. Mais toutes ces fubtilités s’évanouiffent à la le&ure de
l’a£te. C ’eft un échange que les Parties ont dit vouloir faire &
ont fait effeftivement ; la fomme d’argenc ,ftipulée payable par
les Appellans , n’eft qu’une foulte. Il eft bien certain qu’il y a
eu , par le même a & e , mutation de deux héritages faite ex
/
�utrâque pane. Or un afte de cette nature eil eiTentielIement un
échange.
Vainement dit-on , de la part des Appellans, que c’eil une
double vente confommée fous la forme d’un échange. Nous ne
connoiffons pas de contrat de vente double; tous les contrats de
vente comprennent un vendeur & un acheteur. Les contrats où
l ’une & l’autre Partie eft tout à la fois acheteur & vendeur ,
font des contrats d’échange, & rien autre choie ; c’eft par cette
raifon que la Loi i , ff. de contrahendâ emptione, dit quo dans
lechange on ne fait quel efl le vendeur, in permutadohe difcerni
non poteft uteremptor, mer venditorfit.
Peu importe que les contra&ans aient mis un prix à leurs hé
ritages ; quel qu’ait été le but de cette appréciation, il efl: cer
tain qu’elle ne cara&érifepas plus une vente qu’un échange,parce
que tout efl réciproque ; elle ne rend pas plus l’un que l’autre
vendeur , ce qui feroit néceffaire pour former une vente.
C ’eil d’ailleurs à la fin de l’a& e, après la conclufion du mar
ché , & lorfque toutes les claufes du traité font écrites, que les
Parties déclarent quelles eiliment leurs Domaines , favoir l’un
tant & l’autre tant ; ce qui femble plutôt un compte qu’elles
veulent fe rendre à elles-mêmes , qu’une véritable convention.
En effet, tout étoit terminé entr’elles quand elles ont déclaré
ces valeurs. On prétend qu’un E d it, donné en 1 7 7 0 , pour le
Mâconnois , affranchit tous les échanges au - defTous de dix
arpens, pendant fix ans, des droits royaux & feigneuriaux , &
qu’ainfi l’appréciation des deux Domaines n’a pas eu pour ob
jet de fixer les droits. Nous ne fommes pas à portée de vérifier
ce fait; mais il eil certain que la déclaration de la valeur des
cjeux héritages eft faite précifément comme celles "qui ont les
droits du R o i pour objet. La place que cette déclaration tient dans
B ij
�Il
l’a& e, & la forme dans laquelle elle eft faite, prouvent que ce
n’eft point une convention eiïentielle, ni une partie intégrante
du traité. D ’ailleurs, dès que les deux Domaines font évalués,
on ne fauroit conclure de l’évaluation que l’un foit vendu plutôt
que l’autre ; il s’enfuit au contraire qu’ils font l’un & l’autre
vendus & achetés par le même a£te, ce qui eft un véritable
échange.
Il
n’eft donc pas vrai qu’il faille confidérer les Intimés comme
des vendeurs purs & fimples, qui ont aliéné leur Domaine de
Machuron moyennant un prix , en paiement de partie duquel
ils ont reçu un immeuble. Pour que cette fuppoiition fût admife,
il faudroit divifer le contrat en deux parties, & fuppofer que
d’abord les Intimés ont vendu leur Domaine à prix d’argent;
qu enfuite les Appellans, au lieu de payer cette fomme en
entier , n’en ont donné que la moitié , & ont remplacé le refte
par le Domaine d’Ig é, auquel ils ont donné une valeur égale à
la moitié du prix de l’autre Domaine. Or ce n’eft point-là l’efpece : le contrat eft un échange d’un immeuble contre un autre
immeuble. Le même inftant qui a dépouillé les Intimés de leur
propriété , les a revêtus de celle des Appellans ; il n’y a pas eu
d’a&ion dans la main des Intimés pour avoir le prix de la
portion de leur Domaine pour laquelle ils ont eu le Domaine
des Appellans en échange ; en un mot il n’y a eu ni vente , ni
dation en paiement ; le Domaine d’Igé n’a point été apprécié
pour le mettre à la place de l’argent qui étoit dû aux Intimés ,*
ce qui feroit néceflaire pour que le contrat fût une ven te, &
l’abandon du Domaine d’Igé un paiementTout ce que difent les Appellans à cet égard n’eft qu’un amas
de fubtilités & de fophifmes. Ils veulent empêcher la léfion
d’être connue , la fraude de paroître , la furpriie d’être manifeftée. Ils fe retournent fur tous les fens pour arriver à ce
�*3
but ; ils argumentent pour cela in tttramque partent. Tantôt
ils difent que le traité dont il s’agit eft un échange, & ils en
concluent que la léfion d’outre - moitié n’eft pas recevab le , parce quelle n’eft pas un moyen contre l’échange ;
tantôt ils difent que cet a&e eft une vente , pour em
pêcher l’eftimation du domaine d’Igé , parce que c’eft ce
domaine , fixé trop haut par le contrat, qui établit la léfion
d ’outre-moitié. A in fi, par un argument à deux tranchans,
les Appellans éludent la juftice & la bonne-foi. Si c’eft un
échange, il n’y a pas de léfion à confidérer; fi c’eft une vente,
il'n ’y a que l’héritage vendu qui doive être eftimé , & l’évalua
tion de l’héritage donné en valeur doit refter telle qu’elle eft
dans le contrat. C ’eft ainfi que les Appellans croient échapper
à la peine de leur mauvaife foi.
Quelque nom que l’on veuille donner au traité dont il s’a
git , on ne peut diffimuler que l’un des immeubles eft entré en
compenfation de l’autre , & qu’il efl: impoffible de favoir de
combien le propriétaire du plus fort domaine a été léfé, fi l’on
n’eftime en même tems le fort & le foible : le fo rt, pour favoir
combien il valoit réellement ; & le foible , pour reconnoître
quelle valeur réelle a été donnée en échange. Ce n’eft que de
la comparaifon de ces deux valeurs qu’on peut partir pour fixer
le quantum de la lcfion.
M ais, dit on , peu importe ce que le petit domaine pouvoit
valoir ; il fuffit de favoir pour combien il a été donné à pren
dre furie prix du plus fort domaine. Les Intimés peuvent avoir
mis un prix d’affeftion à ce petit domaine qu’ils achetoient, & ils
ne font pas recevabl.es à le critiquer.
Cet argument eft un véritable paralogifme. Pour donner
aux Intimés le nom d’acheteurs, & leur refufer en cette qua
lité la liberté de faire eftimer le domaine qu’ils ont re ç u , il
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feut dénaturer le contrat, fuppofer une vente du domaine de
Machuron , un prix convenu à ioooo livres , une convention
de payer ce prix , partie moyennant <5000 livres en argent ,
partie moyennant un domaine évalué 5000 livres. Mais nous
ne raiionnons pas fur un contrat de vente : les Intimés ne font
point des vendeurs ; il n’eft pas befoin de leur donner cette
qualité pour les admettre au bénéfice de refcifion, puifque
tout échangifte y eft admis, fur-tout quand il y a une foulte
reçue de fa part. Voyons donc ce qui s’eft pafle entre les
Parties. Il a été traité en même tems du domaine de M aehuron & du domaine d’Igé ; l’un & l’autre ont été aliénés
en même tems & au même titre. Dès que l’un des contra&ans
fe plaint d’avoir été léfé , il faut voir ce qu’il a donné & ce
qu’il a reçu. Tous les objets qui ont été dans le traité doivent
donc être eftimés , excepté l’argent qui a une valeur fixe. Rien
ne peut déranger cette conféquence, qui eft auffi équitable que
jufte.
L ’obje&ion en apparence la plus forte des Appellans , eft
celle qu’ils tirent de l’hypothèfe d’une vente parfaite , par
laquelle un immeuble auroit été aliéné pour une fomrne fixe,
en paiement de laquelle en tout ou en partie , le vendeur au
roit reçu, par un autre afte, un autre immeuble. Les Appellans
demandent fi le vendeur feroit reçu , en fe pourvoyant contre
la vente , à faire eftimer l’héritage qu’il auroit reçu en paiement
de fon prix ? Non fans doute ; car il feroit impoflible de méconnoître en lui deux qualités diftin&es , celle de vendeur par
le premier a fte , & celle d’acheteur par le fécond. Comme
vendeur, il feroit en droit de demander l’eftimation de fon
héritage, pour prouver que la fomme convenue pour le prix
pft inférieure de plus de moitié à la valeur réelle. Mais il ne
�*1
feroit pas reçu à faire eftimer l’immeuble par lui pris en paie
ment de fa fom m e, parce qu’à cet égard ile f t acheteur,
& qu’il a pu acheter trop ch er, fans avoir le droit de s’en
Qui ne voit la différence de cette efpece à la nôtre ? Celui
qui a vendu fon héritage un certain p rix , n’a point fait un
échange , mais une vente parfaite par la convention du prix,
dont il eft devenu créancier en même tems qu’il a livré fa
chofe. Si depuis, ex intervallo , il a jugé à propos de renon
cer à fon aâion mobiliaire,en prenant un héritage en paiement
du prix qui lui étoit d û , il a fait un nouvel a&e , & il eft
devenu acheteur, fans ceffer d’être vendeur par le premier
afte. Il n’eft pas étonnant qu’on lui refufe l’eftimation de la
choie qu’il a achetée, lorfqu’il dépendoit de lui de s’en tenir
au prix convenu par le premier contrat. En un m ot, ce n’eft
point'là un échange ; ce font deux ventes diftin&es. Au con
traire dans notre efpece, les deux domaines font aliénés par le
même contrat, & changent de maître au même inftant ; c’eft
ce qui conftitue l’échange. Comme l’un a été donné hic &
nunc en conipenfation de l’autre , on ne peut favoir s’il y a
pour l’un des échangiftes une léfion d’outre-moitié, fans eftimer les deux domaines ; & l’évaluation arbitraire que les Par
ties ont mife à ces deux domaines par le contrat, n’eft d’au
cune confédération , parce qu’il faut connoître les valeurs
réelles refpeûives pour fixer la léfion de l’une des Parties. Il
n’en eft pas de même dans l’efpece propofée par les Adverfaires. Le contrat de vente étant parfait par la fixation du
prix en argent, c’eft la comparaifon de ce prix avec la valeur
de l’héritage vendu , qui conftate la léfion ; ce qui s’eft pafle
depuis eft étranger au contrat ; la léfion que le vendeur peut
�i6
avoir éprouvée dans la maniéré dont le prix lui a été payé eft
un fait étranger à la vente, qui doit être jugée d’après l'état
des chofes au moment du contrat.
Voilà bien des fubtilités auxquelles les Appellans nous
forcent de répondre.
Mais tel eft l’avantage de la vérité & de la juftice , qu’elles
fe font jour au milieu des épines de l’argumentation, & qu’il
ne refte à leurs antagoniftes que la ftérile gloire d’avoir retardé
leur défaite par des argumens iophiftiques dont les bons efprits
favent fe débaraiTer.
.
T R O I S I E M E
P R O P O S I T I O N .
Les offres des Appellans de donner aux Intimés 5 ooo livres
au lieu du domaine d ’I g é , ne font pas recevables.
C ’e s t d’abord une fin de non-recevoir infurmontable con
tre ces offres, que le moment où on les fait. La C o u r, faifie
de l’appel d’une Sentence interlocutoire qui a ordonné une eftimation , ne peut connoître du mérite du fond , ni adopter une
demande qui éteindroit le procès. La forme réfifte à cette pro
cédure , & l’Ordonnance défend d’y avoir égard.
Une fécondé fin de non-recevoir contre cette demande , fe
tire de la nature du contrat paffé entre les Parties. C ’eft un
échange , & non une vente ; c’eft un héritage que les Intimés
ont voulu avoir en contr’échange du leur ; ils 11e feroient pas
défintérefles, û on leur retiroit cet héritage pour leur donner
de l’argent. Il ne dépend pas de l’une des Parties de fubftituer
de l’argent à la place d’un immeuble , fous prétexte de rendre
meilleure la condition de fon Adverfaire, Le contrat nt peut
pas
�17
pas être dénaturé au gré de l’un des contraftans ; Sc puifque
c ’eft un échange qu’ils ont fait, il faut que le contrat fubiïfte '
comme échange , ou qu’il foit anéanti.
Seroit-ce à titre de fupplément de juile prix que les Appel
ons feroient ces offres? Nouvelle fin de non-recevoir. C a r,
en matiere d’échange , le Défendeur à la léfion n’eft pas le
maître, comme l’acheteur, de faire ceffer la léfion en don
nant de l’argent. In permutations, . . . liquet quod Juppletio
ycl rejlitutio czflimationis in pecuniâ omnino difconvenits & ejl
contra intendonem partium & naturam a3.ils , undè non débet
admitti. Dumoulin fur P aris,
2 2 , hodie 33 , g!. 1 , n°. 4 1.
Enfin 3 ces offres ne feroient pas recevables, quand même
nous ferions ici dans l’efpece d’une vente ; car elles ne font
admifes que pour parfaire le jufte prix , quod deejl jujlo
pretio , dit la L oi 1 , Cod. de refeind. vendit. O r , il s’en faut
de beaucoup que la fomme de 5000 livres mife au lieu du do
maine d’Ig é , complette la valeur réelle du domaine de M achuron que les Intimés réclament ; car ce domaine eit eftimé
1 69 00 livres, & les Intimés ne toucheraient que 10000 liv.
en acceptant les offres des Appellans. Ainfi ce font des offres
évidemment infufïifantes.
L ’objet de ces offres eft de faire perdre de v u e , s’il eft
poffible , lenormité de la léfion que les Intimés éprouvent.
Si les Appellans étoient admis à fubftituer jo o o livres au lieu
du domaine d’Ig é , il en réfulteroit que la léfion des Intimés
ne feroit plus que de 7000 livres ; d’après l’eftimation du
domaine de Machuron à 17000 livres, au lieu qu’en laiffant
aux Intimés le domaine d’Igé qui ne vaut que 3 000 livres au
lieu de cinq , la léfion fe trouve de 9000 livres , & excede la
moitié. Voilà l’intérêt puiffant que les Appellans ont de faire
C
�)8
adopter leurs offres. Mais les Intimés ont un intérêt contraire ;
& cet intérêt s’accorde avec les réglés, qui ne permettent pas
de changer la nature des contrats fans le confentement réci
proque des Parties.
Pour donner le change fur cet objet, on a recours à de
nouvelles fubtilités. On dit que ce n’eft pas une augmentation
de prix qu’on entend donner en mettant 5000 livres à la place
du domaine d’Igé , mais feulement changer la forme du
paiement, & donner un effet au lieu d’un autre. Mauvais jeu
de m ots, qui ne peut en impofer à perfonne. Le domaine
d’Igé eft le contr’échange d’une portion du domaine de Machuron ; il n’eft point un prix: aliud eflpretium , aliud merx.
L.
on
de
in
i , ff. de contrahendâemptione. Si au lieu du domaine d’Igé,
àvoit ftipulé 5000 livres payables aux Intimés, le paiement
cette fomme devroit être fait en argent , parce que le prix
numeratâ pecuniâ conjîjlere debet, Inftit. de emptione &
venditione , §. 3. Mais comme l’opération a été toute diffé
rente , & que c’eft un immeuble que les Intimés ont reçu au
lieu d’un autre immeuble , la maniéré de remplacer dans leurs
mains l’immeuble qu’ils ont aliéné, ne dépend pas de leurs
Adverfaires. Ceux-ci font obligés de refpe&er les termes du
contrat, & de fuivre les conventions à la lettre.
L ’erreur des Appellans eft de vouloir perpétuellement con
fondre l’échange de leur domaine d’Igé avec une dation en
paiement. A vec cette confufion ils croient répondre à tout;
mais ils ne répondent réellement à rien , parce que le contrat
attaqué eft un échange ; il faut juger de fa validité dans
I état 011 il a été dreffé , & non comme il plaît aux Appellans
de l’arranger après coup pour en diffimuler les vices.
�*9
Q U A T R IEM E
P R O P O S IT IO N .
L'ejlimation des deux domaines a été faitg fuivant les réglés.
L a critique que les Appellans fe permettent fur les opéra
tions des Experts, eft auffi déplacée que tout le refte de leurs
prétentions. La Cour ne peut connoître de cet objet qui eft
pendant devant le premier Juge. Cependant parcourons ces
En premier lieu , les Appellans fe plaignent de ce que l’eilimation n’a pas été faite fuivant la valeur des héritages au
tems de l’échange. Mais , i °. la Sentence du io Juin 1778 a
ordonné que l’eftimation feroit faite eu égard à l’état auquel
étoient les domaines lors de l’échange. x°. Les Experts n'ont
réellement eftimé les deux domaines que dans cetefprit.
On équivoque fur ce que le texte de la Sentence femble
réduire au feul domaine de Machuron la néceflné de l’eftimer
fuivant l’ancien état. Mais il n’y avoit aucune raifon de ne pas
ordonner la même chofe pour le domaine d’Igé ; & les Ap
pellans conviennent eux-mêmes que ce feroit une bifarrerie des
plus étranges ; aufli ne l’admettent-ils pas ; ils cherchent à don
ner à cette claufe de la Sentence une explication encore plus
bifarre. Pour nous, nous ne voyons rien de fi iîmple. Ilétoit de
droit que l’eftimation des deux domaines fut faite eu égard
au tems de l’échange. Le premier Juge a cru devoir le fpécifier
par délicateiTe pour le domaine de Machuron ; parce que c’eft
celui fur lequel ils ont intérêt que l’augmentation de valeur
foit diftraite. Ce n’eft point aux Appellans à fe .plaindre de ce
que l’on n’a pas dit la même chofe pour le domaine d’Igé. Car
C ij
�10
ils n’y ont aucun intérêt ; ils ont même l’intérêt contraire ;
ainfi leur plainte eft fans objet.
Il
eft vrai qu’ils prétendent que le domaine d’Igé a été dé
gradé par les Intimés , dans là vue de bonifier leur caufe ; tan
dis qu’ils foutiennent qu’ils ont amélioré celui de Machuron.
Mais c’eft une calomnie fans preuve & qui n’auroit pas manqué
d’être mife en avant lors de leftimation, ii elle avoit été
fondée. D ’ ailleurs, c’eft toujours le même Vigneron qui depuis
trente ans cultive les vignes de ce domaine; ce qui n’eft pas en
vignes eft très-peu de chofe, & les bâtimens étoient tous ré
parés à neuf lors de l’échange , fuivant les Appellans euxmêmes. Il n’y a donc pas eu de dégradations.
A u refte, les eftimations des deux domaines ont été faites
d’après leur valeur en 17 7 4 . C ’eft un fait qu’on défie les Appel
lans de contefter. Ils fe perdent dans des conje£hires infinies ,
pour prétendre que les fonds du domaine de Machuron ont
prodigieufement augmenté de valeur entre leurs mains. Mais
ce font de pures chimeres. Ce domaine avoit une valeur quel
conque au moment de l’échange. Le tiers-Expert l’a portée à
16995 liv. , en déduifant les réparations faites par les Appel
lans. Loin que cette eftimation foit exceffive, elle paroît au
contraire bien foible, ii l’on fait attention à la valeur de l’autre
partie de ce même domaine que le fieur de R ey p er, tuteur de la
Dame Blan c, poffidoit , & qu’ il a vendue en partie avant
l’échange. Ce particulier avoit le tiers du domaine de Machu
ron ; il l’a vendu à quatre perfonnes moyennant 1 1 0 8 2 .
favoir, au fieur Munier pour 5 J i o liv. ; au Marquis de Montre vel,p o u r 1800 liv. ; au nommé Maranchon , pour 337 2
liv. , & au nommé Thibaudet, pour 400 liv. Si le tiers du
fieur de Reyper dans ce domaine valoit 110 8 2 liv .; les deux
�tiers des Intimés valoierit donc le double ; ainiî c’eil plus de
2 2000 liv. qu’il faudroit efli/ner leur domaine, au lieu .de
170 0 0 liv. feulement que le tiers-Expert l’a eftimé. Il n’y a
donc rien à dire , de la part des Appellans, contre l’eilimation
dont ils fe plaignent.
- ,
En fécond lieu, ils prétendent qii’on a eu tort de ne déduire
fur la valeur de ce domaine que les réparations urgentes j rils
veulent qu’on leur tienne compte auffi des réparations utiles ,
parce qu’elles ont contribué à l’amélioration du domaine.
Mais , dans le fa it, les Appellans n’articulent aucune dépenfe
dont les Experts n’aient pas: faitle calcul & la dédu&ion. Dans
le droit , il eit certain que les réparations ou impenfes néceffaires, font les feules dont l’ Acquéreur puiife exercer la répé
tition en cas de reiciiîon pour léfion d’outre-moitié. Les
utiles & les vojuptuaires 11e font point à la charge du vendeur
qui rentre dans ion bien ; on n en excepte que celles qui
ajoutent à la valeur de l’héritage, cum œcjuumfitneminemcum
alterius detrimento locupletari. V . Pothier , traité du con
trat de vente, n. 363 , 364.
En deux mots, l’échange contre lequel les Intimés ont pris
des Lettres de refcifion, contient une léfion énorme. Le befoin
d’argent, autant que l’ignorance de la valeur de leur domaine,
leur a fait confommer cette affaire ruineufe , contre laquelle la
Loi vient à leur fecours.Les fubterfuges auxquels leurs Adverfaires ont recours, pour obfcurcir la vérité, font des reffources
odieufes qui doivent être rejettées avec d’autant moins de
fcrupule , que les Appellans n’y ont eux-mêmes aucune con •
fiance, puifqu’ils ont iouferitvolontairement aux eilimations
qui les condamnent, & qu’ils ne fe font avifésde s’en plaindre,
que quand ils ont vu les Experts décidés contr’eu x, devenir des
�11
témoins accablans de leur cupidité & de leur mauvaife foi.
Cette circonftance, fi propre à rendre les Appellans défavo
rables , eft décifive par la fin de non-recevoir qu’elle produit
contre l’appel. Tout eft jugé irrévocablement avec les Appel
lans par rapport aux eftimations, puifqu’ils ont exécuté la
Sentence qui les ordonne , fans faire la moindre proteftation de
fe pourvoir. Il faut les renvoyer devant le premier Juge pour
y être ftatué fur le réfultat de ces eftimations, que l’état de la
procédure rend inattaquables dans le point de droit.
Monfieur l' Abbé B A R B I E R
Rapporteur,
Me D E L A U N E ,
D' I N G R E V I L L E
Avocat.
D e l a u n e , Procureur,
D e l'imprimerie de L . C E L L O T , rue Dauphine, 178 0.
0k
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A name given to the resource
[Factum. Blanc, François. 1780]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Barbier d'Ingreville
Delaune (avocat)
Delaune (procureur)
Subject
The topic of the resource
échanges
soulte
experts
lettres de rescision
doctrine
estimation
domaines agricoles
Description
An account of the resource
Précis pour François Blanc, notaire royal à Cluny, et Marguerite Martin, sa femme, intimés ; Contre Philibert Munier, notaire royal à Lugny, et Constance Jard, sa femme, appellans.
Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1780
1766-1780
1751-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0118
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_V0119
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cluny (71137)
Lugny (71267)
Machuron (domaine de)
Igé (71236)
Rights
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domaines agricoles
échanges
estimation
experts
lettres de rescision
soulte
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MÉMOIRE
P O U R le fieur M u n i e r , Notaire R o y a l à L u g n y ,
& fa femme , Ap pe lla n s :
%
C O N T R E le fieur B l a n c
& f a femme, Intimés.
,Notaire R oya l à Cluny ,
E
C T T E A f f a i r e , qui préfente au premier afp e ct la qu eifton de favoir fi la lefion eft un m o ye n de
reftitution en matiere d é c h a n g é , offre bientôt un au- •
tre pro blème à réfoudre.
C e n’eft vraiment point un échange que le fieur
B la nc & le fieur M unier ont fait entr’eux. Ils o n t , par
d e s raifons particulières, adopte la forme de re c h a n
g e : mais au f o n d , ce font deux ventes q u ’ils ont confommées refpectivement par le même contrat.
A i n fi le fieur Blanc peut bien , par rapport à l ' hér itage qu'il a vendu , pro pofer le m o y e n de léfion,
A
�M a is il r i n v o q u e r o i t en va in quant à celui q u ’il a
acheté. C e n’eit q u ’en fa v e u r du v e n d e u r q u ’a été
introduit le bénéfice de la reftitution p ou r caufe de
léiîon.
Il n’ y a donc que l’immeuble aliéné par le iîeur
B l a n c , qui d oive ici être eilim é , pour pa rvenir à
connoître il ce ve n d e u r a été lcfé d ’outre-moitié. Nul*
le eftimation à faire de celui qu ’il a acheté.
D u refte , l’héritage cédé par le fieur B l a n c , les
d e u x héritages m ê m e , s'ils étoient tous d e u x dans le
cas d’être e i î i m é s , d e v r o ie m l’ê t r e , eu égard à l’état
où iis étoient au momen t de l’aliénation.
Telie s font les réflexions que la décifion irréguliere des premiers Juges met le iieur M u n i e r dans la
néceflité de d é v e lo p p e r .
E x p o f o n s d ’abord les faits.
F A I T S .
L e fieur Blanc & la D e m o if e l le M ar tin fa fe mm e
pofiedoient au hameau de M a c h e r o n , dans le M â c o n n o i s , un domaine dont les bâtimens étoient en
très-mauvais état. C e qui dépré cioit en core ces b â
timens, c ’eit que les fieur & D a m e Blanc n’en étoient
pas feuls propriétaires : il neleur en appartenoit que les
de u x t i e r s , qui fe tro u v o ie n t confondus a v e c l’autre
tiers appartenant au fieur D e r p e r .
L a totalité du domaine a v o it même été dans l’o r i
gine indivife entre les auteurs de ce fieur D e r p e r &
c e u x de la D a m e B la nc , dans la mêm e pro portion
�des d e u x .tiers au tiers; & l'on n’étoit parvenu ¿ p a r
tager les fonds qu ’en les m o rc e la n t, au point que le
lot de la D a m e Blanc étoit com pofé d’une multitude
de pieces' de terre peu é te n d u e s , & gr evées prefque
toutes d’une fervitude de pacage pour la deiïerte du
fonds voifin ; ce qui ôtoit encore au domaine d e s S r
& D a m e Blanc une partie de fa valeur.
C e u x - c i cherchoient à le vendre, pour en acquérir
un dont la poiTeifion fût moins i n c o m m o d e , & qui en
même tems fût moins éloigné du lieu de leur d om i
cile.
Ils avoien t jetté la v u e fur celui que poiTédoient
les Sieur & D a m e M u n i e r , au V illa g e d’Igé , fitué
auiîi dans le Mâconnois.
L e s d e u x Propriétaires fe rapprochent ; ils m e t
tent chacun le prix à leur domaine. L e fieur Blanc
c ft im ele fien 10000 livres ; celui que poiTede le fieur
M u n i e r , n’eft évalué par lui que 5000 livres. C ’eft
fur le pied de cette eftimation que tous deux doivent
fe céder mutuellement leurs poileffions ; en forte que
le fieur M u n i e r , pou r donner la valeur de ce qu ’il ac
q u i e r t , fera obligé de p a y e r 5000 livres en argent.
M ais fous quelle forme réaliferont-ils leurs c o n
ventions ? C e l l e de l’échange leur paroît p r é fé r a b le ,
& v o ic i pourquoi. U n E d it du mois d ’A o û t 1 7 7 0 ,
rendu fur-tout pour la P r o v i n c e de M âc o n n o is , por
te , à l’article 5. « que pendant l’efpace de fixannées
P) les a&es d’échange des parties deterrein au deifous
» de dix a r p e n s , leront exempts des droits de centieroe denier & autres droits r o y a u x & feigneu*
�» riaux , à l’exc e p tio n du droit de contrôle , qui de» m e u r e r a fixé à l a f o m m e de dix f o l s , de quelque va» leur que foient les héritages échangés ».
Q u e l avantage n’y avoit-il pas pou r le fieur Blanc
& le fieur M u n i e r à traiter entr’eux par la v o i e de
l ’échange ? Mais ce n’étoitpas tout. P o u r profiter du
bénéfice de T E d i t , il falloit ne pas aliéner plus de
d i x a r p e n s à l a fois. O n prend e nconféquence le parti
de faire d e u x aftes féparés, au lieu d’un. C e s d e u x
a & e s , parfaitement femblables, ont été pafles le pre
mier & le fept A o û t 1 7 7 4 . Il eft dit dans chacun que
le fieur M u n ie r c e d e à titre d’échange au x fieur ô i
D a m e Blanc la moitié du dom aine d’ig é . C e u x - c i ,
de leur côté , ce dent au fieur M unier, au même titre
d ’échange, la moitié du domaine d e M a c h e r o n , c o n
finant , ce font eux-mêmes qui le d é c l a r e n t , en trèsmauvais bâtimens , grange & écurie, dont partie ejî en.
m afure, & le furplus tombant de toutes parts. L ’échange
efl fait pou r chaque moitié , fous le retour de 2,joo
livres que le fieur M u n ie r doit p a y e r , & dont il paie
m ê m e 13 00 livres comptant aux fieur & D a m e Blanc;
& chacun des deux aftes efl terminé par cette claufe : E flim an tles Parties , /a vo ir, la moitié du domaine
remis par ledit M i M u n ier valoir 1 5 0 0 livres , & la
moitié de celui remis par les mariés B la n c & M a rtin , va*
loir 5000 liv.
L e 4 S e p te m bre f u i v a n t , la D a m e M u n i e r , qui
n’a v o i t point paru dans ces deux a & e s , ainfi que la
D a m e B l a n c , qui étoit encore mineure au moment
où ils avoien t été pafTés, donnèrent chacu ne leur ra
tification.
�T o u t étant aiufi confômmé , le iieur M unier prit
les mefures nécefï'aires p ou r r e l e v e r les bâtimens du
domaine de M ac h e ro n : il y fit pour plus de z 5 00 J.
de réparations.Les terres, dont la culture n’a voit pas
été' ¡moins négligée que l’e n t re t ie n , des b â t i m e n s ,
lui coûtèrent aufïi en améliorations be aucoup de dépenfes & be au co u p de foins.
L e fieur M u n ie r chercha encore à améliorer fa pro
priété d ’une autre maniéré, en y réunifiant celle d u S r
D erper. Par-là, il donnoit un prix confidérable, &
aux bâtimens & aux terres qu ’il avoit achetés du
iieur B la n c , en faifant cefTer l’indivifion & les fervitudes qui les grevoient.
Il fe difpofoit à recueillir le fruit de ces améliora
tions de toutes e f p e c e s , lorfque les Sieur & D a m e
Blanc lui firent fignifier des Lettres de refcifion , où,
en ajoutant be auco up au prix qu'ils avoient mis au
domaine de M a c h e r o n , & rabaifTant au contraire
celui de l’autre d o m a in e , ils fe plaignoient d’avoir
é p ro u v é uneléfion confidérable, une léfion d’outremoitié.
A p r è s avo ir oppofé aux Sie ur & D a m e Blanc des
a&es qui prouvoient le peu de fincérité de leur é v a
luation , les Sieur & D a m e M u n ie r renfermerent à
peu près leurodéfenfe dans ce dilemme. O u c ’eft un
échange que contient chacun des a & e s q u e les Sie u r
& D a m e Blanc veulent faire refcinder pour caufede
léfion ; o u c’eft une double vente , qualifiée feule
ment d e ch a n g e . D a n s le premier cas, point de léfion
à oppofer : elle n’eft point é coutée en matiere d'é -
�G
change. D a n s le f é c o n d , elle ne peut être pro pofée
par les S ie u r 6c D a m e Blanc q u ’à l’égard de l’objet
q u ’ils ont v e n d u ; & point du tout à l’égard de celui
q u ’ils ont acheté , parce que le m o y e n de léfion n’a
point été introduit en fa v e u r de l ’acheteur. Il n’y a
d o n c alors que le domaine de M a c h e r o n dont on
d o i v e or don ner l’eftimation , eu égard à l’état où il
étoit au m o m e n t de l’aliénation; & c ’eft d’après cela
q u e les Sie u r & D a m e M u n i e r nom merent Brunet
p o u r E x p e r t à l’eiFetd’eftim erfeulement le dom aine
de M ac h e ro n .
D a n s c e t état eft intervenu en la Juftice de Clu*
n y , le 1 0 Juin 1 7 7 7 , une Sentence qui or donne
qu e « par. Etienne D u f o q r , E x p e r t n om m é par les
» S ie u r & D a m e Blanc , 6c par Jacques B r u n e t ,
» E x p e r t nom mé par les Sieur & D a m e M u n i e r , il
« f e r a pro céd é à l’arpentage & eftimation des domai» nés des Parties , lefquels E x p e r t s feront la diftinc?> tion des réparations urgentes que les Sieur & Dam e
» M unier auront pu faire dans le domaine de M acheron,
X) détailleront lefdites réparations , & en feront l’ef» timation, eu égard à l’état où il étoit lors de lechan» g e , p o u r , fur le v u dudit r a p p o r t , être ftatué ce
» qu ’il appartiendra ».
C e t t e Sentence portoit un double p ré ju dic e aux
Sieur & D a m e M u n ie r : d’a b o r d , en ce q u e l l e o r
donnent indiftin&ement l’eftimation des d e u x domai
nes , & enfuite dans la maniéré dont l’eftimation
étoit ordonnée ; le prem ier Ju ge prefcri.vant feulejnent a u x E x p e i t s de déduire fur l’évaluation du do-»
�7
maine de M ac h e ro n le m o n t a n t , ou m ê m e l a f i m p l ç
appréciation des réparations urgentes.
Dererminés à fe p o u rv o ir contre ce Ju ge m ent,'
les Sieur & D a m e M u n ie r fe garderent bien de con
courir à Ton exécution. Leurs A d v e rfa ire s cherchoient au contraire à la hâter : ils firent p ro cé d e r à
la vifite & à l’eftimation des deux domaines ; les
d e u x E xperts s’étant même trouvés d’avis difFérens
fur plusieurs p o i n t s , ils firent nom mer un tiers E x
pert qui d e vo it les départager. C e t ie r s - E x p e r t a auiîî
donné Ton a v i s , & drefle l'on rapport.
M ais le tout a été fait par défaut contre les S ie u r
& D a m e M u n i e r , qui ont depuis interjetté appel de
la Sentence du 1 0 Juin 1 7 7 7 , & de ce qui l’a v o it
fuivie.
Ils ont auiTi, depuis leur a p p e l , fait une démar
che à laquelle cependant rien ne les obligeoit. Il
o n t , mais fubiidiairement, demandé a £ e de leurs
offres de reprendre le domaine d’Igé qu ’ils avoient
cédé aux Sieur & D a m e Blanc pour 5 000 l i v r e s , &
d’y fubftituer cette même fomme en argent.
C ’eft fur leur a p p e l , & en même tems fur cette
offre q u ’il s’agit de ftatuer.
O B S E R V A T I O N S .
Q UO IQ UE les Sieur & D a m e M u n ie r n’aient pas
befoin , pour établir le mal jugé de la Sentence dont
ils font A p p e l l a n s , de p ro u ve r le peu de réalité de la
prétendue léiion énorme dont fe plaignent leurs A d -
�,.
; . ^
'8
- . .
.
verfaires , il leur im porte c e p e n d a n t , pour ¿carter
la d éfa veu r q u ’on vo u d r o it jetter fur eu x , pour diffîper le préjugé que femblent autorifer les dédiio ns
des E x p e r t s , de préfenter là-delius quelques réfle
xions.
Selon les Sieur & D a m e B l a n c , leur domaine feul
v a l o i t plus que le double du p rix de i o o o o l i v r e s ,
p o u r lequel ils l'ont cédé.
C o m m e n t ofent-ils fe permettre une pareille affertion ? Il eil certain d ’abord q u e , fuivant un bail
paiTé én 1 7 6 6 , & qui n’a fini q u ’en 1772., ce qui
c o m p o fo it alors le domaine de . M a c h e r o n , n’étoit
affermé que 4 x 4 livres. Il eil certain aufîi que ce
n’eil pas l’intégralité des fonds qui en dépendoient
p o u r lors que les fieur & D a m e Blanc ont cé dée en
1 7 7 4 aux fieur & D a m e Munier. U n an auparavant,
en 1 7 7 3 , ils en avoien t détaché d e u x vignes q u ’ils
a v o ie n t vendues 1 0 1 1 livres au fieur M u n ie r luim ê m e , & ils s’étoient encore réfervé lors de la ceffion q u ’ils attaquent a u jo u r d ’h u i , une maifon qu ’ils
ont ve n d u e l’année fuivante 1 0 9 1 livres. Us avoien t
auffi v e n d u peu de tems avant de traiter a v e c les
fieur & D a m e M u n i e r , une c o u p e de bois dont ils
a v o i e n t retiré 500 livre?.
V o i l à donc 1 4 0 0 livres à retrancher fur le capi
tal , quel q u ’il foit, d ’un fonds qui ne produifoit en
1 7 7 1 que 4 1 4 livres de re v e n u ; ne peut-on pas
aiîurer déjà que ce fonds prifé 10000 livres en 1774,
ne l’a pas été au deiTous de fa v a le u r?
Mais ce n’cft pas tout : l’année même où le fieur
£lanç
�Blanc l a cédé pou r ce p r i x , il l ’a v o i t donné à ferme
pa r bail verbal à un iieur R o b e r j o t , & à un iîeur
G u i l l e m a u d , beau-frere de celu i- ci; & ce n’étoit
plus 4 x 4 livres de fermage que c e u x - c i lui en donnoient: le mauvais état des bâtimens, la dégradation
des terres étoient telles, q u ’ils avoient refufé de p o r
te r le prix du bail au deiTus de Z40 livres. C e fait
doit aujour d’hui être réputé pou r confiant. O n l a
articulé dans le cours de ri nftru£io n de la maniéré
la plus précife: on a p r o v o q u é le fieur Blanc p ou r
q u ’il eût à l’a v o u e r , ou à le nier. Son filence , après
tant d ’interpellations, équivau t fans doute à un aveu.
D o it - o n donc l’écouter lorfqu’il vient dire que ce
q u ’il a céd é p o u r 10000 livres, va loit plus que le
double ?
Il eft vrai que fon E x p e r t , que le tie rs-E xpert,
qu e l’E x p e r t même du fiéur M u n ie r l’ont évalué
be auco up plus/de 10000 livres. Il eft vrai encore
q u ’autant ces E xperts ont porté haut la valeur du
domaine du M a c h e r o n , autant à peu près ils ont
rabaiiTé celle du domaine d ’Igé.
M ais auiîï quelle eft la cauïe de ces évaluat ions,
fi fupérieures d ’un c ô t é , Ci inférieures de l'autre a u x
p rix réglés entre les Parties? C e f t principalement
la Sentence qui a or donné l ’eftimation.
Q uel eft le procédé qu’on doit fuivre en cas pa
re il, lorfque quelqu’un fe plaint d’avoir été énormé
ment léfé? Il y a toujours un intervalle entre le mo
ment de l'aliénation & celui de fa réclamation. C e t
intervalle peut être de huit a n s , de n e u f ans même*
B
�IO
N e i î - i l pas é v i d e n t q u e , p o u r conftater s’il a effec
t iv e m e n t é p r o u v é une léfion, c ’eit le prix que valoit
fon héritage quand il l’a a l i é n é , q u ’il faut connoître ?
C ' e f t donc ce prix qu ’il faut enjoindre a u x E x p e r t s
de d é t e r m i n e r , & non pas la va le u r a â u e l l e de l’hé
r i t a g e , qui ne peut jetter aucune lufniere lur l’o b je t
q u ’on c h e rc h e à éclaircir. Si l’on craint q u ’ils n’aient
pas une connoiiîance bien e x a â e de l ’ancien état
des c h o fe s , il faut leur p e rm e ttre , leur or don ner
m ê m e de fe faire aiîifter par. des perfonnes du l i e u ,
d e prendre leurs d é c la r a t io n s , fa u f enfuite à e u x à
les a p p r é c i e r , à en faire l’ufage con ve n a b le .
Eft ce ainfi que les premiers Juges ont enjo int *
a u x Experts de p r o c é d e r ? Prétendra-t-on que c ’eil
la va le u r que p o u v o ie n t a v o i r les d e u x domaines nu
m oment de l’a lié n a t io n , q u ’ils leur ont prefcrit de
d é t e r m i n e r , parce qu'après en a v o i r ordonné l’eftimation , ils ont ajouté « que les E x p e rt s feroient
» la d iilin â io n des réparations urgentes que les iieur
» & D a m e M u n i e r auroient pu faire dans le d o » maine de M a c h e r o n , q u ’ils détailleraient lefdites
» r é p a r a t i o n s , & en feroient l’eftimation , eu égard
» à l'état oïl i l étoit lors de £échange » ? C e s derniers
mots p e u v e n t d ’abord faire q u e l q u ’imprefiion.
M ais cette impreiîion s’efface entièrement après
le plus léger e xam en. D é j à , fi l'on v o u lo it que les E x
perts eftimaffent les biens dans leur prem ier état, il
ne falloit pas leur enjoindre de d iil in g u e r , & e n c ore
moins' d'eftimer les feules réparations urgentes qui
a v o i e n t pu être faites fur l’un des domaines depuis
�l ’aliénation. C e n'étoit point en appréciant un iq u e
ment les réparations de cette e f p e c e , q u ’on p o u v o i t
t r o u v e r Ja différence entre la valeur ancienne & la
va le u r a£hielle. Sans d o u t e , les réparations utiles
a voie n t auffi contribué à former cette différence.
D e p l u s , ces termes mêm e de la S e n t e n c e , eu égard
& c . , ne fe rapportent évidem m en t q u ’au feul d o
maine de M a c h e r o n ; & le domaine d ’Igé ne devoit-il donc pas également être é v a l u é , eu égard à
l ’état où il éto itlo r s de l’échange ? R i e n cependant,
aucune difpofition dans la Sentence ne prefcrit aux
E x p e r t s de le reporter à cette époque p our l’éva
luer. Les Juges auroient-ils donc ordonné pour l ’un
c e q u ’ils n’ont pas ordonné pour l’autre ? C e feroit
une bizarrerie des plus étranges. C r o y o n s p l u t ô t , &
la maniéré même dont la Sentence eit rédigée l’exi
g e , que c ’eit feulement fur l’évaluation des répara
tions urgentes que' frappent les expreiîîons dont il
s’agit. Les Juges auront apparemment vo ulu p r ê t
c r i î e a u x Experts de n’eftimer que celles qui pouvo ie n t être urgentes dans l'état où fe tro uvoie nt les
biens au moment de l’échange.; mais du refte, il étoit
toujours dans l’efprit,pour ne pas dire, dans la lettre
de leur Sentence que les d e u x domaines fuifent eftimés dans leur érat a&uel.
C o m b ie n le prix.-qu’a donné cette é v a l u a t io n ,
n’a-t il pas dû être éloigné de celui q u ’auroit pro
curé l’eilimation proportionnée à l’ancien état! En
eût-on même déduit ce qu’auroient à p e u - p r è s coûté
les réparations de toute eipece , une pareille évalua*
■ B ij
�Ï1
tion auroit e n c ore infiniment com pro m is le fort des
fieur & D a m e M u n ie r. L ’accroiiTement de valeur
q u ’a reçu le dom aine par les dépenfes q u ’ils y ont
faites, a pu e x c é d e r , & m ê m e de b e a u c o u p , ce que
ces dépenfes ont c o û t é : & cet e x c é d e n t de va le u r
auroit tourné par là au profit des anciens p ro pri é
taires ; il en auroit été de même de celui que le
tems auroit pu a m e n e r , de celui qui feroit réfulté
de leur feule induftrie. Q u e l l e va le u r e n c o re n’a pas
du acquérir tout le domaine acquis des iieur & D a m e
B l a n c , par la réunion q u ’y ont faite les fieur &
D a m e M u n i e r de la pro pri été des fieur & D a m e
D e r p e r , . q u i en étoit un d é m e m b r e m e n t! E t néan
moins ce que la confufion desbâtim en s p o u v o it au
paravant leur ô t e r de leur p r i x , n’aura point été
c o n f i d é r é , parce que ce tte confufion ne fubfiftoit
plus. D e s fonds qu i perdoient de leur va le u r p a r
l ’i n c o h é r e n c e , par l’éloig nem ent où ils étoient les
uns des a u t r e s , & par les fervitudes de paflage dont
ils fe t r o u v o ie n t g revés en fa veur des fonds v o i f i n s ,
de ces fonds q u ’y a depuis réunis le fieur M u n i e r ,
on les aura eftimés ce q u ’ils valoie n t dans ce t état de
réunion.
C ’eft ainfi, c ’eft par toutes ces raifons, qu e le d o
maine de M a c h e r o n a été porté b e a u c o u p au deiTus
du prix q u ’on a v o i t c ru d e v o i r y attacher au m o
ment de l’aliénation.
M a i s , d i r a - t - o n , le dom aine d*Igé auquel le tems
& l’induftrie des n o u v e a u x propriétaires ont dû d on
ner auifi q u e l q u a c c r o ifl e m e n t de v a l e u r , p o u r q u o i ,
À
�au lieu d ’être eftimé au deflus du prix p ou r lequel
il a v o i t été aliéné, 1 a-t-il au contraire été au deflous ?
Po u rquo i ? C ’eft que ce domaine doit effective
ment valoir moins aujourd’hui qu ’il ne valoir alors:
c ’e ll que l’induftrie des fleur & D a m e Blanc, loin
de fe tourner vers l’amélio ratio n, a dû fe diriger au
contraire vers la détérioration. C e langage peut d ’a
bo rd paroître étonnant; mais il ceflera de l’ê t r e ,
quand on considérera que les fieur & D a m e Blanc ,
occupés du projet de rentrer dans leur domaine par
la v o ie qu ’ils fe propofoient d’e m p l o y e r , ont dû ne
rien négliger pou r aflurer le fuccès de leur entreprife.
Ils ont dû faire tout ce qui étoit en eu x pour c h e r
c h e r à groflir la léiion. D è s lors , autant leurceiîîonnaire am é lio ro it, autant ils ont dû laiiTer d é p é r i r ,
autant ils ont dû dégrader eux-mêmes.
N ’eft-ce point aiTez de ces confldérations pou r
écarter l’impreflion que pourroit produire le réfulrat
des eftimations déjà faites? O n en auroit encore
d ’autres à préfenter ; on pourroit faire v o i r c o m
ment le s'E x p e rt s ont été eux-mêmes plus injuftes
que la S e n t e n c e , en ne s’y conformant pas e x a & e m e n t , quant à l’eftimation des réparations urgentes;
c o m m e n t le tiers-Expert s eil écarté de fon d e v o i r ,
foit en s’occupant d’objets fur lefquels les premiers
E xperts n’avoient point été d iv ifé s, foit en fe p e r
mettant de porter fon appréciation p ou r certains
fonds au deiTus de la plus h a u te , & p o u r d ’autres
au deflous de la plus baiTe des d e u x eftimations.
Mais o n a préféré d ’inflfter lur les réflexions qui
�, 14
viennent d ’être p r o p o f é e s ; d’autant plus q u ’en les
développant on a obtenu un double avantage : on a
démontré fous un prem ier rapport le mal ju g é de la
Sentence dont les iieur & D a m e M u n i e r font A p
p e l o n s : on a p ro u vé com bie n il efl: néceiTaire de la
réform e r, Ôc d’ordonner, com m e auroient dû le faire
les premiers J u g e s , que les E x p e rt s qui p ro céd eron t
à la nouvelle eft im ation , n’auront égard q u ’à l’état
o ù étoient les objets q u ’ils ieront chargés d ’évaluer,
quand ils ont été aliénés, & que pou r le conflater,
cet é ta t, ils fc feront affifter par des perfonnes qui
en auront connoiiTance.
M ais ce n’eft-là que le plus lé ge r g r i e f des fieur
& D a m e M u n i e r contre cette Sentence. C e dont il?
ont fur-tout lieu de fe plaindre, c ’ eit de ce qu elle
prefcrit l’eftimation des d e u x domaines indiitin&ement.
L e feul domaine de M a c h e r o n auroit dû être é v a
l u é , pour calculer la léfion alléguée par les fieur &
D a m e Blanc. C ’eft ce q u ’il s’agit de démontrer.
E xp o f o n s, pour y pa rv enir, les principes qui ré~
glent le m o y e n de reilitution fondé lur la léiion. E x a
minant enfuite la nature des a&es contre lefquels ce
m o y e u eft pro pofé , nous verrons s’il peut s’y
a p p l i q u e r , & ju fq u ’à quel point il peut s’y appli
quer.
�'Principes concernant le moyen de reftitution fo n d é
fu r la léfion.
C e m o y e n , puifé dans le droir R o m a i n , n’y a pas
toujours été connu. Les feules caufes de reftitution
adinifes par l’ancien droit étoient le dol ou la v i o
lence. Surprife, ou défaut de liberté : telles étoient
uniquement les circonftances dans lefquelles un ma
jeur pou voit erre reftitué contre fes engagemens.
C ’eft une L o i du C o d e , qui la premiere a décidé
qu ’on pourroit auflî être reftitué pour caufe de léiion: la L o i i au titre de re/cind. vend. Mais dans
quel cas ? En faveur de qui ? C e t t e L o i même nous
l ’apprend. Rem m ajori pretii J i tu , velpatertuus mino
n s d ijlr a x ijti, humanum efl u t, vel pretium te reflituente
emptoribus, fundum venundatum recipias, v e l, f i empt o r elegerit, (¡uod deefl juflo pretio, recipias. M in u s
autem pretium ejfe videtur, fin e c dimidia pars veripretü fo lu ta fît. C e n’eft qu ’en cas de v e n t e , en cas de
ven te d’un immeuble , à l’égard du v e n d e u r , que la
léfion d ’outre moitié peut autorifer une demande
en reftitution. Les m o ts, f i tu diflraxijft t ne s’appli
quent ni à aucun autre c a s , ni à aucune autre perfon*
ne. C ’eft même par une efpece de grâce, de privilège,
que la Loi a accordé cette reiTource au v e n d e u r ,
humanum efl\ àc par cela feul que c'eft un privilège,
une déro gation aux principes gén érau x des contrats,
il ne peut , ni ne doit être étendu à aucune autre
perfonne , ni à aucun autre cas.
T o u t e exceptio n ve u t être renfermée dans fes bor-
�i6
nés ; on ne doit pas, fous pré texte de parité, o u même
d e fupériorité de raifon , en faire l’application à une
efp ece différente de celle qui eft déterm inée p a r l a
Loi.
E n faudroit-il davantage pou r réfuter c e u x q u i ,
fortant à tous égards des termes de cette L o i , ont
p e n f é , d’abo rd que l’achete u r p o u v o i t , ainii que le
v e n d e u r , p ro pofe r le m o y e n de l é i i o n , & enfuite
qu e ce m o y e n d e v o i t ê t r e é c o u té en matiere d’échan
g e c o m m e en matiere de vente ?
M ais d'où a pu p ro v e n ir cette double e rr e u r? C ’eft
principalement du m o t i f q u ’on a prêté à la Lo i. O n
a penfé q u ’elle a vo it fuppofé que le v e n d e u r p o u v o it
ig n o re r la vraie va leu r de fa c h o f e ; & cette i g n o
rance pou vantauifi fe rencontrer dans l’a c h e t e u r , on
en a co nclu q u ’il d e v o i t à c e t égard être ailimilé au
ven d eu r.
Dès-lors la L o i d e v e n o it aufîi applicable au cas
de l'échange -, un des échangiftes p o u v a n t de même
n’a v o i r pas connu la va le u r de la chofe q u ’il donnoir
ou de celle q u ’il re ç e v o it .
M ais c e u x qui ont fuppofé cette L o i , d i& é e par
un pa re il m o t if, fans doute n'ont pas lu une autre L o i
du m êm e t it r e , de rcfcindendà venditione ; la L o i 1 5,
cjui établit au contraire que nul n’ig n o r e , ou ne doir
ignorer la va le u r de fa chofe. N eque enim inanibus
immorari finatur objecîis , ut vires locorum Jîbimetcaufe tu r incognitas, qui fam iliaris rei fclre vires vel mérita
atque emolumenta ante debuerat.
C ’eil d on c par q u e lq u ’autre confidération qu ’&n
s’eft
�s’eft déterminé à r e g a r d e r , en cas de ve n t e , la îéfion
d ’outre-moitié com m e un m o y e n de reftitution en
fa veur du ven deur ; & cette confidération , la v o i c i :
on a p e n f é qu'il n’y avoit q u ’ un befoin preiTant qui
pou voit fo r c e r un propriétaire à aliéner fon héritage
p o u r un prix auffi inférieur à fa v a l e u r , & qu ’un
confentement donné dans une conjo n& ure auiTi déli
cate n’étoit pas un confentement tout-à-fait libre.
C ’eft ici même le défaut de liberté dans le confentem e n t , qui fait que la L o i vient au fecours de qui
conqu e é p r o u v e cette forte de violence.
O r l’acheteur peut-il jamais alléguer ce défaut de
liberté? L e befoin d ’a r g e n t , qui force quelquefois
de vendre , force-t-il jamais d’achetar ?
Il y a d ’ailleurs tant de raifons qui peuvent d é
terminer un acquéreur à furpaifer, dans le prix q u ’il
donne , la valeur abfolue de la chofe : Æ quum erat,
dit un célébré Interprete du D r o i t R o m a i n , C u j a s ,
Jiv. 1 6 , ch. 18 de fes O b f e r v a t i o n s , fubvenire venditori qui minoris vendidit, quem plerumque rei fa m iliaris necejfuas compellit vendcre pretio m inori, non
etiam emptori, ultro accedenti ad emptionem, Ô plerum
que ementi pretio immenfo & immodico, affectione opportunitatis , vel vicinitatis , vel cæ li, vel quod illuc
educatus f i t , vel parentes fe p u ld , vel quod ejus major u m fuerit. C 'e ft ainfi que l’acheteur met.fouvent un
prix d’affe&ion à l’objet qu’il a c q u i e r t ; & ce p rix ,
une fois promis & agréé , ne peut plus être rétra£lé.
C e c i p ro u ve même combien e f t p e u folide le m o
t i f par lequel un A u t e u r eftimé, P o th ie r , fe décide
�i8
à rendre c om m un à l’ach eteu r le m o y e n de reftitution fondé fur la lefion. L e contrat de ven te e f t , dit i l ,
un contrat c o m m u t a t if , où chacune des Parties fe
p ro p o fe de r e c e v o i r autant q u ’elle donne. C e l a eft
vrai ; mais n’eft il pas vrai auflî que cette c h o i e , à
laquelle l’ac heteur met un prix, fupérieur peut-être à
fa valeur in trinfeque , v a u t pour lui c e prix , à caufe
de la con ven an ce qu ’il y tro u v e ? N ’eft il pas vrai
en c o re que cette m axim e a va n c é e par P o t h i e r , doit
fe concilier a v e c cette autre qui p erm et au ven d eu r
c o m m e à l’acheteur de ch e rc h e r à faire fon profit, qui
tolere mêm e à ce fujet de part & d ’autre une iorre
d e c i r c o n v e n t i o n , e x e m p t e toutefois de fraude & de
diflimulation ? In p ra lo emptionis & venditlonis t licet
naturalïter contrahentibus Je circumvenire. L. 1 6 , § • 4 *
D . de min.
A j o u t o n s enfin que dans tous les contrats intéreffés,
de q u e l q u ’efpece q u ’ ils foie n t, contrats de v e n t e , o u
a u t r e s , le but de chaque Partie efl: éga lement de re
c e v o i r , fous une forme q u e l c o n q u e , l’é qu ivale n t de
c e q u ’elle donne. Il faudroit donc , d’après P o r h i e r ,
que la léfion énorme fût un m o y e n de reftitution
con tre tous ces c o n t r a t s , & cependant il n’en eft
rien.
M a i n t e n a n t , fi l’acheteur ne peut point être admis
à propofer le m o y e n de l é i i o n , l’échangifte ne doit
pas l’être d a va n tag e ; d ’abord il eft autant ach eteu r
q u e vendeur. Uterque em ptor, uterque venditor. D e
p l u s , & cette réflexion fur tout eft d é c i f i v e , il ne
p e u t point alléguer que ce l'oit la n é c e if it é , le mau-
�x 9. .
vais état d e Tes affaires, qui lui ait arraché le confentement qu ’il a donné à l’échange. C e n’eft point en r e
cevan t un immeuble à la place d ’un autre q u o n peut
fc mettre en état de fu bven ir à un befoin preffant,
de fatisfaire à des engagemens indifpenfables.
L ’échangifte d ’ailleurs cede preique toujours à
des raifons de con venan ce ÔC d’affeâion. Il n’eft
peut-être pas un fèul échange qui ne foit déterminé
par de femblables considérations; c ’eft alors fur-tout
q u e ratio viclnitatis, opportunitatis, fait faire des fa ori
fices. C e que chaque échangiile reçoit eft toujours
cenfé valoir à fes y e u x autant que ce qu ’il donne.
Il n y a donc ni r a i f o n , ni prétexte pour appli
q u e r au contrat d ’échange une L o i qui par elle-même
ne le concerne pas.
A u f îi n’ y a-t-elle point été étendue par la Juris
prudence. U n feul A r r ê t du z Mars 1 6 4 6 , rapporté
au prem ier vo lu m e du Journal des A u d i e n c e s , a
refeindé pour caufe de léfion un contrat d ’é c h a n g e ;
mais c ’étoit dans une circonstance pa rtic u li è re , ainii
que l’obferve G u e r e t fur L e p r ê t r e , Cent, premiere ,
chapitre 1 1 . C ’étoit un fonds de terre qui avoit été
échang é contre une rente con ftit u ée, & le m o y e n
d e léfion fut écouté , par la raifon, dit G u e r e t , que
le p rix de la rente qui ne peut être e jlim l plus que k
p rincipa l, étoit f ix e & certain.
V o i l à les vraisprincipes.
C ij
�Application de ces principes.
E n ne confidérant d ’abord les d e u x a&es dont la
refciiion eft demandée par les iieur & dame Blanc
q u e tels qu ’ils font e xtérieu rem e nt : la léfion ne feroit point un m o y e n à la fa ve ur duquel ils puffent
l ’ob tenir; car ces d e u x a â e s font en apparence des
a â e s d ’échange.
C e ne feroit point à la vérité bu ta but que l’ échan
g e auroit été fait ; il auroit été a ccom p agn é d’une
l o u l t e , & m êm e d ’une foulte égale à la va leur d ’un
des domaines é c h a n g é s ; ainfi nous ne fe rion s, ni
dans le cas o ù la foulte étant mo indre que le p rix
de l’héritage auquel on l’a pou r ainfi dire attachée ,
l'aliénation con fo m m é e entre les Parties ne c o n fe r v e
pas moins fon cara & ere d’échange ; ni dans celui où
cette foulte fe trouvant fupérieure fait d égén érer
l ’éch ange en une v e n t e , contre laquelle alors celui
qui a reçu la foulte , & qui cil: réputé v e n d e u r , peut
p r o p o f e r le m o y e n de léfion. N o u s ferions placés
dans un exa£t milieu ; ni l’é c h a n g e , ni la vente ne
p r é d o m in e r a i e n t , il y auroit autant de l ’un que de
l ’autre ; & , dans la rigu eur des p r i n c i p e s , il faudroit refcinder l'aliénation pour m o i t i é , s’il y a v o i t
l é fio n , & la laiiîer iubfifter pour l'autre moitié.
Mais ne raifonnons pas plus' long-tems dans la fuppofition d’un échang e ; il n’ÿ a ici de l’échange que
le n o m , que l’apparence , & même une très-légere
apparence. C eft une d o u b le vente qui a été con-
�2.1
fom mée fous la forme d ’un échange.
T o u t e s les fois qu'en cédant une chofe , on
prend le foin d’en déterminer la v a l e u r , c ’eil vrai
ment une vente que l'on fait de cette chofe. <k II
fuffit, dit H e n r y s , * d’abandonner une chofe pour
i> la valeur q u ’on lui d o n n e , pour en être réputé
ve ndeur ». D e - là , cette maxime ii c o n n u e , dos
ejîim ata, dos vendita.
11 importe peu d'ailleurs qu ’en paiement du prix
de l’objet c é d é , I o n r e ç o iv e une chofe qui rienne
lieu de cette valeur. C e t t e fécondé opération eft ellemême une autre ven te , faite par v o i e de dation en
paiement. L e même qui a d'abord été vendeur de
v ie n t enfuite acheteur , & vice verfâ. Q u o i q u e confo m m ée par un feul a & e , auquel on auroit même
donné le titre d’é c h a n g e , cette double aliénation ne
feroit toujours point un échange. « Si nous con ve» nions enfemble , dit Pothier , * que je vous don« nerai relie chofe pour un .certain p r i x , en paie» ment duquel vous me donnerez de vo tre côté
» une autre c h o f e , cette conventio n n’eil pas un
» contrat d’échange , mais elle renferme une vente
» que j ’ai faite de ma c h o f e , & une dation de la
» v ô t r e , que vous me faites en paiement du prix de
» la mienne *>.
Q u o n jette maintenant les y e u x fur chacun des
aftes dont il s’agit; on reconnoîtra , qu'en même tems,
q u ’il y eil ftipulé que le fie u r M u n ie r paiera au fieur
B la n c 25 00 liv. de r e t o u r , ce qui rie fait encore
q u ’annoncer un échange a ve c foulte , & point une
* L iv . 3 , ch. 5 ,
qu eft, 4 4 ,1 1 ° . a .
* T ra ité du co n tra t
de v e n t e , n ? . 6 17*
�Il
v e n t e , les Parties eft im entau iîî les objets qu'elles fe
cèdent re fp e & iv e m e n t. Eflim ant les Parties : fa v o ir ,
la moitié du domaine remis par ledit M e M unier valoir
1 5 0 0 liv. & la m oitié de celui remis par les mariés
B la n c & M a r tin , valoir 5 000 liv.
C ’eft cette eftimation qui détermine la nature de
ces d e u x a&es , qui en f a i t , même e x t é r i e u r e m e n t ,
on peut le dire , de vrais contrats de vente.
Ici , en effet, il y a quelque chofe de plus q u ’un
«ch a n ge dégénérant en une vente. L ’a & e dont on
p o u rro it parlerainfi, feroit celui où, fans q u ’aucun des
objets aliénés eût é téeftim é , la fomme reçue à titre
de retour par un des C o n t r a â a n s , ferpit cependant
re co nn u e pour fupérieure à la v a le u r de l’im m eu b le
qui lui auroit d’ailleurs éré cédé. C e feroit de c e t
a â ë q u ’il faudroit dire que , la ven te dominant fur
l ’échange , le contrat entier d e v r o it être réputé c o n
trat de v e n t e , l’acceiïoire étant toujours g o u v e r n é
p a r l e principal : ab eo quod prœponderat totus contraclus judicatur.
Il n’en eft pas de m ê m e , l o r f q u e , c o m m e i c i , l’on
a expreifément déterminé le prix de chaque objet.
A l o r s v r a i m e n t , ch aqu e objet n’a point été é c h a n g é ,
mais vendu pour le p r i x q u o n y a attaché. C e l u i qui
vaut moins a été donné en paiement de celui qui vaut
plus , la convention , c o m m e le dit P o t h ie r , riejl pas
lin contrat d'échange , mais elle renferme une vente que
j ’ai faite de ma chofe , & une dation de la vôtre que vous
me faites en ce paiement du p rix de la mienne.
Il f a u d r o it d ’ailleursfe refufer à l 'é v id e n c e pou r ne
�*3
.
pas a ppercev oir par quelle raifon le fieur Blanc & le
fieur M unier ont donné à leur aliénation la cou le u r
d ’un échange. N e fe rappelle-t-qn pas ce t E d it de
1 7 7 0 , rendu fur-tout pou r la P rovince de Mâconnois,
dans laquelle il affranchit, pendant fix ans> les échan
ges « des parties de terrein au-deiTous de dix arpens
» des droits de centieme d e n i e r , & autres droits
» r o y a u x & fe ig n e u r ia u x , à l’exception du droit de
» contrôle fixé à dix lo is, de quelque valeur que
» foient les héritages échangés » ?. C ' e f i : , o n n’en
fauroit d o u t e r , pour profiter de l’exem ption portée
p a r c e t E d i t , que le fieur Blanc & le fieur M u n i e r o n t
préféré la forme d ’un échange, & même d’un double
échange ; parce q u ’un feul eut embrafle plus de d ix
arpens, & eût été fujet aux droits. Ils ont fait ce qui,
depuis 1 7 7 0 , fe pratique dans toute la P r o v in c e du
Mâco nnois. D e p u is cette ép o qu e , il ne fe fait prefque plus d’aliénation à titre de vente. T o u t e s fe font
fous le nom d ’échanges. O n échange , moye nnan t
4 8 8 0 liv. de r e t o u r , un ob je t valant 5000 liv.. contre
lin autre qui vaut quarante é c u s , & l’on ne s en fait
point de icrupule ; on ne craint point d ’être recher
ché , com me a yan t vo u lu frauder les droits du Roi ;
parce q u ’en exécut ion de l’Edit même de 1 7 7 0 , qui
n ’ac corde l’exemption q u ’à la charge,par la P r o v in c e ,
d ’indemnifer la F e rm e G é n é r a l e , il a en effet été
fixé & p a y é une indemnité au Fermier. O n ne le
craint plus fur-tout, depuis que quelques Prépofés
qui avoien t e x i g é les d r o i t s , c o m m e en cas de vente ,
ont re çu des ordres d ’en rendre le montant ; c ’eft ce
�24
qui a encore autorifé de plus en plus les babitans de
la P r o v i n c e à ufer fansréie rv e du bénéfice de l'Edic.
L e fieur M u n i e r , qui eft c o n t r ô l e u r , pourroit le
p r o u v e r par Ton r e g i f t r e , & par tous c e u x de la G é
néralité de B o u r g p g n e dont dépend !e M âc o n n o is :
mais,Mans produire tous ces v o l u m e s , il crc it luffifant de mettre fous les y e u x de la C o u r quatre a â e s
différens qui fourniirent la preu ve la plus c o m p l e t s
& la plus frappante de ce q u ’il avance. Par un de
ces quatre a£èes, le fieur Blanc l u i - m ê m e échan
ge des fonds eftimés 1 0 9 1 l i v r e s , contre une por
tion de bois évaluée 15 liv. ; & il p a y e 1 0 7 7 liv,
de retour.
Sont-ce donc là des échanges ? Ils en portent le
nom ; mais fous ce nom , ce font de vrais contrats de
vente.
I c i , é v i d e m m e n t , le fieur Blanc a ve n d u fon d o
maine de M a c h e r o n 1 0 0 0 0 liv. au fieur M u n i e r , qui
lui en a p a y é 5000 liv en arge nt; & pou r s’acquitter
des cinq autres mille l i v r e s , il lui a cédé fon. domaine
d ’Igé pour une pareille fomme.
C ’eft en vain que le fieur Blanc, après a v o i r d i t , enparlant de ces a â e s produits par le fieur M u n i e r ,
qu on a voulu y déguiferdes ventes fo u s le nom d'échan
ges , perfide à foutenir que les d e u x a&es des premier
& iept A o û t 1 7 7 4 n’ont pas feulement le titre d ’é
changes , q u ’ils en ont aufîi le ca ra& ere ; que
leur donner celui de v e n t e s , ce ieroitles dénaturer.
L ’échange fait a v e c foulte ne cefTe pas p ou r cela
1>A
d çtrç
�d ’être échange ; c ’ëil toujours un contrat différent de
la vente. « L a iîmulation p e u t , à la vérité , être em» p l o y é e p ou r ca ch er une vente fous l’apparence
» d ’un échange ; mais on ne peut pas le dire de l’a & e
» dont il s’a g it , dans lequel il y a réellement d e u x
» domaines échangés ».
Q u e l eil d o n c , nous le d e m a n d on s, l’a&e d e change , même fimulé , où l’on ne cede pas toujours
de. part & d ’autre un immeuble quelconque ? Sans
cela, il n’y auroit pas même fujet d ’e m p lo y e r le nom
d ’échange. C e qui conftrtue la ii m u latio n , c ’eft la dis
proportion entre la valeur de deux immeubles
échangés ; c ’eil 1 énormité delà foulte que l’un donne
& que l’autre reçoit.
A u reile , il n’eft point queilion ici d’a&es fimulés.
L e fieur Blanc & le iieur M u n ie r n’ont point eu l’in
tention de rien faire en fraude de la Loi. En même
tems q u ’ils ont cherché à ufer du bénéfice de l’E d i t ,
ils ont cru s y être fuffifammentconformés ; & ce qui
s’étoit déjà paiTé fous leurs y e u x les autorifoit à le
croire.
T o u t ce qu ’il faut v o ir i c i , ce font deux a&es qui
ont le nom d’é c h a n g e s , mais qui ont en même tems
tous les carafteres de la vente. 11 a été mis de part
& d ’autre un prix aux chofes cédées, & toute ceilion
f a it e , m o ye n n an t un p r i x , eft une vente. V o i l à l’idée
fimple & V r a i e à laquelle toute cette difcuffion doit
fe réduire.
Maintenant', & f i , au lieu d’iin é c h a n g e , c ’e il
une double vente qui a eu lieü entre Je iîeur M u n ie r
D
�z6
& le fieur Blanc, fi cc dernier eft v e n d e u r du domaine
de M a c h e r o n & acqu éreu r du domaine d’Igé, quelle
eft la con féq u ence qui en r e f a i t e , d’après les prin
cipes qu'on a e x p o f é s , fur le m o y e n de reftitution
tiré de la léfion ?
L e v e n d e u r , a-t-on d i t , a-t-on d é m o n t r é , eft le
feul qui puiiïe pro pofer ce m o y e n . N i la lettre , ni
l ’efprit de la L o i , ne perm ettent à l’acheteur de s’en
p révaloir. A i n f i , que le S r Blanc le préfente c o m m e
v e n d e u r , relativement à l’ob je t q u ’il a v e n d u ; c ’eftâ-dire , au domaine de M a c h e r o n : mais q u ’il ne le
faiTe pas valo ir à l’égard de celui qu ’il a acheté, à l’é
gard du domaine d ’Igé. C e domaine ne doit donc pas
etre eftimé : il nTy a que celui de M a c h e r o n dont on
d o i v e ordonner l’eftimation ,afin de favoir fi cet im
meuble , cédé pour j o o o o liv. en valoit plus de
v i n g t , quand il a été aliéné.
Ici encore on é p r o u v e , de la part des Sie ur &
D a m e B l a n c , la réfiftance la plus v i v e , mais non pas
la m ie u x m o tiv é e .
Q u a n d il feroitpoiTible, fuivant e u x , d ’admettre
ici la fubftitution de la vente à l’échange , on nq.
pou rro it toujours point em p ê c h e r le v e n d e u r , qui
fe prétend léfé , de faire eftimer a v e c fa ch ofe celle
q u ’il auroit reçue pour partie de la va leu r de cette
chofe. A u t r e m e n t , & tant qu ’il feroit incertain c o m
bien il a reçu en échange de fon i m m e u b l e , on ne
fauroit pas s’il a été réellement trompé. L e fieur
M u n i e r , fi l’on en croit fes a d v e r f a i r e s , fait de vains
efforts p ou r éluder cette vérité. Il obfe rve que le
�prix étant une fois con ven u en argent , la maniéré
de le p a y e r eft indifférente pou r la lefion ; que , pour
la calculer , ou ne doit pas confidérer Ci les objets
donnés en paiement au vendeur valoient ou non le
prix qui lui étoit dû.
« Mais il ne s’agit pas d ’un a â e dans lequel on ait
» ftipulé un prix en a r g e n t , dont une partie ait été
» p a y é e en un immeuble. Les Parties ont échangé
» deux d o m a in e s , & elles ont fuppofé que l’un des
» deux valoit 5000 liv. plus que l’autre , raifon
» pou r laquelle il a été convenu d ’une foulre de
» 5000 liv. qui a été p a y é e en a r g e n t . . . . On n a
» mis aucun p rix au domaine de M acheron, on l’a
» é c h a n g é , & non pas vendu ; on l’a échangé contfe
» un domaine de moindre v a l e u r , & c ’eit parce
» q u ’on a porté la différence à 5000 liv. qu'on a
» fixé la foulte à cette fomme. M a is J i les valeurs
» des domaines ont été fixées arbitrairement, & d’ une
» maniéré injuite , fi le domaine de M achero n a été
» porté beaucoup trop bas & celui d’ig é beaucoup
» trop h a u t , c'eil une double léfion pou r le fieur
» Blanc. Il faut donc connoître la vraie valeur des
» deux domaines; cela eft clair com me le jo u r » .
Il faut en effet que c e raifonnement ait paru bien
clair & bien frappant aux y e u x des A dverlâir es, car
ils n’en préfentent pas d ’autre ; c ’efl toujours cet ar
gum ent qui fait le fond de leurs réponfes.
Mais ils feront fans doute les feuls auprès defquels
il opérera la c o n v i â i o n ; tout autre qu’eux n’y
verra au contraire que l’inconféquence la PIus c^0'
D ij
�2.8
quanre ; tout autre remarquera com bie n il y a peu
de rapport entre la propoiition , au foutien de la
quelle ils préfentent ces r é f l e x i o n s , & ces réflexions
même. L e u r but étoit de p r o u v e r q u ’en transformant
mê m e l’échange en v e n t e , il faudroit t o u j o u r s , afin
d ’ap précier la léfion dont fe plaint le v e n d e u r , eftim er a v e c la chofe q u ’il auroit cédée celle q u ’il auro it reçue p ou r partie de fa valeur ; & c ’eft pou r d é
mon tr er cette propoiition q u ’ils difent « q u ’il ne
» s’agit pas d’un a a e dans le que l on ait itipulé uii
» prix en a r g e n t , dont une partie ait été p a y é e en
» im m e u b le s , qu ’on a échangé , & non pas ve n d u
» le domaine de M a c h e r o n , q u ’on l’a échangé
» contre un domaine de moindre va leu r ». . . .
M a i s , n’o n t - i l s donc point apperçu com bien leur
p r o c é d é bleiTe les réglés du raifonnement ? E n d e u x
mots le voilà : quand, i l Jeroit quejlion d'une vente . . .
M a is i l s'agit d'un échange & non pas d'une vente ;
donc , &c. Q u e l l e logiqu e !
R e n tre r o n s -n o u s, a v e c les adverfaires , dans la ditcufîîon q u ’ils vo udroie n t prefqu’engager de n o u
veau , iur le point de favoir fi c ’eft un échange ou une
v e n t e que renferment les a â e s des prem ier & 7
A o û t 1 7 7 4 ? O n n’en v o it pas la néceiîité : ils ne
donnent aucune n ou velle raifon pou r faire cro ire
que ce foit un échange. On n a mis, difent-ils , aucun
p r ix au domaine de Macheron. E t , q u ’eft-ce que c ’eit
donc que l’eftimation qui en a été faite, qui a été
portée à 10000 liv. ? L e s S r & D a m e Blanc avoienc
cTabord infinué que c ’étoit p o u r fixer la perception
des droits R o y a u x q u ’elle a v o i t été faite. O n leur a
�.
,
préfenté l’Echt cTe 1 7 7 0 , & ils n ont plus inililé ; cîc
maniéré q u ’a ujo u rd ’hui l’on 11e fauroit c q u i v o q u e r
fur Je but de cette eftimation. En la faifant pour c h a
que d o m a in e , c ’ef tle prix que les Parties attachoient
à chaque domaine q u ’elles ont vo ulu fixer.
M a i s , pourfuit-on , f i les valeurs des domaines ont
été fixées arbitrairement, & d'une maniéré injufte , ne
faut-il pas ch e rch e r à en connoître la vraie valeur ?
Mais, on le demande aux Adverfaire s, fi quelqu’u n ,
par un prem ier a â e , avoit cédé Ton bien pour une
f o m m e , que par un autre il eût reçu en paiement de
toute ou de partie de cette fomme un i m m e u b l e ,
dont la valeur auroit été déterminée , l’écouteroito n , lorfquefe plaignant d’avoir été léfé , & deman
dant qu a l’effet de conftater jufqu’à quel point il l’a
été , le domaine qu ’il auroit cédé & celui qui lui a u
roit été cédé fufient également eilim és; il diroit ,
c om m e dit aujourd'hui le fieur B l a n c , J i les valeurs
des deux domaines ont été fixées arbitrairement, & d ’une
maniéré injujîe , il fa u t chercher a en connoître la vraie
valeur ? N o n , fans doute , on l’o u t i e n d r o i t , & l ’on
feroit décider fans peine qu ’il n’y a que l’immeuble
par lui vendu ou cédé qui d oive être eflimé ; qu'à
l ’égard de l’autre qui lui eft parvenu par la voie de la
dation en p a ie m e n t, il en eft a c q u é r e u r , & que ,
quand il l’auroit acheté trop c h e r , il ne pourroit pas
s’en plaindre. C e langage, on feroit aufïi en droit de
le t e n ir , quand ce feroit urumême a â e qui contiendroit & la ceffion & la dation en paiement.
Il n’y auroit donc ici que la forme extérieure de
�l ’a&e qui favo rifer oit le ii eu f Blanc ; car on a déjà
fait v o i r q u ’à cette forme près tout y caraûérife la
ven te ou la dation en paiement ; & tant que le fieur
Blanc fe contentera d ’aifurer le c o n t r a i r e , fans jamais
le p r o u v e r , il ne fera que fe co nfum er en paroles
inutiles.
O r , que fait, q u ’importe cette forme e x té rie u re ,
• lorfqu’à travers on d é c o u v r e auffi aifëment le fon d ?
N ’eft ce pas à ce f o n d , c o m m e à la r é a l i t é , q u ’il faut
toujours s’attacher ? D è s - l o r s , point de différence
intrinfeque entre l’efpece attuelle & l’efpece iu p p o f é e ; la conséquence doit être la même dans l’une
que dans l’autre.
L e iieur M u n i e r d e v r o it terminer ici fa défenfe. Il
a démontré le double v ic e de la Sentence dont il eft
appellant. D ’un côté l’on auroit dû prefcrire l’eftimation , eu égar d au tems de l ’aliénation , & on ne l’a
pas fait. O n a ordonné d’un autre côté l’eftimation
des d e u x d o m a in e s , & il n’y en a q u ’un f e u l , le d o
maine de M a c h e ro n , cédé par le fieur Blanc , qui
foit dans le cas d’être évalué. Point d ’évaluation à
faire du domaine d ’ï g é , dont ce dernier eft a c
quéreur.
P o u r lui ô te r cependant ju f q u ’au p rétexte de fe
plaindre à c e t égard , le fieur M u n i e r lui a f a i t , d e
puis le Juge ment, une offre q u ’il p o u v o it aflurément
fe difpenfer de faire. Il lui a pro pofé de iubftituer à
c e domaine , qui lui a été donné en paiement de
5000 liv. cette mêm e foin me de 5000 livres en
argent.
�N o u s terminerons par quelques r e f l e x i o n s , qui
auront pour ob je t de répondre à la critique q u ’on a
pu faire de cette proportion.
R
é f l e x i o n s
S u r l ’offre de fubjlituer 5 000 liv. en argent au domaine
d'Igé. '
CE TT E offre dégénéré, dit-on, en une augmentation
de p r i x , dont le but eft tout à la fois, & de diminuer
la léiion , afin qu ’elle ne foit plus d’outre-inoitié, &
de difpenfer le fieur M u n ie r d'offrir le fupplément
entier du jufte prix.
Point du tout : le fieur M unier n’augmente point
par-là le prix qu’il a donné du domaine de M a cheron. C e p rix eil toujours de 10000 livres ; pour
l ’a u g m e n t e r , il faudroit qu ’il offrit de donner ou
onze ou douze mille livres , & ce n’eft pas là ce
q u ’il fait. S e u l e m e n t , com m e il n’a compté que la
moitié de ce prix en argent, & q u ’à l'égard de l’autre
moitié il l a acquittée avec un immeuble , eftimé
5000 liv., il offre aujourd’hui de réalifer encore cette
moitié en arge nt, & de reprendre l’objet q u ’on pré
tend valoir moins de 5000 liv. pourvu qu ’on le lui
rendedans le même état. C e n’eil point le prix en luimême , c’eft le paiement du prix que ceci regarde.
L e fieur Blanc fe plaint de ce qu ’on a fait entrer clans
ce paiement un effet inférieur à la va leur qui Jui a
�51
été donnée. P o u r faire ce fler fes plaintes on confent
de le reprendre & de lui c o m p t e r la va le u r mêm e.
Faire une pareille p r o p o f i t io n , n’eft pas non plus,
de la part du fieur M u n i e r , c h e rc h e r à affoiblir le
m o y e n de léfion. L a léiion fe calcule en raifon du
prix de la v e n t e , & non pas en raifon de la va leur
que peut a v o i r un effet donné en paiement de ce prix.
C e m ot ré po n d à tout.
Monfieur £ A R B I E R
D'INGRE VILLE,
Rapporteur.
M e B O U Q U E T D E L A M A R C H E , Avocat.
F a r é , Pro c u re u r ,
CONSULTATION,
�CONSULTATION.
î
j E C O N S E I L Souffigné qui a lu le M é m o i r e
imprimé p our les Sieur & D a m e M u n i e r ,
E s t d ’ a v i s qu’ils font bien fondés dans leur
appel.
S u r le premier g r ie f : il eft certain q u ’en matiere
de léfion , & pour la c o n f t a t e r , c ’eft la valeur des
b i e n s , au moment où ils ont été aliénés , q u ’il faut
uniquement confidérer. C ’eft donc cette valeur qu ’on
doit prefcrire aux Experts de déterminer ; & il eft
p r o u v é par le M é m o i r e que tel n’eft point l’e f p rit d e
la S e n t e n c e , dans la difpoiition qui a ordonné l’eftimation.
S u r le fécond g r ie f : on n’a pas feulement ordonné
l ’cftimation du domaine cédé par le iieur Blanc au
fieur M unie r : on a auiîi ordonné celle du domaine
céd é par celui-ci au f i e u r B l a n c ; & l’on ne devoit
pas le faire.
Si c ’étoit vraiment un échange qui eût été c on fommé entre ces deux Particulie rs, ni l’un ni l’autre
ne devro ient être admis à l’attaquer , fur le fonde
ment de la léfion. C e m o y e n de reftitution a eu pour
bafe une préfomption de droit que celui qui a aliéné
fon immeuble a voit été forcé p a r l e r a i de fes affaires,
�^
•
r
x
l ’appliquer q u ’à un v e n d e u r ; il eft étranger à un
éch ang ifte. .
M ais il n’y a ici de l’échange que le nom & la
forme extéri eure . A u f o n d , & quant à leur fubftanc e , les actes dont il s’agit font des act e s de vente. O n
y v o it que les d e u x domaines ont été e f t i m é s , l’un
1 o o o o l i v r e s , l’ autre 5000 livres ; d’où il eft réfulté
qu e ce dernier domaine a fait fonction de prix ; il a
été donné pour une f o m m e fixe , en paiement du p r i x
de l’autre domaine. C e font là des caracteres de
vente.
E t dans cet é t a t , le m o y e n de léfion ne peut être
p ro pofé par le fieur Blanc qu ’à titre de vendeur , &C
q u ’à raifon de l’objet dont il eft vendeur. L ’im meuble
c é d é par lui p ou r 10000 l i v . , vaut-il plus de 1 0 0 0 0
livres ? C ’ eft uniquem ent là ce q u ’il s’agit de v é r i
fier , p our favoir s’il a été léfé d ’outre-moitié. O n
n’a point à re c h e rc h e r la va le ur réelle de l’ im meuble
qui lui a été donné en paiement d’une moitié de fon
p rix. L o in d ’être ve n d e u r à cet é g a r d , c ’eft lui qui eft
achete ur ; & jamais l’acheteu r n’eft admis à a llé g u e r
la léfion,
A u r e f t e , l ’o f f r e que fait le fie ur M u n i e r de
reprendre cet i m m e u b le , & de le r e m p l a c e r , en
c om ptant au fieur Blanc la fo m me de 5000 liv. p o u r
laquelle il le lui avoir c é d é , défintéreffe e n t iè r e m e n t
c e dernier.
D élibéré à Paris , le 2 7 Juillet 17 8 0. L e G O U V É .
P c l’imprimerie de L. C E L L O T , rue Dauphine, 1780,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_V0102_0001.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Munier. 1780]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Barbier d'Ingreville
Bouquet de La Marche
Faré
Le Gouvé
Subject
The topic of the resource
échanges
soulte
experts
lettres de rescision
doctrine
estimation
domaines agricoles
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Munier, notaire royal à Lugny, et sa femme, appellans : Contre le sieur Blanc, notaire royal à Cluny, et sa femme, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de L. Cellot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1780
1766-1780
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0119
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0118
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53994/BCU_Factums_V0119.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Machuron (domaine de)
Igé (71236)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
doctrine
domaines agricoles
échanges
estimation
experts
lettres de rescision
soulte