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•4 $
MEMOIRE
COUR
IMPÉRIALE
DE RIOM.
EN R É P O N S E ,
ch»,b„eï
REUNIES.
POUR
Audience du
A n ne - F rançoise N O Y E R DU S A U V A G E , 6mil‘8&
m in e u re , habitante de la ville de C lerm on t ,
et M e. G A R R O N , licen cié-av ou é en la C o u r,
son cu rateu r a d h o c , appelans ;
CONTRE
Sieur J e a n - C h a r l e s N O Y E R
VAGE
propriétaire, habitant de la ville
du Monastier
Loire
département de la H aute-
intimé
;
'
D U SAU -
EN
D u sieur H
onoré
PRÉSENCE
D E B R U S } notaire impé
rial, habitant du lieu d'A lle y r a t} commune
de S a lle tte } défendeur en assistance de
cause.
!
i
U
nE
jeune in fo rtu n ée , victim e de la co lère d’ un
ép o u x contre son épouse
est réd u ite à la triste néces-
�( 2 )
site de défendre devant les tribunaux son état menacé
par une action en désaveu.
On accuse sa mère de liaisons criminelles; on nomme
le complice ; et quoiqu’on soit forcé de reconnoître que
ces liaisons sont postérieures à la naissance d’Anne du
S auvage, le malheureux enfant est cependant enve
loppé dans la vengeance.
E t quel moment a-t-on choisi pour lui porter un coup
aussi funeste?
Celui où l’âge de la jeunesse est arrivé, où la facultéde raisonner et de sentir, déjà développée dans une jeune
personne de dix-sept ans, dont l’éducation a été soignée,,
lui feroit éprouver dans toute son amertume le sort affreux
qu’on lui destine.
Si l’action du sieur du Sauvage étoit fondée, n’auroitil pas à se reprocher d’avoir tardé srlong-temps à l’exercer?
Il connoissoit l’existence de l’enfant; il étoit allé sou
vent, il avoit habité quelque temps même dans la maison
où la jeune du Sauvage étoit élevée; il savoit enfin
qu’elle étoit née de son épouse.
Pourquoi donc garder un long silence, ou plutôt,
pourquoi rompre enfin ce silence, et porter le trouble
et le désespoir dans un cœur innocent ?
Assignée devant des premiers juges, la jeune personne'
est restée sans defense.
A lors elle a dû veiller elle-m ême à ses droits : et
quel intérêt plus c h e r, quel bien plus précieux aurat-elle jamais à soutenir ?
Cependant sa défense a paru un crime ; on lui a re
proché de l’audace.
�46r
< 3 )
A h ! l’audace lui est étrangère ; son âge est celui de
la pudeur et de la timidité.
Mais elle asentí que les lois ne pou voient être cruelles;
que les magistrats étoient les protecteurs naturels de la
foi blesse ; et elle est venue chercher un asile aux pieds
de la Cour.
F A I T S #
L e sieur du Sauvage épousa, en 178 2 , la demoiselle
Anne-Françoise de V eny.
L e contrat de mariage est du 5 août 1782; la dame
de V én y s’y constitue tous ses biens en dot.
D eux enfans mules étoient nés d’abord de cette union;
ils sont décédés.
Les événemens de la révolution firent inscrire le sieur
du Sauvage sur la liste des émigrés ;
Il prétend qu’il a quitté le sol français en 1791 ; qu’il
n’y est rentré qu’en l’an 9.
Quelle preuve administre-t-il de ces faits?
Son inscription sur la liste des émigrés;
Quelques arrêtés administratifs pris en l’an 3 , et dans
lesquels on le désigne comme ém igré;
Un jugement du 24 messidor an 4 , où on lui donne,
dit-on, la qualification d'émigré, ou réputé émigré (1).
Telles sont les preuves qu’invoque le sieur du Sauvage,
pour démontrer qu’il étoit absent, et que, suivant l’ex(1) Voir pages 5 et 6 du mémoire du sieur dn Sauvage.,
1 *
*<*>
�( 4 ) * .................................
pression de la lo i, il étoit dans Timpossibilité physique
de cohabiter avec sa fem m e.
Il sera sans doute permis à un malheureux enfant dont
on conteste l’éta t, d’examiner la force de ces preuves.
Qu’il nous suffise pour le moment de remarquer que
l’inscription sur la liste des émigrés , que les* énoncia
tions qui se trouvent dans les arrêtés administratifs et
dans le jugement, que tous ces indices, en un mot, sont
des présomptions morales et non des preuves physiques
de l’absence et de l’émigration.
Nous savons tous avec quelle légèreté, dans ces temps
d’agitation et de désordres , on inscrivoit sur la liste
fatale les personnes surtout attachées à la caste privi
légiée.
Nous savons aussi que l'inscription produisoit la mort
civile, et que, par un effet nécessaire de cette inscription,
on devoit, dans tous les actes administratifs et judiciaires,
considérer tous les inscrits comme émigrés.
Quel est aussi le Français qui ne se rappelle pas les
suites de la fameuse journée du 9 thermidor an 2 \ qui
ignore q u e , lorsque la nouvelle en fut parvenue dans
les contrées étrangères, lorsque quelques essais eurent
fait connoîtrc la diminution des dangers, beaucoup d’é
migrés rentrèrent en F rance, et y restèrent jusqu’à ce
que les événemens du 18 fructidor an 5 les eussent forces
de s’expatrier une seconde fois?
Pendant cet intervalle , les proscrits rentrés ne se
montroient cependant pas trop publiquement; ils a voient
des précautions ¿\ prendre ; les lois pénales subsistoient
�4% /
( 5 )
"
encore ; seulement un gouvernement plus doux n’en
commandoit pas l’exécution avec la dureté première.
D ’ailleurs, la rentrée des émigrés étoit plutôt tolérée
que permise 7 et ce n’étoit qu’avec un peu de prudence
et quelques déguisemens, que l’émigré rentré n’avoit
aucun péril h craindre.
Cette époque fut mémorable pour les affections; elle
a laissé de lon gs, de doux souvenirs dans les cœurs des
mères et des épouses ; combien d’elles ne vit-on pas alors
tâcher de se réunir à l’objet qu’elles chérissaient, et goûter
ce bonheur, les unes dans leur propre dom icile, lors
qu’il n’y avoit pas trop de danger, les autres dans une
autre partie de la France , partout enfin où elles pouvoient rencontrer le fils, l’époux qu’elles cherchoient.
L a dame du Sauvage voyageoit à cette époque ; peutêtre partagea-t-elle la félicité de tant d’autres épouses ?
Peut-être se réunit-elle à M . du Sauvage ?
Cette idée est douce et consolante pour une malheu
reuse fille ;
Elle se plaît à s’y arrêter;
Elle en a le droit ;
E lle n’a rien à prouver d’ailleurs.
C ’est h M . du Sauvage que la loi impose la preuve
de Pimpossibilité physique de cette réunion.
Ce fut i\ cette époque que s’annonça la grossesse de
la dame du Sauvage.
Elle revint bientôt après à Clerm ont, dans la ville où
elle étoit n ée, où elle étoit connue de tous les habitans,
où sa famille étoit domiciliée.
i
*«♦>
�( 6 )
C’eût été, pour une femme coupable, bien mal choisir
son asile.
La grossesse ne fut pas cachée ;
La naissance de l’enfant ne fut pas mystérieuse.
»
Il fut présenté à l’officier public sous le nom d’AnneFrançoise , et comme fille d’Anne V é n y , épouse du sieur
du Sauvage.
L e sieur du Sauvage a - remarqué avec amertume que
l’accouchement avoit eu lieu dans la maison d’un officier
de santé ; il en a conclu qu’il fut mystérieux.
;
L a conséquence ne seroit pas nécessaire.
L e fait, au reste, s'explique par les circonstances.
Ce fut au mois d’août que l’accouchement eut lieu.
A cette ép o q u e, toute la famille de la dame du Sau
vage habitoit la campagne, suivant son usage.
La dame de V én y étoit restée seule à Clerm ont, pour
y être à portée dos secours que son état exigeo it, et
elle avoit pris un logement chez le sieur Blancheton,
officier de santé.
D ’ailleurs elle ne se cacha pas un seul instant pendant
sa grossesse, et ses parens furent instruits sur-le-champ
de la naissance de l’enfant.
D epuis, cet enfant est toujours resté dans le sein de
la famille de sa mère.
Elevée dans la maison d’une tante q u i, par sa for
tune et son ran g, avoit des relations nombreuses, elle
a été considérée par tous les habitans d’une ville po
puleuse, comme fille de la dam e’du Sauvage; et nous
verrons môme que, si elle étoit connue sous son prénom
d'A n n a , elle l’étoit aussi sous le nom de du Sauvage,
�<7 )
L e sieur du Sauvage convient ( page 7 de. son mé
moire ) que ce fut seulement à une époque postérieure
à la naissance d’Anne-Françoise, que la dame de V én y
fit connoissance du nommé Guines.
Tirons un voile sur ce qui suivit : la personne d’une
mère même coupable est toujours sacrée pour ses enfans.
Q u’il nous soit permis cependant de rappeler que dans
aucuns des autres actes de naissance que le sieur du
Sauvage a transcrits dans son m ém oire, la dame V én y
n’a pris la qualité de son épouse.
Elle a donc, même dans ses égaremens, inspecté son
époux; •
E lle n’a donc pas voulu lui attribuer une fausse pa
ternité.
Pourquoi cette différence enti'e ces actes de naissance;
et celui d’Anne-Francoise ?
Une telle différence dans les expressions ne devoitelle pas faire supposer une différence dans l’état des enfans ; et leur sort pourroit-il être confondu dans les dé
cisions des magistrats ?
JNous avons dit que la jeune du Sauvage avoit été
élevée au milieu de la famille de sa mère.
On doit cependant convenir que le nommé Guines
étoit venu en l’an 10 la réclamer au nom de la m ère;
que meme elle lui avoit été rem ise, et qu’elle resta quel
que temps avec cet liomme.
Mais bientôt les mauvais traitemens, les outrages qu’elle
en reçut, excitèrent la sollicitude et la vigilance de ses
parens maternels; ils s’adressèrent aux tribunaux ; ils de
mandèrent qu’elle leur fût rendue ; et leurs réclamations
�Vu
furent accueillies par un jugement du 26 thermidor an io ,
qui ordonna que cet enfant seroit remis à sa tante.
L ’enfant est désigné sous le nom d’A n ne du Sauvage
en plusieurs endroits, dans les motifs comme dans le dis
positif du jugement.
C’est auprès de cette tante généreuse, c’est dans sa
maison m êm e, qu’Anne du Sauvage est toujours restée
depuis ce moment.
C ’est là que le sieur du Sauvage a pu la voir plusieurs
fois depuis l’époque à laquelle il fixe sa rentrée en
France.
C’est dans cette m aison, où il est demeuré quelque
temps lui-même auprès de sa belle-sœur, dans un de ses
voyages à Clermont 5 c’est dans cette maison , où il est
allé fréquemment dans d’autres voyages, qu’il a su que
Anne-Françoise du Sauvage existoit, qu’il a pu remar
quer sa grande ressemblance avec la dame de V é n y , et
qu’il a appris d’une foule de personnes qu’elle étoit née
de son épouse.
Tous ces faits sont antérieurs de plusieurs années au
désaveu.
A lors le sieur du Sauvage ne pensoit pas à désavouer
ce malheureux enfant.
Alors même cette jeune personne l’intéressoit, comme
il le témoigna à un de ceux qui ont déposé dans cette
triste cause.
A lors enfin il ne consultoit que son propre cœ ur, et
ne cédoit pas à de dangereuses suggestions.
M ais, depuis, quelques années se sont écoulées; ses
relations
�4 1 $.
rl -9 )
relations. avec'la famille de sonaépouse sonfo’devcnues
moins fréquentes; son cœur s’est isolé; ou plutôt, mal
heureusement subjugué, dit-on, par une affection étran
gère, il s’est laissé entraîner à former une action en
désaveu, et à envelopper Anne du Sauvage'dans ses
poursuites. '
• Un acte en désaveu est signifié le i 5 juin 1809 , et le
5 juillet suivant, le sieur du Sauvage fait réunir au M onastier, lieu de son dom icile, un prétendu conseil de
fam ille, où l’on n’a appelé aucun des paren s,-ni pa
ternels , ni maternels de l’enfant dont on se proposoit
d’attaquer l’état, et q u i, composé de voisins , d’amis du
sieur du Sauvage, choisit pour tuteur ad hoc un ha
bitant du Monastier, qui ne paroît pas avoir pris le
moindre intérêt à la défense de sa pupille.
.L’action en désaveu est formée contre ce tuteur, et
elle est jugée, le 30 août 1810 , par un jugement qua
lifié contradictoire, mais dont les motifs indiquent assez
que la contradiction fut dies plus légères.
Protégée par la justice de laiC our, Anne du Sauvage
a reçu un nouveau tuteur, par arrêt du 11 mai 1811.
Ses moyens de défenses ont été développés à l’audience
solennelle du 5 août 1812; et la C ou r, en réservant les
moyens respectifs des parties', ordonna, avant de faire
droit, que l’appelante ferait preuve que plus de deux
mois (1) avant la demande en désaveu de paternité, for
mée par le sieur du Sauvage, celui-ci, après sa rentrée en
(1) Il y a deux ans dans l’expédition de l'arrét ; c’est une '
¡erreur, sans doute'. ( V. l’art. 3iG du Code Nap. )
�' ( 10}
son domicile, et notamment en l’an î o , étoit venu cliez
la dame de M ariolles, qu’il y avoit vu Anne-Françoise, et
l’a voit reconnue pour être la fille de sa femme; 2°. qu’elle
étoit connue de lui sous le nom d’Anne-Françoise du
Sauvage; 30. qu’en présence de lui du Sauvage, et dans
la pension où étoit élevée l’appelante, elle a été ainsi
appelée et dénomm ée, et qu’il l’y a reconnue comme
la fille de sa femme ; sauf au sieur du Sauvage la preuve
contraire, dans le même délai.
En exécution de cet arrêt, des enquêtes ont été faites
respectivement.
Les dépositions qu’elles renferment sont transcrites
dans le mémoire du sieur du Sauvage, et il est inutile
de les rapporter ici.
Nous nous bornerons à rappeler ces dépositions dans
la discussion des moyens.
On verra qu’il est clairement prouvé que le sieur du
Sauvage a su, plusieurs années avant son action, qu’AnneFrançoise étoit la fille de son épouse.
A van t d’exam iner le m érite de l’action en elle-m êm e,
on pourroit faire des remarques sur ce qui l’a préparée,
et sur la singulière com position du conseil de fam ille,
du 5 juillet 1809; de ce conseil de fam ille, destiné ù
protéger la m in eure, et à lui nommer un tuteur éclairé
et vigilan tj de ce conseil de fa m ille, auquel cependant
n’ont été appelés aucuns parens, ni paternels, ni maternels
de l’enfant, et com posé, dit-on , d’amis qu’avoit la mère
au Monastier ; la mère q u i, depuis près de vingt ans,
a quitté cette ville.
La Courappréciera ces irrégularités, qui e n t r a î n e r o i e n t
�c II ) .
t. ; .
la nullité même d*une action formée contré un mineur
non valablement représenté.
O n ne donnera pas dans le moment plus de dévelop
pement à ces idées.
L e sieur du Sauvage attaque lui-même de nullité la
nomination du nouveau tuteur donné à l’appelante.
L a réponse à cette objection se trouve dans l’arrêt
qui a choisi ce tuteur ad h o c ; elle se trouveroit, s’ il
étoit nécessaire, dans la loi q u i, n’ayant prescrit aucun
mode pour la nomination d’un tuteur spécial, autorise
par son silence môme les tribunaux à le nommer.
Si l’objection est renouvelée, on la réfutera avec plus
de détail.
Examinons l’action même en désaveu, et démontrons,
i° . Q u’elle n’est pas recevable;
2°. Q u’elle n’est pas fondée.
P
r e m iè r e
q u e s t io n
.
I l action est-elle recevable?
Pleins de respect pour la dignité du m ariage, et Con
vaincus de la nécessité d’assurer sur des bases fixes la
conservation des familles, les législateurs de notre Code
ont adopté la règle ancienne : l*ater is est quem nuptice
demonstrant ; cette règle fameuse, fondement de la so
ciété, que l’assentiment de tous les peuples, que les suf
frages de tous les docteurs ont consacrée comme un prin
cipe inviolable.
Cependant, quoiqu’importante que fût la rè g le , elle
devoit être soumise aux exceptions que commande quel
quefois la force même des circonstances.
�» °
« S i- .1
C 12 >
v Nos législateurs étoient trop sages'pour'ne pas pré-*
voir ces exceptions; aussi ont-ils eu soin de décider que
la règle cessoit lorsqu’il y avoit eu impossibilité physique
de cohabitation entre le mari et la femme.
L ’article 3,12, qu i établit la règle, établit aussi l’excep
tion.
Mais les articles suivans restreignent l’exception même.
L e législateur a craint que les actions en désaveu ne
se multipliassent; il a pensé qu’elles devoient être li
mitées à certains cas- et à un certain délai.
S’il-lui-a paru juste de pourvoir à l’intérêt du mari,
il n’a pas cru devoir oublier Vintérêt de Venfant , dont
Vétat ne sauroit être trop t ô t j i x é , a-t-il dit.
- De: là. les dispositions de divers articles ; les uns qui re
fusent l’action en désavew dans plusieurs!cas,/les autres
qui n’accordent que le plus eourt délai pour agir/ *
Ces articles indiquent assez combien peu favorables ont
paru au législateur ces sortes d’actions, et quelle tendre
sollicitude olui inspiraient les innocentes victimes contre
qui elles seroient dirigées.
- L ’article 316 détermine1les? délais : voici comment il
s’exprime.
« Dans les divers cas ou le mari est autorisé à réa 'clam er, il devra le faire dans le mois1, s’il se trouve
« sur le lieu de l'a naissance de l’enfant;
« Dans les deux mois- après'son' retour, si à'ia même
époque' il est absent;
« Dans les deux mois après la découverte de la fraude,
e si on lui avoit caché' la naissance de l'enfant. »
• Supposons donc pour un instant que le sieur du Sau
vage soit autorisé à réclam erj c’est-à-dire, supposons
�C *3 )
(Ju’il ait prouvé que pendant le>;tetnj5s déterminé :paÿ
l’article 3 12 , il a été dans Pim possibilité‘physique de
cohabiter avec sa fem m e ; nous le demandons au sieur
du Sauvage, quél est celui-des paragraphes <de l’article
316. qu’il voudra; qu’on lui applique ? 01 'r¿ ú or' a;Ce devroit être, il semble, le § . 2 , celui où la lûi
parle dur mari absent. ‘
' -I ni ..
L e sieur du Sauvage ne peut sérieusement dire qu’oiï
ait employé la fraude pour lui cacher lzunaissaúce de
l’enfant»r' ’ ’T.
■
\ j . j / u f oup J-îiîo o
. ,»y
S’i l Bignóraf 'd?abordy' cé- ne! pütt ê t r e iju ’àv cause 1Ud'
son absences •* r ;[ j fj' . j i f t • : .
La grossesse d’ailleurs n’avoit pas été cachée.
L ’accouchement avoit eu lieu >dánsiila ville iriôme
qu’habitoit Ordinairement la dame de V én yt et! tóate sa
famille. ;ȟ
7*:..^ nu -¡ ¡‘.'s v.b e>o :
-;i .1 ' ni \
L ’enfant fut présenté à l’officier publie, comme né dé
J’épouse du sieur du Sauvage.
t n An ,,
-> L a légère erreuu de-prénom que l’on, remarque* dans
l ’acte, ne pouvoit faire naître aucune équivoque..''m p;
-' Car o ï ï y ‘désigne le* sienr du Sauvage ^ hàbitant du
M onasiier ,->le sieur du Sduvage-y époux'de la dame1de
V én y ; caractères d’identité qui ne ;pouvoient convenir
qu’au sieur du Sauvage qui plaide aujourd’hui.
L ’enfant, dès sa naissance, avoiü été élevé axi milieu
m êm e’derla fam ille'de su 1 mère# 1 '
r. : I \?
Les fllus- légères relations* aVec dette' famille y sufliï/oient
pour qu’on sût que cet enfant étoit celui de la dame
•du Sauvagel.l isq , niv;r ,. .r< ;,f,r>0 ut> ihi* vl'I
j -,
L e tribunal même de Cletrao\it l’avoit désigné soü6;
�C 14 )
le nom d’Anne du Sauvage, dans un jugement rendu à
une audience publique, en l’an 10.
En un m o t, il étoit'si facile de connoître l’existence de
cet enfant, que si le sieur du Sauvage l’avoit réellement
ignorée à son reto u r, c’est'q u ’il auroit refusé de voir
e t'd ’apprendre; . £
t>£ ç -U •; I‘ -?*• i> ■
'
'J '
Cependant, la loi lui ordonnoit de prendre des infor
mations ; elle ne lui accordoit qu’un délai de deux mois
pour-les obtenir,
l.;[ . h; .r :•" r '
'a
Quelque court que pût paroître ce délai dans cer
taines circonstances, le1 législateur, après de profondes
méditations, après les discussions les plus réfléchies,
n’avoit pasicru devoir en accorder un plus lon g; l’in
térêt de l’enfant l’a voit-déterminé. L ’état de l’enfant,
a voit-il j dit y ne saurait être trop tôt f i x é (i).
Ainsi la négligence du sieur du Sauvage ne pourroit
lui servir d’excuse. '
A
Il avoit p u , à son reto u r, demander et recevoir les
renseignemens qu’il prétend;n’avoir eus que long-tem ps
après./;..L ,i. ’ f
‘
II seroit donc, sous ce premier rapport, non recevable dans son action en désaveu. Vigilantibus non
negligentibus ju r a subveniant.
Mais considérons-le même comme placé dans le cas
prévu par le troisième paragraphe de l’article. ;;
Si la naissance de l’enfant lui a été cachée, s’il lui a
été long-temps impossible de la découvrir, au moins
( 1 ) Voir l’Esprit du Code Napoléon, par M. Locré , au*
l’article 316 J du mari absent.
�( i5 )
a-t-il dû se pourvoir dans les deux mois, du jour où
cette naissance lui a été connue.
Les termes de l’article sont formels.
L e mari doit réclamer dans les deux mois après la
découverte de la fraude.
'
C ’est encore l’intérêt de l’enfant qui a fait établir cette
règle salutaire.
« O n ne doit p a s, sans d oute, brusquer la fin de
« non-recevoir, disoit un des législateurs (M . R égnier)\
« mais il ne seroit pas moins dangereux de laisser l’état
cc de l’enfant trop long-temps incertain. »
Mais dans quel temps la fraude sera-t-elle considérée
comme découverte?
Cette difficulté est nulle.
<
L e délai doit courir, disoit un autre législateur, de
puis Je moment où le m ari a eu connoissance de Vac7
couchement de sa fem m e.
Depuis ce moment, il a deux mois pour réclamer.
O n proposoit même d’abréger ce délai, et de se con
form er, dans ce cas particulier, à la règle qui n’accorde
qu’un mois au mari présent \
Mais le consul Cambacérès observe avec sagesse « qu’il
« est juste de donner au père, après que h fa it est par« venu à sa connoissance , le temps de prendre des ren«r seignemens; car il voudra sans doute ne faire d’éclut
« qu’après s’être parfaitement convaincu. »
A in si, de l’observation même de cet illustre magistrat,
découle la conséquence évidente que dès l’instant où le
fait est parvenu ¿1 la connoissance du père, deux mois
seulement lui sont accordés pour prendre tous les ren-
�(.«)
.
éelgtiemeris qiï’il peut désirer, et pour former l’atkiôa
'
*
en désaveu.
•' f1'
'>•••.-r.<
Examinons donc lu1 question de fait.
^ C ’est daiis l’eriquête qu?on en trouvera la solution.
Si l’on excepte de l’enquête quelques témoins qui dé
clarant ne rien savoir,^ ou qui ne fixent pas les époques
des faits qu’ils indiquent, toutes les dépositions démon
trent, jusqu’à l’évidencè, que le sieur du Sauvage conrioissoit, plusieurs années avant l’action en désaveu ,
l’existence de l’enfant 'dont il attaque aujourd’hui l’étati
L e troisième tém oin, Victoire Vincens,Jnous apprend
« qu’il y a environ sept ans, ayant à dîner chez elle
« le sieur du Sauvage , le sieur Cellier et le sieur Gervis;
« dans le cours de ce dîner, lefsieur' du Sauvage, par
ie lantde son épouse^ dit qu’il lui’ seroit facile de rentrer
« dans ses^biens, mais pour ses en fh n s, il ne les re« connoîtroit jamais ; et c’étoit ce qui l’empêchoit de
«•poursuivre la rentrée desdits biens, a
_i Plusieurs conséquences résultent de cette déposition.
ü î'<*?!)L e sieür du Saunage ¿toit certain’ alors que son
épouse n’étoit pas divorcéè/''puisqu’il croyoit avoir le
droit de s’emparer de ses biens ; droit qui ne pouvoit
lui appartenir que comme m ari, et en qualité de maître
des biens dotaux de son épouse.
C ’est donc un vain prétexté que l’opinfon d’un divorcé
antérieur, opinion alftigucc par le éieurdü Sauvage, et
sùr’laquelle il insiste en plusieurs pages de son mémoire,
et notamment pages 2 et 40.
20. Le sieur du Sauvage savoit alors qu’il existoit des
enfans nés de sa femnfie^il le sdvàit puisqu’il le déclaré
lui-même j
�C 17 )
lui-même ; il ajoute, il est v r a i, qu’il ne vouloit pas
les reconnoître; mais il ne les désavoue pas judiciai
rement ; et la loi lui imposoit cette obligation, en lui
prescrivant même un délai de rigueur, non-seulement
pour le désaveu simple, mais aussi pour la réclamation
devant les tribunaux ( articles 316 et 318 du Gode Na
poléon ).
3°. Ce fait remonte à sept années environ , d’après la
déposition qui a été reçue le 7 septembre 1812; c’est-àdire, que déjà, en i 8o 5 , le sieur du Sauvage connoissoit
l’accouchement de sa femme et l’existence de l’enfant;
cependant son action n’a été formée qu’en juillet 180g.
Les dépositions qui suivent sont plus formelles encore.
L e quatrième témoin , le sieur Cellier, archiviste,
assistoit au dîner dont il vient d’être parlé ; il dit aussi
qu’il eut lieu il y a environ sept ans.
11 dépose «que le sieur du Sauvage, parlant de sa
« malheureuse situation à Fégard de son épouse, déclara
« qu’ils avoient eu deux enfans qui n’existoient plus;
« mais que depuis son émigration il y en avoit eu d’autres
« qui n’étoient point de lu i; que le déclarant ayant
« cherché à le réconcilier avec sa fe m m e , par des voies
« de douceur, il n’avoit pu y parvenir; qu’au contraire,
« le sieur du Sauvage avoit formellement déclaré qu’il
« ne reconnoîtroit jamais ses enfans, et qu’il ne verroit
« jamais sa femme; q u ’il savoit q u il y avoit un de ses
« enfans chez la dame de M a rio lles, sa belle-sœur ;
« mais qu’il ne le r e c o n n o i s s o i t pas pour le sien. »
Cette déposition fait naître les mêmes réflexions que
la précédente ; on y remarquera cette déclaration par-
3
�( »8 )
ticulière du sieur du Sauvage, qu'il savoit qu'il y avoit
un de ses eiifans chez la dame de M ariolles.
Il le savoit depuis i 8o 5 ; comment p o u rro it-il être
reçu h le désavouer aujourd’hui ?
L e sieur G iro n , cinquième tém oin, rappelle une
conversation qu’il eut avec le sieur du Sauvage, et qui
fut interrompue par Parrivée d’un tiers, dans un instant
où elle seroit devenue sans doute intéressante pour la
cause actuelle.
Mais il ajoute qu’à une époque q u i, d’après l’indice
qu’il donne, paroît se rapporter à l’an 10, temps auquel
la jeune du Sauvage fut retirée des mains de Guines,
« il lui fut présenté, ou p a rle sieur du Sauvage, ou par
« le sieur de T e i x , sans pouvoir assurer lequel des deux,
« trois extraits de naissance de trois enfans de l’épouse
« du sieur du Sauvage. Dans l’un de ces extraits étoit
ce le nom du sieur du Sauvage, comme père de l’enfant;
« dans le second, la paternité étoit attribuée au nommé
« Guines; dans l’autre, le père étoit déclaré inconnu. »
• Ce qui est dit sur le premier extrait ne peut évidem
ment s’appliquer qu’à l’acte de naissanced’Anne-Françoise
du Sauvage ( i) .
Cette déposition prouve, si c’est le sieur du Sauvage
qui a présenté les extraits, que tous les renseignemens
(ju’ il a aujourd’h ui, il les avoit il y a déjà dix ans; et
quand ce ne seroit que le sieur de T e i x , ne penserat-o n pas que celu i-ci, qui étoit le beau-frère du sieuir
(1) Voyez ces divers extraits dans le mémoire du sieur du
Sauvage, pages 6, 7 et 8.
�( *9 )
du Sauvage , qui était lié avec lui particulièrement,
lui auroit fait connoître les extraits qui étaient en son
pouvoir ?
L e sixième témoin, le sieifr de Vincens, parle notam
ment de plusieurs conversations qu’il eut avec le sieur
du Sauvage , sur l’enfant q;ui étoit chez la dame de Maxùolles, et qui ne paroissoit pas en sa présence.
' & Il dit qu’ayant eu à ce’ sujet plusieurs conversations
« avec le sieur du Sauvage , qu i »’ignorait pas Vexis« tence de cet en faht, qiCon lu i avoit dit appartenir
« à sa fe m m e , et être chez la düthe de M ariol/es,
« il lui avoit témoigné avoir' fefnatquê cet en fan t, et
« l’affectation de se cacher lorsqu’il se montfoit. »
Cette déposition ésf précieuse. Rien de' moins équi^
voque que ses termes.
L e sieur du Sauvage nignoroit pas Texistence de cet
enfant.
’ On lu i avoit d it qiüil appartenait à sa fem m e«
I l avoit remarqué cet erfant.
Qu’importe', après cela ,* le? surplus de la déposition
relative à' l’affectation que iWettoit l’enfant à se cacher,
au soin qu’on avoit de ne pas le faire' paraître eu pré
sence du sieur du Sauvage.
Ces circonstances ne détruisent pas; le moyen.
Le'sieur du Sauvage n’en avûit pas1 moins l’emarqué
l’enfant ;
Il n’en avoit pas moins connu son existence
Il n’en avoit pas moins su qn’il'apparténoit à sa femme.
Si donc la naissance’ lui a'Vbitf été dùcliée jusqu?alore,
elle cessa de l’ôtre £ cette époque \ la fraude lui fut dé
3 *
�couverte, et par conséquent dès ce moment commença
à courir le délai de deux m o is, fixé impérieusement
par l’art. 316 du Code Napoléon.
O r , à quelle époque le sieur de Yincens fait-il re
monter cette conversation ?
« A l’époque d’un procès que le sieur du Sauvage
« oncle avoit alors pendant en la Cour. »
T elle est la réponse du témoin à l’interpellation qui
lui est faite.
Cette époque est fixée par un arrêt même rendu par
la C o u r, dans la cause du sieur du Sauvage oncle. L ’arrêt
est du 29 messidor an 13.
A in s i, encore une fois ,, plusieurs années avant l’action
en désaveu, l’enfant étoit connu par le sieur du Sauvage.
A in s i, dès long-temps celui-ci avoit perdu le droit
de désavouer.
L e septième témoin , le sieur E sm elin, propriétaire,
habitant à A igueperse, nous apprend qu’il y a environ
dix ans, il a connu à'Aigueperse uneJille à laquelle
on donnoit le nom, de du Sauvage, qui étoit sous la
direction d’un nommé Guines ? alors logé dans l’auberge
de la veuve Tapon.
Il parle des mauvais traitemens exercés par Guines
sur l’enfant, et d’un jugement de police correctionnelle,
q u i, punissant Guines d’un an de prison, ordonna que
l ’enfant seroit remis à la dame de Mariolles,
Il ajoute
« Que depuis, ayant eu occasion de voir plusieurs
« fois le sieur du Sauvage, et lui ayant parlé de cette
« fille q u il croyoit être vraiment la sienne, il lui parla
�(21)
des mauvais traitemens exercés sur elle par Guines, et
de la punition qui lui avoit été infligée par le ju
gement de police correctionnelle; à quoi le sieur du
Sauvage ne répondit rien. »
L e témoin fait remonter cette conversation à entour
huit à neuf ans.
A in si, voilà encore un témoin q u i, quatre ou cinq
ans avant le désaveu , a parlé au sieur du Sauvage de
cette jeune fille, qui lui en a parlé la croyant vraiment
la sien n e, qui ne la connoissoit môme alors que sous
le nom de du Sauvage, et qui auroit évidemment appris
au sieur du Sauvage l’existence de cet enfant qui portoit
son nom , si déjà il ne l’avoit connue.
Nous disons, s’ilneV avoit connue, car le silence même
que garda alors le sieur du Sauvage indique assez qu’il
connoissoit alox’s l’enfant; sa curiosité eût été sans doute
vivement excitée, si déjà il n’avoit été instruit.
L e huitième tém oin, le sieur Chassaing, juge au tri
bunal de Clerm ont, déclare que dans une conversation
qu’il eut avec le sieur du Sauvage, il lui demanda s’il
étoit à Clermont avec sa femme; que le sieur du Sau
vage se récria , lui disant qu’il lui étoit impossible d’ha
biter avec elle;
Que le sieur du Sauvage ajouta
« Qu’il n’ignoroit pas que pendant son émigration,
« elle ( sa femme ) avoit eu deux ou trois enfans, dont
« notamment une fille , demeurant chez madame de
« M ariolles ; »
Que le déclarant lui ayant demandé s’il voyoit la
dame de M ariolles, sa belle-sœur, le sieur du Sauvage
répondit :
«
«
te
«
'
�( 24)
« Je la vois quelquefois, je la vois même avec plaisir;
« je fais cas d elà bonté de son caractère; mais par égard
'« pour moi elle a soin de faire disparoître l’enfant,
a lorsque j’entre dans là maison. »
L e térrioin, sur une interpellation relative à l’époque
de ces conversations , dit
•
«- Que c^toit plusieurs mois1 avant Tacquisition de sa
« nouvelle maison ; ce qui remonte à plus de cinq ans. »"
L ’extrait de l’enregistrement de l’acte d’acquisition,
constate que cette maison a été acquise le 21 thermidor
an 13 ( 9 août i 8o5 ).
L a demande n’est que de 1809.
Nouvelle preuve que plusieurs années avant cette a f
fligeante action, le sieur du Sauvage savoit que la jeune
infortunée qu’il poursuit étoit née d e son épouse.
Nouvelle preuve1 qu’il la- comroissüit alors comme il
l’a connue depuis, et que1le1 délai prescrit par la loi
etbit depuis long-temps expiré lorsqu’il a agi.
L e sieur T â p o n , receveur des contributions de la ville
de T h iers, déclare
ce' Qu’il a fréquenté la maison dé la dame de Mariolles-,
a depuis l’an 7 jusqu’en 1806-, momentanément e tp a r
« intervalle; que dans le courant de l’an 10, et années
« suivantes, il a eu occasion d’y voir à différentes fois
« le sieur Noyer du* Sauvage'; que même ledit sieur
«c d u S a u v a g e lui a dit souvent dans la conversation que
« si m a d a m e de F é n y , son épouse , n’irvoit cir des liaia sons avec le nommé Guines, il se seroit peut-être déoc cidê à fa ire du bien à A n na . »•
C e témoin ajoute « qu’il a vu Annci dans la maison
�( 23 }
« de madame de Mariolles ; qu’il l’a constamment en« tendu nommer A n n a , sans autre dénomination;
« Que ladite Anna appeloit madame de Mariolles sa
« tante, et madame de V én y du Sauvage sa mère ;
« Qu’à l’égard du sieur du Sauvage, il ne lui a jamaisr
% dit qu’Anna fût la fille de sa femme ; que quant à
o lui déposant, il est bien persuadé qu’Anna est la fille
« de la dame de Vény., femme du Sauvage; qu’il est
« d’autant plus fondé à le cro ire, que c’étoit là Popi« nion publique , et qiûuinna lu i ressemblait singu« lièremenl. »
i
Sur une interpellation qui lui est faite, le témoin
répond
«
«
«
«
ce
«
a
-
« Que le sieur du Sauvage ne lu i a pas dit préciser
ment qu’il crût Anna fille de sa femme ; que néanmoins il présume qu’il le savoit, parce que, malgré
le soin que l’on prenoit pour empêcher Anna de se
rencontrer avec le sieur du Sauvage , il rtavoit pas
laissé que, de la voir quelquefois, et ri*avoit pu fa ir e
autrement que de lu i trouver une parfaite ressens
blance avec la dame de V é n y , son épouse, »
L e sieur du Sauvage a vu Anna.
Il a du nécessairement remarquer sa parfaite ressen>
blance avec la dame de V ény.
Il a dû par conséquent la reconnoitre pour la fille de
son épouse.
Il l’a dû à cause de la ressemblance;
• Il l’a dû parce que Vopinion publique la désignoit
comme telle.
Il l’a reconnue, en effet, comme née de la dame V én y7
�.
(
2
4
)
puisqu’il a témoigné l’intérêt que lui inspiroit A nna,
puisqu’il a déclaré que sans les liaisons de son épouse avec
G uines, il se serait décidé à ¿faire du bien à A n na .
Par quelle fatalité cet intérêt touchant que lui ins
piroit la jeune fille a-t-il disparu ?
A h ! qu’il la voie aujourd’hui que les grâces brillantes
de la jeunesse ont embelli encore sa personne ; aujour
d’hui qu’une éducation soignée a développé ses vertus
et sa raison!
Qu’il la voie et'qu’il l’entende, et il sentira renaître
l’intérêt qu’elle lui inspira ;
E t son cœur désavouera une action cruelle ;
E t il retrouvera une fille qui sera la consolation de
sa vieillesse, et qui fera disparoître l’abandon qui menace
ses derniers jours.
Mais s’il faut que la loi prononce dans cette affligeante
cause, quelle plus grande réunion de preuves pourroiton désirer pour démontrer que plus de deux mois avant
le désaveu, le sieur du Sauvage a vu la jeune du Sauvage,
et qu’il l’a reconnue pour être la Jille de sa fem m e.
D ’un cô té, il a su , dès les premières années de son re
tour , que sa femme n’étoit pas divorcée. Plusieurs té
moins attestent qu’il la considéroit comme étant encore
son épouse; l’un d’eu x , le huitièm e, dit même qu’il se
proposoit de demander le divorce contr’elle ; fait im
portant dans cette cause, où le sieur du Sauvage allègue
comme un moyen puissant en sa faveur, qu’il croyoit
que depuis long-temps il existoit un divorce entre sa
femme et lui.
de
�( a 5 )
D e l’autre côté, il a connu Anne-Françoise du Sau
vage dès i 8o 5 , et même antérieurement;
Il a su qu’elle étoit la fille de sa femme;
Des témoins lui en ont parlé comme si elle étoit sa
propre fille ;
Lui-même en a parlé comme de la fille de son épouse.
Ainsi le fait principal, fixé par l’arrêt interlocutoire,
a été prouvé sans la moindre équivoque.
Quant au nom que l’on donnoit ordinairement à la
jeune fille, il est vrai que plusieurs témoins déclarent
qu’on la nommoit le plus souvent A n n a , sans autre dé
nomination.
Mais cela n’empêchoit pas qu’elle ne fût connue comme
la fille de madame du Sauvage, que l'opinion publique
ne la considérât comme telle, que les tribunaux même
ne la désignassent sous le nom de du Sauvage dans leurs
jugemens.
Si d’ailleurs on la nommoit ordinairement A n n a , c’est
par un usage admis depuis un siècle dans toutes les classes
aisées, où les jeunes personnes reçoivent un nom de fan
taisie , par lequel on les appelle toujours ; le nom de
famille n’est jamais em ployé, ou ne l’est que par inad
vertance , tant devient forte l’habitude de se servir du
prénom ou du surnom qu’on est convenu d’employer.
Quelques tém oins, et notamment les sixième et sep
tième , remarquent aussi que dans la maison même de
madame de M ariolles, la jeune demoiselle étoit quelque
fois appelée du nom de du Sauvage, soit par les per
sonnes de la maison, soit par la dame de M ariolles, par
inadvertance, si l’on veut, mais par une inadvertance
4
�( *6 )
qui prouve qu’on la regardoit comme un enfant du
Sauvage.
L e septième témoin ( le sieur Esmelin ) atteste même
que ce n’est que depuis cinq ans qu’il l’a entendu ap
peler seulement A n n a , et qu’antérieurement on l’avoit
toujours nommée du Sauvage.
« Il ajoute qu’à une époque où il ne la connoissoit pas
sous le nom d’A n n a , mais seulement sous celui de du
Sauvage, il parla an sieur du Sauvage de cette jeune
fille, qu’il croyoit être vraiment la sienne,
* Il en parla donc nécessairement en la nommant du
Sauvage; il apprit donc au sieur du Sauvage que la
jeune fille portoit son nom.
A in si, l’on peut dire que le second fait interloqué a
été également prouvé.
O n a remarqué dans îe mémoire du sieur du Sauvage,,
que pour le troisième fait interloqué, l’appelanten’avoit
fait entendre aucuns témoins.
Gela est v ra i, peut-être parce que ce fait paroissoit
peu important, d’après la preuve des autres.
Ce n’est pas qu’il n’eût été facile de prouver que dans
la pension m êm e, la jeune demoiselle étoit connue des
autres élèves sous le nom de du S a u v a g e.
Elle eût pu appeler en témoignage de ce fait plusieurs
daines de cette ville m êm e, les dames de Roclievert, de
R ignud, de Sam pigny-d’Isoncourt, les demoiselles du
V ivet,D u corail.
Ces jeunes dames se seroient sans doute souvenues de la
plaisanterie innocente qu’elles se pcrmeltoient à l’égard
de leur compagne, qu’elles appcloient quelquefois la
Sauvage.
�( =7 )
.
Mais qu’importe que ce fait secondaire ait été ou non
prouvé !
Qu’importe que les témoins entendus n’aient pas su
\tout ce qu’on leur demandoit, ou qu’ils ne se soient pas
rappelé tout ce qu’ils avoient su !
Qu’importeroit même que l’enquête ne fût pas rigou
reusement conforme à la lettre de l’interlocutoire, si elle
est conforme à la lettre de la loi !
L e système du sieur du Sauvage est de dire qu’on lui
a caché la naissance de l’enfant.
Que falloit-il donc p rouver, d’après l’article 316 du
Code ? '
Il falloit prouver que plus de deux mois avant son
action, il avoit découvert la fraude;
Qu’il avoit connu l’existence de la jeune fille;
Qu’il avoit su qu’elle étoit l’enfant de sa femme.
Ces faits ont été prouvés.
Ce que le sieur du Sauvage avoit intérêt h connoître,
il l’a connu plus de cinq ans même avant sa demande.
Ce long retard est aujourd’hui pour lui un obstacle
insurmontable.
La loi est claire;
La loi est formelle :
Elle ne peut se prêter à aucune équivoque, à aucune
interprétation.
Toute interprétation d’ailleurs, si elle en étoit sus
ceptible , devroit être faite en faveur de la foiblesse et
de l’innocence.
Et pour nous servir des expressions éloquentes du
tribun D uveyrier, le sieur du Sauvage, par le silence
4*
�qu’il a gard é, est raisonnablement supposé n'avoir pas
reçu d’offense, ou Vavoir par donnée ; et dans tous les
c a s, la loi y comme la raison , préfère le pardon à la
vengeance.
x
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
U action est-elle fondée ?
Cette question se résout par les termes de l’art. 312
du Code N apoléon, comparés aux preuves que rapporte
le sieur du Sauvage.
V oici comment est conçu l’article r
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« mari.
« Néanmoins celui-ci pourra désavouer l’enfant, s’il
« prouve que pendant le temps qui a couru depuis le
« trois centième jusqu’au cent quatre-vingtième jour
« avant la naissance de cet enfant, il é to it, soit pour
« cause d’éloignement, soit par l’effet de quelque acci« d en t, dans /’impossibilité physique de cohabiter avec
« sa femme. »
L e premier paragraphe de l’article pose la règle.
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« m ari ; pater is est quem nuptiœ demonstrant. »
L e second paragraphe établit l’exception.
Cette exception n’est admise que lorsqu’il y a eu im
possibilité physique de cohabitation entre le mari et la
femme.
Im possibilité physique : ces expressions sont de la
plus grande force comme de la plus grande précision.
�( *9 )
Elles renferment le résumé de la plus saine doctrine
de l’ancien droit sur cette matière.
L ’impossibilité physique, autrefois comme à présent,
étoit impérieusement exigée pour détruire la règle im
portante, pater is est, etc.
Ecoutons le langage d’un illustre orateur, l’honneur
de la magistrature, dans une cause où une foule de
circonstances, en démontrant l’adultère de l’épouse, sembloient autoriser le mari à désavouer l’enfant né depuis
des liaisons criminelles.
M . Daguesseau rappelle la définition de l’enfant lé
gitime , qu’il puise dans la loi 6 , ff. D e his qui su i
vel alieni juris sunt. Et il ajoute :
« Il n’y a donc que deux preuves contraires, qui
« puissent être opposées à une présomption aussi fayo
te rable.
« La longue absence du mari est la première ; et
« même nous pouvons ajouter, conformément.à l’esprit
« de la l o i, qu’il faut que cette absence soit certaine et
« continuelle.
« L ’impuissance, ou perpétuelle ou passagère, est la
« seconde : la loi n’en reconnoît pas d’autres. »
O r, quelles preuves le sieur du Sauvage rapporte-t-il
de rimpossibilité physique d’un instant de réunion entre
lui et son épouse; c’est-à-dire, d’une longue absence ,
qu’il prétend être certaine et continuelle?
Son inscription sur la liste des ém igrés;
Des arrêtés administatifs de brumaire et de frimaire
an 3 ;
Un jugement de messidor an 4,
�c 3° )
So7i inscription sur la liste des émigrés !
Est-ce là une preuve irréfragable de son absence?
Ne sait-on pas que des milliers de Français ont été
inscrits sur ces dangereuses listes, sans avoir jamais quitté
le sol de la France?
Ne sait-on pas avec quelle légèreté, quelle imprudence,
quelle facilité, dans ces temps de désordres, on signaloit
comme émigrés, par ces listes fatales, ceux qui ne s’étoient
absentés que momentanément même du lieu habituel
de leur résidence?
Ne sait-on pas enfin que pour éviter les dangereux
effets de l’erreur ou de la malveillance, les malheureux
proscrits, obligés de se cacher dans une retraite profonde,
n’y voyoient que leurs parens, leurs amis les plus proches?
Sera-ce dans ces jours ténébreux de nos dissensions
civiles, qu’on ira chercherla lumière propre à nous éclairer
sur la certitude, la continuité de l’absence du sieur du
Sauvage?
D e s arrêtés administratifs de brum aire, de frim aire
an 3 /
Mais ces arrêtés, conséquence nécessaire de l’inscription
sur la liste des émigrés, ces arrêtés sollicités pour pré
venir la vente totale des biens du présumé ém igré, ne
sauraient être une preuve eux-mêmes, tant qu’on ne
démontrera pas , par des preuves physiques, la réalité
et la continuité de l’absence.
A u reste, ces actes administratifs ont eu lieu au com
mencement de l’an 3; et comment prouveroient-ils que
le sieur du Sauvage a été aussi absent en l’an 4 , pen
dant cette année 4, où, les proscrits se pressoient en foule
�'(3 0
de rentrer dans une patrie q u i, devenue plus douce pour
eu x, n’attentoit plus à leur vie, pourvu qu’ils ne com
missent aucune imprudence, et qu’ils employassent quel
ques déguisemens.
O r, la naissance d’Anne-Françoise du Sauvage est de
la lin de l’an 4 , du 19 fructidor.
Un jugement de messidor an 4 /
Ce jugement n’est pas rapporté ; il n’a jamais été pro
duit : on s’étonne qu’il ait été invoqué comme preuve.
D e liis quœ noii sunt 2>el quœ non apparent idem ju diciurn.
A u reste, quand il seroit vrai que dans le jugement
le sieur du Sauvage est qualifié d’’émigré ou réputé émi
gré (1), cette qualification seroit-elle une preuve physique
de son absence, soit antérieurement, soit même à cette
époque?
Ne sait-on pas que tant que l ’inscription subsistoit,
l’inscrit ne pouvoit être désigné par les autorités admi
nistratives et judiciaires que comme émigré ou réputé
émigré.
D e tels indices ne sauroient être suffisans pour dé
montrer une absence longue, certaine et continuelle ;
Ils ne fourniroient que des présomptions d’absence.
O r , la loi n’admet pas l’arbitraire des présomptions,
en matière aussi grave.
Ce n est pas sur des présomptions que des magistrats
se décideront à livrer à l’infortune et à la honte la vie
entière d’un être innocent.
(1) Voyez page 6 du mémoire du sieur du Sauvage.
y'
�( 32 )
Il
faut des preuves de Pim-possibilité physique d’une
réunion même momentanée.
'
Mais que doit-on entendre par ces mots : L'im possi
bilité physique ?
Ecoutons le tribun Duveyrier.
« L ’impossibilité physique est absolue; elle tient toute
« sa force d’elle-même : c'est un fa it matériel et cons« t ant, qui n admet aucune autre supposition. »
Cet orateur ajoute plus bas :
a L ’impossibilité physique ne peut exister que par deux
« causes, l’absence, et l’impuissance accidentelle du mari.
« I c i, les anciens principes, conformes à la raison et
ff à l’équité , ne souffrent aucune altération. Il faut que
a l’absence soit constante, continue, et de telle nature
« que dans l’intervalle de temps donné à la possibilité de
« la conception, c’est-à-dire, dans l’intervalle de cent
« vingt jours, qui s’écoule entre le cent quatre-vingtième
« et le trois centième jour avant la naissance de l’enfant,
« Pesprit humain ne puisse concevoir la possibilité
« d'un seul instant de réunion entre les deux époux. »
• O r , L e sieur du Sauvage démontre-4 -il que l’esprit
ne peut concevoir la possibilité d’un seul instant de réu
nion enti’e son épouse et lui ?
Et la jeune infortunée dont on attaque l’état, n’at-elle pas le droit de dire
Q u’il est possible que le sieur du Sauvage ne fût pas
absent du territoire Français, en l’an 4 ;
Qu’il est possible, s’il avoit fui le sol français antérieu
rement , qu’il y fût rentré à une époque où tant d’émigrés
B’empresçoieat de profiler d’un teixips de calme et de tolé
rance f
�( 33 )
rance, pour revoir une patrie, objet de leurs souvenirs
et de leurs regrets ;
r Qu’il est possible qu’alors il se soit réuni à une épouse
près de laquelle ses affections comme ses devoirs semb loien tle rappeler;
•: Q u’il est possible m êm e, si le sieur du Sauvage n’étoit pas rentré en France, que cette épouse fût allée ellemême dans les contrées voisines, résider quelques temps
auprès d’un époux qui n’avoit alors à lui reprocher au
cunes liaisons avec Guines.
Ces possibilités sont dans l’ordre naturel.
• A insi', tant qu’elles ne seront pas détruites par une
preuve aussi claire que positive, le sieur du Sauvage
ne peut pas se placer dans le cas de Vimpossibilité phy
sique e x ig é e p a r l’article 312.
C e tte ’preuve n’est pas fa ite ;
u
;Cette preuve n’est pas même offerte.
Comment donc le sieur du Sauvage p o u rro it-il se
croire fondé-dans son action en désaveu?
On le v o it, des moyens puissans s’élèvent contre cette
action.
. :\\i
r
.
La loi protège une fille innocente ;
E lle ne permet pas d’accueillir la demande, tant qu’il
ne sera pas prouvé qu’il y a eu impossibilité physique
de cohabitation entre les deux époux.
Cette preuve même seroit insignifiante aujourd’h ui,
et elle n’empêclieroit pas qu’on ne dût rejeter une de
mande tardive, une demande formée plusieurs années
seulement après l’époque où Inexistence de l’enfant étoit
parvenue a la coimoissance du m an. iL! r :
�Mais qu’il est affligeant, pour la jeune du Sauvage,
d’être obligée d’invoquer la loi pour sa défense !
Q u’il lui seroit doux de devoir son salut au cœur seul
du père qu’elle réclame !
Par le long silence qu’il a gardé , le sieur du Sauvage
est présumé, ou n'avoir pas reçu d'offense, ou l'a voir
pardonnée.
S’il croit avoir reçu une offense, n’est-elle pas expiée
par les malheurs dont sa triste épouse est accablée depuis
long-temps ?
Qu’il ne révoque pas un pardon généreux!
Qu’il permette à une jeune infortunée de se jeter à
ses pieds, et de lui demander grâce pour sa m ère, grâce
pour elle-même !
Q u’il la reconnoisse pour son enfant ! et il trouvera en
elle une fille tendre et soumise, une fille dont les soins
touchans le consoleront, dont les vertus l’honoreront,
et qui répandra dans son âme le calme , la sérénité,
le bonheur que ne connut jamais l’homme isolé.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. G A R R O N jeune, avoué licencié
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale,
rue des Taules, maison L amdriot. — A vril 1813 ~
et libraire
�
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Anne. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Anne-Françoise Noyer du Sauvage, mineure, habitante de la ville de Clermont, et Maître Garron, licencié-avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans ; contre sieur Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire, habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire, intimé ; en présence du sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Alleyrat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1791-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2216
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2215
BCU_Factums_G2220
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53444/BCU_Factums_G2215.pdf
ebdc1e349080ed6853f23b928912a843
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Text
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IV
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COUR
ME MOI RE
I MPÉRI ALE
DE R I O M .
;
POUR
M. J
e a n
- C harles NOYER
D U S A U V A G E ,J
C h a m b r e s r é u n ie !]
propriétaire, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
nne
-F
rançoise
se disant N O Y E R
D U
9«—xi*^
S A U V A G E , mineure, M . e G A R R O N , avoué
en La C o u r , son curateur ad hoc , appelans d 'u n
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 1 8 1 0 ;
E t le sieur H o n oré D E B R U S , notaire impérial,
habitant du lieu d 'A lla ira t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N
DÉSAVEU
U
n
D’ E T A T ,
DE PA T E R N ITÉ .
époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
*'*'*
~ ,
i
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celte dignité qui convient à la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serail trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d’iniquité, qui a mis le comble
à ses maux.
A bsent, proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
p l u s criminels, à tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus lionleux el de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
effrénées, ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
goûls, a lié son sort à celui d’ un vil scélérat qui a
trouvé sur l’échafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigralion du mari, et ces naissances lui oui été
Caillées avec soin.
On lui avait annoncé que cette femme criminelle et
déliontée avait
fait prononcer son divorce ; celle
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
el corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a élé convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre euians, nés d un coin-
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d ’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux environs, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enfant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il oblient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
crime, rentrent dans le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d’entr’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cette décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-Françoise, a eu l’audace
d ’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l’a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
put venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé lout ce qui pouvait le rapprocher
de cette senline dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu5A nne-Francoise
lui appartînt, 011 ne se défend que par des fins de nonrçcevoir; 011 soutient que son désaveu n’a pas été fait
�dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu’il con^
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
Ces assertions audacieuses ont donné lieu à un arrêt
interlocutoire; des enquêtes respectives ont élé faites;
on en examinera le mérite, lorsqu’on aura fait connaîire les faits et les circonstances particulières de la
cause.
F A I T S .
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d’é
pouser la demoiselle Anne-Françoise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’est pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds cprtains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est insciil sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n ’avait pas
l a i s s é ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès 1 7 9 2 , et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
une pétition au directoire du département de la HauleL o i r e , pour obtenir une pension, en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputé émigré.
C ’est dans le moment le plus orageux, où le gou
vernement d’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
l ’émigralion de son mari!
'<
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect à ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé lli o n n e u r , la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et tim ide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o rt , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs aiïligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses peines, et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dir e, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3, ses c o
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3 ,
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
l émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son mari des immeu
bles propres à la fe mme, en vertu du pouvoir qu ’elle
lui avait donné par son c o n t r a t de mariage.
Celle demande donna lieu à une discussion sérieuse
qui fut terminée par un jugement du liibunal civil
de Xliom, du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�*
•
( S )
insérés au ju g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 1 7 9 2 ,
la dame de V é n y avait présenté une pétition aux
autorités administratives de la Haute-Loire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
Il est souvent question dans ce jugement du sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification d'émi
gré ou réputé émigré.
On doit donc tenir pour constant que le sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 : qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d ’après son indiscrète pétition ; el que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas d’être importante
pour les faits qui vont suivre ; car c'est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; et il est curieux de
connaître son acte de naissance 5 on, va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i , 4-e jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison c o m m u n e , et par-devant
« m o i , officier public soussigné, Charles Blancheton,
«■officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite G u ittard , femme d ’Anguslin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Mugdeleine Jouberton, fille de
a L a u re n t, cultivateur, toutes deux majeures, non
« parentes de l’enfant, qu’il a accouché clans la maison
« de lui Blancheton , déclarant, le 19 fructidor der« m er, à trois heures après midi, A n n e T^ém/y épouse
�( 7 )
« de Cliarles-A ugusïin Sauvage, propriétaire, habitant
« ordinairement de la commune de Mouastier, dépar
te tement de la Haute-Loire,
actuellement absent
,
v d’une fille qui m ’a été représentée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise^ de tout
« quoi j’ai dressé, etc.»
Voilà donc cette femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incontinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa famille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien; elle a encore assez de
pour ne pas présenter sa fille comme l’enfant
époux; on se garde encore bien de la qualifier
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate
pudeur
de son
de fille
même
que le mari était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n e Françoise.
La femme V é n y ne quille la maison de santé que
pour se livre ra de nouveaux desoídles; elle fait con
naissance avec un avenliuier, connu sous le nom de
Guine%, et bien loi elle devient féconde; liois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore imporlanl de les faire connaître.
L e premier esl du 2 genjiinal an 6 , devant un sieur
Bonnet, membre de radminislration municipale de la
ville de Tournai. Ce même jour, comparaît Jean-Baptisle .Baigne!, accoucheur , domicilié en la même ville,
�section Egalité, « lequel, assisté de Louis Guine%, apo« thicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Chartes- Joseph Guine%}
« absen t pour ses a ÿ a ire s, qu A n n e V é n y , son épouse,
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd liui æ
« trois heures du m a l i n , en son domicile, rue du
« C y g n e , d’un e n f a n t femelle, que lui, Jean-Baptisle
« Baignet m’a présenté, et auquel il a donné les prê
te noms de Louise-Antoinette-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
Guinez lui-même q u i , assisté de deux témoins,
a
« déclaré qu’Anne-Francoise V é n y esl accouchée hier,
« à onze heures du soir, d ’un enfant m âle, qu’il m’a
« présenté, et auqueliladonné les prénoms de Charles« Isidore, le p è r e et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi conçu : « Du.
« 6 pluviôse an 11 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fille de Charles-Joseph , rentier, domicilié rue
« du Château , et d'A n n e V én y , non m ariés, ainsi que
« l’a d é c la r é , en l ’absence du p ère , Jean -B ap tiste
« Baignet, autre Jean-Baptisfe Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant
\ a été reconnu être féminin,' etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces laits; il obtient une
surveillance sur la lin de l ’an 9, et revient au lieu de
sa naissance ; mais il ne fut amnistié , en vertu du sénat 11sconsulle du 6 iloréal an 10, que le 8 pluviôse an 1 1* On
se
�( 9 )
se doute bien qu’ une femme coupable n ’a pas osé se
présenter à son époux ; ses parens ou ses amis igno
raient même le lieu de sa résidence; mais on le ras
sure : on lui atteste qu’elle a fait prononcer son divorce
pendant l’émigralion, et que ce divorce a été transcrit
sur les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut époux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’être père : il avait en effet perdu, depuis
long-iems, les deux enfans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
Mais bientôt sa tranquillité est troublée; il n ’entend
d’abord que des propos vagues, qui semblaient le con
cerner, mais qui ne lui étaient pas adressés directement.
Son inquiétude augmente; ilapprend enfin qu’i l n ’existe
pas sur les registres de Iraces du divorce de sa femm e;
qu ’elle a vécu dans le libertinage le plus crapuleux,
et qu’elle a donné le jour à plusieurs enfans. 11 sent
combien il est important pour lui de découvrir ce mys
tère d’iniquité; il veut suivre les traces de la femme
V é n y ; toutes recherches sont i n f r u c t u e u s e s dans le lieu
de son domicile, comme dans les villes voisines; le
hasard lui fait découvrir que la femme V é n y a fait un
long séjour dans la ville de Tournai; il écrit aux auto
rités de celle ville; et le 1 3 mai 1809, il reçoit de l’ad-
joinl de .la mairie de Tournai les trois actes de nais—
3
�V*
( IO )
sance duement en fo r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance ; il se fait délivrer l’acte de naissance d 'A n n eFrançoise, qci’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809)
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et à la femme Vény. Il y expose qu’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
l’émigralion de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l'action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa femme pendant le tems
déterminé par l’article 3 12. du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu ’à l’époque de la naissance de ces enfans, et avant, la
femme V é n y vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, el ce qui le
serait au besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il déclare que pour défendre à cette demande en
désaveu de paternité, il se propose de faire nommer
�4 ai
( ”
)
un tuteur aux enfans, en présence de leur mère, et
qu’il va se retirer par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux termes de l'article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa d em a n d e, et il
indique huit p a r e i l s maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de paix , attendu l’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins ou connus pour avoir
eu des liaisons d’amitié avec la femme V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i ,
à l ’effet de délibérer sur le choix et nomination d’ un
tuteur a d hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur a d hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
lie 7 juillet , demande en désaveu de paternité
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa qualité de tuteur. L e
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense à ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme V é n y.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à un jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s'éleva quelques discussions sur l’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril
1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinetle, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u in ez, et Julie Guinez, qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du domicile du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, Anne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il parait que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et à Clerm on t, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 r 6 et 3 18 du Code Napoléon ;
« Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le demandeur fut absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant lu naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 1 7 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de l'émigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P a y ‘
« Q u ’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le titre de femme légitime de CharlesAugustin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deu r; que dans les autres, on lui a donné le nom de
femme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu’aucun
de ces enJans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d'état pour se dire enfant
de Jean-Charles du Noyer du Sauvage ;
« Considérant q u ’à défaut - d’acte de naissance
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n ’établit pas la possession constante de Tétat d ’enfant
légitime; qu ’on n’offre pas môme de prouver que le
demandeur ail reconnu cesenfans; qu’il lésait jamais
traitéscomme les siens; qu’il eût pourvu en cette qualité
à leur éducation, entretien ou établissement ; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
« Considérant
q u ’il ne peut y avoii» lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des regislies de l’étal civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du père qui
les désavoue; que leur acte de naissance les aililie à
une famille qui n’esl pas la leur; et qu’aucun des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
ve u de Jean-Charles du Noyer du Sauvage, donne
défaut conlre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint à la demande
principale, par
le jugement du 10 avril 1810 , signifié par l’huissier
commis le 10 mai suivant; sans s'arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
l a d e m a n d e régulière en la forme et b i e n poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu ’Anne-Françoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u i n e z , CharlesIsidore G u in e z , et Julie Guinez ne sont pas les
enfans d e J e a n - C h a r l e s du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son mariage avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les en
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
Charles du Noy er du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemont et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au üiteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté a p p e l ,
m ais
ensuite elle a prétendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la C o u r , pour demander la
nomination d ’un nouveau c u r a t e u r , à 1’eflet de pou-
�( i5 )
4® *
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur celte requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pouriCuraleur d'A nn e*
Françoise,* et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu’en celui d’Anne-Francoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c’est par la voie d’ un conseil de famille.
L e sieur du Sauvage qui ne met pas autrement d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de cette nomination.
D ’un autre côlé , A n n e Françoise a aussi prétendu
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, lë
conseil de famille devait être composé de pareils pa
ternels el maternels, el elle n’a pas voulu faire attention
qu’il était déplacé de iaire comparaître des parers du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c était dans l’intérêt même de ¡’appelante que
l ’observation avait été faite; et que les païens mater
nels étant à une plus grande distance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
Au surplus, ces questions de forme sont encore
�f
( 16 )
intactes; elles sont soumises à la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas retarder la dis
cussion du fond.
L e sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’article 3 16 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient été ca il lées;
les enfans avaient été conçus et nés pendant son émi
gration, l o r s q u ’il y avait impossibilité physique de co
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 1 7 9 3 , an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e g r é , que l’ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu rappelante, l'avait reconnue
0
et considérée comme fille de son épouse ; 2 que l’appelanle était connue sous le nom d'.Antie du Sauvage j
3.° qu’elle était ainsi nommée dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu l’ap
pelante comme il l ’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
L a Cour qui met toujours la plus grande maturité
dans
�4*7
( 17 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les fins, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles 5 qu’il y avait vu A n n e Françoise, et l'avait teconriue pour êfre la fille de sa
f e m m e ; 2 ° qu ’elle élait connue de lui sous Le nom
d ’ A nna-Françoise du, Sauvage; 3 .° qu'en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où élait élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dénom mée, et
qu ’il l’y a reconnue comme fille de sa f e m m e , sauf
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
même délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêles à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l'interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noy er du S a u v a g e était dans l’in
tention de se pourvoir eu désaveu de paternité des
enfans que sa femme avait pu avoir pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser l ’époque où ce
propos a été tenu, ni par qui il l a été.
L e second témoin est lu dume Lacaussade, femme
�François:
• > / elle ne sait absolument rien des faits inlerloqués.
*•
L e troisième, Victoire Vignau , femme de Pierre
Vignau , limonadier à C l e r m o n l , dépose qu'il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur Gervis , dans le cours de ce dîner ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c ’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Victor Cellier, un des con
vives dont parle la femm e Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ,
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage et le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, niais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n ’ é l u i e n t pas de l u i;
que le déclarant ayant cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu’au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déclaré qu’il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et qu ’il ne verrait pas sa femm e; qu’il savait
qu’ il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le r e c o n n a i s s a i t
pas pour le sien.
�( *9 )
L e cinquième témoin* Jean-Baptisfe Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-tems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu’en l’an 12* étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Pontgibaud, à l’époque de la
distribution des prix de celte année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son élonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y éIait
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort atlaclié, et qu’il voulait même le faire son
héritier* à quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
pas, puisqu’il avait des enfans. L e s i e u r du Sauvage ré
pliqua qu’il n’en avait pas, et qu’il n ’en connaissait
point. Lors de cette conversa lion* intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fit que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser, il lui fui présenté, ou par le sieur du Sauvage* ou
par le sieur D e t e ix , sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois enfans
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le nom du sieur du Sauvage, comme père
de l’enfanl; dans le second, la paternité était attribuée
au nommé Gu inez; dans le troisième, le père était
déclaré inconnu. Celle époque remonte à-peu-près à
celle où la fille A nne du Sauvage fut retirée des mains
6
�( 20 )
de Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correc
tionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait celle fille, lors
qu’elle élait chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui d’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a - que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d ’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa be lle-sœ ur, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m ê m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. Le déclarant y a y a n t fuit attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait Irop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfant; que d ’ail
leurs il n’était pas dans ses principes de lui taire voir
un enfant qu’elle savait n'être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute à ce sujet, q u ’a y a n t eu p l u s i e u r s
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n ’iguo-
�( 21 )
4k \
mit pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’aflectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la darne du Sauvage s’était accouch ée,
el où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait élé fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nommer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la dame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
séquence le déclarant n’en parla pointa la dame D e m a
riolles.
Interpellé sur l’époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l'époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’Aigueperse. 11 était fermier de la dame Demariolles ; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. 11 dépose
qu il y a environ dix ans, il a connu à Aigtieperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle était sous la direction d ’un nommé Guinez, alors
logé dans l’auberge de la veuve Tapon , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un tiès muuuais sujet,
�( 52 )
usant de mauvais procédés envers cet enfant, on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e té moin ,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui a y a n t parlé de celte fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traifemens exercés sur elle par G u in e z , el la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le tém oin , l’époque de cette
conversation peut remonter à enlour huit a neuf ans,
autant qu ’il puisse s’en souvenir. Il ajoule avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet e n f a n t ,
ont été tenues h l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
Le
huitième témoin est M. Chas^aing, juge au
•tribunal de Clermont. On a observé à ce témoin qu’il
• avait la confiance générale de la maison Villemont;
qu ’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
eng.'igemcns de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque lé sieur du Sauvage s’est permis do faire
�celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
l'intention de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui cl’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celte intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hosliles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieur
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu ’elle promet à ses créanciers.
Il est assez naturel dès-lors que le sieur du Sauvage
suspecle ceux qui ont contracté des engagemens, ou se
sont rendus caillions de la dame Demariolles.
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela élail vr ai, dans le tems
qu'il était a v o u é , mais que tous ces faits n’exislent plus
depuis qu ’il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, donl il était chargé comme
avou é , se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engngemens par lui contractés ne subsisteront plus • donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréciera ces observa lions.
A u surplus, ce témoin dépose qu ’à une époque
donl il n’est pas parfuilernenl mémoralif, le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu ’il
occupait alors; il était accompagné du s.r L e v e t ; il était
porteur d ’un eflet de i ?6oo fr, tiré ou endossé par la
�dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p a r l e s *
D u m a y , son gendre. Cette négociation ayant été ef
fe ctu ée, occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il était ic i avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu'il était impossible cfh ibiler avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n'ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
tous ces enfans ; qu ’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fem m e, et en désaveu
de paternité contre chacun desdils enfans; qu’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
1 enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
c e s diverses visites et conversations, le témoin déclare
ne.pas se rappeler de l’époque, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant 1 acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans ail moins; n’ayant
point actuellement sous les yeu x son contrat d’acqui
sition.
L e neuvième témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu ?il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longterns
�(
2$ )
44J
tems et,antérieurement à l'émigration du sieur du Sau
v a g e , il a eu l’honneur de sa connaissance. Tout ce dont
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Germont y il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieur Cellier et la dameVig nau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celle a fia ire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Thiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audilion de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la Cour à l’enquête faile à la requête d'A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur N oy er du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage l u i a dit souvent, dans la c o n v e r s a t i o n , que si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’élait pas prostituée
au nommé G u in ez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien à A n n a ; qu ’il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis entour 14 ans,
qu’il l 'y a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au mo
�* H*
( 26 )
ment où elle fut mise en pension, et Ta constamment en^
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V e n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, iL
ne lui a jamais dit qu’ A n n a fût la fille de sa fe mm e;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu ’Anna;
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c’était là l’opinion publique,
et qu ’A n n a ressemble singulièrement à la femme Veny.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, Anncu
ne venait pas à table tant que le sieur du Sauvagô
séjournait chez celle d am e, et elle y reparaissait lors
qu ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorle
que le s>ieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu ’A n n a était l’enfant de
]a dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage 11e lui a pasdit<précisément qu’il le savait, parcequ e , malgré lest soins qu ’on prenait pour empêcher:
A n n a de se rencontrer avec le s i e u r du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la* voir quelquefois, et n’avait pu
faire-autrement que de lui trouver une parfaite res
semblance avec la dame Vény.
Telle est-l'enquête directe faite à larequêt CCA n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu ’elle 11’ait
fait assigner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt delà Cour ordonne la preuve,
fait■
très-important puisqu’il tendait à établir qu eu la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, e t 'd a n s la pension
à 'A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire uneenquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ra n çoise, et la dame
Decham p.sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles , conjointement avec la dame Dechamp, il lui fut amené par la dame Dum onlel d ’Ardes,
actuellement décédée, une jeune fille, âgée d ’environ
sept à huit ans, que la dame D umonlel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette épo que, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré com me externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom d'A n n a , nièce
de la dame Demariolles. Pendant Finlervalle de ces
deux ans et demi, elle *se rappelle que le sieur du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison ,
tnais que ce n’était que pour voir une jeune veuvo
du P u y , qui y habitait ; il était chïirgé , de la part de
la famille de cette ve u v e , de la voir, et de lui porter do
l ’argent. 11 lui en porta en e lfet, et il n’a jamais étéques-
8
�i W
'M b
( 28 )
tion , de la part du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a } qui même ne lui a jamais
été présenlée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposilion des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o ye n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans celle matière, il n’y a rien
d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu’ A nna-Françoise , 011 ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
niellait en avant que des laits vagues et insigniiians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver t r o i s faits : x°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de palernilé, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles , qu ’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la tille de sa femme.
11 convient de s'arrêter d’abord sur le premier fait.
L e désaveu de palernilé est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
�( 39 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de palernilé.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait j a
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu’il y avait un enlant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans; celui-ci lui a répondu
qu’il n'en avait pas. 11 a vu entre les mains du sieur
du Sauvage ou du sieur Deleix trois extraits de nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l ’époque.
On sait que ces extraits de naissance n’ont été con
nus et retirés qu’en juin 1809 , el que le.désaveu de
palernilé a eu lieu dans le mois de la découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d 'A n n a .
L a d é p o s i t i o n du s i x i è m e t é m o i n est p l u s é t e n d u e ;
m a i s il d é c l a r é b i e n p o s i t i v e m e n t c | u e lu d a m e R e m a iiolles ne donnait
p u b l i q u e m e n t à cet
enfant
q u e le
n o m d 'A n n a ■e l l e fiii-ail d i s p a r a î t r e c e l l e f i l l e , t o u t e s
les fois q u e le s i e u r d u S a u v a g e e n l r a i t c h e z e l l e ; e l l e
eslimaU t r o p son b e a u - f r è r e p o u r lui m o n t r e r cet e n
f a n t . 11 n’élail pas dans ¿es principes d e l u i faire voir
�un enfant qu’elle savait n’être pas à la i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que Gainez, faisait
éprouver à cette fille ; }le sieur du Sauvage ne lui a
rien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
.enfans", et se proposait de former la demande en dé
saveu de paternité ; il ajoute aussi que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré«, que lorsqu’il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
■cet enfant.
Ce témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait^ la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
L e d i x i è m e a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , san s autre d é n o m i n a t i o n . Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait retirer l’enfant; elle ne se mettait pas à'table.
L e sieur du Sauvage ne 'lui a jamais dit qu’il connût
l'enfant pour être celui'dè sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
lie dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pe n
sion, atteste que le sieur du Sauvage n’a jamais vu
Anna, chez elle; qu’elle ne lui a jamais été présentée.
�Il n’est donc aucunement proavé qu’en l ’an i o le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la>
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de Lui sous le nom
d 'A nna-Françoise du Sauvage. Pour le cou p , il n’y
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que celte fille portât son
nom; et la maîtresse de pension apprend même qu’elle
n ’a été présentée chez elle que sous le nom d ' A n n a >
nièce de madame de Mariolles.
L e dixième témoin, celui q u i a é l é entendu à Thiers^
liors'la présence du sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cel enfant que sous le nom d' A n n a ^
sans autre dénominalion , el ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu ’elle était fille de sa.
fem m e; mais loin de convenir q u ’elle pQijlâl le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for
mellement.
Ainsi, c e second fait a donc é t é f a u s s e m e n l a l l é g u é .
Tioi.sieme fail :« Llle a ' é l é ainsi appelée et d é « nommee dans la pension où elle éluit éle vée, en.« présence du sieur du Sauvage, qui l y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Cette assertion a été completlement désavouée par,,
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a : le ’ sieur
�du Sauvage ne l’y a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’esi venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la lilie A n n a , lors de l’arrêt
d e l à Cou r, s’appesantit sur cet te circonstance dans ses
conclusions, d ’une manière tellement précise, qu ’elle
détermina peut-être l ’interlocutoire.
Quel peut être l’espoir de celle fille audacieuse?
A -t-e lle satisfait-à l’arrêt d e ' l a C o u r ? Osera-t elle
espérer de porter un nom qui ne lui appartient pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyant sur une disposition d’ usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
’fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc 'la suivre dans ce dernier retranchement.
« On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens Qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusénient qu’elle a 1 prétendu !que le conseil!
de famille 'devait' être composé de parens du sieur
dti Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré*
leur éloignement, « la femme mariée n’a poinf d’autre
« domicile que'celui de son mari :1e mineur émam ip é
«ra-soh dbmicile chez ses père el mère (art. 108, Code
« N a p o l é o n *
1“
' ■
*
*« iMi’sque lés parens ou alliés se trouvent à la dis—
« lance de plus de deux myriamèlres, le juge de paix
«’’ pèiit Appeler', pour Composer le conseil do famille,
«■'danslncommuncofi la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�( 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles cî’a« mi lié avec le père ou la mère du mineur ( art. 4 ° 9 ?
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
demande; en soutenant qu’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n ’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de même
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvait-elle se débarrasser à son gré du tuteur
qui lui avait été nom mé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
sur req uête, non communiqué, substituer un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l’in
capacité de l’être ( Art. 405 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l'ancienne procédure ; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garron a été i r r é g u l i è r e m e n t nommé
curateur ; que l'appel est n u l el i r r é g u l i e r . L a Cour
appréciera ce m o y e n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des rc^gles; mais il n ’y donnera
pas d’aulres* développemeus.
Il
serait encore assez inulile d’examiner la question
d’éiat en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
in té rê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femme immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son nme est flétrie, il ne peut plus espérer de bonheur;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touclians qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d'où naissent
les charmes les plus doux, ne sont pas faits pour lui ! 11
fut père un instant, il est vrai! mais ses enfans ont
vécu! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie , que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en action sous les traits les plus hideux.
Ledésaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’aclion. C e
pendant c ’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les lems, a oflert ce motif de consolation à un époux
outragé.
lia célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille ans * patcr est is queni clemonstrant nuptiœ , rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les texles du droit, qui parlent de
l’état des h o m m e s , puisqu’elle est tiiéc de la loi £>, iï. de
�4V
(35)
in ju s vocando; mais on trouve une exception dans la
loi fiLLam, ff. his qui su i vel alieni ju r is surit: celle loi
dit expressément que le mari n’est point tenu de reconnaîlre un enfant donl sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : J îliu m
euni d ejîn in m s, qui ex viro et uxore ejus nascitur. Sed
siJ in garnit s abfuisse m arltum , çerbi gratiâ per decennuim reversum annicuium invertisse in dom osua, pLacet
nobis J u tia n i sententia hune non esse m a ritijîh u m . L a
loi prend pour exemple un enfant d ’un an , annicuium ,
après dix ans d’absence, mais elle n ’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docleurs,
dans ce cas, s’accordent à décider que l’enfant n’apparlienl pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général Talon, lors d’un arrêt du 16 janvier 16 6 4,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cocliin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsulles.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801. H n’y a pas de doute sur celle absence, le lableau
de proscription, celle liste fatale est là pour l’établir.
L a peine do mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si souvent renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui ont été viclimes de leur
té m é r ilé , prouvent encore l'impossibilité du retour du
10
�sieur du Sauvage, jusqu’à la reslauraiion du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femme V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l’an 3 , où elle
a loujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui Ta
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle, la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guùie%; a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation , de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois, la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle h
la réclamation du sieur du Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d’avonlage dans la nouvelle législation?
lie Code Napoléon, art. 3 12, a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater e s t, etc. « L ’enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan« moins celui-ci pourra désavouer l’en fan I , s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le troiscen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet e n f a n t , il é t a it , soit pour cause
�4S J
( 37 )
« d’éloignëmenl, soit par l’efïet'de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
.anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUutn.
L e législateur, en admettant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s’il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomplion plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légilimer un enfant qui, aux ye u x du public convaincu
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s'exprimait l’orateur du gouverne
m ent, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’est-il pas déjà trop malheureux? Comment penser
qu’il se porte à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était véritablement père ? La nature a m a r q u é en
caractères inefîaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des enfans
des sentimens de tendresse les plus profonds et les plus
éclalans. El comment croire qu’un père étouffe tous
lessentimensde la nature! Comment croire qu’il allume
dans sa main les lorches de la discorde, et qu’au dehors
il se dévoue à l'humiliation, s’il n’est pas dans la con-
*<+
�\u >
( 38 )
viclion intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l’orateur
• du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à tous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont-ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 i 2 du Code. Aux
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enlanl a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
m êm e époque, il est absent ; dans les deux mois après
la découverte de la fra u d e , si 011 lui avait caché la
naissance de l ’e n f a n t .
L a naissance d’ Anne-Francoise a-t-elle élé cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le gieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Francoise sera repoussée
avec indignation.
1
V
�( 39 )
L ’acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a élé cachée an mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’A nne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissanee, que
celte fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le, mystère; et sans doute qu ’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l ’enfant ? Q u ’il a
ac couch é, dans sa maison de Lui d écla ra n t, le 19
fru ctidor dernier, An ne V é n y , épouse de CharlesAuguslin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Charles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-A ugustin Sauve.ge\ mais
le chirurgien n’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait élé instruit , sa
femme n’aurait pas accouché à Clermont , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n ’est pas ainsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n ’avait pas mené une conduite
scandaleuse; si elle n ’a v a i t pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à Clermont, au mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4° )
fût cachée dans une maison d’accoucheur , pour se
dérober à tous les regards.
I/accouclieur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu ’il a accouché Anne V é n y femme de Sauvage*
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
h cet acte. L e chirurgien n’est accompagné que
de deux femmes du
peuple. Ainsi
c ’est un „acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir , ni
réclamer une possession d’étal. Elle n’a pas même
osé s’en servir. 11 est donc certain que sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu ’elle n ’appartient pas au mariage.
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela est impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a été amnistié qu’en
l ’an n . Sa femme n’élait pas à son domicile, puisqu’en l’un 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième acte de naissance n’est inscrit sur les regis
tres de celte ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o rjaslier, que sa femme élail en Flandre, et avait suivi
un vil scélérat. On 11e s’empresse pas de raconter h un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté do lui dire que sa femme avait fail divorce. Le
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celte c o n
fiance
�{ 4* )
fiance que tous ses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il est averti qu'on ne trouve pas l’acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fak dé
livrer.
C e n’est qu’au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. On sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a r e ç u s , que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la palernilé.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’ombre^ qui n’agis
saient en aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufiere qu elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il
fallait donc être certain que ces e n f a n s existaient,
qu ils etaient nés de la femme V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n’a pu le faire qu’avec
leurs actes de naissance, qui, par leur contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour q u ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude • il
•semble qu ’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�46 *
( 4^ )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait disparaîlre loutes les fois qu’il arrivait? Il ne résulte de cette
circonslance autre chose, si non qu’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne l u i 1 a p p a r t e n a i t pas; c’était précisément la
fraude dont il n’a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu’à ce mo
ment qu’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
" Il forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte exlrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la mère ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet, demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die detectæ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu’elle soit tille adultérine?
celle objeclion a déjà été proscrite par un arrêt so- l e n n e l , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011g a r e l , contre l’enfant de son épouse, qu’il avait dé
s a vou é , et dans des circonstances bien plus fortes,’
puisqu’ il avait élé prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant 11’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet a r r ê t .
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
- à sa charge,blesserait également la justice et l’équité;
. ce serait une atroce barbarie que d’obliger un épo u x
malheureux , de donner son nom à un être ignoble,
•v f ruit de l'inceste, et de l’adultère. Si l a loi. naturelleet la loi divine nous imposent le droit d’aimer,, desecourir nos enfans ;si la nature a imprimé dans notre
âme en traits brûl ans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r q u e l d o it être le dé
sespoir d’ un é p o u x , de trouver , d a n s son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; d e voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n’ a pas même la consolation de
douter; lorsque le cri public l’avertit sans cesse de son
malheur; lorsque d e s circonstances décisives entraînent
' de toutes parts la plus intime conviction? N on! il n'est
point d’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
o ffensé.
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
note manuscrite : « Jugement confirmé par arrêt (sections réunies) du 5 avril 1813. Voir les motifs et l'arrêt à la fin de ce mémoire. »
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1791-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2215
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2216
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53444/BCU_Factums_G2215.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53877/BCU_Factums_M0617.pdf
8dbc85d56fa91aa40156f0e9a50b9bb7
PDF Text
Text
M É M O IR E
DE RIOM.
POUR
M. J e a n - C h a r l e s N O Y E R D U S A U V A G E ,
propriétaire-, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
n n e -F ran çoi se ,
se
disant
N OYER
D U
S A U V A G E , mineure M .e G A R R O N , a voué
en la C o u r , son curateur ad hoc , appelans d'un
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 18 1 o ;
E t l e sieur
Honoré
D E B R U S , notaire im périal,
habitant du lieu d 'A lla ir a t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N D ’ E T A T.
DÉSAVEU d e
p a t e r n i t é
.
U n époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celle dignité qui convient ;'i la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serait trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d'iniquité, qui a mis le comble
a
à ses maux.
A b s e n t , proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où. il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
plus criminels, l\ tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus honteux et de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
e f f r é n é e s , ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
gouls, a lié son sort à celui d’un vil scélérat qui a
trouvé sur l’éc hafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigration du mari, et ces naissances lui ont été
cachées avec soin.
On lui avait annoncé que celte femme criminelle et
déboutée avait fait prononcer son divorce ; cette
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
et corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a été convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre enlans, nés d ’un com
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui t
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux enviions, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enlant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il obtient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
c r i m e ,■rentrent d an s le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d V n lr ’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cet te décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-FrançoLse, a eu l’audace
d’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
pût venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé tout ce qui pouvait Je rapprocher
de celle sentine dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu'Anne-Françoisc
lui appartînt, on ne se défend que par des fins de nonrecevoir; on soutient que son désaveu n’a pas ¿lé fait
�( 4 )
dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu'il con
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
C e s assertions a u d a c i e u s e s ont d o n n é lieu à u n a rr êt
i n t e r l o c u t o i r e 5 des e n q u ê t e s r e s p e c t i v e s o nt é l é fa i te s;
o n en e x a m i n e r a le m é r i t e , l o r s q u ’ o n a u ra fuil c o n
n a î t r e les faits et les ci rc o n st a n c e s p a rt ic u li èr e s d e la
cause.
F A I T S .
t
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d ’é
pouser la demoiselle Anne-Franc.oise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’esl pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds certains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est inscrit sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n’avait pas
laissé ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès i 7 9 2 > et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
u n e pétition au directoire du département de la HauleLoire , pour obtenir une pension , en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputc émigré.
C ’est dans le m o m e n t le plus orageux, où le gou
vernement d ’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
¡’émigration de son mari!
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect c'i ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé l'honneur, la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et timide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o r t , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs affligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses p e i n e s , et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant ?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dite, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3 ; ses co
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
L’émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son maii des ïiriiiieiT1'bles propres à la fe m m e , en vertu du p o u v o i r qu’elle
lut avait donné par son contrat de mariage.
Celte demande donna lieu ;'i une discussion sérieuse,
qui fut terminée par un jugement du tiibunal civil
de R io m , du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�( 6 )
insérés au j u g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 17 9 2,
la dame de V e n y avait présenté une pétition aux
a u t o r i t é s administratives de la Haute-Ivoire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
!
Il est souvent question duns ce jugementi'du' sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification cTémi
gré ou réputé émigré.
t
On doit donc tenir pour constant querle sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 ; qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d’après son indiscrète pétition ; et que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas dfêire importante
pour les faits qui vont suivre ; car c’est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; >et il est curieux de
connaître son acte de naissance ; 011 va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i, 4.“ jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison co m m u n e , et par-devant
« m o i , olïicier public soussigné, Charles Blancheton,
a officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite Guittard,
femrne d’Augüstin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Magdeleine Jouberton, fille de
« L auren t, cultivateur, toutes deux majeures, non
te parentes de l’enfant, qu’il a accouché dans la maison
« de lui B la n ch eto n , déclarant, le 19 fructidor der« tuer, à trois heures après midi, A n n e V én y, épouse
�( 7 )
« de Charles-Àugustin Sauvage, propriétaire , habitant
« o r d i n a i r e m e n t de la commune de Monaslier , dépar
te tement de la Haute-Loire, a c t u e l l e m e n t a b s e n t ,
r d’une
1111e
qui m ’a élé représenlée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise, de tout
te quoi j’ai dressé, etc. 35
Voilà donc cetle femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incon
tinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa iamille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien ; elle a encore assez de pudeur
pour n e pas p r é s e n l e r sa fille c o m m e l’e n f a n t de son
é p o u x ; on se g a r d e e n c o r e b ie n de la q u a li fi e r de fille
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate même
q u e le m a r i était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n eFrançoise.
La femme V é n y ne quille la maison de sanlé que
pour se livrer à de nouveaux désordres; elle fait i onnaissance avec un aventurier, connu sous le nom de
Gmne%, et bientôt elle devient féconde; trois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore important de les faite connaître.
T/e p r e m i e r esl du 2 g e r m i n a l an 6 , d e v a n t un sie ur
B o n n e t , m e m b r e de l' a d m i n i s t r a t i o n m u n i c i p a l e d e la
ville de J ourn ai. C e m ê m e j o u r , c o m p a r a i t J e a n - B a p liste B a i g n e l , a c c o u c h e u r , d o m i c i l i é e n la m ê m e v i l l e ,
�( 8 )
seclion Egalité, « le que l, assislé de L ou is Guine%, apok lliicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Charles-Joseph Guirie%,"
« absent pour ses affa ires, qu A n n e T^ény, son épouse ,*
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd’hui à
« trois heures du malin , en son domicile , rue du
« C yg n e , d’un enfant femelle, que lui, Jean-Baptiste
« Baigne! m ’a présenté, et auquel il a donné les pré« noms de Louise-Anfoinetle-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
G a i n e z lui-même q u i , assislé de deux témoins, « a
« déclaré qu’Anne-Françoise V é n y est a c c o u c h é e h i e r ,
« à onze heures du soir, d ’un enfant mâle, qu’il m’a
« présenté, et auquel il a donné les prénoms de C ha rl es
te Isidore, le
père
et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi concu : « D u
« 6 pluviôse an 1 1 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fUle de Charles-Joseph, rentier, domicilié rue
« du C h â t e a u , et d’ A n n e V e n j , non m ariés, ainsi que
« l a décla ré, en l ’a b s e n c e du père, Jean - Baptiste
« B a ig n e l, autre Jean-Baptiste Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant a été reconnu être féminin, etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces faits; il obtient une
surveillance sur la fin de l ’an 9, et revient au lieu do
sa naissance; mais il ne fui amnistié,en vertu du sénalusconsulte du 6 floréal an 10, que le 8 pluviôse an 11. On
se
�( 9 )
se d o u t e b i e n q u ’ u n e f e m m e c o u p a b l e n ’a pas osé se
p r é s e n t e r à son é p o u x ; ses p a r e n s o u ses a m is i g n o
r a ie n t m ê m e le lieu d e sa r é s i d e n c e ; mais o n le ras
sure : o n lui a tt es te q u ’elle a fait p r o n o n c e r son d i v o r c e
p e n d a n t l ’é m i g r a l i o n , et q u e c e d i v o r c e a é t é trans cr it
suk
les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut é poux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’êlre père : il avait en effet perdu, depuis
long-t ems, les deux eufans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
M a i s b ie n t ô t sa tra nq u ill ité est t r o u b l é e ; il n ’ e n t e n d
d ’a b o r d q u e des p r o p o s v a g u e s , q u i s e m b l a i e n t le c o n
c e r n e r , mais q u i ne lui é ta ie n t pas adressés d i r e c t e m e n t .
Son i n q u i é t u d e a u g m e n t e ; il a p p r e n d e n fi n q u ’ il n ’ exis te
pas sur les registres d e trac es d u d i v o r c e d e sa f e m m e ;
q u ’ elle a v é c u dans le l i b e r t i n a g e le plus c r a p u l e u x ,
et q u ’elle a d o n n é le j o u r à plusie urs enfa ns . 11 s en t
c o m b i e n il est i m p o r t a n t p o u r lui d e d é c o u v r i r c e m y s
t è r e d ’i n i q u i t é ; il v e u t s u i v r e les tr ac es de la f e m m e
V é n y ; toutes r e c h e r c h e s sont i n f r u c t u e u s e s dans le li eu
d e son d o m i c i l e , c o m m e dans les villes v o i s in e s ; le
ha s a rd lui f a i l d é c o u v r i r q u e la f e m m e V é n y a fait u n
l o n g s é j o u r dans la ville d e T o u r n a i ; il écrit a u x a u t o
rités d e c e l t e v i l l e ; et le i 3 m a i 1 8 0 9 , il re ço it d e l ’a d
j o i n t d e la m a ir i e d e T o u r n a i les trois a ct es d e n a is -
3
�( 1° )
sance cîuement en f o r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance; il se fait délivrer l’acte de naissance $ A n n eF ran çoise, qu’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809,
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et ¿1 la femme Vény. Il y expose qu ’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
¡’émigration de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l’action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa iemme pendant le teins
déterminé par l'article 3 i z du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu’à l’époque de la naissance de ces enfans, et a v a n t , la
femme Vény vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, et ce qui le
serait au'besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il duclaro que pour défendre à celle demande en
‘
désaveu de paternité, il se propose'de faire nommer
�( II )
un tuteur aux enfans, en présence de leur m ère, et
qu’il va se relirer-par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux fermes de l ’article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa demande , et il
indique huit pîtrens maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de p aix , attendu l ’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins o u c o n n u s pour avoir
eu des liaisons d ’a m i t i é a v e c la f e m m e V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i,
à l’effet de délibérer sur le choix et nomination d’un
tuteur ad hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur ad hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
L e 7 juillet , demande en désaveu do p a t e r n i t é
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa q u a l i t é de tuteur. lie
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense a ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme Vény.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à uu jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s’éleva quelques discussions sur l ’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril 1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’ Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinette, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u i n e z , et Julie G u i n e z , qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du d o m i c i l e du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, An ne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il paraît que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et ¿i Clermont, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 16 et 3 i 8 du Code Napoléon;
. « Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le d e m a n d e u r fût absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant la naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 17 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de Cémigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P uy •
« Q u’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le iilre de femme légitime de CharlesAuguslin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deur; que dans les autres, on lui a donné le nom de
iemme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu ’aucun
de ces enfans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d’état pour se dire enfant
de Jean-Charles du N oy er du Sauvage ;
« Considérant qu ’à défaut d’acte de
naissance ,
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n’établit pas la possession c o n s t a n t e d e l'état d ’e n f a n t
légitime; qu ’on n’offre pas même de prouver que le
demandeur ait reconnu ces enfans; qu’il lésait jamais
traités comme les siens; qu’il eût pourvu en celle qualité
à leur éducation, entretien ou établissement; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
,
« Considérant qu’il ne peut y avoir lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des registres de l’élat civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du péri* qui
les désavoue; que leur acte d e naissa nce les affilie a.
une famille qui n’est pas la leur; et q11 a u c u n des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
veu de Jean-Charles du N oyer du Sauvage, donne
défaut contre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint îi la demande principale , par
le j u g e m e n t d u 10 avril i 3 i o , signifié par l ’huissier
com m is
le 10 m a i suivant; sans s’arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
la demande régulière en la forme et bien poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu’Anne-Fruncoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u in e z , ChailesIsidore
G u in e z ,
et Julie
Guinez ne sont pas les
enfans de Jean-Charles du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son m a r i a g e avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d ’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les e n
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
C h a r l e s du Noyer du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemonl et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au tuteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté appel j mais ensuite elle a pretendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la Cour , pour demander la
nomination d ’un nouveau curateur, à l’eilet de pou
�( i5 )
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur cette requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pour curateur à’A n n eFrançoise; et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu'en celui d’Anne-Françoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c ’est par la voie d’un conseil de famille.
L e sie u r d u S a u v a g e q u i ne m e t pas a u t r e m e n t d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de celle nomination.
D ’ un autre côté, Arm e Françoise a aussi prétendit
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, le
conseil de famille devait être composé de païens pa
ternels et maternels et elle n’a pas voulu faire a tien lion
qu il élait déplacé de faire comparaîlre des parons du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c ’élail dans l’intérêt même de l’a p p e l a n t e que
1 observation avait été faile; et que les païens mater
nels élant à mie plus grande dislance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
A u surplus, ces questions de forme sont encore
�( i6 )
intactes; elles sont soumises h la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas relarder la dis
cussion du fond.
l ie sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’arlicle 3 ï 6 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient élé cachées ;
les enfans avaient élé conçus et nés pendant son émi
gration, lorsqu’il y avait impossibilité physique de c o
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 179^, an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e gré , que l'ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu l’appelante, lavait reconnue
et considérée comme fille de son épouse ; 2 ° que l’ap
pelante était connue sous le nom d 'A n n e du Sauvage ;
3.° qu’elle était ainsi n o m m é e dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu r a p
pelante comme il l’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
La Cour qui met toujours la plus grande nnituiilé
dans
�( i7 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les lias, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles ; qu’il y avait vu A n n e ' F rançoise, et l’avait reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; 2.0 qu’elle était connue de lui sous le nom
d ’A nna-Françoise du Sauvage - 3.° qu’en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où était élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dén om m ée, et
q u ’il l'y a r e c o n n u e c o m m e tille de sa f e m m e , s a u f
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
m êm e délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêtes à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l’interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noyer du Sauvage était dans l’in
tention de se pourvoir en désaveu de p a t e r n i t é des
en fans que sa femme avait pu a v o i r pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser 1 epoque on ce
propos a été tenu , ni par qui il l’a été.
L e second témoin est la dame Lucaussade, femme
�( i8 )
François; elle ne sait absolument rien des faits in
terloqués.
L e troisième, Victoire V i g n a u , femme de Pierre
Vignau , limonadier à Clermont , dépose qu’il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur G e rv is , dans le cours de ce d î n e r ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Viclor Cellier, u n des con
vives dont parle la femme Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage el le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, mais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n’étaient pas de lu i;
que le déclarant a y a n t cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu'au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déc laré qu il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et q u ’il ne venait pas sa femme; qu ’il savait
qu'il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le reconnaissait
pas pour le sien.
�(<ï9 )
L e cinquième témoin, Jean-Baptiste Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-lems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu ’en l’an 12, étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Ponlgibaud, à l’époque de la
distribution des prix do cette année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son étonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y était
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort attaché,.et qu’il voulait même le faire son
héritier, ¿1 quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
p a s , p u i s q u ’il a v a i t des enfans. L e sie ur d u S a u v a g e r é
pliqua qu’il n’en avait p a s , et qu’il n’en connaissait
point. Lors de cette conversation, intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fil que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser , il lui fut présenté, ou par le sieur du Sauvage, ou
par le sieur D e te ix , .sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois en fa n s
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le n o m du sieur du S a u v a g e , c o m m e père
de 1 enfant 5 dans le second, la p a t e r n i t é était attribuée
au nommé Guinez; dans le t r o i s i è m e , le père é ta it
déclaré inconnu. Cette époque r e m o n t e à-peu-près à
celle où la lille A n n e du Sauvage fut relirée des mains
6
�de-Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correclionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait cette fille, lors
qu’elle était chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui A’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu ’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’ un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a ; que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa b elle-sœ u r, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m e m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. L e déclarant y ayant fait attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait trop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfunl ; que d ’ail
leurs il n’élail pas dans ses principes de lui faire voir
un enfant q u ’ e l l e savait n’être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute h ce sujet, qu’ayant eu plusieurs
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n'igno
�/
( 21 )
rait pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’ailectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la dame du Sauvage s’était accouchée,
et où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait été fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nom mer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la clame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
Voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
s é q u e n c e le d é c l a r a n t n ’e n pa rla p oi nt à la d a m e D e m a
riolles. ,■
Interpellé sur l'époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l’époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’ Aigueperse. Il était fermier de la dame Demariolles; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. Il dépose
qu’il y a environ dix ans, il a connu à Aigueperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle etail sous la direction d’un nommé Guinée, alors
logé dans l’auberge de la veuve T u p o n , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un liès-inauuais sujet,
�( «
)
usant de mauvais procédés envers cet enfant , on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e témoin,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui ayant parlé de cette fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traitemens exercés sur elle par G u in e z , et la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le témoin, l’époque de celte
conversation peut remonter à entour huit ¿1 neuf ans,
autant qu’il puisse s’en souvenir. Il ajoute avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet enfant,
ont été tenues à l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
L e huitième témoin est M. Cliassaing, juge au
tribunal de Clermont. On a observé à ce lémoin qu ’il
avait la confiance générale de la maison Villemont ;
qu’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
engngemens de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque le sieur du Sauvage s’est permis de faire
L
�( 23 )
celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
Fintenlion de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui d’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celle intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hostiles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieuv
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu’elle promet à ses créanciers.
11 est
assez n a t u r e l dès-lors q u e le s ie u r du S a u v a g e
s u sp e ct e c e u x qui on t c o n l r a c l é des e n g a g e m e n s , ou se
sont r e n d u s c a u t i o n s d e la d a m e D e m a r i o l l e s .
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela était v r a i, dans le iems
qu'il élail a v o u é , mais que tous ces faits n’existent plus
depuis qu’ il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, dont il était chargé comme
avoué, se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engagemens par lui contractés ne subsiste
ront plus ; donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréc iera ces observations.
A u surplus, ce témoin dépose qu’à une époque
dont il n’est pus parfaitement m é n i o r a l i f , le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu’il
occupai! alors; il élail accompagné du s.r Levet ; il était
porteur d un eilet de 1,600 fr. tiré ou endossé par la
�( M )
dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p arles.'
D u m a y , son gendre. C e lle négociation ayant été ef
fe c tué e , occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il élait ici avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu’il était impossible d’ habiter avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n’ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
•tous ces enfans ; qu’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fe m m e , et en désaveu
de paternité contre chacun desdits enfans; q u ’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
l'enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
ces diverses visites et conversations, le témoin déclare
n e pas se rappeler de l’épo que, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant l’acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans au moins; n’ayant
point a c t u e l l e m e n t sous les ye ux son contrat d’acqui
sition.
L e neuvicSme témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu’il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longtems
�( 25 )
tems et antérieurement à rémigration du sieur du Sau
vage
, il ya, eu l’honneur de sa connaissance. To ut ce dont
O
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Clerm ont, il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieurCellier et la dame Vignau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celte affaire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Tliiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audition de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la C o u r à l ’ e n q u ê f e fa it e à la r e q u ê t e d ’ A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur Noyer du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage lui a dit souvent, dans la conversation, q u e si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’était pas p r o s l i l u é e
ou nommé Guinez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien h A n n a , . qu il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis enlour 1 4 ans,
qu ’ il Ty a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au 1110-
7
�( 26 )
menl où elle fui mise en pension, et l ’a constamment en
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V é n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, il
ne lui a jamais dit qu'‘ A n n a fut la fille de sa fe mme;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu’A n n a
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c ’était là l’opinion publique,
et qa’A n n a ressemble singulièrement à la femme Vény.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, A n n a
ne venait pas à table lant que le sieur du Sauvage
séjournait chez celte d am e, et elle y reparaissait lors
q u ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorte
que le sieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu 'A n n a était l’enfant de
Ja dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage ne lui a pasdit précisément qu’il le savait, parcequ e, malgré les soins qu’on prenait pour empêcher
A n n a de se rencontrer avec le sieur du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la voir quelquefois, et n’avait pu
faire autrement que de lui. trouver une parfaite res-*semblance avec la dame Vény.
Telle est l ’enquête directe faite à la requêt d 'A n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu’elle n’ait
fait as^'gner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt de la Cour ordonne la preuve,
fait très-important puisqu’il tendait à établir q u ’en la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, et dans la pension.
à.’ A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire une enquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ran çoise, et la dame
D echamp sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles, conjointement avec la dame'D ec h a m p , il lui fut a m e n é pur la d a m e D u m o n t e l d ’ A r d e s ,
actuellement décédée, u n e jeune fille, âgée d’environ
sept à huit ans, que la dame Dumontel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette époque, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré comme externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom à "A n n a , nièce
de lu dame Demariolles. Pendant l’intervalle de ces
deux ans et demi, elle se rappelle que le sie u r du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison,
mais que ce n’était que pour voir u n e jeune veuve
du P u y , qui y habitait ; il était chargé , do lu part de
la famille de cette ve u ve, de lu voir, et de lui porter de.
l ’argent. 11 lui en porta en effet, et il n’a jamais été ques-
8
�/
( *8 )
tion , de la pari du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a , qui même ne lui a jamais
été présentée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposition des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o y e n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans cetle matière, il n’y a rien d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans, un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu ’ Anna-Françoise , ou ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
mettait en avant que des laits*vagues et insignifians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver trois faits : i°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de pater
nité, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles, qu’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la fille de sa femme.
11 convient de s’arrêter d abord sur le premier Jait.
L e désaveu de paternité est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
1*
�( 29 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de paternité.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait ja
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu ’il y avait un enfant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans ; celui ci lui a répondu
q u ’il n 'e n a v a i t pas. il a v u e n t r e les m a in s d u sie ur
du S a u v a g e ou du sieur D e l e i x trois e x tr a it s d e nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l’époque.
On* sait que ces exlrails de naissance n’ont élé con-t
nus et retirés qu ’en juin 1809 , el que le désaveu de
paternité a eu lieu dans le mois de lu découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d ’ A nna.
L a déposition du sixième témoin est plus étendue;
mais il
riolles
nom d
les fois
déclare bien positivement que la dame D e m a ne d o n n a i t publiquement à cet enfan t que le
A n n a • elle faisail disparaître c e l l e fille, toutes
que le sieur du Sauvage e nl ra it chez elle; elle
estimait trop son beau-ftère pour lui montrer cet en
fant. Il n’était pas dans ses principes de lui iaire voir
�( 3o )
un enfant qu'elle savait n’être pas à lu i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que G ainez faisait
éprouver à cette fille ; le sieur du Sauvage ne lui a
lien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
enfans, et se proposait de former la demande e n ’dé
saveu de paternité ; il ajoute aus^i que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré, que lorsqu’ il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
cet enfant.
C e témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait, la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
. L e dixième a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , sans autre dénomination. Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait relirer l’enfant; elle ne se mettait pas à table.
L e sieur du Sauvage ne lui a jamais dit qu ’il connût
l ’enfant pour être celui de sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
L e dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pen
sion, atteste que le sieur du Sauvage n ’a* jamais vu
A n n a chez elle; qu’ellé ne lui a jamais été présentée.
�( 3i )
Il n’est donc aucunement prouvé qu’en l ’an 10 le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de lu i sous le nom
d Anna-Françoise du Sauvage. Pour le coup , il n’y,
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que cette fille portât son
nom; et la maîtresse* de pension apprend même qu’elle
n ’a é t é p r é s e n t é e c h e z e ll e q u e sous l e n o m d ' A n n a ,
n i è c e d e m a d a m e d e M a ri ol ie s .
L e dixième témoin, celui qui a été entendu à T h ie r s ,
hors la présence dti sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cet enfant que sous le nom d 'A n n a ,
sans autre dénomination , et ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu’elle était fille de sa
fem m e; mais loin de convenir qu ’elle portât le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for*
mellement.
-Ainsi, ce second fait a donc été faussement allégué.
Troisième fait : « Elle a été ainsi appelée et d é « nommée dans la pension où elle était élevée, en
« présence du sieur du Sauvage, qui l ’y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Celte assertion a été complettement désavouée par
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a ; le sieur
�( 32 )
du Sauvage ne Ty a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’est venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la fille A n n a , lors de l’arrêt
de la Cour, s’appesantit sur celle circonslance dansses
conclusions, d’ une manière tellement précise , qu ’elle
délermina peut-être l’inlerloculoire.
Quel peut êlre l’espoir de cetle fille audacieuse?
A - t-e lle satisfait à l’arrêt de la C o u r ? Osera-I elle
espérer de porter un nom qui ne lui apparlienl pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyaut sur une disposition d’usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
€c fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc la suivre dans ce dernier retranchement.
On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusement qu ’elle a prétendu que le conseil
de famille devait êlre composé de parens du sieur
du Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré
leur éloignement, « la femme mariée n’a point d’autre
« domicile que celui de son mari ; le mineur émancipé
a a son domicile chez ses père et mère (art. 108, Code
« Nupoléon). »
« Lorsque les parens ou alliés se trouvent à la dis—
« tance de plus de deux myriamètres, le juge de paix
« peut appeler, pour composer le conseil de famille,
« dans la commune ou. la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�C 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles d’a« mi lió avec, le père ou la mère du mineur ( art. 409,
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
•demande; en soutenant qu ’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de mêm e
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvail-elle se débarrasser à sou gré du tuteur
qui lui avait élé nominé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
Sur r e q u ê t e , n o n c o m m u n i q u é , s u bs tit u e r un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l ’in
capacité de l’être ( Art. 4o5 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l’ancienne procédure; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garrón a été irrégulièrement n o m m é
curateur ; que l ’appel est nul et irrégulier. L a Cour
appréciera ce m o ye n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des règles; mais il n ’y donnera
pas d autres développemens.
Il serait encore assez inutile d’examiner la question
d ’état en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
intérê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femm e immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son ame est liéIrie, il ne peut plus espérer de bonheur ;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touchans qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d’où naissent
les charmes les plus d ou x, ne sont pas faits pour lui ! Il
fut père un instant, il est vrai! mais ses e n fa n s ont
vécu ! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie, que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en aclion sous les traits les plus hideux.
L e désaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’action. C e
pendant c’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les tems, a ofïert ce motif de consolation à un époux
outragé.
I,a célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille an s } pater est ¿s quem demonstrant nuptice, rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les textes du droit, qui parlent de
l ’état des hommes, puisqu’elle est tiiée de la loi 5 , (1. de
�( 35 )
'la ju s voccindo; mais on trouve une exception dans la '
loi filL u m , fï‘. lus qui su i vel alieni ju r is surit : cette loi
dit expressément que le mari n ’est point tenu de recon
naître un enfant dont sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : Jiliu m
eum de/in un u s , qui ex viro et u xoreeju s nascitur. Sed
si Jing am us ab/uisse m aritum , verbi gratiâ per decenm um teversian anm cuium invenisse in dom osua, pLacet
nobis JuLiani sententia hune non esse m a ritijiliiim . L a
loi prend pour exemple un enfant d’un a n , anniculum ,
après dix ans d’absence, mais elle n’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docteurs,
dans
c e e u s , s ’a c c o r d e n t h d é c i d e r q u e l ’e n f a n t n ’a p
partient pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général T a lo n , lors d’un arrêt du 16 janvier 16 64,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cochin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsultes.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801.11 n’y a pas de doute sur celle absence, le tableau
de proscription, celle liste falale est là pour l’élablir.
L a peine de mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si s o u v e n t renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui onl élé victimes de leur
témérité, prouvent encore l’impossibilité du retour du
10
�( 36 )
sieur du Sauvage, jusqu’à la restauration du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femm e V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l ’an 3 , où elle
a toujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui l’a
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle , la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guine^- a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation, de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois^ la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle à
la réclamation du sieurdu Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d ’avantage dans la nouvelle législation?
L e Code Napoléon, art. 3 1 2 , a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater est, e t c .« I/enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan*f moins celui-ci pourra désavouer l’enfa nt, s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le trois cen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet en fant, il était, soit pour cause
�C 37 )
« d’éloignement, soit par l’effet de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUum.
L e législateur, en admetlant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s'il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomption plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légi
t i m e r u n e n f a n t q u i , a u x y e u x du public c o n v a i n c u
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s’exprimait l’orateur du gouverne
m en t, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’esl-il pas déjà trop malheureux ? Comment penser
qu’il se porle à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était
véritablement père? L?v nature a marqué en.
caractères ineffaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des en/ans
des seniimens de tendresse les plus profonds ei ¡¿s plus
eclalans. Et'commenl croire qu ’ un père éloufle tous
lessenlimensde la nature! C o m m e n t croire qu’il allume
dans sa main les torches de la discorde, et qu ’au dehors
il se dévoue à l’humiliation, s’il n’est pas dans la con-
�( 38 )
viction intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l'orateur
du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à fous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au ’mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 ia du C o d e . A u x
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enfant a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
même époque, il est absent; dans les deux mois après
la découverte de la fr a u d e , si on lui avait caché la
naissance de l’enfant.
L a naissance d’^énne-Francoise a-t-elle été cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le sieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Françoise sera repoussée
avec indignation.
�C 39 )
I/acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a été cachée au mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’Anne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissance, que
cette fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le mystère; et sans doute qu’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l’enfant ? Q u ’il a
accou ch é, dans sa maison de lu i déclaran t, le 19
fr u c tid o r
d e r n ie r , A n n e
Vény,
épouse de Charles-
Augustin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Cliarles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-Augustin Sauvage ; mais
le chirurgien 11’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c ’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait été instruit, sa
femme n’aurait pas accouché à C l e r m o u t , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n’est pas ijinsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n’avait pas m e n é une conduite
scandaleuse ; si elle n’avait pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à C le rm o n t ,a u mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4o )
fût cachée dans une maison d’a ccou ch e ur, pour se
dérober à tous les regards.
L ’accoucheur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu’il a accouché Anne V é n y iemme de S a u v a g e ,
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
à
cet
acte. L e chirurgien «n’est
de deux femmes du
accompagné
peuple. Ainsi
c ’est un
que
acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir, ni
r é c l a m e r une possession d’état. Elle n’a pas même
osé s’en servir. Il est donc certain quo sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu’elle n’appartient pas au mariage.
,
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela esI impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a élé amnistié qu’en
l ’an i r . Sa femme n’était pas à son domicile, puisq u ’en l’an 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième ac le de naissance n ’est inscrit sur les regis
tres de celle ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o naslier, que sa femme élijjt en Flandre, et avait suivi
un vil scélérai. On ne s’empresse pas de raconter à un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté de lui dire que sa femme avait fait divorce. L e
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celle con
fiance
�( 4* )
fiance que tousses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il esl averti qu'on ne trouve pas l'acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fait dé
livrer.
Ce n’est qu'au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. O11 sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a reçus, que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la pater
nité.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’om bre, qui n’agis
saient e n ‘aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufrère qu ’elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il fallait donc être certain que ces enfans existaient,
qu ils étaient n<5s de la femm e V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n ’a pu le faire qu ’avec
leurs actes de naissance, qu i, par l e u r contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour qu ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude ; il
semble qu’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�( 42 )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait dispa
raître tonies les fois qu’il arrivait ? 11 ne résulte de celte
circonstance autre chose, si non qu ’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne lui appartenait pas ; c’était précisément la
fraude dont il n'a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu ’à ce mo
ment q u ’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
11
forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte extrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la m è r e ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet , demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die delectœ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu ’elle soit fille adultérine?
cette objection a déjà été proscrite par un arrêt so
lennel , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011garei , contre l’enfanl de son épouse, qu’il avait dé
s a v o u é , et dans des circonstances bien plus forles,
puisqu’il avait été prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant n’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet arrêt.
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�( 43 )
Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
à sa charge, blesserait également la justice et l’équité
ce serait une atroce barbarie que d’obliger un époux
malh eu reux, de donner son nom à un être ignoble,
fruit de l’inceste et de l’adultère. Si la loi naturelle
et la loi divine nous imposent le droit d’aimer, de
secourir nos enfans;si la nature a imprimé dans notre
â me en traits brûlans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r , quel doit être le dé
sespoir d’un é p o u x , de tro uver, dans son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; de voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n ’a pas mêm e la consolation de
douter; l o r s q u e le cri p u b li c l ’a v e r t i t sans cesse de s o n
malheur ; lorsque des circonstances décisives entraînent
de toutes parts la plus intime conviction? Non! il n’est
point d ’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
offensé.
Signé N O Y E R D U S A U V A G E .
M .e P A G E S ,
M. e
ancien Avocat.
D E V È Z E , Avoué-Licencié.
i ................................
■
, ,,
J.-C. S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
émigrés
divorces
témoins
Description
An account of the resource
Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1782-Circa 1810
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0617
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
Relation
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Coverage
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Clermont-Ferrand (63113)
Tournai (Belgique)
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Salette-Falavaux (38469)
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