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MÉMOIRE
EN
P O U R M. Antoine
«■
REPONSE,
BERARD D E
C HAZELLESCOUR ROYALE
L A B U S S I È R E , intim e;
DE IUO1M.
CONTRE
i ro c h a m b r e .
M M . J acques S O U B R A N Y D E B É N IS T A N T
et P i e r r e F A R R A D E S C I I E D E S R O N Z I È R E S ,
appelans et défendeurs en garantie;
E
C O N T R E D am e M a r i e -CarolineLACOSTE
^
veuve de M Jean-Jacques R i x a i n , D octeur en
t
m édecine, tutrice d e ses enfans m in eurs
aussi
intimée et appelante
E T EN PRÉSENCE
D e M adame de C H A M P È T I È R E 3 veuve de
M . P e n a u t ie r ; épouse, en deuxièm es noces, de
M . Ramond, tuteur des mineurs P e n a u t i e r , ayant
pris le f a i t et ca u se, et garans de M . B e r a r d de
C ha z e l l e s , intim é
préférence
a
L
respectivement demandée par deux
acquéreurs du même immeuble, faisait d ’abord la seule
difficulté de cette cause, et en est encore aujourd’hui
l ’unique objet.
�Une vente authentique, consentie par madame dèf
Ramond ou son fondé de pouvoirs, a transmis à
M. Berard de Chazelles la propriété de la moitié du
domaine de Ncufond. L e sieur Rixain a voulu se
mettre en concurrence avec ce premier acquéreur, et
a produit une vente, sous seing privé, de la totalité
du même domaine , vente q u ’il aurait reçue de
MM. Soubrany-Bénistant et Farradesche des Ronzières.
L ’enregistrement de cette seconde vente est
postérieur à la date de celle de M. de Chazelles ;
mais comme l ’acle sotis seing privé a d’ailleurs une
date a n t é r i e u r e à c e l l e de l ’ a c t e authentique, le sieur
Rixain soutenait que son acte devait a v o i r l a p r é f é
rence sur celui de M. de Chazelles, soit parce q u ’il
était le premier en possession du domaine de Neufond,
soit parce que M. de Chazelles, connaissant la pre
mière vente à l ’époque de son acquisition, ne pouvait,
sans d o l ou mauvaise f o i , acheter un immeuble q u ’il
savait déjà vendu à un autre; d ’où il tirait la consé
quence que la date de la vente devait être considérée
comme certaine à l ’égard de M. de Chazelles , qui
n ’était cependantqu’ un tiers, tout comme elle le s e r a i t
vis-à-vis de MM. Soubrany-Bénistant et Farradesche,
scs vendeurs.
L ’imagination fertile du sieur Rixain lui fournit
bientôt les moyens propres à soutenir son système ;
quelques faits supposés ou dénaturés lui servirent de
prétexte pour invoquer des maximes anciennes, abro
gées ou changées par notre nouveau Droit; et bientôt,
aveuglé par son intérêt, il en vint jusqu’à méconnaître
�( 3 )
ce q u ’il devait aux autres et à lui-même, en se livrant
à des imputations et à des déclamations que M. de
Cliazelles dut dédaigner.
L a vente consentie à M. de Cliazelles par le fondé
de pouvoirs de madame de Ramond, avait été approu
vée par cette dernière et celui de ses enfàns qui avait
atteint sa m a j o r i t é . M. de Cliazelles ayant l a i t con
naître sa positionna cette dame, elle s’empressa de
prendre son fait et cause. Le sieur Rixain appela à
son tour ses vendeurs, en garantie ; et dès-lors de
nouvelles parties durent prendre part à une contesta
tion qui leur devenait personnelle, et dont elles de
vaient supporter tout le poids.
L a q u e s t i o n de propriété de l ’immeuble vendu fut
alors agitée entre madame de Ramond, représentée
par M. de Cliazelles, et MM. de Bénistant et de
G r o m o u t , qui avaient vendu au sieur Rixain.
Madame de Ramond, ou M. de Cliazelles, son ac
quéreur, soutenaient que le domaine deNeufond étant
un immeuble indivis entre différons copropriétaires ,
chacun avait eu le droit de vendre sa portion , mais
q u ’aucun d ’eux ne pouvait avoir la faculté d’excéder
son amendement, et de vendre ce qui ne lui appar
tenait pas. Elle ajoutait q u ’il était p r o u v é e t reconnu,
même par MM. de B é n i s t a n t ct.Farradesclie, qu e, par
des ventes antérieures à celle de M. de Chazelies et
celle de Rixain, qui lui est postérieure, ils avaient
déjà disposé de leur portion dans l'immeuble
com m un
et indivis, tandis q u ’elle-même, en vendant à M. de
Cliazelles ,
s’était
restreinte
à sou amendement ,
�(4 )
q u ’elle n’avait pas même épuisé. Madame de Ramond
tirait de-là la conséquence q u e , dans tous les cas, la
vente de M. de Chazelles devait être respectée comme
ém a n a n t d u 'véritable p r o p r ié ta ir e , et obtenir la pré
férence sur celle consentie au sieur Rixain par d es non
p rop riéta ires.
Pour répondre à ce moyen, MM. de Bénistant et
Farracïesche recherchaient l ’origine«de la propriété de
ÜNeufond. Suivant eux , cet immeuble n ’ éta it p o in t
simple p r o p r ié té in d iv ise entre particuliers, mais bien
un objet dépendant d ’ une su cce ssio n à p a rta g er entre
cohéritiers.
De là ils inféraient :
i° Que la demande, formée par M. de Chazelles
contre le sieur Rixain , était mal "intentée ; q u e ,
comme représentant madame de Ramond, il ne pou
vait avoir d ’autre action que celle en partage ; que
cette action devait être dirigée contre tous les héri
tiers, et comprendre tout ce qui composait la suc
cession à partager; q u ’ainsi, sous ce premier rapport,
la question de préférence à accorder à l ’un des deux
acquéreurs devait être renvoyée à l ’événement du
partage;
2° Que l ’immeuble ne pouvait être partagé sans
éprouver une perte notable; q u ’ainsi il y avait lieu
à licitation d ’ un objet q u i , dans aucun cas, ne devait
être démembré par un partage ou des ventes partielles;
' 3° Q u e , comme cohéritiers de madame de Ramond,
ils avaient la faculté d ’écarter M. de Chazelles du
partage,
par l ’excicice de l ’action en subrogation,
�( * )
J
action qui ¿lait tVailleurs d’autant plus favorable
que M. de Cliazelles était acquéreur de droits litigieux*
MM. de Bénistant et Farradesche soutenaient ensuite
qu ’ils avaient vendu au sieur Rixain, comme fondés
de pouvoirs de madame de Ramond; que celui qui
au nom do cette daine, avait transmis à M. de Clia
zelles la propriété de la moitié du domaine de Neuibnd
ou n ’avait point de mandat à cet effet, ou en avait
excédé les termes; q u ’eniin ce prétendu fondé de pou
voirs de madame de Ramond aurait été trompé par
M. de Cliazelles, qui^ pour obtenir une vente, lui
aurait laissé ignorer celle préexistante du même objet,
consentie par
de benisiaiit et luimiJoscho nu sieur
R i x a i n , m a l g r é t ou te foi s la connaissancepersonnelle q u ’il
en avait. Sous ce dernier rapport, les trois adversaires
de M. de Cliazelles et de madame de Ramond réunis
saient leurs efforts p o ü r faire accorder la préférence à la
vente consentie au sieur Rixain.
MM. de Iiénistant et Farradesche s’étaient mépris
sur les faits de la cause; ils les avaient présentés
d ’ une manière si erronnée et si incomplète, q u ’il était
facile, en les rétablissant et leur donnant la seule et
véritable interprétation q u ’ils puissent recevoir, de
prouver q u ’ils conduisent à des r é s u l i a t s tout opposés
à ceux que ces M e s s i e u r s e n ont voulu tirer : aussi
l ’invention des moyens répond-elle à l ’exposé des faits.
Les appelans ont examiné une foule de questions qui
ne se présentent pas, et se sont encore mépris sur les
principes qui doivent servir à résoudre celles qui
naissent réellement des faits de la cause.
�M . de C h a z e ll e s a réussi en première instance. P o u r
répondre a u x d e u x Mémoires distribués sur appel par
la dame v e u v e Iiixain et
les sieurs de B é n i s t a n t et
F a r r a d e s c h e , il se contentera d ’ int erroger, avec la plus
gran de
a t t e n t i o n , les faits d u
procès,
et d ’é ta bl ir
ensuite trois propositions , a u t o u r desquelles v i e n d r o n t
se ranger les n o mb reu ses objections ( b i e n
faciles à
d é t r u i r e ) de ses adversaires.
L a p r e m i è r e . — Q u e , le do m a in e de N e u f o n d é t a n t
line propriété indivise entre p a r t i c u l i e r s , et non u n
objet dépendant d ’ une succession à p a rtag er entre
c o h é r i t i e r s , u n cles copropriétaires de cet i m m e u b le a
p u ve ndr e sa p o r t i o n , sans q u e
son a c q u é r e u r
fût
soumis à exercer u n e action en p a r t a g e , à souffrir u ne
l i c i t a t i o n , et f u t exposé à F a ct io n en subrog ati on.
L a seconde . — Q u e , sous le C o d e c i v i l , la propriété
d ’ un
immeuble
ét an t
transmise à
l ’a cq u é re u r par
l ’effet seul d u c o n tr a t de v e n t e , et sans q u ’il soit
besoin d u concours de la t rad it ion ou de la t ra n sc ri p
t i o n , u ne ve n te sous seing privé ne p e u t être opposée
a u x tie rs , q u ’a u t a n t q u e sa da te serait assurée par les
moyens ind iqu és par la l o i ; q u e ce lu i q u i a négligé de
p re n d r e ces p r é c a u t i o n s , ou n ’a pas s o n g é à assurer lai
dat e de son t i t r e , n ’est p oi nt p r o p r i é t a i r e , et ne p eu t
accuser de fr aude le tiers q u i , prof ita nt d ’ u n avantage
q u i l u i était offert par la l o i , a u r ai t acquis l ’i m m e u b l e
par u n acte a u t h e n t i q u e ,
régulier et t ra ns la tif de
propriété.
La.
tro isièm e
.
— Q u e , sous les anciens p r in c i p e s , la
tradition , pe nda nt le droit inte rm éd ia ire la transcrip -
�( 7 )
î.
lio n , e t , sous le Code civil, le titre s e u l, ne transfé
rant la propriété, qu'autant que la vente aurait été
consentie par le véritable propriétaire j et , dans
l ’espèce, le seul propriétaire de l ’immeuble vendu
étant madame de Ram om l, M. de Chazelles, son
acquéreur, doit obtenir la préférence sur le sieur
Rixain , qui , sous aucuns rapports, ne peut se
plaindre ou argumenter de la connaissance que M. dû
Chazelles aurait eue d ’une vente antérieure à la sienne,
émanant d ’un vendeur qui n’était pas propriétaire.
Les développemens et les détails dans lesquels on
sera obligé d ’entrer détruiront, an reste, les alléga
tions, les insinuations et les ré Licences r/ne l ’an a cru
pouvoir s e jjerme u r e c o n t r e JYT. de Chazelles, et aux
quelles il a dit être sensible. Cependant, en y répon
dan t, il n’oubliera point que l ’honneur même lui
impose la loi de respecter les adversaires q u ’il
obligé de combattre.
est
FAITS.
Le domaine de Neufond faisait partie de la terre de
Saint - Agoulin , dépendant de la succession de ma
dame de Chazerat, ouverte en i 8o5 . C o m m e c’est en
q u a l i t é d ’ h é r i t i e r s d e cette c l a m e , et par suite du
partage de sa succession, que les vendeurs respectifs
de Mi\l. de Chazelles et Rixain ont obtenu la propriété
indivise de cette terre, quelques détails sont indispen
sables pour apprécier la nature du titre et reconnaître}
lus droits d^chacun de ces vendeurs.
�(8)
Madame de Chazerat avait disposé de son immense
fortune par cinq lestamens et codicilles, oil, après
avoir fuit différons legs, soit à litre particulier, soit
à titre universel, elle donne à M. de Chazerat , son
époux, outre l’ usufruit de tous ses biens, lu propriété
de son mobilier et .créances; e t , q u a n t ¿1 la p ro p n é lé
d e ses im m e u b le s , voulant q u ’ils retournent à ceux
de ses parens qui descendent des estocs desquels ils
lui sont parvenus, elle les donn e ii chacun de ses pa
rens de la b ran ch e de ses a j e u l et a y e u le p a ter n els et
<le celle de son a y e u le m a te r n e lle , qui seraient en
ordre de l u i s u c c é d e r s u i v a n t les règ les de la j'cprcscntation à V in Jin ij telle q u ’elle avait l i e u d a n s la
c i-d e va n t C o u tu m e d ’A u v e r g n e > pour lesdits biens
être partagés entre les trois branches, au m arc la
liv re de ce qui lui était parvenu, et être ensuite sub
divisés suivant les mêmes règles.
Cette disposition testamentaire appelait au partage
de la succession de madame de Ch azerat, i° les des
cendant de Jean Rollet, ayeul paternel, dont la tes
tatrice avait reçu les domaines de Mirabelle ; 20 les
descendans de la dame V ig o t , ayeule maternelle, qui
avait a p p o r t é u n e c o n s t i t u t i o n dotale de i5,ooo ir. ;
3° les descendans de G il b e n c G r o s , ayeule mater
nelle, qui avait transmis à la dame de Chazerat les
domaines d ’Entraigue et de Jpse; mais la même dis
position excluait un quatrième estoc, celui de JeanMarcelin, q u i , n’ayant possédé aucuns biens
et n ’ayant rien transmis à. la testatrice, ne pouvait
prendre part à sa succession,
,
Philibert
\
�( 9 )
T
Les biens propres à la testatrice, ou à elle provenus
de son père, et qui devaient faire, entre les trois
estocs favorisés, l ’objet d ’un partage au marc la livre
étaient la terre de Saint-Agoulin, les domaines et pro
priétés de Ménétrol, les bois d ’Aubusson, les meubles
et créances.
Ce testament devait donner lieu à des difficultés
sérieuses, et faire naître de longs procès; aussi le par
tage de la succession ne put-il avoir lieu q u ’en 181G,
c’est-à-dire onze ans après son ouverture.
Pendant ce tems, les trois estocs favorisés par le
testament de madame de Chazerat eurent 'a répondre
à une demande en n u l l i t é f o v n i a c p a r l ’astoc e x c l u ,
cle Marcellin, qui soutenait que la disposition testa
mentaire était en contravention formelle avec le Code
civil, qui défend de s’en référer, en termes généraux,
aux dispositions d ’une Coutume abrogée, et de les
prendre pour règle de la dévolution de ses biens.
Ce premier procès terminé , les trois estocs appelés
se divisèrent, et plaidèrent entr’eux.
D ’abord l ’estoc Rollet voulut faire appliquer aux
descendans de Gilberte Gros la forclusion, avec toutes
les règles de la Coutume d’Auvergne, ce qui donna
lieu à des débats t r è s - l o n g s e t t r è s - s é r i e u x .
Plus tard, chaque estoc éleva des difficultés sur le
mode de partage au marc le franc ; chacun interpré
tait cette disposition du testament suivant ses intérêts,
présentait un mode de partage différent de celui qui
était proposé par les autres estocs; et ces points ne
3
�furent ni les moins longs ni les moins difficiles à
résoudre.
Enfin il fallait se régler avec M. de C hazerat, rela
tivement à l ’usufruit des immeubles, au don du mo
bilier et des créances, qui lui avaient été légués par
madame son épouse, et aux avances q u ’il avait faites
pour la succession, dont il avait payé tous les droits.
Il paraît q u ’à cet égard il y eut, entre les héritiers
et M. de Chazerat, des conventions particulières, par
suite desquelles les bois d ’A u b u ss o n , le s rentes} e jje ts
p u b li c s j et autres c r é a n c e s , n ’ont p o in t é té com p ris
d a n s le p a r ta g e q u i a eu lieu entre toits le s héritiers
testam entaires d e m ad a m e de C h a zc r a t.
On sent que les affaires d ’une succession qui pré
sentait tant de prétentions diverses de la part des
héritiers, dont les bases du partage étaient méconnues
et contestées, qui enfin offrait de si nombreuses diffi
cultés dans sa liquidation, ne pouvaient être surveillées
et suivies par chacun des nombreux héritiers composant
les trois estocs appelés par le testament de madame de
Chazerat : aussi voit-on que, dès l’origine, chacun de
ces estocs se choisit un procureur fondé, spécialement
chargé tle d i r i g e r et surveiller, dans son intérêt, les
affaires de la succession.
L ’estoc R o llet se divisait en deux branches, ayant
chacune un droit égal à la portion que l ’estoc pouvait
amender dans la succession de madame de Chazerat;
i° la branche d ’Àmable Rollet, représentée au partage
par les familles Davaux et Cadier-Devauce ; 2° la
branche de Gilbcrie R o llet, qui avait épousé M. Amable
�( 11 )
Soubrany, se divisant elle-même en deux branches
l ’une, celle d ’Amable Soubrany, second du nom,
époux d ’une demoiselle de B én o g u ct, d ’où descendent
les familles V oisin sj M a lle i'c t et P e n a u lie r , ce der
nier représenté par M. de Chazelles; celle d ’Amable
Soubrany, troisième du nom, d ’où proviennent les
maisons Archon-Despérouses 3 de B én istan t, de Lauzanne et de Gromont 3 représentées, au procès, par
M. Rixain.
Ces deux dernières branches avaient des intérêts abso
lument communs; et comme les descendans Bénaguet
habitaient le Languedoc , et que les représentans Farradesche étaient tous établis à R lo m , lien do l ’ouver
ture de la s u c c e s s i o n de madame de Chazerat, il était
naturel que des cohéritiers dont les droits et les pré
tentions étaient semblables, fissent cause commune et
agissent de concert et dans le même sens, en donnant
leurs pouvoirs à ceux d ’entr’eux qui étaient le plus
à portée de surveiller les affaires de la succession.
Ces préliminaires étaient indispensables pour péné
trer le véritable sens et assigner l ’étendue des lettres
et procurations produites par MM. de Bénistant et
Farradesche, et dont ils ont voulu faire un si singulier
usage.
E n lisant ces pièces, on remarque d ’abord que
M. de Bénaguet-Penautier était celui des héritiers de
la branche Bénaguet, qui s’occupait le plus activement
des affaires de la succession de madame de Chazerat,
et qu ’il avait même la confiance' de madame Voisins
et de M. Malleret, ses cohéritiers. La raison de cela
�( 12 )
se trouve dans le mariage que M. Bénaguet de Penautier avait contracté avec mademoiselle de Champétière,
alliance qui devait rendre plus fréquentes et faciliter
ses relations avec la ville de Riom , lieu du domicile
et siège des affaires de la maison de Champétière.
Aussi voit-on par les pièces produites, que M. Bé~
naguet de P en a u tîer, faisant tant pour lui que pour
madame V oisins et M. M a lle r e t, donna, le 10 jan
vier 1806, une procuration sous seing privé, à M. de
Bénistant, portant simplement pouvoir de fa ire toutes
les démarches nécessaires pour la succession, de payer
les d r o i t s p r o p o r t i o n n e l s , de retirer quittances.
Mais les difficultés commençant h n a î t r e , e t l e s p r é t e n
tions du représentant de l ’estoc exclu étant connues,
M. de Bénistant sentit la nécessité d ’obtenir des pouvoirs
nouveaux et plus étendus : ils furent demandés ; et
bientôt deux procurations, l ’une du 23 février 1806,
adressée par madame V oisin s, habitant à Carcassonne,
l ’autre, du 26 du même mois, envoyée par M. M a l
leret , domicilié à T o u lo u se} arrivent à M. de Bénis
tant. Ces deux procurations, qui ne sont autre chose
que la copie d ’un protocole de notaire, et q u i , malgré
la d i s t a n c e d e s domiciles des constituans, s o n t l ’image
fidelle et 1’ expédition t e x t u e l l e l ’ u n e d e l ’autre, con
tiennent, comme 011 le pense bien, les pouvoirs les
plus absolus et les plus illimités. Ainsi le procureur
fondé doit prendre connaissance des biens composant
la succession, faire les actes conservatoires , requérir
Y apposition et la rémotion des sce llé s, assister à Y in
ventaire 3 faire procéder au partage, se mettre en
�possession d es lo ts, e t c ., traiter sur Y u s u fr u it, p la id e r ,
transiger............. ; et c’est au milieu de tout cela que
l ’on lit que le procureur fondé pourra v e n d r e , soit
a v a n t , soit après p a r t a g e , la p o r t i o n du c o n s t i t u a n t ,
et c o n s e n t i r , s ’ i l est besoin , a u x v e n t e s q u i a u ra ien t
é t é d é jà f a i t e s , ou q u i le s e r a i e n t p a r d ’a u t r e s
HÉRITIERS.
Dans le même tems, et le i 3 mars 18 1 2 , M. Bénaguet de Penautier envoyait aussi à M. de Bénistant
une nouvelle procuration sous seing privé, contenant
à peu près les mêmes pouvoirs,
et permettant d e
v e n d r e , ou d on n er to u t con sen tem en t à d es v e n te s q u i
a u ra ien t é té ou q u i seraient f a i t e s p a r le s autres
co h éritiers ou
d roit (lcl11S Icichtc SUCCCSSIOll•
On sent assez que ces procurations n ’avaient d ’autre
objet que celui de donner au mandataire tous les pou
voirs qui lui étaient nécessaires pour repousser les
prétentions contraires aux droits de l ’estoc Rollet,
hâter ou faciliter les opérations du partage, en ven
dant même, s’il en était besoin, le s d ro its s u c c e s s ifs
des constituans, ou en consentant aux ventes qui
au r ai en t déjà été ou seraient faites de leurs droits par
d ’autres héritiers ; mais q u e , sous aucun rapport, ces
pouvoirs ne pouvaient s’étendre au cas où le partage
étant terminé, c h a q u e h é r i t i e r a u r a i t reçu sa portion
de la succession , portion q u i , lui devenant alors p r o
p r ié té p a r tic u liè r e , et n ’ayant plus rien d e com m u n
avec la s u c c e s s io n , ne pouvait être aliénée que de son
exprès consentement, et en vertu d ’une procuration
spéciale.
�( «4 )
Sous ce rapport, il est difficile de concevoir com
ment les appelans ont pu argumenter de ces procura
tions de 1806, pour légitimer les ventes q u ’ils ont
consenties en 1 8 1 8 , sans pouvoir et sans le consente
ment des propriétaires. Mais ce moyen parait bien
plus extraordinaire encore, lorsque, p a r l a lecture de
la correspondance produite par MM. de Bénistant et
Farradesche, 011 s’assure crue, dans ces premiers tems,
la famille Bénaguet , 11011 seulement 11 avait point
l ’intention de vendre sa portion > mais q u ’au contraire
elle désirait obtenir des lots distincts et séparés.
E11 e f f e t , une latti-e du i cr mars 1 8 1 2 , écrite par
M. Bénaguet de Penautier à M. de Groinont père ,
lui annonce que M. de Bénistant a des procurations
de ses sœurs et la sienne, oit il croit que tout est
spécifié POUR LES LOTS ET CONVENANCES. P.lllS bas , il
ajoute : « Quant aux objets de convenance, je ne puis
« que vous prier, et mes parens, de veiller à nos
« intérêts. J’imagine que le lot de la branche Saint« Pardoux sera un seul lot; j e désirerais cependant
« que les trois portions fussen t indiquées ; mais nous
« n'en sommes pas à la j o u i s s a n c e ». Il faut en
convenir, rien n’est plus exclusif, que cetle lettre, de
toute intention de vendre, et de pouvoirs donnés à cet
effet par la famille Bénaguet. Les spécifications des
procurations portent sur les lots et convenances ;
M. de Gromont est prié de veiller aux intérêts de ses
mandataires, pour les objets de convenances y les
héritiers désirent que les trois portions qui doivent
leur revenir soient indiquées p ar le partage : tel est
�C 15)
le véritable sens du mandat donné par la famille
Bénaguet, et le mode d’exécution q u ’il devait recevoir.
Comment donc les appelans se sont-ils mépris ju s q u ’au
point de citer cette- lettre dans leur Mémoire , en y
faisant des omissions si importantes, q u ’en s’abusant
eux-mêmes, ils s'exposaient à tromper la justice sur
les véritables intentions des mandans et les devoirs
des mandataires?
M. Bénaguet de Penautier est décédé à l a 'f i n de
i 8 i 3 . Le 9 février 18 14 > Sil veuve (a u jo urd ’hui
madame de Ramond) fit écrire ù M. de Gromont
père, « que son intention, et celle des familles Voisins
« et Malleret, ll’était pas de c o n t r a r i e r les a u t r e s
« li cri tiers , ni y « ’i l se fa sse des fr a is de ju stic e dans
« la su c ce ssio n ............ Ils désirent au contraire que
« tout se p asse au m ie u x d es in térêts de toutes les
« p a rties ». Mais comme M. de Penautier s 'é ta it s e u l
m ê lé de cette a ffa ir e , et qu e person n e n ’en a a u cu n e
c o n n a issa n ce , elle demande ce q u ’elle doit faire, et
prie de lui adresser un modèle de procuration. Cette
l e t t r e , qui bien évidemment ne se réfère q u ’aux
a ffa ires de la su ccession et aux op ératio ns d u p a r ta g e3
est cependant invoquée comme un p o u v o ir de v en d re
par les appelans, q u i , pour en tirer cette induction,
la cotent dans leur Mémoire, sans toutefois en faire
connaître une seule expression...........
Quoi q u ’il en s o i t , les p ro cu ra t io n s de la famille
B én agu et f u rç n t
adressées à MM.
de
Gromont et
B é n i s t a n t , par l ’int erm édiaire de mad a m e de Pe nau -
ticr, dans le co u ran t des mois de mai; j u i n et ju il l e t
�( 16 )
18 14• A cette époque , les trois branches appelées par
ïe testament de madame de Chazerat plaidaient encore
sur le mode du partage de cette succession ; et ce n’est
q u ’en 18 16 , que les opérations purent en être ter
minées.
Il est important de se fixer, i° sur la composition
de la masse de cette succession; 20 sur le lot qui a été
attribué à la branche Soubrany, représentant pour
moitié l ’estoc Rollet; 3° sur le droit que chacune des
familles
Bénaguet
et
Farradesche avaient
sur les
immeubles composant ce lot. L a connaissance de ces '
faits et leur s a i n e i n t e r p r é t a t i o n seront suffisantes pour
détruire la plupart des moyens invoqués par les
appelans.
La masse de la succession de madame de Chazerat
fut composée d ’abord de tous les biens que chaque
estoc avait apporté ; ensuite des biens propres à la
testatrice, ou qui lui étaient provenus de son père,
tels que les domaines composant la terre de SaintA g o u li n , et ceux de Menétrol; mais Von n y co m p rit
p o in t j n i le s bois d ’A u b u s s o n , n i le s rentes et effets
p u b l i c s n i d ’autres cré a n ces qui avaient fait la ma
tière d ’ u n e c o n v e n t i o n entre les héritiers e t M. de
C h a z e r a t, légataire du mobilier, de l ’usufruit des
immeubles, et en outre créancier des héritiers; con
vention au moyen de laquelle ces derniers objets
ne devaient rentrer dans la succession q u ’au décès de
M. de Chazerat, et faire à cette époque l ’objet d’uu
partage particulier entre les trois estocs.
Cette massq fut divisée entre les trois estocs, au
�( r7 )
marc le franc de leurs apports. L ’amendement de
l ’estoc Ilollet fut fixé à 622,960 fr. 56 c. 5 et comme
la branche d ’Amable Rollet représentait l ’estoc pour
moitié, elle devait recevoir 3 i 1,480 fr. 28 c. Cette
dernière somme devait encore se diviser en deux por
tions égales de 1 55,740 fr. \l\. c. chacune, l ’ une à.
attribuer à la branche d ’Amable Rollet, second du
nom, d ’où descendent les familles Davaux et CadierDevauce; l ’autre à la branche de Gilberle Rollet,
épouse
d ’Amable
Soubrany ,
d ’où
descendent
les
familles Bénaguet et Farradeschc. D ’après cela, l'amen
dement de ces deux dernières familles était de 77,870 fr.
7 c. pour chacune d ’elles ; et., commo la /hmillo Bonsi
g n e t se c o m p o s e de trois tètes, M. Bénaguet de
Penautier, la veuve Voisins et M. Malleret, chacun
d ’eux avait droit au tiers de la somme attribuée à leur
branche, et leur lot devait en conséquence se composer
d ’immeubles en valeur de 25,q56 fr. 61 c.
Mais les intérêts des familles Bénaguet et Farradesche
étant communs, les experts ne s’occupèrent point de
la subdivision de leur lot; ils firent l ’attribution des
immeubles qui devaient leur revenir, comme si Gilberte Rollet existait encore*, e t , après avoir distrait
de la terre de Saint-Agoulin le d o m a i n e d e s Bardons,
qui fut mis au lot d e M. Dcvauce, ils délaissèrent aux
descendans de Gilbertc Gros le surplus de cette terre,
qui se composait, i° d ’une réserve évaluée, avec les
bestiaux, à 40,700 fr. 5 20 du domaine de N eu fo n d ,
estimé, aussi avec les bestiaux, 4°,233 jfr.; 3° du
domaine de Bussière, en valeur de 21,628 fr. , les
3
�( >8 )
.bestiaux compris; 4°
domaine des Girauds, porté,
avec les bestiaux, à 20,217 fr.; 5° du domaine de
Machal, évalué, avec les bestiaux, à 18,856 francs ;
6° enfin, des bois dépendans de cette terre, estimés à
20,527 fr. Le total de ces estimations partielles, faites
va leur partage , se monte à 162,201 ir.; et comme
M. Penautier avait droit au sixième de cette somme,
il était donc copropriétaire de la terre indivise de
Saint-Agoulin, avec la branche Farradesche, la veuve
Voisins et M. Malleret, et pouvait en disposer jusqu’à
concurrence de 27,380 fr. 36 c.
L ’exposé de ces i\iits p r é s e nt e des idées si claires et
conduit à des résultats si évidens, que l ’ on peut être
étonné q u ’ils aient échappé à l ’attention de MM. de
Bénistant et de Gromont, q u i , d ’ailleurs mieux que
personne, devaient connaître les détails, les affaires,
et l ’événement du partage de la succession de ma
dame de Chazerat.
Ils savaient, en effet, que les bois d ’Aubusson, les
rentes, effets publics, et autres créances, n ’avaient
point été compris dans le partage des immeubles; que
ces objets omis devaient donner lieu à un nouveau
partage e n t r e les trois estocs R o lle t 3 J^igot e t Gros,
mais que , sous aucun rapport, cette opération ne
pouvait changer ce qui avait été arrêté pour l ’attri
bution des immeubles, ni intéresser les branches Bénaguet et Farradesche à autre titre que celui de re
présentant de l ’estoc llollet. — Pourquoi donc les
appelans ont-ils voulu se servir de faits aussi inexac
tement présentés, pour en tirer la conséquence q u ’ils
�( r9 )
devaient avoir la faculté d ’exercer l ’action en subroga
tion contre M. de Chazelles, et que ce dernier devait
être tenu de former une demande en partage, do
l ’événement de laquelle dépendait la préférence à
ac co rde r à sa veuve ou à celle du sieur Rixaiu?
Ils ne pouvaient également ignorer que les domaines
dépendans de la terre de Sainl-Agoulin avaient été
attribués aux familles Bénaguet et Farradesche, par
suite du partage des immeubles de la succession de
Chazerat; que ce partage avait fait cesser l ’indivision
entre toutes les parties intéressées comme héritières, et
que la terre de Saint-Agoulin n était p lu s, pour les
familles Bénaguet et Farradesche, u n o b j e t d é p e n d a n t
d e s u c c e s s i o n 3 mais bien une propriété isolée et in
divise entre particuliers. — Comment MM. de Bénistant et Farradesche on t-il s pu penser à opposer à
M. de Chazelles, que sa demande contre le sieur
Rixain était mal fondée; q u ’il devait être renvoyé
à former la demande eu partage d ’une succession qui
n ’existe pas, et soumis à une action en subrogation ,
comme acquéreur de droits successifs et litigieux?
Enfin, le partage ne permettait pas à MM. de Bénistant et de Gromont d’ignorer un fait qui était
d ’ailleurs de leur connaissance p e r s o n n e l l e , c’est que
la terre de S a in t - A g o u l i n s e composait de cinq do
maines ayant des bàtimens et des moyens d ’exploita
tion qui leur étaient particuliers; q u ’il y avait, en
outre, des bois détachés de ces domaines; q u ’enfin ,
chacun de ces immeubles était d ’une étendue assez
considérable, et situé assez avantageusement pour que
�leur division, bien loin d ’être
nuisible,
f u t , au
contraire, un moyen d ’en augmenter sensiblement la
• valeur. — Cependant les appelans ont cru pouvoir sou
tenir q u ’il y avait lieu à licitation............
Il ressort encore de ces faits un résultat bien essen
tiel. La terre de Saint-Agoulin était propriété indivise
entre les familles Bénaguet et Farradesche ; chacune
de ces maisons était propriétaire de moitié des im
meubles qui la composaient; et M. Penautior était
saisi du tiers de la portion revenant à sa branche ,
c'est-à-dire du sixième de la totalité. Ainsi la terre
de S a i n i - A g o u l i n . d e v a i t , en cas de partage, former
d ’abord deux lots; celui qui a u r a i t é té a t t r i b u é à la
famille Bénaguet devait ensuite être subdivisé en trois
portions égales ; mais, en cas de vente, chacun des
copropriétaires ne pouvait aliéner que sa portion dans
propriété indivise , et ne pouvait transférer les
droits d ’autrui sans un consentement exprès et une
procuration spéciale.
la
11
a déjà été prouvé q u ’avant le partage de
1816 ,
MM. de Bénistant et de Gromont n ’avaient aucun
pouvoir pour vendre la portion qiîi pouvait revenir à
la b r a n c h e B é n a g u e t dans la succession de m a d a m e de
Chazerat. On a même vu c o m b i e n les appelans avaient
été peu heureux dans la production des pièces dont ils
voulaient induire cette procuration, et dans les consé
quences q u ’ils en tiraient; il convient, actuellement
d ’examiner, ce qui s’est passé depuis le partage de 18 i G ,
et île rechercher si, depuis cette époque, MM. de
Gromont et de Bénistant ont reçu pouvoir de vendre
�(- )
/ 0 i 3 èm
la portion revenant 'a la veuve Voisins et au sieur
M aller et , et notamment celle du sieur Peu au tier ,
dans la propriété indivise de Saint-Agoulin.
Si l ’on consulte la correspondance produite parMM. de Bénistant et de Gromont, on s’assure q u ’il
n ’y avait rien d’arrêté entre les copropriétaires de
Saint-Agoulin, relativement à la vente de cette terre,
et que l ’on était bien loin d ’être convenu q u e } n 'éta n t
gu ère su scep tib le de d ivision
i l f a l l a i t la v en d re en
com m un.
E n effet,
L e 12 avril 181G, madame de Voisins écrivait h
M- de G r o m o n t , q u ’e l l e a v a i t appris « qu il avait été
« procédé au partage des lots entre la maison Devance,
« d’une part, et la maison Bénistant et Penautier,
« de l ’autre ». Elle ajoutait : « S i v o u s j u g e z né« cessaire q u ’i l soit p r o c é d é à un n ouveau p a r ta g e ,
« nous y donnons notre consentem ent ». Elle disait
ensuite : « N o u s nous ,en rapportons parfaitement à
« l ’opinion de M. de Bénistant, à c e t égard. Nous
« nous bornons seulement à vous faire connaître que
« nos intérêts sont q u ’il fût possible d’obtenir la vente
« de la p ortion qui revient à notre m a ison , soit
v. s é p a r é m e n t j
soit c o n j o i n t e m e n t avec la maison
« Bénistant. »
A i n s i , madame dp Voisins n ’avait aucune opinion
formée su r la v en te ou le p artage de la terre de S a i n t Agoulin. Elle ne pouvait, en effet, apprécier les avan
tages et les iuconvéniens de l ’une ou de l ’autre de ces
W
�pw >\
( 22 )
opérations, puisqu’elle ignorait absolument la compo
sition et la situation de cctte terre; aussi ne manifestet-elle aucune volonté ; elle désire seu lem en t v en d re sa
p o r tio n ; mais elle s’en rapporte à l ’opinion de M. de
Bénistant, sur une vente séparée ou c o n jo in te . Il
parait que plus tard MM. de Bénistant et de Gromont
ayant écrit à madame de Voisins q u ’ils trouvaient à
vendre, cette dame leur répondit, le 3o septembre
1816 , q u ’elle avait envoyé sa procuration, et ajoutait:
« Je vous prie de croire que je tiendrai pour bon tout
« ce que vous ferez ». Expressions de politesse qui 11e
signifiaient a u t r e c h o s e c l a n s leur généralité, si ce
n ’est que madame de Voisins approuvait la v e n t e de
sa portion dans la p r o p r ié té in d iv ise de la terre de
Saint-Agoulin, de quelque manière q u ’elle fût faite,
soit co n jo in tem en t s soit sépa rém en t avec la maison
de Bénistant.
MM. de Bénistant et de Gromont produisent une
lettre de M. M alleret, sous la date du 5 mai 1 8 1 7 ,
c’est-à-dire, d ’un an après le partage de la succession
de madame de Chazerat. On y lit que M. Malleret
avait appris q u ’il s ’é ta it é le v é q u e lq u e s d iffic u lté s su r
le p a rtage y m a i s que la p o rtio n B é n a g u è t d e v a i t ctre
d ivisée en trois ; et il ajoutait : « S i on nous donne
« des terres, il faudra les vendre : j ’aurai recours à
« votre obligeance ». M. Malleret ne pensait donc pas
que la terre de Saint-Agoulin fût indivisible. Au con
traire, pour faire c'esser les difficultés qui pouvaient
s'opposer au partage , il indiquait les amendemens des
représentais B é n agu e t, et annonçait q u ’il voulait
�( 23 )
vendre les terres qui lui échéraient par la division de
cette propriété commune.
Il faut actuellement fixer son attention sur les rela
tions q u ’a eues madame de Ramond, veuve, en premières
noces, de M. Bénaguet de Penauticr, tutrice de ses
enfans mineurs, avec. MM. de Bénistant et de Grom o n t , relativement à *la terre indivise de SaintAgoulin.
Il paraît que M. de Gromont, qui (comme il est
dit dans les écrits du procès), s’occupait plus particu
lièrement que M. de Bénistant, et presque exclusive
ment à l u i , des affaires de la succession de madame de
Chazerat, avait prévenu madame; tic l l a m o m i d u p a r
ta g e f j u i v e n a i t cl’ètre eiFcctue , et lui avait apjiris que
la terre de Saint-Agoulin, qui était échue au lot des
familles Bénaguet et Farradesche, était indivise entre
elles. En donnant cet avis à madame de Ramond ,
M. de Gromont lui disait-il également q u ’il serait plus
avantageux de vendre Saint-Agoulin en masse, que de
le morceler par un partage ou des ventes partielles?....
C ’est ce que la correspondance n’apprend pas; mais
on y voit que madame de Ramond , qui avait des
biens considérables en Auvergne, un homme d ’affaires
spécialement chargé de leur gestion, et qui était conséquemment plus à m ê m e q u e madame Voisins et
M. Malleret de c o n n a î t r e la valeur réelle de SaintAgoulin, et de savoir si les ventes partielles étaient
plus convenables q u ’une vente en masse, avait spécia
lement chargé le sieur Pinatelle, de Courpière, son
homme d ’affaires, du soin de ses intérêts.
�*
( 24 )
Une lettre du 1 4 avril 181G donne avis à M. de
Gromont du choix que venait de faire madame de Ramond d ’un fondé de pouvoirs. Après .quelques expres
sions de politesse et de remcrcîmens, elle continue :
« J’ai fait passer à M. Pinatelle ma procuration, et
« lui dis de se co n certer avec vous pour tirer tout
«
Vavantage p o ssib le
de
ce
qui
concerne
kotke
r a-
« m i l l e ». E t s’expliquant ensuite sur les intentions
q u ’elle suppose à madame de Voisins, elle ajoute :
«i Je suis persuadée q u ’elle est d ’avis que la v e n te de
« la terre qui est échue dans notre lot s ’e ffe c tu e >
« dès q u e c e la - d o it n o u s ¿tre p lu s a v a n ta g eu x ».—
Ainsi c’est le sieur Pinatelle qui est le f o n d é d o pou
voirs de madame de Ramond; il ne doit se co n certer
avec M. de Gro mont, que pour l ’avantage commun,
et. dans le cas seulement oh la v e n te d e la terre
( e n t o t a l i t é ) serait plus avantageuse q u ’un morcelle
ment effectué par un partage ou des ventes partielles.
Mais cette lettre même imposait à M. de Gromont
l ’obligation corelative de ne rien faire dans les intérêts
de madame de Ramond, sans se co n certer avec le sieur
Pinatelle, et sans obtenir le consentement de celui
qui seul a v a i t p o u v o i r de la représenter et de contracter
pour elle.
M. de Gromont ouvre alors une correspondance avec
le sieur Pinatelle, q u i , le 4 décembre 1 8 1 6 , lui écrit
q u ’il viendra à la fin du mois à Riom, et ajoute :
« Nous prendrons ensemble le p a r ti que vous croirez
« le p lu s a v a n ta g eu x p o u r tous ». — Rien n ’était
donc encore arrêté; les avantages ou les désavantages
�0 5 )
Jj
du parti à prendre n ’avaient point été balancés, et
ne devaient l'être q u ’au voyage du sieur Pinatello,
q u i , au reste, paraissait dispose à avoir la plus grande
déférence pour l ’avis de M. de Gromont.
Il parait que M. de Gromont insistait sur la vente
de Saint-Agoulin , en b l o c , afin d ’éviter le morcelle
ment qu i, suivant lui, devait diminuer considérable
ment la valeur de cette terre. On pouvait sans incon
vénient essayer cette opération5 aussi le sieur Pinatello
répond-il, le i 3 janvier 18 17 , à M. de Gromont, qui
lui avait fait cette proposition : « Je suis bien d ’avis,
« comme vous, de faire afficher S a in t-A zo u lin , e t ,
« SI l ’on en trouve un p r i x r a i s o n n a b l e
do v e n d re » .
— Expressions remarquables qui prouvent que, dans
l ’intention du sieur Pinatellc, Saint-Agoulin devait
être vendu en totalité', p a r une seu le v e n t e et au.
m êm e a cq u ér e u r , et que l ’aliénation ne devait en être
faite q u ’autant q u ’on en trouverait un p r i x con ve
n a b le , c’est-à-dire au moins égal à celui de l ’estimation
faite valeur partage.
On peut ici se faire une idée de la position et de
la volonté de tous les copropriétaires de la terre de
Saint-Agoulin. MM. de Bénistant et de Gromont pen
saient qu e cette
p a rtage ,
il
Voisins et M.
terre n ’ étant g u ère s u s c e p t i b l e
c o n v e n a it
Malleret
de
; madame de
n’avaient sur cela aucune opi
de
la
vendre
nion ni aucune volonté : ils ne manifestaient q u ’ un
désir, celui que le u r p ortion f u t v e n d u e de la manière
la plus avantageuse et la plus conforme à leurs in
térêts. Madame de Ramond v o u la it
e x a m in e r
; elle
�connaissait l ’opinion (le M. (le Gromont; mais elle ne
croyait devoir définitivement s’en rapporter q u ’à l ’avis
du sieur Pinalelle, son liomme d ’aiïaires, à qui elle
avait spécialement donné ses pouvoirs. Cet homme
d ’affaires devait se co n cer te r avec M. de Gromont clans
l ’avantage de toute la f a m i l l e / mais ce concert ne de
vait avoir lieu q u ’autant q u ’une v en te g én éra le de la
terre de Saint-Agoulin se ferait au nom de tous les
copropriétaires, et à un prix p lu s co n v en a b le ou plus
élevé que.celui que pourrait produire le morcellement.
Dans cette position, comment agit M. de Gromont?
Les faits sont encore'ici bien essentiels à recueillir.
D ’abord il fait poser des affiches dans les départemens
du Puy-de-Dôme et de l’A lli er, annonçant la vente de
la terre de Saint-Agoulin, et 'où il s’indique comme
devant donner des renseignemens sur cette propriété,
et sur les conditions.de la vente. C ’est lui qui nous
apprend ce fait.
Il entre ensuite en négociation avec M. Debonneviej
non pour la to ta lité de la terre, mais sur les quatre
objets les plus précieux qui entraient dans sa compo
sition; de manière q u ’il la morcelle et la divise, c o n t r e
la c o n v e n t i o n q u i ( s u i v a n t l u i) avait été f a i t e entre
tous les copropriétaires. E n effet, cette vente devait
comprendre d’abord la réserve, e stim é e , v a le u r p a r
tage , 40,700 fr. ; ensuite le domaine de Bussière, en
valeur, suivant la même estimation, de 21,628 fr. ;
troisièmement, le domaine des G i r a u d , estimé à
20,217 fr.; enfin celui de Machal, évalué à 18,896 fr.
Total de l ’estimation de ces biens, v a le u r p a rta g e ,
�i o i , 4 4 r fr. Alors le domaine de Neufond et les bois
restaient invendus, et ces immeubles, suivant toujours
les idées de M. de Gromont, pouvaient, par cet isole
ment, devenir d ’une aliénation plus difficile, et perdre
considérablement de leur valeur.
7
Mais ce n ’est pas tout. Outre que M. de Gromont
ue devait vendre la terre de Saint-Agoulin q u ’en
totalité, il ne dcVait encore faire cette vente qu'à un
p r ix c o n v e n a b le , qui conséquemment ne pouvait être
moindre que le prix de l ’estimation. O r , que fait-il?
Il délaisse à M. Dcbonnevie la réserve et les trois
domaines qui étaient le plus à la convenance de, cet
acquéreur, dans la terre Je Saint-Agxmifuj.nioyennanc
8 9 , 7 Go fr. ; et comme l ’estimation v a le u r p a rta ge do
ces immeubles était de 101,44!
ü fait «ne perte
de 11,681 fr. sur cette estimation, qui est toujours
bien au-dessous de la v a le u r r é e lle et v é n a le . Ainsi,
M. de Gromont, par la vente consentie à M. Debonnevie, tombait dans les deux inconvéniens q u ’il con
seillait lui-même d ’éviter, le m o rcellem en t de la terre 3
et la v i l i t é du p r i x des ven tes.
Cette vente est la première; M. de Gromont en
convient; mais il soutient également qu ’elle a été faite
de concert avec le sieur Pinatelle, cjui y a donné son
consentement. U n e lettre du 2 août 1817 est même
produite pour justifier cette dernière assertion.
Ce dernier fait est absolument étranger
à
M. de'
Chazelles. Sa réalité ou sa fausseté ne saurait Tintél’e s s e r
, puisqu’il ne pourrait donner lieu
q u ’à
une
demande cil dommages-iiitérêts de la part de MM. de
^
�?*«Y
,
f 28 )
Bénistant et de Gromont, contre madame de Ramond;
ainsi M. de Chazelles pourrait se dispenser de l/exa
miner, si les raisons les plus fortes ne se présentaient
d ’ailleurs en f o u l e , et ne se pressaient pour le com
battre et le détruire.
Il est, en effet, difficile de croire que le sieur
Pinatelle, q u i , aux termes de sa procuration, ne
devait se concerter avec M. de G ro mont, que dans
l ’intérêt commun des copropriétaires de Saint-Agoulin,
et pour vendre-cette terre en masse et en totalité;
qui , d ’ailleurs , dans sa correspondance , annonçait
a M. de G r o m o n t i j u ’ il f a l l a i t v e n d r e S a i n t - A g o u l i n ,
si l ’on cil trouvait un prix raisonnable, ait ensuite
légèrement consenti à excéder les termes de sa procu
ration, et à compromettre les intérêts de son mandant,
en consentant tout à-la-fois au morcellement de cette
terre, et à ce que les immeubles qui en étaient ainsi
détachés fussent vendus à un prix bien au-dessous de
celui de l ’estimation valeur partage. La lettre écrite
par le sieur Pinatelle, le 2 août 18 18 , bien loin de
détruire ces doutes, les fortifie au contraire beaucoup.
y voit que le sieur Pinatelle, après avoir annoncé
l ’arrivée de m a d a m e de Ramond pour le 1 2 , ajoute :
« Je me rendrai à R i o m , et nous arrêterons ensemble
On
« le dernier p r ix auquel on peut abandonner Saint« A goulin ». A i n s i , aux termes de cette lettre, le
sieur Pinatelle croyait q u ’il était question de la vente
de la totalité de la terre; que le prix n ’eu était point
encore arrêté , et que M. de Gromont attendait son
arrivée et son concours pour le fixer définitivement.
�( 29 )
*
Le sieur Pinatelle s’est-il rendu à Riom pour, couférer avec M. de Gromont? Ce fait est inconnu du
sieur de Chazelles. Mais si l ’on suppose ce voyage, ou
jieut également croire que le procureur fondé de ma
dame de Ramond s'est retiré sans rien terminer, lors
q u ’il a vu que le mode et le p rix de la vente étaient
si contraires aux intérêts de sa commettante. Ces ¡nésomptions se changent en certitude, quand on se fixe
sur des faits plus positifs et reconnus dans la cause,
savoir : que le sieur Pinatelle n ’a coopéré en rien à la
vente sous seing privé consentie au sieur Debonnevie ♦
,
q u ’elle a été souscrite par MM. de Bénistant et de
Gro mont, seuls agissant <t a n t , enj Jühpv nom que se
portant'forts pour leurs autres copropriétaires, et que
le prix en a étè , en entier, touché par ces Messieurs.
L a circonstance du défaut de procuration ne détruit
point l ’évidence de ces résultats. Si les pouvoirs donnés
par madame de Voisins et M. Malleret étaient insuffisans, i l parait certain que le sieur Pinatelle en avait
reçu de très-étendus de la part de madame de Ramond;
et M. de Gromont n’aurait pas manqué d ’exiger de
M. Pinatelle q u ’il souscrivit la vente de M. Debon
nevie , si ce procureur fondé, loin d’y donner son
consentement, n’avait au c o n t r a i r e , par les raisons
qui ont déjà etc e x pl i q u é e s ^ cru qu il était de son
devoir de s’y opposer, ou du moins de n*y participer
en aucune manière.
Quoi q u ’il en soit, MM. de Bénistant et de Gro
mont, au moyen des affiches q u ’ils avaient fait poser,
étaient toujours propriétaires
de
ce qui restait à
�( 3o )
4
vendre de la terre de Sainj>AgouIin, h. l ’égard des
tiers qui voudraient devenir acquéreurs.
L e domaine de Neufond et les bois n ’étaient point
compris dans la vente consentie à M. Debonnevie.
Neufond était, par sa position, un objet de conve
nance d ’autant plus précieux pour M. de Chazelles,
que les propriétés de ce dernier se confinaient et se
confondaient avec les terres composant ce domaine.
M. de Chazelles avait, depuis long-tems, manifesté
l ’intention d ’acquérirNeufond; son projet n’était point
un secret : il l ’avait même communiqué au sieur Rixain,
Son voisin d e c a m p a g n e , opii, appréciant les avantages
que M. de Chazelles devait trouver à cette acquisition,
et la regardant même comme chose, nécessaire, lui
conseillait de presser ses démarches et de terminer
promptement.
M. de Chazelles vit alors M. Debart, gendre de
M. de Gromont; il lui montra tout le désir q u ’il avait
de devenir propriétaire de Neufond; et pour q u ’il n ’y
eut point de difficultés sur la fixation du prix, il se
soumit à couvrir de la somme de 2000 fr. la dernière
enchère qui serait mise. Au moyen de cette offre, la
préférence f u t p r o m i s e à M . dc-Chazclles.
Bientôt après, M. de Chazelles vit M. de Gromont.
Dans cette entrevue, la vente du domaine de Neufond
fut négociée. M.
Debart écrivit ensuite à M.
de
Chazelles que le prix était réglé à /pjooo francs ;
que s’il lui convenait, il pouvait arriver pour terminer.
Mais M. de Gromont, ne regardant point cette con
vention comme définitive, crut pouvoir manifester
I
�(30
J«
l'intention de mettre cet immeuble aux enchères :
toutefois il prévint M. de Chazelles de ce nouveau
projet, en lui promettant de l ’avertir assez à tems
pour q u ’il pût figurer parmi les enchérisseurs.
Les choses étaient en cet état, lorsque , peu de
jours après, M. de Chazelles apprend, par une nou
velle lettre de M. Debart, que MM. de Bénistant et
de Gromont ont promis au sieur Rixain de lui vendre
le restant de la terre de Saint-Agoulin.
M. de Chazelles ne pouvait ni ne devait croire à
l ’avis qui lui était donné; la parole et les promesses
qu il avait reçues de M. de G ro mont, la connaissance
que le sieur Rixain avait de ses. projets d ’ucquisiiion,
par l a c o m m u n i c a t i o n que M. de Chazelles lui en avait
faite lui-même, tout devait lui faire supposer que
M. Debart était mal informé.
M. de Chazelles f i t un voyage à Riom pour fixer
ses idées et faire cesser ses incertitudes; il y vit M. Farrad'esche des Ronzières, fils cadet de M. de G ro m o nt,
qui lui dit qu’il avait vendu au sieur Rixain , et que
Me Ilébrard, notaire, avait reçu la vente. Ce dernier,
interrogé à son tour par M. de Chazelles, assurd. qu ’il
n ’y avait point eu de vente passée 3 parce que l ’on
n ’avait pas les procurations des p a r t i e s intéressées, et
que celle d e m a d a m e d e J i a m o n d avait été donnée au
sieur P in a le lle , son homme d'affaires.
L a déclaration de Me Ilébrard apprenait à M. de
Chazelles deux faits bien essentiels; le premier, q u ’il
n ’y avait q u ’une préférence promise au sieur R i x a i n ,
et non une vente terminée; le second, que M M . de
�m \
( 3, )
B én i s tant et de Gromont n’avaient pas le droit de
ven dre, fait qui devint alors d ’autant plus certain
pour M. de Chazelles, que la conversation q u ’il avait
avec Mc Ilébrard lui rappela les craintes que INI. de
Gromont avait souvent exprimées devant l u i , sur les
difficultés q u ’il pourrait éprouver à faire ratifier la
vente q u ’il avait consentie à M. Bonnevie.
M. de Chazellçs ne pouvait s’empêcher de remar
quer combien la conduite du sieur Rixain et les pro-,
cédés de M. de Gromont étaient peu conformes aux
égards réciproques que l ’on se doit entre gens hon
nêtes; il avait m C m c l e d r o i t ¡d’être offensé de cet oubli
de toutes convenances : il jugea t o u t e f o i s q u ’ i l é t a i t
indigne de lui de se plaindre, de faire aucune nou
velle démarche auprès de M. de Gromont pour obtenir
une préférence qui lui avait été déjà vainement pro
mise, et aima mieux s’imposer un sacrifice d’argent
pou r s’assurer la propriété du domaine de Neufond ,
en se faisant subroger 3 ou au moins associer à la
promesse de préférence, de vente qui avait été faite
au sieur Rixain.
Mc Ilébrard reçut de M. de Chazellçs l’invita lion
de proposer a u s i e u r Rixain une somme de G oo o francs
pour prix de cette subrogation ou association; mais
ce notaire lui ayant fait observer que cette négociation
pouvait se faire plus facilement à Clermonl, M. de
Chazelles fit faire sa proposition au sieur Rixain par
M. Raymond, curé de la cathédrale, oncle de ce der
nier, et auquel on devait supposer une grande influence
sur l ’esprit et les déterminations de son neveu.
�( 33 )
M. Raymond eut la complaisance d être rintermé
diaire du sieur Rixain et de M. de Chazelles; mais
l ’interposition de ses bons offices fut inutile pour
obtenir la subrogation ou l ’association h la p r é fé r e n c e
que M. de Gromont avait promise au sieur Rixain.
U n billet écrit par M. Raymond à son neveu, et que
l ’on trouve cependant au dossier de M. de Gromont,
prouve même que plus M. de Chazelles se montrait
désireux d ’obtenir cette subrogation ou association
plus le sieur Rixain devenait difficile et exigeant.
Quoi qu ’il en soit, le refus du sieur Rixain étant
positif, q u ’avait à faire M. de Chazelles?
L u i convenait-il de s ' a d r e s s e r d e n o u v e a u à M. de
G r o m o n t ? — Mais ce dernier avait manqué à la pro
messe q u ’il avait faite; d ’ailleurs M. de Chazelles
était informé, par le notaire Ilébrard, qu ’il n ’avait
d roit d e v e n d r e , n i comme p rop riéta ire 3 n i comme
f o n d é de p ou voirs.
Devait-il abandonner son projet d ’acquisition?— ■
Mais le sieur Rixain avait agi d ’une manière au moins
inconvenante, en cherchant à devenir propriétaire
d ’un immeuble dont
il avait lu i- m ê m e
l ’acquisition à M. de Chazelles. Ce dernier
conseillé
croyait
d ’ailleurs q u ’il n’existait point de v e n t e ; 011 n e lui en
avait communiqué a u c u n e ; il avait ou croyait avoir
la certitude q u ’entre le sieur Rixain e t le sieur de
Gromont tout était demeuré dans les termes d ’une
simple prom esse de p r é fé r e n ce en cas de vente; pro
messe qui ne pouvait avoir aucun effet, étant donnée
par autre personne que le propriétaire de l ’objet à
'
!
5
�( 34 )
vendre,
et n’imposait, aucune obligation civile ni
morale à celui qui -voudrait .acquérir ,du véritable
propriétaire.
,
.
. ,
M. de Cliazelles fit donc ce q u ’il devait et pouvait
faire, en s’adressant au sieur Pinatelle, fondé de pou
voirs de madame de Ramond. Cette démarche était
même plus que toute autre propre à l'éclairer sur
l ’existence réelle ou feinte de la vente Rixain , puisque
si cette vente avait eu ¿lieu le 18 février 18 18 , le sieur
de Gromont devait se hâter, d ’en donner avis au sieur
Pinatelle, q u i , dès-lors.,,aurait été instruit de ce (ait,
lorsque, le 22 d a .n iim c mois, c’est-à-dire neuf jours
après cette prétendue vente, M. de Cliazelles se pré
senta pour acquérir le domaine de Neufond.
L e sieur Pinatelle entra en négociation avec M. de
Cliazelles; la procuration de madame de Ramond fut
examinée; elle est du 5 février 1818; voici ses expres
sions : « Sans entendre aucunement déroger à tous
« pouvoirs et procurations q u ’ils pourraient avoir
« donnés antérieurement à ce jour......... ; et ajoutant
« auxdits pouvoirs et procurations............ .. donnent
« p ou vo ir de se réunir a u x copropriétaires des
« mineurs--- .. , r e l a t i v e m e n t a u x b i e n s c o m p o s a n t la
« succession de m a d a m e de C h a z e r a t , lesdits biens
« consistant entre a ut re chose
« A
g o u l i n __ ;
dans l a t e r r e de
S aint-
v e n d r e à t e ll e p e r s o n n e e t a u x p r i x . . . .
« les portions revenantes au xdits mineurs........; fixer
« toutes époques d ’entrée en jouissance et mode de
» .paiement; obliger les comparans à toutes garanties,
v et à faire ratifier la vente. »
�( 35 j
*
Les termes de cette procuration sont clairs et positifs.
Ils apprennent que, bien avant le mois de févr ier 18 i8j
le sieur Pinatelle était le fondé de pouvoirs de madame
de Ramond; que ces premières procurations ne pou
vaient d ’abord avoir d ’autre objet que celui d ’obtenir
l ’attribution du lot qui devait revenir aux mineurs
de cette dame, dans la propriété indivise de SaintAgoulin; mais que les idées ayant changé, et les copro
priétaires ayant paru se réunir sur l ’invitation de
M. de Gromont, pour essayer de vendre cet immeuble
en totalité, madame de Ramond avait, p o u r c e ca s
s e u le m e n t, donné au sieur Pinatelle pouvoir de so
réu n ir aux autres coproi>iict:iircs,,'poiiï‘ vendre la por
tion revenant à ses mineurs; condition qui toutefois
devait cesser, si la vente n’élait point faite en b lo c ;
s i la terre é ta it m o rcelée y si sur-tout les coproprié
taires des mineurs Ramond disposaient de leur portion
sans se réu n ir ou se co n certer avec le sieur Pinatelle.
Il est en eifet évident que , dans ccs diiFérens cas, le
sieur Pinatelle ne pouvait ni ne devait se concerter
avec des copropriétaires qui avaient sép a ré et is o lé leurs
in térêts de ceux de ses mandans; q u ’alors la procuration
du 5 février 18 18 lui imposait le devoir de vendre
seul, et a u x meilleures conditions p o s s i b l e s , la porlion
r e v e n a n t aux m i n e u r s de madame de Ramond, dans
la terre de Saint-Agoulin.
Les pouvoirs contenus en cette procuration étant
connus, il faut se rappeler que MM. de Bénistant et
de Gromont avaient morcelé la terre de Saint-Agoulin
par la vente consentie à M. Debonnevie, et que ce
�(36)
morcellement était si- peu avantageux aux coproprié
taires, que la réserve et les meilleurs domaines avaient
été vendus à un prix moindi’e de 11,691 francs que
celui de l ’estimation valexir partage. Il est aussi essen
tiel de ne pas oublier que tout cela avait été fait
sans le concert clu sieur Pinatelle, qui n’était informé
de rien par M. de Gromonty pas même d’aucune vente
consentie ou à‘ consentir au sieür Rixairi.
Le sieur Pinatelle avait donc seul le droit de vendre!
la portion revenant autf mineurs Penautier dans la
de Saint-Agoulin. Ce fondé de pouvoirs, voulant
d ’ailleurs f i d è l e m e n t ï e m p l i r s o n m a n d a t , prit les
précautions convenables pour ne f>as l ’excéder, et tirer
terre
le parti le plus avantageux de la chose confiée a ses
soins, et q u ’il devait aliéner.
Il commença par s’assurer de la quotité de l ’amen
dement des mineurs Penautier dans les immeubles,
dont la propriété était indivise. L ’examen de la gé
néalogie de la famille et du partage de la succession
de madame de Chazerat le convainquit bientôt que
ses mandans étaient propriétaires, d ’un sixième de la
de Saint-Agoulin, et que la valeur de ce sixième
était de 25,950 f r . 6 1 c . , s i l’on c o n s u l t a i t les bases
adoptées par le partage, et de 27,330 fr. 38 c . , si
terre
l ’on s’arrêtait au délaissement d'imineubles qui avait
eu lieu en vertu de cet acte. Le domaine de Neufond,
dont M. de Chazelles voulait faire l ’acquisition, avait
en outre été estimé, valeur partage, à la somme de
/[o,a33 francs; et comme M. de Chazelles en offrait
5o,ooo fr. et 1000 fr. d ’épingles, le sieur Pinatelle,
�(3ï )
tn lui-vendant la moitié(de ce;domaine, était certain,
d ’une part, q u ’il ne-faisait q u ’user du droit que ses
mandans avaient à cette; propriété, e t , de l ’autre s
que la vente était avantageuse, puisqu’elle excédait de
11,000 fr. l ’estimation 'valeur' partage.
E n conséquence, le 23 février 18 18 , vente, du
sieur Pinatelle à M. Bprard d e , Chazelles, par acte
public et authentique, de la m oitié du.domaine de
N eufoncl, dépendant de la terre de Saint-Agoulin ,
tel qu’il a été attribué aux héritiers Bénaguet et Bénistaut, ledit domaine contenant en totalité deux cent
quatre-vingt-quinze mille toises. La vente porte que
« l ’acquéreur sera teuu d)antrat<inir ¿a ¿>ail dudit do« maine jusqu’à son expiration, sauf a lui à s’arranger
« avec les autres propriétaires: de la terre de Saint« A g o u l i n , pour la 'ventilation du produit dudit
« domaine ». Le vendeur s’oblige d’ailleurs à faire
ratifier les mineurs Bénaguet, et à prendre des arrangemens avec M. de Chazerat, relativement à son usu?
fruit.
Le prix de cette vente est de 2Î>,ooo francs, et de
5oo fr. d ’épingles; sur cette somme, 85oo francs sont
payés comptant, et le restant stipulé payable, savoir,
9000 fr. en un a n , et 8000 fr. en deux
ans,
à dater
de la vente.
M. de Chazelles se hâta de donner à son acquisition
toute la publicité possible; il prit possession réelle du
domaine de Neufond en faisant notifier son contrat
aux fermiers de ce domaine, et en leur déclarant q u ’ils
n ’eussent à payer q u ’entre ses m ains la moitié du prix
�(38)
de leur ferme. Cet acquéreur comptait même alors si
peu être en concurrence avec qui que ce fut, relative
ment à la propriété du domaine de Neufond, et igno
rait si bien la vente
Rixain, qu e , suivant
M. de Chazelles ayant
curations Voisins et
prétendue consentie au sieur
M. de Gromont l u i - m ê m e ,
appris, plus tard, que les pro
Malleret étaient arrivées, et
q u ’enfin >M. de Gromont avait des pouvoirs pour
vendre, lui proposa de devenir acquéreur des portions
revenant à ses deux copropriétaires dans le domaine
de N e u f o n d .
Cependant la c o nn a is s a nc e q u ’ a v a i t M. de Gromont
de la vente consentie par le sieur Pinatelle à M. de
Chazelles, devait lui donner quelques inquiétudes.
II lui était difficile, en effet, de justifier son opéra
tion , qui avait eu le double inconvénient de morceler
la terre de Saint-Agoulin, et de diminuer sa valeur
réelle et vénale, tandis que la vente consentie par le
jüieur [Pinatelle présentait l ’avantage incontestable
d ’augmenter d’un cinquième, au moins, la valeur de
l ’immeuble qui en était l ’objet. Aussi M. de Gromont
sentit-il tout l ’embarras de sa situation; et, v o u l a n t
faire obtenir la p r é f ér en c e a u s i e u r Rixain, envers le
quel il était aii moins lié par une promesse , il eut
recours à M. de Bénistant, qui ne s é t a it , à ce q u ’il
paraît, occupé d’aucune de ces négociations, et voulut
6e servir de l'influence de cet homme respectable pour
parvenir au but q u ’il se proposait.
Il
paraît effectivement que M. de Bénistant écrivit
dans le même tems à madame de Voisins, M. Malleret
�(
)
et madame de Ramond, pour leur demander la rati
fication des ventes consenties à M. Debonnevie* et ail
sieur Rixain.
,
Les réponses à ces différentes lettres sont produites.;
et l ’on voit dans celle de M. Ramond, sous la date du
12 mai 18 18 , que, connaissant la vente consentie par
le sieur Pinatelle h. M. de Chazelles, il déclare posititivement que, ne voulant pas s’exposer h excéder son
sixième, il né peut entier dans la vente Bonnevie ni
l'autoriser. Il ajoute que M. de Gromont devait p ré
venir le sieur P in a lelle de ses engage mens avec
R ixain y que d'ailleurs M. de Gromont a donné sa
parole d'honneur, devant M. A l a r y „ de rati/iei' la
venic conseil lie ¿1 JVT. cle Clidzelles. Enfin, il termine
par dire que madame de Voisins lui a écrit q u e lle
veut tenir pour bien fa ite la vente consentie à M. de
Chazelles. Dans une autre lettre du i er juin suivant,
M. de Ramond consigne que M . M alleret tient pour
seule valable la vente de M . de Chazelles.
Ces faits sont importans; ils montrent l ’intention
bien positive de madame de Ramond, la volonté bien
expresse de madame de Voisins et de M. Malleret, et
prouvent en même que le sieur de Gromont, qui avait
agi seul et sans se concerter avec le sieur Pinatelle,
q u ’il 11’avait pas m ê m e i n f o r m é de scs opérations, ne
se croyait pas lié ni engagé envers le sieur Rixain,
puisqu’il avait promis de ratifier la vente consentie
à M. de Chazelles.
M. de Bénistant fît de nouvelles démarches auprès
de madame de Voisins et de M. Malleret, et réussit
enfin à en obtenir deux
lettres approbalives
dés
�opérations de M. de Gromont. Celle de madame de
Voisins est du 28 mai 18 18 ; elle s’y exprime ainsi :
« J e tien d ra i p o u r fait to u t ce que v o u s f e r e z ; vos
« intérêts sont les mêmes que les miens. Je pense que
« vous chercherez votre avantage en terminant ».
M. Malleret écrit aussi, le i er juillet, q u ’i l no sa it
q u e lle est la prem ière v e n te . Il dit ensuite : « Mes
« sœurs et moi nous en rapportons parfaitement à ce
« que vous croirez devoir faire. Nous avons en vous
« une co n fia n ce entière ; nous fe r o n s c e qu e v o u s
« cro irez
d ev o ir f a i r e
».
Ainsi
ces deux
lettres
annoncent s u f f i s a m m e n t que madame de Voisins et
M. Malleret cédaient moins, en a p p r o u v a n t l e s o p é r a
tions qui avaient été faites, à leur conviction person
nelle, q u ’à la condescendance et à la confiance absolue
q u ’ils croyaient devoir à M. de Bénistant.
Mais M. de Ramond insistait. M. de Gromont crut
alors, pour vaincre sa résistance, devoir réunir ses
efforts à ceux de M. de Bénistant. Pour toute réponse,
M. de Ramond écrivit, le i crjuin, q u ’ i l allait, v e n ir
¿1 R io m 3 et q u ’ i l
tâ ch era it d e tout arranger.
Ce
voyage eut effectivement l i e u , et les explications qui
furent données ne produisirent autre chose qu ’une
double ratification de la v e n t e c o n s e n t i e p a r Pinatelle,
résultant, i° d ’une quittance donnée à R i o m , le 3
septembre 1 8 18 , par madame et M. de Ramond à
M. de Chazelles, de la somme de 9000 f r . , montant
de la première annuité, avec intérêts échus et à échoir
jusqu’au mois de mars 1 8 1 9 , époque oit cette somme
çtait exigible; a° d ’une ratification expresse de la vente
de M.
dç Chazelles ; faite, le ip juin 1 8 1 9 ,
par
�(
40-
M. Amable-Rodolphe Bénaguet, qui avait alors atteint
sa majorité.
Il était essentiel de réunir ces faits et de'les expli
quer, avant de s’occuper de la procédurq dont l'exposé
peut actuellement se faire en peu de mots.
On a vu que M. de Cliazelles avait pris la précau
tion de s’assurer du prix de la ferme du domaine de
Pieu fond. La notification q u ’il avait faite au fermier
était même, aux termes de sa vente, le seul acte de
possession qui lui fût permis. Mais le sieur llixain
imagina q u ’il se créerait un droit{(en se permettant
une voie de fait, q u ’il voulait faire regarder commo
’lin acte de p o s s e s s i o n r c d l c . I l fit en conséquence des
plantations et des défrichemens, qui forcèrent M. de
Cliazelles à former contre lui une demande en com
plainte possessoire. Mais le sieur Rixain ayant produit
une vente sous seing privé, en vertu de laquelle il se
prétendait propriétaire de la totalité du domaine de
Neufond, M. de Cliazelles crut devoir convertir sa
demande possessoire en demande en partage, qui fut
portée au tribunal civil de R io m , par exploit du 3o
mai 18 18.
L e sieur Rixain appela alors en garantie MM. de
B é n i s t a n t et de G r o m o n t , et s o u t i n t , d ’ailleurs, que
sa vente devait a v o i r la préférence sur celle consentie
à M. de Cliazelles, soit parce q u ’il y avait eu tradition
en sa faveur, et prise de possession r é e lle , de sa pari,
de l ’objet vendu, soit parce que sa vente, q u o i q u e
sous seing privé , avait , respectivement à M.
Cliazelles,
une date certaine,
de
puisque ce dernier
�( 4» )
la connaissait avant d ’acquérir du sieur Pinatelle«
MM. de Bénistant et de Gromont ajoutaient à ces
moyens que la vente consentie à M. de Chazelles était
nu lle , parce que le sieur Pinatelle ne s’était pas con
formé à sa procuration, et avait négligé de se concerter’
avec MM. de Bcnistant et de Gromont; que d’ailleurs
la terre de Saint-Agoulin n ’étant point susceptible de
division, elle devait être licitée; q u ’enfin, s’il y avait
lieu à partage, comme il devrait être général et q u ’il
porterait, non seulement sur des immeubles, mais
encore sur des choses mobilières et des percières con
testées , ils devaient être admis à. l ’exercice de l ’action '
en subrogation.
M. de Chazelles, de sa part, fit connaître l ’état
des choses à madame de Ramond, qui intervint pour
prendre son fait et cause; e t , après avoir répondu en
fait et en droit aux moyens qui lui étaient opposés,
M. de Chazelles soutenait q u ’ayant acquis du véritable
propriétaire ou de son fondé de pouvoirs , sa vente
devait avoir la préférence sur celle du sieur Rixa in ,
qui ne représentait que des vendeurs sans droits et
s a n s qualités pour lui transmettre la propriété du
domaine de Neufond.
Le jugement qui statue sur ces prétentions respec
tives est du 10 mai 1820. Il faut en analiser les
motifs.
Les premiers juges établissent d ’abord, comme prin
cipe de jurisprudence ,
q u ’ avant
la
demande
en
p arta ge, tout cohéritier a le droit de vendre des
immeubles de la succession , jusqu’à concurrence de
�( 43 )
son amendement dans les Liens de même nature et
que les ventes ainsi consenties ne peuvent être atta
quées, que si le vendeur a excédé son dro it, et pour
cet excédant seulement.
Faisant ensuite l ’application de ces principes à la
vente de M. de Chazelles, le tribunal reconnaît
comme faits certains, i° que cette vente ri e x c è d e
p o in t l ’am endem ent des mineurs. Bénaguet dans la
terre de Saint-Agoulin ; 20 que ces mineurs ou leurs
tuteurs n ont p i i s a u cu n e pcivt dans le p v ix des autres
immeubles vendus.
Quant à l ’usage que le sieur Pinatelle a fait de la
procuration de madame et de M. llamonti, en vendant
à M. de Chazelles, le tribunal considère que la vente
de Chazelles a été constamment approuvée par les
mandans, et que cette approbation résulte, i° de la
quittance donnée par la dame de Ramond à M. de
Chazelles; 2° de la ratification de la vente faite par
M. Bénaguet fils aîné; 3° de la réunion et de la jonc
tion de M. et madame de Ramond à M. de Chazelles,
et de leur adhésion à ses conclusions.
L e tribunal examine ensuite la vente sous sein"o
privé produite par le sieur Rixain.
A ce sujet, le tribunal remarque, i° qu'aux termes
de l ’article 1328 du Code civil, cette vente ne pouvait
avoir de date certaine, à l ’égard de M. de Chazelles
et de madame de Ramond, q u ’à dater de son enregis
trement; 20 que MM. de Gromont et de
Bénistant,
quoique cohéritiers de madame de Ramond, n ’avaient
ni qualité ni droit pour vendre à Rixain, puisque,
'
�(Tune p a r t , ils avaient antérieurement vendu au-delà,
de leur amendement, et q ue , de l ’autre, loin de
justifier d ’aucun pouvoir de madame de Ramond, ils
convenaient dans leurs défenses q u ’ils savaient que le
sieur Pinatelle avait toujours été seul mandataire pour
ven d re, et le seul qui eût procuration de madame de
Ramond, à cet effet.
Q u e , dans ces circonstances, s’il était prouvé que
la vente Rixain était connue du sieur de Chazelles, il
n ’en résulterait autre chose, si ce n ’est que ce dernier
aurait acquis du véritable propriétaire une chose qu ’il
savait' p r é c é d e m m e n t a v o i r é t é vendue par des per
sonnes qui n ’avaient ni droit ni qualité p o u r l a v e n d r e ,
ce qui ne changerait rien à la nature ni de l ’une ni de
l ’autre vente.
1 '
Quant aux demandes subsidiairesj et d ’abord sur
la licita tio n }
Le tribunal considère que le domaine de Neufond
ayant une étendue de deux cent quatre-vingt-quinze
mille toises de superficie, étant situé dans la commune
de Saint-Agoulin, devait, loin de rien perdre de sa
valeur, gagner par la division.
Sur la s u b r o g a t i o n , le tribunal donne p o u r motifs
q u ’elle n ’est maintenue par l ’art. 841 du Code civil,
que pour le cas où il y a cession de droits successifs,
et non pour celui où il y a vente de portion d’un
domaine ou autres immeubles particuliers indivis.
E n conséquence, le tribunal déboute MM. de Bénistant et de Groinont de leurs demandes contre
.jVL de Chazelles ; ordonne l ’cxéculion de la vente de
�( 45 )
ce dernier; déclare nulle celle du sieur Rixain, comme
contenant la totalité du domaine de Neufond; réduit
son effet à la moitié, et ordonne le partage de cet
immeuble. Le même jugement donne acte h M. de
Chazelles de ce qu ’il consent à ce que les experts fassent
échoir au lot de M. Rixain la totalité ou partie des
Mtimens, s’ils les jugent nécessaires pour l ’exploitation
de son lot.
Les principes consacrés par ce jugement étaient
d ’une exactitude telle, q u ’il semblait difficile q u ’ils
donnassent lieu à une critique fondée; cependant le
tribunal avait fait une méprise en considérant MM. de
G ro m o n t, de Bénistant , et inaJamo do Ramond ,
c o m m e cohéritiers, tandis q u ’ils n ’étaient que c o
p ro p rié ta ire s y et en regardant la terre de Saint-Agoulin
ou le domaine de Neufond comme immeuble dépen
dant d ’ une succession indivise 3 tandis que ces objets
n ’étaient autre chose q u ’une propriété p a r tic u liè r e et
in d iv ise entre les ayan t d roit.
La veuve Rixain et ses garans ont cherché à utiliser
cette erreur de fait. Après avoir interjeté appel du
jugement, ils ont, dans deux Mémoires successivement
publiés, reproduit leurs moyens; ils ont même essayé
d ’en développer de nouveaux. On r é p o n d r a a u x uns et
aux autres en s u i v a n t la d i v i s i o n que l'on s’est tracée,
et en établissant les trois propositions qui doivent faire
la matière de la discussion.
�DISCUSSION.
§ i*r
L e d om aine de N e u fo n d est une p r o p r i é t é i n d i v i s e
ENTRE PARTICULIERS j
DANT
D'UNE
cohéritiers
et UOll U N O B J E T DÉPEN-*
SUCCESSION
A
PARTAGER
ENTRE
; a in si un d es co p rop riéta ires d e c e t
im m eu b le a p u v en d re sa p o rtio n sans qu e son
acquéreur
f û t sou m is à une
ci so u ffrir une
en
C
licita tio n
subrogation
ette
a ctio n
en
partage
,
> et f u t e x p o s é à l ’a ctio n
.
proposition, dont la vérité est établie en
fait, serait également vraie dans toutes ses consé
quences, lors même que la terre de Saint-Agoulin
serait un objet de succession indivise entre cohéritiers;
e t , pour ne rien laisser à désirer sur ce point de la
cause, il est important d ’examiner les difficultés qui
se présentent sous les deux rapports , c’est-à-dire ,
i° dans la supposition où MM. de G ro m o n t, de Bénistant et les mineurs Bénaguet seraient cohéritiers,
et que la succession serait encore îi partager entr’eux ;
2° dans la position réelle où se trouvent les parties,
et en les considérant comme simjdes copropriétaires
d ’un immeuble indivis.
Dans' notre Droit : lorsqu’un défunt a laissé plu
sieurs héritiers, ch a cu n d ’e u x eàt, sa isi d e la p ortion
de biens qui lui est déférée par la loi; mais , cette
�( l\l )
portion se trouvant confondue avec celle des a n tr e s
héritiers, tant q u ’il y a indivision de la masse de
l ’hérédité, il est juste q u ’il ait le d ro it d e la f a i r e
sortir de la masse c o m m u n e } parce q u ’il peut lui être
plus utile d e j o u i r divisent eut d e sa p a r t et d ’en
disposer à son gré ; d e là n a ît V a ctio n en p artage ,
q u i appartient à ch a q u e héritier.
Nos principes actuels 3 conformes à notre ancien
Droit français, n ’ont point adopté la définition du
partage portée par la loi G, $ 8 , J f . co m m u n , d iv id u n d o j qui le qualifie un a cte p a r le q u e l le co h éritier
a cq u éra it d e ses c o h é iitic r s leu rs p o rtio n s indivises
dans le s e jfe ts q u i l u i é t a i e n t a t t r i b u é s p a r le p a r ta g e; tandis que, dans nos usages, le partage n 'est
p a s tr a n s la tif , mais bien seulement d é c la r a t if de
p r o p r ié té ,
parce que chacun des héritiers, n ’étant hé
ritier q u ’en partie, n’a pu succéder réellement à tous
les biens, mais seulement à ceux que lui assignerait
le partage; et comme, en vertu de la maxime le m ort
sa isit le v i f , chaque héritier est r ép u té a vo ir é té sa isi
d ès le m om ent d e V ouverture de la su ccession > de
tous les biens qui lui sont particulièrement échus par
le partage, il en résulte que cet acte a un e ffet ré
t r o a c t i f qui r e m o n t e à 1 ’ o u v e j 't u r c ô.c la succession ;
q u ’ainsi chaque c o h é r i t i e r est c e n s é a vo ir s u c c é d é s e u l
et im m éd ia tem en t à tous les biens a ttrib u és par le
partage, et n a vo ir ja m a is eu la p r o p r ié té d es autres
biens.
De ces idées élémentaires découle la faculté de
vendre avant partage, accordée à chaque cohéritier. Il
�( 48 )
était en effet naturel que celui qui était saisi, dès
l ’ouverture de la succession^ de la portion de biens
que lui déférait la loi, qui 11e tenait d ’ailleurs rien de
ses cohéritiers, pût disposer de sa propriété, pourvu
q u ’il n ’excédât point son amendement. Cette faculté
ne saurait d ’ailleurs être nuisible aux tiers, puisque,
pendant l ’indivision, aucun des cohéritiers ne peut
grever ou hypothéquer le lot q u i , par l ’événement du
partage, doit échoir à son cohéritier.
La faculté de vendre avant partage a donc sa source
d a n s l e s dispositions de la loi, dont la jurisprudence a
fait une saine a p p l i c a t i o n , e t non d a n s les seuls prin
cipes de l ’équité. Comment donc pourrait-on soutenir,
comme conséquence des principes , que le cohéritier
qui vend, sans le consentement de ses cohéritie?\s.,
l ’iinmeuble indivis, vend la chose d ’autru i, et que la
vente est nulle, s i, d ’ailleurs, il n ’a point excédé sa
portion ou son droit dans la succession indivise, et si,
comme dans l ’espèce, le cohéritier qui se plaint a
lui-même vendu antérieurement au-delà de son amen
dement, de manière que la nullité q u ’il invoquerait
viendrait frapper et détruire ses propres ventes P—
MM. de B c n i s t a n t e t de G r o m o n t v e u l e n t bien
abandonner cette première conséquence, comme trop
rigoureuse; mais ils s’appuient sur une seconde, en
vertu de laquelle l ’acquéreur ne peut agir comme
propriétaire, tant que le partage n ’a pas placé au lot
du vendeur l ’objet acquis ; d ’où ils infèrent que
M. de Chazelles, comme représentant son vendeur,
ne pouvait demander que le partage général contre
�( 49 )
tous les cohéritiers, et non le désistement d ’un domaine
isolé contre le sieur Rixain.
De quelle importance peut être ce moyen employé
par MM. de Bénistant et de Gromont ? S ’il est fondé
jiourquoi M. Debonnevie jouit-il de la réserve et des
trois domaines qui lui ont élé vendus? Pourquoi le
sieur Rixain s’est-il mis en possession du restant de la
terre de Saint-Agoulin ? Quel est le titre de ces acqué
reurs vis-à-vis madame de Ramond? Dans les principes
des appelans, cette dame ou seç mineurs ne sont-ils
pas leurs cohéritiers? ne pouvaient-ils conséquemment
vendre et jouir comme eux? et MM. de Bénistant et
de Gromont d e v a i e n t - i l s stmis a v o i r l e - privilège de
disposer de la totalité de la succession? M. de Chazelles,
de son côté, ayant acquis de madame de Ramond,
pouvait-il avoir d ’autres actions à exercer, que celles
qui étaient indispensables pour faire cesser les obstacles
.que l ’on apportait à sa jouissance? E t qui • faisait
naître .ces difiîcultées, si ce n ’est le sieur Rixain,
prétendu acquéreur d ’héritiers qui n ’avaient plus
aucun droit à la succession, ayant excédé leur amen
dement par des ventes antérieures à la sienne?
Mais M. de Chazelles n’a point acquis de droits
Successifs; il est acquéreur d ’un objet particulier.
Comment donc a u r a i t - i l demandé un partage général ,
lorsque, en adoptant le système de succession, inventé
par MM. de Bénistant et de Gromont, on voit que
cette succession ne se serait composée que de la. terre
de Saint-Agoulin, étant démontré que les
bois.
d’Au-
busson, les rentes et effets publics ne pouvaient entrer
7
�clans cc partage particulier, et ne devaient être divisés
entre les trois estocs favorisés par le testament de
madame de Chazerat , q u ’à l ’époque du décès de
M. son époux?
Dans ce système , est-ce parce que la terre de SaintAgoulin était indivisible, et q u ’il devait y avoir lien
à sa licitation , q u ’une demande en partage, de la part
de M. de Chazelles contre les cohéritiers de son
vendeur, était indipensable?
D ’abord les principes répondent :
Que n ’ y ayant plus, comme autrefois, d ’héritiers
qui aient des droits p á r t i c u í i e v s h. des biens d ’une
certaine nature ou d ’une certaine origine, tous sont
également appelés à succéder à toutes les espèces de
biens qui se trouvent dans la succession (Code c i v i l ,
article 7 3 2 ) ; q u ’ainsi chaque héritier peut réclamer
en nature j soit sur les meubles', soit sur les immeu
bles, la portion pour laquelle il est appelé à succéder,
et ne peut être contraint'a prendre moins sur une
espèce de biens, et p lu s sur une autre ;
Que si, pour éviter la division des exploitations et
le morcellement des héritages, l ’article 83 a du Gode
civil permet de m e t t r e plus «l’ i m m c u b l c s dans un lot
que dans les autres, c’est seulement dans le cas oit
Y intérêt commun de tous les héritiers est bien cons
taté; mais que jamais l ’intérêt ou la convenance de
quelques-uns d ’entr’eux n ’a pu servir de motifs pour
contraindre les autres à renoncer au droit q u ’ils ont
de prendre en nature leur portion entière, soit sur lesmeubles, soit sur les immeubles;
�( 5 0
Que le partage doit être constamment préféré à la
Jicitation, parce q u ’il conserve à chaque héritier ]a
portion que lui donne la loi, et que d ’ailleurs nul ne
peut être contraint à aliéner ce qui lui appartient
dans une niasse commune, et qui peut en être sépare'
sans aucun préjudice pour ses associés; q u ’ainsi la
vente par licitation ne peut avoir lieu que lorsque le
partage ne peut se faire sine cujusquam injuria 3
C o m m e décidé la’ loi au Code communi dividundo ,
c’est-à-dire lorsque la division est tellement incom
mode, q u ’elle opérerait la dépréciation de chacune des
parties ou de plusieurs des parties divisées, ou ne
laisserait la perspective quo J ’ uuu j ou lusancc onéreuse
et difficile.
E n fait : la division de la terre de Saint-Agoulin ,
loin d’être nuisible, était avantageuse; la terre était
composée d ’une réserve, de quatre domaines et d ’un
bois, outre le domaine qui en avait été distrait par
les experts, pour être porté au lot de la famille Devauce. Gette réserve et chacun de ces domaines avaient
J
t •
des bâtimens d ’exploitation et,des bestiaux particu
liers; ils étaient en outre d ’une étendue, en superficie,
très-considérable,
de manière qu'ils pouvaient être
divisés sans retour de lot ni é t a b l i s s e m e n t d aucune
servitude,• et si à ces circonstances 1 on ajoute 1 heu
reuse situation de ces immeubles, on se convaincra de
tout l ’avantage qui devait résulter de leur partage.
Mais MM. de Bénistant et de Gromont
ont eux-
mêmes reconnu cette vérité, en faisant à M. Debonnevic la vente de la réserve et de trois de ces domaines;
�m
\
ils ont ainsi fait leur lot
dans la terre de Saint-
Agoulin ; ils en ont disposé. Madame de Ramond ne
critique pas leur opération; elle respecte leur vente.
De quel droit ces Messieurs viendraient-ils donc se
plaindre de ce que leurs cohéritiers ont ensuite usé
. ^ de leurs droits pour disposer de leur portion dans la
î
propriété indivise ?
Ces principes conduisent à une autre conséquence î
c’est que M. de Chazelles ayant acquis de madame
de Ramond sa portion dans des immeubles susceptibles
de partage, et déjà divisés par le fait de ses cohéri
tiers, n ’avait à intenter d ’autre action que la d e m a n d e
q u ’il a formée.
E n effet, dans quelle position étaient les choses?
M. Debonnevie était propriétaire de trois domaines et
de la réserve, comme représentant MM. de Gromont
et de Bénistant; M. de Chazelles était acquéreur de
la moitié du domaine de Neufond, et représentait les
mineurs Bénaguet; enfin le sieur Rixain se prétendait
propriétaire de la totalité du domaine de Neufond et
des
Ct
bois, comme les ayant acquis de MM. de Gromont
de Bcilistant , v e n d a n t l a n t e n l e u r n o m que se
portant fo r ts pour ceux des héritiers Bénagnet dont
ils étaient mandataires. Il ne s’élevait point de diffi
cultés sur ramendement de madame de Ramoncl ou
de ses mineurs ; il n’était point dès-lors question
de réduire la vente consentie h M. de Chazelles,
comme excédant le droit q u ’avait sa venderesse dans
l'immeuble aliéné, mais bien de l'annuler dans Fin-
�( «3 .)
térêt du sieur Rixain, comme étant postérieure en date.
à la sienne.
E n cet état, que devait donc faire M. de Chazelles?
Former une demande en partage de la terre de SaintAgoulin? Mais cet immeuble était partagé; chaque
cohéritier avait pris sa portion de cette nature de
biens; de manière q u e , lors même q u ’il y aurait eu
d ’autres objets à partager, cette opération aurait dù se
faire sans aucun rapport de cette terre, dans laquelle
chaque cohéritier reconnaissait avoir pris son amende
ment. Mais encore contre qui cette demande devaitelle être dirigée? Etait-ce contre tous les h é r i t i e r s do
madame <lo Ciiasserat? M a i s un partage général de
toute la succession avait eu lieu entre eux; ce partage
judiciaire avait attribué Saint-Agoulin à la sous-divi
sion d ’une des branches de l ’estoc Rollet ; les héritiers
de Chazerat n’avaient donc aucun intérêt à la contes
tation, ni aucune qualité pour défendre à une demande.
— Etait-ce enfin contre les représentans Farradesche
et Bénaguet? Mais chacun d ’eux avait pris sa portion;
il l ’avait aliénée; chacun des différons acquéreurs était
en possession ; le sieur Rixain lui-même se présentait
comme possesseur et propriétaire du d o m a i n e de
Neufond. : c ’é t a i t donc c o n t r e c e dernier seul, que
madame de Ramond ou M. de Chazelles, son acqué
reur, devait intenter leur action, et c’est ce qui a été
fait.
MM. de Bénistant et de Gromont persistant tou
jours à se regarder comme cohéritiers de madame de
Ramond ou de ses mineurs, et à considérer la terre de
x
�m
( «4 )
Saint-Agoulin comme objet dépendant d ’ une succes
sio n , insistent sur la demande en subrogation q u ’ils
ont formée contre M. de Chazelles, et présentent cette
demande sous deux rapports, en considérant leur
adversaire comme acquéreur de droits successifs eç
litig ieu x.
Quelle est leur espérance?
Sous le premier point de vu e , on sait que celui qui
a acquis le droit de s’iminiscer dans les affaires de la
succession , de prendre connaissance des titres et
papiers, de pénétrer dans les secrets de la famille,
peut etre écaité du partage. C ’est pour faire cesser ces
inconvéniens, que l'ancienne jurisprudence appliquait
aux cessions de droits successifs les dispositions des
lois per cliversas et ab A n astasio, qui permettaient
d ’écarter les cessionnaires de droits litigieux ; disposi
tions que l ’article 8/| i du Code civil a érigées en loi.
Mais l ’on sait aussi que, lorsque la cession ne comprend
que la part indivise qui appartient à l ’héritier dans
des objets certains et déterm inés> l ’article S/ji ne
peut être appliqué, puisqu’on ce cas le cessionnaire
ri a pas le droit de s ’im m iscer dans le partage de
toute Ici s u c c e s s i o n j mais q u ’il suffit de l'appeler au,
partage des objets certains et déterminés dont i l a
acquis une portion; et ce dernier principe est si cer
tain , q u ’un arrêt de la Cour d ’appel de D ijo n, du
20 thermidor an 1 2 , a jugé que, si pour fix e r la
v a l e u r de cette portion d ’objets certains et déterm inés,
soit à raison des prélèvemens qui pourraient être dus
à d ’autre^ héritiers, à des donataires ou légataires.
�soit à raison du règlement des dettes 3 il devenait
nécessaire de donner connaissance au cessionriaire de
toutes les affaires de la succession y et s'il exigeait
lui-même cette communication, dans ce cas il était
convenable que la liquidation de la succession f u t
fa ite d ’abord avec l ’héritier céd a n t, et que le cessioitnaire ne fut appelé.qu’après cette première opération j
pour procéder au partage des objets certains et déter
minés auxquels seuls il a des droits.
Si l ’on se fixe sur ces principes, et q u ’on les ap
plique aux faits de la cause, il est évident qu ’il n ’y a
aucuns motifs pour admettre la subrogation proposée
par MM. de Groraont et de lîenistanl.
D ’abord M. de Chazelles n ’a acquis q u ’un objet
certain et déterminé : c’est la moitié du domaine de
Neufond. Son titre ne lui donnait pas le droit de
s’immiscer dans les affaires de la succession, quelles
q u ’elles fussent; il ne pouvait former d ’autre demande
que celle en partage du domaine de Neufond : ainsi
toute autre affaire de la succession lui était étrangère,
et toute demande en partage général interdite.
D ’un autre côté,
il
n’y avait aucunjprélèvement à
faire, aucune dette à régler pour fixer la quotité ou
la v a l e u r d e l a p o r t i o n v e n d u e <la domaine d e Neu
f o n d ; madame d e l î a m o u d s’était même chargée de
régler a v e c M. de Chazerat ce qui lui était du pour
l ’ u s u f r u i t ; enfin, ce qui est déterminant, la ferre de
S a i n t - A g o u l i n était le seul objet qui composât cette
prétendue succession : les bois cl’Aubusson , rentes ,
�( se )
effets publics et créances, devant faire l ’objet d’ un
)
partage particulier entre les trois estocs appelés à
la succession de madame de Chazerat , étaient en
tièrement étrangers à cette terre, ne pouvaient servir
h déterminer l ’amendement de chacun des ayant droit;
et comme M. de Chazelles n ’a rien acquis de ces
objets, q u ’il n’y prétend rien, on recherche vainement
les raisons oü les prétextes qui pourraient légitimer
cette demande.
Cette action en subrogation , considérée comme
exercée contre un acquéreur de droits litigieux, est
encore plus
singulièi-e.
Sotis
ce
point
de
vue,
o n se
demande
si MM. de Bénistant et de G rom ont ont
».
voulu se créer un moyen, ou faire une injure à M. de.
Chazelles.
Pouvait-il y avoir litige sur le fond du droit ? La
propriété cédée par madame de Ramond était-elle
d ’une nature litigieùse ? Peut-on ,
mênie par des
conjectures, établir la probabilité d ’un litige?
D ’un autre côté, la résistance apportée par le sieur
Rixain à l ’exécution de
la vente consentie à M. de
t
Chazelles, peut-elle rendre litigieux les droits cédés
par madame de Ramontl? D a n s t o u s l e s c a s , ne faudraitil pas que le litige eut précédé l ’acquisition, et q u ’il
y eût procès au moment de la vente, pour que les
droits q u ’elle comprend fussent litigieux dans le sens
de l ’article 1897 **
Autant cle questions que l ’on soumet à l ’examen de
�MM. (le Bénistant et de Gromont, eu les priant de
consulter les arrêts (i).
Jusqu’ici on a examiné cette partie de la cause sous
le rapport q u ’elle a été présentée par MM. de Bénistant et de Gromont, c’est-à-dire en considérant les
ayant droit à la terre de Saint-Agouliu comme co
héritiers, et le domaine de Neufond comme dépendant
d ’une succession indivise, et l ’on croit avoir pleine
ment détruit les moyens que les adversaires étaient
parvenus à se créer à l ’aide cette erreur de fait.
Mais quelle est la vraie position des parties, et leur
qualité relativement à Saijit-7\gou]jn ?
E n principe, quand le partage d ’une succession est
terminé, toutes les affaires de la succession sont ré
glées, et il n ’y a plus même de succession; ce n ’est
plus entre héritiers proprement dits, mais entre co
propriétaires, que restent indivis les biens qui n ’ont
pas été partagés; l ’acquéreur ou le cessionnaire n ’est,
en ce cas, qu ’un copropriétaire à titre singulier, d’où
résulte que l ’action en subrogation n’étant pas admise
entre copropriétaires, mais ayant été restreinte par
l ’article 841 > en faveur des successibles et aux cessions
de droits successifs, ne pourrait être admise contre
celui qui, après le partage de la succession, aurait
acquis la portion d ’un héritier, même dans des im
meubles restés indivis.
(1) Voyez
1, p. 53.
8
Sirey,
t. 7 , 1 , p.
7^.— Idem ,
t.
9 , 2.— Idem ,
t.
20,
�( 58 )
Si l ’on consulte le droit romain sur la copropriété
des choses indivises ,
On y apprend :
— Que d e u x personnes ne
peuvent posséder la même chose pour l e t o u t (leg . 19,
Q
uant a
la
possession.
J f. D e precario y leg. 3 , § 5 , J f. D e acquirend. v e l
amitt. posses.") ; que la possession ne peut appartenir
à d eu x pour le tout ( leg . 5 , p . i 5 ,J f . Com m odati),
mais que plusieurs peuvent posséder le tout p a r
indivis (ibid. ).
Qu-vnt a. l a t r a d i t i o n . — Celui qui livre un fonds
qui ne lui appartient que par indivis avec un autre ,
ne transfère la propriété que de la moitié indivise qui
lui appartient ( leg . G4 , in f i n e J f . D e evictionibus),
à moins q u ’il ne l ’ait livrée aussi au nom et du con
sentement de son copropriétaire ( In st.} p . (\ i,J f. D e
rerum divisione, leg. 9 , p . 45 à- *•)•
Enfin q u a n t A l a v e n t e . — Quand un copropriétaire
vend sa p a rt, l ’acheteur ne peut prétendre que ce qui
sera tombé dans cette p a r t , par le partage fait avec le
vendeur avant la tradition (Leg. i 3 , p . i ' j i j f - D e
action, empti et venditi.').
E n fait : le p a r t a g e d e l a s u c c e s s i o n de madame de
Chazerat était terminé; il avait été fait judiciairement
entre les trois estocs favorisés, et avait réglé toutes
les affaires de cette succession ; de manière que la terre
de Saint-Agoulin, provenue aux familles Bénistant et
Bénaguet par l ’effet du partage, n’était entr’eux q u ’un
immeuble indivis 3 vis -à-vis duquel ils figuraient
comme copropriétaires} et non comme cohéritiers.
�C 59 )
•
W
D ’ u n autre coté, M. de Chazelles, ayant acquis la portion
d ’un copropriétaire dans une chose indivise, et non
pas la portion d'un successihle dans une succession 3
n ’était lui-même q u ’un copropriétaire ¿1 titre singulier.
De là se déduisent plusieurs conséquences :
L a première. — Que chaque copropriétaire étant
censé ne posséder que sa portion dans le tout indivis,
et ne pouvant transférer que la propriété de ce qui lui
appartient, son acquéreur, en exerçant ses droits, a
la faculté d’évincer celui qui s’est mis en possession
de la portion appartenant à son vendeur, et q u ’il n’a
pour cela q u ’à exercer contre le délenteur une action
en désistement, si la p o r t i o n du vendeur était c o n n u e
par un partage antérieur à la vente, ou une demande
en partage, si les portions étaient encore confondues;
mais qu e , dans l’un ou l ’autre cas, l ’acquéreur 11e
peut et ne doit agir que contre celui qui met obstacle
à la jouissance et à l’exécution de sa vente.
L a seconde.— Que chacun étant propriétaire de sa •
portion dans le fonds indivis, 11e peut être obligé à
l ’aliéner; q u ’il a le droit de la prendre en nature ou
de la vendre, sans que, dans aucun cas, lui ou sou
acquéreur puisse être contraint, à moins d’un consen
exprès à consentir à une v e n t e par licitation.
L a troisième. — ( C o m m e on l a déjà dit). Que la
s u b r o g a t i o n n ’étant admise qu ’en faveur des succestem ent
sibles et pour cession de droits successifs, ne peut l ’être
entre copropriétaires, et contre un cessionnaire qui
n ’est, en ce cas, lui-même, q u ’un
titre singulier.
copropriétaire
à
?
�M \.
■ ( 6a )
Ainsi, la proposition examinée dans ce paragraphe
est pleinement justifiée, et les moyens déjà développés
servent encore à écarter deux difficultés élevées par
MM. de Bénistant et de Gromont.
»
Ils soutiennent, en premier lieu , que rien ne
prouve que les ventes q u ’ils ont consenties égalent
leur lot, et q u ’il n ’est pas établi que celle de madame
de Rainond, à M. de Chazelles, n’excède pas l ’amen
dement de cette dame‘dans la terre de Saint-Agoulin,
L a réponse est facile ; elle ressort des faits. Le par
tage fait connaître l ’amendement de chaque coproprié
taire; c e l u i d e - m a d a m e de Ramond est de 25,956 fr»
61 centimes, si l ’on consulte les b a s e s du p a r t a g e , e t
de 2 7,33o fr. 36 centimes, si l ’on considère la valeur
estimative des immeubles délaissés. Cependant madame
de Ramond n’a vendu que pour 25, 5oo fr. d ’immeubles,
et a obtenu, par cette vente, un bénéfice de 11,000 fr.
sur l'estimation , valeur partage, du domaine de Neufond. MM. de Bénistant et de Gromont ont v e n d u ,
de leur part, tout le reste de la terre de Saint-Agoulin,
et ont fait une perte de 11,691 fr. sur la même valeur
partage; ainsi, bien évidemment, madame de Ramond
n ’a p o i n t excédé ses droits ni son amendement 5 et ce
reproche ne pourrait encore a t t e i n d r e que MM. de
Gromont et de Bénistant.
Les adversaires disent ensuite que la vente de M. de
Chazelles est vicieuse; q u ’elle a été consentie par des
tuteurs, et que les mineurs pourront, dans l ’avenir,
l ’attaquer, et même former la demande en partage.
On voit assez q u ’en présentant ce moyen, MM. de
�( 6. )
Bénistant et de Gromont se considéraient comme co
héritiers des mineurs Bénaguet , et q u ’ils avaient
voulu oublier q u ’un partage judiciaire avait en libre
ment séparé leurs intérêts de ceux de ces mineurs.
Mais aujourd’hui il leur sera facile de sentir que ,
n ’étant que copropriétaires^ d ’un immeuble indivis ,
ils n ’ont aucun intérêt à la validité des ventes de la
portion de ces mineurs; q u ’ils n ’ont aucune demande
en partage à redouter, puisque cette opération a été
déjà faite régulièrement, et d ’une manière définitive;
q u ’ainsi, dès q u ’ils ne peuvent établir que madame de
Ramônd leur a causé un préjudice en excédant, par
sa vente, son amendement dans la propriété indivise,
il ne saurait désormais leur rester aucune objection
raisonnable à présenter.
�S II.
Sous le Code c iv il, la'propriété d ’un immeuble étant
transmise à Vacquéreur par l ’effet seul du contrat
de vente , et sans q u ’il soit besoin du concours de
la tradition ou de la transcription, une vente sous
seing privé ne peut être opposée a u x tiers q u ’autant
que sa date est assurée par les moyens indiqués
p ar la loi. C elu i qui a négligé de prendre ses pré
cautions
ou n ’a pas songé ci assurer la date de
•son titre, n’est point propriétaire, et ne peut accuser
de fra u d e le t i e r s r j n i j p r o f i t a n t d ’un avantage qui
lu i était offert p ar la lo i, aurait acquis l ’immeuble
p a r un acte authentique 3 régulier } et translatif de
propriété.
L ’examen de cette proposition , qui doit prouver
que la vente de M. de Chazelles d o i t a v o i r la pré
férence sur celle du sieur Rixain, lors même que l ’une
et l ’autre de ces ventes émaneraient d ’un seul et véri
table propriétaire, et montrer q u e , dans aucun cas,
la preuve tendant à établir que M. de Chazelles c o n
naissait, a v a n t s o n a c q u i s i t i o n , la v e n t e R i x a i n , ne
saurait être admise, nécessite un exposé et une analise
raisonnée des principes.
On sait que , dans le Droit romain, la tradition
était un moyen d ’acquérir par le droit des gens ( L e g . 9,
§ 3 , ff- de acquir. rerum dominio.
Sous ce Droit, la tradition était chose si essentielle,
que les obligations q u i , suivant la définition de la loi
�(Ci)
3 , au J f. de obligationib. et action ib.s tendent à nous
astreindre à faire ou ne pas faire, ou à donner quelque
chose, n ’avaient pas l ’effet de transférer la propriété
d'un corps ou d ’une servitude : Obligationum substantia non in eo cousis lit, ut aliquod corpus nostrum_,
aut servitutem nostram f a c i a l y de manière que l ’ac
quéreur à qui la chose n ’avait pas été livrée ne pou- *>
Vait exercer l ’action in rem, parce q u ’il n’était point
propriétaire ( L .
. de rei vcndicatione). E t quant
aux servitudes, la tradition en était censée faite par
leur exercice de la part de celui à qui elles étaient
dues : E go p ulo usum ejus jitris pro traditione possessioilis CSSe ( Leg. ao^ do servie, prœd. rus t . ) , ou
par la souffrance de celui qui la devait ( L eg . i , J 2 ,
j f . de servit, prœd. rusl.— Leg. 3 , in princip. , Jf. de
usufruct. et quemadmodum.').
Si l ’on consulte les principes adoptés par les lois,
romaines sur la vente en particulier, on voit q u ’entre
deux acheteurs -celui à qui la chose a été livrée est
préférée {Leg. 3 i , $ i 3 J f. de actionib. empti et
ven diti); et cette loi suppose que chacun des deux
acquéreurs a acheté de bonne foi, sine dolo m alo,
d ’un non propriétaire, à non dom ino, qui a livré la
chose j et elle décide que, soit que les deux acheteurs
aient acquis d ’un même vendeur, ou l ’un d ’un ven
deur et l ’autre d’un autre, sive ab alio et a lio , il
faut maintenir en possession celui auquel la chose a
été livrée d ’abord : Is e x nobis tuendus est qui prior
I
j
ju s apprehendit.
Ces dispositions du droit romain étaient admises
�k
)
dans notre ancienne législation; mais la loi du 1 1 bru
maire an 7 changea toutes les idées, à cet égard, en
introduisant la transcription à la place de la tradition,
et en attachant le transfert de la propriété à l’accom
plissement de cette nouvelle formalité.
L ’article 26 de cette loi porte : « Les actes translatifs
« de biens et droits susceptibles d ’hypothèques doivent
« être transcrits... Jusque-là ils ne peuvent être opposés
« a u x tiers qui auraient contracté avec le vendeur,
« et qui se seraient conformés a u x dispositions de la
« présen te. »
Ce texte était précis : a u s s i , s o u s Fempire de la loi
du 1 1 brumaire, non seulement la préférence entre
deux acquéreurs, dont chacun avait fait transcrire,
se réglait p ar la date de la transcription, et non pai'
la date de la mise en possession (1), mais encore l ’acqué
reur transcriptionnaire était préféré'a. l’acquéreur non
transcriptionnaire, quoique celui-ci fut antérieur en
titre, et que lors de son contrat le second acquéreur
eût connu la v e n te .— L a vente n ’étant pas simulée,
la transcription perfectionnait le titre de l ’acquéreur
au préjudice du tiers} encore que cet acquéreur eût
COnntl Une première v e n t e l i o n t r a n s c r i t e ( 2 ) .
L ’espèce d’un de ces arrêts peut donner une idée
juste des principes en cette matière.
(1) Voyez S ire y , tome 4 , p- 2 i p. 585.
(2) Voyez Sirey, tome 3 , p. 1 , p. "ii.— Id em , lome 6 , p. 1 , p. Go.
— Dcuevers, lomo 3 , p. 1 , p. 564.
�.
( <55 >
Le 8 floréal an 9 , Pierre Girard vendit par acte
public un immeuble à Michel, son frère. '
Le 9 , seconde vente du même objet à Guillaume,
son autre frère.
Le second acquéreur transcrit le jour même de son
acquisition, tandis que le premier ne remplit cette
formalité que plusieurs mois après.
Dans cette position, débats entre les deux acqué
reurs.
Le premier, admis à une preuve, établit que le
second avait, lors de son acquisition, connaissance de
la première vente. E n conséquence, il soutient que le
second aefjudreur s’était rendu coupable d ’une fraude
qui devait lui faire refuser la préférence.
Ce système fut accueilli par le tribunal d ’Issoire;
mais sur appel, le jugement fut réformé par arrêt de
la première chambre de la Cour royale de R iom , du
5 prairial an 1 1 , qui accorda la préférence à la seconde
v e n t e parce que, i° le second acquéreur avait trans
crit le premier, et que la loi attache l’irrévocabilité de
la propriété, vis-à-vis des tiers, à cette formalité ;
29 que, dans les termes absolus de cette loi, la con
naissance d ’ une vente précédente est indijférente ;
q u ’il est a s s e z q u e l e s e c o n d acquéreur ait su que
la première vente r i avait pas été soumise à la f o r
m alité de la transcription.
Cet arrêt ayant été déféré à l ’examen de la Cour de
cassation, fut confirmé, le 3 thermidor an i 3 , par
les motifs,
Q u ’on ne peut accuser de fraude celui qui achète
9
�«0C \
(66)
un immeuble q u ’il avait pu déjà savoir être vendu À
un autre, tant que cette première 'vente ri est pas
transcrite , et conséquemment q u i l riy a pas eu trans
lation de propriété'y car il n ’y a pas de fra u d e à pro
fite r d'un avantage offert par la l o i , et que c e s t au
prem ier acquéreur à s'im puter à lui-même s'il n’a pas
usé d ’une égale diligence pour fa ir e transcrire son
acte.
Le nouveau droit introduit par la loi du \ i brumaire'
an 7 , exigeait que l ’on reconnut quels étaient les actes
qui pouvaient être transcrits, et conséquemment, par
l'accomplissement de cette ioi-maln<$, conférer irrévo
cablement la propriété. .
Il n ’y avait point de difficultés pour les actes
authentiques.
Quant aux actes sous seing privé translatifs de
propriétés d ’immeubles , une décision du ministre
de la justice, du 25 nivôse an 8 ,
porta q u ’ils ne
doivent pas être transcrits........s"ils ne sont préala
blement reconnus et déclarés tels par jugem ent. Cette
décision parut trop rigoureuse aux tribunaux; et la
jurisprudence établit, au contraire, que les a c t e s .sous
seing privé peuvent ê t r e t r a n s c r i t s , e n c o r e q u ’ils ne
soient pas reconnus (i).
Aussi
uu avis du conseil
d ’E t a t , du 3 floréal an i 3 , décide expressément q u ’un
acte de vente sous seing privé peut être transcrit,
quand i l est enregistré. Il fallait donc, sous la loi de
brumaire, que la date de l ’acte sous seing privé f u t
(i) Voyez Sircy, tome 4 > part. 2 , p. 29G.
�assurée, à l ’égard des tiers, pour pouvoir être soumise
à la formalité de la transcription, qui seule transférait
la propriété d ’une manière irrévocable.
Tel était 1 état de cette législation transitoire ,
lorsque le Code civil fut promulgué. Si on l ’étudie
avec attention, si on combine sur-tout scs dispositions,
on se convaincra bientôt que, peur les.cas ordinaires,
ce code n ’a eu égard ni à la tradition ni à la. trans
cription, et q u ’il a attaché au titre seul le transfert
de la propriété; de manière q u ’aujourd’h u i, dans le
cas de deux ventes, Y antériorité de la date de l ’ une
doit nécessairement lui faire accorder la j>ix{/crence
s u r l ’a ii ti c.
E n effet, sous le Code civil, àr la différence du
Droit romain, la tradition n’est plus un moyen d ’ac
quérir, en ce sens, du moins, q u ’elle n ’est plus né
cessaire pour conférer la propriété des immeubles, le
contrat suffisant pleinement à cet égard.
A in s i, quant aux obligations de toute nature 3 le
-Code civil a introduit à cet égard une modification
bien importante, et dont les conséquences, en Droit,
sont très-étendues, en statuant que Veffet des contrais
et obligations, en général, est de t r a n s f é r e r i m m é d i a
te m e n t
et sans q u ’il soit b e s o i n de tradition , l a pi'opriété pleine et entière de la chose qui en est l ’objet;
c ’est ce qui résulte nettement des articles j 13 8 , 1 583
et 1703 du Code, qui ont abrogé l’ancienne maxime:
Tradilionibus non nudis pactis dominia rerum transferuntur.
Le Code civil n’admet, au reste, que deux excep
�tions aux règles absolues et positives q u ’il établit : —
la première est relative au m obilier, espèce de biens
pour lequel le possesseur est préféré, quoique son titre
soit postérieur, si l ’acquéreur est de bonne foi (Voyez
Code civil, articles 1 1 4 1 et 2279)*— L a seconde re
garde les donations et les testamens, qui ne transfèrent
pas seuls la propriété des immeubles, ce qui ne peut
avoir lieu que par le concours de la transcription, que
le Code civil, comme la loi du n
brumaire an 7 , a
mis à la place de la tradition. (Voyez Code civil, ar
t i c l e s 9 3 9 et s u i v a n s , 1069 et suivans). M a i s , hors
ces cas, tout rentre dans la r è g l e g é n é r a l e , l e c o n t r a i
suffit pour conférer pleinem ent la propriété des im
meubles qu i en sont l'objet.
Les résultats de ce principe sont q u e , dans notre
nouveau Droit :
i° L ’acheteur à qui la chose n’a pas été livrée peut
exercer l ’action en revendication, même à l ’égard du
second acquéreur, qui aurait fait transcrire; car le
vendeur n ’a pu transmettre à ce dernier que la propriété et les droits q u ’il avait lui-même sur la chose
'v e n d u e . (Voyez Code civil, article 2 1 8 2 , deuxième
alinéa);
20 Q u ’entre deux acquéreurs, s’il s’agit d ’immeu
bles, on doit maintenir celui qui a pour lui l ’anlériorité du titre, abstraction faite de la tradition ou
transcription, qui ne sont plus nécessaires pour saisir
l ’acquéreur ou pour faire courir la prescription en sa
faveur.
j 583. ).
(Voyez Gode c i v i l ,
articles i i 3 8 , i i / j î ,
�( «9 )
'
Ces conséquences, qui ressortent si nettement des
dispositions de la loi, sont encore consacrées par la
jurisprudence.
Ainsi, sous l ’empire du Code civil, la transcription
n'est pas nécessaire p our préserver l ’acquéreur de
l ’effet d'une seconde vente que pourrait consentir sou
vendeur (Arrêt de Nîmes, du 11 juin 1807. Voyez
Sirey, tome 9, partie 2 , page 3 i.). La préférence
entre d eu x acquéreurs successifs du même immeuble
se règle, non par la tr a n s c r ip tio n mais uniquement
p ar la date des titres (Arrêt de Trêves, du 9 février
1810. Voyez Sirey, tome 12, partie a , page 177.).
.— E t c e t t e j u r i s p r u d e n c e est si positive et si constante,
que l ’on voit q u ’un contrat de vente passé sous la loi
du 11 brumaire an 7, quoique non transcrit, est
devenu translatif de propriété du moment de la pro
mulgation du Code civil (Arrêt de Paris , 9 février
1814. Sirey, tome 12 , partie 2, page 74.).
U n changement aussi notable dans les principes
devait faire sentir la nécessité d ’assurer la date des
actes, transférant par eux-m êm es, et dès l ’instant,
îa propriété des immeubles, sans le concours de la
tradition ou de la transcription. Cette n é c e s s i t é était
même plus forte s o u s l e C o d e civil que sous la loi du
II brumaire an 7 , puisque, sous cette dernière loi,
la transcription conférant la propriété, et l ’acte sous
seing privé ne pouvant être transcrit ju s q u ’à son enre
gistrement , il en résultait q u e , sans enregistrement,
le porteur d’un acte sous seing prive n ’avait pas de
titre contre les tiers.
�( 7° )
Il
existe d ’ailleurs, entre l ’acte authentique et l ’acte
sous seing prive, des différences si notables dans les
effets q u ’ils produisent, même entre les parties con
tractantes , q u ’il était
indispensable. d ’assigner des
moyens certains de reconnaître leur date, et de l ’assurer
à l ’égard des tiers.
E u effet, l ’acte authentique fait foi jusqu’à inscripr
lion de faux; c’est à celui qui l ’attaque à tout prouver,
tandis que l ’acte sous seing privé ne fait foi q u ’autant
q u ’il a été reconnu expressément ou tacitement par
ceux qui o n t i n t é r ê t de ne pas le reconnaître; de ma
nière q u ’une simple d é n é g a t i o n p e u t e n a r r ê t e r l ’exé
cution , et c’est au demandeur à prouver la vérité de
son acte.
E n un m o t , l ’acte authentique est présum é vrai ,
tant qu g le f a u x n ’est pas prouvé , tandis que Vacte
sous seing p riv é, quand il y a dénégation , est présum é
f a u x , jusqu’à preuve contraire ( Argum ent tiré des
articles i 3 a3 et 13 24 ^ll Code civil.).
U n titre q u i , par sa nature, a une existence aussi
incertaine, même à l ’égard des parties contractantes,
pouvait-il être facilement opposé à des tiers? E t rela
tivement à eux, aux i n t é r ê t s d e s q u e l s il est si facile
de préjudiciel' par des antidates, l ’acte sous seing
privé pouvait-il avoir d ’autre date que celle du jour
où il était représenté, ou au moins celle que la loi lui
donne, comme suite de l ’accomplissement des forma
lités q u ’elle prescrit?
Aussi l ’article i 328 du Code civil no fut défini
tivement rédigé,
q u ’après un examen très-sérieux.
�( 7 0
L ’arlicle 219 du premier projet, et l ’art. 217 de celui
de la section , 11e parlaient pas de rénonciation de la
substance d ’un acte sous seing privé dans un acte
public, pour en constater la date; et l ’analisc des
observations dès tribunaux, pages 609 et 6 1 2 , établit,
que c’est sur la demande des Cours de cassation et de
Grenoble, que cette addilion, déjà consacrée par les
lois des i 3 messidor et 6 fructidor an 3 , fut adoptée au
conseil d ’E t a t , sur la réclamation de M. Defermont.
L'article 1828 porte : « Les actes sous seing privé*
« n ’ont de date contre les tiers, q u e nu j o u k où ils
«
«
«
«
«
ont été enregistrés, du jo u i' de la mort do celui ou
l ’un (le ceux q u i les ont souscrits, ou du jo u r OÙ
leur substance est constatée dans des actes dressés
par des officiers publics, tels que procès-verbaux
de scellés ou d ’inventaire. »
Si l ’on se fixe sur les antécédens de cet article,
l ’incertitude des actes sous seing privé entre les parties
contractantes, la facilité des antidates, les discussions
au conseil d ’E t a t , pour ajouter aux circonstances
qui doivent donner à l ’acte sous seing privé une
date certaine contre les tiers, tout ne se réunit-il pas
pour établir que les dispositions de cet article sont
absolument r e s t r i c t i v e s ? J)e u t-on sur-tout méconnaître
cette vérité, quand, en se fixant sur la rédaction de
la loi elle-même, ou se convainc qu ’elle est conçue en
termes p ro h ib itifs, absolus et restrictifs pour toutes
les conditions q u ’elle exige, afin de donner à l'acte
sous Seing privé une date contre les tiers, et q u ’au
contraire elle s’exprime en termes énonciatifs, lors-
�q u ’elle veut faire sentir de quelle nature peuvent être,
sans en exclure aucun, les actes authentiques qui
peuvent
privé ?
constater
l ’existence
des actes sous seing
Mais ce n ’est pas tou t; l ’exposé des motifs, le rap-r
port fait au tribunat, et le discours au corps législatif,
lèveraient au besoin toute espèce de doute sur le sens
et le véritable esprit de cette loi.
M. Bigot de Préameneu, dans son exposé des motifs,
du 7 pluviôse an 1 2 , disait : — « Il est souvent du
« plus grand intérêt, soit pour les parties, soit pour
« des tierces p e r s o n n e s r p c e l a d a t e clcs actes sous
« seing p rivé soit prouvée. Ceux qui les ont écrits ont
« la facilité de les écrire une seconde fois sous une
« autre date. L a date portée dans un écrit sous seing
« privé ne fait donc foi q u ’à l ’égard de ceux qui ont
« signé; i l fa u t q u ’à l ’égard des autres la date soit
(i d ’ailleurs assurée ; ainsi les écrits sous seing privé
« n ’o n t ,
a l ’é g a r d
des t i e r c e s
personnes,
de d a t e
« CERTAINE.,........ »
M. Jaubcrt, dans son rapport au Tr ib unat, du
i 4 pluviôse an 12 , ajoute « que déclarer en principe
« que les actes sous s e i n g p r i v é f a i s a i e n t f o i de leur
« date contre des tiers, c ’ e u t é t é o u v r i r l a p o r t e a
« t o u t e s l e s f r a u d e s . — Déclarer en principe que ces
« actes n’ont point de date contre les tiers, n?est-ce
«
«
y
«
pas compromettre, en certains cas, les intérêts des
hommes de bonne foi qui n ’ont pas exigé un acte
public, ou parce q u ’ils n ’y ont pas songé, ou parce
.qu’ils n ’ont pas voulu en faire les frais. — Cependant
�( 7^ )
« cc dernier inconvénient est moindre que celui qui
« résulterait du système contraire.............. Au reste
« le s
c o n tr a c ta is son t a v e r t i s ;
c ’est à
eux
à
« PRENDRE leu rs PRÉCAUTIONS. »
Ainsi, deux choses sont actuellement évidentes : la
première, que, sous le Code civil, le titre transfert
seul la propriété de l ’immeuble vendu; la seconde,
que l ’acte sous seing privé n’a de date certaine , à
l ’égard des tiers, q u ’autant que l ’acquéreur s’est con
formé aux dispositions restrictives de l'article i3a8
du Code civil;
autrement, cet acquéreur n ’est pas
plus propiictaire que celui qui, sous le Droit romain,
n ’ a u rait p a s eu da t r a d i t i o n ou que celui q u i , sous
la loi du i i brumaire au 7 , n ’a u ra it p a s eu de
transcription.
Sous ce rapport, il est évident q u ’aucune preuve
ne saurait être admise pour fixer et établir à l ’acte
sous seing privé, contre les tiers, une autre date que
celle que la loi lui assigne. En effet, comme l ’a dit
M. Jaubert, les con tra cta n s sont avertis ; c ’est à e u x
à p ren d re leu rs p réca u tio n s ; ils sont donc, relative
ment à la date de leur a c t e , dans la même position
que celui qui voudrait faire admettre une p r e u v e p o u r
une s o m m e e x c é d a n t i 5 o l'r• , c o n t r e l es dispositions
formelles de l ’article i 3 4 r du Code civil, et qui ce
pendant ne pourrait se placer dans aucune des excep
tions prévues par les articles 13/f7 et x3/j8 du même
Code. Or, 011 peut, à son tour, faire ici un dilemme
à la dame veuve Rixain, et lui dire : « Votre mari
« p o u v a it 011 ue p o u v a it p a s assurer la date de soji
*9
�( 74 )
«
«
«
«
«
«
acte vis-à-vis les tie r s.— S ’il le pouvait, pourquoi
ne l ’a-t-il pas fait? I l était averti par la loi; il tlevait prendre ses précautions : il doit donc seul supporter la peine de sa négligence.— Si, au contraire,
il ne le pouvait pas, quelle était la raison de cette
impossibilité? On ne peut en supposer que deux ;
« la première, que l ’acte n ’existait point encore ; la
« seconde, q u ’en supposant son existence, la vente
« qui en était l ’objet avait été consentie par des ven« deurs n ’ayant ni qualité ni pouvoir; dans l ’un et
« l ’autre cas, comment cet acte pouvait-il être opposé
« au tiers? c o m m e n t a u r a i t - i l été pour lui l ’origine
« de la plus légère obligation, lors même q u ’il lui
« aurait été connu ? »
Cependant la dame veuve Rixain persiste à articuler
q u ’il y a fraude de la part de M. de Chazelles, qu i,
à l ’époque de son acquisition, connaissait la première
vente; et, se fondant sur les dispositions de la lo i 9,
au J f. de p ublician â in rem ac liane 3 sur celles de la
lo i 3 1 , § 2j J f. de aclionibus em pli et v e n d iti, ainsi
que sur tous les auteurs de l ’ancienne jurisprudence
qui ont appliqué ces principes, elle soutient que la
préférence doit être accordée à sa vente.
Avant d ’employer ces moyens, la dame Rixain au
rait dû réfléchir q u ’elle était obligée d'invoquer une
législation et une jurisprudence qui n ’existent pins ;
que dès long-tems la tradition avait été remplacée par
la transcription y que la transcription elle-même n ’était
point aujourd’hui nécessaire pour transférer la pro
priété, qui se transmettait par le titre seu l, lorsqu’il
�( 7« )
^
¿tait authentique; mais que, dans l ’un comme dans
l ’autre de ces deux derniers cas, on ne pouvait ac
cuser de fraude celui qui achetait un immeuble q u ’il
savait vendu, lorsque, sous la loi du' n brum aire,
la première vente n’était pas transcrite 3 ou que, sous
le Code civil, elle n ’avait point de date certaine à
l ’égard des tiers; q u ’alors, n ’y ayant pas eu de trans
lation de propriété, le second acquéreur avait pu sans
fraude profiter d ’un avantage ouvert par la loi, tandis
que le premier acquéreur aurait à s’imputer de n ’avoir
pas usé de diligence, et de n ’avoir pas pris ses pré
cautions, quoiqu’il fut suffisamment averii. S i l ’o n
v o u l a i t c o n s u l t e r l e D r o i t romain dans cette cause, ce
n ’était pas des principes de législation positive et sujets
à changement q u ’il fallait exhumer, mais bien ces
principes immuables qui sont .consignés dans le vaste
recueil du Droit romain, et journellement invoqués
comme raison écrite. Alors la dame veuve Rixaiu au
rait appris que celui qui use de son droit n ’est point
censé en dol. N u llu s videtur dolo fa esre qui ju r e
suo utitur {Leg. 5 $, ff- de reg. ju r is .); que nul n ’est
présumé ignorer son droit. Plurim hm interest utruni
quis de alterihs causa et fa c to 3 non sciret, an de
ju r e suo ignoret (^Leg- 3 ,
de ju r e et fa e ti ignorantin. ).
La dame veuve Rixain persiste à soutenir que les
dispositions de l ’article i 3 a8 du Code civil n’ont rien
de restrictif ; que les cas qui y sont prévus ne sont
q u ’ énonciatifs, et que l ’on peut démontrer, contre les
tiers, l ’existence d’ un acte sous seing privé, pard autres
�< w
^
( 76 )
circonstances que celles énumérées dans cet article.
L ’erreur de ce système a été démontrée; mais si l ’on
accordait à la dame Rixain ce dernier p o i n t , quel
avantage retirerait-elle de cette concession ?
Dans quel sens, en. effet, l ’article i 328 pourrait-il
être considéré comme énonciatif? C ’est dans le cas où
la dame Rixain articulerait des faits pareils ou d ’une
égale force à ceux qui sont indiqués par la loi, mais
q u i , par leur singularité ou leur rareté, n’auraient
pu. être l ’objet de la prévoyance du législateur.
Voyons encore les principes : Les législateurs, dit
Theopliraste, n e s’occupent pas de cc qui arrive une
ou deux fois. Q uod enim sem el aut bis eæ istit, ut
ait Theopliraste s, prœtereunt legislatores ( Leg. G,
tit. 3 , au JJ\ de legib. seu que{ consul. et long*
consuetud. ) . — Les lois ne peuvent prévoir tous les cas
( L . 10, 12, e o d Aussi leur décision doit s’appliquer
aux cas semblables : A d sim ilia procederc, atque.
ila f u s dicere debet ( L . 1 2 , i 3 , a 4 ? eodem.'). De-là
le principe ubi eadem ratio idem j u s .— Les cas sem
blables sont
censés écrits dans la loi : Q uasi hoc
legibus inesse credi oportet {I). le g . , 27.). Aussi les
auteurs qui o n t cru devoir regarder l ’article i 328 du
Code civil comme énonciatif, proposent-ils des cas
d ’une force au moins égale à ceux qui ont été prévus
par la loi, et qui n ’ont pu venir à la pensée du légis
lateur. Le docteur Toullier donne pour exemple uu
militaire qu i, la veille d'une bataille, consent un acte
sous seing privé, et q u i , le lendemain, a les deux
bras emportés;
il se demande ensuite si un pareil
�(77.)'
i 1
accident assure la dale de l ’acte relativement aux
tiers. Il est évident1 que ce cas est tout semblable'et
tout aussi fort que ceux prévus par l ’article; que sa
rareté ne permettait pas que le législateur s’en oc
cupât; qu ’ainsi il doit être censé écrit dans la loi.
Q u ’ont de commun de pareils exemples, fondés sur
des faits publics, permanens et incontestables, avec
l ’espèce à juger? La daine Rixain veut une preuve :
de quel fait? La connaissance que M. de Chazelles
aurait eue, avant son acquisition, de la vente consentie
au sieur Rixain par MM. de Bénislànt et de Gromont.
Mais cette connaissance a-t-éllê un caractère d ’é v i d e n c e
a u s s i f o r t <jne / ’e n r e g i s t r e m e n t j la mort d ’une des
parties contractantes, ou Vénonciation des actes soiis
seing privé dans les actes p u b lics? Cette circonstance
est-elle sur-tout tellement rare, q u ’il fût impossible
de la prévoir? E t si la loi, décidant, en ce point,
d ’une manière toute contraire aux principes q u ’elle a
consacrés, eut voulu laisser la propriété flottante et
incertaine, et la faire dépendre de la déposition de
quelques témoins, ne s’en serait-elle pas clairement
expliquée ?...........
Mais M. de Chazelles a fait connaître les faits, et il
a au m o i n s l ’a v a n t a g e d e n ’a v o i r jamais varié. M. de
Gromont des Ronzières lui a dit que la vente était
c o n s o m m é e ; M* llébrard, notaire, lui a assuré qu'il n ’y
avait point de vente, parce que MM. de Gromont et
de Bénislànt n ’avaient pas de pouvoirs pour la con
sentir. M. de Chazelles, supposant que le sieur Rixain
avait au moins obtenu une promesse de p référen ce, a
�1
l*V
voulu faire un sacrifice pour être subrogé ou associé à
d
cette promesse : il n’a pu réussir. Il s’est alors adressé
au sieur Pinatelle, que Mc llébrard lui avait indiqué
eomme fondé de pouvoir de madame de Ramond, et a
acquis de lui la moitié de Neufond , sans connaître
toutefois la vente que le sieur Rixain aurait tenue de
MM. de Gromont et de Bénistant.
Telles sont les explications que M, de Chazelles a
constamment données et q u ’il réitère encore. Il savait
q u ’il pouvait se taire; mais sa conscience exigeait de
lui l ’aveu de la vérité tout entière : il l’a fait. Mais,
comme cet aveu est indivisible il ne peut redouter
que la Cour admette une preuve qui, dans les circons
tances, serait tout à-la-fois illégale, inutile et inju
rieuse»
!
�( 79 )
j O
f
S III.
Sous les anciens principes la
(
t r a d it io n
> pendant
le droit intermédiaire la t r a n s c r i p t i o n } et sous
le Code civil le t i t r e s e u l , ne transférant la
propriété qu autant que la vente aurait été consentie
par le véritable propriétaire ; et s dans l ’espèce, le
seul propriétaire de Vimmeuble vendu étant ma
dame de Ramond ou ses mineurs, M . de Chazclles,
son acquéreur, doit obtenir la préférence sur le
sieur R ix a in , q u i } sous aucun rapport 3 ne p eu t
se plaindre ou
connaissance sup
posée que BI. de Chazclles aurait eue d ’une vente
antérieure à la sienne„ mais émanant d'un vendeur
qui n’était pas propriétaire.
Si cette proposition est vraie, elle est déterminante
dans la cause, et tellement décisive, qu ’elle pourrait
rendre inutile l ’examen des autres moyens. O r , com
ment cette proposition s’établit-elle?
Sous le droit romain, la tradition ne transférait la
propriété, q u ’autant que celui qui livrait la chose en
était propriétaire ( l . 20 , Jf- D e acquirendo rerum
d o m i n i o car s’il ne l ’était pas, la tradition n ’avait
d ’autre effet que de fournir un titre pour prescrire
(jL. 46 j j f . eod. L . ^4 j 111 f uiej J f ‘ & e contrahendd
emptione
L a tradition ne transfert le domaine , qu’autant
q u ’elle est faite par le maître ( leg . 20 } Jf- D e acqui-
f f
�flO \
( a. )
rendo rerum d o mi n i o ) , ayant capacité à cet effet
( In st. in princ. et p .
i , quibus alienare licet v e l
non), ou par son mandataire {leg. 9 p . l \ , j j • h. tit.)^
et généralement par quiconque a reçu du maître, ou
de la l o i , ou du ju ge, pouvoir, à cet effet, par son
mandataire, son tuteur, ses créanciers envoyés en
possession de ses biens, etc..... (I b id . et leg. 1 p . 2 1 ,
f f . D e admin. tutorum, leg. 9 j au f f . D e acquirendd
v e l amittendd hereditate y Inst. in princip. de succès-,
sio n ibu s s u b la tis j e t c ............, le g . 6 , § 1 , et le g . 7 ,
P•
6^ et sequ en tes q u ib u s e x
n e m , e t c .........
ca u sis p ossessio-
' 4L a tradition faite par le v e n d e u r transfert la pro
p r i é t é , si la chose l u i appartien t { L e g .
11 , p .
i 3
f f . D e a ction e e m p ti et v e n d it i .). Dans ce sens, on
applique aux ventes le même principe q u ’aux dona
tions : D o n a r i non p o tes t., n isi q u o d e j u s J it c u i d on a tu r.
‘P ar suite de ce principe, si la bonne f o i et p r io r ité
d e p o ssessio n , pour les immeubles , étaient requises
quand les deux acquisitions émanaient du véritable
propriétaire ou de deux non propriétaires, cela 11’em¡péchait pas q u e , si l ’un d ’eux avait acheté d u v r a i
p r o p r ié ta ir e , o n n e c o n s u l t a i t plus, à son égard, la
bonne f o i ou la p r io r ité d e p o sse ssio n ; il devait être
maintenu c o n sta m m e n t } d é fin itiv e m e n t , c’est-à-dire,
tant au possessoire q u ’au pétitoire, sur le fond : S i
a lle r e x nobis a domino em i ss e t , is omnimodo Lv.endus
est. Cela était si vrai., que, dans le cas où quelqu’un
aurait acheté d ’une personne q u ’i l croyait, n è lr e pas
propriétaire, et qui cependant l ’était réellement, la
�( 8i )
• JK
propriété cle la chose vendue lui était transférée, si
elle lui avait été livrée : Q u i igno ravit dotninum esse
rci venditorem , p lu s in re est rjuàm in existimationc
mentis; et ideb tametsi existim et se à non domino emere,
tamen si cï domino, c i tradatur 3 dominas ejficitur
( L e g. 9 , § l\, Jf- D e ju r e et f a c t i ignorrintid.).
Sous le Code civil, les principes sont les mêmes ;
et, en France comme chez les Romains , celui qui
aurait acquis du véritable propriétaire serait main
tenu, et cela, quand même son acquisition serait pos
térieure à la vente faite par un non propriétaire, à
un premier acquéreur qui a u r a i t été m i s e n p o s s e s s i o n
eiïeciive p a r son vendeur. Les raisons de cette décision
sont, i° que la tradition n’est plus aujourd’hui né
cessaire pour tranférer la propriété; 2° que le vendeur
ne peut transférer à l ’acquéreur d ’autres droits sur la
chose vendue, que ceux q u ’il y a lui-même ( V o y e z
(Code civil, article 2182.).
Ces règles positives et invariables s’appliquent ,
comme 011 l ’a v u , aux propriétés indivises, desquelles
le vendeur ne peut transférer la propriété que de la
moitié qui lui appartient, à moins qu ’il ne l ’ait livrée
aussi au nom et du consentement de sou copro
priétaire.
Cela posé, on s’assure, en revenant sur les faits de
la cause ,
i° Que la terre de Saint-Agoulin était
propriété
indivise entre la famille d ’Amable Soubrany, époux
de Marie-AnneFarradesche, qui avait droit à la moitié
de cette terre, et celle d ’autre Amable Soubrany ,
11
�* :'
*
•
( 8.)
époux d ’ une demoiselle B én aguet, qui était proprié
taire de l ’autre moitié; que la famille Bénaguet se
composant de trois tètes , chacune d ’elle était pro
priétaire du sixième de Saint-Agoulin, évalué, par le
partage, à 25,956 fr. 61 c . , ou, par le délaissement
de la terre, à 27,33o fr. 36 c. ;
a° Que MM. de Bénistant et Farradesche ont les
premiers vendu à M. Debonnevie la portion qui re
venait à leur famille dans cette propriété indivise ;
q u ’ils ont figuré seuls dans ces ventes; q u ’ils en ont
t o u c h é le. prix, de manière que-, leur portion étant
épuisée , ils ne p o u v a i e n t p lu s d i s p o s e r d e la moindre
partie de la terre de Sain t-A goulin à titre de pro
priétaires;
3° Que ces Messieurs ayant ensuite vendu au sieur
Rixain le domaine de Neufond et les bois dépendans
de la terre de Saint-Agoulin, ont 'vendu la chose
d ’autrui, puisqu’il l ’époque de cette vente ils n’agis
saient ni comme propriétaires ni comme mandataires ;
que si, dans la suite, cette vente a pu profiter au
sieur Rixain, pour les portions revenant à la dame
veuve Voisins et au sieur M alleret, au moyen des
ratifications q u ’ i l s e n ont faites, elle n ’ a pu lui
transmettre aucun droit du c h e f des mineurs B éna
guet ou de leur tutrice, qui n ’ont jamais donné de
pouvoirs à MM. de Bénistant et de Gromont, et qui
avaient au contraire un fondé de procuration parti
culier, chargé de vendre dans leurs intérêts ;
4° Que la vente de madame de Ramond à M. de
Chazelles, de la moitié du domaine de Neufond, est
�( 83 )
'
faite par le véritable propriétaire ; que la venderesse
n ’a point excédé sa portion dans la propriété indivise;
que cette vente, consentie par le sieur Pinatelle, fondé
de pouvoirs de madame de Ramond, a été reconnue
et ratifiée par les véritables propriétaires, qui se réu
nissent encore aujourd’hui à M. de Ghazelles pour
repousser les prétentions de la dame veuve llixain et
de MM. de Bénistant et de Gromont.
Ainsi, la vente du sieur Iiiæain est nulle pour la
moitié du domaine de Neufond , comme ayant été
consentie par des vendeurs qui n’avaient , comme
propriétaires ou comme mandataires, ***<<?mie capa
cité p o u r aliduer. C e l l e d e M. de Ghazelles doit, au
contraire, être exécutée, puisque son titre émane du
fondé de pouvoirs du véritable p r o p r ié t a ir e qui non
seulement l ’a ratifiée, mais vient encore la soutenir
devant la Justice.
L ’exposé du fait et l ’examen des propositions qui
en découlent ayant prouvé q u ’il n’y a point de cause;
q u ’il n ’en a jamais- existé; que, pour en créer une ,
MM. de Bénistant et de Gromont, réunis au sieur
Rixain, ont été obligés de s’abuser sur les points' de
faits q u ’ils d e v a i e n t le m i e u x connaître, et sur les
principes les plus élémentaires, M. de Chazelles doit
s’arrêter.............. Que lui resterait-il en effet à com
battre ? quelques assertions fausses , des réticences
plus ou moins injurieuses, des déclamations puériles
ou inconvenantes. M. de Chazelles sait que trop sou
vent, dans les discussions judiciaires, l ’injure attire
�( 8 4 ,)
l ’injure, et qu ' il lui serait permis d ’adresser au moins
à ses adversaires des reproches faciles à justifier, et
justement mérités, mais il ne veut point d ’une com
pensation aussi opposée à ses principes; et, fort de sa
conscience et de son droit, il aime mieux, s’abstenant
d ’aucune autre réflexion, s’en remettre à la sagesse
et à l ’impartialité de la C o u r, *
*
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BERARD D E C HAZE LLE S-LA B U SSIÈ R E ,
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B A Y L E aîn é, ancien A v o c a t.
P ierre B A Y L E a in é , A vou é-licen cié,
R I O M , I M P R I M E R I E D E S A L L E S , PRÈS LE P A L A I S D E J U S T I C E .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Berard, Antoine. 1822?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle, Jean-Ch.
Bayle, Pierre
Subject
The topic of the resource
ventes
doubles ventes
successions
Chazerat (Madame de)
experts
actes sous seing privé
possession
jurisprudence
bonne foi
procuration
partage d'un domaine
équité
enregistrement
indivision
testaments
coutume d'Auvergne
estoc
experts
affichage
droit intermédiaire
domaines
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour M. Antoine Bérard de Chazelles-Labussière, intimé ; contre MM. Jacques Soubrany de Bénistant et Pierre Farradesche des Ronzières, appelans et défendeurs en garantie ; et contre dame Marie-Caroline Lacoste, veuve de M. Jean-Jacques Rixain, docteur en médecine, tutrice de ses enfans mineurs, aussi intimée et appelante ; et en présence de madame de Champétière, veuve de M. Penautier ; épouse, en deuxièmes noces, de M. Ramond, tuteur des mineurs Penautier, ayant pris le fait et cause, et garans de M. Berard de Chazelles, intimé.
annotations manuscrites : texte complet de l'arrêt du 9 octobre 1822, 1ére chambre.
Table Godemel : concurrence : 3. le principe introduit par l’article 1328 du code civil pour prévenir les fraudes et non pour les favoriser, ne peut être appliqué qu’entre deux acquéreurs de bonne foi, et lorsque celui qui a acquis par acte authentique a ignoré la vente qui précédemment avait été faite, en faveur d’un autre, par acte sous signature privée. Spécialement la préférence peut être accordée à la vente faite sous seing privé, quoique son enregistrement soit postérieur à la date de la seconde vente, consentie devant notaire, lorsque cette dernière vente avait été faite par un mandataire, contrairement aux termes de la procuration, et lorsqu’il est établi que le second acquéreur avait une connaissance personnelle de la vente antérieure à celle qu’il a obtenue par acte authentique.
4. quelle doit être l’étendue de la garantie accordée au second acquéreur dont la vente reste sans effet par suite de la connaissance personnelle qu’il avait sur l’existence de la première vente, et de son silence à cet égard envers le mandataire ?
n’est-ce pas suffisamment pourvoir à ce qu’il peut prétendre, que de lui allouer le remboursement des sommes qu’il a payé sur le prix de la vente, ainsi que de ses déboursés pour frais et loyaux coûts, avec les intérêts à compter des époques de paiement ou de déboursés ; et, de plus, les dépens auxquels il est condamné ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1822
1818-1822
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
84 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2528
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2526
BCU_Factums_G2527
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53514/BCU_Factums_G2528.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
Jozerand (63181)
Entraigues (63149)
Neufonds (domaine de)
Girauds (domaine des)
Machal (domaine de)
Bussière (domaine de)
Aubusson-d'Auvergne (63015)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes sous seing privé
affichage
bonne foi
Chazerat (Madame de)
coutume d'Auvergne
domaines
doubles ventes
droit intermédiaire
enregistrement
équité
estoc
experts
indivision
jurisprudence
partage d'un domaine
possession
procuration
Successions
testaments
ventes