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A D D I T I O N
DE M É M O I R E
V
Servant de Réponfe,
PO U R
Meff ire
J e a n - G ilb e r t
de
R O Q U E L A U R E , C hevalier , Seigneur de
L avort ; D am e G a b r i e l l e d e R O Q U E L A U R E , fa Sœur , époufe de M e ffire
J a c q u e s D E S R O I S , C h evalier , Sei
gneur d Aufat, autorifes en Juftice , héritiers par
bénéfice d’inventaire , d’A N N e - M a r i e d e
B A R D O N d e G E N I L L A C , leurM e r e ,
à f on décès , veuve de Meff ire G u i l l a u m e
D E R O Q U E L A U R E , leur P e r e , Défendeurs & Demandeurs.
C O N T R E Mef f ire P h i l i p p e - C l a u d e
Comte de M O N T B O I S S I E R , Lieute-
�nant-Général des Armées du R o i , Capitainev
de la fécondé Compagnie des Moufquetaires a:
cheval ,fervant à la Garde de Sa M a je jlê ; E x é
cuteur Tejlamentaire de la D am e de Bardon
de G em llac , Demandeur & Défendeur.
E T D emoifelle F r a n ç o j s e D E V A U X ,,
F ille M ajeure , Légataire de ladite D am e de
Bardon , Intervenante , Demandereffe & D é *
fendereffe.
E s Demandeurs n’ont trouvé d’autre reiFource
pour foutenir la validité du Teftament de la
D àm e de Roquelaure , que de fubilituer- à la v é
rité des faits des fuppofitions déjà démontrées
faufles , & fur lefquelles ils ne peuvent même pas
fe concilier.
Forcés de convenir que les difpofnions faites
par les afeendants en haine de leurs enfants , font
des difpofitions qui révoltent les fentiments qu’infpire la nature : que lés L o i x , les Coutumes , le
fentiment des Auteurs & la Jurifprudence des
Arrêts , fe font réunis dans tous les temps pour
en proferire l ’exécution.
Ils fe font flattés t j u ’en fuppofant, contre l’évi<Lence.même, une apparence de juftice & de fon
dement à la haine & à la colere dont la Dame
de Roquelaure étoit animée contre fes enfants ,
ils pourroient parvenir à faire plier l ’autorité des
principes fi juilement & Ci folidement établis dans
L
�cette matîere. V o i là tout le fyftême du M é a ia ï re auquel on rép on d ; les Défendeurs fe flattent
d ’en faire v o ir toute l ’illufion.
O n n'entrera pas dans un nouveau détail des
différentes circonftances , qui prouvent la haine
& l’averfion que la D am e de Roquela ure avoit
conçu contre fes enfants , & dont elle étoit pré
venue contr’eux lors de fon Teftament. Les D é
fendeurs en ont rapporté les faits dans leur M é
moire avec une exa&itude qui a mis les D em an
deurs hors d’état de les contredire d ’une m^niere
folide: d’ailleurs ils en conviennent eux-memèsbien
pofitivement, puisqu’ils ne s’attachent qu’à juftifîer le principe & le m otif de cette haine & de
cette averfion.
Il faut donc nécessairement , de l’aveu même
des D e m a n d e u r s, partir de ce point efTentiel, que
'la Dame de Roquelaure , depuis l’époque de la
lettre de 1 7 6 4 jufqu’à fon d é c è s , n’avoit eu pour
fes enfants que des fentiments d ’une haine exceffive & d’une colere implacable : de-là^conféquence naturelle & nécelfaire , q u ’elle n’a confulté
dans la fa&ion de fon T e f t a m e n t , que les feules
impreiîions de ces paflions funeftes, & fuivant la
remarque des A u t e u r s , quelle en a f a i t éclore le
fr u it qui ejl la vengeance , par les difpofitions
qu’elle a fait à leur préjudice.
Les Demandeurs oppofent que cette haine
A
i
�& cette averfion avoient une caufe jufte & légi
time : ce qui formoit une exception à la règle gé
nérale , & avoit autorifé la D am e de Roquela ure
dans fes difpofitions.
Les Défendeurs ont déjà établis dans leur M é
moire le peu de folidité de l’obje&ion , foit dans
le D r o i t , foit dans le F a i t ; ils feront cependant
forcés d’y revenir , en examinant les deux pre
mières prépositions du Mémoire des Demandeurs,
M a i s , avant d ’entrer dans cette difcuffion , il eit
eflenÜel de fixer irrévocablement quelques faits,
doù les Demandeurs prétendent tirer la preuve
que la haine & la colere de la Dame de R o q u e
laure avoient un fondement jufte & légitime. Ces
Faits font en partie étrangers à la conteilation ,
nayant aucun trait à la queftion qui eft à juger
& - l e furplus eft exa&ement fuppofé contre toute
vérité.
Y a-t-il rien de plus indifférent & moins fans ap
plication
que de favoir fi c ’e f t i a D a m e de R o
quelaure qui a fait émanciper fes enfants en l'an
née 1 7 5 0 , ou fi c’eft fes enfants qui fe font fait
émanciper.
C e p e n d a n t , ce q u ’il y a de certain , c ’efl: que
les Défendeurs & leucr SœurJ1, n’ont eu d’autre
part à cette émancipation, que celle d’être éman
cipés fans le favoir.
C ’efl: un Fait , s ’il pouvoit être de quelque
�confidération , dont on rapporteroit facilement
la preuve ; mais il eft tout naturel de pr^fumcr
que cette émancipation fut le fcul ouvrage de la.
Dame de Roquelaure, Ses enfants, à l’âge où ils
é to ie n t , n’auroient furement pas penfé à fe fouftraire de la domination'd’une mere qui , jufqueslà ne leur avoit donné ^que des preuves de forç
amitié & de fa tendreiTe pour eux.
'
:*
Il en eft de même du projet de traité, p o r
tant apurement de compte , que l’on dit avoir été:
fait immédiatement après cette émancipation. Les>
enfants de la Dame de Roquelaure ignofoient ab^
folument toutes les -démarches de la D am e ;leur
mere-; elle n’a voit d’autre co ntradi$eur qu’elle
même dans rexam en & la difcuffion de leurs
droits, dont ils n’avoient pas la premiere notion.
La Dame de R o q u e la u r e , il eft vrai , leur avoit
fait nommer un Curateur, mais elle avoit fait choix
du Sieur de V a u x , Pere de la Demoifelle de V a u x ,
Partie au Procès, f o n B ç a u * F r e r e ; c ’ e f t M u i q u e l
le avoit remis la défenfe dès intérêts de fes M i
neurs. Ainii il ne fèroit pas étonnant que ce p r o
jet eut ete fait à l ’avantage de la D a m e de R o q u e
laure -, le Confeil auquel elle s’étoit adreiTée ne
pouvoit déterminer ies opérations que (ur les Mé-’
moires qu il avoit fous les yeux. E t qui les donnoit ces Mémoires ? C ’cft la D am e de R o q u e
laure feule.
�•
A u refîe , rien ne s'applique encore moins à la.
conteftation que cette ieconde circonlïance : la
D am e de Roquelaure avoit fans doute des vues
particulières, loriqu’elle a fait toute cette manœu
vre fans la participation de Tes enfants ; &
quand ils en auroient été p ré vé n u s, la confiance
qu’ils avoient dans fes bontés leur auroit elle per
mis de la contrarier dans ce q uelle exigeoit ? Ils
ne prévoyoient pas a lo rs, & ils ne pouvoient pas
prévoir , que plus de 1 5 ans a p r è s , elle auroit
des fentiments contraires à ceux qu’elle paroiiïoit
avoir , & qu’au lieu de la tendrefîe qu’elle leur
avoir toujours tém oigné, elle n’auroit plus pour
eux que des fentiments de haine & d’averfion.
M a i s , ce qui eft à remarquer , & qu’il ne faut
pas perdre de vue, c’eil que les Démandeursajou
tent comme une fuite & une exécution des deux
faits que l’on vient de rapporter , quau moment
de l'émancipation des fes enfants , La Dam e de
Roquelaure leur ternit la pojjejjïoti de leur biens ;
& cette aiTertion , dont les Demandeurs tirent
avantage dans l’établiiTement de leurs moyens ,
eft fuppofée contre toute vérité.
C ’eii en l ’année 1 7 6 4 feulement que la D a
me de Roquelaure , en reprenant en la Châtelle
nie de T h i e r s , l’Inftance en apurement de compte
dont elle avoit formé la demande dès le moment
de l ’émancipation de fes enfants , a cefle de jouir
�/
,
,
^
de leurs b i e n s , quoique depuis nombre d’années
elle n’en eût aucun à fa charge.
Les Défendeurs pourroient multiplier les preu
ves de ce fait important , foit par le rapport des
Baux de Fermes qui ont toujours été fait par la
Dame de Roquelaure , foit par les quittances
quelle a fourni chaque année du prix de ces
Baux , foit enfin par la notoriété publique. Mais ^ ^ ,
ils fe contenteront d’en rapporte^
q u e , dont les Demandeurs ont la connoiiTance la
j>lus exa&e , & qui e-ft fans réplique*
Cette preuve fe tire du L iv re journal de la
Dame de Roquelaure , qui s’eft trouvé fous les
fcellés-lors de llnventaire qui a été fait des meu
bles & effets de fa fuccefîion^ elle y a porté en
recette chaque année le prix des Baux de Ferme
d e l à T e rre de Lavort , juiques & compris l a n
cée 1 7 6 4 . C ’eil donc la Dame de Roquelaure
qui a toujours perçu les revenus de cette T e r r e ;
c’eft elle-même qui en attefte la perception. Il
n’efl donc pas vrai qu’elle en avoit remis la poffeiîïon à fes enfants des le moment de leur éman
cipation.
U n fécond Fait fur lequel les Demandeurs in* * fiftent particulièrement , & qu’ils préfentent com</ÜZ^ i T i e la preuve^décifive de l’S ju i K c e , de la haine
& de la colere de la Dame de Roquelaure co n
tre fes enfants, eil que le Sieur Defrois avoit eu ■
�«v
8
la téméraire audace de fe fubroger au Bail de Fer*
- *
me de la T e r r e de G e n i l l a c , fans la participation
de la Dame de Roquelaure , à qui elle appartenoit en propre , & fans lui avoir jamais payé le
prix du Bail.
S’il y a jamais eu de la témérité & de l’auda
ce dans la conduite du Sieur Defrois , les D e / mandeurs en ont fait une application au moins
----- -- a T e rre de Genillac n’a jamais
-été affermée ; le Sieur D e f r o i s , quelque témérai
re tk quelque audacieux qu’on le fuppofe , ne
pouvoir pas fe fubroger à un être de r a ifo n , à un
Bail qui n’exiftoit pas.
O n veut cependant fuppofer pour un moment
que la T e r r e de Genillac étoit affermée ; & fous
ce point de vue , la prétendue fubrogation du
-Sieur Defrois à ce Bail de F e r m e , fans en avoir
-payé le p r i x , n auroit même pas le iîmple méri•te de là vraifemblance.
Pourroit - on préfumer que la Dame de R o q u e
laure a demeuré dans une ina&ion totale à cet
-égard , pendant près de huit ans, qu'elle a été en
procès avec le Sieur Defrois , fans avoir récla
mé contre fon entreprife , & que 3 pendant tout
cetemps-là , elle l’eût diiîimulée au point de n ’en .
pas dire un feul mcif ?
'
: Les Demandeurs ont une copie exa&e de
toutes les Pièces du Procès., ils en ont même fait
une
�une efpece d ’inventaire dans leur Mémoire. Y ont
ils vu quelque p a r t , on ne dit pas la preuve ,
on ne dit pas la préfomption la plus le gere, mais
une feule réflexion de la part de la Dame de
Roqu elau re qui pût être analogue à cette fauffe
imputation ?
Mais, pour couper court fur ce point , il fuffil
de remarquer , comme on vient de l’obferver ,
que la Dame de Roquelaure n’avoit jamais affer
mé fa T e r r e de Genillac : elle en jouiffoit par
elle-même , ou quoique ce foit par un Régiffeur
qu’elle v a v o i t établi,ce Régiffeur, nommé Dubien,
lui rendoit compte chaque année de la perception
qu’il avoit fait des revenus de cette T e r re , & des
charges qu’il avoit acquitées. Cette régie a duré
jufqu’au décès de la D am e de Roquelaure.
La vérité de ce fait efl encore confignée dans
le même L iv re journal dont on vient de par
ler ; elle y a également porté en recette chaque
année les différentes fommes qu’elle recevoit de
fon Régiffeur : on y trouve la note d u n arrêté
de compte qu’elle avoit fait avec lui le dix-neuf
O & o b r e 1 7 7 1 , quinze jours avant fa mort ,
.p a r laquelle elle déclare qu'au moyen de la fom -
me de. 3 5 1 Uv. que le Sieur D ubien lui a remis le
même jo u r, elle le tient quitte de tout compte ju fques h 11 ; & qu en conjequence de la quittance fin a
le quelle lui a donné , le Sieur D ubien lu i a remis
B
�toutes les quittances particulières. Les différents
articles de ce L iv re contiennent la date des jours
& des mois où les paiements ont été faits ; on
y voit auffi que , fous Tanné 1 7 7 0 >elle a em plo yé
une fournie de 1 8 0 0 liv. pour les frais de régie
des neuf années précédentes.
L ’aifertion des Demandeurs fur les deux faits
que l ’on vient d’examiner, eft donc e xa£em ent dé
mentie par la Dame de Roquelaure ; tk cette affertion eft d’autant plus déplacée, qu’ils ne pou•voient pas ignorer la vérité des faits contraires.
L e s Défendeurs feront pro d u â io n de ce L iv re
journal ; ils produiront auiîî l ’original de l'arrêté
de compte qui y efl: énoncé ; ils feront enfin produ&ion des quittances des proviiions qui avoient'
été adjugées à la D am e de Roquelaure pendant le
cours du P r o c è s , dont les Demandeurs ont ofé
dire & n’ont ceiTé de répéter q u elle n'avoit jamais
reçu un fou.
II étoit néceflaire de réunir ces différents
faits fous un feul point de vue , & .de les rétablir
dans toute leur certitude par des preuves qui fuffent déformais à l’abri de toutes contradiftions.
L ’application s’en fera naturellement, & pourainii"
dire d;elle-même, dans la difcuffion des moyens
que les Demandeurs oppofent pour donner une
ombre de juftice au Teflament inofîcieux'Ad e ' 1 a
Dam e de Roquelaure. Il faut paifer maintenant,
à l’examen de leur Mémoire.
�E X A M E N
D E
LA
P R E M I E R E
P R O P O S I T I O N .
Lorfque les L o i x Romaines ont laifle aux afcendants la liberté de d i f p o f e r d e l a majeure par
tie de leurs biens, fous la réferve de la légitime
de leurs enfants, & que la difpoiition de nos C o u
tumes leur a donné la même liberté à certains
égards & fous la même réferve , ce n’a fans
doute pas été pour les autorifer dans le mauvais
ufage quils pourroient en f a i r e , par des difpofitions capricieufes au préjudice de leurs enfants.
C e feroit faire injure à ces L o i x de leur donner
un fens aufïi pervers.
Elles n’ont donné cette autorité aux Peres ,
que fur l ’opinion quelles ont eut de leur tendrefie ôc de leur piété , & fur ce qu’elles ont préfu
mé qu’ils n’en abuferoient pas ; qu’ils ne s’en ferviroient que pour l ’avantage de leur fam ille, paterna pietas , optimum c&njihum capit pro liberis.
T e l eft) le fondement de ce pouvoir des Peres :
ils ne peuvent pas s’en écarter fans tromper
1 attente des L o i x de qui ils tiennent cette autorité.
S’ils s en écartent, il eft jufte de les en dépouil
ler. Ç ’eft ainii que s’en explique la L o i 4. §.
Innôt. tcjlarn, non ejl confentiendum parentibus ,
qui injuriam adverfus liberos fu os tejlamento inducunt.
B 2.
�Les Demandeurs oppofent à la déciiion de cet
te L o i , celle de la L o i qui fuit immédiatement
au même titre , qui dit que les mots de inoficiofo
teftamento, dont elle a intitulóle titre, luppofent
que l'enfant qui a été déshérité, doit prouver qu’il
ne méritoit pas ce mauvais traitement Jiujusautem
verbi de inojjîciofo tejlamento vis ilia ejl docere irnmeritum fe>& ideo& indigne prêtent uni velexheredu tionefummoiufh\ doù les Demandeurs tirent la conféquence que la querelle d’inofficiofité n’appar
tient qu’à l’enfant qui a été exhérédé fans une caufe
légitime , immeritum f e , ik qu’elle n’appartient
pas à celui qui a mérité les mauvaifes difpoiitions
de fes Pere & M ere à fon égard. Il en doit être
de même, ajoutent les Demandeurs, de la difpofb
tion de l’art. 1 9 9 de la Coutume de Bretagne ,
elle fuppofe néceifairement une injuitice daiïs le
Teilament du Pere ou de la Mere.
Cette conféquence dès Demandeurs eil trop
■ vague & trop générale : elle doit être renfermée
dans des bornes plus étroites ; mais avant d’y r é
pondre , il faut remarquer que l’on a trouvé la difpofition de la L o i citée par les Demandeurs trop
dure , en ce qu’elle aifujettiiToit les enfants qui
avoient été exhéréclës à faire une preuve auiîi diffi.
cile que celle d ’établir qu’ils ne l’avoient*pas m’éïité. Cette L o i a été abolie par l’ufage , fuivant la
note de G o d e f r o i , qui dit queTénfant 'n eil: pas
�obligé aujourd’hui de Satisfaire à la preuve que la Lo i exigeoit de lui, que c’eft aux héritiers inftitués,
à ceux qui veulent profiter du Teftament , de
prouver l’ingratitude. V o i c i les termes de Godefroi hodie filin s non tetietur docere f e merliu.ni,
f i d oportet eum probdri ab "dieredibus fcriptis ingra tum.
Cette L o i ainfi rétablie ,• on conviendra facile
ment , & les Défendeurs 'ne Ton/pas diffimulé
dans-leur M ém oire , qu’il eil des cas où la haine
des parents contre leurs enfants eil fondée fur des
circonflances fi graves & ii fortes q u e , quoique
leurs difpofitions foient une fuite de cette haine ,
il feroit néanmoins injufte de-ne pas les confir
mer. Te lle eft par exe m p le, la haine qu’un Pere ou
une M ere ont conçu contre des enfants q u i , fuivant
l’expreifion des D e m a n d e u r s, font de vrais monftres d'ingratitude , & qui ont commis des mauvais
traitements envers eux.
Un enfant qui fe feroit porté à cet excès d’im
piété de maltraiter fon Pere ou fa M e r e , feroit
véritablement un monjîre dans la nature ; il réclameroit inutilement contre leurs difpofitions. Ce fexoit vainement qu’il imploreroit le^fecours des
L o i x : elles puniflent le crime & le vice , elles
ne lautorifent pas.
Mais de conclure de-là que le Teftament d’un>
Pere q u i, fur quelque nWcontementque lui a don-*-
�. . 14
né ion fils, fur des difcuiïions d’intérêts ou autres
cas femblables , a conçu contre lui une haine fi
fo r t e , q u ’ elle i’a porté ik l’a déterminé de difpofer à fon préjudice , de ce dont il avoit la liberté
de difpofer par la L o i , devroit être confirmé ;
ce feroit tirer de la fage difpofition de la L o i la
conféquence la plus dangereufe & la plus pernicieufe dans la fociété.
C ’eft d o n ó le s circonftances des faits qu'il faut
examiner pour déterminer qu’elle a été la vérita
ble caufe de la haine ôç de la colere , & pour
favoir ii elle a eu un fondement afle.z légitime &
fuffifant pour autorifer la difpofition faite au pré
judice des enfants. O n ofe dire avec confiance
qu’il fa u t , dans ce cas-là , que l ’oiïenfe que le fils
a faite à fon Pere , foit une offenfe des plus gra
v e s ; q u ’elle foit en quelque forte de la nature de
celles qui peuvent donner lieu à l’exhérédation ;
que ce foit enfin par des outrages, par des indigni
tés, par les mauvais traitements qu'il a commis en
vers fon Pere \ q u i l s'eft attiré f a haine & Jo n
averfion.. 0
• .• . •
, C ’eil ainfi,, que s’en explique les Auteurs % &
particulièrement M*. H e n r i s , en rapportant l’Arr
rêt de la D am e de Montagnac. Les Défendeurs
en ont déjà fait l’application dans leur M ém oire
iignifié , & ils n’y reviendroient pas: mais {es Démandeur? les forcent de £ q répéter: ils. ont invû-
�«,
0
que eux-même lefufFrage de cet Auteur ; •& c o m
me ils en ont oublié les principales circo nflan ces,
il paroît important de les rétablir. V o i c i les ter
mes de M * . Henris.
» -Cet exemple ( de la Dame de Montagnac )
» doit arrêter le caprice des femmes & les mou» vements de leur colere •: comme le Poète d it,
» que fem perin iras proclivé fœmineum gémis ,
» & qu’il s'emporte facilement : il fa u t leur ap» prendre qu’à moins d'une grande offenfe , & qui
» choque plutôt le public qu,e leur perfontie , une
» M ere doit tout oublier , & que cejl d’un fens raf» fis quelle doit difpojer defès biens. «
Cette expreffion de l’A u t e u r -, il fa u t leur ap
prendre , eil remarquable : il avertit les Meres ,
' quelles ne doivent pas fe perfuader q u ’elles ont la
liberté de fuivre leur caprice dans 'leurs difpofitions ; q u ’elles doivent les faire fans préocupation , & que dans tout autre cas que celui de cette
grande offenfe , elles ne peuvent p a s , fur le fonde
ment de quelques autres mécontentements parti
culiers , dilpofer valablement au préjudice de leursenfants.
Les
D e m a n d e u r s , lpage
z i de leur M é m o i r e ,
i -* t
O
ont*‘bien rapporté ces termes , quà moins d'une
grande offenfe , une Mere doit tout oublier ; mais ils
Qnt négligé la définition que fait M*. Henris de cette
grande offenfe , par ces termes qu’il ajoute , &
K
�qui choquent plut ¿nie public que fa perfonne. Quand
on cite une autorité , on ne devroit rien diifimuler de ce qui peut s’appliquer à la queftion , & en
core moins les termes efl'entiels & décififs.
C e n’ efl: cependant pas que dans l ’un ou l ’autre
cas les Défendeurs euifent lieu d’en craindre l’ap
plication ; ils ont toujours eu des fentiments con
formes à leur naiifance; ils ne fe font jamais ou
bliés au point d’avoir offenfé perfonnellement la
D am e leur M e re , h. encore moins de lui avoir
fait une ofïenfe qui pût choquer le public. Ils ont
toujours confervé pour elle , malgré fon averfion
pour e u x , le refpeû q u ’ils lui devoient : ils ne s’en
font jamais écartés. La Demoiieile de V a u x ,
préoccupée de fon intérêt, a donné les Mémoires
les moins exa&s fur les faits; mais elle a été hors,
d’état d’en imaginer un feul qui eût la moindre
analogie à cette ojjenfe perfonnelle ou publique.
Les D e m a n d e u r s , en fuivant toujours leur diftin&ion de la haine ju jle & delà haine injujle, fe fon
dent principalement fur l’autorité de Ricard.
C ’eft à la page 1 6 de leur Mémoire qu’ils ont
tranfcrit la Diifertation de cet Auteur ; mais tou
jours avec la même précaution de n’en extraire
que ce qu’ils ontr cru pouvoir adapter à leur fy.ftême ; ce qui met-ericore les £)éfendéurs dans la
néceilité de rflppeller au moins le véritable o b
jet que R ic a rd a eu en vue dans ia Diifertation.
Il
�IJ
J ) j
Il faut d’abord rem arquer, que Ric a rd a penie
que les Procès formoient la preuve de la haine
injufte que les afcendants avoient conçu contre
ceux de leurs enfants au préjudice defquels ils
avoient difpofé , & il a rapporté des Arrêts qui
en conféquence ont caiTé leurs difpoiitions. V o i c i
maintenant comment il s’explique dans fa DiiTertation.
» Il faut prendre garde de ne pas étendre trop
» avant cette Jurifprudence , étant de ma con» noiflance que des enfants & des gendres , pré» voyant que le Pere pouvoit fa ire quelques dif» pofîtions au profit de leurs autres enfants , ont
» affecté de leur fa ir e des contejlations & de leur
» fa ir e des procès , afin d'avoir occafîon de difpu» ter les difpojîtions du P e r e , & quelles avoient
» été fa ites par un principe de colere & de haine ;
» tellement qu’il importe qu’il paroifTe dans le
» public que les donations & les legs ne doivent
» être caffés en cette rencontre , que quand il pa» roît que le Pere les a fait dans le mouvement
» d ’une colere injufte , & au fujet de quelque
» mécontentement qui a été conçu mal à propos
de fa p a r t , & c .
Q u ’on hfe à préfent la DiiTertation de Ricard
dans le Mémoire des D em andeurs, on y remar
quera facilement que la conféquence générale &
indéfinie qu’ils en ont tiré eft fans application.
c
�i8
En effet, il eft fenïible, Sc l’Âuteur s’en explique bien clairement , qu’il n’a eu en vue que le
Procès & les conteftations que les enfants ôntfiïfcité mal à propos à leur P e r e , p o u r fe former d’a
vance un moyen d ’attaquer fes difpofitions ; d’o ù f
il fuit , par l ’argument des contraires , toujours
très-fort en D r o it , que Ci c ë ft les parents qui ont
élevé eux-mêmes ces Procès & ces conteftations,
& que les enfants n’aient fait que défendre leur**
d r o i t s , la haine que ces Procès ont infpiré aux
parents eft une haine fans fondement , un reflentiment injufte qui devroit feul fuffire pour faire,
annuller leurs difpofitions.
Les Demandeurs répondent bien iinguliérement
aux indu&ions que préfentent naturellement l ’A r rèt rendu dans la famille de M M . de Maupeou.
'Cet A r r ê t , qui eft rapporté par Ricard , leur
avoit déjà été oppofé au Procès , & ils n’imaginerent alors d’autre m o yen d’y répondre , qu’en;
changeant l ’efpece de l’Arrêt. Ils oppoférent par
une Requête fignifiée le 1 1 Mars 1 7 7 3 , que J i
les enfants navoient pas réujjt dans leur demande
en interdiclion qil ils s'en fuffent tenus a la feu
le tentative la colere du Pere eût été légitime que
Jon Tejlament eût été confirmé.
Les D é fe n d eu rs, dans leur M é m o ir e , ont fait
v o ir que les Demandeurs s’étoieht mépris fur l’efpêce de T A r r ê t , que Us enfants navoient pas ob-
,
,
,
�19
'tenu l interdiction. Le s Demandeurs ont reconnu
leur e rreu r; m a i s , fans changer le fyftême qu’ils
s’étoient propofé dans la difcuffion de cet A rrêt ,
ils oppofent aujourd’hui que la feule démarche
des enfants pour parvenir à l ’interdi&ion , fans y
réuiîir , n’a pas été un jufte motif de haine qui ait
pu autorifer le Teftateur dans les difpofitions qu’il
avoit fait à leur préjudice; ils difent , que quand
un Pere J e met dans le cas de fo rcer Je s enfants à
provoquer fo n interdi&ion , ce qui nefe f a it jam ais
fa n s une extrême nêcejjité , il ne peut pas leur en
Ja v o it mauvais g ré , puifque c e jl une voie de droit ;
s'il en conferve du rejj'entiment , c e jl un rejfemiment injujle qui peut donner lieu a la caffation de
fo n Tejlament.
V o i là ( s’il eil permis de parler ain fi) ce qui
s appelle exa&ement chanterla palinodie ; mais, en
examinant cette fécondé réponfe , on y trouve
un moyen de plus contre les Demandeurs.
L a provocation de l’interdi&ion attaque o u
vertement la perfonne que l’on fe propofe de
faire interdire : c’eft un outrage qu’ on lui fait
qui choque même le public > lorfque l’interdiâion
n a pas lieu. Quelle oiFenfe plus grave peut*on lui
faire que d’attaquer fon état ? C e p e n d a n t , malgré
cette oiFenfe, malgré cette in ju re, le Teftament a
ete c a f l e , fur le fondement que la haine ÔC la c o
lère en étoient le principe.
C
z
�G ’é to it , dit-on , un moyen de D r o it dont leTe fta teurn ’a pas dû s’offenfer. Mais qu’oppofe-ton aux Défendeurs ? D ’avoir plaidé pendant plufieurs années dans différents Tribunaux , fur la<
difcuiîion du compte de tutelle que la D am e leur
M e re leur avoit préfenté. C ’eft-là prefque l’uni
que point fur lequel on a bâti le fondement defa haine & de Ton averfion pour eux.
Mais q u o i! on préfente comme un m o y e n - d e
D roit jufte & légitime les diligences & les pourfuites que des enfants ont faites pour parvenir à fai
re interdire leur Pere ».quoique fans fondement , v
puifque dans i ’efpece de l’A rrêt il n’y eut pas lieu
a l’interdi&ion. Et l’on veut que les D éfendeurs,
qui n ’ont fait que défendre fur l ’apurement du,
compte que leur M ere leur avoit préfenté, ayent
commis envers elle une offenfe irrémiifible. Mais,,
dans- les principes , n’étoit-ce pas un moyen deD r o it des plus légitimes d’examiner & de difcu-t e r ce compte ? L a Dame de Ro q u ela u re, fuivant
les Demandeurs eux-mêmes , n’a donc pas dû s’en'
offenfer , & J î elle en a eu du refjentiment , c ejl\
un reffenùment injujle qui , dénué de toute autre
circonftance, ne permettait pas qu’on eût aucun<
égard à fes difpofitions.
O n ne s’arrêtera pas plus long temps à difeuter
cette première Propofition du Mémoire des D e
mandeurs. O n ne finiroit pas.: d’ailleurs.ils n’o p -
�2I
pofent aucuns moyens nouveaux : ils font exa&ement les mêmes que ceux qu’ils avoient propofés
par leur Requête q u ’ils ont copié mot-à-mot , &
les Défendeurs fe flattent d ’en avoir démontré le
peu de fo lid ité , par leur M ém oire qu’ils ont fait
iîgnifier en réponfe à cette Requête.
Ils y ont fait voir particulièrement, que l ’A r rêt rapporté par Soefve , qui a confirmé le Teftament de la Dame A lo u , quoique fait ab irata
mâtre
ur lequel les Demandeurs obfervent, en
terminant cette partie de leur M é m o i r e , que les
Défendeurs ont refté muets ) , n’a d’autre rapport
à l’efpece qui eil à juger , que de confirmer le
principe établi par les Auteurs , que la haine &
l’averfion qui ont déterminé une M ere à difpofer
au préjudice de fes enfants, doivent être fondées
fur des o utrages, fur des mauvais traitements qu’el
le a efluyés de leur part. E n effet, dans l ’efpece de
cet A r r ê t , les enfants de la Dame A l o u s’étoient
livrés contre e l l e , aux derniers excès : ces excès
& leurs mauvais traitements étoient prouvés par
les informations qui avoient été faites fur la plain
te quelle en avoit portée: il étoit donc jufte de
confirmer fon Teftament. La D am e A l o u auroit
pu porter fon reflentiment plus loin , elle auroit
pu exhéréder fes enfants. V o y o n s maintenant il
la haine ôt la colere qui ont déterminé les dif•pofitions de Dame de Roquelanre ont eu une eau-
�fe & un fondement que l’on pulfle appliquer à
la décifion de cet A rrêt , que les Demandeurs
préfentent comme étant directement notre efpece, &
dans lequel il r i y a que les noms à changer.
E X A M E N
D E
LA
S E C O N D E
P RO POSTIO N.
Si l ’on en croit la déclamation des Demandeurs
il n’y a jamais eu d’indignités pareilles à celles des
Défendeurs; il n’y a jamais eu de M e re plus in
dignement traitée par fes enfants que la Dame de
Roquelaure l a été par les iiens. Le délaiiTement
qu’elle leur avoit fait de leurs biens dès le m o
ment de leur émancipation , n’a pas fuffit pour fatisfaire leur cupidité , le Sieur Defrois a encore
eu Iaudace de f e fubvoger au B a il de Ferme de la
Terre de G enillac , qui étoit un bien propre à la
D a m e de Roquelaure , fans fon confentement &
fans lui* en avoir jamais payé le prix. Ils lui ont
fuicité des conteftations fur lefquelles ils l ’on tra
duite de Tribunal en Tribunal. Elle avoit obtenu
des provifions pendant le cours du Procès , mais
elles n’ont jamais été payées : de forte qu e , renfer
mée dans un labyrime de Procès , dont les Dem an
deur n’ignoroient pas quelle ne verroit jam ais la
fin y & dénuée d ’ailleurs de routes reflou rces, elle
�étoit obligée de vivre d'emprunts. La preuve de ces
faits , ajoutent les Demandeurs , ejl établie par
la lettre même de la D am e de Roquelaure du 2.0
M ai
dont les Défendeurs tirent tant d'avan
tage. V o i l à Tenthoufiaime auquel les Demandeurs
fè font livrés : en voici la chûte. Il n’y a pas un
de ces faits dont la fuppofition ne foit exa&ement démontrée.
O n n’entend pas parler du Procès : loin de le
diflimuler, les Défendeurs s’en font fait un m oyen
pour prouver la haine & la colere dont la Dame
de Roquelaure étoit animée contre eux. Les D é
fendeurs ti’étoient pas les aggrefleurs : c’eft la D a
me de Roquelaure qui les avoit traduit en juge
ment fur l'apurement de fon compte. Les D éfen
deurs étoient forcés d ’en difcuter les articles qui
leur faifoient préjudice: c’é t o i t , comme le difent
les Demandeurs fur l’Arrêt de M a u p e o u , un moyen
légitime de D roit qui leur étoit ouvert, dont la D a
ine de Roquelaure ne devoit pas- s offenfer.
M a is, par rapport au furplus des faits, où les
Demandeurs ont-ils pris que la Dame de R o q u e
laure, lors de l’émancipation de fes enfants, leur
avoit délaiffé la poiTeflion de la T e r r e de Lavort ?
L a Dame de Roquelaure n’en dit pas un feul mot
dans fa lettre : & comment auroit - elle pu le di
re ? Elle en étoit alors en poiTeflion : la preuve
du fait ( comme on l a déjà vu ) eil confignée dans «
�H
Ton Livre journal , dans lequel elle attefte ellemême quelle a perçu le prix des Baux de cette
T erre jufques & compris l’année 1 7 6 4 ,
En ce qui concerne la T e r re de Genillac , le
Sieur Defrois ne pouvoit pas fe iubroger au Bail
de Ferme de cette T e r r e , puifqu’elle n’a jamais
été affermée : le même Livre journal de la D a
me de Roquelaure établit encore ce fait; elle faifoit régir cette Terre. Elle en a perçu les re
venus jufqu a Ton décès ; elle fit même , peu de
jours avant , un arrêté de compte final avec fon
RégifTeur , par lequel elle le tient quitte de la
perception qu’il avoit fait des revenus de cette
T e rre , jufqu’au jour de l’arrêté.
Il en eft de même des provifions ; la lettre de
la Dame de Roquelaure n’en dit encore pas un
m o t , & elle n’en pouvoit rien dire ; ce n’eft que
depuis cette lettre qu’elle avoit repris le P ro c è s,
pendant lequel elle avoit obtenu ces provifions ;
mais le fa it, quelle nen avoit jam ais pu tirer un fo u ,
eft encore démenti par les quittances que les D é
fendeurs en rapportent, & qui font produites au
Procès. Les Défendeurs , au commencement de
ce Mémoire , fe font expliqués plus amplement
fur ces différents faits : la Cour aura la bonté d ’y
avoir recours, fi elle le juge néceffaire. Les D é
fendeurs , comme on le voit , ne cherchent pas à
en impofer ; ils n’oppofent les faits que la preuve
à la main.
Ce
�1
5
4o
Ce ne feroit donc pas par le fait des Défendeurs,
& parce qu’ils fe feroient emparés de fon bien , ôc
qu’ils ne lui ont pas payé les provifions qui lui unt
été adjugées,que la Dame de Roquelaure auroit été
réduite à cette dure extrémité de n’avoir d’autre reffource pour vivre , que celle d’emprunter. Mais le
fait encore eft-il vrai? On va voir qu’il n’eft pas
moins fuppofé que ceux que l’on vient d’examiner.
Si la Dame de Roquelaure avoit été réduite
à cette extrémité, auroit-elle fait autant de dépenfes qutelle en faifoit, fans o b j e t , pour ainii
dire , & encore plus fans néceflïté ? Auroit-elle
fait conftruire à grands frais chez les Dames de
L a u c i n e , un appartement qu’elle n’a jamais ou
prefque point habité ? Auroit-elle fait un v o y a
ge en Lorraine, qui de fon aveu réitéré pluiieurs
fois , lui a coûté plus 4 0 0 0 liv. ? Auroit-elle
acheté & payé une maifon en cette Ville , qui lui
coutoit encore plus que fon v o y a g e , & q u ’elle a
enfuite vendu en rente viagere, fous un pot de vin
de cent Louis ? Auroit-elle été elle-même en état
de prêter ? Et lors de l ’inventaire fait après fon
d é c è s , on y a trouvé un effet de la fomme de
ou 1 8 0 0 liv. qui lui étoient dues ; c’eft un fait que
les Demandeurs ne peuvent pas ignorer : l’inven
taire a été fait avec eux. Enfin, fi la Dame de R o
quelaure avoit été obligée d'avoir recours aux em
prunts pour v ivre , elle auroit contra&é des dettes,
D
�i6
fes créanciers fe feroient fans doute préfentés po u r
en exiger le paiement, & il n’en a paru aucun. L a
Dame de Roquelaure n’a laiiTé d’autres dettes que
celles des dépenfes courantes de fa maifon, pour
raifon defquelles elle avoit remis peu de jours
avant fon décès i o à i z Loius à la Demoifelle de
V a u x : on en ignore l ’emploi, mais IesDéfendeurs
ont été obligés d’acquitter le montant de ces déi
penfes courantes.
Tels font exa&ement les Faits fur lefquels les*
Demandeurs , en préfentant lesDéfenÆurs c o m
me des vrai monflres d'ingratitude , ont ofé fuppofer qu'ils avoient commis envers la Dam e de R o
quelaure, leur Mere , les outtages & les mauvais^
traitements les plus indignes , & quils av oient mé
rité une exhérédation entiere.
Q u e l ’on juge à préfent du mérite des repro
ches que ia Dame de Roquelaure faifoit à fes en
fants, par l a lettre de 1 7 6 4 . En l’appréciant avec
juftice, il n’eft plus pofiible que d’y remarquer les traits de cette haine & de cette colere effrénée
dont elle leur a donné les aifurances les plus pofeâves par cette lettre : haine & averfion qu’elle
a conftammentfoutenue depuis dans toute fa con
duite , & dont elle a confommé les effets par fes
difpofitions.
L ’éloignement de la date de la lettre à celle du
T eftam ent, & la prétendue réconciliation lors
¿ e ce Teftament, font des moyens qui s’écartent
�bien promptement. La maniéré dont la Dame de
Roquelaure en a ufé envers fes enfants jufqu’à
fon Teftament , n’a été qu’une fu ite, & pour
ainfi dire une répétition continuelle des fentiments de haine & d’averiion exprimées dans fa
lettre. Les Défendeurs en ônt rappdrté toutes les
circonftances dans leur premier M é m o ir e , & ce
n’eft que poftérieurement à fon Teftament que la
Dame Defrois , après toutes les difficultés poflîb l e s , eft parvenue à la voir pour n’en reçevoir en
core que des rebuts , au point d ’être forcée de
prendre un lit en ville , tandis qu’elle en avoit un
à lui donner.
L a feule diftinâion que l’on puifle faire entre
le Sieur de Roquelaure & la Dame D e f r o i s , fa
Sœur , confifte en ce que la Dame de Roquelaure
a donné à fon Fils des preuves encore plus fortes
de tout le reflentiment que fa haine pour lui lui
avoit infpiré.
On a vu que, par uneclaufe du Contrat de M a
riage de la Dame Defrois , la Dame de R o q u e laure s’étoit refervée de difpofer de la fomme de
2.0000 liv. en faveur du Sieur de Roquelaure ,
Ton F i l s , & que dans le cas où elle n’en difpoferoit pas , cette réferve feroit réduite à la fomme
de ^ o o o liv. dont elle auroit la liberté de dif
pofer au profit de fa Fille qui n’étoit pas encore
Religieufe , ou de telle autre perfonne qu’il lui
D z
�28
plairoit d’en gratifier
L a Dame de R o q u e la u r e , fuivant les Deman
deurs , aimoit Ton Fils qui ne lui avoit jamais
donné aucun mécontentement , & elle lui donnoit
aes preuves de tendrejfe en le recevant che£ elle gra^
tuitement, quoiqu elle ne jouît pas de fo n bien , ( fait
dont on a prouvé la fuppofition ). Cependant ,
elle l’a privé non-feulement de l ’effet en entier de
la réferve qu’elle avoit annoncé faire pour l u i ,
non-feulement elle ne lui a fait aucune part dans
la réferve des 1 0 0 0 0 liv. , mais en difpofant de
cette fomme au profit de la Demoifelle de V a u x ,
elle à encore eu l'attention d'exprimer dans fon
Tejlament , que le fu r plus des legs quelle y a f a it
feront pris Ju r la portion qui reviendrait à fo n F ils
dans f a fucceffion. C ’eft ainii que les Demandeurs
s ’en font expliqués dans leur Mémoire.
' Il faut avoir bien de l’imagination , pour v o u
loir prouver par toute cette conduite de la Da^
me de Roquelaure envers fon Fils , que loin de
lé haïr elle n avoit eu pour lui que de la tendrejfe.
La courte analyfe que l’on vient de faire des preu
ves qu’elle lui a donné de cette bonté & de cette
tendrejfe, fuiKt fans doute pour démontrer qu’il n’y
a jamais eu de diftin&ion plus mal-fondée dansl’application que celle que les Demandeurs *<|pnt
fait. ‘
^
,
�19
.
.
07
Ils oppofent enfin , que la difpofition de la D a
me de Roquelaure en faveur de la Demoifelle de
V a u x , n’a eu d ’autre objet que de lui rendre ju ftice , de réparer le tort qui avoit été fa it à f a M e
re qui navoii pas eu une légitime proportionnée ,
& pour lui témoigner fa fenjibihte de ce que la D a
ine de V aux n avoit pas formé la demande en f u p plémetit.
Les Demandeurs ont eu bien tard l’idée de
ce nouveau fyftême : il' eft encore dans le goût
dès bontés de la Dam e de Roquelaure pour fori F ils.
Si c’étoit une juftice que la Dame de R o q u e
laure avoit en vue ; pourquoi ne pas l’exprimer
dans fon Teftament ? Cette déclaration n’auroit pas
fait tort à fa mémoire.
Mais étoit-ce pour rendre cette juftice imagi
naire à la Dame de V a u x , que la D a m e 'd e R o
quelaure jufqu’au moment de fon Teftament, n’a
ceifé de vouloir fe procurer la vente de fa Terre
de Genillac en rente viagère ? Etoit-ce par mé
nagement & par confidération pour la Dame de
Roquelaure , que la Dame de V a u x ne s’étoit pas
pourvue en fupplément de légitime , tandis que
la Dame de V a u x l’avoit faite affigner pour le;
paiement d ’une fomme de 4 ou 5 mille liv. dont!
elle avoit obtenu Sentence de condamnation dès»
Tannée 1 7 3 5 Les Défendeurs qui n’ont halardé
�3 °:
•aucun fait fans preuve /rapportent encore la P r o
cédure de l ’inftance qui s’étoit élevée à ce fujet entre les deux Sœurs.
- O ù eft donc le fondement de la juftice & dô
la légitimité de la haine & de la colere de la
Dame de Roquelaure contre fes enfants ? Son
averiion pour eux eft prouvée jufqu’à la démonfftration, & il n’y a pas un feul fait qui puiife la
juftifier.
Il
ne refte à préfent qu a faire quelques cour
tes réflexions fur la fécondé partie du Mémoire
des Demandeurs qui forme leur troifierne pro-
E X A M E N
D E
LA
T R O I S I E R E
P R O P O S I T I O N .
<
Cette fécondé partie du Mémoire de D e m a n
deurs a pour objet , l ’injure que la Démoifelle
de Vaux prétend lui avoir été faite par la plainte
que les Défendeurs ont donné pour raifon d e s t
fouftra&ions commifes J o r s du dé.cjès de la D a - ?
me de Roquelaure : elle a la modëftie de fe ref-;
traindre à cet égard à la fomme de 1 0 mille liv.
de dommages-intérêts.
!; j
On n’a fans doute pas fait attention , en formant'
cette demande, que les Défendeurs n’avoient
�$i
déterminé dans leur plainte aucun individu en par
ticulier , ils avoient demandé en général la permiiiion d’informer des fouftra&ions. Si la Demoifelîe
de V a u x a. été décrétée , c’eft que les informations
y ont donné lieu; mais dès que la plainte n’a pas été
dirigée perfonnellement contre elle, fa demande en
dommages & intérêts ne peut être regardée que
comme, la plus grande, de „toutes -les illufions.
O n ne fuivra pas les Demandeurs dans i’analÿfe qu’ils ont fait de plufieurs dépoiîtjons de cet
te information convertie en Enquête. Il y auroit
plufieurs réflexions à faire fur ces dépofitions ,
elles n’échapperont furement pas à la pénétration
de' la Cour. O n obfervera feulement q u ’elles
ajouteroient, s’il en étoitbefoin, à la preuve déjà
faite de la haine & de l ’averfion qui ont di&é les
difpofitions du Teflament de la Dame de R o q u e
laure. Suivant ces dépofitions, elle vouloit don
ner tout à la Demoifelîe de V a u x , elle v o u lo ir
priver fes enfants de tout: elle ne devoit cepen
dant pas ignorer qu’après avoir difpofé de fa réferve en entier & de beaucoup au-delà , elle ne
pouvoit rien plus donner; les principes les mieux
établis, la confcience même réfiftoient à ces libé
ralités fans bornes.
A u refte, les Défendeurs fe flattent qu’ils pourront
établir des faits de fouftra&ions encore plus pofitifs,
�foit par une addition d ’Enquéte ou par la voie
des Monitoires qu’ils fe p ro po Fent d’obtenir ; &
ils efperent qu’il en réfultera des preuves qui ne
fatisferont pas la Demoifelle de Vaux.
Monf ieur
B
R U J A S ,
Rapporteur.
M e. P R A D I E R pere , Avocat.
M e. P A G É S , jeune , Procureur.
*• *
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A R I O M de l'imprimerie
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de
M a r t i n D É G O U T T E . 1774.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Roquelaure, Jean-Gilbert. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Brujas
Pradier
Pagès
Subject
The topic of the resource
testaments
émancipation
curatelle
captation d'héritage
haine des enfants (ab irato)
doctrine
jurisprudence
testament fait par un principe de haine et de colère
inventaires
garde-robe
témoins
ingratitude
Description
An account of the resource
Titre complet : Addition de mémoire servant de réponse, pour messire Jean-Gilbert de Roquelaure, chevalier, seigneur de Lavort ; dame Gabrielle de Roquelaure, fa sœur, épouse de messire Jacques Desrois, chevalier, seigneur d'Aufat, autorisée en justice, héritiers par bénéfice d'inventaire, d'Anne-Marie de Bardon de Genillac, leur mère, à son décès, veuve de messire Guillaume de Roquelaure, leur père, défendeurs et demandeurs. Contre messire Philippe-Claude, comte de Montboissier, lieutenant-général des armées du Roi, capitaine de la féconde compagnie des mousquetaires ç cheval, servant à la garde de sa Majesté ; exécuteur testamentaire de la dame de Bardon de Genillac, demandeur et défendeur. Et demoiselle Françoise Devaux, fille majeur, légataire de ladite dame de Bardon, intervenante, demanderesse et défenderesse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1739-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0503
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0501
BCU_Factums_G0502
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52981/BCU_Factums_G0503.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Dorat (63138)
Lavort (château de)
Riom (63300)
Génillac (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
curatelle
doctrine
émancipation
garde-robe
haine des enfants (ab irato)
ingratitude
inventaires
jurisprudence
témoins
testament fait par un principe de haine et de colère
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/52979/BCU_Factums_G0501.pdf
2b7c33558a74a0cbd89322d5a650c182
PDF Text
Text
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, Chevalier, Seigneur de Lavort ; &
Dame G A B R I E L D E R
fa fœur ,
Epoufe de M effire J
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valier Seigneur d ’Auzat, autorifée en Juftice ;
_héritiers par bénéfice d’inventaire
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-M
B
G
leur
m e re , à fon décès Veuve de Meffire G
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leur pere , D é
fendeurs.
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l a u m e
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o q u e l a u r e
,
C O N T R E Meffire P h i l i p p e - C l a u d e Comte
de Montboiffier Lieutenant-Général des Armées
du R o i Capitaine-Lieutenant de laféconde Com
pagnie des Moufquetaires à Cheval f ervant à la
Garde de Sa Majefté Exécuteur-teft amentaire
de lad. Dame d e B a r d o n d e G e n i l l a c
Demandeur & Défendeur.
,
,
,
,
E t Demoifelle F r a n ç o i s e d e V a u x , fille ma
jeure Légataire de ladite Dame D E B A R D O N r
Intervenante Demandereffe & Défendereffe.
I
,
L n’y a qu’ une feule queftion au procès : elle eft de favoir fi le
teftament de la Dame de Bardon de G enillac eft valable. Les dé-
�2
fencleurs fe font pourvus contre ce tcftament, ils n’en attaquent point
la forme ; mais ils Contiennent qu’il doit être déclaré nul, par la raiion que les différentes tüfpofitions qu’il contient , ont été di&ées par
la colerc & par la haine injuitc que la Dame de Bardon leur mere
avoit conçue contr’ cu x ; ils rapportent la preuve écrite la plus diferte de cette colore &L de cette haine. C ’eft la Dame de Bardon
elle-même qui s’en cil expliquée dans les termes les moins équivo
ques. Cette preuve doit fans doute fuffire pour faire proferire des
difpolitions aufii contraires au voeu de la nature ; mais les défen
deurs font encore en état de faire la preuve par témoins d’une mul
titude de faits, qui ne caraftérifent pas moins les fentimens d’averfion & d’animofitc, qui ont été le feul motif de ce teflaincnt inof
ficieux , dont ils font forcés de demaiîîler la nullité.
FAIT ET PROCÉDURE.
Dti mariage du iieur de Roquclaurc avec la Dame de Barcîon^eGenillac, font iiïus quatre enfar.s; favo ir, Jean-Gilbert de Roquelaure , Gabrieile de Roque-laure , mariée avec le fieur D e sro is;
Marie de Raquelaure , aihiellement Religieufe au Monallere des
JDames de la Villtation cTe la Ville de T h ie rs; & Jeanne de R o q u clau re, décédée Religiculc au Monaftere des Dames d’ Efteil.
Le fieur de Roquehuire ell décédé en 1739 : les défendeurs &
leurs deux fœurs, pour lors en très-bas â g e, furent mis fous la ta. telle de la Dame de Bardon leur mere..
C ’eil pendant le cours de cette tutelle que Marie de Roquelaure
■s’ eit faite Religieufe ; la Dame de Bardon ne payât rien de fa dot :
elle eil encore due en entier.
Feu de temps après le décès du fieur de Roqu elau re, la Dame
de Bardon rccuciliit deuxfucccifions très-confidérables', échues à fes
mineurs ; l’ une par le décès de Jean-Gilbert de Roquelaure , leur
oncle ; & l’autre par celui de François-Noël de Roquelaure , leur
grand oncle : ces deux fucceifions confiitoient en partie en deniers,
cfleâifs.
Depuis l’ingrés en Religion de Marie de Roquelaure, la Dame
de Bardon n’étoit plus chargée que de trois entans, dont elle ad*
miniilra la tutelle pendant plufieursannées : elle perce v o i t , en cette
qualité, tous les revenus des biens; mais elle n’etoit pasenu fage
tl’cn payer les charges. Sa geftion fut d’ailleurs tranquille : elle faifoit alors fa réfidencc avec fa famille au Château de Lavort.
En l’annéç 17 5 0 , il prit en gré à la Dame de Bardçn de faire:
�émanciper l'es trois enFans, & de leur faire créer nn_ Curateur.
On devoit naturellement, & fuivant les réglés , choifir un c u
rateur parmi les parens paternels des Mineurs; fa fonction princi
pale devoit être de les aiîiiler & de les aider de fes lumières & de fes
confeils, dans les différentes opérations du compte que la Dame de
Bardon fe propofoit de leur rendre de fon adminiftration ; mais elle
prit le parti de faire tomber le choix fur le lieur Devaux (on
beau-frere , pere de la Demoifelle Devaux , Partie au procès.
Immédiatement après l’émancipation de fes enfans, la Dame de
Bardon préfenta fon compte au Châtelain de T h ie r s , Juge de la
tutelle : elle les fit affigner en confcquence , & le fieur D e v a u x ,
leur Curateur , pour être.préfens à l’affirmation.
On fe perfuadera fans peine que ce compte fut bâti , blâme 8c
débattu au gré de la Dame de Bardon , & relativement à fes inté
r ê t s ; les mineurs n’ avoient aucune forte de connoiflance de leurs
droits, ôi le fieur D evaux, leur curateur, étoit entièrement dévoué
à la Dame de Bardon.
Peu de temps après, ¡k. le 13 Septembre 17^0 , Gabrielle de
R oq u elau re, fous l’autorité de la Dame de Bardon fa mere ôc du
fieur. Devaux ion curateur,contrafta mariage avec le fieur Desrois.
La dame de Bardon parût dès-lors avoir oublié qu’ elle avoit un
compte à rendre , 8c qu’ elle l’avoit préfenté : il ne fût plus queftion d’en luivre l’apurement. Elle vivoit dans la meilleure intelli
gence avec fes enfans & avec le fieur Desrois fon gendre , qui la
refpcûoit comme il le d evoit, & à qui elle témoiguoit de fa part
beaucoup d’afteâion. Voici les claufes du contrat de mariage de la
Da me D e sro is, relatives à la conteÜation.
La D.elle de Roquelnure fe conftitue de fon chef tous les biens
qui lui étoient échus par le décès de Guillaume de Roquelaure fon
p e re , & par ceux de Jean-G ilbert de Roquelaurt é’ François - N oil de
lioqutlaure tjes oncle & grand oncle
La Dame de Bardon, de la part, lui fit une donation en préciput
de la lomme de 10000 liv re s, à prendre après fon décès fur les plus
clairs & les plus liquides de les biens, qu’elle affefta dès lors ait
paument de cette fomma.
P<«r la clauie luivante, la Dame de Bardon inflitua la Dame Desrois *?n héritière dans le furplus de les biens par égale portion
avec les autres enfans.
1
Cette mftitution fut faite fous la réierve que la Dame de Bardon
le fit de pouvoir diipofer , an préjudice & nonobftant l’inflitution ,
de la iomme de 10000 livres , auili en préciput, au profit de JoanCilbert de~Roquelaure fon (ils; aux conditions que, dans le cas 011
elie n’en difpofcroit pas au profit dudit Jean Gilbert de Roquelaure,
A z
�I
4
elle ne pourroit difpofer, fur cette réferve , que de la fomnie de
icooo liv. au profit de Jeanne de Roquelaure fon autre fille, ou
de telle autre perfonne qu’il luiplairoitd’en gratifier, mômcil celui
de la Dame Desrois.
Le fieur & Dame D esrois, quelques jours après leur mariage,
allcrent s’établir chez le fieur Desrois pere , qui s’étoit obligé de
les loger, nourrir, entretenir, eux , leurs entans, s’ils en avoient de
leur mariage, & leurs domeitiques. La Dame de Bardon y accom
pagna fa fille ; &. après avoir t'ait quelque féjour chez le fieur Des
rois, elle revint au Château de L a v o rt, oit elle pafla encore quel
ques années avec le lieur & la Demoifelle de Roquelaure les deux
autres enfans.
Les chofes refterent en cet état, c’ eit-à-dire, qu’ il continua de
régner une union 6c une tranquillité parfaite entre la Dame de Bardon ôz. fes enfans, pendant tout le temps qu’elle fixa fon domicile
au Château de Lavort ; mais, malheureufement pour eux , dégoutée fans doute du féjour de la campagne , elle le transfera en'la Ville
dt; R io m , où elle fe retira avec le lieur 6c la Demoifelle de Roque
laure. Elle y fit dans la fuite l’acquifition d’ une mailon , dans la
quelle elle eût l’attention de faire tranfporter tous les meubles du
Château de Lavort.
Les Défendeurs ôc la Demoifelle de Roquelaure leur fœur n’eu
rent garde de fe plaindre de cette dévaluation générale de tout leur
mobilier : élevés dans la fourmilion & le reipeft qîi’ils dévoient à
la Dame leur m e re , & n’ayant d’ ailleurs rien à fe reprocher fur
leur conduite envers elle, ils croyoient avoir droit de compter fur
les bontés & fur la tendrefle qu’ elle avoit paru avoir pour eux.
Ils regardèrent ce tranfportde meubles dans la maifon qu’elle avoit
acquis, comme un dépôt entre fes mains, fur la fureté duquel ils
ne doivent avoir aucune forte de défiance : ils fe faifoient illufion j
ils ne tardèrent pas à s’en appercevoir.
La Dame de Cardon, depuis fon nouvel établiflement, ne paroifloit déjà plus avoir pour fes enfans autant de tendrpfle & d’affe&ion qu’elle leur en avoit témoigné jufqu’alors ; cependant elle
en ufoit encore allez bien avec eux-,
leur ctat étoit {impor
table.
Mais ayant attiré auprès d’elle la Demoifelle Devaux fa nièce Sc
le fieur Abbé Devaux fon n e v e u x , ils devinrent l’objet de toutes
les complaifanccs : elle parut avoir oublié fes enfans : la Dcmoifelle Devaux diipofoit de tout dans fa maifon ; rien ne manquoif
à fon entretien , randis que le fieur de Roquelaure & fa fœur manquoient fouvent du néceiTairc. La Dame de Bardon , qui combloit d’a
mitié
de careiTcs la Demoifelle D e v a u x , n’avoit pour eux que
�¿es maniérés dures & rebutantes. La dame Desrois n’étoit pas"
mieux traitée : fi elle venoit voir la dame fa m e r e , elle étoit re
çue avec indifférence Ô£ froide nr ; elle ne partoit jamais aflez-tôî
au gré de la dame de Bardon.
Upe préférence auiïi m arquée, & auffi contraire aux fentimens
qu’une mere doit naturellement avoir pour fes enfans,étoit bien pro
pre à les rebuter; ils fupporterent cependant leur difgracependant
long-temps , fans fe plaindre, 8c fans s’ écarter en rien de ce qu’ils
devoient à la dame leur mere ; ce ne fut qu’après qu’ils furent bien
convaincus qu’ elle ne changeront pas de fentimens , que le fieur de
Roquelaure prit le parti d’aller chercher ailleurs un afile.
La demoiielle de Roquelaure ne pouvoit pas prendre le même
parti avec décence : elle refta encore quelque temps avec la dame
de Bardon; mais enfin, excédée de la maniéré dure avec laquelle
elle la traitoit, elle fe détermina à lui demander la permiffion d’aller
paffer quelque temps à Ez-chandelis chez le fieur Desrois fon beaufre re , permiffion qu’ elle obtint facilement,
Ce fut dans ce voyag e que fit la demoifelle de Roquelaure ,
qu’effraiée des fuites de l’averfion de la dame de Bardon , elle prit
le parti d’entrer dans la Communauté des dames d’ E fte il, où elle fe
fit Religieufe. La dame de Bardon ne voulut contribuer en rien
aucuns des frais néceffaires; ils furent tous à la charge du fieur D es
rois. Quoique la demoiielle de Roquelaure ait furvccu pluficurs an
nées à fa profeflion, la dame de Bardon ne daigna pas l’aller y oir
une feule fois.
La demoiielle Devaux &: le fieur Abbé Devaux fon frere furent
mettre à profit la retraite du fieur & de la demoifelle de Roque
laure : on verra dans la fuite qu’ ils ne cherchoient rien moins qu’;\
concilier la dame de Bardon avec fes enfans , le fieur Abbé Devaux
s’en expliquoit aiî’ez clairement en écrivant à la dam© de Bardon :
ils parvinrent, entr’ autres chofes, à lui perfuader que c’étoit à la
follicitation,
par les confeils du fieur D esrois, que le fieur de
Rocjuelaurc avoit quitté fa maifon. Si la dame de Bardon eut été
■moins prévenue , elle fe feroit apperçu facilement de la grofliereté
-<lu piège qu’on lui tendoit ; - ^ l e fieur Desrois n’avoit aucune forte
d’intérêt à cette évafion, ôc la dame de Bardon n’ignoroit pas qu’il
avoit fait , mais inutilement, tous fes efforts pour lui ramener fon
üls. Elle en sut cependant très-mauvais gré au fieur D esrois; elle
ne le regarda depuis que de trçs-mauvais œ i l , &C elle ne lai Ha
«chapper aucune occaiîon de lui en témoigner fon reflentiment.
Quoique la dame de Bardon n’eut plus aucun de fes enfans à fa
c h arg e , elle continuoit de jouir de leurs biens, mais toujours ayee
\
�îa même attention de ne payer aucunes des charges & des créances
auxquels ces biens étoient afte&és.
La dame de Bardon, en quittant le féjour du Château de Lavort,'
avoit laiflc cette Terre dans le plus mauvais état ; les bois étoient
entièrement dégradés , & tous les bâtimens, tant du Château que
des Domaines, tomboient en ruine, & menaçoient d’ une chute
prochaine.
Le fieur Desrois, pour éviter l’entier dépériffement du t o u t , fe
détermina à y aller faire fa réfidence avec la dame Desrois & leur
famille : il prit en même-temps avec les Fermiers des,arrangemens,
au moyen defquels la dame de Bardon étoit toujours exa&ement
payée du prix du bail; c’étoit elle-même qui en avoit fait la
Ferme.
En l’année 1 7 6 4 , le fieur D esrois, épuifé par les dépenfes e x
traordinaires & indifpenfables qui lui occafionnoient les réparations
à faire, tant ai:]Château de Lavort qu’aux Domaines qui en dépen
dent , chargé d’ailleurs d’une nombreufe famille , & pourluivi
pour les arrérages des charges que la dame de Bardon avoit laiffe
accumuler pendant le cours de fon adminiftration, fe trouva hors
d’état de fatisfaire à un terme échu du prix du bail.
fe peri'uada que la dame de Bardon qui jo r iflo it , indépen
damment de fon propre bien , de tout celui de fes enfans, fans qu’ils
M e n t à fa charge , ne lui tiendroit pas rigueur, &c qu’elle ne lui
refuferoit pas quelque délai.
Dans cette confiance, le lieur Desrois fe déterminai lui écrire;
après lui avoir expoie îa iituation , il la fupplie de lui accorder
quelque-temps, en l’aflurant qu’il ne tarderoit pas à lui donner fatisfa£ïion ; il ajouta que fi elle étoit véritablement preflee, il U
prioit d’emprunter en fon nom ou au fien , & qu’il feroit inceiTatnment honneur aux engagemens qu’elle pourroit contra&er.
Une lettre & une priere de cette efpece , d’un gendre à fa bellejnere, n’avoient afïurément rien qui put offenfer la dame de Bar
don : elle n’avoit qu’à répondre fimplement qu’elle ne pouvoit ou
qu’elle ne vouloit pas accorder le délai.que le fieur Desrois lui de*nandoit ; c’ eft cependant cette lettre* qui lervit de prétexte à la
dame de Bardon pour manifefter fes fentimens > fur lefquels elle
avoit encore eu jufqu’alors quelque ménagement. La réponie qu’elle
fit au iieur Desrois efl conçue dans des termes qui ne refpirent que
la cûlere , la haine & l’ averiion, foit à l’égard de (es enfans, {oit
à l’égard du fieur D esrois, avec un deifein formé de ne pas leur
laiffer un f0l de fon bien. Si le fieur Desrois, qui n’ avoit jamais
eu pour elie que lesattentions les plus marquées, avoit voulu atwu-
11
�ter à la v ie , elle né lui atirôit pas écrit d’unè maniéré différente :
on fera l’ analyfe de cette lettre lorfque l’on en fera à la difcuiîîon
des moyens.
La haine & la colere dont la dame de Bardon étoit animée contre
fesenfans,étoient trop violentes pour ea demeurer là ; elle reprit,
immédiatement après fa réponfe à la lettre du fieur D e sr o is, les
procédures qu’elle avoit commencées depuis quinze ans fur l'apu
rement de l’on com pte, & dont il n’avoit plus été queition depuis
le mariage de la dame Desrois ; elle mit dans cette reprife toute
la vivacité & toute l’animofité poflîblc ; elle alla même s’établir
dans la ville de Thiers, où Pinftance étoit pendante,'pour en accé
lérer le Jugement.
Pendant le féjour de la Dame de Bardon dans la Ville de Thiers ,
les défendeurs firent jouer tous les reflorts qu’ils purent imaginer
pour rallumer dans le cœur de leur mere des fentimens qu’ils ne
croyoient pas tout-à-fait éteins; ils la firent fupplier , par pluiieurs
perlonnes de confidération , de leur permettre d’aller le jetter fes
genoux , pour lui témoigner le déiefpoir où ils étoient de fe voir
privés de fa tendreffe tk de fon amitié , & pour la lupplier de leur
rendre l’ iine & l’autre : tout fut inutile. La réponfe de la dame:de
Bardon, tut toujours qu’elle ne feroit pas contente qu’elle ne les
eut ruinés.
r-, Les défendeurs, forcés malgré eux de difeuter le compte qui leui*
étoit préfenté, ne le débattirent que foiblement : malgré to'iit ce qui
s’étoit paiîé , ils elpcroient toujours un retour de la part de la
dame de Bardon ; ils fe. battirent , pour ainfi dire , en retraite 5 ils
ne cherchoient qu’à gagner du temps , & ils négligèrent alors, en
procédant fur le com pte, des moyens décififs contre les prétentions
de la dame de Bardon.
,~i
.
m’
Il y eut cependant une premiere fentence du Juge de Thiers qui
apura quelques articles du com pte; il y en eut de furfis, il y en
eût fur lefquels le Juge ordonna des preuves. ? . f
* t
La dame de Bardon ôc| les défendeurs interjetterent refpe&i ve
ndent appel de quelques. chefs de,wcetté fentence en ce fiége, 8z
de ce fiége au Parlement : la dame, de Bardon y fuccomba dans
lin chef intéreiTant : cette circonftance n’éfcoifc pas propre à dimi
nuer fon averfion pour les. défendeurs. :
... i,, !
Il feroit inutile d’entrer dans un plus grand détail fur cette procé
dure : la dame de Bardon s’attachoit principalement à-furprendrë
des provifions ; c eft à quoi elle yifoit.plutôt qu?à l’apurement de
fon compte, 6c elle en obtint ¿de,¡ççmiidérablesnqui .luii-fiirent
payées.
'
.?.no !■»•?*.
. M ais i l e ilb o n d W ç r y e r que foi dame d$ Bardw^pdrtôit-foa
�^animofité fi loin', qu’en chargeant les Huiiîïers de l’exécution de ces
fentencesdeprovifions , elle neceffoit de leur recommander ( fous la
promefle d’une gratification) d’ agir avec toute la rigueur qui dépendroit d’eux ; de ne pas recevoir les meilleurs gardiens volontaires
qu’on pourroit leur offrir, 6c de faire les exécutions les plus v io
lentes , avec déplacement, tant fur les meubles que fur les beiliaux.
E t , ce qui eft à remarquer , c ’efl que lorfque les défendeurs
payoient ces provifions fur la fimple fommation qui leur étoit
fa ite , la dame de Bardon étoit au défefpoir de ce qu’elle ne pouvoitpas leur faire des frais plus confidérables.
La haine que la dame de Bardon avoit conçue contre fes enfans,
qu’ elle n’ignoroit pas n’ être pas à l'aife , ni à beaucoup près , ne
fe bornoit pas à faire fes efforts pour les confumer en frais ; elle
ne négligeoit rien pour l’exécution du projet qu’elle leur avoit
déjà annoncé , de ne pas leur laiffer un fou de fon bien.
Elle commença par vendre la dirette de fa Terre de Genillac :
elle vendit en fuite, en rente v iag e re , la maifon qu’elle avoit acquife en cette Ville de Riom : elle reçut lors de la vente de cette
maifon un pot de vin de la fomme de 2400 liv.
Ces deux objets en faiioient un confidérable dans la fortune de
la dame de Bardon, mais elle porta fon animofité encore plus loin ;
elle mit tout en ufage jufqu’à fon décès , pour vendre à rente v ia
gere fa Terre de Genillac.
Les défendeurs avoient toujours efpéré jufques-là que la dame
de Bardon reviendroit enfin à elle-même ; ils n’avoient pas pu
fe perfuader plutôr qu’il ne (ui reftoit aueun fentimenr de la tendrefle naturelle qui devoit la ramener à fes enfans, ou du moins à
fes petits enfans, qui ne pouvoientà aucuns égards lui avoir donné
le moindre fujet de les haïr.
Mais, inftruits de tous ces faits, 8c après des preuves aufli manifelles de toute l’averfion de la dame de Bardon, dont ils avoient
tenté fi fou ven t, mais toujours fans fu ccès, de fléchir la c o le r e ,
ils prirent le feul' parti qui leur rpftoit, de ne rien négliger dans la
difcufïion du compte-qui leur ctoit p r e fe n t é ,& de demander qu’il
fût réformé.
•
:
La Dame de Bardon avoit confondu dans uu feul 6c même
compte l’adminiitration qu’ elle avoit eu , tant des biens de la fuccefîionde Guillaume de Roquelaure pere des mineurs, que de ceux
des fucceifions de Jean -G ilbert de Roquelaure leur on cle, 6c de
François-N oëldc.Roquelauie leur grand on cle; & les défendeurs
avoienti des -intérGts ¡difîé'fefis'-; relativement A ces différentes fuc-,
ceflions.
. .Celle du ftcur de Rbquolâure lent pere-étoit chargée de dettes ;
elle
�çlle ¿toit feule afte&ée au paiement des reprifes que la dame do>
Bardon pouvoit avoir ; les défendeurs n’en étoient héritiers que
par bénéfice d’inventaire ; la dame de Bardon y avoit même renoncé
pour eux , dès le commencement de l;i tutelle.
Les fuccefllons de Jean Gilbert 8r de François-Noël de Roquelaure , dont les défendeurs iont héritiers purs &C fimples , n’ étoient chargées d’aucune forte de dettes; elles n’ étoient point affeflées aux reprifes de la Dame de Bardon, q u i, outre le revenu
des immeubles , avoit trouvé dans ces fuccefllons des fommes trèsconfidérables, foit en deniers effectifs, foit en argenterie ou meu
bles de touteefpece.
Les défendeurs donnèrent une R eq u ête, par laquelle ils conclu
rent à ce que la dame de Bardon fut tenue de leur rendre un compte
fépare , & par échelette , de ces deux fuccefllons : la dame de Rard o n , qui ne s’ attsndoit pas au parti que les défendeurs venoient
de prendre, fit des effort infinis pour éviter l’adjudication de ces
conclurions ; mais le compte fut ordonné de la maniéré que les
défendeurs l’avoient demandé , par fentence contradictoire du
Châtelain de T h ie rs, du 7 Août 1 7 7 1 .
Le 1 1 Septembre fu iv an t, un mois & cinq jours exafïemcnt
après cette lentence, la Dame de Bardon fit le teftament ologra
phe qui fait l’objet du procès.
Les difpofitions de ce teftament annoncent déjà par elles-mêmes
qu’elles ne font pas l’ effet d ïtne volonté lib re , & que la dame de
Bardon étoit alors animée par une paillon v iolen te, qui ne lui permettoit pas l’ ufage de la réflexion.
On a déjà vu que par le contrat de mariage de la dame D es
rois , elle s’etoit réfervéla liberté de difpofer de lafomme de 10000
livres ; mais on a dû remarquer dans les différentes ftipulations
de cette r é fe rv e , qu’ elle n’avoit alors en vue que fes enfans : s’il
eft dit, par une derniere claufe, qu’ elle pourra en difpofer en faveur
de telle autre perfonne qu’ il lui plaira d’en gratifier , même au
profit de la dame D e sro is, la prélomption qui le préiente naturel
lement , eft que la dame de Bardon ne vouloit pas le lier au point
qu elle ne fut plus en état de donner des marques de Ion affcûion
à celui ou à ceux des enfans qu’elle prévoyoit pouvoir naître de ce
" - r i a g e ou de celui de fes autres enfans s’ ils (e marioient.
Mais la dame de Bardon , prévenue, lors de fon teftament, de la
haine la plus iorte contre fes enfans4 livrée d’ailleurs à la demoifelle Devaux , qui no négligeoit rien pour la maintenir dans fes
ientimens ; fatiguée encore du nouveau compte ordonné par la
lentence du Juge de Thiers , n’a confulté dans fes difpofitions que
« s feuls mouvemens de fa colere,
..
a
�Elle a commencé'par épuifer on entier la réferve qu’elle s’ éioit faite par le contrat de mariage de la dame Desrois,"en léguant
•à l.i demoifelle Devawx la fomme de ioooo livres.
Elle a légué, par une fécondé difpofition , la fomme de ioo liv.
de penfion viagère , payable chaque année de trois mois en trois
m o u , 6i par avance, à dame Marie de Roquelaure fa fillé, Religieufe
au Couvent de Sainte Marie de la Ville de Thiers.
Par une troifieme difpofition , elle a fait un legs de la fomme
de 150 livres de penfion viagère, payable d’avance auffi chaque
année au fieur Devaux fon neveu.
Elle a légué, par une quatrième difpofition, la quantité de dix
feptiers de bled aux pauvres de la ParoiiTc de Marat.
Elle a auifi légué la fomme de 15 0 livres pour un annuel de
méfiés, & celle de cent livres une fois payée aux p a m r js de la
Miféricorde de la Ville de Riom.
Et pour ne rien négliger lur la preuve qu’ elle vouloit donner
à fes enfans de toute ion averfion pour e u x , elle a ajouté au legs
qu’elle, a voit déjà fait à la demoifelle Devaux de toute fa réferve
celui de fa garde ro b e , fans aucune exception; ce qui fait un
objet de plus de 4000 livre : elle y a joint le legs de l'on portrait avec
le cadre.
La dame de Dardon , qui n’ignoroit pas que dans le cas où elle auroit pu difpoferpar teltament de l’entiere lomine de 10000 livres
qu’elle s’étoit réiervée, elle avoit au moins épuiié cette réferve
par le legs qu’ elle en avoit fait à la demoifelle Devaux , & que
le furplus de fes difpolitions » qui formoit un objet prefqu’auilî
confidcrable que celui de fa réferve , ne pouvrit pas valoir , fe
perfuada fans doute qu’ en remettant l’cxceution ue fon teftament
en tre les mains d’une perfonne de la premiers distinction , elle re
in i.ie oit à tous ces inconvéniens. Elle a affe£té en conléquence
do nommer le fieur Comte de Montboiiîîer pour fon cxecuteur
tcAamentaire , en difant qu’elle efpéroit de ion amitié pour fa
nièce qu’il voudroit bien fe charger de faire exécuter les volontés;
elle l’ a prié en même-temps d’accepter ia montre 6c la boîte d’or.
La dame de Bardon eft décédée deux mois après ce teftament.
Le même jour de fon décès, les défendeurs, prévenus qu’il y
avoit un teftament, mais dont ils ignoroient encore lesdilpofitions
firent appofer les (celles fur les meubles & effets de la fucceflion :
ils obtinrent enûiite des lettres de bénéfice d’ inventaire , qu’ ils firent
entériner, & ils demandèrent e.i conléquence, en qualité d’héritiers
bénéficiaires, la rémotion des fcellés & la délivrance des meubles
yôr des effets fur lcfquels ils avoienr ¿ té appofés.
¿-e iieur Comte de Montboiilicr, en ia qualité d’exécuteur tciU-
�mentaire, & la demoifelle D evaux en celle de légataire, s'y oupoférent; & prétendirent que c’ étoit à eux que cette délivrance devoit être faite pour la sûreté des legs portés par le teftamerit,
contre lequel les défendeurs protefterent de fe pourvoir pour en
demander la nullité.
Les parties furent renvoyées à l’Audience fur cette oppofition :
il eft d i t , par la fentence qui intervint, que , fans préjudice du
droit des parties au principal, la garde-robe léguée à la demoiÍelle D e v a u x , enfemble la montre &c la boîtç d’or feront remifes
ès mains du Comte de Montboiilier en fa qualité d’exécuteur teftamentaire , après qu’ il en aura été fait inventaire eftim atif, lcfqeuls
meubles & effets le fieur de Montboiilier fera tenu de remettre en
fin de caufe , ainfi &c à qui il fera ordonné.
Il eft dit enfuite , qu’attendu la qualité d’ héritier bénéficiaire
prife par les défendeurs, le furplus des meubles &c effets de la
iucceffion leur fera délivré , à la charge par eux de les prendre
par inventaire, qui en contiendra la prilce , & fous leurs foumifiions
de les rendre & reftituer en fin de ca u fe , s’il eft ainfi dit 8c or
donné.
Cette fentence a été pleinement exécutée : la garde-robe, la
montre ôc la boîte d’ or ont été remifes au fieur Comte de Montboiffier : le furplus des meubles & des effets , qui fe font trouvés
fous les lcellés , ont été délivrés aux défendeurs, 8c il a été fait
un inventaire eftimatifdu tout.
Les défendeurs s’ apperçurent, lors de l’inventaire, qa’il avoit
été fait des fouftraûions immenfes dans la iucceiîîoh de la dame
de Bardon : elle avoit un diamant qui lui avoit été donné par le
fieur de Roquclaure fon m a r i, 8c qui étoit eftimé dans la famille
à une fomme de 3000 livres ; elle avoit des boucles d’oreilles
de diamant & une autre bague d’un prix allez confidérable elle
étoit faifie de tous ces bijoux peu de temps avant fon décès. Mais
tout avoit été enlevé , même fes bagues d’alliancè qu’elle n’avoit
quittées <jue quatre ou cinq jours auparavant, 8c la demoifelle
D evaux étoit faifie de toutes les clefs.
La dame de Bardon, quatre ou cinq jours avant fon décès,
avoit reçu une fomme d’environ cent piftoles dis Fermiers de fa
Terre de Genillac ; elle n’étoit sfiremènt pas fans argent lorfqu’ cllc reçut cette fom m e, 6c il ne fe trouva dans fa bourfo
qu’ une fomme de ry livres 10 fols : elle n’avoit cependant rien
payé du courant de fa dépenfe pendant le cours de fa maladie ,
même long-temps auparavant ; elle devoit les gages de íes doJrteftiqucs, elle de voit à fon boucher & à ion boulanger ¿ c’eft
�le fieur Derois qui a tout payé , auiïï bien que les frais de médecin ,
d’npoticaire & de chirurgien.
La partie la plus confidérable de la garde-robe, q u i, fuivant ceux
qui la cormoiiïbient, faifoit comme on l’ a déjà obfervé , un objctde
plus de 4000 livres avoit été dévailée : il avoit été de même du
linge, dont la dame de Cardon avoit une quantité confidérable fie
du plus beau : on avoit mis la main jufques fur les meubles meublans.
Non-feulement la demoifelle Devaux étoit faifie de toutes les
clefs de la dame de Bardon , mais elle avoit encore eu l’attention de
ne laiffer auprès d’elle que des perfonnes qui lui étoient entièrement
dévouées; elle avoit écarté plufieurs perfonnes de probité, qui étoient
en relation avec la dame de Bardon ; elle leur avoit fait refufer l’en
trée de la maifon plufietirs jours avant fon décès.
Toutes ces circonflknces réunies formoient déjà une préfomption
contre la demoifelle D e v a u x , mais quelques déclarations portées
par l’inventaire, confirmèrent cette préfomption, qu’elle n’avoit pas
les mains nettes de toutes ces fouilraâions.
Les défendeurs en ont fait informer : la demoifelie Devaux a été
décrétée de foit ouï ; elle a fubi interrogatoire, ion interrogatoire a
cté contredit. Les défendeurs efpérent qu’au moyen de la preuve qui
réfulte des informations, & des aveux mêmes faits par la demoifelle
D e v a u x , ils parviendront à avoir raifon d’ une déprédation auiîi ex
traordinaire^
C ’ eit ennuittwiw alité que le fieur Comte de Montboiiîler a préfenté
R eq u ête, par laquelle il a demandé que la délivrance provifoire qui
lui a été faite de la garde-robe, de la montre ¿¿'de la boîte d’ or de la
dame de Roquclaurè, fut déclarée définitive. Il a conclu, par la même
R e q u ê t e , à ce que les défendeurs fuflent condamnés à lui/délivrer >
en la qualité d’exécuteur teiîamentaire, le montant de tous les legs
portés par le teilament de la dame de Bardon, tant en principaux
qu’intérêts.
Iln ’cfl: pas vrai que les défendeurs aienf contefté , comme les de
mandeurs l’ont dit au p ro c è s, la qualité^ue le fieur Comte de Montbqiilier a pris d’ exécuteur teiîamentaire.de.la dame de Bardon; mais ils
ont prétendu, d’après la difpolition expreiTe delà coutume, que c’ etoient les légataires feuls qm pouvoient demander la délivrance de
leurs legs, & que c’ étoit avec eux feulement que cette délivrance
pouvoit être ordonnée. Mais la conteftation à cet égard à cëffé par
l'intervention de la demoifelle D evaux , qui, en adhérant auxconçluftôns du Comte de Montboiiücr, a pris dp fon chef dés conclufiôhs
conformes.
�•*12»
H
lLcs défendeurs de leur part ont formé la demande en nullité fin
teftament de la Dame de Gardon. Ils ont déjà annoncé leur moyen ;
ce teilament a été fait ab iratâ maire. O r les lo ix , tes coutumes, lü
fentiment des auteurs & la jurifprudence des arrêts , i ’e réuniiitcnt peu*
annuller des dii portions auifi contraires aux fenîHriens&étîxYçCiix-àS
la nature. C ’eit ce que les défendeurs fe propofent d’étabîir darts cft
Mémoire : ils le diviieront en trois parties. Dans la première ils
rappelleront les principes de la matière ; iîs feront voir dans la
fécondé que la dame de Bardon , depuis plufieurs années avant ion
teilament , étoit prévenue conîr’eux d’ iuie liaine & d’ une colère
qu’ ils n’avoient pas méritées, 61 qui ont durées jufqu’à fa mort ;
dans la troifiéme , enfin, iis répondront aux objedHons.
P R E M I E R E
P A R T I E .
Les défauts de formalités refont pas lesfeuls qui peuvent rendre
nul un teilament : il en cil d’autres qui attaquent direflement l’effence de fa validité ; l’ un de ces défalus, & fans doute le princi
pal , eft lorfqu’il paroit que le teilament a été fait par colere.
Cette paffion ôte au Teftateur la liberté du jugement : elle lui re.
préiente les objets autrement qu’ils ne fo n t , & trouble la tranquil
lité dont il a befoin pour fe déterminer. Ainfi il n’en faut pas da
vantage pour détruire l’autorité du teilament Je . plus folemnel,
parce qu’il doit être l’image des véritables fentimens du teftateur,
& l’ouvrage de fa feule volonté, mais d’ une volonté lib r e , agiflante
avec connoiiTance, & conduite par la raifon ; c’ eil ainfique s’ en expli
quent les Auteurs, d’ après les loix qui ont été adoptées par la jurifprudence uniforme des arrêts.
Le teilament , fuivant la définition de la loi premiere au ff.
dt ttjlam. eft voluntatis nojlrce jujla fententia. Peut-on donner cet
noms
une difpofition faite dans le trouble qu’ excitent la haine ÔC
la colere ?
Si nous confultons ros coutumes , nous trouverons que la pre
mière & la principale condition qu’ elles exigent dan« un teilament,
C eft que le Teftateur foit fain d’ efprit. Peut-on dire que celui-là
eft iain d’efprit , qui elt agité par les irouvemens déréglés de
cette paiîîon? Eft-on capable en cet état de porter un jugement jufte
& fain fur le mérité de íes enfans , & fur la difpofition de fes biens?
Y -t-il rien de plus contraire à l’état où doit-être un homme pour
dç eider du fort de fa famille que cette averfion?
Ç ’eft auilî ce que les loix ont prévu : lorfqu'eller àppèrçoivent
quelques »arq u es d’indignation > qui ont pu porter un pere ou une
4
�m?re à taire un teftament préjudiciable à leur famille , elles te re
jettent absolument, & les réduifent eux-mêmes au devoir de la
piété paternelle. C ’ eft la décifion préciie de la Loi 4 , ff. de inoff".
Tt’j lam . Non efl conftntltnàutn <pà -partntib uÎ in j 11riam advctfàs liberot
firjs tefiamenio indicunt.
Cet efprit de juitice & d’équité des Loix Romaines a été adopté
par nos Coutumes : l’art. 199 de la Coutume de Bretagne en con
tient la difpofition la plus exprefie , elle ei> conçue en ces termes:
» N u l ne peut donner que la tierce partie de Tes biens immeubles
» par donation {impie 011 caufée, orés que ce foit celle qu’on dit,
» ob pias caufas, ou autres; ores que la donation n’excéderoit lad.
» tierce partie ou la moitié par ufufruit. Toutefois ellt ne f:ro it pas
» valable, f i elle ¿toit faite en haine ou en fraude de fes préjomptifs hérî» tiers ».
La difpofition de cette Coutume eft d’autant plus remarquable ,
qu’ elle affimile dans fa prohibition la haine & la fraude ; & tout
le monde fait que de tous les contrats c iv ils, ceux qui font faits en
fraude lont ceux qui font le plus particulièrement proferits, com
me les plus pernicieux & les plus dangereux dans la fociété.
M. d’Argentré, dans fon Commentaire fur cet article , dit que,
non-feulement les donations faites en haine des préfomptifs héri
tiers doivent être annullées , i l ajoute que les contrats, même à ti
tre onéreux , faits dans de pareilles circonftances, doivent être ré
voqués.
Me. Jean-Marie R icard , dans fon traité des donations , premiere
parr. chap. 1 4 , traite la queftion ex proje[Jo. Ce favant A u te u r,
après avoir pofé pour principe que les donations doivent être
faites par un motif de libéralité &c non de haine , ajoute , » que la
» Loi naturelle nous oblige de conferver nos biens à nos enfans ;
» & que fi la Loi civile nous permet d’en difpofer autrement au
» profit des étrangers , c’eft plutôt par menaces qu’ autrement, &c
» pour tenir les enfans dans leur devoir , tellement que fi un pere
» de fa part s’éloigne de ce fentiment, & qu’animé de haine & de
» mauvaife volonté , fans raifon, contre fes enfans, ou contre l’.un
» d’e u x , difpofe de fes biens au profit d’ une perfonne , qui d’ail» leurs le pourroit mériter, néanmoins ayant oublié les devoirs
» paternels & les régies de la nature , fa difpofition parte pour in» jufte & demeure fans effet. L ’averfion qu’ il a eue contre fon
» l'ang fait préfunier qu’il n’a pas eu la liberté de délibérer d’une
» aftion de cette importance , ni s’il ctoit jufte de priver l’un de fes
» enfans d’ une partie de fes biens pour en gratifier les autres ».
Aurti tous nos livres font renplis d’ Arrêts cjui déclarent nuls ces
fortes de teftamens ; & on peut dire qu’à cet égard la jurifprudençc
�a été la même dans tous les temps : nous trouvons la preuve àe fon
ancienneté dans le traité intitulé, le Confeil de Pierre de Fontaines ,
qui vivoit fous le régne de S.j Louis. Cet Auteur qui, l u i v ^ t
M .le Préfident Hénaut (nouvelabr. chron. d e riiilt.d e Fr. p. i-ii ) ,
peut être regardé comme le plus ancien Jurifconlulie de notre Droit
François, dit qu’ un pere , dont la fille s’ eft mal gouvernée, peut
difpofer de fes meubles of aquêts, &. non de fes propres au préju
dice de cette fille , pourvu qu’il ne [oit ¿mu que par la haine de fa defferte [fa mauvaiie co n d u ite], & non par aucun autre èchauQtmtnt,
Et dans un autre endroit , il ajoute, » s’ il n’appert que le pere ait
» fait tel devis plus par la haine de fes, enfans que pour fer vices que
*> l’inftitué lui a faits ».
Me. Antoine Mornac , fur la Loi Papinijnus , Par. j i Imperator,
rapporte un ancien Arrêt rendu en faveur de àebaltien de la Paye,
(}ui, fur ce principe , caffe le teftament d’ une mere qui avoit réduit
les enfans à leur légitime : Senatus teflumintum illud ut iratx emmeritb matris damnavit.
R ic a r d , à l’endroit cité., en rapporte ptufieurs II y en a d e u x ,
entr’ autres , dont l’efpéce eft à remarquer ; le premier, du i j Août
16 4 1 , a été rendu dans la famille de MM. de Maupeou : cet arrêt
caiîa le teftament du pere comme fait ab irato , dans des circonftances cependant bien propresùjuftifier le reftentiment qui y avoit
donné lieu; fes enfans a voient voulu le faire interdire à l’âge de 87
ans. Tant il eft vrai qu’ un perc doit être exemt*de toutes pallions,
pour difpofer valablement de fon bien au préjudice de fes enfans.
L ’Auteur ajoute qu’il a ouï prononcer un pareil arrêt en la même
audience de la Grand’ Cham bre, où celui de Maupeou avoit été
rendu, fur la fin de l’année 16^9.
L e fécond a auifi étérendu en l'audience de la Grand’ Chambre , au
profit de Me. Jacques Polard, Avocat au Parlement, le 10 Janvier
- i } . Il fut ordonné , par cet a r r ê t , que la fuccelfion d’une mere
leroit partagée également, & fans avoir égard au teftament qu’ elle
avoit fait au profit de ion fils , en c o n fé r e n c e de ce qu’il paroiffoit que la dilpofition de la teftatrice avoit pour fondement l’avcrfion qu’elle avoit conçue contre fon gendre.
Ricard oblerve , fur cet arrêt, » que comme la haine eft fans
» doute plus forte que l'amitie, 6c que le fruit de la haine eft la
« vengeance , il fe trouve prefque toujours '^ue lorfqu’un pere a
» conçu de la haine contre fon gendre, elle paffe infenfiblement
» contre fa fille , qui demeure dans l’ intelligence avec fon m ari; &
»> le pere , voulant fe ven ger, ne fait pas difficulté de d.fpofer de
» Ioq bien au préjudice de fa propre fille , dans la penfée de xc-
65
�î
<5
primer un« injure qui n’a en que le gendre en considération dans
»> Ion commencement ».
Il faut auffi remarquer que Ricard regarde les procès qui fe font
élevés entre un pere & fes enfans, comme une preuve fuffifante des
motifs de la haine qili l’ont*déterminé à difpofer à leur préjudice.
On trouve un autre Arrêt du premier Août 16 56 , dans le reçueil
de Me. Lucien Soëfve , tom. 2 , cent. 1 , chap. 42 ; cet Arrêt pro
nonce fur uneefpece bien plus difficile que les antres. Il s’agifloit
d’une donation entre-vifs faite par un pere au profit de deux de fes
filles. Le pere avoit fait tous fes efforts pour en cacher le motif fecret;
il avoit même pris la précaution d’exprimer une caul'e fpécieufe 6c
favorable , que íes deux filles étoient dans l’indigence, au lieu que
fes autres enfans étoient riches; que d’ailleurs, il avoit reçu plus
d’affiflar.ce ¿1 de fervices d’ elles que de qui que ce tû t, ne l’ayant
jamais abandonné. Cependant l’ A rrêt, fans s’ arrêter à ces motifs
écrits dans la donation, alla fouiller jufques dans le fecret des penfées de ce pere ; & le trouvant animé de colere contre les autres
enfans, lorsqu’il avoit fait cette donation , il la caffa, conformément
aux Cor.clufionsde M. l’ Avocat-Général Talon.
Les Auteurs du Journal du Palais en rapportent encore un du
premier Septembre 16 7 6 , dont l’efpece a un rapport allez d ireâ «
celle qui eft à ju g e r, la voici : Antoine Gamot , ayant des enfans
de deux lits , avoit fait fon teftament olographe le 17 Avril 1673 ,
par lequel il avoit réduit les enfans de fon premier lit à leur légi
time , & inftitué £ u x du fécond lit fes légataires univeriels. Il n’y
avoit rien en cela <jui ne fut permis.
Gamot étant décédé , les enfans du premier lit fe plaignirent de fa
dernière difpofition , comme faite ab iratopâtre. Us oppoferent deux
faits ; l’ un , que leur pere les avoit chafies de la maifon ; l’autre
qu’ils avoient procès contre lui pour le compte des biens de leur
mere.
Au Châtelet, on n’ eut point d’égard à ces deux faits , quoiqu’on
en rapporta la preuve ; mais fur l’appel , intervint l’Arrêt , après
un appointeraient en droit, par lequel, en ¿mandant, fanss’arrêter au
teftament d’Antoine G am ot, il fut ordonné que les. Parties viendroient A partage des biens de fa fucceffion, fuivant la coutume.
Les Auteurs du Journal obfervent que le motif de l’ Arrût fut
qu’encore qu’il foit permis par la Coutume de réduire les enfans à
leur légitime, & q u e ^ T c r t a t e u r n ’ait pas excédéjcc p o u vo ir,il faut
qu’ il en ule avec l’efprit de la Colitume, qui efl un efprit de juf.
ticej, tic non pas de haine 6c de colere; delà vient, ajoutent-ils dans
la (mtede leur obfervation qu’on les examine de près dans tous les
mouvemens de leur volon té, 6c que pour peu que ces mouve»
mens
�mens paroiffent injuftes, on n’a point égards leurs difpofitions.
C ’ eft fur ces principes que les différentes difpofitions faites par la
dame de Montagnac furent caffées par Arrêt du 9 Août 1 6 4 1 , parce
qu’ e’lle les avoit faites dans des mouvemens dô colere Ôc de pré
vention contre fes enfans.
M. Henris , qui rapporte cet A r r ê t , tom. 1 , liv. 6 , queft. 7 ,
fait en-même temps le portrait de la dame de Montagnac : on ne
peut fe difpenfer de le rapporter » on y trouvera beaucoup de trai;*
qui feroient celui de la dame de Ëardon.
U dit » que la dame de Montagnac ne pouvoit pas fouffrir qu’ on
» la contrariât, qu’ il falloit avoir de la complaifance pour avoir
» place dans fon affeâion, qu’elle étoit bonne m ere, libre à donner,
» mais auffi facile à révoquer ce qu’ elle avoit donné, lorsqu’ on lui en
» donnoit quelque fu je t , mais que fi elle imitoit la fortune, qute dat
» & quee dédit auffert, on ne pouvoit pas ajouter , & quee abQulit red
it d it , car il n’ y avoit point de retour envers elle, 6c depuis qu’elle
» avoit pris de Faverfion pour quelqu’ un de fes enfans, elle n’ en re» venoit point ».
M. Henris ajoute » que lors de l’A rrêt, la C o u r avoit remarqué
« qu’ en toutes les difpofitions qu’ elle avoit faites , il y avoit eu une
» affe&ion exceflive ou une aigreur trop grande , & que fon efprit
» avoit toujours été préoccupé ou d’amour envers fes enfans ou de
» colere envers eux , que ceux qui l'ajjïcgtoient Cavaient pofjidit &
» lui avoient fuggérc ces mouvemens , qui marquaient [on indignation
» envers lesabfens, bref que n’ ayant point eu l’efprit libre , fesdifpo*
» fitions ne pouvoient être valables ».
Ilfemble que FAuteur, dans le tableau qu’ il vient de tracer, a eu
exaftement en vue de peindre la dame de Ëardon; on en rappro
chera les traits dans la partie fuivante. Mais M. Henris va encore
plus loin : après avoir rapporté l’Arrêt qui a cafié les difpofitions
d e là dame de Montagnac, il dit » que cet exemple doit arrêter
» le caprice des femmes, & les mouvemens de leur colere ; comme
» le Poëte d it , que femper in iras femintum protlive genus , 6c que
* ce fexe s’ emporte facilement ; il faut leur apprendre qu’à moins
h d une grande offenie, 6c qui choque plutôt le public que leur per»* fo n n e , une mere doit tout oublier, 6c que c’elt d’ un fens rafiis
»» qu’ elle doit difpofer de fes biens h.
_ Bretonnier, dans fes oblervations îur cet Arrêt, part du même prin
cipe, que les teitamcns faits ab iratopâtre vel*b iraid matre font décU*
Tes nuls ; il dit que c eft avec raifo n , parce qu’ une perfonne préve
nue d’ une paflion auffi. violente, n’ eil pas en état de faire une fig e
difpofition de fes biens ; ÔC il cite plulieurs Arrêts rapportes par differens Auteurs,
.
�.
'
18
.
Il ajoute que tous les Arrêts rapportes par .ces Auteurs , ont été
rendus en pays de Coutur.e > oue la queiiion femble plus difficile
dans les pays de D ro it, où le.
res ûc mères ont une plus grande
liberté J e difpofer de leurs bie/
leur étant permis d’inftituer leurs
enfans ou de les déshériter , c n convicio cum rmlediclo ; cependant
qu’il a fait juger la même queltion dans unecaule venant «lu pays
de Foreft : il en rend l’elpece; comme elle eft fort analogue à la
nôtre , il p^roit efientiel de la rapporter..
Simonne Roux , de fon mariage avec Benoit M aye t, avoit eu deux
filles, Simonne & Jeanne M íyet. Après le décès de Benoit M ayet,
elle pafl'a à de fécondés noci s avec le lieurde Vigr; n c n ir t , Médecin
de la Ville de Momu. Cm. Llle fit ia fille ¿î;iée Kel g eu e , aprèsTui
avoir fait faire un teftr .nent en la faveur; elle maria ia. cadette avec
le fieur Artaud , Lieu;..nant-Cri¡ninel en la Châtellenie royale de
S. Germain Laval. Le fieur Artaud fit cafter le teftament de ia belle•fœur Religieufe ; & par la même Sentence, il fit condamner fa
belle-mere à lui rendre compte de la tutelle qu’elle avoit eue de
íes deux filles. Cela irrita tellement cette femme, qu’après le décès
de fa fille elle difpofa de tous fes biens au piofit d’ un parent colla
téral , & en priva fes petits enfans, à chacun deiquels elle ne laifla
que loo liv re s, par forme d’inftitution particulière. Le fieur Artaud,
en qualité de tuteur de les enfans, fe pourvut contre ce teftament:
Ja Caule portée à i’Audience de la Grand’ Chambre de re lev é e , le
ïeftatV.ent fut cafte par un Arrêt contradictoire, rendu fur les Conclu
rions de M. le Prélident de Lamoignon, pour lors Avocat-Général.
Bretonnier plaidoit pour le fierr Artaud : l’Arrêt eft du iz Juillet
1688.
Enfuite de cet A r rê t, le même Auteur dit que depuis ce temps
il en cil intervenu plufieursfemblables, entr’autres lin célèbre rendu
en la premiere Chambre des Enquêtes, où la Caufe avoit été ren
v o y é e à caule des parentés & alliances des Parties en la Grand’Charnbre. Par cet Arrêt , le teftament de M. le Boult , Conieiller aux
Requêtes du Palais, par lequel il avoit fait légataire univerfel le
plus jeune de fes enfans au préjudice de fes trois fils aînés, fut caiTé.
Bretonnier oblerve que cet Arrêt définitif, qui eft du 1 7 Juillet
1 6 9 ! , fut précédé d’un Arrêt interlocutoire, du 6 Février 1688 ,
par lequel il avoit été permis aux trois fils aînés de M. le Bo ult, de
faire preuve aes faits de haine ik. de fuggeftion contenus dans leur
requête ; que c’eft en conféquence de la preuve qui fût faite, que
la C o u r , fans s’ arrêter au teftament, ordonna que les Parties
viendroient a partage .fuivant la Coutume.
Me. Barthclcnù Auzanct , liv. 1 , chap. 59 de. fes A rrêts, en
rapporte un du 13 Août 16 7 2 , qui a cailé le teftament d’une mere
�qui avoit donné à deux de Tes enfaris tout ce dont la Coutume lui
permettoit de difpoler , au préjudice d’un troifiéme qu'elle haifibit.
Auzanet obferve qu’ un pareil teftament doit être regardé comme «
le jugement inique d’une m re paflionnee , qui ne peut pas valoir ;
6i il rappelle la Loi de inoff, tejlum , que l’ on a cité plus haut.
Lacombe , dans Ion recueil de Jurifprudence civile, v< b. it(l.
fecl. 10 , pofe encore pour principe que les difpofit o. s doive >t
être faites par un motif de libéralité & non de haine ; d'ou il conclut
que les donations en fraude ou haine des prtloirptifs héritiers ne
valent, &c par une conl'equence néceffaire , que les dilpofuionsen
haine des enfans lont nulles.
Denifart , enfin , dans fa colleftion de lurifprudence, verb. ab
irato , après avoir rappelle les principes qu'on vient d’établir, rap
porte une foule d’Arrê'S qui ont jugé conformément : on le conten
tera d’en obferver qiu lqu s-uns.
11 y en a un de l’annéo 16 9 6 , rendu fur les Concluions de M.
l’Avocat-Généralde Lamoignon , qui cafTe wne donation de 7^3 liy.
de rente, faite par la dame Liflart, en haine de les enfans, au pro
fit de l’Abbé Dupin , fi connu par fes travaux littéraires.
en rapporte un fécond , rendu en la quatrième Chambre des
Enquêtes le 1 4 Janvier 1 7 2 5 , par lequel le teftament de la dame
Mouillé , fait en faveur de fon petit-fils, qui portoit (on nom , a été
cafle, comme fait ab irato , au préjudice de la dame de Montebile,
fille de la Teftatrice.
Denifart remarque fur cet A r r ê t , qu’ on ne fe feroit cependant
pas déterminé à annullcr le teftament, s’ il n’avoit contenu qu’une
difpofition au profit du petir-fils; » mais que la Teftatrice , par une
» autre difpofition , faiioit pafler Ion bien à lin parent c o l l a t é r a l ,
» au préjudice de la dame la t.Ile, contre laquelle elle avoit long» temps plaide : ce qui nous apprend, dit-il, qu'il ejl des cas oh L'on
» regarde hs procès comme une preuve de haine JuJJijante pour faire an» nuller des teflamtns >*.
Celui de M. le C am u s, Lieutenant-Civil, a eliuyé le même fort.
Il a été cafle par Arrêt du 9 Mai 1 7 1 2 , parce que ce Magiftrat, en
inilituant la demoifelle Nicolai,fa petite-fillei fa légataire univerielle,
au prejudice de M. Nicolai fon petit fils, avoit marqué une affec
tation fenfible d’exclure de fes biens tous ceux qui portoient le nom
de Nicolai : il les laîiîojt à fa.petiie-fille, qu’ il tavoit devoir perdre
ce nom. Denifart , qui rapporte encore cet A r rê t , oblerve * qu’ un
w Etranger n’etoit cependant pas l’ objet des bienfaits de M. le
Camus ; mais qu’ il avoit fufîi que la haine fe fût manifeilée pour
m f^irc proferirp ton teirament».
Côtte oblcrvation de Denifart donne lieu de remarquer que dani
C x
11
�prcfque toutes le$ difpofitions qui ont été profcrites par les A rrêts,
comme faites abirato , les libéralités des Teuateurs a voient toujours
pour objet quelques uns de leurs enfans, & qu’ils ne difpofoient
encore en leur fàvtur que de ce dont les différentes Coutumes leur
donnoient la liberté de difpofer ; d’où l’ on doit conclure, toujours
fuivant cette observation , qu’il y auroit eu encore bien moins de
difficulté à annuller ces difpofitions , fi elles avoienr été faites au
profit d’ un Etranger , même d’ un parent collatéral. C ’cit principa
lement par cette confulération» que le teftament de la dame Mouillé
fut cafte par l’Àrrêt qu’ on vient de rapporte'r.
CetteJurifprudence elî fondéefur l’équité même. Eft-il,en efief,
rien de plus contraire aux lentimens qu’infpire la nature , que l’averiion qu’ un pere ou une mere conçoivent contre leurs enfans ?
Y a M l rien qui foit davantage comrâ officium pittatis , 6c qui mérite
mieux le nom de dilpoûtion inofficieuie, que ce qui eft fait p arce
principe ?
L’autorité des peres n’eil fondée que fur l’opinion que l’on a de
leur tendrefie &C de leur pieté, ÔC fur ce que l’on préfume qu’ils ne
s’ en ferviront que pour l’avantage de leur famille : l'utim apietas op
timum confilium pro liberis capit. Voilà le titre fondamental de leur
puifiance. Ainfi » quand ce’ principe de leur autorité manque , il eft
jufte de les en dépouiller , & l’on ne peut reclamer pour eux le iecours d esL oix dont ils ont trompé l’ attente.
Four appliquer ce principe à notre efpece , il ne faut que rappeller les faits : on en a déjà expliqué une partie dans le réiit du fait &
de la procédure ; mais il faut les développer avec plus d ’étendue ,
& les réunir fous un feul point de vue avec ceux dont on i»’a pas en
core fait mention C ’eft ce que les défendeurs fc propoient de faire
dans la partie fuivante de ce mémoire.
SECONDE
PARTIE.
Il y a deux moyens pour prouver qu’ un teflament a été fait par
un principe de haine & de colere. Le premier, torique le Teftateur
a inféré quelque terme injurieux qui marque la prévention ; dans
ce cas, il n’eft pas néceiTaire de chercher hors de l’afte des preuve*
de la dilpolition où étoit le Teftateur : le teftament porte en luimême le caraftère de fa nullité ÔC le fceau de fa condamnation.
M ais, au défaut de ces m oy en s, nous en avons un autre , pour
eonnoitre fi c’eft la haine qui a déterminé le Teftateur : il ne tuffit
pas qu’il ait eu la précaution de ne le pas exprimer dans ion tcûa*
�«rient, lorfquc truite !a conduite qu’ il a tenue jufqucs*U, tUcOu»
vre i’ufiil’.immcnt les fentimens de Ton cccur,
C ’ cft dans ce dernier cas que l'ont tous Tes Arrêt« cités ; les dif»
ferens tcllamens caflés par ces Arrêts ne contonoiciH : ien d’iiijn*
rieux : on avoit même expofé un motif tout ciiiV: fnt , dans la
donation qui futcaffée par l’ Arrêt de 16^6. La haine n’ etoit prouve :
dans toutes ces elpeccs que par les circonftanccs ,
p::f ¡a can-*
duite que les Teftateurs avoient tenue juiqu’au iem¿ts d¿ leurs
teftamens.
. Le C o n fc il, qui a rédigé le tefiament de la dame de Bardon, étoit
trop éclairé pour ne pas cvit¿r le premier ccueil : elle ne s’eil lerv i , dans fon tcltament, d’ aucuns termes injurieux contre les enfans ; mais, quelque précaution que Ton eut pris à cet égard, il ne
prélente pas moins l’idée d’un teÛament diûé par la colere.
La dame de Bardon s’ étoit réfervé la dil'pôfjtîon d’une fomme de
10000 livres , par le contrat de mariage de la dam e,D esrois i a fille ;
mais, outre que les termes danslefquelsCette rélerve eA exprimée ,
prouvent affez clairement qüe íes enfans étoient principalement
l’objet de cette referve , il n’eit pas naturel de penier fi la dame de
Bardon n’ avoit pas été prévenue de haine 6c de colere , qu’elle
en eut difpofé en entier, au préjudice de fix petits-enfans qu’elle
avoit lors de fon teftament. Si elle croyoit avoir lieu de fe plain
dre de les enfans , tes petits-enfans ne lui avoient, au moins , donné
aucun fujet de les h a ïr, cependant elle ne les rappelle en rien 'dans
la difpofition d’ une relerve auiTi confidérable.
Après avoir épuifé cette r é le r v e , elle a fait encore différentes
d ilp o fit io n s , qui , réunies, torment un objet prelqu’aufli cotifidcrable. Parmi ces dilpofitions , ett le legs de la garde-robe : elle avoit
deux petites-filles ; n’etoit-cc pas là le cas de leur donner, au m o i n s ,
quelque légère marque de fa bonté pour elles? Mais tout ce qui appartenoit à les entais lui étoit devenu un objet d’ horreur: elle n’ a
voit de la te.idreife que pour la demoilellc D e v au x ; c’eft en fa fa
veur qu’elle en a dilpolé. Peut-on ne pas regarder cet oub'.i volon
taire de les petits-enfans, dans toutes les dilpofitions, comme une
fuite de Ion averfion pour fes enfans.
On eft fans doute jaloux, fur tout parmi le s’p erfonnes de condition,
de laiffer ion portrait à fes enfans : ce lont des monumenj de famille
qui s y perpétuent ordinairement; & c’ell par le legs de fon portrdit, que la dame de Bardon a encore fait à fa légataire um verfelle, que, par une réflexion bien affortic à Ion indignation, elle 4
termine les difpofitions.
Toutes ces circonftances, examinées de près, forment, fans doute,
une préfomption violente , que les difpoûtions ù itcs par la dame
�de Bardon , ne font p?s IViTcf d’ une jupe volonté, feMr cure f’ex'gent
les Loix pour la validité ti'un tefiaiuent, il n’<í¡ ¿uures pofTblede
les conltdérer que cojnme celui d’ un efprit domine p^i une pafíion
avt-i. e Quu/î non fa/icc mentis.
Mais, lans s’atrêter à cette ccnfidération , de cuelque poids
qu’ elle puiiie être, il n’y a qu’ à entrer dans le de i ai i des faits qui
ont précédé le teftament de la dame de Bardon, pour prouver
que les dilpoiitions qu’ il renferme n’ont eu pour principe que la
haine 6¿ la colere implacables dont elle étoit animée contre les
enfans.
Si les Auteurs & les Arrêts ont regardé les procès qui fe font
élevés entre les peres &C meres, Ôz lei rs entans, comme une preuve
ii ffifante de la haine &i de la colere qui les nvoient portés à difpoler
à leur préjudice; & fi les Airêts ont annullé ces difpofitions fur
çette preuve lcule, c’elt fans doute à l ’ elpece prélente qu’il faut en
t- ir l’ applcation.
On a uéjà rendu compte, dans le récit du fait, de l’origine &C
du p.ogrés du procès qui s’étoit ék vé entre la dame de Bardoa
& les défendeurs ; on y a fans doute remarqué cu’ apres que 1.» dame
de Bardon eut fait émanciper les enfans, & qu’ elle leur eut fait creer
un curateur à Ion «ré, elle les avoit fait aligner pour procéder tur
l’ appurement du compU'Iqu’ elle leur avoit >-i\ fenté de l’adminiilration qu’^Me avoit eue de leurs biens , & qu en ¿ cartjnt la \ tnté des
faits & éi diflimulant les droits de les mineurs, elle avoit bâti ce
compte à la fantaifie & relativement à les intérêts.
On a vu auifi qu’après une • ileontinuation de procédures pen
dant plus de quinze ans, la dam de Bardon les avoit rcpriles lur le
prétexte le plus léger , & qu’elle avoit mis dars cette reprife une
an iiiolité incorcevable : on n’entrera pas dars u 1 nouveau déiail
de i’ tte procédure ; on le concernera de rappel.er quelque* circonftances eiTentielles.
Les défendeurs, quoique vivement pourfuivis par la dame leur
mere , ne fe permirent cependant pas d’abord de lui oppoler un
moyen dont ils n’ ignoroient pas qu’ elle craignoit l’événement :
c’étoil de lui demander un compte féparé, & par cchelette, des
fucceilions des fieurs de Roquelaure leurs oncle &c grand oncle.
Indépendamment deslommes confidérables qu’elle avoit reçues en
de u ers cfTeftifs, les fieurs de Roquelaure étoient créanciers de
pjulicurs lomnies do la fucceflion de Guillaume de Roquelaure ,
ils avoicm desdr.uts legitimaires à répéter lur cette luccelfion ; ce
qui , joint au iurplus des dettes dont elle étoit chargée , en diminuoit la maire au point que la dame de H arJon , ci an s le cis même
<?ù les repriies qu’ elle diloit avoir auroient été bien fondées, n’y <
�?3
23
J
auroit trouve aucune reiïburce pour s’en procurer le paiement ; &:
elle fe feroit neceflairetnent trouvée Débitrice de (es c'nrans.
Ce ne fut qu’ après plulîeurs années de procédures , que lesdofe,-,deurs, ne pouvant plusie diiinnuler l’ averlion que la dame de Ikirnon
avoit pour euv , & le deflein qu’ elle avoit formé de tes oxiieréder ,
foit par la vente qu’elle avoir déjà faite d'une partie de Ion bien en
rente viagère ou autrement, foit par les recherches qu’elie ne ce!foit d ’ faire pour <e procurer des Acquéreurs en rente viagere de fa
Terre de Genil'ac , fe déterminerent enfin à lui demander ce
compte ; &c ils le iirent ordonner, malgré tous fes efforts pour l’cviter , par une Sentence contradidloire du Châtelain de Thiers >du
mois d’ Acût 1 7 7 1 .
C ’elt un mois immédiatement après cette Sentence, que la dame
de Bardon a fait le reilauient dont il s’ agit. La feule proximité de ces
dates» eft certaine.nent la preuve la plus forte que l’on pu i fie dé
lire r , que ce teilament eit l’ouvrage de la pafiion ôc.de la colere.
Il s’en faut beaucoup que les Arrêts que l’on a rapportés dans
la premiere partie de ce mémoire , qui ont caflé les teftamens qu’ ils
ont reconnu avoir été faits par les afeendans en haine de leurs defcendans, aient été rendus dans des circonftances aufli fortes que celles
qi e l’ on a déjà remarquée?. C ’eft ici le lieu de faire l’application de
ceux de ces Arrêts, dont la décifion eft fondée uniquement fur la
haine préfumé-- d^1* procès.
On voit da.is celui du premier Septembre 1 6 7 6 , tiré du Journal
du Palais, que les enfans du nommé Gamot propofoient deux
faits de haine , pour prouver que fon teilament* avoit été fait a i
itato \ le premier , qu’il les avoit chaffés de fa maifon; le fécond >
q u ’ ils avoient procès contre lui pour raifon des oiens de leur mere.
A l’égard du premier fait, on verra bientôt que les défendeurs
ont été dans le même cas que les enfans de Gamot ; & par rapport
au lecond , ils ont l’avantage de n’ avoir pas provoqué le procès
qu’ ils ont eu avec la dame leur mere , pour raifon du bien de leur
pere. Ces deux faits ,dénués de toute autre circonftance, ont cepen. dant paru tuffifans pour déterminer la décifion de l’ Arrêt qui a
caffé le tciUment de G a m o t , comme fait en haine de fes en
fans.
Le fécond Arrêt, du ü Juillet 1688 , eft celui qui eft rapporté
par Bretonnier, quoiqu’ on en ait déjà rendu l’ elpcce dans rctabliffement des principes, i l a un rapport fi direft à celle q u i eft à juger,
qu’ il eft néceflaire de la rappellcr , pour en faire voir de plus,
près toute la conformité.
Dans l’efpcce de cet A rrê t, Simonne Roux avoit deux filles,
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*
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dont i’aînec s'étnlf faite U c t b i e u f e , apr-ès a v o ir difpofé au -p ro n i de
fa m ere ; le Heur A r r m d a v o ir ép o u fé la cadette.
Le fieur Arrsud , après le décès de fa femme, fit enfler le teftament
de fa belle-fœur ; £< par la même Sentence, il fit condamner fa belle*
■inere à lui rendre compte , en qualité de Tuteur de fcs enfans, de
î’adminilîration qu’elle avoit eue des biens de fes deux filles : ce qui
excita tellement Simonne R o u x , qutilt difpoja de tous Je* biens au profit
d’un pwent collatéral t & ne laifia à chacun d t j t f petits enfans quant
fomrnede 10 0 livres , parforme inflitution particulière.
Le iieur Artaud , en (a qualité de Tuteur de fes enfans, fe pour
vut contre ce teftament ; & il fut caflé par l’Arrêt.
On vient de dire que l’ efpece de cet Arrêt a un rapport direft
avec la nôtre; mais on peut ajouter que ç’eft exaâement la même,
6c qu’ il n’ y a que les noms à changer.
Dans celle de l’ A rrct, Simonne R o u x , irritée de la Sentence que
fon gendre avoit obtenue contr’elle, avoit difpofé aq préjudice de
fes petitsenfans ; dans celle des Parties, la dame de Bardon , irritée
de même de la Sentence qui la condamnoit à réformer fon compte,
a difpofé immédiatement après cette Sentence au préjudice de fes
enfans : c’eft bien le cas d’appliquer le principe , ubi eadem ratio ,
idtm ejus.
Les défendeurs fe trouvent encore dans des circonftances plus fa
vorables que celles oîi fe trouvoit le fieur Artaud , puifqu’il avoit
fait à ia belle-merc les deux procès fur lefquels il avoit obtenu la
Sentence.
S’il eft v r a i , comme on vient de le v o i r , que les procès ont
toujours été regardés comme un motif de haine fuffifant de la part
des parens qui ont difpoié au préjudice de leurs enfans , pour faire
caffer leurs difpofitions, les défendeur« , quand ils n^auroient pas
d’autre preuve de la haine de la dame-de Bardon que le procès immenfe qu’ils ont eu avec elle, & qui a duré jufqu à fon décès , auroient lieu de fe flatter qu’ils n’ auroiCnf^as befoin d’ une preuve
plus étendue pour faire annuller (on teftament ; mais ils ne font
pas réduits à cette feule preuve écrite.
La dame le Bardon a eu l’attention de lés inftruire elle - même
dans les termes les plus énergiques, detoure la haine qu’clle leur
avoit vouée. Il faut fe rappeller ici l’obfervation que l’on a déjà
faite dans le récit du fait.
Lc-fieur D e sro is, fubrogé au bail de Ferme de la terre de L a v o r t ,
f c’eft-à-dire au bail de Ferme de fon propre bien) , avoit cepen
dant toujours eu l’attention de faire pafler le prix du bail à la dame
de Bardon; mais le fteur Desrois, épuiié par les frais immenfes que
lui occafionnoit l’état de dépériiTement abfolu dans lequel la dame
de
�M
..
* *
de Bardon avoit laîfle généralement tous lesbâtimens de la terre;
& étant o b lig é , d’ ailleurs, de faire face à plufieurs arrérages de
différentes créances qu’ elle avoit négligé d’acquitter >fe trouva hor*
d’état de fatisfaire à un feul terme échu du prix du bail. Il en ecriviA
à la dame de Bardon >& après lui avoir expolé fa fituation , il la fupplia de lui accorder quelque délai pour le paiement de ce terme ; il
lui donna en même-temps pouvoir d’ emprunter en fon nonii dans le
cas où elleferoit preflee.
Il ne paroitpas poifible de trouver dans cette lettre rien , qui put
bleiTer la délicatefïe de la d3me de Bard on, & qui pût l’ oftenfer ;
mais» fuivant la remarque de M. Henris fur l’Arrêt de la dame de
Montagnac > qui reçoit ici une partie de fon application > la dame de
Bardon étoit une femme impérieufe; elle ne pouvoit pas fouffrir
qu’on la contrariât en rien ; il ralloit, pour avoir part à.fon aiFeûion,
avoir une complailance aveugle pour toutes fes volontés. Il n’y avoit
plus de retour envers elle ; & c’eft à elle » particulièrement, que
l’ on pouvoit appliquer la penfée du Poëte ,Jem perin irasfeminturn
proclive genus.
C ’ eft de cette lettre du fieur Desrois» qu’ un Etranger n’ ^uroit pas
regardé comme une offenfe » que la dame de Bardon prit l’occafion
de manifefter toute la haine qu’ elle avoit contre fes entans. Elle fit
réponfe au fieur Desrois ; la Cour l’a fous les yeu x : elle n’y verra
pas fans indignation toutes les expreiîions de colere > d’ averiïon , de
naine 8c de defirs de vengeance , que ces différentes pailions reu
nies peuvent infpirer, & fur lefquelles la dame de Bardon n’ a gardé
aucune forte de ménagement.
Après avoir traité le fieur Desrois d'indigne ; après lui avoir dit,
& répété plufieurs fo is, queJon amitié pour lui ¿toit éteinte , quelle
le regardoit comme fon p lu s cruel ennemi ; après l’avoir affuré quelle
It feroit repentir de fes indignes procédés ( o n vient d’expliquer quels
ils étoient : c’étoit le retardement du paiement d’ un feul terme du prix
de la Ferme de la Terre de Lavort» à laquelle la dame de Bardon n’avoit d’autres, droits que des reprifes au moins fufceptibles de conteftation ) , £• qu'elle noublieroit rienpour y parvenir , elle finit fa lettre
par cette apoftrophe bien remarquable \ Adieu ^indignes en/ans ijéyaus
renonce comme Satan , & vous aflwc de toute ma haine.
11 n’ eft pas pofïible de manifefter l’ averfion, la colere & les defirs de vengeance dont on peut être prévenu > dans des termes plus
exprès : ils ont pas befoin de commentaire. C ’eft bien le cas d’appli
quer la réflexion de Ricard» torfqu’ il d it , que la haine eflfans douu
plus forte que f amitié, & que le fruit de la haine cfl la vengeance, Les dé-
D
I
W
�fendeurs en ont fait la trifte épreuve ; mais >heureufement pour cuy »
les Loix &i la Jurifprudence des Arrêts y ont apporté le remède
convenable > en rejettant les difpofitions qui font émanées de ce
principe odieux.
Les défendeurs ne rifqueroient rien de s’ en tenir aux preuves
écrites qu’ils viennent de rapporter, de toute la haine dont la darne
de Bardon leur mere étoit animée contr’eux .lors de Ion tcilament,
avec d’autant plus de raifon, que de tous les Ai rets qui ont cafi'é des
donations ou des teftamens faits ab irato, ( & ils (ont en grand nom
bre, comme on l’a déjà vu ) , il n’y en a pas un (cul qui ait été rendu
Air des preuves aufli fortes & auifi préciles de la haine du Telîdtcur.
M ais, pour ne rien négliger dans une affaire aufïi intérefiante , les
défendeurs ont articulé différents faits qui ne caraftérilent pas moins
la haine &c l’averfion inexprimables , dont la dame de Roquelaure
ctoit animée conir’eux ; 6c ils ont offert, fubfidiaircmcnt, d’en faire
la preuve p;ir témoins : en voici le détail.
11 cft de notoriété publique que la dame de Bardon étoit préve
nue contre fon fils de l’averfion la plus forte. Llle ne lui par
lait jamais qu’avec un ton impérieux 6c dans les termes les plus
durs , elle n’avoit aucune lorte d’attention pour ion entretien ,
elle le laiffoir prefque toujours manquer du plus nécefiaire ; fapréfencc lui dépljifoit fi f o r t , que Couvent elle ne pouvoit pas le (ouffrir à fa table , 6c l’cnvoyoit prendre les repas avec les domes
tiques.
Le fietir de Roquelaure , fcnfible à la maniere dure dont il étoit
traité, mais toujours fournis aux volontés de fa mere, il ne s’écarta
jamais en rien du rcfpcft qu’ il lui devoit.
En fin', toujours rebuté , toujours ha , pénétré de chagrin
de la haine de fa m ere, Sc ne Cachant quel parti prendre, il
prit celui de fc retirer chez les PI’ . C arm es: il en clfayala regle;
mais fou tempérament ne lui ayant pas permis d’y periifter, il re
vint dans la mailon maternelle.
L’épreuve que venoit de faire le ficur de Roquelaure , pour fc
fouflraire A toutes les marques d’ averfion qu’ il cfluyoit chaque jo u r ,
auroit dû ramener L dame de Bardon aux lentiinens naturels qu’ elle
devoit avoir pour un fils, dont elle n’avoit d’ailleurs aucun fujet
de fc plaindre ; mais il ne fut pas mieux traité , &: l’excès des dure
tés de la dame de Rardon pour lui fut porte au point, qu’ il fut
forcé d ’a l l e r chercher un áfilo chez le ficur Desroi* fon beau frere ,
d’ où ilnYlt plus revenu. Ainfil’on peut dire , c o m m e dans l’ Arrêt de
C am ot, que la dame de Bardon avoit ch.iflo Ion fils de fa maifon;
«le lorte que les circonftanccs fur lcfqucllc» cet Arrêt a etc rendu,
7
�*7
M
fe trouvent exaftcment réunies par rapport au fieur de Roqiu*
laurc
Il n’ avoit cependant jamais donne le moindre ftijet de mécor
entement à la dame fa merc ; on ne dit pas feulement par un
mauvaife aflion , mais par la moindre faillie de jeunelîc , p?
le plus léger manquement de refpedï ; elle ne le haïfToit préci
fément, que parce qu’il étoit fon iils. Sa haine contre lui étoi
donc évidemment injuile; &c fi fon tellament fubfdloit , ce feroi
principalement fur lui que retomberoit tout le poids de fon indi
gnation.
La conduite de la dame de Bardon envers le fieur Sc la dame
Desrois n’ étoit pas moins animée, Sc elle étoit aulfi injuile : l'on
averfion pour eux fe manifefloit en tout.
Elle avoit exigé qu’ ils lui fiflent préfent de leurs portraits, elle
les plaça d’ abord dans fon cabinet ; mais dans les accès de fa palfion
elle les fit porter aux commodités.
Il y a environ deux ou trois ans que le fieur Desrois fut attaqué
d’une maladie très-dangereufe ; une perfonne de cette Ville, inilruite
de la convalefcencc, penfa qu’ elle feroit plaifir
la dame de Bardon de lui «n porter la nouvelle : &C fa réponfc fu t , que ce ne ¡croit
pas grand dommage quand ilJcroit crevé.
Depuis l’annce 1764 julqu’à fon décès, la Dame de B ard o n ,
toutes les fois que l’occafion s’en cil prèlentéc, n’ a jamais parlé
des détendeurs que dans les termes les plus defobligeans , & avec
des expreflions qui ne refpiroient que la haine ôc la colcre ; elle ne
pouvoit pts en parler ni en entendre parler fans fe mettre dans les
emportemens les plus violens.
Ce n’étoit pas les entans fculs que la dame de Bardon haïfioit ;
elle étoit prévenue des mêmes fentimens contre fes petitsenfans :
en voici un trait qui paroitra aufii lurprenant qu’ il cil contraire i la
nature.
" L a dame de Bardon, peu de temps avant la Sentence de 1 7 7 1 ,
s ,c.t0** établie dans la Ville de Thiers , afin de pourfuivre avec plus
d éxa&itude Sc de vivacité l’apurement du compte de fa tutelle ;
elle avoit pris un apartement chez les Dames delà Vilitation de la
meme Ville ; elle y avoit une fille Rcligieufe.
Les détendeurs fe perfuaderent que l’occafion étoit favorable de
fe prefenter.» U dame de Bardon , & de rcnouvcllcr leurs ctForts,
pour adoucir les fentimens de hain e, dont elle leur donnoit des
preuves fi fréquentes.
Toutes les Rcligieufes de ce Monalterc , Sc la dame de RoqucC i
�taure fa fille, s’ emprefferent auprès d’elle, avec tout le zele & la
charité poiïïbles , pour obtenir la permiiîion que íes enfans ÓC le
iïeur Desrois ion gendre demandoierjt'de la v o ir ; toiit ce que ces
Dames purent imaginer pour l’ y engager, motifs d’intérêt, prin
cipés de religion , tout futinutile.
Les Religieufes> n’ayant pu réuifir de ce côté, penferent que la
dame de Bardon n’auroit peut-itre pas la môme dureté pour íes
petits-enfans ; elles la iuppliérent de leur permettre de les lui pré
senter : un refus également obitiné de fa part, fut tout le fuccès de
. leurs repréfentations.
j . Ces Dames imaginèrent alors defurprendre la dame de Bardon,
& de lui Jïréfenter une de fes petites-filles, qu’elle ne connoiffoit pas
. cncore , fous un nom étranger, Ô£ comme une Penfionnaire qu’elles
venoient de recevoir.
Ce pieux flratagême parut d’abord réuifir : elles lui prefen.. terent cet enfant. La dame de Bardon , l’ ayant trouvée d’ une affez
T jolie figure, s’empreffa de la carefler ; elle la prit fur fes genoux ,
elle l’embraifa fouvenr &c la combla de carciles.
Les Religieufes crûrent que le moment étoit venu où ja nature
s’ expliquoit ; qu’ il étoit temps de découvrir à la dame de gardon la
fupercherie qu’elles lui avoient faite , & de ranimer fa tendrefie
pour fon fang. Elles lui dirent que c’étoit à fa petite-fille cju’ell.e
faifoit toutes ces amitiés Sc qu’elles le voyoient avec un plaifir &
une iatisfa&ion infinis.
La dame de Bardon , faifie dans le même inftant d’un mouvement
de colere , rejetta cet enfant avec indignation; elle la fit retirer ,
elle en sût mauvais gré aux Religieufes, & depuis il ne fut plus polfible de l’ engager à la revoir.
Il y auroit bien des réflexions à faire fur un trait aufli dénaturé ;
mais on penfe qu’il fuffit d'en avoir fait l’analyfe, pour prouver qu’il
n’ eft pas poiîible de porter la haine &c la colerc à un plus haut
degré.
Quoique la dame de Bardon ne négligeAt aucune occafion de
donner aux défendeurs toutes fortes de marques de fa colere & de
fa haine pour e u x , &c qu’elle pourfuivît avec toute l’aigreur &c la
vivacité, poiïibles le procès qu’elleavoit repris, les défendeurs eurent
la facilité de penfer que la dapic de Bardon fe défabuferoit enfin de
fes préjugés fur leur compte, &c qu’ ifs pourroiçnt la ramener par leurs
foiimiiTions & par leurs rcfpefts. Ils tenteront toutes les voies qu’ils
purent imaginer, pour obtenir d’elle la permifli°n de venir les
Jüi préfenter ; mais toujours inutilement : elle perfifta conftamment
à refufer de les voir.
�29
5^
C e refus obftiné pendant plufieurs années ne les rebuta cepen
dant pas. La dame D e sro is, à peine convalefcente d’une longue
maladie qu’elle venoit d’ elfuyer , ayant appris que la dame de
Bardon étoit malade, vint en cette Ville pour lui offrir fes fervices.
Elle demeura deux jours fans pouvoir parvenir à avoir l’entrée de
famaifon ; & ce ne fut qu’ après la réfiitance la plus opiniâtre, &
fur les représentations réitérées de fon C on feileu r, que la dame
de Bardon fe détermina enfin à la recevoir ; mais pour lui faire
le plus mauvais accueil, & l’ accabler d’ injures, au point que tous
ceux qui étoient préfens , &r particulièrement le ConfefTeur de la
dame de Bardon, en furent indignés : elle porta fon animofué contre
fa fille, jufqu’à lui refufer dans (a maifon un lit , que la dame Desrois
ne lui demar.doit que pour être plus à portée de la fervir.
Le fieur Desrois voulut aurti fe préfenter ,fous les mêmes aufpices
du Confefleur. La dame de Bardon parut d’abord n’être pas fi ani
mée contre lui qu’ elle l’ avoit été contre fa fille ; en voici la raifon:
elle lui demanda une fomme de 4000 livres, dont elle vouloit appa
remment gratifier encore la demoifelle D e v au x ; mais le fieur Des
rois, en lui protestant qu’il étoit hors d’ état de lui fournir cette fomme,
s’étant fervi de ces termes , ma chtre maman ; elle lui répondit avec
indignation , qu'il étoit bien hardi de fe Jervir de pareils termes, qu'elle
ri'étoit pas faite pour être la mere d'un telfils.
Depuis ce moment, c’ eft-à-dire , depuis le refus des 4 0 0 ^ liv.
il n’ y a pas de termes injurieux dont la Dame de Bardon n’accabla
le fieur Desrois : elle rappella enfuite le procès qu’ ils avoient en*
femble, en lui diiant, qu'il lui coûtait plus cher qu'il ne croyoit, qu'il
lui coûtoitplus de 10000 livres. Ceci s’eft paffé le jour de la SaintMartin 1 7 7 1 , cinq jours avant le décès de la dame de Bardon, qui
avoit reçu quelques jours auparavant la fomme de cent piftoles de
fon Fermier de Génillac.
Il n’y a pas un des faits que l’on vient de rappeller, qui ne forme la
preuve la plus exaâe que la dame de Bardon avoit conçu contre fes
enfans une haine exceffive, & fur laquelle , fuivant la remarque de
M. Henris fur l’ Arrêt de la dame de Montagnac , qui reçoit encore
k i une juitc application, elle n’étoit (ufceptible d’aucun retour ;
mais le dernier fait développe clairement le motif qui l’avoit dé
terminée à difpofer à leur préjudice : le procès que vous
avec moi
vous coûte plus cher que vous ne croye{ \ il vous coûte plus de IOOOO
livres.
On voit que la haine & la colcre de la dame de Roquelaure
contre fes enfans , n’étoient pas de ces partions ftériles , de ces paf*
fions paffageres fie momentanées, 4qui s’exhalent en reproches ,
�3
°
en vivacités, & qui ne vont pas plus loin ; c’etoit une haine & une
colcre refléchies : la dame de Bardon n’a rien oublié pour en faire
éclore le fruit, q u i , comme on l’a déjà obfervé d’après le judicieux
Ricard , eil la vengeance : fon teftamentôc l’aveu qu’elle en a fait,
t n font un témoignage irréprochab’e.
Mais on va encore rendre compte de quelques faits, qui prou
vent qu’ elle n’ a rien négligé pour porter fon rellentiment plus
loin.
On a remarqué dans le récit du fait, que la dame de Roquelaure,
peu de temps avant fon décès, avoit mis tout en ufage pour vendre
fa Terre de Genillac en rente viagere. Outre la notoriété publique
de ce fait, les défendeurs rapportent trois lettres différentes, par les
quelles on en inftruifcit le fieur D esrois, pour qu’il pût , en conféquence , prendre les mefures convenables pour arrêter cette aliér
nation : ces lettres font de l’année même du décès de la dame de
Bardon.
Mais ce qu’ on n’a pas encore o b fe r v é , c’ eft que la dame de
Bardon , poltérieurement à ces lettres, & très-peu de temps avant
fon décès, fit la même propofition à une perfonne de confidération
de cette V ille , qui refufa d’ entrer en négociation , en conféquence
de ce que la dame.de Bardon lui déclara, que le motif qui la portoit
à faire la vente de cette T e r r e , étoit d’en priver les enfans , avec qui
elhj étoit en procès.
lia preuve cjue les défendeurs ont offerte, desdifférensfaits qu’ ils
viennent de detailler, eft purement fubfidiaire ; ils ont lieu d’efpé-,
rer que celle qu’ils rapportent par écrit, de toute la haine dont la
dame de Bardon ctoit animée contr’e u x , lors de ion teflament,
cft plus que fuffifante pour en opérer la nullité.
Mais dans le cas où la Cour y feroit la moindre difficulté ,
ils ne penfent pas qu’ on puiife leur refufer la preuve par té
moins.
Ne feroit-ce pas en effet une illufion , fi l’ on fe contentoit
d ’établir pour régie, que les tellamens faits par un pere ou une
mere animés de haine contre leurs enfans, feront nuls , & que l’on
ne permit pas la preuve de cette haine, à moins que le Tcfîatçur
n’eut eu la fimplicité de l’écrire lui-même dans fon teftament ?
Quel Teftateur aifez mal avifé tomberoit dans cet inconvénient,
fâchant que cette expreflion rendroit fon teftament n u l, &c qu’en
ne l’ exprim ant pas, on ne feroit point reçu à prouver fa colerepar
une autre voie ? A quoi ferviroit-il d’inftitucr des L o i x , fi on ouvroit
en même-temps, à ceux qui voudroient y contrevenir, un moyen
auifi facile de les éluder, & fi leur convi&ion ne.pouvoit venir que
�d’eux-mêmes? C ’ eildon c, en général, à la feule preuve par témoins,
que l’on peut avoir recours , pour prouver des faits qu’il n’eil prel*
que jamais poiîïble de prouver par écrit.
Si la vérité de ces faits eft confiante » ofera-t-on entreprendre
de les exeufer . & de foutenir qu’ils ne font pas aiTez graves pour
donner atteinte au teilament ? Ils le font incomparablement plus
que ne l’étoient ceux dont les Arrêts ont permis la preuve d3ns les
affaires de G am o t, de Polard , & que ceux qui ont fait caiier tous
les autres teilamens dont nous avons rapporté les exemples ; &
les défendeurs ont encore l’ avantage de rapporter, non-feulement
un commencement de preuve, mais une preuve entiere par écrit
de la haine &c de la colere qui ont di£lé les difpofitions de celui de la
Dame de Bardon.
On finira la fécondé partie de ce Mémoire, par la fuite des obiervations de M. Henris fur les difpofitions de la dame de Montagnac :
il remarque que ceux qui Vajjiégeoient favoient pojjèdêe, & lui avoitnt
fuggéré ces mouvtmens d ’indignation tnvers les abjens.
L’application s’en fait naturellement à la. demoifelle D evaux : les
défendeurs étoient abfens ; la dame de Bardon refufoit abfolument
de les voir, Sz la demoifelle Devaux ÜaJJlegeoit & la poflidoit* Si elle
n avoit pas fuggéré ces mouvtmens d’indignation , elle n’ avoit au
moins rien négligé pour les entretenir ; le fieur Abbé Devaux fon
fr è r e , avoitauifi la même attention:on voit dansune lettre produite
au p r o c è s,& quis’eil trouvée parmi les papiers de la fucceifion de
la dame de Bardon, qu’ en lui écrivant, il faifoit l’apologie du fieur
Desrois en termes qu’il n’ ignoroit pas être de fon g o û t, & par lefquels il le flattoit de lui faire fa cour & celle de fa fœur ; il le traitoit de Jon indigne Coufin.
Après des preuves aufli manifeiles de toute la haine que la dame
de Bardon a eue contre fes enfans jufqu’à fon décès, il ne paroit
pas poifible que fon teilament, qui eft le fruit de cette haine, puiiTe
iubfiiler ; mais il faut examiner les Objections, & c’eil le fujet de
la troifieme Partie.
TROISIEME
PARTIE.
•
Les demandeurs font forcés de convenir q u e , dans la Thèfe
générale » les teilamens dont les difpofitions ont pour principe
la haine & la colere, ne peuvent pas fubfiilcr , lorique ces teila
mens font faits par les afeendans aux préjudice de leurs defeendans.
�,V *
3
.
1
Mais ils oppofent que , dans l’efpéce particulière , le teftament
de la dame de Bardon ne peut pas être valablement attaqué , parce
que la haine qu’ elle a voit conçue contre les défendeurs étoit
une haine jufte; Si q u e, dans les principes, ce n’eilqu ’autant que le
Teftateur eft prévenu d’une haine injufte, que fon teftament peut
être cafte.
Il y a donc deux point à examiner en répondant aux Objec
tions -, le premier eft de favoir ii la diftin&ion que font les deman
deurs eft exa&e ; le fécond , fi la haine , dont iis conviennent que
la dame de Bardon étoit animée contre fes enfans , avoit un
motif fuffifant pour faire fléchir la régie en faveur de fes difpoütions.
Il n’eft pas douteux que le teftament eft un des a&es de la fociété civile qui exige le plus de réflexion ; mais un Teftateur
animé de haine & de colere , eft-il en état de réfléchir ? A-t-il
la liberté d’efprit néceflaire pour faire une jufte diftribution de
fes biens? La haine & la colere offufquent fa raifon , & ne lui préfentent les objets que fur le plan que peuvent former ces différentes
Il ieroit donc de la plus dangereufe conféquence d’admettre
cette diftinâion : auflî les Arrêts que l’on a rapporté dans la pre
mière partie de ce M ém oire, n’y ont-ils eu aucun égard.
On voit dans celui de Maupeou , que la haine du pere avoit
tin julte fondement , puifque les enfans Cavoient voulu faire inter
dire ; cependant fon teftament fut cafte, par cette unique raifon,
que la colere feule lui en avoit difté les difpofitions.
Les demandeurs n’ont pu répondre aux indtiftions qui fe tirent
de cet A rrêt, qu’en fuppofant que les défendeurs en avoient changé
l’efpéce; que les enfans ne s'en étoient pas tenus au fe u l deffein défaire
inttrdirt leur pere , qu'ils avoient obtenu l'interdiclion.
Ils a v o u e n t , en même - temps , que fi les enfans s'en etoient
tenus à la fcult tentative de ? interdiction, fans l'obtenir , la colere du
pere eut été légitime, que fon teflament eut été confirmé.
Mais , i ° . c ’eft] les demandeurs qui tronquent l’efpece de
cet Arrêt : Il cft rapporté par Ricard , qui dit Amplement, mais
dans les termes les plus exprès , que les enfans avoient voulu faire
interdire leur pere à Page de quatre-vingt fept ans : ils n’a voient donc
pas obtenu l’interdiâion , ils s'en étoient tenus à la feule tentativ*.
x ° . Si le pere avoit été interdit, il n’en falloit pas davantage
pour faire cafter fon teftament ; il n’étoit pas néceflaire d’avoir re
cours au moyen ab irato.
3 ° . Cet
�33
3 9. Cet Arrêt prouve donc contre la diftin&ion des demandeurs,
puifque l’interdidiion n’ayant pas été prononcée, la haine du pere
<ie leur propre a v e u , avoit un fondement légitime : ion tellamsnt
auroit du être confirmé ; & il fut cafTé. L’ injure faite au pere étoit
cependant d’autant plus grave , qu’ elle attaquoit dire&ement fon
ctat ; mais c’étoit la haine dont il étoit prévenu qui avoit été
le motif de fes difpofuions.
Dans l’efpece de l’ Arrêt rapporté par Bretonnier , c’itoit un gen
dre qui avoit fait cafter un teftament fait au profit de fa belle-mere ,
St qui l’avoit fait condamner à lui rendre compte de l’adminiftration qu’elle avoit eue des biens de fes enfans ; elle avoit difpofé en
conféquence à leur préjudice , & ion teftament fut caffé. Le teftament de la dame de Bardon doit donc avoir le même f o r t , puif
que c’ eft principalement le même motif que les demandeurs
oppofent, pour juitifier la haine qu’elle avoit conçue contre fes
enfans.
Ces deux préjugés doivent fuffire , pour faire voir que la diftinction indéfinie , oppofée par les demandeurs, n’ a pas été adoptée
par les Arrêts.
On n’entend cependant pas dire qu’ il n’ y ait des cas où la
haine des parens contre leurs enfans, eft fondée fur des circonftances fi fortes & fi graves, q u e , quoique leurs difpofitions foienj
une fuite de cette haine , il feroit injuite de ne pas les confirmer ;
niais ces cas , fuivant l’ obfervation de M. Henris , doivent avoir
pour objet une grande offenje , & qui choque plutôt le Public que leur
perfonne ; une offenfe qui approche, au moins i de celles qui don
nent lieu à l’exhérédation : autrement, comme dit M . Henris , une
mere doit tout oublier, & difpofer de fes biens dt fens raffis. Sera-ce à
Une haine conçue fur une fimple difcuiTion d’intérêts, qu’on fera
l ’application de cette obfervation?
Les demandeurs, pour appuyer leur diftinûion, ont rapporté un
Arrêt du 2 4 A vril i 6 6 z , qu’on trouve dans le recueil de Me. Lu
cien- Soefye > tom. i , cent. 2 , chap. 6 1 . Par cet Arrêt * un tef
tament fait par une mere en faveur de l’un de fes enfans au préjudice dcs autres, contre lefquels elle étoit animée d’ une jufte co
l è r e , a été confirmé : ils difent que cet Arrêt ejl precijémtnt dans
notre efpeçe , qu'il n 'y a que les noms à changer.
^ a*s,. " V 1 a qu’à rapporter l’efpece de cet A rrêt, pour prou
ver, q u i l w ai aucune. forteide rapport à celle qui divife les Par
ties : il eft au contraire exactement conforme à l’obfervation de
M . H c u m . >f» t> 'Hi H '• r
. r .,j; ,u
¡n lu: •
£
£3
�, Dans l’efpece de cet Arrêt, la d.«me AIou avoît fait un teftamenl
au profit de la dame Brigaüer l'a fille, au préjudice de Louis &
Charles Alou , les autres enfans, qui avoient maltraité leur mere
en difFéreutes occafions.
Louis &c Charles Alou demandèrent la nullité du teftament,
comme fait ab iratd matrt. La dame Brigalier leur oppofoit, pour
prouver que I.i haine qui avoit porté la dame Alon à faire ce teftament avoit un fondement légitime,’ ^«« les mauvais traitement
qu'ils avoient exercés en la perjonne de leur mere étant cenflans , 6*ju ftijiés par les informations faites à fa requête , qui avoient été mifes en
tre les mains de MM. les Gens du R o i , il y avoit peu d'apparence de
contefler une difpofition de cette qualité , vu que la défunte Teflattice
pouvait faire davantage en les déshéritant entièrement.
C ’ eft dans ces circonftances, &c fur les Concluiions de M. l’A vo cat-Général Bignon , que l’Arrêt confirma le teftament.
II n’v;ft pas beioin d’ entrer en diilertation pour démontrer la
difparité des deux efpeces : o fero it-o n dire que les défendeurs
ont été affez téméraires pour maltraiter leur mere en fa perjonne .*
Et c’ eft cette feule circonftance qui a déterminé la décifion de
l’ Arrêt.
C ’eft après la diftinilion que les demandeurs on faite entre la
colere jufie & la colere injufte, diftinâion qui , comme on vient
de l’établir, ne peut recevoir ici aucune application, qu’ils font
entrés dans le détail des faits, par lefquels ils prétendent prouver
que la haine & la colere de la dame de Bardon avoient un fonde
ment légitime , & fuffifant pour l ’autorifer à difpofer valablement
au préjudice de fes enfans : c’eft ce qui refte à examiner.
Il
eft bon d’o b fe rv e r, avant d’entrer dans le détail, q u e , quoi
que tous les faits qu’ils ont imaginés ne foient fondés que fur des
fuppofitions démontrées faulTes, ils n’ont pas ofé dire que les
défendeurs fe foient jamais écartés du refpeft qu’ils devoient à leur
mere.
Ils ont oppoic que la tutelle de la dame de Bardon ayant fini
par l’émancipation de fa fille , par ion mariage ; & de fon fils
par des lettres de bénéfice d’â g e , elle leur avoit préfenté & affirmé ’
ion compte ; qu’il paroit par un projet d’apurement de ce compte
par un Confeil choifi, qu’elle avoit été déclarée créanciere de la
fomme de 1 2 7 7 2 livres, payables un an après la majorité de fes en
fans , qui s’étoient aufli obligés de lui payer annuellement la Yomme
de Soo livres pour fon douaire.
, ,, j .
Ils ajoutent que la dame de Bardon s’etoit flattée de trouver* c
�dans ce traité Ton repos & fa tranquillité , êc qu’ elle n’auroit ja
mais de procès avec fes enfans ; mais que Us défendeurs favoitnt
bien qtüa foret dt procès, & la menant de Tribunal en T ribunal, ils là
verroitnt mourir fans lui tien payer ; quelle avoit bien obtenu des provijions, mais qu'elle nyen avoit pas été plus avancée ; qu'elle n a jam ais
rien reçu.
Ces faits ne font pas exa&s. C ’eft avant le mariage de la dame
D esrois, que la dame de Bardon l’avoit faite émanciper comme le
lieur de Roquelaure : ce fait ne peut pas être contefté ; il eft
prouvé par le contrat de mariage de la dame Desrois : elle y a
procédé fous l’autorité du fieur Devaux fon Curateur.
C ’eft immédiatement après cette émancipation , & avant le
mariage de la dame D esrois, que la dame de Bardon avoit préfenté & affirmé fon compte ; & il ne feroit pas étonnant qu’ ayant
un curateur  fa difpoiuion, ayant bâti fon compte à fa fantaifie ,
& n’y ayant perfonne qui pût le débattre folidement, elle eut
été déclarée créanciere par ce prétendu projet d’apurement, que
l ’on n’a jamais connu, & fur lequel le|Confeil qui l’ a drefle n’avoit
& ne pouvoit avoir d’autres inftruâions que celles que lui donnoit
la dame de Bardon.
A l’égard de la difcuiïion furvenue fur ce compte , ce n’eft pas
les^ défendeurs qui l’ avoient provoqué ; c’eft la dame de Bardon
qui les avoient traduits en Jugement : ils ne pouvoient donc pas
éviter de difeuter ce com pte, 6c leur conduite à cet égard a été bien
juftifiée. Parmi plufieurs articles , qui ont été rayés la dame de
Bardon y avoit employé une fomme très-coniidérable pour ies
bagues & joyaux , & cet article de fon compte a é t é , également
rejetté, par un Arrêt du Parlement.
Mais ce qu’on n’auroit pas dû diflimuler , c’ eft que la difcuiïion
fur le compte de la dame de Bardon ne s’ eft élevée que plus de
quinze ans après le prétendu projet d’apurement, &c que, pendant
tout ce temps, la dame de Bardon a jo u i, avec l a , plus grande tran
quillité , de tous les biens de fes enfans , tant de ceux qui leur
etoient échus par le décès de leur pere , que de ceux qui leur étoient
échus par le décès de leurs oncles ; quoique , pendant la ma
jeure partie de ce temps, elle n’ait eu aucun de les enfans à fa
charge.
Par rapport aux provifions que la dame de Bardon avoit furp rife s, depuis qu’elle avoit ceflé de jo u i r , & dont on fuppofe
qu’elle n’avoit pas été payée , la reponfe à ce fait eft extrême*
ment fimple : les défendeurs en rapportent les quittances.
E i
�36
On ne voit rien jufques-Ià qui ait pu autorifer la haine & la
colere inconcevables , qui ont porté la dame de Bardon à difpofer
au préjudice de fes entans : le furplus des moyens que les défen
deurs ont propofés eft encore plus mal fondé.
II fe réduifent à dire que la dame de Bardon , ainfi privée de l'on
douaire & de fes autres gains, avoit encore pour vivre la rcfjource
de fa Terre de Genillac , qu'elle avoit affermée ; mais que le fieur Desrois , fans fon conjentement, avoit eu Caudace de fe fubroger au bail de
F a nie , bien certain qu'il n'en paieroitjamais le prix.
Avant de répondre à ce moyen , on obfervera que fi la dame
de Bardon avoit été dans la néceflîté que l’on étale contre toute
v érité, elle n’ auroit pas été en état de faire toutes les dépenfes.
fuperflues qu’ elle a faites. Elle avoit imaginé de fe retirer chez .les
Dames de Laveine ; elle y fit confiruire, en conféquence , un ap
partement , qu’elle n’ a jamais occupé , 011 du moins très-peu de
temps. Elle imagina enfuite de faire un voyage en Lorraine, q u i ,
de fon aveu , lui coûta 4 011 5000 livres ; elle a\oit prété, enfin
à une perfonne de cette Ville une fommes de 1200 livres ( eile
fit tous fes efforts pour la retirer peu de temps avant ïori décès,
dans la vue , fans d oute, de la facrifier encore A fon reffentim ent). Tous ces traits ne peuvent sûrement pas s’ appliquer à une
perfonne, à laquelle les demandeurs fuppofent que Con a^coupé les
vivres de tous côtés.
Mais pour revenir à l’obje&ion , le fait cft fuppofé , même con
tre la notoriété publique : le fieur Desrois n’a jamais été fubrogé
au bail de Ferme de la Terre de Genillac, la dame de Bardon en a
toujours j o u i , 6c l’ pn a déjà remarqué que fept à huit jours avant
fon décès, elle avoit reçu cent pifloles de fes Fermiers.
Les demandeurs, forcés de convenir que les termes, dans lefquels
étoit conçue la lettre de la dame de Bardon au fieur Desrois y
&C dont on a déjà fait l’analyfc , ne refpirent que la haine & l’in
dignation , ont encore voulu juftiiicr cette lettre par des moyens
au 1ÎI peu folides que ceux auxquels ont vient de répondre.
Ils ont oppofé que les défendeurs, en analyfant cette lettre ,
avoient fupprimé le tableau abrégé que la dame de ardon y a
fait de leurs indignités ; qu’elle y dit au fieur Desrois t „ qu’elle
» n’efl pas furpriie de les indignes procédés, qu’ il n’avoit que fairq
» de s’ emparer de fon bien , que l'on défïgnc, entre^ deux crochets-, p d f
» la Terre de Genillac, fans fa participation. » Qu’élie dit encore
dans la même lettre, » qu’il n’y a rien d’égal à d’indignes ènfans
w'qui refulcnt ù une mère une, mîicrable penfion alimentaire dp.
�*
37
.
.
.
» i î o o livres , que l'on dèjignt cncore 'par la prnvîfîon tjuî lut -avoit
¿té adjugée. ; » qu’elle dit enfin, que fi elle n’ avoit pas été fi bonne
» m ere, la dame Desrois auroit été à l’hôpital,; au lieu qtfonU’a
» m ife, elle', à la veille d’ y aller » .
. s •••liminôa
¡¡¡, D ’abord , il n;e, ferpit-jpas étonnant qiie.Ia Patrie *le-BacdanceHt
cherché à donner quelque couleur à la fureur des emportersfeais
auxquels elle s’ étoit livrée dans cette lettre ; mais de tous les faits
que les demandeur« ont remarqués,^pour en faire .l’ apologie, il
n’ y en a pas un feul qui ne Soit e:;a£lem'ent faux.
On a déjà vu qu’ il n’a jamais été queftion d’aucune Subrogation
de la part du- lîeur -üesrois >^aut Baïl id^F£iriÎT£ {Iti .la Terre de
Genillac : il leroit 'in utilé ( f y revenir ; mais il faut remarquer que
cette fubrogation imaginaire ,, forme cependant l’ unique fait que
.les .demandeurs oppoferit* jîoüfr j>ifftÆcrila haine &c la colère dont
la dame de Bardon a été animée contre fes enfans, jul’qu’au mo
ment dt ion décès : à quoi l’on peut encore ajouter que ce fait
ne regarderoit pas la dame Desrois ni le ûeur de Roquelaure fon
frere.
Il en eft de même de la fécondé réflexion des demandeurs fur
cette lettre , qui eft de l’année 1764 : il ne pouvoit pas être alors
queftion du retus de cette prétendue penfion alimentaire , puiique les demandeurs difent eux-,mêmes , en confondant la provifion
de la lomme de 1 z 50 livres avec une penfion, qu’ elle n’avoit
été adjugée à la dame de Roquelaure que par un Arrêt de
*
7 69 -
La troifiéme réflexion, enfin , n’ eft pas plus confidérable : eft-ce
en jouiffant de tous les biens des défendeurs, eft ce en ne payant
aucune des créances auxquelles ces biens étoient affeftés , eft-ce en
dégradant totalement les bois de la Terre de L a v o r t , eft-ce en
laiifant tomber en ruine tous les bâtimens de cette T erre , qu’ elle
leur auroit évité l'hôpital ?
Ainfi cette lettre bien examinée , la feule conféquence que
l’ on puiffe en tirer , c’ eft qu’ elle forme la preuve la moins équi
voque & le témoignage le plus irréprochable, que la dame de Bardon avoit conçu , fans aucun iujet légitime , une haine &c une
averfion invincibles contre fes enfans ; Sc qu’ elle leur a donné
enfuite la preuve la plus complété,du refientiment injuile qu’elle
leur avoit annoncé par cette lettre , tant par la conduite qu’ elle
a tenue depuis pour les exhéréder-, que par les difpofitions de fon
Ï Ï W m i vP?.?
jpus ces
�•
'
. .
.
3
8
moyens d e fait & de droit généraux & particuliers, q ui ne font
combattus par aucune objection confidérable , la Cour puiff e fe
j- déterminer
àconfirmer un teftament auff i peu favorable , auffi
contraire aux régies & à l’efprit de notre D r o i t , & d’ un auffi dan' gereux exemple dans le Public que celui qui fait le fujet du
Procès.
..
*
,
Monfieur B R U J A S Rapporteur,
M°. P R A D I E R , pere, Avocat
PA G È S , jeune, Procureur.
A R I O M D e l 'imprimerie de l a veuve C A N D E Z E ,
1773
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roquelaure, Jean-Gilbert. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Brujas
Pradier
Pagès
Subject
The topic of the resource
testaments
émancipation
curatelle
captation d'héritage
haine des enfants (ab irato)
doctrine
jurisprudence
testament fait par un principe de haine et de colère
nullité du testament
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié. Pour messire Jean-Gilbert de Roquelaure, chevalier, seigneur de lavort ; et dame Gabriel de Roquelaure fa soeur, epouse de messire Jacques Desrois, chevalier seigneur d'Auzat, autorisée en justice ; héritiers par bénéfice d'inventaire de défunte Anne-Marie de Bardon de Genillac leur mere, à son décès veuve de messire Guillaume de Roquelaure leur père, défendeurs. Contre messire Philippe-Claude, comte de Montboissier, lieutenant-général des armées du Roi, capitaine-lieutenant de la féconde compagnie des mousquetaires à cheval, servant à la garde de sa Majesté ; exécuteur-testamentaire de lad. Dame de Bardon de Genillac, demandeur et défendeur. Et demoiselle Françoise de Vaux, fille majeur, légataire de ladite dame de Bardon, intervenante, demanderesse et défenderesse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'Imprimerie de la Veuve Candeze (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1739-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0501
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0502
BCU_Factums_G0503
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52979/BCU_Factums_G0501.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Dorat (63138)
Lavort (château de)
Riom (63300)
Génillac (terre de)
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Domaine public
captation d'héritage
curatelle
doctrine
émancipation
haine des enfants (ab irato)
jurisprudence
nullité du testament
testament fait par un principe de haine et de colère
testaments
-
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65f6fb20ea38032a8931f0bf063a7d1f
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Text
MÉMOIRE SIGNIFIÉ,
P O U R Meffire P h i l i p p e - C l a u d e D E
M O N T B O I S S I E R , Lieutenant - Général
des Armées du R o i , Capitaine - Lieutenant
de la féconde Compagnie des Moufquetaires
à cheval, fervant à la Garde de Sa M aje fté, en
qualité d’Exécuteur teftamentaire , nommé par le
Teftament de la Dame de Bardon de G e n ili a c ,
veuve du fieur de Roquelaure Demandeur.
E T pour M a r i e F r a n ç o i s e D E V A U X ,
Dem oifelle , Intervenante , Demandereff e &
Défendereffe.
E N réponfe au Mémoire f i gnifié de Mef f ire J e A NG i l b e r t
D E R O Q U E L A U R E ,
Chevalier 9 Seigneur de Lavort ; & D a m e
C a t h e r i n e D E R O Q U E LA U R E
f a fæ u r , autorifée en Juf t i ce , héritiers de la
D a m e de Burdon de Geniliac leur m ere, D é
fendeurs & Demandeurs.
F.S Adverfaires attaquent de nullité le T e ftam ent de la D am e de Bardon de Geniliac
leur mere : ils le confiderent comme fait ab iratâ
matre, & dans le moment d u
' ne colere inj uf t e.
C ’eft par ce moyen qu ’ils entreprennent de faire
L
�annuller les legs quelle a fait par Ton Teftament
à la Demoifelle de V a u x fa nièce. C ’eft le pre
mier-objet du Procès.
Il y en a un fécond : c’efl: la plainte de pré
tendus recelés & fouftra&ions que les A d ve rfaires ont formé contre la Demoifelle de Vaux.
t ***
“
F A I T .
'
• •
D u mariage du fieur de Roquelaure avec la
Dame de Bardon de Geniliac ¡(Turent quatre en
fants1, favoir ; la Dame Defrois & le fieur de
Roquelaure font les deux Adverfaires , Marie &
Jeanne de Roquelaure.
L e pere des quatre enfants étant décédé, en
l’année 1 7 3 9 , la D am e leur mere fut nom
mée leur Tutrice en la Châtellenie de Thiers.
Pendant le cours de la tutelle , Jeanne de R o
quelaure fit Profeiîion de Religion au Couvent
d’Iftel , .où elle eft depuis décédée ; ainfi il
ne refte:plus à la charge de la m e r e , que les deux
adverfàires & Marie de Roquelaure. En Tannée
1 7 5 0 , ils obtinrent des Lettres de bénéfice d ’â
ge^ & la Dame leur mere leur remit à la même
épio.que la jouiiTance de leurs biens.
t En même-temps elle maria Gabrielle de R o
quelaure avec le fieur Defrois ; & par le Contrat
de mariage qui efl: du 1 j Septembre 1 7 5 0 t elle
�lui donna des marques bien efîentielles de l’ami
tié maternelle ; elle la combla de Tes bienfaits.
Noël-François de Roquelaure : oncië pater
nel des mineurs, àvoit par fon Teftarrient, légué
à la Dame de Bardon de Geniliac la jouiiïance de Tes biens jufqu’à la majorité des mineurs.
C ’eft une preuve bien fenfible de la fatisfa&ion
qu’il avoit des bons traitements qu’elle faifoit à
Tes enfants.
Par le Contrat de mariage de la Dame D e f r o i s ,
la Dame fa mere lui céda cette jouiflance, & lui
en promit la garantie envers fes autres enfants.
Elle lui fit donation de la fomme de dix
mille livres en préciput, à prendre fur les plus
clairs de fes biens après fon décès , & l’inftitua
fon héritiere dans le furplus de fes biens, par éga
lité avec fes autres enfants.
Elle fit en même-temps une réferve qui mé
rite beaucoup d ’attention : pour établir la validité
des legs contenus en fon T e ftam e n t, il eil dit que
l
injlitutum ejl f a i t fo u s la réjerve quelle f e f a i t
de difpofer au préjudice & nonobjlant ladite injlitution de la fom m e de vingt mille livres en prin- c ip a l, au profit de Jean G ilbeit de Roquelaure,
fo n fils , & qu'au cas quelle ne dijpofe pas de
cette fomme au profit de fo n fils , elle ne pourra
difpofer fu r les vingt m ille livres refervé,s , que
de la fomme de d ix mille livres au profit de Jeanne.
A
3
�4*
Ar
de Roquelaure f i n autre f i l l e , ou de telle autre
perfionne q u i l lu i plaira den gratifier , même à
çelui d elà future époufe \ en forte que l’inÎlitution
de la future époufe ft’aura effet q4e dans ce qui
reftera des bien$ la de Dame inftituante : après
que les fommes dont elle s’eft refarvée la faculté
de difpofer, auront été prélevées, au cas que
ces difpoiitions aient été faîtes ; finon h future
époufe , après avoir prélevé la fomme de dix
mille livres à elle donnée en principal , parta
gera le fuplus des biens par égale portion avec
fes cohéritiers.
O n a dit plus haut, qu*au moment des Lettres
de bénéfice d a g e , obtenues en l’année 1 7 5 0 par
les deux Adverfaires & leur fœur , qui a de
puis fait Profeiîion de Religion au Monaftere de
la Viiîtation de Thiers , la Dame leur mere >
leur avoit remis la poiTeflîon de leurs biens.
Elle fe hâta en même-temps de leurs préfenter
fon compte de tutelle , quelle affirma devant le
Châtelain de Thiers , Juge de la tutelle.
Elle porta dans la dépenfe du c o m p t e , fa dot
mobiliaire qui avoit été reçue par fon m a r i , &
les gains établis par fon Coatrat de mariage.
En l’année 1 7 5 7 les Parties donnèrent leurs
confiance pour {apurement du compte à un Confeil de cette V ille qui la méritoit bien , Me.
Xoutéç pere , le compte & les pieces juitifica-
�tives lui furent remis : il fit un projet de traité qui
devoir être pafîe devant Notaire , par lequel les
Qyants font déclarés débiteurs de la fomme de
1 x 7 6 7 liv. i z f. 6 d. Il eft dit que la D am e
de Roquelaure pourra exiger le paiement de
cette fomme un an après la majorité de fes en
fants, qui cependannt lui en paieront l’intérêt. Ils
•font pareillement obligés de lui payer annuelle
ment , & par a v a n c e , fon douaire de 800 liv.
C e projet écrit de la main de Me. Toutée eft
produit.
La D am e de Roquelaure s’étoit flattée de trou
ver dans ce traité fon repos & fa tranquillité , &
quelle n’auroit jamais de difcufion avec fes en
fants : mais elle s’abufoit. Ils favoient bien qu’en
l’enveloppant dans un labyrinthe de procès , &
la menant de Tribunal en Tribunal , ils la v e r
doient mourir fans lui avoir jamais rien payé.
O n retourna donc en la Châtellenie de T h ie r s ,
pour y avoir un apurement de compte en rigueur :
procédure toujours fâcheufe d ’une mere avec fes
enfants. Autant d’articles autant de procès, tout y
.fut contefté , jufques à la reftitution de la dot &
les gains , quoique fondés fur le Contrat de ma
riage ÔC les quittances du mari. Le compte & les
pieces juilificatives font entre les mains de Me.
C o g n a r d , Procureur à T h ie r s, qui avoit occupé
pour la D am e de Roquelaure. Les Demandeurs *
�6
’ en vertu ¿ ’Ordonnance de la Cou r les ont fait
faifir en fes mains. L ’inventaire qui en a été fait ,
comprend entr autres .p ie c e s , le compte de tutel
le , les pieces juftificatives , l’expédition de la
'Sentence interlocutoire rendue en la Châtelle
nie de T h i e r s , la procédure faite en ce Siege fur
l’appel, des Adverfaires, la Sentence de ce Siege
-confirmative du z z Juin 1769 , l’Arrét du Parle. ment confirmarif du 9 A o û t 1770 , la procédu
re reprife à Thiers après les appels jugés en Par
lement.
Il y eut un autre inventaire des Pieces qui
: font entre les mains de Me. G o y o n , Procureur en
la Cou r , qui avoit occupé pour la Dame de
Roquelaure fur les appels des Défendeurs. C e t
inventaire comprend l’expédition d’un premier
-A rrêt du Parlement du 24 A o û t 1 7 6 9 , qui re
çoit la Dame de Roquelaure oppofante à l ’A r rêt par défaut du 3 Juillet p ré c é d e n t , que les
Défendeurs y avoient furpris contre la Sentence
de ce Siege. O n en a pris communication : il or'donne que la Sentence de ce Siege fera exécu
tée par provifion , pour la fomme de 110 0 Iiv.
de provifion alimentaire.
. lies Défendeurs difent , pages 8 & 9 de leur
.Mémoire *, que la Dame de Roquelaure avoit
confondu dans un feul & même compte , l’admimrtration quelle avoit eu , tant des biens de leurs
�pere, que de ceux des fucceffions de Jean-Gil-’
bert & de François-Noël de Roquelaure , leurs
oncle & grand-oncle, & qu.’ils a voient des inté
rêts différents, relativement à ces différentes fiicceflions ; • que celle du pere étoit chargée de
dettes-, quelle étoit feule affe&ée au paiement de
la dot & des gains de la Dame de Roquelaure;
qu’ils n’étoient héritiers de leur pere , que par
bénéfice d’inventaire; que les fucceffions de l ’on
cle & du g r a n d - o n c le n’étoient chargées d’au
cunes dettes ; qu’ils demandoient en la Châtelle
nie de Thiers un compte féparé de ces -diffé
rentes fucceffions; que la Dame .de Roquelaure
fit tous fes effors pour l’empêcher , & que cela
fut néanmoins ordonné par une Sentence du 7
Août 1771. •
*
O n ne connoît pas cette Sentence ; mais on
voit deux chofes , l’une que Me. Toutée dans
fon projet d’apurement de compte , avoit fait,
deux comptes particuliers de ces deux fucceffions,
& l’autre que l’inventaire des Pieces qui font en
tre les mains de Me. C o g n a r d , Procureur à
Thiers , comprend pareillement en la cote 57
ces comptes particuliers. La Dame de R o q u e
laure , ainfi privée de fa d o t , de fon douaire ÔC
de fes autres gains; traduite de: Tribunal en T r i
bunal , épuifée par des frais immenfes , avoirencore pour lui aid^r à vivre la reffource de fa
Terre de Geniliac quelle avoit affermée.
�8
Sans fa participation & Ton confentement, &
fans lui en avoir demandé la permiffion , le iieur
Defrois eut l’audace de fe fubroger au bail de
ferme , bien certain qu’il n’en paieroit jamais le
prix. Ainfi, dénuée de tout, elle ne vivoit que
par des emprunts : on en aura bientôt la preuve
dans la lettre même que les Défendeurs produifent pour fonder leurs moyen ab iratâ matre
contre fon Teftament.
Abandonnée par fes enfants , elle appella au
près d’elle la Demoifelle de Vaux fa nièce , qui
prenoit foin d’elle dans fa vielleife ; elle conilderoit de plus que fa fœur , mere de la D e m o i
felle de Vaux , n’avoit pas été fuffifamment légi
timée.
C ’eft dans circonstances, qu’elle fit le n S ep
tembre 1 7 7 1 , le Teftament dont il s’agit. Elle
legue à la Demoifelle de Vaux , la fomme de dix
mille l i v r e s , dont elle s’étoit refervée la difpofition par le contrat de mariage de la Dame
Defrois ; elle legue à la Dame de Roquelaure
fa fille Reîigieufe , une penfion viagers de Cefifc
livre s, à Benoit de Vaux fon neveu , Lieutenant
d’infanterie au Régiment de Chartres, 150 liv.
de penfiori viagère.
Outre le legs de dix mille livres fait à la D e
moifelle de V a u x , elle lui legue fa g a r d e ro b e ,
compofée de fes habits, linges, coèffures & man
chettes
�9
chettes.de dentelle & autres-, & generalemetit
tout ce qui compofe fa garderobe ians réferve ,
& aufli Ton portrait; à la charge de donner a.cha
c u n de Tes domeftiques qui le trouveront^a fou
lervice à fa mort 'la fomme de 6to. liv.
Après quelques autres legs p i e s , elle rappelle
la claufe du Contrat de mariage de la Dame D e f
rois , & s’y confirmant , elle ajoute que le legs
de la fomme de dix m i l l e livres fait a la D em o ifelle de V au x , &. dont elle s etoit refume la difpofition par le Contrat d é p a r t a g é de la D am e
Defrois , fera pris fur tous fes biens qui demeu
reront de fon décès , & que les portions qui ap
partiendront à la Dame D e f r o i s , fuivant les d i f
pofitions faites par fon Contrat de mariage , ne
contribueront point aux autres legs ÔCqu ils fe
ront pris fur les portions qui reviendront à fes au
tres héritiers.
Enfin elle nomme pour Exécuteûr teftamehtaire le Comte de INJontboifîi.er.
A l’inftant du décès de la .Dame de^llo^quelaur^e le fieur Dç.frois fit appqfer.iles fcellésfur le
piphiUier de )a fucceffion : la Demoifelle de V a u x
y formîa .oppofition &C demanda la délivrance de
les legs. Le fieur Defrois f<^utint que -lar deli^Yfance-d.U^pyt, dey oit,^ re ,'^ite 'aux héritiers *, il
• ,m^n,gç<)itVdes-lç)rs Æattaqper'lç Teftament,de nul4i.ti.^ il jCA^te/Îa auffi la qualité d’Exécuteur tefta-
�•mentaire ; i l , foutient contre toute raifon , qu’en
Coutume d’Auvergne on ne .peut pas.en nommec.
,•
Le Comte de Mo'ntbôiiîîer., ên fa^ualité d^Exiîcuteur teftamentairë, donna Requêté le 11 D é c e m
bre 1 7 7 1 ; il conclut à ce que la délivrance fûf
faite aux différents Légataires de leurs l e g s , ' &
cependant que le mobilier fût fequeftré pour être
ve n d u , & le prix demeurer en fequéftre jufques à
ce que la délivrance des legs fût ordonnée.
La caufe portée à TAudience, il fut ordonné par
Sentence du n Décembre 1 7 7 1 , que la garderobe , la montre & tabatiere d’O r feroient remifes au Comte de Montboiffier , en fa qualité
¿'Exécuteur teilamentaire , après qu’il en aura été
fait un inventaire eftlmatif, laquelle eiîimation fe
ra faite par Experts; & à l’égard des autres meu
bles, il ert: ordonné que la délivrance en fera faite
aux héritiers, à la charge par eux de les prendre
par inventaire qui en contiendra l’eilimation faîte
par les mêmes Expers.
■
V o ilà la chûte de l’illufion des héritiers , en
ce qu'ils avoîent foutenu , contre toute raifon ,
qu’en Coutume d’Auvergne on ne peut pas nom. mer d’exécuteur teilamentaire.
~
Le Comte de M ôn tboiiîier, par une R e q u ê t e ,
conclut à ce que la délivrance provifoire qui
lui avoit été faite de la garderobe, de la montre
±J
i
- i
>
�11
& de la tabatiere d ’or , fût déclarée définitive , &
à ce que les héritiers fuiTent condamnés à lui faire
délivrance en fa qualité d ’Exécuteur teftamentaire,
du montant'des autres legs; & en vertu des O r
donnances qu'il a obtenues en l’Hôtel de M. le
Lieutenant-Général, le 1 5 Janvier , 1 7 7 1 , il a
fait faifir & arrêter les titres & papiers de la fucceifîon qui étoient entre les mains de Me. G o y o n ,
Procureur en ce Siege , & de Me. Cognard ,
Procureur à T h ie r s , qui avoient occupé pour la
Dame de Roquelaure.
. •
.
La Demoifelle de V au x eft intervenue en l ’inftance , elle a demandé la délivrance de fes legs :
les héritiers ont conclu à la nullité du Teftament
comme fait ab iratâ matre , & dans le mouve
ment d’une colere injujîe , & à la reftitution de
la montre & de la tabatiere d’O r , les Sieur &
Dame Defrois & le iieur de Roquelaure ont élevé
une autre prétention : ils ont fait l’injure à la D e
moifelle de Vau x , de l’accufer d’avoir fait des
recellés & fouftra&ions dans la fucceflion de la
' Dame de Roquelaure.
. Sur l’information il v a eu un décret defoit ouï:
ce ft une permiflion d’aiîïgner. Après l’interroga
toire f u b i , par Sentence rendue à l’A u dien ce crinelle , du 1 9 Juillet 1 7 7 z , les Parties ont été
renvoyées en Procès civil & ordinaire ; & par
Requête du 4 Janvier 1 7 7 3 , la Demoifelle
B i
�de V a u x a conclu à ‘être renvoyée de la calorrtnieufe • accufationy a v e c 1 condamnation folidaire
dfe dix mille livrès-d^ d'ottìrtiggès '& intérêt^;*'
;Le Procès à dètix ’oU/ets.':Lè T d ì 3mebtfdé lia
Darne de Roquelaure peût'-Îl* êiré décîaïé nul ',
comme Fait ab iratâ màtrt ,• dans lë mouvement
‘â’ünë, còlere’& d ’unéîiâine ih ju ß e h C ’eiFainii qtre
^1^ Advérfaires préféhtérit Ia queiliôh dans le pré'afobiilé (le* leür Mémoire ; ! Veiî: le premier ob
jet. L e fe co n d 're g a rd e l’accufation de recelés &
de fouftra&ions élevée contre la Demoifelle de
'Vaùx-3DL;r:' v - r:i i b 7 - ' :. - ' :
• • v' 'c'A . :> 0'
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EXAM EN
DU
P R E M IE R
..............*
O BJET. ■
Les Défendeurs ■vont établir deux p r o p o r
tions. 1La première, que dans'lé D r o i t , le moyen
vb irato, n’eft admis1 que dans le cas d ’une cofere
injufle de la fpart du Teftateur contre fes enfants
qui ne l’avoient pas mérité.~^lij(^feconde ; que dans
1l e üfâii j'r en -fuppofant que la 'D a m e de R o q u e
laure eût encore , lors de fon .Teftameht', de la
: côleife' contre Jfesr enfants' ,•‘ils aypient mérité tou
te'' fan averfion par les;procédés lei>plus indignes>
; ;ôc les’ plus'ofïenfams.?J
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--X i 3TI
�P R E M I E R E
P R O P O S IT IO N .-
Les Adverfaires entaiTent autorité fur autoriré,
• & Lôix / & -CoufuitfeiS, •& Auteurs-, ;& l A r r ê t s ,
pour établir que le Teftament fait àb irato ne
* petit pas fu b M e i '-: * ils s’éloignent perpétuellemènt de la diffcinQ'ion quil faut faire entre des
enfants bien n é s ' , toujours refpe£hieux envers
leurs parents , & qui par conféquent étoient
dignes de l’amitié que la nature infpire à un pere
‘ & à une mere , & ces enfants , vrais monilres
‘ d‘irigratitude , qui ne méritèrent jamais que la
jufte averfion de leurs pere & mere.
Q u e d e vien dro it, fans cette diilin&ion , la fage
‘difpoiition d es.Loix Romaines , qui laiiTent aux
' pere & mere la liberté de difpofer de la majeure partie de leurs b ien s, & ne refervent aux enfants
que leurs légitime de droit? Q u e deviendra celle
de nos C o u tu m e s ,, qui leurs laiiTent la liberté de
difpofer entrevifs au préjudice des enfants , fauf
ï'eur légitime de droit, ôc par Teftament jufques
a une certaine quotité, les unes plus & les aures
moins ? O ù trouver une Loi qui enchaîne les pere
tnere au point de ne pouvoir difpofer de r ie n ,
*ôc les oblige <le tout laifler aux enfants l
?
.
Mais, dans toutce que les Adverfaires oppofent
d’autorités, ils trouvent nôtre diftinâion & 'leurs
condamnation folemnellement établies.
�. 14
.
.
-
Ils oppofent la Loi 4. fF. de in officiofo tejlamento , qui dit que , non ejl confentiendum parentibus , qui injuriam adverjus libéras fuos tejlamento induc un t.
; ;
La Loi n’approuve pas une injuftice injuriam :
ainfi , fi le Teftament à été di&é par le mouve
ment,d’une colere injujle , la Loi le rejette; & ,
dans ,le cas contraire , elle l’approuve & le con
firme ; ce mot injuriam tout feul, démontre la diltin&ion.
Mais la Loi qui fuit immédiatement établit
bien plus précifément la diftin&ion de la çolere
injufle non méritée d ’avec la colere jufte & mé
ritée.
*
La Loi dit que les mots de in offîciofo tejlamento,
dont elle a intitulé le titre , fuppofent que l’en
fant qui a été déshérité» doit prouver qu’il ne méritoit pas ce mauvais traitement, hujus autem verb i, de in ojjiciofo vis ilia ejl docere immeriium f e ,
& ideo , <§" indigne prœteritutn vel exhereàatione
Jummotum.
Il eft donc évident par la difpofition formelle
des Loix , que la querelle d’inofficioté n’appar
tient qu’à . l’enfant qui a été maltraité fans une
caufe légitim e, non immeritum f e , & qu’elle n’ap
partient pas à celui qui a mérité les mauvaiies difpofitions de fes pere & mere à fon égard.
Les Adverfaires oppofent l ’article 199 de la
�Coutume de Bretagne, lequel, après avoir établi
qu'on ne peut donner à titre de libéralité que Je
tiers de Tes meublés ou la moitié par ufufrüit, ajoute
q u e , quand là donation n’èxcëderoit pas ¡cette’ mefure, elle feroit nulle, fi elle étoit faite en haine ou
en fraude des héritiers/
Il eft d’abord bien manifefle que cette Coutu
me n’a entendu porter fa décifion qu ’à la forme
de D roit , c ’eft-à-dire , pour le cas d’une haine
injufte. Elle n’a fans doute pas entendu autorifer
les mauvais traitements & les indignités commifes par les enfants envers leurs pere & mere.
Si elle avoit entendu propofer quelque choie
d’auifi abfurde , quel cas en feroit-on dans une
Coutume auiTi éloignée que la nôtre , & qui admet
les Loix Romaines pour D roit commun , quant
aux matieres qu’elle n’a pas traité ?
' O n fera fans doute bien furpris de voir les Adverfaires invoquer le Suffrage de R ic a r d , Traité
des Donations ; ils tranfcrivent ces paroles "du
favant A u t e u r , partie i. chap. 3. fe&ion 4. n.
6 1 o. Si un pere animé d’une haine & mauvaife
"volonté ,/ans raifon, contre fes enfants, difpofe
de fes biens au profit d’une perfonne , qui d’ail
leurs le pouvoit mériter, fa difpoiition pafle pour
'injufte, & demeure fans effet.
‘ .
. L e favant Auteur exige donc , pour annuller
�te
1-6
la difpoiition, la preuve d ’une haine fa n s raifort,
C ’eft fur ce fondement, dit l’Aute.ur, 3U
fuivant^que fut rendu l’Arrêt du 1 $ A o û t 161.3,
qui annulla le Teftament d ’une mere qui avoit touç
donné à fes enfants mâles * & n’avoit rien donné
à fa fille; en conféquence , ajoute, l ’Auteur de cç
qu’il était juftifié en la caufe que la mere étoit
portée . 'd'une avcrjion fa n s fondement contre ,fa
fille,
;
:
. Après plufieurs autres Arrêts que l e ’favant A u
teur rapporte , qui font dans le même ,ças (d’une
colere injufte , & que les Adverfaires oppofent,,
voici comment il termine fa fçavante Diflertation,
au n. 6 1 7 . I l importe q u il p a ro ife dans le pu?
b lic , que les donations & les legs ne 'doivent être
cajfts en cette, rencontre , que quand i l f e vojt que
le pete les a fa its dans Le mouvement d'une colere in~
ju f le , & au fujet de quelque mécomenuinent qui a
été conçu jnal à propos de f a p a n \ parce qü a u
trement ce feroit armer les enfants contre leu.r$
pere , &c. Cependant i l ejl.de. la ..derniere .consé
quence 9. que les peres demeurent les maîtres & le$
j u fies dijp enfateurs dans leu\s f,a mille^ pour,pou
voir provoquer leurs, enfants à demeurer dans (eurj
devoir a leur égard , du moins par le ,m o tif 4e
îintérêt , s'ils manquent de piété naturelle.ccim r
w eiln .a rriv e, que trop fréquemment. : c e f i çe ¡qui
f a i t que nous voyons que Cautorité paternelle s ’ejl
beaucoup
�>x7
beaucoup m ieux confervée dans le Pays qui Je
régie par le D r o it écrit, que non pas dans celuici , en conféquence de ce que nos Coutumes nous
ont donné moins de pouvoir fu r nos enfants , pour
la difpoftion des biens qui nous appartiennent.
D ’après une do&rine auili folidement établie,
feroit-il donc poffible de trouver , foit dans les
A u te u rs , foit dans les A r r ê t s , dequoi foutenir la
prétention des Adverfaires ? Mais on ne voit
que de l’illufion dans tout ce qu’ ils oppofent,:
notre diftin&ion d’entre la colere jufte & la colere injufte , formellement adoptée , & leurs pré
tention formellement condamnée.
Ils difent que Pierre de Fontaines, le plus an
cien des Juriiconfultes François , & qui vivoit
fous le régne de St. L o u i s , a écrit qu’un pere
dont la fille s’eft mal gouvernée , rpeut difpofer
de fes meubles & acquêts, & non de fes .propres
au prejudice de cette fille , pourvu qu’il ne foit
ému que par la haine de fa mauvaife conduite
& non par aucun autre échauffement.
.
O n auroit pu dire où l’on a pris le paffage cité,,
pour que l’on pût examiner le vrai fens de 1*A u
teur; mais, dans ce que les Adverfaires lui font
dire, ils y trouvent leurs condamnation.
U ne fille qui fe conduit mal fe fait tort^à ellemêqie; mais elle peut fe maljgouverner fans autre
ment attaquer d ir e & e m e n j‘ io p .p e r e *.. mais
, fi
c .
•
■
�•
».
\' i8
•
*
elle a' Hbiine à fon' pere quelqü’autr'e écFia.uffement bien fonde,il p e u t , félon l’A u t e u r , difpofer
'à fon' préjudice ,J1tant\dêJfes propres', que jde fesriieubf'és' &• acquêts.''
^
\ 'p n ’ oppofe^Mçf'iaC - fûr
Loi PapinïanuY
'§ . J i Imperator i qui cite un Arrêt ’rendu au pro
fit de Sebaftien .de la Faïe , t qui caffè le Tefta'Vnènt de fa mere , comme fait; dans1 un momënt
"dè7 côlbre.IÎ$ auraient du prudemment fuppri:i è e r ¿^- termes'de l’Auteur,: qu’ils tranfcrivent &
' prononcent fi formellement'leur condamnation ,.
'Jérm tïistejîa ni en t u m U l u d , u t iratœ iinmerito matris dqmnavit ; ces term e s, iratœ immerito matris ,
'démôWîrént ?qii;è. îa colère de la Teftatrice étoit
3irlj/ütteiv & que fon fils ne lavoit pas méritée
r . L e s ’Adveriaires reviennent aux Arrêts rappor
tés p a r Ricard/ lÎ s:!oppbfent celui de 1 6 $8;, qui
?caiTà iè?Tëftament d’un, pere , fait au préjudice de
:fés enfarit.s <par le reffentiment de ce qu’ils avoient
'voulu le faire interdire.
.Quand ‘ un ; fieré' fe met dans le ' cas de forcer
, ftç'énèn¥s-'i-îiiroV^^'ér. fon interdi& ion, ce qui
"Îi^Le^fait. j^mà^s.'qu’é; dans l’extrême néceflité ,
i iÎJWéJidbit.!,pàs‘ lç u r : énrSavoir mauvais gré puifqye , c’êft une voie ' de.D roit, S’il en conferve
‘ Sü3rèflôntiment ‘, ¿ fé :f l J iVrti rejffdrittTfienj 'ihjufle. qui
'3 i 0 .dbni'-iei lfëu à^lÿfcairat.iôiii de forn Teîh'ment.
i t \
iur'Îec^ied! J'trhFcolè'rè injufte,'que Ri-
�ï9
.
,
•card coniidéroit tant le Teftament cafle par cët
'Arrêt*, que les autres qui furent caftes par* lës
deux' autres Arrêts q u il rapporte -au même en
droit ,. puifqu’ils ne 1 ont pas empêche d’enfei*gner que , f i la colere a été méritée par les eiù?
fa n ts , le Teflament doit fu bjifler , parce qu'aux
trement ce Jeroit armer ~lef* enfants ’càntrç •leùr's
pere, au moyen de c e , qu'un èn fa n im a l affectionné
envers fo n pere , ne jnanqueroitjamais d e lu if u jciter des différents, afin de Je préparer des voies pour
attaquer des Actes qui aur oient été fa it s avec un
principe de ju ftice ; & que cependant ' i l efl de- la
derniere conféquence que -les pere s demeurent les
maîtres & les jnfles d ifp en f ateurs dans leurfam ille,
pour pouvoir provoquer leurs enfants à demeurer
dans leurs devoir a leur égard f du moins par le
m o tif de l'intérêt , s'ils manquent de piété-natu
relle , comme i l 11 arrive que trop fréquemment.
Si les Adverfaires avoient voulu Faire attention
aux circonftancfes de l’ Arrêt du i ? r. A o û t 1 6 5 8 ,
rapporte par'Soèfv&tom. 2. centurie i e. chap. 42 ,
ils ne 1 aurôient pas oppofé : on y voit qu’il s’agif*
foit dune donation de tous biens faite entre- vifs
ab irato pâtre, au profit de-deux de fes enfants j
au moyen de-laquellc^les atitrés enfants i e :trôùvoient tacitement exlïéréctés yfans aucun fujeO rhifonnable :. c étôit donc une colere injufle, "•
<• '
O n eft furpris que les Adverfaires aient ofé 1 V
�.n
20
voquer l’Arrêt du i cr. Septembre 1 6 7 6 , rap
porté au Journal d u ;Palais. L ’intitulé feul de la
jfçavante DiiTertation des Auteurs du Journal, auroit dû leurs ouvrir les yeux : la voici. S i la preu
ve de'la haine injujle d'un pere contre /es enfants
dun premier lit peut ann 11lier fo n Tejlament f a i t
au p r o ft des enfants dufécond, lit : il y a voit donc
preuve d’une haine injufte. .
.V
' .
{
Il étoit prouvé en effet qu’il avoir chaifé de fa
maifonv les deux enfants de fon premier lit , •&
q u ’ils étojerit en; procès avec lui pour le compte
desjbiensvde.-lêur/mere^qu’il retenoit, quoiqu’il
les
-, . * eût
- *• chaÎTé de fa ma’i fon., La haine de ce ,mé~
chant- pere , qui'.avoit tout donné aux enfants du
fécond lit i étoit vdooc bien injufte.
O n oppofe l’Arrêt du 9 A o ût 1 64.Z , rapporté.
par<M. H enrys, tom.,2, liv.
queft. 7 , qui caffa le Teftament de la D am e’ de Montagnac.
O n y voit le cara&ere fingulier de la Dame de
Montagnac, q u i , quand elle avoit pris d e T ave riion contre quelqu’un fans caufe,n’en revenoit point,,
qui avoit fait une multitude de difpofitions qui fe
détruifoient les unespar les autres; que de plus ion
Teftament avoit été; fuggéré.. Il ne faut donc pas
être furpris.fi fon Teftament fût cafte.
, : Mais on auroit pu faire attention que le favant
M . Herirÿs , apfès.avoir adopté la diftin&ion de
HiçardJ? de la colère jüfte & de la colere injufte,
�11
dit que cet Arrêt doit apprendre aux femmes, qu'à
moins d'une grande ojfenfe, une mere doit tout ou
blier.
O n oppofe l’Arrêt du n Juillet 1 6 8 S , rap
porté par Bretonnier au même endroit , qui cafia le Teftament de Simone R oux : en voici l’efpece. Simone R o u x avoir eu deux filles: elle
f i t r ainée Religieufe, après lui avoir fait faire un
Teftament en fa faveur ; elle maria la cadette avec
le fieur A rtau d , qui fit caifer le Teftament de fa
belle-fœur fit condamner Simone R oux à ren
dre compte de la tutelle qu’elle avoit eu de fes deux
fill es. Cela irita tellement cette femme ; qu’après
le décès de fa fille, elle difpofa de tors fes biens par
Teftament en faveur d ’un collatéral fort éloigné, ôc
en priva fes petits enfants , auxquels elle ne lailfa
que i o o liv. à chacun.
Le Teftament de la fille Religieufe au profit
de fa mere , avoit été annuité : le gendre avoit
donc été bien fondé d’en pourfuivre la caiTation.
Sa demande pour le compte de tutelle étoit éga
lement légitimé : c’eft donc injujlement que ces
deux motifs avoient îrîté Simone Roux.
O n fera furpris que les Adverfaires ofent invo
quer 1Arrêt de i 6 y z , rapporté par Auzanet,tom.
I er. de fes A r r ê t s , chapitre 59 ; il n y a qu’à lire
l'intitulé. Si une mere p e u t , conformément à ce que
lui permet la Coutume , tout donner à l'un de fes
�enfants , pour en fru flrer un troijleme qu elle haïff o i t dès fo n jeune âge fa n s cauje.
- ,
O n eiî: également furpris’de la citation de. la
C o m b e , au mot Teftament §. 10. L ’Auteur ap
prouve formellement la diftin£Hon de Ricard ,
entre la colere jufte & la colere injufte , & dit
en conféquence que'donations & legs ne doi
vent être cafTés, que quand il fe voit que le pere
les a fait dans le mouvement d'une •colere injujle.
O n eft enfin furpris de la citation de Denifart ;
& des Arrêts qu’il rapporte au mot ab iraïo. Tous
ces A r r ê t s , dit Denifart, font dans le cas de difpofitions testamentaires, qu’une pajjîon injufte
avoit diftées«
Les A d v e r f a ir e s , par leur Requête du 14 Jan
vier 1773 , avoient oppofé l’Arrêt du 23 Mars
1 6 9 4 , rapporté au Journal des Audiences , rendu
fur les conclufions de M. Dagueifeau , A v o c a t
Général, & depuis Chancelier de France, qui cafia
le Teftament de M. Villacer , D o y e n du C on feil , par lequel il avoit inftitué les Hôpitaux de
Paris fes Légataires univerfels , au préjudice dé
fon fils, contre lequel il ¿toit inté.
O n leur a répondu par une Requête du 1 1
Mars 1 7 7 3 , que c’eft dan« le Plaidoyer du célé
bré Magiftrat, toni; 3 de fes (Euvres, plaidoyer
2-9 , que l’on voit lafFaire dans toutes fes.circonftauces. V oici comme il termine,page 6o,la favante
�13
DiíTertation, après avoir enfeigné la diftinftion
d ’entre la colere jufte & la colere injufte.
* Ne nous étendons pas davantage , dit-il, fur des
faits qui font plus forts que toutes nos paroles. Là’
paffîôn répandue dans tous les écrits du Teftateur,
cette pailîon1in juiîe, qui lui a fait concevoir tant
de Procès téméraires , & qui Ta porté à déchirer
la réputation de fon fils par une infinité d’injufes écrites de fa main , qui font une preuve irrvînfible des véritables motifs qui ont infpiré fa difpofition. C ’eft là qu’on voit un pere agité par les
mouvements déréglés d’un reilentimeift ïnjujlc ,
accufer fon fils d ’avoir corrompu un Notaire ,.
fûborné des témoins , gagné , par argent des do«
mediques pour tromper fon pere : il l’appelle monftre d’ingratitude , voleur , fauflaire ^ ennemi de
leur bien ; monftre de débauche , capable des
pîusgrands crimes. A u contraire, l’on voit la can
deur des mœurs de fon fils, toujours patient, tou
jours refpeB'ueux envers fon pere , on voit
enfin l’imbécilité du pere, prouvée par leTeftament
rheme. Il fait une fondation pour demander à D ie u
Une bonne mort, après qu’il fera décédé. IPordonne des Mefles à commencer un mois avant fon
Teilament. Q u e l égarement d’efprit ,• dit le célé
bré Magiftrat !
.T e l l e s font les circonftances de T A r r ê t du 13
Mars 1 6 9 4 , que les Adverfaires avoient d’abord
\
�A ^
oppofé: ils n’ont eu garde d'en parler dans leur
Mémoire imprimé.
Nous avons encore dans Soëfve , tom. z
centurie, z chap. z 6 , un Arrêt célébré du 1 4
A v r i l i 6 6 z : fon efpece s’applique dire&cment
à la nôtre ; il n’y a que les noms à changer.
La Dame A l o u avoit fait un Teftament au pro
fit de fa fille , époufe de M . Brigalier, Conieiller en la C o u r des A y d e s de Paris, & au préju
dice de fes fils.
Ceux-ci attaquèrent le Teftam ent, comme fait
ab iratâ matre\ M . & Madame Brigalier convenoient que fi la haine de la Teftatrice avoit
été injufte , lé Teftament auroit pu , fur ce fonde
ment , recevoir quelque atteinte, & que c ’étoit
le cas auquel les Arrêts l ’avoient ainfi jugé ; mais
que les mauvais traitements quiavoient été exer
cés envers la Teftatrice par fes deux fils , étant
confiants & juftifiés par les informations faites à
fa Requête , le Teftament devoit fubfifter. Par
l’Arrêt , conformément aux conclufions de M .
l’A v o c a t Général Bignon , le Teftament fut con
firmé.
L es Adverfairesfont demeurés muets, tant fur cet
Arrêt que fur toutes les autresautorités oppofées.
Eft-ce donc par le filence que l’on détruit les prin
cipes les plus certains ?
C e i l donc un point fixe, enfeigné parles L o ix
l’unanimité
�><■
25
l ’unanimité des Auteurs & ’ l’uniformité des A r - rets j que le moyen ab irato, n’eft admis que .dans
«le cas d’une colere injufte contre des enfants qui
• ne l ’ont’ pas méritée.
S E C O N D E
P R O P O S I T I O N .
Les Défendeurs fe font un triomphe d ’une let
tre écrite par la Dame de Roquelaure au iieur
Defrois, où après lui avoir reproché & à fa femme,
leurs indignités envers elle, elle leur dit q u e lle les
allure de toute fa haine.
’
Diftinguons d’abord les fieur & Dame Defrois
& le fieur de Roquelaure. Il n’y eft nullement
queftion du iieur de Roquelaure, tout y eft rela
tif aux fieur & Dame Defrois & à leurs indignes
procédés, en leur difant qu’ils font d’indignes en
fants : cela ne s'applique qu’à e u x .& nullement
au fieur de Roquelaure. Le fieur Defrois.dit luimême , page z y de (on Mémoire , qu’il avoit ac- ,
coutumé d appëller la 'Dame de Roquelaure fa
ch'ere maman. ^<1 ■
Quels (ont donc les faits qui peuvent regarder
le fieur de Roquelaure ? O n dit , page z 6 du M é
moire , que la Dame de R o ’quelaure étoit préve
nue contre lui de l’averfion la plus forte , qu’elle fe
làifloit fouvent manquer de tout , que fôuvent
-elle ne p o u v o ir pas le fouffrir à fa table. C e font
D
i
�16
verba & voces, fans aucune preuve ; mais preuve
du fait contraire dans fon Mémoire , elle n’étoit
pas obligée de le nourrir, puifqu’il avoit fon bien ,
& que dès le moment que fa fœur & lui furent
émancipés, elle leur remit leur Terre de Lavort &
leurs autres Biens ; & cependant de fon aveu , elle
l’avoit chez elle , & elle 1 y avoit gratuitement.
C ’efl: donc ’par amitié pour fon fils, quelle l’avoit
chez elle fous fes y e u x , comme l’objet de fa tendreiTe, tandis que le fieur Defrois jouiifort impu
n ém en t d elà totalité-des Biens paternels, fans en
rien donner à fon beau-frere. ’
.
O n dit dans le Mémoire , page z 6 , que le fieur
de Roquelaure-, toujours rebuté par fa mere , prit
le parti de fe retirer chez les Peres G a rm e s , qu’il
en e’flaÿa la Réglé , mais que fon tempérament ne
lui ayant pas permis d’v perfiiler, il retourna dans
la maifon maternelle : il ne s’y trouvoit donc pas
ii m a l , fa mere étoit donc toujours prête à le recevoir gratuitement.
O n dit même page du M é m oire, que toujours
rebuté par fa mere , il fut obligé d’aller chercher
un afyle chez le iîeur D e f r o is , fon beau-frere.
L ’intention q u ’il avoit eu d’être C a r m e , prouve
bien qu’il avoit peu de goût pour les fociétés de la
ville. Eil-il donc furprenant qu’i f eût 'préféré de
fe retirer .au Château de L a v o r t , dans une belle
T erre, provenant de fes p e r e s , quils avoient tou-
�47
jours habité, où il étoit n é , & qui lui appartenoit par indivis avec fa fœur.
Ecartons donc pour toujours le moyen ab trato , quant au fieur de Roquelaure , & voyons fi
les fieur & D a m e D e fr o is en tireront plus d’avan-'
tage*
Leur principal m o y e n , difons mieux, leur uni
que moyen , c’eft la lettre écrite parla Dame de
Roquelaure au fieur D efro is : ils en tranfcrivent
ces paroles. Q ue fon amitié pour lui étoit éteinte,
quelle le regardoit commef i n plus cruel ennemi ,
qu elle le f e r oit repentir de f i s indignes procédés ,
qu elle n oublier oit rien pour cela , & finit en difant *
adieu indignes enfants, j e vous renonce comme fa tan, & vous ajfute de toute ma haine.
Obfervons d ’abord la date de la lettre , elle eft
du 2 Mai 1 7 6 4 , & le Teftament effc du 1 1 S e p
tembre 1 7 7 1 ; ainfi , poftérieure de plus de 7 ans,
on a de la peine à fe perfuâder que la colere eût
dure fi long-temps. Les fieur & Dame Defrois con
viennent dans leur Mémoire , que la Dame de
Roquelaure les avoit reçu chez elle , ainfi’, récon
ciliation , plus dé coléré lors du Teftament.
Maisjfuppofons encore la colere encore exiftan-?
te lors du Teftament , il reftera de juger fi elle
,°H
y &• fi elle étoit jufte elle
n’empêchera pas l'exécution du Teftamént nous’
avons démontré en la i re; Proposition que c ’ eft un
D
i
�i8
point fixe, enfeigné par les L o i x , l’unanimité des
Auteurs & l ’uniformité des Arrêts, que le m oyen
ab iiato n’eft admis que dans le cas d'une colere
injujle contre des enfants qui ne l'avoient pas mé-,
ritée.
Pourquoi fupprime-t-on dans le Mémoire des
fieur & Dame Defrois les motifs que la-Dame de
Roquelaure a donné dans fa lettre en réponfe à
celle du fieur Defrois? Elle lui dit, j e nefu isp oin t
fu rp rije de vos mauvais procédés vis-à-vis de moi
i l y a long-temps que j e l a i prévu; vous riayie£ que
fa ir e de vous emparer de mon bien malgré m o i , J i
vous neuffie% eu l'intention de me fa ir e mourir de
chagrin & defa ir e comme vous fa ites. Il avoit eu
laudace de fe fubroger fans le confentement de
la Dame de Roquelaure au Bail de ferme de fa
Terre de G e n ili a c , & il ne lui payoit rien . : elle
ajoute ces m ots, y a-t-il rien d'égal a d'indignes,
enfants qui rcfufenu a. une mere qui s e fl fa crifée
pour eux toute la vie ,, une miférable p r o v if on ali
mentaire. C ’eft la provifion de u o o liv. qui lui
avoit été adjugée par l’Arrêt du 1 4 A o û t 1 7 6 9 ,,
compris èn l’inventaire des Pieces qui font entre
les mains de Me. G o y o n , Procureur en l'a Cour.
Elle continue, aîniî. Vous mave{ dit que votre,
fem m e éioit bien malheur euf e de n i avoir pour mè
re ; mais j e fuis cent fo is plus malheüreufe de f avoir poür f i l e <S' vous pour gendre : f i j e riavois'pas.
�29 \
ete une 'bonne mere%elle feroit à £H ô p ita l, au lieu
que j e me vois à la veille d y aller ; mon Boucher
& mon Boulanger fo n t tous les jours a me perfécuter , & j e riai pas le premier f o l : voila le temps
(Tacheter mon bots , à tout cela point d'argent, dans
le temps que vous ave{ l'audace de vendre & de brû
ler lemien ( c ’étoit celui de fa Terre de Geniliac) ,
& i l fa u t que j e men paffe. S i vous riavic^pas une
mauvaife volonté, vous m'aurie£ envoyé au moins
une parnede ce que vous me deve^ ; mais pas un f o l ,
dquelquun qui ria pas une herbe fans l'argent a la
main. Telles font les expreffions de la lettre que
les fieur & Dame Defrois fupprimenr. Vit-on ja
mais, comme elle le d it, une mere auiTi indigne
ment traitée î Reprenons encore ici les faits dont*
on a rendu compte en commençant : on y a vu que
la tutelle finie par 1émancipation des enfants, la D a
me de Roquelaure avoit préfenté & affirmé l'on
compte devant le Châtelain de Th ie rs, Juge de la
tutelle : cela étoit jufte & indifpenfable.
O n y a vu que les Parties avoient donné leur
confiance à Me. Toutée pere , pour un apure
ment de compte à l’amiable , que le compte & les
Pieces juftificatives lui avoient été remifes, & que
par fon projet de tranfaâion écrit de fa main ÔC
produit au Procès , les Adverfaires font déclarés
débiteurs de la Dame de R oquelaure, de la fora
ine de 12772. liv. 7 f. 6 d . , payable un an après<
�3
leur majorité , & revendant l’intérêt , ils font
pareillement obligés de lui payer ennuellement
Ton douaire.
- .... ^
Elle setoit flattée d’avoir acquis par ce traité
Ton repos & fa tranquilité , & qu’elle n’auroit
point de Procès avec fes enfants: mais elle s’abufoit. ïls favoientbien qu'en la tenant enfermée dans
un labyrinthe de Procès dont elle ne fortiroit ja
m a is, & la menant de Tribunal en Tribunal , ils
la verroient mourir fans lui avoir jamais rien payé;
& ils ne fe font* pas trompés , elle eft morte fans;
q u ’ils lui ayent jamais rien payé.
Sur le refus de iigner le traité , il fallut retour
ner à Thiers pour un apuremantde compte en ri
gueur ; autant d ’articles , autant de Procès ,-tout
y fut conteilé jufques à la dot & aux gains, quoi
que fondés i'ur le Contrat de mariage & les quit
tances du mari. O n voit dans l’inventaire des Pie
ces qui font entre les mains de M e . Cognard, P r o
cureur à Thiers , le compte & les Pieces juftificativès', la Sentence que la Dame de Roquelaure
y avoit obtenu, celle de ce Siege qui l’avoit c o n - 3
firmée, & l’Arrêt du Parlement , confirm^tifjde;ir
celle de ce Siege.
O n voit pareillement en la cote i de l’inven
taire desj Pieces qui font entre,les mains de $le.
G o y o n , Procureur en ce S i e c e , un premier'Ârrêt du 24 A o û t 1 7 6 9 ; on en a pris communica°
*
'
�Cy
31
^
tion. La Dame de Roquelaure eft reçue oppofante à 1*Arrêt , par défaut que les Adveriaires y
avoient furpris , portant défenfes d’exécuter une
premiere Sentence de la Cour. L ’Arrêt lui fait
main-levée des défenfes, & ordonne que la Sen
tence de la Cour fera exécutée pour la fomme
de 1-2,00 liv. de provifion. alimentaire, Ses pourfuites t furent inutiles :' l ’Arrêt demeura fans exécution ; on avoit pris à tâche d e ne lui jamais
rien p a y e r , & elle eft morte fans jamais avoir
rien reçu.
Ain fi privée de fa dot mobiliaire , de fon dou
aire & de fes autres gains , il lui reftoit encore
pour lui aider à vivre , fa Terre de Geniliac
qu’elle avoit afFerméie mais, fans fon confentement,
le fieur Defrois eut la témeraire audace de s y fubroger , bien certain qu’il n’en payeroit jamais
le prix. Ainfi on lui coupoit les vivres de tous
les c ô t e s , & on la tenoit enfermée dans un laby
rinthe de Procès dont elle n’a jamais pu voir la
fin ; ainfi elle ne vivoit que d’emprunts ; on en
Voit la preuve dans la lettre même dont les A d
verfaires fe font un triomphe.
V it-on jamais une mere aufîi indignement trai
tée ? Et voilà la recompenfe des bienfaits dont on
a vu plus haut que la Dame de Roquelaure avoit
comblé la Dame Defrois en la mariant.
C ’eft donc le cas, ou ce ne le fut jam ais, d’àp-
�3l
pliquer le principe établi par les Loix , le fuffrage
unanime des Auteurs , & la Jurisprudence inva
riable des Arrêts , que le moyen ab irato n’eft
admis que dans le cas d’une colere Lnjujle contre
des enfants qui né l’avoient pas méritée.
D après tant d’indignités commifes envers la
Dame de Roquelaure , elle auroit pu exhéréder
la Dame Defrois : les Loix y font formelles. Elle
ne l’a pas fait ; elle a difpofé de la fomme de dix
mille livres dont , par le Contrat de mariage de
la Dame D e f r o i s , en la comblant de fes bienfaits ,
elle s’étoit refervée la difpofition pouren difpofer
au profit defa fille, qui n’étoit pas encore Religieu/e ,
ou de telle autre perfonne q u i l lut plaira d'en grati
fier. Elle a eu l’attention de ne point excéder cette
referve à l ’égard de la D am e Defrois,en rappellant
la claufede fon Contrat de mariage, & e n / y con
formant , elle a dit que le legs de dix mille livres
fait à la Demoifelle de V a u x , & dont elle s’étoit
refervé la difpoiition par le Contrat de mariage
de la Dame Defrois , fera pris fur tous les biens
qui demeureront de fon décès, que les portions qui
appartiendront à la Dame Defrois ,.fuivant les difpofitions faites par fon Contrat de mariage., ne
contribueront point aux autres l e g s , & qu’ils^ fe
ront pris fur les portions qui reviendront à fes
autres héritiers.
Elle auroit pu difpofer au préjudice du fieur
de
�Roquelaure de beaucoup plus & jufques au quart
de ce qu’il amande dans la fucceffion ; mais elle
ne l a pas fait , & le fieur de Roquelaure n’eft pas
affez mal avifé pour abandonner ce quart aux L é
gataires.
EXAMEN
D U
SECOND
OBJET.
Les fieur & Dame Defrois & le fieur de R o
quelaure ont fait l’injure à la Demoifelle de V a u x ,
de 1 accufer d’avoir fait des recelés & des fouftractions dans la fucceffion de la Dame de R o q u e
laure : lur l’information qu’ils ont fait faire , il y a
eu un Décret de foit oui ; c’eil une permiffion
d’afîigner. Les Parties ont été renvoyées en Procès
civil & ordinaire , par Sentence du 24 Juillet
I 772'*
Il
faut retrancher de l’information convertie en
E n q u ê t e , ôt compofée de 25 Témoins , -c e u x
qui ont dépofé ne rien favoir des faits conte
nus en la plainte.
; V o i c i ce qui réfulte des autres. L e i cr. a dé
pofé , que quatre ou cinq ans avant le décès de
la Dame de Roquelaure , la femme de chambre
de la defunte lui avoit d i t , qu’à plufieurs jours ,
elle avoit emporté de la maifon , plufieurs paquets
d’hardes , dont la D am e de Roquelaure difpojoit
en faveur de la D em oifelle de V a u x , f a N i è c e ,
' " •
E
�34
qü-eflé’ lui dit , qû?il y avoiif ÜW dé éés'pâquëts',,
énvelopÿé dians; ùn rVibuchoit*quï étoit de g'râtf1de valéur: ( ô n p'èu’tf jngéï de cette valeur j-déqucîque efpece. que fuï le mouchoir)- ,• quu'n1 âüt'ie
confiftoit en une piece de bafin rayé , & fi# où
fept livres de coton filé; que la D a m e de Roquelaure fe fa i/o it apporter cespaqüets fu r fb'ri lit pour
les examiner avant quon les emportât; ce que la D é
ni oifè lie dé V a u x a voit faii. C e Témoiti àjéiAe à
la vérité, qüe la DémoifelFé1 dé V a u * ¿voit M t in
férer dans une piece de coton de1 quatre à cinq
aunes , une autre piecè de coton plus fin, & lui
a^oit reco’himaridé de ne pas déclarer à la Dame
de Ro’qu'èîaure cette piece de coton fin.
Mais ce T é m o i n , unique- quant à ce dernier
fait , ne parlé que par oui-dire p'àr là femnië de
chambre , & l’on verra ci-après, que la femmede chambre ne dit rien dé pareil.
L e même i er. Tém oin dit encore> q u ’il ÿ a v o i r
un paquet contenant huit linceuls de toile co m
mune , & que la Dame de Roquelaure laVoit chan
gée dë mettre dans les malefc dé la Dëmbifelle de
V aiix deüx jupons picjbés Ôc garnis dé mouifelir ie , & qu’èlle en avoit donné trois autres non g a r 'nis à la femme dé chambre.
x Le 6 ™ . Tém oin d it , cjue la Dâriiè dé R o qu elàurè fàifoit porter fur fon lit les chofès cjù’eile'
dorinbit 'k la Dem oifelle de Vàuk:
L e 9me. T é m o i n , qui e ft la femme de cham>
.
§
_
.
�bre,, & tpar ¿onféquent le Témoin qui eft'le,mieux
inftruit , dépofe que Ja .Darne de Roquelaure l a
chargé.e , cinq à fix mois avant Ton d é c è s , de qua
tre paquets de hardes pour être dépofés en la maifon des Demoifelles de Frétât; qu’il y en avoit un
très-petit, où il y avoit de la^oufleline ; que dans
les autres, il y avoit fix draps de lit, quatr.e ou cinq
robes avec lenrs jupons » un rouleau d e ;toilede co
ton rayée, dans lequel étoitunepiece de fept à-huit
aunes demouiTeline,quatre ou cinq livres de coton
filé,deux jupons garnis de moiTeline : qu’il e f t d e f a
connoiiTance , que la Damede Roquelaure fit don
à la Demoifelle de V a u x de deux couverts d’ar
gent ; q u ’elle connoifloit à la Dame de R o q u elaure' une bague furmontée d ’un diamant, laquel
le elle ne lui avoit cependant pas vue depuis long
temps avant Ton décès : que la rDame d e j l q q u e laure ¿av.oit auifi fix cuillers à café , de vermeil ,
lefquels’ le fieimDefrois a dit lui manquer lprs de
l’Iaventaine : ;qu’il .lui demanda ^aufli com p tetde
deux »bagues ou.allianc.es iqu’elle.a vu -remettre
par laièDame ;.de‘Roquelaure à la Demoifelle, de
V au x , que la Dame;,de:Ro.quelaure l ’avoitichargé& de; faire choix dans fon linge de quatre ^dou
zaines ide ferviettes-rcommunes:6c ide les tfonnerçà
là) Demoifelle debVaux , prétendant.lui en ifairp
un ïdon ; jque itout qe >linge fe trouva .au.
blanchiflage
mais
^n’ayant été. rap-
�porté qu’après le décès de la Dame de Roquelaure , il a été remis au fieur Defrois.
Le i ome. Témoin a dépofé , que la femme de
chambre lui avoit dit que tout le mobilier que la
Demoifelle de Vau x avoit eu de la Dame de Roquelaure,fa tante, lui avoit été donné par ladite
Dame de Roquelaure.
La Dame de D i e n n s , i 4 me. Témoin , a dépoié qu’elle avoit connoiiTance des l e g s , que la
Dame de Roquelaure a fait à la Demoifelle de
Vaux , fa N i e d e , & que la Dame de Roquelaure
lui avoit dit , que c’étoit par principe de confcience qu’elle avoit fait ces difpofitions.
• Le 2 o mc. Témoin , qui eft le P. CaiTan , Prêtre
de l’Oratoire , & Proffeiïeur de Théologie du
C o llè g e de cette Ville , explique quel étoit ce
motif de confcience. Il a dépofé que la Dame de
Roquelaure , lui ayant fait part des difpofitions
qu’elle entendoit faire par Teftament au profit de
la Demoifelle de Vaux , fa Niece , quelle lui dit,
qu elle agiifoit en cela par principe de devoir,
que la Dame de V a u x , fa fœur, avoit été léfée
dans le D roit de Légitime q u ’elle avoit à préten
dre dans les biens de leur pere; q u ’elle avoit tou
jours été dans l’intention de réparer ce tort , &
qu’elle conferveroit d ’ailleurs des Sentiments de
•reconnoi (Tance de ce que fa fœur ne l’avoit pas
a b o n n é e en Juilice; que pour remplir fon devoir
�7 S
37
.
à cet é g a r d , elle s’étoit faite une réferve par le
Contrat de mariage de la D a m e D e f r o i s , fa Fille.
C ’eft donc après avoir confulté un Théologien ,
que la Dame de Roquelaure a fait des difpofitions
par fon Teftament , au profit de fa Niece : ces difpofitions font une vraie reftitution. Le même T é
moin attefte que la Dame de Roquelaure l ’ayant fait
àppeller de nouveau , & le fieur de Champetiere ,
elle dit en leur préfence qu’elle avoit donné une
certaine fomme à la Demoifelle de V a u x , que fon
intention étoit que ce qui lui r efle ro it, après avoir
fourni aux néceffités du m énage, du vivant d’elle ,
D ame de Roquelaure , lui demeurât p r o p r e , &
qu’elle dit auffi qu’elle lui donnoit fon couvert
d’argent & quelques meubles.
Le fieur Daurelle d e C h a m p e tie r e ,i3 me .T é m o in ,
ami & vbifiri de la Dame de Roquelaure» a d é p o fé ,
que plufieurs mois avant fa m o r t , elle lui avoit
confié l’intention où elle étoit de faire une donna
tion à la Demoifelle de Vaux , fa Niece , & que
• le motif qui l’y engageoit, étoit que la Dame , fa
f œ u r , mere de la Demoifelle de V a u x , n’avoit
-pas été aifez légitimée dans les biens de leur pere ,
qu il eft de iaconnoiifance q u elaD am e de Roquelaure a voulu plufieurs fois faire don à la Demoi: fellç, de Yallx d’une partie de fon linge & de fa
garderobe , & l’avoit plufieurs fois follicitéede dé
placer aufll-tôt ce quelle lui donnoit ; ce que la
�f 8 ............................
t)emôifeîle dé Vatixrefufoit 'de >faire. iQuè quatre
■ans a"Vant fa mort , elle le pria de fe rendre chez
•elle, où en^fa préfence & celle du "Père GaiTan
<<de l'Oratoire, elle dit qu’elle avoir donné à la D e ’moifelle de V a u x deux couvert d’a r g e n t , & lui
avoit remis dix à onze louis pour fajre la dépenfe
de la maifon, & que fon intention é t o i t , que s’il
•en réftoit lors de fon d é c è s , ce refte appartînt à
•la Demoifelle D evaux ; qu’il fait que la Dame de
•Roquelaure avoit eu une bague furmontée d’un
diamant en couleur de fouci ; mais que depuis long
temps elle ne la lui avoit*pas vue.
L a Demoifelle de^Frelat, z^ me . Témoin , a déjpofé qu elle a oui dire fouvent par la Dame de R o
quelaure, long-temps même avant fon décès, qu ’el«le étoit dans l’intention de faire des libéralités à
la] Demoifelle de 'Vaux , '& qu’ille le devoit par
^ n 1 motif de corîfcience , parce que fa fœur avoit
été léfée dans fa légitime.
'Ainfi , l ’information démontre que tout ce/que
la Demoifelle de V a u x a eu , lui a<été délivrés par
1la Dafne de'Roquelaure ^ laquelle , par fon Teftatoent/lui1avoit même déjà léguéjfagarderoboenen*tier, aulieu qu ’elle n’en a-eu qu’une partie ;Uel(reur
Defrois 'S’étant emparé d u rfurplus. I n f o r m a t i o n
: démontre'-de plus T que fout ce quelle donnait;
‘ elle le dônnbit par un motif de confcience'&raprès
Savoir èonfuîté[,un ’Théologien , par la^Faifod^ue
,
�la D a m e , fa fœur mere de la Demoifelle de V a u x ,
avoit été léfée dans fa légitime.
Avant que les Parties fuffent renvoyées à fins
civiles , temps auquel l’information étoit incon
nue à la Demoifelle de Vau x , elle a fubi interro
gatoire. Ses réponfes font exactement conformes
aux dépofitions des T é m o i n s , c’eft : une vraie démonftration de la vérité de fes réponfes.
Les fieur & Dame D e f rois & le fieur de R o
quelaure ont accufé la Demoifelle de V a u x d’a
voir fait des recelés & des fouftracti o n s , & l’in
formation la fauff eté de l’accufation.
C ’eft donc une injure atroce à une fille d’extrac
tion d ’ancienne N o b l e ffe , de la préfenter à la Juftice & au public , comme coupable d’un vol.
Q u elle en fera la réparation ? Elle efpere que fa
demande de dix mille livres de dommages &
intérêts lui fera adjugée.
Monf ieur B R U J A S , Rapporteur.
M e. G R A N G IE R
A v o ca t.
V E R N I E R E , Procureur.
41
À RIOM, de l’imprimerie de Martin DÉGOUTTE, 1774. '
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Montboissier De, Philippe-Claude. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Brujas
Grangier
Vernière
Subject
The topic of the resource
testaments
émancipation
curatelle
captation d'héritage
haine des enfants (ab irato)
doctrine
jurisprudence
testament fait par un principe de haine et de colère
inventaires
garde-robe
témoins
ingratitude
nullité du testament
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire signifié, pour messire Philippe-Claude de Montboissier, lieutenant-général des armées du Roi, capitaine-lieutenant de la féconde compagnie des mousquetaires à cheval, servant à la garde de sa Majesté, en qualité d'exécuteur testamentaire, nommé par le testament de la dame de Bardon de Genillac, veuve du sieur de Roquelaure demandeur. Et pour Marie-Françoise Devaux, demoiselle, intervenante, demanderesse et défenderesse. En réponse au mémoire signifié de messire Jean-Gilbert de Roquelaure, chevalier, seigneur de Lavort ; et dame Catherine de Roquelaure fa soeur, autorisée en justice, héritiers de la dame de Bardon de Genillac leur mère, défendeurs et demandeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1739-1774
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0502
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0501
BCU_Factums_G0503
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52980/BCU_Factums_G0502.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Dorat (63138)
Lavort (château de)
Riom (63300)
Génillac (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
curatelle
doctrine
émancipation
garde-robe
haine des enfants (ab irato)
ingratitude
inventaires
jurisprudence
nullité du testament
témoins
testament fait par un principe de haine et de colère
testaments